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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mardi 20 janvier 1987 - Vol. 29 N° 34

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de propositions de réforme en matière de délimitation des circonscriptions électorales


Journal des débats

 

(Quatorze heures douze minutes)

Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous plaît!

Notre séance est maintenant ouverte. Il me fait plaisir de constater que nous avons un peu plus que le quorum pour l'important mandat que nous avons à assumer. Sans enregistrement, j'apprécierais que vous puissiez prendre connaissance du procès-verbal de notre séance de la semaine dernière, donc du jeudi 15 janvier. Donc, je demanderais aux membres qui étaient présents d'en prendre connaissance afin que nous puissions l'adopter. Est-ce qu'il vous a été distribué? Ah! Il vous est distribué à l'instant.

Est-ce qu'un membre qui était présent lors de la séance du 15 janvier est en mesure d'en proposer l'adoption? M. Dauphin (Marquette) propose l'adoption du procès-verbal de la séance du jeudi 15 janvier 1987. Ce procès-verbal est adopté.

Je rappellerais donc la teneur et la nature de notre mandat qui est de procéder à l'examen de toute proposition de réforme en matière de délimitation des circonscriptions électorales en vue de dégager les consensus qui pourront faire l'objet de modifications à la Loi sur la représentation électorale- II s'agit d'un ordre que nous avons reçu rie l'Assemblée le 39 décembre dernier à l'ajournement de nos travaux.

Je rappellerai également l'horaire de nos travaux en ce qui concerne l'exécution de ce mandat. D'abord, aujourd'hui, 20 janvier, de 14 heures à 18 heures. Il y aura cependant interruption de nos travaux aux environs de 15 heures...

M. Rochefort: Pourrait-on expliquer les motifs, M. le Président?

Le Président (M. Filion): ...pour des motifs qui touchent les loisirs. Mais comme les institutions sont très larges, vous le savez, M. le député de Gouin, cette interruption durera 15 à 20 minutes. Demain, 21 janvier, de 10 heures à 13 heures et de 15 heures à 18 heures. Si nécessaire, le jeudi 22 janvier, à compter 10 heures. Je demanderais au secrétaire d'annoncer les remplacements.

Le Secrétaire: On m'a avisé que. M.

Boulerice (Saint-Jacques) était remplacé par M. Dufour (Jonquière), M. Doyon (Louis-Hébert) par M. Poulin (Chauveau), M. Godin (Mercier) par M. Rochefort (Gouin), M. Johnson (Anjou) par M. Desbiens (Dubuc), M. Kehoe (Chapleau) par M. Camden (Lot-binière), M. Laporte (Sainte-Marie) par M. Audet (Beauce-Nord), et M. Vallières (Richmond) par M. Saintonge (Laprairie) et ce, pour la durée du mandat.

Le Président (M. Filion): Cela va de part et d'autre. M. le Directeur général des élections, je vous souhaite la bienvenue. Ce n'est pas la première fois que vous avez à vous présenter devant cette commission-ci ou une autre commission. Peut-être pourriez-vous nous présenter les qens qui vous accompagnent?

M. Côté (Pierre-F.): Oui, M. le Président. À ma droite, c'est M. Jean-Luc Lemieux qui est adjoint à la représentation. Immédiatement à ma qauche, M. Claude Fournier, secrétaire exécutif, et, au bout de la table, c'est M. Eddy Giguère qui est secrétaire de la commission. J'ai d'autres collaborateurs à l'arrière qui, si c'est nécessaire, pourront m'aider à donner les bonnes réponses aux questions que vous voudrez bien me poser.

Le Président (M. Filion): D'accord. Je vous remercie, M. le Directeur général des élections. Je vous rappelle que ce qui a été convenu, quand tantôt on parlait du procès-verbal de notre dernière séance, c'est que vous n'aviez pas d'exposé proprement dit à faire - évidemment, je pense que cela a déjà été fait - mais que vous répondriez, cependant, aux questions des membres au fur et à mesure de l'examen des propositions. Il a été convenu d'étudier les propositions selon l'ordre qui a été déterminé dans le document de travail qui nous a été remis la semaine dernière, et que vous prendriez place à la table des invités.

Je rappellerais également aux membres de cette commission les ententes qui sont intervenues au sujet du déroulement de nos travaux. D'abord, l'application de la règle de l'alternance. Au tout début, nous aurons vingt minutes pour la présentation des remarques préliminaires de part et d'autre, puis l'examen des questions contenues dans le document de travail, remis par le ministre

lors de la séance de travail du jeudi 15 janvier, se fera selon l'ordre contenu à ce document. Après l'étude de chacune des questions, le président de la commission reprendra les consensus qui auront été dégagés afin que ceux-ci soient dûment inscrits au procès-verbal de notre commission.

Avant de passer la parole à M. le ministre délégué à la Réforme électorale, est-ce qu'il y a des membres de la commission qui n'ont pas la pochette d'information qui nous a été remise la semaine dernière? Oui, peut-être deux copies, c'est cela. On me signale qu'il y a un autre remplacement, du consentement des membres.

Le Secrétaire: M. Scowen serait remplacé par M. Chagnon (Saint-Louis).

M. Rochefort: Temporairement? Pour la séance d'aujourd'hui, c'est cela?

Le Secrétaire: Je n'en suis point avisé.

Le Président (M. Filion): Je pense que la question du député de Gouin est à propos, mais enfin pour la durée de nos travaux?

Le Secrétaire: Je crois que c'est pour la durée des travaux.

Le Président (M. Filion): Cela va. M. le ministre délégué à la Réforme électorale, je vous laisse donc la parole.

Remarques préliminaires M. Michel Gratton

M. Gratton: À titre de membres de la commission des institutions, nous sommes réunis aujourd'hui pour donner suite à un important mandat que nous a donné l'Assemblée nationale, soit de dégager des consensus sur les modifications que nous voudrons apporter à la présente Loi sur la représentation électorale et ce, avant le 1er mai prochain.

C'est une tâche pour le moins exigeante, voire ambitieuse. En effet, la question de la modification de la délimitation des circonscriptions électorales est, il faut bien l'avouer, un sujet d'autant plus délicat qu'il a toujours été quelque peu tabou. À tel point, d'ailleurs, que la moindre déclaration sur cette question suscite inévitablement des procès d'intention. Nous avons vécu, d'ailleurs, cette situation encore tout récemment. Je me permets de souhaiter que nos présents travaux feront exception à cette règle.

Je tiens, néanmoins, dès à présent, à réitérer publiquement devant cette commission l'intention de la majorité ministérielle de respecter comme elle l'a toujours fait ce mandat qui lui a été dévolu. Je le répète: Nous sommes parfaitement conscients de l'ampleur de la tâche qui nous incombe. Nous entendons nous y attaquer avec la conviction profonde de pouvoir améliorer la qualité de la représentation électorale. C'est donc dans un esprit de complète ouverture que, personnellement, j'aborde ces travaux. Je me permets de souhaiter qu'il en sera de même pour chacun des membres de la commission.

M. le Président, je voudrais dès maintenant souhaiter la bienvenue à M. le Directeur général des élections et à ses collaborateurs et leur dire notre appréciation pour leur disponibilité et leur collaboration.

J'aimerais tout de suite indiquer, M. le Président, qu'après nous avoir transmis certains documents que nous avons remis aux membres de la commission, le Directeur général des élections nous a fait parvenir quelques modifications qui doivent y apparaître. Immédiatement après, je demanderai qu'on distribue aux membres de la commission ces informations.

Avant d'aborder plus à fond le sujet qui nous intéresse, il me semble opportun d'effectuer un très bref rappel historique du processus de démocratisation de la délimitation de la carte électorale afin de mieux cerner ses tenants et aboutissants.

C'est au mois de décembre 1961, soit au début de la Révolution tranquille, que remonte la création de la première commission indépendante mandatée pour renseigner les Chambres sur les normes démographiques, géographiques et économiques devant régir la délimitation de la carte électorale. Au mois de janvier 1962, ladite commission remettait son étude préliminaire à la révision de la carte électorale, rapport qu'on appelle depuis le rapport Grenier. L'une des principales recommandations du rapport faisait état de la nécessité de confier à un organisme indépendant les études de révision de la carte. Des travaux en comité parlementaire spécial, puis en sous-comité furent entrepris qui débouchèrent éventuellement sur l'adoption du projet de loi 65 par l'Assemblée Nationale au mois d'août 1965. Pour la première fois, M. le Président, il faut signaler que la carte électorale était issue d'une commission indépendante des membres de l'Assemblée.

En 1970, une autre étape importante a été franchie, avec l'abolition des comtés protégés que garantissait l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. La parité de représentation des électeurs, principe qui faisait alors l'unanimité, était ainsi définitivement consacrée. Le Québec comptait alors 108 districts électoraux.

En 1971, la Loi de la Commission permanente de la réforme des districts

électoraux fut adoptée. Puis, en 1972, une refonte majeure fut effectuée avec l'adoption de la Loi modifiant la Loi sur la division territoriale. Le nombre de districts électoraux passait alors de 108 à 110. Finalement, au mois de décembre 1979, la Loi sur la représentation électorale instituait la Commission de la représentation, organisme décisionnel quant à la délimitation des circonscriptions électorales.

À ce stade-ci de mon intervention, je voudrais souligner que, s'il est une leçon que nous devons tous retenir de cette brève synthèse des efforts successifs de différents gouvernements - au moins trois - en vue d'assurer un processus électoral efficace et équitable, c'est bien que le monopole de la vertu démocratique n'appartient exclusivement à aucune formation politique et, donc, que personne n'a de leçon à donner, ni è recevoir de quiconque.

C'est pourquoi je crois que nous devons, tous et chacun, aborder notre mandat en ayant constamment à l'esprit que les résultats de nos travaux devront contribuer à l'amélioration de la démocratie électorale et, de ce fait, bénéficier à l'ensemble de nos concitoyens.

Avant d'aller au fond du sujet, il me semble également approprié de situer nos travaux dans la chronologie des démarches que j'ai moi-même entreprises depuis mon assermentation à titre de ministre délégué à la Réforme électorale. Cette chronologie permettra aux membres de cette commission, à nos collègues parlementaires qui ne siègent pas avec nous, è tous les intervenants concernés, ainsi qu'à nos concitoyens de bien comprendre les motifs qui animent l'équipe ministérielle dans sa présente démarche.

Le 18 mars 1986, nous avons déposé à l'Assemblée nationale le projet de loi 23 qui visait la suspension des travaux et des activités de la Commission de la représentation jusqu'au 2 décembre 1986, en ce qui concerne la délimitation des circonscriptions électorales. À cette occasion, j'avais exprimé mon intention de procéder à une réévalution de nos lois électorales, en commençant par la Loi sur la représentation électorale.

Le 20 mars 1986, notre commission entendait le Directeur général des élections qui, tous s'en souviennent, n'a alors soulevé aucune objection de principe quant à cette suspension des travaux de la Commission de la représentation. Le 27 mars 1986, le projet de loi 23 était donc adopté à l'unanimité.

À ma demande, le Secrétariat à la réforme électorale entreprit alors la réévaluation de la Loi sur la représentation électorale et me remettait, à la fin du mois d'août 1986, un rapport signé par Me Louis Rémillard. Ce document a été transmis à l'Opposition, au Directeur général des élections, ainsi qu'aux membres de la Tribune de la presse, le 11 septembre ]986.

Cette démarche s'inscrivait dans le respect d'un enqaqement que j'avais pris devant les membres de l'Assemblée nationale et devant les membres de cette commission, à l'occasion de l'étude du projet de loi 23. En effet, je m'étais alors engagé è consulter l'Opposition avant même le dépôt d'un projet de loi concernant la réforme électorale.

À la suite du dépôt du rapport du secrétariat, l'Opposition m'a exprimé le souhait de voir reporter de quelques mois la mise en oeuvre de la réforme proposée. J'en veux pour preuve des reportages du 13 septembre 1986 dans différents médias qui rapportaient le contenu d'un communiqué de presse émis par le porte-parole de l'Opposition, le député de Joliette, en vue d'offrir sa collaboration pour, disait-il, accorder un délai additionnel à la Commission de la représentation, qui doit normalement reprendre ses travaux le 2 décembre.

C'est dans un esprit de collaboration, d'ouverture et par respect pour le processus démocratique que j'ai alors acquiescé è cette demande du député de Joliette en reportant de quelques mois la mise en oeuvre de la réforme proposée par le secrétariat.

Le 14 octobre 1986, le Directeur général des élections me soumettait ses commentaires sur le rapport Rémillard que j'ai acheminés à l'Opposition deux jours plus tard. En vertu du projet de loi 23, la Commission de la représentation devait reprendre ses travaux le 2 décembre 1986. Or, ce délai légal ne répondait manifestement plus aux exigences de la situation. Il aurait été, en effet, inapproprié de laisser ladite commission entreprendre des travaux de délimitation et de les interrompre quelque temps après à la suite de l'adoption d'une nouvelle loi. C'est pourquoi l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité, le 8 décembre 1986, le projet de loi 147 qui suspendait de nouveau les opérations se rapportant à la délimitation des circonscriptions électorales, cette fois jusqu'au 1er mai 1987. C'est è ce moment-là que les parlementaires ont également convenu de la tenue de la présente commission parlementaire afin de réviser l'ensemble de la question. J'avais alors précisé que nos travaux serviraient à la préparation d'un projet de loi devant être adopté avant le 1er mai prochain pour amender la Loi sur la représentation électorale. J'avais du même coup ajouté que cela se ferait à partir des engagements, des ententes ou des accords qui seraient dégagés au cours de cette commission entre les formations politiques représentées à l'Assemblée nationale.

M. le Président, puisque nous y sommes, parlons maintenant du fond de la question. Quelle est la position du gouver-

nement dans ce dossier? Je serais tenté de la résumer tout simplement en réitérant ce que j'ai maintes fois exprimé, à savoir que j'endosse à quelques nuances près toutes les recommandations du rapport Rémillard. Je suis bien conscient, en faisant cette affirmation, des réserves et des objections que l'Opposition a exprimées quant aux réformes proposées dans ce document. Je crois, néanmoins, que nos délibérations, dans la mesure où elles se dérouleront dans l'esprit que j'ai évoqué tantôt, devraient nous permettre d'en arriver à des consensus sur la plupart des recommandations de ce rapport qui, à mon avis, est de très grande qualité. Cela, je le crois sincèrement et j'entends y consacrer tous les efforts au cours des séances de cette commission.

Vous me permettrez donc, M. le Président, de reprendre très brièvement les points essentiels du rapport Rémillard. D'abord, l'élément le plus important, à mon avis, c'est la base de la représentation. En proposant que l'ensemble de la population soit utilisé, le rapport vise à consacrer le droit fondamental de toute personne d'être représentée à l'Assemblée nationale du Québec. La consécration de ce principe, j'en suis profondément convaincu, est garante d'une démocratisation accrue du processus électoral. (14 h 30)

C'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle le secrétariat formule la remarque pertinente suivante, que je cite: "On peut dès lors se demander si le choix de la population électorale comme base de la représentation traduit le mieux les exigences de la démocratie représentative qui reposent essentiellement sur la délégation du pouvoir de décision de l'ensemble de la population à ses représentants élus. En effet, une fois élu, le député représente l'ensemble de la population de sa circonscription et non pas seulement les électeurs qui se sont inscrits sur la liste électorale." Je déclare sans ambages que le gouvernement est prêt, aujourd'hui, à inscrire ce principe dans la loi. Je reviendrai, d'ailleurs, là-dessus avant la fin de cette intervention.

En ce qui concerne la fréquence de la délimitation, sa réduction ne ferait que traduire la situation de fait vécue depuis les dernières années car, comme le souligne le rapport Rémillard, malgré une fréquence plus grande au Québec, en pratique, les modifications importantes à la carte électorale n'ont lieu qu'à toutes les deux élections, soit aux huit ou neuf ans, tel qu'en témoigne l'expérience passée.

S'appuyant sur l'ouverture manifestée par le Directeur général des élections à cet égard lors de l'étude de ses crédits en 1985, le secrétariat recommande de porter à dix ans les délimitations de la carte électorale et de faire coïncider cette opération avec la tenue du recensement fédéral décennal. Il s'agit là, à mon humble avis, d'une recommandation réaliste puisqu'elle ne remet aucunement en cause la qualité de le représentation électorale, tout en permettant d'envisager des économies d'arqent non néqligeables que nous avons également le devoir, comme gardiens des fonds publics, de considérer sérieusement.

Le nombre des circonscriptions électorales fait également l'objet d'une recommandation pertinente. En privilégiant la formule qui consiste à fixer ce nombre dans la loi, les parlementaires contribueraient non seulement à consolider la démocratisation du processus électoral, mais aussi à réglementer la composition de l'Assemblée nationale de façon plus simple et plus transparente pour la population. Je le note avec plaisir, il semble qu'il y ait unanimité sur ce point.

La question des critères socio-géographiques est également importante. Il y va en effet, selon le secrétariat, de la justesse et de l'équité de la représentation non seulement en termes mathématiques, mais aussi dans le respect des réalités géographiques et sociales et de la communauté d'intérêts d'une population donnée. À cet égard, il convient de citer textuellement un extrait du rapport du secrétariat sur ce point. Au nombre de ces critères, le respect des limites des municipalités revêt une importance particulièrement grande, puisqu'il s'agit de l'unité de référence la plus significative pour la majorité des citoyens. Il serait opportun de prévoir un mécanisme d'ajustement automatique de façon qu'aucune municipalité ne se retrouve partagée entre deux ou plusieurs circonscriptions lors d'une élection survenant entre deux délimitations. Nous pourrons examiner de plus près quelle forme pourrait prendre ce mécanisme au cours de nos travaux.

En ce qui concerne la délimitation des secteurs électoraux, je suis d'avis que, sans abolir totalement cette notion de secteurs comme le préconise, d'ailleurs, le rapport, il faille quand même l'écarter de la Loi sur la représentation électorale et la redéfinir dans la Loi électorale en fonction de ses véritables nature et utilité, c'est-à-dire comme unité de regroupement à des fins d'organisation électorale et non comme unité dont la Commission de la représentation doit tenir compte dans la délimitation des circonscriptions électorales.

Quant à la procédure d'adoption de la délimitation, elle sera maintenue puisque, de l'avis de tous, elle a bien fonctionné, d'où la recommandation de n'en corriger, à la lumière de l'expérience vécue, que certaines dispositions accessoires afin d'alléger le processus en termes de temps, de coût, d'efficacité et de rentabilité.

Quant à la responsabilité de la

délimitation, je suis également d'accord avec l'idée exprimée dans le rapport à savoir que le processus de délimitation est essentiellement temporaire et, donc, qu'une commission ad hoc pourrait fort bien s'acquitter d'un te! mandat, comme c'est, d'ailleurs, le cas partout ailleurs au Canada, sans pour autant mettre en péril le sain déroulement du processus électoral.

Il convient, cependant, de souligner qu'il n'est pas question de modifier de quelque façon le statut d'indépendance et d'autonomie de la commission qui est garanti essentiellement par le mode de nomination de ses membres par l'Assemblée nationale.

Les objectifs d'allégement de la structure d'efficacité et d'économie que sous-tend la recommandation du secrétariat ont également amené ce dernier à proposer un mécanisme souple permettant à la commission de recourir à l'expertise existante dans la fonction publique.

Quant aux objectifs de transparence et de démocratisation, ils justifient l'introduction d'un certain contrôle populaire a posteriori en obligeant la commission à déposer à l'Assemblée nationale un rapport de ses dépenses, ceci afin de permettre aux citoyens de connaître l'ensemble des coûts afférents à la délimitation.

Quant à la délimitation des districts électoraux municipaux, j'indique tout de suite que j'entends recommander au gouvernement qu'il en confie la responsabilité à la Commission municipale. Il s'agit là d'un domaine de juridiction municipale avant tout qui, de toute façon, n'apparaît pas dans la Loi sur la représentation électorale. Je le mentionne ici parce que cela aura sûrement une incidence sur la décision de maintenir ou pas le caractère permanent de la Commission de la représentation.

M. le Président, cette synthèse, somme toute, sommaire du rapport du Secrétariat à la réforme électorale constitue un résumé de la position du gouvernement dans ce dossier et j'ose croire que l'atteinte d'un consensus sur ces éléments demeure dans les limites du raisonnable et du possible.

J'aimerais maintenant revenir plus en détail sur l'élément majeur de la réforme proposée, soit la base de la représentation. La loi actuelle édicté, à l'article 2, que la délimitation des circonscriptions électorales doit être établie en tenant compte du principe de l'égalité du vote des électeurs. L'application de ce principe se traduit par la fixation d'un quotient électoral basé sur le nombre moyen d'électeurs dans l'ensemble des circonscriptions. Ce quotient est actuellement fixé à 36 000 électeurs. La loi autorise, cependant, un écart entre les populations électorales de plus ou moins 25 % de cette moyenne.

Comme je l'ai mentionné au début de mon exposé, on peut se demander si le choix de la population électorale comme base de la représentation traduit le mieux les exigences d'une démocratie représentative qui repose essentiellement sur la délégation du pouvoir de décision de la population à ses représentants élus.

Le député, tant dans son rôle de législateur que dans celui de représentant et d'intermédiaire, est appelé à intervenir sur des problèmes collectifs et à défendre les intérêts de tous les citoyens. Il représente donc l'ensemble de la population de sa circonscription et non seulement la population électorale effective, c'est-à-dire qui s'est inscrite sur une liste électorale. Dès lors, il semble plus pertinent et plus juste de considérer l'ensemble de la population comme base de la représentation.

C'est, d'ailleurs, la conclusion à laquelle en était venu en 1962 le comité présidé par M. Fernand Grenier, géoqraphe et professeur à l'Université Laval, qu'il ne faut donc pas confondre avec l'ex-député unioniste du même nom.

Les membres de ce comité, MM. Harold Angell, Jean Hamelin, Vincent Lemieux, Yves Martin et André Raynauld, écrivaient aux pages 15, 16 et 17 de leur rapport ce qui suit: "Le comité estime que, dans le cas de la province de Québec, il y a lieu de choisir la méthode fondée sur l'utilisation du chiffre global de la population. Plusieurs raisons militent en faveur d'une telle recommandation. En premier lieu, on peut faire appel au concept même de la représentation. "En effet, si le député est élu par des électeurs, il faut reconnaître qu'il n'en représente pas moins l'ensemble de la population de la circonscription. Ainsi, du strict point de vue de la représentation, il semble plus logique de délimiter les circonscriptions électorales en utilisant le chiffre total de la population. "Enfin, les statistiques de population sont beaucoup plus précises et, évidemment, plus complètes que celles portant sur l'inscription des électeurs, puisque les recensements sont préparés avec soin longtemps à l'avance. En somme, admettre la primauté de la norme démographique dans la refonte de la carte électorale, c'est se conformer à la règle traditionnelle des régimes démocratiques: la représentation par la population."

M. le Président, tous conviendront avec moi que le rapport Grenier tel que présenté au gouvernement au mois de janvier 1962 demeure d'une indéniable pertinence. À cet effet, vous me permettrez d'en citer quelques-unes des conclusions et recommandations. "Le principe fondamental du comité d'établissement de la carte électorale doit être d'assurer l'égalité de la représentation de la population au sein de l'Assemblée législative. De ce principe découle la nécessité d'adopter une norme moyenne

devant correspondre au nombre de personnes représentées par chacun des membres de l'Assemblée législative. Cette norme moyenne s'établit facilement en faisant le rapport entre le volume total de la population et le nombre de sièges à l'Asssemblée. "La procédure décrite plus haut implique que soit déterminé au préalable le nombre des circonscriptions à découper à l'intérieur du territoire de la province. La circonscription électorale est une unité territoriale de représentation. En tant que telle, elle englobe un ensemble défini d'électeurs et de citoyens. Pour assurer une véritable représentation de la population, il faut concevoir les circonscriptions électorales comme correspondant soit à des milieux homogènes, soit à des milieux socialement et économiquement intégrés dans les limites définies par la norme fixée du point de vue de la représentation de la population."

M. le Président, c'est dire que nous ne sommes pas les premiers à croire que l'utilisation des chiffres de la population totale plutôt que de la population inscrite sur les listes électorales permet d'établir avec plus de précision et à partir de données encore plus objectives la population qui doit être représentée par un député. Selon la méthode actuellement suivie, seuls les électeurs dûment inscrits sur une liste électorale sont comptés, avec le résultat que deux députés peuvent très bien représenter officiellement un nombre d'électeurs assez semblable pour une population réelle pourtant très différente.

À cet égard, un certain nombre de constats peuvent être effectués. D'abord, que la proportion d'électeurs inscrits peut varier d'une circonscription à l'autre sans que l'âge de la population n'explique à lui seul de telles variations. Il semble également y avoir une relation étroite entre un taux plus faible d'électeurs inscrits dans une circonscription et un pourcentage plus élevé de la population de cette circonscription identifié à une langue maternelle autre que le français. L'influence de la présence des communautés culturelles sur le pourcentage de la population électorale inscrite s'explique en partie en raison des exigences de la loi au chapitre de la citoyenneté, mais en partie aussi en raison du taux de non-inscription volontaire plus élevé chez ces électeurs potentiels.

De même, la population électorale d'une circonscription peut varier d'une élection à l'autre sans que l'évolution démographique n'en soit la seule cause. Par exemple, les 33 circonscriptions de l'île de Montréal comptaient 1 228 030 électeurs au référendum de 1980. À l'élection de l'année suivante, la population électorale de l'île n'était que de 1 214 252, soit environ 14 000 électeurs en moins alors que, tout le monde le sait, la population, elle, avait augmenté. Cette diminution de la population électorale de 1981 n'est sans doute pas étrangère au fait que le référendum, l'année précédente, avait suscité une implication particulièrement importante de la population qui s'était alors inscrite en plus grand nombre que lors de l'élection suivante.

L'utilisation des chiffres de la population totale comme base de détermination du quotient électoral permet de ne tenir compte que de l'évolution réelle de la population sans faire intervenir le biais du comportement électoral de cette population. Quant à la fiabilité des données démographiques, la tenue d'un recensement général è tous les dix ans, dont la précision et la qualité des résultats sont reconnus, en constitue, à mon point de vue, une garantie. Au fédéral et dans quatre des sept provinces qui ont établi des critères de délimitation des circonscriptions électorales, le quotient électoral est basé sur les données de la population totale telles que transmises par Statistique Canada au lendemain du recensement décennal.

D'ailleurs, ici au Québec, le choix de la population électorale plutôt que la population totale comme base de la représentation a probablement été dicté par des considérations purement circonstantielles. En effet, la Commission permanente de la réforme des districts électoraux disait elle-même, dans son rapport déposé en mars 1972, et je cite: que "pour accomplir rapidement notre travail, nous ne pouvions attendre les résultats du recensement de 1971."

Le Président (M. Filion): Y a-t-il consentement, M. le député de Gouin, afin que le ministre dépasse le temps alloué:

M. Rochefort: Absolument.

Le Président (M. Filion): C'est bien. Vous pouvez continuer.

M. Gratton: Merci. J'achève, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Poursuivez.

M. Gratton: Pourtant, il s'agit là d'une question fondamentale. L'exigence pour la carte fédérale d'être basée sur la population est, d'ailleurs, inscrite dans la constitution canadienne à l'article 51 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. J'ajouterai qu'au printemps dernier,' une commission royale d'enquête de la Nouvelle-Zélande était chargée d'étudier la base de la représentation population versus électeurs, Ils ont visité plusieurs pays dont le Canada. Après étude, ils ont recommandé que la population soit retenue comme critère. (14 h 45)

M. le Président, je termine mes

remarques sur cette question de la base de la représentation en soulignant que la réalité contemporaine me convainc que toutes les conditions favorables sont maintenant réunies pour que nous donnions enfin suite aux recommandations des éminents cosignataires du rapport Grenier.

En dernier lieu, j'aimerais préciser ma remarque préliminaire concernant les procès d'intention qui, invariablement, surqissent lorsque des modifications au processus électoral sont envisagées. Pour éviter de sombrer dans la personnalisation du débat, je ne nommerai pas spécifiquement ceux qui ont pris un malin plaisir à tenter de dégrader au mois de novembre 1986 un débat qui, je l'espère ardemment, demeurera objectif et serein.

Mais vous conviendrez avec moi, M. le Président, que les qualificatifs tels que "gerrymandering", "tripotage" ou les formules comme celle-ci: "Une commission ad hoc soumise au bon plaisir du gouvernement ferait revenir au grand galop le risque de la partisanerie" ou encore celle-ci: "Le gouvernement veut se bâtir des forteresses là où sont concentrés les allophones qui n'ont pas acquis le droit de vote" ou encore celle-ci: "II y a anguille sous roche" étaient et demeurent non seulement prématurés et inopportuns, mais aussi et surtout dénués de tout fondement.

L'intention du gouvernement est claire. Elle consiste à donner une voix égale à tous et chacun des citoyens sans discrimination aucune. C'est pourquoi il m'apparaît important de dédramatiser certaines interventions et de concentrer notre attention sur certaines évidences. La première, c'est que, même sans une réforme, la prochaine carte électorale, de l'aveu de tous les intervenants concernés, y compris le Directeur général des élections, apportera des modifications importantes à la carte actuelle. La deuxième, c'est que même la proposition concernant la base de la représentation, si elle devait être retenue, n'aurait pas d'impact majeur sur le nombre de circonscriptions d'exception et la dernière, que le rapport du Secrétariat à la réforme électorale vise essentiellement à consolider les acquis de la démocratisation du processus électoral et à l'améliorer, tout en l'adaptant à notre réalité contemporaine.

M. le Président, je terminerai tout simplement en citant ce que Pierre Mendès France a écrit un jour. Une voix: Qui?

M. Gratton: Pierre Mendès France. Il écrivait que la démocratie est d'abord un état d'esprit. Puissions-nous, M. le Président, par l'atteinte de consensus solides au cours des prochaines heures, consacrer cette remarque qui plus qu'une formule circonstancielle demeure d'abord et avant tout une vérité essentielle.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le ministre.

M. le député de Gouin.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: M. le Président, avant d'utiliser mon droit de parole, je voudrais simplement qu'on se coordonne sur la venue de Youppi et compagnie. Je ne voudrais pas que cela arrive en plein coeur de mon exposé.

M. Gratton: On tient cela pour acquis. M. Rochefort: Oui, c'est réglé.

M. Gratton: D'ailleurs, il ne m'appartient pas de décider, mais je voudrais bien, moi aussi, entendre les remarques du député de Gouin du commencement à la fin et sans interruption.

M. Rochefort: Même l'annonce de l'arrivée de Tim Raines ou d'André Dawson ne justifierait pas, d'après moi, qu'on m'interroge.

M. Gratton: Ce n'est pas prévu pour cet après-midi.

Le Président (M. Filion): On va prendre les dispositions nécessaires, M. le député.

Une voix: On va barrer les portes.

M. Rochefort: D'accord, merci, M. le Président.

M. le Président, en premier lieu, je voudrais souhaiter la bienvenue au Directeur général des élections, à son équipe et particulièrement à son adjoint a la carte électorale, de même qu'au secrétaire de la Commission de la représentation. On sait que leur présence est toujours très précieuse et très éclairante pour les membres de notre commission qui ont été appelés au cours des dernières années à se pencher à fréquence régulière sur la question de la carte électorale.

Quant à nous, M. le Président, nous entreprenons les travaux de cette commission dans un esprit de franche collaboration avec une volonté de discuter sérieusement, rigoureusement et de façon responsable de l'ensemble des questions qui sont posées, dans un objectif de faire progresser et nos institutions démocratiques et notre processus électoral mais cela, en ayant toujours en tête que nos lois et nos mécanismes électoraux sont là et doivent être conçus non pas en fonction des partis politiques ou des membres de l'Assemblée nationale, mais bien

en fonction de l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Ce ne sont pas nos lois électorales, notre Loi régissant le financement des partis politiques, notre carte électorale, nos institutions démocratiques, mais bien les leurs.

Il sera toujours dangereux, ici comme ailleurs, que les élus et les formations politiques tentent de s'accaparer les institutions, les règles et les mécanismes électoraux. Non seulement devons-nous tout faire pour que nos règles démocratiques soient bel et bien conçues et imaginées pour permettre aux électeurs du Québec de bien déléguer démocratiquement et dans une parfaite représentativité leur pouvoir, puisque ce sont eux qui sont détenteurs de la souveraineté dans nos institutions, aux élus, mais pour qu'ils sentent aussi qu'il en est bel et bien ainsi, que ces lois, ces mécanismes et ces institutions sont faits pour eux. C'est la condition essentielle et première si nous voulons maintenir et même développer - je pense que tel doit être aussi notre objectif -cette confiance et cette adhésion qu'a et que doit poursuivre, continuer d'avoir la population du Québec à l'endroit de ses institutions politiques. C'est fondamental.

M. le Président, si nous sommes ici aujourd'hui, c'est à la suite d'un certain nombre d'initiatives gouvernementales dans le domaine des lois électorales depuis environ le 2 décembre 1985. Il faut se rappeler, dans un premier temps, que, dans les semaines et les mois qui ont suivi cette élection, notamment à l'occasion de l'étude des projets de toi 22 qui visait à suspendre le recensement annuel et 23 qui visait à suspendre le début des travaux de la révision de la carte électorale, de même qu'à l'occasion de l'étude des crédits du Directeur général des élections, le gouvernement et, particulièrement, le ministre délégué à la Réforme électorale nous ont indiqué très clairement leur intention bien arrêtée d'apporter des modifications importantes à nos lois électorales, soit la Loi électorale, la Loi sur les listes électorales, la Loi régissant le financement des partis politiques, de même que la Loi sur la représentation électorale, c'est-à-dire la loi sur la carte électorale. Ce ministre, présent parmi nous, nous a aussi annoncé son intention de mener cette réflexion au sujet de l'ensemble de ces lois de façon globale et intégrée. Aujourd'hui, nous pouvons constater que, quant à la Loi régissant le financement des partis politiques, de même que quant à la Loi électorale et à la Loi sur les listes électorales, ses intentions n'ont pas eu de suites, du moins apparentes. Sauf que - et ceci est un peu une suite concrète, quant à nous - il y a eu paralysie du conseil consultatif des élections de la part des représentants du Parti libéral du Québec qui nous ont dit ne pas détenir de mandats gouvernementaux pour participer aux travaux du conseil consultatif et que, en conséquence, ils ne pouvaient discuter des questions touchant la Loi régissant le financement des partis politiques, la Loi électorale et la Loi sur les listes électorales, à moins qu'un autre rapport, qu'il soit signé par M. Rémillard ou quelqu'un d'autre, n'existe ou ne soit en préparation sur ces questions. Mises à part cette possibilité et cette paralysie du conseil consultatif, les modifications à ces lois n'ont pas eu de suites jusqu'à ce jour.

D'ailleurs, M. le Président, en ce qui nous concerne, il serait opportun de permettre au ministre, peut-être dès ce moment-ci, de faire le point sur ce qui s'est fait jusqu'à ce jour eu égard aux modifications qu'il avait annoncées pour lesquelles il avait fait état d'intentions très claires quant à la Loi régissant le financement des partis politiques, à la Loi électorale et à la Loi sur les listes électorales.

Du côté de la carte électorale, il faut se rappeler, comme l'a indiqué le ministre, que, dans un premier temps, au-delà de cette volonté et de cette décision annoncée de réfléchir à ces questions, le gouvernement a déposé, au début du printemps 1986, le projet de loi 23 qui visait à suspendre finalement, jusqu'à ce que le gouvernement décide autrement, le processus de révision de la carte électorale. Il faut se rappeler que, à cette occasion, le Parti québécois avait servi une fin de non-recevoir à cette proposition gouvernementale parce que nous nous opposions à ce que ce processus soit suspendu jusqu'à ce que le gouvernement en décide autrement. C'est ce qui a fait que nous avons réussi à conclure des ententes pour modifier le libellé du projet de loi 23 parce que, d'une part, pour nous, il est essentiel que nous ayons toutes les garanties qui s'imposent quant à la refonte de la présente carte électorale avant la prochaine élection générale.

Déjà, au 2 décembre 1985, nous avions, à la fois, des circonscriptions électorales qui regroupaient 26 000 ou 27 000 électeurs et d'autres circonscriptions électorales qui regroupaient 53 000 ou 54 000 électeurs et qui déléguaient toutes deux un seul et unique député qui avait, une fois rendu sur le parquet de l'Assemblée nationale, le même poids politique que son collègue élu par 26 000, par 53 000 ou par 54 000 électeurs.

Donc, c'est une situation inadmissible, puisque c'est pour ces raisons, pour des situations analogues que notre processus de révision de la carte électorale a été mis en place, pour nous assurer que chaque électeur ait le même poids électoral à l'intérieur de nos institutions politiques.

Pour nous, il était évident qu'il n'était pas question que nous souscrivions à l'idée

que le processus de révision de la carte électorale ne soit réenclenché qu'au bon vouloir du gouvernement. Pour nous, il s'agit là d'un processus qui ne doit pas relever d'une formation politique plus que d'une autre. Deuxièmement, il ne s'agit pas là d'une refonte facultative. Troisièmement, pour nous, l'importance et l'utilité de mettre une échéance, c'est-à-dire de reporter d'un an l'enclenchement automatique du processus de révision de la carte, visait à mettre de la pression sur le gouvernement pour que les travaux et les réflexions qu'il avait annoncés qu'il entendait mener autour de ces questions se fassent rondement, de façon qu'on maintienne entière cette garantie qu'une révision de la carte électorale serait possible et serait effectivement réalisée avant le prochain scrutin général pour que nous puissions tenir des élections à partir d'une carte électorale qui est bien faite, rigoureusement et parfaitement représentative de l'ensemble des électeurs du Québec et, donc, une carte démocratique.

Par la suite, en août et septembre 1986, nous avons connu le dépôt de ce qui est appelé aujourd'hui le rapport Rémillard et que nous appellerons plutôt le document de travail; ce sont les réflexions de M. Rémillard qu'on retrouve sur à peine cinq pages. Il s'agit, dans ce court document, de propositions qui visent à apporter des changements considérables à la Loi sur la représentation électorale, de propositions qui auront pour effet de remettre en question profondément les mécanismes actuels de délimitation des circonscriptions électorales. Mais en même temps qu'on y retrouve des propositions de changements considérables, de remises en question profondes, on ne retrouve pas dans ce document, ou à peu près pas, d'éléments visant à soutenir, à étayer, à justifier les propositions qui nous sont faîtes.

À la suite de la présentation de ce document au ministre délégué à la Réforme électorale, on a commencé à connaître un peu de confusion dans le dossier. D'une part, le ministre nous a dit: J'ai reçu un document, le voici. Pensez-y et faites-moi vos réflexions, comme si, finalement, le ministre était très détaché de ces questions, alors qu'en même temps M. Rémillard, dans sa lettre de transmission du document au ministre, nous disait au deuxième paragraphe - je le cite, il s'adresse au ministre - "Nous espérons que ce document exprime correctement les grandes orientations que vous nous avez données sur le sujet à l'occasion de nos diverses rencontres. Si tel n'était pas le cas, veuillez nous en aviser afin que nous apportions au texte les amendements requis".

De l'autre côté, M. le Président, il faut aussi noter le très bref séjour de M. Rémillard au Secrétariat à la réforme électorale, séjour qui n'aura duré essentielle- ment que le temps de produire le document qui nous réunit aujourd'hui. (15 heures)

Par la suite, nous avons senti une volonté gouvernementale - qui s'est, d'ailleurs, exprimée au moins à une occasion - de traduire dans une loi l'essentiel des recommandations, des réflexions de M. Rémillard. Par la suite, on a connu les remarques du Directeur général des élections, remarques qui, pour le moins, ne donnaient pas un accord plein et entier aux recommandations Rémillard, mais bien au contraire. On a connu des réactions d'un certain nombre de chroniqueurs parlementaires et, évidemment, un certain nombre de prises de position de ma formation politique. Tout cela mis ensemble a créé, semble-t-il, une situation où le ministre est revenu à de meilleurs sentiments et nous a finalement annoncé son intention, non pas de traduire législativement les recommandations Rémillard, mais bien d'en discuter publiquement, ouvertement avec l'Opposition à l'occasion d'une commission parlementaire et de ne légiférer que sur les consensus, donc, sur les accords formels qui interviendraient entre les deux formations politiques sur les questions relatives à la représentation électorale, qu'elles découlent de recommandations de M. Rémillard ou d'autres propositions qui pourraient être faites par des membres de cette commission.

On nous a dit finalement - c'est aussi dans le document de M. Rémillard - d'une certaine façon, en guise de conclusion, M. Rémillard nous dit - et je sais que le ministre responsable de la réforme électorale a repris ces propos à quelques reprises -qu'au minimum il est normal qu'après dix ans de vie sous ce nouveau régime de délimitation des circonscriptions électorales on puisse se réunir pour faire le bilan du fonctionnement de cette commission et l'évaluation qu'on peut faire à la suite de dix ans de vécu de cette commission. Mais, jamais, d'aucune façon et en aucune occasion, personne, et particulièrement le ministre, n'est venu soutenir, expliquer, justifier, défendre quelque recommandation que ce soit du dossier de M. Rémillard depuis le moment où il a officié au Secrétariat à la réforme électorale dans le dossier de la carte électorale. Ce à quoi nous avons eu droit jusqu'à ce jour, ce sont les affirmations du ministre selon lesquelles il est d'accord avec l'essentiel des recommandations Rémillard, mais, jusqu'à aujourd'hui, jamais, il n'avait pris position sur ces recommandations, jamais il ne les avait soutenues, jamais il n'avait tenté un tant soit peu de les justifier. Cet après-midi, c'est la première fois que nous pouvons prendre connaissance d'une position plus arrêtée du gouvernement sur le contenu des recommandations elles-mêmes. D'ailleurs,

nous serons heureux d'en discuter plus longuement avec le ministre tout au long des débats que nous aurons au cours des prochains jours.

On se rappellera qu'à la suite de tous ces événements de l'automne il y a eu le projet de loi 147 qui visait à reporter une nouvelle fois du 2 décembre 1986 au 1er mai 1987 le début du processus de révision de la carte électorale. Il va sans dire que» pour nous, du Parti québécois, la loi 23 avait été difficile à accepter et qu'elle a été acceptée uniquement à cause des garanties que le Directeur général des élections nous avait données quant à la faisabilité d'une refonte de la carte, même si nous reportions le tout d'une année. Évidemment, le projet de loi 147 constituait pour nous une proposition difficile à accepter, parce qu'on voyait bien les délais se poursuivre et donc diminuer les possibilités de refonte de la carte avant la prochaine élection générale.

Nous avons finalement souscrit au projet de loi 147 pour les raisons suivantes. D'une part, parce que le Directeur général des élections a réussi, à l'occasion de sa participation à nos travaux préparatoires à l'étude du projet de loi 147, à nous présenter des échéanciers qui nous garantissaient, dans la mesure du possible et à l'intérieur d'une situation normale - car, dois-je le rappeler, nous ne vivons pas dans des institutions où les élections ont lieu à date fixe et, en conséquence, personne ne peut prévoir la date des élections y compris le premier ministre - donc, à l'intérieur d'une situation normale les échéanciers qui nous ont été présentés par le Directeur général des élections permettent normalement une refonte de la carte électorale d'ici le prochain scrutin général. Deuxièmement, si nous avons souscrit à l'adoption du projet de loi 147, c'est que le ministre délégué à la Réforme électorale s'est engagé formellement de son siège, en commission parlementaire et à l'Assemblée nationale, à tenir cette commission parlementaire qui s'ouvre aujourd'hui et à ne légiférer que sur les accords intervenus entre les deux formations politiques dans le cadre du projet de loi qui sera déposé à la reprise des travaux sessionnels. Ce n'est qu'à ces conditions que l'Opposition a accepté de participer, de concourir de bonne grâce à l'adoption du projet de loi 147. Donc, nous serons heureux, ouverts et disponibles pour entendre le ministre, dans les prochaines minutes, nous présenter plus solidement, nous expliquer, nous justifier et, donc, défendre l'ensemble des recommandations de M. Rémillard, d'autant plus qu'il nous a annoncé tantôt qu'il faisait sien l'ensemble de ces recommandations. C'est beaucoup pour ces raisons que nous croyons utile la tenue de cette commission parlementaire.

Jusqu'à ce jour, personne n'est venu soutenir quelque recommandation que ce soit de M. Rémillard. Personne n'est venu étayer ses recommandations, n'est venu les situer et, donc, n'est venu les justifier. Pour nous, jusqu'à maintenant, à peu près rien, et sûrement rien sur l'essentiel, ne reçoit notre accord dans ce que nous retrouvons dans le document de M. Rémillard. Personne ni rien, jusqu'à ce jour, ne nous a convaincus de la pertinence et du bien-fondé d'aller dans le sens d'une des grandes recommandations de M. Rémillard. Pour ces raisons, nous sommes heureux - et je le répète très sincèrement -nous sommes ouverts et disponibles ici, dans un esprit positif de collaboration et de contribution constructive aux travaux de notre commission, pour entendre le ministre nous apporter des arguments, des éléments qui pourraient nous permettre de revoir nos points de vue sur un certain nombre de questions. Nous sommes donc ouverts.

Quand le ministre et M. Rémillard nous ont invités, l'automne dernier, au minimum, nous disaient-ils, à faire le bilan de dix ans ou presque de vécu sous le nouveau régime, à partir des nouveaux mécanismes de délimitation des circonscriptions électorales, notre réponse avait été: Oui, on peut bien le faire; cela ne peut pas être mauvais en soi. Mais je dois dire, d'entrée de jeu pour nous, que ce bilan est éminemment positif. Pour nous, il s'agit là d'un succès d'objectifs qui ont tous été atteints en vue d'une plus grande démocratisation du processus de délimitation des circonscriptions électorales au Québec. Nous avons réussi, comme Québécois, à bâtir un modèle proprement québécois; ce modèle est devenu un exemple à suivre pour bon nombre de sociétés qui nous entourent et même d'autres sociétés du monde occidental.

Aujourd'hui, on peut affirmer d'emblée que bon nombre de provinces canadiennes, avec qui nous avons eu l'occasion de discuter, nous disent envier le modèle que le Québec a réussi à élaborer en matière de délimitation des circonscriptions électorales dans un tout que constituent ces mécanismes contenus dans la Loi sur la représentation électorale. L'ensemble de ces mécanismes constitue maintenant un acquis et jamais nous ne souscrirons à quelque tentative de retour en arrière, eu égard à la démocratisation importante, fondamentale qu'ont connue nos institutions politiques avec l'arrivée de la nouvelle Loi sur la représentation électorale.

D'ailleurs, il n'est pas inutile de souligner que jamais personne ne s'est plaint de ces nouveaux mécanismes. Nous n'avons jamais reçu, en ce qui nous concerne - je serais heureux d'entendre d'autres points de vue de différents membres de la commission - de demande de corriger ceci ou cela dans les mécanismes importants que nous avons mis en place, au cours des dernières années,

quant à la délimitation des circonscriptions électorales. Sans prêter d'aucune façon de mauvaises intentions à quiconque et encore moins au gouvernement, je dis que nous sommes un peu inquiets de rouvrir ce dossier qui est un dossier important dans lequel le Parti québécois a apporté une contribution majeure au cours des années.

Nous savons que, chaque fois que nous avons rouvert, depuis les douze ou quatorze derniers mois, des dossiers majeurs que le Parti québécois avait mis de l'avant au cours de ces neuf années de présence au gouvernement, cela s'est souvent soldé par des reculs. Pour nous, pour l'essentiel, le rapport Rémillard ne constitue d'aucune façon des progrès en matière de démocratisation de nos institutions politiques. Pour nous, le Québec a connu des progrès immenses et concrets au chapitre de la démocratisation de ses institutions politiques au cours des 15 ou 20 dernières années. Lorsqu'on a plafonné les dépenses électorales permises en campagne électorale, cela a permis de donner beaucoup plus et beaucoup mieux une chance égale à tous d'avoir accès à un siège à l'Assemblée nationale. Lorsqu'on a élaboré la Loi régissant le financement des partis politiques, ça nous a permis de mettre fin aux caisses électorales occultes et de mettre fin au contrôle par quelques-uns de la caisse électorale et donc d'un parti politique tout entier.

Lorsque nous avons adopté la Loi sur la consultation populaire, ça nous a permis de mettre en place un cadre démocratique qui permettait aux Québécois et aux Québécoises d'être consultés sur une question précise en cours de mandat d'un gouvernement. Nous avons réussi aussi à élargir et à simplifier l'exercice du droit de vote. Nous avons réussi à développer une plus grande impartialité des officiers d'élection responsables de l'application de la Loi électorale, notamment par le fait que les directeurs de scrutin ne sont plus nommés maintenant à la suite d'une recommandation gouvernementale ou d'une formation politique mais sont nommés exclusivement à la suite de concours administrés de A à Z par le Directeur général des élections.

Nous avons aussi réussi à apporter des modifications à nos lois électorales qui ont permis d'apporter un plus grand respect de la volonté de l'électeur. On a élargi toutes les définitions et les situations d'acceptation de bulletins de vote diminuant ainsi radicalement le nombre de bulletins qui pouvaient être jugés non valides à cause de différents dépassements de cases, etc. Dans le cas de la carte électorale, nous avons réussi à nous doter d'une loi et de mécanismes qui évitent toute partisanerie, toute intervention du processus politique partisan dans l'élaboration, à une étape ou une autre, de la délimitation des circonscriptions électorales. Ces délimitations de circonscriptions électorales sont aujourd'hui le fait d'une commission permanente indépendante des élus et des formations politiques qui est décisionnelle, ce qui est fondamentalement différent de tout ce que nous avions connu dans le passé parce que, même si on avait eu des commissions indépendantes à quelques reprises dans le passé, ultimement le rapport de ces commissions ne devenait loi qu'après le dépôt d'un projet de loi adopté à la majorité simple des membres d'une formation politique à l'Assemblée nationale. On sait à quelle situation cela nous a menés à l'occasion.

L'ensemble de ces grandes modifications à notre vie démocratique a été fait d'ailleurs avec la participation des différentes formations politiques. Je sais que le député de Gatineau, aujourd'hui ministre délégué à la Réforme électorale, y a participé à plusieurs reprises puisqu'il siège ici et qu'il s'intéresse, depuis ses débuts comme membre de l'Assemblée, depuis 1972, à ces questions.

Le Président (M. Filion): ...consentement.

M. Rochefort: Merci, M. le Président. D'ailleurs, l'ensemble de ces réformes nous a permis de nous retrouver dans une situation où ça marche, ça marche bien et ça marche même très bien. On a augmenté de façon sensible la participation des citoyens québécois à la vie politique, que ce soit par leur participation au financement des partis politiques, que ce soit par leur militantisme dans les différentes formations politiques, que ce soit par le nombre accru, d'élection en élection, d'hommes et de femmes qui se portent candidats aux élections, que ce soit par l'accroissement presque continu du taux de participation aux différents scrutins généraux que nous avons connus au cours des dernières décennies. Nous sentons un attachement, nous sentons une adhésion, nous sentons une confiance solidement ancrée dans le peuple du Québec à l'endroit de ses institutions politiques. C'est ce qui explique que, même lorsque la population du Québec n'est pas d'accord avec une loi, cette loi est applicable et appliquée parce que les citoyens reconnaissent ultimement que les hommes et les femmes qui ont été élus les représentent - et l'ont été démocratiquement - et qu'en conséquence on ne peut remettre en question les fondements démocratiques des lois qui sortent de l'Assemblée nationale.

Comme je le disais tantôt, aujourd'hui l'ensemble de nos mécanismes électoraux sont devenus des modèles et font l'envie d'un bon nombre de sociétés occidentales qui nous entourent. Ils sont pour les Québécois et les Québécoises des acquis de démocratie auxquels ils tiennent et auxquels ils sont attachés. Personne ne souhaite que quiconque

un jour remette en question ces acquis. (15 h 15)

Les citoyens et les citoyennes qui pourraient s'intéresser aux travaux de notre commission ne considéreraient pertinents les travaux de cette commission que dans la mesure où nous viserions à progresser sur le chemin de la démocratisation de nos institutions, même pas à maintenir le pas et encore moins à effectuer quelque retour en arrière que ce soit.

Cela dit, M. le Président, nous sommes disponibles pour discuter de l'ensemble des recommandations de M. Rémillard, pour entendre les positions que mettra de l'avant le ministre délégué à la Réforme électorale. Quant à nous, nous soutiendrons point par point nos positions sur chacun des éléments et nous serons disponibles pour débattre, au sens le plus pur du terme, les différents éléments du rapport Rémillard qui peut-être pourrait donner lieu à un certain nombre de consensus.

Je conclus en disant que, quant à nous, il y a un certain nombre de principes fondamentaux qui guideront les interventions des membres de notre formation politique quant au dossier qui est devant nous, et qui sont pour l'essentiel les suivants. Dans un premier temps, le Parti québécois tient à une refonte de la carte avant les prochaines élections générales. C'est absolument essentiel parce que, déjà, nous nous trouvons avec une situation où, le 2 décembre 1985, il y avait des électeurs au Québec qui avaient un poids politique du simple au double par rapport à d'autres électeurs québécois. C'est pour ces raisons qu'on a mis en place l'ensemble des mécanismes qui existent et donc qu'on doit suivre le fil de l'évolution démographique de la population électorale du Québec. Deuxièmement, cette refonte doit se faire dans un cadre efficace pour la Commission de la représentation et selon un calendrier qui permettra de le faire en dehors de tous les charivaris et des brouhahas de fin de mandat de gouvernement.

Donc, pour nous, cela presse. Nous souhaiterions qu'à la fin même de nos travaux nous puissions, tel que nous l'avons indiqué dans le projet de loi, de commune entente, donner immédiatement, comme commission des institutions, mandat à la Commission de la représentation pour qu'elle amorce immédiatement ses travaux, pour qu'elle puisse gagner trois, quatre ou cinq mois sur l'échéancier initialement prévu pour détacher le plus possible cette révision des brouhahas de fin de mandat.

Deuxièmement, pous nous, il est clair que nous souhaitons le maintien en tous points et dans tout le sens du terme d'une commission indépendante. Pour nous, compte tenu de l'intervention du ministre, je veux préciser que commission indépendante, ça ne tient pas uniquement au processus de nomination des membres de la commission, mais aussi au fait que, jamais, ni les élus ni les formations politiques ne puissent intervenir dans le processus décisionnel qui doit être l'apanage exclusif de la Commission de la représentation. Nous souhaitons que cette commission soit une commission permanente pour qu'elle puisse travailler dans la continuité des travaux qui ont été réalisés jusqu'à maintenant.

Pour nous, il est évident qu'un troisième principe sera celui du respect du grand principe fondamental en démocratie d'un électeur, un vote. C'est le principe qui est reconnu dans la plupart des sociétés, qui est un principe de plus en plus élargi et qui a été retenu par tout le monde au Québec jusqu'à ce jour. Nous aurons l'occasion et nous serons heureux d'en discuter avec le ministre délégué à la Réforme électorale dès le premier point, je pense, à l'ordre du jour de nos travaux. De même, M. le Président, nous serons d'accord pour limiter le plus possible le nombre de circonscriptions électorales parce que c'est un peu incongru que, pour une population électorale à peu près comparable, on augmente à chaque élection ou à chaque refonte de la carte le nombre de circonscriptions électorales. D'autant plus que, lorsqu'on se compare à des sociétés qui ont à peu près le même nombre de citoyens et d'électeurs que nous, c'est à peu près le même nombre de parlementaires qu'on y retrouve.

Nous serons aussi d'accord pour aborder cette question de précision de la notion de secteurs électoraux. Nous serons aussi d'accord pour dire qu'après tous travaux de la Commission de la représentation celle-ci doive déposer le budget et le contenu ventilé des dépenses qu'elle a faites pour réaliser son mandat. Mais, pour nous, il est essentiel que nous conservions nos acquis et que nous soyons très prudents quant au mimétisme que nous pourrions être tentés de faire pour copier ce qui se passe ailleurs.

Si, pour nous, il y a une chose qui est claire, c'est que, s'il y a un domaine dans lequel Ottawa n'est pas un exemple à suivre, c'est bien en matière de délimitation électorale. On se retrouve aujourd'hui à Ottawa avec la même carte électorale depuis au-delà de quinze ans, avec des situations de surreprésentation inouïes, inimaginables, de même qu'avec des situations de sous-représentation absolument inqualifiables que bon nombre de parlementaires fédéraux reconnaissent d'ailleurs. Pour nous, ce n'est pas un modèle à suivre. S'il existe un modèle de démocratie exemplaire en matière de délimitation de la carte électorale, c'est bien le modèle québécois et compte tenu de ces éléments, M. le Président, je répète: Notre grand intérêt pour aborder ces questions délicates et complexes, mais à l'intérieur

d'un cadre qui pour nous est celui du progrès de nos institutions démocratiques, est de modeler nos institutions non pas en fonction des intérêts ou des préoccupations des élus ou des formations politiques, mais, bien plus, avec en tête, constamment, l'intérêt de l'ensemble de la population du Québec.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le député de Gouin. Oui. D'accord. M. le ministre, je comprends que vous voulez peut-être réagir immédiatement è certaines des invitations lancées par le député de Gouin.

M. Michel Gratton (réplique)

M. Gratton: Très brièvement. D'abord, dans la mesure où le député de Gouin, au nom de sa formation politique, se dit prêt à améliorer ou à pousser plus loin la démocratisation du processus de délimitation des circonscriptions électorales, je lui dirai tout de suite que nous le suivrons et nous sommes même prêts à le précéder dans ce domaine. Quand nous proposons d'entériner la recommandation du rapport Rémillard d'utiliser la population globale comme base de la représentation, nous croyons justement que cela va dans le sens d'une plus grande démocratisation de ce processus.

C'est l'objectif majeur et nulle part, ni dans les recommandations du Secrétariat à la réforme électorale, ni dans quelque propos que des membres du gouvernement ont pu tenir, on n'a remis en cause les acquis de cette démocratisation que nous avons connue au cours des années comme j'en ai fait le bref historique tantôt. Il n'est pas question pour nous de toucher de quelque façon que ce soit à l'indépendance, à l'autonomie de la commission, qu'elle soit permanente ou temporaire ou ad hoc, qui est responsable de la délimitation de la carte électorale. Il n'est pas question pour nous de modifier le processus d'adoption de cette carte qui est laissé entièrement à la Commission de la représentation bien que la loi actuelle prévoie un débat limité à l'Assemblée nationale, mais où il est impossible a quiconque de modifier un tant soit peu la décision de la Commission de la représentation.

Le député de Gouin faisait valoir que c'est aujourd'hui la première fois que j'endosse officiellement les recommandations du rapport Rémiliard. Je crois devoir le corriger en le référant à de nombreuses déclarations que j'ai faites publiquement à savoir qu'il m'apparaissait que les recommandations du rapport Rémiliard nous étaient non seulement acceptables, mais que nous considérions qu'il était souhaitable que nous les adoptions. Cela étant dit, je dois signaler que nous devons avoir un deuxième objectif au cours de nos travaux, bien sûr, de maintenir les acquis, bien sûr de pousser plus loin la démocratisation du processus, mais aussi nous avons le devoir de nous pencher sur les coûts, sur la rationalisation des coûts.

M. le Président, s'il nous était permis de modifier certaines dispositions de la loi actuelle pour réaliser des économies sans pour autant toucher à l'aspect fondamental de la loi, il me semble qu'il serait irresponsable que nous ne le fassions pas. C'est dans ce sens que plusieurs des recommandations du rapport Rémillard reçoivent l'aval du gouvernement. J'ai pris bonne note des intentions, de l'attitude, des arguments, des affirmations qu'a faites le député de Gouin et je lui dis tout de suite que, oui, nous débattrons ensemble ici à la commission le fond de chacun des éléments. Nous respecterons l'engagement de ne modifier la Loi électorale que sur la base des consensus qui seront établis ici à la commission, bref à l'unanimité des partis représentés à l'Assemblée nationale. Nous le ferons avec plaisir, M. le Président. Contrairement peut-être à ce qu'affirmait le député de Gouin tantôt, à savoir que j'aurais pris l'engagement d'associer l'Opposition à notre démarche seulement après la parution du rapport Rémiliard, je lui rappelle que c'est dès l'adoption du projet de loi 23, soit en mars 1985, que je me suis engagé à consulter...

Une voix: En mars 1986.

M. Gratton: ... - en 1986, pardon - que je m'étais engagé à ne pas déposer de projet de loi sans avoir au préalable consulté l'Opposition.

Il est vrai, M. le Président, comme l'affirmait le député de Gouin, que le travail du comité consultatif a été quelque peu allégé par rapport à la pratique qui avait cours sous l'ancien gouvernement, j'ai déjà expliqué que je préfère de loin faire le débat que nous ferons au cours des prochains jours, ici, en commission parlementaire plutôt qu'à l'intérieur de comités où seuls quelques représentants de chaque parti sont associés, de sorte que l'Assemblée nationale n'est saisie que des conclusions de ces travaux. Il me semble que dans le domaine du processus électoral trop de transparence ou plus de transparence ne casse pas. Je préfère de loin que les débats se tiennent au vu et au su de tous, c'est-à-dire par le biais des travaux de la commission parlementaire.

Ceci étant dit, M. le Président, je réitère au député de Gouin et à l'ensemble des membres de la commission que nous allons effectivement faire valoir notre point de vue sur chacune des dispositions ou des recommandations du rapport Rémiliard. Nous tenterons de convaincre les membres de l'Opposition quant à ces éléments du rapport

sur lesquels on nous affirme déjà ne pas être en accord du côté de l'Opposition. Je note surtout avec beaucoup de satisfaction que dans plusieurs cas nous nous rejoignons déjà et peut-être bien qu'il s'agira, dans ces cas, strictement de formuler les consensus de façon que nous puissions procéder, comme nous nous y sommes engagés, à la modification de la Loi sur la représentation électorale avant le 1er mai prochain.

Il n'y a anguille sous roche nulle part, M. le Président. C'est dans la plus complète ouverture que nous abordons les travaux. J'ai hâte d'entendre les arguments que feront valoir non seulement les membres de l'Opposition, mais également les membres ministériels de la commission. Je suis sûr qu'a l'issu de ces travaux nous pourrons, je pense, faire un pas de plus dans l'amélioration de ce processus de la délimitation des circonscriptions électorales. Il n'est pas question, dans l'esprit de quiconque de ce côté-ci de la commission, de remettre en cause quelque acquis que ce soit dans ce domaine. C'est pourquoi, je l'ai souligné, M. le Président, nous en sommes là avec les acquis tels que nous les connaissons grâce aux efforts de plusieurs gouvernements: gouvernement unioniste, gouvernement libéral, gouvernement péquiste.

À ce titre, j'ai, comme l'a souligné le député de Gouin, participé à la plupart des travaux entourant les lois électorales depuis 1972. Je conviendrai que c'est peut-être la première fois où l'on procède vraiment avec un engagement aussi formel de la part du gouvernement de ne légiférer que sur les points qui font l'unanimité, car le député de Gouin, dans son étude du dossier, aura sûrement noté que certaines des dispositions que nous défendons, aujourd'hui, sont les mêmes que celles que nous défendions en 1979, par exemple, lors de l'adoption de la loi actuelle et que le gouvernement d'alors n'avait pas retenues. M. le Président, je le signale, non pas pour dire que nous ferons de même, mais simplement pour dire que nous ferons un peu mieux.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le ministre. M. le député de Gouin, vous voulez ajouter quelques mots?

Discussion générale

M. Rochefort: Quelques très brefs commentaires sur les brefs commentaires du ministre, M. le Président. Par la suite, j'aurai peut-être deux séries de questions à adresser au ministre avant qu'on aborde carrément le premier point des recommandations de... (15 h 30)

M. Gratton: M. le Président, me permettrait-on avant? II y a des documents qui sont dans les pochettes d'information, qui ont été remises tant aux membres de la commission qu'aux membres de la Tribune de la presse. Ces documents font l'objet de rectificatifs qui nous sont parvenus du Directeur général des élections, tout récemment. Je demanderais la permission pour qu'on les distribue immédiatement afin d'éviter qu'il y ait confusion.

M. Rochefort: Oui, juste un commentaire, M. le Président. C'est toujours le problème des documents qui remplacent les autres. Pourrait-on attirer notre attention sur les éléments de modification? C'est compliqué de repartir à zéro, de documents qui remplacent un autre document.

M. Gratton: M. le Président, voulez-vous qu'on fasse cela tout de suite? Je pense que cela peut être très bref.

M. Rochefort: Peut-être... M. le Président, je vais quand même compléter par quelques commentaires.

Le Président (M, Filion): D'accord.

M. Gratton: D'accord. On les déposera après.

Le Président (M. Filion); Nous retenons pour tantôt.

M. Rochefort: M. le Président, dans un premier temps, je veux être bien précis. Je n'ai pas dit - du moins, je ne voulais pas le dire, si c'est ce que j'ai dit - que c'était la première fois que j'entendais le ministre endosser les recommandations de M. Rémillard, bien au contraire. J'ai dît que tout ce qu'on a entendu, c'était le ministre dire: Oui, je suis d'accord. Mais c'est la première fois, aujourd'hui, qu'on entend le ministre justifier ses accords sur un certain nombre de points. On serait heureux de l'entendre sur les autres.

Deuxièmement, M. le Président, je veux souligner que, dans le cadre des travaux du conseil consultatif, cela ne s'oppose pas à des travaux de commission parlementaire dans notre esprit parce que les travaux faits au conseil consultatif ont toujours débouché sur des commissions parlementaires. Mais, pour nous, le fait que la réflexion initiale se fasse au conseil consultatif plutôt qu'au cabinet du ministre responsable de la réforme électorale ou qu'au Secrétariat à la réforme électorale, c'était bien mieux, bien plus transparent et bien plus démocratique que dans le cabinet du ministre responsable ou au secrétariat. En ce sens, je veux prendre un exemple précis sans ouvrir de débat là-dessus. J'ai lu, aujourd'hui, dans la Presse que le ministre nous indique que son cabinet est à préparer des documents de travail sur la notion du... Vous n'avez pas dit

cela? Tant mieuxl Voilà un bel exemple!

M. Gratton: Je n'ai pas de cabinet comme ministre...

M. Rochefort: Non, je m'excuse, mais vous avez lu les mêmes journaux que moi?

M. Gratton: Oui, mais...

M. Rochefort! Parfait!

M. Gratton: ...je dois rectifier...

M. Rochefort: Je suis heureux de voir que vous êtes membre du club des mal cités, vous aussi.

M. Gratton: Vous me permettez de corriger le journaliste...

M. Rochefort: Ah oui, sûrement!

M. Gratton: ...et dire qu'il s'agissait du secrétariat et non pas du cabinet; je n'en ai tout simplement pas de cabinet.

M. Rochefort: Parfait! Vous n'avez pas de cabinet?

M. Gratton: J'en ai d'autres, au pluriel, mats pas celui-là.

M. Rochefort: Donc, au grand dam de certains, d'ailleurs! Que ce ne soit pas au cabinet sur le montant plafond de souscription admise pour un électeur, tant mieux! Mais le ministre nous dit: C'est au secrétariat. Nous pensons qu'il serait plus positif et plus soucieux d'arriver à un consensus de départ, plutôt que tumultueux d'arrivée, que ce soit discuté maintenant au conseil consultatif que d'attendre que le gouvernement se soit fait une tête pour qu'on vienne ensuite discuter de ces questions au conseil consultatif. C'est cela la différence entre le fonctionnement qu'a connu le conseil consultatif sous le gouvernement précédent, indépendamment des questions partisanes entourant ces sujets par rapport a ce qu'il connaît depuis le 2 décembre 1985. Mais il est clair quant à nous, que cela doit toujours déboucher sur une commission parlementaire et sur un débat public.

Ceci dit, M. le Président, sur les remarques du ministre, avant qu'on n'aborde le dossier lui-même et aussi relativement à l'une des dernières remarques du ministre, dois-je comprendre... Oui, je suis chatouilleux quelquefois sur certaines questions plus fondamentales, sur la question des consensus; je sais, vous me connaissez bien. J'ai lu ce matin un article, que vous n'avez peut-être pas lu au complet selon le journal que vous avez lu, de M. Normand Girard. Si on le lit dans le Journal de Québec, cela s'arrête à un paragraphe, mais, si on le lit dans le Journal de Montréal, cela va un peu plus loin. Dans le Bien oui, que voulez-vous? II est normal que ces deux villes n'aient pas exactement les mêmes nouvelles.

M. Bélisle: Les clientèles étant différentes.

M. Rochefort: Le député de Mille-Îles nous dit que les clientèles sont différentes. M. le Président, on lit essentiellement le même texte que dans le Journal de Québec, mais qui se poursuit comme ceci: "Avant les fêtes, l'Opposition péquiste a manifesté une grande résistance face à la proposition gouvernementale. M. Gratton estime que si l'Opposition n'est toujours pas d'accord, elle devra le dire et expliquer pourquoi. "Mais, a-t-il précisé, - il cite M. Gratton - cela ne nous empêchera pas de réduire la fréquence de refonte de la carte électorale à tous les huit ans plutôt qu'à tous les quatre ans, comme c'est le cas à l'heure actuelle, et d'abolir la Commission permanente de la représentation électorale pour réaliser des économies qu'on veut faire."

Je veux seulement être sûr, M. le Président, que ce n'est pas cela que je dois suivre, mais plutôt la réédition, une nouvelle fois répétée, de l'engagement formel du ministre que ne seront contenus au projet de loi que les éléments d'accord entre les deux formations politiques.

M. Gratton: M. le Président, la réponse est oui au député de Gouin. De deux choses l'une: soit que je me suis mal exprimé ou que le journaliste m'a mal compris. Ce que j'ai pu dire et ce que je suis prêt à redire ici, c'est que je suis persuadé ou je suis plutôt enclin à croire que nous ferons consensus entre nous sur ces deux points et que cela devrait normalement nous amener à agir dans... Mais, si on ne fait pas consensus, on ne fera pas ce que, prétendument, j'aurais dit qu'on ferait.

M. Rochefort: Je suis très heureux d'entendre cela, M. le Président, de la bouche du ministre. Cela va faciliter encore plus et mieux le déroulement de nos travaux. Je pense que le ministre veut déposer quelques documents. J'aurais deux ou trois questions techniques sur le document Rémillard et, par la suite, on pourra entreprendre l'étude.

M. Gratton: D'accord. Dans un premier temps, il s'agit du tableau comparatif des législations canadiennes.

M. Rochefort: Oui.

M. Gratton: Si je comprends bien, il s'agirait de détruire celui qui est présentement dans la pochette et...

M. Rochefort: Essentiellement, qu'est-ce qu'il y a de différent?

M. Gratton: C'est noté dans le document...

M. Rochefort: C'est noté? Bon, excellent. D'accord.

M. Gratton: ...par astérisque. C'est indiqué dans le document. Ce n'est rien qui porte à conséquence. Ce sont surtout des précisions plus qu'autre chose.

Le Président (M. Filion): D'accord. Alors, le ministre dépose donc le tableau comparatif des législations canadiennes, une mise à jour. Ce document vise à remplacer, pour le bénéfice des membres de la commission et des autres, le tableau comparatif qui faisait déjà partie de notre pochette d'information.

M. Gratton: Le deuxième, M. le Président, il s'agit de l'annexe I, c'est-à-dire le tableau des ratios électeurs-population sur l'île de Montréal. Je prierais les membres de détruire le tableau ou l'annexe I qui est présentement dans le dossier et le remplacer par celui qu'on distribue à l'instant même. Malheureusement, les changements ne sont pas notés, mais ils ne sont pas nombreux et je prierais le député de Gouin de les noter.

M. Rochefort: Pouvez-vous m'en donner une copie avant et je vais les noter?

M. Gratton: Oui, avec plaisir.

Le Président (M. Fîlion): Donc, dépôt d'un document intitulé annexe I, ratio électeurs-population, île de Montréal, 1981, visant à remplacer, encore une fois, le document qui faisait déjà partie de nos documents d'information initiaux.

M. Rochefort: D'accord.

M. Gratton: Si on veut prendre l'annexe I pour le comté d'Anjou, l'ensemble des données a été changé, parce qu'il s'agissait d'une interversion qui avait été faite avec un autre comté. Donc, il y avait erreur dans le premier tableau. Les chiffres que l'on retrouve pour le comté d'Anjou sont ceux qui apparaissent à cette nouvelle annexe et qui ont été modifiés.

C'est la même chose pour le comté de Mercier. Finalement, le troisième changement, c'est pour le comté de Bourget quant au pourcentage des 18 ans et plus; 80,4 % est le pourcentage qu'on doit lire et non celui qui apparaissait à l'annexe précédente. Est-ce que cela va?

M. Rochefort: Oui.

Le Président (M. Filion): Donc, il y a eu trois comtés de modifiés par rapport aux deux annexes. C'est cela?

M. Gratton: Anjou et Mercier, l'ensemble des chiffres; et, pour Bourget, le pourcentage des 18 ans et plus.

Le Président (M. Fîlion): D'accord. Donc, ces documents sont reçus et déposés. M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Oui. M. le Président, avant qu'on aborde point par point, si vous me permettez l'expression, nos travaux, on a un certain nombre de questions & poser au ministre.

Le Président (M. Filion): Est-ce que ce serait possible, vu qu'on a certains invités a l'extérieur...

M. Rochefort: Ah bon! Oui, sûrement qu'on pourrait, oui.

Le Président (M. Filion): ...si ces questions techniques...

M. Rochefort: On peut suspendre et reprendre nos activités.

Le Président (M. Filion): Je suspends nos travaux pour une quinzaine de minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 40)

(Reprise à 15 h 56)

Le Président (M. Filion): Les travaux de la commission reprennent et la parole est au député de Gouin.

M. Rochefort: M. le Président, je voudrais poser un certain nombre de questions au ministre avant qu'on aille plus loin dans nos travaux quant au statut du rapport Rémillard. Est-ce qu'on pourrait nous dire quels étaient les mandats précis qui ont été donnés à M. Rémillard dans le cadre du travail qu'il a réalisé eu égard è la carte électorale? Il a fait allusion à un certain nombre de choses dans la lettre de transmission au ministre, mais le mandat n'est présent nulle part. Est-ce qu'on pourrait avoir une copie du mandat qui lui a été donné? Est-ce que le ministre pourrait nous faire état du mandat particulier qui a été donné à M. Rémillard pour en arriver au document qu'on a devant nous?

M. Gratton: M. le Président - je l'ai mentionné, d'ailleurs, dans mes remarques préliminaires - nous avions convenu, c'est-à-dire que j'avais décidé et j'avais annoncé qu'il était dans mon intention de procéder, comme cela s'impose, j'imagine, après chaque élection, à une révision des deux lois qui régissent le processus électoral, c'est-à-dire la loi de la délimitation électorale et la Loi électorale elle-même. J'avais indiqué dès le départ que, précisément à cause de l'urgence de procéder dans le cas de la carte, puisque les exigences de la loi actuelle portaient sur la nécessité que les travaux s'enclenchent immédiatement après l'élection et que nous savions déjà, de l'aveu du Directeur général des élections, qu'il fallait tout au moins modifier le barème, sans quoi on risquait de se retrouver avec un nombre indéterminé de circonscriptions, ce que nous ne souhaitions pas... Donc, l'urgence s'imposait que nous commencions d'abord par la loi sur la représentation. Il n'y a pas eu de mandat écrit, je l'avoue très candidement. Le mandat donné au Secrétariat à la réforme électorale a été de refaire l'ensemble de la réflexion sur la loi actuelle, de voir là où on pouvait aller plus loin dans le processus de démocratisation tout en maintenant les acquis, évidemment, et d'identifier si certaines économies pouvaient résulter de modifications quelconques. Voilà ce que nous a donné le rapport qui nous a été remis en août dernier. En cours de préparation et de cette réflexion, j'ai rencontré à plus d'une reprise le personnel du secrétariat pour discuter à diverses étapes des divers éléments dont on se proposait de saisir les membres de la commission et de l'Assemblée nationale.

M. Rochefort: Alors, c'était une question de préoccupation du coût et de démocratisation des mécanismes. Cela s'est limité à cela.

M. Gratton: Oui.

M. Rochefort: Est-ce qu'il y a d'autres personnes que M. Rémillard qui ont participé aux réflexions, aux recherches, parce qu'à l'occasion vous appelez cela le rapport Rémillard et, à d'autres, vous appelez cela le rapport du secrétariat?

M. Gratton: Uniquement les personnes affectées au Secrétariat à la réforme électorale qui, comme on le sait, est issu du Conseil exécutif.

M. Rochefort: Est-ce que, à l'heure où on se parle, on considère que le rapport Rémillard est...

M. Gratton: Soit dit en passant, M. le Président, il ne serait peut-être pas inutile d'ajouter que, si la question du député de Gouin vise à demander si on a associé des gens du parti ministériel, la réponse est clairement non. Le Parti libéral, en tant qu'entité, a été saisi des recommandations ou des possibilités d'amendements au moment de la parution du rapport Rémillard, tant et si bien que j'ai reçu ensuite des représentations, notamment par rapport aux secteurs électoraux, qui nous ont amenés, justement, è ne pas entériner cette recommandation particulière du rapport Rémillard.

M. Rochefort: Tel n'était pas du tout mon objectif, mais puisque l'occasion m'en est donnée je dirai: Oui, je veux bien que le ministre nous dise: Je n'ai pas consulté les membres de votre formation politique plus que ceux de la mienne. Sans, d'aucune façon, vouloir discréditer la compétence que M. Rémillard peut avoir sur quelque question que ce soit, il faut reconnaître qu'il ne s'est pas produit d'opération du Saint-Esprit non plus en ce qui le concerne. Jusqu'au 2 décembre 1985, il était président de la Commission juridique du Parti libéral du Québec.

M. Gratton: Nous n'en faisons pas de cachette.

M. Rochefort: C'est cela.

M. Gratton: M. Rémillard a signé à titre de secrétaire général associé à la réforme électorale, mais le gros du travail, c'est bien sûr le personnel permanent du secrétariat qui l'a effectué.

M. Rochefort: Non pas pour aujourd'hui, mais je souhaiterais, à un moment donné, avoir la liste du personnel du secrétariat, vu que cela a été rapatrié au Conseil exécutif et que le secrétariat comme tel, semble-t-il, n'existe plus vraiment. Il serait intéressant de voir un peu qui on y trouve et quels sont les coûts affectés au secrétariat ou au mandat qu'il a reçu.

M. Gratton: J'en prends note.

M. Rochefort: Est-ce que le rapport, au moment où on se parle, est toujours un rapport du secrétariat ou si c'est maintenant un rapport gouvernemental? Est-ce qu'il a été l'objet de discussions et de décisions du Conseil des ministres? Quel est le statut des recommandations de M. Rémillard à l'heure où nous nous parlons?

M. Gratton: ll s'agit d'un rapport qui appartient au secrétariat, qui a été remis au secrétariat, qui n'a pas été soumis au Conseil des ministres, qui n'a pas fait l'objet ni de mémoires, ni de décisions du Conseil

des ministres, qui a été, par contre, soumis à l'attention du caucus des députés libéraux, qui me permet aujourd'hui de parler au nom du gouvernement dans le sens que je l'ai fait tantôt. Mais la décision du Conseil des ministres ne viendra que sur présentation d'un mémoire accompagné du projet de loi que nous élaborerons ou définirons ensemble au cours des prochaines heures.

M. Rochefort: Cela va.

Étude du document de travail

Le Président (M. Filion): Cela va? J'invite donc les membres, à ce moment-ci, à retourner au document de travail de janvier 1987 qui nous donne un peu l'ordre de nos travaux. Comme vous le voyez, ce document est divisé en six parties, la première étant la base de la représentation. Tel qu'entendu entre les représentants des deux groupes, je vais appeler chacune des têtes de chapitre de ce document, à la suite de quoi, s'il y a lieu, encore une fois, nous prendrons bonne note des consensus qui se seront dégagés.

M. Gratton: M. le Président... Le Président (M. Filion): Oui.

M. Gratton: ...je voudrais vous suggérer... Je présume que vous allez faire lecture de la question touchant également la tête de chapitre. Il serait peut-être...

Le Président (M. Filion): Vous alliez suggérer que je le fasse?

M. Gratton: Oui, il me semble que ce pourrait être une façon de procéder. On sait qu'on a remis à chaque membre de la commission un document qui comporte une vingtaine, sinon plus, de questions auxquelles on souhaiterait obtenir réponse de la part de la commission. Si vous vouliez procéder ainsi, je ne sais si cela agrée au député de Gouin...

Le Président (M. Filion): M. le député de Gouin. Personnellement, je n'ai aucune objection, si cela peut...

M. Rochefort: M. le Président, je vous dis tout de suite que, pour moi aussi, il n'y a pas d'objection. Je vous dis immédiatement, d'entrée de jeu, que pour à peu près chacune des questions, puisque cela tient dans trois ou quatre paragraphes, je lirais carrément ce que contiennent les recommandations Rémillard. Pour chaque point, ce sont trois ou quatre paragraphes. Je pense que cela fait plus que résumer l'idée maîtresse.

M. Gratton: J'avais l'intention de le faire, mais, moi aussi, je préférerais de loin que le président le fasse.

Le Président (M. Filion): À ce moment-ci, ce que je peux faire, avec le consentement des membres de la commission, c'est lire chacun des chapitres du rapport - c'est bien votre souhait? - avec la question qui est contenue dans le document de travail. C'est ça? Donc, la base de la représentation, je pense que chacun aura saisi rapidement l'enjeu de cette question-là.

La base de la représentation

Selon la loi actuelle, c'est la population électorale, c'est-à-dire l'ensemble des personnes inscrites sur la liste électorale, qui constitue la base de la représentation des députés à l'Assemblée nationale. L'équilibre recherché entre les différentes circonscriptions se traduit donc en termes de moyenne d'électeurs plutôt que de moyenne de population. "Cette approche conduit à exclure, pour les fins de l'établissement de la base de représentation des députés à l'Assemblée nationale, une proportion de la population qui varie d'une circonscription électorale à l'autre, et d'une élection à l'autre selon le taux d'inscription sur la liste électorale et donc selon des considérations qui relèvent autant du comportement électoral que de l'évolution démographique. "On peut dès lors se demander si le choix de la population électorale comme base de la représentation traduit le mieux les exigences de la démocratie représentative qui repose essentiellement sur la délégation du pouvoir de décision de l'ensemble de la population à ses représentants élus. "En effet, une fois élu, le député représente l'ensemble de la population de sa circonscription, et non seulement les électeurs qui se sont inscrits sur la liste électorale. Du strict point de vue de la représentation, il semble donc plus logique et plus conforme à la réalité de délimiter les circonscriptions électorales en utilisant les chiffres de la population totale. Non seulement cette approche respecte-t-elle davantage la réalité vécue par les députés mais elle correspond aussi davantage à la réalité vécue par l'ensemble des citoyens qui sont tous également soumis aux décisions prises par l'Assemblée nationale. "Au fédéral et dans quatre des" sept provinces qui ont établi des critères de délimitation des circonscriptions électorales, le quotient électoral est d'ailleurs basé sur les chiffres de la population totale tels qu'établis par Statistique Canada et non sur le nombre d'électeurs inscrits."

Je ferme les guillemets en ce qui concerne la lecture de cette première tête

de chapitre ou de cette première section du rapport Rémillard préparé par le Secrétariat à la réforme électorale. La question qui est soumise aux membres de cette commission dans le document de travail de janvier 1987: "La délimitation des circonscriptions électorales doit-elle être faite en tenant compte du principe de l'égalité de la représentation de la population totale plutôt que de la population électorale?" M. le ministre.

M. Gratton: Voilà, selon moi, la recommandation la plus fondamentale du Secrétariat à la réforme électorale. Je l'ai dit au cours de mes remarques préliminaires et sans répéter tout ce que j'ai dit, il me semble qu'il y a un certain nombre d'arguments fort valables à l'appui de cette recommandation. D'abord, le concept même de la représentation. Ce n'est pas nous qui le disons, c'est connu depuis toujours que le député à l'Assemblée nationale représente l'ensemble de la population de sa circonscription et non seulement les électeurs qui s'inscrivent sur une liste électorale.

Évidemment, on peut se demander pourquoi des citoyens d'une circonscription ne s'inscrivent pas. Il y a d'abord la définition de celui qui a la qualité d'électeur et, notamment, toute personne de moins de 18 ans ne peut être électeur, donc, elle n'entre pas dans le calcul que fait la Commission de la représentation pour délimiter les circonscriptions.

On a également fait état du fait qu'il y a des gens qui, par exemple, parce qu'ils ne remplissent pas les exigences du côté de la citoyenneté, sont également laissés de côté au moment de ce calcul. Finalement, on a fait relever le cas très spécifique où les comportements électoraux de certaines personnes peuvent entrer en ligne de compte. Ce n'est peut-être pas de façon significative. On pense à l'exemple que nous avons donné de la diminution de quelque 14 000 électeurs sur un total de 1 228 000 entre le référendum de 1980 et l'élection de 1981. Une différence en moins de 14 000 électeurs inscrits sur les listes électorales un an plus tôt, c'est-à-dire au moment du référendum en 1980, nous indique que des gens, pour toutes sortes de raisons, valables ou non, mais qui sont personnelles - et je ne pense pas qu'il soit question de rendre obligatoire l'inscription sur les listes électorales - ils peuvent être motivés à ne pas s'inscrire sur une liste électorale et, donc, à être laissés pour compte au moment de la délimitation.

C'est le cas, notamment - je pense que c'est évident - des membres des communautés en provenance des pays de l'Est surtout qui ont une réticence marquée à se faire inscrire sur une liste quelconque, qu'elle soit électorale ou non. C'est ainsi que je m'explique, les différences qu'on a notées entre 1980 et 1981.

Le fait demeure que le principe de la représentation à l'Assemblée nationale c'est la représentation de la population en général, quelle que soit sa qualité d'électeurs. M. le Président, il me semble que voilà une façon de pousser plus loin la démocratisation, quelles que soient les incidences quant à ce que pourrait comporter une telle décision sur la délimitation des circonscriptions. Ce que l'on doit rechercher, c'est l'objectif de rendre la carte électorale la plus représentative possible de l'ensemble de la population, c'est-à-dire de l'ensemble des gens qu'un député doit représenter à l'Assemblée nationale.

Soit dit en passant, quant aux retombées, quant aux résultats concrets, le Directeur général des élections, dans ses considérations chiffrées, a conclu que l'utilisation de la population totale comme base de la représentation n'augmenterait ni ne diminuerait le nombre de circonscriptions d'exception. Il a fait cela dans ses réflexions sur les recommandations du rapport.

L'égalité recherchée dans les circonscriptions est actuellement loin de refléter la réalité de la représentation des députés puisqu'elle traduit seulement l'éqalité relative entre les listes électorales. Par exemple, il n'y a pas une élection - j'en ai déjà subi cinq ou six, je ne sais trop; j'en ai même subi deux dans la même année, c'était avant l'arrivée du Directeur général des élections, cependant - que j'ai vécue où je n'ai pas dû déplorer le fait que des gens se plaignaient de ne pas être inscrits sur la liste électorale, même si, il faut bien le préciser, avant chaque élection on procède à une révision de la liste existante ou simplement à la confection d'une nouvelle liste, si celle-ci n'existe pas déjà, selon les modalités de la loi et qu'on devrait donc considérer comme la plus complète possible. À chaque élection - je suis sûr que c'est l'expérience que vivent la plupart des députés - des gens nous appellent en cours de campagne pour déplorer le fait de ne pas être inscrits sur la liste. Évidemment, pour ceux qui sont encore susceptibles de pouvoir se présenter devant les bureaux de révision lorsqu'ils sont encore ouverts, on peut rectifier la situation, mais combien de fois l'électeur en question ne prend connaissance de son défaut d'inscription sur la liste électorale qu'après les délais écoulés et, donc, il perd son droit de vote. Non seulement on le prive d'être considéré au moment de la délimitation des circonscriptions - je suis loin de remettre en cause la nécessité de contrôler qui exerce son droit de vote - mais le fait demeure qu'en matière de délimitation il me semble que c'est fondamental. (16 h 15)

J'ai mentionné, plus tôt, la pratique qui se fait ailleurs, non pas pour que nous imi-

lions ce qui se fait moins bien qu'ici, car, j'en conviens, nous avons ici au Québec une loi que plusieurs seraient tentés d'imiter. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas quant à la base de la représentation. Moi, il me semble que c'est fondamental. Il s'agit de plus qu'une simple formalité où on choisit un ou l'autre au gré des circonstances, parce que j'ai nettement l'impression que c'est exactement ce qu'on a fait en 1972. En 1972, au moment où on s'apprêtait à refaire, à délimiter à nouveau les districts électoraux, la commission permanente de la redistribution - je ne me rappelle plus trop bien terme exact, mais je l'ai cité tantôt -présidée par le juge Drouin qui était alors président des élections, comme on l'appelait, a clairement indiqué dans son rapport... Et il ne serait peut-être pas inutile de citer le texte. Cela ne nous éclaire pas beaucoup, je crains, mais cela en dit long, quant aux motifs, sur les circonstances qui existaient. C'est dans quelle annexe?

Une voix: L'annexe V.

M. Gratton: Dans le rapport de la Commission permanente de la réforme des districts électoraux, en mars 1972 - les membres étaient Me François Drouin, l'honorable juge Alphonse Barbeau et Me Jacques Prémont, que nous connaissons tous bien - on lisait à la page 2 de ce rapport: La carte électorale pour les fins fédérales est établie d'après la population. L'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 exigeant à l'article 51 la répartition décennale de la représentation après chaque recensement qui, en vertu de l'article 8, a lieu depuis 1871, dans l'année se terminant par un... Pour les fins de notre travail, le législateur nous avait donné comme base les électeurs. Dans les circonstances, cela a été particulièrement heureux. En effet, pour accomplir rapidement notre travail, nous ne pouvions attendre les résultats du recensement de juin 1971.

Je dis tout simplement que cela indique, quant à moi, que ce choix de la population électorale plutôt que celle de la population totale ou de l'ensemble de la population a été dicté en 1972 bien plus par une circonstance, la non-disponibilité des résultats du recensement de 1971, que par une considération de principe. II me semble que si le législateur avait statué là-dessus, le rapport en ferait mention. Ce qui n'est pas du tout le cas. Je reviens sur l'affirmation que fait le rapport à savoir qu'au fédéral, en ce qui a trait à la carte électorale qui sert aux élections fédérales, c'est dans la constitution du pays que l'on retrouve l'exigence de se servir de la population et non dans une simple loi qui peut être amendée. Finalement - je l'ai cité abondamment - le rapport de la commission

Grenier, en 1961 et en 1962, recommandait -après des travaux exhaustifs d'éminents experts en la matière - de retenir pour le Québec comme base de la représentation la population totale.

Il me semble que si on veut vraiment pousser plus loin dans le sens d'une plus grande démocratisation, d'une plus grande équité quant à la représentation, ce qu'on recherche ici à l'Assemblée nationale, ce sont des députés qui représentent l'ensemble de la population, qu'ils aient le statut d'électeur ou pas, et qui sont touchés, qui sont affectés par les gestes que posent les députés. Le député à l'Assemblée nationale, à titre de législateur, ne légifère pas seulement pour ceux qui s'inscrivent sur les listes électorales. Une loi peut s'appliquer et normalement s'applique à l'ensemble de la population. Le député qui vote une loi, qui s'exprime sur une loi au nom de la population de sa circonscription électorale, ne le fait pas seulement au nom de ceux qui sont âgés de plus de 18 ans ou seulement au nom de ceux qui ont décidé de s'inscrire ou même au nom de seulement ceux qui ont la qualité de citoyen canadien. À compter du moment où un député est élu à l'Assemblée nationale, il se doit représenter... Sûrement que le député ne représente pas seulement ceux qui ont voté pour lui ou ceux qui sont de même allégeance que lui. On vit cette situation au jour le jour dans nos bureaux de comté. M. le Président, on ne doit pas limiter la base même, le fondement même de la délimitation de la carte électorale, le fondement même qui nous permet d'élire des députés pour représenter l'ensemble de la population, le limiter uniquement è partir de considérations qui, quant à moi, ne répondent à aucun besoin, aucune raison majeure.

On peut bien arguer du côté du député de Gouin qu'il s'agit d'un changement fondamental. J'en conviens. C'est un changement fondamental qui a des conséquences. Moi, je suis prêt à les assumer. Qu'on ne vienne surtout pas nous dire qu'on a de sombres complots pour affirmer la base électorale d'un parti politique, que ce soit le mien ou celui d'un autre. Si on me demandait aujourd'hui de vous dire quel impact cela aura, je ne pourrais que me référer aux affirmations du Directeur général des élections qui nous disait, dans ses réflexions, que les deux formules, finalement, comportent des avantages ou des inconvénients sur le plan technique, sur le plan de l'administration. Celui-ci ne se prononçait pas sur le bien-fondé, sur le principe même de retenir une formule ou l'autre.

M. le Président, je constate avec d'autres que, peut-être, de façon générale, la population électorale peut varier beaucoup plus que la population entière. N'oublions pas que, selon le processus de

délimitation actuellement prévu dans la loi, on doit tenir compte sur la prévision sur la population. Donc, ce n'est pas introduire une nouvelle notion qui est complètement inédite. Ce n'est pas non plus exiger des travaux supplémentaires. Bien au contraire! La base même qui pourrait servir à la délimitation de la carte à partir de la population, ce sont les statistiques qui sont recueillies de façon, je pense, très sérieuse et qui sont tout à fait fiables, tous les dix ans par Statistique Canada par le recensement décennal.

Je pense bien, M. le Président, que je peux m'arrêter là. Je souhaiterais, par contre, que le député de Gouin nous fasse part de ses réticences, sur quoi il appuie les réticences qu'il a déjà exprimées quant au bien-fondé de retenir la population globale comme base de la délimitation. J'ai retenu qu'il ne souhaite pas de changement qui irait dans le sens d'une moins grande démocratisation ou d'une moins grande indépendance ou autonomie de la commission qui est responsable de la délimitation de la carte électorale. Je ne l'ai pas entendu invoquer d'arguments à l'encontre du principe même, du concept même de la représentation qui fait qu'à mon avis il serait beaucoup plus équitable, beaucoup plus possible d'assurer une représentation valable en se servant de la population totale plutôt que de la population électorale. Je souhaite que le député de Gouin nous fasse connaître ses arguments de fond là-dessus.

M. Rochefort: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, comme je l'ai dit dans mon intervention préliminaire, je dois dire que c'est la première fois, aujourd'hui, que nous entendons le ministre tenter tant soit peu de soutenir cette recommandation fondamentale contenue dans les textes de M. Rémillard. Mais je dirai que, non seulement il ne nous a pas convaincu jusqu'à ce jour, mais il n'a convaincu personne. Je suis d'ailleurs heureux d'entendre le ministre nous dire que le Directeur général des élections, dans les réflexions et les commentaires qu'il a couchés sur le papier, à la suite des recommandations de M. Rémillard, n'a pas porté de jugement sur le bien-fondé de cette formule plutôt que la base électorale. Je dois dire que j'avais cru comprendre que le ministre avait tenté à un moment donné de nous dire que les commentaires du Directeur général de élections constituaient un appui à un certain nombre d'éléments des recommandations du rapport Rémillard, dont la base de la population.

Je dois dire, M. le Président, que, oui, le ministre a déjà couché cela sur papier, mais je suis heureux de voir aujourd'hui que le ministre nous dit: Non, tel n'est pas le cas parce que, effectivement, personne, y compris le Directeur général des élections, n'a produit ou commis quoi que ce soit depuis le dépôt des recommandations de M, Rémillard, n'est venu appuyer d'une façon ou de l'autre cette recommandation de M. Rémillard.

Deuxièmement, M. le Président, je dirai que ce qui est fondamental, c'est bien de savoir et de distinguer de quoi nous parlons quand vient le temps de délimiter la carte électorale. Le ministre a fait longuement état dans son dernier plaidoyer de ce que tout homme ou toute femme politique a rencontré au moins une fois sinon plusieurs fois dans sa vie, c'est-à-dire des gens qui sont venus lui dire: Je suis arrivé deux jours après la fermeture des commissions de révision et je n'aurai pas droit de vote à l'élection de tel mois, telle année, et je trouve cela bien choquant. Les qens se sont plaints de ne pas avoir été inscrits sur les listes parce qu'ils n'étaient pas là au moment du recensement des électeurs et tout cela, mais je veux qu'on soit bien conscient que, d'aucune façon, ce qui est contenu dans les recommandations de M. Rémillard n'aura pour but, pour effet et pour conséquence de changer quoi que ce soit à ce phénomène que vient de décrire le ministre délégué à la Réforme électorale. Il faut souligner une donnée qui, quant à moi, est fondamentale eu égard à cette notion du dressage des listes électorales au Québec, donc du recensement électoral au Québec. Nous avons, au Québec, l'un des mécanismes les plus performants en termes de capacité d'inscrire sur les listes électorales un nombre et une proportion substantielle des hommes et des femmes qui ont droit de vote dans un État où il n'y a pas d'obligation légale de s'inscrire sur les listes électorales. Il est évident qu'il y a des pays où c'est obligatoire d'être inscrit sur la liste électorale et d'aller voter; auquel cas, j'imagine qu'ils doivent avoir un bon système.

Des voix: Oui.

M. Gratton: Ils sont obligés de voter pour le seul parti qui existe aussi.

M. Rochefort: Oui, c'est cela. Je suis content de voir que le ministre est sensible à cela. Je pense que ce sera utile dans nos discussions pour d'autres éléments des recommandations. Soyons conscients que, mis à part ces pays où l'inscription et le vote sont obligatoires, notre mécanique de recensement électoral est parmi sinon l'une des meilleures dans le monde occidental. Cela a notamment été observé à l'occasion des travaux que le Directeur général des élections a menés, il y a un certain nombre d'années, autour de cette hypothèse de liste électorale permanente au Québec. Tout le monde reconnaît que cette façon de dresser des listes électorales est parmi, sinon la meilleure qui existe dans le monde libre

occidental en matière d'inscription et d'exercice du droit de vote. Auquel cas, M. le Président, ce ne sont sûrement pas des amendements à la Loi sur la représentation électorale qui amélioreront et corrigeront quoi que ce soit au problème qui subsiste, par ailleurs, à ce processus de recensement des électeurs.

D'autre part, je dois souligner, M. le Président, que, à toutes les étapes d'inscription, de correction ou de radiation d'un nom sur la liste électorale, jamais, en aucun temps et d'aucune façon et pour aucune circonstance, quelqu'un ne peut voir son nom inscrit, radié ou corrigé sans la présence de deux personnes conjointement recommandées par des formations politiques différentes, ce qui nous donne une protection et des garanties quant à l'objectivité, l'impartialité du processus de recensement électoral au Québec. (16 h 30)

Cela n'existe pas, par exemple - j'y reviendrai plus longuement tantôt - partout où on a des fichiers qui sont faits à partir d'ordinateurs. On sait qu'il y a des municipalités qui dressent leurs listes électorales à partir d'ordinateurs. On sait qu'à l'occasion des commissions scolaires le font et on sait aussi qu'il y a des États où l'on dresse la liste électorale de cette façon.

Cela, c'est propre à un système comme celui qu'on a au Québec, ce qui ajoute à cette indépendance politique, à cette impartialité, à cette objectivité de la confection de la liste électorale. Je dirai que, pour nous, le jugement que nous portons sur le processus de recensement est excellent. On ne part pas avec un instrument faible, un instrument peu utile, peu solide, pour baser la représentation électorale quand on part de la liste électorale, donc, du cens électoral pour en arriver à délimiter les circonscription électorales.

D'autre part, M. le Président, il faut revenir au sens de la représentation électorale. Là, je m'excuse, mais je pense qu'on se mêle un peu dans les concepts et dans les notions. Il est juste de dire qu'un député, comme un gouvernement, est élu pour représenter l'ensemble de la population de sa circonscription ou du Québec, dans son entier.

Mais le législateur, de même que l'ensemble des Québécois et des Québécoises - cela fait consensus dans notre société - au fil des décennies et des mandats de gouvernement, ont décidé de qualifier ce qu'était la population à des fins électorales au Québec. Le législateur a décidé que, pour être pris en considération dans cette notion de représentativité, il fallait répondre à un certains nombre de critères qu'on connaît: 18 ans et plus, citoyenneté canadienne et n'être frappé d'aucune incapacité prévue par la loi.

Sauf erreur, personne ne nous propose de remettre cela en question. Mais dans la mesure où on ne nous propose pas de remettre cela en question, on dît: Oui, on représente toute la population, mais la population est qualifiée par le cens électoral. Par exemple, mes enfants n'ont pas un poids électoral équivalent, une influence équivalente à celle du député de Gatineau dans les décisions qui se prennent au Québec.

C'est voulu comme cela et c'est comme cela que l'ensemble de nos législations électorales ont été conçues, non pas au fil des années, mais au fil des décennies et des mandats de gouvernement depuis la Confédération et même avant. C'est évident qu'antérieurement, on y allait par "payeurs de taxes". On a dit: Cela va faire, on met cela de côté et on a décidé que tout citoyen qui répondait à un certain nombre de critères - 18 ans et plus, citoyenneté canadienne et n'être frappé d'aucune incapacité - aurait le droit de vote, quelle que soit son importance comme "payeur de taxes". Qu'il n'en paie pas du tout, un peu, pas mal ou beucoup, il aurait le même poids électoral. C'est une mesure de démocratisation de nos institutions, de la même façon que, le jour où on a décidé de donner le droit de vote aux femmes, en les plaçant sur le même pied que les hommes, c'était une mesure de démocratisation de nos institutions politiques.

Mais le peuple du Québec est représenté à l'Assemblée nationale par des élus, donc, délègue sa souveraineté politique, parce que, pour chaque question, on ne peut pas réunir les 6 500 000 Québécois pour leur dire: Écoutez, qu'est-ce que vous penseriez qu'on devrait faire en termes de réforme du Code de la sécurité routière ou en termes d'allocation de ressources dans le domaine de la santé et des services sociaux'' Le peuple du Québec délègue ses pouvoirs - qu'il conserve en dernière analyse et qu'il exerce par le biais des élections - à 122 députés qu'il était à partir de critères qui sont ceux qu'on connaît et, notamment, ce peuple est qualifié pars citoyens qui ont le droit de vote.

Quand on nous dit que, finalement, on devrait tenir compte de la population pour établir la délimitation des circonscriptions électorales, ma réaction est que cela remet en question, du tout au tout, ce grand principe fondamental du poids électoral équivalent que doit avoir chacun des électeurs du Québec. Quand on écoute l'argumentation qui est développée pour soutenir une telle proposition et qu'on mène un peu plus loin la logique, c'est que, au fond, on veut revoir les critères du droit de vote. C'est cela que ça veut dire. Rien oui, c'est ce que cela veut dire. Il n'est pas normal que je dise demain matin à mes enfants: Vous aurez le même poids électoral

que le monsieur d'en face qui a 39 ans ou la madame qui en a 62. Il n'est pas normal qu'on dise qu'ils auront le même poids politique que quelqu'un qui a acquis et qui répond aux critères du droit de vote qu'on s'est donnés et qui font consensus dans notre société.

Ce qui est important, ce n'est pas le nombre de personnes qui, au bout du compte, seront sous le joug des lois qui seront votées par l'Assemblée nationale qui déterminent la représentativité, mais c'est de savoir qui délègue des hommes et des femmes à l'Assemblée nationale du Québec. On dit que c'est 18 ans et plus, mais quel que soit le critère - on pourrait dire que tout !e monde a le droit de vote ou que c'est à compter de 4, 8 ou 12 ans - à partir du moment où on dit: Voici qui sont ceux et celles qui ont le droit de déléguer un pouvoir à des élus, il faut que chacun de ces détenteurs de la souveraineté populaire ait un poids équivalent quand vient le temps de déléguer son pouvoir à l'Assemblée nationale. C'est pour cela qu'au fil des décennies, on en est arrivé è la Loi sur la représentation électorale que nous avons aujourd'hui: on se retrouvait avec des circonscriptions électorales de 80,00, 9000 ou 10 000 électeurs et, en même temps, dans le même pays, avec des circonscriptions électorales de 152 000 électeurs ce qui faisait qu'il y avait des gens qui étaient plus souverains que les autres; ils avaient plus de poids que les autres dans les décisions qui étaient prises è l'Assemblée nationale du Québec.

Imaginez cet électeur d'une circonscription électorale de 8000 électeurs - ce n'est pas une circonscription d'exception -qui déléguait un député avec 100 % des pouvoirs. Le député s'assoyait et n'avait pas moins de poids que le député qui, lui, représentait 152 000 électeurs. Quelle situation profondément antidémocratique quant à cette notion fondamentale de la représentativité équitable des électeurs du Québec dans le pouvoir décisionnel qui est conféré aux membres de l'Assemblée nationale du Québec!

D'ailleurs, quand on regarde concrètement des simulations comme celles que le ministre nous a remises ou comme celles que n'importe qui est en mesure de faire, on s'aperçoit que, en prenant le critère de la population globale plutôt que celui de la population électorale, on fait un retour en arrière, on recule en regard de ce que nous avions pourtant réglé et pour lequel nous avions connu des progrès au plan de la démocratisation des institutions. Prenons deux comtés situés au coeur de Montréal: Gouin et Laurier; deux comtés côte à côte que je connais bien. On se retrouverait dans une situation où, parce que le comté de Gouin est un comté de gens plus âgés, il aurait plus d'électeurs pour envoyer un député à l'Assemblée nationale du Québec que le nombre de personnes du comté de Laurier pour envoyer un député à l'Assemblée nationale. On se retrouverait donc dans une inéquité, une absence d'équité dans la représentation politique des élus des comtés de Gouin et de Laurier. On en a un bon nombre de cas. Le Directeur qénéral des élections en a cité quelques-uns. Il y en a de nombreux, le cas le plus patent étant Châteauguay. C'est un comté de banlieue où il y a beaucoup de jeunes ménages, un poids électoral astronomique serait donné aux électeurs de ce comté comparativement à celui qu'auraient les électeurs d'autres circonscriptions électorales avoisinantes, où on retrouve moins de jeunes ménages avec de jeunes enfants.

Mais, en même temps, pour tous les autres critères, la Loi sur le financement des partis politiques, le droit de vote, le droit de participation à une campagne électorale, le droit d'être candidat, le droit de participer à une élection scolaire, le droit de participer à une élection municipale, on change la liste, on ne fonctionne plus avec cette liste, on repart avec seulement les 18 ans et plus. Confusion, recul et absence d'équité quant au poids électoral des différents électeurs du Québec. Pour nous, ce n'est pas du sur-place, c'est un recul. C'est un principe fondamental pour lequel des batailles se sont faites partout dans le monde entier pour qu'on respecte cette équité. Pourquoi nos institutions politiques ont-elles connu les problèmes qu'elles ont connus dans les années 1965-1975? Sans aucune partisanerie, je dirai que c'est parce qu'on se retrouvait souvent avec des situations comme celles-là. La situation que j'ai décrite tantôt: 8000 électeurs par rapport aux 152 000 électeurs, j'imagine que les gens pour qui ces questions sont familières se rappelleront que je fais allusion au grand comté de Terrebonne, avec ses 152 000 électeurs. Cela ne date pas d'il y a 60 ans. Cela nécessitait donc qu'on revienne à ce grand principe fondamental qui est la pierre d'assise de nos institutions démocratiques, donc, de la représentativité qui fait que, lorsque le député de Gatineau vote à l'Assemblée nationale, il a un poids comparable à celui que le député de Gouin ou le député de Beauharnois ou le député de Dubuc a à l'Assemblée nationale, mis à part un facteur qui est de plus ou moins 25 %, qui sert généralement à reconnaître qu'en milieu rural, compte tenu des superficies, du nombre de municipalités, etc., des contraintes géographiques et du nombre de dossiers auquel un député doit faire face, il y a généralement, souhaite-t-on, un peu moins d'électeurs que dans un comté urbain qui, lui, est très concentré. Mais cela, c'est une règle qui est acceptée à tous les niveaux et que personne ne remet en question actuellement.

D'autre part, je dois dire que l'application de la règle de la population rendrait à peu près impossible une refonte de la carte électorale avant le prochain scrutin général. M. Rémillard, dans son rapport, fait état qu'évidemment on reporterait la date possible du début des travaux de la Commission de la représentation si ce critère était retenu au cours des prochains jours. J'ai vérifié encore une fois mes calendriers ce matin avec l'hypothèse la plus optimiste, mais une hypothèse qui fait qu'on n'évacue pas les étapes nécessaires dans le processus de délimitation des circonscriptions électorales et on se retrouve quelque part, immanquablement, à l'automne 1989. En conséquence, M. le Président, je voudrais bien voir quelqu'un qui viendrait m'annoncer aujourd'hui qu'il n'y aura pas d'élection qui aura eu lieu ou qui sera sur le point d'avoir lieu ou au coeur de laquelle on serait déjà rendu.

Je dirai aussi que le fait que le gouvernement fédéral utilise ce critère produit, comme je l'ai dit dans mon intervention d'introduction, des situations de surreprésentation décriées par tous comme des situations de sous-représentation décriées aussi par bon nombre d'intervenants. Sachons que, même si le recensement a lieu tous les dix ans, on se retrouve souvent avec une accessibilité aux données qui fait qu'on a les instruments nécessaires pour ne réaliser cette refonte de la carte qu'aux douze ou treize ans. Ce n'est pas pour rien qu'on se retrouve aussi aujourd'hui avec une situation comme celle qu'on connaît au fédéral où la carte a fait trois ou quatre élections, je pense, sur la même base. Ce n'est pas étranger au fait que ce critère ait été retenu.

D'ailleurs, un certain nombre de provinces canadiennes qui utilisent ce critère de population sont intéressées à changer ce critère pour celui de la base électorale parce qu'elles ne sont pas parfaitement satisfaites de cette situation.

Je veux aussi souligner que, si on utilise le critère de la population, non seulement on retrouvera dans le poids électoral les enfants, mais aussi les non-citoyens canadiens. Comment peut-on refuser de donner le droit de vote à des gens qui sont des non-citoyens canadiens et leur dire en même temps: Par contre, vous aurez un poids électoral équivalent à un électeur qui est citoyen canadien? Je pense que cela, c'est de la discrimination. Ou bien on leur donne... Cela pourrait être quelque chose à envisager. Auparavant, c'était cinq ans, le délai de citoyenneté; aujourd'hui, il est de trois ans. On ne peut leur donner la moitié de droits aussi fondamentaux que ceux-là. Il n'y a rien dans les données qui ferait en sorte que l'on pourrait départager cela. Donc, on se retrouverait avec beaucoup plus que les hommes et les femmes qui ont droit de vote.

I! y a la question de l'accessibilité aux données que j'ai évoquée et qui est toujours tout aussi vraie. D'ailleurs, c'est ce qui a été mentionné dans le rapport Grenier, dans le rapport de 1972 du juge Drouin et dans d'autres rapports et elle n'est réglée d'aucune façon. Aussi, par rapport aux délais, toujours dans le domaine de l'accessibilité, soyons conscients que, compte tenu de l'ensemble des données qui sont utilisées, colligées et compilées au bureau du Directeur général des élections pour la Commission de la représentation, compte tenu que tout cela est fait à partir des électeurs, cela nécessiterait, là aussi, de nouveaux délais qui feraient en sorte qu'on reporterait sûrement la refonte de la prochaine carte électorale du Québec. Donc, pour nous, il ne faut pas qu'une décision comme celle-là ajoute des délais, ce qui serait sa conséquence. (16 h 45)

Et surtout si on parle de représentativité et de délégation de pouvoir, sachons de quoi nous parlons. Le principe fondamental à la base de cela, c'est celui du poids électoral. Pour nous, le poids électoral, c'est le poids dans le processus décisionnel des électeurs, les uns par rapport aux autres.

Le ministre nous dit: Oui, mais déjà la Commission de la représentation a le mandat de tenir compte un peu de l'évolution démographique, donc de la population en général et pas simplement de la population électorale, quand vient le temps de définir une circonscription électorale. Oui, et tant mieux, parce qu'il est possible qu'éventuellement un citoyen non-électeur, parce qu'il n'a pas 18 ans ou parce qu'il n'est pas encore citoyen canadien, devienne un électeur de cette circonscription électorale. Ne pas avoir tenu compte de son arrivée ou du fait qu'il soit sur le point d'arriver comme membre du collèqe électoral et qu'on chambarde la carte pour revenir, quatre ans après, à l'ancienne carte, ce serait une erreur, mais, en même temps, on ne peut qu'en tenir compte.

Le ministre nous dit: Oui, mais il y a beaucoup d'électeurs dans tel comté ou dans tel autre, que ce soit parce que ce sont des comtés à forte densité de familles nombreuses, de jeunes ménages dans les grandes banlieues de Montréal et de Québec ou que ce soient des circonscriptions où tes minorités ethniques sont nombreuses - on sait que les non-citoyens sont souvent beaucoup d'enfants et on ne tient pas suffisamment compte de leur poids comme population - il faut être conscient que ça ne veut pas dire qu'ils vont demeurer dans ces mêmes comtés le jour où ils auront le droit de vote. Ils bougent beaucoup. Combien d'enfants de ménages de banlieue reviennent, aux alentours, justement, de la fin de

l'adolescence, vivre en ville? Combien de personnes qui n'ont pas aujourd'hui ie statut de citoyen canadien, qui, au moment où ils auront acquis ce statut de citoyen, auront changé de résidence, se seront acheté une demeure, auront changé de travail et, donc, auront changé de circonscription électorale? On ne peut même pas utiliser ça comme un guide solide. C'est un guide utile et intéressant qu'il faut prendre en considération, mais on ne peut pas orienter tout le travail de la refonte de la carte électorale, de la délimitation des circonscriptions électorales à partir de données pour lesquelles on n'a aucune garantie quant au fait qu'elles deviendront des statistiques électorales et non pas de population en général, finalement.

M. le Président, pour nous, ça représente effectivement un recul de passer d'un critère d'électeur à un critère de population globale pour délimiter les circonscriptions électorales parce que ce serait nous ramener dans une situation où on se retrouvera avec des députés à l'Assemblée nationale du Québec qui ne représenteront pas le même poids politique, électoral et, donc, on se retrouvera dans les mêmes situations et probablement pires que celles que nous connaissions lorsque nous avions sans exception des circonscriptions de 8000 et des circonscriptions de 152 000 électeurs. Pour nous, le principe du poids électoral est un principe fondamental en démocratie.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le député de Gouin. Avant de redonner la parole au ministre, celui-ci ou le Directeur général des élections me permettra une question. Nous avons été favorisés dans l'annexe 1 et l'annexe 2, ratio électeurs-population pour l'île de Montréal. Est-ce que semblable document existe, au moment où on se parle, en ce qui concerne les circonscriptions électorales à l'extérieur de l'île de Montréal?

M. Gratton: Sauf erreur, je ne pense pas que ce soit le Directeur général des élections qui ait préparé ce tableau, mais plutôt le secrétariat.

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Gratton: Je pense que le Directeur général des élections n'a fait que corriger les trois points qu'on a soulignés tantôt. Je ne pense pas que ce serait juste de lui demander pourquoi il n'a pas préparé un tableau pour l'ensemble. Je peux répondre au nom du secrétariat.

Le Président (M. Filion): Je posais ma question alternativement...

M. Gratton: Je peux répondre au nom du secrétariat qu'il nous est apparu que, à des fins d'indication, à des fins d'information, il serait suffisant de se limiter à l'île de Montréal puisque c'est là que nous anticipions que les disparités pouvaient être les plus grandes. On n'a pas fait l'exercice pour le reste de la province.

Si vous me le permettez, M. le Président...

Le Président (M. Filion): M. le ministre.

M. Gratton: ...je voudrais tout d'abord qu'on accorde nos violons. Le député de Gouin disait tantôt qu'il ne savait pas ou qu'il doutait qu'il soit possible de nous doter d'une nouvelle carte électorale à temps pour les prochaines élections si on devait retenir la population globale comme base électorale. Je suis d'accord pour qu'on mette cela de côté, qu'on parle du principe comme tel et, évidemment, si on ne retient pas le principe, la question ne se pose pas quant à la possibilité. Si, par hasard, on le retenait, on verra à ce moment à vider le sujet.

Cela dit, M. le Président, je voudrais tenter de cerner le fond de la pensée du député de Gouin. Il a commencé par nous dire que le mécanisme de délimitation de la carte électorale au Québec ici est le meilleur, je ne sais pas s'il a dit au monde, mais, en tout cas, il est sûrement le meilleur au Canada et peut-être de ceux qu'on connaît. Je serais tenté de lui dire: Vous avez raison et je partage votre point de vue. Je devrais nécessairement ajouter aussi qu'il est probablement celui qui coûte le plus cher de tous les systèmes qu'on connaît. Et ce n'est pas un défaut en soi.

M. Rochefort: M. le Président, si le ministre me le permet, je ne veux pas l'interrompre indûment, mais peut-être que la question des coûts est une question qu'on pourra discuter à part.

M. Gratton: Oui. Évidemment, mais je pense que ce n'est pas enfreindre le règlement de le mentionner. De toute façon, ce n'est pas là le but de mon propos. Donc, je reconnais que le processus qu'on a ici présentement au Québec est le meilleur qu'on puisse connaître. Je dis, M. le Président, que changer la base de la représentation pour employer la population totale plutôt que la population électorale n'a aucun effet sur ce mécanisme sauf en ce qui a trait à la source d'information. Si on parle de population totale, on obtiendra les informations qui sont le résultat du recensement fédéral décennal. Si on retient la formule actuelle, ce sont des listes qu'on confectionne selon les moyens que l'on connaît. Donc, M. le Président, le mécanisme ne souffrira d'aucun recul comme tel si on s'entend pour employer dorénavant

la population électorale.

J'ai tenté de bien cerner ce que disait le député de Gouin au sujet du principe même. Je ne veux pas manquer de charité à 9on endroit, mais j'ai eu l'impression qu'il développait un peu son argumentation au fur et à mesure qu'il procédait parce qu'il a conclu sur le grand principe du poids électoral équivalent, si je ne m'abuse. C'est comme cela qu'il a qualifié les électeurs. Le grand principe qui sous-tend tout le mécanisme dont il parle, ce serait, à son avis, le poids électoral équivalent de chacun. Il nous disait que le poids de mes enfants sur le plan électoral ne devrait pas être le même que celui d'un adulte ou de je ne sais pas trop qui. Je pense qu'il parlait de moi.

M. le Président, je ne sais pas d'où ce poids électoral équivalent sort. J'ai déjà entendu parler du principe du droit fondamental de toute personne d'être représentée à l'Assemblée nationale, toute personne électeur ou non, enfant ou non, immigrant ou non, Amérindien ou non. On va y revenir tantôt. On a parlé de Châteauguay, on va y revenir. Droit fondamental de toute personne d'être représentée à un Parlement, à l'Assemblée nationale, c'est là un principe beaucoup plus probant que le poids électoral équivalent.

La délégation du pouvoir de décision de la population à ses représentants élus, c'est un grand principe en démocratie. La population, pas la population que le législateur décide, doit avoir un poids électoral relatif. Je préviens le député de Gouin. Quand il nous dit que la définition d'électeur, ce qui permet à une personne de s'inscrire sur la liste électorale, c'est coulé dans le béton, cela fait l'objet de consensus, faut-il lui rappeler que cela change avec les années? N'est pas électeur aujourd'hui ou n'était pas électeur hier qui peut l'être aujourd'hui et ce, depuis 1979. Je prends à titre d'exemple les juges. Bon, cela n'a peut-être pas de signification très importante parce que le nombre n'est quand même pas sur le plan de la représentation. Mais le fait demeure qu'au cours des ans on a modifié la définition de l'électeur. On dit: La base même de la représentation de la population à l'Assemblée nationale va varier selon la définition qui, de temps à autre, pourra être modifiée par le législateur, par la simple adoption d'un projet de loi à l'Assemblée nationale. Il me semble que c'est plus fondamental que cela. C'est sûrement pour cela -que c'est inscrit dans la constitution canadienne et non pas simplement dans une loi.

Le député de Gouin parlait de Châteauguay en faisant référence à l'observation fort judicieuse qu'a faite le Directeur général des élections dans ses réflexions, à savoir que Châteauguay constituait un exemple des disproportions qui pourraient exister si on employait la population globale. Est-ce qu'on est allé au fond des choses pour voir pourquoi Châteauguay est dans cette situation? II y a des raisons. Il y en a deux principales. D'abord, le fait que le pourcentage de la population de moins de 18 ans est l'un des plus faibles au Québec dans ce comté. Bon, cela adonne comme cela. Surtout, parce que 7,5 % de la population du comté de Châteauguay, de la population comme telle, est amérindienne. Des citoyens canadiens, qui ont le statut de citoyen.

S'il y a quelqu'un qui a le statut de citoyen au Canada, c'est bien l'Amérindien. 7,5 % de la population et, en 1981, au dernier recensement, il y a 13 électeurs qui étaient inscrits sur une population de 5000, parce qu'ils ont décidé de ne pas s'inscrire. Ah! Et là ce qu'on me dit, c'est: S'ils veulent être représentés, qu'ils s'inscrivent. J'espère que ce n'est pas ce que le député de Gouin va me dire, parce que je ne pense pas qu'on devrait assujettir le droit fondamental de toute personne d'être représentée à l'Assemblée nationale à son comportement électoral.

Je suis sûr que ce n'est pas ce que le député veut dire, parce que tantôt on sera obligé de lut dire: Non seulement vous devrez vous inscrire, mais il faudra que vous votiez. Le député de Gouin y a fait allusion. C'est ainsi que cela fonctionne dans certains pays. Vous vous inscrivez et vous votez pour le bon bord, parce que, de toute façon, il n'y en a qu'un. On voit des taux de participation de 99,9 % dans certains pays et tout le monde dît: Qu'on est donc bien représentés! On a tous voté pour le même côté et regardez donc le gouvernement qu'on s'est donné! Je ne pense pas qu'il s'agisse de cela. Je caricature et j'exagère même en disant cela.

Je reviens à l'exemple de Châteauquay parce que je vis le même phénomène chez nous, dans le comté de Gatineau. Pour la réserve indienne de Maniwaki, je ne voudrais pas me tromper, mais je pense qu'il y en a eu 18 qui se sont inscrits sur je ne sais trop quelle population. Ce sont des citoyens canadiens. Ce sont des gens qui ont le droit fondamental d'être représentés à l'Assemblée nationale. La preuve, c'est qu'on signe des traités avec eux, on adopte des lois pour eux. Il n'y a pas une partie de session où on n'a pas un projet de loi qui touche à un groupe d'Amérindiens, sinon à l'ensemble des Amérindiens au Québec. Il n'y a pas une partie de session où on ne fait pas de loi à leur égard. On va me dire que ces gens doivent être privés d'avoir leur poids électoral parce qu'ils ont le malheur de convenir de ne pas s'inscrire sur les listes électorales. Moi, je pense qu'il y a quelque chose qui fait défaut quelque part dans l'argumentation du député de Gouin.

Je dis simplement: Avant de prétendre qu'utiliser la population globale plutôt que la population électorale constitue un recul, M. le Président, que le député de Gouin essaie non pas de m'en convaincre, mais au moins argumente sur ce point. Qu'il nous dise en quoi la notion de considérer tout le monde au Québec, toute la population, mineure, majeure, citoyen ou non, Améridien ou non, inscrit sur la liste électorale ou non, pour assurer à chaque personne une représentation adéquate à l'Assemblée nationale constitue un recul. (17 heures)

Le député de Gouin a répété à plusieurs reprises: Mais cela nous exposerait à donner un poids différent à différents députés parce qu'il y aurait de ces gens qui ne sont pas considérés présentement par la délimitation qui le seraient en utilisant la population. C'est le cas, même avec la formule actuelle. Cela demeurera toujours le cas par définition. Personne n'a suggéré de le changer. Une circonscription électorale présentement, peut être constituée de 36 000 électeurs plus ou moins 25... Électeurs, pas citoyens.

M. Rochefort: 25 %.

M. Gratton: 25 %. Cela veut dire 27 000 à 45 000. Par le texte de loi même, on consacre qu'un député peut représenter 45 000 électeurs et que le député d'à côté peut en représenter 27 000. D'ailleurs, je pense que les disparités sont plus grandes que cela; cela va de 26 000, dans Matapédia - si je ne m'abuse - à quelque 53 000, dans Lévis, plus ou moins 1000.

Une voix: Et Laprairie.

M. Gratton: Et Laprairie, me dit-on. Ce n'est pas parce qu'on utiliserait dorénavant le critère de population que cela va chanqer. Tout ce qu'on ferait en utilisant le critère de population, ce serait de dire: Chaque citoyen au Québec, quel que soit son statut d'électeur ou son comportement électoral... Moi, c'est ce qui me chicote. On dit: Celui qui ne se comporte pas comme la majorité sur le plan électoral, donc qui refuse de s'inscrire, n'a pas droit d'être considéré dans la représentation. La délégation de pouvoir, la délégation de la prise de décision par la population à ses élus, ce n'est pas seulement la délégation des électeurs, c'est la délégation de tout le monde.

M. le Président, en tout cas, moi j'aimerais vraiment que le député de Gouin nous dise, et je le répète, en quoi cela constituerait un recul puisque le mécanisme lui-même, je le répète, changera seulement en fonction de la nécessité de recours aux données de Statistique Canada - les recensements décennaux - plutôt que la confection d'une liste électorale qui survient théoriquement annuellement, mais qui, comme on le sait, survient surtout à l'approche d'une élection.

M. le Président, le mécanisme ne changera pas sauf pour cette considération. Évidemment, la façon de calculer, ta façon d'inclure ou d'exclure des personnes va changer. Justement, elle va changer dans le sens d'une plus grande démocratisation en accordant à chaque personne le droit d'être représentée à l'Assemblée nationale du Québec.

Le Président (M. Filion): M. le député de Gouin.

M. Rochefort: M. le Président, le premier commentaire que je ferai au ministre délégué à la Réforme électorale, sera de dire qu'il a sûrement mal vu ou ma! perçu des choses quand il m'a dit, au début de son intervention, avoir eu le sentiment que je développais mon raisonnement au fur et à mesure que je l'exprimais à haute voix. C'est sûrement une erreur d'appréciation de sa part. Devant la liste de documents que je vois devant lui, c'est sûrement une erreur d'appréciation de sa part. Lorsqu'il nous dît que c'est la première fois qu'il entend parler du principe du poids électoral, c'est au moins une illustration qu'il y aurait peut-être quelques lectures à compléter et qu'il aura sûrement l'occasion de le faire d'ici l'étude du projet de loi.

M. le Président, on est sur le fond de la question, à savoir qui a le pouvoir de déléguer. Je m'excuse, le ministre prendra les moyens qu'il voudra, mais il a besoin d'en trouver des meilleurs pour me convaincre que le pouvoir dans la société québécoise comme dans la société canadienne est entre les mains de l'ensemble de la population. Le pouvoir est entre les mains des électeurs. Ce sont eux qui délèguent leur pouvoir par le biais des élections, donc du processus démocratique. En conséquence, il faut donc s'assurer, pour qu'ils aient un plein pouvoir parfaitement équivalent les uns aux autres, qu'ils aient un pouvoir comparable parce que ce sont les électeurs qui ont le pouvoir dans notre société. Moi, je répète que le raisonnement sur la représentativité développé par le ministre a pour but et pour effet direct de nous mener à un élargissement du droit de vote. Si c'est cela qu'il veut faire, on parle d'une tout autre chose et on peut aborder cela dans les projets de loi si telle est son intention puisque l'initiative parlementaire est de sa responsabilité.

M. Gratton: M. le Président, je peux rassurer le député de Gouin...

M. Rochefort: Non, non, M. le

Président.

M. Gratton: Je pense que...

M. Rochefort: Ne me rassurez pas trop, vous m'avez rassuré assez souvent dernièrement.

M. Gratton: C'est cela que je voulais dire tantôt quand je disais que le député de Gouin me donne l'impression de développer son argumentation au fur et à mesure. Il me semble qu'il va un peu loin.

M. Rochefort: Non, M. le Président, je ne vais pas un peu loin.

M. Gratton: Ah! Parfait!

M. Rochefort: Je lui dirai là-dessus, s'il tient à son expression de tantôt: Les intentions, c'est comme de l'argent, pour en prêter, il faut en avoir. Or, j'espère que le ministre n'a pas ces intentions-là, M. le Président.

M. Gratton: Je vous dis que je n'ai pas cette intention-là.

M. Rochefort: Ah! J'en suis heureux, M. le Président. En conséquence, c'est comme de l'argent, vous ne pouvez pas m'en prêter.

M. le Président, je le répète, le pouvoir dans notre société est entre les mains des électeurs et ce sont les électeurs qui délèguent leur pouvoir aux élus du peuple pour que, à l'Assemblée nationale, les décisions qui se prennent reflètent, représentent le point de vue de l'ensemble des électeurs. Donc, tout le monde est sujet et doit se conformer aux lois de l'Assemblée nationale. Mais les pouvoirs sont détenus par les électeurs et sont délégués par les électeurs. On ne peut pas déléguer ce qu'on n'a pas. Dans notre société, ceux qui ont le pouvoir, ce sont ceux qui ont le droit de décider. Ceux qui n'ont pas le droit de vote ne peuvent pas décider. J'espère qu'on reconnaît cela tous ensemble. N'ayant pas le pouvoir, ils ne peuvent quand même pas le déléguer. À preuve, je ne peux rien déléguer à votre adjoint parlementaire, si vous en avez un, mais vous pouvez le faire parce que vous avez un pouvoir.

Le ministre nous dit: Oui, mais il y a déjà des anomalies au grand principe du député de Gouin, le plus ou moins 25 %. Bien oui, M. le Président, ce n'est pas de la coiffure cela. On ne coupe pas les cheveux et la carte à côté de chaque électeur pour être sûr qu'il n'y en a pas deux d'un côté plutôt qu'un de l'autre bord. C'est aussi pour mieux respecter les particularismes locaux et régionaux qu'on a ce critère de plus ou moins 25 %, pour respecter aussi ce principe que j'ai évoqué tantôt qui est de dire que, compte tenu des distances, compte tenu de la diffusion sur le territoire des populations en milieu semi-urbain ou rural, on accepte généralement que ce critère de moins 25 % s'applique dans la mesure du possible particulièrement en milieu semi-urbain et rural alors que le critère de plus 25 %, dans la mesure du possible, a été surtout prévu pour les milieux urbains densément peuplés où il y a moins de municipalités, moins de distance et le reste. Il est évident qu'il n'y s pas de représentation aussi parfaite que cela. J'imagine quel genre de carte électorale et surtout quel type de mécanisme de délimitation des circonscriptions électorales on devrait avoir pour s'assurer qu'un comté n'ait pas plus d'électeurs qu'un autre. De la même façon, M. le Président, je souscris totalement au fait qu'il y a actuellement des exceptions dans notre loi, ne serait-ce que les Iles-de-)a-Madeleine pour des raisons de particularismes locaux, de situation géographique particulière. On le reconnaît tous ensemble. J'imagine qu'il n'y a personne autour de la table qui, même au nom du grand principe du poids politique équivalent que chaque électeur doit se voir doter, remet en question le fait que les électeurs des Îles-de-la-Madeleine aient droit à un député avec 100 % des pouvoirs ici, à l'Assemblée nationale, alors qu'ils sont environ 8400 à 8500 électeurs.

M. le Président, quand j'entends le ministre nous dire: Oui, mais, regardez, on a donné le droit de vote aux juges et tout cela; justement, il va dans le sens d'accréditer notre thèse. On a justement posé un grand nombre de gestes pour éliminer le plus possible les inadmissibilités au droit de vote. Qui n'a pas le droit de vote au Québec actuellement chez les 18 ans et plus? Le Directeur général des élections et pas beaucoup d'autre monde, peut-être...

Une voix: Les incapables.

M. Rochefort: D'accord, les gens frappés d'incapacité, mais cela mis à part, reste-t-il d'autres personnes? Bon. Parce que justement on voulait s'assurer qu'on puisse vraiment permettre à tout le monde de profiter pleinement de son poids relatif dans le système démocratique, dans nos institutions.

On revient à la question. Donc, si c'est cela qui crée le problème, là on parle d'une autre chose, on parle du droit de vote. Je reviendrai sur l'exemple du ministre qui est très important: les Amérindiens. D'abord, on va faire là aussi une distinction de fond. S'inscrire ou ne pas s'inscrire sur une liste électorale n'est pas un comportement électoral. Non! Un comportement électoral, c'est une participation au processus électoral qui mène à une décision. Financer un parti politique ou un candidat, aller voter, voter

d'une façon plutôt que d'une autre, s'abstenir, annuler, afficher, ne pas afficher, cela, c'est un comportement électoral. Le fait de s'inscrire, ce n'est pas un comportement électoral. On va bien se comprendre.

Vos mêmes Amérindiens, qu'ils soient du comté de Châteauguay, de Gatineau ou d'Ungava où il y a beaucoup de Cris et d'Inuit - il y en a au Lac-Saint-Jean et on sait qu'il y en a un peu partout - comment se comportent-ils au recensement fédéral qui serait votre instrument pour dresser votre liste électorale? Comment se comportent-ils? On sait très bien qu'ils se comportent de la même façon. C'est très difficile d'aller chercher les informations pour permettre de les considérer dans les données démographiques, statistisques de Statistique Canada colligées à l'occasion du recensement décennal.

Mais que voulez-vous? C'est cela, la situation et c'est beaucoup aussi. Je ne suis pas un spécialiste en la matière, mais reconnaissons - je ne pense pas dire quelque chose qui n'a pas de bon sens, bien au contraire, et je respecte ce droit des Amérindiens qui est le leur - qu'il y a aussi un phénomène qui joue dans leur situation qui est que, pour bon nombre d'entre eux, iis considèrent que ce n'est pas nous qui avons le droit de prendre des décisions en leur nom et qu'en conséquence, ils n'ont pas à nous déléguer un pouvoir. Ils considèrent qu'on n'a pas à exercer le pouvoir à leur place. Reconnaissons que c'est beaucoup cela, au fond, la situation que vous avez décrite eu égard aux Amérindiens, sans porter d'aucune façon de jugement, sans qualifier d'aucune façon cette situation de fait. C'est beaucoup plus pour cela que pour toute autre raison. C'est cela, la situation.

Je répète, M. le Président, qu'il s'agit là d'un recul sur le plan démocratique. Les efforts qui ont été faits au fil des années et des décennies, c'est de faire en sorte que chaque électeur ait un poids semblable en tenant compte de particularités - les Îles-de-la-Madeleine, plus ou moins 25 % - mais qu'on ne se retrouve pas dans des situations... Et je répète, je ne décris pas une situation d'il y a 60 ans, je critique des situations des années soixante, où on se retrouvait avec des circonscriptions de 8000 ou 9000 électeurs qui déléguaient un député plein de pouvoirs, avec 100 % des pouvoirs à l'Assemblée nationale à côté du député voisin qui, lui, représentait rien de moins que 152 000 électeurs. Et il n'y en avait pas un qui avait plus de pouvoirs que l'autre. Là, on se retrouvait dans des situations où il était bien plus important de gagner un comté avec 8000 électeurs pour prendre le pouvoir et donc d'être au gouvernement, et donc d'influencer radicalement l'évolution d'une société, que de se préoccuper d'aller chercher un vote réparti un peu plus égale- ment sur le territoire.

C'était cela, les problèmes fondamentaux que les réformes que nous avons connues au fil des années, que nous avons élaborées, fignolées au fil des ans voulaient corriger et qu'elles ont effectivement corrigés, pour l'essentiel. Le ministre nous dit: Oui, mais regardez Matapédia, Lévis. Bien oui, justement, on devrait être au travail depuis treize mois pour corriger cela. C'est cela qu'on veut faire le plus rapidement et c'est pour cela qu'il faut qu'à fréquence régulière on se penche sur la carte électorale pour éviter qu'on se retrouve avec des situations comme Matapédia ou Lévis. Justement, on a le doigt dessus. On est parfaitement sur le bon problème, c'est cela qu'il faut régler et c'est pour cela que ça prend une refonte de la carte et qu'il serait inadmissible que ta prochaine élection se tienne sur la carte actuelle.

M. le Président, je sais que mes collègues veulent prendre la parole. Je vais essayer de me ramasser un peu avec un dernier argument pour cette partie de notre débat. Un recensement fédéral se tient aux dix ans. Je l'ai dit tantôt. Cela implique donc que, les données étant disponibles dans les années qui suivent, on se retrouve avec des refontes de la carte qui ont l'air de dater plutôt de treize, quatorze ou quinze ans qu'autre chose. Quand je reqarde l'évolution du Québec, pas d'ailleurs, ici, depuis 1960 ou 1958, 1956 pour être plus précis - prenez-le comme vous voulez - et qu'on essaie de regarder quelle est la moyenne de durée d'une Législature, je peux vous dire que, quinze ans, cela peut avoir l'air plutôt de quatre élections qu'autre chose. (17 h 15)

On va se retrouver dans de drôles de situations qui vont ressembler à celles qu'on a voulu corriger, parce qu'on considérait et qu'on considère toujours, en ce qui nous concerne, des progrès majeurs et fondamentaux au plan démocratique et celui d'avoir des députés qui vont représenter 100 000 électeurs à côté de députés qui vont représenter 22 000 électeurs... C'est cela, la situation fédérale, ce matin. On se retrouve avec des cas à la fois de super surreprésentation et des cas de sousreprésentation inouïs, inimaginables et avec des délais qui font que les refontes de cartes se font aux 12, 13, 14 ou 15 ans plutôt qu'à une fréquence qui correspond aux changements importants d'évolution, qui se rapprochent bien plus de 6, 7 ou 8 ans que de 12, 15, 16 ou 17 ans. Je répète que, oui, on veut que cela progresse mais on veut que cela progresse dans le bon sens. Pour nous, c'est un recul que de passer du critère électeur au critère population pour délimiter les circonscriptions électorales.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le député de Gouin. J'ai maintenant inscrit.... Est-ce que, M. le ministre, vous voulez prendre la parole là-dessus? Non?

M. Gratton: Non.

Le Président (M. Fiiion): Bon, à cause de la règle de l'alternance, j'ai inscrit le député de Beauharnois, le député de Jonquière et le député de Mille-Îles.

M. Marcil: Merci, M. le Président. Je pense que c'est sur le principe même qu'on doit discuter. Quand on parle d'un poids électoral, on n'a pas nécessairement la même notion de ce qu'est un poids électoral. Pour certains, le poids électoral correspond davantage au nombre d'électeurs, c'est-à-dire de ceux qui font un choix de candidats. Pour d'autres, le poids électoral peut correspondre également à un bassin de population. L'électeur comme tel, c'est vrai que c'est lui qui choisit mais pourquoi l'a-t-on réellement catalogué, identifié, a-t-on précisé des critères pour être admissible comme électeur? C'est uniquement une question de maturité dans le fond. Quand on a décidé qu'il faut avoir 18 ans pour avoir le droit de vote au Québec... Avant, c'était 21 ans et, à un moment donné, on s'est dit: Si tu as le droit de t'enrôler dans l'armée à 18 ans, on va abaisser le droit de vote à 18 ans, tu dois être assez vieux pour voter. Ce n'était pas nécessairement bon non plus de recruter des jeunes de 18 ans pour aller se battre. Donc, on a décidé d'un âge chronologique où on pense que l'individu est mature pour faire un choix. C'est cela qu'on fait. Quand on établît un âge, c'est dans le but de dire à quel âge minimum on peut considérer qu'une personne est assez mature pour être capable de choisir un représentant ou une représentante. Ensuite, on s'est dit: II faut au moins qu'elle soit citoyen canadien ou citoyenne canadienne. C'est tout à fait normal. Au départ, il fallait vivre au Canada depuis cinq ans avant d'avoir sa citoyenneté. Aujourd'hui, on peut l'obtenir après trois ans. Mais pourquoi être citoyen canadien? On se dit que c'est tout à fait anormal qu'un individu arrive chez nous au Québec et qu'après deux mois de résidence il ait bien saisi la portée, ait bien saisi le peuple québécois, ses moeurs, etc., pour être capable de faire un choix comme tel. On s'est dit: S'il est citoyen canadien ou citoyenne canadienne, il va être en mesure, parce qu'il aura vécu un certain temps chez nous, de faire un choix, de mesurer la portée de son geste sur notre communauté québécoise; la capacité de choisir, je pense que tout le monde est d'accord avec cela. Donc, pour moi, l'électeur comme tel, quand on dit que c'est lui qui choisit, c'est vrai. Mais on a défini l'électeur en fonction de critères et on s'est dit que, pour être capable de choisir une personne pouvant bien nous représenter à l'Assemblée nationale, il faut être capable de l'évaluer, de juger, d'analyser les impacts du choix qu'on va faire. C'est pour cela qu'on a dit que c'est è 18 ans. On ne peut pas concevoir qu'un enfant de 4 ans puisse voter. Il voterait à partir de quel critère d'évaluation? II serait influencé par ses parents, dans le fond. Donc, le poids électoral comme tel, le poids politique comme tel, je ne le considère pas comme étant relatif ou relié uniquement au critère d'électeur. C'est là que la discussion se fait aujourd'hui, c'est le débat de fond, est-ce qu'on doit élire quelqu'un pour représenter des électeurs ou si on doit élire quelqu'un pour représenter un bassin de population? Tout est là. Quand on vote des lois, les lois ne s'appliquent pas uniquement aux électeurs. Elles s'appliquent à l'ensemble de la communauté. Aujourd'hui, il y a une élection. Il y a des gens qui ont 16 ans ou 17 ans; deux ans après, ces individus ont 18 ans et ont le droit de vote. On va aller les consulter quand même dans nos circonscriptions électorales. Donc, cela ne leur enlève pas le droit de participer à l'appareil gouvernemental, pas nécessairement par le biais d'une élection. C'est la notion d'équité, dont a parlé le député de Gouin en tout début. On a dit qu'il est tout à fait anormal qu'on puisse avoir 50 000 électeurs dans un comté et que ce comté soit représenté par un député, avec une voix au chapitre, par rapport à un autre comté où on peut retrouver 25 000 électeurs qui ont le même poids.

Le même principe s'applique également aux bassins de population. Pourquoi une population de 100 000 individus aurait autant de poids ou le même poids qu'un autre bassin de population représentant ou regroupant peut-être 50 000 de population' Je fais une différence fondamentale entre les poids électoraux comme tels; pour moi, ce sont uniquement des critères selon lesquels on a établi que des gens sont assez mûrs pour faire un choix de gouvernement, mais on fait un choix de gouvernement pour l'ensemble de la population, on ne le fait pas uniquement pour l'ensemble des électeurs versus un bassin de population.

Ce n'est pas nécessairement reculer que de dire qu'une circonscription électorale doit être basée sur un bassin de population. On retrouverait peut-être une certaine - progression dans l'ensemble des comtés et, là, je m'explique. On n'a pas d'étude qui nous démontre la progression démographique des circonscriptions électorales par rapport à la progression du nombre d'électeurs par comté d'une année à l'autre ou de quatre ans en quatre ans. On verrait probablement à ce moment s'il y a augmentation plus rapide des électeurs que de la population en

général. On serait peut-être plus en mesure de voir s'il y a une possibilité d'avoir des circonscriptions électorales plus stables en termes de population qu'en termes d'électeurs, ce qui éviterait, naturellement, toujours la remise en question des cartes électorales comme telles.

On a accepté au départ - je pense que cela a été un consensus qui a été bien exprimé par tous les membres de cette Assemblée - on a dit: On doit s'entendre, du moins, pour fixer un nombre de circonscriptions électorales et s'arrêter là. Donc, le fait de modifier le critère d'où on va partir pour former les circonscriptions électorales devient une question de débat de fond sur ce qu'est un électeur par rapport à la population comme telle. Le poids politique, le député de Gouin l'a mentionné tantôt, ne correspond pas. Le poids électoral correspond uniquement à des électeurs. Pour moi, un électeur, c'est uniquement un critère qu'on détermine pour dire que cette personne a les capacités morales ou capacités mentales, la maturité nécessaire, la connaissance de son milieu pour faire un choix, ce qu'on ne peut pas demander à toutes les personnes. On ne peut demander cela è un enfant de 4 ans, non plus à un enfant de 10 ans.

Par contre, un individu de 16 ou 17 ans, deux ans avant une élection, a atteint sa majorité. Il n'a pas voté, par exemple, mais il est représenté. Je le considère comme étant représenté par son député à l'Assemblée nationale. Il n'a pas posé de geste électoral parce qu'il n'était pas en mesure de le poser à ce moment-là, mais il doit subir, vivre, se conformer aux lois et aux règlements adoptés par un gouvernement.

C'est un peu ce que je voulais dire. Le débat qui se fait sur l'électeur par rapport à la population, pour déterminer les circonscriptions électorales - pour moi, c'est le noeud de la question qu'on se pose aujourd'hui - il me semble qu'on aurait plus d'équité si on pouvait bâtir des circonscriptions autour d'un bassin de population plutôt qu'à partir d'un nombre d'électeurs comme tels.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le député de Beauharnois, M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Merci, M. le Président. J'ai l'impression, depuis le début du débat, qu'il n'est pas question d'augmenter le nombre d'électeurs par rapport à la loi actuelle. Les mêmes critères sont déterminants, à savoir s'ils sont citoyens canadiens, s'ils ne sont pas atteints d'incapacité physique, et le reste. Je pense que cela, c'est établi.

Si on s'en tient à la question des électeurs, on peut arriver avec le même nombre de votants au bout de la course, selon ce qui nous est présenté, excepté que la population changerait d'une façon importante d'un comté par rapport à l'autre. À mon sens, dans l'exemple qui nous est donné et dans l'annexe I, on ne change pas le nombre d'électeurs. Globalement, le nombre d'électeurs reste le même. Ce qu'on veut, c'est donner plus de poids à la population, faire une division plus égale ou plus mathématique de la population, ce qui ferait que les comtés pourraient avoir la même population à l'intérieur des limites.

Il n'y a pas de solution parfaite sur le débat de fond, à mon point de vue. Par contre, selon l'expérience que je vis depuis quelques années - il y en a qui parlent de 1972, ça fait quinze ans; moi, je peux parler d'une expérience de 22 ou 23 ans. À ce que je sache, ce document nous parle d'élection et de gens qui vont poser un geste pour élire leurs représentants à l'Assemblée nationale. À partir de ce principe ou de ce critère de base, il n'y a pas beaucoup de façons de déterminer comment seront représentés ces gens-là. D'abord, ce sont eux qui votent et c'est le poids électoral. C'est ça, le poids électoral, c'est le poids des électeurs qui vont déterminer leurs représentants.

Au cours des années, il y a eu des changements dans les lois électorales. Les critères à l'origine de ça étaient à savoir si on élargit le droit de vote, si on donne une base plus grande. Cela n'a pas été une question de population, à ce que je sache.

Si on regarde ce qui se passait dans les municipalités auparavant, seuls les propriétaires avaient le droit de vote. On a décidé d'élargir le droit de vote en prenant la base un peu plus grande: les 18 ans et plus, les propriétaires et les locataires. Cela a augmenté le droit de vote, mais, au point de vue des quartiers, la base intrinsèque a toujours été le nombre d'électeurs, ce qui fait que les quartiers pouvaient être représentés comme des comtés. Si c'est vrai que le principe de base, c'est la population globale, pourquoi n'ajouterions-nous pas un autre principe qui pourrait être aussi valable, c'est-à-dire la grandeur géographique?

II y a des gens qui ont maintenu, dans des municipalités ou dans d'autres endroits, que la grandeur géographique des municipalités serait un critère important pour donner du poids à quelqu'un qui a le droit de vote. Cela a été soutenu dans les dernières années au point de vue municipal. Des maires ont dit: On a rie grandes municipalités; donc, on doit avoir le même poids que le maire qui a beaucoup de monde dans la population, un maire un vote. Le débat a été fait sur la place publique pendant de nombreuses années.

Si on parle de représentation de la population globale, on pourrait remettre un autre critère pour dire qu'à l'avenir ce sera un critère géographique. Vous verrez que ça

va changer drôlement la carte. Ce serait absurde et je pense que, de ce côté-là, on ne soutiendra pas beaucoup l'arqumen-tation. D'ailleurs, j'étais contre l'autre argumentation qui disait que le maire représente la même chose s'il a un grand territoire. Je prétendais que les arbres n'avaient pas beaucoup d'importance pour le vote.

Ce qui est important pour un député, c'est de bien représenter sa circonscription, mais c'est surtout de se faire élire. À mon sens, la question d'équité s'exerce vis-à-vis de ses électeurs, ce qui ne l'empêche pas de représenter l'ensemble de sa population et de donner des services è l'ensemble de la population. Mais, d'abord et avant tout, étant une loi électorale qui s'adresse à des électeurs, c'est par rapport à ça qu'il doit poser ses gestes et c'est en même temps par rapport à ça qu'il reçoit son mandat de représentativité.

Le poids électoral joue tout son rôle, à ce moment-là, parce que ce sont des électeurs. La personne qui sera en âge de voter dans deux ans exercera son droit dans deux ans. On aura beau parler des Amérindiens; s'ils se considèrent plus canadiens que québécois, ce n'est pas mon problème. S'ils votent aux élections fédérales et s'ils ne veulent pas voter aux élections provinciales, ça les regarde, je ne les forcerai pas. Si on dit que le principe qu'on a devant nous est d'augmenter le droit de vote, ça va peut-être changer le sens de la discussion. Si les gens qui arrivent, qui sont un an, deux ans au pays, qui ne sont pas naturalisés, qui n'ont pas ces droits... Ils n'ont pas le droit de vote. S'ils sont considérés au même titre que la personne qui a le droit de vote, je ne suis pas d'accord là-dessus. (17 h 30)

Les gens doivent être traités humainement, ils doivent profiter des lois en vigueur, ils doivent profiter des services de leurs représentants élus. Je pense que c'est tout à fait normal, mais de leur donner le même poids politique que la personne qui exerce son droit de vote et qui décide, sciemment et consciemment... Il y a une démarche à faire pour exercer son droit de vote. Au contraire, il y a des gens qui n'exercent pas leur droit de vote. Vous savez, il y a des gens qui se vantent en disant: Nous, on ne s'occupe pas de politique. La politique, cela ne nous intéresse pas. On ne s'en occupe pas. Donc, on ne vote pas, on ne s'inscrit pas, on ne fait rien. Seulement, il faut dire à ces gens: Si vous ne vous occupez pas de politique, la politique va s'occuper de vous autres.

Donc, il y a une démarche et il y a peut-être une conviction à donner aux gens en leur disant: Exercez votre droit de vote. Mais je pense que la représentativité qui serait accordée serait plus grande que celle de ceux qui ont droit de vote par rapport à leur représentant élu. Ce représentant élu... Voyez-vous, on parle de représentant élu. On ne parle pas de représentant tout court. Un député est un représentant élu. Qui l'élit? Les électeurs.

Si on étend cela à une grande partie de la population ou à l'ensemble de la population, à mon avis, on va arriver avec des distorsions qu'on pense pouvoir corriger actuellement. Le principe qu'on a devant nous, c'est ne pas élargir nécessairement le droit de vote, c'est juste en fonction d'une représentativité qu'on voit assez bien; un, on parle d'électeurs et deux, on parle de population globale. À mon point de vue, on parle de la loi électorale, on parle de gens qui ont le droit de vote, on parle d'électeurs et ce sont eux, en fait, qui doivent être représentés. C'est là-dessus qu'on devrait tenir compte de ce qui est devant nous. Le critère de population, à mon point de vue, pourrait avoir des distorsions très grandes parce qu'une année, il y a un comté où il y a beaucoup de population, mais cette population peut changer. Regardons ce qui se passe. On élève des familles aujourd'hui et à cause de la mobilité, ces gens-là s'en vont d'un bord et de l'autre, un peu partout. Il y en a qui votent aussi avec leurs pieds, mais on ne parle pas des gens qui votent avec leurs pieds, on parle des qens qui votent par obligation. Ils sont obligés de se déplacer d'une place à l'autre. Je ne pourrais pas les nommer parce que, quand on regarde le chômage qu'on a, je pense qu'on a toutes les raisons du monde de voir pourquoi la population est fluctuante. Mais, quand on arrive avec des électeurs, on parle de gens qui sont identifiables dans un comté. On peut les compter et, moi, en tout cas, je n'ai pas eu de représentation voulant que cette question des élections n'était pas correcte. Je n'ai pas eu de représentation là-dessus. Je le sais, le ministre a amené un argument selon lequel il y a des gens qui sont exclus du droit de vote. Cela arrive à toutes les élections. Je peux le consoler. Au provincial, cela arrive. Ce n'est pas pire et c'est peut-être moins pire qu'au municipal.

Je pense que de ce côté, on peut dire qu'au moins la loi qu'on a devant nous a subi moins d'avaries ou moins de tort que ce qui se passe dans d'autres domaines ou ailleurs. Elle est peut-être beaucoup plus à jour, plus au point, cette loi ou cette mise en application de cette loi qu'on a devant nous, que dans d'autres endroits où on exerce nos droits de vote. Il ne faut pas se scandaliser. Il n'y a pas de système parfait, même avec la meilleure volonté du monde et même quand il n'y a pas de parti politique. Quand vient le temps d'enreqister les électeurs, il y a toujours des phénomènes qui se produisent. Il y a toujours des gens qui prétendront

qu'ils n'ont pas eu la petite carte de rappel, qu'ils vivaient, qu'ils n'ont pas lu les journaux, qu'ils n'ont pas écouté la radio, qu'ils n'ont pas regardé la télévision ou toutes les raisons du monde. Ces gens pourront dire: Nous, on n'a pas pu exercer notre droit de vote parce que vous ne nous avez pas donné le temps de nous virer de bord et de voir où c'en était.

Donc, en résumé ou en conclusion, je continue à prétendre que la base électorale ou la base sur laquelle on doit aller pour les élections, c'est toujours sur la base des électeurs. Je ne pense pas que la base... Je suis convaincu - ce n'est pas "je ne pense pas" - que le critère de la population ne donnera pas de meilleurs résultats au point de vue des élections et qu'il ne protégera pas plus les citoyens les uns par rapport aux autres. Il ne garantit pas non plus que le député va être plus représentatif en étant sur la population que sur les électeurs. Au contraire, je pense que les électeurs, c'est beaucoup plus stable. Ces gens ont déjà un vécu, ils sont déjà rendus à un âge certain. Les gens qui n'ont pas 18 ans, qu'est-ce qu'ils vont faire quand ils vont arriver à 18 ans? Est-ce qu'ils vont rester là? Est-ce qu'ils vont aller ailleurs?

Donc, cette fluctuation qu'on va vivre chaque fois qu'on n'atteindra pas le but qu'on vise. Tant qu'on n'aura pas de preuves ou de pressions beaucoup plus grandes des gens qui nous disent que cela ne répond pas à des critères précis ou que cette loi ne répond pas à des principes démocratiques, j'ai l'impression qu'on devra continuer à garder et à favoriser ce qu'on a devant nous, ce qu'on vit actuellement tout en apportant certaines corrections qui feraient qu'on pourrait avoir des distorsions moins grandes dans un comté par rapport à l'autre.

Le Président (M. Filion): D'accord. Merci, M. le député de Jonquière. M. le député de Mille-Iles.

M. Bélisle: Merci. J'ai écouté avec beaucoup d'attention ce qui s'est dit cet après-midi. Malheureusement, je ne partage pas ce que le député de Jonquière vient de nous expliquer comme théorie, à savoir qu'il y a une distinction entre la mobilité d'un électeur et la mobilité d'un chômeur. Cela ne sert à rien, je ne peux pas suivre ce type de raisonnement, et il faudrait m'apporter beaucoup d'arguments pour me convaincre qu'il y a une distinction importante et que le fait qu'on choisisse des électeurs comme critère de base assure une plus grande stabilité à notre système. Je pense que les Québécois sont reconnus pour être des sédentaires et non des nomades.

Ce qu'il y a de beaucoup plus important, c'est que la question qui est posée aujourd'hui ce n'est pas seulement la mécanique relative à l'élection de ceux qui nous représentent à l'Assemblée nationale. Ce qui est posé comme question aujourd'hui, c'est la finalité du gouvernement. Pour moi, c'est beaucoup plus large parce qu'aussi loin que je puisse retourner, que ce soit aux premiers balbutiements de la nation américaine lorsqu'ils ont décidé de foutre à la porte les Britanniques, la maxime, c'était: "No taxation without representation." On peut retourner les pages d'histoire au "Boston Tea Party" et voir que c'était réellement cela. Ils voulaient avoir une représentation. Tout ce que l'on fait au gouvernement comme membres élus d'un Parlement ou d'une Assemblée, l'Assemblée nationale, tous les programmes, toutes les lois, tous les règlements que l'on vote, toutes les décisions que vous, M. le député de Gouin, avez eu à prendre comme ministre dans l'ancien gouvernement, vous le faisiez non pas en fonction des électeurs, vous le faisiez en fonction de la population en général.

Il n'y a pas une seule loi, sauf peut-être une exception, M. le député de Gouin, soit la loi qui donne le droit à quelqu'un de voter, qui considère juste une catégorie de personnes, c'est-à-dire ceux qui ont des critères de maturité et de "raisonnabilité" qu'on a déterminés dans le passé comme étant ceux qui ont 18 ans, qui sont citoyens canadiens et qui ne sont pas frappés d'incapacité. Je me vois très mal dans ma peau de délégué du peuple, parce que je ne suis pas seulement délégué des électeurs. Je m'excuse, M. le député de Gouin, vous pouvez hocher la tête dans un sens négatif, je ne me vois pas ici seulement aujourd'hui représentant et vous parlant au nom des 38 000 électeurs inscrits sur la liste électorale du comté de Mille-Îles parce que je reçois des commentaires sur ce que je fais à l'Assemblée nationale, sur les gestes que je pose comme délégué aussi de jeunes qui ont 13 ans, 14 ans, 15 ans et d'autres personnes, également, qui ont un comportement électoral, qui est un comportement électoral peut-être anormal pour nous, mais qui est totalement normal pour eux. Peut-être qu'on les oublie là-dedans. Le ministre, tantôt, a parlé des Amérindiens. Est-ce qu'on a oublié aussi ceux qui ont vécu des régimes totalitaires, des gens qui ont vécu derrière le rideau de fer? Parlons simplement des nouveaux arrivants à Montréal récemment, ceux qui attendent de faire confirmer leur statut de réfugiés politiques qui deviendront éventuellement citoyens canadiens et qui, dans cinq ans peut-être, auront le droit d'exercer un droit de vote conformément aux critères qu'on a dans la loi, c'est-à-dire 18 ans, citoyen canadien.

Ne trouvez-vous pas que ces gens, en grande partie, quelquefois, et j'en ai rencontré plusieurs chez moi, ont un comportement également normal, quand on

comprend ce qu'ils ont vécu, de ne pas s'inscrire comme électeurs sur une liste électorale, compte tenu de leur passé? Sauf que l'État, d'autre part, les taxe, leur impose toutes les lois et les règlements. Ils doivent y obéir, c'est leur devoir. D'un autre côté, on dirait que c'est comme si on voulait cacher la réalité. Moi, ce que je me dis, c'est que la finalité d'une mécanique pour choisir des représentants doit être faite en fonction de la finalité ultime, et la finalité ultime d'un gouvernement, c'est d'accorder des services à tous ses citoyens. Si l'État se mêle de donner les soins d'assurance-maladie dès la première journée de la naissance d'un enfant, il fait porter le fardeau à la société et l'on passe des lois dans ce domaine. Vous le savez très bien, M. le député de Gouîn, vous êtes critique de votre parti dans le domaine de la santé.

M. Rochefort: Le porte-parole.

M. Bélisle: Le porte-parole officiel dans ce domaine. M. le député de Gouin, moi, je comprends très mal qu'on se limite à votre position, qui est une position que je vais qualifier d'essentiellement juridique.

Quand on parle de représentation sociologique de l'Assemblée nationale, tous les livres de sciences politiques qu'on peut lire nous amènent à souhaiter qu'un jour, vraisemblablement dans quelque temps, il y ait une révision en profondeur du système électoral. Laissez-moi terminer. Ne sautez pas aux conclusions tout de suite. Tout cela, jusqu'à ce jour, pourquoi? Pour mieux représenter l'ensemble des couches de la population du Québec. Et vous allez me dire encore une fois que, quand vous argumentez en public, vous et d'autres personnes, pour une modification profonde du système électoral au Québec, vous utilisez justement l'argument que, nous, nous utilisons présentement: la représentation de l'ensemble de la population, du plus grand nombre de strates sociales, de classes professionnelles et de groupes de travail. On veut avoir des travailleurs à l'Assemblée nationale. On veut avoir des producteurs agricoles, des femmes, tous les groupes d'âge, tous les sexes. On veut effectivement avoir une représentation sociologique du Québec. On veut avoir moins d'avocats à l'Assemblée nationale.

M. Rochefort: Oui, c'est mieux, cela.

M. Bélisle: Tout cela, M. le député, c'est pour une seule fin. C'est dans le but de donner une meilleure vision de ce qu'est le Québec en réalité et de la finalité du gouvernement, et pour que les élus soient le miroir presque exact, non seulement des électeurs ou d'une partie des électeurs du Québec qui exercent leur droit de vote, mais de l'ensemble de la population du Québec.

Ma vision des choses du Québec en devenir, c'est l'affirmation de l'ensemble de la population du Québec et non seulement d'une partie des électeurs du Québec.

Ce que je voudrais dire en terminant, c'est que je pense qu'il y a une distinction entre l'exercice du pouvoir par quelqu'un de voter et les critères qui mènent au fait que la personne qui exerce ce pouvoir a le droit de considération sur... Je vais reprendre ce que je viens de dire, ce n'est pas correct.

Je me suis fait plusieurs notes, M. le Président et je voudrais terminer... Ah ouiï L'exemple que je voulais donner est celui-ci. J'ai lu, dans le document du Directeur général des élections: Données complémentaires, considérations chiffrées d'avril 1986, à la page 9, et j'ai trouvé cela très intéressant, quand on note les mouvements de populations et d'électeurs. Ce que je veux faire remarquer au député de Gouin, c'est que, dans les comtés de Terrebonne, Vimont et Laprairie, si l'on compare les élections de 1981 et de 1985, il y a eu des augmentations du nombre d'électeurs. Dans ces trois circonscriptions électorales respectives, dans le cas de Terrebonne, 7514 - c'est plus de 20 % d'accroissement - dans le cas de Vimont, 7179, 20 %; Laprairie, 14 %f 6733, ce qui a été souligné par mon collègue tantôt; dans la région de Québec, 6800 entre 1981 et 1985, 18 % d'augmentation. Une baisse cependant dans les populations électorales, d'après le critère que vous utilisez, dans le centre-ville de Montréal, et on vous en donne deux exemples à la page 10: Saint-Jacques, 2213 électeurs en moins et 2432 électeurs en plus. Je vais vous mentionner une donnée qui n'est pas incluse dans ce rapport. Présentement, la ville de Laval est un chantier de construction très important au Québec. Dans le comté de Vimont, sans tenir compte de ce chiffre qui est là de 7179 nouveaux électeurs, je peux vous dire qu'à la prochaine campagne électorale de 1990, il y aura peut-être autant sinon plus d'électeurs qui s'ajouteront. Les gens qui sont en mobilité et qui achètent des résidences, ce sont de jeunes couples. Les jeunes couples, ce sont des gens qui dépensent, qui ont un revenu familial et qui représentent une entité familiale composée d'un, deux et quelquefois trois enfants présentement au Québec. (17 h 45)

Ce que j'essaie de vous dire, c'est ceci: Si vous ne reconnaissez pas, avec le critère de la population, l'importance que peut avoir la population au lieu simplement du statut d'électeur à cause de la population qui vieillit au Québec dans certaines circonscriptions électorales, vous ne reconnaissez pas l'apport économique très important, vous ne reconnaissez pas, vous mettez de côté un grave problème que le Québec doit affronter, le problème de la

dénatalité et de la décroissance démographique. Vous n'accordez pas une importance capitale, dans votre système électoral, à ce que vous considérez comme étant l'un des problèmes majeurs de notre société pour les années 1990 et les années de l'an deux mille. Vous conservez un critère qui tient d'une situation passée. Je vous dis qu'on est beaucoup mieux de faire un pas vers l'avenir et de reconnaître l'importance de chacune des personnes à partir de la journée où elle vient au monde au Québec, parce que l'État les considère à partir de la journée zéro, jusqu'à la journée de leur mort et même après la journée de leur mort, avec leur succession. Je suis beaucoup plus à l'aise avec cette façon de voir qu'avec tout simplement celle qui consiste à accorder le droit de vote à une personne qui a atteint un certain degré de maturité. On fait tout l'appareil gouvernemental québécois avec X services, X programmes, on touche à tout le monde, mais il y a seulement une classe de la population dont on doit tenir compte pour la mécanique électorale. C'est ce que j'avais à dire, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le député de Mille-Îles. M. le député de Dubuc et, ensuite, si le temps nous le permet...

M. Desbiens: Merci, M. le Président, ce ne sera pas tellement long. Je trouve cela amusant d'une certaine façon de voir le ministre délégué à la Réforme électorale défendre et présenter son argumentation sur ce sujet très particulier. C'est presque un renversement des choses, lui qui, en parlant de l'ancien gouvernement, parlait souvent de gens qui pelletaient des nuages ou qui discutaient sur le sexe des anges. Cette discussion m'apparaît un peu comme cela. Je veux bien qu'on essaie d'atteindre la perfection. Tout le monde est d'accord avec la vertu. Mais dans le système électoral, aussi bien que dans n'importe quel domaine, comment faire pour atteindre cette perfection? Que les députés représentent la population du comté plutôt que les électeurs, plutôt que d'une façon actuellement déterminée de représenter cette population, je pense bien que le ministre se sent aujourd'hui le représentant de sa population, comme chacun d'entre nous, même si nos populations sont sans doute différentes et dans quelle mesure? La question du député de Beauharnois tantôt est un instrument qu'il réapparaîtrait intéressant d'obtenir pour pouvoir porter un meilleur jugement. Est-ce que l'augmentation des électeurs, dans un comté où la diminution ou l'évolution de cette représentation en nombre, est vraiment semblable ou tellement différente? Est-ce qu'on a des chiffres là-dessus? On n'en a pas non plus.

Je pense que le ministre sera d'accord avec moi. Il me semble que, si on est représentatif de notre population... C'est ce qu'on dit, sauf que, dans l'imagerie populaire - je reviens à l'argument qui a été soulevé par mon collègue - pour tout le monde, quand on dit qu'on représente la population, on représente la population qui nous a élus, sous-entendu. C'est comme cela dans l'esprit populaire aussi. Je crois que c'est le sens qu'on donne au terme de représentation.

Si on est vraiment représentatif de la population, on va tenir compte de ce que la population nous demande de faire comme élus à l'Assemblée nationale, qui est le véritable lieu de décision et non pas au gouvernement. Jamais je n'ai pu, depuis dix ans, je n'ai entendu... J'aimerais bien savoir aussi combien de gens savent qu'au fédéral les circonscriptions sont déterminées par population et qu'ici, au Québec, les circonscriptions sont déterminées à partir du nombre d'électeurs.

Si c'était une inquiétude de la part de la population du Québec qu'au Québec il n'y ait pas une vie démocratique suffisante -même, on l'a dit et tout le monde est d'accord qu'elle est une des meilleures dans le monde démocratique, en tout cas; sûrement dans le monde démocratique - pourquoi amener aujourd'hui ce projet de loi? Pourquoi le ministre se sent-il, s'il n'a eu aucune représentation... Est-ce qu'il y en a eu dans le parti, je ne le sais pas, je n'ai pas relu te programme du Parti libéral sur ce sujet.

Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on peut vouloir modifier de façon très symbolique, parce que cela ne modifiera en aucune façon les autres critères. Qu'on soit représentatif de la population plutôt que des électeurs, il y a une chose qui va demeurer, c'est qu'il faudra avoir 18 ans, être citoyen canadien et être inscrit sur la liste des électeurs. Qu'on le soit ou non, rien ne va changer, cela va toujours dépendre des individus. Qu'est-ce que cela va améliorer? Je n'ai pas saisi, dans toute l'argumentation du ministre, l'amélioration que va apporter à la population du Québec cette modification au système. À cet égard, je me sens très représentatif de la population. Quand je pose des gestes, comme le ministre quand il pose des gestes, je me sens très représentatif de la population. L'un des guides que je maintiens, c'est que, quand quelque chose ne va pas ou qu'une amélioration vraiment importante est nécessaire, d'une façon ou d'une autre, à partir d'un groupe, qu'il soit électeur ou non, il y a des représentations qui sont faites. 11 y a un minimum de représentations et c'est à partir de cela qu'on essaie d'agir à titre de législateurs. Dans le cas présent, je ne vois rien de cela et je me dis que, quand cela va bien, pourquoi toucher à cela? Pour conclure, ce n'est peut-être pas l'inutilité totale, mais je me pose la question au moins sur la

nécessité d'apporter une telle mesure.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le député de Dubuc. M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: M. le Président, il me reste à peu près cinq minutes.

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Filion): Nos travaux continuent demain matin à 10 heures.

M. Saintonge: Si on continue sur le même sujet, je préférerais attendre à demain. Je vous dirai que j'en ai pour plus de cinq minutes, j'ai certains éléments à donner. A moins que le ministre ou le député de Gouin n'aient des réactions aux propos déjà tenus, je ferais mon intervention demain. J'aimerais mieux, plutôt que de commencer pour trois ou quatre minutes, continuer demain. Je serais obligé de me resituer demain dans le cadre de mes propos.

M. Gratton: M. le Président, pourrais-je me permettre de suggérer qu'on ajourne? On pourra continuer demain.

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Rochefort: II n'y a pas de problème pour souscrire à la demande du député de Laprairie. C'est une demande que je fais à l'occasion et j'apprécie grandement,..

M. Saintonge: Je voulais vous dire que je ne parle pas souvent en commission parlementaire. C'est exceptionnel que je sois ici, je veux en profiter.

M. Rochefort: Je suis convaincu que cela va être intéressant et j'aime mieux écouter cela le matin tranquillement qu'en fin de journée. M. le Président, le seul problème que j'ai évoqué avec le ministre, c'est qu'il faut être conscient qu'il avait été prévu dans le mandat de la commission qu'on puisse poursuivre, si nécessaire, nos travaux jeudi. Comme je l'ai dit au ministre, pour moi, cela va être compliqué jeudi, parce que j'ai une rencontre avec ma formation politique le matin et qu'en après-midi je préside deux séances de travail de ma commission sur d'autres questions. En même temps, il faut être conscient qu'on ne peut pas reporter à une semaine ultérieure la fin de nos travaux. Pour moi, c'est clair, il n'y a pas de problème à permettre au député de Laprairie de faire son intervention demain, mais il faudrait peut-être qu'on soit prêt à envisager de prolonger un peu la séance demain soir pour conclure si nécessaire.

M. Gratton: Quant è moi, je n'insiste pas pour qu'on revienne jeudi matin. Donc, on verra l'évolution des choses demain. II me semble qu'il ne devrait pas y avoir de problème qu'on complète, sinon pour 18 heures, du moins dans les minutes qui suivront.

Le Président (M. Filion): Nos travaux sont donc ajournés à demain matin, 10 heures, même salle.

(Fin de la séance à 17 h 58)

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