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(Dix heures trente minutes)
Le Président (M. Filion): Je vous rappellerais le mandat
de la commission qui est de procéder à une consultation
générale et de tenir des auditions publiques concernant
l'avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale. Nous
agissons ainsi, bien sûr, en vertu d'un ordre de l'Assemblée du 18
décembre 1986. Je demanderais à notre secrétaire, Me Lucie
Giguère, de bien vouloir annoncer les remplacements.
La Secrétaire: Il y a un seul remplacement. M.
Després (Limoilou) est remplacé par M. Gardner (Arthabaska).
Le Président (M. Filion): À ce moment, pour
être bien sûr que tous les membres de la commission sont sur la
même longueur d'onde, je vais faire la lecture de l'ordre du jour de nos
travaux d'aujourd'hui, ainsi que de demain. Les déclarations d'ouverture
vont, évidemment, suivre dans quelques minutes. Par la suite, nous
entendrons le Barreau du Québec de 11 heures à 12 h 30. Demain,
nos travaux reprendront à 10 heures jusqu'à 11 heures avec la
Commission des valeurs mobilières du Québec; de 11 heures
à 12 h 30, ce sera la Commission des services juridiques; de 14 heures
à 15 heures - donc, nous aurons une heure trente pour le dîner -la
Chambre des huissiers du Québec; de 15 heures à 16 heures,
l'Association des usagers de la langue française et de 16 heures
à 17 h 30, les représentants de la Ville de Montréal
seront avec nous. De 17 h 30 à 18 heures, ce temps est dévolu aux
remarques finales.
Je souhaite la bienvenue aux membres de la commission qui vont suivre
ces travaux de consultation sur l'avant-projet de loi sur le Code de
procédure pénale. Avant de céder la parole à M. le
ministre, je vous rappelle que le temps convenu entre nous pour les
déclarations d'ouverture est de une heure, soit trente minutes pour
chacun de nous.
A ce moment, j'inviterais le ministre de la Justice à faire sa
déclaration d'ouverture.
Déclarations d'ouverture
M. Herbert Marx M. Marx: Merci, M. le Président. Les
priorités du ministère de la Justice sont triples: faire la
réforme du droit, promouvoir la justice sociale et aussi promouvoir la
protection des droits et libertés de la personne. Le nouveau Code de
procédure pénale rejoint ces trois priorités que le
ministère s'est fixées. Nous sommes aujourd'hui réunis en
commission pour étudier un projet de réforme très
important. Il s'agit, bien sûr, de l'avant projet de loi sur le Code de
procédure pénale. II est important non seulement parce qu'il est
applicable à l'ensemble des lois et règlements en vigueur au
Québec, mais parce qu'il touche potentiellement tous les justiciables du
Québec et plus particulièrement tous ceux qui collaborent
à l'administration de la justice pénale.
Ce n'est pas une mince tâche qui est confiée à cette
commission, car elle doit étudier un avant-projet de loi qui constitue
une révision en profondeur des mécanismes d'application des lois,
soit la procédure pénale. Elle doit surtout contribuer à
l'élaboration d'un projet de toi qui, tout en corrigeant les lacunes de
droit antérieures, permette à la procédure pénale
de conserver son rôle traditionnel dans notre société, soit
celui d'assurer à la fois un meilleur respect des lois et un meilleur
respect des lihertés fondamentales.
Vu l'importance du sujet étudié et de la réforme
envisagée, nous voulons vous assurer, tous les membres de cette
commission, dès l'ouverture de cette commission, que nous serons
à l'écoute des justiciables. Cette écoute se traduira
certainement par l'adoption de suggestions de modifications de l'avant-projet
de loi. Nous sommes ouverts à toute suggestion afin de perfectionner le
document avant de déposer un véritable projet de loi.
Ce forum est, enfin, un lieu d'intervention privilégié
pour donner le coup d'envoi à l'élaboration d'une
procédure pénale adaptée aux besoins et aux
possibilités de la société contemporaine.
Demandons-nous maintenant quels sont ces besoins. On peut certainement
affirmer à ce titre qu'il est impérieux d'alléger la
procédure actuelle, car elle fait perdre du temps et de l'argent aux
contribuables, sans pour autant leur donner la possibilité d'obtenir
justice d'une manière rapide et efficace.
Pourquoi, alors, ne pas utiliser les ressources du système de
justice pénale et
des moyens de communications modernes pour faciliter l'accès aux
tribunaux et accélérer le processus judiciaire? C'est ce que
propose cet avant-projet de loi qu'il convient maintenant d'expliciter.
Le constat d'infraction constitue sans nui doute l'axe principal de la
proposition de réforme. C'est autour de cette nouvelle procédure
introductive d'instance qu'est le constat d'infraction que se greffent les
moyens d'enquête, les demandes préliminaires, l'instruction de la
poursuite, ainsi que les différents moyens de se pourvoir contre un
jugement comme la rétractation ou la rectification d'un jugement, les
recours extraordinaires, ainsi que les appels, soit à la Cour
supérieure ou à la Cour d'appel.
Plusieurs se demanderont, dans un premier temps, ce qu'est un constat
d'infraction. Il s'agit essentiellement d'un document remis à une
personne afin de lui signifier qu'elle est accusée d'avoir commis une
infraction pour laquelle elle doit subir une peine dans
l'éventualité où elle sera déclarée coupable
de cette infraction. Le constat d'infraction indique, en outre, au
défendeur qu'il a 30 jours, à compter de la signification du
constat d'infraction, pour faire connaître sa position face è
l'accusation portée par le poursuivant. Par conséquent, le
défendeur devra faire parvenir, dans ce délai et è
l'endroit qui lui est indiqué sur le constat, soit un plaidoyer de
non-culpabilité, soit un plaidoyer de culpabilité avec le
paiement du montant d'amende exigé ou avec une indication de son
intention de faire des représentations quant à la peine lorsque
le poursuivant exige une peine plus forte que le minimum d'amende prévu
par la loi et en cas de récidive, par exemple.
Dans un deuxième temps, chacun voudra savoir quand et comment ce
constat d'infraction parviendra au citoyen qui aurait commis une infraction.
Voici des exemples concrets du déroulement de la procédure. Dans
les cas les plus simples, par exemple les infractions au Code de la
sécurité routière, le constat d'infraction pourrait
être remis de main à main au défendeur par l'agent de la
paix aussitôt après avoir constaté la perpétration
de l'infraction. Dans les cas plus complexes, ceux qui nécessitent une
enquête plus approfondie, comme les infractions à la Loi sur les
valeurs mobilières ou à la Loi sur les impôts, la
signification du constat d'infraction pourrait être faite après
enquête, soit par un agent de la paix ou un huissier, soit par poste
recommandée ou certifiée. Le poursuivant
bénéficiera ainsi d'au moins une année, selon le
délai de prescription, pour intenter sa poursuite au moyen d'un constat
d'infraction.
On le remarquera, les actuelles étapes de l'introduction de la
poursuite qui sont l'avis préalable, la dénonciation, la
sommation et la comparution seront donc remplacées par le constat
d'infraction. Certains seront peut-être portés à
s'interroger sur la disparition de la comparution du défendeur avant
procès. Cependant, dans les faits, cette comparution n'est jamais
obligatoire et constitue une étape qui pourra avantageusement être
remplacée par cet échange direct entre le poursuivant et les
défendeurs que permet le constat d'infraction.
Enfin, il nous apparaît important de souligner que la nouvelle
procédure offrira des avantages à tous, qu'il s'agisse de
défendeurs, de poursuivants ou de l'appareil judiciaire. Ainsi, le
défendeur est immédiatement informé, dès
réception du constat de l'infraction dont il est accusé, de la
peine dont il est passible. Il peut donc agir de manière plus
éclairée. S'il reconnaît sa culpabilité, il n'a pas
à subir de déplacements et des coûts inutiles, ni une
confrontation avec l'appareil judiciaire car un jugement pourra être
rendu dès la réception du plaidoyer de culpabilité. Par
contre, si le défendeur désire faire valoir un moyen de
défense ou des représentations quant à la peine
exiqée, il pourra être entendu plus rapidement car les rôles
des tribunaux seront désencombrés de tous les cas où le
contrevenant inscrit un plaidoyer de culpabilité.
Quant au poursuivant, la simplification du mode d'introduction de la
poursuite offre l'avantage d'une action plus rapide, plus efficace, moins
coûteuse et permettant une rationalisation des ressources
matérielles et humaines dont il dispose.
Finalement, la procédure par voie de constat d'infraction permet
une meilleure utilisation des tribunaux judiciaires. La nouvelle
procédure suppose, en effet, que les tribunaux n'interviendront qu'en
cas de véritable litige entre les parties quant à la
responsabilité ou à la peine attachée à une
infraction. En somme, le constat d'infraction permettra de redonner au
système de justice pénale son véritable caractère
de débat entre parties adverses où le juge est appelé
à apprécier les arguments des adversaires en fonction de la
règle de droit.
Le même souci d'efficacité dans le respect des droits de
chacun se retrouve dans les mécanismes de révision des
décisions rendues en première instance. Ainsi, il sera possible
par simple rectification de corriger une erreur d'écriture qui se serait
glissée dans un jugement. On pourra, de plus, par le biais de la
rétractation de jugement, contrer les effets d'une condamnation par
défaut prononcée contre un justiciable qui n'a pas pu
présenter sa défense en temps utile. On pourra alors demander au
juge de première instance de rétracter son jugement et de
procéder à l'instruction de la poursuite sans
devoir passer par les tribunaux d'appel. L'introduction de cette
procédure usuelle en matière civile vient combler une lacune
importante du régime actuel de poursuite sommaire.
De plus, les jugements de première instance seront
appréciés plus justement, car ils ne pourront plus être
remis en cause globalement, comme c'est le cas actuellement avec la
règle des procès de novo. Désormais, les procès ne
seront plus recommencés inutilement. L'appel se fera
généralement sur dossier, à moins que celui-ci ne puisse
être reconstitué. L'appel ne portera alors que sur les questions
au sujet desquelles il y a litige véritable. Avec l'appel sur dossier,
la cour qui entendra l'appel exercera un véritable rôle de
tribunal d'appel.
L'effort de simplification et de rationalisation de la procédure
pénale que reflète l'avant-projet de loi qui vous est
présenté ne porte pas seulement sur la procédure de
poursuite en première instance et en appel. Il commence
déjà au moment de l'enquête sur l'infraction lorsqu'une
perquisition s'impose. En ce domaine, les règles générales
de droit ont été exposées de manière à faire
ressortir clairement les limites du pouvoir de perquisitionner, ainsi que les
droits des citoyens à l'égard de la protection des renseignements
confidentiels, de l'accès au mandat de perquisition, de l'examen ou de
la garde et rétention de la chose saisie.
C'est avec une même réserve qu'a été
traité le pouvoir d'arrestation, car désormais il sera restreint
aux seuls cas où l'arrestation est le seul moyen de permettre la
signification d'un constat d'infraction, de mettre un terme à la
perpétration d'une infraction ou d'empêcher qu'une personne ne se
soustraie à la justice. On comprendra alors que, dans ces cas, le
recours à ce pouvoir de contrainte vise à empêcher un
individu de faire échec au système de justice pénale et de
contrevenir impunément aux lois et règlements du Québec.
(10 h 45)
Enfin, dans le régime proposé, le Procureur
général demeure le gardien ultime de l'intérêt
public et, à ce titre, il est responsable de toutes les poursuites
pénales entreprises. Toutefois, la reconnaissance de cette fonction qui
lui est assignée dans les systèmes de droit de tradition
britannique n'empêchera pas le législateur de désigner
d'autres personnes à titre de poursuivants dans des lois
particulières et de permettre aux citoyens qui ont un
intérêt à poursuivre de le faire. Cette ouverture du droit
de poursuite est garante du principe de l'égalité de tous devant
la loi, un objectif qui sous-tend l'ensemble de l'avant-projet sur le Code de
procédure pénale.
Il appartient maintenant à cette commission d'examiner cet
avant-projet afin, que . la procédure pénale contribue à
équilibrer les droits des individus et de la collectivité sur les
plateaux de la balance de la justice. Merci, M. le Président.
M. Claude Filion
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le
ministre. Quant à nous, l'avant-projet de loi sur le Code de
procédure pénale, bien qu'il ne crée pas dans la
population - on peut le voir ce matin -d'anxiété telle que les
gens se battent dans les autobus, revêt néanmoins une importance,
je dirais, capitale pour l'ensemble des citoyens et citoyennes du
Québec. D'une part, ce projet de loi affectera les procédures de
sanction de l'ensemble des lois du Parlement de Québec et de l'ensemble
des règlements adoptés par ce gouvernement, ainsi que par les
corps politiques délégués, comme les municipalités,
les cités, les villes. À ce titre, donc, ce projet de loi
affectera la procédure de sanction de l'ensemble de notre
législation. Curieusement, c'est cette législation, cette
réglementation qui rejoint le plus souvent la population.
À titre d'exemple, j'ai été fasciné
d'apprendre que, dans la seule ville de Montréal, on a distribué
au cours de l'année 1985 ou 1986, dans une seule année, 1 324 568
contraventions. Cela veut dire, en termes pratiques, que dans une vie normale
il n'y a à peu près aucun citoyen adulte du Québec qui n'a
pas directement affaire avec les conséquences d'une infraction
présumée commise à l'égard d'une loi ou d'un
règlement. Pour bien des citoyens, ce contact avec le droit pénal
est parfois le seul contact qu'ils auront avec la justice en
général. En droit criminel, on le sait -heureusement, d'ailleurs
- seulement une infime partie de notre population se retrouve devant les
tribunaux criminels.
Au civil, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, on est un
peuple chicanier. Alors, nos rôles sont passablement occupés
à la Cour des petites créances, à la Cour provinciale,
à la Cour supérieure ou devant les tribunaux administratifs.
Encore une fois, ne serait-ce qu'à cause de l'importance, je dirais de
la fréquence des activités professionnelles, commerciales et
civiles de l'ensemble des citoyens du Québec, il est normal que le droit
pénal soit le droit le plus souvent rencontré par le citoyen.
Encore une fois, c'est parfois le seul contact qu'il a.
Le cas que je citais tantôt, où 1 328 000 billets de
contravention ont été émis par la ville de
Montréal, veut dire qu'il existe aussi au Québec ce que je
pourrais appeler et ce qu'on a qualifié ainsi dans un des
mémoires des contentieux de masse, c'est-à-dire des contentieux
affectant un grand nombre de citoyens dans une même
journée. Si on divise les 1 324 568 par le nombre de jours
ouvrables, on arrivera à un chiffre journalier faramineux. Un
pourcentage de ce nombre se retrouve devant les tribunaux parce que les
citoyens désirent faire valoir leurs droits; d'où l'importance du
travail que nous entreprenons aujourd'hui sur l'avant-projet de loi sur le Code
de procédure pénale.
Il y a aussi, je dois le mentionner, des lois qui ont une portée
beaucoup plus engageante que les règlements de circulation de la ville
de Montréal. On n'a qu'à penser, par exemple, à la Loi sur
la conservation de la faune ou à la Loi sur les valeurs
mobilières. Ce sont des lois, à titre d'exemple, qui engagent
beaucoup plus qu'un simple billet de contravention. Dans plusieurs de ces cas,
d'ailleurs, une infraction à ces lois peut conduire à l'ultime
châtiment qui est la privation de la liberté, la prison.
Le droit pénal est certes moins, j'allais dire "engageant", entre
guillemets, que le droit criminel, mais il Test beaucoup plus que le droit
civil. À mon sens, il doit se rapprocher beaucoup plus évidemment
du droit criminel que du droit civil bien que, dans certains cas, il soit utile
de faire référence aux règles que nous avons construites
en droit civil pour notamment -le ministre l'a souligné - dégager
certaines règles relativement à la rétractation de
jugement, des règles plus souples pour que la justice fonctionne mieux,
plus rapidement et plus efficacement et de façon moins
coûteuse.
Maintenant, évidemment, le projet de loi est important parce
qu'il vise cet ensemble législatif et réglementaire très
important, nous y reviendrons dans quelques minutes. Il vise donc à
définir des règles de procédure, de traitement, de
cheminement des plaintes découlant d'infractions qui auraient pu
être commises à l'égard de ces lois ou de ces
règlements. Je le dis immédiatement: Cette initiative est
louable. Elle a débuté, sauf erreur, en 1982, en 1983 ou en 1984.
Je sais qu'un travail important avait été fait au
ministère de la Justice. On me fait remarquer qu'en fait la
réflexion même a commencé bien avant, mais je sais que,
dans ces années, 1982 et 1983 un travail avait déjà
été passablement avancé.
Donc, je le souligne immédiatement et sans réserve:
L'initiative est louable et la tâche était colossale. Les
poursuites sommaires qui nous gouvernent actuellement remontent à plus
de 60 ans. Il s'agissait de rafraîchir tous ces mécanismes de
procédure à partir non pas de ce qui a été fait il
y a une dizaine d'années, mais de ce qui a été fait il y
a, quand même, plus d'une soixantaine d'années. La tâche
était colossale, l'initiative était louable et le résultat
- je le dis immédiatement sans ambages - est intéressant et en
bonne partie satisfaisant. Il est intéressant parce qu'on y retrouve une
certaine cohérence et un souci de cohérence notable. Il est
satisfaisant parce que, évidemment, dans certains cas, des arbitrages
doivent être faits. Ces arbitrages, je pense, ont été
exercés, pas toujours avec bonheur, mais, en tout cas, à mon
point de vue, avec toujours beaucoup de sérieux, dans une bonne
partie.
Il y a beaucoup de choses. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Les
intervenants que nous allons commencer à écouter ce matin vont
nous en faire part. Il y a énormément de points qui
méritent d'être discutés et d'être
décidés par les parlementaires que nous sommes.
Donc, une initiative louable, une tâche colossale,
résultats intéressants et en bonne partie satisfaisants. Une
chose certaine, l'avant-projet de loi qui est devant nous constitue, certes, un
texte valable pour les fins de consultation et d'étude. C'est un
avant-projet de loi que l'on soumet aux intervenants, aux six groupes qui
viendront nous rencontrer aujourd'hui et demain. Pour des fins de consultation,
ce document est très approprié.
J'avise immédiatement le ministre, le leader parlementaire et les
représentants du gouvernement que l'étude de ce projet de loi
demandera la même attention que celle que nous avons apportée
à d'autres projets majeurs, notamment au projet de loi 92. Notre devoir,
en tant que parlementaires, -c'est ce que les gens nous demandent de faire
également - est de vérifier les lois, d'échanger sur ces
lois et de prendre conscience des conséquences sur la population des
lois que nous adoptons. En ce sens, on peut immédiatement prévoir
que l'étude de ce projet de loi ne se fera pas en un avant-midi,
à coup sûr.
Je voudrais également souligner la qualité des
mémoires que nous avons reçus de façon
générale, mais en particulier celui du Barreau du Québec
et de la Commission des services juridiques qui ont été à
la mesure de leur réputation - j'aurai l'occasion de leur en parler
quand ils seront avec nous et également l'excellent mémoire du
contentieux de la ville de Montréal.
Je voudrais revenir un peu sur ce que j'ai abordé tantôt,
c'est-à-dire l'ensemble des lois et règlements du Québec.
Le gouvernement libéral nous a tenu pendant plusieurs mois, plusieurs
semaines, de très beaux discours sur la déréglementation.
Le ministre de la Justice lui-même a été un pourfendeur
sans comparaison du nombre de règlements que nous avons au Québec
et je le suis.
Le gouvernement nous a même annoncé une
déréglementation. Il nous a annoncé qu'il
légiférerait moins et mieux, mais force nous est de constater,
à l'étude des lois adoptées par ce Parlement depuis
l'accession au
pouvoir du gouvernement libéral que non seulement le nombre de
règlements n'a pas diminué mais qu'il a augmenté. Non
seulement les lois ne contiennent pas moins de pouvoirs réglementaires,
mais, au contraire, les lois contiennent plus de pouvoirs
réglementaires. Force nous est de constater que le gouvernement
libéral n'a aucunement livré la marchandise en matière de
réglementation, à part former des comités et tenir des
beaux discours. La marchandise n'a pas été livrée. J'ai
étudié des lois qui contiennent des pouvoirs
réglementaires exorbitants, parfois illégaux et j'ai eu
l'occasion de le souligner à quelques-uns de vos collègues,
d'ailleurs.
C'est bien beau de faire un nouveau Code de procédure
pénale et de tenir un discours, mais encore faudrait-il aller à
la source des problèmes et faire en sorte que le nombre de
règlements diminue de façon importante au Québec. Encore
une fois, ce n'est pas du tout le cas. Les études qui ont
été faites là-dessus sont des plus
révélatrices quant à l'étendue des pouvoirs
réglementaires et quant au nombre de pouvoirs réglementaires que
l'on retrouve. (11 heures)
Le Barreau du Québec, que nous aurons avec nous dans quelques
minutes, a déjà critiqué dans le passé,
vigoureusement également, cette masse incroyable de
réglementation. Le gouvernement libéral a créé des
expectatives énormes au sujet de cette réglementation, mais les
attentes ont été considérablement frustrées.
Revenons au projet de loi et au contenu du projet de loi. À la
lecture des mémoires et du projet de loi, nous pouvons constater que
nous sommes en présence de deux concepts qui reflètent
eux-mêmes deux préoccupations majeures. D'abord, ce que je
qualifierais de formalisme procédural. Le formalisme procédural
lui-même répond, inclut ou reflète les différentes
balises que l'on retrouve en droit criminel qui sont destinées à
protéger les droits fondamentaux des citoyens. Bien sûr, il ne
faut pas l'oublier, la procédure est au service du droit, de la justice
et de la vérité. La procédure, par notre tradition, par
l'histoire et par la jurisprudence, a intégré les balises qui
découlent de l'application de certains droit3 fondamentaux.
Le formalisme procédural en droit pénal ne doit pas
être le même qu'en droit civil, bien sûr, cela saute à
l'esprit. Il peut, à mon sens, et j'en conviens, différer du
formalisme que l'on retrouve en droit criminel, car, de l'autre
côté, dans l'autre bloc de préoccupations, on retrouve un
autre concept, celui de l'administration de cette justice pénale qui
doit être souple, simple, efficace et le plus près possible des
citoyens, qui doit être comprise, dans la mesure du possible, par le
citoyen et qui doit être sûrement le plus près passible du
judiciable.
Ces deux concepts, le formalisme procédural et une administration
souple, simple, efficace, près du citoyen et de la justice
pénale, dans bien des cas, s'affrontent et il y a des arbitrages
à faire; dans d'autres cas, par exemple, ils peuvent se
compléter. Quand les arbitraqes sont à faire, il n'y a pas de
règle magique à appliquer. C'est une question, pour nous, de
jugement et d'équilibre. Cet exercice, encore une fois, ne sera pas
toujours des plus faciles. Je l'ai dit, si on insiste tant en droit criminel
sur le formalisme et sur les droits fondamentaux, il y a une raison. C'est
parce qu'on est conscient qu'en fin de compte c'est la liberté des
citoyens, dans bien des cas, qui peut être affectée, de la
même façon qu'une simple condamnation peut également avoir
des conséquences sur les citoyens. Le paiement d'une amende, même,
dans certains cas minime, peut avoir d'énormes conséquences sur
le citoyen.
On sait déjà que la tendance lourde qui se dégage
actuellement est, bien sûr, d'avoir recours à des mesures autres
que l'emprisonnement. Mais il demeure néanmoins que l'emprisonnement,
dans bien des cas, est le moyen dissuasif employé. C'est important pour
le ministre et pour moi et, je le pense bien, pour tous les membres de la
commission.
Donc, le formalisme procédural n'est pas un caprice. II
répond, encore une fois, à des préoccupations d'importance
vitale pour les citoyens. Dans le projet de loi, peut-être,
paradoxalement, uniformiser la procédure... On verra à la
consultation, on verra à l'étude. Peut-être,
paradoxalement, le plus grand défaut de cet avant-projet de loi est-il,
précisément, de ne pas faire la nuance entre certaines
catégories de lois. D'avoir tenté d'uniformiser la
procédure pour toutes les sortes d'infractions, des plus bénignes
aux plus sérieuses - bien que les qualificatifs dans ce cas-ci
méritent d'être mis entre parenthèses également -
d'avoir tenté d'uniformiser est louable, mais, paradoxalement, le
résultat fini ne contient-il pas ce vice d'avoir tenté de tout
mettre sur un pied d'égalité? Nous verrons à la
consultation, nous verrons à la discussion, nous verrons à
l'échange. Je le dis d'emblée, le constat d'infraction qui est la
pierre angulaire de cet avant-projet de loi est certainement un progrès
remarquable en ce qui concerne le contentieux que je qualifie de masse et que
je qualifierai de masse tout au long de nos travaux. Pour des infractions plus
sérieuses -et, encore une fois, il n'y a pas de magie dans des
qualificatifs - ne devrait-on pas aussi exiger la sommation et la
dénonciation comme auparavant?
Je dois le dire très honnêtement aux membres de cette
commission, pour moi, idéalement, la prison est faite pour les
criminels, la prison est faite pour ceux qui ont commis des crimes, des
infractions au Code criminel. D'ailleurs, si on regarde un peu ce qui peut se
produire au tournant de l'an 2000, j'ai comme la vision que n'est
peut-être pas si éloigné de nous le jour où les
infractions aux lois provinciales, aux règlements provinciaux, ne
conduiront plus à la prison. Bien sûr, cela prend un moyen
dissuasif en bout de ligne, j'en suis conscient. Mais la prison n'est
certainement pas le bon endroit pour envoyer les personnes qui ont eu des
contraventions, des billets de stationnement parce qu'il en coûte 80 $
par jour à la société pour les garder à Bordeaux,
alors que le billet est de 15 $, 20 $ ou 10 $. Évidemment, dans le cas
du billet de stationnement, on pourra me répondre: Votre discours est
simple, votre discours est facile. Certains cas se situent entre le billet de
stationnement et la fraude en valeurs mobilières. Ce n'est pas toujours
aussi facile. En règle générale, je pense qu'il faut
commencer à entrevoir le tournant de l'an 2000, en termes de droit
pénal, autrement qu'avec la prison. J'ose espérer, en tout cas,
que cette vision un peu personnelle des choses... Je constate, d'abord, qu'elle
est partagée de plus en plus, et que l'on pourra trouver les moyens pour
qu'elle se concrétise. Là-dessus, je dois vous dire - je vois le
ministre qui opine de la tête - que j'aurais aimé voir un peu plus
d'imagination dans bien des lois adoptées par son collègue, le
ministre des Transports.
Donc, c'est un projet de loi intéressant. J'en félicite
immédiatement tous ceux et celles qui ont participé à son
élaboration. Il s'agit d'un travail, je l'ai dit, qui mérite
d'être relevé, un projet de loi intéressant, qui
mérite d'être bonifié. C'est normal. On pourra toujours le
bonifier, le ministre le sait, on peut améliorer un projet de loi sans
arrêt. II n'y a pas de perfection dans ce secteur, pas plus que dans les
autres, mais il faudra garder à l'esprit, je pense, ce point de vue de
respect des droits fondamentaux ainsi que celui de l'efficacité de la
gestion administrative, plus particulièrement en matière de
contentieux de masse. Je voudrais maintenant relever certains sujets - non pas
le constat d'infraction - qui ont retenu l'attention des intervenants que nous
recevrons bientôt et d'autres sujets, d'autres passages ou d'autres
secteurs de l'avant-projet de loi qui ont retenu mon attention de façon
un peu plus particulière.
D'abord, tout ce qui est de droit nouveau est un peu plus
intéressant. Tout ce qui contient des éléments de droit
nouveau soulève la curiosité et, dans certains cas, fait poser
des bonnes questions, notamment, pour l'information du ministre: l'assignation
des témoins par le procureur, à l'exception du détenu, la
commission rogatoire, le droit pénal, le constat d'infraction, je l'ai
mentionné, il y a ce que je qualifierais de magasinage au niveau de
l'acte d'accusation qui me chicote un peu, les demandes préliminaires,
les défenses préliminaires et la codification de la "common law",
l'article 235, c'est-à-dire la possibilité de plaider
l'inconstitutionnalité, l'article 247, la possibilité pour le
juge d'accepter ou de refuser le plaidoyer de culpabilité, le pouvoir
discrétionnaire du juge à l'article 247, l'article 290, tout ce
qui concerne l'emprisonnement et les alternatives à l'emprisonnement,
l'article 392 - quand je dis l'article, je parle de ces secteurs-là - en
ce qui concerne les mémoires en appel, l'article 361 et les suivants en
ce qui concerne la rétractation de jugement et l'article 433, l'adoption
à la majorité des juges des règles de pratique.
Ce sont des éléments qui contiennent beaucoup
d'ingrédients de droit nouveau, qui sont intéressants et qui vont
mériter qu'on en discuter. Maintenant, les gens du Barreau ne sont
évidemment pas encore avec nous. Mais ils ont souligné ce que je
qualifiais tantôt de principes de droit fondamentaux. Dans leur
mémoire, lis emploient les termes "violés" et "bafoués"
par le Code de procédure pénale. Ces principes de droit vont
également mériter qu'on s'y arrête. Il y a le droit de
l'accusé à une décision impartiale, la présomption
d'innocence, les articles 51 à 55; la condamnation de l'inculpé
sur une preuve inadmissible qui, encore une fois, pourrait ouvrir la porte
à certaines exceptions aux règles d'admissibilité de
preuve, l'article 52. Il y a également le droit de l'inculpé de
ne pas être privé injustement de sa liberté et la
discrétion de l'agent de la paix, les articles 80 et 91. Quant au droit
de l'inculpé d'être informé immédiatement de ce
qu'on lui reproche, il y a beaucoup d'articles qui sont affectés par
cela. Le droit à la défense pleine et entière, comme la
présomption d'innocence: on n'invente pas le bouton à quatre
trous. Ce sont des droits fondamentaux qui ont subi, avec succès, le
test du temps, le test de l'analyse des tribunaux. Il y a également le
respect de la chose jugée, res judicata.
Alors, il y a certains droits fondamentaux qui vont mériter qu'on
se penche sur leur impact sur la procédure et la gestion de
l'administration de la justice pénale. C'est un exercice - je l'ai dit
-important, d'une importance capitale, quant à nous. Nous nous y
livrerons, comme toujours - le ministre le sait - de façon non
partisane, dans le meilleur intérêt de la population du
Québec et avec la meilleure foi possible. Dans ce sens, je termine ma
déclaration d'ouverture en demandant au ministre s'il a l'intention
de... D'abord, il m'a confié tantôt que son projet de loi pourrait
être prêt au printemps. S'il n'est pas prêt au printemps, il
le sera à
l'automne; c'est tout. Après les consultations que nous
tiendrons, est-ce qu'il a l'intention, dans la préparation de ce projet
de loi, de tenir d'autres consultations après le dépôt du
projet de loi?
M. Marx: Merci, M. le Président. Non, nous n'avons pas
l'intention de tenir d'autres consultations, parce qu'on peut aller de
consultation en consultation; cela peut prendre dix ans. Nous avons l'intention
d'essayer de déposer le projet de loi avant le 15 mai et, si possible,
de faire la deuxième lecture du projet de loi avant la fin de cette
session pour qu'il soit possible de faire l'étude, article par article,
du projet de loi pendant l'intersession. Je pense que, si on peut faire
l'étude article par article vers la fin du mois de septembre ou au
début du mois d'octobre, ce sera mieux pour les parlementaires,
étant donné que, durant la session, nous avons beaucoup d'autres
choses à faire. Cela va nous donner plus le temps de discuter, de
réfléchir à chaque article, étant donné que
le projet de loi comporte plus de 400 articles.
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Marx: On va essayer de déposer le projet de loi avant
le 15 mai, pour qu'on puisse en faire la deuxième lecture et en faire
l'étude article par article à l'automne.
Le Président (M. Filion): Bon.
M. Marx: Est-ce que cela convient?
Le Président (M. Filion): On pourra discuter
là-dessus, mais je voulais juste savoir, grosso modo,
l'échéancier. Je voudrais informer les membres de la commission
qui sont avec nous que le Barreau et ses représentants sont pris dans un
petit problème d'avion en provenance de Montréal. Cela doit
être Nordair, je ne sais pas. Donc, j'essaie de savoir à quel
moment ils pourront être avec nous. Ils avaient été
convoqués à 10 heures, devaient être entendus à 11
heures. Il est 11 h 15. En ce moment, je pense qu'il serait à propos de
suspendre nos travaux et d'attendre le Barreau, mais je dois signaler que je
sais que le ministre est pris cet après-midi.
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): II est en Conseil des ministres,
c'est cela?
M. Marx: Non, le Conseil des ministres, c'est maintenant. Est-ce
que cela a été remis à cet après-midi? Non, c'est
ce matin.
Le Président (M. Filion): Je sais que vous êtes pris
cet après-midi. Est-ce que je me trompe? Je me dis que si le Barreau
arrive d'ici une dizaine de minutes, ce n'est pas grave. Je pense qu'on va
pouvoir d'ici une heure... Cela vous irait si on continuait?
M. Marx: Oui, parfait.
Le Président (M. Filion): S'il devait arriver uniquement
à midi ou à 12 h 15, je me demande...
M. Marx: De midi à 13 heures, on peut...
Le Président (M. Filion): On avait prévu 90 minutes
avec eux. On va attendre et on s'adaptera. Mais, si je comprends bien, ce
serait difficile pour vous cet après-midi?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): Oui. D'accord. C'est malheureux,
mais... Ah, est-ce que...
Une voix: Le Barreau du Québec.
Le Président (M. Filion): Excellent. Voilà. On va
quand même suspendre nos travaux, le temps de laisser les membres du
Barreau s'installer.
(Suspension de la séance à 11 h 19)
(Reprise à 11 h 28)
Auditions
Le Président (M. Filion): Me Ménard, Me Desrosiers
et Me Gauvin, bienvenue. Sans plus tarder, je vous rappellerais le cadre de nos
discussions de ce matin. Trente minutes vous sont allouées pour la
présentation de votre mémoire, à la suite de quoi chacun
des deux groupes politiques représentés à cette commission
dispose d'une trentaine de minutes pour échanger avec vous. Mais ce
cadre, comme toujours, à la commission des institutions, est une
suggestion. Nous savons oeuvrer avec souplesse. Sans plus tarder, je vous
inviterais à présenter votre mémoire.
Barreau du Québec
M. Ménard (Serge): D'abord, je tiens à vous
exprimer notre satisfaction d'avoir été invités. Nous
sommes très honorés d'avoir été invités par
la commission parlementaire à faire des représentations
auprès de vous. C'est avec plaisir que nous nous présentons ici.
Je peux vous dire que nous le faisons dans l'exercice - si vous voulez - d'une
des deux missions qui nous sont données par la loi qui est la protection
de l'intérêt public.
Le Barreau a l'avantage, dans l'étude d'un projet de loi comme
celui-là, de pouvoir
bénéficier des conseils ou de l'expertise de membres qui
ont à travailler tou3 les jours avec ce projet de loi. C'est de cette
façon qu'on a fait le rapport: on a créé un comité
dans lequel on a voulu avoir une représentation équilibrée
des divers adversaires qui peuvent s'affronter à l'intérieur de
ce code de procédure. Ainsi, Me Christian Desrosiers, qui en est le
président, est de Montréal. Il est président de
l'Association des avocats de la défense de Montréal. C'est un
avocat de pratique privée qui pratique nécessairement en
défense. Il a commencé sa carrière comme avocat de l'aide
juridique. Me François Drolet, le deuxième membre, est avocat de
la couronne, substitut du Procureur général. C'est un des avocats
de la couronne qui a eu à faire le plus de poursuites pénales
provinciales. C'est donc pourquoi nous l'avons invité à faire
partie de notre comité. Comme nous cherchons aussi à avoir une
représentation régionale dans nos comités, nous avons Me
Claude Leblond, de Sherbrooke. C'est un avocat de l'aide juridique qui a
été appelé à défendre des gens
accusés d'infractions pénales provinciales et qui oeuvre dans un
bureau d'aide juridique à Sherbrooke. Me Charles Morisset est un avocat
de Québec qui est en pratique privée, mais qui a eu à
prendre beaucoup de poursuites pour l'Office de la construction, donc, à
fonctionner avec la Loi sur les poursuites sommaires. Me Robert Sacchitelle est
un pilier de l'aide juridique depuis ses débuts à
Montréal. Il a été appelé à défendre
des gens. Me Christian Gauvin est un permanent du Barreau. On estime qu'au
Barreau on peut regrouper des gens d'expériences diverses qui ont vu les
lois antérieures et les lois futures avec des yeux différents. Je
peux vous dire que le rapport qui vous est présenté donne une
bien faible idée des discussions qui ont pu avoir lieu entre les
différents membres du comité. Il donne une bonne idée, par
contre, des consensus qui ont pu se dégager entre des gens
habitués à fonctionner des deux côtés.
J'ai remarqué aussi, en lisant le rapport, hier, qu'on donne
peut-être une impression trop négative dans le rapport de notre
appréciation de l'avant-projet de loi. Je tenais, ce matin, à
corriger devant vous cette impression, car je dois vous dire que l'impression
générale de l'avant-projet de loi est extrêmement positive
de la part du Barreau. D'abord nous croyons que c'était une
réforme nécessaire à apporter que de refaire l'ancienne
Loi sur les poursuites sommaires et de codifier les différentes
règles dans un Code de procédure pénale. Cela a
été fait avec logique et avec clarté. De plus, nous avons
constaté beaucoup d'améliorations dans cet avant-projet de loi
par rapport à ceux que nous avons étudiés depuis longtemps
et qui, déjà, avaient amené, de notre part, des remarques
favorables. C'est la raison pour laquelle ce rapport, ne s'attachant qu'aux
critiques que nous avons encore à faire au projet de loi, donne
peut-être un aspect plus néqatif. Je vous rappelle notre jugement
global qui est un jugement positif sur l'avant-projet de loi qui est devant
nous.
Il a, entre autres, une qualité bien québécoise et
qui, je t'espère, demeurera québécoise et deviendra, je
l'espère, un jour, canadienne, c'est la clarté du langage et la
logique et la cohérence de sa construction. Si vous étiez
habitués de travailler avec des lois équivalentes au
fédéral et à lire des dispositions du Code criminel ou de
la Loi sur la preuve, vous comprendriez ce que- nous voulons dire. Je me suis
tué depuis des années à répéter au
gouvernement fédéral que les lois mal écrites sont d'abord
mal comprises pour être ensuite mal appliquées. Je dois dire que,
dans ce cas, dans la mesure du possible, parce qu'il reste des passages qui
peuvent être difficiles à comprendre pour des profanes, de
façon générale ce code satisfait aux objectifs de
clarté, de rigueur de la langue qu'on est habitués à
reconnaître des meilleurs textes qui sortent des rédacteurs du
ministère de la Justice. Je pense que c'était une remarque qui
n'est pas faite dans notre rapport, mais qui devait être ajoutée.
Cependant, j'ai eu l'occasion de lire récemment - on m'en envoie
toujours des copies - le très court rapport de l'Association des usagers
de la langue française, qui a fait quelques critiques qui m'apparaissent
justifiées. Certaines le sont moins, mais je ne les reprendrai pas. J'ai
remarqué qu'eux aussi, qui sont assez tatillons sur l'usage des mots
même en matière juridique, ont un jugement favorable de ce
côté.
Pour résumer peut-être en d'autres termes certaines des
critiques que nous avons faites, il y en a certaines que je vais faire
moi-même et d'autres que Me Christian Desrosiers va ajouter. Très
rapidement, nous trouvons assez inadmissible en droit pénal qu'un chef
d'accusation auquel il manque un élément essentiel puisse
être corrigé quant à cet élément essentiel.
Il faut comprendre que nous vivons en droit criminel et nous continuons
à vivre en droit pénal, parce que je pense que personne au
Québec ne voudrait adopter le système français qui est le
système inquisitoire en matière pénale. Je pense qu'il y a
une chose sur laquelle tous les partis politiques du Québec s'entendent
et tous les qens de n'importe quelle optique s'entendent, c'est que le droit
pénal doit demeurer un droit accusatoire où une personne n'est
accusée que dans la mesure où elle a enfreint une loi et qu'elle
est bien informée de la disposition législative qu'elle a
enfreinte.
Or, une infraction, c'est un jeu de
blocs qui est constitué d'un certain nombre
d'éléments essentiels. S'il manque un élément
essentiel, il n'y a pas d'infraction. Je peux donner un exemple simple. Un vol,
par exemple, c'est non seulement de prendre la propriété d'autrui
sans le consentement du propriétaire dans l'intention de le priver
temporairement ou absolument de cette propriété, c'est de faire
tout cela illégalement. S'il manque un élément essentiel,
il n'y a pas d'infraction. Pour rendre l'élément essentiel, le
mot "illégalement" est important. Prendre un parapluie par erreur dans
un restaurant croyant que c'est le sien, ce n'est pas illégal. Pourtant,
cela satisfait à toutes les définitions. Donc, quelqu'un qui est
accusé d'avoir fait tout cela, si le mot "illégalement" n'est pas
dans la question de vol, il n'est pas accusé d'avoir commis une
infraction.
C'est pour cela qu'on utilise peut-être des termes un peu forts
dans le rapport, mais vous le comprendrez à la lumière des
explications quand on parle de "néant juridique". C'est-à-dire
qu'une personne qui serait accusée de quelque chose où il n'y a
pas tous les éléments essentiels de l'infraction n'est
accusée de rien. À ce moment-là, c'est une accusation qui
n'est pas valide et qui, par conséquent, ne devrait pas être
corrigée, parce qu'il n'y a rien. Cela nous apparaît absolument
illogique et contraire à notre système de permettre la correction
d'un chef d'accusation sur un élément essentiel. On peut le
corriger sur d'autres détails, mais pas sur un élément
essentiel. S'il manque un élément essentiel, à mon avis,
on devrait continuer la pratique actuelle qui est la nullité.
Dans les améliorations que nous avons constatées par
rapport à l'ancien projet de loi, il y a une remarque qu'on peut
peut-être faire. On avait l'impression que le premier projet de loi avait
été surtout fait pour les infractions aux règlements de la
circulation. Pour cela, il était excellent. Il était excellent
parce que la majorité des gens ne contestent pas les... C'est le plus
grand nombre d'accusations et c'était fait pour diminuer les frais et
ainsi de suite. Mais c'est un Code de procédure pénale
général. Il a été amélioré depuis les
remarques que nous avions faites. Mais cela reste un Code de procédure
pénale général qui va s'appliquer non seulement à
des infractions banales comme des infractions aux règlements de la
circulation, mais aussi probablement à des poursuites beaucoup plus
complexes en matière d'impôts, de valeurs mobilières, de
protection de l'environnement et ainsi de suite.
Je pense que cela, c'est surtout à la suite des
représentations des gens qui représentent les poursuivants. Nous
trouvons qu'à ce moment-là il faudrait passer probablement par
des procureurs pour rédiger les accusations, plutôt que de les
laisser faire. Sinon, le gouvernement risque d'être mis dans des
situations difficiles dans la suite des procédures parce que les
accusations n'auront pas été assez bien
rédigées.
Un autre sujet dont je voulais vous parler, sans reprendre tout le
rapport écrit -car, j'en suis sûr, comme on l'a fait court cette
fois-ci, vous avez pu le lire rapidement - c'est le nolle prosequi. Je suis
conscient qu'il s'agit là d'un vieux pouvoir qui existe
déjà et qui n'est pas un nouveau pouvoir que l'on prête au
substitut du Procureur général. Cependant, nous tenons à
répéter ce que nous avons déjà dit. Puisque cela
couvre l'ensemble des lois pénales et puisque l'activité
gouvernementale est extrêmement vaste aujourd'hui, notamment en
matière d'activités qui peuvent avoir des conséquences sur
l'environnement et où il peut y avoir des groupes qui sont des personnes
autorisées par un juge à poursuivre, nous trouvons un peu odieux
que le Procureur général puisse arrêter, à sa simple
discrétion, les poursuites prises contre des représentants de
l'État. Sans doute aurait-il à répondre politiquement et
devrait-il en assumer les conséquences politiques. Mais nous croyons
encore que c'est un pouvoir dont le Procureur généra! devrait se
priver. S'il devait l'exercer, ce n'est que dans des circonstances tout
à fait exceptionnelles. Justement, si elles sont exceptionnelles, le
contrôle politique sera d'autant plus important, mais, si elles
deviennent courantes, à ce moment-là, elles n'attirent plus
l'attention des personnes. C'est pour cela que nous croyons que le pouvoir de
nolle prosequi devrait être... Nous croyons que l'idéal serait
que, de la même façon qu'à une certaine époque il
fallait demander la permission au gouvernement avant de le poursuivre, et le
gouvernement a accepté d'enlever cette permission, le Procureur
général devrait se priver, idéalement, de ce pouvoir
d'arrêter les poursuites, et, si les poursuites ne sont pas
fondées, les tribunaux en disposeront.
Si vous ne voulez pas vous rendre à cet idéal, je pense
qu'il faudrait réduire ce pouvoir et, notamment, penser à ces
groupes qui poursuivront Hydro-Québec, par exemple, ou la
société des mines - avant que vous ne la vendiez
complètement - ou une autre compagnie de la couronne qui exerce des
activités économiques et qui pourrait, selon certains groupes,
enfreindre des lois provinciales d'un autre ordre. Je pense qu'il serait
indécent que le Procureur général arrête ces
poursuites. Il serait préférable que les tribunaux en
disposent.
Nous vous avons aussi signalé d'autres critiques quant à
l'outrage au tribunal. Il y a deux aspects à l'outrage au tribunal dans
le Code de procédure pénale. Vous nous avez
fait valoir dans le passé que vous gardiez les pouvoirs
antérieurs des juges quant à l'outrage au tribunal, mais nous
vous signalons que, dans ce code-ci, non seulement vous les gardez, mais vous
en ajoutez. Il y a maintenant des juges de paix qui n'avaient pas le pouvoir de
condamner pour outrage au tribunal qui l'auront en vertu des définitions
données, en comparant les articles 65 et 14 du code. Nous trouvons cela
absolument anormal.
Je vous rappelle d'abord très sommairement la principale critique
qui est faite à la procédure sommaire d'outrage au tribunal.
C'est celle qui veut qu'un juge cite une personne pour outrage au tribunal
devant lui-même. C'est donc la même personne qui décidera du
bien-fondé de l'accusation qu'elle a portée. Nous croyons que, de
façon générale, la grande critique des juristes contre la
procédure sommaire en outrage au tribunal est celle-là: que la
même personne est à la fois juge et accusateur. Si ce pouvoir peut
être conservé pour les juges de cours supérieures, nous
croyons que le donner à de simples juges de paix, dont certains ne sont
même pas permanents, c'est vraiment pousser beaucoup trop loin.
En matière d'outrage au tribunal - ce sont les suggestions que
nous avons faites -peut-être devriez-vous garder des pouvoirs pour
réglementer l'audience, par exemple, pour que le juge de paix ait des
pouvoirs lorsque quelqu'un s'installe dans sa salle de cour et se met à
empêcher le bon fonctionnement des procédures par toutes sortes de
manifestations, qu'il ait des pouvoirs d'expulsion et des pouvoirs d'accuser la
personne. Mais nous croyons qu'une personne doit toujours être
jugée par une personne différente de celle qui l'a
accusée.
Vous devez certainement être conscients que, dans ce projet de
loi, vous donnez à certains juges qui ne les ont pas des pouvoirs de
citer quelqu'un pour outrage au tribunal et d'en décider. (11 h 45)
II y a des passages qui peuvent apparaître difficiles à
comprendre; peut-être pas difficiles à comprendre mais sur
lesquels les profanes ne nous suivront peut-être pas lorsqu'on parle du
formalisme nécessaire en droit pénal. Je voudrais, encore
là, vous dire que nous ne tenons pas à un formalisme absolu des
procédures. La souplesse est aussi un avantage et un objectif à
viser. Quand on parle de formalisme, c'est uniquement dans les accusations qui
sont portées; là, c'est important. Il nous semble qu'en
matière de droit pénal, justement si on doit garder un
système accusatoire...
Vous savez, dans le monde, il y a deux grands systèmes de justice
pénale: le système français et le système anglais.
Le système anglais est un système accusatoire où les
tribunaux sont saisis d'accusés et le système inquisitoire, le
système français, qui, d'ailleurs, couvre beaucoup plus la
planète... Vous pouvez être certains que les pays communistes ont
sauté dessus à pieds joints. Tous les pays latins et une bonne
partie de l'Europe ont un système inquisitoire où l'appareil
judiciaire est saisi, non pas d'un accusé, mais d'abord d'un crime. Un
juqe d'instruction cherche qui est coupable du crime et va l'inculper devant un
autre tribunal. Des garanties sont données aux accusés dans tout
le système inquisitoire. Il n'est pas aussi terrible qu'il en a l'air
lorsqu'on l'explique sommairement, comme cela. Cependant, nous avons choisi le
système accusatoire où le tribunal est toujours saisi, non
seulement d'une infraction, mais d'une personne qui est accusée d'avoir
commis cette infraction. Il est extrêmement important, à ce
moment-là, que la personne traduite devant le tribunal sache exactement
de quoi elle est accusée et puisse se préparer à se
défendre et ce, dès l'audition même de la preuve de la
poursuite. C'est pourquoi nous avons donné des exemples ou des
raisonnements dans notre rapport pour vous expliquer qu'avec les modifications
qui peuvent être apportées à une accusation originale nous
trouvons tout à fait inadmissible le fait qu'un accusé pourrait
se retrouver en plein milieu d'un procès à se défendre
d'une accusation sensiblement différente de celle qui a
été portée contre lui. C'est en ce sens que le formalisme
est important. Ce n'est pas dans le sens, si vous voulez, d'exiger des
écrits ou ce que l'on pourrait appeler des "avocasseries". Il est
important que la rédaction de l'accusation initiale lie la personne qui
poursuit, et qu'une personne ne se retrouve pas devant un tribunal pour se
défendre d'abord d'une infraction qu'elle croyait d'un certain type,
pour se retrouver, finalement, au milieu d'un procès, à se
défendre d'une accusation d'un type différent. Remarquez que je
suis conscient qu'il y a des dispositions qui prévoient, par exemple,
qu'il ne faut pas qu'ils se retrouvent accusés d'une autre infraction.
Nous trouvons quand même - et ce sont là les critiques que nous
avons faites, plus détaillées - qu'on va trop loin dans la
permission de corriger la dénonciation initiale. C'est peut-être,
justement, à cause de la formule du constat qui est écrite
dès le début par une personne qui n'a pas de formation juridique.
C'est probablement en pensant à... Cela revient à une des
premières critiques qu'on vous a faites. Il faut faire attention, je
pense que dans bien des cas il faudrait que le texte qui accuse - ici, c'est le
constat d'infraction -dans les cas compliqués, soit rédigé
par des avocats qui auront à plaider la cause par la suite.
Nous avons fait certaines critiques pour le ouï-dire. Je reconnais,
cependant, qu'il est
exceptionnel, qu'il ne sert qu'à prouver, dans le cas de
publicités ou de textes qui sont faits à l'avantage d'une partie,
mais nous trouvons encore que ce n'est pas justifiable. En principe, le
ouï-dire n'est pas admissible devant nos tribunaux et nous ne croyons pas
que cette exception soit justifiable non plus.
Enfin, nous trouvons absolument exagéré l'arrestation sur
simple signification et nous vous l'avons expliqué dans le rapport. Il
faut quand même réaliser que le Code de procédure
pénale doit s'appliquer à des infractions moins graves que le
Code criminel, les choses les plus graves étant prévues au Code
criminel. Lorsqu'on veut arrêter quelqu'un en matière criminelle,
ou bien c'est qu'on le prend en train de commettre l'infraction... Mais, si on
ne le prend pas en train de commettre l'infraction et qu'on l'accuse en lui
signifiant une accusation... Que doit-on faire quand c'est un vol à main
armée ou quoi que ce soit? On doit aller chercher un mandat. On pense
que si on doit faire cela pour un vol à main armée on devrait
faire la même chose pour des infractions pénales provinciales qui
n'impliquent pas un comportement criminel. C'est pourquoi l'arrestation sur
simple signification, pour les motifs que la personne... Si l'officier a de ces
motifs, il devrait, à notre avis, se rendre obtenir un mandat devant un
juge.
Enfin, sur la perquisition sans mandat. Comme cela a été
bien préparé par Me Christian Desrosiers, je vais le laisser
expliquer ainsi que les divers autres points qu'il voulait soulever.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, Me
Ménard. Me Desrosiers.
M. Desrosiers (Christian): Oui. Je voudrais simplement souligner
au départ qu'il y a déjà eu un rapport de soumis par le
Barreau, en avril 1986, sur un autre avant-projet de loi. Le nouvel
avant-projet de loi réflète de nombreuses modifications à
la suite de ce qui avait été souligné par ce rapport. Je
pense donc qu'on doit souligner que ce rapport est plus conforme à
l'esprit qu'on avait souhaité au Barreau au moment du premier
avant-projet de loi. Je voudrais simplement souligner, à propos du
mandat de perquisition, qu'il est possible maintenant, en vertu de l'article
123, de faire une perquisition sans mandat. Or, je pense que c'est clairement
inconstitutionnel. La Cour suprême en a décidé ainsi dans
l'arrêt de Southam récemment. Il faut faire la distinction entre
une saisie et une fouille. Même, la Cour suprême a dit clairement
que, pour une perquisition, il faut qu'il y ait une autorisation légale
avant qu'on puisse procéder à une perquisition. Dans les
circonstances, il m'apparaît que l'article 123 ne résistera pas
à la première contestation et sera déclaré
inconstitutionnel rapidement. Je ne pense pas que cela soit souhaitable non
plus que l'on puisse laisser à la discrétion d'un policier les
circonstances dans lesquelles il pourrait perquisitionner - je ne vous dis pas
saisir ou fouiller, c'est différent - sans mandat. Lorsqu'on parle de
situation d'urgence, les télémandats existent maintenant en vertu
du Code criminel. Il s'agit donc de donner au coup de fil au juge. On pourrait
peut-être adopter des dispositions semblables en matière
provinciale pour résoudre des problèmes d'urgence. Je pense donc
que cette disposition est inconstitutionnelle.
Également, au niveau des moyens de défense qu'on
reconnaît à l'accusé, il y a des choses qui m'apparaissent
un peu vexatoires. Par exemple, à l'article 17, lorsque l'accusé
veut assigner une personne en détention, on exige une autorisation
préalable du juge. Dans le cas d'un ministre ou d'un sous-ministre, cela
s'explique ou cela s'accepte peut-être qu'on doive obtenir une
autorisation préalable. En tout cas, il y a eu récemment une
cause assez publicisée là-dessus. Maintenant, qu'on exige que le
juge accorde l'autorisation que cette personne-là soit entendue, parce
qu'elle est détenue, cela nous apparaît vexatoire et excessif et
je ne pense pas que cela soit nécessaire que cette autorisation soit
obtenue du juge avant d'assigner une personne parce qu'elle est détenue.
Il faut démontrer que son témoignage est nécessaire
à la défense, il faut donc déjà convaincre le juge,
avant de faire une défense, qu'on a une défense à
faire.
À l'article 50, si la personne exige que le témoin se
présente à la cour plutôt que de procéder sur le
constat ou le document, on peut condamner le défendeur à payer
les frais si le juge considère que la preuve du document aurait
été suffisante. Cela m'apparaît aussi tout à fait
inutile et vexatoire à l'égard de l'avocat ou du défendeur
de lui faire payer le prix de l'audition d'un témoin. De toute
façon, il peut être condamné aux frais
généraux de la cause à la fin de la cause si le juge
considère cela nécessaire. Donc, d'imposer ce fardeau financier
supplémentaire m'apparaît inutile dans les circonstances.
C'était les commentaires que je voulais ajouter à ceux de Me
Ménard.
Le Président (M. Filion): Merci, Me Desrosiers.
M. Ménard: Cela pourrait être gardé
uniquement dans les cas où le juge est convaincu que ce n'était
que purement dilatoire. Je pense que c'est d'ailleurs à cela qu'on
pensait quand on l'a rédiqé. Mais, de façon
générale, je dois vous rappeler, encore là, que nous
estimons que c'est un bon
projet, qu'il est bien écrit, qu'il est loqique et qu'il est
nécessaire.
Le Président (M. Filion): Merci. M, le ministre.
M. Marx: Merci, M. le Président. Premièrement,
j'aimerais remercier le bâtonnier Me Ménard, et les avocats
Desrosiers et Gauvin pour être venus ce matin. C'est très
important, pour nous, que le Barreau présente son mémoire et
qu'il vienne nous expliciter son mémoire et qu'il discute ce projet de
loi avec nous.
J'aimerais aussi féliciter le Barreau pour avoir réuni une
équipe d'experts dans tous les domaines. On voit qu'il y a beaucoup
d'avocats du gouvernement qui sont dans l'équipe. C'est important pour
nous, la liberté d'expression. On veut que les avocats de la Couronne,
de l'aide juridique ou du ministère en général puissent
vraiment s'exprimer sur cet avant-projet de loi. Nous sommes très
heureux aussi que ce soit le bâtonnier lui-même qui soit venu
aujourd'hui présenter ce mémoire, étant donné son
expertise en matière criminelle et pénale. On pourra profiter
aujourd'hui de son expertise. Aussi, je sais qu'il a déjà
travaillé sur les brouillons de l'avant-projet. Il travaille dans ce
dossier depuis des années.
Finalement, je suis très heureux que le Barreau voie ce projet
d'un oeil positif. Nous sommes ici, bien sûr, pour entendre le Barreau,
pour entendre d'autres organismes et d'autres personnes afin de bonifier
l'avant-projet de loi. Nous avons déposé un avant-projet de loi
et nous avons l'intention de reprendre cet avant-projet de loi, de le corriger
et de le bonifier, avant de déposer le projet de loi probablement dans
deux ou trois mois.
J'aimerais juste donner un certain nombre de précisions en ce qui
concerne le constat d'infraction. Il sera rédigé par des
procureurs, par des avocats, sauf si c'est un constat d'infraction pour le
stationnement sauf si c'est une contravention que le policier donne à un
automobiliste. Si cela concerne la Loi sur la qualité de l'environnement
ou une autre loi comme la Loi sur les valeurs mobilières, c'est
sûr que le constat d'infraction sera rédigé par un avocat.
Quant à l'outrage, on va revoir cela. Mais on voit aussi qu'il faut lire
l'article 14 avec l'article 242, comme le bâtonnier l'a bien
suggéré: "Le juge qui instruit la poursuite a l'autorité
et les pouvoirs nécessaires afin de maintenir l'ordre dans la salle
d'audience, y compris le pouvoir de condamner pour outrage au tribunal."
C'était surtout pour maintenir l'ordre, comme vous l'avez
suggéré, mais on va revoir ces articles.
Quant au nolle prosequi, bien, si c'est moi qui excerce cette
discrétion, il n'y aura jamais de problème!
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Marx: J'ai toujours été contre le fait
d'accorder une trop grande discrétion au Procureur général
avant d'être nommé au poste. Il y a peut-être des dangers.
Vous avez donné l'exemple de la société des mines et des
infractions à l'environnement. Des infractions semblables existent dans
le Code criminel et le Procureur pourrait exercer son pouvoir d'arrêter
les procédures. Donc, le pouvoir existe déjà en vertu du
Code criminel pour certaines infractions où le gouvernement est
poursuivi ou une société d'État est poursuivie et cela
sera à peu près la même chose. Vous savez que c'est une
discrétion qui est rarement utilisée, très rarement. Cela
n'arrive que dans des cas exceptionnels.
J'aimerais poser un certain nombre de questions, avec votre permission,
M, le Président.
Le Président (M. Filion): On est ici pour cela. (12
heures)
M. Marx: Bon. Dans votre mémoire, à la page 4, vous
dites au 3e paragraphe: "À titre d'exemple, le constat d'infraction qui
remplacera l'avis préalable, la dénonciation, la sommation et
l'avis sommaire. Le constat se veut l'innovation la plus importante de ce
projet de Code de procédure pénale". D'accord? Et vous avez
écrit: "Le but recherché, c'est-à-dire la simplification,
apparaît fort louable. Toutefois, le constat d'infraction comporte, comme
grave inconvénient, l'élimination d'une étape essentielle
(la qualification de l'infraction)". On aimerait savoir ce que vous voulez dire
par "qualification de l'infraction".
Le Président (M. Filion): Me Desrosiers.
M. Marx: Peut-être que la personne qui a écrit cette
phrase n'est pas ici aujourd'hui?
M. Desrosiers: C'est Me Gauvin qui a écrit cela.
M. Gauvin (Christian): C'était à la suite de
certains commentaires de François Drolet.
M. Ménard: Je pense que, d'une façon, vous avez
répondu, M. le ministre, en nous disant que, dans les cas
compliqués, ce seraient les procureurs de la couronne. La remarque que
me faisait Me Desrosiers était: Pourquoi vous ne le dites pas? Je pense
que, au fond, vous laissez la discrétion de le faire à
l'organisation gouvernementale. C'est un Code de procédure pénale
qui est général. On s'organisera, c'est évident...
M. Marx: On n'a pas compris les deux
paragraphes dans le mémoire, mais on vous a compris quand vous
avez expliqué cela avant. S'il faut que la rédaction soit faite
par des procureurs, nous sommes d'accord.
M. Ménard: C'est cela. On avait peur que les profanes ne
sachent pas qualifier l'infraction comme il faut lorsqu'ils rédigeront
le constat d'infraction, sauf pour les choses les plus communes, parce que les
policiers le font quand même souvent et ils le font bien dans toutes
sortes de domaines, criminel et pénal.
M. Marx: Nous sommes d'accord sur ce point. Ce sera la
procédure administrative que l'on suivra. Ce ne sera pas n'importe qui
qui rédigera ces procédures.
Aussi, aux pages 5 et 6 de votre mémoire, vous vous interrogez
sur la possibilité d'utiliser le constat d'infraction à
l'égard de certaines lois où la preuve de l'infraction peut
être plus complexe. Par ailleurs, à la page 15, vous semblez
remettre en question le fait que le constat puisse être signifié
après que l'infraction a été commise. On n'a pas
vraiment...
M. Ménard: Je pense que, après les explications que
nous avons échangées ce matin, on s'entend là-dessus dans
la mesure où le constat d'infraction sera rédigé, dans le
cas de ces lois complexes, par les contentieux des ministères. Nous
croyons que cela sera bon pour toutes les parties, tant pour la partie de la
poursuite, qui ne sera pas liée par une mauvaise accusation, une
accusation mal portée dès le début, que pour la partie de
la défense, qui sera informée correctement de l'infraction qui
lui est reprochée. Par conséquent, c'est utile que, dans certains
cas, l'accusation ne soit pas portée immédiatement au moment
où elle est constatée. Par contre, lorsqu'il sera question de
signifier l'infraction, nous trouvons exagéré que l'on puisse
arrêter la personne au moment de la signification, sans avoir
recours...
M. Marx: En demandant un cautionnement, c'est cela? Concernant
les articles où...
M. Ménard: Oui, voilà.
M. Marx: ...on peut exiger un cautionnement, et si un
cautionnement n'est pas déposé, la personne pourrait être
arrêtée parce qu'on pense qu'elle fuira le Québec. C'est
cela?
M. Ménard: Nous croyons que cela devrait toujours
être déterminé par un juge, sauf dans le cas des
étrangers de passage au Québec qu'on arrête et auxquels on
signifie le constat d'infraction au moment où on constate l'infraction.
M. Marx: Oui.
M. Ménard: Mais, dans tous les cas où l'accusation
est faite après la perpétration de l'infraction, nous croyons
que, si un cautionnement doit être déterminé ou
exigé avant et que cela puisse conduire à une arrestation, il
faut passer par un juge. Il ne faut pas que ce soit laissé à la
discrétion de l'officier qui signifie le constat d'infraction.
M. Marx: Bon. L'autre chose, c'est que vous avez mentionné
dans votre mémoire les frais que le juge pourra imposer si quelqu'un
soulève un moyen préliminaire relatif à
l'inconstitutionnalité d'une loi. C'est le juge qui pourra
déterminer si des frais seront... Je n'ai pas l'article. C'est à
la page 17 de votre...
M. Ménard: C'est l'article 235.9°.
M. Marx: Oui, c'est cela, c'est à la page 17 de votre
mémoire.
M. Ménard: C'est aux pages 17 et 18.
M. Marx: Vous avez résumé cela ainsi: "En effet,
ces articles permettraient au juge de condamner le défendeur ou le
poursuivant à payer les frais fixés par règlement
lorsqu'il a rejeté... ou accueilli... une objection visée au
paragraphe 9° de l'article 235..." Je ne lirai pas le dernier paragraphe de
la page 18, mais...
M. Ménard: J'ai mis trois points d'interrogation, M. le
ministre.
M. Marx: Oui, d'accord. C'est pour éviter des abus de
procédure, ce que nous appelons en bon québécois du
"stâlage" devant les tribunaux. Les gens qui tergiversent et qui
multiplient des procédures non pas pour des questions de fonds, mais
dans le but de reporter le procès afin que le monsieur ne perde pas ses
trois points de démérite, etc.
M. Desrosiers: Oui. Est-ce que vous êtes prêts
à nous concéder l'inverse, à savoir si c'est le
gouvernement qui amène l'individu devant la Cour d'appel ou la Cour
suprême? Qu'on paie les frais de l'individu qui a qaqné sa cause
en première instance, ce serait plus équitable è ce
moment. Finalement, c'est le problème inverse qui est surtout incertain,
c'est-à-dire que l'individu qui conteste la constitutionnalité
d'un article, d'une loi ou d'un règlement, qui n'a pas les moyens
financiers du gouvernement et qui gagne sa cause, si le gouvernement
amène cette cause en appel et à la Cour suprême, il va
devoir assumer les frais d'avocat, etc.
M. Marx: Ici, c'était afin d'éviter les abus de
procédure. On va revoir cet article.
M. Desrosiers: D'accord. Cela nous apparaissait un peu vexatoire,
parce que l'individu plaide la constitution, qu'on lui impose possiblement des
frais qui sont d'ailleurs fixés par un règlement
gouvernemental.
M. Marx: S'il plaide cela au début, qu'il commence avec
cela et qu'à la dernière minute il soulève d'autres
points... On va revoir cette question, mais c'est sûr qu'on ne veut pas
empêcher qui que ce soit de plaider quelque droit qu'il pourrait avoir.
J'ai juste une dernière question. Je crois qu'une réforme
importante aussi, c'est sur le procès de novo. Un procès de novo
maintenant, ce ne sera pas un nouveau procès sur les faits, etc., mais
seulement un procès sur le droit. On prévoit dans l'avant-projet
de loi l'appel de novo d'un jugement rendu par la Cour des sessions de la paix
à la Cour supérieure. Vous savez que, lorsque le juge de la Cour
des sessions de la paix siège sur une cause de vol à main
armée, quand il y a appel il n'y a pas d'appel à la Cour
supérieure. En vertu de la Loi sur les poursuites sommaires et en vertu
de cet avant-projet de loi, ce serait possible d'appeler d'une décision
du juge de la Cour des sessions de la paix à la Cour supérieure
pour une infraction où l'amende était 25 $. Je me pose cette
question: Faut-il encore permettre ces appels de novo à la Cour
supérieure des jugements rendus par des juges de la Cour des sessions de
la paix? Peut-être faut-il les garder pour les juges des cours
municipales. Cela, c'est une autre affaire. Mais, pour les juges de la Cour des
sessions de la paix, je me pose la question.
M. Ménard: Oui, c'est un problème. Au fond, c'est
une très bonne question. C'est une question complexe, parce qu'il y a
toutes sortes de qualités de juges qui vont décider des
infractions. Vous avez des juges qui ont leur indépendance, qui sont
permanents, comme les juges de la Cour des sessions de la paix et de certaines
cours municipales. Par contre, vous avez des juges qui n'ont pas cette
permanence.
J'ai toujours compris que l'idée fondamentale - au fond,
là-dessus, on limite le Code criminel pour les infractions sommaires -
de permettre un appel de novo en matière sommaire en criminel, c'est que
c'était justement rendu par des juges de paix.
Dans 99 % des cas, tes gens sont contents de la décision du juge
de paix, qui, originairement, pouvait même ne pas être un avocat.
Maintenant, je pense qu'ils sont tous au moins avocats. Mais, encore là,
il y en a qui ne sont qu'avocats. Ils ne sont pas vraiment juges. Ils sont
juges un ou deux soirs par mois seulement.
Dans la mesure où les gens étaient contents,
c'était parfait. Mais, s'ils n'étaient pas contents, ils
pouvaient toujours aller devant le vrai juge qui passait et qui était le
juge de la Cour supérieure. Là, ils pouvaient recommencer. En
pratique, il y en avait combien qui recommençaient? C'était
minime. Mais, au moins, ce droit-là demeurait et cela évitait les
jugements de ce qu'on appelle dans notre patois les "kangaroo courts" qui
peuvent se construire dans certaines municipalités.
Quand vous nous parlez des juges de la Cour des sessions de la paix,
vous nous parlez de juges permanents...
M. Marx: Des juges.
M. Ménard: Oui, des juges complets, qui ont
l'indépendance et qui rendent des décisions. Bon, cela va. Il y
en a peut-être certains parmi le groupe, qu'on aime moins que d'autres.
Mais, enfin, cela, c'est la même chose à la Cour
supérieure. Alors, il ne faut pas... En principe, tous les juges
provinciaux sont aussi bons que tous les juges nommés par le
gouvernement fédéral. Partout...
M. Marx: Ma conclusion, c'est...
M. Ménard: Nous estimons que c'est très important
de garder le procès de novo pour les cours municipales, où il n'y
a pas de juges permanents.
M. Marx: Je suis d'accord.
M. Ménard: Même dans les cours municipales où
il y a des juges permanents, la majorité des gens
préféreraient que le procès de novo demeure, je vous le
garantis.
M. Desrosiers: Un procès de novo général,
c'est beaucoup moins coûteux pour le citoyen qu'un appel sur dossier.
M. Marx: Si je comprends bien ce que vous avez dit, vous voulez
qu'on garde le procès de novo en ce qui concerne les jugements des cours
municipales, comme la Cour municipale de Chicoutimi, celle de Loretteville ou
de Saint-Laurent et ainsi de suite. Mais, en ce qui concerne les procès
de novo, ce n'est pas essentiel de garder cette institution en ce qui concerne
des appels des juges de la Cour des sessions de la paix. C'est-à-dire
que là, on peut prévoir un appel directement à la Cour
d'appel sur des questions de droit.
M. Ménard: À ce moment-là, on
enlèverait des droits à la personne accusée de simple
infraction pénale par rapport à
celui qui est accusé d'un acte criminel, parce qu'une personne
accusée d'acte criminel a droit à un recours d'appel sur des
questions de fait aussi.
M. Marx: Mais on va laisser la même chose. On va avoir un
appel...
M. Ménard: Pas uniquement sur les questions de droit.
M. Marx: ...sur les questions de... D'accord, oui. Mais
c'est...
M. Ménard: Je vais vous dire franchement, c'est parce
qu'aussi, à la Cour des sessions de la paix, quand on y pratique
souvent, on s'aperçoit que c'est peut-être à cause de la...
À la Cour des sessions de la paix, c'est un problème particulier,
parce que le Québec est la seule province où les juges ont une
juridiction aussi vaste.
M. Marx: C'est cela, oui.
M. Ménard: C'est-à-dire qu'ils ont la juridiction
la plus basse. Un simple juge de paix, un juge de la Cour des sessions de la
paix peut émettre une sommation, signer un subpoena, comme il peut
maintenant rendre des décisions quant aux infractions les plus graves,
jusqu'en bas de meurtres: viols ou assauts sexuels. (12 h 15)
Mais, quand ils arrivent aux infractions sommaires, ils décident
pas mal plus vite. Ce n'est pas mauvais pour le simple citoyen d'avoir un appel
de novo, d'autant plus que... Je serais curieux. Je pense que personne n'a
jamais fait les statistiques, mais je suis convaincu que, si vous
établissiez les statistiques, vous vous apercevriez que les appels de
novo sont extrêmement rares par rapport au nombre de causes
entendues.
C'est une bonne sauvegarde d'avoir un deuxième regard, même
si je reconnais qu'au fond ce sont des juges équivalents qui entendent
cet appel...
M. Marx: D'égale compétence, est-ce exact?
M. Ménard: ...d'égale compétence qui
entendent cet appel, et d'avoir pour le citoyen et même pour le
gouvernement la possibilité, dans des cas exceptionnels, mais
qu'eux-mêmes choisissent - il ne faut pas que cela soit prévu dans
la loi - la possibilité d'un deuxième regard sur une cause. Ce
sont nécessairement des cours à volume qui traitent des
infractions pénales. Ce sont des juges qui entendent beaucoup de causes,
même si ce sont des juges permanents qui ont une juridiction
étendue. Parfois, c'est peut-être un peu vite par rapport à
l'importance que cela a pour le citoyen. Mais, dans l'immense majorité
des cas, si vous établissiez des statistiques, je suis convaincu que
vous arriveriez au résultat qu'au-delà de 99 % des citoyens comme
poursuivants sont satisfaits du jugement, même s'il leur est
défavorable. Ils l'acceptent.
M. Desrosiers: Si vous me permettez une précision
technique. À l'heure actuelle, de la façon dont est
rédigé le projet de loi, il existe deux paliers d'appel: d'abord
à la Cour supérieure et ensuite à la Cour d'appel. C'est
en fait la reproduction du droit d'appel dans les convictions sommaires en
droit criminel.
La question que vous posiez... Vous avez rendu, par le projet de loi,
l'appel de novo exceptionnel, c'est-à-dire qu'il faut démontrer
au juge qu'il est nécessaire, compte tenu de l'état du dossier ou
de l'intérêt de la justice. Peut-être que, dans le cas des
jugements devant ta Cour des sessions de la paix, par exemple, c'est un projet
avec lequel on peut assez bien vivre. Mais on pourrait ajouter un paragraphe
disant que, lorsqu'il s'agit d'un jugement émanant d'une cour municipale
ou d'un juge de paix, le procès de novo sera la règle
plutôt que l'exception, contrairement à ce qui est dans le projet
de loi. Je pense que cela répondrait peut-être aux
problèmes qui peuvent se poser lorsque des juges municipaux n'ont pas la
même formation ou les mêmes compétences pour entendre ces
causes.
Le Président (M. Filion): Merci, Me Desrosiers. M. le
ministre.
M. Marx: Quand j'ai utilisé l'expression "de novo", cela
ne signifiait pas qu'on recommençait le procès. J'ai
utilisé l'expression "de novo", mais c'est un appel sur dossier.
M. Desrosiers: À l'heure actuelle, l'appel de novo est la
règle.
M. Marx: Mais cela, c'est fini.
M. Desrosiers: Cela, c'est fini. Ce que vous avez fait,
finalement, c'est ajuster le Code de procédure pénale au Code
criminel. C'est quand même beaucoup plus coûteux, contrairement
à ce que l'on peut penser, de faire un appel sur dossier, car il faut
faire transcrire les notes sténographiques, il faut les payer et il faut
éventuellement faire un dossier conjoint et, possiblement, des
mémoires. Donc, pour le citoyen, c'est plus coûteux.
On pourrait peut-être prévoir que l'appel de novo ne soit
pas trop exceptionnel lorsqu'il s'agit d'un juqement d'une cour municipale.
C'est un amendement qu'on pourrait envisager. Mais je pense qu'il est
bien de garder les deux paliers d'appel.
M. Marx: D'accord. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Est-ce qu'il y a d'autres
questions de la part des membres du groupe ministériel?
À mon tour, messieurs du Barreau, Me Ménard, Me Desrosiers
et Me Gauvin, de vous remercier. Votre mémoire m'a frappé par le
souci de protection des droits fondamentaux. Le formalisme de la
procédure, j'ai eu l'occasion de le dire dans ma déclaration
d'ouverture, reflète, dans bien des cas, la tradition du droit qui vise
à bien mettre en valeur les principes fondamentaux de notre droit ainsi
que les droits fondamentaux reconnus par la jurisprudence, par nos lois et par
nos chartes.
Évidemment, le projet de loi doit faire ce délicat
équilibre entre, d'une part, les exigences naturelles de ce formalisme
de la procédure et, d'autre part, la nécessité d'avoir une
administration de la justice pénale, dans ce cas-ci, qui soit souple,
simple, efficace et le plus possible comprise par le citoyen et près du
citoyen.
Ma première question - et je remarque que vous n'en avez pas
traité verbalement; est-ce à propos? - concerne les renversements
de fardeau de preuve. Je me demande si ce que vous avez mentionné
particulièrement aux pages 11 et 12 de votre mémoire, si cette
réflexion additionnelle vous a fait changer d'idée ou si vous
considérez toujours que les renversements de fardeau de preuve que l'on
retrouve à l'intérieur de l'avant-projet de loi constituent,
comme vous le disiez à la page 12 de votre mémoire, "un raccourci
de preuve qui ne vise qu'une plus grande rapidité de procédures"
mais auxquels il faut faire attention. En particulier, vous signalez les
articles 51 et 55 du texte de loi proposé. Ma première question
porte donc sur ces renversements de fardeau de preuve et j'aimerais beaucoup
vous entendre à l'égard de la facture actuelle du projet de
loi.
M. Ménard: On l'a dit très rapidement: On ne voit
pas ce qui justifie cette exception aux règles de preuve habituelles.
"Est-ce qu'il y aurait vraiment un si gros problème à prouver une
réclame publicitaire ou à prouver un écrit?
Deuxièmement, des expressions dans une loi comme "suivant toute
apparence" nous apparaissent, dans les lois pénales,
particulièrement dangereuses. Est-ce qu'on va commencer... Je comprends
qu'on ait mis "toute apparence", et "suivant toute apparence", en
français, cela semble vouloir dire "certainement" plutôt que de
parler d'apparence; mais cela peut être interprété de
façon très large et il me semble... Quel est le problème
que l'on veut résoudre pour qu'à un moment donné on ne
soit pas ohliqé de prouver, si un écrit donne lieu à la
perpétration d'une infraction, que ce soit bien l'accusé, qu'on
présente une preuve que ce soit l'accusé qui a fait cet
écrit?
M. Desrosiers: Quant aux réclames publicitaires,
peut-être est-ce moins problématique parce que j'imagine...
Le Président (M. Filion): C'est surtout l'écrit,
dans ce cas-ci.
M. Desrosiers: C'est cela. Quand Pascal fait une annonce, je
pense qu'il n'est peut-être pas complètement déraisonnable
de présumer que c'est la compagnie qui a fait publier l'annonce, mais,
dans le cas d'un écrit, effectivement, c'est inacceptable, quant
à nous.
Le Président (M. Filion): Je voudrais revenir avec vous
sur le constat d'infraction. J'avais été sensible à votre
mémoire, au passage, je ne me souviens pas à quelle page
exactement, où vous disiez - en faisant référence aux lois
les plus importantes de notre droit pénal, probablement les valeurs
mobilières, la faune dans certains cas, l'impôt également
qui a été soulevé, l'environnement, et on peut penser
è bien d'autres lois de nature pénale - vous disiez que ces lois
exigent, lors de la préparation du constat d'infraction, une analyse, un
jugement, une discrétion, dans certains cas, et une appréciation.
Il faut se souvenir que, dans bien des cas, le droit pénal conduit
encore à la privation de la liberté qui est, je n'ai pas besoin
de le dire, un droit fondamental. En ce sens, je pense, Me Ménard, que
vous avez bien expliqué tantôt l'importance de qualifier,
c'est-à-dire que l'accusation, l'infraction contienne ces
éléments essentiels. Dans mon cas, je suis extrêmement
sensible au fait qu'un constat d'infraction, pour les lois que j'ai
mentionnées tantôt et d'autres lois statutaires importantes - on
peut penser aux lois spéciales adoptées par le Parlement à
l'occasion, notamment, des conflits de travail - toutes ces lois peuvent amener
les qens à être privés de la liberté et, donc, cela
demande une analyse, une appréciation importante.
Je remarque qu'en échangeant des propos avec le ministre
tantôt vous avez été satisfaits, si l'on veut, du fait
qu'administrativernent parlant ces constats d'infraction étaient pour
être rédigés par des avocats. Je dois vous dire que, dans
mon cas, il subsiste encore des doutes dans mon esprit, non pas quant à
ce que nous dit le ministre, loin de là, mais quant à cette
façon de procéder qu'est le constat d'infraction, dans le cas de
lois qui - ce n'est quand même pas facile de qualifier
cela - sont plus sérieuses sur le pian pénal. Cet argument
que vous aviez avancé dans votre mémoire, je le faisais mien,
avec d'autres, en ce qui concerne le constat d'infraction. Alors, vous
apparaît-il, étant donné qu'on demande à une
personne qui a une formation juridique de rédiger ce constat
d'infraction, que les préoccupations que vous émettiez dans votre
mémoire sont également satisfaites?
M. Ménard: II y en a une qui n'est pas satisfaite et je me
demande si ce n'est pas la même que vous. J'ai bien dit - et je tiens
à le clarifier si ce n'était pas assez clair -qu'il y a une
disposition qui nous apparaît inacceptable, c'est qu'on puisse ajouter ou
changer des éléments essentiels d'une infraction dans un constat
d'infraction. J'essaie d'expliquer des choses qui sont peut-être
évidentes pour des gens familiers avec le droit pénal, comme
quand on dit parfaire le néant, parce qu'on utilise des termes qui ont
déjà été utilisés dans la jurisprudence et
que les gens familiers avec cela connaissent. S'il y a un constat d'infraction,
qu'il manque un élément essentiel qui fait qu'il n'y a pas
d'infraction, on trouverait cela inadmissible que quelqu'un commence a subir un
procès sur un texte qui ne lui reproche pas d'infraction et qu'il soit
ensuite modifié au milieu du procès, quand on vient de s'en
apercevoir. Deuxièmement, on trouverait aussi inadmissible que les
éléments essentiels soient changés en cours de
procès. Je pense que c'est probablement là-dessus qu'on se
rejoint. On est satisfait que les constats d'infraction soient
rédigés, dans les cas complexes, par les contentieux des
différents organismes qui vont poursuivre, pour qu'ils soient complets.
Mais il y a une disposition avec laquelle on est totalement en
désaccord, c'est qu'un juge puisse ajouter un élément
essentiel qui manque dans une infraction.
Le Président (M. Filion): Je pense que, dans ce
sens-là, on peut se rejoindre. À ce moment-là, dans la
mesure où, par exemple, le constat d'infraction doit contenir les
éléments essentiels de l'infraction reprochée et ne peut
être changé en cours de route, il m'apparaît
également tout à fait regrettable, si l'on veut, de
présenter une accusation qui sera un Jell-O pour l'accusé. C'est
tout à fait contraire à toute notre tradition, j'allais dire,
presque démocratique. Alors, à ce moment-là, si le constat
d'infraction ne contient pas d'élément essentiel je pense qu'on
se rejoint parce que c'est l'accusation qui va tomber. Le défaut d'agir
de façon adéquate au moment de la préparation du constat
d'infraction sera sanctionné par le rejet de la plainte contre le
citoyen. Dans ce sens-là, je pense qu'on peut se rejoindre.
On est toujours sur le sujet du constat d'infraction et, à cette
commission-ci, surtout sur un projet de loi non partisan comme celui qui nous
occupe, je vais demander au ministre d'intervenir dans nos débats. Il
pourrait ajouter quelque chose.
M. Marx: Premièrement, je voudrais juste ajouter que tous
mes projets sont non partisans. C'est pourquoi on fonctionne assez bien. Juste
sur le constat d'infraction. Le constat d'infraction peut varier d'une loi
à l'autre, c'est-à-dire un constat d'infraction pour un
stationnement illégal, cela peut être comme le constat
d'infraction qu'on a eu. Mais, pour d'autres lois, comme l'a soulevé le
député de Taillon, des lois plus compliquées, la Loi sur
l'environnement ou celle sur les valeurs mobilières, le constat
d'infraction, pourrait, être, un, formulaire dé 8 1/2" X 14" comme
notre dénonciation et notre sommation d'aujourd'hui. C'est-à-dire
qu'on va l'appeler constat d'infraction, mais cela sera un autre document, pas
le même billet. D'accord? Le billet d'infraction, bien sûr, ce sera
le policier qui va mettre des crochets, le montant et tout cela. Mais, pour un
constat d'infraction en ce qui concerne la Loi sur les valeurs
mobilières, ce sera tout un document qui sera, bien sûr,
rédigé par un avocat. Est-ce que cela clarifie un peu ce que
vous... Oui?
Le Président (M. Filion): Oui, pour moi c'est
déjà clair. En ce qui concerne l'outrage au tribunal, j'ai
déjà eu l'occasion tantôt de faire part au ministre de ma
préoccupation là-dessus. Évidemment, je fais miennes vos
préoccupations. En ce qui concerne la procédure de
rétractation de jugement, est-ce qu'on partage le même avis selon
lequel elle est extrêmement intéressante?
M. Ménard: Oui, elle est... (12 h 30)
Le Président (M. Fîlion): Par sa souplesse et aussi
par le fait qu'elle sera facilement accessible et probablement peu
dispendieuse. Et Dieu sait que vous avez probablement eu, comme praticiens,
dans vos bureaux de ces individus qui ont dû se soumettre à un
appel alors que toutes parties en cause étaient d'accord pour qu'une
simple rétractation puisse avoir lieu. Est-ce qu'on partage un peu la
même vision là-dessus?
M. Ménard: La rétractation de jugement était
essentielle dans les premiers projets de loi. Mais, depuis que vous avez
ajouté l'article 210, qui prévoit que "le défendeur qui ne
transmet ni un plaidoyer, ni le montant réclamé est
réputé avoir transmis un plaidoyer de non-culpabilité",
elle demeure utile. Ce qui nous faisait peur avant... Dans les premiers projets
de loi qu'on a vus, c'était le principe contraire. Celui qui ne
transmettait pas un plaidoyer de
non-culpabilité était réputé avoir
plaidé coupable. La plupart du temps, c'est son intention. C'est vrai.
On disait: En contrepartie, il faut quand même lui permettre une
rétractation facile. Maintenant, vous avez changé le principe.
À l'article 210, le principe, c'est que celui qui ne plaide pas est
présumé avoir plaidé non coupable.
Le Président (M. Filion): Sur le pouvoir d'arrestation.
Vous ne l'avez souligné, ni dans votre mémoire, ni dans votre
document de travail précédent, sauf erreur, mais il y a toute la
procédure d'identification en cas d'arrestation. On sait qu'une personne
qui est arrêtée à cause d'un acte criminel n'est pas tenue
de s'identifier. Par contre, dans le projet de loi, on retrouve, dans certains
cas, le devoir d'identification lors d'arrestation. Je ne sais pas si...
M. Ménard: ... Malheureusement, en droit criminel, on a
l'obligation de s'identifier, contrairement...
Le Président (M. Filion): D'accord, dans ce cas-ci...
M. Desrosiers: II faut être accusé d'abord.
Le Président (M. Filion): Exactement, il faut être
accusé.
M. Ménard: II faut être arrêté. M.
Desrosiers: II faut être arrêté.
M. Ménard: Je ne me souviens plus du nom de la cause, mais
cela rejoint, cela reconnaît bien la décision de la Cour
suprême dans Moore. Il s'agissait d'un cycliste au parc Stanley en
Colombie britannique qui avait commis une infraction. Il avait
été arrêté par un policier et avait dit: Je ne suis
pas obligé de m'identifier, je ne m'identifie pas. Le policier dit: Vous
avez commis une infraction, je veux vous poursuivre, je veux savoir qui vous
êtes. Le cycliste a continué à refuser de s'identifier. Il
a finalement été accusé et trouvé coupable
d'entrave à la justice. Cela a surpris tout le monde, mais, finalement,
è bien y penser, je pense que tout le monde reconnaît que c'est du
bon droit. Quand on constate la perpétration d'une infraction, il est
normal qu'on puisse obliger la personne à s'identifier pour cette
raison.
Le Président (M. Filion): Je pense que votre exemple est
intéressant parce que, dans sa facture actuelle, le code de
procédure ferait en sorte que, si un individu traverse une rue ailleurs
qu'à l'intersection et si un policier ou un agent de la paix
l'aperçoit, la personne sera alors tenue de s'identifier. Je ne sais pas
si le Barreau est sensible à la portée de cette disposition.
M. Ménard: Oui, mais nous trouvons que c'est une limite
acceptable aux droits fondamentaux d'une société
démocratique que la personne soit obligée de s'identifier. Nous
estimons, en principe, qu'une personne n'est pas obligée de
s'identifier, sauf si on la trouve en train de commettre une infraction. Je
trouve que beaucoup de garanties sont apportées pour que l'arrestation
ne soit utilisée que vraiment dans le cas où c'est strictement
nécessaire pour permettre l'identification. Par exemple, les articles
suivants prévoient que, dès que la personne s'identifie, le
policier doit la libérer. Nous avons trouvé que ces dispositions
empêcheraient, justement, l'arrestation qui ne serait faite que par
prétexte. Je crois que ce dont vous avez peur probablement, c'est de
situations qui arrivent dans des pays - et on ne veut pas que cela arrive chez
nous -qui sont sous des régimes politiques que l'on condamne comme en
Afrique du Sud. Vous trouveriez effectivement scandaleux que l'on trouve le
moyen de harceler les gens parce qu'ils commettent telle infraction mineure et
qu'on les oblige, par conséquent, à rendre compte de leurs
déplacements et ainsi de suite.
Par contre, vous reconnaissez comme tout le monde que la situation qui
est celle de quelqu'un qui commet une infraction, qui se fait attraper et qui
rit parce que vous ne pouvez pas l'identifier est inacceptable. Je trouve que
le Code de procédure pénale, avec toutes les garanties qu'il a
données ici, a établi un bon équilibre entre les deux
droits, soit d'empêcher le harcèlement policier inutile, tout en
permettant, quand même, que l'on puisse poursuivre ceux qui commettent
des infractions. Dès que la personne s'identifie, on est obligé
de la libérer. J'ai trouvé que cela a bien réalisé
l'équilibre entre les libertés fondamentales et le droit de
l'État de faire respecter les lois qui ont été
votées démocratiquement.
Le Président (M. Filion): Je retiens votre avis. Mais il
faut, quand même, être conscient du fait que si, par exemple, un
piéton fait quelques pas dans la rue, c'est contraire - et vous le savez
- aux dispositions du Code de la sécurité routière.
Maintenant, comme vous le soulignez avec raison, il demeure qu'après
identification le processus...
M. Ménard: En plus, c'est bien écrit, c'est bien
précisé que le policier doit informer la personne des motifs pour
lesquels il lui demande de s'identifier, de l'infraction qu'il l'accuse d'avoir
commise et ainsi de suite. Je comprends parfaitement - on ne le
dit pas, mais on le pense tous - qu'il est impossible aujourd'hui de
vivre sans commettre, à un moment donné, une infraction
pénale, tout en étant le plus honnête des citoyens.
L'exemple que vous donnez est parfaitement vrai. Je voudrais bien savoir quel
ministre n'a pas traversé la rue ailleurs qu'à l'endroit
réservé aux piétons ou même, par inadvertance, on va
commettre des infractions. Il ne faut pas donner un prétexte au
harcèlement policier dès qu'une infraction mineure est commise.
En général, c'est bien fait.
Le Président (M. Filion): D'ailleurs, à titre
d'illustration, je soulignais un peu plus tôt qu'uniquement sur le
territoire de la ville de Montréal, il y a 1 328 000 billets decontravention qui ont été émis l'an dernier. Cela
démontre bien, comme je le disais tantôt, qu'il n'y a pas un
adulte qui n'est pas aux prises, un jour dans sa vie, avec le droit
pénal.
Je ne voudrais pas me tromper mais je crois que, dans le projet de loi,
il y a la possibilité pour un huissier de procéder à
l'exécution d'un mandat d'amener. Je n'ai pas retracé dans votre
mémoire ou vos propos de réaction à cette disposition. Je
ne pense pas me tromper quant à cette espèce de pouvoir
d'arrestation qu'on donne aux huissiers. D'abord, est-ce que vous avez
interprété de la même façon que moi cette
disposition? Deuxièmement, est-ce que je dois comprendre, par votre
silence, que vous n'y voyez pas d'inconvénients majeurs ou si, au
contraire...
M. Marx: 29.
Le Président (M. Filion): C'est l'article 29 du projet de
loi. Ce sont les articles 24 et 29. Vous n'en traitez pas dans votre
mémoire. Est-ce que ce serait possible d'avoir votre
réaction?
M. Desrosiers: Dans le Code criminel, l'huissier est un agent de
la paix. Déjà, c'est reconnu. Donc, c'est peut-être aussi
de reconnaître ce qui existe déjà en droit criminel. Quel
est le problème que vous voyez?
Le Président (M. Filion): L'huissier, en droit criminel,
peut procéder à une arrestation?
M. Desrosiers: Oui, c'est un agent de la paix au sens de la loi,
si je ne me trompe pas.
M. Ménard: Aussi, il y a le fait que nous sommes d'accord
avec vous que toute arrestation doit être dirigée rapidement dans
les mains d'un corps de police, mais c'est aussi ce qui est prévu pour
l'huissier. Il doit le remettre à la garde d'un agent de la paix
dès que possible. Mais je suis d'accord avec vous qu'il est de beaucoup
préférable que les arrestations soient faites par des
policiers.
Le Président (M. Filion): Parce qu'on sait - je pense que
vous êtes sensible à cela - que la procédure d'arrestation,
en soi, est une procédure sur le plan humain, sur le plan concret, sur
le plan pratique, qui implique souvent des traumatismes, des troubles et des
possibilités de...
M. Ménard: De résistance?
Le Président (M. Filion): Oui, de résistance, c'est
normal, et de troubles majeurs. En ce sens, je ne savais pas, je dois vous
dire, qu'en droit criminel...
M. Desrosiers: L'article 2.c), la définition d'agent de la
paix: "un officier de police, un agent de police, huissier..."
Le Président (M. Filion): Oui, mais je me demande si le
sens du mot "huissier" est le même.
M. Desrosiers: Oui. En fait, à Montréal, en tout
cas, habituellement, dans les affaires d'infraction au stationnement, ce sont
les huissiers qui procèdent à l'arrestation. D'une façon
très générale, à Montréal, ils les
amènent à Bordeaux, etc.
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Desrosiers: D'ailleurs, c'est moins grave lorsque c'est un
huissier.
Le Président (M. Filion): D'accord. M. Marx: Juste
un point là.
Le Président (M. Filion): Oui.
M. Marx: Les articles 24 et 29, c'est pour l'assignation des
témoins; ce n'est pas pour l'accusé.
Le Président (M. Filion): Le mandat d'amener, c'est cela
que je disais.
M. Marx: Des témoins.
Le Président (M. Filion): Le mandat d'amener des
témoins, oui.
M. Marx: Oui, non pas des accusés. Ce n'est pas l'huissier
qui va arrêter et amener l'accusé. C'est pour les
témoins.
Le Président (M. Filion): C'est une arrestation de
témoins, un mandat d'amener des témoins.
M. Marx: S'ils ne se présentent pas. On va poser la
question aux huissiers demain pour savoir s'ils sont d'accord.
Le Président (M. Filion): On a déjà lu leur
mémoire, n'est-ce pas?
M. Desrosiers: Cela va coûter moins cher aussi d'utiliser
un huissier qu'un policier.
M. Ménard: J'imagine que, dans ces cas, c'est parce qu'on
prévoit que ce sont des arrestations à l'amiable. (12 h 45)
Le Président (M. Filion): Je ne suis pas sûr que...
Juste une couple de derniers points. Vous avez mentionné le
ouï-dire. Effectivement, je pense qu'au fil des années s'est
développé un régime d'exception au ouï-dire bien
connu en droit criminel. Même en droit civil, le ouï-dire ason régime d'exception, c'est-à-dire son régime bien
particulier. Dans ce cas, j'ai déjà eu également
l'occasion de mentionner dans ma déclaration d'ouverture que je suis
extrêmement sensible à cette introduction du ouT-dire. Le
ouï-dire, il faut bien se rendre compte de son contenu. J'ai entendu dire
que... Cela veut dire que la personne qui dit: J'ai entendu dire que... peut
être d'excessive bonne foi et, évidemment, ne peut pas faire
l'objet d'un contre-interrogatoire très long sur le contenu du
ouï-dire. En ce sens, j'ai été également sensible,
comme vous, à cela.
Maintenant, sur le nolle prosequi, j'ai un peu de difficulté
à saisir votre argumentation sur cela - c'est le dernier point que je
voulais soulever - puisqu'on donne au Procureur général, en vertu
du droit criminel, la possibilité d'exercer sa discrétion. On
sait dans l'histoire avec quelle délicatesse cette discrétion a
été exercée. Donc, puisque cela est donné au
Procureur général en droit criminel, j'aimerais peut-être
comprendre en quoi le Procureur général ne devrait pas utiliser
ou détenir ce pouvoir d'arrêter les procédures. J'ai
écouté vos explications tantôt et j'ai eu également
l'occasion de consulter certains Procureurs généraux, dont celui
qui est en poste et d'autres qui l'ont déjà été.
C'est un pouvoir extrêmement délicat, mais qui a été
utilisé, je pense, de la bonne façon au Québec. J'aimerais
vraiment aller un peu plus loin avec vous sur cela et saisir le pourquoi de
votre position.
M. Ménard: D'abord, parce qu'il y a des situations dans
lesquelles il va être au moins en apparence de conflit
d'intérêts. Dans les situations où les entreprises
gouvernementales sont poursuivies par un groupe de citoyens pour la commission
d'une infraction, on estime que le Procureur général va
être en situation de conflit d'intérêts ou, à tout le
moins, d'apparence de conflit d'intérêts. D'une part, il est
membre d'un cabinet qui a autorité sur l'entreprise gouvernementale en
question. Je sais que, traditionnellement, le Procureur général a
voulu garder une position, je dirais, particulière et au-dessus des
intérêts politiques d'un cabinet, ou même des
intérêts matériels de l'État, dans un dossier ou
l'autre. C'est surtout pour cela...
Maintenant, quand vous dites qu'elle a toujours été
utilisée de façon mesurée, c'est parce que vous
n'êtes pas au courant, justement, des circonstances dans lesquelles elle
ne l'est pas. Je reconnais que ce n'est pas dans le Code de procédure
pénale; on n'a pas étendu la définition de Procureur
général à son substitut. Mais, dans le Code criminel, elle
s'étend à son substitut; des nolle prosequi ont été
signés par des substituts, car la couronne n'était pas
prête à procéder tel ou tel matin parce qu'il lui manquait
un témoin ou même elle n'avait pas assigné ses
témoins parce qu'elle ne voulait pas procéder. Quand ces choses
se multiplient -tout le monde les oublie, car elles ne font pas les manchettes
- je ne dirais pas que cela a été utilisé de façon
aussi exceptionnelle que vous le croyez. Nous constatons dans notre pratique
que c'est utilisé trop souvent.
Je ne pratique pas le droit, je pratique le métier de
bâtonnier depuis un an et je ne sais pas si cela a changé de ce
côté-là. Me Desrosiers pourrait en témoigner mieux
que moi. Nous craignons la situation de conflit d'intérêts
où serait le Procureur général, membre d'un cabinet ayant
autorité sur une entreprise gouvernementale qui serait poursuivie pour
une infraction à une loi provinciale par un qroupe de citoyens, si le
Procureur général a le pouvoir d'arrêter la poursuite.
Le Président (M. Filion): Le Procureur
général est celui qui étant en situation de conflit
d'intérêts...
M. Ménard: ...a le pouvoir d'intervenir.
Le Président (M. Filion): ...membre d'un conseil des
ministres, etc. - un papier intéressant a été commis pour
la commission MacDonald à ce sujet par Me Edwards -autorise les plaintes
dans plusieurs cas.
M. Ménard: Justement, s'il y a des personnes
intéressées, on leur permet de porter les plaintes avec
l'autorisation d'un juge. Si un groupe de personnes s'est fait déclarer
intéressé par un juge à porter une plainte - n'oubliez
pas, à part cela, que, pour se faire déclarer
intéressé, si je me souviens bien des détails, il faut non
seulement qu'elles démontrent leur intérêt, mais elles
doivent démontrer que l'infraction a vraisemblablement été
commise - si c'était
arrêté par le Procureur général, cela semble
une intrusion intéressée du Procureur général dans
le processus judiciaire; il semblerait intéressé non pas
personnellement, évidemment, mais en tant que responsable des
entreprises gouvernementales qui seraient poursuivies.
Le Président (M. Filion): Une dernière
question...
M. Ménard: Pis encore si c'étaient des
intérêts privés qui étaient poursuivis.
Le Président (M. Filion): ...en ce qui concerne le
délai pour la personne inculpée, dans le projet original, dans le
document de travail, c'était 20 jours. C'est maintenant 30 jours. Vous
nous suggérez dans votre mémoire que ce délai soit
étendu à 90 jours; cela fait trois mois. Avez-vous eu la chance
d'en discuter plus amplement depuis la rédaction du mémoire?
M. Ménard: Certainement. Ce à quoi on pense, c'est
à la situation où vous recevez un constat d'infraction qui
arrive, le 30 juin dans votre boîte aux lettres alors que vous êtes
parti en vacances pour le mois de juillet - ce n'est pas inhabituel que les
gens partent en vacances durant un mois - et il faut que vous réagissiez
dans les 30 jours. Un des avantages du code, c'est de simplifier les
procédures pour qu'il y ait moins de frais etc. et nous sommes
parfaitement d'accord avec cela.
Nous croyons qu'il faut donner au citoyen le temps de réagir, de
recevoir le constat d'infraction, de prendre rendez-vous pour consulter son
avocat. Puisqu'un des effets du Code de procédure pénale sera
d'accélérer les délais et de simplifier la
procédure, on a pensé qu'on pourrait quand même donner au
citoyen un certain délai pour réagir. Ce à quoi, on
pensait, c'est aux vacances d'été.
Le Président (M. Filion): II faut quelque temps de
réaction du citoyen...
M. Ménard: En plus.
Le Président (M. Filion): ...qui, dans certains cas, doit
chercher à retenir les services d'un avocat ou, tout au moins, à
en consulter un pour avoir un avis juridique etc. Effectivement, 30 jours,
surtout durant la période de vacances et à cause des
modalités de signification, peuvent être très courts.
De mon côté, le temps est à peu près
écoulé. Il nous reste une dizaine de minutes. M. le ministre.
M. Marx: J'aurais peut-être deux observations.
Premièrement, en ce qui concerne les 30 jours, à la ville de
Montréal, pour les billets de stationnement ou pour d'autres infractions
aux règlements municipaux sur la circulation, le délai est de dix
jours, si on ne paie pas.
M. Ménard: Je puis vous dire à ce sujet, M. le
ministre, en toute honnêteté, que c'est moi qui avais
insisté là-dessus au début, car j'avais encore à
l'esprit que l'article 210 n'était pas rédigé comme il
l'était.
M. Marx: Ah! D'accord.
M. Ménard: Là, si on ne réagit pas, on est
présumé avoir plaidé non coupable.
M. Marx: D'accord, car une sommation...
M. Ménard: Dans le cas où il était
présumé avoir plaidé coupable, je trouvais cela
inadmissible. Il fallait donner à la personne le temps de réagir.
Si elle ne réagissait pas, elle était présumée
avoir plaidé coupable et elle était obligée de passer par
la rétractation et, pour la rétractation, il fallait non
seulement expliquer le délai, mais il fallait donner sa défense
à l'avance.
M. Marx: M. le Président, on a suivi le conseil du
bâtonnier, même avant la commission. Je suis tout à fait
d'accord avec vous, on ne peut pas présumer que quelqu'un a
plaidé coupable.
Passons à l'autre question qui a été
soulevée par le Barreau sur l'élément essentiel,
l'ingrédient essentiel à l'article 229. Je vais juste lire le
premier paragraphe: "À la demande du poursuivant, le juge doit, aux
conditions qu'il détermine, lui permettre de modifier un chef
d'accusation pour y préciser un détail ou pour y corriger une
irrégularité, notamment pour y inclure expressément un
élément essentiel de l'infraction."
On me dit que les mots clés ici sont "expressément un
élément essentiel" parce que cela veut dire que c'est
déjà implicite. On a voulu donner suite à la jurisprudence
de la Cour suprême du Canada et c'est pourquoi on a mis le mot
"expressément". C'est déjà implicite dans le chef
d'accusation. On me dit que c'est l'arrêt Côté, mais on n'a
pas l'arrêt avec nous, aujourd'hui. On va examiner cette question
à nouveau, mais c'est le mot "expressément" qui est le mot
clé.
M. Ménard: J'espère que c'est comme cela que cela
va être interprété.
Une voix: II faudrait peut-être que cela soit plus
clair.
Le Président (M. Filion): Comme vous l'avez vu, Me
Ménard, c'est un avant-projet de loi. Donc, il y aura un projet de loi
subséquemment.
M. Ménard: II y a d'autres dispositions que l'article 229,
je crois, à moins que...
M. Marx: Cela m'a frappé, aujourd'hui, aussi quand vous
avez soulevé ce point parce que, si les éléments
essentiels ne sont pas là, cela peut causer une injustice.
M. Ménard: J'ai réalisé ceci en relisant le
projet de loi et après avoir lu le mémoire, au deuxième
paragraphe de l'article 245 la continuation, cela ne me semble pas clair,
d'après la rédaction qui est là, que cela s'applique
à la sentence. Je l'ai lu quelques fois: "Toutefois, la procédure
peut être continuée par un autre juge de même
compétence si, lors du jugement le juge est incapable, en raison d'une
maladie..." L'expression "si, lors du jugement le juge est incapable" me laisse
croire que ce que vous voulez faire, en fait, c'est, quand un juge a
trouvé quelqu'un coupable sans avoir donné sa sentence, un autre
juge peut donner la sentence. Je pense que c'est cela que vous vouliez dire. Je
l'ai relu à plusieurs reprises et je me demande si c'est bien ce que
cela dit. Est-ce qu'on ne pourrait pas interpréter ce paragraphe comme
voulant dire qu'un juge pourrait continuer une cause entreprise par un autre,
auquel cas il se prononcerait sur une partie de preuve qu'il n'a pas entendue?
Cela, je pense, nous sommes tous d'accord, serait inadmissible.
M. Marx: On va clarifier ce paragraphe. Vou3 avez raison. C'est
tout, M. le Président.
Le Président (M. Filion): D'ailleurs, il y a 435 articles
comme cela qui seront scrutés à la loupe.
Je voudrais remercier, au nom des membres de la commission, Me
Ménard et son équipe de s'être présentés
à nous et d'avoir pris la peine, comme l'a souligné le ministre,
de se déplacer. Étant donné son expérience dans le
secteur qui nous occupe, je pense que cette présence était
d'autant plus remarquable. Je voudrais également noter, avec grand
plaisir, qu'un procureur de la couronne faisait partie de votre équipe
de travail - c'est bien cela? - d'autant plus que, malheureusement, nous
n'avons pas eu le plaisir de recevoir le mémoire de l'Association des
procureurs de la couronne.
En terminant, je vous souhaite un bon retour à Montréal
dans des conditions, on va vous le souhaiter, plus faciles que celles que vous
avez eues pour venir. Je voudrais remercier le ministre, ainsi que les membres
de la commission.
Nos travaux sont donc suspendus. Ils reprendront demain matin, à
10 heures, selon le calendrier que je vous ai exposé tantôt.
Merci.
(Fin de la séance à 12 h 56)