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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mardi 12 mai 1987 - Vol. 29 N° 54

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes relativement à l'entente constitutionnelle du lac Meech


Journal des débats

 

(Quinze heures vingt-six minutes)

Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous plaîtl Cette première séance de la commission des institutions est maintenant ouverte.

Avant d'entreprendre nos travaux, je vaudrais rendre publique une décision que j'ai prise en collaboration avec les représentants des deux groupes et qui concerne les médias autres que Radio-Québec ou les médias contractuellement obligés de retransmettre l'ensemble de nos débats à la population. En ce qui concerne ces autres médias, nous consentons évidemment à ce qu'ils puissent effectuer leur travail. Cependant, la limite que nous leur demandons de respecter est celle de ne pas gêner les parlementaires ou les témoins.

Je demanderais à notre secrétaire, Me Giguère, d'annoncer les remplacements pour notre séance.

La Secrétaire: Les remplacements sont les suivants: M. Després (Limoilou) est remplacé par M. Trudel (Bourget), M. Doyon (Louis-Hébert) par M. Cannon (La Peltrie), M. Kehoe (Chapleau) par Mme Pelchat (Vachon), M. Laporte (Sainte-Marie) par M. Lefebvre (Frontenac), M, Paré (Shefford) par M. Brassard (Lac-Saint-Jean) et M. Vallières (Richmond) par M. Séguin (Montmorency).

Le Président (M. Filion): Je vous remercie. Bienvenue à M. le premier ministre, bienvenue également au chef de l'Opposition officielle ainsi qu'à vous, mesdames et messieurs, membres de la commission.

Permettez-moi d'abord de situer le cadre dans lequel se dérouleront ces travaux de la commission des institutions. Le mandat que nous avons reçu de l'Assemblée nationale est à l'effet d'entendre les représentations de ses membres, de personnes et d'organismes relativement à l'entente intervenue le 30 avril 1987 au lac Meech concernant la constitution du Canada.

Une simple lecture du mandat de la commission est déjà fort éloquente quant à son importance. Individuellement et collectivement, notre mandat parlementaire prend ici tout son sens. En effet, pour les représentants du peuple que nous sommes, il est peu de tâches aussi fondamentales que celle de contribuer à la mise en place d'une entente constitutionnelle. Une constitution, est-il utile de le rappeler, regroupe les règles premières, les règles fondamentales, en vertu desquelles des individus acceptent de vivre ensemble. Indiscutablement, l'entente du lac Meech constitue un événement lourd de conséquences pour l'avenir du Québec.

Pour mener à bien ce mandat imposant, crucial, nous ne disposons malheureusement que de bien peu de temps. Selon l'ordre que nous avons reçu de l'Assemblée, nous pourrons consacrer au plus six journées de séance, soit environ 35 heures. À cette contrainte du temps, vient s'ajouter celle de l'absence de textes juridiques à la disposition des membres de la commission et de ses invités. Cette absence est d'autant plus déplorable que nous étudions ici une matière, en droit constitutionnel, qui est aussi complexe que conséquente. La collaboration de tous les parlementaires qui participeront à nos travaux est donc requise pour assumer notre mandat d'une façon minimale malgré cette double contrainte.

Puisque nos travaux sont télédiffusés, je voudrais indiquer au public quel est le rôle de notre commission. La commission des institutions est une commission parlementaire, c'est-à-dire qu'elle est créée par l'Assemblée nationale et composée exclusivement de députés. Dans le cadre du présent mandat, notre fonction première est donc l'information et la discussion. À cette fin, nous entendrons et interrogerons des personnes et des représentants d'organismes pour connaître leur opinion sur l'entente de principe résultant de la rencontre du lac Meech.

La première séance, celle d'aujourd'hui, sera réservée aux représentations des membres mêmes de la commission. Les séances subséquentes seront consacrées à l'audition des personnes ou organismes invités par la commission à la suite d'un aménagement entre les deux groupes parlementaires.

Par la suite, si la commission le juge à propos, elle pourra tenir une séance de travail non télédiffusée, selon nos règles, séance au cours de laquelle il lui sera loisible d'arrêter des observations, conclusions ou recommandations qu'elle adressera ensuite à l'Assemblée. Si tel était le cas, précisons que ces observations, conclusions au recommandations peuvent faire l'objet d'un débat à l'Assemblée.

Enfin, rappelons que la commission,

toujours selon l'ordre de l'Assemblée, va faire rapport au plus tard le mercredi 27 mai 1987. Ceci dit, je suis prêt à laisser la parole à M. le premier ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président.

Le Président (M. Filion): Oui, M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): Si le premier ministre me le permet, avant de lui permettre de faire un exposé que nous allons écouter avec beaucoup d'attention, j'aurais une ou deux questions à lui poser au sujet des textes. Comme vous venez vous-même de le souligner, M. le Président, il est quand même quelque peu paradoxal qu'on soit appelé ici à discuter d'un enjeu de droit constitutionnel alors qu'on n'a pas les textes définitifs.

Est-ce que le premier ministre pourrait nous offrir quelque garantie quant au fait que cette commission, les experts et le public soient saisis de textes juridiques plutôt que du communiqué du lac Meech?

M. Bourassa: M. le Président, d'abord, je voudrais vous souhaiter la bienvenue ainsi qu'aux membres de l'Assemblée nationale pour discuter de cette question très importante pour l'avenir du Québec. J'espère que cela se fera sur un ton positif et serein, comme celui que vient d'utiliser le chef de l'Opposition. Évidemment, il n'y a pas de face à face dans ces commissions parlementaires et cela favorise peut-être un dialogue plus fructueux.

Toutefois, je devrai lui répéter ce que je lui ai dit à l'Assemblée nationale, à savoir qu'au fil des jours nous essaierons de soumettre les textes juridiques. Je comprends sa préoccupation. Je l'avais dit la semaine dernière. C'est une préoccupation tout à fait légitime mais nous voulons pouvoir présenter des textes juridiques qui représentent véritablement l'esprit des conclusions et des principes résultant de la rencontre du lac Meech. Ce n'est certainement pas une question facile, comme je lui disais tantôt à l'Assemblée nationale, de rédiger des textes qui soient aussi étanches que possible sur des questions fondamentales pour l'avenir du Québec.

Je comprends sa préoccupation, dis-je,et je ne veux pas tourner le fer dans la plaie mais je veux dire qu'en 1981 on n'avait pas soumis à l'Assemblée nationale, avant de signer la formule qui consacrait l'égalité des provinces, M. le chef de l'Opposition s'en souvient sûrement, on en avait peut-être discuté au Conseil des ministres, mais on n'avait pas soumis à l'Assemblée nationale les textes qu'on avait signés par la suite au nom du Québec et qui ont consacré un recul important.

M. Johnson (Anjou): Si M. le premier ministre me le permet, j'espère que le ton qui sera utilisé ici sera le ton qui sied au genre de dossier dont on parle. Je suis sûr que lors de sa présence, dans la mesure où le premier ministre sera présent è nos travaux, il y verra.

J'aurais une autre question pour le premier ministre, toujours sur cette question des textes. Je concilie mal ce qu'il vient de me dire avec ce que je l'ai entendu dire hier, à la radio. Il disait à l'émission Agora, de CKVL, hier après-midi: "II nous faut des textes juridiques. Il nous faut des textes juridiques. C'est indécent si on n'a pas de textes juridiques." C'est la transcription de quelque chose que j'ai moi-même entendu à CKVL, hier. Le premier ministre évoquait lui-même qu'il avait affirmé à l'Assemblée nationale, la semaine dernière, qu'il était indécent de procéder si on n'avait pas de textes juridiques. Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire s'il a au moins une partie des textes? Certains textes? Des projets de textes? Est-ce qu'on a autre chose que l'entente de principe du lac Meech, avec des mots auxquels on peut faire dire n'importe quoi?

M. Bourassa: II est malheureux que je prenne en défaut le chef de l'Opposition sur des citations. Quand j'ai parlé de cette formule, je citais le député de Taillon qui disait à l'Assemblée nationale, la semaine dernière, qu'il était "indécent de ne pas avoir les textes juridiques." Je m'excuse mais je me fie, bien humblement, plus à ma mémoire de ce que j'ai prononcé qu'à celle de mon ami, le chef de l'Opposition. Je faisais référence aux propos du député de Taillon. Si le chef de l'Opposition s'en souvient bien, c'est le député de Taillon qui avait prononcé ces paroles, à ma surprise un peu, parce que je savais qu'il était pour présider la commission de l'Assemblée nationale, mais quand même.

Le Président (M. Filion): Je suis prêt à les répéter, M. le premier ministre, si l'on veut.

M. Bourassa: Non, mais je suis prêt à vous répondre ce que j'ai répondu la semaine dernière à l'Assemblée nationale. C'est que nous avons là des principes très clairs qui expriment d'une façon un peu plus éloquente les gains qu'a récupérés le Québec, des principes qui ont été commentés par les plus grands experts en cette matière. Quant aux textes juridiques, nous allons les soumettre au fil des jours. À la Chambre des communes hier, on a discuté de l'entente du lac Meech. On n'a pas discuté de cela avec les textes juridiques.

Alors, je crois que la position du gouvernement est tout à fait responsable et

raisonnable, à la lumière d'un précédent, dont je parlais tantôt, où l'on a signé des textes engageant l'avenir du Québec avant même de les soumettre à l'Assemblée nationale. Je crois que notre attitude, par rapport à ce qui s'est fait dans le passé récent, est autrement plus responsable pour l'avenir du Québec et devrait satisfaire, pour l'instant, l'Opposition. Je n'ai jamais dit de mon côté qu'il était indécent, j'ai dit qu'il était important que nous puissions obtenir les textes juridiques, surtout dans certains domaines. Dans le cas de la Cour suprême, je pense qu'on peut en discuter assez facilement - si le chef de l'Opposition me le permet - dans le cas de la formule d'amendement, également. Dans le cas de l'immigration, nous travaillons actuellement à une entente qui sera inscrite dans la constitution. Mais, dans certaines autres questions, c'est clair qu'il sera important, avant de porter un jugement définitif, d'avoir les textes juridiques.

M. Johnson (Anjou); M. le Président, je n'ai pas d'autres questions pour le premier ministre à ce moment-ci. Je le remercie de ne pas avoir répondu à mes questions. Je pense qu'il peut maintenant faire son exposé. Ensuite, je ferai le mien.

Exposés préliminaires

Le Président (M. Filion): J'invite M. le premier ministre à prendre la parole.

M. Robert Bourassa

M. Bourassa: J'essaierai, M. le Président, d'être le plus concis possible, de manière à pouvoir me garder un peu de temps pour répliquer à mon honorable ami, le chef de l'Opposition, d'autant plus que le ministre responsable, M. Rémillard, ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, fera un exposé très détaillé sur les cinq demandes du Québec.

M. le Président, je crois que, comme je le disais tantôt, c'est une séance, une réunion exceptionnellement importante. Cela reflète des débats que le Québec a accomplis pendant plusieurs décennies. On me permettra de Ies résumer brièvement. Qu'on se rappelle les luttes de M. Duplessis, de 1945 à 1959, pour maintenir les juridictions du Québec: luttes dans le domaine fiscal, luttes dans le domaine de l'éducation. Qu'on se rappelle également les luttes de M. Lesage, de 1960 à 1966, et les gains, sinon constitutionnels, du moins concrets que nous avions obtenus en raison d'un rapport de forces qui était à ce moment-là relativement favorable au Québec.

En 1964 toutefois, pour ce qui a trait à la formule Fulton-Favreau, formule générale d'amendement, à ce moment-là le gouverne- ment du Québec, en 1963 et 1964, avait finalement décidé de ne pas accepter cette formule qui ne donnait pas au Québec un droit de veto. Si mon souvenir est bon, si mon information est bonne, la formule Fulton-Favreau - je la mentionne parce qu'on va la retrouver dans des étapes éventuelles -se trouvait à exiger le concours des Législatures d'au moins les deux tiers des provinces et représentant au moins 50 % de la population canadienne. Cette formule-là n'avait pas été acceptée par le gouvernement libéral de M. Lesage.

Il y a eu par la suite une autre tentative d'entente constitutionnelle, en 1971, à Victoria. Le gouvernement du Québec faisait des propositions impliquant la formule d'amendement et impliquant également le pouvoir de dépenser dans certains secteurs de la sécurité sociale. Nous avions gaqné ou obtenu satisfaction pour ce qui a trait à la formule d'amendement. Le gouvernement du Québec, le gouvernement de l'Ontario, les provinces de l'Ouest et les provinces de l'Est, nous avions obtenu un veto régional, donc un veto pour le Québec. C'était un gain très important qui était offert au Québec par rapport à la formule Fulton-Favreau, puisqu'on avait là un droit de veto sur l'ensemble des amendements constitutionnels. Mais, comme le Québec n'avait pas obtenu satisfaction sur la question du pouvoir de dépenser, le gouvernement du Québec du temps a refusé à ce moment-là l'entente qui était proposée.

Il y a eu par la suite - j'en ai dit un mot tantôt - l'accord interprovincial pour des fins constitutionnelles, d'avril 1981. À ce moment-là, te gouvernement du Québec dont faisait partie, s'il me permet de le dire, le chef de l'Opposition, a consacré le principe de l'égalité des provinces en acceptant la formule 7-50, qui ressemble curieusement à la formule Fulton-Favreau et qui avait été rejetée en 1964 par un gouvernement libéral.

Ceci a changé le rapport de forces dans lequel se trouvait le Québec pour essayer d'obtenir un meilleur partage des pouvoirs et une plus grande protection. Le droit de veto sur les institutions fédérales n'était pas exigé. Alors que nous avions, dans l'offre de 1971, un droit de veto sur l'ensemble des institutions et des secteurs de compétence provinciale, en 1981, on abandonnait ce droit de veto pour une formule consacrant l'égalité des provinces. Il y a eu rapatriement unilatéral de la constitution, sans l'accord du Québec, qui a suivi, comme on s'en souvient.

En 1985, autre étape dans ce débat constitutionnel. Le qouvernement qui nous a précédé, avec le chef de l'Opposition comme responsable du dossier et, éventuellement, comme premier ministre, a présenté des propositions au gouvernement fédéral; 22 propositions sur différentes questions:

reconnaissance de l'existence du peuple québécois, dans le préambule - si ma mémoire est bonne, c'était demandé pour le préambule - responsabilité première du Québec en matière de droits et libertés, procédure de modification, réaménagement des pouvoirs, Cour suprême, etc. Toutefois, à ce moment-là, on a dit: Nous n'exigeons pas la solution des 22 demandes du Québec avant d'accepter l'entente constitutionnelle de 1981; nous exigeons par ailleurs que, dans le préambule, il y ait cette reconnaissance formelle du peuple québécois.

Finalement, les élections du 2 décembre 1985 ont amené un nouveau gouvernement, le gouvernement du Parti libéral que je dirige, qui, lui, a amorcé de nouveau une autre étape du débat constitutionnel, mais avec une stratégie différente. Au lieu de copier la stratégie du gouvernement précédent et de faire toute une série de demandes sans spécifier, sauf dans un cas, lesquelles étaient préalables à l'accord constitutionnel et celles qui pouvaient être discutées par la suite, le gouvernement du Parti libéral, en tenant compte du rapport de forces qui existait et qui existe aujourd'hui, en tenant compte du fait qu'en 1981 on avait reconnu le principe de l'égalité des provinces, a proposé cinq demandes, cinq conditions, en disant au reste du Canada: Pour nous, ces cinq conditions sont nécessaires pour l'accord du Québec à la constitution canadienne. Il n'est pas question de 22 ou de 23, mais de cinq, pas plus, pas moins. Nous avons d'autres demandes auxquelles référera sans doute le chef de l'Opposition, des demandes très légitimes dans d'autres secteurs. Mais nous croyons qu'avec ces cinq conditions nous serons justifiés d'accepter l'entente constitutionnelle.

Par la suite, nous avons eu une conférence interprovinciale à Edmonton. Cette conférence ne s'annonçait pas facile pour le Québec. Plusieurs premiers ministres avaient exprimé leur désaccord, avant le début de la conférence, sur le fait qu'on ne devait discuter que les cinq demandes du Québec. Plusieurs voulaient qu'on ajoute la question des pêcheries aux cinq demandes du Québec et la question de la réforme du Sénat, mais nous avons pu convaincre les neuf autres premiers ministres d'accepter la stratégie du Québec, de ne discuter d'abord que des cinq conditions et, après cela, de discuter d'autres questions. C'était un pas très très important pour favoriser l'avancement du dossier. (15 h 45)

Il y a quelques semaines, le gouvernement fédéral décidait de convoquer, sur la base des cinq conditions du Québec, une conférence au lac Meech, à la suite de plusieurs mois de négociations et de discussions entre les ministres responsables et, notamment, le ministre délégué aux

Affaires canadiennes et une équipe de fonctionnaires extrêmement compétents. Durant plusieurs mois et plusieurs mois, on a discuté avec nos collègues des autres provinces. Le gouvernement du Québec s'est présenté à cette conférence avec lucidité et sérénité en visant de faire un autre pas en avant vers la solution temporaire du problème constitutionnel - je dis temporaire parce que j'ai dit tantôt qu'il y aurait d'autres demandes et d'autres discussions par la suite, ou une deuxième ronde ou d'autres rondes de réforme constitutionnelle - quant aux choses à discuter, mais définitive quant à l'acceptation du Québec de l'entente constitutionnelle. C'est là que nous avons pu en venir à une entente de principe sur les cinq demandes du Québec touchant la société distincte, le droit de veto, la Cour suprême, la question de l'immigration et du pouvoir de dépenser. Comme je le disais tantôt, M. le Président, je n'ai pas l'intention d'expliciter très longtemps sur chacun de ces points. Cette tâche sera faite sûrement avec beaucoup de compétence et d'expérience par le ministre délégué aux Affaires canadiennes.

Dans le cas de la société distincte, on me permettra simplement de mettre en relief les gains qui ont été faits par le Québec. En effet, il n'est plus question de préambule. On accepte que le Québec soit reconnu comme société distincte. C'est la première fois depuis le début de la Confédération. On accepte que le Québec soit reconnu comme société distincte dans la constitution canadienne. On ajoute également que c'est son rôle de promouvoir et de préserver le caractère distinct du Québec. Je crois que ceci est très important. C'est dans la constitution canadienne. C'est très conséquent et cela nous permet, sur le plan de la sécurité culturelle, de faire un gain très appréciable et très impartant pour notre avenir. S'ajoute à cela, dans le domaine de l'immigration, une application concrète, si on peut dire, de cette sécurité culturelle alors qu'on accepte en totalité et même un peu plus les demandes du Québec dans le domaine de l'immigration.

En ce qui a trait à la Cour suprême, nous demandions d'être consulté et non seulement informé pour la nomination des juges à la Cour suprême étant donné que celle-ci a pour responsabilité d'interpréter la constitution et qu'il paraissait logiquement difficile à défendre que les membres du tribunal le plus haut, le tribunal qui interprète la constitution, le plus élevé du pays, soient uniquement nommés par un seul des deux niveaux de pouvoir. Donc, nous avons obtenu le pouvoir de présenter une liste de juges ou de membres potentiels de la Cour suprême, liste présentée par le gouvernement du Québec. Là aussi, c'était un gain très net et un gain qui exprime clairement le rôle du gouvernement du Québec

dans la nomination des juges de la Cour suprême.

En ce qui a trait au droit de veto, c'était évidemment une question très importante pour le Québec. Comment récupérer le droit de veto que nous avions abandonné en acceptant la formule 7-50, une formule qui avait déjà été refusée en 1964 en bonne partie? Nous avions deux options: la formule de Victoria, qui était notre première option dans une optique canadienne. Dans cette optique, nous préférions la formule de Victoria qui nous donnait un droit absolu de veto dans l'ensemble des juridictions et sur les institutions fédérales. Mais cela n'était pas forcément facile, étant donné l'abandon qui avait été fait il y a six ans, de récupérer cette formule de Victoria. Nous avons donc opté pour la deuxième option qu'on retrouve dans Maîtriser l'avenir, qui nous donne un droit de veto juridique ou pratique et qui, sur le plan québécois, satisfait les demandes du Québec. Même si on avait préféré l'autre formule, nous avons dû admettre que cette formule, étant donné le principe de l'égalité des provinces qui avait été accepté en 1981 par le Québec, était plus difficile à obtenir. Donc, nous obtenons un droit de veto sur les institutions fédérales. Nous n'avions pas ce droit de veto sur les institutions fédérales. Nous n'avions pas de droit de veto sur le Sénat, sur la représentation proportionnelle à la Chambre des communes et en ce qui a trait à la Cour suprême. Nous n'avions pas de droit de veto sur l'addition de nouvelles provinces. Mais quand on examine cela froidement, sans un iota de partisanerie, on ne peut pas concevoir un seul instant qu'on ait accepté déjà dans un passé récent au Québec d'abandonner un droit de veto sur des institutions qui peuvent tellement affecter le partage des pouvoirs. Nous avons obtenu maintenant ce droit de veto en ce qui a trait au Sénat, où nous avons 25 % des membres. Donc, il sera dorénavant impossible sans l'accord du Québec, de changer la structure du Sénat; un droit de veto. En plus, comme je le disais, "tongue in cheek", si ]e peux le dire au chef de l'Opposition, nous avons obtenu le pouvoir de nommer les sénateurs en présentant des listes.

Dans le cas de la Cour suprême, nous obtenons 33,3 %, trois juges sur neuf, alors que nous sommes 25 % de la population. Cela aussi, c'est un gain qui durera tant que le Québec ne voudra pas qu'il soit modifié. Quant aux nouvelles provinces, je n'ai pas à expliciter longtemps les risques que pourraient comporter, dans le partage de la richesse collective au Québec, l'addition de nouvelles provinces dans des régions, notamment, où les richesses naturelles peuvent prendre une ampleur extraordinaire. Donc, c'est un gain on ne peut plus important pour l'avenir du Québec de récupérer ce droit de veto sur les institutions qu'on n'avait pas. Il y a également le droit de dire non, comme je le disais à l'Assemblée nationale, dans les amendements qui pourraient être apportés à la constitution canadienne et sur lesquels le Québec ne serait pas d'accord. C'est une formule dont nous parlons dans Maîtriser l'avenir et qui était proposée dans les propositions d'accord constitutionnel du gouvernement précédent.

Donc, voilà pour cette question de la protection institutionnelle du Québec et la protection de ces juridictions. Il restait le pouvoir de dépenser.

Dans le pouvoir de dépenser, sujet de débat depuis un très grand nombre d'années au Québec et constamment, à toutes fins utiles, mais certainement depuis au moins 40 ans, nous avons réussi à obtenir une première contrainte constitutionnelle. C'est la première fois dans l'histoire du Québec depuis le début de la constitution que le Québec obtient de ses partenaires une contrainte constitutionnelle au pouvoir de dépenser. Je sais que cela ne satisfait pas le chef de l'Opposition, malgré tous les autres gains, et je ne suis pas surpris, à vrai dire, de son insatisfaction. Mais ce que je peux lui dire, c'est qu'il y a quand même ce pouvoir constitutionnel qui est inscrit dans la constitution et qui se trouve à nous protéger pour l'avenir.

Nous parlions à l'Assemblée nationale tantôt de tous les programmes existants, des décisions du gouvernement fédéral dans les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt. On doit quand même constater, M. le Président, que souvent les gains ou les reculs du Québec en matière de pouvoir de dépenser étaient reliés à un rapport de forces. Nous avons pu obtenir des gains appréciables avec le retrait durant les années soixante. Le Québec à ce moment-là était dans un rapport de forces favorable. À la fin des années soixante-dix, on est obligés d'admettre qu'il y a eu plusieurs reculs du Québec. Le rapport de forces à ce moment-là lui était défavorable et nous obtenons maintenant, dans un nouveau rapport de forces qui nous paraît favorable, cette première contrainte constitutionnelle dans le pouvoir de dépenser.

Nous aurons donc l'occasion, au cours des prochains jours... Je crois quand même que ces six jours où nous pourrons entendre des experts ou des représentants d'associations constituent une période raisonnable. En 1981, je crois que la durée avait été de sept jours pour discuter d'une question constitutionnelle. Alors, je ne crois pas qu'on puisse accuser le gouvernement de ne pas permettre à ceux qui sont intéressés à cette question vitale de pouvoir exprimer leur point de vue. Nous aurons, au cours des

prochains jours, l'occasion de développer ces différents points. Je dois vous dire que la décision de principe que le gouvernement a prise et qui sera entérinée au cours d'une conférence qui se tiendra dans quelques jours est peut-être la plus importante décision que nous avons eu à prendre depuis notre retour au pouvoir. Nous devions évaluer l'impact de cette décision sur le présent et sur l'avenir.

Actuellement, le Québec dispose d'une force économique et d'une force sociale qui font que nous sommes peut-être l'une des sociétés les plus dynamiques en Occident. Nous avons pu faire, élaborer et réaliser - si je puis dire - ce dynamisme, et ce progrès avec les pouvoirs que nous possédions. Nous obtenons maintenant des pouvoirs additionnels. On peut toujours dire: Le gouvernement du Québec aurait pu obtenir plus. Mais il y avait aussi le risque de perdre cette chance très importante d'obtenir, pour le Québec, des pouvoirs on ne peut plus vitaux pour son avenin récupération du droit de veto, notamment; inscription du Québec comme société distincte dans la constitution elle-même et non pas dans le préambule; la question de l'immigration qui s'ajoute à la sécurité culturelle; la question de la Cour suprême; la première limitation au pouvoir de dépenser. Nous aurions pu prendre le risque d'attendre pour aller chercher des pouvoirs additionnels, mais il y avait aussi le risque de laisser passer une chance historique.

Il y a quelques mois, j'entendais, j'écoutais et je lisais des reproches qui m'étaient faits sur 1971. Je me souviens d'une déclaration de M. Claude Morin notamment, qui disait: En 1971, si on avait su, on aurait dû accepter ce droit de veto régional qu'on a perdu depuis. Je veux éviter qu'on puisse me faire le même reproche dans quelques mois ou dans quelques années, alors que rien ne nous garantit que nous aurions un rapport de forces plus favorable au Québec que celui que nous avons actuellement, alors qu'il y a un engagement très net, formel et - je dirais même - solennel du premier ministre du Canada de régler ce problème constitutionnel pour le Québec, alors qu'il y a plusieurs autres premiers ministres, plusieurs partenaires du Québec qui, au départ, sont favorables à l'acceptation du Québec dans l'entente constitutionnelle en fonction des cinq demandes du Québec. Au stade actuel, nous devons prendre des décisions à la lumière des informations que nous avons. Il n'y a aucune espèce de garantie, loin de là, que nous pourrons trouver un autre moment, dans notre histoire, où le Québec pourra, à la fois, bénéficier d'un rapport de forces aussi favorable et, en même temps, obtenir des gains aussi appréciables.

M. le Président, je terminerai en faisant une citation du cardinal de Retz qui disait, dans un de ses volumes: "II n'y a rien dans le monde qui n'ait son moment décisif, et le chef-d'oeuvre de la bonne conduite est de connaître et de prendre ce moment." Alors, le gouvernement du Québec a décidé d'assumer ses responsabilités en permettant au Québec d'accepter l'entente constitutionnelle et, ce faisant, il faut des gains qui consolident sa sécurité culturelle et son râle dans la Fédération canadienne.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le premier ministre. J'inviterais maintenant le chef de l'Opposition à prendre la parole. (16 heures)

M. Pierre Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): Merci, M. le Président. Je remercie le premier ministre de son exposé. Je pense qu'il nous a fait savoir qu'il ne serait pas présent à l'ensemble des travaux de cette commission, pour les raisons que, comme chef de l'Exécutif, il est appelé aussi è d'autres fonctions. Je souhaite cependant qu'il soit là dans des moments importants où il sera question d'aller au fond des choses, puisque c'est le fond des choses qu'il a entre les mains en ce moment comme premier ministre du Québec.

Je comprends que les gens ne parlent pas de constitution tous les jours. C'est associé en général à des histoires d'avocats, pour ne pas dire d'avocasseries; c'est beaucoup associé dans l'esprit des Québécois, à cause de toutes sortes de raisons historiques auxquelles mon parti a même participé, à des chicanes. Bref, les gens ont tendance à dire: On veut la paix autour de ça. La question est: La paix, mais à quel prix? Quelle paix et à quel prix?

Ce qui me frappe dans les propos du premier ministre - et ce qui m'a frappé depuis trois semaines dans son attitude dans ce dossier et dans l'attitude de son ministre responsable - c'est ce retour constant au passé plutôt qu'à l'avenir et cela m'inquiète. Cela m'inquiète parce qu'il n'y a pas de souffle là-dedans. On va régler l'avenir du Québec; on va régler la place du Québec; on va régler sur la base de la force du Québec, un peu comme on règle un problème d'état financier, en milieu de mandat, par des crédits additionnels. C'est bien plus que ça qui est en cause. Pourquoi? Parce que la constitution, c'est important. C'est important pour les citoyens. C'est du droit fondamental plaidé tous les jours devant les tribunaux. C'est important parce que, quand on parle de constitution au Québec, on parle d'une question, pour ne pas dire d'un problème, qui existe depuis des années, que sont la place et la farce du Québec dans ce pays qu'est le Canada ou avec ce pays qu'est le Canada ou sur ce continent qu'est l'Amérique. C'est

donc important, la constitution. Mais je trouve qu'elle est traitée à la légère en ce moment.

Je ne mets pas en doute l'habileté ou les ruses de Sioux ou de renard pour lesquelles le premier ministre est reconnu. Je mets en doute le sérieux, la substance, la profondeur, la force qu'il y a derrière cela et l'incertitude qui, pour moi, découle de cet accord - de ce projet d'accord - et qui va peser sur nous longtemps.

Le premier ministre peut bien dire qu'il y aura une deuxième ronde où on va revoir toutes les affaires que le chef de l'Opposition voulait quand il était ministre responsable du dossier; et il fait allusion à 1985 quand j'assumais au gouvernement, avec le premier ministre d'alors, la responsabilité de ce dossier. Il réfère aux demandes dites traditionnelles du Québec ou ajustées du Québec tenant compte de la réalité des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix plutôt que de celles des années soixante et soixante-dix et tenant compte aussi, oui, du résultat référendaire et de la position dans laquelle il a placé le peuple québécois. Mais je regarde l'accord du lac Meech et on parle de la deuxième ronde.

Qu'est-ce qu'on dit de la deuxième ronde dans l'accord du lac Meech, sous l'expression "second round"? On dit, dans la deuxième ronde, qu'on va parler du Sénat, des pouvoirs, des fonctions et des rôles des sénateurs, de la répartition des sièges au Sénat et du rôle et des responsabilités en matière de pêche. Ça, c'était pour faire plaisir à Brian Peckford, c'est évident. Cela saute aux yeux. C'est classique. Il ne faut pas connaître la politique canadienne depuis bien longtemps pour ne pas comprendre cela, hein? "Toute autre question dont on aura convenu". C'est l'affaire standard, "standard in the federation". "Toute autre question dont on aura convenu", vous retrouvez cela sur tous les ordres du jour de toutes les conférences fédérales-provinciales, même en ce qui concerne les premiers ministres depuis 25 ans au Canada. On se comprend bien, la deuxième ronde dont parle le premier ministre, c'est la réforme du Sénat et les affaires de Brian Peckford à Terre-Neuve. Ce ne sont pas les pouvoirs du Québec. Ce n'est pas le partage des pouvoirs, contrairement à ce qu'on laisse entendre.

Le processus est caractérisé par, je dirais, beaucoup d'improvisation, beaucoup de précipitation et du secret. D'abord, la préparation du lac Meech. Or, je ne mets pas en doute la compétence et le dévouement remarquables des hauts fonctionnaires de ce ministère que j'ai déjà dirigé. Je les connais; je les vois ici. Ils savent le respect que j'ai pour leur talent et leur dévouement. Le problème, je pense, est que le rôle d'un haut fonctionnaire, qu'il soit sous-ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, ancien secrétaire général du gouvernement, sous-ministre adjoint de la justice, c'est d'exécuter des mandats. Le problème, c'est que le mandat n'est pas fort. C'est le premier ministre qui donne les mandats. Les fonctionnaires ne sont pas là pour inventer les mandats, ils sont là pour exécuter les mandats du premier ministre. Le problème, c'est que le mandat qu'il leur donne n'est pas fort. J'ai demandé pendant des mois - pendant des mois - à tous les quinze jours à l'Assemblée nationale: Où vous en allez-vous dans le dossier constitutionnel? Quelles sont les orientations du Québec? Avez-vous un document? Et on me renvoyait tantôt au programme du Parti libéral, tantôt à Maîtriser l'avenir, tantôt à un écrit du professeur Rémillard qui est maintenant nouveau ministre dans le dossier, tantôt à ce qu'avait pu en dire un jour Claude Ryan en tant qu'éditorialiste avant d'être ministre, mais il n'y avait pas dix, douze, quinze pages claires - claires! - qui répondraient peut-être à cette éternelle question - n'est-ce pas? - qui vient et qui reviendra, M. le premier ministre, "What does Quebec want?"

Le problème, c'est que "I think you don't know!" C'est cela qui m'inquiète parce que vous avez réglé pour peu. Vous n'avez pas mis les vrais enjeux sur la table. On vous les a demandés pendant un an et demi. Vous êtes parti au lac Meech dans un contexte d'improvisation. On se demande, après la période de questions d'aujourd'hui, si vous aviez les textes juridiques sur le pouvoir de dépenser qui est si important, si vous saviez exactement ce que vous vouliez aller chercher. Je ne vous dis pas que vous auriez tout obtenu. Le lot du Québec sera toujours de ne pas obtenir totalement ce qu'il recherche et, surtout, quand il ne s'appuiera pas sur la légitimité populaire pour le faire. Et c'est clair que tout gouvernement du Québec qui s'imagine que, dans la Fédération canadienne, il va aller en chercher plus pour notre peuple sera toujours aux prises avec des situations difficiles. Mais encore plus s'il ne s'appuie pas sur un mandat populaire. Cela va être encore plus fragile. Et vous n'avez pas de mandat là-dessus.

Précipitation parce que le ministre responsable du dossier nous a expliqué il y a quelques semaines: Vous savez, au lac Meech, on s'en va juste voir. C'était cela, la théorie officielle du ministre responsable du dossier. Au lac Meech, on s'en va voir! Ils veulent nous avoir dedans. On s'en va les écouter. Le problème est qu'ils se sont rendus au lac Meech un certain jeudi, il faisait beau, et le monde à Toronto se disait: Québec n'a jamais demandé si peu pour régler. L'Ouest s'est aperçu que le Québec avait un droit de veto sur le Sénat parce qu'existait antérieurement le droit de veto, non pas en vertu de l'accord de 1981, non pas en vertu

de l'accord actuel, mais en vertu de 1867. Parce que le nombre de sénateurs au Sénat canadien et la place du Québec au Sénat canadien sont prévus depuis bien longtemps, depuis plus d'un siècle. On avait donc, en pratique, un droit de veto sur la réforme du Sénat. Vous vous en alliez au lac Meech pour voir, disiez-vous. Vous êtes revenus de là et vous aviez signé la promesse de vente.

Cela fait deux semaines qu'on vous demande quel est le texte du contrat de vente et nous ne sommes même pas capables de l'obtenir. C'est préoccupant pour la maison québécoise. On ne peut pas non plus obtenir de vous, avec certitude, ce que vous défendez sur un certain nombre de choses fondamentales, notamment autour du pouvoir de dépenser et de ce que signifie la société distincte. Tout cela a été entouré de secrets, de diplomatie discrète, la diplomatie la plus dangereuse parce que les enjeux ne sont pas clairs. La diplomatie discrète est toujours efficace de façon conjoncturelle, mais sur les enjeux fondamentaux, c'est celle qui est la plus grande source de confusion. Et c'est souvent à cause de la diplomatie discrète qu'il y a eu des guerres. Je trouve que le problème, c'est que le premier ministre n'a pas mis les enjeux sur la table, sinon par rapport à cette dimension tellement limitative autour du pouvoir de dépenser. Sur le contenu, c'est un mauvais exercice du droit du peuple québécois à s'autodéterminer que vous êtes en train de faire dans un contexte de précipitation.

Faisons le tour un peu de ce qu'il y a et de ce qu'il y a et de ce qu'il n'y a pas dans cette entente. Le droit de veto. Quelques remarques au premier ministre, il me les permettra. Il dit: On a maintenant le droit de veto sur le Sénat. Oui, on l'avait déjà à cause de 1867, opinion de M. Tassé, sous-ministre de la Justice au fédéral. Ce ne sont quand même pas des "pinottes". En général, d'ailleurs, ce sont eux qui l'emportent en Cour suprême. Cour suprême, Chambre des communes, institutions centrales.

Le Québec s'est fait dire par la Cour suprême un jour; Vous n'aviez pas de droit de veto. Vous avez de fait exercé politiquement un veto dans la Fédération canadienne, mais vous n'aviez pas de droit de veto. C'est la Cour suprême qui nous a dit cela en 1982. Il faut le rappeler.

Le premier ministre dit: On est allé le chercher quant aux institutions centrales. Très bien! Mais vous savez, le système de la proportionnelle à la Chambre des communes, je pense que ce n'est pas pour demain matin. En ce qui concerne la réforme du Sénat, cela m'étonnerait, même si les gens s'agitent comme des poissons dans un bocal. La réforme de la Cour suprême, on ne peut pas l'anticiper à court terme non plus.

Alors, vous avez obtenu quoi? Un droit de stationnement sur la lune à l'occasion du deuxième centre commercial qu'on y construira. Bon! Mais disons que je reconnais que le droit de veto sur les institutions centrales est là. Mais sur le reste, ce n'est pas le droit de veto, par exemple, contrairement à l'ambiguïté persistante du discours du premier ministre qui manipule ces choses avec une habileté consommée mais qui, dans les choses fondamentales, devrait faire plus attention.

Le premier ministre sait comme moi qu'en dépit des dérobades qu'il a tentées pendant la période de questions, ce qu'il a obtenu sur le reste de la constitution canadienne, ce n'est pas le droit de veto, c'est le droit de retrait avec compensation qui, en soi, est une formule discutable, potable peut-être. Mais ce n'est pas le droit de veto, contrairement à ce que disait le programme du Parti libéral, contrairement à ce que disait dans ses discours enflammés le député de Jean-Talon, l'actuel ministre responsable du dossier et contrairement à ce qu'a affirmé le premier ministre si longtemps. Il va me citer des extraits de Maîtriser l'avenir du Parti libéral. Oui, mais on dit tout dans Maîtriser l'avenir. On dit une chose à la page 57 et quelque chose de différent à la page 58. Alors, je me suis dit que le mandat que le premier ministre est allé chercher, il ne peut pas être allé le chercher sur tout, y compris des choses contradictoires. Il a dû aller le chercher sur quelque chose. Alors, je suis allé voir dans les documents du Parti libéral et les documents du conseil général du Parti libéral de 1985. C'est cela, votre programme électoral. C'était inscrit: droit de veto sur tout. Ce n'est pas pour cela que vous avez réglé. Vous ne parliez pas de droit de retrait avec compensation à votre conseil qénéral, article 29.18.1 ou 28.19.1, je ne sais plus. En tout cas, vous allez vous y retrouver, je l'espère.

Cour suprême. Eh! II faut se comprendre, là. Écoutez, ce n'est pas la fin du monde. On s'entend sur la composition du nombre de juges. En ce moment, le Québec n'a rien gagné. Depuis 1875, M. le premier ministre, depuis plus de 100 ans, le Québec a droit à un tiers de la Cour suprême. Le Québec a trois juges en ce moment: le juge Lamer, le juge Beetz et maintenant le juge L'Heureux-Dubé, anciennement de la Cour d'appel, qui sont maintenant les trois juges de la Cour suprême du Canada, sur neuf, qui viennent du Québec. Il faut s'entendre, là. Cela ne sera plus dans le texte de la Cour suprême du Canada qui, entre vous et moi, n'est pas changeable facilement au Canada. Voyez-vous le tollé ici, dans le Barreau québécois, chez tous ceux qui aspirent à être juges de la Cour suprême; et c'est fondamental dans l'évolution de la fédération, même d'un point de vue pancanadien, même

d'un point de vue fédéraliste.

Donc, vous n'avez rien gagné. Vous avez gagné la transposition de ce texte de la loi de 1875 dans la constitution actuelle du Canada. Je dois vous dire que; heureusement, ce n'est pas dans le préambule, parce que le préambule de la constitution du Canada, dit que le devoir du Canada c'est de protéger les intérêts de l'empire britannique. Il ne faudrait quand même pas que cela soit là! (16 h 15)

Ah! Je ne disconviens pas avec le premier ministre qu'il a gagné sur une chose, c'est dans te cas de la Cour suprême. Maintenant, il va pouvoir fournir une liste chaque fois qu'un juge de la Cour suprême venant du Québec prendra sa retraite ou qu'il y aura un poste vacant, un des trois postes vacant. J'attirerais son attention sur deux petites difficultés dans cela. La première, c'est que dans l'entente du lac Meech, on parle de gens venant du Barreau civil. On peut très bien pratiquer le droit au Nouveau-Brunswick ou en Ontario et être membre du Barreau civil du Québec. Est-ce que le texte va dire qu'un avocat résidant en Ontario ou au Nouveau-Brunswick peut être considérer comme un des juges? Bon! Cela, on le verra quand on aura les textes. Mais j'espère que non. J'espère que cela veut dire des juges ou des avocats pratiquant au Québec, membres du Barreau du Québec et non pas des juges, avocats pratiquant en Ontario ou au Nouveau-Brunswick ayant pu être membres du Barreau parce qu'ils ont fait, un jour, du droit civil à l'Université McGill ou à l'Université de Montréal. Deuxième problème, c'est que le texte du lac Meech - à ce sujet-là, bonne chance dans la formulation! - dit que le premier ministre du Québec, éventuellement, fera une liste chaque fois qu'il y aura une vacance. Le ministre de la Justice du gouvernement fédéral va nommer une personne dont la candidature lui agrée dans cette liste. Par exemple, pour remplacer un juge à court terme, vous feriez une liste avec deux noms, M. Trudeau et M. Chrétien. Vous demanderiez à M. Mulroney de nommer l'un des deux juges de la Cour suprême, je ne sais pas comment vous allez régler le problème, comme cela lui agrée. On verra quand on aura les textes. On n'a pas les textes.

L'immigration. Essentiellement, c'est l'entente Cullen-Couture qui existe depuis dix ans, 1977. Je fais ici un rappel pour ceux qui ne s'en souviendraient pas. L'immigration relève et du Québec et du fédéral depuis 1867. L'immigration est une juridiction mixte, concurrente. Il y a des gens qui s'imaginent qu'on n'a jamais rien à dire dans l'immigration. Ce n'est pas vrai. Cela fait un bon bout de temps qu'on a quelque chose à dire dans l'immigration. C'est vrai que cela n'a jamais été facile de régler ces problèmes. Il y a des impératifs, au niveau canadien de la sécurité nationale de la mobilité des personnes des règles, des contrats, des ententes internationales, des accords de Genève, etc.; c'est très complexe. On a assis notre juridiction en immigration. Il ne faut quand même pas dire que c'est une invention. On a l'entente Cullen-Couture qui va dans la constitution. En soi, ce n'est pas si mal. Cela pose des gros problèmes juridiques, par exemple. On va voir. La personne qui est réfugiée, qui descend à Mirabel, elle est écrite dans la constitution: réfugiée en demande de statut. Je dois vous dire que je ne suis pas sûr qu'on va vite régler le problème des réfugiés avec cela, mais on va faire faire de l'argent à bien des avocats. Mais c'est là pareil. Je ne disconviens pas non plus, sur la question de l'immigration, qu'il y a quelques services fédéraux quant à l'accueil, la réception, qui sont transférés au Québec. Je ne sais pas, moi. Cela va coûter de 4 000 000 $ à 5 000 000 $, les fonctionnaires fédéraux qui vont passer sous la juridiction québécoise. Il y a là des choses étonnantes. Par exemple, on dit, à propos du caractère spécifique du Québec en matière d'immigration, que le Québec va pouvoir avoir une part d'immigration qui correspond à son prorata de la population canadienne, disons 25 % en gros, pour arrondir cela. Le Québec aurait droit à 5 % de plus. Cela pourrait être dans l'entente qui va être convenue avec le fédéral et qu'on va mettre ensuite dans la constitution. On donne le même droit à toutes les provinces. "So much" pour la société distincte! Les ententes de cette nature peuvent être conclues avec toutes les provinces. On pourrait arriver à une drôle de situation. Si on additionne les droits des provinces en matière d'immigration, elles ont droit à 150 % de l'immigration totale d'une année au Canada. "So much" pour la société distincte! On a un problème. On regarde les textes, c'est ce que cela dit. Il manque des textes. Si on avait les textes, peut-être qu'on comprendrait un peu mieux.

Le pouvoir de dépenser. Qu'est-ce que le pouvoir de dépenser? Le pouvoir de dépenser, c'est ce qui permet à l'État fédéral, depuis des temps immémoriaux, en vertu de la jurisprudence, de décider de s'occuper des affaires qui touchent les provinces. Pourquoi? Parce que le fédéral taxe, parce que les députés, quand ils arrivent à Ottawa, ils ont le goût de faire quelque chose, parce qu'ils ont le goût de s'occuper de toutes sortes de choses. C'est là que le Québec, comme peuple différent, comme société distincte - pour prendre l'expression du premier ministre - voit toute la dilution de ce qu'il est. Quand les députés au fédéral, venant de toutes les provinces du Canada où nous sommes minoritaires dans le Parlement fédéral, décident de s'occuper de

choses qui touchent à l'éducation, aux affaires sociales, à la culture, à l'environnement, ils taxent l'ensemble des citoyens et mettent des services fédéraux dans des domaines de juridiction provinciale. C'est cela, le pouvoir de dépenser. Quelle est la conséquence de cela? Sûrement qu'au Canada cela a donné le système de santé. Je dois dire que probablement un des grands acquis des deux peuples du Canada - pas le peuple canadien - dont le peuple québécois, c'est sans doute de vivre dans une société qui, sur le plan d'un système de santé, nous différencie assez profondément des Américains et c'est bon pour les citoyens, ce sont des choses à garder, dont l'application, cependant, est d'une complexité incroyable. Mais pour le reste, cela a donné quoi, le pouvoir de dépenser, sinon une augmentation du déficit, une augmentation des impôts pour les citoyens, une confusion incroyable pour les citoyens dans toutes sortes de domaines qui vont de l'environnement aux richesses naturelles en passant par l'éducation jusqu'à la culture et les communications? Surtout, cela a donné pour le Québec un rétrécissement constant de la possibilité pour le gouvernement de Québec et les élus du peuple du Québec à cette Assemblée nationale, ici, de décider, avec des marges qui ont du bon sens, d'orienter le développement du Québec dans le sens de nos propres priorités.

Votre texte sur le pouvoir de dépenser qu'on n'a toujours pas est dangereux pour le Québec, d'abord parce qu'il confirme tout ce qui existe en ce moment, et je vais vous dire ce que cela va donner pour le Québec. Cela va donner, par exemple, que, quand un de vos ministres va essayer de s'asseoir avec un ministre fédéral qui s'occupe d'un plan dans un secteur qui touche le Québec, comme le logement... Vous savez, les problèmes de Toronto et de Montréal ne sont pas les mêmes, n'est-ce pas? Toronto a 3,5 % de chômeurs. Le phénomène de la pauvreté à Toronto, ce n'est pas le phénomène de la pauvreté dans l'Est de Montréal. Les types d'habitations ne peuvent pas être les mêmes. On ne vit pas les mêmes réalités. Mais moi, je sais où les règles en matière de logement et d'intervention fédérale sur le logement social au Canada sont élaborées: elles sont élaborées à Toronto, et le premier ministre le sait. C'est vrai dans tous les autres secteurs. C'est cela, le rapport de forces du Québec. Le rapport de forces du Québec, c'est que le Québec se fait souvent dicter la volonté du plus fort économiquement, c'est-à-dire l'Ontario. Il y a des limites à s'imaginer que les Laurentides ici sont plus grosses que les Rocheuses et les Alpes.

Sur le plan économique, en pratique, et sur le plan politique dans l'histoire de la fédération canadienne, on s'est souvent fait dicter les orientations par l'extérieur; et le grand moyen dans la fédération canadienne pour dicter des orientations, cela a été le pouvoir de dépenser. Et ce que vous avez là en matière de logement va faire que les fonctionnaires fédéraux vont élaborer des critères sûrement de bonne foi, de temps en temps en écoutant un peu ce que les gens qui écrivent là-dessus au Québec disent, mais fondamentalement des critères qui correspondent aux besoins, de l'Ontario è ce moment-là, comme cela a été le cas de l'environnement dans les années soixante-dix. Le fédéral va mettre du fric, la province de l'Ontario va en mettre car cela fait son affaire et le Québec n'en mettra pas parce que le programme n'est pas fait pour lui, parce qu'il ne lui ressemble pas, parce qu'il ne correspond pas à nos priorités. Ces fonctionnaires-là maintenant ne seront même pas foutus, je vais vous dire, de s'asseoir avec ceux du Québec, parce qu'avant le Québec pouvait au moins dire: "Vous n'avez pas le pouvoir d'intervenir dans le domaine de juridiction fédérale". Ils n'aimaient pas cela. Et des fois on pouvait aller devant les tribunaux, on brassait cela dans les conférences fédérales-provinciales avec d'autres ministres pour d'autres raisons, des fois, avec d'autres provinces. Là, ils ne seront même pas foutus de venir s'asseoir parce qu'on va consacrer le droit de l'État fédéral de faire quoi? À toutes fins utiles, de transformer l'ensemble des domaines de juridiction provinciale de l'article 92 en domaines de juridiction mixte à cause du pouvoir de dépenser. C'est cela qui est en train d'arriver. J'ai hâte de voir les textes. Je ne peux croire que si le premier ministre avait vu cela, il aurait été d'accord avec cela.

La société distincte. Là, il faut le lire un petit peu, il faut juste le lire. Je trouve que le monde en parle beaucoup, mais on dirait qu'on ne sait pas assez s'arrêter pour lire publiquement. Je vais le relire au premier ministre. Cela fait peut-être deux semaines qu'il ne l'a pas lu. "L'interprétation de la constitution du Canada doit concorder avec "a) la reconnaissance que l'existence d'un Canada francophone, concentré mais non limité au Québec, et celle d'un Canada anglophone, concentré dans le reste du pays mais présent au Québec, constituent une caractéristique fondamentale de la fédération canadienne; "b) la reconnaissance que le Québec forme au sein du Canada une société distincte.

Le Parlement et les Législatures des provinces - y inclus le Québec - dans l'exercice de leurs compétences respectives, prennent l'engagement de protéger la caractéristique fondamentale du Canada mentionnée au paragraphe - le Canada

bilingue "3 L'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir le caractère distinct de la société québécoise mentionné au paragraphe."

Je me permets de dire au premier ministre que comme texte - encore une fois, on n'a pas le texte juridique; on a les principes - à mon avis, cela a une portée extrêmement limitée quant au Québec. Il est clair que cela ne donne aucun pouvoir nouveau au Québec. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le sénateur Murray, au Sénat, la semaine passée. Je vous donnerai les citations. Je pense que c'est à la page 954 des Débats du Sénat, jeudi ou mardi passé.

Que dit ce texte? Cela dit, dans le fond, que le Canada est bilingue. Le Québec est là-dedans. Cela dit qu'il y a une obligation pour le Québec de respecter le caractère bilingue du Canada et un rôle pour l'Assemblée nationale de promouvoir le caractère distinct du Québec. Mais l'obligation, c'est de respecter le caractère de la fédération. Mais on dit: L'Assemblée a un rôle. Le gouvernement aussi. Dans la mesure où c'est le texte définitif, M. le ministre, cela m'inquiète. Le juriste que vous êtes devrait en saisir la portée, je pense. Tout cela est faible en ce qui concerne la société distincte surtout parce qu'il n'y a pas dedans une affirmation claire autour, il me semble, de ce qui est le plus évident et qui nous rend distinct comme peuple. Il n'y a pas cette affirmation claire qu'en matière linguistique seule l'Assemblée nationale du Québec devrait être appelée à intervenir dans les questions linguistiques. Il n'y a pas non plus dans cet accord de garanties de protection de notre droit civil et je m'explique.

Le droit civil, c'est le droit des contrats, c'est le droit du mariage, c'est la garde de vos enfants, c'est votre testament, c'est votre hypothèque, toutes ces choses très concrètes dans la vie des citoyens. C'est pour cela que je dis que le droit constitutionnel est important. C'est concret. Dans une vie, on vient au monde et il y a un droit qui régit notre nom. On est enfant et on a des droits. Certaines personnes peuvent exercer nos droits à notre place si les parents ne s'en occupent pas. On devient adulte et on peut se marier. C'est le droit du mariage. On s'achète une maison et on a une hypothèque. On conclut une entente avec un voisin, un associé. C'est le droit des contrats. On se sépare ou on divorce. On décide quelles sont les obligations alimentaires les uns des autres. On prépare sa mort, on fait un testament ou on meurt sans testament et le Code civil s'occupe de désigner qui va avoir les parts de la succession de chacun. Où cela se trouve-t-il dans notre droit? C'est dans une affaire qu'on appelle le Code civil. Le Code civil, c'est le fondement et la traduction de ce qu'est l'univers des valeurs qui sont propres au peuple québécois, cette marge qui nous reste dans la Fédération canadienne de nous définir à partir de nos valeurs à nous. Est-ce qu'on accorde plus d'importance à la protection de la réputation des personnes ou à la liberté d'expression quand on décide de ce qu'on appelle le droit de la diffamation?

Je m'explique. Si un jour, le premier ministre dit une grossièreté à mon sujet - ce qu'il ne ferait pas, j'en suis sûr - et que je décide de le poursuivre en diffamation, quand la Cour suprême va être saisie du litige, est-ce que c'est votre droit à la libre expression ou mon droit à la réputation qui va l'emporter? C'est important. Je sais une chose. Dans la charte québécoise, on parle du droit à la réputation et du droit à la libre expression. Dans la charte canadienne, on ne parle pas du droit à la réputation. C'est un choix de société, d'une valeur. On traduit cela dans des chartes et dans le Code Civil. Or, que se passe-t-il au Canada? II se passe que la charte canadienne est interprétée par une majorité de juges partout sur le territoire canadien et pour la Cour suprême, dans les dix prochaines années, selon ce que m'en disait le juge Dickson, le juge en chef que j'ai eu le plaisir de rencontrer à quelques reprises et le juge Beetz également. Ils me disaient: Nous en avons pour à peu près dix ans à élaborer les canons de la charte canadienne. Dans quelle mesure cela va-t-il modifier profondément le droit des provinces aussi et le droit fédéral? En cours de route, notre Code civil va en prendre un coup. Or, on me dira: On utilisera la clause "nonobstant". Écoutez, pour vous autres, j'espère que vous y avez renoncé.

Des voix: Ah!

(16 h 30)

M. Johnson (Anjou): Cela mettrait le Québec constamment dans des choix de société, dans une position où il devrait avoir l'espèce de rôle odieux de dire à son Assemblée nationale: Nonobstant la liberté d'expression, il y a un droit ici à la réputation. Cela a l'air odieux, parce que cela a l'air d'être contre la liberté.

C'est quoi, le problème de base là-dedans? C'est l'application de la "common law", c'est-à-dire un système de droit qui est différent du nôtre depuis 300 ans et qu'on a maintenu depuis 300 ans sur ce territoire, un système de la coutume de Paris et du droit civil français que le ministre de la Justice est en train de refaire ici en collaboration avec les collègues. Mais il y a la "common law" sur le reste du continent, puis la Cour suprême qui va largement appliquer les critères de la "common law" américaine et qui, en général d'ailleurs, n'écoute pas telle-

ment ce qu'on a à dire au sujet du droit européen. On a plutôt tendance à écouter quand on y cite des causes américaines. C'est dans l'ordre des choses. C'est la culture dominante du continent, celle de gens qui parlent la même langue et qui ont le même système de valeurs. Notre droit civil n'est pas protégé dans votre entente.

Le rôle international du Québec, c'est une zone grise, on le sait: le premier ministre le sait, puis moi aussi. Tous ceux qui ont eu à oeuvrer au gouvernement à un niveau qui touche de près ou de loin à ces choses savent combien c'est délicat, complexe. Le gouvernement fédéral n'aime pas nous voir nous promener avec des délégués du Québec à l'étranger, puis des drapeaux, puis des considérations. Pourquoi? Parce que d'instinct, dans certains pays, il voit bien que le gouvernement du Québec représente un peu plus que juste une province, quelque chose de particulier qui s'appelle la tradition d'un peuple, dans ses institutions démocratiques à l'étranger. On n'a pas de garantie dans ce texte qu'on va pouvoir maintenir notre rôle international si important pour l'avenir du Québec.

Puis, surtout, on n'a rien, rien, rien, zéro, je ne retiens rien, en matière de main-d'oeuvre. Il y a onze pour cent de chômage au Québec. Il y en a moins de sept pour cent en Ontario. Cela fait 20 ans que cela dure et une des raisons pour lesquelles c'est comme cela, c'est sûrement le dynamisme de l'industrie ontarienne, mais ce sont aussi les politiques fédérales de main-d'oeuvre, entre autres. Ils ne nous feront jamais de cadeau. Il faut qu'on se mette cela dans la tête. Si un investissement est pour générer des emplois pour votre beau-frère ou pour un parfait étranger, qu'allez-vous faire? Vous allez espérer que c'est votre beau-frère ou votre belle-soeur qui aura l'emploi. À Ottawa et à Toronto, on comprend cela, puis on s'occupe de cela dans la fédération, comme cela, depuis 25 ans. Les programmes de main-d'oeuvre au Canada sont - passez-moi l'expression - "désignés" sur l'Ontario. Vous savez comment cela se prend, une décision dans ces questions? Est-ce que cela fait l'affaire des gens de l'Ontario, au départ, est-ce eux qui l'ont conçu? La deuxième question: Qu'est-ce qu'on fait avec les Maritimes? Troisième question: Comment va-t-on faire passer cela au Québec? C'est de même que cela se décide è Ottawa. Le premier ministre le sait. Rien en matière de main-d'oeuvre et, s'il y a un domaine où la démonstration est faite depuis 20 ans et où on a obtenu un consensus au Québec entre le monde patronal et le monde syndical sur l'importance que représenterait pour le Québec le fait de contrôler ses politiques de main-d'oeuvre, pour nos jeunes et pour l'avenir, pour la qualité de ce qui se fait dans les cégeps, pour la possibilité de faire du recyclage, c'est bien celui-là. Le premier ministre me parlait tout è l'heure du rapport de forces, mais qu'a-t-il fait du dossier de la main-d'oeuvre dans son rapport de forces? Il a réglé pour des billets de stationnement sur la lune dans certains cas. S'il y avait vraiment - et j'espère qu'il y en a un - un rapport de forces... Et je lui dirai qu'il y en a encore un tant que ce n'est pas signé! Vous avez signé la promesse de vente; le contrat n'est pas siqné encore. Je sais que vous voulez que cela soit signé le 2 juin à Ottawa. Mais vous avez encore un rapport de forces. Mais, Bon Dieu! utilisez-le pour le Québecl Vous ne l'avez pas utilisé pour un domaine aussi vital.

Au total, ce qu'il y a sur la table ne règle pas l'affront de 1982, même si je sais que c'est la préoccupation essentielle du premier ministre de se retourner vers le passé. Au total, cela n'a pas d'envergure, cette entente, permettez-moi. On est même loin de la souveraineté culturelle des années soixante-dix. Le premier ministre va s'en souvenir. C'était son dada à l'époque. Puis, il faudrait mettre un peu plus d'avenir dans le présent. Il n'y a pas d'avenir dans ce présent-là. Il n'y en a pas! Puis, il y a des doutes.

Vous savez, si le Québec ne signait pas, cela ne serait pas un drame. Cela dérangerait des gens à Toronto, je peux vous le dire, parce qu'eux ont décidé que c'était le temps. C'est à pleines pages, a Toronto, depuis un mois: II faut régler avec le Québec. Pourquoi? Parce que le Québec n'a jamais demandé si peu pour régler. Profitons-en! Ce que le premier ministre appelle un rapport de forces, je lui réponds que c'est une perception tout à fait contraire de la part du Canada anglais et particulièrement de l'Ontario. Je dis au premier ministre: Si vous ne réglez pas, ce n'est pas un drame. D'abord, vous aurez une bonne excuse. Vous ne perdrez pas la face là-dedans, il n'y a pas de problème. Une bonne excuse, ce serait le problème des textes sur la société distincte ou sur le pouvoir de dépenser. Vous pouvez vous organiser pour que cela accroche là-dessus. Je ne suis pas sûr, d'ailleurs, qu'ils vont vous permettre ce que vous pensez que vous avez obtenu. Ce serait, au contraire, une bonne chose pour le Québec. Ils ne prendraient pas très bien cela dans certaines provinces canadiennes. M. Mulroney n'aimerait pas cela, je n'en disconviens pas. Mais qu'est-ce que vous voulez? Dans la vie...

Ce serait une bonne chose pour le Québec. Pourquoi? Parce que cela signifierait, pour l'ensemble du Canada, pour un certain nombre de pays étrangers qui nous regardent ici et pour des peuples qui ont des sympathies naturelles pour nous, qu'on a décidé que ce n'était pas assez, que ce n'était pas le temps, qu'il y a trop de

doutes. Moi, je vous dis: Dans le doute, abstenez-vous. Merci.

Motion proposant le dépôt des textes juridiques de l'entente du lac Meech

M. le Président, en terminant mon intervention, compte tenu du fait que je pense qu'on a pu faire la démonstration que certaines de ces choses sont reliées très clairement au texte et qu'on n'a pas de texte, je me permets de faire la motion suivante: Que cette commission demande au premier ministre de faire en sorte que les textes juridiques traduisant l'entente du lac Meech soient préparés et déposés à cette commission dans les meilleurs délais et, au plus tard, avant que celle-ci ne mette fin à ses travaux sur le présent mandat.

Le Président (M. Filion): Avez-vous une copie du texte de la motion? Est-ce qu'il y a d'autres copies? Est-ce que des membres de cette commission voudraient se faire entendre sur la recevabilité de la motion déposée par le chef de l'Opposition que l'on peut lire ensemble: Que cette commission demande au premier ministre de faire en sorte que les textes juridiques traduisant l'entente du lac Meech soient préparés et déposés à cette commission dans les meilleurs délais et, au plus tard, avant que celle-ci ne mette fin à ses travaux sur le présent mandat? M. le premier ministre... Sur la recevabilité de cette motion, avant d'entamer le débat sur le fond, en vertu de nos règles, est-ce que des parlementaires voudraient se faire entendre? Oui, M. le député de Beauharnois.

M. Marcil: M. le Président, l'Assemblée nationale a fait une motion de renvoi en commission qui correspond justement au mandat que nous avons présentement. Si on lit bien le mandat qui nous a été attribué par l'Assemblée nationale en ce qui concerne le travail que nous avons à réaliser présentement, je crois que cette motion n'est pas nécessairement recevable.

Le Président (M. Filion): J'aimerais vous demander en fonction de quoi la motion est irrecevable dans le cadre du mandat qui nous a été donné par l'Assemblée.

M. Marcil: Oui.

Le Président (M. Filion): J'ai de la difficulté à vous suivre.

M. Marcil: Si on lit bien le mandat qui nous a été attribué par l'Assemblée nationale, il est assez précis. Je tiens è le citer dans le but d'éviter toute interprétation: "Que la commission des institutions entende les représentations de ses membres, de personnes et d'organismes relativement à l'entente intervenue le 30 avril 1987 au lac Meech concernant la constitution du Canada; que le mardi 12 mai 1987, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 22 heures la commission entende les représentations de membres de la commission des institutions et que le temps de parole soit réparti équitablement entre les groupes parlementaires; que la commission procède à l'audition d'individus reconnus comme experts les 13 et 14 mai 1987, et ce, aux heures où peuvent siéger les commissions; que la commission poursuive, si nécessaire, ces auditions, y compris pour entendre, s'il y a lieu, d'autres experts, les 19, 20 et 21 mai 1987, et ce, aux heures où peuvent siéger les commissions. "Quant à la durée des auditions et des remarques préliminaires et finales ainsi que l'ordre de comparutions de personnes et d'organismes, ceux-ci seront déterminés par entente entre les leaders parlementaires. À défaut d'entente entre les leaders, la commission des institutions - cette partie du texte est très importante - en disposera lors de séances de travail qui se tiendront le lundi 11 mai 1987 à compter du 15 heures et, si nécessaire, le vendredi 15 mai 1987 à compter de 10 heures."

Donc: "Que la séance de travail prévue à l'article 176 du règlement se tienne, s'il y a lieu, au plus tard le mardi 26 mai 1987; que le rapport de la commission soit déposé à l'Assemblée nationale au plus tard le mercredi 27 mai 1987; que les séances de la commission, sauf les séances de travail, soient télédiffusées...", et ainsi de suite.

Donc, M. le Président, toute l'argumentation repose sur l'entente préalable entre les deux leaders et je crois que, si nous sommes en commission présentement, il y a déjà eu entente entre les deux leaders, mais il n'a jamais été officiellement question que des textes juridiques soient déposés dès le début de la commission parlementaire. Si on se réfère à ce texte, je crois que cette motion n'est pas nécessairement recevable.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le député de Beauharnois. Toujours sur la recevabilité, M. le député de Gouin.

M. Rochefort: M. le Président, sur l'appel quant à la recevabilité de la motion déposée par le chef de l'Opposition que semble vouloir déposer le député de Beauharnois - je dis bien "que semble vouloir déposer" parce que le député de Beauharnois nous a dit tantôt qu'il avait l'impression qu'elle était irrecevable - il faudrait qu'il décide si, à ses yeux, elle l'est ou si elle ne l'est pas. Les impressions, vous savez, en droit, ne valent pas beaucoup. D'ailleurs, c'est pour cette raison que nous souhaitons avoir des textes juridiques plutôt que des

textes de communiqués de presse.

M. le Président, la motion présentée, d'aucune façon et sur aucun point du mandat qui nous a été donné par l'Assemblée nationale ne vient interférer quelque disposition que ce soit du mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale. Le mandat qui a effectivement été lu par te député de Beauharnois nous dit que la commission a le mandat d'entendre et de discuter, qu'elle doit poursuivre ses travaux selon un calendrier particulier, que la durée des auditions et des remarques préliminaires doit fonctionner de telle ou telle façon, qu'il y aura séances de travail pour organiser les travaux de la deuxième semaine, si jamais il n'y a pas entente, que la commission devra mettre fin à ses travaux au plus tard le 26 mai et que le rapport de notre commission devra être déposé au plus tard le 27 mai. On nous indique, d'autre part, quelques modifications à la composition de la commission, mais nulle part le mandat que l'Assemblée nationale a donné à la commission des institutions de l'Assemblée nationale que nous sommes ne vient nous dire qu'en aucun cas il pourrait être débattu de textes juridiques de traduction de l'entente qu'on retrouve jusqu'à maintenant sur un communiqué de presse et non pas dans des textes formels de traduction juridique de ce texte d'entente de principe sur communiqué de presse.

D'autre part, M. le Président, d'aucune façon la motion présentée par le chef de l'Opposition ne vient jouer dans le calendrier de la commission. Tout ce que cela nous dit - cela ne dit pas qu'on suspend les travaux de la commission jusqu'à ce qu'on ait les textes juridiques - c'est: Oui, on va respecter pleinement et entièrement le mandat adopté par l'Assemblée nationale. On commence nos travaux - on les a d'ailleurs commencés, M. le Président - et on va les poursuivre. Toutefois, il faut que les textes juridiques soient déposés et il faut qu'ils soient déposés avant la fin des travaux de la commission. (16 h 45)

Quant à l'idée de les déposer, M. le Président, je reprendrai les propos mêmes du premier ministre, la semaine dernière en cette même Assemblée nationale, où il nous a dit, à la page 7345 du Journal des débats, en réponse, d'ailleurs, à une question que vous lui aviez vous-même adressée, M. le Président: Je comprends qu'on doive avoir un texte de manière à pouvoir nous informer, mais, au niveau des principes, je crois qu'on peut commencer la commission parlementaire. On ne s'oppose pas à la commencer; elle est commencée et on va la poursuivre. Nous soumettrons les textes juridiques le plus rapidement possible. On lui indique qu'ils doivent effectivement être déposés le plus rapidement possible et il répète qu'on peut commencer la commission parlementaire, ce que nous faisons, M. le Président. Elle est commencée et on va poursuivre la commission parlementaire. Mais, M. le Président, il est absolument inadmissible que cette commission prenne fin, voie son rapport élaboré en séance de travail, voie son rapport déposé à l'Assemblée nationale sans que vous-même, comme président de la commission, sans que les membres de la commission parlementaire des deux côtés de la Chambre n'aient été saisis des textes juridiques et, de même, sans que l'ensemble des experts, qui assistent les deux côtés de la commission et qui se sont présentés jusqu'à ce moment-ci, sans que les groupes et les individus devant nous n'aient eu le loisir de consulter ces textes juridiques.

J'imagine, M. le Président, que quelqu'un pourrait peut-être nous dire: Oui, mais dans le fond, le mandat ultime est qu'on termine pour le 27 mai. M. le Président, je ne puis imaginer un seul moment que quelqu'un en face de nous, qui qu'il soit, viendra nous dire que, compte tenu que le mandat de la commission est de mettre fin à nos travaux au plus tard le 26 mai pour dépôt du rapport te 27 mai, la motion dit de déposer avant la fin de la commission puisse venir intervenir dans cela. M. le Président, je ne puis imaqiner que le premier ministre va venir nous dire qu'à trois jours de sa rencontre à Ottawa, de ta conférence fédérale-provinciale des premiers ministres du Canada et des dix provinces canadiennes où, là, on va fermer le couvert sur l'accord final, législatif, juridique intervenu, que, là, à trois jours de s'en aller à Ottawa il n'a pas encore dans sa valise les textes juridiques. M. le Président, je ne peux pas imaginer que quelqu'un va même évoquer la possibilité que le premier ministre s'en aille à Ottawa ficeler - final bâton - toute l'affaire, sans avoir même entre les mains l'ensemble des textes juridiques. Donc, M. le Président, pour nous, la motion est pleinement recevable. Elle n'infère pas dans le mandat donné par l'Assemblée nationale à la commission. C'est une demande qui est faite au premier ministre, une demande dont le bien-fondé est reconnu par tout le monde, y compris par le premier ministre lui-même. Je vous ai cité ses propos, M. le Président; il nous a dit: Oui, cela prend des textes la semaine prochaine et il va falloir les déposer le plus rapidement possible, mais essayons au moins de commencer. Ce que nous avons fait et ce que nous allons continuer de faire.

M. le Président, je vous demanderais de reconnaître, comme vous devez le faire, dans le respect intégral de notre règlement, la motion déposée par le chef de l'Opposition pour qu'ensuite nous puissions en débattre.

Le Président (M. Filion): M. le député

de Beauharnois, voule2-vous intervenir sur la recevabilité de la motion?

M. Marcil: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Alors, à ce moment-ci, je vais donc reconnaître un intervenant de chaque côté, s'il y en a, sur la question de la recevabilité de la motion afin que nous cessions de nous éterniser, en quelque sorte, sur la question de recevabilité. Donc, un intervenant de chaque côté. M. le député de Beauharnois,

M. Marcil: Merci, M. le Président. Lorsqu'on dépose une motion, je pense que la qualité première pour qu'elle soit recevable est qu'elle puisse être exécutée pendant la durée des travaux de cette commission. Donc, la dernière partie de cette motion dit bien: avant que celle-ci ne mette fin à ses travaux sur le présent mandat. Nous n'avons aucune garantie - et on ne peut donner aucune garantie - que tous les textes juridiques tels que demandés puissent être déposés avant la fin du mandat de cette commission. Comme l'a si bien dit, également, le premier ministre en Chambre où il avait donné la garantie qu'il ferait tout son possible pour qu'au fur et à mesure que les textes seront rédigés on puisse les recevoir en commission parlementaire, il n'a jamais donné la garantie que tous les textes soient terminés à temps parce que c'est un travail énorme, vous le savez. Donc, en fonction de cette dernière partie de la motion comme telle, compte tenu qu'on ne peut pas donner cette garantie, pour nous cette motion est irrecevable. Oui, parce qu'elle peut venir changer le temps tel que décrété par la motion d'envoi par l'Assemblée nationale où on donne des heures bien précises de même que les jours et les dates. Donc, si on voulait modifier la durée de cette commission - on n'a pas è en discuter ici en commission - il faudrait retourner à l'Assemblée nationale pour refaire le débat. En ce qui me concerne, cette commission n'a pas le pouvoir d'amender ou de modifier la motion d'envoi de l'Assemblée nationale à la commission parlementaire et compte tenu de la dernière partie de cette motion, nous la considérons comme étant irrecevable.

Le Président (M. Filion): Me permettez-vous une question, M. le député de Beauharnois? Vous dites qu'on n'a pas le droit de modifier la motion d'envoi qui nous vient de l'Assemblée nationale et je suis d'accord avec vous. Je voudrais savoir en quoi la motion, à vos yeux, modifie la motion d'envoi de l'Assemblée nationale.

M. Marcil: Comme on l'a dit tantôt, on ne peut pas garantir que le 21 mai tous les textes juridiques seront déposés è cette commission. Si on appliquait intégralement cette motion, cela voudrait dire qu'il faudrait modifier la motion qui a été décrétée à l'Assemblée nationale puisqu'il faudrait prolonger les travaux à ce moment-là.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le député de Beauharnois. Est-ce qu'il y a un intervenant du côté de l'Opposition sur la recevabilité? M. le député de Gouin.

M. Rochefort: M. le Président, l'inimaginable vient à nouveau de se produire dans le dossier des textes. Le premier ministre non seulement nous a-t-il avoué être allé è Ottawa, pardon, au lac Meech, dans la Gatineau, discuter sans même avoir commencé à regarder ce que pourraient vouloir dire ses propres demandes au plan juridique, aujourd'hui, M. le Président...

M. Bourassa: J'invoque le règlement. J'invoque le règlement. Question de règlement.

Le Président (M. Filion): Alors, sur une question de règlement. M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je n'ai jamais dit que je n'avais pas examiné les implications de ce qu'on était pour discuter. Je demanderais au député de Gouin de faire un effort spécial pour cette commission et d'être moins démagogue et plus responsable.

Le Président (M. Filion): M. le premier ministre, c'est en vous soulignant qu'il faut éviter dans une question de règlement d'utiliser des qualificatifs eux-mêmes susceptibles de soulever des débats. Il y en avait au moins un dans votre dernière intervention. Je redonne la parole à M. le député de Gouin.

M. Rochefort: M. le Président, je reconnais encore le style habituel du premier ministre qui tente d'essayer de créer un débat sur autre chose que sur les questions fondamentales. Je dirai, si ce que je viens d'affirmer n'est pas juste: Déposez-les donc, M. le premier ministre, si effectivement vous les aviez lorsque vous êtes allé au lac Meech! On n'aura pas besoin de déposer notre motion. On n'aura même pas besoin de faire un débat sur sa recevabilité. Déposez-les, les textes juridiques que vous aviez lorsque vous êtes allé au lac Meech et on va entreprendre le déroulement normal des travaux d'une commission et en plus on pourra fournir aux experts qui vont se présenter devant nous, aux qroupes et aux individus, ces textes juridiques.

M. le Président, sur la recevabilité, je reviens à l'argumentation que j'ai développée

tantôt. Ce que le député de Beauharnois vient de nous dire au nom du gouvernement - selon ce que je puis comprendre - c'est que non seulement on est allé au lac Meech sans avoir de textes juridiques, de traduction juridique des demandes - si on peut appeler cela des demandes - non seulement douze jours après la conclusion de l'entente de principe du lac Meech, on se retrouve en commission où l'on invitera des experts, des groupes, des organismes et des individus et au cours de laquelle nous aurons aussi entre nous l'occasion de débattre ces questions sans aucun texte juridique sur quelque élément que ce soit de l'entente de principe intervenue au lac Meech, mais, maintenant, le député de Beauharnois, au nom du gouvernement, vient de nous dire qu'ils ne peuvent pas prendre l'engagement, qu'ils ne peuvent pas être certains, qu'ils ne peuvent pas prévoir que le 27 mai prochain, un mois après la conclusion de l'entente du lac Meech, ils auront entre les mains les textes juridiques, un mois après la signature de l'entente du lac Meech et trois jours avant d'aller se lier - pieds et poings liés - devant le gouvernement fédéral et le gouvernement des neuf autres provinces canadiennes.

M. le Président, je n'en reviens tout simplement pas qu'un membre de la majorité ministérielle libérale de l'Assemblée nationale vienne nous dire un mois après l'entente du lac Meech et trois jours avant qu'on aille fermer le couvercle définitivement - une fois pour toutes, peut-être pour toujours - sur les réformes constitutionnelles souhaitées par les Québécois depuis 50 ans, qu'on ne peut pas prendre l'engagement - pas n'importe où, M. le Président - devant la commission des institutions de l'Assemblée nationale, qu'on aura ces documents. Le premier ministre lui-même, la semaine dernière - je le répète -nous disait: Je comprends qu'on doive avoir un texte de manière à pouvoir nous informer, mais au niveau des principes, je crois qu'on peut commencer la commission parlementaire. Je répète, c'est ce que nous avons fait, c'est ce que nous allons poursuivre, M. le Président. Nous soumettrons, dit le premier ministre, nous soumettrons les textes juridiques le plus rapidement possible. Dois-je comprendre, M. le Président, que le plus rapidement possible dans la bouche du chef de l'État québécois, ce sera après que tout cela sera fini, conclu, final bâton, fermé pour peut-être l'éternité?

M. le Président, cette motion est pleinement recevable. Plutôt que de tenter de l'éviter par un débat de procédures, que la majorité ministérielle reconnaisse donc son bien-fondé et qu'elle en débatte ouvertement avec courage! Nous serons heureux de faire ce débat, M. le Président.

Le Président (M. Filion): D'accord. Je vous remercie, M. le député de Gouin. J'ai reçu une demande d'ajournement et je pense que ma décision sera prête dès le retour. Alors, je suggère donc une suspension de nos travaux pour quelques minutes, deux ou trois minutes, pendant laquelle je vais préparer ma décision. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 56)

(Reprise à 17 h 6)

Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, la motion déposée par le chef de l'Opposition indique que cette commission demande au premier ministre de faire en sorte que les textes juridiques traduisant l'entente du lac Meech soient préparés et déposés à cette commission dans les meilleurs délais et au plus tard avant que celle-ci mette fin à ses travaux sur le présent mandat.

J'ai écouté attentivement les représentations des deux côtés et, en particulier, celles du député de Beauharnois. Je me réfère, quand même, à la première partie du mandat qui nous vient de l'Assemblée nationale et qui se lit comme suit: "Que la commission des institutions entende les représentations de ses membres, de personnes et d'organismes relativement à l'entente intervenue le 30 avril 1987" et, quant à la première partie de ce mandat qui porte sur les travaux d'aujourd'hui, "que, le mardi 12 mai, la commission entende les représentations de membres de la commission des institutions et que le temps de parole soit réparti équitablement entre les deux groupes parlementaires." Or, il m'apparaît qu'il n'est pas du tout contraire à cette motion de l'Assemblée nationale de recevoir la motion déposée par le chef de l'Opposition. On ne m'a cité aucun article qui pourrait être enfreint par cette motion que je déclare donc recevable.

Donc, cette motion étant recevable, en vertu de l'article 209, je comprends que l'auteur de la motion, le chef de l'Opposition, dispose d'un temps de parole de 50 minutes étant donné qu'il s'agit ici d'une motion de forme. Est-ce que M. le chef de l'Opposition désire se prévaloir de son temps de parole ou M. le député de Gouin sur le fond de la motion? Est-ce que tous les membres en ont reçu copie?

Une voix: Non, je n'en ai pas.

Le Président (M. Fîlion): On vous la distribue immédiatement. Merci.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Je vous remercie, M. le Président. Je prendrai quelques minutes pour

présenter notre motion qui a pour objectif très clair, très net que des textes juridiques traduisant les communiqués de presse qui tiennent lieu d'entente de principe du lac Meech soient préparés et déposés ici même à la commission. Pour l'information des membres de la" commission, pour l'information des experts qui assistent les membres de la commission des deux côtés de cette table, pour l'information des experts qui se présenteront devant nous dans les prochains jours et aussi pour l'information des groupes, des organismes et des individus qui, eux aussi, se présenteront, comme de toute la population du Québec qui voudra les consulter, incluant, évidemment, de façon importante, les représentants des médias d'information, M. le Président, nous souhaitons fortement que ces textes soient déposés au minimum - c'est un minimum pour nous - avant que notre commission mette fin à ses travaux.

M. le Président, déjà, des membres du gouvernement, le premier ministre en tête, se sont rendus au lac Meech dans l'improvisation, dans la précipitation. Déjà, M. le Président, nous croyons comprendre, selon les moments où le premier ministre répond à nos questions, que peut-être même s'est-il rendu au lac Meech sans avoir étudié les hypothèses de traduction juridique des dossiers qu'il s'en allait présenter aux autres premiers ministres des provinces et du Canada. Un texte de communiqué de presse, c'est comme un article de journal. Qui a déjà vu, qui a déjà entendu, qui a déjà même imaginé qu'un juge, qu'un expert en quelque matière que ce soit, un jour, vienne porter un jugement, faire une analyse rigoureuse, responsable d'un article de journal et non pas d'un texte juridique? C'est comme si on disait: Ce n'est pas grave, on peut, comme parlementaires, comme Parlement, comme Assemblée nationale du Québec, discuter d'articles de journaux, même si on sait que ce n'est pas là-dessus que les décisions se prendront, que ce n'est pas là-dessus qu'un jour on imposera ou non des choses aux citoyens du Québec.

Si on peut avoir des textes de journaux pour expliquer des choses, pour les présenter d'une façon ou de l'autre, d'aucune façon il ne pourrait être admissible que le Parlement du Québec se limite et accepte la limitation que semble vouloir nous proposer le premier ministre de faire une discussion à partir de textes de communiqués de presse sans la présence d'aucun texte juridique.

Hier, un débat important s'est tenu aussi sur ces mêmes questions à la Chambre des communes, à Ottawa. Ce qu'ont dit unanimement tous les parlementaires de la Chambre des communes qui ont pris la parole sur cette question, c'est qu'ils voulaient voir les textes de traduction juridique que préparait le gouvernement fédéral avant de se prononcer de façon définitive. Est-ce que je dois comprendre que les parlementaires du Québec, eux, se satisferont de textes de communiqués de presse qui équivalent à des textes de journaux, alors que les parlementaires du Parlement fédéral, eux, exigent, demandent, avant de se prononcer définitivement, de voir la forme finale des textes de traduction juridique du communiqué de presse du lac Meech?

Dans le mandat même que l'Assemblée nationale a donné à notre commission, il est prévu que nous pourrons nous réunir en séance de travail pour déterminer, pour arrêter des recommandations, pour prendre position comme commission parlementaire. Est-ce que je dois comprendre qu'à cette étape on nous invitera à amender peut-être des communiqués de presse? Cela serait bien la première fois qu'un Parlement ou une commission parlementaire serait appelé à faire des propositions d'amendement à un communiqué de presse qui relève de onze personnes dont une seule est présente parmi nous, temporairement, partiellement. Est-ce que je peux imaginer qu'à un moment donné on déléguerait à l'Assemblée nationale l'étude d'un projet de loi en disant: Le projet de loi n'est pas prêt, faites l'étude des différents articles du projet de loi, mais amendez nos textes de présentation, car la loi, on ne l'a pas? Qui prendrait au sérieux l'étude du projet de loi en question? Qui même prendrait au sérieux la loi en question?

La constitution, c'est la loi fondamentale. Je ne puis imaginer que le premier ministre soit en train de nous inviter à nous livrer à un exercice d'étude, d'analyse et d'amendement possible d'un texte de communiqué de presse. Je souhaiterais que le premier ministre soit ici. J'aimerais qu'il nous dise qui, actuellement, est en train de rédiger la traduction juridique de l'entente du lac Meech. Est-ce que ce sont des fonctionnaires du gouvernement du Québec ou est-ce que ce sont, plutôt, des fonctionnaires du gouvernement fédéral ou encore des fonctionnaires du gouvernement ontarien, qui sont à traduire juridiquement l'accord du lac Meech et qu'ils nous enverront dans les prochaines semaines une traduction en langue française de textes élaborés en anglais dans un autre Parlement que le Parlement du Québec pour traduire un accord constitutionnel qui lie le Québec pour longtemps?

Pas de dépôt de documents, pas de précisions sur les documents juridiques, s'il en existe, s'il y en a en préparation, sur le moment où ils seront déposés. Même le représentant du qouvernement, tantôt, dans le débat sur la recevabilité, nous a dit: On n'est même pas sûr qu'un mois après l'entente et que trois jours avant qu'on se

rende à Ottawa pour fermer cela une fois pour toutes on aura les textes juridiques. On veut savoir qui rédige les textes juridiques. Est-ce que ce seront des textes français faits au Québec, qui seront traduits en anglais pour le gouvernement fédéral et les gouvernements des autres provinces ou est-ce que ce ne seront pas plutôt des textes anglais rédigés à Ottawa et à Toronto qui nous parviendront, un jour, sous forme d'une traduction en langue française pour l'information - l'information seulement, non pas la discussion - des députés à l'Assemblée nationale, comme si on était des députés de seconde classe, comme si, dans la discussion et le débat de l'avenir du Québec, le Parlement du Québec, lui, serait un Parlement de seconde classe, de. seconde zone dans le débat?

M. le Président, prenons un autre exemple, à partir d'une affirmation faite par le premier ministre lui-même. Quand on parle, justement, du pouvoir de retrait avec compensation financière à certains endroits, on sait qu'on a toujours demandé une pleine compensation financière. Le texte de l'entente parle de juste compensation financière et d'autres ont dit que ce serait une compensation financière raisonnable. Le premier ministre lui-même, l'autre jour, nous a dit: II faudra qu'on en parle. M. le Président, on ne veut pas en parler pour en parier, on veut savoir sur quoi on discute, ce qui sera écrit. Ce qui est écrit actuellement, c'est beaucoup moins que ce que le Québec a toujours revendiqué. Le Québec a toujours revendiqué une pleine compensation financière et, aujourd'hui, ce sur quoi se sont liés le premier ministre du Québec et son ministre, c'est sur une juste compensation financière.

On veut voir ces textes juridiques. M. le Président, il faut qu'il se fasse, ici, un débat intelligent et que le premier ministre vienne nous annoncer, dans les prochaines minutes, j'espère, qu'il déposera rapidement et sûrement avant la fin de nos travaux la traduction juridique de l'ensemble des éléments de l'accord du lac Meech, qui tiennent seulement jusqu'à maintenant sur des textes de communiqués de presse, pour venir lever toute l'incertitude, tout le doute qui tourne autour de ce texte de communiqué de presse auquel veut nous lier le premier ministre et non pas autour de textes juridiques qui, eux, nous lieront pour longtemps. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le député de Gouin. M. le député de Beauharnois.

M. Marcil: M. le Président, pour le bon fonctionnement des travaux, compte tenu qu'il y a eu une entente sur le partage du temps, est-ce qu'on pourrait savoir, à ce stade-ci de la commission, quel est le temps utilisé par l'Opposition et ce qui nous reste comme temps?

Le Président (M. Filion): Je vérifie et je vous donne l'information aussitôt qu'elle est disponible. Je comprends que le ministre délégué aux Affaires intergouvemementales canadiennes voudrait intervenir sur la motion.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: M. le Président, très brièvement, parce que je voudrais qu'on passe le plus rapidement possible à l'étude du fond, c'est ce qui nous intéresse, et arrêter ces mesures qui, je l'espère, ne sont pas dilatoires. Je voudrais dire qu'il n'y a rien eu d'improvisé dans notre démarche qui nous a amenés au lac Meech, avec les résultats historiques que nous avons pour le Québec.

M. le Président, je voudrais citer un autre conseiller constitutionnel du premier ministre, M. René Lévesque, du gouvernement péquiste, M. Daniel Latouche, qui écrivait, ce matin, que "jamais un gouvernement du Québec n'a si bien préparé le terrain et n'a su utiliser si habilement toutes les poignées que lui offrait le reste du pays. Bref, de la belle ouvrage, comme on en avait pas vu depuis longtemps."

M. le Président, je voudrais aussi mentionner que le gouvernement veut déposer des textes juridiques, pour autant qu'ils seront prêts. On l'a mentionné et on le répète. C'est dans ce contexte que je voudrais proposer un amendement à la motion. La motion, selon l'amendement, se lirait comme suit - je demande l'attention des gens - "Que cette commission demande au premier ministre de faire en sorte que les textes juridiques traduisant l'entente du lac Meech soient préparés et déposés à cette commission dès que possible". Voila, M. le Président, la motion amendée.

Le Président (M. Filion): Est-ce que vous avez une copie, M. le ministre, de votre amendement à la motion déposée par le chef de l'Opposition?

M. Rochefort; M. le Président, est-ce que le ministre me permettrait de poser une question?

Le Président (M. Filion): Juste avant, M. le député de Gouin, je voudrais obtenir copie de l'amendement. Avez-vous d'autres copies ou si c'est la seule copie dont vous disposez? On en fera faire des copies pour les membres de la commission, s'il y a lieu.

M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Juste une question, M. le Président. D'abord, je remarque que le

ministre ne peut nous accuser d'utiliser des mesures dilatoires d'autant plus qu'il amende lui-même notre motion. M. le Président, la question que je voudrais adresser au ministre est la suivante: Dès que possible, point, ou dès que possible à la commission des institutions qui siège présentement?

M. Rémillard: Je crois que je devrais...

Le Président (M. Filion): Oui, alors vous avez...

Motion d'amendement proposant d'ajouter: "si cela est possible"

M. Rémillard: Le texte qui vient d'être déposé, c'est "si cela est possible".

Le Président (M. Filion): C'est cela que je remarque, ce que vous avez dit tantôt.

M. Rochefort: Je n'ai pas de commentaire sur la recevabilité, M. le Président, on va les garder pour le fond.

Le Président (M. Filion): Bon, alors, aucun commentaire sur la recevabilité. Je déclare la motion d'amendement du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes recevable. M. le ministre, je vous laisse la parole sur votre motion d'amendement à la motion déposée par le chef de l'Opposition, si vous désirez vous en prévaloir.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: M. le Président, encore une fois, très brièvement, pour qu'on puisse aborder le fond le plus rapidement possible, simplement pour dire que nous voulons déposer les textes juridiques, mais je voudrais insister sur un point qui est très important. L'entente du lac Meech n'est pas simplement de grands principes généraux. C'est un libellé qui est précis, qui a été étudié, analysé. On a étudié des termes bien choisis et, dans bien des cas, M. le Président, il est évident que la rédaction juridique ne changera absolument ou presque rien. Alors, ce que nous voulons, c'est que la commission puisse avoir ici le maximum d'informations, mais on devrait comprendre que nous sommes actuellement è travailler, du côté du gouvernement du Québec comme du côté du gouvernement fédéral et du côté des neuf autres provinces, à la rédaction de ces textes juridiques. Ce que nous voulons, c'est que les textes juridiques qui pourront être déposés ici soient des textes juridiques qui pourront avoir un maximum de chances de faire consensus dans l'ensemble du Canada et que les gens qui vont intervenir ici puissent avoir une base solide pour se prononcer. Cependant, nous considérons que cette base solide existe déjà avec l'entente du lac Meech telle que nous l'avons présentement. Ce n'est pas une déclaration de principe comme celle qu'on pouvait avoir, par exemple, dans le projet d'accord constitutionnel où l'on dégageait de grands principes, c'est normal. Mais il s'agit d'une entente qui est libellée en termes précis et qui nous permet de discuter au fond les réelles implications de cette entente du lac Meech.

Donc, ce que je demande à l'Opposition, M. le Président, c'est de commencer les travaux le plus sérieusement possible sur le contenu de cette entente en fonction de ce libellé que nous avons travaillé et que nous présentons maintenant comme résultat de cette entente historique au lac Meech. Et au fur et à mesure que les textes juridiques seront prêts, le gouvernement les déposera à cette commission si c'est possible.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

Sur la motion d'amendement du ministre, je reconnais maintenant M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci M. le Président. Je vois que le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes a décidé de finasser, de faire des finasseries. Nous réclamons le dépôt des textes juridiques sachant fort bien que c'est important, capital. Tout le monde le réclame, d'ailleurs. Pas seulement nous, tout le monde réclame que les textes juridiques soient connus. Les organismes, les groupes, les constitutionnalistes, tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin à cette question réclament les textes juridiques. Notre motion allait dans ce sens. Et voilà que par un amendement - c'est, d'ailleurs, une habitude du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes d'amender nos motions pour les dénaturer et les défigurer - en ajoutant "dès que possible" ou "si cela est possible", le ministre dénature complètement le sens de la motion que nous avons déposée devant cette commission, M. le Président. "Dès que possible" ou "si cela est possible", je vous signale que cela veut dire qu'à trois jours de la conférence constitutionnelle réunissant les premiers ministres du Canada, à trois jours de cette conférence jugée historique par le premier ministre du Québec, il est possible qu'on n'ait pas les textes juridiques, qu'on ne les connaisse pas et que personne ne les connaisse. Vraiment, je dois vous avouer, M. le Président, que du côté gouvernemental on manque de rigueur, c'est le moins qu'on

puisse dire. Avouez-le donc que c'est le gouvernement fédéral qui prépare les textes juridiques, cela va être simple.

J'ai ici un article du Soleil où l'on dit: "Le fédéral travaille aussi vite qu'il le peut è la transcription de l'entente." Je vous lis les deux premiers paragraphes: "Le gouvernement fédéral travaille aussi vite qu'il le peut à transcrire en termes juridiques et constitutionnels l'entente de principe conclue la semaine dernière avec les provinces, de façon qu'elle puisse être officiellement sanctionnée", a déclaré hier le ministre de la Justice. Écoutez bien ceci, M. le Président: "Le ministre dit espérer que le texte fédéral soit prêt sous peu pour être soumis aux représentants des provinces."

Dites-le que c'est le gouvernement fédéral qui a le "lead", l'initiative de préparer les textes juridiques! Cessez de finasser et de faire du camouflage! C'est le fédéral qui est le leader dans le domaine de la transcription juridique de l'entente du lac Meech. Avouez-le donc que les provinces, y compris le Québec - vous me permettrez l'expression, M. le Président - en matière de textes juridiques, sont en quelque sorte des "rubber stamps", elles vont tamponner, elles vont dire si elles sont d'accord ou non! Vous n'avez aucune initiative en cette matière, avouez-le donc! Comme cela, ce sera clair: les groupes, les associations et toute personne s'intéressant à cette question vont au moins être au courant de l'attitude du gouvernement québécois en cette matière.

Il est évident que l'amendement dénature complètement le sens de cette motion. On est absolument opposé à cet amendement. Si c'est accepté, le poids du nombre jouant - c'est ce qu'on est en train de faire de l'autre côté avec la question de privilège du député de Lévis; le poids du nombre est en train de jouer également de l'autre côté - pour nous, à ce moment-là, la motion principale n'a plus aucune signification ni aucun sens et il est clair qu'on n'y tiendra plus.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le député de Lac-Saint-Jean.

Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion d'amendement?

M. Marx: M. le Président...

Le Président (M. Filion): Oui, M. le ministre de la Justice.

M. Marx: ...j'aimerais juste rassurer le député de Lac-Saint-Jean. Avant qu'il soit appelé à voter à l'Assemblée nationale sur la motion, il va avoir les textes. Quand on votera au salon bleu, il aura les textes. Les textes seront déposés avant que la motion soit débattue à l'Assemblée nationale. Je pense que c'est tout à fait normal. On ne demandera pas au député de voter sans avoir étudié les textes. Il aura le temps d'étudier les textes. Je pense que la procédure qu'on suit est tout à fait normale.

Le Président (M. Filion): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion d'amendement? Non, Donc, je mets aux voix la motion d'amendement présentée par le ministre, laquelle se lit comme suit: Que la motion soit amendée en ajoutant, à la quatrième ligne, après le mot "délai", les mots "si cela est possible" et en retranchant les mots "et, au plus tard, avant que celle-ci ne mette fin à ses travaux sur le présent mandat."

M. Rochefort: M. le Président, l'appel nominal, s'il vous plaît.

Le Président (M. Filion): Appel nominal sur la motion d'amendement du ministre, Mme la secrétaire.

La Secrétaire: Pour ou contre l'amendement? M. Bélisle (Mille-Îles)?

M. Bélisle: Pour.

La Secrétaire: M. Boulerice (Saint-Jacques)?

M. Boulerice: Contre.

La Secrétaire: M. Dauphin (Marquette)?

M. Dauphin: Pour.

La Secrétaire: M. Trudel (Bourget)?

M. Trudel: Pour.

La Secrétaire: M. Cannon (La Peltrie)?

M. Cannon: Pour.

La Secrétaire: M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine)?

M. Farrah: Pour.

La Secrétaire: M. Filion (Taillon)?

Le Président (M. Filion): Abstention.

La Secrétaire: M. Godin (Mercier)?

M. Godin: Contre.

La Secrétaire: M. Johnson (Anjou)?

M. Johnson (Anjou): Contre.

La Secrétaire: Mme Pelchat (Vachon)?

Mme Pelchat: Pour.

La Secrétaire: M. Lefebvre (Frontenac)? M. Marcil (Beauharnois)?

M. Marcil: Pour.

La Secrétaire: M. Brassard (Lac-Sain-Jean)?

M. Brassard: Contre.

La Secrétaire: M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce)?

M. Scowen: Pour.

La Secrétaire: M. Séguin (Montmorency)?

M. Séguin: Pour.

La Secrétaire: M. Rémillard (Jean-Talon)?

M. Rémillard: Pour.

La Secrétaire: M. Rochefort (Gouin)?

M. Rochefort: Contre. (17 h 30)

Le Président (M. Filion): Dix pour, cinq contre et une abstention. La motion d'amendement du ministre est donc acceptée. À ce moment-ci, le dernier intervenant à avoir pris la parole sur la motion étant le représentant du groupe ministériel, est-ce que d'autres intervenants du côté de l'Opposition désirent intervenir sur la motion telle qu'amendée? Est-ce que d'autres intervenants du côté ministériel désirent intervenir sur la motion telle qu'amendée?

Une voix: Non, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Donc, à ce moment-ci, je mets aux voix la motion telle qu'amendée par le ministre. Est-il nécessaire que je vous la lise, mesdames et messieurs?

Des voix: Non.

Le Président (M. Filion): Non? Est-ce le même vote?

Des voix: Sur division.

Le Président (M. Filion): La motion est rejetée sur division.

Une voix: Elle est adoptée.

Le Président (M. Filion): La motion est adoptée sur division. Est-ce bien cela?

M. Rochefort: C'est bien cela, M. le Président.

Une voix: C'est bien cela.

Le Président (M. Filion): À ce moment-ci, je reconnais donc un intervenant du côté ministériel sur le fond du débat.

M. Bourassa: M. le Président, comme je l'avais dit, si le chef de l'Opposition me le permet, j'aimerais seulement rectifier bien humblement quelques faits, à la suite de ses propos, rapidement, avant de laisser la parole au ministre responsable. Il a dit tantôt qu'en ce qui a trait...

M. Johnson (Anjou): Est-ce que le premier ministre va me donner un droit de réplique à ses propos?

M. Bourassa: Avec plaisir, oui. M. Johnson (Anjou): Oui?

M. Bourassa: Mais }e voudrais permettre au ministre responsable de développer le sujet. Je crois que le chef de l'Opposition sera d'accord avec moi. Ce sont les faits. J'aime toujours m'en tenir à des faits de manière qu'on puisse s'entendre.

Le chef de l'Opposition a dit: Les institutions fédérales, le droit de veto, ce n'est pas à ce point important - je ne sais pas s'il s'en souvient - parce qu'avant qu'on touche à la représentation proportionnelle à la Chambre des communes, cela serait très invraisemblable; à la Cour suprême, on l'a déjà; sur le Sénat, on aurait un avis juridique qui nous donnerait le droit de veto, etc. Je lut rappelle simplement ceci: Si ce n'est pas important, pourquoi l'avez-vous demandé en mai 1985 dans vos propositions? Vous ne l'aviez pas demandé en avril 1981. Si ce n'était pas important, pourquoi avez-vous insisté là-dessus? Vous le demandiez. Est-ce que le chef de l'Opposition s'en souvient? Il était le ministre responsable. Il demandait un droit de veto sur Ies institutions fédérales. Il ne me répond pas, mais j'imagine qu'il est d'accord.

M. Johnson (Anjou): Voulez-vous que je vous réponde immédiatement?

M. Bourassa: Non. D'accord, allez-y.

Le Président (M. Filion): M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): D'abord, le premier ministre, comme d'habitude, travestit un peu mes propos. Je dis: Le paquet qlobal - et c'est ce que j'ai expliqué au premier ministre tout à l'heure - manque d'envergure pour le Québec et, dans le lot, s'il veut prétendre que le droit de veto sur la réforme des institutions anticipée, en l'an 2038 ou je ne sais pas quoi, c'est cela, son

gros gain, je lui dis qu'il passe à côté de l'essentiel. Deuxièmement, contrairement à ce que le premier ministre a affirmé dans son exposé, la Fulton-Favreau ne prévoyait pas la règle des deux tiers, mais celle de l'unanimité pour les secteurs fondamentaux, le pouvoir de légiférer des provinces et l'usage de l'anglais et du français.

M. Bourassa: Oui, alors...

Le Président (M. Filion): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition n'a pas répondu à ma question quand je lui ai dit: Pourquoi le demandez-vous si ce n'est pas important? Vous l'avez demandé.

En ce qui a trait à la société distincte, encore là, la demande faite par les propositions du chef de l'Opposition, c'était qu'il y ait la reconnaissance du peuple québécois dans le préambule. On sait que l'interprétation par les tribunaux d'une mention dans un préambule est moins contraignante qu'une mention dans le texte de la constitution. Nous avons, dans le cas de la société distincte - on peut diverger sur le sens des mots, s'il le veut - la reconnaissance, dans le texte de la constitution, de la société distincte. Cela va plus loin qu'une simple mention dans le texte constitutionnel, je le rappelle au chef de l'Opposition; il y a le rôle de préserver et de promouvoir. Donc, je crois que ce que nous faisons avec la mention "société distincte" est plus contraignant sur le plan juridique, que ce soit dans le préambule ou dans le texte, que ne l'étaient les propositions de mai 1985.

À un autre endroit, le chef de l'Opposition dit, en ce qui a trait au droit civil: C'est vrai qu'on a la clause "nonobstant", mais cette clause ne s'applique pas facilement; vous-mêmes, vous vous êtes engagés à ne pas l'appliquer d'une façon systématique. Mais on l'a quand même appliquée à l'occasion de trois projets de loi. Pourquoi alors, le gouvernement du Québec ne pourrait-il pas, comme on l'a fait dans notre cas à trois reprises, appliquer la clause "nonobstant"? S'il trouve que la clause "nonobstant" est tellement difficile à appliquer, pourquoi est-il prêt à l'appliquer dans le cas de l'affichage? Une autre contradiction. Ce sont des contradictions que je veux simplement mettre en relief pour essayer d'améliorer le niveau du débat. C'est un service qu'on veut rendre au chef de l'Opposition pour l'avenir, pour qu'il ne multiplie pas, comme cela, les erreurs de faits et qu'il démontre une certaine incohérence dans son argumentation.

Pour ce qui a trait au passé, il a dit que nous nous référons constamment au passé. Je crois plutôt que c'est tout à fait légitime, puisque nous avons une décision historique à prendre, que nous voyions ce qui est arrivé en 1964, ce qui est arrivé en 1971, en 1981, en 1985. Est-ce qu'il y a eu une commission parlementaire en 1981? Est-ce qu'il y a eu des textes juridiques? On sait qu'il n'en a pas été question. Je ne suis pas sûr que le chef de l'Opposition n'ait pas appris cela lui-même par les journaux, le 17 avril au matin. C'est la petite histoire qui pourrait nous révéler cela. Mais, quand même, il n'y a pas eu de commission parlementaire.

Alors, si nous parlons du passé, M. le Président, c'est que nous considérons que, dans une décision aussi majeure pour l'avenir du Québec, il est fondamental d'examiner les décisions qui ont été prises à l'occasion de débats constitutionnels. Cela ne nous empêche pas de préparer l'avenir. C'est ce que nous faisons avec les cinq demandes du Québec. Ce sont simplement certains points -j'aurais pu en soulever plusieurs autres - que je voulais signaler au chef de l'Opposition sur ses affirmations par rapport aux demandes du Québec.

Le Président (M. Filion): Juste avant de redonner la parole...

M. Johnson (Anjou): On m'avait dit que je pourrais répliquer. Juste brièvement, je ne veux pas reprendre... Je comprends qu'on puisse avoir des points de vue différents et des opinions différentes, mais il y a une affaire qui s'appelle la rigueur des faits aussi en droit. Le premier ministre a déclaré dans son exposé préliminaire qu'il avait refusé à la conférence de Victoria en 1971 à cause du pouvoir de dépenser. Je me souviens qu'à l'époque - et j'ai les textes qui le démontrent - ce n'était pas à cause du pouvoir de dépenser, mais c'était sur les politiques sociales qu'il avait refusé.

M. Bourassa: M. le Président, pour qu'on s'entende rapidement...

M. Johnson (Anjou): De la même façon que le premier ministre a déclaré que la formule Fulton-Favreau, en 1964, prévoyait la règle des deux tiers alors qu'elle prévoyait la règle de l'unanimité sur les objets qui nous préoccupent. Je comprends, M. le Président, pourquoi on n'a pas de texte juridique. Le problème, c'est que la rigueur dans ces choses-là n'a même pas l'air de préoccuper le premier ministre.

Le Président (M. Filion): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je crois que, pour ce qui a trait à Victoria, j'ai bien dit que c'était le pouvoir de dépenser dans le secteur social. Tout le monde se souvient du débat sur

l'article 94a. Il me semble qu'on pourra vérifier le texte facilement. J'ai mentionné que c'était... Je comprends qu'à ce moment-là peut-être que le chef de l'Opposition était à l'école secondaire ou je ne sais pas, mais on se souvient très bien que ce débat a porté sur les questions de sécurité sociale, puisque M. Castonguay était le ministre responsable. Je ne crois donc pas que le chef de l'Opposition puisse dire...

M. Johnson (Anjou): Je n'étais pas à l'école secondaire, j'étais dans la rue en train de protester contre.

Le Président (M. Filion): M. le premier ministre, la parole est à vous.

M. Bourassa: M. le Président, je ne sais pas si le chef de l'Opposition est plus à l'aise dans les protestations dans la rue que dans les discussions constitutionnelles, mais encore une fois dans le cas de la formule Fulton-Favreau, je pourrai lui faire parvenir une copie et lui lire un article pour, malheureusement, devoir le contredire encore: "Nulle loi édictée en vertu de la présente partie et touchant une disposition de la constitution du Canada qui n'est pas visée aux articles 2, 3 ou 4 de la présente loi n'entrera en vigueur sans le concours des législatures d'au moins les deux tiers des provinces." Donc, c'est la formule des deux tiers.

M. Johnson (Anjou); Ce n'est pas 2, 3 et 4.

M. Bourassa: Deux tiers représentant au moins 50 % de la population du Canada selon le dernier recensement général. Vous avez accepté les deux tiers le 16 avril 1981. Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition... M. le Président, ici j'ai toute une série de points sur 1964 dont on pourra reparler. Pourquoi j'ai parlé de 1964 où c'était la formule 7-50? C'est qu'en 1981 vous avez accepté cette formule alors qu'elle avait été rejetée comme principe en 1964.

Le Président (M, Filion): Il reste, dans l'enveloppe de temps allouée à chacun des deux groupes, deux minutes et quelques secondes au parti d'Opposition et environ 17 minutes et autant de secondes du côté du groupe ministériel. M. le député de Beauharnois.

M. Marcil: Oui, M. le Président. Étant donné que M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes a besoin pour son exposé d'environ 45 minutes...

M. Rémillard: Trente minutes.

M. Marcil: ...de trente minutes à peu près, donc, on serait dans l'obligation de dépasser le temps prescrit...

M. Rochefort: M. le Président, il reste vingt...

Le Président (M. Filion): M. le député de Gouin.

M. Marcil: À moins que vous ne décidiez, vous, d'utiliser les deux minutes qu'il vous reste et puis...

M. Rochefort: Non, justement, M. le Président, nou3 sommes prêts, nous, à permettre au ministre d'utiliser tout le temps qu'il nous reste jusqu'à 18 heures, dès maintenant. Mais si son exposé doit durer 45 minutes, M. le Président, on pourra sûrement reprendre à 20 heures avec cela, c'est important.

Le Président (M. Filion): Non, à ce moment, je suis dans l'obligation de rappeler aux membres de la commission quel est l'aménagement, pour parler français, l'entente intervenue entre les deux groupes politiques. Une entente est intervenue à savoir que pour aujourd'hui - on est mardi -deux enveloppes de temps seront réparties équitablement entre les groupes parlementaires. Équitablement veut dire également. Une enveloppe du début des travaux jusqu'à 18 heures et une seconde enveloppe de 20 heures à 22 heures. La règle de l'alternance s'applique, mais un député peut intervenir plus d'une fois et son temps de parole n'est pas limité.

M. Marcil: M. le Président...

Le Président (M. Filion): Alors, je voudrais terminer, M. le député de Beauharnois, pour vous signaler que, en vertu, encore une fois, de l'entente que vous m'aviez confiée, il existe une première enveloppe de temps qui sera épuisée à 18 heures. Il ne m'est pas loisible, encore une fois en vertu de l'entente intervenue, à moins qu'il n'y ait consentement, de reporter une balance d'enveloppe de notre séance de cet après-midi à notre séance de ce soir. Donc, à ce moment, je vous rappelle ces faits qui sont l'entente intervenue. M. le député de Beauharnois.

M. Marcil: M. le Président, nous connaissons très bien les faits, sauf que, sachant qu'il est absolument difficile pour quelqu'un qui commence un exposé d'être obligé de couper et de reprendre deux heures plus tard, je demanderais, étant donné que l'enveloppe se termine à 18 heures, le consentement de cette commission pour poursuivre après 18 heures.

M. Rochefort: M. le Président, non seulement nous allons poursuivre après 18 heures, mais nous allons poursuivre de 20 heures à 22 heures ce soir. M. le Président, que le ministre prenne le temps qu'il lui reste. Il lui reste 20 minutes, au moins il aura fait cela. Il aurait peut-être pu éviter de faire un amendement bidon, un amendement pour dénaturer la motion, pour nous permettre d'avoir plus de temps, cela est son choix.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président (M. Filion); À l'ordre, s'il vous plattl Est-ce qu'un député du groupe ministériel demande la parole? M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

Exposés préliminaires (suite) M. Gil Rérnillard

M. Rémillard: Oui, M. le Président, j'aimerais tout d'abord faire une précision et dire que ce n'est pas Ottawa qui va rédiger les textes juridiques pour le Québec. Le Québec rédige ses textes juridiques comme Ottawa rédige ses textes juridiques, comme chacune des provinces a à travailler et, à un moment donné, il y a un travail d'ensemble qui se fait. Je voulais simplement exprimer cela au départ.

M. le Président, au lac Meech, c'est vraiment une entente historique que nous avons conclue avec les neuf autres provinces et le gouvernement fédéral, une entente historique pour le Québec parce que premièrement, le Québec récupère des droits historiques qu'il avait perdus; deuxièmement, le Québec redevient un partenaire majeur dans la Fédération canadienne; troisièmement, notre fédéralisme, le fédéralisme canadien gagne avec cette entente une vigueur nouvelle fondée sur un véritable fédéralisme coopératif.

M. le Président, si vous me le permettez, pour illustrer cette entente et l'expliquer, j'aimerais me référer à des tableaux que j'ai fait préparer. Ces tableaux sont ici, si vous me le permettez. Alors, M. le Président, le premier point qui est très important et qui est fondamental pour tout comprendre de cette entente, c'est celui qui met dans la constitution deux principes fondamentaux: tout d'abord, le principe de la dualité canadienne et le principe de la spécificité du Québec. Deux principes fondamentaux qui n'apparaissaient pas dans la constitution canadienne jusqu'à présent et qui vont maintenant être inclus dans la constitution, non pas dans un préambule, M. le Président, mais dans un texte même à l'intérieur de la constitution. Alors, voilà un premier point qui est très important. Il ne s'aqit pas d'un préambule qui servirait de point de référence au tribunal pour interpréter la constitution dans un cas d'ambiguïté, mais il s'agit bien d'une disposition spécifique à l'intérieur de la constitution et qui va préciser pour la première fois que le Canada est fondé sur le principe de la dualité et sur le principe que le Québec est une société distincte. (17 h 45)

Regardons, M. le Président, comment l'entente du lac Meech traduit l'application de ces deux principes. Tout d'abord, il y a: "L'interprétation de la constitution du Canada doit concorder avec." Je me permets d'insister, M. le Président, sur un terme très important. Il s'agit du mot "doit". Il s'agît d'une règle d'interprétation qui n'est pas simplement facultative. Il s'agit d'une règle d'interprétation qui est obligatoire pour les tribunaux. Les tribunaux devront obligatoirement se référer à cette règle d'interprétation pour interpréter l'ensemble de la constitution du pays. Ce n'est pas simplement une partie de' la constitution, mais l'ensemble de la constitution du pays qui devra être dorénavant interprétée en conformité avec le fait que ce pays est fondé sur la dualité et que le Québec est une société distincte.

Dans un premier paragraphe, M. le Président, nous avons la "reconnaissance que l'existence d'un Canada francophone, concentré, mais non limité au Québec, et celle d'un Canada anglophone, concentré dans le reste du pays mais présent au Québec, constituent une caractéristique fondamentale de la Fédération canadienne." C'est le principe de la dualité, M. le Président. C'est ce principe qui avait été reconnu par la commission Laurendeau-Dunton sur le bilinguisme et le biculturalisme: les deux peuples fondateurs, les deux nations. C'est ce principe qu'on retrouve fondamentalement dans ce premier paragraphe. C'est un principe aussi qu'ont reconnu toutes les autres commissions d'enquête comme la commission Pépin-Robarts ou la commission Macdonald. Cependant, la commission Pépin-Robarts nous avait dit que, bien sûr, il existe toujours, ce principe de la dualité fondé sur les deux peuples fondateurs, ces deux peuples, francophone et anglophone, qui ont créé le Canada en 1867, mais qu'à partir surtout des années 1960, par une conjoncture sociale, politique et économique, est apparu ce qu'on peut appeler un phénomène social, un phénomène politique, un phénomène national d'où est émergée la société québécoise. La commission Pépin-Robarts -et c'est un des grands mérites de cette commission, M. le Président - a reconnu que la dualité canadienne existe, deux peuples fondateurs, francophone et anglophone, et qu'existe aussi le Québec, comme une société distincte.

Cette société distincte est reconnue dans un deuxième paragraphe que nous avons à l'élément 1. Nous y lisons: "La reconnaissance que le Québec forme au sein du Canada une société distincte." Nous prenons le terme "société", M. le Président. Nous n'utilisons pas le terme "peuple". Le terme "peuple" est un terme qui est employé pour décrire des hommes et des femmes qui ont des éléments en commun, surtout d'ordre moral, qui ont des affinités d'ordre culturel, de langue et de religion peut-être. Mais nous voulons, par le terme "société", mentionner que les Québécois sont aussi organisés, qu'ils ont des institutions, qu'ils ont un fondement social, politique et économique qui vraiment leur est propre. Nous sommes distincts par notre langue, par notre culture, mais nous sommes distincts aussi par notre Code civil, par notre système économique, par notre système social, par notre façon d'être et de vivre. Voilà ce qui caractérise la distinction du Québec.

Le grand danger, M. le Président, lorsque nous définissons en droit, c'est de limiter. Cette règle d'interprétation que nous allons avoir dans la constitution permettra au tribunal de se référer à cette règle d'interprétation pour interpréter l'ensemble de la constitution canadienne. Il s'agit de ne pas limiter le tribunal par des balises trop rigides, par une définition qui, en quelque sorte, serait un carcan juridique. C'est donc en conséquence que nous avons mis cette société distincte à l'élément b en mentionnant la reconnaissance que le Québec forme au sein du Canada, donc dans la Fédération canadienne, une société distincte.

M. le Président, reste maintenant l'application de ces principes. Dans un premier temps, en ce qui regarde la dualité, on le retrouve dans le second point ici où on lit: "Le Parlement et les Législatures des provinces, dans l'exercice de leurs compétences respectives, prennent l'engagement de protéger la caractéristique fondamentale du Canada mentionnée au paragraphe la." Cela signifie que les Législatures des provinces et le Parlement canadien prennent l'engaqement de reconnaître le fait qu'il existe au Canada deux communautés nationales, une francophone, une autre anglophone. C'est donc un principe de reconnaissance de cette caractéristique fondamentale du fédéralisme canadien qui est inscrit dans ce deuxième point.

Finalement, M. le Président, dans ce premier élément de l'entente du lac Meech, nous avons: "3. L'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir le caractère distinct de la société québécoise mentionné au paragraphe 1b." Pour comprendre la réelle signification de ce dernier paragraphe, il faut comprendre tout d'abord qu'on mentionne l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec. Ce n'est pas simplement l'instance législative, mais c'est en plus l'instance gouvernementale qui est impliquée directement. D'autre part, on mentionne bien "ont le rôle". Il s'agit ici de la reconnaissance d'une fonction. On reconnaît pour la première fois que le Québec, que l'Assemblée législative du Québec, que le gouvernement du Québec, a le rôle de protéger et de promouvoir. Un autre élément très important. Il ne s'agît pas simplement de protéger, de prendre des moyens de défense, mais il s'agit aussi de prendre des moyens pour faire évoluer, pour promouvoir. Donc, deux expressions qui ont leur signification et qu'on doit lire ensemble: le rôle de l'Assemblée nationale et du gouvernement du Québec de protéger - donc, conservation - et de promouvoir, c'est-à-dire de permettre l'évolution, de prendre les moyens pour que ce caractère distinct du Québec puisse évoluer.

M, le Président, lorsqu'on lit ce premier élément de l'entente du lac Meech dans son ensemble, on s'aperçoit que, pour la première fois dans l'histoire de la Fédération canadienne, on aura, inclus dans la constitution - non pas dans le préambule, mais dans un article de cette constitution -le principe de la dualité des deux peuples, des deux communautés nationales qui forment le Canada, l'une francophone, l'autre anglophone et le principe que le Québec est une société distincte et, en plus, le principe que le gouvernement du Québec, que l'Assemblée nationale du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir le caractère distinct... Il est évident qu'une telle disposition pourra avoir beaucoup de conséquences en ce qui regarde l'interprétation de la constitution. Il est certain qu'une telle disposition qui, dans son dernier élément, en ce qui regarde la société distincte et le rôle de l'Assemblée nationale et du gouvernement de protéger et de promouvoir ce caractère distinct, est une véritable déclaration de pouvoir, qui est même plus qu'une règle d'interprétation... Il est évident que, par une telle disposition, on ne chanqe pas le partage des compétences tel qu'il existe présentement. Ce n'est pas parce que nous avons une telle disposition que l'assurance-chômage, par exemple, qui relève de l'autorité fédérale depuis 1940, va devenir de juridiction provinciale. Cependant, il est évident que, dans des cas d'ambiguïté, où le tribunal devra se référer à des critères d'interprétation, des règles d'interprétation pour préciser ce partage des compétences législatives, cette règle d'interprétation, cette déclaration selon laquelle le Québec a le rôle de protéger et de promouvoir le caractère distinct du Québec, de la société québécoise, cela pourra avoir beaucoup de conséquence.

Bien sûr qu'une première conséquence, M. le Président, est en relation directe avec l'application de la Charte canadienne des droits et libertés. Nous avons depuis 1982 une Charte canadienne des droits et libertés, avec aussi la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, mais qui n'a pas la valeur constitutionnelle, qui établit des droits, des libertés qui appartiennent en premier lieu aux Canadiens et Canadiennes qui vivent dans le fédéralisme canadien.

M. le Président, il est évident que cette disposition, en particulier en ce qui regarde îa société distincte, aura une application certaine en ce qui regarde l'article 1 de cette Charte canadienne des droits et libertés. En effet, cet article 1 permet au gouvernement provincial - comme au gouvernement fédéral aussi, mais parlons du gouvernement provincial pour illustrer notre propos - à l'Assemblée nationale du Québec de faire une loi qui pourrait aller à l'encontre de certains droits et de certaines libertés au nom de l'intérêt de la collectivité pour faire valoir des intérêts de l'ensemble de la collectivité québécoise.

C'est ce que l'on appelle le test de la légitimité. Dans la mesure où cette loi est raisonnable, qu'elle se justifie dans une société libre et démocratique, il est donc possible qu'une telle loi puisse aller à l'encontre de droits et de libertés. Maintenant que nous avons ce principe de...

Le Président (M. Filion): En concluant, s'il vous plaît, M. le ministre.

M. Rémillard: Je conclus, M. le Président, en disant que maintenant que nous aurons dans la constitution la reconnaissance de ce rôle de l'Assemblée nationale et du gouvernement de protéger et de promouvoir le caractère distinct de la société québécoise, les tribunaux vont pouvoir s'y référer pour interpréter la constitution canadienne et ce test de la légitimité. Lorqu'on parle du droit civil du Québec, par exemple, qui n'est nullement en danger, avec la Charte canadienne des droits et libertés, vous avez là une référence première d'une extrême importance.

M. le Président, je pourrais donner d'autres exemples...

Le Président (M. Filion)! Malheureusement...

M. Rémillard: ...tout à l'heure au retour, hormis que j'ai le consentement des gens de l'Opposition, étant donné que je sais à quel point ils veulent entendre mes propos. Je pourrais avoir le consentement.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le ministre. Votre temps est déjà écoulé. Alors, donc, il reste quelque deux minutes à M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président, très rapidement je voudrais m'adresser aux personnes qui ont suivi nos débats par le biais de la télévision depuis 15 h 30 cet après-midi parce qu'il y a sûrement de ces personnes-là qui sont un peu surprises de voir le ministre avec sa pancarte et ses tableaux, parce qu'elles ont entendu tantôt les porte-parole gouvernementaux dire qu'il n'y a pas de texte juridique. Ils n'en ont pas et probablement qu'ils n'en auront pas d'ici à la fin des travaux de cette commission. Je voudrais simplement aviser les personnes qui nous écoutent et qui nous regardent qu'il ne s'agit pas des textes juridiques que l'on réclamait et que réclame l'Opposition et que réclame un peu tout le monde. Il s'agit du communiqué de presse du lac Meech. C'est ce que le ministre est en train de nous expliquer, redevenant le professeur qu'il était il n'y a pas très longtemps. Je pense que c'est important de dissiper la confusion, M. le Président. Ce ne sont pas les textes que l'on va retrouver dans la constitution, probablement pas, parce que ce ne sont pas les textes juridiques que tout le monde réclame. Il est important d'établir avec précision les choses. Le ministre va probablement revenir à 20 heures avec d'autres tableaux. Ce ne sont toujours pas les textes juridiques que l'on réclame. C'est important de le signaler.

Le Président (M. Filion): M. le député de Lac-Saint-Jean, nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 20 h 6)

Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je rappellerai évidemment notre mandat qui va se continuer ce soir: Que la commission des institutions entende les représentations de ses membres, de personnes et d'organismes relativement à l'entente intervenue le 30 avril 1987 au lac Meech concernant la constitution du Canada. Pour cette séance de soirée, je vous rappellerai que l'enveloppe de temps est de 60 minutes pour chaque groupe parlementaire, qu'il s'agit d'une nouvelle enveloppe.

Alors, je laisse donc la parole... Oui, M. le député de Gouin?

M. Rochefort: Je veux simplement être certain qu'on s'entende mutuellement sur ce que vous venez de dire. La compréhension que j'ai, c'est que le temps que doit durer la séance de ce soir est partagé en temps égal.

Le Président (M. Filion): C'est cela.

M. Rochefort: Oui, mais, si nous appliquons cela tel que vous l'avez dit, cela voudrait dire qu'on va donc déborder jusqu'à 22 h 7, sans nécessité de consentement unanime, pour pouvoir partager cela 60-60. Je suis d'accord, il n'y a pas de problème là-dessus. Je veux seulement qu'on s'entende maintenant.

Le Président (M. Filion): Vous avez raison.

M. Rochefort: Soit qu'on partage ce qui reste d'ici à 22 heures en deux parties égales, ou qu'on dise que chaque formation a 60 minutes, auquel cas il y a, dès maintenant, consentement unanime pour terminer à 22 h 8.

Le Président (M. Filion): Oui. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: À partir du moment où chacun des groupes parlementaires disposera du même temps, je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Filion): Je pense que, de part et d'autre, vous avez compris que le temps qui reste d'ici à 22 heures... Vous avez raison, M. le député de Gouin, cela fait moins de 60 minutes pour chaque groupe parlementaire, étant donné que nous commençons nos travaux avec quelques minutes de retard. Donc, ce temps est divisé en deux parties égales.

Je laisse la parole au ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Rémillard: Merci, M. le Président.

M. le Président, à la suspension, tout à l'heure, j'ai expliqué le premier point de l'entente du lac Meech, c'est-à-dire que, maintenant, le fait que, dans la constitution canadienne, le caractère distinct du Québec et la dualité canadienne seront des principes qui seront reconnus dans la constitution par une règle d'interprétation, et l'interprétation de la constitution du Canada doit concorder avec elle. Nous avons le principe de la dualité, c'est-à-dire les deux communautés nationales, francophone et anglophone, et le fait que le Québec forme au sein du Canada une société distincte.

M. le Président, j'ai insisté sur le fait que nous avons le mot "doit". Le mot "doit" fait en sorte que nous sommes devant une règle d'interprétation qui n'est pas facultative pour les tribunaux, mais qui est bien obligatoire. C'est donc dire que le tribunal devra recourir à cette règle d'interprétation pour interpréter l'ensemble de la constitution du Canada. C'est donc une règle de très grande importance qui reconnaît deux principes fondamentaux dans le fédéralisme canadien, soit la dualité, d'une part, et la société distincte qu'est le Québec, d'autre part.

M. le Président, j'ai insisté aussi sur le fait que cette règle d'interprétation devient une base juridique au rôle du Québec "de protéger et de promouvoir le caractère distinct de la société québécoise". Ce que cela signifie, M. le Président, c'est que, dorénavant, dans la constitution canadienne, il y aura une disposition spécifique pour bien mentionner que l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger, c'est-à-dire de faire en sorte qu'on puisse prendre des mesures de conservation, mais aussi de promouvoir, voir à ce qu'on puisse évoluer en fonction de ce caractère distinct caractérisant la société québécoise. Quand nous parions de caractère distinct, M. le Président, nous avons cette reconnaissance de la société distincte au paragraphe b, nous l'avons sans définition. Pourquoi sans définition? Parce que nous voulons que cette société distincte ait un sens dynamique et qu'elle reflète non seulement le fait sociologique, c'est-à-dire des hommes et des femmes, des Québécois et des Québécoises qui vivent ensemble sur un territoire, bien sûr, mais en plus qu'elle puisse aussi mentionner que nous avons des institutions, que le Québec est une société fondée sur une langue et une culture particulières, mais aussi une société qui a ses propres institutions, des institutions d'ordre économique, des institutions d'ordre politique, des institutions sociales, en fait, ce qui fait que nous sommes encore plus qu'un peuple, nous sommes organisés politiquement, socialement et économiquement.

C'est donc dire, M. le Président, que nous avons un premier point, qui a été le premier à avoir été négocié et conclu au lac Meech et qui reconnaît, dans la constitution du Canada, le principe de la dualité et le principe que le Québec est une société distincte, deux principes tout à fait nouveaux dans la constitution canadienne.

Le deuxième point qui a été discuté au lac Meech et qui fait l'objet de l'entente concerne la Cour suprême du Canada. Comme vous le savez, M. le Président, depuis 1875, il existe au Canada une Cour suprême qui est le grand arbitre de la Fédération canadienne. C'est la Cour suprême qui, en dernière instance, décide des causes concernant la constitution. Depuis que nous avons une charte des droits et libertés incluse dans la constitution, c'est la Cour suprême aussi qui devient en quelque sorte le grand arbitre de la société québécoise par les valeurs qu'elle doit établir pour le respect de ses droits, de ses libertés qui sont maintenant partie de notre constitution canadienne.

Deux éléments très importants en ce

qui regarde cette Cour suprême. Dans un premier temps, nous avons convenu de "constitutionnaliser ta Cour suprême ainsi que l'obligation de nommer trois de ses neuf juges a même le Barreau civil". Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie que la Cour suprême fait maintenant partie de la constitution du Canada. Cela a comme conséquence directe que trots de ces neuf juges doivent venir obligatoirement du Barreau ou de la magistrature du Québec. C'est une disposition qui existait dans la Loi sur la Cour suprême du Canada, mais ce n'est qu'une simple loi qui aurait pu être modifiée par le Parlement canadien. Maintenant que nous avons cette disposition dans la constitution, c'est donc une garantie que trois juges sur neuf viennent du Québec, du Barreau du Québec ou de la magistrature du Québec. C'est donc un point extrêmement important pour nous.

Deuxième élément important: "stipuler qu'advenant une vacance à la Cour suprême, le gouvernement fédéral nommera, à même une liste de noms proposés par les provinces, une personne dont la candidature lui agrée". C'est donc dire, M. le Président, que, lorsque nous avons un de ces trois juges à nommer à la Cour suprême, comme ce fut le cas tout récemment avec Mme la juge Claire L'Heureux-Dubé, qui a remplacé M. le juge Chouinard décédé récemment, que, lorsqu'il y a une vacance, le gouvernement du Québec propose au gouvernement fédéral une liste de noms et le gouvernement fédéral choisit parmi ces noms le juge qui remplacera le juge qui a soit atteint l'âge de la retraite, soit démissionné, qui ne peut plus exercer son rôle de juge à la Cour suprême.

C'est donc dire que le gouvernement du Québec a l'initiative de proposer des noms et que le gouvernement fédéral doit choisir ces noms à même la liste proposée par le gouvernement provincial. Ce sont donc deux éléments très importants. D'une part, nous constitutionnalisons la Cour suprême, donc la garantie qu'à la Cour suprême trois des neuf juges de la Cour suprême viennent du Québec et, d'autre part, que ces juges sont nommés à partir d'une liste qui est proposée par le gouvernement québécois. Voilà donc deux éléments importants qui nous permettent de dire que maintenant nous avons une garantie de la Cour suprême, une garantie qui est incluse dans la constitution canadienne en ce sens que trois des juges de la Cour suprême viennent du Québec et que le gouvernement du Québec est directement impliqué pour nommer ces juges à la Cour suprême. (20 h 15)

Le troisième point qui a été conclu au lac Meech, donc par l'entente du lac Meech, concerne l'immigration. L'immigration, M. le Président, c'est un sujet très important pour nous, Québécois. Un sujet très important parce que notre taux de natalité est l'un des plus bas au monde dans le monde industrialisé. Avec 1,4 % de taux de natalité, nous sommes les deuxièmes après l'Allemagne de l'Ouest; c'est le deuxième plus bas taux dans le monde industrialisé. Lorsqu'on pense qu'une société industrialisée doit compter normalement sur au moins 2,1 % ou 2,2 % de taux de natalité pour simplement conserver sa population, nous, avec 1,4 % de taux de natalité, cela nous cause beaucoup de problèmes. Donc, nous devons avoir recours à l'immigration. Les pouvoirs que nous avons maintenant, à la suite de cette entente du lac Meech, sont particulièrement significatifs quant à la garantie culturelle que doit avoir le Québec à la suite de cette immigration à laquelle nous devons maintenant avoir recours. .. Dans un premier temps, on prévoit dans la constitution "qu'à la requête d'une province, le gouvernement du Canada négociera, en matière d'immigration, une entente qui réponde aux besoins et aux circonstances particulières de cette province et pourra, sur demande, la constitutionnaliser une fois conclue". Ce que cela veut dire, M. le Président, c'est que, dans la constitution, telle qu'elle apparaît présentement et qu'elle a été conclue en 1867 par les Pères de la confédération, et le gouvernement fédéral et les provinces ont compétence en matière d'immigration, mais avec une prépondérance du gouvernement fédéral. C'est donc dire que c'est le gouvernement fédéral qui peut mener le jeu en matière d'immigration.

En 1978, il y a eu une entente administrative appelée l'entente Cullen-Couture, une entente administrative qui a donné la possibilité au Québec de choisir ses immigrants, immigrants qui demandent donc d'immigrer au Québec à partir de l'extérieur du Canada. C'est donc dire que, lorsque quelqu'un de l'extérieur du Canada, un citoyen d'un autre pays demande de venir immigrer au Québec, le Québec peut sélectionner ces personnes à même ses propres critères, mais il s'agit d'une entente strictement administrative.

Ce que nous gagnons maintenant de par cette entente du lac Meech, nous gagnons le fait que cette entente appelée Cullen-Couture est maintenant constitutionnalisée. Elle est maintenant dans la constitution, elle sera dans la constitution lorsque cette entente deviendra constitutionnelle. Cette entente vient donc confirmer que le Québec a la compétence de sélectionner ses propres immigrants qui demandent, de l'extérieur du Québec, de venir immigrer au Québec. C'est un premier point qui confirme donc Cullen-Couture dans son application constitutionnelle. Cependant, M. le Président, cela ne se limite pas à ce simple aspect. C'est une procédure qui nous permet aussi de choisir nos immigrants qui sont déjà sur

place - et cela aussi est un élément très important, parce que cela comprend au moins 25 % de nos immigrants - et qui demandent de devenir immigrants. Cela peut être, par exemple, des étudiants qui sont ici en médecine ou dans une autre science. Cela peut être aussi des touristes qui sont en visite au Canada, au Québec, et qui demandent de devenir immigrants. C'est plus de 25 % de notre immigration et c'est une compétence que nous n'avions pas et que maintenant nous avons, la possibilité de sélectionner nos immigrants qui sont sur place.

Troisièmement, et c'est un élément très important, avec l'entente du lac Meech, nous avons la possibilité d'établir nos programmes d'intégration de nos immigrants. Nous avons un problème, M. le Président, pour garder nos immigrants. Plus de 50 % de nos immigrants choisissent, à un moment donné, d'aller vers une autre province. Il faut donc prendre Ies moyens pour leur donner le goût de demeurer au Québec. Ces moyens, pour nous, sont des compétences que nous n'avions pas. Pouvoir leur donner des cours de langue, pouvoir leur donner des cours de formation, pouvoir leur donner des cours d'information sur nos institutions et sur notre façon de vivre. Avec cette entente du lac Meech, nous allons pouvoir donner a ces immigrants l'information qui va leur permettre de s'intégrer à la société québécoise.

Autre point très important, avec l'entente du lac Meech, nous avons la garantie, et nous pouvons lire ici que cette entente "garantira au Québec, à l'intérieur du total annuel établi par le gouvernement fédéral pour l'ensemble du Canada, un nombre d'immigrants, incluant les réfugiés, proportionnel à sa part de la population canadienne, avec droit de dépasser ce chiffre de 5 pour cent pour des raisons démographiques". Avec un minimum garanti d'immigrants en fonction de notre poids démographique dans la fédération canadienne, nous pourrons même dépasser de 5 % ce nombre calculé sur notre poids démographique, soit environ 26 % "pour le moment, pour compenser notre faible taux de natalité.

Cette entente sur l'immigration, dans un premier temps, vient consacrer le pouvoir du Québec de sélectionner les gens qui demandent à immigrer au Québec de l'extérieur du Canada, ceux qui demandent à immigrer au Québec et qui sont déjà à l'intérieur du Québec ou du Canada - cela comprend environ 25 % de notre immigration - et la possibilité d'avoir nos propres systèmes, nos propres cours d'intégration en ce qui regarde l'instruction, la formation, l'information d'une façon générale sur les systèmes politique, économique, social, etc., que nous avons. Elle nous donne aussi la garantie que nous aurons droit à un minimum d'immigrants en fonction de la moyenne nationale et ce, basé sur notre poids démographique dans la fédération, avec la possibilité d'avoir un supplément de 5 % pour compenser notre faible taux de natalité.

Voilà donc une entente qui vient certes constitutionnaliser l'entente administrative Cullen-Couture, mais qui va plus loin que cette dernière en confirmant des droits du Québec qui nous donnent une garantie culturelle pour les prochaines décennies.

Un autre sujet de très grande importance pour le Québec, conclu aussi au lac Meech, c'est cette entente relative au pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Qu'est-ce que cela signifie, le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral? Cela signifie que ce dernier a le pouvoir de dépenser des sommes d'argent dans un domaine qui ne relève pas de sa compétence, dans un domaine de compétence provinciale. Le gouvernement fédéral l'a utilisé à plusieurs reprises depuis que cette fédération a été créée en 1867. Le gouvernement fédéral l'utilise dans le domaine social et il l'utilise aussi dans le domaine économique en fonction de plusieurs programmes nationaux. Ce pouvoir de dépenser est un pouvoir qui existe dans la jurisprudence canadienne, c'est-à-dire que les tribunaux ont dit que le gouvernement fédéral avait le droit de dépenser des sommes d'argent dans un domaine de compétence provinciale, mais cela n'apparaît pas expressément dans la constitution canadienne. Il n'est pas écrit comme tel dans la constitution canadienne que le gouvernement fédéral peut dépenser des sommes d'argent dans un domaine de compétence provinciale. Mais la Cour suprême et le comité judiciaire du Conseil privé, dans les années trente, ont décidé que ce pouvoir existait.

Il y a bien d'autres pouvoirs qui ne sont pas exprimés précisément dans la constitution et qui relèvent du gouvernement fédéral, comme, par exemple, la compétence du gouvernement fédéral de légiférer en matière d'aéronautique, sur les aéroports. C'est une compétence qu'on ne retrouve pas dans la constitution parce qu'en 1867 les Pères de la confédération ne pouvaient pas prévoir qu'on aurait des moyens de transport par voie aérienne. On a maintenant cette compétence qui appartient au qouvernement fédéral, mais qu'on ne retrouve pas expressément dans la constitution canadienne. C'est un peu la même chose pour le pouvoir de dépenser qui n'est pas précisément établi dans la constitution canadienne, mais qui existe en pratique.

Il s'agissait donc de délimiter la portée de ce pouvoir de dépenser, et le texte qui a été convenu au lac Meech est celui-ci: "Stipuler que le Canada doit accorder une juste compensation à toute province qui ne participe pas à un nouveau programme

national à frais partagés dans un domaine de compétence provinciale exclusive si cette province met en oeuvre de son propre chef une initiative ou un programme compatible avec les objectifs nationaux."

M. le Président, dans les années soixante, le gouvernement fédéral a utilisé ce pouvoir de dépenser pour établir, par exemple, des allocations scolaires pour les étudiants de 16 et 17 ans. Il a aussi utilisé ce pouvoir de dépenser dans un plan national concernant les bourses aux étudiants - je donne deux exemples - et, dans ces deux cas, le gouvernement québécois a décidé de se retirer de ces programmes nationaux, c'est-à-dire que le gouvernement fédéral a dit: Nous allons avoir un programme national qui s'appliquera à l'ensemble des provinces et qui permettra à des étudiants de bénéficier de bourses d'études. Le Québec a dit: II s'agit - l'éducation - de compétence provinciale; nous voulons conserver cette compétence et nous allons nous-mêmes établir notre propre programme. Dans ce cas, le gouvernement québécois a donc décidé de se retirer du programme national et il a reçu, en contrepartie, une compensation financière, parce qu'il décidait d'assumer lui-même une compétence que les autres provinces avaient décidé de confier au gouvernement fédéral. C'est ce qu'on a appelé l'"opting out" avec compensation financière, le droit de retrait avec compensation financière. C'était une pratique politique qui était discutée, qui était basée sur un jeu de forces politiques.

Ce que nous avons comme entente maintenant nous permet de dire que le pouvoir de dépenser aura un cadre d'action pour le gouvernement fédéral et que les provinces auront la possibilité - et cette possibilité sera inscrite dans la constitution -de se retirer d'un programme national dans la mesure où elles établissent elles-mêmes un programme compatible avec les objectifs nationaux. Qu'est-ce que cela veut dire, M. le Président? Cela veut dire que le Québec peut...

M. Rochefort: M. le Président. Je m'excuse, M. le ministre.

Le Président (M. Marcil): Cela va. Oui, M. le député de Gouin.

M. Rochefort; Oui, j'ai voulu faire délicatement et attirer l'attention du ministre. M. le Président, j'ai une question de règlement à soulever, avec toutes les excuses que je dois adresser au ministre parce qu'il n'est pas mis en cause dans la question de règlement que je veux soulever.

Avant la suspension de nos travaux, à 18 heures, nous avions, de ce côté-ci, observé un problème technique de la télédiffusion des débats quant au respect des pratiques usuelles de l'Assemblée nationale. Quand un membre de l'Assemblée nationale a la parole et qu'il y a télédiffusion des débats, on sait, M. le Président, que c'est le membre de l'Assemblée nationale qui a la parole que l'on doit retrouver au petit écran. On s'est aperçu pour des raisons, j'en suis convaincu, qui ne sont pas dues à la mauvaise foi de quiconque, bien au contraire, M. le Président, qu'avant l'ajournement de 18 heures, compte tenu de l'utilisation des tableaux, cela alternait; à l'occasion, c'était le tableau seul, c'étaient le tableau et l'intervenant et, à d'autres occasions, l'intervenant seul.

M. le Président, nous avons demandé que le comité directeur de la télédiffusion des débats soit saisi de ce problème qui va à ['encontre de la pratique, ce qui a été le cas. Selon les informations que j'ai, il y a eu une rencontre du président et du whip en chef de l'Opposition, et le président a normalement sensibilisé le whip en chef du gouvernement qui sont tous les trois membres du comité directeur de la télédiffusion des débats pour que, en tout temps, nous apercevions au petit écran le parlementaire qui prend la parole, que ce soit avec ou sans ses tableaux, car, M. le Président, on veut respecter le droit pleinement légitime du ministre des relations fédérales-provinciales d'utiliser ou non des tableaux pour s'exprimer, sauf que, en tout temps, on doit voir au petit écran l'intervenant qui a la parole. (20 h 30)

Je viens, en regardant le moniteur, de m'apercevoir qu'on a encore des situations où on ne voit que le tableau sans voir au petit écran le parlementaire qui a la parole; ceci contrevient à la pratique et aux rectificatifs qui sont normalement intervenus au moment de ta suspension des travaux pour l'heure du souper. Alors, M. le Président, je voudrais que nous nous assurions que cette pratique sera rétablie immédiatement et pour tout le reste de nos travaux pour qu'il n'y ait pas de précédent qui soit créé et qui soit invoqué à un moment ou à un autre pour donner une extension à l'utilisation de la télédiffusion des débats, ce qui, j'en suis convaincu, n'est pas le but que recherchait le ministre qui a présentement la parole. Je suis convaincu, M. le Président, que ce n'est pas une erreur de mauvaise foi de la part des gens qui sont préposés à la télédiffusion des débats. Peut-être que des directives ne se sont pas rendues à temps. Je voudrais m'assurer, M. le Président, qu'à partir de maintenant on appliquera rigoureusement cette règle quant à la pratique de la télédiffusion des débats.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le député de Gouin. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, je comprends les remarques du député de Gouin qui tient à ce que les Québécois et les Québécoises puissent très bien suivre le débat en pouvant lire le texte au tableau et, également, les commentaires de l'intervenant, qui sont tous les deux aussi intéressants l'un que l'autre.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Frontenac, nous allons faire en sorte que le débat télévisé soit».

M. Lefebvre: Je crois que le ministre a des commentaires à ajouter pour bien situer l'intervention du député de Gouin.

M. Rémillard: Simplement, M. le Président, j'ai déjà dit que l'entente du lac Meech était une entente bien détaillée, que ce n'étaient pas simplement des grands principes, qu'il y avait un texte et voici le texte, M. le Président. Je montre à la population et à l'Opposition le texte de cette entente du lac Meech. Je veux l'expliquer et je me demande pourquoi il refuse de voir, que ce soit en gros plan ou en plan moyen...

M. Rochefort: M. le Président.

M. Rémillard: ...pourquoi il refuse de voir le texte de l'entente du lac Meech. Pourquoi se fermer les yeux, alor3 que le texte est là et que j'ai pris la peine de le faire déposer, de le faire mettre, dis-je, sur des panneaux pour qu'il soit le plus visible possible et explicable?

M. Rochefort: M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre.

M. Rochefort: M. le Président, sur la question de règlement, dans le droit d'alternance. M. le Président, je pense qu'on vient d'avoir une belle illustration de la façon partisane avec laquelle le ministre vient de tenter d'utiliser la question de règlement que j'ai soulevée.,. Et déformation des faits, M. le Président. J'ai été très clair et très précis, M. le Président, que nous respectons pleinement le droit du ministre d'utiliser les documents et les tableaux qu'il souhaitera. S'il veut faire de la politique avec les tableaux qu'il utilise, qu'il tente donc de nous montrer ses tableaux quant à la traduction juridique de ses textes, cela a de la valeur et de la signification pour l'avenir du Québec beaucoup plus que ses papiers de communiqués de presse grossis ou rapetisses.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le député de Gouin. Un dernier intervenant sur cette question de règlement.

M. Marx: J'ai aussi regardé à la télévision et j'ai trouvé cela tout à fait normal. En effet, je me souviens que, quand j'étais dans l'Opposition il y a quelques années, les ministres péquistes ont eu des tableaux, ils ont fait des démonstrations, ils ont fait des discours même dans le salon bleu, comme ce soir. J'aimerais vous suggérer de sortir les cassettes pour voir ce qu'a été la pratique au salon bleu et ce qu'a été la pratique au salon rouge pendant des années. Vous allez voir que nous respectons les règles ce soir et qu'il n'y a rien à changer. Je pense que c'est un peu exagéré de la part du député de Gouin. En ce qui concerne les autres députés qui sont d'accord avec lui, ils n'étaient pas ici il y a quelques années.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre de la Justice. S'il vous plaît, je demanderais aux gens de la télévision de faire apparaître également le porte-parole de la partie mînîstériellel Merci.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, je vous remercie. Je disais donc que, quant à ce pouvoir de dépenser qui permet au gouvernement fédéral de dépenser des sommes d'argent dans un domaine de compétence qui relève des provinces, maintenant avec l'entente du lac Meech, il sera possible de délimiter l'application de ce pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Il y aura possibilité, pour les provinces qui ne veulent pas être liées par le programme à frais partagés qui existe dans la fédération nationale, de se retirer de ce programme national et de recevoir, en contrepartie, une juste compensation financière. M. le Président, cette pratique existait et a existé à une couple de reprises au moins dans l'histoire de notre fédéralisme, en particulier dans les années 1960, mais cela était basé sur une stricte pratique politique. Maintenant, cette pratique politique sera incluse dans la constitution, ce qui est une protection pour les provinces, et c'est une protection pour le Québec. II faut bien comprendre, M. le Président, que le pouvoir de dépenser n'est pas un moyen pour le gouvernement fédéral d'aller à l'encontre du partage des compétences législatives. Le gouvernement fédéral dépense des sommes d'argent dans un domaine de compétence qui relève de la province, mais la province qui ne veut pas recevoir ces sommes d'argent, qui ne veut pas participer au proqramme national, peut tout simplement se retirer. La province, si elle veut recevoir, par contre, les sommes d'argent qui lui reviendraient si elle participait à ce programme national devra elle-même avoir un programme compatible avec tes objectifs nationaux. Compatible avec les objectifs nationaux, M. le Président, j'insiste sur ces mots, les

objectifs nationaux. Il ne s'agit donc pas ici de critères, il ne s'agit pas de normes, il s'agit de "les objectifs nationaux" de la fédération.

Prenons un exemple qui peut se produire dans un avenir prochain, concernant les garderies. On sait que le gouvernement fédéral veut établir un plan national concernant les garderies partout au Canada. Nous, au Québec, nous avons un programme concernant les garderies. Si nous disons au gouvernement fédéral, qui veut établir un plan national concernant les garderies: Non, nous ne sommes pas intéressés è participer au programme national, nous voulons conserver notre propre programme et respecter nos propres critères, nos propres normes, nous pourrons le faire. Et nous pourrons demander au gouvernement fédéral de nous donner une juste compensation financière parce que nous aurions droit à ces sommes d'argent si nous participions au programme national. Cependant, il est bien évident, M. le Président, et on l'accepte volontiers, qu'on ne peut pas prendre ces sommes d'argent et aller les dépenser pour la construction d'autoroutes. Il faut comprendre que, si on reçoit des sommes d'argent, c'est parce qu'il y a un programme national dans la fédération, que la province décide d'avoir son propre programme et de ne pas participer au programme national; donc, en contrepartie elle reçoit de l'argent du gouvernement fédéral pour avoir son propre programme. Elle pourra suivre ses propres critères, ses normes à elle, cependant, bien sûr, que ce programme qu'elle établit elle-même devra être compatible avec les objectifs nationaux. On ne donne pas l'argent qu'on a reçu pour un programme sur les garderies pour construire des autoroutes, mais on respecte ces critères, on respecte ces normes de qualité, d'accessibilité qui sont propres à la province.

Ce qu'il faut donc comprendre de ce pouvoir de dépenser, M. le Président, à la suite de l'entente du lac Meech, c'est maintenant la possibilité de circonscrire l'application de ce pouvoir qui existe déjà dans la constitution canadienne de par la jurisprudence et qui maintenant sera circonscrit en fonction de ce pouvoir d'une province de se désengager, de refuser de participer à un programme national è frais partagés et de recevoir une compensation financière. Voilà un sujet qui est de très grande importance pour le Québec et voilà certainement un pas qui va nous aider à planifier un développement économique, social, culturel qui sera mieux articulé en évitant les dédoublements de gouvernement. Dans bien des cas, M. le Président, on assiste, dans le développement régional, par exemple, à deux ordres de gouvernement qui agissent en même temps. Et c'est difficile de coordonner les actions, surtout en fonction de ces programmes nationaux établis par le gouvernement fédéral qui peuvent à certains moments venir bouleverser les ordres de priorité établis par la province. Dorénavant, il y aura un cadre d'action et la province pourra se dégager d'un programme national à frais partagés, elle pourra recevoir une compensation financière en conséquence pour avoir son propre programme. C'est donc un autre point très important qui a été conclu dans l'entente du lac Meech.

Finalement, M. le Président, il y a une dernière entente et qui n'est pas la moindre, celle concernant la formule de modification. Toute constitution doit prévoir une formule par laquelle on peut modifier cette constitution. Nous avons une formule actuellement, depuis 1982, nous avons une formule de modification, mais qui ne reconnaissait pas les droits historiques du Québec de pouvoir dire non à un amendement constitutionnel qui allait a l'encontre ou qui pourrait aller à l'encontre de ses droits comme société distincte ou comme partenaire majeur de la Fédération canadienne.

Maintenant, ce droit de dire non est récupéré et ce, de deux façons. Dans un premier temps, on complète la formule qui existe présentement, c'est-à-dire qu'on maintient "la formule générale de modification constitutionnelle prévue actuellement à l'article 38, qui exige le consentement du Parlement et celui des assemblées législatives d'au moins deux tiers des provinces représentant au moins cinquante pour cent de la population". Présentement, c'est la règle générale que nous avons pour modifier notre constitution, M. le Président. Il faut sept provinces qui totalisent 50 % de la population de l'ensemble des provinces pour modifier la constitution canadienne, et il y a possibilité pour une province, selon cette formule d'amendement que nous avons présentement, de se retirer d'un amendement constitutionnel. Par exemple, si sept provinces décidaient, sept provinces totalisant 50 % de la population des provinces, décidaient de confier au gouvernement fédéral l'ensemble de la responsabilité législative concernant la protection de l'environnement, le Québec pourrait dire: Nous voulons conserver cette compétence que nous avons en matière d'environnement. Les autres provinces pourraient confier au gouvernement fédéral cette compétence en matière d'environnement et le Québec avoir, lui, conservé pour lui cette compétence en matière d'environnement.

Cependant, selon la formule actuelle, dans un tel cas, le gouvernement fédéral assumerait ta responsabilité de la protection de l'environnement pour les autres provinces qui n'auraient pas à débourser de sommes d'argent pour ce programme de protection de

l'environnement, alors que le Québec, qui aurait choisi de conserver pour lui cette compétence en matière d'environnement, devrait débourser des sommes d'argent importantes pour exercer cette compétence en matière de protection de l'environnement. Selon la formule actuelle, il n'y a pas de compensation financière, ce qui veut dire que des Québécois et des Québécoises, si un gouvernement prenait cette décision de se retirer d'un amendement, seraient, à toutes fins utiles, doublement taxés parce que leurs taxes serviraient à assumer les frais du programme pour les autres provinces, par l'entremise du gouvernement fédéral qui reçoit cette compétence, et aussi à assumer les dépenses de leur propre gouvernement pour avoir un programme d'environnement sur le territoire québécois.

Cette lacune de la formule d'amendement a été retirée et, maintenant, nous avons une compensation financière dans tous les cas, c'est-à-dire peu importe l'amendement constitutionnel. Dans tous les cas, et non seulement dans les matières de culture et d'éducation, comme c'est le cas présentement, mais dans tous les cas, comme, par exemple, dans le cas de l'environnement que je viens de mentionner, il sera possible à une province de se retirer d'un amendement, donc, de dire non à un amendement et de recevoir une compensation financière en conséquence.

D'autre part, il est facile de comprendre qu'on ne peut pas se retirer d'une institution. On peut se retirer d'un amendement qui concerne le partage des compétences législatives. Lorsqu'on donne une compétence de la province, on la confie au fédéral. On peut se retirer d'un tel amendement. On peut dire: Nous le conservons. Mais, si on décide de modifier le Sénat, si on décide de modifier la répartition des sièges à la Chambre des communes pour représenter les provinces, si on décide d'accepter un nouveau partenaire dans la fédération canadienne, on ne peut pas se retirer d'un tel amendement. Et c'était un élément qui avait été oublié. On avait oublié de penser qu'on ne pouvait pas se retirer d'un amendement concernant une institution lorsqu'on a pensé à cette formule que nous avons toujours, en 1981, et le résultat a été que le Québec a été privé d'un droit de veto, un droit historique qui lui appartient et que, maintenant, avec l'entente du lac Meech, il recouvre. Le Québec retrouve, par l'entente du lac Meech, le droit de dire non. (20 h 45)

Un amendement constitutionnel concernant les institutions fédérales, que cela soit le Sénat, que cela soit le mode de représentation des provinces aux Communes par le nombre de députés, que cela soit l'entrée dans la fédération de nouvelles provinces, le Québec a maintenant la possibilité de dire non. C'est donc là un point majeur. C'est la récupération de droits historiques du Québec, le droit de veto du Québec sur les institutions, le droit de dire non à un amendement constitutionnel qui irait à l'encontre de ce caractère distinct du Québec, qui irait à l'encontre du fait que le Québec est un partenaire majeur de la fédération canadienne.

M. le Président, les cinq points que je viens d'étudier avec vous, il s'agit là de la réponse du gouvernement fédéral et des neuf autres provinces aux cinq conditions que nous avions posées. Ces cinq conditions sont une première étape pour ensuite aborder, dans une deuxième étape, une réforme constitutionnelle plus globale, une réforme constitutionnelle telle que prévue aussi dans l'entente du lac Meech qui portera sur la réforme du Sénat, qui portera aussi sur un sujet particulier que sont les pêches dans la fédération canadienne. Les pêches sont de compétence fédérale, avec des ententes administratives pour les provinces. On veut les revoir. Ce sont des intérêts économiques importants. Plusieurs provinces ont des intérêts économiques dans le partage des compétences législatives en ce qui regarde les pêcheries. Mais d'autres sujets viendront s'ajouter pour refaire en quelque sorte un partage des compétences législatives d'une façon peut-être plus adéquate avec l'évolution de notre fédération; du moins, permettre au premier ministre de regarder le partage des compétences législatives et de voir s'il est toujours conforme à l'évolution de notre fédération. Revoir aussi nos institutions comme le Sénat, revoir nos institutions pour les rendre conformes aussi à l'évolution de notre fédéralisme.

M. le Président, je voudrais aussi attirer votre attention sur un point très important qui est peut-être passé sous silence dans les commentaires que nous avons reçus sur cette entente du lac Meech, mais qui est très important. C'est le fait que cette entente consacre dans la constitution la conférence annuelle des premiers ministres sur l'économie prévue annuellement par le protocole d'entente de février 1985. Depuis février 1985, une entente a été conclue entre les premiers ministres, le premier ministre du Canada et les premiers ministres des provinces, stipulant que se tient, chaque année, une conférence des premiers ministres sur l'économie, mais c'est une simple entente politique. Ce n'est pas un mécanisme qui existe formellement dans la constitution. Dorénavant, cette réunion de premiers ministres, cette conférence de premiers ministres, qui était facultative, qui dépendait de la bonne volonté du premier ministre du Canada, sera concrétisée par un texte constitutionnel précis. C'est donc dire que, chaque année, les premiers ministres se rencontreront pour discuter de l'économie de

la fédération. Il faut lire cette nouvelle disposition constitutionnelle avec le pouvoir de dépenser que j'expliquais précédemment. Cette conférence des premiers ministres concernant l'économie deviendra un nouveau forum, un forum privilégié qui permettra aux premiers ministres de discuter d'économie, de faire en sorte que le pouvoir de dépenser soit aussi mieux articulé, de discuter de ces programmes nationaux qu'on veut établir dans la fédération, de discuter de leur implication dans l'économie de la fédération. C'est donc dire qu'on a là un élément nouveau qui va permettre à la Fédération canadienne d'évoluer en fonction d'un véritable fédéralisme coopératif.

M. le Président, le dernier élément sur lequel j'attire votre attention, c'est le fait que, tant que la constitution n'aura pas été modifiée en ce qui concerne le Sénat, parce qu'il y a l'obligation de discuter dans un premier temps de la réforme du Sénat dans une deuxième étape de la constitution, lorsque nous aurons réglé la première étape, au début de juin probablement, lorsque toute cette entente du lac Meech sera sanctionnée et qu'elle deviendra partie de la constitution, on procédera à une deuxième étape de la réforme constitutionnelle, on discutera en priorité de la réforme du Sénat. Mais, tant que cette réforme ne sera pas faite, le gouvernement fédéral nommera, à même une liste de noms proposés par la province où une vacance se produit, une personne dont la candidature lui agrée. C'est donc dire que, dorénavant, lorsqu'il y aura une vacance chez les sénateurs du Québec, le gouvernement du Québec pourra proposer une liste de noms au gouvernement fédéral et ce dernier nommera le nouveau sénateur à partir de la liste proposée par le gouvernement provincial.

M. le Président, il faut donc voir dans cette entente du lac Meech une entente historique qui redonne au Québec des droits historiques qu'il avait perdus comme le droit de veto sur les institutions, le droit de dire non à un amendement constitutionnel qui va à l'encontre de sa situation comme partenaire majeur de cette fédération ou comme société distincte. Cette entente permet aussi au Québec de reprendre sa place comme partenaire majeur de cette Fédération canadienne. Finalement, cette entente permet à notre fédéralisme de prendre un souffle nouveau, d'avoir une vigueur nouvelle en fonction d'un véritable fédéralisme coopératif basé sur la vigueur de nos régions et sur des intérêts d'ordre national que nous allons pouvoir dégager d'un véritable consensus national dans l'ensemble des provinces. C'est en ce sens que la conclusion s'impose d'elle-même, l'entente du lac Meech est une entente historique, et, comme l'ensemble des commentateurs avertis l'ont mentionné, c'est la meilleure entente que nous pouvions avoir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le ministre délégué aux Affaires intergouvemementales canadiennes.

M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, j'aurais un certain nombre de remarques préliminaires è faire et je souhaiterais - c'est pour cela que je le demande avant - poser une série de questions sur le fond au ministre responsable de ce dossier. Après mes remarques préliminaires, est-ce que je peux compter sur cet échange avec le ministre? Plutôt que de poser des questions qui demeurent sans réponse, je souhaiterais la formule de l'échange. Je poserais mes questions l'une après l'autre et le ministre pourrait y apporter des réponses, s'il en a.

M. Lefebvre: M. le Président.

Le Président (M. Filion): Oui, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: En principe, je n'ai pas d'objection, sauf qu'il faut bien comprendre que les réponses du ministre sont comptées sur le temps du député qui pose les questions.

Le Président (M. Filion): M. le... Non, écoutez...

M. Lefebvre: C'est ce qui a été convenu. Cela fait partie de l'intervention du député qui choisit d'intervenir sous cette forme plutôt que d'intervenir ad lib.

Le Président (M. Filion): M. le député de Frontenac, lorsqu'un député prend la parole, son temps est déduit de l'enveloppe parlementaire qui est dévolue au groupe parlementaire auquel il appartient. Le député de Lac-Saint-Jean pose une question à M. le ministre. Je ne sais pas s'il daiqne y répondre?

M. Lefebvre: M. le Président.

Le Président (M. Filion): Oui, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Le mandat de la commission est d'entendre les interventions des parlementaires pour la première journée des débats, à savoir aujourd'hui. J'aimerais bien que vous précisiez votre décision. Est-ce que vous considérez que le député de Lac-Saint-Jean pourrait poser des questions jusqu'à la fin de nos travaux sans épuiser le temps prévu au reste de l'enveloppe de

l'Opposition?

Le Président (M. Filion): Encore une fois, pour le bénéfice de tous les membres de cette commission, lorsqu'un député prend la parole, son temps de parole est déduit de l'enveloppe accordée au groupe parlementaire auquel il appartient. Je pense que c'est suffisamment clair. Si le député de Lac-Saint-Jean prend quelques minutes pour faire des représentations, quelques minutes pour poser une question, le temps qu'il prend est déduit du temps du groupe parlementaire de l'Opposition. Si le ministre prend la parole, son temps de parole est déduit du temps de votre groupe, M. le député de Frontenac, je pense que c'est clair.

M. Lefebvre: M. le Président, vous me permettrez de vous rappeler que le mandat de la commission, c'était d'entendre les représentations des parlementaires et non pas d'ouvrir un débat. Je tiens à vous souligner que, sur le fond, nous n'avons pas d'objection, sauf que c'est une question de principe. Il était également prévu que la ministre des Communautés culturelles fasse son intervention et, suivant la tournure des événements, je dois comprendre qu'on pourrait être privé de l'intervention de la ministre.

Le Président (M. Filion): M. le député de Frontenac, je pense que les choses sont claires. La parole est à M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je comprends bien que, de toute façon dans le mandat, M, le Président, un échange entre parlementaires n'était pas exclu non plus. Il me semble qu'en posant des questions, cela aurait permis d'apporter un éclairage plus intéressant sur le contenu de l'entente. Je prends acte du refus du parti gouvernemental...

Des voix: Bien, voyons donc!

Le Président (M. Filion): La parole est au député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Bien tiens! Je prends acte du refus ministériel, c'est clair.

M. Lefebvre: Je ne refuse pas l'échange. Ce n'est pas là la question, M. le Président. Je veux tout simplement qu'on établisse les règles et qu'on ne puisse pas perdre notre enveloppe, ne serait-ce qu'une partie, au profit de l'Opposition. Ce n'est que cela mon propos. Je n'ai pas d'objection au débat comme tel, loin de là, et on le verra dans les prochaines minutes.

M. Brassard: Au profit de l'Opposition, vous ne le savez pas, vous ne pouvez pas le savoir. Cela dépend des réponses du ministre. Si elles sont bonnes, c'est à votre profit; si elles sont mauvaises, c'est au nôtre. Donc, je présume que vous pensez qu'elles seraient toutes mauvaises.

Le Président (M. Filion): M. ledéputé de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Très bien, M. le Président. Je voudrais, dans un premier temps, apporter une rectification à des propos du premier ministre cet après-midi concernant la formule Fulton-Favreau. C'est de l'histoire, mais je pense qu'on a eu là un bel exemple du manque de rigueur du premier ministre. Le premier ministre a cité la formule d'amendement Fulton-Favreau pour laisser entendre, contrairement à ce qu'affirmait le chef de l'Opposition, que la règle de l'unanimité ne s'appliquait pas dans le cadre de la formule Fulton-Favreau. Je cite une autorité en la matière, M. Gil Rémillard, dans son bouquin sur le fédéralisme canadien, page 72 du tome II, n'est-ce pas, où il est indiqué que la formule Fulton prévoit que le Parlement du Canada aurait le pouvoir d'amender la constitution aux conditions suivantes - c'est précisément le paragraphe qu'a oublié de lire le premier ministre cet après-midi: "1) Nulle loi relative aux pouvoirs législatifs des provinces, aux droits ou privilèges que la Constitution du Canada accorde ou garantit à la législature ou au gouvernement d'une province, à l'emploi des langues anglaise et française, au droit d'une province à une représentation minimum à la Chambre des communes non inférieure à sa représentation au Sénat ou à la procédure de modification elle-même, ne devrait entrer en vigueur sans le concours des législatures de toutes les provinces..." De toutes les provinces! Personne n'osera mettre en doute M. Rémillard comme autorité constitutionnelle. Alors, le premier ministre n'avait pas raison, cet après-midi, de prétendre que la formule Fulton-Favreau ne consistait qu'en la majorité des deux tiers des provinces. Sur l'essentiel, entre autres, le partage des compétences, il fallait l'unanimité. On recommandait l'unanimité. Manque de rigueur du premier ministre.

M. le Président, mes remarques préliminaires, avant de formuler mes questions, qui demeureront sans réponse, malheureusement, mais qui m'apparaissent importantes, porteront d'abord sur la question linguistique. Non seulement, on le sait, la langue française est de plus en plus minoritaire en Amérique du Nord, mais il est clair aussi que les objectifs fondamentaux de la loi 101, la charte du français, sont déjà et seront de plus en plus battus en brèche par l'interprétation du Canada Act et de la Charte canadienne des droits.

D'ailleurs, le ministre délégué aux

Affaires intergouvernementales canadiennes signalait en 1982, quelque temps après le rapatriement unilatéral, et je le cite: "Ce sont les tribunaux et en dernière analyse la Cour suprême canadienne qui feront à toutes fins utiles maintenant la politique linguistique au Canada". Il énonçait cette prophétie en 1982. (21 heures)

Je dois vous dire qu'en 1987 on doit reconnaître qu'il avait raison. Il avait pleinement raison parce que toute une série de jugements des tribunaux et en particulier de la Cour suprême ont été rendus et ils ont pour effet de faire des brèches importantes dans la Charte de la langue française. Dès 1979, on se rappellera que le chapitre III sur la langue de l'administration et de la justice avait été jugé inconstitutionnel par la Cour suprême. En 1984, la Cour suprême déclare inconstitutionnel le chapitre VIII de la Charte de la langue française qui traite de la langue d'enseignement. La clause Canada écarte, si l'on veut, la clause Québec et favorise la bilinguisation du Québec. En 1984 également, l'affaire Forget remet en cause la validité des tests linguistiques pour les professionnels. En 1984 toujours, un jugement de la Cour d'appel affirme qu'un employeur n'est obligé d'utiliser le français que dans ses communications avec l'ensemble de son personnel. Plus récemment encore, on se rappellera que la Cour d'appel - toujours - a rendu un jugement important sur l'affichage, décrétant que l'affichage unilingue français est réputé inconstitutionnel à cause même de la Charte canadienne des droits et libertés.

Par conséquent, on doit en arriver è la conclusion que le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes avait pleinement raison, en 1982, d'affirmer que désarmais, au Canada, donc au Québec aussi, ce sont les tribunaux et, en définitive, la Cour suprême qui feront la politique linguistique.

Tout le monde au Québec, je pense, reconnaît qu'il faut assurer, compte tenu de la situation particulière du peuple québécois en Amérique du Nord, une protection efficace et aussi la promotion du français sur le territoire québécois. C'est d'autant plus vrai qu'on se rend compte que les progrès constatés relativement à la francisation au Québec sont fragiles; on se doit de constater leur fragilité. On a connu, au cours des derniers mois même, des reculs importants sur le front linguistique. C'est à cause de cette situation particulière et c'est pour cette raison que l'ancien gouvernement, le gouvernement du Parti québécois, dans son projet d'accord constitutionnel, avait inscrit la proposition suivante: Que la constitution reconnaisse au Québec le droit exclusif de déterminer sa langue officielle et de légiférer sur toute matière linguistique dans les secteurs de sa compétence.

À deux reprises, d'ailleurs, à l'Assemblée nationale, l'Opposition a présenté des motions pour inciter le gouvernement à faire en sorte que, dans les conditions qu'il exigeait pour signer la constitution, apparaisse celle qui nous semblait fondamentale concernant la pleine juridiction, la pleine compétence de l'Assemblée nationale en matière linguistique. Donc, que l'on supprime ou que l'on écarte les entraves constitutionnelles à la francisation du Québec, les obstacles constitutionnels dans le secteur linguistique de façon que l'Assemblée nationale ait pleine juridiction, pleine compétence, compétence entière, en matière linguistique, pour une raison très simple - et je pense que tout le monde le reconnaîtra -s'il y a un caractère distinct de la société québécoise et du peuple québécois qui fait l'évidence, qui crève les yeux et qu'on peut juger essentiel, fondamental, c'est bien évidemment la langue française.

Voilà pourquoi tout le concept de société distincte que l'on retrouve dans l'entente du lac Meech nous apparaît devoir retenir notre attention parce que, quant à nous en tout cas, il est très clair que ce qui distingue d'abord et avant tout la société québécoise, c'est sa langue. C'est le fait que les Québécois parlent français. Et c'est évidemment à la suite de ses remarques préliminaires que j'aurais voulu poser des questions au ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Je les énumère, je les formule, elles seront inscrites au Journal des débats. J'espère qu'en une autre occasion le ministre pourra y répondre avec le plus de précision possible parce qu'il nous a conviés à un examen approfondi du fond. Les questions que je vais lui poser sur le concept et la notion de société distincte m'apparaissent importantes et je suis persuadé que non seulement mes collègues, mais beaucoup de ceux et de celles qui s'intéressent à cette question constitutionnelle au Québec se posent ou se sont posé des questions semblables.

Une première question par exemple. Est-ce que la règle d'interprétation à l'effet de reconnaître le Québec comme société distincte sera intégrée à la constitution? Est-ce qu'elle va s'appliquer uniquement à la charte canadienne des droits ou à l'ensemble de la constitution? En d'autres termes, où va se situer la notion de reconnaissance de société distincte? Parce que, selon la place où elle se situe dans les textes constitutionnels, cela a une importance, je pense. Est-ce que cela va s'appliquer exclusivement à la charte canadienne des droits ou à l'ensemble des textes constitutionnels?

Deuxièmement, est-ce que l'entente envisagée relativement à la société distincte va changer quelque chose au transfert des pouvoirs politiques de l'Assemblée nationale

vers les tribunaux canadiens causé par la charte des droits et libertés? Je signale à ce sujet un bulletin qui vient tout juste de sortir et qui est celui du Conseil pour l'unité canadienne, bulletin d'analyse politique, étude des rapports fondamentaux au Canada. Le dernier bulletin d'avril 1987 porte sur la Charte canadienne des droits et libertés. On peut y lire, entre autres, la phrase suivante: "En pratique, donc, l'effet le plus important de la charte canadienne consistera peut-être à transférer du Parlement et des Assemblées provinciales vers les tribunaux une part considérable du pouvoir de décision politique." Est-ce que l'entente envisagée relativement à la société distincte va changer quelque chose au transfert du pouvoir politique de l'Assemblée nationale vers les tribunaux canadiens causé par l'application de la charte canadienne des droits, tel que reconnu dans ce bulletin d'analyse politique du Conseil pour l'unité canadienne?

Troisième question là-dessus. Est-ce que la garantie recherchée par le ministre quant à la règle d'interprétation concernant le caractère spécifique du Québec va accorder ou donner au Québec une compétence complète en matière linguistique? Ce dont je parlais dans mes remarques préliminaires. Je pourrais peut-être poser la question plus concrètement. Si cette reconnaissance du Québec comme société distincte avait été inscrite dans la constitution en 1981, est-ce qu'un jugement de la Cour suprême sur l'affichage ou de la Cour d'appel, comme c'est le cas présentement, est-ce qu'un jugement de la Cour suprême sur la langue d'enseignement, est-ce que ces jugements des tribunaux auraient été modifiés ou auraient été différents si cette reconnaissance d'une société distincte avait été inscrite dans la constitution dès 1981? En d'autres termes, donc, je répète, est-ce que la reconnaissance du caractère spécifique du Québec comme société distincte va accorder au Québec une compétence pleine et entière en matière linguistique?

Quatrième question. La règle d'interprétation qu'on entend intégrer à la constitution sur la société distincte comporte, on le sait - le ministre en a longuement parlé - deux volets. D'abord, la reconnaissance de la dualité linguistique au Canada ou du caractère bilingue. Je cite: "La reconnaissance que l'existence d'un Canada francophone concentré, mais non limité au Québec, et celle d'un Canada anglophone concentré dans le reste du pays, mais présent au Québec, constituent une caractéristique fondamentale de la Fédération canadienne." Reconnaissance de la dualité linguistique au Canada comme caractère fondamental de la Fédération canadienne. L'autre volet, la reconnaissance que le Québec forme une société distincte. Et on accorde, après cela, un double rôle à l'Assemblée nationale, celui d'abord de protéger le caractère fondamental de la Fédération canadienne, soit la dualité linguistique, et celui ensuite de protéger et de promouvoir le caractère distinct de la société québécoise. Lequel de ces deux rôles a priorité sur l'autre? Lequel de ces deux rôles est plus important, est prédominant, a prépondérance? Est-ce que c'est le rôle consistant à protéger le caractère fondamental de la fédération, soit la dualité linguistique, le caractère bilingue, ou est-ce le rôle consistant à protéger ou à promouvoir le caractère distinct de la société québécoise? Cela m'apparaît important de clarifier et de répondre à cette question parce qu'on peut supposer des situations où il y aura conflit entre les deux rôles, entre les deux volets; quel rôle va prévaloir et qui va décider de donner priorité è l'un ou l'autre rôle? Je pense que c'est important de connaître, dans l'esprit du ministre et du gouvernement, de ceux qui ont signé l'entente, comment ils voient la hiérarchie des rôles, de ce double rôle. Les tribunaux vont évidemment s'ajuster en conséquence, mais ce n'est pas clair et ce n'est pas indiqué dans le texte de l'entente. Cela m'apparaît important de clarifier cette question.

Autre question sur le pouvoir fédéral de dépenser. J'aimerais savoir du ministre, qui est un expert en matière constitutionnelle, qui a écrit deux grosses briques là-dessus, si le Québec a déjà reconnu explicitement le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral dans des domaines de compétence exclusive provinciale. Est-ce que cela s'est déjà fait? Où est-ce inscrit, si cela s'est déjà fait? Parce que cela m'apparaît une première historique. Le ministre parlait tantôt d'une entente historique. À ce sujet-là, cette reconnaissance explicite dans la constitution du pouvoir du gouvernement fédéral d'intervenir et d'empiéter dans des domaines strictement et exclusivement réservés aux provinces m'apparaît une première historique. Cela m'apparaît vraiment historique. Si c'est unique et si c'est la première fois que cela arrive ou si c'est déjà arrivé qu'un gouvernement du Québec reconnaisse explicitement ce pouvoir du qouvernement fédéral, j'aimerais savoir quand cela s'est produit. Si le ministre me répondait qu'il n'est pas question de reconnaître ce principe, je lui poserais la question suivante: Comment prévoyez-vous limiter le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral dans des domaines de compétence des provinces sans reconnaître explicitement cette possibilité, ce pouvoir d'intervention? (21 h 15)

L'encadrement, tel que proposé pour ce qui est du pouvoir fédéral de dépenser - cela aussi est une question qui m'apparaît

majeure - ne semble, en tout cas c'est ce qu'indique le ministre, s'appliquer qu'aux nouveaux programmes nationaux à frais partagés.

Les nouveaux programmes. Qu'arrive-t-il? Le chef de l'Opposition a posé maintes et maintes fois la question à l'Assemblée nationale, entre autres à la période de questions. Qu'arrive-t-il des programmes existants? Dieu sait qu'il y en a toute une série. À l'Assemblée nationale cet après-midi, le ministre a entassé des gros bouquins concernant les programmes fédéraux à frais partagés existants. Qu'arrive-t-il des programmes fédéraux à frais partaqés existants en vigueur qui s'appliquent actuellement? Est-ce que l'entente les concerne?

Une autre question qu'on doit se poser - si la réponse est non, cela ne concerne pas les programmes existants, bon, très bien -mais ces programmes existants, lorsqu'ils arrivent à échéance, lorsqu'il convient de les renouveler, en les modifiant si nécessaire, lorsqu'ils arrivent à échéance, est-ce qu'ils sont considérés comme étant des nouveaux programmes? Est-ce que la règle à ce moment concernant les nouveaux programmes s'applique pour les anciens programmes qui arrivent à échéance et qu'il faut renouveler? Si c'est le cas, c'est un peu plus intéressant. Je pense que c'est une question à laquelle on aimerait avoir une réponse. On me dit que cela va venir. C'est malheureux que cela ne vienne pas ce soir, mais enfin.

Alors, ce sont là quelques questions, il y en a bien d'autres. On en posera plusieurs aux experts qui vont commencer à défiler devant nous demain. Ces questions concernant la société distincte, ces questions concernant le pouvoir fédéral de dépenser, je les pose évidemment dans le but d'en arriver à un examen approfondi et sérieux de l'entente du lac Meech. Le ministre nous a répété à maintes reprises, en particulier lors de l'interpellation de vendredi et aujourd'hui également, qu'il souhaitait que cette commission parlementaire examine en profondeur l'entente au-delà des divergences partisanes. Je pense que les questions que j'ai posées à ce sujet sont pertinentes et qu'elles méritent des réponses les plus précises possible. Si, à ces questions que je juge pertinentes, les réponses sont imprécises, floues et vagues ou absentes, je pense qu'à ce moment on devra s'interroger sérieusement sur l'opportunité de signer une telle entente.

Pour le moment, en tout cas, quant à moi, M. le Président, je maintiens mon opinion, à moins qu'à toutes ces questions j'aie des réponses positives et détaillées, mais je maintiens mon opinion qu'on est en face d'une entente dangeureusement minimale, une entente comportant beaucoup trop d'ambiguïtés, d'omissions volontaires et d'une entente comportant des insuffisances majeures. Quant à nous, je le répète, le chef de l'Opposition l'a exprimé lors de son allocution de cet après-midi: Pour qu'une entente comme celle-là devienne quelque peu acceptable pour le Québec, il faudrait qu'à tout le moins elle comporte quatre autres éléments majeurs. D'abord le droit exclusif pour le Québec, pour l'Assemblée nationale, de légiférer en matière linguistique sur son territoire. Cela nous apparaît essentiel, fondamental. Si cet élément ne se retrouve pas dans une entente constitutionnelle, je suis pleinement d'accord avec M. Dion, à ce moment, il ne faut pas signer. Il ne faut pas signer.

En parlant de M. Dion, je signale au ministre qu'il devrait se montrer plus prudent quant à son jugement sur des articles de constitutionnalistes ou d'experts en la matière, surtout quand cela comporte deux articles. Je me souviens que, la semaine dernière, il s'était extasié sur le premier article de M. Léon Dion. Le deuxième n'était pas de la même eau. Aujourd'hui, il a commis la même imprudence relativement au premier article de M. Latouche. Attendez le deuxième. Je préférerais, quant à moi, que vous réserviez votre jugement quand il y aura un autre article qui suivra.

Donc, si l'élément concernant le droit exclusif de l'Assemblée nationale à légiférer en matière linguistique sur son territoire ne se retrouve pas dans une entente constitutionnelle, M. le Président, je dis que tout Québécois qui se respecte ne devrait pas l'accepter et devrait inciter le gouvernement à ne pas la signer. Je pense que le chef de l'Opposition a parlé longuement et d'une façon très concrète de la protection du droit civil contre les attaques de la charte des droits. Cela doit aussi apparaître dans une entente constitutionnelle. L'entente du lac Meech est muette sur la question importante des gains majeurs pour le Québec en matière de développement économique et surtout de main-d'oeuvre. Toute entente constitutionnelle qui ne comporte pas un élément précis sur la main-d'oeuvre me paraît inacceptable, quant à moi.

Quatrièmement, une entente constitutionnelle acceptable devrait contenir une garantie quant au maintien et à l'expansion de la présence du Québec sur la scène internationale, au moins une extension de ses compétences exclusives en matière internationale. Ce n'est pas dans l'entente du lac Meech, à moins que je ne l'aie mal lue. Il me paraît essentiel que cela s'y retrouve.

Voilà, M. le Président, très rapidement, les quelques commentaires que j'avais à faire. Je regrette cependant qu'on n'ait pas enclenché un échange avec le ministre à partir des questions que j'ai posées. Cela aurait été sans doute plus intéressant parce que, aux questions, les réponses seraient

venues immédiatement. Cela aurait été sans doute plus intéressant pour tous ceux qui suivent nos débats à cette - commission parlementaire. Malheureusement, cela n'a pas été possible. Mais j'espère qu'à l'occasion d'autres séances le ministre n'oubliera pas les questions que je lui ai posées et qui me paraissent pertinentes. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. je reconnaîtrai maintenant un intervenant du groupe ministériel. Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, à vous la parole.

Mme Louise Robic

Mme Robic: Merci, M. le Président. Le 30 avril 1987 aura donc été une date historique, une de ces dates qui serviront certainement de points de repère aux historiens qui se pencheront sur la vie du Québec et du Canada en cette deuxième moitié du XXe siècle. C'est une date qu'il faudra citer tout de suite après celle du 20 mai 1980, dont elle est à la fois la conséquence et la consécration: conséquence dans la mesure où le choix alors fait par le Québec réclamait de nouveaux liens constitutionnels qui reconnaissent tout à la fois son attachement au Canada et sa spécificité, et consécration, enfin, car c'est la preuve que ce pari que nous avons alors fait sur le présent et sur l'avenir du Québec était le bon.

Je sais, M. le Président, que ces deux dates marquent la concrétisation des espoirs les plus profonds de la société québécoise, qui exige que son avenir et sa spécificité lui soient garantis au sein de la Confédération canadienne. Il aura donc fallu attendre près de sept ans et l'élection de deux nouveaux gouvernements, tant à Ottawa qu'à Québec, pour qu'une suite constitutionnelle soit enfin donnée au choix qu'ont fait les Québécois et les Québécoises lors du référendum de mai 1980.

Je ne peux m'empêcher, M. le Président, au tout début de mon discours, de remercier et de féliciter très chaleureusement le premier ministre et mon collègue, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, qui ont magistralement réussi à obtenir pour le Québec des pouvoirs que l'Opposition avait soit perdus, soit été incapable d'obtenir. Ces pouvoirs, M. le Président, répondent tout à fait aux attentes de la très grande majorité des Québécoises et des Québécois et sauront assurer au Québec la pérennité de ses caractéristiques propres qui en font, au sein du Canada, une société distincte. Assurés que nous serons dorénavant de notre devenir collectif, de notre sécurité culturelle, c'est avec enthousiasme que nous bâtirons ensemble une société juste, prospère et dynamique. Cette société québécoise, nous savons fort bien qu'elle se bâtira, entre autres, avec des hommes et des femmes qui viendront des quatre coins de l'univers chercher au Québec une terre de paix, de travail et de liberté.

Conscients de l'importance qu'a eue au cours des dernières années l'apport des communautés culturelles à la vie nationale québécoise et conscients que l'avenir du Québec est indissociable des apports de l'immigration internationale, il était essentiel que notre participation pleine et entière à la constitution canadienne s'accompagne de gains importants en matière d'immigration. Je souhaiterais prendre quelques instants pour faire, devant cette commission, la démonstration que les gains réalisés par le premier ministre et mon collègue sont majeurs et complets.

Depuis 1968, année de sa création par le gouvernement de l'Union Nationale, le ministère de l'Immigration, devenu depuis celui des Communautés culturelles et de l'Immigration, a constamment cherché à obtenir de nouveaux pouvoirs du gouvernement fédéral. Sans doute, les pouvoirs obtenus par le Québec en mai 1971, dans le cadre de l'entente Lang-Cloutier, étaient-ils bien modestes. Cette entente aura toutefois permis au Québec de se doter de conseillers en immigration, en poste à l'étranger, qui pouvaient rencontrer des candidats désireux de venir s'installer chez nous.

Un pas important a été franchi en octobre 1975 lors de l'entente Andras-Bienvenue. Par cette entente, le Québec, qui ne détenait encore aucun pouvoir de sélection des immigrants, obtenait de rencontrer tous les candidats à destination du Québec afin de les informer correctement sur la vie au Québec.

Il faudra attendre le 20 février 1978, par la signature de l'entente Couture-Cullen, pour qu'enfin le Québec dispose de véritables pouvoirs de sélection des immigrants. Il faut reconnaître que cette entente signée par le gouvernement du Parti québécois accordait au Québec des pouvoirs importants en matière de sélection des immigrants. De même qu'à l'époque nous avions su reconnaître ces mérites, je souhaite qu'aujourd'hui l'Opposition reconnaisse à son tour les gains faits en matière d'immigration lors de la rencontre des premiers ministres au lac Meech.

L'entente Couture-Cullen permettait au Québec de sélectionner à l'étranger les immigrants indépendants et les réfugiés. Elle permettait au gouvernement du Québec d'établir les normes financières pour les garants désireux de faire venir leur famille. Elle accordait également au Québec des pouvoirs de décision partagés avec le fédéral en ce qui concerne la venue des travailleurs

temporaires, d'étudiants étrangers et de visiteurs pour raison médicale.

Qu'en est-il maintenant de l'accord du lac Meech en matière d'immigration? L'entente Couture-Cuilen était une entente administrative. Cela signifie qu'elle pouvait être dénoncée unilatéralement par le gouvernement fédéral. Bien qu'importante, on voit que cette entente était très fragile. Notre premier objectif était donc d'obtenir que les pouvoirs qui sont les nôtres en vertu de l'entente Couture-Cuilen nous soient conférés par la constitution. Cet objectif a été totalement atteint de telle sorte que nous n'avons plus à craindre de perdre nos pouvoirs en matière d'immigration.

L'entente Couture-Cuilen ne portait que sur la sélection des immigrants et des réfugiés à l'étranger. Je me permets d'insister sur le fait que les pouvoirs de sélection que nous détenons actuellement ne s'appliquent qu'à l'étranger. Cela signifie que, lorsque nous exerçons nos pouvoirs de sélection en dehors des frontières canadiennes dans une délégation du Québec, dans une ambassade canadienne ou dans un camp de réfugiés, le Canada s'est engagé à accepter, sous réserve de ses prérogatives en matière de santé et de sécurité, les candidats que nous sélectionnons. Il faut reconnaître que le gouvernement fédéral a toujours respecté les décisions québécoises lorsqu'elles portaient sur des dossiers traités à l'étranger. (21 h 30)

Bien que mes prédécesseurs l'aient demandé à plusieurs reprises à leurs homologues fédéraux, le Québec n'a actuellement aucun pouvoir en matière de sélection des immigrants sur place. Sait-on, M. le Président, qu'au cours des quatre dernières années les cas traités sur place représentaient 26 % de tous les cas d'immigration acceptés au Québec? Cela veut dire que 17 136 personnes ont été acceptées comme immigrants au Québec, sans que nous n'ayons pu, nous-mêmes, en faire la sélection. L'accord du lac Meech est sur ce point une très grande victoire, car il nous permettra désormais de sélectionner les immigrants indépendants dans les dossiers qui seront traités sur place. En résumé, M. le Président, nous obtenons la garantie constitutionnelle de tous les pouvoirs de sélection contenus dans l'entente Couture-Cuilen, plus le droit de faire, ici même au Québec, la sélection des immigrants indépendants.

Je sais que des esprits chagrins nous reprocheront sans doute de n'avoir pas demandé et, par conséquent, de n'avoir pas obtenu des pouvoirs de sélection pour les cas de réfugiés traités sur place. Il est vrai que nous n'avons pas demandé de nouveaux pouvoirs concernant cette catégorie et je voudrais vous expliquer pourquoi. J'espère que le chef de l'Opposition écoute, parce qu'il semblait avoir certains problèmes de compréhension de cet aspect du dossier cet après-midi. Les personnes qui demandent au Canada le statut de réfugié voient leur demande étudiée par le gouvernement fédéral. Au terme de cette étude, le Canada reconnaît ou non le statut de réfugié. Cette reconnaissance du statut de réfugié ne peut être faite que par un État souverain, signataire de la Convention de Genève et du protocole de New York. En ce sens, le Québec ne peut reconnaître lui-même le statut de réfugié. Cette reconnaissance étant accordée, il serait odieux que l'on procède ensuite à une sélection. Pourrait-on accepter que l'on retourne dans le pays qu'il a dû fuir un réfugié reconnu au Canada par le gouvernement fédéral? M. le Président, nous n'avons pas cherché à obtenir de nouveaux pouvoirs en matière de sélection des réfugiés au Québec. D'ailleurs, je voudrais rappeler à cette commission que le gouvernement précédent n'a jamais fait de demande en ce sens et même c'est le député de Mercier qui adressait une lettre à Mme Flora MacDonaîd le 29 avril 1985 et qui disait: "Nous n'avons pas et nous n'avons jamais eu l'intention de nous immiscer dans le processus formel de reconnaissance du statut de réfugié."

Donc, premier gain: sélection sur place. Deuxième gain: Nous avons maintenant l'assurance que nous pourrons accueillir un nombre d'immigrants proportionnel à notre part de la population canadienne avec droit de dépasser cette part de 5 %. Compte tenu des circonstances démographiques qui sont les nôtres, ce gain est capital. Il nous assure que l'immigration internationale à destination du Canada ne servira pas à "minoriser" le Québec au sein de la Fédération canadienne. Je voudrais vous rappeler que, si le Québec reçoit 30 % d'immigration, il y en a 70 % pour le reste du Canada. Les gains dont je viens de vous parler justifieraient à eux seuls un appui enthousiaste à l'accord du lac Meech. Mais nos habiles négociateurs ont réussi a aller plus loin et à obtenir davantage. Pendant des années, le gouvernement précédent avait tenté d'obtenir de nouveaux pouvoirs du gouvernement fédéral en matière d'accueil, d'adaptation et d'intégration. Nous, nous avons obtenu tous ces pouvoirs et en même temps. Ces pouvoirs sont fort importants et j'en suis très fière. Obtenir des pouvoirs plus importants en matière de sélection, obtenir des assurances quant au niveau d'immigration, cela est très bien, mais ce qui est encore mieux, c'est d'obtenir les moyens et les pouvoirs de s'assurer qu'à l'avenir tous les ressortissants étrangers qui viendront s'établir au Québec à titre d'immigrants ou à titre de réfugiés s'intégreront à la société québécoise et à sa majorité francophone. Par les pouvoirs que

nous cède le gouvernement fédéral, nous pourrons contrôler tous les mécanismes d'accueil, d'intégration et de francisation des immigrants. Nous aurons enfin en main les moyens de nous assurer que nos nouveaux concitoyens sauront s'intégrer avec rapidité et avec harmonie à notre société. M. le Président, dans le domaine de l'immigration, nous avons fait des gains formidables.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. Je cède maintenant la parole à M. le député de Mercier.

M. Gérald Godin

M. Godin: Merci, monsieur. Depuis toujours le Québec s'inquiète que son poids démographique au Canada ne diminue et n'en fasse une minorité. Les Québécois savent que, si le Québec passe sous la barre des 25 % de la population canadienne, les conséquences seront lourdes de sens. Tout d'abord, une diminution du nombre de sièges au Parlement fédéral mais, plus encore, une diminution des paiements de transfert, c'est-à-dire des montants d'argent que le gouvernement fédéral retourne au Québec des millions récoltés sous forme de taxes ou d'impôts dans la poche des Québécois.

Il faut se rappeler que le Manitoba était une province à majorité française il y a un siècle. L'immigration a permis à Ottawa, en une génération, d'en faire une province à majorité anglaise. Le Québec n'a jamais oublié une telle situation, aussi il a fondé, en 1968, le ministère de l'Immigration pour justement que le Québec joue son rôle et empêche l'immigration de nuire à sa spécificité culturelle. Depuis lors, d'autres ententes ont été signées entre le Québec et Ottawa pour culminer avec l'entente Cullen-Couture qui donne au Québec le pouvoir de sélectionner ses propres immigrants en vertu de ses critères à lui.

Le texte du lac Meech change-t-il quoi que ce soit à la situation actuelle? Il constitutionnalise l'entente Cullin-Couture, c'est bien sûr, et, pour cela, bravo! Mais pour ce qui est du déficit démographique du Québec, qui est le point le plus important, qu'en est-il? Y a-t-il quelque chose de changé? Le gouvernement prétend que oui, pour deux raisons. D'abord, le Québec aura droit dorénavant à un pourcentage du quart du nombre total d'immigrants qui viennent au Canada. De plus, le même texte prévoit que le Québec pourra obtenir 5 % de plus que ce 25 % pour des raisons démographiques.

Est-ce un gain? Si on s'en tient aux apparences, il semble y avoir un gain. Mais la réalité est tout autre. En effet, comme le texte accorde le même traitement à toutes les provinces, le gain est annulé. Le texte du lac Meech, en accordant à toutes les provinces les mêmes avantages, risque de nous mener non seulement à l'absurde, mais au même danger que le qouvernement prétend éviter. En effet, si chaque province se prévaut du même 25 % plus 5 %, on arrive à une situation absurde au Canada, puisque dix fois 5 % font 50 %, donc 150 % d'immigrants.

Là où nous quittons le comique pour entrer dans le tragique c'est que ces 50 % seraient ainsi divisés: 45 % au Canada anglais et 5 % au Québec. Donc, les dangers que l'entente veut éviter ne sont pas du tout évités, au contraire. On ajoute, dans l'entente éventuelle, une possibilité pour chaque province et on ajoute un danger plus grand que celui qui existait jusqu'à maintenant.

M. le Président, les chiffres comiques et leurs effets pervers sur la société distincte que le texte prétend sauvegarder attestent le caractère bâclé de la négociation. Parce que c'est l'avenir du Québec, il faut donc regarder ces textes de près et se rendre bien compte que les dangers futurs sont plus graves que la situation actuelle. Il faut donc dénoncer l'entente et se rendre compte qu'il s'agit là de poudre aux yeux. Ce texte est non seulement vide de sens, mais il est porteur d'inquiétude. Le gouvernement n'a d'autre recours que de maquiller les faits en espérant que la population n'y verra que du feu. Mais, M. le Président, si on regarde ces textes de près - et je pense qu'il faut que la population le fasse, nous sommes ici pour l'y aider - il faut être contre une telle entente, malgré les quelques pas qu'elle permet de faire en avant, parce qu'elle est porteuse de plus de dangers que d'avantages au total. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le député de Mercier. Est-ce qu'un représentant du groupe ministériel veut prendre la parole?

M. Marx: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Filion): M. le ministre de la Justice, il reste deux minutes à votre formation.

M. Marx: Oui, mais, M. le Président...

Le Président (M. Filion): La parole est au ministre de la Justice.

M. Marx: Pour certains discours que j'ai entendus aujourd'hui, cela aurait été trop, mais je pense que, si j'ai deux minutes, je vais donner l'occasion à quelqu'un de l'Opposition de prendre mes deux minutes.

Une voix: ...

M. Marx: Mes deux minutes. J'aimerais céder mes deux minutes au député de Gouin, parce que je sais qu'il a des choses très importantes à nous dire.

M. Rochefort: M. le Président, devant autant de générosité, je suis ébahi.

M. Boulerice: II vous rend justice finalement.

Le Président (M. Filion): Est-ce qu'un autre représentant du groupe ministériel désire épuiser l'enveloppe de sa formation? Non. Donc, la parole est à M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je puis peut-être donner l'occasion au ministre de la Justice ou au ministre des Affaires intergouvernementales...

M. Lefebvre: Je m'excuse, M. le chef de l'Opposition. On utilisera le temps qu'il nous reste avec M. le ministre des Affaires intergouvernementales qui terminera notre enveloppe de deux minutes.

Le Président (M. Filion): M. le ministre, à vous la parole. M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Rémillard: Merci, M. le Président. Tout à l'heure, on m'a posé une série de questions. J'en prends bonne note et je puis dire que, pendant les travaux de cette commission, je pourrai y répondre; de plus, des experts viendront témoigner devant cette commission et je crois que ces questions pourront aussi leur être posées. Je crois que nous allons répondre à ces questions. Soit que j'y répondrai personnellement, soit que les experts pourront y répondre, mais certainement que nous aurons l'occasion d'y revenir.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le ministre. M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, puisque le ministre est là et que mon collègue de Lac-Saint-Jean lui a posé un certain nombre de questions, peut-être qu'il pourrait utiliser la minute et trente qui lui reste ou à peu près pour essayer de répondre à une de ces questions. La règle d'interprétation de la société distincte va être intégrée à la constitution. D'abord, est-ce que le texte qu'on a devant nous est le texte juridique définitif?

M. Rémillard: Vous avez le texte de l'entente qui a été conclue au lac Meech. Ce texte a été discuté, analysé et le texte juridique sera très semblable.

M. Johnson (Anjou): Oui, enfin on sait qu'avec des "très semblable" on a fait dire bien des choses à la constitution canadienne. Si je comprends bien, donc, on n'a pas le texte juridique définitif. Le ministre dit qu'il y a là les principes, mais le texte ne sera pas identique, il sera très semblable. Est-ce que le ministre pourrait nous dire où ce texte va être situé à l'intérieur du corps constitutionnel canadien? On a appris que ce n'était pas à côté de "le Canada existe pour sauvegarder les intérêts de l'Empire britannique" dans le préambule et je dirais au ministre, incidemment, que jamais dans nos propositions constitutionnelles on n'a dit que la reconnaissance du peuple distinct allait dans le préambule. Je ne sais pas où il a pris cela. Je l'ai entendu répéter cela ainsi que le premier ministre, mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas dans les propositions constitutionnelles qu'on avait dit que "reconnaissance du peuple québécois" devrait être dans le préambule. On dit qu'il doit y avoir une reconnaissance du peuple québécois et, deuxièmement, il faut qu'il y ait une substance à cette reconnaissance concernant notamment le partage des pouvoirs, les droits linguistiques, les droits en matière de droits civils, la reconnaissance de nos compétences internationales et, notamment, de tout le secteur de la main-d'oeuvre. Il n'y a rien de tout cela dans l'entente du lac Meech.

Est-ce que le ministre pourrait nous dire si le texte sur la société distincte va être intégré à la charte canadienne et à quel article? Deuxièmement, cela va-t-il avoir des conséquences, sur le plan juridique, seulement sur certains aspects de la charte canadienne ou sur l'ensemble des aspects de la charte canadienne? Et est-ce qu'il y aura, après la notion du Canada bilingue de la première partie, une prépondérance de la société distincte par rapport au caractère bilingue du Canada?

Le Président (M. Filion): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, dans un premier temps, je veux dire à l'Opposition que cette règle d'interprétation qui consacre le Québec comme société distincte aura une application pour l'ensemble de la constitution. Donc, il est évident que cette règle ne se retrouvera pas dans la charte mais se retrouvera dans un endroit spécifique pour montrer que cette règle s'applique à l'ensemble de la constitution canadienne. Où exactement cela pourra s'appliquer, on pourra le voir un peu plus tard, mais ce que je peux dire ce soir à l'Opposition c'est que cette règle sera inscrite dans la constitution à un endroit où manifestement on verra que cette règle s'applique à l'ensemble de la constitution canadienne.

M. Johnson (Anjou): Alors prenons

d'abord la règle elle-même, si le ministre me le permet. La règle elle-même est formulée en deux temps. Le Canada est un endroit bilingue, c'est une caractéristique fondamentale de la fédération. Toutes les Législatures, y compris le Québec, doivent s'engager à protéger cette dimension fondamentale de la fédération. Deuxième-ment, le Québec est une société distincte et le gouvernement du Québec a comme rôle de promouvoir cela, ainsi que l'Assemblée nationale. Pour lui, lequel des deux va l'emporter dans les litiges? Oisons que le Québec décide de légiférer en matière de câblodistribution au Québec. Pour savoir qui va réglementer les câblodistributeurs qui amènent des dizaines de postes de télévision aux gens, des postes de radio dans bien des cas, est-ce que, d'après lui, la règle d'interprétation s'appliquerait et deuxièmement, est-ce que d'après lui, le caractère distinct du Québec l'emporterait sur le fait que c'est bilingue dans le fond, la câblodistribution et que cela devrait être fédéral? (21 h 45)

M. Rémillard: Dans un premier temps, je voudrais dire que le principe de la dualité, c'est une simple reconnaissance de fait. Le principe de la société distincte, c'est une base juridique d'action pour protéger et pour promouvoir. Deuxièmement, en ce qui regarde l'exemple que vous donnez sur la câblodistribution il est un peu difficile parce que la câblodistribution est de compétence fédérale. Elle a été donnée à la juridiction du gouvernement fédéral. Prenez le cas de Radio-Québec, par exemple, qui est un radiodiffuseur québécois. Nous disons qu'il est de juridiction québécoise. Je pense que votre spécialiste, à l'arrière, vous le confirme.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Rémillard: C'est un eminent spécialiste, mon collègue Brun. Cela a été décidé en 1978...

M. Johnson (Anjou); Oui, mais ce n'est pas dans la constitution. On se comprend bien, c'est par un jugement de la Cour suprême.

M. Rémillard: Non, c'est dans la constitution. Écoutez, il ne faut pas...

M. Johnson (Anjou): Parfait!

M. Rémillard: La câblodistribution - cela va vous informer sur ce point - est de juridiction fédérale. Prenons Radio-Québec. Je vais vous répondre. Regardez, Radio-Québec est donc de juridiction provinciale. Si c'était contesté, nous pourrions dire... Vous savez que certains disent que Radio-Québec est de juridiction fédérale parce que c'est de la radiodiffusion. La radiodiffusion est de compétence fédérale. Nous, nous disons que c'est provincial parce que c'est de l'éducation, que c'est de la culture. Avec une clause pareille, lorsque le tribunal aura à interpréter une telle situation, le tribunal pourrait se référer au fait que le Québec est une société distincte et que le gouvernement et l'Assemblée nationale ont le rôle de protéger et de promouvoir cette distinction pour faire pencher la balance du côté du Québec et confirmer la compétence du Québec sur Radio-Québec. C'est un exemple particulièrement éloquent de l'application possible de cette clause.

Est-ce que j'ai épuisé mon temps?

Le Président (M. Filion): Oui, depuis déjè quelque temps.

M. Johnson (Anjou): Vous mangez notre temps là!

Le Président (M. Filion): Mais, comme on avait un début d'échange, je comprenais que l'Opposition était consentante à vous laisser parler encore un peu plus longtemps. Je reconnais maintenant un autre intervenant du groupe de l'Opposition, M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Oui. M. le Président, c'est bien entendu que, de par les responsabilités qui m'ont été confiées, c'est le domaine culturel qui me préoccupe. Tout le monde sait que la culture constitue l'outil d'expression privilégié de notre spécificité en tant que peuple. Quotidiennement, d'ailleurs, cette culture reflète, interprète, exprime nos valeurs, nos préoccupations, nos aspirations, nos façons d'être et notre sensibilité particulières. La culture constitue un volet essentiel de notre qualité de vie. Elle émerge d'ailleurs par l'intermédiaire de la diversité des formes d'expression du secteur des arts. La seule présence ici d'une langue, d'un peuple et d'institutions, dans un espace géographique donné, témoignent de l'existence d'une spécificité culturelle.

Dans le cas du Québec, cette spécificité est accentuée par notre histoire et par le fait que nous sommes la seule collectivité majoritairement francophone vivant et - je pourrais ajouter - vivante en Amérique du Nord. Donc, le caractère français de la société québécoise constitue la pierre anqulaire de cette spécificité culturelle et de notre personnalité nationale. Ce caractère s'exprime par le biais de styles originaux, proprement québécois, qui ont émergé d'ailleurs d'une façon tout à fait extraordinaire aux confluents de deux grands courants de la civilisation occidentale que sont l'Europe française et l'Amérique.

Donc, la culture est décidément une

mesure de la différence, de notre différence. Quand j'entendais le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes commenter le projet d'accord constitutionnel qu'était la proposition du gouvernement du Québec sous le Parti québécois, document que j'endossais, je remarquais que, quand il s'agissait de réaménagement des pouvoirs, nous dénoncions bien l'utilisation sans limite que faisait le Parlement fédéral de son pouvoir de dépenser, qui a donc dénaturé la répartition des compétences codifiées dans la constitution et qu'en matière d'éducation et de culture le gouvernement fédéral a utilisé son pouvoir de dépenser en érigeant des sociétés d'État et en versant des subventions aux individus ou aux institutions, s'immisçant ainsi dans des domaines caractéristiques de la spécificité québécoise. Des réaménagements importants devaient, selon nous, imposer des limites à ces interventions et, dans l'immédiat, les versements aux individus ou aux institutions, croyions-nous, ne devaient s'effectuer qu'après entente préalable avec le gouvernement du Québec. En résumé, nous demandions que le pouvoir fédéral de dépenser soit encadré de telle manière que le versement de subventions conditionnelles aux provinces soit assujetti au consentement d'une majorité d'entre elles, que toute province non participante ait droit à une compensation et que les versements de subventions aux individus, encore là, reçoivent l'approbation du gouvernement du Québec.

Je regarde, par contre, l'accord non écrit, non déposé, malgré les panneaux... Si ce ne sont pas des "panneaux balcon", je ne sais pas comment on peut les appeler, et qui nous ont été présentés cet après-midi. L'accord du lac Meech stipule que le gouvernement fédéral doit accorder une juste compensation à toute province qui ne participe pas à un nouveau programme national à frais partagés dans un domaine de compétence provinciale exclusive, si cette province met en oeuvre de son propre chef une initiative ou un programme compatible avec les objectifs nationaux.

Donc, en tant que porte-parole de l'Opposition en matière culturelle, je vais être extrêmement déçu de cette limitation très partielle, très réduite du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral qui ne s'appliquera qu'aux nouveaux programmes nationaux à frais partagés dans les domaines de juridiction provinciale, incluant forcément le domaine de la culture, de déplorer cette reconnaissance formelle du droit du gouvernement fédéral d'intervention dans des champs de compétence provinciale exclusive, comme l'éducation également, en plus du domaine de la culture, une reconnaissance qui sera désormais inscrite dans la constitution canadienne, et cette consécration et institutionnalisation des interventions actuelles du gouvernement fédéral dans le secteur de la culture. En utilisant son pouvoir de dépenser, en multipliant les sociétés d'État et en versant des subventions aux individus et aux institutions, le gouvernement fédéral s'est immiscé progressivement dans le domaine culturel, lequel est un enjeu majeur - et j'aimerais bien le répéter - de la spécificité québécoise. Concrètement, l'action du gouvernement fédéral s'est traduite par la création notamment de Téléfilm Canada, qui dispose d'un budget plus considérable que celui de la Société générale du cinéma du Québec. On connaît d'ailleurs la situation de l'industrie cinématographique québécoise; j'en parlais à la période de questions cet après-midi.

Au cours des deux dernières années, le présent gouvernement fédéral a mis sur pied deux programmes d'aide dans le secteur culturel: le programme d'aide au développement de l'enregistrement sonore pour l'industrie du disque, avec un budqet de 25 000 000 $ sur cinq ans, qui a été lancé le 9 mai 1986. La situation de l'industrie du disque francophone est particulièrement différente quand on songe que 85 % de la consommation faite au Québec provient des États-Unis. Le programme d'aide au développement industriel de l'édition, pour le secteur du livre, avec un budget de 13 000 000 $, programme lancé le 18 juin 1986, quand on sait que là aussi 85 % des revues ou magazines viennent de l'extérieur du Canada. 75 % du marché du livre et 71 % du marché des périodiques sont sous le contrôle d'industries culturelles étrangères au Québec. Ces programmes fédéraux s'ajoutent aux divers programmes de subvention du Conseil des arts du Canada. Donc, l'accord du lac Meech vient consacrer cette intrusion du gouvernement fédéral dans le secteur de la culture. Elle reconnaît le statu quo pour les programmes fédéraux existants.

Je suis extrêmement déçu qu'on consacre dans la constitution le droit du gouvernement fédéral de créer des programmes dans des champs de compétence des provinces. La province qui ne veut pas y participer devra prévoir des proqrammes compatibles avec ceux du gouvernement fédéral. L'accord du lac Meech pourrait laisser aux juges de la Cour suprême la possibilité de décider ce qu'elle estime une juste compensation que doit verser Ottawa à une province qui décide de se prévaloir du droit de retrait. La Cour suprême définira en dernier ressort si les programmes d'une province sont compatibles ou non avec les objectifs nationaux canadiens du gouvernement central.

Nous sommes déçus que l'accord du lac Meech ne reconnaisse pas à l'Assemblée nationale le droit exclusif de légiférer sur toute matière linguistique, la langue étant la

première mesure de notre culture.

On regrette également que l'accord du lac Meech n'accorde aucun accroissement des pouvoirs du Québec dans le secteur des communications qui revêt une importance particulière pour le Québec au chapitre de la consolidation de la sécurité culturelle, si je peux employer l'expression diluée que le premier ministre actuel affectionne. Malgré la réplique que donnait tantôt tant à Radio-Québec M. le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, on pourrait illustrer cela en se posant cette question: Est-ce que l'accord du lac Meech proposé aujourd'hui nous permettra de connaître à nouveau des exemples aussi tristes que celui de CIBL-FM? Qu'adviendra-t-il de ce partage que vous préconisez de la revendication du monde de la culture qu'est la création d'un conseil de la radiotélévision canadien, mais francophone, puisque là est notre identité et nos besoins sont également distincts et spécifiques? L'accord constitutionnel du lac Meech - je dois de nouveau employer l'expression - est un complot contre la culture québécoise, M. le ministre. Je crois que vous entendrez des interventions du monde de la culture qui viendront corroborer cette affirmation que je vous fais. Merci.

M. Claude Filion

Le Président (M. Filion); Merci, M. le député de Saint-Jacques. Il reste environ quatre minutes à un représentant du groupe de l'Opposition et je comprends que vous accorderez ces quatre minutes au président.

Alors, au terme de cette première journée de travaux, il y a certains commentaires qui me viennent à l'esprit. En ce qui concerne le droit de veto, je pense que tout cela commence à se clarifier autant dans le passé que dans l'avenir. Je ne crois pas qu'il reste beaucoup de questions à se poser en ce qui concerne le droit de veto.

En ce qui concerne le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, je crois qu'objectivement les questions posées par les députés de l'Opposition sont demeurées sans réponse quant à l'envahissement des champs de compétence provinciale par le gouvernement fédéral, par le biais de cette reconnaissance explicite dans la constitution du pouvoir de dépenser, et, également, quant au pouvoir par le gouvernement fédéral de fixer des objectifs nationaux auxquels devront se confronter les provinces qui désireront mettre sur pied leurs propres programmes.

Quant à la Cour suprême du Canada, je ne crois pas non plus qu'il y ait là matière à s'étendre. Cette pratique existe déjà depuis plus de cent ans et elle est maintenant constitutionnalisée mais il va sans dire qu'il y a quand même certains problèmes dans la détermination des personnes qui pourront être nommées par le gouvernement fédéral.

En terminant, j'en veux surtout au caractère distinct du Québec et je rejoins par là la presque totalité des commentaires que nous avons recueillis dans les journaux et autour de la table aujourd'hui. On fait du caractère bilingue du Canada une caractéristique fondamentale de la constitution canadienne, mais on ne fait pas du caractère distinct du Québec une des caractéristiques fondamentales du Canada.

Deuxièmement, le Parlement québécois, l'Assemblée nationale s'engage à protéger le caractère bilingue du Canada, mais n'obtient qu'un rôle quand vient le temps de protéger le caractère distinct de la société québécoise. Également en matière linguistique, force est, je pense, de conclure que rien de ce que nous avons entendu aujourd'hui ne peut rassurer ceux qui désirent que le Québec obtienne la pleine juridiction pour légiférer en matière linguistique.

Ceci étant dit, j'invite tous les membres de la commission à reprendre nos travaux demain, à 10 heures. Nous entendrons successivement M. Gérald A. Beaudoin, à 11 h 30, Mme Solange Chaput-Rolland et, à 16 h 30, M. Fernand Durnont.

Nos travaux sont donc ajournés à demain, 10 heures. Merci.

(Fin de la séance à 21 h 58)

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