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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Filion): Bienvenue aux membres de la
commission. Je déclare la séance de la commission des
institutions ouverte. Pour les personnes qui sont présentes avec nous ce
matin, ainsi que pour les membres de la commission, je rappellerais le mandat
que nous poursuivons. Nous en sommes à la cinquième
journée d'exécution de ce mandat qui est de procéder
à une consultation générale et de tenir des audiences
publiques sur le projet de loi 104, Loi sur le Conseil permanent de la
jeunesse.
Je demanderais à notre secrétaire d'annoncer les
remplacements.
La Secrétaire: M. Johnson (Anjou) est remplacé par
Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Kehoe (Chapleau) par M. Hamel (Sherbrooke), M.
Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) par Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata), M. Vallières (Richmond) par M.
Thérien (Rousseau).
Le Président (M. Filion): C'est bien. S'il y a des
corrections à apporter à ces remplacements, on pourra les faire
durant nos travaux.
Je rappellerais notre ordre du jour d'aujourd'hui: À 10 heures -
c'était prévu pour 10 heures - on voit le représentant du
regroupement de cinq organismes jeunesse de l'Outaouais, M. Guylain Hotte, qui
est déjà installé à la table des invités.
 la suite de ce regroupement, nous entendrons un représentant du
Collectif de communication de Montréal, Vox Populi. La personne est
également dans la salle, M. Ravatel. Par la suite, nos travaux seront
ajournés pour reprendre à 15 heures avec les Travaux
communautaires du Haut-Richelieu Inc. À 16 heures, des
représentants de la Maison Tangente et, à 17 heures, les
représentants de L'Antre-temps.
Ce soir, nous ne siégerons pas. Demain et jeudi, nous allons
siéger et, avec la secrétaire, ainsi que le comité
directeur, nous sommes en train d'examiner les possibilités de terminer
nos travaux jeudi, mais rien n'est moins sûr. À l'oeil, on peut
calculer comme également possible que nous devions continuer une
journée la semaine prochaine. Est-ce qu'il y a des questions sur nos
travaux?
Mme Blackburn: Terminer les travaux cette semaine, est-ce que
cela voudrait dire simplement les audiences?
Le Président (M. Filion): Oui.
Mme Blackburn: Parce que je ne vois pas qu'on soit à
même de pouvoir faire la clôture cette semaine.
Le Président (M. Filion): Vous vous souvenez de l'entente
qui est intervenue au début de nos travaux, une période avait
été prévue pour les représentants de chacun des
deux partis, leur permettant d'adresser des remarques de clôture.
Mme Blackburn: Oui.
Le Président (M. Filion): De mémoire -je peux
vérifier si vous le désirez, on ne l'a pas ici - il y a une
période de 45 minutes qui avait été allouée
à chaque côté. Encore une fois, nous allons tenter de
terminer nos travaux cette semaine, mais plus probablement je pense qu'il
faudra continuer une journée la semaine prochaine. Est-ce qu'il y a
d'autres questions sur le déroulement de nos travaux? Cela va.
Regroupement de cinq organismes jeunesse de
l'Outaouais
Je voudrais donc souhaiter la bienvenue à M. Guylain Hotte,
représentant du regroupement de cinq organismes jeunesse de l'Outaouais.
Il est lui-même du Relais des jeunes Gatinois et il est le porte-parole
de ce regroupement de cinq organismes jeunesse. Il serait peut-être bon,
M. Hotte, que vous nous fassiez part, avant de nous résumer votre
mémoire, de la liste des cinq organismes que vous représentez.
Ensuite, je vous inviterais à présenter votre mémoire,
tout en vous rappelant et en rappelant aux autres invités de ce matin
qu'une période d'une heure est allouée à chacun des
groupes. La période est divisée comme suit: 20 minutes pour la
présentation du mémoire, 20 minutes d'échanges avec les
représentants du groupe ministériel et 20 minutes
d'échanges avec les représentants de l'Opposition.
Évidemment, si vous prenez moins que 20 minutes pour la
présentation de votre mémoire, ce temps est versé à
la période d'échanges.
M. Hotte, bienvenue.
M. Hotte (Guylain): Merci. M. le Président, membres de la
commission, en tant que représentant du regroupement des organismes
jeunesse suivants, c'est-à-dire Centre Adojeune, Relais des jeunes
Gatinois, Centre jeunesse de l'Outaouais Inc., Centre de consultation
l'unité Inc., et La Relance, il nous fait plaisir de vous adresser la
parole sur le projet de loi 104 portant sur le Conseil permanent de la
jeunesse.
Parce que nous oeuvrons auprès des jeunes directement, soit dans
le domaine du loisir, dans le domaine social ou dans celui du travail,
c'est-à-dire des jeunes entre 12 et 30 ans; parce que nous croyons que,
dans l'Outaouais, la problématique jeunesse est d'une acuité
équivalente, sinon pire que chez ses consoeurs les autres régions
du Québec; parce que nous croyons au processus de consultation des
commissions parlementaires, il nous a semblé approprié et
légitime de vous présenter ce mémoire et de venir vous
vous en parler.
Lors de son allocution du 24 février, M. le premier ministre nous
parlait de la nouveauté du processus de sélection des conseillers
et de partenariat entre les jeunes et l'État. Je le cite: "II s'agit
là d'une formule qui tient compte, comme il se doit, de
l'évolution de notre culture démocratique et qui mise
essentiellement sur un véritable partenariat des jeunes et de
l'État dans la recherche de solutions, ainsi que dans la
définition des orientations fondamentales de l'administration".
Voilà pour nous une approche que nous accueillons favorablement
dans la mesure où elle est suivie de gestes concrets. En effet, le
projet de loi 104, pour nous, est un geste concret. De plus, sous
réserve des principes devant guider son application, le projet de loi
104 est accueilli favorablement par notre groupe. Je dois dire que dans
l'Outaouais il existe en ce moment un comité consultatif au niveau
municipal. C'est un premier exercice qui se fait. Je dois dire que c'est
profitable relativement à cet exercice. Je crois que le conseil
permanent proposé ici est un peu supérieur, pour autant qu'il
respecte les principes d'autonomie, de légitimité et
d'efficacité. Ce sont des principes de base que nous tenons à
faire respecter.
Enfin, nous recommandons que le Conseil permanent de la jeunesse et le
Secrétariat à la jeunesse offrent des services
complémentaires.
Nous avons quelques recommandations sur le projet de loi et des
remarques par rapport à la composition du conseil permanent.
Évidemment, nous proposons qu'au conseil soient
représentées les régions du Québec et même
nous proposons d'avoir treize membres, c'est-à-dire deux membres
flottants qui pourraient représenter les régions avec une grande
densité urbaine comme Québec et Montréal. Nous
recommandons aussi d'avoir une politique de concertation régionale qui
permettrait aux membres du conseil de consulter les organismes jeunesse de son
milieu; c'est-à-dire que nous voulons un passaqe entre la base et les
élus. Nous voulons un mécanisme de concertation que le conseil
pourrait élaborer. Pour nous, le passage est très important,
surtout pour les jeunes qui ont une vue du pouvoir un peu marginalisée.
Il est important non seulement de laisser voir, mais que dans la pratique il y
ait un passage.
Quant à la nomination du président et des
vice-présidents, nous recommandons que les membres du conseil nomment
trois personnes parmi eux pour combler les fonctions de président et de
vice-présidents et que le ministre nomme le président parmi les
trois membres.
Quant à la durée du mandat, nous recommandons un mandat de
trois ans pour le président afin d'assurer une continuité au sein
du conseil, un mandat de deux ans pour les vice-présidents et une
rotation au tiers quant aux gens non rémunérés ou
n'étant pas de l'exécutif.
Quant à la vacance des membres du conseil, nous recommandons que
le collège électoral ne soit pas dissous et qu'une vacance au
sein du conseil soit remplacée par un membre du collège.
Quant à la fréquence des réunions du Conseil
permanent de la jeunesse, nous suggérons une fréquence de
réunion d'une fois par mois à la place de deux fois, comme c'est
indiqué, afin de maintenir la participation des membres non actifs.
Organisme jeunesse, secteur d'activités. Il y a une
problématique au niveau de l'identification à ce sujet. Plusieurs
organismes vont travailler dans le secteur social, du loisir, ou culturel. Ce
n'est qu'un biais qu'ils utilisent pour arriver à leurs fins. Il y a une
difficulté d'identification. Nous recommandons, en conséquence,
que des critères précis soient établis afin
d'éviter la confusion et de favoriser l'uniformité dans la
détermination des secteurs d'activités des organismes jeunesse.
D'autant plus que la détermination des secteurs d'activités de
l'organisme jeunesse est à la base de l'élection des membres du
collège.
Critères de présentation des candidatures pour devenir
membres du collège. Nou3 recommandons que la nomination des membres du
Conseil permanent de la jeunesse soit basée sur des critères
précis et plus élaborés concernant les qualités
requises, autres que seulement l'âge.
En gros, on peut dire que l'on reçoit bien ce projet de loi, pour
autant qu'on respecte les concepts de légitimité,
d'efficacité pour avoir une crédibilité auprès
de la population jeunesse ou de la clientèle jeunesse. De plus,
nous demandons une complémentarité par rapport au
Secrétariat à la jeunesse. C'est, en gros, le
résumé du mémoire des cinq organismes. Merci.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. Hotte.
J'inviterais maintenant un représentant du groupe ministériel
à amorcer l'échange avec vous, M. le ministre.
M. Gratton: Merci, M. le Président. Je désire
remercier M. Hotte d'avoir consenti à venir nous faire connaître
le point de vue des organismes jeunesse de la région d'Outaouais qu'il
représente ce matin. Je suis particulièrement heureux que, pour
une fois, des gens de l'Outaouais viennent ici à la commission
parlementaire. Trop souvent, on a l'impression que les gens de l'Outaouais se
sentent très loin de Québec. Ce n'est pas seulement la distance,
mais peut-être beaucoup plus la proximité plus grande du
gouvernement fédéral qui amène un tas de gens chez nous
à considérer le gouvernement fédéral d'abord et,
à l'occasion, à oublier le gouvernement provincial,
C'est malheureusement vrai en sens contraire également, dans la
mesure où, à défaut de représentation
adéquate des gens de l'Outaouais au sein de l'appareil gouvernemental,
on risque toujours, évidemment, que la région de l'Outaouais ne
soit en quelque sorte oubliée, à l'occasion, par le gouvernement
du Québec.
Je souligne votre passage. Vous êtes le seul organisme qui a
accepté l'invitation de la commission à venir faire
connaître son point de vue. Je suis extrêmement heureux que vous
soyez là ce matin.
Vous avez identifié dans votre mémoire les cinq organismes
que vous représentez. J'apprécierais que vous nous
précisiez un peu plus quels sont ces organismes, quels sont leurs
objectifs, quelles sont leurs clientèles, quelles sont leurs approches
à l'égard de leurs clientèles et, bref, que vous nous
fassiez un tableau. Est-ce que ces cinq organismes sont très
représentatifs de l'ensemble des organismes jeunesse dans le territoire
de l'Outaouais?
M. Hotte: Je peux faire une typologie. On peut mettre quatre
centres ensemble: Centre Adojeune, Relais des jeunes Gatinois, Centre jeunesse
de l'Outaouais et Centre de consultation l'unité qui formeraient un tout
par rapport à la jeunesse et, donc, qui ont à peu près les
mêmes objectifs de prévention de la délinquance, de
développer les milieux de vie pour les jeunes avec une approche et une
méthode qui diffèrent d'un centre à l'autre. Mais c'est
toute l'éducation par le biais du loisir et c'est un peu la formation et
le développement des jeunes. Alors, ces quatre centres-là
seraient ensemble. En gros, ils offrent des activités variées et
on ne touche pas au domaine du travail. Le seul centre ou te seul organisme qui
touche au domaine du travail, c'est la Relance. Elle touche directement
l'employabilité comme moyen de développer la jeunesse. Il faut
voir tout cela comme des moyens. Elle ne diffère pas
nécessairement; c'est seulement le moyen qui est différent. La
Relance s'adresse aux plus vieux également, c'est-à-dire aux
16-30 ans. Quant à nous, les quatre organismes, on s'adresse plus aux 6
ans et cela va jusqu'à 18 ans, 19 ans.
M. Gratton: Est-ce qu'on retrouve des professionnels dans vos
organismes?
M. Hotte: Les conseils d'administration sont composés de
professionnels et de représentants de la communauté. Quant au
personnel comme tel, évidemment, comme les salaires ne sont pas
excessifs, cela n'attire pas nécessairement la crème. Mais
nonobstant ce fait, il y en a qui ont la vocation et qui veulent vraiment,
fermement aider la jeunesse et ils s'en font une mission. Il y a des
diplômés, si on peut dire, dans le domaine ou dans d'autres
domaines connexes, c'est-à-dire en psycho-éducation, en
sociologie, etc.
M. Gratton: Quelle est l'implication des organismes que vous
représentez, s'il y en a une, dans la maison des jeunes sans emploi de
Gatineau?
M. Hotte: Oui. Justement, ce n'est pas pour défendre mon
clocher, mais le Relais des jeunes Gatinois, en ce moment...
M. Gratton: Allez-yl
M. Hotte: D'accord. Le Relais des jeunes Gatinois, en ce moment,
prépare un projet par rapport à une coopérative d'emploi.
Pour nous au relais, il est évident que c'est le processus qui est
important; que la coopérative se réalise ou pas, en tant
qu'intervenant, ce n'est pas ce qui est important, c'est plutôt le
processus. Le relais collabore avec le Centre des jeunes sans emploi, qui a un
volet "jeunes entrepreneurs". C'est une ressource vraiment
appréciée. C'est une expertise que le relais ne pourrait pas
avoir et on apprécie beaucoup cette complémentarité.
M. Gratton: Si je comprends bien, les organismes que vous
représentez oeuvrent surtout sur le territoire de la ville de
Gatineau?
M. Hotte: La plupart, à l'exception du Centre jeunesse de
l'Outaouais et de la Relance qui sont à Hull, sont à
Gatineau.
M. Gratton: Est-ce que vous avez des communications ou des
contacts avec d'autres organismes jeunesse du même type ou du même
genre dans la partie périphérique de ta région, par
exemple, en Haute-Gatineau, dans le comté de Pontiac?
M. Motte: Toujours pour le Relais des jeunes Gatinois, on a une
vocation de patro. C'est un son de cloche commun aux gens du Québec,
j'en suis sûr. On a des échanges avec le Patro de Québec,
le Patro de Montréal et le Patro d'Ottawa. Il y a aussi des
échanges qui se font avec des centres qui sont situés plus
près de nous, c'est-à-dire des centres à Buckingham ou
dans la région périphérique. On propose beaucoup
d'échanges en ce sens avec les gens de Québec, de Montréal
et de la région immédiate. Donc, au plan de l'animation et de la
programmation politique, si on peut dire, il y a une concertation qu'on essaie
de faire. C'est évident que les jeunes sont tout le temps
désarmés et désorganisés, mats on essaie quand
même de composer et d'intervenir au plan politique, à un moment
donné, quand on peut.
M. Gratton Est-ce que, selon vous, il y a d'autres
particularités à la problématique jeunesse de l'Outaouais
par rapport au reste du territoire québécois que celles que vous
avez mentionnées?
M. Hotte: Comme prémisse, je me dis tout le temps que les
jeunes du Québec, c'est-à-dire du Lac-Saint-Jean, de l'Outaouais
ou de Montréal, se ressemblent beaucoup. Il y a des
caractéristiques et des problématiques spécifiques
à l'Outaouais. Le taux de criminalité est très
élevé dans l'Outaouais et ces modèles de maisons de jeunes
ou de centres de jeunes sont justement, pour intervenir quant à cette
problématique au niveau de la criminalité en Outaouais, Hull et
Gatineau ont les records par rapport à cela. Alors, la
criminalité, je dirais, ressort.
M. Gratton: Selon vous, est-ce que les contacts que vous
entretenez, par exemple, avec les organismes ontariens sont de nature à
vous fournir un éclairage différent de ce que peuvent recevoir,
par exemple, des organismes du reste de la province? La façon de
fonctionner des gens en Ontario est-elle différente de la
nôtre`?
M. Hotte: Évidemment, par la nature des politiques des
gouvernements, c'est différent. Au niveau des subventions, par exemple,
le Patro d'Ottawa est très différent de ce
côté-là. I! y a une minorité au niveau des
Franco-Ontariens. Alors, au niveau de l'acuité, au niveau de
haut-parleurs afin de se faire entendre, ils sont mieux
équipés.
Alors, il y a une différence, c'est évident. (10 h 30)
M. Gratton: Est-ce que chez les jeunes anglophones de l'Outaouais
québécois il y a participation à vos activités ou
est-ce qu'il y a des organismes qui s'adressent spécifiquement aux
jeunes anglophones?
M. Hotte: Les anglophones, je n'en connais pas beaucoup. Nous, on
reçoit les anglophones par ta force des choses. Quand tu es en
minorité dans un groupe, soit que tu as une personnalité forte ou
que tu es vraiment né dans le quartier et que tu as appris à
fonctionner avec les francophones. Mais des anglophones, il n'y en a pas plus
que cela dans notre centre et dans les autres centres, non plus. Alors, au
niveau des anglophones, il n'y a pas beaucoup de choses qui se font pour la
jeunesse.
M. Gratton: Par rapport à vos recommandations sur le
contenu du projet de loi 104, vous mentionnez qu'un mécanisme de
consultation devrait exister entre le Conseil permanent de la jeunesse et les
organismes dans les régions et dans les divers secteurs
d'activité. Est-ce que vous avez réfléchi à ia
forme précise que ce mécanisme de consultation pourrait
prendre?
M. Hotte: C'est vraiment un aspect qu'on n'a pas plus
poussé, c'est une suggestion. Ce qu'on veut comme principe, c'est un
meilleur passage et que la base sente qu'il y a un passage démocratique
dans ce sens. Quant aux mécanismes de concertation, on n'a pas
donné plus de détails lè-dessus.
M. Gratton: Vous suggérez, par contre, que le conseil se
charge de promouvoir cette concertation dans les régions.
M. Hotte: Oui, c'est cela.
M. Gratton: Nous retenons la notion de la
complémentarité du travail que fait le Secrétariat
è la jeunesse par rapport au Conseil permanent de la jeunesse. Pour
nous, ce sont deux organismes fort distincts, bien que certains organismes sont
venus nous recommander ici de fusionner les deux de façon qu'il y ait
plus de ressources concentrées sur le Conseil permanent de la jeunesse.
Quant à nous, il y a une différence fondamentale entre le travail
et la mission du Secrétariat à la jeunesse, qui est un organisme
gouvernemental qui doit informer les organismes jeunesse des programmes
gouvernementaux et peut-être voir à la diffusion de tous les
autres renseignements par rapport au Conseil permanent de la jeunesse qui est
un comité "aviseur", un comité qui aura pour rôle principal
de conseiller le gouvernement sur les diverses
politiques à adopter. Dans ce sens, je pense que vous pouvez
être rassurés: il n'est pas question pour nous de confondre le
rôle des deux organismes que sont le secrétariat et le conseil
permanent.
M. Hotte: Ce processus annonce bien. C'est un geste concret pour
nous, c'est important.
M. Gratton: Vous mentionnez également dans votre
mémoire qu'on devrait peut-être augmenter le nombre minimal de
réunions que devrait tenir le conseil permanent. Quant à nous, ce
qu'on a inscrit dans la loi nous apparaît un minimum essentiel. Ce que
nous craindrions en ajoutant au nombre, ce serait que le conseil lui-même
pourrait constater que ce n'est pas nécessaire et pourrait tout
simplement, soit ne pas le respecter ou soit tenir des réunions dans le
simple but de respecter la loi.
La question que je me pose: Est-ce que vous tenez vraiment à ce
qu'on fasse une obligation plus rigoureuse que celle qui est faite à
l'article 12 de se réunir au moins une fois par deux mois? Cela fait
quand même six réunions annuellement.
M. Hotte: Non, je pense que c'était dans l'optique de
maintenir une participation active des non-membres. Mais s'il y a une bonne
délégation des responsabilités, je pense que cela peut
être acceptable que ce soit une fois à tous les deux mois.
C'était dans l'optique de faire participer les non-membres, d'augmenter
le minimum. Mais, s'il y a une bonne délégation des
responsabilités et une efficacité qui se fait, je pense qu'on
peut agréer à cela, il n'y a pas de problème.
M. Gratton: D'ailleurs, vous n'êtes pas le premier
organisme qui vient nous dire qu'on devra trouver les moyens de mettre à
contribution les membres du collège électoral qui n'auront pas
été choisis comme membres du Conseil permanent de la jeunesse. Il
nous semble, en effet, que c'est au Conseil permanent de la jeunesse d'en
juger. Nous ne croyons pas à la nécessité d'inscrire dans
la loi que le conseil se prévale des ressources qui seront au
collège électoral, mais il nous semble que cela va de soi.
M. Hotte: A l'interne, probablement.
M. Gratton: Le Conseil permanent de la jeunesse voudra
sûrement faire appel à toutes les ressources qui sont là et
qui sont déjà familières avec l'objectif et la mission du
Conseil permanent de la jeunesse et qui pourront, par exemple, faire partie de
façon privilégiée des comités ou des commissions
que décidera de créer le Conseil permanent de la jeunesse.
Vous suggérez également d'établir des
critères plus précis pour la nomination des membres du conseil.
Quant à nous, on n'est pas réfractaires à préciser
le plus possible. Je vous pose la question: Ne croyez-vous pas que le
gouvernement, lui, pourrait s'astreindre à des critères beaucoup
plus précis que ceux qu'on retrouve dans la loi quant à la
nomination des membres du collège électoral, tout en s'assurant
que la composition du collège électoral est la plus
représentative possible? Je dis bien la plus représentative
possible, parce qu'on s'imagine bien que cela ne pourrait être parfait
à moins d'avoir un nombre tellement grand que cela deviendrait tout
à fait inefficace.
Si le gouvernement, en nommant les membres du collège
électoral - et vous ne faites pas objection à cet aspect du
projet de loi - s'assurait qu'il y a une représentation valable au sein
du collège électoral, on pourrait ensuite laisser au
collège électoral le soin de procéder selon des
critères un peu moins précis quant au choix des membres du
Conseil permanent de la jeunesse.
M. Hotte: C'est une avenue qui est acceptable. C'est un point qui
a été débattu. Il n'y a pas eu consensus
nécessairement.
M. Gratton: Donc, il n'y a pas d'objection à ce qu'on
procède de cette façon.
M. Hotte: Non, je veux dire que, si on le fait sur l'avenue du
collège électoral, c'est-à-dire en ayant des
critères plus précis, plus rigoureux en ce sens, on
récupère sur la composition du conseil.
M. Gratton: Nous sommes particulièrement sensibles
à l'idée que vous formulez d'un mandat plus long ou d'une
façon d'assurer une certaine continuité. Sauf qu'on se rend
compte que, par exemple, dans les organismes jeunesse, en moyenne les
mêmes personnes oeuvrent pendant un peu plus d'un an à peine;
d'où le critère qu'on a retenu de deux ans. Je ne sais si vous
avez des remarques à cet effet.
M. Hotte: Sûrement. Vous me parlez d'expérience et
de pratique. Justement, ils ne restent pas plus qu'une année. Nous
convenons que, probablement, en ayant cette structure qui risque d'être
assez bien établie et en ayant un budget, tout cela, cela pourrait
être possible que des jeunes restent peut-être plus qu'un an. Cela
permettrait une, continuité du conseil, c'est-à-dire qu'il n'y
ait pas changement chaque année et de faire la roue chaque fois. Par la
pratique, peut-être que les organismes ou les conseils ne tiennent pas
plus qu'une année, mais en établissant bien les objectifs et en
choisissant bien les personnes avec ce
processus de sélection, je pense qu'il serait possible qu'un
président reste trois ans et les vice-présidents deux ans et
qu'il y ait une rotation au tiers pour le restant.
M. Gratton: Justement, quand on parle d'une rotation au tiers, un
des problèmes que pose la suggestion que vous faites, c'est de devoir
réunir le collège électoral aussi souvent. La question
qu'on se pose, c'est: D'abord, est-ce que dans les faits, on finirait par
obtenir la collaboration de tous ces gens-là aussi souvent?
Deuxièmement, est-ce que, finalement, il n'y aurait pas une autre
façon d'en arriver à cette rotation qu'on recherche?
M. Hotte: Évidemment, on voyait tout le temps: le
collège électoral va être composé, va être
dissous. Les organismes présents voyaient cela plus comme un retour de
ne pas dissoudre le Collège électoral et puis de faire un retour
à la base. C'était dans ce sens, la rotation au tiers. Tu reviens
au collège, le collège n'est pas dissout. Tu reviens, sans avoir
à rendre compte au collège. On pensait qu'un exercice comme
celui-là, c'était bien pour maintenir un
intérêt.
M. Gratton: Oui. Il est à noter, évidemment, que,
quant à ce désir que nous partageons d'assurer une certaine
continuité, il y a toujours la possibilité de la reconduction
d'un mandat pour une deuxième année.
M. le Président, je vais céder la parole à
l'Opposition, quitte à revenir après si le temps le permet.
Le Président (M. Després): Avec plaisir, M. le
ministre. Je passerai maintenant la parole à Mme la
députée de Chicoutimi, de l'Opposition.
Mme Blackburn: M, le Président, M. Hotte, cela me fait
plaisir, au nom de ma formation politique, de vous souhaiter la plus cordiale
bienvenue. C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai pris
connaissance du mémoire. Je ne connais pas beaucoup, certainement moins
bien que le ministre, les associations jeunesse de cette région, mais
j'ai eu l'occasion d'y aller et d'échanger davantage sur ce que j'ai
estimé une initiative extrêmement intéressante, le Centre
des jeunes sans emploi. C'est proprement impressionnant. Je pense que cette
façon de réunir dans un même lieu les différents
services et les différents programmes touchant l'intégration
sociale et professionnelle des jeunes est tout à fait emballante. Je
souhaiterais avoir un tel centre dans mon comté. Cependant, cela prend
un dynamisme peu commun et une détermination de tous les intervenants de
la région, ce qu'ils ont réussi à obtenir. J'ai
été vraiment impressionnée. Je pense que les
parlementaires auraient intérêt à connaître
l'expérience qui a cours actuellement dans cette région.
Si vous me le permettez, j'aimerais aborder votre mémoire au fil
des pages parce que j'ai pris des notes. Je lis toujours avec beaucoup
d'intérêt et beaucoup d'attention les mémoires qui sont
présentés. Avant de commencer, je voudrais vous dire que
j'apprécie votre participation parce que, chaque fois que les jeunes se
privent de venir faire entendre leur voix, il y en a d'autres qui parlent
à leur place. C'est dans cette optique que j'ai invité
moi-même les jeunes à venir se faire entendre à cette
commission. Cela m'apparaît extrêmement important.
Je reviens à votre mémoire. Je voudrais vous dire qu'il y
a plusieurs points que vous ne touchez pas qui ont été largement
débattus ici à cette commission, qui touchaient à la fois
à l'autonomie du conseil, au rôle que pourrait jouer ce conseil
relativement aux autres organismes - est-ce que cela deviendra l'unique et le
seul porte-parole des jeunes? - à la représentation
régionale - oui, vous en faites état - et à un certain
nombre de questions de cette nature. Vous me permettrez peut-être de
revenir avec quelques questions.
Je prends donc votre mémoire, en page 4. En faisant
référence au document de réflexion présenté
par le module de recherche du Secrétariat à la jeunesse, datant
de mai 1986, vous rappelez qu'il énonce trois postulats de base que vous
endossez: l'autonomie, la légitimité et l'efficacité.
J'aimerais que vous nous expliquiez comment cette autonomie peut être
préservée en même temps que la loi donne de grands pouvoirs
au ministre responsable. Je me permets de vous rappeler les articles qui, font
problème pour un certain nombre d'organismes. Sur le mandat
confié au conseil consultatif, il y a deux articles extrêmement
importants. Il y a l'article 27: "Le conseil doit donner son avis au ministre
sur toute question que celui-ci lui soumet relativement aux besoins et aux
intérêts de la jeunesse". Il y a aussi l'article 29: "Le conseil
peut, avec l'autorisation du ministre, former des comités
spéciaux pour l'étude de questions particulières relatives
à la jeunesse et déterminer leurs attributions."
Est-ce que vous ne pensez pas que de tels articles, à l'instar de
certains autres organismes jeunesse, auraient comme effet, si utilisés
largement par le ministre, de limiter les travaux du conseil aux dossiers que
voudrait bien lui donner le ministre? Dans l'hypothèse où le
ministre lui confie plusieurs travaux, on pourrait penser que le conseil
n'aurait plus la latitude pour en entreprendre à sa guise ou selon les
besoins
qu'il a identifiés. Cela ne vient-il pas mettre en doute
fondamentalement la marge d'autonomie qui est laissée à ce
conseil consultatif en vertu du présent texte? (10 h 45)
M. Hotte: Je ne suis pas tellement familier avec les rapports
entre les conseils et le gouvernement. On ne s'est pas tellement
prononcé sur cet aspect, ne sachant pas la pratique des autres
conseils.
Mme Blackburn: Au moment où on se parle, avez-vous une
copie de la loi en main? Non, il est plus difficile de la commenter si vous ne
l'avez pas. L'avez-vpus? Oui. C'est à l'article 27.
Le Président (M. Després): Excusez, M. Hotte,
avez-vous une copie du projet de loi?
M. Hotte: Non, je n'en ai pas.
Le Président (M. Després): On va vous en fournir
une; ce ne sera pas long.
M. Hotte: Oui, je l'ai, d'accord.
Mme Blackburn: Bien. C'est à l'article 27. Le
précédent article dit: Dans l'exercice de cette fonction, le
conseil peut saisir, sous forme d'avis le ministre de- toute question relative
à la jeunesse, effectuer ou faire effectuer des études et des
recherches, solliciter des opinions, fournir de l'information au public.
L'article 27 vient atténuer la portée du précédent
parce qu'il dit: "Le conseil doit donner son avis au ministre sur toute
question que celui-ci lui soumet relativement aux besoins et aux
intérêts de la jeunesse. Il doit, de plus, effectuer ou faire
effectuer les études et recherches qui lui sont demandées par le
ministre."
Si cet article est largement utilisé par le ministre, il vient
limiter, pour ne pas dire complètement annihiler, tout le
précédent qui donne des pouvoirs au conseil. Il pourrait, pour
utiliser un terme bien québécois, "loader" le conseil qui
n'aurait plus ni le temps ni les ressources humaines pour faire effectuer
d'autres travaux à son initiative. Cela ne vient-il pas en contradiction
avec cette autonomie qui viendrait légitimer en quelque sorte les
travaux du conseil?
M. Hotte: Entre les articles 25 et 27, je ne vois pas de
contradiction, c'est seulement qu'on met des paramètres. Je ne vois pas
de contradiction à ce sujet.
M. Gratton: Mme la députée me permettrait-elle? Je
pense que, d'ailleurs, c'est revenu à plusieurs occasions. Pour nous, il
est très clair que le Conseil permanent de la jeunesse devra pouvoir
fixer et déterminer ses priorités. J'ai l'intention de
recommander qu'on inscrive cela dans la loi de façon que cela ne porte
pas à confusion, à savoir que le Conseil permanent de la jeunesse
pourrait être inondé à ce point qu'il ne serait plus
possible pour lui de déterminer ses priorités. On va clarifier
cela par un texte qui sera très clair là-dessus.
Mme Blackburn: D'accord. Très bien. En poursuivant, je
trouve intéressante l'idée que vous avancez, en page 5 de votre
mémoire, concernant la composition du Conseil permanent de la jeunesse
où vous parlez de deux membres flottants qui permettraient de prendre en
considération les bassins de population des grands centres urbains comme
Montréal et Québec. Cela permet, à l'occasion, dans
d'autres organismes, ce qu'on appelle les membres "cooptés", d'aller
chercher des compétences qui ne se retrouvent pas au sein des membres
qui sont déjà nommés au conseil. L'idée est
particulièrement intéressante; elle mériterait
d'être exploitée.
Par ailleurs, dans cette même page, au dernier paragraphe, vous
dites: "Afin d'assurer une représentativité régionale
adéquate, nous recommandons que le Conseil permanent de la jeunesse
élabore une politique de concertation régionale qui permettrait
à ses membres de consulter les organismes jeunesse de son milieu." Vous
continuez: "Le Conseil permanent de la jeunesse, pour mener à bonne fin
son mandat, se devra d'établir un système de communication
efficace qui traduira un portrait réaliste de la situation des jeunes de
toutes les régions du Québec." Je constatais d'abord, à la
lecture de la liste des organismes dont vous êtes aussi le porte-parole,
que la problématique doit être extrêmement variée.
Si, en plus, j'ajoute la problématique que touche le Centre des jeunes
sans emploi, alors vous partez encore plus jeune, de 7 ans à 30-35 ans.
Alors, vous comprendrez qu'à la fois la problématique est
extrêmement variée et présenter un portrait relativement
réaliste de la situation des jeunes de toutes les régions et, en
même temps, de toutes les couches d'âge, c'est relativement, pour
ne pas dire extrêmement complexe.
Mais, par ailleurs, je me demandais: Si vous attendez cela du conseil
consultatif, est-ce que, pour vous, le conseil consultatif devient "le"
porte-parole des jeunes au Québec?
M. Hotte: Je ne sais pas s'il devrait en être exclusivement
le porte-parole. Pour parler de la couche de représentativité et
de tout cela, elle a été identifiée à une
population de 15 à 30 ans ayant de3 caractéristiques semblables.
On a identifié l'âge pas juste arbitrairement comme cela. On l'a
évalué selon des critères. Alors, pour
moi, il est possible d'avoir un portrait juste.
Quand on parle des jeunes, on ne parle pas nécessairement des 6
ans à 12 ans. Malgré qu'on travaille avec cet
âge-là, cela ne veut pas dire qu'on défend
spécifiquement cet âge.
Mme Blackburn: Oui, mais, selon vous, est-ce que ce conseil
devrait être le porte-parole unique de la jeunesse?
M. Hotte: Si on ne respecte pas les concepts d'autonomie, de
légitimité et tout cela, le conseil deviendra à la
remorque du Secrétariat à la jeunesse ou du gouvernement. C'est
évident que, dans un équilibre politique, ce serait bon d'avoir
une autre voie. Par rapport au gouvernement, je vois le conseil consultatif
comme étant le seul.
Mme Blackburn: Cela veut dire que la voix des jeunes qui veulent
se faire entendre - les regroupements de maisons de jeunes, les associations
étudiantes, les jeunes sans emploi, les jeunes
bénéficiaires de l'aide sociale - devrait passer par le canal du
conseil permanent.
M. Hotte: Pas nécessairement. S'ils veulent avoir un
répondant au niveau du gouvernement, Je conseil permanent permet cela.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas du lobbying de la part de ces autres organismes,
associations ou assemblée. Alors, c'est possible pour les maisons de
jeunes de se faire entendre, mais en ayant un répondant au niveau du
gouvernement, je pense que c'est le conseil consultatif.
Mme Blackburn: En page 7 de votre mémoire, au premier
paragraphe, article 6, on lit: "Nous recommandons que le collège
électoral ne soit pas dissous suite à la nomination du Conseil
permanent de la jeunesse et qu'une vacance au sein du conseil soit
remplacée par un membre du collège électoral nommé
par Ies autres membres du même collège, ce qui, à notre
avis, encouragerait l'autonomie et augmenterait la crédibilité du
Conseil permanent de la jeunesse".
Quand vous dites de ne pas dissoudre le conseil, ce serait exclusivement
pour éventuellement le réunir pour nommer un remplaçant.
Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?
M. Hotte: Aussi pour la rotation au tiers. C'est-à-dire,
s'il y a une rotation au tiers, il y a des nouveaux membres qui seraient
élus. Alors, le collège serait pour cela. Le conseil n'aurait pas
à répondre au niveau du collège. Il n'aurait pas à
faire de rapport ou à rendre compte au niveau du collège. Je le
vois seulement pour un processus de nomination.
Mme Blackburn: Mais ce conseil qui, par exemple, si ta loi est
adoptée dans des délais relativement courts, pourrait être
constitué en juin, vous voyez qu'il serait renouvelé à
quelle fréquence?
M. Hotte: Pour des mandats de trois ans, une rotation au tiers
pour les gens non-rémunérés ou un genre de CA. Et, pour
l'exécutif, c'est mentionné: pour le président, c'est
trois ans et les vice-présidents, deux ans.
Mme Blackburn: Dans l'article 12, je reviendrais sur le nombre
minimal de réunions. Vous avez expliqué un peu les raisons. Ce
serait pour favoriser la participation des non-membres. J'utilise un peu votre
déclaration de tout à l'heure. J'ai probablement mal suivi votre
explication. Comment faites-vous un rapport entre l'augmentation obligatoire du
nombre . de réunions annuelles et un accroissement de la participation
des non-membres?
D'abord, vous pouvez peut-être m'expliquer comment les non-membres
peuvent participer au conseil.
M. Hotte: C'est cela. Ce n'est pas nécessairement un lien
causal. En ayant plus de réunions, ils ne vont pas nécessairement
y participer plus. C'est plutôt le partage des responsabilités, la
répartition du travail et la division des tâches qui vont
permettre cela. On pourrait se réunir une fois par année et il y
aurait autant d'efficacité, autant d'implication, c'est certain. On
pourrait le faire aux deux mois. On peut aussi le faire une fois par mois. Il
n'y a pas nécessairement un lien causal entre la fréquence
et...
Mme Blackburn: Ce n'était pas vraiment le sens de ma
question, J'ai cru comprendre tantôt que vous disiez que l'une de3
justifications du fait qu'on augmenterait le nombre ou la fréquence des
réunions, c'était pour favoriser la participation des
non-membres. Je voudrais savoir comment faites-vous un rapport entre la
participation des non-membres au Conseil permanent de la jeunesse?
Également, comment voyez-vous qu'ils y participent effectivement? Je
n'ai pas vraiment bien compris.
M. Hotte: C'est un peu des questions de régie interne,
j'ai l'impression. Le conseil aura à déterminer comment ses
non-membres vont participer. Là, on parle du mandat comme tel. Ce sur
quoi on s'est prononcé, c'est par rapport au mandat. Quant à la
participation et comment ils vont y participer, ce sera de la régie
interne, j'ai l'impression. Ils verront comment ils répartiront les
tâches, etc.
Mme Blackburn: À l'article 29, de la
page 7 du projet de loi, on dit: "Le conseil peut, avec l'autorisation
du ministre, former des comités spéciaux pour l'étude de
questions particulières relatives à la jeunesse et
déterminer leurs attributions." Quant à faire participer des
non-membres, en admettant que l'on invite quelqu'un de votre région
à venir assister à une réunion ici ou à
siéger à un comité, pour qu'il soit
rémunéré, pour que l'on défraie ses
déplacements - il n'est pas rémunéré à
l'acte - il faut qu'il soit reconnu comme faisant partie ou comme étant
membre d'un comité ou encore qu'il vienne travailler au conseil.
Vous avez deux cas où les conseils peuvent payer des
déplacements. Le premier, c'est quand vous êtes employé et
le deuxième, quand vous êtes membre d'un comité ou d'une
commission. Dans le cas qui nous concerne ici, on dit que "le conseil peut,
avec l'autorisation du ministre, former des comités," alors que, dans
les autres conseils, on peut, à volonté, former des
comités, ce qui, une fois qu'on a une résolution du conseil,
permet de convoquer des personnes et de payer pour leurs frais de
déplacement, par exemple. Dans le cas qui nous concerne, si vous voulez
une participation des non-membres, il me semble que l'article 29 constitue un
empêchement important.
M. Hotte: C'est vrai qu'il peut y avoir une ingérence
à ce niveau.
Mme Blackburn: De plus, est-ce que cet article ne vient pas un
peu en contradiction avec le discours autonomiste?
M. Hotte: Je crois que, pour avoir de l'efficacité
à un moment donné, il faut quand même, sans se prostituer
par rapport au pouvoir, avoir un bras qui vient du gouvernement. Par rapport
aux comités, je ne vois pas de problème. Le conseil peut se
débrouiller là-dessus et faire des comités. Justement, si
on veut parler des questions de transport ou des frais de
représentation, etc., le conseil peut aussi former des
comités.
Mme Blackburn: Non, ce n'est pas aussi simple que cela le
paraît. Le conseil peut, mais avec l'autorisation du ministre. C'est
clair. Non, ce n'est pas dans toutes les lois.
M. Gratton: C'est comme cela au Conseil du statut de la femme et
c'est comme cela au Conseil des collèges.
Mme Blackburn: Ah non! En tout cas, au Conseil des
collèges et au Conseil supérieur de l'éducation
également, je pense, le conseil peut constituer des comités. Il
peut également constituer des...
M. Gratton: Mais avec l'autorisation du ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Science. C'est à l'article
22.
Mme Blackburn: Pour le conseil supérieur?
M. Gratton: Pour le Conseil des collèges.
Mme Blackburn: Pour le Conseil des collèges, ce sont des
commissions.
M. Gratton: "Dans l'exercice de ses fonctions, le conseil peut,
avec l'autorisation du ministre de l'Enseignement supérieur, de la
Science et de la Technologie, constituer d'autres commissions...
Mme Blackburn: D'autres commissions, voilà.
M. Gratton: ...chargées de mandats particuliers".
Mme Blackburn: Oui, d'autres commissions.
M. Gratton: Dans le cas du Conseil du statut de la femme,
à l'article 6, on voit que "le Conseil peut, avec l'approbation
préalable du ministre, former des comités spéciaux."
Mme Blackburn: Oui. C'est cela.
M. Gratton: On dit même: "Ces comités peuvent, avec
l'approbation préalable du ministre, être totalement ou
partiellement formés de personnes qui ne sont pas membres du conseil".
(11 heures)
Mme Blackburn: Oui, je connais assez bien les deux lois. La loi
qui laisse le plus d'autonomie par rapport à la création de
comités, c'est celle du Conseil des collèqes qui, effectivement,
faisait une distinction entre les comités et les commissions. Une
commission ayant un caractère, une responsabilité beaucoup plus
grande, cela demandait une autorisation du ministre. Les comités ne
demandaient aucune autorisation du ministre.
M. Gratton: Ce que je dis, Mme la députée, c'est
que l'esprit du projet de loi 104 est le même. Dans la mesure où
cela prend une décision gouvernementale pour pourvoir aux
dépenses, aux frais de déplacement, c'est à cela qu'on
réfère quand on parle de l'approbation du ministre.
Mme Blackburn: Oui.
M. Gratton: II n'est pas question de s'ingérer dans
l'autonomie du conseil permanent.
Mme Blackburn: Je pense que - et vous me permettrez de diverger
d'opinion - cela aurait favorisé plus l'autonomie du conseil si on avait
prévu deux formules: une qui prévoit la constitution de
commissions permanentes - et là, c'est quelque chose, cela veut dire
qu'année après année cela poursuit son travail - et ce
que, par exemple, je suggérais sur l'emploi, la constitution de
comités ad hoc ou de comités provisoires qui viennent traiter
d'une question en particulier. Cela peut relever de la responsabilité du
conseil qui n'a pas besoin d'autorisation du ministre ou du gouvernement pour
ce faire.
Cela aurait permis en même temps aux comités d'assurer une
meilleure ou une plus grande participation des non-membres, comme vous les
appelez. Généralement, quand on prévoit une autorisation
ministérielle pour former une commission et un comité, c'est
parce qu'au moment où le gouvernement accepte la formation de la
commission ou du comité, c'est qu'il prévoit également les
budgets additionnels; tandis que vous pouvez très bien, au sein de
l'organisme, estimer utile de former un comité, ne serait-ce que
provisoirement pour dire: On voudrait dégager un peu une
problématique touchant l'itinérance. C'est un comité qui
peut fonctionner six mois et un an, mais à même les budgets du
conseil, qui ne demande pas de budgets additionnels. Il n'y a aucune clause qui
prévoit cela là-dedans.
M. Gratton: Ce que je répète à la
députée de Chicoutimi, c'est que c'est là l'esprit, quant
à nous, du projet de loi 104. Si cela a besoin d'être
précisé, on pourra le faire.
Mme Blackburn: D'accord, parce qu'à mon avis c'est
important si on veut leur assurer l'autonomie dont on parle tant.
Vous avez, en page 8 de votre mémoire: "Nous recommandons, en
conséquence, que des critères précis soient établis
afin d'éviter la confusion et de favoriser l'uniformité dans la
détermination des secteurs d'activités des organismes jeunesse".
Tout à l'heure, le ministre vous a demandé un peu
d'éclairage sur cette question. J'avais une question. D'abord, j'avais
de la difficulté à voir de quelle façon on pourrait
déterminer des critères précis. Juste à la
lumière des organismes que vous représentez ce matin, vous n'en
avez que deux pour lesquels il serait vraiment facile de savoir dans quel
secteur ils se trouvent: il y en a un qui est en loisirs et l'autre est en
travail. Les trois autres sont à la fois loisir, social; loisirs,
travail et éducation; social, loisirs et éducation.
S'ils avaient à appuyer une candidature, ils pourraient
indépendamment appuyer une candidature pour le social, pour le loisir et
pour l'éducation si je pense, par exemple, au Centre jeunesse de
l'Outaauais, de même que pour le travail. Comment pouvons-nous mieux
définir les secteurs d'activités, et en même temps,
reconnaître que des associations font des recommandations au nom d'un
secteur d'activités alors qu'elles couvrent quatre champs
d'activités?
M. Hotte: C'était, justement, un de nos problèmes
à notre table: on ne savait pas trop dans quel secteur
d'activités on était. Le ministère de la Santé et
des Services sociaux définit dans le social le Relais des jeunes
Gatinois, par exemple, et on peut autant avoir le palier loisirs ainsi de
suite. II y a une difficulté pour nous de nous identifier à tel
secteur. On peut être appuyé par un même orqanisme autant au
travail, autant aux loisirs et autant au social. Il y a une difficulté
de ce côté.
Mme Blackburn: En page 9, vous revenez un peu sur cette question
en disant: "Nous appuyons la formation du collège électoral pour
procéder au choix des membres du conseil. Par contre, tout en
étant d'accord avec la limite d'âge mentionnée à
l'article 18 du projet de loi 104, nous recommandons que la nomination des
membres du Conseil permanent de la jeunesse soit basée sur des
critères précis et plus élaborés concernant les
qualités requises pour siéger au conseil."
Sur cette question, à la fois des critères ou des secteurs
représentés au sein du conseil ou que représentent les
organismes, plusieurs organismes nous ont fait valoir qu'il y aurait des
difficultés pour ainsi dire insurmontables pour les jeunes de 15 - 18
ans qui voudraient faire valoir leur candidature. Si, par exemple, on prend la
région de l'Outaouais où quatre délégués
sont supposés siéger au collège électoral et que
vous avez facilement, disons, une trentaine de délégués
issus de différents organismes, comment un jeune de 15, 16 ou 17 ans
pourrait-il, à l'intérieur de ces 30
délégués, faire valoir sa candidature? On faisait valoir
que c'était difficile, d'abord, de trouver trois organismes qui
appuieraient sa demande, des organismes incorporés en vertu de la
troisième partie de la Loi sur les compagnies. Ensuite, une fois rendu
au sein de ces quelque 30 personnes dans la région, comment pouvoir
défendre son dossier, sa compétence à siéger
à un conseil? On a dit qu'il y avait un certain nombre de
difficultés. Je vous pose la question parce que la plupart des
organismes que vous représentez travaillent, justement, auprès
des jeunes de moins de 18 ans. Ce serait assez intéressant de voir
comment. Vous connaissez vos jeunes, vous avez des images en tête...
M. Hotte: C'est sûr que...
Le Président (M. Després): Je m'excuse, M. Hotte,
mais j'aimerais faire remarquer à Mme la députée de
Chicoutimi qu'il lui reste moins de deux minutes.
M. Hotte: C'est sûr qu'en pratique, si on regarde les 15-18
ans, j'ai l'impression que, dans le processus électoral de nomination,
il risque de ne pas y avoir de 15-18 ans. Je ne vois pas comment on pourrait
favoriser plus ou si cela favorise moins la participation des 15-18 ans. Ce
sera fait sous forme d'élection.
Mme Blackburn: En fait, je trouvais importante votre intervention
là-dessus parce que vous travaillez précisément
auprès de ce groupe d'âge. Vous êtes probablement la
personne qu'on a reçue ici la plus qualifiée pour nous dire dans
quelle mesure les jeunes que vous connaissez, autour de vous, seraient capables
de se défendre et de se faire une place à l'intérieur du
processus déjà indiqué dans la loi. Vous nous dites que
c'est difficile, selon vous.
M. Hotte: C'est sûr que c'est très difficile.
Combien y en a-t-il à l'Assemblée nationale qui ont l'âge
de 18 ans et plus?
Mme Blackburn: La procédure est quasiment aussi complexe:
il faut se trouver des appuis et ensuite défendre son dossier.
Certains mémoires nous ont recommandé qu'on réserve
des sièges, qu'on s'assure que, par exemple, il y en ait la
moitié pour les moins de 23, 24 ans. Je pense qu'ils y allaient de 18
à 22 et de 23 à 30; c'était la proposition qu'on a eue sur
la table. À quelques reprises, c'est revenu en disant: II faut s'assurer
qu'il y ait une représentation équitable entre les groupes
d'âge parce que la problématique est trop différente
dépendamment que vous avez 17, 18 ans ou 27 ans.
M. Hotte: À efficacité égale, je suis
favorable à une représentativité. Cela ne veut pas dire
que les plus jeunes sont moins débrouillards, mais, à un moment
donné, à efficacité égale... Cela veut dire qu'il
faut une efficacité au conseil. Je ne suis pas nécessairement
pour la représentativité. C'est peut-être surprenant, c'est
peut-être intolérant comme commentaire. Je travaille avec les
15-18 ans et il n'est pas dit qu'il n'y aura pas un passage même si c'est
moi ou quelqu'un d'autre plus âgé qui y sera. Il n'y a pas
d'inconséquence là.
Mme Blackburn: II ne faudrait surtout pas que vos propos soient
entendus par vos jeunes.
M. Hotte: Cela fait dix ans que je travaille avec les jeunes et
je n'ai pas de problème.
Mme Blackburn: Non, mais dire qu'ils ne sont peut-être
pas... qu'il faudrait choisir l'expérience plutôt que
l'âge.
M. Hotte: Non, l'efficacité.
Mme Blackburn: C'était simplement là-dessus. Vous
n'avez peut-être par tort, remarquez, ce n'était pas un
jugement.
Je voudrais, parce que mon temps est écoulé, vous
remercier à nouveau d'avoir participé à cette commission
parce que, je le rappelle, quand vous ne le faites pas, il y a quelqu'un
d'autre qui le fait en votre nom ou on ne le fait pas du tout. Je trouve
important que vous soyez là. Parmi les regroupements qu'on a
reçus, c'est le plus important, je pense, qui touche les jeunes de moins
de 18 ans. Les autres, c'est davantage, je dirais, de 18 à 30 ans, que
ce soit des maisons de jeunes, des maisons d'hébergement, des groupes de
soutien aux initiatives-jeunesse. Je trouve donc votre participation fort
intéressante et très pertinente. Je vous remercie.
Le Président (M. Després): M. le ministre, je vous
inviterais à conclure.
M. Gratton: Oui, M. le Président, très
brièvement, je voudrais d'abord faire mienne l'invitation que
lançait Mme la députée de Chicoutimi aux membres de la
commission de se rendre dans l'Outaouais constater les choses qui se font dans
le domaine de la jeunesse. Effectivement, le Centre des jeunes sans emploi est
une des résultantes très directes du Sommet
socio-économique de la région de l'Outaouais qui avait lieu le 9
mai dernier, au mont Sainte-Marie. On se rappellera qu'à cette occasion
c'est la jeunesse de l'Outaouais elle-même qui a su tirer son
épingle du jeu et obtenir des résultats très concrets et
très probants quant à l'implantation de cet équipement au
service des jeunes.
Je voudrais dire à M. Hotte que nous le remercions de sa
présence ce matin, de la contribution très positive qu'il a faite
à nos travaux et lui demander de continuer les efforts que lui et les
organismes qu'il représente font pour assurer qu'il y ait des
candidatures valables au collège électoral en provenance de
l'Outaouais. Cela étant assuré par les jeunes de la région
de l'Outaouais, il appartiendra, ensuite, au gouvernement d'assurer que la
région soit représentée également au Conseil
permanent de la jeunesse, ce que, à titre personnel, je souhaite de tout
coeur. Merci infiniment, M. Hotte.
M. Hotte: Merci.
Le Président (M. Després): M. Hotte, au nom des
membres de la commission des institutions, j'aimerais vous remercier de votre
participation au projet de loi 104 et de votre implication dans le milieu
jeunesse. Nous allons, maintenant, suspendre pour moins de deux minutes pour
permettre au Collectif de communication de Montréal, Vox Populi de
prendre place à la table des témoins.
(Suspension de la séance à 11 h 12)
(Reprise à 11 h 13)
Le Président (M. Després): J'atnerais
vérifier votre nom. Est-ce bien M. Jean-Marc Ravatel? M. Ravatel, au nom
des membres de la commission, il me fait plaisir de vous accueillir ici ce
matin pour que votre organisme vienne exposer son point de vue sur le projet de
loi 104 sur la formation du Conseil permanent de la jeunesse.
J'aimerais vous rappeler que vous avez 20 minutes pour faire votre
présentation et qu'il nous restera 40 minutes pour débattre le
sujet, à parts égales, entre le groupe ministériel et
l'Opposition officielle. La parole est maintenant à vous, M.
Ravatel.
Collectif de communication de Montréal, Vox
Populi
M. Ravatel (Jean-Marc): J'aimerais d'aborder signaler que je
représente Vox Populi; cependant, on a écrit le mémoire
avec Hélène Monette et au nom de Vox Populi. Je ne sais pas si
vous l'avez vu, mais on l'a fait signer par beaucoup de gens à la fin.
Je représente donc tout ce qui peut être à la fois groupes
culturels et sociaux de Montréal.
Pour aller droit au but, on trouve que, dès le départ,
vous visez mal la cible, c'est-à-dire que dans votre conseil vous
définissez quatre secteurs: le social, l'éducation, le travail et
le loisir. Nous ne voyons pas le mot culture là-dedans. Je pense que
vous êtes au courant, mais, parmi la jeunesse, la culture est un
phénomène très fort. Vous avez pu le voir
déjà avec l'Année internationale de la jeunesse. La
plupart des projets qui ont été présentés sont des
projets culturels; dans les travaux communautaires, il y a eu toutes sortes de
subventions. Si vous les lisez, vous verrez qu'il y a, au moins à 60 %,
des tendances culturelles. Si vous voulez parler des jeunes, vous êtes
obligés de parler de la culture, parce que c'est quelque chose qui est
en très grand essor au Québec, et les jeunes sont très
sensibilisés à ce problème.
On peut dire qu'on retrouve la culture dans le loisir et dans le
travail, mais nous considérons que c'est un bloc en soi. Dès le
départ, vous en nommez quatre, mais, nous, on en voudrait cinq. C'est
l'une de nos grandes revendications. Évidemment, la culture touche le
social, l'éducation et le travail. On aimerait aussi faire comprendre
que, souvent, on a tendance è considérer la culture comme un
loisir. Nous considérons que c'est faux, la culture n'est pas un loisir,
c'est un travail comme un autre. C'est surtout à ce niveau qu'on a
écrit le mémoire, pour essayer de vous faire prendre conscience
d'un peu de ce bloc. Vous n'avez peut-être pas l'impression d'en prendre
conscience réellement, surtout que c'est très Hé à
la jeunesse: culture, jeunesse. On ne peut pas parler de jeunesse sans parler
de culture. Je vis è Montréal et je pense que c'est pareil dans
les régions, beaucoup de gens sont impliqués dans des
activités culturelles et sociales, socio-culturelles. Dans ce projet de
loi, on n'en parle pas trop, c'est un peu oublié; c'est surtout pour
cela que je suis là. Je représente aussi beaucoup d'autres
groupes, par exemple, l'ATTACQ, qui est une association de travailleurs et
travailleuses artistiques culturelles du Québec. La revue Ciel
Variable et une autre qui s'appelle L'Oeil rechargeable, qui sont
toutes des revues à tendance culturelle et sociale.
Je pense que vous avez lu le mémoire et je ne veux pas
m'éterniser là-dessus, je préfère que vous me
posiez des questions, ce sera plus vivant.
Le Président (M. Després): J'inviterais maintenant
le ministre ou le député de Rousseau à prendre la
parole.
M. Thérien: Merci, M. le Président. Merci, M. le
ministre de me laisser parler. On a beaucoup de facilité avec le
ministre là-dessus.
M. Ravatel, je veux d'abord, au nom de la formation politique du
gouvernement du Québec, vous remercier de vous être
présenté devant nous pour nous parler de la jeunesse. Bien
entendu, à la lecture de votre mémoire, j'ai bien senti que vous
aviez profité de cette tribune pour nous sensibiliser à tout le
problème de la relève artistique. La relève, c'est la
jeunesse aussi. Je pense que vous avez bien fait de prendre cette tribune. Nous
pouvons quand même vous signaler que nous communiquerons votre
mémoire aux Affaires culturelles.
M. Ravatel: On l'a déjà fait, de toute
façon.
M. Thérien: Vous l'avez déjà fait. Nous en
enverrons un deuxième au cas où. Nous voulons vous faire
remarquer, M. Ravatel, que vous n'êtes pas le seul groupe qui ait
parlé de la culture. Nous sommes très sensibilisés
de ce côté-ci, et je crois que tous les intervenants de la
commission parlementaire le sont aussi, à la notion de culture qui fait
partie intégrante du vécu des jeunes au Québec. Bien
entendu, tout au long de votre plaidoyer, vous parlez de la difficulté
qu'ont les jeunes en ce qui concerne la culture artistique: les
difficultés financières et les difficultés de
reconnaissance aussi. C'est pour cela que vous avez introduit cela en disant
qu'on ne touche peut-être pas la bonne cible. La cible que nous voulons
toucher, et je crois que le ministre Ta bien étalé
déjà, c'est un véhicule, le Conseil permanent de la
jeunesse. Ce n'est pas le seul, cela en est un.
Tout cela pour m'amener à vous poser quelques questions sur votre
mémoire qui m'a fait porter réflexion sur la question de
l'âge. Bien entendu, c'est difficile de circonscrire d'où part la
jeunesse et où s'arrête la jeunesse. On peut parler de la jeunesse
du coeur. On sait très bien que le ministre s'est dit très jeune
l'autre fois à ce sujet. Vous dites que la relève culturelle se
vit jusqu'à l'âge de 35 ans....
M. Ravatel: Oui.
M. Thérien: Vous changez le plafond et les limites
d'âges. J'aimerais cela vous entendre là-dessus.
M. Ravatel: Le plafond, on ne le change pas vraiment... Si vous
prenez l'association EGG, les Échanges franco-québécois
définissent les jeunes comme ayant de 18 à 35 ans. Nous avons mis
35 ans parce que, justement, et surtout dans le domaine culturel, il est
très dur d'être reconnu avant 35 ans, c'est-à-dire que dans
le domaine de la culture, à 34 ans, on peut être
considéré encore comme un jeune. C'est pour cela que nous avons
élargi un peu pour le mémoire en tant que tel. Surtout dans le
domaine culturel, nous considérons qu'il y a des tas de gens qui ont 32
ou 33 ans et qui sont encore considérés comme de jeunes
artistes.
M. Thérien: Vous ne croyez pas qu'on va avoir le
même problème en disant que ceux qui ont 36 ou 37 ans et qui ne
sont pas reconnus sont encore des jeunes?
M. Ravatel: Non. C'est certain que c'est un critère
très subjectif, c'est évident. Dans le cas où il y aurait
quelque chose de créé sur la culture, nous aimerions agrandir cet
âge. Il y a beaucoup de personnes entre 30 et 35 ans qui sont justement
dans des domaines culturels, comme nous l'expliquons, qui travaillent dans ces
domaines depuis dix ans, donc, qu'on peut considérer comme
professionnels mais qui ne sont pas reconnus en tant que tels. C'est pour cela
que nous faisons exprès de l'élargir pour faire prendre
conscience aux gens que c'est une situation délicate qu'on peut vivre
même à 31 ou 32 ans dans le domaine culturel. C'est pour cela que
nous l'avons élargi, surtout pour le domaine culturel. J'ai vu vos
chiffres, c'est 18-30 ans.
M. Thérien: C'est 15...
M. Ravatel: C'est 15-30 ans, oui.
M. Thérien: Les balises que nous avons mises, c'est pour
la nomination des membres...
M. Ravatel: C'est cela.
M. Thérien: ...du conseil permanent. Je ne pense pas
qu'à l'intérieur les dossiers soient strictement limités
aux 15-30 ans.
Vous parlez aussi de l'introduction, et, je pense, à juste titre,
du mot culture à l'intérieur des quatre divisions. Si on mettait
loisir et culture, comment réagiriez-vous à cette
nomenclature?
M. Ravatel: Plus ou moins bien. Ce n'est pas pareil du tout. Un
loisir, bon... La culture, c'est quelque chose que nous vivons tous les jours.
Pour moi, le loisir, c'est quand, après son travail, on fait quelque
chose. On travaille dans la culture. Ce n'est pas un loisir. Pour beaucoup de
gens, faire de la peinture ou faire de la musique et tout, ce n'est pas:
après le travail, on va s'amuser à faire de la musique. Ce sont
des gens qui travaillent parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement. Ils ne
peuvent pas gagner leur vie avec leurs activités artistiques. Mais, pour
beaucoup de gens, c'est un travail à 100 % et on va même
préférer consacrer plus de temps à son travail culturel
qu'à la limite on en consacrera à son travail qu'on a dans le
social.
M. Thérien: Mais ne pensez-vous pas que c'est difficile et
qu'on ne tombera pas dans le loisir culturel, et ainsi de suite? Est-ce qu'on
est capable de départager complètement ce qui est culture et
loisir? Vous pensez qu'on est capable de bien déterminer cela et de
mettre des balises pour qu'on ait des représentants de la culture et des
représentants du loisir? II y a même des partis politiques qui ont
de la difficulté avec la sémantique et toutes sortes de
choses.
M. Ravatel: Vous me direz que je suis paranoïaque. On nous
parle souvent de loisir. Par exemple, je vais vous expliquer qu'en ce qui
concerne les demandes de subventions on est sans cesse en train de nous
renvoyer la
balle d'un ministère à un autre. Le ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, c'est lui qui nous donne des
subventions au niveau de la culture. Quand je lis cela, je trouve cela
aberrant; le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui
va nous donner des subventions pour des choses culturelles. C'est pour cela
qu'on a insisté là-dessus. On veut bien faire la
différence entre la culture et le loisir. La culture en tant que telle,
cela peut être un loisir, mais je considérerais que la culture
englobe le loisir et non pas le loisir englobe la culture. C'est plutôt
dans ce sens-là que je veux le dire. On peut considérer dans le
domaine de la culture un phénomène loisir, si vous voulez. Mais
il ne faut pas faire l'inverse et dire que la culture, c'est du loisir.
M. Thérien: Oui, je pense que c'est très
justifié et que vos explications sont véridiques. C'est
très difficile de... Mais je pense que le Conseil permanent de la
jeunesse va se faire un souci de ne pas oublier le côté culturel.
Je ne sais même pas comment on va introduire le mot culture, mais on
prend bonne note que la culture et le loisir présentent des
difficultés d'interprétation et qu'au moins on puisse se mettre
à jour du côté culturel.
J'ai une question très simpliste. Êtes-vous favorable au
Conseil permanent de la jeunesse, étant donné que vous n'en
parlez pas tellement dans votre mémoire?
M. Ravatel: Non, on n'en a pas parlé tellement parce qu'on
a eu du mal à obtenir l'information, primo. Par exemple, ce petit projet
de loi que j'ai là, j'ai eu du mal à le trouver. Même sur
le fait d'écrire des mémoires, on l'a appris un peu par hasard.
Ce sont des gens qui nous ont dit: Ah! vous avez des choses
intéressantes, vous devriez en écrire un. On était en
période de "rush" sur notre revue. Donc, on l'a fait un peu en
"sideline". Cela a été fait assez vite. On a essayé de le
faire signer par pas mal de monde, parce qu'on pensait aussi que les signatures
étaient importantes. Vous avez vu, il y a quand même des
signatures comme celle de M. Paul Toutant, de Radio-Canada, et beaucoup de gens
dans tous les domaines, culturel, artistique, de la production, même
aussi des groupes qui oeuvrent dans le domaine social comme le Collectif des
jeunes sans emplois et qui travaille plus dans le social. D'ailleurs,
j'aimerais vous poser des questions à ce sujet-là, pour
éclaircir un peu. Il y a un Secrétariat à la...
M. Thérien: Vous avez droit à vingt minutes.
M. Ravatel: ...jeunesse qui a été
créé pour l'Année internationale de la jeunesse.
Là, il y a eu le grand "boom", parce que c'était
l'Année internationale de la jeunesse et, donc, les subventions
pleuvaient. Tout était beau, tout était rose. Là,
évidemment, le gouvernement libéral rentre au Québec. Le
Secrétariat à la jeunesse était, entre guillemets,
évidemment beaucoup plus péquiste, j'imagine.
M. Thérien: C'est vous qui le dites.
M. Ravatel: Oui, c'est mot qui le dis et je le pense. Donc,
là, on craint qu'au Conseil permanent de la jeunesse... J'aimerais
savoir s'il n'y a pas un eourt-circuitage là-dedans. Il y a
déjà une institution qui est là." -Pourquoi n'est-ce pas
cette institution qui, elle-même, aurait pu créer ce... puisqu'il
y a déjà une institution, qu'elle a déjà une
expérience et qu'elle a pas mal d'archives. Étant donné
qu'elle a écrit plein de projets et qu'elle a vu plein de projets, elle
a déjà toute une expertise et, par les projets qui ont
été présentés dans le cadre de l'Année
internationale de la jeunesse, elle a un peu le moyen de tâter le pouls
de la jeunesse. Ces gens savent ce qu'ils veulent. D'ailleurs, ce sont
eux-mêmes qui m'ont dit que 70 % des demandes de projets étaient
des projets culturels, ce qui prouve que la culture est quelque chose de
très important pour la jeunesse québécoise.
Donc, j'aimerais qu'on me donne des éclaircissements sur le
mandat des deux. Qu'est-ce que va faire l'un et qu'est-ce que va faire l'autre?
Pourquoi dédoubler quelque chose qui aurait pu finalement être
fait par l'un ou par l'autre? Mais pourquoi ce dédoublement, en fait?
C'est seulement là-dessus...
Le Président (M. Després): Oui, M. le ministre.
M. Gratton: M. le Président, si on me permet.
Effectivement, parce que nous considérons qu'il y a deux objectifs,
qu'il y a deux fonctions qui sont complètement différentes. Dans
un premier temps, le Secrétariat à la jeunesse, lui, est un
organisme de coordination. C'est un organe de la fonction publique qui a pour
mandat de coordonner les efforts des divers ministères parce que le
dossier jeunesse étant un dossier horizontal, qui touche à
l'ensemble des ministères, c'est le rôle du Secrétariat
à la jeunesse, dans un premier temps, de coordonner les efforts des
divers ministères en ce qui a trait à la jeunesse et d'informer
la jeunesse des programmes gouvernementaux dans le domaine.
Un des changements qu'on a apportés en arrivant le 2
décembre 1985, c'est justement de nous assurer de la présence de
la secrétaire générale associée à la
jeunesse à cette table de concertation de l'ensemble
des secrétaires généraux associés, pour
s'assurer que l'élément jeunesse est présent partout, dans
toutes les discussions qui ont trait à des politiques qui, même si
elles ne s'adressent pas spécifiquement à la jeunesse, ont besoin
de tenir compte des intérêts de la jeunesse à ce
niveau.
Le conseil permanent, lui, est un organisme-conseil. C'est un conseil
consultatif que le gouvernement désire se donner pour être mieux
renseigné, pour s'assurer que les politiques qu'on peut instaurer
collent à quelque chose de vécu. Dans un certain sens, le
Secrétariat à la jeunesse va du gouvernement vers les organismes
de jeunesse dans les régions. Le conseil permanent, lui, agirait
à l'inverse, c'est-à-dire qu'il sensibiliserait le gouvernement
à la réalité vécue par les organismes de jeunesse.
D'ailleurs, on nous a suggéré à certaines occasions de
fusionner les deux. Pour nous, il s'agit de deux rôles très
distincts qui doivent demeurer distincts et qui ne remettent pas en cause
l'efficacité de l'un ou de l'autre.
M. Ravatel: Quels vont être en fait les rapporta entre ces
deux organismes? Est-ce qu'ils vont travailler de façon
complètement séparée? Je pense que le Secrétariat
à la jeunesse, dans une certaine mesure, peut, lui aussi, vous informer
sur ce qui se passe chez les jeunes. Je ne vois pas pourquoi vous voulez
forcément séparer du milieu vers le haut et du milieu vers le
bas. Cela peut très bien être... Je comprends bien ce que vous
voulez dire. C'est qu'il y en a un qui fait plutôt toute la
démarche vers le haut. Mais est-ce qu'il va être
complètement détaché du Secrétariat à la
jeunesse ou est-ce qu'il va utiliser les connaissances du Secrétariat
à la jeunesse?
M. Gratton: II est évident que le Conseil permanent de la
jeunesse pourra faire appel aux ressources qui sont disponibles. En fait, le
modèle est celui du Conseil du statut de la femme par rapport au
secrétariat générai et, comme on l'appelle, la ministre
déléguée à la Condition féminine. On sait
que les deux ont un rôle tout à fait différent. Souvent, la
ministre déléguée à la Condition féminine
peut vouloir se faire conseiller, obtenir des avis du Conseil du statut de la
femme. C'est un peu le même mécanisme que l'on prévoit en
ce qui a trait à la jeunesse parce que le dossier est le même.
C'est un dossier horizontal qui ne relève pas d'un seul
ministère.
Il reste à voir si, à la suite de l'adoption du projet de
loi 104, qui prévoit la création du Conseil permanent de la
jeunesse, le Conseil exécutif décidera d'en confier la
responsabilité soit à un ministre délégué
à la Jeunesse, comme c'est le cas pour la condition féminine, ou
à le laisser au premier ministre, comme c'est le cas
présentement. Quoi qu'il en soit, les deux relèveront toujours du
Conseil exécutif, à moins qu'on ne crée un
ministère de la jeunesse, mais je ne pense pas que nous soyons rendus
là.
M. Ravatel: D'accord.
Le Président (M. Després): J'inviterais M. le
député de Rousseau à continuer cet échange. (11 h
30)
M. Thérien: Je voudrais continuer étant
donné que cela va peut-être apporter certains
éclaircissements. Avez-vous eu la chance de constater dans le projet de
loi la façon dont on choisit les membres"? Je voudrais entendre votre
réflexion là-dessus. Êtes-vous d'accord avec cette forme de
nomination?
M. Ravatel: Ce que je trouve un peu délicat dans les
articles, c'est quand vous dites que quelqu'un, pour se présenter, doit
être commandité, si vous voulez, par trois organismes qui oeuvrent
dans... Parmi ces trois organismes, il doit y avoir au moins deux paliers
différents, par exemple, un palier sur le travail et un palier social.
C'est un peu le même problème qu'on avait avec la personne qui
était ici avant, c'est assez délicat. Par exemple, vous prendriez
Vox Populi, on travaille aussi bien dans le domaine culturel que social.
Je pense qu'il y a plusieurs petits organismes jeunesse... Les
organismes jeunesse touchent à beaucoup de choses à la fois. Je
prends l'exemple de ce que je vis. On est des tout petits groupes; on va faire
des événements à la fois sur la multi-ethnicité,
des événements à la fois sociaux, politiques et culturels
parce qu'on va présenter des expositions photos, des oeuvres
artistiques. Donc, à ce niveau-là, c'est un petit détail
technique, mais c'est assez délicat. Vous dites deux domaines
différents. En fait, je pourrais me faire présenter par trois
groupes qui pourraient dire aussi bien: Je suis un groupe culturel que je suis
un groupe social, etc. À ce niveau-là, il ne faut pas trop figer.
Ce sont des petits problèmes techniques que vous allez peut-être
rencontrer. Le choix en tant que tel ne me dérange pas trop. C'est
certain que la représentativité des 15-18 ans risque d'être
assez dure à obtenir. Je le vois même dans les groupes de jeunes
dans lesquels on travaille. La plupart des gens qui s'impliquent sont des gens
entre 20 et 30 ans. Avant 18 ans, c'est beaucoup plus délicat. Alors,
peut-être qu'à ce moment-là... Moi, je vous
suggérerais de faire une campagne de promotion. J'ai deux reproches
à vous faire. D'abord, j'ai été prévenu trop tard
de venir ici, parce que j'aurais pu venir
avec plus de monde. Je l'ai appris un peu à la dernière
minute. Cela m'a bousculé. J'aurais pu arriver avec d'autres groupes qui
travaillent dans le même domaine que nous et qui auraient aimé
venir ici. Je l'ai appris trop tard.
Je pense qu'il faudrait faire une promotion ou une publicité
à la télévision, ou je ne sais trop, pour informer les
jeunes qu'ils peuvent se faire élire è ce
collège-là. J'ai un peu peur. Dans ces choses-là, ce sont
souvent des gens qui sont intéressés politiquement ou ce sont
toujours les mêmes qu'on retrouve à ces conseils. C'est un peu
pour cela que je suis venu parce que c'est la première fois que je fais
une démarche politique aussi lointaine pour me rendre aussi haut. J'ai
toujours été très méfiant face à ces choses
parce que c'est souvent, finalement, la même "gang" qu'on retrouve.
J'aimerais, si on fait cela, qu'il y ait pour une fois des gens plus
représentatifs ou moins conscientisés politiquement; donc, moins
attirés par ces démarches-là, mais peut-être plus
représentatifs parce que, si vous voulez avoir un bon son de cloche, il
faut... Alors, à ce niveau-là, je vous suggérerais de
faire une campagne de promotion, parce que, moi, j'ai eu peu d'information
là-dessus. Il a fallu que j'aille chercher l'information, et je vous le
reproche un peu. J'aurais aimé que cela soit diffusé plus
largement pour qu'on soit plus au courant.
M. Gratton: Est-ce qu'on me permet, M. le Préaident? Vous
avez tout à fait raison. On est très conscient des
difficultés que comporte la démarche de sensibiliser des
organismes qui sont non seulement éloignés
géographiquement, mais qui sont également éloignés
par la non-politisation de leurs membres. Je vous donne ceci à titre
d'exemple. C'est la cinquième ou la sixième journée que la
commission des institutions consacre à l'étude des
mémoires sur le projet de loi 104 et, sauf erreur, outre les remarques
d'ouverture du chef du gouvernement, du chef de i'Qpposition, de Mme la
députée de Chicoutimi, je ne pense pas que j'aie vu un seul
article de journal ou un seul reportage qui touche aux travaux que nous faisons
quand même depuis six jours. C'est dire que le seul fait de tenir une
commission parlementaire n'est sûrement pas la façon d'informer
les organismes intéressés à poser ou à appuyer des
candidatures.
Nous devons trouver une façon de sensibiliser le plus large
éventail d'organismes possible tout en reconnaissant que cela ne sera
pas par une déclaration de l'Assemblée nationale ou une motion
adoptée à la commission parlementaire que cela va s'effectuer,
parce que, de ce côté-là, cela manque
énormément de diffusion.
M. Ravatel: Une question technique: Vous avez reçu combien
de mémoires?
M. Gratton: Une quarantaine au total dont environ un peu plus de
la moitié ont fait l'objet d'auditions jusqu'à maintenant. Ces 40
organismes regroupaient - il y a énormément de regroupements -
quelque 250 ou 275 organismes oeuvrant dans le domaine de la jeunesse. Je ne
pense pas qu'il y ait une seule région du Québec qui n'a pas eu
au moins un représentant. D'ailleurs, le groupe qui vous a
précédés ce matin était le seul organisme provenant
de la région de l'Outaouais qui soit venu présenter des
mémoires, mais il y a eu au moins un organisme pour chacune des
régions, Je retiens, parce que c'est factuel, la nécessité
pour le gouvernement... Cela sera fait par le Secrétariat à la
jeunesse.
Pour en revenir à la distinction que l'on fait, je me permets de
compléter ma réponse de tantôt. Quand on parle du
Secrétariat à la jeunesse, on parle d'un organisme de
coordination interministérielle, un organisme de la fonction publique,
donc, qui répond au gouvernement, alors que le Conseil permanent de la
jeunesse est un organisme autonome - on va tâcher de faire en sorte que
le projet de loi l'indique très clairement et plus clairement que
certains semblent croire - qui ne répond pas du gouvernement et qui
fournit des avis au gouvernement sur demande du gouvernement ou de sa propre
initiative. C'est là la distinction fondamentale.
M. Ravatel: Son pouvoir, en fait, il a le droit de faire des
recommandations et ça s'arrête là. Il peut faire ses
recommandations, lesquelles peuvent être appliquées ou non. Ce
n'est pas le Conseil permanent de la jeunesse qui a la décision finale
de les appliquer.
M. Gratton: Évidemment pas. La décision finale
demeure toujours au gouvernement puisque les politiques gouvernementales
doivent être adoptées par le gouvernement. La pression que peut
exercer un conseil permanent de la jeunesse face à des avis ou à
des conseils que le gouvernement ne retiendrait pas, ce serait justement par le
biais de la diffusion, un peu comme d'autres conseils consultatifs le font
présentement. Tout au moins, cela nous donne un organisme le plus
représentatif possible des divers éléments des
différents organismes de jeunesse de l'ensemble des régions du
Québec, si possible, de divers secteurs d'activité. Ces personnes
ne sont pas à la solde du gouvernement et ne sont pas des
fonctionnaires, mais ce sont des personnes indépendantes, prêtes
à conseiller le gouvernement en matière de politiques qui visent
la jeunesse.
Le Président (M. Després): Est-ce que le
député veut ajouter autre chose?
M. Thérien: Seulement pour compléter avant de
passer la parole à...
M. Gratton: Je m'excuse auprès du député de
Rousseau.
M. Thérien: Pas du tout, cela me fait plaisir. D'ailleurs,
c'est très justifié.
Je voulais aussi vous féliciter pour les nombreux intervenants -
vous l'avez souligné - qui ont signé votre mémoire, ce qui
prouve que cela porte intérêt et que cela rayonne sur d'autres. Je
veux vous féliciter d'avoir vaincu cette peur ou cette crainte d'une
démarche dite politique, mais qui est plutôt une démarche
sociale très importante, comme le soulignait la députée de
Chicoutimi tantôt. C'est très important que les gens qui ont
quelque chose à dire le disent. Je pense que c'est la place pour le
faire au Parlement. Je vous remercie.
Le Président (M. Després): J'inviterais donc
maintenant la députée de Chicoutimi à continuer le
débat.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, M.
Ravatel. Au nom de ma formation politique, cela me fait plaisir de vous
souhaiter la bienvenue et de vous dire que je suis heureuse de vous voir
là parce que c'est le seul mémoire qui nous parle effectivement
des jeunes travailleurs. C'est assez étonnant, et j'ai eu l'occasion de
le souligner à quelques reprises. Même la CEQ qui est venue nous
parler ici est venue nous parler des jeunes de façon
générale et n'a pour ainsi dire pas du tout touché
à toute la question des jeunes travailleurs. Ce que je veux voir dans
votre mémoire, vous venez nous parler des jeunes travailleurs dans les
industries culturelles. Quand on parle de culture, on a l'impression, non pas
l'impression parce que cela a été énoncé ici
à quelques reprises de façon claire, on fait une
équivalence entre le loisir et la culture. Je dirais - c'est une de mes
difficultés - que la culture, c'est à la fois le travail, c'est
à la fois le social, c'est à la fois l'éducation et c'est
à la fois le loisir. C'est pourquoi je me demande comment et à
quel titre vous pourrez éventuellement faire des recommandations pour,
par exemple, des candidats. Vous, normalement, on devrait vous classer dans le
travail; c'est logique et normal puisqu'on parle de jeunes travailleurs de
l'industrie culturelle. Cela pose une difficulté majeure. Je pense que
la plupart des pays qui sont un peu à l'avant-garde estiment que la
culture représente le secteur le plus dynamique et le plus prometteur de
création d'emplois, qui passe devant la plupart des autres secteurs
parce que c'est le seul secteur qui ne connaît pas d'effets
négatifs dus au développement des nouvelles technologies. Il ne
fait que s'enrichir des nouvelles technologies et cela ne fait pas pour autant
freiner le développement de ces besoins. Par exemple, si on pense aux
vidéoclips, cela n'a pas eu comme effet de ralentir, cela n'a fait
qu'améliorer le produit, le rendre plus rapidement efficace; c'est un
autre mode de communication. Dans ce sens-là, c'est beaucoup plus
prometteur que, par exemple, les industries du meuble parce que, dans
l'industrie du meuble, la nouvelle technologie a comme effet de rendre la
production plus efficace. Comme vous ne pouvez pas consommer beaucoup plus de
meubles que ce qu'on consomme dans une vie, ce n'est pas dans ces secteurs
qu'il faut investir, mais davantage dans le secteur des industries
culturelles.
J'aimerais faire appel à vos connaissances par rapport à
tout ce qui touche le domaine du travail culturel. Savez-vous combien il y a de
travailleurs dans les différentes industries culturelles, que ce soit la
littérature, le cinéma et la photographie, le
théâtre, la danse, etc.?
M. Ravatel: Non, je ne pourrais pas donner un nombre.
Mme Blackburn: Non?
M. Ravatel: C'est assez délicat à définir
parce que, dans ces milieux, malheureusement, beaucoup de gens ne sont pas
rémunérés régulièrement, il y a beaucoup de
pigistes. Donc, il y a ceux qui travaillent dans ce domaine à temps
plein et il y a une infinité de pigistes qui vont travailler trois ou
quatre mois sur un projet et même moins; je parle surtout du domaine du
cinéma et de ces choses-là. C'est assez difficile. Mais, par mon
vécu et mon expérience, je considère qu'au moins un jeune
sur deux a une préoccupation culturelle. Cela est important. Vous
parlerez avec beaucoup de jeunes et ils vont vous dire qu'ils font un travail
parce qu'ils ont besoin d'argent pour s'acheter de la peinture ou des choses
comme cela. Je suis citoyen canadien, il y a seulement quatre ans que je suis
là, je viens de l'autre bord de l'Atlantique, et je peux dire qu'il y a
présentement au Québec un phénomène culturel
très riche, une effervescence culturelle énorme que je
considère comme très intéressante, même plus
intéressante que ce qui se passe en France, par exemple. J'ai
l'impression qu'on est en train de la gaspiller. C'est un peu pour cela que je
suis là, parce qu'on va parler des coupures et de ces trucs. Il y a eu
beaucoup de coupures dans le secteur culturel, cela bouge un peu. C'est aussi
pour cela que nous avons préparé ce mémoire, pour appuyer
ce que d'autres personnes font avec la ministre des Affaires
culturelles, Mme Lise Bacon. On voulait aussi que la jeunesse entende
parler de la culture. J'ai l'impression qu'on est en train de faire un gros
gaspillage présentement au Québec; c'est un peu pour cela que je
suis là, pour essayer de tirer la sonnette d'alarme et dire aux gens
qu'il est vrai que l'industrie de la culture rapporte - on a vu encore
récemment les chiffres dans un article sur l'actualité -pas mal
plus que d'autres industries, sauf qu'on a du mal à calculer; c'est
flou. En plus de cela, un jeune qui va créer, cela va l'empêcher
de faire des tas d'autres affaires. Je connais plein de jeunes qui sont sortis
plus ou moins de la délinquance grâce à une activité
culturelle ou quand ils sont entrés dans une organisation de spectacles
ou des choses comme cela. Ce sont des choses très concrètes; je
pense qu'on fait un travail sur le terrain qui est très
intéressant, mais, malheureusement, il est plus ou moins reconnu. La
culture est encore considérée comme: "Bof!" L'armement et
l'économie d'abord, la culture ensuite. Au Québec, il y a un
phénomène culturel qui, je le répète, est
très fort, très riche et il faudrait que le gens s'en rendent
compte et en prennent conscience. Surtout le Québec, de par sa position
en Amérique du Nord, a une culture bien particulière et il se
doit de l'encourager et de la faire connaître. Je dirais qu'actuellement
je ne le ressens pas tellement, je ressens même plutôt
carrément un repli. C'est à peu près tout ce que j'ai
à dire sur le sujet.
Mme Blackburn: II y a des chiffres qui circulent touchant
à la rentabilité ou à la productivité en
matière d'investissement culturel. Si je ne m'abuse, on dit que chaque
dollar investi en rapporte sept. Est-ce exact? J'essaie de me rappeler. (11 h
45)
M. Ravatel: C'est cela, c'est un rapport de 6 $ ou 7 $.
Justement, à ce sujet, je voudrais ajouter des choses aussi. Si jamais
le conseil permanent - ce sont des conseils que je vous donne - ou si vous avez
l'intention de faire un travail sur la culture, là, souvent, on nous
dit, autant le gouvernement fédéral que provincial - il y a aussi
des articles qui essaient de nous le faire croire - que l'État est
fatigué de soutenir les industries culturelles, de les financer et tout,
en disant qu'il faut se tourner vers le privé. C'est le grand discours
qu'on entend de partout: Le privé va ouvrir ses bras aux jeunes artistes
et va leur donner de l'argent. C'est peut-être vrai sur certains plans,
mais, nous, la jeunesse en tant que telle on n'en ressent aucun effet. Juste
pour donner un exemple concret, on a une belle revue qui s'appelle Ciel
Variable et on considère que c'est une très jolie revue
comprenant photos, diffusion de photographies et tout. On a fait
énormément de démarches auprès des grandes
compagnies pour obtenir, on ne leur demandait pas grand-chose, 500 $, pour nous
acheter une demi-page pour nous payer l'impression parce qu'on en avait besoin.
On leur faisait de la publicité, par exemple, Hydro-Québec ou
Alcan, toutes ces grosses compagnies. On lit dans les articles de
l'actualité que ces grandes compagnies sont prêtes maintenant
à ouvrir les bras aux jeunes artistes et à leur donner de
l'argent.
Je considérais que c'était un leurre. On nous fait croire
cela, mais ce n'est pas vrai. Ces gens investissent sur ce qu'on appellerait
des chevaux sûrs, c'est-à-dire qu'ils vont investir sur des gens
qui sont très connus, ils investiront sur des valeurs sûres. Ils
n'ont encore absolument pas dans leur tête l'idée d'investir sur
des choses plus petites - peut-être qu'ils font moins parler d'eux - mais
qui, finalement, sont tout aussi efficaces. Je pense que, si vous aviez un
travail à faire sur ce plan, j'aimerais que la commission permanente se
préoccupe de ce problème. Par exemple, dans les recommandations,
à un moment donné, on dits Par exemple, pourquoi les compagnies
qui investissent dans des activités culturelles n'auraient-elles pas des
déductions d'impôt? Ce sont des petites solutions
concrètes. Je pense qu'il y aurait un effort du gouvernement à
faire. C'est notre rôle; nous, on le fait, mais c'est aussi le rôle
du gouvernement de faire comprendre aux entreprises privées qu'il serait
peut-être temps qu'elles se décident à financer la culture.
C'est, à mon avis, un phénomène, un gros morceau de cette
problématique. Elles ne sont pas encore prêtes pour l'instant.
Donc, vous, votre rôle, ce serait un peu cela aussi parce que vous
allez avoir un certain pouvoir. Les espoirs qu'on a, c'est un peu par rapport
à cela, sensibiliser les compagnies privées à investir
dans la culture et pas forcément dans de la culture qui est voyante ou
qui est "sage". Investir dans une culture peut-être moins voyante, mais
finalement tout aussi efficace, qui fait travailler beaucoup de monde et qui
motive beaucoup de monde. Il y a une chose qui est fantastique chez le peuple
québécois, c'est son volontariat. Dans la culture, les jeunes
sont volontaires. Ils ont le goût de le faire même si cela va leur
coûter de l'argent. Je connais des tas de musiciens qui, pour aller faire
un show, ne sont même pas rémunérés. Cela va leur
coûter 100 $ de transport pour amener leur matériel, mais ils ont
envie de le faire, ce qu'on ne retrouve pas forcément dans beaucoup
d'autres pays. Comme je vous l'ai dit, j'ai l'expérience de la France et
je peux vous dire que dans ce domaine il y a quelque chose de très riche
ici qui se passe. Je pense qu'il faudrait en être conscient et ne pas le
gaspiller. C'est un peu cela qui me tient à coeur en ce moment.
Mme Blackburn: Vous nous présentez, je
le rappelle, un mémoire qui situe davantage la culture dans le
monde du travail, dans les entreprises culturelles. On a créé au
Québec des groupes de soutien aux initiatives jeunesse qui ont comme
mandat, à la fois de recevoir, d'examiner et d'analyser les projets de
création d'entreprises pour accorder l'aide technique en particulier
pour la création d'entreprises. Est-ce que vous avez déjà
été informé de l'existence de tels groupes? II y en a 85
au Québec. Est-ce que dans le genre d'entreprises auxquelles vous faites
référence, il est possible de s'adresser au groupe de soutien des
initiatives jeunesse? L'avez-vous déjà fait? Est-ce que les
réponses sont positives? Est-ce qu'on vous considère comme le
monde du loisir?
M. Ravatel: Je suis au courant que cela existe. On a fait
quelques démarches, mais à ce chapitre le domaine culturel n'est
pas très reconnu. Cela est plutôt, de ce que j'en connaisse, dans
les petites entreprises. En tant qu'entreprise culturelle, j'ai
été à un colloque au cégep, à Laval sur ce
qu'on appelle, un mot qui est très à la mode de nos jours,
I'entrepreneurship; cela marche très fort, c'est une grande idée.
Ce dont vous parlez est un peu dans le même domaine, mais c'est de
l'entrepreneurship très... Comme je le ressens, c'est plutôt du
genre entrepreneurship très petite chose privée. Dès qu'on
parle de culturel, c'est certain qu'une revue n'est pas rentable. Si voua
regardez le domaine de l'édition au Québec, les chiffres en face,
qui est-ce qui va vous financer? C'est certain que ce qu'on espérait
ultimement, c'était de sortir quatre numéros et de faire
travailler des gens là-dessus qui soient rémunérés,
mais nous ne voulons pas aller gros parce que nous savons très bien
qu'il y a des domaines comme cela qui sont... Ces gens pensent en hommes
d'affaires. Ils ne penseront pas: Bon, avant de nous financer, il va falloir
leur apporter des chiffres de rentabilité. C'est certain, par exemple,
que pour l'édition on ne peut pas inventer que c'est rentable si ce
n'est pas rentable. Ce n'est pas rentable justement parce qu'il n'y a pas
tellement d'effort3 faits sur cela. C'est comme un peu un cercle vicieux. Ce
n'est pas rentable parce qu'on ne nous aide pas et, quand on veut nous aider,
il faut qu'on soit rentable. Si on n'est pas aidé, on se sort
difficilement de ce cercle.
J'ai entendu parler de ces choses. Nous n'avons pas vraiment fait la
démarche parce qu'il y a aussi une question de temps. Nous visions
plutôt du rapide et du pratique avec la publicité. J'ai
l'impression que c'est plutôt dans un domaine très privé.
Ce que je reproche un peu actuellement, que ce soit au niveau
fédéral ou provincial, c'est vraiment le mot entrepreneurship. On
essaie de nous faire voir plein d'affaires et tout. J'ai l'impression que mieux
resituer les choses...
Ce n'est pas évident pour un jeune de comprendre tout de suite ce
que c'est que l'entrepreneurship. Il le comprendra peut-être plus
à travers justement un travail comme cela. Je pense que ce sont de
bonnes intentions, mais, en ce qui a trait à l'efficacité, je ne
sais pas. Je ne peux pas porter de jugement. Nous, en tout cas, nous n'avons
pas vraiment été attirés par ces organismes pour
l'instant. Par contre, l'initiative est très intéressante. Cela
reste difficilement accessible, je trouve.
Mme Blackburn: Tout à l'heure, à une question du
député de Rousseau, vous disiez ne pas devoir compter, et surtout
les jeunes, sur le secteur privé pour développer les industries
culturelles ou encourager la culture en disant que les grandes entreprises, si
elles investissent dans des produits culturels, elles s'en vont du
côté des valeurs sûres, de ce qu'on appelle les "blue
chips", et cela a peu à voir finalement avec l'encouragement à la
relève. Vous dites que l'encouragement à la relève serait
davantage une responsabilité de l'État.
M. Ravatel: Je suis tout à fait pour que les compagnies
privées se mettent à investir dans cela, sauf qu'elles ont comme
dix ans de retard avant qu'elles comprennent cela. Je pense que le gouvernement
a un rôle à ce niveau pour les sensibiliser, notamment en
créant des projets de loi ou des exonérations d'impôt. Il y
a un travail à faire aussi de la part du qouvernement à ce sujet.
Je considère aussi que le gouvernement se doit de financer la culture
parce que c'est quand même quelque chose qui lui revient. C'est quelque
chose qui lui rapporte beaucoup en retombées sociales et
économiques. Je pense qu'en retombées sociales cela lui rapporte
beaucoup. II y a beaucoup de gens, comme je l'ai dit, qui évitent la
délinquance ou des problèmes à travers des
activités culturelles. Il faudrait que le gouvernement se rende compte
qu'à long terme c'est un poids social. Cela peut paraître
coûter cher de financer cela, mais à long terme c'est très
bénéfique. Évidemment, on vit tout le temps avec des
gouvernements qui pensent à très court terme. C'est un peu cela
aussi le problème de base. À ce sujet, je pense qu'ils doivent
faire un effort en ce qui a trait au privé pour qu'ils comprennent plus
cela, mais le gouvernement aussi doit continuer à remplir son rôle
et non pas tout... Alors, s'il veut se décharqer de cela sur le
privé, qu'il fasse la démarche pour que le privé le
comprenne et le fasse aussi bien que lui, sauf qu'à l'heure actuelle ce
n'est pas vraiment cela qui se passe. Il a une démarche à faire,
mais je pense aussi qu'il doit continuer à subventionner et à
aider la culture des jeunes de son pays. Si ce n'est pas lui qui le
fait, ce sera qui d'autre? Ce seront les privés, mais, comme on
dit, les privés ne sont pas très chauds sur cela. Il faut bien
que quelqu'un le fasse.
Mme Blackburn: Vous dites que, quand la culture est un
gagne-pain, on ne peut pas laisser exclusivement le soin à l'entreprise
privée de la développer.
M. Ravatel: Non. Il faut que les deux intervenants soient
là. Non, l'idée du privé est intéressante, mais il
faut quand même que le gouvernement reste un intervenant dans ce domaine,
c'est certain.
Mme Blackburn: Tout à l'heure, vous vous interrogiez sur
les pouvoirs effectivement dévolus au Conseil permanent de la jeunesse
en rappellant qu'ils étaient exclusivement consultatifs. Dans cette
perspective, qu'est-ce que peut faire un conseil permanent de la jeunesse pour
tout le dossier que vous venez de nous présenter, et
particulièrement tout ce qui a trait aux travailleurs des industries
culturelles?
M. Ravatel: II y aurait aussi un effort de promotion à
faire. C'est délicat de parler de ce problème parce que, comme on
dit, la culture touche un peu à tous les paliers. Donc, pour moi, dans
ma manière de vivre, c'est quelque chose d'important. Je pense que la
culture d'un peuple, c'est intéressant. Quand on maintient les gens dans
la sous-culture, on en fait ce qu'on veut et ils sont manipulables. Donc, c'est
certain que d'un autre côté... Je pense que c'est un acquis
très important. À ce sujet, le Conseil permanent de la jeunesse
pourrait faire des efforts de promotion pour faire comprendre l'importance de
la culture dans la vie de tous les jours, de tout un chacun. Souvent, les
personnes ordinaires considèrent encore la culture comme un
phénomène de marginalité. Ah! oui. Lui, c'est le peintre,
le "flyé" qui fait de la peinture. Il aura du mal à comprendre
que cette personne peut travailler autant que quelqu'un à l'usine dans
ce domaine, qu'elle y met autant d'énergie, autant d'espoir. Il devrait
y avoir des recommandations faites au niveau de la promotion de la culture chez
les jeunes. La relève, c'est nous autres. Si on ne nous aide pas ou si
on continue à laisser les situations telles quelles, il y en aura de
moins en moins et les gens vont se fatiguer. Je connais personnellement
beaucoup de personnes qui ont laissé la culture parce qu'elles en
avaient marre d'être sur le bien-être social et d'être dans
des conditions de travail très dures. Elles ont
préféré retourner, parce que ce sont des gens qui peuvent
être compétents. Beaucoup peuvent travailler comme recherchistes.
Beaucoup de gens quittent ce domaine parce que, au bout d'un moment, ils en ont
marre, ils craquent. Ce sont des gens qui, à mon avis, ont beaucoup de
talent.
Donc, arriver à faire un effort de promotion et aussi faire une
politique de diffusion, de lieux de diffusion. On a de gros problèmes.
Il y a beaucoup de créateurs et de matériel créatif, mais
très peu de lieux de diffusion ou ils sont toujours
réservés aux mêmes, quasiment. Il y a donc un effort
è faire dans la diffusion et dans la promotion pour faire comprendre
plus aux gens, faire entrer dans la tête des gens, l'idée de la
culture parce que les gens ont encore, à mon avis, une idée bien
fausse de ce qu'est cette problématique. C'est une idée encore
très archaïque. Il serait temps de moderniser un peu et
d'actualiser la masse en général à cette
problématique. Je pense que, là-dessus, il y aurait un effort de
promotion et, dans le travail de commission, cela devrait être tout le
temps en toile de fond.
Mme Blackburn: L'une de vos principales recommandations est de
faire une place è la culture au même titre que le travail, le
loisir et l'éducation. Je dois vous dire que, pour ma part - je voudrais
le faire ici, à cette occasion - je voudrais m'engager à
défendre cette place que vous voulez faire à la culture au sein
des secteurs officiellement reconnus.
M. Ravatel: Notre principale recommandation, avant de parler du
reste, on commence par cela: vous avez mis l'éducation, le travail, le
social et le loisir, et nous aimerions qu'il y ait une cinquième section
qui soit la section culture. C'est notre première revendication; de
là découlent toutes les autres, en fait.
Mme Blackburn: Je pense que c'est particulièrement
important et pertinent parce que les pays qui ont le plus de succès
actuellement sur le plan économique, ce sont ceux qui ont d'abord
investi dans la culture parce qu'ils voient un rapport entre la capacité
d'être productifs, imaginatifs et efficaces, et la qualité du
développement culturel et de l'imagination qui passe par la
fréquentation des arts. Dans ce sens-là, on pense à
certains pays d'Europe, au Japon en particulier et à la Corée,
qui ont investi beaucoup dans la culture parce qu'ils estiment que c'est l'une
des meilleures façons de donner à une population cette
imagination, cette créativité qui la rend tantôt productive
et imaginative en matière de développement économique.
L'autre raison qui a incité ces pays à investir massivement dans
le développement de la culture, c'est qu'ils estiment que le
développement de l'économie se fera beaucoup par le biais du
développement de ce que j'appellerais les productions ou les biens
culturels, la
production de biens de consommation, si vous me passez l'expression,
d'ordre culturel, de nature culturelle. Je trouve que c'est très
important et particulièrement au Québec parce qu'il est
prouvé que toute population de moins de 15 000 000 d'habitants ne peut
absolument pas développer sa culture sans une aide réelle et
concrète de l'État, donc sans l'intervention de
l'État.
Je voudrais dire également que Je partage la lecture que vous
faites par rapport à la richesse, à la production culturelle au
Québec. On l'a dit à plusieurs occasions, la culture au
Québec est faite de deux grands courants culturels: le courant
européen et le courant américain. Je dirais aussi qu'on s'est
enrichi de nos racines amérindiennes, ce qu'on oublie trop souvent
lorsqu'on parle de la qualité de la culture ici et des valeurs qu'on
défend.
Je suis d'accord avec vous que, dans cette perspective de contribution
de l'État au développement de la culture au Québec,
encourager la participation du privé nous paraissait essentiel. Les
dernières décisions du gouvernement ont précisément
comme effet de ralentir les investissements dans le domaine culturel, et je
pense en particulier aux actions accréditives qui étaient
déductibles à 166 %. On sait que ce sont des secteurs à
risque élevé, l'industrie culturelle, et, au dernier budget, le
gouvernement décidait de réduire la déduction, de la faire
passer de 166 % à 133 %, si ce n'est à 100 %. Il faudrait que je
revérifie mes données. Ce qui fait que cela a comme effet de
ralentir la volonté des entreprises privées de venir investir
dans des industries culturelles. Je me rappelle le propos, d'ailleurs, de la
ministre qui disait en Chambre que ce n'était pas très important
parce que de toute façon cette aide venait aider à la production
de films québécois pornographiques et que c'était la
raison pour laquelle ce n'était pas très important même si
l'entreprise privée se retirait de ce secteur d'activité.
Je voudrais juste vous rappeler en terminant, d'abord, vous remercier
à nouveau de votre contribution et rappeler que votre mémoire est
un des rares qui viennent nous parler précisément et
exclusivement de travailleurs dans un secteur d'activité. Vous dire
également que, pour l'essentiel, votre principale recommandation qui
veut faire une place spécifique à la culture au sein des secteurs
reconnus, je m'en ferai la porte-parole. J'espère que la partie
ministérielle prendra sérieusement en compte votre recommandation
parce que je pense qu'elle a tout à fait sa place. Je vous remercie.
Le Président (M. Després): M. le ministre.
M. Gratton: M. le Président, je voudrais, moi aussi,
remercier M. Ravatel de sa contribution à nos travaux. Lorsque nous
avons décidé de tenir cette consultation générale
sur le projet de loi 104, nous visions à connaître le point de vue
des intéressés quant au contenu du projet de loi 104. Nous
voulions également échanger, en toute franchise, avec les
organismes qui s'intéressent à la problématique jeunesse
et faire en sorte que nous puissions ensemble cheminer vers des solutions
à l'élaboration desquelles le Conseil permanent de la jeunesse
pourra contribuer. Dans ce sens, je pense que la présentation de votre
mémoire ce matin, qui contient des choses que personne d'autre n'est
venu nous dire jusqu'à maintenant, a été très
éclairante pour le gouvernement. Je vous prie de croire que nous ferons
en sorte que vos recommandations obtiennent une considération
sérieuse.
D'autre part, je pense que vous pourrez repartir avec une conception
plus complète que celle que vous n'aviez avant de venir. Je vous prie de
croire que tout ce que vous pourrez faire pour faire connaître les
intentions du gouvernement ou l'intention de la législation pour que des
candidatures provenant du milieu qui vous intéresse soient posées
au collège électoral sera bienvenu.
Je souligne au passage que ces liens avec les gens du milieu que nous
souhaitions pouvoir établir ici en commission parlementaire
s'accompagnent également... Ce matin, en particulier, au cours de la
présentation de votre mémoire, un membre du cabinet de Mme la
ministre des Affaires culturelles, Mme Bacon, est présent. M. Mario
Genest, qui est à votre extrême droite, j'en suis sûr, saura
assurer le suivi qui s'impose.
Quant à nous, de la commission, et les membres du gouvernement,
nous vous remercions à nouveau de votre collaboration. Nous vous
assurons que nous considérons très sérieusement les
remarques que vous nous avez faites.
Le Président (M. Després): M. Ravatel, je vous
remercie beaucoup de votre participation à la commission des
institutions dans le cadre du projet de loi 104. Je vais maintenant suspendre
les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 5)
(Reprise à 15 h 19)
Le Président (M. Filion): Alors, nous allons donc
poursuivre nos travaux de consultation eu égard au projet de loi 104,
Loi sur le Conseil permanent de la Jeunesse. L'ordre du jour de cet
après-midi: Nous allons commencer nos travaux avec les
Travaux communautaires du Haut-Richelieu Inc. et je voi9
déjà son représentant, M. Jean Thouin, qui a pris place
à la table des invités; suivront à 16 heures les
représentants de la Maison Tangente qui sont également
présents parmi nous et à 17 heures les représentants de la
maison L'Antre-Temps.
Donc, bienvenue, M. Thouin. Et, sans plus tarder, je vous inviterai
à bien vouloir présenter le mémoire préparé
au nom des Travaux communautaires du Haut-Richelieu Inc.
Travaux communautaires du Haut-Richelieu Inc.
M. Thouin (Jean): Merci. M. le Président, mesdames et
messieurs les députés, M. le ministre. Les Travaux communautaires
du Haut-Richelieu, c'est un organisme qui s'occupe de jeunes contrevenants, des
jeunes qui ont été arrêtés pour des délits
mineurs, des gens entre 13 et 18 ans. Notre approche avec ces jeunes, c'est de
les faire travailler dans des travaux bénévoles pour compenser un
peu les torts qu'ils ont causés, mais c'est surtout de les
intégrer dans la communauté. On regarde surtout le
côté positif, le potentiel de ces jeunes et non pas le ou les
délits qu'ils ont commis. Nous nous sommes penchés sur le projet
de loi au conseil d'administration. On s'est dit d'accord avec ce projet
d'avoir un Conseil permanent de la jeunesse pour apporter une meilleure
compréhension de la situation des jeunes au gouvernement et, aussi, je
pense que cela peut apporter une meilleure connaissance de la situation pour la
population.
Il y a des points qui nous ont surpris un peu, des articles du projet.
D'abord, la définition d'un organisme jeunesse, telle qu'elle est
libellée, comme étant un organisme incorporé, etc. selon
la troisième partie. Il y a un autre point qui nous a surpris, c'est
lorsqu'on parle seulement de quatre secteurs concernant les jeunes et qu'on
parle surtout de la problématique jeunesse au lieu de parler de la
question jeunesse. Ce n'est pas juste un problème, les jeunes; il y a
beaucoup de potentiel là-dedans et cela nous a surpris aussi,
finalement, les moyens accordés à la commission, en comparant
avec des documents qu'on a reçus du secrétariat, par rapport aux
moyens accordés à d'autres conseils. Donc, on se demande si ce
n'est pas un conseil à rabais.
Alors, pourquoi parler de problématique jeunesse et non pas de
question jeunesse? C'est un peu parce qu'évidemment il y a des
problèmes qui surviennent avec les jeunes, mais il faut regarder bien
plus le côté de leur potentiel, je pense. J'imagine qu'il y en a
d'autres qui l'ont dit avant. Ensuite, on a intitulé notre
mémoire: Les Jeunes: notre avenir et aussi notre présent. Les
jeunes sont actifs dans différents domaines. On n'est peut-être
pas toujours porté à regarder ce qui se fait de positif, mais
c'est bien sûr que les manchettes des journaux, c'est souvent concernant
ce qui se fait de négatif et des malheurs.
Donc, les jeunes, notre avenir et notre présent c'est
là-dessus que le conseil devrait miser et on recommande d'élargir
un peu la composition du collège électoral pour avoir 50
personnes qui représentent huit secteurs différents dans lesquels
le gouvernement intervient.
Avant d'expliquer cela, je voudrais revenir sur la question des
problèmes. C'est sûr qu'il existe des problèmes chez les
jeunes, la première partie de notre mémoire en fait état.
On dit que c'est une question de justice d'avoir un conseil permanent pour tes
jeunes parce qu'ils n'ont pas souvent voix au chapitre. Les gens de 35 et 45
ans ou les deux autres générations, les pères de la
Révolution tranquille, tes enfants de la Révolution tranquille et
les grands-parents sont souvent plus présents dans l'actualité;
ils sont souvent plus actifs politiquement, donc, ont voix au chapitre plus
souvent. Par contre, les jeunes représentent peut-être un peu
moins d'un tiers de la population; Ies 15-30 ans sont moins actifs et sont
peut-être plus désabusés aussi. J'en connais plusieurs dans
la vingtaine qui sont pas mal désabusés des institutions. Je
pense que ce serait rendre justice aussi à l'ensemble du Québec
que de former un comité qui s'intéresse plus à la jeunesse
parce qu'en négligeant d'intégrer nos jeunes ce n'est pas une
perte seulement pour les jeunes, c'est une perte pour l'ensemble du
Québec. Tout le potentiel que les jeunes ont, surtout les nouvelles
technologies, les nouvelles approches... Souvent, on se casse la tête,
nous, tes plus vieux - je me considère vieux, là - avec les
nouvelles technologies, l'informatique, la productivité. En
réalité, les jeunes vivent cela plus facilement que nous et,
puis, tout ce dynamisme-là, si on s'en prive, on en prive l'ensemble du
Québec.
J'irais jusqu'à dire que c'est une tragédie nationale;
à l'exemple du sénateur Jacques Hébert, je pense que c'est
une situation qui est grave. Ce n'est pas terminé, il y a eu la crise,
bien sûr, en 1982. Il y a eu bien des jeunes qui ont été
laissés pour compte et ce ne sont pas juste les plus démunis. Je
pense que les gouvernements, autant au niveau fédérai, provincial
que municipal, n'ont pas montré qu'ils avaient une très grande
connaissance de la situation des jeunes. S'ils en avaient une connaissance, ils
n'en avaient sûrement pas une grande compréhension. Vous me
permettrez d'être bien sincère avec vous. Je pense qu'ils
n'avaient pas non plus toujours la volonté de changer les choses. Il y a
eu d'autres pays,
notamment la France où je suis allé voir ce qui se
faisait, qui avaient une volonté bien précise, des plans d'action
et des moyens plus importants qu'au Québec. C'est bien sûr, si on
tient compte de la population. Mais, quand il y a une volonté politique
- leur façon de travailler consistait en des équipes de
concertation locale - tout le monde embarque là-dedans et cela avance
plus. C'est bien sûr qu'il faut ménager bien des
susceptibilités.
On dit qu'un des gros problèmes des jeunes pour leur
intégration est le manque de travail. Quand un jeune ne travaille pas,
il ne peut pas s'intégrer à la communauté. Il ne peut pas
s'identifier à un métier, à une fonction, à une
personnalité. La question du travail est importante et on a souvent
répondu aux jeunes: Vous allez voir, dans quelques années, en
1990 ou en 2000, cela ira bien. Mais les enfants de ces jeunes seront
déjà grands quand eux seront encore au chômage. Ça
va vite, les enfants. La jeunesse va jusqu'à 30 ans, cela veut dire
qu'il en a plusieurs qui ont des enfants de 10 ans.
Non, je pense qu'on n'a pas pris Ie3 moyens, dans les années
passées... Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour
m'exprimer sur ce sujet en tant que personne travaillant avec des jeunes qui
sont souvent tristes et déçus et dont les parents sont souvent
mal à l'aise et mal pris. Ces jeunes sont dans des sous-sol et
attendent.
Le travail partagé ou la réduction du temps partiel aurait
pu aider beaucoup de jeunes. Il est bien sûr qu'une personne avec une
certaine expérience est plus valable qu'un jeune, au point de vue de la
compétence, mais tes jeunes ont du dynamisme et, comme je le disais
tantôt, ils réussissent mieux que nous à se
débrouiller avec les changements rapides actuels. Ça, c'est
important, sans compter l'aspect économique. Si on compte tout ce qu'un
jeune dépense, on pourrait estimer tout ce qu'on a perdu de consommation
à cause du fait que les jeunes n'ont pas beaucoup travaillé ces
dernières années. Cela se chiffrerait, j'en suis certain, dans
les milliards de dollars, les salaires que les jeunes n'ont pas gagnés
et donc qui n'ont pas été dépensés, mais qui ont
été gagnés par des personnes plus vieilles et qui sont
dans des bas de laine. Cela ne fait pas marcher l'économie. C'est une
question mathématique.
Donc, la première partie de notre mémoire traite un peu de
justice pour les jeunes et pour l'ensemble du Québec. Ensuite, on parle,
à la page 3, d'un peu d'espoir. C'est sûr que je dépeins un
tableau triste, mais c'est la réalité. Les jeunes sont
déçus. Ils n'ont pas souvent voix au chapitre. Si le Conseil
permanent de la jeunesse peut être assez crédible pour eux, je
pense qu'ils embarqueront, parce qu'ils feront partie de l'appareil
gouvernemental. Ils seront intéqrés là-dedans comme ils
devraient l'être à tous les échelons.
Pour cela, il faut des moyens adéquats. Il ne faut pas que ce
soit un conseil à rabais. À la page 4, je parle de l'importance
des moyens. Nous recommandons que le nombre de membres soit d'un minimum de
quinze, que la durée de leur mandat soit d'un minimum de trois ans.
Même s'il peut y avoir un roulement dans les organismes de jeunes, pour
assurer un conseil, un certain suivi des décisions, cela prend plus que
deux ans. Je suis certain qu'il y a des jeunes de 27 ou 30 ans qui pourraient
être dans un conseil pendant trois ans. Ensuite, nous recommandons que
des allocations de présence soient versées aux membres des
comités spéciaux et aux membres du collège
électoral. Je l'ai mentionné. Je ne savais pas si c'était
inclus ou non. Je ne l'ai pas vu dans le projet. Je l'ai mis. Je trouvais
important que les jeunes qui viennent de régions éloignées
aient au moins - surtout s'ils travaillent à temps partiel, comme la
plupart, ou s'ils ne travaillent pas du tout -leurs dépenses
payées pour venir participer au conseil. Nous recommandons qu'un budget
suffisant soit octroyé pour mener à bien le mandat du conseil.
J'ai vu, depuis quelques années, des employés du gouvernement,
des jeunes, être employés seulement à temps partiel ou
comme contractuels parce qu'on ne veut plus embaucher beaucoup
d'employés. Donc, ce sont les derniers engaqés et les premiers
mis à la porte. Je pense que ce n'est pas juste pour eux: parce qu'ils
sont les plus jeunes, ils ont les emplois les plus précaires, ce qui
fait que j'ai l'impression que, lorsqu'on s'occupe de jeunes, on a toujours des
moyens à rabais. Alors, je souhaite que cela ne soit pas le cas pour le
conseil, de façon que les jeunes partout considèrent le conseil
à sa juste valeur et considèrent que c'est vraiment aussi juste
pour eux que pour tous les autres conseils. (15 h 30)
Ensuite, l'autre partie où l'on parle d'une richesse et non pas
d'un problème, c'est ce que je disais au début. La jeunesse n'a
pas seulement des problèmes de travail, d'instruction, de loisir ou de
mésadaptation sociale, elle consomme et façonne la culture,
culture au sens large. Elle cultive, elle se nourrit, elle participe aux
développements industriel, technologique, etc.
Elle vit les changements technologiques et elle les vit mieux,
même, que les plus vieux. Elle apporte de nouvelles valeurs - qui sont
peut-être parfois anciennes - qui font quand même partie de
l'évolution. Quand on pense juste à la question du vécu
familial, la question de relations entre parents, les jeunes ont vécu
des choses qu'ils voudraient peut-être changer dans l'avenir. Donc, ils
sont dans les changements et apportent des
choses qui sont nouvelles, qui sont importantes au niveau, je dis
culturel au sens large, de la vie en société; le social est un
peu dans le culturel, là.
En conséquence, pour avoir un éclairage de l'ensemble des
champs d'intérêt des jeunes, nous recommandons que le
collège électoral soit composé de 60 membres -j'avais dit
50 tout à l'heure, je m'excuse, c'est parce que je ne lisais pas mon
texte -afin de bien représenter l'ensemble des secteurs d'intervention
de l'État et de l'action des jeunes.
J'ai fait huit catégories. J'ai pris ie tableau des
ministères du gouvernement du Québec et, comme cela faisait trop
de secteurs, j'ai essayé de combiner cela et j'ai pondéré
un peu pour arriver à huit secteurs. Mais, avant, je dois aussi vous
parler de l'autre recommandation: Que soient reconnus comme un organisme
jeunesse toute association, tout groupe ou organisme, incorporé bu non,
contrairement à ce qui est libellé qui dit qu'il faut que ce soit
un organisme incorporé, selon la troisième partie de la Loi sur
les compagnies. Je trouve cela un peu restrictif parce qu'il y a des
coopératives, des syndicats, des associations, des
fédérations. Je pense que c'est valable, tous ces gens-là.
On ne demande pas dans les autres conseils, que ce soit le Conseil du statut de
la femme ou ailleurs, que les associations qui vont être
consultées pour avoir une personne nommée par le ministre soient
nécessairement incorporées selon la troisième partie de la
Loi sur les compagnies. Il serait peut-être bon d'élargir un peu.
Ou moment qu'une association est représentative, qu'elle existe depuis
douze mois et qu'elle s'adresse à des jeunes de 15 à 30 ans ou
regroupe des jeunes de 15 à 30 ans, à mon sens, c'est une
association ou un groupe qui est valable et qui peut représenter les
jeunes. Il y a une technicité là, mais je pense que ce serait
beaucoup restreindre autrement, en conservant cela tel quel.
Les huit secteurs que nous proposons: Premièrement,
l'éducation qui est seule, vu son importance, le travail aussi, la
concertation locale à cause de l'importance du travail qui se fait dans
les régions localement. Bien sauvent, c'est localement que se font les
changements un peu, comme on peut dire, en régions c'est souvent la PME
qui développe l'emploi. Je pense qu'il y a aussi une PME, des organismes
sociaux qui sont petits, mais moyens, et qui, actuellement, développent
des façons d'intervenir avec les jeunes, donc, comme c'est au niveau
local que cela se fait, il est important qu'il y ait des gens et, comme il faut
que cela se fasse en concertation, des gens de la concertation locale. Cela
peut être des conseillers municipaux ou des conseillères
municipales aussi parce que c'est quand même un rôle de
concertation, être conseiller municipal.
Le quatrième point, l'économie, la finance ou la
consommation, donc, une personne qui viendrait d'un de ces trois secteurs que
j'ai regroupés. Le cinquième secteur, une personne qui viendrait
de la santé, du domaine social ou de l'environnement qui sont des
secteurs assez proches. Ensuite, troisième secteur, une personne qui
viendrait du domaine des communications ou des relations avec d'autres peuples
ou d'autres ethnies. C'est bien sûr qu'on pense surtout aux
régions où il y a plusieurs ethnies, comme Montréal, et
aussi aux associations qui ont des liens dans d'autres pays. Il y a des
associations jeunesse qui ont des liens dans d'autres pays et qui
considèrent les relations internationales d'une façon
différente de celle des personnes plus vieilles.
Le septième secteur: l'industrie, le commerce ou la technologie.
Finalement, le huitième secteur que je trouve important, c'est le
secteur du loisir, de la culture ou de ta vie en société. Quand
je dis culture, je parle au sens large, pas seulement sur le plan de
l'expression culturelle et artistique, mais plus au sens de la vie en
société. S'il y avait un représentant par secteur, ce qui
fait huit, il en resterait sept pour arriver à quinze membres. À
ce moment-là, on pourrait se permettre d'équilibrer cela pour
avoir peut-être plus de représentants de certaines régions
plus populeuses. Au moins, on serait certain que toutes les régions
puissent avoir un représentant.
L'autre recommandation, c'est que soit aboli le paragraphe 2 de
l'article 19 du projet de loi et qu'il soit remplacé par le suivant.
C'est la question d'être accrédité par des organismes. Nous
proposons que cette déclaration doive être accompagnée
d'une ou de plusieurs résolutions à l'appui de cette candidature.
Je pense que, si une association est valable en tant que telle, la candidature
qu'elle présente peut être valable. Si elle veut être
appuyée par plusieurs, c'est encore plus valable, mais je ne pense pas
qu'il soit nécessaire d'aller chercher trois associations dans deux
domaines différents. Je me fie à ceux qui feraient les
nominations dans ce sens. J'imagine qu'ils choisiraient des gens
représentatifs.
Ensuite, que le conseil soit composé d'un minimum de quinze
jeunes - comme je le disais - élus par le collège
électoral, en tenant compte de la représentativité des
régions, mais tout en incluant obligatoirement un représentant
dans chacun des huit secteurs mentionnés.
En résumé, ce sont un peu nos propositions. Nous pensons
que le conseil peut aider à intégrer les jeunes et qu'il peut
aider à apporter à la population une meilleure connaissance de la
situation. La seule inquiétude que je pourrais avoir - elle n'est
pas écrite dans le mémoire - c'est que je me demande, en
supposant que le conseil est formé, s'il va rester des organismes
jeunesse dans la province pour, présenter des candidatures.
Présentement, il y a plusieurs organismes qui se posent des questions
sur leur survie et qui demandent de l'aide financière, finalement. Je
vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Després): M. Thouin, je vous
remercie de votre présentation. Je donnerais peut-être maintenant
la parole à un membre de la députation ministérielle pour
vous interroger. Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata,
la parole est à vous.
Mme Dionne: D'accord. Merci beaucoup, M. le Président.
Tout d'abord, M. Thouin, j'aimerais vous remercier et remercier les Travaux
communautaires du Haut-Richelieu Inc. pour votre étude du projet de loi,
la préparation de votre mémoire et sa présentation. Je
l'apprécie beaucoup. On en a vu plusieurs depuis le commencement et je
trouve qu'il est rafraîchissant, malgré le fait que vous
travailliez auprès de jeunes qui ont probablement les plus gros
problèmes au Québec. J'aimerais vous demander comment votre
organisme travaille auprès des jeunes contrevenants. Est-ce que vous
avez des façons particulières, des programmes
spécifiques?
M. Thouin: Surtout pour le programme de travaux communautaires,
comme on l'appelle, on demande à des gens, dans des associations de
loisir ou toute association qui rend un service à la population,
d'accueillir un jeune pour le faire travailler un certain nombre d'heures.
Cette année, la moitié des jeunes étaient sous
décision judiciaire du Tribunal de la jeunesse et, pour l'autre
moitié, c'était une mesure de rechange. On demande leur
collaboration. Je choisis les organismes les plus près de la
résidence du jeune et leur réponse est toujours positive.
C'est-à-dire qu'ils considèrent qu'ils vont rendre un service au
jeune, tout en recevant un service en nature. C'est notre façon de
travailler: demander la collaboration des gens. La plupart du temps, les gens
voient cela comme une action éducative et non pas répressive. Il
s'agit vraiment d'intégrer un jeune et - comment dire? - de lui
permettre de compenser pour les torts qu'il a commis. Parfois, cela peut faire
six mois, un an et, parfois même, deux ans que le petit vol a
été fait. Il est temps qu'on passe l'éponge et qu'on
arrête de le regarder comme un délinquant, mais plutôt comme
un jeune qui a du potentiel, qui vient rendre un service. C'est un peu notre
façon de faire. Notre organisme fait le lien entre le réseau
public et les gens qui sont volontaires pour aider ces jeunes.
Mme Dionne: On a parlé de sensibilisation, par exemple,
dans le milieu carcéral. Est-ce que vous travaillez de cette
façon ou vous êtes plus préoccupé par la
réadaptation dans la vie de tous les jours du jeune?
M. Thouin: C'est plus une réadaptation par le travail,
l'intégration du jeune. On n'a pas d'activité pour faire une
réflexion à partir d'un exemple. On a quand même des
groupes de rencontre pour des jeunes qui ont commis des vols à
l'étalage où, là, c'est plus une prise de conscience
à l'intérieur d'une discussion de groupe. C'est moins important
comme vol que les autres...
Mme Dionne: Donc, votre financement est à partir des
budgets accordés aux Travaux communautaires.
M. Thouin: Le financement vient du ministère des Affaires
sociales.
Mme Dionne: ...organismes.
M. Thouin: C'est cela, les services de soutien aux organismes
communautaires qu'on demande chaque année, dont une partie vient de
transferts du gouvernement fédéral. C'est le Code criminel, donc,
c'est une loi fédérale. C'est ce que j'ai entendu dire, je ne le
sais pas exactement.
Mme Dionne: D'une année à l'autre vous avez un
budget qui vous permet de faire votre travail.
M. Thouin: Chaque année on fait une demande et on a un
budget qui nous permet d'engager une personne et trois quarts, et d'organiser
cela. Les gens sont bien prêts à collaborer, comme je vous l'ai
dit tout à l'heure, même s'ils ont certains
préjugés, certaines craintes naturelles quand ils ne connaissent
pas les jeunes. Il reste que chaque fois qu'on l'a demandé, les
personnes qui ont refusé un jeune sont très rares. Donc, elles
étaient disponibles, elles étaient prêtes, mais ce qui
manquait, c'était l'organisation, les moyens pour organiser cela.
Mme Dionne: Je lisais dans votre mémoire et, à la
page 3, il y a un bout que je me permets de citer parce que je l'ai
apprécié et je pense que mes collègues vont
également l'apprécier. Vous dites: "Nous les 35 ans et plus, qui
nous débattons avec la haute technologie comme facteur de
développement économique, nous ne nous rendons pas compte que
pour les jeunes cela fait partie de leur vie. L'informatique est un jeu pour
eux. Nous qui sommes troublés par
les relations avec les communautés ethniques, culturelles et
biculturelles, ne voyons pas que les jeunes vivent déjà en
harmonie. Nous qui nous penchons sur les problématiques sociales et
familiales, ne savons-nous pas les nouveaux modèles sociaux et les
nouvelles valeurs que les jeunes vivent? Ce sont les jeunes qui nous aideront
à trouver des solutions pour l'avenir: ils ont déjè un
pied dans les années 2000."
Je lisais votre paragraphe et, quand on regarde avec quel esprit on a
voulu préparer un projet de loi sur le Conseil permanent de la jeunesse,
cela se ressemble beaucoup puisque vous parlez de richesse au lieu de parler de
problèmes et nous disons que le conseil permanent donne une latitude aux
jeunes tout en leur faisant confiance. Donc, on fait confiance non seulement
quand on parle de problèmes, mais quand on parle également de
richesse. J'étais confiante qu'on l'avait bien présenté,
mais vous me rassurez d'autant plus puisque vous travaillez avec les jeunes
contrevenants, qui ont de gros problèmes et je pense que c'est bien de
rester positif et de rester optimiste pour la jeunesse. Les jeunes sont dans
les années 2000 et ils y sont bien ancrés depuis longtemps.
Je regarde à l'article 16 votre commentaire sur le nombre de
jeunes. Vous parlez de huit secteurs, au lieu de cinq en tant que tels; j'ai
remarqué que vous avez mentionné que vous avez travaillé
à partir des ministères du gouvernement pour faire un lien. On
parle de nombre, mais est-ce que vous pensez qu'on peut être aussi
efficace à quinze qu'à onze? Je me posais la question. Il ne faut
pas alourdir cela nécessairement, mais...
M. Thouin: II y a d'autres conseils dans lesquels il y a quinze
membres, je pense. J'ai lu le document que j'ai reçu du
Secrétariat à la jeunesse, je me suis dit: Pourquoi en mettre
seulement onze pour les jeunes? Il faudrait mettre le maximum, autant que pour
les autres. (15 h 45)
Mme Dionne: Si on regarde cela, on utilisait quatre secteurs,
soit les affaires sociales, l'éducation, les loisirs, le travail et vous
en mettez huit, en tant que tels. Comment pourrait-on faire un lien entre vos
huit et les quatre? Est-ce que les nôtres, ceux du projet de loi, sont
trop précis, d'après vous?
M. Thouin: On parle du social parce qu'on parle des
problèmes sociaux des jeunes, du travail, à cause des
problèmes de travail, de loisir parce qu'on pense que les jeunes
manquent de loisirs, qu'ils n'ont rien à faire. L'autre secteur est
l'éducation. C'est sûr que c'est important. Mais il reste que le
gouvernement agit et fait des lois dans plusieurs secteurs, pas seulement dans
ces secteurs. Les jeunes participent à la vie économique dans
plusieurs secteurs, ce qui fait qu'ils ont sûrement des choses à
dire aussi dans les autres secteurs de l'économie et de la consommation.
Il ne faut pas penser que les jeunes n'ont rien à dire et qu'en bas de
35 ans ils ne peuvent pas parler. Je n'ai pas attendu 35 ans pour parler. Je
pense que vous non plus.
C'est cela. Je trouvais que c'était un peu restrictif de mettre
seulement quatre secteurs. Si c'est pour conseiller le gouvernement sur
l'ensemble de la situation des jeunes, comme c'est dit dans le projet, je
pense, je me suis limité aux secteurs du gouvernement du Québec.
J'aurais pu prendre cela encore plus largement, mais je me suis dit; Si le
gouvernement du Québec légifère dans ces secteurs, il
pourrait poser des questions aux jeunes. Il pourrait avoir des conseils du
Conseil permanent de la jeunesse sur ce secteur. C'est peut-être un peu
vaste, mais cela va avec l'esprit qu'il ne faut pas regarder juste les
problèmes, mais aussi le potentiel dans d'autres secteurs.
Mme Dionne: D'ailleurs, c'est la première fois que, dans
un mémoire, on a le secteur de la consommation qui est indiqué.
Je trouve que c'est bien. Effectivement, on n'en a pas parlé
jusqu'à maintenant, mais c'est un secteur qui affecte les jeunes parce
que, si les jeunes ont de l'argent, comment le dépensent-ils? Et le
niveau économique... Alors, j'ai trouvé cela très
intéressant de voir que vous en avez parlé. Comment voyez-vous
les relations entre le Conseil permanent de la jeunesse et les organismes de
jeunes? Quel lien leur voyez-vous? Est-ce que c'est direct? Si vous voulez me
donner votre réflexion là-dessus, peut-être.
M. Thouin: C'est un lien assez direct du fait que, d'abord, ce
serait difficile d'avoir des communications entre le conseil permanent et
l'ensemble des organismes jeunesse parce qu'il existe des centaines
d'organismes jeunesse, mais ceux-ci ne sont pas tous regroupés. Il n'y a
pas de liens entre eux partout. Je pense aux organismes orienteurs, dont nous
sommes, les Travaux communautaires. II y a 35 organismes orienteurs dans la
province qui orientent des jeunes vers des associations. On n'a pas vraiment de
liens entre nous encore. J'apprenais tantôt qu'il commence à y
avoir un regroupement des maisons d'hébergement. Donc, il manque de
communication entre les orqanismes. Comment faire, alors, pour que tous ces
organismes soient vraiment en lien avec le conseil permanent? C'est un
problème. Je pense qu'il y en a qui ont suggéré qu'il y
ait des instances régionales. Je n'avais pas pensé à cela,
mais cela pourrait être important de penser à cela.
Chose certaine, la communication est difficile entre les organismes
parce qu'il n'y a pas beaucoup de moyens de communications, iî n'y a pas
de tables de concertation.
À Saint-Jean, on avait commencé à en faire une, il
y a quatre ans. Cela continue de peine et de misère. On n'a pas
tellement de moyens ce qui fait qu'on se consacre seulement à nos
activités. Alors, la communication n'est pas très grande. C'est
la difficulté d'avoir un lien avec le conseil. Celui-ci va avoir des
liens avec les associations par les personnes, mais cela va être un peu
échevelé, si vous me permettez l'expression. Les contacts vont se
faire à partir des gens du conseil qui sont de telle ou de telle
région. Mais rendue dans la région, la personne du conseil n'a
pas nécessairement de moyens de communiquer avec tout ce monde.
Mme Dionne: II y a peut-être aussi l'aide du collège
électoral qui pourrait arriver à ce moment-là.
M. Thouin: Oui. Par le biais du collège électoral,
cela pourrait être une bonne manière d'établir ce lien.
Mme Dionne: Je me souviens que quelque part - je ne me souviens
pas de la page - vous dites qu'il est important de reconnaître les
organismes et les jeunes, aussi, en tant qu'individus. C'est également
important que... On parlait de regroupement à partir d'organismes,
c'est-à-dire de recommandation de trois organismes de deux secteurs; il
y a effectivement beaucoup de jeunes qui ne sont pas reliés
spécifiquement à un organisme ou à un autre.
M. Thouin: II ne faut pas nécessairement toujours
être accrédité par deux ou trois organismes. Un jeune peut
être actif dans une association et ce qu'il a à dire est
valable.
Mme Dionne: Comment voyez-vous également les relations
entre le conseil et le gouvernement?
M. Thouin: D'après ce que je connais du projet de loi, le
conseil est là pour conseiller le gouvernement, c'est bien certain.
Mme Dionne: C'est un conseil "aviseur"...
M. Thouin: Comme le Conseil supérieur de
l'éducation qui fait des études, comme le conseil de la
santé, le conseil de la famille -comment s'appelle-t-il? - le Conseil du
statut de la femme, en fait, tout cela.
Mme Dionne: Oui, d'accord.
M. Thouin: Je vois que ce sont des conseils autonomes, dans le
sens que ce n'est pas le gouvernement qui va leur dire quoi faire ou quoi dire,
finalement. J'espère qu'ils auront une certaine autonomie dans les choix
de sujets pour étude et dans les communications avec la population
aussi.
Mme Dionne: D'accord. M. le Président, cela va pour
moi.
Le Préaident (M. Després): Merci, Mme la
députée de Kamouraska. Je passerais peut-être maintenant la
parole à Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Thouin.
Cela me fait plaisir au nom de ma formation politique de vous souhaiter la
bienvenue è cette commission et de vous remercier d'avoir accepté
de participer à ses travaux. En dépit du fait que le temps qui
vous était alloué pour rédiger un mémoire pour
réagir au projet de loi était relativement bref, vous avez
trouvé le temps nécessaire pour le faire. Je voudrais vous en
remercier. J'ai eu l'occasion de le dire et je pense que c'est important de le
rappeler, j'ai beaucoup d'estime pour les organismes qui se sont donné
la peine de participer, parce qu'en l'absence de participants il y a quelqu'un
qui parle en leur nom. C'est pourquoi je trouve important que vous y soyez.
Comme le soulignait la députée de
Kamouraska-Témiscouata tout à l'heure, je pense que votre
mémoire a quelque chose de rafraîchissant. En effet, il y a peu de
mémoires qui nous ont présenté la jeunesse autrement que
sous une problématique, comme faisant plutôt partie de la
solution. Je faisais remarquer à cette commission que malheureusement on
finissait par définir la jeunesse en termes de problèmes.
Finalement, cette façon de définir la jeunesse nous en
présentait une dépendante, c'est-à-dire non autonome
économiquement, ce qui expliquait qu'il y a peu de mémoires qui
viennent nous parler des jeunes au travail. Alors, on a exclu
complètement du discours toute une catégorie de jeunes qui,
semble-t-il, ne posent pas de problème - mais, quand même, ils
sont au travail - comme s'ils ne faisaient plus partie de la jeunesse du moment
qu'ils n'ont pas de problème. Je trouvais cela malheureux. Je trouve que
votre approche, en effet, nous situe les jeunes davantage comme étant
partie de la solution et toute notre appréhension, vous le soulignez
bien en page 3 de votre mémoire, touchant le virage technologique,
touchant l'intégration des autres communautés, les nouvelles
valeurs, les rapports avec les autres pays, la paix, l'environnement, etc. Ce
sont des questions
sur lesquelles les jeunes ont déjà des idées bien
arrêtées et avec lesquelles ils sont relativement à l'aise,
beaucoup plus à l'aise, finalement, que ne le sont
généralement les adultes. Dans ce sens, votre mémoire est
particulièrement intéressant.
Vous avez également souligné l'importance qu'il faudrait
attacher au travail. La dignité et la reconnaissance sociale des jeunes
passent par quelque chose de stable, je dirais; ou ils sont aux études,
ou ils sont au travail. Quand ils ne sont ni à l'un ni à l'autre,
ils finissent pas perdre de la dignité, je dirais. Dans ce sens, vous
soulignez l'importance qu'il faudrait accorder, j'ai cru comprendre, à
tout ce qui s'appelle la politique d'emploi ou de plein emploi,
particulièrement pour les jeunes.
Vous avez également attiré notre attention sur la
précarité de la situation de certains organismes de jeunes. C'est
une situation précaire parce qu'ils n'ont pas de financement statutaire
et que tous les ans on doit recommencer la démarche d'aller chercher un
financement ou encore de faire des levées de fonds pour financer ces
activités.
J'aimerais peut-être revenir sur certains aspects plus
particuliers de votre mémoire. Vous nous dites en page 2, au dernier
paragraphe, rappelant les divers programmes qui ont été mis
à la disposition des jeunes. "Seulement à ce niveau, la situation
est encore grave cinq ans plus tard. Si les gouvernements ont pris les moyens
pour résoudre ce problème, il est bien évident qu'ils
n'étaient pas aussi importants que l'exigeait l'ampleur de la situation.
Plusieurs des mesures prises sont conjoncturelles alors que les causes sont
structurelles." Je pense que cela résume bien les difficultés
qu'on éprouve actuellement parce que l'on travaille à la
conjoncture alors qu'il faudrait travailler à la structure. Il est
prouvé que, par exemple, en matière d'emploi, la reprise
économique, dans les pays où il y a eu une reprise
économique réelle, a négligé, pour ainsi dire, le
chômage des jeunes. En dépit d'une reprise économique, cela
n'a pas eu pour autant d'effet sur le chômage des jeunes parce que le
problème du chômage des jeunes est davantage structurel que
conjoncturel. Il y a des mesures importantes qui ont été prises
dans certains pays, et j'en cite une qui pourrait avoir des effets rapides si
on acceptait de s'en aller dans ce sens et si ce gouvernement se penchait
sérieusement sur ce qu'il a appelé sa politique d'emploi. C'est
une législation du travail qui diminuerait ou réglementerait le
temps supplémentaire. On sait, par exemple, qu'un pays comme la Belgique
a réduit à zéro le temps supplémentaire qui est
autorisé. Ceci a comme effet de créer de 10 % à 20 % plus
d'emplois dans certaines entreprises. C'est une mesure qui demande du courage,
du courage politique, je pense bien, mais qui aurait certainement des avantages
réels, concrets et immédiats sur le chômage des jeunes.
Vous rappelez que les jeunes n'ont pas voix au chapitre et vous estimez
que c'est une façon de donner aux jeunes voix au chapitre. Ne
trouvez-vous pas qu'il y a un danger de voir dans ce conseil le porte-parole de
la jeunesse alors qu'au Québec on a quelque 850 organismes jeunesse?
Tout à l'heure, vous illustriez, par votre propos, les
difficultés que ce conseil aurait è se tenir en rapport avec ces
organismes, en raison de leur diversité et du fait aussi qu'ils
travaillent à des problématiques très locales et sont
limités à quelques centaines d'individus.
M. Thouin: Je pense que le conseil ne pourrait pas être le
porte-parole des jeunes. D'ailleurs, le Regroupement des organismes
communautaires du Montréal métropolitain a déjà
pris position de ne pas venir ici parce qu'il considère justement que
cela peut être une structure qui est trop lourde, peu efficace. Donc, je
ne pense pas que cela soit le seul moyen pour les jeunes d'être entendus
au gouvernement et je ne pense pas que ce soit le moyen, pour les jeunes,
d'être leur porte-parole. On sait qu'un conseil comme celui-là
peut prendre plusieurs mois et plusieurs années, peut-être, pour
arriver à faire des recommandations précises sur des sujets
précis. À ce moment-là, moi, qui suis avec des jeunes en
difficulté depuis quelques années, je suis toujours impatient,
d'un mois à l'autre, de voir des choses se dérouler. Comme les
jeunes sont encore plus impatients que moi, à ce moment-là, ce
n'est peut-être pas la solution idéale, comme structure à
mettre en place. Je considère quand même que cela peut être
valable, du fait que cela intègre les jeunes dans le système
gouvernemental, que cela leur donne une place. Je ne pense pas que ce soit un
moyen très efficace, certains peuvent même craindre que ce ne soit
qu'un moyen de ne faire que des études et de retarder toute action.
Peut-être. Je ne le prends pas, a priori, de cette façon. Je le
considère positif, comme moyen, même si je ne pense pas que ce
soit le moyen le plus efficace. Peut-être qu'il y aurait d'autres moyens.
Au niveau de la concertation, comme je le disais tantôt, il y a
déjà eu des volontés, il y a quelques années,
d'aider la concertation locale. Cela s'est un peu évanoui. Je pense que
ce serait peut-être un autre moyen à envisager qui serait
parallèle et qui serait plus à la portée des organismes.
Il y a quelques années, on nous offrait de nous aider à faire de
la concertation, mais le qros problème était qu'on offrait cela
à des organismes dont la plupart des intervenants étaient
bénévoles. Eux, ils auraient préféré
avoir plus de moyens pour travailler dans l'action et, ayant
suffisamment de moyens, auraient pu dégager un peu de temps pour faire
de la concertation. (16 heures)
Présentement, beaucoup d'organismes communautaires - je ne parle
pas pour le mien, parce qu'on a une subvention régulière - sont
très insécures et leurs employés ont vraiment de petits
salaires. Je pense à Relais Jeunesse qui est un organisme qui
héberge des jeunes. Présentement, un centre d'accueil utilise
cette ressource pour des jeunes filles qui normalement devraient être
à Saint-Hyacinthe au lieu de les laisser dans des motels, comme cela se
faisait il y a quelques années. Il faut dire que, dans la région
de la Montérégie, on manque de centres d'accueil. On manque de
places. Nos jeunes sont éparpillés partout, même
jusqu'à Québec.
Alors, on utilise le Relais Jeunesse, qui est une ressource
communautaire, avec des employés qui sont payés environ à
5 $ l'heure et la maison a été prêtée par le Club
Richelieu. C'est sûr qu'il y a des aides locales. On sent que la
communauté veut aider, mais il n'en demeure pas moins qu'il n'y a pas
beaucoup de moyens. On sait que cela peut être assez compliqué de
s'occuper de jeunes filles ou de jeunes garçons perturbés. Ce
sont des enfants souvent perturbés. Si on ne donne pas un bon service
à ces enfants et à ces familles parce que les ressources
communautaires ont peu de moyens, je ne suis pas sûr que ce soit la
meilleure chose à faire concernant le service que les gens s'attendent
à recevoir d'un gouvernement. Si on veut se servir des petits organismes
communautaires pour que cela coûte moins cher, pour rendre les services
que les centres d'accueil ne peuvent pas rendre, je ne suis pas certain que ce
soit la bonne façon.
Pour revenir à la question de la concertation, le financement des
organismes est important pour qu'ils puissent fonctionner et ensuite se
concerter. Simplement donner des budgets de concertation à des
organismes qui sont complètement bénévoles, qui ne
fonctionnent que quelques heures les soirs de semaine et qu'on compte sur eux
pour aider beaucoup... Je pense, dans notre région, au mouvement SEM,
Sensibilisation à l'enfance maltraitée, qui a des projets et des
programmes. Ces personnes sont toutes bénévoles. Il est bien
sûr que ce n'est pas ce service de bénévoles qui compensera
pour les listes d'attente d'enfants battus et maltraités qu'on a dans
notre région. C'est impossible, d'autant plus si on leur demande en plus
de faire de la concertation. Ils en font. Ils sont consultés par les
infirmières du CLSC, par les écoles, par le ministère des
Affaires sociales. Tout le monde les consulte. Ils ont une approche nouvelle
avec les enfants et les parents, mais ils n'ont pas d'argent pour fonctionner.
Ils deviennent des experts à peu de frais. Ils deviennent des gens qui
ne peuvent pas réellement se concerter pour arriver aux résultats
auxquels on veut arriver.
C'est un peu ce qui est tragique au niveau des organismes. Depuis 1982,
il y a un slogan qui dit qu'il faut que les gens se prennent en charge. Le
communautaire s'occupera maintenant des jeunes. Je vois des
représentants de l'Association des centres d'accueil, parfois, dans les
comités où je vais représenter le communautaire et ils
disent: On s'occupe des jeunes délinquants ou des jeunes
mésadaptés socio-affectifs en centre d'accueil, mais on ne peut
pas vraiment résoudre leurs problèmes. Il faut que la
communauté les prenne en charge et on les suivra dans la
communauté qui les aura pris en charge. C'est un peu une illusion. C'est
dire: On se décharge de nos responsabilités vers la
communauté. Mais cette communauté n'a pas toujours les moyens. Si
la prise en charge communautaire demeure un sloqan, ce n'est pas suffisant pour
donner les moyens qu'il faut aux gens.
Depuis 1982, je pense qu'il y a eu quand même certains efforts qui
ont été faits au niveau des organismes jeunesse, mais il y a deux
fois plus d'organismes qui font des demandes aux services de soutien aux
organismes communautaires qu'il n'y en a qui reçoivent des subventions.
Les moyens sont très limités. Comme je vous le dis, il y a une
marge entre le sloqan et le moyen concret. Lorsque la ministre, Mme
Lavoie-Roux, a donné 2 000 000 $ il y a quelques mois aux conseils
régionaux de la santé et aux CSS pour résorber la liste
d'attente des enfants maltraités, ce n'était pas seulement un
slogan, c'étaient des millions de dollars. Mais on ne donne pas
ça aux organismes communautaires. On leur dit: Vous devez être
missionnaires. Justement, il y avait un missionnaire ici, tantôt. Il se
disait missionnaire, parce qu'il faut absolument faire quelque chose pour ces
pauvres jeunes. On va y aller. On ne gagnera presque rien et on s'en ira
après. C'est ce que d'autres députés étaient venus
me dire à Saint-Jean il y a quelques années: Soyez missionnaire
et allez travailler ailleurs ensuite. Je ne pense pas que c'est comme cela
qu'on rendra de bons services aux gens dont on s'occupe. Moi, cela fait presque
quatre ans que je suis là. Si j'avais été là
seulement un an et que le responsable avait changé à chaque
année, cela manquerait de continuité. Les bénévoles
qui nous aident ont aussi besoin d'une certaine continuité. C'est bien
beau de dire: Ce seront des jeunes qui travailleront dans les organismes
communautaires. On ne leur donnera pas de gros salaires. Cela ne coûtera
pas cher, mais ça prend une certaine continuité. Les jeunes ont
aussi le droit
d'avoir des salaires. Ce n'est pas parce qu'ils sont jeunes qu'ils vont
manger des spaghetti en boîte tout le temps.
Mme Blackburn: Si je comprends bien vos propos, vous dites que,
s'il y avait une priorité réelle, il y en a une aujourd'hui, ce
serait la reconnaissance et le financement des groupes de jeunes, des
ressources alternatives qui, selon vous, ne seraient financés
qu'à quelque 50 % de la demande.
M. Thouin: Actuellement, oui.
Mme Blackburn: Je me demandais - et c'est une question que j'ai
eu l'occasion de poser aux autres - si le conseil n'aurait pas eu des chances
de se donner un peu plus d'efficacité si on s'était au
préalable donné les grands éléments de ce que
serait une politique de la jeunesse pour ensuite - c'est une façon
d'établir ses priorités comme gouvernement également -
créer ce Conseil permanent de la jeunesse.
M. Thouin: Oui, peut-être; je suis bien conscient que,
comme je le disais tantôt, ce n'est pas le seul moyen. Peut-être
que cela aurait été important qu'il y ait un ministère de
la jeunesse et une politique de la jeunesse. Mais chose certaine, ce n'est pas
suffisant, un conseil permanent. Comme je vous le dis, je trouve cela
important, mais ce n'est pas suffisant.
Mme Blackburn: En page 4 de votre mémoire, vous proposez
"que des allocations de présence soient versées aux membres, aux
membres des comités spéciaux et aux membres du collège
électoral." Vous savez que le projet de loi prévoit
défrayer les frais de séjour et les frais de déplacement,
les frais raisonnables encourus, et que le gouvernement, depuis son accession
au pouvoir, songe à abolir toutes les allocations de
présence.
Cependant, le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement
supérieur en a décidé autrement. Alors, pour le Conseil
supérieur de l'éducation, il y aura encore des allocations de
présence pour tous les membres du conseil qui ne sont pas membres de la
fonction publique ou qui ne travaillent pas dans un établissement
public, parapublic ou dans une université.
Par ailleurs, vous le disiez un peu tout à l'heure, on a
tendance, lorsqu'il s'agit des jeunes, à leur demander de faire du
bénévolat. Je voudrais voir votre réaction parce que je
sais que dans les conseils que je connais... Je ne connais pas, cependant
-probablement que le ministre serait plus informé que moi
là-dessus - les décisions qui ont été prises au
Conseil du statut de la femme, qui ont été prises aux autres
conseils consultatifs; je connais celles touchant l'Éducation et
l'Enseignement supérieur, mais je ne connais pas celles dans les autres
conseils consultatifs.
Est-ce qu'à la limite on ne se retrouvera pas avec un seul
conseil permanent dans lequel les membres ne seront pas
rémunérés? Je me demande, finalement, si la pratique ne
finira pas par consacrer la situation actuelle ou presque et ne finira pas par
marginaliser le Conseil permanent de la jeunesse en lui refusant des
allocations de présence.
M. Gratton: II va falloir que je vérifie parce qu'au
moment où l'on se parle je ne suis pas en mesure de fournir les
informations à la députée. J'irai aux informations et
demain je pourrai vous les fournir.
Mme Blackburn: Je dois dire que, pour le décret que je
connais, celui qui touche les organismes reliés au ministre de
l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, pour ce qui est du
Conseil des collèges et du Conseil des universités, ils
établissent que l'allocation de présence par journée sera
de 200 $ ou de 100 $ par demi-journée à toute personne qui aura
participé au moins à douze réunions à compter de la
treizième journée. Généralement, ces organismes se
réunissent deux jours par mois sur dix mois, ce qui donne à peu
près 20 jours. Autrement dit, ce que je vois ici, c'est que les membres
de ces conseils continueront à être rémunérés
et à recevoir une allocation de présence. Cela, c'est pour tous
ceux qui ne sont pas membres d'un organisme public ou parapublic et même
ceux qui, étant membres d'un organisme public et parapublic verraient
leur salaire coupé parce qu'ils participent à une séance
de ces conseils-là se verraient rembourser pour la perte de salaire
subie.
Alors, je voudrais attirer l'attention des ministres et des
députés ministériels là-dessus car cela
m'apparaît important; il ne faudrait pas amener les jeunes à faire
du bénévolat alors que dans les autres conseils consultatifs on
remet en question cette volonté gouvernementale d'abolir les allocations
de présence.
Sur une autre question, toujours en page 4, vous dites "qu'un budget
suffisant soit octroyé pour mener à bien le mandat du conseil."
Que serait, selon vous, un budget suffisant?
M. Thouin: Je n'ai pas d'idée, actuellement, de ce qu'est
un budget suffisant.
Mme Blackburn: Oui.
M. Thouin: C'est une précaution que j'ai prise, comme je
le disais tantôt, sachant que, lorsqu'on s'adresse aux jeunes, on a
tendance à couper les budgets et à vouloir
faire les choses à rabais. Alors, c'est une précaution que
j'ai prise en faisant cette recommandation d'avoir un budget suffisant. Cela
peut se comparer aux frais nécessaires pour les autres conseils. Je n'ai
pas d'idée exacte de ce que cela coûte. Je ne suis pas
habitué dans ces domaines.
Mme Blackburn: En page 6, vous recommandez qu'il y ait 60 membres
au sein du collège électoral et qu'il n'y ait pas obligation pour
les organismes d'être incorporés pour faire des recommandations.
De même, vous suggérez d'élargir à huit le nombre de
secteurs représentés. Je trouve intéressante la division
que vous faites, mais j'aimerais voir comment vous situez la culture. Par
rapport à l'intervenant qui vous a précédé un peu
avant le lunch, qui ne voulait pas voir associée la culture au loisir,
pourriez-vous nous dire quelle définition vous accordez à la
culture?
M. Thouin: J'ai aussi hésité avant d'associer
loisir et culture parce que je vois qu'il y a une différence. Dans le
loisir, il peut y avoir du loisir sportif, occupationnel ou artistique. Il y a
différents domaines. D'ailleurs, il aurait peut-être fallu mettre
les loisirs sportifs avec "santé, social ou environnement".
C'était difficile un peu de partager cela. Mais pour ce qui est du
culturel, il y a des gens qui sont dans le domaine artistique, bien sûr,
mais aussi il y a toute la question de vie en société. Ainsi,
lorsqu'on parle de la culture nord-américaine, c'est une façon de
vivre, tout cela; aussi quand on parle de la culture française, quand on
parle de consommation même. Donc, j'entends culture au sens large de
façon de vivre, mais incluant, bien sûr, toute la question de la
création artistique aussi.
Mme Blackburn: Une dernière question parce que le temps
passe. Plusieurs intervenants nous ont fait valoir qu'il serait difficile pour
un jeune de moins de 18 ans de passer à travers les différentes
étapes de sélection. D'abord, il lui faut un appui. Mais
là, vous diminuez les difficultés du moment où vous dites
de un à plusieurs, que, si votre jeune qui a 15, 16 ou 17 ans se
retrouve avec une trentaine de jeunes proposés par différents
organismes, il va éprouver un certain nombre de difficultés
à faire sa place ou à faire valoir sa candidature. Des organismes
nous proposaient d'introduire une mesure qui ferait une place réelle aux
jeunes de moins de 18 ans. Il y en a qui proposaient plus la formule où
la moitié du conseil serait composée de 15-22 ans et l'autre
moitié de 23-30 ans.
M. Thouin: Je pense que, dans la pratique, cela risque
d'être des gens de 25 à 30 ans qui soient au conseil. Alors,
mettre une disposition comme cela pour des jeunes en bas de 18 ans, cela serait
peut-être une façon intéressante de se prémunir
contre cela, pour avoir vraiment leur opinion parce que c'est important qu'ils
soient là.
Mme Blackburn: Je voudrais à nouveau vous remercier de
votre participation, M. Thouin. Votre présentation était assez
éloquente par rapport à l'approche qu'on devrait avoir non pas de
la problématique jeunesse, mais de ce groupe d'âge qui devrait
être l'avenir du Québec, comme vous le dites, et non pas son
problème; qui devrait être partie aux solutions et pas seulement
exclusivement examinée sous l'angle des difficultés qu'elle pose
à la société actuelle. Alors, c'est avec beaucoup
d'intérêt aussi que j'ai noté votre préoccupation
touchant l'avenir des organismes jeunesse et le soutien que recevaient les
ressources alternatives.
Je pense que votre préoccupation est légitime quand on
connaît la réponse que nous faisait Mme Lavoie-Roux, ministre de
la Santé et des Services sociaux, à une question au feuilleton
touchant le financement des organismes jeunessse. Elle nous apprenait qu'en
1986-1987 il y avait eu 25 demandes de subventions pour créer des
maisons d'hébergement et que 12 avaient été
refusées pour les jeunes. Et pour ce qui était des maisons de
jeunes, les refus étaient dans une proportion du tiers, si je ne
m'abuse. Il faudrait que je revoie la réponse là. Alors, cela
illustre, je pense, de façon assez éloquente, que les
priorités du gouvernement sont ailleurs. Un mémoire comme le
vôtre qui situe l'importance des ressources alternatives comme
l'importance des soutiens qu'on doit accorder aux organismes jeunesse, je
pense, devrait permettre à la partie ministérielle de
réfléchir ou d'accorder un peu plus d'intérêt et
d'attention à tout ce qui touche le soutien aux ressources alternatives,
qu'elles soient jeunes ou adultes.
Alors, pour cela et pour le contenu de votre mémoire, je vous
remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup Mme la
députée de Chicoutimi. M. le ministre, en conclusion.
M. Gratton: Oui, M. le Président, je voudrais remercier,
à mon tour, M. Thouin d'être venu nous formuler un certain nombre
de suggestions qui, pour ma part, sont notées avec beaucoup
d'intérêt. S'il en allait de l'intérêt du
gouvernement de savoir dans quelle direction aller et de son
intérêt pour la question jeunesse, nul doute que le seul fait que
nous nous retrouvons ici, à notre initiative, pour, justement,
échanger avec vous et combien d'autres groupes qui sont venus nous
rencontrer en témoigne selon moi. Ce que nous visons à faire avec
le Conseil permanent de la jeunesse, ce n'est pas
révolutionner le monde. Loin de nous la pensée que cela
aurait pour effet de régler le financement, par exemple, des organismes
jeunesse et de nous donner automatiquement une politique jeunesse. Mais il nous
semblait opportun d'agir maintenant dans la création du conseil
permanent justement pour qu'on puisse en arriver à élaborer une
politique qui réponde mieux aux besoins réels et ce, par le biais
d'un comité "aviseur" comme le Conseil permanent de la jeunesse.
Vous nous rappeliez, à juste titre, qu'on doit cesser de parler
de problématique jeunesse, mais plutôt de la question jeunesse. Je
fais amende honorable parce que j'ai moi-même utilisé l'expression
aussi tôt que ce matin et je serais tenté de vous dire: Je vous
promets que je ne le ferai plus parce qu'effectivement vous avez tout à
fait raison. Ce dont nous parlons ici, ce n'est pas strictement de se donner
des outils pour régler des problèmes, mais plutôt de se
donner un outil pour mettre a contribution ce dynamisme que représente
la jeunesse québécoise. Je vous remercie d'être venus nous
le rappeler à partir de votre expérience vécue.
Si la commission ne nous avait permis que d'identifier et
d'échanger avec des personnes comme vous et combien d'autres qui sont
venues nous rencontrer, je pense que la démarche en aurait valu la
peine. Mais, en plus, cette démarche aura l'avantage de nous permettre
de bonifier le projet de loi 104 que nous avons présenté et cela
aussi ira dans le sens de doter la jeunesse québécoise d'un outil
qui sera un peu plus approprié, un peu plus efficace, nous le
souhaitons, et qui répondra aux objectifs que nous nous fixons.
Merci infiniment, M. Thouin.
M. Thouin: Merci beaucoup, M. le ministre.
Le Président (M. Marcil): Nous allons suspendre 60
secondes pour permettre au groupe Maison Tangente de prendre place a
l'avant.
(Suspension de la séance à 16 h 19)
(Reprise à 16 h 23)
Le Président (M. Després): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je demanderais le consentement de cette commission pour que Mme Harel
(Maisonneuve) remplace M. Godin (Mercier). Est-ce qu'il y a consentement?
M. Gratton: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Després): Merci, M. le
ministre.
J'inviterais M. Lamoureux, du groupe de la Maison Tangente, à
présenter son équipe, s'il vous plaît.
Maison Tangente
M. Lamoureux (Daniel): Bonjour, M. le Président, mesdames
et messieurs.
En fait, nous sommes quatre des six travailleurs, éducateurs et
éducatrices de la Maison Tangente, soit Louise Fortin,
Marie-Josée Lamy et Robert Rousse.
Nous avons soumis en novembre un mémoire à la commission
des institutions, mémoire qui traite des itinérants au
Québec et plus particulièrement à Montréal et ce,
parce que nous considérons que le futur Conseil permanent de la jeunesse
devra se pencher sur ces problèmes et être en mesure d'aider
à les résoudre. C'est pourquoi nous abordons rapidement
aujourd'hui la question en termes de problématique des sans-abri, en
termes d'alternatives, de ressources pour terminer avec des recommandations
spécifiques sur la composition, le rôle et les outils du conseil
permanent à cet égard. C'est à noter que notre
témoignage d'aujourd'hui reflète plutôt l'esprit que la
lettre du mémoire présenté en novembre.
Mme Fortin (Louise): Un jeune itinérant, c'est un
garçon ou une fille âgé de moins de 30 ans qui n'a pas
d'adresse fixe. C'est une personne sans emploi, sans économie, sans
meuble, ni garde-robe, sans revenu décent, effectivement instable et
souvent désespérée. C'est un gars qui arrive de la
Gaspésie pour se trouver une "job" à Montréal avec 200 $
dans les poches et beaucoup d'enthousiasme. Il se retrouve, après deux
semaines ou trois mois, obligé de coucher sur le banc d'un parc. C'est
la fille que son "chum" met à la porte sans un sou. C'est le
psychiatrisé qu'un institut éjecte sur le trottoir et qui y
reste. On en distingue deux catégories, soit structurelle ou
conjoncturelle. Le structurel est issu des foyers d'accueil, des écoles
de réforme, des hôpitaux psychiatriques, des institutions. Le
conjoncturel est issu de l'éclatement de la famille, d'une perte
prématuré d'emploi. Ils sont environ 10 000 jeunes sans abri
à Montréal en cette Année internationale du logement des
sans-abri. Ils dorment dehors dans les parcs, sur les bouches
d'aération, sur le mont Royal, à la gare centrale, dans des
immeubles désaffectés ou en construction, dans un portique, en
groupe dans un taudis ou dans une chambre pouilleuse au début du mois
quand le chèque du BS vient d'arriver.
L'hiver, ils passent la nuit dans un café ouvert jusqu'au matin
ou ils marchent sans s'arrêter ou ils se font amener à Bordeaux.
Ils mangent ce qu'on leur donne, ce qu'ils peuvent acheter avec leur
chèque de 171 $ par mois. Selon le Dr Yves Lamontagne du
Centre de recherche psychiatrique de l'hôpital
Louis-Hippolyte-Lafontaine, 47 % avouent avoir déjà tenté
de se suicider, mais H ne précise pas dans son étude combien au
Québec réussissent chaque mois. Si la situation persiste, ils se
retournent tôt ou tard vers le crime, la prostitution, vente de drogue,
vol par effraction. Conséquences: toxicomanie, arrestation,
incarcération. Bordeaux représente d'ailleurs pour eux la fin de
l'itinérance d'abord parce qu'ils y sont nourris et logés,
ensuite parce qu'ils y apprennent les rudiments de leur futur carrière
de criminels et qu'ils s'y font des amis et des complices. Si le
pénitencier est l'université du crime, Bordeaux en est la
polyvalente et la rue, la maternelle.
Mme Lamy (Marie-Josée): Louise vous a résumé
en quelques mots ce qu'était la problématique des jeunes
sans-abri. Pour ma part, je vais vous parler d'une des alternatives possibles
à cette problématique.
Elle parlait aussi de Bordeaux. À titre d'exemple, en 1984-1985,
selon un rapport du ministère de la Justice du Québec, il en
coûtait 86,48 $ par jour par détenu à Bordeaux. C'est sans
compter les frais d'avocats, de magistrats, de police que suppose toute
inculpation au criminel; sans compter aussi les dommages à la
propriété, les pertes de vie, les compensations versées
aux victimes. Laisser la situation se détériorer comme on le fait
aujourd'hui n'est pas une solution rentable ni efficace.
Si vous avez regardé le tableau qui est joint au mémoire,
vous avez constaté que les causes du problème des sans-abri au
Québec sont le chômage, l'éclatement de la famille, la
désinstitutionnalisation un peu sauvage, la pénurie du logement
à prix modique à Montréal. On pense qu'il faut agir
maintenant sur ces causes. Simultanément, il faut aussi agir à
court terme sur les effets déjà générés par
ces causes: l'hébergement des jeunes sans-abri, motivation, formation,
apprentissage et travail.
Dans cette perspective, nous croyons que la Maison Tangente constitue un
exemple. À Tangente on accueille présentement huit jeunes
à la fois pour une période d'une durée maximale de 21
jours. On leur offre gratuitement trois repas par jour, les articles de
toilette, les billets d'autobus et surtout un accompagnement professionnel dans
leur démarche.
De son côté, on demande au jeune qui habite à
Tangente de travailler à améliorer sa situation. Cela peut se
traduire par se chercher et se trouver un emploi ou parfaire sa formation.
Après trois semaines, 80 % des jeunes sont en mesure, avec leurs
économies, de louer une chambre ou un appartement et de recommencer leur
vie. À Tangente on reçoit environ 300 jeunes par année. On
croit que c'est une preuve de l'efficience de
Tangente comme celle de la plupart des maisons d'hébergement du
Québec.
Toutefois on se rend compte que l'importance de l'action du secteur
communautaire est peu reconnue par l'État si on en juge par la
proportion du budget qui lui est allouée. Par exemple, pour l'exercice
1986-1987, le ministère de la Santé et des Services sociaux, sur
un budget global de 6 280 000 000 $, a consacré 718 200 $ aux maisons
d'hébergement, c'est-à-dire 0,01 % du budget global du
ministère. Cette somme, quinze maisons d'hébergement se la sont
partagée pour en arriver à un per diem approximatif de 19,68 $.
On est loin des 86,48 $ de Bordeaux qui, au lieu de contribuer à
intégrer l'individu â la société, le marginalise
davantage. On est loin aussi, avec les 100 lits au Québec, dont 57
à Montréal, des 1000 lits de Toronto.
C'est pourtant évident, l'hébergement représente la
première et nécessaire étape vers l'intégration
sociale. C'est la clé du dépassement du mur quotidien du
manger-dormir au-delà duquel l'individu est enfin en mesure de songer
à l'hygiène, à la santé, au travail, à la
formation, à l'épargne, au logement, au loisir, à la
famille, à une vie normale en fait.
M. Rousse (Robert): Maintenant nous allons aborder la conclusion
de notre présentation par les recommandations que la Maison Tangente
peut faire à la commission. Comme les recommandations que je vais
exprimer dépassent, tout en les englobant celles qui ont
été présentées dans le mémoire, car on a
continué nôtre travail, on se permet d'ajouter une feuille
d'information à la documentation que vous avez déjà
reçue.
Considérant la problématique des jeunes sans-abri au
Québec; considérant les différentes alternatives offertes
pour la résoudre; considérant le nombre d'intervenants
gouvernementaux dans la solution aux problèmes afferrents; la Maison
Tangente recommande: la création d'un Conseil permanent de la jeunesse
qui soit un incubateur d'idées et d'initiative à l'égard
des jeunes du Québec; l'attribution à ce conseil d'un rôle
de lobby auprès des différents ministères, du Conseil des
ministres et des grandes institutions ainsi que des médias; la
création statutaire au sein du Conseil permanent de la jeunesse d'un
comité consultatif communautaire sur l'hébergement et aussi la
création d'un comité consultatif communautaire sur l'emploi.
Quatrième recommandation: l'attribution par le Conseil du
trésor d'un budget annuel de 3 000 000 $ au Conseil permanent de la
jeunesse consacré au financement d'initiatives locales en matière
d'hébergement et d'emploi.
Cinquième recommandation: la création
d'un fonds d'investissement jeunesse de 10 000 000 $ géré
par le Conseil permanent de la jeunesse et consacré au
développement d'alternatives communautaires en matière d'emploi
et d'hébergement jeunesse.
Ce sont là un peu l'ensemble de nos recommandations. Je voua
remercie d'avoir bien voulu nous entendre et d'avoir été
patients. Nous serons disposés à répondre aux
questions.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup de votre
intervention. Je vais reconnaître le député de
Mille-Îles.
M. Bélisle: D'abord, je vous remercie d'être venu
nous rencontrer en commission parlementaire pour nous exposer le
problème des sans-abri. Je dois vous dire que votre texte est
très clair, très limpide, très bien structuré,
même très cartésien. On se comprend très bien dans
le texte. C'est une excellente approche.
On entend beaucoup de choses sur les sans-abri présentement parce
que peut-être que c'est à la mode à cause de l'année
internationale. On glane des informations ici et là à la
télévision, à la radio, dans les médias, mais je
dois vous dire que c'est le premier texte que je vois qui, de façon
aussi synoptique, place bien les choses et les établit clairement. Je
veux souligner cela au départ.
Ce qui m'a frappé un peu... Je vais parler de vos
activités parce que je pense que c'est important. Vous avez une approche
assez spéciale. Vous recevez garçons et filles entre 18 et 25
ans. Est-ce que vous pourriez nous dire comment cela fonctionne à
l'intérieur du groupe de huit que vous avez? Vous ne faîtes pas de
distinction, c'est-à-dire que la personne qui se présente et qui
a un besoin, vous la recevez. Comment procédez-vous?
M. Lamoureux: On a huit lits, plus un divan qui est une place de
dépannage. Mettons que quelqu'un arrive à trois heures du matin,
le divan est disponible et on lui donne cela jusqu'au matin. Sur les huit
lits,
Il y en a deux qui sont réservés aux filles parce que la
demande est beaucoup moindre en ce qui concerne les filles qu'en ce qui
concerne les gars. Toutefois, il peut arriver que durant un mais on ait plus de
filles que de garçons. Il peut arriver qu'on ouvre deux chambres au lieu
d'une pour les filles. On ne réserve pas. On dit souvent aux gens qui
veulent réserver pour dans quatre jours que ce n'est pas un motel, ce
n'est pas une auberge. Le premier qui téléphone le matin, s'il y
a un lit de libre, si la personne répond aux critères minimums,
on fait une entrevue.
On voit si on peut l'aider à résoudre ses
problèmes, ses besoins. Si oui, on l'accepte. Il n'y a rien d'acquis, le
séjour maximal de 21 jours n'est jamais acquis. Tout dépend si le
séjour va bien ou pas. Tout dépend si le plan de séjour
est respecté. Si oui, la personne peut rester jusqu'à un maximum
de 21 jours.
M. Bélisle: Vous avez cinq éducatrices et
éducateurs. Est-ce que je dois comprendre que ce sont des gens qui sont
à temps plein là-bas? Est-ce cela?
M. Lamoureux: Six à temps plein. M. Bélisle:
C'est six à temps plein,
M. Lamoureux: On ne peut pas se permettre un de plus.
Déjà là...
M. Bélisle: Quel est le profil normal d'un cheminement
avec un jeune sans-abri qui rentre chez vous: Comment le prenez-vous en main?
Comment le mettez-vous sur une voie de meilleure réalisation personnelle
ou une lueur d'espoir au bout des 21 jours? Qu'est-ce que vous faites, les cinq
ou six éducateurs, avec le jeune quand il rentre à partir de ce
moment-là, jusqu'à la fin?
M. Fortin: D'accord. Les jeunes qui viennent chez nous,
premièrement ce sont des gens qui sont aptes travail. Pour ceux qui
auraient des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie ou
autres, à ce moment on sert de personnes-ressources de
référence, on les réfère à des organismes
plus adéquats. En ce qui concerne ceux qui sont en démarches
d'emploi, c'est sûr qu'on fait un suivi avec eux; c'est-à-dire
qu'on a commencé à monter une banque d'employeurs, donc, pour les
jeunes ça aide pour les "emplois, c'est sûr. Si le jeune a des
difficultés à se présenter chez un employeur, il ne sait
pas trop comment s'y prendre, on fait affaire avec un organisme de travail et
avec un conseiller qui aide ce jeune, donc on a à faire là aussi.
Maintenant si, à la fin du séjour, la personne travaille...
Normalement cela va quand même assez vite. À la suite de cela on
l'aide face à sa recherche de logement. Quand on peut on l'aide et on
fait un suivi en appartement aussi.
M. Bélisle: Oui, M. Rousse, allez-y.
M. Rousse: Pour compléter, en fait ce qui fait la
particularité d'une maison comme Tangente c'est qu'on ne prend pas le
jeune pour l'intégrer dans un moule mais on procède plutôt
à partir de ses besoins et de sa réalité. L'approche que
nous avons est plutôt une thérapie basée sur des choses
concrètes et quotidiennes, des victoires quotidiennes qui peuvent
permettre à l'individu de se dépasser et d'aller de l'avant.
L'individu est le centre de nos préoccupations. Par les ententes que
nous
avons avec d'autres groupes communautaires, à ce moment nous
pouvons mettre autour de lui un certain nombre de services. Donc, c'est
beaucoup plus personnalisé et nous ne cherchons pas à
intégrer la personne dans un moule mais plutôt à adapter
les ressources à ses besoins.
M. Bélisle: Vous mentionniez tantôt qu'il y a 300
jeunes par année qui passent chez vous. Est-ce que vous êtes en
mesure de nous dire, sur ces 300 jeunes qui ont eu besoin de vos services, de
votre aide et du "counselling" que vous faites... Il y a beaucoup de
communication dans ce que vous faites. Vous jasez avec les jeunes, vous
regardez leur identité propre et vous essayez de les aider à se
trouver eux-mêmes et à trouver leur place dans la
société. Combien y en a-t-il - avez-vous des statistiques pour
nous le dire? - que vous pensez avoir récupérés - je
n'aime pas ce terme, je pense que ce n'est pas adéquat - mais remis sur
une bonne piste? La moitié, les trois quarts?
M. Lamoureux: II y a une nuance à faire. Nous en recevons
300. Il y en a qui complètent leur séjour de 21 jours et d'autres
non. De ceux qui complètent - je crois qu'ils représentent autour
de 60 % à 65 % - je dirais qu'il y a autour de 80 % qui vraiment ne
reviennent pas et sortent du circuit des maisons d'hébergement et des
sans-abri. Soit qu'ils ont trouvé un travail ou soit qu'ils sont en
formation. Ils ont un appartement ou une chambre et ils volent de leurs propres
ailes. C'est sûr qu'il y en a qui reviennent après un an,
après deux ans. Des fois, ils retombent. Par exemple, un gars un peu
alcoolique, bon. Je pense que la moyenne de succès en ces termes est
excellente.
M. Bélisle: Est-ce que quelqu'un peut tenter de
m'expliquer une statistique importante à la page 5?: "Masculins dans une
proportion de dix pour une". Pourquoi?
M. Rousse: En termes d'itinérance? M. Bélisle:
Oui.
M. Rousse: Le pourquoi est difficile à trouver. C'est
probablement souvent parce que les jeunes garçons, quand ils sont
arrivés à 18 ou 19 ans, les choses ne débloquent pas
rapidement pour eux. Des fois, on va entendre l'expression: Écoute tu es
assez grand, vas-y. Il y a cela. Il y a aussi, comme nous disions, les gens qui
viennent de l'extérieur de Montréal, beaucoup plus souvent des
gars vont partir en se disant: Bien, coudon, il n'y pas d'ouvrage dans mon coin
de pays, je vais aller essayer. Ce sont certaines raisons. Il y en a d'autres
sûrement mais ce sont les plus fréquemment rencontrées.
M. Bélisle: D'accord. Vous avez mentionné, à
la page 10 de votre document un tas de solutions. Il y a une douzaine de
points. Je vais m'attarder à deux ou trois de ces solutions. Je trouve
cela très enrichissant ce que vous avez mis là. Vous parlez de la
multiplication des programmes d'appartements supervisés; vous voulez
m'expliquer votre conception de ce qu'est un programme d'appartements
supervisés?
M. Lamoureux: C'est un programme de subventions d'appartements
supervisés, c'est-à-dire il y en a plusieurs sortes. Par exemple,
cela peut être, par exemple, un ensemble de trois appartements dans un
bloc qui contiennent chacun deux personnes et où on peut mettre ce que
l'on appelle un poteau, non pas un éducateur ni un surveillant, non
plus, mais une personne-ressource qui va voir à l'intégration
progressive des jeunes qui sont là, qui ne les surveillera pas mais qui
va plutôt les aider, effectivement. Il y en a très peu. Les
maisons d'hébergement comme la nôtre sont obligées d'avoir
des séjours à court terme de 21 jours au maximum. Il y a d'autres
maisons qui ont des séjours un peu plus longs mais je pense que c'est un
grand manque. En 21 jours, on peut parvenir à amasser un peu d'argent,
à se trouver une "job" pour aller en appartement, mais pas vraiment pour
démarrer. Cela prendrait vraiment des séjours de six mois, de
façon de plus en plus autonome. Chez nous, il faut qu'il lave la
vaisselle mais quand tu es seul dans un appartement, peut-être que tu
n'as pas le goût ou peut-être... Nous, on oblige les qens à
l'épargne, par exemple. Quand quelqu'un travaille, on prend sa paye, on
la met dans une enveloppe, on la met dans le tiroir et, quand il s'en va, on
lui redonne. Quand il est tout seul en appartement, peut-être qu'il ne
pense pas à acheter de la bouffe pour dans trois semaines. C'est cela
l'apprentissaqe progressif de l'autonomie, c'est à cela que serviraient
les appartements supervisés ou partagés.
M. Bélisle: Combien de cas connaissez-vous, en ce moment,
d'appartements supervisés, de projets d'appartements supervisés
qui existent au Québec?
M. Rousse: Nous en connaissons trois ou quatre dans la
région de Montréal. Il y a le BCJ Longueuil qui a des
appartements supervisés, le BCJ Viray et le Service d'intégration
à la collectivité qui en a deux. Le Service d'intégration
à la collectivité a un mode un peu différent, dans le sens
où c'est un logement... Mais tous ces programmes, c'est un logement dans
lequel il y a un certain nombre de jeunes; les coûts sont modiques, sont
souvent en accord avec leur budget, 25 % du budget. Il y a aussi
d'autres, de nouvelles formules à développer. Une voix:
Comme quoi?
M. Rousse: Un peu comme ce que Daniel disait, les foyers
appartements. Plutôt que d'être dans un logement où ils sont
quatre ou cinq qui partagent le logement, il y a un respect mutuel, c'est
plutôt dans un édifice où il y a dix, douze, quinze
logements pour ne pas faire un ghetto; en fait, qu'il y ait un certain nombre
de logements qui puissent être laissés aux jeunes sur les
mêmes bases, en termes de pourcentage de budget, de revenus. Un
éducateur supervise et sert de personne-ressource. À ce
moment-là, il s'agit de payer l'appartement de cet éducateur,
dans lequel un certain nombre d'éducateurs peuvent passer, mais il y en
a toujours un sur place.
M. Bélisle: Ce ne serait pas tellement cher, en fin de
compte, de payer un appartement pendant une année.
M. Rousse: Non. Dans le fond, ce sont des mesures
légères mais superefficaces et basées sur une
réalité quotidienne. Ce qui arrive, même dans la
clientèle que l'on reçoit... Tantôt on a parlé des
gens qui avaient un passé structurel. Ces gens-là ont vu des
éducateurs depuis bien des années. À partir du moment
où la relation est éducateur-jeunes hommes ou jeunes
délinquants - parce que c'est un peu le pattern suivi - il y a une
fermeture, il y a une coupure qui est là. Souvent ils ont beaucoup plus
de métier pour manipuler un intervenant qu'un intervenant peut avoir de
métier avec des jeunes. C'est souvent ce qui fait qu'il y a des
programmes avec des mesures lourdes et des mesures
super-professionnalisées qui manquent leur objectif parce que le contact
de base ne se fait pas à cause qu'il y en a un qui est un intervenant du
milieu social, c'est un employé de l'État, un éducateur
diplômé, et tout. Il y a un recul, une fermeture qui se fait.
M. Bélisle: Malheureusement, je n'aurai pas le temps de
continuer avec toutes les questions que j'avais mais je veux terminer sur une
question fondamentale. Vous parlez de la nécessité
d'interventions communautaires. Je veux savoir, à la Maison Tangente...
Les institutions locales de la ville, les services municipaux, les organismes
sans but lucratif qui pivotent un peu autour de l'arrondissement où vous
êtes situés se sentent-ils impliqués, vous aident-ils? Se
sentent-ils embarqués dam ce problème?
M. Rousse: Toutes les fois, dans notre comté, où on
a eu à faire appel, pour un coup de main ou pour une ouverture, aux
autres groupes communautaires, on a pas eu de problème. À titre
d'exemple, à un moment donné, dans les perdiem, on avait 40 $ par
année pour les services de loisir, ce qui n'est pas beaucoup pour huit
personnes. On a pu créer une entente avec le Centre culturel et sportif
de l'est; comme on avait un budget de 40 $, il nous laissait pour un an six
cartes de membre, pour 40 $. Dans notre milieu, il y a une certaine
écoute, oui, surtout de la part des milieux communautaires.
M. Bélisle: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Je vous remercie, M. le
député de Mille-Îles. Je vais reconnaître Mme la
députée de Chicoutimi. (16 h 45)
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mesdames et
messieurs, cela me fait plaisir au nom de ma formation politique de vous
souhaiter la bienvenue et je dois vous dire que c'est avec également
beaucoup d'intérêt que j'ai lu votre mémoire. Je dois dire
qu'avec la lettre circulaire que vous avez fait tenir aux
députés, vous tracez un portrait que je qualifierais de
saisissant de la situation qui est vécue quotidiennement par quelque 10
000 jeunes au Québec. Je pense que cela ne devrait laisser personne
indifférent.
Vous tenez également ce que j'appellerais un discours
économique en nous rappelant au gouvernement et à tous que si on
n'intervient pas pour des raisons humanitaires il faudrait tenir compte des
coûts économiques d'une situation qui se détériore
et qui, parce que non soignée aujourd'hui, va coûter beaucoup plus
cher demain. Je rappelle un paragraphe de votre lettre: "Si on ne les aide pas
en parlant des jeunes - immédiatement, maintenant, ces jeunes sont
voués au crime, à l'alcoolisme, à la toxicomanie, à
la maladie. Ne rien faire maintenant équivaut à négliger
de réparer le toit qui fuit, cela coûtera plus cher demain, car la
prison, l'hôpital, le tribunal, l'aide sociale sont de loin plus
onéreux que des ressources communautaires adéquates."
Vous faites également une comparaison - je ne me rappelle pas
vous l'avoir entendu dire - au sujet de la situation de l'hébergement
pour les sans-abri, une comparaison entre le Québec et l'Ontario. Je
dois dire que cette comparaison nous est souvent servie lorsque, par exemple,
on veut nous dire que les frais de scolarité ici dans les
universités sont beaucoup plus bas qu'en Ontario, que les
prêts-bourses sont beaucoup plus élevés. Autrement dit,
c'est toujours pour dire qu'on est moins bon ici que là-bas. Je dois
dire que là c'est effectivement vrai. Si je reprends une partie de votre
lettre, vous rappelez qu'au cours de l'Année
internationale du logement des sans-abri 10 000 jeunes errent dans les
rues de Montréal et ils se partagent 50 lits quand Toronto en offre 1000
à ses défavorisés. Je pense que cela parle plus que ce
qu'on pourrait faire comme long exposé sur cela.
Vous soulignez - et j'ai trouvé particulièrement frappant
- le fait que l'aide ne vous venait jamais pour les jeunes sans-abri: on ne
pouvait pas coucher au poste de police, ni dans les presbytères, ni dans
les écoles dont les locaux ne servent pas, pas plus que dans les
églises. J'aurais une question et je me doute un peu de la
réponse: Comment se fait-il que tous ces lieux soient fermés?
M. Lamoureux: Ils sont fermés et ils nous sont
fermés. Les commissions scolaires, souvent, ont des... Pardon?
Mme Blackburn: Ils sont fermés aux jeunes et aux
organismes également.
M. Lamoureux: Souvent il y a des... Non, parfois il y a des
écoles qui sont fermées par manque d'étudiants, elles sont
abandonnées. Il y a souvent les presbytères qui sont
abandonnés aussi parce que c'est trop vieux, c'est trop froid,
peut-être qu'il y a un manque d'occupants. C'est très difficile.
On cherche à acquérir, pour une somme nominale sans doute, c'est
la seule chose qu'on pourrait se permettre, un immeuble depuis des
années. C'est impossible. Les communautés religieuses, les
commissions scolaires, la ville... Non, on n'y parvient vraiment pas, ce qui
fait qu'on est obligé de payer un loyer, qui n'est pas énorme,
qui n'est pas considérable, on est dans un quartier populaire. Il reste
que si on pouvait, non seulement nous mais tous les autres hébergements
ou secteurs commautaires, exploiter cet espace qui est perdu - je pense au
sous-sols d'église, à certaines salles des écoles - on
pourrait loger une bien plus grande partie de ces 10 000 sans-abri. C'est une
solution. Quant aux postes de police, il fut peut-être une époque
où les gens qui voyageaient pouvaient y être abrités. Cela
se fait peut-être encore en campagne, mais à Montréal c'est
impossible. Après le couvre-feu, après une certaine heure, c'est
interdit d'être dans un parc public à Montréal. Si la
police ramasse un jeune sur un banc, elle ne le garde pas dans ses cellules
à moins qu'il ait commis une infraction. Elle téléphone
chez nous, elle téléphone dans une autre maison
d'hébergement ou à l'urgence sociale, elle l'envoie quelque part.
Je ne sais pas si cela répond à votre question?
Mme Blackburn: Je m'explique mal l'espèce
d'insensibilité à ces situations du côté des
institutions religieuses ou civiles, que ce soit la commission scolaire ou la
municipalité.
M. Lamoureux: II n'y a pas de sensibilisation là. En tout
cas, j'ai l'impression que les gens considèrent que leur mission n'est
vraiment pas de faire de l'hébergement, mais plutôt de faire autre
chose. Ils ne sont pas vraiment touchés par cela.
Mme Blackburn: Dans votre mémoire en page 10 vous proposez
des solutions alternatives pour couper un peu le robinet qui nous amène
ces mésadaptés et vous citez ce que vous appelez des solutions
à court terme. Évidemment, au premier titre, la création
d'emplois pour les jeunes, la multiplication et l'enrichissement des programmes
de rattrapage, la multiplication et l'enrichissement des programmes de
recyclaqe, accessibilité accrue aux prêts-bourses, création
de programmes de retour aux études, création de
coopératives de travail, multiplication des centres
d'hébergement-dépannage, développement des services des
centres d'hébergement-dépannage, multiplication des programmes
d'appartements supervisés, multiplication des programmes d'appartements
partagés, multiplication des programmes de logements communautaires et
majoration de l'aide sociale.
Le premier point, la création d'emplois, vous amène
à proposer une commission que vous dites communautaire sur l'emploi.
Pouvez-vous m'expliquer le sens du mot "communautaire"? Est-ce sur les emplois
communautaires? On dit: un comité communautaire consultatif. Je voulais
voir ce que le mot "communautaire" venait faire ici. Sur l'hébergement
je le comprends mieux, mais sur l'emploi?
M. Lamoureux: Ce serait un comité consultatif
composé de gens issus du milieu communautaire et non pas de
l'État.
Mme Blackburn: Quand vous parlez de l'accessibilité accrue
aux prêts-bourses, à quoi pensez-vous?
M. Lamoureux: Souvent, la réglementation des
prêts-bourses s'applique mal aux jeunes itinérants qui veulent
retourner aux études. Souvent, ces gens-là sont obligés de
travailler le soir pour étudier le jour ou inversement de travailler le
jour. Souvent, pour quelqu'un sur l'aide sociale qui veut retourner aux
études c'est très compliqué. C'est sûr que ces
gens-là ne vont pas au niveau universitaire; souvent c'est au niveau
secondaire, mais ils rencontrent une foule de problèmes à ce
niveau-là. Mais il n'y a pas un canal, pas un pont par où ils
peuvent passer pour atteindre l'autonomie à ce niveau-là. Donc,
cela les pénalise face à la formation.
Mme Blackburn: Je voudrais seulement vous rappeler - cela peut
être intéressant -qu'un des engagements du Parti libéral
touchant les jeunes, c'était d'accorder des prêts-bourses pour les
jeunes étudiants au secteur professionnel de niveau secondaire. Cela
viendrait répondre à ce que vous soulignez ici.
Une dernière question, parce qu'avec la permission du
président, je veux laisser la place à Mme la
députée de Maisonneuve, parce que je sais que la maison est dans
son comté et qu'elle a toujours manifesté beaucoup
d'intérêt pour vos activités. Je voudrais juste vous parler
de votre recommandation - celle qui nous a été
présentée par M. Lamoureux? Est-ce cela?
M. Rousse: Mon nom est Rousse.
Mme Blackburn: M. Rousse. Alors, la proposition que vous nous
faites et tout le mémoire font état de l'urgence d'intervenir.
Vous semblez attribuer au conseil permanent des responsabilités
importantes, à la fois à titre de lobby, d'informateur et je
dirais également de distributeur de budgets, d'attribution de
subventions è la fois pour l'hébergement, mais également
pour le développement d'alternatives communautaires en matière
d'emplois et d'hébergement.
Si on vous dit que le conseil permanent sera à peu près,
en étant très optimiste, en mesure, parce qu'il faut le
créer, de vous proposer ou de fonctionner à l'intérieur de
cela... Cela prendrait un minimum - je sais un peu de quoi je parle, parce que
j'ai créé un conseil - d'à peu près 18 mois - c'est
en étant très optimiste - pour être en mesure de vous
apporter quelque support, tel que vous le suggérez. Pensez-vous que la
situation actuelle peut encore attendre 18 mois?
M. Rousse: Effectivement, la situation actuelle est pressante,
d'autant plus qu'elle avait été décriée, ou les
solutions que l'on envisage à long terme ont déjà
été mises de l'avant. J'ai des extraits ici du rapport Batshaw
qui date de 1975 et dans lequel on reconnaît des solutions de rechange
dans une recommandation qui dit: Que le ministre des Affaires sociales finance
en priorité des projets de services en réadaptation
communautaire, tels les auberges, les foyers et des choses du genre. Cela fait
donc longtemps que cela traîne. Aussi, à l'intérieur du
mémoire, vous retrouvez des solutions à court terme.
Effectivement, si on veut un conseil qui puisse apporter des solutions
à long terme, des solutions probantes, des choses qui ont de l'allure,
qui se tiennent et qui vont être un peu plus solides, il est certain que
cela prend du temps. Par contre, on se dit: Continuons à court terme, en
attendant que ce conseil donne des résultats. On sugqère aussi
à court terme de remplir certaines recommandations. Ce sont les
solutions è court terme qu'on a énoncées. C'est vraiment
en attendant que le travail se fasse.
Pourquoi lui donne-t-on une telle importance? Quand on parie de
l'attribution d'un rôle de lobby, etc., je pense que cela reprend un peu
le caractère dynamique de la jeunesse. Quand ils sont placés dans
de bonnes conditions, je crois que les jeunes sont extrêmement dynamiques
et que le conseil a plutôt un rôle de locomotive. Comme on le dit
sauvent dans le langage populaire, il faudrait qu'ils donnent la "drive" un
peu. C'est essentiel. Mais à court terme, effectivement, il y a des
solutions. C'est l'amélioration. En tout cas, il y a des choses qui
fonctionnent déjà. Il ne s'agit pas de les rejeter du revers de
la main. Il faut plutôt les améliorer en attendant que des
solutions plus efficaces soient mises de l'avant. De là, dans un premier
temps, la création d'un conseil qui a plutôt un rôle
d'incubateur, qui est à la recherche de solutions novatrices et
efficaces.
Le Président CM. Marcil): Merci beaucoup, Mme la
députée de Chicoutimi. Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président, II me fait d'autant
plus plaisir de vous voir ici cet après-midi que - mes collègues
ne le savent peut-être pas - j'ai parlé très fort à
l'époque où c'était un autre gouvernement. Il est
évident que les maisons d'héberqement pour jeunes
itinérants ont un passé qui est assez récent,
finalement.
La semaine dernière j'ai lu, parce que je les avais dans mon
courrier, les deux pages que vous avez fait parvenir à tous les
députés de l'Assemblée nationale, je pense. Je n'avais pas
vu l'en-tête de votre papier. Je ne savais pas que cela venait de vous,
mais ma collèque a raison, ce sont deux pages qui résument
extrêmement bien la situation, l'état du problème et les
solutions possibles. Ce sont des remèdes modestes mais efficaces.
Je veux simplement vous rappeler que vous parlez de la Maison du
père, dans votre mémoire, qui reçoit des personnes de 25
ans et plus, et que chez vous vous recevez les personnes de 18 à 25 ans.
Dans un quartier du bas de la ville de Montréal, le poste de police no
52, qui couvre une partie de l'est de Montréal, définit que,
annuellement, près de 80 % de la criminalité est juvénile
dans le quartier, contrairement à la criminalité dans le
centre-ville, qui est une criminalité adulte. Dans le secteur, c'est une
criminalité qui est beaucoup plus juvénile qui se manifeste par
des pourcentages d'infractions qualifiées qui sont assez
considérables.
Hier, j'ai rencontré un groupe de personnes qui veulent mettre
sur pied une nouvelle maison dans le quartier; la Maison de l'être. Vous
en avez sûrement entendu parler. Ils me disent que le problème
à Montréal, c'est qu'il n'y a pas de possibilité d'accueil
pour les moins de 25 ans qui ont des gros problèmes de toxicomanie et
d'alcool. Tantôt vous disiez - et je remercie le député de
Mille-Îles parce qu'il avait raison de vous replacer dans le contexte
communautaire, alors que vous faisiez état de vos rapports avec le
carrefour... C'est assez essentiel qu'il y ait ce genre... Je regardais la
liste des organismes dont vous disiez être partie prenante. Il y a la
table de concertation jeunesse et je pense à Resto Pop, où il est
possible que des jeunes qui sont hébergés chez vous aillent
prendre un repas. J'imagine que le SEMO emploi-jeunesse est aussi à la
disposition de ceux qui vont chez vous et qu'ils peuvent, par le Service
externe de main-d'oeuvre emploi-jeunesse, qui est situé tout près
finalement, avoir un soutien en ce qui a trait à l'emploi. (17
heures)
J'imaginais aussi La Dauphinelle, qui est la maison d'hébergement
qui reçoit aussi des jeunes femmes itinérantes.
Expressément ce que je me suis demandé en lisant votre
mémoire c'est d'abord s'il y a beaucoup d'analphabètes. Vous,
vous recevez les 18-25 ans qui dans le fond ne sont pas trop "poqués",
n'est-ce pas? Ceux qui ont des problèmes lourds de toxicomanie - ce
n'est pas un reproche que je vous fais - ou d'alcool vous n'êtes pas en
mesure de les recevoir? Bon. D'autre part, vous recevez des gens,
vous-mêmes l'avez dit, qui sont aptes au travail. Vous disiez dans ces
deux pages du résumé qu'en général les
résidents ont un emploi après cinq jours. Donc, je me dis: Est-ce
que les itinérants... On a toujours l'image de l'itinérant qui
vient d'ailleurs. L'itinérant c'est le voyageur qui vient d'ailleurs.
Tantôt, en parlant du gars de la Gaspésie, vous confirmiez un peu
cette impression qu'on a. Vient-il vraiment d'ailleurs, l'itinérant?
Parmi les 300 personnes que vous recevez annuellement il y en a vraiment
combien qui viennent d'ailleurs et combien sont de l'intérieur,
finalement?
D'autre part, est-ce que, parmi ceux qui ont des problèmes, la
majorité est formée de ceux qui ont "droppé" au
secondaire, ou ont-ils complété un secondaire? Est-ce que vous
avez des relations avec l'école Marie-Anne, l'école où les
18 ans et, plus peuvent aller compléter un secondaire tout ayant l'aide
sociale? Est-ce que je me trompe? Mais tantôt vous avez dit: Nous
favorisons un apprentissage progressif de l'autonomie. C'est beaucoup, ce
mandat et cette vocation. Quand j'ai écouté cela, je me disais:
Dans le fond, c'est la famille. Quelle est l'institution dans notre
société qui a à faire l'apprentissage progressif de
l'autonomie? Disons que la réponse, cela devrait être la famille.
Dans le fond, vous êtes le substitut de la famille. Est-ce que vous avez
réfléchi sur cette question? Est-ce que l'absence de politiques
familiales ou le développement de politiques familiales de quelque part
peut avoir des effets? Vous distinguiez dans la clientèle la
structurelle et la conjoncturelle. Vous dites: La structurelle c'est celle qui
est lourde, lourde et lourde qui sort, j'imagine, de
Rivière-des-Prairies ou qui sort d'un milieu complètement
psychotique d'une certaine façon ou qui a de graves problèmes.
Vous c'est plus ce que vous appelez ceux qui momentanément n'ont pas de
chance. Alors ceux-là ne trouvent plus le support qu'ils trouvaient
avant dans leur famille. C'est cela qu'il faut comprendre.
M. Rousse: Sur cela, quand on parle de la provenance,
tantôt vous avez mentionné ceux qui viennent de l'extérieur
de Montréal, etc. Nous pourrions estimer à environ un tiers la
clientèle que nous recevons qui vient de l'extérieur de
Montréal. On peut dire Montréal métropolitain, les gens
qui viennent carrément d'un peu plus loin.
Quant aux problèmes lourds, effectivement nous ne sommes pas
équipés pour y répondre. Nous avons demandé pendant
quatre ans... Nous nous sommes aperçus qu'à court terme notre
formule fonctionne pour des gens qui ont certains problèmes pas trop
graves. Il y en a d'autres que nous avons reçus des fois et que nous
gardions trois semaines. Nous nous disions: Dans le fond, si nous pouvions
continuer le travail pendant trois mois, quatre mois, cinq mois et six mois,
cela pourrait donner des résultats à moyen terme. À toutes
les fois que nous avons fait des demandes dans ce sens, et la seule place
où nous pouvions en faire c'était au soutien et aux organismes
communautaires, on nous répondait que ce n'était pas
nécessairement le genre de formule applicable à moyen terme parce
qu'à moyen terme il faudrait avoir plus une approche, entre guillemets,
"professionnelle" avec des psychologues, etc. La
réalité-thérapie semblait difficilement envisageable au
soutien et aux organismes communautaires, ce qui est un peu contraire à
nos prétentions. Aussi, quand on regarde la provenance des gens en
termes structurels, effectivement nous en recevons beaucoup qui ont suivi des
programmes à Rivière-des-Prairies, Cité des Prairies et
toutes sortes de centres comme ceux-là. Nous pouvons estimer à
entre 40 % et 60 % la clientèle qui a passé par le milieu
institutionnel. Par contre, quand ils sortent de là, ils sont
censés avoir un certain bagage minimum mais malheureusement tout le
temps qu'ils ont été en institution ils n'ont pas eu à
se
préoccuper de ce qu'ils allaient manger le soir, ils n'ont pas eu
à se préoccuper s'il y avait des loisirs ou des trous à
combler dans leur journée pour s'occuper. Tout était
prévu.
À 18 ans, on leur donne une bonne tape dans le dos et on leur
dit: Vas-y mon gars, tu es capable. Ils font six mois, un an.
Désorganisation! C'est là qu'on les reçoit chez nous. Par
contre, comme ils ont déjà un bon bagage, un cheminement de fait,
c'est strictement une réadaptation en fonction de ce qu'ils ont appris
et de l'appliquer dans la réalité. Souvent, ça va bien
aller. On va pouvoir faire le lien.
Effectivement, comme Mme Harel disait, quand on a ouvert cette maison,
on s'est dit: Qu'est-ce qu'on fait comme maison? Parce qu'on aurait très
bien pu être strictement un abri dans lequel on dit: Écoutes, on a
huit lits. Tu viens, tu t'organises. On ne pose pas de question. On offre des
lits de dépannage. On est une ressource de dépannage. On s'est
dit: On veut être plus qu'un toit sur la tête. On veut être
plus que de la bouffe dans l'assiette. On veut être une aide.
On a toujours eu comme préoccupation dans nos interventions
d'être assez prêt de la personne parce qu'effectivement les jeunes
qu'on rencontre n'ont presque plus de liens familiaux ou les liens familiaux
sont très détériorés. On est un peu la
deuxième famille. Je pense que si on avait pensé présenter
des statistiques ce serait éloquent. C'est surprenant le nombre de
jeunes qui reviennent faire un tour après, à toutes les fois
qu'ils ont des bonnes nouvelles. Vous savez, parfois on n'en n'entend pas
parler parce que cela va mal un peu au travail et, tant que cela va bien,
à un moment donné il sait qu'on est un petit peu sa famille et
des fois il va venir parler du problème particulier. On va aborder une
amorce de solution. On le perd dans la brume pendant un mois, deux mois et,
tout â coup, on reçoit un coup de téléphone disant:
Puis-je aller en visite ce soir? Effectivement, là ils viennent nous
compter des bonnes nouvelles. On est souvent, pour eux, une deuxième
famille.
Souvent, il y a des cas, personnellement, que j'ai toujours
trouvé pathétiques. L'éclatement de la cellule familiale,
comme on le vit au Québec présentement... Ce que je trouve
terrible c'est quand un jeune est chez eux, soit avec son père ou avec
sa mère, et que le "chum" ou la blonde arrive dans le décor et
qu'il n'y a plus assez de place pour trois dans la maison. Ce sont souvent des
cas qu'on rencontre. C'est ceux qu'on appelle des cas conjoncturels qui
représentent 45 % à 50 % de notre clientèle.
Le Président (M. Filion): II vous reste trois minutes,
environ.
Mme Harel: En fait, tantôt vous disiez qu'une institution,
par exemple, comme Rivière-des-Prairîes, qui est un centre
d'accueil pour jeunes, finit par fabriquer des jeunes qui ont des
difficultés d'autonomie.
M. Rousse: ...
Mme Harel: Est-ce qu'il ne faudrait pas envisager des mesures de
transition, par exemple? Vous êtes presque une maison de transition entre
la vie indépendante totale et la vie d'institution. C'est comme une
sorte de maison de transition. Il y a comme une sorte de passage à
faire. Ne faudrait-il pas envisager qu'il y ait une sorte de reconnaissance
qu'il y a un besoin de maisons de transition pour des jeunes en centres
d'accueil?
Je termine. Vous êtes impliqués aussi dans divers... Vous
avez parlé du regroupement des maisons d'hébergement. Vous avez
discuté de toute la question relative au Conseil permanent de la
jeunesse. Vous en avez discuté à divers stades. Comment cela
est-il perçu dans les milieux où vous êtes? Oisons que les
jeunes que vous servez, j'imagine, ne sont pas très au courant. Ce sont
les intervenants, j'imagine, qui sont plus intéressés. Quelles
sont les attentes dans ce milieu à l'égard du conseil?
M. Lamoureux: Dans le fond, les gens qui travaillent dans le
secteur communautaire ont l'impression souvent de rouler dans le vide parce que
les jeunes sans-abri n'ont pas d'association ni de syndicat. Ils n'ont pas de
voix. Un des mandats du Conseil permanent de la jeunesse serait sans doute
d'être à la fois une oreille pour entendre ce qui se passe en ce
qui a trait aux sans-abri et une voix aussi qui dirait ce qui se passe
là aux ministères, aux instances gouvernementales, aux grandes
institutions. Ce serait l'attente idéale, d'être à la fois
une oreille et une voix qui pourraient les aider à résoudre leurs
problèmes.
M. Rousse: Une des difficultés rencontrées dans
cette volonté, c'est comment assurer la représentativité
de ces intérêts? On comprend le souci démocratique du
gouvernement dans la mise en place d'un collège électoral, etc.
Mais il y a cette représentativité des problèmes, non pas
généraux, mais plutôt de la rue, d'en bas. Comment accorder
cette voix, comme disait Daniel, à l'oreille?
En ce qui a trait aux maisons de transition que vous avez
abordées, Mme Harel, effectivement, la Maison Tangente joue un peu ce
rôle mais elle n'est pas comme telle une maison de transition. Comme je
le disais tantôt, tout ce qui est assez directement relié à
l'institution amène une relation de confiance difficile avec
l'individu. Effectivement, ce qui serait à souhaiter, ce serait
encore plus de maisons d'hébergement du style de la Maison Tangente
ainsi que des maisons d'hébergement qui peuvent offrir le même
type de services mais, à moyen terme, sur des durées plus
prolongées. Ce qui n'existe pas actuellement.
Le Président (M. Filion): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: En conclusion, M. le Président...
Le Président (M. Filion): D'accord. Oui. Je vous en
prie.
Mme Blackburn: Je voudrais simplement vous dire, mesdames et
messieurs, que j'ai été particulièrement
impressionnée par le tableau que vous nous avez fait de la situation des
jeunes. Je dois dire que c'est récemment que j'ai constaté
l'espèce, j'allais dire, d'injustice dont sont victimes les jeunes qui
vivent en institution du fait que du moment où ils ont 18 ans on les
éjecte. Il ne viendrait pas à l'esprit d'une famille normale,
dans le sens d'une famille un peu responsable, de faire la même chose
avec son jeune sous prétexte qu'il vient d'avoir 18 ans. Il peut arriver
qu'il soit autonome à 16, 17 ou 18 ans, comme il peut l'être
à 22 ans. C'est là, comme d'autres probablement, que j'ai
réalisé qu'il y avait quelque chose d'un peu anormal, d'un peu
artificiel quand on décide que vous êtes autonome à 18
ans.
Vous faites deux recommandations touchant la création de
comités consultatifs communautaires, c'est-à-dire l'un sur
l'hébergement et l'autre sur l'emploi. Je voudrais vous dire que, sur
l'emploi, cela a été une des premières demandes que j'ai
faites au moment où on l'on commençait les travaux de cette
commission. Effectivement, je pense qu'il y a là une priorité et
que la seule façon de marquer qu'il y a là une priorité
pour le gouvernement, c'est de créer dès maintenant, et en
même temps que l'on crée le conseil, une commission. Je
préférerais une commission à un comité parce qu'une
commission a des pouvoirs plus étendus. Par exemple, ce pourrait
être une commission de l'emploi.
Pour ce qui est de l'hébergement, l'autre commission que je
suggérais en était une sur l'adolescence. J'estimais comme tous -
et je pense bien que la lecture des documents nous amène à
réaliser que les problèmes de mésadaptation, etc., que vit
la jeunesse, enfin tous ceux dont vous avez fait état trouvent leur
origine beaucoup dans l'enfance et dans l'adolescence. Une des façons
que j'appelle de fermer le robinet à la venue de nouveaux
mésadaptés est d'intervenir en matière de
prévention.
Je voudrais vous rassurer et vous dire que cette recommandation que vous
faites, je vais m'en faire le défenseur. Au moment où on
examinera le projet de loi en commission parlementaire et en Chambre, je saurai
en temps utile rappeler cette recommandation. Je vous remercie infiniment de
votre participation.
Le Président (M. Filion): Oui, M. le député
de Mille-Îles.
M. Bélisle: Au paragraphe 2 de vos recommandations, quand
vous parlez du rôle de lobby auprès des différents
ministères, du Conseil des ministres, des grandes institutions, des
médias, est-ce que je dois comprendre qu'il y a plus que l'expression
"une oreille et une voix", ou est-ce que c'est vraiment cela?
M. Lamoureux: À notre avis, le conseil permanent ne
devrait pas être un organisme que les ministères consultent pour
voir si telle politique ou tel projet de loi qui est sur le point d'être
adopté correspond aux attentes du conseil. Il devrait plutôt avoir
un objectif plus actif. Le conseil peut aller directement aux
ministères. N'appelons pas cela des pressions, mais qu'il fasse un peu
de lobby pour défendre les intérêts de la jeunesse qu'il
avait entendus.
M. Bélisle: Autrement dit, de présenter les faits
qui préoccupent la jeunesse.
M. Lamoureux: Oui.
M. Bélisle: C'est dans le projet de loi et je suis
convaincu que c'est très important. C'est dans ce sens-là que
vous ajoutez au volet de l'oreille et de la voix la prise en main de leurs
objectifs et de mettre sur la table leurs priorités et les dire
clairement. C'est ce que vous voulez dire?
M. Lamoureux: Sur la table politique et sur la table publique
aussi. (17 h 15)
M. Bélisle: Et sur la table publique. Entièrement
d'accord.
Une dernière question. Dans la quatrième recommandation
qui s'adresse au gouvernement, au Conseil du trésor, vous parlez d'un
budget annuel de 3 000 000 $ au Conseil permanent de la jeunesse,
attribué au financement d'initiatives locales en matière
d'hébergement et d'emploi chez les jeunes. Juste une réaction
rapide. Si on prenait ce montant annuellement - 3 000 000 $ - et qu'on ne
l'affectait pas à l'emploi mais seulement aux problèmes
d'hébergement, de transition, de dépannage, de
réorientation, combien pensez-vous qu'on pourrait aider de jeunes entre
18 et 25 ans en une année?
M. Lamoureux: En ce moment, c'est 718 200 $. Il y a 100 lits au
Québec, combien peut-an avoir de lits avec 3 000 000 $?
M. Bélisle: C'est une équation simple, c'est
tout.
M. Lamoureux: Oui, à peu près cela.
M. Bélisle: Sauf que, si on utilise d'autres volets dont
vous avez parlé tantôt, comme des appartements supervisés
et tout le reste, là ce n'est pas la même équation qu'on
fait.
M. Lamoureux: Non, on ajoute des services.
M. Bélisle: On est d'accord là-dessus?
M. Lamoureux: Oui. Il y a une question de quantité, mais
aussi de qualité.
M. Bélisle: D'accord, je comprends.
M. Lamoureux, Mme Fortin, Mme Lamy et M. Rousse, je vous remercie
profondément. Cela m'a éclairé beaucoup; je
m'intéresse beaucoup aux problèmes des jeunes parce que j'en al
plusieurs à la maison. Plusieurs amis de mes jeunes viennent à la
maison et on cause beaucoup. Plusieurs sont désorientés et, pour
d'autres, cela va bien; il s'agit de les aider du mieux qu'on peut. Je trouve
cela fantastique l'initiative que vous avez eue et le travail que vous faites.
Je vais tout faire pour essayer de sensibiliser d'autres personnes à la
problématique parce que c'est réellement un problème aigu
au Québec. Je vous félicite et je vous remercie de l'excellence
de vos recommandations.
M. Lamoureux: Merci.
Le Président (M. Filion): M. le ministre.
M. Gratton: Oui. J'aimerais moi aussi remercier nos
invités de la Maison Tangente d'être venus compléter en
quelque sorte le tableau qu'ils nous avaient dressé dans la lettre
qu'ils ont sûrement adressée à l'ensemble de la
députation, quant au phénomène des sans-abri.
Dans la recommandation que vous nous avez déposée ici
aujourd'hui, vous faites allusion à l'attribution d'un budget de 3 000
000 $ qui serait consacré au financement d'initiatives locales en
matière d'hébergement et d'emploi chez Ies jeunes et à la
création d'un fonds d'investissement jeunesse de 10 000 000 $ qui serait
consacré au développement d'alternatives communautaires en
matière d'emploi et d'hébergement des jeunes. Vous
suggérez que ces deux programmes soient confiés au
Conseil permanent de la jeunesse. J'ai déjà eu l'occasion
d'indiquer que, pour nous, le Conseil permanent de la jeunesse est un
comité "aviseur" et, donc, il ne saurait se substituer au
Secrétariat à la jeunesse. C'est ainsi que, si cette
recommandation devait connaître une suite concrète par une
décision gouvernementale, ce serait au secrétariat ou à un
ministère éventuel ou au ministre délégué
à la jeunesse qu'appartiendrait le fardeau ou la tâche de donner
une suite concrète à votre proposition.
C'est ainsi que vous avez pris probablement connaissance de la
déclaration du ministre des Affaires municipales et responsable de
l'Habitation, la semaine dernière, à savoir qu'il avait pris
l'initiative de former un comité interministériel dans le cadre
de l'année des sans-abri, lequel comité est en train, justement,
de préparer des propositions, des actions qui pourront marquer
l'année des sans-abri par - on l'espère et on le souhaite - des
gestes concrets.
Je me permets donc de faire parvenir cette recommandation que vous
faites aujourd'hui à ce comité interministériel, tout en
vous disant qu'il ne saurait être question de patienter encore
très longtemps pour que des suites soient données par ce
comité puisqu'un mémoire au Conseil des ministres devrait
être acheminé pour décision dans les deux semaines, sinon
dans les jours qui suivent. C'est donc dire que votre présence ici, en
commission parlementaire, nous aura permis d'activer les choses quant à
votre recommandation. Je souhaite que très bientôt vous verrez des
décisions concrètes qui seront annoncées. Encore une fois,
merci de votre participation. C'est une occasion unique pour moi et
peut-être pour d'autres membres de la commission d'être
exposés à cette situation qui, malheureusement, nous
échappe quand on est ministre du Revenu, ministre
délégué à la Réforme électorale et
leader du gouvernement.
J'apprécie énormément cette occasion que m'a
fournie la commission de me sensibiliser et de m'informer un peu mieux de la
situation des jeunes et, notamment, des jeunes moins favorisés, comme
ceux à qui vous rendez service. Merci.
Le Président (M. Filion): À mon tour, au nom de
tous les autres membres de la commission, de vous remercier de la
qualité de votre mémoire. J'ai pu juger comme étant
excellent l'échange qu'il y a eu avec les membres de la commission.
Encore une fois, merci.
L'Antre-temps
Donc, la commission des institutions reprend ses travaux. Nous avons
devant nous
les représentants de la maison L'Antre-temps, de Longueuil. M.
Claude Caron, assis au centre, ainsi que Mme Mona Gagnon -c'e9t bien cela? -
assise à la gauche de M. Caron. Bienvenue à cette séance
de la commission des institutions qui, comme vous le savez, est mandatée
pour entreprendre des auditions publiques sur le projet de loi 104, Loi sur le
Conseil permanent .de la jeunesse. Les travaux d'aujourd'hui ainsi que votre
présence à cette commission parlementaire se situent dans ce
cadre de consultation de l'Assemblée nationale sur ce projet de loi.
Donc, sans plus tarder, je vous inviterais à bien vouloir
présenter votre mémoire que nous avons déjà
reçu et dont les parlementaires ont déjà pris
connaissance.
M. Caron (Claude): D'accord, merci. Avant de parler du
mémoire directement, j'aimerais certainement commencer par attirer votre
attention sur, je dirais, le fonctionnement de la commission et les
difficultés que cela nous a causées à L'Antre-temps.
D'abord, nous avons su seulement vers la fin du mois d'octobre que nous
pouvions présenter le mémoire et que nous n'avions que quelques
jours pour le présenter. Avant même de savoir si le mémoire
serait accepté et avant même de savoir s'il y aurait eu une
prolongation, ou quoi que ce soit, nous n'avons pas pu commencer comme tel ou
nous devions commencer sans trop savoir ce qui arriverait. Après coup,
nous avons su qu'il y aurait une prolongation de quinze jours et que nous
pourrions présenter le mémoire. En ce qui me concerne, je
déplore considérablement ce fait. Je n'aime pas commencer
à parler en critiquant, mais cela me semble important de dire que les
circonstances entourant la présentation de ce mémoire ont fait
que certainement un grand nombre d'organismes jeunesse ou d'organismes
communautaires n'ont pas osé présenter quoi que ce soit, compte
tenu du fait qu'ils ne savaient pas s'ils pourraient se présenter ou
s'ils seraient acceptés parce que les délais étaient
écoulés. En même temps, je trouve que le peu de temps qui a
été mis à notre disposition a certainement
influencé le travail qui a pu être fait. C'est pourquoi, lorsqu'il
est question de traiter ou de nommer cela un mémoire, en ce qui me
concerne, je trouve que c'est un mot un peu pompeux. Je parlerais plutôt
d'un document de réflexion ou d'une amorce de réflexion à
cause du temps que nous avons eu. Je ne voudrais pas parler plus longtemps sur
cela, mais c'était important que je le dise.
J'aimerais présenter l'organisme L'Antre-temps. Je sais que je
l'ai fait sur papier. L'Antre-temps est une maison d'hébergement et de
dépannage pour les jeunes adultes de 16 à 25 ans. Qu'est-ce que
cela signifie? Cela signifie qu'un jeune qui est dans la rue, sans abri, et qui
ne sait pas où dormir, ou un jeune qui, à la suite, je dirais,
d'un problème familial quelconque va se retrouver dans la rue peut
s'adresser à L'Antre-temps. L'avantage d'une ressource comme
L'Antre-temps, c'est qu'à n'importe quel moment du jour ou de la nuit on
peut s'adresser à L'Antre-temps. On téléphone et, s'il y a
de la place, les gens sont acceptés. C'est un organisme qui tente
d'aider les jeunes à se replacer ou à reprendre pied. Nous
pouvons être une référence, nous intervenons en situation
de crise. .Donc, nous allons aider en ce qui concerne l'emploi et nous allons
essayer de regarder aussi les problèmes. Souvent, les gens qui nous
arrivent ont des difficultés, et ce n'est pas seulement le fait
d'être sans abri - je traiterai de cela un peu plus tard. Nous allons
tenter de les orienter vers différentes places telles les maisons pour
toxicomanes, des choses du genre. Donc, nous allons faire un travail
d'orientation. Nous allons les aider relativement à l'emploi et nous
allons les aider au niveau personnel parce que, lorsqu'ils vivent des
situations comme celles-là, ils aiment bien pouvoir en parler et que
nous les aidions.
Maintenant, je passerais tout de suite à la question de la
situation financière de ce genre d'organisme. Sans faire de bilan ou
quoi que ce soit, je pense qu'à peu près n'importe quel organisme
du type de L'Antre-temps qui travaille dans la région de Montréal
et un peu partout éprouve le même genre de difficulté,
c'est-à-dire des problèmes de financement. Même si ce sont
des organismes qui coûtent très peu cher, c'est très
difficile de trouver des fonds et d'intéresser le gouvernement à
cette situation d'obtenir que quelqu'un, quelque part, prenne des
responsabilités et donne des subventions. Je rappelle que je mentionnais
tantôt qu'il s'agissait de sans-abri. Je pense que tout le monde ici
connaît le climat québécois et, quand on se retrouve au
mois de janvier dehors dans la rue et qu'on n'a aucune place où se
loger, aller dans des entrées de maisons d'appartements, attendre, comme
on le fait, dans des endroits où il y a des bouches de chaleur,
n'importe quoi, ce n'est vraiment pas adéquat. Je considère que
c'est inconcevable. C'est la raison pour laquelle il faudrait certainement
qu'il y ait quelque chose dans ce domaine. (17 h 30)
Ces mêmes difficultés financières ont eu une
implication quant à notre présence ici. Quand on parle du peu de
moyens dont on dispose, c'est clair que se déplacer, partir une, deux ou
trois personnes d'un organisme pour venir ici, à Québec, cela
occasionne des frais qui sont, sans être très
élevés, je le reconnais, quand même suffisamment importants
pour qu'on en tienne compte. On ne se déplace pas comme on veut. Quand
on a beaucoup de problèmes financiers au
départ, chaque cent est important. Je pense qu'il y a d'autres
moyens qui auraient pu être mis de l'avant pour nous éviter ces
frais. Cela nous coûte cher et, quand on s'occupe de chercher du
financement, on se rend compte que ce n'est pas facile. Je trouve que c'est peu
valable pour nous de nous déplacer dans des conditions comme
celles-là.
Maintenant, j'aimerais regarder un peu la problématique des
jeunes. Nous, on pense, quand on parle de sans-abri, de difficultés et
de vouloir faire quelque chose pour les jeunes, qu'il est important de parler
de l'implication que cela a sur ces jeunes. J'ai fait référence
dans le mémoire à la façon dont les jeunes qui vivent les
situations d'aujourd'hui peuvent penser ou arriver à faire quelque chose
de bien ou de valable plus tard. Je pense que ce qu'ils vivent actuellement les
prépare très mal. Dans ce sens, je pense qu'on ne peut pas se
permettre d'attendre encore pour aider ces jeunes. Il faut intervenir et c'est
très urgent.
C'est vrai qu'on parle du Conseil permanent à la jeunesse, et je
vais en parler un peu plus loin aussi, mais il reste qu'il faudrait faire
attention aux besoins actuels de ces jeunes et les mettre de l'avant. Nous, on
voudrait que, en attendant que le conseil permanent ait fait la consultation et
les choses qu'il a à faire, il y ait des mesures pour l'emploi, qu'il y
ait des politiques d'emploi qui soient mises de l'avant. Qu'il y ait des
programmes, par exemple, comme ceux qui existaient à l'aide sociale pour
le retour aux études, les stages en entreprise, des choses du genre. Je
pense qu'il faut absolument qu'il y ait quelque chose qui soit fait de ce
côté, sinon les jeunes vont encore aggraver une situation qui est
déjà extrêmement pénible.
Maintenant, on arrive au collège électoral pour se
rapprocher davantage du projet de loi. La formule du collège
électoral, si j'ai bien compris, selon les notes que j'ai eues, c'est
qu'une personne qui est âgée de 15 à 30 ans peut s'adresser
à trois organismes communautaires jeunesse pour être
parrainée afin d'être membre du collège électoral.
Nous, cette façon de fonctionner nous inquiète beaucoup parce
qu'une personne peut venir nous visiter, noua rencontrer, elle a bien de
l'allure, elle est bien gentille, mais est-ce que vraiment ce serait une
personne qu'on pourrait déléguer pour nous représenter au
collège électoral, compte tenu des responsabilités du
collège? On est inquiet de cette formule parce qu'à peu
près n'importe qui peut se retrouver là, venir au collège
électoral. On est inquiet quant à la représentation
sectorielle et régionale. On voudrait que les différents secteurs
mentionnés dans le projet de loi et les différentes
régions soient aussi représentés.
Il y a des questions qu'on se posait:
Pourquoi est-ce le ministre qui décide de la formation du
collège électoral? Les gens sont nommés, ils sont
allés chercher trois répandants de différents organismes
et, à ce moment-là, ils n'ont qu'à se présenter ici
et le ministre responsable va décider. À ce niveau-là, on
aurait une proposition. On aimerait que ce soient des tables de concertation
locales qui fassent une certaine sélection des candidats de façon
que l'on puisse un peu mieux les connaître parce qu'on se dit que
rencontrer des gens, les évaluer et parler avec eux, ce serait mieux, et
on se dit aussi qu'en se consultant entre orqanismes, on serait davantage
à même de constater qui serait valable pour nous
représenter, parce que, finalement, dans le collège
électoral, il y aura aussi des membres du conseil permanent. Donc, on ne
peut pas se permettre d'envoyer Pierre, Jean, Jacques, si on peut dire... J'ai
perdu le fil. Cela va me revenir, excusez-moi.
Le Président (M. Filion): D'accord. M. Caron, il n'y a pas
de problème.
M. Caron: Finalement, on craint que la
représentativité soit un peu absente. Une question que l'on se
pose, c'est: Qu'arrive-t-il au collège électoral après
coup? Avec les documents que j'ai étudiés, il ne m'a pas
été possible de savoir ce qu'il en arrivait. J'aimerais obtenir
des informations là-dessus.
Une autre question, parce qu'on n'a pas eu nécessairement
suffisamment de temps pour avoir toutes les réponses à nos
questions, mais on espère bien les avoir quand la loi sera là:
Pourquoi est-ce le ministre qui nommerait les remplaçants en cas de
vacances? On se demande, on se dit: Le ministre a beaucoup de pouvoir à
ce niveau-là et cela présente une certaine inquiétude pour
nous. On sait que normalement le ministre a beaucoup de pouvoir, mais quand
même...
Une autre question. On se dit: Pourquoi le président est-il
nommé par le ministre? Donc, le président, les remplaçants
en cas de vancaces sont nommés par le ministre et aussi les gens qui
vont former le collège électoral. Donc, quand on parle des gens
qui sont allés chercher des lettres de trois organismes, cela fait quand
même beaucoup de sélection faîte par le ministre.
Finalement, ce que l'on proposerait, c'est que le collège
électoral demeure en place et qu'il nomme les remplaçants et le
président du conseil permanent. On voudrait aussi qu'il y ait un membre
du conseil permanent par région administrative. Évidemment, la
représentativité, on trouve que c'est très important.
Maintenant, je reviens plus directement au projet de loi, notamment en
ce qui concerne les fonctions et pouvoirs du conseil permanent. La section III,
article 26,
j'aimerais que Mona nous en fasse lecture.
Mme Gagnon (Mona): "Dans l'exercice de cette fonction, le conseil
peut: "1° saisir, sous forme d'avis, le ministre de toute question relative
à la jeunesse qui appelle l'attention ou l'action du gouvernement et lui
soumettre ses recommandations; "2° effectuer ou faire effectuer les
études et recherches qu'il juge utiles ou nécessaires à
l'exercice de sa fonction; "3° solliciter des opinions, recevoir et
entendre les requêtes et les suggestions de personnes, de groupes et
d'organismes sur les questions relatives à la jeunesse; "4° fournir
de l'information au public sur toute question relative aux besoins et aux
intérêts de la jeunesse."
M. Caron: Dans l'ensemble, ce qui est dit à cet article
26, en ce qui nous concerne, cela va très bien. Il y a juste un petit
mot qui a accroché mon attention, et c'est important d'y revenir - vous
allez comprendre plus tard - c'est le mot "peut". Le conseil permanent "peut".
Ce mot veut dire la possibilité. Cela peut vouloir dire: il y a donc une
possibilité de faire cela si des choses peuvent se faire et, pour vous
expliciter davantage ma pensée, j'aimerais que Mona lise l'article 27,
tout de suite ce qui suit.
Mme Gagnon: "Le conseil doit donner son avis au ministre sur
toute question que celui-ci lui soumet relativement aux besoins et aux
intérêts de la jeunesse. Il doit de plus effectuer ou faire
effectuer les études ou recherches qui lui sont demandées par le
ministre."
M. Caron: Encore là, c'est très bien, sauf que,
là, on ne parle plus de "peut", mais on parle de "doit". En ce qui me
concerne, je trouve que c'est inquiétant parce que, s'il doit le faire,
c'est comme dire: Tu vas pouvoir aller jouer dehors, mais, avant, tu dois faire
tes devoirs. Donc, si tu fais ce que tu dois faire, il n'est pas assuré
que tu vas pouvoir faire ce que tu peux faire. Évidemment, on s'entend
que les gens qui font le projet de loi ont de la bonne volonté et visent
à améliorer la condition des jeunes. On veut aussi que le conseil
permanent remplisse vraiment ses fonctions. Mais il reste que, d'un
côté, on dit: Le conseil permanent "peut" et, de l'autre
côté, on dit: Le conseil permanent "doit". "Doit" quand cela vient
du ministre et "peut" quand cela vient d'eux autres. En tout cas, cela nous
inquiète un peu. Je reviens encore avec cette fameuse question des
pouvoirs.
Est-ce que tu veux lire l'article 28, Mona?
Mme Gagnon: "Le conseil s'assure, s'il y a lieu, qu'on donne
suite à ses avis."
M. Caron: D'accord. Il s'assure qu'on donne suite à ses
avis. Je veux bien m'assurer, mais comment? J'aimerais que cela apparaisse
comment on peut s'assurer que les avis vont être faits. II y a les avis
qui peuvent venir du conseil permanent et il y a aussi les avis qui peuvent
venir du ministre. Mais, quelque part, j'aimerais bien qu'on ait une assurance
quelconque sur ces questions d'avis, à savoir comment on va y donner
suite et ce qui va se passer après cela. Cn ne le sait pas.
L'article 29.
Mme Gagnon: "Le conseil peut, avec l'autorisation du ministre,
former des comités spéciaux pour l'étude de questions
particulières relatives à la jeunesse et déterminer leurs
attributions."
M. Caron: J'ai seulement retenu l'article 29 parce que cela
réapparaissait encore un peu plus évident parce qu'il est
écrit: "peut, avec l'autorisation du ministre", etc. C'est encore une
fois beaucoup beaucoup d'autorité. Cela ne répond pas
nécessairement à mes attentes vis-à-vis de la formation
d'un conseil permanent que de façon aussi évidente il y ait
autant, je dirais, de pouvoirs qui soient donnés au ministre. Je pense
que je ne suis pas le seul à le penser. C'est pourquoi on a
regardé un document du Secrétariat à la jeunesse.
Qu'est-ce que c'était? C'était...
Mme Gagnon: C'est un document...
M. Caron: C'est le rôle d'un conseil permanent. C'est
cela?
Mme Gagnon: C'est cela.
M. Caron: D'accord. J'aimerais que Mona nous lise comment on
définit le rôle d'un conseil.
Mme Gagnon: Un conseil est un organisme qui se définit
d'abord par sa fonction dominante, la consultation. Tel qu'indiqué dans
la classification et la désignation des organismes par fonction et
contrôle du Secrétariat à la réforme administrative
et aux emplois supérieurs du ministère du Conseil
exécutif, l'organisme constitué par une loi dont la fonction est
de donner des avis à un ministre sur la politique gouvernementale dans
l'ensemble d'un secteur et dont la majorité des membres sont
extérieurs à la fonction publique devrait être
classé conseil.
M. Caron: J'ai retenu l'aspect de la consultation. Donc, si on
consulte les gens, si on veut qu'une consultation serve à quelque
chose, il faut qu'on soit en mesure de les écouter. Dans le
projet de loi que j'ai lu, ce n'est pas sûr que le conseil permanent
pourra le faire parce que, si le ministre a des priorités qu'il juge
plus valables à mettre de l'avant, le conseil permanent doit le faire.
Le risque est que toutes les études, toutes les choses qui seront faites
par le conseil permanent partent du gouvernement. Je ne dis pas que ce que le
gouvernement va demander est mauvais, non, mais, quelque part, si on veut faire
une consultation, il faut que cela puisse se faire pas seulement dans un sens,
mais dans les deux sens. Il faut absolument qu'on puisse s'assurer de cette
chose. (17 h 45)
J'ai retenu aussi que c'était extérieur à la
fonction publique: "doit, avec l'autorisation du ministre". Alors, je me
demande beaucoup ce qu'est la différence entre avoir l'autorisation de
faire des choses... Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas une grosse
différence, mais vous pourrez certainement me l'expliquer. Ils doivent
avec l'autorisation ou ils font partie de la fonction publique, donc ils
dépendent de leur employeur. À ce moment-là, je pense que
cela limite beaucoup encore ces gens. J'ai lu, toujours dans le même
document, quelque chose qui concernait les causes de la création d'un
conseil permanent. Mona, voudrais-tu nous le lire, s'il vous plaît?
Mme Gagnon: L'inhabilité des structures existantes
à satisfaire certaines exigences démocratiques. On aurait recours
à des organismes autonomes parce que, selon le cas, l'assemblée,
l'administration et le gouvernement n'assuraient pas une représentation
satisfaisante des intérêts spécifiques que l'on rencontre
dans toute société moderne et, plus généralement,
une participation continue entre les périodes électorales de la
population au processus démocratique.
M. Caron: D'accord. Je vous reviens toujours avec... C'est un mot
qu'on utilise beaucoup, remarquez bien, dans nos organismes communautaires et
on y tient mordicus. Je le ramène aujourd'hui aussi, c'est cette fameuse
autonomie. L'autonomie, en tout cas, moi, clairement, selon un peu le document
du Secrétariat à la jeunesse, m'apparaît bien loin. Ce
n'est pas si sûr que cela qu'il y ait de l'autonomie. Je pense qu'il va
falloir en tenir compte dans le projet de loi ou dans la loi, s'assurer que
vraiment l'autonomie soit respectée. Actuellement, je ne
considère pas qu'elle l'est vraiment. On dit aussi: besoins non
satisfaits... Est-ce cela?
Mme Gagnon: Représentation satisfaisante.
M. Caron: Représentation satisfaisante. Je pense que, si
on veut représenter vraiment la population de façon
adéquate, il faut qu'on puisse jouir d'une certaine autonomie et ce
n'est pas sûr que cela va pouvoir se faire, tel que le projet est
présenté actuellement.
On disait aussi que c'était une participation au processus
démocratique. Si on retient notre proposition que les membres du conseil
permanent soient nommés par le collège électoral,
c'est-à-dire le président et les vacances, enfin tout, que le
collège électoral soit nommé par des personnes des
organismes de chaque région, qu'il y ait des tables de concertation, je
pense qu'on aurait vraiment des gens qui pourraient nous représenter
aussi et qui seraient certainement capables de nommer les personnes qu'ils
veulent. Je pense aussi que cela respecterait davantaqe ce qui était
mentionné dans ce document, le processus démocratique. Je ne veux
pas dire non plus que ce document est le seul document valable, qu'il a la
vérité et la vie concernant la formation d'un conseil permanent
de la jeunesse, mais je peux dire que, nous, à L'Antre-Temps, on
adhère davantage à un conseil permanent qui pourrait respecter,
justement, les attentes qui ont été mentionnées dans ce
document. Voilà!
Le Président (M. Filion): Bien, je vous remercie, M.
Caron, autant pour la qualité du mémoire écrit que vous
avez déjà déposé à la commission que pour la
qualité de vos interventions orales cet après-midi. Je crois
comprendre également, après avoir lu votre mémoire,
après avoir lu le sommaire et après vous avoir
écouté cet après-midi, que vous avez utilisé le
temps subséquent au dépôt de votre mémoire pour
étudier plus à fond le projet de loi et pour compléter
votre critique - ce mot est utilisé dans le sens positif ici - votre
critique du projet de loi.
En ce qui concerne les remarques que vous avez faites au début
relativement au délai de présentation des mémoires, je
dois vous dire que vous n'êtes pas le seul organisme à l'avoir
mentionné. Le problème, je dois vous le dire, M. Caron, ce ne
sont pas les organismes que nous avons entendus et que nous entendrons, mais ce
sont les organismes que nous n'entendrons pas parce qu'ils n'ont pas les moyens
de se faire entendre. Je dois véritablement, à ce stade-ci, vous
remercier de l'énergie, du temps et des sous investis par la maison
L'Antre-Temps, d'avoir pris la peine, j'allais dire, de bâtir ces
recommandations, ce mémoire, et d'avoir pris le temps de venir le
présenter à Québec. Ce qui me frappe dans l'ensemble de la
consultation qu'on a eue depuis le début, c'est qu'on peut entendre les
gens qui sont ici, mais combien d'organismes n'ont pas été
entendus, qui auraient aimé être
entendus relativement au projet de loi 104 et qui n'ont pas les moyens
ni les ressources pour le faire? Moi-même, je dois dire que dans la
région de Longueuil plusieurs organismes ont communiqué avec moi,
mais c'est bien simple, ils n'ont pas les moyens, ils n'ont pas le temps et ils
n'ont pas l'énergie pour le faire parce qu'ils se sont
déjà entièrement consacrés à faire
fonctionner leur organisme, leur service à une clientèle bien
définie. Je pense que vos commentaires du début étaient
fort à propos à ce sujet-là. Je voudrais maintenant
prendre quelques minutes pour le bénéfice des membres de la
commission et pour le mien également. Vous mentionnez au début de
votre mémoire que la maison L'Antre-temps, on le sait, est un centre
d'hébergement temporaire pour mineurs et majeurs, donc entre 16 et 25
ans, et vous mentionnez que les références vous viennent beaucoup
du Centre de services sociaux Richelieu. Pourriez-vous nous dire par qui sont
référés les jeunes que vous accueillez chez vous à
la maison L'Antre-temps, à part le Centre de services sociaux
Richelieu?
M. Caron: En ce qui concerne les mineurs, c'est obligatoire,
compte tenu de la loi 24, que cela soit le Centre de services sociaux Richelieu
ou encore un centre local de services communautaires, un CLSC. Pour ce qui
concerne les majeurs, c'est à peu près n'importe qui. On a des
références qui nous viennent de la police, du Carrefour Le
Moutier, à Longueuil, d'autres maisons d'hébergement, des CLSC
aussi, des centres de dépannage, des comptoirs de vêtements qu'il
y a à Longueuil. On a des références qui viennent
d'à peu près n'importe qui, des gens qui ont connu L'Antre-temps
et qui disent à des jeunes qui sont mal pris: Allez là. Et aussi
parce qu'on fait beaucoup de publicité de part et d'autre, ce qui nous
fait connaître. À ce moment-là, il y a de plus en plus de
gens, ce qui fait varier grandement qui peut nous référer du
monde. C'est à peu près tout le monde.
Le Président (M. Filion): En somme, il y a une grosse,
pour ne pas dire la totalité, mais une grosse majorité des
références qui sont faites par des institutions, le CSS, le CLSC
ou encore des corps policiers, ou, comme vous l'avez mentionné, des
centres de dépannage, etc., des institutions qui existent et qui font
appel à vos services pour recevoir ces jeunes. Combien de jeunes la
maison L'Antre-temps peut-elle accueillir?
M. Caron: On a neuf places, dont trois places pour les mineurs
maintenant et six places pour les adultes.
Le Président (M. Filion): Oui, Mme Gagnon, je vous en
prie.
M. Gagnon: Les mineurs doivent nécessairement être
référés par le Centre de services sociaux Richelieu. C'est
seulement comme cela qu'on les accepte.
Le Président (M. Filion): On a parlé un peu
tantôt de la question des ressources financières eu égard
à tous les organismes qui ont pu avoir de la difficulté à
participer à nos consultations et vous mentionnez dans votre
mémoire que ce qui est important pour vous, c'est la reconnaissance de
l'efficacité et de l'utilité des organismes communautaires
jeunesse par la mise en place d'une politique de financement de ces organismes,
par la définition de critères d'évaluation objectifs et
par l'accroissement du budget du programme de soutien aux organismes
communautaires.
Est-ce que je dois comprendre que cette reconnaissance, qui prendrait
entre autres formes celle d'un appui financier concret, que, si cette
reconnaissance et ce respect existaient pour vous, le Conseil permanent de la
jeunesse aurait plus ou moins raison d'exister?
M. Caron: Non. Je ne pense pas qu'on puisse limiter cela au
simple fait qu'il y ait une reconnaissance des organismes communautaires pour
empêcher la création d'un conseil permanent de la jeunesse. Il
reste quand même que les sociétés évoluent,
changent. Les problèmes peuvent changer aussi. Comme le mandat d'un
conseil permanent de la jeunesse, c'est la consultation, dans ce sens, je ne
vois pas du tout, je ne suis pas opposé du tout à ce qu'il y ait
un conseil permanent. C'est assez important de se tenir vraiment à la
fine pointe de l'information, que les gens qui ont des choses à dire,
qui ont des problèmes, qui ont des difficultés puissent avoir un
mécanisme pour les exprimer ouvertement.
La reconnaissance des organismes communautaires, pour nous autres, c'est
important et c'est pourquoi j'en parlais. On considère qu'on fait un
travail valable, sauf que chaque année, chaque fois qu'il est question
de faire des demandes de soutien financier, il faut toujours reprendre le
processus du début à la fin. Autrement dit, un organisme comme
L'Antre-Temps, qui n'a toujours pas été subventionné par
le ministère de la Santé et des Services sociaux, fait une
demande, explique de long en large tout ce qu'il fait, le nombre de personnes,
les statistiques et aussi son budget de fonctionnement. Mais un organisme qui
existe depuis cinq ans a la même chose. Donc, il n'y a pas vraiment de
politique de financement en regard de ces organismes.
Il faut bien préciser que des organismes communautaires, on ne
peut pas... Moi, je travaille dans le domaine de l'hébergement. C'est
entendu qu'on ne peut pas intervenir
dans tous les secteurs. Il y a des secteurs comme le loisir et le
travail qui sont très importants et il faut que quelque part il y ait un
organisme qui puisse un peu consulter la population, prendre le pouls de la
population pour savoir ce qui arrive avec cela et en ce sens, le conseil
permanent pourrait très bien le faire.
Le Président (M. Filion): Pour vous, le Conseil permanent
de la jeunesse aurait un peu le rôle de faire des études, d'aller
chercher de l'information, etc., et de devenir en quelque sorte pour vous un
haut-parleur pour la jeunesse. C'est cela?
M. Caron: C'est ce qu'il était censé être
aussi, me semblait-il.
Le Président (M. Filion): D'accord. Je veux revenir au
projet de loi 104. Vous avez mentionné une sorte de mainmise
gouvernementale dans le processus du choix des membres du conseil. Vous avez
mentionné, à très juste titre, la formulation des articles
26 et 27 du projet de loi 104 et cette différence qui, je dois le dire,
a été soulevée par beaucoup d'intervenants entre les
pouvoirs du conseil et ses devoirs. Vous avez également
mentionné, cela a frappé beaucoup d'intervenants, et je suis
content que vous l'ayez relevé, à l'article 29, la formation de
comités qui doit se faire avec l'autorisation du ministre. Je pense que
c'est complètement... En tout cas, c'est faire fi de la capacité
d'autonomie et de fonctionnement autonome de la part d'un conseil que de
demander au gouvernement d'autoriser la formation de comités...
M. Caron: En tout cas, on peut dire à tout le moins...
Le Président (M. Filion): Oui.
M. Caron: Excusez, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Je vous en prie, allez-y!
M. Caron: On peut dire à tout le moins qu'à
l'article 29 c'est encore plus explicite qu'à l'article 26. À
l'article 26, on dit: "peut". Si on regarde cela et qu'on n'arrête pas...
D'ailleurs, ce que je n'ai pas nécessairement fait la première
fois que je l'ai lu. C'est en lisant que c'est totalement frappant. À
l'article 26, cela commence bien. A l'article 27, on s'aperçoit qu'il y
a des choses qui peuvent changer, mais, quand on arrive aux mots "doit, avec
l'autorisation", on ne se pose plus de question, c'est clair. Très
certainement, l'autonomie est atteinte.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président (M. Filion): Sur ce sujet-là, M. le
ministre?
M. Gratton: Oui, M. le Président. J'ai déjà
eu l'occasion de mentionner ce matin -je pense que vous étiez absent et
peut-être que M. Caron n'était pas là non plus - que, pour
nous, l'esprit de la loi vise à donner la plus complète autonomie
possible au Conseil permanent de la jeunesse. J'ai indiqué que, si
l'article 29, dans sa formulation actuelle, qui dit "doit", créait
problème, on allait apporter les amendements qui s'imposent. Pour nous,
il n'est pas question que le Conseil permanent de la jeunesse devienne
complètement assujetti aux demandes gouvernementales qui pourraient
l'inonder et l'empêcher d'exercer son autonomie.
J'ai déjà clairement indiqué que voilà un
des amendements qui sera apporté au projet de loi. Je ne saurais le
rédiger sur le coin de la table au moment où on se parle, mais on
fera en sorte que le projet de loi qui sera déposé pour adoption
à l'Assemblée nationale rejoigne vos préoccupations de ce
côté-là, M. Caron. (18 heures)
Le Président (M. Filion): Je vous remercie
également, M. le ministre. Effectivement, je suis heureux de vous
entendre confirmer cet amendement futur, ce qui ne fait que corroborer la
justesse de vos propos sur ces articles, M. Caron.
Finalement, pour que le Conseil permanent de la jeunesse soit
véritablement un haut-parleur quelconque, il faut lui donner les moyens
de son mandat et l'autonomie nécessaire pour qu'il puisse le mener
à bien. C'est un peu le sens de vos propos à la fois sur le
processus de nomination et sur les devoirs et pouvoirs du Conseil permanent de
la jeunesse.
M. Caron: Oui, je pense que dans l'esprit de ce que M. le
ministre disait, c'est clair et net - je l'ai précisé - que, dans
le projet de loi tel qu'il est là, je ne suis pas d'accord sur les
devoirs et pouvoirs. Quand M. le ministre précise qu'il va y avoir un
amendement, je suis très heureux de l'entendre. J'avoue très
honnêtement que je n'en attendais pas moins.
Le Président (M. Filion): D'accord. Une dernière
chose avant de laisser la parole à ma collègue, la
députée de Maisonneuve. Je sais qu'elle â quelques
questions à vous poser.
Vous avez suggéré dans votre mémoire, sauf erreur,
une recommandation que je n'ai retrouvée nulle part ailleurs. Je
voudrais juste en saisir le sens et la portée exacte. On a vu dans votre
mémoire votre préoccupation pour l'existence et la
pérennité - si je puis m'exprimer ainsi - du Secrétariat
à la jeunesse. Vous dites que le secrétariat
pourrait être placé sous la juridiction du Conseil
permanent de la jeunesse, accroissant de ce fait l'autonomie du conseil,
probablement. J'aimerais peut-être vous entendre, M. Caron, sur la
réflexion qui vous a poussé à faire cette
recommandation.
M. Caron: J'ai quand même eu des contacts avec
différentes personnes. Dans les conversations qu'on a eues et même
sans parler de contact, seulement à regarder, il y a eu beaucoup de
coupures qui ont été effectuées au Secrétariat
à la jeunesse. Il y a eu des bureaux de fermés, il y a eu
différentes choses de ce genre, ce qui m'a amené à penser
- pas seulement moi -qu'éventuellement il pourrait y avoir une
fermeture, je dirais, du Secrétariat à la jeunesse et que cela
vienne à ne plus exister comme structure. Cela m'a
inquiété parce que je me suis dit: Cette structure qui
était là avec ses forces et ses faiblesses a quand même
développé une certaine expertise. On sait évidemment,
lorsqu'on crée un conseil permanent, après que le
Secrétariat à la jeunesse a été créé,
que cela peut poser des difficultés assez importantes. Il a de
l'expertise et cela peut occasionner des problèmes entre les individus
qui seraient aux deux places. Il n'en demeure pas moins, je crois, que le
secrétariat a eu l'occasion de développer une expertise. Il a
été en contact avec beaucoup de régions. Dans ce
sens-là, je pense que l'expertise qui a été
développée par le secrétariat pourrait être
utilisée à bon escient par le conseil permanent.
Le Président (M. Filion): Je...
M. Caron: Quand...
Le Président (M. Filion): Je vous en prie.
M. Caron: Quand je parlais de les mettre un peu sous la
juridiction, si je peux dire, du conseil permanent, cela va de soi que celui-ci
a besoin quand même d'outils pour travailler, a besoin d'expertise,
d'expériences pour être efficace le plus rapidement possible.
C'est dans ce sens que je croyais opportun qu'il y ait une collaboration.
Quelle sorte de collaboration pourrait être établie? J'ai
parlé de le placer sous le couvert du conseil permanent. En ce qui me
concerne, ce n'est pas nécessairement absolu. C'était une
réflexion à ce moment-là. Mais à tout le moins, je
considère qu'il faut qu'il y ait une forme de collaboration entre les
deux qui s'établisse, sinon cela serait comme laisser tomber une
quantité valable d'expériences et d'expertise.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. Caron.
Quitte à revenir un peu plus tard, je laisse maintenant la parole
à ma collègue, la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Caron, vous avait
fait une description très fouillée, très exhaustive,
très descriptive du projet de loi. Alors, je vais avoir une seule
question. Elle concerne et elle reprend d'une certaine façon la question
concernant le Secrétariat à la jeunesse et ses rapports avec le
conseil et, également, une recommandation que vous faites de
rémunérer les personnes qui devraient siéger au
conseil.
Comme vous le voyez, d'une certaine façon, va être
complétée la représentation au niveau de conseils de
différents groupes dans la société. On a assisté
à la création du Conseil du statut de la femme, il y a plusieurs
années maintenant - cela fait huit ans - avec un secrétariat
à la condition féminine qui existe également, mais qui
relève de la ministre. Une autre formule totalement différente,
c'est le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration qui a
son secrétariat, un peu comme la formule que vous recommandez, qui
relève du conseil directement avec un secrétariat. Mais,
évidemment, on est par définition et par nature, femme toute sa
vie, puis on est membre d'une communauté culturelle toute sa vie, mais
la jeunesse reste une étape transitoire. Ce que je veux savoir, c'est
quel est le mode de représentation le plus adéquat. On s'entend
bien que la jeunesse reste momentanée et on est tous voués
à un état de passage autre. Alors, comment faire pour que les
personnes soient représentatives, tout en étant de passage?
Vous suggérez une sorte de rémunération pour tout
le monde, n'est-ce pas? Ne serait-il pas mieux d'envisager un
secrétariat, comme il existe, qui continuerait de remplir les divers
postes, et d'avoir vraiment un conseil consultatif formé de personnes
qui, bénévolement, pour un certain temps, occupent des fonctions
de représentation de leur milieu, parce que la jeunesse est aussi
diversifiée selon les couches sociales, selon les catégories
économiques, selon l'appartenance ethnique? Alors, comment voyez-vous
cela?
M. Caron: D'abord, pour la représentativité, quand
on proposait que ce soient des tables régionales de concertation qui
puissent nommer des personnes, en ce sens-là, je considérais ou
on considérait, quand on en a parlé, que cela pourrait être
valable puisque, en se consultant, il y a certainement moyen d'envoyer des
personnes qui pourraient être représentatives.
En ce qui concerne la rémunération des différentes
personnes, j'aurais pu manifester une inquiétude. Je suis conscient que
cela peut occasionner des problèmes et que ce sont quand même des
gens qui sont de
passage. Mon souci à ce moment-là, je me disais: S'ils
font toutes les consultations qu'ils doivent faire, ils vont certainement,
à un moment donné, avoir beaucoup de choses è faire.
Peut-être que je pourrais le reformuler en le manifestant comme une
inquiétude vis-à-vis du temps disponible de ces gens-là
pour la consultation en regard de leur mandat de consultation et de donner des
avis. C'est peut-être plus une inquiétude. À ce
moment-là, quand je l'ai fait, j'ai pensé à la solution la
plus simple: On va les rémunérer. Ils vont le faire à
temps plein et ce sera très bien, sauf que, lorsque vous m'amenez les
éléments dont vous me parlez aujourd'hui, je suis d'accord avec
cela aussi. Cela pose des problèmes, mais, par contre, il y a des gens
qui vont le faire de façon bénévole. Cela me pose une
inquiétude de l'autre côté aussi. Je n'ai malheureusement
pas de réponse, ni dans un sens ni dans l'autre, parce que, pour moi,
les bénévoles, cela pose un problème et les
rémunérer aussi. Donc, je m'excuse. Le peu de temps qu'on a eu
pour y réfléchir fait que je n'aurais pas de réponse plus
que cela,
Mme Harel: Je vous remercie beaucoup, M. Caron, de nous faire
part de vos réflexions.
Le Président (M. Filion); J'invite maintenant les
représentants du groupe ministériel. M. le député
de Limoilou.
M. Després: Je veux d'abord vous féliciter pour le
travail que vous faites auprès d'une clientèle jeunesse en
difficulté et de nous rappeler justement cette dure
réalité qui est sûrement trop élevée et
parfois oubliée. Étant donné le court laps de temps qu'il
nous reste, j'en arriverai directement à une ou deux courtes questions
en ce qui concerne vos recommandations. Tout d'abord, concernant la
création d'un conseil permanent, à la recommandation 3.2, vous
dites: S'assurer d'une représentativité de toutes les
régions en proportion du nombre d'organismes par région. Vous
dites, à la page suivante: II pourrait y avoir un membre du conseil par
région administrative. Alors, comme il y a dix régions
administratives, cela voudrait dire un représentant par région
administrative. Mais vous dites avant cela: d'une
représentativité en fonction de la proportion du nombre
d'organismes. Si on prend, par exemple, la région de Montréal, je
suppose que l'on retrouve peut-être 50 % des organismes jeunesse de la
province dans cette région-là. Donc, on retrouverait beaucoup
plus de représentants au conseil de la région de Montréal.
Donc, comment fait-on à ce moment-là? Est-ce qu'on agrandit le
nombre de directeurs au Conseil permanent de la jeunesse ou se limite-t-on
à un par région? Je trouve cela un peu contradictoire.
J'aimerais que vous m'expliquiez brièvement votre objectif.
M. Caron: J'ai constaté moi aussi cette contradiction et
je m'en excuse, sauf que mon souci à ce moment-là... J'ai
mêlé deux choses: d'abord, pour les personnes nommées au
sein du collège électoral, qu'il puisse y avoir une
représentativité qui soit assurée en fonction des
régions. Cela va de soi, quand on arrive au conseil permanent, comme il
y a une personne par région, c'est clair que cela ne peut pas être
plus que cela. Il y a effectivement une contradiction de ce
côté-là, mais j'avais envoyé le mémoire quand
je l'ai constaté. Mais je faisais plus référence dans le
premier point à la formation du collège électoral.
M. Després: Je vous remercie beaucoup. Encore en ce qui
concerne vos recommandations, et peut-être brièvement, lorsque
vous dites: "Reconnaissance de l'efficacité et de l'utilité des
organismes communautaires jeunesse par la mise en place d'une politique de
financement de ceux-ci, par la définition de critères
d'évaluation objectifs..". Pour vous, quels sont ces critères
d'évaluation objectifs? Encore brièvement, s'il vous
plaît!
M. Caron: Je ne pourrais pas tous les définir
brièvement ici.
M. Després: Peut-être un ou deux. Quels sont, pour
vous, les critères?
M. Caron: Des critères objectifs? M. Després:
Oui.
M. Caron: Que l'on n'ait pas chaque année à tout
redéfinir ou à tout montrer ce que l'on a fait, à
préparer un document complet sur toutes nos activités d'une
année à l'autre, comme c'est le cas actuellement, et que ce soit
toujours comme une première demande chaque fois qu'on en fait une.
Le Président (M. Filion): M. le député de
Limoilou.
M. Després: M. le ministre, je n'ai pas d'objection
à vous laisser la parole.
M. Gratton: M. le Président, je remercie le
député de Limoilou. Compte tenu de l'heure et de l'occupation des
locaux qui doit suivre, j'aimerais simplement vous donner une assurance, M.
Caron. Vous dites dans votre mémoire que les coupures dans les effectifs
du Secrétariat à la jeunesse vous amènent à
craindre sa disparition à plus ou moins brève
échéance.
M. Caron: Je vous entends mal.
M. Gratton: Je dis que dans votre mémoire vous dites que
les coupures dans les effectifs du Secrétariat à la jeunesse vous
amènent à croire qu'il pourrait disparaître è plus
ou moins brève échéance. Je désire vous rassurer
là-dessus: il n'est pas de notre intention de faire disparaître le
secrétariat, bien au contraire. Nous pensons que le conseil permanent et
que le secrétariat pourront tous deux remplir des rôles
différents, mais devront coexister.
Dans un dernier temps, M. le Président, je voudrais, à
l'intention de l'ensemble de la commission et pour faire suite à des
remarques qu'a faites M. Caron, qui ont d'ailleurs été reprises
par vous, M. le Président...
Le Président (M. Filion): Une seconde, M. le ministre, on
vous entend à peine. Est-ce que l'on pourrait garder la porte
fermée uniquement pour permettre à la commission de continuer ses
travaux? S'il vous plaît!
M. Gratton: M. le Président.
Le Président (M. Filion): Peut-on fermer la porte pour que
l'on puisse continuer à échanger en commission parlementaire avec
nos invités?
M. Gratton: Premièrement, M. le Président, à
l'intention de M. Caron et à l'intention de l'ensemble des membres,
quant à la représentativité des organismes qui sont venus
en commission parlementaire, je ne voudrais surtout pas que les remarques qui
ont été faites prêtent à confusion quant à la
façon dont la secrétaire de la commission a exécuté
son travail, M. le Président. On sait qu'il y a eu 82 organismes qui
avaient manifesté un intérêt pour le projet de loi 104 et
pour participer à la consultation. De façon systématique,
chacun de ces 82 organismes a été contacté par Mme
Giguère, la secrétaire de la commission, à toutes les
étapes, notamment au moment où le délai a
été prolongé. Chaque fois, et encore aujourd'hui, on a
été forcé de constater qu'il y avait un groupe qui
s'était désisté à la dernière minute. C'est
donc dire que, si des organismes ont pu se plaindre de ne pas avoir l'occasion
de venir nous rencontrer, ce ne sont sûrement pas eux qui, strictement
par un appel téléphonique, ont manifesté un
intérêt au départ. Il y en avait 82. Ce ne sont
sûrement pas ceux-là qui peuvent s'en plaindre puisque, de ce
côté, le secrétariat de la commission s'est acquitté
fort valablement de sa tâche.
Je dis donc, M. le Président, que nous regrettons
évidemment de ne pas avoir pu rejoindre plus de personnes, mais la
qualité des représentations que nous avons reçues des
organismes qui se sont présentés, en l'occurrence, l'Antre-temps,
représenté par
M. Caron et Mme Gagnon, nous amène à conclure que la
démarche en valait le coup, que les représentations que nous
reçues nous permettront de bonifier le projet de loi. Pour cela, nous
vous remercions de votre contribution, M. Caron.
Le Président (M. Filion): À mon tour de vous
remercier pour la justesse de vos propos, la franchise avec laquelle vous avez
abordé cette période d'échanges avec les parlementaires et
pour la qualité autant de votre mémoire que de vos
représentations. Merci.
J'ajourne donc nos travaux à demain, 10 heures. Je tiens à
souligner, pour le bénéfice des membres de la commission, que
nous avons utilisé à peu près la période de 60
minutes qui nous était allouée. Donc, ce n'est pas à cause
du chahut que vous avez entendu que nos travaux sont ajournés.
Merci.
(Fin de la séance à 18 h 18)