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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mardi 29 avril 1986 - Vol. 29 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du Conseil exécutif


Journal des débats

 

(Quinze heures quarante-cinq minutes)

Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue à la commission des institutions. D'abord je voudrais souhaiter la bienvenue à M. le premier ministre, ainsi qu'au chef de l'Opposition. Je rappellerais le mandat de la commission qui est de procéder à l'étude des programmes 1 et 2 des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif pour l'année financière 1986-1987, à l'exception de l'élément 3 du programme 2 qui sera étudié demain, cet élément 3 étant les Affaires amérindiennes et inuit.

D'autre part, il est actuellement 15 h 45 et je crois comprendre qu'à la suite d'une entente entre les deux partis cette commission siégera jusqu'à 18 h 30, d'une part, et que l'étude des crédits se fera en bloc et non pas élément par élément.

Cela étant dit, je comprends également que le premier ministre n'a pas de remarques préliminaires à adresser aux membres de la commission. Cependant, je l'inviterais, s'il le juge à propos, à nous présenter les gens qui l'accompagnent dans la défense de ses crédits, cet après-midi.

M. Bourassa: Oui. J'ai mon personnel politique: M. Rémi Bujold, chef de cabinet, M. Denis Ricard, chef de cabinet adjoint, M. Ronald Poupart, directeur des communications, M. Fernand Lalonde, un de mes conseillers et tous ceux qui seront impliqués dans les dossiers particuliers.

Le Président (M. Filion): D'accord. J'inviterais maintenant le chef de l'Opposition, s'il désire le faire, à adresser quelques remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Pierre Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): M. le Président, la tradition veut que le ministre, en l'occurrence le premier ministre, fasse un exposé général. Je crois comprendre qu'il y a renoncé, qu'il tentera probablement de répliquer à mon exposé à l'occasion d'une série de questions. Je voudrais lui dire simplement qu'il serait normal qu'il fasse d'abord un exposé et que j'intervienne par la suite. Je comprends donc, dans la mesure où il m'a dit qu'il entendait répondre de façon très précise et brève à mes questions, que c'est ce qu'il fera.

M. le Président, l'étude des crédits du ministère du Conseil exécutif a toujours revêtu un caractère assez particulier d'autant plus que les crédits de ce ministère sont étudiés en détail devant cette commission, mais en fonction, par exemple, de la question de la promotion des droits des femmes, des Affaires intergouvernementales canadiennes ou encore, à l'égard des affaires amérindiennes, le SAGMAI. Cependant, mes questions aujourd'hui porteront essentiellement au cours de la présente séance de notre commission sur des sujets qui sont reliés aux fonctions du premier ministre en tant que chef de l'exécutif.

Même si le programme sera discuté plus tard par cette commission, vous me permettrez, cependant, de commencer par quelques mots qui touchent nos frères amérindiens et inuit. En effet, je crois qu'il est important, ne serait-ce que par respect à l'égard des nations autochtones, que le premier ministre demeure le principal interlocuteur des nations autochtones du Québec, même si, comme le premier ministre l'a fait, il a nommé un ministre responsable de ce dossier. En effet, les relations entre le gouvernement du Québec et les nations autochtones ont comme base la reconnaissance des nations autochtones par les autres communautés formant le peuple québécois. C'est pourquoi les chefs de ces nations doivent d'abord et avant tout pouvoir s'adresser au premier ministre du Québec. D'autre part, je voudrais rappeler que la motion qui a été adoptée par l'Assemblée nationale le 20 mars 1985 demeure toujours, quant à nous, une base valable pour aborder la question des droits des autochtones et leur développement. J'espère que dans ce dossier le premier ministre et son gouvernement feront preuve de rigueur.

M. le Président, dans ces commentaires généraux, le premier ministre ne sera pas surpris de m'entendre lui faire un certain nombre de reproches, étant donné que la période de questions n'est pas exactement le meilleur des forums pour ce faire, me voyant constamment fermer le clapet au moment des questions additionnelles, le premier ministre pouvant cependant profiter de la latitude qui est la sienne pour répondre comme bon lui semble à toutes les questions que je pourrais lui poser.

Nous avons devant nous environ deux heures et demie. Le premier ministre me

trouvera peut-être dur sur un certain nombre de sujets, mais je veux simplement le rassurer en lut disant qu'à la fin de mon exposé j'ai une série d'une bonne quarantaine de questions qui touchent à un certain nombre de sujets que j'ai énumérés avant de commencer cet exposé. Elles sont relatives au processus du libre-échange - je ne parle pas des contenus, je pense que nous aurons d'autres occasions d'en parler dans les semaines qui viennent à la question des comités de bénévoles, aux relations entre le bureau du premier ministre, l'exécutif et la haute fonction publique, aux directives du premier ministre en matière de conflits d'intérêts, à l'Ordre national du Québec et au dossier jeunesse. Si le premier ministre y agrée, j'aimerais qu'on puisse consacrer la dernière heure ou, au moins, les dernières 45 minutes de notre séance à discuter du dossier jeunesse, en particulier.

M. le Président, après quatre mois au gouvernement, nous constatons que ce gouvernement a fait preuve à certains égards d'un relâchement que je qualifierais dans certains secteurs de dangereux, tant au niveau de la forme que du fond des dossiers. La forme étant à la politique et aux institutions démocratiques ce que le langage non verbal est à la conversation, il m'apparaît que la forme que prend l'intervention gouvernementale véhicule un message.

On a trop souvent utilisé des faux-fuyants ou des idéologies pour éviter les vrais débats sur des décisions ou des indécisions, particulièrement devant l'Assemblée nationale. Il y a deux dossiers, évidemment, qui illustrent particulièrement ce relâchement du gouvernement sur la forme et le fond; c'est, évidemment, la loi 101 et la clause "nonobstant". À l'égard de cette dernière, permettez-moi de rappeler que c'est par la voie d'une entrevue avec un journaliste par un ministre que les Québécois ont appris que le gouvernement du Québec acceptait une partie importante de la Loi constitutionnelle de 1982. Il faut dire également, car c'est absolument invraisemblable, que cette décision du gouvernement avait été précédée d'une initiative individuelle du ministre du Revenu qui retirait du projet de loi 2 la clause "nonobstant" qui y figurait, étant donné que ce projet de loi avait été élaboré par le précédent gouvernement et modifié quant à certains de ses paramètres sur le plan de la fiscalité lors de la mini-session du mois de décembre.

Tout cela, donc, avant même que nous ayons une décision gouvernementale sur un sujet aussi important. On était en mesure de s'étonner quelque peu, ce que fit, d'ailleurs, le principal conseiller constitutionnel du gouvernement, le professeur Léon Dion, en marquant sa désapprobation, notamment sur la forme, par son départ.

Dans le cas de la non-application de la loi 101, le gouvernement prend prétexte d'une cause pendante devant la Cour d'appel pour ne pas énoncer une politique linguistique ce qui a pour effet, évidemment, de créer et d'entretenir, dans certains cas, une confusion autour de ce sujet délicat et néanmoins fondamental à l'égard des acquis de la population francophone du Québec. Dans ce dossier, également, le gouvernement évite les débats en jouant, d'une part, sur des perceptions, sans compter le recours constant par le Procureur général et la vice-première ministre à des demi-vérités, notamment quand ils affirment que celui qui vous parle alors qu'il était Procureur général ne prenait pas de poursuites, ce qui est faux. Celui qui était Procureur général à l'époque prenait des poursuites. Il accordait, c'est vrai, des délais, mais après inscription des causes devant les tribunaux.

Relâchement aussi autour de la façon dont on traite certains dossiers. Par exemple, on a vu le ministre du Revenu signer un décret, faire annoncer une décision par un fonctionnaire et blâmer l'ancien gouvernement pour prélever 250 000 000 $ de nouveaux impôts sur le tabac, la bière et l'essence.

Il y a aussi, par une annonce le jeudi saint, à la veille du congé pascal, l'abandon partiel du principe de l'universalité d'accès aux services de soins dentaires, ce qu'on appelle maintenant l'Impôt sur les enfants. Sans compter ces définitions innovatrices, venant de la ministre responsable, du concept d'universalité dans notre système et qui ne correspondent absolument pas à ce que nous avons pu recenser dans la documentation moderne et occidentale sur ces questions-Relâchement aussi dans la façon dont le gouvernement traite un peu avec la fonction publique. Je veux parier, bien évidemment, de la façon quelque peu cavalière avec laquelle la vice-première ministre se livre à des foires d'empoigne qui, pour le moins, manquent d'élégance avec des hauts fonctionnaires sur la place publique. Mais, je veux aussi parler d'une espèce d'attitude de table rase que ce gouvernement utilise un peu partout à l'égard de la haute fonction publique et à l'égard des conseils d'administration des sociétés d'État. Des personnes compétentes sont écartées et l'attitude partisane qui a été adoptée par le gouvernement et certains de ses ministres pourrait briser très injustement un certain nombre de carrières de hauts fonctionnaires qui ont toujours été loyaux envers l'État québécois.

Relâchement aussi quant aux directives. J'ai eu l'occasion de le mentionner et mon collègue, le député de Lac-Saint-Jean, également: on n'assiste pas simplement à un ajustement des anciennes directives du gouvernement, mais, vraiment, à un retour

en arrière par une formule innovatrice, mais qui nous ramène quelques années en arrière, en particulier autour du concept de la divulgation des avoirs des ministres, ce qui nous apparaît un accroc assez sérieux à la transparence dont doit faire preuve le gouvernement.

L'implication des citoyens, par ailleurs, dans les débats importants de notre société, la concertation sectorielle, la concertation régionale subissent aussi des reculs importants. Ce sont maintenant des comités de non-élus, qui ne sont pas représentatifs de la population, qui sont en train de remplacer les débats qui normalement devraient être faits à l'Assemblée nationale ou au sein de la société québécoise. Qu'on me comprenne bien, j'ai beaucoup de respect pour la plupart de ces gens dont je connais les noms et j'en connais un certain nombre aussi personnellement depuis plusieurs années. Mais je crois que le caractère homogène de ces comités, leur caractère non représentatif de l'ensemble des couches de la société, la largeur des mandats dont ils disposent et le rôle d'influence considérable qu'ils auront à jouer peuvent nous amener à nous questionner sur une attitude à l'égard du respect des élus qu'on retrouve à l'Assemblée nationale. Cela peut nous amener aussi à nous questionner sur ce que seront dans notre société, pour les années à venir, les grands forums d'échanges autour des enjeux majeurs qui nous guettent, notamment celui du libre-échange pour ne prendre que celui-là. Tout cela au profit d'une attitude qui semble malheureusement dominée par l'idéologie et une certaine vision de la concentration du pouvoir entre les mains d'un groupe très spécifique de la population.

Avec toutes les coupures qui leur tombent sur la tête, par ailleurs, le développement des régions est de toute évidence en péril. On n'a qu'à penser aux effets qu'auront les coupures à Radio-Québec, dans les universités, les constituantes de l'Université du Québec, en particulier, sans compter l'Université de Sherbrooke, le Fonds de développement régional qui n'est pas coupé de 6 000 000 $ - cela, c'était la proposition du ministre -mais qui est coupé de 23 000 000 $, PECEC, le reboisement des forêts, l'agriculture, le transport, sans compter qu'il arrive même que des considérations de nature purement partisane viennent teinter des dossiers économiques. Je pense ici au transfert sur la Côte-Nord d'un projet de pépinière qui devait normalement s'établir au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Ce relâchement semble aussi affecter une certaine vision intégrée de la défense des intérêts du Québec. Évidemment, je pense à la reconnaissance sans débat, sans garantie aucune, d'une partie importante du "Canada Bill", mais je pense également à cette volonté de cesser les activités de placement dans le secteur de la main-d'oeuvre alors que ce champ d'activité a fait l'objet de revendications constantes depuis 25 ans au Québec. Car le Québec a toujours recherché l'exclusivité en matière de main-d'oeuvre, la politique de placement étant un des éléments essentiels d'une politique de main-d'oeuvre. (16 heures)

Le fait, par ailleurs, que le premier ministre, tout au moins en apparence, exige moins que l'Ontario et l'Ouest canadien quant au rôle du Québec dans les négociations sur la libéralisation des échanges du Canada avec les États-Unis témoigne à nos yeux également de ce type de relâchement.

Quant aux promesses, je ne veux pas revenir trop longuement sur l'élection, le verdict a été clair et nous travaillerons à changer ce verdict d'ici trois ou quatre ans. Mais je voudrais simplement dire que nous avons eu l'occasion de qualifier les promesses du gouvernement d'irresponsables lors de l'élection. Il tente aujourd'hui de faire porter, de façon systématique, sur l'ancien gouvernement la responsabilité de sa propre irresponsabilité. Je ne veux pas revenir sur le débat, entre autres celui "qui n'a pas eu lieu. Ce débat, d'ailleurs, qui est devenu pour le premier ministre une impasse non seulement budgétaire, mais politique, c'est celui de l'inexistence d'une marge de manoeuvre de 600 000 000 $, qu'il s'affaire» sans doute en ce moment à construire à coups d'impôts anticipés ou de taxes anticipées dont nous entendrons parler dans les jours qui viennent, et espérons-le, pas jeudi soir.

Il est temps, cependant, que le gouvernement prenne ses responsabilités, particulièrement envers les jeunes à qui il a promis la lune. Le premier ministre, je crois, est responsable du dossier des jeunes. Il doit se souvenir de certaines de ses promesses. Je me permets de lui rappeler quelques faits. Au lieu d'améliorer le régime des prêts et bourses, comme on le disait dans la propagande du Parti libéral, le premier ministre nous a annoncé, par son président du Conseil du trésor, des coupures dans le système des prêts et bourses. Les jeunes assistés sociaux de moins de 30 ans attendent toujours la parité inconditionnelle, mais il semble que la parité promise va devenir de plus en plus conditionnelle.

Les coupures de postes permanents et occasionnels dans la fonction publique frappent particulièrement les jeunes et on attend toujours les recettes magiques qui vont donner du travail à nos jeunes chômeurs. J'espère, au moins, que ces préoccupations font l'objet des études d'un des comités du premier ministre. Quant aux jeunes qui veulent se trouver un emploi dans les régions, il est évident qu'avec les

coupures que celles-ci viennent de subir il est inutile de penser que l'avenir s'ouvre pour eux et pour elles dans les régions.

Jusqu'à ce jour, donc, le gouvernement a fait preuve, dans bien des dossiers, de partisanerie, y compris dans des dossiers de portée économique. Dans les mois qui viennent, deux dossiers primordiaux attendent le Québec: la libéralisation des échanges et la négociation constitutionnelle. J'ose espérer que, dans ces deux dossiers, les intérêts du Québec prévaudront sur la partisanerie et l'idéologie, mais surtout et aussi que les vrais débats pourront se faire là où ils doivent se faire dans la société et que les comités de non-éius ne remplaceront pas l'Assemblée nationale.

Au cours de notre séance, M. le Président, j'aborderai donc, si le premier ministre en convient, le plus rapidement possible et avec beaucoup de questions, les dossiers touchant la négociation sur la libéralisation des échanges Canada-États-Unis, sur le processus encore une fois plutôt que sur le contenu, les relations entre le gouvernement et la haute fonction publique, les directives aux membres de l'exécutif qui concernent les conflits d'intérêts et les intentions du gouvernement en ce qui concerne les jeunes pour lesquels j'aimerais, comme je le disais, que nous conservions au moins quarante-cinq minutes, sans compter les comités de bénévoles qui ont été formés par le gouvernement. Je voudrais que nous puissions consacrer sur ces dossiers le temps que le premier ministre pourra nous accorder. J'ai plusieurs questions à lui poser et, étant donné le peu de temps que nous avons, j'apprécierais au plus haut point que ses réponses soient concises, précises et brèves, comme il sait pouvoir le faire, bien qu'il ne pratique pas ce sport de temps-ci à l'Assemblée nationale. Merci.

M. Robert Bourassa

M. Bourassa: M. le Président, je voudrais féliciter chaleureusement le chef de l'Opposition pour le ton très posé et très serein avec lequel il aborde cette discussion. J'ai pensé laisser parler d'abord le chef de l'Opposition. D'abord, nous sommes déjà serrés par le temps et nous voulons en consacrer une partie importante à la question des jeunes. J'ai pensé le laisser parler d'abord de manière que je puisse rectifier certains faits - je m'attendais à devoir le faire - et aborder immédiatement les questions et les réponses que j'essaierai de donner, comme il le souhaite, de la façon la plus concise possible.

Il n'y a pas le moindre doute dans notre esprit, pour me référer à ses premiers propos, que le cas de SAGMAI restera sous la responabilité du premier ministre. J'ai demandé au ministre responsable des mines de s'occuper du dossier en collaboration avec moi, étant donné qu'il connaît très bien ce dossier. Sûrement que mon bureau sera toujours prêt à recevoir toutes les représentations qui pourront être faites par les nations autochtones. Je dois dire que, depuis que nous sommes élus, les relations, à ce jour, semblent se dérouler de façon très cordiale et très efficace. D'ailleurs, demain, le ministre responsable et moi-même, si je peux le faire, serons ici pour parler de cette question.

Le chef de l'Opposition a parlé de plusieurs autres questions. Je n'y reviendrai pas longuement parce que je crois y avoir déjà répondu. Sur la loi 101, je crois que j ai donné mon point de vue. Le programme du parti est connu. Je suis obligé, encore une fois, simplement, de dire au chef de l'Opposition que, à une modalité ou à une nuance près, lui-même, à 129 reprises, a admis qu'il fallait attendre le jugement de la Cour d'appel. La poursuite a été prise avec des frais impliquant le gouvernement et les contribuables, mais ce qu'il faut retenir, l'essence même de l'attitude du chef de l'Opposition quand il était ministre de la Justice, c'était d'attendre le jugement de la Cour d'appel. Je pense bien que c'était l'objectif: quand il accordait des délais par l'entremise de son procureur, il voulait attendre le jugement de la Cour d'appel. Je le comprends et je suis d'accord avec lui parce que nous considérons qu'arriver à l'Assemblée nationale et soulever encore tout le débat linguistique avant le jugement de la Cour d'appel, cela pourrait inutilement susciter des affrontements, dans un sens ou dans l'autre - j'essaie d'être très prudent dans mes commentaires sur les jugements, étant donné la distinction entre le pouvoir judiciaire, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif - étant donné que le jugement pourrait avoir une influence sur ces débats.

Alors, nous sommes d'accord, les deux partis, du moins dans la mesure où le chef de l'Opposition est impliqué. Je crois bien que c'est partagé par une majorité de son caucus, mais nous sommes d'accord, les deux partis, sur cette question, pour attendre le jugement de la Cour d'appel. Dans un cas, on prend des poursuites, on accorde le délai; dans l'autre cas, étant donné que le jugement doit être rendu d'ici quelques semaines, quelques mois au maximum, on attend le jugement. Quant au reste, les politiques sont semblables pour ce qui a trait à la question des poursuites dans le cas de l'affichage.

Pour ce qui a trait à l'aspect fiscal qu'a abordé le chef de l'Opposition, j'ai dit à plusieurs reprises et je le répète - il reste 48 heures - que, si l'Opposition était capable de nous démontrer qu'elle n'avait pas prévu dans son budget... Je comprends que le chef de l'Opposition, et je ne lui en tiens pas

rigueur, n'est pas plus familier qu'il le faut avec toutes ces questions de finances publiques; cela, je le comprends. Je me souviens du débat à CKAC où, malheureusement, il avait eu un blanc de mémoire sur l'augmentation des revenus pour 1986-1987. Je ne veux pas rappeler de mauvais souvenirs au chef de l'Opposition, mais c'est un fait que, dans ces questions, il est peut-être moins familier que dans d'autres questions. Mais je suis obligé de lui dire que, dans les prévisions de 1986-1987, son gouvernement avait prévu les augmentations qui ont eu lieu au mois de janvier. Si l'Opposition avait été capable de démontrer que ce n'était pas le cas, que ce n'était pas inclus dans les revenus - si elle avait été capable de le faire, elle l'aurait fait - nous nous étions engagés à retirer ces augmentations. Donc, c'était prévu, cela faisait partie de l'héritage fiscal et financier qui nous a été laissé par l'ancien gouvernement.

Sur un autre point, M. le Président, je trouve que le chef de l'Opposition va très vite quand il parle d'un impôt sur les enfants. Je crois qu'il pourrait avoir la face un peu longue, le soir du budget, si, intérieurement, il souhaite cet impôt pour des fins électorales. Je crois que c'était prématuré pour le chef de l'Opposition...

M. Johnson (Anjou): Vous allez retraiter.

M. Bourassa: M. le Président, je crois que le chef de l'Opposition devrait prendre connaissance des documents de Mme Thérèse Lavoie-Roux. La ministre de la Santé et des Services sociaux a dit qu'il n'y avait que des hypothèses qui étaient soumises et qu'aucune décision n'avait été prise sur le moyen fiscal qui serait utilisé pour compléter le montant des coupures avec l'objectif visé. On visait un objectif de 22 000 000 $. Le montant des coupures, on le verra dans le budget; il a été à toutes fins utiles rendu public. Donc, il y avait un écart et il y avait là pour combler cet écart plusieurs hypothèses fiscales qui étaient considérées.

Conclure, comme le fait le chef de l'Opposition, que ce sera un impôt sur les enfants, je crois que c'est au moins prématuré. Il n'y avait aucun engagement de la ministre responsable sur la modalité définitive qui serait choisie. Il y a eu simplement différentes hypothèses qui ont été soumises, comme le ministre des Finan- ces, dans son document du 5 mars, abordait toute une série d'hypothèses sur différentes modifications fiscales. Ce n'est pas parce qu'on émet certaines possibilités qu'automatiquement cela devient une politique définitive. Je crois que le chef de l'Opposition peut faire une distinction entre l'hypothèse... D'ailleurs, lui-même l'a fait à plusieurs reprises et plusieurs de ses anciens collègues; lui-même quand il partait d'un ticket modérateur, je crois qu'il parlait de cela comme d'une hypothèse sujette à discussion. II a reculé, d'ailleurs, avant les élections sur cette question. On l'a accusé d'avoir reculé, mais il aurait pu dire que c'était une hypothèse qu'il émettait.

Alors, pourquoi lui aurait-il le droit d'émettre des hypothèses et la ministre de la Santé et des Services sociaux n'aurait pas le droit d'émettre des hypothèses? J'espère que le chef de l'Opposition me suit dans ce débat sur l'universalité qui n'est pas limité à ceux qui participent actuellement à la vie politique active. Il y a quand même d'anciens ministres qui en parlent. M. Parizeau en parlait justement ces jours récents. Ce n'est pas un fait nouveau. Encore une fois, je demande au chef de l'Opposition de ne pas sauter trop vite aux conclusions et de conclure, comme il l'a fait tantôt; qu'il y aura cet impôt, alors qu'on le soumettait simplement comme une possibilité.

Pour ce qui a trait aux relations du gouvernement avec la haute fonction publique - je savais que le chef de l'Opposition aborderait cette question - mes recherchistes m'ont soumis toute une série de documents sur les nominations de l'ancien gouvernement. On manque de temps, je ferai grâce à l'Opposition d'énumérer toutes ces nominations. J'en ai quelques-unes qu'il a faites lui-même, mais gardons le débat à un niveau serein.

Je lui dirai quand même que j'ai lu avec intérêt certains commentaires qui ont été faits par des journalistes sur la transition tranquille dont j'avais parlé. Je réfère notamment à un article dans le journal Le Devoir, de M. Gilles Lesage, qui examinait à fond toute cette question des changements qui ont eu lieu depuis quatre mois et qui en concluait finalement que c'était une transition relativement tranquille. Le chef de l'Opposition m'accuse d'avoir une méthode jacobine, de faire table rase. Je comprends qu'il aime parfois avoir le sens de l'humour, mais il pourrait considérer les postes actuels et constater qu'il y a eu des changements comme c'est inévitable qu'il y en ait quand il y a un nouveau gouvernement. Chaque nouveau gouvernement apporte des changements, comme je lui ai dit. Certains mandats sont renouvelés, d'autres ne le sont pas. Il y a certaines mutations. Alors, il ne faut pas là-dessus conclure, comme l'a fait le chef de l'Opposition, que nous avons adopté une approche partisane dans les mutations qui ont eu lieu. Nous avons simplement effectué certains changements comme c'est normal pour un nouveau gouvernement.

Pour ce qui a trait aux coupures, je suis heureux de voir que le chef de l'Opposition est prêt à aborder toutes les questions. Il sait fort bien que ces coupures ne sont pas faites par plaisir. Ce sont des coupures

qui nous sont imposées par l'héritage financier et fiscal de l'ancien gouvernement, c'est-à-dire que l'annexe B-10 du budget de son ancien collègue, M. Duhaime - on s'en souvient - annonçait un déficit de 2 970 000 000 $ et que ce déficit est finalement, comme on le sait, de 4 500 000 000 $. (16 h 15)

Nous avons respecté certains engagements. Nous avions pris plusieurs engagements sur le plan fiscal. Nous les avons respectés au mois de décembre., Nous avions pris un engagement dans le cas des salles d'urgence. Dieu sait qu'on en avait parlé durant la campagne électorale! On l'a fait parce que c'était notre devoir essentiel de le faire. Est-ce qu'il y a un service plus essentiel que la protection de la santé dans les salles d'urgence? Comme le chef de l'Opposition avait été ministre des Affaires sociales, on a soulevé la question. Comme il s'était vanté d'avoir coupé 142 000 000 $ dans le secteur hospitalier, on a insisté sur la question pour lui dire que, pour le Parti libéral, c'était une priorité de régler le problème des salles d'urgence. Même avec la pire crise financière depuis 50 ans au Québec, nous avons décidé d'affecter 150 000 000 $ additionnels pour régler le problème des salles d'urgence, de manière à tenter au moins de le régler, étant donné que c'est un problème très complexe. J'espère que cela a contribué au moins à atténuer l'impact très négatif de cette situation sur la population,,

Je pourrais discourir longtemps sur d'autres coupures. Il y a eu plusieurs questions qui ont été posées en Chambre là-dessus. On y a répondu et on y répond dans les crédits. Nous voulons mettre fin à cette époque qui voulait que nous pelletions sur les épaules de nos descendants des centaines et des centaines de millions par année, en empruntant à long terme. On en reparlera tantôt quand on discutera des jeunes. Nous voulions également faire en sorte de redresser l'économie, d'assainir les finances publiques. Il y a eu un taux de croissance des dépenses très élevé depuis 20 ou 25 ans au Québec. Nous vivons dans une nouvelle époque. On en est conscient. Quand j'ai été élu premier ministre, il y a 16 ans aujourd'hui...

M. Johnson (Anjou): J'allais vous souhaiter un bon anniversaire, d'ailleurs.

M. Bourassa: Merci. Le chef de l'Opposition, je ne sais pas s'il était au cégep à ce moment-là.

M. Johnson (Anjou): J'étais devant le Parlement avec une pancarte. D'habitude, je suis à la porte, ici, avec des pancartes. Vous avez vu ça en fin de semaine.

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition devrait savoir que, dès ce moment-là, nous mettions l'accent sur le progrès social et sur le redressement économique.

Je crois avoir couvert la plupart des questions qui ont été soulevées. IL y a les comités de bénévoles. Je ne sais pas si le député de Lac-Saint-Jean va me poser des questions.

M. Brassard: J'ai des questions spécifiques là-dessus.

M. Bourassa: On pourra répondre aux questions spécifiques; de même pour les conflits d'intérêts, s'il y a des questions spécifiques. Au lieu de répondre d'avance, j'aime mieux avoir des questions. Cela va.

Le Président (M. Filion): Merci.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, on pourrait peut-être commencer avec les questions. On ne relèvera pas tout ce que le premier ministre dit. On va avoir des occasions, après le discours sur le budget, la semaine prochaine, de discuter en long et en large de la question des finances publiques. Je remercie quand même le premier ministre de son attitude bien condescendante à mon égard en ce qui concerne les finances publiques.

Je veux simplement lui citer un alexandrin qui vient de quelqu'un qu'il connaît très bien, au sujet de l'imprécision et de l'utilisation du silence quand on a de bonnes idées. Quelqu'un qu'il connaît bien et qui a été sénateur à une certaine époque et qui est maintenant à sa retraite, disait récemment: "Si ton esprit veut cacher les belles choses qu'il pense, dis-moi qui t'empêche de te servir du silence." Je pense qu'il y a là un mérite assez remarquable à cette phrase d'un ancien homme politique libéral et qui s'applique à beaucoup de choses que vient de nous dire le premier ministre.

Le libre-échange

Je vais commencer avec le libre-échange. On sait que la semaine dernière, par un vote très serré, la commission Packwood, aux États-Unis, au Sénat américain, a adopté cette procédure qui permet maintenant, qui donne l'accord du Sénat au président des États-Unis, au pouvoir exécutif, d'entamer les négociations d'un accord de libéralisation des échanges avec le Canada. On se rappellera aussi que ces échanges au Sénat américain ont été précédés de tractations très complexes et très insistantes de la part de la Maison Blanche au point, d'ailleurs, où ce matin, en me levant et en lisant un journal que cite souvent le premier ministre de ce temps-ci,

je voyais que M. Reagan nous annonçait que les provinces seraient d'accord et qu'elles seraient liées. Les réticences du Sénat américain à donner feu vert au président, on le sait, pour amorcer un processus qu'on appelle "fast track", c'est-à-dire un processus rapide, sont évidemment extrêmement reliées au rôle que jouent les sénateurs américains. On sait que, vers 1912, cela a été une période prolifique aux États-Unis sur le plan des institutions politiques. On a accordé, si je me souviens bien, cette année-là ou dans les années qui ont immédiatement précédé ou suivi, le droit de vote aux femmes. On a décidé d'instaurer la prohibition, ce qui n'est pas nécessairement la chose la plus solide qui ait été faite. On a également permis, à cette époque-là, que les sénateurs deviennent des élus et qu'ils aient une fonction de défense des intérêts régionaux aux États-Unis. On ne s'étonne donc pas de voir les sénateurs appréhender ce dossier avec des préoccupations au sujet des intérêts régionaux américains. Toutes choses étant égales par ailleurs, le rôle que les sénateurs jouent dans l'exécutif américain a son pendant ici, je crois, dans le rôle que jouent les premiers ministres des provinces dans notre système.

En 1984, le Québec a exporté, en valeur, 13 000 000 000 $ vers les États-Unis, soit 75 % de ses exportations internationales. Nous avons importé pour 10 000 000 000 $, donc une balance positive, même si de façon générale, elle est négative pour le Canada.

L'importance des échanges, donc, entre le Québec et les États-Unis, est ici un indice de ce que représente cette question et le vote du Sénat américain nous indique aussi, je crois, que ces négociations seront extrêmement serrées. Par ailleurs, M. Mulroney a insisté, en conférence de presse encore, sur le fait qu'il n'y aurait qu'un seul négociateur canadien.

Ma question au premier ministre est la suivante: Au-delà du consensus qui est intervenu à la conférence de Halifax, quelques jours avant l'élection, où M. Mulroney nous avait déclaré qu'il était très important qu'il y ait "a full provincial participation", "a full provincial involvement", qu'en est-il maintenant des garanties qu'aurait obtenues le premier ministre du Québec du premier ministre canadien quant à notre participation au processus? J'entends par participation l'élaboration des mandats qui présupposent antérieurement une analyse des données, que ce soit les rapports que l'on retrouve dans l'actualité ou ailleurs, ou certains des comités.

Deuxièmement, il y a le processus de négociation lui-même, la présence ou non dans les salles ou dans les salles attenantes. Ce n'est pas un problème théorique, c'est un problème réel. On sait qu'en négociation, quand des enjeux pareils sont en cause, la nuance de ce qui se dit à une table, l'échange du "give and take" ou du "bartering", pour reprendre les expressions de négociation anglaises, est une chose qui devient très très sensible et qu'il est toujours très difficile de revenir, a posteriori, sur ce qui se passe dans une salle de négociations. Nous l'avions dit à l'époque, il nous apparaissait inconcevable qu'il y ait dix négociateurs pour chaque province, en plus de celui du fédéral, sans compter les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon. Il nous apparaissait important, et nous étions parvenus à un consensus à cet effet à Halifax, que les provinces puissent être présentes dans le processus même des négociations et physiquement très près des négociateurs canadiens.

Et finalement, la troisième question, c'est: Une fois un accord de principe intervenu entre les deux ambassadeurs et leurs équipes respectives, quelles sont les garanties, là aussi, qu'il aurait obtenues du premier ministre du Canada quant au consentement du Québec à l'égard du contenu? Voit-il là un consentement de la nature de celui qui sera celui du Sénat américain, c'est-à-dire "make or brake", on approuve ou on rejette? Ou voit-il un consentement qui pourrait être conditionnel? Voit-il ce dossier dans la perspective non pas du passé, mais de l'avenir, dans la perspective de l'exercice d'un droit de veto que, par ailleurs, son ministre semble vouloir revendiquer? Voilà.

M. Bourrassa: Quant à la première question au sujet des pourparlers, j'ai discuté très brièvement avec le premier ministre du Canada, la semaine dernière, et avec le premier ministre de l'Ontario, hier, sur cette question-là. Nous devons en rediscuter. Je ne me souviens pas s'il y a eu une question en Chambre la semaine dernière. Non, il n'y a pas eu de question en Chambre la semaine dernière là-dessus. Mais j'avais déjà répondu...

M. Johnson (Anjou): On n'a jamais de réponse en Chambre, de toute façon. Alors, on ne se force pas pour les questions.

M. Bourassa: Au moins, faites un meilleur choix de questions. D'ailleurs, M. le Président, le chef de l'Opposition se plaignait tantôt de la formule qui fait que lui, il pose des questions et que nous, on donne les réponses. C'était à lui de la modifier quand il était au pouvoir s'il trouve que la formule désavantage l'Opposition.

Alors, pour revenir à la question du libre-échange...

M. Johnson (Anjou): Oui, c'est cela.

M. Bourassa: ...vous savez que le président du Comité des provinces est actuellement M. Getty. Il y a une élection en Alberta la semaine prochaine. Donc, jusqu'à l'élection, nous ne pouvons pas poursuivre nos discussions avec le président, mais la position du Québec a toujours été la suivante; sans insister pour être à la table des négociations, on est d'accord encore là-dessus... J'entendais tantôt le chef de l'Opposition qui disait: On n'insiste pas pour être à la table, mais il faut être physiquement très près de la table de négociations. Ce n'est pas particulièrement limpide pour moi, ce que veut dire être physiquement très près sans être à la table. Ce que nous nous demandons, c'est de participer à l'élaboration des mandats pleinement.

M. Johnson (Anjou): Si le premier ministre me le permet...

M. Bourassa: Oui, certainement.

M. Johnson (Anjou); ...la distinction que je fais, c'est "l'opérationnalisation" des mandats dans la négociation. Le premier ministre qui, en plus d'être un économiste de renommée, est un homme qui est reconnu comme un grand négociateur, il sait très bien que l'exécution d'un mandat c'est d'ouvrir un couloir entre des balises qu'on s'est données pour essayer de trouver une entente. Savoir si vous allez être à gauche ou à droite ou au centre dans le couloir et savoir jusqu'où vous êtes prêts à délester un morceau de votre mandat, cela se fait dans . la salle de négociations. Cela ne se fait pas en théorie et a posteriori, cela se fait au moment où les gens discutent et échangent. La notion de la proximité physique des représentants des provinces, surtout quand il s'agit de sujets qui sont les leurs et de leur juridiction, cela nous apparaît, en ce sens-là, fondamental.

M. Bourassa: Oui, sauf que, comme le disait le chef de l'Opposition, le 27 novembre à Halifax - c'est le 27 ou le 28, en tout cas, c'est la dernière semaine de novembre - il y a eu une entente sur les principes. Le premier ministre du Canada a dit, je crois, il y a quelques jours: Pour l'application des principes, nous aurons l'occasion dans les prochains mois d'en discuter. J'ai reçu le ministre, M. Joe Clark, responsable des Affaires extérieures. Je lui ai fait part des points que j'ai déjà exprimés publiquement au chef de l'Opposition à l'Assemblée nationale: participation au mandat, le fait que le Québec ne se fasse pas imposer un traité ou des décisions qui vont contre ses intérêts sans évidemment qu'il donne son accord, cela peut être globalement, cela peut être en partie. C'est de cela qu'on va discuter dans les prochaines semaines et dans les prochains mois.

Parce que le premier ministre du Canada n'est pas prêt à en discuter tout de suite, parce que le président du comité des premiers ministres des provinces, M. Getty, est en période électorale, je ne peux pas être plus précis dans mes réponses au chef de l'Opposition. Je ne pourrai pas l'être avant que le premier ministre revienne de son voyage en Asie et que l'élection soit passée en Alberta, on verra le résultat. À ce moment-là, nous pourrons discuter entre les premiers ministres sur l'application des principes auxquels il a participé au mois de novembre. Il y a une conférence des premiers ministres qui est prévue pour le mois d'août.

Et je crois que le chef de l'Opposition doit constater - ce que j'avais déjà dit au mois de mars et que je peux lui rappeler -que ce n'est pas acquis, qu'il n'y a pas une fébrilité du côté des États-Unis pour signer un traité de libre-échange. Un vote de dix à dix, un vote aussi serré exprime d'une certaine façon quelques réticences vis-à-vis d'un traité de libre-échange. Donc, je crois qu'on va avoir le temps, parmi les provinces et le gouvernement fédéral, de se préparer et de trouver une formule qui protège nos intérêts et qui ne paralyse pas le processus de négociation. Il est fort plausible que le négociateur américain veuille consulter les principaux secteurs industriels des États-Unis avant d'aborder directement et à fond la négociation. Alors, ce sont des délais qu'an peut présumer.

C'est déjà une grande victoire pour le Canada et pour le Québec qu'on soit d'accord pour discuter d'échanges commerciaux plus libres. Là-dessus, il y a consensus. Évidemment, il y a toutes sortes d'impacts qui peuvent exister pour différentes industries, mais on est d'accord pour qu'il y ait des échanges plus libres. Cela ne peut que favoriser le Canada et le Québec. Or, déjà le vote du Sénat est une grande victoire en ne bloquant pas ces discussions. Mais on n'est pas rendus au point où le Québec doit donner un accord à un traité qui lui est soumis. (16 h 30)

M. Johnson (Anjou): Une dernière question là-dessus; j'en aurais plusieurs, mais... Le sénateur Packwood a déclaré aux journalistes récemment que la seule assurance écrite qu'il avait reçue de M. Reagan concernant les conditions à l'éventuelle négociation d'un traité de libre-échange était la question du règlement rapide du contentieux en matière d'importation de bois canadien. On sait que l'Oregon est situé essentiellement sur le marché de la Colombie britannique mais que, si on touche le contentieux canadien-américain sur la question du bois d'oeuvre, entre autres, entre la Colombie britannique et l'Oregon, on va

donc toucher ce qui se passe dans le cas du Québec et de l'Ontario à l'égard des États de la Nouvelle-Angleterre et à l'égard aussi d'États jusqu'au Deep South, dans certains cas.

Est-ce que le premier ministre est informé de l'existence de conditions écrites autres ou d'autres types de conditions qui existeraient du côté américain?

M. Bourassa: Non, je ne suis pas informé et sous toutes réserves - et le chef de l'Opposition pourra me rectifier, si nécessaire - je crois que le premier ministre du Canada adéclaré au lendemain du vote qu'il n'y avait pas eu de conditions qui avaient été imposées au Canada. Vous vous souvenez...

M. Johnson (Anjou): M. Packwood a dit lui qu'il y avait... C'est cela. Enfin, il va falloir sortir cela.

M. Bourassa: Moi, je prends la parole, étant résident canadien...

M. Johnson (Anjou); Et je me permets de souligner cette question...

M, Bourassa: D'accord.

M. Johnson (Anjou): ...pour le premier ministre, parce qu'on sait que le contentieux du bois de sciage et du bois d'oeuvre a été probablement le contentieux qui a rendu le plus visible le problème des arbitrages nécessaires à faire dans les litiges commerciaux entre le Québec et les États-Unis et qui a coûté d'ailleurs 3 500 000 $ seulement en frais juridiques à l'industrie du bois de sciage au Québec qui s'est promenée d'un "ruling authority" à un autre aux États-Unis et qu'on a gagné par la peau des dents à cause d'une technicité. Si jamais, effectivement, du côté américain, l'engagement qu'aurait pris la Maison Blanche à l'égard du sénateur Packwood pour obtenir son vote qui a fini, comme on le sait, extrêmement serré était qu'on réglerait le problème du contentieux, on peut dire que cela risque de ne pas être tellement favorable pour le Québec.

M. Bourassa: C'est à surveiller de très près.

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Bourassa: Je suis d'accord, comme la question de l'agriculture ou du textile et d'autres questions.

M. Johnson (Anjou): Du côté des entraves interprovinciales au commerce, le premier ministre nous a dit récemment - je parle du premier ministre du Québec - nous a déclaré publiquement qu'il était prêt à agir très rapidement pour abolir les entraves au commerce entre les provinces. Une de ces entraves touche évidemment ce qu'on appelle les marchés publics; je pense ici aux politiques d'achat des réseaux public, parapublic, péripublic, aux sociétés d'État et particulièrement à Hydro-Québec. Est-ce que le premier ministre est prêt à considérer qu'il devra mettre fin rapidement aux politiques d'achat préférentielles du gouvernement et des sociétés d'État dans ce domaine?

M. Bourassa: Non, j'ai simplement repris, M. le Président, ce que j'avais soumis, en réponse à une question d'un journaliste, à la commission Macdonald. Je parlais de la possibilité d'un code d'éthique entre les provinces, de commencer par cela. Je disais que, si on voulait négocier un libre-échange avec les États-Unis, il fallait que notre union économique comme telle ne soit pas marquée par toutes sortes de barrières tarifaires ou non tarifaires. C'est évidemment une chose qu'on va discuter entre provinces.

M. Johnson (Anjou): On sait que la politique d'achat préférentielle d'Hydro-Québec, entre autres, dans des domaines extrêmement importants sur le plan des technologies nouvelles, sur le plan de l'ingénierie, sur le plan d'une partie de l'industrie lourde aussi, a des conséquences particulièrement bénéfiques pour le Québec sur le plan économique et que cela reste probablement, des barrières dites interprovinciales, ta barrière la plus importante et sûrement, en tout cas, la plus visible aux yeux des voisins canadiens. Est-ce que le premier ministre, quand il parle d'appliquer l'idée sugqérée par M. Macdonald dans son rapport d'un code d'éthique, pense mettre la question des politiques préférentielles des sociétés d'État dans le paquet, à court terme?

M. Bourassa: Non, pas à court terme. M. Johnson (Anjou): Non.

M. Bourassa: Tout ce que je peux dire au chef de l'Opposition, c'est lui citer le paragraphe qui est dans le rapport présenté par le Parti libéral du Québec en février 1984 à la commission Macdonald où je parle peut-être pour... Si je peux juste citer ce que je disais: Peut-être pourrions-nous, par exemple, explorer la possibilité d'un code d'éthique interprovincial. Un tel code pourrait baliser d'une manière souple et flexible certaines pratiques potentiellement discriminatoires, etc. Si un tel code d'éthique qui n'imposerait rien d'autre qu'une contrainte morale aux provinces,

s'avérait inefficace !ors de l'expérience, il serait toujours possible de considérer dans le même esprit une approche plus musclée sous forme d'entente commune interprovinciale. Ce n'est pas contraignant au niveau actuel.

M. Johnson (Anjou): Donc, ce n'est pas contraignant. On y va rapidement, mais pas de façon contraignante» Est-ce que le premier ministre a l'intention de rendre public l'ensemble des études que va faire le comité présidé par M. Warren et auquel participent les autres personnes qu'il a nommées récemment? Est-ce qu'il y aura une commission parlementaire sur l'ensemble de ces questions? Est-ce que le projet éventuel de libre-échange - si jamais il y avait accord à l'intérieur du mandat du premier ministre, donc d'ici deux ou trois ans - sera soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale ou considère-t-il que c'est du ressort exclusif de l'exécutif?

M. Bourassa: Pour les deux questions, en principe, on n'a aucune objection à rendre les études publiques, si cela ne va pas contre l'efficacité des négociations ou l'intérêt public. Je réponds par une phrase ' assez générale au chef de l'Opposition parce que je n'ai pas les études en main. Je ne peux pas dire assurément si elles seront rendues publiques. Mais, en principe, on n'a pas d'objections, sauf si on venait à la conclusion que cela peut nuire à nos négociations. Quant à l'accord, on verra à ce moment-là. Je crois que la procédure habituelle au Québec est qu'au moins, au minimum, on en discute en commission parlementaire.

M. Johnson (Anjou): Au minimum.

M. Bourassa: C'est ce que j'avais fait en 1971, dans le cas des propositions, à Victoria; et on avait discuté de ces propositions. Est-ce qu'on doit en faire un grand débat à l'Assemblée nationale? On pourra aviser en temps opportun. Mais cela m'étonnerait qu'on ne discute pas du traité comme tel en commission parlementaire.

Les comités de bénévoles

M. Johnson (Anjou): Les comités de bénévoles. La composition de ces comités, comme je le disais tout à l'heure, frappe particulièrement par son caractère assez homogène. Ce sont des gens d'affaires, je dirais même des hommes d'affaires. Il y a très peu de femmes. Je pense qu'il y en a seulement une ou deux qui font partie des comités, en tout cas quant aux trois grands qui ont été rendus publics par communiqué le 22 janvier. Comment le premier ministre peut-il nous expliquer l'absence, dans ces comités d'élus - à l'exception du député de Notre-Dame-de-Grâce, qui est son adjoint parlementaire également - particulièrement compte tenu de la déclaration de la vice-première ministre lors du discours inaugural de la mini-session, qui s'avérera probablement le seul discours inaugural qu'on aura pendant un an ou un an et demi... Celle-ci disait alors que le gouvernement voulait que l'Assemblée nationale accroisse son autorité et sa productivité, qu'elle légifère moins et mieux et qu'elle participe davantage aux décisions de l'État. Quand on voit l'étendue des mandats accordés à ces comités rendus publics le 22 janvier et quand on en voit la composition, je pense qu'il n'y a pas grand-chose pour l'Assemblée nationale là-dedans. Comment explique-t-il l'absence des régions, des municipalités, des femmes, des groupes socio-économiques, des syndicats et des fonctionnaires dans de tels comités?

M. Bourassa: M. le Président, je pourrais citer Jean Paré qui faisait une analyse de ce type d'argumentation dans L'Actualité selon laquelle, à chaque comité, on doit avoir des représentants des régions et des différents groupes sociaux. C'était des comités dont l'échéance était pour quelques mois seulement. Il y a quand même certaines femmes dans les comités. Là-dessus, je suis obligé, sans vouloir déplaire au chef de l'Opposition, de lui rappeler qu'il n'y avait aucune femme qui avait été nommée, sur sept personnes, dans l'un des seuls comités qu'il a formés, la Corporation d'investissement jeunesse.

M. Johnson (Anjou): C'est inexact. Il y avait la présidente de Forano.

M. Bourassa: Si c'est le cas, toutes mes excuses au chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): Oui, voilà.

M. Bourassa: Mais la liste qui nous a été remise ne contenait aucune femme.

M. Johnson (Anjou): On verra tout à l'heure.

M. Bourassa: Encore là, s'il y a une erreur, je suis très heureux que...

M. Johnson (Anjou): Je suis sûr que vous êtes contrit.

M. Bourassa: Je suis contrit et surtout heureux de voir que le chef de l'Opposition a tenu compte de cette situation que nous voulons corriger, de toute façon. Mais le but de ces comités n'est pas de faire de la consultation dans différentes régions ou dans différents milieux, le but de ces comités est d'arriver à faire des recommandations qui seront assujetties aux discussions du Conseil des ministres. Si elles supposent des lois,

celles-ci seront assujetties aux débats parlementaires. Il faut que !e chef de l'Opposition tienne compte de l'objectif des comités avant d'exprimer des griefs sur le caractère représentatif de ces comités.

M. Johnson (Anjou): Encore une fois je ne veux pas...

M. Bourassa: II faudrait une vingtaine de personnes dans chaque comité pour... Il faut régler d'ici trois mois.

M. Johnson (Anjou): Je regarde l'ensemble des comités. Révision des fonctions et organisations gouvernementales, mandat de trois mois: M. Gobeil, évidemment, président du Conseil du trésor; M. Bélanger, de la Banque Nationale; M. Lortie, de chez Provigo; M. Marcoux, de la Banque d'Épargne; M. Jean-Claude Rivest. Comité sur la déréglementations M. Scowen; M. René Dussault, qui est connu dans l'État québécois; Mme Brien; Me Reynold Langlots; M. Jean-Luc Migué; M. Sébastien Allard; M. Pierre Clément, de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes; M. Lavigne, qui est conseiller au Conseil exécutif. Comité sur la privatisation: M. Marcel Côté, de SECOR, si je me souviens bien; M. Roger Beaulieu, avocat; M. Marcel Bélanger, comptable connu; M. Castonguay, des institutions financières de La Laurentienne; M. Raymond Cyr, président de la multinationale Bell Canada; M. Siblin, dont je ne connais pas la prononciation. Ce qui frappe: c'est monolithique, ce sont des gens strictement, ou à peu près, du milieu des affaires. Je ne mets pas en cause la qualité de ces gens, et encore une fois j'en connais un certain nombre.

Le caractère monolithique, la provenance de ces personnes autour d'enjeux aussi importants que la révision de l'organisation gouvernementale, la déréglementation et la privatisation... Le mandat est tellement large! On sait que cela va définir le carré de sable autour duquel le Conseil des ministres va décider, et finalement finir peut-être par nous arriver avec des projets de loi, à un moment donné; ce serait une bonne idée, le Parlement est là pour cela, quitte même à ce que ce soit des projets de loi qui en abolissent d'autres ou qui mettent fin à d'autres. Mais c'est cela qui frappe, et je trouve que le premier ministre est peut-être trop insensible à ce que je soulève là. Je comprends qu'il peut faire un club de gens qu'il connaît bien, qui le conseillent. Quand j'ai formé la Corporation d'investissement jeunesse, c'étaient tous des gens du milieu des affaires. Je ne leur demandais pas de venir me dire comment l'État devrait être; je leur demandais de me dire comment eux pouvaient régler en partie le problème des jeunes. C'était normal que ce soit eux, je ne demandais pas à la CSN d'être là. Ce caractère monolithique, le premier ministre ne semble pas le reconnaître. J'aimerais l'entendre peut-être quelques secondes.

M. Bourassa: Je crois quand même que le chef de l'Opposition simplifie un peu; peut-être qu'il est obligé de simplifier pour avoir un début d'argument. Il reste que ces comités-là, comme je l'ai dit, avaient pour but de nous conseiller dans certains cas sur la gestion. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des gens... René Dussault a été sous-ministre de la Justice, il a travaillé longuement avec M. Castonguay aux Affaires sociales, on ne peut pas dire qu'il n'a pas fait preuve d'ouverture sur la qualité du développement du Québec. Si mon adjoint parlementaire n'était pas présent, je pourrais dire la même chose à son endroit. Il y a Jean-Claude Rivest qui, à ma connaissance, n'a jamais occupé des postes importants dans le monde des affaires; il a travaillé dans la fonction publique, il a été député à l'Assemblée nationale. Donc ce n'est pas si monolithique que le prétend le chef de l'Opposition.

Il reste quand même que, les comités ayant pour but de nous aviser sur le poids du secteur public dans la machine gouvernementale, dans l'État... Je me souviens des propos du chef de l'Opposition en juin, en juillet, en août: faire faire. Je ne sais pas si le chef de l'Opposition se souvient quand il répétait cela dans ses tournées - fructueuses, il faut bien l'admettre, on a vu cela à la fin de septembre - où productivité... À chaque fois que j'écoutais le chef de l'Opposition je l'entendais parler de productivité, il fallait mettre l'accent sur la productivité. Or le chef de l'Opposition sait que, dans le secteur privé, à cause de l'application parfois impitoyable des lois du marché, on est obligé de mettre l'accent sur la productivité. Cela ne veut pas dire qu'on va accepter toutes leurs recommandations, il n'en est pas question. Mais, dans les études qui vont nous être soumises, dans les recommandations qui vont être faites au gouvernement, on veut faire en sorte de voir comment on peut, en respectant nos objectifs, dans notre programme Maîtriser l'avenir, de progrès social et de garder l'aspect humain dans toutes nos politiques, éliminer certaines dépenses. On a trouvé toutes sortes de comités qu'on élimine parce que, finalement, on s'aperçoit que ces comités étaient inutiles. Encore là, je pourrais... (16 h 45)

M. Johnson (Anjou): Comme les jurys de sélection pour les gens qui sont admissibles à la magistrature?

M. Bourassa: Ne faisons pas dévier le débat.

M. Johnson (Anjou): C'est inutile?

M. Bourassa: À l'étude des crédits du ministère de la Justice, l'ancien ministre pourra poser ses questions. Il y a toute une série de comités. Je vais laisser la parole à mon adjoint parlementaire pour la déréglementation parce que c'est lui qui préside ce comité. Donc, nous visons d'abord à mettre de l'ordre dans la réglementation, il va lire des milliers et des milliers de pages de règlement. On est étouffés par la réglementation. Ce qu'on a voulu faire, c'est introduire un peu de bon sens dans toute cette réglementation. Pour la privatisation, c'est la même chose. Je pense que le chef de l'Opposition est d'accord qu'il est peut-être temps, en 1986, de changer d'approche économique au Québec, étant donné les contraintes que nous devons vivre et étant donné l'exigence, pour nous, d'être de plus en plus concurrentiels et d'être de plus en plus productifs, pour reprendre son expression.

M. Johnson (Anjou): Si le premier ministre me permet juste une remarque là-dessus. Il est évident que la productivité, la capacité concurrentielle de nos entreprises et de l'État lui-même sont au coeur de ce qui nous attend pour les quelques années à venir si on ne veut pas devenir une grosse Île-du-Prince-Édouard, avec tout le respect que j'ai pour ceux qui viennent de là, mais disons que ce n'est pas exactement Silicon Valley. Cela dit, j'ai été frappé par le fait que le premier ministre nous dise: Les impitoyables lois du marché. Je n'en disconviens pas, c'est impitoyable et cela va être encore plus impitoyable si on libéralise les échanges avec les Américains. Mais, ce que je connais des gens qui viennent du milieu des affaires et, notamment, parmi ces personnes que je connais, y compris un certain nombre de ses ministres, ce sont des gens qui croient d'abord et avant tout en l'efficacité des lois du marché et qui, en général, ne sont pas très préoccupés par la confiance qu'on peut avoir dans la gestion des ressources humaines et par la conviction profonde qu'on a que le progrès est fait par des humains. Il n'est pas seulement fait par la loi du marché. Le caractère monolithique de ces comités risque de refléter cette vision néo-conservatrice, "friedmandienne", maintenant populaire depuis quelques années. Mais cela va passer aussi.

Fondamentalement, Macdonald a constaté - je ne parle pas de votre ministre, je parle de l'ancien ministre des Finances fédéral - dans son rapport, que l'économie canadienne était un échec parce que les gouvernements, comme les entreprises, n'avaient pas réussi à motiver les gens, en termes de productivité; c'est un des grands constats. Sa conclusion, c'est; Ouvrons les marchés aux Américains et, ma foi, les plus forts survivront. Si on ne croit qu'à cela et si on vient d'un milieu qui est obsédé par cette préoccupation, on ne reflète pas d'autres dimensions qui sont une préoccupation à l'égard de la gestion des ressources humaines, à l'égard de l'Implication des gens dans l'entreprise, à l'égard des fonctionnaires et des employés des secteurs public et parapublic dans les priorités de modes d'intervention de services de l'État aux citoyens et dans la capacité qu'ont les êtres humains d'améliorer la productivité. Ce n'est pas juste la loi du marché qui va améliorer la productivité et, en cela, je crois que le premier ministre et moi, on diffère passablement. Plutôt que de me lancer dans un long débat autour de cela...

M. Bourassa: Et si je voulais répondre, si le chef de l'Opposition me permettait, parce que je crois qu'on ne diffère pas tellement.

M. Johnson (Anjou): J'ai toujours dit que vous me ressembliez un petit peu.

M. Bourassa: C'est prometteur pour l'avenir, pour vous. Je dis au chef de l'Opposition que je suis conscient du caractère impitoyable des lois du marché. D'ailleurs, immédiatement après avoir dit cela, j'ai dit que c'était notre rôle de voir à ce que ces lois du marché s'appliquent d'une façon humaine. Mais on est obligé de constater, comme l'a fait le président Mitterrand qui, il y a quelques années, disait: Je constate... Après avoir, en 1981, orienté l'économie française vers une voie différente de la plupart de ses voisins, il a constaté, après, que les lois du marché, comme il disait lui-même, sont plus exigeantes, plus pesantes que les décisions politiques. Alors, nous, on prend le pouvoir en 1986, on voit l'état des finances, le chômage, le chômage des jeunes dont on parlera tantôt et on se dit: II faut amorcer un virage dans la gestion de l'État. Alors, ce n'est pas une question d'idéologie ou d'être néo-conservateur. D'ailleurs, ceux qu'on a nommés ont tous eu une expérience dans le service public. Michel Bélanger a été secrétaire au Conseil du trésor, sous-ministre de votre prédécesseur comme chef du Parti québécois. Claude Castonguay a présidé la commission Castonguay qui a apporté les réformes sociales les plus avant-gardistes en Amérique du Nord. C'est lui qui a fait cela. Pierre Lortie a également été dans l'appareil public. Yvon Marcoux aussi, au Conseil du trésor. Tous ces gens, sauf exception, ont travaillé au service de la communauté ou au service de l'État. Donc, ils ont cette expérience à la fois du secteur privé avec toutes ses exigences dont nous convenons tous les deux et cette expérience du secteur public. C'est pourquoi j'ai jugé bon de leur demander, à

cette période critique, à ce nouveau tournant de l'histoire économique du Québec, de nous aviser sur certaines recommandations, et c'est nous qui jugerons, à la lumière du débat public qui suivra, si ces recommandations sont valables ou non.

Est-ce que je pourrais permettre à mon adjoint parlementaire de dire quelques mots sur la déréglementation?

M. Johnson (Anjou): J'allais dire que je suis sûr qu'on va avoir l'occasion d'entendre le député de Notre-Dame-de-Grâce à plusieurs reprises au cours des mois qui viennent, compte tenu du mandat qu'il a, à l'Assemblée nationale ou autrement- Je ne vois pas d'autre solution à la déréglementation que celle de venir devant le Parlement pour abolir des lois. Je voudrais qu'on puisse procéder peut-être autour d'un certain nombre d'éléments mécaniques autour de ces comités. Cela m'apparaît très important, si le député de Notre-Dame-de-Grâce me le pardonne.

Est-ce que ces comités vont remettre des rapports qui seront rendus publics?

M. Bourassa: En principe, oui.

M. Johnson (Anjou): En principe, oui.

M. Bourassa: II y a eu des recommandations; je pense qu'il y aura des...

M. Johnson (Anjou): Deuxièmement, est-ce que...

M. Bourassa: II y a des études, peut-être, qui vont rester confidentielles, mais le rapport comme tel devrait être rendu public.

M. Johnson (Anjou): Les rapports devraient être rendus publics. Est-ce que, à ces comités - je vais parler un peu de la rémunération - qui sont formés de gens qui peuvent être appelés à fournir des avis professionnels, comme le disaient votre lettre et votre communiqué, beaucoup de gens seront rémunérés? Qui en décidera? Quels seront les critères? Est-ce qu'il y a des mandats qui vont pouvoir être accordés à des firmes? Est-ce qu'ils seront soumis aux règles habituelles du Conseil du trésor pour donner des mandats aux firmes? Est-ce qu'il y a déjà des demandes d'honoraires qui sont parvenues à l'autorité qui autorisera les dépenses?

M. Bourassa: Je dois vous dire, tout d'abord, que nous essayons une nouvelle formule, c'est-à-dire le bénévolat. On nous a dit - je n'ai pas les chiffres devant moi, mais ce sont des estimations - qu'en éliminant les jetons de présence nous pourrions faire économiser à l'État plusieurs millions de dollars. Donc, je crois que c'est une formule qui se doit d'être mise en pratique. Ces gens sont disposés à servir d'une façon bénévole pour ce qui a trait au travail, à leur présence aux comités.

Mais j'ai mentionné ceci dans le communiqué et, comme le chef de l'Opposition vient d'y référer, je lis la phrase en question: "Ces personnes ont accepté de remplir leur mandat bénévolement, sauf le remboursement de leurs dépenses en vertu des règlements en vigueur et une juste rétribution s'ils étaient amenés à fournir au gouvernement des avis dans le cadre de leur profession." S'il faut qu'ils travaillent durant plusieurs jours ou plusieurs semaines, je crois qu'il est normal qu'ils puissent être rémunérés pour leur travail. Ils ne peuvent pas, quand même... En dehors du travail et de leur présence au comité comme tel, je ne crois pas que ceci, conformément à mon communiqué, implique toutes les études qu'eux peuvent devoir faire.

Il n'y a eu aucun paiement qui a été fait à ce jour, il y a eu des autorisations qui ont été demandées; dans deux cas, on a retourné la demande qui avait été faite en invoquant les raisons qui sont bien connues et qui ont été rendues publiques par le président du Conseil du trésor. Donc, je crois qu'on a attaqué injustement le gouvernement là-dessus. Encore là, je pourrais, mais...

M. Johnson (Anjou): Est-ce que je dois comprendre que le ministre de la Justice a acheminé au Conseil du trésor une demande de rémunération de certains des membres du comité de la déréglementation?

M. Bourassa: Oui. Ce qui est arrivé, c'est que, dans un cas, on a fait une demande d'autorisation, c'est-à-dire pas de demande précise. On a dit qu'on demandait une autorisation au cas où il y aurait des études. Or, il n'y a pas d'étude, donc, il n'y a pas de dépense de ce côté. Dans l'autre cas, on a fait une demande d'honoraires; elle a été refusée, à ce jour, par le Conseil du trésor. Dans un cas, c'était simplement une demande d'autorisation sans études et il est fort possible qu'il n'y ait aucun montant qui soit déboursé. Dans l'autre cas, c'est une demande d'honoraires qui a été refusée, pour l'instant, et qui exige d'être étudiée plus à fond. Je crois que c'est assez injuste pour les personnes en cause. Il y a deux personnes, il y en a au moins une que le chef de l'Opposition connaît très bien et qui a été sous-ministre de la Justice. C'est assez injuste de voir son nom associé à ce genre d'accusation. Encore là, j'ai plusieurs cas de l'ancien gouvernement. C'est pas 400 $ par jour, c'est 1000 $ par jour qui ont été donnés. Mais comme le débat...

M. Johnson (Anjou): Mais on ne disait pas qu'ils étaient bénévoles.

M. Bourassa: Non. Je dis au chef de l'Opposition que s'il lit les communiqués et qu'il fait un effort d'objectivité - peut-être pas pour nous, mais pour les personnes en cause - il s'aperçoit que, si ces gens font des études et qu'ils mettent beaucoup de temps à faire ces études, ça ne fait pas partie du mandat bénévole. Cela se comprend très bien. On a pris la peine de le spécifier. Je veux clarifier cela parfaitement, parce que ce n'est pas juste pour les personnes qui ont été mentionnées. On peut faire de l'opposition sur le dos du gouvernement mais, quand on implique des individus qui ne peuvent pas se défendre, je suis obligé d'insister davantage pour clarifier la situation.

Le Président (M. Filion): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Sur cette question et en rapport avec les questions que je posais au premier ministre, la semaine dernière, si on résume - il me contredira si je me trompe -il y a un ministre qui est responsable d'un des comités, celui sur la déréglementation, en l'occurrence le ministre de la Justice, qui a acheminé une demande formelle au Conseil du trésor pour rémunérer, en raison d'avis professionnels, trois des membres du comité, c'est-à-dire Me Dussault, Me Langlois et M. Mîgué. Ce que vous me dites et je vous signale la réponse de M. Gobeil au Soleil, il a dit: Pour Me Langlois, c'est réglé. À 400 $ par jour, ce sont des honoraires raisonnables, acceptables et justifiables. Mais pour MM. Dussault et Migué, j'ai demandé au ministre responsable de la justice de voir à justifier cette demande de 400 $ par jour parce que, justement, ces deux derniers membres étant professeurs à l'ÉNAP, ils ont droit, normalement, à un tarif, par jour, de 275 $. C'est indiqué d'ailleurs dans la demande du Conseil du trésor. Mais quand vous me dites qu'il n'y a personne qui a été rémunéré... Ce que je peux lire dans ta demande, c'est qu'on indique, au 31 mars 1986, donc pour l'exercice financier 1985-1986, qu'il y a un montant de 10 200 $ qui a été engagé sur une base de 400 $ par jour pour des avis professionnels donnés par MM. Dussault et Migué. Ce que le ministre de la Justice semble affirmer dans sa demande, c'est que, pour ce qui est de l'exercice financier 1985-1986, il y a des avis professionnels qui auraient été donnés par MM. Dussault et Migué et qu'un montant de 10 200 $ aurait été engagé sur une base de 400 $ par jour pour payer le coût de ces avis professionnels.

M. Bourassa: II a été refusé. Le tarif de 400 $ a été refusé.

M. Brassard: Ce que vous me dites, c'est que la décision du Conseil du trésor est de dire: 400 $, il faut justifier ça, c'est trop. Est-ce que cela signifie que le Conseil du trésor est disposé cependant à verser les honoraires réguliers pour un professeur de l'ÉNAP, c'est-à-dire 275 $ par jour?

M. Bourassa: Je dois vous dire que, actuellement, la situation... Comme je l'ai dit tantôt, dans le cas de M. Langlois, il n'y a pas de demande. C'est simplement une autorisations Donc, s'il n'y a pas d'études, il n'y aura aucune dépense, sauf qu'il dit! je participe au comité, je donne mes avis dans les réunions, je ne charge rien. Si j'ai des études à faire, au-delà du travail normal du comité des bénévoles...

M. Brassard: Ce sera au tarif de 400 $ par jour.

M. Bourassa: 400 $ qui est le tarif du ministère de la Justice, c'est cela?

M. Johnson (Anjou): Pour une certaine catégorie, en fonction du nombre d'années d'expérience au Barreau, etc.

M. Bourassa: Je remercie le chef de l'Opposition de son information. Donc, c'est les tarifs du ministère de la Justice. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est l'ancien ministre de la Justice. (17 heures)

M. Brassard: Pour les deux autres?

M. Bourassa: Pour les deux autres, la demande était de 400 $. Cela a été refusé. On en est là actuellement, donc il va y avoir négociations qui vont...

M. Brassard: Est-ce que MM. Dussault et Migué ont donné, en dehors de leur participation au comité, des avis professionnels?

M. Bourassa: Je sais que, monsieur... Ils travaillent, ils ont travaillé à des études, oui. Ils ont travaillé.

M. Brassard: En plus de leur participation comme membres du comité?

M. Bourassa: En plus de leur participation comme membres du comité qui, elle, est bénévole, ils ont travaillé... Peut-être que M....

M. Brassard: Et les honoraires rattachés à ces études ou à ces avis professionnels, si je comprends bien le refus du Conseil du trésor d'aller jusqu'à 400 $, ce serait, en tout cas, au moins 275 $ par jour, tel que le prévoit l'ÉNAP?

M. Bourassa: Attendons de voir ce que

sera la décision du Conseil du trésor.

M. Brassard: À moins que le ministre de la Justice réussisse à justifier ce qui lui a été demandé, réussisse à justifier que les tarifs peuvent être dans ces deux cas-là -puis donne des raisons à cet effet - de 400 $ par jour.

M. Bourassa: On verra la conclusion des négociations. Mais ce que je veux dire, c'est qu'il faut faire une distinction très nette. On peut toujours faire de la démagogie facilement, mais je me permets de demander à l'Opposition, quand cela implique des individus qui ne peuvent pas se défendre, d'être un petit peu plus vigilant. Alors, ce que je dis, c'est que, dans le cas en question, leur travail de bénévole continue; c'est une nouvelle formule que l'on entreprend et qui va épargner des sommes énormes à l'État. Mais quand ils doivent faire des études pendant des jours et même des semaines, à ce moment-là ils ne peuvent pas, pour des raisons que tout le monde va comprendre, travailler bénévolement. Alors, c'est pour cela que je dis que l'accusation du député...

M. Brassard: Je ne fais pas d'accusation, je fais des constats, c'est sûr...

M. Bourassa: D'accord.

M. Brassard: C'est sûr que c'est une nouvelle formule, mais elle est un peu étrange dans le sens que c'est en tant que membres du comité accomplissant bénévolement leur mandat qu'ils se demandent, comme professionnels, des avis qui, là, peuvent être rémunérés.

M. Bourassa: Vous avez un comité d'une demi-douzaine de membres, puis à un moment donné ils peuvent dire dans un cas... On connaît l'expérience de M. Dussault dans l'administration publique, il a publié plusieurs volumes, tout le monde le reconnaît, il a été sous-ministre de la Justice et il a occupé plusieurs postes. S'ils ont besoin...

M. Brassard: Je ne mets pas en doute leur compétence.

M. Bourassa: D'accord. Je remercie le député de Lac-Saint-Jean de reconnaître cet aspect-là. Donc, s'ils sont compétents et s'ils travaillent en dehors du comité des bénévoles, ils ont droit de demander des honoraires. Le reste, c'est à discuter avec le Conseil du trésor, pour qu'il n'y ait pas d'abus.

M. Brassard: Maintenant, juste une dernière question là-dessus, le chef de l'Opposition l'a posée tantôt, je la repose parce que je l'avais posée aussi la semaine dernière en Chambre: Y a-t-il également d'autres membres d'autres comités - là c'est celui sur la déréglementation, mais il y a également celui sur la privatisation et un autre également sur les fonctions de l'État -y a-t-il d'autres membres de ces comités qui ont été appelés à fournir leurs avis professionnels?

M. Bourassa: Non. Bien, M. Rivest fait partie d'un comité, il dit non pour son comité. Pour la privatisation, je pourrais vérifier et donner la réponse demain. Mais, en tout cas, pour le comité...

M. Brassard: Juste...

M. Bourassa: Un instant. Dans le cas du comité sur la privatisation, il y a Marcel Côté, qui est conseiller ou secrétaire de ce comité-là. Dans son cas, évidemment, il consacre énormément de temps...

M. Johnson (Anjou): II est rémunéré?

M. Bourassa: Oui, je crois qu'il devrait avoir une rémunération.

M. Johnson (Anjou): Mais je voudrais simplement m'assurer, pour ne pas que le premier ministre nous accuse d'être démagogues et de nous en prendre à des gens qui ne sont pas présents... On se comprend bient moi je m'en prends au premier ministre ici, je ne m'en prends pas à M. Dussault, je m'en prends au fait que le premier ministre a traîné dans la nature le fait qu'il y avait plein de comités de gens qui bénévolement faisaient des choses, puis on constate qu'il y a bien des gens compétents là-dedans, puis qu'ils vont être payés pour ce qu'ils font.

M. Bourassa: Non...

M. Johnson (Anjou): Voilà, c'est cela qui est en cause.

M. Bourassa: ...non, là je suis obligé d'interrompre le chef de l'Opposition, je suis obligé d'interrompre le chef de l'Opposition. Nous avons dit...

Une voix: Polisson.

M. Bourassa: ...quand même, je ne veux pas hausser le ton, mais...

M. Johnson (Anjou): Vous pouvez essayer.

M. Bourassa: ...que le chef de l'Opposition lise le communiqué qui a été rendu public: "Ces personnes - je vais le relire, parce que cela a l'air qu'il ne l'a pas lu -

ont accepté de remplir leur mandat bénévolement,...

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Ce n'est pas nous autres qui avons dit cela.

M. Bourassa: ...sauf le remboursement de leurs dépenses en vertu des règlements en vigueur et une juste rétribution si elles étaient amenées à fournir au gouvernement des avis dans le cadre de leur profession." Il me semble que cela devrait clore le débat, avec des excuses, si possible, de la part de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): Non. Cela nous dit juste, M. le Président, que le premier ministre nous oblige toujours à aller au-delà des virgules, on sait cela.

Le Président (M. Filion): Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous vouliez intervenir sur cette question.

M. Scowen: Oui.

Le Président (M. Filion):Est-ce toujours votre intention?

M. Scowen: Oui, très brièvement...

M. Johnson (Anjou): J'ai quatre autres sujets.

M. Scowen: Cela ne sera pas long. Je pense que j'ai le devoir d'intervenir ici pour expliquer ce qui s'est passé dans le cas de ces honoraires. Je dois vous dire que M, Migué et M. Dussault sont très blessés par les questions et par les allusions qui ont été faites à leur égard depuis maintenant quelques jours. Le premier ministre a bien cité les règles du jeu et c'est moi, après consultation, qui ait proposé à ces trois personnes un tarif de 400 $ par jour. M. Langlois, qui est dans le secteur privé, a un tarif normal de plus du double. Je dois vous dire que tous les membres, dont M. Migué et M. Dussault, consacrent ce que j'évalue à environ douze heures par semaine à la préparation et à l'assistance à ces réunions. On se rencontre une fois par semaine pendant huit heures, et il y a la lecture des dossiers avant. Toutes ces heures qui vont monter à cinq ou six semaines au total sont bénévoles. M. Migué et M. Dussault compris, ils ne reçoivent pas un cent des fonds publics pour ces heures qu'ils vont, je le répète, monter probablement à l'équivalent de cinq ou six semaines de travail. L'État va recevoir gratuitement le bénéfice de leur compétence pour ces heures pour rien. Mais dans le cas de M. Dussault et de M. Migué, j'ai vite constaté qu'on avait là deux personnes avec des compétences énormes et le leur ai demandé de préparer les dossiers, les documents, les textes qui pouvaient faire l'objet de discussions pendant les réunions. Donc, M. Migué et M. Dussault ont accepté de travailler la nuit et les week-ends - parce qu'ils ont un travail régulier à l'ÉNAP - pour préparer ces dossiers. J'ai proposé les 400 % parce que c'est à peu près la moitié de ce qu'on peut recevoir normalement pour les personnes de cette compétence dans le secteur privé. J'ai proposé la moitié parce que, dans le cas de M. Migué et de M. Dussault, j'ai constaté qu'ils reçoivent les services des bureaux du secteur public, ce que, normalement, dans le secteur privé, on est obligé de payer soi-même. Cela a été refusé par le Conseil du trésor qui a demandé des explications. Je cite exactement la réponse. Ils ont dit de demander au ministère de fournir des justifications supplémentaires à l'égard des honoraires de Me Dussault et de M. Miqué puisqu'ils sont tous deux professeurs à l'ÉNAP. Ils ont demandé ces justifications et j'ai l'intention de défendre les 400 $ que j'ai proposés moi-même et j'espère que je serai en mesure de persuader le Conseil du trésor que, dans ces deux cas, en tenant compte de l'importance de ce comité, c'est totalement justifié. J'espère que je peux avoir l'approbation de l'Opposition à cet égard. J'espère que je peux l'avoir aujourd'hui.

M. Brassard: ...influence sur le Conseil du trésor.

M. Johnson (Anjou): Non, pas tellement. Si on en avait, d'ailleurs, cela ne serait pas mené comme cela.

M. Bourassa: Si mon adjoint parlementaire pose cette question, c'est que vous donniez 1000 $ par jour dans certains cas.

M. Johnson (Anjou): Oui, mais on ne les appelait pas bénévoles.

M. Bourassa: Non, non mais quand même.

M. Johnson (Anjou): Je veux dire: Tout est là.

M. Bourassa: Mais le chef de l'Opposition joue sur les mots.

M. Johnson (Anjou): Je disais oui... M. Scowen: J'espère que le...

M. Johnson (Anjou): Mais ce que je comprends, c'est que le premier ministre, peut-être, veut clore là-dessus. Je pense que cela serait une bonne idée...

M. Bourassa: Oui et je vous comprends...

M. Johnson (Anjou): ...pour lui...

M. Bourassa: Oui, je vous comprends...

M. Johnson (Anjou): ...parce qu'on pourrait continuer longtemps là-dessus. Ce que je comprends pour l'essentiel, c'est que Me Dussault, M. Migué, Me Reynold Langlois qui, d'ailleurs, va peut-être être appelé bientôt à plaider contre vous dans quelque chose...

M. Bourassa: Ah! Vous êtes au courant, vous êtes au courant.

M. Johnson (Anjou): ...à titre d'avocat, ou contre un des ministres, dans ses fonctions... Qu'on se comprenne bien. Je comprends que ces gens vont nous fournir des avis extrêmement intéressants et "knowledgeable", pour bien me faire comprendre. Je comprends que cela ne coûtera pas cher d'après ce que nous dit le député de Notre-Darne-de-Grâce. 400 $ par jour venant de gens qui ont l'expérience qui normalement pourrait les amener dans le privé à avoir un tarif de 1000 $ par jour, ce n'est pas cher. Je vous dis: Peut-être que vous ne trouvez pas cela cher par rapport au privé, mais ce n'est pas du bénévolat. Voilà, c'est tout.

M. Bourassa: M. le Président...

M. Johnson (Anjou): C'est parce qu'il y a un problème de perception très sérieux...

M. Scowen: Est-ce que vous êtes capable de comprendre qu'ils jouent deux rôles différents?

M. Johnson (Anjou): ...autour de cela, en ce moment.

M. Scowen: Est-ce que vous êtes capable de le comprendre? Deux rôles différents.

M. Bourassa: Non, ils ne veulent pas comprendre pour des raisons de politiques partisanes.

Une voix: Le deuxième rôle, ils se le donnent eux-mêmes.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je pourrais peut-être passer à une autre sujet, si le premier ministre me le permet, au sujet des...

M. Bourassa: Je voudrais juste clore, M. le Président, parce que, là, le chef de l'Opposition ne veut pas comprendre, ne veut pas lire ou ne veut pas écouter ce que j'ai mentionné tantôt, que c'était prévu dans le communiqué qui était annoncé que, s'il y avait des études, ils pouvaient être rétribués. C'était écrit, c'était annoncé.

M. Johnson (Anjou): C'est ça.

M. Bourassa: On ne peut pas dire qu'on a essayé de camoufler quoi que ce soit ou qu'on a trahi le mandat qu'on avait annoncé. On n'a pas exclu dans leur travail...

M. Johnson (Anjou): Mais vous avez fait tout un plat du bénévolat, par contre, publiquement. Alors, voilà!

M. Bourassa: Bien, quand même, un plat... Vous faites des plats sur tout et sur rien. Vous en avez fait sur la taxe sur les enfants, des plats.

M. Johnson (Anjou): Bon! Je retiens bien ce que me dit le premier ministre. Il considère que son plat sur le bénévolat est l'équivalent de ce qu'il me reproche au sujet de la taxe sur les enfants.

Le Président (M. Filion): M. le chef de l'Opposition, est-ce que vous avez d'autres questions?

M. Johnson (Anjou): Oui, j'ai d'autres questions.

M. Bourassa: II est rappelé à l'ordre par son collègue et ami.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, vous vous acquittez bien de votre tâche. Pas bénévolement, à cette commission, mais, enfin, vous vous en acquittez.

M. le Président, au sujet des jetons de présence, rapidement. Est-ce que la politique, c'est en vertu d'un décret, la décision qui a été annoncée, le bénévolat pour les sociétés d'État?

M. Bourassa: Cela s'applique comme cela a été annoncé.

M. Johnson (Anjou): À tout le monde, toutes les sociétés d'Etat?

M. Bourassa: Sauf, je n'ai pas le communiqué, mais cela s'applique... C'est la position de principe sauf que, dans certains cas, on a admis que certaines personnes pouvaient être rétribuées à raison de...

M. Johnson (Anjou): En vertu d'une règle élaborée centralement ou dans chaque société d'État?

M. Bourassa: Dans certains ministères, il peut y avoir des conseils...

M. Johnson (Anjou): Par les ministères?

M. Bourassa: ...ou des comités consultatifs où, à cause de l'importance ou des exigences du travail et des personnes qui en font partie, cela pouvait être plus difficile dans ces cas-là d'appliquer le bénévolat. C'est une position de principe qui va épargner plusieurs millions de dollars, d'après ce qu'on m'a dit. Je ne peux pas vérifier, mais cela va au moins épargner des sommes très importantes au gouvernement. On peut...

M. Johnson (Anjou): C'est ça. Et quand c'est...

M. Bourassa: ...en faire de la partisanerie mais, avant de passer à un autre sujet que je voudrais également discuter, les conflits d'intérêts, j'aimerais bien dire au chef de l'Opposition que tout cela était prévu, tout cela avait été annoncé et qu'il n'y a donc absolument rien d'incorrect par rapport à ce que nous avions dit. Personne n'a prétendu, jamais, même quand je parlais des comités de bénévoles... Quand le chef de l'Opposition me dit que j'en ai fait tout un plat, je n'ai jamais prétendu quoi que ce soit contraire au communiqué qui a été rendu public.

Alors, on passe à un autre sujet, M. le Président?

M. Johnson (Anjou): Bon, rapidement, toujours au sujet de l'abolition des jetons de présence qui, apparemment, va nous faire économiser des millions. Premièrement, si c'est prévu dans la loi qu'il y a une rémunération, je présume que vous allez déposer des projets de loi pour modifier les lois?

M. Bourassa: On posera les gestes nécessaires à cet effet-là.

M. Johnson (Anjou): Oui. Je tiens cela pour acquis. Donc, cela devrait venir avant le 15 mai?

M. Bourassa: Comme je le disais tantôt au chef de l'Opposition, c'est une nouvelle formule probablement non seulement au Québec ou ailleurs. On est très heureux que des dizaines de personnes, des centaines acceptent de travailler bénévolement au service de la communauté. Je pense qu'il devrait nous féliciter plutôt que de couper les cheveux en quatre.

M. Johnson (Anjou): D'accord. II ne s'agit pas de cela, M. le Président. C'est que, sans être cynique, je considère que, oui, des gens peuvent avoir un sens de la responsabilité à l'égard des questions collectives, y compris des sociétés d'État, mais le danger, à mes yeux, d'abolir la rémunération qui n'est souvent pas énorme, surtout compte tenu de ce que les gens peuvent faire parfois dans le secteur privé et ailleurs, pose la problématique d'établir une sorte de créance de relations d'affaires entre des milieux et des sociétés d'État et que cela devienne un club extrêmement sélect auquel n'ont pas accès peut-être un certain nombre de personnes qui n'ont pas les moyens d'y aller passer des journées sans se faire payer. Quant à moi, cela rejoint toute la problématique des comités.

M. Bourassa: Mais, c'est pour cela qu'il y a plusieurs exceptions. C'est ce que j'ai dit tantôt au chef de l'Opposition quand il m'a demandé si cela s'appliquait en tout temps, à tout le monde, dans tous les ministères. Il y aura plusieurs exceptions pour les raisons que vient de mentionner le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): Je souhaite bonne chance au premier ministre là-dessus.

Sur le plan des règles - comment dirais-je? - d'éthique, non pas quant aux questions personnelles, etc., mais sur le plan presque, des loyautés que quelqu'un doit à celui au ceux pour qui il travaille, est-ce que le premier ministre ne voit pas des difficultés dans le fait, par exemple, qu'un homme remarquable, qui a fait sa marque, M. Pierre Lortie, soit à la fois président d'un comité très impartant au niveau du libre-échange sur le plan canadien, soit également membre du comité bénévole sur les fonctions et l'organisation de l'État, du gouvernement du Québec et, en plus de cela, qu'il soit appelé à donner des cours à des attachés politiques du gouvernement pour leur faire profiter de l'expérience que lui a eue à l'époque où il était attaché politique? (17 h 15)

Est-ce qu'il ne voit pas là des situations qui pourraient être embarrassantes pour le gouvernement au moment où, par exemple, le gouvernement du Québec et te gouvernement fédéral ne s'entendent pas autour de quelque chose d'assez fondamental dans les questions du libre-échange? Cette multiplicité des chapeaux qu'on porte, je comprends que c'est innovateur et qu'on est dans le chaos créateur et dans les exceptions, mais est-ce qu'il y a un certain nombre de balises et de règles que le premier ministre se donne pour éviter des situations qui pourraient être extrêmement embarrassantes pour le gouvernement comme pour les individus?

M. Bourassa: II s'agit, M. le Président, d'établir là où il y a un conflit d'intérêts. Évidemment, on peut toujours présumer la culpabilité.

M. Johnson (Anjou): Mais non, il ne s'agit pas de faire cela.

M. Bourassa: Mais je réfère le chef de l'Opposition à d'autres pays, dont notre voisin, les États-Unis, où on doit observer ce genre de services plus ou moins bénévoles qui sont accordés. On sait que les hommes ou les femmes qui ont occupé des postes très importants, comme membres du cabinet des présidents américains, le faisaient très souvent à des salaires assez inférieurs et bien inférieurs à ce qu'ils pourraient obtenir. J'ai rencontré, au mois de février, par exemple, le président de la Federal Reserve Board, M. Paul Walker. Je ne veux pas faire du "name dropping" au chef de l'Opposition, mais on connaît le salaire de M. Walker...

M. Johnson (Anjou): C'est moins qu'un sénateur!

M. Bourassa: C'est 65 000 $ environ, moins même que le salaire du chef de l'Opposition, alors qu'il se trouve à être responsable de l'ensemble de la politique monétaire américaine, avec des effets très importants sur l'économie mondiale. On n'innove pas à ce point quand on arrive avec ce système au Québec. Mais je suis d'accord avec le chef de l'Opposition qu'il faut l'appliquer avec prudence et avec lucidité. Mais je pense que cela vaut la peine d'essayer et j'espère que le chef de l'Opposition va être d'accord avec moi.

Relations entre le bureau du

premier ministre, l'exécutif

et la haute fonction publique

M. Johnson (Anjou); M. le Président, rapidement, un autre sujet avant de passer aux directives et au dossier jeunesse: c'est les relations entre le bureau du premier ministre, son gouvernement et la fonction publique, dont je m'inquiète. Le premier ministre nous citait un article, dans le journal, établissant la douceur, la quiétude et la normalité de la transition.

M. Bourassa: C'était un article très fouillé.

M. Johnson (Anjou): Qui était un article très fouillé, mais ce qui est en même temps, j'ai l'impression, une claque en plein visage à l'égard d'un certain nombre d'autres personnes. Je lis, ici, le Soleil du 25 février: "Des centaines de cadres seraient dégommés". Je lis la Presse...

M. Bourassa: Seraient!

M. Johnson (Anjou): Oui, très bien, mais cela s'en vientl Je lis la Presse, Montréal, le mercredi 5 mars: "La faucheuse frappe à l'agriculture." Je lis le Soleil du 16 janvier: "Jack Warren, conseiller sur le libre-échange avec les USA; les nominations provinciales, elles vont commencer à tomber comme de la manne." Je lis le Soleil du jeudi 20 février: "Le sous-ministre Yves Martel victime de la purge libérale". Je lis le Soleil du 21 février: "L'agriculture: Pagé fait sa purge". Je lis la Presse du 22 février: "Des lendemains qui déchantent". Je lis la Presse du 22 mars: "Bourassa écarte des sous-ministres et les remplace par des partisans". Je lis: "Le sous-ministre du Revenu victime de la purge libérale", toujours dans le Soleil du 28 mars. Je lis: "Nouvelles nominations à Québec: Bourassa choisit des libéraux"; dans le Devoir, cette fois-ci, du premier avril. Montréal, le mercredi 9 avril: "être compétent et libéral"; ce qui n'est pas incompatible, je n'en disconviens pas, mais ce qui n'est pas obligatoire. La Presse du samedi 23 novembre 1985: "La fonction publique: pas question de purge", nous disait le premier ministre, à l'époque.

M. le Président, je suis inquiet! Je suis inquiet de l'atmosphère qui règne dans cette ville. Il s'agit d'y passer quelques heures par semaine pour s'en rendre compte. On doit, dans certains cas, rencontrer les gens dans un contexte incroyablement discret, des gens hésitant même à s'afficher près des députés de l'Opposition au Café du Parlement. Je considère qu'à l'égard de la haute fonction publique, notamment, la foire d'empoigne entre la ministre des Affaires culturelles et vice-première ministre et un certain nombre de dirigeants d'organismes, non seulement manque d'élégance, mais également est préoccupante quant au type de respect auquel on doit s'attendre, dont doivent bénéficier, je crois, des serviteurs loyaux de l'État. Il ne faudrait quand même pas que la nouvelle règle au Conseil exécutif soit d'établir de facto que le traitement à l'égard d'un haut fonctionnaire sera relié directement à sa perspective de carrière et que sa perspective de carrière soit reliée directement à un changement de gouvernement. Ce n'est pas comme cela que cela se passe, au Québec, depuis vingt ans. On a mis de l'ordre là-dedans au début des années soixante, et il faudrait s'assurer, M. le Président... J'entends quelques rires gras d'un député qui n'est pas au Conseil des ministres et qui n'y sera sûrement pas avec ce genre d'attitude.

M. le Président, il y a effectivement un respect de l'appareil de l'État qui a animé les gouvernements depuis une quinzaine d'années. En ce moment, on assiste à un climat qui est préoccupant. Il est préoccupant parce que, à notre avis, le premier ministre, toujours en nommant ses comités bénévoles, semble les écarter carrément du processus décisionnel; quand il laisse circuler le type de rumeurs que nous entendons depuis un certain temps, ce n'est pas rassurant pour la haute fonction publique. La haute fonction publique a non seulement

droit au respect des élus. Je sais que la seule mention d'un certain nombre d'organismes relevant de l'État fait des gorges chaudes dans les milieux du caucus libéral parce qu'on accuse des endroits d'être des nids de péquistes, dans une mentalité, quant à moi, de kolkhoze qui est dépassée, au Québec Je me préoccupe de voir le rôle qu'entend faire jouer à la haute fonction publique le premier ministre, notamment dans l'établissement des nouvelles priorités qui amèneront, de toute évidence, selon ce que nous annonce le premier ministre, des réorientations profondes de l'État.

À mon avis, si l'on veut que ces réformes soient un succès pour le gouvernement et pour le Québec, si elles doivent l'être, il faut que nos fonctionnaires, et particulièrement notre haute fonction publique, soient partie prenante à ce type de décisions, car c'est cette fonction publique qui, dans le quotidien, administrera, verra à l'application de ces réformes. Je considère que depuis un certain temps, malgré le fait que le premier ministre peut bien se réfugier derrière l'article qui fait son affaire, de toute évidence il a déjà le syndrome du bunker et de l'isolement s'il ne s'est pas rendu compte que sur la Grande-Allée et ailleurs à Québec cela préoccupe du monde, en ce moment.

M. Bourassa: Je vais répondre, M. le Président, au chef de l'Opposition. Il a choisi toute une série d'articles, de nouvelles...

M. Johnson (Anjou): ...que les autres, peut-être.

M. Bourassa: Non, on n'est pas pour mettre les journalistes sur la sellette, mais il faut quand même faire une distinction entre des analyses et des articles. Quand, par exemple, on annonce: Bourassa choisit des libéraux - ce n'est pas un crime - mais quand on lit l'article et qu'on voit que c'est Jean-Marc Léger qui est nommé Commissaire général à la francophonie, très compétent et très qualifié... À ma connaissance, M. Léger n'a jamais eu une carte du Parti libéral.

Je voudrais ajouter au chef de l'Opposition que ce n'est pas parce que quelqu'un est libéral ou péquiste qu'il est nécessairement inefficace. Je donnerais un exemple qu'a bien connu le chef de l'Opposition: un membre actif du Parti québécois, mais qui, en même temps, a été l'un des serviteurs de l'État les plus efficaces qu'on ait eus. Je n'ai qu'à mentionner son nom, Louis Bernard, qu'a bien connu le chef de l'Opposition. Je ne pense pas que le gouvernement du Parti québécois ait eu à se plaindre du travail de M. Bernard, mais tout le monde savait qu'il était péquiste. Et je n'ai jamais hésité à reconnaître sa compétence. Donc, il ne faut pas automatiquement lier incompétence avec membre d'un parti. Pour convaincre le chef de l'Opposition, je lui donne un exemple qu'il connaît bien.

Ceci dit, je crois que, depuis quatre ou cinq mois - depuis quatre mois et demi -nous avons essayé de procéder à des décisions qui permettaient à la fois un renouvellement de la fonction publique... Après tout, on a été élus sur le changement. Le chef de l'Opposition lui-même, le soir des élections, a dit: On a été battus parce que les gens voulaient du changement. Le changement, cela ne se limite pas uniquement au personnel politique. Il peut y en avoir également des changements dans le personnel de la fonction publique. Je crois que nous avons agi avec prudence et modération. Et c'est pour cela que j'ai cité une analyse, non pas une nouvelle avec des conditionnels et des termes dramatiques, mais une analyse qui a examiné tous les cas. Ceci c'est fait sous la direction de M. Roch Bolduc qu'a bien connu, probablement, le chef de l'Opposition, qui est dans la fonction publique québécoise depuis au moins 25 ans, qui est respecté et reconnu dans toute la fonction publique québécoise. Il peut arriver qu'il y ait eu des cas... On ne dit pas qu'on a été à 100 % dans tous les cas... Immanquablement, il a pu se glisser des erreurs. C'est normal. Il n'y a rien d'étonnant.

Mais, dans l'ensemble des décisions qui ont été prises, je suis convaincu que nous avons agi avec modération et avec sagesse. Est-ce que cela répond à l'inquiétude du chef de l'Opposition?

M. Johnson (Anjou): Non. Dans le fond, le premier ministre me renvoie simplement au fait que, ma foi, il y a peut-être eu quelques erreurs.

M. Bourassa: Mais je ne dis même pas qu'il y en a peut-être, je ne suis pas sûr, j'attends encore qu'on me donne un cas.

M. Johnson (Anjou): II n'est même pas sûr.

Une voix: M. Lefrançois, Mme Leduc.

M. Bourassa: Mais vous n'êtes pas au courant de tout ce qui s'est passé.

M. Johnson (Anjou): Oui, il y en a quelques-uns. Ah! il y en a plus?

M. Bourassa: Non, non, mais il mentionne des noms. Je veux dire qu'il y a deux cotés à la médaille.

M. Boulerice: Dans le cas de Mme Leduc, pour moi cela ressemblait à une convention dans un comté voisin du mien,

mais c'est une autre histoire.

M. Johnson (Anjou): Évidemment, il y a quand même un certain nombre de nominations partisanes, le premier ministre le reconnaît.

M. Bourassa: Comme il y avait treize sous-ministres adjoints qui provenaient directement du personnel politique du Parti québécois.

M. Johnson (Anjou): Et il y a eu l'inverse aussi.

Des voix: Ah!

M. Bourassa: Mais je ne veux pas insister là-dessus, M. le Président, parce qu'on manque detemps.

M. Johnson (Anjou): Mais est-ce que vous êtes en train de me dire... Mais, avec plaisir, avec plaisir, si le premier ministre veut revenir là-dessus, on va en discuter. On prendra le temps qu'il faut. Je serais même prêt à étendre l'étude des crédits durant toute la soirée, s'il le désire.

M. Bourassa: Non, on a un caucus ce soir et c'est important, un caucus. Mais je donne cela, c'est juste pour dire...

M. Johnson (Anjou): Est-ce que le premier ministre est en train de me dire que tous ceux qui, à un moment donné, dans leur engagement dans les affaires publiques ont transité par le Parti québécois, se sont joints aux rangs des serviteurs de l'État à titre de sous-ministre adjoint ou d'administrateur d'État, que, par définition, ils ont la tête sur le billot en ce moment?

M. Bourassa: Non. J'ai dit tantôt au chef de l'Opposition... Je lui ai donné un exemple qu'on pouvait être membre du Parti québécois et bien servir l'État. Mais, quand le chef de l'Opposition me dit qu'il y a des nominations de libéraux, je lui dis qu'il y a treize sous-ministres adjoints qui proviennent du personnel politique du Parti québécois et cela, c'est inévitable. Aux États-Unis, quand il y a un président républicain, à l'occasion il pourra avoir recours à des démocrates, mais principalement ce seront des républicains. Et vice versa.

M. Johnson (Anjou): Cela fait deux fois, M. le Président, que le premier ministre nous cite les Américains, soit à ses comités de bénévoles, maintenant c'est Je régime présidentiel américain. Je n'aurais pas ha? un régime présidentiel durant les dernières élections. M. le Président, je vais passer aux directives.

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition est un peu prétentieux en fin de séance.

M. Johnson (Anjou): Ah! Vous savez, c'est parce que j'ai un bon exemple devant moi. C'est par osmose, peut-être.

Le Président (M. Filion): Nous ne sommes qu'en milieu de séance, M. le premier ministre.

Directives du premier ministre en matière de conflits d'intérêts

M. Johnson (Anjou): On n'est qu'en milieu de séance, M. le premier ministre. Les directives. Je sais que le premier ministre a un certain nombre de choses à nous dire. Moi, j'ai surtout des questions à lui poser.

L'objet d'une directive c'est de régir les intérêts financiers ou les relations professionnelles ou d'affaires que les gens peuvent avoir de façon à éviter toute crainte raisonnable de partialité. C'est donc un objectif préventif, on le reconnaîtra, et la confiance irréprochable qu'on doit avoir en nos institutions, en nos élus et en ceux qui assument la direction de l'exécutif dans notre système doit nous amener, je crois, à être extrêmement rigoureux autour de ces questions.

Le fait est que les directives rendues publiques par le premier ministre sont très différentes des directives précédentes. Il le reconnaîtra. Je ne veux pas ici entrer dans le débat si, oui ou non, des ministres doivent être propriétaires ou peuvent détenir des actions de compagnies publiques. Nous avions fait le choix que non, sauf exception, les exceptions étant divulguées, ies exceptions étant connues publiquement. Mais je prends juste la logique interne des nouvelles directives du premier ministre et je m'interroge sur un certain nombre de choses.

La première, c'est la notion de fiducie. Je comprends qu'à partir du moment où le premier ministre fait le choix que des membres du Conseil exécutif peuvent posséder des actions publiques il faut qu'il trouve un mécanisme de distance. C'est ce qu'on appelle le "blind trust" ou la fiducie, ou le mandat sans droit de regard. (17 h 30)

Cependant, il n'est pas anonyme et je m'interroge sur cette dimension des règles qui fait qu'un ministre peut désigner une personne physique qu'il connaît, avec qui il peut entretenir une longue amitié - histoire d'une carrière, d'une vie et d'une chose qui va durer entre deux personnes - plutôt que de l'obliger à remettre ses actifs entre les mains d'une entreprise, d'une institution financière pour augmenter les garanties d'un certain anonymat et d'une distance plus évidente entre le ministre et celles et ceux

qui ont à transiger de façon quotidienne ou occasionnelle sur les valeurs qui sont, entre autres, cotées en Bourse.

Deuxièmement, je m'étonne du fait que le premier ministre, dans ses directives, ait permis qu'un ministre puisse ajouter à la fiducie. Je m'explique. Je comprends qu'un ministre peut avoir des actifs au moment où il devient ministre. Le principe de la nouvelle directive, il est là| on l'a remis en cause, mais il est là. Pourquoi pourrait-il retirer de l'argent de la fiducie? Il peut en avoir besoin. Il change de maison, il décide de se payer un voyage, d'acheter d'autres équipements, etc. Parfaitement normal. Il peut retirer de l'argent de la fiducie. Pourquoi lui permettre d'en ajouter? Car à partir du moment où une personne devient ministre...

M. Bourassa: Mais s'il en retire et qu'il ne lui en reste plus, il faut qu'il en remette. Oui, mais...

M. Johnson (Anjou): Ah, je regrette! À partir du moment... La question que je pose au premier ministre, je la dis très simplement et je voudrais qu'on discute sur le principe fondamental qu'il y a derrière cela, à mes yeux. À partir du moment où on devient membre du Conseil exécutif du gouvernement du Québec, on devient ministre, c'est une "job" à temps plein. Il vous reste peut-être quelques moments pour votre vie familiale et puis un peu pour les loisirs, à l'occasion, pour les gens qui prennent cela au sérieux, en tout cas. On n'est plus dans les affaires. On n'est plus dans la "business". On n'est plus avocat. On peut rester membre du Barreau, mais on ne pratique plus le droit autrement que dans ses fonctions de ministre. On n'est plus un gestionnaire d'entreprise.

Qu'est-ce qui arrive à un autre citoyen soumis à nos anciennes directives? Il était ministre et, s'il vendait sa maison et qu'il faisait un profit de capital, un gain de capital important, à ce moment-là, il prenait son argent et il achetait des obligations d'épargne du Québec ou il mettait ça dans un compte en banque ou il achetait des valeurs courantes. Pourquoi permettre à un ministre qui, maintenant, est dans une "job" à temps plein, comme membre du Conseil exécutif, de faire croître les biens qu'il a placés au moment où il est entré dans le Conseil des ministres? Je ne comprends pas la logique qu'il y a derrière cela, car, à partir du moment où on est ministre, on ne doit faire que ça. Si le ministre réalisait effectivement un gain de capital sur une vente de propriété, de sa maison personnelle, par exemple, qui, elle-même, n'est pas soumise à la fiducie, je vous le dis, il achètera des obligations d'épargne du Québec comme tout le monde. Pourquoi aller accroître cette fiducie, d'autant plus, je le dis, que cette fiducie, parce qu'elle permet qu'une personne physique et non pas une institution anonyme l'administre, pose tout le problème de la distance qui doit exister? Je comprends que le règlement dit que les ministres s'engagent à ne pas influencer, etc. Je comprends tout ça. On n'a pas à faire de présomption de culpabilité.

M. Bourassa: C'est ce que fait le chef de l'Opposition depuis cinq minutes.

M. Johnson (Anjou): Non, mais à partir du moment où on sait qu'il y a une directive... Si vous prenez l'argument du premier ministre qu'on n'a pas à faire de présomption de culpabilité, il ne devrait pas y avoir de directive du tout. II faut qu'il y en ait une. À partir du moment où il y en a une, il faut qu'elle ait une substance. À partir du moment où elle a une substance, il faut qu'elle obéisse à un certain nombre de principes. Le principe de permettre qu'un individu soit le fiduciaire plutôt qu'une corporation qui a un caractère plus anonyme et le principe qui permet au ministre de réinjecter des sommes additionnelles dans la fiducie m'apparaissent être des failles importantes dans la logique interne même de la directive du premier ministre.

M. Bourassa: D'accord. Pour répondre au chef de l'Opposition, je dois noter quand même que, et le député de Lac-Saint-Jean et le chef de l'Opposition ont, à ce jour, traité de cette question avec assez de sérénité et d'objectivité. Cela étant dit, je suis obligé d'être en désaccord avec plusieurs affirmations du chef de l'Opposition. Ce n'est pas facile de légiférer l'honnêteté, comme je l'ai dît à l'Assemblée nationale. J'ai essayé, avec mes conseillers, d'arriver avec des directives qui soient réalistes. Elles ne sont peut-être pas parfaites - tout est perfectible - mais j'ai essayé d'arriver avec des directives qui soient réalistes et qui n'incitent pas à toutes sortes d'accommodements pour respecter ces directives ou qui ne forcent pas le chef du gouvernement à multiplier les exemptions. Les 5 %, par exemple; le chef de l'Opposition sait fort bien qu'il n'y aura pas beaucoup d'acheteurs qui vont être intéressés à acheter 5 % d'une compagnie privée d'un ministre qui doit s'en départir. Pour le faire, le ministre pourrait être forcé de faire des ententes avec des proches et de dire: Bien, je ne peux pas trouver d'acheteurs, qui va acheter 5 % d'une compagnie privée? Je ne peux pas les vendre, qui va acheter cela? Pourrais-tu les acheter en attendant, etc.? Cela créerait un état de dépendance vis-à-vis de cette personne-là qui pourrait le rescaper pour respecter les directives.

Je ne sais pas si le chef de l'Opposition me suit. Le raisonnement derrière cela,

c'est que les directives ne soient pas telles qu'elles encouragent à toutes sortes de stratagèmes détournés. Alors, je crois que là-dessus, je n'ai pas vu beaucoup de commentateurs qui ont critiqué cette disposition. Finalement, cela respecte l'esprit de la Loi sur la Législature qui a été adoptée par un consensus des deux principaux partis et qui disait que, si la transaction est de bonne foi et s'il n'y a pas d'influence démesurée ou d'influence identifiable, c'est acceptable. Je peux donner l'article de la loi, le chef de l'Opposition est au courant, c'est dans l'article 65 de la Loi sur l'Assemblée nationale sur les conflits d'intérêts. Alors, j'ai voulu interpréter cet article-là. D'ailleurs, j'avais déjà mentionné cette restriction en 1974.

Mandat sans droit de regard. Je pense que les gens sont d'accord, maintenant que le RÉA est largement populaire dans l'ensemble de la population du Québec, et surtout à la suite des exceptions qui avaient été accordées par M. Lévesque, que c'était justifiable.

Il y a deux autres questions que je voudrais aborder. Il y a la question que l'on vient d'aborder sur l'identité du fiduciaire. Je crois qu'il peut y avoir autant d'intimité entre une fiducie et un individu qu'il peut y en avoir entre un comptable ou un ministre. Il n'y a pas de garantie absolue que, dans le cas d'une fiducie, il n'y aura pas de relations cordiales. L'expérience va démontrer la valeur des directives. Mais j'ai fait confiance et je fais confiance à mes collègues; ils vont respecter non seulement la lettre, mais l'esprit des directives. Et l'esprit des directives, c'est de ne pas se placer en position de conflits d'intérêts de quelque façon que ce soit. Et c'est pour cela que j'ai décidé de ne pas limiter cela. Dans certains cas, les biens pouvaient ne pas être suffisamment importants pour justifier les frais d'un recours au trust. S'il y a quelques biens ou quelques actions que veut garder un ministre à cause du RÉA, doit-il automatiquement confier cela à une organisation comme un trust? Alors, c'est cela. On verra si le règlement comme tel est suffisamment étanche.

C'est la même chose pour les biens à l'extérieur du Québec. Là-dessus, j'ai tu plusieurs commentaires dans des éditoriaux. Je le rappelle simplement parce que l'intégrité, c'est peut-être le bien le plus précieux de l'homme ou la femme politique. C'est pourquoi je peux difficilement passer cela sous silence lorsqu'on se pose des questions sur ce problème-là et d'une façon qui ne correspond pas aux faits. Je dois dire que, dans le cas des biens à l'extérieur du Québec, l'interdiction existe à l'article 2, sauf si ce sont des résidences ou des biens qui leur appartiennent personnellement et non susceptibles d'être transigés d'une façon spéculative; et la divulgation existe à l'article 6. Donc, c'est faux de dire que je permets aux ministres de faire commerce des biens à l'extérieur du Québec. Ceux qui l'ont mentionné - il y en a plusieurs - je me permets de leur signaler qu'étant donné qu'il s'agit de l'intégrité des hommes publics et des femmes publiques il y aurait peut-être lieu, à la première occasion, de faire cette nuance-là.

Le Président (M. Filion): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président, je voudrais indiquer au premier ministre, qui a l'habitude de citer souvent des articles de la Presse...

M. Bourrassa: J'en ai cité un tout récent.

M. Brassard: ...que souventefois les observateurs et ceux qui ont commenté cette question ont, la plupart, exprimé l'avis qu'ils étaient, en général, d'accord avec les assouplissements que vous avez apportés pour ce qui est des intérêts, des avoirs et des actifs des ministres. Mais, ce que vous oubliez de mentionner, et je pense qu'il est important de le dire, c'est que tous ces observateurs également ont clairement énoncé et indiqué qu'au chapitre de la divulgation il y avait ce qu'on pourrait appeler une carence en matière de transparence. Il y avait une carence.

M. Bourassa: Pas tous, mais plusieurs.

M. Brassard: La plupart. Tous ceux que j'ai lus, en tout cas. Il y avait une carence au niveau...

M. Bourassa: II y en a que vous n'avez pas lus.

M. Brassard: ...de la tranparence et au chapitre de la divulgation, ce qui fait qu'il y a une face cachée de la lune dans cette question-là, alors que cela n'existait pas dans la directive de l'ancien gouvernement. Je donne juste quelques exemples: dans la directive de l'ancien qouvernement, les conjoints et les enfants mineurs des membres du Conseil exécutif déclaraient ce qu'ils détenaient dans des compagnies publiques. J'ai revérifié cela et j'ai l'exemple de Mme Marois, ministre de la Main-d'Oeuvre: son conjoint détenait beaucoup d'actions dans un bon nombre de compagnies publiques, c'est indiqué, c'est connu. Ce n'est pas gênant, cela. Il n'y a pas de honte à cela, mais c'était clair, limpide, on le savait. C'était dans la déclaration. Là, ce n'est pas le cas. On ne sait pas ce que détiennent les conjoints et la famille immédiate des

membres du Conseil exécutif en matière d'actions de compagnies publiques.

M. Bourassa: Pas privées.

M. Brassard: Mais oui, c'est cela, de compagnies publiques. Mais dans l'ancienne directive, pour la famille immédiate, c'était dans la déclaration du ministre. Donc, il y a là un manque de transparence qui...

M. Bourassa: II n'y avait pas interdiction?

M. Brassard: Pardon?

M. Bourassa: Dans l'ancienne directive, il n'y avait pas interdiction de faire des transactions?

M. Brassard: Le conjoint, la famille immédiate...

M. Bourassa: C'est cela. II n'y avait pas...

M. Brassard: ...ou les enfants mineurs pouvaient continuer de détenir des actions des compagnies publiques, mais elles étaient divulguées. C'était connu.

M. Bourassa: Oui, mais s'il n'y a pas interdiction, pourquoi y a-t-il divulgation?

M. Brassard: Mais la divulgation... M. Bourassa: Oui, mais quand même. M. Brassard: On le savait.

M. Bourassa: II faut être logique. Si c'est permis...

M. Brassard: C'était permis dans l'ancienne aussi; cela n'était pas interdit pour un conjoint d'un ministre de détenir des actions dans des compagnies publiques, cela n'était pas interdit. Mais la directive disait; Dans la déclaration du ministre du membre du Conseil exécutif, c'était déclaré, c'était divulgué, c'était connu. Ce n'est pas le cas dans la vôtre. C'est une des carences importantes.

M. Bourassa: Je reviendrai sur la question de la divulgation, parce que j'avais déjà répondu au député là-dessus en Chambre que, si la divulgation n'est qu'annuelle, comme c'est ce que réclame le député, il peut y avoir toutes sortes de transactions. Cela devient un trompe-l'oeil. La divulgation, à ce moment-là, devient un trompe-I'oeil, parce qu'il peut y avoir toutes sortes de transactions entre les deux années.

M. Brassard: C'est sûr qu'il peut y avoir des transactions, mais dans la déclaration...

M. Bourassa: Oui.

M. Brassard: ...de l'année suivante, comme on connaît la déclaration de l'année précédente, on peut voir les différences qu'il y a dans le portefeuille.

L'autre point qui m'apparaît important, c'est que dans votre propre directive vous indiquez, à l'alinéa 6 de l'article 6 sur la divulgation, que dans sa déclaration le membre du Conseil exécutif doit donner les détails du mandat sans droit de regard conclu en conformité avec les dispositions de l'article 4. J'ai regardé toutes les déclarations des membres du Conseil exécutif et le seul détail qu'on a, c'est le nom du fiduciaire ou le nom de l'institution financière qui est habilitée à gérer les actifs. Cela m'apparaît un peu court comme détail, un peu réduit comme détail. Dans l'article 6, vous dites: "Les détails du mandat sans droit de regard". Je m'attendais à retrouver les conditions du mandat dans lesquelles l'entreprise ou l'institution financière ou la personne...

Et j'ai les mêmes réserves quand il s'agit d'une personne, parce que les liens sont assez étroits. Je vous signale juste que, pour ce qui est de M. MacDonald, ministre du Commerce extérieur, c'est un individu, un avocat, Me Michel Vennat, et qu'on le retrouve également nommé au comité sur le libre-échange. Alors, il y a des relations très étroites entre les deux. Je ne vous dis pas que votre directive qui dit: aucune influence sur les décisions relatives au placement et sur la façon d'administrer les fonds va être violée. Je vous dis qu'il peut y avoir des doutes qui surgissent dans l'esprit de la population... (17 h 45)

M. Bourassa: II y en aura toujours, des doutes...

M. Brassard: ...à ce sujet-là. Mais, si vous aviez exigé...

M. Bourassa: ...pour ceux qui veulent en avoir.

M. Brassard: ...que ce soit une institution financière seulement qui soit fiduciaire ou mandataire, je pense que ce danger aurait été écarté. Bref, M. le Président, je continue de maintenir qu'en apportant des assouplissements - il y a en certains qui, sans doute, et je le dis comme je le pense, sont acceptables - il m'aurait paru, quant à moi, important et même essentiel qu'au chapitre de la divulgation vous fassiez preuve de plus d'exigence, de plus de rigueur. Ce n'est malheureusement pas le cas.

M. Bourassa: Le député de Lac-Saint-Jean s'en tient à la question des actions de compagnies publiques. Je crois qu'il admettra, parce que c'est là qu'il peut y avoir de l'influence, que, pour les compagnies privées, il y a divulgation et il y a interdiction. Le député sait fort bien qu'en pratique l'influence qu'on peut avoir dans des compagnies publiques est très, très marginale.

M. Johnson (Anjou): Permettez-moi là-dessus, et le premier ministre va comprendre: quand le gouvernement prend une décision sur le plan du rééquipement des pâtes et papiers, je vais vous dire, cela peut faire varier les cours de Domtar, merci!

M. Bourassa: Oui, oui.

M. Johnson (Anjou): Donc, on se comprend bien. C'est de cela qu'on parle. Je pense que le premier ministre ne peut pas minimiser l'importance des décisions d'un membre du Conseil exécutif en se référant au concept de compagnies publiques. Le gouvernement, toutes les semaines, prend des décisions d'une extrême importance pour beaucoup d'entreprises qui sont publiques.

M. Bourassa: Justement, ces actions sont confiées à des mandataires...

M. Brassard: Vous permettez?

M. Bourassa: Juste pour répondre au chef de l'Opposition, ces actions sont confiées à des mandataires sans droit de regard. Il n'y a pas possibilité pour un ministre, à ce moment-là, d'intervenir ou d'influencer ces entreprises, c'est le mandataire sans droit de regard. Il faut quand même présumer de l'honnêteté et de la non-culpabilité de ceux qui agissent à l'intérieur de ces directives. Il n'y a certainement aucune possibilité pour un ministre qui confie ses actions publiques à un mandataire sans droit de regard de pouvoir influencer, parce que le mandataire ne sait pas, lui, s'il va se débarrasser de ses actions. S'il se débarrasse de ses actions, comment pourrait-il influencer par des décisions l'avenir de cette compagnie? Est-ce que le chef de l'Opposition me suit?

M. Johnson (Anjou): Oui, j'ai très bien suivi le premier ministre, mais je pense que c'est le premier ministre qui ne me suit pas dans mon raisonnement.

M. Bourassa: Non, mais...

M. Johnson (Anjou): II est dans sa logique à lui, mais ma logique à moi est différente.

M. Bourassa: Oui, oui.

M. Johnson (Anjou): Elle dit que la notion d'"at arm's lenght" que l'on retrouve dans la jurisprudence, pour moi, est moins assurée par le fait que ce sont des individus... Voici un exemple et encore une fois il n'y a pas d'accusation là-dedans, que l'on se comprenne bien! La notion d'"at arm's length" entre un ministre et un avocat, qui par ailleurs travaille à des dossiers qui relèvent de ce même ministre, n'est pas aussi évidente que la notion d"'at arm's length", à distance, entre un ministre et une compagnie qui s'appelle la fiducie X. Elle est moins évidente, elle est moins manifeste et les occasions d'échanges entre les personnes sont par définition beaucoup plus nombreuses. Vous me direz que, si quelqu'un veut être malhonnête, il trouvera bien les moyens et qu'on ne doit pas présumer, je suis entièrement d'accord avec vous, de la culpabilité des gens. Je dis que le rôle d'une directive comme celle-là, c'est d'établir la plus grande distance possible, de poser le moins de situations de confusion. Je ne dirai même pas de tentations, parce que, si j'utilise le mot tentations, les gens vont dire que j'ai une présomption qu'il y a du monde qui va être coupable. Mais le moins d'occasions de confusion. Je trouve, comme le dit si bien mon collègue, que, dans le cas d'une fiducie, qui est une institution financière, cela aurait été plus simple, plus clair. Alors que, là, en permettant de confier cela à des individus, cela fait des individus très, très près de la personne et qui, même de par leurs activités professionnelles, peuvent être en relation avec le ministre dans un secteur déterminé. C'est un problème.

M. Bourassa: J'ai déjà mentionné au chef de l'Opposition que j'avais décidé d'accepter cette formule pour les raisons que je lui ai mentionnées. C'est évident que, si on veut éliminer tous les risques de confusion, on va revenir à des directives qui devront impliquer toutes sortes d'exceptions. Où se trouve le dosage? J'ai essayé de procéder d'une façon réaliste. J'en ai conclu qu'il pouvait y avoir des individus aussi qualifiés que des fiducies pour agir: des professionnels, des avocats, des comptables. J'en ai conclu également que, dans certains cas, il pourrait arriver que les avoirs des ministres ne justifient pas le recours à une institution fiduciaire, et c'est pourquoi j'ai présenté cette formule qui me paraît une formule de compromis. C'est l'expérience qui va déterminer si mon approche est plus sage que celle du chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): J'espère que vous aurez raison.

Le Président (M. Filion): M. le député

de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président, avant de poser ma dernière question, juste un mot sur les exceptions, parce que le premier ministre a l'air de prétendre qu'il y en avait un tas. Il n'y en avait pas tant que cela, des exceptions. À ma connaissance il y en avait deux. Pour M. Biron, c'était une exception pour ce qui est des délais. M. Biron avait demandé des délais supplémentaires, plus de soixante jours pour se départir de ses intérêts. L'autre exception, c'est M. Martel, plus récent et on sait pourquoi. Il y a une annexe à sa déclaration et on sait pourquoi il demande une exception, c'est très clair, on connaît les intérêts qu'il a, on connaît le nombre d'actions qu'il détient dans les compagnies. C'est limpide. C'est une exception, mais il n'y en avait pas tant que cela. À part M. Biron et M. Martel, je n'en connais pas d'autres.

M. Bourassa: J'ai un autre cas, mais on n'est pas pour amener cela sur la place publique.

M. Brassard: Vous avez l'air de prétendre qu'il y en avait beaucoup. Il n'y en avait pas tant que cela.

M. Bourassa: II y en a plusieurs et il y en aurait eu plus peut-être si... Bon.

M. Brassard: M. Biron finalement s'est conformé. On lui a accordé un délai supplémentaire et il s'est conformé,

M. Bourassa: Si vous parlez de M.

Biron, il y a d'autres cas où les conflits d'intérêts étaient en cause, mais on ne parlera pas de cela.

M. Brassard: Ma dernière question, M. le Président, c'est la suivante: Est-ce que le premier ministre consentirait à déposer, conformément à sa propre directive, les détails des mandats sans droit de regard?

M. Bourassa: Moi, j'ai mon mandat ici. Si vous voulez, je vais déposer le mien. Je vais en discuter au Conseil des ministres, puis je pourrai aviser.

M. Johnson (Anjou): Conformément à la directive, normalement il devrait figurer dans les déclarations des ministres. La directive prévoit à 6.6...

M. Bourassa: J'ai le mien ici.

M. Johnson (Anjou): ...que le détail des mandats doit figurer dans la déclaration et on ne le retrouve pas.

M. Bourassa: Le détail des mandats.

C'est le détail des mandats que vous voulez?

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Je présume que cela peut varier d'un fiduciaire à l'autre. C'est fort possible.

M. Bourassa: Moi, j'ai un mandat du Trust général du Canada. Je n'ai pas d'objection quant au mien.

M. Johnson (Anjou): Vous n'avez pas pris un individu, vous avez pris une institution. Je reconnais la prudence du premier ministrec

Une voix: C'est parce qu'il en avait trop.

Le Président (M. Filion): Voulez-vous le déposer maintenant?

M. Brassard: On aurait dû suivre votre exemple.

M. Bourassa: Merci.

Le Président (M. Filion): Le déposez-vous maintenant, M. le premier ministre?

M. Bourassa: Non, je vais...

M. Johnson (Anjou): M. le Président, comme il reste...

M. Bourassa: Juste trente secondes. Donc, si je comprends bien, pour la question des 5 %, pour la question du mandat sans droit de regard, pour la question des biens à l'extérieur du Québec, l'Opposition...

M. Brassard: J'ai une question sur les 5 %.

M. Bourassa: Oui.

M. Brassard: Est-ce que c'est cumulatif? Parce qu'il y a de l'ordre de 5 %...

M. Bourassa: Dans man esprit, non.

M. Brassard: ...pour les membres du Conseil des ministres et il y a 5% pour la famille immédiate. Est-ce que cela peut s'additionner?

M. Bourassa: Non. Dans mon interprétation, et c'est moi qui les interprète, c'est non. Là-dessus et sur les biens à l'extérieur du Québec - j'y reviens parce qu'on a interprété cela d'une façon inexacte - je crois que l'Opposition est d'accord avec les directives. Elle n'est pas d'accord sur le type de mandataire et sur tes modalités de la divulgation pour les actions publiques. On verra, à l'expérience, s'il y a lieu de

modifier la situation.

Johnson (Anjou): M. le Président, est-ce qu'on peut passer au dernier sujet?

M. Brassard: Et s'ily avait possibilité, bien sûr, de déposer les mandats. Vous allez en discuter?

M. Bourassa: Au Conseil des ministres, oui.

Le Président (M. Filion): M. le chef de l'Opposition.

Le dossier jeunesse

M. Johnson (Anjou): Oui, M. le Président. J'aimerais qu'on s'entretienne un peu du dossier jeunesse. C'est toujours la même chose. On voulait garder presque une heure, mais on garde, quand même, trente-cinq minutes. Je pense que le premier ministre a, quand même, jusqu'à six heures trente.

M. Bourassa: Oui.

M. Johnson (Anjou): D'accord, parce qu'initialement on devait avoir trois heures; on règle pour deux heures et trois quarts.

M. Bourassa: Je suis prêt à collaborer avec le chef de l'Opposition, comme depuis le début de la séance.

M. Johnson (Anjou): Oui, je sais cela. Je sais que cela a ses limites, cependant. M. le Président, je voudrais parler un peu du dossier jeunesse au premier ministre. À ma connaissance, il est toujours responsable de ce dossier jusqu'à ce qu'il crée un ministère, je crois, d'ici quelques semaines. Il doit créer un ministère de la Jeunesse.

M. Bourassa: J'ai déposé un projet de loi sur le Conseil permanent de la jeunesse; je n'ai pas parlé de création d'un ministère.

M. Johnson (Anjou): Vous n'en avez pas parlé, mais cela s'en vient quand même.

M. Bourassa: J'ai parlé d'un Conseil permanent de la jeunesse.

M. Johnson (Anjou): Bon, d'accord. M. le Président, je serais bien tenté de revenir sur ce qui s'est passé pendant la campagne électorale, mais on l'a dit, redit et je présume que cela a été compris, en tout cas tout au moins entendu.

Je constate, M. le Président, juste à travers le prisme d'une analyse très rapide -on l'a faite en profondeur, mais je vais la donner très rapidement pour les besoins de notre discussion - qu'un peu de la même façon que les coupures annoncées par le gouvernement vont avoir des effets, je crois, dans les régions à cause de l'effet cumulatif dans chacun des secteurs des instruments qu'on touche, malheureusement, je crois que le gouvernement, jusqu'à maintenant, en espérant que les choses changeront, à cause du caractère indistinct de ces coupures fragilise encore plus ces clientèles à qui il a tant promis parce qu'il est sensible à la réalité de cette génération, comme je le suis. Mais il leur a promis beaucoup de choses. Je constate qu'il y a 1600 postes d'occasionnels, dans la fonction publique, qui étaient en majorité occupés par des jeunes, qui ne seront plus là. Je constate qu'on a aboli les centres de placement Travail-Québec en milieu scalaire. C'était le relais pour bien du monde entre le cégep ou l'université et le marché du travail. En plus de cela, ceux et celles qui occupaient les postes, souvent comme occasionnels, pour le ministère du Travail, étaient également des jeunes. C'était un lieu qui permettait, devant un marché qui s'est refermé de plus en plus, qu'il y ait là quelques avenues, un certain nombre de solutions à des problèmes très concrets pour le monde qui était au cégep, à l'école secondaire ou à l'université. Je constate également qu'on n'a pas encore vu l'ombre de la queue de la grande politique de recyclage qui a été annoncée tambour battant. Je présume que cela viendra avec le temps, peut-être dans le discours sur le budget. Peut-être plus tard!

Je constate également qu'en matière de prêts et bourses le ministre de l'Éducation peut nous faire son festival humoristique comme il nous le fait depuis quelque temps... Et c'est vrai qu'il est très drôle, il faut dire qu'il est très drôle.

M. Bourassa: Oui, c'est surprenantl

Une voix: Excellent!

Une voix: II est très drôle!

M. Johnson (Anjou): Oui, c'est cela. Il a un côté jovialiste, un peu, dans son approche, mais il reste quand même qu'objectivement il...

M. Bourassa: Vous l'accusiez d'être calviniste!

M. Johnson (Anjou): Ah non! Je ne l'ai jamais accusé de... Jamais je n'oserais! Le ministre de l'Éducation peut bien nous faire son festival de l'humour à toutes les périodes de questions, mais fondamentalement il a coupé dans les prêts et bourses. Je comprends que le chiffre absolu va augmenter, il y a plus d'étudiants et c'est un programme normé, mais il reste qu'objectivement le niveau d'endettement des étudiants devra

augmenter.

L'aide sociale, la parité, ensuite la parité inconditionnelle, ensuite, la parité peut-être conditionnelle, ensuite, le silence et maintenant l'inaction! L'inaction. On attend la grande réforme de l'aide sociale du député de Brome-Missisquoi, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, de l'Habitation, non, de l'inspection du bâtiment, de la concertation du travail et de la sécurité du revenu» Je ne sais pas s'il va avoir le temps de s'occuper de la réforme de l'aide sociale. Pendant ce temps-là, les jeunes attendent. Les frais de scolarité en milieu cégépien - on le voit, en ce moment - pour les cours d'été sont augmentés et on a toute la problématique autour des frais de scolarité dans les universités. On sait qu'il y a un problème de financement des universités et on n'aimerait pas que cela soit pris à la pièce. La solution, c'est qu'on va doubler les frais de scolarité demain matin. C'est évident que cela a l'air d'une belle solution pour le ministre des Finances, mais il y a un objectif qui s'appelle "jeunesse", là. Comment cela va-t-il être intégré?

Les maisons de jeunes qui voient leur budget réduit, des entreprises communautaires de jeunes qui ont décidé de faire autre chose que tirer un joint quand ils sont mal pris, qui se sont organisés, qui ont trouvé une bâtisse, qui travaillent avec les marchands du coin. J'en ai visité quand j'étais ministre des Affaires sociales. Et un marchand du coin qui avait fourni l'espèce de buffet relativement simple, mais sympathique, de fromages et de liqueurs douces avait dit: Moi, je viens ici et je fais cela pour rien. Savez-vous pourquoi? Parce que, à la maison de jeunes, ici, ce sont des jeunes qui se retrouvent, qui font des spectacles ensemble, qui règlent quelques problèmes, qui se parlent entre eux. Pendant ce temps-là, ils ne sont pas tentés de venir faire mon dépanneur le soir! C'est une réalité vraie dans certains coins. Les maisons de jeunes, cela aide à sortir du monde de la délinquance! Les maisons de jeunes sont coupées.

Et le Comité de l.a protection de la jeunesse, on n'en parle pas. On va nous parler, évidemment, des comités et dire qu'il y en avait trop, etc., mais on envoie M. Tellier à la Commission des affaires sociales et on abolit le Comité de la protection de la jeunesse. On donne des mandats encore plus gros à la Commission des droits de la personne qui va être aux prises avec l'application des règlements sur la discrimination positive et on s'imagine qu'elle va s'occuper de la protection de la jeunesse en même temps. (18 heures)

Je suis un peu déçu de voir le peu de vision intégrée qu'on a, compte tenu des espoirs considérables que le premier ministre et son équipe, l'ancien député de Viau, qui maintenant pourra y travailler à temps plein au Conseil exécutif, avaient soulevée.

Quant à la Corporation investissement jeunesse, j'aurai quelques questions pour le premier ministre. Le premier ministre sait fort bien que la Corporation d'investissement jeunesse, au moment où j'ai quitté le gouvernement ou au moment où il a pris la direction du gouvernement, était très avancée. Il se rappellera qu'à la mi-décembre je lui avais transmis copie d'un dossier dans lequel on énumérait l'ensemble des étapes qui étaient impliquées dans cet effort qui, pour moi, était une réponse que je croyais voir le milieu des affaires apporter concrètement. Au lieu du discours, au-delà du "placotage" qu'on entend souvent autour de ces questions, qu'est-ce que vous pouvez faire, vous? M. Desmarais, à Power Corporation, on le sait, a des quantités de liquidité considérables de ce temps-ci, surtout depuis le jugement du CRTC Je pense qu'il peut être utile. Il en a la capacité. Je crois qu'il en a la volonté, comme beaucoup d'autres. Il s'agissait de confier une responsabilité du milieu des affaires à l'égard des jeunes entrepreneurs et des jeunes qui veulent entreprendre. Il y a, là aussi, un véhicule au niveau d'un certain nombre de valeurs, qui était un véhicule juste et d'un bon registre.

La Corporation d'investissement jeunesse avait déjà fini, au stade où je l'ai laissée au premier ministre, la définition de son rôle, de ses principes, de ses objectifs. Elle avait déjà élaboré un certain nombre de choses autour du lieu d'accueil des jeunes, des projets, des critères d'admissibilité et de sélection des projets, du type d'aide que la corporation pourrait apporter aux jeunes promoteurs, la participation des groupes-conseils, des organismes régionaux dans les mécanismes de support technique et le tamisage des projets, enfin, tout ce qui concernait le fonctionnement interne de la corporation, notamment, son aspect légal de financement et de régionalisation. Depuis ce temps, pas de nouvelles. Est-ce que le premier ministre a rencontré les gens du milieu des affaires que j'avais réunis? Est-ce que ça va finir par aboutir? Je dois dire au premier ministre même qu'il arrive qu'à mon bureau j'ai des appels de jeunes qui me disent: Où est-ce qu'on s'adresse pour la Corporation d'investissement jeunesse? Si elle était créée, je dirais: Vous vous adressez à la corporation, mais là, en ce moment, je ne sais même pas où les envoyer. Ce n'est sûrement pas moi qui vais la faire, je ne suis plus au gouvernement. J'aimerais ça, par exemple. On va y voir plus tard. On va travailler fort pour arriver là et on va compter sur vous pour vous occuper du reste. De fait, il y en a qui attendent. Il va falloir que le gouvernement réponde. D'autant plus que je crois que le premier ministre avait

reconnu, au mois de décembre, qu'il accepterait de continuer ce projet que j'avais mis sur pied dès que j'ai été élu premier ministre, en dépit d'un certain nombre d'exercices auxquels s'étaient livrées quelques personnes qu'il connaît, pour que cela n'aboutisse pas trop vite avant l'élection. Je sais que le premier ministre a pris cet engagement qu'il y verrait. Maintenant, je suis préoccupé, je veux savoir où c'est rendu, c'est pour quand et c'est combien? Est-ce que c'est un projet de loi? Est-ce qu'il y a des modifications fiscales? Est-ce que ça va finir par décoller?

M. Bourassa: Je remercie le chef de l'Opposition de ses propos. Je veux juste, d'abord, clarifier un point, parce qu'il a dit que la présidente de Forano faisait partie de son comité. J'ai la liste des membres du comité ici. MM. Desmarais, Pierre Laurin, Pierre Péladeau, André Bisson, Laurent Beaudoin, Serge Saucier, Marcel Savard, Bernard Lamarre, le sénateur Colbert, Pierre Ducros et Yvon Martineau. Il n'y a pas de femmes dans ce comité.

M. Johnson (Anjou): Cela, c'est un exécutif qu'ils se sont donné. Au comité que j'ai réuni, ils étaient 18. C'est un groupe de travail qu'ils se sont donné par la suite.

M. Bourassa: Le premier ministre du temps n'a pas vu à ce qu'il y ait une représentation féminine au comité?

M. Johnson (Anjou): Cela s'est fait au moment de la transition, la formation du comité. Voilà, "tough luck".

J'aimerais ça que vous en veniez à la question, par exemple. Non, mais c'est parce qu'on peut s'amuser comme ça pendant un quart d'heure, mais qu'est-ce qui se passe avec la Corporation d'investissement jeunesse?

M. Bourassa: Encore une fois, je vais faire plaisir au chef de l'Opposition. Je n'en parle plus. Je ne parlerai pas de cette question, parce que je m'aperçois qu'il est un peu mal à l'aise. Disons que c'est simplement pour rectifier.

Une voix: Un peu beaucoup.

M. Bourassa: J'ai accepté, quand j'ai vu le premier ministre, le 12 décembre, son idée. Et je dois dire que c'était d'autant plus facile que cela faisait partie de notre programme depuis janvier 1985. Une résolution avait été adoptée par le Parti libéral au conseil général de janvier 1985.

Quand même, le premier ministre a repris cette idée et je ne le blâme pas. J'ai même accepté de la faire inscrire au discours inaugural et de la mentionner et j'ai eu plusieurs rencontres avec M. Desmarais pour discuter de cette question.

Mon chef de cabinet a écrit au ministre des Finances pour avoir les dégrèvements fiscaux en cause. Ce qui n'était pas prévu, parce que c'était quand même assez vague... Le premier ministre du temps se souvient que c'est deux jours avant l'élection qu'il a fait cette rencontre, te lundi midi - il s'en souvient - on s'était parlé au téléphone le matin et il a annoncé l'élection le mercredi soir. Donc, c'était pas mal vague, à ce qu'on a constaté.

Nous avons travaillé le dossier. Nous voulons avoir les dégrèvements fiscaux, mais nous voulons essayer de trouver une formule pour favoriser la participation des jeunes en régions. D'ailleurs, j'espère vivement qu'on pourra déposer le projet de loi avant l'ajournement. Avant le 15 mai, cela va être difficile, mais avant l'ajournement. De même que le Conseil permanent de la jeunesse.

M. Johnson (Anjou): Avant le 15 mai ou avant la fin de la session?

M. Bourassa: Avant la fin de la session. Donc, ce sera débattu à l'automne, mais le premier pas aura été fait. Alors, nous avons posé des gestes et nous avons eu des rencontres. Le chef de l'Opposition est au courant que ceux qui font partie de ce comité ne sont pas toujours disponibles, même s'ils manifestent beaucoup de collaboration. Souvent, ils sont à l'extérieur du pays ou à l'extérieur du Québec, mais c'est pour nous une priorité et j'espère que ce sera dépolitisé. D'ailleurs, c'est dans cet objectif que j'ai repris exactement les termes du chef de l'Opposition dans le discours inaugural et cela lui permet de revenir avec cette idée. J'espère que le projet sera dépolitisé, mais nous trouvons que cette idée commune, si on peut dire, puisqu'elle a originé du Parti libéral et qu'elle a été endossée par le Parti québécois, pourra faire avancer la situation pour régler les problèmes des jeunes.

Pour ce qui a trait aux problèmes plus généraux, dans le cas de l'aide sociale, le ministre responsable a annoncé un projet de loi cet automne. On est au courant. C'est l'une des questions les plus difficiles, mais on va tenir notre engagement d'éliminer la parité. On en a parlé durant la campagne électorale. Le chef de l'Opposition a vu une évolution dans notre pensée.

M. Johnson (Anjou): Le premier ministre a fait un lapsus, parce qu'il a dit qu'il éliminerait la parité. Je pense qu'il voulait dire éliminer la disparité.

M. Bourassa: Oui, la discrimination, éliminer la discrimination. On en a parlé à plusieurs reprises dans des débats électoraux,

mais nous arriverons avec le projet de loi à l'automne.

Pour ce qui a trait aux bourses, je crois que le ministre de l'Éducation, à plusieurs reprises, et il doit répéter constamment les mêmes réponses, a montré les augmentations: 457 000 000 $ par rapport à 400 000 000 $. Quant aux frais de scolarité, il a annoncé une commission parlementaire où toutes les parties pourront faire valoir leur point de vue»

Je voudrais terminer en disant au chef de l'Opposition qu'il ne faut quand même pas oublier que l'un des efforts les plus importants pour nous, les plus prioritaires et, en même temps, les plus exigeants, c'est de mettre fin à cette époque qui voulait qu'on reporte sur nos descendants des emprunts à long terme pour financer des dépenses courantes. Cela fait dix ans que cela dure.

M. Johnson (Anjou): On va entendre cela à partir de jeudi pas mal.

M. Bourassa: Après...

M. Johnson (Anjou): Après et pendant.

M. Bourassa: Oui, mais c'est quand même important. Le chef de. l'Opposition doit se rendre compte que c'est un tournant dans l'histoire financière du Québec de mettre fin à presque dix ans d'emprunts à long terme. Ce ne sont pas des choses dont on se rend compte aujourd'hui.

M. Johnson (Anjou): Les jeunes?

M. Bourassa: Mais, ce sont les jeunes qui seront favorisés avec cela, M. le Président. Ce sont les jeunes qui vont cesser de voir alourdir sur leurs épaules des endettements qui ne leur seront d'aucun avantage. Alors, c'est cela. Je pense que c'est un élément important de la politique. Il fallait commencer par le commencement. Le commencement, c'est de mettre de l'ordre dans les finances publiques et c'est d'avoir des programmes réalistes pour répondre aux besoins des jeunes. Cela demeure notre priorité.

On a posé des gestes. II y en a d'autres qui vont être posés avant la fin de la session, à l'automne, une commission parlementaire sur les modalités de financement des bourses. On n'a pas perdu notre objectif parce qu'on a pris le pouvoir. Au contraire, on est plus déterminé que jamais à vouloir le réaliser afin de redonner espoir aux jeunes du Québec dans leur avenir. II faut commencer au début et le début, c'est de mettre de l'ordre dans les finances qui les affligeaient chaque année de plusieurs centaines de millions d'endettement dont ils devaient être responsables dans l'avenir. Il y a déjà près de 5 000 000 000 $ qu'ils devront assumer d'ici à la fin du siècle, alors qu'ils n'en auront retiré aucun avantage.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, avant de vous demander de reconnaître ma collègue de Chicoutimi qui a quelques questions pour le premier ministre, j'aimerais simplement demander à celui-ci; Qui, à son cabinet, s'occupe du dossier de la Corporation investissement jeunesse, ou au Secrétariat, au Conseil exécutif ou...

M. Bourassa: Bien, il y a...

M. Johnson (Anjou): Est-ce que c'est un attaché politique? Est-ce que c'est un...

M. Bourassa: Oui, il y a Carole Diodati qui s'en occupe...

M. Johnson (Anjou): Que je connais, d'ailleurs.

M. Bourassa: ...avec Jean-François Viau. oui.

M. Johnson (Anjou): Vous êtes d'Anjou, n'est-ce pas?

M. Bourassa: C'est cela, d'Anjou. Mais cela ne faisait pas partie de vos 348 voix de majorité.

M. Johnson (Anjou): Je sais cela, mais j'ai bien connu son père qui était conseiller municipal d'Anjou et, en dépit de nos opinions politiques très divergentes, on a toujours eu beaucoup de plaisir à converser.

Une voix: Ce n'était pas son père.

M. Johnson (Anjou): Je n'ai jamais compté, je dois dire, ni sur M. Diodati, ni sur son aimable fille pour voter pour moi.

M. Bourassa: Très dynamique.

M. Johnson (Anjou): II faut bien qu'il y en ait quelques-uns.

Une voix: II y en a eu plusieurs.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, donc, c'est un attaché politique qui a le dossier.

M. Bourassa: Oui. Mon chef de cabinet s'en occupe également et Jean-François Viau aussi. C'est elle qui...

M. Johnson (Anjou): Au Conseil exécutif?

M. Bourassa: ...d'une façon très journalière, si je puis dire...

M. Johnson (Anjou): C'est Mme Diodati qui va faire te suivi.

M. Bourassa: ...suit le dossier d'une façon quotidienne.

M. Johnson (Anjou): D'accord.

M. Bourassa: Elle peut attester que je lui en ai parlé à plusieurs reprises.

M. Johnson (Anjou): Oui, je me permets de...

M. Bourassa: C'est aussi important pour 'moi que cela peut l'être pour le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): Oui, et je crois le premier ministre sur cette question sans aucune difficulté, sans aucune réserve. Il me permettra sûrement d'évoquer l'expérience que j'ai eue dans ce dossier-là pour lui dire que c'est bien facile de réunir 18 personnes autour d'une table pour qu'elles vous expliquent pourquoi cela ne marchera pas. D'ailleurs, c'est le drame en général de n'importe quelle forme de changement quelque peu audacieux dans les appareils, que ce soit celui de l'État ou ailleurs. Je me permets de dire au premier ministre que, pour que débloque ce projet, au-delà de tous les écrits qui auraient pu exister ailleurs - je n'avais pas lu celui du Parti libéral, je veux juste l'assurer que je n'avais pas l'intention de le plagier - la volonté politique dans ce dossier est essentielle. Ce n'est pas vrai que vous allez embarquer le système bancaire pour qu'il forme ses gérants locaux et régionaux. Ce n'est pas vrai que vous allez embarquer de grandes entreprises québécoises pour qu'elles mettent 100 000 $, 200 000 $ ou 300 000 $ de capital de risque. Ce n'est pas vrai que vous allez embarquer les instances régionales et que vous allez harmoniser les chambres de commerce avec le Mouvement Desjardins dans les régions s'il n'y a pas une volonté politique du maudit de dire: On le fait.

Je me permets de dire au premier ministre que cela fait six mois que cela dure. Et, là, il nous annonce qu'il va y avoir un projet de loi qui va être déposé avant la fin de la session, mais qui ne sera pas adopté avant l'automne. Cela aura duré presque un an et demi. Tout en comprenant et en étant convaincu que le premier ministre trouve que c'est important, je me permets de lui dire que je pense qu'il faut qu'il y passe lui-même un certain temps. J'ai passé le meilleur de sept journées au téléphone à réunir des gens et à leur expliquer. Il y a plein de gens qui m'expliquaient pourquoi cela ne marcherait pas et je leur disais: Cela va marcher pareil. Cela a fini par marcher. C'est cela qu'il faut faire maintenant dans ce dossier. M. Bourassa: Bien, c'est...

M. Johnson (Anjou): Le ministère des Finances va pouvoir lui expliquer pourquoi c'est compliqué, je suis sûr de cela, sur le plan fiscal, mais c'est au premier ministre de trancher. Il est capable de trancher, des fois, dans quelques affaires. On a vu cela. Il est même capable de couper. On aimerait cela qu'il puisse trancher en faveur de la Corporation d'investissement jeunesse rapidement.

M. Bourassa: Je suis d'accord avec le chef de l'Opposition que cela prend une volonté politique. Elle existe, mais je dois quand même donner le temps au ministère des Finances d'examiner les implications. J'aurais aimé déposer le projet de loi avant le 15 mai. Cela fait quatre mois et demi, pas six mois. Cela fait quatre mois et demi. J'ai été pris avec un héritage. Cela a établi certaines contraintes.

M. Johnson (Anjou): C'est un beau projet en héritage, cela. (18 h 15)

M. Bourassa: Non, cela, c'était une bonne partie de l'héritage, mais assez embryonnaire dans sa présentation. Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que nous allons y mettre toute la volonté politique. Il n'a pas eu le temps de soumettre la question des dégrèvements fiscaux au ministère des Finances. Le ministère des Finances est peut-être dirigé par un homme extraordinaire, comme on le constatera.

M. Johnson (Anjou): II s'est bien occupé de ce temps-ci.

M. Bourassa: Oui. On constatera la sagesse et la valeur de son travail jeudi soir prochain. Le ministre des Finances doit prendre quand même un certain temps à examiner les conséquences des dégrèvements fiscaux que je lui ai soumis.

M. Johnson (Anjou): Brièvement, est-ce que, dans ces circonstances, le premier ministre peut me dire le mandat du groupe de travail formé dans son caucus, par rapport à la Corporation d'investissement jeunesse. Est-ce qu'il y a un lien ou si c'est une opération strictement au bureau du premier ministre? Je sais que vous avez un groupe de travail formé dans votre caucus.

M. Bourassa: D'accord, oui. Je suis au courant.

M. Johnson (Anjou): Je voudrais savoir si ce groupe va travailler avec les gens de

la Corporation d'investissement jeunesse?

M. Bourassa: Oui. Il y a une collaboration très étroite entre les jeunes députés du caucus - on a une équipe très dynamique de jeunes, comme le constate le chef de l'Opposition - et il y a une collaboration étroite avec le personnel de mon bureau qui s'occupe des questions jeunesse.

M. Johnson (Anjou): Qui va parrainer le projet de loi?

M. Bourassa: Le même qui l'aurait parrainé sous l'ancien gouvernement.

M. Johnson (Anjou): Donc, le premier ministre.

M. Bourassa: Oui, vraisemblablement.

M. Johnson (Anjou): D'accord, ça me rassure.

Le Président (M. Filion): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. J'aurais surtout l'intention de poser des questions autour du Secrétariat à la jeunesse. Dans le cahier des crédits qui nous a été soumis, je ne vois rien qui concerne le Secrétariat à la jeunesse. J'ai à ta fois regardé dans les budgets, de même que dans le cahier des crédits qui nous a été soumis. Habituellement, les crédits du Secrétariat à la jeunesse apparaissent dans le programme 2, élément 6 ou 7. J'ai eu beau faire le tour et à plusieurs reprises, je n'ai toujours pas retrouvé le budget du Secrétariat à la jeunesse.

M. Bourassa: Passez à d'autres questions et nous allons essayer de retrouver cela dans le livre des crédits.

Mme Blackburn: Évidemment, n'ayant pas trouvé les budgets du Secrétariat à la jeunesse, j'étais incapable de trouver l'information touchant la demande qui a trait aux comités du suivi des sommets régionaux. Ils avaient fait une demande pour 1986-1987 de l'ordre de 527 000 $ pour leur permettre de poursuivre des travaux.

M. Bourassa: On tombe un peu dans la plomberie, mais je comprends les questions de la députée. Programme 2, 2030. Vous allez voir que c'est regroupé là. 1 760 000 $.

Mme Blackburn: À quel élément? M. Bourassa: À l'élément 2. Mme Blackburn: Programme 2.

M. Bourassa: Programme 2, élément 1. Mme Blackburn: À votre cabinet?

M. Bourassa: Vous n'avez que le total, 8 011 000 $, qui couvre le Comité de législation, le Secrétariat à la jeunesse, l'Ordre national, etc., le Secrétariat aux affaires culturelles.

Mme Blackburn: Nous n'avons rien ici. Il serait de quel ordre, me dites-vous?

Une voix: Nous ne l'avons pas reçu. M. Bourassa: 1 760 000 $.

Mme Blackburn: Tout à l'heure, le chef de l'Opposition a fait état de l'absence ou d'un manque de vision d'ensemble de la problématique "jeunes". Le fait qu'il n'y ait pas d'adjoint parlementaire au dossier jeunesse accentue, si je puis dire, cette espèce de vision d'ensemble qui fait qu'aujourd'hui on est incapable de mesurer les effets réels des diverses compressions dans les différents ministères par rapport à la problématique du dossier jeunesse, tant sur l'emploi que sur la formation. On a fait état tantôt d'un certain nombre de compressions et de coupures. Elles se retrouvent effectivement dans les postes d'occasionnels à la fonction publique. On retrouve la même situation dans plusieurs ministères, en particulier, à la voirie. Il me semble qu'il aurait été intéressant, si la jeunesse avait été une priorité, qu'on puisse retrouver là aussi un adjoint parlementaire, comme on a cru nécessaire d'en nommer un à la déréglementation.

M. Bourassa: On a beaucoup plus qu'un adjoint parlementaire. On a, au sein du caucus, une quinzaine de jeunes qui se réunissent et discutent, par exemple, de la question des prêts et bourses.

M. Johnson (Anjou): Est-ce qu'ils décident quelque chose?

M. Bourassa: Oui, ils décident beaucoup de choses, beaucoup plus que dans votre parti.

M. Johnson (Anjou): D'accord, On voudrait être sûr de cela.

M. Bourassa: Et ils rencontrent les ministres responsables; notamment, dans le cas des bourses et des prêts, ils ont rencontré M. Ryan. Ils ont posé beaucoup de questions. Ils ont rencontré le ministre de l'Éducation. Alors, on a une présence très dynamique et responsable en même temps dans le caucus des éléments de la jeunesse.

Mme Blackburn: Je ne serais pas pour le reprocher au premier ministre. Si vous les occupez un peu, ils vont peut-être être plus sages en Chambre. Comme je suis souvent l'objet...

M. Bourassa: Qui vous a soufflé cette remarque désobligeante?

Une voix: Personne.

Mme Blackburn: Je suis capable de penser par moi-même, cela m'arrive.

M. Johnson (Anjou): En dépit de ce que pense le premier ministre, la députée de Chicoutimi est apte à raisonner comme elie le fait en ce moment.

M. Bourassa: C'est pour les remarques désobligeantes que je trouve qu'elle est moins apte que le chef de l'Opposition.

Mme Blackburn: Si le premier ministre veut reconnaître toute l'importance de la question jeunesse, est-ce qu'il ne serait pas pertinent de nommer un ministre? Je parlais d'un adjoint parlementaire, mais également cela pourrait être un ministre. Par exemple, vous faites état des discussions, qu'il y a eu entre ce groupe de travail et le ministre de l'Éducation sur l'aide financière aux étudiants. Je rappellerais que le premier ministre, en campagne, promettait l'indexation de l'aide financière aux étudiants, ce qui existait d'ailleurs déjà, sauf que, là, il a réduit l'indexation; elle est de 2 % et non de 3,1 %, tel que c'était la pratique, au cours des années, touchant l'indexation.

J'aurais quelques questions, parce que le temps coule et je vaudrais avoir le minimum de réponses.

M. Bourassa: Juste pour répondre à votre question; je crois que vous m'avez posé une question. Nous avons l'intention de créer un Conseil permanent de la jeunesse qui va aller beaucoup plus loin que simplement avoir un ministre responsable nominalement du secteur de la jeunesse. C'est ce qu'on a dit aux jeunes quand on les a rencontrés depuis deux ou trois ans. On discutait de cette question de l'opportunité d'avoir un ministère. Ils préféraient - et cela a été une proposition de la Commission Jeunesse du Parti libéral, un Conseil permanent de la jeunesse qui permettait de voir l'ensemble des politiques qui peuvent affecter les jeunes.

Mme Blackburn: Même avec un Conseil permanent de la jeunesse, on peut penser que cela ne fait pas, pour autant, un porte-parole au Conseil des ministres, par exemple. Cela ne remplace pas la présence d'un ministre délégué à la Jeunesse au Conseil des ministres.

M. Bourassa: Non. Le Conseil permanent de la jeunesse relève du premier ministre et le premier ministre siège au Conseil des ministres.

Mme Blackburn: Est-ce que le premier ministre a l'intention de donner suite à la demande des comités du suivi du symposium? Vous vous rappellerez - probablement que vos gens connaissent mieux la problématique -qu'à la suite des symposiums on a créé onze comités régionaux du suivi qui sont composés de différents partenaires, de représentants des jeunes, du patronat, des municipalités, des syndicats, des commissions scolaires. Ces comités, pour se financer, sont allés chercher de l'aide à la fois des municipalités et des commissions scolaires. Cela s'est avéré une formule extrêmement intéressante. Ils ont demandé cette année, pour poursuivre leurs travaux, 527 000 $ et je voulais savoir si la demande avait été agréée.

M. Bourassa: Je veux dire, la formule est intéressante, mais le coût de 527 000 $t c'est présentement sous examen.

Mme Blackburn: Donc, on ne peut pas répondre aux jeunes aujourd'hui qu'ils peuvent continuer à compter sur cet outil.

M. Bourassa: Pas aujourd'hui même.

Mme Blackburn: Il y avait également ceci: À la suite de la recommandation du secrétariat d'État, on avait une politique qui touchait te financement des organismes des jeunes. J'aimerais savoir si elle est toujours sur ta planche. Est-ce qu'on entend l'appliquer prochainement?

M. Bourassa: Et votre question, c'est quoi, madame?

Mme Blackburn: C'est une politique concernant le financement des organismes de jeunes.

M. Bourassa: On me dit que Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux examine présentement cette question.

Mme Blackburn: Une autre question.

M. Bourassa: On me dit que c'est l'ancien ministre qui avait fait cette promesse-là, le député de Joliette, et que c'était tombé à l'eau; alors, c'est réexaminé par la ministre.

Mme Blackburn: C'était une bonne idée.

M. Bourassa: L'ancien ministre, leader de l'Opposition ne partageait peut-être pas

votre point de vue parce qu'il l'a laissé tomber à l'eau.

Mme Blackburn: II y a une expérience intéressante aussi qui a été mise en route, les centres multi-services qui sont à Québec et à Montréal. C'est ce que l'on appelle généralement les guichets uniques. Les premiers centres ont été créés en mai 1984. En fait, c'est intéressant parce que cela permet aux jeunes de s'adresser à un lieu précis et à un endroit précis pour avoir de multiples informations à la fois sur la formation, l'emploi, les maisons de jeunes, les services finalement.

Une voix: Oui, je me souviens, d'accord.

Mme Blackburn: Alors, le budget prévoit-il maintenir ces centres-là ou augmenter leur budget? Pense-t-on rendre la structure permanente et étendre évidemment ces centres multi-services aux différentes régions?

M. Bourassa: Pour l'instant, il n'y a aucun changement avec la situation qui existait. On m'assure, M. Viau et M. Rousset, qu'il s'agit de...

Mme Blackburn: Alors, ce sont les mêmes budgets, parce que je n'ai toujours pas la ventilation de vos crédits.

M. Bourassa: C'est malheureux. On me dit que l'an dernier le budget était peut-être supérieur, étant donné l'Année internationale de la jeunesse. Mais cela fonctionne, on m'assure que cela fonctionne comme avant. H n'y a pas eu de pertes d'efficacité. S'il y a eu un élément budgétaire, si le budget a été réduit, c'est à cause du fait que l'an dernier c'était l'Année internationale de la jeunesse.

Mme Blackburn: Est-ce que vous avez l'intention de rendre permanente cette structure-là?

M. Bourassa: À la lumière de ce que le Conseil permanent de la jeunesse va nous recommander.

Mme Blackburn: C'est donc dire que l'avenir est incertain pour...

M. Bourassa: S'il y a changement dans l'avenir, ce sera pour le mieux.

Mme Blackburn: Je veux bien le croire et l'espérer.

M. Bourassa: Oui. Faites-nous confiance. Mme Blackburn: Pour ce que j'ai vu dans le dossier jeunesse, je vous dis que...

Une voix: II s'agit de faire confiance aux gens.

Mme Blackburn: Pourrait-on me dire aujourd'hui, comme je n'ai pas encore les données en main, quel est le budget du Secrétariat à la jeunesse?

Une voix: Mme la députée avait raison.

M. Bourassa: On me dit qu'il n'y a eu aucune coupure, malgré que ce que vous auriez pu souhaiter secrètement. II n'y a eu aucune coupure... Combien de personnel?

Une voix: 33 postes-années. M. Bourassa: 33 postes-années.

Mme Blackburn: Est-ce que les postes actuellement... En tout cas, à ce que l'on sait, le Secrétariat à la jeunesse serait plutôt squelettique actuellement. S'il n'y a pas eu de coupures, il va y avoir des économieso

M. Bourassa: On me dit que compte tenu que l'Année internationale est terminée il y a certains postes qui vont tomber, mais dans l'efficacité cela demeure la même chose.

Mme Blackburn: Alors, peut-être une dernière question qui touche la création de ces trois comités: la Corporation d'investissement jeunesse, le Conseil permanent de la jeunesse et le troisième comité, c'est...

M. Bourassa: II y en a deux. Bien, il y a le caucus, le comité du caucus.

Mme Blackburn: C'est l'analyse du programme gouvernemental à l'emploi. Et l'on sait que le Secrétariat à la jeunesse a donné des avis sur ces différentes questions. Vous parlez de la compétence du Secrétariat à la jeunesse. Est-ce que ces comités vont recommencer le travail qui a été fait, à la demande de votre cabinet, sur ces questions?

M. Bourassa: C'est une base de travail pour les députés du caucus.

Mme Blackburn: II y en a qui...

M. Johnson (Anjou): Est-ce que le premier ministre nous donne encore trois minutes?

Une voix: Oui, je suis sûr de cela.

Le Président (M. Filion): M. le député de Saint-Jacques, rapidement, parce que je

rappelle que le temps prévu par les partis est à peu près écoulé.

M. Brouillette: Vous m'en enlevez, M. le Président, actuellement.

M. le premier ministre, vous avez parlé de dépolitiser la Corporation d'investissement jeunesse. Alors, est-ce que je peux vous interpréter et dire que quant au secrétariat et au Conseil permanent de la jeunesse, pour le choix des dirigeants et des membres, il y aura une très grande vigilance quant à la politisation de ce comité et de ce secrétariat?

M. Bourassa: Je prends notre de votre inquiétude.

M. Johnson (Anjou): Je ne trouve pas cela très rassurant. Est-ce que le premier ministre peut s'engager... Comme il a dit que la Corporation d'investissement jeunesse il ferait que cela soit au-dessus des partis politiques - je l'espère... À l'égard du conseil qui sera créé, qu'il nous donne un certain nombre d'assurances que ce sera à l'abri de tractations partisanes et de la présence de personnes, dont on reconnaît les mérites par ailleurs, mais qui ont aussi et surtout le mérite d'être libérales.

M. Bourassa: Disons que nous allons essayer de ne pas suivre la tradition établie par l'ancien gouvernement.

M. Johnson (Anjou): À ce moment-là, si vous ne suivez pas notre tradition, il risque d'y avoir des rouges là.

M. Bourassa: Cela, c'est votre interprétation.

Le Président (M. Filion): Je vous invite donc à conclure.

Conclusion

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je comprends que l'horaire d'un premier ministre - et je ne lui en tiens pas rigueur -c'est quelque chose d'assez exigeant. Je le remercie néanmoins de s'être prêté à cet exercice. Je me permets de lui dire que je souhaiterais qu'on puisse faire cela une fois par semaine. Mais, malheureusement, cela va être impossible.

M. le Président, permettez-moi en conclusion de dire que je considère que le premier ministre n'a malheureusement pas levé un certain nombre d'ambiguïtés autour de quelques dossiers qui m'apparaissent très importants. Il nous a souvent référés à des comités, il nous a référés à des choses qui sont faites ailleurs, au fait que les choses sont en processus.

Il manque, je crois, une certaine fermeté dans les propos du premier ministre autour de quelques enjeux qui nous apparaissent importants, notamment quant au rôle que le gouvernement du Québec jouera à l'égard des négociations sur le libre-échange. Je crois qu'on nous a référés dans des limbes d'incertitude administrative. Notamment, il y a un certain nombre d'ambiguïtés dans ses réponses et on lui a dit que nous les trouvions insatisfaisantes dans le cas des comités de bénévoles et de ce que cela présuppose finalement comme vision du fonctionnement de l'État et à l'égard des difficultés qu'il y a avec l'interprétation des directives et leur carence. Nous avons bien dit ce que nous pensions de cela. Nous ne sommes pas en accord avec le premier ministre.

À l'égard du dossier jeunesse, le premier ministre nous dit qu'il parrainera le projet de Corporation d'investissement jeunesse; je le souhaite. Et je souhaite qu'au moment où il aura à le faire il nous démontrera une connaissance non seulement des enjeux mais également de l'activité gouvernementale, notamment celle de son secrétariat à l'égard des jeunes. Ça ne peut pas être une priorité prioritaire si on n'a pas l'impression, de ce qui découle de notre questionnement, que c'est très clair pour celui qui a la responsabilité en ce moment du dossier jeunesse. On nous renvoie constamment d'un changement de personnel à une législation éventuelle, à des considérations pour le Parlement à l'automne. Nous aimerions être convaincus que le premier ministre lui-même...

Le Président (M. Filion): S'il vous plaît, est-ce qu'on pourrait avoir le silence? Je comprends qu'il y a un caucus qui va commencer quand cette commission aura terminé ses travaux. Merci.

M. Johnson (Anjou): Nous souhaiterions, M. le Président, qu'à l'égard du dossier jeunesse, en particulier, le premier ministre fasse montre d'un contrôle certain de ce dossier qui reste important et fondamental, non seulement pour ce gouvernement, mais pour l'avenir du Québec.

M. Bourassa: Je remercie le chef de l'Opposition. Je crois qu'on a eu un échange de vues intéressant et probablement utile. Je suis en désaccord avec le chef de l'Opposition sur quelques points. C'est normal. Il faut quand même tenir compte que nous ne sommes au pouvoir que depuis un peu plus de cent jours et que, malgré cela, nous avons réussi à donner un nouveau ton à la gestion du gouvernement, ton qui semble recueillir un appui important de la population.

M. le Président, avant de terminer, je dirai que j'ai été étonné quand même que le chef de l'Opposition - et cela correspond à

son attitude à l'Assemblée nationale - ne me pose pas de questions sur les dossiers dans les relations fédérales-provinciales sur la péréquation, sur différents dossiers. J'aurais pensé, parce que cela fait toujours partie de la tradition des crédits du premier ministre que le chef de l'Opposition s'interrogeait sur ces dossiers. Et, là, curieusement... Je n'ose pas croire que c'est lié à la campagne de financement du Parti québécois. Je ne le crois pas. Mais, aux crédits du chef du gouvernement, dans l'un des dossiers les plus importants, alors qu'on a plusieurs dossiers actuellement, que ce soit dans les Affaires culturelles, dans le domaine du développement économique, dans le domaine des paiements de la péréquation, qui ne fonctionnent pas à l'avantage du Québec, je m'étonne qu'il n'y ait pas eu de questions là-dessus. Je le dis simplement. Peut-être que cela fait partie de la stratégie du chef de l'Opposition de soulever ces questions à d'autres moments. Mais je crois que cela aurait été un endroit privilégié pour le faire.

J'espère qu'on aura l'occasion, d'une façon aussi ouverte, sans contrainte trop forte de la procédure, d'une façon aussi utile pour la qualité du débat public, de discuter de cette question.

Je veux remercier en terminant le chef de l'Opposition, malgré ses quelques reproches, du sérieux et du ton avec lesquels il a participé à cette discussion, de même que ses collègues.

Le Président (M. Filion): Est-ce que les programmes 1 et 2 des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif pour l'année financière 1986-1987, à l'exception de l'élément 3 du programme 2 qui sera étudié demain, sont adoptés?

M. Johnson (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Filion): Adopté. J'ajourne donc nos travaux.

(Fin de la séance à 18 h 36)

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