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(Dix heures cinq minutes)
La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre,
s'il vous plaîtî La commission des institutions se réunit
afin de procéder à une interpellation, à savoir une
question soulevée par le député de Lac-Saint-Jean au
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes sur les propositions constitutionnelles du lac Meech.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. Godin (Mercier) est remplacé
par M. Brassard (Lac-Saint-Jean) et M. Vallières (Richmond) est
remplacé par M. Trudel (Bourget).
La Présidente (Mme Bélanger): Je vais vous donner
Ies règles à suivre. D'abord, le député qui a
donné l'avis de l'interpellation a un temps de parole de dix minutes,
pour ensuite entendre la réplique du ministre interpellé. Par la
suite, il y aura alternance entre un député ministériel et
un député de l'Opposition.
M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez la parole.
Exposé du sujet M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Plus le temps
passe, plus on s'interroge sur le communiqué du lac Meech. Plus on
questionne le premier ministre sur ce sujet et plus on se rend compte qu'on est
en face d'un accord bâclé qui soulève de nombreuses et de
très graves interrogations, d'une entente caractérisée par
ses insuffisances, ses omissions volontaires, ses ambiguïtés et
aussi ses imprécisions. Le Globe and Mail avait raison de dire:
Jamais le Québec n'a demandé si peu pour signer la
constitution.
Quelques remarques d'abord sur le droit de veto, ce droit de veto que
réclamait depuis des années, en matière de formule
d'amendement, le Parti libéral du Québec. C'était clair,
c'était formel, le Parti libéral le premier ministre, M. Bourassa
réclamait, en termes de formule d'amendement, le droit de veto. On le
retrouvait dans son programme où il qualifiait le droit de retrait avec
compensation financière de lot de consolation, de recul spectaculaire,
d'abandon. Pour lui, pour le Parti libéral, c'était le droit de
veto qu'il fallait obtenir en matière de formule d'amendement.
Or, on sait maintenant que ce n'est pas le cas. Je pense qu'il faut
maintenant le constater. Ils n'ont pas obtenu le droit de veto. Ils l'ont bien
obtenu partiellement sur les institutions, mais sur ce qui constitue le coeur
d'un régime fédéral, c'est-à-dire le partage des
compétences, la répartition des pouvoirs, ce n'est pas le cas, le
droit de veto s'est envolé.
Sur ce point, je pense que la preuve est maintenant faite et
j'espère que les libéraux, le premier ministre en tête,
vont cesser de triturer les faits et d'essayer de faire croire à la
population qu'ils ont récupéré le droit de veto.
J'espère que vous allez maintenant assumer honnêtement vos reculs
et vos abandons par rapport à votre programme politique.
Deuxièmement, Mme la Présidente, quelques remarques sur le
pouvoir de dépenser. Sur le pouvoir de dépenser, il faut dire que
c'est la partie de l'entente qui est la plus faible, qui comporte les plus
grandes faiblesses, des faiblesses tout à fait inadmissibles. D'abord,
pour la première fois dans l'histoire du Québec - cela est
très grave, ce n'est pas rien - un gouvernement du Québec accepte
que soit consacré dans la constitution le principe, je dirais, de
l'ingérence du gouvernement fédéral dans un domaine de
compétence provinciale exclusive. De plus, il accepte tout de même
que, dans un domaine de compétence provinciale exclusive, même si
l'une ou plusieurs provinces décident d'exercer le droit de retrait avec
compensation financière, le fédéral soit habilité -
cela aussi, c'est tout à fait nouveau et inacceptable, je vous le dis
tout de suite, Mme la Présidente - à édicter, à
établir des objectifs nationaux. M. Parizeau avait raison
d'écrire, dans sa chronique du Devoir, qu'il s'agissait là
d'un qrotesque retour en arrière.
Deuxièmement, cette entente relative au pouvoir
fédéral de dépenser est un recul par rapport au programme
même du Parti libéral du Québec qui réclamait aussi,
en cette matière, le droit de veto. C'est ce que réclamait le
programme du Parti libéral: la création par le
fédéral de tout nouveau programme impliquant des subventions
conditionnelles, etc., devait avoir l'approbation des provinces, une telle
approbation s'exprimant formellement dans le cadre d'une règle
décisionnelle similaire à la
formule d'amendement. Dans le programme du Parti libéral, on sait
que la formule d'amendement réclamée, c'était le droit de
veto.
Donc, le Parti libéral réclamait un droit de veto sur tout
nouveau programme à frais partagés dans un domaine de
compétence exclusivement provinciale. Ce droit de veto s'est lui aussi
envolé, il est disparu, il n'est plus là, il n'existe plus. Recul
par rapport au programme même du Parti libéral.
Troisièmement, aucune disposition pour empêcher le
fédéral de verser des subventions aux individus et aux
institutions dans des domaines, là aussi, de compétence
exclusivement réservée aux provinces. Aucune disposition en ce
sens. Aucune disposition pour empêcher de soumettre tout versement de
subventions directes aux individus et aux institutions dans des domaines de
compétence réservée exclusivement aux provinces, soumis
à l'approbation du Québec. On peut citer de nombreux exemples,
mais prenons l'exemple de subventions, disons, aux bibliothèques
publiques, aux organismes d'éducation populaire. On se trouve dans des
secteurs importants quant à la spécificité du
Québec, les secteurs de l'éducation et de la culture. On peut
imaginer des subventions fédérales aux comités
d'école - on est dans le domaine de l'éducation - pour les salles
de spectacle, etc., etc. Il n'y a rien dans l'entente qui permet au
Québec d'empêcher le gouvernement fédéral de verser
des subventions directes aux individus ou aux institutions dans des domaines
qui sont réservés de façon exclusive aux provinces.
C'est, évidemment, tout à fait inadmissible. D'ailleurs,
le sénateur Murray l'a bien vu quand, interrogé sur le pouvoir
fédéral de dépenser, il a répondu: Écoutez,
les limitations du pouvoir fédéral de dépenser
prévues dans l'entente du lac Meech, on peut les contourner. Il y a bien
des moyens, disait-il, de les contourner. Il signalait, entre autres moyens de
les contourner, les subventions, les paiements directs aux individus et aux
institutions. Donc, sur le pouvoir fédéral de dépenser, je
pense que ce qu'il est important de signaler, c'est qu'on se retrouve avec des
dispositions pleines de trous; cela ressemble étrangement à un
fromage suisse.
Troisième remarque sur la société distincte:
Comment peut-on sérieusement parler de société distincte,
alors qu'il n'y a pas un traître mot dans cette entente sur
l'élément premier, fondamental et essentiel de la
spécificité du Québec, c'est-à-dire la langue
française? Tout le monde reconnaît que ce qui caractérise
la société québécoise, le peuple
québécois, ce qui fait sa différence, c'est la langue
française, il n'y a rien dans cette entente sur la langue
française.
Il fut un temps où le ministre responsable des affaires
canadiennes pensait autrement qu'il ne pense maintenant. En 1982, il
prononçait un discours, dans le cadre d'un congrès sur la langue
et la société au Québec, sur le statut culturel du
français au Québec. Les actes de ce congrès ont
été colligés et publiés. J'ai ici le discours du
ministre. Très intéressantl Je vous en cite des passages. M.
Rémillard disait ceci: La commission de l'unité nationale - il
parlait de la commission Pepin-Robarts - avait recommandé que les droits
linguistiques demeurent de la compétence exclusive des provinces. La
commission, disait-il, justifiait cette recommandation en disant qu'il ne
fallait pas que des obstacles constitutionnels entravent la marche du
Québec vers sa francisation. La commission avait vu juste, disait-il. La
décision du juge en chef Deschênes, dernièrement, dans
l'affaire de la loi 101, vient de nous démontrer d'une façon
éloquente que la charte des droits peut avoir des conséquences
importantes sur les législations provinciales. L'article 23 de la charte
qui garantit l'instruction dans la langue de la minorité est, selon ce
jugement, une brèche importante dans la compétence du
Québec en matière d'éducation et de langue. C'est le
ministre qui parlait alors qu'il était professeur de droit
constitutionnel.
Aujourd'hui - plusieurs de ses discours nous le démontrent - il
semble vivre très bien, très à l'aise avec l'article 23
qu'il qualifiait de brèche importante, à l'époque, dans
les compétences du Québec en matière linguistique. Il vit
très bien avec l'article 133. Il vit très bien avec la Charte des
droits et libertés. Il fait comme son chef avec le droit de veto, il
tente de tromper la population, en disant que le Québec a pleins
pouvoirs en matière linguistique, Mme la Présidente. En faisant
croire que le Québec dispose des pleins pouvoirs en matière de
langue, il tente de berner la population, parce que c'est faux. La façon
dont ils ont amendé deux de nos motions récemment le prouve. Ils
les ont amendées de telle façon que nous les jugions
dénaturées, défigurées, qu'il nous a fallu voter
contre ces motions parce qu'ils y introduisaient des limitations, des
réserves majeures en matière de pouvoirs du Québec sur les
questions linguistiques.
Mme la Présidente, le ministre - au Québec, on appelle
cela un vire-capot - sur la question linguistique, se comporte en vire-capot
par rapport aux opinions et aux points de vue qu'il exprimait lorsqu'il
était professeur de droit constitutionnel. J'aimerais qu'il reconnaisse,
en tout cas honnêtement, qu'en devenant ministre libéral il est
devenu pas mal moins sensible...
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Lac-Saint-Jean...
M. Brassard: J'achève, je conclus, Mme la
Présidente. Il est devenu moins sensible sur la question
linguistique...
La Présidente (Mme Bélanger): C'est
terminé...
M. Brassard: ...et il s'est délesté
allègrement de ses opinions sur ce sujet. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes,
vous avez un droit de réplique de dix minutes.
Réponse du ministre M. Gil
Rémillard
M. Rémillard: Merci, Mme la Présidente. Nous
commençons, aujourd'hui, ce matin, l'étude de cette entente du
lac Meech. J'ai déjà eu l'occasion de le faire et je le fais
encore le plus sincèrement possible, je demande à l'Opposition de
s'élever au-dessus de la partisanerie ou de tout élément
qui pourrait être facile, à certains abords, qui pourrait
même être démagogique à certains endroits, et de
discuter sur le fond de cette entente.
Le but de notre étude, que ce soit aujourd'hui ou en commission
parlementaire, c'est de cerner dans sa juste perspective, dans ses
réelles conséquences, cette entente intervenue au lac Meech entre
les onze premiers ministres du Canada. Dans ce contexte, je ne peux que
déplorer ce qui s'est passé hier, lorsque l'Opposition a
refusé au ministre de l'Éducation du Québec sa
participation à la commission parlementaire qui étudiera cette
entente du lac Meech. C'est un triste jour pour le parlementarisme
québécois. Pour des motifs que je n'hésite pas à
qualifier de mesquins, l'Opposition a refusé que le ministre de
l'Éducation fasse partie de cette commission parlementaire qui aura
à étudier cette entente du lac Meech. Il n'y a pas de raison qui
puisse nous amener à comprendre l'attitude de l'Opposition. Pourquoi
refuser cela au ministre de l'Éducation, qui a été un
éditorialiste extrêmement écouté, qui a
développé une expertise tout à fait exceptionnelle dans le
domaine constitutionnel, qui a été chef du Parti libéral,
qui a été à l'origine d'un document du parti, le livre
beige, qui s'est impliqué - je tiens à le rappeler, Mme la
Présidente - à tous les niveaux du processus que nous avons suivi
dans nos discussions avec les autres provinces et le gouvernement
fédérai, discussions qui nous ont amenés à
l'entente du lac Meech?
Je dois dire que je ne peux pas comprendre cette attitude de
l'Opposition, car le but de la commission parlementaire que nous aurons
à partir de mardi prochain, c'est d'apporter le maximum
d'éclaircissements en toute objectivité. Je voudrais qu'on puisse
s'élever au-dessus de la partisanerie -je le dis encore à
l'Opposition - et, en toute objectivité, qu'on puisse étudier les
réelles conséquences de cette entente. Cette entente n'a pas
été conclue à l'improviste, par hasard. Elle est le fruit
d'un processus que nous avons suivi méthodiquement. Ce qui a
été conclu au lac Meech a été discuté
sérieusement, sans aucune improvisation, mais le geste est d'une
très grande importance pour l'avenir du Québec. Il faut
s'élever au-dessus de la partisanerie, de la démagogie et tenter
de faire une étude, la plus sérieuse possible, de cette
entente.
J'aurais aimé que le député de Chicoutimi, de
Lac-Saint-Jean, excusez-moi, eût pu relever des points qui nous auraient
amenés à discuter réellement de cette entente au lieu de
nous parler du droit de veto. Mais qu'est-ce que vous voulez que je dise sur le
droit de veto? C'est évident qu'on a récupéré le
droit de veto. Est-ce que le député de Lac-Saint-Jean me
permettrait - peut-être qu'il me faut la permission de cette commission,
Mme la Présidente - de déposer l'entente du 16 avril 1981? J'ai
eu l'occasion de citer en cette Chambre, à plusieurs reprises, l'entente
qui a été conclue le 16 avril 1981, puis je ne veux pas insister
d'une façon particulière sur cette dernière. Le
passé, c'est le passé. Mais je voudrais bien qu'on comprenne que
ce passé nous a créé des problèmes majeurs pour
négocier et atteindre cette entente que nous avons eue au lac Meech.
Peut-être bien que nos amis d'en face n'ont pas à la
mémoire ladite entente du 16 avril 1981. Ils n'ont peut-être pas
en mémoire l'entente qui a consacré, sans aucune
ambiguïté - et signée par le gouvernement du Québec -
que toutes les provinces étaient égales. C'est clair et je la
cite: "La formule de modification doit reconnaître
l'égalité constitutionnelle des provinces comme partenaires
égaux au sein de la fédération." Comme partenaires
égaux au sein de la confédération! C'est l'entente qui a
été signée.
À partir de cette entente, il fallait reprendre les relations
avec les autres provinces et le gouvernement fédéral et il
fallait leur dire: Ce qui a été signé, ce n'est pas
vraiment la situation. Vous savez, il y a peut-être des
considérations qui sont rentrées en ligne de compte et qui ne
sont pas les mêmes pour nous. Pour nous, du gouvernement du
Québec, gouvernement libéral, le Québec n'est pas comme
les autres, le Québec est une société distincte. Cela doit
être reconnu dans la constitution d'une façon claire,
évidente. Les commentaires que nous avons eus jusqu'à
présent des observateurs, des spécialistes nous montrent d'une
façon évidente que l'entente du lac Meeeh est une
entente historique.
Je lisais ce matin Mme Solange Chaput-Rolland qui nous disait qu'on
n'aura plus à plier l'échine maintenant que nous avons des
amendements constitutionnels qui viendront confirmer que le Québec est
une société distincte, distincte par sa langue, distincte aussi
par ses institutions, distincte par son système juridique de droit
civil, distincte à bien des égards par son système
économique. Notre distinction n'est pas limitée à la
langue. Notre distinction a comme fondement un élément culturel
de première importance qui est la langue, avec tout ce qui s'ensuit
comme conséquences sur le plan culturel et ce qui s'ensuit au point de
vue des institutions aussi. Il faudrait bien comprendre que, lorsque l'on
définit, on limite. Il faut éviter d'enfermer ce caractère
distinct du Québec dans le carcan juridique que pourrait être une
définition,.
Nous entendrons des experts, pendant la commission parlementaire, qui
viendront témoigner. Ce matin, le professeur Léon Dion, qui a
écrit un article remarquable en deux étapes, en deux tranches
hier dans Le Devoir et aujourd'hui, a lui aussi mentionné qu'il
s'agissait d'une entente de très grande valeur. Le professeur Dion
allait même jusqu'à dire que c'est là un gain majeur pour
le Québec.
La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. le
ministre.
M. Rémillard: On dit ici: "On se trouve ainsi à
satisfaire des demandes souvent exprimées, à juste titre, par les
analystes québécois". Le professeur Dion suggère un
amendement; on va l'étudier, Mme la Présidente.
Ce que je veux dire - je termine ma première intervention en le
disant - c'est: Faisons donc ce débat de la façon la plus
objective possible. Mettons de côté la partisanerie et...
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre, votre
temps est terminé.
M. Rémillard: ...regardons cette entente qui va être
si importante pour l'avenir du Québec. Je vous remercie, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le chef de
l'Opposition, vous avez cinq minutes.
Argumentation M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): Merci, Mme la Présidente. Deux ou
trois remarques: d'abord, on n'a pas un texte juridique. Paradoxale- ment, le
professeur Dion, ce matin, était obligé - il est obligé de
faire ça - de proposer des modifications non pas à un texte
juridique, mais à un communiqué de presse. C'est un des
éléments un peu absurdes devant lesquels on est. On va engager
l'avenir du Québec sur la base d'un communiqué de presse.
Deuxièmement, il y a cette espèce d'attitude que je
qualifierais de "bulldozage" de la part du gouvernement. Alors que la
constitution canadienne prévoit que ça peut prendre trois ans
entre le moment où une résolution est adoptée et le moment
où on peut l'amender, le gouvernement veut faire ça en trente
jours.
Le vide des propos du ministre, en ce moment, ses ergotages et ses
placotages à panache ne compensent pas l'absence totale d'envergure
qu'il y a dans cette entente. Mon collègue, le député de
Lac-Saint-Jean, a évoqué ce que nous avions à dire sur le
droit de veto.
Rapidement, concernant la Cour suprême, essentiellement, on va
mettre dans la constitution qu'il y a trois juges qui viennent du
Québec. Cela fait depuis 1875 que ça existe. Ah! je veux bien
convenir qu'une fois tous les dix ans ou tous les huit ans le premier ministre
du Québec va pouvoir faire une liste pour savoir qui va être le
prochain juge de la Cour suprêmel
L'immigration, c'est l'entente Cullen-Couture. La société
distincte, on aura l'occasion d'y revenir, mais je veux vous parler quelques
minutes du pouvoir de dépenser. Une des raisons pour lesquelles
ça marche mal au Québec, pour lesquelles il y a tant de frictions
depuis 25 ans sur le plan de notre fonctionnement, au-delà du fait qu'il
y a un sentiment profond dans notre population qu'on forme un peuple et que les
peuples ont le droit de s'autodéterminer et qu'on ne
s'autodétermine pas comme on le pourrait en ce moment, c'est ce qu'on
appelle le pouvoir de dépenser du fédéral.
Je vais attirer l'attention du ministre sur les programmes existants en
ce moment dans les domaines de juridiction provinciale entre les mains du
fédéral. Dans le rapport Neilson de l'an dernier: en
matière de culture et de communication, en matière
d'éducation et de recherche, en matière de logement, en
matière d'agriculture, en matière de formation et de
création d'emplois et de formation professionnelle et de la
main-d'oeuvre, en matière de services de subventions aux entreprises, en
matière de richesses naturelles, en matière de santé et de
sport - ce sont les programmes fédéraux existants dans les
domaines de juridiction provinciale - zéro! Le gouvernement du
Québec a obtenu zéro devant ça.
Le Procureur général de l'Ontario - pas un deux de pique,
un spécialiste en droit constitutionnel, jurisconsulte du
gouvernement
ontarien; je ne parle pas d'un editorial, je parle de celui qui
conseille le gouvernement ontarien - disait quoi, hier, à Queen's Park?
"Spending power is not mentioned in the constitution. It is now going to be
mentioned. So, in that sense, this description of the spending power, a first,
is to Ottawa's advantage. The point can be made that this description of
spending power strenghtens the federal and centralist hand by putting beyond
any doubt, for the first time, that the Government of Canada has theright to spend money in an exclusive provincial jurisdiction and enforce
its will." (10 h 30)
C'est ça, l'effet de vos dispositions sur le pouvoir de
dépenser: un droit de stationnement au troisième centre
commercial sur la lune pour un éventuel nouveau programme
fédéral, alors qu'en ce moment ils sont partout présents
et c'est un objet de friction, d'inefficacité. Ce qui fait qu'au
Québec on n'est pas capable d'avoir des politiques d'emploi qui ont de
l'allure, c'est notamment le pouvoir de dépenser du
fédéral. Pas celui de l'an 2028, mais maintenant. Et vous avez
obtenu zéro là-dessus.
Nous considérons que cette raison et bien d'autres
soulèvent des doutes énormes quant à la qualité,
l'envergure de ce qui s'est fait au lac Meech et que, dans ce contexte, la
meilleure chose que le gouvernement du Québec puisse faire, c'est de
s'abstenir de signer le contrat. Vous avez signé une promesse de vente,
vous n'êtes pas obligés de signer le contrat. Vous pourriez
même dans l'honneur, la dignité et l'enthousiasme - pour reprendre
un certain discours de quelqu'un d'autre il y a quelques années -
décider que l'honneur et la dignité du Québec, et surtout
une façon de préserver l'avenir, c'est de ne pas signer. C'est
aussi simple que cela, parce que vous êtes en train, en ce moment, de
bloquer l'avenir du Québec, parce que vous le faites dans un contexte de
bousculade et parce que vous le faites à partir de textes qui
soulèvent des doutes sérieux sur la qualité de ce qu'il y
a là-dedans pour l'avenir du Québec.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le chef de
l'Opposition. M. le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Mme la Présidente, je voudrais
simplement mentionner, quant au pouvoir de dépenser, que le pouvoir de
dépenser existe présentement dans la constitution du Canada de
par la jurisprudence. La preuve, c'est cette loi C-3 votée par le
Parlement du Canada il y a environ trois ans lorsque le chef de l'Opposi- tion
était au gouvernement. Cette loi C-3 oblige les provinces, de par le
pouvoir de dépenser du fédéral, à agir dans un
domaine de compétence provinciale selon des critères
fédéraux.
C'est bizarre que le gouvernement de l'époque n'ait pas
pensé contester devant la cour cette loi C-3. Et pourquoi? Parce qu'il
avait trop peur de perdre. On vient nous dire maintenant que le pouvoir de
dépenser n'existe pas. Pourquoi ne l'a-t-on pas contesté lorsque
le ministre de l'époque, aujourd'hui chef de l'Opposition, est
allé à Ottawa pour protester? Mais il n'y a eu aucune
contestation devant les tribunaux. Là, on vient nous dire que le pouvoir
de dépenser n'existe pas.
Ce qu'on a voulu faire, Mme la Présidente, et ce qu'on fait avec
l'entente du lac Meech, c'est un encadrement à l'exercice de ce pouvoir
de dépenser pour que le Québec puisse être maître
d'oeuvre de son développement, ce qui nous permettra d'utiliser ce qu'on
appelle un pouvoir de retrait dans des programmes établis par le
gouvernement fédéral et les autres provinces. Lorsque nous
voudrons nous retirer d'un tel programme, nous allons recevoir une compensation
financière qui sera juste, raisonnable.
M. Parizeau, pour lequel j'ai beaucoup de respect, nous disait dans un
article qu'il faudrait parler d'une pleine compensation financière alors
que, nous, nous parlons - ce sont les termes de la constitution - d'une juste
compensation. Pourtant, les termes "raisonnable" et "juste", ce sont les
expressions qui sont utilisées dans l'entente du 16 avril 1981,
l'entente du 16 avril 1981 que je vais déposer, si vous me le permettez,
Mme la Présidente. Est-ce que je peux avoir le consentement pour
déposer cette entente du 16 avril 1981? J'ai ici deux exemplaires.
Simplement pour rafraîchir la mémoire au chef de l'Opposition et
aux députés qui l'accompagnent.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre, en
tant que présidente de séance, je n'ai pas le pouvoir d'autoriser
le dépôt.
M. Rémillard: Écoutez!
La Présidente (Mme Bélanger): II y a le
président de la commission qui est ici, M. le député de
Taillon...
Une voix: II était...
La Présidente (Mme Bélanger): II était
là, alors...
M. Rémillard: Mme la Présidente, je crois que ce
serait très important que je dépose ces documents.
La Présidente (Mme Bélanger): À moins qu'il
n'y ait consentement...
M. Rémillard: Je comprends que le chef de l'Opposition n'a
plus en main ce document. Il faudrait qu'il puisse l'avoir pour qu'on puisse
discuter sérieusement.
La Présidente (Mme Bélanger): S'il y a
consentement, je suis...
M. Brassard: Mme la Présidente, c'est un document public
connu, mais je ne voudrais pas que cela crée un précédent
pour ce qui est de l'interpellation. Quant à nous...
La Présidente (Mme Bélanger): Le
député de Taillon, qui est président de cette commission,
est arrivé. S'il veut donner l'autorisation pour que le ministre
dépose un document public...
M. Johnson (Anjou): C'est un document public, déjà.
IL ne faut pas que ce soit un précédent dans le fonctionnement
d'une commission.
M. Filion: En fait, de quel document s'agit-il, Mme la
Présidente de la séance?
M. Rémillard: Mme la Présidente, si vous me
permettez de donner l'information, il s'agit d'un document signé le 16
avril 1981 par le gouvernement du Québec de l'époque.
M. Filion: Oui, oui, d'accord.
La Présidente (Mme Bélanger): D'accord, M. le
ministre.
M. Rémillard: Si vous me permettez, pour vous aider, pour
les fins du travail comme tel...
La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M. le
député...
M. Brassard: Je voudrais simplement vous demander, si on est
prêt à donner notre consentement pour le dépôt de
cette entente de 1981, si on pourra nous aussi déposer le programme du
Parti libéral, Maîtriser l'avenir.
La Présidente (Mme Bélanger): C'est le
député de Taillon qui donne l'autorisation.
M. Filion: Mme la Présidente, que ce soit clair pour nos
débats, j'autorise le dépôt du document public
qu'évoquait le ministre et de l'autre document dont parlait le
député de Lac-Saint-Jean, document qui, je pense, est peu
connu.
M. Rémillard: Mme la Présidente, j'accepte
très bien parce que, pour nous, c'est intéressant que
l'Opposition prenne connaissance du programme du Parti libéral.
M. Filion: On le dépose.
M. Brassard: Nous, on le connaît très bien, c'est
pour rafraîchir la mémoire des libéraux. Ils l'ont
oublié.
La Présidente (Mme Bélanger): Étant
donné que les documents sont déposés, j'aimerais qu'on
revienne au débat. La parole est à qui, Mme la secrétaire?
M. le ministre, il vous reste une minute pour votre intervention.
M. Rémillard: Oui, Mme la Présidente, je voudrais
prendre cette dernière minute pour dire qu'on devrait faire attention.
Je suis très heureux que le député de Lac-Saint-Jean
puisse lire ce que j'ai déjà écrit et en citer des
passages. Je suis tout à fait en accord avec ce que j'ai écrit.
Cependant, je voudrais bien qu'il comprenne et j'aimerais qu'il cite ce que
j'ai écrit dans le contexte. Il a cité tantôt et il s'est
arrêté deux lignes trop tôt. Je disais que la clause Canada
n'est pas désastreuse en elle-même; pour autant qu'on accepte le
fédéralisme, cette clause va de soi.
Voyez-vous, il me fait dire des choses. Il déforme les textes. Le
passage qu'il a cité était en relation directe avec une cause de
jurisprudence que, comme professeur, je commentais? celle rendue par le juge en
chef Deschênes sur la loi 101, qui a ensuite été
complétée par la Cour suprême. Au moment où
j'écrivais ces lignes, le jugement de la Cour suprême n'avait pas
été rendu. J'aimerais quand même qu'on s'entende au
départ sur cette règle qu'on puisse citer des documents, mais
mettons de côté tout élément qui pourrait fausser
des perspectives, des perceptions; soyons donc capables de citer l'ensemble de
la chose.
Quand je disais que la commission Pepin-Robarts parlait de droits
exclusifs provinciaux en ce qui regarde la langue, je suis toujours d'accord,
et c'est ce que nous avons, sous réserve de l'article 133 de la Loi de
1867 et de l'article 23 de la loi de 1982. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
ministre. M. te député de Mille-Îles.
M. Jean-Pierre Bélisle
M. Bélisle: Merci, Mme la Présidente. Après
les hauts cris et le théâtre joué par le chef de
l'Opposition à la suite du communiqué du lac Meech, je me suis
sérieusement posé la question suivante: Y aurait-il des
conditions auxquelles le parti d'Opposition, le Parti québécois,
pourrait être amené à accepter un
réaménagement de
l'entente constitutionnelle de 1982? Est-ce qu'on pourrait Imaginer
qu'à certaines conditions le Parti québécois, le parti
d'Opposition, aurait été signataire à l'inclusion du
Québec dans une entente constitutionnelle?
Je pense que ce sont deux visions qui s'affrontent présentement,
il ne faut jamais l'oublier. La première vision, celle du chef de
l'Opposition et du Parti québécois, est une vision qui concerne
la création d'un État indépendant au Québec, d'une
république du Québec, dont le chef de l'Opposition serait le
président. La finalité, c'est l'État par l'État, le
rapatriement de tous les pouvoirs quels qu'ils soient.
De notre côté, pour le Parti libéral du
Québec, c'est une vision totalement différente. C'est l'inclusion
du Québec dans un grand pays qui est le Canada, c'est la reconnaissance
du passé, oui, la reconnaissance de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique de 1867, la reconnaissance en partie de la Loi constitutionnelle de
1982 mais améliorée, réaménagée et avec des
pouvoirs accrus pour le Québec. Nous, du Parti libéral du
Québec, nous nous souvenons du passé. Oui, comme
Québécois, nous reconnaissons le présent mais, surtout, ce
que nous voulons, c'est bâtir l'avenir du Québec dans un nouveau
Canada.
Cela m'amène à relever ce que le chef de l'Opposition a
dit tantôt en déposant à grand bruit une série de
documents sur le pouvoir de dépenser. Il a dit: II y a des
problèmes de friction. Oui, c'est sûr, il y a toujours des
problèmes de friction entre des partenaires: dans un couple, il y a des
problèmes de friction; dans une association commerciale, il y a des
problèmes de friction, des divergences, des différences
d'opinions. En matière constitutionnelle, il arrive également,
lorsque deux partenaires ont des compétences concurrentes sur les
mêmes juridictions, qu'un partenaire ait le droit de poser des gestes,
c'est-à-dire qu'il ait le droit de dépenser, alors que l'autre a
le droit également de poser le même geste de dépenser.
Ce qui me frappe dans le communiqué du lac Meech, c'est que j'ai
l'occasion, en relisant le texte et l'accord du lac Meech, de voir pour
l'avenir du Québec un phénomène important se
concrétiser. J'appellerai cela la cogestion entre les provinces
canadiennes et le gouvernement fédéral sur le plan de
l'économie. Il n'y a pas grand monde jusqu'à maintenant qui a
souligné cet aspect très important. Je lis, à la
dernière page du communiqué, dans la deuxième ronde:
"consacrer dans la constitution la conférence annuelle des premiers
ministres sur l'économie prévue actuellement par le protocole
d'entente de février 1985".
Je vais exhiber un tout petit livre qui a beaucoup d'importance pour les
gens du
Parti québécois: le livre blanc, La nouvelle entente
Québec-Canada de 1980, livre sur lequel vous avez fait votre
campagne référendaire. Que demandiez-vous en matière
d'économie, de partage des pouvoirs dans le domaine économique?
Je vais vous faire une petite lecture pour vous rafraîchir la
mémoire. À la page 62, on lit: "Dans le monde actuel, aucune
nation, grande ou petite, ne peut vivre isolée.
L'interdépendance, à cause des avantages économiques
qu'elle peut comporter, est loin de revêtir le caractère
contraignant que d'aucuns croient y déceler; elle peut, au contraire,
donner lieu à des formes enrichissantes de collaboration et de
complémentarité, et, par là, améliorer le sort
présent et futur des sociétés participantes. "Le
Québec n'a jamais voulu vivre isolé: il accepte donc,
d'emblée, l'interdépendance, pourvu qu'il prenne une part directe
à l'établissement de ses modalités."
Un peu plus loin, à la page 64, on parle de politique de
conjoncture et de politique d'équilibre global de la balance des
paiements et de la monnaie.
Ce que je dis, c'est ceci: Il y a dans le projet d'accord
constitutionnel du lac Meech cette nouvelle perspective pour le Québec
et les autres provinces canadiennes de parler d'économie et d'arrimer
tous les programmes conjoints...
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Mille-Îles, malheureusement, votre temps est
écoulé.
M. Bélisle: ...et je pense que c'est salutaire pour le
Québec. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Oui, je vous remercie, Mme la Présidente. Je
pense qu'il n'y a pas beaucoup de choses pour lesquelles la population du
Québec, en nous regardant ce matin, est prête à constater
l'unanimité. Il y en a seulement une: c'est l'importance de l'accord
constitutionnel que le gouvernement libéral s'apprête, à la
hâte, en précipitation et sans mandat, à aller signer.
C'est la seule chose. On est en train d'engager l'avenir du Québec,
d'engager les générations futures, les générations
à venir, et je pense que même le ministre
délégué aux Affaires intergouvemementales canadiennes le
reconnaît, comme, d'ailleurs, les représentants en
général du Parti libéral. (10 h 45)
La constitution n'est pas une matière qui va faire que les gens
vont se bousculer
dans le transport en commun, demain, è Montréal;
d'ailleurs, il ne fonctionne pas. Mais c'est une matière qui constitue
autant de bombes à retardement susceptibles de détruire au
contraire de faire grandir, comme nous l'aurions souhaité, le tissu
social, économique et culturel au Québec. Si c'est une
matière importante, il est important également de prendre des
positions claires.
M. le député de Mille-Îles, je vous ferai remarquer
que le gouvernement du Parti québécois a préparé,
lui, un projet d'accord constitutionnel, un texte éminemment clair que
je dépose d'ailleurs immédiatement avec la permission de mon
vice-président. Un texte éminemment clair. Le ministre disait
tantôt! Qu'est-ce qu'il faut au Parti québécois pour
s'entendre avec les intervenants canadiens? Voilà une position claire
qu'évidemment le gouvernement libéral est loin d'avoir
endossée. Il a non seulement abaissé le plancher de ces
négociations, mais, de plus, Mme la Présidente - c'est cela qui
est important - le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes et le premier ministre, aussi incroyable que
cela puisse paraître, se sont rendus au lac Meech sans mandat et sans
position claire. Comment peut-on décemment, d'un coin de la bouche,
affirmer, comme le fait le ministre, que cela engage les
générations futures alors qu'il est incapable de présenter
des positions claires aux générations existantes et à ces
générations futures? Ce ne sont quand même pas des
cacahuètes, un accord constitutionnel. Ce ne sont pas des bricoles, un
accord constitutionnel, quand on connaît l'importance à moyen et
à long terme, pour chacun des Québécois, dans toutes les
sphères d'activité, des accords constitutionnels et du partage
des compétences.
Deuxièmement, si, M. le ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes, il s'agit là d'une
matière importante, comment pouvez-vous décemment demander aux
parlementaires qui sont réunis ici aujourd'hui, demander aux
parlementaires qui se réuniront en commission parlementaire la semaine
prochaine, demander aux invités experts en droit constitutionnel,
demander à toutes les associations ou groupes qui s'intéressent
au présent et à l'avenir du Québec, d'étudier et de
nous faire des propositions cohérentes, des propositions qui se tiennent
debout, si vous n'avez pas de texte juridique? Vous-même avez vécu
dans une université. Vous-même savez qu'avant de signer un
contrat, il faut quand même le lire. Est-ce qu'il y a une personne qui
nous écoute qui serait prête à acheter une maison sans lire
le contrat de vente ou le contrat d'achat de cette maison-là? Non. C'est
indécent de devoir demander à la population du Québec de
travailler à partir d'un communiqué de presse. C'est
inacceptable. La confusion autour du caractère distinct du Québec
et la confusion qui commence à se clarifier, celle-là, autour du
pouvoir de dépenser, sont autant de matières qui ne trouveront
leur solution que lorsque nous aurons les textes juridiques. Pourquoi cette
hâte, cette urgence, cette précipitation....
La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. le
député de Taillon.
M. Filion: ...incroyable à vouloir signer un accord, alors
qu'on sait qu'un délai de trois ans existe pour la proclamation par le
gouverneur général de toute résolution d'amendement
à la constitution?
M. le ministre, c'est un travail bâclé. Vous devez refaire
vos travaux, consulter la population, expliquer clairement l'accord et,
ensuite, nous verrons.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Taillon, votre temps est écoulé.
M. Filion: Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Mme la Présidente, tout à
l'heure, le député de Tailton a demandé de déposer
le programme du Parti libéral. J'espère qu'il l'a
déjà lu. S'il ne l'a pas lu, je lui demande de le lire
sérieusement. Il va s'apercevoir que les cinq conditions que nous avons
posées pour adhérer à une entente politique, telle celle
que nous avons conclue au lac Meech, sont dans le programme du Parti
libéral, Maîtriser l'avenir, et que c'est sur ces cinq
conditions, sur ce programme, que nous avons fait une campagne
électorale et que nous avons été élus de la
façon que vous savez, Mme la Présidente.
Le député de Taillon vient nous dire que nous n'avons pas
de mandat. Finalement, ce que nous dit le député de Taillon, il
nous dit: "Le bébé est trop beau. L'accouchement n'a pas
été assez difficile". Est-ce possible, Mme la Présidente?
Si on veut étudier sérieusement cette entente, qu'on regarde
vraiment l'entente dans toute sa signification. Le député de
Taillon fait référence au projet d'accord constitutionnel
publié par le gouvernement péquiste au mois de mai 1985. Je fais
référence seulement à ce que le journaliste de très
grande réputation, Marcel Adam, écrivait dans La Presse
hier. M. Adam a écrit et je le cite: "C'est ma conviction que ce
qu'a obtenu Robert Bourassa, c'est le maximum que pouvait obtenir le
Québec dans les circonstances. C'est peu par rapport à la
pléthore de conditions irréalistes posées par
René Lévesque avant son départ; mais c'est beaucoup,
compte tenu de ce que ce dernier avait abandonné et s'était fait
enlever en 1981."
On nous parle d'un communiqué de presse. Ce n'est pas
sérieux et, là encore, je demande à l'Opposition de faire
preuve d'objectivité. Le sujet est trop sérieux pour se laisser
aller à de la simple partisanerie. C'est certain que, si on fait
référence à un genre de projet ou d'accord constitutionnel
comme cet accord qui est décrit dans le livre publié par le
gouvernement péquiste d'alors, on pourrait en arriver à la
conclusion qu'il s'agit strictement de principes, qu'on ne peut pas engager
l'avenir du Québec, de la société québécoise
sur une étude de principes parce que nous avons dans ce livre bleu, ce
projet d'accord constitutionnel du Parti québécois, du
gouvernement péquiste de l'époque, des principes.
Mais ce n'est pas ça, le résultat du lac Meech. Ce n'est
pas ça, l'accord du lac Meech. L'accord du lac Meech est une entente qui
a été discutée sérieusement en fonction de
l'implication des termes employés. Ce que vous avez, ce que nous avons
devant nous maintenant, c'est une entente avec un libellé, pas
simplement des principes. Quand vous prenez l'expression "communiqué de
presse", pourquoi utiliser ce terme? Il y a eu un communiqué et on a mis
à l'intérieur l'entente. Parlez donc de l'entente.
Maintenant, il est certain que si les textes juridiques sont prêts
à temps on est prêt à les déposer, les textes
juridiques. S'ils sont prêts à temps, il est bien certain qu'on va
les étudier. Pourquoi pas? Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il y
a dans cette entente du lac Meech à peu près ce qu'on va
retrouver mot à mot dans les termes juridiques qui sont finalement
utilisés. Alors, il faudrait bien comprendre que l'accord du lac Meech
est beaucoup plus qu'un accord énonçant strictement des
principes. C'est un accord qui comprend un libellé qui a
été étudié et discuté sérieusement
par les onze premiers ministres, qui ont discuté très
sérieusement de l'application des termes qu'ils employaient. Des
premiers ministres ont même consulté leurs experts sur certains
termes. On en a discuté à plusieurs reprises.
Mme la Présidente, ce que je voudrais simplement vous dire le
plus sincèrement possible, c'est que je suis convaincu qu'en travaillant
d'une façon objective sur cette entente du lac Meech, tel
qu'apparaît le libellé actuellement, nous pouvons faire beaucoup
de travail ensemble au bénéfice de l'ensemble du
Québec.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
ministre. M. le député de Bourget.
M. Claude Trudel
M. Trudel: Je vous remercie. J'ai un peu l'impression
aujourd'hui, pour nous mettre dans un contexte autre que constitutionnel, que
nous assistons à un exercice d'avant-partie dans une série de
hockey dont la partie finale se jouera surtout la semaine prochaine à
l'occasion de la commission parlementaire.
Je voudrais, avant de faire quelques brefs commentaires sur l'accord -
pas le communiqué de presse - du lac Meech, rappeler la mesquinerie
inqualifiable, presque sans nom, de l'Opposition à l'endroit du ministre
de l'Éducation hier après-midi. C'est d'ailleurs ce qui fait,
à toutes fins utiles, la manchette des journaux ce matin. C'est un geste
que je qualifierais de petit, réalisé par de petites gens. Le
député de Gouin, hier après-midi, semblait insinuer que
l'actuel premier ministre avait des comptes à régler avec
l'ancien chef du parti et, voulant s'excuser, il en faisait un membre de
l'équipe ministérielle. L'impression que j'ai, c'est que c'est
surtout l'Opposition qui avait de3 comptes à régler avec l'ancien
chef du Parti libéral, lui reprochant notamment sa position lors du
référendum. Je trouve la réaction de l'Opposition
absolument inqualifiable, indigne de parlementaires. Je pense que la
population, qui nous regarde ce matin et qui a pu suivre le débat hier
après-midi à l'Assemblée nationale, saura où loge
maintenant l'Opposition.
L'accord du lac Meech, le ministre le rappelait à l'occasion
d'une conférence de presse tenue cette semaine, ne fera pas
l'unanimité au Québec, c'est évident. Cet accord,
malgré ses qualités, déplaira évidemment aux
partisans de la séparation du Québec, aux partisans de
l'isolement du Québec, tout comme aux partisans d'un
fédéralisme centralisé, aussi archaïque et aussi
passé de mode aujourd'hui que ceux qui le défendaient hier. Mais
cet accord réjouira l'immense majorité des
Québécois qui, avec le gros bon sens qu'on leur reconnaît,
sont plutôt partisans d'un fédéralisme certes fort, mais
plus décentralisé au profit d'une plus large marge d'initiative
pour les provinces. C'est, en somme, ce qu'on a appelé, à
l'époque qui paraît si lointaine du rapport Pepin-Robarts, le
fédéralisme asymétrique. C'est, en d'autres termes, le
retour du balancier vers le pouvoir provincial.
Mme la Présidente, on nous a reproché tant et plus, sans
aucune espèce de raison, de ne pas avoir de mandat pour cette
négociation qui, maintenant, va s'engager. Le ministre le rappelait,
avant la réunion du lac Meech, qu'il s'agissait de discussions;
maintenant, il s'agit de négociations sur un texte constitutionnel. Je
rappellerais à l'Opposition que le programme du Parti libéral
voulait que ces négociations soient
orientées vers trois objectifs que je rappelle rapidement, parce
que les gens de l'Opposition semblent les avoir oubliés - je suis
convaincu qu'ils ne les ont pas oubliés, mais qu'ils veulent bien les
oublier pour les fins de partisanerie politique.
Le premier objectif, c'était d'inscrire dans la constitution du
Canada la reconnaissance explicite du Québec comme société
distincte. Je pense que c'est fait. Le deuxième, obtenir des garanties
réelles pour la sécurité culturelle du Québec. Cela
aussi est réussi. Enfin, le troisième, préserver les
pouvoirs actuels du Québec tout en lui donnant les moyens d'influencer
l'évolution de la Fédération canadienne dans l'avenir. Ces
trois objectifs se sont traduits, après la conférence du mont
Gabriel de l'an dernier -c'était en accord parfait avec le programme du
Parti libéral du Québec à l'occasion de l'élection
de 1985 - en cinq conditions que le Québec posait pour renégocier
son entrée dans la Fédération canadienne.
Je pense qu'avec les Léon Dion, Gérard Beaudoin, Robert
Décary, Solange Chaput-Rolland, on peut dire aujourd'hui que, sur les
cinq conditions posées par le gouvernement du Québec, le
résultat net se solde par cinq gains. Nous aurons très
certainement l'occasion... En tout cas, pour ma part, j'aurai l'occasion d'en
reparler avec les membres de l'Opposition à l'occasion de la commission
parlementaire de mardi prochain. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Bourget. M. le chef de l'Opposition.
M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente, je voudrais revenir
un peu au contexte dans lequel on est appelé à se saisir de tout
cela. J'entendais, tout à l'heure, le député de
Mille-Îles citer le livre blanc de 1980, publié par le
gouvernement du Québec d'alors avant le référendum.
Justement, c'est cela qu'on demande au Parti libéral depuis un an:
Publiez donc une position gouvernementale. Ils ne l'ont pas fait. On a un
programme du Parti libéral qui, il faut bien le dire...
J'espère que le ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes va finir par le reconnaître et
descendre de ses grands chevaux. Je n'ai pas vu beaucoup de débats sur
la question constitutionnelle pendant la dernière élection. Je
vous ai entendu promettre qu'il n'y aurait plus de problèmes dans les
hôpitaux; il y en a encore. Je vous ai entendu promettre la parité
de l'aide sociale et distribuer des autoroutes aux quatre coins du
Québec. Il n'y a pas beaucoup de personnes qui ont parlé de la
question constitutionnelle. Alors, qu'on ne vienne pas nous dire que le Parti
libéral avait un programme dont les gens ont été
saisis.
(11 heures)
Deuxièmement, l'entente du lac Meech va à l'encontre de
beaucoup de dispositions du programme libéral qui ont été
évoquées pendant la campagne électorale, dans la mesure
où elles l'ont été.
Par ailleurs, le gouvernement, depuis qu'il est là, n'a jamais
publié l'ombre d'un document sur les enjeux de ce qui est en train de
nous amener dans l'entonnoir qui va bloquer l'avenir du Québec. Cela n'a
pas de sens, alors que le gouvernement précédent, lui, avait
publié une position constitutionnelle en 1985. Ah! Je comprends que cela
ne faisait pas l'affaire de tout le monde, mais il y avait là 30 pages,
une cohérence, une vision de ce qu'était le présent et
l'avenir du Québec. Je suis frappé par le fait que le ministre,
pour sa part, nous parle essentiellement du passé. S'il était
capable de nous parler de 1971, je pense que c'est cela qu'il ferait; et
peut-être de 1913, si c'était possible aussi. Moi, je parle du
présent et de l'avenir du Québec. Le présent, c'est que
vous êtes en train de bousculer le Parlement, vous êtes en train de
bousculer la population du Québec, vous êtes en train de tenter de
profiter de l'espèce d'indifférence qu'il peut y avoir autour des
questions politiques pour sceller l'avenir du Québec. C'est cela qui est
inadmissible, c'est cela qui est profondément antidémocratique.
C'est cela qui prouve que ce que vous êtes en train de faire n'a pas
d'envergure. Vous ne vous en tirerez pas avec cela comme avec vos promesses
d'autoroutes, cela n'a pas de bon sens.
Les incertitudes autour du communiqué de presse... Je l'appelle
le communiqué de presse du lac Meech parce que c'est cela qu'on a. Le
ministre est en train de tenter de nous inonder sous des paperasses - je ne
sais trop - il est à la veille de déposer ses diplômes,
mais il n'a pas encore été capable de déposer les textes
juridiques; par exemple. Ce serait une bonne idée qu'il dépose
les textes juridiques, il ne les a pas déposés. On va engager
l'avenir du Québec autour de quoi? Autour d'une conférence de
presse? Voyons donc! Ce que les juges vont interpréter, ce seront des
textes constitutionnels et non pas des pétitions de principe, des
discours ou les ronflements des uns et des autres. On ne les a pas, ces textes.
On est à peine à 25 jours de la conférence
constitutionnelle qui va sceller l'avenir du Québec et on n'a pas les
textes. On nous reprochait à nous de publier des livres blancs. Voyons
doncl Au moins, les gens pouvaient se prononcer.
Je suis prêt à convenir que les gens se sont
prononcés au mois de décembre 1985 et ils ont
décidé que le gouvernement, ce ne serait plus nous autres. Mais
vous ne me ferez jamais dire, par exemple, que la
population du Québec vous a élus pour sceller l'avenir du
Québec comme vous êtes en train de le faire avec un plancher aussi
bas. Le plancher est tellement bas, d'ailleurs, que je ne serais pas
étonné que le premier ministre se morfonde aujourd'hui du fait
qu'il aurait peut-être dû en demander plus, il en aurait
peut-être obtenu plus compte tenu de la conjoncture politique.
L'incertitude qui est soulevée autour de la société
distincte, autour de la faiblesse de la position et de l'absence de textes
précis notamment sur la question du pouvoir de dépenser, tout
cela est en train de diminuer le rapport de force du Québec, d'amoindrir
ce qu'est le Québec dans une vision du Canada des régions,
banalisant le Québec, parce que le Québec n'obtient rien que les
autres n'obtiennent pas sinon la formule de société distincte
dont l'étendue et les conséquences sont mises en doute par tous,
y compris ceux que vous citez à votre appui. Vous êtes en train de
banaliser le Québec dans votre vision du Canada des régions. Ce
n'est pas vrai que 25 ans de combat, ou 40 ans de combat, devraient se terminer
en une pareille queue de poisson.
Cela me fait penser au député de Bourget qui,
lui-même, a déjà été un adjoint du premier
ministre comme attaché politique à l'époque des grandes
manoeuvres constitutionnelles de 1971. Il sait que le plancher de son ancien
patron et de l'actuel premier ministre est bien plus bas maintenant
qu'auparavant. Et on lui répète: Dans le doute, abstenez-vous!
Dans le doute, dans l'incertitude, abstenez-vous d'engager l'avenir du peuple
québécois et arrêtez de nous rabâcher les oreilles
avec le passé du Québec.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le chef de
l'Opposition. M. le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes.
M, Gil Rémillard
M. Rémillard: Merci, Mme la Présidente. Le chef de
l'Opposition me reproche de revenir sur le passé. Je crois que,
justement, il faut bien comprendre ce qui s'est passé dans l'histoire
quand même encore récente du Québec pour apprécier
à sa juste valeur cette entente du lac Meech. Entre autres, le chef de
l'Opposition disait: Si j'étai3 capable de me rappeler 1971, je pourrais
en parler. En 1971, il y avait des acteurs, des observateurs qui
étaient, à ce moment-là, dans la société
québécoise, à différents niveaux. Il y en avait un
qui est maintenant ministre de l'Éducation, ici, dans le gouvernement
libéral du Québec.
Cet observateur, le ministre de l'Éducation actuel, M. Ryan, ne
pourra pas participer à la commission parlementaire sur cette entente du
lac Meech. Je demande au chef de l'Opposition, après une nuit de
sommeil, de repos - je m'adresse aussi à nos amis d'en face qui
l'accompagnent ce matin - après avoir réfléchi à ce
qui s'est passé hier... Je comprends que peut-être, hier, vous
avez agi sous le coup de l'émotion ou je ne sais trop pour quelle
raison, pour quel motif. Mais je fais toujours appel à
l'objectivité qui devrait être à la base de nos
discussions. Je sais, et vous le savez très bien, que le ministre de
l'Éducation du Québec peut apporter une contribution fort
intéressante et utile à nos débats.
Après cette nuit de réflexion, de repos, M. le chef de
l'Opposition, pourquoi ne pas revenir sur votre décision et pourquoi ne
pas accepter que le ministre de l'Éducation puisse faire partie de cette
commission parlementaire qui étudiera l'accord du lac Meech? C'est une
question que je vous pose et j'aimerais que vous puissiez me répondre.
Après cette nuit de réflexion, pourquoi ne pas revenir sur une
décision qui a été prise peut-être pour
différentes raisons, hier? Je ne sais trop pourquoi. Je ne voudrais pas
m'aventurer à étudier, à apporter des
éclaircissements sur cette situation-là. Mais, après cette
nuit de repos - nous sommes ici dans un contexte plus calme; nous discutons
à un niveau intéressant, je crois - pourquoi ne pas revenir sur
votre décision? Pourquoi ne pas nous dire ce matin... Je demande au chef
de l'Opposition de me répondre. Pourquoi ne pas revenir sur votre
décision qui, pour tout le monde c'est évident, est injuste.
Pourquoi ne pas revenir sur votre décision et permettre au ministre de
l'Éducation de faire partie de cette commission parlementaire?
Mme la Présidente, on nous accuse de vouloir banaliser le
Québec. Mais, tout à l'heure, nous avons déposé le
document du 16 avril 1981, ce document qui a été signé par
le précédent gouvernement, le gouvernement péquiste. C'est
dans ce document du 16 avril 1981 qu'on a reconnu que le Québec est une
province comme les autres. C'est clair, c'est net, c'est écrit. Et,
maintenant, qu'est-ce qu'on vient nous dire? On nous dit: C'est effrayant, vous
avez banalisé le Québec! Mais, Mme la Présidente, ce n'est
pas nous qui avons signé cette entente du 16 avril 1981 et tous les
observateurs le font remarquer maintenant. Nous avions à composer avec
une situation politique difficile. Nous avions à ramasser des pots
cassés et, maintenant, on vient nous dire -j'entends le chef de
l'Opposition: "Vous avez banalisé le Québec".
Parce qu'on aura obtenu de nouveau le droit de veto qu'eux avaient
perdu, nous avons banalisé le Québec? Parce que,
dorénavant, le Québec pourra proposer une liste pour faire nommer
ses trois juges à la Cour suprême, nous avons banalisé
le
Québec? Parce que nous avons obtenu, en matière
d'immigration, des pouvoirs qui vont garantir la sécurité
culturelle du Québec, nous avons banalisé le Québec?
J'entendais tout à l'heure l'Opposition nous dire - c'est le chef
de l'Opposition, je crois, qui nous le disait - "Vous avez tout simplement mis
dans la constitution l'entente Cullen-Couture". Malheureusement, je me rends
compte qu'il n'a pas lu l'entente du lac Meech. Il faut qu'il lise l'entente du
lac Meech avant la commission parlementaire; c'est urgent. Pendant la fin de
semaine, il faut vous garder un bout de temps. Lisez cette entente. Vous allez
vous apercevoir, M. le chef de l'Opposition...
Je vais vous dire le plus objectivement possible que ce que nous avons
conclu au lac Meech va beaucoup plus loin que l'entente Cullen-Couture.
Demandez à vos conseillers qui sont très compétents et qui
sont ici ce matin.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
ministre. M. le député de Marquette.
M. Claude Dauphin
M. Dauphin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'entends
depuis plusieurs jours, du côté des membres de l'Opposition, une
référence au fait que nous n'avions pas de mandat pour en arriver
à l'entente du lac Meech. Au risque de répéter ce qui a
été dit, c'était quand même clair dans notre
programme politique. C'était également clair dans notre programme
électoral; nous avons dit à plusieurs reprises quelles
étaient les conditions pour adhérer à la Loi
constitutionnelle de 1982.
Également, le chef de l'Opposition, qui est présent
aujourd'hui, a posé au moins une quinzaine de questions, soit au premier
ministre du Québec, soit au ministre responsable du dossier, et cela a
permis autant au premier ministre qu'au ministre responsable non seulement de
répondre au chef de l'Opposition, mais également de clarifier le
plus possible les conditions pour le Québec d'adhérer à
l'entente ou à l'acte constitutionnel de 1982.
Ce que le gouvernement du Québec a fait, ce que les premiers
ministres ont fait le 30 avril, cela a été de réparer
l'erreur constitutionnelle de 1981 de l'ancien gouvernement. La population du
Québec était tannée de voir à chaque
conférence fédérale-provinciale, même aux
conférences économiques fédérales-provinciales, son
ancien gouvernement soit claquer la porte, soit casser des verres et ne jamais
arriver à une entente avec le reste du Canada.
On a vu, le 30 avril, une situation que je qualifierais
d'exceptionnelle. C'est que, finalement, une entente a eu lieu entre le
Québec et les autres provinces du Canada et le gouvernement
fédéral, entente extrêmement importante pour le devenir de
tous les Québécois et Québécoises sur cinq points
bien précis que nous avions eu l'occasion de rendre publics dans notre
programme politique, dans notre programme électoral, à
l'Assemblée nationale. Ces cinq points sont extrêmement
importants: Le Québec comme société distincte,
prévu dans un article même de la constitution, une règle
d'interprétation; pouvoir accru en matière d'immigration;
consécration de notre rôle dans la nomination des juges de la Cour
suprême; récupération du droit de veto, droit de veto en
matière d'institutions fédérales; "opting out" ou droit de
retrait avec compensation financière juste dans les autres cas, ce qui
avait d'ailleurs été négocié en 1981, ce que
l'ancien gouvernement revendiquait pour le Québec à ce
moment-là, ce que, nous, nous avons obtenu. Le premier ministre l'a dit
à plusieurs reprises cette semaine à l'Assemblée
nationale: Eux tentaient d'obtenir ce droit de retrait, ne l'ont jamais obtenu
et notre gouvernement, avec le ministre responsable, le député de
Jean-Talon, a obtenu ce que le PQ, dans le temps, demandait, également,
Mme la Présidente, il y aura une limite au pouvoir de dépenser du
fédéral, ce qui est revendiqué depuis des
décennies. Pour sécuriser un peu nos membres de l'Opposition,
nous aurons la semaine prochaine la possibilité, en commission
parlementaire, de revoir tout cela, d'analyser tout cela, d'informer encore
davantage la population du Québec. Il est vrai, comme le disait le
député de Taillon tantôt, qu'actuellement la chose
constitutionnelle ne se débat pas dans les autobus. Mais il est vrai
aussi que cette entente constitutionnelle est d'une extrême importance
pour la population du Québec. Je pense qu'on en convient tous et que
c'est notre rôle, notre devoir, en tant qu'élus de la population,
d'expliquer aux Québécois et aux Québécoises quelle
est la substance de cette entente constitutionnelle du lac Meech. Nos
adversaires ont un peu de difficulté, et je les comprends. Ils sont en
peine actuellement à voir que le gouvernement s'est entendu avec Ies
autres gouvernements. Cela ne fait pas leur affaire. Cela ne leur fait pas
gagner de points et ils en ont extrêmement besoin. On voit dans leurs
colloques régionaux, on a vu dans leurs colloques de comté qu'ils
réaffirment l'option fondamentale de la souveraineté. Eux n'ont
aucune crédibilité en matière constitutionnelle pour en
arriver à une entente. Je suis très fier, comme
député, de voir qu'on ait réussi. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Marquette. M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Mme la Présidente, j'aurais deux
séries de remarques, d'abord, sur l'absence du ministre de
l'Éducation à la commission parlementaire, lui qui n'est pas
présent avec nous ce matin, je vous le signale. Il aurait pu être
présent parmi nous pour traiter du dossier constitutionnel,
c'était parfaitement son droit, mais il n'est pas là. (11 h
15)
C'est aussi le ministre de l'Éducation -je ne sais pas si vous le
savez, j'espère que vous le savez - qui a des problèmes dans le
domaine de l'éducation au Québec. Il en a toute une série
et je peux vous en signaler quelques-uns, très brièvement:
problème du sous-financement des universités au Québec,
problème de la grève de Transco, dans le secteur du transport
scolaire dans la région de Montréal, problème de
l'enseignement du français en première année,
problème de l'amélioration de l'enseignement du français
dans les écoles publiques du Québec, problème de
l'application de la loi spéciale que l'Assemblée nationale vient
tout juste d'adopter pour l'UQAM, problème de la carte scolaire à
Brossard, problème d'intégration du primaire et du secondaire
dans plusieurs territoires, plusieurs commissions scolaires du Québec.
Vous ne trouvez pas qu'il a un agenda assez chargé, qu'il a des
responsabilités importantes en matière d'éducation et
qu'il devrait s'en occuper. Je ne vois pas pourquoi vous voulez le retenir, le
faire siéger pendant six jours, alors qu'il y a des problèmes
graves en matière d'éducation dont il doit s'occuper. Ce sont ses
responsabilités.
Ce n'est pas lui qui est ministre des affaires intergouvemementales, il
me semble que c'est vous, M. le député de Jean-Talon. C'est vous,
le ministre des affaires intergouvernementales, c'est vous le responsable du
dossier constitutionnel. Vous étiez au lac Meech avec le premier
ministre; le ministre de l'Éducation n'était pas au lac Meech. Si
le ministre de l'Éducation était si important dans le dossier
constitutionnel, comment se fait-il qu'il n'était pas au lac Meech avec
vous et le premier ministre?
Je pense que, là-dessus, il n'est pas question de mesquinerie, il
est tout simplement question qu'on a peu de temps en commission parlementaire
et on pense que, pour le bien et l'intérêt de la
société québécoise, il est absolument important que
le ministre de l'Éducation s'occupe d'éducation et des
problèmes d'éducation.
Je reviens à la question linguistique, parce que cela m'apparatt
important. Le ministre des affaires intergouvernementales semble dire que
l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, l'article 23
de la Charte des droits et libertés, la charte canadienne, que plusieurs
des droits inscrits dans la charte canadienne elle-même, ce n'est rien,
ce n'est pas grave, ça n'a pas beaucoup d'effet sur le plan
linguistique, ce ne sont pas des limites importantes et majeures, ce sont des
limites insignifiantes, ce n'est pas grave.
Je pense qu'il faut dissiper la confusion sur ce sujet-là, Mme la
Présidente. Ces réserves, ces limitations sont majeures en
matière linguistique. Elles empêchent l'Assemblée nationale
d'exercer pleinement, complètement, totalement sa juridiction et ses
compétences en matière linguistique. Lui-même le
déclarait, d'ailleurs. Je le cite encore une fois: "Ce sont les
tribunaux, disait-il, et en dernière analyse la Cour suprême
canadienne qui feront, à toutes fins pratiques, maintenant, la politique
linguistique au Canada." Quand on parle de la politique linguistique au Canada,
il me semble que le Québec est inclus. Jusqu'à maintenant, en
tout cas, il fait encore partie du Canada. Ce sont les tribunaux, c'est
lui-même qui le disait.
Cela, c'était en 1982 et, depuis ce temps, il y a toute une
série de jugements des tribunaux, y compris de la Cour suprême,
qui ont fait en sorte que plusieurs dispositions de la loi 101, de la charte du
français, ne s'appliquent plus au Québec.
Le ministre parle de la clause Canada, avec laquelle il est d'accord.
Tantôt, il disait: Vous auriez pu me citer davantage, je donnais mon
accord à la clause Canada. Je vous signale que, nous aussi, on donnait
notre accord à la clause Canada, c'est là-dedans. On était
d'accord avec la clause Canada, mais on dit que c'est dans la Charte de la
langue française que cela doit apparaître. Si la clause Canada
doit s'appliquer sur le territoire québécois, c'est cette
Assemblée qui doit en décider et qui doit l'inclure dans la
Charte de la langue française. Ce n'est pas la constitution canadienne,
ce n'est pas la charte canadienne ni la Cour suprême qui doivent nous
l'imposer, cela doit apparaître dans notre loi, dans notre Charte de la
langue française. Là-dessus, on est d'accord, mais on n'est pas
d'accord sur l'endroit où on doit la trouver.
En conclusion, je signale que le ministre, dans ses articles sur les
conditions d'entrée du Québec dans la constitution, avant qu'il
devienne ministre, réclamait que, pour ce qui est de l'article 23,
à tout le moins, son application sur le territoire du Québec soit
liée à l'assentiment de l'Assemblée nationale. Vous vous
rappelez cela? Comment se fait-il que vous ne soyez plus d'accord avec cela,
maintenant? Comment se fait-il que, dans l'entente du lac Meech, on ne retrouve
aucune disposition relative à la question linguistique?
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. M. le
ministre.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Mme la Présidente, tout d'abord, pour
revenir très brièvement à la situation malheureuse
concernant la participation du ministre de l'Éducation à la
commission parlementaire, je retiens des propos du député de
Lac-Saint-Jean qu'il veut respecter les capacités de travail du ministre
comme ministre de l'Éducation. Il peut poser les questions qu'il veut au
ministre pendant la période des questions et on connaît la grande
qualité et la compétence du ministre en ce qui regarde,
justement, la prise en main - et cela s'imposait - de notre système
d'éducation et la qualité de l'éducation donnée
à nos jeunes au Québec.
J'ai pu voir dans les propos du député de Lac-Saint-Jean
une ouverture et je m'en réjouis. Je voudrais lui demander si je
comprends bien ses propos: Est-ce que ses propos pourraient signifier qu'il
permettrait au ministre de l'Éducation de participer à la
commission de temps à autre? Est-ce que c'est une ouverture qu'il nous a
faite? J'ai cru comprendre un message. Est-ce qu'il permettrait au ministre de
l'Éducation de venir pour certains débats, d'une façon
toute particulière? J'ai cru comprendre ce message. Je ne sais pas si
j'ai bien compris, Mme la Présidente, mais je trouve cela
intéressant et je vois que l'Opposition comprend qu'une erreur a
été faite hier. Des propos du député de
Lac-Saint-Jean, je retiens une ouverture. Je trouve qu'enfin on reprend un ton
qui va nous permettre d'en arriver à une solution intéressante en
ce qui regarde la possibilité pour le ministre de l'Education de venir
siéger à la commission, une solution intéressante pour le
bien-être de la population du Québec. Il faut s'élever
au-dessus de la stricte partisanerie. Je voudrais donc demander au
député de Lac-Saint-Jean si j'ai bien compris son message. C'est
peut-être en termes diplomatiques qu'il m'a fait ce message, mais je
crois que j'ai compris ce message et c'est une belle ouverture.
Peut-être que le chef de l'Opposition lui-même voudrait
compléter le message qui a été fait par le
député de Lac-Saint-Jean et nous dire: Oui, nous sommes
prêts. S'il dit "nous voulons que le ministre de l'Éducation
puisse venir pour des périodes limitées", c'est dommage, parce
qu'il devrait venir pour l'ensemble de la commission. Mais, c'est une
première ouverture. Si c'est cela, le message qui nous est
passé... J'essaie de le décoder. J'aimerais que le chef de
l'Opposition puisse me dire si je fais fausse route ou si c'est vraiment une
ouverture qu'il fait. Je vois une possibilité de régler un point
très important. Je crois que l'Opposition se rend compte dans quelle
situation nous sommes.
Nous sommes des parlementaires, nous cherchons à avoir un
débat le plus fructueux possible sur une question majeure concernant
l'avenir du Québec.
Je voudrais dire aussi, lorsqu'on veut se référer à
ce que j'ai écrit, qu'on me cite correctement et, ensuite, je pourrai
faire des commentaires. Concernant ce que j'aurais écrit sur l'article
23, j'ai dit que j'étais d'accord avec l'article 23. J'ai dit aussi que,
maintenant, la politique linguistique canadienne dépendrait de la Cour
suprême du Canada. J'aimerais le rappeler - peut-être n'ont-ils pas
lu la constitution canadienne -les articles 16 et suivants de la Loi
constitutionnelle de 1982 font de la langue française et de la langue
anglaise les deux langues officielles du Canada. Suivent des articles qui
viennent préciser les modalités d'application de ces langues.
C'est dans ce contexte que j'ai dit que, maintenant, les tribunaux et, en
dernier ressort, la Cour suprême du Canada viendront déterminer la
politique linguistique au Canada en ce qui regarde les langues officielles, en
ce qui regarde les droits des minorités, en ce qui regarde l'utilisation
des langues française et anglaise, langues officielles du Canada.
Avant, il s'agissait d'une loi du Parlement du Canada, une loi qui
s'appliquait dans les domaines de compétence fédérale, une
loi qui avait suivi le rapport de la commission Laurendeau-Dunton, vous vous en
souvenez comme moi, une loi qui a son importance mais qui était une
simple loi du Parlement canadien, qui pouvait donc être amendée.
La preuve, c'est qu'elle sera amendée, de fait, probablement
prochainement par le qouvernement canadien. Depuis le 17 avril 1982, nous avons
maintenant une constitution qui est celle de 1982, qui consacre le fait que
nous avons au Canada deux langues officielles: le français et
l'anglais.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
ministre.
M. le député de Beauharnois.
M. Serge Marcil
M. Marcil: Merci, Mme la Présidente. Moi aussi, comme
député, je n'ai pu intervenir hier compte tenu que le temps
était limité. Ce qui est monstrueux, ce n'est pas l'accord du lac
Meech, mais beaucoup plus le geste posé par l'Opposition de refuser de
permettre au député d'Argenteuil et ministre de
l'Éducation de participer à ce débat. Ce qui est
malheureux, c'est que maintes et maintes fois le chef de l'Opposition a
cité des textes et des articles de M. Ryan. On lui a tous reconnu sa
compétence dans le domaine constitutionnel et, comme
Québécois, député élu par la population, je
suis profondément déçu du geste qui a
été
posé par l'Opposition afin d'empêcher le ministre de
l'Éducation et député d'Argenteuil - parce qu'il e8t
d'abord un député élu comme tout le monde - de participer
à cette commission parlementaire. Je crois que la présence de M.
Ryan aurait rehaussé le débat sur la constitution et aurait
également permis aux Québécois et aux
Québécoises d'entendre une dimension ou de découvrir une
dimension d'une personne solide, reconnue en matière
constitutionnelle.
J'écoutais tantôt le député de Tatllon qui
disait: Achèteriez-vous une maison sans lire le contrat de vente? C'est
drôle qu'il y a des gens qui ont déjà lu l'accord de
principe du lac Meech. Ces personnes sont d'éminents spécialistes
en matière constitutionnelle, en droit constitutionnel. Ces
gens-là posent également le problème dans les journaux,
à tous les jours, critiquent et analysent de façon objective
cette entente, cet accord de principe. Pourtant, à entendre
l'Opposition, il n'existe aucun texte, aucun accord. Je pense que je vais
répéter un peu ce que le ministre délégué
aux Affaires intergouvernementales canadiennes disait tantôt au chef de
l'Opposition et aux membres de l'Opposition: S'il vous plaît, lisez au
moins l'accord de principe avant de vous présenter en commission
parlementaire la semaine prochaine.
Je lis seulement une partie de l'article du professeur Dion, professeur
à l'Université Laval, éminent spécialiste en la
matière. L'Opposition a même applaudi sa démission
lorsqu'il avait décidé de quitter l'équipe du ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Il
analyse d'une façon très objective l'accord comme tel et il dit
clairement, et je le cite: "Les progrès accomplis excèdent mes
attentes. J'estime que le premier ministre Bourassa et le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales, Gil
Rémillard, de même que les neuf autres premiers ministres
provinciaux et le premier ministre fédéral, Brian Mulroney,
compte tenu des circonstances, ont atteint les limites du possible."
Il analyse les cinq points, les cinq conditions qui avaient
été proposées par notre gouvernement. Contrairement
à ce que l'Opposition affirme depuis quelques jours, il y a eu des
avantages énormes. Prenons seulement la formule de modification
constitutionnelle. Après son analyse - et tout le monde lui
reconnaît cette compétence - il dit encore: "C'est là un
gain majeur pour le Québec: signalons que cet acquis avait fait l'objet
d'une recommandation de la commission Pepin-Robarts et que le gouvernement du
Parti québécois avait fondé là-dessus sa principale
exigence en 1981."
Sur la Cour suprême du Canada, il dit également: "Ici aussi
il obtient davantage." Sur l'immigration: "Sur ce point, l'entente de principe
s'inspire du rapport Pepin-Robarts, mais elle va plus loin encore et outrepasse
même les demandes du Québec." Ce ne sont pas des partisans
libéraux qui écrivent, qui font cette analyse, c'est un auteur,
un professeur en droit constitutionnel.
Concernant le pouvoir de dépenser, il dit, et je le cite: "II
s'agit là encore d'une disposition nouvelle par rapport à la
constitution de 1982. Sur ce point encore, le Québec se verrait accorder
une compétence qui, jusqu'ici, relevait d'un possible "retrait
facultatif administratif, refusé parfois et concédé si la
pression du Québec se révélait irrésistible, comme
dans le cas, sous le premier ministre Lesage, des régimes publics de
retraite."
La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. le
député de Beauharnois. (11 h 30)
M. Marcil: En conclusion, je vais lire -parce que j'ai
trouvé l'article tellement d'aplomb, tellement à point -
seulement...
La Présidente (Mme Bélanger): Cinq secondes.
M. Marcil: Cinq secondes. Je vais me reprendre tantôt quand
je reviendrai. Je vais conclure. Ce que j'ai dit au début, c'est que ce
qui a été monstrueux, ce n'est pas l'accord du lac Meech...
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Beauharnois.
M. Marcil: ...mais bien plus l'opposition à ce que M. Ryan
siège....
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Beauharnois, je vous remercie.
M. Marcil: ...à la commission parlementaire. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Lac-Saint-Jean, qui est le prochain intervenant? M. le
chef de l'Opposition.
M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): Juste deux choses. Écoutez, ce n'est
pas le problème, ce n'est pas notre problème, c'est
peut-être le problème du Québec à vos yeux, mais
c'est surtout le problème du gouvernement si le ministre de
l'Éducation n'a pas été mis dans le coup de l'accord du
lac Meech. Ce n'est pas vrai que c'est l'Opposition qui va venir effacer
l'erreur du premier ministre. Il faudrait être clair là-dessus. Il
y a tellement d'affaires toutes croches dans ce dossier depuis que vous
êtes dedans, à partir des absences de textes juridiques, à
partir des absences de mandats précis en incluant là-dedans votre
refus systématique, depuis un
an et demi que je vous pose des questions là-dessus en Chambre,
de dire quelle est votre position constitutionnelle.
Ce n'est pas vrai qu'en plus de ça, avec le peu de temps que vous
allez donner à l'Opposition pour faire un débat public
adéquat en commission parlementaire, vous allez nous imposer de venir
régler vos erreurs. Il y a quand même des limites. Encore une
fois, le ministre de l'Éducation le sait - j'ai eu l'occasion de
converser avec lui hier après la période des questions - ce n'est
pas dirigé contre lui personnellement. Je ne dis pas, s'il y avait dans
l'accord du lac Meech la récupération totale des pouvoirs
linguistiques pour le Québec, la garantie que le fédéral
va se retirer des programmes d'éducation postsecondaire et qu'on va
avoir une compensation pour planifier intelligemment la formation
professionnelle au Québec, il viendrait, comme on l'a accordé
à la ministre de l'Immigration parce qu'il est question d'immigration
dans l'entente.
Là, on a de bons propos. Si le ministre veut voir des perches
tendues, etc., il se trompe. La décision a été prise hier
et c'est ça. Bon. Je vais lui parler du pouvoir de dépenser un
peu. Vous en parlez. Vous parliez de votre programme. On va décortiquer
ça un peu ensemble. Dans Maîtriser l'avenir, vous dites
à la page 53: "Par sa nature, le pouvoir fédéral de
dépenser à des fins provinciales particulières est un
pouvoir "actif dont l'évolution est difficile à prévoir.
On sait toutefois d'expérience qu'il peut entraîner des
changements substantiels dans le partage effectif des responsabilités
entre les deux ordres de gouvernement". C'est exactement ce que dit le
Procureur général de l'Ontario qui dit que ce qui est sorti du
lac Meech, c'est la confirmation du pouvoir de dépenser de l'État
fédéral en matière provinciale.
Pourtant, vous dites aussi, dans ce même livre, Maîtriser
l'avenir, que c'est devenu une pomme de discorde chaque fois que le
gouvernement fédéral a voulu s'en servir comme levier pour venir
imposer aux provinces, et singulièrement au Québec, des
conditions plus ou moins rigides dans l'utilisation des sommes versées.
Deuxième texte: votre programme électoral. Qu'est-ce qu'il dit,
votre programme électoral? Il dit à l'élément
28.9.1, à la page 123: Que la création par le
fédéral de tout nouveau programme impliquant des subventions
conditionnelles aux provinces soit soumis à leur approbation, une telle
approbation s'exprimant formellement dans le cadre d'une règle
décisionnelle similaire à la formule d'amendement. Cela veut dire
quoi en pratique? Quand vous parlez de formule d'amendement dans votre
programme, vous parlez du droit de veto au complet.
Vous avez laissé tomber le droit de veto au complet. Vous avez
décidé de choisir l'"opting out" avec compensation. On
s'attendrait, au minimum, à ce qui a été mis pour que vous
respectiez votre programme, à ce qu'il y ait au minimum la
nécessité pour 7 provinces représentant 50 % de la
population d'approuver un nouveau programme fédéral avant
d'exercer l'"opting out". Non, vous avez laissé tomber cela aussi. On
dit, dans le communiqué de presse du lac Meech sur le pouvoir de
dépenser, qu'il est stipulé que le Canada doit accorder une juste
compensation à toute province qui ne participe pas à un nouveau
programme national à frais partagés dans un domaine de
compétence provinciale exclusive si cette province met en oeuvre de son
propre chef une initiative ou un programme compatible avec les objectifs
nationaux.
En pratique, cela veut dire quoi? Premièrement, cela veut dire
que vous reconnaissez le pouvoir de dépenser du fédéral
qui n'existait pas dans la constitution. Cela veut dire que vous avalisez tout
le passé et le passé est une des grandes sources
d'inefficacité, notamment des politiques en matière de
main-d'oeuvre, de formation professionnelle dans le secteur de
l'éducation, de la recherche et même de plus en plus dans les
richesses naturelles. Deuxièmement, cela ne s'applique qu'aux nouveaux
programmes. Troisièmement, vous acceptez que même un
éventuel nouveau programme fédéral puisse être
établi sans le consentement des provinces et dans ce contexte, vous
n'aurez droit à une compensation au Québec que dans la mesure
où cela correspond, où il y a un programme analogue au
Québec compatible avec les objectifs nationaux du Canada. Vous
reconnaissez la notion...
La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. le
chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): ...d'objectifs nationaux. Je pense qu'il
reste 30 secondes, Mme la Présidente, vous allez me les laisser, je suis
sûr de cela.
La Présidente (Mme Bélanger): Sûrement.
M. Johnson (Anjou): Nous vous disons là-dessus: Faible,
dangereux et, encore une fois, pas de texte, pas conforme à vos mandats
dans la mesure où vous aviez un mandat là-dessus. En ce
sens-là, on vous dît que vous êtes en train, encore une
fois, d'engager l'avenir du Québec parce que vous êtes
obsédés par l'effacement de son passé.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le chef de
l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Occupez-vous donc
de l'avenir.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Mme la Présidente, tout d'abord, je
trouve que le chef de l'Opposition prend un ton intéressant pour que
l'on puisse aller au fond de ces choses. Je crois que, maintenant, il y a une
amélioration; on va pouvoir discuter d'une façon sereine et
posée pour les meilleurs intérêts du Québec. Je
voudrais le remercier de prendre maintenant ce ton. J'espère qu'il va le
conserver, qu'il va pouvoir le conserver durant toute la commission
parlementaire.
En ce qui regarde la participation du ministre de l'Éducation
à la commission parlementaire, j'ai une réponse claire. Je
croyais que le député de Lac-Saint-Jean m'avait fait une
ouverture. Le chef de l'Opposition vient de me dire que non, il n'y a pas
d'ouverture, que le ministre de l'Éducation n'y participera pas, ni en
totalité, ni en partie. Ce que je peux vous dire, c'est ce que j'ai dit
au début: c'est très malheureux; une décision aussi
mesquine, c'est un jour qui est triste dans l'histoire du parlementarisme
québécois.
Le chef de l'Opposition revient sur le droit de veto. J'aimerais qu'on
soit clair une fois pour toutes et ce n'est pas difficile à comprendre.
Le 16 avril 1981, le gouvernement du Québec de l'époque, le
gouvernement péquiste, avait accepté qu'il y ait un droit de
retrait pour compenser un droit de veto que, politiquement, le Québec
pouvait revendiquer et qu'il avait revendiqué justement en 1971. En
1971, quand le Québec a dit non à Victoria, la charte de Victoria
n'est pas devenue un acte constitutionnel parce que le Québec avait dit
non. Il y avait un pouvoir politique qui était là. Pendant tout
le temps où le gouvernement libéral de M. Bourassa a
été au pouvoir, il n'y a pas eu de ces décisions
politiques d'ordre constitutionnel qui se sont faites sans l'assentiment du
Québec. Il y avait donc cette capacité du Québec de dire
non.
Le Parti québécois, le gouvernement péquiste, avait
accepté une formule de droit de retrait parce qu'il acceptait le
principe de l'égalité des parties, avec le résultat qu'il
n'a pas pensé qu'on ne peut se retirer d'une institution. Je dois vous
dire que comme professeur - parce qu'on se réfère à mes
écrits comme professeur et on me cite lorsque j'étais professeur
de droit constitutionnel à l'Université Laval et à
l'Université de Montréal aussi - j'ai eu beaucoup de
difficultés à faire comprendre aux gens alors du Québec
comme à d'autres qu'on ne se retire pas d'une institution. Cela
m'apparaît assez clair, on ne peut pas se retirer du Sénat, de la
Cour suprême, de la Chambre des communes. Ce que nous avons obtenu au lac
Meech, c'est clair: c'est un droit de retrait avec compensation
financière, ce qui n'existait pas avant. C'était limité
strictement à l'éducation et à la culture, en ce qui
regarde donc le partage des compétences législatives. Donc, si
une compétence législative provinciale est
transférée à la juridiction fédérale, il
peut y avoir un droit de retrait, c'est-à-dire qu'une province, dont le
Québec, pourrait dire: Nous voulons conserver cette compétence.
Par conséquent, la province pourra recevoir une compensation
financière parce qu'elle assume une responsabilité que les autres
provinces ont consenti à donner au gouvernement fédéral.
Maintenant, ce sera pour toutes les compétences et non pas simplement
pour l'éducation et la culture. Voilà un premier gain. On a
dû composer avec ce principe de l'égalité des provinces,
accepté et signé le 16 avril 1981 par le gouvernement
péquiste.
Deuxièmement, nous avons réparé l'erreur historique
qu'avait faite le gouvernement péquiste, le gouvernement du
Québec, à savoir qu'il n'y avait pas de droit de veto sur des
institutions. Ce qui signifie qu'on aurait pu - et qu'on pourrait encore parce
que l'entente du lac Meech n'est pas encore partie de notre constitution -
modifier le Sénat complètement sans l'assentiment du
Québec. On pourrait modifier la répartition des sièges
à la Chambre des communes, qui est actuellement fondée sur le
nombre de sièges que le Québec a à la Chambre des communes
- 75 sièges - on aurait pu changer cela complètement au
détriment du Québec, sans que le Québec puisse dire un
seul mot. Cela n'a jamais été réclamé par le
Québec dans l'entente du 16 avril 1981 et c'est cela qu'on a
récupéré au lac Meech! un droit de veto. Ce que nous avons
récupéré au lac Meech, Mme la Présidente, c'est le
droit de veto du Québec, qui avait été perdu. C'est le
droit de dire non è un amendement constitutionnel qui va à
l'encontre des droits historiques du Québec, soit comme
société distincte, soit comme partenaire majeur de cette
fédération.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
ministre. M. le député de Bourget.
M. Claude Trudel
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. On a abordé
tantôt très rapidement le sujet de l'immigration. Il semble que le
chef de l'Opposition n'ait pas très bien compris le texte de l'accord du
lac Meech. Le ministre lui a suggéré de prendre quelques minutes,
à tout le moins, en fin de semaine pour prendre connaissance de cet
important accord.
À l'occasion d'un autre débat, j'ai
préparé quelques notes sur la question de l'immigration,
notamment à titre de président de la commission de la culture qui
s'intéresse, ainsi que vous le savez, de très près
à ces questions. Je vais profiter des quelques minutes que j'ai à
ma disposition et que je n'espérais pas avoir pour vous faire part de
quelques notes qui sont aussi préparatoires à une intervention
que j'entends faire à la commission parlementaire mardi prochain.
La promotion du caractère distinct de la société
québécoise au sein de la Fédération canadienne
exige du Québec qu'il conserve son poids politique et
démographique dans l'ensemble canadien. C'est là la
définition même du concept de la sécurité culturelle
du Québec. Je vous ferai remarquer que c'est l'un des trois objectifs
recherchés par le gouvernement du Québec inscrits dans le
programme politique du Parti libéral du Québec en 1985, En ce
sens, il est vital que le Québec dispose de pouvoirs
prépondérants en matière d'immigration qui puissent
compenser sa proportion de un à trois au sein de la population
canadienne.
En effet, le taux de natalité ne garantit pas que les niveaux
actuels de la population seront maintenus au Québec. On a vu les
résultats de la commission French, il y a quelques années
maintenant, qui sont probants. Le maintien des équilibres
démographiques et linguistiques appropriés, tant au Québec
que dans l'ensemble du Canada, requiert la prépondérance de
pouvoirs québécois en matière d'immigration, qui viennent
appuyer le développement du Québec en tant que
société distincte. La détermination des niveaux
d'immigration par le Québec est essentielle, mais elle ne saurait
suffire. C'est un impératif que ceux et celles qui immigrent au
Québec puissent s'intégrer à la société
québécoise francophone dans ce qu'elle a de plus authentique.
À cet effet, le Québec doit disposer de nouveaux
arrangements constitutionnels qui mettent les acquis de l'entente
Cullen-Couture de 1977 au plan des principes et de la pratique à l'abri
d'une modification unilatérale par le Parlement canadien.
Une compétence québécoise exclusive de
légiférer en ce qui touche les mesures d'accueil,
d'intégration et de formation des personnes ayant le statut de
résident permanent au Canada ou en voie de l'acquérir, permettra
effectivement au Québec de mettre en oeuvre la
prépondérance de ses pouvoirs touchant à la
détermination du niveau et du profil de l'immigration qui lui est
destinée.
Bien entendu, tout transfert de programme d'Ottawa vers le Québec
devrait s'accompagner d'une compensation appropriée en faveur du
Québec. Suivant l'entente du lac Meech que le chef de l'Opposition
n'avait pas très bien comprise tantôt, le Québec disposera
de pouvoirs prépondérants en matière de
détermination du niveau et de sélection de l'immigration qui lui
est destinée, de même que d'une compétence
législative exclusive concernant les services d'accueil,
d'intégration et de formation et ce, avec compensation pour tous les
programmes fédéraux qu'il se verra transférer à
cette fin.
Voilà, Mme la Présidente, à mon avis, un acquis
important, majeur de l'accord du lac Meech. Vous me permettrez, en conclusion,
Mme la Présidente, de citer, à mon tour, l'excellent article de
M. Marcel Adam dans La Presse du jeudi 7 mai 1987, intititulé
"Des acquis inespérés pour le Québec". (11 h 45)
M. Adam, dans sa conclusion, dit ceci: "Robert Bourassa a eu
l'intelligence politique de présenter des propositions réalistes
et raisonnables - dont celle sur laquelle je viens de m'étendre quelque
peu tantôt - cinq conditions minimales qui devaient être toutes
satisfaites pour que le Québec sorte de son isolement. Il n'a rien
quémandé, mais il a posé des conditions qui devaient
être acceptées en bloc, faute de quoi il rentrerait chez lui. Sa
stratégie était la bonne".
Plus loin, je récite ce que M. le ministre a cité
tantôt. "C'est ma conviction, dit M. Adam, que ce qu'a obtenu Robert
Bourassa, c'est le maximum que pouvait obtenir le Québec dans les
circonstances. C'est peu par rapport à la pléthore de conditions
irréalistes posées par René Lévesque avant son
départ; mais c'est beaucoup, compte tenu de ce que ce dernier avait
abondonné et s'était fait enlever en 1981". Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Bourget. M. le député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Je vous remercie, Mme la Présidente. Il est
quand même curieux que ce dont on entend le plus parler depuis l'accord
du lac Meech, évidemment ce sont les contradictions sur la formule
d'amendement, sur le pouvoir de dépenser, sur le caractère
distinct du Québec, contradiction sur la nature de l'entente entre le
premier ministre Bourassa, le premier ministre de l'Ontario, M. Murray qui
s'occupe du dossier au niveau fédéral, le premier ministre du
Canada lui-même, M. Mulroney; paquet de contradictions que
résumait fort bien le Toronto Star, dans son éditorial de
mercredi, qui disait ceci: "If Bourassa is right, Mr. Mulroney and Mr. Peterson
are wrong."
La confusion est normale parce que,
encore une fois, ce qui est sorti du lac Meech, c'est un
communiqué de presse. En ce sens-là, les journaux et une revue de
la presse canadienne que le ministre doit avoir sur son bureau - j'en suis
convaincu - à tous les matins doivent le convaincre que la
contradiction, la confusion et le doute ont pris une telle proportion que
même les premiers ministres canadiens de différentes provinces ne
s'entendent pas entre eux.
Il n'est pas surprenant que, sur une matière aussi essentielle
que la langue, le professeur- Léon Dion, ce matin, écrive dans Le
Devoir et qu'on le cite. On doit le lire en entier, lui aussi, M. le ministre,
et ne pas tenter d'utiliser une parcelle ou un extrait de son opinion pour
justifier des prises de position. On doit le lire en entier.
Je lis un paragraphe au complet de Léon Dion, ce matin, dans Le
Devoir. "Ce dont le Québec a besoin, ce n'est pas seulement d'être
considéré comme une "société distincte" - pour la
bien simple raison qu'on ne sait pas ce que cela veut dire; c'est moi qui
ajoute ces mots - dans la constitution, mais encore il s'impose que cette
expression puisse être d'une étanchéité absolue
quant à sa signification et à sa portée de façon
à ce que l'interprétation qu'en fourniraient les tribunaux puisse
être aussi prévisible que possible et, bien entendu, favorable au
français".
Pourquoi le premier ministre ainsi que le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes
n'ont-ils pas dit depuis leur retour du lac Meech un traître mot sur les
droits linguistiques du Québec? Pourquoi le ministre refuse-t-il, encore
ce matin, de répondre à nos questions en ce qui concerne la
nécessaire protection absolue du français au Québec?
Pourquoi entretenir cette confusion, ce doute? Pourquoi ne pas en parler
clairement? C'est une question qui demeure sans réponse.
Le ministre ignore-t-il que la loi 101, la Charte de la langue
française qui était, il est bon de le rappeler, la loi la plus
socialement acceptable et la plus socialement acceptée au Québec,
a été charcutée par différents jugements des
tribunaux, charcutée en ce qui concerne la législation et la
justice, charcutée en ce qui concerne le chapitre relatif à
l'enseignement, charcutée en ce qui concerne l'affichage public? C'est
en appel à la Cour suprême.
Où est, messieurs du gouvernement libéral, la protection
dont le Québec a besoin pour continuer à vivre culturellement de
façon normale et à se développer? Pas un traître mot
du premier ministre ou du ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes pour faire en sorte de réaffirmer
clairement le statut officiel du français au Québec dans tous les
domaines publics et, surtout, s'assurer que les tribunaux cesseront
d'éroder systéma- tiquement la Charte de la langue
française ou n'importe quelle législation que cette
Assemblée nationale voudra bien se donner.
J'aimerais bien que le ministre profite de sa conclusion pour dire la
vérité aux Québécois qui veulent savoir quel est,
au juste, l'accord du lac Meech. Quel contrat nous allons signer. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Taillon.
M. Marcil: Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M. le
député de Beauharnois.
M. Marcil: Compte tenu qu'il reste seulement huit minutes, avec
le consentement de notre part, on pourrait permettre que M. le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes
intervienne pour dix minutes et, ensuite, le critique de l'Opposition, M. le
député de Lac-Saint-Jean, interviendrait également pour
dix minutes. Donc, on dépasserait la période allouée.
Une voix: Consentement.
La Présidente (Mme Bélanger): D'après le
règlement de l'interpellation, on est censé commencer à
calculer le temps au moment où l'interpellation commence. Dans le
moment, les gens de chaque côté auraient sept minutes si on
respectait l'entente prise entre les deux leaders.
M. Filion: Mme la Présidente, sur cette question... Si
vous me permettez...
M. Brassard: Mme la Présidente, sur une question...
La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M. le
député de Taillon.
M. Filion: ...étant donné le consentement des deux
partis à faire en sorte que l'interpellateur, à savoir le
député de Lac-Saint-Jean, et l'interpellé, le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes,
puissent bénéficier de cette période de dix minutes, je
vous suggère qu'à ce moment-là, il soit possible, à
cette commission, de donner suite à ce consentement, étant
donné qu'on a l'accord de tous les membres de la commission.
Il s'agit de plus, ai-je besoin de le souligner, d'une matière
extrêmement importante pour laquelle nous n'avons pas de réponse,
nous n'avons pas d'éclaircissement sur les doutes que possède la
population. Je crois bien que quelques minutes de plus, d'autant plus qu'elles
sont consenties de part et d'autre, ne pourraient qu'aider à rendre nos
travaux plus conformes à leur objectif.
La Présidente (Mme Bélanger): Je vous ferai
remarquer que l'entente des leaders, c'était un maximum de deux heures,
mais si vous voulez, des deux côtés de la Chambre, aller à
l'encontre de l'entente des leaders, en tant que présidente de
séance, je vais accepter que dix minutes de chaque côté
soient allouées.
M. le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes.
Conclusions M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Mme la Présidente, nous terminons
notre première séance de travail sur cette entente du lac Meech
qui devrait devenir une entente constitutionnelle, des amendements
constitutionnels qui vont rendre acceptable au Québec cette entente
conclue en 1981, qui a donné lieu à la Loi constitutionnelle de
1982. Par cette entente, nous allons pouvoir redonner au Québec des
droits historiques qu'il avait perdus. Nous allons pouvoir faire du
Québec un partenaire majeur dans cette Fédération
canadienne.
Mme la Présidente, l'entente du lac Meech n'est pas une entente
qui a été négociée, discutée de façon
irréaliste ou sans savoir ce qu'on faisait. Du côté
québécois, nous étions bien préparés, rien
n'a été laissé à l'improvisation. Nous avions une
côte à remonter; il y avait des pots cassés à
ramasser. Il y avait un pouvoir politique du Québec qui était
presque inexistant lorsque nous sommes arrivés au gouvernement, lorsque
nous avons été élus le 2 décembre dernier, un
pouvoir politique du Québec qui avait été remis en
question à la suite du référendum par une question
extrêmement ambiguë, ensuite par une action de relations
fédérales-provinciales et interprovinciales qui avait suivi une
période de morosité.
Et puis, il y a cette entente du 16 avril 1981 où le gouvernement
péquiste avait accepté le principe de l'égalité des
provinces. C'est dans ce contexte que nous avons discuté pendant plus
d'un an avec les autres provinces, avec le gouvernement fédéral,
sur la base de ces cinq conditions que nous avons clairement exprimées
dans le programme du Parti libéral et que nous avons discutées en
campagne électorale. Ce sont ces cinq conditions que nous retrouvons
presque intégralement dans l'entente qui a été conclue au
lac Meech.
Tout d'abord, reconnaître que le Québec est une
société distincte et ce, en vertu de son aspect culturel, certes,
mais aussi en vertu de son aspect social, politique, économique. C'est
pourquoi nous avons utilisé le mot "société" au lieu du
mot "peuple". Je vois que, ce matin, je n'ai pas eu de commentaires ni de
questions de la part de l'Opposition concernant l'utilisation du mot
"société". Je conclus que les membres de l'Opposition ont
compris; c'est un premier pas, une première démarche. Je suis
certain qu'en continuant dans le ton serein et objectif que nous devrions
adopter pour cette commission parlementaire, je pourrai aussi leur faire
comprendre les autres points.
Donc, pour nous, deux principes fondamentaux ont été
confirmés par les onze premiers ministres au lac Meech: reconnaissance
du fait que le Québec est une société distincte,
reconnaissance aussi que l'Assemblée nationale du Québec a le
rôle de protéger et de promouvoir ce caractère distinct et,
en plus, la reconnaissance de la dualité canadienne, le fait que le
Canada est fondé sur deux communautés nationales linguistiques.
C'est une conséquence directe au fait que nous avons maintenant deux
langues officielles depuis 1982. Aux articles 16 et suivants de la constitution
de 1982, il est stipulé qu'il y a deux langues officielles au Canada: le
français et l'anglais. Donc, il y a deux communautés nationales
canadiennes. C'est un principe qui est aussi reconnu.
Le professeur Léon Dion a mentionné, entre autres, au
sujet de l'entente, et je le cite: "Ce que M. Bourassa a obtenu au lac Meech
constitue un progrès considérable sur les demandes initiales du
Parti québécois." C'est ce que le professeur Léon Dion a
écrit. Le 7 mai, il a écrit: "Les progrès accomplis
excèdent mes attentes."
Et le professeur Dion, ce matin, propose un amendement. Je crois comme
vous que nous devrions nous pencher sur cet amendement, voir sa pertinence,
l'étudier sérieusement et, je le dis encore, en mettant de
côté la partisanerie. Objectivement, voilà un observateur
respecté, extrêmement compétent de la politique sur la
scène québécoise et canadienne qui nous fait une
proposition d'amendement. J'espère que l'Opposition acceptera que M.
Dion vienne témoigner en commission parlementaire et qu'ils ne feront
pas ce qu'ils ont fait avec le ministre de l'éducation, que M. Dion
pourra venir nous expliquer son amendement. C'est notre devoir, comme
parlementaires, de l'étudier le plus objectivement possible.
Voilà donc, M. le Président, un premier point dont nous
pouvons être très fiers parce que nous avons maintenant la
reconnaissance de la société distincte et du caractère
dualiste du Canada qui pourrait être incluse dans la constitution du
Canada; non pas dans le préambule, mais dans un article de la
constitution du Canada.
Deuxièmement, il s'agit de la Cour suprême du Canada
où nous allons avoir la garantie que trois juges sur neuf viennent du
Québec. Nous allons avoir la possibilité, l'initiative et la
participation quant à la nomination de ces juges en proposant une liste
de personnes que nous voulons comme
juges de la Cour suprême du Canada. (12 heures)
En ce qui regarde l'immigration, M. le Président, tout à
l'heure, le chef de l'Opposition nous disait: II n'y a rien là; c'est
strictement mettre l'entente Cullen-Couture dans la constitution. Ce que je lui
ai dit tout à l'heure, je le répète: il devrait lire
l'entente du lac Meech, parce que ce que nous avons conclu au lac Meech va
beaucoup plus loin que l'entente Cullen-Couture. Au lac Meech, nous avons la
possibilité de sélectionner nos immigrants de l'extérieur,
sur place. Nous avons la possibilité de mettre en place nos mesures
d'intégration pour faire en sorte que ces immigrants puissent avoir le
goût du Québec et demeurer au Québec. Nous allons avoir la
possibilité d'avoir un minimum de pourcentage d'immigrants qui viendront
au Québec, un minimum en fonction de notre poids démographique
dans la constitution. Voilà ce qui va nous donner, M. le
Président, une sécurité culturelle extrêmement
importante. On connaît le taux de natalité au Québec, 1,4
%, qui est le taux le plus bas des pays industrialisés, après
l'Allemagne de l'Ouest.
En ce qui regarde le droit de veto que nous avons
récupéré, maintenant, il ne sera plus possible d'apporter
un amendement à des institutions aussi importantes que le Sénat
ou la Cour suprême, ou que la répartition des sièges
à la Chambre des communes puisse être modifiée sans que le
Québec ne donne son consentement. C'est ça, la
récupération du droit de veto du Québec qui avait
été perdu le 16 avril 1981.
En ce qui regarde le pouvoir de dépenser, M. le Président,
il existe dans la constitution canadienne, par la jurisprudence. S'il
n'existait pas, pourquoi l'Opposition ne l'a-t-elle pas contesté lorsque
le ministre de l'époque, chef de l'Opposition maintenant, voulait
protester contre le projet de loi C-3 sur le système de santé au
Canada? C'est parce qu'il savait que la jurisprudence était là.
Ce que nous devons faire, c'est encadrer ce pouvoir de dépenser.
Comme le disait si bien, dans un article particulièrement clair,
Mme Solange Chaput-Rolland, ce matin, il n'y a pas de monstre au lac Meech. Je
demande au chef de l'Opposition d'éviter ces caricatures. Cela donne au
débat un ton qui n'est pas souhaitable. Si le chef de l'Opposition est
en train de vivre un cauchemar, je lui demande de se réveiller et je lui
demande de lire attentivement l'entente du lac Meech. Il va s'apercevoir qu'il
y a dans cette entente ce qu'il faut pour redonner au Québec ses droits
historiques et pour refaire du Québec un partenaire majeur dans la
Fédération canadienne.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci, M. le Président. Je
répète de nouveau qu'on est en face d'une entente
bâclée. À tout le moins et tout au plus, il pourrait s'agir
d'une amorce de négociation, mais certainement pas de la conclusion
d'une négociation. Le gouvernement s'est présenté dans ces
pourparlers secrets, en cachette, en catimini, avec cinq conditions mal
définies, très peu précisées, très peu
articulées et qui étaient déjà dangereusement
minimales.
On a utilisé un plancher très bas. Oui, c'est un plancher
très bas, tellement bas que j'ai l'impression qu'on se retrouve au
sous-sol, qu'on se retrouve dans la cave. Et, en plus, il y a de l'eau dans la
cave. On patauge.
Non seulement ces conditions étaient-elles dangereusement
minimales, mal articulées, mal précisées, mais, en plus,
le gouvernement libéral s'est permis de reculer sur plusieurs points
relativement à son propre programme politique. Là-dessus, comme
j'ai obtenu le consentement au tout début de cette interpellation, M. le
Président, je dépose à la fois le programme politique et
les extraits de Maîtriser l'avenir concernant la négociation
constitutionnelle. J'espère que les libéraux pourront en prendre
connaissance, se rafraîchir la mémoire et constater que sur
plusieurs points on accepte des reculs majeurs, en particulier sur le droit de
veto.
Le ministre vient encore d'en parler. C'est faux de dire que vous avez
récupéré le droit de veto. Ce que vous réclamiez,
ce que vous revendiquiez, c'est un droit de veto universel, absolu, complet,
total. Vous n'avez obtenu qu'un droit de veto partiel sur les institutions et
encore, sur le Sénat, on affirme au fédéral, qu'on l'avait
déjà. Donc, vous avez obtenu un droit de veto sur la
création de nouvelles provinces. Mais sur l'essentiel, sur le partage
des pouvoirs, sur le partage des compétences, vous n'avez pas obtenu le
droit de veto. C'est cela qui est important. Vous ne l'avez pas obtenu. Alors,
arrêtez de dire à la population que vous avez
récupéré le droit de veto! Ce n'est pas vrai.
Sur le pouvoir de dépenser, c'est très peu clair, et on
l'a signalé à maintes reprises. Là aussi, vous reculez par
rapport à votre programme politique; c'est un recul très
évident. Sur la société distincte, c'est tellement
indéfini et imprécis qu'on ne sait pas ce que cela signifie.
Ce que je voudrais mentionner aussi, M. le Président, c'est que
non seulement ce que contient l'entente du lac Meech est-il mal défini,
mal précisé, mal articulé, comportant des
ambiguïtés mais, en plus, ce qu'il est
Important de signaler, je pense - c'est important pour la population du
Québec -c'est les insuffisances, les omissions dans cette entente. Quant
à nous, il nous semble que, si l'on veut conclure une entente dans
l'honneur et l'enthousiasme, pour employer des expressions connues,
utilisées par le premier ministre du Canada à une certaine
époque, il faut absolument qu'on retrouve dans cette entente
constitutionnelle un certain nombre d'éléments qu'on ne retrouve
pas dans l'entente du lac Meech, et je voudrais les rappeler. Cela
m'apparaît essentiel en conclusion de cette interpellation.
D'abord, il faudrait - j'en ai parlé plusieurs fois, on en a
parlé plusieurs fois, ici, du côté de l'Opposition - que
l'entente constitutionnelle reconnaisse au Québec le droit exclusif de
déterminer sa langue officielle et de légiférer sur toute
matière linguistique dans les secteurs de sa compétence. Cela
nous apparaît fondamental, capital. S'il y avait cela dans l'entente, si
on ajoutait cela dans l'entente, on accepterait que M. le ministre de
l'Éducation soit présent à la commission. Tant que ce ne
sera pas là, on va maintenir notre position.
Deuxièmement, il nous apparaît essentiel que l'on retrouve
également dans l'entente des dispositions qui feront en sorte que des
versements du gouvernement fédéral de subventions aux individus
et aux institutions dans des domaines, dans des juridictions
réservées exclusivement aux provinces, donc, au Québec,
que ces versements de subventions soient soumis à l'approbation du
gouvernement du Québec. On veut parler de contrôle et de
limitation du pouvoir fédéral de dépenser. Si on veut
être sérieux à ce sujet, il faut qu'on retrouve des
dispositions de ce genre dans l'entente constitutionnelle.
M. le Président, il nous apparatt essentiel également que
dans une entente constitutionnelle honorable on y retrouve aussi le fait que le
Québec soit confirmé comme maître d'oeuvre de l'ensemble du
domaine de la main-d'oeuvre, avec tous les pouvoirs et toutes les ressources
que cette responsabilité comporte. Cela fait des années et des
dizaines d'années que le Québec réclame le plein pouvoir
en matière de main-d'oeuvre pour pouvoir appliquer sur son territoire
une véritable politique de l'emploi et de la formation de la
main-d'oeuvre. Il serait important que, dans une entente constitutionnelle, on
retrouve des dispositions sur ce sujet.
Il serait important également qu'on retrouve des dispositions
affirmant que le Québec est désormais doté d'une
compétence exclusive en matière de mariage et de divorce. Il
serait également essentiel que, dans une entente constitutionnelle, soit
reconnue en matière internationale la situation spécifique du
Québec en tout ce qui touche à ses compétences et à
son identité, notamment, dans le cadre de la francophonie. Ce n'est pas
le cas. Ce n'est pas ce qu'on retrouve dans l'entente du lac Meech. Je vous
signale que le sénateur Murray récemment, pas plus tard qu'hier,
affirmait qu'en matière internationale il n'y avait rien de
changé et que le concept de société distincte n'accordait
pas de pouvoirs nouveaux au Québec en matière de relations
internationales.
D'ailleurs, le sénateur Murray est clair sur l'entente du lac
Meech. Québec n'a gagné aucun pouvoir qu'il n'avait
déjà. La société distincte ne donne pas plus de
pouvoirs au Québec. C'est très évident dans l'esprit des
fédéraux que l'entente du lac Meech n'accorde aucun pouvoir de
plus à l'Assemblée nationale et au gouvernement du Québec,
particulièrement en matière de relations internationales.
Il serait également important que les juges provenant du
Québec et formés à son droit civil soient les seuls
compétents sur les questions de droit civil. Cela n'apparatt pas dans
l'entente du lac Meech, et il nous apparatt essentiel que ça apparaisse
dans une entente constitutionnelle.
Voilà quelques points majeurs qu'on ne retrouve pas dans
l'entente du lac Meech et, pour nous, ces points devraient y paraître si
l'on veut une entente constitutionnelle dans l'honneur et l'enthousiasme, pour
reprendre des paroles célèbres. Par conséquent, je le
répète et nous allons le répéter à
satiété dans les semaines qui vont venir, nous sommes en face
d'une mauvaise entente, d'une entente bâclée, d'une entente
comportant des insuffisances majeures, des omissions dangereuses. On se demande
pourquoi le gouvernement libéral veut engager l'avenir même du
Québec pour des décennies à venir en bousculant tout le
monde, dans un climat de bousculade. Pourquoi ce comportement du gouvernement
libéral? Pourquoi ce "bulldozage" en matière
constitutionnelle?
Il y a des questions importantes à poser sur la façon dont
le gouvernement libéral veut obliger l'Assemblée nationale
à adopter sa position constitutionnelle et à entériner
l'entente du lac Meech. On assiste à du "bulldozage", à une
bousculade. Cela, ce n'est pas acceptable, et c'est surtout très louche.
Pourquoi cette fébrilité de la part du gouvernement? Pourquoi cet
empressement très louche de ta part du gouvernement pour faire adopter
à la vapeur le contenu de l'entente du lac Meech, alors qu'il nous
semble qu'il faut prendre tout le temps nécessaire pour en faire un
examen approfondi?
C'est d'ailleurs ce que souhaitent de plus en plus de groupes importants
au Québec. Plus d'une vingtaine de groupes
majeurs au Québec, d'organismes et d'associations importants ont
indiqué, par voie de télégramme, qu'ils entendaient
témoigner devant la commission. Donc, de plus en plus, les citoyens, les
organisations au Québec souhaitent se faire entendre.
Ce qu'on dit, M. le Président... Je conclus là-dessus.
Tantôt, le ministre disait: Réveillez-vous. Je lui retourne le
commandement: Réveillez-vous, ressaisissez-vous, que le gouvernement se
ressaisisse, il est encore temps pour lui de redresser l'échine, il est
encore temps pour lui de se tenir debout en matière constitutionnelle et
de reprendre les négociations pour en arriver véritablement, si
c'est là son désir, à une entente, cette fois-ci,
véritablement dans l'honneur et dans l'enthousiasme, si c'est ce qu'il
veut! Ce n'est pas avec l'entente du lac Meech que cela va se faire. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député de Lac-Saint-Jean. Je tiens à remercier les membres
de cette commission d'y avoir participé. Les travaux sont
ajournés sine die.
(Fin de la séance à 12 h 14)