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(Douze heures dix minutes)
Le Président (M. Dauphin): Mesdames et messieurs, le
quorum étant constaté, |e déclare donc ouverte la
séance de la commission des institutions, qui a pour mandat, ce matin,
de procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 47, c'est-à-dire la Loi modifiant le Code civil du Québec
concernant le partage du patrimoine familial. Mme la secrétaire, est-ce
qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Blais
(Masson) est remplacé par Mme Carrier-Perreault
(Chutes-de-la-Chaudière); M. Brassard (Lac-Saint-Jean) par Mme Marois
(Taillon); M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) par M. Jolivet
(Laviolette).
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, avant de
procéder à d'autres étapes, je demanderais à ce
stade-ci à la ministre déléguée à la Famille
de procéder à des remarques préliminaires, si elle en
a.
Mme Trépanier: Merci, M. le Président.
Premièrement, c'est "ministre déléguée à la
Condition féminine et responsable de la Famille".
Le Président (M. Dauphin): Ah! excusez-moi!
Mme Trépanier: Je dois vous dire que ce dossier, ce projet
de loi touche les deux volets de mon mandat, alors, je trouve important qu'on
le souligne.
Le Président (M. Dauphin): C'est une bonne
rectification.
Remarques préliminaires Mme Violette
Trépanier
Mme Trépanier: Premièrement, M. le
Président, je souhaite la bienvenue à tout le monde, à Mme
la députée des Chutes-de-la-Chaudière et à Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, qui a travaille de longue date
dans ce dossier et dans cette loi, dans le projet de loi 146 de l'an dernier.
Je voudrais vous dire, M. le Président, ma très grande
satisfaction d'avoir réalisé que, malgré la controverse
qu'a suscitée cette loi, on en était arrivés à
considérer que nous avions presque un consensus chez les divers
intervenants. J'étais très satisfaite de voir que l'Opposition
aussi était d'accord avec les principes que sous-tend cette loi, que
nous allions tous dans le même sens et que nous essayions d'aplanir les
difficultés, mais de faire en sorte que cette loi-là reste
intacte à plusieurs points de vue.
D'abord, la trame de fond qui doit sous-tendre nos travaux, aujourd'hui,
est de deux ordres. D'abord, il faut protéger à tout prix le
principe de la loi, qui est d'assurer une égalité plus grande
entre les conjoints lors de la dissolution d'une union. C'est notre
responsabilité comme parlementaires. On avait introduit ce
principe-là l'an passé et tous sont unanimes à dire qu'il
faut garder ce principe-là. Même ceux qui ont été
virulemment contre la loi n'en avaient pas contre le principe,
généralement. Ils étaient d'accord avec les principes.
Je voudrais ici en profiter pour remercier le Conseil du statut de la
femme, qui a fait un travail magnifique d'information. Mais c'était
Goliath contre David; elles étaient les seules à défendre
la loi, et nous avions de la controverse importante dans la population,
très souvent par une désinformation, dune part, et, d'autre part,
une perception qui s'était installée et qu'on a eu de la
difficulté à déstabiliser. Le deuxième volet, c'est
qu'on a, je pense, un grand défi, comme gouvernement, et ça va
être de contrer ça, cette désinformation qu'il y a eue, et
je pense que les amendements que nous apportons aujourd'hui vont nous donner
une espèce de tribune, un nouveau tremplin pour dépasser et
essayer de contrer cette désinformation.
Donc, mes remerciements au Conseil du statut de la femme, à la
Chambre des notaires, qui n'a pas toujours été tendre envers
cette loi. Mais je dois vous dire que, depuis quelques mois, nous travaillons
en très étroite collaboration avec le nouveau président de
la Chambre des notaires, qui est M. Jacques Taschereau, l'ex-bâtonnier du
Barreau, Me André Gauthier, et la nouvelle bétonnière, Mme
Borenstein, qui est la première bétonnière depuis, je
pense, 142 ans. Alors, on la félicite. Et vous savez qu'il y a une
bétonnière dans la région de Québec, qui est la
secrétaire générale du Conseil du statut de la femme, Mme
Jocelyne Olivier. Alors, Mme Borenstein, qui est spécialisée, qui
est une experte en droit matrimonial, a encore dit dans les journaux, la
semaine dernière, qu'elle trouvait que cette loi sur le patrimoine
familial était une excellente loi. Elle a longtemps travaillé
à l'aide juridique, alors, je pense que nous aurons des alliés
chez ces gens-là. Je pense qu'on réussira grâce à
ces divers intervenants, et sans oublier tous les groupes de femmes qui sont
intervenues, également, chez qui on est allés chercher de
l'information, on est allés consulter. Mme la députée de
Chutes-de-la-Chaudière l'a fait, également, et on en arrive
à un certain consen-
sus.
Le défi, ce sera d'informer la population adéquatement et
le voeu que je formule, c'est que nous réussissions ce mandat-là,
parce que, comme l'a si bien dit la députée de Chicoutimi hier,
l'équité est vraiment significative dans la mesure où
chacun possède l'information adéquate. J'espère que ce
seront ces objectifs qui guideront nos travaux, aujourd'hui, et je m'en
voudrais de ne pas saluer le député de LaviOlette, que je n'avais
pas vu tout à l'heure, ainsi que le leader de l'Opposition, qui vient de
faire son entrée triomphale. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine...
Mme Trépanlér: Et responsable de la Famille.
Le Président (M. Dauphin): ...et responsable de la
Famille. Laissez-moi finir ma phrase. Alors, merci. Je vais maintenant
reconnaître la porte-parole de l'Opposition officielle, qui est Mme la
députée de Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. À
mon tour, je voudrais saluer les membres de la commission et le personnel qui
accompagne la ministre déléguée. M. le Président,
hier, nous avons donné officiellement la position du parti, en fait, de
l'Opposition officielle, concernant la loi 47. Ce matin, j'aimerais encore
préciser certaines choses et reprendre les explications, pour le
bénéfice de ceux qui n'étaient pas présents.
Alors, nous sommes réunis, effectivement, pour l'étude
article par article de la Loi modifiant le Code civil du Québec
concernant le partage du patrimoine familial. Pour l'Opposition officielle,
c'est un projet de loi qui est nécessaire, mais qui, je le
répète, nous semble incomplet. Ce projet de loi, qui a pour objet
de clarifier le sens de l'article 462.5 du Code civil du Québec, doit
être voté par les membres de l'Assemblée nationale afin que
cessent certaines difficultés d'interprétation constatées
depuis la mise en vigueur de la loi 146 le 1er juillet dernier. Le principal
amendement de ce projet de loi vient clarifier toute la question de la
plus-value des biens acquis et payés avant le mariage. À
l'article 1 du projet de loi, on précise l'exclusion des biens acquis en
remplacement de biens échus par succession, legs ou donation. C'est un
amendement qui répond à des demandes formulées par le
Barreau, la Chambre des notaires et le Conseil du statut de la femme. À
ce sujet, d'ailleurs, le Conseil du statut de la femme écrivait que le
législateur fait un premier pas vers une plus grande
équité, en éliminant du partage du patrimoine familial une
partie de ce que les époux n'ont pas contribué à
acquérir ensemble.
De notre côté, on dit qu'il est incomplet. Le projet de loi
47, tel que présenté, on se rend compte que certaines
clarifications, qui sont jugées nécessaires par plusieurs
groupes, n'y apparaissent pas. Il y a des groupes qui ont formulé des
demandes depuis la mise en application de fa loi. Et c'est souvent en
appliquant la loi qu'on se rend compte qu'il y a des trous, qu'il y a des
erreurs. Alors, il y a deux points qui auraient dû, selon l'Opposition,
pour la cohérence et l'harmonisation de la loi 146, être Inclus au
projet de loi 47. On aurait souhaité que l'exclusion du partage du
patrimoine familial d'un bien acquis en remplacement d'un bien échu par
succession, legs ou donation s'applique également aux biens acquis avant
le mariage. On aurait aussi souhaité que l'exclusion du partage du
patrimoine familial s'applique aux sommes accumulées avant le mariage et
qui ont servi à l'acquisition des biens du patrimoine. Selon le Conseil
du statut de la femme, ces amendements au projet de loi 47 permettraient de ne
partager que ce que les époux ont contribué à
acquérir ensemble. Ce faisant, on répondrait vraiment aux
principales objections formulées à l'égard de la loi, tout
en maintenant son principe, qui est de consacrer le mariage comme une
véritable institution de partenariat.
L'Opposition a formulé des demandes précises,
c'est-à-dire trois demandes au gouvernement concernant les amendements
dont je viens de vous parler. Alors, compte tenu du fait que le projet de loi
47 ne règle qu'une partie des difficultés d'interprétation
constatées depuis juillet 1989, l'Opposition officielle demande que les
amendements suivants soient apportés au projet de loi: que l'exclusion
du partage du patrimoine familial s'applique au remploi d'un bien acquis avant
le mariage et que l'exclusion du partage du patrimoine familial s'applique aux
sommes accumulées avant le mariage qui ont servi à l'acquisition
des biens du patrimoine.
L'Opposition souhaiterait aussi une campagne publicitaire
adéquate et efficace. On en a parlé à quelques reprises,
entre autres, lors de l'adoption du projet de loi 19 qui faisait suite à
la loi 146. L'Opposition officielle avait dénoncé à ce
moment-là l'insuffisance de l'information donnée par le
gouvernement. Nous, nous trouvions que la population était mal
informée et que les gens connaissaient mal la loi. En la connaissant
mal, on l'interprète mal. On la diffuse tout croche. Et il y avait
beaucoup de problèmes avec l'information au niveau de la loi 146. Donc,
lorsqu'on a adopté le projet de loi 19, on avait soulevé ce
problème, si on veut, et, encore une fois, nous le soulevons, compte
tenu qu'il y a des campagnes de désinformation entourant la loi 146 qui
ont eu lieu au cours des derniers mois. On sait qu'au cours des derniers mois
on a eu de nombreux articles qui disaient toutes sortes de
choses par rapport à la loi 146 et surtout, évidemment,
des articles souvent très négatifs, souvent aussi plus ou moins
fondés. Il y avait des erreurs qui ont quand même pu être
corrigées, mais il reste que la campagne négative, à notre
avis, a été beaucoup plus importante que la campagne positive qui
aurait pu être faite. Le Conseil du statut de la femme avait fait un
effort, à ce sujet-là. Il a fait une tournée
d'information, il a rencontré beaucoup de monde au Québec, mais
il semble que, justement, l'information ne se soit pas vraiment rendue partout
où on aurait voulu qu'elle se rende. Ça n'a pas été
suffisant, quoi. Le Conseil du statut de la femme a publié un fascicule,
une brochure, si on veut, sur la loi 146, qui est très
intéressante et très bien faite, mais, encore là, on se
rend compte que ça n'a pas été assez important, comme
campagne, ça n'a pas rejoint assez de monde. C'est pour ça que
nous, en tant qu'Opposition officielle, on aimerait beaucoup qu'il y ait une
campagne d'information qui se fasse.
Il y a aussi un autre fascicule qui est sorti, celui de l'AFEAS. Comme
on le sait, l'AFEAS a 30 000 membres, et ça s'est rendu surtout au
niveau des membres de l'AFEAS. Donc, encore une fois, ça n'a pas rejoint
l'ensemble de la population. Il y a tellement de choses qui ont
été véhiculées, comme je disais tout à
l'heure, des choses qui sont plus ou moins véridiques. On
interprète la loi chacun de son bord, puis on lance n'importe quoi.
Alors, dans ce sens-là, c'est très important qu'une campagne
d'information positive et claire, qui dit exactement ce que c'est vraiment et
ce que fait la loi 146, soit entreprise. Compte tenu, comme je disais, qu'il y
a eu des campagnes de désinformation, compte tenu aussi que plusieurs
citoyens et citoyennes manifestent régulièrement leur
désir d'être mieux informés à propos de fa loi 146,
compte tenu que des amendements importants sont en voie d'être
adoptés, l'Opposition demande au gouvernement qu'il mette en place une
vaste campagne publicitaire destinée à informer tous les
Québécois et toutes les Québécoises du contenu de
la loi 146. Aussi, par ailleurs, on a souligné le fait que, bon, on est
rendus à la fin de session, en juin; j'ai entendu la ministre, la nuit
dernière, nous confirmer qu'il y aurait effectivement une campagne
d'information. Alors, c'est évident que pour nous, de l'Opposition
officielle, une campagne d'information comme celle-là durant
l'été, ça n'a aucune portée. Les gens sont en
vacances, ils sont occupés à beaucoup de choses, et c'est encore
plus difficile de rejoindre les gens, de rejoindre ceux qui ont besoin de
renseignements. Alors, dans ce sens-là, on souhaiterait que la campagne
d'information ait lieu, par exemple, à l'automne, où les gens
sont plus disponibles et plus réceptifs à toutes les informations
qu'on veut bien leur donner.
Par rapport à cette campagne d'information, comme la ministre
nous a affirmé hier qu'il y en aurait une et qu'effectivement - elle
nous avait entendus - ce serait probablement à l'automne aussi, disons
que nous aimerions avoir une prolongation du délai de retrait, du
délai qui est dans la loi, et qui prend fin, on s'en souviendra, le 31
décembre 1990. C'est sûr qu'on sait que ça fait un an et
demi et tout ça, mais étant donné que les gens
étaient mal informés - et c'est confirmé, je pense - s'ils
ont l'information seulement durant l'automne, le temps pour les gens de prendre
leur décision, ce serait peut-être intéressant de prolonger
le délai d'au moins six mois. Compte tenu, justement, des amendements
qu'on va apporter à la loi 146, compte tenu aussi qu'une vaste campagne
publicitaire s'impose et qu'elle ne peut être présentée
avant l'automne 1990 si on veut vraiment que cette campagne-là soit
efficace, compte tenu que les époux mariés avant l'entrée
en vigueur de la loi 146 n'ont que jusqu'au 31 décembre prochain pour
manifester leur volonté de ne pas être assujettis en tout ou en
partie au partage du patrimoine, l'Opposition demande donc qu'un délai
supplémentaire de six mois soit accordé aux époux
mariés avant le 1er juillet 1989, leur laissant jusqu'au 30 juin 1991
pour manifester leur volonté de ne pas être assujettis en tout ou
en partie au partage du patrimoine familial.
M. le Président, c'étaient les commentaires que j'avais
à faire sur le projet de loi 47, mais j'aimerais aussi expliquer
pourquoi je trouve important ce que l'on fait aujourd'hui, ici, en commission,
même si le projet est quand même restreint, de vérifier
article par article et de se donner le temps de se pencher sur les
possibilités d'aménagement à apporter au projet de loi.
Parce qu'on se rappelle, justement, l'adoption de la loi 146. On se rappelle
que la loi 146 a été adoptée dans des conditions
pratiquement similaires, en fin de session en juin dernier, à un moment
où les gens sont en ebullition. C'est peut-être ma première
expérience parlementaire et Dieu sait si je m'en rends compte. C'est
sûr qu'à ce moment-là je trouve que les chances sont... En
fait, les chances, je devrais plutôt dire ia malchance. En tout cas,
c'est très risqué de laisser échapper des
subtilités quand on a...
Le Président (M. Dauphin): Avez-vous terminé?
Mme Carrier-Perreault: Non, M. le Président, je n'ai pas
terminé, malheureusement.
Le Président (M. Dauphin): On vous écoute
attentivement.
Mme Carrier-Perreault: Je me sens volubile, ce matin.
Le Président (M. Dauphin): Ah oui! Des voix: Ha,
ha, ha!
M. Jolivet: D'autant plus, M. le Président, qu'en vertu du
règlement nous avons droit à des remarques préliminaires,
que nous avons l'intention d'utiliser, d'ailleurs.
Lé Président (M. Dauphin): C'est justement! Une
voix: On a compris... Des Voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Et nous serions même prêts, si la
ministre n'a pas pris tout son temps, à lui laisser le droit de parole,
si elle le voulait.
Le Président (M. Dauphin): Alors, vous allez voir qu'on va
bien s'entendre. Pas de problème de consentement à notre
commission. Alors, continuez, Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Je pense que la ministre va vouloir s'en
prévaloir. Je l'ai vu prendre ses munitions, comme elle me le disait
tout à l'heure.
Alors, comme je le disais, quand on vote des projets de loi comme
ça, en fin de session, à toute vapeur, je pense que les risques
d'oublier des détails ou de passer par-dessus certaines
subtilités sont encore plus accentués. Je ne suis pas toute seule
à le dire, et je le disais hier aussi, d'ailleurs. Le Barreau, qui est
d'accord avec le principe de la loi 146, le disait récemment dans un
article, justement, que cette loi a été rapidement adoptée
en fin de session, que de nombreux amendements de dernière minute y ont
été apportés, qu'ils n'ont pas été
suffisamment scrutés par les juristes du gouvernement. Aujourd'hui, on
dit: "Après 10 mois d'application, nous constatons que de nombreuses
difficultés ont surgi sur le terrain. Il est urgent d'apporter des
correctifs à cette loi, dont les principes sont excellents et continuent
d'être appuyés par le Barreau. La loi devrait établir
clairement que les biens acquis et payés avant le mariage... " En fait,
on s'est basés aussi sur la réflexion du Barreau et des
différents groupes pour demander des amendements supplémentaires.
En fait, c'est très clair que c'est plus facile de laisser
échapper des choses et de laisser aller des trous dans la loi. Je tenais
à mentionner ça, justement, pour vous dire à quel point je
trouve important qu'on se penche vraiment sérieusement sur
l'étude des amendements qu'on veut apporter à la loi 146, surtout
étant donné les problèmes que ç'a pu susciter et le
tollé, si on veut, de protestations, justifiées ou non, de !a
part de différents intervenants.
Je veux aussi vous dire que l'Opposition officielle était tout
à fait d'accord l'an dernier avec le principe, les buts et les objectifs
poursuivis par la loi 146. Nous sommes toujours d'accord, et c'est pour
ça qu'au début de la séance, ce matin, je tenais à
vous dire qu'on est d'accord aussi avec le principe, toujours le principe de la
loi 146 et le principe de la loi 47, qui est d'amender pour une meilleure
interprétation la loi 146. C'est sûr que si on est d'accord avec
la loi 146 qui est maintenant rendue dans le Code civil, on ne peut pas faire
autrement que d'être d'accord pour la bonifier.
On sait que la loi 146 poursuivait des buts bien précis. Entre
autres, confirmer un partenariat. C'est reconnaître que le mariage est
une institution servant de base à l'organisation de la famille sous
l'enseigne, évidemment, de l'égalité des époux.
Elle poursuivait aussi le but de protéger le conjoint le plus faible
économiquement. Donc, concrétiser sur le plan économique,
au moment de la dissolution du mariage par divorce ou par décès,
ou lors de la séparation de corps ou de l'annulation du mariage, le
principe de l'égalité juridique des époux, reconnu dans le
Code civil depuis 1980. On sait que le Code civil, depuis 1980, reconnaît
que les époux, en fait, les conjoints, sont égaux dans les -
comment dirais-je... En fait, dans tous les... J'en perds mes mots...
Juridiquement, oui. Ils sont égaux juridiquement et sont égaux
aussi dans le partage des dettes, parce qu'ils sont autant responsables l'un
que l'autre des biens du ménage. Alors, c'est tout à fait normal
que, dans le partage des biens qu'ils ont accumulés ensemble, on vienne
aussi confirmer cette égalité juridique. (12 h 30)
La loi 146 avait aussi pour but de constituer un patrimoine familial
partageable. En fait, la loi venait créer un patrimoine familial
formé de certains biens des époux, sans égard à
celui des deux qui détenait un droit de propriété sur ses
biens et sans égard non plus à leur régime matrimonial.
C'est d'ailleurs reconnu dans la plupart des autres provinces canadiennes. On
sait que dans la majorité des provinces où c'est la "common law",
entre autres, je pense à l'Ontario, la Saskatchewan... En fait, sept
provinces du Canada reconnaissent le patrimoine familial, huit avec nous
autres, maintenant.
Ce qui arrive, c'est qu'on sait que ce n'est pas exactement de la
même façon que ça se détermine, si on veut. Il y a
des nuances dans les différentes lois, mais la plupart des provinces de
"common law" ont explicitement reconnu que le travail au foyer, le soin des
enfants, la contribution financière sont des responsabilités
conjointes des époux, d'égale importance, et que cette
contribution donne à chaque époux à la fin de l'union un
droit au partage égal des biens qui en font l'objet. Il me reste cinq
minutes? Ça va aller, merci.
On sait qu'il y a des nuances, bien sûr, mais il reste que ce
principe-là a été confirmé au moins dans sept
autres provinces, plus le Québec, maintenant. Ça avait aussi pour
but de corriger les effets négatifs de la réforme de 1980, en
assurant à chaque conjoint une juste
part du patrimoine familial, un objectif recherché mais non
atteint avec le mécanisme de la prestation compensatoire. Encore
aujourd'hui, on sait qu'environ 50 % des couples sont mariés sous le
régime de séparation de biens. Ce régime permet souvent au
mari d'accumuler la majorité des biens durables du couple. Lors de la
réforme du Code civil, au début des années quatre-vingt,
l'introduction de la prestation compensatoire devait permettre un
rééquilibre de la situation économique des époux en
cas de rupture. Mais son application n'a pas donné les résultats
escomptés. Les tribunaux ont très exceptionnellement
considéré que le travail au foyer justifiait à lui seul
une prestation compensatoire. De plus, quand on a jugé que ça
méritait une prestation compensatoire, on s'est rendu compte que les
montants qui ont été donnés étaient
insatisfaisants, enfin, qu'ils ont souvent été jugés, en
tout cas, insatisfaisants. Alors, voilà, c'étaient les principes
de la loi 146, des principes que nous appuyions effectivement lors de
l'adoption de la loi 146 et que nous appuyons toujours. C'est dans ce
sens-là qu'on appuie la loi 47, mais on y désire des
amendements.
En terminant mon allocution, M. le Président, je tiens à
préciser que je trouve très important qu'on se penche
sérieusement sur le projet de loi 47. Je tiens à le
répéter, parce que je trouve que c'est dangereux de faire des
erreurs et que, souvent, c'est à la mise en application de la loi qu'on
se rend compte de ces erreurs-là. Comme les lois que l'on passe ici, les
lois que l'on adopte ici au Parlement s'appliquent à la population et
sont vécues par l'ensemble de la population, je trouve que c'est
très important qu'on prenne le temps nécessaire pour en discuter.
Je vous remercie, M. le Président.
La Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière, pour vos remarques
préliminaires. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui
aimeraient faire des remarques préliminaires? Je vais maintenant
reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est évidemment
avec bonheur que j'interviens à ce moment-ci de nos travaux, d'abord,
pour vous saluer, M. le Président, ainsi que mes collègues
membres de la commission parlementaire des institutions, et pour dire toute ma
satisfaction de recevoir Mme la ministre déléguée à
la Condition féminine, et les personnes qui l'accompagnent, pour que
nous puissions reprendre le travail sur le partage du patrimoine là
où nous l'avons laissé, d'une certaine façon,
l'année dernière. Je le fais avec satisfaction, parce que je
crois que, de part et d'autre, nous n'aurons pas à négocier
durant nos travaux le principe du projet de loi.
C'est maintenant acquis, pour nous comme pour vous. Il y a maintenant un
consensus qui s'est dégagé dans ce Parlement en faveur des
objectifs de fond.
Et vous pouvez vraiment être assurés, ma collègue
des Chutes-de-la-Chaudière l'a dit il y a quelques minutes, de toute
notre collaboration. Evidemment, il pourra vous apparaître que nous
scrutons avec une certaine lenteur les bonifications que nous voulons voir
introduites. Mais avec toutes ces critiques que nous avons essuyées, par
exemple, que nous avions un peu trop rapidement adopté le projet de loi,
l'an passé... Chose certaine, cette année, cette critique ne
pourra pas nous être faite. Nous allons, avec une loupe, faire en sorte
que tout le monde en sorte content. N'est-ce pas, Mme la députée
des Chutes-de-la-Chaudière?
M. le Président, j'ai évidemment, comme certains et
certaines d'entre nous, beaucoup réfléchi depuis un an sur le
sens de ce que nous avions fait l'an passé. J'aimerais partager avec la
commission ce qui me semble avoir été une étape
importante, peut-être pas clairement exprimée, mais une
étape importante dans ce qui me semble être la suite de cette
longue marche des femmes pour lever les obstacles vers leur autonomie et leur
indépendance. Et là, je veux parler de cette nouvelle approche,
qui est plus compliquée que celle qui consistait dans le passé
à faire le ménage des lois misogynes.
Quand il s'est agi essentiellement - comme a pu le faire Mme Claire
Kirkland-Casgrain, quand elle a siégé comme première femme
députée en cette Assemblée - de lever les dispositions
sexistes qui considéraient une femme mariée comme incapable, en
général, l'opinion publique était de son
côté. Malgré, évidemment, que ça ne se soit
pas fait sans difficulté ou sans heurt. Ça fait moins de 30 ans
de ça. C'est donc dire que les esprits étaient quand même
préparés, au moins sur le plan des droits sur papier, à ce
que, sur le plan de ce qu'on peut appeler l'égalité juridique des
lois, on écarte, on évacue toutes ces dispositions qui avaient un
caractère sexiste. Petit à petit, ça a cheminé.
Ça a pris un certain temps. Il faut bien comprendre que l'histoire est
jalonnée de la présence des femmes dans le Parlement. Il a fallu
attendre un certain nombre d'années avant qu'une deuxième
députée femme vienne siéger dans le Parlement, Mme Bacon,
en 1972.
Finalement, ce n'est qu'à la fin des années soixante-dix
qu'un ménage complet sera fait dans ce qu'on appelle le droit de la
famille, pour faire en sorte que l'institution du mariage ne soit plus
l'institution patriarcale qu'elle avait toujours été. Il faut
bien comprendre que l'institution du mariage était essentiellement une
institution patriarcale, dans le sens où il y avait un chef qui
était clairement identifié dans le Code civil. C'est lui qui
décidait, n'est-ce pas, de la résidence familiale et qui prenait
donc les décisions
concernant le bien-être. D'ailleurs, l'ensemble du Code faisait
valoir la nécessité, dans les contrats privés comme dans
l'ensemble des autres comportements entendus, d'avoir à gérer en
bon père de famille.
Donc, Mme Payette et le ministre de la Justice, Marc-André
Bédard, le député de Chicou-timi, feront ensemble un grand
ménage à la fin des années soixante-dix, en 1979 plus
particulièrement, dans le droit de la famille du Québec.
Ça ne s'est pas fait sans heurt, il faut savoir. J'ai oublié, en
passant, une date importante, qui est 1972 et qu'il faut rappeler à ce
moment-ci, qui est celle de l'introduction de la société
d'acquêts. Il faut savoir la guerre d'usure que les notaires avaient
faite à l'époque à la société
d'acquêts. Une guerre d'usure qu'on peut tout simplement se rappeler en
relisant - c'est en 1972, je pense, en 1970 - tous les journaux de
l'époque. Et maintenant, on constate que les notaires et leurs
corporations se sont vraiment réconciliés avec la
société d'acquêts. Tellement réconciliés
qu'ils ont d'ailleurs, dans l'année qui vient de se terminer,
plaidé qu'il n'y avait pas besoin de patrimoine familial parce qu'il y
avait la société d'acquêts. Alors, vous voyez combien la
réconciliation est possible, 20 ans plus tard, avec une institution qui
était pourtant totalement rejetée.
Donc, on arrive à la fin des années soixante-dix avec ce
grand ménage dans le droit de la famille et, encore une fois,
ménage oui ne s'est pas fait sans difficulté. Il faut savoir
combien ça a brassé dans ce Parlement lorsqu'il a
été question que les femmes mariées puissent avoir le
droit d'utiliser leur nom à la naissance ou le double nom, leur nom de
fille et le nom de leur mari.
Il faut se rappeler aussi cette sorte d'indignation qui, dans certains
milieux, s'est manifestée lorsqu'il a été question que
l'enfant puisse porter, au choix des parents, le nom de l'un ou l'autre ou des
deux. Alors là, c'était considéré comme le summum
de ce qu'on pouvait imaginer de pire. On nous prédisait que les
Québécois ne pourraient plus se retrouver dans leur arbre
généalogique. C'était non pas simplement une entorse, M.
le Président, mais c'était plus encore une infraction à
une sorte de loi naturelle.
Une petite anecdote dans ce dossier. Au moment où tout ça
se brassait, ou quelques années à peine après, j'avais,
pour le compte du gouvernement, à recevoir le président de
l'Association internationale des parlementaires de langue française. Au
cours du dîner qui lui était offert, étant assise à
ses côtés, j'avais à lui expliquer les modifications qui
avaient été adoptées et mises en vigueur concernant le
droit de la famille, et particulièrement la question du nom de l'enfant.
Je me rappelle encore sa réaction. Je ne sais trop à combien de
douzaines de reprises il s'était pris la tête, en disant: Pas le
nom de l'enfant, pas le nom du père! Vous n'avez pas touché au
nom du père! Une voix: Et du fils, et du Saint-Esprit.
Mme Harel: Et c'était vraiment, dans sa culture à
lui, presque une infraction à une loi naturelle. Tellement incertain des
propos que je lui tenais, il avait le lendemain fait vérifier
auprès du président de l'Assemblée nationale si
c'était bien vrai.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: De constater que ça l'était l'avait mais
totalement confondu. Je le dis, parce qu'on a fait des changements qui
étaient bouleversants, aussi. Mais, malgré tout, il y avait un
consensus qu'il fallait les faire, parce que c'était lever les obstacles
juridiques pour assurer l'égalité. Là où on est
rendus, il faut le comprendre pour pouvoir s'expliquer pourquoi il y a eu tout
ce tollé qui a entouré la loi 146, cette agitation qui continue,
d'une certaine façon, dans certains milieux autour du patrimoine
familial. C'est que, là. on n'en est plus simplement à
l'égalité juridique, mais on en est à des mesures que
j'appelle de discrimination positive. On ne travaille plus avec les mêmes
matériaux. C'est comme une deuxième étape qui a
commencé, cette étape où on va faire reconnaître que
l'égalité juridique ne mène à rien si on ne fait
pas reconnaître la différence.
Parce que, dans le fond, jusqu'à maintenant, tout ce que les
femmes ont gagné, c'est le droit d'être capables d'être
comme un homme, sur papier. Mais elles n'avaient pas encore
véritablement gagné le droit d'être différentes
à cause de leur maternité. C'est ça qui fonde toute la
différence. Évidemment, ça n'a pas l'air
d'apparaître maintenant, mais tant que les hommes ne pourront pas avoir
des enfants et que les femmes continueront non seulement à les porter,
mais à en assumer très profondément la
responsabilité, avec tout ce qui suit sur le pian des
responsabilités familiale, conjugale et parentale, il y aura à
introduire des mesures qu'on appellera de discrimination positive, d'action
positive. Sans ces mesures, l'égalité est purement sur papier. La
preuve de ça, c'est que c'est paradoxal que les femmes n'aient jamais
été aussi pauvres, dans notre société, au moment
où elles n'ont jamais eu autant de droits. C'est vraiment un paradoxe
des temps modernes, d'une certaine façon. On le voit, par exemple, avec
les dernières statistiques publiées par le Conseil canadien sur
le bien-être social, celles tout récemment rendues publiques, il y
a à peine trois semaines, maintenant, et qui, clairement, font bien voir
que la courbe de la pauvreté est maintenant directement associée
à la féminisation. Directement. Ce sont principalement les femmes
qui s'appauvrissent, mais pas n'importe quelle sorte de femmes. Il s'agit
principalement
de celles qui ont des enfants. Le Conseil du statut rappelle d'ailleurs
que chez les familles monoparentales, six familles sur dix sont pauvres, tandis
que chez les familles biparentales, une famille sur dix est pauvre.
Alors, c'est une réalité qu'il va falloir faire comprendre
au Parlement. On est en avance, nous les Québécoises, il faut le
constater, même par rapport aux Européennes, mais il faut
maintenant aborder la condition féminine dans la perspective d'une
législation d'action positive. C'est une législation d'action
positive, et c'est dans ce sens-là, M. le Président, que,
contrairement aux critiques qu'on en a faites, ce n'est pas une
législation tournée vers le passé, c'est une
législation tournée vers l'avenir. Moi, j'étais
très consciente, l'an dernier, quand on a étudié le projet
de toi 146, que je ne le faisais pas d'abord pour ma mère, mais pour ma
fille, parce que ma mère s'en est très bien tirée, puis,
en plus, elle est toujours avec mon père...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Ils croient tous les deux à
l'indissolubilité du mariage.
Une voix: Ça aide.
Mme Harel: Évidemment, ça aussi, on ne doit pas
oublier que ça fait à peine 20 ans maintenant, depuis 1968, que
la loi du divorce a été introduite, ce qui a évidemment
profondément bouleversé cette idée qu'on se faisait du
mariage et de son indissolubilité. Évidemment, la
conséquence que ça avait, c'est qu'on pouvait ne plus vivre
ensemble, on ne pouvait pas être déshérité, parce
que, dans tous les contrats, il y avait quand même des donations à
cause de mort. Alors, il ne faut pas oublier tous ces bouleversements. Mais ces
bouleversements, beaucoup de gens nous les présentent en disant: Oui,
mais maintenant, qu'est-ce que vous voulez de plus? Vous l'avez,
l'égalité.
C'est ça, finalement, le danger qui se présente à
nous: c'est de se satisfaire de l'égalité sur papier. Comment se
fait-il que les femmes, même à diplôme égal,
n'obtiennent toujours que 66 % du salaire d'un homme? Là, vous allez me
dire: Ce n'est pas si mal, 66 %. Oui, mais quand on apprend qu'au début
du siècle dernier, c'était 55 %... Donc, la progression n'est pas
celle qu'on imagine sur le plan de l'égalité économique.
C'a progressé de 11 % en 90 ans. A ce rythme-là, c'est en l'an
2300 qu'on pourrait espérer une égalité économique
réelle. Donc, l'égalité juridique n'est pas suffisante.
Est-ce qu'il me reste encore du temps, M. le Président?
Le Président (M. Dauphin): Six minutes encore, Mme la
députée.
Mme Harel: Six minutes, quelle chance!
Le Président (M. Dauphin): C'est intéressant.
Continuez.
M. Jolivet: C'est un bel historique. Des voix: Ha, ha,
ha!
Mme Harel: Je pense, M. le Président, qu'il faut donc le
revendiquer, ce droit à une législation, je le
répète encore, d'action positive, où les femmes vont de
plus en plus obtenir le droit d'être différentes,
c'est-à-dire le droit de faire reconnaître dans
l'égalité leur différence. D'une certaine façon,
ça va être un exercice démocratique pour toute la
société, parce que, si vous me permettez la comparaison, c'est ce
sur quoi s'est butée la Révolution française, parce que la
Révolution française prétendait octroyer des droits
juridiques égaux à tous les citoyens.
On en profite, on a cette notion de citoyenneté qui existe en
Occident, qui est encore revendiquée par bien des peuples de
l'humanité, mais on a cette notion de citoyenneté juridique qui
est quand même une protection. Cette citoyenneté juridique
introduite avec la Révolution française n'a quand même pas
donné l'égalité, la fraternité qui était
supposée suivre, parce que c'est resté, d'une certaine
façon, des droits individuels sur papier. Ça n'a pas tenu compte
de la réalité des gens, parce qu'il y en a qui sont beaucoup plus
égaux que d'autres, dans la société. La comparaison qui
est faite entre les hommes qui divorcent, dans l'année de leur divorce,
et les femmes qui divorcent, dans l'année de leur divorce, est quand
même extrêmement éloquente, quand on pense que, selon les
études canadiennes, mais qui doivent valoir pour nous aussi,
malgré qu'on soit une société distincte - et on ne l'est
peut-être pas tant sur le plan des moeurs matrimoniales - le revenu d'une
femme divorcée et de ses enfants diminue de 73 % dans l'année du
divorce et le revenu d'un homme divorcé augmente de 42 %. Alors, dans
ces chiffres mêmes, il y a là toute la réalité de
l'inégalité dans les responsabilités à
l'égard des enfants.
M. le Président, un dernier mot sur le fait que nous amendons le
Code civil du Québec. Et, ça, ça demande beaucoup de
doigté. Parmi les difficultés qui sont présentées
à l'égard du projet de loi 146, il n'y a pas tant - à mon
point de vue - le fait que ça ait été un projet de loi de
fin de session, parce que des projets de loi de fin de session, tous les
gouvernements en font et Ils font essentiellement ça, en
général. La production est une production de fin de session pour
le présent gouvernement, il faut bien l'admettre, comme pour le
précédent. Le 15 mai n'est pas une date introduite pour rien
parce que, auparavant, c'était même plus tard que ça que
les projets de loi étaient déposés. Alors, le 15 mai donne
malgré tout à l'Opposition le temps de les examiner
attentivement. Et je dois vous
dire, en toute sincérité, que je pense que le projet de
loi 146 a obtenu à peu près, il y a un an, la môme
attention que celle que les autres projets de loi des gouvernements obtiennent.
Mais la différence, c'est qu'on travaille dans le Code civil. Et,
ça, ça fait une différence. Ça a des
conséquences, parce qu'il faut une sorte d'harmonisation, ne serait-ce
qu'avec les successions. Et on ne peut pas travailler à un projet de loi
qui modifie le Code civil sans avoir quasiment en tête l'ensemble de
notre système de droit.
Et c'est ce à quoi on va s'employer, malgré que je
reconnaisse que, dans l'intention du législateur l'année
passée, il y avait une chose qui n'était pas clairement
exprimée. Et ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière a
raison de le rappeler cette année. L'an dernier quand, du
côté de l'Opposition, on signalait à la ministre
déléguée qu'il fallait examiner d'une façon
particulière la situation des deuxièmes mariages, II ny avait pas
de volonté politique du côté du gouvernement. Au contraire,
l'idée, c'était qu'il fallait traiter tout le monde pareil. Et
c'est ça qui a amené tous les problèmes, d'une certaine
façon - en tout cas, pas amené tous, non, je ne nuance pas assez
- qui a accentué ou qui a aggravé des problèmes, parce
que, dans le fond, ce qu'on nous propose de régler avec le projet de loi
47, essentiellement, c'est ça. Et si on nous l'avait clairement dit quo
ce qui était acquis avant, en d'autres termes, ce n'était pas
partageable, c'était acquis avant le mariage, donc, ce qui aurait pu
l'être durant un premier mariage et qui avait déjà
été l'objet, soit par succession ou par partage d'une
répartition, n'allait pas faire l'objet d'une autre répartition,
ça aurait certainement favorisé l'acceptation du projet de loi
146, parce qu'on va entreprendre, de toute façon, de bonifier dans ce
sens-là maintenant et ça aurait clairement ciblé ce qu'on
voulait cibler. Alors, ma collègue a raison de dire qu'il y aurait eu
lieu de faire des modifications que le gouvernement, constatons-le, n'a pas
voulu faire l'an passé, mais qu'il s'apprête à faire cette
année, il faut peut-être le reconnaître
également.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Préskient (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, pour vos remarques
préliminaires. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui
désireraient faire des remarques?
M. Jolivet: J'ai l'Intention de prendre...
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Oui, je voudrais savoir de la part de la ministre,
comme on fait une discussion intéressante, si elle avait l'intention de
prendre quelques instants. On serait prêts à les lui accorder
peut-être pour faire un point avant 15 heures. Sinon, je vous
demanderais, si c'était possible, pour ne pas couper mon intervention de
vingt minutes, de me permettre de la faire d'un seul trait et de commencer
à 15 heures, compte tenu du travail jusqu'à 4 heures ce matin.
Ça nous permettrait de nous reposer plus adéquatement.
Le Président (M. Dauphin): Mme la ministre,
désirez-vous intervenir quelques minutes?
Mme Trépanier: Non, ce que je préférerais
faire, c'est d'attendre que les interventions préliminaires soient
toutes faites et peut-être vous fournir quelques commentaires, parce que
je pense que vous vous occuperez de meubler le temps pour le reste de la
journée. Alors, on n'a pas besoin d'en rajouter! Je pense que les deux
députés ont fait des commentaires extrêmement
intéressants. Je voudrais entendre les vôtres et peut-être
revenir. Alors, on peut peut-être suspendre jusqu'à...
M. Jolivet: 15 heures.
Mme Trépanier: 15 heures. Ça vous convient?
Le Président (M. Dauphin): Alors, nous suspendons nos
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 55)
(Reprisée 15 h 18)
Le Président (M. Dauphin): La commission reprend ses
travaux, avec un mandat bien précis, soit de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 47. Alors, nous
étions toujours au stade des remarques préliminaires avec, cette
fois-ci, l'honorable député de Laviolette. M. le
député.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'ai
écouté avec beaucoup d'attention ce qui a été dit
ce matin par la ministre et mes collègues, d'autant plus que la
députée de Hochelaga-Maisonneuve a fait un historique assez
important et intéressant de la législation concernant ce que l'on
considère comme une pièce maîtresse pour l'ensemble du
Québec, qui est de permettre une égalité entre les hommes
et les femmes, et à ce moment-là, d'être
considérés à juste titre comme des personnes à part
entière.
J'ai aussi compris, quand on les regarde avec beaucoup d'attention, que
les projets de loi successifs qui ont amené des discussions assez
importantes à l'Assemblée nationale, dans chacun des caucus... On
se souviendra des discussions âpres, dans certains cas, qui ont eu lieu
même
au Conseil des ministres, des échos que nous avons eus, sur le
projet de loi 146 qui a amené, vous vous en souviendrez, M. le
Président, aussi, le projet de loi 19, et maintenant celui qui est
devant nous, le projet de loi 47.
Je ne dévoilerai pas, vous le savez très bien, M. le
Président, quelque secret que ce soit des caucus de notre parti
politique, pas plus que de ceux du parti qui nous gouverne actuellement, mais
il y a une chose certaine, c'est qu'il y a eu des débats importants.
C'est donc avec plaisir que je reviens à la commission, aujourd'hui,
pour remplacer le vice-président qui a dû quitter pour son
comté, M. le député de
Rouyn-Noran-da-Témiscamingue, et, en même temps, donner mon
opinion sur le projet de loi comme tel. Vous en conviendrez, M. le
Président, que, dans chacune des formations politiques, lors de
l'étude de ces projets de loi successifs, il y a eu, qu'on le veuille ou
qu'on ne le veuille pas, aussi, dans le stress ou dans le "rush" - il y en a
qui appellent ça de différents noms, mais il reste quand
même que c'est un moment assez intensif de nos travaux - des discussions
sur les changements au Code civil.
J'ai eu l'occasion de participer avec vous, M. le Président,
à la commission des institutions, on s'en souviendra, sur le rapport
Dauphin-Taillon, si on peut l'appeler comme tel - je ne me souviens pas du
titre du rapport - qui avait mené des consultations à travers le
Québec. On était allés à Montréal, dans des
rencontres, et il y avait une équipe de travail avec nous qui avait
fait, justement, un bon travail. Et c'est toujours avec plaisir qu'on discute,
à cette commission des institutions, et on est capables, de part et
d'autre, de donner des points de vue sans avoir à élever le ton,
à se chamailler, comme on a pu le faire tout dernièrement dans
certains projets de loi qui ont été déposés en
commission parlementaire et pour lesquels, malheureusement, on a
décidé, hier, avant-hier, et maintenant aujourd'hui, trois fois
en trois jours, ce qui est tout à fait nouveau - ordinairement, on avait
une loi de bâillon une fois par trois sessions - de faire trois lois dans
la même semaine, en trois jours successifs. C'est la première fois
de toute ma vie que je vois ça, M. le Président. Dans certaines
commissions, où on a des débats très importants... J'ai eu
l'occasion d'assister à ce débat à ce qu'on appelle
l'Assemblée législative, le salon rouge pour les gens
habitués, où il y avait énormément de personnes
dans la salle, et d'ailleurs, ces personnes se retrouvent actuellement de
l'autre côté, au salon bleu, écoutant les discours qui sont
en train de se faire sur le bâillon qu'on nous a imposé. Mais il
reste quand même que sur le projet de loi 146, que nous avons connu dans
une fin de session, où les gens, dans des caucus, avaient des
impressions totalement différentes, où il a fallu faire un
consensus, ça n'a pas toujours été facile. Et la ministre
sait de quoi je parle, compte tenu, justement, des tractations de
dernière minute qui ont eu lieu pour que, finalement, le fameux projet
de loi 146 soit adopté avant les élections.
Il reste quand même qu'imparfait, il l'était; presque
parfait, peut-être, cela dépend comment on l'a vu. Il y a une
chose qui est certaine - et c'est de ça que je veux surtout parier, M.
le Président - il y a des perceptions qui n'ont pas évolué
à partir de ces expériences de discussions que nous avons eues
à l'époque. Je ne parte pas des partis politiques, je ne parle ni
du parti qui est en face ni de nous, mais je vous parlerai de ce que la
population a compris. D'autant plus qu'on a eu, sur ce projet de loi 146, des
occasions d'entendre les notaires faire une critique assez rude, assez acerbe,
à certains moments, qui a amené des gens à se poser des
questions. Et on est restés avec cette impression.
Je parlais, pas plus tard que ce matin au déjeuner, avec une de
mes collègues qui avait une perception qu'elle m'avait exprimée
il y a environ une semaine. Et, pourtant, je me disais: Ce n'est pas ça,
le projet de loi, il y a quelque chose qui cloche. Mais parce qu'un notaire lui
avait expliqué comme ça, elle croyait que, parce qu'on passe des
lois... On sait qu'on a des perceptions, des fois, de ce que la loi veut dire,
et on a aussi des impressions qui nous sont données par des gens qui ont
la connaissance du dossier, notamment les notaires, dans le cas des contrats
qui gouvernent les relations entre homme et femme, dans le mariage. Et elle
avait l'impression que, si son mari décédait et qu'elle se
remariait - je ne sais pas quel notaire lui avait donné cette
impression-là - le montant d'argent, qui était le partage du
patrimoine entre les deux époux, allait du côté de la
famille du mari parce qu'elle se remariait. Alors que je lui disais: Si ton
mari est mort avant toi, normalement, dans son testament, dépendant de
ce qu'il aura déterminé, c'est à toi ou à quelqu'un
d'autre, et si tu meurs en même temps, on sait les discussions qu'on a,
à savoir à quel moment la personne est morte ou pas, dans un
accident d'automobile en particulier, pour déterminer à qui va
l'avoir que sont les montants d'assurances, les montants de vente de maison,
d'automobile et autres. Et là, on détermine qui est mort le
premier. Et on est capables assez bien maintenant de déterminer par les
moyens médicaux actuels qui est mort le premier et on dit à qui
va, selon les testaments, l'argent disponible ou les avoirs disponibles. Je lui
ai expliqué ça et, à un moment donné, un autre
collègue est venu, la députée de Taillon, et on a
engagé une conversation intéressante compte tenu que je savais
que je viendrais ici cet après-midi pour discuter de ce projet de loi
là. Mais l'impression qui est restée, c'est parce qu'il y a des
articles de journaux qui ont été écrits, il y a des gens
qui ont une connaissance, des gens en autorité comme des notaires qui
ont donné des percep-
tions à des gens et c'est demeuré dans la tête des
gens. Quand on regarde l'événement qui s'est produit qui a fait
que les gens ont décidé - et vous en connaissez comme moi - par
consentement des deux parties, de ne point participer à ce nouveau
régime de partage du patrimoine, cela a fait en sorte que les gens ont
dit: Mon Dieu! s'ils s'en vont de là, eux autres, alors qu'ils ont eu
à discuter de ce projet-là, qu'est-ce qui se passe? Les notaires,
dans ce dossier-là, pour vous donner un parallèle parce que je
l'ai vécu, m'ont fait penser à un dossier identique en termes de
groupes, Chambre des notaires, d'une part, et Barreau, les avocats, d'autre
part. Vous n'étiez pas présent à l'Assemblée, M. le
Président, à l'époque parce que vous n'étiez pas
encore député, il me semble. C'est le projet de loi sur
l'assurance automobile.
Vous vous souvenez du tollé dans la population du groupe des
avocats qui se disaient contre le projet de loi. Et ils ont fait, j'irais
jusqu'à dire, non seulement de la publicité mais un marketing de
leur position, pour des raisons que nous comprenions aussi à
l'époque qu'ils perdraient des causes, que ça n'avait pas de bon
sens, que par l'assurance automobile les gens seraient moins bien
rémunérés. Bon, on en mettait des raisons. Dans le fond,
il y avait un peu de ce corporatisme qu'on connaissait qui amenait le Barreau
à vouloir défendre un montant d'argent qu'ils avaient par les
batailles devant les tribunaux qui duraient un an, deux ans, trois ans, quatre
ans, cinq ans, dans certains cas, pour déterminer quel montant
l'assurance devait payer, qui était responsable ou qui ne l'était
pas. Vous vous en souvenez? Il y a une de mes belles-soeurs qui, après
quatre ans, a reçu des montants d'argent pour un accident qu'elle avait
subi et quand elle a payé l'avocat, il ne lui est pas resté
grand-chose quand elle a payé 30 % du montant qu'elle a reçu et
les dettes qu'elle avait contractées en cours de route parce qu'elle
n'avait pas travaillé, parce qu'elle avait perdu son emploi.
Vous savez très bien ça, M. le Président, si vous
n'étiez pas présent, pour avoir appris par les journaux et la
radio, la télévision à l'époque, le lobby, ce qu'on
appelle maintenant, un plus beau terme français, le démarchage,
le démarcheur pour la part des avocats. Mais, ici, j'ai senti la
même chose en dehors de ce dossier quand j'allais dans mon bureau de
comté, quand les gens me parlaient du dossier. Ils me demandaient des
opinions, à savoir ce que la loi voulait dire. Comme je ne suis pas un
juriste et je ne veux pas prendre de décision, une fois que la loi est
passée, vous savez très bien que ce n'est pas le
député qui l'applique. Le député va essayer de
donner les meilleurs renseignements possible et, s'il n'est pas capable de
donner les meilleurs renseignements possible, il va le référer
à des hommes de loi, des femmes de loi, des notaires ou à des
avocats. Il va leur indiquer qu'à ce moment-là il y a des moyens
de régler le différend et de trouver un avis juridique qui leur
permette d'avoir le meilleur renseignement possible. Or, certains de mes amis
sont des avocats, d'autres sont des notaires auxquels je réfère
des gens en disant: Écoutez, je connais des gens qui peuvent vous donner
des renseignements. Vous êtes bien mieux d'aller les voir eux,
plutôt que moi, parce qu'ils vont vous donner le point de vue
légal parce qu'ils sont continuellement, journalièrement dans ce
dossier.
Dans ce sens, il me semble que le projet de loi qui est devant nous nous
amène des correctifs qui étaient demandés. Je pense que la
ministre ne sera pas surprise si on lui dit, comme on l'a
répété jusqu'à maintenant, que nous ne sommes pas
en désaccord avec le projet de loi, que le projet de loi tel que
présenté avec les amendements ne va peut-être pas assez
loin, comme on le désirerait. Mais il y a une chose, cependant, qui est
de la responsabilité gouvernementale et qui, à mon avis, n'est
pas suffisant: le droit pour les gens de pouvoir se désister avant la
fin de décembre 1990. Il me semble que déjà, à
cette partie-là, l'explication de loi, cette capacité
légale qu'une personne a avec son conjoint de se désister n'a pas
eu l'écho dans l'ensemble de la population. Ah oui! Très bien, il
a eu un écho chez les professionnels, chez les hommes et les femmes qui,
actuellement, ont des métiers, des professions leur permettant dans bien
des cas de pouvoir avoir des salaires souvent égaux, des fois et de plus
en plus, je l'espère, des femmes ayant, à cause de leur emploi,
des salaires équivalents à celui d'un homme mais plus
élevé des fois que celui du mari, ce qui amène des
discussions sur le partage de ce patrimoine, sur les achats, sur les
régimes des rentes, sur les maisons, sur les voitures, sur les chalets.
Vous savez tout, M. le Président.
Alors, quand on le regarde comme tel, on dit: il me semble qu'il a
manqué d'information et c'est un devoir, quant à moi, de la
ministre comme législateur et de nous, comme Opposition, de l'amener
à dire: Oui, M. le député, nous allons davantage faire de
l'information, même si le Conseil du statut de la femme a fait une
tournée pour l'indiquer, même si des avocats et des notaires le
font à travers le Québec. Il me semble que c'est une
responsabilité gouvernementale de faire cette publicité pour
indiquer que la limite est telle date.
Je me souviens, à l'époque - ma collègue, la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, en faisait mention ce matin,
elle nous l'indiquait - le débat sur le nom de l'enfant. Je peux vous
dire que je l'ai suivi à la trace, M. le Président, ce
dossier-là puisque j'étais à votre place, j'étais
président de commission, et des commissions fixes, à
l'époque où j'ai participé à ces débats.
J'ai entendu, de part et d'autre, de l'information, des gens qui avaient des
pour et des contre et des gens qui, finalement, disaient: II va falloir que
les gens soient bien informés de ce désir pour
l'épouse de pouvoir prendre son nom de fille, pour celle qui
était mariée et qui avait depuis fort longtemps le nom du mari.
Alors, il y eu des délais qui ont été publicises et
môme dans certains cas... M. le député et président
actuel, vous étiez membre du groupe de l'Opposition à
l'époque et même vous nous accusiez de dépenser trop de
deniers publics pour faire de l'information parce que, dans certains cas, vous
disiez: Peut-être que ça frise non plus de l'information mais de
la propagande. Vous vous en souvenez? Je ne vous ferez pas de dessin avec
ça. Mais entre l'extrême, d'une part, et la non-information, il me
semble qu'il doit y en avoir une qui est le juste milieu. Ce n'est jamais
facile, vous le savez, d'être au juste milieu parce que, moi, je dis
toujours: Quand le pendule d'une horloge est au milieu, c'est qu'elle est
morte; s'il va de gauche à droite, elle est vivante. Et, là, dans
ce sens, je dis: La ministre devrait davantage profiter de l'occasion qui lui
est fournie par ce projet de loi pour, d'ici à la fin de décembre
1990, informer les hommes et les femmes qui sont mariés selon le
système dans lequel je suis et qu'on croyait le meilleur à
l'époque pour les femmes, qui était le mariage basé sur un
contrat en séparation de biens. Et pourtant, vous le savez, pour avoir
participé a la commission parlementaire, M. le Président, on
s'est aperçu que c'était peut-être celui qui a le moins
aidé les femmes à pouvoir s'épanouir. Est arrivée
la société d'acquêts à l'époque, plus tard,
après le mariage que j'ai eu avec mon épouse, qui est toujours
selon le principe de la séparation des biens. Et selon le projet de loi,
dans mon cas, avec mon épouse, si on décidait de faire un geste,
il faudrait le faire avant la fin de décembre 1990. Il me semble que le
projet de loi...
Si la ministre ne peut pas s'engager à l'inscrire dans le projet
de loi, elle pourrait au moins, nous donner l'indication. Là,
peut-être qu'elle me dira: Je n'ai pas participé à tous les
débats. C'est vrai. Elle a raison. J'ai essayé de suivre le plus
possible par nos représentants... La députée des
Chutes-de-la-Chaudière nous a indiqué au caucus les idées
générales; j'ai lu les articles qu'elle a préparés
pour nous donner les indications si on avait à intervenir à
l'étude du principe. J'ai écouté ce que la
députée de Hochelaga-Maisonneuve avait à nous dire sur le
dossier compte tenu qu'elle a été la critique du projet de loi
146. J'ai parlé avec ma collègue, la députée de
Taillon, sur le sujet à plusieurs occasions, dont ce matin comme je vous
le disais tout à l'heure, et vis-à-vis de ça, je pense
avoir une bonne connaissance du dossier. Mais il reste quand même que je
n'ai pas cru entendre de la part de la ministre qu'elle avait l'intention de
mettre dans le projet de loi une indication de publicité. Elle va me
dire: M. le député, ce n'est pas dans le projet de loi qu'on va
l'indiquer. Alors, soit, si elle ne l'indique pas là, elle peut
l'indiquer à la commission, car elle a dit tout à l'heure qu'elle
prendrait quelques minutes pour faire une synthèse des opinions
émises de notre part pour, justement, me répondre et m'fndiquer:
Est-ce qu'elle a un programme normal de publicité - non pas de
propagande mais de publicité - d'information ou une tournée
qu'elle pourrait même organiser? Je vais vous en donner un exemple. M. le
Président J'ai été ministre pendant un an et j'avais un
devoir, de la part du premier ministre, de mettre en place une politique
forestière. Le 11 juin 1985, j'ai déposé à
l'Assemblée nationale ce qu'on a appelé le livre blanc
Bâtir une forêt pour l'avenir. Dès le mois
d'août jusqu'au mois d'octobre, j'ai fait une vaste tournée
à travers le Québec, dans toutes les régions du
Québec, pour donner de l'information sur le livre blanc que j'avais
déposé. C'était mon devoir comme ministre, comme c'est le
devoir de la ministre actuelle, d'informer des droits de chacun. Elle peut
même, à ce moment-là, demander à d'autres groupes,
comme le Conseil du statut de la femme, comme l'AFEAS, comme la Chambre des
notaires, le Barreau des avocats, de faire la plus grande information possible
à l'ensemble de la population, leur indiquant quels sont leurs
droits.
Alors, M. le Président, c'est avec grand plaisir que j'aurai
l'occasion de parler de ce dossier avec la ministre, d'écouter ce
qu'elle a à dire, ce que mes collègues ont à dire, parce
que je suis assuré que les propos qui seront donnés en cette
commission seront des propos sensés, des propos très
intéressants, qui vont nous permettre d'amener le débat à
un niveau qui est toujours souhaité en cette commission des
institutions, M. le Président, soit celui des idées, et non pas
de ia partisanerie. Et je sais que la ministre, pour la connaître, comme
mes collègues d'ailleurs, ce sont des personnes qui passent outre
à la partisanerie dans un dossier aussi important que
celui-là.
J'aurai l'occasion d'intervenir sur d'autres parties de ce projet de
loi, en indiquant à la ministre que je le ferai toujours dans un but
très positif, pour essayer de faire en sorte que le projet de loi soit
le meilleur possible, Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Mme la
ministre, je pense que vous aviez exprimé le désir de prendre
quelques minutes?
Mme Violette Trépanier
(réplique)
Mme Trépanier: Merci, M. le Président. La
députée des Chutes-de-la-Chaudière nous a manifesté
tout à l'heure, nous a donné vraiment trois points précis
- et elle l'avait dit dans son intervention d'hier - trois champs
d'intervention sur lesquels elle voulait qu'on travaille le plus durant cette
commission pour essayer de bonifier le projet de loi. Elle nous a dit
également qu'il
avait été adopté en fin de session, qu'elle
trouvait qu'il était un peu triste que ce soit adopté en fin de
session. Par contre, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve
disait, elle, que c'était un peu normal que ça se passe
ainsi.
Effectivement, par nos procédures, d'une part, mais, d'autre
part, parce qu'on a cherché tellement à le bonifier le plus
possible et le mieux possible, avec la collaboration quotidienne, presque
d'heure en heure, du ministère de la Justice, parce qu'il ne faut pas
oublier - Mme la députée l'a relevé ce matin - que c'est
une réforme au Code civil... Et ce n'est pas simple d'aller jouer dans
le Code civil, si on peut me permettre l'expression, alors, ça complique
les choses. C'est pour ça qu'on arrive avec des amendements au projet de
loi 47 à la dernière minute. Mais dois-je vous rappeler que ce
projet de loi 47 a quand même été déposé au
mois de mars? Et c'est depuis le mois de mars qu'on travaille avec les groupes,
avec le Barreau pour essayer d'en arriver à un meilleur consensus
possible avec la Chambre des notaires.
Je dirai à Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière qu'en ce qui concerne le gros amendement au
projet de loi 47, qui est le remploi, je pense que nous pourrons faire des pas
et nous pourrons avancer lors de cette commission, d'une part. D'autre part, le
point le plus important concernait les extensions de délai, et le
député de Laviolette en a fait part aussi, concernant le
désistement possible à la loi. Nous considérons cette
question comme importante et nous considérons que c'est une question
d'équité - et je l'ai dit ce matin également - que les
gens soient bien informés, qu'ils sachent ce qu'ils font et qu'ils aient
la possibilité et le loisir de le faire et d'avoir le temps de le faire.
Nous pensons que nous corrigeons cette question d'extension de délai par
une bonne campagne d'information. Et le député de Laviolette
m'ouvre la porte toute grande quand il me demande si je peux déposer,
ici, mes projets quant à cette campagne d'information. Je vous dirai
qu'il est tellement important de faire une information efficace, à notre
avis... Je pense que j'aurais eu de \a difficulté à vous
présenter un projet d'amendement à la loi sur les droits
économiques des conjoints si je n'avais pas été
assurée de pouvoir mener parallèlement à la fois une bonne
campagne d'information. Alors, j'ai été chercher les appuis
nécessaires avant, et c'est parallèlement, concurremment, qu'on
vous présente et le projet de loi et une campagne d'information.
Effectivement, elle n'a pas, cette campagne, à être inscrite dans
un projet de loi, mais je peux me permettre, aujourd'hui, de vous en donner les
grandes lignes.
D'abord, nous avons dégage du fonds de suppléance au
Trésor 300 000 $ pour une campagne d'information. Elle se fera en deux
temps. Je vais vous donner les objectifs et je vous donnerai
l'échéancier et la stratégie par la suite.
Les objectifs généraux de cette campagne seront les
suivants. D'abord, énoncer et faire comprendre le bien-fondé de
la loi et les avantages qu'elle procure aux deux époux, et bien aux deux
époux: équité dans le mariage, dans le partage de la
valeur de ce qu'on a bâti ensemble. Deuxième objectif: replacer la
loi 146 dans le contexte de la complémentarité des
réformes du Code civil touchant le droit de la famille. Les gens
regardent la loi 146 avec des oeillères.
Je parle de la campagne d'information, M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Oui. J'ai compris.
Mme Trépanier: C'est parce que vous vous étiez
absenté. (15 h 45)
M. Jolivet: Vous savez, je comprends vite. Un ancien
négociateur, vous savez, il comprend.
Mme Trépanier: Loin de moi l'idée que vous n'ayez
pas compris, mais je voulais être bien sûre que vous saisissiez que
je faisais allusion à votre référence de tout à
l'heure.
M. Jolivet: Merci.
Mme Trépanier: On oublie qu'il y a eu une réforme
du droit de la famille, en 1980. Parfois, on oublie et, dans de très
nombreux cas, on ne le sait pas qu'en 1980 on devenait coresponsables des
charges du ménage, que les donations faites dans les cas de
séparation au mariage étaient caduques. Et c'est aberrant de
constater ça, mais c'est ça, les faits. Alors, lorsqu'on les
replace en 1980, on considère comme tout à fait normal qu'en 1990
on essaie aussi d'assurer une certaine équité dans les biens
parce qu'on a donné l'égalité dans les charges du
ménage et dans les responsabilités, en 1980. Ça, c'est
extrêmement important. Et je me suis rendu compte, dans toutes les
tournées que j'ai faites, dans toutes les séances d'information,
que lorsqu'on revenait en 1980 les grands problèmes se dissipaient comme
par enchantement parce que les gens ne le savent pas.
Troisièmement, comme objectif, aussi: énoncer et faire
comprendre que la loi est en conformité avec nos droits juridiques
fondamentaux relatifs à la liberté de contracter et de tester et
qu'elle n'annule pas les contrats déjà existants entre conjoints.
Un autre objectif de cette campagne d'information: faire admettre
l'impossibilité qu'une loi d'ordre général puisse
régler tous les cas particuliers. Aussi, amener chacun à
comprendre quel impact la loi a sur sa situation personnelle et, le cas
échéant, l'inciter à apporter les modifications
nécessaires.
Les objectifs secondaires sont d'expliquer et de faire comprendre que le
droit à la renonciation est accessible à tous. C'est le moment
qui diffère. Expliquer aussi et faire comprendre
l'importance de faire ou de refaire son testament ainsi que celle d'une
bonne planification financière. Et le dernier objectif secondaire:
expliquer et faire comprendre que la notion de patrimoine familial profite
à tous les membres de la famille.
Cette campagne d'information vise la population en
général, les relayeurs d'information et intervenants
auprès des couples et des familles, les services de médiation,
les services de préparation au mariage, les CLSC, les organismes
familiaux, les centres de services sociaux, les bureaux d'aide juridique, les
ACEF, les organismes sociaux, etc., les spécialistes de la magistrature,
le droit, le notariat, la planification financière, les gens
mariés avant et après le 1er juillet 1989, les futurs
mariés également, les personnes qui envisagent un second mariage.
Nous avons prévu cette campagne en deux temps.
Je veux juste faire une parenthèse. Pour l'information qui avait
eu lieu avant, lors de l'adoption de la loi 146, il y a quand même eu de
nombreux efforts mais parce qu'ils n'ont pas été faits, à
mon humble avis, à temps - la loi avait été adoptée
en juin 1989, et il y a eu un grand trou, là, dans l'été -
les gens réfractalres à la loi sont sortis dans les
médias, en masse, et là ça a pris une mauvaise tangente.
Ça a été très difficile pour nous et impossible
pour nous de rattraper le train. Et tous les efforts qu'on a mis - je pense au
Conseil du statut de la femme qui a fait une publication, qui a fait une
tournée; l'AFEAS a fait une publication avec l'aide du fonds
discrétionnaire de la ministre; nous avions donné 4000 $ à
l'époque. Il y a eu aussi le bulletin À la une du
Secrétariat à la condition féminine, qui a donné
une bonne information. Il y a eu une brochure questions-réponses
très schématisée et très vulgarisée, pour
inciter les gens à s'informer, pour informer les gens également.
Tout ça avait été insuffisant et lorsque...
Une voix: Vous avez tout ça ici.
Mme Trépanier: Oui. Je ne sais pas, s'il est de coutume,
M. le Président, de déposer des documents ici à la
commission, mais si l'Opposition est intéressée, nous avons les
documents qui ont servi à l'information. On a repéré tous
les documents et c'est surprenant tout ce qui a été fait. Mais
ça a été contré par la publicité, par
l'information dans les journaux. Vous savez, un article de journalistes
reconnus comme Lysiane Gagnon ou Gilles Lesage, ça prend beaucoup de
petites brochures et de tournées du Conseil du statut de la femme pour
contrer ça. Et c'est ça qu'on n'a pas été capable
de faire. Alors, c'est pour ça que je jugeais tellement important - et,
vous aussi, vous l'avez tous soulevé et tous les groupes l'ont
soulevé - une bonne campagne d'information.
Alors, nous avons pensé que la meilleure façon de le
contrer, on sait qu'on est en été et Mme la députée
des Chutes-de-la-Chaudière l'a relevé... Par contre, on ne veut
pas laisser un grand espace vide entre l'adoption de la loi et le mois de
septembre, pour permettre que les gens s'informent suffisamment, pour qu'il n'y
ait pas de fausses Informations de véhiculées dans la presse
durant l'été. Alors, au dépôt de la loi - et c'est
là que je demande la collaboration de l'Opposition - si nous
réussissons à adopter la loi avant le 20 juin, ce qui est
mercredi, nous pourrons, le 23 juin, avant que les gens partent pour les
vacances, faire une première information dans les quotidiens, faire une
information qu'on appelle, nous, "Mythes et réalités", essayer de
démolir les mythes autour de cette loi-là. Et je vais vous donner
les grands thèmes de la première publicité ensuite.
Alors, ça va être la première publicité que
nous reprendrons par nos relayeurs, par le Conseil du statut de la femme, le
Secrétariat, qui la véhiculeront dans le champ. Et à
partir de là, nous aurons une campagne qui commencera par des capsules
à la radio, durant plusieurs jours de suite, pour en arriver à
une publicité dans les quotidiens, des encarts dans les quotidiens, dans
12 ou 15 quotidiens, partout à travers le Québec, pour donner de
l'information de fond, "informez-vous, c'est une bonne loi", et les endroits
où on peut trouver l'information. C'est la campagne que nous proposons
de faire. Elle est, je dirais, discrète au niveau budgétaire,
mais nous pensons qu'elle sera efficace parce qu'elle sera appuyée par
tous nos relayeurs, par tous nos groupes qui continueront. Et elle sera
appuyée, ensuite, par une tournée de la ministre et de tous les
groupes, le Secrétariat, le Conseil du statut de la femme, qui vont
pouvoir donner de l'information adéquate.
La première approche touchera quatre points. Ça
s'appellera: "Mythes et réalités". Premièrement: La loi
sur le patrimoine familial annule-t-elle notre contrat de mariage? La loi sur
le patrimoine familial annule-t-elle mon testament? On essaie de
détruire les grosses questions qui ont fait fureur, je dirais, dans les
journaux la dernière année. Puis-je me remarier sans que la
maison familiale échappe à mes enfants? Vous vous souvenez, toute
la question du deuxième mariage. Mon mariage a eu lieu après le
1er juillet 1989; on dit que je ne pourrai jamais renoncer au partage. Est-ce
vrai? Est-il vrai que tout mon fonds de pension sera automatiquement
partagé en deux si je divorce? En définitive, la loi 146 est-elle
une bonne loi?
Nous espérons qu'après avoir lu ça les gens vont
répondre oui à la dernière question et qu'on va
régler le gros problème qu'on a depuis un an quant à la
perception de cette loi-là. Avec une ligne zénith pour
répondre aux questions, le Secrétariat aura du personnel
spécialement affecté à cette campagne-là. Je pense
que nous répondrons, par ce point, à un point, excepté
Mme la députée de Hochelaga-Malsonneuve, que vous avez
soulevé, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière,
des Intervenants hier en Chambre et le député de Laviolette,
quant à l'extension du délai pour se désister. Nous
croyons que cette campagne d'information sera suffisante et assez importante
pour qu'on n'ait pas la nécessité d'extensionner le délai.
C'est ce que je voulais vous annoncer et c'est ce que je voulais vous expliquer
avant qu'on commence l'étude article par article de la loi.
La Président (M. Dauphin): M. le député de
Berthier.
M. Houde: Je voudrais soulever un point pas prendre votre place,
là...
Le Président (M. Dauphin): Vous pouvez y aller, M. le
député de Berthier.
M. Houde: Le fait que les notaires, d'après les
informations qu'on peut avoir des deux côtés, soient d'accord,
à ce moment-là, la plus belle Information, la meilleure qui va
être donnée, eux vont la donner dans le champ au fur et à
mesure que les gens vont avoir à transiger avec les notaires et les
hommes de loi. Je pense que c'est un point majeur, puis ils l'avaient
souligné, je pense, des deux côtés, dans les interventions.
Si les hommes de loi sont au courant, puis s'ils sont d'accord, ça va
aller beaucoup mieux.
Mme Trépanier Oui...
La Président (M. Dauphin): Mme la ministre.
Mme Trépanier: Ça me permet peut-être, M. le
député...
Mme Harel: M. le Président, juste une question de
règlement. Il y a bien des hommes de loi qui sont devenus des femmes de
loi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Houde: Des personnes de loi. Des personnes de loi.
Le Président (M. Dauphin): Des gens de loi.
M. Houde: Des gens de loi. Écoutez, j'ai bien de
l'admiration pour les femmes, je sais qu'elles sont aussi capables que les
hommes. C'est pour ça que je disais: Les hommes de loi.
La Président (M. Dauphin): Mais il nous avait dit, au
début de la séance, Mme la députée...
M. Houde: Oui.
Le Président (M. Dauphin): II nous avait dit au
début de la séance que, comme dans la Loi d'Interprétation
du Québec, le masculin comprenait le féminin. Il nous avait dit
ça au début de la séance, ce matin. Alors, Mme la
ministre.
Mme Trépanier: M. le Président, ça me
permet, M. le député de Berthier, de dire une chose. Nous avons
travaillé très étroitement en collaboration avec le
Barreau - d'ailleurs, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve
s'en souvient sûrement - l'an passé aussi, et avec la Chambre des
notaires. Je ne dis pas par là que nous avons répondu à
toutes leurs représentations. Je pense que nous pouvons aujourd'hui
expliquer pourquoi, dans chacune de leurs représentations, pour chacune
d'entre elles, nous ne pouvons y adhérer, d'une part. Je pense que nous
répondons à plusieurs de leurs questions, mais nous ne
répondons pas à toutes leurs questions, alors, ça, c'est
clair. Mais je suis convaincue qu'on en reparlera au cours de ce débat.
Nous avons l'assurance d'une ouverture d'esprit et d'une volonté de
collaborer. Les gens de la Chambre des notaires nous l'ont assuré, on a
eu des réunions avec eux, les gens de la justice ont été
en contact presque quotidien, ma directrice de cabinet vient encore de parler
ce matin à la bétonnière au Barreau, mais elle a
parlé à Me Taschereau aussi cette semaine à quelques
reprises. Alors, c'est ce que je veux dire. Évidemment, on ne
règle pas tous leurs problèmes, mais où il y avait
consensus partout, on le règle.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la ministre. Est-ce
qu'il y a d'autres interventions. Oui, Mme la députée?
Motion proposant la tenue de consultations
particulières avec le Conseil
du statut de la femme
Mme Carrier-Perreault: Disons, M. le Président, que
j'aimerais présenter une motion préliminaire qui se lit comme
suit: 'II est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles
de procédure la commission permanente des affaires sociales tienne,
avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi
47, Loi modifiant le Code civil du Québec concernant le partage du
patrimoine familial, des consultations particulières quant à tous
les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende le
Conseil du statut de la femme. " Je vous dépose la motion.
Le Président (M. Dauphin): Alors, la motion, à sa
face même, tel que prévu à l'article 244, semble recevable,
effectivement. Puisqu'il s'agit d'une motion de forme, il est prévu
à notre règlement que le proposeur ou la...
Une voix: Proposeure.
Le Président (M. Dauphin): ...proposeuse... Des
voix: Proposeure.
Le Président (M. Dauphin): ...proposeure. Comment se
fait-il que vous m'ayez induit en erreur, vous? La proposeure...
Une voix: La proposeure, c'est comme professeure.
Le Président (M. Dauphin): La proposeure - c'est
corrigé au Journal des débats - a un temps de parole de
trente minutes et les autres membres de la commission auraient un temps de
parole de dix minutes. Alors, puisque je l'ai déclarée recevable,
vous pouvez procéder sur le fond, Mme la députée.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie. J'aimerais avoir un
renseignement. Je m'informe. Je sais que j'étais dans d'autres
commissions et qu'on a pu procéder de cette façon-là.
Alors, je ne sais pas si c'est recevable, ce que je vais vous demander. Est-ce
que c'est possible pour le proposeur ou la proposeure d'intervenir trente
minutes, mais d'intervenir quinze ou vingt minutes et, après, quand les
autres de son équipe ou les autres personnes ont terminé, de
finir son temps.
Le Président (M. Dauphin): On m'informe que ce n'est pas
permissible.
Mme Carrier-Perreault: Non? Ah bon! Je m'informais parce
que...
Le Président (M. Dauphin): C'est d'un seul coup.
Mme Carrier-Perreault: ...c'est comme ça qu'on a
procédé à d'autres commissions.
Le Président (M. Dauphin): On va essayer de vous trouver
des décisions ou des articles, mais on m'informe que c'est d'un seul
coup, d'une seule fois. L'article 209.
Mme Carrier-Perreault: Vous connaissez sûrement le
règlement plus que moi, alors je n'ai pas l'intention de discuter
très longuement là-dessus.
Le Président (M. Dauphin): Nous regrettons, Mme la
députée.
Mme Trépanier: C'est un bel essai, Mme la
députée.
Mme Carrier-Perreault: Bien, c'est qu'on a procédé
comme ça, effectivement, dans d'autres commissions. Alors, M. le
Président, nous demandons, en fait...
Le Président (M. Dauphin): Je croyais qu'il y avait une...
Voulez-vous intervenir, Mme la députée de Terrebonne. Un
éclaircissement?
Mme Caron: Peut-être juste pour préciser au niveau
du règlement On peut séparer le temps de parole lorsque l'on fait
l'étude article par article. C'est à ce moment-là qu'on
peut séparer le temps de parole, pas sur une motion.
Le Président (M. Dauphin): Exactement. Alors, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière. C'est qu'elle a
été élue dans les années quatre-vingt, heinl Elle a
beaucoup d'expérience.
Des voix: Non, non.
Le Président (M. Dauphin): Non, je fais des blagues!
Une voix: C'est tout comme.
Mme Carrier-Perreault: ...très différente.
Le Président (M. Dauphin): C'est justement, c'est tout
comme. Alors, Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière.
Une voix: ...ancien patron...
Mme Carrier-Perreault: Mais je peux vous assurer que peu importe
la commission, M. le Président, autant la députée de
Terrebonne que moi dans nos commissions respectives, on a obtenu le même
résultat. On a su ça ce matin, les trois.
Le Président (M. Dauphin): Bon!
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Bon! Alors, ça n'a pas l'air de
changer grand-chose. De toute façon, je voulais vous dire
qu'effectivement j'ai proposé qu'on ait des rencontres
particulières avec le Conseil du statut de la femme. C'est
évident que le Conseil du statut de ia femme, c'est connu, est un
conseil gouvernemental, c'est un organisme qui donne des avis, qui rend des
services, qui est très qualifié, qui est très connaissant
des dossiers concernant les femmes, si on veut, ou des dossiers qui concernent,
justement, les problèmes vécus par les femmes. Je sais qu'il y a
peut-être des gens du Conseil qui viennent à l'occasion, mais
quand on demande à rencontrer un groupe, c'est à titre de groupe
invité avec qui on peut dialoguer, sans être un groupe-conseil,
à ce moment-là. Vous vous souviendrez peut-être, M. le
Président, et si, vous, vous ne vous rappelez pas, Mme la ministre s'en
souviendra sûrement, que lors de l'adoption de la loi 19 qui
découlait de la loi 146, on s'en rappellera, l'Opposition officielle
avait, à ce moment-là,
profité de l'occasion pour demander, justement, une campagne
d'information en même temps pour souligner les différents
problèmes, différents malaises qui existaient par rapport
à la loi 146. À ce moment-là, on avait demandé,
justement, qu'il y ait des consultations... On est plusieurs, je pense,
à vouloir parler en même temps. Écoutez, moi, je n'ai pas
de problème, s'il y en a qui...
Le Président (M. Dauphin): Alors, continuez, continuez
votre intervention. (16 heures)
Mme Carrier-Perreault: On avait demandé, à ce
moment-là, que s'il devait y avoir des amendements... On avait
soulevé des articles où fa ministre déléguée
à la Condition féminine nous annonçait qu'elle avait
l'intention, justement, d'amener des amendements à la loi 146 et, lors
de l'adoption de la loi 19, on avait justement souligné... C'est la loi
19, Loi modifiant diverses dispositions législatives aux fins du partage
et de la cession entre conjoints des droits accumulés au titre d'un
régime de retraite, qu'on a votée et on avait profité de
l'occasion pour demander des consultations particulières au cas
où la ministre aurait l'intention de faire des amendements. Alors, c'est
évident qu'il y a beaucoup d'amendements avec lesquels on est d'accord
et on l'a dit. Le principe, II n'y a pas vraiment de problème, mais il
reste que pour avoir un meilleur éclairage on avait demandé cela
aussi. Il y a des gens qui pouvaient interpréter ça, faire une
commission parlementaire, rencontrer tous les groupes, mais quand on
s'était exprimé là-dessus, on avait bien dit
"consultations particulières" et c'est vraiment dans ce sens-là
que je trouve que ce serait intéressant que nous rencontrions le Conseil
du statut de la femme.
Je sais que la ministre nous a longuement expliqué ce matin que
le Conseil du statut de la femme avait été rencontré,
qu'on avait rencontré le Barreau et la Chambre des notaires, qu'il y a
eu des consensus. Tout n'est pas nécessairement réglé. Il
n'y a pas nécessairement entente sur tous les points, mais les
principaux organismes, qui ont témoigné des malaises ou qui ont
demandé qu'il y ait quelque chose qui se passe au niveau de la loi 146,
ont été consultés par la ministre, mais nous aussi, on
aurait bien aimé poser des questions ici en commission parlementaire et,
à ce moment-là, les autres députés aussi auraient
pu en poser.
On sait très bien aussi que le Conseil du statut de la femme a
publié un communiqué de presse. D'ailleurs, une des
recommandations par rapport à un amendement qu'on trouve
intéressant fait partie justement des recommandations du Conseil du
statut de la femme. Le 4 mai 1990, on a eu un communiqué de presse
à l'effet que le Conseil du statut de la femme se réjouit que les
modifications à la loi favorisant l'égalité
économique des époux, déposée par la ministre
déléguée à la Condition féminine et à
la Famille, maintiennent le principe de base de l'institution d'un patrimoine
familial.
Le Conseil estime essentiel que le principe même de la loi,
à savoir l'institution d'un patrimoine familial, soit maintenu. Il
déplore qu'au cours des derniers mois il y ait eu des
dénigrements systématiques de cette loi qui est pourtant un
acquis pour les femmes, il déplore qu'on ait si souvent oublié,
dans les débats des derniers mois, que nos lois étaient encore
porteuses d'injustices à l'égard des femmes pour qui, trop
souvent, divorce est synonyme de pauvreté. En effet, en 1986, parmi les
familles monoparentales dirigées par une femme, six sur dix vivaient
sous le seuil de la pauvreté, alors que c'était le cas de 12, 2 %
des familles biparen-tales. De telles situations nous amènent à
réitérer notre appui au principe de la loi. C'est exactement ce
que disait le Conseil du statut de la femme.
Toutefois, la tournée d'information menée par le Conseil
du statut de la femme partout au Québec ainsi que l'analyse des nombreux
cas qui nous ont été soumis par notre service de renseignements
ont permis de cerner un certain nombre de problèmes
d'interprétation et d'application qui doivent être
corrigés. Les modifications proposées viennent en partie corriger
les difficultés rencontrées.
Alors, le Conseil, dans son communiqué, nous dit très
clairement que les modifications apportées par le projet de loi 47
viennent corriger en partie. Ça vient un peu souligner et appuyer, si on
veut, les propos de la ministre qui nous disait, tantôt, qu'effectivement
ils ont été consultés, mais que là où il n'y
a pas eu consensus entre les groupes on n'a pas décidé, si on
veut, d'en tenir compte. Je pense que ça aurait été
intéressant de poser des questions aussi au Conseil du statut de la
femme, à savoir: les expériences ou les détails, si on
veut, que le Conseil du statut de la femme a pu obtenir quand il a fait sa
tournée d'information. Le Conseil du statut de la femme, en se promenant
comme ça à travers le Québec, aurait sûrement eu des
détails et des données pertinentes à nous donner qui nous
auraient davantage éclairés.
Je continue, d'après l'article du Conseil: "Ainsi, elles viennent
préciser la règle de calcul du patrimoine familial. Elles
clarifient la valeur de ce qui doit être partagé relativement aux
biens acquis avant le mariage, en permettant de déduire la valeur nette
de ces biens à la date du mariage. Elles ont ainsi pour effet de
préciser que la plus-value acquise avant le mariage par un bien du
patrimoine n'est pas partageable entre les époux. En outre, elles
introduisent la protection des biens acquis en remplacement de biens
échus par succession, legs ou donation. " C'est par rapport aux
amendements apportés dans le projet de loi 47. C'est d'ailleurs ce qui
fait dire au Conseil du statut de la femme, de ce fait,
que le législateur fait un premier pas vers une plus grande
équité en éliminant du patrimoine familial une partie de
ce que les époux n'ont pas contribué à acquérir
ensemble.
Ici, le Conseil du statut ajoute: "Cependant, dans un souci de
cohérence et d'harmonisation, le Conseil du statut de la femme aurait
souhaité que l'exclusion du partage du patrimoine familial d'un bien
acquis en remplacement d'un bien échu par succession, legs ou donation
s'applique également aux biens acquis avant le mariage. De cette
façon, un époux ou une épouse ne perdrait pas la
possibilité de déduire la valeur nette de la maison qu'il ou elle
possède au moment du mariage lorsque cette maison est remplacée
en cours de mariage." C'est un des amendements que nous désirons aussi
voir dans le projet de loi 47 et qui permettrait, je pense, qui viendrait, en
tout cas, régler pour une bonne partie les problèmes de
deuxième mariage, parce qu'on sait que la loi 146 comme telle est
très importante pour une partie précise de la population qui est
mariée en séparation de biens et tout ça, mais il y a
maintenant les générations qui s'en viennent et celles qui nous
précèdent, si je peux m'exprimer ainsi, qui, en fait, vivent des
situations qui sont probablement fort différentes de celles des femmes
et des conjoints des années antérieures.
Le Conseil du statut de la femme croit également que le
législateur aurait dû permettre d'exclure du partage du patrimoine
familial les sommes accumulées avant le mariage et qui ont servi
à l'acquisition de biens du patrimoine. Ça aussi viendrait aider
beaucoup les nouveaux mariages, les jeunes couples qui s'en viennent et qui,
eux, n'ont pas le choix et qui ne peuvent se soustraire à la loi
146.
Ces suggestions permettraient de ne partager que ce que les époux
ont contribué à acquérir ensemble, répondant ainsi
aux principales objections formulées à l'égard de la loi,
tout en maintenant son principe qui est de consacrer le mariage comme une
véritable institution de partenariat. L'article se termine comme
cela.
Cependant, M. le Président, quand la ministre nous disait tout
à l'heure qu'il y a eu énormément de consultations avant
de prendre une position, avant que soit adopté le projet de loi 146, on
sait que le Conseil du statut de la femme était un des groupes qui
étaient venus en commission qui avaient témoigné. Il avait
présenté un mémoire, d'ailleurs, fort intéressant.
Et on se rend compte que, dans le mémoire que le Conseil avait
présenté, il y a quand même plusieurs
représentations qui ont été retenues dans la loi 146.
Si je reprends le mémoire de ce moment-là, c'est que
j'essaie de voir, j'essaie d'exposer pourquoi on aurait aimé rencontrer
le Conseil du statut de la femme à ce moment-ci avant de prendre des
décisions sur le projet de loi. C'est que souvent, entre le moment
où la loi est adoptée et sa mise en application... il y a des
choses qui sont vendables seulement à l'application de la loi. En tout
cas, on reprend certains "items". On se souviendra que le Conseil du statut de
la femme avait mentionné à la commission à ce
moment-là qu'il souhaitait vivement que soient inclus du patrimoine
familial tous les instruments privés de retraite. On a tenu compte de
cet "item" et je pense que, là-dessus, il n'en est pas question dans
l'article. Ça a l'air de fonctionner. J'aurais aimé savoir s'il y
avait des questions ou des données qui leur étaient
arrivées par rapport à leur tournée.
Aussi, il y a une autre des recommandations du Conseil à ce
moment-là: Nous nous inscrivons en faux contre la mesure transitoire de
trois ans qui permettrait aux couples déjà mariés de se
soustraire à l'application de la loi. On sait que la mesure
transitoire... En fait, on a tenu compte sûrement, jusqu'à un
certain point en tout cas, de la recommandation du Conseil, puisque la mesure
transitoire, c'est la fameuse mesure qui fait que l'échéance est
au 31 décembre 1990. Donc, on en a sûrement tenu compte, puisque
la mesure transitoire a été d'un an et demi. Tout à
l'heure, la ministre me confirmait que, malgré le manque d'information
ou quoi que ce soit, l'intention de la ministre, c'est de laisser les choses
comme elles sont. Ça aurait peut-être été
intéressant aussi de rencontrer le Conseil du statut de la femme et de
lui demander comment il voyait ça maintenant, après un an,
comment on voit cette mesure-là. Est-ce qu'un an et demi, c'est
suffisant par rapport à l'information que les gens ont reçue?
Est-ce que ce serait préférable qu'on étire à deux
ans? Eux trouvaient que trois ans c'était trop long, mais comment
verraient-ils ça, deux ans, dans les circonstances? Vous voyez le genre
de questions que nous aurions, en tant qu'Opposition officielle. Et je pense
que les autres participants à la commission auraient probablement eu des
questions à poser à ce niveau-là aussi.
Par ailleurs, si je continue: "Par contre, pour préserver
l'autonomie des parties, un minimum de liberté contractuelle et pour
maintenir l'objectif de déjudiciarisation, les époux devraient
conserver, au moment de la rupture, le droit d'adopter des conventions
différentes." Cette recommandation-là a été aussi
retenue, on le sait, dans la loi 146. Une autre des recommandations du Conseil
du statut... Je parte toujours des recommandations qu'il a faites avant, et
ça aurait été intéressant de pouvoir le rencontrer
et de voir s'il était toujours d'accord avec ses recommandations de
l'époque. "Lors du décès, nous disait le Conseil du
statut, nous recommandons que ce patrimoine revienne en totalité au
conjoint survivant car il devient alors le seul responsable de la famille." On
sait que cette recommandation-là n'a pas été
retenue dans la loi 146 et, d'ailleurs, c'est une des recommandations,
si je ne m'abuse... C'est d'ailleurs l'une des recommandations du Barreau.
Dernièrement, dans un communiqué, le Barreau pariait... C'est le
Barreau qui parle et il nous dit: "Un autre problème fréquemment
souligné... " Ah! excusez! "Le Barreau du Québec est donc
d'avis... " Ah! C'est ça. "Un autre problème fréquemment
souligné est que par l'application des règles prévues par
la loi 146, lorsque le mariage prend fin par décès,
l'époux survivant peut, en certains cas, se voir dépouiller d'une
partie de la valeur de ses biens au profit des héritiers de son
conjoint. On pense particulièrement à la résidence
familiale et aux meubles, lorsque l'époux qui en est propriétaire
survit et possède plus de biens faisant partie du patrimoine que celui
qui est décédé. Imaginons, par exemple, qu'au
décès le seul bien faisant partie du patrimoine familial est la
résidence dont l'épouse est la seule propriétaire. La
valeur de ce bien doit être partagée avec les enfants ou un
étranger, si l'époux décède sans testament. Cela
apparaît inéquitable et contraire aux intérêts de la
famille. Le Barreau du Québec est donc d'avis qu'en cas de dissolution
du mariage par décès le droit au partage devrait n'appartenir
qu'au seul conjoint survivant et la loi devrait l'exprimer clairement. "
Donc, il sembla qu'avant l'adoption du projet de loi 146 le Conseil du
statut ait eu une recommandation lorsqu'il y avait décès de
conjoint qui, quelque part, rejoint un peu ce que le Barreau nous dit et il
semble que par rapport au Barreau qui nous parle... Ça, c'est en 1990,
c'est un communiqué émis en... Oui. C'est un communiqué de
mai 1990. Ah! Excusez, du 30 avril. Il semble que le Barreau ait,
présentement, certains problèmes avec les clauses quand il y a
décès du conjoint, et il nous dit que la loi devrait l'exprimer
clairement. J'aurais aimé savoir si, effectivement, c'est à peu
près le même genre d'argumentation. Est-ce qu'on parle de la
même chose? Est-ce qu'on parle du même genre de problème?
Et, à ce niveau-là, je pense que ça aurait
été intéressant de rencontrer le Conseil du statut parce
que, justement, il semble qu'il y ait quand même concordance, quelque
part. Et la ministre nous soulevait, tout à l'heure, que là
où il y avait eu des genres de consensus entre les différents
groupes rencontrés, c'est là-dessus qu'on avait pris les
amendements, c'est par rapport à ces consensus-là, si on veut,
que les amendements avaient été décidés en quelque
sorte.
Une autre des demandes, à ce moment-là, du Conseil du
statut de la femme, c'était: "Nous réitérons enfin la
nécessité de rendre obligatoire la déclaration de
résidence familiale, car, dans les faits, elle est peu utilisée
et donc moins efficace. " C'est une des mesures qui n'avaient pas
été retenues non plus dans la loi 146, et je pense que par
rapport à cette question-là aussi, on aurait pu avoir des
échanges avec le Conseil du statut pour savoir comment le monde voit
ça. Lors des tournées, quand ils ont rencontré les gens,
est-ce qu'il y a eu des commentaires là-dessus? Est-ce qu'il y a des
données précises qui disent aujourd'hui qu'on a peut-être
moins envie de demander, en fait, de recommander ces points-là? (16 h
15)
C'est dans ce sens-là que j'aurais trouvé
intéressant et que l'Opposition officielle aurait vraiment
été intéressée à rencontrer un groupe comme
le Conseil du statut de la femme qui a quand même le pouls de la
population. Et comme la ministre le disait tout à l'heure, c'est vrai
que quand on prend des mesures qui viennent jouer dans le Code civil et qu'il
faut prendre connaissance, en fait, d'un paquet d'autres lois qui se recoupent,
c'est évident que ce sont des choses un peu compliquées. C'est
plus compliqué et c'est plus facile aussi après de critiquer les
mesures qu'on prend si on n'a pas pris les moyens qu'il faut pour avoir
vraiment toute l'information nécessaire.
Je suis bien consciente que la ministre, avant de prendre des
décisions par rapport au projet de loi 47, a effectué ses
consultations et tout ça. Ça m'apparaît évident. Et
ça me satisfait aussi, c'est bien évident. Mais de notre
côté, on aurait beaucoup aimé aussi avoir... On aurait eu
des questions et on aurait aimé avoir des réponses. Je pense que
ça nous aurait permis, en fait, d'aller plus loin, de vérifier
peut-être des choses différentes. Par rapport à la clause
du décès, par exemple, je m'interroge encore, parce qu'il semble,
au moment où on se parie, quand même que les deux groupes... C'est
vrai que ce n'est peut-être pas à la même place dans le
temps, parce que la recommandation du Conseil que je vous lisais tout à
l'heure, c'est la recommandation qu'il a faite avant l'adoption de la loi 146.
Par contre, le Barreau, à ce moment-là, je ne sais pas s'il avait
la même recommandation, de mémoire, étant donné que
je n'étais pas là et que je ne me souviens pas de tout, mais je
sais que le Barreau présentement formule des problèmes aussi avec
la même clause. Alors, étant donné qu'il semble y avoir
quand même un consensus, entre autres, sur cette question-là,
bien, ça aurait peut-être été important de voir s'il
y avait quelque chose à aménager de ce
côté-là aussi.
Tantôt, j'entendais Mme la ministre qui nous donnait ses
intentions quant à la campagne de publicité. Je trouve ça
très intéressant même si je ne suis pas encore convaincue,
M. le Président, vous comprendrez, du délai de six mois, s'il y a
possibilité ou non, si ça va être suffisant, si les gens
vont vraiment avoir le temps de prendre toute l'information. C'est vrai que
c'est peut-être bien d'avoir une première information,
d'après ce que j'ai pu comprendre, en tout cas, qui m'a semblé
comme la ministre
disait, un genre de capsule dans les journaux tout de suite à la
fin de juin. C'est sûr que ça donne - comment je dirais - une
idée, si on veut, à la population concernée. Ça
leur donne un avant-goût, ça les réveille un peu sur le
sujet. Mais je ne sais pas, je ne sais vraiment pas si ça va permettre
d'éviter le trou de l'été, le problème que la
ministre soulevait tout à l'heure, à savoir qu'on ne peut pas
empêcher les gens de parler. Bon, le problème de la loi 146 que la
ministre nous soulevait tout à l'heure, c'est que la loi a
été adoptée et qu'il n'y a rien eu, qu'on a laissé
comme un trou. Et je ne sais pas si vraiment juste quelques capsules, comme
ça, la dernière semaine de juin et un retour à l'automne,
ça permet vraiment... Oisons que c'est peut-être mieux que rien,
mais, dans mon esprit à moi, en tout cas, il me semble que ce n'est pas
évident que ça permet d'éviter ce trou de
l'été comme tel, où les gens vont se rencontrer, vont se
parler et les capsules vont être passées au mois de juin et on va
recommencer quand même à l'automne. Donc, j'ai des questions
là-dessus. Ce n'est pas évident dans ma tête que ça
va éviter complètement les problèmes de la dernière
fois. Là-dessus, j'aurais bien aimé aussi entendre le Conseil du
statut de la femme. Ça aurait été intéressant de
voir quelles étaient leurs réactions par rapport à
ça. Je pense qu'on aurait eu des échanges, qu'on aurait pu avoir
vraiment des échanges intéressants, des renseignements
supplémentaires. Et ça, ça ne fait pas tort. C'est vrai
que la députée de Hochelaga-Malsonneuve, ce matin, disait que ce
n'est pas mal comme ça, il y a eu beaucoup d'informations, et c'est
vrai. Je pense qu'on a beaucoup d'informations avant, mais, comme nouvelle
députée, je trouve que le processus législatif comme tel,
le processus ici de fin de session, vraiment, nous donne toutes sortes de
belles occasions de rater les détails. C'est subtil, les lois. Je vais
vous dire quelque chose, quand on n'a pas nécessairement une formation
en droit... Puis encore, on se rend compte que même les avocats trouvent
ça difficile. Alors, je trouve que le processus comme tel ne facilite
pas l'éclairage adéquat pour prendre des décisions sur des
lois. Comme je le disais ce matin, c'est important, la loi, c'est la population
en entier qui va vivre les effets des lois qu'on vote ici. Je trouve que
ça va très rapidement. Je vous fais part de mes états
d'âme de nouvelle députée, peut-être, mais je trouve
que c'est assez... En tout cas, on ne connaît pas nécessairement
tout, on n'a pas...
M. Jolivet: Vous avez raison, parce que moi, après 14 ans,
avec ce que je viens de vivre en haut, c'est vrai, vous avez le droit
d'émettre vos états d'âme, madame. Émettez-les,
parce qu'en haut, ça brasse.
Mme Carrier-Perreault: Est-ce qu'il y aurait possibilité
qu'on nous bâillonne ici aussi?
M. Jolivet: Non, non, je ne pense pas.
Le Président (M. Houde): Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière, c'est à vous la parole, et non... Vous
devez vous adresser au président, et non au député...
Mme Carrier-Perreault: Excusez, je continue.
Le Président (M. Houde): ...de Laviolette.
M. Jolivet: Excusez-moi, M. le député de
Berthier.
Mme Carrier-Perreault: Vous avez raison, M. le
Président.
Le Président (M. Houde): Allez, continuez, la parole est
encore à vous, vous avez encore un bout de temps sur vos 30 minutes.
Allez-y.
Mme Carrier-Perreault: Oui, il me reste combien?
Le Président (M. Houde): II reste combien de temps? Il
vous reste encore sept minutes. Allez, continuez.
Mme Carrier-Perreault: En tout cas, disons que pour toutes ces
raisons, j'ai peut-être fait des écarts, mais je trouve
effectivement que, dans les fins de session, c'est difficile. C'a a beau
être toujours comme ça, et c'est sûr que je n'ai pas
l'expérience de la députée de Hochelaga-Maisonneuve, ni
même l'expérience de la ministre et de la majorité des
membres, mais je pense que le Barreau nous l'a dit, aussi, qu'il y a des
chances... Quand les lois sont adoptées en fin de session, de nombreux
amendements peuvent être apportés bon, qu'on n'a pas suffisamment
scrutés et tout ça.
On devrait Inviter le Conseil du statut de la femme; je pense que
ça nous donnerait l'occasion de scruter davantage et puis d'apporter un
meilleur éclairage, comme je le disais, sur l'amendement inscrit au
projet de loi et sur les amendements possibles. Aussi, on aurait probablement
su des choses différentes, par exemple, comment il voyait ses demandes
antérieures après avoir fait la tournée et depuis que la
loi est mise en application. Est-ce que son idée a changé? Parce
que le Conseil aussi, en faisant la tournée, étant donné
que la loi est mise en application et qu'il y a des gens qui vivent maintenant
les situations, aurait peut-être des changements à
suggérer. Il aurait peut-être pu avoir des choses
différentes à nous dire. Et je pense que ça aurait
été intéressant et ça aurait été
important d'en tenir compte.
D'ailleurs, une chose que je trouvais intéressante, aussi Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve en avait parié un petit
peu ce
matin c'est ce que le Conseil du statut de la femme, toujours, nous
disait dans son mémoire qui a été présenté
avant l'adoption de la loi 146. Et ici, je cite le mémoire M. le
Président. "Une autre difficulté majeure, lorsqu'on s'attaque
à une réforme des droits économiques des conjoints,
réside peut-être dans le fait que notre mutation sociale ne s'est
pas encore stabilisée, que notre famille québécoise n'est
pas uniforme et que les couples y connaissent des situations
particulières et si diversifiées qu'il serait Illusoire de croire
à une option législative magique qui les refléterait
toutes fidèlement. Comme le mentionnaient les auteurs du projet
gouvernemental, les règles de droit que nous choisirons devront tenir
compte à la fois des cas où les deux conjoints exercent un emploi
rémunérateur que de ceux où l'un demeure ou est
demeuré au foyer et n'a pas de revenu propre. Elles devront s'appliquer
tant dans les situations de pauvreté que de richesse, de premier mariage
que de remariage, de couple jeune que de couple âgé. En ce qui
concerne les femmes, les mesures devront être équitables pour
satisfaire aux besoins de plusieurs générations d'épouses:
celles mariées à une époque où le divorce
n'existait qu'exceptionnellement et où une division des rôles
sociaux plus rigide qu'aujourd'hui commandait leur présence au foyer;
celles qui, depuis, ont intégré le marché du travail, le
plus souvent dans des emplois moins rémunérateurs que leurs
époux, tout en assumant souvent la majeure partie des tâches au
foyer; celles, moins nombreuses, qui commencent à se tailler une place
Importante sur ce marché du travail et qui deviennent entrepreneures,
cadres, gestionnaires, avec en conséquence une indépendance
économique relativement plus grande que leurs aînées.
À cause de la complexité de toutes ces questions, nous croyons
que toute intervention législative dans le domaine du droit de la
famille doit être effectuée avec une certaine prudence, d'autant
plus que les deux réformes antérieures n'ont pas encore fini de
produire leurs effets. "
Disons que, justement, étant donné la complexité,
les écarts des générations, les problèmes
différents, pour toutes ces raisons-là, je trouve que ça
aurait été très important que l'on rencontre le Conseil du
statut de la femme. C'est pourquoi j'en faisais la demande, M. le
Président. Je vous remercie.
Le Président (M. Houde): Merci, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière. Est-ce que quelqu'un
d'autre veut avoir la parole? À ma droite? Non?
Je vous retourne la parole. Mme la députée de Terrebonne,
à vous la parole.
Mme Jocelyne Caron
Mme Caron: Merci, M. le Président. Je pense que la motion
qui est déposée par l'Op- position, par l'intermédiaire de
notre porte-parole officielle, la députée des
Chutes-de-la-Chaudière, est raisonnable. Parce que je sais que, cette
semaine, du côté ministériel, on a eu des
expériences quelque peu houleuses, je pense que c'est bon de
préciser que l'Opposition n'est pas contre le projet de loi 47. Je pense
qu'il faut le mentionner. La situation ici n'est pas du tout la même que
celle des autres commissions que nous avons vécues. Personnellement,
j'ai participé à la commission sur le projet de loi 69 et
à celle sur le projet de loi 75, et ce n'est pas du tout ce qui se passe
ici aujourd'hui, rassurez-vous. Les projets de loi 69, 75 et 50, l'Opposition
était absolument contre ces projets de loi. Mais ce n'est pas du tout
notre but d'empêcher le projet de loi 47 de passer.
On sait que la loi 146, comme l'a très bien décrite la
ministre, d'ailleurs, a suscité beaucoup d'interrogations, elle a eu une
très mauvaise réputation, et je dirais même que la
réputation était mauvaise aussi chez les parlementaires. Elle est
très, très inconnue, cette loi-là, et on dirait que plus
on écrit sur cette loi, moins les gens la comprennent. Le projet de loi
47 nous arrive donc pour la modifier, pour l'améliorer, mais c'est un
simple amendement, finalement très mineur. En mai 1990, la ministre
expliquait devant les journalistes que le texte qui était soumis,
ça correspondait exactement à l'intention du législateur,
que ça ne changeait donc pas du tout le fond de la loi et que
c'était uniquement une clarification. Donc, on faisait une petite
clarification d'un article dont la formulation initiale prêtait vraiment
à interprétation, puis qui apportait de sérieux
problèmes, concrètement, dans l'application de la loi. Et c'est
vrai, il y avait beaucoup de demandes en attente au niveau de la cour, et c'est
normal qu'on apporte une clarification.
Là où je suis un petit peu moins d'accord avec la
ministre, c'est quand elle nous précisait, toujours dans le même
article, qu'il y avait à peine 1 % des couples déjà
mariés qui se sont prévalus du droit de retrait. Je ne conteste
pas le chiffre, là. Mais lorsqu'elle nous dit que non, ce n'est pas un
signe de désapprobation, d'accord, mais, quant à moi, c'est un
signe très évident d'un manque d'information. Pour pallier ce
manque d'information, la ministre décrivait, tantôt, un plan
d'action qui était très intéressant. Publicité au
mois de juin, tout de suite après l'adoption de la loi. Oui, mais c'est
évident que ce n'est pas le moment idéal. On ne peut pas croire
sincèrement que le mois de juin, c'est le mois où tout le monde
suit vraiment ce qui se passe dans l'actualité. Des capsules-radio au
mois d'août. L'idée des capsules-radio est elle aussi
extrêmement intéressante, mais là aussi, le mois
d'août, c'est encore la période des vacances, c'est le
début de la rentrée scolaire... On va continuer également
quelques mois, oui, mais corriger tous les mythes de cette loi, j'ai
l'impression que ça va être un petit peu plus long que le
temps qu'on semble se donner. Je partage entièrement l'avis de notre
porte-parole, qui demandait un délai par rapport à l'application
du droit de retrait. J'aurais aimé et j'aimerais bien entendre le
Conseil du statut de la femme sur les points qui ne font pas consensus. La
ministre nous a indiqué que, sur les points où il y avait
consensus, nous aurions amendement et qu'on semblait établir une loi qui
ne serait pas trop contestée, mais j'aurais aimé qu'on prenne le
temps d'examiner, avec le Conseil du statut de la femme, les points qui sont un
petit peu plus litigieux. Et je pense que c'est le bon moment pour le faire.
(16 h 30)
C'est évident que nous sommes en fin de session, que nous n'avons
pas tout le temps devant nous, mais, tant qu'à modifier la loi 146 par
le projet de loi 47, aussi bien le faire, et pour un bon moment, pour ne pas
avoir à y revenir l'an prochain, peut-être. C'est toujours
intéressant, lorsqu'on étudie un projet de loi... Surtout que le
projet de loi 47 est très court, il n'a que quatre articles. Et, en
réalité, si on regarde bien les articles, il n'y a qu'un article,
vraiment; le coeur de ce projet de loi, c'est un article. Donc, c'est
évident que ça ne nous prendra pas énormément de
temps pour étudier cet article-là. C'est pourquoi je crois que la
commission aurait intérêt et pourrait se permettre de recevoir le
Conseil du statut de la femme, pour voir s'il n'y aurait pas lieu d'ajouter
quelques amendements autres que cet article qui nous est déposé.
Peut-être que la ministre en a quelques-uns de préparés, je
ne sais pas, et qu'elle va nous les présenter un petit peu plus tard.
Mais je souhaiterais sincèrement que le Conseil du statut de la femme
puisse s'exprimer là-dessus.
Le principe de la loi 146, en soi, n'est pas contesté; c'est
l'application qui semble poser problème. Lorsqu'on nous mentionnait
tantôt une publicité écrite appelée "mythes et
réalités", cette publicité semble vraiment relever les
principaux problèmes qui ont été relevés par tous
les députés, je pense, dans tous nos bureaux de comté.
Parce que s'il y a une loi qui a suscité des questions, qui a
amené des interrogations et des visites dans nos bureaux de
comté, c'est bien celle-là. Je me souviens, au moment où
elle est passée, l'an dernier - j'étais attachée
politique, à ce moment-là - je n'avais jamais reçu autant
de téléphones pour un projet de loi. Donc, vous avez
relevé, dans le dépliant "Mythes et réalités", les
principaux points. Est-ce que c'est suffisant? Est-ce qu'il y en a d'autres qui
ont été demandés au niveau du Conseil du statut de la
femme? Je pense que ce serait bon de le vérifier aussi.
L'amendement que nous avons devant nous a suscité quand
même certaines réactions de la part du Barreau, et notre
porte-parole officiel l'a souligné tantôt. C'est évident
qu'il souhaitait d'autres amendements, qu'il souhaitait qu'on puisse aller un
petit peu plus loin dans les correctifs, pour que la loi ne soit plus ce
qu'elle nous semblait être, en tout cas, depuis plusieurs mois,
c'est-à-dire une passoire. Il y avait quand même plusieurs trous,
dans cette loi. Et autant le Barreau que la population en général
qui s'était informée de cette loi souhaitaient qu'on puisse
boucher un petit peu les trous de cette loi-là. Je pense que,
là-dessus, le Conseil du statut de la femme pourrait nous apporter un
éclairage des plus intéressants, pour savoir comment on pourrait
vraiment travailler ensemble pour que la loi 146 maintenant modifiée par
le projet de loi 47 devienne ce que la ministre souhaite, ce qu'elle
démontre vraiment vouloir faire, c'est-à-dire un bon projet de
loi. C'est important, parce que cette loi-là touche la vie des gens.
Elle touche leur vie affective, je dirais, et financière. Donc, elle
touche tous les aspects des personnes. Et lorsqu'on leur parie de la loi 146,
les gens se sentent vraiment directement concernés, parce qu'on vient
légiférer dans leur vie personnelle. Et c'est toujours plus
difficile de passer une loi qui vient toucher la vie personnelle des gens
qu'une loi qui va avoir des incidences sur autre chose que toute leur vie,
autant affective que financière. Et on sait à quel point, au
moment d'un divorce, d'une séparation, le côté affectif est
fort; tellement que les gens sont plus ou moins prêts à
négocier. Ça, c'est normal, c'est effectivement très
humain.
M. le Président, vous me faites de grands signes... Oui, je dois
conclure bientôt.
Donc, compte tenu des difficultés d'application qui ont
été vécues toute l'année par la loi 146, compte
tenu de la mauvaise publicité que cette loi a quand même
reçue, je pense qu'il y a lieu de mettre vraiment tous nos efforts,
durant cette commission, pour la corriger au maximum et qu'elle devienne ce
qu'elle aurait toujours dû être, c'est-à-dire un bon projet.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Houde): Merci, Mme la
députée de Terrebonne. Je cède maintenant la parole au
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je crois comprendre
que, de votre côté, il n'y a personne qui veut intervenir. C'est
ça?
Le Président (M. Houde): Non, ils ne m'ont pas
demandé la parole, ça fait que c'est à vous.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Ahl vous faites bien! Compte tenu que nous avons des
nouveaux autour de la table, des députés qui ont
été élus pour la première fois, il me semble que
ça serait peut-être bon de rappeler certaines affaires et
certaines étapes que doit vivre un projet de loi. Et les raisons
pour lesquelles on invite à ce moment-ci... C'est qu'il est important de
bien établir pourquoi, à ce moment-ci, ma collègue indique
qu'elle voudrait que la commission parlementaire entende le Conseil du statut
de la femme. Je n'aborderai pas le fond, M. le Président, mes autres
collègues l'ayant fait, mais j'aborderai la forme de la question. Vous
savez, j'ai eu l'occasion, comme président de commission parlementaire,
de présider de nombreuses commissions parlementaires, et comme
vice-président de l'Assemblée nationale, vous vous en souvenez,
pendant de longues heures, en plus.
Le Président (M. Houde): Un bon président, en
passant, aussi.
M. Jolivet: Merci. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a
toujours un premier principe, et je vais donner comme exemple une loi
importante qui touche l'ensemble des Québécois, au même
titre que celle que l'on a devant nous: la Charte de la langue
française. Qu'est-ce qui s'est passé? Le gouvernement a
déposé un livre blanc et il a dit aux gens: Vous allez venir
m'indiquer ce que vous pensez du livre blanc. Qu'est-ce qui est arrivé?
Le gouvernement a distribué ce livre blanc, en a fait la
publicité en disant à tout le monde: Vous avez jusqu'à
telle date pour vous présenter en commission parlementaire. Toutes les
personnes, groupes et individus qui ont accepté de venir ont
été entendus pendant des centaines et des centaines d'heures.
Lorsque le livre blanc fut étudié à fond, le Dr Laurin, le
ministre responsable de la langue, à l'époque, avait
décidé de faire une chose qui est normale, soit préparer
son projet de loi.
Et souvenez-vous, M. le député, nous avons convoqué
une commission parlementaire pour entendre les gens une deuxième fois,
non plus sur une hypothèse de travail qui était le livre blanc,
mais sur le projet de loi lui-même. Donc, ce projet de loi a fait l'objet
d'une étude par des gens qui sont venus présenter leurs
mémoires, leurs opinions. Et, finalement, il y a eu adoption article par
article dans une troisième commission parlementaire qui a duré
des centaines d'heures. On parie, si je me souviens bien, de près de 300
heures d'étude pour ce projet de loi, en vous rappelant, contrairement
à ce qui s'est passé avant-hier, hier et aujourd'hui, en 1977...
Non, vous n'étiez pas député. Et ça a duré,
je m'en souviens, de fin juin jusqu'au 27 août 1977. Et je m'en
souviendrai toujours. Parce que l'Assemblée nationale n'était pas
à air conditionné. On ouvrait les fenêtres, à
l'époque, et on avait des sièges en cuirette. Et je peux vous
dire qu'on était littéralement collés à nos
sièges, à ce moment-là, à cause de
l'humidité ambiante de l'époque de la canicule du mois de
juillet.
Mais, même cela étant dit, je peux vous dire, M. le
Président, qu'on a passé ces heures en Chambre et en commission
pour étudier le projet de loi. Nous avons fait ça parce que nous
croyions que ça touchait profondément l'identité
québécoise de toutes les personnes qui vivent au Québec,
quels que soient leur langue, leur religion et leur sexe, des personnes qui
étaient dans des conditions nouvelles pour comprendre que le
Québec devait être français.
Alors, quand je vous dis cela, je me rapporte maintenant à ce
projet de loi. Ce projet de loi a d'abord fait l'objet d'une première
présentation - on a expliqué dans quelles circonstances - qui a
amené, à la suite de l'année 1981 et de la réforme
des années quatre-vingt, des changements importants dans les relations
entre les couples.
Ce projet de loi a rapidement fait l'objet d'un autre petit amendement,
la loi 19, pour en arriver maintenant au projet de loi 47, qui vient corriger
des lacunes dont on a fait mention. Alors, au moment où nous allons
aborder l'étude de ce projet de loi article par article, il serait
important de connaître, non plus sur le projet de loi 146, non plus sur
une hypothèse de travail, mais sur un projet de loi réel, quels
sont les impacts de ce projet de loi permettant de corriger justement les
irritants importants des lois antérieures. Les lois antérieures
sont bonnes; les principes sont acceptés de tout le monde, mais il y a
cependant des modalités qui font l'objet de critiques qui sont de plus
en plus nombreuses, et qui étaient de plus en plus nombreuses, comme le
disait Mme la ministre, ce qui était peut-être dû à
une "malinformation". C'est pour ça que j'ai demandé tout
à l'heure d'en arriver à nous donner la chance d'avoir de
l'information, et elle a bien répondu à la question que je lui
avais posée.
Mais je peux vous dire, M. le Président, qu'il ne serait pas
inopportun que le Conseil du statut de femme vienne nous indiquer ici ses
opinions sur ce projet de loi là et sur les amendements qu'on pourrait
peut-être y apporter.
Vous savez, comme nous avons adopté le principe à
l'Assemblée nationale, nous ne pouvons plus changer le principe du
projet de loi qui est là; nous pouvons cependant en changer les
modalités. Mais si, par hasard, il y avait un nouveau principe qui
pouvait être établi, installé dans le projet de loi, je
peux vous dire qu'à ce moment-là nous serions d'un commun accord,
j'en suis assuré. Avec la ministre, représentant la partie
gouvernementale, et nous, la partie de l'Opposition, je suis sûr qu'on
serait capables de s'entendre pour dire: C'est vrai, on n'y a pas pensé.
Ce que nous propose le Conseil du statut de la femme, c'est extra. Il aurait
fallu le mettre dans le projet de loi et, en conséquence, nous acceptons
d'un commun accord de l'installer dans le projet de loi.
Vous savez, M. le Président, l'étude article
par article est une étape qui est suivie de la prise en
considération du rapport à l'Assemblée nationale. Quand on
dépose le rapport de la commission à l'Assemblée
nationale, nous avons à ce moment-là un délai. Je vous
donne un exemple: s'il était présenté demain matin
à 10 heures, avant le début de la période de questions,
aux affaires courantes, nous serions en droit de présenter des
amendements avant 22 heures dans la même journée.
Il y a une autre étape où on peut encore présenter
des amendements: c'est en troisième lecture, et seule la ministre a la
capacité légale de présenter des amendements à ce
moment-là. Alors, il est toujours temps de faire des amendements qui
sont acceptables par tout le monde. Dans ce sens-là, M. le
Président, je rappelle que recevoir de la part du Conseil du statut de
la femme des informations privilégiées, ce serait
intéressant.
Maintenant, la ministre m'a dit: Écoutez, je les ai
rencontrés. Oui, d'accord, je n'ai rien contre, il faut que vous les
rencontriez. Je suis fort aise de savoir que vous les avez rencontrés.
Mais ce n'est pas pareil pour l'Opposition, M. le Président. Le travail
de l'Opposition ne se fart pas dans un bureau, que ce soit celui de la ministre
ou celui des autres. Il se fait ici, à l'Assemblée. Donc, le seul
moyen, le seul moment que nous avons pour les entendre officiellement et pour
que ce soit inscrit dans les minutes de l'Assemblée, que nous pouvons
relire dans le futur pour nous indiquer les opinions qu'ils avaient et les
décisions que nous avons prises, c'est au moment d'une commission
parlementaire. Alors, le règlement nous permet de faire des
consultations particulières, et c'est dans ce sens, M. le
Président, que j'appuie avec beaucoup d'empressement la motion
présentée par ma collègue, la députée des
Chutes-de-la-Chaudière. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Houde): Merci beaucoup, M. le
député de Laviolette. Je donne maintenant la parole à Mme
la députée de Hochelaga-Mai-sonneuve. Vous avez 10 minutes, comme
tous les autres.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. J'aimerais à mon
tour intervenir en faveur de la motion présentée par ma
collègue, la députée des Chutes-de-la-Chaudière. Il
y a évidemment bien des motifs qui militent en faveur d'une telle
consultation, notamment le fait que la présidente du Conseil du statut
de la femme est une femme charmante qui, évidemment, a mené
durant l'année qui se termine une campagne d'information, sur laquelle
il serait avantageux de l'entendre avant d'apporter des changements
définitifs que le ministre entend apporter au projet de loi. D'autant
plus que le projet de loi ne com- prend que quatre articles. Donc, c'est
évident que la consultation, telle que proposée par la motion,
n'empêcherait pas qu'un tel projet de loi puisse subséquemment
être adopté rapidement. (16 h 45)
M. le Président, le Conseil du statut de la femme s'est
réjoui que le projet de loi 47, que nous étudions
présentement, soit amené en maintenant le principe de base du
patrimoine familial. Le Conseil a une position très claire, une position
de principe favorable au patrimoine familial, position qu'il a exprimée
à maintes reprises, évidemment, devant cette commission
parlementaire, notamment en 1988 lors de la consultation publique, l'an
dernier, également, et à chaque occasion que le Conseil a de
venir défendre ses crédits devant la commission. Mais, même
si le Conseil s'est prononcé en faveur du principe de ia loi, d'autant
plus qu'il a vivement déploré le dénigrement
systématique que la loi partageant le patrimoine familial a connu au
cours de la dernière année... Mais le Conseil a par ailleurs une
expertise qui lui permet de bien identifier les modifications qui devraient
être apportées pour bonifier la loi du patrimoine familial.
Alors, M. le Président, le Conseil du statut de la femme a
mené une tournée d'information partout au Québec, durant
la dernière année, et a pu analyser de très nombreux cas
qui lui ont été soumis par son service de renseignements, service
de renseignements auquel, vous le savez sûrement, les
Québécoises et les Québécois peuvent faire appel.
Cette expertise, le Conseil l'a développée en identifiant les
problèmes d'application, les problèmes d'interprétation
qui peuvent être corrigés et qui, en partie, selon le Conseil, le
seront effectivement par le projet de loi 47. Il serait certainement
avantageux, pour nous qui sommes législateurs, de consulter justement le
Conseil sur les modifications qui manquent au projet de loi 47, et notamment
d'explorer plus à fond le souhait que le Conseil du statut faisait,
à l'effet que l'exclusion du partage du patrimoine familial d'un bien
acquis en remplacement d'un bien échu par succession, legs ou donation
s'applique également aux biens acquis avant le mariage. De cette
façon, recommande le Conseil, un époux ou une épouse ne
perdrait pas la possibilité de déduire la valeur nette de la
maison qu'il ou elle possédait au moment du mariage, lorsque cette
maison est remplacée en cours de mariage. C'est une notion de
réemploi qui exclut totalement le bien acquis avant le mariage. Il me
semble que c'est déjà dans...
M. le Président, j'apprends avec satisfaction qu'un amendement
viendrait en cours de nos travaux nous permettre de donner suite à cette
recommandation du Conseil du statut. Alors, je vois que les propos du Conseil
du statut de la femme sont écoutés. Ils le sont par la ministre,
ils le seraient très certainement par l'Opposition
si nous avions, nous aussi, l'occasion de les entendre. Et je dois vous
dire, M. le Président, que je suis sensible au fait qu'on ne doit jamais
oublier qu'il ne faut pas privatiser les processus de consultation; il faut au
contraire tenir publiquement les débats que nous avons à tenir.
Vous savez très bien que le présent débat est
enregistré, et nous pourrons d'ailleurs faire la lecture de nos propos
dans le Journal des débats, dans les semaines ou dans les mois
qui suivent. Alors, il serait certainement opportun que nous puissions entendre
le point de vue du Conseil, qui croit également que le
législateur devrait permettre d'exclure du partage les sommes
accumulées avant le mariage et qui ont servi à l'acquisition du
biens du patrimoine. C'est donc dire que le Conseil a en tête non pas
simplement le bien lorsqu'il est acquis, mais aussi l'argent qui est mis de
côté et qui sert à réaliser un bien pendant le
mariage.
Je dois vous dire, M. le Président, qu'on parle de cette loi
même dans les salons de coiffure. Imaginez qu'à ma dernière
visite à un salon de coiffure, sans faire une assemblée de salon
de coiffure qu'on pourrait appeler une assemblée de cuisine... Jamais,
habituellement, on ne me parle du bureau. Ce salon de coiffure se trouvait dans
le comté de Mme la députée de Dorion, sur la rue
Jean-Talon. Je ne pense pas qu'une seule personne travaillant dans le salon -
il s'agit en l'occurrence, évidemment, de coiffeuses ou de manucures -
ne se soit pas enquise de la façon dont elle devait procéder pour
se favoriser le plus possible. Évidemment, c'est avec plaisir que J'ai
dispensé, gratuitement, M. le Président, vous le comprendrez, les
informations que je pouvais détenir quant à la façon de
faire, tant à celles qui étaient déjà
mariées qu'à celles qui ne l'étaient pas. J'enjoignais
chacune de s'acheter un bien avant le mariage et de ne pas simplement accumuler
ses économies en attendant de pouvoir les partager avec leur futur.
Notamment, à l'une d'entre elles qui m'expliquait que son nouvel
époux consacrait l'essentiel de ses économies à ses
affaires tandis qu'elle payait la maison, je recommandais fortement d'obtenir
également une part de l'entreprise dans laquelle son mari consacrait
l'essentiel de ses économies.
Cela dit, le Conseil proposait donc que les sommes accumulées,
mises de côté avant le mariage et qui servaient à
l'acquisition d'un bien soient exclues. Il ne semble pas que ç'ait
été retenu par le législateur. Sans doute entendrons-nous
les motifs pour lesquels cette recommandation n'a pas été
retenue, mais il aurait certes été intéressant de
connaître les raisons pour lesquelles le Conseil du statut proposait une
telle suggestion, puisque l'essentiel du principe - et je termine
là-dessus, M. le Président - sur lequel le Conseil souhaite la
pleine unanimité est que les époux doivent partager ce qu'ils ont
contribué à acquérir ensemble. J'ai terminé, M. le
Président.
Je vous remercie.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la
députée. Mme la ministre, je crois que vous désirez
intervenir.
Mme Violette Trépanier
Mme Trépanier: Oui, quelques minutes pour ne pas allonger
le débat indûment. Premièrement, un point d'information.
Tout à l'heure, j'ai parié de campagne d'information au mois
d'août. Je voulais dire en septembre. Pour avoir le maximum d'impact, on
prévoit en septembre, puisqu'on août, évidemment, il y a
encore trop de gens en vacances.
Deuxièmement, Mme la députée de
Hochela-ga-Maisonneuve, vous nous pariez des économies personnelles. Je
vous ai dit ce matin qu'on y était allés par consensus, et je
dois vous dire que nous considérons que ça affecterait les
principes de la loi. Ni le Barreau ni la Chambre des notaires n'avaient
demandé ce point, alors il n'a pas été retenu. Je dois
vous dire aussi, M. le Président, que je trouve rafraîchissant
d'entendre Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière ainsi
que Mme la députée de Terrebonne, qui ont dit qu'elles trouvaient
extrêmement agréable de travaDIer dans cette commission, qu'il y
avait entente, qu'il y avait harmonie, que tout le monde était d'accord
sur le projet de loi. Alors, je peux vous dire qu'il y a deux mois je ne
m'attendis pas à cet enthousiasme débordant pour cette
commission. J'en suis très heureuse, je dois dire.
Mais dois-je vous rappeler, et je reviens là-dessus, qu'on a dit,
un, qu'il fallait que la campagne d'information soit efficace, que j'ai dit,
deux, que pour qu'elle soit efficace il fallait qu'on fasse une première
approche en juin et, trois, je vous dis que pour pouvoir la faire il faut que
ce projet de loi soit adopté le 20 juin. Alors, j'espère qu'on
pourra y arriver, comme on est tous du même avis sur l'opportunité
de cette loi et que vous avez du renfort à vos côtés. C'est
absolument capital qu'on puisse faire de l'information le 23 juin. Alors, il
faut que cette loi soit adoptée avant l'ajournement.
On veut...
Une voix: Ce n'est pas un ordre de la cour.
Mme Trépanier: Non, ce n'est pas un ordre de la cour.
C'est une suggestion, un conseil, un message; prenez-le comme vous voulez, mais
c'est important pour nous.
M. Jolivet: Ce n'est pas un message de détresse.
Mme Trépanier: Presque. M.Jolivet:
Presque?
Mme Trépanier: Presque.
Je reviens sur la motion. Vous dites: Nous aimerions entendre le Conseil
du statut de la femme. Lorsque nous avons déposé la loi 47, le
Conseil du statut de la femme a produit un document qu'il a appelé
"Commentaires du CSF sur la loi favorisant l'égalité
économique des conjoints" ainsi qu'un communiqué dans lequel il
disait: "Le Conseil se réjouit que les modifications à la loi
favorisant l'égalité économique des époux,
déposée par la ministre déléguée à la
Condition féminine, maintienne le principe de base de l'institution d'un
patrimoine familial." Et il continue.
Je vais vous donner les conclusions et je vais vous dire
immédiatement que, dans les amendements à la loi 47 que nous
déposerons durant nos travaux, nous répondons à une bonne
partie des représentations faites par le Conseil du statut de la femme.
Comme vous vouliez une consultation du Conseil, je pense opportun de vous
relire les recommandations que le Conseil nous fait suite au dépôt
du projet de loi 47 le 2 mai.
Alors, on nous dit que le Conseil recommande que soit maintenu le
caractère d'ordre public de lois visant à favoriser
l'égalité économique des époux, ce que nous
conservons, il recommande également qu'on précise dans la loi les
règles du calcul de la valeur partageable du patrimoine de façon
à faire en sorte que les époux ne partagent que ce qu'ils ont
acquis ou contribué à acquérir ensemble. Nous
adhérerons à une grande partie de cette demande-là.
Troisièmement, qu'on réexamine les conséquences -
ça, ça fait référence à un point que Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière a élaboré
longuement, le partage en cas de décès - du partage du patrimoine
au décès et que des consultations soient tenues sur ce sujet. Ce
que le Conseil demande, c'est que, dans un deuxième temps, on fasse des
consultations sur ce point précis. Je vous dirai, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière, que sur ce point du
partage en cas de décès les avis sont très divers. Il y a
autant d'avis pour qu'on aborde cette question-là que d'avis contre. Le
Barreau est "mitigé" sur cette question, n'en fait pas une question
prioritaire. Les notaires également. C'est pour cette raison que nous
avons jugé à propos de ne pas intervenir sur cette question,
comme nous voulions avoir consensus dans les propositions que nous
apporterons.
Donc, les rencontres avec le Conseil du statut de la femme ont
été fréquentes. Ces femmes se sont prononcées
publiquement à plusieurs occasions. Je les ai rencontrées encore
mercredi et j'ai rencontré à cette occasion-là non
seulement le conseil d'administration du Conseil, mais aussi toutes les
intervenantes qui travaillent dans le milieu, qui ont procédé
à la consultation dont vous parliez tout à l'heure. Alors,
considérant ces nombreux facteurs, je pense qu'il ne serait pas opportun
de rencontrer à ce moment-ci le Conseil du statut de la femme.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la
ministre. Est-ce que la motion de Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière est adoptée?
Des voix: Vote nominal. (17 heures)
Le Président (M. Dauphin): Vote nominal. Alors, allez-y
Mme la secrétaire, tout en vous indiquant au préalable que, suite
à la décision de la commission de l'Assemblée nationale de
novembre 1989, seuls trois membres du groupe parlementaire de l'Opposition
officielle ont droit de vote. Alors, Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière, indiquez-nous les deux de vos membres qui... M.
le député de Laviolette se porte volontaire pour ne pas voter?
D'accord.
M. Jolivet: Ah bon!
Mme Harel: On veut qu'il vote.
Une voix: Qui ne voterait pas?
Le Président (M. Dauphin): Alors c'est Mme la
députée de Terrebonne qui ne votera pas? D'accord.
Une voix: Non, elle vote aussi.
Une voix: Qui ne vote pas?
Mme Harel: Alors, c'est moi.
Le Président (M. Dauphin): D'accord.
La Secrétaire: Alors, pour ou contre la motion
présentée par Mme Carrier-Perreault (Les
Chutes-de-la-Chaudière)? M. Dauphin (Marquette), pour ou contre
la motion?
Le Président (M. Dauphin): Contre.
La Secrétaire: M. Houde (Berthier)?
M. Houde: Contre.
La Secrétaire: M. Kehoe (Chapleau)?
M. Kehoe: Contre.
La Secrétaire: M. Larouche (Anjou)?
M. Larouche: Contre.
La Secrétaire: Mme Trépanier (Dorion)?
Mme Trépanier: Contre.
La Secrétaire: Mme Carrier-Perreault (Les
Chutes-de-la-Chaudière)?
Mme Carrier-Perreault: Pour.
La Secrétaire: Mme Caron (Terrebonne)?
Mme Caron: Pour.
La Secrétaire: M. Jolivet (Lavioiette)?
M. Jolivet: Pour.
La Secrétaire: Alors, la motion est rejetée: 5
contre, 3 pour.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, sur l'article 1 ou... Non, pas
tout de suite?
Motion proposant la tenue de consultations
particulières avec le Barreau du Québec
Mme Harel: Non, M. le Président. J'ai le plaisir de
déposer une motion dont je vais vous faire lecture. 'Il est
proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos régies de
procédure la commission permanente des affaires sociales tienne, avant
d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 47, Loi
modifiant le Code civil du Québec concernant le partage du patrimoine
familial, des consultations particulières quant à tous les
articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende le Barreau
du Québec. "
M. le Président, je comprends que j'ai 30 minutes à ma
disposition.
Une voix: II faut les prendre toutes.
Le Président (M. Dauphin): Je vous proposerais un
amendement, cependant, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve;
une correction, plutôt. C'est des institutions au lieu des affaires
sociales, la commission.
Une voix: Alors, la motion ne va pas être recevable?
Le Président (M. Dauphin): Voulez-vous plaider sur la
recevabilité?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: M. le Président, sur la
recevabilité.
Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le député
de Lavioiette.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Simplement vous indiquer, M. le Président,
que, lorsqu'il y a une erreur de forme, derechef le président peut la
corriger sans aucune forme de motion de recevabilité ou pas. Hier,
d'ailleurs, il est arrivé un événement comme
celui-là. Le président a corrigé la motion derechef et
à ce moment-là on a été capables de la
discuter.
Une voix: On a eu le grand plaisir de pouvoir la discuter.
M. Houde: M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Berthier.
M. Houde: M. le député de Lavioiette n'avait
même pas besoin de revenir, quasiment tout a été
accepté.
Une voix: On est bons joueurs.
M. Larouche: "Derechef, qu'est-ce que ça veut dire?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Prenez le dictionnaire.
Le Président (M. Dauphin): Alors, c'est ça.
D'accord. Alors, je déclare la motion recevable et Mme la proposeure a
un droit de parole de 30 minutes. Les autres auront un droit de parole de 10
minutes. Alors Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, merci M. le Président. Je n'en attendais
pas moins de vous, évidemment, puisque ce qui compte dans cette
commission, comme nous le savons tous, c'est le fond et pas la forme.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larouche: C'est ce qui fait qu'on progresse au rythme de
l'escargot arthritique.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Alors, M. le Président, bien des raisons
militent en faveur de cette motion, la première étant
évidemment que le Barreau est maintenant représenté par Me
Sylviane Boren-stein, une femme charmante également, qui a une vaste
expérience en matière de droit familial. Il faut savoir que non
seulement Me Borenstein est la première femme bétonnière
depuis les 144 ans d'existence du Barreau, mais qu'elle est également
une avocate salariée puisqu'elle était directrice depuis plus de
10 ans, je crois, du Bureau d'aide juridique dans le secteur de
Côte-des-Neiges. À ce titre-là, elle a une très,
très vaste expérience du droit de la famille. Alors, il serait
certainement intéressant que le Barreau du Québec - qui serait
sans doute, comme ça a été le cas
précédemment, accompagné de l'exécutif de la
section québécoise du droit de la famille
du Barreau canadien - vienne nous expliquer lui-même les
propositions qu'il a faites en matière de correctifs à la loi sur
le patrimoine familial.
M. le Président, le Barreau a toujours clairement fait
connaître son appui en faveur du principe de la loi, donc du principe du
partage d'un patrimoine familial, autant pour les époux mariés en
société d'acquêts que pour ceux mariés en
séparation de biens. Je me rappelle le mémoire que le Barreau a
présenté et, en préparant cette invervention, M. le
Président, je faisais appel au dossier que j'avais constitué au
cours des dernières années. Vous voyez, j'avais en main un des
premiers mémoires préparés par le Barreau et qui avait
été transmis aux membres de la commission des institutions et
c'était en mai 1987, au moment même où le gouvernement, je
pense, constituait un comité interministériel sur la question des
droits économiques des conjoints. Par la suite, le Barreau soumettait un
mémoire très fouillé lors de la consultation publique
d'octobre 1988. Bon nombre de ses membres avaient été à
l'origine du comité Partage, comité mis en place dès 1985,
qui réunissait plusieurs organismes de femmes et aussi des praticiennes
du droit qui réclamaient une intervention de l'État en
matière de partage du patrimoine.
C'est intéressant, d'autant plus, comme je le soulignais, que Me
Borenstein était partisane, l'an dernier, d'une adoption du projet de
loi. Elle avait, en conférence de presse, à titre de
vice-présidente du Barreau du Québec, avec la directrice du
Service de la recherche à la Commission des services juridiques, Me
Suzanne Pilon, ainsi que Me Jean-Pierre Sénécal, qui a
joué un rôle important lors de nos travaux l'année
passée et qui était - et je pense qui est toujours - le
président de la section du droit de la famille de la division du
Québec de l'Association du Barreau canadien...
Quand, par la suite, on a prétendu que l'on avait, d'une certaine
façon - pas court-circuité mais presque - maladroitement ou trop
hâtivement procédé à l'adoption de cette loi, je me
rappelais les pressions qui venaient de ces personnalités pour que
l'adoption se fasse et les propositions d'amendement qu'elles rendaient
publiques l'an dernier, au fur et à mesure que nos travaux se
déroulaient, demandant que des clarifications ou des amendements soient
apportés.
Je pense, M. le Président, et c'est le souvenir que j'en ai,
qu'elles étaient relativement satisfaites, l'an dernier. J'ai
été surprise. J'ai compris qu'il s'agissait sans doute d'une
certaine façon de retravailler cette année pour aller chercher
une adhésion encore plus large, non pas seulement des praticiens du
droit de la famille, mais de l'ensemble des membres du Barreau. Mais j'ai
été un peu surprise de voir, par exemple, Me
Sénécal lui-même, ce printemps, faire valoir que la loi
avait été rapidement adoptée en fin de session l'an
passé, que de nombreux amendements de dernière minute y avaient
été apportés - je le cite - qu'elle n'avait pas
été suffisamment scrutée par les juristes du gouvernement
et qu'il constatait, cette année, qu'après 10 mois d'application
de nombreuses difficultés avaient surgi sur le terrain. Il
considérait - et ça, c'est en date du 1er mai cette année
- urgent d'apporter des correctifs à une loi qui, pourtant,
maintenait-il toujours, contient des principes excellents qui continuent
d'être appuyés par le Barreau.
En quelque sorte, je dois vous dire que j'ai été un peu
surprise parce que je me rappelais combien un an auparavant, en mai 1989,
justement, le Barreau et la section québécoise du droit de la
famille, dont est président Me Sénécal, pressaient le
Parlement d'adopter rapidement la législation en matière de
partage. J'ai retrouvé d'ailleurs un communiqué qui avait
été rendu public le 31 mai 1989 et qui s'intitulait "Le partage
des biens familiaux: une bonne mesure qui risque de paralyser les tribunaux si
elle n'est pas adoptée rapidement."
Donc, les praticiens du droit réclamaient "l'adoption - je cite
leur communiqué - sans délai du projet de loi sur le partage des
biens familiaux." Alors, vous comprenez que je ne voudrais pas qu'il se passe
la même chose cette année, puisque nous nous retrouvons encore une
fois en fin de session. Mme la ministre nous invite pour des bons motifs, comme
l'an passé aussi, à faire cette adoption rapidement Cette fois,
c'est pour pouvoir en faire une meilleure diffusion dans les jours qui
viennent, mais je ne voudrais pas qu'il nous arrive ta même chose et que
les praticiens du droit, dans les semaines qui vont suivre, après avoir
applaudi au fait qu'on procède rapidement, puissent en être
surpris puis dire que l'application revêt encore des difficultés
et qu'il aurait mieux valu scruter plus attentivement les modifications qu'on
entend apporter.
Alors, M. le Président, vous comprendrez les motifs qui
m'amènent à déposer cette motion qui nous permettrait, de
façon presque définitive, de connaître publiquement, de la
part des représentantes et des représentants du Barreau, leur
point de vue sur les correctifs qu'il faudrait apporter et non seulement sur
les correctifs qu'il faudrait apporter, en principe, mais sur les
libellés mêmes, sur la rédaction même des
dispositions qu'il faudrait introduire pour bonifier, comme ils le souhaitent,
l'application d'une loi qu'ils trouvent, par ailleurs, toujours aussi
intéressante sur le plan des principes.
D'autre part, M. le Président, vous savez que les praticiens du
droit ont pu nous expliquer pourquoi certains d'entre eux - pensons aux
notaires en particulier - pouvaient avoir un point de vue mais
diamétralement différent de celui des avocats. Je me rappelle une
intervention qui a été faite au moment de la consultation
publique sur les droits économiques des con-
joints, en octobre 1988, et qui résumait en l'illustrant
exactement pourquoi des points de vue aussi antagoniques pouvaient s'exprimer
de la part de professionnels qui ont une connaissance semblable du Code civil,
une connaissance, finalement, similaire des lois statutaires et qui sont des
juristes. Ce qu'on nous avait expliqué, c'est que, si les notaires
voient les couples qui vont se marier au moment où ça va bien, en
général, les avocats les rencontrent au moment où
ça va mal. La différence de perception s'explique en grande
partie, fondamentalement, par le fait que les uns et les autres ne sont pas
appelés à l'aide au môme moment. Les notaires sont
appelés à conseiller les couples qui veulent se marier au moment
où ceux-ci sont convaincus que ce mariage sera le premier et le dernier
et que c'est une union qui va les satisfaire pour la vie, et au moment
où leur bonheur mutuel est réciproquement envisagé dans la
relation constante et permanente, tandis que les avocats, évidemment, ne
voient plus ou généralement pas les couples qui s'entendent bien,
mais c'est au moment où ils sont désunis et ce n'est pas en
couple, mais c'est chacun de leur côté qu'ils consultent un avocat
pour savoir comment se sortir de ce mauvais pas. C'est évident que
ça a un impact sur la façon d'envisager le droit. C'est
évident que les notaires l'envisagent en pensant que, si le contrat est
bien fait, donc ça va permettre d'éviter les conflits. Vous le
savez, M. le Président, vous-même vous êtes rendu à
un colloque que les notaires avaient organisé sur cette question:
Comment résoudre les conflits sans avoir besoin d'aller voir un avocat,
en se satisfaisant d'aller voir un notaire? D'une certaine façon,
ça peut être intéressant. (17 h 15)
Mais, cela dit, ça suppose, à ce moment-là, qu'on
propage l'institution du notariat et, en ce faisant, ça supposerait
qu'il y ait une campagne d'information, qu'il y ait une campagne de diffusion
pour dire aux personnes qui s'apprêtent à se mettre en situation
de mariage d'aller chercher la protection qui peut venir de l'avocat. Ce n'est
pas la tendance, ce n'est pas la position, ce n'est pas la voie dans laquelle
le législateur s'est engagé. Je rappelle l'institution de la
société d'acquêts, une institution qui permet, par un
régime légal, sans avoir besoin de voir quelque professionnel que
ce soit, sans avoir besoin de consulter, sans avoir besoin de débourser
non plus quelque montant que ce soit, de bénéficier de ce que le
législateur considère, dans notre société,
être le régime en vigueur à moins que les personnes ne
veulent y déroger, comme telle est leur liberté de le faire, en
choisissant de passer un contrat.
Et puis concernant ce régime de société
d'acquêts, je vous rappelle que sans doute le plus respecté parmi
les notaires - évidemment, je fais allusion au notaire Comtois dont les
ouvrages ont permis de former des générations de juristes - je
vous rappelle que le notaire Comtois était venu devant la commission
parlementaire plaider en faveur d'un élargissement de la
société d'acquêts, donc du régime légal,
à tous les mariages. Le notaire Comtois plaidait que l'institution
civiliste n'était pas adaptée à la notion de partage du
patrimoine qui est plus associée à la 'common law" et qui a
été développée, d'ailleurs, dans les provinces
anglaises. J'y reviendrai. Mais le notaire Comtois est le doyen parmi les
notaires et il était aussi l'auteur, en fait, de notre régime
légal, qui a été à l'origine de ce régime
légal, qui est d'ailleurs celui qui est utilisé majoritairement
par les couples québécois, parce que la progression,
malgré qu'elle ait été lente, a été
continue, et c'est au-delà, je pense, de 65 % des mariages qui,
maintenant, au Québec, se font sous le régime de la
société d'acquêts.
Ce régime de la société d'acquêts est un
régime qui est plus contraignant que celui du partage, parce que tout ce
qui est acquis durant le mariage est sujet à partage. Évidemment,
en distinguant les biens propres et les biens communs... Le notaire Comtois,
d'ailleurs, rappelait que ce n'était pas très cohérent, le
fait que les régimes privés aient été sujets
à partage, et non le Régime de rentes public, qui était
considéré comme un bien propre. Il y a eu des
incohérences, aussi, en 1970. On n'en a pas fait état
abondamment, mais vous voyez, M. le Président, ça m'amène
à penser que c'est bien difficile de travailler dans des domaines comme
ceux-là sans qu'il y ait des choses qui nous échappent à
certains moments, d'où l'importance d'entendre les gens de droit avant
qu'on finalise un projet de loi comme le nôtre qui ne contient que quatre
articles. Vous ne serez pas surpris que nous vous proposions, par la suite
d'entendre la Chambre des notaires, ça va de soi, mais là, nous
en sommes, évidemment, à la pertinence de recevoir des
représentants du Barreau.
Alors, je disais donc que le nouveau régime de la
société d'acquêts, au moment de son adoption, n'a pas eu
immédiatement toute la popularité qu'il aurait dû avoir.
Ça, vous savez pourquoi? C'est parce qu'il y a eu une guerre de
tranchées, une guerre d'usure contre le régime de la
société d'acquêts. Les Québécois font
confiance à leur notaire et c'est pour ça que ça leur
donne une grande, grande responsabilité, parce que quand ils
entreprennent des campagnes qui ont comme effet - ce n'est peut-être pas
ce qui est recherché, je leur donne le bénéfice du doute -
de dénigrer des législations, ça écarte de leur
application et de la protection que ça pourrait leur donner, comme
ça a été le cas pour la société
d'acquêts; ç'a écarté presque pendant dix ans,
presqu'une génération d'époux qui se sont mariés et
qui ont continué d'opter pour la séparation de biens. Mais on
verra qu'avec les années quatre-vingt ça s'est renversé
où que c'est presque les deux tiers, maintenant, des mariages qui se
font sous le régime légal de la
société d'acquêts. On comprendra qu'avec le
régime légal les époux n'ont pas besoin de passer chez le
notaire.
D'autre part, il serait sans doute intéressant d'entendre les
praticiens du droit et les représentants du Barreau qui ont une
connaissance de l'application du partage du patrimoine familial dans les autres
provinces venir nous en parier, puisque ces dispositions de partage dans les
autres provinces sont en vigueur depuis presque une décennie. Ça
signifie, M. le Président, qu'on pourrait sûrement rassurer, si
tant est que ce soit encore nécessaire de ie faire, ceux et celles qui
peuvent continuer de penser que l'institution du partage du patrimoine est une
institution qui va décourager le mariage. On sait que c'est une question
qui s'est posée beaucoup au moment de nos travaux, l'an dernier, et qui
continue à agiter les esprits. Est-ce que ça rend plus
contraignant le mariage et est-ce, qu'en conséquence, ça va
décourager les futurs époux à contracter mariage et
encourager les unions de fait? C'est une question qui mérite
réflexion, d'abord parce que le Québec a le plus faible taux de
nuptialité, je pense, en Occident.
On n'en parie pas très souvent, on parle plutôt du faible
taux de natalité, mais c'est le taux de nuptialité qui est encore
le plus faible. Voyez-vous, M. le Président, la progression des
naissances hors mariage est absolument vertigineuse dans notre
société, absolument vertigineuse. En l'espace de quelques
années à peine, c'a passé de 10 % en 1975 à 23 %,
et puis à 27 % en 1985 et, en 1988, à 33 % des naissances,
c'est-à-dire qu'une naissance sur trois était hors mariage.
Ça, c'est une réalité qui est absolument galopante. En
quelque sorte, c'est comme si la confiance dans le mariage s'était
effritée. Donc, c'est une question importante que celle de savoir si des
dispositions comme celle du partage du patrimoine vont avoir un effet de
découragement sur les mariages. Ce serait intéressant d'entendre
les praticiens qui ont cette expertise de l'application de telles dispositions
ailleurs nous parler des expériences manito-baines, des
expériences ontariennes, où le partage des biens familiaux existe
depuis plus de 10 ans et où, dans les faits, le taux de concubinage, ou
appelons-le de conjoints de fait plutôt, est plus faible qu'au
Québec, où, pourtant, il n'y avait pas, jusqu'à l'an
passé, partage des biens familiaux.
Donc, qu'est-ce qui introduit cette idée de penser que ça
peut décourager le mariage? À l'inverse, M. le Président,
on pourrait se demander si ça ne va pas plutôt le favoriser, dans
la mesure où le mariage ne signifie rien comme protection et peut
encore, malgré tout, être de façon lointaine, vous allez me
dire, mais être encore associé à une certaine soumission,
comme ça pouvait être le cas il y a à peine quelques
décennies, il faut quand même se rappeler que les femmes
mariées avaient le même statut que les incapables, il y a à
peine 20 ans, au Québec. Alors, ça n'a pas pu exister sans que
ça ait des conséquences, sans que ça crée, pendant
au moins quelques générations, cette idée que le mariage
est une soumission. Vous savez que ça peut prendre quelques
années avant de modifier les mentalités sur la question.
Dans la mesure où ie mariage n'est plus la protection qu'il
était censé offrir, dans la mesure où, dans le fond, le
mariage ne veut rien dire, dans la mesure où la société
ambiante ne sanctionne pas en punissant les gens qui ne se marient pas et dans
la mesure où, finalement, c'est la pleine liberté dans
l'appréciation du fait de se marier ou pas qui est laissée
à chacun... Parce que c'est ça maintenant au Québec,
n'est-ce pas? Il n'y a pas de modes de vie qui sont sanctionnés non
seulement par le législateur, mais par la société. Les
choix des modes de vie sont vraiment laissés à la pleine
liberté des individus et, dans la mesure où se marier ou ne pas
se marier, ça revient au même parce que ça n'offre pas plus
de protection, pourquoi est-ce les couples, et les femmes en particulier qui
ont cherché et parfois trouvé - vous allez me dire que
c'était bien Illusoire - qui ont, pour certaines d'entre elles, obtenu
cette protection que le mariage pouvait offrir auparavant, parce qu'il offrait
pour la vie, même âgée, la protection tout au moins d'un
toit, ou des aliments - c'est l'expression qui est utilisée dans le Code
civil... Mais, dans ia mesure où ça ne signifie plus rien,
ça ne signifie plus la protection que ça pouvait
représenter auparavant, tout en étant, malgré tout,
associé à la soumission qui était le lot de la
réalité juridique du mariage auparavant, il ne faut pas
s'étonner qu'il y ait eu si peu d'adeptes pour le mariage.
Moi, je fais le pari qu'à l'inverse, si le mariage veut dire
quelque chose, s'il signifie une protection ou s'il signifie un
véritable partage, parce que c'est dans ce sens-là, c'est dans le
sens des relations beaucoup plus égalitaires que se sont
renégociées les relations entre les hommes et les femmes dans
notre société, il faut bien voir que cette renégociation
des rapports entre les hommes et les femmes est certainement au coeur
même de l'institution du mariage. Dans la mesure où cette
renégociation va dans le sens de trouver son compte en instaurant une
institution qui va répondre à ce désir égalitaire,
à ce désir de réciprocité, de partenariat, alors je
me dis, M. le Président, qu'on pourrait certainement discuter avec les
praticiens du droit pour savoir si, au contraire, de telles dispositions ne
sont pas avantageuses et ne vont pas faciliter et favoriser, même,
l'institution du mariage. (17 h 30)
Je m'arrête, M. le Président, sachant qu'il n'y a là
que quelques arguments. D'autres encore pourraient s'ajouter. Mais je sais que
mes collègues auront aussi l'occasion d'essayer de convaincre les
membres de la commission ainsi
que Mme la ministre. Je vous remercie.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la
députée. Est-ce qu'il y a d'autres demandes d'intervention? Mme
la députée de Terrebonne, pour un maximum de 10 minutes.
Mme Jocelyne Caron
Mme Caron: Merci, M. le Président. C'est parfait. Le
principal Intérêt de la commission, je pense, à recevoir le
Barreau, c'est peut-être justement l'intérêt même que
le Barreau a manifesté pour cette loi. Il faut dire que son
intérêt a peut-être été suscité par
tous les problèmes que la loi actuelle lui a posés, mais c'est
quand même un intérêt marqué qu'il a
démontré.
Le Barreau avait fait plusieurs propositions avant même l'adoption
de la loi 146. Suite à l'application de la loi, le Barreau a à
nouveau proposé des correctifs à cette loi sur le patrimoine
familial. Le principal reproche que le Barreau adressait finalement aux
parlementaires, c'est, comme l'a souligné la députée de
Hochela-ga-Maisonneuve, le fait que cette foi ait été
adoptée très rapidement. Si on se replace dans le contexte, il y
avait quand même eu plusieurs promesses qui avaient été
faites aux femmes, aux regroupements de femmes, tant du côté du
partage de la retraite... Donc, on a voulu quand même apporter une mesure
qui pourrait donner satisfaction aux femmes.
C'est évident que, lorsqu'on se dépêche d'adopter
quelque chose, qu'on le fait à la dernière minute, bien,
ça ne correspond pas toujours... Du côté légal,
ça pose des difficultés d'application. Donc, la loi ayant
été passée très rapidement, les juristes n'ont pas
eu le temps de vraiment scruter toutes les applications concrètes de la
loi 146. L'Opposition reconnaît qu'il est urgent d'apporter ces
correctifs et on n'a pas l'intention de dire ici à la commission que ce
n'est pas important de la passer rapidement, cette loi-là. C'est
important mais il faut faire les bonnes corrections. Parce que, aussi vrai
qu'on se doit d'apporter des correctifs, on se doit d'apporter les bons, sinon
on ne règle absolument rien.
Donc, à partir de ce principe, je pense qu'il vaut mieux prendre
un petit peu plus de temps pour adopter notre projet de loi mais que tout le
monde, des deux côtés de cette table, soit satisfait à la
fin. Quelques heures pour étudier un projet de loi, si on regarde la
portée sur les années à venir, ce n'est quand même
pas si long, parce que ce projet de loi, je l'ai dit tantôt, il ne faut
jamais oublier qu'il touche directement la vie d'une grande majorité de
!? population et qu'il va aussi influencer les choix de vie. Si une loi suscite
trop d'Inquiétudes et amène les gens à
préférer avoir un conjoint de fait au lieu de se marier, c'est
évident qu'il y a des répercussions sur toute notre
société.
La loi 146 était surtout très imprécise parce qu'on
n'avait pas eu le temps de prévoir tous les cas d'exception qui
pouvaient se présenter, et on sait qu'il y en a eu beaucoup. Dans les
mesures concrètes qu'avait déposées le Barreau,
l'Opposition en partageait - et d'autres groupes que le Barreau avaient
présenté ces clarifications -deux en particulier. L'Opposition
souhaitait qu'on puisse ajouter au projet de loi 47 deux articles: que
l'exclusion du partage du patrimoine familial d'un bien acquis en remplacement
d'un bien échu par succession, legs ou donation s'applique
également aux biens acquis avant le mariage, et le deuxième
point, c'était que l'exclusion du partage du patrimoine familial
s'applique aux sommes accumulées avant le mariage et qui ont servi
à l'acquisition des biens du patrimoine. C'était vraiment pour
s'assurer qu'on partage uniquement ce qui avait été acquis
ensemble pour que le mariage représente vraiment une institution de
partenariat.
C'est évident que le Barreau a fait d'autres propositions et il y
en avait quand même plusieurs. Si on regarde le document qu'il a
déposé en avril 1990, il y avait plusieurs mesures. On pariait
même d'harmonisation avec la fiscalité. Donc, ce que nous aurions
souhaité, c'est vraiment entendre le Barreau sur toutes les autres
mesures qu'il a proposées et qui n'apparaissent pas, au moment où
on se parle, au projet de loi 47. Pourquoi souhaitait-on entendre
particulièrement le Barreau? Bien, je pense que c'est parce que ce sont
les gens qui ont le vécu de ce projet de loi. Quand on examine une loi,
souvent, en théorie, le législateur la trouve correcte. Il trouve
qu'elle répond aux grands principes de sa loi. Mais qui doit vivre avec
l'application de cette loi-là? Ce sont, bien sûr, les personnes
qui ont à utiliser cette loi, en l'occurrence toute la population, tous
les couples mariés, mais aussi le Barreau parce que les gens du Barreau
sont vraiment, à tous les jours, en confrontation avec les cas
particuliers. Ils ont vu défiler, au cours des derniers mois, de
nombreux dossiers très, très précis et c'est ce qui fait
que leur expertise est tout à fait exceptionnelle. Nous, nous avons
rencontré quelques cas aux bureaux de comté, bien sûr, mais
ce n'est jamais la même chose que les gens du Barreau qui ont
vécu, jour après jour, avec cette loi, ce qui les a
amenés, d'ailleurs, à faire autant de propositions d'amendement
puisqu'ils l'avaient vraiment étudiée, vécue et qu'ils
avaient eu à la défendre pour des citoyens.
C'est évident que d'accepter de recevoir un groupe, ça
retarde un peu mais, à mon avis, ça ne peut pas retarder
suffisamment, au moment où on se parie, pour empêcher la loi
d'être adoptée la semaine prochaine. Ça nous permettrait
d'avoir des réponses précises, de poser des questions
précises aux gens du Barreau, de clarifier avec eux les dernières
modifications qui sont appor-
tées et celles qu'on souhaite apporter, et je sais que la
ministre a l'intention de déposer des amendements. Donc, on pourrait
voir, avec le Barreau, la portée directe, légale, concrète
pour les citoyens.
Je me souviens aussi qu'on spécifiait que le Barreau avait bien
mentionné le fait qu'il était important de permettre aux citoyens
de savoir exactement à quoi s'en tenir, à la lecture de la loi,
ce qui était loin d'être le cas avec la loi 146 et ce qui n'est
pas tout à fait, non plus, évident pour la plupart des citoyens,
à la lecture de l'article 462.5 du projet de loi 47. Je vous avoue que,
si on présente ce projet de loi, même s'il y a un seul article
substantiel, à nos citoyens qui viennent nous poser des questions sur la
loi 146, ce n'est pas évident qu'à la première lecture ils
vont avoir les éclaircissements voulus. C'est loin d'être
évident, M. le Président, parce que, si on lit cet amendement,
là, je pense qu'il faut s'y prendre à quelques fois.
Le Barreau avait dénoncé un petit peu cette pratique qui
faisait que la loi était tellement compliquée et tellement
écrite d'une manière peu claire que les citoyens ne s'y
retrouvaient pas du tout. Donc, il souhaitait, et je le répète,
qu'on permette aux citoyens de savoir exactement à quoi s'en tenir
à la lecture de la loi. Ce n'est pas évident que c'est ce qui
nous arrive avec la loi 47 actuelle. Alors, peut-être qu'il pourrait nous
apporter des suggestions qui pourraient nous aider à présenter un
projet de loi très clair pour les citoyens parce que, plus la loi va
être claire, c'est évident que moins on va avoir de
difficulté, après, à la faire comprendre et à
l'expliquer aux citoyens. Parce que notre problème, présentement,
avec cette loi, c'est ça. C'est de la faire comprendre, c'est de
l'expliquer, c'est d'informer les gens. Parce que tout ce que les gens ont
retenu, en gros, de la loi 146, c'est patrimoine familial, puis ça vient
changer mes propres décisions dans ma vie. C'est à peu
près tout ce qu'on a retenu. Si on leur dit: Oui, on a clarifié
la loi, on ajoute un amendement, on a le projet de loi 47 qui vient apporter
les corrections, vous allez voir, ça ne touche pas tant que ça
votre vie, puis c'est très clair, puis qu'on leur dépose le
projet de loi qu'on a entre les mains, je ne suis pas sûre qu'on va
gagner notre pari de faire comprendre aux citoyens, ce que c'est, dans le fond,
la loi 146.
Vous m'invitez à conclure, M. le Président?
Le Président (M. Houde): S'il vous plaît.
Mme Caron: Donc, s'il y a un groupe, si on ne devait en recevoir
qu'un seul - c'est évident qu'on souhaiterait en recevoir plusieurs,
nous -mais si on devait en recevoir un seul, c'est le groupe qu'on devrait
recevoir parce que c'est celui qui a le vécu de cette loi-là.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Houde): Merci beaucoup, Mme la
députée de Terrebonne. Est-ce que d'autres veulent prendre la
parole?
Mme Carrier-Perreault: Oui.
Le Président (M. Houde): Non, mais je vais le demander de
l'autre côté avant pour l'alternance. S'ils ne me répondent
pas, c'est à vous la parole.
Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, vous
avez 10 minutes.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Je souscris
à mon tour entièrement, évidemment, à la motion de
ma collègue, la députée de Hochelaga-Maisonneuve, à
savoir que ce serait très important qu'on rencontre les gens qui sont au
Barreau, parce que le Barreau s'est beaucoup impliqué lors de l'adoption
de la loi 146. Je pense que ma collègue, tout à l'heure, l'a fait
remarquer à plusieurs reprises. Le Barreau, en fait, était de
ceux qui étaient très favorables, on se le rappellera, au projet
de la loi 146.
Plusieurs raisons, en effet, militent en faveur de la rencontre qu'on
pourrait avoir avec le Barreau et de cette demande que l'on vous fait, M. le
Président. C'est sûr que, par rapport à ce qui est
vécu par les gens du Barreau, par les avocats qui ont un vécu par
rapport aux causes de divorce, par rapport aux séparations, qui ont un
vécu par rapport à la mise en application de la loi, ce serait
intéressant d'essayer de voir avec les gens du Barreau si,
effectivement, à partir du moment où la loi a été
mise en vigueur jusqu'à aujourd'hui, pour leur part à eux, ils
vivent des choses qui sont un petit peu plus difficiles ou s'il y a des "items"
ou des articles, si on veut, de la loi qu'il sera préférable de
clarifier.
Ma collègue, aussi, tout à l'heure, faisait remarquer
l'écart entre les propos du Barreau tenus, si on veut, en juin 1989 et
les propos du Barreau tenus en mai 1990. Alors, on se rappelle que le Barreau,
effectivement, à ce moment-là, était tout à fait
favorable et il est toujours favorable, est toujours d'accord avec le principe,
mais, à ce moment-là, le Barreau disait: Maintenant, que le
projet de loi 146 favorisant l'égalité économique des
conjoints a été déposé à l'Assemblée
nationale, il faut que ce soit adopté le plus tôt possible.
C'était en mai 1989. On disait que c'était Important que
ça se fasse rapidement, que c'était vraiment une bonne mesure et
tout ça et le Barreau, finalement, en faisant cela, se trouvait aussi
à pousser un peu, si on veut, sur l'Assemblée nationale pour que
ce projet de loi soit adopté rapidement.
D'ailleurs, à ce moment-là, Me Borenstein, qui parle dans
l'article où j'ai pris la documentation, constatait que le gouvernement,
en prépa-
rant le projet de loi 146, avait suivi en grande partie la
recommandation du Barreau du Québec. Elle croit que cette loi va
ralentir le phénomène croissant de la féminisation de la
pauvreté qui attaque non seulement les femmes, mais aussi les enfants
qui vivent avec elles. "Nous croyons, également, a terminé la
vice-présidente - elle était à ce moment-là
vice-présidente - qu'avec cette loi on retrouvera moins d'épouses
dépendantes du bien-être social. " Alors, Me Borensteln, dans cet
article-là, nous disait, à ce moment-là, que le projet de
loi qui était déposé, qui est devenu par la suite la loi
146, était, en grande partie, basé sur les recommandations du
Barreau de Québec. Effectivement, comme on le disait tout à
l'heure, c'est un groupe, je pense, qu'il serait très important de
rencontrer parce qu'il vit avec les gens, il vit avec l'application même
de la loi. Les avocats ont à l'interpréter, ils ont à la
plaider, alors continuellement ils sont en rapport avec la loi 146 et, si on se
fie à ce que Me Borenstein disait à ce moment-là, ils
vivent avec, finalement, les recommandations du Barreau du Québec.
Pourtant, cette année, on remarque que le Barreau nous propose des
correctifs. Alors, c'est pour ça que je trouve que c'est important
d'inviter des groupes aujourd'hui, dans le sens qu'on a un éclairage qui
est différent à partir du moment où une loi est mise en
application et où on a à vivre avec les propres règles
établies par cette loi.
Aujourd'hui, le Barreau nous dit complètement le contraire de ce
qu'il nous disait un peu... Bien, le contraire, en fait, il y a un certain
écart, à tout le moins, entre ce que le Barreau disait en mai
1989 et ce que le Barreau nous dit aujourd'hui. Il nous dit que cette loi a
été rapidement adoptée en fin de session, c'est - comment
je dirais ça - un peu comme un reproche, alors qu'au moment où la
loi était sur la table on nous disait d'accélérer et qu'il
fallait que ça passe au plus vite, bon. Aussi, il se rend compte que la
loi 146, comme il nous le disait précédemment, était en
grande partie fondée sur ses recommandations. Bon, bien, eux autres
aussi se rendent compte qu'il y a des erreurs, qu'il y a des choses qui se
vivent mal, qui se mettent mal en application. Alors, s'ils sont prêts
à le reconnaître, je veux dire, il n'y a pas de mal à
reconnaître qu'on s'est trompé et qu'on n'est pas sûr du
comment ça s'est appliqué, et c'est dans ce sens-là, je
pense, qu'il faut inviter des gens pour nous en parler.
Aujourd'hui, cette loi-là, pour le Barreau, finalement, devrait
avoir des amendements. Les avocats demandent des amendements à la loi.
Je sais que la ministre nous a dit à plusieurs reprises qu'elle les a
consultés et, je le répète encore une fois, c'est
très bien, je pense que ça nous donne aussi une bonne idée
par rapport à ce qu'ils ont dit, par rapport à ce que la ministre
nous a dit tout à l'heure. Elle a rencontré les différents
groupes concernés, mais il reste que, tout de même, on aimerait
aussi avoir des réponses aux questions qu'on aurait pu formuler à
des groupes - tantôt, on parlait du Conseil du statut de la femme, et
là, présentement, on parle du Barreau - parce que, de toute
façon, n'ayant pas nécessairement eu d'entrevue avec les gens du
Barreau et du Conseil, il reste que, quand même, moi, j'ai
rencontré des avocats, en fait, des avocates qui avaient à vivre,
si on veut, avec l'application de la loi, des personnes qui ont principalement
comme métier de régler des causes de divorce. Par rapport...
M. Jolivet: Si vous voulez m'excuser, j'aurais une petite
question à poser, parce que je suis un peu mal pris, M. le
Président. Il y a, d'urgence, un caucus qui a été
décrété par notre parti politique, eu égard
à une décision qui est prise en Chambre, et on aimerait bien y
participer. Est-ce que vous accepteriez qu'on suspende jusqu'à 20
heures?
Le Président (M. Dauphin): Oui?
Une voix: Oui.
M. Jolivet: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Ça va.
Mme Carrier-Perreault: Jusqu'à 20 heures, hein?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Dauphin): Alors, la commission des
institutions suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 49) (Reprise à 20 h
21)
Le Président (M. Dauphin): Alors, s'il vous plaît,
mesdames, messieurs, un peu de silence. À l'ordre! La commission des
institutions reprend ses travaux et je cède immédiatement la
parole à Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. J'aurais
une proposition d'ajournement. Je vous proposerais qu'on ajourne les travaux
sur-le-champ, comme vous dites, sine die, et on pourrait les reprendre,
à ce moment-là, lundi, vu l'heure tardive et surtout les heures -
je suis très au courant - que Mme la ministre et moi-même, on a
dû se taper hier soir, comme on dit, et étant donné aussi
que le projet de loi comme tel, on est très intéressés,
nous autres aussi, à ce qu'il soit entériné. À ce
moment-là, si on ajournait ce soir, on pourrait reprendre les travaux
lundi après la période des questions pour l'étude article
par article du projet de loi, afin
qu'il puisse être adopté avant lundi midi, vers 13 heures.
Est-ce que ça vous convient? Est-ce qu'il y a des gens qui...
M. Jolivet: M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le député
de Laviolette.
M. Jolivet: Oui, juste pour appuyer ma collègue. Ce qu'on
donne, en fait, comme garantie à la ministre, je pense qu'elle a besoin
de ça. Elle nous a posé une question cet après-midi: Mon
projet de loi sera-t-il adopté finalement avant l'ajournement, le 22, le
maximum qui est prévu? Je pense qu'en adoptant en commission
parlementaire article par article, lundi, le projet de loi, elle peut
être assurée que les étapes seront suivies normalement.
Le Président (M. Dauphin): Oui, Mme la ministre.
Mme Trépanier: Peut-être deux précisions, Mme
la députée des Chutes-de-la-Chaudière. Je pense que M. le
député de Laviolette l'a un peu dit. Vous avez dit: On
entreprendra les travaux lundi. On terminera l'étude article par article
lundi.
M. Jolivet: Oui.
Mme Trépanier: On peut s'entendre pour lundi avant
l'ajournement à 13 heures?
M. Jolivet: Oui.
Mme Trépanier: Parfait!
Mme Carrier-Perreault: Que les travaux pour l'étude...
Mme Trépanier: Oui, de la commission, ici, soient
terminés pour 13 heures, lundi.
Le Président (M. Dauphin): L'étude
détaillée. Mme Trépanier: Parfait! Ça me
convient.
Mme Carrier-Perreault: Je suis persuadée que c'est tout
à fait possible, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Alors, est-ce que la motion
d'ajournement est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Dauphin): Adopté. Alors, je vous
signale tout de suite... Je m'excuse, messieurs, ce n'est pas terminé.
Je m'excuse, juste un instant. Je vous signale tout de suite que nous devrons,
dans un premier temps, disposer de la motion préliminaire de Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve pour ensuite faire
l'étude détaillée dudit projet de loi. Alors, je vous
souhaite une bonne fin de semaine et la commission ajourne ses travaux sine
die.
M. Jolivet: M. le Président, juste avant de terminer... On
pourrait même dès maintenant, puisque nous étions, la
députée des Chutes-de-la-Chaudière et moi-même, les
derniers à intervenir, vous dire que nous ne prendrons pas notre temps
de parole, si ma collègue le désire, et nous serions même
prêts, pour montrer notre bonne foi, à adopter sur division la
motion de notre collègue.
Mme Trépanier: Parfait! Alors donc, on commence avec
l'étude article par article lundi.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Alors la motion est
rejetée sur division; pas adoptée, rejetée sur
division.
Mme Trépanier: O.K.? Elle est rejetée sur
division.
M. Jolivet: Oui.
Le Président (M. Dauphin): Ha, ha, ha! Mme Giguère,
fiez-vous à moi.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Dauphin): Alors, bonne fin de
semaine.
(Fin de la séance à 20 h 25)