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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Dauphin): Je déclare ouverte la
commission des institutions qui a pour mandat de tenir des auditions publiques
dans le cadre de l'examen du mandat, des orientations, des activités et
de la gestion du Protecteur du citoyen. Mme la secrétaire, est-ce qu'il
y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Fradet
(Vimont) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert) et M. LeSage
(Hull) par M. Maltais (Saguenay).
Adoption de l'ordre du jour
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, je vais
vous donner lecture de l'ordre du jour pour adoption. Pour débuter, ce
matin, nous aurons la Commission des services juridiques; ensuite, nous
poursuivrons avec le Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration, pour continuer avec le Regroupement des ressources alternatives
en santé mentale du Québec.
Cet après-midi, nous aurons le Congrès juif canadien,
région du Québec; ensuite, nous aurons le Grand Conseil des Cris
du Québec; ensuite, nous aurons Me Daniel Mockle, professeur et docteur
en droit à l'Université du Québec à Montréal
et, finalement, nous aurons l'Association des Townshippers. J'ai juste un
détail à vous signaler, c'est que dans l'ordre du jour
préalable qui vous avait été envoyé, nous devions
terminer nos travaux à 21 h 45 ce soir. Alors l'ordre du jour a
été modifié et nous terminerons nos travaux à 18 h
15. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'aimerais
souhaiter la bienvenue à la Commission des services juridiques,
souhaiter la bienvenue aussi, évidemment, à son nouveau
président. On lui souhaite la meilleure des chances dans ses nouvelles
fonctions, tout autant que dans ses anciennes. Il a fait un excellent travail
à l'Office de la protection du consommateur. Alors, il y a une heure de
prévue pour ce matin; donc, une quinzaine de minutes pour nous faire
part de votre exposé et, ensuite, on procédera à une
période d'échanges entre les membres et vous-même. Alors,
si vous voulez présenter, M. Moreau, les personnes qui vous accompagnent
et procéder à votre exposé.
Auditions Commission des services juridiques
M. Moreau (Gilles): Merci, M. le Président. Mme la
députée, MM. les membres de cette commission, je suis
accompagné ce matin de deux avocats de la Commission, Me Pierre Yves
Bourdeau, à ma gauche, et Me Christian Baillar-geon, à ma droite,
qui sont, avec moi, disposés à répondre ensuite à
toutes les questions de la commission.
M. le Président, la Commission des services juridiques a
procédé à l'étude du document de consultation
originant de la Commission des institutions quant au mandat du Protecteur du
citoyen. Le mémoire qu'elle a soumis n'avait pas pour but de faire une
étude exhaustive de tous les problèmes soulevés par le
document de consultation. Nos interventions se sont limitées aux
questions relatives à la clientèle que nous desservons tout en
nous intéressant particulièrement à la question touchant
à l'opportunité, pour le Protecteur du citoyen, d'étendre
son champ de compétence à la Commission des services
juridiques.
D'emblée, nous pouvons confirmer qu'il existe une excellente
relation entre le personnel du Protecteur du citoyen et celui du réseau
de l'aide juridique, le tout étant sans doute dû au fait que les
deux organismes poursuivent le même objet: la défense du citoyen
avec, cependant, des outils et des moyens différents.
L'expérience nous apprend que le Protecteur du citoyen se
révèle un excellent intervenant auprès de l'administration
publique québécoise pour ce qui est de faire apparaître
l'équité dans le dossier lorsque tout recours légal est
épuisé ou abandonné.
Comme pour le réseau de l'aide juridique, le rôle du
Protecteur du citoyen est avant tout curatif en ce sens que le citoyen
lésé vient régler un problème qui l'affecte
particulièrement. Vu l'augmentation constante des demandes, le
Protecteur du citoyen a raison de s'intéresser à l'approche
préventive et systémique, mais elle ne devra jamais supplanter sa
responsabilité première, soit le service individualisé
auprès du citoyen lésé. Lui seul, en effet, peut remplir
ce rôle. Le document de consultation semble établir un lien entre
la prévention systémique et l'instauration d'un mécanisme
de consultation par lequel le Protecteur du citoyen pourrait se prononcer sur
les projets de règlement et voudrait également être
consulté par les ministères et organismes avant l'adoption d'une
directive ou d'une politique.
Nous croyons que ce type d'intervention
peut être intéressant uniquement s'il n'affecte pas
l'indépendance réelle ou apparente du Protecteur du citoyen. Son
intervention constitue davantage un mécanisme de surveillance des actes
de l'administration et, conséquemment, le contrôle a posteriori
avec proposition de correctifs nous apparaît une meilleure garantie de
l'efficacité de ses interventions.
Le document de consultation s'interroge également sur
l'efficacité des pouvoirs de recommandation. Nous soumettons que le
Protecteur du citoyen possède déjà des armes efficaces
à même l'arsenal de sa loi. Les moyens
énumérés à la section VI de là loi et,
notamment, l'avis de manquement aux dirigeants d'organismes et, par la suite,
au gouvernement, nous semblent efficaces et plus particulièrement
lorsqu'on les met en conjonction avec l'article 27,4 de la loi qui permet au
Protecteur du citoyen de recourir aux médias.
Serait-il donc souhaitable que le Protecteur du citoyen sort
autorisé à entreprendre des poursuites devant les tribunaux en
prenant fait et cause pour la personne lésée? Nous croyons que le
contrôle judiciaire et quasi judiciaire des actes de l'administration et
l'intervention du Protecteur du citoyen sont des recours
complémentaires. Son intervention devant les tribunaux
dénaturerait l'institution elle-même. Devenant partie à un
litige et, conséquemment adversaire de l'administration, il ne pourrait
plus s'attendre à la même collaboration des fonctionnaires dans
l'étude des dossiers litigieux.
Selon sa loi constitutive, il intervient là où le droit
n'est pas capable de corriger adéquatement le problème Quant
à l'avocat, il arrête d'intervenir lorsqu'il s'aperçoit que
la loi ne peut plus rien pour son client. Il s'agit d'un système qui se
complète et nous croyons qu'il en est bien ainsi.
Quant à la possibilité de permettre l'intervention du
Protecteur du citoyen sur le mérite des décisions des tribunaux
administratifs, nous considérons qu'une telle intervention pourrait
miner à la longue la crédibilité et l'autonomie de ces
organismes. Notre société a toujours fonctionné sur le
principe de la primauté du droit. La création de tribunaux
spécialisés a contribué à rendre la justice plus
accessible à un grand nombre de citoyens. Il nous apparaît
fondamental que ce concept soit respecté dans son
intégralité. Que le Protecteur du citoyen puisse intervenir en
relation avec le fonctionnement administratif desdits tribunaux, délais
d'audition ou délibérés abusifs, nous semble plus conforme
à son rôle de protection du citoyen lésé par les
actes de l'administration.
La commission des institutions a choisi d'étudier d'une
façon privilégiée la question de l'extension de la
juridiction du Protecteur du citoyen, notamment aux organismes ou
établissements du réseau des services de santé et des
services sociaux et du réseau de l'éducation ainsi qu'aux
organismes municipaux. Accessoirement, le Protecteur du citoyen voudrait
également étendre son intervention à des organismes comme
la Commission des droits de la personne et la Commission des services
juridiques, de même qu'à certaines sociétés
d'État telle Hydro-Québec.
Cette extension à la Commission des services juridiques ne nous
semble pas souhaita We. Elle n'est pas souhaitable pour des raisons
découlant de la nature même des deux institutions et des objectifs
poursuivis par chacun. Enfin, il ne nous semble pas que cette extension de
juridiction du Protecteur du citoyen puisse apporter des
bénéfices additionnels à la clientèle de l'aide
juridique, étant donné les mécanismes de révision
de la décision administrative que l'on retrouve à la loi actuelle
sur l'aide juridique. Par l'aide juridique, l'État garantit à ses
citoyens défavorisés l'accès gratuit aux services
d'avocats ou de notaires, ainsi qu'à l'information juridique.
Ces services peuvent être rendus sort par des avocats
salariés ou des avocats et des notaires de pratique privée. Cette
relation client-avocat est protégée par le secret professionnel,
la Loi du Barreau, les conventions collectives pour les avocats
syndiqués. Lorsqu'il représente un client, l'avocat
salarié ou de pratique privée ne s'apparente ni de près ni
de loin à un fonctionnaire de l'État. Bien au contraire, dans de
nombreux domaines, cet avocat a pour adversaire l'État. Qu'on songe
seulement au domaine du droit criminel où l'aide juridique
représente toujours l'individu vis-à-vis de l'État. Le
même phénomène se répète dans les dossiers
d'acci dents du travail, de sécurité du revenu, d'assu
rance-chômage, d'immigration, etc. Lorsqu'il agit à
l'intérieur de son mandat, pour son client et en respectant les lois,
l'avocat n'a pas de compte à rendre à quiconque, sauf à
son client ou à son ordre professionnel. Cette relation
particulière est protégée par le secret professionnel.
D'un autre côté, le rôle du Protecteur du citoyen, à
moins qu'on ne veuille le changer radicalement, nous apparaît comme
étant celui de chien de garde du citoyen vis-à-vis de la machine
administrative de l'État. Le Protecteur du citoyen est nommé pour
surveiller les fonctionnaires au bénéfice du citoyen.
Une perception claire du rôle des deux institutions
gouvernementales devrait suffire à démontrer qu'il serait tout
à fait inapproprié, sans changer les bases du contrat social sur
lequel est fondé notre système de droit, de confier au Protecteur
du citoyen la surveillance des actes posés par les avocats
salariés ou de pratique privée détenant des mandats d'aide
juridique. On pourrait peut-être prétendre que lorsqu'il
décide de l'admissibilité à l'aide juridique, l'avocat
salarié pose un geste d'administration au nom de l'État. Une
telle prétention pourrait justifier qu'au nom du citoyen son Protecteur
puisse demander de vérifier l'acte administratif d'admettre ou non un
citoyen au
régime de l'aide juridique.
Pour être admissible à l'aide juridique, le client doit se
qualifier économiquement et démontrer une vraisemblance de droit.
Vu ce qui a été dit antérieurement sur la relation
client-avocat, il nous apparaît évident que le Protecteur du
citoyen n'aurait pas de juridiction en ce qui concerne l'apparence de droit.
Celle-ci dépend des faits rapportés par le client. Et il faut se
demander si l'on doit réparer ce qui n'est pas brisé. Il nous
semble que le citoyen est adéquatement protégé par les
mécanismes de révision de l'admissibilité à l'aide
juridique contenus dans la loi et la réglementation actuelle. Un
requérant qui est refusé peut s'adresser au comité de
révision de l'aide juridique. Ce comité, formé de deux
avocats de pratique privée et d'un représentant du public, est
indépendant des directeurs régionaux qui décident en
première ligne de l'admissibilité. Il s'agit d'un tribunal
administratif souple, relativement expéditif et
spécialisé. Tout au plus, le Protecteur pourrait-il avoir un
droit de surveillance de la longueur des délais entre la demande de
révision et la décision. Cependant, la Commission croit qu'il
serait inopportun que le Protecteur ait quelque juridiction que ce soit,
même de simple surveillance, sur le Tribunal lui-même et les
décisions qu'il rend sur le fond de la demande de révision.
En résumé, c'est notre opinion que le Protecteur du
citoyen ne devrait pas avoir juridiction sur la relation client-avocat ou
notaire. Le recours du client non satisfait devrait s'exercer soit
vis-à-vis le Barreau ou la Chambre des notaires ou vis-à-vis du
directeur de l'aide juridique. Pas de juridiction non plus sur
l'admissibilité qui est aussi, au premier stade, partie de la relation
client-avocat. Le comité de révision de l'aide juridique est
l'endroit privilégié et efficace où le citoyen peut
demander la révision de la décision sur l'admissibilité au
régime. Le Protecteur pourrait surveiller les délais au
comité de révision de l'aide juridique, mais ne devrait jamais
pouvoir intervenir sur le fond de la décision. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup pour
votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période
d'échanges et je vais reconnaître un des membres de la commission,
notamment Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Il me fait
plaisir également de souhaiter la bienvenue à Me Moreau. C'est
son baptême de commission parlementaire, je pense, mais ici à la
commission des institutions, parce que vous étiez venu,
évidemment, à d'autres occasions.
M. Moreau: Ici même à la commission des
institutions.
Mme Harel: À la commission des institutions
également, c'est vrai...
M. Moreau: Effectivement.
Mme Harel: ...qui a la juridiction sur l'Office de la protection
du consommateur.
M. Moreau: Tout à fait. Également, pour
défendre le mandat et l'administration de l'Office, nous sommes
passés en 1986.
Mme Harel: Je voudrais saluer également Mes Bourdeau et
Baillargeon. M. le Président, avant d'examiner plus à fond la
question de l'extension du mandat du Protecteur du citoyen sur les tribunaux
administratifs, je veux d'abord remercier la Commission pour son
mémoire, qui m'apparaît très clair dans la formulation de
la problématique. Vous nous dites qu'il y a une
complémentarité. Ça, on retrouve ça à la
page 8 surtout. Vous décrivez bien que là où le Protecteur
intervient, c'est là où le droit n'est pas capable de corriger
adéquatement le problème. Donc, vous lui donnez essentiellement
la fonction d'intervenir pour faire apparaître l'équité
dans un dossier lorsque tout recours légal est épuisé ou
abandonné. Vous dites qu'il y a une complémentarité, parce
que l'avocat de l'aide juridique, lui, cesse d'intervenir lorsqu'il
s'aperçoit que la loi ne peut plus rien pour son client. Donc,
présenté comme cela, ça paraît encore plus
clairement complémentaire.
Évidemment, vous faites valoir, dans des termes mesurés,
mais quand même éloquents, qu'il ne faut pas confondre
l'intervention du député avec celle du Protecteur du citoyen,
à la page 4. Et vous faites référence,
élégamment, mais à l'aspect plus partisan du travail du
député qu'à celui du Protecteur. Évidemment, vous
avez fait valoir aussi la forte apparence d'indépendance du Protecteur.
D'entrée de jeu, dans votre mémoire, vous dites que c'est une
apparence de transparence très forte que celle du Protecteur et vous
dites, et j'aimerais vous entendre là-dessus, que vous avez l'impression
que la plupart des tribunaux administratifs ne peuvent pas se vanter de
détenir une apparence semblable. Qu'est-ce que vous entendez par
là? C'est à la page 3, deuxième paragraphe.
M. Moreau: Évidemment, le Protecteur du citoyen a une
apparence d'indépendance presque absolue du fait d'avoir
été nommé par, finalement, l'Assemblée nationale.
En autant que les tribunaux administratifs sont concernés, les membres
des tribunaux administratifs sont nommés pour une courte période
et, à ce moment-là, peut-être que l'apparence - mais ce
n'est qu'au niveau de l'apparence - n'est pas aussi grande, alors que la
réalité, en termes d'indépendance, peut, elle, être
aussi grande, cependant. Mais, en autant que l'apparence est concernée,
c'est
évident que par le mode de nomination du Protecteur du citoyen,
elle est d'un degré supérieur.
Mme Harel: C'est donc dire que pour maintenir toutes les
règles de l'apparence qui, finalement, est aussi importante que la
transparence elle-même, il faudrait éventuellement envisager que
ces nominations soient faites par l'Assemblée nationale, dans le cadre
des nominations faites pour les tribunaux administratifs.
M. Moreau: Je n'irai pas jusqu'à faire cette affirmation.
Je pense qu'une étude plus exhaustive pourrait peut-être nous
permettre d'arriver à des conclusions, mais en autant que le Protecteur
du citoyen est concerné, je pense que le mode de nomination que l'on
connaît est certainement excellent et je pense que tous reconnaissent
cette grande liberté d'action et d'indépendance du Protecteur du
citoyen.
Mme Harel: À la page 14, vous vous prononcez pour une
extension du mandat du Protecteur du citoyen sur toutes les entreprises qui
bénéficieraient d'un contrat de service avec un ministère
et vous donnez l'exemple d'une agence de renseignements qui peut détenir
un contrat de service avec un ministère. Vous donnez l'exemple du
ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la
Formation professionnelle et vous dites: "Un citoyen prétendument
lésé par les actes posés par cette agence devrait
assurément pouvoir recourir au Protecteur du citoyen." Votre
interprétation est donc que la délégation qui
apparaît dans la Loi sur le Protecteur du citoyen ne serait pas
suffisante pour assurer au citoyen le recours au Protecteur à
l'égard d'une entreprise qui s'est vu confier un contrat par l'un des
ministères. C'est bien ça qu'il faut comprendre?
M. Moreau: Ce que je comprends de cette affirmation, c'est que
chaque fois que quelqu'un est un mandataire du gouvernement, pose des gestes,
accomplit des actes à la place du gouvernement, en sous-contractant, si
vous voulez, à ce moment-là, ces gestes pourraient aussi bien
être posés par l'administration, mais on a décidé
qu'ils seraient posés par un sous-contractant; il serait normal que ces
gestes soient soumis à l'examen du Protecteur du citoyen.
Mme Harel: II ne vous semble pas que ce soit le cas, compte tenu
de l'interprétation des articles 13 et 14 de la Loi sur le Protecteur du
citoyen.
M. Bourdeau (Yves): Effectivement, je pense qu'à l'article
14 où on parle uniquement de délégation, possiblement,
ça ne serait pas...
Mme Harel: Couvert?
M. Bourdeau: Ça ne couvrirait pas la question des contrats
de service. Quand on parle de contrat de service, on parie de
l'exécution d'une tâche matérielle bien précise. On
ne parle pas de l'exercice de pouvoirs juridiques tel que ce serait visé
par l'article 14, lorsqu'on parle de délégation, parce que, la
délégation, le délégué exerce en fonction
d'une autorité légale. Donc, en matière de contrat de
service où on parie uniquement d'exécution de tâches
matérielles..
Mme Harel: C'est important, ça.
M. Bourdeau: ...possiblement que ce ne serait pas couvert. Mais,
écoutez...
Mme Harel: Oui. C'est très important Je vous remercie,
vous êtes les premiers à nous souligner cet aspect-là.
J'invite évidemment la commission à retenir cette recommandation
parce qu'on voit de plus en plus se multiplier ce genre de contrat de service,
et c'est essentiel, surtout dans le dossier de la protection des tiers.
D'autre part, vous plaidez, à la page 10, que vous favorisez
l'institution de recours légaux en faveur de citoyens
lésés comme étant la meilleure garantie face aux
agissements injustifiés de l'État - ça, c'est au
deuxième paragraphe. Donc, ce que vous dites, c'est que l'État ne
peut pas se satisfaire de ce recours au Protecteur du citoyen. C'est ça
que je comprends. Si je me trompe, Me Moreau, vous me le dites. Vous dites:
L'Etat ne peut pas se satisfaire du recours au Protecteur du citoyen, il doit
garantir qu'il y a un processus qui permet de sanctionner la violation des
droits. Donc, vous plaidez en faveur de recours légaux en faveur de
citoyens lésés. Et là, vous donnez l'exemple des coupures
du service d'électricité. Vous dites que vous avez
prôné l'institution d'un forum légal, qu'à
l'inverse, l'État a privilégié l'institution d'un
commissaire aux plaintes. Ça revient à un Protecteur du citoyen,
si vous voulez, l'ombuds-man d'Hydro.
Une voix: Oui.
Mme Harel: Alors, vous, vous auriez préféré
une intervention, dites-vous, de type plus judiciaire - c'est ça qu'il
faut comprendre. Qu'est-ce que vous verriez comme forum? J'aimerais vous
entendre là-dessus. Est-ce que ce serait, par exemple, la Régie
des services pu blics? Quel forum pourrait permettre à un citoyen qui se
considère lésé de faire valoir ses droits? Là, on
s'en va vers une institutionnalisation dans tous les secteurs de l'ombudsman
qui juge en équité, mais qui n'a pas de pouvoir coercitif.
M. Moreau: Alors, la raison de cette intervention dans le
mémoire est oxactoment ça, c'est que le Protecteur n'a pas de
pouvoir
coercitif. Tout ce qu'il peut faire, ce sont des recommandations. Alors,
ce que la Commission des services juridiques a toujours prôné,
c'est plutôt l'institution de tribunaux administratifs qui permettent au
citoyen de faire valoir ses droits et d'obtenir des décisions
exécutoires des tribunaux administratifs. Sans minimiser le
bien-fondé de l'intervention d'un Protecteur du citoyen, la Commission
croyait que le problème que ça peut poser, c'est que le pouvoir
de recommandation n'apporte pas nécessairement les changements
souhaites. C'est le sens que l'on doit donner à ce paragraphe, à
la page 10 du mémoire.
Mme Harel: Alors donc, vous dites: Oui, l'institution du
Protecteur du citoyen est importante, mais elle est complémentaire et
elle doit rester une institution qui intervient en équité.
M. Moreau: Tout à fait.
Mme Harel: Mais, préalablement, l'État ne doit pas
se satisfaire de cette institution en équité pour ne pas mettre
en place une institution permettant de sanctionner, d'une manière
exécutoire, les décisions ou les violations des droits. Donc,
à ce moment-là, actuellement, ça c'est déficient,
c'est ça qu'il faut comprendre. Vous ne pensez pas que le Protecteur
doit devenir coercitif. C'est ça que je lis dans votre rapport. (10 h
30)
M. Moreau: Tout à fait.
Mme Harel: Vous dites qu'il doit rester en équité,
il ne doit pas être extensionné, pour poursuivre, par exemple,
devant les tribunaux, mais il faut qu'il y ait une institution qui permette au
citoyen qui se sent lésé de faire sanctionner ces violations.
M. Moreau: Tout à fait. Selon la Commission, le Protecteur
ne doit pas avoir de pouvoir coercitif parce que ce n'est pas la nature de
cette institution. Il y a des institutions qui détiennent ces pouvoirs
coercitifs, entre autres les tribunaux administratifs. Si le Protecteur du
citoyen détenait des pouvoirs coercitifs, le problème serait,
à ce moment-là, qu'il jouerait deux rôles: d'un
côté, il irait dans l'administration pour avoir de l'information
afin de comprendre le bien-fondé d'une plainte et tenter de la
régler à l'amiable et, par la suite, si ça ne fonctionnait
pas, il pourrait, avec la même information obtenue de cette façon,
exercer un pouvoir coercitif, ce qui amènerait, à ce
moment-là, de façon tout à fait légitime, les
fonctionnaires à avoir beaucoup de réticence à collaborer
avec le Protecteur du citoyen, parce que les fonctionnaires sauraient que toute
information donnée serait donnée, à toutes fins pratiques,
entre guillemets, à la partie adverse, puisqu'il aurait, par la suite,
des pouvoirs coercitifs. Et on ne...
Mme Harel: Très bien. M. Moreau: Oui.
Mme Harel: À ce moment-là, par ailleurs, vous
recommandez qu'il n'y ait pas une sorte d'institutionnalisation de l'ombudsman,
par exemple à Hydro-Québec, pour remplacer une véritable
institution ou un véritable processus permettant de sanctionner.
M. Moreau: Non. Ce n'est pas effectivement la position...
Mme Harel: ...de la Commission des services juridiques.
M. Moreau: ...de la Commission, tout à fait.
Mme Harel: Vous auriez préféré, par exemple,
que dans le cas des coupures d'électricité, le citoyen qui se
prétend lésé puisse aller, par exemple, devant la
Régie des services publics.
M. Moreau: ...devant la Commission des affaires sociales.
Mme Harel: Devant la Commission des affaires sociales.
M. Moreau: C'était la recommandation de la
Commission...
Mme Harel: D'accord.
M. Moreau: ...des services juridiques.
Mme Harel: Une dernière question concernant les tribunaux
administratifs. Vous dites, si je comprends bien que sur le mérite des
décisions des tribunaux, le Protecteur ne devrait rien avoir à
dire. Mais sur le fonctionnement administratif, là, vous dites que le
Protecteur devrait pouvoir intervenir, c'est-à-dire sur les
délais, par exemple, à la Commission des affaires sociales...
M. Moreau: Oui.
Mme Harel: ...ou sur tous les délais devant les autres
tribunaux. Est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre?
M. Moreau: Oui, tout à fait. C'est d'ailleurs ce qu'il
fait présentement dans les secteurs où il a juridiction. Si on
pense à une extension de sa juridiction, par exemple, à la
Commission des services juridiques, nous croyons que jamais le Protecteur ne
devrait intervenir dans les déci-
sions qui sont prises, notamment, par le comité de
révision des demandes d'admissibilité qui, à toutes fins
pratiques, est un tribunal administratif. Cependant, si on s'apercevait, parce
que le Protecteur n'a pas juridiction sur cette Commission, que les demandes
devant cette Commission ne sont pas traitées adéquatement selon
les délais raisonnables... Présentement, le Protecteur n'a pas
juridiction, mais c'est un cas où, certainement, le Protecteur pourrait
avoir juridiction et, à ce moment-là, avec tous les pouvoirs que
lui donne la loi - sa loi - reprocher à l'administration son manque de
diligence et, pour des raisons analogues à celle-là, pouvoir
exercer un rôle utile. Mais sur le fond des décisions de cette
commission de révision, comme d'ailleurs pour tous les tribunaux
administratifs où il n'a pas juridiction, je pense que ce serait
dénaturer sa fonction que de lui donner un pouvoir.
Mme Harel: Vous dites, à la page 13, sur cette
question-là justement, à la toute fin, qu'à la limite,
vous concevez une intervention en équité auprès d'un
organisme public afin de surseoir à l'exécution d'une
décision quasi judiciaire qui causerait un préjudice
disproportionné à un citoyen. Qu'est-ce que vous entendez
parla?
M. Bourdeau: Oui, et ça, ça s'est
déjà passé au fil des ans et, possiblement que ça
peut se passer encore. En fait, il faut bien distinguer l'intervention sur le
mérite d'une décision et la non-application de cette
décision-là. Parce que l'application de fa décision
émanant d'un tribunal administratif se fait par l'organisme
administratif qui a juridiction. Un exemple: Une décision émanant
de la Commission des affaires sociales qui est un tribunal administratif en
matière de sécurité du revenu et l'application par le
ministère de cette décision-là, c'est deux choses
différentes. Donc, une intervention en équité de la part
du Protecteur du citoyen au niveau de la non-application d'une décision,
par exemple, de la Commission des affaires sociales, qui serait
défavorable aux citoyens, ça se fait actuellement, ça
s'est déjà fait dans le passé et c'est souhaitable, je
pense, que ça se fasse encore.
Si on veut énoncer un exemple de ça qui s'est passé
et qui a eu, finalement, en bout de ligne, des conséquences favorables
pour les citoyens, pendant plusieurs années, il existait un
mécanisme dans la Loi sur l'aide sociale où les gens qui, par
exemple, voyaient leur aide sociale diminuée ou réduite parce
qu'ils avaient eu, pendant un certain nombre d'années, un avoir liquide
excédentaire, parce qu'on sait que - je n'entrerai pas dans les
mécanismes - dans la législation, un citoyen ne peut
posséder qu'une somme précise pour continuer à
bénéficier de son droit aux prestations. Les gens qui, par
ailleurs, avaient bénéficié des prestations tout en ayant
un excédent de sommes d'argent, par exemple, pouvaient se voir
réclamer des montants faramineux, au fil des ans, tout simplement parce
quà un moment donné, dans le temps, ils avaient eu un avoir
liquide excédentaire.
Dans la législation, il n'y a rien qu'on pouvait faire avec
ça. C'était très clair, le ministère était
autorisé à réclamer, pendant toute la période qui
pouvait s'étendre sur plusieurs années, les sommes d'argent qui
avaient été versées et la Commission des affaires
sociales, elle, ne pouvait rien faire non plus parce qu'elle était prise
dans le cadre de la législation. Alors, on est intervenu souvent
auprès du Protecteur du citoyen sur ces dossiers-là et le
Protecteur du citoyen, au fil des ans, a réussi à faire surseoir
à l'exécution de ces décisions-là qui
étaient carrément inéquitables pour les gens, ça
n'avait pas de bon sens. On en est arrivé à un amendement
législatif qui est intervenu avec la nouvelle Loi sur la
sécurité du revenu. Donc, c'est un bel exemple d'intervention en
équité du Protecteur du citoyen pour surseoir à
l'application de décisions et non pas une intervention sur le
mérite des décisions.
Mme Harel: Je me rappelle, M. le Président, c'était
donc qu'à chaque mois il y avait violation? Si par exemple, une personne
...
M. Bourdeau: C'est ça, il y avait violation à
chaque mois.
Mme Harel: Si une personne avait plus de 1500 $, par exemple 2500
$, donc à chaque mois on lui attribuait 1000 $.
M. Bourdeau: On lui réclamait la prestation qui avait
été versée.
Mme Harel: Et, donc, l'équivalent à chaque mois,
multiplié par 12 pour une année, etc.
M. Bourdeau: C'est ça.
Mme Harel: Alors, ça faisait des sommes absolument
astronomiques.
M. Bourdeau: C'est ça. Donc, en fait, pour une infraction
mineure à la loi, ça entraînait des remboursements de 10
000 $, 12 000 $ ou 15 000 $, ce qui était totalement
disproportionné par rapporta...
Mme Harel: Et on est devant le même problème
présentement avec le programme APPORT. Et ce n'est pas dû
seulement à des erreurs ou encore de la mauvaise foi, c'est dû au
mode de calcul.
M. Bourdeau: Effectivement.
Mme Harel: Je ne sais pas si la Commission
des services juridiques ou l'aide juridique est au courant, mais il y a
7000 à 8000 dossiers présentement de personnes qui n'ont pas
reçu de remboursement de leurs impôts du fait que le mode de
calcul leur en réclamerait, étant donné l'aspect de
calculs mensuels, un peu comme l'équivalent de l'exemple que vous venez
de nous donner.
M. Bourdeau: Effectivement. Mme Harel: Je vous
remercie.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la
députée. Je vais maintenant reconnaître M. le
député de Chapleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Au nom des
députés ministériels, il me fait plaisir de vous souhaiter
la bienvenue et de vous féliciter pour la qualité de votre
mémoire. Il est bien évident que l'expérience sur le champ
vous a bien préparés pour faire les recommandations et les
suggestions que vous avez faites. Je suis sûr que lorsque la commission
fera son rapport, elle tiendra compte de ces différentes
suggestions.
Entre autres, à un moment donné, à la page 4 de
votre rapport, vous dites: Canaliser le recours au Protecteur du citoyen par le
biais de son député entacherait aussi la neutralité et la
politique de l'institution qu'est l'ombudsman. Vous dites dans votre
recommandation, finalement, que la Commission s'oppose à une
collaboration plus formelle entre l'ombudsman et les députés.
Est-ce que vous mettez l'emphase sur le mot "formelle" ou sur l'ensemble?
Qu'est-ce que c'est? J'aimerais vous entendre sur cette question-là.
M. Moreau: La raison principale de cette affirmation est due au
fait que le Protecteur du citoyen reçoit une foule de demandes de toute
provenance des députés et des simples citoyens aussi. Nous
croyons qu'il est important pour lui et pour l'institution qu'il y ait une
apparence de traitement égal des dossiers. Qu'ils viennent des
députés ou qu'ils viennent des simples citoyens, ils doivent tous
être traités de la même façon. Et une collaboration
plus formelle avec le député, si on entend par là que les
dossiers devraient d'abord et avant tout venir par les députés
avant de se rendre chez le Protecteur, pourrait avoir l'effet que les citoyens
ont l'impression que s'ils soumettent eux-mêmes un dossier, qu'il est,
à ce moment-là, traité de façon moins prioritaire
que s'il provient du député. Ce n'est qu'au niveau de l'apparence
que les citoyens pourraient en avoir parce qu'on sait que les
députés reçoivent énormément de demandes de
leurs commettants et que la collaboration avec le Protecteur du citoyen ne peut
être que bénéfique. Sauf qu'il est important que les
citoyens aient l'impression que tous ces dossiers- là sont
traités sur un pied d'égalité par le Protecteur.
M. Baillargeon (Christian): Donc, si vous me permettez, que
ça continue de se faire informel-lement comme ça se fait
présentement, c'est parfait. D'ailleurs, il y a une bonne collaboration
en général entre les députés de quartier et les
bureaux d'aide juridique de quartier, et le Protecteur du citoyen. Tout
ça va ensemble, c'est-à-dire que le citoyen va aller soit tout de
suite au Protecteur du citoyen, soit au bureau d'aide juridique quand il est
admissible ou soit chez le député. Et, éventuellement, le
député va lui dire, s'il voit qu'il y a un recours légal
probable. Va au bureau d'aide juridique, sinon va au Protecteur du citoyen, va
voir un avocat de la pratique privée. Tout ça se fait
présentement, de manière informelle. Mais de le faire
formellement et de l'indiquer dans la loi, effectivement, à ce
moment-là, ça pourrait peut-être toucher un peu la question
de neutralité et la question de choix politique du citoyen. C'est
peut-être mieux que ce ne soit pas...
M. Kehoe: Je sais personnellement, depuis que je suis
député, que j'ai référé à maintes et
maintes reprises des cas au Protecteur du citoyen et, effectivement, il y a une
coopération très très bonne. Mais c'est surtout sur la
question "formelle". Vous ne voulez pas que ce soit inscrit dans une
législation quelconque, que ce soit...
M. Baillargeon: Une canalisation obligatoire.
M. Kehoe: Oui. Ah oui, O.K., dans ce sens-là. Une
deuxième chose. Vous dites qu'il ne serait pas souhaitable que le
Protecteur du citoyen soit autorisé à prendre des poursuites
devant des cours judiciaires, à toutes fins pratiques, que ce soit
plutôt la Commission. Que vous autres vous seriez plus, avec la hausse
substantielle des critères d'éligibilité à l'aide
juridique... C'est ça la solution que vous préconisez? C'est
ça? Effectivement, j'aimerais vous entendre sur ça.
M. Moreau: Le Protecteur du citoyen, de toute façon, en
vertu de sa loi, ne peut pas, en principe, intervenir, s'il y a des recours
possibles. Alors, il ne peut intervenir que lorsque tous les recours sont
épuisés. Et je reviens un peu à ce que je disais
tantôt. Si le Protecteur intentait des recours judiciaires, il les
intenterait, à ce moment-là, contre l'administration et ça
voudrait dire qu'il ne pourrait plus rencontrer les fonctionnaires, comme il le
fait présentement, obtenir les informations concernant un dossier et
essayer de voir si la plainte d'un citoyen est bien fondée parce que les
fonctionnaires seraient tout à fait justifiés de lui dire: Bien,
lorsque vous exercerez vos pouvoirs devant les tribunaux, on ira se parler
devant les tribunaux. Entre-
temps, on n'ira pas vous dévoiler notre preuve.
Alors, il me semble que ce sont deux recours un peu incompatibles. Le
fait de vouloir examiner un dossier avec les fonctionnaires, avec toute la
collaboration qu'ils obtiennent présentement, et le fait de vouloir
"antagoniser" le problème en étant, si vous voulez, partie
à une procédure judiciaire au nom d'un citoyen. Il me semble que
c'est l'un ou l'autre et qu'on ne peut pas penser qu'il va exercer les
deux.
M. Baillargeon: Et, si vous permettez, pour ajouter au niveau du
document de consultation de la Commission, qui est ici, on amène cette
question-là en nous disant, dans plusieurs cas: Elle ne pourra assumer
les coûts souvent considérables qu'entraînent les
procédures judiciaires. Effectivement, les coûts, c'est les
coûts de l'avocat. C'est ça qui coûte cher. Ce n'est pas les
dépens ou les déboursés, où c'est moins important.
Éventuellement, de là la question des critères
d'admissibilité à l'aide juridique qui, comme vous le savez,
n'ont pas été indexés depuis plusieurs années et
qui fait que de moins en moins, chaque année, des gens qui sont
défavorisés ne peuvent pas être admissibles à l'aide
juridique.
Alors, peut-être que le remède est plus à cet
endroit-là que d'y aller par le biais du Protecteur du citoyen.
M. Kehoe: C'est justement ces zones grises, les personnes qui ne
sont pas éligibles à l'aide juridique, qui n'ont pas les moyens
nécessaires. Mettons, comme vous dites, qu'il n'y a pas eu, depuis un
certain temps, de changement pour les critères, que le budget n'est pas
suffisant et je suis d'accord avec vous. Je pense qu'on l'a dit à
maintes reprises que le budget pour l'aide juridique devrait être
haussé. Mais, les personnes pour qui il n'est pas possible,
économiquement, de prendre un avocat de pratique privée et qui ne
sont pas éligibles à l'aide juridique, elles tombent entre les
deux. Qu'est-ce qu'ils vont faire, ces gens-là? Qu'est-ce qu'ils
devraient faire? (10 h 45)
M. Moreau: C'est tout le problème de
l'accessibilité à la justice, mais il est certain que
dépenser des sommes d'argent pour permettre au Protecteur du citoyen de
se faire le défenseur d'une des parties, j'imagine, coûterait
à l'administration aussi cher que de placer cet argent-là
ailleurs, entre autres dans le réseau d'aide juridique. Ça ne
changerait rien sur le plan des coûts, mais ça aurait des
conséquences, il nous semble, sur le plan de l'institution que de faire
ça. Quant aux coûts, ce sont des vases communicants, de toute
façon. Si le Protecteur a les ressources pour le faire, cet argent peut
être mis ailleurs, en l'occurrence à l'aide juridique ou
autrement. Finalement, ce n'est pas une question de coûts, c'est
davantage une question de principes, je pense, qui se pose.
M. Kehoe: Actuellement, pour les demandes d'aide juridique, pour
l'éligibilité à l'aide juridique, est-ce que c'est vous
autres qui déterminez... Quand une demande est faite pour de l'aide
juridique, est-ce que c'est vous autres mêmes ou des corporations
régionales qui déterminez l'éligibilité à
l'aide juridique?
M. Moreau: C'est le directeur général d'une
corporation régionale qui détermine l'éligibilité,
mais quand on dit qu'il la détermine, il accorde plutôt des
certificats d'éligibilité parce qu'il les accorde en fonction de
la loi.
M. Baillargeon: C'est exact, mais, évidemment, par le
biais de la délégation. Je veux dire que l'admissibilité
sur le front, si vous voulez, ou sur le terrain, va se faire par le biais des
avocats et des avocates de l'aide juridique dans chaque bureau de quartier ou
dans chaque bureau régional ou, éventuellement, dans la Loi sur
l'aide juridique il y a un règlement sur les critères
d'admissibilité à l'aide juridique et l'avocat qui
détermine l'admissibilité doit le faire au niveau d'une
vraisemblance de droit - un minimum d'une vraisemblance de droit - et au niveau
de critères économiques selon les barèmes décrits
au règlement sur l'admissibilité à l'aide juridique. Et,
éventuellement, il y a possibilité, s'il y a refus, de
révision devant le comité de révision de l'aide
juridique.
M. Kehoe: D'accord.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. J'aurais quelques questions à Me Moreau, si vous
me le permettez. J'aimerais revenir sur la question de mon collègue de
Chapleau, relativement à l'apport du député ou la relation
député-Protecteur. Je sais qu'en France ou en Angleter re, pour
que lombudsman soit saisi d'une plainte, il faut absolument que ça passe
par l'intermédiaire d'un député. Dans notre
système, c'est évidemment différent. Cependant, dans
d'autres Législatures provinciales, entre autres en Ontario, en Alberta,
je crois, et au Nouveau-Bruns-wick, il existe un comité parlementaire
permanent auquel le Protecteur du citoyen, évidemment, peut avoir
recours, si vous me permettez l'expression, lorsqu'il existe des
difficultés énormes entre l'administration publique et son
institution comme Protecteur. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Croyez-vous que ça serait avantageux dans notre système, au
Québec, d'avoir un tel comité parlementaire permanent dans le
cas, par exemple, où l'administration ne voudrait pas donner suite aux
recommandations du Protecteur du citoyen? Évidemment, les membres ne
seraient peut-être pas permanents parce qu'il y a des élections
assez souvent, mais le comité pourrait être permanent.
M. Baillargeon: Éventuellement, je ne sais pas au niveau
des Législatures provinciales dont vous parlez. Je ne les connais pas.
Je ne sais pas si elles ont un accès inscrit dans la loi aux
médias tel que le Protecteur du citoyen l'a ici, mais comme on le dit
succinctement dans notre rapport, c'est un gros pouvoir que ça soit
inscrit, l'accès aux médias, dans la loi comme telle. On peut
voir, d'ailleurs, d'une manière ou d'une autre, dans la loi que
ça se fait par plusieurs paliers, c'est-à-dire que le Protecteur
peut intervenir auprès de l'organisme, au niveau du dirigeant de
l'organisme. Ensuite, il peut faire un rapport écrit à
l'Assemblée nationale, il peut en parler dans son rapport annuel, il
peut même faire un rapport spécial et, éventuellement, il
peut aller sur la place publique et faire des conférences de presse. De
l'expérience et de ce qu'on a pu constater depuis deux ou trois ans, il
semble que ça fonctionne bien et que le Protecteur du citoyen a une
grande écoute parce qu'il sait bien doser, bien utiliser ce
recours-là aux médias. Donc, il y a plusieurs étapes
à suivre et je ne sais pas si ça n'alourdirait tout simplement
pas le processus que de mettre une autre étape et d'amener ça
devant une commission parlementaire.
Le Président (M. Dauphin): Je suis d'accord avec vous
qu'il y a un taux de réussite quand même très
élevé. On m'indiquait, l'autre jour près de 99 % de taux
de réussite. Cependant, pour les autres domaines où ça ne
réussit pas... C'est que, moi, je suis député depuis 10
ans, et je n'ai jamais vu un rapport du Protecteur du citoyen à
l'Assemblée nationale, sauf, évidemment, son rapport annuel, mais
un rapport particulier... Alors, avec un comité permanent de
parlementaires, évidemment, ça deviendrait quasiment
enchâssé dans nos habitudes et on pourrait y recourir plus
facilement. Je voudrais juste vous entendre là-dessus.
M. Bourdeau: C'est une question aussi de recours
expéditif. Le recours au Protecteur du citoyen est quand même
très expéditif. Ça va vite, c'est efficace, c'est rapide,
c'est simple. Et je me dis qu'en bout de ligne, ajouter une espèce de
supraorganisme par-dessus ça, qui se verrait
délégué en cas de non réussite, où s'en
irait-on avec ça? Combien de temps ça prendrait à aboutir?
Est-ce que, au fil des ans, on ne privilégierait pas plus une approche
plus bureaucratique que le recours qui est quand même accessible et
simple au Protecteur du citoyen? C'est des questions qu'on se pose.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. J'aimerais vous
entendre sur un autre point. La semaine dernière, nous avons entendu
plusieurs groupes relevant de la santé et des services sociaux.
Évidemment, on a discuté beaucoup du mécanisme de plaintes
existant et du mécanisme prévu dans le projet de loi 120 du
ministre Côté. Plusieurs intervenants nous ont fait part qu'une
amélioration, bonification ou changement du recours actuel, ça
n'enlevait pas grand-chose, parce que dans plusieurs domaines de plaintes,
c'est au niveau des corporations professionnelles dans les
établissements de santé - plaintes à faire suite à
un acte médical et tout ça - et les recours existants,
évidemment, sont prévus en vertu des corporations
professionnelles comme, par exemple, le comité de discipline des
médecins. On nous dit que ce sont des pairs qui siègent
là-dessus. Évidemment, plusieurs plaintes ne sont pas recevables.
La majorité des plaintes ne sont pas recevables. Alors, puisque vous
avez fait référence, tantôt, au fait que le citoyen peut
recourir aux corporations professionnelles, est-ce que vous verriez d'un bon
oeil que le Protecteur du citoyen puisse avoir juridiction sur les corporations
professionnelles?
M. Moreau: En principe, non. En tout cas, il me semble que les
corporations professionnelles sont là pour assurer la qualité des
services donnés par les professionnels. Et si le Protecteur du citoyen
intervenait, il me semble que ça pourrait déresponsabiliser,
à ce moment-là, ces corporations et leur enlever
l'imputabilité ou diminuer l'imputabilité qu'elles doivent avoir.
Encore faut-il vous dire que la Commission des services juridiques n'a pas fait
une étude exhaustive de cette question, mais son premier réflexe,
c'est de penser que les corporations professionnelles doivent assumer leurs
responsabilités, jouer leur rôle à plein, et si l'on
diagnostiquait, dans notre société, une difficulté
sérieuse à ce niveau, peut-être faudrait-il poser la
question.
Le Président (M. Dauphin): J'aurais une autre question, si
vous me le permettez. C'est que depuis quelques années, on est
témoin d'une prolifération de ce qu'on appelle les ombudsmans
maisons, ou sectoriels, ou exécutifs. Je lisais justement, hier soir, le
mémoire d'un autre intervenant qui va être ici cet
après-midi qui, évidemment, nous disait, lui - prenons l'exemple
du commissaire aux plaintes à Hydro-Québec, le commissaire aux
plaintes en vertu de la Commission de protection du territoire agricole - que
ces deux commissaires, finalement, n'avaient pas vraiment
d'indépendance, pas de pouvoir d'enquête, des recommandations,
pour la plupart du temps, non entérinées. Alors, j'aimerais vous
entendre là-dessus. Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt demander
que ces gens-là relèvent directement du Protecteur du citoyen? Je
ne sais pas si vous avez réfléchi là-dessus, parce que
ça existe dans plusieurs pays, mais nous autres, au Québec,
depuis deux ou trois ans, c'est la mode, on est partis là-dedans, et
j'aimerais vous entendre.
M. Moreau: Alors, le Protecteur du citoyen, on le disait, ce
matin, a une grande crédibilité dans notre société.
C'est une institution bien acceptée et bien comprise par notre
population. On parlait également du mode de nomination du Protecteur du
citoyen et, pour toutes ces raisons, il nous semble qu'il ne devrait pas y
avoir prolifération de protecteurs, à gauche et à droite,
pour chacun des domaines sectoriels. D'autant plus qu'il faut qu'il y ait une
action assez uniforme d'un secteur à l'autre, et pour l'assurer, il ne
doit y avoir qu'une seule institution, quitte à ce qu'elle ait les
effectifs nécessaires pour être en mesure d'agir à
différents paliers, mais toujours de façon uniformisée,
avec la même philosophie, et que celle-ci ne varie pas d'un organisme
à l'autre ou d'une responsabilité à l'autre. C'est un peu
le danger de la prolifération.
Le Président (M. Dauphin): Alors, est-ce qu'il y a
d'autres commissaires qui aimeraient poser des questions? M. le
député de Beauce-Nord, ça va? Mme la
députée, ça va?
Alors, au nom de tous les membres de la commission, nous aimerions
remercier les membres de la Commission des services juridiques pour leur
participation à nos travaux et leur souhaiter un bon retour.
Ensuite, nous demanderons au Conseil des communautés culturelles
et de l'immigration de s'avancer, s'il vous plaît!
J'aimerais souhaiter la bienvenue au Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration, représenté par sa nouvelle
présidente, Mme Raymonde Folco. Alors, nous aimerions vous souhaiter la
bienvenue.
Une période d'une heure a été prévue pour la
rencontre d'aujourd'hui, donc, environ une quinzaine de minutes pour la
présentation de votre exposé et, ensuite, débutera une
période d'échanges entre les membres de la commission et
vous-même.
Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration
Mme Folco (Raymonde): Merci, M. le Président. M. le
Président, Mmes et MM. les commissaires, je souhaiterais vous remercier
tout d'abord d'avoir accepté que le Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration vous soumette un mémoire portant sur
l'examen du mandat, des orientations, des activités et de la gestion du
Protecteur du citoyen, mémoire que nous avons intitulé:
Éléments pour le développement des liens avec les
communautés culturelles au Québec.
Le mémoire que je présente aujourd'hui au nom du Conseil
est divisé en trois parties: une présentation du Conseil en
avant-propos qui sera très brève, suivie d'un autre bref portrait
de la société québécoise en mutation, pour situer
ensuite le Protecteur du citoyen dans ce cadre Je terminerai sur un nombre de
recommandations visant à permettre au Protecteur du citoyen de
développer des liens plus étroits avec l'ensemble de la
population québécoise, et plus particulièrement en ce qui
concerne le Conseil, avec les populations issues des communautés
culturelles des minorités visibles, ainsi que les immigrants.
Créé par une loi de l'Assemblée nationale du
Québec adoptée le 20 décembre 1984 et entrée en
vigueur le 1er avril 1985, le Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration est un organisme permanent et autonome dont la fonction
principale est de conseiller la ministre des Communautés culturelles et
de l'Immigration La mise sur pied du Conseil des communautés culturelles
et de l'immigration, organisme de consultation et de recherche, procède
d'une démarche qui vise à convier la population et les principaux
secteurs de la société à une réflexion collective
sur les questions touchant l'immigration et les communautés culturelles.
(11 heures)
Depuis sa création, il y a plus de cinq ans, le Conseil des
communautés culturelles et de l'immigration du Québec a toujours
eu et développé des liens de collaboration avec le Protecteur du
citoyen. La collaboration a porté sur de nombreux dossiers, notamment
les questions relatives à l'accessibilité des services
gouvernementaux pour les membres des communautés culturelles et plus
particulièrement pour les minorités visibles. De manière
plus précise, au cours de l'automne 1987, le Conseil a été
consulté à de nombreuses reprises par le Bureau du Protecteur du
citoyen. Il voulait, d'une part, constituer une base d'informations sur les
communautés culturelles, mais aussi être plus sensibilisé
aux réalités sociales et économiques vécues par ces
communautés. Par ces moyens, le Bureau du Protecteur du citoyen avait
l'intention d'améliorer ses services à la clientèle et
surtout de les adapter, si possible, à d'éventuels clients issus
des communautés culturelles.
Suite à ces consultations, le Protecteur du citoyen mettait sur
pied, le 2 mars 1988, plusieurs comités pour procéder à
une planification stratégique de ces opérations. Parmi ces
comités, l'un avait pour mission de préparer un plan d'action
destiné aux communautés culturelles, aux autochtones et aux
anglophones. Le mandat de ce comité comprenait aussi l'identification
des moyens et des ressources nécessaires à la mise en oeuvre des
recommandations qu'il produirait.
Le Conseil a aidé les membres du comité de travail
à constituer une documentation valable sur les communautés
culturelles, notamment un certain nombre de données
socio-économiques et culturelles.
Les principales conclusions du comité de travail ont mis en
évidence le fait que l'ombuds-man du Québec avait très peu
de liens avec certaines clientèles relativement démunies face
à
l'appareil administratif de l'État. En ce qui concerne les
communautés culturelles et, parmi elles, les minorités visibles,
leurs membres n'avaient pratiquement jamais eu recours aux services du
Protecteur du citoyen et n'en connaissaient souvent même pas
l'existence.
Face à l'ensemble de l'appareil gouvernemental, le rapport du
comité déclarait qu'il y aurait une accessibilité
inégale aux services publics pour les communautés culturelles. Il
soulignait que les barrières linguistiques et culturelles sont un
obstacle à l'accès aux services et à la communication avec
le personnel administratif ainsi qu'avec celui chargé des
opérations de première ligne.
Ces premières remarques, reliées aux suggestions et aux
recommandations du comité de travail mandaté par le Bureau du
Protecteur du citoyen lui-même, concourent à accroître la
motivation du Conseil à prendre part de manière significative
à la consultation générale organisée par la
commission des institutions. L'objectif général de cette
consultation est d'examiner le mandat, les orientations ainsi que les
activités et la gestion du Protecteur du citoyen.
La dernière décennie a vu la composition de la population
se diversifier de manière importante et se modifier dans ses
éléments, surtout dans la région métropolitaine de
recensement de Montréal. Aujourd'hui, comparativement à il y a 20
ans, quand le Protecteur du citoyen a été créé, les
communautés culturelles ont une présence plus significative et
plus évidente. Elles représentent près de 30 % de
l'ensemble de la population du Grand Montréal, soit environ 700 000
personnes.
Il est urgent et nécessaire de considérer que
l'immigration et la présence des Québécois des
communautés culturelles concourent à nous aider à relever
les défis actuels de notre société. En effet, les
communautés culturelles représentent un atout pour le
redressement de l'économie, un moyen de ralentir le déficit
démographique et un apport solide à l'amélioration et
à la consolidation de l'état de la culture francophone.
Un sondage d'opinion commandé par le bureau du Protecteur du
citoyen et réalisé auprès de la population
québécoise, dans le but de connaître sa
notoriété, a permis à celui-ci de constater que
près du tiers de la population adulte connaît l'existence du
Protecteur du citoyen, mais que moins de la moitié de ce groupe est
réellement informée des services offerts par cet organisme. Les
citoyens qui méconnaissent le Protecteur du citoyen se
définissent selon les caractéristiques suivantes: personnes de
milieu défavorisé ayant entre 18 et 34 ans, majoritairement des
femmes. Ces personnes, ce sont surtout des Montréalais ou encore
résidant dans des régions autres que la région de
Québec. Ces données révèlent paradoxalement qu'une
grande partie des clientèles susceptibles d'avoir besoin des services du
Protecteur du citoyen ne le connaissent pas et donc n'ont pas recours à
ses services. Ce sondage confirme les conclusions contenues dans le rapport du
comité de travail sur les communautés culturelles et ethniques,
les autochtones et les anglophones dont il est question dans la première
partie de notre mémoire.
Plus globalement, nous allons reprendre les principales conclusions de
ce comité et essayer de dégager les voies et moyens par lesquels
le Protecteur du citoyen pourrait mettre en oeuvre un plan d'action lui
permettant de rendre ses services plus accessibles aux membres des
communautés culturelles qui résident, à plus de 87 %, dans
la région métropolitaine de Montréal.
Alors, 22 ans après sa création, le Protecteur du citoyen
est-il vraiment présent de manière significative au sein de la
population? Est-il connu du grand public, de certaines clientèles
spécifiques comme les communautés culturelles? Quelles sont les
perceptions et les attentes que le Protecteur du citoyen et son personnel
éveillent chez les membres des communautés culturelles? Est-il
accessible aux citoyens issus de ces communautés qui se sentiraient
parfois lésés dans leurs rapports avec l'État?
La loi énonce les principales caractéristiques de
l'institution du Protecteur du citoyen. Elles résident dans le fait
qu'il s'agit d'un recours léger, gratuit, personnel et accessible
à tout citoyen et à toute citoyenne. Depuis le début des
années quatre-vingt, les demandes adressées au Protecteur du
citoyen ont progressé de 133 %. La preuve est donc faite que, face
à l'appareil gouvernemental, la population a besoin d'aide. Mais, comme
le démontrent les résultats d'un sondage CROP-Express en date du
mois d'août 1990, dont nous faisions mention plus tôt, les services
du Protecteur du citoyen ne sont pas connus. Ses efforts d'information
n'atteignent pas les cibles qui auraient le plus besoin de recourir à
ses services, c'est-à-dire les groupes défavorisés, les
femmes, la population âgée entre 18 et 34 ans et les membres des
communautés culturelles, sans oublier les autochtones et les
anglophones.
La question que pose le document de consultation, à savoir si le
Protecteur du citoyen est un recours suffisamment et également
accessible à tous les citoyens et citoyennes du Québec, demeure
entière. Le cas des communautés culturelles, plus
spécialement le fait que très peu de membres de ces
communautés s'adressent au Protecteur du citoyen pourrait s'expliquer.
Tout d'abord, comme c'est le cas chez la plupart des citoyens, peu de membres
des communautés culturelles savent que le Protecteur du citoyen existe.
Un nombre encore moins important d'entre eux comprennent sa mission, son mandat
et ses services. Ensuite, le personnel du Protecteur du citoyen, comme le
mentionne le rapport du comité, est peu sensibilisé aux
réalités vécues
par les communautés culturelles.
Le rapport du comité met en relief un certain nombre d'obstacles
qui compromettraient les relations ou les communications possibles entre le
bureau du Protecteur du citoyen et les membres des communautés
culturelles. Les principaux obstacles sont: les barrières linguistiques
et culturelles ainsi que le manque d'intermédiaires entre les groupes et
associations des communautés culturelles et le réseau des
services publics; le manque d'information des communautés culturelles
sur l'appareil gouvernemental et sur le fonctionnement des services publics; le
manque d'organisation et l'isolement de certaines communautés anciennes
ou plus récemment arrivées au Québec. Elles connaissent
peu leurs droits collectifs et individuels; le manque de connaissance de la
part des fonctionnaires de la spécificité et de certaines
caractéristiques culturelles et sociales reliées aux origines
ethniques, nationales et géographiques, et j'ajouterais peut-être
professionnelles de ces nouvelles clientèles. Il s'agit notamment des
attitudes que ces communautés peuvent avoir face à
l'autorité, au pouvoir et/ou à l'État; le peu ou le manque
de sensibilisation des fonctionnaires aux difficultés et aux
problèmes sociaux et économiques que peuvent vivre les membres
des communautés culturelles en situation d'adaptation ou
d'intégration à la société
québécoise. Et, enfin, la xénophobie, la discrimination,
les attitudes racistes et, plus particulièrement, les
préjugés, envers les communautés culturelles, de certains
employés de l'État.
La consultation générale entreprise par la commission des
institutions donne au Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration du Québec l'occasion de pouvoir faire des recommandations
précises dans le sens de l'amélioration de l'accessibilité
aux services du Protecteur du citoyen.
Les recommandations du Conseil portent essentiellement sur les
communautés culturelles, sur la dimension interculturelle et
l'adaptation de nos institutions à cette réalité. Les
objectifs que nous poursuivons en intervenant devant la commission
parlementaire sont: de développer une meilleure connaissance et
d'accroître ainsi la compréhension de la société et
de la culture québécoise chez les membres des communautés
culturelles; de développer la reconnaissance de la réalité
pluraliste, de faire la promotion d'attitudes favorables à la
diversité, de valoriser les cultures d'apport auprès des membres
de la fonction publique du Québec.
Cette démarche va dans le sens d'un soutien au rapprochement
entre la majorité francophone et les communautés culturelles.
Elle vise ultimement à favoriser le développement de relations
plus harmonieuses et à contribuer ainsi à résoudre
certaines tensions qui existent au sein de notre société. La
participation du Conseil à cette consultation générale
s'inscrit au coeur de
TÉnoncé de politique du gouvernement du Québec en
matière d'immigration et d'intégration des communautés
culturelles".
Le Conseil est conscient des actions déjà entreprises par
le Protecteur du citoyen pour amorcer un rapprochement entre son bureau et les
citoyens membres des communautés culturelles. Nous considérons
que la volonté manifeste du Protecteur du citoyen de réussir ce
rapprochement va dans le même sens que les objectifs poursuivis par le
Conseil.
Prenant en compte l'ensemble de ces considérations, nous
espérons que le rapport de la commission des institutions mettra
l'accent sur l'objectif principal visé par notre mémoire. En
effet, nous voulons que les services offerts par le Protecteur du citoyen
soient mieux connus des communautés culturelles. Nous voulons aussi que
celui-ci s'ouvre, se sensibilise aux réalités vécues par
les communautés culturelles et forme son personnel afin qu'il comprenne
mieux ces réalités Ainsi, le Protecteur du citoyen, suite
à la présente révision de son mandat, de ses
activités et de sa gestion, sera plus en mesure d'aider les
communautés culturelles à trouver des solutions aux
problèmes qu'elles rencontrent dans l'acces-siblité et la
consommation des services gouvernementaux.
La situation que nous venons d'évoquer a suscité un
intérêt certain de la part des pouvoirs publics. En
décembre 1986, le gouvernement du Québec promulguait la
"Déclaration sur les relations interethniques et interraciales" dans
laquelle il affirme qu'il: "veillera à ce que soit respecté le
droit de toute personne à l'égalité dans le domaine du
travail, du logement, de la santé, des services sociaux,
éducatifs ou des autres services offerts à la population, ainsi
que dans l'accès aux lieux publics, sans discrimination fondée
sur la race, la couleur, la religion, l'origine ethnique ou nationale".
Pour que ce droit à l'égalité se réalise, il
serait souhaitable que de nombreux services publics et tout
particulièrement, le Protecteur du citoyen puissent entreprendre des
programmes d'action dans ce sens.
L'intervention du Conseil vise l'atteinte des objectifs
mentionnés plus haut, mais aussi, nous le répétons,
à appuyer la démarche déjà entreprise par le bureau
du Protecteur du citoyen en vue de faire des communautés culturelles des
clientèles prioritaires.
L'analyse du profil actuel de la clientèle du Protecteur du
citoyen révèle qu'environ seulement 3 % des personnes qui ont
recours aux services du bureau du Protecteur semblent provenir de groupes
composés de bénéficiaires de l'aide sociale, de membres de
communautés culturelles, d'autochtones et d'anglophones. Quand on sait
que ces clientèles représentent 23 % de la population active du
Québec et que leur proportion est supérieure à 37 % dans
la grande région métropolitaine de Montréal, nous
devons conclure qu'un sérieux examen de la situation doit
être entrepris et qu'il est impératif que des actions suivent
assez rapidement. Le Protecteur du citoyen doit se faire mieux connaître
de ces clientèles. (11 h 15)
Dans un document qu'il a présenté au Conseil du
trésor pour l'année 1989-1990, le Protecteur du citoyen demandait
des ressources additionnelles en vue de réaliser certaines
priorités dont celle de se rapprocher des membres des communautés
culturelles. Dans ce document, le Protecteur du citoyen se fixait comme
objectif, dans les cinq ans à venir, que 20 % des demandes qu'il
reçoit chaque année proviennent des clientèles qui nous
préoccupent, c'est-à-dire: bénéficiaires de l'aide
sociale, communautés culturelles, autochtones et anglophones. Cet
objectif est louable, mais sa réalisation ne peut se faire en dehors de
l'application systématique d'un plan d'action accompagné d'un
échéancier précis.
En conséquence, le Conseil des communautés culturelles et
de l'immigration du Québec fait les recommandations suivantes: À
l'interne: 1. Que le bureau du Protecteur du citoyen nomme une personne qui
aurait pour responsabilité de développer des liens avec les
Québécois des communautés culturelles. Cette personne
permettrait au Protecteur du citoyen d'établir, dans les relations avec
ses communautés, un climat de confiance indispensable à
l'épanouissement réciproque de nouvelles attitudes; 2. Que le
Protecteur du citoyen donne la priorité à l'embauche
d'employés issus des communautés culturelles; 3. Que le
Protecteur du citoyen révise sa stratégie de communication
interne afin d'inclure dans la documentation imprimée ou audiovisuelle
sur son mandat, ses fonctions et ses services, des données (textes,
photos ou illustrations) sur les communautés culturelles; 4. Que le
Protecteur du citoyen instaure un programme obligatoire de sensibilisation
auprès de son personnel sur les réalités vécues par
les Québécois des communautés culturelles.
Vers l'externe maintenant: 5. Que le Protecteur du citoyen
établisse une véritable stratégie de communication externe
qui tienne compte des Québécois des communautés
culturelles. Il pourrait, par exemple, traduire en plusieurs langues certains
documents de promotion de ses services; 6. Que le Protecteur du citoyen utilise
les médias ethniques et les publications du réseau des
communautés culturelles pour se faire connaître des
Québécois des communautés culturelles; 7. Que le
Protecteur du citoyen, conjointement avec des organismes tels que le Conseil
des communautés culturelles et de l'immigration et la Commission des
droits de la personne du Québec, collabore à la mise en place
d'un réseau d'appui et de soutien logistique (contenu, consultation
d'experts, par exemple). Ce réseau aurait pour objectif la
sensibilisation et la formation aux relations interculturelles ainsi que le
soutien aux initiatives et aux activités de rapprochement avec les
communautés culturelles; 8. Que le Protecteur du citoyen prépare
un échéancier précis pour la mise en vigueur de son plan
d'action envers les communautés culturelles; 9. Que le Protecteur du
citoyen se dote d'un outil de traitement et d'analyse des demandes qu'il
reçoit afin de lui permettre d'identifier les demandes qui proviennent
des communautés culturelles. Il pourrait ainsi suivre l'évolution
par étape et évaluer les résultats aux termes de son plan
d'action.
Voilà l'ensemble des recommandations que vous présente le
Conseil des communautés culturelles et de l'immigration.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme Folco pour
votre présentation. Je vais maintenant reconnaître un
député ministériel, M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Messier: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la
présidente. Je passe un petit peu le préambule parce qu'on va
avoir trois semaines ou peut-être quatre semaines, au mois de
février, sur la politique du gouvernement en matière
d'immigration où les membres de la commission de la culture auront
à se pencher, comme vous venez de le faire, un peu sur l'aperçu
général ou quoi faire pour une meilleure intégration des
communautés culturelles.
Votre mémoire est excellent et très bien
présenté. Quelques questions au niveau des recommandations.
Peut-être la première et la principale: Vous demandez que le
Protecteur du citoyen nomme une personne qui aurait pour responsabilité
de développer des liens avec les Québécois des
communautés culturelles. Selon vous, quel serait le statut de cette
personne? Est-ce que ce serait un délégué du Protecteur du
citoyen? Disons son statut légal ou son statut administratif, peu
importe.
Mme Folco: Je pense que d'habitude, ce qu'on fait, lorsqu'on
crée ce genre de poste qui est un poste de lien entre l'institution et
les Québécois des communautés culturelles, c'est que,
d'une part, on veut que le poste soit bien intégré à
l'intérieur de l'institution, bien sûr, et que la personne soit
directement responsable au chef de l'institution, dans ce cas-ci le Protecteur
du citoyen. Il est important que, de part et d'autre, c'est-à-dire de la
part des Québécois des communautés culturelles et de la
part de l'institution du Protecteur du citoyen, que cette personne, si elle
était nommée, soit perçue comme une personne dont le
rôle est important pour le Protecteur du citoyen.
Et je suggérerais donc que son statut soit,
d'une part, évidemment, un statut de permanent, mais qu'elle ait
aussi un accès direct au Protecteur du citoyen lui-même, en tant
que poste.
M. Messier: Relevant du Protecteur du citoyen ou relevant du
ministère des Communautés culturelles?
Mme Folco: Non, relevant du Protecteur du citoyen. Je pense que
ce qu'on souhaiterait, aujourd'hui, c'est une responsabilisation de la part des
diverses instances gouvernementales et paragouvemementales par rapport à
l'ensemble des Québécois et, en particulier, par rapport aux
Québécois des communautés culturelles. J'aurais
peut-être quelques mots à dire un tout petit peu plus tard, si on
me pose des questions qui m'amènent à cela. Je pense qu'on veut
quand même amener les institutions à faire un certain nombre
d'accommodements ou, en tout cas, à leur faire réaliser qu'il y a
un certain nombre d'accommodements qui doivent se faire par rapport à
cette partie-là de la population. C'est important de le faire.
Et c'est pourquoi je ne verrais pas, en ce qui nous concerne, au
Conseil, que ces responsabilités, par rapport au Protecteur du citoyen,
soient ramenées vers le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration. Ce sont des responsabilités qui sont
propres à l'office du Protecteur du citoyen et elles devraient y
rester.
M. Messier: Selon votre expertise, est-ce qu'il y a d'autres
ministères ou d'autres commissions qui ont cette préoccupation
vis-à-vis des communautés culturelles, d'intégrer à
même son personnel des personnes de haut calibre pour donner aux
communautés culturelles le type d'information que vous demandez au
Protecteur du citoyen? Est-ce que, selon vous, il y a des ministères ou
des commissions?
Mme Folco: II y a des ministères. Je sais que le
ministère de la Santé et des Services sociaux a une personne qui
est responsable des liens avec la communauté. Il y a aussi plusieurs
ministères qui ont déjà installé des programmes
d'accès à l'égalité. Dans ce cas-là, il y a
des personnes qui sont responsables de ces programmes d'accès à
l'égalité. Il faut dire aussi que depuis à peu près
un an et demi, la ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration a installé un réseau de répondants où
il y a un ou une répondante à l'intérieur de chacun des
ministères québécois, qui a comme objet, comme mandat,
justement de répondre aux besoins des communautés culturelles, et
d'en faire état auprès de la ministre.
Donc, 9 y a un réseau qui existe, un peu comme le réseau
qui a déjà existé par rapport au programme d'accès
à l'égalité pour les femmes
M. Messier: O. K. Recommandation 6: Que le
Protecteur du citoyen utillise les médias ethniques et les
publications du réseau des communautés culturelles - vous venez
d'en faire état - pour se faire connaître des
Québécois des communautés culturelles. Pourquoi cela
n'a-t-il pas été fait? Est-ce que c'est une méconnaisance
des communautés cuturelles ou... Pourtant, le mandat
général est de donner des services à tous les
Québécois et à toutes les Québécoises Et ils
font partie intégrante de notre communauté. Pourquoi ça
n'a pas été fait?
Mme Folco: Je ne peux pas répondre à savoir
pourquoi le Protecteur du citoyen n'a pas fait cette action. Je sais que dans
son rapport, il avait déjà montré une volonté de
faire bien des choses. Est-ce que ça n'a pas été fait
à cause d'un manque de budget? Est-ce que ç'a n'a pas
été fait à cause d'un manque d'expertise? Il est bien
clair que si on utilise les médias ethniques, il faudrait qu'il y ait
quand même un certain nombre de cette utilisation qui se passe dans la
langue d'origine de certains de ces membres-là. Peut-être que le
Protecteur du citoyen n'était pas prêt à faire ce genre
d'action. Je ne peux pas répondre pour eux, vraiment. C'est simple ment
deux ou trois hypothèses que je peux émettre.
M. Messier: O. K. On va le voir, le Protecteur, et on lui posera
peut-être cette question. Vous faites état, dans votre
mémoire, du peu de plaintes qui sont faites chez le Protecteur du
citoyen par les communautés culturelles. La barrière est
possiblement la langue ou le manque de connaissances? Qu'est-ce qui viendrait
en ordre de priorité? Le manque de connaissances de l'institution, la
langue ou d'autres?
Mme Folco: Je pensais qu'il y aurait trois facteurs. Les trois
facteurs auraient un ordre de priorité différent selon le pays
d'origine, c'est-à-dire selon le type de société et le
type de gouvernement en place dans le pays d'origine.
La langue est certainement un facteur important. C'est-à-dire que
si on ne parle pas français, il est difficile d'avoir accès aux
informations, d'une part, mais il est difficile aussi d'aller de l'avant et de
porter plainte auprès du Protecteur du citoyen. Si on a un manque
d'information, c'est peut-être en fonction de la norme. C'est
peut-être aussi parce que pour certains immigrants qui... Nous appelons
les immigrants les gens qui arrivent, qui ne sont pas ici depuis très
longtemps. Pour ces immigrants qui ne savent pas quels sont les services
auxquels ils ont droit parce que ces services n'existaient peut-être pas
dans leur pays d'origine, donc, il y a peut-être cet
empêchement.
Il y a un troisième empêchement qui est majeur pour
certains groupes. C'est que le Protecteur du citoyen existe. Cet
office-là existe dans des pays démocratiques, mais existe
beaucoup moins dans d'autres pays, disons sous des dictatures, et un
grand nombre des réfugiés et des immigrants qui nous arrivent
proviennent de ces pays et des pays du tiers monde, en particulier. Je ne suis
pas sûre que les citoyens de ces pays aient la possibilité d'avoir
recours ou qu'il y ait même un Protecteur du citoyen qui existe dans ces
pays-là. Donc, il se pourrait tout simplement que les
Québécois des communautés culturelles ou les immigrants ne
connaissent pas du tout ce que fait le Protecteur du citoyen et ne
reconnaissent pas cette indépendance et cette autonomie qui sont si
importantes pour cet office, n'est-ce pas? Parce que, dans leurs pays
d'origine, ce genre de choses là était quasiment impossible.
M. Messier: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Maintenant, je vais reconnaître Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je vous salue, Mme
Folco. Nous nous sommes vues sous d'autres auspices de commission, il y a peu
maintenant; il y a deux ou trois semaines, à peine, à
Montréal, avec la Commission Bélanger-Campeau.
Mme Folco: Tout à fait.
Mme Harel: Je suis d'autant plus contente de vous recevoir que
vous savez peut-être que malgré le peu de temps que j'ai
passé au ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration, j'ai la fierté d'avoir été à
l'origine du Conseil que vous présidez maintenant et vous êtes la
deuxième femme qui en présidez les destinées et c'est ce
que je souhaitais, évidemment, au moment de sa création.
J'espère que ça fait plaisir à mes collègues.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: J'aimerais peut-être vous interroger
particulièrement sur un aspect que vous avez beaucoup
développé dans votre mémoire. Incidemment, vous avez
rappelé les responsabilités, la vocation, le mandat du Conseil et
je pense que c'est un rappel qui peut être intéressant pour les
membres de la commission. Mais il y a un aspect que vous développez
beaucoup. Évidemment, ce sont les barrières qui, parfois, sont
difficiles à franchir pour avoir accès aux services du Protecteur
du citoyen et je voudrais échanger là-dessus avec vous. Vous
définissez particulièrement deux barrières: celles
linguistique et culturelle.
Mme Folco: Oui.
Mme Harel: Moi, à la lumière, justement, du profil
des Québécois qui font appel aux services du Protecteur et
à la lumière du sondage qui a été fait par CROP sur
la notoriété du Protecteur, je me suis demandée si,
finalement, ce n'était pas un troisième facteur qui était
le plus déterminant, c'est-à-dire le facteur économique,
et si l'état de défavorisation n'était pas plus
déterminant que les deux autres. Je m'explique là-dessus parce
que ce qu'on comprend avec le sondage de CROP, c'est que chez les citoyens qui
ne connaissent pas le mandat du Protecteur du citoyen, on observe les
caractéristiques suivantes et essentiellement des gens moins
scolarisés: une plus forte proportion de citoyens chez les moins
scolarisés, soit 84 % des peu scolarisés, c'est-à-dire
ceux qui ont entre 0 et 7 années d'études. C'est assez important
parce que c'est contre 69 % chez les moyennement scolarisés, 8 à
15 ans d'études. Alors, il y a quand même là une
différence assez considérable. Je me suis demandée si,
dans une stratégie de communication, dont devait se doter le Protecteur
du citoyen, sa clientèle privilégiée ne devait pas
être d'abord la clientèle qui a cette problématique de
pauvreté, de sous-scolarisation parce que je dois vous dire que,
à ce moment-là, ça permet de rendre une stratégie
plus efficace ou plus fine. Si on fait une stratégie à
l'égard des communautés culturelles dans leur ensemble, il n'est
pas impensable d'envisager que chez certaines qui jouissent, par exemple, d'un
niveau de scolarité ou d'un niveau de revenu, elles puissent... C'est
ça qu'elles ne nous indiquent pas, finalement. Je trouve que,
jusqu'à maintenant, on n'a pas suffisamment les instruments pour bien
saisir, sauf cette réalité incontournable que chez les pauvres et
chez les personnes moins scolarisées, là, il y a une
méconnaissance complète de ce recours. (11 h 30)
Je vous pose la question du fait que vous nous dites, avec raison,
qu'environ seulement 3 % des personnes qui ont recours aux services du bureau
du Protecteur semblent provenir de groupes composés de
bénéficiaires de l'aide sociale, de membres des
communautés culturelles, d'autochtones et d'anglophones. Mais je crains
qu'en liant ces quatre groupes-là, on imagine que c'est la même
clientèle. Je ne le sais pas. En tout cas, je vous recommande
peut-être la lecture - le secrétariat pourrait peut-être
vous le transmettre - du mémoire de la Commission des droits de la
personne présenté, la semaine dernière, devant la
commission des institutions. La Commission des droits de la personne a, en
annexe à son mémoire, illustré par un tableau la
différence d'utilisation des services publics, dépendamment du
fait qu'on soit d'une minorité visible et ethnique ou
dépendamment du fait qu'on soit dans un groupe de contrôle
français et anglais. Alors, ce n'est pas nécessairement sur la
barrière linguistique anglophone-francophone, c'est sur une autre
dimension.
Alors, je vous pose la question tout de go,
parce que je pense que les deux peuvent intervenir. Vous avez raison et
vraiment raison aussi de dire - vous le mentionnez, je pense, à la page
13 de votre mémoire, c'est le deuxième aspect que je veux
souligner - qu'il y a des attitudes face à l'autorité, face au
pouvoir, face à l'État, des attitudes qui sont
différentes, et ça se reflète dans le tableau de la
Commission des droits de la personne, parce qu'on se rend compte que, par
exemple, les minorités visibles et ethniques utilisent les services
sociaux, utilisent les services publics, sauf en ce qui concerne ceux qui
revendiquent des droits. Alors, on voit bien que lorsque c'est des services
publics d'autre nature, elles les utilisent à peu près de la
même façon que le groupe témoin français et anglais,
mais quand il s'agit de services publics de reconnaissance des droits,
ça vaut pour le Protecteur, ça vaut aussi pour les services
juridiques, ça vaut aussi pour la Régie des loyers, ça
vaut, finalement, pour tous les services publics de revendication de droits.
Alors, ça confirme bien votre thèse qu'H y a là aussi une
barrière qu'il faut franchir. Mais est-ce que la barrière
économique n'est pas fondamentale ou celle de la sous-scolarisation?
Parce que je me dis, à ce moment-là: J'aimerais, moi aussi, que
le Protecteur n'oublie pas, dans sa stratégie de communication, les gens
que, moi, je représente, qui sont des francophones pauvres et qui n'ont
pas du tout connaissance des services que le Protecteur peut leur offrir.
J'ai toujours en tête la fréquentation universitaire. C'est
le groupe de francophones de souche, si vous voulez - avant de trouver un autre
terme - qui a une moins grande fréquentation universitaire et c'est le
groupe anglophone-Ce n'est pas peu de choses, c'est 11,5 % chez les
francophones, 19 % chez les allophones et 24 % chez les anglophones. Alors, il
y a toujours une sous-scoiarisation chez les francophones. Je ne voudrais pas
qu'on l'occulte, qu'on la mette de côté, parce qu'il me semble que
ce serait un mauvais service qu'on rendrait à toute la
société. Je ne sais pas ce que vous en pensez.
Le Président (M. Dauphin): Mme Folco.
Mme Folco: Oui. J'aurais plusieurs choses à dire. Tout
d'abord, il est bien sûr qu'il ne faut pas regarder les
Québécois des communautés culturelles comme étant
un groupe homogène...
Mme Harel: C'est ça.
Mme Folco: ...où tout le monde, quel que soit le pays
d'origine ou quel que soit le moment d'arrivée au Québec, se
ressemble. Il y a des couches socio-économiques très
différenciées parmi eux, pas nécessairement parce qu'ils
viennent d'un pays ou d'un autre, mais, à l'intérieur du
même pays, on peut très bien voir une famille qui arrive,
où les parents sont des universitaires, justement, et une autre famille
qui arrive exactement du même pays, même de la même
région, où la famille elle-même est complètement non
seulement sous-scolarisée, mais peut-être même
analphabète, dans sa propre langue je veux dire. Ce qui fait qu'il y a,
quant on analyse les communautés culturelles, plusieurs axes par
lesquels on peut les analyser: le pays d'origine, le moment d'arrivée au
Québec. Mais une analyse qui est extrêmement riche, c'est
justement de quelle couche de la société cette famille-là
provient-elle? Alors, ça, c'est un élément...
Mme Harel: Ça, c'est ce qui est le plus important.
Mme Folco: ...qu'il ne faut pas, comme vous le dites, occulter.
C'est un élément qui est extrêmement important.
Un autre problème, puisque vous parliez de femmes, qui commence
à se dessiner parmi les immigrants et les membres des communautés
culturelles, c'est le fait que sous le choc, la pression et la tension de
l'immigration, il y a des familles qui se séparent. On voit de plus en
plus des familles qui n'auraient jamais accepté la séparation, le
divorce, dans le pays d'origine où, à cause du fait qu'il y a des
tensions par rapport à la nouvelle famille qui s'établit, le
manque de travail peut-être et beaucoup aussi par rapport au nouveau
rôle que les femmes, dans certains cas, veulent prendre ici au
Québec, qui est, dans certains cas, différent du rôle qui
lui était alloué dans le pays d'origine. Donc, on voit là
encore l'éclatement de la famille qui commence à se faire sentir
depuis quelque temps. Ce qui fait qu'on a aussi un autre groupe qui est
peut-être favorisé socialement, mais qui devient
défavorisé parce que les femmes se retrouvent chefs de famille
monoparentale avec tous les problèmes qu'ont les chefs de familles
monoparentales québécoises. Alors, ce n'est pas
différent.
Je ne voudrais pas faire une priorité entre lequel des groupes
doit être le plus aidé. Il est bien sûr que quand on est
scolarisé, quand on parle la langue et, pour moi, quand j'ai
parlé de problème linguistique, je ne parlais pas du tout -
peut-être que ce n'était pas assez clair - des personnes de langue
anglaise ici au Québec. Je n'estime pas que les personnes de langue
anglaise ont un problème linguistique ici au Québec. Je parlais
de gens qui parlent un des dialectes chinois, ou une des langues du Sud-Est
asiatique, ou ainsi de suite. C'est de ces gens-là et de ces
langues-là dont je parlais.
Alors, pour revenir donc à cette prémisse, d'une certaine
manière il faut regarder à l'intérieur des
communautés culturelles et se dire: II y a certains groupes qui n'ont
pas accès, mais qui pourraient assez facilement avoir accès aux
informations, parce qu'ils lisent dans leur langue d'origine et qu'ils ont,
après quelques années,
accès aux journaux de langue française ou même de
langue anglaise. N'est-ce pas? Ce sont des gens qui sont déjà
scolarisés et qui, avec le temps, s'intègrent assez facilement.
Ceux qui le sont moins, les personnes pauvres, les personnes des classes
socio-économiques plus basses, c'est ces gens-là qu'il faut
surtout aider, parce qu'ils ont tous les problèmes qu'ont les
Québécois de souche de cette classe-là, plus les autres
problèmes qui sont liés au manque de possibilité de
communication en français, mais aussi au manque de compréhension
de ce qu'est un Protecteur du citoyen. Après tout, c'est un rôle
qui est relativement neuf dans nos sociétés. Il date
d'après la guerre, je pense. Il me semble que quelqu'un qui vient d'un
pays où ce n'est justement pas le gouvernement qu'on va voir lorsqu'on a
des problèmes, cette personne-là ou la personne qui provient de
ce pays ou de cette région...
Mme Harel: C'est le gouvernement qui fait les
problèmes.
Mme Folco: C'est le gouvernement qui fait les problèmes,
tout à fait. Donc, cette personne-là n'aura pas tendance à
y aller, et si elle n'a pas accès aux informations, évidemment.
Mais ceci est complexifié par le fait que même après des
années, elle aura moins accès à l'information parce
qu'elle provient de cette couche de société qui est une couche
socio-économiquement très faible.
Je ne voudrais quand même pas présenter un message
misérabiliste des membres des communautés culturelles. Ce que je
veux simplement dire, c'est qu'il y a quand même, à
l'intérieur des milliers de personnes - il y en a plus de 35 000, 40 000
- qui nous proviennent par année, qui sont des immigrants, il y en a
évidemment de toutes les couleurs et il y en a de toutes les couches
socio-économiques. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre
question, Mme la députée?
Mme Harel: Oui. Alors, je comprends que vous considérez
également qu'une des barrières, peut-être la plus
déterminante et un des obstacles qu'il faut lever, est évidemment
le facteur socio-économique, c'est-à-dire le niveau de
sous-scolarisation et de pauvreté et que c'est malheureusement un
état de fait dans toutes les communautés, y compris la
communauté de souche.
Mme Folco: Tout à fait. C'est-à-dire que quand on
parle des problèmes que vit la société, que ce soient des
problèmes de logement, des problèmes de santé, des
problèmes de chômage, ces problèmes sont vécus par
tout le monde, c'est-à-dire quelle que soit leur origine, qu'ils soient
Québécois de souche ou autre. Ce que je veux ajouter à
cela, c'est que certains membres de la société ont tous ces
problèmes, plus.
Mme Harel: Est-ce que, dans cette stratégie de
communication, compte tenu du fait que le profil de la personne, du citoyen qui
ne connaît pas les services de l'institution du Protecteur, c'est le
suivant: une femme défavorisée de 18-34 ans, il ne serait pas
souhaitable, par exemple, que le recours au Protecteur soit mieux connu
peut-être, par l'envoi, dans l'enveloppe de chèque des allocations
familiales, d'une brochure sur le Protecteur qui pourrait accompagner ce
chèque?
Mme Folco: Je ne crois pas beaucoup aux écrits. Je
m'excuse de le présenter ainsi. C'est-à-dire que, si je suis
femme sous-scolarisée et pauvre, je ne pense pas que l'écriture
me parle. Si on peut envoyer ces informations sur quelque chose
d'imprimé qui peut parler à travers des images, peut-être
quelque chose d'audiovisuel, je serais plutôt d'accord. Mais je pense que
ce genre d'information se fait plutôt de personne à personne, de
bouche à oreille, à partir aussi d'une personne qui est là
pour nous donner les informations. Il y a aussi, il ne faut pas l'oublier, pour
ces gens dont on parle présentement, c'est-à-dire les gens qui
sont sous-scolarisés et qui appartiennent à des classes
socio-économiquement faibles, quelles que soient leurs racines, qu'elles
soient Québécoises de longue date ou de courte date, une certaine
ghettoïsa-tion de l'esprit - il ne faut pas l'oublier - ce qui fait qu'on
se referme de plus en plus dans son propre milieu. J'avoue que je ne pense pas
que l'envoi d'un papier dans une enveloppe changera grand-chose.
Mme Harel: Alors, vaudrait-il mieux... Vous recommandiez
vous-même l'utilisation des médias ethniques pour faire
connaître aux Québécois des communautés culturelles
les services du Protecteur.
Mme Folco: Oui.
Mme Harel: À ce moment-là, je comprends que vous le
recommandez pour cette couche-là de membres des communautés
culturelles qui sont scolarisés ou qui ont accès à leurs
médias, du fait qu'ils ont accès à une lecture de
journaux, etc.
Mme Folco: Ah! Excusez-moi. Les médias ethniques, cela
veut dire tout autant des journaux, des revues que la télévision
ou la radio.
Mme Harel: D'accord. Alors, vous préconisez l'usage des
médias électroniques pour pouvoir rejoindre la clientèle
plus défavorisée.
Mme Folco: Disons tous les médias. Je vois à quel
point, par exemple, les femmes qui restent à la maison, écoutent
la radio ethnique toute la journée. Il y a des programmes à la
télévision, à Montréal, qu'on reçoit toute
la journée et une
partie de la nuit. Ces programmes-là, surtout les fins de
semaine, sont vus pas seulement par les femmes, mais par toute la famille. Mais
pour rejoindre les femmes, je pense qu'il faut entrer, justement...
Mme Harel: Par la radio.
Mme Folco: ...dans le foyer par la radio et la
télévision.
Mme Harel: Ça prouve, finalement, autant pour les femmes
membres de communautés culturelles que pour les femmes qui sont des
Québécoises de souche...
Mme Folco: Bien sûr.
Mme Harel: ...et qui partagent, compte tenu de leur situation
socio-économique, la même relation avec les médias, je
crois...
Mme Folco: C'est ça, tout à fait.
Mme Harel: Alors, ça pourrait être une façon,
par exemple, que vous privilégieriez par rapport à
l'écrit, pour les rejoindre.
Mme Folco: Oui, parce qu'il me semble que... C'est une chose que
j'avais dite par rapport à nos dossiers aussi. Je pense qu'il ne faut
pas s'attendre que ces personnes viennent chercher les informations. Il faut
aller leur donner l'information sous une forme facilement digestible, si j'ose
dire. C'est-à-dire qu'il faut leur parler à travers des
situations concrètes, connues. Je ne veux pas faire preuve de
paternalisme ici, en disant ça, mais il faut se situer sur le terrain
où se situent les personnes qui vont lire ou qui vont entendre ce
message.
Mme Harel: Alors, je vous remercie beaucoup...
Mme Folco: Merci, Mme Harel.
Mme Harel: ...pour votre contribution à nos travaux.
Mme Folco: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la
députée. Je vais maintenant reconnaître M. le
député d'Anjou.
M. Larouche: Très bien. Alors, félicitations pour
votre mémoire...
Mme Folco: Merci.
M. Larouche: ...qui est très bien structuré et qui
dit beaucoup, en fonction, évidemment, de la vision de la
réalité que vous avez au niveau de votre Conseil des
communautés culturelles et de l'immigration.
La députée de Hochelaga-Maisonneuve m'enlève
toujours les mots de la bouche, surtout lorsqu'elle parle avant moi. Alors,
évidemment, ça tient à son bon jugement...
Mme Harel: C'est parce qu'on est voisins de comté.
M. Larouche: Ah! Exactement. Alors, ça nous permet de voir
la réalité selon un certain prisme.
Mme Harel: Selon un certain angle.
M. Larouche: Ce qui ne veut pas dire que le député
de Westmount ne peut pas partager aussi. Alors, d'est en ouest, il y a toujours
un vent, aussi.
M. HoWen: Je vous écoute. M. Larouche: Vous
m'écoutez.
Mme Folco: C'est un pluralisme souhaitable, je pense, M. le
député. (11 h 45)
M. Larouche: Exactement, du nord au sud. Vous disiez qu'il y
avait deux barrières, linguistiques et culturelles. Vous avez
parlé de rajouter une barrière économique qu'il y aurait
aussi. Moi, je pense aussi qu'il y a une barrière qui est un facteur de
personnalité, et je me réfère justement... J'étais
en route entre Montréal et Québec et on me référait
à des cas de comté. Il y a des gens... Voyez-vous, parce que
comme député, on agit aussi comme ombudsman. Il n'y pas seulement
que le Protecteur du citoyen, il y a une fonction qui échoit au
député, qui s'approche de beaucoup de celle de ('ombudsman. Vous
remarquerez, comme député - mes collègues pourront
intervenir - qu'il y a des gens qui se plaignent pour tout et rien. En fin de
compte, ça banalise totalement la question du recours ou, un autre
facteur de personnalité, il y en a pour qui tout est dû, du fait
que vous êtes leur député. Cela leur est dû, la
moindre petite chose. Alors, qu'il leur manque 0,22 $ sur un chèque, ils
vont demander une heure et demie de votre temps. On dirait que c'est un manque
de jugement de leur part.
Alors, l'accès au Protecteur du citoyen tient au facteur
personnalité, dans le sens suivant... Il y en a d'autres qui vont dire:
Bof! Après tout, avec le temps, ça reviendra, ou qui peuvent
subir de très graves préjudices et qui ne se plaindront pas. On
va en rencontrer, on va dire: Mais tu y avais droit, à cette chose. Ils
vont dire: Bah! Éventuellement, j'aurai, comme on dit, le gros bout du
bâton. Alors, c'est un facteur personnalité dont je voudrais que
vous me partiez. Je pense qu'au niveau des communautés culturelles,
sans être raciste, on peut dire qu'il y a des peuples qui vivent
sous la dictature et qui sont habitués d'en prendre. Alors, oui, oui,
qui sont habitués d'en prendre. Ça ne veut pas dire que c'est
souhaitable, ils vivent sous la dictature. Tout d'un coup, ils arrivent dans un
milieu social, dans une société où, disons, c'est le
paradis, à comparer avec ce qu'ils connaissaient.
Alors, entre les deux, est-ce qu'on peut prendre une personne d'une
certaine communauté qui arrive au Québec ou au Canada et, tout
d'un coup, lui dire: Voici, ici, le département des plaintes, s'il y a
quelque chose, apporte ton "bat" de baseball, ça va aller comme
ça, etc.? Je pense qu'on joue sur des demi-tons entre le piano et le
sforzando. Comprenez-vous ce que je veux dire? Alors, c'est ça que je
voudrais que vous me brossiez un peu.
Mme Folco: Toute personne qui vit au Québec a droit au
recours au Protecteur du citoyen...
M. Larouche: Oui.
Mme Folco: ...et a droit à l'information qui lui permet
d'avoir recours. Ce que cet individu fait de cette information après
cela, ça le regarde entièrement, mais il doit y avoir
équité devant tous les membres de notre société. Je
ne peux pas parler d'un individu ou d'un autre, c'est bien clair, je suis tout
à fait d'accord avec ce que vous dites. Quand on va voir un
député, des fois, on va le voir pour des raisons qui peuvent
sembler au député un peu dérisoires. Sauf que le fait que
ce député est là pour répondre aux besoins, c'est
un symbole important de la façon dont fonctionne la démocratie
québécoise et canadienne. C'est un symbole important pour les
gens qui viennent ici.
Le fait qu'il y ait un Protecteur du citoyen qui soit disponible pour
tout citoyen, ça aussi, c'est un symbole puissant. C'est une des raisons
- je ne dirai pas que c'est la raison pour laquelle les gens viennent ici, mais
ça fait partie d'un ensemble de facteurs qui fait que des gens viennent
ici. Il y a des raisons économiques, mais il n'y a pas que des raisons
économiques, n'est-ce pas? Si les gens sont habitués d'en
prendre, c'est la raison pour laquelle ils partent aussi. Ceux qui sont partis,
c'est parce qu'ils ne veulent plus en prendre. Ils veulent arriver vers un pays
où ils n'ont plus à en prendre et ils sont égaux devant la
loi. Quand ils ne sont pas égaux devant la loi, peut-être que chez
certains, les sensibilités sont plus exacerbées peut-être
et qu'ils vont, je ne sais pas, demander des choses qui ne sont pas dans le
mandat du Protecteur du citoyen.
Pour moi, c'est important que cette information soit
véhiculée auprès de tout le monde, que l'information soit
véhiculée sous une forme qui permet à tout le monde de
bien la com- prendre et de voir quels sont ses droits. Comment la personne va
répondre à cela, c'est à elle, maintenant, de
décider de le faire. Je ne pense pas qu'on puisse, nous, porter un
jugement de valeur sur quelles sont les plaintes qui devraient être
recevables ou non. De toute manière, le Protecteur du citoyen
lui-même a le droit de ne pas recevoir un certain nombre de plaintes pour
des raisons qui sont connues.
M. Larouche: Oui, mais là, je voudrais bien que vous
m'entendiez. Pour moi, ce n'était pas une question... Je ne mettais pas
en cause l'équité...
Mme Folco: Oui.
M. Larouche: ...je ne mettais pas en cause le rôle du
député parce que, dans les divers rôles du
député, il y a une fonction qui s'apparente
énormément à celle de l'ombudsman ou du Protecteur du
citoyen. Ce à quoi je me référais, c'est une question au
niveau de l'attitude, l'attitude autant au niveau du requérant du
service de l'administration publique que de l'attitude du dispensateur de
services envers le bénéficiaire. Je me réfère en
cela au mémoire de l'Association des centres d'accueil du Québec,
où on nous parlait justement d'une question d'attitude. Alors autant au
niveau de la dispensation des services, il peut y avoir une attitude
bienveillante, une attitude d'accueil, autant au niveau du
bénéficiaire il faut tenir compte de cette attitude-là
aussi. C'est à ce niveau-là, c'est là que le facteur
"personnalité" joue dans les deux cas. Comprenez-vous?
Mme Folco: Oui.
M. Larouche: C'est dans l'attitude du dispensateur du service
parce que le rôle... Il faut bien situer tout ça dans le
rôle du Protecteur du citoyen. En fin de compte, c'est le Protecteur du
citoyen ou l'ombudsman, je préfère même l'ombudsman ou
ombudswoman ou "ombuds-person", comme vous voudrez, mais il reste que, c'est
pour voir en partie à la qualité. Est-ce que la personne a
été traitée avec justice? Comprenez-vous? Alors c'est
à ce niveau-là.
Mme Folco: Écoutez, je ne peux pas vous répondre
sauf pour dire que, dans l'analyse qu'a faite le Protecteur du citoyen, les
chiffres qu'on a aujourd'hui, c'est qu'environ 3 % des personnes qui ont
recours aux services semblent provenir des groupes composés des
bénéficiaires de l'aide sociale, de membres de communautés
culturelles, d'autochtones et d'anglophones. Si, à l'intérieur de
ces quatre catégories, je prends seulement les membres des
communautés culturelles, donc, disons, à peu près le quart
de 3 %, je me dis: II y a peu de demandes qui sont faites; donc, comment est-ce
que je peux émettre une hypo-
thèse?
M. Larouche: Peut-être qu'ils n'en ont pas besoin.
Mme Foico: Pardon?
M. Larouche: Regardez au niveau des anglophones. Est-ce que parce
qu'il y a moins d'anglophones... Ça tient peut-être au
caractère ou au niveau socio-économique, ils en ont moins besoin.
C'est peut-être pour ça aussi. Alors, on ne peut pas mettre dans
des petites boîtes... mettons qu'on aurait quatre petties boîtes:
Voilà, ce sont des communautés culturelles et, parce que ce sont
des communautés culturelles, peut-être qu'on peut les mettre dans
les mêmes attitudes que l'anglophone. Au niveau du francophone,
peut-être qu'on se plaint plus aussi.
Mme Folco: Écoutez...
M. Larouche: Non, non, mais pourquoi pas? Ça...
Mme Folco: ...je ne suis pas en mesure de répondre...
M. Larouche: Bien non, mais je veux dire... Mme Folco:
...à ce genre de questions.
M. Larouche: ...c'est une hypothèse ça, mettons,
qui pourra être examinée en cours de route, plus tard, par des
experts.
Mme Folco: Je ne peux répondre à cette question. Je
pense que la seule manière de voir, ça serait de prendre d'autres
pays où ce ne sont pas des francophones et de voir dans quelle
mesure...
M. Larouche: Non, je parle d'ici, là.
Mme Folco: ...le Protecteur du citoyen... Je ne sais pas. Il y a
deux acteurs...
M. Larouche: C'est pour ça que je pose la question, je ne
le sais pas.
Mme Folco: ...comme vous le dites: II y a la personne qui
demande. Mais pourquoi demande-telle? C'est parce qu'elle pense que ses droits
ont été lésés. Alors peut-être que le
gouvernement ou un fonctionnaire dans le gouvernement a aussi fait quelque
chose qui fait qu'il y a eu un résultat par rapport à la demande.
Alors, je ne peux pas répondre à cette question vraiment.
M. Larouche: Justement, parce que moi non plus je ne pouvais pas
y répondre et je pensais que vous pourriez peut-être m'apporter...
Mais ça ne fait rien. Je pense qu'on est dans une mine ou dans un puits
et, qu'éventuellement, il faudrait...
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député.
M. Larouche: ...être plus précis.
Le Président (M. Dauphin): Je vais reconnaître M. le
député de Chapleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. J'ai peut-être une
question qui me préoccupe... Vous faites plusieurs recommandations. Le
plan d'action, par le Protecteur du citoyen... Il a déjà
annoncé un plan d'action dans lequel il y a différents
éléments, entre autres de faire connaître les services que
le Protecteur du citoyen peut rendre, et ainsi de suite.
Vous, dans vos recommandations, vous dites, entre autres: les embauches
d'employés, une stratégie de communication, un programme
obligatoire de sensibilisation et ainsi de suite. Est-ce que le plan d'action
par le Protecteur du citoyen et les recommandations que vous faites
coïncident ensemble? Est-ce qu'il y en a un qui complète l'autre?
Est-ce que...
Mme Folco: Tout à fait.
M. Kehoe: Ce que je veux savoir: Lavez-vous vu le plan d'action
du Protecteur du citoyen?
Mme Folco: Bien sûr. Nous y avons collaboré...
M. Kehoe: Sûrement.
Mme Folco: C'est ce que j'avais essayé de dire au
début de mon mémoire.
M. Kehoe: C'est ça que je dis. Est-ce que les deux
coïncident et sont identiques? Quelle est l'attitude du Protecteur du
citoyen vis-à-vis de vos recommandations et quand on compare avec son
plan d'action?
Mme Folco: Écoutez, le plan d'action a été
le résultat d'une concertation entre le Protecteur du citoyen, la
Commission des droits de la personne et le Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration. Je n'étais pas présidente du
Conseil à l'époque où ces débats avaient lieu,
mais, d'après ce que j'ai vu du plan d'action, c'est une initiative qui
provenait du Protecteur du citoyen et le Protecteur du citoyen souhaite
vivement pouvoir avoir des liens plus étroits avec les
Québécois des communautés culturelles. Le
bien-fondé de ma présence ici devant la commission c'est
d'appuyer, en fait, les demandes du Protecteur du citoyen en ce qui concerne
justement ces liens avec les Québécois
des communautés culturelles.
Alors, ce plan d'action qui touche non pas seulement les
communautés culturelles, les autochtones et d'autres groupes, les
anglophones entre autres, va plus loin. Nous, ce qu'on a voulu faire ici dans
nos recommandations, c'est prendre une partie de la clientèle, celle qui
nous concerne le plus et appuyer, si vous voulez, les demandes du Protecteur du
citoyen en ce qui concerne cette clientèle.
M. Kehoe: D'accord.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Juste avant de terminer, j'aurais une ou deux questions
pour vous. J'aimerais revenir au tableau dont a fait état tantôt
ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve; un tableau qui avait
été préparé par la Commission des droits de la
personne sur les minorités visibles et ethniques de Montréal. On
constate, à la lecture dudit tableau, qu'effectivement, le pourcentage
d'utilisation des services publics par les minorités visibles et
ethniques au niveau des services sociaux, dans les CLSC, par exemple, est
près de 60 %. Alors, la question qu'on se pose c'est: si le mandat du
Protecteur du citoyen était élargi en matière de services
sociaux, par exemple, à ce moment-là, ne trouvez-vous pas que
l'accessibilité au Protecteur du citoyen serait accrue? De fait, en
voyant ça, ce sont les grands utilisateurs des services sociaux en
matière de CLSC, par exemple. Seriez-vous d'accord avec cette
hypothèse-là?
Mme Folco: C'est une des questions que pose la Commission dans
son projet. J'y répondrai en disant qu'il y a un accommodement
auprès des institutions. Par exemple, quand vous posez la même
question par rapport à l'approche systémique. Est-ce que le
Protecteur du citoyen devrait avoir une approche préventive par rapport
aux institutions plutôt que simplement réactive? Je donnerai une
réponse peut-être aux deux questions. Je souhaiterais vivement que
les institutions québécoises reconnaissent de façon
préventive certains types de problèmes qui pourraient atterrir
sur leur palier. Il est difficile de prévoir la nature exacte des
demandes que le Protecteur du citoyen peut recevoir de la part des
minorités visibles et de la part des membres des communautés
culturelles. Cependant, on peut quand même faire certaines
hypothèses par rapport aux minorités visibles ou par rapport aux
personnes dont la confessionnalité est autre que celle de la
majorité québécoise.
Je pense que, compte tenu de la probabilité de la hausse dans les
niveaux d'immigration au Québec, il faudrait que le Protecteur du
citoyen, en ce qui concerne - puisque vous posez la question directement - les
services sociaux, peut-être même en ce qui concerne le
réseau de l'éducation, puisque c'est un peu le parallèle,
mais je dirais aussi en ce qui concerne l'ensemble des institutions, ait une
approche plutôt préventive de manière à
préparer les systèmes à recevoir des demandes ou à
donner des services ou à recevoir du personnel, quelquefois parmi leurs
employés, qui aura à faire des demandes qui ne sont pas
reçues présentement par les Québécois de la
majorité.
Il faudrait peut-être que je m'explique. Si un employé des
services sociaux est d'une confessionnalité qui l'oblige, s'il respecte
sa religion, à être absent un certain nombre de jours dans
l'année et que ces jours ne correspondent pas aux journées
fériées de l'institution, que va faire cette institution? Est-ce
qu'elle va permettre à l'employé de s'absenter sans lui enlever
des journées de maladie ou des journées de congé ou est-ce
qu'elle va faire en sorte que les personnes de cette confessionnalité
N puissent naturellement s'absenter et que ça devienne leur
droit de le faire? Je pense qu'on va avoir à faire face à ce
genre de demandes et je pense que le Protecteur du citoyen devrait avoir cette
approche préventive qui lui permettrait justement de préparer le
terrain avant que les requêtes soient reçues en grand nombre, dans
des moments de crise.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme Folco.
Peut-être juste une dernière question. Lorsque vous recommandez
à l'interne que le Protecteur donne la priorité à
l'embauche de membres des communautés culturelles, allez-vous
jusqu'à recommander un programme d'accès à
l'égalité à ce niveau-là?
Mme Folco: Tout à fait, oui, avec toutes les étapes
qu'il faut suivre de façon normale.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Alors, au nom de tous
les membres de la commission, Mme Folco, nous tenons à vous remercier
sincèrement de votre apport à notre commission et nous vous
souhaitons un bon retour.
Mme Foico: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Je demanderais
maintenant au Regroupement des ressources alternatives en santé mentale
du Québec de s'avancer à la table des invités. Nous
reprendrons dans une minute.
(Suspension de la séance à 12 h 1)
(Reprise à 12 h 5)
Le Président (M. Dauphin): Nous allons reprendre nos
travaux et c'est avec plaisir que nous recevons le Regroupement des ressources
alternatives en santé mentale du Québec, représenté
par Mme Lorraine Guay, coordonnatrice et,
je crois, également, M. Jacques Saintonge, membre du conseil
d'administration du Regroupement. Vous avez environ une quinzaine de minutes
pour nous présenter votre exposé et, ensuite de cela, nous
procéderons à une période d'échanges entre les
membres et vous-mêmes. Alors, si vous voulez débuter.
Regroupement des ressources alternatives
en santé mentale du Québec
Mme Guay (Lorraine): Nous vous remercions infiniment de nous
accueillir ici. Si vous le permettez, on a choisi de prendre quelques minutes
de notre présentation pour vous soumettre un peu, en tant
qu'élus, notre position sur la guerre du Golfe, étant
donné que c'est une situation assez explosive, à l'heure
actuelle, et on a tenu, en assemblée de notre conseil d'administration,
à soumettre à nos élus un certain nombre de
réflexions là-dessus.
Le Président (M. Dauphin): Très brièvement,
si vous me le permettez...
Mme Guay: Oui, très brièvement.
Le Président (M. Dauphin): ...parce que ce n'est pas
l'objet de notre mandat aujourd'hui.
Mme Guay: Non, nous comprenons ça aussi, tout à
fait, et ça va entrer à l'intérieur de notre petit
exposé.
Le Président (M. Dauphin): Parce que, sinon, on va
créer des précédents et ça va être...
Mme Guay: C'est ça.
Le Président (M. Dauphin): ...un autre sujet
tantôt.
Mme Guay: On voulait simplement faire connaître que le
Regroupement des ressources alternatives en santé mentale s'est
prononcé, évidemment, contre cette guerre-ci et souhaite que le
Canada retire ses troupes du Golfe persique. On dénonce, bien sûr,
aussi l'annexion et l'invasion du Koweit par Saddam Hussein et on trouve qu'au
niveau de la violation du droit international, à ce niveau-là, et
les Américains et l'Union soviétique n'ont pas de leçon
à donner. Ce qu'on souhaiterait et ce qu'on va faire aussi au sein du
Regroupement, c'est de trouver des façons d'éduquer sur les
causes historiques, sur la misère qui est une des causes fondamentales
de ça et sur la question du problème palestinien. Ce qu'on
demanderait à nos élus, c'est de prendre tous les moyens
nécessaires pour qu'on retrouve des moyens de négociation au sein
de cette guerre-là.
Ceci dit, on voudrait vous faire part également, étant
donné qu'il s'agit de droits - on est en plein dedans, à un autre
niveau, bien sûr - de la position du Regroupement des ressources
alternatives sur l'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen.
C'est M. Jacques Saintonge qui vous fera part de la position du Regroupement,
qui est d'être contre l'élargissement du mandat du Protecteur du
citoyen, plus spécifiquement dans le domaine qui nous intéresse,
nous, c'est-à-dire celui de la santé mentale. On ne se prononce
pas sur les autres aspects de la santé et des services sociaux.
Très rapidement, qui nous sommes. Un regroupement de 65
ressources alternatives, variées dans leurs objectifs et leur
fonctionnement, et qui favorisent l'association de psychia-trisés entre
eux et l'alliance d'intervenants et d'ex-psychiatrisés pour
présenter des réponses alternatives à la souffrance
émotionnelle. On sait que le terme "psychiatrisé" en choque un
certain nombre, à commencer par les psychiatres, mais il reste que c'est
une appellation que se sont donnée les gens eux mêmes pour
signifier que dans ce système de la santé et des services
sociaux, en santé mentale, il y a un arbitraire psychiatrique qui existe
et qu'une des formes de préjugés, ce serait de ne pas le
reconnaître.
On veut souligner qu'on est tout à fait heureux et satisfaits de
la volonté que manifeste le gouvernement québécois
à l'heure actuelle de consolider les droits des personnes au sein d'un
système de santé et de services sociaux, en particulier, le
renforcement des comités de bénéficiaires et la mise en
place d'un système d'aide et d'accompagnement au niveau
régional.
Une voix:...
Mme Guay: C'est parce que je ne veux pas parler pour rien.
Alors...
Mme Harel: Vous ne parlez pas pour rien, madame.
Le Président (M. Dauphin): Non
Mme Guay: Non, mais c'est parce qu'il y en a qui
n'écoutent pas.
Le Président (M. Dauphin): On va demander un conseil.
Mme Guay: D'accord.
Le Président (M. Dauphin): Allez-y, madame.
Mme Guay: À ce niveau-là, on trouve qu'il y a des
mécanismes qui sont intéressants et on tient à le
souligner.
L'autre aspect, par ailleurs, de notre préoccupation, c'est que
les mécanismes de recours ou les mécanismes d'utilisation du
droit comme tel, ça se situe toujours dans un contexte
sociopolitique et il y a deux aspects de ce contexte qui nous
préoccupent particulièrement. C'est celui de l'accroissement des
inégalités, où on sait que malgré l'existence de
recours juridiques, les personnes qui sont défavorisées
économiquement utilisent moins ces recours. Je pense qu'il y a plusieurs
études qui ont prouvé cette affaire-là. On trouve, en
particulier, préoccupant le fait que, d'une part, on veuille augmenter
les recours juridiques, ce avec quoi on serait d'accord, mais qu'en même
temps on est placés devant un gouvernement qui, par d'autres
législations - la loi 37, par exemple - contribue à restreindre
certaines libertés fondamentales. Ça, on tient à le
souligner parce que les gens avec qui on travaille sont à 98,9 % des
gens qui sont pauvres, des gens qui sont des utilisateurs de l'aide sociale,
des gens dont la fragilité émotionnelle est
décuplée par la fragilité économique. On trouve
qu'il y a là une espèce de double discours au niveau du
gouvernement à l'heure actuelle.
Un autre aspect du contexte dans lequel on travaille, c'est celui de la
désinstitutionnalisation et du pouvoir psychiatrique. On sait, ce qu'on
avait souligné dans un mémoire qui date déjà, que
l'arbitraire psychiatrique sévit dans les hôpitaux psychiatriques
et ce, malgré l'existence de la Charte des droits et libertés. On
fait aussi remarquer à la commission que certaines pratiques
administratives, la sectorisation, par exemple, en santé mentale,
restreignent de façon importante les droits d'un certain nombre de
personnes psychiatrisées.
On voudrait aussi vous souligner le fait que les personnes aux prises
avec des problèmes de santé mentale ont des fragilités
particulières qui font que, tout en étant des citoyens à
part égale, elles connaissent des difficultés importantes pour
faire respecter leurs droits. Alors, on vous avait mis, en page 12, un
poème d'une psychiatrisée, justement, qui dit: Excuse-moi, je
crois que je me suis mise à la mauvaise place par méconnaissance,
par inadvertance, par espérance ou par inexpérience. Ça
exprime de façon poétique, un peu, toute la fragilité dans
laquelle se situent des personnes aux prises avec des problèmes de
santé mentale.
Tout ça pour dire que, quand vient le temps d'exercer des droits,
ces personnes, encore une fois, sont doublement pénalisées,
à la fois au niveau de leur statut socio-économique et au niveau
de leur fragilité émotionnelle, de sorte que ce vers quoi, nous,
on voudrait se diriger davantage, c'est l'utilisation d'un véritable
système d'"advocacy", un système d'aide, d'accompagnement muni de
tous les pouvoirs nécessaires pour aider individuellement et
collectivement les personnes aux prises avec des problèmes de
santé mentale. Alors, c'est pourquoi Jacques va vous expliquer les
raisons qui nous amènent à notre position. (12 h 15)
Le Président (M. Dauphin): M. Sainlonge, ça va?
M. Saintonge (Jacques): Oui.
Le Président (M. Dauphin): C'est
contrôlé.
M. Saintonge: Donc, nous, on est contre l'élargissement du
mandat du Protecteur du citoyen ou de Hombudsperson" en santé mentale
pour les raisons suivantes. D'abord, on trouve que le mandat de Pombudsperson"
relève du pouvoir politique et même si, théoriquement,
Pombudsperson" est indépendant du pouvoir politique, il n'en reste pas
moins que, souvent, il y a des nominations politiques. En plus, on se demande
si, par exemple, un ministre de la Santé et des Services sociaux
était psychiatre, comme c'est déjà arrivé par le
passé, il n'y aurait pas des conflits d'intérêts.
La deuxième raison, c'est que le Protecteur du citoyen n'a pas
juridiction sur les corporations professionnelles. Là-dessus, on sait
que les recours contre des corporations professionnelles sont à peu
près nuls. Par exemple, la Corporation professionnelle des
médecins a reçu 765 plaintes et il y en a seulement 12 qui ont
été déclarées recevables. Alors, ça ne fait
pas un gros pourcentage, d'autant plus que ce qui arrive, c'est qu'avant
d'aller devant le comité de discipline, soit pour le Conseil des
médecins-dentistes, de l'hôpital ou des corporations
professionnelles, il y a justement un comité qui juge de la
recevabilité de la plainte et la plupart des plaintes sont
éliminées comme ça. Alors, il reste les tribunaux, mais
les tribunaux, il faut quasiment se rendre à la Cour suprême. En
tout cas, ça reste complètement prohibitif pour les personnes,
d'autant plus que, comme on l'a dit tout à l'heure, à peu
près 98,9 % des personnes qui ont des problèmes
émotionnels sérieux sont sur l'aide sociale.
La troisième raison est que l'on trouve qu'il y a
déjà un recours possible à la Commission des affaires
sociales et à la Commission des droits de la personne. On trouve que ce
serait mieux de renforcer ces recours-là et non pas de les affaiblir.
Par exemple, dans la Loi sur les services de santé et services sociaux,
on élimine le recours à T'ombudsperson" pour des régies
régionales qui voudraient contraindre un établissement à
s'exécuter. Je pense qu'il y a un problème, parce qu'on sait que
les plaintes vis-à-vis des CRSSS, des gens ont déjà assez
de difficultés à se défendre, qu'en plus, si, au bout de
la ligne, il n'y a pas au moins un tribunal coercitif, on risque de ne pas
aller loin avec ça.
Donc, on pense qu'il devrait y avoir renforcement des recours à
la Commission des affaires sociales et à la Commission des droits de la
personne qui s'occupent, finalement, à la fois des problèmes de
discrimination puis des problèmes de droit comme tels.
Ensuite, l"'ombudsperson" demeure une "créature" du gouvernement
sur laquelle les citoyens et les citoyennes n'ont aucun contrôle
démocratique. Encore là, je pense que si on veut responsabiliser
les personnes et les faire participer à des instances sur la
défense des droits, ce n'est pas une très bonne façon.
Ensuite, la cinquième raison, des groupes de défense de
droit ont dû se créer dans des secteurs où le Protecteur du
citoyen avait mandat d'intervenir. Par exemple, pour l'aide sociale, il y a eu
des avocats populaires qui ont dû se mettre en place. Pour les
travailleurs et travailleuses accidentés, il y a eu la Fondation d'aide
aux travailleurs accidentés. Pourquoi cela? C'est parce que
l'"ombudsperson" ne peut que se prononcer sur la question de l'erreur de droit.
S'il y a une erreur de droit, l'"ombudsperson" va se prononcer, mais ce n'est
pas une défense des droits. Par exemple, si on veut inclure la
contestation du diagnostic, l'appel au tribunal administratif basé sur
la contre-expertise, la défense pour les personnes accidentées et
pour les personnes psychiatrisées, l"'ombudsperson" est
inadéquate là-dessus, d'autant plus que l"'ombudsperson" n'a
qu'un pouvoir de recommandation. On dit qu'on est en période de
restriction budgétaire. Quant à dépenser de l'argent pour
des recours, aussi bien que les recours soient plus efficaces et plus
directs.
Ensuite, on est pour la responsabilisation des premiers et
premières concernés, c'est-à-dire que je pense que les
personnes psychiatrisées devraient être les premières
à faire partie des comités de défense des droits et que
ces comités-là aient des pouvoirs d'enquête, des pouvoirs
accrus d'intervention, avec un véritable tribunal coercitif.
Ensuite, une autre chose, c'est qu'on s'est fait dire que le budget
serait pris à même celui de la santé mentale; on trouve
ça inacceptable. Les ressources ont déjà de la
misère à arriver. Il va y avoir, en plus, un élargissement
de leur mandat et, donc, elles vont avoir plus de monde à s'occuper. Je
pense que ce n'est pas le temps de leur couper leur propre budget pour,
finalement, un recours presque symbolique. Le seul recours qu'on conserverait
à l"'ombudsperson", c'est au niveau de l'approche systémique, par
exemple, une critique comme on vient de faire par rapport à la loi 37
ou, en général, des critiques par rapport à des
insuffisances de droits dans telle ou telle loi
Nous sommes, par contre, pour un véritable systême de
défense des droits. Alors, nous, on voudrait que ce
système-là soit complètement indépendant du
réseau public, à but non lucratif, dont les structures
décisionnelles impliquent majoritairement la participation des personnes
ayant et ayant eu des problèmes de santé mentale. Un
système ayant développé une proximité et une
connaissance approfondie des personnes aux prises avec des problèmes de
santé mentale, possédant une expertise au niveau du
fonctionnement des institutions et des pratiques de divers corps professionnels
et non professionnels travaillant en lien avec les usagers et usagères,
possédant des pouvoirs d'enquête et de recommandation,
appelé à intervenir au niveau des droits individuels et
collectifs, ayant un accès rapide et souple à la Commission des
affaires sociales. Nous vous remercions de votre attention.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Saintonge. Nous
allons maintenant débuter la période d'échanges et je vais
reconnaître, en tout premier lieu, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que
j'accueille les représentants du Regroupement. Le Regroupement est
composé de 65 groupes membres. Je pense qu'il vaut la peine de rappeler
votre représentavitié: 65 groupes membres à travers toutes
les régions du Québec. J'ai eu l'occasion, parfois, en
tournée dans des régions périphériques, de visiter
certaines des composantes du Regroupement. Je sais que vous travaillez dans des
aspects très variés comme l'hébergement, l'entraide, la
défense des droits Alors, j'ai beaucoup d'estime pour votre
regroupement. Mais, je vous le dis comme ça, ça va être
plus facile d'échanger, je ne partage pas votre point de vue et je pense
qu'il faut que vous le sachiez avant qu'on commence, pour que vous sachiez
pourquoi je vais vous poser les questions que je vais vous poser.
D'abord, il y a des choses vraiment intéressantés dans
votre mémoire, quand vous nous parlez du pouvoir psychiatrique et,
évidemment, de la dimension également. Je vous remercie de nous
avoir cité Claude Julien. J'invite mes collègues à en
faire lecture à la page 8. Je crois que c'est une des plus belles
définitions qu'on ait vues des effets pervers de la pauvreté sur
la démocratie et sur les droits démocratiques des citoyens
pauvres.
Premièrement, si on revient à votre mémoire,
à la page 7, vous dites: Nous souhaitons vivement que la loi à
venir sur la santé et les services sociaux maintienne le cap sur les
orientations telles qu'elles apparaissaient dans les avant-projets de loi ou
dans les livres, pas les avant-projets de loi, mais plus les livres blancs de
la ministre qui précédait. Ce n'est pas le cas, on le sait
maintenant. Je comprends que vous ayez adopté votre position, qui est
inscrite dans le mémoire, le 27 octobre, mais depuis lors, il y a eu le
dépôt du projet de loi 120. Non seulement il n'y a pas de recours
au Protecteur du citoyen, il n'y a plus de recours à la Commission des
affaires sociales.
Évidemment, la question que je vais vous poser, c'est:
Maintenez-vous toujours la même position, sachant que la Commission des
affaires
sociales a le même mode de nomination que le Protecteur du
citoyen? Quand vous dites que c'est une nomination politique, on peut entendre
partisane, surtout quand un parti ministériel détient les deux
tiers des voix à l'Assemblée, mais il en va tout autant pour la
Commission des droits de la personne. La Commission des droits de la personne a
le même mode de nomination, d'une part, et, d'autre part, le Tribunal des
droits de la personne n'a même pas ces apparences d'indépendance
parce que le président - qui est une présidente,
présentement, du Tribunal - est uniquement nommé par le pouvoir
exécutif, même pas par le pouvoir législatif, il en va de
même de la Commission des affaires sociales, uniquement par le pouvoir
exécutif. Il y a même eu un groupe de travail qui a examiné
de près ces problèmes de non-indépendance des tribunaux
quasi judiciaires et administratifs.
Alors donc, il n'y a même pas ce recours au Protecteur du citoyen,
ni systémique, ni rien. Vous, vous dites: On préfère le
recours à la Commission des droits et le maintien de la Commission des
affaires sociales. La Commission des droits de la personne est venue ici, la
semaine dernière. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de son
mémoire. Eux disent: On n'est pas suffisant et on voudrait, justement
pour les clientèles hébergées, vulnérables, que le
mandat du Protecteur soit élargi. Parce qu'ils disent: Nous, ce qu'on
peut faire, c'est de faire enquête dans les cas d'exploitation. Ils nous
ont cité un exemple où ils vont réclamer 1 000 000 $, mais
il a fallu trois ans avant que le cas d'exploitation soit porté à
leur connaissance. Ce qu'ils disent, c'est: II ne faut pas attendre
l'exploitation. Il faudrait que, chaque jour, dans l'établissement -
là, on ne parle pas de tous les établissements, on parle de ceux
qui ont mandat ou une vocation à l'égard des
bénéficiaires vulnérables et hébergés. Dans
ces établissements, il ne faut pas attendre qu'il y ait de
l'exploitation, il faut justement faire en sorte qu'il n'y en ait pas.
Alors, dans ce contexte-là, est-ce que vous avez
évolué sur la position que vous adoptiez au mois d'octobre
dernier?
Mme Guay: Non, c'est-à-dire qu'on n'a pas rediscuté
de cette position-là à la lumière du nouveau document, ce
qu'on va faire certainement. C'est clair que le fait que la Commission des
affaires sociales ait disparu, à l'heure actuelle, de la
législation, c'est quelque chose, pour nous, d'assez dramatique parce
qu'il reste que cette Commission-là avait des pouvoirs d'enquête,
des pouvoirs coercitifs par rapport aux établissements. C'était
une Commission à partir de laquelle les mécanismes d'aide et
d'accompagnement auraient pu travailler de façon beaucoup plus efficace.
C'est un des aspects de notre argumentation à ce niveau-là. On va
revenir, bien sûr, à ce niveau-là, là-dessus.
Le deuxième aspect: C'est sûr que le caractère
partisan... On connaît le mode d'élection de la Commission des
affaires sociales, de la Commission des droits de la personne etc. Ce qu'on dit
là-dessus, c'est qu'on préfère mettre l'accent davantage
sur un système plutôt que d'ajouter un mécanisme qui a les
mêmes modes. D'une certaine façon, on préfère
utiliser ceux qui sont déjà là et on préfère
mettre l'accent sur une voie différente de défense des droits. Je
pense qu'on dit de façon assez claire: II peut paraître odieux de
se prononcer contre l'ajout d'un recours. Je vous dis qu'on en a discuté
bien honnêtement entre nous. Ce n'est pas l'ajout d'un recours qui va
faire une... On va partir en guerre comme ça. Je pense qu'il faudrait
que vous compreniez bien le sens de notre intervention, ce n'est pas ça
du tout. C'est qu'on dit: II faut commencer à travailler - comment je
dirais bien ça - ailleurs et autrement dans la question de la
défense des droits. De la même façon un peu qu'à
l'époque, au début des années soixante-dix, la naissance
des services juridiques communautaires a été un acquis majeur
pour l'ensemble des populations défavorisées. (12 h 30)
Ce mécanisme-là n'a pas ajouté d'autres recours;
ça a tout simplement permis à des populations
défavorisées d'utiliser les recours existants. Nous, on dit: Au
niveau de la santé mentale et des personnes vulnérables, on
préfère essayer, plutôt que d'ajouter un autre recours
à l'heure actuelle, on préfère mettre, allons-y, tous nos
oeufs dans le même panier et faire en sorte que ce mécanisme
d'aide et d'accompagnement devienne véritablement un outil d'abord
contrôlé par les citoyens et les citoyennes eux-mêmes qui
ont vécu des situations de vulnérabilité à ce
niveau-là et fasse l'expérimentation, développe un nouveau
type d'expertise dans la défense des droits et des personnes aux prises
avec des problèmes de santé mentale. Alors, en utilisant les
mécanismes existants à l'intérieur de ça, les
mécanismes de recours, ce qu'on pense, c'est que ça ne serait pas
mauvais qu'il y ait un recours de plus, ce n'est pas ça du tout le sens
de l'argumentation, mais ce qu'on dit, c'est qu'il ne va pas plus être
utilisé que ne le sont les mécanismes actuels s'il n'y a pas un
mécanisme d'aide et d'accompagnement mobilisateur qui fait en sorte que
les gens sont amenés eux-mêmes à prendre en charge leur
situation de défense du droit. Et ça, dans le domaine de la
santé mentale, c'est une situation difficile, délicate... Je n'ai
pas besoin de vous faire la démonstration que, pour un
psychiatrisé, de faire une plainte contre son psychiatre, ça ne
va pas de soi, ou de faire une plainte contre le département où
il est hospitalisé, encore une fois, ça ne va pas de soi. Alors
que le Protecteur du citoyen existe ou pas, que la CAS existe ou pas, ce n'est
pas là que va se jouer l'essentiel de sa capacité d'utiliser ses
droits. C'est dans l'existence d'un
mécanisme d'aide et d'accompagnement qui, tranquillement, va
l'amener à être conscient qu'il en existe des droits et qu'il peut
les utiliser. C'est ça l'essentiel, je pense, de notre message, si on
veut.
Mme Harel: J'ai trouvé ça particulièrement
intéressant, plus même, vraiment très démocratique
que vous indiquiez dans votre propre mémoire que deux de vos membres, en
fait les comités de bénéficiaires de Robert-Giffard et de
Louis-Hippolyte, présentaient des positions qui se distinguaient du fait
que ces comités souhaitaient utiliser l'expérience de l'extension
de la juridiction du Protecteur. Si on y va sur le fond, les
représentations qui ont été faites ici sont à
l'effet que le recours devrait être dans l'établissement. Moi, en
lisant votre mémoire, je me suis dit: Dans le fond, c'est un recours
extérieur à l'établissement. On fait valoir que, dans
l'établissement, il y a comme besoin d'un recours indépendant,
impartial, qui ne soit pas l'équivalent de ce qui est dans le projet de
loi 120, c'est-à-dire un salarié de l'établissement, mais
un recours dans l'établissement de personnes hébergées et
vulnérables de manière à ce que ça ne soit pas une
trahison justement, de manière à ce que ça culpabilise
moins la personne d'aller à l'extérieur, parce que juste d'aller
à l'extérieur, c'est déjà, en soi, une
démarche qui est très difficile.
Je reviens simplement sur l'aspect du Protecteur, eu égard, par
exemple, à la Commission des droits de la personne, parce que vous dites
à page 14: "Le Protecteur relève du pouvoir politique." Je veux
évidemment qu'on se le répète, la Commissbn des droits
aussi. Vous donnez l'exemple des réactions négatives du ministre
de la Sécurité du revenu lorsque le Protecteur a pris position en
regard des effets négatifs de la loi 37. Mais si vous connaissiez des
réactions aussi négatives lorsque la Commission des droits de la
personne a pris position; c'est-à-dire que c'est inévitable que,
dans une société comme la nôtre, les institutions qui ont
comme vocation de contrer, d'une certaine façon, je dirai, la
légitimité dont se dote l'appareil ministériel, ces
institutions déplaisent, quelles qu'elles soient. Il faut donc
être très forts quand on les préside. Il faut aussi avoir
des garanties d'indépendance, ça c'est évident. Quels que
soient les gouvernements, ces institutions-là, si elles jouent bien leur
rôle, vont toujours déplaire, ça c'est certain.
Je reviens sur la question sous un autre angle. Avec raison vous avez
cité FATA dans le domaine des accidentés du travail et la
Fondation pour les accidentés du travail; vous avez cité aussi
les groupes de défense des personnes assistées sociales et vous
le faites comme si, dans le fond, c'était là pour suppléer
à la faiblesse du Protecteur du citoyen. D'une certaine façon,
vous dites: La preuve que le Protec- teur du citoyen n'est pas suffisant, c'est
qu'il a fallu mettre sur pied des groupes de défense Quand j'ai lu
ça, je me suis dit, moi, je pense qu'il y a une grosse, grosse confusion
sur le rôle des uns et des autres parce que je le vois plus
complémentaire. Les groupes de défense sont indispensables pour
faire la promotion et la défense des droits et c'est pour faire changer
ce à quoi le citoyen a droit. Mais un mécanisme de traitement de
plaintes c'est pour obtenir ce à quoi un citoyen a droit. On ne peut pas
confondre les deux en reprochant à l'un de ne pas faire le travail de
l'autre. Il faut les deux. Il faudrait un financement adéquat des
organismes d'entraide qui font la défense et la promotion des droits
pour changer le droit mais ça, ça n'empêche pas d'avoir la
nécessité d'un mécanisme qui soit celui de traitement de
plain tes - c'est ça le Protecteur - et qui puisse intervenir en
équité pour contrer la tentation de l'État d'administrer
aveuglément ses propres lois. Alors, je me dis, est-ce qu'on n'a pas
intérêt à distinguer les deux de manière
complémentaire pour que les deux interventions, celle du Protecteur du
citoyen et celle des organismes de défense, se fassent, finalement, dans
une sorte d'interdépendance qui sert le citoyen?
M. Saintonge: Moi, je veux bien, sauf que, comme on l'a dit tout
à l'heure, l'argent est pris sur le budget de la santé mentale.
Pour le moment, les services d'aide et d'accompagnement n'ont pas de pouvoir
d'enquête, par exemple. Idéalement, si l'on donnait suite à
notre proposition d'un réseau complètement indépendant
avec pouvoir d'enquête et un pouvoir d'intervenir au niveau des droits
individuels et collectifs et possiblement un pouvoir de recommandation, avec
les personnes usagères, sur des structures décisionnelles ou
moins majoritaires, effectivement, ça pourrait être
complémentaire. Maintenant, s'il n'y a pas de choix à faire entre
les deux, on aime mieux les deux, mais s'il y a un choix à faire, si
l'on reste à l'intérieur des complaintes budgétaires et,
donc, si on prend de l'argent pour Tombudsperson" on n'en a plus pour renforcer
les autres systèmes de défense des droits. À ce
moment-Jà, on aime mieux renforcer les autres systèmes de
défense de droits.
Mme Harel: Mais ce n'est pas comme ça que ça va se
poser.
Mme Guay: Oui, si le texte laisse entendre que...
Mme Harel: Parce que ça ne vient pas des mêmes
ministères. Ça ne vient même pas des mêmes
budgets.
Mme Guay: Je pense que notre argumenta tion ne repose pas sur
l'opposition que les
groupes de citoyens, que ce soient les accidentés du travail ou
les personnes âgées, se sont donnée. Je pense que, quels
que soient les mécanismes qui vont exister, qu'il y en ait des plus
nombreux, des moins nombreux, des plus accessibles ou pas, les citoyens et
citoyennes, quelque part, vont toujours devoir se donner des mécanismes
de mobilisation, etc. Ce n'est pas dans ce sens-là. C'est à nous
de choisir, encore une fois, entre l'élargissement d'un mandat, d'un
style dont on connaît déjà les effets dans les domaines
où ils travaillent. On n'a jamais dit que ce n'était pas
efficace. On n'a jamais dit qu'il y avait du travail intéressant et
important pour la démocratie et la défense des droits qui se
faisait là, ce n'est pas là. Mais on dit que choisir entre
ça et essayer autre chose comme mécanisme à
l'intérieur du système, pas remplacer le regroupement des
personnes assistées sociales, ce n'est pas ça, mais, c'est que
notre mécanisme d'"advocacy", notre mécanisme d'aide,
d'accompagnement, on voudrait qu'il soit une façon neuve,
différente, plus immobilisante de faire le travail de défense des
droits à l'intérieur. Alors, encore une fois, on
préfère axer notre intérêt, notre intervention,
notre investissement de ce côté-là, plutôt que de le
faire du côté de l'élargissement du Protecteur du citoyen.
C'est dans ces termes-là que ça se pose pour nous autres.
Le Président (M. Dauphin): M. le député
d'Anjou.
M. Larouche: Peut-être avant de poser quelques questions
sur le fond, j'aimerais savoir; combien de membres avez-vous dans le
Regroupement des ressources alternatives?
M. Saintonge: En termes d'association? M. Larouche: Oui.
M. Saintonge: 65.
M. Larouche: Vous en avez 65. Alors, est-ce que ça inclut
des hôpitaux?
Mme Guay: Non, non.
M. Saintonge: Non, non.
M. Larouche: C'est parce qu'on parlait de...
Mme Guay: Oui, oui, d'accord. Les ressources alternatives, ce
sont des ressources qui se définissent justement comme une alternative
à l'hospitalisation psychiatrique, à la médication
à outrance, bon. Alors, ce sont des ressources variées, soit
d'hébergement, soit d'entraide, soit de défense de droits, de
milieu de jour, soit de...
M. Larouche: Ça, c'est à la grandeur du
Québec?
Mme Guay: Oui, dans toutes les régions administratives du
Québec, il y a des ressources alternatives.
M. Larouche: Puis ça regroupe des bénévoles.
Ce sont des bénévoles. Des organismes bénévoles en
soi.
Mme Guay: Pas en soi. Il y a, évidemment, plusieurs
bénévoles qui travaillent à l'intérieur de ces
ressources-là, mais il y a aussi des intervenants payés à
l'intérieur de ça. Par exemple, une ressource
d'hébergement, c'est évident que ça fonctionne avec des
gens...
M. Larouche: Peut être subventionnée par le
gouvernement du Québec dans son... O.K.
Mme Guay: Oui, en partie. En partie par le secteur associatif,
autre que le gouvernement.
M. Larouche: Et vous êtes tous deux des fonctionnaires du
Regroupement?
Mme Guay: M. Saintonge est président du Regroupement; il
travaille à Solidarité psychiatrie. Moi, je suis coordonnatrice
du regroupement provincial.
M. Larouche: Coordonnatrice. Bon.
M. Guay: Oui, c'est une forme de fonctionnaire.
M. Larouche: Là, je diverge maintenant avec ma
collègue de Hochelaga-Maisonneuve. Moi, personnellement, ayant lu et
vous ayant entendus, je trouve que votre diagnostic correspond au mien
totalement. Deuxièmement, les solutions et recommandations que vous
proposez correspondent totalement à ce que je proposerais
moi-même. Et troisièmement, je vous dis que votre rapport est
d'avant-garde et même révolutionnaire. Alors, vous mettez en cause
des choses fondamentales et lorsqu'on dit: Ah! le Protecteur du citoyen
relève du pouvoir politique, et qu'on donne comme argument: Bien oui,
mais la Commission des droits de la personne aussi, alors, pour moi ce n'est
pas un argument. Tout comme le Conseil de presse relève des pouvoirs
politiques. Alors, tous ces conseils, ces organismes, etc., ça ne veut
pas dire, parce qu'ils relèvent du gouvernement, qu'ils font un bon
travail. Alors, ça c'est d'une part. (12 h 45)
D'autre part, la semaine dernière, je n'ai pas posé de
question, par exemple, lorsque le président de la Commission des droits
de la personne est passé. Alors, je n'en ai pas posé pour des
raisons personnelles. On peut, ou non, poser des questions. Mais je vous dis
que votre
rapport est révolutionnaire; je vous dis que d'ici quelques
années il sera appliqué totalement. Mais vous mettez en cause, de
fond en comble, des modes de fonctionnement. Alors, ça doit se faire de
façon graduelle. C'est mon diagnostic, c'est le vôtre et...
Voyez-vous, ici, vous dites, aux pages 17 et 18 de votre rapport: "De
l'avis même des organismes de défense des droits des personnes
assistées sociales, les avocats populaires, entre guillemets, et les
systèmes d'accompagnement qu'ils se sont donnés ont fait plus
pour la défense des personnes assistées sociales que les
interventions du Protecteur du citoyen." Et vous avez, comme ça,
émaillé partout dans votre texte des perles que je trouve qu'on
pourrait tenir compte lorsque... Mais je pense que ce n'est pas le temps, ce
n'est pas le moment, là, d'embarquer dans des discussions. Moi, je le
vois au niveau global. J'ai bien pris note de certaines choses et il y a
seulement un type de questions que je n'ai pas compris. Vous avez dit, à
un moment donné - c'est vers la fin de votre intervention: Pour la
responsabilisation, les psychiatrisés devraient être les premiers
à travailler avec un... Vous avez parlé d'un tribunal coercitif.
Voudriez-vous, peut-être... Vous avez parlé de ça, à
un moment donné. Moi, je n'ai pas compris, à ce moment-là.
Vous avez parlé d'un tribunal coercitif.
M. Saintonge: Un tribunal coercitif, c'est un tribunal qui a
véritablement un pouvoir. C'est-à-dire que r'ombudsperson" ne
peut que faire des recommandations au gouvernement tandis que la Commission des
affaires sociales, quand elle prend une décision, ça prend force
de loi.
M. Larouche: Ah bon! C'est dans ce sens-là. Comme vous
dites: L'ombudsman ne peut se prononcer que sur une erreur de droit ou de chose
comme ça; il n'a qu'un pouvoir de recommandation. Alors, versus, vous
aimeriez un organisme qui dit: Voilà!
Je voudrais terminer en disant que je suis d'accord, moi, qu'il y ait,
à l'intérieur, des comités d'appel, au niveau d'un
recours, au niveau de l'établissement, mais ça
n'empêcherait pas, à mon point de vue, qu'il y ait un recours
à un niveau supérieur, et de la façon dont vous le
proposez, le système de mécanisme d'aide d'accompagnement.
Alors, je tiens à vous féliciter. Ce n'est pas parce que
je vous ai dit ça que j'ai raison ou que vous avez raison, mais je vous
encourage à persister, avec tous les groupes de ressources alternatives
en santé mentale du Québec, à vous battre et à
relever vos manches parce que vous en avez au moins jusqu'à l'an 2000.
D'accord?
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Sherbrooke.
M. Larouche: Elle aurait un commentaire, peut-être.
Mme Guay: Je ne sais pas si c'est révolutionnaire, je ne
sais pas si le fait qu'on soit d'accord, c'a une signification
particulière dans ce cas-ci, mais je pense que ce qu'on veut souligner
c'est qu'il y a, parmi nos membres, une préoccupation, encore une fois,
d'exercer les droits différemment. Et ça, peut-être qu'on
n'a pas trouvé le mécanisme idéal à l'heure
actuelle, mais on voudrait essayer de tracer des nouvelles avenues à ce
niveau-là. Ce mécanisme d'aide et d'accompagnement là
commence à se mettre en oeuvre, etc., et on y met beaucoup d'espoir,
évidemment, si la volonté politique est là pour soutenir
ce mécanisme-là parce que, sinon, ça risque, effectivement
de bousiller, d'une certaine façon, une grande partie des
préoccupations qu'ont les personnes aux prises avec des problèmes
de santé mentale. Ce n'est pas pour rien que ce
mécanisme-là est là, qu'il est né des gens aux
prises avec des problèmes de santé mentale. C'est les personnes
les plus vulnérables qui proposent ce mécanisme, qui est un
mécanisme plus collectif que strictement individuel, et un
mécanisme contrôlé par elles, en tout cas, de façon
communautaire. C'est-à-dire que là on ne parte plus de
nominations par le gouvernement, on parte d'élections et de choix de
personnes qui, à cause de leur expérience, sont en mesure
d'apporter une expertise alliée à une expertise professionnelle,
etc. C'est dans cette direction qu'on voudrait trouver des nouvelles
avenues.
M. Larouche: Ce que vous dites, en fin de compte, dans votre
remarque finale, c'est que c'est vraiment un processus démocratique.
Mme Guay: Oui, on l'espère.
M. Larouche: C'est ça que vous mettez en
lumière.
Mme Guay: Bien sûr. M. Larouche: Merci
Le Préskient (M. Dauphin): Merci M le député
de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, M. le Président. Une toute petite
précision, et je pense qu'il est important de vous le signaler, c'est
que la Commission des affaires sociales n'est pas abolie. Ce qui dis parait,
c'est le recours prévu dans la loi actuelle par les conseils
régionaux de santé et de ser vices sociaux. Le recours à
la Commission des affaires sociales, pour une personne en cure fermée,
n'est pas du tout touché par le projet de loi 120.
Maintenant, M. Saintonge, j'ai entendu mentionner, à quelques
reprises, que cet argent
était pris dans le budget de la santé mentale.
Pourriez-vous nous préciser d'où ça vient, ça?
Est-ce qu'il y a une directive? Est-ce qu'il y a quelque chose d'écrit
quelque part? Est-ce que quelqu'un a donné cette directive que cet
argent provient du budget de la santé mentale?
Mme Guay: On a su. Je n'ai pas de lettre devant moi pour vous
prouver ça, mais on s'est fait dire que ça coûterait
quelque chose quand même d'élargir le mandat du Protecteur du
citoyen à la santé mentale. Ça suppose un certain nombre
de personnes qui seraient employées, qui auraient à
développer une expertise aussi au niveau de la psychiatrie, etc., et que
ça, logiquement, ce serait pris dans le budget de la santé
mentale. Alors, nous, de façon préventive, on dit d'avance que
les budgets sont tellement minces à ce niveau-là que nous, encore
une fois, à choisir, on va privilégier le système d'aide
et d'accompagnement qui est déjà là. On veut le renforcer
plutôt que d'ajouter du trafic, si on veut, dans les mécanismes de
recours, parce qu'il en existe quand même d'autres et on voudrait les
utiliser.
Un dernier mot. C'est juste, ce que vous avez dit sur la Commission des
affaires sociales, mais il reste que l'absence de recours que les régies
régionales se voient couper à l'heure actuelle dans un contexte
de régionalisation, dans un contexte où ces régies
régionales ont de plus en plus de pouvoirs et deviennent, à
toutes fins pratiques, les répondantes des institutions et des groupes
en région, ça nous apparaît assez dramatique à
l'heure actuelle.
M. Hamel: Dans votre mémoire, madame, vous soulignez,
entre autres, à la page 14, que vous constatez de nombreux abus de
droits qui proviennent des rapports entre les bénéficiaires et
les professionnels chargés d'administrer les soins. Auriez-vous quelques
suggestions à savoir de quelle façon on pourrait faire cesser
cette impunité des corporations professionnelles?
Mme Guay: Ça ne nous appartient pas, présentement,
d'étudier ça, mais, assez bizarrement, le moyen qui nous
apparaît le plus intéressant, c'est encore le système
d'aide et d'accompagnement qu'on veut mettre sur pied, dans la mesure où
on leur donnerait accès, justement, à des mécanismes
d'enquête auprès des pratiques professionnelles, parce que la
personne qui est en situation de souffrance émotionnelle est, bien
sûr, placée dans une position très vulnérable,
encore plus vulnérable que le nombre de personnes qui ont des
souffrances physiques face à leur médecin, etc., parce qu'il faut
qu'on comprenne que tout se joue dans la relation et qu'à ce
niveau-là le type d'influence, le type d'abus, le type de pouvoir est
vraiment tout ce qu'il peut y avoir de plus subtil, ce qui fait que les
personnes sont démunies par rapport a ça.
Nous, notre gageure, si on veut, c'est que si une institution à
mécanismes d'aide et d'accompagnement agit de façon
conséquente, continue, avec des causes types, etc., il va se
créer une espèce de culture, de climat qui va faire en sorte que
les professionnels vont être amenés à ne plus poser un
certain nombre de gestes importants. Si on prend au niveau de la contention, au
niveau de thérapie aversive, etc., tout ça se joue beaucoup dans
une espèce de contexte où c'est permis, finalement. Il y a une
permissivité par rapport à ces pratiques-là qui ne le
seront plus si les mécanismes d'aide et d'accompagnement font leur
effet. Ce qu'il y a d'intéressant avec les mécanismes d'aide et
d'accompagnement c'est que, contrairement peut-être au fait que, soit via
le Protecteur, soit via le mécanisme de plaintes de l'institution, la
personne règle son cas individuellement, ces mécanismes-là
vont pouvoir agir de façon collective par rapport aux institutions, aux
établissements et là, encore une fois, on compte sur l'effet
d'entraînement de ce genre de mécanisme-là pour
créer une autre culture à l'intérieur des
établissements. Il y a des mécanismes par rapport aux
corporations professionnelles qui pourraient être élargis plus au
public en général: une facilité d'accès, le droit
de regard des conseils d'administration sur le type de plaintes, etc., qui
peuvent être intéressants, sur lesquels on pourrait
réfléchir davantage aussi, ce qu'on n'a pas fait à l'heure
actuelle et qu'on va être appelés à faire, encore une fois,
via l'expertise développée par les mécanismes d'aide et
d'accompagnement. Déjà, il y a des choses intéressantes
qui se pointent de ce côté-là.
M. Hamel: Merci, madame. C'est tout pour moi, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Une ou deux
questions, si vous me le permettez. Dans un premier temps, j'aimerais revenir
sur ce que vous dites: des nominations politiques relativement au Protecteur du
citoyen, comme ça pourrait s'appliquer, des nominations comme
commissaires à la Commission des droits de la personne. Je suis
persuadé que ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve va me
corroborer. J'ai déjà fait partie d'un groupe parlementaire
formant l'Opposition officielle et, sous René Lévesque, sous
Robert Bourassa, sous Pierre Marc Johnson, chaque fois que le premier ministre
propose un commissaire à la commission - dans le cas du Protecteur du
citoyen, ça a été la même chose - il consulte le
chef de l'Opposition officielle avant et, en caucus, on nous suggère les
noms pour savoir si ce sont des compétences. Ça nous assure une
compétence.
Maintenant, pour en revenir au système, c'est un choix de
société. Aux États-Unis, les juges sont élus. Il
s'agit de donner des poignées de mains et vous avez une bonne chance
d'être
nommé juge. En France, il s'agit d'être studieux et,
à ce moment-là, vous avez de mosus de bonnes chances d'être
magistrat. Ici, c'est un système différent, évidemment,
c'est nominatif. Ça peut assurer, au moins, une forme de
compétence. Au Québec, il existe un concours pour être
nommé juge. À Ottawa, c'est strictement nominatif;
là-dessus, je le concède. Alors, c'est une question de choix,
à un moment donné, qui n'est pas politique. L'Assemblée
nationale, 125 élus à travers le Québec, je
considère que c'est quand même digne de foi, surtout si les deux
partis ou les trois partis sont d'accord sur une nomination. Même si la
loi dit: Au moins les deux tiers, en pratique, ça veut dire presque
l'unanimité parce que, dans l'Opposition, on nous consultait. Le premier
ministre de l'époque nous consultait à savoir si le choix
proposé était accepté par tout le monde. Alors, j'aimerais
que ce soit clair là-dessus.
-Mme Harel: M. le Président. Le Président (M.
Dauphin): Oui
Mme Harel: Si vous me permettez, je suis certaine que vous
n'êtes pas au courant que nous sommes menacés de ne plus
être consultés, l'Opposition, du fait d'avoir refusé les
propositions de nominations, à la fin de la session passée.
Le Président (M. Dauphin): Je n'ai pas entendu parler de
ça. À tout événement...
Mme Harel: D'accord. Je vous en informe, alors.
Le Président (M. Dauphin): ...je parle de ce que j'ai
vécu en 10 ans, pas de ce qui devrait être ou.. Ça me fait
penser au Trésor qui veut couper dans la santé mentale. On dit
toutes sortes de choses et, à un moment donné, je pense qu'il
faut mettre les deux pieds sur terre.
O.K. Je reviens à ma question. Dans l'éventualité
où le Protecteur du citoyen aurait juridiction sur les actes
médicaux, est-ce que vous verriez d'un meilleur ?il une forme
d'élargissement de son mandat ou si ça ne change rien? Vous avez
dit tantôt que les actes médicaux des corporations
professionnelles, il n'y a pas grand-chose à faire avec ça avec
le système actuel, manque de crédibilité et de
"sériosité". Qu'est-ce que vous pensez de ça?
M. Saintonge: C'est toujours la même chose parce que, de
toute façon, c'est seulement sur des erreurs de droit et non sur...
L"ombuds-person" n'a pas plein mandat de défense des droits. Elle a le
mandat simplement quand if y a une erreur de droit. C'est pour ça que,
pour moi...
Le Préskient (M. Dauphin): Elle peut y aller sur
l'équité, pas juste sur la légalité Elle peut y
aller dans des cas d'équité.
M. Saintonge: Oui, aussi, mais c'est quand même
limité
Le Président (M. Dauphin): D'accord Alors, au nom de tous
les membres de la commission, nous vous remercions d'avoir participé
à nos travaux et nous vous souhaitons un bon retour Merci beaucoup.
La commission des institutions suspend ses travaux jusqu'à 14 h
30, alors que nous recevrons le Congrès juif canadien, région du
Québec.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise à 14 h 36)
Le Président (M. Dauphin): Nous allons reprendre nos
travaux. Nous étions rendus au Congrès juif canadien,
région du Québec. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue. Je vais
dès maintenant reconnaître M. Alain Joffe, en lui demandant de
nous présenter les membres qui l'accompagnent et de procéder
ensuite de ça à son exposé d'une durée d'environ 15
minutes.
Congrès juif canadien, région du
Québec
M. Joffe (Alain): Mmes et MM. les députés,
permettez-moi d'abord, au nom du Congrès juif canadien, section
Québec, d'accueillir avec plaisir cette invitation qui nous a
été faite de participer à l'examen du mandat et des
orientations du Protecteur du citoyen. Mon nom est Alain Joffe. J'agis ici
comme consultant de la commission mise sur pied par le Congrès juif
canadien concernant la réforme du Protecteur. Mes autres
collègues sont M. Richard Lévy, vice-président du
Congrès juif canadien, section Québec; M. Jedwab, directeur des
relations communautaires, et M. Sultan, conseiller politique permanent au
Congrès juif canadien.
Notre organisation est donc le porte-parole officiel de la
communauté juive québécoise en matière de politique
publique, elle est la branche québécoise du Congrès juif
canadien. Si notre mandat principal est donc de représenter les
intérêts de la communauté juive, il n'en reste pas moins
que le mandat traditionnel du Congrès juif canadien couvre
également le domaine des droits de la personne en général,
quelles que soient la religion, l'origine ethnique, la race de nos concitoyens
québécois.
Or, il ne fait aucun doute que, pour nous, le Protecteur du citoyen
constitue une charpente importante de l'édifice québécois
dans le domaine des libertés publiques. En effet, cette institution
joue une fonction très importante dans la protection des droits
du citoyen face à l'État. C'est pour cette raison que nous avons
donc tenu à participer activement aux discussions portant sur les
réformes de cette institution.
Des questions de temps ne nous ont pas permis de traiter en
détail de tous les aspects discutés dans le document
préparé par la commission parlementaire. Nous avons donc
délibérément choisi de discuter de certains points qui
nous semblaient, à ce stade-ci, prioritaires. Pour résumer
l'idée centrale de notre mémoire... Pardon?
Le Président (M. Dauphin): Allez-y.
M. Joffe: Pour résumer, grosso modo, l'idée
centrale de notre mémoire, le Congrès juif canadien favorise
l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen dans un cadre qui
préserve la structure interne actuelle de cette institution. En d'autres
mots, notre mémoire gravite autour de trois axes directeurs.
Premièrement, l'examen des modifications législatives
apportées au fonctionnement interne de l'institution du Protecteur du
citoyen; c'est le chapitre II de notre mémoire. Cela couvre la question
de l'indépendance budgétaire, l'indépendance par rapport
au milieu politique, l'administration et les médias, continuation de la
double approche systémique et individuelle en matière de
traitement de plaintes. Une partie est consacrée aux rapports entre le
Protecteur du citoyen, les communautés culturelles, les
communautés linguistiques et autochtones. Dans cette partie, nous
soulignons l'importance d'adapter le mécanisme de surveillance de
l'administration aux réalités d'une clientèle
multiculturelle et pluri-ethnique. C'est le chapitre III de notre
mémoire. La quatrième partie traite spécifiquement de
l'élargissement des pouvoirs du Protecteur du citoyen pour couvrir le
réseau municipal ou scolaire, soit directement ou, encore, indirectement
par le biais d'ombudsmans sectoriels soumis à l'autorité du
Protecteur du citoyen.
Nous allons reprendre un à un les différents
éléments de ce mémoire et je vais maintenant céder
la parole à M. Levy qui va discuter essentiellement de l'examen des
modifications législatives apportées au fonctionnement interne de
l'institution du Protecteur du citoyen et de notre position
là-dessus.
Le Président (M. Dauphin): M Levy.
M. Levy (Richard): Merci, M. le Président, bonjour. Les
recommandations du chapitre II de notre mémoire partagent toutes une
finalité commune: le maintien et le renforcement de son
indépendance et de son impartialité face au milieu politique,
à l'administration et aux médias.
Cette voie garantit l'excellence et l'efficacité de ses
mutltiples interventions. Nous appuyons sans réserve le désir du
Protecteur du citoyen de soumettre ses prévisions budgétaires
directement à l'Assemblée nationale plutôt qu'au Conseil du
trésor.
Cela permettrait de renforcer son indépendance par rapport
à l'appareil gouvernemental et d'impliquer directement l'ensemble des
députés au bon fonctionnement de cette institution.
Certaines recommandations qui apparaissent dans le document de la
commission des institutions ont comme trait commun de renforcer les
mécanismes de collaboration entre le Protecteur du citoyen, d'une part,
les députés, les médias, l'administration, d'autre
part.
Nous voudrions nous assurer que la mise en oeuvre de ces recommandations
n'altère pas le prestige de l'institution en la politisant. Le respect
des décisions du Protecteur du citoyen et donc l'efficacité de
son recours résident dans le respect que lui porte à
l'administration, les administrés et le milieu politique en
général. Le Protecteur du citoyen ne doit, en aucun cas, servir,
à notre avis, d'instrument dans la stratégie d'un parti
politique, du gouvernement ou des médias. Une collaboration trop
étroite entre le Protecteur du citoyen et d'autres corps et organismes
pourrait miner cette image de crédibilité. Je voudrais juste
faire une petite analogie entre le Protecteur du citoyen et un juge. Le juge,
un de ses aspects principaux, c'est l'impartialité. On sait que
même le juge bénéficie d'immunité judiciaire,
d'immunité absolue. Le Protecteur du citoyen doit être vu dans le
même cadre: quelqu'un d'impartial qui est tout à fait à
l'abri du soupçon de partialité.
Selon nous, l'impartialité qui caractérise la fonction du
Protecteur du citoyen milite en faveur d'une prudence extrême dans la
manière dont devront être effectués les rapports entre le
Protecteur du citoyen et les membres de milieux politiques, d'administration et
des médias.
Il ne faut pas oublier que dans la force de l'institution du Protecteur
du citoyen réside son indépendance. Tout changement dans le
fonctionnement à terme du Protecteur doit donc obéir à ce
principe de base. C'est pour ces raisons que nous recommandons la mise sur pied
d'une structure permanente de concertation entre le Protecteur et les
députés. Et vous trouvez ça à la page 6 de notre
mémoire.
Cette structure permettra aux parlementaires de saisir le Protecteur des
plaintes émanant de leur circonscription, sans mettre le Protecteur du
citoyen dans une situation embarrassante vis-à-vis le gouvernement ou
l'administration. J'ai remarqué, récemment, que quand les
chargés de nouvelles du spectacle "Les Misérables" à
Montréal ont décidé de donner un aspect
québécois à l'image bien connue de Cosette la petite jeune
fille, dans les journaux, ils ont ajusté l'image de Cosette en lui
mettant un casque de hockey, un bâton de hockey et un chandail de hockey
pour la rendre bien québé-
coise.
Si je reprends un peu l'analogie d'un jeu de hockey, je pense qu'on
imaginerait mal, qu'on réagirait mal à la vue d'un arbitre qui,
entre les périodes, prendrait un café avec les joueurs de hockey.
On s'habitue à l'arbitre qui, sur la glace, devant le public, parle
même avec une voix sévère au capitaine, ou un arbitre qui
reçoit à la fin d'une partie une lettre d'un des "coaches" ou des
capitaines, se plaignant de quelque chose qui s'est passé durant le jeu.
Mais je pense qu'on devra prendre la même attitude vis-à-vis les
relations entre le Protecteur du citoyen et le gouvernement.
La même prudence, selon nous, doit inspirer les relations entre le
Protecteur et le secteur des médias. Le succès de l'institution
du Protecteur du citoyen réside dans la confidentialité et le
maintien de bons rapports avec les structures administratives
impliquées. Et on donne plus de détails à la page 6 de
notre mémoire sur les dangers que peut courir le Protecteur du citoyen
qui fait trop de zèle, qui a recours à chaque fois ou trop
souvent aux médias, qui risque de perdre la face devant les membres du
gouvernement dont la confidentialité des rapports avec lui est
très importante.
L'intervention du Protecteur du citoyen auprès des médias
afin de corriger une situation qu'il estime injustifiée ne devrait donc
être envisagée que dans des cas exceptionnels. Et on clarifie
ça plus à la page 6 de notre mémoire, comme je l'ai
mentionné. (14 h 45)
Le même raisonnement s'applique à l'intervention active du
Protecteur du citoyen dans le processus d'élaboration des
règlements et des directives d'administration Supposons un citoyen qui
se plaint d'une directive à la rédaction de laquelle aurait
participé le Protecteur du citoyen lui-même. Peut-on imaginer que
le Protecteur du citoyen serait à l'aise pour examiner le
problème? Poser la question, c'est y répondre. Or, selon nous, le
Protecteur du citoyen est l'agent de l'Assemblée nationale II ne doit
pas se substituer aux fonctionnaires ou devenir un conseiller politique du
gouvernement. Accroître son pouvoir dans les domaines
d'élaboration des projets de loi ou des règlements le mettrait
dans une situation de conflit d'intérêts par rapport aux
administrés qui, par la suite, se plaindraient à lui des
politiques établies.
Le document qui a été envoyé par la commission des
institutions semble indiquer une volonté, par le Protecteur, de pousser
l'approche systémique à côté de l'approche
individuelle de réception des plaintes. Or, comme nous le soulignons
dans notre mémoire, le Congrès juif canadien, section du
Québec, considère que, loin de s'exclure, les deux approches se
complètent parfaitement, mais les ressources sont limitées. Un
mandat trop ambitieux, axé sur l'approche systémique, peut
dévier des ressources d'un mandat établi d'aider les individus.
Pour revenir à l'analogie du hockey, un gardien de but qui est trop
agressif pour chasser les rondelles dans les coins peut laisser vide son
filet.
Il serait dommage de lier inexorablement le développement d'une
approche systémique à une baisse inévitable des services
rendus par le Protecteur du citoyen concernant le traitement des plaintes
individuelles. Sans nier les avantages administratifs que revêt
l'approche systémique, il faut néanmoins souligner qu'il est
essentiel que les citoyens ordinaires continuent de jouir d'un accès
direct et facile au Protecteur afin de faire acheminer rapidement leurs
doléances.
Maintenant, je retourne la parole à M. Alain Joffe pour continuer
sur les autres aspects de notre mémoire.
Le Président (M. Dauphin): M Joffe.
M. Joffe: Oui. Je vais donc discuter et résumer nos
recommandations concernant les rapports entre le Protecteur du citoyen et les
communautés culturelles, incluant également les minorités
linguistiques et autochtones, et je vais, après ça, discuter de
la question de l'élargissement des pouvoirs du Protecteur du citoyen aux
secteurs scolaires et municipaux.
Nous avons tenu à consacrer, dans notre mémoire, une place
importante aux rapports entre l'institution du Protecteur du citoyen et les
communautés culturelles. C'est le chapitre III de notre mémoire.
En fait, notre soutien à un élargissement du champ
d'activité du Protecteur en milieu scolaire et municipal, discuté
dans la partie IV, s'inspire, en partie, des conclusions relatives à la
dimension multiculturelle du Québec, surtout à
Montréal.
Nous croyons que le Protecteur du citoyen devrait entreprendre
unilatéralement les efforts nécessaires qui lui permettraient,
plus efficacement, d'approcher les communautés culturelles En effet, le
Protecteur du citoyen doit jouer un rôle d'avant-garde concernant
l'intégration de ces communautés culturelles dans la
société québécoise. Le Québec et
particulièrement Montréal connaissent, depuis un certain nombre
d'années, cette réalité qui est celle, donc, du
multiculturalisme. Et cette participation accrue crée de nouveaux
besoins et une capacité d'adaptation de l'administration tant
québécoise que municipale et scolaire à cette nouvelle
réalité. Cette situation est particulièrement
sérieuse à Montréal où se regroupent 90 % des
immigrants.
Or, comme on le sait, cette catégorie de citoyens connaît
souvent des barrières culturelles, linguistiques et sociologiques qui
rendent imperative l'intervention du Protecteur du citoyen afin de favoriser
l'intégration harmonieuse de ces composantes de la société
québécoise au sein de nos institutions nationales et locales.
Les communautés culturelles constituent
donc un bassin de population significatif. À ce titre, l'on peut
se féliciter que le Protecteur du citoyen soit intéressé
à assurer que ces personnes aient accès, comme le reste de la
population, à un service de qualité de la part de
l'administration. C'est d'autant plus important que l'adoption, par le
gouvernement québécois, d'une stratégie en matière
d'immigration devrait avoir pour corollaire une plus grande sensibilisation de
la dynamique multiculturelle dans la mise en oeuvre des politiques
gouvernementales. Le Congrès juif canadien, dès lors, ne peut que
déplorer, à l'instar du Protecteur du citoyen, le peu de
progrès qui a été accompli concernant le plan d'action
visant à mieux intégrer les communautés culturelles dans
le champ de compétence des activités du Protecteur.
Ainsi, dans son rapport 1989-1990, le Protecteur du citoyen fait
état de sa déception quant au manque de plaintes émanant
des communautés culturelles et ethniques et quant à l'absence de
membres de ces communautés au sein de l'organisme. Nous ne pouvons donc
que partager ses déceptions dans la mesure où nous sommes d'avis
que le concept de Protecteur du citoyen constitue un outil approprié
lorsqu'il s'agit de protéger ces citoyens particulièrement
vulnérables à l'appareil de l'État.
De la même façon, la plus grande participation des
autochtones dans l'institution du Protecteur du citoyen permettrait de
créer une meilleure compréhension mutuelle entre les
communautés autochtones du Québec et le reste- de la
société québécoise. Les tragiques
événements de l'été passé nous rappellent de
façon imperative la nécessité de prévoir des
mécanismes de concertation permanents, afin de prévenir les
répétitions dans les années à venir. L'institution
du Protecteur du citoyen pourrait donc jouer un rôle actif dans ce
domaine, pourvu que le gouvernement lui donne les moyens financiers
nécessaires à l'accomplissement de cette mission dont
l'intérêt public n'est pas démontré.
À ce titre, nous recommandons donc trois propositions suivantes:
créer une table de concertation au sein de l'organisme du Protecteur du
citoyen qui regrouperait des représentants des communautés
culturelles, linguistiques et autochtones, dans le but d'élaborer une
stratégie réelle visant à informer ces groupes sur les
avantages du recours au Protecteur du citoyen; deuxièmement, on insiste
pour qu'on lance une campagne de sensibilisation. Celle-ci consisterait
à donner une meilleure visibilité au Protecteur du citoyen
auprès des communautés culturelles, linguistiques et autochtones;
troisièmement, il faudrait également favoriser l'embauche, au
sein de l'organisation du Protecteur du citoyen, de membres de
communautés culturelles autochtones et de minorités linguistiques
anglo-québécoises dans la foulée des programmes
d'accès à l'égalité existants. À ce titre,
il est important donc de mettre en oeuvre une politique cohérente qui
tienne pleinement compte des particularités propres aux membres des
communautés culturelles, de fa minorité
anglo-québécoise et de la minorité autochtone.
Maintenant, je vais discuter de l'élargissement du champ
d'activité du Protecteur du citoyen. Comme on le sait, la juridiction du
Protecteur du citoyen porte sur les ministères et organismes dont le
personnel est rémunéré suivant la Loi sur la fonction
publique, à l'exception des décisions du Conseil exécutif
et du Conseil du trésor. Plusieurs groupes souhaitent voir le Protecteur
du citoyen ou des ombudsmans sectoriels jouer un rôle actif dans des
domaines non assujettis à son contrôle, comme les secteurs
municipal, scolaire ou même des services de santé. Le rapport du
Protecteur du citoyen, pour 1989-1990, atteste l'existence d'un besoin dans ces
trois secteurs que l'on ne saurait négliger et ignorer dans la mise en
oeuvre des changements législatifs à la Loi sur le Protecteur du
citoyen. Les représentations qu'il a reçues dans ces trois
secteurs forment à elles seules 12 % des plaintes rejetées, faute
de juridiction.
Le Congrès juif canadien, région du Québec, se
déclare donc favorable à l'extension de la juridiction du
Protecteur du citoyen, afin de chapeauter les activités d'ombudsmans
sectoriels dans le domaine scolaire et municipal, d'autant plus que ces deux
secteurs seront appelés dans les années à venir à
desservir une clientèle de plus en plus multiculturelle.
Le Congrès juif canadien, région du Québec, ne peut
que soutenir la proposition émanant du Protecteur du citoyen d'obliger
les établissements à se doter de mécanismes de traitement
de plaintes, ainsi que de programmes d'information sur les droits et recours
des usagers. L'on peut se féliciter du fait que le Protecteur du citoyen
ait proposé d'obliger les établissements à se doter de
mécanismes internes du traitement des plaintes ainsi que des programmes
d'information sur les droits et recours des usagers. Nous croyons donc qu'il
est nécessaire, afin d'assurer une bonne protection des citoyens et des
citoyennes au sein d'établissements non couverts par la juridiction du
Protecteur, de favoriser au minimum le développement de contacts suivis
entre le Protecteur du citoyen et les ombudsmans sectoriels.
Nous avons délibérément choisi de ne pas aborder
spécifiquement dans notre mémoire la question de
l'élargissement des pouvoirs du Protecteur dans le réseau des
services sociaux, vu la complexité de cette problématique eu
égard au projet de loi 120 sur les services sociaux. Je voudrais donc,
en mon nom et au nom de mes collègues, remercier la commission des
institutions de nous avoir donné cette occasion d'exprimer nos vues
concernant les modifications à la Loi sur le Protecteur du citoyen. Je
vous remercie.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup pour votre
exposé. Nous allons débuter avec un député
ministériel, M. le député de Nelligan.
M. Williams: Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour
cette présentation, M. Joffe et vous autres, du Congrès Juif
canadien. Je voudrais juste souligner, avant de commencer, que j'ai
moi-même eu l'expérience de travailler avec quelques-uns de vos
représentants et je suis habitué d'avoir une intervention bien
pondérée sur une question souvent très délicate.
Encore une fois, je voudrais vous féliciter pour votre
mémoire.
Vous avez souligné plusieurs questions très importantes.
Je voudrais entrer tout de suite dans les questions parce que nous n'avons pas
beaucoup de temps. Premièrement, si j'ai bien compris votre
mémoire, vous avez insisté sur l'importance de
l'indépendance du Protecteur du citoyen, particulièrement face au
monde politique et aux députés. Mais aussi, par ailleurs, vous
avez favorisé une structure permanente qui encourage une interaction
entre les parlementaires et le Protecteur du citoyen. Ça me semble
peut-être une situation un peu contradictoire. Pourriez-vous expliquer
cela un peu plus, cette indépendance, et aussi la structure permanente
que vous avez proposée?
Le Président (M. Dauphin): M. Joffe.
M. Joffe: Oui, avec plaisir. Je pense qu'il y a une
différence très importante entre favoriser des rencontres
multipliées entre le Protecteur du citoyen, d'une part, et les
députés individuellement, d'autre part, et la création
d'une structure beaucoup plus neutre comme la vôtre, la commission des
institutions, qui inclut en son sein aussi bien des membres du gouvernement,
des membres du parti majoritaire ou des membres de l'Opposition. Ce qu'on veut
dire, c'est qu'il est tout à fait normal que les citoyens s'adressent
souvent aux députés. Puisque les députés sont des
représentants élus du peuple, il est donc tout à fait
normal que les citoyens, lorsqu'ils ont maille à partir avec
l'administration, fassent des requêtes et des représentations
auprès de leur député en vue, justement, de changer la
situation.
Cela étant dit, il faut quand même reconnaître que
dans notre système, un député, bien sûr,
représente la population, mais il représente souvent un parti
politique, à moins que la personne soit un indépendant, ce qui
est fort rare, ce qui veut dire qu'il peut également, quelquefois, avoir
un certain conflit d'intérêts entre l'intérêt du
justiciable, l'intérêt du citoyen, d'une part,
l'intérêt du parti au pouvoir, de l'Opposition, du gouvernement,
d'autre part, qui pourrait créer des problèmes lorsque ce
député, par exemple, irait voir le Protecteur du citoyen
individuellement et essaierait de résoudre le problème. Cela veut
dire que le Protecteur du citoyen serait un peu l'otage d'une situation
extrêmement difficile, d'autant plus que le Protecteur du citoyen a
accès à des renseigne ments confidentiels de l'administration.
Toute sa crédibilité existe en autant qu'il conserve sa
confidentialité. Dès le moment où il y a trop de rapport
entre le milieu politique et le Protecteur du citoyen, l'administration va
perdre confiance dans le Protecteur du citoyen, donc ça va être
beaucoup plus difficile pour le Protecteur du citoyen d'avoir la confiance de
l'administration. Deuxièmement, ça mettrait le Protecteur du
citoyen, qui devrait être neutre, dans une situation impossible où
il devrait arbitrer entre l'Opposition, le gouvernement et le parti
majoritaire.
Je considère qu'il faut, bien sûr, que les
députés aient le loisir de s'adresser au Protecteur du citoyen
pour faire valoir les plaintes des administrés, des citoyens, mais le
cadre idéal pour ça, ce serait une commission des institu tions,
une commission parlementaire ou autres - ce n'est pas à nous de
régler cette problématique - qui permettrait au Protecteur du
citoyen d'avoir accès aux députés et aux
députés d'avoir accès au Protecteur du citoyen, mais dans
un cadre qui soit assez formel pour que le Protecteur du citoyen ne soit pas
l'otage du milieu politique. Le Protecteur du citoyen est le
représentant de l'Assemblée nationale. Il n'est pas là
pour représenter un parti ou un gouvernement.
M. Williams: Merci pour votre confiance dans une commission
parlementaire, parce que je trouve que c'est un peu la chose que nous cherchons
ici, cette objectivité.
Vous av&z mentionné souvent la question de neutralité
et de flexibilité du Protecteur du citoyen dans votre mémoire,
mais, aussi, vous avez privilégié un modèle qui
élargit le mandat du Protecteur du citoyen à plusieurs autres
secteurs. Ma question. Pourriez-vous faire des commentaires sur
l'efficacité de plusieurs protec teurs de citoyen ou juste un,
omniprésent partout? J'ai peur qu'avec... Tout le monde cherche la
même chose, je pense, de mieux protéger les citoyens, mais si nous
avons un Protecteur trop loin du peuple, est-ce que ça va actuellement
causer plus de problèmes ou peut-être ne pas répondre au
problème auquel nous voulons trouver une réponse? (15 heures)
M. Joffe: Merci. Je vais répondre à votre question.
Dans notre mémoire, on s'est attaché à des principes
généraux. Bon! Il est exact que dans certains secteurs, comme le
secteur municipal, le secteur scolaire, il y a une tradition d'autonomie. Dans
le secteur des services sociaux, qui est une problématique très
complexe, je pense que ce n'est pas nécessairement ici qu'on peut
l'aborder en détail, il existera à tout
le moins certains mécanismes qui sont encore assez
imprécis. Il appartiendra à la commission parlementaire, ici, de
voir un peu de l'utilité de créer ou non des ombudsmans
sectoriels.
Cela étant dit, dans le domaine municipal ou scolaire, ce que
nous considérons comme essentiel, c'est que quelque chose soit fait,
c'est-à-dire soit que l'on chapeaute le système, soit qu'on
crée un système d'ombudsmans sectoriels pour ces milieux, qu'ils
soient chapeautés par le Protecteur du citoyen. Si, pour toutes sortes
de raisons, cela s'avérait difficile à mettre en oeuvre, ce que
nous proposons, c'est qu'au moins il y ait un suivi entre le Protecteur du
citoyen au niveau national et les ombudsmans sectoriels pour que, dans certains
cas, le justiciable ou aussi, en fait, le citoyen qui n'aurait pas
été satisfait des services qu'il aurait reçus dans le cas
d'une plainte devant l'ombudsman sectoriel, puisse avoir accès à
une forme d'appel, si vous voyez ce que je veux dire. Est-ce que j'ai
répondu à votre question?
M. Williams: Oui, merci. Troisième volet de la question.
Vous représentez une minorité québécoise, moi
aussi, je viens d'une minorité. Vous avez parlé assez longtemps
dans votre mémoire de la question d'un comité
multidis-ciplinaire, un comité - j'ai perdu la page, je m'excuse...
Créer une table de concertation pour mieux répondre aux questions
des minorités. L'autre jour, nous avons eu la chance de commencer
à discuter de cette question, parce que je pense que chacun de nos
établissements québécois commence à se pencher plus
sur l'accessibilité pour les minorités, le Protecteur du citoyen
surtout, le gouvernement en général et tous les autres
ministères. Est-ce que vous êtes capables d'expliquer un peu votre
relation jusqu'à date avec le Protecteur du citoyen? Est-ce que vous
allez y référer des personnes? Est-ce que c'est efficace?
Deuxièmement, est-ce que vous pouvez expliquer un peu votre idée
d'avoir une campagne de sensibilisation avec les minorités?
M. Sultan (David): Écoutez, pour répondre au
premier volet de votre questions, le Congrès juif canadien n'a pas
forcément eu de rapports serrés avec le Protecteur du citoyen,
quoique nous ayons fait appel déjà au Protecteur du citoyen et
que nous ayons eu des contacts avec le Protecteur du citoyen; malheureusement,
il est un fait indéniable, c'est que le Protecteur du citoyen n'a pas de
rapports directs, en tout cas pour le moment, avec les minorités
culturelles, linguistiques et autochtones. Notre démarche est d'ailleurs
à cet effet-là.
Pour répondre au deuxième volet de votre question, la
table de concertation que nous proposons de créer serait en fait le
moyen d'avoir certains liens avec le Protecteur du citoyen, le moyen de
développer des stratégies qui permettraient éventuellement
au Protecteur du citoyen et aux communautés culturelles, linguistiques
et autochtones d'avoir une interaction qui soit beaucoup plus adéquate
et beaucoup plus concrète dans le futur.
M. Williams: Merci. Votre mémoire a touché aussi la
question du traitement des plaintes. Je sais que vous ne vous êtes pas
prononcés sur le projet de loi 120, mais après, vous avez eu une
chance de lire un peu le projet de loi 120: Est-ce que, maintenant, vous avez
quelques commentaires préliminaires - je sais que nous allons avoir une
autre commission sur cette question - sur les mécanismes pour la
communauté de rendre une plainte publique? Avez-vous une chance
de...
M. Joffe: Je vais répondre à cette question.
À ce stade-ci, il est tout à fait prématuré pour
nous, en tant qu'organisme, de se prononcer sur le système de ombudsmans
sectoriels ou de l'élargissement de la compétence du Protecteur
du citoyen dans le secteur hospitalier ou des services sociaux, pour la simple
raison que nous sommes encore dans une période d'expectative
législative en ce domaine. Nous considérons qu'il faudrait
traiter la problématique à fond ou ne pas en parler du tout. La
problématique est tellement compliquée, d'autant plus qu'il y a
certaines institutions juives qui, bien sûr, existent au Québec,
dans le domaine hospitalier et des services sociaux, que nous
considérons que cette question mérite une attention très
particulière, et qu'il serait tout à fait inopportun d'en
discuter à ce stade-ci.
M. Williams: O.K. J'ai hâte d'avoir les commentaires dans
l'avenir. Merci.
M. Joffe: Je vous remercie.
M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le député. Je vais
maintenant reconnaître Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Il me fait
plaisir également d'avoir l'occasion d'échanger avec vous sur un
mémoire qui établit bien un certain nombre de principes.
J'aimerais peut-être tout de suite revenir sur cette question qui a
permis un échange avec le député de Nelligan quant
à l'impartialité de l'institution du Protecteur du citoyen. J'ai
bien aimé votre comparaison, M. Levy, entre le juge et le Protecteur du
citoyen. Je sens que votre démarche en est une qui consiste à
vouloir le même niveau d'impartialité. Je me suis souvent
demandé, étant donné que la plupart des Protecteurs du
citoyen sont devenus juges par la suite, s'il ne vaudrait pas mieux les nommer
juges avant de façon à ce que, au moment même où ils
agissent en tant que Protecteur du citoyen, cette fonction de juge inamovible
et indépendant, leur confirme
pour le reste de leur carrière toutes les conditions
nécessaires au moment où ils exercent leur fonction?
M. Levy: Moi, je suis avocat et je n'ai jamais été
juge; je suis juge chaque jour entre mes deux fils, mais c'est une autre
affaire. Je connais des avocats qui sont devenus juges et ça m'a
toujours étonné: un jour, ils sont avocats et deux jours
après, ils sont juges; ils sont des personnes différentes.
Mme Harel: Ils le sont...
M. Levy: À mon avis, je pense qu'on peut faire passer
d'avocat à Protecteur du citoyen aussi bien que d'être juge
avant.
Mme Harel: Est-ce que je dois comprendre que vous pensez que ce
serait une bonne chose ou non? Je n'ai pas bien saisi.
M. Levy: Moi, je pense que ce n'est pas nécessairement une
bonne chose. Ce n'est pas nécessairement pour décourager des
juges d'être Protecteur du citoyen non plus. C'est neutre.
Mme Harel: Vous savez que c'est une nomination qui dure cinq
ans...
M. Levy: Oui.
Mme Harel: ...sans aucune garantie de quoi que ce soit par la
suite. Ce n'est pas la même chose, par exemple, qu'à la
présidence du Tribunal des droits de la personne où on nomme un
juge. Cette personne est nommée, sachant très bien qu'elle est
inamovible pour le restant de sa carrière, finalement.
M. Levy: Je pense que c'est une bonne idée de choisir
quelqu'un qui peut-être a les caractéristiques d'un avocat, qui
est habitué d'être l'avocat de quelqu'un, de prendre parti pour
quelqu'un, d'être une personne qui agit, une personne qui veut changer
des choses. Peut-être que c'est mieux d'avoir une telle personne, au lieu
d'avoir un juge qui devrait se départir de son impartialité.
C'est une impartialité, mais c'est un autre genre d'impartialité,
si vous voulez.
Mme Harel: En fait, vous ne voyez pas quelqu'un au-dessus des
parties? Vous voyez quelqu'un qui, dans le fond, prend parti pour les
administrés en les protégeant contre l'État, c'est ce que
je comprends?
M. Levy: C'est ça. Un juge ne peut pas prendre parti d'une
partie qui plaide devant lui.
Mme Harel: D'autre part, votre proposition de commission
parlementaire devant laquelle le
Protecteur du citoyen pourrait transmettre certains dossiers et
échanger avec les parlementaires, elle a déjà
été évoquée devant cette commission par le Conseil
des Atikamekw et des Montagnais qui préconisait la mise en place d'une
commission parlementaire spéciale sur la question de l'institution du
Protecteur du citoyen pour y entendre également les dossiers dont le
Protecteur du citoyen souhaiterait saisir finalement les parlementaires
Ça peut très bien être la com mission des institutions,
mais, finalement, c'est une proposition qui est déjà devant la
commission.
D'autre part, vous avez utilisé tantôt à maintes
reprises l'exemple du hockey. Moi, je comprends votre recommandation 3,
à la page 10, celle de l'embauche de membres de communautés
culturelles, un peu comme tous les arbitres, par exemple, qui viendraient d'un
même quartier de ville, dans une seule des équipes, mettraient un
doute dans l'esprit des membres des autres équipes quant à leur
impartialité. Vous pensez que les arbitres doivent pouvoir venir un peu
de toutes les équipes d'origine. C'est ça qu'il faut
comprendre.
Mais, ce sur quoi j'aimerais bien vous entendre, c'est sur deux aspects
importants, pour moi, de la problématique de la protection des droits.
Le premier, c'est sur la barrière socio-économique, parce que
vous avez beaucoup abordé dans votre mémoire les obstacles
linguistiques ou culturels. Et, moi, je comprends, à partir des travaux
réalisés par le Protecteur du citoyen, que les personnes qui, au
Québec, connaissent le moins ces services, ce sont les personnes les
moins scolarisées, dans une plus forte proportion, les femmes et chez
les faibles revenus.
Je me suis demandé si la priorité des priorités,
ça ne devrait pas d'abord être une campagne de sensibilisation de
ces milieux socio-économiquement défavorisés qui peuvent
se retrouver tout autant chez les concitoyens du quartier le plus francophone
de IHe de Montréal, que dans des communautés culturelles, si ce
n'était pas là, disons, dans cette problématique
d'accès et d'information aux droits, la priorité d'aller
au-delà des barrières socio-économiques, informer les
populations de leurs droits. Ça, c'est le premier élément
sur lequel j'aimerais échanger.
Et le second, c'est le suivant. Je vous le dis aussi simplement que je
le ressens. J'ai toujours de la difficulté à ce que l'on aborde
les minorités linguistiques, culturelles et autochtones comme
étant dans une certaine similitude. Moi, à mon point de vue, les
communautés autochtones ont des droits nationaux, qui sont
différents des communautés culturelles. Il y a un droit
historique pour la minorité anglophone. Ça, on s'entend
là-dessus. Mais les communautés culturelles sont ici au
Québec parce qu'elles ont choisi d'y venir et il n'y a pas de droits
nationaux des communautés culturelles.
Et, finalement, le problème d'intégration à ia
langue de la majorité et à la culture de la majorité, dans
un échange réciproque interculturel, est un objectif louable.
Tandis que pour les autochtones, il faut, je pense, respecter
complètement le fait que s'ils acceptent de multiplier les rapports avec
l'administration, que ce ne soit jamais pour faire en sorte qu'il y ait
assimilation. Donc, il faut non seulement qu'il y ait un respect complet, donc,
du service dans la langue autochtone, de la nation concernée, mais en
plus, dans un respect complet d'une culture autre qui doit rester
distincte.
Est-ce qu'on se comprend qu'il y a une différence de nature
fondamentale et que cette commission devrait d'ailleurs le signaler dans son
rapport final, une différence fondamentale dans les services que
l'État doit rendre aux populations autochtones puisqu'elles ont des
droits nationaux et que l'État doit les reconnaître?
M. Joffe: Je réponds à cette question-là.
Premièrement, vous avez, bien sûr, mentionné le fait que
les femmes, en particulier, et les gens de milieux socio-économiques
défavorisés, de la majorité francophone également,
ne sont pas conscients du Protecteur du citoyen, des recours établis.
J'en conviens, c'est un fait. Cela étant dit, la situation est
doublement difficile lorsque non seulement vous êtes une femme, vous
êtes pauvre, mais qu'en plus vous venez d'un milieu immigrant et surtout
d'un milieu dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais.
Et je pense que cette problématique-là est assez
particulière. Cela dit, je ne nie pas ce que vous décrivez, Mme
la députée.
En d'autres termes, ce que j'aimerais bien souligner, c'est que lorsque
vous êtes un immigrant ou une immigrante, que vous vous trouvez dans un
pays étranger, vous êtes complètement perdu, non seulement
parce que vous ne maîtrisez même pas la langue, mais même si
vous maîtrisez la langue, vous ne maîtrisez pas les rouages
culturels de la société d'accueil. Ou la société
d'accueil n'apprécie pas à quel point vous faites quelquefois un
effort pour vous intégrer dans la société d'accueil, mais
que vous ne pouvez pas faire autrement que de prendre acte des 30 ans de votre
vie qui ont été passés hors du Québec, par exemple.
Et c'est à ce niveau-là qu'il y a une problématique
particulière aux communautés multiethniques, multiculturelles
qu'il est impératif pour l'État québécois de
comprendre, surtout dans le cas d'une société
québécoise qui a pour politique officielle l'immigration, comme
moteur de son économie. (15 h 15)
Dans toute société, vous regardez les
précédents, comme les États-Unis, par exemple, ou d'autres
États, sans parler de politique sur la situation du Golfe, parlons
d'Israël. Tous ces pays d'immigration ont dû développer des
struc- tures particulières pour leurs immigrants et, dans certains cas,
ont même dû développer des services dans d'autres langues
que la langue nationale pour pouvoir mieux intégrer les immigrants de
première génération à l'intérieur de leur
société.
Cela étant dit, vous avez parlé également de la
distinction fondamentale entre, d'une part, les autochtones et la
communauté anglo-québécoise et, d'autre part, les
communautés multiculturelles. Nous comprenons très bien que la
problématique autochtone est très complexe et qu'il y a certains
aspects de cette problématique qui font en sorte qu'elle est
différente des autres. Cela étant dit, les problèmes
humains dont souffre un autochtone dans ses rapports avec l'administration ne
sont guère différents des rapports qui peuvent exister entre
membres d'une communauté culturelle et un membre de l'administration, en
ce sens que les deux ont des problèmes culturels et que ces
problèmes culturels de communication doivent être résolus
pour une meilleure sérénité dans la société,
et c'est à ce niveau-là que le rapport antinomique, il n'existe
pas à 100 %. Il y a des différences, mais également des
ressemblances.
Je pense que la commission des institutions devra, à la fois,
mettre en valeur certaines différences, mais également mettre en
valeur certaines ressemblances qui peuvent exister entre la situation de la
communauté anglo-québécoise, de la communauté
autochtone du Québec et des communautés multiculturelles.
J'aimerais bien insister là-dessus. C'est qu'on ne peut pas, à la
fois, avoir une politique d'immigration, Mme la députée, et
détourner ses yeux d'une certaine problématique,
c'est-à-dire l'importance d'intégrer ces gens-là dans la
société québécoise, d'autant plus qu'à
Montréal ils sont concentrés à 90 %. Donc, c'est
très important. Pour qu'on ait une société
québécoise qui soit cohérente, qui soit dynamique, il faut
développer une symbiose dans la société qui exige,
justement, beaucoup d'efforts de la part de l'État
québécois et c'est tout à fait normal que le Protecteur du
citoyen soit intéressé à la chose et essaie de trouver des
outils pratiques pour préparer l'avenir du Québec et mieux
intégrer nos communautés multiculturelles. Est-ce que j'ai
répondu à votre question?
Mme Harel: Oui, mais je suis surprise que vous ne conveniez pas,
d'une part, qu'il n'y a pas homogénéité chez les
communautés culturelles et que, donc, il y a une sorte de
priorité à accorder d'abord et particulièrement
auprès des membres des communautés culturelles qui connaissent un
état de défavorisation plus grand et que, d'autre part... Je
conçois, par exemple, qu'on puisse être membre d'une
communauté culturelle, même avec un niveau de scolarité ou
de revenu moyen, et avoir une sorte de barrière culturelle difficile
à franchir dans la conception
du rôle de l'État. Ça, je conçois qu'on
puisse venir de parties du monde où l'État n'est pas un
partenaire, mais un adversaire. Et c'est évident que les chiffres de la
Commission des droits font réfléchir sur le fait que les membres
des minorités visibles et ethniques utilisent les services publics quand
il s'agit de services de santé et de services sociaux, mais les
utilisent beaucoup moins quand il s'agit de services leur permettant de
revendiquer des droits. Alors, il y a là toute une conception de
l'État et qui peut aussi devenir une sorte de barrière.
Ça, je pense que là-dessus on s'entend.
Là où je diffère et j'aimerais, à nouveau,
vous entendre là-dessus, c'est qu'il me semble que profondément,
fondamentalement, il y a des distinctions à faire entre les membres des
nations autochtones et des communautés culturelles. Fondamentalement,
pour le fait suivant: les membres des communautés culturelles sont des
Québécois à part entière, quelle que soit leur
origine. Les membres des nations autochtones ont le droit de ne pas vouloir
être Québécois et ils réclament, ils revendiquent
justement. . Leur principale revendication, c'est d'être Indiens, de ne
pas être Québécois et d'être reconnus comme
étant Indiens. Et ça, je pense que c'est fondamentalement
différent. J'ai toujours un peu de résistance à ce que,
dans tous les titres de chapitre, des gens qui, comme vous et moi, sont de
bonne foi, on voie minorité ethnique, minorité culturelle,
minorité ethnique linguistique et autochtone, comme s'il s'agissait -
comment vous dire - de problématiques semblables.
Moi, je pense que profondément - on le voit d'ailleurs - les
membres des communautés culturelles... Là, la présidente
du Conseil des communautés culturelles nous disait encore, ce matin,
qu'il n'y avait pas de problème linguistique anglophone. Elle
considère qu'il y a une minorité anglophone. Il n'y a pas de
minorité linguistique au Québec. Il y a une minorité
anglophone et il y a des minorités ethniques, des groupes ou des
communautés culturelles. Je pense qu'il faut bien s'entendre sur les
mots. Mais, fondamentalement, après une seule génération -
pensez, par exemple, au taux de natalité - les membres des
communautés culturelles adoptent, après à peine une
génération, le même comportement que les
Québécois de souche quant au taux de natalité. C'est quand
même important. C'est là un aspect fondamental, disons, des
distinctions de départ. Alors, c'est donc une sorte d'intégration
qui se fait dans la perspective d'un Québec multiculturel,
multiethnique, avec des membres des communautés qui deviennent des
Québécois à part entière. Je pense qu'il faut
accepter fondamentalement qu'il y ait une distinction de nature à
l'égard des membres des communautés, des membres des nations
autochtones qui, eux, revendiquent légitimement de ne pas être des
Québécois, mais d'être des Indiens.
M. Levy: Je veux juste ajouter un mot pour répondre
à votre question. J'ai lu, récemment, des articles
intéressants dans les journaux disant qu'il y a un fort argument au
soutien du fait qu'il y a des autochtones qui n'ont pas convenu de donner des
droits, leurs terrains au Canada, au Québec, il y a une grande
ambiguïté sur les traités qui sont en place maintenant, sur
le fait qu'il y a des terrains qui n'ont jamais été
cédés par les autochtones et tout ça. Je pense que c'est
un grand débat et on commence juste à être
sensibilisés à ce débat. Je pense que même des
professeurs de droit... Il y a une très petite minorité qui,
vraiment, a fait des recherches sur les traités et toute cette histoire.
C'est sûr que dès le moment où le Québec ou le
Canada est prêt à reconnaître des droits nationaux aux
quelques autochtones, s'ils y ont droit, jusqu'à ce point-là, les
autochtones sont des citoyens de Québec et du Canada comme tout le monde
et on veut s'assurer qu'ils soient protégés par le Protecteur du
citoyen jusqu'au moment où leur statut changera, s'il change.
Mme Harel: Mais même si leur statut ne change pas, parce
que dans le fond, eux, ce qu'ils réclament, c'est qu'il y ait des
institutions, un seul État - ils ne réclament pas qu'il y ait une
multiplication d'États - mais qu'il soit plurinational, donc, que le
Protecteur du citoyen soit une institution commune à tous avec,
éventuellement, un vice-protecteur autochtone.
M. Jedwab (Jack): Peut-être que je peux répondre
rapidement.
Le Président (M. Dauphin): ensuite, je vais
reconnaître M. le député d'Anjou, mais répondez
avant.
M. Jedwab: Rapidement. Je suis d'accord avec beaucoup de choses
que vous venez de dire, Mme Harel, mais c'est important de souligner, comme
vous l'avez mentionné, qu'il n'y a pas
d'homogénéité auprès des communautés
culturelles. Je suis parfaitement d'accord, mais je pense qu'à ce
stade-là, il n'y a pas d'homogénéité non plus pour
les autochtones à travers la province. Alors, c'est extrêmement
important de consulter les autochtones, comme vous allez le faire à 15 h
30. Aussi, dans le cas du Protecteur du citoyen où on veut conformer les
services qui existent aux autochtones, peut-être que c'est mieux, dans un
plus grand forum, de regarder toutes les institutions qui existent et de
discuter avec les comités autochtones des façons dont ils voient
les changements nécessaires à cet égard, rapidement
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. M. le
député d'Anjou, ensuite, M. le député de
Westmount.
M. Larouche: Je suis un peu surpris de l'ampleur, de l'importance
qu'on donne à la question autochtone avec les représentants du
Congrès juif canadien, parce qu'on va recevoir tantôt le Grand
Conseil des Cris du Québec. Alors, je vais réserver des questions
concernant certaines choses à ce moment-là.
Est-ce qu'il y a des problèmes en particulier que le
Congrès juif canadien voudrait soulever devant la commission, en regard
de l'application de la loi relative au Protecteur du citoyen, à part,
évidemment, les trois points au niveau de son application
concrète? Est-ce qu'il y a des points en particulier, à part
certaines généralités?
M. Joffe: Non, je pense...
M. Larouche: II y a des choses, il y a eu des
événements qui se sont passés qui impliquaient la
communauté juive de Montréal ou de Québec. J'aimerais
voir. Est-ce qu'il y a eu... Avez-vous eu à faire appel au Protecteur du
citoyen ou avez-vous pris connaissance de certaines choses? Comment avez-vous
été servis? Avez-vous eu connaissance? Je voudrais savoir.
M. Jedwab: Le problème surtout pour le monde de la
communauté juive, c'est qu'il y a un manque d'information en ce qui
concerne les services offerts par le Protecteur du citoyen. Dans mon cas
personnel, comme directeur des relations communautaires au Congrès juif
canadien, je reçois des appels de temps en temps des membres de la
communauté qui ont des plaintes particulières et qui veulent
savoir si c'est mieux d'aller à la Commission des droits de la personne,
au Protecteur du citoyen ou d'engager un avocat. Alors, il y a ce manque
d'information. Il faut souligner que quand Mme Harel a parlé
tantôt des milieux défavorisés, à l'intérieur
de la communauté juive, 20 % de nos membres - comment peut-on dire
ça - font partie de ce qu'on appelle le milieu pauvre. Alors, il y a
beaucoup de personnes qui appellent et c'est extrêmement difficile, si on
n'a pas d'information adéquate, de recommander d'aller voir le
Protecteur du citoyen. Ça, c'est un problème particulier pour
nous. Il y a beaucoup de confusion en ce qui concerne le mandat de la
Commission des droits de la personne et le mandat du Protecteur du citoyen. Et
c'est extrêmement important de clarifier ça auprès des
membres de notre communauté, ainsi que toutes les autres
communautés qui, je suis certain, ont le même problème.
Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le
député de Westmount.
M. Holden: Merci, M. le Président. Je ne peux pas
m'empêcher de faire une petite remarque un peu méchante.
Mme Harel: On jugera.
M. Holden: La députée de Hochelaga-Mai-sonneuve
vient de sortir d'un congrès où on a beaucoup parlé des
droits des autochtones, mais pas du tout des droits des anglophones. Je dois
lui rappeler...
Une voix:...
Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, messieurs,
à l'ordre!
M. Hofden: ...que lors de la discussion et avant de proposer la
loi 90 qui a créé la Commission Bélanger-Campeau,
l'Opposition a proposé un préambule à cette loi et, dans
ce préambule, on ne faisait pas mention des droits des anglophones,
parce qu'il y en a des droits, non seulement des droits historiques, mais les
droits légaux de plusieurs constitutions. Alors, ça a
été changé par le gouvernement avant le dépôt
de ce projet de loi. Vous allez vérifier avec nos pauvres
négociateurs, mais c'est un fait. Alors, quand vous faites une
différence entre les droits nationaux des autochtones, gardez à
l'esprit qu'il y a des droits légaux, constitutionnels et vrais des
anglophones.
Là, je reviens, parce que M. Levy m'a frappé
énormément en parlant d'un joueur de hockey. Ça doit
absolument être un grand joueur...
M. Jedwab: Un ancien joueur de hockey.
M. Holden: Quand vous avez parlé de la situation
systémique, parce que c'est un concept très latin, une approche
systémique à des problèmes d'ombudsman. Moi, j'ai
étudié le système d'ombudsman dans d'autres pays. C'est
toujours par l'approche d'individus qu'on le fait, comme vous l'avez dit, mais
vous avez vu que vous avez fait l'analogie de Patrick Roy qui est sorti de son
filet l'autre soir et qui s'est fait écraser. Vous n'avez pas
mentionné de nom, mais il s'est fait écraser en étant
à l'extérieur de son filet. Je présume que c'est ce que
vous vouliez dire. Mais je n'ai pas besoin de commentaire là-dessus non
plus, parce que...
M. Levy: Pas de commentaire.
M. Holden: ...M. Williams a parlé, le député
de Nelligan...
Le Président (M. Dauphin): La première
période achève.
M. Holden: ...a parlé de la table de concertation.
J'aimerais que vous explicitiez un peu plus ce que ça va faire, la table
de concertation. Est-ce que ce sera pour des gens d'en dehors qui vont venir
expliquer à l'ombudsman ce qu'il
devrait faire pour étendre son réseau parmi les
communautés culturelles? Expliquez-moi un peu plus là-dessus.
M. Sultan: Écoutez, comme je le disais un petit peu plus
tôt, ce principe de table de concertation vise à favoriser
l'échange entre le Protecteur du citoyen qui n'aborde pas
forcément les communautés culturelles de façon
concrète et les communautés culturelles qui, elles, n'ont pas
connaissance du mandat du Protecteur du citoyen. À cet effet-là,
je crois et nous croyons tous qu'il est important de favoriser un dialogue et
donc d'essayer d'aller chercher des représentants de certaines
communautés culturelles qui puissent donner un certain "input" - pour
utiliser un terme bien français - au Protecteur du citoyen quant
à la façon d'aborder les communautés culturelles, et
inversement. C'est ce principe-là que nous voulions souligner.
Nous nous proposions, en deuxième recommandation, de lancer une
campagne de sensibilisation. Ça pourrait se faire par le biais de cette
table de concertation, de façon assez concrète, dans le sens
où les communautés culturelles et le Protecteur du citoyen
s'entendraient sur les façons d'aller sensibiliser les populations des
communautés culturelles, autochtones et linguistiques. Voilà.
J'espère que je réponds à votre question.
M. Holden: Merci. Merci,
Le Président (M. Dauphin): Ça va?
M. Holden: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, M. le
député d'Anjou.
M. Larouche: M. le Président, pour reprendre ce que disait
le député de Westmount, reprendre une fausseté, il dit que
l'approche systémique, c'est très latin. C'est absolument faux,
c'est très anglo-saxon, l'approche systémique.
M. Holden: Ha, ha, ha!
M. Larouche: C'est presque une religion. Alors, les premiers...
Si on regarde, au niveau de l'analyse des systèmes politiques, David
Easton, si on regarde McNamara, au niveau de la défense, alors, c'est
très anglo-saxon, l'approche systémique. Je vous reprends, M. le
député Westmount.
Une voix: Disons que c'est très humain.
M. Larouche: C'est très humain, oui.
M. Holden: J'accepte le commentaire.
Le Président (M. Dauphin): Alors, la mise au point est
faite.
M. Holden: Sauf que ça n'existe pas dans les pays
anglo-saxons.
Le Président (M. Dauphin): La mise au point est faite.
Moi, j'aurais une dernière question, si vous me permettez, messieurs.
Quand vous nous dites, à la page 6, qu'il faudrait prévoir une
structure permanente de concertation entre les élus du peuple et le
Protecteur du citoyen - et vous mentionnez même la commission des
institutions - est-ce que vous faites référence, finalement, non
pas comme en Angleterre ou en France où il faut absolument passer par un
député pour porter plainte devant le Protecteur, mais
plutôt pour les recommandations - exemple - qui seraient non suivies par
l'administration? Est-ce que c'est surtout ça, la dynamique qui
existerait dans ce comité permanent ou cette commission parlementaire
là?
M. Joffe: Ça pourrait être une possibilité.
Nous, on s'en est tenus à des principes très
généraux, mais ce que vous venez de souligner est très
pertinent. J'aurais pensé même à une autre situation
où, par exemple, le député, confiant qu'il y a eu un
nombre répété de plaintes relativement à
l'administration, pourrait de lui-même en discuter au sein de la
commission parlementaire des institutions où serait présent le
Protecteur du citoyen qui aurait donc un autre son de cloche. Comme le
député se promène dans les rues, il a quand même un
contact régulier avec ses concitoyens et concitoyennes, il peut
être en mesure d'apporter un éclairage au Protecteur du citoyen
relativement à des problèmes qui ont peut-être
déjà fait l'objet d'une plainte auprès du Protecteur ou
qui n'en auraient pas encore fait l'objet. Dans ces deux cas, je pense qu'il
serait pertinent qu'il y ait une commission permanente à
l'intérieur de laquelle pourrait s'exprimer ce type
d'échanges.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci beaucoup.
Alors, au nom de tous les membres de la commission des institutions, M. Joffe,
M. Sultan, M. Levy, M. Jedwab, merci beaucoup...
M. Joffe: Merci.
Le Président (M. Dauphin):... pour votre participation
à nos travaux, pour votre témoignage très
intéressant.
Alors, nous suspendons deux minutes et nous recevrons le Grand Conseil
des Cris du Québec.
(Suspension de la séance à 15 h 34)
(Reprise à 15 h 41)
Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Alors, au nom des membres de la commission, nous souhaitons la bienvenue
au Grand Conseil des Cris du Québec. Alors, je reconnais, au centre, M.
Saganash, qui est vice-président du Grand Conseil; je vous demanderais
de présenter les personnes qui vous accompagnent et de procéder
à votre exposé d'environ 15 minutes.
Grand Conseil des Cris du Québec
M. Saganash (Diom Roméo): Volontiers, M. le
Président. À ma gauche, M. le chef Abel Bosum, qui est chef de la
nation Oujé-Bougou-mou; à ma droite, Me François Robert,
un de nos avocats internes de l'Administration régionale crie et du
Grand Conseil des Cris. Juste avant de commencer, j'ai été ravi
de voir qu'on avait déjà abordé la question autochtone
avant même notre arrivée. On s'est toujours dit: Parlez-en des
autochtones; parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez-en, ça va
régler plusieurs questions à la longue.
M. le Président, distingués membres de la commission,
c'est avec grand plaisir que le Grand Conseil des Cris et de l'Administration
régionale crie profite de cette occasion pour venir vous
présenter son mémoire sur le mandat, les orientations et la
gestion du Protecteur du citoyen. Comme vous le savez sans doute, le Grand
Conseil des Cris et l'Administration régionale crie sont les
entités qui représentent les neuf communautés cries de la
Baie James au niveau politique et administratif.
La première constatation que nous serions tentés de faire,
c'est que la notoriété du Protecteur du citoyen est embryonnaire
auprès de la population en général. Il semblerait,
d'après nos vérifications, que le degré de connaissance
qu'ont les gens par rapport à cet organisme est inversement
proportionnel à la distance entre la région où ils
habitent et la ville de Québec. Après plus de 20 ans d'existence,
il nous semble qu'un effort supplémentaire devrait être fait pour
corriger cette situation, particulièrement auprès des populations
autochtones. En effet, les autochtones se sentent souvent trahis par les
exigences, les résultats et les réactions d'une machine
administrative dont la lourdeur et la dimension dépassent la
compréhension de ce que devrait être un organisme au service de la
population. Nous nous sentons souvent dépourvus devant le monstre
bureaucratique qu'est le gouvernement. L'accès aux différents
services du gouvernement du Québec nous semble hypothéqué
par la quasi-absence de celui-ci dans nos communautés, ainsi que par la
méconnaissance des serviteurs de l'État de nos
réalités quotidiennes.
Dans cette perspective, nous croyons que le Protecteur du citoyen a un
rôle essentiel dans notre société et qu'il gagnerait
à faire connaître davantage son existence et ses méthodes
d'intervention. En ce qui concerne les Cris et les autochtones en
général, l'existence, l'efficacité et
l'impartialité de ce bureau sont d'autant plus importants que plusieurs
fonctionnaires ignorent la portée et l'implication des différents
traités et des droits inaliénables que même les lois
fondamentales de votre société nous ont reconnus. Certains
fonctionnaires, dont plusieurs sont très haut placés dans la
hiérarchie, se font un plaisir d'abuser de leurs prérogatives
pour des motifs souvent inavouables.
Depuis plus de 15 ans, notre lutte permanente afin de pousser le
gouvernement du Québec à respecter l'esprit et la lettre de la
Convention de la Baie James et du Nord québécois nous a fourni
d'innombrables exemples des abus dont peut se rendre coupable la fonction
publique. La loi devrait obliger les fonctionnaires responsables des plaintes
dans chacun des ministères à informer les citoyens
mécontents de la possibilité qu'ils auraient de recourir au
Protecteur du citoyen.
Nous comprenons très bien qu'il n'est pas dans
l'intérêt des serviteurs de l'État et de la fonction
publique en général de faire connaître cette
possibilité de recours qui risque trop souvent de les mettre sur la
sellette. Ce serait, comme on dit dans notre mémoire, présumer
d'une éthique qui est souvent inexistante. C'est pourquoi cette
disposition de la loi devrait être renforcée par une attitude plus
proactive de la part du Protecteur du citoyen, à travers des campagnes
de sensibilisation et d'information adaptées aux besoins des groupes de
citoyens concernés.
Les fonctionnaires ont trop souvent tendance à se retrancher
derrière des avis juridiques étroits qui obligent les
autochtones, soit à abandonner, soit à se lancer dans de
coûteuses batailles judiciaires qui durent des années. Trop
souvent, la fonction publique se retrouve juge et partie dans l'application des
lois, des traités et des conventions. Il nous apparaît que le
Protecteur du citoyen pourrait intervenir davantage dans ce genre de situation
afin de tenter de rétablir la situation.
L'histoire du Canada est un sentier parsemé de promesses
brisées et de maladresses de la part du gouvernement. L'ex-juge en chef
de la Cour suprême du Canada l'a récemment déclaré
dans l'affaire Sparrow. Permettez-moi, M. le Président, de citer le juge
Dickson dans un jugement unanime. Il déclare: "Notre histoire
démontre, trop bien malheureusement, que les peuples autochtones du
Canada ont raison de s'inquiéter au sujet d'objectifs gouvernementaux
qui, bien que neutres en apparence, menacent en réalité
l'existence de certains de leurs droits et intérêts." C'est
à la page 29 du jugement.
Devant ce malheureux constat sur la situation de nos relations avec
l'administration
publique du Canada et du Québec, nous devons cependant affirmer
ce qui suit: "Jusqu'à un passé très récent, nous
étions peu informés de l'existence du Protecteur du citoyen comme
alternative pour remédier aux abus de la part de l'administration
publique du Québec. Nous entendons dorénavant, M. le
Président, y avoir recours."
Il est important de réaffirmer ici qu'à l'instar du
Vérificateur général, le Protecteur du citoyen doit jurer
d'une indépendance totale tant au point de vue politique que financier.
Il doit avoir accès à tous les dossiers et à toute
l'information pertinente à son enquête et doit avoir les
ressources humaines, physiques et financières suffisantes afin que son
efficacité ne soit pas remise en question. Tout comme l'Office de la
protection du consommateur ou du ministère de l'Environnement canadien,
il devrait pouvoir faire connaître publiquement les méfaits ou les
entêtements des ministères fautifs. Cette façon de faire
rendrait ses recommandations plus coercitives. Le Protecteur du citoyen devrait
être doté de plus de ressources et d'un mandat élargi qui
couvrirait et remplacerait les ombudsmans des différentes
sociétés d'État, tel qu'Hydro-Québec ou tous les
organismes para et péripublics du Québec.
Tout le monde s'accorde de nos jours pour affirmer que les autochtones
constituent une clientèle distincte de tout autre groupe de la
société. Ils sont plus sensibles aux contacts
personnalisés et moins familiers avec la conception occidentale du
fonctionnement d'une société. Par conséquent, nous sommes
plus vulnérables aux abus de pouvoirs de l'administration publique et
moins sensibles aux mécanismes de défense qui sont à notre
disposition. Pour contrer ce problème, le Protecteur du citoyen pourrait
s'adjoindre du personnel autochtone afin de les former pour qu'il puisse
dispenser des services d'information et d'enquêtes nécessaires
à son mandat dans les communautés autochtones. Il pourrait ainsi
maximiser ses chances de développer une image positive auprès de
la population amérindienne du Québec et, par le fait même,
améliorer l'image du gouvernement du Québec.
L'aspect prévention qui fait partie intégrante du mandat
du Protecteur du citoyen ne doit pas non plus être négligé.
Si cet organisme pouvait en arriver à développer une expertise et
une vision des problèmes que les autochtones ont à vivre face
à une administration de plus en plus omniprésente, il serait
mieux en mesure de conseiller le gouvernement dans l'élaboration des
lois, des règlements et des politiques en général.
Nous croyons sincèrement que cette approche permettrait
d'éviter de nombreux abus qui se transforment quelquefois en crise
majeure. Cette fonction préventive de conseiller auprès du
gouvernement ne devrait pas empêcher le Protecteur du citoyen de faire
son autocritique une fois que ces recommandations seront en application.
En effet, malgré les meilleures intentions du monde, il arrive
que la théorie rencontre des difficultés d'adaptation dans la vie
réelle et qu'on se méprenne sur les moyens à prendre pour
atteindre nos objectifs. L'expérience nous enseigne que la meilleure
façon de réagir dans ces circonstances, c'est de
reconnaître ses erreurs et d'en corriger les causes et les effets.
En conclusion, je crois que nous pouvons affirmer que
l'égalité des personnes devant la gamme complète des
services gouvernementaux est un objectif et un idéal à atteindre
dans une société démocratique et pluraliste. Que l'on vive
dans la capitale ou à 1000 kilomètres plus loin, que l'on fasse
partie d'une majorité ou dune minorité, que l'on soit pauvre ou
riche, l'administration publique devra toujours tendre à nous servir et
à nous informer de la façon la plus complète et efficace
possible.
Le Protecteur du citoyen a donc une responsabilité vitale de
chien de garde et son indépendance financière et politique est
indispensable, à notre avis. C'est uniquement lorsque ce bureau pourra
exercer la plénitude de son mandat en toute indépendance que le
niveau de crédibilité du gouvernement du Québec
auprès de la population va augmenter. Une attention particulière
devra toujours être portée aux minorités ethniques et aussi
aux autochtones, car une nation qui traite bien ses minorités et ses
autochtones traite bien sa majorité.
N'oublions pas que nous sommes tous les minoritaires de quelqu'un.
Sylvain Lelièvre, un artiste québécois que vous connaissez
bien, dit dans lune de ses chansons: "On est toujours un peu l'Iroquois de
quelqu'un". Merci. On est prêts à répondre à vos
questions.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M.
Saganash, pour votre exposé. Alors, plusieurs membres ont demandé
d'intervenir. C'est au tour de l'Opposition officielle. C'est Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve...
Mme Harel: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): ...ensuite de ça, si
vous me permettez, Mme la députée, il y aura le
député d'Iberville, le député de Berthier et le
député d'Anjou.
Mme Harel: Alors, bienvenue, M. Saganash, M. Bosum et Me Robert.
C'est intéressant, M. Saganash, que vous ayez cité Sylvain
Lelièvre. Il est venu devant la Commission Bélanger-Campeau et
j'avais eu l'occasion justement de lui rappeler ce passage que vous venez de
nous citer de l'une de ses chansons. Alors, vous dites: Ça fait 21 ans
qu'existe l'institution du Protecteur du citoyen. Et à la page 1 de
votre mémoire, vous dites que c'est tout récemment que
certains
chefs cris ont appris l'existence du Protecteur du citoyen. Donc, au
départ, tout de suite, on constate en fait qu'il y a un problème
non pas de perception mais d'information. Vous nous dites que vous entendez
dorénavant y avoir recours. La question que je veux vous poser, c'est
plus: Comment devraient être offerts les services du Protecteur du
citoyen?
Dans votre mémoire, vous nous dites que le Protecteur du citoyen
devrait embaucher des enquêteurs autochtones, qu'il devrait aller y faire
enquête sur place. Finalement, la question que je me suis posée,
c'est: Est-ce suffisant? Est-ce qu'il faudrait que ces enquêteurs
puissent parler la langue des personnes qui ont déposé des
plaintes ou est-ce que l'enquête doit se faire par des personnes qui
peuvent converser dans la langue des témoins? Est-ce important? D'autre
part, compte tenu des expériences menées en
Nouvelle-Zélande, je pense, entre autres, au Tribunal de Waitangi dont
vous avez peut-être entendu parler, compte tenu des expériences en
Australie, il s'agit finalement d'une commission parlementaire qui est
constituée d'autochtones. Est-ce qu'il y a un problème finalement
à ne voir la solution que dans l'embauche de personnes dans les
institutions et à ne pas envisager aussi parallèlement ou
concurremment qu'il faille peut-être envisager, lorsque les plaintes
émanent des communautés autochtones, de les traiter dans la
culture même des personnes dont les plaintes originent? Je ne sais pas si
je me suis bien fait comprendre. Oui?
M. Saganash: La raison essentielle pour laquelle nous avons
proposé qu'il y ait des enquêteurs autochtones, c'est justement
à cause de cette barrière de langue qui existe, en particulier
chez les Cris, avec le gouvernement du Québec et les autres
institutions. C'était la raison essentielle pour laquelle nous avons
proposé ça. D'ailleurs, le conseil du Grand Conseil des Cris a
adopté en décembre 1989 une résolution demandant au
Protecteur du citoyen d'engager des enquêteurs autochtones pour assurer
un service complet auprès des nations autochtones et des
communautés autochtones au Québec. C'est la raison principale
pour laquelle nous avons demandé ça.
Dans une autre perspective, vous comprendrez pourquoi il y a une
barrière de langue entre les communautés autochtones. C'est
strictement relié à des raisons historiques. Dans un autre ordre
d'idées, le Protecteur du citoyen a un rôle particulier à
jouer auprès du citoyen en général. Et dans le cas des
communautés cries, ce rôle-là est d'autant plus important,
parce que, nous, on se trouve dans une situation très
particulière dans nos relations avec les gouvernements, que ce soit le
gouvernement canadien ou le gouvernement québécois. C'est
sûr que lorsqu'on a signé la Convention de la Baie James, par
exemple, on aurait préféré avoir un tribunal pour juger
des différends qui rassortent aujourd'hui de la Convention de la Baie
James de l'interprétation, de l'application de cette
Convention-là.
Le tribunal de Waitangi est un exemple parfait de ça. Et n'est-ce
pas là une des premières choses que le gouvernement canadien
avait demandé d'établir lorsqu'ils ont négocié
l'entente du libre-échange avec les Américains, qu'il y ait un
tribunal? Cela aurait été juste normal dans le cas de la
Convention de la Baie James aussi. C'est sûr qu'on ne peut pas
résoudre tous nos problèmes avec le Protecteur du citoyen, mais
en attendant, c'est peut-être une des institutions les plus impartiales
qu'on peut retrouver présentement, si on prend en compte toutes les
institutions qui existent dans votre société
québécoise et aussi dans la société canadienne.
Les tribunaux - et ça, ce n'est pas le secret des dieux - ont
très souvent, malgré les droits, très clairs que nous
avons au point de vue constitutionnel, par exemple, jugé contre nos
intérêts pour des raisons politiques, économiques. Alors,
dans ce sens-là, nous avons espoir dans le Protecteur du citoyen parce
que c'est une des institutions qui existent qui serait là pour nous
servir.
Mme Harel: Je vous remercie de cette réponse. Je souhaite
que les membres de cette commission donnent suite à cet espoir que vous
avez, lors de la rédaction des recommandations dans le rapport final.
Bon, vous faites valoir que l'impartialité du Protecteur serait
entachée ou risquerait, plutôt, d'être
discréditée si l'expérience européenne, où
les plaintes doivent préalablement passer par le député,
était appliquée ici. Je comprends très bien que vous
écartiez cette hypothèse de changement dans les traitements des
plaintes devant le Protecteur. Vous dites également que vous souhaitez
que ce ne soit pas le Conseil du trésor qui, dans le fond, est le
maître d'oeuvre des politiques ministérielles de
l'Assemblée nationale, qui ait à voter les budgets du
Protecteur.
On le voit bien, par exemple, avec la Commission des droits de la
personne qui réclame depuis des mois les fonds pour mener une
enquête sur les relations entre les nations autochtones et les forces
policières sur les allégations de discrimination, et qui attend
toujours. J'interrogeais Me Lachapelle la semaine passée
là-dessus et ça fait des mois maintenant, je crois, depuis juin
dernier, qu'il attend une réponse sur cette question. Et je note aussi
que vous mettez en doute la validité du processus d'ombudsman
d'Hydro-Québec, étant donné qu'il n'y a pas là
véritablement impartialité, et vous nous illustrez votre propos.
(16 heures)
Mais, moi, je comptais beaucoup sur votre présence, aujourd'hui,
pour nous expliquer la conception de la justice que vous développez.
Vous nous donnez l'exemple du divorce. Reprenons un exemple. Ça
va peut-être être encore plus simple. Un bon exemple - à la
page 7 de votre mémoire - du manque d'accès à la justice,
c'est, par exemple, celui d'un Cri qui désire avoir un divorce. Et
là, vous nous donnez l'exemple du fait que, comme il n'y a pas de juge
de la Cour supérieure qui va aller dans les territoires cris, il va donc
y avoir des frais exorbitants encourus pour aller à Amos, en Abitibi,
où se trouve le tribunal. En vous lisant, je me suis demandé si
la solution consistait à demander qu'un juge de la Cour
supérieure monte dans les territoires ou si vous pensiez qu'il fallait
plutôt envisager peut-être une façon différente de
rendre justice dans les territoires.
Est-ce que ça représente quelque chose - c'est ça,
ma question - qu'en hélicoptère arrivent un juge de la Cour
supérieure, un procureur et peut être un avocat de l'aide
juridique? C'est un peu, moi, dans mon esprit, comme si un juge de Winnipeg,
avec un avocat de Winnipeg et un procureur de Winnipeg venaient rendre justice
ici, au Québec, dans une autre langue, avec une autre culture. J'ai
l'impression qu'on n'aurait pas l'impression que c'est un système
indépendant et impartial. Alors, est-ce que c'est simplement... Est-ce
que, dans votre esprit, il s'agit d'abord d'avoir des personnes autochtones qui
occupent ces postes-là ou si, selon vous... Je ne parle pas du sens de
la justice qui est le même pour tout le monde, mais on sait très
bien que la justice est, finalement, un pur produit culturel. À part,
évidemment, la prohibition de l'inceste et du meurtre, il y a toutes les
formes possibles de codes de justice. Est-ce que vous pensez que sur ce plan
là, il y aurait intérêt à ce qu'il y ait, un peu
comme le Québec a obtenu, même après la conquête, un
droit autochtone, par exemple, parental ou familial, qui puisse être
différent du Code civil qu'on connaît ici?
M. Saganash: Votre question comporte plusieurs volets.
Mme Harel: C'est parce que vous ne venez pas souvent devant
nous.
M. Saganash: Les services en général, de la part du
gouvernement du Québec, sont inexistants, au point de départ,
dans le Nord du Québec. On ne voit le gouvernement du Québec que
lorsqu'il a besoin de nos ressources dans le Nord. À part cela, on ne le
voit pas. On n'a même pas accès, par exemple, au service 1-800
dans le Nord. On ne peut pas appeler l'Office de la protection du consommateur,
par exemple. C'est impossible, pour nous. En termes de services, les services
sont inexistants dans le Nord.
On a soulevé l'exemple de la justice parce que c'est une des
choses qui sont mentionnées dans la Convention de la Baie James, que le
gouvernement du Québec s'était engagé à donner un
accès plus étroit pour les Cris à la justice. Et il
était supposé aussi de modifier ce système de justice qui
existait pour le rendre plus compatible avec la culture autochtone dans le Nord
du Québec, ce qui n'a pas été fait jusqu'à date
Pendant le symposium qui a eu lieu en 1987, à Mistassini, entre les Cris
et le ministère de la Justice du Québec, tout le monde
était d'accord sur le fait que les services juridiques dans le Nord sont
inadéquats autant au point de vue des services qu'au point de vue de la
manière qu'on rend justice dans le Nord parce que c'est une
communauté et la culture est différente de la vôtre.
C'est ce qu'on souhaite depuis fort longtemps et il y a beaucoup de
travail qui se fait de ce côté-là. On a
étudié un peu les méthodes traditionnelles de
régler nos conflits, par exemple Et fious allons proposer au
gouvernement du Québuc, dans un avenir rapproché, la façon
dont la justice devrait être rendue dans le Nord, selon notre conception
de la justice, qui serait compatible avec la culture autochtone parce qu'il va
sans dire qu'il y a une forme d'acculturation juridique qui se passe lorsqu'on
accepte que le Québec amène son système de justice dans le
Nord et qu'on ne comprend pas, finalement, la manière dont les gens
pensent et ils ne comprennent pas, eux autres non plus, la manière dont,
nous, nous pensons. Alors, c'est très difficile de fonctionner dans ce
type de justice et d'administration de la justice. On souhaite,
évidemment, que ça change. Les moyens étaient
déjà là, en place, avec la Convention de la Baie James. Il
était prévu que ça irait dans cette direction là,
mais on attend toujours. Nous, on a fait nos devoirs, de notre
côté. On a fait les études qu'il y avait à faire
pour démontrer amplement que le système de justice est
inadéquat dans le cas des Cris de la Baie James.
Mme Harel: C'est intéressant, parce que quelques-uns de
mes collègues, je ne sais trop lesquels, se demandaient en quoi les
questions que je vous posais avaient rapport avec l'institution du Protecteur.
Justement, ce que vous réclamez, c'est une approche systémique,
je crois, du Protecteur, évidemment, qu'il aille sur place pour recevoir
les plaintes, mais qu'if intervienne aussi de façon systémique.
Il pourrait intervenir sur la façon dont justice est rendue. Là,
nécessairement, ça met en cause une conception qui est
très répandue dans le Parlement, qui est l'affirmation que tous
sont égaux devant la loi Évidemment, l'omission qui est toujours
faite, c'est d'ajouter, notre loi Parce qu'on affirme simplement, dans cette
affirmation, que tous sont égaux devant notre loi, mais notre loi n'est
pas la loi. Il y a une sorte de confusion dans l'opinion publique
québécoise qui finit dans la tête du ministre de la Justice
lui-même, qui
répète ça très souvent: Tous sont
égaux devant la loi, en oubliant, évidemment, d'ajouter que c'est
notre loi, parce qu'il n'y a pas une loi naturelle qui descend du ciel et qu'on
aurait codifiée dans nos propres législations. Alors, si je
comprends bien, par exemple, le Protecteur du citoyen pourrait vous être
utile, non seulement dans les cas particuliers comme celui que vous nous
décrivez à la page 7 de votre mémoire, mais pour aussi
enquêter sur le fait que la manière de faire la loi peut, dans
votre cas, être un déni de justice. Est-ce que c'est ça que
je dois comprendre quand vous nous demandez une intervention
systémique?
M. Saganash: Oui. Il faut mentionner, dès le
départ, que dans le cas particulier des Cris, nous n'avions affaire avec
l'État québécois que depuis seulement 15 ans, lors de la
signature de la Convention de la Baie James en 1975. Il y a quelque chose qui
empêche la mise en oeuvre de cette Convention depuis 15 ans. D'où
ça vient? Je ne le sais. Peut-être que les fonctionnaires sont
maintenus dans l'ignorance délibérément. Peut-être
qu'il existe des directives très claires à l'effet qu'on ne doive
pas mettre en oeuvre cette Convention qu'on a signée avec les Cris. Je
ne le sais pas. Je ne sais pas ce qui se passe. Mais il est très clair
que dans le cas des Cris, l'approche systémique serait beaucoup plus
appelée à être mise en application dans notre cas, parce
que le problème des individus est souvent le problème du peuple.
Alors, dans ce sens-là, il y a lieu d'appliquer souvent l'approche
systémique que la loi prévoyait.
Mme Harel: Je voudrais peut-être juste inviter les membres
de la commission à prendre connaissance de votre rapport aux pages 7 et
8, où vous décrivez bien le rôle que le Protecteur du
citoyen pourrait jouer dans un cas semblable et vous nous dites, soit
d'utiliser une approche systémique et d'apporter des correctifs sur le
système en général. L'exemple que vous donnez, c'est que
le Protecteur pourrait proposer au ministre de la Justice, soit de faire
adopter une proclamation pour que la Cour supérieure siège au
Nord du Québec, ou encore mieux, d'examiner tout le système
d'administration de la justice aux autochtones dans la perspective de
régler les conflits et de rendre justice selon les méthodes
traditionnelles. Alors, je veux simplement inviter mes collègues
à prendre connaissance de cette partie de votre mémoire.
Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la
députée. Je vais maintenant reconnaître M. le
député d'Iberville.
M. Lafrance: Je vous remercie, M. le Président. J'aimerais
également joindre mon mot de bienvenue et vous remercier pour avoir
présenté ce mémoire. Je suis certain que ça va nous
aider considérablement dans notre iravail do perception et aussi,
éventuellement, de recommandation, ceci pour, évidemment, avoir
les recommandations les plus justes possible pour tous les citoyens du
Québec.
J'ai trouvé très intéressants les propos que Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve vient de tenir concernant la
question de votre perception de la conception de l'application de la justice
que vous voyez de façon différente. Vous avez reculé
peut-être de 15 ans, avec la signature de l'entente, de la Convention de
la Baie James. Ça dépasse peut-être un peu le cadre de
notre commission, mais, quand même, je trouve ça très
intéressant. Quelle sorte de rapprochement voyez-vous dans le futur pour
qu'on ait justement une meilleure perception de cette justice que vous voyez
différemment?
M. Saganash: L'approche de votre société de la
justice est très différente de la nôtre, dans le sens que
votre type de justice est "adversarial" tandis que dans notre cas, on
réglait nos conflits par des groupes de médiation. C'est surtout
un type de droit de médiation, plutôt que... Ce n'était pas
deux parties que le juge jugeait, soit en faveur de l'une ou de l'autre,
c'était surtout un processus de médiation qui se passait. Il y
avait des comités dans nos communautés cries qui avaient ce
rôle-là de médiation dans les conflits qui existaient entre
les membres de la communauté. C'est dans ce sens-là que c'est
très difficile pour un Cri, par exemple. Déjà, il ne
comprend pas la langue qu'on parle en cour, mais il est très difficile
pour un Cri d'arriver devant la cour et d'essayer de comprendre ce qui se
passe. C'est très difficile. Je le vois depuis plusieurs années.
J'ai une formation en droit, donc j'ai assisté à des
procédures et à des auditions en cour. C'est dans ce
sens-là que nous disons que votre type de système de justice ne
s'applique pas nécessairement bien dans le cas des communautés
autochtones. Il y a lieu de changer tout ça et de favoriser le type
d'administration de la justice que nous avions avant même que vos
ancêtres arrivent en Amérique.
M. Lafrance: Oui. Je peux très bien comprendre ça,
mais comment voyez-vous un rapprochement, une meilleure compréhension
justement entre nos deux groupes? Est-ce que vous voyez la création d'un
organisme ou de mécanismes qui pourraient faire qu'on comprendrait mieux
la façon dont vous voyez la justice et que vous comprendriez mieux la
façon dont nous voyons notre justice?
M. Saganash: Ce n'est pas nécessairement le désir.
Il y a un concept, un principe que nous défendons depuis fort longtemps,
c'est le principe de l'autodétermination et une des choses que nous
voulons à l'intérieur de ce principe-là que nous
défendons depuis fort longtemps, c'est de
régler nos conflits internes à notre manière, de
notre façon. C'est dans cette perspective-là que je le vois, moi.
Je ne pense pas que vous acceptiez ce que le Canada anglais vous propose. Par
exemple, le droit de déterminer son destin et son avenir vous
appartient, vous, en tant que Québécois, autant que moi j'ai le
droit de décider de quelle façon je veux régler mes
conflits internes entre mes membres. C'est dans ce sens-là.
Je voudrais simplement avoir le droit d'appliquer et de mettre en place
mes propres institutions telles qu'elles étaient déjà en
place avant votre arrivée en Amérique. C'est tout ce que je dis.
Je n'ai pas à vous dire, par exemple, comment vous devriez régler
vos conflits ou régler vos affaires de justice, comme vous n'avez pas le
droit de me dire comment régler les conflits qui existent à
l'intérieur de ma communauté.
M. Lafrance: Non, mais ma question se voulait simplement pour
essayer d'avoir une meilleure compréhension entre les deux et un
rapprochement éventuel en matière de règlement de plaintes
ou de conflits qui pourraient exister.
Si je vais maintenant au plus spécifique, du côté
d'Hydro-Québec, vous avez parlé du commissaire aux plaintes des
clients distributeurs d'électricité. Et je cite ici ce que vous
avez écrit en page 6: "Le Protecteur du citoyen devrait en
conséquence rapatrier la juridiction du commissaire aux plaintes et en
faire un de ses secteurs spécialisés." Est-ce que je dois
comprendre que vous aimeriez voir abolir complètement ce commissaire ou
le garder en ayant le Protecteur du citoyen en dernier recours ou,
possiblement, en mettant le commissaire sous le Protecteur du citoyen? (16 h
15)
M. Saganash: Reconnaître la juridiction du Protecteur du
citoyen pour des cas de plaintes à Hydro-Québec, c'est abolir le
commissaire aux plaintes à Hydro-Québec.
M. Lafrance: L'abolir complètement. M. Saganash:
Oui.
M. Lafrance: Avoir recours seulement au Protecteur du citoyen.
Finalement, la question de recours aux médias a attiré mon
attention, en page 4, où vous dites que le Protecteur du citoyen devrait
publier dans le journal le nom du ministère en question et un
exposé complet des faits et des mesures. C'est assez surprenant. Je ne
pense pas qu'il y ait beaucoup de mémoires qui aient
présenté ça comme ça. Ne pensez-vous pas qu'il y
aurait un danger de percevoir le Protecteur du citoyen comme devenant un ennemi
- si je peux employer ce terme - de l'appareil administratif public en ayant
recours aux journaux, aux médias?
M. Robert (François): Je peux répondre à
cette question-là. Je pense qu'il n'appartient pas au Protecteur du
citoyen d'avoir un rôle provocateur. Dans notre mémoire, on parle
bien d'en cas de mauvaise administration endémique ou suite à une
recommandation du Protecteur, quand rien n'a été fait de la part
de l'administration. Le Protecteur a pu faire d'autres pressions sur le
ministère. À ce moment-là, avoir recours aux médias
pour illustrer la situation, ça peut être approprié. C'est
en cas extrême.
M. Lafrance: En cas extrême. M. Robert: En cas
extrême. M. Lafrance: O.K. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M. le
député d'Iberville. Je vais maintenant reconnaître M. le
député de Berthier.
M. Houde: Bonjour, messieurs, ça me fait plaisir de vous
voir ici aujourd'hui. Connaissant vos façons d'agir, j'en ai quelque
2100 près de chez moi, juste à la limite de mon comté de
Berthier, plus précisément à la Manouane. On fait affaire
de temps en temps avec eux autres et on échange avec eux à
l'occasion, pour les routes et pour les territoires de pêche et de
chasse.
À la page 3 de votre mémoire, vous faites part de votre
intention d'avoir dorénavant recours au Protecteur du citoyen,
maintenant que vous connaissez son existence, pour remédier aux abus de
l'administration. Avez-vous eu l'occasion récemment de faire appel aux
services du Protecteur du citoyen dans le cas de plaintes individuelles ou
systémiques? Quelle conclusion tire riez-vous de cette ou de ces
expériences? On regarde l'accès pour tous les citoyens, dans
votre mémoire, et il semblerait qu'à l'occasion vous y avez eu
recours. Est-ce que c'est exact?
M. Saganash: Me Robert est la personne responsable d'une des
plaintes que nous avons déposées. Je vais demander à Me
Robert d'élaborer là-dessus.
Le Président (M. Dauphin): Me Robert.
M. Robert: Le Grand Conseil des Cris a effectivement
déposé une plainte auprès du Protecteur du citoyen dans le
cas de deux jeunes qui devaient être entendus devant le Tribunal de la
jeunesse. Vous ne le savez peut-être pas, mais les juges de la cour
itinérante boycottent les communautés cries qui n'ont pas les
installations pour les recevoir. Il y a encore une des communautés qui
est dans cette situation-là. Deux jeunes qui devaient comparaître
dans leur village ont dû comparaître dans un village voisin.
M. Houde: Un village indien, là. M. Robert: Le
village indien voisin. M. Houde: D'accord, merci.
M. Robert: II n'y a pas de route d'accès à ce
village-là. Donc, l'avion qui venait avec la cour, qui vient cinq, six
fois par année, a atterri. On a couru après les deux jeunes dans
la rue. Les parents n'ont pas eu le temps de réaliser, de
préparer le voyage pour accompagner les enfants. Ils ont ramassé
les enfants. Les jeunes ont comparu dans le village voisin. Mais il y a un vide
juridique, à savoir qui va payer le retour de ces jeunes-là.
Donc, les jeunes ont été laissés dans le village voisin.
Il n'y a pas d'autres moyens de s'y rendre que par bateau ou par avion. Mais le
bateau, sur la Baie James, en tout cas, moi, je ne l'ai jamais fait, mais il
doit y avoir de la vague.
M. Houde: Ha, ha, ha!
M. Robert: Et puis, par avion, les enfants n'avaient pas les
moyens. On voit qu'il y a une injustice là. Maintenant, on a fait une
plainte pour ces deux jeunes-là, mais aussi on demande une enquête
systémique. Pourquoi les juges ne siègent-ils pas? Ça, on
le sait, parce qu'il n'y a pas les services, l'infrastructure pour recevoir les
juges. Mais pourquoi n'y a-t-il pas cette infrastructure-là? Là,
on demande une enquête systémique sur l'administration de la
justice. C'est là qu'on fait un peu une relation entre l'administration
de la justice qui ne reflète pas les valeurs et le rôle du
Protecteur, pour répondre à votre question, Mme Harel,
précédemment.
M. Houde: Quel âge avaient-ils, les jeunes? M. Robert:
17 ans.
M. Houde: 17 ans. Merci. Ma deuxième question: Quand je
vois que le Grand Conseil des Cris ne compte pas sur le Protecteur du citoyen
pour solutionner tous les problèmes des autochtones, mais qu'il
espère que quelqu'un d'indépendant pourrait veiller à
l'instauration d'une société pluraliste au Québec, quel
serait précisément ce rôle que le Protecteur du citoyen
serait appelé à jouer?
M. Saganash: Le rôle du Protecteur du citoyen,
présentement, de la manière que nous le percevons, c'est de
régler les cas d'abus de l'État vis-à-vis d'un citoyen.
Depuis 15 ans, comme je l'ai expliqué tantôt, nous sommes
appelés à faire affaire avec la fonction publique
québécoise. Évidemment, le rôle du Protecteur du
citoyen se limite à ça, présentement. Il y a un
problème plus large que ça qui existe présentement,
surtout dans notre cas. Ne faisant affaire avec la fonction publique
québécoise que depuis 15 ans, la seule et unique raison pour
ça, c'est que nous avons signé une entente, il y a 15 ans,
essentiellement tripartite, Canada-Québec et les Cris et les
autochtones. Bien sûr, on espère qu'il y ait un autre organisme
qui pourrait veiller à l'application de cette Convention-là, qui
est en soi un projet de société, un projet de cohabitation
pacifique entre différents peuples sur un territoire.
Présentement, il n'y a aucun mécanisme qui est appelé
à jouer ce rôle d'arbitre entre les Cris et la
société québécoise dans le cas de conflits en vertu
de cette Convention-là. Dans ce sens-là, c'est sûr qu'on
préférerait qu'il y art une sorte de tribunal - le Tribunal de
Waitangi est un exemple de ça, en Nouvelle-Zélande, - où
il y aurait des membres cris et des membres de la société blanche
à l'intérieur qui pourraient siéger, régler les
différends qui ressortent de cette Convention-là.
M. Houde: Oui.
M. Saganash: C'est une problématique plus large...
M. Houde: O.K.
M. Saganash: ...que le Protecteur du citoyen n'ait pas, à
ce moment-ci, le mandat.
M. Houde: Je vais vous poser une autre question peut-être
un petit peu en dehors de ça. Dans les réserves - j'en connais
quelques-unes, pas tellement - est-ce qu'il arrive qu'il y ait des Indiens qui
meurent de faim parce qu'ils n'ont pas de quoi à manger? Je ne parle pas
du froid qu'on a eu ou de quelqu'un qui s'est perdu, ce n'est pas ça que
je veux dire. Dans les réserves normales, est-ce qu'il y en a qui
meurent parce qu'ils manquent de nourriture, ils n'ont pas d'argent pour
s'acheter de quoi à manger, ils n'ont pas de quoi pour trapper? Non?
M. Saganash: Pas à ma connaissance, mais il faut bien
comprendre que nous, nous vivons encore de chasse et de pêche. Une des
valeurs traditionnelles que nous avons encore aujourd'hui, c'est le partage
entre les membres de la communauté. Donc, ceux qui sont plus
dépourvus de moyens de poursuivre ce mode de vie traditionnel sont
aidés par d'autres qui peuvent le faire encore. Dans ce sens-là,
non, pas à ma connaissance.
M. Houde: Ça m'amène à une autre question.
Qu'est-ce qui arrive d'abord... Tantôt, vous parliez de justice. Je ne
veux pas être méchant quand je pose cette question-là, mais
dans une réserve, il y a des ZEC qui sont régies par des
règlements. Quand on voit des Indiens arriver dans un lac, le vider
complètement - quand je dis "le vider complètement", c'est
prendre une
seine et le vider - et qu'il ne reste plus rien, demain matin, avec la
justice meilleure que vous voudriez voir, que vous souhaitez, ce serait quoi
votre position, à ce moment-là? Comprenez-vous ce que je veux
dire? Comprenez-vous ma question?
M. Saganash: Oui.
M. Houde: Je parle de poisson, je ne parle pas d'orignaux et de
tout ça; je parle juste de poisson.
M. Saganash: Oui.
M. Houde: Qu'est-ce que ça ferait?
M. Saganash: Évidemment, il y a des préjugés
par rapport aux autochtones dans ce sens-là.
M. Houde: Non, non, ça peut être des Blancs
aussi.
M. Saganash: Je ne suis pas...
M. Houde: Écoutez, écoutez, ça peut
être des Blancs qui font ça, mais là, c'est des Indiens
dont je veux parler. Quelle serait votre position?
M. Saganash: Par rapport à?
M. Houde: Bien, à des gens qui vident un lac
complètement dans une ZEC, je ne parte pas dans une réserve qui
est reconnue pour...
M. Saganash: O.K. À mon avis, il y a des gens responsables
de la faune en vertu de vos lois. Il y avait des méthodes de gestion de
fa faune qui existaient même avant que vos lois n'existent.
Une voix: Oui.
M. Saganash: Alors, dans la société crie, ces
méthodes-là sont encore en application et jamais vous n'allez
trouver un lac vidé par les autochtones sur le territoire de la baie
James. Si vous avez été témoin de ça dans d'autres
régions...
M. Houde: Je ne nommerai pas une région en particulier.
Remarquez bien, ce n'est pas mon but, mais c'est pour savoir ce que vous feriez
à partir de là, c'est ça que je voulais savoir.
M. Robert: Si je peux répondre... M. Houde: Oui
M. Robert: Je pense que l'une des valeurs cries, c'est fa
conservation des ressources et la terre est très importante. Je pense
que si une personne abuse de ces valeurs-là, ses pairs pourraient
intervenir en médiation ou peu importe le mode de résolution de
conflit, pour faire des pressions sur cette personne-là pour qu'elle ne
recommence pas.
M. Houde: Merci beaucoup.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M le
député de Berthier. Maintenant, M. le député
d'Anjou.
M. Larouche: Très bien. Merci, M. le Président
J'aurais plusieurs remarques, parce que vous avez parlé beaucoup
évidemment. Je vais m'adresser au chef ou, en tout cas, le message, je
vais le faire au chef Abel Bosum, on ne l'a pas entendu beaucoup. On a entendu
des avocats. Concernant le recours aux médias, déjà le
député d'Iberville y faisait référence, c'est vrai
que c'est la première fois qu'on entend cette chose-là, et je
lisais quelqu'un qui disait ceci, je cite: "Si votre justice ne dépasse
pas celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le royaume
des cieux." Alors... C'est saint Mathieu qui disait ça. Je m'adonne
à avoir un petit livre en avant de moi. Justement, j'y
réfère parce qu'on parie en termes de justice. Je ne pense pas
qu'en termes universels il y ait une justice pour les autochtones et pour les
Blancs et pour les Noirs. En termes de justice, je pense qu'il faut
référer à des choses très simples, au sens le plus
étroit du mot. Après ça, on pourra... Et je parle à
Abel: La justice consiste à rendre à chacun son dû, ce
à quoi il a droit. Ainsi, la vertu de justice... et ainsi de suite... On
dit: De ce point de vue, où justice et droit correspondent - et vous
êtes deux avocats, - on distinguera entre justice distributive qui
règle la participation des différents individus aux biens dont
dispose l'ensemble de la société et la justice commutative qui
règle les rapports entre les individus eux-mêmes ou les
institutions particulières qui peuvent, de ce point de vue, être
assimilées dans le tout social à des individus. Parce que c'est
à ça que vous avez référé, en termes de
justice, c'est ce dont on entend parler depuis une demi-heure.
M. Saganash: Est-ce que vous pouvez répéter cela en
anglais, parce que monsieur ne parle pas français?
M. Larouche: O.K. That is a question of definition of justice.
So, you have distributive justice and commutative justice. After that, I will
explain to you in English, if you want to... After. Because I have just a few
minutes and I do not want to elaborate on the concept of justice, but what I
was saying is that there is not a justice for the autochtones. There is not a
justice for the Crées and for the Montagnais and for the French and for
the English. Mr. Holden
is a Member of National Assembly for West-mount; there is not a justice
for Westmount and one for... So, there is an universal concept of justice.
En fin de compte, ce à quoi vous vous en prenez, c'est au
système de justice, c'est au niveau de l'administration de la justice
et, déjà, la société québécoise, par
l'institution du Protecteur du citoyen et par d'autres moyens, se dirigent dans
certains niveaux d'application de la justice au niveau de la
déjudiciarisation où vous mettez en cause le système
"adversarial" versus la médiation. Ça veut dire, à moins
que je ne me trompe, déjà on participait à un colloque
à Birmingham sur tout le concept. Alors ça veut dire que la
société occidentale ou blanche tend à
déjudiciariser, en tout cas, disons au Québec, peut-être au
Canada. Alors, voyez-vous, il y a un rapprochement. De votre part, un petit
rapprochement, de la part de la société, un autre rapprochement
et on arrive vers la déjudiciarisation. On y arrive. Ça peut
prendre encore du temps. (16 h 30)
Troisième point. Je vais vous faire un aveu que je n'ai pas dit
vendredi. Je reprends toujours parce que c'est Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve qui parle toujours avant moi. Alors, je l'entendais
tantôt qui disait: Ce que vous voulez, c'est d'être des Indiens.
Ils ont le droit de ne pas être Québécois, ce sont des
autochtones, etc. Je suis intervenu en Chambre, le 4 septembre et le 1er
novembre 1990 à cet égard-là. Je vais laisser au chef Abel
et à ses avocats une copie de mon texte. Vous lirez aux lignes 39
à 70 de la page 4832, où je disais ceci - et on pourra en
reparler, je n'ai pas participé malheureusement à la Commission
Bélanger-Campeau: II conviendrait qu'on désigne ces citoyens du
Québec du terme générique approprié
d"'Améri-québécois". Vous n'êtes pas des Indiens.
Les Indiens, c'est Christophe Colomb qui cherchait la route des Indes. Il est
arrivé ici et il a vu des Cris et il a dit: Voilà, c'est des
Indiens. Vous êtes des Cris, vous êtes des Montagnais, vous
êtes des Hurons.
Quand je vous dis que je vous ferais une confidence. Vendredi dernier,
le Conseil des Atikamekw et Montagnais est venu. Alors, je suis, moi, un
Montagnais. Si la filiation avait conservé les noms des femmes
plutôt que celui des hommes, mon nom ne serait pas Larouche, ce serait
Antaya-Kaorate. Mais le système a voulu - et c'était votre
système autant que le système occidental - que ce soit les
hommes. Alors, à cet égard-là, je serais aussi Montagnais
que Max Gros-Louis est Huron. Voilà! Mais ma pauvre mère, elle a
perdu ses titres. Mais il reste qu'il faut s'entendre. Souvent, on dit: Ah,
c'est juste des questions de terminologie. Vous apprendrez que la terminologie
est extrêmement importante. "The words are important". Je suis un
autochtone. M. Holden est un autochtone.
L'autochtone, c'est celui qui habite le sol. À cet égard,
je vous réfère à un article d'un savant
québécois qui s'appelle André Patry, d'un article du
Devoir. Je vous en ferai une copie M. Abel, et même j'en ferai
faire une traduction qui, justement, déblaye au niveau de ces termes
d'autochtone. On est tous des autochtones, on habite le sol.
Moi, ce que je dis, lorsque vous verrez le texte on pourra s'en
reparler, on parle d'Amé-riquébécois,
d'Américanadiens ou d'Amérindiens. Si on parle
d'Amérindiens, je dis parlons donc
d'Amériquébécois. Déjà, ça fait une
distinction. Vous êtes les premiers habitants du sol d'Amérique.
Alors, vous êtes les Amériquébécois. Vous lirez
ça et on en reparlera. J'avais demandé: "Ce simple geste
symbolique forcera le gouvernement fédéral à créer
le moins de dommages possible lorsqu'il s'aventurera à alimenter
artificiellement des conflits entre les habitants du Québec qui
recherchent la paix et non la guerre, etc. " Je ne veux pas rouvrir le
débat. Mais je disais au début de mon intervention que j'ai
l'habitude de regarder par en avant et non par en arrière. Ça
c'est un point que je voulais soulever. J'aimerais - vous pouvez, M. Abel, si
vous m'avez compris, ou si vous voulez me poser une question pour avoir plus de
choses, si vous voulez vous entretenir - que vous preniez la parole. Vous avez
ici deux avocats and you you are the chief. I would like to hear from the chief
et not let only the lawyers "prendre le plancher" take the floor. I would like
that you give your opinion on what your lawyers said. What is your opinion?
What is your personal feelings concerning the mandate, the adjustments in the
mandate of the ombudsman? What are your personal feelings on that, besides your
lawyers?
M. Bosum (Abel): I just want to point out that this is a text
that is put together for the Cri Nation. This text is a Great Council text
which represents the thoughts of all the chiefs and the Cri Bands. O. K. And I
want what have been put in this. Mr. Diom Saganash here is the vice-chairman,
next to the Grand Chief. So, as leadership we also recognize our authorities in
this regards. But most of what we have presented today, basically reflects the
Cri version. O. K. ? And it was quite clear in the beginning that there is not
much information available to us and what should be the role of the ombudsman.
O. K. But lately, we discovered what it can do. And through that this
discovery, we are now proposing certain methods that would help the Cri Nation,
make better use of the system that you already have. And at the same time, that
could be sort of the starting point and then eventually looking to something
that can bring our differences together.
Because ultimately, we do have a system and it is like in the
traditional system. It is a little different. We are studying two the con-
cepts, your system and our concept, or our system, and the idea of
trying to see what works best at the local level, what are the other things we
will probably be a lot better using their system. That is an attempt of trying
to put the two together.
M. Larouche: The Cri of Oujé-Bougoumou, is it in the area
of James Bay?
M. Bosum: Chibougamau area. M. Larouche: The
Chibougamau?
M. Bosum: Yes. We are the ninth Cri band. We have just, after 40
years now, finally getting some recognition from both governments.
M. Larouche: O.K. How many members do you have in your band, your
personal band?
M. Bosum: We have 500.
M. Larouche: 500. Do you act as a justice, you know, as a judge
sometimes? You know déjudiciarisation, O.K. There is a problem and you
evaluate that and you Judge because you are a chief. Do you do that? You do not
do that. Maybe you do not take your responsibilities because as a chief, when
there is a conflict between Cris, then you have to say: Listen, we will solve
this problem instead of going to the lawyers. This is just a suggestion.
M. Bosum: Does Robert Bourassa do that? Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Larouche: Robert Bourassa does that between the members in the
caucus. And when he sees a black sheep or a white sheep, you know, he says:
Bring them together.
M. Bosum: I bring that to my Council members and we together make
a decision.
M. Larouche: So you are a judge. Thank you very much.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Alors, il reste quelques minutes. Est-ce qu'il y a
d'autres membres qui aimeraient poser une question? Il reste deux minutes.
Mme Harel: Oui. Vous avez parlé de cette rencontre que
vous avez eue à Mistassini, en 1987 et, nous dites-vous, à cette
occasion, vous avez élaboré un projet de résolution des
conflits par des méthodes traditionnelles. Est-ce que c'est ce que je
crois comprendre?
M. Saganash: Non.
Mme Harel: Est-ce qu'il serait possible que vous fassiez parvenir
à la commission, pour le bénéfice des membres de la
commission, les changements que vous souhaiteriez voir apporter à
l'administration judiciaire, à l'administration de la justice? Et nous
pourrions, par exemple, à l'occasion, en parler devant cette commission
avec le ministre de la Justice.
M. Saganash: Dans un premier temps, on s'est rendu compte,
à cette époque-là, que le système de justice
n'était pas adéquat dans notre cas et les membres du
ministère de la Justice qui étaient présents, à ce
moment-là, ont été d'accord sur ce point-là aussi.
À partir de ce moment-là, nous avons élaboré un
système de justice qui répondrait plus à nos besoins, qui
refléterait plus les valeurs traditionnelles des Cris. Maintenant, on
a...
Mme Harel: Un projet.
M. Saganash: ...un document de position - a position paper, qu'on
appelle - et il n'est pas public encore. La raison est simple. C'est qu'il n'y
a pas de négociations présentement entre la nation crie et le
gouvernement du Québec. Vous connaissez les raisons. Il y a une table de
négociations qui a été formée après 13 ans
de difficultés de mise en application de la Convention de la Baie James,
le gouvernement du Québec a finalement décidé
qu'effectivement il y avait un manquement de son côté et qu'il
allait mettre en oeuvre la Convention de la Baie James, à cette
époque-là. Lorsque les Cris ont déclaré
publiquement leur opposition au projet Grande Baleine, c'est à ce
moment-là que le gouvernement du Québec s'est retiré de la
table de négociation.
Mme Harel: Cette position que vous avez élaborée,
entendez-vous la rendre publique prochainement?
M. Saganash: Lorsque les discussions reprendront avec le
gouvernement du Québec.
Mme Harel: Alors, vous ne pensez pas que l'opinion publique
pourrait, elle, obliger le gouvernement à reprendre les discussions sur
la base de vos propositions?
M. Saganash: Non. Tant et aussi longtemps que... Parce que nous,
lorsqu'on a commencé la table de négociation, le gouvernement du
Québec insistait pour qu'un des sujets à la table soit le projet
Grande Baleine et le Grand Conseil des Cris, en assemblée
générale avec tous ses membres, a décidé, depuis
mars 1989, de s'opposer à ce projet...
Mme Harel: D'accord.
M. Saganash: ...catégoriquement. C'a été
réitéré en 1990. Depuis ce temps-là, il n'y a pas
eu de discussion entre Québec et la nation crie.
Mme Harel: Je suis certaine que le président va me
permettre une autre question parce qu'il y aura un sommet sur la justice...
Le Président (M. Dauphin): Rapidement.
Mme Harel: Oui, parce que suis certaine que ça
l'intéresse tout autant que moi. Ce sommet sur la justice a
été annoncé par le ministre de la Justice pour le
printemps, mais, vraisemblablement, serait reporté a l'automne. Nous
avons fait des représentations et je pense que ces
représentations ont été entendues parce que, à
l'origine, il n'y a pas eu de consultation sur l'ordre du jour de ce sommet
auprès des nations autochtones, mais on me dit qu'on y a
remédié et que c'a été fait. Vous aurez donc
l'occasion, au cours de ce sommet... Je comprends que vous avez
été contactés pour faire connaître les points que
vous aimeriez voir inscrits à l'ordre du jour du sommet sur la justice
et peut-être aurez-vous l'occasion, à ce sommet, de faire valoir
vos propositions.
M. Saganash: Nous avons eu, effectivement, une invitation
officielle de la part de M. Rémillard, dans ce sens-là, et nous
avons répondu en disant que sa lettre était très vague,
qu'on ne comprenait pas exactement ce que M. Rémillard voulait faire
avec ce symposium-là. Alors, on a envoyé une lettre lui demandant
d'expliquer un peu plus les objectifs de la démarche, etc. Ensuite, nous
répondrons.
Mme Harel: D'accord. Juste pour mentionner...
Le Président (M. Dauphin): Là, Mme la
députée, c'est que...
Mme Harel: Je crois comprendre, M. le Président, que M.
Saganash...
Le Président (M. Dauphin): La dernière des
dernières.
Mme Harel: ...n'est pas un procureur du
Grand Conseil des Cris. Il est lui-même un chef.
Il est vice-président du Grand Conseil des Cris. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Si vous me permettez, juste une
dernière question avant que nous vous remerciions, au nom des membres de
la commission. Vous avez parlé tantôt, Me Robert, je crois, d'une
plainte individuelle concernant deux jeunes, qui s'est convertie en plainte
systémique, relativement à l'infrastructure des tribunaux. C'est
ça?
M. Robert: Oui.
Le Président (M. Dauphin): Est-ce que vous avez eu des
suites de ça?
M. Robert: On espère que la plainte va être
convertie en approche systémique. On a demandé au Protecteur du
citoyen. On n'a pas encore eu de réponse formelle. On n'a pas le
résultat de l'enquête, évidemment. Donc, on ne
connaît pas l'approche qu'il va choisir. C'est une prérogative du
Protecteur.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. J'avais mal saisi
tantôt.
M. Saganash, vice-président du Grand Conseil des Cris du
Québec, M. Bosum, chef de la Bande Crie de Oujé-Bougoumou et Me
François Robert, au nom des membres de la commission parlementaire des
institutions, nous vous remercions sincèrement de vous être
déplacés et d'avoir participé à nos travaux. Nous
vous souhaitons un bon retour.
Nous allons suspendre deux minutes en attendant de demander à Me
Mockle de s'avancer à la table des invités.
(Suspension de la séance à 16 h 44)
(Reprise à 16 h 48)
Le Président (M. Dauphin): Si vous le permettez, mesdames
et messieurs, nous allons reprendre nos travaux. C'est avec plaisir que nous
recevons Me Daniel Mockle, qui est professeur et docteur en droit à
l'Université du Québec à Montréal. Alors, bienvenue
à Me Mockle. Vous avez environ une quinzaine de minutes pour nous faire
part de votre exposé; ensuite de ça débutera une
période d'échanges avec les membres de la commission. Si vous
voulez procéder.
M. Daniel Mockle, professeur et docteur en
droit
M. Mockle (Daniel): Alors, M. le Président, Mmes et MM.
les députés, je vous remercie. Bien sûr, c'est le boniment
habituel. Je vous remercie donc de m'entendre cet après-midi. Alors,
contrairement aux groupes qui défilent, ici, à la barre depuis
quelques jours, notamment depuis jeudi, vendredi et aujourd'hui, vous devinez
facilement que je ne suis pas là pour représenter un groupe, une
association, que je suis ici dans le cadre, bien sûr, de mes
activités de chercheur et de professeur en droit. Donc, je n'ai pas de
mandat particulier pour vendre ou représenter quelque chose. Je n'ai,
évidemment, aucun lien avec le Protecteur du citoyen. Donc, mes
préoccupations à l'égard des travaux de la commission des
institutions se situent dans une perspective de recherche, de réforme
concernant les modes
ou les solutions alternatives au règlement des litiges, des
différends au sein de l'administration québécoise.
D'ailleurs, mon intervention, cet après-midi, est nettement
orientée vers un éclairage particulier, vers, finalement, une
approche plus globale, qui permet de mieux situer, de mieux mettre en
perspective l'institution du Protecteur du citoyen. Elle n'est pas
orientée, donc, vers le mémoire, puisque le mémoire
soumet, à l'attention de la collectivité, de la
communauté, des groupes de pression, un certain nombre de questions; je
n'ai pas l'intention d'y répondre de façon systématique.
Donc, mon intervention, tout simplement, se situe dans le cadre de cette
approche globale du règlement non contentieux des litiges
administration-administrés au Québec. C'est un domaine dans
lequel je travaille depuis quelque temps. J'ai même produit une
étude, un rapport là-dessus, que je n'ai pu, malheureusement,
soumettre à l'attention de la commission pour la très simple
raison qu'il est destiné à des fins de publication. Donc, le
mémoire que je vous présente cet après-midi n'en est tout
au plus qu'un reflet limité, pour des fins de recommandation
auprès de la commission.
Alors, brièvement, vous savez fort bien, vous êtes,
j'imagine, sensibilisés au fait que le règlement global des
plaintes ou des différends opposant l'administration
québécoise à ses vastes clientèles d'usagers et de
bénéficiaires peut être contentieux ou non contentieux.
Vous avez d'abord, du côté contentieux, la perspective de la
justice judiciaire et de la justice administrative. De même que la
justice administrative, notamment, ce sont des domaines qui, j'imagine, sont
sensibles pour vous et que la commission devra inévitablement examiner,
évaluer du moins, dans la perspective de recommandation et de
réforme concernant le mandat du Protecteur du citoyen.
Or, à part ces modes de contentieux, il y a, effectivement, la
vaste famille encore très méconnue, du moins chez les juristes,
chez les professeurs de droit, de moyens non contentieux, de modes alternatifs.
Et le message essentiel que je vais vous livrer cet après-midi, c'est
tout simplement de porter à votre attention le fait que le Protecteur du
citoyen n'est qu'un moyen parmi d'autres. Ce n'est qu'un moyen certes, un peu
dilué, qui est quand même important, mais ce n'est qu'un moyen
parmi bien d'autres pour régler de façon non contentieuse des
plaintes opposant l'administration, donc une institution administrative
québécoise à ses usagers. Le message que je vais vous
livrer, c'est que le Protecteur du citoyen ne peut pas être, finalement,
l'unique mode de règlement amiable de ces plaintes, pour des raisons
institutionnelles, des raisons qui tiennent à la limite de ses propres
moyens budgétaires, humains, financiers, il ne doit pas non plus
être ce moyen unique. Donc, le message que je veux livrer peut
paraître, du moins à première vue, défavorable
à l'institution du Protecteur. Non, vous verrez, au contraire, que je
suis très favorable au Protecteur du citoyen, mais que je tiens tout
simplement à remettre un peu les choses en perspective concernant
justement ces modes alternatifs.
J'ai voulu simplement, à des fins de rappel, dans un premier
temps, dans le cadre de ce mémoire, vous énoncer
brièvement ces modes alternatifs, notamment le recours administratif,
les mini-ombudsmans, qu'on appelle les ombuds-mans administratifs
également, et d'autres modes alternatifs plus classiques qui tiennent
à la conciliation, la médiation, l'arbitrage.
Or, si l'on examine donc, brièvement, ces recours, je ne voudrais
peut-être pas entrer trop dans les détails parce que ça
relève davantage finalement d'un exposé juridique, d'un
exposé traditionnel. Or, je ne suis pas ici pour faire ça. Mais
il existe quand même, depuis très longtemps, de multiples
règlements, de multiples solutions pour régler à l'amiable
des plaintes, des différends, des litiges, des griefs. Le plus ancien,
qui est bien antérieur d'ailleurs à la création du
Protecteur du citoyen, c'est tout simplement la notion de recours administratif
qui, comme son nom l'indique, permet d'introduire un recours directement
auprès de l'autorité administrative concernée par le
dossier.
Ces recours, on peut en faire une typologie. D'ailleurs, je vous signale
brièvement diverses appellations. On peut parler de recours en revision,
de recours en réexamen, de recours gracieux, de recours en
équité, de recours hiérarchique et également de
recours à l'administrateur mieux informé. Enfin, c'est une vaste
famille qui n'est pas encore bien déblayée, bien connue sur le
plan de la doctrine, du moins, de la science juridique.
À la page 4 du mémoire, je vous donne des exemples plus
précis concernant à la fois le droit fédéral et le
droit québécois de ces recours administratifs, dans le but de
vous faire comprendre justement la progression normale concernant le
règlement d'une plainte ou d'un différend dans une perspective de
droit administratif, c'est-à-dire que d'abord - c'est d'ailleurs la
plupart du temps prévu par la loi - l'usager ou
l'intéressé doit former d'abord un recours, une demande de
révision qui, en cas d'échec, aboutit à une demande en
réexamen qui est présentée à une autorité
supérieure habituellement, donc une personne qui est placée
à un niveau supérieur de l'organisation et, là encore, en
cas de persistance du différend, en cas de persistance du
désaccord, l'affaire est portée en appel devant un tribunal
administratif. C'est donc la filière classique. Et l'affaire prend une
dimension contentieuse et, après audition et jugement de la part du
tribunal administratif, il y a encore, dans certains cas, possibilité
d'appel sur des questions de droit devant un organe judiciaire habituellement,
donc, la Cour supérieure du Québec ou la Cour
fédérale, tout dépendant, bien sûr, du cadre
fédéral ou du cadre québécois. Ça,
c'est finalement une perspective classique de règlement non contentieux
des litiges. Cette dimension ne doit pas être oubliée.
Il existe également - et je porte ça à votre
attention - le phénomène - et c'est sûrement ce qui vous
intéresse le plus dans le cadre de votre réflexion - des
ombudsmans administratifs ou des ombudsmans exécutifs. On parle
d'ailleurs, dans la langue anglaise, d'"Executive ombudsman" ou de "Local
ombudsman". Le problème principal auquel les juristes sont
confrontés, du moins les chercheurs, c'est de bien clarifier cette
appellation d'ombudsman. Est-ce qu'on doit finalement la reconnaître
à n'importe quel type d'autorité ou de responsable chargé
d'entendre des plaintes en provenance des usagers, des
bénéficiaires? Je ne le crois pas. On est tentés, la
plupart du temps, et c'est là une formule peut-être
journalistique, une formule générale, de reconnaître ce
titre, ombudsman, à différentes catégories de responsables
des plaintes. Or, il n'en est rien. Je crois qu'une approche restrictive
s'impose dans ce domaine. La Cour suprême a déjà
proposé quelques balises, notamment dans l'affaire de principe sur la
fonction d'ombudsman, l'affaire Friedmann, qui remonte à 1985, où
le juge Dickson propose quatre critères pour définir ce qu'est
l'ombudsman. C'est une approche qui est évidemment assez restrictive,
celle de la Cour suprême, mais je crois qu'il vaut mieux jouer
conservateur et se référer finalement à la
définition que propose Dickson qui parle de la nécessité
d'une origine législative. Il insiste également sur l'idée
d'un officier public indépendant. Il insiste - et c'est le
troisième critère - sur la possibilité de pouvoirs
d'enquête et également, tout dernier critère, sur l'absence
de contrainte directe sur l'administration, donc, les autorités
concernées par ces pouvoirs d'enquête, de recommandation.
Or, en ce moment, si l'on regarde un peu les institutions
administratives au Québec, les ombudsmans, du moins ceux qui, a priori,
pourraient mériter ce genre d'appellation, eh bien, il y en a
très peu. Il n'y en a que trois, à ma connaissance - du moins, je
parle de deux d'entre eux dans le mémoire. Il y a - et c'est le plus
ancien - le commissaire à la déontologie policière dont je
ne parle pas dans le mémoire comme tel. Il a été introduit
en 1988 par le projet de loi 86; c'est un amendement à la Loi de police.
C'est un commissaire qui, par ses pouvoirs, son statut, ses immunités,
est peut-être celui qui se rapproche le plus de la notion de la fonction
d'ombudsman. Alors que pour les deux autres, commissaire aux plaintes pour la
clientèle d'Hydro-Québec, commissaire aux plaintes agricoles, ces
deux autres commissaires qui ont été créés en 1989,
alors, respectivement par le projet de loi 135 et par le projet de loi 100, ne
correspondent pas, du point de vue, disons, de la stricte rigueur juridique,
à la notion d'ombuds- man, puisqu'ils n'ont pas un minimum
d'indépendance et d'immunité, du moins pour le commissaire aux
plaintes agricoles, pour justement mériter vraiment cette appellation
"ombudsman". On peut peut-être parler de commissaire. Je crois qu'un
ombudsman et un commissaire, justement, ce n'est pas la même chose; les
appellations sont importantes.
Enfin, en ce qui concerne la conciliation et la médiation, c'est
peut-être un domaine qui vous intéresse moins, c'est pour moi, du
moins dans le cadre de mes recherches, quelque chose de très important
que le suivi de ces expériences, en ce moment, de conciliation, de
médiation et d'arbitrage au sein de l'administration
québécoise. Elles ont tendance à se multiplier depuis 15
ans. Elles prennent d'ailleurs beaucoup d'importance dans le cadre du mandat de
certains organismes autonomes, avec ou sans l'étiquette "tribunal
administratif, où diverses expériences de conciliation, de
médiation, si vous voulez - c'est souvent hybride, très complexe,
finalement, c'est technique - où diverses expériences de
règlement amiable des litiges sont tentées, sont en cours
d'ailleurs.
Et ce qui est intéressant, c'est le seul constat que je peux
peut-être signaler à votre attention, cette technique de
conciliation progresse de façon significative lorsque l'administration,
lorsque ces organismes autonomes sont appelés à trancher des
différends entre parties privées, lorsqu'ils agissent dans un
cadre de plainte déposée par une partie privée à
l'en-contre d'une autre partie privée. On pourrait donner l'exemple de
la Régie du logement, la Régie des marchés agricoles, la
Régie des télécommunications. Il y a également la
CSST. Il y a le Conseil des services essentiels, là où il y a un
peu plus de partie publique. Mais pour l'essentiel, la conciliation, jusqu'ici,
d'après le résultat de mes travaux ou de mes recherches, ne
montre pas, finalement, l'existence de conciliations ou de techniques de ce
type entre une autorité administative et une partie privée. Donc,
l'administration, du moins ses organismes autonomes, agit finalement dans une
perspective de partage ou d'arbitrage d'intérêts privés.
Donc, l'État n'est pas encore vraiment concerné par ces
techniques de conciliation, du moins il n'est pas concerné directement,
il est concerné un peu à titre d'arbitre au sens large du terme.
(17 heures)
Maintenant, le poste au responsable des plaintes, c'est un peu
finalement l'objet principal de mon intervention devant vous cet
après-midi. Comme vous le savez déjà, ces postes de
responsables aux plaintes progressent au sein de l'administration
québécoise. Déjà, si on oublie les trois
ombudsmans, entre guillemets, que j'ai portés à votre attention,
que je vous ai signalés, il y a en ce moment une quinzaine de postes de
commissaires ou de coordonnateurs aux plaintes au sein de l'administration
québécoise, postes de
responsables qui ont été patronnés explicitement
par Me Daniel Jacoby, par le Protecteur du citoyen dans le but de favoriser le
règlement amiable des plaintes entre l'administration
québécoise et ses usagers.
Si M. Daniel Jacoby a senti le besoin de proposer finalement cette
alternative à ses propres services, je crois qu'il a bien fait.
D'aHleurs, il a bien fait parce que le Protecteur du citoyen ne peut pas et ne
doit pas être cet organisme de première ligne ou de
première instance pour régler les plaintes en provenance du
public. Ça n'a aucun sens; ça n'a pas été
pensé ni conçu à cette fin, au départ. D'ailleurs,
vous le précisez vous-même, du moins... Quand je dis "vous le
précisez", c'est relatif. Le document de consultation qui nous est
proposé précise, à la page 4, que le Protecteur du citoyen
est l'organisme de dernier recours pour les gens qui sont aux prises avec
l'administration. Eh bien oui, normalement, c'est ça. Quand on parte de
l'ombudsman dans les pays occidentaux, c'est bien finalement un peu un recours,
peut-être pas de dernière instance, mais un recours quand d'autres
ont échoué.
C'est normal effectivement que d'autres mécanismes, d'autres
moyens soient proposés au public. Encore faut-il - et c'est là
l'essentiel de mon intervention cet après-midi - que ces modes
alternatifs ou ces mécanismes de règlement amiable soient
sérieux, soient valables. C'est là que tout se joue puisque
justement ces postes de coordonnateurs, de commissaires aux plaintes, de bureau
des plaintes n'offrent pas toujours - c'est très inégal
d'ailleurs - toutes les garanties qu'on pourrait souhaiter. C'est d'ailleurs
très hétéroclite puisque la création de tels postes
a été laissée à l'initiative de chaque
autorité responsable. Ça progresse d'ailleurs tout doucement en
ce moment. Ça s'étend un peu comme une nappe d'huile finalement
à l'ensemble de l'administration québécoise. Ça
progresse d'organisme en organisme et, d'ailleurs, le Protecteur du citoyen
lui-même a invité expressément la plupart des organismes au
Québec à se doter, à se munir de ce moyen de régler
comme ça, en souplesse, les plaintes en provenance de leur
clientèle, en provenance finalement de la clientèle de chaque
organisme.
Or, cette progression est donc très inégale puisque les
appellations et c'est un... Il y a un ensemble de problèmes structurels
que je porte à votre attention - c'est la seconde partie du
mémoire - et il y a un certain nombre de problèmes structurels
qui m'apparaissent flagrants ou, du moins, de première importance. Je
vous les ai énumérés: à la fois l'importance de
l'appellation du titre des personnes appelées à examiner
finalement ces plaintes. Souvent, l'appellation suppose un certain statut
juridique. On peut se demander alors quel titre, quelle appellation faut-il
accorder à ces gens, ce qui suppose donc à la fois un certain
statut juridi- que, un statut administratif, des privilèges, des
immunités et certaines prérogatives pour des personnes
appelées à remplir ces fonctions d'examen ou de responsable des
plaintes. L'appellation a beaucoup d'importance, que ce soit dans une
perspective administrative ou juridique.
La question de l'indépendance également. C'est quelque
chose qui tient traditionnellement à coeur, qui est très
importante, habituellement, pour les juristes, notamment pour les gens qui
oeuvrent en droit administratif, la question de l'indépendance. Je vous
rappelle que l'article 23 de la Charte québécoise des droits et
libertés insiste notamment, bien que l'article 23 soit orienté
vers la notion de tribunal, sur l'impar tialité de celui qui doit juger
ou examiner finalement une affaire Donc, on attache traditionnellement, je
dirais, dans notre système politique et juridique, une importance
certaine à l'indépendance, à l'impartialité de
celui qui est appelé à examiner une plainte ou un grief, au sens
large, peu importe qu'il ait ou non le statut de juge.
Enfin, il y a d'autres considérations qui doivent entrer en ligne
de compte, notamment le statut budgétaire et financier, le statut
budgétaire de ces gens, de ces responsables qui sont appelés
à examiner des plaintes on ne peut plus lacunaires, on ne peut plus
floues, dans la mesure où ils ne sont pas souvent dotés des
moyens ni des pouvoirs pour ordonner des prélèvements ou des
solutions impliquant des dépenses d'ordre budgétaire. Il y a
là, finalement, un cadre administratif à clarifier.
Quant au degré de formalisation des garanties offertes, c'est
là une tentation souvent facile pour les juristes, pour les
professionnels du droit que d'insister lourdement sur l'élaboration des
garanties juridiques, de la procédure, des normes finalement dans le but
d'assurer un minimum d'impartialité et de justice. Les profes sionnels
du droit insistent beaucoup, bien sûr, sur la formalisation des
garanties, sur la procédure. Eh bien, sans tomber dans certains
excès, je crois qu'il faut un minimum de règles pour des raisons
justement que les juristes ne soupçonnent pas habituellement. C'est que
ces règles ont une valeur pédagogique. Elles permettent
d'emblée de clarifier les règles du jeu pour les parties
intéressées, notamment pour le public qui doit faire appel
à un responsable ou un commissaire des plaintes. Ces règles
habituellement lui permettent de comprendre le fonctionnement de l'institution,
le fonctionnement de la procédure d'examen des plaintes et signalent,
bien sûr, à l'attention de tous et chacun l'existence d'un minimum
de garanties pour le traitement équitable et sérieux
effectivement d'une plainte N'oubliez pas que pour ces postes de responsables
aux plaintes, les apparences sont drôle ment importantes puisqu'il faut
convaincre le public, souvent très sceptique de ses chances de
réussite à l'égard de l'administration, du
sérieux
des garanties offertes, donc, de la possibilité d'un recours qui
soit vraiment un recours au sens général du terme, donc, une
véritable garantie qui lui permette éventuellement d'obtenir
satisfaction, satisfaction à faible coût, avec des délais
qui sont réduits au strict minimum.
Enfin, le dernier élément également à
signaler à votre attention, l'existence, bien sûr, de faux recours
puisque ces postes de responsables aux plaintes progressent, mais, dans
certains cas, ces créatures ou plutôt ces responsables, cela
relève presque de la supercherie puisque l'examen des plaintes est
laissé parfois au directeur effectivement des relations avec le public
ou le directeur des affaires publiques ou des communications ou la
vice-présidence aux relations avec les bénéficiaires.
Enfin, il y a bien des titres qui me passent par la tête, bien des titres
qui laissent finalement planer plus d'un doute sur le sérieux qu'on
entend conférer à ce genre de garanties, à ce genre de
recours pour le traitement des plaintes.
Alors, si je veux résumer finalement mon intervention, je crois
que la commission des institutions doit bien comprendre, doit relativiser
finalement pleinement ce qu'est le Protecteur du citoyen au sein des
institutions québécoises. Il n'est pas le seul mécanisme
existant. Il ne doit pas être le seul mécanisme. On doit, au
contraire, nettement favoriser des règlements, des mécanismes de
première ligne, de première instance - d'ailleurs, Daniel Jacoby
le reconnaît lui-même - puisque les organismes qui font affaire
avec une clientèle déterminée sont évidemment les
mieux placés. C'est eux qui ont le dossier, c'est eux qui connaissent
les circonstances de l'affaire, ce sont eux qui sont concernés et ce
sont eux qui doivent justement régler à l'amiable, autant que
possible, les différends, les litiges qui surgissent avec, bien
sûr, leur propre clientèle; donc, diversité des
mécanismes mais également sérieux de ces
mécanismes.
C'est là que, finalement, je nuance mon propos, c'est là
justement que je suis nettement favorable au Protecteur du citoyen. Et les
recommandations que je vous propose à la fin vont dans cette direction.
Le Protecteur du citoyen qui a mis lui-même en branle, pour ainsi dire,
ce mécanisme, ou du moins, qui a été à l'origine de
la création d'un certain nombre de postes de responsables et de
commissaires aux plaintes, doit justement jouer un rôle majeur à
titre de coordonnateur, d'animateur et de superviseur justement de ces
organismes. Il a les pouvoirs de le faire avec le fameux article 27.3 de sa
propre loi que vous connaissez. Eh bien, je crois que ce rôle
d'animateur, il doit continuer à l'exercer, notamment pour favoriser
d'autres mécanismes, d'autres modes alternatifs, ce qui permet de
conserver justement ses bons offices au traitement de dossiers qui soient ou
qui sont vraiment sérieux.
Le danger effectivement qui guette en ce moment le Protecteur du
citoyen, quand j'entends tous les groupes ici qui défilent et qui
demandent une extension de son mandat, non justement, c'est dangereux. Il faut
éviter de banaliser cette institution qu'est le Protecteur du citoyen et
d'en faire finalement le guichet de première instance pour entendre les
plaintes en provenance des diverses clientèles d'usagers et de
bénéficiaires au sein de l'administration
québécoise. C'est là à la fois une banalisation et
une dévalorisation de son rôle véritable qui doit
être réservé justement à des problèmes
sérieux et, également - c'est 27.3, c'est un peu la noblesse de
sa mission - à orienter les efforts de l'administration
québécoise vers des réformes, attirer l'attention,
finalement, des organismes gouvernementaux vers des problèmes d'ordre
systémique. C'est là un aspect de son mandat qui est de toute
première importance.
Donc, j'espère que vous comprenez bien la nuance de mon propos.
Le Protecteur du citoyen doit continuer d'assumer un rôle majeur, mais ne
doit pas être autant que possible, justement, ce guichet de
première instance pour le règlement quotidien des plaintes en
provenance du public. Je vous remercie.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Me Mockle, de
votre exposé très intéressant. Je vais reconnaître,
en premier lieu, M. le député de Chapleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Merci pour votre
exposé. Votre expérience et les études que vous avez
faites vous ont préparé à faire un mémoire bien
étoffé, bien pensé, avec des recommandations
concrètes qui vont certainement aider la commission à faire les
recommandations qui s'imposent auprès de l'Assemblée nationale en
temps propice.
Maintenant, vous avez dit que le Protecteur du citoyen n'est pas la
première instance pour régler des litiges entre des citoyens et
le gouvernement, ainsi de suite. Il y a plusieurs associations qui ont comparu
devant nous et qui ont dit que l'institution elle-même devrait avoir un
ombudsman, une personne responsable pour les plaintes en première
instance, le conseil régional, en deuxième instance, et
finalement, le Protecteur du citoyen. En ce qui concerne les plaintes, des
réseaux de services de santé et la question d'extensionner la
juridiction du Protecteur du citoyen dans le domaine des services de
santé ou des affaires municipales ou scolaires, êtes-vous d'accord
que le Protecteur du citoyen devrait être le dernier recours, que sa
juridiction devrait être extensionnée pour que ce soit la personne
ou l'institution de dernier recours au cas où toutes les autres
étapes en premier lieu, deuxième lieu et troisième lieu
n'aient pas fonctionné.
M. Mockle: Je vais vous répondre de façon
nuancée. Vous savez d'abord comme moi que, malheureusement,
l'institution du Protecteur du citoyen n'est pas encore bien connue.
D'ailleurs, les services du Protecteur ont mené diverses enquêtes
et ont révélé malheureusement qu'à peine le tiers
de la population québécoise connaissait cette institution et que
sur le tiers, à peine la moitié savait à peu près
comment se rendre jusqu'au bureau du Protecteur pour déposer
éventuellement une demande, un grief, une plainte.
Donc, s'il y a quelque chose à faire, c'est bien sûr de
revaloriser ou en quelque sorte d'amplifier peut-être, ou de renforcer le
mandat du Protecteur du citoyen. La recommandation que je me permettrais de
faire, compte tenu du mémoire qui est présenté, eh bien,
je crois que le minimum, peut-être, serait d'assurer cette
compétence du Protecteur sur l'ensemble des institutions
administratives, au sens strict. Vous savez comme moi que le Protecteur du
citoyen n'a pas compétence sur les sociétés d'État,
un certain nombre d'entreprises publiques dont le personnel n'est pas
rémunéré en fonction de la Loi sur la fonction publique.
Je crois que ça, c'est une lacune importante qui doit être
corrigée.
En ce qui concerne les réseaux de santé et des services
sociaux, la problématique est différente. Je crois que la
très grande vulnérabilité et les particularités,
justement, des clientèles de bénéficiaires, d'usagers
auprès des établissements de santé millitent en faveur de
la création de mécanismes locaux ou adaptés finalement
à la nature particulière de chaque institution. C'est normal.
Mais on doit éviter, par ailleurs, de trop diluer, peut-être, les
mécanismes de règlement de plaintes en une multitude de paliers.
Il y a là peut-être un effet de dilution qui me paraît
dangereux. (17 h 15)
Autant il est bon, finalement, de diversifier un certain nombre de
mécanismes pour le règlement souple, à l'amiable des
plaintes, notamment auprès de chaque autorité concernée,
autant il me paraîtrait peut-être dangereux de multiplier,
finalement, les mécanismes de règlement des plaintes à
plusieurs niveaux, à plusieurs échelons, du type, je ne sais pas,
comité des bénéficiaires, ensuite ombudsman local, et
ensuite, pourquoi pas éventuellement le Protecteur du citoyen. D'autant
plus - et c'est peut-être quelque chose sur laquelle je n'ai pas eu le
temps d'insister suffisamment - que la nature juridique, en ce moment, de ces
recours, de ces mécanismes de règlement des plaintes, eh bien,
pour les "admi-nistrativistes", pour les professeurs de droit administratif,
ces recours sont particulièrement complexes sur le plan de leur nature
juridique. Ce sont, à la fois, des recours qui empruntent un peu,
finalement, à la technique ou à la philosophie de l'institution
de lombudsman, je dirais, pour un tiers. Pour l'autre tiers, nous sommes dans
la perspective du recours administratif classique puisque n'oubliez pas que ces
responsables des plaintes sont des gens de l'organisation. Ce sont des femmes
ou des hommes de l'organisation qui sont appelés à entendre,
finalement, des plaintes. Donc, c'est l'institution elle-même qui
accueille et reçoit effectivement les plaintes de sa clientèle.
Donc, fondamentale ment, c'est la perspective du recours administratif.
C'est, donc, l'autre tiers Et, enfin, le dernier tiers, nous sommes dans
une perspective de conciliation, de médiation puisque ces personnes
appelées à entendre des plaintes agissent dans une perspective,
dans le cadre d'une philosophie de conciliation, au sens large de
règlement amiable. D'ailleurs, les esprits... Même chez les
juristes, j'ai constaté au cours de mes multiples rencontres avec chacun
des organismes, puisque j'ai procédé au moins à 20,
là, je suis rendu à tout près de 30 rencontres avec
diffé rents organismes, différentes institutions admi nistratives
pour les fins de mes recherches, j'ai constaté que même chez les
juristes, la conciliation, la médiation, l'arbitrage, ce n'était
pas clair du tout dans les esprits, alors que ces techniques sont pourtant
très différentes. Ce sont des techniques traditionnelles qui
n'ont pas du tout le même cadre juridique et dont les finalités ne
sont pas les mêmes.
M. Kehoe: Si je comprends bien, en dernier recours... Vous ne
seriez pas d'accord que le
Protecteur du citoyen ait une juridiction de dernier recours en ce qui
concerne les différends.
M. Mockle: Écoutez, j'ai peut-être été
mal compris. Je suis favorable au traitement des plaintes, au traitement, donc,
de première instance, par chaque institution concernée, peu
importe que ce soit un ministère, une société d'Etat, un
tribunal administratif, un organisme autonome, un hôpital, une commission
scolaire. Je crois que c'est normal que chaque institution soit
concernée par le règlement des plaintes de ses usagers. Encore
faut-il offrir des mécanismes qui soient sérieux et
peut-être, là, faut-il s'interroger, justement, sur le statut
juridique des personnes appelées à examiner ces plaintes, quitte,
éventuellement, à permettre au Protecteur du citoyen d'entendre
éventuellement, comme il le fait d'ailleurs en ce moment, une plainte en
cas de persistance du désaccord, en cas de persistance du
différend opposant l'institution en question à
l'intéressé.
M. Kehoe: Spécifiquement, pour répondre à la
question, un de nos mandats, c'est justement de savoir si on devrait
recommander d'extension-ner la juridiction du Protecteur du citoyen dans ces
différents domaines. Est-ce qu'on peut conclure de vos interventions que
ce sera votre
recommandation?
M. Mockle: Je suis favorable à l'extension du mandat du
Protecteur du citoyen, mais j'espère être bien compris: il ne faut
pas que ce soit le mécanisme de première instance ou de premier
recours.
M. Kehoe: Non.
M. Mockle: II faut qu'il y en ait d'autres avant.
M. Kehoe: Non, c'est ça. Je pense que toutes les...
M. Mockle: II ne faut pas banaliser ou dévaloriser ses
services. Il faut réserver, justement, ses bons offices, parce que ce
sont de bons offices, à des problèmes sérieux, à
des problèmes qui ont déjà été
examinés notamment par d'autres responsables ou d'autres institutions,
peu importe que ce soient des ombudsmans administratifs - donc, qui ne sont pas
de vrais ombudsmans - ou des commissaires aux plaintes, ou qu'il y ait eu un
recours administratif éventuellement. De toute façon, dans la
perspective du droit actuel, vous savez très bien comme moi que peu
importe l'étape à laquelle est rendu un administré dans la
progression, effectivement, de son dossier ou de sa plainte, il peut toujours
en déférer, justement, au Protecteur du citoyen pour l'examen de
son dossier. Donc, peu importe que ce soit rendu devant un tribunal
administratif, peu importe que ce soit à l'étape du recours
administratif ou que ce soit rendu encore plus loin dans le cheminement,
justement, contentieux, l'intéressé peut toujours saisir le
Protecteur du citoyen en désespoir de cause ou parce qu'il estime
effectivement que le système juridictionnel comme tel ne lui donnera pas
satisfaction.
D'ailleurs, dans bien des dossiers, il ne pourra pas lui donner
satisfaction parce que les normes, justement, sont faites de telle
manière que l'administré n'a pas droit à tel type de
prestation, à tel type de compensation, à tel type de pension.
Alors donc, il y a un problème d'ordre systémique et c'est
là, justement - je reçois d'ailleurs la correspondance du
Protecteur du citoyen - que ses bons offices sont souvent les meilleurs, les
plus appropriés, parce qu'il permet, comme ça, de régler
des cas qui, autrement, auraient été laissés, finalement,
pour compte puisque les normes, la réglementation applicable
était faite de telle façon que l'administration ne pouvait
opposer qu'un refus à l'intéressé, et elle avait raison de
le faire, compte tenu, effectivement, des directives applicables, de la
réglementation en vigueur. Elle l'a fait. Le Protecteur du citoyen est
intervenu. Il a permis, effectivement, de régler à l'amiable,
avec des considérations d'équité, un dossier qui, bien
souvent, n'avait pas de sens, les gens étant
dégoûtés, effectivement, d'un droit, d'une prestation pour,
bien souvent, des critères extrêmement techniques.
M. Kehoe: Dans le même ordre d'idées, à la
cinquième recommandation que vous faites, vous écrivez que c'est
normal que les plaintes soient traitées ou examinées d'abord par
l'autorité administrative responsable du dossier. Vous ajoutez: En cas
de persistance du désaccord entre l'administration et le plaignant,
d'autres recours doivent être offerts, notamment la possibilité de
saisir le Protecteur du citoyen si la nature du dossier se prête à
ce genre d'initiative.
M. Mockle: Oui.
M. Kehoe: Que voulez-vous dire par ces derniers mots? Voulez-vous
dire que certains types de dossiers devraient être exclus? De quelle
sorte de dossiers parlez-vous, à ce moment-là, ou de quelle sorte
de choses?
M. Mockle: Vous savez comme moi que le Protecteur du citoyen,
comme tel, est une institution qui est normalement compétente pour
entendre des plaintes concernant le fonctionnement des institutions
administratives. Comme tel, il ne doit pas et il n'a pas à s'immiscer
directement dans le déroulement traditionnel des institutions
judiciaires. C'est pour ça, d'ailleurs, que j'ai été
très étonné, cet après-midi, de la confusion qui
existait dans les esprits entre justement la fonction judiciaire, la fonction
contentieuse et d'autres types de fonctions: fonction administrative ou
fonction législative. En fait, les esprits semblent un peu confus de ce
côté.
Le Protecteur du citoyen n'est pas là pour examiner n'importe
quel type de plaintes ou de problèmes concernant les relations
État-individus. Vous savez comme moi que son mandat est orienté
vers les institutions administratives. Alors, si la nature de son mandat le
permet, donc, c'est compte tenu, bien sûr, de la nature du dossier. Si
c'est une affaire qui est pendante devant les tribunaux, bien, c'est
déjà, finalement, le processus de justice qui est en marche.
C'est une autre histoire. Mais il y a d'autres types de dossiers où,
justement, l'administration a raison, effectivement, parce qu'elle a raison,
elle n'a pas toujours tort, cette administration. Ce n'est pas toujours une
bête noire qui est là pour oppresser les gens, parce que c'est
l'épouvantail qu'on vient toujours brandir devant les parlementaires:
l'administration, la bureaucratie qui oppresse les gens. Non, cette
administration a souvent tout à fait raison pour des raisons d'ordre
public, de salubrité, d'intérêt général
d'appliquer la réglementation existante parce que M. X, Mme Y, telle
PME, tel type de commerçant ne répondent
pas à des normes élémentaires en matière de
sécurité, d'hygiène, de salubrité.
Donc, le Protecteur du citoyen, kii, intervient dans des dossiers
où, manifestement, il y a iniquité, ou injustice flagrante, ou
des choses qui sont aberrantes et qui, de toute évidence, après
examen du dossier par ses propres services, nécessitent une
intervention. Alors, vous savez comme moi que le Protecteur du citoyen
élimine, refuse quand môme d'intervenir dans un certain nombre de
dossiers, soit qu'il ne soit pas compétent en vertu de la loi actuelle,
soit que ce soit, finalement, le type de plaintes pour lequel il ne peut pas
intervenir, ou que ce soit, effectivement, des cas où l'application de
la loi, de la réglementation ne laisse pas d'autre alternative que de
dire aux gens: Bien, écoutez, l'administration fait son travail.
M. Kehoe: Merci
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Mme la députée de
Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. J'ai plaisir,
évidemment, à entendre Me Mockle. C'est certainement un
privilège pour la commission d'avoir un point de vue d'expert,
gracieusement. C'est assez rare que des universitaires acceptent de venir
devant la commission pour y jouer un rôle de bon citoyen. Alors, vous me
permettrez de vous en féliciter. Avez-vous un commentaire à
faire? Non?
M. Mockle: Oui, un commentaire. Je crois que je suis le seul,
malheureusement, d'après la liste que j'ai pu voir. C'est dommage. Je
dois vous dire que les professeurs de droit administratif sont très
orientés vers le contentieux, vers la justice administrative et se
désintéressent manifestement du Protecteur du citoyen et de ces
modes alternatifs. La raison en est là tout simplement.
Mme Harel: Bon, ça peut peut-être être une
explication, mais dans bien d'autres domaines, il arrive, malgré tout,
relativement peu fréquemment, que nous entendions des points de vue
d'universitaires qui sont des points de vue d'experts. Je me félicite
que nous puissions le faire aujourd'hui. Alors, vous nous présentez,
finalement - je ne sais pas si c'est bien simplifier les choses - trois types
de recours: la justice judiciaire, la justice administrative et la justice
qu'on pourrait appeler non contentieuse ou alternative.
M. Mockle: Ce n'est plus de la justice, là, ce sont des
modes alternatifs ou des garanties non contentieuses.
Mme Harel: D'accord.
M. Mockle: Parlons de garanties non contentieuses.
Mme Harel: D'accord.
M. Mockle: On est en dehors du cadre juridictionnel.
Mme Harel: Alors, quant à la justice dite judiciaire, ce
matin, nous entendions la Commission des services juridiques qui recommandait
de continuer de favoriser l'institution de recours légaux en faveur du
citoyen lésé comme étant la meilleure garantie face aux
agissements injustifiés de l'État. La Commission des services
juridiques ajoutait dans son mémoire: Nous croyons donc que
l'État, préalable à l'intervention du Protecteur du
citoyen, ait la reconnaissance législative des droits des citoyens et
l'institution d'un processus permettant de sanctionner la violation desdits
droits. Le mémoire ajoutait: "Que le Protecteur du citoyen puisse,
à l'étape ultérieure, intervenir auprès de
l'organisme concerné, nous apparaît comme une garantie
supplémentaire offerte aux citoyens lésés." Est-ce que
vous avez la même vision que celle exprimée par la Commission des
services juridiques?
M. Mockle: Une garantie supplémentaire, oui, certainement.
Je ferais peut-être un commentaire plus général dans la
mesure où on assiste au Québec quand même, compte tenu de
révolution des institutions politiques et administratives, à un
net déclin finalement du contrôle de type parlementaire ou du
contrôle de type politique au profit d'un contrôle de type
juridique. L'évolution du droit administratif et du droit public au
Canada, au Québec, et notamment au Québec, est marquée par
la création, la reconnaissance de recours de garanties au profit de la
population, recours qui permettent justement d'introduire des demandes ou des
requêtes directement auprès de l'autorité concernée
ou auprès dune autre autorité agissant, bien sûr, à
titre de tiers, que ce soit un tribunal administratif ou une autorité
agissant à titre d'organisme autonome chargé de missions de
réglementation, de police administrative.
Tout ça pour vous dire donc que le Québec évolue
déjà depuis très longtemps vers des recours de type
juridique, vers la formalisation effectivement des recours. Et
l'évolution globale est vraiment une évolution favorable à
la reconnaissance, à la création de ces recours et le Protecteur
du citoyen qui, lui, est un peu dans le sillage du contrôle
parlementaire, tend à devenir, compte tenu de son indépendance,
de son impartialité, du fait également - et j'insiste
là-dessus - que c'est et malgré tout, une autorité
administrative... Évidemment, là, je dois nuancer mon propos en
ce sens que c'est un peu une hérésie puisque, dans les travaux
qui lui sont
consacrés, on le considère habituellement comme un agent
public. On ne le considère pas du tout comme un mandataire de
l'Assemblée nationale. On le considère tout à fait comme
une autorité indépendante, autonome. Eh bien! les services du
Protecteur du citoyen, quand même, c'est fondamentalement une institution
administrative, une institution qui ne fait que s'ajouter, bien sûr,
à une panoplie de recours qui existent déjà, de recours
formalisés, de garanties. Tant et si bien que l'évolution globale
des institutions favorise ces recours, ces garanties de toutes sortes.
Mme Harel: L'exemple de la création du Tribunal des droits
de la personne l'illustre ou, encore, le recours collectif...
M. Mockle: Illustre très bien.
Mme Harel: ...ou la cour des petites créances. Donc, d'une
part, il y a prolifération de ces recours de justice judiciaire, mais,
en même temps, on constate l'engorgement des tribunaux administratifs, on
peut constater aussi la difficulté d'accès, compte tenu, par
exemple, de problèmes budgétaires liés à la
non-indexation du seuil d'admissibilité à l'aide juridique, etc.
Donc, il y a, malgré tout, dans ce système de justice judiciaire,
des gros problèmes. Est-ce qu'on peut...
M. Mockle: Oui. Alors, là, il faut faire la nuance justice
judiciaire, justice administrative. On est quand même dans le domaine du
contentieux, de juridictionnel, mais, en ce moment, la justice administrative
connaît effectivement des problèmes d'asphyxie, du moins pour
certains organismes. Vous savez très bien, comme moi, que votre action
s'insère quand même dans un contexte politique particulier puisque
le rapport du groupe de travail sur les tribunaux administratifs a
été déposé en décembre 1987 et que, en ce
moment, le ministère de la Justice continue donc de cheminer lentement
sur un projet de réforme globale pour les tribunaux administratifs.
Or, les gens des tribunaux administratifs, que ce soit Canadiens ou
Québécois, viendront devant vous faire des
représentations. Et le message que j'aimerais livrer de ce
côté, eh bien, dans le but de valoriser la justice administrative,
de favoriser une réforme, les gens des tribunaux administratifs ont
plutôt tendance à présenter la justice administrative comme
une panacée, comme le moyen de remédier finalement à
l'ensemble des différends, administrations-administrés dans une
perspective de simplification, de démocratisation des recours. (17 h
30)
Or, justement, il n'en est rien. On est toujours dans la perspective du
contentieux. Vous savez très bien, comme moi, que les tribunaux
administratifs ont évolué vers la formalisation des recours, vers
une formalisation globale du cadre procédural et que ces institutions se
sont éloignées considérablement des objectifs de
simplicité et de démocratisation des recours qui avaient
été en partie, à l'origine de leur création,
d'où la nécessité, effectivement, de penser à autre
chose que la justice judiciaire et la justice administrative, et d'insister sur
des méthodes, des moyens de règlement des plaintes qui
correspondent davantage aux attentes de la population. Parce que la population,
globalement, dans une perspective de rapidité, de simplification, de
moindre coût, ne veut pas aller devant un tribunal; faut-il le
répéter. Au contraire, elle accueille, je crois... Je ne suis pas
mandaté pour parler au nom de l'ensemble de la population, mais je crois
constater, du moins, que les gens sont très sympathiques à
l'idée de pouvoir confier leur dossier ou leur plainte à un
commissaire, à condition, bien sûr, que ce commissaire soit
vraiment impartial, neutre, ait vraiment les prérogatives, les
immunités qui s'attachent habituellement à la fonction de
commissaire pour l'examen de leur plainte.
Mme Harel: Alors, quittons...
M. Mockle: Parce que le commissaire, ce n'est pas du judiciaire
ou du juridictionnel...
Mme Harel: C'est ça.
M. Mockle: ...c'est vraiment du non contentieux.
Mme Harel: Quittons donc le terrain du contentieux pour aborder
le non-contentieux. Là, vous nous dites: II y a une
prolifération, non plutôt... Il y a une augmentation des recours;
en révision, par exemple, bon nombre de législations les
prévoient maintenant, ensuite en réexamen et ensuite en appel,
à ce moment-là, devant un tribunal administratif. Mais il y a
quand même une prolifération. D'autre part, il y a une sorte de
dénaturation - si l'expression m'est permise - de la fonction de
Protecteur. Là, vous nous dites qu'il y a un test qui a
été fait par une décision de la Cour suprême, en
l'occurrence par le juge Dickson. Il y a vraiment quatre éléments
importants. Pour s'appeler "Protecteur du citoyen", il faut normalement
être créé par un corps législatif, donc par une loi,
dirigé par un officier public et indépendant, avoir des pouvoirs
d'enquête et faire des recommandations. Alors, ça, c'est la grille
à partir de laquelle on pourrait vérifier si, lors de la
création d'un poste dit de Protecteur, comme ça a
été le cas pour HydroQuébec ou en matière
agricole... C'est un test qui pourrait être utile pour vérifier si
c'est plus en vue d'un exercice politique ou si c'est véritablement pour
instituer un organe non contentieux de règlement des plaintes. C'est
ça que vous nous dites?
M. Mockle: Je vais nuancer davantage. Si je porte effectivement
ces critères de la Cour suprême à votre attention, c'est
simplement pour tenter de bien faire comprendre ce qu'est un ombudsman. On ne
peut pas attribuer à tort et à travers cette appellation à
n'importe qui. Mais je ne veux pas, par ailleurs, suggérer que, pour des
fins d'impartialité, de neutralité ou d'indépendance, il
faille absolument respecter ces quatre critères établis pas la
Cour suprême. Je crois que, dans une perspective de poste de commissaire
ou de responsable des plaintes, on peut adopter finalement une autre approche
que celle de l'ombudsman, une approche peut-être plus souple de
règlement des plaintes de première ligne. Encore faut-il
prévoir un certain nombre de garanties juridiques...
Mme Harel: Par exemple...
M. Mockle: ...qui ne sont pas forcément de la même
nature, et c'est très important...
Mme Harel: C'est ça.
M. Mockle: ...qui ne sont pas forcément de la même
nature que celles qui permettent de caractériser la fonction
d'ombudsman.
Mme Harel: Je comprends, parce qu'à la page 18 de votre
mémoire, vous illustrez, par un exemple concret, ce que pourraient
être ces garanties. Par exemple, je pense que ça peut être
utile comme cadre d'analyse du projet de loi 120. Et à la lecture de ce
que vous proposiez à la page 18, je voyais tout de suite que le poste
proposé, il n'était peut-être pas souhaitable que ce soit
un poste de cadre, comme c'est le cas dans le projet de loi 120, et qu'il
était peut-être souhaitable qu'il soit nommé directement
par le conseil d'administration plutôt que par le directeur
général. En fait, il y a un ensemble de...
M. Mockle: L'appellation. En fait, le projet de loi 120 semble
s'orienter dans le courant actuel, ce courant actuel donc favorable, comme vous
le savez, à la multiplication des postes de responsable des plaintes.
Alors, si je comprends bien la nature de la réforme proposée,
c'est nettement la création, au niveau de chaque institution de
santé, d'un poste de responsable des plaintes, un responsable
émanant de la haute administration de l'institution. Alors, là,
on est vraiment dans la perspective de ces postes de responsable que favorise
d'ailleurs Daniel Jacoby.
Mme Harel: Alors là, vous nous recommandez à la
page 22, comme 6e recommandation, que: "Pour des fins de suivi et
d'appréciation, la commission des institutions devrait exiger des
services du Protecteur du citoyen un bilan critique des expériences en
cours au sein de l'administration québécoise pour le
règlement des plaintes."
M. Mockle: Je crois qu'il est en mesure de le faire, tout
à fait. Il a maintenant quand même une équipe avec lui. Il
est capable de faire le suivi et ça rentre tout à fait dans le
cadre de sa fonction d'animateur ou de coordonnateur justement qu'il s'est
donnée. Ça rentre un peu, je dirais, dans le cadre naturel -
j'emploie cette expression, d'ailleurs, entre guillemets - de son mandat, qui
est de favoriser finalement des règlements amiables.
Mme Harel: II y a un aspect de votre mémoire qui m'est
apparu extrêmement important. C'est à la page 7, tout le chapitre
portant sur la conciliation et la médiation. Vous nous avez dit
d'ailleurs, tantôt, que c'était une tendance qui s'était
vraiment démontrée depuis 15 ans, de multiplier la conciliation
et la médiation. Vous nous avez donné l'exemple d'arbitrages
d'intérêt privé. Moi, je voudrais entendre votre point de
vue sur le fait que, justement, on a tendance maintenant, dans les
législations d'ordre public, à utiliser la conciliation ou la
médiation. Je pense, entre autres, par exemple, à la Loi sur les
normes du travail qui a été amendée juste avant Noël.
Je me suis toujours demandé comment il se pouvait, dans le cas d'une loi
d'ordre public, qu'une Commission des normes ait comme mandat de faire
appliquer... Prenons l'exemple du salaire minimum, comment on ne peut pas
concilier le fait qu'il soit payé ou pas. Alors, comment.. Je crains,
moi, j'ai de l'inquiétude par rapport à ce qui peut sembler
être de la déjudiciarisation.
M. Mockle: Là, vous venez de toucher exactement le point
central du problème en ce qui concerne la conciliation et la
médiation. Les organismes publics ne remplissent pas, bien sûr, le
même type de fonction. Vous avez des organismes prestataires, vous avez
des organismes de contrôle, de réglementation, qu'on dit de police
administrative, chargés justement de mandats d'ordre public. Eh bien, en
droit administratif, on constate que le caractère rigide de cette
réglementation se prête fort peu, très peu justement
à des transactions, à des règlements amiables, à de
la conciliation. Mais les organismes le favorisent quand même dans la
mesure où un certain nombre de dossiers se prêtent finalement
à des règlements amiables pour la très simple raison que
les parties - et c'est là, d'ailleurs, qu'il faut creuser davantage
finalement l'univers de la conciliation - connaissaient très mal le
droit applicable. Donc, la conciliation dans certains cas, dans un certain
nombre de dossiers, c'est tout simplement informer les parties, projeter
finalement toute la lumière nécessaire sur l'affaire et les
parties constatent bien souvent, d'elles-mêmes, que la solution s'impose
tout à fait, compte tenu de la nature de la réglementation en
vigueur
Donc, la conciliation, même dans une perspective d'ordre public,
de loi contraignante, peut jouer finalement un rôle intéressant
pour le règlement amiable d'un certain nombre de dossiers. Donc...
Mme Harel: Mais est-ce qu'il ne peut pas y avoir un effet
pervers?
M. Mockle: Oui, ça peut avoir un effet pervers parce que
certains collègues notamment, certains critiques l'ont
déjà noté. Au niveau de la Commission des droits de la
personne, on a déjà critiqué le fait que la Commission
favorisait des règlements amiables dans un certain nombre de dossiers
où des droits fondamentaux avaient été un peu
froissés ou mis de côté un peu cavalièrement. Donc,
là où il y a des droits vraiment très importants, que ce
soit en termes des libertés fondamentales ou de prestations, puisqu'on
parlait de normes du travail, de salaire minimum, eh bien, la technique,
évidemment, conciliatoire, c'est relatif.
Mme Harel: Oui, parce que le citoyen doit savoir que
l'État est de son côté pour faire appliquer une loi qui est
protectrice, en fait, puisque dans le cas des lois protectrices,
déjà le législateur a considéré qu'il y
avait un déséquilibre des forces. S'il y a une législation
en matière de normes du travail, c'est qu'il y a une disproportion entre
la capacité d'un individu seul de négocier ses conditions de
travail raisonnables, donc une disproportion avec le demandeur d'un travail et
l'ordre de travail.
M. Mockle: Je peux quand même vous donner certains
chiffres. Pour tous les organismes qui utilisent la conciliation ou la
médiation, les organismes autonomes, donc avec ou sans
l'étiquette tribunal administratif, l'utilisation de cette technique
permet un règlement amiable à peu près pour le tiers des
dossiers. Déjà, immédiatement, le flux au contentieux
diminue du tiers, c'est-à-dire qu'il y a des règlements amiables
qui varient dans des proportions de 25 % à 40 %, quelquefois 50 %.
Mme Harel: Moi, je suis très... M. le Président, si
vous permettez, une dernière question parce que...
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Allez- y-
Mme Harel: ...je ne pense pas avoir pris tout le temps qui
était imparti à ma formation. Je suis d'accord avec...
Le Président (M. Dauphin): Vous dépassez de deux
minutes, mais allez-y quand même.
Mme Harel: C'est vrai? Ah oui. Ça m'étonne parce
que, à ce moment-là... Ça signifierait à ce
moment-là que vous nous avez laissé...
Une voix: Consentement.
Le Président (M. Dauphin): Non, non, allez-y, allez-y.
Mme Harel: II y a consentement. Je suis d'accord avec vous, par
exemple, que, en ce qui concerne l'application de la conciliation à la
Cour des petites créances, c'est un succès, mais ça met en
cause des intérêts privés.
M. Mockle: Oui, mais à la Cour des petites
créances, la plupart du temps, ce sont des litiges d'ordre
pécuniaires pour des réclamations justement patrimoniales ou
pécuniaires. Dès qu'il y a des rapports d'ordre matériel
ou pécuniaire, la conciliation, ça va de soi parce qu'il est
facile de transiger sur des chiffres. On n'est pas confrontés à
une réglementation d'ordre public.
Mme Harel: Un certain nombre de groupes sont venus nous dire que,
dans le cas des personnes hébergées dans les
établissements qui sont mandatés pour recevoir des personnes
très vulnérables, déficientes intellectuelles ou en perte
d'autonomie totale, il serait, selon ces personnes, plus efficace en termes de
protection des droits que le traitement des plaintes soit reçu par une
personne déléguée du Protecteur du citoyen. Que vous en
semble-t-il?
M. Mockle: Moi, je crois qu'il y a évidemment les
établissements qui sont tout petits. C'est ça, c'est un
problème d'ordre structurel ou administratif, mais de prime abord, je
favorise le règlement des problèmes, des différends au
niveau de chaque institution concernée. Je suis quand même
conscient que la petite taille de certains organismes se prête
peut-être mal finalement au recul nécessaire pour le
règlement équitable et juste d'un dossier. Alors là, c'est
une question sur laquelle vous serez sûrement appelés à
vous pencher. Est-ce qu'il n'y a pas lieu, dans certains cas, de prévoir
la création d'ombudsmans sectoriels pour, finalement, un domaine
particulier de l'action administrative ou de l'action d'organismes
décentralisés? C'est une possibilité. Ça existe
d'ailleurs dans d'autres pays. Il y a des ombudsmans spécialisés,
que ce soit au niveau de la santé... D'ailleurs, je vous signale qu'en
Angleterre, vous avez des ombudsmans de la santé, ce qu'on appelle les
"health commissioners"; il y en a un pour le pays de Galles, un pour
l'Angleterre et un pour l'Ecosse. Donc, il chapeaute un peu finalement tout le
système, ce qui est tout à fait conciliable avec l'existence d'un
commissaire parlementaire à l'administration qui est l'ombudsman
britannique. Donc, voyez... On peut très bien concevoir un
système où il y a plusieurs types d'ombudsmans.
Mme Harel: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la
députée, c'était bien intéressant. Maintenant, M.
le député d'Anjou.
M. Larouche: Très bien. Me Mockle, vous venez à
titre personnel?
M. Mockle: Oui.
M. Larouche: O.K. Je vous en félicite. Ça
démontre votre préoccupation des problèmes cruciaux Vous
parlez comme un grand livre, comme un livre ouvert. J'ai appris beaucoup.
J'aurais eu plusieurs autres questions, mais comme je pense qu'on
empiète sur le temps de l'autre...
Le Président (M. Dauphin): Non, non, allez-y, allez-y.
»
M. Larouche: C'est au niveau de certaines distinctions fines ou
seulement pour un point en particulier Vous ne favorisez pas l'extension.
D'autre part, il semble que vous la favorisiez, c'est seulement à
différents niveaux, peut-être au niveau horizontal dans d'autres
organismes, pour ne pas galvauder, entre guillemets, l'institution. J'aimerais
avoir juste peut-être très rapidement...
Une voix: Oui.
M. Larouche: ...quelques détails: précisez votre
pensée sur ça.
M. Mockle: Oui. C'est justement quand on entre dans les nuances,
on se fait peut-être plus difficilement comprendre. Je favorise d'abord
dans un premier temps le règlement amiable des plaintes par les
organismes concernés, c'est-à-dire que le règlement de
première ligne doit se faire d'abord par les institutions
concernées. Ce qui n'exclut nullement un renforcement et une extension
du mandat du Protecteur du citoyen. D'abord, je vous recommandais à
titre d'extension ou d'élargissement minimal la compétence du
Protecteur sur les sociétés d'État et les entreprises
publiques, quitte éventuellement - pourquoi pas - à
étendre davantage ce mandat au réseau de la santé. Mais,
attention - et j'espère être bien compris - le Protecteur du
citoyen, que ce soit dans une perspective d'administration centrale ou que ce
soit dans la perspective du réseau de la santé, ne doit pas
être finalement ce mécanisme de première instance. Il ne
faut pas annoncer à la population demain matin: Me Daniel Jacoby est
là pour vous entendre si vous avez une plainte à formuler
à propos de votre hôpital ou du médecin qui vous traite
dans tel ou tel établissement ou dans tel centre de santé. Non,
je crois que les problèmes de plaintes doivent d'abord être
réglés par des mécanismes sérieux appropriés
au niveau de chaque organisme. S'il y a persistance de certaines
difficultés, on doit prévoir effectivement éventuellement
la saisine du Protecteur du citoyen ou, pourquoi pas, d'autres recours!
Vous savez, il y en a d'autres, là. Il y a des recours
administratifs, il y a la justice administrative, on peut penser à des
ombudsmans sectoriels. Vous avez - d'ailleurs c'est ça qui est
passionnant pour vos travaux - un large éventail de possibilités.
D'ailleurs, c'est très intéressant, vous n'êtes pas
coincés, vous avez vraiment là, au niveau du menu à la
carte qui s'offre à vous, un large éventail de
possibilités.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le
député. Nous avions préparé une série de
questions pour vous. La majorité de ces questions ont été
posées sauf deux. Alors, je vais me permettre de vous les poser. La
première: Vous dites, dans votre mémoire, que le Commissaire aux
plaintes des clients des distributeurs d'électricité aurait
dû relever du Protecteur du citoyen plutôt que du ministre de la
Justice. Alors, pouvez-vous nous expliquer de quelle façon, quelle forme
de contrôle le Protecteur du citoyen aurait dû effectivement...
M. Mockle: Finalement, ces commissaires qui sont des
autorités indépendantes créées par la loi, parce
que c'est le cas effectivement du Commissaire à la déontologie
policière, du Commissaire aux plaintes de la clientèle pour
Hydro-Québec et du commissaire aux plaintes agricoles, relèvent
tous d'un ministre, notamment les deux derniers relèvent du ministre de
la Justice. Or, ma crainte, c'est une critique que je n'ai peut-être pas
suffisamment développée, c'est de voir finalement certains
commissaires être coincés dans une dynamique institutionnelle qui
leur est défavorable, et c'est habituellement toujours le cas. Le
commissaire justement chargé de la clientèle
d'Hydro-Québec se trouve en quelque sorte vulnérable par rapport
finalement aux enjeux politiques qui peuvent surgir au niveau du Conseil des
ministres, au niveau également d'autres ministres, bien sûr,
très intéressés par la réussite du mandat ou par le
mandat général d'Hydro-Québec. Donc, le commissaire
relève du ministre de la Justice, mais il est coincé finalement
dans une dynamique institutionnelle et politique, où d'autres ministres,
notamment le ministre responsable d'Hydro-Québec, peuvent très
bien éventuellement intervenir pour faire valoir quand même
d'autres points de vue ou d'autres arguments. Donc, il faut éviter que
ces commissaires finalement soient trop vulnérables, puissent
éventuellement faire l'objet de pressions ou finalement de suggestions
de la part du personnel politique ou d'autres ministres. Il vaut mieux qu'ils
relèvent directement du Protecteur du citoyen. On est vraiment dans une
perspective de stricte neutra-
lité.
Le Président (M. Dauphin): D'accord, j'en ai une
dernière pour vous. À la page 22 de votre mémoire, vous
recommandez - et ça fait l'objet de votre deuxième
recommandation: Que le Protecteur du citoyen assure de coordination, de
développement et de contrôle des garanties non contentieuses. Je
vous signale qu'une commission parlementaire, tout comme la nôtre,
après audition publique et recommandation à l'Assemblée
nationale, propose d'amender la Loi sur la fonction publique et de créer
un poste de ministre délégué à la fonction publique
et responsable des Services au citoyen. Alors, que pensez-vous de cette
recommandation en regard du rôle de coordination, de développement
et de contrôle des garanties non contentieuses que vous voudriez que le
Protecteur du citoyen ait?
M. Mockle: Je n'étais pas informé effectivement de
cette recommandation. Elle est peut-être récente, mais je m'en
félicite dans la mesure où si l'on veut le proposer
éventuellement pour la fonction publique, là si je comprends bien
pour la fonction publique, d'autres types de recours que la Commission de la
fonction publique qui est un tribunal administratif, et bien tant mieux... Si
on veut introduire justement une dynamique de conciliation, de règlement
amiable en ce qui concerne les différends opposant les fonctionnaires,
donc, les agents de l'État au gouvernement du Québec ou
éventuellement aux ministères et organismes concernés,
bien tant mieux, pourquoi pas! Parce que là, en ce moment, la Loi sur la
fonction publique, le recours, c'est la Commission de la fonction publique qui
est un tribunal administratif. C'est donc une perspective contentieuse d'abord
et avant tout.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. M. le
député de Sherbrooke, vous aviez un ...
M. Hamel: Un tout petit mot, M. le Président. Je voulais
vous dire, Me Mockle, que j'ai bien apprécié votre
présence, ici, aujourd'hui et ça démontre à quel
point votre expertise va nous être précieuse. Merci beaucoup, Me
Mockle.
M. Mockle: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Alors, au nom de tous les
membres de la commission, Me Mockle, nous aimerions vous remercier
sincèrement. Évidemment, vous êtes le seul comme expert qui
soit venu témoigner devant nous; nous vous en sommes extrêmement
reconnaissants et nous vous félicitons de votre geste. Merci
beaucoup.
M. Mockle: Je vous remercie.
Le Président (M. Dauphin): Nous suspendons une minute afin
de demander à l'Association des townshippers de s'avancer.
(Suspension de la séance à 17 h 50)
(Reprise à 17 h 55)
Le Président (M. Dauphin): Messieurs, dames, nous allons
reprendre les travaux de la commission en entendant l'Association des
Townshippers à laquelle nous souhaitons la bienvenue. Alors, Mme Marisa
Tessier, vice-présidente, je vous demanderais de nous présenter
les personnes qui vous accompagnent et de procéder, ensuite, à la
présentation de votre exposé, d'une durée d'environ 15
minutes.
Association des Townshippers
Mme Tessier (Marisa): Merci, M. le Président. Je vous
remercie. Permettez-moi de vous présenter mes collègues. À
ma droite, Mme Susan Mastine, directrice générale. À ma
gauche, Mme Carolyn Jones, membre de notre conseil d'administration. Et Barbara
Verity, directrice générale adjointe. Je suis Marisa Tessier,
vice-présidente de l'Association des Townshippers, et présidente
de notre délégation aujourd'hui.
Nous apprécions l'occasion qui nous est fournie de paraître
devant cette commission sur l'important sujet du Protecteur du citoyen du
Québec. J'aimerais commencer par une brève description de
l'Association des Townshippers. Notre association a été
fondée il y a 11 ans par des gens des Cantons de l'Est d'expression
anglaise, qui décidèrent d'une voix unique pour faire valoir
leurs besoins et leurs préoccupations auprès du gouvernement et
pour aider les gens des Cantons de l'Est d'expression anglaise à
participer à paît entière à la vie
québécoise.
Aujourd'hui, nous comptons environ 10 000 membres venant de tous les
milieux et de toutes les régions des Cantons de l'Est historiques.
L'Association des Townshippers concentre ses activités sur l'emploi des
jeunes, les services de santé et sociaux, l'éducation, les
liaisons avec la communauté francophone, le patrimoine et la culture.
Plusieurs bénévoles oeuvrent dans ces dossiers assistés
par un personnel compétent. Nous sommes vivement
intéressés par le Protecteur du citoyen, qui pourrait
potentiellement jouer un rôle important en pouvant être utile
à la communauté d'expression anglaise, laquelle est
particulièrement vulnérable dans les Cantons de l'Est.
La population vieillit rapidement et présente le double de
pourcentage de personnes âgées de 65 ans et plus, par rapport
à la communauté d'expression française. En effet, les
statistiques montrent que 19,3 % de la communauté d'expression anglaise
font partie de ce groupe d'âge,
comparativement à 9,1 % pour la communauté d'expression
française. De plus, le statut économique de la population est
faible. En 1984, une étude du sociologue Gary Caldwell auprès de
200 chefs de famille d'expression anglaise, dans les Cantons de l'Est, a
révélé que seulement 73 % avaient un emploi à temps
plein, 12 % étaient sans emploi et au moins 10 % recevaient de
l'assistance sociale, ou en avaient reçu dans le passé.
De toute évidence, notre communauté a besoin d'aide. Nous
avons besoin de toutes les ressources possibles pour renforcer la
communauté et possiblement même pour en assurer la survie. Ceux
parmi nous qui sont plus jeunes et mieux pourvus économiquement ne sont
pas nombreux et nous faisons tout ce que nous pouvons pour aider notre
communauté. Nous aimerions pouvoir compter sur le Protecteur du citoyen
comme une ressource pour nous seconder.
Voilà pourquoi nous désirons que la communauté
d'expression anglaise devienne plus familière avec les services du
Protecteur du citoyen et commence à les utiliser. Nous souhaitons aussi
que le mandat du Protecteur du citoyen soit aussi élargi que possible.
Puisque peu de Québécois d'expression anglaise et, en fait, de
non-francophones en général demandent parfois l'aide du
Protecteur du citoyen, nous croyons que ces services devraient être mieux
connus. Nous sommes heureux qu'il existe une version anglaise du
dépliant The Public Protector", mais le seul endroit où on trouve
ça dans notre région, c'est au bureau des Communications,
à Québec. Est-ce qu'on ne pourrait pas le diffuser plus
largement? Par exemple, dans les CLSC, les établissements d'enseignement
et dans les aires d'accueil des bureaux du gouvernement où le public se
rend régulièrement.
On peut aussi rejoindre ces citoyens par des communiqués de
presse ou une copie du dépliant expédié à tous les
médias écrits et électroniques à travers la
province, y compris les hebdomadaires communautaires qui sont friands
d'information et qui sont beaucoup lus. Ainsi, l'Association of Québec
Regional English Media regroupe des journaux distribués à 267 000
Québécois d'expression anglaise qui demeurent dans plusieurs
régions de la province. Si de telles mesuras sont prises, nous sommes
convaincus que les Québécois d'expression anglaise et autres
non-francophones feront plus souvent appel au Protecteur du citoyen.
L'Association des Townshippers est prête à collaborer pour
que la communauté d'expression anglaise devienne plus
sensibilisée au Protecteur du citoyen. De fait, nous avons
déjà commencé en décrivant ses services dans notre
chronique hebdomadaire, dans le quotidien anglais sherbroo-kois, The Record.
Nous diffusons aussi le dépliant dans notre guide d'information du
citoyen efficace, qu'on a pour les membres de notre communauté.
Notre autre principale préoccupation, c'est que le mandat du
Protecteur du citoyen soit élargi aux organismes et
établissements gouver nementaux. La raison en est évidente
puisque 1800 requêtes fartes au Protecteur du citoyen étaient hors
de sa compétence parce qu'elles touchaient, entre autres, les
réseaux des hôpitaux et de l'éducation.
Puisqu'un membre de notre délégation, Carolyn Jones, et
moi-même avons une meilleure connaissance du système de
santé et des services sociaux, nous allons décrire comment un
mandat élargi du Protecteur du citoyen profiterait à la
population utilisant le réseau des soins de santé. Trois volets
nous préoccupent particulièrement les corporations
professionnelles, les conseils régionaux de la santé et des
services sociaux et la diffusion des services en anglais.
Au sein des corporations professionnelles, il ne semble pas exister de
méthode adéquate pour traiter les plaintes du public Les
corporations reposent sur le contrôle de ses pairs et possèdent un
haut niveau d'autonomie, ce qui pourrait résulter en solution des
plaintes selon leur propre intérêt. Un autre problème peut
être soulevé, c'est-à-dire le statut des professionnels
portant des titres exclusifs, mais sans champ de pratique
réservé, tels que les psychologues et les
physiothérapeutes. L'efficacité des corporations qui les
représentent peut être compromise. Or, il n'est pas obligatoire
d'être membre de ces groupes professionnels pour pratiquer cette
profession. Habituellement, ce sont les professionnels intègres et
compétents qui en deviennent membres. Aussi, tous ceux qui pratiquent
dans le réseau de santé et des services sociaux ne sont pas
obligés d'appartenir à une corporation professionnelle. Le niveau
de protection disponible auprès des corporations ne s'étend pas
à tous les praticiens du domaine de la santé. Par exemple, les
psychologues et les physiothérapeutes ne sont pas obligés
d'être membres d'une corporation.
De plus, si un membre est trouvé incompétent, il ou elle
n'a qu'à se retirer de la corporation ou en est radié. L'individu
peut quand même continuer à pratiquer sous un autre titre. Par
exemple, un psychologue devient un psychothérapeute. Ceci est
extrêmement dangereux pour le public. Il existe aussi d'autres praticiens
qui ne sont pas soumis à des contrôles adéquats. Parmi eux
peuvent figurer ceux qui prétendent offrir une approche holistique ou
alternative en médecine. Cependant, ils peuvent ne pas posséder
les qualités requises.
Un autre problème vient de la possibilité que des
établissements embauchent des individus autres que des professionnels
reconnus pour économiser de l'argent. Cette pratique entraîne une
diminution de la qualité des services. Chacune de ces situations rend le
public vulnérable et, sans le Protecteur du citoyen, il a besoin du
traitement adéquat des plaintes.
En ce qui concerne les conseils régionaux de la santé et
des services sociaux, dans notre mémoire, nous avons expliqué le
procédé inadéquat des conseils dans le traitement des
plaintes. Depuis la rédaction de notre mémoire, le projet de loi
120 a été déposé, mais cette réforme du
système de la santé ne règle pas de façon
satisfaisante ce problème. Quelques améliorations y sont
apportées. Le public sera au moins informé qu'il a le droit de
porter plainte. Le traitement des plaintes sera confié au niveau
régional à des gens à l'intérieur du système
de la santé. Ceci est acceptable. Cependant, si les personnes trouvent
que leurs plaintes ne sont pas traitées de façon adéquate
à ce niveau, elles devraient avoir un recours auprès d'un
organisme indépendant tel que le Protecteur du citoyen. Ce n'est pas le
cas avec le projet de loi 120. De plus, avec la nouvelle loi, il n'y aura pas
le recours juridique qui existe dans la loi actuelle.
Même si la loi prévoit la diffusion des services de
santé et services sociaux en anglais, il n'existe aucun mécanisme
particulier pour les gens qui veulent loger une plainte si leurs droits
linguistiques ne sont pas respectés. Dans une région où,
à tous les niveaux du réseau de la santé, la presque
totalité des administrateurs sont francophones, il y a une forte
possibilité que les droits légaux de la population d'expression
anglaise ne soient pas rencontrés. Cette situation peut devenir plus
exaspérante lorsque les tensions linguistiques sont grandes et le climat
politique malsain.
Nous ne voulons pas que les membres de notre communauté subissent
les répercussions de la politique. Pour ajouter à ceci, la
communauté d'expression anglaise diminue et vieillit. Elle deviendra
moins capable de défendre les droits de ses membres. Déjà
vulnérables à cause d'une maladie ou d'un problème social,
les gens ont souvent de la difficulté à faire valoir leurs
droits. Ceci s'avère particulièrement vrai lorsqu'ils sont en
présence d'administrateurs organisés, de professionnels et de
fonctionnaires qui ont leurs propres intérêts à
défendre. De façon évidente, il est important qu'il existe
une personne ou un organisme indépendant responsable d'observer et
d'assurer les droits linguistiques.
En résumé, l'Association des Townshippers présente
à la commission des institutions deux recommandations concernant le
Protecteur du citoyen. La première, que les pouvoirs du Protecteur du
citoyen soient étendus à tout le gouvernement, aux organismes et
établissements gouvernementaux et municipaux, y compris ceux du
réseau de la santé, des services sociaux, de l'éducation,
de même qu'aux sociétés d'État telles
qu'Hydro-Québec et Radio-Québec. La deuxième, de porter
plus d'attention à l'information des Québécois et des
non-francophones sur les services du Protecteur du citoyen.
Nous espérons que des mesures seront prises pour élargir
le mandat du Protecteur du citoyen dans le but de mieux desservir les citoyens
du Québec.
Le Président (M. Dauphin): Nous allons faire notre gros
possible. À tout événement, merci beaucoup, Mme Tessier,
pour cet intéressant exposé. Nous allons débuter la
période d'échanges en reconnaissant la représentante de
l'Opposition officielle, Mme la députée de
Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président, de me
reconnaître la première parce que j'étais certaine que si
c'était le député de Nelligan qui l'était le
premier, il me serait resté très peu de questions à vous
poser.
D'abord, mes félicitations, Mme Tessier et les personnes qui vous
accompagnent, pour ce mémoire qui est très bien documenté,
qui est très bien rédigé, et pour votre
présentation qui est excellente. En vous écoutant, je me disais
quelle connaissance profonde vous avez du système. Est-ce que vous avez
eu l'aide de professionnels ou si vous l'avez rédigé
vous-mêmes au sein de l'Association des Townshippers?
Mme Tessier: Mme Jones et moi, on a le dossier des services de
santé et des services sociaux. Dans l'Association, on est
bénévoles.
Mme Harel: Et vous êtes bénévoles?
Mme Tessier: C'est ça. Et on a eu un peu d'aide, avec
l'écriture, de Mme Barbara Verity qui est adjointe à
l'Association, mais on est seulement quatre employées à temps
plein.
Mme Harel: Donc, c'est vous-même et Mme Jones qui avez
cette connaissance de ce réseau de la santé et des services
sociaux, de ces questions assez controversées des plaintes devant les
corporations de professionnels et donc, de la loi 120, parce que j'ai vraiment
constaté que vous aviez rapidement pris connaissance du projet de loi
120, que vous avez déjà une opinion sur le projet de loi 120 que
bien des parlementaires n'ont pas lu encore. Je vous en félicite.
Je dois vous dire que je trouve ça bien émouvant, d'une
certaine façon, parce que j'ai eu l'occasion d'apprécier la
communauté des Townshippers. Chaque été, je vais à
Bishop faire une immersion en anglais. Alors, chaque été je vais
à Piggery et on m'amène aussi visiter le patrimoine architectural
et culturel anglophone qui est absolument exceptionnel.
Mme Tessier: Viens nous voir la prochaine fois. On va
être...
Mme Harel: Est-ce qu'on va parler anglais?
Mme Tessier: Oui, en anglais.
Mme Harel: II faut parier anglais, par exemple, parce que c'est
une immersion en anglais.
Mme Tessier: Absolutely.
Le Président (M. Dauphin): ...unilingue anglais,
ça.
Mme Harel: Ça me fera plaisir. J'avais eu l'occasion,
parce qu'il y a toujours des contacts avec la communauté, d'aller
visiter et de rencontrer des responsables de la première
bibliothèque anglophone dans les Townshippers et la première
bibliothèque, je pense, au Québec. (18 h 15)
Revenons à votre mémoire. Vous avez vraiment bien
illustré toute la problématique des plaintes portées
devant les corporations professionnelles. Vous savez, depuis le début
des travaux, beaucoup de mémoires en ont parlé, mais je crois
que, vraiment, c'est le vôtre qui a le mieux expliqué la
complexité des problèmes et, vous le dites très bien,
c'est qu'il n'y a finalement, en ces matières, aucun principe sur lequel
on peut se baser pour faire valoir un droit à l'égard des
corporations professionnelles. Je pense que c'est dans votre mémoire -
attendez que je m'y retrouve - je pense que c'est à la page 6. Vous
dites: "La notion de protection du citoyen n'est définie nulle pan\"
C'est dans le deuxième paragraphe. Vous dites qu'une étude
effectuée pour évaluer le niveau de protection offerte par les
différentes corporations n'a pu atteindre ses objectifs, la notion de
protection du citoyen n'est définie nulle part. Et ça, je pense
que c'est vraiment un aspect important pour nous que vous nous apportez et nous
allons certainement devoir y réfléchir lors de la
rédaction du rapport. J'aimerais vous entendre sur le fait que vous avez
été appelés à vous y intéresser. Est-ce que
ce sont des membres de l'Association qui vous ont transmis des problèmes
qu'ils rencontraient avec les corporations professionnelles?
Mme Tessier: Je vais laisser la parole à Mme Jones.
Mme Jones (Carolyn): Je pense qu'en fait ce ne sont pas les
membres de notre population qui ont apporté ces opinions, c'est surtout
la complexité du système. Étant donné nos
expertises - je suis une professionnelle dans le domaine de la santé et
j'ai une expertise en droit aussi - on réalise toute la
problématique. On voit donc les problèmes que les citoyens ont
avec les services et on voit, de l'autre côté, la
complexité du système, et c'est pour ça qu'on a
parlé. Mais comme plainte comme telle, ou opinion comme telle, je pense
que le citoyen, justement, est tellement démuni devant tout le
système qu'il ne peut pas pointer la cause précise.
Mme Harel: Mais je crois comprendre que, sur cet
aspect-là, vous n'avez pas fait de recommandation à la
commission. Est-ce que j'ai tort de penser que vous nous posez le
problème, mais que vous n'avez pas pu rédiger une
recommandation?
Mme Jones: La recommandation, c'est de sorte que... On pense
qu'il y a effectivement un rôle des corporations professionnelles pour
traiter les plaintes et qu'elles sont en mesure de juger la validité de
certaines plaintes Mais on pense qu'elles devraient avoir un recours addi
tionnel et final...
Mme Harel: Ah! C'est ça.
Mme Jones: ...un dernier recours.
Mme Harel: Oui, je comprends. Vous pensez que le Protecteur du
citoyen, par exemple, pourrait avoir droit de regard sur le mécanisme de
traitement de la plainte.
Mme Jones: Oui.
Mme Harel: Est-ce que ça s'est fait dans les bons
délais? Est-ce que ça s'est fait de la bonne façon?
Même si c'est la corporation professionnelle qui choisit la façon
de faire, il faudrait qu'il y ait un droit de regard du Protecteur du
citoyen.
Mme Jones: Oui.
Mme Harel: D'accord. Je vous remercie. Une dernière
question concernant également la possibilité d'obtenir dans sa
langue, dans la langue anglaise les services de santé et les services
sociaux. Vous dites: "Même si la loi prévoit - à la page 11
- la diffusion de services de santé et sociaux en anglais, aucune
procédure ne permet à un individu de porter plainte si ses droits
linguistiques ne lui sont pas accordés." Vous voulez dire qu'il ne peut
pas porter plainte, même à l'Office de la langue française
ou à la Commission de protection? Il ne peut pas porter plainte. C'est
vrai.
Mme Tessier: Non. C'est vrai. On peut faire une plainte qu'il
manque un service, mais pas qu'il manque un service dans sa ligne qui est
garantie par la loi 142.
Mme Harel: Et à ce moment-là, vous pensez que
l'intervention du Protecteur permettrait en équité au Protecteur
de négocier avec le dispensateur du service, qu'il soit donné en
équité dans la langue de la personne qui le réclame.
C'est
dans ce sens-là que vous souhaitez son intervention, plus qu'une
modification à la législation?
Mme Tessier: Oh! Oui, surtout. Parce que la loi est là,
c'est clair, la loi 142. Et même, c'est presque les mêmes mots dans
la loi 120 qui va garantir l'accès, mais c'est de l'avoir...
Mme Harel: Évidemment, l'annulation du recours à la
Commission des affaires sociales est pour vous une perte, je crois. Vous
considérez que ça devrait être maintenu, la
possibilité d'aller devant la Commission des affaires sociales et que ce
ne soit pas uniquement par le filtre des CRSSS.
Mme Tessier: C'est ça. Mme Harel: C'est
ça.
Mme Jones: Est-ce que je peux peut-être parler de ça
aussi? Je pense que dès qu'on élimine le recours à la
Commission des affaires sociales, on tombe sur notre système juridique
public. À ce moment-là, d'abord, il faut avoir eu un
préjudice. En plus aussi, tout notre système juridique, faire la
preuve, etc., est tellement élaboré et coûteux que,
finalement, ça rend ce recours-là plus ou moins inexistant.
Mme Harel: D'accord. Je vous remercie beaucoup pour votre
contribution à nos travaux.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la
députée. Je vais reconnaître maintenant M. le
député de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, M. le Président. Vous comprendrez,
mesdames, que si j'avais eu à parler le premier, j'aurais sensiblement
dit les mêmes éloges que ma collègue, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, mais vous auriez dit: II est de
Sherbrooke, elles sont de Sherbrooke, donc c'est plus ou moins
véridique. Alors, vous comprendrez que venant de ma collègue,
c'est d'autant plus fondé.
Vous venez tout juste de mentionner que vous déplorez l'abandon
du recours à la Commission des affaires sociales. Mais dans votre
mémoire, vous mentionnez aussi que vos gens ont une certaine
insatisfaction face à ce recours. Auriez-vous d'autres solutions qui
amélioreraient peut-être cette situation?
Mme Jones: Mais je pense qu'en fait, l'insatisfaction n'est pas
surtout face au recours à la Commission des affaires sociales, c'est
plutôt que la population non francophone ne se serve pas de ce
recours-là.
M. Hamel: O. K.
Mme Jones: Par contre, une chose qui me vient, quand vous parlez
du recours à la Commission des affaires sociales, dans la loi qui existe
actuellement, ce recours-là n'est pas ouvert à la personne qui
est lésée, le recours est seulement... C'est les CRSSS qui
ont...
M. Hamel: C'est ça.
Mme Jones:... ce recours. Donc, encore, ça limite les
droits des individus. Si j'avais une modification à faire, si on
"réinstitue" le recours à la Commission des affaires sociales
dans le projet de loi 120, je donnerais le droit à un citoyen de
présenter sa cause lui-même.
M. Hamel: Très bien. J'aurais peut-être une autre
question, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Allez-y, M. le
député.
M. Hamel: Toujours concernant la carence des corporations
professionnelles face aux plaintes des citoyens, en novembre 1990, notre
collègue, le ministre Raymond Savoie, a annoncé un projet de loi
visant justement à améliorer le traitement des plaintes. Je ne
sais pas si vous savez qu'il a prévu un comité des plaintes qui
comprendrait un représentant du public. Ce comité des plaintes
serait obligé de motiver ses décisions. Comment voyez-vous cette
réforme-là? Est-ce que ça vous satisfait ou si vous
verriez peut-être à l'améliorer davantage et comment?
Mme Jones: J'ai pris connaissance de ce projet de réforme.
Je pense que c'est sûrement une amélioration, mais je me demande
dans quelle mesure quelqu'un du public va être capable de saisir la
situation et d'apporter vraiment un aspect positif. Je vois ça
plutôt comme peut-être un individu qui va faire peur ou qui va
garder les professionnels à vue, donc eux autres vont être
tentés ou devront tenter d'amener leur travail à la mesure
précise, au fond. Mais jusqu'à quel point cette
personne-là pourrait apporter vraiment une analyse ou un jugement,
étant donné la complexité des problèmes? Les
problèmes sur la qualité des services sont vraiment sur les actes
comme tels et je pense que c'est essentiel que cette évaluation soit
faite par des pairs qui comprennent les actes, qui peuvent enfin établir
les normes standards de la profession.
Je dirais que cette personne du public serait plutôt un
"watchdog". J'aimerais que le processus aille encore plus loin. Je pense
qu'encore, on revient à un ombudsman de l'extérieur qui, avec les
pouvoirs qu'il a, aura recours à l'expertise qui pourrait à ce
moment-là juger si le processus a été fait dans un
délai normal et aussi avec toutes les mesures possibles et
disponibles.
M. Hamel: Moi, je vous remercie de votre participation toujours
dynamique et positive à la vie du Québec. Je vais laisser la
chance à mon collègue de Nelligan.
Le Président (M. Dauphin): Effectivement, merci, M. le
députe de Sherbrooke. Je vais maintenant reconnaître M. le
député de Nelligan et adjoint parlementaire au ministre de la
Santé et des Services sociaux...
M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): ...responsable de l'application
de la loi 142, depuis tout récemment.
M. Williams: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Au
début, je voudrais juste faire remarquer que c'est certainement un sujet
que j'ai commencé avant la députée de
Hochelaga-Maisonneuve. Je pense que nous allons certainement avoir
différentes questions. Mais je pense qu'avec la perspective que la
députée a eue avant-hier, elle a oublié une chose - que
souvent elle a souligné - et je ne veux pas manquer la chance de
féliciter l'Association des Town-shippers pour votre
délégation. Vous êtes quatre femmes dynamiques. Souvent,
nous avons des groupes qui sont représentés juste par des femmes
avec ce... Je voudrais... Parce que ma collègue a oublié de
souligner que c'est une bonne affaire.
Deuxièmement, un peu comme mon collègue, M. le
député de Sherbrooke, l'a mentionné, les Townshippers
prennent souvent leurs responsabilités et prennent l'engagement
d'être des participants vivants dans la société
québécoise. Vous n'avez jamais, je pense, manqué une
opportunité de présenter votre perspective et je voudrais vous en
féliciter.
Dernière remarque avant ma question. Peut-être qu'il serait
bon de passer votre mémoire à l'Opposition et peut-être la
députée de Hochela-ga-Maisonneuve ou son chef peut passer, ce
mémoire et dire que les anglophones ne sont pas tous dans le West
Island, ils sont partout au Québec.
Une voix: C'est vrai Russell. M. Williams: C'est vrai.
Une voix:...
M. Williams: C'étaient mes remarques préliminaires.
Vous avez et vous connaissez le dossier des affaires sociales. C'est
très complexe. Chaque région est différente. Vous avez
souligné les problèmes que vous avez eus maintenant. Vous avez
fait quelques remarques sur le projet 120. Vous avez aussi
privilégié l'agrandissement du mandat du Protecteur du citoyen.
Je voudrais vous demander: Est-ce que ça prend une présence
régionale dans votre territoire? Est-ce que ça prend un bureau?
Aussi, avec la complexité et la diversité dans le secteur de la
santé, quelle est votre opinion sur l'idée d'avoir
peut-être un conseil d'administration avec tel type de Protecteur du
citoyen, comme nous avons avec la Commission des droits de la personne et la
commission des droits de l'enfant?
Mme Tessier: Je pense, M. Williams, que. avec la loi 120, il y a
déjà un processus pour des plaintes La régie
régionale va avoir une personne qui va traiter des plaintes, chaque
institution a un cadre supérieur pour recevoir des plaintes et tout
ça. Ça, c'est bon. Mais vraiment, je pense qu'on doit avoir
quelqu'un ou quelque institution indépendante puissante, avec le
prestige, avec le respect de tout le monde et, vraiment, on n'est pas
intéressé à mettre en place d'autres bureaux, d'autres
fonctionnaires Si on peut avoir quelqu'un qui est déjà là
pour traiter ces problèmes ou ces plaintes, ça va être, je
pense, notre idée, mais non pas d'avoir un élargissement des
fonctionnaires dans chaque région.
Quelqu'un qui a le prestige, quand il parle, les personnes vont
l'entendre parce qu'il a un certain prestige dans sa communauté ou dans
le Québec à ce moment-là avec le Protecteur du
citoyen.
M. Williams: Mais est-ce que ça va prendre... Si nous
acceptons votre idée d'élargir le mandat, est-ce que ça va
prendre un délégué du Protecteur du citoyen dans la
région de l'Estrie9
Mme Tessier: Non
M. Williams: Ou est-ce que ça peut être à
Québec ou à Montréal? (18 h 30)
Mme Tessier: Non. Je pense que l'Office comme tel, ça va
marcher comme maintenant avec les ressources humaines dont il a besoin pour
faire ces plaintes. Non. Je ne vois pas un bureau dans l'Estrie ou dans la
Montérégie ou n'importe où dans les régions du
Québec, parce que comme ça, on mettra encore des fonctionnaires
en marche. Ça, ce n'est pas la chose qu'on veut. On veut seulement une
classe, quand on a fait tout notre possible pour aller quelque part, à
qui on peut dire: On n'a aucun fonds. On n'a pas les ressources, mais il y a
une plainte, ici, qui vraiment doit être reçue par quelqu'un. Je
pense que c'est ça, le vrai mandat d'un Protecteur du citoyen.
M. Williams: Merci. Selon vous, qui contrôle le Protecteur
du citoyen? Qui rend cette institution imputable au citoyen? Je comprends les
problèmes qu'il y a dans le réseau de la santé.
Nous pourrons discuter de cela dans les semaines qui suivent, il y a une
garantie de ça. Nous cherchons un meilleur système. Pourquoi
croyez-vous que le Protecteur du citoyen peut corriger tous ces
problèmes? Vous avez discuté des problèmes des
minorités. Comment les minorités vont-elles toucher ce
système?
Mme Tessier: Je pense et j'espère que le Protecteur du
citoyen n'est pas vraiment attaché au gouvernement, que c'est un bureau
ou une institution à part, indépendant. S'il est là, il
n'y a personne qui le contrôle ou qui contrôle cette
dimension-là, c'est seulement les ressources financières.
C'est-à-dire que s'il a assez de ressources, il peut faire son possible
et j'espère qu'il n'y a personne qui contrôle ce bureau-là.
En anglais, quand on dit, "ombudsman", c'est la connnaissance qu'on a du
Protecteur du citoyen.
M. Williams: Jusqu'à date, le Protecteur du citoyen, comme
plusieurs autres établissements québécois, a
mentionné dans son rapport annuel les problèmes de contact avec
les minorités. Quelles garanties pouvez-vous mettre dans ce
système si nous donnons le mandat au Protecteur du citoyen d'être
le Protecteur du citoyen dans le réseau de santé? Quelles
garanties pouvez-vous mettre dans ce système de dire: Les besoins des
minorités vont être écoutés.
Mme Tessier: Pour ma part, je ne peux donner aucune garantie que
c'est ça. Je pense que si on lui donne le mandat, si on élargit
son mandat, alors c'est à son bureau, à
Communication-Québec, à une partie du gouvernement de donner les
moyens au bureau, à l'institution du Protecteur du citoyen de faire une
diffusion de ses compétences et de mettre en marche la publicité.
Quand les personnes d'expression anglaise, quand les communautés
immigrantes vont savoir qu'il y a un bureau qui peut recevoir leurs plaintes et
qui peut engager le gouvernement de leur part, je suis certaine qu'on va
l'utiliser. Mais des garanties, je ne peux rien dire.
M. Williams: Vous êtes certainement un leader dans votre
communauté. Quel est votre rôle dans la protection du citoyen?
Quel rôle joue un groupe comme le vôtre? Je crois qu'il y a
beaucoup de prévention. Que pensez-vous de l'avenir du rôle du
Protecteur du citoyen? Quel rôle pensez-vous que l'Association des
Town-shippers peut jouer?
Mme Tessier: Je pense que les Townshippers et les autres
organismes des communautés vont continuer comme maintenant et comme dans
le passé. On est ici, on veut être ici et on espère
être ici dans l'avenir. Mais vous savez que notre communauté
vieillit rapidement, que nos jeunes ne reviennent pas au Québec quand
ils vont en
Ontario pour aller à l'université ou au Vermont pour faire
des choses. C'est pour ça qu'on veut vraiment élargir le mandat.
Tant qu'on sera ici, on va faire notre possible, mais quand j'aurai 75 ans ou
80 ans, même s'il n'y a personne de ma communauté pour faire des
choses pour moi, j'espère qu'il y aura une institution du gouvernement
qui va le faire.
M. Williams: Merci beaucoup pour vos commentaires et vos
remarques franches. Et, s'il vous plaît, ne lâchez pas.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député de Nelligan. Nous allons terminer avec le
député d'Anjou.
M. Larouche: Alors, en parlant de remarques franches, je pourrais
parler à Mme Verity. Où est-elle?
Mme Verity (Barbara): Verity?
M. Larouche: Bon. Une question, Mme Verity. Combien y a-t-il de
membres dans l'Association des Townshippers?
Une voix: 10 000.
M. Larouche: 10 000. Je n'étais pas là
tantôt. Ils l'avaient dit.
Des voix: 10 000. M. Larouche:10 000.
Mme Tessier: Oui.
Une voix: À peu près.
M. Larouche: II y a combien d'hommes, combien de femmes.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Verity: On n'a pas compté. Moitié,
moitié.
M. Larouche: C'est moitié, moitié. Très
bien. Au niveau de ce que vous dites ici, vous parlez de "l'autorité
suprême sur eux", c'est dans votre mémoire à la page 4.
"Dans le cas où un organisme ou un établissement possède
déjà un service d'ombudsman, le Protecteur du citoyen devrait
détenir l'autorité suprême sur eux afin de s'assurer que
ces ombudsmans fournissent des services adéquats." Qu'est-ce que vous
entendez par "autorité suprême."?
Mme Verity: C'est à la page 4?
M. Larouche: Oui, à la page 4. Qu'est-ce que vous entendez
par "autorité suprême"? Est-ce
que ça signifierait que chaque ombudsman relèverait du
Protecteur du citoyen? Ou que celui-ci pourrait intervenir en quelque sorte en
appel? Pourquoi? Voulez-vous spécifier peut-être?
Mme Verity:...
M. Larouche: No. I would like... Do you understand me?
Mme Verity: I am not sure where you are.
M. Larouche: On page 4. Supreme authority to the ombudsman.
Mme Verity: O. K. Je pense que c'est dans le sens que, lui, il
est indépendant.
M. Larouche: O. K.
Mme Verity: II a l'autorité suprême, dans le sens
qu'il est indépendant des partis politiques, etc. Oui.
M. Larouche: Do you have any contact with the Bishop's University
in the township?
Mme Verity: Through the association? M. Larouche: Yes.
Mme Verity: Some of the people, some of the professors are
resources in research and..
M. Larouche: And what are your main preoccupations with the
Association of Town-shippers? Your preoccupations and your Vos
préoccupations?
Mme Verity: Moi, je travaille là. Je suis la directrice
générale adjointe et puis je travaille en communication et en
patrimoine.
M. Larouche: Et quelles sont, au niveau des Townshippers, les
principales assises du patrimoine des Townshippers, parce que j'ai
demeuré moi dans les Cantons-de-l'Est déjà, pendant six
ans?
Mme Verity: Ah oui?
M. Larouche: The main assets for the Townshippers' patrimoine.
Patrimoine?
Mme Verity: Heritage.
M. Larouche: Heritage, for my education.
Mme Verity: Ha, ha, ha! C'est la toponymie de la région,
l'architecture, l'artisanat, l'histoire - on a une histoire de deux
siècles - et puis la littérature. On a beaucoup de gens qui sont
des auteurs, des poètes, des artisans, qui habitent dans la
région. On sait que Northrop Frye...
M. Larouche: Northrop Frye.
Mme Verity:... est natif de Sherbrooke.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup.
M. Larouche: O. K
Le Président (M. Dauphin): Ça va, M. le
député?
M. Larouche: Oui.
Le Président (M. Dauphin): Alors, en terminant, au nom de
tous les membres de la commission des institutions, nous aimerions remercier
l'Association des Townshippers, Mme Tessier, Mme Jones, Mme Mastine, Mme
Verity, pour leur excellent témoignage et les remercier doublement.
Alors, à la prochaine, et bon retour.
Mme Tessier: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Alors, la commission des
institutions ajourne ses travaux à mercredi matin, le 30 janvier 1991,
à 9 h 30, ici même. Merci beaucoup et bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 40)