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(Neuf heures quarante-deux minutes)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Alors cette séance de la commission des institutions a pour but
de poursuivre nos travaux d'examen des orientations, des activités et de
la gestion de la Commission des droits de la personne. Nous en sommes à
l'étape des consultations particulières où certains
groupes et organismes viennent devant les membres de la commission exposer leur
point de vue à la suite du questionnaire qui fut préparé
par la commission et qui leur fut envoyé.
Consultations particulières
Pour le bénéfice des représentantes du
Comité provincial des malades, à qui je souhaite la plus cordiale
des bienvenues, je rappellerais un peu nos règles du jeu, à
savoir, une période d'environ quinze minutes pour permettre au
comité de nous présenter son mémoire, suivie d'une
période d'environ 45 minutes pour permettre des échanges avec les
membres de la commission.
Je vous rappellerais, ainsi qu'aux autres groupes, que les membres de la
commission ont déjà reçu votre mémoire, qu'un
sommaire même de votre mémoire a déjà
été préparé par les personnes qui nous assistent
dans ce travail d'examen. Donc, la période la plus productive, si l'on
veut, est généralement la période d'échanges avec
les membres de la commission.
Sans plus tarder, je demanderais aux représentants du
Comité provincial des malades de bien vouloir s'identifier.
Comité provincial des malades
Mme Forget (Lucie): M. le Président, MM. les
députés, je m'appelle Lucie Forget, Je collabore avec le
Comité provincial des malades depuis bientôt neuf ans. Je suis
accompagnée par Mme Michèle Lamquin qui est directrice du
Comité provincial des malades depuis l'hospitalisation de M. Claude
Brunet.
Nous sommes très heureuses d'avoir été
invitées à participer à cette commission parlementaire
pour vous parler de notre expérience de la Commission des droits de la
personne touchant la protection des droits fondamentaux des malades. Comme M.
le président vient de le rappeler, vous avez tous en main copie de notre
mémoire. Alors, à cause des limites de temps, je me bornerai donc
à en faire ressortir les points essentiels.
Vous savez, les malades sont parmi les personnes les plus fragiles dans
notre société, ils sont affaiblis physiquement et psychiquement
par la maladie et ils sont fortement dépendants des soins et services
d'un hôpital pour satisfaire à leurs besoins les plus
élémentaires. Cette situation de dépendance est encore
plus marquante pour les personnes confinées à longueur
d'année dans un centre d'accueil ou dans un hôpital de soins
prolongés. À cause de cette vulnérabilité, les
malades n'ont souvent pas la force ou l'énergie de protester et
d'entreprendre des démarches de toutes sortes lorsque leurs droits sont
lésés ou ils n'osent pas le faire de peur qu'il n'y ait des
représailles ou que leur situation n'empire.
Il y a des exceptions. Oui. Mais ces malades qui nous paraissent si
forts finissent par être usés et minés à la suite de
ces luttes qu'ils mènent pour défendre leurs frères
malades et de la misère qu'on leur fait. O'où l'urgente
nécessité qu'il y ait un organisme pour prendre la défense
des droits fondamentaux des malades. Mais pas n'importe lequel organisme.
Si les malades sont pour être protégés de
façon efficace, un tel organisme doit satisfaire à plusieurs
critères. Je les énumère tout de suite ici, car ils sont
à la base de notre évaluation de la Commission des droits de la
personne.
Intervention rapide. L'organisme doit pouvoir intervenir rapidement.
Dans le cas de malades, c'est particulièrement important. Lorsque leurs
droits sont lésés, c'est peut-être leur vie même,
leur santé ou ce qu'il leur en reste qui sont en cause.
Mandat unique. Le mandat de cet organisme doit être unique. Cela
est capital. On élimine de ce fait les situations de conflit
d'intérêts ou d'arbitrage entre les droits des uns et les droits
des autres, d'où les malades, à cause de leur faiblesse -
l'expérience nous le démontre - sortent presque toujours
perdants. On évite la formation d'une grosse bureaucratie avec toutes
ses lenteurs et ses rigidités. On favorise une meilleure connaissance
des malades et de leur condition particulière, partant, la prise de
décisions plus juste, des décisions plus rapides aussi, au fur et
à mesure que l'on acquiert l'expérience ou, si l'on veut, que
l'on développe une jurisprudence.
Indépendance des influences politiques ou idéologiques. I!
est également important que l'on crée les conditions pour que cet
organisme soit indépendant de toute influence politique ou
idéologique et son pouvoir doit être exécutoire.
Proche des malades. Cet organisme doit aussi être proche des
malades, c'est-à-dire qu'il doit être constitué de
personnes qui connaissent bien les malades, qui les comprennent, qui sont
motivées à les aider et qui placent leur bien-être
au-dessus de toute considération personnelle. Si on ne respecte pas ces
critères, la protection des droits des malades est purement illusoire.
Notre
expérience des droits de ta personne en est une bonne
illustration. Je résumera! cette expérience sur les trois
têtes de chapitre utilisées dans notre mémoire.
Remise en question du droit du malade à recevoir les soins
intimes d'une personne de son sexe par respect de sa pudeur et de sa
dignité. On parle souvent de dignité humaine dans notre
société, mais cela demeure purement théorique si, dans les
situations concrètes, on ne considère pas la personne comme une
fin en soi avec son échelle de valeur. Pour de nombreux malades, la
pudeur, c'est une valeur profonde qui fait partie de leur dignité, de
l'estime qu'ils ont d'eux-mêmes. C'est par respect de leur dignité
qu'ils demandent que les soins intimes leur soient donnés par une
personne de leur sexe.
C'est en 1978 que le président du Comité provincial des
malades commençait à formuler de nombreuses plaintes de malades
au sujet du non-respect de ce droit. Entre autres démarches, il a
approché la Commission des droits de la personne. Celle-ci
émettait, en novembre 1978, un avis reconnaissant que le droit du malade
à recevoir les soins Intimes d'une personne de son sexe découle
de son droit fondamental au respect de sa dignité et de sa vie
privée. Mais, dans son cahier 8 sur la sexualisatlon des postes
publié en décembre 1984, la commission renverse cette
décision. Elle y traite de la pudeur comme un préjugé et
elle suggère que cette exigence des malades soit satisfaite seulement
s'ils perturbent le service. En émettant ces nouvelles directives, la
commission a ignoré le Comité provincial des malades qui avait
été à l'origine de son avis de 1978. Il ne semble pas non
plus qu'elle en ait discuté avec les autres organismes de santé.
Le Comité provincial des malades a dû consacrer des centaines
d'heures de ses maigres ressources humaines pour faire modifier ces directives.
Ce n'est qu'au bout d'un an et demi, en avril 1986, que tous les efforts du CPM
ont amené la Commission des droits de la personne a reconnaître
les droits du malade à recevoir les soins intimes d'une personne de son
sexe. Cela relève presque de la tragi-comédie que le
Comité provincial des malades ait dû consacrer tant
d'énergies à combattre la décision d'un organisme qui a
été créé pour défendre les droits
fondamentaux de la personne.
Réponse de la Commission des droits de la personne à
l'appel à t'aide des malades: Ce n'est pas un cas de discrimination.
Il y a deux ans, un centre d'accueil prit une décision
administrative qui bouleversa la vie de ses résidents et affecta
plusieurs de leurs droits fondamentaux: droit à la
sécurité, droit au respect de sa dignité, droit au respect
de sa vie privée. Dans ce centre d'accueil, la salle à manger
avait été conçue pour accommoder quelque 70 personnes
autonomes. Comme il y avait 90 résidents qui se rendaient à la
salle à manger, la plupart en fauteuil routant, on avait deux services
de repas. Du jour au lendemain, on supprime l'un des deux services. Tout le
monde doit manger à la même heure. C'est le chaos le plus total.
C'est la congestion dans les deux seuls ascenseurs et dans le hall
d'entrée, l'encombrement dans la salle à manger où il est
extrêmement difficile de se frayer un chemin. Les
bénéficiaires se sentent bafouer dans leur dignité. On les
expose aussi à des risques graves d'accident. Leur droit à la
sécurité est complètement ignoré. Des
bénéficiaires ont immédiatement fait circuler une
pétition demandant le rétablissement des deux services de repas.
Si la pétition a été signée par la
quasi-totalité des résidents, il fallait vraiment que la
situation qu'ils vivaient soit Intolérable. Une copie de cette
pétition a été envoyée à la Commission des
droits de la personne qui a mis presque deux mois avant d'en accuser
réception. Ce n'est pas un cas de discrimination, écrivait une
représentante de la commission à la responsable de la
pétition. On oubliait ainsi l'article 48 de la charte en vertu duquel la
commission aurait dû intervenir. L'exploitation de ta souffrance humaine,
un droit fondamental. Le droit de grève dans les hôpitaux est en
fait une utilisation de la souffrance humaine pour l'amélioration de
conditions de travail. Il est une atteinte directe au droit fondamental du
malade à la vie et à la santé. Ce droit à la
santé est considéré comme tellement fondamental dans notre
société que nos lois reconnaissent, par exemple, qu'un
travailleur peut quitter son milieu de travail sur-le-champ s'il constitue une
menace pour sa santé et cela, Jusqu'à ce que l'employeur ait
corrigé la situation dangereuse. La Commission des droits de la personne
n'est jamais Intervenue pour protéger ce droit fondamental des malades,
En vertu des dispositions de la charte, elle aurait pu faire des
représentations au gouvernement, participer à des commissions
parlementaires sur cette question. Elle n'en a jamais rien fait. Par ailleurs,
lorsqu'au début de 1983, le gouvernement s'apprêtait à
présenter une loi spéciale pour mettre fin à la
grève des enseignants, la commission a fait immédiatement
parvenir un télégramme au premier ministre d'alors, M.
René Lévesque, demandant que le gouvernement abandonne ce projet
de loi. Elle a également participé à plusieurs commissions
parlementaires sur divers projets de loi pouvant affecter les droits
fondamentaux de la personne.
À la lumière de notre expérience, la Commission des
droits de la personne est incapable d'assurer une protection efficace des
droits des malades, parce qu'elle ne satisfait pas à plusieurs des
critères dont nous avons parlé au début de notre
intervention.
Influence de l'idéologie syndicale et féministe. La
commission semble être très influencée par
l'idéologie syndicale et te féminisme à outrance. Son
inaction lors des grèves dans les hôpitaux et l'épisode des
soins intimes sont très éloquents à cet égard.
Rappelons, en outre, que certains commissaires de la commission sont
très
actifs dans les milieux syndicaux et que le personnel est
syndiqué.
Dans les cas où les droits acquis syndicaux s'opposent aux droits
fondamentaux de la personne malade, la commission et son personnel sont donc
juge et partie.
Pluralité des mandats. Le mandat de la commission n'est pas
unique. La charte a confié à la commission plusieurs
responsabilités: La lutte contre la discrimination, l'implantation des
programmes d'accès à l'égalité et, en vertu de
l'article 48, la défense des droits fondamentaux des malades.
En pratique, la commission a été portée à
privilégier une orientation: La lutte contre la discrimination et, comme
notre expérience le démontre, elle a tendance à perdre de
vue les droits fondamentaux des malades. La commission est aussi très
loin des malades. Elle ne comprend pas leur condition de dépendance, de
vulnérabilité, d'affaiblissement physique et psychique et elle
ignore tout de la nature des soins dont ils ont besoin pour éviter que
leur état se détériore.
Pour vraiment comprendre les malades, il faut être tout
près d'eux. Il faut, en quelque sorte, pénétrer dans leur
univers, les voir vivre et vouloir les aimer. Sans cette connaissance profonde,
on est peu mobilisé à prendre la défense de leurs droits.
Les droits fondamentaux des malades ne pourront effectivement être bien
protégés que si l'on crée une commission des droits des
malades Indépendante avec pouvoir exécutoire ayant pour mandat
unique de faire respecter une charte des droits des malades qui, dans une
première étape, regrouperait les droits des malades
déjà reconnus dans la société et les
définirait de façon claire et précise.
Cette commission serait dotée d'un service "d'ombudsman" et d'un
service d'assistance au comité de bénéficiaires. Pour que
justice soit faite aux malades, il faut que l'intervention soit rapide.
L'action bien connue, une justice à retardement, c'est un déni de
justice qui s'applique particulièrement aux personnes âgées
ou affligées d'une maladie chronique grave.
Un grand nombre de ces personnes sont dans la dernière phase de
leur vie et, pour plusieurs d'entre elles, le laps de temps qui leur reste
à vivre peut être très court: un mois, deux mois, trois
mois, il est absolument essentiel qu'elles puissent compter sur un service
d'ombudsman" capable d'intervenir rapidement à chaque fois qu'un droit
du malade est lésé.
Les étudiants dans les universités ont leur "ombudsman".
Les contribuables ont également le leur, le Protecteur du citoyen.
Alors, pourquoi refuse-t-on cette protection aux malades qui sont encore plus
démunis?
J'ai voulu partager ici nos réflexions sur notre
expérience concernant fa protection des droits des malades.
J'espère qu'elles seront prises par votre commission en bonne
considération dans l'intérêt des malades. Je vous remercie,
M. le Président.
Le Président (M. Filion): À mon tour de vous
remercier pour la présentation de votre mémoire, Mme Forget. Sans
plus tarder, j'invite M. le député de Marquette à amorcer
la période d'échanges avec vous. (10 heures)
M. Dauphin: Merci, M. le Président. À mon tour,
j'aimerais vous remercier et vous féliciter pour la préparation
et la présentation de votre mémoire. On peut constater
qu'effectivement vous portez une critique quand même assez
sévère sur ce qu'a pu faire ta commission, relativement aux
droits des malades, dans le passé.
D'ailleurs, vous dites que la commission a des préjugés
plus que favorables envers le féminisme et le syndicalisme par rapport
aux autres droits, notamment les droits des malades.
Vous proposez spécifiquement la création d'un organisme
autonome, une commission des droits des malades avec un protecteur du malade,
avec un "ombudsman" spécifique au malade. Avec cette hypothèse de
la création d'une commission distincte, la commission des droits, vous
l'entrevoyez avec une participation, je crois, de bénévoles issus
d'un comité de bénévoles à l'intérieur des
centres d'accueil ou centres hospitaliers. Vous en avez sûrement
discuté avec tous les membres de votre comité. À part les
exemples que vous nous avez donnés relativement à une
révision de la décision de la commission en 1984 par rapport au
droit à des soins de personne de même sexe à
l'intérieur de l'hôpital, avez-vous d'autres exemples, qui
viennent à votre esprit, de cas où la commission, selon votre
interprétation, a complètement manqué le bateau, si vous
me permettez l'expression, relativement aux droits des malades?
Mme Forget: Le droit dont il a été question, ce
droit fondamental à la santé, comme je le disais, on le
reconnaît même aux travailleurs qui peuvent quitter sur-le-champ
leur milieu de travail si c'est une menace à leur santé, alors
que dans le cas des grèves dans les hôpitaux, on n'entend toujours
pas parler de la Commission des droits de la personne. La Commission des droits
de la personne ne fait aucune représentation auprès des
gouvernements. Il y a eu une récente commission parlementaire
là-dessus en 1985, elle n'y était pas non plus. Donc, elle n'a
pas montré sur ce droit fondamental une motivation pour vraiment
défendre les malades, leur droit fondamental à la vie, à
la santé.
En ce qui concerne les soins Intimes, je dois dire qu'aussitôt que
la commission eut renversé sa décision en avril 1986, nous avons
une publication qui vous a été... Je m'excuse, on avait des
chemises de presse préparées pour vous puis elles sont dans notre
chambre d'hôtel.
Le Président (M. Filion): Si je peux me permettre
d'intervenir, si vous demeurez à
Québec, il vous serait toujours loisible de repasser Ici, au
parlement, et de déposer ces documents auprès de cette
commission. Me Glguère, qui agit comme secrétaire de la
commission, recevra ces documents. Je peux vous assurer qu'ils seront
distribués aux membres de la commission.
Mme Forget: Merci, M. le Président. En ce qui concerne les soins
intimes, dans notre publication Oeil de feu, on a immédiatement
avisé les malades que la Commission des droits de la personne venait de
renverser sa décision et que l'on reconnaissait leur droit au respect de
leurs soins intimes en ayant un personnel de leur sexe pour les dispenser, que
c'était reconnu, que cela découlait de leur droit fondamental au
respect de leur dignité de leur vie privée.
Ce qui nous déçoit de la Commission des droits de la
personne, et pourquoi nous vous parlons de notre expérience ici, c'est
que notre expérience nous a permis de dégager les critères
qu'il fallait pour qu'un organisme puisse vraiment protéger avec
efficacité les droits des malades. La Commission des droits de la
personne, comme on a essayé de le démontrer, ne répond pas
à ces critères.
Vous nous demandez s'il y a eu d'autres dossiers sur lesquels la
Commission des droits de la personne aurait pu se pencher à la demande
des malades. Récemment, il y a à peu près un an,
concernant le dossier de Saint-Théophile, un centre d'accueil pour les
déficients mentaux, il a fallu quasiment tordre le bras de la Commission
des droits de la personne pour qu'elle s'en occupe. Elle disait à notre
directrice qui a fait les premières démarches que ce
n'était pas un cas de discrimination, donc que cela ne relevait pas de
la compétence de la Commission des droits de la personne. Et ce n'est
qu'après que des démarches aient été
amorcées que, finalement, la Commission des droits de la personne s'est
penchée sur ce dossier.
Mais vous vous imaginez comme ça peut être long. On disait
que c'était nécessaire, pour que les malades soient bien
protégés, que l'intervention soit rapide. Non pas que
l'intervention se fasse dans six mois, douze mois. Et si un comité de
bénéficiaires ou si des malades dans un centre d'accueil vont
directement à la Commission des droits de la personne, comme on a vu
dans l'exemple du centre d'accueil que j'ai donné dans le
mémoire, ils se font tout simplement rejeter de sorte que ça nous
a permis de constater qu'il y avait certains critères essentiels
auxquels devait satisfaire tout organisme pour protéger efficacement les
droits des malades, à savoir, le mandat doit être unique. Cela
évite, comme on le disait, la formation d'une grosse bureaucratie. Cela
permet des décisions plus rapides et cela évite les situations de
conflit d'intérêts.
Ici, nous devons parler de la Commission des droits de ta personne mais
nous avons eu de très mauvaises expériences avec d'autres
organismes. Dans le cas de ces autres organismes, la difficulté reposait
sur le fait que la défense des droits des malade n'est pas sa
préoccupation principale. Ils sont en conflit d'objectifs et les malades
en sortent perdants.
M. Dauphin: Merci. Je présume - je pense que vous l'avez
d'ailleurs mentionné dans votre mémoire - que le principal
problème relativement aux malades c'est lorsque arrivent des
négociations dans les secteurs public et parapublic et qu'une
grève a lieu dans un hôpital. Le Conseil sur les services
essentiels existe. Dans certains cas, il dit que certains services doivent
être maintenus étant jugés essentiels. Or, pour les malades
dans un hôpital - je suis persuadé que c'est votre opinion - tout
est essentiel dans un certain sens. Même la personne qui fait l'entretien
de la chambre d'hôpital, c'est jugé essentiel. Je présume
que c'est votre position. Alors, on est toujours pris avec ce conflit de
travail qui permet encore aujourd'hui ta possibilité de faire
grève dans certains cas, malgré que dans les soins de
santé, je crois qu'on a... Est-ce que c'est toujours permis de faire la
grève dans les soins de santé?
Une voix: C'est la Loi sur les services essentiels.
M. Dauphin: C'est la Loi sur les services essentiels, comme je le
disais tantôt. Alors, on est toujours pris dans un conflit, ni plus ni
moins, d'intérêts. C'est-à-dire qu'il y a les
négociations d'un bord, d'un autre côté, les droits des
malades étant jugés non essentiels mais sacramentels, Alors c'est
un sérieux problème. Je suis extrêmement sensible à
votre mémoire de par la cause. On parle des droits des malades
L'idée d'un "ombudsman"... Vous disiez tantôt que les
étudiants ont leur "ombudsman". Les travailleurs ont leur "ombudsman".
Vous faites référence à l'ombudsman" qu'on connaît,
au Protecteur du citoyen?
Mme Forget: Oui. C'est qu'un grand nombre de leurs cas
proviennent de la part de personnes en rapport avec leur déclaration
d'impôt, de la fiscalité. Alors à ce moment-là si
elles s'estiment traitées injustement par un haut fonctionnaire, elles
peuvent se plaindre au Protecteur du citoyen qui, lui, va faire des
démarches auprès de ces fonctionnaires. Ce ne sont pas seulement
les cas qu'il traite. Il y a aussi les cas d'assistés sociaux. Mais ce
serait là encore un organisme loin des malades, parce que les malades
sont dans des conditions très particulières. Ce ne sont pas des
citoyens comme vous et moi Nous» on a la santé et ça fait
toute la différence. Mais, eux, ils sont affaiblis physiquement et
psychiquement. Ils sont dans un état de grande dépendance. Alors
pour eux, il faut que les personnes qui veulent les aider soient très
conscientes de ça.
Et, pour être conscientes de ça, il faut quelles soient
dans le milieu, qu'elles les volent vivre en quelque sorte.
Pour en revenir à votre droit de grève, c'est
sûrement un droit fondamental très important qui est mis en cause
dans les hôpitaux. Mais ce n'est pas seulement à cause de
ça qu'on demande un organisme qui irait faire des représentations
au gouvernement pour lui démontrer ça et faire changer les lois.
II y a beaucoup d'autres droits à l'intérieur d'un
établissement, dont on n'entend jamais parler, qui peuvent être
brimés. Il y a eu le cas, par exemple, des soins intimes. C'est
très important pour les personnes qui ont un sentiment de pudeur
profond. Pour elles, c'est une question d'estime de soi qu'on doit respecter.
Mais, dans le cas du centre d'accueil dont je parlais, des droits ont
été brimés et, cette fois-ci non pas par le personnel,
mais par la direction de l'établissement. Nous, au CPN, on n'a qu'une
autorité morale. On a fait bien des démarches qui ont
absorbé beaucoup de nos énergies, ce qui a voulu dire que les
quelques bénévoles que nous sommes au CPM avons eu une charge de
travail extrêmement lourde à porter. Quand on s'occupe d'un
établissement en particulier, il est certain que cela nous
éloigne de nos autres orientations fondamentales et que d'autres
bénévoles doivent porter une charge encore beaucoup plus lourde.
Cela a été le cas de M Claude Brunet. C'est pour cela quon se dit
qu'on ne peut pas vraiment prendre la défense de ces malades si, par
exemple, la direction d'un établissement de santé se moque de
nous. Cela demande un temps infiniment long et cela absorbe beaucoup de nos
énergies avant que la situation se rétablisse.
S'il y avait un organisme, une commission des droits des malades, qui
serait en quelque sorte une structure adaptée aux conditions
particulières des malades, c'est-à dire une structure qui irait
vers eux un "ombudsman", on parle aussi d'assistant au comité des
bénéficiaires. Je vais vous donner un exemple. Admettons que le
droit aux soins intimes, puisqu'on en parle dans notre mémoire, soit
brimé dans un centre d'accueil. Si un assistant au comité des
bénéficiaires peut faire les démarches, qu'il en a la
santé, l'énergie et la force, ce droit n'a peut être pas
été respecté par omission ou par mégarde, alors on
peut faire les démarches à l'intérieur de
l'établissement et demander qu'on redresse la situation Le
bénéficiaire n'a pas à se mettre au blanc. C'est fait
anonymement par l'assistant au comité des bénéficiaires
qui serait indépendant de l'établissement - ça, c'est
très important - de santé, c'est-à-dire qu il serait
nommé par la commission des droits des malades. Mais supposons que ce
soit vraiment de la mauvaise volonté de la part de la direction et
quelle veuille organiser ses soins comme cela et, si on ne respecte pas ce
droit, tant pis. À ce moment là, on a recours à
I'"ombudsman" qui, en ayant un pouvoir exécutoire, émet une
ordonnan- ce pour dire au directeur de l'établissement de santé.
Tu le respectes sous peine de sanction pénale. Voilà comment les
droits des malades peuvent être protégés efficacement.
Si une commission est adaptée à leurs conditions
très particulières, est indépendante de toute influence
idéologique ou politique, donc se rapporte à l'Assemblée
nationale et a un pouvoir exécutoire, son intervention, de ce fait,
puisque son attention est fixée uniquement sur les malades à
protéger, peut devenir beaucoup plus rapide. C'est absolument essentiel
dans le cas de la défense des droits des malades. Depuis près de
neuf ans que je travaille comme bénévole au Comité
provincial des malades j'en ai vu des gens mourir. On les voit relativement
bien une journée, parce que, s'ils sont là, c'est qu'ils ont des
problèmes de santé, puis on retourne les visiter dans le centre
et ils ne sont plus là, ils sont partis, ils sont morts. J'ai
fréquemment vu des personnes au bout de deux ou trois mois qu'on ne
revoit plus.
Donc, si vous attendez six mois ou un an avant d intervenir, quelle
justice avez-vous rendue à ces gens là? Ils n'ont pas
été traités avec justice. Cela a été un
déni de justice.
M. Dauphin: Je vous remercie. Je vais laisser à d'autres
députés l'occasion déchanger avec vous.
Le Président (M. Filion): M. le député de
Chapleau.
M Kehoe: Vous avez fait un bilan assez sévère quant
à l'incapacité de la commission de protéger les droits des
malades. Je me demande dans I'ensemble si c'est la première fois que
vous faites une intervention semblable. Avez vous déjà eu des
discussions avec la commission à cet égard? En ce qui concerne
l'intervention rapide et les questions de droit de grève toutes les
raisons pour lesquelles vous dites que la commis sion n est vraiment pas
I'organisme propice pour défendre les droits des malades est ce vraiment
la première fois avez-vous de|à eu des discus sions avec la
commission à cet égard? {10 h 15)
Mme Forget: M. Claude Brunet a fait de multiples interventions
publiques et il a souvent carrément affirmé quon ne pouvait rien
attendre de la Commission des droits de la personne, que cette commission
était biaisée et n'était pas capable de protéger
les droits fondamentaux de la personne. Ce furent des interventions.
Je pense, par exemple à la participation de M Claude Brunet
à un colloque à l'Université de Montréal, en mars
1984, je crois. Le thème était. Faut il une charte pour les
droits des malades? Dans sa présentation, il disait justement qu'on ne
pouvait absolument pas compter sur la Commission des droits de la personne.
Ensuite une autre intervention publique ou la Commission des droits de la
personne était présente c'était
à Droit de parole. Peu de temps après ce colloque, Droit
de parole a tenu une émission là-dessus: Faut-il une charte des
droits des patients? Étaient représentés, des organismes
censés être capables de défendre les droits des malades,
entre autres, la Commission des droits de la personne dont les
représentants étaient sur le podium avec M. Claude Brunei; ils
sont tout à fait au courant. Cela ne les a pas empêchés,
par la suite, en décembre 1934, de publier un cahier. Comment
expliquez-vous qu'on émette des directives qui renversent une
décision antérieure de leur propre commission et que cet avis qui
avait été donné à la demande du Comité
provincial des malades, que pour ce deuxième avis, en décembre
1984, qui va priver les malades d'un droit fondamental, on n'approche
même pas le Comité provincial des malades? Expliquez-moi cela.
Pensez-vous que c'est un oubli? Pensez-vous que c'est une négligence,
tout simplement? Pensez-vous qu'ils ont vraiment oublié d'aller
consulter et d'en parler au Comité provincial des malades? Ils savaient
que cet avis de 1978 avait été donné à la suite
d'une démarche du Comité provincial des malades. J'aimerais avoir
votre réponse là-dessus. Qu'est-ce que vous pensez de cela?
M. Kehoe: Vous posez une question .. Des voix: Ha! ha! ha!
M. Kehoe: II faudrait que je retourne l'affaire de bord et que je
vous pose la question suivante: Quelle est la réponse de la commission
face à votre critique ou à la suggestion que vous avez faite pour
la charte des droits et libertés, l'ombudsman", etc.? Quelle est la
réponse de la commission? On va la recevoir demain, on va certainement
poser des questions. Mais, seulement grosso modo, quelles sont son attitude et
sa position?
Mme Forget: Je pense que la balle était dans son camp,
étant donné que, depuis des années, on lui faisait des
critiques de non-intervention pour défendre les droits fondamentaux des
malades. Par exemple, quand on a envoyé notre mémoire au sujet
des soins intimes, on n'a pas eu d'accusé de réception tout de
suite, mais simplement après que M. Brunet ait fait des démarches
auprès de tous les députés de l'Assemblée
nationale, auprès de tous les évêques, auprès
d'organismes comme l'Ordre des infirmières. l'Association des
hôpitaux et après qu'il y ait eu des critiques cinglantes de
l'attitude de la commission dans les journaux, par des journalistes comme
Lysiane Gagnon et Claire Dutrisac, c'est à ce moment-là que la
commission a pris contact avec M. Brunet pour lui dire qu'elle songeait
à réviser sa décision, qu'elle voulait nous voir
là-dessus, etc.
M. Kehoe: Est-ce qu'une suite y a été
donnée? Sur la question de la charte des droits des malades ou
l'"ombudsman", est-ce que la commission a pris une position?
Mme Forget: On vit dans un monde réel. Chaque organisme a
son petit empire, son petit pouvoir. Qu'est-ce que vous pensez que sera la
réaction d'un organisme s'il voit que certains de ses pouvoirs lui sont
retirés ou qu'on va donner à un autre organisme des pouvoirs de
défendre les droits fondamentaux de personnes, mais de personnes
malades? Qu'est-ce que vous pensez que sera la réaction de cet
organisme? C'est n'est pas seulement dans le cas de la Commission des droits de
la personne. Qu'est-ce que vous pensez que ce sera?
M. Kehoe: J'ai nettement l'Impression que la Commission des
droits de la personne a beaucoup d'autres choses à s'occuper, au fond.
Je veux dire qu'elle a beaucoup d'autres demandes..
Mme Forget: C'est exactement ce qu'on dit, monsieur. On parle ici
de notre expérience pour la défense des droits fondamentaux des
malades. On dit que la Commission des droits de la personne n'est pas
l'organisme pour assurer une protection efficace des malades. Qu'on lui confie
la lutte contre la discrimination, point. C'est ce que la loi a fait, elle lui
a donné d'autres responsabilités et, comme vous venez de
l'observer si justement, elle n'est pas capable de tout faire. Bon! Alors,
qu'on lui donne un mandat unique, qu'elle s'occupe de la lutte contre la
discrimination. Je ne suis pas apte à me prononcer là-dessus.
Nous avons été invités à venir parler de notre
expérience. Les remarques qu'on a faites - je veux que ce soit bien
clair - relativement à la Commission des droits de la personne ne
portent que sur sa performance vis-à-vis de la protection des droits des
malades. Ce n'est pas autre chose. Elle peut être très efficace
ailleurs, je n'en sais rien.
M. Kehoe: Seulement une autre question dans le même
domaine. Pouvez-vous nous dire l'expérience ailleurs, que ce soit en
Ontario, en Saskatchewan ou dans les autres provinces? Ont-ils une charte des
droits des malades que ce soit...
Mme Forget: C'est dans notre chemise de presse. L'Ontario vient
d'adopter une charte des droits des malades qui s'applique à tous les
centres d'accueil de l'Ontario, à tous les établissements de
soins à long terme. On n'a pas confié cela à la commission
des droits de la personne pour les faire respecter, ni à l'"ombudsman"
C'est le gouvernement d'Ontario qui se charge lui-même de la faire
respecter en ce sens que... Il y a des pénalités de
prévues si les droits qui sont inscrits dans cette charte, que l'on
vient d'adopter en Ontario, ne sont pas respectés. Et s'il y a
persistance à ne pas vouloir les respec-
ter, il y a des sanctions pénales. Maintenant, supposons que dans
un centre il y a une impossibilité de faire respecter les droits, des
plaintes sont acheminées directement au ministre qui, lui, intervient
pour faire respecter la charte et appliquer les sanctions pénales.
M. Kehoe: Est-ce sur une base individuelle ou dans l'ensemble?
Vous avez mentionné un cas de...
Mme Forget: Le comité de bénéficiaires?
M. Kehoe: Oui, justement. Dans les faits, dans la vie
quotidienne, les plaintes que vous adressez à la commission, est-ce
qu'elle s occupe plutôt des cas individuels ou des groupes?
Mme Forget: Dans le cas d'une commission des droits des malades,
il est bien entendu que n'importe quel malade qui se sentirait brimé
dans ses droits pourrait y être référé. Si je me
suis référé au comité de
bénéficiaires, c'est parce que nous avons une loi
présentement. D'ailleurs, cela avait été mis dans la loi
à la demande du président du Comité provincial des
malades, dans tous les centres de soins prolongés et dans les
unités de soins prolongés des hôpitaux
généraux, il doit y avoir un comité de
bénéficiaires. Notre expérience nous démontre que
les comités de bénéficiaires, c'est bon. Même si on
est plein de bonne volonté, on n'a pas à vivre les conditions
qu'ils ont à vivre. Alors, c'est eux qui peuvent nous apprendre quelles
améliorations doivent être apportées. Ils vivent ces
conditions. Je vais vous donner un exemple. Dans un centre, il y a un beau
jardin. Toutefois, en fin de semaine, dans ce centre, on barre les portes de
sorte qu'il n y a pas accès pour les malades à ce jardin. Comme
c'est un établissement jumelé, c'est-à-dire que c'est un
hôpital à court terme qui a un centre d'accueil la solution qui
avait été proposée était que les malades se rendent
à I'hôpital et ensuite de l'hôpital au jardin. II y avait
deux petits problèmes auxquels la direction n'avait pas pensé.
Premièrement, pour se rendre à cet hôpital, I'hôpital
est relié par un tunnel avec une pente très raide et ce n'est pas
couvert complètement par un tapis en caoutchouc. De sorte que pour les
gens en fauteil roulant, c'est effrayant de prendre le chemin de
l'hôpital. Ensuite, dans cet hôpital, les boutons d'ascenseur sont
trop hauts, les gens en fauteuil roulant ne peuvent pas les rejoindre. Donc,
c'était tout à fait une solution inadaptée. Oui est-ce qui
pouvait nous le dire à nous? Ce sont les bénéficiaires qui
ont à vivre ces conditions. Comme on travaille avec les comités
de bénéficiaires et aussi avec d'autres
bénéficiaires, parce qu'on rencontre aussi les autres
bénéficiaires, on a eu des réunions d'information qui sont
ouvertes à tous les bénéficiaires des
établissements de soins prolongés, par eux, on pouvait savoir que
certaines solutions des établissements ne sont pas du tout
appropriées à la situation et aux conditions bien
particulières des malades
Un autre exemple encore récent. La direction de
I'établissement voulait déménager la physiothérapie
du rez-de chaussée au sous-sol. Il y avait deux problèmes que la
direction n'avait pas vus du tout. Le sous-sol est très froid. Pour des
personnes en fauteuil roulant, dont la circulation est très mauvaise et
qui, souvent sont des personnes âgées elles peuvent prendre leur
coup de mort en se rendant au sous sol. Deuxièmement, il n'était
plus accessible. On I'aurait mis dans un endroit ou c'était trop loin
pour les résidents. Or, qui est ce qui vit ces conditions et qui est ce
qui peut le dire? Ce sont les residents. Un autre aspect important. Que les
comités des bénéficiaires soient associés
même à I' intérieur d'un système d' ombudsman.
Lorsqu'on va voir d'autres malades - j'ai vécu cela très souvent
- je me fais accompagner par un membre d'un comité de
bénéficiaires, ce qui veut dire que. lui il les connaît
bien. II inspire déjà confiance.
Alors, tout de suite, quand on va à la rencontre de ces
bénéficiaires le climat de confiance s'installe, puisque ce sont
des gens qu'ils voient tous les jours. Donc, un système efficace de
protection des malades ne demande pas une abolition des comités de
bénéficiaires. Bien au contraire, on doit les maintenir et voir
à leur création, parce que vous savez dans bien des endroits
même si la loi dit que le comité de bénéficiaires
est obligatoire, on nous rapporte que ce n'est pas toujours
implanté.
La commission des droits des malades a ce système d'ombudsman
plus des assistants au comité de bénéficiaires pour les
raisons qu'on a souvent données. Les bénéficiaires n'ont
pas I'énergie ou la force d'entreprendre des démarches de toutes
sortes. Souvent, ils ont peur. Même à l'intérieur d'un
comité de bénéficiaires dont je fais partie, quand on
suggère des solutions ou qu'on discute de certains problèmes
certains membres vont dire. Écoutez je ne veux pas que mon nom paraisse
dans le procès verbal.
Or on sait que les procès verbaux du comité de
bénéficiaires sont tout à fait confidentiels. Mais
même à cela, ils ne veulent pas qu' ils soient nommés. Ils
ont tellement peur qu'on apprenne à quelque endroit qu'ils ont fait
cette intervention et qu'ils ont fait cette critique.
La peur, c'est quelque chose de bien réelle. On la vit tous les
jours quand on est près des malades. D'ailleurs j'ajouterais que ce ne
sont pas seulement les malades qui ont peur vous savez. II y a des
établissements de santé lorsqu ils ont à faire face
à un plus fort qui vont sacrifier les droits des malades pour ne pas
avoir trop de chicanes à I'intérieur de leur
établissement. Eux aussi ont peur.
II y a des gouvernants aussi qui, pour ne pas remplacer le droit de
grève disaient toujours. Qu'est-ce que cela donne de I'abolir? Parce
qu'ils vont la faire quand même Ils
oubliaient qu'ils pouvaient prendre les sanctions appropriées
pour faire respecter la loi et cela a été démontré
avec la loi 160. On parlait d'une grève générale partout
Est-ce qu'il y en a eu quand on a adopté la loi160? Voilà.
Le Président (M. Filion): Cela va, M le
député de Chapleau M. le député de
Sainte-Marie.
M. Laporte: Merci, M. le Président. Je vais me joindre au
autres pour saluer et surtout pour vous remercier de nous fournir des
renseignements. Je pense que c'est fort utile. Comme je veux être
très bref, étant donné le temps imparti, je pourrais
souligner que l'ensemble des membres autour de cette table ont, à
plusieurs reprises, dans le cadre le leur mandat et même
dépassé ce mandat à aller dans les centres d'accueil et
des centres hospitaliers.
On travaille régulièrement avec les comités de
bénéficiaires, de façon ponctuelle, mais aussi de
façon spécifique. En tout cas, pour ma part, à tous les
trois mois, c'est un rendez-vous qu'on se donne. Ce qui nous permet de
visualiser un peu comme vous l'avez dit tantôt, à tout le moins,
d'être sensibilisés à la situation qui prévaut
à ces endroits plus particulièrement.
J'ai été à même aussi de constater
l'espèce d'interrelation qui existait entre les patients et les gens qui
travaillaient à cet endroit, que ce soient les préposés
aux bénéficiaires, les infirmières et même les
médecins. Je dois dire que je suis toujours fort surpris de constater le
sens de l'accueil que ces divers travailleurs ont, pour les nommer par leur
nom, et surtout aussi bien souvent le dévouement que ces gens-là
ont envers les bénéficiaires.
Vous soulignez dans votre document une déclaration de Mme
Foumier, l'ancienne présidente de la Commission des droits de la
personne, qui disait à un certain moment. Est-ce que la reconnaissance
des droits des uns se trouve à être la négation de celle
des autres? Un peu dans cette optique, il faut toujours éviter Un peu
comme dans un Parlement, il faut toujours avoir une Opposition pour que la
démocratie puisse s'exprimer de façon fort consciente, peu
importe ce qu'on a à souligner. J'ai toujours - en tout cas, selon ma
réaction personnelle - cette propension à dire qu'il faut
toujours garder une certaine forme d'équilibre à
l'intérieur de n'importe quelle structure. Cela m'amène un peu
à la proposition ou au cheminement auquel vous êtes arrivé
dans votre dossier, dans votre mémoire, de ta création d'une
entité distincte, composée de malades et ne représentant
simplement que des gens qui sont bénéficiaires.
En tout cas, ma première. Je ne dis pas qu'en ce qui concerne le
fond, ce que vous avez exprimé ici, ce matin, n'est pas ce que je
perçois. Je pense que quand on est aux prises avec cette situation,
quand on est dans un lit
D'ailleurs, vous soulignez la questoin des plaies de lit. C'est
absolument extraordinaire - Je l'imagine, à tout le moins, sans l'avoir
vécu personnellement - de visualiser que ce n'est pas facile.
Mais est-ce qu'il n'y aurait pas ne serait ce qu'avec la Commission des
droits de la personne actuelle, la possibilité par une priorité,
par un tribunal administratif ou il y aurait une forme d'expédition de
divers cas, de pouvoir fonctionner ou peut-être atteindre les mêmes
objectifs que la proposition que vous nous avez faites en ce qui concerne les
traitements des plaintes?
Mme Forget: Je pense justement que la Commission des droits de la
personne ne satisfait pas à des critères qu on juge essentiels.
On a parlé d'un penchant très net - je crois que sur la base de
notre expérience, personne ne peut nous reprocher d'avoir
été amenés à cette conclusion - vers les droits
syndicaux et un féminisme à outrance. Je ne sais pas si vous avez
lu son cahier numéro 8. On a sauté au plafond nous, quand on I' a
lu.
Une section comme celle là, cela va retomber encore et les
malades vont être échaudés. Vous allez avoir des conflits
d'intérêts, des conflits. On sait que les droits fondamentaux des
malades entrent souvent en conflit avec des droits acquis syndicaux. Qu'on
pense aux droits à l'ancienneté. C'est pour cela que concernant
le droit aux soins intimes, il y a eu des problèmes de ce
côté-la, parce que cela affectait les droits acquis à
I'ancienneté.
Vous avez le droit de grève qui entre en conflit avec le droit
encore beaucoup plus fondamental, mais très fondamental de la
santé. Je mentionnais l'exemple des travailleurs. Je voyais aux
nouvelles dernièrement qu'à McDonald Douglas, ils ont tous
quitté sur-le-champ, parce qu'il y avait des gaz toxiques et ils ont dit
que tant que I'employeur ne corrigerait pas cette situation dangereuse, ils
n'entraient pas au travail.
C'est leur droit Je suis tout à fait d'accord avec eux. Mais
quand vous faites une grève et que vous privez les malades du personnel
soignant, même si c'est juste à 90 % ou à 80 %, il n'y en a
pas assez encore aujourd'hui M. Brunet décrit la situation et la
détérioration de la qualité des soins depuis 1982. Il faut
plus de personnel. Je ne voudrais pas prendre toute la journée pour vous
dire cela, mais on pourrait écrire un livre sur le manque de soins qu'on
constate, surtout dans les centres d'accueil. C'est incroyable. Les exemples,
je pourrais les multiplier. Or, on dit 90 %. Cela paraît bien pour le
gros du public qui n'est pas dans le milieu, mais même enlever 10 % du
personnel c'est déjà trop ou en enlever 20 % c'est encore
beaucoup trop. II faut qu'il y ait 100 % du personnel sur place, puis il en
faudrait plus dans de nombreux cas. (10 h 30)
Alors, on se dit qu'une Commission des droits de la personne qui n'est
pas capable de voir cela, même si vous créez une unité
vouée à la protection des malades à l'intérieur de
la commission elle-même, vous allez avoir des batailles en règle,
puis quand il va y avoir un conflit, qui pensez-vous va gagner? Le plus fort ou
le plus faible? C'est une structure tout à fait inappropriée - Je
veux encore me répéter ici - en ce qui concerne la protection des
droits fondamentaux des malades. D'ailleurs, le législateur adopte
déjà des législations spéciales pour
protéger des groupes bien particuliers. On pense aux enfants avec la Loi
sur la protection de la jeunesse et il y aurait eu de grosses objections
à remettre cette responsabilité à la compétence de
la Commission des droits de la personne. En Ontario, je le disais tantôt,
on n'a pas confié à la Commission des droits de la personne la
protection des malades. C'est un groupe qui a des conditions tout à fait
particulières. Comme je le disais tantôt, il faut que ce soient
des structures qui aillent à eux, pas quelque chose de très loin
de personnes qui sont en santé, qui ne connaissent rien des conditions
particulières des malades. On l'a vu à tant de reprises dans le
cas de la Commission des droits de la personne. Vous n'avez qu'à lire
son cahier no 8, c'était fantastique.
De plus, Mme Lamquin a peut-être un mot à ajouter au sujet
du dossier de Saint-Théophile. La Commission des droits de la personne,
dans le moment, à la suite des pressions faites par le Comité
provincial des malades pour qu'elle s'en occupe, a ce dossier en main. Cela
fait combien de temps?
Mme Lamquin-Ethier (Michèle): En septembre 1986, le
Comité provincial des malades déposait une plainte officielle
auprès de la Commission des droits de la personne fondée sur
l'alinéa premier de l'article 48 et par le biais de l'article 70
permettant à un organisme de dénoncer une situation
d'exploitation.
Le pavillon Saint-Théophile regroupe 88
bénéficiaires. C'est un privé conventionné et ce
sont tous des handicapés mentaux. Alors, il est évident que les
situations que nous dénoncions méritaient urgence et attention
immédiate. Nous avons reçu un accusé de réception
nous disant qu'un agent à la recevabilité nous contacterait pour
nous informer de la marche du dossier. L'accusé de réception de
l'agent à la recevabilité prouvait de façon fort
éloquente, qu'en vertu d'une multiplicité de mandats que la
commission a, elle a favorisé un biais qui s'appelle discrimination.
Nous étions en train de parler spécifiquement d'exploitation et
chacun des arguments que l'agent de la recevabilité nous soumettait
était un argument portant sur la discrimination. Notre réaction
première a été assez étonnante et on l'a dit:
Écoutez, on ne vous parle pas de discrimination, on vous parle ici
d'exploitation. Ce qui est étonnant, pour vous illustrer la tendance
naturelle du réflexe, il nous a dit: Écoutez, pour nous, c'est
naturel, on en fait tellement. Excusez-nous. Et plus avant dans la
conversation, il est revenu à deux reprises. Alors, j'ai trouvé
sa réaction très étonnante. Par la suite, il nous a
demandé de soumettre un motif qu'il considérait à juste
titre pouvant donner ouverture à notre demande. Nous nous y sommes
pliés de bonne grâce, bien que l'interprétation qu'on
pouvait donner au premier alinéa de l'article 48 était,
d'après nous, suffisamment clair. Cela nous a amenés à
demander à cet agent à la recevabilité s'il avait une
formation juridique et s'il avait une certaine compétence pour nous
demander ce qu'il nous demandait. Évidemment, il n'en avait pas. Cela
nous a étonnés.
Par la suite, nous avons demandé, dans le cas où il y
aurait eu une divergence plus prononcée, si nous pouvions demander
à quelqu'un ayant une compétence en droit de statuer sur le
différent parce qu'à l'extrême, d'une certaine
façon, l'incompétence de l'agent à la recevabilité
aurait pu mettre en péril la recevabilité de notre plainte, ce
qui est un non-sens. Nous avons par la suite parlé à un autre
agent à la recevabilité qui se taxait d'être un expert de
la charte des droits. À la question qu'on lui posait, à savoir
sur quoi était fondée son expertise, on apprit avec
stupéfaction qu'elle était fondée sur un enseignement
assez relatif dans le temps. Mais, à tout le moins, il se qualifiait
malgré tout d'expert sur la charte des droits alors qu'il ne
l'était pas. Il était parti de commis et, de fil en aiguille, il
avait eu une promotion qui l'avait amené à se décrire
comme étant un expert de la charte des droits.
Il y a des lacunes intrinsèques profondes à la Commission
des droits de la personne. Pour le pavillon Saint-Théophile, dont nous
logions une plainte en septembre 1986, lorsque finalement... Le délai de
traitement est très long, cela fait un an et nous sommes encore à
la commission des droits. Nous n'avons eu qu'une seule journée
d'enquête. Il est certain qu'il n'est pas évident que les malades
puissent accéder à l'étape médiation ou encore
négociation. Le délai de traitement est nettement trop long.
D'autre part, si nous n'avions pas requis des documents de soutien,
notamment les directives ou les règles de pratique, je me demande si on
l'aurait fait, ce qui nous amène à soulever qu'il y aurait,
d'après nous, une nécessité qu'on augmente les services
d'information ou de soutien aux bénéficiaires. Vous savez, si on
n'a pas une formation juridique ou si on est un bénéficiaire au
sens pur du terme et qu'on arrive à la Commission des droits de la
personne, si on n'est pas informé des règles du jeu, on a
beaucoup de difficultés à comprendre. Le réflexe
spontané de la commission n'est pas d'informer.
Maintenant, puisque nous sommes encore dans le dossier, le procureur
représentant le centre mis en cause a fait une demande de huis
clos partiel. Le huis clos a été reçu et une
ordonnance a été rendue. C'était très
intéressant. À ce moment-là, il est devenu, pour la
première fols, un peu apparent que le commissaire qui entend les parties
à une tendance à essayer de favoriser les uns et les autres.
Cette tendance à vouloir favoriser les uns et les autres fait que,
finalement, quant à la première ordonnance qui a
été rendue, nous croyons qu'il s'agissait d'une erreur. Par la
suite, Radio-Canada a fait valoir une requête demandant que l'ordonnance
soit révisée, ce qui a amené le commissaire à se
poser la question de sa capacité, d'une part, à réviser sa
propre décision. Les arguments furent soumis par différents
procureurs au dossier. Nous avons été soumettre nos
représentations à la Cour supérieure sur un bref
d'évocation. Lorsque nous nous sommes retrouvés à la Cour
supérieure, sur le bref d'évocation évidemment, l'attitude
du tribunal était beaucoup plus légaliste, beaucoup plus
formelle, ce qui n'est pas le cas à la Commission des droits de la
personne. C'est un climat en famille, ni plus ni moins. Alors, on est
porté à laisser passer les choses qui, en Cour supérieure,
ne passent pas de la même façon. Le juge a finalement reconnu que
le commissaire avait la capacité de réviser sa décision et
qu'en se faisant, la deuxième ordonnance qu'il avait rendue ne
comportait pas un caractère raisonnable. Il a donc rejeté
l'évocation. Cependant, le juge a soulevé un point que nous
avions, nous, préalablement soulevé, à savoir les
directives qui ont été édictées entre guillemets,
plutôt faites par la Commission des droits de la personne ne proviennent
pas du texte législatif. Alors, quelle est la valeur en soi de ces
directives-là? Je pense que c'est une lacune profonde, puis je pense
qu'il y aurait Intérêt à ce qu'on se penche
là-dessus.
Mme Forget: J'aimerais ajouter un commentaire aussi. Cela vous
montre que toutes ces démarches-là, les malades ne peuvent pas
les entreprendre. Ils n'ont pas l'énergie, la force, et leurs cas ne se
règlent pas. C'est pour cela qu'il faut une commission des droits des
malades qui fait toutes ces choses pour eux.
Mme Lamquin-Ethier: J'aimerais compléter, s'il vous
plaît. Je pense qu'il serait nécessaire, pour rejoindre l'argument
dont vient de parler Mme Forget, que la Commission des droits de la personne
précise, à chaque année, les champs d'Intervention. Ici,
on rejoint l'article 49. Vous savez, nous, aujourd'hui, à l'heure
actuelle, on vient d'apprendre ce matin qu'il va y avoir une commission
d'enquête, c'est-à-dire que la commission se fait faire la demande
de se prononcer: Y a-t-il ou non discrimination en matière de policier
avec un biais plus particulier sur les minorités les plus
prévisibles? Nous, on est donc pris avec cette nouvelle-là et,
d'autre part, il y a une situation qui est déplorable et qui
prévaut dans tous les centres d'accueil à la grandeur du
Québec. Le caractère de gravité est présent,
plus d'un centre d'accueil est touché, les clientèles des centres
d'accueil vont en s'alourdissant de plus en plus, les conséquences que
peuvent avoir les coupures budgtaires sur l'état de santé des
gens qui sont hébergés sont très graves, la
clientèle visée est énorme. Alors pourquoi, la Commission
des droits de la personne ne se prononcerait pas sur une question comme
celle-là, qui est fondamentale. Il y a des droits fondamentaux, qui sont
pourtant clairement énoncés dans la charte, qui sont ici en ligne
de compte, mais pourtant spontanément, proprio motu la commission ne se
prononcera pas. Elle va encore une fois le faire, mais sur un aspect qui est
purement discriminatoire. Nous, on reçoit des demandes qui sont
pressantes et urgentes En allant à la Commission des droits de la
personne, nous faisions notre dernier test. Le Comité provincial des
malades convenait que, pour la dernière fois, il était pour aller
voir ce qui se passait à la Commission des droits de la personne et
quelle serait la réponse qu'il aurait. Suivant la réponse que
nous aurons, puisque nous n'avons eu qu'une seule journée
d'enquête et qu'on piétine encore, nous verrons pour l'avenir.
Mais nous pensons, à ce stade-ci, avec les expériences qu'on a
eues, qu'il serait de beaucoup préférable qu'il y ait une
commission des droits des malades qui puisse, elle, avoir un mandat unique et
qui aurait des pouvoirs véritables et exécutoires.
La Commission des droits de la personne n'a pas de pouvoir
exécutoire. Elle n'a que des pouvoirs de recommandation.
Le Président (M. Filion): II y a d'autres membres de
la...
Mme Forget: Est-ce que je pourrais ajouter un commentaire sur ce
qu'elle vient de dire.
Le Président (M. Filion): Je vous en prie, madame.
Mme Forget: En plus de montrer toutes les démarches que
cela implique et aucun bénficiaire n'est capable de les entreprendre,
cela démontre aussi que si vous avez une commission des droits des
malades, quand il y a des situations déplorables à
l'échelle de la province dans des centres d'accueil, elle pourrait
ouvrir des enquêtes et faire des représentations au gouvernement,
mais quand vous avez une commission à objectifs multiples, cela ne se
fait pas, les malades sont négligés et mis de
côté.
Le Président (M. Filion): Mme la députée de
Marie-Victorin, ensuite je me suis réservé également
quelques commentaires, quelques questions. Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui, j'ai suivi avec beaucoup
d'intérêt vos commentaires à la suite de votre
mémoire. Je crois qu'on ne peut pas rester
Insensible à la problématique qui se passe actuellement
dans le monde hospitalier, particulièrement chez les personnes
âgées dans les centres d'accueil. Je pense qu'effectivement, nous
vivons dans une société où tout le monde est
cloisonné à l'heure actuelle et c'est très difficile de
faire valoir nos droits. À cet effet, voici ma préoccupation. En
tant qu'organisme provincial, vous avez sûrement un mandat d'information
auprès de vos clientèles; si ce n'est pas auprès de vos
clientèles, des personnes qui sont visées indirectement du fait
d'avoir une personne qui doit vivre ou assumer, en tout cas, un affaiblissement
de leur santé. Est-ce que ce n'est pas justement... si on dénote
un manque d'intérêt à la Commission des droits de la
personne, c'est qu'on n'est pas assez sensibilisé à la
problématique qui se passe à l'heure actuelle dans notre
société ou dans l'évolution de nos sociétés;
parce qu'on a toujours reconnu les droits, finalement, étant des droits
limités et non pas des droits illimités. De plus en plus, dans
notre société, on s'en va vers une société
où tout le monde semble avoir des droits limités. Donc, on doit
faire face à un problème d'éthique, à mon avis, de
plus en plus important et de plus en plus imposant. C'est le rôle de tous
et chacun, en fait, que vous remettez en cause, mais pas strictement dans un
milieu donné. (10 h 45)
C'est une vision sociale éclairée que vous demandez quand
vous parlez du volet des services pour les malades. Je pense qu'on pourrait
faire autant de chartes des droits qu'il y a d'Individus ou de composantes dans
la société, si les principaux acteurs dans la
société, les gens qui détiennent les commandes ne veulent
pas changer leurs mentalités ni leurs orientations. Est-ce qu'il serait
utopique de croire que, dans une société dite civilisée,
ce sont nos comportements qu'il faudrait plutôt réajuster en
fonction des vraies valeurs et des vrais besoins de notre société
à l'heure actuelle, sinon on ne finirait jamais de faire des chartes des
droits pour chaque groupe d'individus ou d'intervenants.
Mme Forget: Vous avez une position très idéaliste,
madame. C'est un argument qui a été servi à M. Claude
Brunet pendant des années et des années quand il demandait le
remplacement du droit de grève. On disait: Ce ne sont pas les lois qui
vont changer cela, c'est une question de changement de mentalités. Les
grèves se multipliaient et devenaient de plus en plus sauvages. Et,
parce qu'on était réaliste et qu'on vivait dans le milieu, on
voyait que si le gouvernement avait la volonté politique de faire
respecter ses lois, à ce moment-là, il adoptait les sanctions
appropriées. On l'a crié sur tous les toits. On a donné
à M. Brunet toutes sortes d'étiquettes parce qu'il proposait, non
pas d'attaquer les travailleurs, mais il disait: Si vous reconnaissez le droit
fondamental des malades à la santé, comme vous le reconnaissez
pour les travailleurs, à ce moment-là, vous adoptez une loi qui
retire le droit de grève. Ce n'est pas pour me vanter, mais notre
organisme a eu beaucoup de mérite à consacrer des centaines
d'heures de recherche pour proposer un mécanisme de remplacement alors
qu'il est tout petit. On lui répondait toujours: C'est un changement de
mentalités qu'il faut, et nous parlions de sanctions appropriées.
Quand le gouvernement actuel a adopté la loi 160 avec les sanctions
appropriées que l'on demandait depuis des années, est-ce qu'il y
a eu une grève générale dans les hôpitaux?
Je pense que c'est comme un enfant, c'est absolument la même
chose, mais transposé à la société. Un enfant qui
obtient ce qu'il veut à chaque fois qu'il tape du pied va continuer
à taper du pied. Mais, si le parent intervient et dit: Holà! Ce
n'est pas bien, ce que tu fais, et si tu ne veux pas te soumettre, c'est bien
dommage, je ne veux pas le faire, mais je vais être obligé de
sévir. À ce moment-là, vous allez avoir un enfant
discipliné et qui va cesser de taper du pied au moindre de ses
désirs. Je pense que c'est la même chose pour la
société.
Par exemple, prenez le cas des règlements du Code de la
sécurité routière. Ils étaient tout le temps
violés. Mais, depuis qu'il y a de fortes amendes, conduire en
état d'ébriété, cela se fait encore, mais je
connais beaucoup de gens qui font attention et qui ne prennent plus leur
voiture. Pourquoi? Parce qu'ils ne veulent pas perdre leur permis de conduire.
C'est la même chose pour le braconnage. Cela nous réjouit de voir
qu'enfin un gouvernement prend ses responsabilités et que, quand il veut
faire respecter ses lois, il ne parie plus de -changement de mentalités,
mais il dit: II faut prendre les sanctions appropriées pour faire
respecter ces lois.
Vous parlez de changement de mentalités. Nous avons fait des
campagnes de sensibilisation. Tout le monde connaît M. Brunet. Pourquoi?
Parce que, justement, il a fait des efforts inouïs pour faire des
interventions publiques, pour participer à des commissions
parlementaires et pour éclairer l'opinion publique sur la situation qui
existait. Est-ce que cela a changé les mentalités au sujet des
grèves?
On intervient dans les établissements, on ne vous a pas fait
l'historique, on vous a donné un cas dans notre mémoire. Prenez
un homme qui décide que ce n'est pas le bien-être des
bénéficiaires qui compte pour lui. À l'heure où on
parle de coupures budgétaires et d'équilibre budgétaire,
de l'équilibre des budgets des hôpitaux, lui - monsieur! - ne
serait pas dans le rouge, il va avoir un surplus budgétaire. Alors, il
coupait au détriment du bien-être des bénéficiaires,
il coupait au détriment des droits fondamentaux des
bénéficiaires. On a eu beau faire des interventions... Il y a
même des résidents qui ont eu un certain courage et qui, ensuite,
ont été victimes de représailles, de harcèlement de
la part de ce monsieur. Est-ce que c'est parce que cet homme a manqué
d'information qu'il agissait
ainsi? Pas du tout.
Madame, il faut reconnaître qu'en nous tous, en ce bas monde, il y
a du bon et du mauvais et que si c'est notre intérêt de faire
triompher des choses qui ne sont peut-être pas tellement bonnes, on va le
faire. La nature humaine est comme cela aujourd'hui; elle l'était, il y
a deux siècles. Elle était comme cela du temps du Christ. Elle
sera toujours comme cela.
Ce n'est pas une question de dire: On va devenir tous bons si on a une
meilleure information, cela va nous aider à changer nos
mentalités.
Le Président (M. Filion): Merci. Oui?
Mme Vermette: Tout ce que je voudrais ajouter, c'est que,
effectivement, comme Je m'occupe du dossier des personnes handicapées,
c'est un dossier auquel je suis extrêmement sensibilisée. À
la fin de notre mandat, en fait, comme gouvernement, en décembre 1985,
nous étions prêts à voter une loi sur l'accès aux
édifices publics. Il n'y a rien encore qui a été fait.
Cela fait deux ans. Le projet de loi était prêt; il a
été déposé. Il n'y a absolument rien pour les
personnes handicapées encore.
Au contraire, de plus en plus, c'est très difficile pour ces
gens-là d'avoir des sommes d'argent. De plus en plus, on dilue la
responsabilité et la représentation des personnes
handicapées à l'heure actuelle, parce que ce sont les transferts
de programmes. Encore là, on va adopter un projet de loi tout à
fait à rencontre de l'intégration des personnes
handicapées.
Je pourrais vous parler de la violence faite aux femmes. Cela aussi
suppose un gros changement de mentalités. Les maisons pour elles ont de
la difficulté, de plus en plus, à vivre. Effectivement, il y a
des problèmes de société. Il y a des problèmes
très graves, très importants où les comportements et les
mentalités ne changent pas du jour au lendemain.
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il reste encore beaucoup
de choses à faire dans beaucoup d'autres domaines qui touchent toujours
l'intégration des personnes, à mon avis. Il faut faire attention.
Vous avez tout à fait raison quand on parle de
désinstitutionnalisation. De plus en plus, on trouve des jeunes
sans-abri, parce qu'on ne sait plus où aller, parce qu'on n'a pas de
ressources ou de moyens pour ces gens-là aussi.
Mme Forget: On aime beaucoup se comparer avec l'Ontario.
L'Ontario a vu un problème, parce qu'un gouvernement intervient quand il
y a des problèmes graves. Elle a adopté une Charte de droits des
malades - c'est applicable; c'est dans une loi - où on prévoit
des sanctions.
Nous, ici, on retarde toujours. On se traîne les pieds. On ne
remarque pas, par exemple, que le législateur soit souvent intervenu
pour protéger des personnes particulièrement faibles et
vulnérables. On le fait dans le cas de la protection de la jeunesse, par
exemple.
Alors, dans le cas des malades, qui sont une catégorie de
personnes très vulnérables, très affaiblies, pouquoi
est-ce qu'on refuse d'agir?
Le Président (M. Filion): Je vous remercie. Je me suis
réservé pour la fin. Même si on a dépassé
l'heure un peu, je suis convaincu que j'ai le consentement de mes
collègues. Je voudrais vous ramener un peu à notre sujet qui est
la Commission des droits de la personne.
Bien sûr, le Comité provincial des malades, qui existe
depuis bientôt une quinzaine d'années, a fait un travail
absolument admirable, notamment, par son ancien président avec qui j'ai
eu le plaisir de travailler à une certaine époque, alors que
j'étais au ministère des Affaires sociales.
Il y a également d'autres personnes: Le comité
lui-même, tous les bénévoles dont vous faites partie, si
j'ai bien compris, Mme Dutrisac, etc. Il faut comprendre que les malades sont
dans une position parfois difficile pour faire valoir leurs droits.
Le comité, à juste titre, fait un travail tout à
fait admirable là-dessus. En ce qui concerne notre sujet
particulièrement et votre mémoire, j'ai été
frappé par l'absence d'échanges normaux entre la commission et le
Comité provincial des malades.
D'abord, il faut peut-être se ramener au texte même de la
charte. Cela m'a absolument renversé, notamment, le cas du centre
d'accueil dont vous taisez le nom, dans votre mémoire L'article 48 de la
charte qui a été voté à l'unanimité par les
législateurs en 1977 a créé, au premier alinéa, une
disposition particulière: Toute personne âgée ou toute
personne handicapée a droit d'être protégée contre
toute (orme d'exploitation.
À l'article 69, le législateur... À
l'intérieur de la charte, l'esprit de la charte est de faire du
traitement de l'article 48 une forme d'activité particulière pour
la commission où... Je vais lire l'article 69 pour le
bénéfice de ceux qui nous écoutent et pour le
bénéfice des gens de la Commission des droits de la personne et
de ceux qui nous liront.
L'article 69. Toute personne qui a raison de croire qu'elle est ou a
été victime d'une atteinte à un droit reconnu aux articles
10 à 19 ou au premier alinéa de l'article 48 peut adresser par
écrit une demande d'enquête à la commission".
Je sais que la commission s'est penchée, en 1983, sur les
conditions d'application de l'article 48. Mais, sans avoir parcouru ce texte de
1983 de la Commission des droits de la personne, il apparaît à
n'importe quel esprit logique que les dispositions concernant les personnes
handicapées ou malades doivent recevoir et auraient dû recevoir,
de la part de la Commission des droits de la personne, le traitement
particulier que la
charte édicté, où on ne parie pas d'une forme de
discriminition. À cet égard, je renvoie les membres de cette
commission à l'exemple que vous avez cité dans votre propos, mais
qui est relaté en longueur en pages 7, 8, 9 et 10 de votre
mémoire. Il est tout à fait inconcevable, comme t'a
souligné Mme la directrice générale du Comité
provincial des malades, qu'un agent de recevabilité à la
Commission des droits de la personne puisse dire: Ce n'est pas de la
discrimination. On fait de la discrimination, non. La charte des droits de la
personne dit tout à fait autrement. Cela m'amène à mon
premier commentaire. Je comprends tout à fait la justification de votre
demande en ce qui concerne une charte spécifique, en ce qui concerne les
malades. Je comprends également l'état d'exaspération qui
vous pousse à reprendre le plaidoyer vibrant de M. Brunet qu'il a eu
l'occasion de faire dans ce salon, il y a une couple d'années. Je m'en
souviens, j'étais présent. Il l'a fait également sur
d'autres tribunes, c'est là un travail admirable. Mais avant de songer -
c'est mon opinion personnelle, je ne dis pas que ce n'est pas une bonne
solution - à adopter une formule qui pourrait être semblable
à celle de l'Ontario et d'avoir une charte des malades qui serait
administrée par le ministère...
Une voix: Je ne recommande pas cette solution.
Le Président (M. Filion): Vous recommandez - et j'en suis
- une charte provinciale avec une commission des droits du malade.
C'était là, d'ailleurs, la demande originale de M. Brunet, sauf
erreur. Avant de s'en remettre à cette espèce de division des
responsabilités avec... Chacun des groupes qui est venu ici aimerait
bien avoir également son secteur. Qu'on parle de la communauté
gaie, qu'on parle du secteur racial, la plupart des groupes aimerait bien
être traitée de façon particulière. Justement, la
charte des droits de la personne qu'on a faite est une des meilleures, dit-on.
Pourquoi? Parce qu'elle a cherché à englober l'ensemble des
minorités - si je puis m'exprimer ainsi - et l'ensemble des droits et
libertés de chacun des individus. Je ne dis pas que ce n'est pas une
bonne solution pour l'avenir, encore faudrait-il que la Commission des droits
de la personne joue le véritable rôle que lui a confié la
charte en 1977. Des exemples comme ceux du centre d'accueil que vous nous avez
donnés, comme ceux de Saint-Théophile, témoignent bien
d'une inconsistance de la Commission des droits de la personne à traiter
des droits des malades. La démonstration est claire.
Autre chose. En ce qui concerne les soins intimes qui doivent être
donnés par le personnel des institutions à des malades, j'ai
été frappé. J'ai hâte de poser des questions
à Commission des droits de la personne là-dessus. En 1978, je me
base sur votre mémoire. Je n'ai pas étudié le dossier
moi-même, Je vais vous le dire, je vais le faire, en 1978, dis-je, un
avis clair. La commission: préséance du droit du malade à
recevoir les soins intimes d'une personne de son sexe. En 1984, renversement de
position. À ce moment-là, la commission affirme que la pudeur est
un préjugé dépassé et que les soins accordés
à un malade pourraient l'être par une personne de n'importe quel
sexe sans tenir compte de la pudeur, justement, du malade. En 1986,
apparemment, grâce à vos pressions, on revient. Qu'est-ce que cela
crée? En presque dix ans, une inconsistance dans l'application d'une
charte qui crée un peu partout une espèce de
désintérêt, de déséquilibre. On ne sait pas
où on s'en va. (11 heures)
En deux mots, je retiens de votre mémoire sa recommandation
première, qui est la création d'une commission des droits du
malade qui administrerait, si on veut, une charte des droits du malade. C'est
une idée à laquelle il faut songer, mais entre-temps - c'est
là le devoir des membres de cette commission - on devra se pencher sur
ce qui a été vécu depuis dix ans à la commission,
non seulement en ce qui concerne le droit du malade mais également en
général. Encore une fois, bien qu'étant président
de cette commission, je m'exprime en mon nom personnel. Les
délibérations que nous ferons après les consultations
seront des avis majoritaires. Mais il apparaît que la Commission des
droits de la personne en termes de droit du malade n'a peut-être pas
été au bout de son mandat, loin de là. En ce sens, je ne
sais pas si vous voulez réagir à ces propos. J'ai
été également frappé par un autre
élément, c'est la question des délais. Vous savez, tous
les organismes qui sont venus ici ont déploré les délais.
Dans chacun des secteurs, on a des bonnes raisons. En ce qui concerne les
malades, c'est encore plus patent. C'est évident que s'il souffre d'une
situation dans les dernières heures de sa vie, dans certains cas, ce
n'est même pas les derniers mois ou les dernières années,
bien, il est trop tard. C'est l'intégrité physique qui est un des
droits premiers de la charte qui est en cause. Certains seront moins d'accord.
À ce jour, à peu près tous les organismes nous ont
confirmé que les délais étaient inacceptables. Lorsqu'on
parle de l'application de l'article 48, au premier alinéa, en ce qui
concerne les délais, on ne peut pas faire autrement que vous donner
absolument raison. Cela prend une intervention rapide, cela prend une
intervention généreuse, ouverte et efficace de la commission dans
les cas où les droits des malades sont concernés. Peut-être
que vous voulez réagir à ces propos, si c'est
nécessaire.
Mme Forget: En ce qui concerne notre expérience et
toujours concernant la protection des droits fondamentaux, nous avons
réfléchi sur les causes. Les causes demeureront toujours, quelque
modification que vous apportiez à la commission. Premièrement,
pour être efficace, un
organisme doit avoir un mandat unique. Il y a beaucoup de vrai dans les
adages "small is beautiful", on ne doit pas courir deux lièvres à
la fois. Cela a été le gros problème pour lequel la
commission ne s'est pas occupée de l'article 48. Parce qu'elle a
plusieurs objectifs, et il y a un conflit à un moment donné entre
ses objectifs et elle en privilégie un seul au détriment
d'autres. Par exemple, on regarde la Commission d'accès à
l'information. Elle est très efficace cette commission. Je me suis
informée, les décisions se donnent à l'intérieur
d'un mois.
Le Président (M. Filion): Excusez, de quelle
commission?
Mme Forget: La Commission d'accès à
l'information.
Le Président {M. Filion): Oui, d'accord.
Mme Forget: Cela fait quatre ans, je crois. Je me suis
Informée.
Le Président (M. Filion): Cela fait cinq ans qu'elle
existe.
Mme Forget: Cinq ans. Ses membres ont, de plus, des pouvoirs
exécutoires. Pour les malades, c'est ce que cela prend pour les malades
parce que, autrement, la commission va toujours demeurer avec ses
problèmes même si vous créez une unité à
l'intérieur pour les droits des malades. Il va y avoir des conflits,
à cause de l'idéologie prédominante de la commission. Il
va y avoir des batailles en règle lorsque les droits fondamentaux des
malades viennent en conflit avec les droits acquis. Ensuite, l'action n'est pas
rapide Vous le reconnaissez vous-même dans le cas des malades, c'est
absolument essentiel que l'Intervention soit rapide. Plus que cela, que les
structures soient faites de telle sorte qu'on vienne aux malades. Aussi,
l'autre raison, c'est qu'il faut que ce soit des personnes qui sont très
familières avec le milieu des malades. Je pense que dans le cas de la
commission, créer l'unité, vous n'avez pas résolu ces
problèmes fondamentaux qui font que la Commission des droits de la
personne ait été très peu performante pour défendre
les droits des malades. Cela va toujours rester. C'est pour cela que nous
préconisons un mandat unique, un pouvoir exécutoire et un
système d'"ombudsman" qui va aux malades.
Le Président (M. Filion): D'accord. Je vous remercie
madame. Vous savez, ces questions de délai et de pouvoir coercitif ou
exécutoire de la part de la commission ou d'un tribunal quelconque font
précisément l'objet de nos réflexions ici. Ce sont des
préoccupations qui s'étendent non seulement aux droits du malade
mais qui s'étendent également à l'ensemble des droits des
minorités ou de personnes qui pourraient être affectées par
des violations à la charte. En deux mots, cette partie de votre
préoccupation rejoint véritablement celle d'une bonne partie des
intervenants qui sont venus. Cela ne diminue pas la portée de vos
propos, madame. Je sais qu'il y a des distinctions que vous faites. Nous nous
pencherons sur...
Mme Forget: Une dernière petite question. Quels seraient
les moyens que vous entendriez mettre en oeuvre pour éliminer cette
influence idéologique à l'intérieur de la commission?
Le Président (M. Filion): La question est posée,
madame.
Mme Forget: La réponse n'est pas donnée.
Le Président (M. Filion): Alors, en terminant, je voudrais
vous remercier d'autant plus que je sais que vous avez accepté de
modifier l'horaire de votre présence à cette commission ce matin.
Ce qui vous a peut-être occasionné certains frais ou, en tout cas,
certains Inconvénients.
Mme Forget: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Filion): Je voudrais vous remercier et
vous assurer que les membres de cette commission ont hautement
apprécié la qualité de votre intervention, ce matin.
Alors, sans suspension, nous allons immédiatement procéder
à entendre le groupe suivant, c'est-à-dire les
représentants du Conseil du patronat du Québec que je voudrais
remercier pour la patience dont ils ont fait preuve. On a dépassé
légèrement notre horaire de ce matin.
Je voudrais souhaiter la bienvenue à M Ghislain Dufour, qui n'a
pas besoin de présentations. Il n'en est pas à sa première
visite à une commission parlementaire ici à Québec. Je lui
demanderais de bien vouloir nous présenter cependant les personnes qui
l'accompagnent, d'autant plus, m'a-t-on informé, qu'un de ses homonymes
fait partie de la délégation. Je lui rappelle brièvement
nos règles du jeu qui sont d'une période d'environ quinze minutes
pour la présentation du mémoire et d'une période de 45
minutes pour permettre les échanges avec les membres de la commission.
Je tiens à signaler cependant que le mémoire du Conseil du
patronat nous a déjà été envoyé. Il fait
partie de vos dossiers sous la cote 2M. Les membres de la commission en ont
déjà pris connaissance.
Bienvenue, M Dufour.
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): Je remercie M. le président Filion.
Je présente mes collègues: Mme Annie Amisse, directrice de
l'information et de l'administration au Conseil du patronat; Me Jean Roberge,
directeur adjoint et conseiller juridique de l'Associaton des mines de
métaux. Vous
constatez que nos troupes sont disséminées ce matin par
rapport à ce que l'on vous avait donné comme information. Elles
ne sont pas disséminées en qualité, mais en
quantité. On a vécu des choses comme vous. C'est la
troisième fois que la commission change de date. Quant à nous,
cela nous a créé un certain nombre de problèmes.
Justement, vous aviez Gilles Lavallée, de l'Alcan, qui devait être
avec nous ce matin. Il est pris dans une grève. Alors on n'y peut
rien.
Je voudrais d'abord vous dire, M. le Président, que c'est
à l'invitation même de votre commission que nous sommes là.
Nous nous présentons devant vous avec l'esprit le plus positif possible.
Nous n'avons qu'un objectif: essayer de voir comment fonctionne cette
commission, essayer de voir si on ne peut pas faire des suggestions pour en
améliorer le fonctionnement. Je dois vous dire qu'on a trouvé le
cadre de votre démarche très rigide. Nous proposer 23 questions
en nous demandant de répondre après chaque question dans un
certain schéma. C'était très, très orienté
à faire. En termes de présentation, cela nous a plu. Mais de
façon générale, on a tendance à s'étendre
plus que ça. Alors vous nous avez ramenés dans un cadre
très rigide et on va devoir le suivre.
Alors avec vous, très rapidement, pour se resituer dans le
contexte de notre mémoire - parce que je sais que vous avez en
tête d'autres mémoires - on va quand même passer très
rapidement. Je suis sûrement capable de le faire dans une quinzaine de
minutes et je pense qu'il y aura lieu d'échanger des avis sur un certain
nombre de points.
Bien sûr, vous nous demandez d'abord si on a déjà
fait affaire avec la commission. Je vous dis oui, sinon on ne serait pas
là. Quant à quantifier le nombre de cas, cela nous a
amenés, nous, dans cette démarche-là, à essayer de
nous voir comme Conseil du patronat, organisme provincial qui intervient en ce
qui concerne les grands dossiers, et essayer de voir ce que vivent nos membres
dans leurs relations concrètes avec la Commission des droits de la
personne.
Alors quand on a reçu votre invitation, on a mis sur pied un
groupe de travail avec sept ou huit entreprises et on a fouillé ce
document. Elles nous ont donné un certain nombre de réponses.
Nous avons, dans notre mémoire, distingué toujours la
réaction que l'on peut avoir comme organisme provincial face à la
Commission des droits de la personne et ce que nous disent nos membres dans le
champ qui vivent des problèmes tout à fait différents d'un
organisme comme le nôtre. Alors vous avez tout le temps ces deux
références CPQ-entreprises. Alors, quand on nous demande:
Avez-vous fait affaire souvent avec la commission? On dit: Une douzaine de
fois; mais, bien sûr, pour les entreprises ce n'est pas possible de
déterminer combien de fois elles font affaire avec la commission.
On peut commencer à être plus explicite un peu. C'est dans
quel genre de dossier on a affaire à la commission? Pour le Conseil du
patronat, cela se présente à peu près de la façon
suivante. On a beaucoup de demandes de la part de nos membres pour un paquet
d'affaires. Que cela touche, par exemple, les programmes d'accès
à l'égalité, que cela touche la discrimination, que cela
touche des problèmes de harcèlement sexuel, on ne prend pas
tellement de chance d'expliquer la charte. De façon
générale, on réfère cela au service de recherche de
la commission.
Nous organisons assez souvent des colloques où nous mettons les
services de la commission à profit et nous soulevons nous-mêmes
généralement des problèmes très
généraux. Je pourrai vous en expliquer un certain nombre tout
à l'heure dans notre démarche.
Quant aux entreprises, bien sûr, c'est très
différent. Elles ne sont pas préoccupées comme nous des
grands dossiers. Ce sont des problèmes très concrets: il y a une
plainte de harcèlement sexuel, une plainte en discrimination; alors,
elles sont dans un dossier très concret. Donc, leur approche, leur
évaluation n'est pas du tout la même.
Je vous signale, M. le Président, qu'en ce qui nous concerne,
nous sommes restés dans notre analyse au niveau purement des questions
relatives à l'emploi. D'ailleurs, c'est à peu près cela
qui fait 75 % des plaintes qui sont présentées à la
commission. Question de logement, question de discrimination ethnique, on n'a
pas touché à cela, c'est évident dans notre
mémoire. D'ailleurs, notre organisme est davantage
préoccupé, comme vous le savez, par les questions de relations du
travail.
Vous nous demandez ensuite: Est-ce qu'on a déjà
collaboré à des programmes pour la défense de la promotion
des droits et libertés de la personne? Comme CPQ non, mais dans nos
entreprises, de plus en plus, depuis que la charte a été
amendée pour y incorporer tout le chapitre sur les programmes
d'accès à l'égalité et que la Commission des droits
de la personne offre maintenant aux entreprises un programme d'implantation, un
programme d'aide d'implantation des programmes d'accès à
l'égalité; alors, de plus en plus, il y a une collaboration qui
se fait entre les entreprises et la commission.
Vous nous posez ensuite la question: Est-ce que la commission, ses
services, donne suffisamment d'information sur son fonctionnement, sur ses
services, etc.? Notre évaluation à titre de conseil, c'est oui
suffisamment, dans le sens que le bulletin de la commission pour nous est un
très bon outil. C'est dans l'actualité
généralement. De plus, de façon générale, le
président de la commission - je ne sais pas si on est sur une liste
privilégiée, mais en tout cas - nous envoie de façon
générale les nouvelles orientations, les nouvelles prises de
position de la commission. Je vous donne un exemple. J'ai reçu, il y a
à peu près quinze jours, toute la position de la commission sur
les examens médicaux en pré-embau-che et en cours d'emploi. C'est
un dossier
actuellement majeur. Les entreprises ne savent plus quoi faire pour
faire face aux -drogues, au SIDA, etc. Alors ta commission a pris
là-dessus une vraie bonne orientation, non pas une position parce
qu'elle est encore discutable. C'est là le genre de document que nous
recevons régulièrement qui est très utile et que
d'ailleurs nous transposons dans nos bulletins.
Ce que nous disent par ailleurs les entreprises, c'est que les listes
d'envoi à la commission ne semblent pas à jour. J'ai eu
l'occasion de travailler avec de très grandes entreprises qui ne
reçoivent pas les bulletins de la commission. C'est une remarque qu'on
peut lui faire. C'est facile à bâtir ce genre de dossier. Donc, de
très grandes entreprises ne reçoivent pas d'information de la
commission.
Vous nous demandez ensuite quelle genre d'Information additionnelle on
voudrait recevoir. Nous vous disons que ce que l'on reçoit est bien, on
n'en veut pas plus, parce que plus on en a moins on en lit, alors il faut
vraiment faire la synthèse. Or, la commission a fait une bonne
synthèse de l'information.
Les entreprises nous disent: II devrait y avoir une diffusion plus
grande des décisions de la commission, parce qu'il y a une jurisprudence
importante de sa part et elle ne la distribue peut-être pas assez. Vous
nous demandez si la Commission des droits de la personne a un rôle
d'éducation aux droits de la personne et vis-à-vis de la
population. C'est évident que oui. Nous ne nous sommes pas
attardés longtemps à cela. (11 h 15)
Si oui, de quelle façon concevez-vous son rôle? Et
là, on entre vraiment dans le coeur du débat. On dit que la
Commission des droits de la personne, pour nous, a un rôle
préventif à assumer en matière de protection des droits et
des libertés. Il est donc tout à fait justifié qu'elle
veuille être en contact avec la population et lui fournir l'Information
dont elle a besoin, d'ailleurs, l'information de tout le monde. Ici, je ne
parle pas des organismes comme le nôtre et des entreprises, mais de la
population en général. Cela se solderait peut-être par une
diminution du nombre de plaintes. En outre, au chapitre de l'information, une
petite suggestion qu'on fait à la commission parce que nous sommes en
contact constant avec la Commission des normes du travail, par exemple, l'Aide
juridique, et on trouve que ces organismes réussissent mieux que la
Commission des droits de la personne à faire connaître
concrètement au public leur rôle dans la société
québécoise. Je pense notamment à la Commission des normes
du travail qui a un programme de relations publiques excellent, quant à
nous.
Par ailleurs, soulignons que la commission a joué un rôle
important en information, tant auprès des employeurs que des
travailleurs, lorsqu'elle a publié son formulaire d'emploi, guide
d'entrevues. C'est un document qui a été très bien
reçu de la communauté patronale. Nous l'avons diffusé
largement. On l'a même publié dans notre bulletin. Alors, quand la
commission peut interpréter comme cela, de façon très
pratique pour les entreprises, les politiques et les grandes orientations de la
charte, c'est très utile. Dans ce sens, elle joue un rôle
d'information face à nous; et nous, on joue un rôle de diffuseur
de l'information.
Est-ce que la commission doit être présente dans toutes les
régions? Oui, selon le mode de régionalisation actuel. Il ne
s'agit pas de les multiplier. Quand on parle de régionalisation, il y en
a qui font de chaque ville une région Or, il ne s'agit pas de cela. Pour
nous, c'est le concept actuel de régionalisation. Pour quelles raisons,
nous demandez-vous? C'est simplement une question d'équité.
Là, on est avec des gens qui sont souvent des plus démunis pour
des questions de liberté fondamentale. Alors, on ne demandera pas
à quelqu'un d'être en situation difficile pour pouvoir porter sa
plainte et la régionalisation joue un rôle important dans ce
domaine.
Est-ce que les dossiers qui sont transigés avec la commission se
règlent à l'étape de la médiation, se
règlent à l'étape de la conciliation, devant les
tribunaux, etc? Il y a de tous les cas. Alors, on pourrait en reprendre et en
faire des illustrations. Je pense que c'est une question qui est vraiment trop
générale, Ce qui nous importe le plus, c'est est-ce que les
règlements sont satisfaisants, insatisfaisants ou pas? Nous n'avons
jamais traité de problèmes concrets donc, nous n'avons pas
d'évaluation à faire. Mais voici ce que nous disent les
entreprises. Évidemment, il y en a qui ont perdu, elles ne sont pas
contentes. Cela dépend toujours du jugement que tu as. Alors, certains
règlements ont été satisfaisants, d'autres pas. Il est
donc difficile de répondre à la question. Mais, il semble que, de
leçon générale - c'est ce qu'on a vu - les
règlements sont considérés par les employeurs comme
Insatisfaisants. J'y reviendrai tout à l'heure.
La commission se donnerait souvent un rôle, non seulement
d'interprète des dispositions de la Charte des droits et libertés
de la personne, mais aussi un rôle de missionnaire dont la portée
sociale peut évidemment être très large. Ainsi, la
commission des droits, même dans des dossiers où il est clair que
la demande est frivole et que les dispositions de la loi ont été
respectées, tenterait trop souvent d'obtenir néanmoins des
règlements basés sur de vagues notions d'équité, ce
qui entraine, bien sûr, tes délais interminables dont on
parle.
Question majeure, M. le Président. Est-ce qu'on considère
que la commission des droits est un organisme très impartial, assez
impartial, peu impartial ou pas impartial? Cela ressemble à un sondage
CROP. En tout cas, nous ne croyons pas que la commission soit un organisme
impartial. Mais cela ne nous offense en aucune façon, parce que la
mission de la commission n'est pas d'être impartiale. Elle a un mandat
précis qui l'amène à avoir un préjugé
favorable aux person-
nés qui se sentent brimées dans leurs droits et
libertés. Elle doit donc prendre fait et cause pour ces personnes et les
aider. Elle peut donc difficilement être impartiale et, je le
répète, c'est correct qu'il en soit ainsi. Nous constatons
d'ailleurs que la composition du conseil d'administration témoigne de
cette mission, mais je vous passe quand même le commentaire suivant
pourquoi n'y retrouverait-on pas davantage de personnes en provenance de
l'entreprise? Je vous ai dit tout à i'heure que 75 % des plaintes sont
des plaintes relatives au travail. Bien sûr, si je me rappelle bien - on
me corrigera - je pense qu'il y a douze personnes actuellement à la
commission et il y a le président et la vice-présidente. II y a
une personne qui vient de l'entreprise et cette personne - je ne veux pas la
blesser - ce n'est pas une personne qui est en contact nécessairement
avec les organismes patronaux pour donner un peu le feed-back que peut donner
Monique Simard ou Claude Morrisseau, par exemple. II y a peut-être une
révision à faire de ce conseil d'administration.
Considérez-vous que la commission est un organisme très
bien structuré, assez bien structuré, mal structuré? C'est
bien structuré, mais il y aurait avantage à ce que
l'enquêteur ait davantage de pouvoir.
J'ai vu dans les journaux, ce matin, un groupe qui faisait une
recommandation, hier. On distingue le rôle de médiateur et celui
d'enquêteur. Là aussi, ce serait une chose à laquelle on
n'a pas pensé, quand on a dit ça, mais avec laquelle on serait
d'accord. Distinguer toujours les deux rôles dans tous les organismes
.Vous ne pouvez pas être en même temps quelqu'un qui essaie de
faire la médiation et être en même temps la police. Et de
plus en plus on s'oriente vers cela dans nos lois au Québec, on ne
devrait pas faire cela.
Quels sont les points forts et les points faibles?? Pour faire un peu
une synthèse de tout cela, les points forts de la commission. II y a une
bonne information. Certains services sont très bons. C'est le programme
d'aide, par exemple, dans le dossier d accès à
l'égalité. II y a un bon accueil. II y a disponibilité du
service de recherche Les points faibles les délais Je pense qu'il y a
une certaine unanimité dans tous les milieux, les délais. La
formation des enquêteurs, la recherche du règlement à tout
prix, d'où son rôle de missionnaire dont on parlait tout à
I'heure. Le peu de pouvoir de l'enquêteur. La prise de toutes les
décisions, directement, par la commission. C'est un des seuls organismes
qui a cette structure où, finalement, c'est la commission qui prend les
décisions.
Est-ce que c'est un organisme qui a beaucoup de pouvoir, peu de pouvoir,
aucun pouvoir?? C'est sans objet pour le CPQ Mais nos membres nous parlent de
son préjugé favorable au plaignant, dont on parlait tout à
l'heure, mais c'est conforme à sa mission. II est heureux que la
commission n'ait pas trop de pouvoir. Plusieurs entreprises constatent en effet
qu'il arrive régulièrement - cela, on pourra en débattre -
que dans des dossiers, la commission s est prononcée en faveur du
plaignant, des tribunaux modifient les décisions.
Considérez-vous que la commission est un organisme
compétent? Bon, le CPQ dit - et j'ai une gêne à le
répéter devant vous - que la commission a longtemps
projeté auprès de notre organisme l'image d'un organisme
paragouverne-mental de gauche, favorable aux syndicats défavorable aux
entreprises. Voilà l'image qui a existé longtemps dans le milieu
que je représente. Cette image a changé depuis quelques
années. On lui reconnaît, aujourd'hui, une compétence
certaine et elle a perdu son étiquette de gauche.
Comme nous l'avons déjà mentionné, nous faisons
souvent appel à la commission pour obtenir des informations pour nos
membres. Nous y recevons un excellent accueil. Le personnel est
compétent. Et si vous voulez en parler davantage, Mme Amisse qui pilote
ce dossier-là chez-nous pourra vous dire les cas concrets auxquels on se
reporte.
Dans l'ensemble, avez-vous été très satisfaits,
assez satisfaits, insatisfaits de vos démarches relations? Alors, pour
le CPQ, nous avons été - dans le mémoire, on le dit seule
ment - insatisfaits. Ici, je pense qu'on devrait dire. Nous avons
été très insatisfaits, lorsque nous avons consulté
la commission au sujet des dispositions antibriseurs de grèves, par
exemple. Parce que nous faisons souvent vérifier par la commission, des
lois avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord. Parce que c'est un de ses
mandats d'ailleurs de conseiller le législateur sur les lois au
Québec.
Alors cela a été a peu près notre première
vraie expérience, au début des années quatre vingt avec la
commission quand on a fait vérifier si les dispositions antibriseurs de
grèves - vous allez vous rappeler cette période M. Filion -
étaient ou non conformes à la Charte des droits et
libertés. Nous avons eu l'impression que la commission avait tout mis en
oeuvre pour ne pas nous donner raison. Question de perception. Mais, à
ce moment-là on avait vraiment l'impression d'un organisme de gauche
dont |e parlais tout à l'heure. Mais c'est encore là, je le
répète, changé et nous sommes satisfaits de I' information
qui nous est donnée, de la participation à nos colloques. On a
organisé encore récemment un colloque sur le harcèlement.
II y avait une dimension plus particulière du harcèlement sexuel.
La commission a été très disponible, elle nous a offert la
documentation de base, elle s'est mise au service des participants après
pour répondre à leurs préoccupations plus
particulières, dans des cas d'entreprises. Et, cela a été
excellent
Quant aux entreprises c'est un peu moins positif. Parce qu on nous dit
que de façon générale à cause des délais, de
la recherche des règlements a tout prix des coûts
engendrés
par le processus du règlement des conflits, on peut donner
certaines réserves face au travail de la commission.
Que faire pour améliorer les relations avec les organismes comme
le nôtre? Bon. Organiser des rencontres d'information. Les autres
organismes te font régulièrement avec nous, viennent nous
rencontrer, discutent de leurs rapports annuels, suscitent les commentaires,
nous parlent des délais, nous demandent pourquoi il y a ces
délais. Parce que, souvent, c'est attribuable aux parties; les
conseillers juridiques - vous le savez bien - des deux parties, souvent, sont
cause des délais. Mais, c'est possible de discuter cela. Par exemple, on
rencontre la semaine prochaine la Commission d'appel en matière de
lésions professionnelles qui est sur pied seulement depuis deux ans et
qui déjà connaît des problèmes énormes de
délais. On va débattre de cela. Donc, ce sont des suggestions
qu'on peut faire pour essayer d'améliorer les relations avec des groupes
comme le nôtre.
Quant aux entreprises, le message est clair. Il s'agit de
décourager les plaintes frivoles et de ne pas se faire le
défenseur de toutes les causes, quelles qu'elles soient.
En résumé, M. le Président, le CPQ et les
entreprises consultées souscrivent pleinement aux objectifs de ta Charte
des droits et libertés de la personne en regard de la non-discrimination
au travail et, évidemment, aussi quant au logement, etc., mais on s'est
attardé surtout au travail. Ils acceptent également
d'emblée que la commission joue son rôle d'"ombudsman" à
l'égard des personnes qui se croient lésées dans leurs
droits et libertés en ce domaine.
L'action de la commission doit toutefois être empreinte de
beaucoup de rigueur. Souhaitons également que l'on réduise le
plus possible les délais de traitement des plaintes. Nous rejetons
finalement l'Idée qu'il faille conclure des règlements à
tout prix. Cela dit, nous n'hésitons pas à dire que la commission
obtient très facilement la note de passage et que, si en certains
domaines elle a peut-être besoin de recyclage, II ne saurait en aucune
façon être question de lui imposer une retenue.
Le Président (M. Filion): M. Dufour, je vous remercie
d'avoir consacré votre énergie ainsi que celle de vos
collaborateurs pour faire en sorte d'enrichir cette réflexion des
parlementaires autour du mandat de surveillance que nous nous sommes
donné sur la Commission des droits de la personne. Par exemple, l'an
dernier, cette commission avait étudié les activités de
l'Office de la protection du consommateur d'une façon tout autre. Dans
ce cas-ci, nous avons cru bon d'ouvrir nos portes à ces consultations et
nous sommes très heureux de votre participation ainsi que de la
qualité, de la précision, de la concision et de la densité
de votre message. Pour le moment, Je vais céder la parole aux membres de
cette commission. M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Filion): Juste avant, effectivement, de
consentement également?
Une voix: Pas de problème.
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Parent (Bertrand): Je vais essayer d'être bref. Je pense
que la présentation du Conseil du patronat est très claire. Comme
vous l'avez dit, vous avez été mis dans un carcan et vous avez
répondu. Vous trouvez que l'information est parmi les points forts. En
réponse à la question 19, vous dites que l'information, la bonne
information, est un point fort de la commission.
M. Dufour, ma préoccupation est la suivante. Est-ce que,
justement, il n'y aurait pas lieu d'adopter une information quelque peu
différente par rapport à la clientèle visée?
Lorsqu'on parle des entreprises, it y a les grandes entreprises, celles qui
sont aux prises avec des problèmes, mais qui ont des personnes
disponibles, capables de traiter de ces cas et qui savent où s'adresser
On sait qu'au Québec, la majorité des entreprises est
formée de PME qui se sentent désarmées devant tout cela.
De la part de votre organisme, le Conseil du patronat, qui se veut
représentatif du milieu des PME, puisque vous regroupez plusieurs
associations parmi vos membres, j'imagine qu'il y aurait certainement lieu
d'aider les dirigeants de petites et moyennes entreprises - je pense
plutôt aux petites entreprises - qui sont aussi aux prises, toute
proportion gardée, avec des problèmes. Pour aller devant la
commission, ils ne savent pas du tout comment s'y prendre. Ma première
question est la suivante. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu que vous puissiez
travailler de concert avec ces gens, s'il le veulent bien, et seriez-vous
prêt à le faire auprès de la commission pour être
capable d'amener une information beaucoup plus adaptée aux petites et
moyennes entreprises?
M. Dufour (Ghislain): En fait, ce n'est pas la façon de
transmettre l'information qui pourrait être changée, je pense. La
jurisprudence est la même, qu'elle s'adresse à la grande, à
ta petite ou à la moyenne entreprise. C'est peut-être la
façon, M Parent... L'interrogation que vous avez, c'est: comment cela
peut-il se rendre dans l'entreprise? Évidemment, comme il y a je ne sais
plus combien de PME au Québec, 135 000, si la commission mettait sur son
"mailing" toutes ces entreprises, on aurait des problèmes.
Peut-être que des groupes - je sais que vous connaissez bien le
Groupement québécois d'entreprise, le GQE ou des groupes de PME -
pourraient se faire les diffuseurs de l'information auprès des
entreprises, un peu comme nous le faisons. Évidemment, on rejoint
peut-être une clientèle
un peu différente. Je sais que dans nos deux derniers bulletins,
par exemple, on a transmis l'information de la commission sur la fameuse
question des examens médicaux. Qu'est-ce que vous pouvez faire en termes
de pré-emploi? Qu'est-ce que vous pouvez faire en cours d'emploi? Nos
gens nous disent. C'est parfait. Ils retournent à la commission et ils
demandent le document de base. (11 h 30)
Quant à l'autre volet de votre question. Comment les aider
à se débrouiller face à une plainte, parce que cela aussi,
c'est l'autre volet important, ils n'ont pas toujours les avocats que les
grandes boites peuvent avoir, comment le font-ils? Moi, ici, je suis moins
préoccupé dans une boîte comme celle-ci qu'à la
CSST, par exemple, qu'aux normes parce que comme le rôle de la commission
est d'essayer de faire en sorte que les parties s'entendent, il y a toujours le
stade de la médiation - c'est un des objectifs de la loi que d'amener
les parties à s'entendre - l'employeur sera automatiquement
impliqué. Je crois que, en ce qui concerne l'information, la commission
lui donnera ses droits. On voit souvent la commission dans ce genre de chose-la
comme on voit la CSST, mais ce n'est pas du tout la même chose. La CSST
n'a pas comme mission de faire en sorte que les parties s'entendent tandis
qu'ici, on a un peu cela comme mission, et ce qu'elle souhaite souvent à
la commission, c'est de ratifier l'entente. Donc, elle est obligée
d'impliquer les parties. Je ne sais pas si cela répond, mais...
M. Parent (Bertrand): Le seul commentaire que j'apporterais est
que vous avez à rejoindre de par le groupement que vous
représentez. Conseil du patronat, de sensibiliser. Vous faites un
travail, en tout cas - moi, l'en ai eu connaissance - d'information qui est
excellent, sauf que ceux qui rejoignent la masse des petites entreprises qui
sont aux prises avec la commissionet avec des problèmes de plaintes. On
sait que si demain matin, en tant que dirigeant d'une petite entreprise, je me
ramasse avec des problèmes semblables, je ne saurai trop comment m'y
prendre, je ne connais pas ou je n'ai pas eu le temps d'aller suivre les
séminaires parce que je n'ai pas les personnes pour
déléguer etc. II y a donc un problème de ce
côté-là, celui de rejoindre la clientèle. Je crois
qu'il y aurait lieu d'essayer de collaborer et sensibiliser même, on
parlait tantôt du Groupement québécois d'entreprise.
M. Dufour (Ghislain): Et il y a peut être une chose, si
vous me permettez. Je pige. Je reçois le message .On peut facilement
dire dans nos bulletins à l'intention des groupements de PME dont vous
parlez, que s'ls s adressent chez nous, on va les aider. Ils ne s'adresseront
pas à la Commission des droits de la personne et on peut vous dire
pourquoi dans un paquet de cas
On a eu un cas récemment, par exemple, qu'on pourrait raconter,
un cas de SIDA d'un travailleur qui travaillait sur une chaîne de montage
et tout ses autres collègues voulaient qu'il s'en aille. Et là,
on s'est posé tout le problème que peut faire un employeur face
à cela. II n'appellera pas à la Commission des droits de la
personne à ce moment-là, il va appeler chez nous parce qu'il
s'imagine qu'on va lui demander son numéro de téléphone,
son numéro d'assurance sociale, etc. Si éventuellement il
congédie la personne pour cela, il va y avoir une plainte. Alors, les
gens viennent chez nous pour cela, c'est canalisé et nous, on intervient
face à la commission. On pourrait peut-être - je reçois
bien l'intervention que vous faites - dire davantage non à nos
associations que dans ce genre de problème-là, elles peuvent
s'adresser chez nous, étant donné qu'elles ne vont pas a la
commission et souvent avec raison, elles n'iront pas à la commission, et
nous, on pourra gérer leur dossier à ce moment-là. Pour
nous, on n'est pas obligé d'identifier l'employeur à la
commission. C'est beaucoup plus facile.
M. Parent (Bertrand): C'est cela. Je pense que vous pouvez jouer
un rôle, vous et les autres organismes que vous représentez. Vous
pouvez jouer un rôle tampon qui pourrait sécuriser en tout cas, le
plaignant. Et aussi, on pense à I'employeur qui est démuni, dans
le cas toujours des petites entreprises.
Sans vouloir abuser du temps, une dernière question, M Dufour.
Qu'est-ce que vous pourriez suggérer pour améliorer les
délais, parce que c'est un problème majeur déploré
par les entre prises par vous et la plupart des intervenants? Quelle serait la
meilleure recommandation pour diminuer les délais?
M. Dufour (Ghislain): On pense que nous devrions revoir, s'il le
faut la loi pour donner plus de pouvoir à I'enquêteur. Comme
l'enquêteur n'a pas de pouvoir, que son rôle est un rôle
d'enquête, un rôle de médiation, tous les rôles se
confondent, souvent il n'a pas une préparation juridique pour faire
vraiment de I'enquête il est souvent lui même responsable des
délais avec les parties, je vous lai dit tout à l'heure souvent
il est l'objet lui-même des délais.
Nous, on pense que I'enquêteur devrait avoir plus de pouvoir et
être capable de décider. Tous les cas ne devraient pas aller
à la commission. Je vais vous donner un cas que l'on vit actuellement.
C'est Canadair qui nous le rapportait, et son représentant ne peut
malheureusement pas être avec nous ce matin. C'est un cas de
harcèlement sexuel ou le dossier se présente quelque part au mois
de mars, mais souvent, entre le moment ou le problème se pose et celui
ou la commission porte la plainte à l'attention de I'entreprise, il peut
s'écouler un an. Comment voulez-vous que dans un cas de
harcèlement sexuel il y ait réparation un an plus tard, alors
que le monde n'est plus là, que le contact n'existe plus? Nous
pensons que, dans la structure, l'enquêteur devrait rendre une
déci sion, bonne ou pas bonne. Si elle n'est pas bonne, l'entreprise va
la contester de toute façon. Ce que les entreprises ne veulent jamais
vivre, ce sont des situations d'incertitude. Vous savez, vous êtes un
entrepreneur, M. Parent. Vous vouiez savoir ce qu'est la loi et à quel
moment elle s'applique. Si vous n'êtes pas d'accord, vous allez la
contester. C'est cela qu'on n'a pas dans ce régime-ci. C'est pour cela,
parce qu'on ne l'a pas, que ce sont des tentatives de règlement tout le
temps. Vous savez, quand on essaie de régler à tout prix les
conflits, cela prend du temps parce qu'on fait des compromis, on fait de la
médiation, etc. Donc, pouvoir davantage à l'enquêteur, une
strate de décision pour l'enquêteur et une strate pour la
commission, bien distinguée. Ce n'est pas correct que tous les dossiers
soient vus comme des dossiers assez importants pour être placés
dans la commission.
Par exemple, qu'il y ait un refus dans la Beauce parce qu'une personne
ou une femme dirait: C'est un poste qui a été donné
automatiquement à un homme, pourquoi cela irait-il à la
commission? Et là, cela prend six mois ou un an avant que cela se
règle avec toute l'incertitude que cela crée autour de ces
cas.
Jean.
M. Roberge (Jean): Oui. Il y a aussi la distinction entre le
pouvoir d'enquêteur et le médiateur. Dans d'autres lois, c'est la
même chose, mais on va parler de ce dernier. Le médiateur ne
devrait pas être celui qui va être enquêteur
puisqu'après cela, il va amener des plaintes concrétisées
à un dossier qui va aller à la commission. Le médiateur,
comme M. Dufour le suggérait en parlant de l'enquêteur mais c'est
de la même chose dont on parle, pourrait avoir un pouvoir de
décision préalable appelable par l'une ou l'autre des parties.
Cela règlerait probablement une bonne proportion des plaintes parce que
souvent, c'est une question de communication ou de se mettre en contact. Si la
personne est suffisamment informée, suffisamment attentive, elle va
probablement trouver un modus vivendi qui se traduirait par une décision
préalable appelable. Ce n'est pas un appel à la Cour
suprême, mais un appel à la Commission des droits de la personne.
Cela pourrait diminuer de beaucoup les délais. Les conséquences
de ces délais qui sont là, ce sont des conséquences
coûteuses. Soit que la situation s'envenime ou que le contexte change
parce que les employés ou les employeurs changent, et tout cela. Il y a
toute sorte de changements qui arrivent. Quand une décision survient six
mois, un an ou un an et demi après l'événement, cela
devient que le droit qui a été invoqué et pour lequel il y
a eu une protestation est un droit théorique, parce qu'on ne peut pas
replacer les personnes dans la même circonstance. Tout le monde a perdu
beaucoup de temps, a été frustré. Alors, cela
raccourcirait les délais qui causent des problèmes, qui sont
coûteux et qui ne règlent pas le problème au moment
où il devrait l'être. L'impact d'une décision n'est pas le
même quand cela fait un an que l'événement est survenu.
M. Dufour (Ghisiain): Si vous me le permettez, si
l'enquêteur avait des pouvoirs, ce qui à sa face même est
frivole, cela finirait là. Parce que là, cela ne finit pas
là parce que tout le système est bâti de façon
à l'amener au sommet. Or, il n'a pas de pouvoir et il ne veut pas se
faire taper sur les doigts, etc. Même la plainte frivole n'est pas
rejetée.
M. Roberge: Par contre, on soulignait tout à l'heure qu'on
est pour le préjugé qui est valable en soi pour que la commission
décide en faveur des droits des personnes. On est en faveur à
cause justement du fait que les pouvoirs coercitifs sont plus faibles. Alors,
si on donne des pouvoirs coercitifs à un médiateur, à
l'enquêteur ou à la commission, il faudrait de l'autre
côté bien encadrer dans quelle circonstance, selon quel
critère il y a des décisions préalables qui pourraient
être prises de façon que l'autre effet pour lequel, à ce
moment-ci, on serait d'accord, soit la question d'avoir un
préjugé favorable aux droits des personnes, soit modulé en
conséquence pour conserver l'équilibre.
M. Parent (Bertrand): Je vous remercie. C'est très
clair.
M. le Président, je passe...
Le Président (M. Filion): M le député de
Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président À mon tour,
j'aimerais vous remercier M. Dufour, Me Roberge et Mme Amisse pour votre
participation à nos travaux
Évidemment, le questionnaire a été
confectionné à la suite d'une séance de travail que les
membres de la commission ont eu justement pour limiter quelque peu notre champ
d'intervention relativement à la Commission des droits de la
personne.
Vous nous avez dit tantôt dans le mémoire que la commission
aurait suffisamment de pouvoir étant donné un
préjugé favorable pour une catégorie de la population.
Tantôt, vous avez répondu au député de Bertrand que
ce que les hommes d'affaires ou les entrepreneurs n'aiment pas, c'est
l'incertitude de ce qui peut nous arriver dans un mois ou un an, qu'on ne sache
jamais où l'on s'en va. Plusieurs groupes avant vous sont venus nous
revendiquer, nous demander dans leurs recommandations, de demander à
l'Assemblée nationale de créer plutôt un tribunal
administratif, un tribunal indépendant avec un pouvoir exécutoire
et coercitif. Ne trouvez-vous
pas que la création dudit tribunal serait
préférable étant donné qu'il y aurait
possibilité que les délais raccourcissent et que, plutôt
que le statu quo actuel où la commission peut faire des recommandations
ou porter devant les tribunaux de droit commun certaines causes... Ne
trouvez-vous pas, au contraire, qu'il serait préférable d'avoir
un tribunal administratif et indépendant qui puisse juger rapidement
tout en n'éliminant pas, évidemment, la possibilité de
règlement comme cela se produit actuellement devant les tribunaux de
droit commun?
M. Dufour (Ghisfain): M. le député de Marquette,
c'est un peu ce que mon collègue Jean Roberge a dit en répondant
tout à l'heure à la deuxième partie de l'intervention de
M. Parent. Nous n'avons pas tellement d'objection à restructurer le
tout, parce qu'on demande davantage de pouvoir pour l'enquêteur, donc,
à ce moment-là, il faut le faire, et que la commission aussi soit
davantage quasi judiciaire, mais il faut faire attention. Vous avez une
orientation très ferme dans ce gouvernement à
déjudiciariser. Prenons le projet de loi 30, par exemple. Tout ce qui
avait une allure de judiciarisation, vous êtes en train de le
déjudiciariser. Alors, il faudrait faire tes compromis qui
s'imposent.
Mais, ce que Jean Roberge disait tout à l'heure, c'est de faire
attention. Nous sommes d'accord actuellement avec un préjugé
très favorable; nous acceptons que la commission ne soit point
impartiale, etc., dans le schéma actuel. Mais, là, si vous allez
avec des règles très précises d'enquête, de
médiation ou de décision de la commission, non, là, on va
aller nous aussi discuter du mandat. Est-ce qu'on se comprend bien
là-dessus?
M. Dauphin: Concernant la régionalisation de la Commission
des droits de la personne, on sait qu'actuellement, à part Québec
et Montréal, il y a quatre régions dans lesquelles certains
services existent On nous demande évidemment d'étendre davantage
la possibilité de services dans d'autres régions. Je sais que,
dans l'Outaouais et dans l'Estrie, sur la Côte-Nord et à un autre
endroit... Où est la quatrième région?
Le Président (M. Filion): En Abitibi.
M. Dauphin: En Abitibi. Ne trouvez-vous pas qu'on devrait
plutôt étendre un peu les bureaux de la commission, non pas dans
chaque ville, je suis bien d'accord avec vous, ni dans chaque paroisse, mais
dans les districts judiciaires par exemple? Comme le Comité de la
protection de la jeunesse qui a des bureaux un peu partout.
M. Dufour (Ghislain): Si mon Information est encore bonne, vous
avez actuellement Québec, Montréal, Rouyn, Sept-Îles, Hull
et Sherbrooke.
M. Dauphin: C'est cela.
M. Dufour (Ghislain): Bon. C'est bien sûr que la personne
de Trois-Rivières est entre Québec et Montréal. Il n'y a
rien. Les gens de l'Estrie aussi, les gens de Gaspé sont loin de
Québec, vous avez raison là-dessus, sauf que tout le débat
est actuellement posé dans presque toutes les organisations de
l'État. Est-ce qu'on décentralise ou si on centralise? Je Ee vis
actuellement dans une autre boîte, la CSST, où on a fait un peu
dans le sens dont vous parliez, où vous ne le dites pas, mais vous
pensez qu'on pourrait le faire. Au lieu d'en avoir six, peut-être en
avoir dix ou douze. Ce qu'on vit comme expérience, c'est que cela
devient souvent dix ou douze commissions. En tout cas. À la CSST, il y a
actuellement quatorze CSST et il a fallu mettre un directeur des
opérations là-dedans pour essayer de coordonner pour que les
politiques de Gaspé soient les mêmes que celles de Hull. C'est un
peu le risque de la décentralisation.
Une autre chose, ce sont les analyses
coûts-bénéfices. C'est peut-être mieux qu'un
gouvernement finance quelqu'un qui n'a pas les moyens de venir à
Québec et qui part de Mont-Joli, que créer un bureau à
Mont-Joli. Alors, c'est une question d'analyse
coûts-bénéfices. On n'a pas d'opposition de principe, si
vous voulez, mais cela nous apparaît actuellement correspondre, selon ce
qu'on nous dit, au chapitre des entreprises. Je ne le sais pas quant aux
personnes, mais au chapitre des entreprises, cela semble correspondre. J'ai ici
le secteur minier qui ne semble pas éprouver tellement de
problème. Pourtant, il est en périphérie. (11 h 45)
M. Roberge: Mais, si la commission veut se régionaliser,
il n'est pas nécessaire qu'elle ait un pied-à-terre partout. Il
s'agit qu'elle s'implique peut-être dans des débats lorsqu'il y a
des colloques, des symposiums ou des rencontres d'associations de PME, de
commissaires industriels, des réunions de l'Association des mines de
métaux c'est à Québec, on peut rencontrer la commission
facilement. Et tout ce monde repart en région avec des notions de
Commission des droits de la personne. Peut-être qu'il pourrait y avoir
des rencontres de syndicats qui pourraient avoir un volet: Les droits de la
personne, qu'est-ce que c'est, qu'est-ce qu'on peut faire avec cela? De temps
en temps, la commission s'impliquerait dans des débats, elle ferait
connaître son message. Elle pourrait avoir une ligne droite pour tout te
monde et les personnes sauraient à qui et comment s'adresser. Elles en
auraient entendu parler au moins une fois dans leur vie. Il y a certainement
des régions qui ne savent pas qu'une situation vécue pourrait
être soumise à la commission et qu'elles pourraient y avoir une
aide. Ce serait peut-être de régionaliser par l'information, ce
qui est facile à véhiculer par courrier ou autrement.
M. Dauphin: J'aurais une dernière question. M. le
Président, si vous le permettez. Plusieurs groupes nous ont fait
état du conflit d'intérêts que la commission pouvait avoir
notamment en ce qui concerne les programmes d'accès à
l'égalité et qu'elle sert, dans un premier temps, de consultante
auprès des entreprises et, dans un deuxième temps, elle a la
possibilité, comme vous le savez, d'intervenir dans le cas de
discrimination systémique. J'aimerais avoir votre commentaire sur
cela.
M. Dufour (Ghislain): C'est un point de vue que l'on partage
pleinement. Vous avez remarqué qu'au fédéral, je ne sais
pas qui applique la charte au fédéral, mais les services pour
l'implantation des programmes d'accès à l'égalité
ont été donnés au ministère de l'Emploi et de
l'Immigration. Cela aurait pu se donner ici au ministère de Pierre
Paradis, à la Main-d'Oeuvre et la Sécurité du revenu. Le
législateur les a donnés à la Commission des droits de la
personne. Nous aussi, on pense qu'il aurait dû lui donner l'application
et les poursuites éventuelles. Il y a quand même des pouvoirs
assez importants maintenant de la commission à ce sujet. Non, vous avez
raison. Il y a des groupes qui expriment cela. On est encore peut-être
trop tôt pour dire que cela va créer des problèmes. Je
pense qu'il n'y en a pas eu. Ce sont des craintes appréhendées.
Il y a un message dans ce que vous dites c'est que de plus en plus, et on ne
sait pas pourquoi, on tend à confondre les rôles de
médiation, de conciliation et de police, alors que cela ne devrait pas
se faire parce qu'on se trouve rapidement en situation de conflit
d'intérêts. Jean.
M. Roberge: Justement, ]e pourrais vous donner l'exemple concret,
quand on demande des informations à l'accès à des femmes
dans les entreprises minières. On se demande: Est-ce qu'on va donner le
nom des entreprises qui y pensent ou qui se demandent si c'est possible de le
faire, parce que les conseils ou la médiation ou les suggestions qui
vont nous être donnés vont peut-être se transformer par
après en plainte? On ne devrait pas craindre cela, ou la commission
devrait le dire clairement ou l'article de la charte qui en fait état
devrait le dire. Dans la charte, il y a un article qui dit que le
témoignage d'une personne devant les tribunaux ne peut pas servir
à l'incriminer. On en est conscient, mais on est conscient aussi que
dans ta pratique, une personne qui va conseiller ou faire de la
médiation, si elle constate qu'il y a une infraction, quelle va
être son attitude après cela? Est-ce qu'elle va, par conscience
professionnelle, porter plainte formellement ou est-ce qu'elle va se rappeler
que la charte interdit qu'un témoignage devant les tribunaux serve
d'Incrimination? Elle va être dans une situation malheureuse et
difficile. Elle va être en mesure de constater qu'il y a des droits d'une
personne qui mériteraient d'être soulevés ou appuyés
ou soutenus et elle ne pourra pas ou elle va le faire. Si etle le fait, elle
contrevient à la charte. Si elle ne le fait pas, elle enlève des
droits à la personne. Il faudrait que le rôle soit vraiment
très distinct entre les deux. Évidemment, on ne peut pas
commencer à penser à créer une autre commission qui serait
médiatrice et une autre commission qui serait... Ce serait
peut-être un peu trop coûteux. Il faudrait vraiment
améliorer ces deux fonctions qui sont importantes.
M. Dauphin: En ce qui me concerne, j'aimerais encore une fois
vous remercier d'avoir participé à nos travaux puisque vous
représentez tout de même une composante importante de notre
société.
Le Président (M. Filion): Je m'étais
réservé quelques commentaires. En ce qui concerne les
délais, cela me frappe. Je me souviens de certains débats en
relations du travail, finalement, je pense autant du point de vue patronal que
syndical, qui se résument ainsi: ils veulent avoir des décisions,
ils veulent savoir ce qui se passe. Il n'y a rien de pire - vous l'avez
soulevé - que l'incertitude. Autant pour l'homme d'affaires qui a
à gérer une entreprise et à diriger parfois des centaines
et des milliers d'employés que du côté syndical, on veut
savoir à quoi s'en tenir, qu'une décision soit rendue. Si on
n'est pas heureux, comme vous le dites, on la conteste et on utilise les
mécanismes qui existent. Vous savez, on utilise à plusieurs
sauces le fameux adage "justice delayed, justice denied" cela a
été traduit dans toutes les langues, j'ai l'impression. Mais cet
adage s'applique bien dans les circonstances. II n'y a rien de pire que les
défais dans l'ensemble des activités. À la Commission des
droits de la personne, les témoignages que vous rendez s'ajoutent fort
bien à tous ceux que nous avons entendus Les intervenants veulent qu'il
y ait une réduction importante des délais.
En ce qui concerne la confusion des rôles, j'ajouterai ceci. Vous
avez raison de soulever la confusion entre l'enquête et la
médiation. Mais la confusion est plus grande que celle-là, parce
que la commission a également un rôle de promotion, donc, un
rôle de vendeur, si l'on veut, de la Charte des droits et libertés
Elle enquête, elle "médit", non pas dans le sens de
médisance, mais dans le sens de médiation. Je ne pense pas que le
mot existe, mais inventons-le pour les fins de mon propos.
Elle "médit" parfois les renseignements qu'elle a recueillis
comme médiateur Ils sont confidentiels ou presque et... devenu
enquêteur, on sert la même information, etc. En plus de cela, elle
adjuge sur la recevabilité des plaintes et elle adjuge également
pour décider s'il y a eu ou non violation de la charte
On voit que le problème est complexe et plusieurs intervenants
vous l'ont soulevé. Vous
nous faites part de votre expérience qui s'ajoute à cette
problématique. Je voudrais échanger des opinions avec vous sur
les programmes d'accès à l'égalité. On sait que
l'obligation contractuelle est dans l'air. L'Opposition revient à la
charge à l'occasion pour rappeler au gouvernement ses engagements dans
le secteur d'obligation contractuelle, mais les programmes d'accès
à l'égalité, on le sait - les articles sont en vigueur
depuis six mois, neuf mois ou un an - c'est toute une... pas une
révolution mais c'est quand même un gros morceau pour les
entreprises que ces programmes d'accès à
l'égalité.
Mon collègue de Marquette a déjà soulevé le
fait que la commission envoie des consultants et c'est la charte qui l'y
oblige, l'obligation contenue en la charte, en même temps qu'elle doit,
dans certains cas, enquêter sur des cas de discrimination
systémique.
J'aimerais que vous nous fassiez part de vos expériences. Je ne
sais pas si vous avez... Vous avez dû être impliqués, votre
groupe ou vos collaborateurs. Lorsqu'un chef d'entreprise ou des dirigeants
d'entreprise réalisent qu'il existe un système de discrimination
et décident de passer à travers toute cette opération de
programmes d'accès à l'égalité qui est tellement
vaste... On n'a qu'à voir ce qui se passe au États-Unis, c'est
incroyable.
Alors, on en est aux balbutiements, ici, au Québec. J'aimerais
que vous nous fassiez part de votre expérience là-dessus eu
égard à la collaboration, à la participation ou à
l'aide de la Commission des droits de la personne dans cette espèce de
prise de conscience qui modifie plusieurs données à
l'intérieur des entreprises.
M. Dufour (Ghislain): Vous êtes conscient, M. Filion, que
vous soulevez un gros dossier, parce que tout le dossier des programmes
d'accès à l'égalité, par définition, serait
aussi gros que celui que vous regardez ce matin.
Je ne sais vraiment pas par que! bout le prendre. Nous, nous avons
toujours été de ceux qui se sont opposés à ce que
les progammes d'accès à l'égalité prévoient
les objectifs numériques, prévoient des quotas. Ce n'est pas ce
que fait la loi, ce n'est pas ce que fait la charte. Alors, cela nous a
enlevé 60 % de nos préoccupations, si vous voulez.
Deuxièmement, la commission n'Intervient actuellement que sur
plainte. C'est tout nouveau, comme vous le disiez. Cela fait à peu
près huit ou neuf mois que la commission est responsable de ce dossier.
Sur plainte aussi, elle-même voyait qu'il y a des situations qui n'ont
pas d'allure.
Je pense que ce qui se passe beaucoup plus actuellement là
où la commission intervient, c'est de façon volontaire pour aider
des entreprises à se placer en bonne situation et il y a des entreprises
- j'en connais - qui ont demandé des services de la commission. Il y a
ensuite les quatorze entreprises qui font l'objet d'expérien- ces
pilotes actuellement.
C'est de ces expériences pilotes qu'on dégagera un certain
nombre d'éléments qui feront que le tableau d'application de
l'accès à l'égalité sera à peu près
celui-là. Pour avoir discuté avec des gens qui font affaire avec
la commission, la commission attend un peu aussi d'avoir ce genre de
paramètre. On vit en même temps l'obligation contractuelle du
côté fédéral où il y a aussi des programmes
d'aide pour les entreprises qui veulent se donner des programmes d'accès
à l'égalité. Elles ont moins le choix à Ottawa
parce que maintenant c'est en application l'obligation contractuelle.
Donc, certaines grandes entreprises sont déjà
embarquées dans le cheminement. Elles doivent en faire. Je ne connais
pas l'entreprise qui a eu de façon très précise une
plainte de la Commission des droits de la personne. Cela existe
peut-être, mais je n'en connais pas qui a fait - par exemple, Iron Ore ou
autre - un programme qui ne soit pas correct. Je n'en connais pas. Je ne sais
pas s'il y en a. Il faudrait peut-être le vérifier. Mais je sais
qu'il y a une approche actuellement très ouverte. Autant les
entreprises, il y a trois ou quatre ans, étaient rébarbatives
à cela, autant aujourd'hui quand il a été très
clairement établi, puis en accord avec la majorité des groupes de
femmes qu'il n'y avait pas de quota, qu'il n'y avait pas d'objectif
numérique, cela a été reçu de façon beaucoup
plus positive.
Là, le gros problème des entreprises actuellement, c'est
quand le législateur va rendre applicable l'obligation contractuelle au
Québec. Cela crée actuellement certaines craintes. C'est
là-dessus que j'aimerais peut-être vous dire des choses
concrètes, parce que cela se vit. J'ai rencontré Mme Monique
Gagnon-Tremblay là-dessus. D'abord, il y a des choses qui sont
différentes dans ce qui nous est suggéré au provincial par
rapport à ce qui existe au gouvernement fédéral. Ici on
parle de contrats de 100 000 S alors qu'à Ottawa c'est 200 000 $. La
raison est probablement tout à fait acceptable. Si vous allez à
200 000 $. vous n'aurez plus beaucoup d'entreprises pour réduire le
bassin d'entreprises, alors qu'avec 100 000 $, on parie d'à peu
près 300 entreprises. Elles seront obligées de faire un programme
pour ce qui s'appelle le "AC", c'est nouveau au Québec, tout ce que l'on
appelle subventions. Alors, le mot subvention au Québec n'est pas
défini pour l'instant. C'est quoi une subvention? Un gisement minier?
Une subvention? Les gens de forêt ont le droit d'aller en forêt,
puis des concessions forestières, est-ce une subvention? Alors tout cela
actuellement est imprécis. On nous a dit qu'on appliquerait les formules
fédérales pour être bien certain que l'on ne
dédoublerait pas la paperasse. Donc, on prendrait ce qui existe au
gouvernement fédéral. Des fois, il faut s'inspirer du
gouvernement fédéral, mais pas tout le temps et pas
nécessairement dans ce cas-ci, parce que c'est très
compliqué leur processus pour établir vraiment les
profils, à savoir si oui ou non tu discrimines.
M. le Président, le dossier est tout chaud encore. Ce que je peux
saluer avec plaisir, c'est que les quatorze entreprises du secteur public - il
y en a quatre du public et dix du privé - aient décidé
d'embarquer carrément dans cela. Vous savez qu'il y a colloque de deux
jours, le 8 et le 9 décembre, à Montréal justement sur les
programmes d'accès à l'égalité. Alors, cela va
probablement nous permettre de fouiller davantage ce dossier.
Le Président (M. Filion): En terminant, je vais juste dire
que vous avez raison de soulever que les entreprises ont peut-être
modifié un peu leur attitude. Dans la revue Fortune, il y a une couple
de mois, je lisais un article "Managing by numbers" qui témoignait de
l'intérêt grandissant des chefs d'entreprise pour les programmes
d'accès à l'égalité. Même que cela facilitait
dans certains cas leur gestion de personnel, leur embauche, etc.
Évidemment, aux États-Unis, il y a une longue tradition. Cela
remonte à plus d'une dizaine d'années, les programmes
d'accès à l'égalité. C'était sous le
gouvernement de celui qui venait du Texas ou peu importe, de Lyndon Johnson,
cela remonte à très loin. Ici, évidemment, on commence
à développer cette sensibilité, puis il m'apparaît
également que la partie patronale est beaucoup plus ouverte maintenant
qu'on pourrait le croire.
Une suggestion faite par un des intervenants, hier, était
intéressante. Quant aux programmes d'accès à
l'égalité - je voudrais savoir comment vous réagissez -
supposons qu'il y a un problème de discrimination systémique, par
exemple c'est la ville de Montréal qui l'a soulevé, cela peut
s'appliquer à n'importe quelle grande entreprise. Des gens ont
décidé d'introduire un programme d'accès à
l'égalité parce qu'ils ont constaté dans certains secteurs
de leurs entreprises une certaine forme de déséquilibre pour ce
qui est de la représentation du personnel. La suggestion d'un
intervenant, c'est ceci. Au lieu d'attendre d'avoir tout le portrait global du
programme d'accès à l'égalité dans tous les
secteurs de l'entreprise, ne serait-il pas possible de modifier l'orientation
prévue? Je pense un peu à la charte et également à
la commission pour faire en sorte de pouvoir appliquer un redressement
sectoriel, c'est-à-dire dans un secteur de l'entreprise, lorsqu'on peut
agir Immédiatement, plutôt que d'attendre, de réinventer la
perfection partout dans l'entreprise en même temps de prendre un secteur,
de s'y attacher et de faire immédiatement les redressements et les
corrections qui s'imposent, au lieu de devoir attendre la totalité du
plan de redressement. Je l'appelle comme cela. J'ai trouvé cette
suggestion intéressante. Je ne sais pas si vous êtes en mesure de
réagir à cette observation.
M. Dufour (Ghislain): Cela fait plaisir de voir que la ville de
Montréal - si c'est la ville de Monréal - a repris certains
éléments de notre mémoire d'il y a deux ans où on
proposait cela, justement.
Le Président (M. Filion): Ah, bon!
M. Dufour (Ghislain): Mais oui, parce que plus on s'en va vers
l'obligation contractuelle, plus on est obligé de faire cela. Parce que
ce n'est pas toujours la compagnie qui s'appelle Alcan qui fait affaire avec le
gouvernement. Cela va être une succursale qui fait tel produit. Alors, si
elle ne fait pas son redressement là, avant qu'on attende que tout
l'Alcan, par exemple, l'ait fait, il n'y aura pas de contrat. Alors, il faut
vraiment, en termes tout à fait pratiques et d'affaires, le faire
départementalement parlant ou par établissement. D'autant plus
que c'est volontaire et à cela, je dis bravo, législateur
québécois, d'avoir embarqué le monde, sans lui imposer des
choses. Cette approche a été tout à fait correcte et je
fais le lien avec ce que vous disiez, tout à l'heure, sur la
réaction positive des patrons. C'est parce que, rappelez-vous qu'il y a
cinq ans, ce n'était pas d'accès à l'égalité
dont on parlait. On parlait de "positive action", "affirmative action" qui
avait toujours des concepts coercitifs et des concepts... je reviens à
quota. Ce n'est pas du tout ce qu'on a actuellement.
D'autant plus que vous avez élargi, comme législateur,
tout le concept traditionnel d'accès à l'égalité
pour l'étendre maintenant, non pas purement à la discrimination
systémique, mais pour l'étendre aussi à la formation
professionnelle des filles et des femmes, pour l'étendre au
problème des garderies à tout le problème d'accès,
qui n'est pas purement une question d'organigramme d'entreprises, mais il faut
d'abord que les gens entrent dans l'entreprise. Bon, c'est la formation
professionnelle et, s'il y a des enfants, il faut des garderies, etc.
Nous, on est tout à fait heureux de l'approche
québécoise, en ce domaine. Et, si l'on ajoute un message
additionnel de marketing à cela, c'est d'éviter, compte tenu
qu'on est sur la bonne piste, de s'en aller - comme l'Ontario vient de faire
ainsi que le Manitoba - en mêlant tous les concepts et en allant avec
l'équité en emploi. À ce moment-là, on aurait de
vrais problèmes.
Je voudrais juste vous dire...
Le Président (M. Filion): ...
M. Dufour {Ghislain): Merci, M. le Président. .. que cette
critique que l'on a faite - on l'a faite de façon très ferme,
pour les enquêteurs, etc. - n'a rien à voir avec la commission. Ce
n'est pas une plainte contre la commission C'est la structure. Ces gens
gèrent avec les outils qu'ils ont. Je ne veux pas qu'on y voit, de
quelque façon que ce soit, une critique de la
commission
Le Président (M. Filion): Juste un mot, sur les bureaux
régionaux. J'ai suivi votre échange avec le député
de Marquette. Vous savez, dans les bureaux régionaux d'abord, ce sont
des ressources très légères. Ce sont des gens qui occupent
des bureaux qui appartiennent au Comité de la protection de la jeunesse.
Ce sont des ressources très, très légères.
L'expérience a démontré que là où des
bureaux régionaux ont été ouverts, le nombre de demandes
d'information provenant de tous les secteurs syndicaux, patronaux, des
minorités, etc, augmentent considérablement. L'idée
étant d'avoir pignon sur rue. Et, à ce moment-là, cela
permet une connaissance pour les intervenants, pour l'ensemble de la population
qui, autrement, n'existerait pas.
Comme vous l'avez souligné, si vous êtes du
Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de La
Mauricie ou des Laurentides-Lanaudière, la ligne WATS, c'est beau, mais
disons qu'il n'y a rien de mieux que d'avoir une vitrine. Cela permet à
l'employeur qui a l'idée d'un programme d'accès à
l'égalité au Lac-Saint-Jean, d'aller voir et d'obtenir
l'information, c'est-à-dire, la courroie de transmission pour aller au
réservoir d'information, qui continuerait à être
centralisé. Parce que vous savez, si, l'on prend une comparaison,
l'Office de la protection du consommateur a des bureaux partout. Combien
d'organismes gouvernementaux ont des bureaux partout? Vous avez nommé la
CSST, avec raison.
M. Dufour (Ghislain): Avec les problèmes que cela
crée.
Le Président (M. Filion): Avec les problèmes que
cela crée. Mais si j'achète une marchandise au magasin et au lieu
de payer 1 25$ tel qu'annoncé, je paie 1,40$, si je suis citoyen
québécois un peu partout, je vais pouvoir me plaindre dans ma
région. Alors que si j'ai un problème de droits de l'homme, de
liberté, qui sont quand même fondamentaux, à ce
moment-là je n'aurai - si je demeure dans l'une de nombreuses
régions qui ne sont pas desservies - aucun accès. L'idée
étant, évidemment, à la base de ressources très
modestes tel que cela existe présentement dans les quatre bureaux
régionaux, mais d'avoir une porte d'entrée à un service
absolument fondamental. On sait que la charte des droits, c'est une loi
prépondérante donc une loi qui a préséance sur
toutes les autres. Cette préséance est quand même
difficilement conciliable avec le fait que si vous êtes de la
région du Bas Saint-Laurent, des Laurentides Lanaudière ou de La
Mauricie, vous n'avez pas de service.
M. Dufour (Ghislain): On vous laisse, M le Président, avec
ce dossier. Pour nous, ce n'est pas une question de principe.
Le Président (M. Filion): Oui, d'accord
M Dufour {Ghislain): c'est une question d'organisation. Cela peut
être dans un bureau de Communication-Québec, pour nous, ce n'est
pas un dossier majeur comme peut le voir le législateur ou la
commission.
Le Président (M. Filion): C'était simplement dans
le sens de l'échange que vous aviez commencé. Merci de vous
être déplaces, d'avoir pris le temps, l'énergie, je sais ce
que cela peut être quand on connaît le souci de bien faire les
choses qu'anime depuis très longtemps le Conseil du patronat . Merci,
encore une fois.
M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président .Merci,
mesdames et messieurs.
Le Président (M. Filion): On va suspendre une minute et
demie pour permettre à nos prochains invités de prendre
place.
(Suspension de la séance à 12 h 7) (Reprise à 12 h
11)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je voudrais souhaiter la plus cordiale des bienvenues au Congrès
des avocats et avocates, juristes noirs du Québec Pardon. Aux
représentants du Service d'aide aux Néo Québécois
et immigrants qui sont avec nous. Je demanderais à son
représentant de bien vouloir s' identifier.
M. Hippolyte (Kéder): Je m'appelle Kéder Htppolyte.
Je suis accompagné aujourd'hui pour cet exercice, de M. Osé
Domond, président de SOS racisme Canada et directeur
général du Carrefour multiethnique de Saint Laurent.
Le Président (M Filion): D'accord. Je vous souhaite la
bienvenue, MM Hippolyte et Domond. Votre mémoire a déjà
été produit a la commission sous la cote 5M. Je vous inviterais,
sans plus tarder, à nous faire votre présentation.
Service d'aide aux Néo-Québécois
et immigrants
M Hippolyte: Je ferai une première partie de la
présentation et, ensuite je vais laisser à M Domond le soin de
continuer avec des faits bien précis.
Comme directeur du SANQI je remercie la commission d'avoir invité
notre organisme à faire cette présentation. Comme organisme
multiethnique le SANQI - Service d'aide aux Néo-Québécois
et immigrants - est chargé d'aider les immigrants et les réfugies
à s'adapter socio-économiquement et aussi, et surtout, de les
éduquer quant à la défense de leurs droits.
À ce titre, nous sommes appelés non pas à
faire affaire ou à traiter un dossier avec la Commission des
droits de la personne. Cependant, sur nos recommandations notre
clientèle a eu à le faire dans le domaine de la discrimination
dans l'emploi, par rapport à la race, à la couleur et aux
origines ethniques. Étant un organisme reconnu dans le milieu, le SANQI
a pu collaborer avec la COP, par exemple, dans certains cas: fournir à
la Commission des droits de la personne des personnes d'origines ethniques
diverses pour une enquête sur le logement à Montréal et
aussi dans un programme d'équité dans l'emploi en lui
référant des Québécois d'autres origines.
Nous trouvons que cela ne suffit pas. Les informations, quant au
fonctionnement, ne nous sont pas parvenues, les rapports annuels des
activités courantes de la CDP, tes publications, les dossiers de
discrimination, l'état et tes résultats obtenus non plus.
Si l'on considère que toute la documentation émise par la
commssion doit aider dans un processus d'information et de formation, il faut
reconnaître que la CDP doit jouer un rôle d'éducation. Ce
rôle doit être constant, et il doit y avoir une planification en
collaboration avec les organismes du milieu qui, quotidiennement, doivent
souvent écouter les plaintes de leur clientèle face aux
institutions, face aux employeurs, etc.
L'éducation étant un facteur primordial, il est absolument
nécessaire que la CDP combatte par ce moyen l'ignorance qui guide tous
ceux et toutes celles qui vont à rencontre des droits et libertés
de la personne en établissant un programme d'éducation qui
touchera tous les milieux, les médias, les écoles, les services
publics, etc. Si nous le comprenons bien, la commission a le pouvoir de
réaliser un tel programme, puisqu'il justifiera davantage sa raison
d'être. À présent, nous considérons que la
commission agit comme un organisme qui a les mains liées Elle assiste
sans réagir à toutes sortes d'abus contre la personne: le sida et
les Haïtiens, discrimination; les assistés sociaux de moins de 30
ans, discrimination en raison de l'âge. Les réactions et les actes
de la commission consistent en de timides interventions qui, semble-t-il, sont
dues à des pressions, alors qu'il ne devrait point en être ainsi.
La commission doit en tout temps aller au-devant des situations,
spécialement dans les cas de discrimination raciale.
Le 15 juillet 1985, par l'intermédiaire de leur procureure, Me
Maryse Alcindor, la commission est Intervenue dans les dossiers de
l'hôpital de Rivière-des-Prairies. Ce genre d'intervention,
jumelé à l'éducation, peut aider à faire de la
prévention un outil essentiel pour combattre la discrimination sous
toutes ses formes.
Dans le cas des médiations et des satisfactions, pour entrer de
plain-pied dans cette partie du questionnaire qui conduit à la
préparation de ce mémoire, regardons cet article du Journal de
Montréal de 1982, sous la plume de Claire
Harting. "Au bas de l'échelle dénonce la Commission des
droits de la personne. L'organisme et son comité d'action - je cite
l'article - contre le harcèlement sexuel au travail s'en prennent
surtout au traitement des plaintes référées à la
commission qui, non seulement crée des espoirs inutiles, mais fait
perdre aux clients la confiance intiale qu'ils avaient envers la commission."
Nous savons, déclare Liza Novak, que la commission manque de ressources
financières et humaines pour traiter adéquatement les très
nombreuses plaintes qui y sont déposées. Mais à cela
s'ajoutent de graves problèmes dans la politique et son fonctionnement
interne. On y dénombre des délais considérables qui font
perdre du temps aux plaignantes et leurs témoins des
éléments de preuve. Quand on parle de délais
considérables, il s'agit en moyenne d'un an et souvent de près de
deux ans. Il arrive que les plaignantes obtiennent le rapport d'enquête
de la commission après la période de prescription du recours
civil qui est de deux ans. Advenant un échec ou une décision
négative, les plaignantes perdent automatiquement leur recours devant le
tribunal; un genre de négligence inexcusable, selon nous. Parfois, les
plaignantes découragées préfèrent abandonner leur
cause ou passer devant un tribunal civil. C'est pourquoi nous nous questionnons
sur la validité de la commission. On y questionne encore la
procédure d'enquête peu systématique et le manque de
vigueur des enquêteurs à ramasser la preuve dans les dossiers. On
juge inacceptable le rôle conflictuel des enquêteurs
mandatés pour tenter la conciliation d'une plainte. Le rôle de
l'enquêteur en conciliation est plutôt celui d'un juge et, tout au
long de l'enquête, il agit comme avocat de la plaignante. On parle aussi
du manque d'information des plaignantes de la part de la commission.
Quant à la satisfaction, on peut tout aussi bien se
référer à un autre cas d'Au bas de l'échelle,
où la commission a prouvé son inefficacité.
Congédiement illégal, abusif et injustifié, n'apporte
aucun résultat concret malgré les plaintes à la
commission. Dans certains cas, l'enquêteur conseille à la
plaignante de retirer sa demande d'enquête, lui fait signer un formulaire
sans voir aux dédommagements possibles ou à une entente par
écrit.
Dans le cas de la commission, si on parle d'impartialité et de
structuration, comment parler d'impartialité sans parler de structure?
Est-ce que l'on considère que le taux de cas réglés
pourrait être un indice d'impartialité ou de structuration? Disons
tout de suite non. Dans beaucoup de cas réglés devant la
commission, on doit parler absolument du taux de désistement dû
aux découragements entraînés par les délais, que de
cas effectivement réglés. D'ailleurs, le mécanisme mis en
place par la commission pour traiter les litiges ne nous permet pas de croire
qu'il garantit un traitement impartial des plaintes déposées
à la commission. Certains avocats
soutiennent qu'il y a non-garantie de traitement impartial du fait que
l'agent de recevabilité semble jouir d'un pouvoir discrétionnaire
assez large qui varie en fonction du bon vouloir de l'agent de
recevabilité et aussi selon que le plaignant est assisté ou non
d'un procureur; du fait que le rôle de médiateur-conciliateur et
enquêteur soit exercé par la même personne, ce qui est
sensiblement dit dans l'article de Claire Harting.
Un organisme comme le SANQI, à l'écoute des gens
quotidiennement, arrive aux mêmes conclusions dans ce domaine. Il arrive
très souvent que nos conseillers soient aussi frustrés que la
clientèle, mais notre organisme a un travail à faire
auprès des nouveaux immigrants, des réfugiés et des
Québécois d'autres origines, et cette tribune nous sert
très bien. Si Au bas de l'échelle, le SANQI et les autres
organismes pensent que la Commission des droits de la personne est mal
structurée, c'est à cause de la non-uniformité dans
l'interprétation des directives tant par les
enquêteurs-médiateurs que par les agents de recevabilité
des plaintes: procédure moins systématique, manque de rigueur de
la part des enquêteurs pour recueillir la preuve, décision rendue
sur la foi de rapport d'enquêteur sans avoir entendu la preuve et sans
avoir entendu le plaignant.
Points forts et points faibles. Il faut noter une absence d'initiative
de la part de la Commission des droits de la personne pour enquêter, ce,
même dans des cas où il semble exister une situation de
discrimination systémique. Les dossiers ne sont pas
évalués de façon à satisfaire plaignants et
plaignantes. La commission ne permet pas une audition impartiale par un
tribunal indépendant pour le traitement d'une plainte alléguant
une atteinte à un droit reconnu aux articles 10 à 19 ou au
premier alinéa de l'article 48 de la Charte des droits et
libertés de la personne.
Dans la Commission des droits de la personne, il y a trop
d'employés qui ne sont pas assez sensibilisés aux cas de
discrimination avant d'y travailler. Citons en exemple à la page 4, une
partie du bulletin de la commission, volume 10, numéro 1, septembre
1986; c'est le directeur des enquêtes d'alors, Me Bertrand Roy, qui
parle: Quand on a fait appel à moi, je ne savais même pas ce
qu'était la commission. Conclusion, je ne faisais pas la distinction
entre la Ligue des droits et libertés et la Commission des droits de la
personne.
Les tribunaux n'ont pas toujours partagé les opinions de la
commission. Les avocats ont souvent évoqué l'absence des
règles de procédure devant la commission. Le Monde
juridique de février 1987.
N'étant pas des juristes au SANQI, nous nous gardons de
répondre oui ou non ou même d'analyser le volet compétence
de la Commission des droits de la personne. Il nous faudrait effectuer des
études comparées et des analyses à cet effet.
Si l'on fait métlculeusement le tour de tout ce qui a
été dit dans ce mémoire et si l'on veut être plus
juste à l'endroit des plaignants et des plaignantes, des avocats et
surtout envers la société que l'on veut bâtir, dans
laquelle la discrimination sous toutes ces formes sera éliminée,
la commission doit avoir des griffes. Je cite le Monde juridique de
février 1987, Me Daniel Chénard: "La commission a- pour
tâche d'entendre les plaintes de ces personnes qui sont
lésées dans leur droit à l'égalité, dans la
reconnaissance et l'exercice des droits et libertés. Nombreux sont les
secteurs de la vie quotidienne qui sont susceptibles de voir leur comportement
examiné par la commission: milieu de travail, services publics,
habitation, publicité et affichages, pour n'en nommer que quelques-uns.
Sans remettre en question la performance présente de la commission qui
s'est d'ailleurs démontrée apte à jouer le rôle
vigilant que la charte lui attribue, nous sommes d'avis qu'une question doit
être posée à la lumière des dix dernières
années. La commission doit elle demeurer un tribunal
Inachevé?"
Me Chénard dit plus loin: "II apparaît choquant que la
violation des droits fondamentaux soit orientée vers la voie d'un
règlement entre les parties où devient difficile à
trancher la ligne séparant le compromis de la compromission. "Il appert
que le rôle de la commission soulève beaucoup de débats. Il
appert que la Commission des droits de la personne se fait petite, pourquoi? il
appert qu'à l'intérieur de la commission des employés ne
croient pas dans l'exercice de leur fonction qui est d'aider ceux qui sont
lésés dans leur droit légitime par les discriminants. Il
appert aussi qu'à l'intérieur de la commission il y a des gens
qui n'osent pas aller très loin pour satisfaire les plaignants à
Faire respecter leurs droits. Est-ce qu'ils ont l'Impression d'agir contre
leurs propres convictions?"
Mesdames et messieurs de la commission parlementaire, l'exercice en
cours était nécessaire parce que, après dix ans, la
commission devrait avoir des pouvoirs accrus et remplir pleinement son
rôle qui est de protéger les discriminés sur le plan des
droits et libertés.
Me Daniel Chénard dit: "II existe de nombreux tribunaux
administratifs capables de rendre une décision susceptible
d'exécution d'elle-même ou à la suite de son homologation,
pour des matières parfois infiniment moins importantes que celles
visées par la charte, on peut et on doit se demander pour quelles
raisons la Commission des droits de la personne doit demeurer un tribunal
inachevé. Si le législateur craignait que la commission s'oriente
vers le sentier de l'activisme échevelé et qu'il voulait voir la
commission à l'oeuvre avant de la doter de nouveaux pouvoirs, nous
croyons que le temps de réflexion est révolu. La commission peut
faire
beaucoup plus pour promouvoir les objectifs de la charte. Il faut lui
donner des dents et des griffes."
Ces dents et ces griffes permettront définitivement aux victimes
de discrimination de venir porter plainte plus souvent devant la Commission des
droits de la personne.
La commission sous sa forme actuelle, avouons-le, décourage tout
le monde. Il faut que cela change pour le bien-être de notre
société que nous voulons construire ensemble, pierre par pierre,
avec toutes les ethnies.
Je passe les recommandations. Vous les avez déjà. Je
laisse le soin à M. Domond d'apporter des faits précis dans des
cas qu'il a eu à défendre devant la commission.
M. Domond (Osé): M. le Président, Mmes et MM. les
membres de la commission, avant de commencer, si vous me permettez, je voudrais
rappeler quelques passages d'une déclaration solennelle qui a
été adoptée par l'Assemblée nationale à
l'unanimité. On y lit: Considérant que le racisme et la
discrimination raciale sont autant des formes graves de justice sociale,
désireux que toutes les communautés culturelles et les nations
autochtones du Québec puissent continuer de s'épanouir et
contribuer pleinement à l'édification et au progrès d'une
société où règnent paix et harmonie, le
gouvernement du Québec déclare, entre autres, que le gouvernement
veillera à ce que soit respecté le droit de toute personne
à l'égalité dans le domaine du travail, du logement, de la
santé et des services socio-éducatifs, ou des autres services
offerts à la population ainsi que dans l'accès aux lieux publics
sans discrimination fondée sur la race, la couleur, ta religion,
l'origine ethnique ou nationale.
Il nous apparaît que la Commission des droits de la personne est
investie du mandat Justement de protéger les droits des citoyens,
notamment en ce qui concerne la discrimination raciale. Et à ce niveau,
le commentaire qu'on peut apporter pour commencer, c'est que la commission
aurait beaucoup de difficulté à exercer ce mandat si la
commission perd sa crédibilité auprès des groupes
concernés. Cela est aussi valable pour n'importe quel autre organisme,
car les gens ne vont revendiquer ou réclamer ce droit que dans la mesure
où ils savent qu'au départ, il va y avoir une oreille attentive
à leur demande et que les enquêtes aboutiront dans un délai
raisonnable et dans les meilleures conditions possibles.
D'après les expériences que nous avons vécues
à travers les plaintes qui ont été déposées
parmi nos organisations et nos institutions, nous nous sommes rendu compte que
la question relative à la discrimination raciale est une des questions
qui ne semble pas nécessairement entrée dans les priorités
puisque de tous les cas qui ont été traités, il semble que
la question de la discrimination raciale vient en dernier lieu, d'après
les statistiques qui sont disponibles et que l'on peut vérifier.
Alors il y a deux questions à se poser: ou bien les victimes de
discrimination ne déposent pas les plaintes - et là il faudrait
chercher les raisons - ou bien la commission a des problèmes à
prouver qu'il existe une discrimination fondée sur les différents
points soulignés à l'article 10 de la Charte des droits et
libertés de la personne. - -
En ce qui concerne les membres des communautés culturelles - on
peut apporter ici l'avis d'un nombre assez grand d'organismes et d'associations
- la Commission des droits de fa personne dans sa structure actuelle ne
représente pas les intérêts de ces communautés. Nous
pouvons prendre quelques indices. Par exemple, regardons la question de la
représentativité. On serait en droit de se poser la question
suivante. Ne serait-il pas nécessaire, à ce point-ci, que l'on
applique à la commission même un programme d'accès à
l'égalité puisque des 160 personnes qui tournent autour de la
commission, il y aurait 117 membres du personnel et, si l'on vérifie, on
trouvera - et cela, je le cite après plusieurs rencontres qu'on a eues
avec le président et la vice-présidente d'alors; c'était
au mois de mal - qu'à peine 4 personnes sur 117 étaient membres
des minorités visibles comme telles. On a posé la question et on
attend encore la réponse, à savoir: Est-ce que la commission va
s'organiser pour être plus représentative de la communauté
dans son ensemble? Rappelons que pour la région de Montréal
où se situe un des bureaux de la commission, la concentration ethnique
est de l'ordre de 35 % et on prévoit que d'ici dix ans, cela pourrait
passer aux alentours de 40 %. Alors comment aller présenter un cas
devant une commission à laquelle on ne s'identifie pas
nécessairement?
La même situation se présenterait au conseil
d'administration. Jusqu'à tout récemment, sur les onze
commissaires, iI n'y avait pas un seul représentant des groupes
minoritaires ou dits visibles. À ce moment-là, on a l'impression
que la commission est à l'image de l'ensemble des institutions pour
lesquelles on réclame actuellement un programme d'accès à
l'égalité, et on se demande quand la commission va commencer
à respecter elle-même ces règles avant de pouvoir vraiment
avoir la crédibilité nécessaire pour pouvoir l'imposer
à d'autres organismes ou associations.
D'autres questions que l'on pourrait se poser concernent la
représentativité, la participation réelle des groupes
minoritaires au sein de la commission. On sait que la commission octroie des
contrats surtout en ce qui concerne les avis juridiques. On se demande dans
quelle mesure la commission fait l'effort de consulter les bureaux d'avocats
où les membres des minorités visibles travaillent et leur
octroyer également avec la même compétence un certain
nombre de possibilités qui soient égales aux autres bureaux
d'avocats de la région. Alors, ce sont des questions qui
méritent d'être regardées très
sérieusement.
Puisque l'on parle de crédibilité et que ma mission
était surtout d'apporter des cas, permettez-moi de souligner à
votre attention la situation du taxi à Montréal et regardons un
peu le dossier des chauffeurs de taxi noirs à Montréal. Dans les
circonstances, la seule solution qui restait aux chauffeurs de taxi
était de constituer leur propre service de taxi qui s'appelle
actuellement Métro Montréal Taxi. Est-ce que cela voudrait dire
qu'il n'y avait pas dans le traitement de ce dossier de résultat comme
tel que les gens n'avalent d'autre issue que de se regrouper entre eux et de
former leur propre service de taxi? N'est-ce pas une consécration de
l'échec de la commission dans ce dossier qui a connu tant de
débats, qui a connu une documentation plus qu'abondante sur toute la
question du racisme à l'intérieur de l'industrie du taxi dans la
région de Montréal?
Du même coup, on sait qu'il y avait des cas de brutalité
policière qui ont été aussi traités à
l'intérieur du dossier des chauffeurs de taxi. À cet
égard, on ne voit pas suffisamment de traces de toutes les
représentations qui ont été faites. Alors voilà un
cas particulier où il y a eu enquête publique et des sommes
considérables qui ont été dépensées. On se
demande dans quelle mesure la commission dans cette situation
particulière peut avoir une crédibilité face aux
chauffeurs de taxi.
Demandez aux responsables du bureau de la communauté
chrétienne des Haïtiens de Montréal. Demandez aux chauffeurs
de taxf eux-mêmes ce qu'ils pensent et vous allez voir qu'il y a des fois
des difficultés à faire passer une image positive de la
commission auprès de ces groupes. (12 h 30)
Nous avons consulté certains organismes, comme la
communauté noire anglophone et nous lui avons demandé ce qu'elle
pense de la commission. Ce qu'elle pense, c'est une grande boîte remplie
de paperasses, avec beaucoup de dossiers, avec beaucoup de rapports et elle
attend toujours l'application de ces rapports.
Est-ce que c'est une fausse perception? Est-ce que c'est par manque
d'information? Mais, toujours est-il que l'image n'est pas plus jolie.
Demandez, par exemple, à un monsieur qui s'appelle Christophe Ninerve
et, là, je vais peut-être me référer à un
autre document. M. Christophe Ninerve a déposé devant SOS racisme
un dossier où il poursuit la Commission des droits de la personne et la
CUM.
Une des raisons évoquée était la suivante. Le
dossier a été fermé et il a voulu s'informer pour savoir
exactement pourquoi on a fermé le dossier. Il n'a jamais pu avoir
accès à son dossier. Il a dû faire appel à la
Commission d'accès à l'information pour finalement avoir son
dossier et, là, il a trouvé des irrégularités
flagrantes. Le dossier est encore en cours et le monsieur ne sait toujours pas
comment cela va se terminer.
Comment pouvons-nous demander à M. Christophe Ninerve d'avoir
confiance en la commission quand il a trouvé dans son dossier des
pièces qui étaient plus ou moins douteuses sur des
déclarations pour lesquelles il y avait de fausses déclarations
et un dossier qu'on a fermé sans vouloir qu'il y ait accès?
À cet égard, l'article 82 précise ceci: Si la
commission était capable de conduire les parties au règlement de
leurs différends, elle transmet aux parties le résultat de son
enquête. Et, dans ce cas-là, M. Niverve n'avait pas le
résultat et il a dû se battre pour l'avoir.
Alors, voilà autant de faits qui nous permettent de questionner
sérieusement l'image et la crédibilité de la Commission
des droits de la personne face aux revendications, aux problèmes
confrontés par les membres des minorités visibles.
Si on peut juste résumer, premièrement, la question... Je
pense que cela a probablement été soulevé par d'autres, le
fait que le processus d'enquête est long et que cela décourage les
gens. Nous avons un autre cas où l'enquêteur-médiateur
semblait fournir des excuses à un propriétaire contre un
locataire. Nous avons aussi ce dossier-là.
Alors, comment demander à cette même dame de demander
à la commission d'enquêter pour un autre cas de discrimination
où ses voisins sont au courant de cette affaire-là? Il est clair
que pour ce qui est des groupes minoritaires, surtout des minorités
visibles, il n'y a pas de confiance comme telle en la capacité de la
commission de pouvoir défendre leurs intérêts.
Je pense que si on parle de réformes de haute structuration,
c'est peut-être un dossier important qu'il faudra regarder en
profondeur.
Le Président (M. Marcil): Cela va? Merci beaucoup de votre
présentation. Nous allons procéder immédiatement à
la période de questions. Je vais reconnaître Mme la
députée de Groulx.
Mme Bleau: Bonjour messieurs. Je vous remercie d'avoir
accepté de présenter votre mémoire à la commission.
J'ai une couple de petites questions à vous poser. En quoi le rôle
des enquêteurs mandatés pour tenter la conciliation d'une plainte
le voyez-vous conflictuel?
M. Hyppolyte: Dans le cas des enquêteurs, moi,
personnellement j'avais un cas à la Commission des droits de la
personne. Ce cas, c'est un cas où j'avais été
accusé à la suite de problèmes politiques comme
étant un tonton macoute. Moi, je ne l'ai pas pris. J'ai
été porté plainte à la commission.
L'enquêteur, dans son enquête, a pris ma demande. C'était Me
Bertrand Roy, à l'époque. Il y a des personnes qui sont
intervenues dans le dossier que moi-même je n'ai jamais
nommées.
Ces personnes ont donné des opinions et ces opinions ont
été retenues dans te dossier. Mes opinions à moi n'ont pas
été retenues dans le dossier. Tout au long de l'enquête, Me
Roy a voulu me faire comprendre que ce n'est pas nécessaire de porter
plainte, que la commission n'a pas un pouvoir exécutoire, que c'est
juste un pouvoir plutôt limité dans ce cas-là. On aurait
demandé l'interdiction de ce journal à Montréal.
Je n'ai pas pu avoir tes informations nécessaires, parce que dans
ce dossier, il y avait des personnes que M. Roy connaissait et qu'il a fait
intervenir dans le dossier et je lui ai demandé: Pourquoi l'intervention
de ces gens? Il m'a dit: Ce sont des gens qui sont de la communauté. Il
faudrait les interviewer; iI faudrait leur faire prendre connaissance du
dossier, parce que ces personnes sont mises en cause. Ces personnes
n'étaient pas mises en cause.
Je pense que la question d'amitié ne se retrouve pas dans un
dossier comme cela. Si on devait agir comme cela dans plusieurs dossiers, je
pense quand même que, moi, j'ai été obligé de
laisser tomber un cas avec le départ de Duvalier et on n'a jamais eu de
réponse. C'est considéré comme un cas réglé
et, pour moi, ce n'est pas un cas qui était réglé.
Mme Bleau: Vous parlez aussi du rôle de la commission, d'un
rôle éducatif. Vous entendez quoi quand vous parlez d'un
rôle éducatif? Est-ce que c'est seulement de l'information ou si
cela va plus loin?
M. Hippolyte: Je pense que dans un réseau éducatif
à part l'information, il y aura aussi la sensibilisation. De la
sensibilisation, moi-même, j'en ai fait beaucoup, j'ai visité
plusieurs écoles, plusieurs compagnies, j'ai rencontré des
employeurs et je leur ai fait comprendre la mentalité de certains
immigrants; parce que nous, dans notre travail, nous sommes comme les nouveaux
parents d'un immigrant quand il entre au Canada. Ces gens-là doivent
faire face à une structure nouvelle, des situations auxquelles ils n'ont
pas eu à faire face dans leur pays. Quand lis sont arrivés ici,
il faut leur apprendre tout cela, comment cheminer à travers tout cela.
Pour nous, c'est un travail d'éducation permanent qu'on fait. Je pense
que la commission a un rôle comme cela aussi, de nous donner des outils,
des vidéos ou bien nous envoyer des représentants à qui on
pourrait faire des séances d'information auprès des gens avec des
employeurs et des compagnies. Je pense que c'est un processus qui devrait
être permanent. Alors, l'éducation dans ce cas-là, c'est au
niveau de la sensibilisation, au niveau des cas concrets. Moi-même, je me
suis fait dire une fois au téléphone, quand je parle aux gens: M.
le directeur, ils pensent que je suis blanc. Alors, ils disent, bon
écoute, on va prendre le cas des restaurants, par exemple, ne nous
envoyez pas de noirs, envoyez-nous "somebody with a neat looking".
Si on devrait amener tous ces cas devant la Commission des droits de la
personne, c'est que nous, on aurait un problème. Nos personnes
n'auraient pas d'emploi tandis que tous les employeurs nous remarqueraient. Je
demande un rendez-vous. It dit: d'accord, comme vous voulez monsieur, on va
vous recevoir. Quand ils arriveront, bon Je m'excuse, vous voyez, ce
n'était pas méchant ce que j'avais dit, vous comprenez il y a des
gens qui arrivent ici, ils n'ont pas d'expérience, il y en a aussi qui
sont paresseux, et il y a toute sorte d'attitude comme cela.
Je crois que mon rôle, à ce niveau, a été de
convaincre beaucoup d'employeurs qui avalent cette attitude-là dans le
passé. Maintenant, je ne dis pas qu'ils sont devenus de bons employeurs,
mais quand même, ils nous ont donné satisfaction quant à
l'embauche et ils sont les premiers à nous recommander à d'autres
employeurs. Je pense que j'ai fait un travail d'éducation avec cet
employeur pour lui faire comprendre qu'une personne qui vient d'arriver, qui
travaille 40 heures par semaine, est peut-être fatiguée les deux
premières semaines et il faut peut-être lui donner une chance
d'arriver jusqu'à la troisième semaine. Ce sont des choses que
des employeurs ne savent pas et que nous, de notre travail d'éducation,
faisons auprès de ces employeurs-là. Je pense que la commission
pourrait jouer un rôle comme cela.
Mme Bleau: Je comprends bien.
M. Domond: Si je pouvais ajouter quelque chose là-dessus.
Je crois que des organismes, les associations des communautés
culturelles jouent un rôle important et ceci est reconnu que ce soit pour
les services sociaux, les services relatifs à l'emploi ou autres. Ces
organismes-là normalement devraient être des partenaires parce que
la communication, ce n'est pas simplement le fait d'envoyer un dépliant,
dans la plupart des cas, il ne nous sert à rien, pour une personne qui
ne comprend pas la langue et quand la personne comprend la langue qu'il ait un
problème d'interprétation des structures de la
société.
Nous avons suggéré, à plusieurs occasions, que la
commission établisse un genre de système de partenariat entre ces
services et les organismes qui donnent des services directs à la
clientèle. Malheureusement, il y a des efforts qui ont été
faits dans ce sens, mais cela reste définitivement du travail qui doit
se faire parce qu'autrement, même si l'information existe, elle n'est pas
accessible à ce moment-là et l'éducation n'est pas
vraiment possible dans la façon traditionnelle qu'on a l'habitude de le
faire. C'est bon pour une couche de la population, mais ce n'est pas
nécessairement efficace de l'autre côté. Cette adaptation
de l'information et des outils de communication devient inévitable,
nécessaire, si la commission veut vraiment offrir un service
valable aux différentes communautés.
Mme Bleau: Quand vous nous dites que des rapports, des
activités courantes, les publications, les dossiers, jamais rien de ces
rapports-là ne vous sont envoyés?
M. Hippolyte: Je n'ai jamais eu de rapport de la commission comme
tel, point du tout. C'est en- communiquant avec un avocat qui m'a dit qu'on
pouvait aller le chercher ou faire une demande pour recevoir le rapport annuel.
Je n'en ai jamais reçu pendant les dix années que je travaille
à ce bureau-là tandis qu'au niveau de la Commission des normes du
travail, c'est différent. Les gens viennent nous voir, ils viennent nous
rencontrer et nous donnent des séances et ils nous envoient de la
documentation. À la CSST, c'est la même chose, la documentation
n'était pas disponible à un certain moment au groupe, mais il y a
eu des rencontres qui ont été faites, des sessions d'information
et nous recevons très souvent des informations de ces
boîtes-là. De la Commission des droits de la personne, je ne
reçois rien du tout.
Mme Bleau: Vous nous dites aussi que vous aimeriez voir un
nouveau rôle de la commission, un tribunal administratif
indépendant de la commission. Voyez-vous un autre rôle pour la
commission?
M. Hippolyte: Quand on parie d'un tribunal indépendant et
qu'on se réfère aux avancés et aux dires des avocats, on
pense que, si un tribunal indépendant faisait partie de la commission,
quand je dis indépendant, cela ne veut pas dire un tribunal qui
siège hors de la commission, mais qui rendrait compte à la
commission de ce qui s'est fait, pas dans sa forme actuelle mais dans ce format
vraiment indépendant.
Mme Bleau: Vous parlez aussi des employés de la
commission, soit les enquêteurs ou autres qui, selon vous, ne sont pas
sensibilisés aux cas de discrimination.
M. Hippolyte: Oui.
Mme Bleau: Avez-vous eu l'expérience de certains
employés qui n'auraient justement pas été
sensibilisés?
M. Hippolyte: J'ai cité le cas de l'ancien directeur qui
l'a lui-même dit. Je pense que si on prend la situation d'une personne
venue au Québec, disons durant tes années cinquante ou
soixante-dix, et qui a pu regarder l'évolution de la
société maintenant et de sa forme actuelle, elle peut parler des
choses qu elle a subies. Par exemple, quelqu'un qui n'a jamais travaillé
dans un milieu manufacturier ou quelqu un qui n'a jamais eu un diplôme
d'un pays étranger et qui vient travailler comme laveur de vaisselle ou
comme cireur dans un atelier, je pense qu'on ne peut pas faire la comparaison.
La comparaison est réellement inexistante et c'est très difficile
pour la personne qui sort de l'Université du Québec ou de
l'Université de Montréal avec un diplôme, qui entre dans sa
profession tout carrément, qui n'a pas eu de contact avec la
communauté. Maintenant, cela se fait un peu plus parce que beaucoup
d'étudiants sont dans ces universités-là, leur perception
est vraiment très différente de la mienne, par exemple, ou de
celle d'une personne qui a évolué dans une situation. Moi, cela
fait seize ans que je vis au Canada et j'ai participé à toutes
les étapes. J'ai visité beaucoup de provinces canadiennes.
À ce moment-là, j'ai un jugement, peut-être pas le
meilleur, mais j'ai une façon de voir les choses qui serait très
probablement différente de celle de la personne qui, issue de cette
souche-là, est en train de le voir. Elle est en train de "dealer", comme
on dit en anglais, de transiger avec des personnes qu'elle ne connaît
vraiment pas. Je pense que c'est très difficile à ce
moment-là, de faire une évaluation valable et totale des dosiers
sur lesquels elle doit prendre des décisions.
Mme Bleau: Vous recommandez que chacun des plaignants soit
représenté par son propre avocat. Croyez-vous que ce soit
absolument nécessaire?
M. Hippolyte: Bon, les avocats l'ont dit et je pense que, dans la
revue juridique qu'on a ici. Le Monde juridique on le dit aussi, et, si les
avocats le disent comme je ne suis pas avocat, il faut leur faire confiance
parce qu'ils ont eu a travailler beaucoup sur certains dossiers. Quand je veux
faire des cas et que je veux avoir des réponses, je n'ai pas de
réponse sur ces cas la. II est dit quelque part que si la commission
fait des recommandations comme à l'article 82 ou 84 à certains
moments de la durée, la personne doit pouvoir se représenter,
peut être à une étape subséquente parce que pourquoi
pas dès le départ, à ce moment-là?
Mme Bleau: Je comprends bien. À la recommandation 7
à la page 3, vous nous dites qu'il suffit de I'accord de deux membres de
ce tribunal pour renverser la décision en faveur du plaignant ou de la
plaignante d'un tribunal. Vous demandez que l'unanimité soit requise
dans le cas de I intimé.
M. Hippolyte: Oui.
Mme Bleau: Ne pensez-vous pas que cette recommandation va
à I'encontre d'un principe de justice égale pour tous?
M. Hippolyte: Ce n'est pas ce que je pense. Je me rappelle que M.
Dufour a dit tantôt que la commission devrait avoir un parti pris pour
les gens qui se plaignent. C'est donc ce sens que la
recommandation est faite ici, un parti pris pour les gens qui se
plaignent. Les gens qui se plaignent. Je dois dire qu'on pense qu'ils ne
gagneront pas facilement. Ils n'en ont pas les ressources, leur seule ressource
étant la commission, alors que les firmes ont des avocats qui
travaillent quotidiennement sur ces problèmes, elles ont des
employés qui, posant des cas similaires, peuvent sortir un dossier
carrément et dire. Voilà, tel cas qu'on a réglé en
1982 alors on va faire notre recommandation sur ce cas là. Cela devient
un cas de jurisprudence dans le cas d'une compagnie, alors que le plaignant ou
là plaignante n'a pas ces choses-là et il est très souvent
intimidé par l'appareil judiciaire.
Mme Bleau: Je vous remercie beaucoup d'avoir répondu
à mes questions. On va certainement étudier vos recommandations
pour voir lesquelles on pourrait appliquer le plus tôt possible.
Merci.
M. Hippolyte: Merci
Le Président (M Marcil): Je vais maintenant
reconnaître le député de Notre Dame-de Grâces. (12 h
45)
M. Thuringer: Merci, M le Président. Vous avez pas mal
parlé aussi, dans votre mémoire des délais. Selon vous
quelle est la cause de ces délais? Plusieurs autres groupes qui sont
passés Ici soulèvent ce problème?
M. Hippolyte: À part I'appareil judiciaire qui est long
dans certains cas il y a le manque de personnel aussi qu'il faut vraiment
considérer dans la plupart de ces dossiers. M Roy a dit quelque part et
je le cite qu'on devrait sectariser vraiment la commission pour avoir plus de
représentations. Je vais essayer de trouver exactement ce qu'il a dit.
II a dit dans Droits et libertés, le bulletin de la Commission des
droits de la personne dont j'ai pris connaissance dans un bureau d'avocat,
qu'afin d'améliorer le travail de la commission. M Roy souhaite une
sectarisation de la région métropolitaine, "ouvrir des bureaux
dans certains quartiers de ville nous permettrait d'être plus près
de la population et de mieux comprendre ses problèmes et ses besoins et
d'améliorer ainsi le service à la clientèle ". Oui.
M. Domond: Ce que je voudrais ajouter, c'est qu'il y a aussi la
bureaucratie. J'ai personnellement été témoin d'un cas qui
a été présenté à la commission ou iI
s'agissait d'une personne qui s'est vue refuser un logement parce que la
personne était d'une autre origine. C'était clair. Tout
était clair dans le dossier. On a augmenté le prix annoncé
sur le journal à I'arrivée et on a demandé la
nationalité de la personne, on a refusé. Le lendemain, le
surlendemain, la même annonce se trouvait encore dans le journal. Alors
on fait le dossier du plaignant avec coupures de presse numéro de
téléphone du concierge, I'adresse de la maison etc soit tout ce
qu'il fallait pour faire une enquête. On envoie cela à la
commission. Quelques jours après, la réponse était un
formulaire de neuf pages format légal, qu'il faut remplir. Or, vous
comprendrez que le temps que ce formulaire soit rempli qu'il aille
là-bas, qu'il passe par 50 000 personnes, il se passe du temps. Ensuite,
il faut analyser chaque détail comme cela. Tandis que dans le cas
précis, il y avait le numéro de téléphone le nom de
la personne, l'adresse et tout ce qu'il fallait pour que la commission puisse
procéder à une enquête comme telle. Maintenant, il revenait
à la plaignante de porter tout le fardeau de la preuve. On lui a
demandé de retourner, d'aller faire I'enquête, d'aller faire
photographier etc. Dans une situation pareille, vous comprenez que le cas va
passer un an ou deux ans en procédure. C'est très clair que la
bureaucratie joue un rôle très important.
M Thuringer: Dans le domaine qui vous touche directement surtout
avec les minorités visibles avez vous remarqué que la moyenne des
délais est pas mal. Vous dites que les délais peuvent courir
jusqu à deux ans?
M Hippolyte: Oui.
M. Thuringer: Avez-vous remarqué un prolongement assez
fort dans votre domaine par exemple?
M Hippolyte: Le prolongement s'explique par le fait que les gens
qui viennent vivre ici ne sont pas au courant de la procédure. Ils
peuvent recevoir de la documentation et par ignorance, ils la déposent.
Quand un cas se présente à la commission cela prend peut
être un mois à un mois et demi avant qu'on vous appelle pour la
première enquête pour pouvoir en parler. Très souvent la
personne ne peut pas se présenter à cause de son travail. C'est
ce que j'avais oublié de mettre dans mes recommandations soit si le
tribunal pouvait siéger le soir ou en après midi, parce qu'il y a
des gens qui ne peuvent pas laisser leur emploi. Si les gens s'absentent trop
souvent de leur emploi à ce moment là ils risquent de perdre leur
emploi. Donc, ils laissent tomber le cas. Quand ils ont le temps ils essaient
de reprendre, mais à ce moment là, il est trop tard ou bien iI
faut recommencer après. Définitivement après deux ans les
gens laissent tomber. Donc il n'y a pas cette facilité aussi de pouvoir
accomoder les gens. Je ne sais pas si je I'ai marqué dans mes
recommandations à savoir qu'il y ait vraiment des tribunaux qui
puissent. Du moins iI y a des gens qui travaillent à des heures
irrégulières, par exemple un peu plus tard que 17 heures alors
cela faciliterait beaucoup de personnes à avoir accès à
toutes ces choses.
M. Thuringer: J'aimerais, si vous me le permettez, aborder une
autre question. Vous avez souligné le fait que les tribunaux ne sont pas
représentatifs de la population démographiquement parlant et que
vous souhaitez que des groupes comme le vôtre soient
représentés. D'abord, c'est une chose qu'on a entendu pas mal.
Mais l'autre côté de la médaille, c'est comment encourager
les gens pour se présenter. Moi aussi, dans mon comté de
Notre-Dame-de-Grâce, j'ai aussi ce défi de travailler pour qu'ils
soient présents dans tous les niveaux de conseil et ces choses. Avez
vous des conseils? C'est vrai, c'est une ouverture au sein de la commission,
mais aussi cela prend un certain leadership. C'est particulièrement
difficile pour les gens qui viennent d'autres pays de s'engager dans les
structures, c'est un choc.
M. Hippolyte: D'accord. Cela me fait rire un peu - je vais aussi
laisser la parole à mon collègue - parce qu'il y a des gens qui
veulent participer dans certaines structures. II y a des gens qui ont
sollicité certains postes et qui n'ont pas eu ces postes. Je reconnais
vraiment qu'il y a certains domaines dans lesquels les gens ne se
présentent pas. Par exemple, on va dire que, dans la police, comme dans
les directions municipales, il n'y en a pas beaucoup qui se présentent.
Mais dans un processus comme celui-là, si on voulait avoir des
commissaires issus des communautés culturelles, si on voulait avoir
à un tribunal quelconque un commissaire qui, même s'il n'est pas
avocat, après avoir été sensibilisé ou avoir
évolué dans un certain domaine pendant assez longtemps, apporter
une contribution Je pense que, s'il y avait de la sollicitation auprès
de ces gens, ils ne diraient certainement pas non. Dans certains cas,
peut-être, mais pour ces cas précis, ils ne diraient pas non. Si
demain matin la commission m'appelle et me dit. Écoutez, M Hippolyte,
vous voulez participer en tant que commissaire ici, je lui dirais. Oui. je vais
apporter ma contribution, parce que je connais les gens du milieu et ceux qui
ont des problèmes. Je pourrais même sensibiliser mes
collègues à certaines problématiques. Je pense que, sur ce
point, il n'y a aucune réserve pour les gens de participer.
M. Domond: Je voudrais peut être ajouter quelque chose. Je
pense que ces gens existent. II y a des avocats noirs Je pense qu'il y a un
conseil d'avocats noirs quelque part iI y a des bureaux, on la souligné
tout à I'heure. J'ai l'impression qu'il faudrait regarder l'aspect
systémique de la question. On a toujours parlé de discrimination
systémique. II faut regarder les critères utilisés pour
sélectionner les gens. II faut regarder ou et comment on annonce les
postes. II faut regarder le processus de sélection comme tel. Dites-moi
ce que vous voulez, pour qu'il y ait des commissaires, quelqu'un dit quelque
part . On veut avoir des commissaires
C'est une décision politique dans un premier temps. Ou va t-on
choisir les commissaires? Quel type de commissaire va t'on choisir? II y a
quelqu'un qui prend cette décision. Cette personne a la première
partie de la réponse.
L'autre question, c'est. Ou trouver ces gens là? Ces gens
existent iI y a des avocats il y a des intervenants sociaux, il y a toutes
sortes de personnes qui ont la compétence, qui connais sent autant le
milieu québécois que le milieu ethnique et qui sont capables de
le faire. Cela ne devrait pas être un problème à ce
chapitre. Je pense que cela réside dans la volonté réelle
des gens de faire en sorte que l'égalité soit possible.
M. Thuringer: Je n'en doute pas, non plus. Je suis convaincu que
les ressources existent. Mais il faut aussi une certaine. Disons que les
structures qui sont là doivent prendre contact avec les groupes
culturels pour aussi connaître leur pensée savoir ou aller et qui
sont les gens qui peuvent occuper des postes semblables. II faut une
volonté d'abord, mais une collaboration aussi.
M. Domond: Je pense que la collaboration a toujours
été là intentionnellement de la part des groupes. II faut
consulter les groupes il faut reconnaître que les groupes existent qu'ils
ont une expertise sur le terrain. Par exemple, en ce qui concerne le personnel
cadre de la Commission des droits de la personne, il y a quelqu'un qui est
responsable du personnel qui doit avoir une connaissance minimale de I'ensemble
des groupes qui oeuvrent dans la région 06-A - je ne sais pas comment on
appelle cela dans les services sociaux ou à la Commission des droits de
la personne - et qui savent plus ou moins qui sont les organismes les plus
représentatifs ou ils peuvent avoir des conseils ou des
références sur les gens. Ils ont probablement aussi une liste de
ces personnes. Très souvent on fait appel aux intervenants des
communautés culturelles comme bénévoles. Ils ont une
compétence reconnue comme bénévole mais quand arrive le
temps de les embaucher le problème se pose là. S'ils sont bons
pour conseiller des députés, des ministres et des directeurs
pourquoi ne sont-ils pas bons pour travailler comme tout le monde?? Je pense
que cest le processus de selection qu'il faut remettre en question. C'est dans
ce sens qu on dit. Est-ce qu'à la commission, il ne faut pas
réclamer un programme d 'accès à I
'égalité?
M. Hippolyte: Je pourrais ajouter aussi que la collaboration
existe. Moi-même, je suis membre du RCM un parti municipal. II y a un
comité multiethnique qui fait des recommanda tions Ce comité a
existé bien avant les éleclions. Et de ce comité ou je
travaille depuis à peu près deux ans est maintenant issu un
programme d'accès à légalité. Le gouvernement
municipal a créé maintenant les comptoirs multilingues ou sept
personnes d' origines ethni-
ques diverses vont travailler. Je pense que ces recommandations, parce
qu'il y a eu une participation des communautés, le RCM les a mises en
application. À ce moment-là, il y a une participation, mais il
faut qu'à d'autres endroits aussi on fasse la même chose que le
RCM, qu'on vienne nous consulter et qu'on retienne nos avis.
Le Président (M. Marcil): Cela va? Je vais
reconnaître le député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. A mon tour, J'aimerais
vous remercier d'avoir accepté l'invitation de la commission des
institutions. J'aimerais revenir sur un point qu'a abordé mon
collègue de Notre-Dame-de-Grâce justement sur la
représentativité des membres des communautés culturelles,
non seulement à la Commission des droits de la personne, mais
également dans la fonction publique québécoise ou
parapublique ou péripublique. On sait pertinemment que les membres des
communautés culturelles - et je vois mon collègue de Laurier avec
nous qui s'en est occupé beaucoup également -
représentent, si ma mémoire est bonne, au moins 12 % de la
population du Québec, pour Montréal, près de 40 %,
c'est-à-dire que dans la région de Montréal il y a
près... Vous dites 35 %. Quand j'ai fait mes études,
c'était près de 40 %, cela doit être 35 %.
M. Hippolyte: 35 %. II y en a qui sont partis
peut-être.
M. Dauphin: Près de 40 % sont d'origine ni francophone, ni
anglaise, ni britannique. Cela veut dire qu'il y a près de 40 % de la
population dans la région de Montréal qui est d'origine ethnique,
ni d'origine britannique, ni française. En ce qui concerne la
représentativité, on a une sérieuse côte à
remonter. Quand j'étais dans l'Opposition, j'ai eu l'occasion de m'en
occuper pendant plusieurs années. C'était mon dossier.
M. Hippolyte: Est-ce que vous vous en occupez maintenant?
M. Dauphin: Chaque fois que Je rencontrais le ministre des
Communautés culturelles, je me disais: Vous nous avez promis une
représentativité accrue et au contraire, sous votre règne
du Parti québécois, elle a diminué la
représentativité, alors qu'il en avait fait un engagement.
Évidemment, il faut faire un effort de guerre. Par exemple, au
comité de sélection dans la fonction publique, si on demandait
audit comité de sélection que se présente une personne
d'origine ethnique. Cela ne serait peut-être pas une méchante
idée. Deuxièmement, si on barrait les noms, le comité de
sélection aurait tes dossiers des applicants, mais sans nom. Autrement
dit, s'il y a un nom qui commence par Y, qu'on ne le mette pas de
côté. Qu'on barre les noms des individus, cela serait une autre
idée intéressante. Comme on l'a toujours demandé, que le
gouvernement du Québec utilise les médias ethniques pour faire la
promotion des offres d'emplois qui relèvent de la fonction publique
québécoise en général. Évidemment, ce qui
est encore très Important et on est Ici depuis deux ans, c'est la
volonté politique de le faire. Ce qui est quand même
primordial.
C'est sûr que la Commission des droits de la personne, à
mon sens, devrait donner l'exemple, tout comme le ministère des
Communautés culturelles qui a pignon sur rue à Montréal.
C'est le seul ministère situé à Montréal qui
devrait donner l'exemple en engageant, disons-le franchement, de plus en plus
de membres provenant des communautés culturelles, parce que vous
apportez un apport essentiel à la société canadienne et
québécoise. On parle ici à l'Assemblée nationale du
Québec. Alors je suis certain que mes collègues qui sont ici
présents aujourd'hui nous appuient à 100 %. Il faut pousser.
C'est pour cela que votre présence ici aujourd'hui est une
démonstration que vous poussez vous aussi. On parle de la Commission des
droits de la personne. Vous voulez bonifier cette commission, y mettre des
dents et on n'a qu'à vous féliciter d'être venus Ici
aujourd'hui.
Je tiens à vous souligner que comme commissaire - et
c'était une priorité du ministre actuel de la Justice, Herbert
Marx - il y a trois commissaires qui proviennent des communautés
culturelles. La vice-présidente est québécoise d'origine
grecque. Il y a une commissaire d'origine haïtienne - c'est depuis l'an
passé - puis il y a une commissaire qui est membre des
communautés autochtones. Évidemment, il faut descendre maintenant
la tête. On fait de beaux efforts, mais il faut descendre en bas pour en
engager - disons-le franchement - davantage. Vous avez une réaction
à cela?
M. Hippolyte: Oui, on est au courant de cela, mais des fois aussi
il y a des gens qui sont nommés à des positions qui n'ont jamais
eu aucun contact avec les communautés. On se plaint aussi de cette forme
de représentativité. C'est une représentativité, on
le conçoit, mais la personne n'est pas vraiment sensibilisée aux
problèmes déjà des communautés. C'est arrivé
à plusieurs reprises quand on va les rencontrer et ils ne sont pas au
courant des problèmes. Alors, à ce moment-là, c'est une
autre question. La représentativité, oui, mais les gens qui ont
la compétence, peut ne pas être mise en doute, mais pour avoir
vraiment l'effet positif de cette nomination, il faut que la personne soit
réellement dans la communauté. On va dire: M. Sirros est connu
dans les communautés. Il sera élu à un poste. Il est
accessible par tout le monde, on peut aller le voir. Il est sensibilisé
à une problématique qui était dans les CLSC, tout le monde
le connaît. Il y a des gens qui sont restés dans nos murs et on ne
les connaît pas. Cela veut dire que si on a des problèmes, ils
ne
peuvent pas résoudre ces problèmes. Cela veut dire qu'ils
ne sont pas sensibilisés à nous qui faisons le travail sur place.
Ce n'est pas de dire qu'ils ne sont pas compétents, mais à part
la compétence, il faut dire qu'il y ait cette communication avec des
gens qui aident à régler les problèmes. C'est comme
l'attaché politique d'un ministre. C'est quelqu'un qui a une
connaissance du terrain. C'est quelqu'un qui est en contact avec la population
et qui va dire au ministre. Voilà ce qu'on doit faire, voilà ce
que la population veut dans notre comté. Je pense que cela est
très important.
M. Domond: Je voudrais peut-être ajouter quelque chose en
parlant d une minorité. II y a une confusion telle entre celui qui est
réfugié, un immigrant et celui qui est né ici et qui a
deux ou trois générations mais dont la seule faute est d'avoir
été noir ou jaune. Je pense qu'en reprenant une lecture de
I'histoire, on se rend compte qu'il y a ce qu'on appelle des QVS -
Québécois de vieille souche - qui sont d'autres couleurs et qui
ne sont pas plus présents que les autres ici. À un certain moment
donné, cela renvoie la bataille dans le camp même des immigrants
à savoir. Moi, je ne suis pas immigrant. Toi, tu es immigrant, moi je ne
suis pas là, toi, tu n'es pas là Toi, on fait attention à
toi, pourquoi? C'est parce que justement la société ne s'est pas
encore donné les outils nécessaires pour que cette
présence des membres des autres communautés soit aussi visible
à travers le service. Je vous demande, par exemple, de faire le tour de
Montréal et de regarder les banques. Un poste de réceptionniste
dans une banque. C'est une chose très simple. II y a des
secrétaires très bien qualifiées. En voyez-vous une qui
soit autre chose que de vieille souche? En voyez-vous souvent une qui soit
asiatique ou qui soit notre ou autre? Pour tant ce n'est pas une fonction
extraordinaire. C'est un service direct au client. Quand on parlait tout
à I'heure de qu'est ce qui va faire que les gens vont appliquer? C'est
quand ils vont se rendre compte que c'est possible d'arriver là.
Jusqu'à présent, même là, on ne l'a pas. Demandez au
gérant et arrivez juste un peu plus loin. Alors, je pense que la
même chose se reproduit dans la fonction publique, se reproduit dans les
services parapublics, etc. Finalement, on en arrive à un point ou cette
partie de la population ne s intéresse pas parce que les gens ne
s'identifient pas à cette société ou ils ne trouvent pas
leur place. Je pense qu'il y a un débat de société
à faire autour de cette question. On parle de la Commission des droits
de la personne parce que c'est certainement la place ou on peut le plus
facilement composer cette image et présenter un modèle, mais on
peut étendre la question et voir que, effectivement, il y a de grands
pas à faire pour essayer tout au moins d'avoir une représentation
sinon proportionnelle du moins significative. Ce qui n'est pas le cas
maintenant. Je pense que vous avez très bien souligné que dans la
fonction publique, au lieu d'accroître le taux de représentation,
il a régressé pas mal durant les dernières années.
Pendant la période de coupures budgétaires la période ou
tous les directeurs sont devenus des chirurgiens avec un bistouri ce n'est pas
le temps ou on va embaucher des gens. La chose qui revient souvent c'est la
question des syndicats. Est- ce qu' il n 'y a pas lieu que les gouvernements,
les patrons et les syndicats s'associent, s'assoient et discutent ensemble et
voient comment est-ce que sans brimer les droits des uns et des autres, on
arrive à un consensus sur la manière d'appliquer ces programmes
d'accès à l'égalité. Je pense que parler de
programmes d'accès à l'égalité, c'est parler aussi
des droits de la personne et cest parler du rôle de la Commission des
droits de la personne. En termes de droit à légalité sur
le marché du travail j'ai comme I'impression qu'on a frappé un
mur à certain moment donné. En dépit de I'entrée en
vigueur des programmes et en dépit de l'obligation contractuelle, cela
n'avance pas. II me semble qu'il y a un coup de barre à donner de ce
côté. Peut être que si la commission se donne les moyens
elle serait I'institution ou on peut justement faire avancer des choses comme
cela.
M. Hippolyte: Je voudrais ajouter aussi que
I'accessibilité en temps de crise est possible. Le gouvernement n'aura
pas à investir de nouveaux budgets, de commander de nouveaux budgets. II
y a des gens qui prennent leur retraite. II y en a qui sont morts. On ne
souhaite pas que tout le monde meure, de toute façon il y en a aussi qui
prennent des congés sabbatiques. Ce sont tous des endroits ou on peut
toujours se servir de ces moments pour parler de programme d' accès
à I 'égalité sans que cela coûte un sou à I
'État.
M Dauphin: Moi. M. le Président on m'a déjà
dit qu'il n'y avait pas beaucoup de membres des communautés culturelles
dans la fonction publique parce qu'ils ne voulaient pas déménager
à Québec.
M Hippolyte: Moi, je déménagerais demain matin.
Le Président (M Marcil): Très bien, nous vous
remercions beaucoup, M Hippolyte de même que M Domond, de votre
participation à cette commission. Disons que tous les points que vous
avez mis en évidence tout l'aspect de I' organisation de cette
Commission des droits de la personne les délais et également
I'efficacité vous avez fait une proposition en ce qui concerne la mise
sur pied d'un tribunal administratif c'est là une recommandation qui a
été faite par plusieurs organismes qui vous ont
précédés solution qui améliorerait
l'efficacité et probable ment aussi identifierait ou préciserait
le rôle de tous et chacun pour éviter le conflit de
rôles
qui existe entre l'enquêteur et le médiateur...
Vous avez aussi mis en évidence le problème d'Informations
et d'éducation. Donc, la Commission des droits de la personne a un
rôle d'Informer la population, d'être présente de plus en
plus dans les régions. Probablement aussi qu'il existe d'autres
mécanismes au Québec par lesquels on pourrait éduquer et
informer, du moins la jeunesse, notre jeunesse montante et qui va occuper des
postes, tantôt, dans notre société, que ce soit par le
biais des réseaux scolaires.
Donc, on vous remercie beaucoup de vous être
déplacés à Québec même si l'on dit que
Québec est un peu plus froid que le sud-ouest du Québec, Cet
après-midi, on va recevoir justement le Congrès des avocats et
des juristes noirs, ainsi que l'Association des infirmières noires du
Québec. Donc, on va pouvoir continuer également à entendre
ces groupes pour pouvoir nous permettre de saisir davantage cette
problématique.
Nous vous remercions. Je suspends les travaux jusqu'à 16 heures,
après les affaires courantes. Merci beaucoup. {Suspension de la
séance à 13 h 7)
(Reprise à 16 h 24)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous reprenons donc les travaux de cette commission. Nous entendrons,
cet après-midi, le Congrès des avocats et juristes noirs du
Québec dont les représentants ont déjà pris place
à la table des invités. Je leur souhaite la bienvenue. Nous
entendrons ensuite les représentantes de l'Association des
infirmières noires du Québec inc., je ne sais pas si elles sont
arrivées, on les attend bientôt.
Donc, bienvenue aux représentants du Congrès des avocats
et juristes noirs du Québec. Je leur rappellerais que leur
mémoire a déjà été distribué aux
membres de la commission, sous la cote 10M, et que les membres en ont pris
connaissance. Pendant les premières quinze minutes, je vous Invite
à faire un résumé ou un sommaire de vos
représentations, ensuite nous pourrons échanger des avis sur vos
commentaires.
D'abord, peut-être pourriez-vous vous Identifier pour le
bénéfice du Journal des débats?
M. Pierre (Martial): Martial Pierre. Je suis secrétaire du
Congrès des avocats et juristes noirs du Québec.
M. Boiron (Yves): Yves Boiron. Je suis responsable de la
recherche et de la documentation du congrès.
Le Président (M. Filion): Madame.
Mme Parris (Cynthia): Mme Cynthia Parris, présidente de
l'Association des infirmières noires du Québec.
Le Président (M. Filion): Ah bon! C'est pour plus tard.
C'est bien.
Mme Parris: On était censé être trois, mais
les deux autres n'étaient pas capables de venir parce qu'elles
travaillent.
Le Président (M. Filion): Écoutez, il n'y a pas de
problème. De toute façon, nous entendrons votre groupe vers 17 h
15, alors, nous allons d'abord entendre le Congrès des avocats et
juristes noirs du Québec, Me Pierre et Me Boiron. La parole est à
vous.
Congrès des avocats et juristes noirs du
Québec
M. Pierre: M. le Président, MM. et Mme membres de la
commission, nous vous remercions pour votre Invitation à venir ici
aujourd'hui. Comme le président vient de l'indiquer, nous ne croyons pas
nécessaire de relire pour vous un texte déjà en votre
possession. Mon confrère Boiron commencera peut-être par commenter
certains aspects de notre mémoire et, plus tard, nous serons disponibles
pour répondre aux questions que vous pourrez avoir.
M. Boiron: Nous voulons tout d'abord souligner que le
Congrès des avocats et juristes noirs du Québec est un organisme
tout à fait nouveau, jeune, et par ce titre, il n'a donc pas d'histoire
en ce qui concerne ses relations avec la Commission des droits de la personne.
Son expérience s'est située de préférence à
travers celle des membres de cet organisme.
Un deuxième point que j'aimerais souligner, c'est que nous
mettons particulièrement l'accent sur les facteurs race, couleur, en ce
qui a trait à l'application de l'article 10 de la charte. Tout d'abord,
nous croyons que la Commission des droits de la personne manque de
visibilité. On ne perçoit pas l'existence de cette commission,
surtout au sein de la communauté noire. On ne la voit pas quand des
problèmes sérieux se posent. Nous pouvons souligner certains cas
comme des problèmes qui surviennent dans le milieu scolaire, notamment,
aux écoles Henri-Bourassa, Calixa-Lavallée et
Saint-Exupéry. La commission a attendu qu'il y ait des Incidents
violents et l'intervention même des médias pour seulement envoyer
un agent d'éducation sur place afin de vérifier ce qui se passe.
Il y a aussi le secteur hospitalier où. depuis des années, les
infirmières noires souffrent de toutes sortes de harcèlement. On
n'a pas vu non plus la Commission des droits de la personne intervenir dans ce
dossier.
Nous aimerions aussi souligner qu'il y a un peu plus de deux ans, la
communauté haïtienne a
été injustement désignée par la Croix-Rouge
comme étant formée de personnes à risque en ce qui
concerne le SIDA. Cette communauté a traîné cette
étiquette pendant plus de deux ans, jusqu'à ce que les
autorités médicales se rendant compte de leur erreur ont
rectifié leur tir pour dire que la communauté haïtienne
n'était pas plus à risque que les autres communautés.
Là encore on n'a pas vu la Commission des droits de la personne
intervenir, la commission se contentant tout simplement d'attendre que le
problème lui soit soumis. Elle ne va pas, comme l'autorise de faire sa
lof constitutive, c'est-à-dire la Charte des droits et libertés
de la personne, au-devant des problèmes pour prendre les initiatives qui
pourraient corriger certaines situations et empêcher que des injustices
soient commises à l'égard de la communauté noire.
En matière d'information et d'éducation, il n'y a rien qui
se fait de vraiment positif. L'information de la commission n'est pas
disponible à n'Importe qui. il faut aller chercher cette information.
Et, quand il s'agit, par exemple, de publication spécialisée, il
faut faire une demande spécifique et, encore-là, il faut qu'on
ait été mis au courant de l'existence de telle publication.
En matière d'éducation, la commission ne prend pas
d'initiatives. Elle est absente dans les écoles. Elle est absente dans
le grand public. Elle est absente auprès des organismes de
première ligne, qui sont les mieux placés pour sensibiliser la
communauté, la population, à l'existence de la charte. Or, l'une
des fonctions de la commission, c'est précisément
d'établir un programme de formation et d'éducation destiné
à faire comprendre et accepter l'objet et les dispositions de la
présente charte. C'est donc un rôle actif qui est confié
à la commission, alors que dans la réalité, dans les
faits, elle s'est croisé les bras, comme je l'ai déjà dit,
attendant qu'on vienne lui soumettre des cas. Nous avons souligné,
à la page 4, de notre mémoire, certaines solutions, certains
moyens que la commission pourrait appliquer pour faire preuve de plus
d'efficacité. Nous pensons, par exemple, aux campagnes publicitaires
contre le tabagisme et contre l'alcool au volant. On sait que cela a
apporté des résultats extraordinaires. On se demande alors si la
commission ne pourrait pas faire une campagne de cette nature pour sensibiliser
les gens à l'existence de la charte et à l'application de ses
dispositions.
Un des grands problèmes, quand on va devant la commission, ce
sont les délais interminables. Un sondage que nous avons effectué
au sein de nos membres nous indique très clairement que cela prend en
moyenne deux ans pour qu'un dossier soit réglé devant la
commission. Ces délais, dans bien des cas, découragent les
plaignants qui abandonnent purement et simplement leur plainte. Car, dans bien
des cas, ils se présentent devant la commission sans avocat, seuls, sans
personne pour les guider. Comme je vous l'ai dit, ils finissent par se
décourager. Bien souvent, on va entendre la commission parler d'un
règlement d'un dossier, alors qu'il s'agit purement et simplement d'un
désistement. Le dossier réglé, c'est un dossier qui a
été ouvert et qui est fermé.
On se pose aussi fa question sur l'utilité du processus
engagé devant la commission. Après deux ans de procédure,
quand on arrive à une décision de la commission et que les
recommandations de la commission ne sont pas suivies comme souhaité, il
faut encore recommencer le processus devant les tribunaux judiciaires. Nous
savons qu'il y a d'autres organismes qui, pour cette raison, parlent de la
création d'un tribunal administratif sur les droits de la personne qui
pourrait apporter des solutions immédiates et applicables,
exécutoires, dans le cas des litiges qui sont confiés à la
Commission des droits de la personne.
Si on regarde la structure de cette commission, c'est une structure
extrêmement simple. Il y a la commission, il y a la direction et les
employés C'est une structure extrêmement simple qui facilite le
fonctionnement. Mais, quand on parle de structure, il faut évidemment
regarder à l'intérieur, voir ce qui compose cette structure,
c'est-à-dire les personnes, les employés de la commission.
Après quelque dix années d'existence, ce qui attire notre
attention, c'est le profil du personnel qui brille par son
homogénéité sur le plan racial. Il n'y a presque pas de
représentants de la communauté noire au sein de cette commission,
cela après plus de dix ans d'existence.
Nous ne savons pas exactement comment le gouvernement procède
pour la nomination des commissaires, c'est-à-dire quels sont les
critères retenus dans le choix des commissaires. Mais, ce que nous
souhaitons, c'est qu'à l'avenir, ces commissaires soient nommés
en fonction de leur implication dans le passé aux problèmes
touchant les droits humains. De plus, les organismes intéressés
oeuvrant dans la défense des droits humains aimeraient aussi être
consultés - nous parlons de consultation réelle - de
manière qu'on puisse avoir dans les postes la meilleure personne
à un moment déterminé.
Quand on pense, par exemple, aux fonctions de président et de
vice-président, quand on pense à l'importance de ces deux
fonctions, on se demande si on ne doit pas tenir compte de l'engagement de ces
personnes en matière de promotion des droits et libertés avant de
faire leur nomination.
Quant aux employés mêmes de la commission, on sait que la
commission a le droit, le pouvoir, de nommer elle-même ses propres
employés Nous ne savons pas non plus quels sont les critères
retenus. Nous considérons que la commission est un organisme
spécialisé et nous considérons naturellement que les
employés devant travailler dans cette commission devraient au
préalable manifester un certain intérêt pour la promotion
des droits et libertés Tout au moins,
on aurait pu, après les avoir engagés, leur donner une
formation leur permettant d'oeuvrer adéquatement au sein d'un organisme
dont la fonction essentielle est de promouvoir les droits et libertés
dans cette société.
Là encore, on constate qu'il n'y a rien d'extraordinaire qui a
été fait et cette commission, à laquelle le gouvernement a
donné la fonction de promouvoir le programme d'accès à
l'égalité, doit commencer par appliquer ce programme en son
propre sein. On devrait pouvoir retrouver une représentativité de
toute la composante de la société québécoise
à l'intérieur de cette commission, non seulement au niveau des
employés mais encore au niveau le plus élevé,
c'est-à-dire au niveau des commissaires.
Maintenant, en ce qui concerne les pouvoirs de la Commission des droits
de la personne, on sait que la Commission des droits de la personne a des
fonctions et des pouvoirs reconnus par les articles 66 et suivants de la
charte. Tels qu'ils sont définis, ces pouvoirs sont suffisamment larges
pour permettre à la commission d'exercer adéquatement les
fonctions qui lui sont dévolues. Malheureusement, comme nous l'avons
déjà dit, la commission n'exploite pas à fond
l'étendu des pouvoirs qui lui sont conférés. Au sein de la
communauté noire, particulièrement, c'est une impression
d'absence totale de la commission qui est constatée surtout quand il y a
des problèmes sérieux qui se posent.
Nous avons terminé notre mémoire en faisant une
énumération de certaines recommandations dont nous aimerions voir
tenir compte par la commission pour l'avenir de manière que - comme je
l'ai déjà répété - elle puisse occuper tout
l'espace qui lui est donné par sa loi constitutive, c'est-à-dire
la charte.
On parle de plus en plus maintenant de violence policière. On n'a
jamais vu la commission prendre l'initiative d'éduquer ou d'informer ce
milieu, et cela depuis dix ans, malgré les problèmes
répétés qui se posent depuis ces dernières
années. La commission n'a jamais pris d'Initiative non plus en ce qui
concerne les chauffeurs d'autobus. On sait qu'à Montréal aussi,
ces derniers temps, de plus en plus d'incidents violents surviennent entre les
chauffeurs d'autobus et la population noire. Cela va de soi un peu étant
donné que l'immigration d'ethnies visibles se fait de plus en plus
grande et les gens sont appelés de plus en plus à entrer en
communication directe avec ces nouveaux arrivants. La commission devrait
intervenir avec des programmes précis d'information et
d'éducation dans les cas de ces deux organismes que j'ai cités,
la police et la CTCUM, avec les chauffeurs d'autobus et de métro, de
façon à faciliter les relations entre les représentants de
ces organismes et les représentants de la communauté noire. (16 h
45)
Le Président (M. Filion): Cela va, je vous remercie de la
présentation de votre mémoire. Je laisserai la parole à M.
le député de Beauharnois.
M. Marcil: Merci, M. le Président. Lorsqu'on parle du
règlement des litiges où on met en évidence les
délais qui sont très longs, et on parle justement de retards
sérieux de tout près de deux ans à traiter une plainte,
plusieurs organismes qui vous ont précédés ont
soulevé le même problème. Ce qui est particulier, c'est que
tous les organismes parlent de délais de deux ans. Il n'y a aucun
organisme qui a parlé d'un an ou de six mois ou d'un an et demi, c'est
de deux ans environ. Ce qui met en cause la possibilité de poursuivre
par la suite.
Quelles seraient, d'après vous, les raisons pour lesquelles les
délais sont si longs, deux ans, parce que ce dire n'est pas particulier
à votre groupe, c'est particulier à l'ensemble des groupes qui
vous ont précédés.
M. Pierre: Je pourrais tenter de répondre à cette
question. Nous ne pensons pas que ce soit un facteur en particulier qui soit la
cause de ce retard, c'est un ensemble de facteurs Premièrement, en ce
qui concerne les commissaires, de la façon que la loi est
interprétée et appliquée, il semble qu'une fois qu'une
plainte passe le niveau de la recevabilité, qu'il y a eu enquête,
médiation, conciliation, ce que vous voudrez, l'assemblée des
commissaires est saisie des moindres petits dossiers... Alors, nous pensons que
c'est un travail considérable, surtout que les commissaires ne
rencontrent pas particulièrement les plaignants. Ils doivent prendre
connaissance des notes rédigées, des rapports. Alors, d'un
côté, nous pensons que ceux-ci peuvent avoir pour effet de
retarder le règlement des litiges au niveau de deux ans.
Nous pensons également que si une autre Instance s'occupait de la
question litigieuse, parce que quand même nous considérons que
c'est une commission qui est très spécialisée, une
question de relations raciales, etc., s'il y avait une division à
l'intérieur de la commission qui était mandatée pour
s'occuper plus particulièrement des questions raciales qui sont les
divisions les plus familières avec la doctrine, la jurisprudence, etc.,
il aurait été possible, au lieu d'avoir des employés qui
sont polyvalents, qui sont tout aussi compétents dans tous les domaines,
s'il y avait une division très spécialisée, il y aurait
lieu peut-être de procéder de façon - je veux dire pas plus
expéditive - plus efficace dans un délai plus court.
M. Marcil: L'organisme nous a également proposé la
mise sur pied d'un tribunal administratif parce que lorsque vous mentionnez la
possibilité de développer une division spécialisée
en ce qui a trait aux causes qui touchent réellement le racisme, c'est
parce que ce qui me fait peur, c'est qu'à un moment donné, il
faudrait peut-être le faire aussi pour des causes de harcèlement
sexuel, pour d'autres également, et
cela alourdirait probablement aussi l'appareil comme tel. Vous
mentionnez, à un moment donné, dans vos recommandations de faire
une étude de l'implantation d'un tribunal indépendant pouvant
rendre des décisions interlocutoires et finales.
Vous parlez de la possibilité de faire une étude.
D'autres, précédemment, nous ont parlé carrément de
développer ce mécanisme et de le rendre fonctionnel,
mécanisme qui existe également en ce qui a trait aux commissions
des droits de la personne d'autres provinces et même du Canada.
M. Pierre: Quant à nous, nous avons suggéré
d'étudier très sérieusement cette
possibilité-là. Il ne s'agit pas tout simplement de l'implanter,
il faut voir ce qui se fait ailleurs et adopter ce mécanisme à
notre système de droit ici au Québec.
Ce que nous souhaitons voir, si jamais l'Implantation de ce tribunal
s'avérait nécessaire et faisable, ce serait encore une instance
vraiment très spécialisée comme il existe dans d'autres
secteurs. Cela aurait l'avantage de procéder - je pense que je l'ai
déjà suggéré - plus rapidement. Parce qu'au fond,
je disais que cela se recoupait. D'un côté, on a les commissaires,
nous pensons, quant à nous, qu'ils ont également un travail de
promotion de la Charte des droits et libertés de la personne à
faire. Ce travail est négligé pour l'Instant, peut-être en
partie. Les commissaires se retrouvent pris dans des cas... Ils se trouvent un
peu à hésiter à intervenir dans des situations urgentes,
parce qu'ils savent qu'en fin de compte, s'il y a plainte, ils risquent de
devenir juge et partie. Quand on s'est prononcé sur une situation
donnée et qu'on sait qu'un an plus tard on peut être appelé
à donner une solution, on peut comprendre leur hésitation. S'il y
avait une nouvelle division où le point de vue de la commission serait
représenté devant cette instance spécialisée... Le
point de vue de la commission serait le sien et elle le défendrait
devant cette instance spécialisée. Cela aurait l'avantage de
pouvoir procéder de façon plus rapide et plus efficace, je pense,
et la commission pourrait, en même temps, faire la promotion des
droits.
M. Boiron: J'aimerais ajouter quelque chose aussi concernant
notre proposition de créer une section spéciale pour traiter des
problèmes à caractère racial. Notre expérience
devant la Commission des droits de la personne nous permet de vous dire que la
commission aborde avec beaucoup de gêne la question raciale. Il y a
beaucoup de retenue de la part de la commission et, dans bien des cas,
l'impression des personnes qui ont porté plainte devant la commission,
c'est qu'elles sont mal servies. Dans bien des cas - je pourrais parler
personnellement - j'ai des clients qui se perçoivent comme des personnes
accusées devant la commission. Fort souvent, des conflits en cours
d'enquête éclatent entre un enquêteur et le client ou la
cliente. Il ne faut pas oublier que la question n'est pas une affaire
objective, logique. Il n'y a pas de raison là-dedans, c'est très
émotif. C'est une question extrêmement difficile à
établir, tant devant la commission que devant les instances judiciaires.
C'est pour cela que nous croyons que si on ne commence pas par engager des gens
sensibilisés à la question des droits et particulièrement
à la question raciale, si on ne tient pas compte de ce facteur
primordial, la commission sera toujours perçue de cette
manière.
Je veux apporter une précision. Quand nous parlons de gens
sensibilisés, il n'est pas absolument nécessaire que ces gens
proviennent des groupes ethniques. Il y a déjà, dans la
société québécoise, beaucoup de personnes
très sensibilisées à la question de la défense des
droits et à la question des couleurs. Évidemment, si, en plus,
ces personnes proviennent des groupes ethniques, particulièrement des
minorités visibles, eh bien! c'est le compte.
M. Pierre: Avec votre permission, j'essaierais d'ajouter une
autre impression du Congrès des avocats et juristes noirs du
Québec. Quand on fait référence à ce que M. le
président vient de dire sur la question des décisions
exécutoires, je suis certain que le congrès avait en tête
la question du taxi à Montréal. Je vois un confrère, dans
la salle, qui est tout aussi familier que nous avec cette expérience. II
y a eu cette longue enquête. Il y a eu le rapport qui admettait qu'il y
avait du racisme dans l'industrie du taxi. Il y a eu poursuite judiciaire. La
cause est encore pendante. Depuis tout ce temps, il n'y a pas eu un seul
chauffeur noir qui a pu être embauché dans ces compagnies
intimées. S'il y en a qui ont été embauchés, ce
n'est certainement pas à cause de l'intervention de la commission. Plus
spécifiquement, il y a eu une admission d'un ou de deux membres et
c'était à la suite de pressions économiques
exercées directement sur la compagnie qui refusait d'engager des
chauffeurs noirs. Je me place facilement dans la position de mes clients et je
peux très facilement comprendre ce que cela donne, ce qu'ils nous
demandent. À quoi cela va-t-il servir de traîner une lutte pendant
deux, trois ans, pour ensuite n'avoir aucun résultat concret? En tant
que praticiens, nous nous posons effectivement cette question: Est-ce que je
vais conseiller à mon client d'aller à la commission, attendre
deux ou trois ans ou bien amener directement ma cause à la Cour
supérieure ou à la Cour provinciale? C'est une question à
laquelle nous devons penser chaque fois que nos clients confrontent ce genre de
situation et si jamais la commission avait ce pouvoir de décision
exécutoire, je pense que les délais seraient... et surtout si les
délais étaient plus courts, nos clients à la
communauté seraient incités à se servir de ce
mécanisme prévu par la
charte.
Le Président (M. Filion): D'abord, je voudrais vous
féliciter de l'initiative de regrouper en un seul organisme, les
étudiants en droit, les juristes, les avocats, je pense que cela
crée une espèce de plaque tournante où c'est possible de
mettre en commun les expériences de différents membres de la
communauté noire, d'échanger des avis et de permettre à
votre organisme de faire ce qu'il fait aujourd'hui, c'est-à-dire venir
présenter aux parlementaires leurs points de vue sur un organisme. Je
comprends que cela date de juillet 1986 donc, à peine un an d'existence,
mais je souhaite longue vie à votre organisme.
En ce qui concerne l'information et l'éducation, je dois vous
dire que vous rejoignez une bonne partie des intervenants que nous avons
déjà entendus qui souhaitent une plus grande diffusion de
l'existence même de certains documents. C'était ce matin ou hier,
où c'est moi-même qui ai informé les dirigeants de
l'Association de la communauté gaie de Montréal qu'il existait un
document préparé par la Commission des droits de la personne
à l'intention des membres de cette communauté,
c'est-à-dire en général, les Informant que l'orientation
sexuelle était, bien sûr, un motif de non-discrimination depuis
1978. C'est un exemple de ce que devrait être une collaboration entre les
différents organismes qui se donnent pour mission de promouvoir les
droits et libertés et la Commission des droits de la personne.
Vous amenez une conclusion assez sévère à
l'égard de la commission à la page 6 de votre rapport, que l'on
retrouve également comme opinion chez d'autres intervenants, lorsque
vous parlez de l'inefficacité de la commission et vous dites: Cette
inefficacité conduit à une insatisfaction qui entraîne une
perte de confiance de la communauté noire envers fa Commission des
droits de la personne. C'est extrêmement sérieux et profond de
conséquence. Vous donnez l'exemple de plaignants qui se dirigent vers
les tribunaux ordinaires pour faire valoir leur point de vue plutôt que
de s'adresser à la Commission des droits de la personne, c'est correct,
il n'y a rien qui empêche les gens de s'adresser aux tribunaux de droit
commun pour faire valoir leur point de vue, leur droit, mais le pendant est
quand même que vous dites qu'il existe une perte de confiance.
Ma question est la suivante. Vous faites également une
série de recommandations à la fin de votre mémoire qui
reprend différents thèmes. Quels sont les moyens que devrait
employer la commission en dehors des recommandations qui sont contenues, je
parle peut-être plus au niveau de la collaboration, qui devrait exister,
parce que j'ai déjà appelé le partenariat occasionnel
entre la commission et certains groupes... Quels sont les moyens qui devraient
être mis de l'avant, selon vous, pour au moins rétablir un minimum
de confiance entre les membres de votre communauté qui, même s'ils
sont une minorité, constituent une minorité et, comme toutes les
autres minorités, bien sûr, Importante, mais en plus de cela,
votre communauté fait partie de l'histoire du Québec depuis
déjà plusieurs décennies, alors pour établir un
minimum de confiance et de crédibilité entre les membres de votre
communauté et la Commission des droits de la personne? (17 heures)
M. Boiron: Nous pensons qu'une des choses, je crois que nous
l'avons souligné, pour la Commission des droits de la personne, c'est
d'agir directement en collaboration avec les organismes de première
ligne, les organismes qui reçoivent régulièrement des gens
à problème, en faisant fa promotion des droits et libertés
à travers ces organismes de manière, au moment où un
problème de discrimination se pose, que le plaignant ou la plaignante
qui arrive à la Commission des droits de la personne n'arrive pas dans
un endroit inconnu, étant déjà habitué à se
faire dire qu'il ou elle a le droit de défendre ses droits et de porter
plainte devant la commission, dans telle ou telle circonstance, ensuite,
sensibiliser le personnel même de la Commission des droits de la personne
à cette réalité.
Une personne qui vient de perdre son emploi pour une cause de
discrimination raciale c'est une personne, sur le plan émotif, perdue,
au moins pour quelque temps, qui se retrouve devant la Commission des droits de
la personne, face à un mur, face à une administration. Et, le
plus souvent, comme je vous l'ai dit, les gens se présentent sans
avocat. C'est, comme s'ils se présentaient... J'ai une cliente qui me
l'a dit: Quand je me suis présentée, je croyais que
j'étais à un poste de police, où l'on me posait toutes
sortes de questions, sans s'intéresser vraiment au problème que
je voulais leur soumettre. Je crois, comme je vous l'ai dit, qu'il faut aller
plus loin dans le recrutement de ces gens, dans la formation à leur
donner, dans l'accueil à donner aux gens qui se présentent pour
porter plainte. Que la personne ne se sente pas l'accusée. Je vous l'ai
dit, même dans les enquêtes, il y a des incidents, des
échanges verbaux pas trop corrects, entre des enquêteurs et des
plaignants.
J'ai vécu, personnellement, la situation très
désagréable, où un client a demandé
carrément..
Le Président (M. Filion): Pardon!
M. Boiron: Un client a demandé, tout simplement, à
un enquêteur de se retirer du dossier, parce qu'on ne faisait pas
confiance... Elle ne faisait pas confiance à cette personne-là
Si, même là, il y a cette absence de confiance, vous imaginez ce
qui peut arriver dans le grand public, qui n'a jamais entendu parler de la
commission, ou si on en entend parler, c'est toujours en mal. Il ne faut pas
aller parler à un Noir de se présenter devant la Commission
des
droits de la personne. Cela, c'est sûr.
M. Pierre: À cela, j'ajouterais que la communauté
noire est bien prête à juger l'arbre à ses fruits. À
entendre dire qu'il existe des dispositions très
généreuses qui permettent d'avoir une Commission des droits de la
personne, c'est très bien. Peut-être, au risque de se
répéter, voir cette commission absente dans les débats
importants qui touchent cette communauté, où l'appui de cette
commission viendrait utilement appuyer la cause des victimes et sentir
l'absence de la commission à ces moments précis... Nous avons
fait référence à des situations dans les écoles,
cela, ce sont des moments où les situations frisaient la violence,
l'émeute, et ta commission est absente se disant: Je ne veux pas me
prononcer tout de suite. Tout d'un coup qu'il y a une plainte qui est
déposée plus tard. Alors je pense que les gens regardent et ce
silence est interprété comme des intérêts,
même si, au fond, on peut comprendre la situation litigieuse dans
laquelle la commission pourrait se trouver. Cependant, ce silence est
interprété dans la communauté comme étant une sorte
de situation passive vis-à-vis du problème extrêmement
urgent. Je pense que la commission regagnerait cette crédibilité
dont elle a besoin, à mon avis, pour pouvoir être efficace dans la
mesure où elle fait des interventions efficaces, ponctuelles et utiles.
À ce moment-là, les victimes sentiront un allié
auprès de la commission et se serviront des instances prévues
dans la loi. Mais aussi longtemps que la communauté noire se
réfère au passé et n'a pas vu des résultats
concrets, on peut très bien comprendre qu'elle hésite à
avoir recours aux dispositions prévues dans la loi.
Un exemple, si vous permettez, c'est l'incident récent survenu
à Montréal de la mort d'un jeune Noir. La commission n'a
trouvé rien de mieux à faire que de proclamer le principe de la
présomption d'innocence pour le policier plutôt que de regarder du
côté de la victime, puisque le devoir de la commission est de
promouvoir les droits et libertés. Alors, plutôt que de se
retourner de ce côté-là, non, elle se retourne du
côté du policier pour parler de sa présomption d'innocence.
Or, on sait bien que ce qui ne va pas manquer à ce policier, ce sont des
avocats pour rappeler justement cette présomption d'innocence. Ce n'est
pas à la commission de faire ce travail, non.
Le Président (M. Filion): Oui, peut-être, pour vous
signaler qu'il demeure à la Commission des droits de la personne la
responsabilité d'appliquer la charte. On l'a soulevé plusieurs
fois, elle a plusieurs chapeaux. Elle doit faire la promotion des droits et
libertés, comme vous le soulignez, et la présomption d'innocence
fait partie de droits et libertés, vous savez. Elle fait aussi
l'enquête, elle fait de la médiation et elle fait de
l'adjudication. Ce que vous soulevez finalement dans vos propos, Me Boiron et
Me Pierre, c'est un petit peu cette confusion des rôles. On ne peut
difficilement, dans l'état actuel du droit et de la loi, exiger de la
commission qu'elle fasse flèche de tout bois. La commission a une
responsabilité, des devoirs et son opinion, vous savez, pèse
lourd dans une balance. Donc, avant de la former, je ne veux pas
défendre les délais et aussi au niveau des délais qu'elle
prend pour se former une opinion, on se l'est fait dire suffisamment depuis
deux jours, mais quand même on ne peut pas lui reprocher de mesurer
adéquatement les faits, les témoignages des personnes avant de
mettre son immense poids moral d'un côté de la balance dans un
dossier.
Maintenant, parce que là vous mettez l'emphase du
côté de la promotion des droits et libertés, mais comme
elle pourrait être appelée à enquêter, à faire
de la médiation ou même à adjuger dans certains cas
à savoir sur la recevabilité d'une plainte et également
adjuger à savoir s'il y a violation ou pas d'un droit de la charte, vous
comprenez que l'ensemble de ces responsabilités-là, à
cause peut-être de cette confusion des rôles que vous
évoquiez, crée une espèce de devoir, non pas de
réserve, mais un devoir de prudence à la commission qui a des
limites, je veux bien. Je ne veux en aucune façon que mes propos soient
interprétés comme se rapportant à l'incident qui est
maintenant devant les tribunaux. Je pense quand même qu'il faut faire la
nuance, mais je comprends votre point de vue. Vous mettez un peu plus le pied
sur l'accélérateur de la promotion. Mais, encore une fois, ce
n'est pas là actuellement, avant qu'un changement ne survienne, le seul
rôle de la commission.
Je voudrais également vous poser une question sur votre
suggestion, votre recommandation de créer une division à
l'intérieur de la structure actuelle de la Commission des droits de la
personne pour traiter exclusivement des cas de discrimination basée sur
la race, de discrimination raciale. Par ailleurs, si on donnait des pouvoirs
exécutoires à un tribunal et si les délais étaient
raccourcis si dans l'éducation, il y avait un accent de mis au niveau de
la commission, est-ce que vous croyez toujours que seule une division
spéciale, exclusive, serait en mesure de satisfaire un peu vos
préoccupations ou si, advenant le cas où la commission se
"raplombe" - passez-moi l'expression entre guillemets - cela ne deviendrait pas
une espèce de division un peu artificielle où chaque groupe
pourrait demander, comme cela a été fait ce matin d'ailleurs par
le Comité provincial des malades qui demande beaucoup plus, soit une
charte des droits du malade et une commission des droits du malade et vous
demandez une division spéciale pour les cas de discrimination raciale.
Est-ce que cela serait finalement nécessaire à vos yeux, advenant
le cas où l'efficacité de la commission se replace?
M. Pierre: Je pense qu'on ne peut pas
répondre à cette question de façon isolée.
Il y a plusieurs dimensions à certaines questions qui finissent par se
regrouper. Je vous invite à penser, il y a quelques années,
à un employeur, à une association de chauffeurs de taxi qui,
publiquement, a dit et ouvertement que si le gouvernement ne force pas l'autre
compagnie de taxi à prendre des chauffeurs noirs, demain, date limite,
je congédie tous les chauffeurs noirs. Elle ne l'a pas dit en cachette.
Elle l'a dit devant la population. Évidemment, la Commission des droits
de la personne a bien voulu Intervenir. Cependant, sauf erreur, la
jurisprudence dans l'état actuel du droit, c'est que les tribunaux sont
très hésitants à accorder des injontions pour dire
à cette association de taxi: Je vous ordonne de ne pas congédier
ces personnes tant et aussi longtemps que le débat n'est pas
tranché. C'est en ayant en "background" cette situation qui a
existé qu'on s'est dit que la décision, si elle avait de par la
loi des pouvoirs exécutoires parce que c'était sa position qui
était injuste, c'était une violation de la charte que de
congédier un groupe de personnes à cause de leur appartenance
à un groupe racial déterminé, mais c'était leur
position officielle. C'était une violation. Mais ils n'avaient pas le
pouvoir de rien faire sinon d'aller à la Cour supérieure et
essayer d'obtenir une injonction, On connaît dans l'état actuel du
droit la réticence.
Si on avait à l'intérieur de la commission une division
spécialisée où les intervenants pourraient être
effectivement plus au courant de certaines pratiques discriminatoires qu'un
juge de la Cour supérieure qui s'occupe de l'application de je ne sais
combien de lois, effectivement, cette division serait en mesure, si on avait le
pouvoir d'intervenir directement et d'émettre une ordonnance. On fait
cela pour un comité. Il y a un comité qui s'occupe des services
essentiels. Ce comité a le pouvoir d'émettre des ordonnances
quand les médecins ou les infirmières décident de faire ta
grève. Ce comité qui n'est pas la cour émet des
ordonnances. On se demande: pourquoi pas quand directement et publiquement, on
menace de congédier un groupe de personnes à cause de leur race,
ce qui est, à mon avis, de la provocation? Alors, la commission, pour
l'instant, se justifie en disant: Je voudrais bien, mais je ne peux pas.
Alors, l'un n'exclut pas l'autre. Il se pourrait qu'il y ait dans le
traitement de la plainte une division spécialisée qui recueille
la preuve et qui se fait une opinion, s'il y avait une dimension pour traiter
le litige, une instance qui pourrait devenir en quelque sorte ensuite le
procureur de la commission qui fera cette preuve devant cette instance pour
obtenir ce genre d'ordonnance. Donc, c'est un ensemble de facteurs qu'il
s'agirait de mettre ensemble. (17 h 15)
Le Président (M. Filion): C'est bien. Je vous remercie. Je
vais laisser la parole à M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Thuringer: Merci, M. le Président. Je sens et avec
raison une frustration pas mal forte dans votre mémoire dans le sens
qu'il y a vraiment deux volets. Il y a les problèmes administratifs et
derrière cela, si j'ai bien entendu, il y aussi tout l'aspect de la
discrimination dont vous êtes le sujet. J'aimerais quand même
toucher une de vos recommandations qui dit que cela prend des ressources
massives, surtout dans les centres urbains. Vous avez déjà fait
certaines suggestions, mais pour faire quoi exactement? Mettons, si on peut
déclencher les ressources, quelles sont les priorités que vous
voyez? Est-ce que ce sont des permanents, des permanents
spécialisés, quoi exactement, l'éducation? À la
page 11, troisième...
M. Pierre: Ce qu'on a voulu dire, c'est que nous savons que les
situtions de conflit racial très tendues existent évidemment
là où vivent ensemble ces différentes cultures. Il est
plus probable que ces situations se posent à Montréal que dans
une localité éloignée de Montréal. En ayant, au
bureau de la commission à Montréal, un personnel... Quant
à nous, et c'est notre position, on ne devrait pas dire: C'est sur le
même pied, tel et tel autre motif. Il y a une question de conjoncture,
une question de situation qui peut être tendue, par exemple. quand on
frise les murs, ou tout un groupe ethnique se voit évité parce
qu'une autre institution a déclaré qu'elle pouvait infecter, etc.
Ce sont des situations tendues. Les enfants ne peuvent aller à
l'école. On ne s'assied pas à côté d'eux dans
l'autobus Ce sont des situations qui sont immédiates, qui demandent des
positions immédiates. Nous disons que, oui, nous pensons que dans les
endroits où vivent ces deux cultures, il devrait y avoir davantage de
ressources humaines et financières pour pouvoir intervenir, tant sur la
solution des litiges, mais également pour Investir plus de ressources
dans des projets d'éducation et de promotion, nous ne voyons pas
nécessairement aux dépens d'autres motifs de la charte. Nous
disons que nous pensons que la charte permet à la commission
d'intervenir là où elle pense qu'il y a urgence et
priorité.
M. Thuringer: Je pense que c'est vous qui avez dit que la
commission a les pouvoirs et ne les exerce pas assez bien en ce moment.
M. Pierre: C'est notre opinion, oui.
M. Thuringer: Dans le domaine de l'éducation, quand il
existe des préjugés dans un quartier, quel type de gestes -
l'éducation aussi prend du temps - positifs que vous suggérez
qu'on peut entreprendre dans ce domaine? L'école est un moyen, mais
c'est vraiment à long terme.
M. Boiron: À un certain moment - je l'ai
souligné tout à I'heure - je crois que c'est à la
polyvalente Calixa-Lavallée, la commission avait
délégué un employé pour aller vérifier ce
qui se passait sur place. Dans les quartiers ou le problème se pose,
à Montréal vous avez des quartiers comme Montréal-Nord,
Côte-des-Neiges, ou il y a une forte concentration ethnique, je pense que
la commission pourrait déléguer, de façon
régulière, un de ses employés, pour organiser des
rencontres avec les étudiants, même avec les professeurs, des
conférences, des séminaires, inviter des personnes de
l'extérieur à venir parler de ces questions, cela sans
discrimination, des personnes de tous les horizons, de tous les groupes
ethniques. Vous invitez des gens pour faire des conférences, des
séminaires sur ces questions pour sensibiliser les enfants à
cette réalité. Que voulez-vous, il y a plusieurs ethnies vivant
à Montréal. On ne peut rien y changer. Il y a aussi des Noirs Ils
sont là. Mon Dieu faites-le. C'est ce que dit la charte, à
l'article 67b faire accepter l'objet de cette disposition. Entre autres, la
commission peut faire cette chose-là.
Le Président (M. Filion): Alors oui, ça va, M le
député de Notre-Dame-de-Grâce? Est-ce que monsieur. Cela
va.
Oui, Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Vous avez mentionné au tout début,
qu'on connaissait mal la façon dont étaient faites les
nominations des membres qui composent la Commission des droits de la personne.
Est-ce que, d'après vous, le fait d'avoir des membres de votre
communauté au sein de la commission pourrait favoriser une meilleure
compréhension et rétablir les ponts entre les différentes
communautés culturelles?
M. Boiron: Nous n'en doutons pas. Sauf que - comme je l'ai
mentionné - il faut que ce soit la bonne ou la meilleure personne dans
les circonstances. II ne suffit pas que la personne soit de ma
communauté. Cela ne suffit pas. II faut encore que cette personne sort
une personne sensibilisée à cette question .Et, quand il s'agit
des commissaires, il faut des gens qui se sont déjà compromis,
engagés dans la défense des droits et libertés, sans aucun
doute. Si ce critère était retenu et si, à l'occasion de
la nomination dun commissaire, les groupes intéressés
étaient consultés - je parle de consultation réelle,
c'est-à-dire en prenant en considération I'opinion des gens - eh
bien, si c'était fait, il est certain que les diverses ethnies
reprendraient confiance peu à peu dans cette commission dans la mesure
ou la présence des représentants des communautés noires
modifie l'approche de la commission, permette à la commission de jouer
pleinement son rôle.
La commission a cette tendance - je profite de l'occasion pour le dire -
à se considérer comme neutre Or, la commission doit seulement
être impartiale quand elle doit rendre une décision. Je peux faire
une comparaison, pour faciliter la compréhension de ce que je veux dire,
avec une cour criminelle. Les cours criminelles sont créées pour
sanctionner des conduites criminelles. En ce sens, on peut dire que la cour
n'est pas neutre. La cour a une position sanctionner la conduite criminelle.
Cependant, lors d'un procès, il y a des règles objectives
à observer II y a des règles de procédure, des
règles de preuve. Le juge ne doit pas préjuger de sa
décision. Il doit tenir compte de la preuve qui est faite devant lui
pour rendre sa décision. En ce sens, il est impartial.
Ce qu'on aimerait voir la commission faire, c'est d'être
impartiale et non neutre. Vous ne pouvez pas faire la promotion d'une chose et
en même temps être neutre par rapport à cette chose. Non.
Vous pouvez seulement être impartial et c' est ce qu'on attend de la
commission.
Le Président (M. Filion): Je voudrais remercier Me Boiron
et Me Pierre. Dans vos derniers propos - c'est curieux - j'ai eu I'impression
qu'on touchait au coeur d'une des problématiques que nous aurons
à débattre à la fin de nos audiences sur le rôle de
la Commission des droits de la personne et soyez assurés que vos
commentaires alimenteront notre réflexion. Ils étaient fort
précieux iI continueront de I'être. Je vous remercie donc au nom
de tous les membres de cette commission.
M Boiron: Je vous remercie.
Le Président (M. Filion): Et j'inviterais sans suspendre
nos travaux, I' Association des infirmières noires du Québec inc,
à prendre place à la table des invités.
Mme Parris est présidente de I'Association des infirmières
noires du Québec inc. Est-ce exact?
Mme Paris: Oui.
Le Président (M. Filion): Elle nous a fait parvenir son
mémoire qui a été coté 13M. Un texte
français ainsi qu'un texte anglais ont été remis aux
membres de cette commission.
Association des infirmières noires du
Québec
Mme Paris: Bonjour tout le monde. Je m'appelle Cynthia Paris. Je
suis présidente de I'Association des infirmières noires du
Québec. Ce soir, je viens présenter les problèmes de
I'association. D'autres devaient venir avec moi mais ils ont eu d'autre travail
et je suis venue toute seule.
Je voudrais expliquer quelque chose avant de commencer. Dans le
questionnaire on donne les réponses en français. S' il vous
plaît lisez le, car je suis plus à I'aise de parler en anglais
parce que c'est ma tangue maternelle. Je vais faire ma
présentation en anglais, mais il y a des réponses au
questionnaire en français.
Le Président (M. Filion): Très bien, madame.
Mme Parris: Merci. Depuis longtemps, tes infirmières
travaillant dans les hôpitaux ou n'importe où dans le
système des services sociaux ont des problèmes.
For a very long time Black nurses and nurses from ethnie minorities in
the health care system of Greater Montreal have been the victims of harassment
and discrimination In their workplace. At the beginning, during the last five
years, nurses started to fight, turning to community organizations and,
finally, founding their own association, namely the Black Nurses Association of
Quebec.
Following the formation of the association, complaints have been filed
by the association to the Human Rights Commission for several nurses who had
already filed individual complaints with no results. The association has asked
the commission to conduct a global Investigation into various hospitals where
the problem of harassment and racial discrimination to visible minorities and
Black nurses appears to be acute.
The Black Nurses Association of Quebec is a nonprofit organization which
was formed in September 1985. It is a nonprofit organization which receives no
funding of any kind. It was established for the following purposes: To regroup
Black nurses and visible minority nurses, nursing students and members of the
Black community of Quebec In order to defend their rights as human beings, to
promote their interests and those of the community at large; to regroup Black
nurses and visible minorities who are willing to work towards promoting and
defending their rights and interests and those of the community at large; to
establish a reference centre in order to collect and document various problems
and difficulties experienced by Black nurses and nursing students within the
nursing milieu and to work towards solutions to rectify the difficulties which
are affecting their rights; to promote nursing and health in the community by
diffusing information and educating the community; to establish and maintain
contacts and exchange information with other professional organizations who are
community oriented; to promote among Black nurses and nurses of the minority
solidarity and mutual support in order to unite their efforts to defend their
rights an d dignity in the nursing profession; to help all Black nurses and
nurses from the visible minority and other workers or professional workers to
achieve similar goals in their milieu. (17 h 30)
During the past several years, Black nurses and other ethnic minorities
In the health care system of Greater Montreal have been the victims of
harassment and racial discrimination. as I have already said. Racial
discrimination takes place in various forms: racial harassment in the
workplace, for instance. Racial harassment in the workplace is a discriminatory
practice based on race, color, ethnic nationality and origin. It is a form of
discrimination prohibited by Section 10.1 of the Quebec Charter of Human Rights
and Freedoms which says: No one may harass a person on the basis of any grounds
mentioned in Section 10.
Racial harassment manifests itself through a series of behaviours, such
as name callings, sick jokes, In nonverbal behaviour, physical agression, etc.
It can be explicit when you have threats of violence or inexplicit when you
have refusal of jobs, orientation, information, corporation, unjustifiable or
unsatisfactory work conditions, and many more.
Consequences of recent harassment In the workplace: Probably many people
would look at it and think that it is not very serious, but it is very serious,
it affects everyone around, not just the person who has been harassed, but the
person who is around those people and who has been harassed. Racial harassment
creates negative consequences in the workplace by deteriorating work conditions
or the job atmosphere. By working condition, according to the "Commission de la
santé et de la sécurité au travail du Québec", the
Occupational Health and Security Board, it means the physiological and
emotional climate in the workplace, material and physical conditions. It does
not matter whether it be verbal or non-verbal harassment, it still affects the
behaviour of the person who has been harassed and those who are around her.
Exploratory research by the Black Nurses Association provides the
following observations. This we have done in the last two years intensively
because before that, we had no tool to work with, namely we did not have an
association.
Racial harassment, as a concept, still remains little known as a form of
discrimination. Sometimes, if someone says that she has been harassed, people
look at it and think it is a separate thing f rom being discriminated against,
but it is one of the same. People could have to experience certain physical and
verbal treatment such as derogatory remarks, racial insult and, in some cases,
an exaggerated work load compared to other workers who belong to the majority
group. For instance, they are overloaded with cases or patient care much more
than their colleagues who are not of a visible minority, so that they can be
accused of being slow, of not being able to cope, of not being able to do the
job that they are put there to do, whereas all the time, it is because theyare
having a too large work load in comparison with their other work colleagues. In
this case, when racial discrimination or harassment take this side or this
position, in many cases, the person who has been harassed or discriminated
against Is not
aware that she has been discriminated against or that she is being
harassed, because it is done in such a way to the individual in the upper
echelon hierarchy, racial discrimination manifests itself in a more subtle
form, such as refusal of cooperation, the colleagues refuse to cooperate with
them, being excluded from decision making, the decisions are made behind their
backs, without their consent or without their knowledge. The highest hierarchy
position is mostly that of the immediate superior. However, it is also
indicated that racial harassment is also practiced by your own colleagues with
whom you work very closely.
The victims often suffer the following physiological effects. When you
have been pressed for a certain amount of time, you become stressed because you
feel that you are up against a brick wall. Having tried all sorts of things
with no recourses, the person becomes very stressful. Eventually, when they get
over that period, they become angry and afterwards, they are frustrated. But
their frustration leads to fear, fear of reprisals, because if they should
complain about what is happening to them, they are in constant fear that they
would lose the only means of supporting themselves, namely a job. Therefore,
they keep their mouths closed and very seldom make an open complaint They also
lose interest in their work and many resign. They lose a certain amount of
their self-confidence, if not all.
The following physical effects also are very imminent in someone who has
really been harassed or discriminated against openly or knowingly. Insomnia.
This leads to a number of other things, because if they cannot sleep, are
tired, lethargic and cannot really function as they should, this puts them in a
position whereby the employer or the person who is harassing could say: Well, I
told you so. She or he is not able to do what she or he is supposed to do.
Loss of appetite is another thing which is very prominent in these cases
and which also leads to a lot more complications. When your system is not being
fed a quality of food, it breaks down in various ways and various forms, and
various systems break down giving rise to their own signs and symptoms. Then,
eventually, they do not arrive at work ponctually anymore. They start getting
in late and that leads to absentlsm; they do not come to work as often as they
should and, finally, this leads to a dismissal because of this behaviour.
The person's reaction. The victim usually discusses the problem with
friends and family. Very few victims formally lodge complaints with the various
authorities concerned such as management, labour or the Human Rights Commission
due to fear of reprisal. Again, it is like a vicious circle. You are being
harassed and you are forced to keep your mouth closed. If you do not keep your
mouth closed like a good little girl or a good little boy, you are given your
working papers, open the door and there you go down the road, because they find
something to pin on you and they let you go.
Lack of information on their rights is another problem where this is
concerned. They are not aware of their rights, so the fear is unfounded
sometimes, they are probably frightened of what may happen and had they known
about their rights to complain or how to do the complaint, maybe some of these
people would have gone forward and made a formal complain.
Also, after several complaints to various organizations such as
management or labor or the Human Rights Commission for that matter, nothing
constructive has been done to help the situation Therefore, people lose
interest and lose faith in these such organizations. Many of the victims do not
know how to handle the problem. In other words, they have no idea as to how to
make a complaint or where to go.
In conclusion, I would like to " make some recommendations also onbehalf
of the association. As in the case of sexual harassment, racial harassment is a
minority practice prohibited by the Québec Charter of Human Rights and
Freedoms. That is very clear, we know that. It is also prohibited by the
Canadian Human Rights Act, but these practices are still allowed to be
continued It not only harms the person who is been harassed, it also harms the
employer, as it negatively affects the employee and the output of that person
is diminished It affects also labor unions, because this divides the
workers.
Combating this form of racialist discrimination in the workplace m eans
not only the respect of the right to equality and to work of members of
minority groups, but it also, at the same time, affects the individual as a
person whose rights have been violated in front of her very eyes.
We have recommendations for the following people: first of all, the
victim. The association encourages the victim to document all details of the
act, such as place, name, date, time, etc., to express explicitly and calmly
her disapproval but at the same time, to avoid aggressive response or exchange
of insults. Report the situation immediately to the employer, to our
representative and consult the labour union if applicable. According to the
Québec Labour Code, Article 47.2, the union must undertake measures to
insure the enforcement of equality rights as included in the collective
bargaining. (17 h 45)
For employers: the employer, we feel, should adopt a declaration of the
employer's policies regarding racial harassment or discrimination in general,
which we feel should include a definition of racial harassment in the
workplace. This, we feel, Is very important, because unless workers know what
it is, what the definition of harassment is, when they are
been harassed, they will not recognize it. Clearly express management
disapproval of the practice, establish a complaint handling process and assign
Individuals In charge of policy implementation. Example: The Human Rights
Commission.
For labour, such as Labour Unions: Establish on the basis of the model
of the Committee on the Status of Women a race relation committee with the
mandate to do the following: Conduct public sensitizatlon on equality and
workers' rights, collective bargaining, etc. Remedy the situation and promote
equality in the workplace. This committee should be composed of workers of all
origins and be set up at a cultural and local point.
For the Human Rights Commission, our suggestion is to elaborate a clear
policy on harassment, racial harassment in particular to establish a system to
handle complaints on racial harassment, make investigations, take decisions,
follow up and so on; to implement a proactive public education program for the
key target groups, especially those who are vulnerable to the problem and those
with little information on the state of the problem; to accelerate the
complaint handling process. This is a very Important point. It is a suggestion
and it is also a criticism coming from the Black Nurses Association concerning
the Quebec Human Rights Commission.
When a complaint is filed to the Human Rights Commission, Individual
complaints of the nurses, in particular - I am speaking about the nurses, I am
not really very sure of what is happening in the other groups but this is
talking for the nurses - take up to five years before any Interest has stirred
to even took at the problem. The complaints led by the group, by the Black
Nurses Association, took two years before any curiosity or action was taken.
The first action has taken the form of a hearing, and it was very
unsatisfactory; it led to no useful conclusion. If I may say so, it led to more
frustation for the people who had been harassed. That particular hearing, the
first in five years since the complaint was made, was taken to the Superior
Court. So, like I said, this is not just a recommendation but it also a
criticism on the part of the Human Rights Commission, the way they have an
ox-eye daisy, I do not care attitude towards the problem.
In the case of the tribunal, sanctions In racial harassment cases should
be more severe. Increase the penalty for harassment. The employers should also
be made responsible for this practice in their institutions. We should increase
financial compensation for the victims, as very often these victims end up
without a job. They are living without a job, without money, without any help
from anywhere. We should order the reinstitution of the employee in his or her
job without being replaced in an atmosphere of harassment. Because, once there
is a complaint being led by one of theses nurses, whether it be to the Human
Rights Commission or to the labour relations, unions, etc., the harassment and
the discrimination are intensified with no protection at all. We suggest that
there should be an amendment to the Quebec Labour Code to explicitly prohibit
harassment in the workplace, similar to Article 10.1 of the Quebec Charter of
Rights and Freedoms.
The Occupational Health and Safety Board should officially and publicly
recognize racial harassment in the workplace as a danger to the health,
security and physical integrity of the employee. When the Quebec Government
established the Human Rights Commission in this province, in my opinion,
finally, It took a step that had long been overdue, since their sister province
of Ontario has had an effective Human Rights Commission for years before the
Legislature of Québec considered establishing a similar institution in
our multiracial, multilingual, multicultural population in this province.
Unfortunately, it did not take very long for many people to begin to
question whether this commission was merely serving as a window dressing
because they see that they were not doing what they were supposed to be doing.
This tentative conclusion was arrived at because its very composition made us
wonder whether or not the Government intended, to take seriously the many
complaints which these Québécois, who are not francophone and who
are not White, were forced to make.
As the years went by, the experiences and performances of the body have
confirmed our deepest fear, namely that nothing was being done to cure or stop
the spread of this cancerous disease. And I say cancerous disease because I
feel that it warrants this name or labelling, because it is spreading like
wildfire, the situation is not being let up. The situation is not being eased
up at all. Rather, each day, this situation is being worsened. It is like
someone who has an Incurable cancer and he knows that it Is imminent.
One big problem is the lenght of time, as I said before, which the
commission took to show an interest when complaints were being broug ht in
front of it. A very good example would be the lenght of time elapsed between
the request of the Quebec Black Nurses Association for hearing concerning an
alledged discrimination by various hospitals in the Montreal area. The nurses
who are Black are actually holding a hearing.. We wonder if the commission
would have done anything had they not been pushed by the Black Nurses
Association. It took months and weeks of pushing, telephone calls, letters,
pleading and pushing the commission before it finally gave us a date for a
hearing. When the Black Nurses Association did receive a date for a hearing,
one of the members for whom we were pushing such a long time for the commission
to do something about the plight that that person was In was
fired over the weekend just before the case was heard. Consequently,
when the hearing came, the person questioned was pressured in such a way as to
sign a document stating that there had been no discriminatory practice towards
her, asking the commission to stop the proceedings on her behalf and also that
of the Black Nurses Association. In return for such a favour she was offered a
sum of money from the institution concerned and told that her slate would be
wiped clean of any complaints that the institution had against her, namely that
she would be given an impeccable reference should she require one in applying
for another job. Also, she was told verbally that if she did not do so or do
whatever the institution asked, she would never work again in Quebec.
This is a very sad affair It saddens me greatly that an institution
would have to stoop to those levels. In order to intimidate one person to give
up her livelyhood give up her very existence because she does not have a job
and although they have told her that if she did what she was told she would be
able to get a job, until this day, as I speak, she has not yet gotten a job.
She had offers, she has been to interviews and there is always someone to say.
We are sorry, we cannot employ you.
We, the members of the Black Nurses Association call upon the Quebec
Government to appoint many more members of visible minorities especially
Blacks, to positions of authority in the commission. This I think is a very big
drawback because there is nobody to represent the minority groups at any high
level in the commission. We are also calling upon the Quebec Government to give
real power to the commission, so that it can impose sanctions that have the
effect of discouraging discrimination of any type or any form. Thank you.
Le Président (M Filion): Je voudrais vous remercier
à la fois de votre mémoire écrit et de votre exposé
d'aujourdhui.Sans plus tarder, je donne la parole à M .le
député de Louis Hébert.
M Doyon: M. le Président. J'ajoute mes remerciements
à ceux que vous venez d'exprimer à madame. La présentation
quelle vient de nous faire est plutôt pessimiste et décourageante.
J'ose expérer qu'il y a quand même un peu de lumière
quelque part qui nous permet de faire en sorte que les problèmes
concernant la discrimination surtout la discrimination raciale, puissent
être réglés. Vous nous avez expliqué les effets
pernicieux qu'entraîne la discrimination raciale vis-à-vis des
personnes qui sont les victimes en ce qui concerne leur santé leur
capacité de travailler leur capacité de garder leur travail.
Finalement tout le monde est pénalisé là dedans y compris
I'employeur. Je sais que nous vivons cest bien sûr que la
démonstration nous en est maintenant faite depuis deux jours dans un
monde imparfait . Nous avons eu I' occasion de nous rendre compte que que ce
soient les malades les handicapés que ce soit les prison niers que ce
soit les gens qui ont des orientations sexuelles minoritaires les gens se
plaignent d être victimes de discrimination. (18 heures)
Cependant mon expérience m enseigne qu' il y a quand même
de I'espoir. Même si le portrait que vous me tracez est un portrait
pessimiste, dans le sens ou vous nous expliquez qu'il y a comme un cancer qui
ronge notre société et on sait que la guérison du cancer
est plutôt difficile quant à moi je me refuse à avoir cette
approche. Je considère que la discrimination raciale ou les gens qui la
pratiquent sont loin d' avoir une approbation générale de la part
de la société dont ils font partie. C'est grâce à
des gens comme vous c'est grâce à des gens qui se refusent
à accepter des situations qui leur sont défavorables et qui leur
sont injustes que la situation peut être redressée et qu'on peut
espérer que le monde de demain sera meilleur que celui d'aujourd'hui.
C'est là tout le but de l'exercice que nous faisons. Si personnellement
j'étais convaincu que notre société était
rongée par un cancer profond pour lequel il n'y avait pas de
remède je ne perdrais pas mon temps ici. C'est une approche qui est
optimiste. Je pense qu' il y a quelque chose à faire il y a des choses
qui doivent être faites pour porter un jugement extrêmement
sévère sur la Commission des droits de la personne un jugement
que vous n'êtes pas la première à porter mais qui est
particulièrement sévère tout spécialement dans le
document en français qui n est pas tout à fait semblable au
document en anglais que jai entre les mains.
La Commission des droits de la personne souffre d un certain nombre de
maux dont celui qui a été souligné à plusieurs
reprises, c est à dire la confusion des rôles qui lui sont
assignés la façon dont elle s acquitte elle même de ces
rôles et les choix de priorité quelle est amenée à
faire. Vous indiquez là dedans que vous regrettez I'inaction de la
Commission des droits de la personne entre autres choses sur le dossier des
visites à domicile ce que vous qualifiez en parlant du dossier des
inspecteurs de laide sociale selon le texte que vous mettez ici de boubous
macoutes
La-dessus je vous indiquerai que la Commission des droits de la personne
ne peut être de toutes les batailles non plus et que du côté
des contribuables il y a certaines exigences aussi qui sont justifiables et qui
sont défendables. Vous parlez du dossier des jeunes en bas de 30 ans la
question de la disparité en raison de I'âge, ce que vous appelez
la discrimination en raison de I'âge là aussi je vous dirai que la
question n'est pas aussi simple que cela. II y a des questions de politiques
gouvernementales en cause. II y a des questions budgétaires en cause. II
y a aussi un arrimage nécessaire avec ce qui se fait du
côté fédéral
Dans ce sens-là, je vous indique qu'à mon avis, la
Commission des droits de la personne, même si théoriquement elle
pouvait intervenir là-dedans, elle pourrait fort difficilement le faire
d'une façon utile.
Par contre, je vous rejoins sur un certain, nombre de commentaires
où, par exemple, vous indiquez que les syndicats ont un travail à
faire envers les gens qui sont victimes de discrimination raciale. Vous allez
jusqu'à dire que les syndicats devraient former des comités
spécialisés, si je vous ai bien comprise, en ce qui concerne ta
discrimination raciale.
Est-ce que personnellement vous pouvez nous dire si, à votre
connaissance, de tels comités existent quelque part dans des syndicats,
des comités qui seraient axés sur tout ce qui concerne la
discrimination raciale qu'elle soit directe ou indirecte?
Mme Parris: Dans te syndicat, il y a un groupe qui a fait une
plainte là-haut. Il y a des groupes ensemble qui ont fait des
investigations pour savoir ce qu'est le problème. Dans ce
sens-là, c'est une moitié des personnes qui travaillent dans le
syndicat, spécial...
M. Doyon: En ce qui concerne une remarque que vous faites ici,
où vous soulignez que la condition des droits de la personne manque
d'homogénéité, d'uniformité, de suite dans ses
décisions, vous indiquez que les directives de la Commission des droits
de la personne sont appliquées différemment selon les personnes
qui font l'enquête, selon les enquêteurs. Est-ce que vous avez eu
l'occasion personnellement de vous apercevoir de cette chose dans votre groupe,
dans votre association, qu'un enquêteur ait rendu une décision se
basant sur des faits à peu près semblables et qu'un autre
enquêteur aurait eu une autre réaction, soit dans la
recevabilité de la demande ou dans la recommandation qui est faite
à la commission elle-même?
Mme Parris: Si j'ai bien compris votre question, je vais
répondre en anglais, par exemple. D'accord?
Personally, I have had the experience with the commission, why I said
that, for instance, we, the Black Nurses Association, think that the person who
receives the complaint should not be the same person who goes right through the
investigation, to the deliberation and everything else. In other words, it Is
someone who is... Cette personne doit porter beaucoup trop de chapeaux. C'est
trop pour sa tête. The situation is like that. At the commission, the
same person who has received the complaint is the person who investigates the
complaint and who decides what to do about it, gives the deliberations and
whatever it is.
If there is a bias at any level, for instance, the intake of those
complaints, it is going to follow through like the rotten core of an apple.
We are suggesting that we should have a different person to do the
investigation from the person who actually has taken the complaint. We feel we
would be much better than with the present system, because In the present
system, there is no way that it will garantee a fair and impartial hearing or
deliberation or results or whatever. The way this structure is set up, we feel
that there is room for error to be made deliberate or non deliberate. So, we
feel that, in that instance, the set up of the investigation as to complaint at
the commission is not very well structured.
M. Doyon: Je comprends les inquiétudes que vous avez. Ce
sont des inquiétudes qui nous ont été exprimées
à plusieurs reprises. Cependant, te but de ma question était de
savoir si dans l'enquête ou dans la recevabilité de la demande, il
y avait, à votre connaissance, des disparités entre les
décisions qui étaient rendues pour des faits à peu
près semblables, ressemblants. Mais vous me soulignez que le
problème qui vous paraît le plus important, c'est la situation
dans laquelle se trouve la personne qui reçoit la demande qui,
éventuellement, procède à l'enquête, interroge les
gens, voit ce qui s'est passé et qui rédige un rapport qui est
acheminé au commissaire. C'est là que vous voyez que la personne
théoriquement qui ferait une mauvaise réception à une
demande, selon votre argumentation et selon ce que vous m'exposez, continuerait
dans l'approche qu'elle a eue au début jusqu'à la fin du
processus, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elle soit rendue à
la fin de la médiation en admettant que cela se rende là. Si je
comprends bien, c'est l'inquiétude principale que vous avez
actuellement. C'est cela?
Mme Parris: Oui.
M. Doyon: II y a beaucoup de choses dans votre mémoire.
Une des principales recommandations, c'est que vous en venez à la
conclusion que l'efficacité de la commission passe nécessairement
par la création d'un tribunal administratif avec des pouvoirs
décisionnels et exécutoires. Si je comprends bien, c'est que les
délais dont vous faites mention et qui vous apparaissent absolument
décourageants et aller à rencontre des fins poursuivies par la
commission dans le respect de la charte, sont de telle nature que le seul moyen
de les abréger d'une façon efficace, c'est d'avoir un tribunal
à proprement parler administratif qui puisse rendre des décisions
exécutoires. Est-ce que je vous ai bien compris quand je résume
votre idée?
Mme Parris: Pas tout à fait, non.
M. Doyon: Non? Quand vous nous dites Ici, dans votre
recommandation, que vous souhaitez "que soit créé un tribunal
administratif de droit de la personne - je suis à la page 7 au
deuxiè-
me paragraphe - Indépendant de la Commission des droits de la
personne", à quoi faites-vous allusion alors?
Mme Parris: ...quoi?
M. Doyon: Vous dites ici, au deuxième...
Mme Parris: D'accord.
M. Doyon: ...paragraphe de la page 7...
Mme Parris: D'accord,
M. Doyon: ...de votre mémoire...
Mme Parris: D'accord. Les raisons pour lesquelles on dit cela?
Parce qu'on pense que s'il y a... If there is a structure such as what we have
suggested, we feel that it would be in the interest of ail concerned, not just
the person who has made a complaint, but also the commission. It would be in
the interest of everyone that this person is somebody that is neutral and that
they would be able to decide more clearly without a bias, as to what solution
should they arrive at concerning the problem.
M. Doyon: I would have some other questions, Mr, President, but I
think my colleague from Notre-Dame-de-Grâce has also some questions and
maybe also my colleagues in front of me. So, thank you Madam, it has been very
interesting having you here and we will take into account what you have told
us.
Le Président (M. Filion): Mme la députée de
Marie-Victorin, ensuite M. le député de
No-tre-Dame-de-Grâce.
Mme Vermette: Vous m'excuserez, madame, s! je n'utilise pas la
langue de Shakespeare, naturellement parce que ma langue maternelle est le
français, mais je vais essayer de communiquer le mieux possible...
Mme Parris: Si je ne comprends pas, je le dis.
Mme Vermette: Parfait. Alors, je voulais vous demander ceci:
Est-ce que vous considérez que le groupe d'infirmières que vous
représentez, soit celles de race noire, sont plus victimes de
discrimination ici, au Québec, que dans les autres provinces du Canada?
Est-ce que vous avez vérifié à l'intérieur des
différents comités ou commissions des droits de la personne qui
existent dans les autres provinces si elles ont autant de difficulté
à faire reconnaître leurs plaintes qu'ici au Québec?
Mme Parris: Si j'ai bien compris la première question, le
problème n'est pas juste ici au Québec. Ce n'est pas tout. Mais
notre groupe est ici au Québec. On ne travaille pas ailleurs, on a
seulement connaissance de ce qui se passe ici, dans notre système. Mais
je sais, je suis bien au courant qu'il en existe peut-être plus ailleurs,
mais je n'ai pas de données qui puissent confirmer... Je sais qu'il y en
a partout.
La deuxième partie de la question, quelle est-elle?
Mme Vermette: J'ai demandé si vous aviez
vérifié auprès des autres instances, aux commissions des
droits de la personne qui existent dans les différentes provinces,
notamment en Saskatchewan ou en Ontario.
Mme Parris: Si c'est plus efficace?
Mme Vermette: Voilà! Et aussi si on prend plus en
considération les plaintes qui sont portées...
Mme Parris: Oui.
Mme Vermette: . .venant de votre faction à vous autres, je
veux dire les infirmières de race noire. (18 h 15)
Mme Parris: J'ai parlé avec les autres infirmières
que je connais et qui travaillent à Toronto. Je ne connais aucune autre
personne ailleurs au pays. Je ne sais pas exactement quel système ils
utilisent pour arriver à cette conclusion. Quand il y a des plaintes, on
les fait à la Commission des droits de la personne. C'est plus efficace
qu'ici. On ne dit pas qu'il n'y a pas de problème ou il n'y a pas les
mêmes problèmes, ou même qu'ils sont moins nombreux
là-bas, mais apparemment, il semble que c'est plus efficace qu'au
Québec.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie. M. le
député de Notre-Darne-de-Grâce.
M. Thuringer: Merci, M. le Président. On a demandé
si vous avez des questions ou des réflexions sur la
décentralisation, une présence dans les régions. Il n'y a
rien dans votre mémoire qui touche cela. Est-ce que le problème
est vraiment juste à Montréal ou y a-t-il d'autres endroits dans
la province?
Mme Parris: Je viens juste de répondre à madame
là-bas. C'est partout. Ce n'est pas juste à Montréal. Ce
n'est pas juste au Québec. Ce n'est pas juste au Canada non plus. Mais
nous, on travaille ici à Montréal seulement. Ce n'est pas
ça. On a adressé des problèmes ici à
Montréal avec nous. Dans l'institution où je travaille On n'a pas
connaissance de ce qui s'est passé dans d'autres pays, dans d'autres
places, dans d'autres systèmes. On a les connaissances seulement pour
ici à Montréal. C'est comme ça.
M. Thuringer: More precisely. In Quebec,
however, In other regions such as Quebec City or in Sherbrooke, are you
finding even though you have not an association that is provincial wide, are
there similar kinds of problems existing there as well?
Mme Parris: I cannot say, I cannot reply to that yes or no,
because our association is a very young one. It is only two years and a couple
of months old, so we are concentrated in the Montreal area where all of the
members work In that health care system. So that, I really do not know.
M. Thuringer: Another question which comes to my mind is the fact
that many of the presentations that we have heard suggest a two year delay and
you are the one example... and I gather from your presentation, if I understood
correctly, that there was one that you mentioned that was five years and the
tendency is to go longer. Is it not that in fact the case that many of yours
are delayed that long?
Mme Parris: The Individual complaints of the members of my
association that I am talking about now, I do not go off the board anywhere,
the members within the association, they are Individual members, about three
that I know of have submitted individual complaints which have taken five years
for any interest or any actions to be done. After three years of those
individual complaints, we have decided that it is time we do something about
what is going on. And the only way to do that is to form a group because if you
are alone, nobody will take any notice of you. They will Just call you a
trouble maker.
So, with the group, we felt that it would be more effective making the
complaints. So what we did, on behalf of the members, the association had
submitted complaints for those same groups of people who have already submitted
individual complaints for three years before nothing had happened about those
complaints. No response or anything. The association submitted a complaint on
behalf of those same people and it took another two years down the road before
we had started up any interest at all and only after a lot of pushing,
telephone calls, letters, etc., pleading if you want, because I have a couple
of times pleaded with the association to try to do something before anything
imminent is going to happen. That is I want to court in a particular case
before that person was fired. The person was eventually paid off in other
words, you know, to keep her mouth quiet, not to say anything, because the
restitution, I suppose, did not want publicity.
M. Thuringer: M. le Président, madame a souligné un
problème qui me tracasse beaucoup, en ce sens qu'elle dit que, surtout
dans un ou deux cas, si j'ai bien compris, au moment où une plainte a
été faite, le harcèlement a augmenté. Est-ce que
cela arrive dans plusieurs cas, selon vous?
Mme Parris: Dans le même groupe que j'ai mentionné
tantôt qui a fait des plaintes individuelles, l'association a
continué avec les mêmes dossiers. C'est arrivé avec tous.
C'est seulement un qui a eu un rendez-vous par une "hearing". Mais avant ce
rendez-vous, la dame a eu sa démission, tout était terminé
avant cela. À ce jour, pour ce qui est des autres, il n'y a encore rien.
Sauf que la commission est inquiète. Elle pousse pas mal fort, elle n'a
pas terminé avec les dossiers. Elle essaie de faire vite. Elle
écrit des lettres. On donnait dix jours pour donner une réponse:
Qu'est-ce que vous avez décidé de faire? Si je n'ai pas eu de
réponse, je vais fermer les dossiers. Moi-même, j'ai écrit
quelques lettres. J'ai dit: Ne touche pas au dossier, ne le ferme pas, parce
que si la commission n'est pas capable de faire quelque chose dans cette
situation - pour moi, c'est une situation très grave - nous allons
nous-mêmes trouver ou chercher quelque chose d'autre à faire pour
régler le problème Ce n'est pas seulement un dommage pour la
commission ou pour l'hôpital. C'est un dommage pour tout le monde dans la
société, au Québec. Si cette situation continue comme
cela, dans les autres pays, dans les autres endroits, tout le monde va dire: Au
Québec! Québec! Québec! Québec! C'est comme cela.
Je pense que c'est très grave. Personnellement, je n'ai eu de
problème avec personne. Je travaille pour l'association par
moi-même. Aussi, je ne compte pas tout le monde dans cet ensemble. Vous
comprenez? Ce n'est pas tout le monde et ce n'est pas beaucoup de monde non
plus. Ce sont des petits groupes qui travaillent ensemble. C'est comme
cela.
M. Thuringer: Justement, je vous félicite. Il y a un
problème et vous avez formé un petit groupe en réaction,
et vous n'êtes pas seulement restées là. J'ai
remarqué, dans votre mémoire anglais, qu'il y a aussi des groupes
associés avec vous qui appuient cela. Je pense que c'est très
important. Je signale aussi, M le Président, que lé document que
madame a présenté aujourd'hui fait part de notre... Il y a
vraiment trois documents et celui qu'elle a lu, est-ce qu'on peut en avoir une
copie aussi?
Le Président (M. Filion): Est-ce que vous auriez une copie
de disponible? Remarquez, il y a toujours le Journal des
débats.
Mme Parris: Le document que j'ai lu, ce n'est pas le même
document que je vous ai envoyé. Je l'ai préparé
après vous avoir envoyé l'autre document parce que j'ai
procédé à la traduction toute seule. Ce sont des copies
originales. Peut-être êtes-vous capable d'en faire des copies?
Le Président (M. Filion): On va en faire une copie pour le
moment, parce que nos travaux vont se terminer dans quelques minutes. On va
vous remettre l'original et on va déposer la copie sous la cote 13Ma. Je
vous remercie, madame.
Seulement deux questions rapidement. D'abord, est-ce que, dans
l'ensemble de ce dossier, vous avez communiqué avec votre corporation
professionnelle, la corporation des infirmières?
Mme Parris: Seulement par lettre. J'ai écrit une lettre
à corporation des infirmières du Québec qui donne un
permis de pratiquer comme infirmière au Québec. J'ai eu une
réponse. Premièrement, j'ai averti au commencement, comme
présidente de l'association, cela fait des années maintenant,
puis j'ai tout expliqué le genre de problèmes. J'ai aussi
demandé à l'association de nous aider à régler des
problèmes. J'ai eu une réponse pour me dire quelle avait juste
reçu ma lettre et elle ne savait même pas que ce genre de
problèmes existaient. Elle n'était pas au courant. C'était
la première fois qu'elle entendait parler de cela. Elle m'a dit que s'il
y avait réellement des problèmes, elle n'a jamais
été averti. À ce moment-là, elle nous dira ce
qu'elle est capable de faire. On travaille sur ces mêmes dossiers depuis
que je suis présidente de cette association. Ce n'est pas nouveau. II y
a des personnes qui ont peur de faire des plaintes. Ces personnes ont peur de
ce que les gens diront si elles se plaignent à la Commission des droits
de la personne. Regardez ce qui arrive avec elle. Elle a perdu son emploi, elle
n'a aucune chance de trouver une bonne "job" bientôt. Tout le monde a
peur. Ils se disent. J'ai besoin de vivre, j'ai besoin d'argent, j'ai besoin
d'un emploi. Je vais me taire, je ne dis n'en. Tout le monde a peur et personne
n'a fait de nouvelles plaintes sauf verbalement. II y a beaucoup de plaintes
verbalement, mais personne n'ose se plaindre par écrit parce que tout le
monde a peur
Le Président (M. Filion): C'est pour cela d'ailleurs que
vous faites référence dans votre mémoire à la
présomption contenue au Code du travail. Si je mentionnais la
corporation professionnelle, c'est uniquement dans le sens bien sûr, la
Commission des droits de la personne a ses responsabilités, mais il
n'est sûrement pas mauvais de savoir sensibiliser les corps
professionnels à l'existence de certaines pratiques pour qu'un travail
soit fait également à leur niveau, ce qui n'empêche pas
évidemment la commission de prendre ses responsabilités
Une dernière question, votre association regroupe combien de
membres?
Mme Parrris: ...
Le Président (M. Filion): Quarante.
Mme Parris: Oui On ne monte pas trop vite parce que, comme je
viens d'expliquer, tout le monde a peur de venir dans ce groupe-là parce
que les gens ont peur des "trouble makers", vous comprenez, parce qu'on fait
des plaintes.
Le Président (M. Filion): II y a des infirmières
noires qui sont d origine haïtienne dans les hôpitaux?
Mme Parris: Elles sont d'origine diverse. II y a des
Haïtiennes, des Jamaïcaines, etc.
Le Président (M. Filion): C'est une question puis une
suggestion en même temps que je fais. Je vais terminer là-dessus.
Nous avons bel et bien reçu votre mémoire version
française, version anglaise, et tout cela est très bien sauf sur
le papier à lettre qu'utilise votre association. Je remarque, en tout
cas, que le papier à lettre que nous avons reçu à
l'Assemblée nationale, c'est un papier à lettre unilingue
anglais.
Mme Parris: Oui.
Le Président (M. Filion): Je ne sais pas s' il existe un
papier autre que celui-là, mais je tiens simplement à vous le
signaler. Peut-être qu'il y a une raison.
Mme Parris: Je vais tout expliquer cela d'accord.
Le Président (M. Filion): Bien écoutez, vous savez,
on a assez de problèmes et je ne tiens pas à traiter de la loi
101 ici, on le fait suffisamment de I'autre côté de la Chambre
c'est-à dire dans I'autre salon, mais quand même je pense que ce
serait approprié qu'il existe une autre sorte de papier à lettre
qui peut avoir une autre formule, celui-ci étant unilingue anglais
exclusivement.
Mme Parris: Excuse me. On est en train de faire unilingue et
aussi une formule d'application mais premièrement quand on a eu cette
lettre là on venait juste de former l'association, il y a plusieurs
années, c'était peut-être un peu lent et on n'a pas fait
beaucoup de choses. Ensuite, nous avons formé des groupes, il y avait
des problèmes et on était toujours occupé. Par la suite,
on a fait un règlement parce qu'il n'y avait aucun francophone dans
l'association à ce moment la. On faisait toujours les choses très
rapidement. On est en train d'utiliser le feuillet d application.
Le Président (M. Filion): D' accord. Mme Parris:
"Billing".
Le Président (M. Filion): Alors, votre maxime "Black proud
of it", je suis convaincu
que les Noirs sont également fiers de l'être. Merci.
Nos travaux sont ajournés jusqu'à demain, 9 h 30.
(Fin de la séance à 18 h 30)