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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le vendredi 8 mai 1987 - Vol. 29 N° 53

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Interpellation: Les propositions constitutionnelles du lac Meech


Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaîtî La commission des institutions se réunit afin de procéder à une interpellation, à savoir une question soulevée par le député de Lac-Saint-Jean au ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes sur les propositions constitutionnelles du lac Meech.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. Godin (Mercier) est remplacé par M. Brassard (Lac-Saint-Jean) et M. Vallières (Richmond) est remplacé par M. Trudel (Bourget).

La Présidente (Mme Bélanger): Je vais vous donner Ies règles à suivre. D'abord, le député qui a donné l'avis de l'interpellation a un temps de parole de dix minutes, pour ensuite entendre la réplique du ministre interpellé. Par la suite, il y aura alternance entre un député ministériel et un député de l'Opposition.

M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez la parole.

Exposé du sujet M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Plus le temps passe, plus on s'interroge sur le communiqué du lac Meech. Plus on questionne le premier ministre sur ce sujet et plus on se rend compte qu'on est en face d'un accord bâclé qui soulève de nombreuses et de très graves interrogations, d'une entente caractérisée par ses insuffisances, ses omissions volontaires, ses ambiguïtés et aussi ses imprécisions. Le Globe and Mail avait raison de dire: Jamais le Québec n'a demandé si peu pour signer la constitution.

Quelques remarques d'abord sur le droit de veto, ce droit de veto que réclamait depuis des années, en matière de formule d'amendement, le Parti libéral du Québec. C'était clair, c'était formel, le Parti libéral le premier ministre, M. Bourassa réclamait, en termes de formule d'amendement, le droit de veto. On le retrouvait dans son programme où il qualifiait le droit de retrait avec compensation financière de lot de consolation, de recul spectaculaire, d'abandon. Pour lui, pour le Parti libéral, c'était le droit de veto qu'il fallait obtenir en matière de formule d'amendement.

Or, on sait maintenant que ce n'est pas le cas. Je pense qu'il faut maintenant le constater. Ils n'ont pas obtenu le droit de veto. Ils l'ont bien obtenu partiellement sur les institutions, mais sur ce qui constitue le coeur d'un régime fédéral, c'est-à-dire le partage des compétences, la répartition des pouvoirs, ce n'est pas le cas, le droit de veto s'est envolé.

Sur ce point, je pense que la preuve est maintenant faite et j'espère que les libéraux, le premier ministre en tête, vont cesser de triturer les faits et d'essayer de faire croire à la population qu'ils ont récupéré le droit de veto. J'espère que vous allez maintenant assumer honnêtement vos reculs et vos abandons par rapport à votre programme politique.

Deuxièmement, Mme la Présidente, quelques remarques sur le pouvoir de dépenser. Sur le pouvoir de dépenser, il faut dire que c'est la partie de l'entente qui est la plus faible, qui comporte les plus grandes faiblesses, des faiblesses tout à fait inadmissibles. D'abord, pour la première fois dans l'histoire du Québec - cela est très grave, ce n'est pas rien - un gouvernement du Québec accepte que soit consacré dans la constitution le principe, je dirais, de l'ingérence du gouvernement fédéral dans un domaine de compétence provinciale exclusive. De plus, il accepte tout de même que, dans un domaine de compétence provinciale exclusive, même si l'une ou plusieurs provinces décident d'exercer le droit de retrait avec compensation financière, le fédéral soit habilité - cela aussi, c'est tout à fait nouveau et inacceptable, je vous le dis tout de suite, Mme la Présidente - à édicter, à établir des objectifs nationaux. M. Parizeau avait raison d'écrire, dans sa chronique du Devoir, qu'il s'agissait là d'un qrotesque retour en arrière.

Deuxièmement, cette entente relative au pouvoir fédéral de dépenser est un recul par rapport au programme même du Parti libéral du Québec qui réclamait aussi, en cette matière, le droit de veto. C'est ce que réclamait le programme du Parti libéral: la création par le fédéral de tout nouveau programme impliquant des subventions conditionnelles, etc., devait avoir l'approbation des provinces, une telle approbation s'exprimant formellement dans le cadre d'une règle décisionnelle similaire à la

formule d'amendement. Dans le programme du Parti libéral, on sait que la formule d'amendement réclamée, c'était le droit de veto.

Donc, le Parti libéral réclamait un droit de veto sur tout nouveau programme à frais partagés dans un domaine de compétence exclusivement provinciale. Ce droit de veto s'est lui aussi envolé, il est disparu, il n'est plus là, il n'existe plus. Recul par rapport au programme même du Parti libéral.

Troisièmement, aucune disposition pour empêcher le fédéral de verser des subventions aux individus et aux institutions dans des domaines, là aussi, de compétence exclusivement réservée aux provinces. Aucune disposition en ce sens. Aucune disposition pour empêcher de soumettre tout versement de subventions directes aux individus et aux institutions dans des domaines de compétence réservée exclusivement aux provinces, soumis à l'approbation du Québec. On peut citer de nombreux exemples, mais prenons l'exemple de subventions, disons, aux bibliothèques publiques, aux organismes d'éducation populaire. On se trouve dans des secteurs importants quant à la spécificité du Québec, les secteurs de l'éducation et de la culture. On peut imaginer des subventions fédérales aux comités d'école - on est dans le domaine de l'éducation - pour les salles de spectacle, etc., etc. Il n'y a rien dans l'entente qui permet au Québec d'empêcher le gouvernement fédéral de verser des subventions directes aux individus ou aux institutions dans des domaines qui sont réservés de façon exclusive aux provinces.

C'est, évidemment, tout à fait inadmissible. D'ailleurs, le sénateur Murray l'a bien vu quand, interrogé sur le pouvoir fédéral de dépenser, il a répondu: Écoutez, les limitations du pouvoir fédéral de dépenser prévues dans l'entente du lac Meech, on peut les contourner. Il y a bien des moyens, disait-il, de les contourner. Il signalait, entre autres moyens de les contourner, les subventions, les paiements directs aux individus et aux institutions. Donc, sur le pouvoir fédéral de dépenser, je pense que ce qu'il est important de signaler, c'est qu'on se retrouve avec des dispositions pleines de trous; cela ressemble étrangement à un fromage suisse.

Troisième remarque sur la société distincte: Comment peut-on sérieusement parler de société distincte, alors qu'il n'y a pas un traître mot dans cette entente sur l'élément premier, fondamental et essentiel de la spécificité du Québec, c'est-à-dire la langue française? Tout le monde reconnaît que ce qui caractérise la société québécoise, le peuple québécois, ce qui fait sa différence, c'est la langue française, il n'y a rien dans cette entente sur la langue française.

Il fut un temps où le ministre responsable des affaires canadiennes pensait autrement qu'il ne pense maintenant. En 1982, il prononçait un discours, dans le cadre d'un congrès sur la langue et la société au Québec, sur le statut culturel du français au Québec. Les actes de ce congrès ont été colligés et publiés. J'ai ici le discours du ministre. Très intéressantl Je vous en cite des passages. M. Rémillard disait ceci: La commission de l'unité nationale - il parlait de la commission Pepin-Robarts - avait recommandé que les droits linguistiques demeurent de la compétence exclusive des provinces. La commission, disait-il, justifiait cette recommandation en disant qu'il ne fallait pas que des obstacles constitutionnels entravent la marche du Québec vers sa francisation. La commission avait vu juste, disait-il. La décision du juge en chef Deschênes, dernièrement, dans l'affaire de la loi 101, vient de nous démontrer d'une façon éloquente que la charte des droits peut avoir des conséquences importantes sur les législations provinciales. L'article 23 de la charte qui garantit l'instruction dans la langue de la minorité est, selon ce jugement, une brèche importante dans la compétence du Québec en matière d'éducation et de langue. C'est le ministre qui parlait alors qu'il était professeur de droit constitutionnel.

Aujourd'hui - plusieurs de ses discours nous le démontrent - il semble vivre très bien, très à l'aise avec l'article 23 qu'il qualifiait de brèche importante, à l'époque, dans les compétences du Québec en matière linguistique. Il vit très bien avec l'article 133. Il vit très bien avec la Charte des droits et libertés. Il fait comme son chef avec le droit de veto, il tente de tromper la population, en disant que le Québec a pleins pouvoirs en matière linguistique, Mme la Présidente. En faisant croire que le Québec dispose des pleins pouvoirs en matière de langue, il tente de berner la population, parce que c'est faux. La façon dont ils ont amendé deux de nos motions récemment le prouve. Ils les ont amendées de telle façon que nous les jugions dénaturées, défigurées, qu'il nous a fallu voter contre ces motions parce qu'ils y introduisaient des limitations, des réserves majeures en matière de pouvoirs du Québec sur les questions linguistiques.

Mme la Présidente, le ministre - au Québec, on appelle cela un vire-capot - sur la question linguistique, se comporte en vire-capot par rapport aux opinions et aux points de vue qu'il exprimait lorsqu'il était professeur de droit constitutionnel. J'aimerais qu'il reconnaisse, en tout cas honnêtement, qu'en devenant ministre libéral il est devenu pas mal moins sensible...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Lac-Saint-Jean...

M. Brassard: J'achève, je conclus, Mme la Présidente. Il est devenu moins sensible sur la question linguistique...

La Présidente (Mme Bélanger): C'est terminé...

M. Brassard: ...et il s'est délesté allègrement de ses opinions sur ce sujet. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, vous avez un droit de réplique de dix minutes.

Réponse du ministre M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Merci, Mme la Présidente. Nous commençons, aujourd'hui, ce matin, l'étude de cette entente du lac Meech. J'ai déjà eu l'occasion de le faire et je le fais encore le plus sincèrement possible, je demande à l'Opposition de s'élever au-dessus de la partisanerie ou de tout élément qui pourrait être facile, à certains abords, qui pourrait même être démagogique à certains endroits, et de discuter sur le fond de cette entente.

Le but de notre étude, que ce soit aujourd'hui ou en commission parlementaire, c'est de cerner dans sa juste perspective, dans ses réelles conséquences, cette entente intervenue au lac Meech entre les onze premiers ministres du Canada. Dans ce contexte, je ne peux que déplorer ce qui s'est passé hier, lorsque l'Opposition a refusé au ministre de l'Éducation du Québec sa participation à la commission parlementaire qui étudiera cette entente du lac Meech. C'est un triste jour pour le parlementarisme québécois. Pour des motifs que je n'hésite pas à qualifier de mesquins, l'Opposition a refusé que le ministre de l'Éducation fasse partie de cette commission parlementaire qui aura à étudier cette entente du lac Meech. Il n'y a pas de raison qui puisse nous amener à comprendre l'attitude de l'Opposition. Pourquoi refuser cela au ministre de l'Éducation, qui a été un éditorialiste extrêmement écouté, qui a développé une expertise tout à fait exceptionnelle dans le domaine constitutionnel, qui a été chef du Parti libéral, qui a été à l'origine d'un document du parti, le livre beige, qui s'est impliqué - je tiens à le rappeler, Mme la Présidente - à tous les niveaux du processus que nous avons suivi dans nos discussions avec les autres provinces et le gouvernement fédérai, discussions qui nous ont amenés à l'entente du lac Meech?

Je dois dire que je ne peux pas comprendre cette attitude de l'Opposition, car le but de la commission parlementaire que nous aurons à partir de mardi prochain, c'est d'apporter le maximum d'éclaircissements en toute objectivité. Je voudrais qu'on puisse s'élever au-dessus de la partisanerie -je le dis encore à l'Opposition - et, en toute objectivité, qu'on puisse étudier les réelles conséquences de cette entente. Cette entente n'a pas été conclue à l'improviste, par hasard. Elle est le fruit d'un processus que nous avons suivi méthodiquement. Ce qui a été conclu au lac Meech a été discuté sérieusement, sans aucune improvisation, mais le geste est d'une très grande importance pour l'avenir du Québec. Il faut s'élever au-dessus de la partisanerie, de la démagogie et tenter de faire une étude, la plus sérieuse possible, de cette entente.

J'aurais aimé que le député de Chicoutimi, de Lac-Saint-Jean, excusez-moi, eût pu relever des points qui nous auraient amenés à discuter réellement de cette entente au lieu de nous parler du droit de veto. Mais qu'est-ce que vous voulez que je dise sur le droit de veto? C'est évident qu'on a récupéré le droit de veto. Est-ce que le député de Lac-Saint-Jean me permettrait - peut-être qu'il me faut la permission de cette commission, Mme la Présidente - de déposer l'entente du 16 avril 1981? J'ai eu l'occasion de citer en cette Chambre, à plusieurs reprises, l'entente qui a été conclue le 16 avril 1981, puis je ne veux pas insister d'une façon particulière sur cette dernière. Le passé, c'est le passé. Mais je voudrais bien qu'on comprenne que ce passé nous a créé des problèmes majeurs pour négocier et atteindre cette entente que nous avons eue au lac Meech. Peut-être bien que nos amis d'en face n'ont pas à la mémoire ladite entente du 16 avril 1981. Ils n'ont peut-être pas en mémoire l'entente qui a consacré, sans aucune ambiguïté - et signée par le gouvernement du Québec - que toutes les provinces étaient égales. C'est clair et je la cite: "La formule de modification doit reconnaître l'égalité constitutionnelle des provinces comme partenaires égaux au sein de la fédération." Comme partenaires égaux au sein de la confédération! C'est l'entente qui a été signée.

À partir de cette entente, il fallait reprendre les relations avec les autres provinces et le gouvernement fédéral et il fallait leur dire: Ce qui a été signé, ce n'est pas vraiment la situation. Vous savez, il y a peut-être des considérations qui sont rentrées en ligne de compte et qui ne sont pas les mêmes pour nous. Pour nous, du gouvernement du Québec, gouvernement libéral, le Québec n'est pas comme les autres, le Québec est une société distincte. Cela doit être reconnu dans la constitution d'une façon claire, évidente. Les commentaires que nous avons eus jusqu'à présent des observateurs, des spécialistes nous montrent d'une façon évidente que l'entente du lac Meeeh est une

entente historique.

Je lisais ce matin Mme Solange Chaput-Rolland qui nous disait qu'on n'aura plus à plier l'échine maintenant que nous avons des amendements constitutionnels qui viendront confirmer que le Québec est une société distincte, distincte par sa langue, distincte aussi par ses institutions, distincte par son système juridique de droit civil, distincte à bien des égards par son système économique. Notre distinction n'est pas limitée à la langue. Notre distinction a comme fondement un élément culturel de première importance qui est la langue, avec tout ce qui s'ensuit comme conséquences sur le plan culturel et ce qui s'ensuit au point de vue des institutions aussi. Il faudrait bien comprendre que, lorsque l'on définit, on limite. Il faut éviter d'enfermer ce caractère distinct du Québec dans le carcan juridique que pourrait être une définition,.

Nous entendrons des experts, pendant la commission parlementaire, qui viendront témoigner. Ce matin, le professeur Léon Dion, qui a écrit un article remarquable en deux étapes, en deux tranches hier dans Le Devoir et aujourd'hui, a lui aussi mentionné qu'il s'agissait d'une entente de très grande valeur. Le professeur Dion allait même jusqu'à dire que c'est là un gain majeur pour le Québec.

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. le ministre.

M. Rémillard: On dit ici: "On se trouve ainsi à satisfaire des demandes souvent exprimées, à juste titre, par les analystes québécois". Le professeur Dion suggère un amendement; on va l'étudier, Mme la Présidente.

Ce que je veux dire - je termine ma première intervention en le disant - c'est: Faisons donc ce débat de la façon la plus objective possible. Mettons de côté la partisanerie et...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre, votre temps est terminé.

M. Rémillard: ...regardons cette entente qui va être si importante pour l'avenir du Québec. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le chef de l'Opposition, vous avez cinq minutes.

Argumentation M. Pierre Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): Merci, Mme la Présidente. Deux ou trois remarques: d'abord, on n'a pas un texte juridique. Paradoxale- ment, le professeur Dion, ce matin, était obligé - il est obligé de faire ça - de proposer des modifications non pas à un texte juridique, mais à un communiqué de presse. C'est un des éléments un peu absurdes devant lesquels on est. On va engager l'avenir du Québec sur la base d'un communiqué de presse.

Deuxièmement, il y a cette espèce d'attitude que je qualifierais de "bulldozage" de la part du gouvernement. Alors que la constitution canadienne prévoit que ça peut prendre trois ans entre le moment où une résolution est adoptée et le moment où on peut l'amender, le gouvernement veut faire ça en trente jours.

Le vide des propos du ministre, en ce moment, ses ergotages et ses placotages à panache ne compensent pas l'absence totale d'envergure qu'il y a dans cette entente. Mon collègue, le député de Lac-Saint-Jean, a évoqué ce que nous avions à dire sur le droit de veto.

Rapidement, concernant la Cour suprême, essentiellement, on va mettre dans la constitution qu'il y a trois juges qui viennent du Québec. Cela fait depuis 1875 que ça existe. Ah! je veux bien convenir qu'une fois tous les dix ans ou tous les huit ans le premier ministre du Québec va pouvoir faire une liste pour savoir qui va être le prochain juge de la Cour suprêmel

L'immigration, c'est l'entente Cullen-Couture. La société distincte, on aura l'occasion d'y revenir, mais je veux vous parler quelques minutes du pouvoir de dépenser. Une des raisons pour lesquelles ça marche mal au Québec, pour lesquelles il y a tant de frictions depuis 25 ans sur le plan de notre fonctionnement, au-delà du fait qu'il y a un sentiment profond dans notre population qu'on forme un peuple et que les peuples ont le droit de s'autodéterminer et qu'on ne s'autodétermine pas comme on le pourrait en ce moment, c'est ce qu'on appelle le pouvoir de dépenser du fédéral.

Je vais attirer l'attention du ministre sur les programmes existants en ce moment dans les domaines de juridiction provinciale entre les mains du fédéral. Dans le rapport Neilson de l'an dernier: en matière de culture et de communication, en matière d'éducation et de recherche, en matière de logement, en matière d'agriculture, en matière de formation et de création d'emplois et de formation professionnelle et de la main-d'oeuvre, en matière de services de subventions aux entreprises, en matière de richesses naturelles, en matière de santé et de sport - ce sont les programmes fédéraux existants dans les domaines de juridiction provinciale - zéro! Le gouvernement du Québec a obtenu zéro devant ça.

Le Procureur général de l'Ontario - pas un deux de pique, un spécialiste en droit constitutionnel, jurisconsulte du gouvernement

ontarien; je ne parle pas d'un editorial, je parle de celui qui conseille le gouvernement ontarien - disait quoi, hier, à Queen's Park? "Spending power is not mentioned in the constitution. It is now going to be mentioned. So, in that sense, this description of the spending power, a first, is to Ottawa's advantage. The point can be made that this description of spending power strenghtens the federal and centralist hand by putting beyond any doubt, for the first time, that the Government of Canada has theright to spend money in an exclusive provincial jurisdiction and enforce its will." (10 h 30)

C'est ça, l'effet de vos dispositions sur le pouvoir de dépenser: un droit de stationnement au troisième centre commercial sur la lune pour un éventuel nouveau programme fédéral, alors qu'en ce moment ils sont partout présents et c'est un objet de friction, d'inefficacité. Ce qui fait qu'au Québec on n'est pas capable d'avoir des politiques d'emploi qui ont de l'allure, c'est notamment le pouvoir de dépenser du fédéral. Pas celui de l'an 2028, mais maintenant. Et vous avez obtenu zéro là-dessus.

Nous considérons que cette raison et bien d'autres soulèvent des doutes énormes quant à la qualité, l'envergure de ce qui s'est fait au lac Meech et que, dans ce contexte, la meilleure chose que le gouvernement du Québec puisse faire, c'est de s'abstenir de signer le contrat. Vous avez signé une promesse de vente, vous n'êtes pas obligés de signer le contrat. Vous pourriez même dans l'honneur, la dignité et l'enthousiasme - pour reprendre un certain discours de quelqu'un d'autre il y a quelques années - décider que l'honneur et la dignité du Québec, et surtout une façon de préserver l'avenir, c'est de ne pas signer. C'est aussi simple que cela, parce que vous êtes en train, en ce moment, de bloquer l'avenir du Québec, parce que vous le faites dans un contexte de bousculade et parce que vous le faites à partir de textes qui soulèvent des doutes sérieux sur la qualité de ce qu'il y a là-dedans pour l'avenir du Québec.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le chef de l'Opposition. M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Mme la Présidente, je voudrais simplement mentionner, quant au pouvoir de dépenser, que le pouvoir de dépenser existe présentement dans la constitution du Canada de par la jurisprudence. La preuve, c'est cette loi C-3 votée par le Parlement du Canada il y a environ trois ans lorsque le chef de l'Opposi- tion était au gouvernement. Cette loi C-3 oblige les provinces, de par le pouvoir de dépenser du fédéral, à agir dans un domaine de compétence provinciale selon des critères fédéraux.

C'est bizarre que le gouvernement de l'époque n'ait pas pensé contester devant la cour cette loi C-3. Et pourquoi? Parce qu'il avait trop peur de perdre. On vient nous dire maintenant que le pouvoir de dépenser n'existe pas. Pourquoi ne l'a-t-on pas contesté lorsque le ministre de l'époque, aujourd'hui chef de l'Opposition, est allé à Ottawa pour protester? Mais il n'y a eu aucune contestation devant les tribunaux. Là, on vient nous dire que le pouvoir de dépenser n'existe pas.

Ce qu'on a voulu faire, Mme la Présidente, et ce qu'on fait avec l'entente du lac Meech, c'est un encadrement à l'exercice de ce pouvoir de dépenser pour que le Québec puisse être maître d'oeuvre de son développement, ce qui nous permettra d'utiliser ce qu'on appelle un pouvoir de retrait dans des programmes établis par le gouvernement fédéral et les autres provinces. Lorsque nous voudrons nous retirer d'un tel programme, nous allons recevoir une compensation financière qui sera juste, raisonnable.

M. Parizeau, pour lequel j'ai beaucoup de respect, nous disait dans un article qu'il faudrait parler d'une pleine compensation financière alors que, nous, nous parlons - ce sont les termes de la constitution - d'une juste compensation. Pourtant, les termes "raisonnable" et "juste", ce sont les expressions qui sont utilisées dans l'entente du 16 avril 1981, l'entente du 16 avril 1981 que je vais déposer, si vous me le permettez, Mme la Présidente. Est-ce que je peux avoir le consentement pour déposer cette entente du 16 avril 1981? J'ai ici deux exemplaires. Simplement pour rafraîchir la mémoire au chef de l'Opposition et aux députés qui l'accompagnent.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre, en tant que présidente de séance, je n'ai pas le pouvoir d'autoriser le dépôt.

M. Rémillard: Écoutez!

La Présidente (Mme Bélanger): II y a le président de la commission qui est ici, M. le député de Taillon...

Une voix: II était...

La Présidente (Mme Bélanger): II était là, alors...

M. Rémillard: Mme la Présidente, je crois que ce serait très important que je dépose ces documents.

La Présidente (Mme Bélanger): À moins qu'il n'y ait consentement...

M. Rémillard: Je comprends que le chef de l'Opposition n'a plus en main ce document. Il faudrait qu'il puisse l'avoir pour qu'on puisse discuter sérieusement.

La Présidente (Mme Bélanger): S'il y a consentement, je suis...

M. Brassard: Mme la Présidente, c'est un document public connu, mais je ne voudrais pas que cela crée un précédent pour ce qui est de l'interpellation. Quant à nous...

La Présidente (Mme Bélanger): Le député de Taillon, qui est président de cette commission, est arrivé. S'il veut donner l'autorisation pour que le ministre dépose un document public...

M. Johnson (Anjou): C'est un document public, déjà. IL ne faut pas que ce soit un précédent dans le fonctionnement d'une commission.

M. Filion: En fait, de quel document s'agit-il, Mme la Présidente de la séance?

M. Rémillard: Mme la Présidente, si vous me permettez de donner l'information, il s'agit d'un document signé le 16 avril 1981 par le gouvernement du Québec de l'époque.

M. Filion: Oui, oui, d'accord.

La Présidente (Mme Bélanger): D'accord, M. le ministre.

M. Rémillard: Si vous me permettez, pour vous aider, pour les fins du travail comme tel...

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M. le député...

M. Brassard: Je voudrais simplement vous demander, si on est prêt à donner notre consentement pour le dépôt de cette entente de 1981, si on pourra nous aussi déposer le programme du Parti libéral, Maîtriser l'avenir.

La Présidente (Mme Bélanger): C'est le député de Taillon qui donne l'autorisation.

M. Filion: Mme la Présidente, que ce soit clair pour nos débats, j'autorise le dépôt du document public qu'évoquait le ministre et de l'autre document dont parlait le député de Lac-Saint-Jean, document qui, je pense, est peu connu.

M. Rémillard: Mme la Présidente, j'accepte très bien parce que, pour nous, c'est intéressant que l'Opposition prenne connaissance du programme du Parti libéral.

M. Filion: On le dépose.

M. Brassard: Nous, on le connaît très bien, c'est pour rafraîchir la mémoire des libéraux. Ils l'ont oublié.

La Présidente (Mme Bélanger): Étant donné que les documents sont déposés, j'aimerais qu'on revienne au débat. La parole est à qui, Mme la secrétaire? M. le ministre, il vous reste une minute pour votre intervention.

M. Rémillard: Oui, Mme la Présidente, je voudrais prendre cette dernière minute pour dire qu'on devrait faire attention. Je suis très heureux que le député de Lac-Saint-Jean puisse lire ce que j'ai déjà écrit et en citer des passages. Je suis tout à fait en accord avec ce que j'ai écrit. Cependant, je voudrais bien qu'il comprenne et j'aimerais qu'il cite ce que j'ai écrit dans le contexte. Il a cité tantôt et il s'est arrêté deux lignes trop tôt. Je disais que la clause Canada n'est pas désastreuse en elle-même; pour autant qu'on accepte le fédéralisme, cette clause va de soi.

Voyez-vous, il me fait dire des choses. Il déforme les textes. Le passage qu'il a cité était en relation directe avec une cause de jurisprudence que, comme professeur, je commentais? celle rendue par le juge en chef Deschênes sur la loi 101, qui a ensuite été complétée par la Cour suprême. Au moment où j'écrivais ces lignes, le jugement de la Cour suprême n'avait pas été rendu. J'aimerais quand même qu'on s'entende au départ sur cette règle qu'on puisse citer des documents, mais mettons de côté tout élément qui pourrait fausser des perspectives, des perceptions; soyons donc capables de citer l'ensemble de la chose.

Quand je disais que la commission Pepin-Robarts parlait de droits exclusifs provinciaux en ce qui regarde la langue, je suis toujours d'accord, et c'est ce que nous avons, sous réserve de l'article 133 de la Loi de 1867 et de l'article 23 de la loi de 1982. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. te député de Mille-Îles.

M. Jean-Pierre Bélisle

M. Bélisle: Merci, Mme la Présidente. Après les hauts cris et le théâtre joué par le chef de l'Opposition à la suite du communiqué du lac Meech, je me suis sérieusement posé la question suivante: Y aurait-il des conditions auxquelles le parti d'Opposition, le Parti québécois, pourrait être amené à accepter un réaménagement de

l'entente constitutionnelle de 1982? Est-ce qu'on pourrait Imaginer qu'à certaines conditions le Parti québécois, le parti d'Opposition, aurait été signataire à l'inclusion du Québec dans une entente constitutionnelle?

Je pense que ce sont deux visions qui s'affrontent présentement, il ne faut jamais l'oublier. La première vision, celle du chef de l'Opposition et du Parti québécois, est une vision qui concerne la création d'un État indépendant au Québec, d'une république du Québec, dont le chef de l'Opposition serait le président. La finalité, c'est l'État par l'État, le rapatriement de tous les pouvoirs quels qu'ils soient.

De notre côté, pour le Parti libéral du Québec, c'est une vision totalement différente. C'est l'inclusion du Québec dans un grand pays qui est le Canada, c'est la reconnaissance du passé, oui, la reconnaissance de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, la reconnaissance en partie de la Loi constitutionnelle de 1982 mais améliorée, réaménagée et avec des pouvoirs accrus pour le Québec. Nous, du Parti libéral du Québec, nous nous souvenons du passé. Oui, comme Québécois, nous reconnaissons le présent mais, surtout, ce que nous voulons, c'est bâtir l'avenir du Québec dans un nouveau Canada.

Cela m'amène à relever ce que le chef de l'Opposition a dit tantôt en déposant à grand bruit une série de documents sur le pouvoir de dépenser. Il a dit: II y a des problèmes de friction. Oui, c'est sûr, il y a toujours des problèmes de friction entre des partenaires: dans un couple, il y a des problèmes de friction; dans une association commerciale, il y a des problèmes de friction, des divergences, des différences d'opinions. En matière constitutionnelle, il arrive également, lorsque deux partenaires ont des compétences concurrentes sur les mêmes juridictions, qu'un partenaire ait le droit de poser des gestes, c'est-à-dire qu'il ait le droit de dépenser, alors que l'autre a le droit également de poser le même geste de dépenser.

Ce qui me frappe dans le communiqué du lac Meech, c'est que j'ai l'occasion, en relisant le texte et l'accord du lac Meech, de voir pour l'avenir du Québec un phénomène important se concrétiser. J'appellerai cela la cogestion entre les provinces canadiennes et le gouvernement fédéral sur le plan de l'économie. Il n'y a pas grand monde jusqu'à maintenant qui a souligné cet aspect très important. Je lis, à la dernière page du communiqué, dans la deuxième ronde: "consacrer dans la constitution la conférence annuelle des premiers ministres sur l'économie prévue actuellement par le protocole d'entente de février 1985".

Je vais exhiber un tout petit livre qui a beaucoup d'importance pour les gens du

Parti québécois: le livre blanc, La nouvelle entente Québec-Canada de 1980, livre sur lequel vous avez fait votre campagne référendaire. Que demandiez-vous en matière d'économie, de partage des pouvoirs dans le domaine économique? Je vais vous faire une petite lecture pour vous rafraîchir la mémoire. À la page 62, on lit: "Dans le monde actuel, aucune nation, grande ou petite, ne peut vivre isolée. L'interdépendance, à cause des avantages économiques qu'elle peut comporter, est loin de revêtir le caractère contraignant que d'aucuns croient y déceler; elle peut, au contraire, donner lieu à des formes enrichissantes de collaboration et de complémentarité, et, par là, améliorer le sort présent et futur des sociétés participantes. "Le Québec n'a jamais voulu vivre isolé: il accepte donc, d'emblée, l'interdépendance, pourvu qu'il prenne une part directe à l'établissement de ses modalités."

Un peu plus loin, à la page 64, on parle de politique de conjoncture et de politique d'équilibre global de la balance des paiements et de la monnaie.

Ce que je dis, c'est ceci: Il y a dans le projet d'accord constitutionnel du lac Meech cette nouvelle perspective pour le Québec et les autres provinces canadiennes de parler d'économie et d'arrimer tous les programmes conjoints...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Mille-Îles, malheureusement, votre temps est écoulé.

M. Bélisle: ...et je pense que c'est salutaire pour le Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Oui, je vous remercie, Mme la Présidente. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de choses pour lesquelles la population du Québec, en nous regardant ce matin, est prête à constater l'unanimité. Il y en a seulement une: c'est l'importance de l'accord constitutionnel que le gouvernement libéral s'apprête, à la hâte, en précipitation et sans mandat, à aller signer. C'est la seule chose. On est en train d'engager l'avenir du Québec, d'engager les générations futures, les générations à venir, et je pense que même le ministre délégué aux Affaires intergouvemementales canadiennes le reconnaît, comme, d'ailleurs, les représentants en général du Parti libéral. (10 h 45)

La constitution n'est pas une matière qui va faire que les gens vont se bousculer

dans le transport en commun, demain, è Montréal; d'ailleurs, il ne fonctionne pas. Mais c'est une matière qui constitue autant de bombes à retardement susceptibles de détruire au contraire de faire grandir, comme nous l'aurions souhaité, le tissu social, économique et culturel au Québec. Si c'est une matière importante, il est important également de prendre des positions claires.

M. le député de Mille-Îles, je vous ferai remarquer que le gouvernement du Parti québécois a préparé, lui, un projet d'accord constitutionnel, un texte éminemment clair que je dépose d'ailleurs immédiatement avec la permission de mon vice-président. Un texte éminemment clair. Le ministre disait tantôt! Qu'est-ce qu'il faut au Parti québécois pour s'entendre avec les intervenants canadiens? Voilà une position claire qu'évidemment le gouvernement libéral est loin d'avoir endossée. Il a non seulement abaissé le plancher de ces négociations, mais, de plus, Mme la Présidente - c'est cela qui est important - le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et le premier ministre, aussi incroyable que cela puisse paraître, se sont rendus au lac Meech sans mandat et sans position claire. Comment peut-on décemment, d'un coin de la bouche, affirmer, comme le fait le ministre, que cela engage les générations futures alors qu'il est incapable de présenter des positions claires aux générations existantes et à ces générations futures? Ce ne sont quand même pas des cacahuètes, un accord constitutionnel. Ce ne sont pas des bricoles, un accord constitutionnel, quand on connaît l'importance à moyen et à long terme, pour chacun des Québécois, dans toutes les sphères d'activité, des accords constitutionnels et du partage des compétences.

Deuxièmement, si, M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, il s'agit là d'une matière importante, comment pouvez-vous décemment demander aux parlementaires qui sont réunis ici aujourd'hui, demander aux parlementaires qui se réuniront en commission parlementaire la semaine prochaine, demander aux invités experts en droit constitutionnel, demander à toutes les associations ou groupes qui s'intéressent au présent et à l'avenir du Québec, d'étudier et de nous faire des propositions cohérentes, des propositions qui se tiennent debout, si vous n'avez pas de texte juridique? Vous-même avez vécu dans une université. Vous-même savez qu'avant de signer un contrat, il faut quand même le lire. Est-ce qu'il y a une personne qui nous écoute qui serait prête à acheter une maison sans lire le contrat de vente ou le contrat d'achat de cette maison-là? Non. C'est indécent de devoir demander à la population du Québec de travailler à partir d'un communiqué de presse. C'est inacceptable. La confusion autour du caractère distinct du Québec et la confusion qui commence à se clarifier, celle-là, autour du pouvoir de dépenser, sont autant de matières qui ne trouveront leur solution que lorsque nous aurons les textes juridiques. Pourquoi cette hâte, cette urgence, cette précipitation....

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. le député de Taillon.

M. Filion: ...incroyable à vouloir signer un accord, alors qu'on sait qu'un délai de trois ans existe pour la proclamation par le gouverneur général de toute résolution d'amendement à la constitution?

M. le ministre, c'est un travail bâclé. Vous devez refaire vos travaux, consulter la population, expliquer clairement l'accord et, ensuite, nous verrons.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Taillon, votre temps est écoulé.

M. Filion: Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Mme la Présidente, tout à l'heure, le député de Tailton a demandé de déposer le programme du Parti libéral. J'espère qu'il l'a déjà lu. S'il ne l'a pas lu, je lui demande de le lire sérieusement. Il va s'apercevoir que les cinq conditions que nous avons posées pour adhérer à une entente politique, telle celle que nous avons conclue au lac Meech, sont dans le programme du Parti libéral, Maîtriser l'avenir, et que c'est sur ces cinq conditions, sur ce programme, que nous avons fait une campagne électorale et que nous avons été élus de la façon que vous savez, Mme la Présidente.

Le député de Taillon vient nous dire que nous n'avons pas de mandat. Finalement, ce que nous dit le député de Taillon, il nous dit: "Le bébé est trop beau. L'accouchement n'a pas été assez difficile". Est-ce possible, Mme la Présidente? Si on veut étudier sérieusement cette entente, qu'on regarde vraiment l'entente dans toute sa signification. Le député de Taillon fait référence au projet d'accord constitutionnel publié par le gouvernement péquiste au mois de mai 1985. Je fais référence seulement à ce que le journaliste de très grande réputation, Marcel Adam, écrivait dans La Presse hier. M. Adam a écrit et je le cite: "C'est ma conviction que ce qu'a obtenu Robert Bourassa, c'est le maximum que pouvait obtenir le Québec dans les circonstances. C'est peu par rapport à la

pléthore de conditions irréalistes posées par René Lévesque avant son départ; mais c'est beaucoup, compte tenu de ce que ce dernier avait abandonné et s'était fait enlever en 1981."

On nous parle d'un communiqué de presse. Ce n'est pas sérieux et, là encore, je demande à l'Opposition de faire preuve d'objectivité. Le sujet est trop sérieux pour se laisser aller à de la simple partisanerie. C'est certain que, si on fait référence à un genre de projet ou d'accord constitutionnel comme cet accord qui est décrit dans le livre publié par le gouvernement péquiste d'alors, on pourrait en arriver à la conclusion qu'il s'agit strictement de principes, qu'on ne peut pas engager l'avenir du Québec, de la société québécoise sur une étude de principes parce que nous avons dans ce livre bleu, ce projet d'accord constitutionnel du Parti québécois, du gouvernement péquiste de l'époque, des principes.

Mais ce n'est pas ça, le résultat du lac Meech. Ce n'est pas ça, l'accord du lac Meech. L'accord du lac Meech est une entente qui a été discutée sérieusement en fonction de l'implication des termes employés. Ce que vous avez, ce que nous avons devant nous maintenant, c'est une entente avec un libellé, pas simplement des principes. Quand vous prenez l'expression "communiqué de presse", pourquoi utiliser ce terme? Il y a eu un communiqué et on a mis à l'intérieur l'entente. Parlez donc de l'entente.

Maintenant, il est certain que si les textes juridiques sont prêts à temps on est prêt à les déposer, les textes juridiques. S'ils sont prêts à temps, il est bien certain qu'on va les étudier. Pourquoi pas? Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a dans cette entente du lac Meech à peu près ce qu'on va retrouver mot à mot dans les termes juridiques qui sont finalement utilisés. Alors, il faudrait bien comprendre que l'accord du lac Meech est beaucoup plus qu'un accord énonçant strictement des principes. C'est un accord qui comprend un libellé qui a été étudié et discuté sérieusement par les onze premiers ministres, qui ont discuté très sérieusement de l'application des termes qu'ils employaient. Des premiers ministres ont même consulté leurs experts sur certains termes. On en a discuté à plusieurs reprises.

Mme la Présidente, ce que je voudrais simplement vous dire le plus sincèrement possible, c'est que je suis convaincu qu'en travaillant d'une façon objective sur cette entente du lac Meech, tel qu'apparaît le libellé actuellement, nous pouvons faire beaucoup de travail ensemble au bénéfice de l'ensemble du Québec.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Bourget.

M. Claude Trudel

M. Trudel: Je vous remercie. J'ai un peu l'impression aujourd'hui, pour nous mettre dans un contexte autre que constitutionnel, que nous assistons à un exercice d'avant-partie dans une série de hockey dont la partie finale se jouera surtout la semaine prochaine à l'occasion de la commission parlementaire.

Je voudrais, avant de faire quelques brefs commentaires sur l'accord - pas le communiqué de presse - du lac Meech, rappeler la mesquinerie inqualifiable, presque sans nom, de l'Opposition à l'endroit du ministre de l'Éducation hier après-midi. C'est d'ailleurs ce qui fait, à toutes fins utiles, la manchette des journaux ce matin. C'est un geste que je qualifierais de petit, réalisé par de petites gens. Le député de Gouin, hier après-midi, semblait insinuer que l'actuel premier ministre avait des comptes à régler avec l'ancien chef du parti et, voulant s'excuser, il en faisait un membre de l'équipe ministérielle. L'impression que j'ai, c'est que c'est surtout l'Opposition qui avait de3 comptes à régler avec l'ancien chef du Parti libéral, lui reprochant notamment sa position lors du référendum. Je trouve la réaction de l'Opposition absolument inqualifiable, indigne de parlementaires. Je pense que la population, qui nous regarde ce matin et qui a pu suivre le débat hier après-midi à l'Assemblée nationale, saura où loge maintenant l'Opposition.

L'accord du lac Meech, le ministre le rappelait à l'occasion d'une conférence de presse tenue cette semaine, ne fera pas l'unanimité au Québec, c'est évident. Cet accord, malgré ses qualités, déplaira évidemment aux partisans de la séparation du Québec, aux partisans de l'isolement du Québec, tout comme aux partisans d'un fédéralisme centralisé, aussi archaïque et aussi passé de mode aujourd'hui que ceux qui le défendaient hier. Mais cet accord réjouira l'immense majorité des Québécois qui, avec le gros bon sens qu'on leur reconnaît, sont plutôt partisans d'un fédéralisme certes fort, mais plus décentralisé au profit d'une plus large marge d'initiative pour les provinces. C'est, en somme, ce qu'on a appelé, à l'époque qui paraît si lointaine du rapport Pepin-Robarts, le fédéralisme asymétrique. C'est, en d'autres termes, le retour du balancier vers le pouvoir provincial.

Mme la Présidente, on nous a reproché tant et plus, sans aucune espèce de raison, de ne pas avoir de mandat pour cette négociation qui, maintenant, va s'engager. Le ministre le rappelait, avant la réunion du lac Meech, qu'il s'agissait de discussions; maintenant, il s'agit de négociations sur un texte constitutionnel. Je rappellerais à l'Opposition que le programme du Parti libéral voulait que ces négociations soient

orientées vers trois objectifs que je rappelle rapidement, parce que les gens de l'Opposition semblent les avoir oubliés - je suis convaincu qu'ils ne les ont pas oubliés, mais qu'ils veulent bien les oublier pour les fins de partisanerie politique.

Le premier objectif, c'était d'inscrire dans la constitution du Canada la reconnaissance explicite du Québec comme société distincte. Je pense que c'est fait. Le deuxième, obtenir des garanties réelles pour la sécurité culturelle du Québec. Cela aussi est réussi. Enfin, le troisième, préserver les pouvoirs actuels du Québec tout en lui donnant les moyens d'influencer l'évolution de la Fédération canadienne dans l'avenir. Ces trois objectifs se sont traduits, après la conférence du mont Gabriel de l'an dernier -c'était en accord parfait avec le programme du Parti libéral du Québec à l'occasion de l'élection de 1985 - en cinq conditions que le Québec posait pour renégocier son entrée dans la Fédération canadienne.

Je pense qu'avec les Léon Dion, Gérard Beaudoin, Robert Décary, Solange Chaput-Rolland, on peut dire aujourd'hui que, sur les cinq conditions posées par le gouvernement du Québec, le résultat net se solde par cinq gains. Nous aurons très certainement l'occasion... En tout cas, pour ma part, j'aurai l'occasion d'en reparler avec les membres de l'Opposition à l'occasion de la commission parlementaire de mardi prochain. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Bourget. M. le chef de l'Opposition.

M. Pierre Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente, je voudrais revenir un peu au contexte dans lequel on est appelé à se saisir de tout cela. J'entendais, tout à l'heure, le député de Mille-Îles citer le livre blanc de 1980, publié par le gouvernement du Québec d'alors avant le référendum. Justement, c'est cela qu'on demande au Parti libéral depuis un an: Publiez donc une position gouvernementale. Ils ne l'ont pas fait. On a un programme du Parti libéral qui, il faut bien le dire...

J'espère que le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes va finir par le reconnaître et descendre de ses grands chevaux. Je n'ai pas vu beaucoup de débats sur la question constitutionnelle pendant la dernière élection. Je vous ai entendu promettre qu'il n'y aurait plus de problèmes dans les hôpitaux; il y en a encore. Je vous ai entendu promettre la parité de l'aide sociale et distribuer des autoroutes aux quatre coins du Québec. Il n'y a pas beaucoup de personnes qui ont parlé de la question constitutionnelle. Alors, qu'on ne vienne pas nous dire que le Parti libéral avait un programme dont les gens ont été saisis.

(11 heures)

Deuxièmement, l'entente du lac Meech va à l'encontre de beaucoup de dispositions du programme libéral qui ont été évoquées pendant la campagne électorale, dans la mesure où elles l'ont été.

Par ailleurs, le gouvernement, depuis qu'il est là, n'a jamais publié l'ombre d'un document sur les enjeux de ce qui est en train de nous amener dans l'entonnoir qui va bloquer l'avenir du Québec. Cela n'a pas de sens, alors que le gouvernement précédent, lui, avait publié une position constitutionnelle en 1985. Ah! Je comprends que cela ne faisait pas l'affaire de tout le monde, mais il y avait là 30 pages, une cohérence, une vision de ce qu'était le présent et l'avenir du Québec. Je suis frappé par le fait que le ministre, pour sa part, nous parle essentiellement du passé. S'il était capable de nous parler de 1971, je pense que c'est cela qu'il ferait; et peut-être de 1913, si c'était possible aussi. Moi, je parle du présent et de l'avenir du Québec. Le présent, c'est que vous êtes en train de bousculer le Parlement, vous êtes en train de bousculer la population du Québec, vous êtes en train de tenter de profiter de l'espèce d'indifférence qu'il peut y avoir autour des questions politiques pour sceller l'avenir du Québec. C'est cela qui est inadmissible, c'est cela qui est profondément antidémocratique. C'est cela qui prouve que ce que vous êtes en train de faire n'a pas d'envergure. Vous ne vous en tirerez pas avec cela comme avec vos promesses d'autoroutes, cela n'a pas de bon sens.

Les incertitudes autour du communiqué de presse... Je l'appelle le communiqué de presse du lac Meech parce que c'est cela qu'on a. Le ministre est en train de tenter de nous inonder sous des paperasses - je ne sais trop - il est à la veille de déposer ses diplômes, mais il n'a pas encore été capable de déposer les textes juridiques; par exemple. Ce serait une bonne idée qu'il dépose les textes juridiques, il ne les a pas déposés. On va engager l'avenir du Québec autour de quoi? Autour d'une conférence de presse? Voyons donc! Ce que les juges vont interpréter, ce seront des textes constitutionnels et non pas des pétitions de principe, des discours ou les ronflements des uns et des autres. On ne les a pas, ces textes. On est à peine à 25 jours de la conférence constitutionnelle qui va sceller l'avenir du Québec et on n'a pas les textes. On nous reprochait à nous de publier des livres blancs. Voyons doncl Au moins, les gens pouvaient se prononcer.

Je suis prêt à convenir que les gens se sont prononcés au mois de décembre 1985 et ils ont décidé que le gouvernement, ce ne serait plus nous autres. Mais vous ne me ferez jamais dire, par exemple, que la

population du Québec vous a élus pour sceller l'avenir du Québec comme vous êtes en train de le faire avec un plancher aussi bas. Le plancher est tellement bas, d'ailleurs, que je ne serais pas étonné que le premier ministre se morfonde aujourd'hui du fait qu'il aurait peut-être dû en demander plus, il en aurait peut-être obtenu plus compte tenu de la conjoncture politique.

L'incertitude qui est soulevée autour de la société distincte, autour de la faiblesse de la position et de l'absence de textes précis notamment sur la question du pouvoir de dépenser, tout cela est en train de diminuer le rapport de force du Québec, d'amoindrir ce qu'est le Québec dans une vision du Canada des régions, banalisant le Québec, parce que le Québec n'obtient rien que les autres n'obtiennent pas sinon la formule de société distincte dont l'étendue et les conséquences sont mises en doute par tous, y compris ceux que vous citez à votre appui. Vous êtes en train de banaliser le Québec dans votre vision du Canada des régions. Ce n'est pas vrai que 25 ans de combat, ou 40 ans de combat, devraient se terminer en une pareille queue de poisson.

Cela me fait penser au député de Bourget qui, lui-même, a déjà été un adjoint du premier ministre comme attaché politique à l'époque des grandes manoeuvres constitutionnelles de 1971. Il sait que le plancher de son ancien patron et de l'actuel premier ministre est bien plus bas maintenant qu'auparavant. Et on lui répète: Dans le doute, abstenez-vous! Dans le doute, dans l'incertitude, abstenez-vous d'engager l'avenir du peuple québécois et arrêtez de nous rabâcher les oreilles avec le passé du Québec.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le chef de l'Opposition. M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M, Gil Rémillard

M. Rémillard: Merci, Mme la Présidente. Le chef de l'Opposition me reproche de revenir sur le passé. Je crois que, justement, il faut bien comprendre ce qui s'est passé dans l'histoire quand même encore récente du Québec pour apprécier à sa juste valeur cette entente du lac Meech. Entre autres, le chef de l'Opposition disait: Si j'étai3 capable de me rappeler 1971, je pourrais en parler. En 1971, il y avait des acteurs, des observateurs qui étaient, à ce moment-là, dans la société québécoise, à différents niveaux. Il y en avait un qui est maintenant ministre de l'Éducation, ici, dans le gouvernement libéral du Québec.

Cet observateur, le ministre de l'Éducation actuel, M. Ryan, ne pourra pas participer à la commission parlementaire sur cette entente du lac Meech. Je demande au chef de l'Opposition, après une nuit de sommeil, de repos - je m'adresse aussi à nos amis d'en face qui l'accompagnent ce matin - après avoir réfléchi à ce qui s'est passé hier... Je comprends que peut-être, hier, vous avez agi sous le coup de l'émotion ou je ne sais trop pour quelle raison, pour quel motif. Mais je fais toujours appel à l'objectivité qui devrait être à la base de nos discussions. Je sais, et vous le savez très bien, que le ministre de l'Éducation du Québec peut apporter une contribution fort intéressante et utile à nos débats.

Après cette nuit de réflexion, de repos, M. le chef de l'Opposition, pourquoi ne pas revenir sur votre décision et pourquoi ne pas accepter que le ministre de l'Éducation puisse faire partie de cette commission parlementaire qui étudiera l'accord du lac Meech? C'est une question que je vous pose et j'aimerais que vous puissiez me répondre. Après cette nuit de réflexion, pourquoi ne pas revenir sur une décision qui a été prise peut-être pour différentes raisons, hier? Je ne sais trop pourquoi. Je ne voudrais pas m'aventurer à étudier, à apporter des éclaircissements sur cette situation-là. Mais, après cette nuit de repos - nous sommes ici dans un contexte plus calme; nous discutons à un niveau intéressant, je crois - pourquoi ne pas revenir sur votre décision? Pourquoi ne pas nous dire ce matin... Je demande au chef de l'Opposition de me répondre. Pourquoi ne pas revenir sur votre décision qui, pour tout le monde c'est évident, est injuste. Pourquoi ne pas revenir sur votre décision et permettre au ministre de l'Éducation de faire partie de cette commission parlementaire?

Mme la Présidente, on nous accuse de vouloir banaliser le Québec. Mais, tout à l'heure, nous avons déposé le document du 16 avril 1981, ce document qui a été signé par le précédent gouvernement, le gouvernement péquiste. C'est dans ce document du 16 avril 1981 qu'on a reconnu que le Québec est une province comme les autres. C'est clair, c'est net, c'est écrit. Et, maintenant, qu'est-ce qu'on vient nous dire? On nous dit: C'est effrayant, vous avez banalisé le Québec! Mais, Mme la Présidente, ce n'est pas nous qui avons signé cette entente du 16 avril 1981 et tous les observateurs le font remarquer maintenant. Nous avions à composer avec une situation politique difficile. Nous avions à ramasser des pots cassés et, maintenant, on vient nous dire -j'entends le chef de l'Opposition: "Vous avez banalisé le Québec".

Parce qu'on aura obtenu de nouveau le droit de veto qu'eux avaient perdu, nous avons banalisé le Québec? Parce que, dorénavant, le Québec pourra proposer une liste pour faire nommer ses trois juges à la Cour suprême, nous avons banalisé le

Québec? Parce que nous avons obtenu, en matière d'immigration, des pouvoirs qui vont garantir la sécurité culturelle du Québec, nous avons banalisé le Québec?

J'entendais tout à l'heure l'Opposition nous dire - c'est le chef de l'Opposition, je crois, qui nous le disait - "Vous avez tout simplement mis dans la constitution l'entente Cullen-Couture". Malheureusement, je me rends compte qu'il n'a pas lu l'entente du lac Meech. Il faut qu'il lise l'entente du lac Meech avant la commission parlementaire; c'est urgent. Pendant la fin de semaine, il faut vous garder un bout de temps. Lisez cette entente. Vous allez vous apercevoir, M. le chef de l'Opposition...

Je vais vous dire le plus objectivement possible que ce que nous avons conclu au lac Meech va beaucoup plus loin que l'entente Cullen-Couture. Demandez à vos conseillers qui sont très compétents et qui sont ici ce matin.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Marquette.

M. Claude Dauphin

M. Dauphin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'entends depuis plusieurs jours, du côté des membres de l'Opposition, une référence au fait que nous n'avions pas de mandat pour en arriver à l'entente du lac Meech. Au risque de répéter ce qui a été dit, c'était quand même clair dans notre programme politique. C'était également clair dans notre programme électoral; nous avons dit à plusieurs reprises quelles étaient les conditions pour adhérer à la Loi constitutionnelle de 1982.

Également, le chef de l'Opposition, qui est présent aujourd'hui, a posé au moins une quinzaine de questions, soit au premier ministre du Québec, soit au ministre responsable du dossier, et cela a permis autant au premier ministre qu'au ministre responsable non seulement de répondre au chef de l'Opposition, mais également de clarifier le plus possible les conditions pour le Québec d'adhérer à l'entente ou à l'acte constitutionnel de 1982.

Ce que le gouvernement du Québec a fait, ce que les premiers ministres ont fait le 30 avril, cela a été de réparer l'erreur constitutionnelle de 1981 de l'ancien gouvernement. La population du Québec était tannée de voir à chaque conférence fédérale-provinciale, même aux conférences économiques fédérales-provinciales, son ancien gouvernement soit claquer la porte, soit casser des verres et ne jamais arriver à une entente avec le reste du Canada.

On a vu, le 30 avril, une situation que je qualifierais d'exceptionnelle. C'est que, finalement, une entente a eu lieu entre le Québec et les autres provinces du Canada et le gouvernement fédéral, entente extrêmement importante pour le devenir de tous les Québécois et Québécoises sur cinq points bien précis que nous avions eu l'occasion de rendre publics dans notre programme politique, dans notre programme électoral, à l'Assemblée nationale. Ces cinq points sont extrêmement importants: Le Québec comme société distincte, prévu dans un article même de la constitution, une règle d'interprétation; pouvoir accru en matière d'immigration; consécration de notre rôle dans la nomination des juges de la Cour suprême; récupération du droit de veto, droit de veto en matière d'institutions fédérales; "opting out" ou droit de retrait avec compensation financière juste dans les autres cas, ce qui avait d'ailleurs été négocié en 1981, ce que l'ancien gouvernement revendiquait pour le Québec à ce moment-là, ce que, nous, nous avons obtenu. Le premier ministre l'a dit à plusieurs reprises cette semaine à l'Assemblée nationale: Eux tentaient d'obtenir ce droit de retrait, ne l'ont jamais obtenu et notre gouvernement, avec le ministre responsable, le député de Jean-Talon, a obtenu ce que le PQ, dans le temps, demandait, également, Mme la Présidente, il y aura une limite au pouvoir de dépenser du fédéral, ce qui est revendiqué depuis des décennies. Pour sécuriser un peu nos membres de l'Opposition, nous aurons la semaine prochaine la possibilité, en commission parlementaire, de revoir tout cela, d'analyser tout cela, d'informer encore davantage la population du Québec. Il est vrai, comme le disait le député de Taillon tantôt, qu'actuellement la chose constitutionnelle ne se débat pas dans les autobus. Mais il est vrai aussi que cette entente constitutionnelle est d'une extrême importance pour la population du Québec. Je pense qu'on en convient tous et que c'est notre rôle, notre devoir, en tant qu'élus de la population, d'expliquer aux Québécois et aux Québécoises quelle est la substance de cette entente constitutionnelle du lac Meech. Nos adversaires ont un peu de difficulté, et je les comprends. Ils sont en peine actuellement à voir que le gouvernement s'est entendu avec Ies autres gouvernements. Cela ne fait pas leur affaire. Cela ne leur fait pas gagner de points et ils en ont extrêmement besoin. On voit dans leurs colloques régionaux, on a vu dans leurs colloques de comté qu'ils réaffirment l'option fondamentale de la souveraineté. Eux n'ont aucune crédibilité en matière constitutionnelle pour en arriver à une entente. Je suis très fier, comme député, de voir qu'on ait réussi. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Marquette. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Mme la Présidente, j'aurais deux séries de remarques, d'abord, sur l'absence du ministre de l'Éducation à la commission parlementaire, lui qui n'est pas présent avec nous ce matin, je vous le signale. Il aurait pu être présent parmi nous pour traiter du dossier constitutionnel, c'était parfaitement son droit, mais il n'est pas là. (11 h 15)

C'est aussi le ministre de l'Éducation -je ne sais pas si vous le savez, j'espère que vous le savez - qui a des problèmes dans le domaine de l'éducation au Québec. Il en a toute une série et je peux vous en signaler quelques-uns, très brièvement: problème du sous-financement des universités au Québec, problème de la grève de Transco, dans le secteur du transport scolaire dans la région de Montréal, problème de l'enseignement du français en première année, problème de l'amélioration de l'enseignement du français dans les écoles publiques du Québec, problème de l'application de la loi spéciale que l'Assemblée nationale vient tout juste d'adopter pour l'UQAM, problème de la carte scolaire à Brossard, problème d'intégration du primaire et du secondaire dans plusieurs territoires, plusieurs commissions scolaires du Québec. Vous ne trouvez pas qu'il a un agenda assez chargé, qu'il a des responsabilités importantes en matière d'éducation et qu'il devrait s'en occuper. Je ne vois pas pourquoi vous voulez le retenir, le faire siéger pendant six jours, alors qu'il y a des problèmes graves en matière d'éducation dont il doit s'occuper. Ce sont ses responsabilités.

Ce n'est pas lui qui est ministre des affaires intergouvemementales, il me semble que c'est vous, M. le député de Jean-Talon. C'est vous, le ministre des affaires intergouvernementales, c'est vous le responsable du dossier constitutionnel. Vous étiez au lac Meech avec le premier ministre; le ministre de l'Éducation n'était pas au lac Meech. Si le ministre de l'Éducation était si important dans le dossier constitutionnel, comment se fait-il qu'il n'était pas au lac Meech avec vous et le premier ministre?

Je pense que, là-dessus, il n'est pas question de mesquinerie, il est tout simplement question qu'on a peu de temps en commission parlementaire et on pense que, pour le bien et l'intérêt de la société québécoise, il est absolument important que le ministre de l'Éducation s'occupe d'éducation et des problèmes d'éducation.

Je reviens à la question linguistique, parce que cela m'apparatt important. Le ministre des affaires intergouvernementales semble dire que l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, l'article 23 de la Charte des droits et libertés, la charte canadienne, que plusieurs des droits inscrits dans la charte canadienne elle-même, ce n'est rien, ce n'est pas grave, ça n'a pas beaucoup d'effet sur le plan linguistique, ce ne sont pas des limites importantes et majeures, ce sont des limites insignifiantes, ce n'est pas grave.

Je pense qu'il faut dissiper la confusion sur ce sujet-là, Mme la Présidente. Ces réserves, ces limitations sont majeures en matière linguistique. Elles empêchent l'Assemblée nationale d'exercer pleinement, complètement, totalement sa juridiction et ses compétences en matière linguistique. Lui-même le déclarait, d'ailleurs. Je le cite encore une fois: "Ce sont les tribunaux, disait-il, et en dernière analyse la Cour suprême canadienne qui feront, à toutes fins pratiques, maintenant, la politique linguistique au Canada." Quand on parle de la politique linguistique au Canada, il me semble que le Québec est inclus. Jusqu'à maintenant, en tout cas, il fait encore partie du Canada. Ce sont les tribunaux, c'est lui-même qui le disait.

Cela, c'était en 1982 et, depuis ce temps, il y a toute une série de jugements des tribunaux, y compris de la Cour suprême, qui ont fait en sorte que plusieurs dispositions de la loi 101, de la charte du français, ne s'appliquent plus au Québec.

Le ministre parle de la clause Canada, avec laquelle il est d'accord. Tantôt, il disait: Vous auriez pu me citer davantage, je donnais mon accord à la clause Canada. Je vous signale que, nous aussi, on donnait notre accord à la clause Canada, c'est là-dedans. On était d'accord avec la clause Canada, mais on dit que c'est dans la Charte de la langue française que cela doit apparaître. Si la clause Canada doit s'appliquer sur le territoire québécois, c'est cette Assemblée qui doit en décider et qui doit l'inclure dans la Charte de la langue française. Ce n'est pas la constitution canadienne, ce n'est pas la charte canadienne ni la Cour suprême qui doivent nous l'imposer, cela doit apparaître dans notre loi, dans notre Charte de la langue française. Là-dessus, on est d'accord, mais on n'est pas d'accord sur l'endroit où on doit la trouver.

En conclusion, je signale que le ministre, dans ses articles sur les conditions d'entrée du Québec dans la constitution, avant qu'il devienne ministre, réclamait que, pour ce qui est de l'article 23, à tout le moins, son application sur le territoire du Québec soit liée à l'assentiment de l'Assemblée nationale. Vous vous rappelez cela? Comment se fait-il que vous ne soyez plus d'accord avec cela, maintenant? Comment se fait-il que, dans l'entente du lac Meech, on ne retrouve aucune disposition relative à la question linguistique?

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le

ministre.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Mme la Présidente, tout d'abord, pour revenir très brièvement à la situation malheureuse concernant la participation du ministre de l'Éducation à la commission parlementaire, je retiens des propos du député de Lac-Saint-Jean qu'il veut respecter les capacités de travail du ministre comme ministre de l'Éducation. Il peut poser les questions qu'il veut au ministre pendant la période des questions et on connaît la grande qualité et la compétence du ministre en ce qui regarde, justement, la prise en main - et cela s'imposait - de notre système d'éducation et la qualité de l'éducation donnée à nos jeunes au Québec.

J'ai pu voir dans les propos du député de Lac-Saint-Jean une ouverture et je m'en réjouis. Je voudrais lui demander si je comprends bien ses propos: Est-ce que ses propos pourraient signifier qu'il permettrait au ministre de l'Éducation de participer à la commission de temps à autre? Est-ce que c'est une ouverture qu'il nous a faite? J'ai cru comprendre un message. Est-ce qu'il permettrait au ministre de l'Éducation de venir pour certains débats, d'une façon toute particulière? J'ai cru comprendre ce message. Je ne sais pas si j'ai bien compris, Mme la Présidente, mais je trouve cela intéressant et je vois que l'Opposition comprend qu'une erreur a été faite hier. Des propos du député de Lac-Saint-Jean, je retiens une ouverture. Je trouve qu'enfin on reprend un ton qui va nous permettre d'en arriver à une solution intéressante en ce qui regarde la possibilité pour le ministre de l'Education de venir siéger à la commission, une solution intéressante pour le bien-être de la population du Québec. Il faut s'élever au-dessus de la stricte partisanerie. Je voudrais donc demander au député de Lac-Saint-Jean si j'ai bien compris son message. C'est peut-être en termes diplomatiques qu'il m'a fait ce message, mais je crois que j'ai compris ce message et c'est une belle ouverture.

Peut-être que le chef de l'Opposition lui-même voudrait compléter le message qui a été fait par le député de Lac-Saint-Jean et nous dire: Oui, nous sommes prêts. S'il dit "nous voulons que le ministre de l'Éducation puisse venir pour des périodes limitées", c'est dommage, parce qu'il devrait venir pour l'ensemble de la commission. Mais, c'est une première ouverture. Si c'est cela, le message qui nous est passé... J'essaie de le décoder. J'aimerais que le chef de l'Opposition puisse me dire si je fais fausse route ou si c'est vraiment une ouverture qu'il fait. Je vois une possibilité de régler un point très important. Je crois que l'Opposition se rend compte dans quelle situation nous sommes.

Nous sommes des parlementaires, nous cherchons à avoir un débat le plus fructueux possible sur une question majeure concernant l'avenir du Québec.

Je voudrais dire aussi, lorsqu'on veut se référer à ce que j'ai écrit, qu'on me cite correctement et, ensuite, je pourrai faire des commentaires. Concernant ce que j'aurais écrit sur l'article 23, j'ai dit que j'étais d'accord avec l'article 23. J'ai dit aussi que, maintenant, la politique linguistique canadienne dépendrait de la Cour suprême du Canada. J'aimerais le rappeler - peut-être n'ont-ils pas lu la constitution canadienne -les articles 16 et suivants de la Loi constitutionnelle de 1982 font de la langue française et de la langue anglaise les deux langues officielles du Canada. Suivent des articles qui viennent préciser les modalités d'application de ces langues. C'est dans ce contexte que j'ai dit que, maintenant, les tribunaux et, en dernier ressort, la Cour suprême du Canada viendront déterminer la politique linguistique au Canada en ce qui regarde les langues officielles, en ce qui regarde les droits des minorités, en ce qui regarde l'utilisation des langues française et anglaise, langues officielles du Canada.

Avant, il s'agissait d'une loi du Parlement du Canada, une loi qui s'appliquait dans les domaines de compétence fédérale, une loi qui avait suivi le rapport de la commission Laurendeau-Dunton, vous vous en souvenez comme moi, une loi qui a son importance mais qui était une simple loi du Parlement canadien, qui pouvait donc être amendée. La preuve, c'est qu'elle sera amendée, de fait, probablement prochainement par le qouvernement canadien. Depuis le 17 avril 1982, nous avons maintenant une constitution qui est celle de 1982, qui consacre le fait que nous avons au Canada deux langues officielles: le français et l'anglais.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre.

M. le député de Beauharnois.

M. Serge Marcil

M. Marcil: Merci, Mme la Présidente. Moi aussi, comme député, je n'ai pu intervenir hier compte tenu que le temps était limité. Ce qui est monstrueux, ce n'est pas l'accord du lac Meech, mais beaucoup plus le geste posé par l'Opposition de refuser de permettre au député d'Argenteuil et ministre de l'Éducation de participer à ce débat. Ce qui est malheureux, c'est que maintes et maintes fois le chef de l'Opposition a cité des textes et des articles de M. Ryan. On lui a tous reconnu sa compétence dans le domaine constitutionnel et, comme Québécois, député élu par la population, je suis profondément déçu du geste qui a été

posé par l'Opposition afin d'empêcher le ministre de l'Éducation et député d'Argenteuil - parce qu'il e8t d'abord un député élu comme tout le monde - de participer à cette commission parlementaire. Je crois que la présence de M. Ryan aurait rehaussé le débat sur la constitution et aurait également permis aux Québécois et aux Québécoises d'entendre une dimension ou de découvrir une dimension d'une personne solide, reconnue en matière constitutionnelle.

J'écoutais tantôt le député de Tatllon qui disait: Achèteriez-vous une maison sans lire le contrat de vente? C'est drôle qu'il y a des gens qui ont déjà lu l'accord de principe du lac Meech. Ces personnes sont d'éminents spécialistes en matière constitutionnelle, en droit constitutionnel. Ces gens-là posent également le problème dans les journaux, à tous les jours, critiquent et analysent de façon objective cette entente, cet accord de principe. Pourtant, à entendre l'Opposition, il n'existe aucun texte, aucun accord. Je pense que je vais répéter un peu ce que le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes disait tantôt au chef de l'Opposition et aux membres de l'Opposition: S'il vous plaît, lisez au moins l'accord de principe avant de vous présenter en commission parlementaire la semaine prochaine.

Je lis seulement une partie de l'article du professeur Dion, professeur à l'Université Laval, éminent spécialiste en la matière. L'Opposition a même applaudi sa démission lorsqu'il avait décidé de quitter l'équipe du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Il analyse d'une façon très objective l'accord comme tel et il dit clairement, et je le cite: "Les progrès accomplis excèdent mes attentes. J'estime que le premier ministre Bourassa et le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales, Gil Rémillard, de même que les neuf autres premiers ministres provinciaux et le premier ministre fédéral, Brian Mulroney, compte tenu des circonstances, ont atteint les limites du possible."

Il analyse les cinq points, les cinq conditions qui avaient été proposées par notre gouvernement. Contrairement à ce que l'Opposition affirme depuis quelques jours, il y a eu des avantages énormes. Prenons seulement la formule de modification constitutionnelle. Après son analyse - et tout le monde lui reconnaît cette compétence - il dit encore: "C'est là un gain majeur pour le Québec: signalons que cet acquis avait fait l'objet d'une recommandation de la commission Pepin-Robarts et que le gouvernement du Parti québécois avait fondé là-dessus sa principale exigence en 1981."

Sur la Cour suprême du Canada, il dit également: "Ici aussi il obtient davantage." Sur l'immigration: "Sur ce point, l'entente de principe s'inspire du rapport Pepin-Robarts, mais elle va plus loin encore et outrepasse même les demandes du Québec." Ce ne sont pas des partisans libéraux qui écrivent, qui font cette analyse, c'est un auteur, un professeur en droit constitutionnel.

Concernant le pouvoir de dépenser, il dit, et je le cite: "II s'agit là encore d'une disposition nouvelle par rapport à la constitution de 1982. Sur ce point encore, le Québec se verrait accorder une compétence qui, jusqu'ici, relevait d'un possible "retrait facultatif administratif, refusé parfois et concédé si la pression du Québec se révélait irrésistible, comme dans le cas, sous le premier ministre Lesage, des régimes publics de retraite."

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. le député de Beauharnois. (11 h 30)

M. Marcil: En conclusion, je vais lire -parce que j'ai trouvé l'article tellement d'aplomb, tellement à point - seulement...

La Présidente (Mme Bélanger): Cinq secondes.

M. Marcil: Cinq secondes. Je vais me reprendre tantôt quand je reviendrai. Je vais conclure. Ce que j'ai dit au début, c'est que ce qui a été monstrueux, ce n'est pas l'accord du lac Meech...

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Beauharnois.

M. Marcil: ...mais bien plus l'opposition à ce que M. Ryan siège....

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Beauharnois, je vous remercie.

M. Marcil: ...à la commission parlementaire. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Lac-Saint-Jean, qui est le prochain intervenant? M. le chef de l'Opposition.

M. Pierre Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): Juste deux choses. Écoutez, ce n'est pas le problème, ce n'est pas notre problème, c'est peut-être le problème du Québec à vos yeux, mais c'est surtout le problème du gouvernement si le ministre de l'Éducation n'a pas été mis dans le coup de l'accord du lac Meech. Ce n'est pas vrai que c'est l'Opposition qui va venir effacer l'erreur du premier ministre. Il faudrait être clair là-dessus. Il y a tellement d'affaires toutes croches dans ce dossier depuis que vous êtes dedans, à partir des absences de textes juridiques, à partir des absences de mandats précis en incluant là-dedans votre refus systématique, depuis un

an et demi que je vous pose des questions là-dessus en Chambre, de dire quelle est votre position constitutionnelle.

Ce n'est pas vrai qu'en plus de ça, avec le peu de temps que vous allez donner à l'Opposition pour faire un débat public adéquat en commission parlementaire, vous allez nous imposer de venir régler vos erreurs. Il y a quand même des limites. Encore une fois, le ministre de l'Éducation le sait - j'ai eu l'occasion de converser avec lui hier après la période des questions - ce n'est pas dirigé contre lui personnellement. Je ne dis pas, s'il y avait dans l'accord du lac Meech la récupération totale des pouvoirs linguistiques pour le Québec, la garantie que le fédéral va se retirer des programmes d'éducation postsecondaire et qu'on va avoir une compensation pour planifier intelligemment la formation professionnelle au Québec, il viendrait, comme on l'a accordé à la ministre de l'Immigration parce qu'il est question d'immigration dans l'entente.

Là, on a de bons propos. Si le ministre veut voir des perches tendues, etc., il se trompe. La décision a été prise hier et c'est ça. Bon. Je vais lui parler du pouvoir de dépenser un peu. Vous en parlez. Vous parliez de votre programme. On va décortiquer ça un peu ensemble. Dans Maîtriser l'avenir, vous dites à la page 53: "Par sa nature, le pouvoir fédéral de dépenser à des fins provinciales particulières est un pouvoir "actif dont l'évolution est difficile à prévoir. On sait toutefois d'expérience qu'il peut entraîner des changements substantiels dans le partage effectif des responsabilités entre les deux ordres de gouvernement". C'est exactement ce que dit le Procureur général de l'Ontario qui dit que ce qui est sorti du lac Meech, c'est la confirmation du pouvoir de dépenser de l'État fédéral en matière provinciale.

Pourtant, vous dites aussi, dans ce même livre, Maîtriser l'avenir, que c'est devenu une pomme de discorde chaque fois que le gouvernement fédéral a voulu s'en servir comme levier pour venir imposer aux provinces, et singulièrement au Québec, des conditions plus ou moins rigides dans l'utilisation des sommes versées. Deuxième texte: votre programme électoral. Qu'est-ce qu'il dit, votre programme électoral? Il dit à l'élément 28.9.1, à la page 123: Que la création par le fédéral de tout nouveau programme impliquant des subventions conditionnelles aux provinces soit soumis à leur approbation, une telle approbation s'exprimant formellement dans le cadre d'une règle décisionnelle similaire à la formule d'amendement. Cela veut dire quoi en pratique? Quand vous parlez de formule d'amendement dans votre programme, vous parlez du droit de veto au complet.

Vous avez laissé tomber le droit de veto au complet. Vous avez décidé de choisir l'"opting out" avec compensation. On s'attendrait, au minimum, à ce qui a été mis pour que vous respectiez votre programme, à ce qu'il y ait au minimum la nécessité pour 7 provinces représentant 50 % de la population d'approuver un nouveau programme fédéral avant d'exercer l'"opting out". Non, vous avez laissé tomber cela aussi. On dit, dans le communiqué de presse du lac Meech sur le pouvoir de dépenser, qu'il est stipulé que le Canada doit accorder une juste compensation à toute province qui ne participe pas à un nouveau programme national à frais partagés dans un domaine de compétence provinciale exclusive si cette province met en oeuvre de son propre chef une initiative ou un programme compatible avec les objectifs nationaux.

En pratique, cela veut dire quoi? Premièrement, cela veut dire que vous reconnaissez le pouvoir de dépenser du fédéral qui n'existait pas dans la constitution. Cela veut dire que vous avalisez tout le passé et le passé est une des grandes sources d'inefficacité, notamment des politiques en matière de main-d'oeuvre, de formation professionnelle dans le secteur de l'éducation, de la recherche et même de plus en plus dans les richesses naturelles. Deuxièmement, cela ne s'applique qu'aux nouveaux programmes. Troisièmement, vous acceptez que même un éventuel nouveau programme fédéral puisse être établi sans le consentement des provinces et dans ce contexte, vous n'aurez droit à une compensation au Québec que dans la mesure où cela correspond, où il y a un programme analogue au Québec compatible avec les objectifs nationaux du Canada. Vous reconnaissez la notion...

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): ...d'objectifs nationaux. Je pense qu'il reste 30 secondes, Mme la Présidente, vous allez me les laisser, je suis sûr de cela.

La Présidente (Mme Bélanger): Sûrement.

M. Johnson (Anjou): Nous vous disons là-dessus: Faible, dangereux et, encore une fois, pas de texte, pas conforme à vos mandats dans la mesure où vous aviez un mandat là-dessus. En ce sens-là, on vous dît que vous êtes en train, encore une fois, d'engager l'avenir du Québec parce que vous êtes obsédés par l'effacement de son passé.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): Occupez-vous donc

de l'avenir.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Mme la Présidente, tout d'abord, je trouve que le chef de l'Opposition prend un ton intéressant pour que l'on puisse aller au fond de ces choses. Je crois que, maintenant, il y a une amélioration; on va pouvoir discuter d'une façon sereine et posée pour les meilleurs intérêts du Québec. Je voudrais le remercier de prendre maintenant ce ton. J'espère qu'il va le conserver, qu'il va pouvoir le conserver durant toute la commission parlementaire.

En ce qui regarde la participation du ministre de l'Éducation à la commission parlementaire, j'ai une réponse claire. Je croyais que le député de Lac-Saint-Jean m'avait fait une ouverture. Le chef de l'Opposition vient de me dire que non, il n'y a pas d'ouverture, que le ministre de l'Éducation n'y participera pas, ni en totalité, ni en partie. Ce que je peux vous dire, c'est ce que j'ai dit au début: c'est très malheureux; une décision aussi mesquine, c'est un jour qui est triste dans l'histoire du parlementarisme québécois.

Le chef de l'Opposition revient sur le droit de veto. J'aimerais qu'on soit clair une fois pour toutes et ce n'est pas difficile à comprendre. Le 16 avril 1981, le gouvernement du Québec de l'époque, le gouvernement péquiste, avait accepté qu'il y ait un droit de retrait pour compenser un droit de veto que, politiquement, le Québec pouvait revendiquer et qu'il avait revendiqué justement en 1971. En 1971, quand le Québec a dit non à Victoria, la charte de Victoria n'est pas devenue un acte constitutionnel parce que le Québec avait dit non. Il y avait un pouvoir politique qui était là. Pendant tout le temps où le gouvernement libéral de M. Bourassa a été au pouvoir, il n'y a pas eu de ces décisions politiques d'ordre constitutionnel qui se sont faites sans l'assentiment du Québec. Il y avait donc cette capacité du Québec de dire non.

Le Parti québécois, le gouvernement péquiste, avait accepté une formule de droit de retrait parce qu'il acceptait le principe de l'égalité des parties, avec le résultat qu'il n'a pas pensé qu'on ne peut se retirer d'une institution. Je dois vous dire que comme professeur - parce qu'on se réfère à mes écrits comme professeur et on me cite lorsque j'étais professeur de droit constitutionnel à l'Université Laval et à l'Université de Montréal aussi - j'ai eu beaucoup de difficultés à faire comprendre aux gens alors du Québec comme à d'autres qu'on ne se retire pas d'une institution. Cela m'apparaît assez clair, on ne peut pas se retirer du Sénat, de la Cour suprême, de la Chambre des communes. Ce que nous avons obtenu au lac Meech, c'est clair: c'est un droit de retrait avec compensation financière, ce qui n'existait pas avant. C'était limité strictement à l'éducation et à la culture, en ce qui regarde donc le partage des compétences législatives. Donc, si une compétence législative provinciale est transférée à la juridiction fédérale, il peut y avoir un droit de retrait, c'est-à-dire qu'une province, dont le Québec, pourrait dire: Nous voulons conserver cette compétence. Par conséquent, la province pourra recevoir une compensation financière parce qu'elle assume une responsabilité que les autres provinces ont consenti à donner au gouvernement fédéral. Maintenant, ce sera pour toutes les compétences et non pas simplement pour l'éducation et la culture. Voilà un premier gain. On a dû composer avec ce principe de l'égalité des provinces, accepté et signé le 16 avril 1981 par le gouvernement péquiste.

Deuxièmement, nous avons réparé l'erreur historique qu'avait faite le gouvernement péquiste, le gouvernement du Québec, à savoir qu'il n'y avait pas de droit de veto sur des institutions. Ce qui signifie qu'on aurait pu - et qu'on pourrait encore parce que l'entente du lac Meech n'est pas encore partie de notre constitution - modifier le Sénat complètement sans l'assentiment du Québec. On pourrait modifier la répartition des sièges à la Chambre des communes, qui est actuellement fondée sur le nombre de sièges que le Québec a à la Chambre des communes - 75 sièges - on aurait pu changer cela complètement au détriment du Québec, sans que le Québec puisse dire un seul mot. Cela n'a jamais été réclamé par le Québec dans l'entente du 16 avril 1981 et c'est cela qu'on a récupéré au lac Meech! un droit de veto. Ce que nous avons récupéré au lac Meech, Mme la Présidente, c'est le droit de veto du Québec, qui avait été perdu. C'est le droit de dire non è un amendement constitutionnel qui va à l'encontre des droits historiques du Québec, soit comme société distincte, soit comme partenaire majeur de cette fédération.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Bourget.

M. Claude Trudel

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. On a abordé tantôt très rapidement le sujet de l'immigration. Il semble que le chef de l'Opposition n'ait pas très bien compris le texte de l'accord du lac Meech. Le ministre lui a suggéré de prendre quelques minutes, à tout le moins, en fin de semaine pour prendre connaissance de cet important accord.

À l'occasion d'un autre débat, j'ai

préparé quelques notes sur la question de l'immigration, notamment à titre de président de la commission de la culture qui s'intéresse, ainsi que vous le savez, de très près à ces questions. Je vais profiter des quelques minutes que j'ai à ma disposition et que je n'espérais pas avoir pour vous faire part de quelques notes qui sont aussi préparatoires à une intervention que j'entends faire à la commission parlementaire mardi prochain.

La promotion du caractère distinct de la société québécoise au sein de la Fédération canadienne exige du Québec qu'il conserve son poids politique et démographique dans l'ensemble canadien. C'est là la définition même du concept de la sécurité culturelle du Québec. Je vous ferai remarquer que c'est l'un des trois objectifs recherchés par le gouvernement du Québec inscrits dans le programme politique du Parti libéral du Québec en 1985, En ce sens, il est vital que le Québec dispose de pouvoirs prépondérants en matière d'immigration qui puissent compenser sa proportion de un à trois au sein de la population canadienne.

En effet, le taux de natalité ne garantit pas que les niveaux actuels de la population seront maintenus au Québec. On a vu les résultats de la commission French, il y a quelques années maintenant, qui sont probants. Le maintien des équilibres démographiques et linguistiques appropriés, tant au Québec que dans l'ensemble du Canada, requiert la prépondérance de pouvoirs québécois en matière d'immigration, qui viennent appuyer le développement du Québec en tant que société distincte. La détermination des niveaux d'immigration par le Québec est essentielle, mais elle ne saurait suffire. C'est un impératif que ceux et celles qui immigrent au Québec puissent s'intégrer à la société québécoise francophone dans ce qu'elle a de plus authentique.

À cet effet, le Québec doit disposer de nouveaux arrangements constitutionnels qui mettent les acquis de l'entente Cullen-Couture de 1977 au plan des principes et de la pratique à l'abri d'une modification unilatérale par le Parlement canadien.

Une compétence québécoise exclusive de légiférer en ce qui touche les mesures d'accueil, d'intégration et de formation des personnes ayant le statut de résident permanent au Canada ou en voie de l'acquérir, permettra effectivement au Québec de mettre en oeuvre la prépondérance de ses pouvoirs touchant à la détermination du niveau et du profil de l'immigration qui lui est destinée.

Bien entendu, tout transfert de programme d'Ottawa vers le Québec devrait s'accompagner d'une compensation appropriée en faveur du Québec. Suivant l'entente du lac Meech que le chef de l'Opposition n'avait pas très bien comprise tantôt, le Québec disposera de pouvoirs prépondérants en matière de détermination du niveau et de sélection de l'immigration qui lui est destinée, de même que d'une compétence législative exclusive concernant les services d'accueil, d'intégration et de formation et ce, avec compensation pour tous les programmes fédéraux qu'il se verra transférer à cette fin.

Voilà, Mme la Présidente, à mon avis, un acquis important, majeur de l'accord du lac Meech. Vous me permettrez, en conclusion, Mme la Présidente, de citer, à mon tour, l'excellent article de M. Marcel Adam dans La Presse du jeudi 7 mai 1987, intititulé "Des acquis inespérés pour le Québec". (11 h 45)

M. Adam, dans sa conclusion, dit ceci: "Robert Bourassa a eu l'intelligence politique de présenter des propositions réalistes et raisonnables - dont celle sur laquelle je viens de m'étendre quelque peu tantôt - cinq conditions minimales qui devaient être toutes satisfaites pour que le Québec sorte de son isolement. Il n'a rien quémandé, mais il a posé des conditions qui devaient être acceptées en bloc, faute de quoi il rentrerait chez lui. Sa stratégie était la bonne".

Plus loin, je récite ce que M. le ministre a cité tantôt. "C'est ma conviction, dit M. Adam, que ce qu'a obtenu Robert Bourassa, c'est le maximum que pouvait obtenir le Québec dans les circonstances. C'est peu par rapport à la pléthore de conditions irréalistes posées par René Lévesque avant son départ; mais c'est beaucoup, compte tenu de ce que ce dernier avait abondonné et s'était fait enlever en 1981". Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Bourget. M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Je vous remercie, Mme la Présidente. Il est quand même curieux que ce dont on entend le plus parler depuis l'accord du lac Meech, évidemment ce sont les contradictions sur la formule d'amendement, sur le pouvoir de dépenser, sur le caractère distinct du Québec, contradiction sur la nature de l'entente entre le premier ministre Bourassa, le premier ministre de l'Ontario, M. Murray qui s'occupe du dossier au niveau fédéral, le premier ministre du Canada lui-même, M. Mulroney; paquet de contradictions que résumait fort bien le Toronto Star, dans son éditorial de mercredi, qui disait ceci: "If Bourassa is right, Mr. Mulroney and Mr. Peterson are wrong."

La confusion est normale parce que,

encore une fois, ce qui est sorti du lac Meech, c'est un communiqué de presse. En ce sens-là, les journaux et une revue de la presse canadienne que le ministre doit avoir sur son bureau - j'en suis convaincu - à tous les matins doivent le convaincre que la contradiction, la confusion et le doute ont pris une telle proportion que même les premiers ministres canadiens de différentes provinces ne s'entendent pas entre eux.

Il n'est pas surprenant que, sur une matière aussi essentielle que la langue, le professeur- Léon Dion, ce matin, écrive dans Le Devoir et qu'on le cite. On doit le lire en entier, lui aussi, M. le ministre, et ne pas tenter d'utiliser une parcelle ou un extrait de son opinion pour justifier des prises de position. On doit le lire en entier.

Je lis un paragraphe au complet de Léon Dion, ce matin, dans Le Devoir. "Ce dont le Québec a besoin, ce n'est pas seulement d'être considéré comme une "société distincte" - pour la bien simple raison qu'on ne sait pas ce que cela veut dire; c'est moi qui ajoute ces mots - dans la constitution, mais encore il s'impose que cette expression puisse être d'une étanchéité absolue quant à sa signification et à sa portée de façon à ce que l'interprétation qu'en fourniraient les tribunaux puisse être aussi prévisible que possible et, bien entendu, favorable au français".

Pourquoi le premier ministre ainsi que le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes n'ont-ils pas dit depuis leur retour du lac Meech un traître mot sur les droits linguistiques du Québec? Pourquoi le ministre refuse-t-il, encore ce matin, de répondre à nos questions en ce qui concerne la nécessaire protection absolue du français au Québec? Pourquoi entretenir cette confusion, ce doute? Pourquoi ne pas en parler clairement? C'est une question qui demeure sans réponse.

Le ministre ignore-t-il que la loi 101, la Charte de la langue française qui était, il est bon de le rappeler, la loi la plus socialement acceptable et la plus socialement acceptée au Québec, a été charcutée par différents jugements des tribunaux, charcutée en ce qui concerne la législation et la justice, charcutée en ce qui concerne le chapitre relatif à l'enseignement, charcutée en ce qui concerne l'affichage public? C'est en appel à la Cour suprême.

Où est, messieurs du gouvernement libéral, la protection dont le Québec a besoin pour continuer à vivre culturellement de façon normale et à se développer? Pas un traître mot du premier ministre ou du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes pour faire en sorte de réaffirmer clairement le statut officiel du français au Québec dans tous les domaines publics et, surtout, s'assurer que les tribunaux cesseront d'éroder systéma- tiquement la Charte de la langue française ou n'importe quelle législation que cette Assemblée nationale voudra bien se donner.

J'aimerais bien que le ministre profite de sa conclusion pour dire la vérité aux Québécois qui veulent savoir quel est, au juste, l'accord du lac Meech. Quel contrat nous allons signer. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Taillon.

M. Marcil: Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M. le député de Beauharnois.

M. Marcil: Compte tenu qu'il reste seulement huit minutes, avec le consentement de notre part, on pourrait permettre que M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes intervienne pour dix minutes et, ensuite, le critique de l'Opposition, M. le député de Lac-Saint-Jean, interviendrait également pour dix minutes. Donc, on dépasserait la période allouée.

Une voix: Consentement.

La Présidente (Mme Bélanger): D'après le règlement de l'interpellation, on est censé commencer à calculer le temps au moment où l'interpellation commence. Dans le moment, les gens de chaque côté auraient sept minutes si on respectait l'entente prise entre les deux leaders.

M. Filion: Mme la Présidente, sur cette question... Si vous me permettez...

M. Brassard: Mme la Présidente, sur une question...

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M. le député de Taillon.

M. Filion: ...étant donné le consentement des deux partis à faire en sorte que l'interpellateur, à savoir le député de Lac-Saint-Jean, et l'interpellé, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, puissent bénéficier de cette période de dix minutes, je vous suggère qu'à ce moment-là, il soit possible, à cette commission, de donner suite à ce consentement, étant donné qu'on a l'accord de tous les membres de la commission.

Il s'agit de plus, ai-je besoin de le souligner, d'une matière extrêmement importante pour laquelle nous n'avons pas de réponse, nous n'avons pas d'éclaircissement sur les doutes que possède la population. Je crois bien que quelques minutes de plus, d'autant plus qu'elles sont consenties de part et d'autre, ne pourraient qu'aider à rendre nos travaux plus conformes à leur objectif.

La Présidente (Mme Bélanger): Je vous ferai remarquer que l'entente des leaders, c'était un maximum de deux heures, mais si vous voulez, des deux côtés de la Chambre, aller à l'encontre de l'entente des leaders, en tant que présidente de séance, je vais accepter que dix minutes de chaque côté soient allouées.

M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

Conclusions M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Mme la Présidente, nous terminons notre première séance de travail sur cette entente du lac Meech qui devrait devenir une entente constitutionnelle, des amendements constitutionnels qui vont rendre acceptable au Québec cette entente conclue en 1981, qui a donné lieu à la Loi constitutionnelle de 1982. Par cette entente, nous allons pouvoir redonner au Québec des droits historiques qu'il avait perdus. Nous allons pouvoir faire du Québec un partenaire majeur dans cette Fédération canadienne.

Mme la Présidente, l'entente du lac Meech n'est pas une entente qui a été négociée, discutée de façon irréaliste ou sans savoir ce qu'on faisait. Du côté québécois, nous étions bien préparés, rien n'a été laissé à l'improvisation. Nous avions une côte à remonter; il y avait des pots cassés à ramasser. Il y avait un pouvoir politique du Québec qui était presque inexistant lorsque nous sommes arrivés au gouvernement, lorsque nous avons été élus le 2 décembre dernier, un pouvoir politique du Québec qui avait été remis en question à la suite du référendum par une question extrêmement ambiguë, ensuite par une action de relations fédérales-provinciales et interprovinciales qui avait suivi une période de morosité.

Et puis, il y a cette entente du 16 avril 1981 où le gouvernement péquiste avait accepté le principe de l'égalité des provinces. C'est dans ce contexte que nous avons discuté pendant plus d'un an avec les autres provinces, avec le gouvernement fédéral, sur la base de ces cinq conditions que nous avons clairement exprimées dans le programme du Parti libéral et que nous avons discutées en campagne électorale. Ce sont ces cinq conditions que nous retrouvons presque intégralement dans l'entente qui a été conclue au lac Meech.

Tout d'abord, reconnaître que le Québec est une société distincte et ce, en vertu de son aspect culturel, certes, mais aussi en vertu de son aspect social, politique, économique. C'est pourquoi nous avons utilisé le mot "société" au lieu du mot "peuple". Je vois que, ce matin, je n'ai pas eu de commentaires ni de questions de la part de l'Opposition concernant l'utilisation du mot "société". Je conclus que les membres de l'Opposition ont compris; c'est un premier pas, une première démarche. Je suis certain qu'en continuant dans le ton serein et objectif que nous devrions adopter pour cette commission parlementaire, je pourrai aussi leur faire comprendre les autres points.

Donc, pour nous, deux principes fondamentaux ont été confirmés par les onze premiers ministres au lac Meech: reconnaissance du fait que le Québec est une société distincte, reconnaissance aussi que l'Assemblée nationale du Québec a le rôle de protéger et de promouvoir ce caractère distinct et, en plus, la reconnaissance de la dualité canadienne, le fait que le Canada est fondé sur deux communautés nationales linguistiques. C'est une conséquence directe au fait que nous avons maintenant deux langues officielles depuis 1982. Aux articles 16 et suivants de la constitution de 1982, il est stipulé qu'il y a deux langues officielles au Canada: le français et l'anglais. Donc, il y a deux communautés nationales canadiennes. C'est un principe qui est aussi reconnu.

Le professeur Léon Dion a mentionné, entre autres, au sujet de l'entente, et je le cite: "Ce que M. Bourassa a obtenu au lac Meech constitue un progrès considérable sur les demandes initiales du Parti québécois." C'est ce que le professeur Léon Dion a écrit. Le 7 mai, il a écrit: "Les progrès accomplis excèdent mes attentes."

Et le professeur Dion, ce matin, propose un amendement. Je crois comme vous que nous devrions nous pencher sur cet amendement, voir sa pertinence, l'étudier sérieusement et, je le dis encore, en mettant de côté la partisanerie. Objectivement, voilà un observateur respecté, extrêmement compétent de la politique sur la scène québécoise et canadienne qui nous fait une proposition d'amendement. J'espère que l'Opposition acceptera que M. Dion vienne témoigner en commission parlementaire et qu'ils ne feront pas ce qu'ils ont fait avec le ministre de l'éducation, que M. Dion pourra venir nous expliquer son amendement. C'est notre devoir, comme parlementaires, de l'étudier le plus objectivement possible.

Voilà donc, M. le Président, un premier point dont nous pouvons être très fiers parce que nous avons maintenant la reconnaissance de la société distincte et du caractère dualiste du Canada qui pourrait être incluse dans la constitution du Canada; non pas dans le préambule, mais dans un article de la constitution du Canada.

Deuxièmement, il s'agit de la Cour suprême du Canada où nous allons avoir la garantie que trois juges sur neuf viennent du Québec. Nous allons avoir la possibilité, l'initiative et la participation quant à la nomination de ces juges en proposant une liste de personnes que nous voulons comme

juges de la Cour suprême du Canada. (12 heures)

En ce qui regarde l'immigration, M. le Président, tout à l'heure, le chef de l'Opposition nous disait: II n'y a rien là; c'est strictement mettre l'entente Cullen-Couture dans la constitution. Ce que je lui ai dit tout à l'heure, je le répète: il devrait lire l'entente du lac Meech, parce que ce que nous avons conclu au lac Meech va beaucoup plus loin que l'entente Cullen-Couture. Au lac Meech, nous avons la possibilité de sélectionner nos immigrants de l'extérieur, sur place. Nous avons la possibilité de mettre en place nos mesures d'intégration pour faire en sorte que ces immigrants puissent avoir le goût du Québec et demeurer au Québec. Nous allons avoir la possibilité d'avoir un minimum de pourcentage d'immigrants qui viendront au Québec, un minimum en fonction de notre poids démographique dans la constitution. Voilà ce qui va nous donner, M. le Président, une sécurité culturelle extrêmement importante. On connaît le taux de natalité au Québec, 1,4 %, qui est le taux le plus bas des pays industrialisés, après l'Allemagne de l'Ouest.

En ce qui regarde le droit de veto que nous avons récupéré, maintenant, il ne sera plus possible d'apporter un amendement à des institutions aussi importantes que le Sénat ou la Cour suprême, ou que la répartition des sièges à la Chambre des communes puisse être modifiée sans que le Québec ne donne son consentement. C'est ça, la récupération du droit de veto du Québec qui avait été perdu le 16 avril 1981.

En ce qui regarde le pouvoir de dépenser, M. le Président, il existe dans la constitution canadienne, par la jurisprudence. S'il n'existait pas, pourquoi l'Opposition ne l'a-t-elle pas contesté lorsque le ministre de l'époque, chef de l'Opposition maintenant, voulait protester contre le projet de loi C-3 sur le système de santé au Canada? C'est parce qu'il savait que la jurisprudence était là. Ce que nous devons faire, c'est encadrer ce pouvoir de dépenser.

Comme le disait si bien, dans un article particulièrement clair, Mme Solange Chaput-Rolland, ce matin, il n'y a pas de monstre au lac Meech. Je demande au chef de l'Opposition d'éviter ces caricatures. Cela donne au débat un ton qui n'est pas souhaitable. Si le chef de l'Opposition est en train de vivre un cauchemar, je lui demande de se réveiller et je lui demande de lire attentivement l'entente du lac Meech. Il va s'apercevoir qu'il y a dans cette entente ce qu'il faut pour redonner au Québec ses droits historiques et pour refaire du Québec un partenaire majeur dans la Fédération canadienne.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, M. le Président. Je répète de nouveau qu'on est en face d'une entente bâclée. À tout le moins et tout au plus, il pourrait s'agir d'une amorce de négociation, mais certainement pas de la conclusion d'une négociation. Le gouvernement s'est présenté dans ces pourparlers secrets, en cachette, en catimini, avec cinq conditions mal définies, très peu précisées, très peu articulées et qui étaient déjà dangereusement minimales.

On a utilisé un plancher très bas. Oui, c'est un plancher très bas, tellement bas que j'ai l'impression qu'on se retrouve au sous-sol, qu'on se retrouve dans la cave. Et, en plus, il y a de l'eau dans la cave. On patauge.

Non seulement ces conditions étaient-elles dangereusement minimales, mal articulées, mal précisées, mais, en plus, le gouvernement libéral s'est permis de reculer sur plusieurs points relativement à son propre programme politique. Là-dessus, comme j'ai obtenu le consentement au tout début de cette interpellation, M. le Président, je dépose à la fois le programme politique et les extraits de Maîtriser l'avenir concernant la négociation constitutionnelle. J'espère que les libéraux pourront en prendre connaissance, se rafraîchir la mémoire et constater que sur plusieurs points on accepte des reculs majeurs, en particulier sur le droit de veto.

Le ministre vient encore d'en parler. C'est faux de dire que vous avez récupéré le droit de veto. Ce que vous réclamiez, ce que vous revendiquiez, c'est un droit de veto universel, absolu, complet, total. Vous n'avez obtenu qu'un droit de veto partiel sur les institutions et encore, sur le Sénat, on affirme au fédéral, qu'on l'avait déjà. Donc, vous avez obtenu un droit de veto sur la création de nouvelles provinces. Mais sur l'essentiel, sur le partage des pouvoirs, sur le partage des compétences, vous n'avez pas obtenu le droit de veto. C'est cela qui est important. Vous ne l'avez pas obtenu. Alors, arrêtez de dire à la population que vous avez récupéré le droit de veto! Ce n'est pas vrai.

Sur le pouvoir de dépenser, c'est très peu clair, et on l'a signalé à maintes reprises. Là aussi, vous reculez par rapport à votre programme politique; c'est un recul très évident. Sur la société distincte, c'est tellement indéfini et imprécis qu'on ne sait pas ce que cela signifie.

Ce que je voudrais mentionner aussi, M. le Président, c'est que non seulement ce que contient l'entente du lac Meech est-il mal défini, mal précisé, mal articulé, comportant des ambiguïtés mais, en plus, ce qu'il est

Important de signaler, je pense - c'est important pour la population du Québec -c'est les insuffisances, les omissions dans cette entente. Quant à nous, il nous semble que, si l'on veut conclure une entente dans l'honneur et l'enthousiasme, pour employer des expressions connues, utilisées par le premier ministre du Canada à une certaine époque, il faut absolument qu'on retrouve dans cette entente constitutionnelle un certain nombre d'éléments qu'on ne retrouve pas dans l'entente du lac Meech, et je voudrais les rappeler. Cela m'apparaît essentiel en conclusion de cette interpellation.

D'abord, il faudrait - j'en ai parlé plusieurs fois, on en a parlé plusieurs fois, ici, du côté de l'Opposition - que l'entente constitutionnelle reconnaisse au Québec le droit exclusif de déterminer sa langue officielle et de légiférer sur toute matière linguistique dans les secteurs de sa compétence. Cela nous apparaît fondamental, capital. S'il y avait cela dans l'entente, si on ajoutait cela dans l'entente, on accepterait que M. le ministre de l'Éducation soit présent à la commission. Tant que ce ne sera pas là, on va maintenir notre position.

Deuxièmement, il nous apparaît essentiel que l'on retrouve également dans l'entente des dispositions qui feront en sorte que des versements du gouvernement fédéral de subventions aux individus et aux institutions dans des domaines, dans des juridictions réservées exclusivement aux provinces, donc, au Québec, que ces versements de subventions soient soumis à l'approbation du gouvernement du Québec. On veut parler de contrôle et de limitation du pouvoir fédéral de dépenser. Si on veut être sérieux à ce sujet, il faut qu'on retrouve des dispositions de ce genre dans l'entente constitutionnelle.

M. le Président, il nous apparatt essentiel également que dans une entente constitutionnelle honorable on y retrouve aussi le fait que le Québec soit confirmé comme maître d'oeuvre de l'ensemble du domaine de la main-d'oeuvre, avec tous les pouvoirs et toutes les ressources que cette responsabilité comporte. Cela fait des années et des dizaines d'années que le Québec réclame le plein pouvoir en matière de main-d'oeuvre pour pouvoir appliquer sur son territoire une véritable politique de l'emploi et de la formation de la main-d'oeuvre. Il serait important que, dans une entente constitutionnelle, on retrouve des dispositions sur ce sujet.

Il serait important également qu'on retrouve des dispositions affirmant que le Québec est désormais doté d'une compétence exclusive en matière de mariage et de divorce. Il serait également essentiel que, dans une entente constitutionnelle, soit reconnue en matière internationale la situation spécifique du Québec en tout ce qui touche à ses compétences et à son identité, notamment, dans le cadre de la francophonie. Ce n'est pas le cas. Ce n'est pas ce qu'on retrouve dans l'entente du lac Meech. Je vous signale que le sénateur Murray récemment, pas plus tard qu'hier, affirmait qu'en matière internationale il n'y avait rien de changé et que le concept de société distincte n'accordait pas de pouvoirs nouveaux au Québec en matière de relations internationales.

D'ailleurs, le sénateur Murray est clair sur l'entente du lac Meech. Québec n'a gagné aucun pouvoir qu'il n'avait déjà. La société distincte ne donne pas plus de pouvoirs au Québec. C'est très évident dans l'esprit des fédéraux que l'entente du lac Meech n'accorde aucun pouvoir de plus à l'Assemblée nationale et au gouvernement du Québec, particulièrement en matière de relations internationales.

Il serait également important que les juges provenant du Québec et formés à son droit civil soient les seuls compétents sur les questions de droit civil. Cela n'apparatt pas dans l'entente du lac Meech, et il nous apparatt essentiel que ça apparaisse dans une entente constitutionnelle.

Voilà quelques points majeurs qu'on ne retrouve pas dans l'entente du lac Meech et, pour nous, ces points devraient y paraître si l'on veut une entente constitutionnelle dans l'honneur et l'enthousiasme, pour reprendre des paroles célèbres. Par conséquent, je le répète et nous allons le répéter à satiété dans les semaines qui vont venir, nous sommes en face d'une mauvaise entente, d'une entente bâclée, d'une entente comportant des insuffisances majeures, des omissions dangereuses. On se demande pourquoi le gouvernement libéral veut engager l'avenir même du Québec pour des décennies à venir en bousculant tout le monde, dans un climat de bousculade. Pourquoi ce comportement du gouvernement libéral? Pourquoi ce "bulldozage" en matière constitutionnelle?

Il y a des questions importantes à poser sur la façon dont le gouvernement libéral veut obliger l'Assemblée nationale à adopter sa position constitutionnelle et à entériner l'entente du lac Meech. On assiste à du "bulldozage", à une bousculade. Cela, ce n'est pas acceptable, et c'est surtout très louche. Pourquoi cette fébrilité de la part du gouvernement? Pourquoi cet empressement très louche de ta part du gouvernement pour faire adopter à la vapeur le contenu de l'entente du lac Meech, alors qu'il nous semble qu'il faut prendre tout le temps nécessaire pour en faire un examen approfondi?

C'est d'ailleurs ce que souhaitent de plus en plus de groupes importants au Québec. Plus d'une vingtaine de groupes

majeurs au Québec, d'organismes et d'associations importants ont indiqué, par voie de télégramme, qu'ils entendaient témoigner devant la commission. Donc, de plus en plus, les citoyens, les organisations au Québec souhaitent se faire entendre.

Ce qu'on dit, M. le Président... Je conclus là-dessus. Tantôt, le ministre disait: Réveillez-vous. Je lui retourne le commandement: Réveillez-vous, ressaisissez-vous, que le gouvernement se ressaisisse, il est encore temps pour lui de redresser l'échine, il est encore temps pour lui de se tenir debout en matière constitutionnelle et de reprendre les négociations pour en arriver véritablement, si c'est là son désir, à une entente, cette fois-ci, véritablement dans l'honneur et dans l'enthousiasme, si c'est ce qu'il veut! Ce n'est pas avec l'entente du lac Meech que cela va se faire. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député de Lac-Saint-Jean. Je tiens à remercier les membres de cette commission d'y avoir participé. Les travaux sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 12 h 14)

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