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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mercredi 4 mars 1987 - Vol. 29 N° 39

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale


Journal des débats

 

(Dix heures trente minutes)

Le Président (M. Filion): Je vous rappellerais le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques concernant l'avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale. Nous agissons ainsi, bien sûr, en vertu d'un ordre de l'Assemblée du 18 décembre 1986. Je demanderais à notre secrétaire, Me Lucie Giguère, de bien vouloir annoncer les remplacements.

La Secrétaire: Il y a un seul remplacement. M. Després (Limoilou) est remplacé par M. Gardner (Arthabaska).

Le Président (M. Filion): À ce moment, pour être bien sûr que tous les membres de la commission sont sur la même longueur d'onde, je vais faire la lecture de l'ordre du jour de nos travaux d'aujourd'hui, ainsi que de demain. Les déclarations d'ouverture vont, évidemment, suivre dans quelques minutes. Par la suite, nous entendrons le Barreau du Québec de 11 heures à 12 h 30. Demain, nos travaux reprendront à 10 heures jusqu'à 11 heures avec la Commission des valeurs mobilières du Québec; de 11 heures à 12 h 30, ce sera la Commission des services juridiques; de 14 heures à 15 heures - donc, nous aurons une heure trente pour le dîner -la Chambre des huissiers du Québec; de 15 heures à 16 heures, l'Association des usagers de la langue française et de 16 heures à 17 h 30, les représentants de la Ville de Montréal seront avec nous. De 17 h 30 à 18 heures, ce temps est dévolu aux remarques finales.

Je souhaite la bienvenue aux membres de la commission qui vont suivre ces travaux de consultation sur l'avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale. Avant de céder la parole à M. le ministre, je vous rappelle que le temps convenu entre nous pour les déclarations d'ouverture est de une heure, soit trente minutes pour chacun de nous.

A ce moment, j'inviterais le ministre de la Justice à faire sa déclaration d'ouverture.

Déclarations d'ouverture

M. Herbert Marx M. Marx: Merci, M. le Président. Les priorités du ministère de la Justice sont triples: faire la réforme du droit, promouvoir la justice sociale et aussi promouvoir la protection des droits et libertés de la personne. Le nouveau Code de procédure pénale rejoint ces trois priorités que le ministère s'est fixées. Nous sommes aujourd'hui réunis en commission pour étudier un projet de réforme très important. Il s'agit, bien sûr, de l'avant projet de loi sur le Code de procédure pénale. II est important non seulement parce qu'il est applicable à l'ensemble des lois et règlements en vigueur au Québec, mais parce qu'il touche potentiellement tous les justiciables du Québec et plus particulièrement tous ceux qui collaborent à l'administration de la justice pénale.

Ce n'est pas une mince tâche qui est confiée à cette commission, car elle doit étudier un avant-projet de loi qui constitue une révision en profondeur des mécanismes d'application des lois, soit la procédure pénale. Elle doit surtout contribuer à l'élaboration d'un projet de toi qui, tout en corrigeant les lacunes de droit antérieures, permette à la procédure pénale de conserver son rôle traditionnel dans notre société, soit celui d'assurer à la fois un meilleur respect des lois et un meilleur respect des lihertés fondamentales.

Vu l'importance du sujet étudié et de la réforme envisagée, nous voulons vous assurer, tous les membres de cette commission, dès l'ouverture de cette commission, que nous serons à l'écoute des justiciables. Cette écoute se traduira certainement par l'adoption de suggestions de modifications de l'avant-projet de loi. Nous sommes ouverts à toute suggestion afin de perfectionner le document avant de déposer un véritable projet de loi.

Ce forum est, enfin, un lieu d'intervention privilégié pour donner le coup d'envoi à l'élaboration d'une procédure pénale adaptée aux besoins et aux possibilités de la société contemporaine.

Demandons-nous maintenant quels sont ces besoins. On peut certainement affirmer à ce titre qu'il est impérieux d'alléger la procédure actuelle, car elle fait perdre du temps et de l'argent aux contribuables, sans pour autant leur donner la possibilité d'obtenir justice d'une manière rapide et efficace.

Pourquoi, alors, ne pas utiliser les ressources du système de justice pénale et

des moyens de communications modernes pour faciliter l'accès aux tribunaux et accélérer le processus judiciaire? C'est ce que propose cet avant-projet de loi qu'il convient maintenant d'expliciter.

Le constat d'infraction constitue sans nui doute l'axe principal de la proposition de réforme. C'est autour de cette nouvelle procédure introductive d'instance qu'est le constat d'infraction que se greffent les moyens d'enquête, les demandes préliminaires, l'instruction de la poursuite, ainsi que les différents moyens de se pourvoir contre un jugement comme la rétractation ou la rectification d'un jugement, les recours extraordinaires, ainsi que les appels, soit à la Cour supérieure ou à la Cour d'appel.

Plusieurs se demanderont, dans un premier temps, ce qu'est un constat d'infraction. Il s'agit essentiellement d'un document remis à une personne afin de lui signifier qu'elle est accusée d'avoir commis une infraction pour laquelle elle doit subir une peine dans l'éventualité où elle sera déclarée coupable de cette infraction. Le constat d'infraction indique, en outre, au défendeur qu'il a 30 jours, à compter de la signification du constat d'infraction, pour faire connaître sa position face è l'accusation portée par le poursuivant. Par conséquent, le défendeur devra faire parvenir, dans ce délai et è l'endroit qui lui est indiqué sur le constat, soit un plaidoyer de non-culpabilité, soit un plaidoyer de culpabilité avec le paiement du montant d'amende exigé ou avec une indication de son intention de faire des représentations quant à la peine lorsque le poursuivant exige une peine plus forte que le minimum d'amende prévu par la loi et en cas de récidive, par exemple.

Dans un deuxième temps, chacun voudra savoir quand et comment ce constat d'infraction parviendra au citoyen qui aurait commis une infraction. Voici des exemples concrets du déroulement de la procédure. Dans les cas les plus simples, par exemple les infractions au Code de la sécurité routière, le constat d'infraction pourrait être remis de main à main au défendeur par l'agent de la paix aussitôt après avoir constaté la perpétration de l'infraction. Dans les cas plus complexes, ceux qui nécessitent une enquête plus approfondie, comme les infractions à la Loi sur les valeurs mobilières ou à la Loi sur les impôts, la signification du constat d'infraction pourrait être faite après enquête, soit par un agent de la paix ou un huissier, soit par poste recommandée ou certifiée. Le poursuivant bénéficiera ainsi d'au moins une année, selon le délai de prescription, pour intenter sa poursuite au moyen d'un constat d'infraction.

On le remarquera, les actuelles étapes de l'introduction de la poursuite qui sont l'avis préalable, la dénonciation, la sommation et la comparution seront donc remplacées par le constat d'infraction. Certains seront peut-être portés à s'interroger sur la disparition de la comparution du défendeur avant procès. Cependant, dans les faits, cette comparution n'est jamais obligatoire et constitue une étape qui pourra avantageusement être remplacée par cet échange direct entre le poursuivant et les défendeurs que permet le constat d'infraction.

Enfin, il nous apparaît important de souligner que la nouvelle procédure offrira des avantages à tous, qu'il s'agisse de défendeurs, de poursuivants ou de l'appareil judiciaire. Ainsi, le défendeur est immédiatement informé, dès réception du constat de l'infraction dont il est accusé, de la peine dont il est passible. Il peut donc agir de manière plus éclairée. S'il reconnaît sa culpabilité, il n'a pas à subir de déplacements et des coûts inutiles, ni une confrontation avec l'appareil judiciaire car un jugement pourra être rendu dès la réception du plaidoyer de culpabilité. Par contre, si le défendeur désire faire valoir un moyen de défense ou des représentations quant à la peine exiqée, il pourra être entendu plus rapidement car les rôles des tribunaux seront désencombrés de tous les cas où le contrevenant inscrit un plaidoyer de culpabilité.

Quant au poursuivant, la simplification du mode d'introduction de la poursuite offre l'avantage d'une action plus rapide, plus efficace, moins coûteuse et permettant une rationalisation des ressources matérielles et humaines dont il dispose.

Finalement, la procédure par voie de constat d'infraction permet une meilleure utilisation des tribunaux judiciaires. La nouvelle procédure suppose, en effet, que les tribunaux n'interviendront qu'en cas de véritable litige entre les parties quant à la responsabilité ou à la peine attachée à une infraction. En somme, le constat d'infraction permettra de redonner au système de justice pénale son véritable caractère de débat entre parties adverses où le juge est appelé à apprécier les arguments des adversaires en fonction de la règle de droit.

Le même souci d'efficacité dans le respect des droits de chacun se retrouve dans les mécanismes de révision des décisions rendues en première instance. Ainsi, il sera possible par simple rectification de corriger une erreur d'écriture qui se serait glissée dans un jugement. On pourra, de plus, par le biais de la rétractation de jugement, contrer les effets d'une condamnation par défaut prononcée contre un justiciable qui n'a pas pu présenter sa défense en temps utile. On pourra alors demander au juge de première instance de rétracter son jugement et de procéder à l'instruction de la poursuite sans

devoir passer par les tribunaux d'appel. L'introduction de cette procédure usuelle en matière civile vient combler une lacune importante du régime actuel de poursuite sommaire.

De plus, les jugements de première instance seront appréciés plus justement, car ils ne pourront plus être remis en cause globalement, comme c'est le cas actuellement avec la règle des procès de novo. Désormais, les procès ne seront plus recommencés inutilement. L'appel se fera généralement sur dossier, à moins que celui-ci ne puisse être reconstitué. L'appel ne portera alors que sur les questions au sujet desquelles il y a litige véritable. Avec l'appel sur dossier, la cour qui entendra l'appel exercera un véritable rôle de tribunal d'appel.

L'effort de simplification et de rationalisation de la procédure pénale que reflète l'avant-projet de loi qui vous est présenté ne porte pas seulement sur la procédure de poursuite en première instance et en appel. Il commence déjà au moment de l'enquête sur l'infraction lorsqu'une perquisition s'impose. En ce domaine, les règles générales de droit ont été exposées de manière à faire ressortir clairement les limites du pouvoir de perquisitionner, ainsi que les droits des citoyens à l'égard de la protection des renseignements confidentiels, de l'accès au mandat de perquisition, de l'examen ou de la garde et rétention de la chose saisie.

C'est avec une même réserve qu'a été traité le pouvoir d'arrestation, car désormais il sera restreint aux seuls cas où l'arrestation est le seul moyen de permettre la signification d'un constat d'infraction, de mettre un terme à la perpétration d'une infraction ou d'empêcher qu'une personne ne se soustraie à la justice. On comprendra alors que, dans ces cas, le recours à ce pouvoir de contrainte vise à empêcher un individu de faire échec au système de justice pénale et de contrevenir impunément aux lois et règlements du Québec. (10 h 45)

Enfin, dans le régime proposé, le Procureur général demeure le gardien ultime de l'intérêt public et, à ce titre, il est responsable de toutes les poursuites pénales entreprises. Toutefois, la reconnaissance de cette fonction qui lui est assignée dans les systèmes de droit de tradition britannique n'empêchera pas le législateur de désigner d'autres personnes à titre de poursuivants dans des lois particulières et de permettre aux citoyens qui ont un intérêt à poursuivre de le faire. Cette ouverture du droit de poursuite est garante du principe de l'égalité de tous devant la loi, un objectif qui sous-tend l'ensemble de l'avant-projet sur le Code de procédure pénale.

Il appartient maintenant à cette commission d'examiner cet avant-projet afin, que . la procédure pénale contribue à équilibrer les droits des individus et de la collectivité sur les plateaux de la balance de la justice. Merci, M. le Président.

M. Claude Filion

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le ministre. Quant à nous, l'avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale, bien qu'il ne crée pas dans la population - on peut le voir ce matin -d'anxiété telle que les gens se battent dans les autobus, revêt néanmoins une importance, je dirais, capitale pour l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec. D'une part, ce projet de loi affectera les procédures de sanction de l'ensemble des lois du Parlement de Québec et de l'ensemble des règlements adoptés par ce gouvernement, ainsi que par les corps politiques délégués, comme les municipalités, les cités, les villes. À ce titre, donc, ce projet de loi affectera la procédure de sanction de l'ensemble de notre législation. Curieusement, c'est cette législation, cette réglementation qui rejoint le plus souvent la population.

À titre d'exemple, j'ai été fasciné d'apprendre que, dans la seule ville de Montréal, on a distribué au cours de l'année 1985 ou 1986, dans une seule année, 1 324 568 contraventions. Cela veut dire, en termes pratiques, que dans une vie normale il n'y a à peu près aucun citoyen adulte du Québec qui n'a pas directement affaire avec les conséquences d'une infraction présumée commise à l'égard d'une loi ou d'un règlement. Pour bien des citoyens, ce contact avec le droit pénal est parfois le seul contact qu'ils auront avec la justice en général. En droit criminel, on le sait -heureusement, d'ailleurs - seulement une infime partie de notre population se retrouve devant les tribunaux criminels.

Au civil, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, on est un peuple chicanier. Alors, nos rôles sont passablement occupés à la Cour des petites créances, à la Cour provinciale, à la Cour supérieure ou devant les tribunaux administratifs. Encore une fois, ne serait-ce qu'à cause de l'importance, je dirais de la fréquence des activités professionnelles, commerciales et civiles de l'ensemble des citoyens du Québec, il est normal que le droit pénal soit le droit le plus souvent rencontré par le citoyen. Encore une fois, c'est parfois le seul contact qu'il a.

Le cas que je citais tantôt, où 1 328 000 billets de contravention ont été émis par la ville de Montréal, veut dire qu'il existe aussi au Québec ce que je pourrais appeler et ce qu'on a qualifié ainsi dans un des mémoires des contentieux de masse, c'est-à-dire des contentieux affectant un grand nombre de citoyens dans une même

journée. Si on divise les 1 324 568 par le nombre de jours ouvrables, on arrivera à un chiffre journalier faramineux. Un pourcentage de ce nombre se retrouve devant les tribunaux parce que les citoyens désirent faire valoir leurs droits; d'où l'importance du travail que nous entreprenons aujourd'hui sur l'avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale.

Il y a aussi, je dois le mentionner, des lois qui ont une portée beaucoup plus engageante que les règlements de circulation de la ville de Montréal. On n'a qu'à penser, par exemple, à la Loi sur la conservation de la faune ou à la Loi sur les valeurs mobilières. Ce sont des lois, à titre d'exemple, qui engagent beaucoup plus qu'un simple billet de contravention. Dans plusieurs de ces cas, d'ailleurs, une infraction à ces lois peut conduire à l'ultime châtiment qui est la privation de la liberté, la prison.

Le droit pénal est certes moins, j'allais dire "engageant", entre guillemets, que le droit criminel, mais il Test beaucoup plus que le droit civil. À mon sens, il doit se rapprocher beaucoup plus évidemment du droit criminel que du droit civil bien que, dans certains cas, il soit utile de faire référence aux règles que nous avons construites en droit civil pour notamment -le ministre l'a souligné - dégager certaines règles relativement à la rétractation de jugement, des règles plus souples pour que la justice fonctionne mieux, plus rapidement et plus efficacement et de façon moins coûteuse.

Maintenant, évidemment, le projet de loi est important parce qu'il vise cet ensemble législatif et réglementaire très important, nous y reviendrons dans quelques minutes. Il vise donc à définir des règles de procédure, de traitement, de cheminement des plaintes découlant d'infractions qui auraient pu être commises à l'égard de ces lois ou de ces règlements. Je le dis immédiatement: Cette initiative est louable. Elle a débuté, sauf erreur, en 1982, en 1983 ou en 1984. Je sais qu'un travail important avait été fait au ministère de la Justice. On me fait remarquer qu'en fait la réflexion même a commencé bien avant, mais je sais que, dans ces années, 1982 et 1983 un travail avait déjà été passablement avancé.

Donc, je le souligne immédiatement et sans réserve: L'initiative est louable et la tâche était colossale. Les poursuites sommaires qui nous gouvernent actuellement remontent à plus de 60 ans. Il s'agissait de rafraîchir tous ces mécanismes de procédure à partir non pas de ce qui a été fait il y a une dizaine d'années, mais de ce qui a été fait il y a, quand même, plus d'une soixantaine d'années. La tâche était colossale, l'initiative était louable et le résultat - je le dis immédiatement sans ambages - est intéressant et en bonne partie satisfaisant. Il est intéressant parce qu'on y retrouve une certaine cohérence et un souci de cohérence notable. Il est satisfaisant parce que, évidemment, dans certains cas, des arbitrages doivent être faits. Ces arbitrages, je pense, ont été exercés, pas toujours avec bonheur, mais, en tout cas, à mon point de vue, avec toujours beaucoup de sérieux, dans une bonne partie.

Il y a beaucoup de choses. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Les intervenants que nous allons commencer à écouter ce matin vont nous en faire part. Il y a énormément de points qui méritent d'être discutés et d'être décidés par les parlementaires que nous sommes.

Donc, une initiative louable, une tâche colossale, résultats intéressants et en bonne partie satisfaisants. Une chose certaine, l'avant-projet de loi qui est devant nous constitue, certes, un texte valable pour les fins de consultation et d'étude. C'est un avant-projet de loi que l'on soumet aux intervenants, aux six groupes qui viendront nous rencontrer aujourd'hui et demain. Pour des fins de consultation, ce document est très approprié.

J'avise immédiatement le ministre, le leader parlementaire et les représentants du gouvernement que l'étude de ce projet de loi demandera la même attention que celle que nous avons apportée à d'autres projets majeurs, notamment au projet de loi 92. Notre devoir, en tant que parlementaires, -c'est ce que les gens nous demandent de faire également - est de vérifier les lois, d'échanger sur ces lois et de prendre conscience des conséquences sur la population des lois que nous adoptons. En ce sens, on peut immédiatement prévoir que l'étude de ce projet de loi ne se fera pas en un avant-midi, à coup sûr.

Je voudrais également souligner la qualité des mémoires que nous avons reçus de façon générale, mais en particulier celui du Barreau du Québec et de la Commission des services juridiques qui ont été à la mesure de leur réputation - j'aurai l'occasion de leur en parler quand ils seront avec nous et également l'excellent mémoire du contentieux de la ville de Montréal.

Je voudrais revenir un peu sur ce que j'ai abordé tantôt, c'est-à-dire l'ensemble des lois et règlements du Québec. Le gouvernement libéral nous a tenu pendant plusieurs mois, plusieurs semaines, de très beaux discours sur la déréglementation. Le ministre de la Justice lui-même a été un pourfendeur sans comparaison du nombre de règlements que nous avons au Québec et je le suis.

Le gouvernement nous a même annoncé une déréglementation. Il nous a annoncé qu'il légiférerait moins et mieux, mais force nous est de constater, à l'étude des lois adoptées par ce Parlement depuis l'accession au

pouvoir du gouvernement libéral que non seulement le nombre de règlements n'a pas diminué mais qu'il a augmenté. Non seulement les lois ne contiennent pas moins de pouvoirs réglementaires, mais, au contraire, les lois contiennent plus de pouvoirs réglementaires. Force nous est de constater que le gouvernement libéral n'a aucunement livré la marchandise en matière de réglementation, à part former des comités et tenir des beaux discours. La marchandise n'a pas été livrée. J'ai étudié des lois qui contiennent des pouvoirs réglementaires exorbitants, parfois illégaux et j'ai eu l'occasion de le souligner à quelques-uns de vos collègues, d'ailleurs.

C'est bien beau de faire un nouveau Code de procédure pénale et de tenir un discours, mais encore faudrait-il aller à la source des problèmes et faire en sorte que le nombre de règlements diminue de façon importante au Québec. Encore une fois, ce n'est pas du tout le cas. Les études qui ont été faites là-dessus sont des plus révélatrices quant à l'étendue des pouvoirs réglementaires et quant au nombre de pouvoirs réglementaires que l'on retrouve. (11 heures)

Le Barreau du Québec, que nous aurons avec nous dans quelques minutes, a déjà critiqué dans le passé, vigoureusement également, cette masse incroyable de réglementation. Le gouvernement libéral a créé des expectatives énormes au sujet de cette réglementation, mais les attentes ont été considérablement frustrées.

Revenons au projet de loi et au contenu du projet de loi. À la lecture des mémoires et du projet de loi, nous pouvons constater que nous sommes en présence de deux concepts qui reflètent eux-mêmes deux préoccupations majeures. D'abord, ce que je qualifierais de formalisme procédural. Le formalisme procédural lui-même répond, inclut ou reflète les différentes balises que l'on retrouve en droit criminel qui sont destinées à protéger les droits fondamentaux des citoyens. Bien sûr, il ne faut pas l'oublier, la procédure est au service du droit, de la justice et de la vérité. La procédure, par notre tradition, par l'histoire et par la jurisprudence, a intégré les balises qui découlent de l'application de certains droit3 fondamentaux.

Le formalisme procédural en droit pénal ne doit pas être le même qu'en droit civil, bien sûr, cela saute à l'esprit. Il peut, à mon sens, et j'en conviens, différer du formalisme que l'on retrouve en droit criminel, car, de l'autre côté, dans l'autre bloc de préoccupations, on retrouve un autre concept, celui de l'administration de cette justice pénale qui doit être souple, simple, efficace et le plus près possible des citoyens, qui doit être comprise, dans la mesure du possible, par le citoyen et qui doit être sûrement le plus près passible du judiciable.

Ces deux concepts, le formalisme procédural et une administration souple, simple, efficace, près du citoyen et de la justice pénale, dans bien des cas, s'affrontent et il y a des arbitrages à faire; dans d'autres cas, par exemple, ils peuvent se compléter. Quand les arbitraqes sont à faire, il n'y a pas de règle magique à appliquer. C'est une question, pour nous, de jugement et d'équilibre. Cet exercice, encore une fois, ne sera pas toujours des plus faciles. Je l'ai dit, si on insiste tant en droit criminel sur le formalisme et sur les droits fondamentaux, il y a une raison. C'est parce qu'on est conscient qu'en fin de compte c'est la liberté des citoyens, dans bien des cas, qui peut être affectée, de la même façon qu'une simple condamnation peut également avoir des conséquences sur les citoyens. Le paiement d'une amende, même, dans certains cas minime, peut avoir d'énormes conséquences sur le citoyen.

On sait déjà que la tendance lourde qui se dégage actuellement est, bien sûr, d'avoir recours à des mesures autres que l'emprisonnement. Mais il demeure néanmoins que l'emprisonnement, dans bien des cas, est le moyen dissuasif employé. C'est important pour le ministre et pour moi et, je le pense bien, pour tous les membres de la commission.

Donc, le formalisme procédural n'est pas un caprice. II répond, encore une fois, à des préoccupations d'importance vitale pour les citoyens. Dans le projet de loi, peut-être, paradoxalement, uniformiser la procédure... On verra à la consultation, on verra à l'étude. Peut-être, paradoxalement, le plus grand défaut de cet avant-projet de loi est-il, précisément, de ne pas faire la nuance entre certaines catégories de lois. D'avoir tenté d'uniformiser la procédure pour toutes les sortes d'infractions, des plus bénignes aux plus sérieuses - bien que les qualificatifs dans ce cas-ci méritent d'être mis entre parenthèses également - d'avoir tenté d'uniformiser est louable, mais, paradoxalement, le résultat fini ne contient-il pas ce vice d'avoir tenté de tout mettre sur un pied d'égalité? Nous verrons à la consultation, nous verrons à la discussion, nous verrons à l'échange. Je le dis d'emblée, le constat d'infraction qui est la pierre angulaire de cet avant-projet de loi est certainement un progrès remarquable en ce qui concerne le contentieux que je qualifie de masse et que je qualifierai de masse tout au long de nos travaux. Pour des infractions plus sérieuses -et, encore une fois, il n'y a pas de magie dans des qualificatifs - ne devrait-on pas aussi exiger la sommation et la dénonciation comme auparavant?

Je dois le dire très honnêtement aux membres de cette commission, pour moi, idéalement, la prison est faite pour les

criminels, la prison est faite pour ceux qui ont commis des crimes, des infractions au Code criminel. D'ailleurs, si on regarde un peu ce qui peut se produire au tournant de l'an 2000, j'ai comme la vision que n'est peut-être pas si éloigné de nous le jour où les infractions aux lois provinciales, aux règlements provinciaux, ne conduiront plus à la prison. Bien sûr, cela prend un moyen dissuasif en bout de ligne, j'en suis conscient. Mais la prison n'est certainement pas le bon endroit pour envoyer les personnes qui ont eu des contraventions, des billets de stationnement parce qu'il en coûte 80 $ par jour à la société pour les garder à Bordeaux, alors que le billet est de 15 $, 20 $ ou 10 $. Évidemment, dans le cas du billet de stationnement, on pourra me répondre: Votre discours est simple, votre discours est facile. Certains cas se situent entre le billet de stationnement et la fraude en valeurs mobilières. Ce n'est pas toujours aussi facile. En règle générale, je pense qu'il faut commencer à entrevoir le tournant de l'an 2000, en termes de droit pénal, autrement qu'avec la prison. J'ose espérer, en tout cas, que cette vision un peu personnelle des choses... Je constate, d'abord, qu'elle est partagée de plus en plus, et que l'on pourra trouver les moyens pour qu'elle se concrétise. Là-dessus, je dois vous dire - je vois le ministre qui opine de la tête - que j'aurais aimé voir un peu plus d'imagination dans bien des lois adoptées par son collègue, le ministre des Transports.

Donc, c'est un projet de loi intéressant. J'en félicite immédiatement tous ceux et celles qui ont participé à son élaboration. Il s'agit d'un travail, je l'ai dit, qui mérite d'être relevé, un projet de loi intéressant, qui mérite d'être bonifié. C'est normal. On pourra toujours le bonifier, le ministre le sait, on peut améliorer un projet de loi sans arrêt. II n'y a pas de perfection dans ce secteur, pas plus que dans les autres, mais il faudra garder à l'esprit, je pense, ce point de vue de respect des droits fondamentaux ainsi que celui de l'efficacité de la gestion administrative, plus particulièrement en matière de contentieux de masse. Je voudrais maintenant relever certains sujets - non pas le constat d'infraction - qui ont retenu l'attention des intervenants que nous recevrons bientôt et d'autres sujets, d'autres passages ou d'autres secteurs de l'avant-projet de loi qui ont retenu mon attention de façon un peu plus particulière.

D'abord, tout ce qui est de droit nouveau est un peu plus intéressant. Tout ce qui contient des éléments de droit nouveau soulève la curiosité et, dans certains cas, fait poser des bonnes questions, notamment, pour l'information du ministre: l'assignation des témoins par le procureur, à l'exception du détenu, la commission rogatoire, le droit pénal, le constat d'infraction, je l'ai mentionné, il y a ce que je qualifierais de magasinage au niveau de l'acte d'accusation qui me chicote un peu, les demandes préliminaires, les défenses préliminaires et la codification de la "common law", l'article 235, c'est-à-dire la possibilité de plaider l'inconstitutionnalité, l'article 247, la possibilité pour le juge d'accepter ou de refuser le plaidoyer de culpabilité, le pouvoir discrétionnaire du juge à l'article 247, l'article 290, tout ce qui concerne l'emprisonnement et les alternatives à l'emprisonnement, l'article 392 - quand je dis l'article, je parle de ces secteurs-là - en ce qui concerne les mémoires en appel, l'article 361 et les suivants en ce qui concerne la rétractation de jugement et l'article 433, l'adoption à la majorité des juges des règles de pratique.

Ce sont des éléments qui contiennent beaucoup d'ingrédients de droit nouveau, qui sont intéressants et qui vont mériter qu'on en discuter. Maintenant, les gens du Barreau ne sont évidemment pas encore avec nous. Mais ils ont souligné ce que je qualifiais tantôt de principes de droit fondamentaux. Dans leur mémoire, lis emploient les termes "violés" et "bafoués" par le Code de procédure pénale. Ces principes de droit vont également mériter qu'on s'y arrête. Il y a le droit de l'accusé à une décision impartiale, la présomption d'innocence, les articles 51 à 55; la condamnation de l'inculpé sur une preuve inadmissible qui, encore une fois, pourrait ouvrir la porte à certaines exceptions aux règles d'admissibilité de preuve, l'article 52. Il y a également le droit de l'inculpé de ne pas être privé injustement de sa liberté et la discrétion de l'agent de la paix, les articles 80 et 91. Quant au droit de l'inculpé d'être informé immédiatement de ce qu'on lui reproche, il y a beaucoup d'articles qui sont affectés par cela. Le droit à la défense pleine et entière, comme la présomption d'innocence: on n'invente pas le bouton à quatre trous. Ce sont des droits fondamentaux qui ont subi, avec succès, le test du temps, le test de l'analyse des tribunaux. Il y a également le respect de la chose jugée, res judicata.

Alors, il y a certains droits fondamentaux qui vont mériter qu'on se penche sur leur impact sur la procédure et la gestion de l'administration de la justice pénale. C'est un exercice - je l'ai dit -important, d'une importance capitale, quant à nous. Nous nous y livrerons, comme toujours - le ministre le sait - de façon non partisane, dans le meilleur intérêt de la population du Québec et avec la meilleure foi possible. Dans ce sens, je termine ma déclaration d'ouverture en demandant au ministre s'il a l'intention de... D'abord, il m'a confié tantôt que son projet de loi pourrait être prêt au printemps. S'il n'est pas prêt au printemps, il le sera à

l'automne; c'est tout. Après les consultations que nous tiendrons, est-ce qu'il a l'intention, dans la préparation de ce projet de loi, de tenir d'autres consultations après le dépôt du projet de loi?

M. Marx: Merci, M. le Président. Non, nous n'avons pas l'intention de tenir d'autres consultations, parce qu'on peut aller de consultation en consultation; cela peut prendre dix ans. Nous avons l'intention d'essayer de déposer le projet de loi avant le 15 mai et, si possible, de faire la deuxième lecture du projet de loi avant la fin de cette session pour qu'il soit possible de faire l'étude, article par article, du projet de loi pendant l'intersession. Je pense que, si on peut faire l'étude article par article vers la fin du mois de septembre ou au début du mois d'octobre, ce sera mieux pour les parlementaires, étant donné que, durant la session, nous avons beaucoup d'autres choses à faire. Cela va nous donner plus le temps de discuter, de réfléchir à chaque article, étant donné que le projet de loi comporte plus de 400 articles.

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Marx: On va essayer de déposer le projet de loi avant le 15 mai, pour qu'on puisse en faire la deuxième lecture et en faire l'étude article par article à l'automne.

Le Président (M. Filion): Bon.

M. Marx: Est-ce que cela convient?

Le Président (M. Filion): On pourra discuter là-dessus, mais je voulais juste savoir, grosso modo, l'échéancier. Je voudrais informer les membres de la commission qui sont avec nous que le Barreau et ses représentants sont pris dans un petit problème d'avion en provenance de Montréal. Cela doit être Nordair, je ne sais pas. Donc, j'essaie de savoir à quel moment ils pourront être avec nous. Ils avaient été convoqués à 10 heures, devaient être entendus à 11 heures. Il est 11 h 15. En ce moment, je pense qu'il serait à propos de suspendre nos travaux et d'attendre le Barreau, mais je dois signaler que je sais que le ministre est pris cet après-midi.

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Filion): II est en Conseil des ministres, c'est cela?

M. Marx: Non, le Conseil des ministres, c'est maintenant. Est-ce que cela a été remis à cet après-midi? Non, c'est ce matin.

Le Président (M. Filion): Je sais que vous êtes pris cet après-midi. Est-ce que je me trompe? Je me dis que si le Barreau arrive d'ici une dizaine de minutes, ce n'est pas grave. Je pense qu'on va pouvoir d'ici une heure... Cela vous irait si on continuait?

M. Marx: Oui, parfait.

Le Président (M. Filion): S'il devait arriver uniquement à midi ou à 12 h 15, je me demande...

M. Marx: De midi à 13 heures, on peut...

Le Président (M. Filion): On avait prévu 90 minutes avec eux. On va attendre et on s'adaptera. Mais, si je comprends bien, ce serait difficile pour vous cet après-midi?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Filion): Oui. D'accord. C'est malheureux, mais... Ah, est-ce que...

Une voix: Le Barreau du Québec.

Le Président (M. Filion): Excellent. Voilà. On va quand même suspendre nos travaux, le temps de laisser les membres du Barreau s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 19)

(Reprise à 11 h 28)

Auditions

Le Président (M. Filion): Me Ménard, Me Desrosiers et Me Gauvin, bienvenue. Sans plus tarder, je vous rappellerais le cadre de nos discussions de ce matin. Trente minutes vous sont allouées pour la présentation de votre mémoire, à la suite de quoi chacun des deux groupes politiques représentés à cette commission dispose d'une trentaine de minutes pour échanger avec vous. Mais ce cadre, comme toujours, à la commission des institutions, est une suggestion. Nous savons oeuvrer avec souplesse. Sans plus tarder, je vous inviterais à présenter votre mémoire.

Barreau du Québec

M. Ménard (Serge): D'abord, je tiens à vous exprimer notre satisfaction d'avoir été invités. Nous sommes très honorés d'avoir été invités par la commission parlementaire à faire des représentations auprès de vous. C'est avec plaisir que nous nous présentons ici. Je peux vous dire que nous le faisons dans l'exercice - si vous voulez - d'une des deux missions qui nous sont données par la loi qui est la protection de l'intérêt public.

Le Barreau a l'avantage, dans l'étude d'un projet de loi comme celui-là, de pouvoir

bénéficier des conseils ou de l'expertise de membres qui ont à travailler tou3 les jours avec ce projet de loi. C'est de cette façon qu'on a fait le rapport: on a créé un comité dans lequel on a voulu avoir une représentation équilibrée des divers adversaires qui peuvent s'affronter à l'intérieur de ce code de procédure. Ainsi, Me Christian Desrosiers, qui en est le président, est de Montréal. Il est président de l'Association des avocats de la défense de Montréal. C'est un avocat de pratique privée qui pratique nécessairement en défense. Il a commencé sa carrière comme avocat de l'aide juridique. Me François Drolet, le deuxième membre, est avocat de la couronne, substitut du Procureur général. C'est un des avocats de la couronne qui a eu à faire le plus de poursuites pénales provinciales. C'est donc pourquoi nous l'avons invité à faire partie de notre comité. Comme nous cherchons aussi à avoir une représentation régionale dans nos comités, nous avons Me Claude Leblond, de Sherbrooke. C'est un avocat de l'aide juridique qui a été appelé à défendre des gens accusés d'infractions pénales provinciales et qui oeuvre dans un bureau d'aide juridique à Sherbrooke. Me Charles Morisset est un avocat de Québec qui est en pratique privée, mais qui a eu à prendre beaucoup de poursuites pour l'Office de la construction, donc, à fonctionner avec la Loi sur les poursuites sommaires. Me Robert Sacchitelle est un pilier de l'aide juridique depuis ses débuts à Montréal. Il a été appelé à défendre des gens. Me Christian Gauvin est un permanent du Barreau. On estime qu'au Barreau on peut regrouper des gens d'expériences diverses qui ont vu les lois antérieures et les lois futures avec des yeux différents. Je peux vous dire que le rapport qui vous est présenté donne une bien faible idée des discussions qui ont pu avoir lieu entre les différents membres du comité. Il donne une bonne idée, par contre, des consensus qui ont pu se dégager entre des gens habitués à fonctionner des deux côtés.

J'ai remarqué aussi, en lisant le rapport, hier, qu'on donne peut-être une impression trop négative dans le rapport de notre appréciation de l'avant-projet de loi. Je tenais, ce matin, à corriger devant vous cette impression, car je dois vous dire que l'impression générale de l'avant-projet de loi est extrêmement positive de la part du Barreau. D'abord nous croyons que c'était une réforme nécessaire à apporter que de refaire l'ancienne Loi sur les poursuites sommaires et de codifier les différentes règles dans un Code de procédure pénale. Cela a été fait avec logique et avec clarté. De plus, nous avons constaté beaucoup d'améliorations dans cet avant-projet de loi par rapport à ceux que nous avons étudiés depuis longtemps et qui, déjà, avaient amené, de notre part, des remarques favorables. C'est la raison pour laquelle ce rapport, ne s'attachant qu'aux critiques que nous avons encore à faire au projet de loi, donne peut-être un aspect plus néqatif. Je vous rappelle notre jugement global qui est un jugement positif sur l'avant-projet de loi qui est devant nous.

Il a, entre autres, une qualité bien québécoise et qui, je t'espère, demeurera québécoise et deviendra, je l'espère, un jour, canadienne, c'est la clarté du langage et la logique et la cohérence de sa construction. Si vous étiez habitués de travailler avec des lois équivalentes au fédéral et à lire des dispositions du Code criminel ou de la Loi sur la preuve, vous comprendriez ce que- nous voulons dire. Je me suis tué depuis des années à répéter au gouvernement fédéral que les lois mal écrites sont d'abord mal comprises pour être ensuite mal appliquées. Je dois dire que, dans ce cas, dans la mesure du possible, parce qu'il reste des passages qui peuvent être difficiles à comprendre pour des profanes, de façon générale ce code satisfait aux objectifs de clarté, de rigueur de la langue qu'on est habitués à reconnaître des meilleurs textes qui sortent des rédacteurs du ministère de la Justice. Je pense que c'était une remarque qui n'est pas faite dans notre rapport, mais qui devait être ajoutée. Cependant, j'ai eu l'occasion de lire récemment - on m'en envoie toujours des copies - le très court rapport de l'Association des usagers de la langue française, qui a fait quelques critiques qui m'apparaissent justifiées. Certaines le sont moins, mais je ne les reprendrai pas. J'ai remarqué qu'eux aussi, qui sont assez tatillons sur l'usage des mots même en matière juridique, ont un jugement favorable de ce côté.

Pour résumer peut-être en d'autres termes certaines des critiques que nous avons faites, il y en a certaines que je vais faire moi-même et d'autres que Me Christian Desrosiers va ajouter. Très rapidement, nous trouvons assez inadmissible en droit pénal qu'un chef d'accusation auquel il manque un élément essentiel puisse être corrigé quant à cet élément essentiel. Il faut comprendre que nous vivons en droit criminel et nous continuons à vivre en droit pénal, parce que je pense que personne au Québec ne voudrait adopter le système français qui est le système inquisitoire en matière pénale. Je pense qu'il y a une chose sur laquelle tous les partis politiques du Québec s'entendent et tous les qens de n'importe quelle optique s'entendent, c'est que le droit pénal doit demeurer un droit accusatoire où une personne n'est accusée que dans la mesure où elle a enfreint une loi et qu'elle est bien informée de la disposition législative qu'elle a enfreinte.

Or, une infraction, c'est un jeu de

blocs qui est constitué d'un certain nombre d'éléments essentiels. S'il manque un élément essentiel, il n'y a pas d'infraction. Je peux donner un exemple simple. Un vol, par exemple, c'est non seulement de prendre la propriété d'autrui sans le consentement du propriétaire dans l'intention de le priver temporairement ou absolument de cette propriété, c'est de faire tout cela illégalement. S'il manque un élément essentiel, il n'y a pas d'infraction. Pour rendre l'élément essentiel, le mot "illégalement" est important. Prendre un parapluie par erreur dans un restaurant croyant que c'est le sien, ce n'est pas illégal. Pourtant, cela satisfait à toutes les définitions. Donc, quelqu'un qui est accusé d'avoir fait tout cela, si le mot "illégalement" n'est pas dans la question de vol, il n'est pas accusé d'avoir commis une infraction.

C'est pour cela qu'on utilise peut-être des termes un peu forts dans le rapport, mais vous le comprendrez à la lumière des explications quand on parle de "néant juridique". C'est-à-dire qu'une personne qui serait accusée de quelque chose où il n'y a pas tous les éléments essentiels de l'infraction n'est accusée de rien. À ce moment-là, c'est une accusation qui n'est pas valide et qui, par conséquent, ne devrait pas être corrigée, parce qu'il n'y a rien. Cela nous apparaît absolument illogique et contraire à notre système de permettre la correction d'un chef d'accusation sur un élément essentiel. On peut le corriger sur d'autres détails, mais pas sur un élément essentiel. S'il manque un élément essentiel, à mon avis, on devrait continuer la pratique actuelle qui est la nullité.

Dans les améliorations que nous avons constatées par rapport à l'ancien projet de loi, il y a une remarque qu'on peut peut-être faire. On avait l'impression que le premier projet de loi avait été surtout fait pour les infractions aux règlements de la circulation. Pour cela, il était excellent. Il était excellent parce que la majorité des gens ne contestent pas les... C'est le plus grand nombre d'accusations et c'était fait pour diminuer les frais et ainsi de suite. Mais c'est un Code de procédure pénale général. Il a été amélioré depuis les remarques que nous avions faites. Mais cela reste un Code de procédure pénale général qui va s'appliquer non seulement à des infractions banales comme des infractions aux règlements de la circulation, mais aussi probablement à des poursuites beaucoup plus complexes en matière d'impôts, de valeurs mobilières, de protection de l'environnement et ainsi de suite.

Je pense que cela, c'est surtout à la suite des représentations des gens qui représentent les poursuivants. Nous trouvons qu'à ce moment-là il faudrait passer probablement par des procureurs pour rédiger les accusations, plutôt que de les laisser faire. Sinon, le gouvernement risque d'être mis dans des situations difficiles dans la suite des procédures parce que les accusations n'auront pas été assez bien rédigées.

Un autre sujet dont je voulais vous parler, sans reprendre tout le rapport écrit -car, j'en suis sûr, comme on l'a fait court cette fois-ci, vous avez pu le lire rapidement - c'est le nolle prosequi. Je suis conscient qu'il s'agit là d'un vieux pouvoir qui existe déjà et qui n'est pas un nouveau pouvoir que l'on prête au substitut du Procureur général. Cependant, nous tenons à répéter ce que nous avons déjà dit. Puisque cela couvre l'ensemble des lois pénales et puisque l'activité gouvernementale est extrêmement vaste aujourd'hui, notamment en matière d'activités qui peuvent avoir des conséquences sur l'environnement et où il peut y avoir des groupes qui sont des personnes autorisées par un juge à poursuivre, nous trouvons un peu odieux que le Procureur général puisse arrêter, à sa simple discrétion, les poursuites prises contre des représentants de l'État. Sans doute aurait-il à répondre politiquement et devrait-il en assumer les conséquences politiques. Mais nous croyons encore que c'est un pouvoir dont le Procureur généra! devrait se priver. S'il devait l'exercer, ce n'est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles. Justement, si elles sont exceptionnelles, le contrôle politique sera d'autant plus important, mais, si elles deviennent courantes, à ce moment-là, elles n'attirent plus l'attention des personnes. C'est pour cela que nous croyons que le pouvoir de nolle prosequi devrait être... Nous croyons que l'idéal serait que, de la même façon qu'à une certaine époque il fallait demander la permission au gouvernement avant de le poursuivre, et le gouvernement a accepté d'enlever cette permission, le Procureur général devrait se priver, idéalement, de ce pouvoir d'arrêter les poursuites, et, si les poursuites ne sont pas fondées, les tribunaux en disposeront.

Si vous ne voulez pas vous rendre à cet idéal, je pense qu'il faudrait réduire ce pouvoir et, notamment, penser à ces groupes qui poursuivront Hydro-Québec, par exemple, ou la société des mines - avant que vous ne la vendiez complètement - ou une autre compagnie de la couronne qui exerce des activités économiques et qui pourrait, selon certains groupes, enfreindre des lois provinciales d'un autre ordre. Je pense qu'il serait indécent que le Procureur général arrête ces poursuites. Il serait préférable que les tribunaux en disposent.

Nous vous avons aussi signalé d'autres critiques quant à l'outrage au tribunal. Il y a deux aspects à l'outrage au tribunal dans le Code de procédure pénale. Vous nous avez

fait valoir dans le passé que vous gardiez les pouvoirs antérieurs des juges quant à l'outrage au tribunal, mais nous vous signalons que, dans ce code-ci, non seulement vous les gardez, mais vous en ajoutez. Il y a maintenant des juges de paix qui n'avaient pas le pouvoir de condamner pour outrage au tribunal qui l'auront en vertu des définitions données, en comparant les articles 65 et 14 du code. Nous trouvons cela absolument anormal.

Je vous rappelle d'abord très sommairement la principale critique qui est faite à la procédure sommaire d'outrage au tribunal. C'est celle qui veut qu'un juge cite une personne pour outrage au tribunal devant lui-même. C'est donc la même personne qui décidera du bien-fondé de l'accusation qu'elle a portée. Nous croyons que, de façon générale, la grande critique des juristes contre la procédure sommaire en outrage au tribunal est celle-là: que la même personne est à la fois juge et accusateur. Si ce pouvoir peut être conservé pour les juges de cours supérieures, nous croyons que le donner à de simples juges de paix, dont certains ne sont même pas permanents, c'est vraiment pousser beaucoup trop loin.

En matière d'outrage au tribunal - ce sont les suggestions que nous avons faites -peut-être devriez-vous garder des pouvoirs pour réglementer l'audience, par exemple, pour que le juge de paix ait des pouvoirs lorsque quelqu'un s'installe dans sa salle de cour et se met à empêcher le bon fonctionnement des procédures par toutes sortes de manifestations, qu'il ait des pouvoirs d'expulsion et des pouvoirs d'accuser la personne. Mais nous croyons qu'une personne doit toujours être jugée par une personne différente de celle qui l'a accusée.

Vous devez certainement être conscients que, dans ce projet de loi, vous donnez à certains juges qui ne les ont pas des pouvoirs de citer quelqu'un pour outrage au tribunal et d'en décider. (11 h 45)

II y a des passages qui peuvent apparaître difficiles à comprendre; peut-être pas difficiles à comprendre mais sur lesquels les profanes ne nous suivront peut-être pas lorsqu'on parle du formalisme nécessaire en droit pénal. Je voudrais, encore là, vous dire que nous ne tenons pas à un formalisme absolu des procédures. La souplesse est aussi un avantage et un objectif à viser. Quand on parle de formalisme, c'est uniquement dans les accusations qui sont portées; là, c'est important. Il nous semble qu'en matière de droit pénal, justement si on doit garder un système accusatoire...

Vous savez, dans le monde, il y a deux grands systèmes de justice pénale: le système français et le système anglais. Le système anglais est un système accusatoire où les tribunaux sont saisis d'accusés et le système inquisitoire, le système français, qui, d'ailleurs, couvre beaucoup plus la planète... Vous pouvez être certains que les pays communistes ont sauté dessus à pieds joints. Tous les pays latins et une bonne partie de l'Europe ont un système inquisitoire où l'appareil judiciaire est saisi, non pas d'un accusé, mais d'abord d'un crime. Un juqe d'instruction cherche qui est coupable du crime et va l'inculper devant un autre tribunal. Des garanties sont données aux accusés dans tout le système inquisitoire. Il n'est pas aussi terrible qu'il en a l'air lorsqu'on l'explique sommairement, comme cela. Cependant, nous avons choisi le système accusatoire où le tribunal est toujours saisi, non seulement d'une infraction, mais d'une personne qui est accusée d'avoir commis cette infraction. Il est extrêmement important, à ce moment-là, que la personne traduite devant le tribunal sache exactement de quoi elle est accusée et puisse se préparer à se défendre et ce, dès l'audition même de la preuve de la poursuite. C'est pourquoi nous avons donné des exemples ou des raisonnements dans notre rapport pour vous expliquer qu'avec les modifications qui peuvent être apportées à une accusation originale nous trouvons tout à fait inadmissible le fait qu'un accusé pourrait se retrouver en plein milieu d'un procès à se défendre d'une accusation sensiblement différente de celle qui a été portée contre lui. C'est en ce sens que le formalisme est important. Ce n'est pas dans le sens, si vous voulez, d'exiger des écrits ou ce que l'on pourrait appeler des "avocasseries". Il est important que la rédaction de l'accusation initiale lie la personne qui poursuit, et qu'une personne ne se retrouve pas devant un tribunal pour se défendre d'abord d'une infraction qu'elle croyait d'un certain type, pour se retrouver, finalement, au milieu d'un procès, à se défendre d'une accusation d'un type différent. Remarquez que je suis conscient qu'il y a des dispositions qui prévoient, par exemple, qu'il ne faut pas qu'ils se retrouvent accusés d'une autre infraction. Nous trouvons quand même - et ce sont là les critiques que nous avons faites, plus détaillées - qu'on va trop loin dans la permission de corriger la dénonciation initiale. C'est peut-être, justement, à cause de la formule du constat qui est écrite dès le début par une personne qui n'a pas de formation juridique. C'est probablement en pensant à... Cela revient à une des premières critiques qu'on vous a faites. Il faut faire attention, je pense que dans bien des cas il faudrait que le texte qui accuse - ici, c'est le constat d'infraction -dans les cas compliqués, soit rédigé par des avocats qui auront à plaider la cause par la suite.

Nous avons fait certaines critiques pour le ouï-dire. Je reconnais, cependant, qu'il est

exceptionnel, qu'il ne sert qu'à prouver, dans le cas de publicités ou de textes qui sont faits à l'avantage d'une partie, mais nous trouvons encore que ce n'est pas justifiable. En principe, le ouï-dire n'est pas admissible devant nos tribunaux et nous ne croyons pas que cette exception soit justifiable non plus.

Enfin, nous trouvons absolument exagéré l'arrestation sur simple signification et nous vous l'avons expliqué dans le rapport. Il faut quand même réaliser que le Code de procédure pénale doit s'appliquer à des infractions moins graves que le Code criminel, les choses les plus graves étant prévues au Code criminel. Lorsqu'on veut arrêter quelqu'un en matière criminelle, ou bien c'est qu'on le prend en train de commettre l'infraction... Mais, si on ne le prend pas en train de commettre l'infraction et qu'on l'accuse en lui signifiant une accusation... Que doit-on faire quand c'est un vol à main armée ou quoi que ce soit? On doit aller chercher un mandat. On pense que si on doit faire cela pour un vol à main armée on devrait faire la même chose pour des infractions pénales provinciales qui n'impliquent pas un comportement criminel. C'est pourquoi l'arrestation sur simple signification, pour les motifs que la personne... Si l'officier a de ces motifs, il devrait, à notre avis, se rendre obtenir un mandat devant un juge.

Enfin, sur la perquisition sans mandat. Comme cela a été bien préparé par Me Christian Desrosiers, je vais le laisser expliquer ainsi que les divers autres points qu'il voulait soulever.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, Me Ménard. Me Desrosiers.

M. Desrosiers (Christian): Oui. Je voudrais simplement souligner au départ qu'il y a déjà eu un rapport de soumis par le Barreau, en avril 1986, sur un autre avant-projet de loi. Le nouvel avant-projet de loi réflète de nombreuses modifications à la suite de ce qui avait été souligné par ce rapport. Je pense donc qu'on doit souligner que ce rapport est plus conforme à l'esprit qu'on avait souhaité au Barreau au moment du premier avant-projet de loi. Je voudrais simplement souligner, à propos du mandat de perquisition, qu'il est possible maintenant, en vertu de l'article 123, de faire une perquisition sans mandat. Or, je pense que c'est clairement inconstitutionnel. La Cour suprême en a décidé ainsi dans l'arrêt de Southam récemment. Il faut faire la distinction entre une saisie et une fouille. Même, la Cour suprême a dit clairement que, pour une perquisition, il faut qu'il y ait une autorisation légale avant qu'on puisse procéder à une perquisition. Dans les circonstances, il m'apparaît que l'article 123 ne résistera pas à la première contestation et sera déclaré inconstitutionnel rapidement. Je ne pense pas que cela soit souhaitable non plus que l'on puisse laisser à la discrétion d'un policier les circonstances dans lesquelles il pourrait perquisitionner - je ne vous dis pas saisir ou fouiller, c'est différent - sans mandat. Lorsqu'on parle de situation d'urgence, les télémandats existent maintenant en vertu du Code criminel. Il s'agit donc de donner au coup de fil au juge. On pourrait peut-être adopter des dispositions semblables en matière provinciale pour résoudre des problèmes d'urgence. Je pense donc que cette disposition est inconstitutionnelle.

Également, au niveau des moyens de défense qu'on reconnaît à l'accusé, il y a des choses qui m'apparaissent un peu vexatoires. Par exemple, à l'article 17, lorsque l'accusé veut assigner une personne en détention, on exige une autorisation préalable du juge. Dans le cas d'un ministre ou d'un sous-ministre, cela s'explique ou cela s'accepte peut-être qu'on doive obtenir une autorisation préalable. En tout cas, il y a eu récemment une cause assez publicisée là-dessus. Maintenant, qu'on exige que le juge accorde l'autorisation que cette personne-là soit entendue, parce qu'elle est détenue, cela nous apparaît vexatoire et excessif et je ne pense pas que cela soit nécessaire que cette autorisation soit obtenue du juge avant d'assigner une personne parce qu'elle est détenue. Il faut démontrer que son témoignage est nécessaire à la défense, il faut donc déjà convaincre le juge, avant de faire une défense, qu'on a une défense à faire.

À l'article 50, si la personne exige que le témoin se présente à la cour plutôt que de procéder sur le constat ou le document, on peut condamner le défendeur à payer les frais si le juge considère que la preuve du document aurait été suffisante. Cela m'apparaît aussi tout à fait inutile et vexatoire à l'égard de l'avocat ou du défendeur de lui faire payer le prix de l'audition d'un témoin. De toute façon, il peut être condamné aux frais généraux de la cause à la fin de la cause si le juge considère cela nécessaire. Donc, d'imposer ce fardeau financier supplémentaire m'apparaît inutile dans les circonstances. C'était les commentaires que je voulais ajouter à ceux de Me Ménard.

Le Président (M. Filion): Merci, Me Desrosiers.

M. Ménard: Cela pourrait être gardé uniquement dans les cas où le juge est convaincu que ce n'était que purement dilatoire. Je pense que c'est d'ailleurs à cela qu'on pensait quand on l'a rédiqé. Mais, de façon générale, je dois vous rappeler, encore là, que nous estimons que c'est un bon

projet, qu'il est bien écrit, qu'il est loqique et qu'il est nécessaire.

Le Président (M. Filion): Merci. M, le ministre.

M. Marx: Merci, M. le Président. Premièrement, j'aimerais remercier le bâtonnier Me Ménard, et les avocats Desrosiers et Gauvin pour être venus ce matin. C'est très important, pour nous, que le Barreau présente son mémoire et qu'il vienne nous expliciter son mémoire et qu'il discute ce projet de loi avec nous.

J'aimerais aussi féliciter le Barreau pour avoir réuni une équipe d'experts dans tous les domaines. On voit qu'il y a beaucoup d'avocats du gouvernement qui sont dans l'équipe. C'est important pour nous, la liberté d'expression. On veut que les avocats de la Couronne, de l'aide juridique ou du ministère en général puissent vraiment s'exprimer sur cet avant-projet de loi. Nous sommes très heureux aussi que ce soit le bâtonnier lui-même qui soit venu aujourd'hui présenter ce mémoire, étant donné son expertise en matière criminelle et pénale. On pourra profiter aujourd'hui de son expertise. Aussi, je sais qu'il a déjà travaillé sur les brouillons de l'avant-projet. Il travaille dans ce dossier depuis des années.

Finalement, je suis très heureux que le Barreau voie ce projet d'un oeil positif. Nous sommes ici, bien sûr, pour entendre le Barreau, pour entendre d'autres organismes et d'autres personnes afin de bonifier l'avant-projet de loi. Nous avons déposé un avant-projet de loi et nous avons l'intention de reprendre cet avant-projet de loi, de le corriger et de le bonifier, avant de déposer le projet de loi probablement dans deux ou trois mois.

J'aimerais juste donner un certain nombre de précisions en ce qui concerne le constat d'infraction. Il sera rédigé par des procureurs, par des avocats, sauf si c'est un constat d'infraction pour le stationnement sauf si c'est une contravention que le policier donne à un automobiliste. Si cela concerne la Loi sur la qualité de l'environnement ou une autre loi comme la Loi sur les valeurs mobilières, c'est sûr que le constat d'infraction sera rédigé par un avocat. Quant à l'outrage, on va revoir cela. Mais on voit aussi qu'il faut lire l'article 14 avec l'article 242, comme le bâtonnier l'a bien suggéré: "Le juge qui instruit la poursuite a l'autorité et les pouvoirs nécessaires afin de maintenir l'ordre dans la salle d'audience, y compris le pouvoir de condamner pour outrage au tribunal." C'était surtout pour maintenir l'ordre, comme vous l'avez suggéré, mais on va revoir ces articles.

Quant au nolle prosequi, bien, si c'est moi qui excerce cette discrétion, il n'y aura jamais de problème!

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Marx: J'ai toujours été contre le fait d'accorder une trop grande discrétion au Procureur général avant d'être nommé au poste. Il y a peut-être des dangers. Vous avez donné l'exemple de la société des mines et des infractions à l'environnement. Des infractions semblables existent dans le Code criminel et le Procureur pourrait exercer son pouvoir d'arrêter les procédures. Donc, le pouvoir existe déjà en vertu du Code criminel pour certaines infractions où le gouvernement est poursuivi ou une société d'État est poursuivie et cela sera à peu près la même chose. Vous savez que c'est une discrétion qui est rarement utilisée, très rarement. Cela n'arrive que dans des cas exceptionnels.

J'aimerais poser un certain nombre de questions, avec votre permission, M, le Président.

Le Président (M. Filion): On est ici pour cela. (12 heures)

M. Marx: Bon. Dans votre mémoire, à la page 4, vous dites au 3e paragraphe: "À titre d'exemple, le constat d'infraction qui remplacera l'avis préalable, la dénonciation, la sommation et l'avis sommaire. Le constat se veut l'innovation la plus importante de ce projet de Code de procédure pénale". D'accord? Et vous avez écrit: "Le but recherché, c'est-à-dire la simplification, apparaît fort louable. Toutefois, le constat d'infraction comporte, comme grave inconvénient, l'élimination d'une étape essentielle (la qualification de l'infraction)". On aimerait savoir ce que vous voulez dire par "qualification de l'infraction".

Le Président (M. Filion): Me Desrosiers.

M. Marx: Peut-être que la personne qui a écrit cette phrase n'est pas ici aujourd'hui?

M. Desrosiers: C'est Me Gauvin qui a écrit cela.

M. Gauvin (Christian): C'était à la suite de certains commentaires de François Drolet.

M. Ménard: Je pense que, d'une façon, vous avez répondu, M. le ministre, en nous disant que, dans les cas compliqués, ce seraient les procureurs de la couronne. La remarque que me faisait Me Desrosiers était: Pourquoi vous ne le dites pas? Je pense que, au fond, vous laissez la discrétion de le faire à l'organisation gouvernementale. C'est un Code de procédure pénale qui est général. On s'organisera, c'est évident...

M. Marx: On n'a pas compris les deux

paragraphes dans le mémoire, mais on vous a compris quand vous avez expliqué cela avant. S'il faut que la rédaction soit faite par des procureurs, nous sommes d'accord.

M. Ménard: C'est cela. On avait peur que les profanes ne sachent pas qualifier l'infraction comme il faut lorsqu'ils rédigeront le constat d'infraction, sauf pour les choses les plus communes, parce que les policiers le font quand même souvent et ils le font bien dans toutes sortes de domaines, criminel et pénal.

M. Marx: Nous sommes d'accord sur ce point. Ce sera la procédure administrative que l'on suivra. Ce ne sera pas n'importe qui qui rédigera ces procédures.

Aussi, aux pages 5 et 6 de votre mémoire, vous vous interrogez sur la possibilité d'utiliser le constat d'infraction à l'égard de certaines lois où la preuve de l'infraction peut être plus complexe. Par ailleurs, à la page 15, vous semblez remettre en question le fait que le constat puisse être signifié après que l'infraction a été commise. On n'a pas vraiment...

M. Ménard: Je pense que, après les explications que nous avons échangées ce matin, on s'entend là-dessus dans la mesure où le constat d'infraction sera rédigé, dans le cas de ces lois complexes, par les contentieux des ministères. Nous croyons que cela sera bon pour toutes les parties, tant pour la partie de la poursuite, qui ne sera pas liée par une mauvaise accusation, une accusation mal portée dès le début, que pour la partie de la défense, qui sera informée correctement de l'infraction qui lui est reprochée. Par conséquent, c'est utile que, dans certains cas, l'accusation ne soit pas portée immédiatement au moment où elle est constatée. Par contre, lorsqu'il sera question de signifier l'infraction, nous trouvons exagéré que l'on puisse arrêter la personne au moment de la signification, sans avoir recours...

M. Marx: En demandant un cautionnement, c'est cela? Concernant les articles où...

M. Ménard: Oui, voilà.

M. Marx: ...on peut exiger un cautionnement, et si un cautionnement n'est pas déposé, la personne pourrait être arrêtée parce qu'on pense qu'elle fuira le Québec. C'est cela?

M. Ménard: Nous croyons que cela devrait toujours être déterminé par un juge, sauf dans le cas des étrangers de passage au Québec qu'on arrête et auxquels on signifie le constat d'infraction au moment où on constate l'infraction. M. Marx: Oui.

M. Ménard: Mais, dans tous les cas où l'accusation est faite après la perpétration de l'infraction, nous croyons que, si un cautionnement doit être déterminé ou exigé avant et que cela puisse conduire à une arrestation, il faut passer par un juge. Il ne faut pas que ce soit laissé à la discrétion de l'officier qui signifie le constat d'infraction.

M. Marx: Bon. L'autre chose, c'est que vous avez mentionné dans votre mémoire les frais que le juge pourra imposer si quelqu'un soulève un moyen préliminaire relatif à l'inconstitutionnalité d'une loi. C'est le juge qui pourra déterminer si des frais seront... Je n'ai pas l'article. C'est à la page 17 de votre...

M. Ménard: C'est l'article 235.9°.

M. Marx: Oui, c'est cela, c'est à la page 17 de votre mémoire.

M. Ménard: C'est aux pages 17 et 18.

M. Marx: Vous avez résumé cela ainsi: "En effet, ces articles permettraient au juge de condamner le défendeur ou le poursuivant à payer les frais fixés par règlement lorsqu'il a rejeté... ou accueilli... une objection visée au paragraphe 9° de l'article 235..." Je ne lirai pas le dernier paragraphe de la page 18, mais...

M. Ménard: J'ai mis trois points d'interrogation, M. le ministre.

M. Marx: Oui, d'accord. C'est pour éviter des abus de procédure, ce que nous appelons en bon québécois du "stâlage" devant les tribunaux. Les gens qui tergiversent et qui multiplient des procédures non pas pour des questions de fonds, mais dans le but de reporter le procès afin que le monsieur ne perde pas ses trois points de démérite, etc.

M. Desrosiers: Oui. Est-ce que vous êtes prêts à nous concéder l'inverse, à savoir si c'est le gouvernement qui amène l'individu devant la Cour d'appel ou la Cour suprême? Qu'on paie les frais de l'individu qui a qaqné sa cause en première instance, ce serait plus équitable è ce moment. Finalement, c'est le problème inverse qui est surtout incertain, c'est-à-dire que l'individu qui conteste la constitutionnalité d'un article, d'une loi ou d'un règlement, qui n'a pas les moyens financiers du gouvernement et qui gagne sa cause, si le gouvernement amène cette cause en appel et à la Cour suprême, il va devoir assumer les frais d'avocat, etc.

M. Marx: Ici, c'était afin d'éviter les abus de procédure. On va revoir cet article.

M. Desrosiers: D'accord. Cela nous apparaissait un peu vexatoire, parce que l'individu plaide la constitution, qu'on lui impose possiblement des frais qui sont d'ailleurs fixés par un règlement gouvernemental.

M. Marx: S'il plaide cela au début, qu'il commence avec cela et qu'à la dernière minute il soulève d'autres points... On va revoir cette question, mais c'est sûr qu'on ne veut pas empêcher qui que ce soit de plaider quelque droit qu'il pourrait avoir. J'ai juste une dernière question. Je crois qu'une réforme importante aussi, c'est sur le procès de novo. Un procès de novo maintenant, ce ne sera pas un nouveau procès sur les faits, etc., mais seulement un procès sur le droit. On prévoit dans l'avant-projet de loi l'appel de novo d'un jugement rendu par la Cour des sessions de la paix à la Cour supérieure. Vous savez que, lorsque le juge de la Cour des sessions de la paix siège sur une cause de vol à main armée, quand il y a appel il n'y a pas d'appel à la Cour supérieure. En vertu de la Loi sur les poursuites sommaires et en vertu de cet avant-projet de loi, ce serait possible d'appeler d'une décision du juge de la Cour des sessions de la paix à la Cour supérieure pour une infraction où l'amende était 25 $. Je me pose cette question: Faut-il encore permettre ces appels de novo à la Cour supérieure des jugements rendus par des juges de la Cour des sessions de la paix? Peut-être faut-il les garder pour les juges des cours municipales. Cela, c'est une autre affaire. Mais, pour les juges de la Cour des sessions de la paix, je me pose la question.

M. Ménard: Oui, c'est un problème. Au fond, c'est une très bonne question. C'est une question complexe, parce qu'il y a toutes sortes de qualités de juges qui vont décider des infractions. Vous avez des juges qui ont leur indépendance, qui sont permanents, comme les juges de la Cour des sessions de la paix et de certaines cours municipales. Par contre, vous avez des juges qui n'ont pas cette permanence.

J'ai toujours compris que l'idée fondamentale - au fond, là-dessus, on limite le Code criminel pour les infractions sommaires - de permettre un appel de novo en matière sommaire en criminel, c'est que c'était justement rendu par des juges de paix.

Dans 99 % des cas, tes gens sont contents de la décision du juge de paix, qui, originairement, pouvait même ne pas être un avocat. Maintenant, je pense qu'ils sont tous au moins avocats. Mais, encore là, il y en a qui ne sont qu'avocats. Ils ne sont pas vraiment juges. Ils sont juges un ou deux soirs par mois seulement.

Dans la mesure où les gens étaient contents, c'était parfait. Mais, s'ils n'étaient pas contents, ils pouvaient toujours aller devant le vrai juge qui passait et qui était le juge de la Cour supérieure. Là, ils pouvaient recommencer. En pratique, il y en avait combien qui recommençaient? C'était minime. Mais, au moins, ce droit-là demeurait et cela évitait les jugements de ce qu'on appelle dans notre patois les "kangaroo courts" qui peuvent se construire dans certaines municipalités.

Quand vous nous parlez des juges de la Cour des sessions de la paix, vous nous parlez de juges permanents...

M. Marx: Des juges.

M. Ménard: Oui, des juges complets, qui ont l'indépendance et qui rendent des décisions. Bon, cela va. Il y en a peut-être certains parmi le groupe, qu'on aime moins que d'autres. Mais, enfin, cela, c'est la même chose à la Cour supérieure. Alors, il ne faut pas... En principe, tous les juges provinciaux sont aussi bons que tous les juges nommés par le gouvernement fédéral. Partout...

M. Marx: Ma conclusion, c'est...

M. Ménard: Nous estimons que c'est très important de garder le procès de novo pour les cours municipales, où il n'y a pas de juges permanents.

M. Marx: Je suis d'accord.

M. Ménard: Même dans les cours municipales où il y a des juges permanents, la majorité des gens préféreraient que le procès de novo demeure, je vous le garantis.

M. Desrosiers: Un procès de novo général, c'est beaucoup moins coûteux pour le citoyen qu'un appel sur dossier.

M. Marx: Si je comprends bien ce que vous avez dit, vous voulez qu'on garde le procès de novo en ce qui concerne les jugements des cours municipales, comme la Cour municipale de Chicoutimi, celle de Loretteville ou de Saint-Laurent et ainsi de suite. Mais, en ce qui concerne les procès de novo, ce n'est pas essentiel de garder cette institution en ce qui concerne des appels des juges de la Cour des sessions de la paix. C'est-à-dire que là, on peut prévoir un appel directement à la Cour d'appel sur des questions de droit.

M. Ménard: À ce moment-là, on enlèverait des droits à la personne accusée de simple infraction pénale par rapport à

celui qui est accusé d'un acte criminel, parce qu'une personne accusée d'acte criminel a droit à un recours d'appel sur des questions de fait aussi.

M. Marx: Mais on va laisser la même chose. On va avoir un appel...

M. Ménard: Pas uniquement sur les questions de droit.

M. Marx: ...sur les questions de... D'accord, oui. Mais c'est...

M. Ménard: Je vais vous dire franchement, c'est parce qu'aussi, à la Cour des sessions de la paix, quand on y pratique souvent, on s'aperçoit que c'est peut-être à cause de la... À la Cour des sessions de la paix, c'est un problème particulier, parce que le Québec est la seule province où les juges ont une juridiction aussi vaste.

M. Marx: C'est cela, oui.

M. Ménard: C'est-à-dire qu'ils ont la juridiction la plus basse. Un simple juge de paix, un juge de la Cour des sessions de la paix peut émettre une sommation, signer un subpoena, comme il peut maintenant rendre des décisions quant aux infractions les plus graves, jusqu'en bas de meurtres: viols ou assauts sexuels. (12 h 15)

Mais, quand ils arrivent aux infractions sommaires, ils décident pas mal plus vite. Ce n'est pas mauvais pour le simple citoyen d'avoir un appel de novo, d'autant plus que... Je serais curieux. Je pense que personne n'a jamais fait les statistiques, mais je suis convaincu que, si vous établissiez les statistiques, vous vous apercevriez que les appels de novo sont extrêmement rares par rapport au nombre de causes entendues.

C'est une bonne sauvegarde d'avoir un deuxième regard, même si je reconnais qu'au fond ce sont des juges équivalents qui entendent cet appel...

M. Marx: D'égale compétence, est-ce exact?

M. Ménard: ...d'égale compétence qui entendent cet appel, et d'avoir pour le citoyen et même pour le gouvernement la possibilité, dans des cas exceptionnels, mais qu'eux-mêmes choisissent - il ne faut pas que cela soit prévu dans la loi - la possibilité d'un deuxième regard sur une cause. Ce sont nécessairement des cours à volume qui traitent des infractions pénales. Ce sont des juges qui entendent beaucoup de causes, même si ce sont des juges permanents qui ont une juridiction étendue. Parfois, c'est peut-être un peu vite par rapport à l'importance que cela a pour le citoyen. Mais, dans l'immense majorité des cas, si vous établissiez des statistiques, je suis convaincu que vous arriveriez au résultat qu'au-delà de 99 % des citoyens comme poursuivants sont satisfaits du jugement, même s'il leur est défavorable. Ils l'acceptent.

M. Desrosiers: Si vous me permettez une précision technique. À l'heure actuelle, de la façon dont est rédigé le projet de loi, il existe deux paliers d'appel: d'abord à la Cour supérieure et ensuite à la Cour d'appel. C'est en fait la reproduction du droit d'appel dans les convictions sommaires en droit criminel.

La question que vous posiez... Vous avez rendu, par le projet de loi, l'appel de novo exceptionnel, c'est-à-dire qu'il faut démontrer au juge qu'il est nécessaire, compte tenu de l'état du dossier ou de l'intérêt de la justice. Peut-être que, dans le cas des jugements devant ta Cour des sessions de la paix, par exemple, c'est un projet avec lequel on peut assez bien vivre. Mais on pourrait ajouter un paragraphe disant que, lorsqu'il s'agit d'un jugement émanant d'une cour municipale ou d'un juge de paix, le procès de novo sera la règle plutôt que l'exception, contrairement à ce qui est dans le projet de loi. Je pense que cela répondrait peut-être aux problèmes qui peuvent se poser lorsque des juges municipaux n'ont pas la même formation ou les mêmes compétences pour entendre ces causes.

Le Président (M. Filion): Merci, Me Desrosiers. M. le ministre.

M. Marx: Quand j'ai utilisé l'expression "de novo", cela ne signifiait pas qu'on recommençait le procès. J'ai utilisé l'expression "de novo", mais c'est un appel sur dossier.

M. Desrosiers: À l'heure actuelle, l'appel de novo est la règle.

M. Marx: Mais cela, c'est fini.

M. Desrosiers: Cela, c'est fini. Ce que vous avez fait, finalement, c'est ajuster le Code de procédure pénale au Code criminel. C'est quand même beaucoup plus coûteux, contrairement à ce que l'on peut penser, de faire un appel sur dossier, car il faut faire transcrire les notes sténographiques, il faut les payer et il faut éventuellement faire un dossier conjoint et, possiblement, des mémoires. Donc, pour le citoyen, c'est plus coûteux.

On pourrait peut-être prévoir que l'appel de novo ne soit pas trop exceptionnel lorsqu'il s'agit d'un juqement d'une cour municipale. C'est un amendement qu'on pourrait envisager. Mais je pense qu'il est

bien de garder les deux paliers d'appel.

M. Marx: D'accord. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Est-ce qu'il y a d'autres questions de la part des membres du groupe ministériel?

À mon tour, messieurs du Barreau, Me Ménard, Me Desrosiers et Me Gauvin, de vous remercier. Votre mémoire m'a frappé par le souci de protection des droits fondamentaux. Le formalisme de la procédure, j'ai eu l'occasion de le dire dans ma déclaration d'ouverture, reflète, dans bien des cas, la tradition du droit qui vise à bien mettre en valeur les principes fondamentaux de notre droit ainsi que les droits fondamentaux reconnus par la jurisprudence, par nos lois et par nos chartes.

Évidemment, le projet de loi doit faire ce délicat équilibre entre, d'une part, les exigences naturelles de ce formalisme de la procédure et, d'autre part, la nécessité d'avoir une administration de la justice pénale, dans ce cas-ci, qui soit souple, simple, efficace et le plus possible comprise par le citoyen et près du citoyen.

Ma première question - et je remarque que vous n'en avez pas traité verbalement; est-ce à propos? - concerne les renversements de fardeau de preuve. Je me demande si ce que vous avez mentionné particulièrement aux pages 11 et 12 de votre mémoire, si cette réflexion additionnelle vous a fait changer d'idée ou si vous considérez toujours que les renversements de fardeau de preuve que l'on retrouve à l'intérieur de l'avant-projet de loi constituent, comme vous le disiez à la page 12 de votre mémoire, "un raccourci de preuve qui ne vise qu'une plus grande rapidité de procédures" mais auxquels il faut faire attention. En particulier, vous signalez les articles 51 et 55 du texte de loi proposé. Ma première question porte donc sur ces renversements de fardeau de preuve et j'aimerais beaucoup vous entendre à l'égard de la facture actuelle du projet de loi.

M. Ménard: On l'a dit très rapidement: On ne voit pas ce qui justifie cette exception aux règles de preuve habituelles. "Est-ce qu'il y aurait vraiment un si gros problème à prouver une réclame publicitaire ou à prouver un écrit?

Deuxièmement, des expressions dans une loi comme "suivant toute apparence" nous apparaissent, dans les lois pénales, particulièrement dangereuses. Est-ce qu'on va commencer... Je comprends qu'on ait mis "toute apparence", et "suivant toute apparence", en français, cela semble vouloir dire "certainement" plutôt que de parler d'apparence; mais cela peut être interprété de façon très large et il me semble... Quel est le problème que l'on veut résoudre pour qu'à un moment donné on ne soit pas ohliqé de prouver, si un écrit donne lieu à la perpétration d'une infraction, que ce soit bien l'accusé, qu'on présente une preuve que ce soit l'accusé qui a fait cet écrit?

M. Desrosiers: Quant aux réclames publicitaires, peut-être est-ce moins problématique parce que j'imagine...

Le Président (M. Filion): C'est surtout l'écrit, dans ce cas-ci.

M. Desrosiers: C'est cela. Quand Pascal fait une annonce, je pense qu'il n'est peut-être pas complètement déraisonnable de présumer que c'est la compagnie qui a fait publier l'annonce, mais, dans le cas d'un écrit, effectivement, c'est inacceptable, quant à nous.

Le Président (M. Filion): Je voudrais revenir avec vous sur le constat d'infraction. J'avais été sensible à votre mémoire, au passage, je ne me souviens pas à quelle page exactement, où vous disiez - en faisant référence aux lois les plus importantes de notre droit pénal, probablement les valeurs mobilières, la faune dans certains cas, l'impôt également qui a été soulevé, l'environnement, et on peut penser è bien d'autres lois de nature pénale - vous disiez que ces lois exigent, lors de la préparation du constat d'infraction, une analyse, un jugement, une discrétion, dans certains cas, et une appréciation. Il faut se souvenir que, dans bien des cas, le droit pénal conduit encore à la privation de la liberté qui est, je n'ai pas besoin de le dire, un droit fondamental. En ce sens, je pense, Me Ménard, que vous avez bien expliqué tantôt l'importance de qualifier, c'est-à-dire que l'accusation, l'infraction contienne ces éléments essentiels. Dans mon cas, je suis extrêmement sensible au fait qu'un constat d'infraction, pour les lois que j'ai mentionnées tantôt et d'autres lois statutaires importantes - on peut penser aux lois spéciales adoptées par le Parlement à l'occasion, notamment, des conflits de travail - toutes ces lois peuvent amener les qens à être privés de la liberté et, donc, cela demande une analyse, une appréciation importante.

Je remarque qu'en échangeant des propos avec le ministre tantôt vous avez été satisfaits, si l'on veut, du fait qu'administrativernent parlant ces constats d'infraction étaient pour être rédigés par des avocats. Je dois vous dire que, dans mon cas, il subsiste encore des doutes dans mon esprit, non pas quant à ce que nous dit le ministre, loin de là, mais quant à cette façon de procéder qu'est le constat d'infraction, dans le cas de lois qui - ce n'est quand même pas facile de qualifier

cela - sont plus sérieuses sur le pian pénal. Cet argument que vous aviez avancé dans votre mémoire, je le faisais mien, avec d'autres, en ce qui concerne le constat d'infraction. Alors, vous apparaît-il, étant donné qu'on demande à une personne qui a une formation juridique de rédiger ce constat d'infraction, que les préoccupations que vous émettiez dans votre mémoire sont également satisfaites?

M. Ménard: II y en a une qui n'est pas satisfaite et je me demande si ce n'est pas la même que vous. J'ai bien dit - et je tiens à le clarifier si ce n'était pas assez clair -qu'il y a une disposition qui nous apparaît inacceptable, c'est qu'on puisse ajouter ou changer des éléments essentiels d'une infraction dans un constat d'infraction. J'essaie d'expliquer des choses qui sont peut-être évidentes pour des gens familiers avec le droit pénal, comme quand on dit parfaire le néant, parce qu'on utilise des termes qui ont déjà été utilisés dans la jurisprudence et que les gens familiers avec cela connaissent. S'il y a un constat d'infraction, qu'il manque un élément essentiel qui fait qu'il n'y a pas d'infraction, on trouverait cela inadmissible que quelqu'un commence a subir un procès sur un texte qui ne lui reproche pas d'infraction et qu'il soit ensuite modifié au milieu du procès, quand on vient de s'en apercevoir. Deuxièmement, on trouverait aussi inadmissible que les éléments essentiels soient changés en cours de procès. Je pense que c'est probablement là-dessus qu'on se rejoint. On est satisfait que les constats d'infraction soient rédigés, dans les cas complexes, par les contentieux des différents organismes qui vont poursuivre, pour qu'ils soient complets. Mais il y a une disposition avec laquelle on est totalement en désaccord, c'est qu'un juge puisse ajouter un élément essentiel qui manque dans une infraction.

Le Président (M. Filion): Je pense que, dans ce sens-là, on peut se rejoindre. À ce moment-là, dans la mesure où, par exemple, le constat d'infraction doit contenir les éléments essentiels de l'infraction reprochée et ne peut être changé en cours de route, il m'apparaît également tout à fait regrettable, si l'on veut, de présenter une accusation qui sera un Jell-O pour l'accusé. C'est tout à fait contraire à toute notre tradition, j'allais dire, presque démocratique. Alors, à ce moment-là, si le constat d'infraction ne contient pas d'élément essentiel je pense qu'on se rejoint parce que c'est l'accusation qui va tomber. Le défaut d'agir de façon adéquate au moment de la préparation du constat d'infraction sera sanctionné par le rejet de la plainte contre le citoyen. Dans ce sens-là, je pense qu'on peut se rejoindre.

On est toujours sur le sujet du constat d'infraction et, à cette commission-ci, surtout sur un projet de loi non partisan comme celui qui nous occupe, je vais demander au ministre d'intervenir dans nos débats. Il pourrait ajouter quelque chose.

M. Marx: Premièrement, je voudrais juste ajouter que tous mes projets sont non partisans. C'est pourquoi on fonctionne assez bien. Juste sur le constat d'infraction. Le constat d'infraction peut varier d'une loi à l'autre, c'est-à-dire un constat d'infraction pour un stationnement illégal, cela peut être comme le constat d'infraction qu'on a eu. Mais, pour d'autres lois, comme l'a soulevé le député de Taillon, des lois plus compliquées, la Loi sur l'environnement ou celle sur les valeurs mobilières, le constat d'infraction, pourrait, être, un, formulaire dé 8 1/2" X 14" comme notre dénonciation et notre sommation d'aujourd'hui. C'est-à-dire qu'on va l'appeler constat d'infraction, mais cela sera un autre document, pas le même billet. D'accord? Le billet d'infraction, bien sûr, ce sera le policier qui va mettre des crochets, le montant et tout cela. Mais, pour un constat d'infraction en ce qui concerne la Loi sur les valeurs mobilières, ce sera tout un document qui sera, bien sûr, rédigé par un avocat. Est-ce que cela clarifie un peu ce que vous... Oui?

Le Président (M. Filion): Oui, pour moi c'est déjà clair. En ce qui concerne l'outrage au tribunal, j'ai déjà eu l'occasion tantôt de faire part au ministre de ma préoccupation là-dessus. Évidemment, je fais miennes vos préoccupations. En ce qui concerne la procédure de rétractation de jugement, est-ce qu'on partage le même avis selon lequel elle est extrêmement intéressante?

M. Ménard: Oui, elle est... (12 h 30)

Le Président (M. Fîlion): Par sa souplesse et aussi par le fait qu'elle sera facilement accessible et probablement peu dispendieuse. Et Dieu sait que vous avez probablement eu, comme praticiens, dans vos bureaux de ces individus qui ont dû se soumettre à un appel alors que toutes parties en cause étaient d'accord pour qu'une simple rétractation puisse avoir lieu. Est-ce qu'on partage un peu la même vision là-dessus?

M. Ménard: La rétractation de jugement était essentielle dans les premiers projets de loi. Mais, depuis que vous avez ajouté l'article 210, qui prévoit que "le défendeur qui ne transmet ni un plaidoyer, ni le montant réclamé est réputé avoir transmis un plaidoyer de non-culpabilité", elle demeure utile. Ce qui nous faisait peur avant... Dans les premiers projets de loi qu'on a vus, c'était le principe contraire. Celui qui ne transmettait pas un plaidoyer de

non-culpabilité était réputé avoir plaidé coupable. La plupart du temps, c'est son intention. C'est vrai. On disait: En contrepartie, il faut quand même lui permettre une rétractation facile. Maintenant, vous avez changé le principe. À l'article 210, le principe, c'est que celui qui ne plaide pas est présumé avoir plaidé non coupable.

Le Président (M. Filion): Sur le pouvoir d'arrestation. Vous ne l'avez souligné, ni dans votre mémoire, ni dans votre document de travail précédent, sauf erreur, mais il y a toute la procédure d'identification en cas d'arrestation. On sait qu'une personne qui est arrêtée à cause d'un acte criminel n'est pas tenue de s'identifier. Par contre, dans le projet de loi, on retrouve, dans certains cas, le devoir d'identification lors d'arrestation. Je ne sais pas si...

M. Ménard: ... Malheureusement, en droit criminel, on a l'obligation de s'identifier, contrairement...

Le Président (M. Filion): D'accord, dans ce cas-ci...

M. Desrosiers: II faut être accusé d'abord.

Le Président (M. Filion): Exactement, il faut être accusé.

M. Ménard: II faut être arrêté. M. Desrosiers: II faut être arrêté.

M. Ménard: Je ne me souviens plus du nom de la cause, mais cela rejoint, cela reconnaît bien la décision de la Cour suprême dans Moore. Il s'agissait d'un cycliste au parc Stanley en Colombie britannique qui avait commis une infraction. Il avait été arrêté par un policier et avait dit: Je ne suis pas obligé de m'identifier, je ne m'identifie pas. Le policier dit: Vous avez commis une infraction, je veux vous poursuivre, je veux savoir qui vous êtes. Le cycliste a continué à refuser de s'identifier. Il a finalement été accusé et trouvé coupable d'entrave à la justice. Cela a surpris tout le monde, mais, finalement, è bien y penser, je pense que tout le monde reconnaît que c'est du bon droit. Quand on constate la perpétration d'une infraction, il est normal qu'on puisse obliger la personne à s'identifier pour cette raison.

Le Président (M. Filion): Je pense que votre exemple est intéressant parce que, dans sa facture actuelle, le code de procédure ferait en sorte que, si un individu traverse une rue ailleurs qu'à l'intersection et si un policier ou un agent de la paix l'aperçoit, la personne sera alors tenue de s'identifier. Je ne sais pas si le Barreau est sensible à la portée de cette disposition.

M. Ménard: Oui, mais nous trouvons que c'est une limite acceptable aux droits fondamentaux d'une société démocratique que la personne soit obligée de s'identifier. Nous estimons, en principe, qu'une personne n'est pas obligée de s'identifier, sauf si on la trouve en train de commettre une infraction. Je trouve que beaucoup de garanties sont apportées pour que l'arrestation ne soit utilisée que vraiment dans le cas où c'est strictement nécessaire pour permettre l'identification. Par exemple, les articles suivants prévoient que, dès que la personne s'identifie, le policier doit la libérer. Nous avons trouvé que ces dispositions empêcheraient, justement, l'arrestation qui ne serait faite que par prétexte. Je crois que ce dont vous avez peur probablement, c'est de situations qui arrivent dans des pays - et on ne veut pas que cela arrive chez nous -qui sont sous des régimes politiques que l'on condamne comme en Afrique du Sud. Vous trouveriez effectivement scandaleux que l'on trouve le moyen de harceler les gens parce qu'ils commettent telle infraction mineure et qu'on les oblige, par conséquent, à rendre compte de leurs déplacements et ainsi de suite.

Par contre, vous reconnaissez comme tout le monde que la situation qui est celle de quelqu'un qui commet une infraction, qui se fait attraper et qui rit parce que vous ne pouvez pas l'identifier est inacceptable. Je trouve que le Code de procédure pénale, avec toutes les garanties qu'il a données ici, a établi un bon équilibre entre les deux droits, soit d'empêcher le harcèlement policier inutile, tout en permettant, quand même, que l'on puisse poursuivre ceux qui commettent des infractions. Dès que la personne s'identifie, on est obligé de la libérer. J'ai trouvé que cela a bien réalisé l'équilibre entre les libertés fondamentales et le droit de l'État de faire respecter les lois qui ont été votées démocratiquement.

Le Président (M. Filion): Je retiens votre avis. Mais il faut, quand même, être conscient du fait que si, par exemple, un piéton fait quelques pas dans la rue, c'est contraire - et vous le savez - aux dispositions du Code de la sécurité routière. Maintenant, comme vous le soulignez avec raison, il demeure qu'après identification le processus...

M. Ménard: En plus, c'est bien écrit, c'est bien précisé que le policier doit informer la personne des motifs pour lesquels il lui demande de s'identifier, de l'infraction qu'il l'accuse d'avoir commise et ainsi de suite. Je comprends parfaitement - on ne le

dit pas, mais on le pense tous - qu'il est impossible aujourd'hui de vivre sans commettre, à un moment donné, une infraction pénale, tout en étant le plus honnête des citoyens. L'exemple que vous donnez est parfaitement vrai. Je voudrais bien savoir quel ministre n'a pas traversé la rue ailleurs qu'à l'endroit réservé aux piétons ou même, par inadvertance, on va commettre des infractions. Il ne faut pas donner un prétexte au harcèlement policier dès qu'une infraction mineure est commise. En général, c'est bien fait.

Le Président (M. Filion): D'ailleurs, à titre d'illustration, je soulignais un peu plus tôt qu'uniquement sur le territoire de la ville de Montréal, il y a 1 328 000 billets decontravention qui ont été émis l'an dernier. Cela démontre bien, comme je le disais tantôt, qu'il n'y a pas un adulte qui n'est pas aux prises, un jour dans sa vie, avec le droit pénal.

Je ne voudrais pas me tromper mais je crois que, dans le projet de loi, il y a la possibilité pour un huissier de procéder à l'exécution d'un mandat d'amener. Je n'ai pas retracé dans votre mémoire ou vos propos de réaction à cette disposition. Je ne pense pas me tromper quant à cette espèce de pouvoir d'arrestation qu'on donne aux huissiers. D'abord, est-ce que vous avez interprété de la même façon que moi cette disposition? Deuxièmement, est-ce que je dois comprendre, par votre silence, que vous n'y voyez pas d'inconvénients majeurs ou si, au contraire...

M. Marx: 29.

Le Président (M. Filion): C'est l'article 29 du projet de loi. Ce sont les articles 24 et 29. Vous n'en traitez pas dans votre mémoire. Est-ce que ce serait possible d'avoir votre réaction?

M. Desrosiers: Dans le Code criminel, l'huissier est un agent de la paix. Déjà, c'est reconnu. Donc, c'est peut-être aussi de reconnaître ce qui existe déjà en droit criminel. Quel est le problème que vous voyez?

Le Président (M. Filion): L'huissier, en droit criminel, peut procéder à une arrestation?

M. Desrosiers: Oui, c'est un agent de la paix au sens de la loi, si je ne me trompe pas.

M. Ménard: Aussi, il y a le fait que nous sommes d'accord avec vous que toute arrestation doit être dirigée rapidement dans les mains d'un corps de police, mais c'est aussi ce qui est prévu pour l'huissier. Il doit le remettre à la garde d'un agent de la paix dès que possible. Mais je suis d'accord avec vous qu'il est de beaucoup préférable que les arrestations soient faites par des policiers.

Le Président (M. Filion): Parce qu'on sait - je pense que vous êtes sensible à cela - que la procédure d'arrestation, en soi, est une procédure sur le plan humain, sur le plan concret, sur le plan pratique, qui implique souvent des traumatismes, des troubles et des possibilités de...

M. Ménard: De résistance?

Le Président (M. Filion): Oui, de résistance, c'est normal, et de troubles majeurs. En ce sens, je ne savais pas, je dois vous dire, qu'en droit criminel...

M. Desrosiers: L'article 2.c), la définition d'agent de la paix: "un officier de police, un agent de police, huissier..."

Le Président (M. Filion): Oui, mais je me demande si le sens du mot "huissier" est le même.

M. Desrosiers: Oui. En fait, à Montréal, en tout cas, habituellement, dans les affaires d'infraction au stationnement, ce sont les huissiers qui procèdent à l'arrestation. D'une façon très générale, à Montréal, ils les amènent à Bordeaux, etc.

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Desrosiers: D'ailleurs, c'est moins grave lorsque c'est un huissier.

Le Président (M. Filion): D'accord. M. Marx: Juste un point là.

Le Président (M. Filion): Oui.

M. Marx: Les articles 24 et 29, c'est pour l'assignation des témoins; ce n'est pas pour l'accusé.

Le Président (M. Filion): Le mandat d'amener, c'est cela que je disais.

M. Marx: Des témoins.

Le Président (M. Filion): Le mandat d'amener des témoins, oui.

M. Marx: Oui, non pas des accusés. Ce n'est pas l'huissier qui va arrêter et amener l'accusé. C'est pour les témoins.

Le Président (M. Filion): C'est une arrestation de témoins, un mandat d'amener des témoins.

M. Marx: S'ils ne se présentent pas. On va poser la question aux huissiers demain pour savoir s'ils sont d'accord.

Le Président (M. Filion): On a déjà lu leur mémoire, n'est-ce pas?

M. Desrosiers: Cela va coûter moins cher aussi d'utiliser un huissier qu'un policier.

M. Ménard: J'imagine que, dans ces cas, c'est parce qu'on prévoit que ce sont des arrestations à l'amiable. (12 h 45)

Le Président (M. Filion): Je ne suis pas sûr que... Juste une couple de derniers points. Vous avez mentionné le ouï-dire. Effectivement, je pense qu'au fil des années s'est développé un régime d'exception au ouï-dire bien connu en droit criminel. Même en droit civil, le ouï-dire ason régime d'exception, c'est-à-dire son régime bien particulier. Dans ce cas, j'ai déjà eu également l'occasion de mentionner dans ma déclaration d'ouverture que je suis extrêmement sensible à cette introduction du ouT-dire. Le ouï-dire, il faut bien se rendre compte de son contenu. J'ai entendu dire que... Cela veut dire que la personne qui dit: J'ai entendu dire que... peut être d'excessive bonne foi et, évidemment, ne peut pas faire l'objet d'un contre-interrogatoire très long sur le contenu du ouï-dire. En ce sens, j'ai été également sensible, comme vous, à cela.

Maintenant, sur le nolle prosequi, j'ai un peu de difficulté à saisir votre argumentation sur cela - c'est le dernier point que je voulais soulever - puisqu'on donne au Procureur général, en vertu du droit criminel, la possibilité d'exercer sa discrétion. On sait dans l'histoire avec quelle délicatesse cette discrétion a été exercée. Donc, puisque cela est donné au Procureur général en droit criminel, j'aimerais peut-être comprendre en quoi le Procureur général ne devrait pas utiliser ou détenir ce pouvoir d'arrêter les procédures. J'ai écouté vos explications tantôt et j'ai eu également l'occasion de consulter certains Procureurs généraux, dont celui qui est en poste et d'autres qui l'ont déjà été. C'est un pouvoir extrêmement délicat, mais qui a été utilisé, je pense, de la bonne façon au Québec. J'aimerais vraiment aller un peu plus loin avec vous sur cela et saisir le pourquoi de votre position.

M. Ménard: D'abord, parce qu'il y a des situations dans lesquelles il va être au moins en apparence de conflit d'intérêts. Dans les situations où les entreprises gouvernementales sont poursuivies par un groupe de citoyens pour la commission d'une infraction, on estime que le Procureur général va être en situation de conflit d'intérêts ou, à tout le moins, d'apparence de conflit d'intérêts. D'une part, il est membre d'un cabinet qui a autorité sur l'entreprise gouvernementale en question. Je sais que, traditionnellement, le Procureur général a voulu garder une position, je dirais, particulière et au-dessus des intérêts politiques d'un cabinet, ou même des intérêts matériels de l'État, dans un dossier ou l'autre. C'est surtout pour cela...

Maintenant, quand vous dites qu'elle a toujours été utilisée de façon mesurée, c'est parce que vous n'êtes pas au courant, justement, des circonstances dans lesquelles elle ne l'est pas. Je reconnais que ce n'est pas dans le Code de procédure pénale; on n'a pas étendu la définition de Procureur général à son substitut. Mais, dans le Code criminel, elle s'étend à son substitut; des nolle prosequi ont été signés par des substituts, car la couronne n'était pas prête à procéder tel ou tel matin parce qu'il lui manquait un témoin ou même elle n'avait pas assigné ses témoins parce qu'elle ne voulait pas procéder. Quand ces choses se multiplient -tout le monde les oublie, car elles ne font pas les manchettes - je ne dirais pas que cela a été utilisé de façon aussi exceptionnelle que vous le croyez. Nous constatons dans notre pratique que c'est utilisé trop souvent.

Je ne pratique pas le droit, je pratique le métier de bâtonnier depuis un an et je ne sais pas si cela a changé de ce côté-là. Me Desrosiers pourrait en témoigner mieux que moi. Nous craignons la situation de conflit d'intérêts où serait le Procureur général, membre d'un cabinet ayant autorité sur une entreprise gouvernementale qui serait poursuivie pour une infraction à une loi provinciale par un qroupe de citoyens, si le Procureur général a le pouvoir d'arrêter la poursuite.

Le Président (M. Filion): Le Procureur général est celui qui étant en situation de conflit d'intérêts...

M. Ménard: ...a le pouvoir d'intervenir.

Le Président (M. Filion): ...membre d'un conseil des ministres, etc. - un papier intéressant a été commis pour la commission MacDonald à ce sujet par Me Edwards -autorise les plaintes dans plusieurs cas.

M. Ménard: Justement, s'il y a des personnes intéressées, on leur permet de porter les plaintes avec l'autorisation d'un juge. Si un groupe de personnes s'est fait déclarer intéressé par un juge à porter une plainte - n'oubliez pas, à part cela, que, pour se faire déclarer intéressé, si je me souviens bien des détails, il faut non seulement qu'elles démontrent leur intérêt, mais elles doivent démontrer que l'infraction a vraisemblablement été commise - si c'était

arrêté par le Procureur général, cela semble une intrusion intéressée du Procureur général dans le processus judiciaire; il semblerait intéressé non pas personnellement, évidemment, mais en tant que responsable des entreprises gouvernementales qui seraient poursuivies.

Le Président (M. Filion): Une dernière question...

M. Ménard: Pis encore si c'étaient des intérêts privés qui étaient poursuivis.

Le Président (M. Filion): ...en ce qui concerne le délai pour la personne inculpée, dans le projet original, dans le document de travail, c'était 20 jours. C'est maintenant 30 jours. Vous nous suggérez dans votre mémoire que ce délai soit étendu à 90 jours; cela fait trois mois. Avez-vous eu la chance d'en discuter plus amplement depuis la rédaction du mémoire?

M. Ménard: Certainement. Ce à quoi on pense, c'est à la situation où vous recevez un constat d'infraction qui arrive, le 30 juin dans votre boîte aux lettres alors que vous êtes parti en vacances pour le mois de juillet - ce n'est pas inhabituel que les gens partent en vacances durant un mois - et il faut que vous réagissiez dans les 30 jours. Un des avantages du code, c'est de simplifier les procédures pour qu'il y ait moins de frais etc. et nous sommes parfaitement d'accord avec cela.

Nous croyons qu'il faut donner au citoyen le temps de réagir, de recevoir le constat d'infraction, de prendre rendez-vous pour consulter son avocat. Puisqu'un des effets du Code de procédure pénale sera d'accélérer les délais et de simplifier la procédure, on a pensé qu'on pourrait quand même donner au citoyen un certain délai pour réagir. Ce à quoi, on pensait, c'est aux vacances d'été.

Le Président (M. Filion): II faut quelque temps de réaction du citoyen...

M. Ménard: En plus.

Le Président (M. Filion): ...qui, dans certains cas, doit chercher à retenir les services d'un avocat ou, tout au moins, à en consulter un pour avoir un avis juridique etc. Effectivement, 30 jours, surtout durant la période de vacances et à cause des modalités de signification, peuvent être très courts.

De mon côté, le temps est à peu près écoulé. Il nous reste une dizaine de minutes. M. le ministre.

M. Marx: J'aurais peut-être deux observations. Premièrement, en ce qui concerne les 30 jours, à la ville de Montréal, pour les billets de stationnement ou pour d'autres infractions aux règlements municipaux sur la circulation, le délai est de dix jours, si on ne paie pas.

M. Ménard: Je puis vous dire à ce sujet, M. le ministre, en toute honnêteté, que c'est moi qui avais insisté là-dessus au début, car j'avais encore à l'esprit que l'article 210 n'était pas rédigé comme il l'était.

M. Marx: Ah! D'accord.

M. Ménard: Là, si on ne réagit pas, on est présumé avoir plaidé non coupable.

M. Marx: D'accord, car une sommation...

M. Ménard: Dans le cas où il était présumé avoir plaidé coupable, je trouvais cela inadmissible. Il fallait donner à la personne le temps de réagir. Si elle ne réagissait pas, elle était présumée avoir plaidé coupable et elle était obligée de passer par la rétractation et, pour la rétractation, il fallait non seulement expliquer le délai, mais il fallait donner sa défense à l'avance.

M. Marx: M. le Président, on a suivi le conseil du bâtonnier, même avant la commission. Je suis tout à fait d'accord avec vous, on ne peut pas présumer que quelqu'un a plaidé coupable.

Passons à l'autre question qui a été soulevée par le Barreau sur l'élément essentiel, l'ingrédient essentiel à l'article 229. Je vais juste lire le premier paragraphe: "À la demande du poursuivant, le juge doit, aux conditions qu'il détermine, lui permettre de modifier un chef d'accusation pour y préciser un détail ou pour y corriger une irrégularité, notamment pour y inclure expressément un élément essentiel de l'infraction."

On me dit que les mots clés ici sont "expressément un élément essentiel" parce que cela veut dire que c'est déjà implicite. On a voulu donner suite à la jurisprudence de la Cour suprême du Canada et c'est pourquoi on a mis le mot "expressément". C'est déjà implicite dans le chef d'accusation. On me dit que c'est l'arrêt Côté, mais on n'a pas l'arrêt avec nous, aujourd'hui. On va examiner cette question à nouveau, mais c'est le mot "expressément" qui est le mot clé.

M. Ménard: J'espère que c'est comme cela que cela va être interprété.

Une voix: II faudrait peut-être que cela soit plus clair.

Le Président (M. Filion): Comme vous l'avez vu, Me Ménard, c'est un avant-projet de loi. Donc, il y aura un projet de loi subséquemment.

M. Ménard: II y a d'autres dispositions que l'article 229, je crois, à moins que...

M. Marx: Cela m'a frappé, aujourd'hui, aussi quand vous avez soulevé ce point parce que, si les éléments essentiels ne sont pas là, cela peut causer une injustice.

M. Ménard: J'ai réalisé ceci en relisant le projet de loi et après avoir lu le mémoire, au deuxième paragraphe de l'article 245 la continuation, cela ne me semble pas clair, d'après la rédaction qui est là, que cela s'applique à la sentence. Je l'ai lu quelques fois: "Toutefois, la procédure peut être continuée par un autre juge de même compétence si, lors du jugement le juge est incapable, en raison d'une maladie..." L'expression "si, lors du jugement le juge est incapable" me laisse croire que ce que vous voulez faire, en fait, c'est, quand un juge a trouvé quelqu'un coupable sans avoir donné sa sentence, un autre juge peut donner la sentence. Je pense que c'est cela que vous vouliez dire. Je l'ai relu à plusieurs reprises et je me demande si c'est bien ce que cela dit. Est-ce qu'on ne pourrait pas interpréter ce paragraphe comme voulant dire qu'un juge pourrait continuer une cause entreprise par un autre, auquel cas il se prononcerait sur une partie de preuve qu'il n'a pas entendue? Cela, je pense, nous sommes tous d'accord, serait inadmissible.

M. Marx: On va clarifier ce paragraphe. Vou3 avez raison. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Filion): D'ailleurs, il y a 435 articles comme cela qui seront scrutés à la loupe.

Je voudrais remercier, au nom des membres de la commission, Me Ménard et son équipe de s'être présentés à nous et d'avoir pris la peine, comme l'a souligné le ministre, de se déplacer. Étant donné son expérience dans le secteur qui nous occupe, je pense que cette présence était d'autant plus remarquable. Je voudrais également noter, avec grand plaisir, qu'un procureur de la couronne faisait partie de votre équipe de travail - c'est bien cela? - d'autant plus que, malheureusement, nous n'avons pas eu le plaisir de recevoir le mémoire de l'Association des procureurs de la couronne.

En terminant, je vous souhaite un bon retour à Montréal dans des conditions, on va vous le souhaiter, plus faciles que celles que vous avez eues pour venir. Je voudrais remercier le ministre, ainsi que les membres de la commission.

Nos travaux sont donc suspendus. Ils reprendront demain matin, à 10 heures, selon le calendrier que je vous ai exposé tantôt. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 56)

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