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(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaîtl
Il me fait plaisir de constater le quorum à la séance de
la commission des institutions de ce matin.
Je demanderais à la secrétaire de nous faire part des
remplacements.
La Secrétaire: M. Johnson (Anjou) est remplacé par Mme
Vermette (Marie-Victorin) et M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) par M.
Després (Limoilou).
Le Président (M. Filion): Je rappellerai le mandat de
notre commission qui est d'entendre les intéressés et de
procéder à l'étude détaillée des projets de
loi d'intérêt privé suivants - l'ordre indiqué
ci-après sera cependant modifié: projet de loi 224: Loi
concernant le Foyer Saint-Antoine de Longueuil; projet de loi 229: Loi
concernant un immeuble du cadastre de la paroisse de Saint-Barnabé
(division d'enregistrement de Shawintgan); projet de loi 242: Loi concernant
Varina Beattie; projet de loi 233: Loi concernant Michel Dugas; projet de loi
251: Loi concernant Lomer Pilote.
Étant donné la présence du leader de l'Opposition,
qui présente le projet de loi 233, Loi concernant Michel Dugas, je crois
comprendre que les membres de la commission sont d'accord pour qu'on
étudie les projets de loi suivants dans cet ordre: 233, 224, 229, 242 et
251.
M. Marcil: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Je répète: les
projets de loi 233, 224, 229, 242 et 251.
Et pour nos invités que je salue: Loi concernant Michel Dugas,
Loi concernant le Foyer Saint-Antoine de Longueuil, Loi concernant un immeuble
du cadastre de la paroisse de Saint-Barnabé (division d'enregistrement
de Shawinigan), Loi concernant Varina Beattie et Loi concernant Lomer
Pilote.
M. Laporte: Concernant le projet de loi 224, je n'ai rien
reçu.
Le Président (M. Filion): Pardon?
M. Laporte: Concernant le projet de loi 224.
Mme Bleau: On n'a pas reçu...
M. Laporte: On a reçu les autres, mais je n'ai pas, en
tout cas...
Le Président (M. Filion): Vous n'avez pas reçu le
projet de loi 224?
On me fait remarquer que plusieurs membres de la commission n'ont pas
reçu le projet de loi 224; je demanderais... On est en train de vous les
distribuer.
Projet de loi 233
J'appelle donc le projet de loi 233, Loi concernant Michel Dugas.
J'inviterais son parrain, le député de Joliette, leader de
l'Opposition, à faire sa présentation, s'il y a lieu.
M. Chevrette: M. le Président, Michel Dugas est un citoyen
du comté de Rousseau, à Chertsey plus précisément,
qui travaillait pour la compagnie Ultramar.
M. Dugas a été atteint d'un cancer qu'on appelle le cancer
des ganglions et, par la suite, a vu la compagnie constituer un dossier dit
disciplinaire. Ensuite, il a été mis à la porte. Il est
allé voir son syndicat. Son syndicat, pour des raisons qu'il ignore,
puisqu'il n'a pas été admis en même temps que son syndicat
dans les pourparlers avec la compagnie, a abandonné le grief. Le
syndicat abandonne le grief. Ensuite, M. Dugas fait de multiples
démarches pour se trouver un procureur. Ou bien le procureur refusait,
ou bien il lui demandait des sommes assez importantes comme dépôt
pour le défendre et M. Dugas était dans l'impossibilité de
donner ces sommes. II se voit donc face à des prescriptions de
délais, prescriptions légales, et aucun recours possible.
Ce que M. Dugas demande dans le projet de loi, ce n'est pas de condamner
prima facie la compagnie Ultramar, c'est de lui permettre de faire un grief,
puisque son syndicat n'a pas cru bon de poursuivre le grief et également
que des avocats... D'ailleurs, au besoin, on sortira les noms des avocats qui
ont refusé ou qui ont demandé des sommes de 4000 $ ou 5000 $. Au
besoin - je dis bien - on les sortira si la commission l'exige. On sortira les
noms des procureurs en question pour démontrer qu'il y a des citoyens
pour qui, quand un syndicat refuse de poursuivre la démarche ou qu'un
procureur demande trop d'argent, il devient
impossible, à toutes fins utiles, d'obtenir justice par les voies
normales.
Ce projet de loi privé ne vise qu'une chose, c'est de donner au
citoyen la chance de présenter une défense correcte ou de faire
valoir son droit. À l'appui de ses prétentions, M. Dugas a
posé deux gestes. D'abord, la compagnie Ultramar le congédie. Il
se présente devant l'assurance-chômage et celle-ci lui dit qu'il a
six semaines de pénalité parce qu'il a été
congédié. Il plaide et en appel, devant la preuve qu'il
amène, la Commission de l'assuranee-chômage reconnaît que
cela ne devrait pas constituer un congédiement, mais bien plus un
départ, de sorte que sa pénalité de six semaines est
transformée en une semaine seulement.
Devant la Commission des normes du travail, qui relève des lois
du Québec, cette fois-ci, M. Dugas présente la même
plaidoirie. Ce n'est pas un congédiement, il veut montrer qu'il a
été congédié faussement. La Commission des normes
du travail reconnaît le bien-fondé de l'argumentation de M. Dugas
et considère qu'il a le droit à la prime de séparation qui
est versée en vertu des lois et normes du travail.
Donc, devant deux tribunaux quasi judiciaires, les deux tribunaux en
question auxquels a fait face M. Dugas, on lui donne raison. D'où ses
prétentions prennent de la force et de la vigueur. S'il avait eu la
chance d'aller au tribunal d'arbitrage pour faire valoir son point de vue sur
le fond, il est bien entendu que M. Dugas - c'était son intention -
aurait présenté la même preuve. Il se présente ici,
ce matin, sans avocat, comme citoyen avec un témoin, témoin qui
accepterait d'être assermenté en n'importe quel temps pour donner
la véracité sur le fond du congédiement même de M.
Dugas par Ultramar. Le témoin, donc, est ici. M. Dugas est à la
barre également et il n'hésiterait pas à être
assermenté pour les besoins de la commission et s'il avait quelque chose
à ajouter à ce que je viens de dire. Si le Barreau s'exprime,
j'aimerais revenir pour faire un commentaire à la suite de l'expression
du Barreau. Si M. Dugas voulait ajouter quelque chose, cela me ferait
plaisir.
Le Président (M. Filion): M. Michel Dugas. Bonjour,
bienvenue à cette séance de la commission des institutions
étudiant le projet de loi portant votre nom. Je crois comprendre que
vous n'êtes pas représenté par un procureur. Est-ce que
vous désirez adresser quelques remarques aux membres de cette
commission?
M. Dugas (Michel): J'aurais un bref résumé.
M. Chevrette: Est-ce que le témoin est
protégé? Est-ce qu'il a la protection... Un peu comme on le fait
devant les cours judiciaires, ce qui est dit ici ne sera pas retenu contre
l'individu. Vous savez, ce que l'on fait dans les commissions d'enquête.
On l'a déjà fait ici. M. le député Herbert Marx, de
D'Arcy McGee, et ministre de la Justice, je veux savoir si un type peut
demander la protection pour qu'on ne puisse pas se servir de ce qu'il dit comme
une preuve éventuelle contre lui.
Le Président (M. Filion): M. le ministre de la
Justice.
M. Marx: Je ne pense pas qu'on puisse demander la protection de
la Loi canadienne sur la preuve. Mais, si on peut la demander, on va
l'accorder.
De toute façon, tout ce qu'il dit sera utile pour la commission.
Cela ne fera pas préjudice à ses droits.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le ministre de la
Justice. M. Dugas.
M. Dugas: J'ai un bref résumé - disons - pour
exprimer ce qui est arrivé à la compagnie. Je vais commencer
comme ceci. Le 22 août 1977, j'ai été engagé
à titre de chauffeur de camion-citerne à la compagnie Ultramar.
Pendant ces années, j'ai souffert de la maladie de Hodgkin, le cancer
des ganglions. J'ai dû, après une hospitalisation, leur
déclarer ma maladie. Par la suite, ils ont tout fait pour me
congédier. J'ai fait ce travail de nuit pendant cinq ans moins quatre
mois. J'ai donné le meilleur de moi-même avec
honnêteté, ponctualité, propreté et
détermination.
Il y a un congédiement qui est survenu le 14 décembre
1981. La compagnie a évoqué comme raison: absences
fréquentes. Ensuite, j'ai eu un congédiement survenu le 20 avril
1982. En entrant au travail le 20 avril 1982, c'est-à-dire quatre mois
après mon premier congédiement, je suis demandé au bureau
de M. Bernard D'André, surintendant du plan Henri-Bourassa, lequel
était en présence de son assistant, M. Adrien Poitras. Et
voilà qu'on me congédie sur-le-champ en me remettant la lettre
appropriée.
Je vous explique les raisons invoquées par la compagnie. Celle-ci
a fait analyser les cartes de tachymètre, qui se trouve à
être un "bavard", en termes vulgaires...
M. Chevrette: C'est la boîte, qui enregistre tout dans un
camion.
M. Dugas: ...dans les journées des 5, 9, 10 et 11
février et du 9 mars 1982 du camion portant le no 224 que je conduisais
ces nuits-là. On m'accuse d'avoir conduit le véhicule de
façon irrégulière, de telle sorte que les lectures du
tachymètre ont été faussées. Il est très
important ici que je
mentionne que le camion était défectueux.
C'est-à-dire qu'il se produisait un court-circuit sur le tableau de bord
et sur la citerne qui était mariée à ce camion. Quand ce
court-circuit se produisait, je tournais la clef de contact pour essayer de
corriger le court-circuit- Quand it se produit un court-circuit sur un camion
qui a 12 500 gallons d'essence dans la citerne, c'est très dangereux.
C'était une question de survie. Quand je tournais la clef de contact
pour la mettre sur "accessoires", ce n'est pas comme une automobile, sur un
camion, le moteur ne s'éteint pas. Je tournais la clef sur "accessoires"
et cela coupait le court-circuit qui se produisait à l'intérieur
du camion et de la citerne.
J'ai fait un grief le 20 avril 1982 contestant mon
congédiement.
À cause de conflits syndicaux existant à la compagnie au
moment de mon congédiement, le syndicat des Teamsters, local 931, s'est
très peu soucié de me défendre, de défendre ma
cause. Ils m'ont convoqué pour une rencontre le 6 mai 1982. Je suis
arrivé sur place. Les représentants syndicaux ont refusé
que j'assiste avec eux à la défense de ma cause avec les
directeurs et avocats de la compagnie. On m'a fait attendre une heure et trente
minutes pour m'aviser, par la suite, que ma cause était perdue. Je leur
ai demandé d'aller en arbitrage. Ce qu'ils ont refusé.
Le 10 mai 1982, je reçois une lettre de mon syndicat me
confirmant qu'il n'y avait aucune autre possibilité que de rejeter mon
grief. Comprenez mon découragement et mon impuissance devant l'envergure
d'une telle compagnie et l'inefficacité d'un tel syndicat. Malgré
mon accablement, je n'ai pas accepté ce congédiement et
j'étais résolu à me battre et je le suis encore, croyez-le
bien.
Le 14 juillet 1982, je me présente à l'audience devant
trois membres du conseil arbitral du ministère de l'Emploi et de
l'Immigration du Canada. Après m'avoir entendu, on m'informe que je
recevrai, sous peu, une décision à cet égard. Autour du 18
juillet, je reçois par la poste la décision finale du conseil
arbitral qui est la suivante: "Après discussion avec le prestataire et
après avoir pris connaissance du dossier, nous considérons que le
prestataire ne peut être considéré comme fraudeur, mais
c'est plutôt une désobéissance à un
règlement. Aucun préavis de congédiement ne lui fut
envoyé. À l'unanimité, nous réduisons la
période d'exclusion de six semaines à une semaine."
J'ai donc poursuivi mes démarches auprès de l'aide
juridique de Joliette, vers le mois d'août, afin d'obtenir l'aide
nécessaire pour défendre ma cause, n'ayant pas les moyens
financiers pour m'adresser à un avocat de pratique privée.
L'avocat qui a pris connaissance de mon dossier m'a répondu par
téléphone, quelques semaines plus tard, qu'il ne lui était
pas possible de procéder dans ce dossier.
Le 7 mars 1983, la Commission des normes du travail a fait parvenir
à la compagnie Ultramar une mise en demeure. Le 29 mars, j'ai
communiqué avec eux pour avoir des nouvelles et on m'a dit que cela
prendrait quelques mois, car la compagnie refusait de payer mes deux semaines
de préavis. Le 3 août, je communique avec Me Ambrosio, des normes
du travail, qui m'informe que l'avocat de la défense ne possédait
pas tous les papiers et que cela prendrait quelques mois.
Voilà, mon bref résumé. Ici, j'ai mon
témoin, M. Jean Pelletier, qui est un ex-confrère de travail, un
homme consciencieux, honnête et d'un bon jugement. Tout ce que je vous ai
dit, je l'ai en preuve.
En conclusion, la compagnie Ultramar m'a congédié sans
cause juste et suffisante. Je n'ai pas l'intention d'arrêter mes
procédures. Je conteste le fait que la compagnie ait porté
atteinte à ma réputation en me traitant de fraudeur. Je suis un
honnête citoyen. J'ai toujours agi avec fraternité avec mes
semblables. Ma dignité d'être humain, ma santé, mon
efficacité et ma joie de vivre laissent à désirer depuis
ce congédiement. Mes droits d'homme n'ont pas été
respectés. Chaque individu a droit à la reconnaissance, en tout
lieu, de sa personnalité juridique.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de l'attention que vous porterez
à ma cause et je vous prie de compter sur mon entière
collaboration. Je vous remercie.
M. Marx: M. le Président.
Le Président (M. Filion): Oui, M. le ministre de la
Justice.
M. Marx: Je veux seulement dire à M. Dugas que nous sommes
- moi, personnellement - très sympathiques à sa cause. Nous
sommes très sensibles aux problèmes qu'il a soulevés, aux
problèmes que le député de Joliette, le leader de
l'Opposition, a décrits. Tout cela. Mais l'Assemblée nationale
n'est pas une cour de justice. L'Assemblée nationale a adopté un
certain nombre de lois. Nous avons un système judiciaire et, si
quelqu'un perd sa cause devant les tribunaux, il ne peut pas venir ici et dire:
Les juges ont fait une erreur et je voudrais que l'Assemblée nationale
corrige cette erreur. Ce n'est pas le travail de l'Assemblée nationale.
Ce que vous demandez dans ce projet de loi, c'est de lever la prescription qui
est applicable dans votre cas. C'est là la question de droit. M. le
Président, je pense que peut-être il serait intéressant
d'entendre les opposants sur cette question précise qui, j'imagine,
intéresse la commission.
Le Président (M. Filion): M. le député de
Joliette.
M. Chevrette: M. le Président, avant d'entendre les
opposants, j'aimerais corriger ce que le ministre vient de dire. Le ministre
dit que l'Assemblée nationale n'est pas une cour de justice. Ce n'est
pas ce que le témoin demande. Le témoin n'a pas été
jusqu'à maintenant victime d'un mauvais jugement ou même d'un
jugement. Le témoin dit qu'il n'a même pas eu la chance d'avoir un
jugement, parce que son syndicat ne lui en a pas donné l'occasion et il
n'a même pas pu, à cause d'un manque d'argent, se trouver un
procureur pour pousser plus loin. C'est très différent des causes
qu'on a déjà eues devant l'Assemblée nationale où
l'individu avait eu un jugement ou de la Cour supérieure ou de la Cour
d'appel ou de d'autres cours - comme la Cour provinciale -et qui venait
demander de corriger un jugement. C'est nettement différent comme
approche. (10 h 30)
M. Marx: C'est de donner un droit qui est échu. C'est de
donner à un citoyen un droit qui est échu à cause de nos
lois. J'imagine qu'il y a des centaines ou des milliers de citoyens dans la
même situation au Québec.
M. Chevrette: Je suis d'accord sur la prescription, mais pas sur
le jugement.
M. Marx: Non, non, sur la prescription. Sur le jugement, j'ai
pensé que... Comme M. Dugas l'a dit, il veut faire valoir ses droits.
S'il y a d'autres forums pour faire valoir ses droits, tant mieux. Sur la
question de la prescription, j'imagine qu'il y a des centaines et des milliers
de citoyens dans la même situation. Si l'Assemblée nationale
adopte une politique de modification des règles de la prescription dans
des cas précis, on peut se poser la question à savoir si les
règles de prescription servent à quelque but que ce soit.
Peut-être faut-il entendre les opposants et voir.
Le Président (M. Filion): C'est cela. Je comprends qu'il y
a d'autres intervenants. Cependant, avant, M. le député de
Mille-Îles.
M. Bélisle: Ce que j'aimerais savoir de M. Dugas - et ce
qui frappe mon esprit - ce sont les événements qui se sont
déroulés entre le mois d'août 1982 et 1983. Vous venez de
nous dire, M. Dugas, que vous êtes allé consulter des conseillers
de l'aide juridique pour exposer votre dossier et l'autre date que vous
mentionnez subséquemment c'est au mois de mars 1983. II y a, quand
même, un délai de sept mois qui s'est écoulé. Ce que
j'aimerais savoir c'est ce qui s'est passé durant ces sept mois.
M. Dugas: Je peux peut-être vous le résumer au
complet.
Le Président (M. Filion): M. Dugas?
M. Dugas: Je m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Filion): M. Dugas, je vous en prie,
allez-y.
M. Dugas: J'ai essayé d'être bref, c'est pour cela
que j'ai sauté des étapes. Est-ce que vous voulez que je vous
réponde ce qui c'est passé en clair.
M. Bélisle: Je veux que vous répondiez à ma
question. Qu'est-ce qui s'est passé entre le mois d'août 1982,
date où vous consultez votre avocat pour la première fois, et le
mois de mars 1983, parce que dans mon esprit, M. Dugas, il y a quelque chose
d'important qui aurait dû se passer pendant cette période et qui
ne s'est pas passé. C'est un litige où il y a une tierce personne
qui est impliquée et où vous avez possiblement d'autres recours
à exercer. Certainement, cher ami.
M. Dugas: D'accord. Cela ne sera pas long. Je vais trouver mes
choses.
Par la suite, on m'a référé à un
comité d'aide aux travailleurs de l'est situé au 13 926 rue
Notre-Dame à Pointe-aux-Trembles. M. Jean Cyr, lequel a
étudié mon dossier pendant quelques mois, m'a conseillé
pour une meilleure efficacité de m'adresser à la Commission des
normes du travail. C'est tout de suite après avoir rencontré
l'avocat, Me Poupart, de l'aide juridique de Joliette.
Le 20 décembre 1982, j'ai adressé ma requête
à la Commission des normes du travail. On m'a avisé que
l'inspecteur ferait enquête. Le 11 février 1983, j'ai
rencontré l'inspecteur, M. Normand Dupont, lequel m'a fait signer une
réclamation du dossier pour mes deux semaines de préavis.
Ensuite, on tombe au 7 mars 1983, c'est-à-dire ce que je vous ai
dit tantôt. La Commission des normes du travail a fait parvenir à
la compagnie Ultramar une mise en demeure. Ce qu'il y a entre les
démarches auprès de l'aide juridique de 1982 et le mois
d'août, il y a les références d'août, septembre,
octobre,' novembre, décembre.
Au mois de septembre, environ, je me suis adressé au
Comité d'aide aux travailleurs de l'est de Montréal, situé
au 13 926 rue Notre-Dame, qui aidait les employés qui travaillaient dans
les raffineries qui pouvaient avoir des maladies infectieuses.
M. Bélisle: M. Dugas, est-ce que je dois comprendre
qu'à partir du mois d'août 1982 lorsque vous avez rencontré
votre
procureur...
M. Dugas: Oui.
M. Bélisle: ...vous aviez comme opinion personnelle,
à la suite des conseils de votre procureur, que vous n'aviez pas de
recours devant les tribunaux?
M. Dugas: C'est cela.
M. Bélisle: Je n'ai pas entendu votre réponse.
M. Dugas: C'est bien cela, M. le député.
M. Bélisle: D'accord.
M. Chevrette: Est-ce que le comité des travailleurs de
l'est vous a conseillé d'aller voir d'autres personnes?
M. Dugas: Oui. Ils m'ont conseillé d'écrire
à la Commission des normes du travail.
M. Chevrette: D'aller à la Commission des normes du
travail alors que vous aviez un syndicat?
M. Dugas: C'est cela.
M. Chevrette: Est-ce que votre convention collective disait que
seul le syndicat pouvait faire un grief?
M. Dugas: Je le crois bien, oui.
M. Chevrette: C'est le problème de plusieurs conventions
collectives. C'est écrit dans plusieurs conventions collectives "le
syndicat et/ou l'employé", mais il y a beaucoup de conventions encore au
Québec, malheureusement, qui donnent le pouvoir exclusif aux syndicats
de faire un grief, et on se ramasse dans un cul-de-sac du genre. Il faudrait
peut-être penser à changer la législation même du
Code du travail.
M. Kehoe: M. le Président, est-ce que je pourrais poser
une question, s'il vous plaît?
Le Président (M. Filion): M. le député de
Chapleau, s'il vous plaît, allez-y.
M. Kehoe: C'est une question que je voudrais poser à M.
Dugas. Quand M. Dugas dit que le 10 mai 1982, sans justification, l'association
l'avisait qu'elle refusait de poursuivre sur le grief, pourquoi n'a-t-il pas
poursuivi son grief lui-même? Il n'y a pas de raison.
M. Dugas: Je m'excuse, je n'ai pas compris.
M. Kehoe: Pourquoi vous n'avez pas poursuivi vous-même
votre grief! Dans les attendus au projet de loi, vous dites que le 10 mai
1982...
M. Dugas: Oui.
M. Kehoe: ...sans justification, votre association a
refusé de poursuivre votre cause. Pourquoi ne l'avez-vous pas
continué vous-même? Vous êtes ici, aujourd'hui, seul, sans
avocat et vous avez l'air d'être capable de défendre votre cause.
Pourquoi n'avez-vous pas continué votre grief vous-même?
M. Dugas: Comment voulez-vous que je le poursuive moi-même?
C'était à eux autres. Je cotisais depuis quatre ans et demi au
syndicat.
M. Kehoe: Je comprends. Ils ont refusé pour des raisons
dont vous dites ici qu'elles sont sans justification. On ne le sait pas nous
autres. On ne sait pas les raisons de tout. Même si, vous, vous
prétendez que c'est sans justification, vous auriez pu poursuivre
vous-même votre grief.
M. Dugas: Écoutez-moi bien. Je vais vous expliquer quelque
chose. Je vais vous répéter ce que j'ai lu. Le 10 mai 1982, je
reçois une lettre de mon syndicat me confirmant qu'il n'aurait aucune
autre possibilité que de rejeter mon grief. Comprenez mon
découragement! Moi, je ne sais plus où m'en aller. J'ai
demandé a aller en arbitrage. Ils ont refusé. Pourquoi
refusent-ils? Parce que la compagnie Ultramar a fusionné avec une autre
compagnie. On est deux groupes de chauffeurs qui sont là
présentement et il y a deux syndicats.
M. Chevrette: II y a une période de maraudage, je
suppose.
M. Dugas: Exactement.
Une voix: Ne vous occupez pas de cela!
M. Dugas: II existe un conflit entre les chauffeurs. La compagnie
s'en lave les mains de cela.
M. Kehoe: Mais la question que je pose: Pourquoi vous n'avez pas
poursuivi le grief vous-même?
M. Dugas: Je suis un chauffeur de camion, je ne suis pas un
avocat.
M. Kehoe: Je comprends.
M. Dugas: J'ai pris de l'assurance
depuis quatre ans, des renseignements. Dans ce temps-là, je
n'étais qu'un chauffeur de camion. Je savais que je faisais ma "job". Je
faisais ma "job" comme il faut. Mais je n'étais qu'un chauffeur de
camion, je n'étais pas un avocat. Je ne suis pas...
M. Chevrette: Avez-vous pensé poursuivre votre
syndicat?
M. Dugas: Est-ce que j'ai pensé poursuivre mon syndicat?
Non, parce que mes moyens étaient restreints. Je n'avais pas
d'argent,
M. Kehoe: N'étiez-vous pas admissible à l'aide
juridique?
M. Dugas: Oui, j'étais admissible à l'aide
juridique. On me présente un avocat. Quand on arrive dans un bureau
d'avocat, on est entre quatre murs...
M. Kehoe: Je parle de l'aide juridique.
M. Dugas: Oui, oui, d'accord. L'aide juridique. Je vous ai dit
que j'avais été à l'aide juridique. On n'a pu me
référer. J'ai demandé un mandat pour aller voir des
avocats de pratique privée, qui ont accepté le mandat à ce
moment-là. Quand vous arrivez dans un bureau, qu'il y a quatre murs, que
vous êtes entre deux personnes et que l'avocat vous demande des sommes
d'argent...
M. Kehoe: Mais, si vous êtes admissible à l'aide
juridique...
M. Dugas: Oui?
M. Kehoe: ...l'avocat de pratique privée qui a
accepté le mandat...
M. Dugas: D'accord.
M. Kehoe: ...n'a pas le droit de vous demander de l'argent.
M. Dugas: Exact.
M. Kehoe: Mais, à ce moment-là, vous auriez pu
prendre un avocat de l'aide juridique, pas nécessairement de pratique
privée.
M. Dugas: J'ai été voir un avocat de l'aide
juridique et il n'a pas pu m'aider parce qu'il m'a dit qu'étant
donné que je n'avais pas tout à fait cinq ans de fait je n'avais
aucune chance.
M. Kehoe: Lui, il a jugé que votre cause n'était
pas bonne.
M. Dugas: Pourquoi ne m'a-t-il pas dirigé vers le Tribunal
du travail, tout de suite?
Le Président (M. Filion): M. le ministre de la Justice. Je
rappelerais à tous les membres de la commission que nous avons
déjà plusieurs intervenants concernant ce projet de loi.
Cependant, je ne veux pas que cette remarque soit interprétée
comme limitant votre droit à fouiller un point, mais simplement pour
vous rappeler que nous avons plusieurs intervenants et qu'également nous
avons plusieurs autres projets de loi à étudier. Je vous invite
donc à préciser vos questions pour satisfaire les interrogations
que vous vous posez sur le projet de loi qui est devant vous. J'inviterais
quand même le ministre de la Justice...
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): Oui, d'accord. Est-ce que vous
avez autre chose à ajouter, M. Dugas?
M. Dugas: Si vous voulez et si les membres de la commission le
veulent, j'aimerais bien que mon témoin soit entendu.
Le Président (M, Filion): D'accord. M. Jean Pelletier.
M. Pelletier (Jean): Oui, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Juste avant de vous laisser la
parole, M. Pelletier, et pour donner suite à l'échange de
tantôt entre le député de Joliette, le leader de
l'Opposition, et le ministre de la Justice, je rappellerais, simplement pour
l'information des membres de cette commission, les articles 52 et 53, non pas
de notre règlement, mais de la Loi sur l'Assemblée nationale.
"52. Le président ou tout membre de l'Assemblée, d'une commission
ou d'une sous-commission peut demander à une personne qui
comparaît devant elle de prêter le serment ou de faire la
déclaration solennelle prévus à l'annexe II".
Également, l'article 53 de notre loi dit: "Le témoignage d'une
personne devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission ne
peut être retenu contre elle devant un tribunal, sauf si elle est
poursuivie pour parjure". On retrouve là, sauf erreur, les mêmes
dispositions que l'on retrouve dans la loi sur la preuve. Je pense que cela
peut vous satisfaire quant à l'échange qu'on a eu tantôt
sur ce point.
J'inviterais maintenant M. Jean Pelletier à adresser les
remarques qu'il désire aux membres de cette commission.
M. Pelletier: Très bien. J'étais un confrère
de travail de Michel Dugas. On faisait le même ouvrage. On allait
toujours
dans les mêmes coins. À un moment donné, Michel
Dugas est tombé malade de la maladie que vous savez. Après
environ un an, il a subi un accident de travail, soit au ménisque du
genou. Après ce coup-là, Ultramar a pris des procédures
pour congédier M. Dugas ou lui faire abandonner son emploi. Ils
faisaient du harcèlement à l'endroit de M. Dugas. Michel Dugas a
subi de la part d'Ultramar, à plusieurs reprises, du harcèlement,
des téléphones au milieu de sa nuit de sommeil. On travaillait de
nuit. Selon la convention collective, Ultramar ne devait pas nous appeler avant
16 heures. Ils nous appelaient - lui surtout - vers dix heures du matin. Ils
lui donnaient aussi de l'ouvrage qui demandait beaucoup d'attention. Par
exemple, trois produits d'essence mélangés avec deux produits de
mazout domestique. Ceci est contraire aux politiques de transport, surtout dans
le pétrole. Il pouvait y avoir une interchangeabilité de
produits, cela prenait beaucoup d'attention. Pour n'importe quelle petite
niaiserie mettons des accrochages ou des "spills" - M. Dugas recevait en
moyenne deux ou trois jours de suspension de discipline, tandis que nous, pour
la même chose, on n'avait absolument rien. Après une couple
d'années de ce traitement, Ultramar a congédié Michel pour
des raisons injustes. Cela c'était le 14 décembre 1981. Ultramar
le réembaucha à peu près deux semaines plus tard avec
pleine compensation. Ultramar a essayé à nouveau à
plusieurs reprises d'autres façons de le congédier. Ultramar
avait un camion qui portait le no 224. Ce camion avait un court-circuit, un
gros défaut électrique. Quand il y avait un problème
électrique sur le camion, cela éleetrisait la citerne. Ceci
était extrêmement dangereux parce que cela surchauffait les fils.
Il fallait enlever le contact pour couper le court-circuit. Ceci enlevait les
lumières à l'intérieur et sur le "tacho". Le "tacho" ne
fonctionnait plus. J'ai fait trois ou quatre rapports sur ce camion. Un
à deux mois avant le congédiement de Michel Dugas, Ultramar, qui
était au courant du défaut électrique, s'est servie de ce
camion pour monter un dossier contre lui en vue de le congédier. On lui
donnait ce camion assez régulièrement, ce qui était
à rencontre de la convention collective, parce que Michel Dugas
était attitré à un camion. C'était le numéro
579. À un moment donné, M. Dugas devait sortir avec le 579 et la
compagnie Ultramar lui a redonné le 224 et a attendu que M. Dugas sorte
de la cour et on m'a remis le camion 579. Ceci était à rencontre
de la convention collective. Vu que le "tacho" ne fonctionnait pas quand le
camion était en court-circuit, Ultramar s'est monté un dossier
à l'effet que M. Dugas a volé du temps à la compagnie.
Ceci était faux, parce que, sur cinq voyages pour lesquels Ultramar
avait accusé Michel Dugas d'avoir falsifié le "tacho", nous avons
fait trois voyages ensemble, soit à Sherbrooke, Bridgetown et Gatineau.
Cela s'est passé les 9, 10 et 11 février 1982. Michel a
été congédié le 20 avril 1982. Michel a alors
produit un grief en première et deuxième étapes.
Là, les deux syndicats étaient en maraudage: on était 24
chauffeurs du département de la "gazoline" et les autres étaient
50 chauffeurs saisonniers du département de "bunker" ou de mazout nos 2
et 3. (10 h 45)
M. Chevrette: Vous avez un "bunker" comme ici, à
Québecl
M. Pelletier: Bon! Là, vu que les
Teamsters essayaient d'avoir ces 50 chauffeurs, on aurait dit qu'ils
voulaient avoir certaines faveurs d'Ultramar. En assemblée syndicale,
j'ai demandé à l'exécutif du syndicat - c'étaient
Pierre Deschamps et Alphonse Ayotte - ce qu'il advenait du grief de Michel
Dugas. Ils m'ont dit que l'assemblée n'était pas pour discuter du
grief de Michel Dugas, que c'était pour autre chose. J'ai insisté
à nouveau. Là, ils m'ont dit encore la même chose.
Là, j'étais "accoté" par trois ou quatre chauffeurs qui
ont demandé ce qu'il advenait du grief de Michel Dugas. Ils ont
chuchoté ensemble et ils ont dit que Michel Dugas avait retiré
son grief. Donc, nous avons eu l'impression que Michel Dugas avait
retiré son grief. Mais Michel n'avait pas retiré son grief.
On demandait tout à l'heure pour quelle raison Michel Dugas n'a
pas pu poursuivre son grief après. Il ne pouvait pas, parce qu'une fois
que le grief est émis par le camionneur le grief appartient au syndicat.
Si le syndicat décide de l'abandonner... Normalement, les
procédures, c'est d'amener le grief en assemblée et les membres
votent pour ou contre. Cela n'a pas été fait, parce qu'ils nous
ont dit que Michel avait retiré son grief. On a appris, deux ans
après, que le grief de Michel avait été
étudié et qu'il y avait eu un avis juridique. En assemblée
syndicale, on n'a jamais su ce qui était arrivé, on l'a su deux
ans plus tard.
Concernant le congédiement de Michel, six mois plus tard, la
compagnie s'est servie de ce même camion pour congédier Jean
Cloutier, pour les mêmes raisons que dans le cas de Michel. Elle fut
obligée, après le grief du nouveau syndicat en place, de
réintégrer Jean Cloutier avec pleine compensation. C'était
exactement la même chose, elle avait monté le même dossier,
sur le 224, pour Jean Cloutier que celui qu'elle avait fait pour Michel Dugas.
Je vous remercie. Si vous avez d'autres questions...
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. Pelletier.
J'inviterais maintenant... Évidemment, il y a sûrement
au moins une autre partie intéressée, la compagnie
Ultramar Canada Inc. Je crois comprendre qu'elle est représentée
par Me Marc Gravel. Est-ce que c'est exact?
M. Gravel (Marc): C'est exact.
Le Président (M. Filion): Me Gravel, bienvenue à
cette séance de la commission. Je vous invite, dès maintenant,
à vous adresser aux membres de la commission.
M. Gravel: M. le Président, au nom de la compagnie
Ultramar Canada, en tant que son procureur, nous voulons vous faire part de la
position de notre cliente face au projet de loi 233, pour plusieurs motifs. Les
motifs d'opposition d'Ultramar à ce projet de loi ont été
exposés dans un mémoire écrit, qui a été
transmis à chacun des membres de la présente commission.
Évidemment, on vous invite à en prendre connaissance...
Le Président (M. Filion): Je vous interromps. J'ai bien
reçu le mémoire d'Ultramar. Est-ce que les autres membres de la
commission... Je vois les députés faire un signe de tête
disant oui, à l'exception peut-être...
M. Chevrette: Ultramar Canada Inc., Conclusions.
Le Président (M. Filion): Alors, j'inviterais
peut-être le député de Marguerite-Bourgeoys, qui n'est pas
membre de la commission... Je m'excuse, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je vous inviterais peut-être... Alors, dans mon
cas, je l'ai reçu; dans les autres cas, on l'a peut-être
reçu. Je vous inviterais à emprunter... Oui, peut-être dans
votre dossier, cela fait partie...
Je vous inviterais à vérifier les documents de votre
collègue, M. le député de Chapleau. Je m'excuse, Me
Gravel, vous pouvez poursuivre.
M. Gravel: Je vous en prie. Vous me permettrez, M. le
Président, de faire état succinctement des principaux motifs qui
ont été invoqués par Ultramar pour s'opposer à ce
projet de loi. Le premier motif tient aux faits qui sont
présentés dans le projet de loi pour justifier ce que l'on
recherche, c'est-à-dire l'adoption de ce projet de loi. Il nous
apparaît que les faits qui vous sont présentés sont des
faits inexacts et incomplets et que ces faits sont susceptibles de vous induire
ou d'induire l'Assemblée nationale en erreur. C'est pourquoi nous
estimons que l'Assemblée nationale ou la commission des institutions
doit avoir le souci de vérifier l'exactitude de certains faits de base
à l'appui du projet de loi.
Il est dit d'abord dans le préambule du projet de loi que c'est
sans justification que le syndicat du requérant a décidé
de ne pas donner suite au grief. Dans le mémoire qui vous a
été transmis par Ultramar, vous voyez à l'annexe 3 une
lettre datée du 10 mai 1982...
M. Chevrette: Est-ce que je peux vous interrompre...
Le Président (M. Filion): Oui, M. le député
de Joliette.
M. Chevrette: ...pour vous dire que dans le projet de loi ce que
vous dites est faux? Ce n'est pas la justification de la compagnie que l'on
veut avoir dans le projet de loi, c'est la non-justification du syndicat
vis-à-vis de M. Dugas. C'est nettement différent.
M. Gravel: C'est ce dont je parle, M. Chevrette.
Le Président (M. Filion): M. le député de
Joliette, simplement. Je ne vous blâme pas, Me Gravel. Nous tentons ici
d'appeler les parlementaires par le nom de la circonscription électorale
qu'ils représentent. Alors, M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Ah, mais cela ne me brusque pas.
Le Président (M. Filion): Mais quand même et encore
une fois... Je sais que le député de Joliette est bien connu par
son nom et c'est très bien aussi.
M. Chevrette: Le député de Joliette, cela rime,
monsieur.
M. Gravel: M. le Président, je disais que le 10 mai 1982
on allègue que c'est sans justification que le syndicat a
décidé de rejeter ou de ne pas donner suite au grief de M. Dugas.
Alors vous voyez dans le mémoire qui vous a été transmis,
en annexe 3, copie de la lettre transmise par le syndicat à M. Dugas
pour lui expliquer son cheminement pour en arriver à la conclusion que
ce grief ne devrait pas être porté à l'arbitrage ou qu'on
ne donnera pas suite à son grief. Alors, dans cette lettre on fait
état de consultations avec l'employeur, on fait également
état du fait que M. Dugas n'a pas été en mesure
lui-même de nier les faits qu'on lui reprochait à la base de son
congédiement et on lui demandait de fournir des preuves concrètes
que les allégations de la compagnie n'étaient pas fondées.
Alors, lorsqu'on dit dans le projet de loi que c'est sans justification que le
syndicat a décidé de ne pas donner suite au grief, on recherche
en quelque sorte du législateur une caution du fait que le syndicat
aurait décidé sans
justification aucune de ne pas donner suite au grief.
Il est également dit dans le préambule, et on le
présente comme étant un fait, que le refus d'un avocat de l'aide
juridique d'assumer le mandat que lui présentait M. Dugas avait eu comme
conséquence de lui faire perdre ses recours. C'est entièrement
faux. C'est le 10 mai 1982 que M. Dugas a appris de son syndicat que ce dernier
ne porterait pas le grief à l'arbitrage. À compter du 10 mai
1982, si M. Dugas prétendait que son syndicat, à l'occasion de la
décision qu'il venait de prendre, violait son devoir de juste
représentation de M. Dugas en tant que syndiqué, M. Dugas avait
un délai de six mois pour s'en plaindre au ministre de la Justice qui
pouvait faire enquête là-dessus. Alors c'est mathématique:
10 mai 1982, plus six mois, cela nous reporte au 10 novembre 1982. Je fais ici
référence aux dispositions du Code du travail, aux articles 47.2
et suivants qui prévoient les droits et recours d'un employé qui
estime avoir été congédié et qui, à cette
occasion, juge que son syndicat l'a mal représenté ou a agi avec
discrimination ou mauvaise foi.
Alors donc M. Dugas avait un délai jusqu'au mois de novembre 1982
pour se virer de bord, si vous me permettez l'expression. Ce qu'il a fait en
août 1982; il a consulté un avocat qui lui aurait dit ne pas
vouloir assumer son mandat, mais, entre le mois d'août 1982 et le mois de
novembre 1982, il y avait encore un délai de trois mois pendant lequel
M. Dugas pouvait agir utilement. Ce ne sont pas des faits qui sont
présentés aux membres de la commission lorsqu'on leur
présente ce projet de loi.
Il y a un autre fait troublant dans le dossier de M. Dugas, et je vais
parler d'un deuxième délai. Le premier délai, c'est un
délai de deux mois pendant lequel M. Dugas pouvait toujours soumettre
une plainte au ministre du Travail et, comme nul n'est censé ignorer la
loi, cela s'applique également à M. Dugas. Il y a un autre fait
troublant, c'est qu'entre 1982 et 1986 qu'est-ce qui se passe? On comprend
qu'il a un recours devant la Commission des normes du travail pour deux
semaines de préavis. Ce n'est pas un recours qui vise à la
réintégration de monsieur dans son emploi. Ce n'est pas un
recours qui vise à faire entendre son grief. De 1982 à 1986, il
n'y a absolument aucune justification ou rien n'est dit aux membres de la
commission pour justifier ces délais. Pourquoi, quatre ans plus tard, on
vous arrive et on vous présente un projet de loi en disant: En 1982,
j'ai perdu mes recours et maintenant, en 1986, je vous demande la permission de
les exercer? Qu'arrive-t-il entre deux? Nous ne le savons pas. Au niveau des
faits, à l'appui du dossier, ce qui nous apparaît, c'est que le
requérant veut faire sanctionner par le législateur, sans preuve
a l'appui, sa conduite, sa propre négligence, sa propre incurie, en
quelque sorte.
Le projet de loi, M. le Président, met en cause d'autres
principes. Je pense ici à un principe séculier qui est celui de
la "Rule of law", qui est le principe de l'égalité de tous devant
la loi ou, en d'autres termes, la loi est la même pour tous. En 1982, M.
Dugas était régi, comme tout autre citoyen du Québec, par
le Code du travail. Il avait des recours qui lui étaient offerts en
vertu du Code du travail et il ne les a pas exercés. Maintenant, par une
loi particulière, par une loi d'exception, M. Dugas demande à
l'Assemblée nationale qu'on lui donne le droit, ce que n'ont pas les
autres citoyens, de remettre en cause ce principe pour que la loi s'applique de
façon différente, en quelque sorte, dans son cas. Un tel
écart ne nous paraîtrait justifié que dans des cas
exceptionnels où le requérant serait en mesure de
démontrer son incapacité totale d'agir en fait ou en droit. On
pense que le requérant n'a pas assumé ce fardeau de preuve qui
lui incombait.
Par ailleurs, nous avons vu que le requérant n'a ni poursuivi son
syndicat, s'il estimait que le syndicat avait commis une faute à son
égard, ni poursuivi non plus... Si on laisse sous-entendre d'une
certaine façon qu'il a été mal conseillé par les
avocats qu'il a consultés, il aurait tout aussi bien pu intenter une
poursuite en dommages-intérêts pour faute professionnelle contre
ces procureurs. M. Dugas avait donc, en 1982, une multitude de recours qu'il
pouvait exercer et il n'en a exercé aucun.
Le projet de loi, M. le Président, et c'est le troisième
motif de l'opposition d'Ultramar, est un projet à caractère
rétroactif. On estime que le législateur doit agir avec
circonspection dans un dossier où on veut changer les règles du
jeu qui ont été établies. On pense que c'est même
une question de crédibilité du législateur. Car le
législateur, au nom de l'ordre public, doit s'assurer que les lois
s'appliquent pour tous et pour tous de la même façon. On doit
éviter également, par une loi rétroactive, de remettre en
cause des droits acquis parce qu'une situation qui s'est consommée sous
l'égide des lois applicables à l'époque
génère des droits acquis pour les parties qui peuvent tenir pour
acquis que ce qu'elles ont fait à l'époque était correct
puisque c'était sous l'égide de la loi de l'époque. Si on
remet ce principe en question, on crée de l'insécurité et
c'est, je pense, contraire à l'ordre public. C'est d'ailleurs pour cela
que le Barreau du Québec, qui, sauf erreur, n'est pas
représenté ici aujourd'hui...
M. Chevrette: II est derrière vous.
Le Président (M. Filion): II est derrière
vous.
M. Gravel: II est représenté, j'en suis heureux.
C'est pour ce motif également que le Barreau s'oppose au projet de
loi.
Le quatrième motif d'opposition d'Ultramar à ce projet de
loi est d'ordre plus technique. C'est qu'on ne sait pas, avec le projet de loi
qui vous est proposé, quel est le recours exact qu'entend exercer le
requérant, qu'entend se voir autorisé à exercer le
requérant. (11 heures)
M. le député de Joliette nous dit que le requérant
veut porter son grief à l'arbitrage et on a pu comprendre du
témoignage de M. Dugas que c'était aussi son intention.
De la façon dont l'article 1 du projet de loi est libellé,
on peut se demander quel recours il entend exercer à la suite de
l'adoption éventuelle de ce projet de loi. Je m'explique: Est-ce qu'il
veut que son grief soit soumis directement à l'arbitrage - c'est ce
qu'on croit - ou...
M. Marx: Est-ce que la compagnie Ultramar est prête
à donner son accord pour l'adoption d'un projet de loi pour permettre
à M. Dugas d'exercer ses droits?
M. Gravel: Certainement pas.
M. Marx: C'est inutile de parler de tout cela si vous
n'êtes pas d'accord, si le libellé est mauvais. Mais si vous
êtes d'accord pour permettre à M. Dugas d'exercer ses droits, on
est prêt à modifier le projet de loi.
Le Président (M. Filion): En deux mots, Me Gravel...
M. Marx: Si c'est nécessaire, on peut suspendre pour vous
donner le temps d'en discuter.
M. Gravel: Je vous en prie, je m'abstiendrai de vous en
parler.
Le Président (M. Filion): Je voudrais juste poursuivre un
peu votre idée. Sur le quatrième motif, je pense que cela va.
Est-ce que vous avez d'autres motifs à faire valoir?
M. Gravel: Non, M. le Président, c'étaient
principalement les trois motifs.
Le Président (M. Filion): II y a d'autres intervenants qui
ont demandé à être entendus. Je ne sais pas si vous avez
bien compris la question du ministre de la Justice. Je vais la
répéter clairement: Est-ce que, malgré les motifs d'ordre
juridique que vous mettez de l'avant et que nous avons bien entendus, que nous
avons lus d'ailleurs dans les documents qui nous ont été remis
à ce sujet...
Permettez-moi une parenthèse. Vous savez, lorsque la commission
des institutions reçoit des documents, ils sont livrés à
tous les membres de la commission. Uniquement pour l'information du
député de Marquertte-Bourgeoys, je lui dirais que le
mémoire d'Ultramar faisait partie du dossier qui lui a été
remis le 26 mai 1986 à 10 heures et qui a été reçu
à son bureau par D. Tremblay. Simplement pour l'information des membres
de la commission - parfois vous notez que les messagers font signer vos
secrétaires pour la réception des documents - on m'informe
qu'effectivement le dossier a été remis à votre bureau.
À partir de ce moment-là, la commission des institutions, quant
à elle, aura fait le nécessaire. Peut-être que le document
s'est égaré?
Cette parenthèse étant close, la question du ministre de
la Justice et que je pose également en ce qui me concerne est la
suivante: En dehors des motifs que vous faites valoir et qui sont
essentiellement d'ordre juridique, est-ce que la compagnie Ultramar est
prête à consentir, si on veut, aux dispositions du projet de loi
privé qui est devant nous? Vous n'êtes pas obligé d'y
répondre maintenant. Vous pouvez peut-être, si vous le voulez,
consulter vos mandants et nous allons, si vous le permettez, profiter de ce
temps pour entendre Me Jolin qui est le vice-président du Barreau et qui
a demandé à être entendu par les membres de cette
commission.
M. Gravel: M. le Président, si vous me le permettez, je
vais vous répondre clairement tout de suite. C'est non. Ultramar n'est
pas prête à acquiescer aux dispositions du projet de loi qui vous
est proposé. Ultramar s'oppose à l'adoption de ce projet de loi
pour les trois principaux motifs que nous venons d'énoncer.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, Me Gravel. Me
Michel Jolin, vice-président du Barreau, a également
manifesté le désir d'être entendu. Tout en l'invitant
à venir prendre place à l'avant, je profite de l'occasion pour
lui adresser, verbalement cette fois-ci, mes félicitations à la
suite de son élection récente au poste de vice-président
du Barreau. Est-ce qu'on dit vice-bâtonnier ou vice-président?
M. Jolin (Michel): La querelle est ouverte.
Le Président (M. Filion): La querelle est ouverte,
excellent. Je suis sûr que les membres de cette commission des
institutions, qui, comme vous le savez, regroupe les activités du
ministère de la
Justice et du Solliciteur général, se joignent à
moi pour vous féliciter de cette nomination et pour vous souhaiter la
meilleure chance possible dans l'exercice de ce mandat.
Me Jolin, le Barreau a exprimé son intention d'être
entendu. Je comprends que vous êtes accompagné de Me Christian
Gauvin - c'est bien cela? - du service de recherche et de législation du
Barreau. Bonjour Me Gauvin. Je vous invite donc à vous adresser aux
membres de cette commission.
M. Jolin: Merci, M. le Président. Je vous remercie de vos
bons voeux.
J'aurais une remarque préliminaire à faire en ce sens que
les commentaires que je vais faire s'appliquent tout autant à ce projet
de loi-ci qu'au projet de loi 251 concernant M. Lomer Pilote. Je ne sais pas si
les procédures de la commission prévoient qu'un commentaire
puisse être versé à l'égard d'un autre projet de
loi, mais, avec votre permission, j'aimerais que le commentaire que je vais
faire maintenant soit versé lorsque vous entendrez le projet de loi
251.
Le Président (M. Filion): Est-ce qu'il y a
consentement?
M. Jolin: Je vous remercie. Ma deuxième remarque
préliminaire est la suivante: Ni dans le cas de ce projet de loi ci, ni
dans le cas du projet de loi 251, le Barreau du Québec ne prend parti
pour qui que ce soit. Il envisage ces projets de loi comme étant des
questions de principe et il n'entend pas discuter de la valeur ou de la vertu
des arguments des parties en cause.
J'aimerais rappeler aux membres de cette commission que le Barreau du
Québec a fait parvenir un mémoire au ministre de la Justice le 9
mai 1985 concernant les techniques de législation. Ce mémoire
s'intitulait "Rapport du comité sur les techniques de
législation."
Dans un premier temps, dans mes remarques, j'aimerais vous faire part de
deux éléments que l'on retrouve dans ce rapport et qui
apparaissent aux pages 20 et 21. Je les lis. C'est très bref.
Le Président (M, Filion): Me Jolin, est-ce que je pourrais
vous interrompre? Je comprends - comme vous venez de l'exposer - que ce
mémoire a été remis au ministre de la Justice. Est-ce que
vous seriez disposé à en déposer une copie à cette
commission pour qu'elle soit également distribuée aux membres de
cette commission?
M. Jolin: Certainement, Dès après, je suis
disposé même à faire en sorte qu'elle soit
distribuée à tous les membres de la commission dans les plus
brefs délais.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie.
M. Jolin: Aux pages 20 et 21 de ce rapport, on peut lire ce qui
suit: "Le comité du Barreau doit manifester sa réprobation devant
l'augmentation extraordinaire, ces dernières années,
spécialement au Québec, du nombre de lois rétroactives ou
qui autorisent diverses personnes à édicter des règles de
portée rétroactive. À titre d'exemple, les lois
québécoises de 1982 comportent près de 350 dispositions
portant rétroactivité. Le Barreau s'est élevé
plusieurs fois dans le passé contre la rétroactivité des
textes législatifs."
M. Marx: Ces lois rétroactives sont surtout pour
l'impôt.
M. Jolin: Vous avez raison, M. le ministre. La raison pour
laquelle j'ai extrait cette partie du texte, c'est pour raccourcir ma
présentation. Cependant, à titre d'information, on retrouve dans
le rapport que, même s'il y en a une majorité qui concerne les
lois de l'impôt, il y en a quand même 140 qui ne concernent pas la
Loi sur l'impôt. "Le principe de la légalité reconnu par la
constitution canadienne implique que le justiciable soit informé
à l'avance des règles qui doivent guider son comportement.
Même si la rétroactivité peut se justifier dans certains
cas pour éviter des maux encore pires, le comité estime qu'on en
fait souvent un emploi inconsidéré. Il recommande donc que les
législateurs ne recourent à la rétroactivité que
dans les seuls cas où elle s'avère absolument indispensable."
C'est dans le contexte de ce mémoire que le bâtonnier du
Québec de l'époque, Me Clément Trudel, s'est
adressé à l'honorable Herbert Marx, ministre de la Justice, et
à M. le député Guy Chevrette, qui ont reçu, chacun,
une lettre précise sur la position du Barreau. Dans cette lettre, on
notait... Je ne sais pas si elle a été distribuée aux
membres de cette commission. Les deux lettres ont été
distribuées. Alors, je n'ai pas besoin de la relire, sinon pour vous
dire qu'il nous apparaît important que les lois d'ordre rétroactif
soient dénoncées dans la mesure où au niveau de la
règle de droit - et je suis obligé d'admettre qu'elles le font au
niveau de la règle de droit et de la sécurité des
justiciables - elles portent atteinte à des droits qui étaient
clairement établis en faveur des parties.
Dans ce contexte, le Barreau vous fait la représentation
qu'à son avis les deux projets de loi dont j'ai parlé
précédemment ne devraient pas être sanctionnés par
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Filion): M. le député de
Juliette,
M. Chevrette: Est-ce que le Barreau peut nous dire s'il existe
des précédents législatifs dans le domaine des projets de
loi privés en faveur de citoyens qui se présentent devant
l'Assemblée nationale?
M. Jolin: Je ne peux pas vous dire s'il en existe.
M. Chevrette: Ce n'est pas un piège, Me Jolin.
M. Jolin: Je ne peux pas vous dire s'il en existe.
M. Chevrette: J'ai fait fouiller un de mes procureurs qui
travaille pour moi comme attaché politique. Il m'a sorti un projet de
loi très récent et qui ne remonte même pas à une
décennie. C'est une cause ou une Loi concernant Claude Desfossés.
C'est le chapitre 111, sanctionné le 22 juin 1979. C'est donc assez
récent. C'est à peine six ans. C'est un pompier qui demandait
d'être relevé des prescriptions légales. C'est exactement
de la même nature. On a une cause exactement sur le même motif, le
même fondement qui est de lever le délai de prescription
précisément pour permettre à l'individu d'aller au
tribunal compétent pour être entendu sur le fond.
À mon point de vue, l'Assemblée nationale ne peut pas
avoir deux poids, deux mesures devant des citoyens qui poursuivent la
démarche jusqu'à la possibilité d'un projet de loi
privé. Ce n'est pas un précédent aujourd'hui que
créerait l'Assemblée nationale du Québec en adoptant le
projet de loi en faveur de M. Dugas puisqu'on n'aurait qu'à transcrire
le mot à mot de la loi de Desfossés de 1979. Si on veut enlever
les "giddy" de la loi si on n'est pas d'accord avec le libellé ou le
"rewriting" de la loi de M. Dugas, on n'a qu'à prendre la loi
sanctionnée le 22 juin 1979 et à écrire Michel Dugas. On
ne créera pas de précédent. Au contraire, on est assis sur
quelque chose de très solide qui démontre que l'Assemblée
nationale, même à l'intérieur de la dernière
décennie, a adopté une loi exactement similaire. Je serais
peiné comme législateur qu'on ne soit pas capable de donner sa
chance à un citoyen qui a le courage de venir par lui-même - ce
n'est pas un professionnel du droit, mais il fait des recherches au point de se
rendre devant la Législature québécoise - demander non pas
d'outrepasser un jugement, mais, au moins, d'être entendu sur le fond. M.
le Président, personnellement comme législateur et comme citoyen
élu pour représenter des citoyens, je trouve qu'on n'a pas le
droit de s'opposer à cela.
Au-delà des mises en garde correctes du Barreau... C'est votre
rôle. Ce n'est pas pour descendre le Barreau que je dis cela. J'ai lu la
lettre avec attention. Je sais que c'est sur la notion de
précédent. Je me suis enquis à ce moment: Est-ce qu'il y a
des précédents? J'ai mis la main sur la loi Desfossés, qui
a été adoptée par plusieurs des législateurs qui
sont ici. Je crois que, si le député de D'Arcy McGee
n'était pas là, il était sur le point d'arriver et
sûrement que le député de Chapleau était là,
le député de Mercier était là et j'étais
là. On a voté comme législateurs pour une loi exactement
similaire, qui ne crée aucun précédent.
Quant à Ultramar, c'est bien compréhensible qu'elle soit
contre. Écoutez, c'est une compagnie qui a réussi à
profiter d'un vide ou d'un quasi-vide juridique entre deux syndicats qui se
partageaient le pouvoir. Il y a une victime d'un système de maraudage
qui se règle en catimini. Elle n'a même pas pu rétorquer
à la lettre du syndicat.
Je pense que, si on a été capable de donner à un
pompier un pouvoir non pas de gagner sur le fond mais d'être entendu sur
le fond - c'est cela qu'on nous demande comme privilège -
personnellement comme législateur, au moment où vous
enregistrerez les votes, vous tiendrez pour acquis que j'enregistrerai ma
dissidence face à un vote négatif, c'est certain. On ne
crée pas de précédent ici. On ne fait qu'accorder un droit
à un individu d'être entendu. Je vais distribuer pour le profit de
la commission la loi du chapitre 111, sanctionnée le 22 juin 1979, qui
démontre que mes allégations sont fondées sur un
précédent juridique passé en cette enceinte.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le
député de Joliette. M. le ministre de la Justice.
M. Marx: J'ai juste deux remarques, M. le Président.
Premièrement, en ce qui concerne l'intervention du Barreau, nous sommes
généralement d'accord avec cette prise de position. J'aimerais
dire qu'en Angleterre on a toujours dit: Le Parlement, c'est "the High Court of
Parliament". Ici, c'est la même chose, puisque nous avons
hérité des mêmes traditions, l'Assemblée nationale
est le "High Court of Parliament" dans le sens que l'Assemblée nationale
pourrait intervenir en dernière instance dans certaines causes. (11 h
15)
Mais nous sommes d'accord avec vous sur cette question de lever des
prescriptions à droite et à gauche. On ne pourra pas faire cela
si on veut garder l'institution de la prescription. L'Assemblée
nationale s'est toujours refusée à lever ces prescriptions, sauf
dans des cas exceptionnels.
Le député de Joliette a soulevé la Loi concernant
Claude Desfossés. Il a invoqué cette loi comme un
précédent. Cette Loi concernant Claude Desfossés faisait
bénéficier M. Desfossés d'une modification
subséquente à la loi qui rendait exécutoires les
ordonnances de réintégration. C'est-à-dire qu'on a
donné un mécanisme pour faire exécuter ces ordonnances de
réintégration. Par contre, le recours que M. Dugas demande
à exercer est, sauf une modification mineure, identique à celui
qu'il a laissé s'éteindre. C'est cela la différence, parce
que M. Dugas n'était pas dans l'impossibilité de faire valoir ses
droits.
Si quelqu'un glisse sur le trottoir à Montréal et qu'il
n'envoie pas de lettre à la ville de Montréal dans les quinze
jours qui sont prévus dans la Charte de la ville de Montréal,
est-ce qu'il peut venir à l'Assemblée nationale et dire: Je n'ai
pas exercé mes droits et j'étais dans l'impossibilité de
les exercer, mais j'ai consulté un avocat qui m'a dit que j'avais encore
le temps? L'avocat a fait une erreur et ce n'est pas à
l'Assemblée nationale de corriger cela. S'il donne un avis, mais s'il ne
prend pas action dans les six mois, parce que l'avocat lui dit: Vous avez sept
mois, je vais le faire, et que l'avocat oublie de prendre action - cela arrive
qu'un avocat laisse courir la prescription - le citoyen perd son recours devant
les tribunaux. Est-ce que le citoyen peut venir devant l'Assemblée
nationale en disant: Mon avocat a fait une erreur; j'ai été mal
conseillé par mon avocat, je veux que l'Assemblée nationale
corrige la situation? Cela pourrait être un système de droit, mais
ce n'est pas notre système de droit. On n'est pas ici aujourd'hui pour
changer notre système de droit.
Nous sommes très sympathiques à la cause
présentée par le député de Joliette et par M.
Dugas. M. Pelletier a expliqué les faits, mais on ne peut pas lever les
prescriptions à droite et à gauche. C'est pourquoi nous avons
demandé à l'avocat d'Ultramar si la compagnie, après
l'adoption d'un tel projet de loi avec des modifications... C'est parfait,
parce que les deux parties sont d'accord. Donc, l'Assemblée nationale
intervient juste pour faciliter le recours.
M. Chevrette: Mais sur le fond, M. le ministre?
M. Marx: Sur le fond, on ne peut pas accepter.
M. Chevrette: Je vous pose une question. Ce que nous avons
accordé comme Assemblée nationale à M.
Desfossés.
M. Marx: Ce n'est pas la même chose.
M. Chevrette: Non, je ne dis pas que c'est la même chose,
mais ce que demande M. Dugas, c'est moins que M. Desfossés. C'est moins,
parce que M. Desfossés demandait, lui, que sa prescription légale
ne soit pas prescrite pour les remboursements qu'un tiers doit faire, alors
que, après jugement, M. Dugas n'est même pas sûr de gagner
sur le fond. On ne peut pas présumer qu'il va gagner; on dit qu'il va
être entendu sur le fond. Je vous avoue que je nous trouve maigres dans
nos propos.
M. Marx: Pour nous, il y a une distinction importante entre ces
deux projets de loi. Je peux vous dire, M. le Président, que nous avons
demandé aux avocats au ministère de la Justice de fouiller ces
questions et ils ont préparé des opinions qui démontrent
qu'il existe une distinction assez claire entre les deux projets de loi et je
vous ai déjà résumé cette différence.
Malheureusement, M. le Président, on ne peut pas lever les
prescriptions. Si on le fait aujourd'hui, on sera appelé à le
faire demain, après-demain et il n'y aura pas d'institution qu'on
appelle la prescription.
Si Ultramar, comme compagnie, est prête à accéder au
recours, c'est une autre paire de manches et nous serons prêts à
faciliter ce recours. Mais, si Ultramar est contre le fait d'accorder un tel
recours, c'est très difficile pour l'Assemblée nationale
d'intervenir. Cela ne s'est jamais fait et on ne peut pas commencer
aujourd'hui. Beaucoup de personnes au Québec perdent leurs droits
à cause d'une prescription échue, non seulement au Québec,
mais partout en Amérique du Nord et partout dans le monde. La
prescription, c'est la prescription. Si vous avez deux ans pour aller devant
les tribunaux et si vous y allez dans deux ans et un jour, votre action est
prescrite. Notre droit a toujours été comme cela. C'est difficile
de changer cet état du droit a ce moment-ci. Voilà.
On peut rejeter le projet de loi sur division.
Le Président (M. Filion): Je remercie Me Jolin. Me Gauvin,
je vous remercie de vous être déplacé. J'appelle donc
l'article 1 du projet de loi 233.
Une voix: Adopté.
M. Marx: Rejeté sur division, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Même chose pour l'article
2?
Une voix: Adopté. M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): Et le préambule.
J'appelle également le titre du projet de loi.
Une voix: Adopté. Une voix: Rejeté. M.
Marx: Rejeté sur division.
Le Président (M. Filion): Je comprends donc que l'ensemble
du projet de lot est rejeté sur division.
M. Marx: Rejeté sur division.
Le Président (M. Filion): J'appelle donc maintenant le
projet de loi 224,
Une voix: II faut suspendre une minute.
Le Président (M. Filion): Je vais suspendre pour permettre
le changement des intervenants et demander aux personnes concernées par
le projet de loi 224 de s'approcher.
Nous allons suspendre nos travaux pour quelques minutes seulement.
À l'ordre! On m'informe qu'en ce qui concerne le projet de loi
224 certains travaux visant à nous soumettre des amendements sont en
voie d'être finalisés. En conséquence nous allons suivre
plutôt l'ordre que l'on s'est donné au départ. Donc, nous
appelons le projet de loi 229, Loi concernant un immeuble du cadastre de la
paroisse de Saint-Barnabé (division d'enregistrement de Shawinigan) et
nous suspendons pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 24)
(Reprise à 11 h 33)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaîti
J'appelle maintenant le projet de loi 229, Loi concernant un immeuble du
cadastre de la paroisse de Saint-Barnabé (division d'enregistrement de
Shawinigan) présenté par M. le député de Nicolet,
à qui je cède la parole pour quelques mots de
présentation.
Projet de loi 229
M. Richard: La congrégation des soeurs de l'Assomption de
la Sainte Vierge forme une corporation dont les fins sont la religion, la
charité, l'enseignement, l'éducation et le bien-être. Le
siège social de cette corporation est situé dans la
circonscription électorale de Nicolet. La corporation est ici
représentée par les révérendes soeurs Gertrude
Dumouchel et Jeanne-d'Arc Lemay, respectivement supérieure de la
province de
Trois-Rivières et économe générale de la
congrégation. Elles sont assistées de leur conseiller juridique,
Me Jean-Eudes Roy, notaire de Nicolet.
La teneur du projet. Les soeurs de l'Assomption de la Sainte Vierge
s'adressent à l'Assemblée nationale du Québec afin de
faire abolir les charges et conditions affectant un immeuble situé
à Saint-Barnabé-Nord. Ces charges et conditions, de même
que les chiffres qui justifient l'adoption du projet de loi sont
résumés dans le préambule du projet de loi 229.
En résumé, c'est ceci. En 1890 - on se reporte à
au-delà de cent ans - les soeurs de l'Assomption ont construit un
couvent en face de l'église et du presbytère, dans le village,
sur un terrain qui leur avait été cédé à
l'époque. Puisque la fabrique avait accordé une certaine
participation financière à la construction du couvent, il
était spécifié dans le contrat notarié que le jour
où les soeurs de l'Assomption voudraient vendre ou utiliser ce couvent
à d'autres fins que des fins d'éducation, elles auraient à
verser un maximum de 3000 $ à la fabrique, ce qu'elles ont fait
dernièrement. Les soeurs utilisent toujours le couvent pour des fins
d'éducation, pour l'enseignement de la musique, entre autres, et vous
comprendrez qu'elles peuvent éventuellement être appelées
à utiliser cette propriété à d'autres fins, pour un
HLM ou autrement.
À ce moment-là, la loi doit absolument être
modifiée, et c'est le but de la présentation de ce projet de loi
privé.
Le Président (M. Filion): M. le ministre de la
Justice.
M. Marx: M. le Président, nous comprenons le
problème, il s'agit d'annuler une clause d'utilisation. Nous avons
déjà, dans le passé, adopté des projets de loi
semblables. J'aimerais souligner à la commission que dans la cause
Saint-Télesphore contre la Société d'habitation du
Québec, cause de la Cour supérieure en 1982 ou 1983, la cour a
statué que dans des situations semblables, les personnes doivent se
présenter devant l'Assemblée nationale pour demander une telle
modification, parce que les cours ne peuvent pas intervenir dans de tels
cas.
Deuxièmement, j'aimerais souligner que dans le projet de loi 20,
lequel sera adopté au cours de la présente session,
espérons-le, on prévoit dans un article que ce sera par l'effet
de la loi que l'on va régler de tels problèmes. À
l'avenir, il ne sera plus nécessaire que les parties se
présentent devant l'Assemblée nationale. Le ministère de
la Justice est tout à fait en accord avec ce projet de loi. S'il n'y a
pas d'opposition, on pourrait l'adopter, sauf si les membres de la commission
veulent d'autres explications
de l'avocat.
Le Président (M. Filion): J'ai quelques autres questions
à poser; peut-être que d'autres membres de la commission ont
également des questions à poser. Dans ce sens-là, on va
poursuivre, si vous le permettez, M. le ministre de la Justice. Est-ce que vous
aviez terminé, M. le député Nicolet?
M. Richard: Oui, cela va.
Le Président (M. Filion): Oui. Alors, Me Jean-Eudes Roy,
notaire, est présent. Bonjour, Me Roy. Est-ce que vous voulez ajouter
quelques mots? Vu l'expression d'opinion donnée par le ministre de la
Justice, peut-être que vous seriez prêt plutôt à
répondre à nos questions?
M. Roy (Jean-Eudes): Oui, je suis entièrement d'accord. Je
vais simplement répondre à vos questions.
Le Président (M. Filion): Je serais
intéressé de savoir quelles sont les démarches qui ont
été faites, s'il y en a, pour retrouver les héritiers.
Mme Dumouchel (Gertrude): Pour retrouver des héritiers, il
y a eu des démarches qui ont été faites il y a
déjà une dizaine d'années. La personne avait fait beaucoup
de contacts pour essayer de savoir si quelqu'un existait, des descendants de la
famille de Mlle Thiboutott, laquelle avait donné le terrain. Elle n'a
abouti à rien. Mais, la deuxième démarche qui a
été faite est un peu plus récente. C'est un
nonagénaire de la paroisse de Saint-Barnabé qui a connu celle qui
avait donné le terrain. Il a été contacté. Il a dit
que, de toute sa mémoire d'homme, il n'était pas capable de se
souvenir que cette célibataire avait des descendants. Il ne semble pas y
avoir d'héritiers passibles.
Le Président (M. Filion): Oui?
M. Marx: M. le Président, j'aimerais juste souligner
qu'à l'article 4 du projet de loi, il y a une clause afin de donner des
droits personnels à ses héritiers, le cas échéant,
pour dix ans. C'est une clause que l'on met souvent dans ces projets de loi.
Donc, s'il y a des héritiers, si quelqu'un se manifeste, cette personne
va bénéficier de droits personnels pour dix ans.
Le Président (M. Filion): M. le ministre de la Justice,
effectivement, j'avais remarqué l'article 4. Je sais qu'on transforme,
en quelque sorte, si on peut me permettre l'expression, des droits réels
en droits personnels, comme cela se fait égale- ment, m'a-t-on
signalé, dans plusieurs projets de loi privés. J'avais
noté cela. Quand même, étant donné que le droit
réel est clair et précis et que le droit personnel est une
variable inconnue, c'est pour cela que je posais la question.
À quand remonte cette dernière démarche
auprès de ce monsieur qui, de mémoire d'homme, n'a pas connu
d'héritiers à cette célibataire qui était Mme
Thiboutott?
Mme Dumouchel: Ceci remonte au 31 mai 1979.
Le Président (M. Filion): Qui était ce monsieur,
finalement?
Mme Dumouchel: M. Joseph Desaul-niers, qui est
décédé depuis. Il est décédé le 23
janvier 1984 à l'âge de 94 ans.
Le Président (M. Filion): D'accord. Une question. Oui, Me
Gravel? Me Roy.
M. Roy: M. le Président, tout à l'heure, vous avez
demandé l'âge. La donatrice, Prudence Émilie Thiboutott,
est décédée à l'âge de 72 ans. On note dans
le certificat de décès qu'étaient présents à
l'inhumation M. l'abbé Paul Lamy et M. l'abbé Jean-Paul Garceau
qui ont signé avec nous. Aucun parent n'a signé le registre.
C'est une autre indication qu'elle n'avait pas de parenté connue au
moment de son décès. Comprenez-vous?
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Roy: Ce décès a eu lieu le 13 janvier 1896. Il
est important ensuite de souligner que les révérendes soeurs ont
donné l'instruction complète, avec statistiques à l'appui,
pendant plus de 90 ans, jusqu'en 1971. Il y avait un pensionnat et ce sont les
transformations dans notre monde scolaire qui ont fait que ce couvent sert
depuis pour des cours de musique et des choses comme cela.
Mais c'est un édifice de trois étages, c'est beaucoup trop
considérable. C'est difficile à chauffer et à
entretenir.
Le Président (M. Filion): Quelle est la destination
actuelle et future, à quoi servent...
Mme Dumouchel: Actuellement, sept religieuses habitent le
couvent, dont une est professeure de musique. Elle reçoit une trentaine
d'élèves, ce qui veut dire que plusieurs pièces de la
maison sont inoccupées.
Le Président (M. Filion): C'est une maison de plusieurs
pièces. Combien de pièces, grosso modo?
Mme Dumouchel: C'est une maison de 30 pieds sur 60 pieds, trois
étages. Exactement...
Une voix: 20 chambres.
Mme Dumouchel: II y a une vingtaine de chambres.
Le Président (M. Filion): D'accord. Quelle est la valeur
du terrain, Me Roy? L'évaluation, la valeur marchande?
M. Roy: La valeur du terrain, selon l'économe
générale, serait d'environ 30 000 $.
Mme Lemay (Jeanne-d'Arc): La bâtisse et le terrain, aux
livres, sont de 30 000 $. L'évaluation municipale peut aller
jusqu'à 50 000 $. Le terrain, à l'achat, au début,
était évalué à 500 $. Dans les livres, ce que nous
avons vu en 1913, on avait évalué le terrain à 500 $.
Le Président (M. Filion): D'accord. Oui, Me Roy.
M. Roy: II serait intéressant d'ajouter qu'il y a quelques
années il y a eu un projet de foyer d'hébergement dans la
municipalité. Ce couvent devait servir. À cause des restrictions
dans le titre de propriété, on a fait le projet
d'hébergement ailleurs. Tandis que d'autres couvents de religieuses,
comme à Saint-Léonard dans le comté de Nicolet, à
Gentilly, ont été transformés en foyers
d'hébergement. Mais dans ce cas-ci, à cause du titre de
propriété, le projet a dû être exécuté
ailleurs.
Le Président (M. Filion): D'accord. J'ai été
un peu surpris de voir que les 3000 $ sont maintenant payés par les
soeurs de l'Assomption. Est-ce que je dois comprendre, ma soeur, que vous avez
jugé bon tout simplement, non pas pour vous donner bonne conscience,
mais pour exécuter en partie...
Mme Lemay: C'était pour faire avancer les choses.
Le Président (M. Filion): C'était pour faire
avancer les choses.
Mme Lemay: On s'est dit: Le notaire nous l'a demandé et
cela faisait tellement longtemps qu'on voulait... Le projet que Soeur Gertrude
nous a présenté, nous avons été dans
l'impossibilité d'y répondre à cause de cela; c'est pour
cela, vu que la démarche se faisait, qu'on n'a pas voulu empêcher
que cela se fasse le plus tôt possible. (11 h 45)
Le Président (M. Filion): D'accord. Une dernière
question. À votre connaissance, révérende soeur et Me Roy,
il y a eu dans le passé ou il y a actuellement, directement ou
indirectement, à votre connaissance personnelle ou autrement,
manifestation d'opposants ou d'autres intervenants, quels qu'ils soient, qui
s'opposaient en partie ou en totalité au projet de loi que vous avez
présenté à l'Assemblée nationale par
l'intermédiaire de votre député?
Mme Dumouchel: De ma part, aucune opposition de personne.
M. Roy: J'ai préparé le contrat au mois de janvier,
si ma mémoire est fidèle, et j'ai soumis à la fabrique le
contrat concernant les 3000 $ qui est le consentement de la fabrique
également. La résolution de la fabrique que j'ai
préparée a été soumise aux autorités
diocésaines et l'évêque de Trots-Rivières a
ratifié la résolution de la fabrique. Je suis allé
après à Saint-Barnabé-Nord faire signer par les
autorités de la fabrique. En d'autres termes, il n'y a aucune opposition
quelconque.
Le Président (M. Filion): Et de votre côté,
soeur Lemay?
Mme Lemay: On a eu un avis de présentation d'un projet de
loi d'intérêt privé qui a paru quatre semaines dans les
journaux et personne n'a répondu à cela.
Le Président (M. Filion): D'accord. Les membres de la
commission ont-ils d'autres questions à poser aux intervenants?
M. Marx: Je voulais dire, M. le Président...
Le Président (M. Filion): Oui, M. le ministre.
M. Marx: ...qu'il va sans dire que les légistes du
ministère de la Justice ont fouillé ces dossiers et ont pris
toutes les informations nécessaires. Il n'y a pas d'opposition à
ce projet de loi, lequel est semblable à plusieurs autres adoptés
par l'Assemblée nationale. Donc, nous sommes d'accord.
Le Président (M. Filion): D'accord. Alors, sans plus,
j'appelle donc l'article 1 du projet de loi 229.
M. Marcil: Adopté.
Le Président (M. Filîon): Adopté. L'article
2?
M. Marcil: Adapté.
Le Président (M. Filion): Adopté. L'article 3?
M. Marcil: Adopté.
Le Président (M. Filion): Adopté. L'article 4?
M. Marcil: Adopté.
Le Président (M. Filion): Adopté. L'article 5?
M. Marcil: Adopté.
Le Président (M. Filion): Adapté. J'appelle le
préambule.
M. Marcil: Adopté.
Le Président (M. Filion): Adopté. J'appelle le
titre.
M. Marcil: Adopté.
Le Président (M. Filion): Adopté. J'appelle donc
l'ensemble du projet de lot.
M. Marcil: Adopté.
Le Président (M. Filion): Adapté. Alors,
révérende soeur Dumouchel, révérende soeur Lemay et
Me Roy, il me fait plaisir de vous dire qu'en commission, ici, comme vous le
savez, le projet de loi a été adopté. Ce projet de loi
reviendra à l'Assemblée nationale. Nous allons faire rapport
à l'Assemblée nationale à la suite de l'étude
détaillée que nous avons faite du projet de loi et à la
suite de l'adoption de ce projet de loi, y compris, M. le ministre de la
Justice, la sanction par le lieutenant-gouverneur, n'est-ce pas?
M. Marx: Je vais faire...
Le Président (M. Filion): À ce moment-là, ce
projet de loi deviendra loi et, donc, réglera en partie vos
problèmes. Il va rester des problèmes spirituels et temporels
dont vous allez continuer à vous occuper. Alors, M. le
député de Nîcolet.
M. Richard: J'ai un commentaire de remerciements et par la
même occasion je veux remercier les soeurs de l'Assomption de leur
magnifique travail dans le domaine de l'éducation dans tout le
Québec.
M. Marx: Adopté à l'unanimité.
Le Président (M. Filion): Adopté à
l'unanimité. Au revoir.
Alors, sans suspension, avec la permission des membres de la commission,
étant donné que nous avons quand même du pain sur la
planche, est-ce que le projet de loi 224 est prêt pour être
étudié par la commission?
Projet de loi 242
Alors, tout en respectant l'ordre du jour que nous nous sommes
fixé, j'appelle le projet de loi 242, Loi concernant Varina Beattie, et
j'invite les intervenants intéressés par ce projet de loi
à bien vouloir s'approcher. Ce projet de loi est proposé par Mme
la députée de Groulx qui est présente.
J'invite sans plus Mme la députée de Groulx à bien
vouloir adresser quelques mots de présentation du projet de loi aux
membres de la commission.
Mme Bleau: M. le Président, dans ce projet de loi, je
voudrais attirer votre attention sur la rédaction de l'article 1
à la page 4, où on voit les mots "était
décédée". Varina Beattie demande, selon l'article 21 de la
charte des droits du Québec, qu'on retire ces mots car, dit-elle, elle
ne peut en aucune façon souhaiter la mort de sa mère.
Deuxièmement, je peux vous dire que Varina se présente
devant nous en dernier recours, espérant que nous pourrons lui rendre
justice. Elle a déjà pris, sans succès, des
procédures en cour afin d'avoir une pension alimentaire, mais à
ce moment, elle n'était pas malade et n'était pas non plus
bénéficiaire de l'aide sociale. Aujourd'hui elle est malade, le
rapport du psychiatre le prouve, et elle vit de prestations d'aide sociale.
La mère étant très riche, le fait de donner
à Varina ce qui devrait lui revenir de droit ne la priverait aucunement.
Je peux vous dire que Varina est même prête à remettre
toutes les sommes que l'aide sociale lui a versées jusqu'à
maintenant. Je propose à votre attention ce projet de loi en
espérant qu'on pourra rendre justice à Mlle Beattie.
Le Président (M. Filion): Je comprends que Mme Beattie est
présente.
Mme Bleau: Son avocat.
Le Président (M. Filion): Elle est absente et elle est
représentée par Me John Fetherstonhaugh.
M. Fetherstonhaugh (John): C'est moi, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Bonjour! Et Me
Marie-Andrée Gravel.
Mme Gravel (Marie-Andrée): Bonjour!
Le Président (M. Filion): Bonjour! Bienvenue à
cette séance de la commission des institutions. Je vous inviterais
à adresser les remarques pertinentes aux membres de cette
commission.
M. Fetherstonhaugh: Pour faire suite aux paroles de Mme la
députée de Groulx, Madeleine Bleau, je suis bien
reconnaissant...
Le Président (M. Filion): Me
Fetherstonhaugh, si vous voulez, vous pouvez demeurer assis. C'est
probablement une habitude que vous avez prise quand vous allez devant les cours
de justice. Ici, comme vous le savez, vous pouvez demeurer assis et sans
indisposer, en aucune façon, les membres de cette commission qui vous
voient et vous entendent bien.
M. Fetherstonhaugh: Merci, M. le Président. Je veux
remercier beaucoup Mme Bleau pour toute l'attention qu'elle a portée
à cette cause vraiment pénible.
Je vais essayer de m'exprimer dans la langue française, qui n'est
pas ma langue maternelle. Quand j'étais à l'Université
Laval, je m'exprimais mieux. Présentement, je cherche parfois mes mots.
Je regrette infiniment, M. le Président, je dois m'exprimer d'abord en
grec classique. Combien ici ont reçu une formation classique ou assez
pour savoir ce qu'est un lit de Procuste "a procrustean bed", un "bill" qui
n'est pas le nôtre?
Déjà, Mme Bleau a soulevé la question de ne pas
parler de la mort de sa mère dans un projet de loi où elle
cherche de l'argent pour vivre. J'invoque l'article 21 de la charte qui permet
à n'importe qui de venir devant l'Assemblée nationale pour
soulever n'importe quoi. La première rédaction que j'ai
donnée aux autorités du ministère de la Justice comportait
un récit complet des deux opinions juridiques qu'a reçues Varina.
L'opinion numéro 1, celle de Peter Blaikie, qui a reçu la
médaille d'or en passant par l'École de droit et l'opinion 2, de
John Brierley, qui était le doyen de la Faculté de droit à
McGill.
En invoquant l'article 21, je peux insister afin que les
députés règlent cette affaire en toute connaissance de
cause. Je suggère très respectueusement que non seulement je
soulève le droit politique de ma cliente, article 21 de la charte:
"Toute personne a droit d'adresser des pétitions à
l'Assemblée nationale pour le redressement de griefs", je ne veux pas
que le droit de ma cliente soit limité par des rédactions des
autorités en place.
Je dois admettre que j'étais bien fâché contre ma
cliente de temps en temps. Je lui ai même dit: "Do not tell me the law,
you silly little girl". D'un autre côté, elle m'a
téléphoné hier soir, lorsque j'étais chez le
notaire Stuart Wright, pour que je lui suggère quoi faire. De temps en
temps, les avocats doivent écouter les clients en même temps que
les clients doivent écouter leur avocat. Elle m'a dit: "Prétendez
que vous êtes moi et soulevez ce que vous avez à soulever." Elle
n'est pas avocate. Elle reçoit deux opinions juridiques d'avocats
très éminents.
J'ai vérifié au bureau de M. Patterson au sujet d'une
affaire de trust. Cela a pris dix ans à se régler. Elle est
bénéficiaire de l'aide sociale. J'ai réussi à la
faire soigner par un médecin psychiatre et le rapport du médecin
est entre les mains du ministre de la Justice.
La deuxième chose que ma cliente m'a dite c'est: "ce contrat de
mariage a été fait pour me protéger, pour que je ne tombe
jamais sur le bien-être social." C'est un contrat assez
intéressant. C'est en faveur des enfants à naître. Selon
l'opinion de Me Brierley, c'est tout à fait en ordre. Selon notre droit
civil, il y a même un jugement de la Cour suprême qui le
confirme.
J'ajoute à ce qu'a dit ma cliente que non seulement son contrat
de mariage était en faveur des enfants et pour leur protection, mais je
dis que tous les documents et testaments qui ont jamais été
rédigés par Me Van Horne et ses héritiers entre les mains
du Royal Trust étaient pour la protection des descendants directs. Si on
regarde le calendrier du Royal Trust, d'il y a quelques années, on voit
les quatre générations dans le calendrier.
Je regrette d'être venu ici. En essayant de régler cela par
les moyens diplomatiques ou les autres moyens, j'ai tout fait. J'ai même
essayé de régler cette affaire en demandant au père qu'il
demande une pension alimentaire à sa femme et qu'on se serve de cet
argent pour protéger la famille. Malheureusement, il est pris par un
divorce qui passe par la vieille loi du divorce où on ne peut pas
soulever la question de pension alimentaire. J'ai vérifié tout
cela. (12 heures)
Malheureusement, il est un des gens qui depuis trois ou quatre ans sont
stoppés par cette affaire. Alors, Varina serait très contente de
pouvoir payer ce qu'elle a reçu de l'aide sociale et de restaurer ce qui
reste de son honneur familial. Avant de faire quoi que ce soit, le notaire
Patrick Wickham, qui m'a donné cette cause, est allé voir le
Royal Trust en bon diplomate. Il a même donné un document en
laissant en blanc le montant: Qu'elle donne quelque chose, même si ce
n'est pas beaucoup, pourvu que ce soit régulier. Aucune réponse
à sa démarche diplomatique.
Alors, ce n'est qu'après toutes ces démarches
diplomatiques que le notaire Wickham et moi-même, nous nous sommes rendus
chez l'avocat de la mère, ensemble,
afin de demander un chèque pour Noël, à n'importe
quel moment, pour régler un peu l'affaire. Zéro! Malheureusement,
la mère a séjourné au Institute of Living à
Hartford où on soigne des problèmes de maladie mentale. C'est une
affaire pénible. On pense à la famille Kennedy, de temps à
autre.
Nous sommes maintenant au seul endroit qui peut trancher ce
désastre familial et communautaire.
Le Président (M. Filion): Vous avez terminé. Je
vous remercie. Est-ce que les membres de cette commission ont des questions
à poser à notre invité qui représente Varina
Beattie.
M. Fetherstonhaugh: M. le Président, j'agis comme aide
juridique. C'était une affaire d'aide juridique.
Le Président (M. Filion): À ce moment...
M. Marx: Juste pour m'informer, M. le Président, c'est
l'aide juridique qui a donné le mandat à Me Fetherstonhaugh de
porter cette cause devant l'Assemblée nationale, c'est cela?
D'accord.
Le Président (M. Filion): Nous avons reçu de la
part de certains intervenants une demande pour leur permettre d'exprimer leurs
points de vue, notamment et par ordre, en ce qui concerne Dame Beverly Ann
Potvin née Van Home, Me Emmet Kierans. Est-ce qu'il est
présent?
M. Kierans (Emmet): Oui.
Le Président (M. Filion): Est-ce que vous voulez adresser
certaines remarques aux membres de cette commission?
M. Kierans (Emmet): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Je m'excuse, vous êtes
accompagné de Me David B. Kierans?
M. Kierans (David B.): Présent, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Bonjour, nous vous
écoutons.
M. Kierans (Emmet): M. le Président, nous avons
préparé une copie de notre mémoire concernant la position
de ma cliente, la mère de Varina Beattie. On a fait des arrangements
avec le secrétaire de Sa commission pour que tous les membres en
reçoivent une copie.
Le Président (M. Filion): Me Kierans, on a reçu
cela hier et cela a été distribué aux membres de cette
commission et je vous remercie.
M. Kierans (Emmet): Merci, M. le Président. M.
Fetherstonhaugh, le procureur de la requérante, a également
reçu ce matin une copie de nos représentations pour ma cliente.
En effet, j'ai remarqué que la députée a
déposé un amendement, si j'ai bien compris, pour éliminer
les mots "à son décès" du projet de loi privé.
Le Président (M. Filion): La députée de
Groulx a manifesté l'intention de déposer un amendement, le cas
échéant, lorsque nous serons rendus à l'article pertinent
du projet de loi. Mais, au moment où on se parle, nous sommes en train
d'entendre des interventions et aucun amendement n'a été
apporté au projet de loi.
M. Kierans (Emmet): M. le Président, le redressement que
sollicite Varina Beattie est déjà devant les tribunaux de la
province de Québec. Déjà, il y a des jugements concernant
des actions ou des poursuites par Varina Beattie contre sa mère, mais,
en septembre de l'année dernière, ces causes étaient
portées devant la Cour d'appel.
Une autre chose, ma cliente, qui résidait en Floride, a
reçu, par l'entremise de l'avocat de Varina Beattie aux
États-Unis, des menaces de poursuite en Floride. Les prétentions
de ma cliente sont que les causes, les problèmes - et les
problèmes sont tristes dans cette famille - sont déjà
devant les cours. Selon les lois de notre province, les cours ont toutes les
facilités de déterminer les problèmes soulevés par
la requérante dans le bill privé.
Il y a un problème de chicane dans cette famille. À mon
avis, c'est le fond de l'affaire. Je peux lire, par exemple, l'annexe K; c'est
une annexe que j'ai reçue de la commission, de la Direction de la
législation, adressée à Varina Beattie par sa soeur,
Virginia Beattie Ellis. L'article 3 dit: "I want to remain completely neutral
in all court disputes between my sister, Varina Beattie, and my mother, Beverly
Ann Van Home."
L'intention de Varina Beattie est de faire changer le contrat de mariage
de sa mère et de son père. Mais, de l'autre côté,
nous avons ma cliente et le Trust Royal, l'opposant. Le troisième
intéressé, la soeur de Varina Beattie, est neutre. En effet, M.
le Président, c'est une question de chicane de famille. Comme le dit
Tolstoï, dans les premiers mots de son fameux livre "Anna
Karénine": Les familles heureuses se ressemblent toutes; les familles
malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon.
Le Président (M. Filion): Merci, Me
Kierans. J'inviterais également Me François Rioux, qui
représente le Trust Royal, dans la mesure où il veut adresser des
remarques différentes sur des points différents de ceux
déjà mentionnés par son collègue, Me Kierans.
M. Rioux (François): M. le Président, je vous
remercie. Si on peut faire l'exercice de passer en revue quelques dispositions
du contrat de mariage pour faire voir aux membres de la commission qu'il
n'existe aucune ambiguïté dans les termes du contrat de mariage,
tel que stipulé au deuxième attendu du projet de loi, j'aimerais
bien faire cet exercice.
Le contrat de mariage, qui est l'annexe B, a été
passé devant le notaire William Pratt le 17 octobre 1950 entre James
Beattie et Beverly Ann Van Horne. Cette dernière fit un don
irrévocable entrevifs à la compagnie Trust Royal que je
représente.
À la page 4 du contrat de mariage, on peut lire à
l'article 7, au milieu du paragraphe: "For the benefit of the child or
children, if any of the said intended marriage and upon the trust herein after
set forth." Une somme de 250 000 $, laquelle somme Beverly s'est engagée
à payer au moment qu'elle déterminerait. Mme Potvin est encore
vivante à ce jour et elle a contribué au capital de la fiducie
dans une certaine proportion.
Beverly prévoyait également dans le contrat de mariage
qu'elle aurait, et encore è la page 4, au sous-alinéa a de
l'article 7: "The enjoyment for her support and maintenance and for the
support, maintenance and education for the child or children of the said
intended marriage of the trust property."
Bien qu'il ait été stipulé que les enfants à
naître seraient propriétaires du capital en fiducie, un des termes
de la donation était que les revenus provenant du capital fiduciaire
devaient être payables à Beverly elle-même, sa vie durant.
En ce sens, il serait bon de lire la clause c de l'article 7, en bas de la page
4, qui se lit comme suit: "The net annual revenues which may be derived from
the trust property shall be paid by the trusty to the party of the second part
during her lifetime."
Maintenant, ce n'est qu'au décès de Beverly et à la
condition bien sûr que les enfants à naître aient atteint
l'âge de 30 ans, que ces derniers, comme bénéficiaires du
capital, pourraient toucher leur part respective du capital de la fiducie.
Au contrat de mariage est intervenue la compagnie Trust Royal qui a
reconnu avoir pris connaissance du contrat de mariage s'en est
déclarée satisfaite et accepta l'office de fiduciaire
proposé et s'engagea à voir à la réalisation des
fiducies créées par le contrat de mariage.
À la page 7 du contrat de mariage, on peut lire, sous
l'intervention de la compagnie Trust Royal: "The which intervenant having taken
communication hereof declares itself content and satisfied herewith and accepts
the office of trusty here and under and undertakes to carry out the trust
herein created." L'obligation de la compagnie Trust Royal est donc de voir
à l'accomplissement de la fiducie qui a été
créée par contrat de mariage.
Issus du mariage entre James Beattie et Beverly sont les enfants Varina
et Virginia, ces derniers étant les bénéficiaires du
capital en vertu du contrat de mariage. La compagnie Trust Royal est d'avis que
les termes de la donation créés au contrat de mariage sont clairs
et ne souffrent pas d'ambiguïté. Beverly a voulu avoir l'usage de
l'objet de la fiducie sa vie durant et particulièrement l'usage des
revenus provenant de la fiducie. Ces termes sont retrouvés au contrat de
mariage et, à mon avis, ne souffrent pas d'ambiguïté. Si tel
était le cas, il y a un recours qui est disponible au justiciable qui
est le jugement par action déclaratoire qui se fait couramment en
matière de testament.
Par le projet de loi 242, un des bénéficiaires du capital
nommément Varina propose de changer les termes de la donation en
requérant que la compagnie Trust Royal remette à Varina et
Virginia leur part respective du capital de la fiducie après que la
compagnie Trust Royal ait fait une reddition de comptes. {12 h 15)
L'objet du projet de loi est donc clair et est celui de demander
à l'Assemblée nationale de sanctionner une loi qui vient amender
les termes d'un contrat privé et en particulier une donation entrevifs
parfaitement valable. L'effet d'une telle loi serait de faire
bénéficier immédiatement les bénéficiaires
du capital en accélérant le moment de leur investiture et aurait
pour effet de priver le bénéficiaire du revenu, Beverly, de tous
ses droits d'usage du capital, de son vivant, tel qu'elle l'a prévu dans
son contrat de mariage.
En acceptant le rôle de fiduciaire, la compagnie Trust Royal
contracta une obligation légale d'exécuter la fiducie qu'elle
accepta. Elle est responsable des dommages résultant de sa
négligence à l'exécuter lorsqu'elle n'est pas
autorisée à y renoncer. Ce sont les termes des articles 981 h et
981 k de notre Code civil.
Enfin, l'article 981 1 du Code civil décrète que ce n'est
qu'à l'expiration de la fiducie que les fiduciaires doivent rendre
compte et délivrer toutes les sommes d'argent faisant l'objet de la
fiducie. Alors, ce serait contourner l'application claire et précise des
articles du Code civil traitant de la fiducie.
De ce qui précède, il découle que la compagnie
Royal Trust a un devoir légal comme fiduciaire de protéger,
défendre, préserver et voir à l'application des termes et
conditions de la donation contenue au contrat de mariage et de résister
à toute tentative de changer les termes et conditions du document auquel
elle est partie.
L'acquiescement au projet de loi 242, à notre avis, constituerait
un manquement au devoir de la compagnie Trust Royal, puisqu'un tel
acquiescement serait clairement préjudiciable aux droits de Beverly Ann
Van Horne. L'avis de la compagnie Trust Royal serait exactement semblable si un
projet de loi était présenté, par exemple, par Mme Van
Horne pour retirer le bénéfice du capital à ses
enfants.
C'étaient mes remarques. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, Me Rioux.
Juste une question qui s'adresse indifféremment à l'un des cinq
procureurs qui sont devant nous. J'ai pris note des procédures
judiciaires qui ont été intentées. En ce qui concerne
d'abord une action en nullité et en reddition de compte qui a
été intentée le 28 février 1984, selon les
documents qui nous ont été remis, la cause est toujours en
suspens et en instance devant la Cour supérieure.
Voici ma question en ce qui concerne cette procédure: Est-ce que
effectivement, au moment où on se parle, le dossier est toujours en
suspens devant la Cour supérieure? Oui. D'accord.
Également...
Mme Bleau: M. le Président, M. l'avocat de la
requérante voudrait prendre la parole.
Le Président (M. Filion): Oui. Là-dessus? Vous
pouvez vous asseoir, Me Fetherstonhaugh, je vous en prie.
M. Fetherstonhaugh: S'il y a une seule phrase que je vous demande
tous de retenir de ces documents c'est, à l'annexe F, page 5, celle sur
laquelle mon savant confrère ou ma savante consoeur ont attiré
mon attention.
Le juge Flynn a fait trois choses pour nous: II a rejeté notre
action sans frais et il a réservé nos droits pour le contrat de
mariage. Ce sont des affaires totalement différentes. Voici ses mots...
Et n'oubliez pas que le juge Flynn ne savait pas que Varina était au
bien-être social parce que c'est arrivé subséquemment. Il
ne savait pas qu'elle était sous les soins d'un médecin
psychiatre parce que, là aussi, c'est subséquemment que j'ai
réussi à la faire soigner.
Voici les mots du juge Flynn. Il ne...
Le Président (M. Filion): ...Me Fetherstonhaugh? Pardon.
Vous nous avez référé correctement à l'annexe F.
Vous avez dit la page 5?
M. Fetherstonhaugh: Oui.
Le Président (M. Filion): Est-ce que vous voulez
dire...
M. Fetherstonhaugh: Dernier paragraphe.
Le Président (M. Filion): ...la page 4 du jugement du...
À quelle page faites-vous référence par rapport aux deux
jugements de l'honorable juge?
M. Fetherstonhaugh: Le juge Flynn, c'est le 21 novembre 1984.
Le Président (M. Filion): D'accord, je vous suis. Allez-y
je vous en prie. Vous vouliez nous citer quelle phrase?
M. Fetherstonhaugh: II ne statue aucunement sur ces droits que
pourrait avoir la requérante en vertu du contrat de mariage de sa
mère - où nous sommes ce matin - ou en vertu des testaments qui
n'ont pas été produits au dossier etc.
Alors le juge est assez clair. Il ne veut pas qu'on se serve de son
jugement pour empêcher Varina de faire ce qu'elle peut avec le contrat de
mariage. Ce n'était pas nécessaire de faire cela. Il a fait cela
pour nous. Nous en sommes reconnaissant.
Le Président (M. Filion): D'accord. Toujours dans
l'intention de poursuivre un peu la ligne que j'ai développée
tantôt, je comprends également que certaines causes sont pendantes
à la Cour d'appel du Québec et contre certains jugements de la
Cour supérieure. Je me réfère, Me Kierans en particulier,
au document que vous nous avez soumis, qui est adressé directement
à l'Assemblée nationale, au paragraphe 4d d'un document qui
s'appelle: Interventions et oppositions du 5 mai 1986.
M. Kierans (David B): M. le Président, je ne comprends pas
le sens de votre question.
Le Président (M. Filion): Est-ce que vous avez le document
intitulé: Interventions et oppositions...
M. Kierans (David B): Oui.
Le Président (M. Filion): ...daté du 5 mai 1986?
Oui?
M. Kierans (David B): Oui.
Le Président (M. Filion): À l'article 4d.
M. Kierans (David B): Nous parlons des poursuites en appel?
Le Président (M. Filion): C'est cela. M. Kierans (David
B): Oui.
Le Président (M. Filion): Vous dites: ...des poursuites
qui sont pendantes à la Cour d'appel du Québec contre certains
jugements de la Cour supérieure. Est-ce bien cela?
M. Kierans (David B): Oui.
Le Président (M. Filion): Quels jugements de la Cour
supérieure?
M. Kierans (David B): Ce sont les jugements du 26 juin 1985 de
l'honorable juge Deblois, et aussi le jugement du 12 juillet 1985 de
l'honorable juge Cliche.
Le Président (M. Filion): D'accord. Ce sont des jugements
qui ont été rendus en vertu de quelles procédures, de
quelles actions ou de quels brefs ou de quelles requêtes?
M. Kierans (David B): Le premier jugement du juge Deblois
était sur une requête pour rayer un amendement à la
déclaration qui demandait une pension alimentaire...
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Kierans (David B): ...de la part de Varina Beattie.
C'était un amendement pour ajouter à cette action pour pension
alimentaire une demande de casser le contrat de mariage parce que
c'était contre l'ordre public et les bonnes moeurs.
Le Président (M. Filion): D'accord. Et le deuxième
jugement?
M. Kierans (David B): C'était pour rayer le dossier pour
la raison de "res judicata" ou chose jugée. Le procureur de Varina
Beattie en 1984 a intenté une déclaration pour commencer une
procédure pour déclaration pour une pension alimentaire.
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Kierans (David B): À l'intérieur du même
dossier il a fait présenter une requête pour pension
alimentaire.
Le Président (M. Filion): D'accord. C'est donc une
série de procédures portant sur une demande de pension
alimentaire. Il y a une autre procédure qui est pendante en Cour
supérieure: on demande une reddition de compte...
M. Kierans (David B): C'est cela.
Le Président (M. Filion): ...qui, elle aussi, est pendante
en Cour supérieure. Également, est-ce qu'il y a d'autres
procédures pendantes devant les tribunaux? Je vous réfère
toujours à votre document à 4d, c'est la saisie avant jugement et
la pension alimentaire. Il y a également une autre demande d'annulation
des dispositions du contrat de mariage. J'essaie de faire la distinction dans
tout cela. D'abord, il y a l'action en nullité et en reddition de
compte, c'est clair dans mon esprit. Au paragraphe b, de quelles
procédures judiciaires parle-t-on?
M. Kierans (David B.): Au paragraphe b, il y avait... Le
procureur de Varina Beattie a fait présenter devant la cour sous le
numéro 500042028844 une requête pour pension alimentaire. Ensuite,
il a ouvert un autre dossier par un bref de saisie avant jugement sous le
numéro 5000560914845 demandant la même chose, soit une pension
alimentaire, se basant sur les mêmes faits. Alors, nous avons
demandé qu'un des deux dossiers soit fermé.
Le Président (M. Filion): D'accord. Merci.
M. Kierans (David B.): C'était pour se désister
d'un dossier.
Le Président (M. Filion): D'accord. Je vous remercie. Cela
me satisfait. M. le député de Mille-Îles.
M. Bélisle: Ma question va s'adresser à Me
Fetherstonhaugh. Je vois dans le dossier qui a été
préparé que la requête pour pension alimentaire
datée du 3 mai 1984 est fortement explicite et que, également,
elle contient les affidavits requis en vertu de la loi qui démontrent
certains faits assez particuliers.
Dans cette même ligne, je lis le jugement de l'honorable juge
Bernard Flynn du 21 novembre 1984 et je vois, à la page 2, le premier
paragraphe du jugement: "Par sa requête, Varina Joan Beattie demande
qu'il soit ordonné à sa mère de lui verser une pension
alimentaire de 2500 $ par mois." C'était le but de la requête. Je
tourne à la page 3 et je lis le paragraphe qui est au bas où le
tribunal dit ceci: "Le tribunal ne croit pas trahir le sens de très
nombreuses décisions qui ont été rendues ces
dernières années en matière de pension alimentaire en
entendant qu'une personne majeure qui n'est plys aux études doit, pour
pouvoir obtenir une pension alimentaire, convaincre le tribunal que son
indigence n'est pas due à un manque d'effort de sa part. Or, dans le
présent cas, le tribunal est loin d'être convaincu que la
requérante ne réussirait pas à subvenir à ses
propres besoins si elle
faisait des efforts raisonnables et si elle était disposée
à accepter un emploi à la mesure de son expérience et de
ses talents plutôt que de se voir à la tête d'une entreprise
dans un domaine qu'elle ne connaît pas." Si, Me Fetherstonhaugh, de
nouveaux faits sont apparus depuis le jugement de l'honorable juge Bernard
Flynn comme, par exemple, les traitements psychiatriques de Mme Beattie, le
fait qu'elle est devenue bénéficiaire de l'aide sociale,
pourquoi, tout simplement, au lieu de vous adresser ici, ne
représentez-vous pas, compte tenu des nouveaux faits, à la Cour
supérieure une nouvelle demande en pension alimentaire?
M. Fetherstonhaugh: J'ai été attrapé par la
"res judicata" inattendue. C'était un accident de parcours. Mais la
raison pour laquelle nous sommes venus ici, c'est pour chercher le capital qui
était dans son contrat de mariage pour la protéger. Je voulais
trancher tout le problème et ne pas aller devant la Cour
supérieure pour une affaire, sinon séparée, connexe
à peine.
M. Bélisle: Si je comprends bien, c'est une route plus
courte que vous cherchiez, moins longue, peut-être moins difficile.
M. Fetherstonhaugh: L'autre voie est presque impossible et cela
ne nous donnera jamais notre capital et le bien-être social ne sera pas
payé à moins de prendre notre propre argent.
M. Bélisle: Merci, monsieur.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le
député de Mille-Îles. Est-ce que... Oui, M. le ministre de
la Justice.
M. Marx: M, le Président, il convient de noter que Mme
Beattie demande le partage immédiat du capital de la fiducie et non pas
une partie des revenus de celle-ci. Mme Beattie ne pourra donc obtenir des
tribunaux ce qu'elle demande à l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale pourrait, par conséquent, adopter une loi
privée qui déroge à la volonté clairement
exprimée par les futurs époux dans leur contrat de mariage sans
se substituer pour autant aux tribunaux.
D'ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs lois
qui dérogeaient aux volontés clairement exprimées par des
testateurs. Cependant, il n'est pas arrivé, à ma connaissance -
je suis député depuis six ans, mais, lorsque je parle de ma
connaissance, c'est aussi de la connaissance des légistes au
ministère qui sont ici depuis plus de six ans... (12 h 30)
Le Président (M. Filion): Dont vous êtes le
fiduciaire, M. le ministre de la Justice?
M. Marx: Bien, c'est le ministère. On ne se souvient pas
qu'une telle loi ait été adaptée malgré - et je
souligne le mot "malgré" - l'opposition d'un intéressé.
Une telle opposition s'est manifestée pour la dernière fois lors
de l'étude du premier projet de loi privé concernant la
succession de 3. Donat Langelier, projet de loi 221 de 1978. À cette
occasion, le ministre de la Justice, qui était alors Me
Marc-André Bédard, et les autres membres de la commission
parlementaire, tant du parti au pouvoir que de l'Opposition, ont rejeté
le principe du projet de loi et ont plutôt conseillé aux divers
groupes intéressés d'en venir à une entente.
Effectivement, à cette époque, les divers groupes
intéressés en sont venus à une entente environ deux ans
plus tard. Et sans problème, à l'époque,
l'Assemblée nationale a adopté un projet de loi privé pour
donner suite à cette entente. C'est la Loi concernant la succession de
J. Donat Langelier, 1981, chapitre 34.
Comme on l'a fait dans la cause Langelier, on ne peut pas intervenir
pour modifier les testaments ou pour modifier les contrats de mariage sans
qu'il y ait l'accord de toutes les personnes intéressées. Si
toutes les personnes intéressées sont d'accord, nous sommes
prêts à étudier la possibilité de faciliter les
modifications que ces personnes aimeraient avoir dans un testament. Dans le cas
qui est devant cette commission aujourd'hui, certains des
intéressés s'opposent et je vois mal comment l'Assemblée
nationale pourrait intervenir. On n'est jamais intervenu dans ces causes et on
ne va pas commencer aujourd'hui.
M. Fetherstonhaugh: Si je peux répondre avec respect
à M. le ministre de la Justice.
Le Président (M- Filion): Oui, Me Fetherstonhaugh.
M. Fetherstonhaugh: As a fellow Harvard graduate, you will not
object if I raise some precedents. Bibianne Gagnon Reny m'a écrit: Je ne
trouve pas de précédent identique au cas que vous soumettez, mais
le chapitre 81 des lois de 1983 pourrait vous guider quant à la
rédaction de votre projet de loi. Également, les chapitres 75, 84
et 86 des lois de 1982 sont aussi très pertinentes et je me souviens que
M. le député Chevrette...
M. Marx: Oui, cela est pour la rédaction de votre projet
de loi privé, pas sur le fond.
M. Fetherstonhaugh: C'est tout ce que nous avons, en toute
franchise.
M. Marx: Non, mais le greffier en droit ne se prononce pas sur le
fond.
M. Fetherstonhaugh: D'accord.
M. Marx: II va vous expliquer comment rédiger un projet de
loi et quelles sont les règles et les normes, mais sur le fond, c'est
l'Assemblée nationale et pour qu'un projet de loi soit adopté
à l'Assemblée nationale, il faut que ce soit adopté par
cette commission. Dans le cas actuel, je vous dis en toute franchise, parce
qu'il ne faut pas étirer le débat pour rien, on n'a jamais
adopté un tel projet de loi. On ne va pas commencer aujourd'hui. La
cause est très sympathique, mais je ne peux rien faire dans cette
cause.
Le Président (M. Filion): Dans ce sens, je pense bien que
les interventions du ministre de la Justice ne veulent pas dire -j'en suis
sûr - que nous ne sommes pas sensibles au point de vue de Mme Beattie.
Dans cet esprit, j'attire l'attention de toutes les parties, des cinq
procureurs qui sont devant nous sur l'article 5: La requête pour pension
alimentaire qui avait déjà été
présentée. En deux mots, il semblerait qu'à un moment
donné, peut-être - encore une fois, c'est une possibilité
qui est soulevée -il y aurait eu une entente qui serait intervenue. Or,
en ce sens, je dois dire, en ce qui me concerne également, que je
partage entièrement le point de vue soulevé par le ministre de la
Justice, sans pour autant que cela signifie une insensibilité au cas de
votre cliente.
Je dois ajouter également aux arguments qui ont été
développés par le ministre de la Justice le fait qu'il y a des
procédures qui sont pendantes devant les tribunaux. L'Assemblée
nationale, non seulement n'est pas un tribunal de dernier ressort, c'est une
solution de dernier ressort, dans certains cas, mais ce n'est pas un tribunal.
Dans ce cas-ci - chose absolument remarquable - il y a des procédures
qui sont pendantes devant les tribunaux. Encore une fois, dans mon cas, en tout
cas, je parle à titre personnel, et non pas au nom de la commission,
mais cela me semble tout à fait dirimant comme empêchement d'aller
plus loin.
M. Marx: M. le Président...
Le Président (M. Filion): Oui, je vous en prie, M. le
ministre de la Justice.
M. Marx: Un dernier mot. Comme vous dites, nous sommes
très sensibles à cette cause et au problème
soulevé. J'aimerais juste souligner aussi que... parce que Me
Fetherstonhaugh a cité la charte québécoise des droits en
ce qui concerne le droit des citoyens de déposer une pétition a
l'Assemblée nationale. Je peux vous dire que nous avons
étudié cette pétition a fond. Nous avons des
légistes qui ont pris beaucoup de temps, plusieurs jours pour
étudier ce dossier et qui ont communiqué avec toutes les
personnes intéressées et ainsi de suite. Cela veut dire qu'on ne
fait pas l'étude de ces dossiers à la légère. C'est
étudié, on fait état de tous les précédents
pour voir s'il y a des précédents, s'il y a des
possibilités pour proposer qu'on donne droit à la pétition
à la demande du citoyen. Dans ce cas, comme je viens d'expliquer, cela
ne s'est jamais fait. On ne peut pas commencer aujourd'hui et on ne commencera
pas non plus demain. Ce n'est pas un problème qu'on pourrait
régler à l'Assemblée nationale, sauf si on a le
consentement de toutes les personnes impliquées dans le dossier. Donc,
si on avait le consentement de tout le monde, on pourrait intervenir, ce qu'on
a déjà fait. Si vous pouvez vous entendre, cela ferait plaisir
à la commission de vous accueillir une deuxième fois et de
proposer l'adoption du projet de loi, le cas échéant.
Le Président (M. Filion): Ce qui n'est nettement pas le
cas aujourd'hui, car il n'y a pas d'entente.
J'appellerais donc l'article 1 du projet de loi 242.
Mme Bleau: Une dissidence.
Le Président (M. Filion): J'appelle l'article 1 du projet
de loi. Rejeté.
L'article 2? L'article 3? Le préambule? Le titre et l'ensemble du
projet de loi? Merci de vous être déplacés, Me Gravel, Me
Fetherstonhaugh, Me Rioux, Me Kierans.
Nous allons suspendre nos travaux pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 12 h 37)
(Reprise à 12 h 46)
Projet de loi 224
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît! La séance avait été suspendue afin de
permettre aux derniers intervenants de quitter et aux prochains de se
présenter. J'appelle le projet de loi 224, Loi concernant le Foyer
Saint-Antoine de Longueuil. Les amendements sont-ils prêts? J'inviterais
les membres de la commission à regagner leur siège.
Sans plus tarder, j'inviterais le parrain du projet de loi privé
224, M. le député de Marquette, à nous faire une courte
présentation de ce projet de loi.
M. Dauphin: D'accord, M. le Président. MM. les membres de
la commission, j'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue
à nos requérantes qui sont accompagnées de leur
conseiller juridique; je vous les présente à l'instant. À
l'extrême droite, nous avons soeur Henriette Berthiaurne, économe
provinciale de la Congrégation des soeurs Grises de Montréal; au
centre, Me Émile Descary, conseiller juridique; à sa droite,
soeur Bernadette Poirier, économe générale de la
Congrégation des soeurs Grises de Montréal; à
l'extrême gauche - je m'excuse, on ne s'est pas rencontrés,
mais...
Mme Dionne (Lucie): Je me présente, Lucie Dionne, de la
Corporation d'hébergement du Québec.
M. Dauphin: Lucie Dionne, de la Corporation d'hébergement
du Québec. Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale et
à cette commission.
Succinctement, M. le Président, le projet de loi 224 vise
à confirmer le titre des soeurs Grises sur un terrain qu'elles occupent
depuis plus de 110 ans, à Longueuil. Ce terrain aété donné aux soeurs sous condition, à savoir
qu'il soit utilisé à des fins charitables; une clause de l'acte
de donation prévoit qu'au cas où les soeurs Grises cesseraient,
pendant deux ans, de l'utiliser à de telles fins la fabrique devrait
vendre et distribuer le prix de vente aux pauvres de la ville de Longueuil.
Les soeurs se sont conformées à l'acte de donation pendant
plus de 110 ans. Elles maintiennent encore - d'ailleurs, c'est toujours en
fonctionnement - le Foyer Saint-Antoine de Longueuil. Elles y ont investi
énormément d'argent et de temps.
Le ministère de la Justice n'avait pas d'objection au principe du
projet de loi, mais il trouvait insuffisante la somme offerte à la
fabrique. C'est-à-dire qu'il y avait eu une entente entre les soeurs
Grises et la Fabrique de la paroisse de Saint-Antoine de Longueuil pour un
montant de 25 000 $, lequel serait distribué aux pauvres.
D'ailleurs, ce matin, après plusieurs heures d'entretien... Nous
aurons des amendements à déposer pour le bénéfice
des membres de la commission, afin de changer le principe des 25 000 $ par un
pourcentage - vous me corrigerez, Me Descary, car cela s'est fait de
façon tellement rapide tantôt -qui serait de 5,5 % de la valeur du
terrain en question, plus celle des constructions érigées dessus.
Cette valeur ne pourrait pas être moins de 25 000 $. Autrement dit, si
les religieuses vendent le centre, supposons 2 000 000 $ ou 1 000 000 $, ce
sera calculé en fonction d'un pourcentage plutôt que d'être
un montant d'argent fixé arbitrairement. On nous a fait part de
prétentions à savoir que le foyer peut, éventuellement,
être vendu ou être classé monument historique; il pourrait
être vendu pour 200 000 $. À ce moment-là, le montant
pourrait s'avérer extrêmement élevé. Alors, avec un
pourcentage fixé, ce sera en fonction du montant de la vente. Ce montant
sera exigible seulement lorsqu'il y aura aliénation ou transfert de
propriété. D'ailleurs, j'en ai discuté avec ma
collègue du comté de Marie-Victorin, comté où le
centre est situé, et elle pourra peut-être intervenir tantôt
sur le fond du projet de loi. D'ailleurs, elle nous a offert son entière
collaboration depuis le tout début. On l'en remercie beaucoup et je
cède la parole aux membres de la commission ou au requérant qui
aurait peut-être des choses à ajouter, M. le Président.
Le Président (M. Filion): À ce moment-ci,
j'inviterais Me Émile Descary, qui représente la
congrégation, à adresser des remarques, s'il en a, aux membres de
cette commission concernant le projet de loi 224.
M. Descary (Émile): Merci, M. le Président. Je
désire féliciter le parrain de mon projet de loi qui - je vois -
a très bien compris le sens de notre démarche. D'ailleurs,
j'avais bien pris le temps, au départ, de lui expliquer notre
démarche et je crois qu'il l'a bien comprise et bien acceptée.
J'ai aussi rencontré Mme Vermette pour, également, lui expliquer
le sens du projet de loi.
Évidemment, on est un peu devant le cas classique. Cela fait
plusieurs fois que le Parlement a à se prononcer sur ce type de donation
et je pense qu'il est acquis pour tout le monde qu'après 110 ans la
perpétuité a joué son rôle. Il y a une condition
spéciale dans cette donation. Il a été stipulé que
lorsque cette oeuvre cesserait, au cours des deux années qui suivraient,
le marguillier en charge de la Fabrique de la paroisse de Saint-Antoine de
Longueuil devrait vendre, dans les conditions les plus avantageuses ou quelque
chose comme cela, le lot et les bâtiments d'alors et distribuer le
produit aux pauvres de la paroisse de Longueuil.
Évidemment, depuis 110 ans, les choses ont changé. La
bâtisse originale n'existe plus. Dès le début, une des
stipulations - encore là - un peu classique de cette donation,
c'était que lorsqu'on demandait aux religieuses de venir fonder un
hospice de ce genre on leur garantissait qu'elles n'auraient pas à
utiliser leur propre argent. On venait leur demander de fonder cela et on leur
fournirait, évidemment, la bâtisse, etc. Toutes ces oeuvres ont
été dépassées le jour où elles ont
été fondées. C'est tellement vrai que la donation se fait
en 1876 et, en 1877, il y a un agrandissement qui est bâti qui est plus
grand que la bâtisse originale. On peut voir à quel point avec le
temps ces choses changent énormément. C'est pour cela que
l'Assemblée nationale accepte de régler ces situations et nous en
sommes très
reconnaissants au Parlement et aux membres de cette commission.
Nous avions fait une démarche. J'avais été le
parrain de cette démarche. Je m'étais dit: Comment est-ce qu'on
pourrait régler cette situation? Au départ, on avait obtenu une
évaluation par un expert, et je lui avais demandé deux
évaluations. Une évaluation de la valeur actuelle et une
évaluation - disons subjective qui était en fonction des
conditions puisque ce foyer est encore en activité et il peut
l'être encore pendant 20 ans. On le ne sait pas.
Alors, il avait fait une espèce de valeur actualisée et il
avait suggéré 25 % de la valeur de l'évaluation comme
montant à payer. Nous avons, par la suite, fait une convention avec la
fabrique où nous avons convenu de leur payer une somme de 25 000 $ en
assumant, évidemment, tous les frais incluant les frais du projet de
loi. Ceci a posé un problème quant à la valeur. Un des
arguments des avocats du ministère était qu'on n'avait pas
à régler d'avance les pauvres, que ce n'était pas une
dette échue et que les pauvres ne mourraient pas. Alors devant
l'argumentation qu'on trouvait valable, on avait, de bonne foi, tenté de
trouver une solution pour ne pas, justement, imposer la solution ici. Ce matin,
après une discussion très intéressante et très
valable avec les avocats du ministre en la présence de Me Dauphin, qui
est le parrain du projet de loi, nous avons convenu d'une autre façon
d'établir une indemnité, façon qui semble
représenter une solution juste. Elle a été établie
en prenant le rapport de la valeur du terrain par rapport à la valeur de
l'ensemble. À ce moment-là, lorsque les religieuses vendraient,
ce qui peut être dans un avenir prochain ou lointain - on ne le sait pas
-elles paieraient un pourcentage, soit 5,5 % de la valeur du terrain et de la
bâtisse au total. Comme Me Dauphin l'a souligné tout à
l'heure, s'il y avait vente à un prix ridicule parce que les
circonstances faisaient que la bâtisse avait peu de valeur,
évidemment, à ce moment-là, il resterait quelque chose aux
religieuses et, si c'était pour un prix avantageux, tant mieux, tout le
monde en profitera, et également les pauvres de la paroisse. Je tiens
à rappeler ce que soeur Poirier disait ce matin aux légistes,
l'oeuvre des religieuses, ce sont les pauvres. Qu'il y ait de l'argent qui
aille aux pauvres, elles n'ont absolument pas d'objection à cela.
Alors, dans sa version actuelle - je ne sais pas si vous avez la version
modifiée -c'est le projet de loi tel que proposé qui semble
satisfaire tout le monde.
Le Président (M- Filion): D'accord. Je vous remercie, Me
Descary et...
Une voix: Madame...
Le Président (M. Filion): Oui, Mme la
députée de Marie-Victorin, est-ce que vous avez demandé la
parole? Je m'excuse.
Mme Vermette: Oui.
Le Président (M. Filion): Ce que je pourrais
peut-être suggérer pour le bon fonctionnement... Me Lucie Dionne,
de la Corporation d'hébergement du Québec, est ici. Est-ce que
vous voudriez intervenir à ce stade-ci?
Mme Dionne (Lucie): Notre intervention est positive. Je voudrais
dire que la Corporation d'hébergement du Québec a
été mandatée par le ministère de la Santé et
des Services sociaux pour négocier l'achat de l'actuel Foyer
Saint-Antoine pour les fins du réseau. Actuellement, nous sommes
toujours en processus de négociation. Advenant une entente sur le
coût de cette transaction, un des éléments importants pour
la conclusion de cette transaction, en sus de l'obtention d'un décret,
est que la communauté Province Ville-Marie des soeurs Grises de
Montréal nous transmette des titres clairs sur la totalité de sa
propriété dont le lot 215 du cadastre du village de
Longueuil.
En conséquence, nous sommes en accord avec l'objectif visé
par le projet de loi 224.
Le Président (M. Filion): D'accord. Avant de passer la
parole et avec la permission de mes collègues, j'aurais quelques
questions. Je pense que vous avez répondu par votre intervention
à une partie de ces questions. Je me demandais qui étaient les
acheteurs éventuels et pour quelles raisons la congrégation
cherchait à se départir du terrain.
M. Descary: Non, on ne cherche pas à s'en
départir.
Le Président (M. Filion): Non, d'accord, mais là je
saisis quand même...
M. Descary: Peut-être une précision, M. le
Président. C'est que, présentement, on fonctionne encore, sauf
que le ministère, compte tenu de l'âge de la bâtisse, a
décidé de bâtir un foyer ailleurs et les gens qui sont
là seront déménagés de sorte que les religieuses
sont présentement, en tout cas, dans l'état où elles ne
peuvent plus fonctionner. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'autres
ententes et qu'il n'y aura pas d'autres personnes qui
déménageront là-dedans et que cela ne pourrait pas
continuer, sauf que là elles sont vis-à-vis d'une
échéance. À ce moment-là, la question se pose: Que
peut-on faire, surtout lorsque les titres ne sont pas clairs? La
première démarche, je pense, surtout dans le contexte actuel, est
de dire: On va commencer par
régler notre situation et après on pourra... Si c'est le
ministère qui achète, il faut quand même que le
ministère ait des titres clairs, peu importe l'acheteur, peu importe la
nouvelle orientation. Cela peut être la même orientation qui va
continuer, mais, peu importe l'orientation, il y aura des montants d'argent
à injecter là-dedans. Je pense que tout le monde va constater
aujourd'hui qu'on ne peut plus continuer à injecter de l'argent alors
que la situation n'est pas claire, que les titres ne sont pas clairs. 0 s'agit
de clarifier ceci. Tout est en discussion pour l'avenir. Je ne sais pas si
soeur Poirier veut parler ou soeur Berthiaume.
Le Président (M. Filion): J'aimerais vous entendre
là-dessus parce que j'avais compris que la Corporation
d'hébergement était non seulement un acheteur éventuel,
mais était quand même intéressée
concrètement. Est-ce que je me trompe, Me Dionne?
Mme Dionne (Lucie): Actuellement, nous sommes un acheteur
éventuel. C'est vraiment le terme choisi parce que, advenant une entente
avec la communauté, il est évident que nous devons être
autorisés préalablement par décret. Ce décret sera
adopté en vertu de l'article 72 de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux. Advenant une entente sur le montant de la
"considération" à verser à la communauté, il est
évident que nous ne pouvons convenir d'une entente finale avec la
communauté si elle ne possède pas de titres clairs sur sa
propriété. Si elle n'a pas de titres clairs sur sa
propriété à nous transmettre, nous devrons
évidemment cesser les négociations.
Le Président (M. Filion): Comme n'importe quel autre
acheteur, d'ailleurs.
Mme Dionne (Lucie); Comme n'importe quel autre acheteur. (13
heures)
Le Président (M. Filion): II faut fournir des titres
clairs, cela fait vivre les bureaux de notaires et d'avocats. J'ai
déjà eu l'occasion de le mentionner. C'est simple à dire:
Fournissez-moi des titres clairs, mais on s'aperçoit que certaines
irrégularités dans la transmission des droits dans certains cas
créent des situations juridiques de la nature d'une impasse. C'est un
peu le cas qui nous intéresse.
Maintenant, je m'intéresse pas mal au foyer, c'est dans le
comté voisin du mien, je suis dans le comté de Taillon. Je
connais l'édifice et le terrain dont on parle et, dans ce sens, la
question que je posais tantôt, c'était: Pourquoi maintenant, dans
le fond, Me Descary? Pourquoi pas il y a dix ans? Il y a une situation qui a
amené les démarches qui ont fait en sorte que le projet de loi a
été déposé. C'est un peu par curiosité.
M. Descary: Si vous le permettez, soeur Poirier veut
répondre à cette question.
Le Président (M. Filion): Je vous en prie.
Mme Poirier (Bernadette): M. le Président, notre
présence ici vient du fait que nous avons reçu l'avis que la
bâtisse était désuète et que nos
bénéficiaires devaient être transférés dans
un foyer qui doit être construit sous peu. On a été assez
surprises de cette décision sans consultation, mais c'est le fait
concret. Comme on l'a dit tantôt, on ne peut pas procéder à
la vente d'un terrain si les titres ne sont pas clairs, c'est la raison.
Maintenant, je ne voudrais absolument pas qu'on parle de
désistement ou de désintéressement des soeurs Grises, ce
n'est pas la situation. On nous retire nos bénéficiaires, c'est
la situation. À ce moment-là, nous, qu'est-ce qu'on fera de la
bâtisse? Il faut d'abord clarifier les titres. On sait, par ailleurs, que
le ministère de la Santé et des Services sociaux est
intéressé à la bâtisse. Il nous l'a signifié
et ma collègue, soeur Berthiaume, pourrait probablement vous mettre
davantage au courant, si besoin est.
Le Président (M. Filion): Révérende soeur
Berthiaume.
Mme Berthiaume (Henriette): J'aimerais ajouter que la question de
la vente du Foyer Saint-Antoine n'aurait jamais vu le jour si notre oeuvre, que
l'on exerce depuis 110 ans, ne nous était pas enlevée du jour au
lendemain, comme cela. Nos pensionnaires partant, on reste avec un
éléphant blanc. Qu'est-ce qu'on fait avec? On veut bien
continuer, mais nous ne sommes pas le ministère et nous ne sommes pas
une fiducie non plus pour injecter de l'argent et encore de l'argent. On ne
peut vraiment pas garder la bâtisse telle quelle. Au ministère et
à tout le monde, j'ai dit que ce n'était pas pour 1 $ qu'ils
auraient la bâtisse et le terrain. Les pauvres, je ne dirai pas qu'ils
seront choyés, parce qu'il est assez rare qu'ils soient choyés,
ces pauvres eux, mais, quand même, ils auront leur part parce que le
terrain et les bâtisses qui sont dessus doivent se vendre. Nous, comme
communauté, ne pouvons pas laisser aller un patrimoine pareil. C'est
l'objet du litige dans le moment.
Le Président (M. Filion): Pour ma part, j'aurai une autre
intervention à faire tantôt, au moment de l'amendement, alors
qu'on va passer des 25 000 $ à 5,5 %. À ce stade-ci, j'inviterais
les autres membres de la commission qui ont des questions à poser ou des
interventions à le faire.
Mme la députée de Marie-Victorin... Du
même souffle, je demanderais le consentement des membres de la
commission pour qu'on poursuive nos travaux au-delà de 13 heures, afin
de terminer l'étude du projet de loi 224. Consentement?
Mme Vermette: Oui. Lorsqu'on m'a présenté le projet
de loi en me demandant ce que j'en pensais, j'ai eu une première
réaction, celle de réagir comme une légaliste,
c'est-à-dire de regarder le projet de loi comme étant un
testament fait dans un but très précis, c'est-à-dire en
fonction de donner un bien pour autant qu'on l'utilise à des fins
charitables comme un hospice. J'ai regardé le document en pensant que
les religieuses se sont acquittées de cette tâche depuis, comme
elles le disent si bien, 110 ans. Toujours dans ce même esprit, je me
suis dit: Effectivement, les religieuses ont accompli la mission pour laquelle
on leur avait solennellement donné ce foyer. Actuellement, une
circonstance nouvelle fait qu'elles ne peuvent plus continuer leur oeuvre. Je
ne crois pas que les religieuses veuillent mettre un terme à leur
vocation, je pense que c'est une question de circonstances et aussi une
question d'évolution dans le temps. Nous devons répondre
actuellement à un fait qui est ponctuel.
L'autre aspect sur lequel je me suis arrêtée, c'est le vide
qui semblait ressortir. À l'époque, il y avait un marguillier et,
aujourd'hui, nous avons affaire à une fabrique. De toute façon,
peu importe la somme que les soeurs devraient verser, en ce qui concerne les
oeuvres des pauvres, il y aura toujours ce vide. Elles pourraient avoir des
titres clairs du côté juridique, à savoir si la fabrique
remplace réellement les marguilliers et, si c'est le cas, la fabrique se
dit d'accord pour qu'il y ait entente entre les religieuses et la fabrique de
la paroisse pour régler avec une somme d'argent. En fait, le
problème ici, c'est simplement de rendre légale cette
reconnaissance de la fabrique qui permet aux religieuses de signer une entente
et que la partie qui s'appelle la fabrique soit reconnue juridiquement. Cela
favorise des titres clairs. C'est pour cela que je pense qu'ici c'est une
question d'équité au niveau de la somme allouée aux
pauvres. De toute façon, quel que sait le montant qu'on verserait
à l'ensemble des pauvres de la ville de Longueuil, il resterait toujours
ce problème qui, à mon avis, ne peut faire autrement que de
passer par l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Filion): Je remercie la
députée de Marie-Victorin. Je passe la parole au ministre de la
Justice.
M. Marx: M. le Président, il semble qu'il y ait deux
principes en jeu. Premièrement, c'est le problème de geler
l'usage des terrains pour toujours. Je pense qu'il faut que les gens aient une
certaine liberté de ne pas être mis dans une situation intenable
pour toujours. Deuxièmement, il y a le principe de respecter les voeux
des donateurs. Quand même, l'acte de donation date de 1876, cela fait
plus d'un siècle.
Le Président (M. Filion): Cela fait 110 ans.
M. Marx: Cela fait 110 ans, oui, M. le Président.
Le Président (M. Filion): C'est aussi long que la
Confédération, M. le ministre de la Justice.
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Filion): Vous vous imaginezl
M. Marx: Sauf qu'on met fin à l'acte de donation; on n'a
pas mis fin à la Confédération.
Des voix: Ha! Ha! Ha! Une voix: C'est un
progrès.
M. Marx: II faut respecter les voeux de ce monsieur donateur et,
aussi, il faut dans ce sens s'assurer que les pauvres aient un montant qui
corresponde à ces voeux en général. Je pense que l'entente
qui est intervenue ce matin entre les parties, avec l'aide des légistes
du ministère de la Justice, va dans ce sens. Donc, nous sommes d'accord
avec ce projet de loi. Nous allons proposer des amendements.
Le Président (M. Filion): D'accord. J'appelle donc
l'article 1 du projet de loi 224, Loi concernant le Foyer Saint-Antoine de
Longueuil.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Filion): Adopté. Article 2. On
dépose un amendement à l'article 2. Bon. Alors, le projet de loi
concernant le Foyer Saint-Antoine est modifié par le remplacement de
l'article 2 par les suivants: "2. Le pouvoir du marguillier en charge de la
Fabrique de la paroisse de Saint-Antoine de Longueuil de vendre le lot 215 du
cadastre du village de Longueuil et ses dépendances si ce lot cesse
d'être utilisé aux fins prévues aux actes de donation
enregistrés au bureau de la division d'enregistrement de Chambly,
à Longueuil, sous les numéros 13 595 et 13 774, est
annulé." "2.1 La Province Ville-Marie des soeurs
Grises de Montréal devient propriétaire du lot 215 du
cadastre du village de Longueuil. Elle doit cependant verser à la
Fabrique de la paroisse de Saint-Antoine de Longueuil en sa qualité de
fiduciaire des pauvres de la ville de Longueuil aux termes de l'acte de
donation enregistré au bureau de la division d'enregistrement de
Chambly, à Longueuil, sous le numéro 13 595, une somme
égale à 5,5 % de la valeur du lot 215 additionnée de la
valeur des bâtisses dessus construites, cette somme ne pouvant en aucun
cas être moindre que 25 000 $. "2.2 La somme visée à
l'article 2.1 est exigible lors de la première aliénation
à titre onéreux du lot 215 du cadastre du village de Longueuil
survenue le (indiquer ici la date d'entrée en vigueur de la
présente loi) et consentie à une personne non liée
à la Province Ville-Marie des soeurs Grises de Montréal au sens
de la Loi sur les impôts (LRQ, chapitre 1-3). "La valeur du lot 215 et
celle des bâtisses dessus construites sont celles mentionnées
à l'acte d'aliénation. "2-3 Le propriétaire du lot 215 du
village de Longueil peut acquitter en tout ou en partie la dette due en vertu
de l'article 2.1 avant que celle-ci ne soit exigible. "Dans ce cas, la valeur
du lot 215 et celle des bâtisses dessus construites sont la valeur
marchande qu'ils ont le jour où ce paiement est effectué." Je
vais suggérer un amendement pour la langue française
tantôt. "2.4 Le paiement de la dette due en vertu de l'article 2.1 est
garanti par une hypothèque sur le lot 215 et les bâtisses dessus
construites du cadastre du village de Longueuil au bénéfice de la
Fabrique de la paroisse de Saint-Antoine de Longueuil en sa qualité de
fiduciaire des pauvres de la ville de Longueuil aux termes de l'acte de
donation enregistré au bureau de la division d'enregistrement de
Chambly, à Longueuil, sous le numéro 13 595. "Sur paiement de la
totalité de la somme visée aux articles 2.2 ou 2.3, la fabrique
donne quittance et mainlevée totale de cette hypothèque. "La
fabrique peut également céder priorité d'hypothèque
et accorder mainlevée partielle contre valeur. "2.5 Au cas d'application
de l'article 2.3, la valeur marchande du lot 215 à la date prévue
à cet article est déterminée par un évaluateur
agréé choisi par le propriétaire de ce lot et par la
Fabrique de la paroisse de Saint-Antoine de Longueuil. S'il y a
désaccord relativement au choix d'un évaluateur
agréé, l'une des parties peut, sur requête signifiée
à l'autre, demander à un juge de la Cour supérieure de
procéder à ce choix. "2.6 La Fabrique de la paroisse de
Saint-Antoine de Longueil distribue les sommes reçues en application des
articles 2.2 ou 2.3 aux pauvres de la ville de Longueuil qu'elle juge les plus
dignes d'être secourus et elle est réputée exercer ainsi le
pouvoir semblable attribué à son marguiller en charge par l'acte
de donation enregistré au bureau de la division d'enregistrement de
Chambly, à Longueuil, sous le numéro 13 595."
Je félicite les légistes, mais il y a juste 2.3 au
deuxième paragraphe qui... Ce qu'on devrait dire, je pense, est ceci:
Dans ce cas, le total de la valeur du lot 215 et de celle des bâtisses
dessus construites est égal à la valeur marchande qu'elles ont le
jour où ce paiement est effectué.
M. Marx: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Filion): La valeur marchande qu'elles ont
le jour... C'est exact.
M. Marx: Je suis d'accord que l'on fasse ces modifications.
Une voix: Cela donnerait quoi?
Le Président (M. Filion): C'est pour la langue
française.
Une voix: Non, je veux savoir ce que cela donne comme texte?
M. Marx: Lisez encore une fois, s'il vous plaît, M. le
Président.
Le Président (M. Filion): Dans ce cas, le total de la
valeur du lot 215 et de celle des bâtisses dessus construites est
égal à la valeur marchande qu'elle a le jour où ce
paiement est effectué.
M. Descary: Ce sont les immeubles, le lot et les bâtisses
qui ont...
Le Président (M. Filion): "Qu'ils ont", vous avez raison,
"qu'ils ont le jour où ce paiement est effectué". En deux mots,
on ajoute "le total". Il faut l'écrire...
M. Marx: On va écrire cela clairement, M. le
Président, et on va vous donner cela en papillon.
Le Président (M. Filion): Déjà, je les
félicite. C'est clair en plus de cela. Je me suis déclaré
de cet avis, je l'ai lu et j'ai trouvé cela clair.
Adopté. Cependant, j'avais une question à poser
là-dessus et c'est mon intervention de tantôt. Évidemment,
les pauvres de Longueuil ne sont pas ici, c'est bien sûr. On demande
à la fabrique, en quelque sorte, de les représenter. (13 h
15)
M. Descary: C'est quand même suivre l'intention de la
donation.
Le Président (M. Filion): Dans ce sens, c'est tout
à fait exact. Cela va dans le sens de la donation qui a
été consentie en...
M. Descary: Une chose qu'il est peut-être utile de savoir
aussi, c'est que les légataires universels du notaire Goguet qui a fait
don de cette maison, ce sont les soeurs Grises.
Le Président (M. Filion): En plus de cela. D'accord.
M. Descary: De sorte que...
M. Marx: ...distribuer l'argent aux pauvres.
Le Président (M. Filion): D'accord. Dans ce sens, à
l'étude du dossier, avec ma collègue de Marie-Victorin, nous
avions été frappés par le rapport d'évaluation qui
fixait à un quart de la valeur réelle la valeur qu'il
estimait.
M. Descary: C'est une espèce de valeur actualisée.
C'est un peu comme si je vous disais: Je vous dois 10 000 $ payables dans dix
ans, et vous me disiez: Vous ne pourriez pas me payer tout de suite? À
ce moment, je vais l'escompter jusqu'à un certain point. C'était
un paiement immédiat en fonction d'une éventualité qui
pouvait être...
Le Président (M. Filion): C'est pour cela qu'il estimait
d'ailleurs la vie de la bâtisse à environ vingt ans.
M. Descary: Oui, exactement. C'est un peu l'exercice qu'il a fait
en disant: On paie quelque chose par anticipation.
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Descary: C'était le sens de cet exercice.
Le Président (M. Filion): D'accord. Me Descary, à
ce moment-là, je vous pose la question suivante. On avait, dans l'ancien
projet de loi, 25 000 $. D'ailleurs, ces 25 000 $ deviennent le plancher, si
vous me passez l'expression, et on remplace cette somme en chiffres absolus par
un pourcentage qui est de 5,5 %. Au moment où on se parle, à
combien évaluez-vous le terrain et la bâtisse?
M. Descary: Je ne le sais pas, il faut que je trouve...
Le Président (M. Filion): Entre vous et moi.
M. Descary: Je ne le sais pas du tout.
Le Président (M. Filion): Vous ne le savez pas du
tout.
M. Descary: Je vais vous dire pourquoi. On a une
évaluation municipale d'environ 2 000 000 $. Quel prix cela pourrait-il
se vendre? On a d'autres évaluations qui se situent à environ 1
500 000 $ ou quelque chose comme cela. Maintenant, c'est à supposer que
la bâtisse soit utilisée telle quelle. Si elle est pour être
transformée, qu'est-ce qu'elle vaut? Peut-être pas grand-chose, je
ne le sais pas.
C'est là qu'on s'est entendu pour un pourcentage. En somme, si
les bâtisses ne valaient rien, s'il fallait remettre la valeur du lot
215, les soeurs se ramasseraient avec à peu près rien, ce qui -
je ne le crois pas - serait très équitable dans les
circonstances. En même temps, si les religieuses le vendent à fort
prix, les pauvres en auront plus. Évidemment, on a fixé le
minimum de 25 000 $, qui était la somme qu'on était
déjà prêt à verser, donc pas de...
M. Marx: M. le Président, si, c'est comme on vient de le
dire il y a quelques minutes, le terrain vaut 5,5 % du lot, plus celle des
bâtisses, on peut dire que les bâtisses valent environ 2 000 000
$...
M. Descary: Exactement, c'est l'évaluation municipale.
M. Marx: C'est cela.
Le Président (M. Filion): Ce qui donne 100 000 $. C'est le
calcul que je faisais également. Évidemment, il faut tenir
compte, comme vous le mentionniez, du fait que les acheteurs sont
intéressés à acheter dans la mesure où ils veulent
se servir de ces bâtisses. Dans quel but s'en serviront-ils
précisément? Mais la Corporation d'hébergement du
Québec dont on connaît les...
Ma dernière question: vous avez inscrit dans l'amendement la
possibilité d'un paiement par anticipation. Est-ce que je dois y voir
cette bonne habitude...
M. Descary: C'est une suggestion du ministère.
Le Président (M. Filion): Une suggestion du
ministère?
M. Descary: Oui.
Le Président (M. Filion): ...y voir les bonnes habitudes
qu'avaient et qu'ont encore les congrégations religieuses de ne pas
avoir trop de dettes et d'aimer faire les choses le plus...
M. Descary: Remarquez que c'était une suggestion des
avocats du ministère. Même si
la corporation a dit: On n'a pas besoin de cela, j'ai dit: C'est un
privilège qui est là.
Le pire qu'il puisse arriver, c'est qu'on ne l'utilise pas.
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Marx: M. le Président, nous avons suggéré
ces dispositions pour permettre aux soeurs de se libérer de cette
charge, le cas échéant...
M. Descary: Vous savez, on joue avec l'avenir. Il y a...
M. Marx: ...à n'importe quel moment. Cela ne porte pas
préjudice au...
M. Descary: Cela ne porte pas préjudice - je m'excuse - et
les religieuses qui sont ici aujourd'hui, évidemment, dans un certain
nombre d'années, ce ne seront plus elles qui occuperont les mêmes
fonctions. Il s'agit de tenter d'apporter une solution finale, de sorte que,
quel que soit le problème qui se présentera
éventuellement, on ait la solution à l'intérieur du
bill.
M. Marx: Cela vous évitera de revenir, à un moment
donné...
M. Descary: Exactement.
M. Marx: ...pour demander un amendement à ce projet de
loi.
Le Président (M. Filion): Toujours par curiosité,
le ministre de la Justice me le pardonnera vu que c'est dans notre
comté, les pauvres sont également dans mon comté, dans
celui de Mme la députée de Marine-Victorin aussi - il y en a
partout - mais comme ce projet de loi les concerne directement... Vous avez
reçu cet avis; est-ce qu'il y a un moment fixé au calendrier pour
le déménagement des bénéficiaires ou...
Mme Berthiaume: Le transfert de nos bénéficaires se
fera quand le foyer de Longueuil-Est sera construit. On ne sait pas quand. Ils
doivent commencer, mais ils ne commencent jamais.
Le Président (M. Filion): C'est ça que je pensais,
c'est dans mon comté. J'aurai plusieurs bonnes raisons de faire en sorte
que cette construction démarre rapidement. Alors, cela va en ce qui
concerne l'article 2 tel qu'amendé?
M. Marx: Si je comprends bien, M. le Président, il y a
deux députés qui vont veiller à la mise en oeuvre de ce
projet de lot.
Le Président (M. Filion): L'adoption du projet de loi se
fait de façon, comme vous l'avez remarqué, tout à fait non
partisane. Par contre, ses conséquences peuvent nous intéresser.
Article 2, adopté tel qu'amendé? II faut d'abord adopter
l'amendement.
Une voix: Est-ce que l'amendement a été
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Filion): Ensuite, l'article 2 tel
qu'amendé?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Filion): Adopté. J'appelle
l'article 3.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Filion): J'appelle l'article 4. Un
amendement est déposé. Cette loi est modifiée par
l'insertion, après l'article 3, des suivants: "3.1 Aux fins du second
alinéa de l'article 1 et du premier alinéa de l'article 2.4,
l'enregistrement du dispositif de la présente loi est
réputé avoir été effectué au plus tard le
jour de la publication de la présente loi à la Gazette officielle
du Québec. "3.2 Malgré l'article 2081a du Code civil,
l'hypothèque prévue à l'article 2.4 ne s'éteint pas
à l'expiration de la trentième année suivant
l'enregistrement du dispositif de la présente loi et il n'est pas
nécessaire de renouveler cet enregistrement."
Encore une fois, je félicite les légistes d'avoir
pensé à 2081a, c'est-à-dire à la non-extinction de
l'enregistrement.
M. Marx: Parce que heureusement, M. le Président, nous
avons des légistes qui sont des notaires aussi.
Le Président (M. Filion): Est-ce que l'amendement est
adopté?
M. Marcil: Adopté.
Le Président (M. Filion): Est-ce que l'article 3 tel
qu'amendé est adopté?
M. Marcil: Adopté.
Le Président (M. Filion): J'appelle l'article 4.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Filion): J'appelle le
préambule.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Filion): Amendement au préambule.
Le préambule de ce projet de loi est modifié par le remplacement
du dernier alinéa par le suivant: "Que, dans ce but et pour respecter
l'intention de cette donation, la Province Ville-Marie des soeurs Grises de
Montréal désire établir la valeur des droits des pauvres
prévus a l'acte de donation enregistré sous le numéro 13
595 pour que la somme correspondante soit distribuée conformément
à cet acte."
Est-ce que l'amendement est adopté?
M. Marcil: Adopté.
Le Président (M. Filion): Est-ce que le préambule
tel qu'amendé est adopté?
Une voix: Oui, adopté.
M. Marx: M. le Président, une motion afin de
renuméroter les articles.
Le Président (M. Filion): Adopté. J'appelle le
titre du projet de loi, Loi concernant le Foyer Saint-Antoine de Longueuil.
M. Marcil: Adopté.
Le Président (M. Filion): J'appelle l'ensemble du projet
de loi.
Mme Vermette: Adopté tel qu'amendé. Le
Président (M. Filion): Tel qu'amendé. M. Marcil:
Adopté.
Le Président (M. Filion): Adopté.
Révérendes soeurs, Me Descary, Me Dionne, merci. Nous allons
suivre l'évolution pratique et concrète de ce projet de loi. Il
nous a fait plaisir de vous recevoir.
M. Descary: Nous désirons remercier la commission, son
président, le ministre et tous les membres de la commission.
Mme Poirier: Possiblement, entendra-ton parler de vous quand vous
serez bénéficiaires du centre d'accueil!
Le Président (M. Filion): Nos travaux sont donc
ajournés sine die.
(Suspension de la séance à 13 h 25)
(Reprise à 16 h 38)
Le Président (M. Filion): Cette séance de la
commission des institutions est maintenant ouverte. J'inviterais la
secrétaire à nous faire part des remplacements. Il n'y en a pas.
À ce moment-ci, pour compléter notre mandat, il nous reste
à étudier le projet de loi 251.
Projet de loi 251
Je rappelle le libellé de notre mandat qui est de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi
d'intérêt privé 251, Loi concernant Lomer Pilote. À
ce stade-ci, j'inviterais le proposeur, M. le député de
5ainte-Anne à adresser, s'il le désire, quelques remarques
préliminaires aux membres de cette commission au soutien du projet de
loi privé dont il est le parrain.
M. Polak: Merci, M. le Président. Ma situation est la
suivante. Il y a quelques mois, M. Pilote, qui demeure dans mon comté,
est venu me voir à mon bureau de comté. Il m'a demandé si
j'étais prêt à présenter un projet de loi
privé qui porte maintenant le numéro 251. J'ai posé
quelques questions pour savoir de quoi il s'agissait. Donc, j'ai compris qu'il
s'agissait d'un problème d'ordre contractuel entre un médecin,
qui prétendait avoir une réclamation pour dommages et
intérêts, et un hôpital. J'ai dit que je crois beaucoup en
la possibilité pour un contribuable de présenter les faits devant
une commission parlementaire. Si la personne en question est assez
sérieuse pour vouloir présenter un projet de loi, j'ai
pensé que ce n'était pas à moi de dire que je refuse de
soutenir ce projet de loi.
Il ne faut pas conclure non plus que je suis totalement, d'abord, au
courant des faits de la cause, quoique je doive vous dire que j'ai
étudié avec beaucoup d'intérêt la documentation
ainsi que le dernier mémoire que le Dr Pilote a fait parvenir à
tous les membres de la commission. Je voudrais simplement... Pour moi, c'est
très important. C'est une cause qui a une certaine renommée
à Montréal parce que, après tout, l'affaire a
commencé en 1969 et nous sommes maintenant en 1986. Je sais que le Dr
Pilote n'est plus médecin; il est devenu avocat. Donc, il est bien
capable de plaider sa cause. Je lui ai dit carrément: M. Pilote, c'est
à vous de piloter votre propre cause devant la commission parlementaire,
et non à moi.
Je voudrais faire quelques remarques parce que je ne voudrais d'aucune
manière que le Dr Pilote ou que Me Pilote ait l'impression qu'on a
peut-être déjà décidé d'avance ce qu'on va
faire et qu'on a peut-être les oreilles non ouvertes. Je pense que c'est
très important que les députés aient les oreilles ouvertes
et que le Dr Pilote ait l'occasion de faire valoir tous ses arguments, comme
d'ailleurs l'autre partie, sans doute, qui doit avoir des arguments contre. Je
sais - je le lui ai dit, d'ailleurs - que le problème que je
prévoyais, c'est le problème
du précédent. J'ai regardé toute la
littérature et ce serait peut-être intéressant de savoir
pourquoi, dans la cause de Claude Desfossés, apparemment des droits
étaient accordés. C'est un ancien pompier de la ville de
Montréal. Il y a eu un jugement, en 1972, à la suite duquel la
ville de Montréal a payé. Claude Desfossés a repris une
nouvelle action, en 1979, sept ans plus tard. Pourquoi? J'ai vu le projet de
loi, mais, évidemment, il n'y a pas d'argument. Je ne sais pas quelle
était l'injustice flagrante commise dans le cas de Desfossés.
C'est au Dr Pilote de démontrer... Je pense qu'il réalise
très bien qu'il a une côte à monter pour convaincre les
membres de la commission et, surtout, le ministre de la Justice du
bien-fondé de son action.
Dernier point de vue, j'admire beaucoup le travail des fonctionnaires,
avocats, notaires, etc. Après tout, ce sont des gens qui ont des
opinions. Leur opinion n'est pas meilleure que l'opinion d'un juge ou d'un
autre avocat. Je pense qu'on devrait écouter les arguments de part et
d'autre avec un esprit très réceptif afin que le Dr Pilote ou Me
Pilote sache qu'ici on est prêt à décider selon la
validité des arguments. Donc, voilà pour ma présentation.
Je vais rester ici pour écouter, je n'ai pas l'intention de partir, mais
je dois vous dire que j'ai trouvé la cause très
intéressante sur le plan légal, moral, etc. Je vous remercie.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le
député de Sainte-Anne. Assurément, comme toujours, les
membres de cette commission gardent vis-à-vis des intervenants,
vis-à-vis des projets de loi privés qu'ils doivent étudier
un esprit ouvert, comme vous le dites, tout en respectant évidemment,
les principes qui ont été établis au fil des années
par nos prédécesseurs, tout en respectant également les
principes qui ont été mis de l'avant et qui sont bien connus,
dont quelques-uns ont été répétés ce
matin.
Je demanderais à M. Pilote lui-même s'il désire
adresser quelques mots aux membres de cette commission. Je pense bien que tous
les membres de cette commission ont reçu - dans le fond, c'est une
question que je pose - le document préparé et intitulé
"Mémoire du requérant". Je ne sais pas, on hoche la tête
autour de la table.
Une voix: Tout le monde l'a reçu.
Le Président (M. Filion): Tout le monde a reçu ce
document. Alors, M. Pilote, je vous invite à le compléter ou
à le synthétiser ou, à tout effet, nous sommes à
votre disposition, nous vous écoutons.
M. Pilote (Lomer): Je vous remercie, M. le Président,
évidemment, de l'honneur que j'ai de m'adresser, pour la première
fois de ma vie et possiblement la dernière, aux représentants du
peuple, les élus et les législateurs. Je remercie surtout M.
Polak qui a bien voulu accepter de parrainer, sans l'endosser comme il l'a dit
- et ce n'était pas là le but - le projet de loi. Je le remercie
de toute façon, quoi qu'il arrive, que le projet soit adopté ou
non, je le remercie quand même dès maintenant, dès le
début.
Tout d'abord, M. le Président, j'aimerais, à la
lumière de la discussion du cas auquel j'ai assisté ce matin, le
cas Dugas, le projet de loi 233, lequel a été rejeté,
à la lumière de cette discussion - qui m'a très
éclairé et très intéressé, d'ailleurs -faire
un amendement à mon projet de loi pour respecter ce qui a
été discuté, surtout le point qui a été
présenté par M. le ministre de la Justice sur le problème
de la prescription. Cela pourrait créer trop de
précédents, surtout si la prescription est due à une
erreur d'un avocat, il y a d'autres recours que le législateur pour
corriger ces erreurs de prescription. Je suis d'accord. Pour ces raisons et
celles que je vais préciser un peu plus loin, j'aimerais changer
l'article 1 du libellé de mon projet, l'amender en biffant
"malgré toute prescription applicable", en biffant cela et en inscrivant
après le mot "et": "malgré les jugements antérieurs,
notamment celui de la Cour d'appel du district de Montréal daté
du 10 juin 1981"... Je veux biffer le...
Le Président (M. Filion): M. Pilote, je prends bonne note
de cette idée. Maintenant, je tiendrais, pour le bénéfice
des membres de la commission, à signaler ce qui suit. Bien que ce soit,
évidemment, une loi concernant Lomer Pilote et que Lomer Pilote, en
l'occurrence, c'est vous, je dois vous signaler que les règles de la
commission qui nous gouvernent sont évidemment les mêmes que
celles qui gouvernent n'importe quelle commission parlementaire. En ce sens,
les amendements doivent être proposés par un membre de la
commission et, en ce sens, je pense qu'on peut vous écouter
là-dessus, que c'est une suggestion, une idée d'amendement et
que, si l'un des membres de la commission désire soumettre cet
amendement ou n'importe quel autre amendement, il lui appartient de le faire.
Cela ne vous empêche pas, M. Pilote, encore une fois de suggérer
des amendements et je comprends que vos dernières paroles doivent
être comprises dans le sens d'une idée que vous émettez. M.
le député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, juste pour la forme, même
si je ne suis pas membre de la commission, mais tout de même... Je suis
membre? D'accord, parfait.
Le Président (M. Filion): M. le député
de Sainte-Anne, étant donné que c'est un projet de loi que
vous parrainez, vous êtes membre.
M. Polak: D'accord. Je fais donc pour la forme cet
amendement.
Le Président (M. Fîlion): Maintenant, M. le
député de Sainte-Anne, comme nous sommes actuellement au stade
des remarques préliminaires et des interventions de nos invités,
et que nous n'avons appelé ni l'article 1, ni l'article 2, ni aucun
autre article de ce projet de loi, je vous inviterais, lorsque nous serons
à l'étude de l'article où vous désirez introduire
un amendement, je vous inviterais à le faire à ce
moment-là. D'accord? Merci.
M. Polak: Oui.
Le Président (M. Filion): Alors, M. Pilote, je vous en
prie.
M. Pilote: En fait, M. le Président, il ne s'agit pas d'un
problème de prescription dans cette affaire. Le problème peut se
résumer en fait à ceci, c'est que, dans une première
action qui a franchi les trois étapes, la Cour supérieure, la
Cour d'appel et la Cour suprême du Canada, il a été
décidé que le non-renouvellement de nominations, de contrats
annuels du médecin du temps et la suspension de son contrat de 1969, le
23 juin, c'était annulé à toutes fins que de droit. Dans
la première action, c'est... Mais la Cour suprême, malgré
la demande du requérant du temps, n'a pas voulu accorder l'ordre de
réintégration. Il reste qu'une chose annulée doit
être exécutoire, comme l'a dit le juge Taschereau dans
l'affaire... Cela doit être exécutoire.
Or, le non-renouvellement de contrats... Il y a eu trois contrats dans
la première action. Le premier contrat a été suspendu. Il
y avait un contrat qui reliait les parties. Ce n'est pas une faute
délictuelle, il y avait un contrat juridique. Une nomination de
médecin a été assimilée par la jurisprudence
à un contrat annuel, comme un bail, un contrat d'un an, qui est
renouvelable suivant la volonté du législateur et qui a
été adopté le 1er avril 1969. Les règlements de la
loi des hôpitaux ont déterminé comment cela devait
être renouvelé ou non. Il y a une procédure et elle n'a pas
été suivie dans le temps.
Il y avait trois contrats au départ. Le premier contrat datait du
31 juillet 1968 et allait au 31 juillet 1969. Le 23 juin, des
difficultés entre les parties - que je ne détaillerai pas parce
qu'on ne veut pas que je discute des faits, ce serait trop long - des
difficultés sont survenues et le contrat a été suspendu le
23 juin, sans raison aucune. Le 11 juillet, on annonce au docteur Pilote,
moi-même - je parle de moi à la troisième personne, cela
fait prétentieux - on lui annonce que son contrat ne sera pas
renouvelé le 31 juillet 1969, contrat annuel suivant les
règlements internes de l'hôpital, et on prétend que les
règlements de la loi des hôpitaux, en vigueur depuis le 1er avril,
ne s'appliquent pas. Le débat commence là-dessus.
La Cour d'appel et la Cour suprême en sont venues à la
conclusion, la Cour suprême à l'unanimité, que les
règlements de la loi des hôpitaux s'appliquaient, qu'ils n'avaient
pas été respectés, que la volonté des
législateurs n'avait pas été respectée, et que pour
cette raison, les décisions de non-renouvellement de contrat de
l'hôpital devaient être annulées à toutes fins que de
droit.
Mais l'origine du problème c'est que la Cour d'appel, le juge
Lajoie, majoritairement... Parce que l'hôpital avait contesté
l'ultra vires des pouvoirs du lieutenant-gouverneur en conseil d'adopter les
règlements, ce point-là a été débattu
jusqu'en Cour d'appel, mais l'hôpital a perdu là-dessus. C'est
pour cela qu'il y avait cinq juges en Cour d'appel. En Cour d'appel, la Cour
supérieure, majoritairement, a décidé qu'elle n'avait pas
à donner l'ordre mandatoire de réintégration, qu'en
annulant la décision de suspension et de non-renouvellement de contrat,
le demandeur, le Dr Pilote - le juge Lajoie l'a dit textuellement dans le
jugement - allait être réintégré, parce qu'une chose
annulée cela n'existe pas. Ils n'ont jamais pris de décision pour
mettre le Dr Pilote à la porte. S'ils n'ont jamais pris de
décision, il a jamais été mis à la porte. C'est la
conséquence logique du jugement.
Or, ils ne l'ont jamais réintégré le Dr Pilote,
malgré ce jugement-là. J'ai demandé devant la Cour
suprême un ordre mandatoire. J'ai dit: C'est bien beau un voeu pieux, de
déclarer qu'ils vont le réintégrer, mais s'ils refusent
encore? Quel autre moyen de coercition reste-t-il' au demandeur? Sinon par le
biais des dommages-intérêts ou l'ordre de
réintégration spécifique. Or, en Cour suprême on l'a
demandé. Et la Cour suprême a dit dans sa discrétion, en
reprenant une erreur du premier juge sur les faits, que le demandeur
était l'auteur de sa suspension pour des paroles prononcées
après. Comment peut-il être l'auteur de sa suspension par des
paroles quand dans la preuve c'est absolu que cela a été fait
après. Eux-mêmes ont dit qu'après qu'on l'eut suspendu, il
aurait dit des paroles, fait des menaces d'aller au ministre, d'aller à
Québec, d'aller aux journaux, des menaces très graves. Un autre
monsieur de l'hôpital, le cuisinier a dit lui, en situant cela
après la suspension et après la décision, que le Dr Pilote
aurait déclaré que les dieux du soleil vont se faire couper les
doigts. Cela est une erreur de fait du
premier juge, qui m'avait donné tort. Cette erreur-là, je
ne veux pas la remettre en question, mais il faut la constater car la Cour
suprême la reprend pour justifier de ne pas donner l'ordre de
réintégration. Mais à toutes fins utiles la Cour
suprême endosse le jugement majoritaire qui annule à toutes fins
que de droit la suspension du contrat et le non-renouvellement du contrat en
question dans cette cause, du contrat de 1969 et du contrat de 1970.
Le 27 mai 1974, après la décision de la Cour suprême
du Canada, Pilote était dans la position suivante: Les plus hauts
tribunaux du pays avaient déclaré que son congédiement
était annulé à toutes fins que de droit. Les tribunaux
avaient décidé qu'ils ne donnaient pas d'ordre à
l'hôpital. Ils accordaient des dommages limités parce qu'il avait
demandé des dommages très limités. Demandant un ordre de
réintégration, il ne pouvait pas en même temps joindre -
c'était la jurisprudence - une demande... On ne demande pas d'être
réintégré et en même temps des dommages. C'est
sûr que lorsqu'on demande un ordre de réintégration, les
dommages finissent là. S'ils le réintègrent, il n'y a plus
de dommages. Il retourne à l'hôpital et il n'y a plus de
dommages.
Il n'a pas eu cet ordre de réintégration. Or, la position
dans laquelle il était en 1974 après le jugement de la Cour
suprême c'était un beau jugement; son congédiement
était annulé à toutes fins que de droit. Les seules fins
que de droit qu'il restait, quelles étaient-elles? Selon le juge Lajoie,
c'était qu'il allait être réintégré, mais ils
n'ont pas voulu. Ifs ont dit: Non, on n'est pas obligé, on n'a pas eu
d'ordre. Qui va leur donner un ordre? Jamais, parce que la Cour suprême
l'a refusé et c'est fini, c'était chose jugée. L'ordre
mandatoire...
Quel recours restait-il à Pilote? II avait un jugement non
exécuté et non exécutoire d'annulation à toutes
fins que de droit de son congédiement et de son non-renouvellement de
contrat. Il restait quoi? Le biais des dommages-intérêts.
Il a pris une deuxième action, c'est là le
problème. Le problème a été présenté
à un juge de la Cour supérieure, l'honorable Yvon Jasmin en 1978,
qui a accepté la thèse que je viens de vous dire: que ce
n'était pas la même qu'eux autres. L'hôpital a plaidé
chose jugée. Il a dit: On l'a payé, on l'a déjà
payé 55 000 $ pour le congédiement illégal. Mais la
thèse du demandeur c'était qu'on l'avait payé pour des
contrats du 23 juin 1969 au 4 septembre 1970, pas pour des contrats
subséquents. Comme l'impôt et les baux, c'est annuel.
Un contrat annuel c'est une autre cause d'action. Donc j'ai
plaidé, on a plaidé devant le juge Jasmin avec succès. Il
est dit textuellement dans le jugement du 13 juin 1978 que le renouvellement
s'est fait automatiquement d'année en année, que cela n'est pas
chose jugée parce que ce n'est pas la même cause d'action. C'est
évident qu'à l'article 1241, le législateur a
décidé que cela prenait trois identités pour parler de
chose jugée: identité des parties, cela c'était vrai,
c'était les mêmes parties; l'identité de l'objet, ce
n'était pas le même objet, ce n'était pas la même
année; l'identité de la cause d'action, ce n'était
même pas une cause d'action, ce n'était pas le même
contrat.
C'est comme si j'allais plaider comme locataire contre mon
propriétaire. Si j'ai un différend pour une année sur un
bail et que l'année suivante il y a un autre différend sur un
nouveau bail ou sur un nouveau contrat, celui qui a le différend ne peut
pas dire: Voici l'année passée vous avez plaidé sur le
bail de l'année 1969 par exemple et vous ne pouvez plus replaider celui
de 1970. Le bail de 1970 ce n'est pas le même bail que 1969. La
jurisprudence est absolue sur cela. Or, le juge Owen a renversé en 1981
ce jugement du juge Jasmin. La Cour suprême avait toujours parlé
de contrat. Si on lit le jugement de 1974 de la Cour suprême on voit que
le juge de Grandpré dit très bien que la conclusion
nécessaire est donc double à cause de l'arrivée en vigueur
des règlements de la loi sur les hôpitaux le 1er avril 1969.
L'hôpital avait toujours plaidé que c'était leur
règlement qui s'appliquait. Or, le législateur est intervenu et a
dit que les relations contractuelles entre les médecins et les
hôpitaux seront régies de telle ou telle façon. Cela
s'appliquait. L'hôpital n'a pas voulu respecter cela mais il s'est fait
dire par les tribunaux: Vous auriez dû le respecter. La Cour
suprême dit qu'à compter du 1er avril toutes les procédures
en suspension doivent être conformes aux prescriptions des
règlements. Cela est pour renverser la suspension du 23 juin 1969.
Deuxièmement, à compter de cette même date de
l'entrée en vigueur des règlements de la loi sur les
hôpitaux tous les contrats entre les médecins et les
hôpitaux doivent être prolongés automatiquement jusqu'au 31
décembre 1969, permettant ainsi la mise en application de la
procédure de nomination prescrite par les règlements. C'est cela
que la Cour suprême a décidé.
Pour les dommages - la fameuse chose jugée - ce qui a
été accordé par la Cour d'appel en 1973 c'est seulement
les dommages pour trois contrats: le contrat de 1969, le contrat de 1970, - une
partie de 1969 et une prolongation de 1969 de juillet à décembre
- mais non pas les autres contrats de 1971, 1972 et 1973 qui s'étaient
renouvelés selon l'effet de la loi. La loi c'est la volonté du
législateur. Or, le juge Owen dans son jugement de 1981, alors qu'il
avait devant lui le jugement du juge Jasmin qui dit qu'il n'y a pas chose
jugée, que c'est
contractuel, que cela a toujours été contractuel et que
cela reste contractuel, que ce sont des contrats annuels et que ce sont
différentes causes d'action, le juge Owen par une gymnastique je ne sais
pas de quelle sorte dit aux pages 12 et 13 que c'est devenu - il n'emploie pas
le mot "délictuel" mais il décrit toutes les conséquences:
"However our law does not recognize a continuing series of actions for damages
caused by the same incident or connected incidents". Je m'excuse de le lire en
anglais mais c'est comme cela que je l'ai eu en 1981, en anglais, même si
tout avait été plaidé en français, je l'ai eu en
anglais. C'est la seule version qui existe en anglais. "Such damages must be
claimed, proved and assessed once and for al! as a result of one action." C'est
l'affaire McGee de 1900 qui porte sur le domaine délictuel.
Délictuel cela veut dire qu'il n'y a pas de relation juridique
entre les parties. Si je m'en vais sur le trottoir et que je donne une jambette
à quelqu'un, je commets une faute... ou en auto. C'est une seule cause
d'action. Il n'y a pas de relation juridique, il n'y a pas de contrat.
Là, on parle de délictuel, c'est une faute. Si c'était
cela mon congédiement et si cela avait été un contrat
à durée indéterminée l'honorable juge Owen aurait
raison. Mais ce n'était pas cela. C'était un contrat annuel en
1969. La première cause a toujours été mise dans le
domaine contractuel. On a commencé avec une pomme et à un moment
donné sans raison et sans qu'on sache pourquoi, le sabot rouge est
devenu vert ou si voulez la pomme est devenue une orange. Bien oui, mais on ne
parle plus de la même cause.
Il dit que je n'ai pas le droit à une deuxième action
parce que je n'ai pas tout réclamé dans la première
action. J'aurais dû tout réclamer dans la première action.
Dans la première action je ne pouvais pas tout réclamer
c'était impossible. Je demandais ma réintégration par un
ordre mandatoire. Je ne pouvais pas faire les deux. Je ne pouvais pas
réclamer et en même temps retourner à l'hôpital
c'était incompatible. Le jugement du juge Owen c'est cela. Cela change
la nature de la cause. En fait c'est un non-jugement. Ce n'est même pas
une chose jugée c'est un non-jugement, puisqu'il ne parle pas de la
même cause. On dirait qu'il s'est trompé de dossier. Ce n'est pas
des mêmes années, ce n'est pas des mêmes contrats dont il
parle. Je suis allé devant la Cour suprême avec cela et j'ai eu un
non, non. Trois mois. On sait que la Cour suprême n'avait pas le temps
d'écouter ces causes quand cela concerne uniquement un individu. (17
heures)
Je suis devant vous actuellement parce que je n'ai pas d'autre recours.
J'ai un jugement non exécutoire d'annulation à toutes fins que de
droit, et je n'ai aucun moyen de coercition pour le faire exécuter. Le
seul moyen qui reste, ce sont les dommages-intérêts. Mais ils vont
me répliquer que c'est sûr que je ne peux pas m'adresser aux
tribunaux, que c'est une chose jugée. Le juge Owen a dit que je n'avais
pas droit a une deuxième action pour les années 1971, 1972, 1973
et 1974.
Alors, c'est sûr que, dans l'état actuel, sans la loi
spéciale, je n'ai plus de recours contre l'hôpital. Par cette loi
spéciale, vous ne décidez pas si j'ai raison, au fond. Vous me
permettez de retourner devant les tribunaux uniquement. Vous n'intervenez pas
pour dire aux tribunaux: Est-ce qu'il y a eu renouvellement? Est-ce que ce sont
des nouveaux contrats? Est-ce que c'est délictuel ou contractuel?
Mais, vous ne décidez pas cela. Vous ne décideriez pas
cela par cette loi. Vous dites simplement que, malgré cela, on ne pourra
pas m'opposer la requête en irrecevabilité, dès le
départ, si je prends une autre action. Vous me redonnez un droit
d'action. J'ai écouté l'avocat du Barreau ce matin, le
vice-président. Moi, ce n'est pas le problème. Ce n'est pas une
question de donner un effet rétroactif, c'est de rendre
exécutoires des jugements qui ne sont pas exécutoires. C'est de
donner effet à un jugement des tribunaux. C'est ce que je demande aux
législateurs.
Ce n'est pas de rectifier l'erreur de l'honorable juge Owen de 1981, ni
de remettre le jugement de l'honorable juge Jasmin, c'est de remettre les
parties dans le même état en ce sens que je suis devant le
jugement de la Cour d'appel et de la Cour suprême, de la première
action, un contrat dont le renouvellement a été annulé
à toutes fins que de droit et il me reste un moyen de coercition, des
dommages-intérêts.
L'hôpital avait le libre choix pour s'éviter des
dommages-intérêts. Il aurait pu me réintégrer
dès 1973. Quand ces gens ont eu le jugement de la Cour d'appel en 1973,
qui a été confirmé en 1974 par la Cour suprême en ce
sens que leur décision était annulée, que c'était
contre la loi, ils avaient le choix de me réintégrer et on ne
serait pas ici pour en discuter s'ils l'avaient fait.
Ils l'ont fait de leur propre choix et ils s'exposaient à des
dommages-intérêts. Mais, là, à cause du jugement de
l'honorable juge Owen, ils sont à l'abri de toute poursuite. Ils sont
à l'abri de toute poursuite au point de vue des
dommages-intérêts, parce qu'on va m'opposer la chose jugée.
C'est le but de la loi spéciale.
On a discuté beaucoup ce matin à propos de l'affaire de M.
Dugas concernant l'autre projet de loi, le précédent et je
comprends les réticences du législateur - je les partage et c'est
vrai et absolu - pour ne pas créer des précédents et pour
ne pas créer une avalanche de demandes qu'un justiciable qui a perdu une
cause... Il ne faut
pas lui donner l'espoir que c'est le législateur qui va
siéger en appel pour rectifier toutes les injustices qui auraient pu ou
pourraient se commettre.
Je suis bien d'accord avec cela. Ce n'est pas un
précédent. À la page 60 de mon mémoire, l'affaire
è laquelle on a référé, la Loi concernant Claude
Desfossés... Comme M. le député de Juliette le dit
très bien: "Changez les noms - je vais répéter, je recite
ce qu'il a dit; je l'ai pris en note -malgré toute prescription
applicable et malgré le jugement, malgré la chose jugée.
C'est le jugement de la Cour supérieure en date du 22 avril 1970 -
Claude Desfossés a le droit de s'adresser au tribunal compétent."
La loi Desfossés, c'était là le précédent.
Il y en a probablement d'autres. L'avalanche, les craintes, les
réticences normales et correctes dans l'intérêt public du
législateur et du ministre de la Justice qu'il faut qu'on
considère l'intérêt public dans son ensemble...
Cette loi de Claude Desfossés de 1979, on l'a eue à
l'esprit. Il y a un article dans la Presse de mars 1980 - je ne veux pas
utiliser la Presse comme source pour discuter devant l'Assemblée
nationale, mais il reste que le titre et le texte, vous l'avez dans tous mes
mémoires à la page 61 - "Les magistrats n'ont plus le dernier
mot". Il dit: "Le parrain de la loi, le député Gilbert Paquette
assure que cette situation de précédent avait été
au coeur des préoccupations de tous les députés de la
commission parlementaire chargée d'étudier le projet de loi.
Selon lui, le danger que cette décision serve de précédent
pour inciter d'autres employés congédiés à recourir
à la même stratégie n'existe pas."
L'histoire lui a donné raison. Il n'y a pas eu d'avalanche. C'est
en 1980. On est six ans plus tard. Tout ce dont j'ai eu connaissance, c'est
qu'il y a eu un M. Dugas qui s'est adressé ici ce matin. C'est un cas,
il y en a peut-être une couple d'autres, je ne sais pas. On ne peut pas
appeler un cas ou deux d'exception une avalanche. Cela n'a pas
créé d'avalanche.
De toute façon, s'il y a d'autres injustices, je ne
prétends pas que les tribunaux... Avec tout le respect qu'on leur doit -
comme avocat, j'ai mon serment d'office, je suis obligé de
défendre l'intégrité et je la défends - ils sont
humains quand même. Il reste qu'il y a des possibilités d'erreur.
Il y en a eu trois sur les faits dans cette affaire. M. le ministre, vous ne
voulez pas que j'en discute et je n'en discuterai pas, mais il reste que les
erreurs de fait sont là, flagrantes, à la face même du
dossier. La preuve a été faite dans le sens que le juge
André Demers, en 1970, a dit que j'étais l'auteur de ma
suspension par des paroles qu'il a lui-même reprises dans son jugement:
"Unless you withdraw your suspension". Ce sont ses paroles. "You withdraw your
suspension", cela veut dire que la suspension est faite. Ensuite, il cite des
paroles de menaces qui sont allées dans les journaux, au ministre, etc.
C'est un fait. On utilise ces faits mais ce sont quand même des erreurs
de fait. Je ne veux pas qu'elles soient rectifiées, mais cela
démontre quand même qu'elles sont reprises par la Cour
suprême du Canada.
L'honorable juge de Grandpré, à la page 3 de son jugement
de mai 1974, alors que mon avocat à l'époque lui a demandé
de rectifier cette erreur de fait... On l'avait fait à la Cour d'appel.
La Cour d'appel a dit: Ce n'est pas nécessaire, dans le jugement
majoritaire, on n'étudie pas les motifs. Ce n'est pas nécessaire;
il suffit d'annuler. C'est tout.
Dans le jugement du juge de la Cour suprême, M. de Grandpré
dit: "Des difficultés étant survenues entre les parties,
difficultés qu'il n'y a pas lieu d'examiner ici..." Il dit qu'il
n'examinera pas les difficultés. Les difficultés, c'est le
problème des 15 %. La collection imposée par l'hôpital aux
médecins, sous peine de menaces. C'est écrit textuellement dans
le jugement du juge Demers. Même en me donnant tort, il a dit qu'il y
avait eu des menaces. À part moi, il y a quatre témoins qui ont
été menacés de se faire mettre à la porte s'ils ne
continuaient pas de payer leurs 15 %. Dans le jugement du 23 novembre 1970, le
juge Demers le dit à la page 3. C'est textuel. Je ne veux pas le
reprendre parce que ce serait trop long. Il est clair qu'il y avait un
problème de collection à ce moment-là. C'était une
erreur flagrante.
Même si elle est reprise... Il dit qu'il y a des
difficultés. Il dit: "On ne les analyse pas. Il n'y a pas lieu de les
examiner." Bon. Il ne les examine pas. Donc, il ne les vérifie pas. On
lui demande de les vérifier et il ne le fait pas. Puis, à la fin,
il utilise cela. Il dit: Je vais en tenir compte pour refuser le mandamus? II
dit lui-même dans son jugement qu'il n'a pas vérifié cela
et après, il en tient compte et l'utilise à sa discrétion.
C'est une erreur qui est reprise. C'est comme si Sa Sainteté le pape,
peu importe l'autorité qu'il représente, reprenait une erreur. Il
ne change pas la nature d'une erreur. Une erreur va rester une erreur.
Même si c'est la plus haute autorité à qui on doit le plus
de respect au monde qui reprend une erreur, cela reste une erreur.
Donc, la Cour suprême a repris une erreur. Cela va rester une
erreur et cela va toujours en rester une. Mais mon projet de loi n'est pas
basé là-dessus.
Le Président (M. Filion): M. Pilote, je vais vous dire ce
qu'on se fait dire a l'Assemblée nationale, par le président: Je
vous invite à conclure.
M. Pilote: Évidemment, j'aurais aimé discuter un
peu plus longuement sur la suspension justifiée du juge Owen, en 1973.
Il a repris l'erreur une autre fois en 1973. C'est le même juge qui, en
1973, était convaincu que l'hôpital était justifié;
en 1981, évidemment, il n'utilise plus ce prétexte. Il change la
nature de la cause. C'est un fait.
Le Président (M. Filion): Oui, mais ce n'est pas la
même chose, M. Pilote. Ce n'est pas le même dossier. Non, quand
même, je vous écoute depuis tantôt. J'ai lu les
procédures judiciaires. J'ai aussi lu une bonne partie de votre
mémoire. Ce n'est pas la même cause, la même action sur
laquelle la Cour d'appel s'est penchée. Ce sont deux causes
différentes.
M. Pilote: C'est ma prétention. C'est justement ce que je
dis.
Le Président (M. Filion): Ne dites quand même pas
que le juge Owen a changé d'idée. Il se prononçait sur
deux sujets différents. Deux parties peuvent se retrouver à plus
d'une reprise devant une même cour ou devant un même juge. C'est
arrivé dans votre cas. Ils peuvent rendre une opinion favorable à
une partie dans un cas et défavorable à l'autre dans un autre
cas. Mais cela ne veut pas dire nécessairement que le juge change
d'idée parce qu'il se prononce sur des points différents.
M. Pilote: M. le Président, indépendamment
d'erreurs ou non, ce n'est pas là-dessus que porte mon projet de loi.
J'ai débordé un petit peu parce que je veux...
M. Marx: M. le Président, si je comprends le but de
l'intervention du Dr Pilote, c'est qu'il a été l'objet d'une
erreur judiciaire. D'accord? Si je comprends bien l'argumentation faite par le
Dr Pilote, c'est que les cours ont fait une erreur. C'est cela?
M. Pilote: Pas nécessairement. C'est que les...
M. Marx: Elles sont passées à côté
de...?
M. Pilote: Oui. C'est plutôt cela. Elles sont
passées à côté.
M. Marx: Elles sont passées à côté.
D'accord. Vous demandez maintenant à l'Assemblée nationale
d'intervenir pour que vous puissiez retourner devant les tribunaux faire valoir
vos droits parce qu'il y a quelques années les cours ont passé
à côté. Est-ce cela?
M. Pilote: Ce sont les circonstances. J'ai eu un jugement
d'annulé et il n'est pas exécutoire sans loi spéciale.
M. Marx: Ce n'est pas ma faute s'il n'est pas exécutoire.
Ce n'est pas la faute de l'Assemblée nationale. Elle n'a pas rendu le
jugement, ce sont les tribunaux qui ont rendu ce jugement. D'accord?
M. Pilote: Oui, oui, je concède cela.
M. Marx: Aux fins de la discussion, admettons que les tribunaux
ont fait une erreur, qu'ils n'ont pas donné l'ordonnance que vous auriez
souhaitée ou qui était nécessaire.
M. Pilote: Ce n'est plus cela l'erreur, M. le ministre.
M. Marx: Vous venez d'admettre qu'il y a eu une erreur.
M. Pilote: Mais ce n'est pas le fait de ne pas donner l'ordre de
réintégration.
C'était discrétionnaire de la part des tribunaux.
M. Marx: Vous avez maintenant admis qu'il y avait une erreur
judiciaire et vous voulez que l'Assemblée nationale intervienne pour
vous donner la possibilité de retourner devant les tribunaux pour que
cette erreur soit corrigée. Est-ce cela?
M. Pilote: M. le ministre, si vous me le permettez, je
nuancerais. Vous avez dit d'un autre cas tout à l'heure que le Parlement
en Angleterre a toujours été considéré comme la
"High Court". Les législateurs peuvent être la "High Court"
ici.
M. Marx: On peut faire n'importe quoi ici.
M. Pilote: Changer même un homme en femme,
peut-être?
M. Marx: C'est cela, on a essayé de le faire... On a
essayé d'éviter de le faire.
Des voix: Ha! Ha!
Une voix: Cela ne serait pas facile.
M. Marx: J'ai inventé un mot.. On a essayé
d'éviter de le faire. On sait qu'on peut le faire, mais...
M. Pilote: Je comprends, je le concède, mais je ne vous
demande pas d'utiliser des pouvoirs si extraordinaires.
M. Marx: On ne peut pas changer des personnes physiquement, mais
juridiquement
parlant.
M. Pilote: Je demande au législateur d'intervenir dans des
cas exceptionnels, puis je présente mon cas comme un cas exceptionnel.
S'il y en a d'autres dans la province où...
M. Marx: Ce n'est pas cela la question, je vais essayer de
résumer le problème. Vous plaidez qu'il y a eu une erreur
judiciaire...
M. Pilote: Flagrante.
M. Marx: ...flagrante, le cas échéant, et vous
voulez que l'Assemblée nationale adopte une loi pour vous donner la
possibilité de retourner devant les tribunaux, afin que ces tribunaux
puissent, le cas échéant, corriger cette erreur. C'est cela?
M. Pilote: Cela aurait cet effet-là, M. le ministre.
M. Marx: D'accord. On comprend le problème, mais...
M. Pilote: Cela aurait sûrement cet effet-là.
M. Marx: On comprend le problème, mais...
Le Président (M. Filion): En ce sens-là, M. Pilote,
est-ce que vous aviez terminé votre conclusion?
M. Pilote: Ma conclusion, c'est que je vous dis, MM. les
législateurs, que vous êtes mon dernier recours. Je n'en ai pas
d'autre. Je ne veux pas me plaindre, parce que j'ai vu le cas de M. Dugas tout
à l'heure et c'était bien plus pénible avec sa maladie de
Hodgkin, mais ce n'est pas cela. Le point, c'est que la volonté du
législateur a été défiée par l'hôpital
et qu'elle n'a pas été appliquée par les tribunaux avec
les conséquences logiques que je suis dans la position où j'ai
perdu seize ans de ma vie, ma carrière de chirurgien a été
ruinée, j'ai fait une faillite personnelle en 1982, après le
jugement de la Cour suprême qui refusait de m'entendre sans que je sache
pourquoi, et là je veux avoir la possibilité de demander aux
tribunaux pourquoi j'ai tort.
M. Marx: Comment?
M. Pilote: C'est possible. Vous n'intervenez pas, vous ne dites
pas aux tribunaux comment juger sur le fond. Si l'hôpital a raison et
qu'il n'a plus de responsabilité contractuelle envers moi, pas
délictuelle - il faut mettre cela dans le bon domaine, parler de la
bonne nature des choses - au point de vue des dommages et
intérêts, il va gagner devant les tribunaux, le législateur
va m'avoir seulement permis d'exercer ce droit, tout simplement. Vous n'allez
pas dire aux tribunaux comment juger sur le fond, vous allez simplement leur
dire: Écoutez-le sur le fond, point. J'ai déjà
été entendu, à l'inverse de M. Dugas qui n'a jamais eu la
chance d'être entendu. C'est un autre problème, je ne veux pas m'y
assimiler. J'ai été entendu, mais j'ai épuisé tous
les moyens devant les tribunaux et il n'y en a plus. Le seul moyen qui reste,
c'est vous, les législateurs. Il n'y en a pas d'autre. Si je veux
retourner devant les tribunaux, cela va être annulé tout de suite
en irrecevabilité dès le départ comme chose jugée,
et avec raison. Je ne dépenserai même pas une goutte de salive
pour y retourner. (17 h 15)
Avec la loi spéciale, on ne pourrait plus m'opposer la chose
jugée par le juge Owen en 1981. On ne pourra plus m'opposer cette erreur
pour rejeter mon action dès le départ. Les tribunaux seraient
obligés de m'écouter sur le fond. C'est tout ce que je demande au
législateur. Il me semble que ce n'est pas compromettant pour personne.
Une injustice individuelle, ce n'est pas parce que la communauté, en
général, pourrait, potentiellement, dans des peurs
présumées, créer un précédent qu'un individu
doit subir... Si je n'ai pas cette loi, je vais être obligé de
mourir avec mon injustice et je n'aurai plus jamais personne pour
m'écouter, pour aller la plaider devant personne.
Ici, je ne peux même pas plaider sur le fond. Ce n'est pas un
plaidoyer, vous n'êtes pas un tribunal. Je vous demande juste la
permission de me permettre d'aller plaider sur le fond devant les cours
appropriées. Je respecte les tribunaux, ce n'est pas un manque de
respect, ma loi spéciale. Au contraire, c'est un acte de foi;
après seize ans, je ne suis même pas découragé.
M. Marx: Je pense qu'on a déjà décrit le
problème et on a décrit ce que vous demandez à
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Filion): M. Pilote, je peux vous assurer
d'une chose, nous avons bien saisi le sens de votre requête.
Il y a d'autres intervenants qui ont manifesté le désir de
se faire entendre. Je les inviterais brièvement. D'abord, Me Alex K.
Paterson que je salue. Bonjour Me Paterson, vous représentez la
corporation de l'hôpital.
M. Paterson (Alex K.): C'est cela.
Le Président (M. Filion): Vous êtes
accompagné de M. Teitel Baun qui est le directeur général
de l'hôpital ainsi que de M. Nadler. Est-ce cela?
M. Paterson: C'est cela.
Le Président (M. Filion): Cela fait longtemps que vous
êtes à la fois directeur général, directeur
général adjoint de l'hôpital c'est parce que j'ai
retrouvé vos noms dans les procédures.
M. Patersorc Cela fait presque 25 ans.
Le Président (M. Filion): Cela fait presque 25 ans. Me
Paterson, brièvement, je vous cède la parole.
M. Paterson: Très brièvement. M. le
Président, M. le ministre, en deux mots, M. Pilote demande d'être
entendu, encore une fois, devant les tribunaux. Je dois souligner que dix-huit
juges, deux juges de ta Cour supérieure, six juges de la Cour d'appel et
dix juges de la Cour suprême ont déjà entendu le Dr Pilote.
À cause des faits qui ont commencé en 1979, si ce sont les
dommages pour une période ou une autre période, quand même,
c'est le même problème. Cela a commencé avec la suspension,
la révocation en 1979.
Il n'y a pas juste un jugement du juge Owen à la Cour d'appel. II
y a aussi le jugement du juge Nolen et le jugement du juge Bisson. On doit lire
les trois jugements pour connaître les raisons données.
Après cela, le bâtonnier Robert est allé devant la Cour
suprême, il a expliqué exactement les problèmes que M.
Pilote a expliqués aujourd'hui. La Cour suprême a dit: Non, on ne
donne pas la permission d'en appeler.
Je ne vois pas, dans ces circonstances, comment l'Assemblée
nationale peut recommencer l'affaire. On doit avoir la justice pour les
personnes en demande, mais il y a aussi une justice pour les parties en
défense. Combien de fois est-ce qu'un hôpital ou un individu doit
se représenter devant les tribunaux pour dire, encore une fois: Cela,
c'est notre défense? Plus que cela, dans cette affaire, il a
déjà gagné devant la Cour suprême du Canada, il a
déjà reçu ses 58 000 $, etc. Il n'a pas reçu
éternellement les dommages qu'il voulait, mais pour des raisons
données très clairement dans les jugements de la Cour d'appel et
de la Cour suprême. Le juge de Grandpré a dit clairement
qu'imposer la réinstallation d'un intimé dans un milieu de cette
nature tendrait à créer des conflits et des difficultés
dont le patient serait le premier à souffrir. Compte tenu de toutes les
circonstances et ou les discrétions que les tribunaux se doivent
d'exercer en pareille matière, je ne crois pas qu'en l'espèce la
réinstallation de l'intimé soit un remède
approprié.
Comment est-ce que le Dr Pilote peut dire aujourd'hui: L'hôpital a
eu le choix, après le jugement de la Cour suprême, de le
réinstaller. Il n'a pas eu le choix. La Cour suprême a dit: Vous
avez le droit à vos dommages, mais d'être installé,
non!
De cette façon, il y a une chose qui est certaine dans l'affaire
Pilote: si c'est une cause extraordinaire, ce n'est pas extraordinaire parce
qu'il n'a pas eu l'occasion de se présenter devant les tribunaux, c'est
extraordinaire parce qu'il est allé devant les tribunaux depuis 1979,
devant tous les tribunaux de la province et à la Cour suprême deux
fois. Plus que cela, il a procédé aussi contre son avocat pour
exactement les mêmes dommages qu'il a réclamés dans la
deuxième action contre l'hôpital. Il a perdu l'action, il est
allé en appel; par la suite, cela s'est réglé pour 4000 $,
les frais seulement, et il a donné une quittance. Il a
présenté exactement la même chose devant la Cour
supérieure contre Bertrand Lacombe, maintenant juge, etc. Il a reconnu
qu'il a fait une erreur, il n'a pas réclamé pour tous les
dommages à venir, il a réclamé 2 500 000 $ et cela s'est
réglé pour 4000 $.
Dans ces circonstances, je crois franchement que le Dr Pilote a eu
justice en masse et ce n'est pas une situation où l'Assemblée
nationale doit intervenir. Merci.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie Me Paterson.
Est-ce qu'il y a d'autres questions à nos intervenants? M. le ministre
de la Justice.
M. Marx: M. le Président, je dois admettre que le Dr
Pilote a fait une excellente plaidoirie. Nous sommes très sensibles au
problème qu'il a soulevé. Il se peut que le Dr Pilote ait
été victime d'une erreur des tribunaux, mais donner suite
à sa requête impliquerait que chaque fois qu'une personne pense
qu'elle est victime d'une erreur judiciaire... Ce serait de dire à tout
le monde: Si vous pensez que vous avez subi une erreur judiciaire, vous pouvez
faire une requête à l'Assemblée nationale et il est
possible qu'elle accueille votre requête, qu'elle adopte une loi
privée et cela vous permettrait de retourner devant les tribunaux.
C'est bien possible qu'on adopte ce projet de loi et, dans quinze ans,
que M, Pilote revienne en disant: J'ai passé devant tous les tribunaux,
j'ai perdu, il y a encore une erreur judiciaire. Cela pourrait se continuer
éternellement. Ce n'est pas probable que je sois ici dans quinze ans,
mais dans douze ans, probablement. Cela veut dire que, si l'on donne suite
à cette requête, tout le monde pourrait venir devant
l'Assemblée nationale pour dire: J'ai été victime d'une
erreur judiciaire, je devrais avoir une deuxième chance; tout ce que je
demande, c'est d'être habilité à retourner devant les
tribunaux et ainsi de suite.
Je ne veux pas décrire le projet de loi sur l'affaire
Desfossés, mais dans cette
affaire le droit applicable était inadéquat. On n'a pas
renversé un jugement, ou une soi-disant erreur judiciaire; tout ce qu'on
a fait, c'est modifier la loi pour permettre à M. Desfossés de
donner suite au jugement.
Il y a lieu aussi de souligner qu'à notre connaissance jamais un
projet de loi privé ne fut accordé sur une telle base. II y a des
précédents qui visaient à contrer les effets d'une
règle de droit, mais ils n'impliqueraient en aucune façon une
appréciation défavorable de l'Assemblée nationale sur la
façon dont les tribunaux s'étaient acquittés de leurs
fonctions. Il en est de même lorsque l'Assemblée nationale vient
modifier rétroactivement une loi pour contrer les effets d'un jugement.
L'Assemblée nationale ne se prononce pas alors sur la façon dont
le pouvoir judiciaire a exercé ses fonctions, mais modifie une
règle de droit qu'elle estime inopportun de conserver.
Par ailleurs, il existe au moins un précédent d'un projet
de loi privé où celui-ci ne peut jamais être adopté,
justement parce qu'il aurait impliqué un jugement défavorable de
la part de l'Assemblée nationale sur la façon dont les tribunaux
se sont acquittés de leurs fonctions. Il s'agit du projet de loi 214 de
1977, Loi concernant Alliance Sécurité Blindée, division
Québec Limitée, par lequel cette compagnie demandait la
révision d'une décision de la Commission des transports.
Pour conclure, M. le Président, ce serait briser toutes les
coutumes, toutes les traditions, tout ce qu'on a fait depuis toujours à
l'Assemblée nationale que d'accorder cette requête. Le Dr Pilote a
bien plaidé sa cause. Comme Me Paterson a dit: II a déjà
plaidé devant 18 juges. Je pense qu'il a, comme on dit, sondé une
cour; il a passé plus d'un jour devant les tribunaux. On ne peut pas
accorder cette requête, on ne l'a jamais fait et je ne pense pas qu'on le
fasse dans l'avenir.
Nous avons un système par lequel on permet aux citoyens d'aller
devant les tribunaux, de plaider leur cause. Il y a des gens qui perdent et des
gens qui gagnent; c'est cela le système. L'Assemblée nationale
n'est pas ici pour réviser des jugements des tribunaux, parce que cela
pourrait être un travail à temps plein, 24 heures par jour. Je
suis sûr qu'il y a d'autres personnes dans la même situation que le
Dr Pilote et ce serait impossible pour nous de commencer à donner la
permission aux personnes par le biais des lois privées de se
présenter à nouveau devant les tribunaux.
En concluant, M. le Président, je dirais que quelqu'un m'a
souligné l'autre jour que nous avons beaucoup de projets de loi
privés à l'Assemblée nationale, beaucoup plus que dans
d'autres juridictions et peut-être même trop. Mais comme cela a
été souligné ce matin par Me Fetherstonhaugh, s'il s'agit
peut-être du droit de déposer une pétition devant
l'Assemblée nationale, nous sommes toujours prêts à
entendre des personnes qui veulent faire valoir des droits. Mais dans ce
cas-ci, il me semble que ce soit impossible pour l'Assemblée nationale
de donner suite à cette requête.
Le Président (M. Filion): M. Pilote.
M. Pilote: Avant que vous n'appeliez le vote, est-ce que je
pourrais faire une dernière intervention? Elle sera courte.
Le Président (M. Filion): Allez-y, M. Pilote, je vous en
prie.
M. Pilote: Je vous remercie, M. le Président. Puisque je
vois très bien maintenant que les dés sont jetés et que le
projet va être rejeté, il est évident que je ne pourrai
plus jamais rêver obtenir justice devant les tribunaux de ma province.
Mais je peux tout de même devant cette tribune réclamer une
enquête publique sur cet hôpital. Je la réclame parce que je
dénonce un racket de la protection existant à cet hôpital
depuis 1967. Je veux le dire publiquement parce que je veux obtenir la
vérité. Le public mérite d'entendre la
vérité. On ne veut pas l'écouter devant les tribunaux,
mais ici je vais le dire. M. le ministre, je vais demander à vous et
à vos officiers d'étudier la possibilité, comme Claire
Dutrisac l'a dit en 1970 dans la Presse, en grosse manchette, d'un racket de la
protection à l'hôpital Bellechasse. Vous regarderez dans mon
mémoire, M. le ministre. Il y a un racket et il existe encore; les
médecins sont encore obligés de payer à cet hôpital.
Ils ont fait 10 000 000 $ à 15 000 000 $ avec les fonds publics.
Je demande une enquête publique sur cet hôpital. Je ne peux
pas obtenir justice pour Pilote, il ne le mérite pas, mais je veux
obtenir la vérité. Je la demande publiquement devant M. le
ministre, devant cette commission par une enquête publique sur cet
hôpital. On la demande depuis quinze ans et on n'a pas pu l'avoir. La
vérité va sortir un jour, le public y a droit même si moi,
je n'ai pas le droit d'obtenir justice devant les tribunaux ni devant
l'Assemblée nationale, apparemment.
Je m'excuse de mon émotion, M. le ministre, mais j'espère
que vous la comprendrez. Cela fait 17 ans que je me bats. J'ai
été un idéaliste, j'ai été naïf de
croire pouvoir obtenir justice un jour. Maintenant, j'ai la
démonstration devant moi que ce ne sera pas possible. Je vais quand
même poursuivre encore... Même si je suis le seul à le faire
dans toute la province, je veux que la vérité sorte publiquement.
Le juge Demers a dit qu'il y avait un système de protection; c'est
écrit. On n'a qu'à le
lire, les faits sont là et on ne niera pas les faits. On ne peut
peut-être pas revenir sur les jugements, mais on ne niera pas les faits.
Je demande qu'on enquête publiquement sur cet hôpital pour voir ce
qui s'y passe actuellement avec les fonds publics et la
bénédiction des autorités.
Le Président (M. Filion): Merci, M. Pilote. Est-ce qu'il a
d'autres interventions des membres de cette commission? J'appelle maintenant
l'article 1 du projet de loi 251.
M. Marcil: Rejeté.
Le Président (M. Filion): J'appelle l'article 2.
M. Marcil: Rejeté.
Le Président (M. Filion): M. le député de
Sainte-Anne, est-ce que vous maintenez toujours votre désir de
déposer un amendement?
M. Polak: Disons que je vais suivre l'opinion du Dr Pilote.
Voulez-vous que je dépose l'amendement?
M. Pilote: Est-ce que...
M. Marx: Cela ne changera rien.
M. Pilote: Si M, le ministre dit que cela ne changera rien, on
perd du temps, tout le monde.
Le Président (M. Filion): J'appelle donc l'article 2 du
projet de loi.
M. Marcil: Rejeté.
Le Président (M. Filion): J'appelle le préambule du
projet de loi.
M. Marcil: Rejeté.
Le Président (M. Filion): J'appelle le titre du projet de
loi.
M. Marcil: Rejeté.
Le Président (M. Filion): J'appelle également
l'ensemble du projet de loi.
M. Marcil: Rejeté.
Le Président (M. Filion): Merci, messieurs.
M. Pilote: Le projet est rejeté, évidemment?
Le Président (M. Filion): Rejeté. M. Marcil:
Rejeté, naturellement.
Le Président (M. Filion): Les travaux sont
ajournés.
(Fin de la séance à 17 h 34)