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(Quinze heures vingt-six minutes)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaîtl Cette première séance de la commission des
institutions est maintenant ouverte.
Avant d'entreprendre nos travaux, je vaudrais rendre publique une
décision que j'ai prise en collaboration avec les représentants
des deux groupes et qui concerne les médias autres que
Radio-Québec ou les médias contractuellement obligés de
retransmettre l'ensemble de nos débats à la population. En ce qui
concerne ces autres médias, nous consentons évidemment à
ce qu'ils puissent effectuer leur travail. Cependant, la limite que nous leur
demandons de respecter est celle de ne pas gêner les parlementaires ou
les témoins.
Je demanderais à notre secrétaire, Me Giguère,
d'annoncer les remplacements pour notre séance.
La Secrétaire: Les remplacements sont les suivants: M.
Després (Limoilou) est remplacé par M. Trudel (Bourget), M. Doyon
(Louis-Hébert) par M. Cannon (La Peltrie), M. Kehoe (Chapleau) par Mme
Pelchat (Vachon), M. Laporte (Sainte-Marie) par M. Lefebvre (Frontenac), M,
Paré (Shefford) par M. Brassard (Lac-Saint-Jean) et M. Vallières
(Richmond) par M. Séguin (Montmorency).
Le Président (M. Filion): Je vous remercie. Bienvenue
à M. le premier ministre, bienvenue également au chef de
l'Opposition officielle ainsi qu'à vous, mesdames et messieurs, membres
de la commission.
Permettez-moi d'abord de situer le cadre dans lequel se
dérouleront ces travaux de la commission des institutions. Le mandat que
nous avons reçu de l'Assemblée nationale est à l'effet
d'entendre les représentations de ses membres, de personnes et
d'organismes relativement à l'entente intervenue le 30 avril 1987 au lac
Meech concernant la constitution du Canada.
Une simple lecture du mandat de la commission est déjà
fort éloquente quant à son importance. Individuellement et
collectivement, notre mandat parlementaire prend ici tout son sens. En effet,
pour les représentants du peuple que nous sommes, il est peu de
tâches aussi fondamentales que celle de contribuer à la mise en
place d'une entente constitutionnelle. Une constitution, est-il utile de le
rappeler, regroupe les règles premières, les règles
fondamentales, en vertu desquelles des individus acceptent de vivre ensemble.
Indiscutablement, l'entente du lac Meech constitue un événement
lourd de conséquences pour l'avenir du Québec.
Pour mener à bien ce mandat imposant, crucial, nous ne disposons
malheureusement que de bien peu de temps. Selon l'ordre que nous avons
reçu de l'Assemblée, nous pourrons consacrer au plus six
journées de séance, soit environ 35 heures. À cette
contrainte du temps, vient s'ajouter celle de l'absence de textes juridiques
à la disposition des membres de la commission et de ses invités.
Cette absence est d'autant plus déplorable que nous étudions ici
une matière, en droit constitutionnel, qui est aussi complexe que
conséquente. La collaboration de tous les parlementaires qui
participeront à nos travaux est donc requise pour assumer notre mandat
d'une façon minimale malgré cette double contrainte.
Puisque nos travaux sont télédiffusés, je voudrais
indiquer au public quel est le rôle de notre commission. La commission
des institutions est une commission parlementaire, c'est-à-dire qu'elle
est créée par l'Assemblée nationale et composée
exclusivement de députés. Dans le cadre du présent mandat,
notre fonction première est donc l'information et la discussion.
À cette fin, nous entendrons et interrogerons des personnes et des
représentants d'organismes pour connaître leur opinion sur
l'entente de principe résultant de la rencontre du lac Meech.
La première séance, celle d'aujourd'hui, sera
réservée aux représentations des membres mêmes de la
commission. Les séances subséquentes seront consacrées
à l'audition des personnes ou organismes invités par la
commission à la suite d'un aménagement entre les deux groupes
parlementaires.
Par la suite, si la commission le juge à propos, elle pourra
tenir une séance de travail non télédiffusée, selon
nos règles, séance au cours de laquelle il lui sera loisible
d'arrêter des observations, conclusions ou recommandations qu'elle
adressera ensuite à l'Assemblée. Si tel était le cas,
précisons que ces observations, conclusions au recommandations peuvent
faire l'objet d'un débat à l'Assemblée.
Enfin, rappelons que la commission,
toujours selon l'ordre de l'Assemblée, va faire rapport au plus
tard le mercredi 27 mai 1987. Ceci dit, je suis prêt à laisser la
parole à M. le premier ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président.
Le Président (M. Filion): Oui, M. le chef de
l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Si le premier ministre me le permet, avant de
lui permettre de faire un exposé que nous allons écouter avec
beaucoup d'attention, j'aurais une ou deux questions à lui poser au
sujet des textes. Comme vous venez vous-même de le souligner, M. le
Président, il est quand même quelque peu paradoxal qu'on soit
appelé ici à discuter d'un enjeu de droit constitutionnel alors
qu'on n'a pas les textes définitifs.
Est-ce que le premier ministre pourrait nous offrir quelque garantie
quant au fait que cette commission, les experts et le public soient saisis de
textes juridiques plutôt que du communiqué du lac Meech?
M. Bourassa: M. le Président, d'abord, je voudrais vous
souhaiter la bienvenue ainsi qu'aux membres de l'Assemblée nationale
pour discuter de cette question très importante pour l'avenir du
Québec. J'espère que cela se fera sur un ton positif et serein,
comme celui que vient d'utiliser le chef de l'Opposition. Évidemment, il
n'y a pas de face à face dans ces commissions parlementaires et cela
favorise peut-être un dialogue plus fructueux.
Toutefois, je devrai lui répéter ce que je lui ai dit
à l'Assemblée nationale, à savoir qu'au fil des jours nous
essaierons de soumettre les textes juridiques. Je comprends sa
préoccupation. Je l'avais dit la semaine dernière. C'est une
préoccupation tout à fait légitime mais nous voulons
pouvoir présenter des textes juridiques qui représentent
véritablement l'esprit des conclusions et des principes résultant
de la rencontre du lac Meech. Ce n'est certainement pas une question facile,
comme je lui disais tantôt à l'Assemblée nationale, de
rédiger des textes qui soient aussi étanches que possible sur des
questions fondamentales pour l'avenir du Québec.
Je comprends sa préoccupation, dis-je,et je ne veux
pas tourner le fer dans la plaie mais je veux dire qu'en 1981 on n'avait pas
soumis à l'Assemblée nationale, avant de signer la formule qui
consacrait l'égalité des provinces, M. le chef de l'Opposition
s'en souvient sûrement, on en avait peut-être discuté au
Conseil des ministres, mais on n'avait pas soumis à l'Assemblée
nationale les textes qu'on avait signés par la suite au nom du
Québec et qui ont consacré un recul important.
M. Johnson (Anjou): Si M. le premier ministre me le permet,
j'espère que le ton qui sera utilisé ici sera le ton qui sied au
genre de dossier dont on parle. Je suis sûr que lors de sa
présence, dans la mesure où le premier ministre sera
présent è nos travaux, il y verra.
J'aurais une autre question pour le premier ministre, toujours sur cette
question des textes. Je concilie mal ce qu'il vient de me dire avec ce que je
l'ai entendu dire hier, à la radio. Il disait à l'émission
Agora, de CKVL, hier après-midi: "II nous faut des textes juridiques. Il
nous faut des textes juridiques. C'est indécent si on n'a pas de textes
juridiques." C'est la transcription de quelque chose que j'ai moi-même
entendu à CKVL, hier. Le premier ministre évoquait lui-même
qu'il avait affirmé à l'Assemblée nationale, la semaine
dernière, qu'il était indécent de procéder si on
n'avait pas de textes juridiques. Est-ce que le premier ministre pourrait nous
dire s'il a au moins une partie des textes? Certains textes? Des projets de
textes? Est-ce qu'on a autre chose que l'entente de principe du lac Meech, avec
des mots auxquels on peut faire dire n'importe quoi?
M. Bourassa: II est malheureux que je prenne en défaut le
chef de l'Opposition sur des citations. Quand j'ai parlé de cette
formule, je citais le député de Taillon qui disait à
l'Assemblée nationale, la semaine dernière, qu'il était
"indécent de ne pas avoir les textes juridiques." Je m'excuse mais je me
fie, bien humblement, plus à ma mémoire de ce que j'ai
prononcé qu'à celle de mon ami, le chef de l'Opposition. Je
faisais référence aux propos du député de Taillon.
Si le chef de l'Opposition s'en souvient bien, c'est le député de
Taillon qui avait prononcé ces paroles, à ma surprise un peu,
parce que je savais qu'il était pour présider la commission de
l'Assemblée nationale, mais quand même.
Le Président (M. Filion): Je suis prêt à les
répéter, M. le premier ministre, si l'on veut.
M. Bourassa: Non, mais je suis prêt à vous
répondre ce que j'ai répondu la semaine dernière à
l'Assemblée nationale. C'est que nous avons là des principes
très clairs qui expriment d'une façon un peu plus
éloquente les gains qu'a récupérés le
Québec, des principes qui ont été commentés par les
plus grands experts en cette matière. Quant aux textes juridiques, nous
allons les soumettre au fil des jours. À la Chambre des communes hier,
on a discuté de l'entente du lac Meech. On n'a pas discuté de
cela avec les textes juridiques.
Alors, je crois que la position du gouvernement est tout à fait
responsable et
raisonnable, à la lumière d'un précédent,
dont je parlais tantôt, où l'on a signé des textes
engageant l'avenir du Québec avant même de les soumettre à
l'Assemblée nationale. Je crois que notre attitude, par rapport à
ce qui s'est fait dans le passé récent, est autrement plus
responsable pour l'avenir du Québec et devrait satisfaire, pour
l'instant, l'Opposition. Je n'ai jamais dit de mon côté qu'il
était indécent, j'ai dit qu'il était important que nous
puissions obtenir les textes juridiques, surtout dans certains domaines. Dans
le cas de la Cour suprême, je pense qu'on peut en discuter assez
facilement - si le chef de l'Opposition me le permet - dans le cas de la
formule d'amendement, également. Dans le cas de l'immigration, nous
travaillons actuellement à une entente qui sera inscrite dans la
constitution. Mais, dans certaines autres questions, c'est clair qu'il sera
important, avant de porter un jugement définitif, d'avoir les textes
juridiques.
M. Johnson (Anjou); M. le Président, je
n'ai pas d'autres questions pour le premier ministre à ce moment-ci. Je
le remercie de ne pas avoir répondu à mes questions. Je pense
qu'il peut maintenant faire son exposé. Ensuite, je ferai le mien.
Exposés préliminaires
Le Président (M. Filion): J'invite M. le premier ministre
à prendre la parole.
M. Robert Bourassa
M. Bourassa: J'essaierai, M. le Président, d'être le
plus concis possible, de manière à pouvoir me garder un peu de
temps pour répliquer à mon honorable ami, le chef de
l'Opposition, d'autant plus que le ministre responsable, M. Rémillard,
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes, fera un exposé très détaillé sur les
cinq demandes du Québec.
M. le Président, je crois que, comme je le disais tantôt,
c'est une séance, une réunion exceptionnellement importante. Cela
reflète des débats que le Québec a accomplis pendant
plusieurs décennies. On me permettra de Ies résumer
brièvement. Qu'on se rappelle les luttes de M. Duplessis, de 1945
à 1959, pour maintenir les juridictions du Québec: luttes dans le
domaine fiscal, luttes dans le domaine de l'éducation. Qu'on se rappelle
également les luttes de M. Lesage, de 1960 à 1966, et les gains,
sinon constitutionnels, du moins concrets que nous avions obtenus en raison
d'un rapport de forces qui était à ce moment-là
relativement favorable au Québec.
En 1964 toutefois, pour ce qui a trait à la formule
Fulton-Favreau, formule générale d'amendement, à ce
moment-là le gouverne- ment du Québec, en 1963 et 1964, avait
finalement décidé de ne pas accepter cette formule qui ne donnait
pas au Québec un droit de veto. Si mon souvenir est bon, si mon
information est bonne, la formule Fulton-Favreau - je la mentionne parce qu'on
va la retrouver dans des étapes éventuelles -se trouvait à
exiger le concours des Législatures d'au moins les deux tiers des
provinces et représentant au moins 50 % de la population canadienne.
Cette formule-là n'avait pas été acceptée par le
gouvernement libéral de M. Lesage.
Il y a eu par la suite une autre tentative d'entente constitutionnelle,
en 1971, à Victoria. Le gouvernement du Québec faisait des
propositions impliquant la formule d'amendement et impliquant également
le pouvoir de dépenser dans certains secteurs de la
sécurité sociale. Nous avions gaqné ou obtenu satisfaction
pour ce qui a trait à la formule d'amendement. Le gouvernement du
Québec, le gouvernement de l'Ontario, les provinces de l'Ouest et les
provinces de l'Est, nous avions obtenu un veto régional, donc un veto
pour le Québec. C'était un gain très important qui
était offert au Québec par rapport à la formule
Fulton-Favreau, puisqu'on avait là un droit de veto sur l'ensemble des
amendements constitutionnels. Mais, comme le Québec n'avait pas obtenu
satisfaction sur la question du pouvoir de dépenser, le gouvernement du
Québec du temps a refusé à ce moment-là l'entente
qui était proposée.
Il y a eu par la suite - j'en ai dit un mot tantôt - l'accord
interprovincial pour des fins constitutionnelles, d'avril 1981. À ce
moment-là, te gouvernement du Québec dont faisait partie, s'il me
permet de le dire, le chef de l'Opposition, a consacré le principe de
l'égalité des provinces en acceptant la formule 7-50, qui
ressemble curieusement à la formule Fulton-Favreau et qui avait
été rejetée en 1964 par un gouvernement
libéral.
Ceci a changé le rapport de forces dans lequel se trouvait le
Québec pour essayer d'obtenir un meilleur partage des pouvoirs et une
plus grande protection. Le droit de veto sur les institutions
fédérales n'était pas exigé. Alors que nous avions,
dans l'offre de 1971, un droit de veto sur l'ensemble des institutions et des
secteurs de compétence provinciale, en 1981, on abandonnait ce droit de
veto pour une formule consacrant l'égalité des provinces. Il y a
eu rapatriement unilatéral de la constitution, sans l'accord du
Québec, qui a suivi, comme on s'en souvient.
En 1985, autre étape dans ce débat constitutionnel. Le
qouvernement qui nous a précédé, avec le chef de
l'Opposition comme responsable du dossier et, éventuellement, comme
premier ministre, a présenté des propositions au gouvernement
fédéral; 22 propositions sur différentes questions:
reconnaissance de l'existence du peuple québécois, dans le
préambule - si ma mémoire est bonne, c'était
demandé pour le préambule - responsabilité première
du Québec en matière de droits et libertés,
procédure de modification, réaménagement des pouvoirs,
Cour suprême, etc. Toutefois, à ce moment-là, on a dit:
Nous n'exigeons pas la solution des 22 demandes du Québec avant
d'accepter l'entente constitutionnelle de 1981; nous exigeons par ailleurs que,
dans le préambule, il y ait cette reconnaissance formelle du peuple
québécois.
Finalement, les élections du 2 décembre 1985 ont
amené un nouveau gouvernement, le gouvernement du Parti libéral
que je dirige, qui, lui, a amorcé de nouveau une autre étape du
débat constitutionnel, mais avec une stratégie différente.
Au lieu de copier la stratégie du gouvernement précédent
et de faire toute une série de demandes sans spécifier, sauf dans
un cas, lesquelles étaient préalables à l'accord
constitutionnel et celles qui pouvaient être discutées par la
suite, le gouvernement du Parti libéral, en tenant compte du rapport de
forces qui existait et qui existe aujourd'hui, en tenant compte du fait qu'en
1981 on avait reconnu le principe de l'égalité des provinces, a
proposé cinq demandes, cinq conditions, en disant au reste du Canada:
Pour nous, ces cinq conditions sont nécessaires pour l'accord du
Québec à la constitution canadienne. Il n'est pas question de 22
ou de 23, mais de cinq, pas plus, pas moins. Nous avons d'autres demandes
auxquelles référera sans doute le chef de l'Opposition, des
demandes très légitimes dans d'autres secteurs. Mais nous croyons
qu'avec ces cinq conditions nous serons justifiés d'accepter l'entente
constitutionnelle.
Par la suite, nous avons eu une conférence interprovinciale
à Edmonton. Cette conférence ne s'annonçait pas facile
pour le Québec. Plusieurs premiers ministres avaient exprimé leur
désaccord, avant le début de la conférence, sur le fait
qu'on ne devait discuter que les cinq demandes du Québec. Plusieurs
voulaient qu'on ajoute la question des pêcheries aux cinq demandes du
Québec et la question de la réforme du Sénat, mais nous
avons pu convaincre les neuf autres premiers ministres d'accepter la
stratégie du Québec, de ne discuter d'abord que des cinq
conditions et, après cela, de discuter d'autres questions.
C'était un pas très très important pour favoriser
l'avancement du dossier. (15 h 45)
Il y a quelques semaines, le gouvernement fédéral
décidait de convoquer, sur la base des cinq conditions du Québec,
une conférence au lac Meech, à la suite de plusieurs mois de
négociations et de discussions entre les ministres responsables et,
notamment, le ministre délégué aux
Affaires canadiennes et une équipe de fonctionnaires
extrêmement compétents. Durant plusieurs mois et plusieurs mois,
on a discuté avec nos collègues des autres provinces. Le
gouvernement du Québec s'est présenté à cette
conférence avec lucidité et sérénité en
visant de faire un autre pas en avant vers la solution temporaire du
problème constitutionnel - je dis temporaire parce que j'ai dit
tantôt qu'il y aurait d'autres demandes et d'autres discussions par la
suite, ou une deuxième ronde ou d'autres rondes de réforme
constitutionnelle - quant aux choses à discuter, mais définitive
quant à l'acceptation du Québec de l'entente constitutionnelle.
C'est là que nous avons pu en venir à une entente de principe sur
les cinq demandes du Québec touchant la société distincte,
le droit de veto, la Cour suprême, la question de l'immigration et du
pouvoir de dépenser. Comme je le disais tantôt, M. le
Président, je n'ai pas l'intention d'expliciter très longtemps
sur chacun de ces points. Cette tâche sera faite sûrement avec
beaucoup de compétence et d'expérience par le ministre
délégué aux Affaires canadiennes.
Dans le cas de la société distincte, on me permettra
simplement de mettre en relief les gains qui ont été faits par le
Québec. En effet, il n'est plus question de préambule. On accepte
que le Québec soit reconnu comme société distincte. C'est
la première fois depuis le début de la
Confédération. On accepte que le Québec soit reconnu comme
société distincte dans la constitution canadienne. On ajoute
également que c'est son rôle de promouvoir et de préserver
le caractère distinct du Québec. Je crois que ceci est
très important. C'est dans la constitution canadienne. C'est très
conséquent et cela nous permet, sur le plan de la sécurité
culturelle, de faire un gain très appréciable et très
impartant pour notre avenir. S'ajoute à cela, dans le domaine de
l'immigration, une application concrète, si on peut dire, de cette
sécurité culturelle alors qu'on accepte en totalité et
même un peu plus les demandes du Québec dans le domaine de
l'immigration.
En ce qui a trait à la Cour suprême, nous demandions
d'être consulté et non seulement informé pour la nomination
des juges à la Cour suprême étant donné que celle-ci
a pour responsabilité d'interpréter la constitution et qu'il
paraissait logiquement difficile à défendre que les membres du
tribunal le plus haut, le tribunal qui interprète la constitution, le
plus élevé du pays, soient uniquement nommés par un seul
des deux niveaux de pouvoir. Donc, nous avons obtenu le pouvoir de
présenter une liste de juges ou de membres potentiels de la Cour
suprême, liste présentée par le gouvernement du
Québec. Là aussi, c'était un gain très net et un
gain qui exprime clairement le rôle du gouvernement du Québec
dans la nomination des juges de la Cour suprême.
En ce qui a trait au droit de veto, c'était évidemment une
question très importante pour le Québec. Comment
récupérer le droit de veto que nous avions abandonné en
acceptant la formule 7-50, une formule qui avait déjà
été refusée en 1964 en bonne partie? Nous avions deux
options: la formule de Victoria, qui était notre première option
dans une optique canadienne. Dans cette optique, nous préférions
la formule de Victoria qui nous donnait un droit absolu de veto dans l'ensemble
des juridictions et sur les institutions fédérales. Mais cela
n'était pas forcément facile, étant donné l'abandon
qui avait été fait il y a six ans, de récupérer
cette formule de Victoria. Nous avons donc opté pour la deuxième
option qu'on retrouve dans Maîtriser l'avenir, qui nous donne un
droit de veto juridique ou pratique et qui, sur le plan
québécois, satisfait les demandes du Québec. Même si
on avait préféré l'autre formule, nous avons dû
admettre que cette formule, étant donné le principe de
l'égalité des provinces qui avait été
accepté en 1981 par le Québec, était plus difficile
à obtenir. Donc, nous obtenons un droit de veto sur les institutions
fédérales. Nous n'avions pas ce droit de veto sur les
institutions fédérales. Nous n'avions pas de droit de veto sur le
Sénat, sur la représentation proportionnelle à la Chambre
des communes et en ce qui a trait à la Cour suprême. Nous n'avions
pas de droit de veto sur l'addition de nouvelles provinces. Mais quand on
examine cela froidement, sans un iota de partisanerie, on ne peut pas concevoir
un seul instant qu'on ait accepté déjà dans un
passé récent au Québec d'abandonner un droit de veto sur
des institutions qui peuvent tellement affecter le partage des pouvoirs. Nous
avons obtenu maintenant ce droit de veto en ce qui a trait au Sénat,
où nous avons 25 % des membres. Donc, il sera dorénavant
impossible sans l'accord du Québec, de changer la structure du
Sénat; un droit de veto. En plus, comme je le disais, "tongue in cheek",
si ]e peux le dire au chef de l'Opposition, nous avons obtenu le pouvoir de
nommer les sénateurs en présentant des listes.
Dans le cas de la Cour suprême, nous obtenons 33,3 %, trois juges
sur neuf, alors que nous sommes 25 % de la population. Cela aussi, c'est un
gain qui durera tant que le Québec ne voudra pas qu'il soit
modifié. Quant aux nouvelles provinces, je n'ai pas à expliciter
longtemps les risques que pourraient comporter, dans le partage de la richesse
collective au Québec, l'addition de nouvelles provinces dans des
régions, notamment, où les richesses naturelles peuvent prendre
une ampleur extraordinaire. Donc, c'est un gain on ne peut plus important pour
l'avenir du Québec de récupérer ce droit de veto sur les
institutions qu'on n'avait pas. Il y a également le droit de dire non,
comme je le disais à l'Assemblée nationale, dans les amendements
qui pourraient être apportés à la constitution canadienne
et sur lesquels le Québec ne serait pas d'accord. C'est une formule dont
nous parlons dans Maîtriser l'avenir et qui était
proposée dans les propositions d'accord constitutionnel du gouvernement
précédent.
Donc, voilà pour cette question de la protection institutionnelle
du Québec et la protection de ces juridictions. Il restait le pouvoir de
dépenser.
Dans le pouvoir de dépenser, sujet de débat depuis un
très grand nombre d'années au Québec et constamment,
à toutes fins utiles, mais certainement depuis au moins 40 ans, nous
avons réussi à obtenir une première contrainte
constitutionnelle. C'est la première fois dans l'histoire du
Québec depuis le début de la constitution que le Québec
obtient de ses partenaires une contrainte constitutionnelle au pouvoir de
dépenser. Je sais que cela ne satisfait pas le chef de l'Opposition,
malgré tous les autres gains, et je ne suis pas surpris, à vrai
dire, de son insatisfaction. Mais ce que je peux lui dire, c'est qu'il y a
quand même ce pouvoir constitutionnel qui est inscrit dans la
constitution et qui se trouve à nous protéger pour l'avenir.
Nous parlions à l'Assemblée nationale tantôt de tous
les programmes existants, des décisions du gouvernement
fédéral dans les années soixante, soixante-dix et
quatre-vingt. On doit quand même constater, M. le Président, que
souvent les gains ou les reculs du Québec en matière de pouvoir
de dépenser étaient reliés à un rapport de forces.
Nous avons pu obtenir des gains appréciables avec le retrait durant les
années soixante. Le Québec à ce moment-là
était dans un rapport de forces favorable. À la fin des
années soixante-dix, on est obligés d'admettre qu'il y a eu
plusieurs reculs du Québec. Le rapport de forces à ce
moment-là lui était défavorable et nous obtenons
maintenant, dans un nouveau rapport de forces qui nous paraît favorable,
cette première contrainte constitutionnelle dans le pouvoir de
dépenser.
Nous aurons donc l'occasion, au cours des prochains jours... Je crois
quand même que ces six jours où nous pourrons entendre des experts
ou des représentants d'associations constituent une période
raisonnable. En 1981, je crois que la durée avait été de
sept jours pour discuter d'une question constitutionnelle. Alors, je ne crois
pas qu'on puisse accuser le gouvernement de ne pas permettre à ceux qui
sont intéressés à cette question vitale de pouvoir
exprimer leur point de vue. Nous aurons, au cours des
prochains jours, l'occasion de développer ces différents
points. Je dois vous dire que la décision de principe que le
gouvernement a prise et qui sera entérinée au cours d'une
conférence qui se tiendra dans quelques jours est peut-être la
plus importante décision que nous avons eu à prendre depuis notre
retour au pouvoir. Nous devions évaluer l'impact de cette
décision sur le présent et sur l'avenir.
Actuellement, le Québec dispose d'une force économique et
d'une force sociale qui font que nous sommes peut-être l'une des
sociétés les plus dynamiques en Occident. Nous avons pu faire,
élaborer et réaliser - si je puis dire - ce dynamisme, et ce
progrès avec les pouvoirs que nous possédions. Nous obtenons
maintenant des pouvoirs additionnels. On peut toujours dire: Le gouvernement du
Québec aurait pu obtenir plus. Mais il y avait aussi le risque de perdre
cette chance très importante d'obtenir, pour le Québec, des
pouvoirs on ne peut plus vitaux pour son avenin récupération du
droit de veto, notamment; inscription du Québec comme
société distincte dans la constitution elle-même et non pas
dans le préambule; la question de l'immigration qui s'ajoute à la
sécurité culturelle; la question de la Cour suprême; la
première limitation au pouvoir de dépenser. Nous aurions pu
prendre le risque d'attendre pour aller chercher des pouvoirs additionnels,
mais il y avait aussi le risque de laisser passer une chance historique.
Il y a quelques mois, j'entendais, j'écoutais et je lisais des
reproches qui m'étaient faits sur 1971. Je me souviens d'une
déclaration de M. Claude Morin notamment, qui disait: En 1971, si on
avait su, on aurait dû accepter ce droit de veto régional qu'on a
perdu depuis. Je veux éviter qu'on puisse me faire le même
reproche dans quelques mois ou dans quelques années, alors que rien ne
nous garantit que nous aurions un rapport de forces plus favorable au
Québec que celui que nous avons actuellement, alors qu'il y a un
engagement très net, formel et - je dirais même - solennel du
premier ministre du Canada de régler ce problème constitutionnel
pour le Québec, alors qu'il y a plusieurs autres premiers ministres,
plusieurs partenaires du Québec qui, au départ, sont favorables
à l'acceptation du Québec dans l'entente constitutionnelle en
fonction des cinq demandes du Québec. Au stade actuel, nous devons
prendre des décisions à la lumière des informations que
nous avons. Il n'y a aucune espèce de garantie, loin de là, que
nous pourrons trouver un autre moment, dans notre histoire, où le
Québec pourra, à la fois, bénéficier d'un rapport
de forces aussi favorable et, en même temps, obtenir des gains aussi
appréciables.
M. le Président, je terminerai en faisant une citation du
cardinal de Retz qui disait, dans un de ses volumes: "II n'y a rien dans le
monde qui n'ait son moment décisif, et le chef-d'oeuvre de la bonne
conduite est de connaître et de prendre ce moment." Alors, le
gouvernement du Québec a décidé d'assumer ses
responsabilités en permettant au Québec d'accepter l'entente
constitutionnelle et, ce faisant, il faut des gains qui consolident sa
sécurité culturelle et son râle dans la
Fédération canadienne.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le premier ministre.
J'inviterais maintenant le chef de l'Opposition à prendre la parole. (16
heures)
M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): Merci, M. le Président. Je remercie le
premier ministre de son exposé. Je pense qu'il nous a fait savoir qu'il
ne serait pas présent à l'ensemble des travaux de cette
commission, pour les raisons que, comme chef de l'Exécutif, il est
appelé aussi è d'autres fonctions. Je souhaite cependant qu'il
soit là dans des moments importants où il sera question d'aller
au fond des choses, puisque c'est le fond des choses qu'il a entre les mains en
ce moment comme premier ministre du Québec.
Je comprends que les gens ne parlent pas de constitution tous les jours.
C'est associé en général à des histoires d'avocats,
pour ne pas dire d'avocasseries; c'est beaucoup associé dans l'esprit
des Québécois, à cause de toutes sortes de raisons
historiques auxquelles mon parti a même participé, à des
chicanes. Bref, les gens ont tendance à dire: On veut la paix autour de
ça. La question est: La paix, mais à quel prix? Quelle paix et
à quel prix?
Ce qui me frappe dans les propos du premier ministre - et ce qui m'a
frappé depuis trois semaines dans son attitude dans ce dossier et dans
l'attitude de son ministre responsable - c'est ce retour constant au
passé plutôt qu'à l'avenir et cela m'inquiète. Cela
m'inquiète parce qu'il n'y a pas de souffle là-dedans. On va
régler l'avenir du Québec; on va régler la place du
Québec; on va régler sur la base de la force du Québec, un
peu comme on règle un problème d'état financier, en milieu
de mandat, par des crédits additionnels. C'est bien plus que ça
qui est en cause. Pourquoi? Parce que la constitution, c'est important. C'est
important pour les citoyens. C'est du droit fondamental plaidé tous les
jours devant les tribunaux. C'est important parce que, quand on parle de
constitution au Québec, on parle d'une question, pour ne pas dire d'un
problème, qui existe depuis des années, que sont la place et la
farce du Québec dans ce pays qu'est le Canada ou avec ce pays qu'est le
Canada ou sur ce continent qu'est l'Amérique. C'est
donc important, la constitution. Mais je trouve qu'elle est
traitée à la légère en ce moment.
Je ne mets pas en doute l'habileté ou les ruses de Sioux ou de
renard pour lesquelles le premier ministre est reconnu. Je mets en doute le
sérieux, la substance, la profondeur, la force qu'il y a derrière
cela et l'incertitude qui, pour moi, découle de cet accord - de ce
projet d'accord - et qui va peser sur nous longtemps.
Le premier ministre peut bien dire qu'il y aura une deuxième
ronde où on va revoir toutes les affaires que le chef de l'Opposition
voulait quand il était ministre responsable du dossier; et il fait
allusion à 1985 quand j'assumais au gouvernement, avec le premier
ministre d'alors, la responsabilité de ce dossier. Il
réfère aux demandes dites traditionnelles du Québec ou
ajustées du Québec tenant compte de la réalité des
années quatre-vingt et quatre-vingt-dix plutôt que de celles des
années soixante et soixante-dix et tenant compte aussi, oui, du
résultat référendaire et de la position dans laquelle il a
placé le peuple québécois. Mais je regarde l'accord du lac
Meech et on parle de la deuxième ronde.
Qu'est-ce qu'on dit de la deuxième ronde dans l'accord du lac
Meech, sous l'expression "second round"? On dit, dans la deuxième ronde,
qu'on va parler du Sénat, des pouvoirs, des fonctions et des rôles
des sénateurs, de la répartition des sièges au
Sénat et du rôle et des responsabilités en matière
de pêche. Ça, c'était pour faire plaisir à Brian
Peckford, c'est évident. Cela saute aux yeux. C'est classique. Il ne
faut pas connaître la politique canadienne depuis bien longtemps pour ne
pas comprendre cela, hein? "Toute autre question dont on aura convenu". C'est
l'affaire standard, "standard in the federation". "Toute autre question dont on
aura convenu", vous retrouvez cela sur tous les ordres du jour de toutes les
conférences fédérales-provinciales, même en ce qui
concerne les premiers ministres depuis 25 ans au Canada. On se comprend bien,
la deuxième ronde dont parle le premier ministre, c'est la
réforme du Sénat et les affaires de Brian Peckford à
Terre-Neuve. Ce ne sont pas les pouvoirs du Québec. Ce n'est pas le
partage des pouvoirs, contrairement à ce qu'on laisse entendre.
Le processus est caractérisé par, je dirais, beaucoup
d'improvisation, beaucoup de précipitation et du secret. D'abord, la
préparation du lac Meech. Or, je ne mets pas en doute la
compétence et le dévouement remarquables des hauts fonctionnaires
de ce ministère que j'ai déjà dirigé. Je les
connais; je les vois ici. Ils savent le respect que j'ai pour leur talent et
leur dévouement. Le problème, je pense, est que le rôle
d'un haut fonctionnaire, qu'il soit sous-ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes, ancien secrétaire
général du gouvernement, sous-ministre adjoint de la justice,
c'est d'exécuter des mandats. Le problème, c'est que le mandat
n'est pas fort. C'est le premier ministre qui donne les mandats. Les
fonctionnaires ne sont pas là pour inventer les mandats, ils sont
là pour exécuter les mandats du premier ministre. Le
problème, c'est que le mandat qu'il leur donne n'est pas fort. J'ai
demandé pendant des mois - pendant des mois - à tous les quinze
jours à l'Assemblée nationale: Où vous en allez-vous dans
le dossier constitutionnel? Quelles sont les orientations du Québec?
Avez-vous un document? Et on me renvoyait tantôt au programme du Parti
libéral, tantôt à Maîtriser l'avenir, tantôt
à un écrit du professeur Rémillard qui est maintenant
nouveau ministre dans le dossier, tantôt à ce qu'avait pu en dire
un jour Claude Ryan en tant qu'éditorialiste avant d'être
ministre, mais il n'y avait pas dix, douze, quinze pages claires - claires! -
qui répondraient peut-être à cette éternelle
question - n'est-ce pas? - qui vient et qui reviendra, M. le premier ministre,
"What does Quebec want?"
Le problème, c'est que "I think you don't know!" C'est cela qui
m'inquiète parce que vous avez réglé pour peu. Vous n'avez
pas mis les vrais enjeux sur la table. On vous les a demandés pendant un
an et demi. Vous êtes parti au lac Meech dans un contexte
d'improvisation. On se demande, après la période de questions
d'aujourd'hui, si vous aviez les textes juridiques sur le pouvoir de
dépenser qui est si important, si vous saviez exactement ce que vous
vouliez aller chercher. Je ne vous dis pas que vous auriez tout obtenu. Le lot
du Québec sera toujours de ne pas obtenir totalement ce qu'il recherche
et, surtout, quand il ne s'appuiera pas sur la légitimité
populaire pour le faire. Et c'est clair que tout gouvernement du Québec
qui s'imagine que, dans la Fédération canadienne, il va aller en
chercher plus pour notre peuple sera toujours aux prises avec des situations
difficiles. Mais encore plus s'il ne s'appuie pas sur un mandat populaire. Cela
va être encore plus fragile. Et vous n'avez pas de mandat
là-dessus.
Précipitation parce que le ministre responsable du dossier nous a
expliqué il y a quelques semaines: Vous savez, au lac Meech, on s'en va
juste voir. C'était cela, la théorie officielle du ministre
responsable du dossier. Au lac Meech, on s'en va voir! Ils veulent nous avoir
dedans. On s'en va les écouter. Le problème est qu'ils se sont
rendus au lac Meech un certain jeudi, il faisait beau, et le monde à
Toronto se disait: Québec n'a jamais demandé si peu pour
régler. L'Ouest s'est aperçu que le Québec avait un droit
de veto sur le Sénat parce qu'existait antérieurement le droit de
veto, non pas en vertu de l'accord de 1981, non pas en vertu
de l'accord actuel, mais en vertu de 1867. Parce que le nombre de
sénateurs au Sénat canadien et la place du Québec au
Sénat canadien sont prévus depuis bien longtemps, depuis plus
d'un siècle. On avait donc, en pratique, un droit de veto sur la
réforme du Sénat. Vous vous en alliez au lac Meech pour voir,
disiez-vous. Vous êtes revenus de là et vous aviez signé la
promesse de vente.
Cela fait deux semaines qu'on vous demande quel est le texte du contrat
de vente et nous ne sommes même pas capables de l'obtenir. C'est
préoccupant pour la maison québécoise. On ne peut pas non
plus obtenir de vous, avec certitude, ce que vous défendez sur un
certain nombre de choses fondamentales, notamment autour du pouvoir de
dépenser et de ce que signifie la société distincte. Tout
cela a été entouré de secrets, de diplomatie
discrète, la diplomatie la plus dangereuse parce que les enjeux ne sont
pas clairs. La diplomatie discrète est toujours efficace de façon
conjoncturelle, mais sur les enjeux fondamentaux, c'est celle qui est la plus
grande source de confusion. Et c'est souvent à cause de la diplomatie
discrète qu'il y a eu des guerres. Je trouve que le problème,
c'est que le premier ministre n'a pas mis les enjeux sur la table, sinon par
rapport à cette dimension tellement limitative autour du pouvoir de
dépenser. Sur le contenu, c'est un mauvais exercice du droit du peuple
québécois à s'autodéterminer que vous êtes en
train de faire dans un contexte de précipitation.
Faisons le tour un peu de ce qu'il y a et de ce qu'il y a et de ce qu'il
n'y a pas dans cette entente. Le droit de veto. Quelques remarques au premier
ministre, il me les permettra. Il dit: On a maintenant le droit de veto sur le
Sénat. Oui, on l'avait déjà à cause de 1867,
opinion de M. Tassé, sous-ministre de la Justice au
fédéral. Ce ne sont quand même pas des "pinottes". En
général, d'ailleurs, ce sont eux qui l'emportent en Cour
suprême. Cour suprême, Chambre des communes, institutions
centrales.
Le Québec s'est fait dire par la Cour suprême un jour; Vous
n'aviez pas de droit de veto. Vous avez de fait exercé politiquement un
veto dans la Fédération canadienne, mais vous n'aviez pas de
droit de veto. C'est la Cour suprême qui nous a dit cela en 1982. Il faut
le rappeler.
Le premier ministre dit: On est allé le chercher quant aux
institutions centrales. Très bien! Mais vous savez, le système de
la proportionnelle à la Chambre des communes, je pense que ce n'est pas
pour demain matin. En ce qui concerne la réforme du Sénat, cela
m'étonnerait, même si les gens s'agitent comme des poissons dans
un bocal. La réforme de la Cour suprême, on ne peut pas
l'anticiper à court terme non plus.
Alors, vous avez obtenu quoi? Un droit de stationnement sur la lune
à l'occasion du deuxième centre commercial qu'on y construira.
Bon! Mais disons que je reconnais que le droit de veto sur les institutions
centrales est là. Mais sur le reste, ce n'est pas le droit de veto, par
exemple, contrairement à l'ambiguïté persistante du discours
du premier ministre qui manipule ces choses avec une habileté
consommée mais qui, dans les choses fondamentales, devrait faire plus
attention.
Le premier ministre sait comme moi qu'en dépit des
dérobades qu'il a tentées pendant la période de questions,
ce qu'il a obtenu sur le reste de la constitution canadienne, ce n'est pas le
droit de veto, c'est le droit de retrait avec compensation qui, en soi, est une
formule discutable, potable peut-être. Mais ce n'est pas le droit de
veto, contrairement à ce que disait le programme du Parti
libéral, contrairement à ce que disait dans ses discours
enflammés le député de Jean-Talon, l'actuel ministre
responsable du dossier et contrairement à ce qu'a affirmé le
premier ministre si longtemps. Il va me citer des extraits de
Maîtriser l'avenir du Parti libéral. Oui, mais on dit tout
dans Maîtriser l'avenir. On dit une chose à la page 57 et
quelque chose de différent à la page 58. Alors, je me suis dit
que le mandat que le premier ministre est allé chercher, il ne peut pas
être allé le chercher sur tout, y compris des choses
contradictoires. Il a dû aller le chercher sur quelque chose. Alors, je
suis allé voir dans les documents du Parti libéral et les
documents du conseil général du Parti libéral de 1985.
C'est cela, votre programme électoral. C'était inscrit: droit de
veto sur tout. Ce n'est pas pour cela que vous avez réglé. Vous
ne parliez pas de droit de retrait avec compensation à votre conseil
qénéral, article 29.18.1 ou 28.19.1, je ne sais plus. En tout
cas, vous allez vous y retrouver, je l'espère.
Cour suprême. Eh! II faut se comprendre, là.
Écoutez, ce n'est pas la fin du monde. On s'entend sur la composition du
nombre de juges. En ce moment, le Québec n'a rien gagné. Depuis
1875, M. le premier ministre, depuis plus de 100 ans, le Québec a droit
à un tiers de la Cour suprême. Le Québec a trois juges en
ce moment: le juge Lamer, le juge Beetz et maintenant le juge
L'Heureux-Dubé, anciennement de la Cour d'appel, qui sont maintenant les
trois juges de la Cour suprême du Canada, sur neuf, qui viennent du
Québec. Il faut s'entendre, là. Cela ne sera plus dans le texte
de la Cour suprême du Canada qui, entre vous et moi, n'est pas changeable
facilement au Canada. Voyez-vous le tollé ici, dans le Barreau
québécois, chez tous ceux qui aspirent à être juges
de la Cour suprême; et c'est fondamental dans l'évolution de la
fédération, même d'un point de vue pancanadien,
même
d'un point de vue fédéraliste.
Donc, vous n'avez rien gagné. Vous avez gagné la
transposition de ce texte de la loi de 1875 dans la constitution actuelle du
Canada. Je dois vous dire que; heureusement, ce n'est pas dans le
préambule, parce que le préambule de la constitution du Canada,
dit que le devoir du Canada c'est de protéger les intérêts
de l'empire britannique. Il ne faudrait quand même pas que cela soit
là! (16 h 15)
Ah! Je ne disconviens pas avec le premier ministre qu'il a gagné
sur une chose, c'est dans te cas de la Cour suprême. Maintenant, il va
pouvoir fournir une liste chaque fois qu'un juge de la Cour suprême
venant du Québec prendra sa retraite ou qu'il y aura un poste vacant, un
des trois postes vacant. J'attirerais son attention sur deux petites
difficultés dans cela. La première, c'est que dans l'entente du
lac Meech, on parle de gens venant du Barreau civil. On peut très bien
pratiquer le droit au Nouveau-Brunswick ou en Ontario et être membre du
Barreau civil du Québec. Est-ce que le texte va dire qu'un avocat
résidant en Ontario ou au Nouveau-Brunswick peut être
considérer comme un des juges? Bon! Cela, on le verra quand on aura les
textes. Mais j'espère que non. J'espère que cela veut dire des
juges ou des avocats pratiquant au Québec, membres du Barreau du
Québec et non pas des juges, avocats pratiquant en Ontario ou au
Nouveau-Brunswick ayant pu être membres du Barreau parce qu'ils ont fait,
un jour, du droit civil à l'Université McGill ou à
l'Université de Montréal. Deuxième problème, c'est
que le texte du lac Meech - à ce sujet-là, bonne chance dans la
formulation! - dit que le premier ministre du Québec,
éventuellement, fera une liste chaque fois qu'il y aura une vacance. Le
ministre de la Justice du gouvernement fédéral va nommer une
personne dont la candidature lui agrée dans cette liste. Par exemple,
pour remplacer un juge à court terme, vous feriez une liste avec deux
noms, M. Trudeau et M. Chrétien. Vous demanderiez à M. Mulroney
de nommer l'un des deux juges de la Cour suprême, je ne sais pas comment
vous allez régler le problème, comme cela lui agrée. On
verra quand on aura les textes. On n'a pas les textes.
L'immigration. Essentiellement, c'est l'entente Cullen-Couture qui
existe depuis dix ans, 1977. Je fais ici un rappel pour ceux qui ne s'en
souviendraient pas. L'immigration relève et du Québec et du
fédéral depuis 1867. L'immigration est une juridiction mixte,
concurrente. Il y a des gens qui s'imaginent qu'on n'a jamais rien à
dire dans l'immigration. Ce n'est pas vrai. Cela fait un bon bout de temps
qu'on a quelque chose à dire dans l'immigration. C'est vrai que cela n'a
jamais été facile de régler ces problèmes. Il y a
des impératifs, au niveau canadien de la sécurité
nationale de la mobilité des personnes des règles, des contrats,
des ententes internationales, des accords de Genève, etc.; c'est
très complexe. On a assis notre juridiction en immigration. Il ne faut
quand même pas dire que c'est une invention. On a l'entente
Cullen-Couture qui va dans la constitution. En soi, ce n'est pas si mal. Cela
pose des gros problèmes juridiques, par exemple. On va voir. La personne
qui est réfugiée, qui descend à Mirabel, elle est
écrite dans la constitution: réfugiée en demande de
statut. Je dois vous dire que je ne suis pas sûr qu'on va vite
régler le problème des réfugiés avec cela, mais on
va faire faire de l'argent à bien des avocats. Mais c'est là
pareil. Je ne disconviens pas non plus, sur la question de l'immigration, qu'il
y a quelques services fédéraux quant à l'accueil, la
réception, qui sont transférés au Québec. Je ne
sais pas, moi. Cela va coûter de 4 000 000 $ à 5 000 000 $, les
fonctionnaires fédéraux qui vont passer sous la juridiction
québécoise. Il y a là des choses étonnantes. Par
exemple, on dit, à propos du caractère spécifique du
Québec en matière d'immigration, que le Québec va pouvoir
avoir une part d'immigration qui correspond à son prorata de la
population canadienne, disons 25 % en gros, pour arrondir cela. Le
Québec aurait droit à 5 % de plus. Cela pourrait être dans
l'entente qui va être convenue avec le fédéral et qu'on va
mettre ensuite dans la constitution. On donne le même droit à
toutes les provinces. "So much" pour la société distincte! Les
ententes de cette nature peuvent être conclues avec toutes les provinces.
On pourrait arriver à une drôle de situation. Si on additionne les
droits des provinces en matière d'immigration, elles ont droit à
150 % de l'immigration totale d'une année au Canada. "So much" pour la
société distincte! On a un problème. On regarde les
textes, c'est ce que cela dit. Il manque des textes. Si on avait les textes,
peut-être qu'on comprendrait un peu mieux.
Le pouvoir de dépenser. Qu'est-ce que le pouvoir de
dépenser? Le pouvoir de dépenser, c'est ce qui permet à
l'État fédéral, depuis des temps immémoriaux, en
vertu de la jurisprudence, de décider de s'occuper des affaires qui
touchent les provinces. Pourquoi? Parce que le fédéral taxe,
parce que les députés, quand ils arrivent à Ottawa, ils
ont le goût de faire quelque chose, parce qu'ils ont le goût de
s'occuper de toutes sortes de choses. C'est là que le Québec,
comme peuple différent, comme société distincte - pour
prendre l'expression du premier ministre - voit toute la dilution de ce qu'il
est. Quand les députés au fédéral, venant de toutes
les provinces du Canada où nous sommes minoritaires dans le Parlement
fédéral, décident de s'occuper de
choses qui touchent à l'éducation, aux affaires sociales,
à la culture, à l'environnement, ils taxent l'ensemble des
citoyens et mettent des services fédéraux dans des domaines de
juridiction provinciale. C'est cela, le pouvoir de dépenser. Quelle est
la conséquence de cela? Sûrement qu'au Canada cela a donné
le système de santé. Je dois dire que probablement un des grands
acquis des deux peuples du Canada - pas le peuple canadien - dont le peuple
québécois, c'est sans doute de vivre dans une
société qui, sur le plan d'un système de santé,
nous différencie assez profondément des Américains et
c'est bon pour les citoyens, ce sont des choses à garder, dont
l'application, cependant, est d'une complexité incroyable. Mais pour le
reste, cela a donné quoi, le pouvoir de dépenser, sinon une
augmentation du déficit, une augmentation des impôts pour les
citoyens, une confusion incroyable pour les citoyens dans toutes sortes de
domaines qui vont de l'environnement aux richesses naturelles en passant par
l'éducation jusqu'à la culture et les communications? Surtout,
cela a donné pour le Québec un rétrécissement
constant de la possibilité pour le gouvernement de Québec et les
élus du peuple du Québec à cette Assemblée
nationale, ici, de décider, avec des marges qui ont du bon sens,
d'orienter le développement du Québec dans le sens de nos propres
priorités.
Votre texte sur le pouvoir de dépenser qu'on n'a toujours pas est
dangereux pour le Québec, d'abord parce qu'il confirme tout ce qui
existe en ce moment, et je vais vous dire ce que cela va donner pour le
Québec. Cela va donner, par exemple, que, quand un de vos ministres va
essayer de s'asseoir avec un ministre fédéral qui s'occupe d'un
plan dans un secteur qui touche le Québec, comme le logement... Vous
savez, les problèmes de Toronto et de Montréal ne sont pas les
mêmes, n'est-ce pas? Toronto a 3,5 % de chômeurs. Le
phénomène de la pauvreté à Toronto, ce n'est pas le
phénomène de la pauvreté dans l'Est de Montréal.
Les types d'habitations ne peuvent pas être les mêmes. On ne vit
pas les mêmes réalités. Mais moi, je sais où les
règles en matière de logement et d'intervention
fédérale sur le logement social au Canada sont
élaborées: elles sont élaborées à Toronto,
et le premier ministre le sait. C'est vrai dans tous les autres secteurs. C'est
cela, le rapport de forces du Québec. Le rapport de forces du
Québec, c'est que le Québec se fait souvent dicter la
volonté du plus fort économiquement, c'est-à-dire
l'Ontario. Il y a des limites à s'imaginer que les Laurentides ici sont
plus grosses que les Rocheuses et les Alpes.
Sur le plan économique, en pratique, et sur le plan politique
dans l'histoire de la fédération canadienne, on s'est souvent
fait dicter les orientations par l'extérieur; et le grand moyen dans la
fédération canadienne pour dicter des orientations, cela a
été le pouvoir de dépenser. Et ce que vous avez là
en matière de logement va faire que les fonctionnaires
fédéraux vont élaborer des critères sûrement
de bonne foi, de temps en temps en écoutant un peu ce que les gens qui
écrivent là-dessus au Québec disent, mais fondamentalement
des critères qui correspondent aux besoins, de l'Ontario è ce
moment-là, comme cela a été le cas de l'environnement dans
les années soixante-dix. Le fédéral va mettre du fric, la
province de l'Ontario va en mettre car cela fait son affaire et le
Québec n'en mettra pas parce que le programme n'est pas fait pour lui,
parce qu'il ne lui ressemble pas, parce qu'il ne correspond pas à nos
priorités. Ces fonctionnaires-là maintenant ne seront même
pas foutus, je vais vous dire, de s'asseoir avec ceux du Québec, parce
qu'avant le Québec pouvait au moins dire: "Vous n'avez pas le pouvoir
d'intervenir dans le domaine de juridiction fédérale". Ils
n'aimaient pas cela. Et des fois on pouvait aller devant les tribunaux, on
brassait cela dans les conférences fédérales-provinciales
avec d'autres ministres pour d'autres raisons, des fois, avec d'autres
provinces. Là, ils ne seront même pas foutus de venir s'asseoir
parce qu'on va consacrer le droit de l'État fédéral de
faire quoi? À toutes fins utiles, de transformer l'ensemble des domaines
de juridiction provinciale de l'article 92 en domaines de juridiction mixte
à cause du pouvoir de dépenser. C'est cela qui est en train
d'arriver. J'ai hâte de voir les textes. Je ne peux croire que si le
premier ministre avait vu cela, il aurait été d'accord avec
cela.
La société distincte. Là, il faut le lire un petit
peu, il faut juste le lire. Je trouve que le monde en parle beaucoup, mais on
dirait qu'on ne sait pas assez s'arrêter pour lire publiquement. Je vais
le relire au premier ministre. Cela fait peut-être deux semaines qu'il ne
l'a pas lu. "L'interprétation de la constitution du Canada doit
concorder avec "a) la reconnaissance que l'existence d'un Canada francophone,
concentré mais non limité au Québec, et celle d'un Canada
anglophone, concentré dans le reste du pays mais présent au
Québec, constituent une caractéristique fondamentale de la
fédération canadienne; "b) la reconnaissance que le Québec
forme au sein du Canada une société distincte.
Le Parlement et les Législatures des provinces - y inclus le
Québec - dans l'exercice de leurs compétences respectives,
prennent l'engagement de protéger la caractéristique fondamentale
du Canada mentionnée au paragraphe - le Canada
bilingue "3 L'Assemblée nationale et le gouvernement du
Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir le
caractère distinct de la société québécoise
mentionné au paragraphe."
Je me permets de dire au premier ministre que comme texte - encore une
fois, on n'a pas le texte juridique; on a les principes - à mon avis,
cela a une portée extrêmement limitée quant au
Québec. Il est clair que cela ne donne aucun pouvoir nouveau au
Québec. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le sénateur Murray, au
Sénat, la semaine passée. Je vous donnerai les citations. Je
pense que c'est à la page 954 des Débats du Sénat, jeudi
ou mardi passé.
Que dit ce texte? Cela dit, dans le fond, que le Canada est bilingue. Le
Québec est là-dedans. Cela dit qu'il y a une obligation pour le
Québec de respecter le caractère bilingue du Canada et un
rôle pour l'Assemblée nationale de promouvoir le caractère
distinct du Québec. Mais l'obligation, c'est de respecter le
caractère de la fédération. Mais on dit:
L'Assemblée a un rôle. Le gouvernement aussi. Dans la mesure
où c'est le texte définitif, M. le ministre, cela
m'inquiète. Le juriste que vous êtes devrait en saisir la
portée, je pense. Tout cela est faible en ce qui concerne la
société distincte surtout parce qu'il n'y a pas dedans une
affirmation claire autour, il me semble, de ce qui est le plus évident
et qui nous rend distinct comme peuple. Il n'y a pas cette affirmation claire
qu'en matière linguistique seule l'Assemblée nationale du
Québec devrait être appelée à intervenir dans les
questions linguistiques. Il n'y a pas non plus dans cet accord de garanties de
protection de notre droit civil et je m'explique.
Le droit civil, c'est le droit des contrats, c'est le droit du mariage,
c'est la garde de vos enfants, c'est votre testament, c'est votre
hypothèque, toutes ces choses très concrètes dans la vie
des citoyens. C'est pour cela que je dis que le droit constitutionnel est
important. C'est concret. Dans une vie, on vient au monde et il y a un droit
qui régit notre nom. On est enfant et on a des droits. Certaines
personnes peuvent exercer nos droits à notre place si les parents ne
s'en occupent pas. On devient adulte et on peut se marier. C'est le droit du
mariage. On s'achète une maison et on a une hypothèque. On
conclut une entente avec un voisin, un associé. C'est le droit des
contrats. On se sépare ou on divorce. On décide quelles sont les
obligations alimentaires les uns des autres. On prépare sa mort, on fait
un testament ou on meurt sans testament et le Code civil s'occupe de
désigner qui va avoir les parts de la succession de chacun. Où
cela se trouve-t-il dans notre droit? C'est dans une affaire qu'on appelle le
Code civil. Le Code civil, c'est le fondement et la traduction de ce qu'est
l'univers des valeurs qui sont propres au peuple québécois, cette
marge qui nous reste dans la Fédération canadienne de nous
définir à partir de nos valeurs à nous. Est-ce qu'on
accorde plus d'importance à la protection de la réputation des
personnes ou à la liberté d'expression quand on décide de
ce qu'on appelle le droit de la diffamation?
Je m'explique. Si un jour, le premier ministre dit une
grossièreté à mon sujet - ce qu'il ne ferait pas, j'en
suis sûr - et que je décide de le poursuivre en diffamation, quand
la Cour suprême va être saisie du litige, est-ce que c'est votre
droit à la libre expression ou mon droit à la réputation
qui va l'emporter? C'est important. Je sais une chose. Dans la charte
québécoise, on parle du droit à la réputation et du
droit à la libre expression. Dans la charte canadienne, on ne parle pas
du droit à la réputation. C'est un choix de
société, d'une valeur. On traduit cela dans des chartes et dans
le Code Civil. Or, que se passe-t-il au Canada? II se passe que la charte
canadienne est interprétée par une majorité de juges
partout sur le territoire canadien et pour la Cour suprême, dans les dix
prochaines années, selon ce que m'en disait le juge Dickson, le juge en
chef que j'ai eu le plaisir de rencontrer à quelques reprises et le juge
Beetz également. Ils me disaient: Nous en avons pour à peu
près dix ans à élaborer les canons de la charte
canadienne. Dans quelle mesure cela va-t-il modifier profondément le
droit des provinces aussi et le droit fédéral? En cours de route,
notre Code civil va en prendre un coup. Or, on me dira: On utilisera la clause
"nonobstant". Écoutez, pour vous autres, j'espère que vous y avez
renoncé.
Des voix: Ah!
(16 h 30)
M. Johnson (Anjou): Cela mettrait le Québec constamment
dans des choix de société, dans une position où il devrait
avoir l'espèce de rôle odieux de dire à son
Assemblée nationale: Nonobstant la liberté d'expression, il y a
un droit ici à la réputation. Cela a l'air odieux, parce que cela
a l'air d'être contre la liberté.
C'est quoi, le problème de base là-dedans? C'est
l'application de la "common law", c'est-à-dire un système de
droit qui est différent du nôtre depuis 300 ans et qu'on a
maintenu depuis 300 ans sur ce territoire, un système de la coutume de
Paris et du droit civil français que le ministre de la Justice est en
train de refaire ici en collaboration avec les collègues. Mais il y a la
"common law" sur le reste du continent, puis la Cour suprême qui va
largement appliquer les critères de la "common law" américaine et
qui, en général d'ailleurs, n'écoute pas telle-
ment ce qu'on a à dire au sujet du droit européen. On a
plutôt tendance à écouter quand on y cite des causes
américaines. C'est dans l'ordre des choses. C'est la culture dominante
du continent, celle de gens qui parlent la même langue et qui ont le
même système de valeurs. Notre droit civil n'est pas
protégé dans votre entente.
Le rôle international du Québec, c'est une zone grise, on
le sait: le premier ministre le sait, puis moi aussi. Tous ceux qui ont eu
à oeuvrer au gouvernement à un niveau qui touche de près
ou de loin à ces choses savent combien c'est délicat, complexe.
Le gouvernement fédéral n'aime pas nous voir nous promener avec
des délégués du Québec à l'étranger,
puis des drapeaux, puis des considérations. Pourquoi? Parce que
d'instinct, dans certains pays, il voit bien que le gouvernement du
Québec représente un peu plus que juste une province, quelque
chose de particulier qui s'appelle la tradition d'un peuple, dans ses
institutions démocratiques à l'étranger. On n'a pas de
garantie dans ce texte qu'on va pouvoir maintenir notre rôle
international si important pour l'avenir du Québec.
Puis, surtout, on n'a rien, rien, rien, zéro, je ne retiens rien,
en matière de main-d'oeuvre. Il y a onze pour cent de chômage au
Québec. Il y en a moins de sept pour cent en Ontario. Cela fait 20 ans
que cela dure et une des raisons pour lesquelles c'est comme cela, c'est
sûrement le dynamisme de l'industrie ontarienne, mais ce sont aussi les
politiques fédérales de main-d'oeuvre, entre autres. Ils ne nous
feront jamais de cadeau. Il faut qu'on se mette cela dans la tête. Si un
investissement est pour générer des emplois pour votre
beau-frère ou pour un parfait étranger, qu'allez-vous faire? Vous
allez espérer que c'est votre beau-frère ou votre belle-soeur qui
aura l'emploi. À Ottawa et à Toronto, on comprend cela, puis on
s'occupe de cela dans la fédération, comme cela, depuis 25 ans.
Les programmes de main-d'oeuvre au Canada sont - passez-moi l'expression -
"désignés" sur l'Ontario. Vous savez comment cela se prend, une
décision dans ces questions? Est-ce que cela fait l'affaire des gens de
l'Ontario, au départ, est-ce eux qui l'ont conçu? La
deuxième question: Qu'est-ce qu'on fait avec les Maritimes?
Troisième question: Comment va-t-on faire passer cela au Québec?
C'est de même que cela se décide è Ottawa. Le premier
ministre le sait. Rien en matière de main-d'oeuvre et, s'il y a un
domaine où la démonstration est faite depuis 20 ans et où
on a obtenu un consensus au Québec entre le monde patronal et le monde
syndical sur l'importance que représenterait pour le Québec le
fait de contrôler ses politiques de main-d'oeuvre, pour nos jeunes et
pour l'avenir, pour la qualité de ce qui se fait dans les cégeps,
pour la possibilité de faire du recyclage, c'est bien celui-là.
Le premier ministre me parlait tout è l'heure du rapport de forces, mais
qu'a-t-il fait du dossier de la main-d'oeuvre dans son rapport de forces? Il a
réglé pour des billets de stationnement sur la lune dans certains
cas. S'il y avait vraiment - et j'espère qu'il y en a un - un rapport de
forces... Et je lui dirai qu'il y en a encore un tant que ce n'est pas
signé! Vous avez signé la promesse de vente; le contrat n'est pas
siqné encore. Je sais que vous voulez que cela soit signé le 2
juin à Ottawa. Mais vous avez encore un rapport de forces. Mais, Bon
Dieu! utilisez-le pour le Québecl Vous ne l'avez pas utilisé pour
un domaine aussi vital.
Au total, ce qu'il y a sur la table ne règle pas l'affront de
1982, même si je sais que c'est la préoccupation essentielle du
premier ministre de se retourner vers le passé. Au total, cela n'a pas
d'envergure, cette entente, permettez-moi. On est même loin de la
souveraineté culturelle des années soixante-dix. Le premier
ministre va s'en souvenir. C'était son dada à l'époque.
Puis, il faudrait mettre un peu plus d'avenir dans le présent. Il n'y a
pas d'avenir dans ce présent-là. Il n'y en a pas! Puis, il y a
des doutes.
Vous savez, si le Québec ne signait pas, cela ne serait pas un
drame. Cela dérangerait des gens à Toronto, je peux vous le dire,
parce qu'eux ont décidé que c'était le temps. C'est
à pleines pages, a Toronto, depuis un mois: II faut régler avec
le Québec. Pourquoi? Parce que le Québec n'a jamais
demandé si peu pour régler. Profitons-en! Ce que le premier
ministre appelle un rapport de forces, je lui réponds que c'est une
perception tout à fait contraire de la part du Canada anglais et
particulièrement de l'Ontario. Je dis au premier ministre: Si vous ne
réglez pas, ce n'est pas un drame. D'abord, vous aurez une bonne excuse.
Vous ne perdrez pas la face là-dedans, il n'y a pas de problème.
Une bonne excuse, ce serait le problème des textes sur la
société distincte ou sur le pouvoir de dépenser. Vous
pouvez vous organiser pour que cela accroche là-dessus. Je ne suis pas
sûr, d'ailleurs, qu'ils vont vous permettre ce que vous pensez que vous
avez obtenu. Ce serait, au contraire, une bonne chose pour le Québec.
Ils ne prendraient pas très bien cela dans certaines provinces
canadiennes. M. Mulroney n'aimerait pas cela, je n'en disconviens pas. Mais
qu'est-ce que vous voulez? Dans la vie...
Ce serait une bonne chose pour le Québec. Pourquoi? Parce que
cela signifierait, pour l'ensemble du Canada, pour un certain nombre de pays
étrangers qui nous regardent ici et pour des peuples qui ont des
sympathies naturelles pour nous, qu'on a décidé que ce
n'était pas assez, que ce n'était pas le temps, qu'il y a trop
de
doutes. Moi, je vous dis: Dans le doute, abstenez-vous. Merci.
Motion proposant le dépôt des textes
juridiques de l'entente du lac Meech
M. le Président, en terminant mon intervention, compte tenu du
fait que je pense qu'on a pu faire la démonstration que certaines de ces
choses sont reliées très clairement au texte et qu'on n'a pas de
texte, je me permets de faire la motion suivante: Que cette commission demande
au premier ministre de faire en sorte que les textes juridiques traduisant
l'entente du lac Meech soient préparés et déposés
à cette commission dans les meilleurs délais et, au plus tard,
avant que celle-ci ne mette fin à ses travaux sur le présent
mandat.
Le Président (M. Filion): Avez-vous une copie du texte de
la motion? Est-ce qu'il y a d'autres copies? Est-ce que des membres de cette
commission voudraient se faire entendre sur la recevabilité de la motion
déposée par le chef de l'Opposition que l'on peut lire ensemble:
Que cette commission demande au premier ministre de faire en sorte que les
textes juridiques traduisant l'entente du lac Meech soient
préparés et déposés à cette commission dans
les meilleurs délais et, au plus tard, avant que celle-ci ne mette fin
à ses travaux sur le présent mandat? M. le premier ministre...
Sur la recevabilité de cette motion, avant d'entamer le débat sur
le fond, en vertu de nos règles, est-ce que des parlementaires
voudraient se faire entendre? Oui, M. le député de
Beauharnois.
M. Marcil: M. le Président, l'Assemblée nationale a
fait une motion de renvoi en commission qui correspond justement au mandat que
nous avons présentement. Si on lit bien le mandat qui nous a
été attribué par l'Assemblée nationale en ce qui
concerne le travail que nous avons à réaliser
présentement, je crois que cette motion n'est pas nécessairement
recevable.
Le Président (M. Filion): J'aimerais vous demander en
fonction de quoi la motion est irrecevable dans le cadre du mandat qui nous a
été donné par l'Assemblée.
M. Marcil: Oui.
Le Président (M. Filion): J'ai de la difficulté
à vous suivre.
M. Marcil: Si on lit bien le mandat qui nous a été
attribué par l'Assemblée nationale, il est assez précis.
Je tiens è le citer dans le but d'éviter toute
interprétation: "Que la commission des institutions entende les
représentations de ses membres, de personnes et d'organismes
relativement à l'entente intervenue le 30 avril 1987 au lac Meech
concernant la constitution du Canada; que le mardi 12 mai 1987, de 15 heures
à 18 heures et de 20 heures à 22 heures la commission entende les
représentations de membres de la commission des institutions et que le
temps de parole soit réparti équitablement entre les groupes
parlementaires; que la commission procède à l'audition
d'individus reconnus comme experts les 13 et 14 mai 1987, et ce, aux heures
où peuvent siéger les commissions; que la commission poursuive,
si nécessaire, ces auditions, y compris pour entendre, s'il y a lieu,
d'autres experts, les 19, 20 et 21 mai 1987, et ce, aux heures où
peuvent siéger les commissions. "Quant à la durée des
auditions et des remarques préliminaires et finales ainsi que l'ordre de
comparutions de personnes et d'organismes, ceux-ci seront
déterminés par entente entre les leaders parlementaires. À
défaut d'entente entre les leaders, la commission des institutions -
cette partie du texte est très importante - en disposera lors de
séances de travail qui se tiendront le lundi 11 mai 1987 à
compter du 15 heures et, si nécessaire, le vendredi 15 mai 1987 à
compter de 10 heures."
Donc: "Que la séance de travail prévue à l'article
176 du règlement se tienne, s'il y a lieu, au plus tard le mardi 26 mai
1987; que le rapport de la commission soit déposé à
l'Assemblée nationale au plus tard le mercredi 27 mai 1987; que les
séances de la commission, sauf les séances de travail, soient
télédiffusées...", et ainsi de suite.
Donc, M. le Président, toute l'argumentation repose sur l'entente
préalable entre les deux leaders et je crois que, si nous sommes en
commission présentement, il y a déjà eu entente entre les
deux leaders, mais il n'a jamais été officiellement question que
des textes juridiques soient déposés dès le début
de la commission parlementaire. Si on se réfère à ce
texte, je crois que cette motion n'est pas nécessairement recevable.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le
député de Beauharnois. Toujours sur la recevabilité, M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: M. le Président, sur l'appel quant à
la recevabilité de la motion déposée par le chef de
l'Opposition que semble vouloir déposer le député de
Beauharnois - je dis bien "que semble vouloir déposer" parce que le
député de Beauharnois nous a dit tantôt qu'il avait
l'impression qu'elle était irrecevable - il faudrait qu'il décide
si, à ses yeux, elle l'est ou si elle ne l'est pas. Les impressions,
vous savez, en droit, ne valent pas beaucoup. D'ailleurs, c'est pour cette
raison que nous souhaitons avoir des textes juridiques plutôt que des
textes de communiqués de presse.
M. le Président, la motion présentée, d'aucune
façon et sur aucun point du mandat qui nous a été
donné par l'Assemblée nationale ne vient interférer
quelque disposition que ce soit du mandat qui nous a été
confié par l'Assemblée nationale. Le mandat qui a effectivement
été lu par te député de Beauharnois nous dit que la
commission a le mandat d'entendre et de discuter, qu'elle doit poursuivre ses
travaux selon un calendrier particulier, que la durée des auditions et
des remarques préliminaires doit fonctionner de telle ou telle
façon, qu'il y aura séances de travail pour organiser les travaux
de la deuxième semaine, si jamais il n'y a pas entente, que la
commission devra mettre fin à ses travaux au plus tard le 26 mai et que
le rapport de notre commission devra être déposé au plus
tard le 27 mai. On nous indique, d'autre part, quelques modifications à
la composition de la commission, mais nulle part le mandat que
l'Assemblée nationale a donné à la commission des
institutions de l'Assemblée nationale que nous sommes ne vient nous dire
qu'en aucun cas il pourrait être débattu de textes juridiques de
traduction de l'entente qu'on retrouve jusqu'à maintenant sur un
communiqué de presse et non pas dans des textes formels de traduction
juridique de ce texte d'entente de principe sur communiqué de
presse.
D'autre part, M. le Président, d'aucune façon la motion
présentée par le chef de l'Opposition ne vient jouer dans le
calendrier de la commission. Tout ce que cela nous dit - cela ne dit pas qu'on
suspend les travaux de la commission jusqu'à ce qu'on ait les textes
juridiques - c'est: Oui, on va respecter pleinement et entièrement le
mandat adopté par l'Assemblée nationale. On commence nos travaux
- on les a d'ailleurs commencés, M. le Président - et on va les
poursuivre. Toutefois, il faut que les textes juridiques soient
déposés et il faut qu'ils soient déposés avant la
fin des travaux de la commission. (16 h 45)
Quant à l'idée de les déposer, M. le
Président, je reprendrai les propos mêmes du premier ministre, la
semaine dernière en cette même Assemblée nationale,
où il nous a dit, à la page 7345 du Journal des débats,
en réponse, d'ailleurs, à une question que vous lui aviez
vous-même adressée, M. le Président: Je comprends qu'on
doive avoir un texte de manière à pouvoir nous informer, mais, au
niveau des principes, je crois qu'on peut commencer la commission
parlementaire. On ne s'oppose pas à la commencer; elle est
commencée et on va la poursuivre. Nous soumettrons les textes juridiques
le plus rapidement possible. On lui indique qu'ils doivent effectivement
être déposés le plus rapidement possible et il
répète qu'on peut commencer la commission parlementaire, ce que
nous faisons, M. le Président. Elle est commencée et on va
poursuivre la commission parlementaire. Mais, M. le Président, il est
absolument inadmissible que cette commission prenne fin, voie son rapport
élaboré en séance de travail, voie son rapport
déposé à l'Assemblée nationale sans que
vous-même, comme président de la commission, sans que les membres
de la commission parlementaire des deux côtés de la Chambre
n'aient été saisis des textes juridiques et, de même, sans
que l'ensemble des experts, qui assistent les deux côtés de la
commission et qui se sont présentés jusqu'à ce moment-ci,
sans que les groupes et les individus devant nous n'aient eu le loisir de
consulter ces textes juridiques.
J'imagine, M. le Président, que quelqu'un pourrait
peut-être nous dire: Oui, mais dans le fond, le mandat ultime est qu'on
termine pour le 27 mai. M. le Président, je ne puis imaginer un seul
moment que quelqu'un en face de nous, qui qu'il soit, viendra nous dire que,
compte tenu que le mandat de la commission est de mettre fin à nos
travaux au plus tard le 26 mai pour dépôt du rapport te 27 mai, la
motion dit de déposer avant la fin de la commission puisse venir
intervenir dans cela. M. le Président, je ne puis imaqiner que le
premier ministre va venir nous dire qu'à trois jours de sa rencontre
à Ottawa, de ta conférence fédérale-provinciale des
premiers ministres du Canada et des dix provinces canadiennes où,
là, on va fermer le couvert sur l'accord final, législatif,
juridique intervenu, que, là, à trois jours de s'en aller
à Ottawa il n'a pas encore dans sa valise les textes juridiques. M. le
Président, je ne peux pas imaginer que quelqu'un va même
évoquer la possibilité que le premier ministre s'en aille
à Ottawa ficeler - final bâton - toute l'affaire, sans avoir
même entre les mains l'ensemble des textes juridiques. Donc, M. le
Président, pour nous, la motion est pleinement recevable. Elle
n'infère pas dans le mandat donné par l'Assemblée
nationale à la commission. C'est une demande qui est faite au premier
ministre, une demande dont le bien-fondé est reconnu par tout le monde,
y compris par le premier ministre lui-même. Je vous ai cité ses
propos, M. le Président; il nous a dit: Oui, cela prend des textes la
semaine prochaine et il va falloir les déposer le plus rapidement
possible, mais essayons au moins de commencer. Ce que nous avons fait et ce que
nous allons continuer de faire.
M. le Président, je vous demanderais de reconnaître, comme
vous devez le faire, dans le respect intégral de notre règlement,
la motion déposée par le chef de l'Opposition pour qu'ensuite
nous puissions en débattre.
Le Président (M. Filion): M. le député
de Beauharnois, voule2-vous intervenir sur la recevabilité de la
motion?
M. Marcil: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Alors, à ce moment-ci, je
vais donc reconnaître un intervenant de chaque côté, s'il y
en a, sur la question de la recevabilité de la motion afin que nous
cessions de nous éterniser, en quelque sorte, sur la question de
recevabilité. Donc, un intervenant de chaque côté. M. le
député de Beauharnois,
M. Marcil: Merci, M. le Président. Lorsqu'on dépose
une motion, je pense que la qualité première pour qu'elle soit
recevable est qu'elle puisse être exécutée pendant la
durée des travaux de cette commission. Donc, la dernière partie
de cette motion dit bien: avant que celle-ci ne mette fin à ses travaux
sur le présent mandat. Nous n'avons aucune garantie - et on ne peut
donner aucune garantie - que tous les textes juridiques tels que
demandés puissent être déposés avant la fin du
mandat de cette commission. Comme l'a si bien dit, également, le premier
ministre en Chambre où il avait donné la garantie qu'il ferait
tout son possible pour qu'au fur et à mesure que les textes seront
rédigés on puisse les recevoir en commission parlementaire, il
n'a jamais donné la garantie que tous les textes soient terminés
à temps parce que c'est un travail énorme, vous le savez. Donc,
en fonction de cette dernière partie de la motion comme telle, compte
tenu qu'on ne peut pas donner cette garantie, pour nous cette motion est
irrecevable. Oui, parce qu'elle peut venir changer le temps tel que
décrété par la motion d'envoi par l'Assemblée
nationale où on donne des heures bien précises de même que
les jours et les dates. Donc, si on voulait modifier la durée de cette
commission - on n'a pas è en discuter ici en commission - il faudrait
retourner à l'Assemblée nationale pour refaire le débat.
En ce qui me concerne, cette commission n'a pas le pouvoir d'amender ou de
modifier la motion d'envoi de l'Assemblée nationale à la
commission parlementaire et compte tenu de la dernière partie de cette
motion, nous la considérons comme étant irrecevable.
Le Président (M. Filion): Me permettez-vous une question,
M. le député de Beauharnois? Vous dites qu'on n'a pas le droit de
modifier la motion d'envoi qui nous vient de l'Assemblée nationale et je
suis d'accord avec vous. Je voudrais savoir en quoi la motion, à vos
yeux, modifie la motion d'envoi de l'Assemblée nationale.
M. Marcil: Comme on l'a dit tantôt, on ne peut pas garantir
que le 21 mai tous les textes juridiques seront déposés è
cette commission. Si on appliquait intégralement cette motion, cela
voudrait dire qu'il faudrait modifier la motion qui a été
décrétée à l'Assemblée nationale puisqu'il
faudrait prolonger les travaux à ce moment-là.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le
député de Beauharnois. Est-ce qu'il y a un intervenant du
côté de l'Opposition sur la recevabilité? M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: M. le Président, l'inimaginable vient
à nouveau de se produire dans le dossier des textes. Le premier ministre
non seulement nous a-t-il avoué être allé è Ottawa,
pardon, au lac Meech, dans la Gatineau, discuter sans même avoir
commencé à regarder ce que pourraient vouloir dire ses propres
demandes au plan juridique, aujourd'hui, M. le Président...
M. Bourassa: J'invoque le règlement. J'invoque le
règlement. Question de règlement.
Le Président (M. Filion): Alors, sur une question de
règlement. M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je n'ai jamais dit que je n'avais pas examiné
les implications de ce qu'on était pour discuter. Je demanderais au
député de Gouin de faire un effort spécial pour cette
commission et d'être moins démagogue et plus responsable.
Le Président (M. Filion): M. le premier ministre, c'est en
vous soulignant qu'il faut éviter dans une question de règlement
d'utiliser des qualificatifs eux-mêmes susceptibles de soulever des
débats. Il y en avait au moins un dans votre dernière
intervention. Je redonne la parole à M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: M. le Président, je reconnais encore le
style habituel du premier ministre qui tente d'essayer de créer un
débat sur autre chose que sur les questions fondamentales. Je dirai, si
ce que je viens d'affirmer n'est pas juste: Déposez-les donc, M. le
premier ministre, si effectivement vous les aviez lorsque vous êtes
allé au lac Meech! On n'aura pas besoin de déposer notre motion.
On n'aura même pas besoin de faire un débat sur sa
recevabilité. Déposez-les, les textes juridiques que vous aviez
lorsque vous êtes allé au lac Meech et on va entreprendre le
déroulement normal des travaux d'une commission et en plus on pourra
fournir aux experts qui vont se présenter devant nous, aux qroupes et
aux individus, ces textes juridiques.
M. le Président, sur la recevabilité, je reviens à
l'argumentation que j'ai développée
tantôt. Ce que le député de Beauharnois vient de
nous dire au nom du gouvernement - selon ce que je puis comprendre - c'est que
non seulement on est allé au lac Meech sans avoir de textes juridiques,
de traduction juridique des demandes - si on peut appeler cela des demandes -
non seulement douze jours après la conclusion de l'entente de principe
du lac Meech, on se retrouve en commission où l'on invitera des experts,
des groupes, des organismes et des individus et au cours de laquelle nous
aurons aussi entre nous l'occasion de débattre ces questions sans aucun
texte juridique sur quelque élément que ce soit de l'entente de
principe intervenue au lac Meech, mais, maintenant, le député de
Beauharnois, au nom du gouvernement, vient de nous dire qu'ils ne peuvent pas
prendre l'engagement, qu'ils ne peuvent pas être certains, qu'ils ne
peuvent pas prévoir que le 27 mai prochain, un mois après la
conclusion de l'entente du lac Meech, ils auront entre les mains les textes
juridiques, un mois après la signature de l'entente du lac Meech et
trois jours avant d'aller se lier - pieds et poings liés - devant le
gouvernement fédéral et le gouvernement des neuf autres provinces
canadiennes.
M. le Président, je n'en reviens tout simplement pas qu'un membre
de la majorité ministérielle libérale de
l'Assemblée nationale vienne nous dire un mois après l'entente du
lac Meech et trois jours avant qu'on aille fermer le couvercle
définitivement - une fois pour toutes, peut-être pour toujours -
sur les réformes constitutionnelles souhaitées par les
Québécois depuis 50 ans, qu'on ne peut pas prendre l'engagement -
pas n'importe où, M. le Président - devant la commission des
institutions de l'Assemblée nationale, qu'on aura ces documents. Le
premier ministre lui-même, la semaine dernière - je le
répète -nous disait: Je comprends qu'on doive avoir un texte de
manière à pouvoir nous informer, mais au niveau des principes, je
crois qu'on peut commencer la commission parlementaire. Je
répète, c'est ce que nous avons fait, c'est ce que nous allons
poursuivre, M. le Président. Nous soumettrons, dit le premier ministre,
nous soumettrons les textes juridiques le plus rapidement possible. Dois-je
comprendre, M. le Président, que le plus rapidement possible dans la
bouche du chef de l'État québécois, ce sera après
que tout cela sera fini, conclu, final bâton, fermé pour
peut-être l'éternité?
M. le Président, cette motion est pleinement recevable.
Plutôt que de tenter de l'éviter par un débat de
procédures, que la majorité ministérielle reconnaisse donc
son bien-fondé et qu'elle en débatte ouvertement avec courage!
Nous serons heureux de faire ce débat, M. le Président.
Le Président (M. Filion): D'accord. Je vous remercie, M.
le député de Gouin. J'ai reçu une demande d'ajournement et
je pense que ma décision sera prête dès le retour. Alors,
je suggère donc une suspension de nos travaux pour quelques minutes,
deux ou trois minutes, pendant laquelle je vais préparer ma
décision. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 56)
(Reprise à 17 h 6)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Alors, la motion déposée par le chef de l'Opposition
indique que cette commission demande au premier ministre de faire en sorte que
les textes juridiques traduisant l'entente du lac Meech soient
préparés et déposés à cette commission dans
les meilleurs délais et au plus tard avant que celle-ci mette fin
à ses travaux sur le présent mandat.
J'ai écouté attentivement les représentations des
deux côtés et, en particulier, celles du député de
Beauharnois. Je me réfère, quand même, à la
première partie du mandat qui nous vient de l'Assemblée nationale
et qui se lit comme suit: "Que la commission des institutions entende les
représentations de ses membres, de personnes et d'organismes
relativement à l'entente intervenue le 30 avril 1987" et, quant à
la première partie de ce mandat qui porte sur les travaux d'aujourd'hui,
"que, le mardi 12 mai, la commission entende les représentations de
membres de la commission des institutions et que le temps de parole soit
réparti équitablement entre les deux groupes parlementaires." Or,
il m'apparaît qu'il n'est pas du tout contraire à cette motion de
l'Assemblée nationale de recevoir la motion déposée par le
chef de l'Opposition. On ne m'a cité aucun article qui pourrait
être enfreint par cette motion que je déclare donc recevable.
Donc, cette motion étant recevable, en vertu de l'article 209, je
comprends que l'auteur de la motion, le chef de l'Opposition, dispose d'un
temps de parole de 50 minutes étant donné qu'il s'agit ici d'une
motion de forme. Est-ce que M. le chef de l'Opposition désire se
prévaloir de son temps de parole ou M. le député de Gouin
sur le fond de la motion? Est-ce que tous les membres en ont reçu
copie?
Une voix: Non, je n'en ai pas.
Le Président (M. Fîlion): On vous la distribue
immédiatement. Merci.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Je vous remercie, M. le Président. Je
prendrai quelques minutes pour
présenter notre motion qui a pour objectif très clair,
très net que des textes juridiques traduisant les communiqués de
presse qui tiennent lieu d'entente de principe du lac Meech soient
préparés et déposés ici même à la
commission. Pour l'information des membres de la" commission, pour
l'information des experts qui assistent les membres de la commission des deux
côtés de cette table, pour l'information des experts qui se
présenteront devant nous dans les prochains jours et aussi pour
l'information des groupes, des organismes et des individus qui, eux aussi, se
présenteront, comme de toute la population du Québec qui voudra
les consulter, incluant, évidemment, de façon importante, les
représentants des médias d'information, M. le Président,
nous souhaitons fortement que ces textes soient déposés au
minimum - c'est un minimum pour nous - avant que notre commission mette fin
à ses travaux.
M. le Président, déjà, des membres du gouvernement,
le premier ministre en tête, se sont rendus au lac Meech dans
l'improvisation, dans la précipitation. Déjà, M. le
Président, nous croyons comprendre, selon les moments où le
premier ministre répond à nos questions, que peut-être
même s'est-il rendu au lac Meech sans avoir étudié les
hypothèses de traduction juridique des dossiers qu'il s'en allait
présenter aux autres premiers ministres des provinces et du Canada. Un
texte de communiqué de presse, c'est comme un article de journal. Qui a
déjà vu, qui a déjà entendu, qui a
déjà même imaginé qu'un juge, qu'un expert en
quelque matière que ce soit, un jour, vienne porter un jugement, faire
une analyse rigoureuse, responsable d'un article de journal et non pas d'un
texte juridique? C'est comme si on disait: Ce n'est pas grave, on peut, comme
parlementaires, comme Parlement, comme Assemblée nationale du
Québec, discuter d'articles de journaux, même si on sait que ce
n'est pas là-dessus que les décisions se prendront, que ce n'est
pas là-dessus qu'un jour on imposera ou non des choses aux citoyens du
Québec.
Si on peut avoir des textes de journaux pour expliquer des choses, pour
les présenter d'une façon ou de l'autre, d'aucune façon il
ne pourrait être admissible que le Parlement du Québec se limite
et accepte la limitation que semble vouloir nous proposer le premier ministre
de faire une discussion à partir de textes de communiqués de
presse sans la présence d'aucun texte juridique.
Hier, un débat important s'est tenu aussi sur ces mêmes
questions à la Chambre des communes, à Ottawa. Ce qu'ont dit
unanimement tous les parlementaires de la Chambre des communes qui ont pris la
parole sur cette question, c'est qu'ils voulaient voir les textes de traduction
juridique que préparait le gouvernement fédéral avant de
se prononcer de façon définitive. Est-ce que je dois comprendre
que les parlementaires du Québec, eux, se satisferont de textes de
communiqués de presse qui équivalent à des textes de
journaux, alors que les parlementaires du Parlement fédéral, eux,
exigent, demandent, avant de se prononcer définitivement, de voir la
forme finale des textes de traduction juridique du communiqué de presse
du lac Meech?
Dans le mandat même que l'Assemblée nationale a
donné à notre commission, il est prévu que nous pourrons
nous réunir en séance de travail pour déterminer, pour
arrêter des recommandations, pour prendre position comme commission
parlementaire. Est-ce que je dois comprendre qu'à cette étape on
nous invitera à amender peut-être des communiqués de
presse? Cela serait bien la première fois qu'un Parlement ou une
commission parlementaire serait appelé à faire des propositions
d'amendement à un communiqué de presse qui relève de onze
personnes dont une seule est présente parmi nous, temporairement,
partiellement. Est-ce que je peux imaginer qu'à un moment donné
on déléguerait à l'Assemblée nationale
l'étude d'un projet de loi en disant: Le projet de loi n'est pas
prêt, faites l'étude des différents articles du projet de
loi, mais amendez nos textes de présentation, car la loi, on ne l'a pas?
Qui prendrait au sérieux l'étude du projet de loi en question?
Qui même prendrait au sérieux la loi en question?
La constitution, c'est la loi fondamentale. Je ne puis imaginer que le
premier ministre soit en train de nous inviter à nous livrer à un
exercice d'étude, d'analyse et d'amendement possible d'un texte de
communiqué de presse. Je souhaiterais que le premier ministre soit ici.
J'aimerais qu'il nous dise qui, actuellement, est en train de rédiger la
traduction juridique de l'entente du lac Meech. Est-ce que ce sont des
fonctionnaires du gouvernement du Québec ou est-ce que ce sont,
plutôt, des fonctionnaires du gouvernement fédéral ou
encore des fonctionnaires du gouvernement ontarien, qui sont à traduire
juridiquement l'accord du lac Meech et qu'ils nous enverront dans les
prochaines semaines une traduction en langue française de textes
élaborés en anglais dans un autre Parlement que le Parlement du
Québec pour traduire un accord constitutionnel qui lie le Québec
pour longtemps?
Pas de dépôt de documents, pas de précisions sur les
documents juridiques, s'il en existe, s'il y en a en préparation, sur le
moment où ils seront déposés. Même le
représentant du qouvernement, tantôt, dans le débat sur la
recevabilité, nous a dit: On n'est même pas sûr qu'un mois
après l'entente et que trois jours avant qu'on se
rende à Ottawa pour fermer cela une fois pour toutes on aura les
textes juridiques. On veut savoir qui rédige les textes juridiques.
Est-ce que ce seront des textes français faits au Québec, qui
seront traduits en anglais pour le gouvernement fédéral et les
gouvernements des autres provinces ou est-ce que ce ne seront pas plutôt
des textes anglais rédigés à Ottawa et à Toronto
qui nous parviendront, un jour, sous forme d'une traduction en langue
française pour l'information - l'information seulement, non pas la
discussion - des députés à l'Assemblée nationale,
comme si on était des députés de seconde classe, comme si,
dans la discussion et le débat de l'avenir du Québec, le
Parlement du Québec, lui, serait un Parlement de seconde classe, de.
seconde zone dans le débat?
M. le Président, prenons un autre exemple, à partir d'une
affirmation faite par le premier ministre lui-même. Quand on parle,
justement, du pouvoir de retrait avec compensation financière à
certains endroits, on sait qu'on a toujours demandé une pleine
compensation financière. Le texte de l'entente parle de juste
compensation financière et d'autres ont dit que ce serait une
compensation financière raisonnable. Le premier ministre lui-même,
l'autre jour, nous a dit: II faudra qu'on en parle. M. le Président, on
ne veut pas en parler pour en parier, on veut savoir sur quoi on discute, ce
qui sera écrit. Ce qui est écrit actuellement, c'est beaucoup
moins que ce que le Québec a toujours revendiqué. Le
Québec a toujours revendiqué une pleine compensation
financière et, aujourd'hui, ce sur quoi se sont liés le premier
ministre du Québec et son ministre, c'est sur une juste compensation
financière.
On veut voir ces textes juridiques. M. le Président, il faut
qu'il se fasse, ici, un débat intelligent et que le premier ministre
vienne nous annoncer, dans les prochaines minutes, j'espère, qu'il
déposera rapidement et sûrement avant la fin de nos travaux la
traduction juridique de l'ensemble des éléments de l'accord du
lac Meech, qui tiennent seulement jusqu'à maintenant sur des textes de
communiqués de presse, pour venir lever toute l'incertitude, tout le
doute qui tourne autour de ce texte de communiqué de presse auquel veut
nous lier le premier ministre et non pas autour de textes juridiques qui, eux,
nous lieront pour longtemps. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le
député de Gouin. M. le député de Beauharnois.
M. Marcil: M. le Président, pour le bon fonctionnement des
travaux, compte tenu qu'il y a eu une entente sur le partage du temps, est-ce
qu'on pourrait savoir, à ce stade-ci de la commission, quel est le temps
utilisé par l'Opposition et ce qui nous reste comme temps?
Le Président (M. Filion): Je vérifie et je vous
donne l'information aussitôt qu'elle est disponible. Je comprends que le
ministre délégué aux Affaires intergouvemementales
canadiennes voudrait intervenir sur la motion.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: M. le Président, très
brièvement, parce que je voudrais qu'on passe le plus rapidement
possible à l'étude du fond, c'est ce qui nous intéresse,
et arrêter ces mesures qui, je l'espère, ne sont pas dilatoires.
Je voudrais dire qu'il n'y a rien eu d'improvisé dans notre
démarche qui nous a amenés au lac Meech, avec les
résultats historiques que nous avons pour le Québec.
M. le Président, je voudrais citer un autre conseiller
constitutionnel du premier ministre, M. René Lévesque, du
gouvernement péquiste, M. Daniel Latouche, qui écrivait, ce
matin, que "jamais un gouvernement du Québec n'a si bien
préparé le terrain et n'a su utiliser si habilement toutes les
poignées que lui offrait le reste du pays. Bref, de la belle ouvrage,
comme on en avait pas vu depuis longtemps."
M. le Président, je voudrais aussi mentionner que le gouvernement
veut déposer des textes juridiques, pour autant qu'ils seront
prêts. On l'a mentionné et on le répète. C'est dans
ce contexte que je voudrais proposer un amendement à la motion. La
motion, selon l'amendement, se lirait comme suit - je demande l'attention des
gens - "Que cette commission demande au premier ministre de faire en sorte que
les textes juridiques traduisant l'entente du lac Meech soient
préparés et déposés à cette commission
dès que possible". Voila, M. le Président, la motion
amendée.
Le Président (M. Filion): Est-ce que vous avez une copie,
M. le ministre, de votre amendement à la motion déposée
par le chef de l'Opposition?
M. Rochefort; M. le Président, est-ce que le ministre me
permettrait de poser une question?
Le Président (M. Filion): Juste avant, M. le
député de Gouin, je voudrais obtenir copie de l'amendement.
Avez-vous d'autres copies ou si c'est la seule copie dont vous disposez? On en
fera faire des copies pour les membres de la commission, s'il y a lieu.
M. le député de Gouin.
M. Rochefort: Juste une question, M. le Président.
D'abord, je remarque que le
ministre ne peut nous accuser d'utiliser des mesures dilatoires d'autant
plus qu'il amende lui-même notre motion. M. le Président, la
question que je voudrais adresser au ministre est la suivante: Dès que
possible, point, ou dès que possible à la commission des
institutions qui siège présentement?
M. Rémillard: Je crois que je devrais...
Le Président (M. Filion): Oui, alors vous avez...
Motion d'amendement proposant d'ajouter: "si cela est
possible"
M. Rémillard: Le texte qui vient d'être
déposé, c'est "si cela est possible".
Le Président (M. Filion): C'est cela que je remarque, ce
que vous avez dit tantôt.
M. Rochefort: Je n'ai pas de commentaire sur la
recevabilité, M. le Président, on va les garder pour le fond.
Le Président (M. Filion): Bon, alors, aucun commentaire
sur la recevabilité. Je déclare la motion d'amendement du
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes recevable. M. le ministre, je vous laisse la parole sur votre
motion d'amendement à la motion déposée par le chef de
l'Opposition, si vous désirez vous en prévaloir.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: M. le Président, encore une fois,
très brièvement, pour qu'on puisse aborder le fond le plus
rapidement possible, simplement pour dire que nous voulons déposer les
textes juridiques, mais je voudrais insister sur un point qui est très
important. L'entente du lac Meech n'est pas simplement de grands principes
généraux. C'est un libellé qui est précis, qui a
été étudié, analysé. On a
étudié des termes bien choisis et, dans bien des cas, M. le
Président, il est évident que la rédaction juridique ne
changera absolument ou presque rien. Alors, ce que nous voulons, c'est que la
commission puisse avoir ici le maximum d'informations, mais on devrait
comprendre que nous sommes actuellement è travailler, du
côté du gouvernement du Québec comme du côté
du gouvernement fédéral et du côté des neuf autres
provinces, à la rédaction de ces textes juridiques. Ce que nous
voulons, c'est que les textes juridiques qui pourront être
déposés ici soient des textes juridiques qui pourront avoir un
maximum de chances de faire consensus dans l'ensemble du Canada et que les gens
qui vont intervenir ici puissent avoir une base solide pour se prononcer.
Cependant, nous considérons que cette base solide existe
déjà avec l'entente du lac Meech telle que nous l'avons
présentement. Ce n'est pas une déclaration de principe comme
celle qu'on pouvait avoir, par exemple, dans le projet d'accord constitutionnel
où l'on dégageait de grands principes, c'est normal. Mais il
s'agit d'une entente qui est libellée en termes précis et qui
nous permet de discuter au fond les réelles implications de cette
entente du lac Meech.
Donc, ce que je demande à l'Opposition, M. le Président,
c'est de commencer les travaux le plus sérieusement possible sur le
contenu de cette entente en fonction de ce libellé que nous avons
travaillé et que nous présentons maintenant comme résultat
de cette entente historique au lac Meech. Et au fur et à mesure que les
textes juridiques seront prêts, le gouvernement les déposera
à cette commission si c'est possible.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes.
Sur la motion d'amendement du ministre, je reconnais maintenant M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci M. le Président. Je vois que le
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes a décidé de finasser, de faire des finasseries. Nous
réclamons le dépôt des textes juridiques sachant fort bien
que c'est important, capital. Tout le monde le réclame, d'ailleurs. Pas
seulement nous, tout le monde réclame que les textes juridiques soient
connus. Les organismes, les groupes, les constitutionnalistes, tous ceux qui
s'intéressent de près ou de loin à cette question
réclament les textes juridiques. Notre motion allait dans ce sens. Et
voilà que par un amendement - c'est, d'ailleurs, une habitude du
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes d'amender nos motions pour les dénaturer et les
défigurer - en ajoutant "dès que possible" ou "si cela est
possible", le ministre dénature complètement le sens de la motion
que nous avons déposée devant cette commission, M. le
Président. "Dès que possible" ou "si cela est possible", je vous
signale que cela veut dire qu'à trois jours de la conférence
constitutionnelle réunissant les premiers ministres du Canada, à
trois jours de cette conférence jugée historique par le premier
ministre du Québec, il est possible qu'on n'ait pas les textes
juridiques, qu'on ne les connaisse pas et que personne ne les connaisse.
Vraiment, je dois vous avouer, M. le Président, que du côté
gouvernemental on manque de rigueur, c'est le moins qu'on
puisse dire. Avouez-le donc que c'est le gouvernement
fédéral qui prépare les textes juridiques, cela va
être simple.
J'ai ici un article du Soleil où l'on dit: "Le
fédéral travaille aussi vite qu'il le peut è la
transcription de l'entente." Je vous lis les deux premiers paragraphes: "Le
gouvernement fédéral travaille aussi vite qu'il le peut à
transcrire en termes juridiques et constitutionnels l'entente de principe
conclue la semaine dernière avec les provinces, de façon qu'elle
puisse être officiellement sanctionnée", a déclaré
hier le ministre de la Justice. Écoutez bien ceci, M. le
Président: "Le ministre dit espérer que le texte
fédéral soit prêt sous peu pour être soumis aux
représentants des provinces."
Dites-le que c'est le gouvernement fédéral qui a le
"lead", l'initiative de préparer les textes juridiques! Cessez de
finasser et de faire du camouflage! C'est le fédéral qui est le
leader dans le domaine de la transcription juridique de l'entente du lac Meech.
Avouez-le donc que les provinces, y compris le Québec - vous me
permettrez l'expression, M. le Président - en matière de textes
juridiques, sont en quelque sorte des "rubber stamps", elles vont tamponner,
elles vont dire si elles sont d'accord ou non! Vous n'avez aucune initiative en
cette matière, avouez-le donc! Comme cela, ce sera clair: les groupes,
les associations et toute personne s'intéressant à cette question
vont au moins être au courant de l'attitude du gouvernement
québécois en cette matière.
Il est évident que l'amendement dénature
complètement le sens de cette motion. On est absolument opposé
à cet amendement. Si c'est accepté, le poids du nombre jouant -
c'est ce qu'on est en train de faire de l'autre côté avec la
question de privilège du député de Lévis; le poids
du nombre est en train de jouer également de l'autre côté -
pour nous, à ce moment-là, la motion principale n'a plus aucune
signification ni aucun sens et il est clair qu'on n'y tiendra plus.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le
député de Lac-Saint-Jean.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion d'amendement?
M. Marx: M. le Président...
Le Président (M. Filion): Oui, M. le ministre de la
Justice.
M. Marx: ...j'aimerais juste rassurer le député de
Lac-Saint-Jean. Avant qu'il soit appelé à voter à
l'Assemblée nationale sur la motion, il va avoir les textes. Quand on
votera au salon bleu, il aura les textes. Les textes seront
déposés avant que la motion soit débattue à
l'Assemblée nationale. Je pense que c'est tout à fait normal. On
ne demandera pas au député de voter sans avoir
étudié les textes. Il aura le temps d'étudier les textes.
Je pense que la procédure qu'on suit est tout à fait normale.
Le Président (M. Filion): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur la motion d'amendement? Non, Donc, je mets aux voix la motion
d'amendement présentée par le ministre, laquelle se lit comme
suit: Que la motion soit amendée en ajoutant, à la
quatrième ligne, après le mot "délai", les mots "si cela
est possible" et en retranchant les mots "et, au plus tard, avant que celle-ci
ne mette fin à ses travaux sur le présent mandat."
M. Rochefort: M. le Président, l'appel nominal, s'il vous
plaît.
Le Président (M. Filion): Appel nominal sur la motion
d'amendement du ministre, Mme la secrétaire.
La Secrétaire: Pour ou contre l'amendement? M.
Bélisle (Mille-Îles)?
M. Bélisle: Pour.
La Secrétaire: M. Boulerice (Saint-Jacques)?
M. Boulerice: Contre.
La Secrétaire: M. Dauphin (Marquette)?
M. Dauphin: Pour.
La Secrétaire: M. Trudel (Bourget)?
M. Trudel: Pour.
La Secrétaire: M. Cannon (La Peltrie)?
M. Cannon: Pour.
La Secrétaire: M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine)?
M. Farrah: Pour.
La Secrétaire: M. Filion (Taillon)?
Le Président (M. Filion): Abstention.
La Secrétaire: M. Godin (Mercier)?
M. Godin: Contre.
La Secrétaire: M. Johnson (Anjou)?
M. Johnson (Anjou): Contre.
La Secrétaire: Mme Pelchat (Vachon)?
Mme Pelchat: Pour.
La Secrétaire: M. Lefebvre (Frontenac)? M. Marcil
(Beauharnois)?
M. Marcil: Pour.
La Secrétaire: M. Brassard (Lac-Sain-Jean)?
M. Brassard: Contre.
La Secrétaire: M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce)?
M. Scowen: Pour.
La Secrétaire: M. Séguin (Montmorency)?
M. Séguin: Pour.
La Secrétaire: M. Rémillard (Jean-Talon)?
M. Rémillard: Pour.
La Secrétaire: M. Rochefort (Gouin)?
M. Rochefort: Contre. (17 h 30)
Le Président (M. Filion): Dix pour, cinq contre et une
abstention. La motion d'amendement du ministre est donc acceptée.
À ce moment-ci, le dernier intervenant à avoir pris la parole sur
la motion étant le représentant du groupe ministériel,
est-ce que d'autres intervenants du côté de l'Opposition
désirent intervenir sur la motion telle qu'amendée? Est-ce que
d'autres intervenants du côté ministériel désirent
intervenir sur la motion telle qu'amendée?
Une voix: Non, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Donc, à ce moment-ci, je
mets aux voix la motion telle qu'amendée par le ministre. Est-il
nécessaire que je vous la lise, mesdames et messieurs?
Des voix: Non.
Le Président (M. Filion): Non? Est-ce le même
vote?
Des voix: Sur division.
Le Président (M. Filion): La motion est rejetée sur
division.
Une voix: Elle est adoptée.
Le Président (M. Filion): La motion est adoptée sur
division. Est-ce bien cela?
M. Rochefort: C'est bien cela, M. le Président.
Une voix: C'est bien cela.
Le Président (M. Filion): À ce moment-ci, je
reconnais donc un intervenant du côté ministériel sur le
fond du débat.
M. Bourassa: M. le Président, comme je l'avais dit, si le
chef de l'Opposition me le permet, j'aimerais seulement rectifier bien
humblement quelques faits, à la suite de ses propos, rapidement, avant
de laisser la parole au ministre responsable. Il a dit tantôt qu'en ce
qui a trait...
M. Johnson (Anjou): Est-ce que le premier ministre va me donner
un droit de réplique à ses propos?
M. Bourassa: Avec plaisir, oui. M. Johnson (Anjou):
Oui?
M. Bourassa: Mais }e voudrais permettre au ministre responsable
de développer le sujet. Je crois que le chef de l'Opposition sera
d'accord avec moi. Ce sont les faits. J'aime toujours m'en tenir à des
faits de manière qu'on puisse s'entendre.
Le chef de l'Opposition a dit: Les institutions fédérales,
le droit de veto, ce n'est pas à ce point important - je ne sais pas
s'il s'en souvient - parce qu'avant qu'on touche à la
représentation proportionnelle à la Chambre des communes, cela
serait très invraisemblable; à la Cour suprême, on l'a
déjà; sur le Sénat, on aurait un avis juridique qui nous
donnerait le droit de veto, etc. Je lut rappelle simplement ceci: Si ce n'est
pas important, pourquoi l'avez-vous demandé en mai 1985 dans vos
propositions? Vous ne l'aviez pas demandé en avril 1981. Si ce
n'était pas important, pourquoi avez-vous insisté
là-dessus? Vous le demandiez. Est-ce que le chef de l'Opposition s'en
souvient? Il était le ministre responsable. Il demandait un droit de
veto sur Ies institutions fédérales. Il ne me répond pas,
mais j'imagine qu'il est d'accord.
M. Johnson (Anjou): Voulez-vous que je vous réponde
immédiatement?
M. Bourassa: Non. D'accord, allez-y.
Le Président (M. Filion): M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): D'abord, le premier ministre, comme
d'habitude, travestit un peu mes propos. Je dis: Le paquet qlobal - et c'est ce
que j'ai expliqué au premier ministre tout à l'heure - manque
d'envergure pour le Québec et, dans le lot, s'il veut prétendre
que le droit de veto sur la réforme des institutions anticipée,
en l'an 2038 ou je ne sais pas quoi, c'est cela, son
gros gain, je lui dis qu'il passe à côté de
l'essentiel. Deuxièmement, contrairement à ce que le premier
ministre a affirmé dans son exposé, la Fulton-Favreau ne
prévoyait pas la règle des deux tiers, mais celle de
l'unanimité pour les secteurs fondamentaux, le pouvoir de
légiférer des provinces et l'usage de l'anglais et du
français.
M. Bourassa: Oui, alors...
Le Président (M. Filion): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition n'a pas répondu
à ma question quand je lui ai dit: Pourquoi le demandez-vous si ce n'est
pas important? Vous l'avez demandé.
En ce qui a trait à la société distincte, encore
là, la demande faite par les propositions du chef de l'Opposition,
c'était qu'il y ait la reconnaissance du peuple québécois
dans le préambule. On sait que l'interprétation par les tribunaux
d'une mention dans un préambule est moins contraignante qu'une mention
dans le texte de la constitution. Nous avons, dans le cas de la
société distincte - on peut diverger sur le sens des mots, s'il
le veut - la reconnaissance, dans le texte de la constitution, de la
société distincte. Cela va plus loin qu'une simple mention dans
le texte constitutionnel, je le rappelle au chef de l'Opposition; il y a le
rôle de préserver et de promouvoir. Donc, je crois que ce que nous
faisons avec la mention "société distincte" est plus contraignant
sur le plan juridique, que ce soit dans le préambule ou dans le texte,
que ne l'étaient les propositions de mai 1985.
À un autre endroit, le chef de l'Opposition dit, en ce qui a
trait au droit civil: C'est vrai qu'on a la clause "nonobstant", mais cette
clause ne s'applique pas facilement; vous-mêmes, vous vous êtes
engagés à ne pas l'appliquer d'une façon
systématique. Mais on l'a quand même appliquée à
l'occasion de trois projets de loi. Pourquoi alors, le gouvernement du
Québec ne pourrait-il pas, comme on l'a fait dans notre cas à
trois reprises, appliquer la clause "nonobstant"? S'il trouve que la clause
"nonobstant" est tellement difficile à appliquer, pourquoi est-il
prêt à l'appliquer dans le cas de l'affichage? Une autre
contradiction. Ce sont des contradictions que je veux simplement mettre en
relief pour essayer d'améliorer le niveau du débat. C'est un
service qu'on veut rendre au chef de l'Opposition pour l'avenir, pour qu'il ne
multiplie pas, comme cela, les erreurs de faits et qu'il démontre une
certaine incohérence dans son argumentation.
Pour ce qui a trait au passé, il a dit que nous nous
référons constamment au passé. Je crois plutôt que
c'est tout à fait légitime, puisque nous avons une
décision historique à prendre, que nous voyions ce qui est
arrivé en 1964, ce qui est arrivé en 1971, en 1981, en 1985.
Est-ce qu'il y a eu une commission parlementaire en 1981? Est-ce qu'il y a eu
des textes juridiques? On sait qu'il n'en a pas été question. Je
ne suis pas sûr que le chef de l'Opposition n'ait pas appris cela
lui-même par les journaux, le 17 avril au matin. C'est la petite histoire
qui pourrait nous révéler cela. Mais, quand même, il n'y a
pas eu de commission parlementaire.
Alors, si nous parlons du passé, M. le Président, c'est
que nous considérons que, dans une décision aussi majeure pour
l'avenir du Québec, il est fondamental d'examiner les décisions
qui ont été prises à l'occasion de débats
constitutionnels. Cela ne nous empêche pas de préparer l'avenir.
C'est ce que nous faisons avec les cinq demandes du Québec. Ce sont
simplement certains points -j'aurais pu en soulever plusieurs autres - que je
voulais signaler au chef de l'Opposition sur ses affirmations par rapport aux
demandes du Québec.
Le Président (M. Filion): Juste avant de redonner la
parole...
M. Johnson (Anjou): On m'avait dit que je pourrais
répliquer. Juste brièvement, je ne veux pas reprendre... Je
comprends qu'on puisse avoir des points de vue différents et des
opinions différentes, mais il y a une affaire qui s'appelle la rigueur
des faits aussi en droit. Le premier ministre a déclaré dans son
exposé préliminaire qu'il avait refusé à la
conférence de Victoria en 1971 à cause du pouvoir de
dépenser. Je me souviens qu'à l'époque - et j'ai les
textes qui le démontrent - ce n'était pas à cause du
pouvoir de dépenser, mais c'était sur les politiques sociales
qu'il avait refusé.
M. Bourassa: M. le Président, pour qu'on s'entende
rapidement...
M. Johnson (Anjou): De la même façon que le premier
ministre a déclaré que la formule Fulton-Favreau, en 1964,
prévoyait la règle des deux tiers alors qu'elle prévoyait
la règle de l'unanimité sur les objets qui nous
préoccupent. Je comprends, M. le Président, pourquoi on n'a pas
de texte juridique. Le problème, c'est que la rigueur dans ces
choses-là n'a même pas l'air de préoccuper le premier
ministre.
Le Président (M. Filion): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je crois que, pour ce qui a trait à Victoria,
j'ai bien dit que c'était le pouvoir de dépenser dans le secteur
social. Tout le monde se souvient du débat sur
l'article 94a. Il me semble qu'on pourra vérifier le texte
facilement. J'ai mentionné que c'était... Je comprends
qu'à ce moment-là peut-être que le chef de l'Opposition
était à l'école secondaire ou je ne sais pas, mais on se
souvient très bien que ce débat a porté sur les questions
de sécurité sociale, puisque M. Castonguay était le
ministre responsable. Je ne crois donc pas que le chef de l'Opposition puisse
dire...
M. Johnson (Anjou): Je n'étais pas à l'école
secondaire, j'étais dans la rue en train de protester contre.
Le Président (M. Filion): M. le premier ministre, la
parole est à vous.
M. Bourassa: M. le Président, je ne sais pas si le chef de
l'Opposition est plus à l'aise dans les protestations dans la rue que
dans les discussions constitutionnelles, mais encore une fois dans le cas de la
formule Fulton-Favreau, je pourrai lui faire parvenir une copie et lui lire un
article pour, malheureusement, devoir le contredire encore: "Nulle loi
édictée en vertu de la présente partie et touchant une
disposition de la constitution du Canada qui n'est pas visée aux
articles 2, 3 ou 4 de la présente loi n'entrera en vigueur sans le
concours des législatures d'au moins les deux tiers des provinces."
Donc, c'est la formule des deux tiers.
M. Johnson (Anjou); Ce n'est pas 2, 3 et 4.
M. Bourassa: Deux tiers représentant au moins 50 % de la
population du Canada selon le dernier recensement général. Vous
avez accepté les deux tiers le 16 avril 1981. Alors, ce que je dis au
chef de l'Opposition... M. le Président, ici j'ai toute une série
de points sur 1964 dont on pourra reparler. Pourquoi j'ai parlé de 1964
où c'était la formule 7-50? C'est qu'en 1981 vous avez
accepté cette formule alors qu'elle avait été
rejetée comme principe en 1964.
Le Président (M, Filion): Il reste, dans l'enveloppe de
temps allouée à chacun des deux groupes, deux minutes et quelques
secondes au parti d'Opposition et environ 17 minutes et autant de secondes du
côté du groupe ministériel. M. le député de
Beauharnois.
M. Marcil: Oui, M. le Président. Étant donné
que M. le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes a besoin pour son exposé d'environ 45
minutes...
M. Rémillard: Trente minutes.
M. Marcil: ...de trente minutes à peu près, donc,
on serait dans l'obligation de dépasser le temps prescrit...
M. Rochefort: M. le Président, il reste vingt...
Le Président (M. Filion): M. le député de
Gouin.
M. Marcil: À moins que vous ne décidiez, vous,
d'utiliser les deux minutes qu'il vous reste et puis...
M. Rochefort: Non, justement, M. le Président, nou3 sommes
prêts, nous, à permettre au ministre d'utiliser tout le temps
qu'il nous reste jusqu'à 18 heures, dès maintenant. Mais si son
exposé doit durer 45 minutes, M. le Président, on pourra
sûrement reprendre à 20 heures avec cela, c'est important.
Le Président (M. Filion): Non, à ce moment, je suis
dans l'obligation de rappeler aux membres de la commission quel est
l'aménagement, pour parler français, l'entente intervenue entre
les deux groupes politiques. Une entente est intervenue à savoir que
pour aujourd'hui - on est mardi -deux enveloppes de temps seront
réparties équitablement entre les groupes parlementaires.
Équitablement veut dire également. Une enveloppe du début
des travaux jusqu'à 18 heures et une seconde enveloppe de 20 heures
à 22 heures. La règle de l'alternance s'applique, mais un
député peut intervenir plus d'une fois et son temps de parole
n'est pas limité.
M. Marcil: M. le Président...
Le Président (M. Filion): Alors, je voudrais terminer, M.
le député de Beauharnois, pour vous signaler que, en vertu,
encore une fois, de l'entente que vous m'aviez confiée, il existe une
première enveloppe de temps qui sera épuisée à 18
heures. Il ne m'est pas loisible, encore une fois en vertu de l'entente
intervenue, à moins qu'il n'y ait consentement, de reporter une balance
d'enveloppe de notre séance de cet après-midi à notre
séance de ce soir. Donc, à ce moment, je vous rappelle ces faits
qui sont l'entente intervenue. M. le député de Beauharnois.
M. Marcil: M. le Président, nous connaissons très
bien les faits, sauf que, sachant qu'il est absolument difficile pour quelqu'un
qui commence un exposé d'être obligé de couper et de
reprendre deux heures plus tard, je demanderais, étant donné que
l'enveloppe se termine à 18 heures, le consentement de cette commission
pour poursuivre après 18 heures.
M. Rochefort: M. le Président, non seulement nous allons
poursuivre après 18 heures, mais nous allons poursuivre de 20 heures
à 22 heures ce soir. M. le Président, que le ministre prenne le
temps qu'il lui reste. Il lui reste 20 minutes, au moins il aura fait cela. Il
aurait peut-être pu éviter de faire un amendement bidon, un
amendement pour dénaturer la motion, pour nous permettre d'avoir plus de
temps, cela est son choix.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président (M. Filion); À l'ordre,
s'il vous plattl Est-ce qu'un député du groupe ministériel
demande la parole? M. le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes.
Exposés préliminaires (suite) M. Gil
Rérnillard
M. Rémillard: Oui, M. le Président, j'aimerais tout
d'abord faire une précision et dire que ce n'est pas Ottawa qui va
rédiger les textes juridiques pour le Québec. Le Québec
rédige ses textes juridiques comme Ottawa rédige ses textes
juridiques, comme chacune des provinces a à travailler et, à un
moment donné, il y a un travail d'ensemble qui se fait. Je voulais
simplement exprimer cela au départ.
M. le Président, au lac Meech, c'est vraiment une entente
historique que nous avons conclue avec les neuf autres provinces et le
gouvernement fédéral, une entente historique pour le
Québec parce que premièrement, le Québec
récupère des droits historiques qu'il avait perdus;
deuxièmement, le Québec redevient un partenaire majeur dans la
Fédération canadienne; troisièmement, notre
fédéralisme, le fédéralisme canadien gagne avec
cette entente une vigueur nouvelle fondée sur un véritable
fédéralisme coopératif.
M. le Président, si vous me le permettez, pour illustrer cette
entente et l'expliquer, j'aimerais me référer à des
tableaux que j'ai fait préparer. Ces tableaux sont ici, si vous me le
permettez. Alors, M. le Président, le premier point qui est très
important et qui est fondamental pour tout comprendre de cette entente, c'est
celui qui met dans la constitution deux principes fondamentaux: tout d'abord,
le principe de la dualité canadienne et le principe de la
spécificité du Québec. Deux principes fondamentaux qui
n'apparaissaient pas dans la constitution canadienne jusqu'à
présent et qui vont maintenant être inclus dans la constitution,
non pas dans un préambule, M. le Président, mais dans un texte
même à l'intérieur de la constitution. Alors, voilà
un premier point qui est très important. Il ne s'aqit pas d'un
préambule qui servirait de point de référence au tribunal
pour interpréter la constitution dans un cas d'ambiguïté,
mais il s'agit bien d'une disposition spécifique à
l'intérieur de la constitution et qui va préciser pour la
première fois que le Canada est fondé sur le principe de la
dualité et sur le principe que le Québec est une
société distincte. (17 h 45)
Regardons, M. le Président, comment l'entente du lac Meech
traduit l'application de ces deux principes. Tout d'abord, il y a:
"L'interprétation de la constitution du Canada doit concorder avec." Je
me permets d'insister, M. le Président, sur un terme très
important. Il s'agit du mot "doit". Il s'agît d'une règle
d'interprétation qui n'est pas simplement facultative. Il s'agit d'une
règle d'interprétation qui est obligatoire pour les tribunaux.
Les tribunaux devront obligatoirement se référer à cette
règle d'interprétation pour interpréter l'ensemble de la
constitution du pays. Ce n'est pas simplement une partie de' la constitution,
mais l'ensemble de la constitution du pays qui devra être
dorénavant interprétée en conformité avec le fait
que ce pays est fondé sur la dualité et que le Québec est
une société distincte.
Dans un premier paragraphe, M. le Président, nous avons la
"reconnaissance que l'existence d'un Canada francophone, concentré, mais
non limité au Québec, et celle d'un Canada anglophone,
concentré dans le reste du pays mais présent au Québec,
constituent une caractéristique fondamentale de la
Fédération canadienne." C'est le principe de la dualité,
M. le Président. C'est ce principe qui avait été reconnu
par la commission Laurendeau-Dunton sur le bilinguisme et le biculturalisme:
les deux peuples fondateurs, les deux nations. C'est ce principe qu'on retrouve
fondamentalement dans ce premier paragraphe. C'est un principe aussi qu'ont
reconnu toutes les autres commissions d'enquête comme la commission
Pépin-Robarts ou la commission Macdonald. Cependant, la commission
Pépin-Robarts nous avait dit que, bien sûr, il existe toujours, ce
principe de la dualité fondé sur les deux peuples fondateurs, ces
deux peuples, francophone et anglophone, qui ont créé le Canada
en 1867, mais qu'à partir surtout des années 1960, par une
conjoncture sociale, politique et économique, est apparu ce qu'on peut
appeler un phénomène social, un phénomène
politique, un phénomène national d'où est
émergée la société québécoise. La
commission Pépin-Robarts -et c'est un des grands mérites de cette
commission, M. le Président - a reconnu que la dualité canadienne
existe, deux peuples fondateurs, francophone et anglophone, et qu'existe aussi
le Québec, comme une société distincte.
Cette société distincte est reconnue dans un
deuxième paragraphe que nous avons à l'élément 1.
Nous y lisons: "La reconnaissance que le Québec forme au sein du Canada
une société distincte." Nous prenons le terme
"société", M. le Président. Nous n'utilisons pas le terme
"peuple". Le terme "peuple" est un terme qui est employé pour
décrire des hommes et des femmes qui ont des éléments en
commun, surtout d'ordre moral, qui ont des affinités d'ordre culturel,
de langue et de religion peut-être. Mais nous voulons, par le terme
"société", mentionner que les Québécois sont aussi
organisés, qu'ils ont des institutions, qu'ils ont un fondement social,
politique et économique qui vraiment leur est propre. Nous sommes
distincts par notre langue, par notre culture, mais nous sommes distincts aussi
par notre Code civil, par notre système économique, par notre
système social, par notre façon d'être et de vivre.
Voilà ce qui caractérise la distinction du Québec.
Le grand danger, M. le Président, lorsque nous définissons
en droit, c'est de limiter. Cette règle d'interprétation que nous
allons avoir dans la constitution permettra au tribunal de se
référer à cette règle d'interprétation pour
interpréter l'ensemble de la constitution canadienne. Il s'agit de ne
pas limiter le tribunal par des balises trop rigides, par une définition
qui, en quelque sorte, serait un carcan juridique. C'est donc en
conséquence que nous avons mis cette société distincte
à l'élément b en mentionnant la reconnaissance que le
Québec forme au sein du Canada, donc dans la Fédération
canadienne, une société distincte.
M. le Président, reste maintenant l'application de ces principes.
Dans un premier temps, en ce qui regarde la dualité, on le retrouve dans
le second point ici où on lit: "Le Parlement et les Législatures
des provinces, dans l'exercice de leurs compétences respectives,
prennent l'engagement de protéger la caractéristique fondamentale
du Canada mentionnée au paragraphe la." Cela signifie que les
Législatures des provinces et le Parlement canadien prennent
l'engaqement de reconnaître le fait qu'il existe au Canada deux
communautés nationales, une francophone, une autre anglophone. C'est
donc un principe de reconnaissance de cette caractéristique fondamentale
du fédéralisme canadien qui est inscrit dans ce deuxième
point.
Finalement, M. le Président, dans ce premier
élément de l'entente du lac Meech, nous avons: "3.
L'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec ont le
rôle de protéger et de promouvoir le caractère distinct de
la société québécoise mentionné au
paragraphe 1b." Pour comprendre la réelle signification de ce dernier
paragraphe, il faut comprendre tout d'abord qu'on mentionne l'Assemblée
nationale et le gouvernement du Québec. Ce n'est pas simplement
l'instance législative, mais c'est en plus l'instance gouvernementale
qui est impliquée directement. D'autre part, on mentionne bien "ont le
rôle". Il s'agit ici de la reconnaissance d'une fonction. On
reconnaît pour la première fois que le Québec, que
l'Assemblée législative du Québec, que le gouvernement du
Québec, a le rôle de protéger et de promouvoir. Un autre
élément très important. Il ne s'agît pas simplement
de protéger, de prendre des moyens de défense, mais il s'agit
aussi de prendre des moyens pour faire évoluer, pour promouvoir. Donc,
deux expressions qui ont leur signification et qu'on doit lire ensemble: le
rôle de l'Assemblée nationale et du gouvernement du Québec
de protéger - donc, conservation - et de promouvoir, c'est-à-dire
de permettre l'évolution, de prendre les moyens pour que ce
caractère distinct du Québec puisse évoluer.
M, le Président, lorsqu'on lit ce premier élément
de l'entente du lac Meech dans son ensemble, on s'aperçoit que, pour la
première fois dans l'histoire de la Fédération canadienne,
on aura, inclus dans la constitution - non pas dans le préambule, mais
dans un article de cette constitution -le principe de la dualité des
deux peuples, des deux communautés nationales qui forment le Canada,
l'une francophone, l'autre anglophone et le principe que le Québec est
une société distincte et, en plus, le principe que le
gouvernement du Québec, que l'Assemblée nationale du
Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir le
caractère distinct... Il est évident qu'une telle disposition
pourra avoir beaucoup de conséquences en ce qui regarde
l'interprétation de la constitution. Il est certain qu'une telle
disposition qui, dans son dernier élément, en ce qui regarde la
société distincte et le rôle de l'Assemblée
nationale et du gouvernement de protéger et de promouvoir ce
caractère distinct, est une véritable déclaration de
pouvoir, qui est même plus qu'une règle d'interprétation...
Il est évident que, par une telle disposition, on ne chanqe pas le
partage des compétences tel qu'il existe présentement. Ce n'est
pas parce que nous avons une telle disposition que l'assurance-chômage,
par exemple, qui relève de l'autorité fédérale
depuis 1940, va devenir de juridiction provinciale. Cependant, il est
évident que, dans des cas d'ambiguïté, où le tribunal
devra se référer à des critères
d'interprétation, des règles d'interprétation pour
préciser ce partage des compétences législatives, cette
règle d'interprétation, cette déclaration selon laquelle
le Québec a le rôle de protéger et de promouvoir le
caractère distinct du Québec, de la société
québécoise, cela pourra avoir beaucoup de conséquence.
Bien sûr qu'une première conséquence, M. le
Président, est en relation directe avec l'application de la Charte
canadienne des droits et libertés. Nous avons depuis 1982 une Charte
canadienne des droits et libertés, avec aussi la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec, mais qui n'a pas la valeur
constitutionnelle, qui établit des droits, des libertés qui
appartiennent en premier lieu aux Canadiens et Canadiennes qui vivent dans le
fédéralisme canadien.
M. le Président, il est évident que cette disposition, en
particulier en ce qui regarde îa société distincte, aura
une application certaine en ce qui regarde l'article 1 de cette Charte
canadienne des droits et libertés. En effet, cet article 1 permet au
gouvernement provincial - comme au gouvernement fédéral aussi,
mais parlons du gouvernement provincial pour illustrer notre propos - à
l'Assemblée nationale du Québec de faire une loi qui pourrait
aller à l'encontre de certains droits et de certaines libertés au
nom de l'intérêt de la collectivité pour faire valoir des
intérêts de l'ensemble de la collectivité
québécoise.
C'est ce que l'on appelle le test de la légitimité. Dans
la mesure où cette loi est raisonnable, qu'elle se justifie dans une
société libre et démocratique, il est donc possible qu'une
telle loi puisse aller à l'encontre de droits et de libertés.
Maintenant que nous avons ce principe de...
Le Président (M. Filion): En concluant, s'il vous
plaît, M. le ministre.
M. Rémillard: Je conclus, M. le Président, en
disant que maintenant que nous aurons dans la constitution la reconnaissance de
ce rôle de l'Assemblée nationale et du gouvernement de
protéger et de promouvoir le caractère distinct de la
société québécoise, les tribunaux vont pouvoir s'y
référer pour interpréter la constitution canadienne et ce
test de la légitimité. Lorqu'on parle du droit civil du
Québec, par exemple, qui n'est nullement en danger, avec la Charte
canadienne des droits et libertés, vous avez là une
référence première d'une extrême importance.
M. le Président, je pourrais donner d'autres exemples...
Le Président (M. Filion)! Malheureusement...
M. Rémillard: ...tout à l'heure au retour, hormis
que j'ai le consentement des gens de l'Opposition, étant donné
que je sais à quel point ils veulent entendre mes propos. Je pourrais
avoir le consentement.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le
ministre. Votre temps est déjà écoulé. Alors, donc,
il reste quelque deux minutes à M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, très rapidement je
voudrais m'adresser aux personnes qui ont suivi nos débats par le biais
de la télévision depuis 15 h 30 cet après-midi parce qu'il
y a sûrement de ces personnes-là qui sont un peu surprises de voir
le ministre avec sa pancarte et ses tableaux, parce qu'elles ont entendu
tantôt les porte-parole gouvernementaux dire qu'il n'y a pas de texte
juridique. Ils n'en ont pas et probablement qu'ils n'en auront pas d'ici
à la fin des travaux de cette commission. Je voudrais simplement aviser
les personnes qui nous écoutent et qui nous regardent qu'il ne s'agit
pas des textes juridiques que l'on réclamait et que réclame
l'Opposition et que réclame un peu tout le monde. Il s'agit du
communiqué de presse du lac Meech. C'est ce que le ministre est en train
de nous expliquer, redevenant le professeur qu'il était il n'y a pas
très longtemps. Je pense que c'est important de dissiper la confusion,
M. le Président. Ce ne sont pas les textes que l'on va retrouver dans la
constitution, probablement pas, parce que ce ne sont pas les textes juridiques
que tout le monde réclame. Il est important d'établir avec
précision les choses. Le ministre va probablement revenir à 20
heures avec d'autres tableaux. Ce ne sont toujours pas les textes juridiques
que l'on réclame. C'est important de le signaler.
Le Président (M. Filion): M. le député de
Lac-Saint-Jean, nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 20 h 6)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je rappellerai évidemment notre mandat qui va se continuer ce
soir: Que la commission des institutions entende les représentations de
ses membres, de personnes et d'organismes relativement à l'entente
intervenue le 30 avril 1987 au lac Meech concernant la constitution du Canada.
Pour cette séance de soirée, je vous rappellerai que l'enveloppe
de temps est de 60 minutes pour chaque groupe parlementaire, qu'il s'agit d'une
nouvelle enveloppe.
Alors, je laisse donc la parole... Oui, M. le député de
Gouin?
M. Rochefort: Je veux simplement être certain qu'on
s'entende mutuellement sur ce que vous venez de dire. La compréhension
que j'ai, c'est que le temps que doit durer la séance de ce soir est
partagé en temps égal.
Le Président (M. Filion): C'est cela.
M. Rochefort: Oui, mais, si nous appliquons cela tel que vous
l'avez dit, cela voudrait dire qu'on va donc déborder jusqu'à 22
h 7, sans nécessité de consentement unanime, pour pouvoir
partager cela 60-60. Je suis d'accord, il n'y a pas de problème
là-dessus. Je veux seulement qu'on s'entende maintenant.
Le Président (M. Filion): Vous avez raison.
M. Rochefort: Soit qu'on partage ce qui reste d'ici à 22
heures en deux parties égales, ou qu'on dise que chaque formation a 60
minutes, auquel cas il y a, dès maintenant, consentement unanime pour
terminer à 22 h 8.
Le Président (M. Filion): Oui. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: À partir du moment où chacun des
groupes parlementaires disposera du même temps, je n'ai pas
d'objection.
Le Président (M. Filion): Je pense que, de part et
d'autre, vous avez compris que le temps qui reste d'ici à 22 heures...
Vous avez raison, M. le député de Gouin, cela fait moins de 60
minutes pour chaque groupe parlementaire, étant donné que nous
commençons nos travaux avec quelques minutes de retard. Donc, ce temps
est divisé en deux parties égales.
Je laisse la parole au ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes.
M. Rémillard: Merci, M. le Président.
M. le Président, à la suspension, tout à l'heure,
j'ai expliqué le premier point de l'entente du lac Meech,
c'est-à-dire que, maintenant, le fait que, dans la constitution
canadienne, le caractère distinct du Québec et la dualité
canadienne seront des principes qui seront reconnus dans la constitution par
une règle d'interprétation, et l'interprétation de la
constitution du Canada doit concorder avec elle. Nous avons le principe de la
dualité, c'est-à-dire les deux communautés nationales,
francophone et anglophone, et le fait que le Québec forme au sein du
Canada une société distincte.
M. le Président, j'ai insisté sur le fait que nous avons
le mot "doit". Le mot "doit" fait en sorte que nous sommes devant une
règle d'interprétation qui n'est pas facultative pour les
tribunaux, mais qui est bien obligatoire. C'est donc dire que le tribunal devra
recourir à cette règle d'interprétation pour
interpréter l'ensemble de la constitution du Canada. C'est donc une
règle de très grande importance qui reconnaît deux
principes fondamentaux dans le fédéralisme canadien, soit la
dualité, d'une part, et la société distincte qu'est le
Québec, d'autre part.
M. le Président, j'ai insisté aussi sur le fait que cette
règle d'interprétation devient une base juridique au rôle
du Québec "de protéger et de promouvoir le caractère
distinct de la société québécoise". Ce que cela
signifie, M. le Président, c'est que, dorénavant, dans la
constitution canadienne, il y aura une disposition spécifique pour bien
mentionner que l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec
ont le rôle de protéger, c'est-à-dire de faire en sorte
qu'on puisse prendre des mesures de conservation, mais aussi de promouvoir,
voir à ce qu'on puisse évoluer en fonction de ce caractère
distinct caractérisant la société
québécoise. Quand nous parions de caractère distinct, M.
le Président, nous avons cette reconnaissance de la
société distincte au paragraphe b, nous l'avons sans
définition. Pourquoi sans définition? Parce que nous voulons que
cette société distincte ait un sens dynamique et qu'elle
reflète non seulement le fait sociologique, c'est-à-dire des
hommes et des femmes, des Québécois et des
Québécoises qui vivent ensemble sur un territoire, bien
sûr, mais en plus qu'elle puisse aussi mentionner que nous avons des
institutions, que le Québec est une société fondée
sur une langue et une culture particulières, mais aussi une
société qui a ses propres institutions, des institutions d'ordre
économique, des institutions d'ordre politique, des institutions
sociales, en fait, ce qui fait que nous sommes encore plus qu'un peuple, nous
sommes organisés politiquement, socialement et
économiquement.
C'est donc dire, M. le Président, que nous avons un premier
point, qui a été le premier à avoir été
négocié et conclu au lac Meech et qui reconnaît, dans la
constitution du Canada, le principe de la dualité et le principe que le
Québec est une société distincte, deux principes tout
à fait nouveaux dans la constitution canadienne.
Le deuxième point qui a été discuté au lac
Meech et qui fait l'objet de l'entente concerne la Cour suprême du
Canada. Comme vous le savez, M. le Président, depuis 1875, il existe au
Canada une Cour suprême qui est le grand arbitre de la
Fédération canadienne. C'est la Cour suprême qui, en
dernière instance, décide des causes concernant la constitution.
Depuis que nous avons une charte des droits et libertés incluse dans la
constitution, c'est la Cour suprême aussi qui devient en quelque sorte le
grand arbitre de la société québécoise par les
valeurs qu'elle doit établir pour le respect de ses droits, de ses
libertés qui sont maintenant partie de notre constitution
canadienne.
Deux éléments très importants en ce
qui regarde cette Cour suprême. Dans un premier temps, nous avons
convenu de "constitutionnaliser ta Cour suprême ainsi que l'obligation de
nommer trois de ses neuf juges a même le Barreau civil". Qu'est-ce que
cela signifie? Cela signifie que la Cour suprême fait maintenant partie
de la constitution du Canada. Cela a comme conséquence directe que trots
de ces neuf juges doivent venir obligatoirement du Barreau ou de la
magistrature du Québec. C'est une disposition qui existait dans la Loi
sur la Cour suprême du Canada, mais ce n'est qu'une simple loi qui aurait
pu être modifiée par le Parlement canadien. Maintenant que nous
avons cette disposition dans la constitution, c'est donc une garantie que trois
juges sur neuf viennent du Québec, du Barreau du Québec ou de la
magistrature du Québec. C'est donc un point extrêmement important
pour nous.
Deuxième élément important: "stipuler qu'advenant
une vacance à la Cour suprême, le gouvernement
fédéral nommera, à même une liste de noms
proposés par les provinces, une personne dont la candidature lui
agrée". C'est donc dire, M. le Président, que, lorsque nous avons
un de ces trois juges à nommer à la Cour suprême, comme ce
fut le cas tout récemment avec Mme la juge Claire L'Heureux-Dubé,
qui a remplacé M. le juge Chouinard décédé
récemment, que, lorsqu'il y a une vacance, le gouvernement du
Québec propose au gouvernement fédéral une liste de noms
et le gouvernement fédéral choisit parmi ces noms le juge qui
remplacera le juge qui a soit atteint l'âge de la retraite, soit
démissionné, qui ne peut plus exercer son rôle de juge
à la Cour suprême.
C'est donc dire que le gouvernement du Québec a l'initiative de
proposer des noms et que le gouvernement fédéral doit choisir ces
noms à même la liste proposée par le gouvernement
provincial. Ce sont donc deux éléments très importants.
D'une part, nous constitutionnalisons la Cour suprême, donc la garantie
qu'à la Cour suprême trois des neuf juges de la Cour suprême
viennent du Québec et, d'autre part, que ces juges sont nommés
à partir d'une liste qui est proposée par le gouvernement
québécois. Voilà donc deux éléments
importants qui nous permettent de dire que maintenant nous avons une garantie
de la Cour suprême, une garantie qui est incluse dans la constitution
canadienne en ce sens que trois des juges de la Cour suprême viennent du
Québec et que le gouvernement du Québec est directement
impliqué pour nommer ces juges à la Cour suprême. (20 h
15)
Le troisième point qui a été conclu au lac Meech,
donc par l'entente du lac Meech, concerne l'immigration. L'immigration, M. le
Président, c'est un sujet très important pour nous,
Québécois. Un sujet très important parce que notre taux de
natalité est l'un des plus bas au monde dans le monde
industrialisé. Avec 1,4 % de taux de natalité, nous sommes les
deuxièmes après l'Allemagne de l'Ouest; c'est le deuxième
plus bas taux dans le monde industrialisé. Lorsqu'on pense qu'une
société industrialisée doit compter normalement sur au
moins 2,1 % ou 2,2 % de taux de natalité pour simplement conserver sa
population, nous, avec 1,4 % de taux de natalité, cela nous cause
beaucoup de problèmes. Donc, nous devons avoir recours à
l'immigration. Les pouvoirs que nous avons maintenant, à la suite de
cette entente du lac Meech, sont particulièrement significatifs quant
à la garantie culturelle que doit avoir le Québec à la
suite de cette immigration à laquelle nous devons maintenant avoir
recours. .. Dans un premier temps, on prévoit dans la constitution
"qu'à la requête d'une province, le gouvernement du Canada
négociera, en matière d'immigration, une entente qui
réponde aux besoins et aux circonstances particulières de cette
province et pourra, sur demande, la constitutionnaliser une fois conclue". Ce
que cela veut dire, M. le Président, c'est que, dans la constitution,
telle qu'elle apparaît présentement et qu'elle a été
conclue en 1867 par les Pères de la confédération, et le
gouvernement fédéral et les provinces ont compétence en
matière d'immigration, mais avec une prépondérance du
gouvernement fédéral. C'est donc dire que c'est le gouvernement
fédéral qui peut mener le jeu en matière
d'immigration.
En 1978, il y a eu une entente administrative appelée l'entente
Cullen-Couture, une entente administrative qui a donné la
possibilité au Québec de choisir ses immigrants, immigrants qui
demandent donc d'immigrer au Québec à partir de
l'extérieur du Canada. C'est donc dire que, lorsque quelqu'un de
l'extérieur du Canada, un citoyen d'un autre pays demande de venir
immigrer au Québec, le Québec peut sélectionner ces
personnes à même ses propres critères, mais il s'agit d'une
entente strictement administrative.
Ce que nous gagnons maintenant de par cette entente du lac Meech, nous
gagnons le fait que cette entente appelée Cullen-Couture est maintenant
constitutionnalisée. Elle est maintenant dans la constitution, elle sera
dans la constitution lorsque cette entente deviendra constitutionnelle. Cette
entente vient donc confirmer que le Québec a la compétence de
sélectionner ses propres immigrants qui demandent, de l'extérieur
du Québec, de venir immigrer au Québec. C'est un premier point
qui confirme donc Cullen-Couture dans son application constitutionnelle.
Cependant, M. le Président, cela ne se limite pas à ce simple
aspect. C'est une procédure qui nous permet aussi de choisir nos
immigrants qui sont déjà sur
place - et cela aussi est un élément très
important, parce que cela comprend au moins 25 % de nos immigrants - et qui
demandent de devenir immigrants. Cela peut être, par exemple, des
étudiants qui sont ici en médecine ou dans une autre science.
Cela peut être aussi des touristes qui sont en visite au Canada, au
Québec, et qui demandent de devenir immigrants. C'est plus de 25 % de
notre immigration et c'est une compétence que nous n'avions pas et que
maintenant nous avons, la possibilité de sélectionner nos
immigrants qui sont sur place.
Troisièmement, et c'est un élément très
important, avec l'entente du lac Meech, nous avons la possibilité
d'établir nos programmes d'intégration de nos immigrants. Nous
avons un problème, M. le Président, pour garder nos immigrants.
Plus de 50 % de nos immigrants choisissent, à un moment donné,
d'aller vers une autre province. Il faut donc prendre Ies moyens pour leur
donner le goût de demeurer au Québec. Ces moyens, pour nous, sont
des compétences que nous n'avions pas. Pouvoir leur donner des cours de
langue, pouvoir leur donner des cours de formation, pouvoir leur donner des
cours d'information sur nos institutions et sur notre façon de vivre.
Avec cette entente du lac Meech, nous allons pouvoir donner a ces immigrants
l'information qui va leur permettre de s'intégrer à la
société québécoise.
Autre point très important, avec l'entente du lac Meech, nous
avons la garantie, et nous pouvons lire ici que cette entente "garantira au
Québec, à l'intérieur du total annuel établi par le
gouvernement fédéral pour l'ensemble du Canada, un nombre
d'immigrants, incluant les réfugiés, proportionnel à sa
part de la population canadienne, avec droit de dépasser ce chiffre de 5
pour cent pour des raisons démographiques". Avec un minimum garanti
d'immigrants en fonction de notre poids démographique dans la
fédération canadienne, nous pourrons même dépasser
de 5 % ce nombre calculé sur notre poids démographique, soit
environ 26 % "pour le moment, pour compenser notre faible taux de
natalité.
Cette entente sur l'immigration, dans un premier temps, vient consacrer
le pouvoir du Québec de sélectionner les gens qui demandent
à immigrer au Québec de l'extérieur du Canada, ceux qui
demandent à immigrer au Québec et qui sont déjà
à l'intérieur du Québec ou du Canada - cela comprend
environ 25 % de notre immigration - et la possibilité d'avoir nos
propres systèmes, nos propres cours d'intégration en ce qui
regarde l'instruction, la formation, l'information d'une façon
générale sur les systèmes politique, économique,
social, etc., que nous avons. Elle nous donne aussi la garantie que nous aurons
droit à un minimum d'immigrants en fonction de la moyenne nationale et
ce, basé sur notre poids démographique dans la
fédération, avec la possibilité d'avoir un
supplément de 5 % pour compenser notre faible taux de
natalité.
Voilà donc une entente qui vient certes constitutionnaliser
l'entente administrative Cullen-Couture, mais qui va plus loin que cette
dernière en confirmant des droits du Québec qui nous donnent une
garantie culturelle pour les prochaines décennies.
Un autre sujet de très grande importance pour le Québec,
conclu aussi au lac Meech, c'est cette entente relative au pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral. Qu'est-ce que cela
signifie, le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral?
Cela signifie que ce dernier a le pouvoir de dépenser des sommes
d'argent dans un domaine qui ne relève pas de sa compétence, dans
un domaine de compétence provinciale. Le gouvernement
fédéral l'a utilisé à plusieurs reprises depuis que
cette fédération a été créée en 1867.
Le gouvernement fédéral l'utilise dans le domaine social et il
l'utilise aussi dans le domaine économique en fonction de plusieurs
programmes nationaux. Ce pouvoir de dépenser est un pouvoir qui existe
dans la jurisprudence canadienne, c'est-à-dire que les tribunaux ont dit
que le gouvernement fédéral avait le droit de dépenser des
sommes d'argent dans un domaine de compétence provinciale, mais cela
n'apparaît pas expressément dans la constitution canadienne. Il
n'est pas écrit comme tel dans la constitution canadienne que le
gouvernement fédéral peut dépenser des sommes d'argent
dans un domaine de compétence provinciale. Mais la Cour suprême et
le comité judiciaire du Conseil privé, dans les années
trente, ont décidé que ce pouvoir existait.
Il y a bien d'autres pouvoirs qui ne sont pas exprimés
précisément dans la constitution et qui relèvent du
gouvernement fédéral, comme, par exemple, la compétence du
gouvernement fédéral de légiférer en matière
d'aéronautique, sur les aéroports. C'est une compétence
qu'on ne retrouve pas dans la constitution parce qu'en 1867 les Pères de
la confédération ne pouvaient pas prévoir qu'on aurait des
moyens de transport par voie aérienne. On a maintenant cette
compétence qui appartient au qouvernement fédéral, mais
qu'on ne retrouve pas expressément dans la constitution canadienne.
C'est un peu la même chose pour le pouvoir de dépenser qui n'est
pas précisément établi dans la constitution canadienne,
mais qui existe en pratique.
Il s'agissait donc de délimiter la portée de ce pouvoir de
dépenser, et le texte qui a été convenu au lac Meech est
celui-ci: "Stipuler que le Canada doit accorder une juste compensation à
toute province qui ne participe pas à un nouveau programme
national à frais partagés dans un domaine de
compétence provinciale exclusive si cette province met en oeuvre de son
propre chef une initiative ou un programme compatible avec les objectifs
nationaux."
M. le Président, dans les années soixante, le gouvernement
fédéral a utilisé ce pouvoir de dépenser pour
établir, par exemple, des allocations scolaires pour les
étudiants de 16 et 17 ans. Il a aussi utilisé ce pouvoir de
dépenser dans un plan national concernant les bourses aux
étudiants - je donne deux exemples - et, dans ces deux cas, le
gouvernement québécois a décidé de se retirer de
ces programmes nationaux, c'est-à-dire que le gouvernement
fédéral a dit: Nous allons avoir un programme national qui
s'appliquera à l'ensemble des provinces et qui permettra à des
étudiants de bénéficier de bourses d'études. Le
Québec a dit: II s'agit - l'éducation - de compétence
provinciale; nous voulons conserver cette compétence et nous allons
nous-mêmes établir notre propre programme. Dans ce cas, le
gouvernement québécois a donc décidé de se retirer
du programme national et il a reçu, en contrepartie, une compensation
financière, parce qu'il décidait d'assumer lui-même une
compétence que les autres provinces avaient décidé de
confier au gouvernement fédéral. C'est ce qu'on a appelé
l'"opting out" avec compensation financière, le droit de retrait avec
compensation financière. C'était une pratique politique qui
était discutée, qui était basée sur un jeu de
forces politiques.
Ce que nous avons comme entente maintenant nous permet de dire que le
pouvoir de dépenser aura un cadre d'action pour le gouvernement
fédéral et que les provinces auront la possibilité - et
cette possibilité sera inscrite dans la constitution -de se retirer d'un
programme national dans la mesure où elles établissent
elles-mêmes un programme compatible avec les objectifs nationaux.
Qu'est-ce que cela veut dire, M. le Président? Cela veut dire que le
Québec peut...
M. Rochefort: M. le Président. Je m'excuse, M. le
ministre.
Le Président (M. Marcil): Cela va. Oui, M. le
député de Gouin.
M. Rochefort; Oui, j'ai voulu faire délicatement et
attirer l'attention du ministre. M. le Président, j'ai une question de
règlement à soulever, avec toutes les excuses que je dois
adresser au ministre parce qu'il n'est pas mis en cause dans la question de
règlement que je veux soulever.
Avant la suspension de nos travaux, à 18 heures, nous avions, de
ce côté-ci, observé un problème technique de la
télédiffusion des débats quant au respect des pratiques
usuelles de l'Assemblée nationale. Quand un membre de l'Assemblée
nationale a la parole et qu'il y a télédiffusion des
débats, on sait, M. le Président, que c'est le membre de
l'Assemblée nationale qui a la parole que l'on doit retrouver au petit
écran. On s'est aperçu pour des raisons, j'en suis convaincu, qui
ne sont pas dues à la mauvaise foi de quiconque, bien au contraire, M.
le Président, qu'avant l'ajournement de 18 heures, compte tenu de
l'utilisation des tableaux, cela alternait; à l'occasion, c'était
le tableau seul, c'étaient le tableau et l'intervenant et, à
d'autres occasions, l'intervenant seul.
M. le Président, nous avons demandé que le comité
directeur de la télédiffusion des débats soit saisi de ce
problème qui va à ['encontre de la pratique, ce qui a
été le cas. Selon les informations que j'ai, il y a eu une
rencontre du président et du whip en chef de l'Opposition, et le
président a normalement sensibilisé le whip en chef du
gouvernement qui sont tous les trois membres du comité directeur de la
télédiffusion des débats pour que, en tout temps, nous
apercevions au petit écran le parlementaire qui prend la parole, que ce
soit avec ou sans ses tableaux, car, M. le Président, on veut respecter
le droit pleinement légitime du ministre des relations
fédérales-provinciales d'utiliser ou non des tableaux pour
s'exprimer, sauf que, en tout temps, on doit voir au petit écran
l'intervenant qui a la parole. (20 h 30)
Je viens, en regardant le moniteur, de m'apercevoir qu'on a encore des
situations où on ne voit que le tableau sans voir au petit écran
le parlementaire qui a la parole; ceci contrevient à la pratique et aux
rectificatifs qui sont normalement intervenus au moment de ta suspension des
travaux pour l'heure du souper. Alors, M. le Président, je voudrais que
nous nous assurions que cette pratique sera rétablie
immédiatement et pour tout le reste de nos travaux pour qu'il n'y ait
pas de précédent qui soit créé et qui soit
invoqué à un moment ou à un autre pour donner une
extension à l'utilisation de la télédiffusion des
débats, ce qui, j'en suis convaincu, n'est pas le but que recherchait le
ministre qui a présentement la parole. Je suis convaincu, M. le
Président, que ce n'est pas une erreur de mauvaise foi de la part des
gens qui sont préposés à la télédiffusion
des débats. Peut-être que des directives ne se sont pas rendues
à temps. Je voudrais m'assurer, M. le Président, qu'à
partir de maintenant on appliquera rigoureusement cette règle quant
à la pratique de la télédiffusion des débats.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le
député de Gouin. M. le député de Frontenac.
M. Lefebvre: M. le Président, je comprends les remarques
du député de Gouin qui tient à ce que les
Québécois et les Québécoises puissent très
bien suivre le débat en pouvant lire le texte au tableau et,
également, les commentaires de l'intervenant, qui sont tous les deux
aussi intéressants l'un que l'autre.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Frontenac, nous allons faire en sorte que le débat
télévisé soit».
M. Lefebvre: Je crois que le ministre a des commentaires à
ajouter pour bien situer l'intervention du député de Gouin.
M. Rémillard: Simplement, M. le Président, j'ai
déjà dit que l'entente du lac Meech était une entente bien
détaillée, que ce n'étaient pas simplement des grands
principes, qu'il y avait un texte et voici le texte, M. le Président. Je
montre à la population et à l'Opposition le texte de cette
entente du lac Meech. Je veux l'expliquer et je me demande pourquoi il refuse
de voir, que ce soit en gros plan ou en plan moyen...
M. Rochefort: M. le Président.
M. Rémillard: ...pourquoi il refuse de voir le texte de
l'entente du lac Meech. Pourquoi se fermer les yeux, alor3 que le texte est
là et que j'ai pris la peine de le faire déposer, de le faire
mettre, dis-je, sur des panneaux pour qu'il soit le plus visible possible et
explicable?
M. Rochefort: M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre.
M. Rochefort: M. le Président, sur la question de
règlement, dans le droit d'alternance. M. le Président, je pense
qu'on vient d'avoir une belle illustration de la façon partisane avec
laquelle le ministre vient de tenter d'utiliser la question de règlement
que j'ai soulevée.,. Et déformation des faits, M. le
Président. J'ai été très clair et très
précis, M. le Président, que nous respectons pleinement le droit
du ministre d'utiliser les documents et les tableaux qu'il souhaitera. S'il
veut faire de la politique avec les tableaux qu'il utilise, qu'il tente donc de
nous montrer ses tableaux quant à la traduction juridique de ses textes,
cela a de la valeur et de la signification pour l'avenir du Québec
beaucoup plus que ses papiers de communiqués de presse grossis ou
rapetisses.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le
député de Gouin. Un dernier intervenant sur cette question de
règlement.
M. Marx: J'ai aussi regardé à la
télévision et j'ai trouvé cela tout à fait normal.
En effet, je me souviens que, quand j'étais dans l'Opposition il y a
quelques années, les ministres péquistes ont eu des tableaux, ils
ont fait des démonstrations, ils ont fait des discours même dans
le salon bleu, comme ce soir. J'aimerais vous suggérer de sortir les
cassettes pour voir ce qu'a été la pratique au salon bleu et ce
qu'a été la pratique au salon rouge pendant des années.
Vous allez voir que nous respectons les règles ce soir et qu'il n'y a
rien à changer. Je pense que c'est un peu exagéré de la
part du député de Gouin. En ce qui concerne les autres
députés qui sont d'accord avec lui, ils n'étaient pas ici
il y a quelques années.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre
de la Justice. S'il vous plaît, je demanderais aux gens de la
télévision de faire apparaître également le
porte-parole de la partie mînîstériellel Merci.
M. Rémillard: Alors, M. le Président, je vous
remercie. Je disais donc que, quant à ce pouvoir de dépenser qui
permet au gouvernement fédéral de dépenser des sommes
d'argent dans un domaine de compétence qui relève des provinces,
maintenant avec l'entente du lac Meech, il sera possible de délimiter
l'application de ce pouvoir de dépenser du gouvernement
fédéral. Il y aura possibilité, pour les provinces qui ne
veulent pas être liées par le programme à frais
partagés qui existe dans la fédération nationale, de se
retirer de ce programme national et de recevoir, en contrepartie, une juste
compensation financière. M. le Président, cette pratique existait
et a existé à une couple de reprises au moins dans l'histoire de
notre fédéralisme, en particulier dans les années 1960,
mais cela était basé sur une stricte pratique politique.
Maintenant, cette pratique politique sera incluse dans la constitution, ce qui
est une protection pour les provinces, et c'est une protection pour le
Québec. II faut bien comprendre, M. le Président, que le pouvoir
de dépenser n'est pas un moyen pour le gouvernement
fédéral d'aller à l'encontre du partage des
compétences législatives. Le gouvernement fédéral
dépense des sommes d'argent dans un domaine de compétence qui
relève de la province, mais la province qui ne veut pas recevoir ces
sommes d'argent, qui ne veut pas participer au proqramme national, peut tout
simplement se retirer. La province, si elle veut recevoir, par contre, les
sommes d'argent qui lui reviendraient si elle participait à ce programme
national devra elle-même avoir un programme compatible avec tes objectifs
nationaux. Compatible avec les objectifs nationaux, M. le Président,
j'insiste sur ces mots, les
objectifs nationaux. Il ne s'agit donc pas ici de critères, il ne
s'agit pas de normes, il s'agit de "les objectifs nationaux" de la
fédération.
Prenons un exemple qui peut se produire dans un avenir prochain,
concernant les garderies. On sait que le gouvernement fédéral
veut établir un plan national concernant les garderies partout au
Canada. Nous, au Québec, nous avons un programme concernant les
garderies. Si nous disons au gouvernement fédéral, qui veut
établir un plan national concernant les garderies: Non, nous ne sommes
pas intéressés è participer au programme national, nous
voulons conserver notre propre programme et respecter nos propres
critères, nos propres normes, nous pourrons le faire. Et nous pourrons
demander au gouvernement fédéral de nous donner une juste
compensation financière parce que nous aurions droit à ces sommes
d'argent si nous participions au programme national. Cependant, il est bien
évident, M. le Président, et on l'accepte volontiers, qu'on ne
peut pas prendre ces sommes d'argent et aller les dépenser pour la
construction d'autoroutes. Il faut comprendre que, si on reçoit des
sommes d'argent, c'est parce qu'il y a un programme national dans la
fédération, que la province décide d'avoir son propre
programme et de ne pas participer au programme national; donc, en contrepartie
elle reçoit de l'argent du gouvernement fédéral pour avoir
son propre programme. Elle pourra suivre ses propres critères, ses
normes à elle, cependant, bien sûr, que ce programme qu'elle
établit elle-même devra être compatible avec les objectifs
nationaux. On ne donne pas l'argent qu'on a reçu pour un programme sur
les garderies pour construire des autoroutes, mais on respecte ces
critères, on respecte ces normes de qualité,
d'accessibilité qui sont propres à la province.
Ce qu'il faut donc comprendre de ce pouvoir de dépenser, M. le
Président, à la suite de l'entente du lac Meech, c'est maintenant
la possibilité de circonscrire l'application de ce pouvoir qui existe
déjà dans la constitution canadienne de par la jurisprudence et
qui maintenant sera circonscrit en fonction de ce pouvoir d'une province de se
désengager, de refuser de participer à un programme national
è frais partagés et de recevoir une compensation
financière. Voilà un sujet qui est de très grande
importance pour le Québec et voilà certainement un pas qui va
nous aider à planifier un développement économique,
social, culturel qui sera mieux articulé en évitant les
dédoublements de gouvernement. Dans bien des cas, M. le
Président, on assiste, dans le développement régional, par
exemple, à deux ordres de gouvernement qui agissent en même temps.
Et c'est difficile de coordonner les actions, surtout en fonction de ces
programmes nationaux établis par le gouvernement fédéral
qui peuvent à certains moments venir bouleverser les ordres de
priorité établis par la province. Dorénavant, il y aura un
cadre d'action et la province pourra se dégager d'un programme national
à frais partagés, elle pourra recevoir une compensation
financière en conséquence pour avoir son propre programme. C'est
donc un autre point très important qui a été conclu dans
l'entente du lac Meech.
Finalement, M. le Président, il y a une dernière entente
et qui n'est pas la moindre, celle concernant la formule de modification. Toute
constitution doit prévoir une formule par laquelle on peut modifier
cette constitution. Nous avons une formule actuellement, depuis 1982, nous
avons une formule de modification, mais qui ne reconnaissait pas les droits
historiques du Québec de pouvoir dire non à un amendement
constitutionnel qui allait a l'encontre ou qui pourrait aller à
l'encontre de ses droits comme société distincte ou comme
partenaire majeur de la Fédération canadienne.
Maintenant, ce droit de dire non est récupéré et
ce, de deux façons. Dans un premier temps, on complète la formule
qui existe présentement, c'est-à-dire qu'on maintient "la formule
générale de modification constitutionnelle prévue
actuellement à l'article 38, qui exige le consentement du Parlement et
celui des assemblées législatives d'au moins deux tiers des
provinces représentant au moins cinquante pour cent de la population".
Présentement, c'est la règle générale que nous
avons pour modifier notre constitution, M. le Président. Il faut sept
provinces qui totalisent 50 % de la population de l'ensemble des provinces pour
modifier la constitution canadienne, et il y a possibilité pour une
province, selon cette formule d'amendement que nous avons présentement,
de se retirer d'un amendement constitutionnel. Par exemple, si sept provinces
décidaient, sept provinces totalisant 50 % de la population des
provinces, décidaient de confier au gouvernement fédéral
l'ensemble de la responsabilité législative concernant la
protection de l'environnement, le Québec pourrait dire: Nous voulons
conserver cette compétence que nous avons en matière
d'environnement. Les autres provinces pourraient confier au gouvernement
fédéral cette compétence en matière d'environnement
et le Québec avoir, lui, conservé pour lui cette
compétence en matière d'environnement.
Cependant, selon la formule actuelle, dans un tel cas, le gouvernement
fédéral assumerait ta responsabilité de la protection de
l'environnement pour les autres provinces qui n'auraient pas à
débourser de sommes d'argent pour ce programme de protection de
l'environnement, alors que le Québec, qui aurait choisi de
conserver pour lui cette compétence en matière d'environnement,
devrait débourser des sommes d'argent importantes pour exercer cette
compétence en matière de protection de l'environnement. Selon la
formule actuelle, il n'y a pas de compensation financière, ce qui veut
dire que des Québécois et des Québécoises, si un
gouvernement prenait cette décision de se retirer d'un amendement,
seraient, à toutes fins utiles, doublement taxés parce que leurs
taxes serviraient à assumer les frais du programme pour les autres
provinces, par l'entremise du gouvernement fédéral qui
reçoit cette compétence, et aussi à assumer les
dépenses de leur propre gouvernement pour avoir un programme
d'environnement sur le territoire québécois.
Cette lacune de la formule d'amendement a été
retirée et, maintenant, nous avons une compensation financière
dans tous les cas, c'est-à-dire peu importe l'amendement
constitutionnel. Dans tous les cas, et non seulement dans les matières
de culture et d'éducation, comme c'est le cas présentement, mais
dans tous les cas, comme, par exemple, dans le cas de l'environnement que je
viens de mentionner, il sera possible à une province de se retirer d'un
amendement, donc, de dire non à un amendement et de recevoir une
compensation financière en conséquence.
D'autre part, il est facile de comprendre qu'on ne peut pas se retirer
d'une institution. On peut se retirer d'un amendement qui concerne le partage
des compétences législatives. Lorsqu'on donne une
compétence de la province, on la confie au fédéral. On
peut se retirer d'un tel amendement. On peut dire: Nous le conservons. Mais, si
on décide de modifier le Sénat, si on décide de modifier
la répartition des sièges à la Chambre des communes pour
représenter les provinces, si on décide d'accepter un nouveau
partenaire dans la fédération canadienne, on ne peut pas se
retirer d'un tel amendement. Et c'était un élément qui
avait été oublié. On avait oublié de penser qu'on
ne pouvait pas se retirer d'un amendement concernant une institution lorsqu'on
a pensé à cette formule que nous avons toujours, en 1981, et le
résultat a été que le Québec a été
privé d'un droit de veto, un droit historique qui lui appartient et que,
maintenant, avec l'entente du lac Meech, il recouvre. Le Québec
retrouve, par l'entente du lac Meech, le droit de dire non. (20 h 45)
Un amendement constitutionnel concernant les institutions
fédérales, que cela soit le Sénat, que cela soit le mode
de représentation des provinces aux Communes par le nombre de
députés, que cela soit l'entrée dans la
fédération de nouvelles provinces, le Québec a maintenant
la possibilité de dire non. C'est donc là un point majeur. C'est
la récupération de droits historiques du Québec, le droit
de veto du Québec sur les institutions, le droit de dire non à un
amendement constitutionnel qui irait à l'encontre de ce caractère
distinct du Québec, qui irait à l'encontre du fait que le
Québec est un partenaire majeur de la fédération
canadienne.
M. le Président, les cinq points que je viens d'étudier
avec vous, il s'agit là de la réponse du gouvernement
fédéral et des neuf autres provinces aux cinq conditions que nous
avions posées. Ces cinq conditions sont une première étape
pour ensuite aborder, dans une deuxième étape, une réforme
constitutionnelle plus globale, une réforme constitutionnelle telle que
prévue aussi dans l'entente du lac Meech qui portera sur la
réforme du Sénat, qui portera aussi sur un sujet particulier que
sont les pêches dans la fédération canadienne. Les
pêches sont de compétence fédérale, avec des
ententes administratives pour les provinces. On veut les revoir. Ce sont des
intérêts économiques importants. Plusieurs provinces ont
des intérêts économiques dans le partage des
compétences législatives en ce qui regarde les pêcheries.
Mais d'autres sujets viendront s'ajouter pour refaire en quelque sorte un
partage des compétences législatives d'une façon
peut-être plus adéquate avec l'évolution de notre
fédération; du moins, permettre au premier ministre de regarder
le partage des compétences législatives et de voir s'il est
toujours conforme à l'évolution de notre
fédération. Revoir aussi nos institutions comme le Sénat,
revoir nos institutions pour les rendre conformes aussi à
l'évolution de notre fédéralisme.
M. le Président, je voudrais aussi attirer votre attention sur un
point très important qui est peut-être passé sous silence
dans les commentaires que nous avons reçus sur cette entente du lac
Meech, mais qui est très important. C'est le fait que cette entente
consacre dans la constitution la conférence annuelle des premiers
ministres sur l'économie prévue annuellement par le protocole
d'entente de février 1985. Depuis février 1985, une entente a
été conclue entre les premiers ministres, le premier ministre du
Canada et les premiers ministres des provinces, stipulant que se tient, chaque
année, une conférence des premiers ministres sur
l'économie, mais c'est une simple entente politique. Ce n'est pas un
mécanisme qui existe formellement dans la constitution.
Dorénavant, cette réunion de premiers ministres, cette
conférence de premiers ministres, qui était facultative, qui
dépendait de la bonne volonté du premier ministre du Canada, sera
concrétisée par un texte constitutionnel précis. C'est
donc dire que, chaque année, les premiers ministres se rencontreront
pour discuter de l'économie de
la fédération. Il faut lire cette nouvelle disposition
constitutionnelle avec le pouvoir de dépenser que j'expliquais
précédemment. Cette conférence des premiers ministres
concernant l'économie deviendra un nouveau forum, un forum
privilégié qui permettra aux premiers ministres de discuter
d'économie, de faire en sorte que le pouvoir de dépenser soit
aussi mieux articulé, de discuter de ces programmes nationaux qu'on veut
établir dans la fédération, de discuter de leur
implication dans l'économie de la fédération. C'est donc
dire qu'on a là un élément nouveau qui va permettre
à la Fédération canadienne d'évoluer en fonction
d'un véritable fédéralisme coopératif.
M. le Président, le dernier élément sur lequel
j'attire votre attention, c'est le fait que, tant que la constitution n'aura
pas été modifiée en ce qui concerne le Sénat, parce
qu'il y a l'obligation de discuter dans un premier temps de la réforme
du Sénat dans une deuxième étape de la constitution,
lorsque nous aurons réglé la première étape, au
début de juin probablement, lorsque toute cette entente du lac Meech
sera sanctionnée et qu'elle deviendra partie de la constitution, on
procédera à une deuxième étape de la réforme
constitutionnelle, on discutera en priorité de la réforme du
Sénat. Mais, tant que cette réforme ne sera pas faite, le
gouvernement fédéral nommera, à même une liste de
noms proposés par la province où une vacance se produit, une
personne dont la candidature lui agrée. C'est donc dire que,
dorénavant, lorsqu'il y aura une vacance chez les sénateurs du
Québec, le gouvernement du Québec pourra proposer une liste de
noms au gouvernement fédéral et ce dernier nommera le nouveau
sénateur à partir de la liste proposée par le gouvernement
provincial.
M. le Président, il faut donc voir dans cette entente du lac
Meech une entente historique qui redonne au Québec des droits
historiques qu'il avait perdus comme le droit de veto sur les institutions, le
droit de dire non à un amendement constitutionnel qui va à
l'encontre de sa situation comme partenaire majeur de cette
fédération ou comme société distincte. Cette
entente permet aussi au Québec de reprendre sa place comme partenaire
majeur de cette Fédération canadienne. Finalement, cette entente
permet à notre fédéralisme de prendre un souffle nouveau,
d'avoir une vigueur nouvelle en fonction d'un véritable
fédéralisme coopératif basé sur la vigueur de nos
régions et sur des intérêts d'ordre national que nous
allons pouvoir dégager d'un véritable consensus national dans
l'ensemble des provinces. C'est en ce sens que la conclusion s'impose
d'elle-même, l'entente du lac Meech est une entente historique, et, comme
l'ensemble des commentateurs avertis l'ont mentionné, c'est la meilleure
entente que nous pouvions avoir. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le ministre
délégué aux Affaires intergouvemementales canadiennes.
M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, j'aurais un certain nombre
de remarques préliminaires è faire et je souhaiterais - c'est
pour cela que je le demande avant - poser une série de questions sur le
fond au ministre responsable de ce dossier. Après mes remarques
préliminaires, est-ce que je peux compter sur cet échange avec le
ministre? Plutôt que de poser des questions qui demeurent sans
réponse, je souhaiterais la formule de l'échange. Je poserais mes
questions l'une après l'autre et le ministre pourrait y apporter des
réponses, s'il en a.
M. Lefebvre: M. le Président.
Le Président (M. Filion): Oui, M. le député
de Frontenac.
M. Lefebvre: En principe, je n'ai pas d'objection, sauf qu'il
faut bien comprendre que les réponses du ministre sont comptées
sur le temps du député qui pose les questions.
Le Président (M. Filion): M. le... Non,
écoutez...
M. Lefebvre: C'est ce qui a été convenu. Cela fait
partie de l'intervention du député qui choisit d'intervenir sous
cette forme plutôt que d'intervenir ad lib.
Le Président (M. Filion): M. le député de
Frontenac, lorsqu'un député prend la parole, son temps est
déduit de l'enveloppe parlementaire qui est dévolue au groupe
parlementaire auquel il appartient. Le député de Lac-Saint-Jean
pose une question à M. le ministre. Je ne sais pas s'il daiqne y
répondre?
M. Lefebvre: M. le Président.
Le Président (M. Filion): Oui, M. le député
de Frontenac.
M. Lefebvre: Le mandat de la commission est d'entendre les
interventions des parlementaires pour la première journée des
débats, à savoir aujourd'hui. J'aimerais bien que vous
précisiez votre décision. Est-ce que vous considérez que
le député de Lac-Saint-Jean pourrait poser des questions
jusqu'à la fin de nos travaux sans épuiser le temps prévu
au reste de l'enveloppe de
l'Opposition?
Le Président (M. Filion): Encore une fois, pour le
bénéfice de tous les membres de cette commission, lorsqu'un
député prend la parole, son temps de parole est déduit de
l'enveloppe accordée au groupe parlementaire auquel il appartient. Je
pense que c'est suffisamment clair. Si le député de
Lac-Saint-Jean prend quelques minutes pour faire des représentations,
quelques minutes pour poser une question, le temps qu'il prend est
déduit du temps du groupe parlementaire de l'Opposition. Si le ministre
prend la parole, son temps de parole est déduit du temps de votre
groupe, M. le député de Frontenac, je pense que c'est clair.
M. Lefebvre: M. le Président, vous me permettrez de vous
rappeler que le mandat de la commission, c'était d'entendre les
représentations des parlementaires et non pas d'ouvrir un débat.
Je tiens à vous souligner que, sur le fond, nous n'avons pas
d'objection, sauf que c'est une question de principe. Il était
également prévu que la ministre des Communautés
culturelles fasse son intervention et, suivant la tournure des
événements, je dois comprendre qu'on pourrait être
privé de l'intervention de la ministre.
Le Président (M. Filion): M. le député de
Frontenac, je pense que les choses sont claires. La parole est à M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je comprends bien que, de toute façon dans le
mandat, M, le Président, un échange entre parlementaires
n'était pas exclu non plus. Il me semble qu'en posant des questions,
cela aurait permis d'apporter un éclairage plus intéressant sur
le contenu de l'entente. Je prends acte du refus du parti gouvernemental...
Des voix: Bien, voyons donc!
Le Président (M. Filion): La parole est au
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Bien tiens! Je prends acte du refus
ministériel, c'est clair.
M. Lefebvre: Je ne refuse pas l'échange. Ce n'est pas
là la question, M. le Président. Je veux tout simplement qu'on
établisse les règles et qu'on ne puisse pas perdre notre
enveloppe, ne serait-ce qu'une partie, au profit de l'Opposition. Ce n'est que
cela mon propos. Je n'ai pas d'objection au débat comme tel, loin de
là, et on le verra dans les prochaines minutes.
M. Brassard: Au profit de l'Opposition, vous ne le savez pas,
vous ne pouvez pas le savoir. Cela dépend des réponses du
ministre. Si elles sont bonnes, c'est à votre profit; si elles sont
mauvaises, c'est au nôtre. Donc, je présume que vous pensez
qu'elles seraient toutes mauvaises.
Le Président (M. Filion): M. ledéputé de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Très bien, M. le Président. Je
voudrais, dans un premier temps, apporter une rectification à des propos
du premier ministre cet après-midi concernant la formule Fulton-Favreau.
C'est de l'histoire, mais je pense qu'on a eu là un bel exemple du
manque de rigueur du premier ministre. Le premier ministre a cité la
formule d'amendement Fulton-Favreau pour laisser entendre, contrairement
à ce qu'affirmait le chef de l'Opposition, que la règle de
l'unanimité ne s'appliquait pas dans le cadre de la formule
Fulton-Favreau. Je cite une autorité en la matière, M. Gil
Rémillard, dans son bouquin sur le fédéralisme canadien,
page 72 du tome II, n'est-ce pas, où il est indiqué que la
formule Fulton prévoit que le Parlement du Canada aurait le pouvoir
d'amender la constitution aux conditions suivantes - c'est
précisément le paragraphe qu'a oublié de lire le premier
ministre cet après-midi: "1) Nulle loi relative aux pouvoirs
législatifs des provinces, aux droits ou privilèges que la
Constitution du Canada accorde ou garantit à la législature ou au
gouvernement d'une province, à l'emploi des langues anglaise et
française, au droit d'une province à une représentation
minimum à la Chambre des communes non inférieure à sa
représentation au Sénat ou à la procédure de
modification elle-même, ne devrait entrer en vigueur sans le concours des
législatures de toutes les provinces..." De toutes les provinces!
Personne n'osera mettre en doute M. Rémillard comme autorité
constitutionnelle. Alors, le premier ministre n'avait pas raison, cet
après-midi, de prétendre que la formule Fulton-Favreau ne
consistait qu'en la majorité des deux tiers des provinces. Sur
l'essentiel, entre autres, le partage des compétences, il fallait
l'unanimité. On recommandait l'unanimité. Manque de rigueur du
premier ministre.
M. le Président, mes remarques préliminaires, avant de
formuler mes questions, qui demeureront sans réponse, malheureusement,
mais qui m'apparaissent importantes, porteront d'abord sur la question
linguistique. Non seulement, on le sait, la langue française est de plus
en plus minoritaire en Amérique du Nord, mais il est clair aussi que les
objectifs fondamentaux de la loi 101, la charte du français, sont
déjà et seront de plus en plus battus en brèche par
l'interprétation du Canada Act et de la Charte canadienne des
droits.
D'ailleurs, le ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes signalait en 1982, quelque
temps après le rapatriement unilatéral, et je le cite: "Ce sont
les tribunaux et en dernière analyse la Cour suprême canadienne
qui feront à toutes fins utiles maintenant la politique linguistique au
Canada". Il énonçait cette prophétie en 1982. (21
heures)
Je dois vous dire qu'en 1987 on doit reconnaître qu'il avait
raison. Il avait pleinement raison parce que toute une série de
jugements des tribunaux et en particulier de la Cour suprême ont
été rendus et ils ont pour effet de faire des brèches
importantes dans la Charte de la langue française. Dès 1979, on
se rappellera que le chapitre III sur la langue de l'administration et de la
justice avait été jugé inconstitutionnel par la Cour
suprême. En 1984, la Cour suprême déclare inconstitutionnel
le chapitre VIII de la Charte de la langue française qui traite de la
langue d'enseignement. La clause Canada écarte, si l'on veut, la clause
Québec et favorise la bilinguisation du Québec. En 1984
également, l'affaire Forget remet en cause la validité des tests
linguistiques pour les professionnels. En 1984 toujours, un jugement de la Cour
d'appel affirme qu'un employeur n'est obligé d'utiliser le
français que dans ses communications avec l'ensemble de son personnel.
Plus récemment encore, on se rappellera que la Cour d'appel - toujours -
a rendu un jugement important sur l'affichage, décrétant que
l'affichage unilingue français est réputé
inconstitutionnel à cause même de la Charte canadienne des droits
et libertés.
Par conséquent, on doit en arriver è la conclusion que le
ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes avait
pleinement raison, en 1982, d'affirmer que désarmais, au Canada, donc au
Québec aussi, ce sont les tribunaux et, en définitive, la Cour
suprême qui feront la politique linguistique.
Tout le monde au Québec, je pense, reconnaît qu'il faut
assurer, compte tenu de la situation particulière du peuple
québécois en Amérique du Nord, une protection efficace et
aussi la promotion du français sur le territoire
québécois. C'est d'autant plus vrai qu'on se rend compte que les
progrès constatés relativement à la francisation au
Québec sont fragiles; on se doit de constater leur fragilité. On
a connu, au cours des derniers mois même, des reculs importants sur le
front linguistique. C'est à cause de cette situation particulière
et c'est pour cette raison que l'ancien gouvernement, le gouvernement du Parti
québécois, dans son projet d'accord constitutionnel, avait
inscrit la proposition suivante: Que la constitution reconnaisse au
Québec le droit exclusif de déterminer sa langue officielle et de
légiférer sur toute matière linguistique dans les secteurs
de sa compétence.
À deux reprises, d'ailleurs, à l'Assemblée
nationale, l'Opposition a présenté des motions pour inciter le
gouvernement à faire en sorte que, dans les conditions qu'il exigeait
pour signer la constitution, apparaisse celle qui nous semblait fondamentale
concernant la pleine juridiction, la pleine compétence de
l'Assemblée nationale en matière linguistique. Donc, que l'on
supprime ou que l'on écarte les entraves constitutionnelles à la
francisation du Québec, les obstacles constitutionnels dans le secteur
linguistique de façon que l'Assemblée nationale ait pleine
juridiction, pleine compétence, compétence entière, en
matière linguistique, pour une raison très simple - et je pense
que tout le monde le reconnaîtra -s'il y a un caractère distinct
de la société québécoise et du peuple
québécois qui fait l'évidence, qui crève les yeux
et qu'on peut juger essentiel, fondamental, c'est bien évidemment la
langue française.
Voilà pourquoi tout le concept de société distincte
que l'on retrouve dans l'entente du lac Meech nous apparaît devoir
retenir notre attention parce que, quant à nous en tout cas, il est
très clair que ce qui distingue d'abord et avant tout la
société québécoise, c'est sa langue. C'est le fait
que les Québécois parlent français. Et c'est
évidemment à la suite de ses remarques préliminaires que
j'aurais voulu poser des questions au ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes. Je les énumère, je
les formule, elles seront inscrites au Journal des débats.
J'espère qu'en une autre occasion le ministre pourra y répondre
avec le plus de précision possible parce qu'il nous a conviés
à un examen approfondi du fond. Les questions que je vais lui poser sur
le concept et la notion de société distincte m'apparaissent
importantes et je suis persuadé que non seulement mes collègues,
mais beaucoup de ceux et de celles qui s'intéressent à cette
question constitutionnelle au Québec se posent ou se sont posé
des questions semblables.
Une première question par exemple. Est-ce que la règle
d'interprétation à l'effet de reconnaître le Québec
comme société distincte sera intégrée à la
constitution? Est-ce qu'elle va s'appliquer uniquement à la charte
canadienne des droits ou à l'ensemble de la constitution? En d'autres
termes, où va se situer la notion de reconnaissance de
société distincte? Parce que, selon la place où elle se
situe dans les textes constitutionnels, cela a une importance, je pense. Est-ce
que cela va s'appliquer exclusivement à la charte canadienne des droits
ou à l'ensemble des textes constitutionnels?
Deuxièmement, est-ce que l'entente envisagée relativement
à la société distincte va changer quelque chose au
transfert des pouvoirs politiques de l'Assemblée nationale
vers les tribunaux canadiens causé par la charte des droits et
libertés? Je signale à ce sujet un bulletin qui vient tout juste
de sortir et qui est celui du Conseil pour l'unité canadienne, bulletin
d'analyse politique, étude des rapports fondamentaux au Canada. Le
dernier bulletin d'avril 1987 porte sur la Charte canadienne des droits et
libertés. On peut y lire, entre autres, la phrase suivante: "En
pratique, donc, l'effet le plus important de la charte canadienne consistera
peut-être à transférer du Parlement et des
Assemblées provinciales vers les tribunaux une part considérable
du pouvoir de décision politique." Est-ce que l'entente envisagée
relativement à la société distincte va changer quelque
chose au transfert du pouvoir politique de l'Assemblée nationale vers
les tribunaux canadiens causé par l'application de la charte canadienne
des droits, tel que reconnu dans ce bulletin d'analyse politique du Conseil
pour l'unité canadienne?
Troisième question là-dessus. Est-ce que la garantie
recherchée par le ministre quant à la règle
d'interprétation concernant le caractère spécifique du
Québec va accorder ou donner au Québec une compétence
complète en matière linguistique? Ce dont je parlais dans mes
remarques préliminaires. Je pourrais peut-être poser la question
plus concrètement. Si cette reconnaissance du Québec comme
société distincte avait été inscrite dans la
constitution en 1981, est-ce qu'un jugement de la Cour suprême sur
l'affichage ou de la Cour d'appel, comme c'est le cas présentement,
est-ce qu'un jugement de la Cour suprême sur la langue d'enseignement,
est-ce que ces jugements des tribunaux auraient été
modifiés ou auraient été différents si cette
reconnaissance d'une société distincte avait été
inscrite dans la constitution dès 1981? En d'autres termes, donc, je
répète, est-ce que la reconnaissance du caractère
spécifique du Québec comme société distincte va
accorder au Québec une compétence pleine et entière en
matière linguistique?
Quatrième question. La règle d'interprétation qu'on
entend intégrer à la constitution sur la société
distincte comporte, on le sait - le ministre en a longuement parlé -
deux volets. D'abord, la reconnaissance de la dualité linguistique au
Canada ou du caractère bilingue. Je cite: "La reconnaissance que
l'existence d'un Canada francophone concentré, mais non limité au
Québec, et celle d'un Canada anglophone concentré dans le reste
du pays, mais présent au Québec, constituent une
caractéristique fondamentale de la Fédération canadienne."
Reconnaissance de la dualité linguistique au Canada comme
caractère fondamental de la Fédération canadienne. L'autre
volet, la reconnaissance que le Québec forme une société
distincte. Et on accorde, après cela, un double rôle à
l'Assemblée nationale, celui d'abord de protéger le
caractère fondamental de la Fédération canadienne, soit la
dualité linguistique, et celui ensuite de protéger et de
promouvoir le caractère distinct de la société
québécoise. Lequel de ces deux rôles a priorité sur
l'autre? Lequel de ces deux rôles est plus important, est
prédominant, a prépondérance? Est-ce que c'est le
rôle consistant à protéger le caractère fondamental
de la fédération, soit la dualité linguistique, le
caractère bilingue, ou est-ce le rôle consistant à
protéger ou à promouvoir le caractère distinct de la
société québécoise? Cela m'apparaît important
de clarifier et de répondre à cette question parce qu'on peut
supposer des situations où il y aura conflit entre les deux rôles,
entre les deux volets; quel rôle va prévaloir et qui va
décider de donner priorité è l'un ou l'autre rôle?
Je pense que c'est important de connaître, dans l'esprit du ministre et
du gouvernement, de ceux qui ont signé l'entente, comment ils voient la
hiérarchie des rôles, de ce double rôle. Les tribunaux vont
évidemment s'ajuster en conséquence, mais ce n'est pas clair et
ce n'est pas indiqué dans le texte de l'entente. Cela m'apparaît
important de clarifier cette question.
Autre question sur le pouvoir fédéral de dépenser.
J'aimerais savoir du ministre, qui est un expert en matière
constitutionnelle, qui a écrit deux grosses briques là-dessus, si
le Québec a déjà reconnu explicitement le pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral dans des domaines de
compétence exclusive provinciale. Est-ce que cela s'est
déjà fait? Où est-ce inscrit, si cela s'est
déjà fait? Parce que cela m'apparaît une première
historique. Le ministre parlait tantôt d'une entente historique. À
ce sujet-là, cette reconnaissance explicite dans la constitution du
pouvoir du gouvernement fédéral d'intervenir et d'empiéter
dans des domaines strictement et exclusivement réservés aux
provinces m'apparaît une première historique. Cela
m'apparaît vraiment historique. Si c'est unique et si c'est la
première fois que cela arrive ou si c'est déjà
arrivé qu'un gouvernement du Québec reconnaisse explicitement ce
pouvoir du qouvernement fédéral, j'aimerais savoir quand cela
s'est produit. Si le ministre me répondait qu'il n'est pas question de
reconnaître ce principe, je lui poserais la question suivante: Comment
prévoyez-vous limiter le pouvoir de dépenser du gouvernement
fédéral dans des domaines de compétence des provinces sans
reconnaître explicitement cette possibilité, ce pouvoir
d'intervention? (21 h 15)
L'encadrement, tel que proposé pour ce qui est du pouvoir
fédéral de dépenser - cela aussi est une question qui
m'apparaît
majeure - ne semble, en tout cas c'est ce qu'indique le ministre,
s'appliquer qu'aux nouveaux programmes nationaux à frais
partagés.
Les nouveaux programmes. Qu'arrive-t-il? Le chef de l'Opposition a
posé maintes et maintes fois la question à l'Assemblée
nationale, entre autres à la période de questions. Qu'arrive-t-il
des programmes existants? Dieu sait qu'il y en a toute une série.
À l'Assemblée nationale cet après-midi, le ministre a
entassé des gros bouquins concernant les programmes
fédéraux à frais partagés existants. Qu'arrive-t-il
des programmes fédéraux à frais partaqés existants
en vigueur qui s'appliquent actuellement? Est-ce que l'entente les
concerne?
Une autre question qu'on doit se poser - si la réponse est non,
cela ne concerne pas les programmes existants, bon, très bien -mais ces
programmes existants, lorsqu'ils arrivent à échéance,
lorsqu'il convient de les renouveler, en les modifiant si nécessaire,
lorsqu'ils arrivent à échéance, est-ce qu'ils sont
considérés comme étant des nouveaux programmes? Est-ce que
la règle à ce moment concernant les nouveaux programmes
s'applique pour les anciens programmes qui arrivent à
échéance et qu'il faut renouveler? Si c'est le cas, c'est un peu
plus intéressant. Je pense que c'est une question à laquelle on
aimerait avoir une réponse. On me dit que cela va venir. C'est
malheureux que cela ne vienne pas ce soir, mais enfin.
Alors, ce sont là quelques questions, il y en a bien d'autres. On
en posera plusieurs aux experts qui vont commencer à défiler
devant nous demain. Ces questions concernant la société
distincte, ces questions concernant le pouvoir fédéral de
dépenser, je les pose évidemment dans le but d'en arriver
à un examen approfondi et sérieux de l'entente du lac Meech. Le
ministre nous a répété à maintes reprises, en
particulier lors de l'interpellation de vendredi et aujourd'hui
également, qu'il souhaitait que cette commission parlementaire examine
en profondeur l'entente au-delà des divergences partisanes. Je pense que
les questions que j'ai posées à ce sujet sont pertinentes et
qu'elles méritent des réponses les plus précises possible.
Si, à ces questions que je juge pertinentes, les réponses sont
imprécises, floues et vagues ou absentes, je pense qu'à ce moment
on devra s'interroger sérieusement sur l'opportunité de signer
une telle entente.
Pour le moment, en tout cas, quant à moi, M. le Président,
je maintiens mon opinion, à moins qu'à toutes ces questions j'aie
des réponses positives et détaillées, mais je maintiens
mon opinion qu'on est en face d'une entente dangeureusement minimale, une
entente comportant beaucoup trop d'ambiguïtés, d'omissions
volontaires et d'une entente comportant des insuffisances majeures. Quant
à nous, je le répète, le chef de l'Opposition l'a
exprimé lors de son allocution de cet après-midi: Pour qu'une
entente comme celle-là devienne quelque peu acceptable pour le
Québec, il faudrait qu'à tout le moins elle comporte quatre
autres éléments majeurs. D'abord le droit exclusif pour le
Québec, pour l'Assemblée nationale, de légiférer en
matière linguistique sur son territoire. Cela nous apparaît
essentiel, fondamental. Si cet élément ne se retrouve pas dans
une entente constitutionnelle, je suis pleinement d'accord avec M. Dion,
à ce moment, il ne faut pas signer. Il ne faut pas signer.
En parlant de M. Dion, je signale au ministre qu'il devrait se montrer
plus prudent quant à son jugement sur des articles de
constitutionnalistes ou d'experts en la matière, surtout quand cela
comporte deux articles. Je me souviens que, la semaine dernière, il
s'était extasié sur le premier article de M. Léon Dion. Le
deuxième n'était pas de la même eau. Aujourd'hui, il a
commis la même imprudence relativement au premier article de M. Latouche.
Attendez le deuxième. Je préférerais, quant à moi,
que vous réserviez votre jugement quand il y aura un autre article qui
suivra.
Donc, si l'élément concernant le droit exclusif de
l'Assemblée nationale à légiférer en matière
linguistique sur son territoire ne se retrouve pas dans une entente
constitutionnelle, M. le Président, je dis que tout
Québécois qui se respecte ne devrait pas l'accepter et devrait
inciter le gouvernement à ne pas la signer. Je pense que le chef de
l'Opposition a parlé longuement et d'une façon très
concrète de la protection du droit civil contre les attaques de la
charte des droits. Cela doit aussi apparaître dans une entente
constitutionnelle. L'entente du lac Meech est muette sur la question importante
des gains majeurs pour le Québec en matière de
développement économique et surtout de main-d'oeuvre. Toute
entente constitutionnelle qui ne comporte pas un élément
précis sur la main-d'oeuvre me paraît inacceptable, quant à
moi.
Quatrièmement, une entente constitutionnelle acceptable devrait
contenir une garantie quant au maintien et à l'expansion de la
présence du Québec sur la scène internationale, au moins
une extension de ses compétences exclusives en matière
internationale. Ce n'est pas dans l'entente du lac Meech, à moins que je
ne l'aie mal lue. Il me paraît essentiel que cela s'y retrouve.
Voilà, M. le Président, très rapidement, les
quelques commentaires que j'avais à faire. Je regrette cependant qu'on
n'ait pas enclenché un échange avec le ministre à partir
des questions que j'ai posées. Cela aurait été sans doute
plus intéressant parce que, aux questions, les réponses
seraient
venues immédiatement. Cela aurait été sans doute
plus intéressant pour tous ceux qui suivent nos débats à
cette - commission parlementaire. Malheureusement, cela n'a pas
été possible. Mais j'espère qu'à l'occasion
d'autres séances le ministre n'oubliera pas les questions que je lui ai
posées et qui me paraissent pertinentes. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. je reconnaîtrai maintenant un
intervenant du groupe ministériel. Mme la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration, à vous la
parole.
Mme Louise Robic
Mme Robic: Merci, M. le Président. Le 30 avril 1987 aura
donc été une date historique, une de ces dates qui serviront
certainement de points de repère aux historiens qui se pencheront sur la
vie du Québec et du Canada en cette deuxième moitié du XXe
siècle. C'est une date qu'il faudra citer tout de suite après
celle du 20 mai 1980, dont elle est à la fois la conséquence et
la consécration: conséquence dans la mesure où le choix
alors fait par le Québec réclamait de nouveaux liens
constitutionnels qui reconnaissent tout à la fois son attachement au
Canada et sa spécificité, et consécration, enfin, car
c'est la preuve que ce pari que nous avons alors fait sur le présent et
sur l'avenir du Québec était le bon.
Je sais, M. le Président, que ces deux dates marquent la
concrétisation des espoirs les plus profonds de la société
québécoise, qui exige que son avenir et sa
spécificité lui soient garantis au sein de la
Confédération canadienne. Il aura donc fallu attendre près
de sept ans et l'élection de deux nouveaux gouvernements, tant à
Ottawa qu'à Québec, pour qu'une suite constitutionnelle soit
enfin donnée au choix qu'ont fait les Québécois et les
Québécoises lors du référendum de mai 1980.
Je ne peux m'empêcher, M. le Président, au tout
début de mon discours, de remercier et de féliciter très
chaleureusement le premier ministre et mon collègue, le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes,
qui ont magistralement réussi à obtenir pour le Québec des
pouvoirs que l'Opposition avait soit perdus, soit été incapable
d'obtenir. Ces pouvoirs, M. le Président, répondent tout à
fait aux attentes de la très grande majorité des
Québécoises et des Québécois et sauront assurer au
Québec la pérennité de ses caractéristiques propres
qui en font, au sein du Canada, une société distincte.
Assurés que nous serons dorénavant de notre devenir collectif, de
notre sécurité culturelle, c'est avec enthousiasme que nous
bâtirons ensemble une société juste, prospère et
dynamique. Cette société québécoise, nous savons
fort bien qu'elle se bâtira, entre autres, avec des hommes et des femmes
qui viendront des quatre coins de l'univers chercher au Québec une terre
de paix, de travail et de liberté.
Conscients de l'importance qu'a eue au cours des dernières
années l'apport des communautés culturelles à la vie
nationale québécoise et conscients que l'avenir du Québec
est indissociable des apports de l'immigration internationale, il était
essentiel que notre participation pleine et entière à la
constitution canadienne s'accompagne de gains importants en matière
d'immigration. Je souhaiterais prendre quelques instants pour faire, devant
cette commission, la démonstration que les gains réalisés
par le premier ministre et mon collègue sont majeurs et complets.
Depuis 1968, année de sa création par le gouvernement de
l'Union Nationale, le ministère de l'Immigration, devenu depuis celui
des Communautés culturelles et de l'Immigration, a constamment
cherché à obtenir de nouveaux pouvoirs du gouvernement
fédéral. Sans doute, les pouvoirs obtenus par le Québec en
mai 1971, dans le cadre de l'entente Lang-Cloutier, étaient-ils bien
modestes. Cette entente aura toutefois permis au Québec de se doter de
conseillers en immigration, en poste à l'étranger, qui pouvaient
rencontrer des candidats désireux de venir s'installer chez nous.
Un pas important a été franchi en octobre 1975 lors de
l'entente Andras-Bienvenue. Par cette entente, le Québec, qui ne
détenait encore aucun pouvoir de sélection des immigrants,
obtenait de rencontrer tous les candidats à destination du Québec
afin de les informer correctement sur la vie au Québec.
Il faudra attendre le 20 février 1978, par la signature de
l'entente Couture-Cullen, pour qu'enfin le Québec dispose de
véritables pouvoirs de sélection des immigrants. Il faut
reconnaître que cette entente signée par le gouvernement du Parti
québécois accordait au Québec des pouvoirs importants en
matière de sélection des immigrants. De même qu'à
l'époque nous avions su reconnaître ces mérites, je
souhaite qu'aujourd'hui l'Opposition reconnaisse à son tour les gains
faits en matière d'immigration lors de la rencontre des premiers
ministres au lac Meech.
L'entente Couture-Cullen permettait au Québec de
sélectionner à l'étranger les immigrants
indépendants et les réfugiés. Elle permettait au
gouvernement du Québec d'établir les normes financières
pour les garants désireux de faire venir leur famille. Elle accordait
également au Québec des pouvoirs de décision
partagés avec le fédéral en ce qui concerne la venue des
travailleurs
temporaires, d'étudiants étrangers et de visiteurs pour
raison médicale.
Qu'en est-il maintenant de l'accord du lac Meech en matière
d'immigration? L'entente Couture-Cuilen était une entente
administrative. Cela signifie qu'elle pouvait être dénoncée
unilatéralement par le gouvernement fédéral. Bien
qu'importante, on voit que cette entente était très fragile.
Notre premier objectif était donc d'obtenir que les pouvoirs qui sont
les nôtres en vertu de l'entente Couture-Cuilen nous soient
conférés par la constitution. Cet objectif a été
totalement atteint de telle sorte que nous n'avons plus à craindre de
perdre nos pouvoirs en matière d'immigration.
L'entente Couture-Cuilen ne portait que sur la sélection des
immigrants et des réfugiés à l'étranger. Je me
permets d'insister sur le fait que les pouvoirs de sélection que nous
détenons actuellement ne s'appliquent qu'à l'étranger.
Cela signifie que, lorsque nous exerçons nos pouvoirs de
sélection en dehors des frontières canadiennes dans une
délégation du Québec, dans une ambassade canadienne ou
dans un camp de réfugiés, le Canada s'est engagé à
accepter, sous réserve de ses prérogatives en matière de
santé et de sécurité, les candidats que nous
sélectionnons. Il faut reconnaître que le gouvernement
fédéral a toujours respecté les décisions
québécoises lorsqu'elles portaient sur des dossiers
traités à l'étranger. (21 h 30)
Bien que mes prédécesseurs l'aient demandé à
plusieurs reprises à leurs homologues fédéraux, le
Québec n'a actuellement aucun pouvoir en matière de
sélection des immigrants sur place. Sait-on, M. le Président,
qu'au cours des quatre dernières années les cas traités
sur place représentaient 26 % de tous les cas d'immigration
acceptés au Québec? Cela veut dire que 17 136 personnes ont
été acceptées comme immigrants au Québec, sans que
nous n'ayons pu, nous-mêmes, en faire la sélection. L'accord du
lac Meech est sur ce point une très grande victoire, car il nous
permettra désormais de sélectionner les immigrants
indépendants dans les dossiers qui seront traités sur place. En
résumé, M. le Président, nous obtenons la garantie
constitutionnelle de tous les pouvoirs de sélection contenus dans
l'entente Couture-Cuilen, plus le droit de faire, ici même au
Québec, la sélection des immigrants indépendants.
Je sais que des esprits chagrins nous reprocheront sans doute de n'avoir
pas demandé et, par conséquent, de n'avoir pas obtenu des
pouvoirs de sélection pour les cas de réfugiés
traités sur place. Il est vrai que nous n'avons pas demandé de
nouveaux pouvoirs concernant cette catégorie et je voudrais vous
expliquer pourquoi. J'espère que le chef de l'Opposition écoute,
parce qu'il semblait avoir certains problèmes de compréhension de
cet aspect du dossier cet après-midi. Les personnes qui demandent au
Canada le statut de réfugié voient leur demande
étudiée par le gouvernement fédéral. Au terme de
cette étude, le Canada reconnaît ou non le statut de
réfugié. Cette reconnaissance du statut de réfugié
ne peut être faite que par un État souverain, signataire de la
Convention de Genève et du protocole de New York. En ce sens, le
Québec ne peut reconnaître lui-même le statut de
réfugié. Cette reconnaissance étant accordée, il
serait odieux que l'on procède ensuite à une sélection.
Pourrait-on accepter que l'on retourne dans le pays qu'il a dû fuir un
réfugié reconnu au Canada par le gouvernement
fédéral? M. le Président, nous n'avons pas cherché
à obtenir de nouveaux pouvoirs en matière de sélection des
réfugiés au Québec. D'ailleurs, je voudrais rappeler
à cette commission que le gouvernement précédent n'a
jamais fait de demande en ce sens et même c'est le député
de Mercier qui adressait une lettre à Mme Flora MacDonaîd le 29
avril 1985 et qui disait: "Nous n'avons pas et nous n'avons jamais eu
l'intention de nous immiscer dans le processus formel de reconnaissance du
statut de réfugié."
Donc, premier gain: sélection sur place. Deuxième gain:
Nous avons maintenant l'assurance que nous pourrons accueillir un nombre
d'immigrants proportionnel à notre part de la population canadienne avec
droit de dépasser cette part de 5 %. Compte tenu des circonstances
démographiques qui sont les nôtres, ce gain est capital. Il nous
assure que l'immigration internationale à destination du Canada ne
servira pas à "minoriser" le Québec au sein de la
Fédération canadienne. Je voudrais vous rappeler que, si le
Québec reçoit 30 % d'immigration, il y en a 70 % pour le reste du
Canada. Les gains dont je viens de vous parler justifieraient à eux
seuls un appui enthousiaste à l'accord du lac Meech. Mais nos habiles
négociateurs ont réussi a aller plus loin et à obtenir
davantage. Pendant des années, le gouvernement précédent
avait tenté d'obtenir de nouveaux pouvoirs du gouvernement
fédéral en matière d'accueil, d'adaptation et
d'intégration. Nous, nous avons obtenu tous ces pouvoirs et en
même temps. Ces pouvoirs sont fort importants et j'en suis très
fière. Obtenir des pouvoirs plus importants en matière de
sélection, obtenir des assurances quant au niveau d'immigration, cela
est très bien, mais ce qui est encore mieux, c'est d'obtenir les moyens
et les pouvoirs de s'assurer qu'à l'avenir tous les ressortissants
étrangers qui viendront s'établir au Québec à titre
d'immigrants ou à titre de réfugiés s'intégreront
à la société québécoise et à sa
majorité francophone. Par les pouvoirs que
nous cède le gouvernement fédéral, nous pourrons
contrôler tous les mécanismes d'accueil, d'intégration et
de francisation des immigrants. Nous aurons enfin en main les moyens de nous
assurer que nos nouveaux concitoyens sauront s'intégrer avec
rapidité et avec harmonie à notre société. M. le
Président, dans le domaine de l'immigration, nous avons fait des gains
formidables.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, Mme la
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. Je cède
maintenant la parole à M. le député de Mercier.
M. Gérald Godin
M. Godin: Merci, monsieur. Depuis toujours le Québec
s'inquiète que son poids démographique au Canada ne diminue et
n'en fasse une minorité. Les Québécois savent que, si le
Québec passe sous la barre des 25 % de la population canadienne, les
conséquences seront lourdes de sens. Tout d'abord, une diminution du
nombre de sièges au Parlement fédéral mais, plus encore,
une diminution des paiements de transfert, c'est-à-dire des montants
d'argent que le gouvernement fédéral retourne au Québec
des millions récoltés sous forme de taxes ou d'impôts dans
la poche des Québécois.
Il faut se rappeler que le Manitoba était une province à
majorité française il y a un siècle. L'immigration a
permis à Ottawa, en une génération, d'en faire une
province à majorité anglaise. Le Québec n'a jamais
oublié une telle situation, aussi il a fondé, en 1968, le
ministère de l'Immigration pour justement que le Québec joue son
rôle et empêche l'immigration de nuire à sa
spécificité culturelle. Depuis lors, d'autres ententes ont
été signées entre le Québec et Ottawa pour culminer
avec l'entente Cullen-Couture qui donne au Québec le pouvoir de
sélectionner ses propres immigrants en vertu de ses critères
à lui.
Le texte du lac Meech change-t-il quoi que ce soit à la situation
actuelle? Il constitutionnalise l'entente Cullin-Couture, c'est bien sûr,
et, pour cela, bravo! Mais pour ce qui est du déficit
démographique du Québec, qui est le point le plus important,
qu'en est-il? Y a-t-il quelque chose de changé? Le gouvernement
prétend que oui, pour deux raisons. D'abord, le Québec aura droit
dorénavant à un pourcentage du quart du nombre total d'immigrants
qui viennent au Canada. De plus, le même texte prévoit que le
Québec pourra obtenir 5 % de plus que ce 25 % pour des raisons
démographiques.
Est-ce un gain? Si on s'en tient aux apparences, il semble y avoir un
gain. Mais la réalité est tout autre. En effet, comme le texte
accorde le même traitement à toutes les provinces, le gain est
annulé. Le texte du lac Meech, en accordant à toutes les
provinces les mêmes avantages, risque de nous mener non seulement
à l'absurde, mais au même danger que le qouvernement
prétend éviter. En effet, si chaque province se prévaut du
même 25 % plus 5 %, on arrive à une situation absurde au Canada,
puisque dix fois 5 % font 50 %, donc 150 % d'immigrants.
Là où nous quittons le comique pour entrer dans le
tragique c'est que ces 50 % seraient ainsi divisés: 45 % au Canada
anglais et 5 % au Québec. Donc, les dangers que l'entente veut
éviter ne sont pas du tout évités, au contraire. On
ajoute, dans l'entente éventuelle, une possibilité pour chaque
province et on ajoute un danger plus grand que celui qui existait
jusqu'à maintenant.
M. le Président, les chiffres comiques et leurs effets pervers
sur la société distincte que le texte prétend sauvegarder
attestent le caractère bâclé de la négociation.
Parce que c'est l'avenir du Québec, il faut donc regarder ces textes de
près et se rendre bien compte que les dangers futurs sont plus graves
que la situation actuelle. Il faut donc dénoncer l'entente et se rendre
compte qu'il s'agit là de poudre aux yeux. Ce texte est non seulement
vide de sens, mais il est porteur d'inquiétude. Le gouvernement n'a
d'autre recours que de maquiller les faits en espérant que la population
n'y verra que du feu. Mais, M. le Président, si on regarde ces textes de
près - et je pense qu'il faut que la population le fasse, nous sommes
ici pour l'y aider - il faut être contre une telle entente, malgré
les quelques pas qu'elle permet de faire en avant, parce qu'elle est porteuse
de plus de dangers que d'avantages au total. M. le Président, je vous
remercie.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le
député de Mercier. Est-ce qu'un représentant du groupe
ministériel veut prendre la parole?
M. Marx: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Filion): M. le ministre de la Justice, il
reste deux minutes à votre formation.
M. Marx: Oui, mais, M. le Président...
Le Président (M. Filion): La parole est au ministre de la
Justice.
M. Marx: Pour certains discours que j'ai entendus aujourd'hui,
cela aurait été trop, mais je pense que, si j'ai deux minutes, je
vais donner l'occasion à quelqu'un de l'Opposition de prendre mes deux
minutes.
Une voix: ...
M. Marx: Mes deux minutes. J'aimerais céder mes deux
minutes au député de Gouin, parce que je sais qu'il a des choses
très importantes à nous dire.
M. Rochefort: M. le Président, devant autant de
générosité, je suis ébahi.
M. Boulerice: II vous rend justice finalement.
Le Président (M. Filion): Est-ce qu'un autre
représentant du groupe ministériel désire épuiser
l'enveloppe de sa formation? Non. Donc, la parole est à M. le chef de
l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je puis
peut-être donner l'occasion au ministre de la Justice ou au ministre des
Affaires intergouvernementales...
M. Lefebvre: Je m'excuse, M. le chef de l'Opposition. On
utilisera le temps qu'il nous reste avec M. le ministre des Affaires
intergouvernementales qui terminera notre enveloppe de deux minutes.
Le Président (M. Filion): M. le ministre, à vous la
parole. M. le ministre des Affaires intergouvernementales.
M. Rémillard: Merci, M. le Président. Tout à
l'heure, on m'a posé une série de questions. J'en prends bonne
note et je puis dire que, pendant les travaux de cette commission, je pourrai y
répondre; de plus, des experts viendront témoigner devant cette
commission et je crois que ces questions pourront aussi leur être
posées. Je crois que nous allons répondre à ces questions.
Soit que j'y répondrai personnellement, soit que les experts pourront y
répondre, mais certainement que nous aurons l'occasion d'y revenir.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le
ministre. M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, puisque le ministre
est là et que mon collègue de Lac-Saint-Jean lui a posé un
certain nombre de questions, peut-être qu'il pourrait utiliser la minute
et trente qui lui reste ou à peu près pour essayer de
répondre à une de ces questions. La règle
d'interprétation de la société distincte va être
intégrée à la constitution. D'abord, est-ce que le texte
qu'on a devant nous est le texte juridique définitif?
M. Rémillard: Vous avez le texte de l'entente qui a
été conclue au lac Meech. Ce texte a été
discuté, analysé et le texte juridique sera très
semblable.
M. Johnson (Anjou): Oui, enfin on sait qu'avec des "très
semblable" on a fait dire bien des choses à la constitution canadienne.
Si je comprends bien, donc, on n'a pas le texte juridique définitif. Le
ministre dit qu'il y a là les principes, mais le texte ne sera pas
identique, il sera très semblable. Est-ce que le ministre pourrait nous
dire où ce texte va être situé à l'intérieur
du corps constitutionnel canadien? On a appris que ce n'était pas
à côté de "le Canada existe pour sauvegarder les
intérêts de l'Empire britannique" dans le préambule et je
dirais au ministre, incidemment, que jamais dans nos propositions
constitutionnelles on n'a dit que la reconnaissance du peuple distinct allait
dans le préambule. Je ne sais pas où il a pris cela. Je l'ai
entendu répéter cela ainsi que le premier ministre, mais ce n'est
pas vrai. Ce n'est pas dans les propositions constitutionnelles qu'on avait dit
que "reconnaissance du peuple québécois" devrait être dans
le préambule. On dit qu'il doit y avoir une reconnaissance du peuple
québécois et, deuxièmement, il faut qu'il y ait une
substance à cette reconnaissance concernant notamment le partage des
pouvoirs, les droits linguistiques, les droits en matière de droits
civils, la reconnaissance de nos compétences internationales et,
notamment, de tout le secteur de la main-d'oeuvre. Il n'y a rien de tout cela
dans l'entente du lac Meech.
Est-ce que le ministre pourrait nous dire si le texte sur la
société distincte va être intégré à la
charte canadienne et à quel article? Deuxièmement, cela va-t-il
avoir des conséquences, sur le plan juridique, seulement sur certains
aspects de la charte canadienne ou sur l'ensemble des aspects de la charte
canadienne? Et est-ce qu'il y aura, après la notion du Canada bilingue
de la première partie, une prépondérance de la
société distincte par rapport au caractère bilingue du
Canada?
Le Président (M. Filion): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, dans un premier
temps, je veux dire à l'Opposition que cette règle
d'interprétation qui consacre le Québec comme
société distincte aura une application pour l'ensemble de la
constitution. Donc, il est évident que cette règle ne se
retrouvera pas dans la charte mais se retrouvera dans un endroit
spécifique pour montrer que cette règle s'applique à
l'ensemble de la constitution canadienne. Où exactement cela pourra
s'appliquer, on pourra le voir un peu plus tard, mais ce que je peux dire ce
soir à l'Opposition c'est que cette règle sera inscrite dans la
constitution à un endroit où manifestement on verra que cette
règle s'applique à l'ensemble de la constitution canadienne.
M. Johnson (Anjou): Alors prenons
d'abord la règle elle-même, si le ministre me le permet. La
règle elle-même est formulée en deux temps. Le Canada est
un endroit bilingue, c'est une caractéristique fondamentale de la
fédération. Toutes les Législatures, y compris le
Québec, doivent s'engager à protéger cette dimension
fondamentale de la fédération. Deuxième-ment, le
Québec est une société distincte et le gouvernement du
Québec a comme rôle de promouvoir cela, ainsi que
l'Assemblée nationale. Pour lui, lequel des deux va l'emporter dans les
litiges? Oisons que le Québec décide de légiférer
en matière de câblodistribution au Québec. Pour savoir qui
va réglementer les câblodistributeurs qui amènent des
dizaines de postes de télévision aux gens, des postes de radio
dans bien des cas, est-ce que, d'après lui, la règle
d'interprétation s'appliquerait et deuxièmement, est-ce que
d'après lui, le caractère distinct du Québec l'emporterait
sur le fait que c'est bilingue dans le fond, la câblodistribution et que
cela devrait être fédéral? (21 h 45)
M. Rémillard: Dans un premier temps, je voudrais dire que
le principe de la dualité, c'est une simple reconnaissance de fait. Le
principe de la société distincte, c'est une base juridique
d'action pour protéger et pour promouvoir. Deuxièmement, en ce
qui regarde l'exemple que vous donnez sur la câblodistribution il est un
peu difficile parce que la câblodistribution est de compétence
fédérale. Elle a été donnée à la
juridiction du gouvernement fédéral. Prenez le cas de
Radio-Québec, par exemple, qui est un radiodiffuseur
québécois. Nous disons qu'il est de juridiction
québécoise. Je pense que votre spécialiste, à
l'arrière, vous le confirme.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Rémillard: C'est un eminent spécialiste, mon
collègue Brun. Cela a été décidé en
1978...
M. Johnson (Anjou); Oui, mais ce n'est pas dans la constitution.
On se comprend bien, c'est par un jugement de la Cour suprême.
M. Rémillard: Non, c'est dans la constitution.
Écoutez, il ne faut pas...
M. Johnson (Anjou): Parfait!
M. Rémillard: La câblodistribution - cela va vous
informer sur ce point - est de juridiction fédérale. Prenons
Radio-Québec. Je vais vous répondre. Regardez,
Radio-Québec est donc de juridiction provinciale. Si c'était
contesté, nous pourrions dire... Vous savez que certains disent que
Radio-Québec est de juridiction fédérale parce que c'est
de la radiodiffusion. La radiodiffusion est de compétence
fédérale. Nous, nous disons que c'est provincial parce que c'est
de l'éducation, que c'est de la culture. Avec une clause pareille,
lorsque le tribunal aura à interpréter une telle situation, le
tribunal pourrait se référer au fait que le Québec est une
société distincte et que le gouvernement et l'Assemblée
nationale ont le rôle de protéger et de promouvoir cette
distinction pour faire pencher la balance du côté du Québec
et confirmer la compétence du Québec sur Radio-Québec.
C'est un exemple particulièrement éloquent de l'application
possible de cette clause.
Est-ce que j'ai épuisé mon temps?
Le Président (M. Filion): Oui, depuis déjè
quelque temps.
M. Johnson (Anjou): Vous mangez notre temps là!
Le Président (M. Filion): Mais, comme on avait un
début d'échange, je comprenais que l'Opposition était
consentante à vous laisser parler encore un peu plus longtemps. Je
reconnais maintenant un autre intervenant du groupe de l'Opposition, M. le
député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Oui. M. le Président, c'est bien entendu
que, de par les responsabilités qui m'ont été
confiées, c'est le domaine culturel qui me préoccupe. Tout le
monde sait que la culture constitue l'outil d'expression
privilégié de notre spécificité en tant que peuple.
Quotidiennement, d'ailleurs, cette culture reflète, interprète,
exprime nos valeurs, nos préoccupations, nos aspirations, nos
façons d'être et notre sensibilité particulières. La
culture constitue un volet essentiel de notre qualité de vie. Elle
émerge d'ailleurs par l'intermédiaire de la diversité des
formes d'expression du secteur des arts. La seule présence ici d'une
langue, d'un peuple et d'institutions, dans un espace géographique
donné, témoignent de l'existence d'une spécificité
culturelle.
Dans le cas du Québec, cette spécificité est
accentuée par notre histoire et par le fait que nous sommes la seule
collectivité majoritairement francophone vivant et - je pourrais ajouter
- vivante en Amérique du Nord. Donc, le caractère français
de la société québécoise constitue la pierre
anqulaire de cette spécificité culturelle et de notre
personnalité nationale. Ce caractère s'exprime par le biais de
styles originaux, proprement québécois, qui ont
émergé d'ailleurs d'une façon tout à fait
extraordinaire aux confluents de deux grands courants de la civilisation
occidentale que sont l'Europe française et l'Amérique.
Donc, la culture est décidément une
mesure de la différence, de notre différence. Quand
j'entendais le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes commenter le projet d'accord constitutionnel
qu'était la proposition du gouvernement du Québec sous le Parti
québécois, document que j'endossais, je remarquais que, quand il
s'agissait de réaménagement des pouvoirs, nous dénoncions
bien l'utilisation sans limite que faisait le Parlement fédéral
de son pouvoir de dépenser, qui a donc dénaturé la
répartition des compétences codifiées dans la constitution
et qu'en matière d'éducation et de culture le gouvernement
fédéral a utilisé son pouvoir de dépenser en
érigeant des sociétés d'État et en versant des
subventions aux individus ou aux institutions, s'immisçant ainsi dans
des domaines caractéristiques de la spécificité
québécoise. Des réaménagements importants devaient,
selon nous, imposer des limites à ces interventions et, dans
l'immédiat, les versements aux individus ou aux institutions,
croyions-nous, ne devaient s'effectuer qu'après entente préalable
avec le gouvernement du Québec. En résumé, nous demandions
que le pouvoir fédéral de dépenser soit encadré de
telle manière que le versement de subventions conditionnelles aux
provinces soit assujetti au consentement d'une majorité d'entre elles,
que toute province non participante ait droit à une compensation et que
les versements de subventions aux individus, encore là, reçoivent
l'approbation du gouvernement du Québec.
Je regarde, par contre, l'accord non écrit, non
déposé, malgré les panneaux... Si ce ne sont pas des
"panneaux balcon", je ne sais pas comment on peut les appeler, et qui nous ont
été présentés cet après-midi. L'accord du
lac Meech stipule que le gouvernement fédéral doit accorder une
juste compensation à toute province qui ne participe pas à un
nouveau programme national à frais partagés dans un domaine de
compétence provinciale exclusive, si cette province met en oeuvre de son
propre chef une initiative ou un programme compatible avec les objectifs
nationaux.
Donc, en tant que porte-parole de l'Opposition en matière
culturelle, je vais être extrêmement déçu de cette
limitation très partielle, très réduite du pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral qui ne s'appliquera
qu'aux nouveaux programmes nationaux à frais partagés dans les
domaines de juridiction provinciale, incluant forcément le domaine de la
culture, de déplorer cette reconnaissance formelle du droit du
gouvernement fédéral d'intervention dans des champs de
compétence provinciale exclusive, comme l'éducation
également, en plus du domaine de la culture, une reconnaissance qui sera
désormais inscrite dans la constitution canadienne, et cette
consécration et institutionnalisation des interventions actuelles du
gouvernement fédéral dans le secteur de la culture. En utilisant
son pouvoir de dépenser, en multipliant les sociétés
d'État et en versant des subventions aux individus et aux institutions,
le gouvernement fédéral s'est immiscé progressivement dans
le domaine culturel, lequel est un enjeu majeur - et j'aimerais bien le
répéter - de la spécificité
québécoise. Concrètement, l'action du gouvernement
fédéral s'est traduite par la création notamment de
Téléfilm Canada, qui dispose d'un budget plus considérable
que celui de la Société générale du cinéma
du Québec. On connaît d'ailleurs la situation de l'industrie
cinématographique québécoise; j'en parlais à la
période de questions cet après-midi.
Au cours des deux dernières années, le présent
gouvernement fédéral a mis sur pied deux programmes d'aide dans
le secteur culturel: le programme d'aide au développement de
l'enregistrement sonore pour l'industrie du disque, avec un budqet de 25 000
000 $ sur cinq ans, qui a été lancé le 9 mai 1986. La
situation de l'industrie du disque francophone est particulièrement
différente quand on songe que 85 % de la consommation faite au
Québec provient des États-Unis. Le programme d'aide au
développement industriel de l'édition, pour le secteur du livre,
avec un budget de 13 000 000 $, programme lancé le 18 juin 1986, quand
on sait que là aussi 85 % des revues ou magazines viennent de
l'extérieur du Canada. 75 % du marché du livre et 71 % du
marché des périodiques sont sous le contrôle d'industries
culturelles étrangères au Québec. Ces programmes
fédéraux s'ajoutent aux divers programmes de subvention du
Conseil des arts du Canada. Donc, l'accord du lac Meech vient consacrer cette
intrusion du gouvernement fédéral dans le secteur de la culture.
Elle reconnaît le statu quo pour les programmes fédéraux
existants.
Je suis extrêmement déçu qu'on consacre dans la
constitution le droit du gouvernement fédéral de créer des
programmes dans des champs de compétence des provinces. La province qui
ne veut pas y participer devra prévoir des proqrammes compatibles avec
ceux du gouvernement fédéral. L'accord du lac Meech pourrait
laisser aux juges de la Cour suprême la possibilité de
décider ce qu'elle estime une juste compensation que doit verser Ottawa
à une province qui décide de se prévaloir du droit de
retrait. La Cour suprême définira en dernier ressort si les
programmes d'une province sont compatibles ou non avec les objectifs nationaux
canadiens du gouvernement central.
Nous sommes déçus que l'accord du lac Meech ne reconnaisse
pas à l'Assemblée nationale le droit exclusif de
légiférer sur toute matière linguistique, la langue
étant la
première mesure de notre culture.
On regrette également que l'accord du lac Meech n'accorde aucun
accroissement des pouvoirs du Québec dans le secteur des communications
qui revêt une importance particulière pour le Québec au
chapitre de la consolidation de la sécurité culturelle, si je
peux employer l'expression diluée que le premier ministre actuel
affectionne. Malgré la réplique que donnait tantôt tant
à Radio-Québec M. le ministre des Affaires intergouvernementales
canadiennes, on pourrait illustrer cela en se posant cette question: Est-ce que
l'accord du lac Meech proposé aujourd'hui nous permettra de
connaître à nouveau des exemples aussi tristes que celui de
CIBL-FM? Qu'adviendra-t-il de ce partage que vous préconisez de la
revendication du monde de la culture qu'est la création d'un conseil de
la radiotélévision canadien, mais francophone, puisque là
est notre identité et nos besoins sont également distincts et
spécifiques? L'accord constitutionnel du lac Meech - je dois de nouveau
employer l'expression - est un complot contre la culture
québécoise, M. le ministre. Je crois que vous entendrez des
interventions du monde de la culture qui viendront corroborer cette affirmation
que je vous fais. Merci.
M. Claude Filion
Le Président (M. Filion); Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Il reste environ quatre minutes à
un représentant du groupe de l'Opposition et je comprends que vous
accorderez ces quatre minutes au président.
Alors, au terme de cette première journée de travaux, il y
a certains commentaires qui me viennent à l'esprit. En ce qui concerne
le droit de veto, je pense que tout cela commence à se clarifier autant
dans le passé que dans l'avenir. Je ne crois pas qu'il reste beaucoup de
questions à se poser en ce qui concerne le droit de veto.
En ce qui concerne le pouvoir de dépenser du gouvernement
fédéral, je crois qu'objectivement les questions posées
par les députés de l'Opposition sont demeurées sans
réponse quant à l'envahissement des champs de compétence
provinciale par le gouvernement fédéral, par le biais de cette
reconnaissance explicite dans la constitution du pouvoir de dépenser,
et, également, quant au pouvoir par le gouvernement
fédéral de fixer des objectifs nationaux auxquels devront se
confronter les provinces qui désireront mettre sur pied leurs propres
programmes.
Quant à la Cour suprême du Canada, je ne crois pas non plus
qu'il y ait là matière à s'étendre. Cette pratique
existe déjà depuis plus de cent ans et elle est maintenant
constitutionnalisée mais il va sans dire qu'il y a quand même
certains problèmes dans la détermination des personnes qui
pourront être nommées par le gouvernement
fédéral.
En terminant, j'en veux surtout au caractère distinct du
Québec et je rejoins par là la presque totalité des
commentaires que nous avons recueillis dans les journaux et autour de la table
aujourd'hui. On fait du caractère bilingue du Canada une
caractéristique fondamentale de la constitution canadienne, mais on ne
fait pas du caractère distinct du Québec une des
caractéristiques fondamentales du Canada.
Deuxièmement, le Parlement québécois,
l'Assemblée nationale s'engage à protéger le
caractère bilingue du Canada, mais n'obtient qu'un rôle quand
vient le temps de protéger le caractère distinct de la
société québécoise. Également en
matière linguistique, force est, je pense, de conclure que rien de ce
que nous avons entendu aujourd'hui ne peut rassurer ceux qui désirent
que le Québec obtienne la pleine juridiction pour
légiférer en matière linguistique.
Ceci étant dit, j'invite tous les membres de la commission
à reprendre nos travaux demain, à 10 heures. Nous entendrons
successivement M. Gérald A. Beaudoin, à 11 h 30, Mme Solange
Chaput-Rolland et, à 16 h 30, M. Fernand Durnont.
Nos travaux sont donc ajournés à demain, 10 heures.
Merci.
(Fin de la séance à 21 h 58)