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(Dix heures vingt-trois minutes)
Le Président (M. Filion): II me fait plaisir de constater
quorum et de déclarer cette séance de la commission des
institutions ouverte.
Pour le bénéfice des membres, de nos invités et de
ceux qui nous écoutent, je rappellerai le mandat de la commission qui
est de procéder à l'audition du président de la Commission
des droits de la personne, afin de connaître les principaux
problèmes vécus par l'organisme. Ce mandat est le fruit de la
décision de la commission prise lors de la séance du 17 juin
1986. Je voudrais peut-être en profiter pour replacer notre mandat dans
le contexte.
Je vous rappelle que la commission a choisi d'exercer son pouvoir de
surveillance, pour l'année 1986, sur l'Office de la protection du
consommateur, mandat qui a été accompli durant la journée
d'hier et qui se poursuivra évidemment par les travaux à huis
clos des membres de la commission. Du même souffle, la commission a
décidé d'examiner, en 1987, les orientations, les
activités et la gestion de la Commission des droits de la personne,
conformément à l'article 294 du règlement de
l'Assemblée nationale. Je donne lecture de l'article 294 de notre
règlement: "Chaque commission examine annuellement les orientations, les
activités et la gestion d'au moins un organisme public soumis à
son pouvoir de surveillance. Le choix des organismes se fait
conformément à l'article 149. À défaut d'accord, la
commission de l'Assemblée désigne les organismes qui seront
entendus."
Encore une fois, il y eut accord au sein de la commission même,
et, pour l'année 1987, le choix de la commission se porte sur la
Commission des droits de la personne. Cependant, évidemment, les membres
de la commission étaient sensibilisés au fait que la Commission
des droits de la personne exerce des activités qui sont étendues,
non seulement sur le plan qualitatif, mais aussi sur le plan quantitatif, de
sorte que la séance de ce matin a pour but de nous aider à
préciser notre mandat pour l'an prochain, afin d'éviter que, en
somme, à vouloir couvrir trop large, nous ne puissions cerner absolument
rien de bien précis. Donc, avant de déterminer les questions sur
lesquelles portera l'examen de la commission l'an prochain, la commission a
décidé d'entendre le président de la Commission des droits
de la personne afin de connaître les problèmes vécus par
l'organisme en ce qui concerne ses activités, ses orientations et sa
gestion.
Je souhaite donc la bienvenue à Me Jacques Lachapelle,
président de la Commission des droits de la personne, qui est
accompagné, à sa gauche, de la vice-présidente de la
Commission des droits de la personne, Me Nicole Trudeau-Bérard. À
ce stade-ci, je demanderais à la secrétaire d'annoncer les
remplacements.
La Secrétaire: M. Farrah (Îles-de-Ia-Madeleine) est
remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert).
Le Président (M. Filion): Voici la procédure que
nous allons suivre ce matin. D'abord, je vais inviter les membres de la
commission à faire, s'ils le désirent, les remarques d'ouverture
qu'ils jugeront appropriées. Dans un deuxième temps, nous
entendrons l'exposé du président de la Commission des droits de
la personne. Suivra une période d'échange de propos entre les
membres de la commission et les représentants de la Commission des
droits de la personne et, s'il y a lieu, encore une fois, avant de terminer nos
travaux, les membres de la commission pourront adresser certaines remarques
finales.
Je rappellerai que nos travaux ne doivent pas dépasser 13 heures
aujourd'hui. Donc, j'inviterais les membres de la commission qui le
désirent à faire quelques remarques préliminaires tout en
signalant à mes collègues que j'aurai, moi aussi, certaines
remarques préliminaires à faire étant également -
je pense que vous le savez - critique en matière de justice.
M. le député de Louis-Hébert.
Remarques préliminaires M. Réjean
Doyon
M. Doyon: Pour faire suite aux mots de bienvenue que vous venez
de prononcer, j'ajoute les miens et ceux des représentants des
députés ministériels qui sont ici. Je suis très
heureux de me retrouver à cette table et d'avoir l'occasion
d'écouter et de discuter avec le président et la
vice-présidente de la Commission des droits de la personne. Au
Québec, nous sommes tous fiers de la charte
qui nous régît dans le domaine des libertés et des
droits de la personne. C'est là un avantage que nous avons eu longtemps
sur d'autres provinces et nous voulons garder cette longueur d'avance.
Je le fais avec d'autant plus de plaisir, M. le Président, que je
suis peut-être un des seuls députés à avoir eu
recours à la Commission des droits de la personne lors d'un incident qui
m'a opposé à la Communauté urbaine de Québec il y a
maintenant quelques années. La Commission des droits de la personne a
été saisie de mon cas et a fait enquête pour
vérifier des prétentions que j'avais dans ma requête,
à savoir que j'étais destitué de mon poste pour avoir
utilisé ce que je prétendais appartenir à tout le monde:
le droit d'association. J'avais effectivement fondé une association de
cadres supérieurs à la Communauté urbaine de
Québec, j'en étais le président fondateur et j'avais
été mis en demeure par les dirigeants de la communauté
urbaine de me retirer de cette association sous peine de destitution, ce que
j'avais refusé de faire. Il s'était ensuivi une longue guerre de
tranchées, une longue guérilla qui m'avait opposé à
la communauté urbaine. La Commission des droits de la personne avait
fait une enquête à ce moment-là, avait interrogé les
personnes intéressées, avait évalué toute la
situation et avait regardé si le secrétaire général
de la Communauté urbaine de Québec - ce que j'étais
à l'époque - profitait d'une liberté qui était
identifiée et qui apparaissait dans la Charte des droits et
libertés de la personne et était venue à la conclusion que
la destitution qui m'avait été imposée par la
Communauté urbaine de Québec était une destitution qui
s'était faite par discrimination, c'est-à-dire parce que j'avais
utilisé un droit qui était le mien.
Tout cela aurait dû normalement clore le dossier parce que la
Commission des droits de la personne était allée très
loin, avait déclaré qu'il y avait discrimination et avait
à ce moment imposé des dommages exemplaires à la
Communauté urbaine de Québec et des dommages punitifs etc.. Sauf
que le hic - et la Commission des droits de la personne est bien au courant de
cela -c'est qu'il s'agissait là de recommandations qui ont
été totalement ignorées par la Communauté urbaine
de Québec qui ne s'est pas sentie liée, même si elle avait
participé à l'enquête, avait répondu aux questions
et avait donné sa version des faits. Malheureusement, quand la
décision est sortie, qui était défavorable on ne peut
plus, à la Communauté urbaine de Québec, on a dit que
c'était une décision qui n'avait aucune valeur juridique et on
s'en désintéressait. À partir de là, on entrait par
voie d'injonction devant les tribunaux communs et avec tout ce qui
s'ensuit.
Je voudrais signaler ici en passant - on aura peut-être l'occasion
d'en parler - que lorsqu'on fait face - et c'est souvent le cas - à un
organisme de l'importance de la Communauté urbaine de Québec et
qu'on se retrouve - tant qu'on est devant la Commission des droits de ta
personne cela va assez bien, on peut se débrouiller avec les moyens du
bord, je ne parle pas tellement pour moi puisque l'épisode est fini, la
page est tournée et c'est de l'histoire ancienne -avec des demandes
d'injonction et que la personne qui a été lésée et
pour laquelle la Commission des droits de la personne a déterminé
qu'il y avait eu discrimination se retrouve devant la Cour supérieure
avec tout ce que cela comporte de droits d'appel, de poursuites et de
délais, il est absolument impossible - dans un cas comme le mien -de
tenir le coup, c'est impossible. Déjà le conflit avait
duré pendant sept ou huit mois, sans salaire et sans moyen de
subsistance. On embarque à ce moment-là dans des
procédures judiciaires où on se retrouve devant la Cour
supérieure avec comme perspective, en fin de compte, la Cour d'appel et
la Cour suprême. Il est très difficile pour quelqu'un de continuer
la bataille. C'est regrettable.
Vous allez me dire que ce n'est pas un problème qui est nouveau,
que la solution n'est pas facile et que les tribunaux supérieurs sont
là pour ce genre de choses. Sauf que les moyens coercitifs dont dispose
la Commission des droits de la personne ne sont peut-être pas suffisants.
La situation est spéciale quand il s'agit d'étudier le
comportement d'hommes publics - je le suis devenu maintenant - mais j'ai
déjà été de l'autre côté de la
clôture. Je me rappelle encore un certain nombre de choses. Je sais
très bien qu'il est difficile pour un homme public de reconnaître
qu'il a fait erreur, qu'il s'est trompé et que des personnes neutres,
des arbitres, des gens dont c'est le métier ou la vocation à qui
l'on confie ce genre de mandat, ont établi ce genre de choses.
Il faudra voir ensemble et je suis extrêmement heureux de voir la
Commission des droits de la personne ici à cette commission
parlementaire. Il y a toujours moyen de rendre perfectible ce qui l'est
essentiellement, c'est-à-dire des lois. Il est toujours utile pour le
législateur d'entendre ceux qui doivent faire fonctionner ces lois, les
appliquer et qui s'aperçoivent très souvent qu'il y a des lacunes
et qu'il y -a des manques. Nous sommes reconnaissants à la Commission
des droits de la personne pour le travail qu'elle accomplit. Elle le fait
souvent dans des conditions difficiles. Comme je l'ai dit, j'ai
été en mesure de m'en rendre compte moi-même et je profite
de l'occasion pour remercier personnellement et publiquement la Commission des
droits de la
personne pour ce qu'elle fait pour d'autres personnes qui sont dans des
situations difficiles comme moi je l'ai déjà été.
Je souhaite qu'elle continue son travail dans les meilleures conditions
possible avec les fonds qui sont nécessaires pour qu'elle fasse son
travail convenablement et toujours en tenant compte que vous êtes souvent
le dernier recours de gens qui ne savent plus où se jeter.
Quand on arrive à la Commission des droits de la personne, on a
tout essayé et on se dit, ça c'est la planche de salut, c'est la
bouée de sauvetage. Très souvent, les choses se règlent
sans que cela aille trop loin. Très souvent, par voie de
médiation ou autre, quand les gens réussissent à faire
valoir leur point de vue, les choses s'éclaircissent. Je vous souhaite
de continuer de faire votre bon travail. Je veux vous assurer que, en tant que
députés - je parle ici au nom de mes collègues - nous
sommes sympathiques à votre cause, nous avons l'intention de regarder
d'une façon positive vos recommandations, vos représentations. Je
vous remercie d'être venus devant nous. Nous allons avoir l'occasion
peut-être de dialoguer plus longuement plus tard. Merci beaucoup.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le
député de Louis-Hébert. Y a-t-il d'autres membres de la
commission qui désirent intervenir à ce stade-ci?
M. André Boulerice
M. Boulerice: J'aimerais, M. le Président...
Le Président (M. Filion): Oui.
M. Boulerice: ...si vous me le permettez, moi aussi, au nom de
notre formation politique, souhaiter la bienvenue aux représentants de
la Commission des droits de la personne. L'occasion est fort belle, je ne la
raterai pas, de saluer des gens qui ont pignon sur rue dans le comté de
Saint-Jacques. Cela fait la fierté du député du
comté que je viens de vous citer. Sur ces mots, tout en ajoutant que
l'importance que vous jouez à l'intérieur de notre système
démocratique n'est pas à démontrer, elle est reconnue de
tous, il vaudrait mieux peut-être pour nous, à l'instant
même, aller au fond du sujet et vous donner le temps nécessaire de
nous expliquer où vous en êtes, où vous vous dirigez, pour
qu'ensuite, nous puissions vous adresser les commentaires
appropriés.
Le Président
Le Président (M. Filion): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Quant à moi, à la suite de
l'exposé du président de la
Commission des droits de la personne et à la suite
également de la période d'échanges de vues, de questions,
de réflexion que nous tiendrons par la suite, nous devrons, comme
commission, déterminer quelles seront les activités, les
orientations et les questions de gestion concernant la Commission des droits de
la personne qui feront l'objet de l'examen en commission. Nous savons d'ores et
déjà, et cela en conformité avec l'article 66 de la
charte, que la commission doit promouvoir, par toutes mesures
appropriées, les principes contenus dans la charte, exercer les pouvoirs
et exécuter les devoirs prescrits par la charte dans le but de garantir
et appuyer les droits et libertés des Québécois et
Québécoises.
Ce sont là les principes fondamentaux essentiels qui
sous-tendent, bien sûr, toute société démocratique.
Le respect de ces principes guident déjà notre
société depuis des décennies, mais ce n'est que depuis
1976 que la charte a été promulguée au Québec et
que la Commission des droits de la personne a vu le jour.
La Commission des droits de la personne, depuis cette date, veille afin
que ces droits soient réellement reconnus, sauvegardés,
appliqués. Le principe du respect des autres et des différences
devient prépondérant sur tout autre principe.
Voilà donc une mission qui n'est pas toujours facile, elle est
vaste, ne serait-ce qu'au niveau de la promotion des droits et libertés
qui rencontre, bien sûr, plusieurs embûches. Car n'y a-t-il pas
lieu souvent de changer les mentalités et les comportements?Nous croyons que le rôle de la commission est déterminant et
essentiel pour l'évolution de la société
québécoise. Nous constatons régulièrement son
impact et l'impact des recommandations de la Commission des droits de la
personne sur la société.
Tout récemment encore - c'est frais dans notre mémoire -
le cas de la petite Julie Legault est un exemple concret de l'application non
pas d'une recommandation mais d'une médiation de la Commission des
droits de la personne.
C'est donc avec un intérêt non dissimulé face
à votre exposé que nous entrevoyons cette rencontre, conscient
que nous sommes de l'importance de l'organisme au sein de notre
société et de son impact sur nos mentalités et sur nos
comportements.
M. le député de Beauhamois.
M. Serge Marcil
M. Marcil: Merci, M. le Président. Un petit mot pour
remercier le président et la vice-présidente de la Commission des
droits de la personne de bien vouloir nous rencontrer ce matin et nous exposer
des recommandations possibles ou de nous faire un court exposé du
travail déjà réalisé par cette commission.
Tout d'abord, on a procédé hier à l'audition d'un
autre organisme, l'Office de la protection du consommateur, un organisme d'une
importance capitale pour les consommateurs au Québec et qui a pris
naissance justement sous le règne du gouvernement Bourassa en 1975,
organisme qu'on a louangé, qu'on appuie et qu'on continuera à
appuyer dans ses efforts pour défendre les droits des gens, du moins des
consommateurs.
Aujourd'hui, on entend aussi un autre organisme mis sur pied
également par le gouvernement Bourassa en 1975, le 27 juin plus
précisément. Donc, deux organismes de taille d'une importance
capitale pour les individus, pour les Québécois. Nous savons que
le rôle que cet organisme a joué chez nous est quand même
difficile, compte tenu des résultats. Comme mon collègue de
Louis-Hébert tantôt l'a bien mis en évidence, les
problèmes que les gens peuvent vivre à la suite de toutes les
formes de discrimination... On a vécu la même chose chez nous et
tout ce qu'on peut conclure, malgré les efforts, malgré le
magnifique travail réalisé par la Commission des droits de la
personne, c'est que l'individu, à la fin de tout ce processus, est
souvent encore -comment pourrais-je dire? - sans appui, sans recours.
L'examen que nous allons faire de cet organisme aujourd'hui et dans les
jours qui vont suivre, j'espère qu'il va nous servir justement à
cerner certains problèmes ou certaines problématiques qu'on
pourrait corriger, qui pourraient donner encore plus de pouvoirs si possible
à la commission ou même d'aller plus loin et permettre au moins
è ceux qui ont recours à cette commission de faire en sorte que
ses recommandations soient réellement, devraient normalement être
prises en considération et être appliquées telles quelles.
Donc, comment trouverons-nous la formule? Je ne le sais pas. Du moins, cet
exercice va sûrement nous aider à aller plus loin. J'ai hâte
de vous entendre, de cheminer avec vous et de réfléchir au cours
de cette matinée sur le travail que vous avez déjà
réalisé, tout en nous mettant en évidence également
les recommandations que vous aimeriez que l'on travaille aussi pour nous
permettre au cours des années futures, 1987, 1988 et peut-être
1989 d'aller encore plus loin dans le travail ou dans le mandat que cette
commission devrait avoir. Merci beaucoup.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le
député de Beauharnois. M. le président, nous sommes toute
ouïe.
Exposé du président de la
Commission
des droits de la personne
M. Lachapelle (Jacques): M. le Prési- dent, messieurs, je
l'avais déjà écrit sur mon document, vous le lirez, c'est
avec plaisir, je le réitère après vous avoir entendus,
c'est avec beaucoup de plaisir que je sens qu'on est accueilli ici par cette
assemblée. Je dois ajouter que c'est également avec beaucoup de
respect qu'on se présente devant vous. Je crois que nous devons
répondre de nos activités. Il me fait plaisir de venir devant la
commission des institutions de l'Assemblée nationale vous exposer selon
votre désir, les orientations, les activités et la gestion de la
Commission des droits de la personne pour peut-être continuer à
fournir des détails au printemps sur toutes ces questions.
Comme vous m'avez laissé beaucoup de lattitude pour traiter de
ces questions, je me permets de vous soumettre l'ordre suivant: Dans un premier
temps, j'aimerais rappeler à votre commission quelques
éléments de la Charte des droits et libertés. Ensuite, je
vous présenterai la commission elle-même, sa juridiction, son
fonctionnement, au niveau des instances décisionnelles comme des
mécanismes organisationnels. Enfin, je voudrais vous exposer la
situation des droits tels qu'ils sont traités du point de vue
administratif, parce que je pense que c'est surtout cet élément
qui va retenir notre attention.
Finalement, je ferai un retour avec vous sur les objectifs et les
réalisations de l'année 1985, et je voudrais passer en revue avec
vous les orientations que nous nous sommes fixées pour la
présente année.
La Charte des droits et libertés de la personne, on l'a
rappelé tantôt, fut présentée comme projet de loi 50
à la troisième session de la 30e Législature. Elle a
été adoptée le 27 juin 1975. Elle a été
cependant promulguée le 28 juin 1976, date à laquelle la
commission a ouvert ses bureaux à Montréal et à
Québec. Depuis lors, elle a subi des modifications importantes.
Signalons celles qui ont le plus d'impact sur l'organisation et la juridiction
de la commission. En 1982, plusieurs modifications ont été
apportées à la charte par la loi 86, sanctionnée à
l'Assemblée nationale le 18 décembre 1982 et mise en vigueur le
1er octobre 1983. On a, entre autres, ajouté deux motifs illicites de
discrimination: l'âge et la grossesse. Un article visant les formulaires
de demande d'emploi et les entrevues de sélection est entré en
vigueur le 1er juin 1984. On a aussi ajouté l'interdiction de la
discrimination fondée sur les antécédents judiciaires. (10
h 45)
À cause de son caractère de loi fondamentale du
Québec, la charte prévalait déjà sur toute loi
postérieure à son entrée en vigueur, du moins dans ses
articles 9 à 38. Désormais, les articles 1 à 8 priment
aussi toute disposition d'une loi postérieure au 30 septembre 1983, sauf
indication
contraire stipulée en vertu de l'article 52.
D'autre part, depuis le 1er janvier 1986, toute loi du Québec,
qu'elle soit postérieure ou antérieure à la charte, devra,
à moins d'exception, se conformer aux articles 1 à 38 de la
charte.
Enfin, la possibilité de mettre en application des programmes
d'accès à l'égalité, inscrite dans le texte de loi
1982, est entrée en vigueur le 26 juin 1986, donc tout
dernièrement. Un paragraphe a aussi été ajouté
à l'article 67 à cette époque prévoyant
l'obligation pour la commission de procéder à l'analyse de toute
la législation québécoise tant postérieure
qu'antérieure à la charte.
Enfin, le 1er septembre dernier est entré en vigueur le
règlement sur les programmes d'accès à
l'égalité. Ce texte législatif qu'est la charte s'est donc
vu considérablement modifié depuis son adoption et a
ajouté à la Commission des droits de la personne une
quantité importante d'activités, ce qui a donc
nécessité de constantes modifications et ajustements à son
organisation.
Retenons aussi de ce bref exposé sur la charte qu'elle est un
document unique, tant par sa facture, par son style, que par le nombre de
droits qu'elle garantit et que, sans être un texte constitutionnel, elle
a, selon les mots de la Cour suprême, un caractère quasi
constitutionnel.
C'est le ministre de la Justice qui est chargé de l'application
de cette loi et c'est à la Commission des droits de la personne que
revient de promouvoir, par toutes mesures appropriées, les principes
contenus dans la charte, d'exercer les pouvoirs et d'exécuter les
devoirs qui y sont prescrits.
La commission doit notamment et je me réfère à
l'article 67: a) recevoir les plaintes et faire enquête dans les
matières qui relèvent de sa compétence en vertu de
l'article 69; b) établir un programme d'information et
d'éducation, destiné à faire comprendre et accepter
l'objet et les dispositions de la présente charte; c) diriger et
encourager les recherches et publications sur les libertés et droits
fondamentaux; d) procéder à l'analyse des lois du Québec
qui pourraient être contraires à la charte et faire au
gouvernement les recommandations appropriées; e) recevoir les
suggestions, recommandations et demandes qui lui sont faites touchant les
droits et libertés de la personne, les étudier et faire au
gouvernement les recommandations appropriées; f) coopérer avec
tout organisme du Québec ou de l'extérieur, voué è
la promotion des droits et libertés de la personne.
Également, la partie III de la charte donne à la
commission certains autres mandats: celui de prêter assistance
lorsqu'elle en est requise à l'élaboration d'un programme
d'accès à l'égalité.
La commission peut également, après enquête, si elie
constate une situation de discrimination prévue à l'article 86.1,
recommander l'implantation, dans un délai qu'elle fixe, d'un programme
d'accès à l'égalité.
Lorsque sa recommandation n'a pas été suivie, elle peut
aussi s'adresser au tribunal et sur preuve d'une situation de discrimination,
obtenir dans le délai fixé par le tribunal, l'élaboration
et l'implantation d'un programme d'accès à
l'égalité.
Ces pouvoirs et devoirs sont exercés par les commissaires au
nombre de sept, et par le personnel embauché à ces fins.
Comme on le sait, les commissaires sont nommés par
l'Assemblée nationale par un vote d'au moins les deux tiers de ses
membres.
La commission compte actuellement onze membres, dont deux permanents, le
président et la vice-présidente, et neuf autres qui
siègent à temps partiel. Actuellement, le mandat de cinq
commissaires est échu depuis le mois de décembre 1985. Trois
autres mandats se termineront au mois de décembre prochain et trois
mandats se termineront en décembre 1987.
II est important de rappeler que les membres de la commission restent en
fonction jusqu'à leur remplacement. Mais il faudrait aussi songer qu'au
mois de décembre prochain, il y aura huit commissaires à
remplacer ou dont le mandat devrait être renouvelé.
J'en profite ici pour vous signaler qu'il serait important d'assurer une
relève et peut-être de ne pas remplacer d'un coup ces huit
commissaires qui devront être remplacés ou renouveler et de voir
à ce qu'il y ait une continuité. Je pense que cela ferait
beaucoup de départs en même temps.
Le rôle de ces commissaires est de deux ordres: d'une part, c'est
â l'assemblée des commissaires de donner les grandes orientations
qui doivent guider les activités des diverses directions. D'autre part,
l'assemblée des commissaires décide des enquêtes de
discrimination qui sont présentées à la commission.
Pour ce qui est de son premier râle, plus particulièrement
depuis 1985, nous avons élaboré un mode de gestion par objectifs
qui sont proposés par le personnel de la commission, soumis à un
comité de gestion formé des cadres de la commission et ensuite
soumis pour décision à l'assemblée des commissaires.
Le second rôle de la commission est de décider des
enquêtes et de faire des recommandations et des commentaires touchant les
droits et libertés de la personne sur les projets de loi et les sujets
et demandes qui sont portés à l'attention de la commission.
Au cours de l'année 1985, l'assemblée
des commissaires a tenu 27 séances et son comité des
enquêtes 17, au cours desquelles 522 rapports d'enquêtes ont
été étudiés. Le comité des enquêtes
est composé d'au moins trois commissaires. Ce comité
étudie et discute les dossiers d'enquête, transmet son rapport et
soumet ses recommandations à l'assemblée des commissaires qui
statue sur chacun des dossiers en séance plénière.
Pour assumer ces différents mandats, la commission dispose de 117
postes de travail dont actuellement 116 sont comblés et également
de huit postes occasionnels.
La répartition des emplois à temps plein et à temps
partiel au 31 mars 1986, selon l'appartenance à un groupe cible,
s'établit de la façon suivante: on compte 62,5 % de femmes, 37,5
% de cadres et 49 % de personnel professionnel féminin. Trois personnes
répondent à la notion de handicapée, 17 % sont membres de
diverses communautés culturelles et une personne est de descendance
autochtone. Les employés sont regroupés dans neuf directions
incluant les bureaux régionaux.
La structure de la commission est calquée sur les mandats qui lui
sont confiés. Pour une meilleure compréhension des
activités de la commission, j'aimerais vous les décrire
brièvement.
La Direction des enquêtes. Son rôle est de voir à
l'ensemble des activités reliées à la réception des
plaintes de discrimination ou d'exploitation, de procéder à des
enquêtes selon tes règles d'équité et de justice
naturelle et, bien sûr, à la médiation.
La Direction du contentieux. Le mandat de la Direction du contentieux
est de fournir des avis juridiques sur des sujets concernant la commission et
ses activités. Elle rédige des documents de nature juridique, est
responsable des poursuites judiciaires et assure le suivi de ces dossiers
devant les tribunaux.
Le contentieux reçoit le mandat d'intenter une poursuite
judiciaire lorsque la commission conclut au bien-fondé d'une plainte de
discrimination et que les recommandations émises à la suite d'une
telle conclusion ne sont pas suivies. Dans une telle situation, la commission
peut, en vertu de l'article 83 de la charte, demander une injonction contre la
personne en défaut. Elle peut également réclamer en faveur
de la victime l'indemnité dont elle avait réclamé le
paiement.
Outre les poursuites civiles, la commission peut également
envisager, après enquête, une poursuite au niveau pénal.
Dans de tels cas, elle fait rapport au Procureur général
l'informant des faits qu'elle estime susceptibles de constituer une infraction
à la charte.
La Direction de la recherche. La principale fonction de cette direction
est d'effectuer des travaux portant sur l'interprétation de la charte,
dans le but d'en déterminer la portée et les limites; de
procéder à l'analyse des lois du Québec afin d'en
déceler les éléments qui pourraient être
incompatibles avec les dispositions de la charte.
La Direction des programmes d'accès à
l'égalité vient tout juste d'être mise en vigueur. La
direction doit, en substance, assurer la conception, l'élaboration et
l'implantation de programmes d'accès à l'égalité,
produire l'instrumentation et les données statistiques
nécessaires à la mise en oeuvre de tels programmes, fournir aux
employeurs et aux institutions l'assistance requise pour développer un
programme d'accès à l'égalité et procéder,
le cas échéant, au contrôle et à l'évaluation
des programmes visés par une recommandation de la commission.
La Direction de l'éducation. Son rôle est de concevoir et
de développer des programmes et des instruments d'éducation
visant à faire connaître et respecter les droits, à
prévenir ou à modifier les préjugés et attitudes
qui les compromettent. C'est par l'information et la formation, la concertation
et la conciliation communautaire qu'elle rejoint les groupes visés,
aussi bien en milieu scolaire qu'en milieu de travail ou autres.
Enfin, la Direction de l'éducation développe des
réseaux de coopération, offrant un soutien aux groupes
communautaires et organismes pour la défense et la promotion des droits
de la personne. On en retrouvera des exemples dans le chapitre consacré
aux dossiers de la commission.
La Direction des communications assure un triple mandat relié aux
renseignements, è l'information et à la coopération. Elle
établit le contact avec les individus, les groupes, le grand public et,
enfin, les médias. En outre, elle assure un rôle-conseil
auprès des autres directions en matière de production des
publications et s'occupe de la diffusion de documents produits par la
commission.
La Direction des services administratifs. Cette direction fournit un
service administratif en matière de gestion des ressources humaines,
financières et matérielles. Elle élabore les politiques et
développe les outils nécessaires à la gestion des
ressources. Elle est responsable de l'application de la convention
collective.
Le Centre de documentation relève de la Direction des services
administratifs. II répond aux besoins internes d'information
documentaire et met à la disposition du public la documentation
produite, soit par la commission ou par d'autres instances relatives aux droits
et libertés de la personne.
La Direction régionale de Québec. La responsabilité
de la Direction régionale de Québec est de veiller à la
promotion et à l'application de la charte pour les régions
administratives de l'Est du Québec, Bas-Saint-Laurent,
Saguenay-Lac-Saint-Jean, Québec, Trois-Rivières, Côte-Nord
et Nouveau Québec- Elle veille à accomplir le mandat de la
commission dans les régions qu'elle dessert, en matière
d'accueil, de renseignement, d'information, de coopération et
d'enquête.
Les bureaux régionaux: Le principe de la régionalisation
des services de la commission a été accepté, à
titre exploratoire, par le Conseil du trésor. Les statistiques des
années précédentes témoignent de l'importance pour
la commission de se rapprocher des populations des régions
éloignées et de donner un accès plus équitable
à ses services.
Les régions desservies pour l'instant sont: l'Estrie,
l'Outaouais, l'Abitibi-Témiscamingue et la Côte-Nord. Les bureaux
régionaux participent aux orientations de la commission tout en tenant
compte des particularités régionales et des problématiques
spécifiques dans le choix des modes d'intervention. Leur mandat recouvre
l'ensemble des activités reliées à l'information, la
coopération et l'éducation, la recevabilité des plaintes
et la tenue d'enquêtes.
Je vous ai présenté la partie organisationnelle de la
commission. J'aimerais examiner avec vous maintenant la situation de la
commission par rapport à ses activités et à
l'exécution de ses mandats.
Le premier élément ressort: l'augmentation du nombre de
dossiers. Selon les paramètres organisationnels, il est aisé de
constater que la vitesse de croisière de la Commission des droits de la
personne n'est pas encore atteinte mais qu'elle se trouve au contraire en plein
essor. Ainsi, en 1985, 552 dossiers d'enquête ont été
ouverts par rapport à 412 en 1984. Le nombre de requêtes,
c'est-à-dire le nombre de demandes d'information ou d'enquêtes
adressées à la commission a été de 31 735 en 1985
par rapport à 21 830 en 1984. Cette année, jusqu'au 30 juin
seulement, nous avons enregistré 21 702 requêtes et 500 dossiers
d'enquête ont été ouverts. Une projection réaliste
pour l'année en cours serait de 43 000 requêtes et de 1000
dossiers d'enquête. En termes de pourcentage ce fait signifie une
augmentation se situant aux environs de 30 % pour les requêtes et de plus
de 80 % pour les enquêtes.
L'augmentation du volume de travail: Si la commission connaît une
augmentation de la qualité des dossiers, c'est aussi au niveau de la
complexité des enquêtes qu'elle voit s'accroître son
travail. Ainsi, elle a dû, afin de répondre à un souci
d'équité procédurale, mettre en application des
règles de procédures qui engendrent un surplus de travail tant de
la part des enquêteurs que du personnel de bureau.
De plus, la commission constate que les problèmes de
discrimination doivent être traités de façon plus globale
afin d'en détecter toute l'ampleur et d'apporter des solutions non pas
seulement au cas qui nous est soumis mais à l'ensemble du
système. Il en est ainsi, par exemple, dans le cas de plaintes soumises
par des infirmières noires et ce sera le cas sûrement pour les
enquêtes de la commission en matière d'enquêtes
systémiques. De la même manière, nous constatons qu'une
enquête, cas par cas, en matière de discrimination raciale dans le
logement ne donne pas les résultats escomptés et qu'il faudra
élargir l'intervention de la commission.
Les bureaux régionaux: Quatre bureaux régionaux sont
ouverts depuis l'automne 1985. La commission ne réussit pourtant pas,
à cause du manque de ressources, à couvrir tout le territoire de
la province. De fait, la CDP ne possède pas les effectifs
nécessaires pour répondre aux besoins de la population en
régions.
Les communications. Le manque de ressources matérielles et
humaines se fait sentir au niveau de la Direction des communications qui
devrait se voir accorder un budget de fonctionnement de 237 000 $ par
année, selon l'étude de la firme Optimum réalisée
en 1985. La commission, selon cette étude, doit faire un effort pour
joindre des clientèles spécifiques, ce qu'elle ne peut
réaliser avec un budget réduit de 64 000 $ pour les
communications. (11 heures)
Impact des PAE (programmes d'accès à
l'égalité). La mise en vigueur de la partie III de la charte a
signifié une augmentation importante de la charge de travail des
diverses directions, notamment celles de la recherche, des communications et de
l'éducation.
Volume de travail et budget. Bien qu'il y ait eu augmentation des
effectifs de la commission depuis 1983, cette augmentation n'a pas suivi celle
des paramètres organisationnels qui a été bien plus forte.
D'autre part, le budget de fonctionnement est loin d'avoir suivi l'augmentation
des effectifs de la commission. On peut voir d'ailleurs à la fin un
tableau indiquant la projection des effectifs, celle des budgets de
fonctionnement de même que des activités de la commission.
Pour l'année en cours, 1986-87, la commission a connu une coupure
de 100 000 $ à son budget de fonctionnement. Elle a également
subi - je ne l'ai pas indiqué ici - une coupure budgétaire de 250
000 $ au niveau des traitements.
Si, les années antérieures, la commission
bénéficiait d'une certaine marge de manoeuvre grâce aux
postes occasionnels autorisés, cette marge de manoeuvre est actuellement
considérablement rétrécie. En
1983, les postes occasionnels représentaient 27 % des postes
permanents; en 1986, ils représentent 3,4 % seulement.
Mesures de rationalisation que la commission a mises en place. La
commission a entrepris et poursuit ses efforts de rationalisation qui se sont
concrétisés par la transformation de certains postes de
professionnels en postes d'employés de bureau, ce qui a eu comme
résultat une diminution, bien sûr, des salaires moyens.
L'efficience et la productivité ont donc été
améliorées dans diverses unités administratives.
Malgré l'augmentation du nombre d'enquêtes, nous avons
réussi à en diminuer légèrement les
délais.
Des mesures ont également été prises pour
améliorer les méthodes de travail afin d'augmenter la
productivité: formation des employés de bureau en traitement de
texte, réaffectation du personnel, partage avec le Comité de la
protection de la jeunesse, dans les bureaux régionaux, des services de
secrétariat.
Telle est la situation que nous connaissons à la Commission des
droits de la personne. Vous avez également manifesté le
désir de connaître les orientations et les objectifs de la
commission de même que ses réalisations. Je me permettrai donc de
passer en revue ces grandes orientations et les dossiers de la commission qui,
au cours de l'année dernière, ont été
privilégiés. Nous nous étions fixé sept
orientations sur lesquelles j'aimerais faire le point.
La première était d'assumer le rôle de leadership de
la commission en matière de droits de la personne auprès des
principaux intervenants, intéressés et partenaires.
On connaît un nombre important d'interventions. Je me permets de
vous signaler les plus importantes:
Le rapport Tanguay, c'est-à-dire le rapport sur la prison
Tanguay, la prison des femmes à Montréal, qui devrait se
continuer au cours des prochains mois. On devrait aussi assurer le suivi des
recommandations de la commission. - La participation assidue et
éclairée de la commission à l'enquête sur
l'hôpital de Rivière-des-Prairies a amené la commission
à faire des recommandations précises au président de la
commission Shadley et à la ministre de la Santé et des Services
sociaux. - Les réflexions de la commission sur la liberté
d'expression ont refait surface durant la dernière campagne
électorale et nous ont permis de relancer les recommandations de la
commission sur les dépenses électorales.
Dans le dossier des programmes d'accès à
l'égalité, la commission a favorablement influencé ie
comité de l'Assemblée nationale chargé d'étudier
les règlements concernant les programmes. - Les suites du dossier
"taxi". En collaboration avec de nombreux partenaires, la commission a
procédé à la mise en oeuvre systématique des
recommandations du rapport final d'enquête. - Avec les jeunes, nous avons
préparé la déclaration de la commission face à la
situation des jeunes. Également, la conférence sur
l'éducation aux droits que nous avons menée en février
dernier fut un événement encourageant et stimulant pour la
commission face à son action dans ce domaine. - Nous avons vu aussi la
publication de la charte annotée de même que des recueils
juridiques des droits de la personne qui sont présentés avec la
collaboration de SOQUIJ.
La deuxième orientation précisait: faire connaître
à la population les principes et les objectifs inscrits dans la charte
ainsi que le rôle de la commission.
L'un des objectifs était de régionaliser l'action de la
commission. Le Conseil du trésor a approuvé notre démarche
au cours d'une conférence de presse marquant le 10e anniversaire. Nous
avons annoncé cette nouvelle à la population.
Jusqu'à maintenant, nous devons dire que les résultats de
notre action en régions sont plus que probants.
Troisième orientation: définir une stratégie
d'ensemble afin d'assurer le rayonnement et la présence de la commission
dans tout le Québec dans un plan et des politiques de communications. La
firme Optimum et la Direction des communications ont élaboré
cette politique qui devrait être mise en application, du moins en partie,
dans un avenir prochain.
Quatrième objectif: Améliorer et rendre plus efficace et
plus efficiente l'administration de la commission, tant au niveau des diverses
directions que de l'assemblée des commissaires. Le rôle du
comité de gestion par rapport à celui de l'assemblée des
commissaires a été défini et précisé.
L'adoption de règles de régie interne s'est
concrétisée. L'adoption et la mise en vigueur des directives en
matière de procédure d'enquête, préparées
avec la collaboration de la direction des enquêtes. L'adoption par les
commissaires, à la suite d'études du Service de la recherche, de
critères d'intervention de la Commission des droits de la personne dans
divers secteurs d'activité. La tenue de 20 réunions du
comité de gestion, qui ont permis de coordonner nos activités et
de les réaliser en concertation. Dans le domaine administratif, il
fallait entreprendre des réformes importantes, mettre en place les
premiers éléments d'une politique en matière de gestion de
personnel, les premiers jalons de manuels administratifs, recruter le personnel
nécessaire. Qu'il suffise, à ce sujet, de mentionner que nous
avons dû traiter quelque 1500 candidatures en l'espace de quelques
mois.
Les études sur le système d'information de gestion
progressent. La conception administrative d'un système d'informatique a
subi un peu de retard, mais devrait voir le jour sous peu.
Cinquième élément. Cultiver le sentiment
d'appartenance des employés et des commissaires dans tout le processus
des activités de la commission, notamment en améliorant la
qualité de vie au travail. Bien sûr, il n'est pas facile de
mesurer l'amélioration de la qualité de vie au travail, pas plus
que du sentiment d'appartenance. Permettez-moi de vous signaler cependant
quelques événements. La participation des employés dans la
préparation des objectifs. La mise en place du plan de formation et des
procédures d'accueil. La participation des commissaires à divers
comités. La tenue d'une réunion des commissaires à
Québec et surtout la mise en place d'un comité des enquêtes
qui siège à Québec. Au plan de la mobilité des
employés, dix-sept personnes ont changé de poste de travail au
cours de l'année 1985.
Le sixième élément était de finaliser la
mise en place de la nouvelle structure administrative de la commission et plus
particulièrement de la Direction des programmes d'accès à
l'égalité et du plan de régionalisation.
La Direction des programmes d'accès à
l'égalité est maintenant opérationnelle. De nombreuses
sociétés et entreprises, dont la commission,
bénéficient actuellement des précieux conseils des
conseillers et conseillères en programme d'accès à
l'égalité.
Septième élément. Humaniser les relations de la
commission avec sa clientèle et améliorer les services rendus
à cette dernière. Dans un premier temps, il nous fallait
connaître la qualité des services offerts aux clients de la
commission. Notons que, selon les résultats de l'étude Optimum,
il apparaît que la Commission des droits de la personne jouit d'une
très bonne notoriété et crédibilité, tant
auprès de la population en général qu'auprès de sa
clientèle. La charte est moins connue et l'efficacité de la
commission devrait être améliorée notamment dans les
délais de traitement des dossiers.
Nous avons procédé également è une
compilation des délais d'enquête. Les résultats sont
encourageants, puisque la comparaison avec la commission canadienne nous laisse
voir des délais de 150 jours à Québec, de 200 jours
à Montréal par rapport à neuf mois à la commission
canadienne.
L'adoption de règles de procédure aux enquêtes, qui
mettent l'accent sur les principes d'équité, répondra
sûrement aux nombreuses demandes de notre clientèle.
Ce sont là quelques grands dossiers que nous avons menés
en 1985. Ils ont nécessité beaucoup d'énergies et de
coordination. Mais pendant ce temps-là, les activités des
diverses directions n'ont pas cessé. La recherche a aussi produit
d'importantes études qui ont permis la préparation des
critères d'intervention de la commission sur plusieurs motifs de
discrimination et l'établissement des politiques en matière
d'accès à l'égalité. L'éducation a entrepris
une période de réflexion sur sa mission, mais n'a pas
cessé pour autant ses interventions auprès des jeunes, des
autochtones, des femmes, dans le dossier "taxi" et dans le monde du
travail.
Un contentieux réduit a suivi de près les nombreux
dossiers de la commission devant les tribunaux. Les communications ont
répondu à plus de 31 735 demandes de renseignements et
distribué le message de la commission à 277 000 exemplaires.
Dans les régions de l'Outaouais, de l'Estrie, du Nord-Ouest et de
l'Abitibi-Témiscamingue, on a multiplié les interventions de la
commission, si bien qu'on pourrait y voir réunis pour la prochaine
année autant de dossiers qu'à Montréal.
À la Direction des programmes d'accès à
l'égalité et à la recherche, on travaille à
circonscrire les éléments de ce dossier complexe des programmes
d'accès à l'égalité et des obligations
contractuelles pendant que les conseillers travaillent en collaboration avec
une dizaine d'entreprises à la préparation de programmes
d'accès à l'égalité.
Les orientations pour l'année 1986-1987. Nous nous étions
donc tracé pour l'année 1985-1986, des orientations et des
objectifs que nous avons réalisés en tout ou en partie ou dont la
réalisation a été amorcée récemment. C'est
à partir des résultats obtenus dans la continuité des
orientations de l'année dernière et d'une nouvelle lecture de
notre environnement que nous nous sommes fixé, au début de
l'année de nouvelles orientations.
Si le mandat de la commission demeure le même, le contexte est
quelque peu modifié. Il nous faut tenir compte d'impératifs
économiques qui modifient les attentes de nos clientèles
vis-à-vis de la commission. Il est également nécessaire de
prendre en compte les contraintes budgétaires qui nous forcent à
faire des choix et à rationaliser davantage l'utilisation de nos
ressources.
On assiste en même temps à de fortes demandes dans le
domaine du travail. Autant au niveau de l'accès au travail, de
l'égalité salariale, qu'en termes d'amélioration des
conditions et de la qualité de vie au travail. On connaît
également à la commission des demandes de plus en plus pressantes
d'action pour combattre le racisme, et pour l'amélioration des relations
interraciales.
D'autre part, nous savons, à la suite de la conférence
d'éducation, qu'il est nécessaire d'axer notre action
éducative dans les écoles autant au niveau secondaire qu'au
niveau primaire.
Ce contexte nécessite que nous soyons de plus en plus conscients
de la valeur de nos ressources humaines qui doivent être mieux
équipées pour accomplir le travail et qui doivent, par
conséquent, bénéficier d'une formation adéquate,
d'une meilleure concertation des ressources et des différentes
directions à la réalisation des mandats de la commission.
D'autre part, il est essentiel de ne pas perdre de vue les mandats de la
commission et de concentrer nos efforts sur la qualité des services
à la clientèle en renforçant entre autres les
règles de procédure, la qualité des enquêtes et nos
interventions devant les tribunaux.
Devant les demandes de plus en plus importantes qui nous parviennent,
les vastes champs d'activité qui s'ouvrent à la commission, il
faut faire des choix, se donner l'instrumentation nécessaire pour ce
faire et, finalement, se munir d'un plan stratégique pour les
réaliser.
Pour l'année 1986, neuf orientations guident nos actions. Le
premier, sur le racisme indique que la commission évalue les actions
qu'elle a entreprises, précise ses objectifs, adopte un plan
d'intervention et concerte ses efforts dans la réalisation des objectifs
choisis.
Dans le domaine du travail: que !a commission centre ses efforts sur les
implications de la charte dans le milieu de travail, notamment, dans
l'application de l'article 19 de la charte, une recherche et une mise en
application de nouveaux modes d'intervention dans les cas de harcèlement
sexuel et racial, la mise en application de programmes d'accès à
l'égalité, l'information aux employeurs.
Dans le dossier de la condition féminine: que la commission
intensifie et concerte son travail dans les nombreux dossiers qui touchent les
conditions féminines, les programmes d'accès à
l'égalité, le harcèlement, l'aide aux femmes immigrantes,
l'égalité salariale, la poursuite de l'enquête à la
prison Tanguay.
Dans le dossier autochtone: que la commission prenne connaissance du
document mis à jour, "Bilan et perspectives" et statue sur ses
recommandations. Que les interventions de la commission dans ce dossier soient
axées sur des problèmes spécifiques comme la
discrimination dans le logement et l'accès au travail.
Que la commission continue son action dans le domaine de
l'éducation aux droits dans le milieu scolaire tant au niveau primaire
que secondaire.
Que les actions de la commission soient orientées vers
l'amélioration des services à la clientèle dans tous les
secteurs d'activité.
Qu'on procède à la nomination d'un responsable des
services à la clientèle qui aura pour mandat d'examiner les
plaintes des clients, de faire rapport au président sur chacun des cas
soumis et de faire à la commission toute recommandation visant à
améliorer la qualité des services à la
clientèle.
Qualité de vie au travail: que l'on poursuive les efforts dans le
but d'améliorer l'efficience et l'efficacité de la commission.
Que les réformes administratives entreprises soient orientées
dans le sens d'une meilleure utilisation des ressources humaines:
préparation d'outils de travail plus adéquats, système
d'information de gestion, plan de formation, développement de
l'informatique.
Qu'à l'occasion du "Bilan prospectif" qui aura lieu dans le cadre
du dixième anniversaire, la CDP évalue avec les employés
les mécanismes de participation à la préparation des
objectifs et au processus de planification stratégique de la
commission.
En termes de planification stratégique: que la commission
procède à l'établissement d'une planification
stratégique de ses objectifs et de ses actions et établisse un
mécanisme de priorisation des dossiers de la commission, notamment
à l'éducation, aux communications et dans le choix des
enquêtes de sa propre initiative en matière de discrimination
systémique ou directe.
Promotion de la CDP: que la commission procède à
l'étude et à la mise en application du plan de communication
suggéré par la firme de consultants.
Que la commission procède, en collaboration avec SOQUIJ ou autres
organismes, à la diffusion de la charte annotée, des recueils de
jurisprudence et des avis de la recherche.
Que la commission intensifie ses efforts de concertation et de
collaboration auprès des groupes ou organismes voués à la
promotion des droits et libertés de la personne.
Que la commission précise, dans les meilleurs délais, sa
politique de publication. (11 h 15)
Ce sont là des orientations et des objectifs à court et
à moyen terme.
Dans un avenir plus immédiat, sur le plan administratif, certains
dossiers feront l'objet de notre attention. Ainsi, le projet de loi 110 qui
traite de l'intégration des employés de la commission à la
fonction publique et de la fusion du Comité de la protection de la
jeunesse, nous donnera l'occasion de nous pencher sur ces deux importantes
questions. Quant à la fusion du Comité de la protection de la
jeunesse, la commission a déjà fait part de son opinion sur ce
sujet.
L'intégration des employés à la fonction
publique est d'un autre ordre, mais a tout autant d'importance. Dans une
organisation qui a déjà dix ans d'existence et où les
postes de travail sont limités, la mobilité de nos
employés, autant pour leur épanouissement et leur
mieux-être que pour la régénérescence de
l'organisation est préoccupante. Il nous faudra, à
l'intérieur ou en dehors du cadre législatif, trouver une
solution à cette impasse.
Nous sommes aussi préoccupés par l'augmentation importante
des dossiers d'enquête et l'ajout de nouvelles responsabilités. La
commission est en pleine effervescence. Il nous faut constamment
réajuster l'organisation afin d'améliorer son efficacité
et son efficience et suivre le rythme de la demande. Nous avons, sous ce
chapitre, de nombreux projets visant à améliorer la performance
de la commission. Les compressions budgétaires que nous connaissons nous
laissent peu de marge de manoeuvre pour réaliser ces mandats. Même
en rationalisant l'organisation, nous ne pourrons pas toujours agrandir par
l'intérieur.
Je vous ai livré ici, j'espère, sans trop de
détails non plus pour vous perdre, les questions administratives qui
touchent la Commission des droits de la personne. Je suis bien conscient que
c'est là un préambule et je demeure à votre disposition
pour répondre à vos questions. Je vous remercie.
Le Président (M. Filion): M. le président, je vous
remercie pour cet exposé remarquablement bien fait. Compte tenu de nos
préoccupations, compte tenu de la raison pour laquelle nous sommes
réunis ici aujourd'hui, je dois vous dire que votre exposé fait
un tour d'horizon très instructif, d'abord, évidemment, de la
nature de la commission et de sa composition, des problèmes vécus
actuellement par la commission ainsi que de ses orientations. En ce sens, je
vous félicite déjà. Je pense que vous avez dit
tantôt que vous accordiez beaucoup d'importance au fait de venir
rencontrer la commission des institutions. Je pense que la qualité du
texte que vous avez déposé ce matin témoigne bien du
sérieux avec lequel vous avez entrepris cet exercice démocratique
parlementaire, parfois fastidieux, mais qui, encore une fois, est une
conséquence de notre organisation démocratique.
Je ne sais pas si mes collègues de la commission... Je les vois
en train de réfléchir. Peut-être que je pourrais... Oui, M.
le député de Beauharnois.
Discussion générale Les
commissaires
M, Marcil: Vous avez parlé tantôt du renouvellement
du mandat des commissaires.
Pourriez-vous nous parler un peu du commissaire? Comment est-il
recruté? Je sais que c'est une nomination de l'Assemblée
nationale, mais quelle classe de la société touche-t-il? Est-ce
qu'on retrouve uniquement des avocats comme commissaires ou bien si on retrouve
un éventail assez large d'individus?
M. Lachapelle: Je vais faire l'exercice avec vous, si vous voulez
et, peut-être aussi, la vice-présidente pourrait nous aider. Je
compte, à l'oeil, cinq, six, sept avocats effectivement. Ce sont des
avocats qui sont en pratique privée et professeurs d'université.
Voilà un peu les deux types d'avocats qui sont chez nous. Il y a un
représentant, M. Luc André... On ne peut pas dire qu'il est
représentant, il est d'origine autochtone et il est, je pense, animateur
d'une station de radio à Sept-Îles. M. Morrisseau...
Une voix: II y a deux syndicalistes.
M. Lachapelle: II y a deux syndicalistes, oui, M. Morrisseau et
Mme Simard. M. Lévy est un agent d'assurances, je pense; il est à
sa retraite aujourd'hui. M. Dowie est un travailleur social qui était,
à l'époque, au CSSMM ou une organisation semblable, dans le
réseau des affaires sociales. Je pense que cela donne un peu, si vous
voulez... Si on recule dans le temps, on voit qu'il y avait également
une représentation d'avocats qui a toujours été
importante. Il faut dire qu'il y a des questions juridiques éminemment
pointues, si je peux m'exprimer ainsi.
M. Marcil: Ces gens-là représentent-ils l'ensemble
des régions du Québec ou originent-ils tous d'un même
milieu ou de grands centres comme Montréal et Québec?
M. Lachapelle: Montréal, Québec, Sept-fles,
Sherbrooke. Y a-t-il d'autres régions?
Mme Trudeau-Bérard (Nicole): II y a une
préoccupation pour que cela ne soit pas tout concentré à
Montréal, et d'autre part une préoccupation pour qu'il y ait une
représentation... Évidemment, c'est impossible qu'il y ait une
représentation totale de tous les groupes cibles visés par
l'article 10 de la charte, mais la préoccupation était quand
même qu'il y ait une représentation adéquate des femmes,
des communautés culturelles, des autochtones, sur une base
peut-être rotative, mais cette préoccupation était
là.
M. Lachapelle: Effectivement, on peut compter quatre femmes sur
les onze commissaires.
M. Marcil: Leur mandat est de quelle durée?
M. Lachapelle: Originellement, les mandats sont de trois ans et
il y a habituellement un renouvellement. Jusqu'à maintenant -
évidemment l'histoire de la commission est très courte - il y a
eu des mandats de trois ans et des renouvellements de deux ans pour faire un
total de cinq ans.
Ce que je vous mentionnais tantôt, c'est qu'il serait un peu
catastrophique, même s'il y en a qui ont complété cinq ans,
de prendre huit nouveaux commissaires qui ne connaissent pas le système
d'organisation et qui seraient comme cela propulsés.
M. Marcil: Sont-ils rémunérés?
M. Lachapelle: Oui. La rémunération est de 4000 $
par année - c'est une rémunération fixe - et de 200 $ par
réunion.
M. Marcil: Par réunion.
M. Lachapelle: La charte indique que cette
rémunération ne peut pas être diminuée ni le mandat
réduit.
Le Président (M. Filion): Est-ce que la charte
l'indique?
M. Lachapelle: Oui, à l'article 60, si ma mémoire
est bonne.
Le Président (M. Filion): On coupe pour les
députés.
M. Lachapelle: C'est qu'il y a déjà eu dans le
passé des tentatives...
Mme Trudeau-Bérard: L'article 59.
M. Lachapelle: Excusez-moi, l'article 59. Le gouvernement fixe le
traitement et les conditions de travail.
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Lachapelle: Le traitement et la durée du mandat, une
fois fixés, ne peuvent être réduits. Originellement je
crois que le montant était de 11 000 $, ou plus élevé que
4000 $. Il a été ramené à 4000 $ et on a
fixé des per diem par rencontre, ce qui favorise peut-être un peu
le quorum.
Le Président (M. Filion): M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le Président, j'aimerais renchérir
sur... Ma question va sans doute vous paraître naïve, mais je me dis
que, si l'on perd de sa naïveté, on devient complètement
vicieux. Alors c'est pour cela que je n'ai aucune réticence à
continuer dans cet élan naïf. Je voudrais un peu reprendre la
question que mon collègue de Beauharnois a posée quant au conseil
d'administration. La Commission des droits de la personne, qui a quand
même une autonomie relativement large, n'a pas été
tentée un jour de tracer une espèce de portrait-robot du parfait
conseil d'administration, c'est-à-dire la formation des candidats, leur
expérience de vue, leur vécu, de façon que lorsque le
gouvernement les nomme... S'il y a une commission où tout gouvernement,
quelle que soit son orientation, devrait bien se garder de faire de la
partisanerie politique ou de la pure récompense politique, c'est bien
à la Commission des droits de la personne. Donc, si une espèce de
portrait-robot comme cela, toujours en fonction de la naïveté dont
je vous faisais part tantôt, était fixé, peut-être
que cela pourrait servir de guide è l'Assemblée nationale et au
gouvernement quant aux nominations à la Commission des droits de la
personne.
M. Lachapelle: II faut dire que jusqu'à maintenant la
commission n'a jamais suggéré de portrait. On compte et on doit
continuer à compter sur la sagesse de l'Assemblée nationale, qui
doit nommer aux deux tiers... Ce serait difficile pour la commission. On peut
bien faire état de la représentation actuelle, faire
connaître sa composition, vous indiquer quels groupes sont
représentés, mais au-delà de cela, ce serait aller dire
à l'Assemblée nationale ou aller prendre des
responsabilités qui appartiennent tout à fait à
l'Assemblée nationale. On est bien conscient que jusqu'à
maintenant cela s'est bien réalisé.
M. Marcil: Dans ce sens-là, M. le Président, ce
n'est pas de nommer des yens, mais de faire en sorte qu'il y ait un certain
équilibre des différentes classes sociales qui composent quand
même la société québécoise et puis les types
également de professions. Je veux dire, la Commission des droits de la
personne, le monde culturel, le monde des affaires, le monde industriel ou la
partie patronale, je ne sais pas. Parce qu'on retrouve toujours dans la plupart
de ces conseils d'administration des professeurs d'université, mais on
ne retrouve pas d'enseignants du secondaire ou du collégial, vous
savez.
Il y a quand même toute une dimension que vous traitez concernant
justement l'éducation des jeunes, la formation par le biais des
écoles secondaires ou collégiales, ainsi de suite. Seulement une
idée, si on pouvait arriver et dire: Le conseil des commissaires devrait
être représenté... Trois ou quatre postes devraient
être occupés par le monde juridique du Québec, deux postes
par le monde culturel, ou ainsi de suite. L es nominations, il y en a toujours
à faire d'une façon ou d'une autre. Sans que cela soit trop
partisan, il y a toujours quand même des
noms qui nous arrivent..,
Le Président (M. Filion): Si vous me permettez, M. le
président, juste une remarque. C'est que les commissaires sont
nommés par l'Assemblée nationale.
Une voix: Oui, oui, c'est cela.
Le Président (M. Filion): Évidemment, il ne faut
pas se leurrer, l'Assemblée nationale ne se prononce pas sur une liste
de 6 000 000 de noms. Quand même, il demeure que cette
préoccupation, je pense, manifestée par mes collègues peut
trouver sa suite dans le vote qu'aura à tenir l'Assemblée
nationale sur le choix de ces membres.
Sans diminuer la portée de ce que vous dites, ce n'est pas facile
de bâtir un conseil de commissaires parfaitement représentatifs,
compte tenu, encore une fois, du caractère un peu juridique de certains
problèmes qui sont soumis à la commission.
Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose.
M. Lachapelle: Je pense que c'est difficile de construire le
portrait-robot d'un commissaire. Je pense qu'on le connaît. C'est une
personne qui devrait incarner une certaine sagesse, bien sûr, une
compétence dans un domaine particulier, venir d'un milieu particulier,
mais, dans cette population où on mentionnait tantôt les groupes
cibles de la commission, on imagine que l'Assemblée nationale est
capable de faire ses choix.
D'autre part, on peut bien, quant à nous, indiquer certaines,
peut-être pas des préférences, mais certaines orientations
comme, par exemple, que bien oui, évidemment, on a besoin d'avocats ou
qu'il y en a peut-être trop actuellement. On peut peut-être
indiquer que ce n'est pas nécessaire d'en avoir autant que cela. Il y en
a peut-être un certain nombre qui sont nécessaires et qui sont
très éclairants.
C'est sûr que des grandes orientations sur la composition d'un
comité peuvent être données. J'ai plus de difficulté
à rentrer dans la suggestion du député de Saint-Jacques
d'avoir un portrait-robot d'un commissaire. Pour l'ensemble d'une commission,
c'est peut-être possible.
Le Président (M. Filion): M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: C'est tout simplement pour dire que j'ai
vécu une expérience récente d'une nomination pour un
organisme du centre-ville, très enraciné dans le centre-ville,
mais provenant d'une lointaine banlieue, et comble de l'étonnement,
recommandation soumise par un club équestre. Je ne voudrais surtout pas
que cette chose-là arrive à la Commission des droits de la
personne. C'est pour cela que je vous parlais d'un portrait-robot de la
composition d'un conseil d'administration. Peut-être pas
nécessairement aller de façon très explicite en disant: Il
faut effectivement que ce soit un homme... Enfin, vous connaissez la vieille
blague du prototype minoritaire type qui, quelquefois, va plutôt vers la
caricature que l'efficacité réelle au niveau de la
commission.
J'aurais, avant de vous poser une question, qui à mon point de
vue est d'importance, à vous faire une remarque quant à votre
mémoire. Ce n'est pas un reproche virulent. Je pense que vous avez
raté une chance de faire l'éloge de l'État
québécois et forcément l'éloge de la Commission des
droits de la personne en omettant une addition à notre charte, celle de
1977, quant à l'orientation sexuelle qui a fait du Québec, avec
le Royaume des Pays-Bas et l'État du Wisconsin, l'un des trois
États les plus progressites à ce sujet. Je crois que ce sont des
choses qui méritent d'être écrites. Si elles sont
écrites elles sont connues, elles sont sues par l'ensemble de la
population du Québec et cela projette une image extrêmement
positive de l'esprit progressiste des Québécois. (11 h 30)
Les visites aux assistés sociaux
Dans un autre ordre d'idées, quant à la question qui me
préoccupe le plus, M. le Président, dans la Presse du 18
septembre 1986, l'on titrait: "Appel aux tribunaux d'un front commun contre les
visites des assistés sociaux". On disait: "Les visites surprises des
inspecteurs du gouvernement aux domiciles des assistés sociaux ont
poussé la Commission des droits de la personne du Québec, la
Ligue des droits et libertés et le Front commun des assistés
sociaux et des assistées sociales, lequel regroupe 20 000
bénéficiaires, à former un front de solidarité pour
mettre fin aux rondes - je ne' sais pas si on parle de peinture flamande, de
rondes de nuit ou de jours - des fonctionnaires. Les trois organismes, qui
veulent faire déclarer illégales ces visites ont en effet
déposé hier devant la Cour supérieure trois requêtes
distinctes en intervention afin d'appuyer la pétition d'une
assistée sociale de la métropole qui avait demandé
à ce même tribunal de faire annuler les tournées des
fonctionnaires du ministère du Travail". On poursuit plus loin: "Dans
leurs requêtes les trois organismes - c'est-à-dire les deux qu'on
a cités et le vôtre - expliquent qu'ils ont le devoir de
participer au litige qui "met en question les droits fondamentaux garantis
autant par la Charte québécoise des droits et libertés de
la personne que par la Charte
canadienne des droits et libertés. Cette cause - déclarent
les intervenants - mérite leur estime et leur soutien". J'aimerais vous
entendre commenter plus à fond et peut-être nous donner un
état du dossier actuellement chez vous.
M. Lachapelle: Vous savez que certaines plaintes ont
été déposées à la Commission des droits de
la personne par des assistés sociaux qui sont venus nous exposer
effectivement qu'ils avaient des difficultés avec les enquêteurs
qui intervenaient dans leur domicile. Bien sûr, à cette
époque nous n'avions pas eu de plaintes formelles mais beaucoup de
demandes d'information: Quels sont nos droits? Quelles sont nos
prérogatives? Est-ce qu'on peut refuser la présence de ces
personnes dans nos maisons qui viennent enquêter?
Pour la Commission des droits de la personne c'était
extrêmement embêtant de donner des lignes de conduite, si vous
voulez, à ces personnes parce qu'on ne savait pas quelles pouvaient
être les répercussions immédiates pour les gens: Est-ce
qu'il pouvait y avoir coupure de l'aide sociale? Et est-ce qu'il pouvait y
avoir d'autres répercussions? La Commission des droits de la personne a
donc choisi à ce moment de faire une intervention beaucoup plus globale
auprès du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu et de lui indiquer quelle était son opinion sur les visites
à domicile, indiquant entre autres, suivant notre analyse de la loi que,
la Loi sur l'aide sociale ne permettait pas ces visites à domicile qui
nous semblaient des intrusions dans la vie privée. Il n'y avait pas
spécifiquement de pouvoirs dans cette loi. Également nous avons
indiqué au ministre de la Santé et des Services sociaux - je n'ai
pas le texte devant moi - que c'était soulever encore des
préjugés sur les assistés sociaux que de faire ce genre
d'enquêtes et ce type d'enquêtes qui ne s'adressaient pas à
certains individus en particulier qu'on soupçonnait de fraude mais bien
à une espèce d'échantillonage un peu partout dans la
société. C'est ce que nous avons indiqué au ministre de la
Santé et des Services sociaux à l'époque. À ce
moment nous indiquions que cela venait encore scléroser les
stéréotypes de la population envers les assistés sociaux
dont on dit qu'ils profitent de l'assistance sociale indûment, etc. Nous
avons donc envoyé ce document au ministre et par la suite, lorsqu'il y a
eu des plaintes de déposées à la Commission des droits de
la personne... Actuellement il y a une plainte qui est à l'étude
à la Commission des droits de la personne. Bien sûr nous aurons
à statuer sur cette plainte. C'est difficile d'en parler davantage, elle
est au stade de l'enquête. Également nous avions indiqué,
comme c'est notre devoir de le faire, que nous pourrions nous présenter
devant les tribunaux et ayant donné notre opinion au ministre du Travail
et de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, nous nous
devions je pense d'aller devant les tribunaux lorsqu'une personne s'est
portée requérante devant la cour. Ce que nous avons fait, c'est
que nous n'avons pas poursuivi nous-mêmes mais en termes de
procédure judiciaire, de procédure civile nous nous sommes
joints, par le mode d'une intervention, à la demande de cette
personne.
M. Boulerice: Est-ce que vous avez eu une réponse
officielle du ministre aux commentaires que vous lui avez adressés.
M. Lachapelle: Le ministre nous a indiqué qu'il
était très sensible à nos commentaires. Il faudrait
peut-être qu'on reprenne tout l'ensemble des commentaires, mais enfin...
Il indiquait, entre autres, qu'il avait une opinion juridique contraire
à la nôtre qui venait indiquer que leurs procédures
étaient tout à fait dans l'ordre et ne contrevenaient pas
à la charte. D'autre part, il nous a indiqué qu'il invitait la
commission à travailler avec ses fonctionnaires à bonifier ses
directives, ce à quoi nous avons répondu que, quant à
nous, il nous était difficile, même impossible, de travailler
à bonifier un texte qui, selon nous, n'avait pas de fondement
juridique.
M. Boulerice: D'accord. Je vous remercie, M. Lachapelle.
Le Président (M. Filion): M. le député de
Shefford.
M. Paré: Premièrement, une question d'ordre
très général. Quant à la section sur les
orientations, vous parlez de l'entrée en vigueur de la section de
l'accès à l'égalité, selon l'expérience de
la régionalisation, vous êtes tout à fait en faveur, donc
cela veut dire étendre les services aux différentes
régions du Québec, aller de l'avant dans l'éducation et
l'information de la population; l'augmentation des demandes est
considérable, on parle même dans certains secteurs de 80 % dans
l'ensemble, donc cela veut dire que la commission, si elle n'est pas
débordée, a connu une augmentation considérable. Est-ce
possible d'atteindre les objectifs que vous vous fixez dans l'état
actuel des choses avec les ressources que vous possédez, ou si vous
êtes en train de nous dire que, si vous voulez les réaliser, il va
falloir que le législateur en tienne compte lors du prochain budget?
M. Lachapelle: Si je tente des comparaisons, on traite environ
500 à 600 dossiers avec le personnel qu'on a, c'est-à-dire onze
enquêteurs à Montréal, cinq à
Québec, donc 16 en tout, si la tendance se maintient,
c'est-à-dire que cette année on prévoit une augmentation
de 80 %, on doublerait le nombre de dossiers. II va falloir vraiment trouver
des moyens différents pour traiter nos enquêtes ou bien augmenter
le nombre d'enquêteurs. Je dis: Trouver des moyens différents pour
traiter nos enquêtes ou bien augmenter le nombre d'enquêteurs. Dans
les moyens différents de traiter nos enquêtes, îl y a, par
exemple, la médiation dès le départ. Au lieu de
procéder directement à des enquêtes, je ne suis pas
convaincu qu'on va faire beaucoup plus de travail parce que la médiation
demande également énormément de travail. C'est
peut-être une nouvelle façon, une nouvelle approche, par exemple.
D'autre part, j'imagine que si l'on fait des comparaisons avec l'Ontario, voici
les chiffres qu'on a sur ce sujet: en Ontario, pour un "case load" -je ne sais
pas comment traduire, allons pour "case load" - de 1749 dossiers à la
fin de juillet, il y avait 57 enquêteurs. Nous, pour un nombre de
dossiers de 1507, on a actuellement 16 enquêteurs. On imagine qu'ils font
à peu près le même style d'enquête que chez nous,
d'une envergure à peu près semblable.
J'ai l'impression que, si cette tendance se maintient, cela sera
difficile de maintenir des délais acceptables. Dans le domaine des
droits, il est extrêmement important d'avoir des réponses rapides.
Des délais de sept ou huit mois sont peut-être acceptables, plus
longs que cela, ça commence à être périlleux,
d'autant plus qu'on sait, comme le mentionnait tantôt le
député de Louis-Hébert, qu'après cela, ce n'est pas
fini. Si on veut avoir gain de cause jusqu'au bout, il faut aller devant les
tribunaux.
On peut dire quand même que jusqu'à maintenant on a
réussi à maintenir un rythme de 70 % de règlement de nos
dossiers, donc de médiation, donc de fermer des dossiers avant que tout
un long processus, même à la commission, ne s'engage. Cela
m'apparaît une voie importante.
Mais il m'apparaît difficile, d'autre part, d'aller beaucoup plus
qu'à 70 % de règlement de dossiers. C'est un chiffre qui est
même extrêmement optimiste.
M. Paré: Voulez-vous répéter seulement la
comparaison avec l'Ontario. Vous avez dit: Pour 1749 en Ontario, il y avait 57
enquêteurs...
M. Lachapelle: Oui.
M. Paré: ...comparativement au Québec, avec quels
chiffres?
M. Lachapelle: Cette année... Je m'excuse, je pense que je
ne vous ai pas donné les bons chiffres. Ah! Bien oui: Au mois de
décembre 1985, 1547 pour 16 enquêteurs.
Discrimination dans le logement
M. Paré: Merci. Dans un autre domaine maintenant, vous
avez parlé dans votre présentation du début, entre autres,
des problèmes de discrimination dans le logement. Quand on regarde, par
exemple, dans le bulletin "Droits et libertés", on trouve
"discrimination dans le logement" avec plusieurs bulletins qui ont
été émis.
Quels sont les principaux problèmes que vous rencontrez sur le
plan du logement?
M. Lachapelle: Je dois dire d'abord que - je dirais quasiment par
intuition et aussi parce qu'on a des gens sur le terrain - on sait qu'il y a de
la discrimination dans le logement. On a entendu une émission à
CBC, je pense, récemment où il y a même un président
d'une association qui est venu dire: Bien oui, on fait de la discrimination et
c'est normal. Et il a décliné toute la série de
stéréotypes sur les gens qui proviennent de l'étranger ou
sur les minorités ethniques, etc.
Donc, on sait qu'il y a de la discrimination dans le logement. Ce qu'on
n'est pas capable de cerner, c'est l'ampleur de cette discrimination. Ce qu'on
n'est pas capable de connaître également, lorsqu'on fait
enquête chez nous, c'est d'aller recueillir la preuve, parce qu'on sait
pertinemment que lorsqu'une personne se présente pour obtenir un
logement et qu'on lui dit: Écoutez, non, j'en avais il y a une
demi-heure, mais je l'ai loué...
Les gens qui cherchent un logement se rendent bien compte qu'ils ne sont
pas bienvenus à cet endroit. Ce qui est important, c'est de loger la
famille et ils vont cogner à une porte voisine, ce qui donne comme
résultat que la preuve est extrêmement difficile à
ramasser. Dans les cas qu'on a eus à la commission, il y en a
quelques-uns où on est arrivé à faire la preuve. Mais
c'est très subtil comme discrimination.
Les gens ne se prémunissent pas. Malgré toute la
publicité qu'on a faite, malgré toute la documentation qu'on a
acheminée vers ces groupes pour leur indiquer comment faire lorsqu'ils
sont victimes de discrimination, on sent qu'il n'y a pas d'intérêt
à pousser plus loin. Donc, on se dit: Ce n'est pas la façon, cas
par cas, d'aller traiter ce genre de dossier. D'autre part, il faut bien
connaître et mesurer l'ampleur de ce phénomène, bien
sûr dans la ville de Montréal, et aussi peut-être à
Sept-Îles pour les autochtones qui vont dans ce milieu. On nous dit que
les jeunes qui vont y étudier sont refusés à certains
endroits.
D'autre part, ce qu'on ne connaît pas, non plus, c'est comment
certains propriétaires de ces maisons d'appartements -finalement, il se
forme des ghettos; si les gens sont refusés à des endroits, ils
sont acceptés, par ailleurs, à d'autres places - en font une
espèce de commerce, si vous voulez.
Quel est l'état de ces logements? Quels sont les services qu'on
leur donne par rapport à des services qu'on donnerait à des
membres de "la majorité"? Quel est le loyer également
comparativement à un loyer semblable, même si la Régie du
logement veille sur le coût des loyers? C'est le genre d'intervention
qu'on voudrait faire éventuellement. Enfin, on espère avoir
quelques dollars dans nos budgets pour faire un peu d'enquêtes dans ce
domaine très prochainement.
M. Paré: Mais, si je comprends bien, présentement,
il n'y a pas eu d'enquête poussée ou de clientèle-cible ou
d'étude avancée de ce côté? Si vous avez des cas qui
vous étaient rapportés spécifiquement de la Régie
du logement, par exemple, vous interviendriez, mais vous n'en avez même
pas à l'heure actuelle.
On en entend parler. Vous parliez de l'émission - j'étais
pour vous en parler aussi, mais c'est déjà fait - où on a
entendu des plaintes, mais on ne peut jamais aller au-delà de ça.
Pour le moment, on sait que le problème existe. Vous avez parlé
des groupes minoritaires, mais il y aussi les foyers monoparentaux qui sont
dans des situations semblables et des bénéficiaires de l'aide
sociale.
On les connaît, mais on n'est pas en mesure, autrement que par
l'information ou la prévention très générale, sans
être capable de s'adresser aux gens, puisque cela ne se rend pas chez
vous... On sait qu'il y a un problème dans le logement mais on n'a pas
pu intervenir, si je comprends bien, jusqu'à maintenant,
M. Lachapelle: C'est cela; actuellement, il n'y a pas
d'intervention globale. À la commission, au service de la recherche, on
travaille sur un projet d'intervention dans ce secteur d'activité.
Encore une fois, ce qu'on a institué qui nous paraissait le plus
adéquat - on a peu ou pas de demandes - c'est ce qu'on appelle une
intervention rapide.
Dès qu'une personne nous appelle et qu'elle nous indique qu'elle
a été victime de discrimination, on ne met pas de machine en
branle qui est un enquêteur qui va arriver là dans deux mois. On
appelle immédiatement le propriétaire et on dit: Quelqu'un s'est
présenté chez vous et il semble bien que vous l'avez
refusé à cause de telle ou telle raison. Ce n'est pas acceptable
selon la charte. Qu'est-ce que vous avez l'intention de faire'' Ou bien on nous
raccroche la ligne au nez et là nous faisons enquête, ou bien le
propriétaire dit: D'accord, je vais recevoir la personne; je vais voir
ce qui en est. On a réussi à régler passablement de
dossiers de cette façon.
Encore une fois, peu de personnes font appel à nous, parce
qu'elles sont préoccupées par d'autres questions. Les gens
veulent se loger et ils sont rejetés. Donc, il faut aller à la
base pour régler cette question de discrimination de la part des
propriétaires. (11 h 45)
M. Paré: Une dernière question, toujours sur le
logement. Vous savez qu'il y a des propriétaires qui font remplir des
questionnaires. Rattaché au bail, il y a un questionnaire où l'on
demande, par exemple, a) l'identification, b) le propriétaire actuel
-cela va, c) immigrant - là, on va dans les détails; ensuite, on
demande l'adresse de l'ex-employeur et on va même jusqu'à demander
la marque de la voiture, le numéro d'immatriculation, des
références s'ils disparaissent, qui contacter, leur compte
à la banque, avec quelle banque ils font affaires et les
références de crédit. Est-ce que vous avez reçu une
copie de ces documents? Est-ce que vous en avez fait une analyse pour savoir si
cela outrepasse les droits des propriétaires à l'égard des
locataires.
M. Lachapelle: Je dois vous dire que c'est vraiment la
première fois que je prends connaissance de ce document par votre
intermédiaire. Bien sûr, on pourra sûrement l'analyser et
voir d'où il provient. Il me semble à tout le moins, à
première vue, suspect sur certaines des questions que vous avez
mentionnées.
M. Paré: Je vous remercie. Je vous en remettrai une copie
avant votre départ.
M. Lachapelle: Merci.
Le Président M. Filion): Merci, M. le député
de Shefford. M. le député de Chapleau.
Bureaux régionaux
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Dans votre
exposé, à la page 13, vous parlez des bureaux régionaux.
Vous mentionnez, dans votre rapport, que le principe est à titre
exploratoire. Est-ce que cela veut dire que vous avez pris une décision
quelconque? Est-ce que ce sera permanent? Est-ce que c'est là pour y
rester? Quelle est l'expérience vécue à ce jour? Je fais
référence surtout à votre bureau de Hull. Je pense que,
initialement, la commission a pris la décision de le fermer. À la
suite de certaines pressions, je pense qu'il est ouvert ou que l'ouverture est
prolongée jusqu'au mois de mars, sî je ne me
trompe. Dans l'ensemble, quelle est la politique, l'attitude ou
l'expérience vécue à ce jour, pour les bureaux
régionaux?
M. Lachapelle: La commission a pris la décision d'ouvrir
des bureaux régionaux. Bien sûr, au moment où on a ouvert
les bureaux régionaux, à l'époque, on n'avait pas de
budget, on n'avait pas non plus d'autorisation du Conseil du trésor. Je
comprends que la commission aurait pu ouvrir des bureaux régionaux sans
avoir l'approbation du Conseil du trésor, sauf que j'ai compris
qu'antérieurement à mon arrivée à la commission en
tout cas, dans un plan de structures de la commission, le Conseil du
trésor avait refusé cette demande d'ouvrir des bureaux
régionaux,
Nous sommes retournés devant le Conseil du trésor pour
obtenir une approbation de principe. Cette approbation de principe, entre
autres, nous disait: Vous pouvez ouvrir des bureaux régionaux jusqu'au
mois de décembre de la présente année -donc 1986 -
après cela, on fera une évaluation de la situation et on verra si
on doit prolonger ces bureaux régionaux. On nous a indiqué,
à ce moment-là, que la commission devait financer elle-même
ses bureaux régionaux. Pour une première partie de l'année
1986 c'est-à-dire dans le budget antérieur, c'était
relativement facile, on avait des budgets en conséquence. Pour cette
année, le ministère de la Justice, après des discussions,
nous a alloué un certain montant d'argent qui nous permettrait de vivre
- si vous voulez - jusqu'au mois de décembre.
Bien sûr, comme vous le mentionnez, il y a eu
énormément de pressions quand on a indiqué que les bureaux
régionaux allaient être fermés, tel que prévu, au
mois de décembre, si on n'avait pas les budgets. Le ministère de
la Justice nous a donc accordé des budgets pour compléter, si
vous voulez, l'expérience jusqu'au mois de mars. Actuellement, dans nos
budgets, pour ce qui est du mois de mars, quoique le ministre de la Justice
m'ait bien dit qu'il était très préoccupé par cette
question des bureaux régionaux et qu'il souhaitait que l'on puisse
perpétuer ces bureaux, je dois vous avouer qu'on n'a pas de sommes
d'argent prévues pour qu'on puisse continuer l'expérience.
M. Kehoe: Si je comprends bien, si ces bureaux sont
fermés, à ce moment-là, les citoyens et les citoyennes de
ces régions, s'ils veulent formuler une plainte, sont obligés de
se rendre à Québec ou à Montréal. Si les quatre
bureaux sont fermés, effectivement, il y aura des bureaux seulement
à Montréal et à Québec.
M. Lachapelle: Comme c'était antérieurement.
M. Kehoe: Justement.
M. Lachapelle: À ce moment-là, il y a des lignes
téléphoniques inwatt et, bien sûr, la plainte
traditionnelle par voie écrite.
M. Kehoe: Mais effectivement, il n'y aura pas d'enquêteur
sur les lieux, il n'y aura pas de bureau, il n'y aura pas les services qu'ils
ont actuellement.
M. Lachapelle: À ce jour, on s'est rendu en région
pour enquêter, mais il n'y aurait plus cette personne attachée
à la région, qui va dans les écoles ou qui va
auprès des personnes qui demandent de l'information.
M. Kehoe: Si je comprends bien, c'est le ministre de la Justice
qui va déterminer sî ces bureaux vont continuer de fonctionner. Le
budget de fonctionnement vient du ministre la Justice, actuellement. Vous ne
savez pas du tout, vous n'avez pas d'indication, à l'heure actuelle?
M. Lachapelle: C'est-à-dire que le budget est, bien
sûr, voté par l'Assemblée nationale mais
présenté par le ministère de la Justice.
M. Kehoe: Mais vous n'avez rien, vous-même... Dans le
budget de la commission elle-même, il n'y a rien pour couvrir les
dépenses de ses différents bureaux régionaux
actuellemen?
M. Lachapelle: On avait prévu six personnes occasionnelles
qui étaient dans notre budget pour la présente année, six
personnes occasionnelles qui couvrent actuellement les bureaux
régionaux.
Dans le budget de l'année prochaine, 1987-1988, ces six personnes
occasionnelles ne sont plus là parce que c'était, à ce
moment-là, la décision du Conseil du trésor de faire cette
expérience jusqu'au mois de décembre. C'est pourquoi on nous
avait octroyé ces budgets.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le président.
Cela va, M. le député de
Chapleau? D'accord. M. le député de Beauharnois.
Fonctionnement
M. Marcil: Dans votre structure de fonctionnement, on retrouve
sept directions. Est-ce pensable, est-ce passible de penser à un moment
donné de jumeler certaines directions, disons celle de la recherche avec
celle de l'éducation ou...? Y a-t-il certaines directions qui peuvent
avoir un rôle compatible?
Le Président (M. Filion): II y a neuf directions.
M. Lachapelle: Bien écoutez... Si on compte, on peut les
énumérer si vous voulez. Le contentieux...
M. Marcil: Oui.
M. Lachapelle: II est difficile de jumeler un contentieux. On
sait que dans toute entreprise de contentieux, les avocats sont branchés
auprès du président. Je pense qu'il ne serait pas acceptable
qu'on les place aux enquêtes, qu'on les place ailleurs. Il y a une
espèce de petit conflit, si on veut.
Ensuite, les régions. C'est une petite unité où il
y a quatre personnes et un directeur qui s'occupe de leur donner l'information.
Peut-être qu'éventuellement... Comme il s'agissait d'un
projet-pilote, on a placé une personne responsable pour suivre le projet
et voir son évolution. Donc, peut-être que ce secteur des
régions pourrait être jumelé avec les communications ou
avec l'éducation. Ce n'est pas impensable.
M. Marcil: Prenez...
M. Lachapelle: Québec, c'est difficile. Ils forment une
unité en soi.
M. Marcil: Prenez la recherche... C'est seulement à titre
d'exemple, remarquez bien...
M. Lachapelle: Oui, oui.
M. Marcil: Vous y avez sûrement pensé depuis
longtemps, la recherche avec la direction du contentieux... On sait que votre
direction de la recherche met surtout l'emphase sur l'incompatibilité de
certaines lois ou l'impact de certaines lois par rapport à la Charte des
droits et libertés, et ainsi de suite.
La Direction du contentieux peut-elle avoir le même rôle?
Est-ce qu'elle joue un peu ce rôle également lorsqu'elle monte des
dossiers? Non?
M. Lachapelle: Non. Le contentieux a vraiment une activité
très particulière. Ce sont les poursuites devant les tribunaux et
l'évaluation des dossiers d'enquête quant à la preuve
tandis que le côté recherche est beaucoup plus recherche - je ne
dirai pas recherche fondamentale parce qu'on ne se rend pas jusque là,
on laisse cela aux universités - axée sur la charte comme telle,
sur les motifs de la charte. Par exemple, actuellement, les programmes
d'accès à l'égalité, c'est une matière
extrêmement complexe où il y a peu de jurisprudence, peu de
doctrine, où il faut aller chercher ce qu'il y a aux États-Unis.
C'est à peu près cela.
Donc, c'est une recherche très particulière, très
axée sur la charte. Il m'apparaîtrait difficile aussi d'aller
jumeler ces deux secteurs.
Ce que je tentais de voir, c'était la raison que vous aviez en
arrière de votre suggestion de regrouper des directions. Vous trouviez
que cela fait beaucoup de cadres?
M. Marcil: Non, je pose la question naïvement comme mon
collègue de Saint-Jacques a l'habitude de le faire. C'est une bonne
façon de traiter les choses. Quand on parle de l'assemblée des
commissaires, le rôle de cette assemblée et le nombre de
réunions par année, c'est quoi? C'est quoi le rôle des
commissaires?
M. Lachapelle: Le rôle de l'assemblée des
commissaires, c'est de statuer, bien sûr, sur tous les dossiers
d'enquête. Tous les dossiers d'enquête sur lesquels il n'y a pas eu
de règlement en cours de route se rendent d'abord devant un
comité d'enquête qui filtre, si vous voulez, le dossier, s'assure
que la preuve est complète et fait une recommandation à
l'assemblée des commissaires, aux onze commissaires qui prennent une
décision suivant un quorum établi à six. Tous les dossiers
font tout ce cheminement. Donc, les commissaires entendent et statuent sur
chacun des dossiers qui leur sont présentés.
M. Marcil: Ce sont des réunions statutaires?
M. Lachapelle: Ce sont des réunions statutaires et
quelques réunions spéciales sur des cas particuliers, des
dossiers particuliers extrêmement lourds qui nécessitent
peut-être plusieurs heures de discussion.
M. Marcil: Quand on parle de réunions statutaires, est-ce
une réunion par mois, deux réunions par mois?
M. Lachapelle: Leur fréquence est aux trois semaines.
M. Marcil: Ah, une à toutes les trois semaines à
peu près.
M. Lachapelle: Oui. Il y a également les avis de la
commission. Les commentaires de la commission sur les textes de loi qui sont
présentés devant tous les commissaires.
M. Marcil: Si je comprends aussi, c'est que tantôt on
parlait de représentation des commissaires. Je suppose que parmi votre
personnel, autant au niveau du personnel de cadre ou de soutien, vous avez
également des gens qui ont une formation juridique.
M. Lachapelle: Oui.
M. Marcil: Pour monter les dossiers et travailler dans chacune
des directions.
M. Lachapelle: Le contentieux.
M. Marcil: Le contentieux. D'accord.
M. Lachapelle: II y a également plusieurs avocats qui sont
aux enquêtes.
M. Marcil: Merci.
Le Président (M. Filion): Sur le même sujet, je
crois, M. le député de Louis-Hébert, vous aviez
manifesté votre intention de poser une question.
M. Doyon: Concernant les réunions qui ont lieu à
peu près à toutes les trois semaines, est-ce que tout est
étudié, est-ce qu'on attend que l'assemblée des
commissaires ait en main le rapport complet des enquêteurs? Comment cela
fonctionne-t-il? Est-ce que l'enquêteur est appelé à venir
présenter son rapport lui-même et à l'expliquer, au
besoin?
M. Lachapelle: Le processus est le suivant. On prend cela
à partir du début. Une plainte, on regarde où elle doit
être acheminée, parce qu'il y a des cas qui ne sont pas des
plaintes qui relèvent de la commission. Elles peuvent aller, par
exemple, à l'Office de la protection du consommateur, parce que
quelqu'un veut nous parler de son grille-pain; on l'achemine donc ailleurs. Sur
les quelque 35 000, il y a un fil qui se fait jusqu'à 400, 500 dossiers
par année. On étudie la recevabilité. La
recevabilité est quand même très large parce qu'on dit:
Toute personne qui a raison de croire... Il ne s'agit pas que des gens arrivent
chez nous avec des tas de preuves. Une personne qui dit: Moi, j'ai raison de
croire... je suis un Noir, je me suis présenté dans un logement
et on m'a refusé. S'il nous donne des indications assez précises,
savoir è quelle heure, telle journée, on fait enquête.
À partir de ce moment, un enquêteur va sur les lieux,
interroge des personnes, soit de façon inquisitoire ou contradictoire,
monte là un dossier qu'il estime, lui, complet et se présente
devant un comité des commissaires, trois commissaires qui
évaluent l'ensemble du dossier, la question de droit. À ce
moment, à ce comité des enquêtes qui représente le
contentieux qui a fait une évaluation du poids de la preuve, il y a
également l'enquêteur qui vient présenter son dossier.
Très souvent il n'est pas là parce que le dossier est
relativement clair surtout quand il s'agit de règlement. Quand il s'agit
de dossier plus contesté, l'enquêteur vient, fait état du
résultat de son enquête et apporte d'autres éléments
de discussion et d'autres commentaires dans ce dossier.
Là, les trois commissaires présents font une
recommandation à leur collègue et un projet de résolution
est préparé, rejetant ou maintenant la recommandation de
l'enquêteur et proposant ensuite la médiation. Dans l'autre
étape, les commissaires reçoivent ce document.
Généralement, il est entériné, mais il y a
quelquefois des discussions autour d'une résolution proposée.
M. Doyon: Est-ce qu'il serait concevable que les commissaires,
pour une raison ou pour une autre, décident eux-mêmes d'entendre
des témoins, de les convoquer?
M. Lachapelle: Ce serait concevable; ce serait extrêmement
lourd. Bien sûr, il faudrait ajouter un certain nombre de commissaires,
parce que là ils deviendraient véritablement des
commissaires-enquêteurs. Ce serait une tout autre...
M, Doyon: Cela ne s'est jamais fait. M. Lachapelle: Je
pense...
Mme Trudeau-Bérard: Cela s'est fait dans un cas
particulier, le cas d'un universitaire. Par ailleurs, il y a eu cette
enquête dans l'industrie du taxi où là la commission a
nommé trois personnes, trois commissaires pour entendre toute la preuve,
le mouvement de l'enquête. Dans un autre cas, moi aussi j'ai
siégé pour entendre... en fin de compte, j'ai fait
l'enquête. Mais ce sont des cas exceptionnels, parce que c'est une
question de disponibilité de nos commissaires. La majorité,
enfin, neuf sur onze sont nommés à temps partiel. Étant
donné le nombre de dossiers que l'on a, la structure n'est pas du tout
pensée en fonction d'un tel fonctionnement actuellement.
M. Lachapelle: Ce que vous suggérez est extrêmement
intéressant. C'est bien sûr qu'on a la preuve un peu comme une
Cour d'appel, si vous voulez, où un enquêteur vient nous
présenter une preuve qu'il a lui-même recueillie. C'est bien
sûr qu'on n'est pas en contact direct. On peut difficilement
évaluer dans certains cas la crédibilité des
témoins, peser véritablement les témoignages, si bien
qu'un peu, comme la Cour d'appel, on s'en remet à l'enquêteur
quand il vient nous dire: Tel témoin qui a témoigné devant
moi, je ne le crois pas pour telle ou telle raison. On agit un peu de cette
façon avec les dossiers qui nous sont présentés. (12
heures)
M. Doyon: Je ne me souviens pas trop. Est-ce que, lors de son
enquête, l'enquêteur assermenté les personnes?
M. Lachapelle: Oui.
M. Doyon: Dans tous les cas? M. Lachapelle: Oui.
M. Doyon: C'est essentiel, c'est une procédure
obligatoire?
M. Lachapelle: On suit la procédure prévue devant
les tribunaux. Ceia nous semble un minimum, en tout cas.
M. Doyon: Oui, oui, je n'ai rien contre cela. En tout cas, selon
l'expérience que j'ai vécue, je trouve que c'est une
procédure expéditive, qui permet d'aller trouver les personnes
sur place, de les rencontrer dans un milieu qui est le leur, de faciliter les
choses. D'un autre côté, sans que j'aie à me plaindre des
décisions qui ont été rendues, pour celles que je cannais,
j'ai l'impression que cela a été fait sans que les personnes qui
étaient interrogées - moi le premier -aient été
vraiment conscientes que les questions qui nous étaient posées
appelaient des réponses sous serment. Ce n'était pas très
clair dans mon esprit, en tout cas.
M. Lachapelle: Remarquez que depuis l'époque... Oui.
M. Doyon: C'était plutôt une conversation à
bâtons rompus. On expliquait, on faisait valoir son point de vue et on
plaidait un petit peu à travers cela. Il y avait des arguments: un bout
c'étaient des faits, d'autres, de l'argumentation, de la plaidoierie. Je
me suis dit: Il y aurait peut-être lieu - je ne sais pas - de bien
séparer ces choses-là, que l'enquêteur arrive et dise:
Qu'est-ce qui s'est produit tel jour? C'est quoi? Des faits, des faits, des
faits. Une fois qu'on a fini les faits, les parties - parce qu'il y a quand
même jusqu'à un certain point des parties là-dessus -
pourraient être invitées à défendre leur point de
vue, à invoquer des points qui sont à l'appui de leurs
prétentions.
Mais, la façon dont cela s'est passé, en tout cas - comme
je vous l'ai dit, j'ai été impliqué de très
près là-dedans et cela a duré assez longtemps pour que
j'en aie connaissance - c'est que cela se faisait à bâtons rompus.
Si j'avais, pas un conseil, mais une suggestion à faire, ce serait de
demander à vos enquêteurs de bien structurer leurs entrevues, les
interviews - c'est bien plus cela - et de leur dire: Là, vous allez aux
faits. Vous faites la cueillette des faits. Après, vous invitez les
personnes à plaider comme on plaide un petit peu devant un tribunal,
parce que c'est cela l'idée. Cela peut être aussi
intéressant pour lui de recueillir un certain nombre d'arguments qui
vont étayer sa décision éventuellement. Lui, il pourrait
aller au-delà de cela et même poser des objections et dire: Oui,
mais il y a cela, mais en dehors de l'exposé des faits proprement dits,
qui est le premier rôle des témoins quand on est
rencontré.
M. Lachapelle: Là-dessus, si vous me le permettez,
probablement qu'à l'époque de l'enquête dont vous parlez
ces règles de procédure n'existaient pas. Depuis lors, on a quand
même justement constaté, à la suite peut-être de
commentaires comme le vôtre et de l'expérience de la commission,
qu'effectivement l'enquête n'était pas très
encadrée. Souvent aussi des groupes qui s'intéressent au droit et
qui présentaient des dossiers devant la commission nous ont fait
état de certaines remarques de ce genre.
Depuis le 18 avril 1986 - c'est quand même assez récent -
on a des directives concernant la procédure applicable aux
enquêtes de la commission. C'est une procédure beaucoup plus
rigoureuse qui se divise, de fait, en deux: une première partie qui est
un peu inquisitoire, comme celle que vous avez connue, où
l'enquêteur fait une recherche de la preuve de manière à
monter son dossier; dans une autre partie - cela, ce sont les parties qui
choisissent - ils disent: Nous, nous voulons que vous continuiez de
façon inquisitoire à ramasser la preuve et vous
présenterez votre document à la commission; ou encore de
façon contradictoire, c'est-à-dire que vous allez nous amener
devant ce que vous allez constituer comme une espèce de petit tribunal
où vraiment il y aura des règles très précises et
où j'entendrai la preuve de l'un et la preuve de l'autre. Cette
procédure est actuellement en vigueur à la commission. C'est
effectivement beaucoup plus clair, de sorte que chacun a nettement l'impression
d'entendre le témoignage de l'autre, de pouvoir répondre et
d'argumenter ensuite, et non pas d'argumenter et de témoigner.
M. Doyon: C'est sûrement une amélioration.
Présence régionale
Le Président (M. Filion): Avec la permission de mes
collègues, je me suis inscrit à ce stade-ci car j'ai certaines
préoccupations. D'abord, en ce qui concerne la présence
régionale de la commission -cela a été
évoqué tantôt, je pense qu'on a entamé le sujet et,
si j'ai mal compris, vous me corrigerez - je crois comprendre un peu de
l'ensemble de vos propos ainsi que du texte qui nous a été
présenté que, d'une part, la présence de la commission
dans les quatre régions où elle est présente maintenant,
à savoir l'Outaouais, l'Estrie, l'Abitibi et la Côte-Nord, est
menacée, si l'on veut, pour l'année prochaine et que, d'autre
part, bien sûr, en ce qui concerne ta présence éventuelle
de la commission dans
d'autres régions, il n'y a aucun plan immédiat de
réalisation d'une telle présence régionale de la
Commission des droits de la personne.
Je dois vous dire que cela m'inquiète beaucoup. D'une part, on
voit que le nombre de demandes augmente considérablement. Cela veut dire
que la commission est de plus en plus connue. La charte, comme vous l'avez dit,
l'est peut-être un peu moins, mais la commission l'est. D'autre part, on
se rend compte que la Commission des droits de la personne, qui est la grande
exécutrice de cette loi fondamentale, va être dans
l'incapacité d'être présente régionalement avec
toutes les conséquences que cela amène. Je sais qu'au niveau des
communications téléphoniques cela peut être facile, mais
quand même'. Ne serait-ce des fois que de savoir qu'il y a un bureau de
la Commission des droits de la personne à certains endroits, cela peut
inciter des gens à faire appel à tort ou à raison,
à la commission, mais au moins à aller s'informer de leurs
droits. Mais s'il n'y a pas de présence régionale à
Trois-Rivières, je ne vois pas pourquoi les gens de cette région
seraient enclins à se présenter et à s'informer de leurs
droits et de leurs obligations également. Ce ne sont pas juste des
victimes qui vont vous voir; il y a les gens qui veulent faire les choses en
conformité avec la Charte des droits et libertés de la personne.
Est-ce que je comprends bien, en concluant que le manque de ressources pose un
problème plus que sérieux pour la régionalisation de la
Commission des droits de la personne?
M. Lachapelle: Effectivement, le projet au départ
était de voir si la population répondait à la
présence de la commission sur le territoire, si nos gens là-bas
étaient au moins occupés. On a dit: Donnez-nous un minimum de
ressources, on va le savoir. Je crois que la réponse est qu'il y a un
nombre incroyable de demandes qui sont adressées à nos bureaux et
qui se traduisent par l'augmentation dont je vous parlais tantôt. Donc,
il y a une présence régionale différente de la ligne
téléphonique. Les gens se présentent à nos bureaux
et ils viennent nous voir pour présenter leurs problèmes. Cela me
semble beaucoup plus important, quant à moi, une présence humaine
qu'un téléphone. Je crois bien que, pour les commissaires, on n'a
pas à plaider longtemps sur l'importance de la présence
régionale. Ce que l'on constate actuellement, c'est même une
inégalité par rapport à Trois-Rivières ou à
d'autres régions du Québec qui n'ont pas cette présence
régionale. La preuve est faite d'autant plus que je reçois
continuellement à mes bureaux des demandes de nombreux organismes et de
personnes de maintenir ces bureaux en régions. Je crois que tout le
monde actuellement est sensibilisé à cette dimension de la
présence régionale de la commission. Il ne resterait qu'à
actualiser cela. Ce ne sont pas des budgets extraordinaires.
L'autre hypothèse, c'est que la commission finance cela
elle-même. Je dois vous avouer que, dans les circonstances actuelles,
cela m'apparaît extrêmement difficile de prendre cinq ou six
personnes à Montréal ou à Québec et de lesenvoyer en régions. Finalement, on va enlever des services ailleurs,
on va déshabiller un pour habiller l'autre. Je ne crois pas qu'on rende
service à quiconque.
D'autre part, on a fait énormément d'efforts pour essayer
de réduire les coûts. On a cohabité - à
défaut de fusion - avec le Comité de la protection de la
jeunesse. On a partagé - parce que deux professionnels avec une
secrétaire, cela nous semblait suffisant -des équipements et des
bureaux et la clientèle est à peu près la même,
finalement. Là, on a réduit les coûts au minimum. Quant
à nous, bien sûr, la ligne téléphonique pourrait
être une réponse. L'envoi de personnes pour aller faire des
enquêtes pour répondre ensuite aux demandes qu'on aura quasi
suscitées, ce serait peut-être une solution, mais peut-être
aussi dispendieuse aussi car on ferait voyager des enquêteurs entre
Montréal et Sherbrooke et l'Abitibi.
Si on a choisi Sept-Îles et Rouyn, c'est parce qu'il y a là
aussi une présence autochtone importante. Et c'est l'une des missions de
la commission de s'occuper également de cette minorité qui a des
choses à nous communiquer et qui ne viendra pas à Montréal
nous dire qu'elle a des problèmes de logement et avec diverses
administrations. Ses membres ont déjà énormément de
difficulté à entrer en contact avec nous autres, ils ne viendront
pas nous dire cela à Montréal, ni par ligne
téléphonique. De fait, on a eu des plaintes comme cela, qui sont
mal articulées, mais il faut comprendre la mentalité, il faut
s'asseoir avec eux, il faut en discuter et, à distance, cela ne se fait
pas.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie. En ce sens, la
conclusion qui est en page 15 de votre texte, quand vous dites: "De fait, la
CDP ne possède pas les effectifs nécessaires pour répondre
aux besoins de la population en régions" fait appel d'abord à
l'expérience que vous avez vécue sur une base exploratoire et
à l'ensemble des considérants que vous venez d'exposer. Je pense
que c'est une matière importante.
Je voudrais également entamer avec vous... La firme Optimum est
un firme de consultants qui fait des sondages, c'est cela?
Mme Trudeau-Bérard: C'est une filiale
de Cossette.
Rôle d'éducation et d'information
Le Président (M. Filion): Quand ils sont arrivés
à la conclusion que la Commission des droits de la personne jouissait
d'une bonne crédibilité et était assez bien connue dans la
population, mais, par contre, que la charte l'était moins, cela confirme
ma modeste perception des choses. Cela m'amène à traiter du
rôle d'éducation de la commission, d'éducation et
d'information. Je connais la différence entre les deux, mais seulement
pour les fins de nos propos je suis porté à les grouper. Je le
sais, j'ai bien lu vos textes et je suis au courant de la distinction, mais
quand même éducation, information et communication, cela peut,
dans un certain sens, aller ensemble. Ce n'est pas facile, non plus,
nécessairement de faire de l'information et de l'éducation. Je
lisais au bas de la page 15, d'abord, les contraintes budgétaires
qu'éprouve la Direction des communications, lorsque vous dites que la
"Direction des communications devrait se voir accorder un budget de
fonctionnement de 237 000 $, selon l'étude de la firme Optimum." Or,
vous fonctionnez actuellement avec un budget réduit de 64 000 $ en ce
qui concerne les communications. En ce qui concerne l'éducation, combien
y a-t-il de personnes au sein de la Direction de l'éducation, grosso
modo?
M. Lachapelle: Je crois qu'il y a sept professionnels...
Le Président (M. Filion): Sept professionnels, un
personnel de soutien.
M. Lachapelle: ...qui font un travail quand même,
malgré les distinctions que vous apportez, un peu différent de
l'information comme telle qui est dans les écoles, qui est auprès
des syndicats, des employeurs et qui va porter un message beaucoup plus
précis. Comme, de fait, on veut susciter un changement, donc, le message
est beaucoup plus profond tandis que - bien sûr, vous avez fait la
distinction tantôt - l'information est beaucoup plus large.
Au niveau de l'information, il y a cinq professionnels à
l'éducation dont l'un est prêté à un autre
organisme; donc, actuellement, il y a quatre personnes.
Le Président (M. Filion): Je mettais cela en
parallèle avec la deuxième orientation pour l'année
dernière qui était de: "faire connaître à toute la
population les principes et les objectifs inscrits dans la charte, ainsi que le
rôle de la commission." Compte tenu que la commission existe depuis dix
ans, à votre avis, M. le président, a-t- elle réussi
à atteindre cet objectif? La réponse ne sera ni blanche ni noire,
mais quand même... Également, dans un deuxième temps,
croyez-vous avoir ce qu'il faut entre les mains pour mener à bien
véritablement ce mandat que vous confie la charte, un mandat d'une
extrême importance?
M. Lachapelle: Je fais référence à Optimum
et je reprends ce que cette firme nous a dit. La commission est connue parmi
les grands organismes au Québec; en termes de notoriété,
elle serait la deuxième, la première étant, justement,
l'Office de la protection du consommateur qui, évidemment, touche notre
vie quotidienne, La deuxième est la Commission des droits de la
personne. Donc, on sait qu'elle existe. (12 h 15)
Ce qui est difficile dans l'esprit des gens, ce sont toutes ces
distictions dans les chartes, si bien que les gens qui lisent dans les journaux
la "commission canadienne", la "charte canadienne", "Amnistie internationale",
pour M. ou Mme Tout-le-Monde, c'est du pareil au même. Ce sont des
droits. On rattache tout ça à une commission quelconque,
canadienne ou autre.
Donc, il nous apparaît important que, dans l'esprit des
Québécois, cette distinction soit claire. On trouve un peu
malheureux qu'on ait une charte québécoise qui a beaucoup
d'élan et d'allant, qu'elle ne soit pas connue dans la tête des
gens et qu'ils ne comprennent pas qu'il y a véritablement une charte
québécoise issue de nos réflexions et de notre
gouvernement. Pour nous, c'était l'élément important.
Optimum vient nous confirmer en cela que la commission, comme telle,
avait livré son message, mais ne livrait pas le message de la charte
québécoise. De fait, on a demandé à Optimum,
identifiant certains problèmes de communication: Voulez-vous nous dire,
avec les budgets que nous connaissons et que nous avons à la commission,
si on travaille bien, si on est bien organisé, si on donne les bons
messages et quelle est la perception des gens qui reçoivent nos
messages? Optimum nous a répondu que oui, l'image de la commission
était bonne. Mais ils nous ont dit: Ce n'est pas ça qu'il
faudrait faire, parce qu'il y a d'autre chose à faire. C'est là
qu'ils nous sont arrivés en nous disant: Si vous voulez vraiment remplir
la mission que vous devez faire, ce sont des budgets de l'ordre de 300 000 $ et
j'en passe, parce qu'évidemment ces gens des communications ont des
limites...
Le Président (M. Filion): Elle sont très
élevées. "Sky is the limit".
M. Lachapelle: "Sky is the limit". Alors, on a enlevé 300
000 $ dans les suggestions
qu'ils nous avaient faites. On a dit: Ceux-là, vous pouvez les
laisser tomber. Mais ils nous disaient que, pour bien percevoir ce message
qu'on voudrait, qui était cet objectif que vous mentionniez
tantôt, c'étaient des budgets de cet ordre qu'on devait
investir.
Effectivement, avec 64 000 $ par année, on publie "Droits et
libertés" qu'on mentionnait tantôt et quelques petites brochures.
On fait quelques conférences avec des journalistes, comme
récemment, pour expliquer des programmes d'accès à
l'égalité, parce qu'on essaie d'aller beaucoup plus dans des
"briefings" de presse que dans des conférences de presse où on
veut expliquer, de façon plus profonde, le message de la commission, ce
que sont des programmes d'accès à l'égalité et des
programmes d'éducation.
On réussit à faire ce minimum. Mais on ne couvre
peut-être que le dixième des demandes adressées à la
commission d'aller un peu partout avec des kiosques pour donner de la
documentation. Actuellement, on veut produire un document sur les programmes
d'accès à l'égalité et je vous avoue qu'on n'a pas
l'argent pour le faire. On va, bien sûr, se tourner vers le
ministère de la Justice ou ailleurs pour obtenir ces budgets. Mais
ça nous semble important de faire connaître ce que sont exactement
les programmes d'accès à l'égalité, alors que cette
notion est galvaudée à certains égards et n'est
peut-être pas très bien connue juridiquement d'une très
grande partie de la population.
Le Président (M. Filion): Je note que, finalement, la
commission n'est pas en mesure, comme vous le dites, de répondre
à un dixième de toutes les demandes qui lui parviennent. Cela
veut dire que la demande est présente, le besoin existe, parce que la
commission est connue. Comme vous le dites, en plus de ça, il y a le
problème du cumul des chartes et des commissions. Le besoin
d'information existe. C'est de satisfaire ce besoin avec, comme vous le dites,
l'instrumentation appropriée et un plan stratégique qui est
difficile.
Programmes d'accès à
l'égalité
Justement, sur les programmes d'accès à
l'égalité, c'était ma prochaine question. C'est un
règlement d'extrême importance qui est maintenant en vigueur au
Québec depuis quelques mois, sauf erreur. Est-ce que je dois comprendre
de votre réponse également que la commission dispose de peu de
moyens de faire connaître ce règlement qui vise à redresser
des situations de discrimination dans des organisations ou des entreprises?
Je me pose la question. D'abord, est-ce que les entreprises de
Trois-Rivières, de la Mauricie, connaissent l'existence du
règlement sur les programmes d'accès à
l'égalité?
Est-ce qu'elles connaissent l'existence des possibilités et de la
direction qui existent maintenant, à la Commission des droits de la
personne, pour aider et pour fournir les ressources nécessaires à
établir tel plan, etc? Est-ce que les victimes elles-mêmes de
discrimination les connaissent? Je pense que la réponse est manifeste,
du moins selon ma modeste perception: c'est non.
Or, ce régiment est en vigueur au moment où l'on se parle.
Je n'ai vu nulle part de campagne d'information, d'une façon ou d'une
autre, visant à faire connaître ce règlement
d'extrême importance. C'est le ministre lui-même qui le dit, ce
n'est pas moi: d'extrême importance.
M. Lachapelle: Actuellement, nous sommes en train de
préparer un colloque qui doit avoir lieu dans moins d'un mois, où
on va réunir des employeurs, des groupes et des syndicats et où
on va faire connaître... Il faut quand même dire qu'il y a tout un
travail de préparation où on doit bien définir ce qu'est
un programme d'accès à l'égalité. Je dois vous
avouer que c'est extrêmement complexe. Si c'est complexe pour la
commission, il faut essayer de le vulgariser, de le "décomplexifier"
pour les employeurs et pour tout autre groupe qui veut utiliser les services de
la commission et connaître ce système qu'est un programme
d'accès à l'égalité.
Donc, très prochainement, on devrait rendre publique une
information pertinente sur ce sujet, en collaboration avec le ministère
de la Justice avec qui on prépare une brochure. Si ce n'était de
la collaboration d'un ministère, on n'y arriverait pas. Cette brochure
va expliquer les règlements, exposer ce qu'est un programme
d'accès à l'égalité et comment on fait pour y
arriver. C'est bien sûr qu'actuellement, parce qu'on est dans un travail
préparatoire, il y a eu peu d'information de donnée vu que nous
sommes en train de mettre sur pied toute l'instrumentation de base
nécessaire. Si demain matin un employeur nous demandait
carrément, comme cela, de mettre en place immédiatement un
programme d'accès à l'égalité, il nous manquerait
peut-être certaines données statistiques: Où sont les
groupes cibles? Quels sont-ils? Quelles sont leurs spécialités et
leurs professions? Toutes ces questions ne sont pas encore résolues.
Cela devrait être fait dans un sondage et une enquête sociologique
qu'on est en train d'administrer actuellement. On possédera des
données là-dessus d'ici le début de l'année.
Pour ce qui est de la promotion, il y a un programme léger qui
devrait être mis sur pied très prochainement à la suite du
colloque qu'on va tenir sur les programmes d'accès à
l'égalité. Pour aller porter le message dans chacune des
entreprises, il faut véritablement s'asseoir avec...
Le Président (M. Filion): À titre d'exemple, si mon
entreprise était décidée à appliquer un programme
volontaire, est-ce que la commission serait en mesure de faire les analyses de
disponibilité de main-d'oeuvre pour la région de la Mauricie,
dans le secteur du papier?
M. Lachapelle: Actuellement, on est à colltger...
Le Président (M. Filion): C'est énorme comme
responsabilité, finalement.
M. Lachapelle: ...ces données. C'est, évidemment,
la réponse des employeurs: Je veux bien faire un programme, mais vous
allez me dire où est la main-d'oeuvre. C'était donc la
première étape à franchir. Actuellement, on est en train
de ramasser ces données. Bien sûr, un employeur ne peut pas aller
les chercher sur le terrain parce qu'il n'en a pas les moyens et je dirais,
même le courage parce que c'est quand même une entreprise
extrêmement difficile. On travaille actuellement à ce projet.
Le Président (M. Filion): C'est un travail
extrêmement complexe...
M. Lachapelle: Extrêmement complexe.
Le Président (M. Filion): ...dépendant de la nature
de l'entreprise et de la nature du groupe cible qui est choisi. Ouf! Je me
demande...
M. Lachapelle: Pour ce faire, on a la collaboration de nombreux
organismes au Québec, entre autres, le Secrétariat d'État
qui nous a fourni des subventions généreuses.
Le Président (M. Filion): En somme, ce que vous me dites,
c'est que c'est un programme léger, avec les moyens du bord. Je suis
convaincu que vous faites ce que vous pouvez avec ce que vous avez en main pour
voir à l'application et à la diffusion de l'existence de ces
programmes d'accès à l'égalité.
Augmentation du volume de travail
De façon générale, l'augmentation des demandes,
c'est assez faramineux: 80 % pour les enquêtes et 30 % sur le plan des
requêtes. 80 %, c'est presque du simple au double. Il y a les programmes
d'accès à l'égalité et aussi, ce que j'ai
trouvé extrêmement intéressant - vous en parlez en bas de
la page 14 et haut de la page 15 - la discrimination raciale dans le secteur du
logement. "La commission constate que les problèmes de discrimination
doivent être traités de façon plus globale afin d'en
détecter toute l'ampleur et d'apporter des solutions". C'est une
orientation importante.
On, compte tenu des besoins qui existent en information en particulier,
du volume de travail, j'ai été fasciné par la statistique
que vous nous avez donnée, à savoir que, malgré toutes ces
augmentations d'activités et de responsabilités, la commission a
connu une coupure de 100 000 $ dans son budget de fonctionnement et de 250 000
$ pour les traitements. Ne peut-on pas dire, M. le président, que la
commission se trouve actuellement à une étape drôlement
cruciale de son existence et, pour véritablement pouvoir assumer le
minimum minimorum des responsabilités qui lui sont propres, n'est-il pas
de toute urgence que la commission puisse disposer des ressources dont elle a
besoin afin de remplir son rôle? Sinon, on va se retrouver dans une
drôle de situation au Québec où tout le monde va
connaître la commission, mais la commission elle-même sera un peu
incapable de livrer la marchandise? Et quand on connaît l'importance de
cette marchandise!
On a étudié hier, je le dis en passant, l'Office de la
protection du consommateur qui a des bureaux régionaux partout. C'est
important... Pardon?
Une voix: II ne s'est pas plaint de son budget.
Le Président (M. Filion): II a des bureaux partout. Alors,
si c'est important au Québec de protéger le consommateur, je me
dis qu'il n'est sûrement pas moins important, à mon avis, de
protéger les droits de la personne parce que c'est fondamental. Je sais
que c'est difficile pour vous, M. le président, mais quand même
nous sommes ici en commission parlementaire pour dialoguer de façon
franche et ouverte. Ne considérez-vous pas que la commission en est
à une étape cruciale de son développement et qu'il est
impérieux qu'elle puisse recevoir des autorités parlementaires et
exécutives l'attention que son dossier mérite?
M. Lachapelle: Ce que je peux vous dire à ce sujet, c'est
que, d'abord, il n'y a pas de panique à bord.
Le Président (M. Filion): Non.
M. Lachapelle: II y a une augmentation importante qui se
manifeste cette année. Il faudra voir un peu comment cela se
répercute dans nos activités et j'entends bien aller voir ce
qu'est toute cette demande qui nous arrive et qui double. Deuxièmement,
c'est bien sûr que l'on va livrer autant et même à 110 % ce
que l'on nous a donné en termes d'efficacité et d'efficience de
la commission.
Je partage aussi votre inquiétude quand
on voit monter cela et que l'on voit que seulement quatre régions
sont ouvertes. Donc, il y avait dans les régions un besoin et, à
mon sens, une première évaluation nous fait comprendre que cette
augmentation de la demande vient des régions d'une façon
importante. Donc, il faudra aller régler le problème
régional et c'est probablement là le point le plus important et
le point majeur: est-ce que l'on continue à donner ce service aux
régions et est-ce que l'on va ailleurs aussi en régions? Donc, si
on va ailleurs en régions, il va falloir s'équiper à
l'interne pour répondre à la demande. Quand on va en
régions, cela suscite des plaintes et, quand cela suscite des plaintes,
il faut également envoyer des enquêteurs et il faut que l'on
puisse réaliser des enquêtes en régions.
D'autre part, je ne voudrais pas, non plus, exagérer l'importance
de la demande, mais il y a un tas de secteurs que l'on n'a pas couverts. On
parlait tantôt de discrimination systémique, on pourrait
enquêter. On a enquêté dans le domaine du taxi pendant des
mois pour quand même trouver là un problème de
discrimination extrêmement important. On parlait du logement, cela
demande aussi des développements importants. On sait que, dans des
entreprises aussi, il y a des problèmes de discrimination. On a eu
l'occasion de discuter également avec les gens de la STCUM à
Montréal où il y a, là aussi, des problèmes et on
est en train d'articuler avec cette entreprise une façon d'aborder ce
problème et d'arrêter immédiatement les problèmes
que l'on peut connaître. Il y a certains problèmes de
discrimination qui peuvent se poser. (12 h 30)
Ce que je suggère au moment où on se parle, c'est de
regarder la situation de très près sans peser sur le bouton de
panique. 11 n'y a pas de chiffres inventés là; ils sont
là, ils nous arrivent. C'est un premier constat. Il faut vraiment
regarder la situation avec beaucoup de vigilance. Sinon, c'est un peu un leurre
que d'avoir une commission qui s'affiche et qui dit aux gens: Venez nous voir,
quand on ne peut pas traiter ensuite les plaintes dans des délais
acceptables et dans des formes qui répondent véritablement aux
services que cette charte veut promouvoir dans la population.
La situation n'en est pas à un point de panique. Je pense
qu'effectivement il y a des lumières rouges qui viennent de s'allumer et
ce n'est peut-être pas le temps de peser sur le bouton. Mais en
régions, en tout cas, il va falloir trouver une réponse
immédiate, d'ici quelques mois, d'ici au mois de mars. On est rendu au
point où il va falloir trouver une solution à cela.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie. Juste deux
petits points avant de terminer. Premièrement, j'ai noté à
la page 26 de votre texte la conscientisation qui existe au niveau de la
commission sur le degré de formation du personnel. Je suis très
sensible à cela. Dois-je comprendre que c'est une de vos
priorités pour l'année qui vient ou est-ce qu'il y a
déjà un programme qui existe pour voir à ce que le
personnel soit adéquatement formé compte tenu qu'il n'y a rien de
facile dans ce secteur?
Le député de Louis-Hébert relatait tantôt son
cas personnel. L'enquêteur qui passe d'un problème de
discrimination pour un logement, qui doit aller ensuite à un
problème de travail ou d'égalité salariale au travail,
etc., c'est un domaine qui n'est pas facile. Ce n'est pas comme
d'enquêter sur un vol de télévision, avec tout le respect
que j'ai pour ceux qui le font. Alors, est-ce que ce programme-là existe
actuellement? Pouvez-vous m'en dire quelques mots?
M. Lachapelle: Peut-être que Mme Trudeau-Bérard peut
vous en dire quelques mots, c'est elle qui pilote ce dossier depuis deux
années.
Mme Trudeau-Bérard: Ce que nous faisons, c'est que nous
avons un programme triennal. Il est élaboré avec les
gestionnaires et aussi avec le personnel. Donc, d'une part, on tient compte des
besoins organisationnels, des besoins qu'on identifie et par ailleurs, aussi,
des besoins qui sont signifiés par le personnel. C'est sur une base
continue. On fait des blocs de formation de façon continue sur un
programme qui est revu annuellement.
Le Président (M. Filion): Juste une dernière
question qui est un détail. Je termine avec un détail. J'ai vu
récemment le texte de la charte québécoise des droits.
J'ai une copie à mon bureau de comté. Sur le mur d'un de mes
collègues, j'ai vu effectivement la même charte, mais cette
fois-là il n'y avait pas le fleurdelisé ni la signature du
premier ministre de l'époque, M. René Lévesque. Est-ce que
la disparition du fleurdelisé sur le texte officiel de la charte
relève d'une erreur d'inattention, en somme? Vous n'êtes pas au
courant de cela?
Mme Trudeau-Bérard: C'est quelque chose qui est
affiché?
Le Président (M. Filion): Oui, c'est ça. Quand on
demande la copie laminée, en tout cas, on peut la faire laminer,
mais...
Une voix: C'est une copie parchemin.
Le Président (M. Filion): Copie parchemin.
Mme Trudeau-Bérard: Ce n'est pas nous qui l'avons
distribuée celle-là.
M. Lachapelle: Je pense que c'était l'Éditeur
officiel. C'était une édition un peu spéciale.
C'était la copie calligraphiée probablement.
Mme Trudeau-Bérard: C'est ça. Le
Président (M. Filion): Oui.
M. Lachapelle: Qui avait été faite par...
Le Président (M. Filion): J'ai remarqué, est-ce que
je me trompe? que toutes les copies qui circulent, formule parchemin,
comportaient le fleurdelisé et celle que j'ai vue ne l'avait pas.
Mme Trudeau-Bérard: Je n'ai pas vu cette dernière
dont vous parlez.
M. Doyon: Cela va être pas mal moins bon.
M. Lachapelle: Pardon?
M. Doyon: Il va falloir faire attention parce que la charte va
peut-être être beaucoup moins bonne.
M. Boulerice: C'est la raison pour laquelle, à Ottawa, on
conserve l'unifolié et la signature de M. Trudeau.
M. Doyon: Non, mais je me souviens, M. le Président,
que...
Le Président (M. Filion): Deuxièmement, je ne sais
pas si c'est parce que vous avez été absent pendant une partie
des débats, mais il existe dans la population une confusion entre les
deux chartes en plus de cela et on aurait avantage, un petit peu, à
promouvoir celle qui nous est spécifique au Québec.
Mais, en tout cas, je prends note que c'est chez l'Éditeur
officiel qu'il faudrait voir.
Je vous remercie. J'ai M. le député de Mille-Îles,
M. le député de Saint-Jacques, M. le député de
Beauharnois. M. le député de Mille-Î les.
Mesures d'évaluation des interventions
M. Bélisle: Merci, M. le Président. J'ai
regardé attentivement la page 14, bien entendu, de votre intervention
relativement au nombre important de requêtes qui passent 31 735 en 1985
à une estimation de 43 000. Par conséquent, au lieu d'environ 500
dossiers formels, on a 1000 dossiers. C'est une augmentation de 12 000
requêtes environ pour l'année courante et, en fin de compte, la
conséquence c'est la création de 500 dossiers actifs. Je vous
écoutais tantôt et vous parliez du pourquoi. C'est là qu'il
faut diriger notre esprit, les raisons fondamentales de cette augmentation. Il
y a plusieurs raisons qu'on peut donner; entre autres, l'accumulation de
dossiers dans des secteurs qui n'étaient pas couverts
adéquatement par le passé par votre organisme. Je voudrais savoir
s'il y a d'autres raisons qu'on pourrait donner à cela. Est-ce que vous
avez pu imaginer quelques-uns des motifs ou des raisons supplémentaires
qui pourraient entraîner 12 000 requêtes de plus et 500 dossiers de
plus?
M. Lachapelle: D'abord, il faut faire attention au terme
"requête". Ce sont des demandes d'information adressées à
la Commission des droits de la personne...
M. Bélisle: Je suis d'accord avec vous.
M. Lachapelle: ...qui ne touchent pas nécessairement la
Charte des droits et libertés de la personne. Comme je le disais
tantôt, cela peut être quelqu'un qui dit: Moi, j'ai
été victime de viol. Je voudrais faire une réclamation. Je
m'adresse chez vous. Non, il faudrait aller à l'IVAC, c'est là
où les victimes d'actes criminels vont pour indemnisation.
M. Bélisle: Je suis entièrement d'accord.
M. Lachapelle: Je dois vous avouer que les intuitions que vous
avez me semblent justes.
M. Bélisle: M. le Président, quand je regarde 31
735 requêtes ou demandes d'information adressées à votre
organisme en 1985 et qu'elles génèrent en fin de compte 500
dossiers actifs, je me dis: II y a soit une accumulation ou une absence
d'information dans un secteur donné plutôt qu'une panique. Quand
vous disiez tantôt: II ne faut pas prendre panique, je suis
entièrement d'accord avec vous, il n'y a pas lieu de prendre panique,
mais il y a certainement une bonne analyse en profondeur qui doit être
faite.
Moi, il y a une autre chose qui me tracasse beaucoup, ce sont les
mesures de performance de votre organisme. C'est sûr que vous avez
beaucoup plus de crédibilité qu'avant, vous êtes beaucoup
plus présents. Les gens qui ont des problèmes vont vous voir. Je
vois l'augmentation de 1983-1984, 1984-1985 et 1985-1986; 402, 412 et 500
dossiers. C'est une augmentation sensiblement raisonnable pour la même
loi. Je me demande si vous avez des données, è la Commission des
droits de la personne, qui vous permettent de dire que vos interventions, les
dossiers traités, les cas analysés, les cas réglés,
les cas publicisés et les poursuites de cour ont entraîné
une
amélioration, un maintien - je suis très sérieux
dans ma question - ou une dégradation de l'attitude des
Québécois face à la discrimination. Vous comprenez notre
problème. On a une enveloppe générale et on affecte des
fonds à différents programmes et vous êtes un de ces
programmes. Je me vois très mal, quand je suis confronté à
la page 14 de votre intervention, en venir à la conclusion qu'une des
raisons, c'est que les Québécois, pendant l'année
courante, à cause de l'existence de votre organisme, sont devenus plus
discriminants qu'avant. Selon mon intuition, ce n'est pas vrai, de la
façon que je connais les Québécois. Mais j'aimerais savoir
si vous avez des mesures concrètes qui vous ont été
données quant a la perception que les Québécois ont, parce
que tout cela se passe dans le système de valeurs et dans la tête
des individus. Je suis discriminant face au handicap d'une personne, face
à la couleur d'une personne par rapport à mon schème de
valeurs. Vous travaillez sur le schème de valeurs des gens. Je veux
savoir si vous avez des mesures d'évaluation sur cela.
M. Lachapelle: D'abord, je voudrais revenir à une
première question, car ce n'était pas une affirmation,
c'était plutôt dans le style d'une question: Est-ce
qu'effectivement, au Québec, il y a plus ou moins de discrimination? Je
n'ai jamais prétendu cela et je ne dis pas cela non plus. Ce n'est pas
parce qu'on adresse plus de demandes qu'effectivement il y en a plus. Je n'ai
pas le compteur de Geiger qui viendrait me dire si cela monte ou descend; je ne
suis pas capable de le dire. Il y a des manifestations de temps en temps et on
en a vu à un moment donné. Par exemple, on a mis sur la place
publique récemment le fait qu'il y avait, dans le logement, des
problèmes de discrimination. Bon! Ils existaient probablement avant
qu'on les signale aujourd'hui. Peut-être quelqu'un a-t-il allumé
une étincelle quelque part et probablement qu'on aura plus de demandes
à la commission; seulement cet événement a suscité
cela.
Nous n'avons pas non plus de ces instruments. Il serait
intéressant d'en développer pour savoir...
M. Bélisle: Ce serait utile au possible.
M. Lachapelle: ...oui, est-ce que l'intervention dans une
entreprise, par exemple, qui nous a permis - je prends un exemple: chez
Catelli, on a eu récemment une plainte d'inégalité
salariale. Après des poursuites judiciaires, après
médiation et après de longues discussions, on a effectivement
réglé le dossier, je pense, à la satisfaction des femmes
qui s'étaient présentées à la commission. Est-ce
que cela va arrêter là dans l'entreprise?
M. Bélisle: On ne sait pas.
M. Lachapelle: Est-ce que, dans l'avenir, l'entreprise ne fera
pas tout en son possible pour continuer à serrer la vis autrement? Chez
son voisin à côté, est-ce qu'on ne dira pas: Prenez vos
précautions parce que, sur l'égalité salariale, vous allez
avoir des problèmes, soyez plus subtils, peut-être? Je ne sais
pas. L'effet peut être cela aussi, mais je ne pourrais pas vous donner
ce...
M. Bélisle: M. le Président - c'est une suggestion
que je fais - j'essaie d'analyser et de regarder le problème avec vous:
il serait peut-être fort utile pour votre organisme, dans le but
d'orienter toutes les interventions que vous faites, de les corriger, de les
améliorer, de changer vos cibles, de modifier, d'être plus
performants, de penser très bientôt à développer des
outils de mesure semblables. C'est mon premier point, c'est excessivement
important.
Hier, on a eu devant nous l'Office de la protection du consommateur et,
avec le temps, avec les années, il a développé... Il peut
vous dire: Dans telle industrie où il y avait telle sorte de
problème, au bout de cinq ou six ans d'interventions, la on en a...
M. Lachapelle: Vous êtes d'accord avec moi qu'on ne parle
pas de la même chose?
M. Bélisle: Non, non, d'accord, mais quand même;
toutes choses étant regardées dans des proportions et avec des
lorgnettes différentes, je pense qu'il y aurait quelque chose à
faire là-dessus.
M. Lachapelle: Je partage tout à fait votre point de
vue.
Équité dans le règlement des
différends
M. Bélisle: Parfaitl Maintenant, deuxième question,
quand je regarde le rapport de 1985 - vous excuserez ma façon de voir
les choses, je les vois peut-être avec l'oeil de quelqu'un qui a les deux
pieds coulés dans le béton, j'espère que non - à la
page 52, on parle d'un congédiement fondé sur l'orientation
sexuelle. Je partage, et je pense que la presque-totalité des
Québécois partage l'opinion qu'il ne doit pas y avoir de
discrimination basée sur l'orientation sexuelle d'une personne. Je lis
le résumé technique qui est là: Un homme qui travaillait
depuis quelques semaines comme cuisinier dans un restaurant fut très
surpris de se faire congédier. Il n'avait reçu aucun reproche sur
la qualité de son travail. Le propriétaire lui remet son
chèque de salaire et dit: Mon vieux, des gens comme toi, on n'en veut
pas ici.
Vous recevez, par conséquent, un appel
téléphonique, une requête, une demande
d'information. Il vous donne le nom du restaurant, le nom du
propriétaire, il vous donne l'événement, il vous dit
exactement les faits, c'est noté dans votre dossier. Vous partez de
là et vous faites enquête. Cela passe à un deuxième
niveau, on continue: "Les deux parties furent convoquées à une
audition au bureau de la commission." Et là les deux parties
s'amènent à la commission et le résultat, c'est: Elles se
dirent consentantes à régler le litige à l'amiable et,
après médiation, le plaignant - celui qui a subi la
discrimination - a accepté un montant en argent de 100 $.
Que pensez-vous de cela, vous? Trouvez-vous que... Je ne sais pas,
mentalement, même s'il y a un compromis, que c'est légal entre
deux parties, quelqu'un qui utilise la Commission des droits de la personne
pour obtenir un dédommagement pécuniaire d'une somme totalement
ridicule, qui est de 100 $, qui a monopolisé les ressources de
l'État, moi, je trouve que c'est une sorte d'aberration. C'est comme si
on utilisait la commission pour des fins autres que celles pour lesquelles elle
a été prévue. C'est mon côté droit civil ou
civiliste qui me fait sursauter quand je vois cela.
Je vais vous donner un autre exemple un peu plus loin, c'est un cas
exactement dans te même style, à la page 55: refus de logement
à un bénéficiaire de l'aide sociale. Cela se règle,
il y a une plainte, des démarches etc. On arrive devant la commission et
on s'entend: Je vais te donner une compensation de 400 $. Cela finit toujours
par une petite compensation ridicule. On dirait que... L'honneur est sauf et
tout le monde est satisfait, tout le monde est content; on a fait notre job.
(12 h 45)
M. Marcil: Exactement, dans la même ligne de pensée,
j'ai vu un cas comme ça qui m'avait été
référé, un cas de logement. La recommandation, en fin de
compte, c'était de recevoir des excuses, premièrement, et de lui
donner une bouteille de champagne. Cela vous dit quelque chose, ce cas?
M. Lachapelle: Oui.
M. Bélisle: Mieux que ça, dans votre document qui
est là...
Mme Trudeau-Bérard: C'était à la demande du
plaignant.
M. Lachapelle: Mais c'était à la demande du
plaignant.
M. Marcil: C'était à la demande du plaignant. Oui,
c'est ça, le plaignant voulait avoir des excuses et une bouteille de
Champagne.
M. Bélisle: Si vous le permettez, M. le Président,
dans la même ligne, il y a un autre exemple d'un cas qui est
relaté au sujet d'un handicapé qui entre dans un restaurant avec
son chien. Le type ne veut pas le recevoir. Quinze minutes plus tard, il lui
donne une table au fond. Il vient chez vous. Cela cause des frais à tous
les citoyens. Il y a un dossier d'enquête, une enquête qui est
menée auprès des deux parties. Cela se règle comment"? Le
restaurant donne 100 $ et un bon pour souper pour quatre personnes à son
restaurant. Ce n'est pas sérieux, M. le Président. Ce n'est pas
ça que je veux qu'on obtienne comme résultat de la Commission des
droits de la personne.
Peut-être que je suis naïf ou que je pense que les objectifs
ou les moyens ne sont pas utilisés. Mais je reviens à ce que je
vous disais tantôt. J'aimerais entendre votre réflexion
là-dessus. Il me semble que je serais mal à l'aise d'être
à la commission et de voir se passer de choses comme ça. Je ne
trouverais pas mon travail utile ou drôlement futile.
Le Président (M. Filion): Je suis sûr que vous
pourriez... Vous gardez les deux parties de votre qualificatif pour le Journal
des débats?
M. Bélisle: M. le Président, je m'excuse de mon
commentaire, mais ça me...
Le Président (M. Filion): Non, c'est pour vous. Ce n'est
pas grave, c'est juste pour vous que je le mentionnais. Est-ce que vous gardez
les deux parties pour le Journal des débats?
M. Bélisle: De mon qualificatif? Le Président
(M. Filion): Oui! Bon.
M. Bélisle: M. le Président, je conserve les deux
qualificatifs. Je suis ici pour exercer mon droit de parole. M. le
Président, je ne le dis pas dans le but de discréditer la
commission. On est ici pour essayer d'avoir un échange de leur
côté et qu'eux aussi sachent ce qu'on pense. Ce que je dis
aujourd'hui, c'est au président de la commission de savoir s'il y en a
d'autres qui pensent comme moi dans la société au Québec
et si on est en train d'allumer une lumière rouge.
À un certain moment, si on affecte 5 000 000 $ à la
Commission des droits de la personne et pour la protection des droits civils au
Québec, ce n'est pas dans ce but et dans ce sens que je veux que ce soit
utilisé.
Le Président (M. Filion): D'accord, il n'y a pas de
problème. M. le président.
M. Lachapelle: J'ai pris vos
commentaires dans l'intérêt des justiciables qui se
présentent à la commission et qui veulent obtenir un
règlement équitable de leurs différends. Je peux ajouter
d'autres exemples à celui qui est mentionné par le
député. Récemment, on a réglé le dossier
d'une femme immigrante au Québec, victime de harcèlement sexuel,
obligée d'avoir des relations avec son employeur. Si elle n'avait pas eu
ces relations, elle aurait été dénoncée à je
ne sais pas quel organisme et peut-être obligée de retourner dans
son pays, alors qu'elle n'était pas encore immigrante reçue . On
comprend dans quelle horreur cette femme a dû vivre pendant des
années. Le jour où elle a été immigrante
reçue, elle est venue à la commission. Elle a obtenu 10 000 $ de
dédommagement. Qu'est-ce c'est? C'est sûrement infime pour avoir
vécu un enfer pendant ces années.
Si on veut donner suite aux recommandations que vous faites, il faudrait
peut-être modifier l'article 81: "La commission doit tenter d'amener les
parties à régler leur différend." La commission est
là en tant que médiateur. C'est ça, le travail qu'elle
fait. Si on veut nous amener à faire de l'arbitrage et à faire
plus que ça, nous n'avons pas d'objection. Dans bien des cas, les
commissaires regardent les montants et ils disent: Ils ont accepté
ça; vous leur avez dit oui. Mais les gens nous arrivent au bureau, en
nous disant - ce sont des personnes, victimes de harcèlement racial ou
sexuel - tout ce que je veux de la part du mis en cause, c'est des excuses. Je
n'en demande pas plus. Je ne veux pas d'autre chose que ça. Je ne veux
surtout pas d'argent. Faites que cette personne nous donne des excuses. Des
fois, on n'arrive même pas à obtenir des excuses. Dans beaucoup de
cas, on a une lettre disant: Oui, effectivement, j'ai eu des propos racistes.
J'ai fait telle chose. Je regrette et je m'en excuse. Et c'est fini.
De fait, je pense qu'il y a une philosophie derrière cet article.
Ce n'est pas un endroit pour aller récupérer des montants
d'argent. Il y a des tribunaux pour ça et on peut y aller. Ce que la
charte préconise par cet article, c'est d'essayer de faire en sorte - il
y a un aspect pédagogique dans ça - que ce restaurateur accepte
dorénavant une personne aveugle avec son chien et dise: Je vais lui
donner non pas la place qui est dans le fond parce qu'il peut déranger
les gens, mais la table de son choix ou à la table qui est libre. Je
pense qu'il y a un élément d'éducation extrêmement
important là-dedans.
Moi aussi, en tant qu'ancien avocat civiliste, quand je regarde les
montants qui sont là, surtout aujourd'hui avec cette espèce
d'inflation des montants devant les tribunaux... S'il fallait qu'on regarde la
jurisprudence américaine, ce serait incroyable les montants que des gens
pourraient obtenir, par exemple, dans l'avant-dernier cas que je viens de vous
mentionner.
La philosophie de la charte est tout autre: amener les parties à
régler leurs différends et non pas accorder une compensation
équivalente aux dommages subis; c'est autre chose que cela. Si on peut
s'inquiéter de voir les si faibles montants d'argent qui sont
indiqués dans la jurisprudence, dans ces décisions ou dans les
résultats de nos enquêtes, c'est un peu le résultat de tout
cela.
Le Président (M. Filion): Si vous me le permettez, dans le
même sens que mon collègue, je pense qu'il y a une partie de ces
préoccupations, surtout avec l'exemple que vous venez d'ajouter,
où cela sonne faux à mes oreilles aussi, le cas de cette dame en
particulier et aussi les exemples de mon collègue. Il y a tout le
chapitre que j'essaie de retracer des possibilités en ce qui concerne
les plaintes pénales. Est-ce que je me trompe?
M. Lachapelle: Oui.
Le Président (M. Filion): Alors, je comprends, d'un
côté, qu'on ne peut pas empêcher une personne d'accepter une
bouteille de champagne et des excuses. J'ai déjà vu des
procédures judiciaires où l'une des principales conclusions de la
demande, c'était des excuses. C'est bien qu'on essaie de ne pas tout
monnayer, mais, d'un autre côté, surtout avec l'exemple que vous
donnez... Le chapitre sur les plaintes pénales, est-ce qu'on pourrait
peut-être vous entendre là-dessus? Quelle politique la commission
entretient-elle à l'égard des plaintes pénales, dans des
cas comme ceux qui sont soulevés par le député de
Mille-Îles et aussi dans les cas que vous soulevez?
Mme Trudeau-Bérard: En ce qui concerne les plaintes
pénales, cela n'a pas tellement été utilisé,
effectivement, d'abord parce qu'il y a un problème. Vous savez que le
degré de preuve n'est pas le même. C'est au-delà du doute
raisonnable. Je n'ai pas de leçon à vous donner à ce point
de vue. Donc, la difficulté en matière de discrimination, c'est
d'arriver à un niveau de preuve aussi fort.
D'autre part, il y a eu à la commission, au départ, une
philosophie qui était de n'utiliser le Code pénal que dans des
cas extrêmes, la commission ayant basé sa philosophie sur les
principes de la charte qui mettaient l'accent sur la médiation.
Par contre, lorsqu'on a fait l'enquête sur les taxis, on s'est
penché à nouveau sur cette question. Pour nous, il y avait
là des violations tellement flagrantes et tellement publiques qu'il nous
apparaissait important de poser des gestes du côté pénal.
C'est ce que
nous avons fait. Nous avons porté des plaintes envers des
compagnies de taxi et nous avons eu gain de cause dans trois cas.
Le Président (M. Filion): Je vais redonner la parole, s'il
le désire, à mon collègue. Est-ce qu'il n'y a pas des cas
de discrimination?
Mme Trudeau-Bérard: Je dois dire que c'est en appel que
l'on a gagné.
Le Président (M. Filion): D'accord.
Mme Trudeau-Bérard: Parce qu'on a été...
Le Président (M. Filion): Oui, j'ai su. Mme
Trudeau-Bérard: ...tenaces.
Le Président (M. Filion): Vous faites bien. Il arrive
toutes sortes de choses en appel, d'ailleurs.
Écoutez, en deux mots, je comprends la politique, je comprends
également l'article 81 et tout cela. En tout cas, on va probablement y
réfléchir puisque le temps achève. Je pense qu'il y a des
cas de discrimination tellement répugnants. Je comprends
également, comme beaucoup de mes collègues, que le fardeau de la
preuve n'est pas le même en droit pénal. Par contre, je dois vous
dire que le droit pénal, comme tout le reste, a évolué et
que ce n'est pas parce qu'il y a une personne seule qui témoigne contre
cinq autres personnes que la preuve hors de tout doute raisonnable ne peut pas
être atteinte, au contraire. Je comprends que ce n'est pas la même
chose qu'un règlement en argent, etc., mais je dois vous dire qu'avec
les exemples qu'on a eus... Le vôtre, M. le président, celui que
vous avez donné, m'a particulièrement frappé. Une femme a
été tenue dans un état que je ne qualifierai pas. On
faisait la même chose dans les camps de concentration. Elle a obtenu 10
000 $, c'est son affaire, c'est parfait'. Elle aurait obtenu 50 $! Elle les a
acceptés.
C'est le rôle de médiation de la commission et je suis
d'accord. Par contre, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de développer une
politique de dépôt de plaintes pénales un peu plus...
D'ailleurs, c'est une infraction au Code criminel, l'exemple que vous donnez,
d'obtenir des relations sexuelles par menaces, intimidation.
M. Lachapelle: C'est aller plus loin que le
harcèlement.
Le Président (M. Filion): C'est un genre de viol,
finalement. Même si on ne porte pas cette plainte qui est peut-être
radicale, il demeure qu'en vertu de la charte il y a des plaintes
pénales qui peuvent être déposées - sauf erreur,
vous me corrigerez - par la commission. Notre temps achève. Je vais
redonner la parole au député de Mille-Îles.
M. Bélisle: Je ne veux pas consommer beaucoup de...
Le Président (M. Filion): Quant à moi, ces exemples
me frappent beaucoup.
M. Bélisle: J'ai souligné cela. C'est une vision
personnelle que vous partagez, que d'autres membres de la commission partagent,
j'en suis sûr, que le président, la vice-présidente et que
beaucoup de membres de cet organisme doivent partager.
Je vais juste vous donner un exemple d'une chose qui est arrivée
aux États-Unis. À Las Vegas, une personne était
propriétaire d'un casino. Cette personne avait un passé assez
chargé. C'était connu qu'elle était une dame qui offrait
ses services à toute personne qui en faisait la demande. Au bout de
douze ans - c'est un peu perdu - un journaliste a fouillé cela et c'est
sorti en première page d'un grand quotidien de Las Vegas:
"ex-tenancière de, etc., et propriétaire de tel casino." Ce n'est
pas du harcèlement sexuel. Ce n'est pas contraindre une personne contre
son gré à faire quelque chose. C'est simplement relever quelque
chose qui s'est passé dans le passé de quelqu'un. Savez-vous
combien la cour américaine lui a accordé? 1 000 000 $ US en
dommages seulement pour cela.
Quand je vois cela - je sais qu'il y a des critères
différents, je comprends tout cela - je me dis: Peut-être que la
médiation est excellente. Mais la commission devrait regarder
attentivement si cela ne vaudrait pas mieux - peut-être pas des
poursuites pénales parce que c'est surtout nominal, les montants sont
tellement limités - que, dans certains cas, on aille jusqu'au bout du
processus judiciaire et qu'on y aille pour la valeur de ce que cela
représente réellement parce qu'ultimement on compense toujours en
dollars, mais pas pour 100 $ ou pour des principes semblables. Pas prendre 5
000 000 $ de budget, mettons qu'il y a 2 500 000 $ pour la promotion et la
publicité et tu divises par 500, cela te fait peut-être 5000 $ par
cas d'étude. Je pense qu'il y a un calcul et une révision
fondamentale des objectifs qui doivent être faits dans ce sens. En tout
cas, c'est mon opinion.
Mme Trudeau-Bérard: Si vous le permettez, pour clarifier
au sujet des exemples que vous apportez, je pense que, dans tous ces exemples,
ce sont des règlements qui interviennent au tout début de
l'enquête ou pendant l'enquête. Ce ne sont pas, à proprement
dit, des règlements qui interviennent une fois que l'enquête
est
terminée et qu'il y a un rapport de l'enquêteur et que la
commission s'est prononcée à savoir si le dossier est
fondé ou pas. À ce moment, il y a une médiation qui
intervient. Nous donnons un mandat de médiation à ce moment.
Mais, très souvent, dans les cas que vous avez cités, ce sont des
règlements qui interviennent au tout début, dans les premiers
temps que la plainte est déposée. Du fait qu'il y a une plainte
à la commission, les parties se rencontrent et souvent le mis en cause,
voyant, réalisant ce qu'il a fait, fait une proposition. On a le
même malaise que vous. On en a souvent discuté, je dois dire,
parce qu'à ce moment on ne fait que constater.
On n'a pas, nous, à prendre de décision. C'est
différent lorsqu'on parle de médiation proprement dite de la
commission une fois que la plainte a été déclarée
fondée. À ce moment, nous avons des critères qui sont
basés sur la jurisprudence, Nous conseillons les plaignants quand ils
nous demandent: Écoutez, quelle est ma position maintenant que la
plainte est fondée? Qu'est-ce que je peux réclamer, etc? II reste
toujours, dans une période de négociation ou une
médiation, que c'est à la partie plaignante de décider ce
qu'elle va accepter en fin de compte.
Le Président (M. Filion): Oui.
M. Bélisle: Une minute.
M. Doyon: Cela relève de l'article 81.
Le Président (M. Filion): On retient vos exemples. M. le
député de Shefford, très brièvement parce qu'on a
déjà dépassé notre temps.
M. Paré: Oui. Très rapidement.
Le Président (M. Filion): Est-ce qu'on peut prendre
quelques minutes additionnelles, MM. les membres de la commission?
M. Doyon: Peut-être deux minutes. Le Président
(M. Filion): Oui.
M. Doyon: J'airnerais peut-être donner un cas un peu
spécial. On va comprendre le dilemme dans lequel on peut se trouver dans
certains cas. Peut-être que mon collègue veut y arriver aussi.
M. Paré: Je vais aller exactement dans le sens contraire.
Il ne faut surtout pas toucher à l'article 80. Si on est ici pour passer
notre perception, je pense que vous n'avez pas accroché sur la bonne
affaire. C'est un droit qu'on va réclamer à la Commission des
droits de la personne, n'oublions pas cela, qu'on va demander à la
commission de faire exercer. C'est un droit; ce n'est pas un montant, ce n'est
pas une compensation. Vous accrochez sur l'à-côté. Le
bonhomme qui est allé au restaurant et qui voulait entrer avec son
chien, il ne voulait pas avoir quatre billets et quatre repas payés.
C'est du surplus, c'est un cadeau, c'est un ajout, c'est la cerise sur le
gâteau. Ce qu'il voulait, c'est pouvoir aller au restaurant avec son
chien; maintenant, il peut. Le reste ne devrait peut-être même pas
être inclus dans le rapport. En fait, cela a été
rajouté pour montrer que, finalement, le restaurateur non seulement a
compris - et à l'avenir, il va l'accepter, il va accepter tous les
autres avec leur chien - mais il l'a tellement accepté qu'il donne une
compensation. On devrait être content des 100 $ au lieu de les
ridiculiser. C'est tellement vrai que c'est peut-être même - je
passe entre guillemets ce que je dis - une façon d'acheter le silence du
gars qui vient de gagner pour que la publicité qui sorte sur le
restaurant ne soit pas qu'il a refusé qu'une personne avec un handicap
entre. En lui donnant un repas, finalement, ce qui va sortir, c'est que le gars
a gagné quatre repas. C'est extraordinaire. C'est ce qu'il faut dire et
arrêtons de regarder la bouteille de champagne et les "giddy giddy"
à côté. La commission est là pour faire respecter
des droits. La personne peut maintenant aller au restaurant et elle n'est pas
cachée dans le fond à côté des toilettes. Elle peut
manger avec tout le monde. Le droit. Félicitations, bravo à la
commission. Par l'article 81 et la médiation, la personne peut
maintenant aller manger dans un restaurant avec son chien. Elle est
égale à tout le monde. C'est cela, le rôle de la
commission, que tous aient des droits égaux. Donc, on a réussi
dans ce cas-là.
Dans l'autre cas du restaurant, c'est la même chose. On peut bien
rester sur le 100 $ et essayer de ridiculiser ce montant qui n'est pas
important, sauf que ce n'est pas cela qui est important. C'est que la
commission vient de faire accepter par un restaurateur l'embauche égale,
en vertu de la charte qu'on s'est donnée et dont on est tous fiers. Ce
n'est pas l'à-côté et le surplus qu'on donne à la
personne. La personne a enfin acquis son droit.
Je ne sais pas si vous étiez là au moment où on a
dit qu'une des difficultés de la commission est de faire changer les
mentalités et de faire accepter notre charte, de la faire
connaître et de la faire accepter. Si on veut faire changer les
mentalités, il faut qu'il y ait des gens comme cela qui aillent se
plaindre et il faut qu'il y ait des gens qui reconnaissent tellement qu'ils ont
eu tort et qu'ils n'ont pas fait respecter notre charte qu'ils donnent
même une compensation à la victime, à cause de leurs
gestes, à eux autres.
Je dis qu'il ne faut surtout pas changer
Particle 81 et les gestes qui sont là, les petits montants qu'on
appelle excuses, bouteilles de champagne, 100 $ ou 400 $, ce n'est pas ce qui
est important. Cela, c'est la preuve de la reconnaissance de la
culpabilité de la personne qui n'a pas appliqué la charte.
Le Président (M. Filion): Avec votre permission, que
faites-vous dans le cas de l'immigrante?
M. Paré: Dans le cas de l'immigrante, je pense que ce
n'est pas la même personne qui va recommencer. Je pense que la commission
a mis l'éclairage sur un facteur. Maintenant, la victime a des droits au
civil, au pénal. C'est à elle...
Une voix: M. te Président, peut-on...
Le Président (M. Filion): Juste une seconde. C'est qu'on a
dépassé... Vouliez-vous prendre !a parole? Écoutez, de
toute façon, je pense que nos invités peuvent constater
dès maintenant la chaleur qui va caractériser nos débats
à huis clos. Je vaudrais...
M. Bélisle: M. le Président, je viens juste
d'apprendre, de la part du député de Shefford, que c'est la
position, ce qu'il nous a donné ce matin, officielle du Parti
québécois?
Le Président (M. Filion): M. le député de
Mille-Îles, s'il vous plaît!
M. Paré: Je voudrais ajouter ceci. À la question
que vous m'avez posée hors micro: Est-ce la position officielle du Parti
québécois? je n'ai pas dit oui, parce que je ne peux pas
répondre pour mes collègues. J'ai dit: J'espère, parce que
nous, quand on se bat pour un droit, comment pourrions-nous mettre...?
M. Bélisle: M. le Président, je vais demander un
droit de réplique là-dessus parce que je vais lui donner l'autre
côté de la médaille.
Le Président (M. Filion): Écoutez, chers
collègues, M. le député de Mille-Îles, M. le
député de Shefford, je vais vous ramener à l'ordre,
d'autant plus que nous avons des invités. Alors, donc...
M. Bélisle: Mais c'est très amical, M. le
Président.
Le Président (M. Filion): C'est très bien, mais
alors cela vous a permis...
M. Bélisle: Je respecte les droits de la personne du
député de Shefford.
Le Président (M. Filion): Je pense que vous êtes
à même de constater que nous aurons donc matière à
exercer notre mandat l'an prochain. Nous allons avoir matière
immédiatement, d'ailleurs, à le circonscrire, car le but - je le
rappelle à mes collègues et je vous le rappelle - de l'exercice
de ce matin était de nous aider à déterminer quels seront
les volets de notre mandat pour l'an prochain. La matière ne manquera
pas. Les documents que vous avez déposés et les propos que vous
avez tenus sauront très bien alimenter cette réflexion, cette
recherche.
Permettez-moi, en terminant, au nom de tous les membres de la
commission, de vous remercier et, encore une fois, de vous féliciter
pour le sérieux et la franchise de vos propos de ce matin, devant la
commission. Merci.
Je rappellerais aux membres de la commission que nous nous revoyons
à 15 heures, cet après-midi, à la même salle, pour
une séance de travail entre nous. Je vous remercie.
M. Lachapelle: Merci. (Fin de la séance à 13 h
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