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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente de la fonction publique
poursuit ses travaux afin d'entendre toute personne ou tout groupe qui
désirerait intervenir sur l'avant-projet de loi sur la fonction
publique.
Les membres de la commission sont: M. Assad (Papineau), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Doyon
(Louis-Hébert), M. Lachance (Bellechasse), M. Gravel (Limoilou), Mme
LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), M. LeMay (Gaspé), M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Blais (Terrebonne), M.
Rivest (Jean-Talon), M. Tremblay (Chambly).
Les intervenants sont: Mme Bacon (Chomedey), M. Caron (Verdun), M.
Charbonneau (Verchères), M. Dubois (Huntingdon), M. Gagnon (Champlain),
M. Hains (Saint-Henri), Mme Lachapelle (Dorion).
L'ordre du jour pour aujourd'hui: ce matin, nous poursuivons avec
l'Association des cadres supérieurs du gouvernement du Québec;
ensuite, l'École nationale d'administration publique, le Comité
des occasionnelles et occasionnels du syndicat des professionnelles et
professionnels du gouvernement du Québec. On va espérer qu'on
puisse passer ces trois organismes ce matin.
Cet après-midi, nous continuerons avec la Centrale de
l'enseignement du Québec, le Conseil du statut de la femme et en
soirée nous aurions les Agents de gestion du personnel de la
Côte-Nord, du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, l'Association
du Parti québécois de la capitale nationale pour finir avec le
dépôt seulement de la Commission des valeurs mobilières du
Québec. On va espérer que, de part et d'autre, on puisse terminer
ce soir. Je ne sais pas si vous avez des commentaires ou une proposition
à faire pour qu'on puisse essayer de finir ce soir.
M. Bisaillon: De part et d'autre, M. le Président, ce
serait comme cela.
Le Président (M. Champagne): Voici, vous êtes
sûr, M. le député de Sainte-Marie, que vous êtes
toujours de la partie
M. Bisaillon: Merci, M. le Président.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est inscrit au journal des
Débats.
Le Président (M. Champagne): C'est cela. Mme la ministre,
est-ce que vous pensez qu'on puisse raisonnablement passer à travers
cela?
Mme LeBlanc-Bantey: Cela me va.
Le Président (M. Champagne): Cela vous irait.
M. Doyon: Oui, il va peut-être falloir à un moment
donné évaluer le temps dont disposent les divers intervenants de
façon à entrer dans les échéances que vous nous
proposez. Je pense que nous en sommes aux questions, après avoir entendu
l'Association des cadres supérieurs du gouvernement du Québec
présenter son mémoire. Pour autant que je suis concerné,
je souhaiterais vivement que nous puissions terminer les audiences avant la fin
de la soirée.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Sainte-Marie, à part entière.
M. Bisaillon: Cela me va complètement, M. le
Président.
Association des cadres supérieurs
(suite)
Le Président (M. Champagne): D'accord. Alors, on s'excuse
auprès de l'Association des cadres supérieurs du gouvernement du
Québec d'avoir changé d'atmosphère physique ici.
Maintenant, les membres de la commission vont quand même faire en sorte
de vous rendre le séjour agréable ici. On s'était
quitté hier après avoir entendu la lecture de votre
mémoire. La parole est à la ministre pour les commentaires et les
questions.
Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais d'abord remercier l'Association
des cadres supérieurs du gouvernement du Québec d'avoir voulu,
comme d'autres, bousculer leur horaire pour venir témoigner hier alors
qu'en théorie, c'était seulement aujourd'hui qu'ils devaient se
déplacer. Je les remercie aussi pour le mémoire dont ils nous ont
fait part hier. J'aimerais faire quelques commentaires.
Je pense que ce qui se dégage de votre mémoire, c'est que
vous avez tenté de le
placer dans une perspective historique, ce qui n'est pas mauvais. C'est
bon de se rappeler que la réforme qu'on est en train de faire n'est pas
la première - on en était fort conscient - de se rappeler aussi
dans quelles perspectives d'autres réformes ont été
faites. C'est vrai qu'il y en a eu plusieurs. C'est aussi la preuve que la
fonction publique, comme le reste de la société
québécoise, évolue et que les perspectives de changement
des années soixante et des années soixante-dix ont
déjà changé. Ici, comme ailleurs, il faut se remettre en
question. Il ne serait peut-être pas sain de se remettre en question tous
les ans. Il faudrait, bien sûr, que la réforme que nous
envisageons aujourd'hui, s'inscrive dans une perspective de temps qui fera
qu'on ne sera plus obligé d'amender la loi aussi
régulièrement qu'on l'a fait au cours des dernières
années. C'est la raison pour laquelle on a voulu aussi un cadre de loi
extrêmement souple que le législateur s'oblige à
réviser dans quelques années mais, qui, nous l'espérons,
sera suffisamment souple pour s'adapter aux changements.
Dans cette perspective, vous avez raison de dire que la réforme
de la fonction publique ne réglera pas tous les malaises de cette
dernière et qu'il y a lieu que le gouvernement ajuste d'autres lois pour
permettre une décentralisation non seulement des ressources humaines
mais aussi de la gestion financière et d'autres activités
auxquelles tout gouvernement doit faire face. C'est un constat qu'on a fait et
qu'on a déjà eu l'occasion de faire à plusieurs reprises.
Je suis contente que vous le partagiez parce que, comme association, vous aurez
vous aussi à faire des pressions sur vous-mêmes, sur
l'équipe des sous-ministres, sur le gouvernement. Ce sont toutes ces
volontés conjuguées qui font qu'on arrivera réellement
à un changement de mentalité dans la fonction publique
québécoise. En conséquence, arriverons-nous
peut-être aux objectifs que nous visons, soit l'amélioration du
service aux citoyens et l'utilisation maximale de nos ressources humaines.
Par ailleurs, on a pu détecter dans votre mémoire d'une
façon assez évidente une certaine méfiance à
l'égard de la capacité ou de la volonté qu'auraient les
sous-ministres de déléguer leurs responsabilités et une
méfiance certaine quant au rôle que joue le Conseil du
trésor et à sa façon actuelle de gérer et à
sa capacité de s'ajuster à de nouveaux changements. Je voudrais
vous dire ce que j'ai déjà eu l'occasion de dire à
d'autres. C'est que l'avant-projet de loi vise - vous l'avez souligné -
des objectifs d'imputabilité. Pour le dire plus simplement, un objectif
de responsabiliser tous les intervenants dans la machine. La raison pour
laquelle jusqu'à ce jour on n'a pas cru opportun de faire des
délégations obligatoires de la part des sous-ministres, c'est
qu'il nous apparaissait que les premières personnes à
responsabiliser et à rendre imputables de leurs gestes et de leurs
décisions étaient d'abord les sous-ministres eux-mêmes.
Dans ce sens, il nous apparaissait que cela serait peut-être trop facile
pour eux d'avoir une séquence de délégations obligatoires
dans la loi ce qui permettrait à des sous-ministres de venir nous dire,
après six mois ou un an, parce que des délégations ont
été mal exercées et mal contrôlées: Ce n'est
pas notre faute, de toute façon c'était prévu que nous
étions obligés de déléguer même si nous
pensions que tels et tels gestionnaires n'étaient pas aptes à
prendre la délégation. Il faut admettre que cela prendra un
certain changement aussi pour que les gestionnaires eux-mêmes s'habituent
à prendre des responsabilités et qu'ils les prennent en fonction
des objectifs que l'État se donne et en fonction de ce que les citoyens
attendent d'eux. C'est la raison pour laquelle jusqu'à maintenant la
délégation n'est pas obligatoire.
Je passerai tout de suite aux questions pour laisser la place à
d'autres intervenants de cette commission.
Entre autres, à la page 37 de votre mémoire, vous
recommandez que l'article 33 de l'avant-projet consacre la direction
générale du sous-ministre sur les gestionnaires. Je ne sais pas
si j'ai mal interprété, mais par ce fait vous semblez
éliminer la direction générale du ministre, parce qu'il
est prévu dans la loi que les sous-ministres administrent, mais toujours
sous la direction générale du ministre, ce qui nous
apparaît très normal dans une démocratie.
Par ailleurs, il me semble que vous avez fait allusion à un
meilleur équilibre à établir entre l'administratif et le
politique. Est-ce que j'ai mal interprété vos propos et, si je
les ai bien interprétés, pensez-vous que c'est de cette
manière qu'on peut arriver à rétablir un meilleur
équilibre entre l'administratif et le politique?
M. Dupéré (Jean-Yves): Là-dessus...
Mme LeBlanc-Bantey: Je vais poser toutes mes questions et ensuite
je vais vous laisser aller. D'accord? D'habitude c'est comme cela qu'on
fonctionne.
Le Président (M. Champagne): Allez, Mme la ministre.
M. Dupéré: D'accord.
Mme LeBlanc-Bantey: Dans votre mémoire, vous semblez
compter énormément sur des attitudes gouvernementales, des
décisions gouvernementales, des gestes
gouvernementaux pour tenter d'arriver à motiver les gestionnaires
de la fonction publique. Je vous dirai très honnêtement que j'ai
toujours cru que les gestionnaires jouaient un rôle très important
dans la motivation de l'ensemble des intervenants dans la machine, non
seulement un rôle très important, mais un rôle moteur
à jouer. Vous ne semblez pas aborder cet aspect, dans votre
mémoire. Est-ce que vous auriez des suggestions concrètes
à faire au gouvernement ou aux gestionnaires que vous représentez
justement pour améliorer la motivation et la productivité des
employés de l'État?
Ma troisième question est la suivante. Vous avez retenu certains
aspects de la commission Bisaillon, entre autres le recrutement des
sous-ministres adjoints par sélection au mérite et non par
nomination du gouvernement. La commission Bisaillon recommandait aussi que les
cadres n'aient pas de statut permanent de cadres. Comme je l'ai
déjà dit: Cadre un jour, pas cadre toujours: que les cadres aient
la permanence comme fonctionnaires, mais qu'il ne l'aient pas comme
gestionnaires. Quel est votre avis là-dessus? Je m'arrête pour le
moment.
M. Dupéré: Merci beaucoup. Vous m'excuserez d'avoir
terminé de prendre en note votre troisième question, ma
sténo n'est pas rapide.
Je voudrais d'abord, si vous me le permettez, présenter une
nouvelle représentante de l'association qui est Monique Bégin,
administrateur à l'association et aussi directrice du service aux
visiteurs au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
Hier, à cause de ses activités professionnelles, elle n'a pu
être là.
Mme LeBlanc-Bantey: Cela équilibre la
représentativité.
M. Dupéré: Et Charles Therrien, qui est
vice-président de Montréal de l'association et directeur du
service de liaison avec les commissions de formation professionnelle au
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu.
Quand vous dites "équilibrer", je ne sais pas si un c'est un
équilibre, mais...
Mme LeBlanc-Bantey: Ce n'est pas un équilibre suffisant,
mais c'est mieux que rien!
M. Dupéré: Il faut dire que chez nous on
considère les femmes à part entière, alors il n'y a pas de
problème: une ou plusieurs, c'est une équivalence.
Je reviendrai à votre premier commentaire concernant la
méfiance qu'on aurait face aux sous-ministres ou au Conseil du
trésor. Ce que je voudrais vous dire, c'est qu'à ce niveau, je
vous citerai un exemple très précis à propos de ce qui
s'est passé avec le Conseil du trésor concernant les
tâches. C'est un exemple parmi d'autres; on pourrait en prendre une
série. Vous savez que tous les postes de cadre, individuellement,
nommément, dans chacun des organismes, ont été
autorisés par le Conseil du trésor, un par un - pas globalement,
un par un - analysés et cotés. On vient d'apprendre qu'une
décision du Conseil du trésor estime qu'il y en aurait 12% de
trop. C'est assez curieux de voir que, quand on contrôle centralement, un
par un, chaque geste de l'administration, on découvre, au bout d'un
certain nombre d'années, qu'on en a 12% de trop. Dans ce sens-là,
je dis: Pourquoi ne pas déléguer et donner aux gens, dans le
champ, des mandats très clairs à ce sujet-là?
Je cite un exemple des mandats clairs à un organisme, ou un
ministère. Je prendrai l'exemple de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec à qui on a confié un mandat
et des moyens clairs, qui sont quand même soumis à la Loi sur la
fonction publique actuelle - pas celle qui a été amendée.
Tout le monde vante les performances de la Régie de l'assurance-maladie
du Québec, à tel point que OHIP en Ontario est venu chercher nos
ressources au Québec pour transformer sa propre situation.
On a souvent, à tort, l'idée que c'est nous qui ne sommes
pas performants. On l'est quand on nous donne des mandats clairs, une
organisation claire et une marge de manoeuvre. Ce que je dis - et cela explique
un peu notre méfiance envers le Conseil du trésor - c'est de
laisser les gestes un à un aux gestionnaires du champ, au premier titre
au sous-ministre et aux gestionnaires qui sont ses principaux partenaires et
vous allez voir des résultats époustouflants, comme on l'a vu
à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Ce sont des
fonctionnaires comme nous; ce sont des gens qui sont dans la fonction publique;
ce sont des mutations entre ministères et la régie. Il y a
même de vos conseillers proches qui viennent de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec. Dans ce cadre-là, quand on donne
un mandat clair, qu'on spécifie les attentes et qu'on laisse les
gestionnaires gérer, il n'y a pas de problème; les
résultats sont là pour le prouver. Or, quand on dit que la
fonction publique n'est pas productive et qu'on charrie toutes sortes
d'imageries autour de cela, je pense qu'on devrait s'arrêter à ce
qu'on a déjà fait et comment on l'a fait. Souvent, ce ne sont pas
les lois qui sont une limite, mais les objectifs ambigus et la clarté
des mandats.
Si on revient à votre première question où vous
parlez de l'équilibre politique et administratif par rapport à
l'article 33, ce que je dirai, c'est qu'il serait peut-être temps que les
ministres ne soient pas
responsables en Chambre des actes administratifs posés dans le
champ. Là-dessus, je pourrais vous citer toutes sortes d'exemples.
Prenons-en un récent. Je n'ai pas consulté la personne
concernée, mais vous savez qu'il a été question
dernièrement d'un calendrier à l'Assemblée nationale
publié dans un ministère sous l'autorité d'un cadre.
Personnellement, ma réaction comme cadre, c'est que je ne vois pas,
comme cadre, comment un ministre peut répondre de toutes les actions qui
se passent partout. Il ne peut pas être omniprésent, omnipuissant.
Or, quand on dit que le ministre ne devrait pas porter personnellement cette
responsabilité, je pense que c'est lui en donner trop. Si on pense
à des ministères comme celui du Travail, le réseau
Travail-Québec est étendu à tout le territoire. Comment
peut-il être responsable de l'action d'un fonctionnaire à
Gaspé? Cela m'apparaît impossible à concevoir. Et, à
partir du moment où on confie cela à un ministre, je pense qu'il
va avoir des problèmes. Dans ce cadre-là, on dit: Trouvons
d'autres mécanismes. Et, c'est dans ce cadre-là qu'on dit:
Dégageons le ministre de cette responsabilité. Cela ne veut pas
dire qu'il ne sera pas responsable, parce que dans chaque loi constitutive des
ministères, dans les dix premiers articles, vous allez trouver un
pouvoir général qui accorde au ministre la direction de son
ministère et, par voie de cet article-là, en
général, il a tous les pouvoirs résiduaires qui ne sont
pas nommément attribués; il a, en plus, la direction
générale de son ministère. On ne voit pas pourquoi dans
une loi spécifique de la fonction publique, on vient ajouter qu'il a ces
pouvoirs-là. À notre avis, il les a déjà dans sa
loi constitutive.
Dans ce cadre-là, pour une meilleure harmonisation, une meilleure
intégration, ne rendons pas le ministre responsable de choses qui,
à toutes fins utiles... Ce ne sont pas des actes politiques qu'on pose;
ce sont des actes administratifs. C'est dans ce cadre-là qu'on vous dit
que cela nous semble très difficile.
Je ne sais pas si vous avez un commentaire là-dessus ou si vous
voulez que je passe à la deuxième question?
Mme LeBlanc-Bantey: Allez-y. (10 h 30)
M. Dupéré: Dans la deuxième question, vous
parlez, si j'interprète bien, des attitudes et des gestes pour motiver
les gestionnaires. Je vais vous citer deux cas précis qui se sont
passés au cours de la dernière année. Au cours des
négociations dans le secteur public, les cadres qui sont vos partenaires
n'ont jamais été mis au courant de ce que le gouvernement
attendait d'eux dans cette période critique. J'ai fait personnellement
des offres au cabinet du premier ministre pour qu'on rencontre les 2000 cadres
du gouvernement, à nos frais. Venez nous dire ce que vous attendez de
nous pendant cette période perturbée où vous aurez besoin
de vos cadres. Les gens qui sont touchés par ces mesures, on a à
contrôler leur travail, on a à les motiver, mais il faudrait au
moins savoir où on s'en va, ce qui se passe. Je pense que les
médias d'information ne sont pas une façon de parler à vos
cadres. Je pense qu'il faut les mettre dans le coup et ce, avant que les choses
se passent. C'est un exemple.
Je vous parlerai d'un deuxième projet qui est la boîte
à suggestions définie par le Conseil du trésor. Nous
l'avons appris par voie de communiqué de presse. Les cadres ne sont pas
concernés. On n'a pas été touchés. On a appris,
tout à coup, que cela existait. Je ne veux pas les mettre en accusation.
Je dis simplement que ce sont des attitudes, des mentalités. Il faut
être dans le coup, madame; nous sommes vos principaux gestionnaires.
Alors, dans ce cadre-là, quand vos gestionnaires seront dans le coup,
ils vont embarquer. Encore faut-il avoir des mandats très clairs au
niveau de l'imputabilité et de ce que vous attendez de nous. Quand on
saura clairement où on s'en va, ne vous en faites pas, on va y aller.
Quand vous avez défini un avant-projet de loi, vous avez donné un
cadre et je pense que vous avez reçu un avant-projet de loi qui
répond à vos attentes. En tout cas, je l'espère, puisque
vous le défendez, et ce sont vos fonctionnaires, vos principaux
gestionnaires qui l'ont fait.
Par exemple, au ministère des Travaux publics et de
l'Approvisionnement, on a fait des offres à tous les fonctionnaires.
Vous me direz: Oui, il y a une décision de la cour actuellement. Mais
c'est à la suite d'une demande du Syndicat des fonctionnaires. Mais les
cadres ont reçu un avis qui était adressé aux autres
employés et qui disait ceci: On va retenir un certain nombre de cadres.
Je vous avoue que, pour la motivation des gens, ce n'est pas fort. Les gens se
demandent: C'est qui l'heureux élu et qu'est-ce qu'il faut que je fasse
ou de quelle façon dois-je me comporter pour être retenu? C'est
quoi la norme? Ce qu'on me citait, c'est: II faut insécuriser les
cadres; c'est là où ils sont les plus productifs. Ce n'est
sûrement pas conforme à ce que des compagnies aussi importantes
que IBM préconisent. Là-dessus, je vous référerai
à l'Institut national de productivité, qui a publié un
bulletin en donnant un certain encadrement.
Quant à votre troisième question, vous dites: Dans le
préambule, vous désirez que les sous-ministres adjoints soient
nommés au mérite et pas de nominations du gouvernement.
J'aimerais préciser notre pensée là-dessus. Nous acceptons
qu'ils soient nommés au mérite et nous acceptons aussi que le
gouvernement nomme d'une façon discrétionnaire les sous-ministres
adjoints. La
seule chose qu'on dit, c'est: Qu'il s'assure auparavant, par sa
règle du mérite, qu'ils sont compétents. Je ne dis pas que
ceux qui ont été nommés ne sont pas compétents. Je
dis simplement: Encadrons le discrétionnaire d'une assurance de
compétence; toute la fonction publique doit être nommée
suivant la compétence, suivant la règle du mérite;
continuons à jouer le jeu. Je ne nie pas cependant que le gouvernement
doive s'entourer de gens avec qui, au niveau du tempérament, des
orientations, peu importent les motifs, il s'entend. Je ne nie pas cela. Je
pense que c'est une liberté que le gouvernement doit avoir et qu'on
appuie en plus. Ce que je dis simplement, c'est: Appliquez les mêmes
principes de départ, surtout avec le rangement par niveaux que vous avez
fait, et vous aurez tout simplement l'emballage nécessaire pour nommer
les personnes que vous désirez, mais vous vous serez assurés
auparavant qu'elles sont compétentes.
Quant à la question du statut permanent des cadres, si vous me le
permettez, je vais citer le document Productivité, de septembre-octobre
1982, concernant le bon usage de la sécurité d'emploi; c'est sur
la productivité et les ressources humaines chez IBM; ce n'est quand
même pas gouvernemental. Je cite au texte: "Une autre politique
d'importance, c'est celle du plein emploi. Si vous recherchez une collaboration
entière de vos employés pour effectuer les changements
nécessaires, vous devez leur assurer la sécurité d'emploi.
Les conséquences d'une telle pratique sont l'engagement de
l'employé envers la compagnie et le maintien d'une main-d'oeuvre stable
qui accepte bien le changement." Je vous citerai en plus, mais pas au texte,
William Ouchi concernant le défi japonais. Pourquoi les Japonais
sont-ils si en avance aujourd'hui? C'est que leurs employés-cadres sont
formés, ils sont sûrs d'être cadres et c'est à vie,
à part cela. Même quand ils sont perdus dans la brume, on leur
assure cette permanence et c'est avec cela qu'ils ont fait un succès.
Contrairement à ce qu'on pense, la permanence n'est pas un facteur de
démobilisation des motivations. La société qu'on
reconnaît comme étant la meilleure au moment où on se parle
est celle qui fait le plus en termes de sécurité d'emploi. Ce
n'est donc pas un obstacle, c'est un avantage? Quand un employé se sent
sécurisé, il arrête de se tracasser à ce niveau.
Là, il passe à autre chose de plus important, dont
l'allégeance à l'organisme dans lequel il oeuvre. Quand vous
dites: "Un cadre, un jour, un cadre, pas toujours," je vous dirai que pour
former un cadre, cela prend un minimum de dix ans. Vous investissez un minimum
de dix ans avant de nommer quelqu'un à un poste de cadre.
Là, on va me dire: Au bout de cinq ans, on renouvelle le mandat.
Les deux dernières années, il va penser au renouvellement de son
mandat, il ne pensera pas à sa productivité, il va penser
à des avantages à très court terme. Dans ce cadre, je ne
pourrai pas le lui reprocher. Cela va dans le secteur des universités,
où le système de professeurs est plus facile
d'intégration, mais dans une organisation comme la nôtre j'ai
l'impression qu'on doit s'attendre à des difficultés
énormes et le moins qu'on puisse dire, c'est que ce serait aculturel. Je
ne dis pas que c'est à rejeter, mais avant de s'embarquer
là-dedans je pense qu'il va falloir regarder cela de très
près. Ce sont mes commentaires pour le moment. Je ne sais pas si vous
avez des choses à dire ou pas.
Mme LeBlanc-Bantey: Très rapidement, avant de l'oublier,
je voudrais souligner quelque chose. Vous avez dit vous-même: Ce sont vos
gestionnaires qui ont fait la loi. C'est vrai. Cela contredit un peu ce que
vous avez dit, ce que vous évoquiez hier, en tout cas, une ancienne
déclaration de M. L'Allier qui disait: II ne faut jamais confier des
réformes à des sous-ministres parce que c'est leur chaise qui est
en dessous. Je pense que mes sous-ministres ont fait la preuve qu'ils pouvaient
envisager une réforme en mettant leur chaise dans la balance et cela
m'apparaît important de le souligner.
Il faut dire aussi que, dans une recherche d'un meilleur
équilibre entre l'administratif et le politique, j'avais confié
à une commission spéciale, présidée par le
député de Sainte-Marie et à laquelle participait la
députée de Chomedey, le mandat de tenter de nous définir
un rôle de la fonction publique. Dans ce sens, je pense que la recherche
qui a été faite par cette commission spéciale - je tiens
à le souligner parce que vous nous disiez hier que, finalement, il n'y
avait pas eu assez de recherches, d'études, etc. - a été
longue. Ils ont eu l'occasion d'entendre de nombreux intervenants et cela
m'apparaissait et m'apparaît toujours une recherche sérieuse sur
les malaises qui ont cours dans la fonction publique. Ils
privilégiaient, en tout cas, des hypothèses de solution dont nous
avons retenu l'essentiel pour le fond, soit la décentralisation dans les
ministères. Je ne pense pas qu'il faille minimiser l'importance de cette
recherche.
Vous parlez de la méfiance du Trésor, vous avez
soulevé des cas où, effectivement, le gouvernement ou le Conseil
du trésor n'a pas toujours la meilleure façon de motiver les
cadres. C'est vrai. Tout le monde doit reconnaître qu'il y a lieu d'avoir
une meilleure concertation non seulement avec les cadres, mais avec l'ensemble
des intervenants dans la machine. Par ailleurs, je
ne pense pas non plus qu'il faille, chaque fois qu'il y a une
décision de prise, prendre les cadres par la main. Je pense que,
généralement, qu'importe le gouvernement, les cadres sont
là pour tenter d'aider le gouvernement à mettre ses objectifs en
oeuvre. Plus il y aura de la concertation, mieux ce sera. Je ne pense pas que
ce soit toujours possible, surtout dans des situations difficiles, d'en arriver
quotidiennement à une concertation. Il ne faut pas se leurrer. Je pense
qu'il y a des moments où les objectifs sont suffisamment clairs. C'est
peut-être décevant de les apprendre par les journaux. Je peux le
concevoir. Je pense qu'il y a des moments où les objectifs sont
suffisamment clairs pour que les cadres sachent ce qu'ils ont à
faire.
J'aimerais creuser davantage. Là, vous avez fait le bilan du
passé, de la façon de fonctionner du Conseil du trésor.
Comment verriez-vous un peu plus précisément sa façon de
fonctionner dans l'avenir, avec les objectifs que vous poursuivez?
Deuxièmement, vous avez exploré beaucoup aussi la motivation -
comme je viens de le dire, pas beaucoup, mais c'est dans la même
idée - gouvernement versus cadres. Vous n'avez pas répondu
à ma question. La motivation des cadres versus les employés;
comment les gestionnaires peuvent-ils aider justement la motivation des gens
qui sont supervisés? Avez-vous des suggestions là-dessus?
M. Dupéré: D'accord. Si vous me permettez, au
niveau de la motivation, je demanderai à Roland Guérin de faire
un complément de réponse si celle que je vous ai donnée
n'est pas suffisante. On reviendra à votre première si vous le
voulez.
M. Guérin (Roland): Si vous permettez, M. le
Président, pour bien cerner la question de Mme la ministre, je voudrais
la situer sur deux volets. Le premier, celui des mentalités et le
deuxième, le style de gestion. D'accord?
Au niveau des mentalités, ce qu'on a voulu dire en filigrane
c'est que dans le fond il faudrait que le gouvernement nous aide aussi à
motiver nos employés en ne les démobilisant pas ou en ne les
démotivant pas. Je ne veux pas faire un retour sur le passé mais
de temps en temps on a eu des échos d'hommes et de femmes politiques
concernant les fonctionnaires. Quand on cultive dans la population
l'idée que les fonctionnaires ont telle tendance et telle
caractéristique, évidemment nous, les gestionnaires, avons
d'autant plus de difficulté à les motiver. Il y a eu une
période de crise, je ne voudrais pas non plus revenir trop
là-dessus, où finalement on a senti qu'on aurait eu le goût
de vous faire le message, et c'est peut-être la répétition
de quelqu'un d'autre qui l'a déjà dit avant moi: Arrêtez de
tirer sur nous si vous voulez qu'on tire dans le même sens.
C'est dans ce sens qu'on dit que peut-être le gouvernement peut
lui-même nous aider en démontrant la confiance qu'il a dans ses
fonctionnaires, que c'est du personnel de qualité. On le voit dans la
grande entreprise privée également puisqu'on peut se permettre de
faire un parallèle. La grande entreprise cultive beaucoup son personnel
en disant: C'est du bon personnel, j'ai confiance en eux. On a seulement
à penser à la publicité qui se fait dans le domaine de
l'acier: "Notre force c'est nos employés," etc. On voit qu'on cultive
une mentalité chez les employés, qu'on pense qu'ils sont
importants. C'est un des moyens qui pourraient être cultivés
encore.
Il y a aussi le sentiment d'appartenance. Vous savez, je rencontre
souvent des gens qui, quand on leur dit: Que fais-tu? répondent: Je suis
fonctionnaire, un peu... j'ai l'impression que les gens ne sont pas fiers. Moi,
je suis fier d'appartenir au gouvernement du Québec et de travailler
pour l'État. Dans la fonction publique on rencontre beaucoup trop de
gens qui n'ont pas cette attitude de fierté de leur employeur. Je pense
que c'est dans ce sens qu'on pourrait collaborer en tant que partenaires
à développer cette mentalité dans l'ensemble de la
fonction publique.
Le deuxième volet, je voudrais l'aborder sur le plan du style de
gestion. Évidemment, l'on se sent un peu plus touché comme
gestionnaire quand on parle de motivation. Comme on le disait dans le texte, il
n'y a aucun organisme qui peut faire quoi que ce soit sur la motivation. C'est
le gestionnaire lui-même qui peut davantage accroître la motivation
par un style de gestion.
Je voudrais seulement vous servir quelques exemples. Je ne voudrais pas
élaborer plus longtemps. Je pense qu'on pourrait très bien se
comprendre avec quelques éléments. On pourrait peut-être
penser à évaluer plutôt les résultats. Vous
savez, ce qui se passe en pratique c'est qu'on évalue beaucoup les
moyens. La manière dont le but est atteint devient plus importante que
le résultat lui-même. Au fond, on juge trop souvent les
employés sur la façon dont ils ont agi et ont respecté les
procédures plutôt que se poser la question: A-t-on vraiment
atteint l'objectif? Je pourrais vous faire la blague que dans la fonction
publique tous les fonctionnaires ont le pouvoir de dire non. J'aimerais qu'il y
en ait qui aient le pouvoir de dire oui et de répondre au service
à la clientèle correctement.
Deuxièmement, on pourrait penser à une formation constante
qui suit justement l'évolution. On n'a qu'à penser au plan
technologique. On pourrait penser aussi en
termes d'instrumentation au plan technologique. On a besoin d'outils
modernes et efficaces. Il faudrait peut-être que nous, les gestionnaires,
les ayons pour que notre personnel puisse contribuer à l'accroissement
de cette productivité.
Je pense que - je termine là-dessus -le président l'a
mentionné tout à l'heure, des objectifs clairs motivent aussi
notre personnel. Quand on est capable de dire où on va, quand on est
capable de dire ce qu'on veut atteindre, quand on est capable de quantifier les
choses, notre personnel est capable de suivre et d'emboîter le pas pour
réaliser avec nous ces objectifs. Cela demande aussi une contribution de
tous les paliers pour vraiment arriver à des objectifs clairs et les
atteindre.
Évidemment on pourrait parler d'indicateurs de performance, de
contrôle a posteriori plutôt qu'a priori - cela pourrait motiver
notre personnel - et de tout autre moyen. Je préciserai si c'est
nécessaire.
M. Dupéré: Là-dessus je pourrais vous
référer aux pages 31 et 32 de notre mémoire qui est un
résumé de ce que Roland vient de vous dire et de vous exprimer,
mais je vous citerai un exemple parce que je trouve que les images souvent sont
assez intéressantes. Dans un ministère un sous-ministre adjoint
et directeur général avait fixé des objectifs très
clairs à ses employés, les avait quantifiés et avait dit:
Si vous atteignez tel résultat vous serez notés B et si vous avez
tel résultat vous serez notés A, et, au bout de cela il y avait
des signes de piastres.
Tous ces gestionnaires ont atteint les objectifs fixés, sauf que
l'emballement de la masse salariale pour les résultats disait: Maximum
30%. Il a été obligé de faire un choix dramatique:
L'année suivante il n'y a pas eu d'entente. C'est fini.
Là-dessus, à un moment donné il faut avoir des marges de
manoeuvre. Quand on fixe des attentes claires et qu'on dit qu'il va y avoir
telle chose au bout il faut qu'elle se réalise. C'est dans ce sens que
je vous dis qu'il est important d'avoir des mandats clairs et précis.
J'espère que cela répond à votre deuxième
question.
Quant à la première, de quelle façon voulez-vous
que le Trésor soit organisé? J'espère bien
interpréter votre question en vous répondant de la façon
suivante. Pour nous, nous voyons le Trésor comme étant un peu
bicéphale, dans le sens qu'il y aurait la partie monétaire d'un
côté et la partie ressources humaines d'autre part qui se
rejoindraient au sommet. Si on mêle les deux secteurs à tous les
niveaux, j'ai l'impression qu'on se retrouvera avec ce que certains d'entre
vous disaient hier: on prendra les individus comme des signes de piastre et
peut-être qu'on aura des problèmes avec les colonnes. Dans ce
cadre, l'unification devrait se faire par le haut seulement, au plus haut
niveau.
Ce qui est le plus important, à notre avis, de la part du Conseil
du trésor, c'est qu'il fixe des mandats clairs et précis sur ce
qu'il attend d'un ministère en termes de coupures ou en termes
d'objectifs à atteindre ou de rentabilité, s'il désire que
certains secteurs soient rentables. Là-dessus, on pourrait vous citer de
multiples exemples, entre autres, les fonds renouvelables qui sont des
expériences parcellaires maintenant et qui ont démontré
que lorsqu'on nous donnait un mandat clair de rentabilité, on pouvait le
réaliser. C'est dans ce cadre qu'il faut nous donner des choses
très précises et ne pas dire: on pense que vous devriez atteindre
tels objectifs, mais on y met une série de conditions telles qu'on ne
réussit pas à les remplir. Ce serait l'objet de ma
réponse.
Mme LeBlanc-Bantey: Cela répond partiellement à ma
question. Très rapidement, je voudrais relever un peu le système
de rémunération au mérite auquel vous avez fait allusion.
On est fort conscient que ce système a besoin d'être
amélioré. Vous savez vous-même que c'est nouveau comme
formule de rémunération dans la fonction publique et il y a
toujours lieu de s'ajuster. Mais je vous rappellerai simplement que si on avait
senti la nécessité de limiter le nombre de gestionnaires qui
pouvaient être cotés A ou B - effectivement, il y a eu un chiffre
arbitraire qui pourrait changer ou évoluer - c'était parce que la
première année de la mise en place du système de
rémunération au mérite, effectivement tous les
gestionnaires étaient cotés A ou B. Nous étions
supposés avoir, dans chaque ministère, seulement d'excellents
gestionnaires.
Finalement, le système de rémunération au
mérite fonctionnait plus ou moins bien. Les sous-ministres, en
particulier, ne faisaient pas l'effort de détecter parmi leurs
gestionnaires ceux qui avaient véritablement performés, ce qui
est le but d'une rémunération au mérite qui évolue
d'année en année.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas lieu d'ajuster et peut-être
même de décloisonner. Il y a peut-être des
ministères, entre autres, qui performent où tous les
gestionnaires performent d'une façon excellente une année et
d'autres ministères où ils performent moins. Il y a lieu de
s'ajuster, mais je crois qu'il faudra continuer d'avoir des objectifs
précis pour éviter justement qu'il n'y ait pas de
rémunération au mérite. Cela va pour le moment.
M. Dupéré: Est-ce que vous me permettriez deux
commentaires sans engager un débat? Le premier, en vous disant que quand
on parle du mérite, l'industrie privée alloue une masse, pour des
cadres de notre niveau, en général équivalente à
10% et non
pas 2%. Deuxièmement, sur l'évaluation des fiches de
notation, je vous réfère à l'étude de
l'École nationale d'administration publique qui a de forts doutes sur la
méthode d'évaluation actuelle. Comme M. Jacques sera là
tout à l'heure, vous pourriez peut-être lui demander des
commentaires là-dessus.
Mme LeBlanc-Bantey: Cela m'intéresserait certainement. Je
voudrais juste vous demander une question.
M. Dupéré: On va déclencher un
débat.
Mme LeBlanc-Bantey: Vous dites que dans l'entreprise
privée, la masse affectée au mérite est de 10%.
M. Dupéré: En sus des augmentations du salaire
régulier et non pas une masse de 2%. Une masse de 2%, c'est pour tout le
monde qui est la commande.
Mme LeBlanc-Bantey: J'allais vous demander si l'ensemble de la
masse des cadres pourrait être au mérite. Il est évident
que ce serait... Surtout dans le contexte, vous comprendrez que ce serait un
peu mal venu pour le gouvernement, en plus d'une rémunération
régulière, d'allouer 10% de rémunération au
mérite. Il faudrait en tout cas qu'on ait les moyens d'en faire autant
pour les syndiqués.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Nous avons devant nous
des gens qui vivent quotidiennement au plus haut niveau, l'administration
publique du Québec. Ils nous ont présenté un
mémoire d'une très grande valeur, très bien
fouillé, très bien étayé où ils font
état d'un certain nombre de préoccupations, où ils
expriment des préférences ou des souhaits. Je sais que ces
gens-là, pour les avoir côtoyés dans d'autres
circonstances, se préoccupent vraiment de la qualité de
l'administration publique au Québec. C'est dans ce sens que je prends
les remarques qui sont dans leur mémoire que j'ai lu et relu avec
beaucoup d'attention.
Les inquiétudes, le souci qu'ils expriment en ce qui concerne la
crainte de ne pas voir la délégation s'effectuer
véritablement... c'est-à-dire que le blocage à un niveau
quelconque qui empêcherait la délégation de se faire est
sûrement fondé sur des expériences précises,
vécues. J'y vois cependant une certaine difficulté quand on tient
compte des remarques qui nous étaient faites hier par le syndicat des
professionnels qui - j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus
si vous voulez prendre note s'inquiétait justement que le pouvoir des
délégations a pour résultat d'augmenter - on y voyait un
mal, peut-être pourriez-vous vous exprimer là-dessus aussi - les
pouvoirs de gérance.
Comment voyez-vous cette dichotomie qui existe où les gens qui
sont sous vos ordres doivent exécuter les commandes que vous leur passez
et craignent justement que cette délégation, s'étendant
dans des niveaux de plus en plus bas dans la hiérarchie administrative,
ait pour effet d'augmenter indûment les pouvoirs de gérance? C'est
l'inquiétude qui nous a été exprimée hier.
J'aimerais peut-être que vous nous éclairiez là-dessus pour
avoir les deux côtés de la médaille et tenter d'y voir
clair un peu.
Personnellement, je sais qu'il y a là un problème, que
vous êtes dans des situations où vous devez atteindre des
objectifs, que vous devez pouvoir justifier la réalisation de certains
programmes à la définition desquels vous avez très souvent
participé ou, d'une façon souhaitable, vous auriez dû
participer. Il y a là un problème et j'aimerais savoir ce que
vous en pensez.
Vous nous avez expliqué votre position en ce qui concerne les
sous-ministres adjoints et les sous-ministres associés. Je pense qu'il y
a là un réel problème. Le plan de carrière des
cadres supérieurs, dans la situation actuelle, ressemble un peu -
là aussi, vous pouvez me donner votre idée - à une
pyramide tronquée où on peut procéder dans la
hiérarchie administrative jusqu'à un certain niveau.
Malheureusement, rendu à un palier donné, on se voit à la
merci du bon plaisir ou du bon vouloir de monsieur ou madame la ministre qui,
sur les conseils de personnes difficilement identifiables, qui se servent de
critères inconnus - c'est ce qui est inquiétant - décident
que finalement on a atteint un plateau - qu'on ne peut pour une raison ou pour
une autre et qui, plus souvent qu'autrement demeure inconnue - qui ne nous
permet pas d'accéder à une étape supérieure, soit
celle de sous-ministre adjoint ou de sous-ministre associé.
Le souhait que vous exprimez de voir que la compétence soit le
critère premier qui entre en ligne de compte, que toute chose
étant égale, on s'assure tout d'abord d'une base d'assise solide
au niveau de la compétence avant de faire un choix qui pourrait
être basé sur d'autres critères qui sont des
critères plus personnels, qui peuvent être plus subjectifs,
difficilement identifiables, difficilement reconnaissables, ou difficilement
mettables sur le papier. J'aimerais vous entendre un peu plus longuement
là-dessus. J'aimerais peut-être plus particulièrement,
compte tenu du fait que vous êtes une association, savoir si vous
prolongez votre suggestion jusqu'à dire par exemple - vous comprendrez
mon intérêt là-dessus ayant passé par un certain
nombre de difficultés dans le passé - que si,
éventuellement, les sous-ministres adjoints et les sous-ministres
associés peuvent, à l'intérieur d'un plan de
carrière, être le prolongement de ce que vous êtes, vous,
des cadres supérieurs... est-ce que vous les voyez faisant partie
éventuellement d'une association comme la vôtre ou si vous y voyez
certaines contradictions, certaines difficultés, ou si vous n'avez pas
eu l'occasion de vous pencher là-dessus?
Vous faites état, ailleurs dans votre mémoire, de la
nécessité que les décisions politiques soient plus
rationnelles, qu'il y ait une rationalisation des décisions politiques.
Je lis en filigrane dans cette partie de votre rapport que ce n'est pas
toujours le cas, que les décisions que vous êtes appelés
à appliquer qui découlent de décisions politiques ne sont
pas toujours des décisions rationnelles. Est-ce que vous voyez une
intervention possible de votre part pour vous assurer une telle rationalisation
des décisions politiques? Je pense qu'on peut s'entendre très
facilement sur le degré de désirabilité que les
décisions politiques soient rationnelles, mais où cela accroche
c'est comment s'assure-t-on... Est-ce qu'il y a un moyen quelconque auquel vous
avez songé pour qu'il y ait une amélioration au niveau de la
rationalisation des décisions dites politiques?
Cela rejoint une autre de vos préoccupations, c'est-à-dire
qu'à l'intérieur du régime d'imputabilité on fasse
une démarcation très nette entre ce qui est une décision
politique dont les politiciens et les politiciennes doivent assumer le poids et
le fardeau et la justification devant la population. Vous avez probablement eu
l'occasion d'assister, de suivre, ne serait-ce que pendant quelques minutes ou
quelques heures, les travaux de la commission parlementaire sur le saccage de
la Baie-James, où on a eu des administrateurs de sociétés
d'État qui sont venus nous expliquer, répondre à certaines
questions qui portaient sur un sujet très précis,
c'est-à-dire le pourquoi d'une décision qu'ils avaient prise
d'interrompre ou de continuer une poursuite judiciaire.
On a entendu - j'aimerais savoir quelle a été votre
réaction - les hauts cris de certains administrateurs qui nous ont dit
que s'ils devaient rendre compte aux parlementaires des raisons pour lesquelles
on pose tel geste, pour lesquelles on dit oui, pour lesquelles on dit non, on
n'est plus intéressés à siéger au conseil d'une
société d'État. Je vous dis franchement que cette
attitude-là m'a proprement scandalisé; c'était aussi clair
que cela. Il n'y avait rien de méchant selon moi à ce que des
gens qui avaient été nommés par le pouvoir politique
répondent au pouvoir politique de leurs gestes. Il y a peut-être
lieu de situer un encadrement quelconque à l'intérieur duquel ces
choses-là doivent se faire mais qu'on ait entendu des gens
appelés à comparaître devant ce qui est, finalement,
l'instance suprême du gouvernement, c'est-à-dire une commission de
l'Assemblée nationale répondre à des questions qui
étaient très simples: est-ce que la décision que vous avez
prise est une décision fondée sur tel ou tel motif? est-ce que
vous pouvez nous expliquer les motifs de votre décision? À deux
ou trois reprises, les gens se sont élevés contre cela en disant:
Si c'est pour marcher comme cela, cela ne nous intéresse plus
d'être membre du conseil d'administration d'une société
d'État.
Il faut s'attendre que le régime d'imputabilité, toute
l'idée du régime d'imputabilité, c'est de mettre quelque
part, à un moment donné, quelqu'un "au batte". Cela ne peut pas
être autrement que cela. Il va falloir que quelqu'un - comme nous
à tous les quatre ans on est "au batte", on passe "au batte" à
tous les quatre ans, veux, veux pas - à un moment donné, il va
falloir qu'il y ait d'autre monde qui passe "au batte" à part nous.
C'est cela l'imputabilité. C'est peut-être vulgarisé; je ne
veux plus être seul à passer "au batte".
Mme LeBlanc-Bantey: ..."au batte" à sa place.
M. Doyon: Non, pas à ma place...
Mme LeBlanc-Bantey: En même temps. (11 heures)
M. Doyon: Je pense qu'une partie de baseball est plus
intéressante quand il y a plusieurs "batteurs". C'est un peu les
réflexions qui me viennent à la lecture de votre mémoire.
Vous avez donné deux exemples de l'attitude du Conseil du trésor
qui sont révélateurs. On en a eu d'autres par d'autres
intervenants auparavant. Comme par hasard - je ne pense pas que ce soit l'effet
du hasard - tous les exemples vont dans le même sens c'est-à-dire
que le Conseil du trésor impose, décrète, décide et
émet des directives. C'est toujours dans le même sens. Ce n'est
pas l'effet du hasard. Mme la ministre nous dit: Oui, on comprend que le
Conseil du trésor n'est pas parfait, qu'il y a des choses qui pourraient
être mieux et qu'il y aurait lieu que le Conseil du trésor
améliore certaines choses. Autant que je puisse voir, les
témoignages qu'on a eus hier et avant-hier démontrent tous que le
Conseil du trésor n'est pas très fort dans la consultation et
dans la concertation. Il décide que c'est cela, il décide qu'on
coupe de 20%; il décide qu'on fait ceci et il décide qu'on fait
cela et cela vient de s'éteindre. Comme vous dites: ce sont des choses
que vous apprenez par la voie des journaux; vous n'êtes pas
impliqués là-dedans. Finalement, vous avez quand même la
responsabilité de voir à ce que, malgré ce qui peut
constituer
des entraves de la part du Conseil du trésor, vous puissiez
atteindre les objectifs qui vous sont imposés, qui vous sont
fixés. Alors, au niveau des mécanismes proprement dits, est-ce
que vous avez eu l'occasion de vous demander comment le Conseil du
trésor pourrait non seulement agir autrement, mais être
perçu d'une autre façon? Dans ce domaine, le niveau de la
perception est aussi important que la réalité. Actuellement, le
Conseil du trésor projette une mauvaise image. Il projette tellement une
mauvaise image que la gageure de plusieurs fonctionnaires, des gestionnaires
que je connais et avec qui j'ai gardé des contacts, c'est comment
fait-on pour passer à côté du Conseil du trésor? La
gageure et le véritable défi, c'est cela. Comment
évite-t-on le Conseil du trésor? C'est un obstacle
supplémentaire. Si on est assez fin, si on a assez de contact et si on a
suffisamment raffiné notre méthode de procéder, on
réussit à éviter ce récif. Cela me paraît
aberrant qu'on ait un organisme qui est nécessaire, qui est là
par la Loi sur l'administration financière et que, finalement, une
grande partie de l'énergie des gestionnaires soit employée
à éviter cet organisme, à passer à
côté. Cela ne tient pas debout. J'aimerais peut-être pouvoir
vous entendre un peu là-dessus.
Autre chose que je soumets à votre considération. Vous
faites état dans votre mémoire du besoin qu'il y a d'augmenter la
productivité à l'intérieur de l'appareil de l'État,
que cette productivité doit être encouragée par la
motivation etc. de façon qu'on fasse une meilleure utilisation des
ressources. Est-ce que vous n'y voyez pas un certain danger d'opposition avec
ce qu'on retrouve à l'article 2 de la loi, qui est la primauté du
service aux citoyens? Est-ce qu'on peut poursuivre concurremment, sans
opposition, en même temps, une augmentation de la productivité
qui, dans les années qu'on vit est absolument nécessaire, compte
tenu des ressources limitées dont on dispose et, en même temps,
s'assurer qu'un service adéquat et le meilleur possible soit rendu aux
citoyens? Est-ce qu'il n'y a pas une difficulté là-dessus?
Finalement, est-ce que cette difficulté ne fera pas, compte tenu qu'on
va confier la gestion des ressources humaines au Conseil du trésor, que
la préoccupation principale du Conseil du trésor de par sa
nature, de par son passé, de par ses traditions soit les coûts?
Dans les circonstances, est-ce qu'on ne risque pas d'être victimes d'une
situation de fait où on aura confié l'administration d'une loi
qui fait de la primauté du service aux citoyens et aux citoyennes un
objectif premier et on aura confié l'atteinte de cet objectif à
un organisme qui est là pour s'assurer du contrôle des coûts
en premier? Est-ce que vous n'êtes pas un peu craintif en ce qui concerne
cette affaire-là?
Je termine, parce que j'ai déjà pris beaucoup de temps, en
vous demandant si vous avez, vous, les cadres supérieurs,
étudié la possibilité qu'il se fasse - et je pense qu'on
doit s'en aller peut-être dans cette direction en tout cas, j'aimerais
avoir votre opinion - une espèce de mobilité horizontale entre le
secteur privé et le secteur public? Est-ce que c'est une chose à
laquelle vous avez déjà songé, ou si cela ne vous
apparaît pas faisable ni désirable? Qu'est-ce que vous en pensez?
Je pense que si on veut prendre le train de la relance économique et du
virage qu'on nous annonce à grands renforts de publicité, il va
falloir que l'appareil étatique, l'appareil administratif soit sur la
même longueur d'onde, fonctionne selon les mêmes principes et qu'il
y ait une espèce d'osmose entre ce qui est l'entreprise privée et
l'appareil étatique. J'aimerais savoir si vous avez déjà
eu l'occasion de vous interroger là-dessus.
M. Dupéré: Vous me permettrez de reprendre mes
notes. J'espère que je vais répondre le plus brièvement
possible à chacune de vos questions à votre satisfaction.
D'abord, si je reprends votre première question, en tout cas
celle que j'ai identifiée: le pouvoir de délégation face
aux interventions faites, hier, par le Syndicat des professionnels, face aux
pouvoirs indus de gérance qui pourraient être accordés. Je
vous avoue que, comme j'étais dans la salle à ce
moment-là, cela m'a fait un peu sourire. D'abord, quand on a un pouvoir
de gérance, souvent une partie de ce pouvoir est administrée par
les professionnels eux-mêmes. Alors, on se trouve tous en contradiction
à un moment ou l'autre. La deuxième chose, c'est qu'on a des
sociétés d'État qui sont gérées par la Loi
sur la fonction publique: la Régie de l'assurance-maladie, la
Régie de l'assurance automobile, la CSST. Que je sache, les syndicats
n'ont pas eu de problème avec ce pouvoir de délégation
supplémentaire. Je ne vois pas comment, d'un côté, on peut
affirmer que le fait que les gérants qui sont souvent, eux, comme
professionnels par rapport à d'autres, cause tout d'un coup un
problème nouveau et terrible. En tout cas, je vous avoue que j'ai de la
difficulté à comprendre la problématique. C'est
peut-être que je suis borné, mais si vous avez des exemples plus
précis, j'aimerais les entendre. Cela me semble une accusation tellement
générale et tellement vaste qu'elle est difficile à
soutenir dans les faits, puisqu'on a des exemples précis où ils
ne sont pas intervenus, où la Régie de l'assurance-maladie du
Québec, par exemple... Je prends cet exemple-là, on le cite
tellement abondamment et tout le monde est d'accord
sur la rentabilité de cet organisme, son imputabilité et
tout ce qu'elle a fait de bien. Les autres viennent nous voir. Cela n'a pas
créé de problème. Pourquoi cela en créerait-il tout
d'un coup dans une loi qui permet ce genre de choses? En tout cas, moi, je n'en
vois pas. Peut-être que je devrais en voir, mais cela me surprend.
Je passerais maintenant à la deuxième question que j'ai
interprétée de la façon suivante. Vous parlez de la
pyramide tronquée concernant la nomination discrétionnaire des
sous-ministres ou des sous-ministres adjoints. Loin de moi l'intention de dire
que les sous-ministres adjoints ou les sous-ministres associés
nommés actuellement sont incompétents. Ce que je dis, c'est qu'il
faut connaître l'emballage dans lequel cela va se faire. Et les
nominations discrétionnaires, cela ne veut pas dire que c'est mauvais et
que c'est fait à mauvais escient. Je tiens à le dire et je ne
parle pas de nominations politiques, je parle de nominations
discrétionnaires. Tout ce dont on veut s'assurer, c'est d'un minimum de
compétence. Dans ce cadre-là, je ne vois vraiment pas de
problème dans cette façon de procéder. Je ne vois pas non
plus les limites importantes que cela pourrait amener au niveau politique
à ceux qui pourraient être ministres de faire des nominations,
puisque cela permet aussi au niveau du recrutement, si on décide qu'un
candidat à un poste va être recruté à
l'extérieur, de solliciter les candidatures à l'extérieur
et de s'assurer de la compétence. Or, cela ne se limite pas au bassin
unique de la fonction publique; c'est le bassin général. Et on
voit, de temps à autre, des postes de sous-ministre adjoint qui sont
maintenant annoncés. Tout ce qu'on dit, c'est que cela devrait devenir
une politique, ni plus ni moins.
Quant à votre troisième question: l'adhérence des
sous-ministres adjoints à l'association, je vous dirai que, quant
à nous, les portes sont ouvertes, mais qu'on n'est pas
particulièrement ni pour ni contre. La porte est ouverte et, que le
gouvernement décide de ne pas reconnaître qu'on les
représente, c'est une paire de manches, mais qu'ils adhèrent chez
nous, c'en est une autre. Chez nous, c'est ouvert. Actuellement, on a 92% de
membership volontaire et cela continue comme cela. Ceux qui en sentent le
besoin viennent et ceux qui n'en sentent pas le besoin ne sont pas là.
Là-dessus, je pense qu'il y a une excellente collaboration de la part du
gouvernement. Il n'y a pas de chose particulière à ce niveau.
Quant à la quatrième question que j'ai identifiée -
je vais essayer de retrouver mes notes... D'accord. Relativement à
l'ingérence ou à l'omniprésence du Conseil du
trésor, ce que je dois dire, c'est que, dans l'actuelle loi 50 - vous
avez eu l'occasion d'en débattre entre vous - le Conseil du
trésor approuvait déjà tous les règlements que Mme
la ministre de la Fonction publique pouvait émettre et comme elle ne
parlait que par règlement, vous me permettrez de dire cela; en tout cas,
officiellement...
Mme LeBlanc-Bantey: J'ai essayé de m'en sortir parfois,
mais ce n'est pas facile.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Dupéré: Vous aussi, vous cherchiez à
passer à côté.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est la raison pour laquelle j'ai
été la première à proposer une réforme.
M. Dupéré: Vous voyez, on est sur le même
terrain. Cela a-t-il du bon sens?
Dans ce cadre-là, le Trésor était
déjà présent et, là-dessus, je ne veux pas
être cynique, mais je vous dirai que, dans notre mémoire sur la
loi 50, on avait dit: II nous apparaît que le ministère de la
Fonction publique, de la façon dont il est structuré avec le
Conseil du trésor, devient un organisme inutile. Je ne veux pas dire
qu'on a raison cinq ans après. Tout ce que je vous dis, c'est qu'on
avait dit, lors de l'étude de la loi 50, que le Trésor avait tous
les pouvoirs puisque, dans un sens, il "censurait" - entre guillemets - Mme la
ministre de la Fonction publique au lieu que cette dernière
réponde, comme tout autre ministre, directement au Conseil des
ministres. Cela nous apparaissait déjà, lors de l'étude de
la loi 50, un problème de fond. Aujourd'hui, je pense que tout le monde
est d'accord avec cela. Je ne veux pas avoir raison parce qu'on l'a dit, mais
je dis simplement que c'est un écrit qu'on a déposé en
commission parlementaire et auquel vous pouvez référer. Tout
simplement, aujourd'hui, on remet cela où c'était
effectivement.
Je dirai une autre chose qu'on a souvent répétée.
Voici un exemple. Quand j'ai à négocier avec le diable, j'aime
autant connaître le diable avec lequel je vais négocier. Le
Conseil du trésor pouvait souvent se cacher derrière Mme la
ministre ou derrière les fonctionnaires du ministère de la
Fonction publique pour faire ses mauvais coups. Dans ce sens-là, je
dirai que si Mme la ministre est au Conseil du trésor, on
négociera ou on parlera directement avec elle. Il me semble que ce sera
plus facile, les jeux seront plus clairs et on ne rendra pas un intervenant
responsable des actes des autres. Dans ce cadre-là, il ne
m'apparaît pas y avoir de problème.
Quant à la gestion des ressources humaines par le Conseil du
trésor, il faut absolument, et c'est essentiel - je pense que tout le
monde, ici, y compris les membres
de l'Assemblée nationale et nous-mêmes, est d'accord -
qu'il change sa mentalité et se restructure. S'il continue tout
simplement sa façon de fonctionner d'aujourd'hui, je pense qu'on est
tous d'accord, autour de la table, pour dire qu'on ne va nulle part.
Si je reviens à mon exemple de la Régie de
l'assurance-maladie, aujourd'hui, les ressources humaines sont soumises
à la loi 50, mais au niveau financier, elles ont des mandats globaux,
clairs et précis, elles atteignent des objectifs de compression, de
rentabilité, d'imputabilité et tout le monde admet que les gens
qui sont là sont incompétents. Comment se fait-il qu'un cadre qui
est dans un ministère est un incompétent et que le même
cadre, muté à la RAMQ, devient compétent le lendemain? Je
ne comprends pas cela. C'est simple pour moi, c'est que le mandat change et,
dans un organisme comme la RAMQ, le ministre responsable n'a pas à
répondre des gestes administratifs de détail de la Régie
de l'assurance-maladie du Québec. C'est le président de la
régie qui répond de cela et non pas un ministre. Dans ce
sens-là, je pense que c'est important et, en termes
d'imputabilité, cela m'apparaît important. Il ne faudrait pas
lancer le débat et dire que tout le monde devrait former des
sociétés privées, qu'on veut sortir tout le monde de la
Loi sur la fonction publique. Je pense que c'est un exemple clair où le
fait de sortir des gens ou non de la fonction publique ne règle pas le
problème. C'est le mandat clair qui est important. Qui va
répondre de quels actes? Un ministre ou sous-ministre en titre d'un
organisme avec un emballage adéquat.
Quant à l'alibi facile du Conseil du trésor, souvent, on
s'en sert. Cela fait notre affaire aussi de temps en temps. Il ne faudrait pas
lui lancer toujours juste des roches. Ce sont quand même des gens avec
qui on échange régulièrement, mais je peux vous dire que
les règles sont assez étanches qu'on n'y échappe pas
souvent.
Mme LeBlanc-Bantey: ...des bons coups. M.
Dupéré: Pardon?
Mme LeBlanc-Bantey: II nous arrive parfois de faire des bons
coups...
M. Dupéré: Oh!
Mme LeBlanc-Bantey: ...avec lesquels la ministre de la Fonction
publique n'était pas nécessairement d'accord.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Dupéré: Quant à l'augmentation de la
productivité par rapport au service aux citoyens et les coûts, il
me semble, encore là, que cela ne s'oppose pas, quand on aura clairement
décidé du niveau de service et du niveau de rentabilité.
J'aimerais, dans un premier temps, que Roland s'exprime sur ces oppositions qui
peuvent sembler apparentes et, dans un deuxième temps, j'aimerais
revenir sur la rentabilité d'une organisation et comment cela peut
être clair ou non, dépendant de la façon dont on
interprète le mandat. Roland. (11 h 15)
M. Guérin: II me semble que mon président a
pensé, vu que j'étais au ministère de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu - les bénéficiaires de
l'aide sociale et les travailleurs et travailleuses à la recherche
d'emplois m'occupent et me préoccupent beaucoup - que je pouvais
répondre à la question. Je vais donc faire une tentative dans ce
sens. On a parlé de la primauté du service à la
clientèle. C'est évident que dans le mémoire on a mis en
relief la primauté du service, et on est totalement d'accord. C'est
notre raison d'être. Cependant, permettez-moi de vous rappeler
qu'à la page 10 de notre mémoire on a souligné "des
services adaptés aux besoins des Québécois et des
Québécoises". Notre réflexion était dans le sens:
Est-ce qu'on sait ce que veulent les Québécois et les
Québécoises en termes de services? Est-ce qu'on le leur a
déjà demandé? D'accord? Avant de trouver le moyen d'y
répondre, il faudrait peut-être leur poser la question.
Peut-être qu'on leur donne des choses auxquelles ils ne s'attendent pas
trop et qu'il y en a de fort simples qu'ils attendent et qu'on ne leur donne
pas.
Nous notre point de vue c'était qu'il faudrait peut-être
interroger. C'est peut-être pour cela aussi qu'on a recommandé un
groupe de travail auquel il y aurait des représentants des citoyens.
Pour nous la question c'est de savoir, de connaître; si on veut vraiment
soigner la maladie et non pas le symptôme, il faut vraiment
connaître les besoins. Donc, il faudrait peut-être commencer par se
poser les questions. Quels besoins? À quel coût peut-on les
donner? Quel niveau de décentralisation? Est-ce qu'on pense à un
guichet unique, ou autre chose du genre? Ce pourrait être une
première approche en termes d'être bien sûr qu'on va
desservir la clientèle correctement. Peut-être aussi que les
citoyens ne sont pas aussi mécontents que cela des services qu'on offre.
Tout à l'heure je disais: II faudrait faire attention pour ne pas
cultiver ce négativisme dans l'appareil gouvernemental.
J'ai devant moi la productivité que le président
mentionnait tout à l'heure. Septembre et octobre 1982: Lesfonctionnaires sont bien vus du public. On aurait pu publiciser cela un peu
plus. 84% trouvent que les employés des services publics auxquels ils
ont eu affaire ont vraiment cherché à les aider. 85% ont
trouvé
ces employés très ou assez efficaces. Ce n'est pas une
caricature. Vous comprendrez. C'est un document qui est très accessible.
Donc, peut-être que les citoyens ne sont pas si mécontents que
cela. Il ne faudrait pas cultiver le négativisme encore une fois. Chez
nos employés, en plus d'inculquer cette mentalité de services qui
ne vient pas de soi, évidemment - il faudra y consentir des efforts - il
faudrait aussi trouver des moyens. Je pense, par exemple, à la notation
du personnel. Si on regarde les fiches de notation du personnel, on ne parle
nulle part de qualité de services. On ne se préoccupe pas de
cela. On dit s'il arrive en retard, etc., c'est peut-être un peu
vieillot, soit dit en passant, mais l'esprit de services et la qualité
de services, ce n'est pas un point à évaluer dans la notation de
notre personnel. Vu que ce sont des systèmes qui nous sont
imposés, on a un peu de difficulté à s'en faire des
formules maison pour cette notion de services dont je vous parlais.
Troisièmement, je voudrais parler de la rétroinformation.
Il faudrait de plus en plus, si on veut connaître les besoins, aller
poser des questions et évaluer ce qu'on a donné comme services.
On n'a pas tellement d'outils au gouvernement pour mesurer la qualité de
ce qui est fait. C'est dans ce sens que toute notre pensée se tournait
vers le but de se donner les moyens pour savoir d'abord ce que les citoyens
veulent, se donner des instruments à l'intérieur de la fonction
publique qui motivent les employés à respecter cette notion de
services et se trouver un mode qui nous permette de mesurer les actions qui
sont faites et de corriger le tir. Dans le fond, si on n'a pas respecté
les objectifs qui étaient prévus pour cette primauté de
services aux citoyens, on devra avoir un mode de rétroinformation. Cela
aussi nous manque dans l'appareil gouvernemental. C'est un peu dans ce sens, je
veux dire que c'est vraiment une préoccupation et c'est notre raison
d'être.
M. Dupéré: Sur ce je passerais maintenant à
Monique Bégin pour vous parler d'un mandat clair de la part du Conseil
du trésor et de la façon dont elle interprète son mandat.
Elle vous citera un exemple précis de ce qu'on veut dire
là-dessus. Je vous rappelle son secteur. Elle est directrice du service
aux visiteurs au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
Monique.
Mme Bégin (Monique): Le but de mon intervention, c'est
peut-être tout simplement de présenter un exemple très
concret et très pratique de quelque chose qu'on vit actuellement au
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. C'est que nous
sommes actuellement à gérer un réseau
d'établissements hôteliers qui donne des services directs à
la population, à la clientèle. En 1976, le gouvernement du
Québec décidait de consacrer un de ses établissements
hôteliers qui s'appelle maintenant le Manoir Montmorency, que certains
connaissent peut-être sous le nom de Kent House, à la
clientèle du troisième âge. Cela va très bien jusque
là. Le mandat est clair, on sait que l'établissement est
consacré à la clientèle du troisième âge en
période estivale et on favorise la clientèle
québécoise. Mais, à chaque année, quand vient la
revue des programmes et qu'on remarque que l'établissement a un
déficit budgétaire, on remet en question l'existence même
de l'établissement. Comme cadre, comme gestionnaire d'un tel
établissement, si on me dit que mon objectif est d'arriver à un
équilibre budgétaire, il est clair que la clientèle va
devoir changer et le type de services qu'on offre dans cet établissement
également. Il ne faudra pas que le gouvernement se surprenne que, tout
d'un coup, on y trouve une discothèque, un immense café-terrasse
avec vue sur les chutes, afin de rentabiliser notre mise en oeuvre.
Or, l'objectif social est de donner à une clientèle
québécoise quelque chose qui lui revient probablement de fait,
puisque c'est une collection de notre patrimoine qui est tout à fait
exceptionnelle, le manoir. Sauf qu'à chaque année il faut
s'interroger sur le fait que l'établissement soit en déficit. Si
on m'impute une responsabilité d'équilibre budgétaire, il
faut que demain on accepte que je change les règles du jeu. Or, si on
accepte que l'objectif soit un mandat social d'abord et avant tout, quel sera
alors un déficit acceptable pour le gouvernement? C'est un peu la
complexité de tout le régime d'imputabilité qu'on veut. On
est d'accord avec cela, comme cadres, et on le souhaite ardemment, sauf qu'il
faudra que les règles soient très claires. Entre le mandat d'un
ministère et le mandat d'un secrétariat du conseil ou d'un
Conseil du trésor qui nous impute une responsabilité
budgétaire d'abord et avant tout, il va falloir que les règles du
jeu soient très bien identifiées.
M. Dupéré: Merci.
Je viendrai maintenant à la question 7 très rapidement,
soit la mobilité dans le secteur public. Ce que je vous dirai c'est que,
dans notre mémoire, nous sommes très clairs. Nous sommes d'accord
avec la mobilité, mais commençons par les gens de notre
réseau, le parapublic, qui est le secteur hospitalier et le secteur des
maisons d'enseignement. La mobilité, quand on y pense, on pense toujours
à Québec ou à Montréal et au
déménagement, sauf qu'on n'a même pas une mobilité
intersectorielle dans les choses qui appartiennent déjà au
gouvernement.
Par la suite, je pense au secteur
péripublic dans le sens que le gouvernement est actuellement
propriétaire d'une série de sociétés d'État
où il pourrait déjà y avoir une intégration.
Actuellement, on commence à le faire avec un certain nombre de
sous-ministres qui sont devenus des présidents d'organisme. Il faudrait
que cela se fasse à d'autres niveaux, en ce qui a trait aux cadres
supérieurs.
Je sais que vous avez un problème de temps, alors je termine sur
cette question. J'espère que cela répond à vos
interrogations.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, je crois que nos
invités ne seront pas surpris que je dise qu'ils nous ont
présenté un excellent mémoire.
M. Dupéré: Cela cache quoi, M. Bisaillon?
M. Bisaillon: C'est un mémoire fouillé et
nuancé, où les choses sont dites de façon
élégante, je dirais même, à certains moments,
peut-être trop nuancé et dit de façon trop
élégante. Un certain nombre de personnes ne verront
peut-être pas les objections que vous avez à des articles
fondamentaux de l'avant-projet de loi. Vous déclarez dans votre
mémoire que vous êtes d'accord avec une mesure
intermédiaire qui serait un projet de loi à être
adopté par l'Assemblée nationale, mais quand on lit attentivement
votre mémoire - je dois vous dire que je l'ai lu trois fois - sur des
points fondamentaux on trouve des désaccords profonds ou des demandes
très fortes qui feraient le projet de loi que vous désirez. Il ne
faudrait pas penser et vous donnez l'impression... C'est pour cela que j'aborde
cette période de questions avec un peu de réticence, parce que je
ne voudrais pas que dans vos réponses vous ajoutiez plus de nuances que
vous n'en avez déjà mises dans votre mémoire.
M. Dupéré: On peut toujours se réunir avec
la commission Bisaillon à huis clos.
M. Bisaillon: Ce serait peut-être une idée. Entre
autres choses, je remarque que vous vous êtes reposés sur un
certain nombre de recommandations de la commission spéciale, sur des
points qui n'apparaissent pas dans l'avant-projet de loi. Je pense que c'est
intégré dans votre mémoire, à la fois le jugement
que vous portez sur des éléments du rapport de la commission et
sur l'avant-projet de loi. On pourrait peut-être, en certain haut lieu,
être tenté de faire une adéquation et dire: Donc, les
cadres supérieurs sont satisfaits de l'avant-projet. Je voudrais juste
souligner que les points majeurs que vous avez soulevés en vous
référant à des recommandations de la commission, pour une
bonne partie, ne se retrouvent pas dans l'avant-projet de loi. Vous avez, par
exemple, dénoncé les changements à la petite semaine,
l'approche du pareil pour tout le monde. L'approche du pareil pour tout le
monde que vous dénoncez implique des choses. Cela veut dire, par
exemple, que quand le Conseil du trésor impose des coupures
budgétaires à un pourcentage égal par ministère, il
ne tient pas compte de la qualité des services à fournir aux
citoyens. La qualité des services à fournir aux citoyens aurait
peut-être supposé une augmentation des dépenses dans un
ministère et une diminution dans un autre. Vous avez
dénoncé cela et vous demandez, en regard de cela, une
décentralisation des pouvoirs qu'on ne retrouve pas dans l'avant-projet
de loi et que vous voudriez voir accompagnée d'une définition de
l'imputabilité. Définition, d'ailleurs, que vous avez
peut-être trouvée dans les propos de la ministre. Je
m'étonne que vous n'alliez pas jusqu'à demander que cela fasse
partie du projet de loi. Je me demande pourquoi. Je trouve que c'est une
excellente définition. On connaît les talents d'écrivain de
la ministre. C'est une définition qui couvre effectivement tout ce qu'on
veut traiter quand on traite de l'imputabilité. Je ne vois pas pourquoi
cette partie ou cette définition que la ministre avait donnée de
l'imputabilité ne se retrouverait pas effectivement dans le projet de
loi.
Vous avez parlé de la responsabilisation. Vous avez
demandé la responsabilisation des cadres supérieurs puisque vous
parliez pour vous, mais je suppose bien que vous la demandez pour l'ensemble
des participants à la gestion de l'administration publique.
M. Dupéré: Cela va de soi.
M. Bisaillon: II me paraît aussi évident que, pour
un certain nombre de personnes, la fonction publique s'arrête à ce
qu'on va maintenant appeler les administrateurs d'État. C'est
peut-être ce qui a amené dans le passé non pas des
conflits, mais au moins des imprécisions et peut-être un manque de
responsabilisation des gestionnaires. Vous demandez aussi une mise en
valeur des ressources humaines qui soit davantage axée sur les
changements qu'on voudrait. Vous soulignez - et vous êtes peut-être
les premiers à le faire - la nécessité d'impliquer dans
ces changements le nouveau ministre délégué aux Relations
avec les citoyens. Je voudrais profiter de l'occasion pour souligner que
lorsque ce poste a été créé par le gouvernement,
c'était à la suite des travaux de la commission spéciale,
et qu'on serait en droit de s'attendre effectivement que ce
poste corresponde à une volonté politique gouvernementale
de faire en sorte que les services soient rendus aux citoyens et que ce soit
des services de meilleure qualité, tout en conservant la notion
d'efficience.
Je crains de ne pas vous avoir compris correctement ou j'ai l'impression
que peut-être on ne s'entend pas sur les termes, mais je voudrais
souligner deux mots ou deux phrases que vous utilisez dans votre mémoire
et qui sont susceptibles, pour moi, de créer de l'ambiguïté.
Je me réfère au terme "dépolitisation" que vous utilisez
dans l'historique que vous faites de la fonction publique. Vous dites: Dans les
années soixante, lorsqu'il y a eu la Loi sur la fonction publique, il y
a eu une dépolitisation de... Je voudrais vous indiquer qu'il est
important pour moi qu'on considère la fonction publique comme
étant un organisme politique. Les gestes posés par les
fonctionnaires sont des gestes politiques au sens large du terme; politiques
parce qu'ils font des choix. S'ils sont responsables, ils vont faire des choix.
Cela est politique, par définition, ce n'est pas partisan. A force
d'utiliser le mot politique à toutes les sauces, on se leurre un peu et
on leurre aussi les citoyens qui peuvent nous écouter. Autrement dit, ce
qu'on veut, c'est une fonction publique qui ne soit pas partisane. C'est une
fonction publique qui ne soit pas neutre, mais je ne voudrais surtout pas d'une
fonction publique dépolitisée. Au contraire, je pense que les
efforts qu'on doit faire, c'est justement de joindre le politique et
l'administratif pour que cela fasse un tout cohérent qui serve davantage
les citoyens. Je sais que ce n'est probablement pas cela que vous avez voulu
dire, mais je veux juste souligner qu'on utilise le terme "politique" à
tort et à travers, souvent, et on en prend l'habitude de sorte qu'on en
arrive à des situations où on confond les choses. (11 h 30)
De la même façon, vous souhaitez dans votre mémoire
que, du côté du monde politique, les décisions se prennent
sur une base de plus en plus rationnelle. Je pense que je cite correctement les
termes de votre mémoire. Il faut toujours viser l'idéal
évidemment, mais je doute que cela puisse s'exprimer comme cela,
c'est-à-dire qu'on pourrait peut-être s'entendre pour autant qu'on
définisse ce que sont les bases de plus en plus rationnelles. La
rationalité de l'homme et de la femme politiques est fort
différente de la rationalité de l'analyste financier ou du
gestionnaire ou du sous-ministre. Dans ce sens, ce qu'il faut, c'est en arriver
à une harmonie de deux types de rationalité qui répondent
à des besoins différents. L'existence et le travail en commun de
ces deux types de rationalité, c'est cela qui va faire
l'équilibre. Si on veut faire des hommes et des femmes politiques, des
administrateurs d'État, on va peut-être un jour vouloir faire des
administrateurs d'État des hommes politiques. Je ne le souhaiterais pas
parce qu'on tente de rester là quand on est là. On ne voudrait
pas se faire remplacer par d'autres.
Il doit y avoir une distinction des rôles. J'aimerais qu'on
s'entende sur la définition de ce que veut dire pour vous que le monde
politique prenne des décisions sur une base de plus en plus rationnelle,
en tenant compte de ce que je viens de dire évidemment. Si vous
n'êtes pas d'accord, j'accepterai avec plaisir que vous me le disiez.
Je terminerai avec six questions. C'étaient des commentaires
préliminaires. Vous avez souligné dans votre mémoire et
à juste titre qu'on va rencontrer des obstacles dans l'application de
toute réforme, comme il y a des choses par lesquelles on devra
nécessairement passer. Vous avez aussi souligné qu'à la
base de tout, il y avait un changement d'attitude et de mentalité qui
était nécessaire. Ma question est la suivante: Pensez-vous qu'on
devrait faire un rapprochement, qu'on devrait joindre une politique de
développement des ressources humaines ou de perfectionnement de
l'ensemble des fonctionnaires aux obstacles justement que vous prévoyez?
Autrement dit: Pensez-vous qu'il y a suffisamment de planification dans le
développement des ressources humaines actuellement pour nous permettre
d'envisager ou d'affronter les obstacles que vous craignez ou que vous soulevez
dans votre mémoire? J'ai ma réponse là-dessus
évidemment mais j'aimerais connaître la vôtre.
Vous avez été, lorsque vous vous êtes
présentés devant la commission spéciale, l'un des groupes
qui ont soulevé la question des attachés politiques. Vous aviez
souligné des difficultés d'ajustement entre le personnel
politique au niveau des cabinets ministériels et l'appareil de
l'État. La commission a fait une recommandation au sujet des
attachés politiques. On a tenté de regarder les deux aspects de
la question, c'est-à-dire l'aspect lien et travail avec l'appareil
d'État, les gestionnaires, le rôle des attachés politiques
par rapport au rôle des gestionnaires. On a aussi essayé de
regarder le bien fondé de l'existence même des attachés
politiques. Une fois qu'on s'est prononcé là-dessus, on a
essayé de voir quelle était la situation des attachés
politiques. On a fait une recommandation qui était double. Une
recommandation qui disait, d'une part: Si on reconnaît la
nécessité de l'existence d'attachés politiques, donc, d'un
entourage qui peut être de façon plus particulière
attaché à la personne du ministre dans le sens de ses
orientations politiques et du programme que le parti qu'il représente
met de l'avant, ne devrait-on pas permettre un meilleur recrutement de ces
attachés
politiques?
On a entendu, pendant les travaux de la commission, beaucoup de
commentaires sur les attachés politiques, des commentaires qui
ressemblaient étrangement d'ailleurs aux commentaires qu'on entendait
sur les analystes du Conseil du trésor. On en est arrivé à
la conclusion que peut-être que la loi 50, en enlevant la
possibilité de permanence ou d'introduction dans la fonction publique, a
limité aussi le bassin de recrutement véritable d'attachés
politiques et empêche un certain nombre de ministres présents et
futurs à aller se recruter des personnes compétentes,
expérimentées surtout dans les entreprises ou dans d'autres
secteurs du parapublic ou du péripublic. Autrement dit, quelqu'un qui a
un poste de direction à Hydro-Québec, à quelles conditions
accep-tera-t-il de perdre à la fois le plan de carrière qu'il
peut avoir à Hydro-Québec, le revenu probablement plus
intéressant qu'il peut recevoir par rapport au salaire qui est
payé à un attaché politique et aussi une certaine
sécurité d'emploi attachée à ses fonctions pour
venir, pendant une période non déterminée d'un an à
quatre ans, exercer des fonctions d'attaché politique? Quel
intérêt? Il faut toujours penser à cela. Il ne s'agit pas
seulement de reconnaître la validité de la fonction, mais il faut
donner les moyens pour qu'elle puisse s'exercer.
Dans ce sens-là, la commission avait recommandé, pour
trouver un moyen terme entre ce qui existait autrefois et ce qu'on trouvait
normal, une permanence possible après quatre ans en fonction comme
attaché politique. Par ailleurs, la commission avait recommandé
une diminution du nombre d'attachés politiques recrutés à
l'extérieur et recommandait, en particulier - je pense que
c'était une de vos suggestions, si j'ai bonne mémoire je suis
même convaincu que c'était une de vos suggestions - qu'on aille
recruter dans l'appareil des personnes d'expérience, des fonctionnaires
d'expérience qui pourraient être en fin de carrière et qui
ont une vaste connaissance de l'appareil et qui pourraient agir au niveau du
cabinet comme conseillers du ministre. C'est une recommandation qu'on voulait
globale. Or, vous êtes intervenu là-dessus en commission
spéciale et vous n'en n'avez pas parlé. Je comprends que vous
vous êtes peut-être calqué à l'avant-projet et que
celui-ci n'en parle pas. Comme vous avez soulevé des points de la
commission spéciale qui ne se retrouvent pas dans l'avant-projet, je me
permets de vous demander comment vous réagiriez au fait qu'on introduise
dans la loi la recommandation que la commission spéciale faisait
à cet effet.
Ma troisième question concerne le taux d'encadrement. Vous vous
souviendrez qu'il y avait une recommandation de la commission spéciale,
une évaluation selon laquelle il y avait un taux d'encadrement
jugé trop élevé. On pensait que dans les années
à venir, on devait tendre à diminuer le taux d'encadrement. Vous
nous avez déjà donné vos réactions et j'aimerais
savoir maintenant si vous avez modifié votre pensée à ce
sujet.
Il y avait aussi une recommandation dans le rapport de la commission
concernant les négociations. Comme, tout à l'heure, vous avez
fait référence à des situations que vous avez
vécues pendant la période des négociations, je voudrais
que vous me parliez de cette recommandation de la commission. Est-ce que vous
trouvez qu'elle est essentielle ou si on devrait la mettre de
côté? Il est évident qu'il n'est pas nécessaire
qu'elle se retrouve dans une loi quoique de plus en plus on tente d'encadrer
dans les lois la façon de procéder lors des négociations
collectives. Notre recommandation voulait que, dans le cas de la fonction
publique, on procède de la même façon qu'on procède
vis-à-vis des réseaux, c'est-à-dire qu'il y a une table de
l'éducation qui regroupe les partenaires de l'éducation; il y a
une table au niveau des affaires sociales qui regroupe les partenaires des
affaires sociales mais il n'y en a pas pour la fonction publique. De sorte que
les gestionnaires appliquent une convention collective sur laquelle ils n'ont
eu strictement ou à peu près rien à dire. Ils ont
peut-être des choses à dire préalablement mais ils n'ont
sûrement rien à dire dans le déroulement de la
négociation; ils ne peuvent donc pas donner de feux verts ou bien placer
des feux rouges ou orange lorsque le temps sera nécessaire. Nous
recommandions qu'au moment des négociations il y ait une table de la
fonction publique regroupant des représentants de chacun des
ministères et organismes visés par la négociation des
conventions collectives. Je voudrais savoir ce que vous pensez à ce
sujet-là.
Je terminerai avec votre comité d'application, que j'appelle
d'application, vous n'en parlez pas comme cela. Vous parlez d'un comité
sur l'administration publique. Avant de vous parler de ce comité, je
voudrais vous indiquer deux désaccords que j'ai avec votre rapport.
D'abord la question de l'article 125; vous recommandez à l'article 125
qu'on revienne à la situation qu'on connaissait dans l'ancienne loi,
c'est-à-dire le comité spécial de la ministre qui se
prononce sur des cas qui ne sont pas couverts par la loi. Vous recommandez
qu'il y ait un mode d'arbitrage qui soit maintenu de façon
spéciale. Si je vous dis que je ne suis pas d'accord avec votre
position, je vais aussi vous dire que je ne suis pas d'accord avec l'article du
projet de loi. Je pense qu'il faudrait revenir à la position de la
commission spéciale. Étant donné qu'on a
déjà un "tribunal" quasi administratif qui est la Commission de
la fonction publique, on demandait que ce soit le même organisme
qui se prononce sur tous les litiges qui peuvent survenir dans
l'application du mode de recrutement et de promotion, mais aussi de tous les
autres aspects qui concernent les conditions de travail, les conditions de vie
et d'exercice de fonctions de l'ensemble du personnel.
J'avais un autre point sur lequel je n'étais pas d'accord, mais
je ne m'en souviens plus; ça ne devait pas être si important que
ça!
Pour ce qui est de votre comité d'administration publique, je
pense que cela rejoint, sous une forme différente bien sûr, des
propos qu'a déjà tenus le chef de l'Opposition, si je ne me
trompe pas. Le chef de l'Opposition parlait un peu comme vous d'une
espèce de commission d'enquête du style commission Parent, etc. Il
y a aussi des groupes qui nous ont parlé de cela et je pense que M.
Bolduc avait déjà suggéré, au moment où on a
fait les travaux de la commission, qu'on puisse procéder par le biais
d'un comité plus permanent.
Dans votre mémoire, vous suggérez un comité sur
l'administration publique. Je retiens l'idée, quant à moi. Je
trouve qu'il y aurait beaucoup de discussion à faire autour des
modalités. Vous comprendrez que je ne puisse pas nécessairement
être d'accord, sur la formulation actuelle, que le comité soit
composé uniquement de représentants du gouvernement. Ce n'est pas
parce que je voudrais siéger au comité, mais c'est parce que je
trouve que ce devrait être des représentants de l'État ou
du Parlement.
M. Dupéré: C'est vraiment ce que nous voulions
dire.
M. Bisaillon: Excellent.
M. Dupéré: Je tiens à corriger cette fausse
impression qu'on a pu donner.
Mme LeBlanc-Bantey: ...d'habitude!
M. Bisaillon: On pourrait discuter sur la formation de ce
comité, on pourrait discuter sur son mandat. Moi, j'y verrais beaucoup
plus un mandat d'application, autant que ce comité ait des pouvoirs.
Autrement dit, on a souligné dès le départ de cette
commission que l'avant-projet qui est devant nous est un maillon de la
chaîne, il y a beaucoup d'autres choses qui doivent être
intégrées pour en arriver aux objectifs que la commission
spéciale poursuivait, mais que maintenant on doit tous poursuivre
ensemble. Cela prend une vérification de la Loi sur l'administration
financière, cela prend, je le répète, une loi du
Vérificateur général qui permette la vérification
intégrée, cela prend, comme vous l'avez souligné - je
pense qu'on ne le dira jamais assez - des plans d'application et cela prend des
stratégies de changements. On ne fera pas tout cela du jour au
lendemain, il est important que le monde sache que cela ne se fera pas du jour
au lendemain et il est important qu'on connaisse chacune des étapes qui
vont être franchies et qu'il y participe. Mais, des stratégies de
changements, cela ne s'improvise pas, cela se prépare et on doit y aller
prudemment.
Je retiendrais peut-être l'idée, mais j'aimerais, si cette
idée était retenue éventuellement par le gouvernement,
qu'on fasse davantage de discussion autour de cette idée et de la
façon dont cela pourrait se réaliser, pour que cela puisse donner
des résultats valables.
M. Dupéré: C'est tout un contrat.
M. Bisaillon: Vous en auriez un pour 25 ans, vous, alors...
M. Dupéré: Si j'essaie de relire mes notes et de
revenir dès le début, un commentaire bref sur votre entrée
en matière concernant le fait que notre mémoire est
nuancé. Vous comprendrez que les cadres supérieurs du
gouvernement se doivent d'être nuancés et qu'on n'est pas
là pour attaquer qui que ce soit; on est là pour travailler en
harmonie si possible avec le gouvernement et l'Assemblée nationale.
Je vous remercie d'avoir rendu claires certaines de nos interrogations
à cette Assemblée, ce qui fait qu'on n'a pas eu besoin de le
faire. Nous en sommes très heureux.
Je voudrais cependant soulever le problème du pareil pour tout le
monde. Je suis tout à fait d'accord avec vous que quand on passe une
directive de coupure de 2%, cela n'a vraiment pas de bon sens et qu'on devrait
travailler par secteur d'activité. Encore là, on revient au
problème d'objectifs clairs. Quand les objectifs sont clairs par secteur
d'activité, il n'y a pas de problème, mais si je pense au
réseau Travail-Québec actuellement, avec les
bénéficiaires de bien-être social, ce n'est pas le temps
d'aller faire des coupures dans ce secteur. C'est peut-être le temps de
s'occuper d'eux, mais là il y a toute une question d'objectifs.
M. Bisaillon: On a amassé environ 500 000 000 $ pour eux
l'an passé.
Une voix: ...
M. Bisaillon: Ce n'était pas une question, c'était
un commentaire que je passais.
M. Dupéré: Non, c'était un commentaire, j'ai
compris. (11 h 45)
Quand vous parlez de la dépolitisation,
je dois dire qu'on faisait référence à des
historiques et c'est dans la partie historique de notre mémoire. Je
pense que je suis d'accord avec les paramètres avec lesquels vous avez
jonglé et que vous nous avez donnés. Cependant, lorsque vous
dites qu'il s'agit de gestes politiques des fonctionnaires. Quand on prend le
mot "politique" dans son sens général et global, je suis d'accord
avec vous. On ne conteste pas qu'il y ait des gestes politiques, ce qu'on
demande c'est, quand il s'agit d'un geste administratif, qu'on ne lui applique
pas la rationnelle politique et vice versa. Il y a une rationnelle politique
que l'on reconnaît; il est évident que, quand Mme la ministre ou
vous, comme député de l'Opposition, vous vous présentez
devant les électeurs, vous avez votre propre rationnelle qui n'est pas
nécessairement celle que j'aurai à appliquer en termes
d'administration au programme que vous développez. Ce que je dis c'est
que la rationelle politique, c'est un niveau de jugement, mais lorsqu'on
administre, cela fait l'objet d'une autre rationelle. Ce qu'il faut trouver,
c'est le moyen d'harmoniser. Vous utilisez le mot "harmonie", ce sont des
besoins différents. Donc, ce que l'on dit dans notre mémoire -on
a essayé de le rendre clair, peut-être ne l'est-il pas - c'est: Ne
jugez pas les actes administratifs sur une rationnelle politique, de même
qu'on ne devrait pas juger les actes politiques sur une rationnelle
administrative, parce que là on ne s'entendra jamais. Mais, de là
à trouver l'harmonie, je pense qu'on a un bon bout de chemin à
faire et il va falloir trouver le moyen de se parler beaucoup plus
facilement.
M. Bisaillon: Je vais vous arrêter à ce stade-ci
pour vous poser une question. Le député de Louis-Hébert,
tantôt, a parlé de ce qui nous a été
présenté comme des exemples de ce que pourrait devenir le
contrôle parlementaire de l'imputabilité. Ne pensez-vous pas que
c'est par la pratique justement qu'on va réussir? On aura beau faire des
textes pendant des années et des années, tant et aussi longtemps
qu'on n'aura pas expérimenté un certain nombre de choses
conjointement, les législateurs et les administrateurs, il sera fort
difficile de poser des paramètres ou des balises qui seront conformes
à la réalité qu'on vit quotidiennement.
Cette partie, ce n'est pas une question, c'est une interprétation
que je fais; on a eu deux événements qui nous ont
été présentés comme des exemples
d'imputabilité. L'exemple auquel le député de
Louis-Hébert a référé, c'est-à-dire les
administrateurs d'une société d'État qui sont venus devant
une commission parlementaire, cela fait prendre conscience d'une chose, c'est
qu'il y autant de chemin à faire du côté des
parlementaires, quant au contrôle de l'imputabilité qu'ils doivent
faire, qu'il y en a du côté des administrateurs. Je tiens à
souligner que, dans le cas de ces administrateurs, il ne s'agissait pas
d'administrateurs au sens où on en parle maintenant, c'étaient
des administrateurs siégeant à un conseil d'administration. Par
rapport à la société, ce sont comme des personnes
élues. C'étaient davantage des politiques qui venaient expliquer
à d'autres politiques comment ils avaient procédé. Ce
n'étaient pas des administrateurs fonctionnaires. Dans le cas de ceux de
la Baie-James ou des autres, il s'agissait de membres de conseils
d'administration; alors, on peut dire que ce sont des administrateurs de la
société, mais ce ne sont pas des administrateurs au sens
où on en parle maintenant. Il y a une nuance qui est importante selon
moi.
Le deuxième exemple que nous avons eu, c'est à une
commission parlementaire de l'éducation où on a fait jouer -
c'est mon interprétation, je ne vous pose pas de question - au
sous-ministre, selon moi, un rôle qui n'était pas un rôle
d'imputabilité; on lui a fait présenter le portrait de son
ministère et en même temps défendre des politiques
gouvernementales. Ce genre d'exercice peut faire douter du bien-fondé
d'un contrôle parlementaire d'imputabilité, mais en fait, si
c'était bien fait et si on prenait le risque de le faire
quotidiennement, je pense qu'on pourrait en arriver à trouver quelles
devraient être les balises de ce contrôle parlementaire.
M. Dupéré: Je l'aborderai par la bande un peu
lorsqu'on parlera du comité, si vous me permettez, sans passer de
commentaire, étant donné que vous disiez que ce n'était
pas une question.
Si je continue, vous parliez, dans votre première question, du
rapprochement-développement des ressources humaines face aux obstacles.
Là-dessus, j'aimerais vous lire un court texte, encore tiré de
"Productivité" - c'est l'Institut national de productivité mis en
place par le gouvernement actuel, et je pense que c'est une excellente
idée; je vous lirai un petit paragraphe: "II est nécessaire
d'offrir à l'employé une formation supérieure et un
perfectionnement continu afin de parfaire ses connaissances." On parle encore
d'IBM; si c'est vrai pour les compagnies privées, c'est d'autant plus
vrai pour le gouvernement, qui est une multinationale par son ampleur.
Nous avons appuyé, comme association des cadres, un plan de
développement du ministère de la Fonction publique concernant la
gestion des cadres, sauf que, j'en ignore les raisons, c'est tombé
à l'eau. Nous sommes une des organisations qui ont appuyé le
ministère dans cet excellent travail qu'il avait fait, sauf qu'il n'y a
pas eu de suite.
Mais nous considérons comme essentiel que ce travail soit remis
à jour et en application. C'était, à mon avis, l'un des
excellents projets que le ministère a faits et il n'a pas trouvé
d'écho. Dans ce cadre-là, je vous avoue qu'on est très
déçu que cela n'ait pas vu le jour, parce que c'est la formation
continue. Vous voyez des compagnies très rentables, regardez le niveau
de formation qu'elles offrent; IBM est l'exemple le plus patent. Si vous
essayez de parler à un cadre de IBM, une fois sur dix, il suit des
cours. Ils sont toujours en train de se perfectionner. Sauf que, nous, on n'a
pas encore trouvé le moyen de perfectionner nos cadres et de les
gérer de façon continue. Quand je parle des cadres, je ne parle
pas seulement des cadres supérieurs. Je pense que c'est dans toute la
machine qu'on doit travailler. Une planification des ressources - d'ailleurs,
dans notre mémoire, on en parle - cela doit relever des plus hautes
autorités du gouvernement.
Si ma mémoire est bonne, le président du Conseil du
trésor disait que 52% des ressources du gouvernement sont
consacrées à des salaires. On est très prolifique pour
augmenter nos machines, maximiser la puissance et la performance, mais quand on
parle d'encadrement de nos fonctionnaires, en termes de perfectionnement, on
est rendu qu'on donne le ratio de perfectionnement dans nos conventions
collectives. À mon avis, on devrait dépasser cela, de toute
façon. Cela ne devrait même pas être négocié,
dans le sens que cela devrait tellement aller de soi qu'on ne devrait
même pas en parler. Or, on est obligé d'en parler et les
syndiqués réclament des ratios; on en est rendu à des
ratios.
Dans ce sens-là, il me semble qu'il y a une intégration
importante à ce niveau-là. Tant qu'on ne se préoccupera
pas de cette ressource en termes de développement, en termes de
planification, je pense qu'on a des croûtes à manger. Cela ne veut
pas dire pour autant qu'on a une fonction publique non efficiente, non rentable
et incapable, mais on pourrait aller encore beaucoup plus loin.
Quant aux attachés politiques, je vous avoue qu'on n'a pas
réétudié la question depuis notre présence à
la commission Bisaillon étant donné que, dans les notes
préliminaires de l'avant-projet de loi, si ma mémoire est bonne,
on disait que cela ferait l'objet, plus tard, d'un exposé. Est-ce que je
vous interprète mal, Mme la ministre?
Mme LeBlanc-Bantey: Oui, vous m'interprétez mal.
M. Dupéré: En tout cas, c'est ce que j'avais
compris. Je m'excuse de vous avoir mal interprétée. On n'avait
pas...
Mme LeBlanc-Bantey: Cela m'intéresse sérieusement
de savoir ce que vous en pensez.
M. Dupéré: Là-dessus, on est d'accord avec
la commission Bisaillon. On avait dit à la commission Bisaillon: II faut
trouver le moyen d'accorder une certaine permanence. Il n'est pas possible
d'avoir des attachés politiques qui voguent dans les airs comme cela. Il
faut recruter les meilleurs et, pour recruter les meilleurs, il faut assurer un
minimum. On peut parler de "cennes" et de piastres, mais c'est regrettable,
personne ne travaille pour les beaux yeux de qui que ce soit. Dans ce
cadre-là, il nous apparaît tout à fait normal... Je
répète la position qu'on a prise à la commission
Bisaillon: II suffit de trouver un moyen acceptable et on n'a rien contre la
permanence des attachés politiques, à partir du moment où
cela ne s'acquiert pas à tous les trois ou quatre mois et que cela ne
devient pas une entrée massive. Dans un cadre normal, il n'y a rien
là.
Alors, en ce qui concerne la sécurité d'emploi, nous
sommes tout à fait d'accord. Pour les compagnies privées, ce
n'est même pas un empêchement; alors, pour nous, ce ne l'est pas.
Je pense que c'est normal qu'on ait cet éclairage politique et que les
gens s'intègrent. Il n'y a vraiment pas de problème quant aux
recommandations de la commission Bisaillon. Je ne vous dis pas que c'est une
position officielle de l'association; c'est juste un commentaire par rapport
à nos discussions et à la position qu'on avait exprimée
à la commission Bisaillon.
Quant au personnel plus âgé, je pense que ce serait une
excellente utilisation de fin de carrière pour les fonctionnaires.
D'ailleurs, régulièrement, au gouvernement, sur des
problèmes particuliers, on rappelle même des gens
retraités. La commission Bisaillon l'a fait, je crois. Je pense qu'on se
sert de cette expertise. Pourquoi ne le ferait-on pas non pour encadrer, mais
pour donner de l'expertise aux personnes politiques, aux hommes et aux femmes
qui travaillent en politique? Sauf que là, il y a un saut à faire
et je pense que c'est en parlant sereinement que cela va se faire. Dans ce
cadre-là, il n'y a vraiment pas de limite, ni de problème au
niveau de l'association ou des cadres.
Quant au taux d'encadrement trop élevé, je vous avoue que
celui-là me fait sourire. Tout le monde dit qu'il y a trop de
fonctionnaires, qu'il y a trop de ci, qu'il y a trop de cela, sauf qu'il n'y a
pas d'étude sérieuse qui dise ce qu'est un niveau d'encadrement.
Quand vous feuilletez vos bouquins d'administration, le ratio normal de
supervision est entre 4 et 8. Si vous appliquez ce ratio dans la fonction
publique québécoise, vous n'avez pas de problème de niveau
d'encadrement. Quand on dit que des
cadres supérieurs, il y en a trop, que c'est une peste dont il
faudrait se débarrasser...
M. Bisaillon: M. Dupéré, je ne me
référais pas seulement aux cadres supérieurs. Je parlais
du taux d'encadrement général, c'est-à-dire du plus bas
niveau au plus élevé. Cela incluait les administrateurs de
l'État aussi, du plus bas au plus haut...
M. Dupéré: D'accord. Quand on parle de 4 à 7
dans...
M. Bisaillon: ...parce que, là aussi, il y a
prolifération.
M. Dupéré: Vous me permettrez de ne pas aborder
cette partie de votre intervention. Ce que je dis, c'est que le taux
d'encadrement supérieur, pour parler de celui-là que je connais
un peu mieux, ne vous en faites pas, il va continuer à augmenter. Si
vous lisez toutes les études sérieuses à ce jour, on dit
que le taux de professionnalisation, le genre de services qu'on va donner va
être de moins en moins de la transformation et de plus en plus du travail
au niveau des idées. Donc, la professionnalisation et le taux
d'encadrement de ces professionnels vont augmenter dans les prochaines
années. Même si on dit, globalement, que le nombre de postes va
diminuer, on peut s'attendre que les emplois de bureau vont de plus en plus
diminuer avec la mécanisation et on va devoir recycler pas seulement les
fonctionnaires, mais l'ensemble de la population québécoise avec
le défi technologique. Si on ne s'en occupe pas, dans quinze ans, on
sera une société arriérée.
Ce n'est pas le temps, à mon avis, de diminuer le taux
d'encadrement professionnel. C'est le temps de s'organiser pour que les
fonctionnaires soient là, mais qu'on les envoie dans les secteurs de
pointe. Dans ce cadre-là, je ne veux pas féliciter le
gouvernement. Il y a des exemples négatifs -je les ai donnés - et
quand on dit qu'il faut avoir une politique face à la bureautique, en
particulier face au développement de l'informatique, avec tous les
"tiques" qui s'ensuivent, c'est un virage technologique important, mais cela ne
se fera pas avec des gens qu'on assoit derrière une machine à
écrire qui n'est pas à mémoire. Aujourd'hui, ce genre de
choses est dépassé. Il va falloir prendre ces gens-là, les
former et les promouvoir. Il va falloir prendre nos jeunes qui sortent de
l'université et, au lieu de les mettre au chômage, les faire
travailler et développer leur potentiel. Dans ce cadre-là, ne
vous surprenez pas; le taux d'encadrement des idées et des humains va
changer et il va changer en termes d'augmentation de coûts et de
qualité. La société québécoise, depuis 1960,
c'est ce qu'elle a fait; elle a fait un bond en avant phénoménal,
et on est dû pour un autre, sans cela on va se trouver au pied du mur.
Dans ce cadre-là, quand on me dit qu'il y en a trop, je dis: Faites-m'en
la preuve et regardez ce qui est en train de se développer; je pense que
si vous faites une adéquation, on va avoir des idées fort
différentes.
Quant à la négociation collective, je vous avoue qu'on n'a
pas eu de réflexion systématique là-dessus. Je ne voudrais
pas me prononcer, sauf à titre personnel, pour vous dire que je suis
tout à fait d'accord qu'on soit consultés quand il se passe
quelque chose au niveau des fonctionnaires et dans l'ensemble du gouvernement.
C'est un accord de principe, mais qui est bien personnel et, comme on n'a pas
touché à cela, je ne voudrais pas me prononcer.
M. Bisaillon: Je comprends que, de toute façon, même
pour vous, à titre personnel, le moyen de consultation pourrait
varier.
M. Dupéré: Oui.
M. Bisaillon: Vous ne vous attachez pas à...
M. Dupéré: Du moment qu'il y en aura un et qu'on ne
sera pas déconnectés de la réalité. Cependant, je
profiterais de l'occasion, si vous me le permettez ou si les membres de
la commission me le permettent, pour faire un aparté relativement
à la négociation collective. Je dirai qu'au Québec, il y a
une nouvelle réalité concernant les cadres supérieurs.
L'ensemble des cadres supérieurs de tous les réseaux sont
regroupés. Il serait temps, si on veut éviter ce qui s'est
passé depuis les années soixante avec les syndicats, qu'on
définisse une politique claire de relations entre ces associations de
cadres qui existent - on ne parle pas d'existence potentielle, elles existent
aujourd'hui; on en est la preuve vivante - le genre de relations qu'elles
devront entretenir et qu'elles pourraient entretenir avec l'État.
J'arrête ici parce que je ne voudrais pas soulever un débat. Je
pense que ce n'est pas l'endroit; on n'étudie pas la loi a ce niveau-ci.
Mais s'il y a un comité au niveau de l'État ou du gouvernement
qui siège actuellement sur l'ensemble des relations avec les
syndiqués, je pense qu'il ne faudrait pas oublier laréalité de 26 000 personnes qui sont aussi les chevilles
ouvrières, qui sont toutes regroupées dans des associations et
qui commencent à travailler ensemble. Là-dessus, il faudrait
éviter les erreurs du passé et, pour éviter les erreurs du
passé, je pense qu'il faudrait planifier. Fin de mon aparté.
Quant au comité d'application, vous comprendrez que 50% de notre
mémoire en traite. C'est pour nous une chose extrêmement
importante. C'est 50% de ce
qu'on a dit. Ce que je puis vous dire, quand vous parlez de
comité permanent, c'est, à mon avis, que c'est peut-être
possible, mais je ne m'attache pas au moyen en vertu duquel on va le faire,
mais surtout à l'objectif ou à ce qu'on veut atteindre. Chez nous
- je vais utiliser les termes qu'on emploie - on parle du vent de l'ouest
actuellement. Vous vous souvenez sûrement de la résolution 13 en
Californie. Vous êtes sûrement conscients de ce qui se passe en
Colombie britannique actuellement. Ce qui se passe, c'est simple. On ne remet
pas en cause les fonctionnaires. On remet en cause le service même
donné par les fonctionnaires. Ce que je dis, c'est que si on veut
prévoir ce qui va arriver dans cinq ans au Québec, il faut,
dès maintenant, se pencher sur les effets de ce qui se passe à
l'ouest parce que cela va se passer ici. On dit, dans notre mémoire, que
la fonction publique, globalement, si elle maintient le niveau de service
qu'elle a aujourd'hui, va coûter de plus en plus cher. Ne nous trompons
pas; c'est ce vers quoi on s'en va. (12 heures)
Mon confrère Roland vous disait, tout à l'heure: Quel
niveau de service la population désire-t-elle? Je pense que dans ce
cadre, on a besoin d'avoir les citoyens, les corporations qu'on oublie toujours
ou souvent. On parle des citoyens en général, mais le citoyen
corporatif, c'est rare qu'on l'associe à nos démarches. Pourquoi
n'assoirait-on pas les gens de l'État dans son ensemble, l'appareil de
l'État ou l'Assemblée nationale, des députés de
toutes tendances, les citoyens à titre privé, les citoyens
corporatifs qui ont sûrement des choses très intéressantes
à nous dire? Il ne se passe pas un mois sans que la Chambre de commerce
ou le Conseil du patronat ou quelqu'un d'autre dise: II y a trop de
formulaires, il y a trop de ceci, il y a trop de cela, mais le lendemain vous
les voyez venir sur la place publique et dire: Donnez-nous des subventions.
À un moment donné, il va falloir s'harmoniser. Ceux qui ont
à gérer cela, pourquoi ne s'assoiraient-ils pas à une
table avec des recherches de fond qui seraient publicisées et qui
travailleraient sur les mentalités?
Quand vous me parlez de pouvoir, j'avoue que cela m'achale beaucoup
plus. Ce n'est pas en termes d'imposer, mais je pense que nos mentalités
devront évoluer. Pour faire évoluer, il faut enlever la
partisanerie autour d'une action commune. Je vous citerai quelques cas
où c'est possible que des parlementaires, avec d'autres groupes, fassent
un travail non partisan. La commission Bisaillon en est un où on a eu
à se présenter devant la commission, où il y avait des
gens de tous les partis politiques et, à mon avis, on n'a pas eu
l'impression d'être mis en boîte, où il y a eu vraiment une
discussion tout à fait franche. Je pense que la ministre le
reconnaît puisque son projet de loi, elle le dit elle-même, est
inspiré par cette commission non partisane.
Je vous citerai un autre exemple qui est beaucoup plus technique. Au
ministère des Transports - ceux qui se souviendront des années
soixante où la politique des bouts de route faisait l'objet de scandales
réguliers dans les médias d'information - je vous dirai
qu'aujourd'hui, le sous-ministre va faire sa tournée annuelle avec
l'ensemble des députés, peu importe le parti ou
l'allégeance, et ils déterminent ensemble quel va être le
budget accordé pour quelque chose. Vous n'avez plus de sautes d'humeur
au niveau du ministère des Transports sur la politique des routes. Je
pense que c'est possible, mais il y a une condition de base quand on veut faire
cela, c'est de travailler en vase clos. Je dirai que quand on vit dans une
maison de verre, c'est très difficile parce qu'il faut souvent sauver
les éclats et dans ce cadre, il va falloir trouver une façon de
travailler ensemble alors que les députés, peu importe leur
allégeance, pourront donner leur pleine mesure.
Nous avons des idées là-dessus, mais ce n'est pas dans le
ciment ce que je dis. Il faut maintenant se mettre à l'ouvrage dans un
forum neutre - les députés de l'Assemblée nationale qui
sont les représentants des citoyens, mais eux aussi sont là -
où on va pouvoir travailler ensemble.
Le Président (M. Champagne): M.
Dupéré...
M. Dupéré: Je mettrai fin à mon
intervention.
Le Président (M. Champagne): D'accord. Je ne sais pas si
vous avez répondu à toutes les questions. Cela va aller comme
cela. Peut-être une conclusion rapide?
Mme LeBlanc-Bantey: Rapidement parce que, mon Dieu, il s'est dit
tellement de choses, je pourrais reprendre, entre autres, le
député de Sainte-Marie, pour certaines choses. Je voudrais
d'abord rassurer l'Association des cadres. J'ai très bien vu les
messages à travers les nuances.
Une voix: C'était pour le journal des Débats.
Mme LeBlanc-Bantey: Vous avez même remarqué que j'ai
évité de qualifier votre rapport jusqu'à ce qu'on ait eu
le temps d'étudier sérieusement l'ensemble de vos recommandations
et de vos analyses. Je voudrais revenir très brièvement sur le
taux d'encadrement. Si, effectivement, le Conseil du trésor a senti la
nécessité de fixer les objectifs clairs - parce que vous parlez
d'objectifs clairs à beaucoup de reprises -
c'est parce qu'en termes de taux d'encadrement, on avait constaté
qu'avec les réductions d'effectifs, les attritions de postes, par
hasard, c'était le plus souvent, pour ne pas dire la plupart du temps et
pour ne pas dire pratiquement toujours, à la base que les coupures
s'effectuaient et que le taux d'encadrement, lui, était pratiquement
resté intact. Comme effectivement, c'est par la base, par les gens qui
sont le plus près du service à la clientèle, que la
qualité du service aux citoyens peut s'améliorer, je pense qu'il
y avait lieu chez les cadres de demander le même effort de
réduction d'effectifs qui avait été effectué dans
d'autres strates, si vous voulez, de la machine gouvernementale. Dans ce sens,
on n'entrera pas dans une bataille de statistiques, mais c'était surtout
à la suite de constatations qu'on avait faites.
Je ne suis pas d'accord avec mon collègue de Sainte-Marie et je
vais reprendre cela très brièvement. Je ne lui dirai pas, cela
prendrait trop longtemps si j'expliquais ce que j'en pense. Avec son analyse de
la commission parlementaire de l'éducation, je lui demanderai simplement
de réfléchir à la phrase suivante: Je ne suis pas d'accord
sur la définition qu'il a donnée au mot "politique" et les
nuances qu'il a faites là-dessus et que je partage entièrement le
politique au sens large. Le député de Sainte-Marie, qui
finalement est beaucoup plus familier avec le secteur des négociations
que je ne le serai jamais, sait fort bien que lorsque des mandats sont
élaborés, surtout le normatif, cela l'est d'abord par la machine
administrative vu les réalités qu'elle vit et que les ministres
responsables des négociations tentent d'établir un
équilibre entre les demandes des gestionnaires et les objectifs de
l'État. Je m'arrête sur cela. On en reparlera avec le
député de Sainte-Marie. Nous réfléchirons ensemble
sur les politiques au sens large, quitte à apporter des nuances de mon
côté également.
M. Bisaillon: Je m'engage à réfléchir, M. le
Président.
Mme LeBlanc-Bantey: Je conclus en disant qu'il est clair qu'il va
falloir que le Conseil du trésor, le gouvernement, les gestionnaires,
tout le monde, on s'attarde sérieusement à se demander comment,
de part et d'autre, on peut définir finalement ce que vous appelez des
objectifs clairs. Il est certain qu'il n'y a aucun régime
d'imputabilité qui ne peut fonctionner réellement si tous les
intervenants ne prennent pas le temps de demander à leurs partenaires
précisément ce qu'ils attendent d'eux et de leur fournir aussi
les moyens en fonction d'objectifs clairs et précis. Je me reporte au
début de l'intervention du député de Louis-Hébert.
En ce sens, les cadres supérieurs auront un rôle très
important en fonction des objectifs qu'ils auront à définir
vis-à-vis de leurs supervisés, de la même façon que
le gouvernement et les sous-ministres vont devoir aussi vous préciser
vos attentes.
C'est tout pour le moment. Plusieurs choses ont été dites.
La discussion a été très intéressante.
Le Président (M. Champagne): Merci. Au nom des membres de
la commission élue permanente...
M. Dupéré: Si vous me permettez juste un dernier
mot. D'abord interpréter que le désaccord avec M. Bisaillon, vous
allez le régler et que, par voie de conséquence, vous êtes
d'accord avec nous.
Mme LeBlanc-Bantey: Non pas nécessairement. J'ai
été obligée de limiter mon intervention parce que le temps
court.
M. Dupéré: Je tiens à remercier les membres
de cette commission de nous avoir écoutés aussi attentivement. Ce
n'est qu'un au revoir.
Le Président (M. Champagne): Au nom des membres de la
commission, nous vous remercions de vous être présentés
devant la commission parlementaire de la fonction publique.
M. Dupéré: Merci beaucoup.
Le Président (M. Champagne): Nous allons demander aux
représentants de l'École nationale d'administration publique de
se présenter à l'avant. Veuillez vous identifier et
présenter les personnes qui vous accompagnent s'il vous plaît.
ENAP
M. Jacques (Jocelyn): Merci, M. le Président. Mme la
ministre, Mme la députée, MM. les députés, je
remercie la commission de nous donner l'occasion de venir contribuer à
cette réflexion importante sur cet avant-projet de loi.
Tel que demandé, je commencerai par présenter les
personnes qui m'accompagnent: d'abord, je suis Jocelyn Jacques, directeur
général de l'ENAP, École nationale d'administration
publique; si je commence à ma gauche, vous avez M. Luc Malo, qui a
été nouvellement nommé directeur de la formation ou du
programme de maîtrise à l'ENAP; à la suite, vous avez M.
Pierre Van Der Donck, chef de la mission gouvernementale à
l'intérieur du CEPAC, un autre jargon qui veut dire Centre
d'études politiques et administratives du Québec; Mme Janon
Hamel, qui a contribué au texte au
niveau de la recherche. À ma droite, vous avez M. Pierre Lavigne,
le directeur du perfectionnement à l'ENAP; vous avez M. Jean Jolin qui
est membre de la mission gouvernementale; M. Serge Raymond qui est
secrétaire général de l'ENAP.
Le Président (M. Champagne): M.
Jacques, nous apprenons que vous avez des obligations au cours de
l'après-midi. Je pense que vous ne pouvez pas revenir après 13 h
15 ou après 13 heures. Est-ce que vous acceptez de résumer votre
mémoire? Soit. On ne veut pas brimer le droit de parole de quiconque,
mais il faudrait peut-être procéder d'une façon assez
résumée dans les commentaires et dans les questions pour que vous
puissiez vaquer à vos occupations après la commission.
M. Jacques: Effectivement, il y a un colloque important pour
l'ENAP qui débute ce soir à Montréal. Non seulement
moi-même, mais nous tous devons absolument être à
Montréal à 18 heures. Donc nous ne pouvons pas revenir à
15 heures.
Le Président (M. Champagne): Alors, nous allons
procéder tout de suite.
M. Jacques: Merci. Tout d'abord, on vous a sans doute
distribué un texte comparatif: c'est une étude - il nous fait
plaisir de vous la livrer - qui a été faite à l'ENAP dans
laquelle on fait une comparaison systématique de la loi actuelle et des
éléments du projet de loi ou de l'avant-projet de loi. Nous avons
cru que cela pouvait être d'un intérêt pour vous. Chaque
point est passé systématiquement en revue. L'étude a
été faite essentiellement par M. Jean Jolin qui est avec nous,
comme je vous le disais.
Tel que demandé, nous allons nous livrer à l'essentiel
pour laisser du temps pour les questions. Tout d'abord, il nous fait
évidemment plaisir d'être ici, comme je vous le disais,
essentiellement en fonction du rôle que l'ENAP assume au niveau de la
formation et du perfectionnement des administrateurs publics. Dans les deux
cas, nous traitons avec plusieurs milliers de cadres chaque année. C'est
à ce titre que nous avons jugé pertinent pour nous et, nous
l'espérons, pour vous de présenter un mémoire. D'autant
plus que nous avions participé à la commission sur la
réforme de la fonction publique, communément appelée la
commission Bisaillon et, comme je l'indiquais, il y a eu tout
dernièrement, soit le 9 septembre, une journée d'étude
à l'ENAP sur l'avant-projet de loi. C'est à tous ces titres donc
que nous présentons nos réflexions sur le sujet.
Sur le fond, vous noterez que l'ENAP partage la plupart des grands
objectifs ou des grands principes présents dans le projet. Il est clair
que, face à un tel projet de loi -c'est ce qui est indiqué
rapidement à la page 2, surtout au bas, et c'est sans doute ce que vous
voyez - nous pouvons prendre différents angles ou différentes
perspectives. D'après notre fonction et d'après notre mission,
nous avons privilégié évidemment l'approche gestion,
étant donné que nous sommes une école qui oeuvre dans ce
secteur. Ce que nous privilégions c'est la responsabilisation des
cadres, et particulièrement des cadres supérieurs de la fonction
publique québécoise. C'est carrément - et vous le sentirez
tout au long de la lecture de ce document - la perspective que nous prenons.
(12 h 15)
Je peux dire que l'école est d'accord avec les objectifs de
l'avant-projet de loi soit: la mission de la fonction publique qui est
là pour les citoyens, la responsabilité de réaliser les
politiques arrêtées par le gouvernement, être fidèle
aux objectifs de l'État, l'efficience, l'efficacité, la
nécessité de rendre des comptes et finalement
l'impartialité et la justice ainsi que la neutralité. Nous
affichons carrément notre accord avec ces objectifs.
Il se pose toutefois la question qui est discutée. Pour le
moment, nous n'avons pas de position arrêtée là-dessus,
à savoir: est-ce qu'il est possible que ces objectifs étant
inscrits dans la loi posent certains problèmes à nos
légistes? Tout ce que nous pouvons dire, c'est que, d'un point de vue
gestion, nous applaudissons à cette initiative, sans nous prononcer sur
les impacts judiciaires qu'il pourrait y avoir.
Quant à la responsabilité des gestionnaires, à la
page 4, on parle beaucoup dans l'avant-projet de loi - et nous sommes d'accord
avec cela - du rôle prépondérant que les responsables des
ministères ou les dirigeants des ministères seront appelés
à jouer, à l'avenir, dans la gestion des ressources humaines. Il
est clair que c'est, d'une part, très nouveau et à certains
égards, évidemment c'est risquer - vous en avez sans doute eu des
témoignages ici - de graves dangers dans une telle orientation.
Malgré cela, nous sommes d'accord. Les raisons sont qu'on ne peut pas
attendre des dirigeants qu'ils gèrent avec efficience et
efficacité si on ne leur donne pas les moyens. Dans un rapport
antérieur à la commission Bisaillon, nous avions beaucoup
insisté là-dessus.
De plus, nous croyons que les responsabilités des cadres seront
susceptibles d'attirer des candidats de qualité si ces derniers - nous
croyons que c'est ce qui est poursuivi - sont convaincus qu'ils auront
l'autorité requise pour remplir les missions qui leur seront
confiées. Nous sommes également conscients qu'à moyen et
long terme cette nouvelle façon de faire aura
également des impacts sur l'exercice du pouvoir politique. Nous
applaudissons déjà les impacts pour ce qui est du futur.
Au niveau des grandes orientations ou des impacts de cette orientation,
il est bon de rappeler que malgré cette décentralisation, ce que
nous voulions rappeler dans le point A, c'est qu'il restera toujours un minimum
de cohérence entre les ministères ou organismes. Nous ne croyons
pas - je crois que la réalité va rapidement ramener à
l'ordre ceux qui ont pu croire cela - qu'à un moment donné, d'une
façon très rapide, chacun va pouvoir réellement se
détacher et gérer carrément selon toutes les
particularités qu'on peut imaginer. Nous croyons qu'il doit rester un
minimum de cohérence et un cadre de référence commun -
c'est l'expression qu'on utilise ici - de règles du jeu auxquelles
seront soumis les intervenants. Alors, ce n'est pas pour nuancer le projet de
loi mais tout simplement pour rappeler que cela nous semble inévitable
et que si c'est fait avec souplesse - d'ailleurs c'est ce qui est prévu
-il n'y a pas de problème à cet égard, selon nous.
En B, nous rappelons un peu certains a priori qui peuvent assez souvent
être défendus ici. J'aimerais insister là-dessus. Quel que
soit le régime législatif qui les encadre, on n'a jamais
empêché les gestionnaires d'exercer leur jugement. Il importe plus
de les rendre formellement responsables des conséquences de leurs
actions que de multiplier les points de contrôle pour tenter
d'éviter les erreurs. Je crois qu'à nos yeux c'est un point
majeur.
Finalement, ce qu'on pourrait dire en termes peut-être un peu plus
quotidien, c'est qu'il y a une discrétion inévitable au niveau de
la gestion. Quel que soit le cadre juridique qu'on puisse prévoir cela
se fait. Donc, aussi bien le reconnaître et rendre les personnes
carrément responsables. Évidemment, on fait allusion - vous en
avez sans doute entendu parler - à tous les trucs qu'on peut utiliser
pour déjouer un système. Cela existe, cela a existé. Si on
s'imagine pouvoir complètement abolir cela, on pense que c'est un peu
utopique et qu'il vaut mieux faire face à la réalité.
Les points C et D de la page 5 sont essentiels. Ils vont
carrément dans l'esprit de la loi, sauf que nous tentons de
dégager certaines conséquences et certains impacts de cette
loi.
La responsabilisation entraîne le droit à l'erreur. Je me
permets d'insister là-dessus. Ce droit doit être reconnu et
accepté d'abord par les parlementaires qui ont, dans le passé,
plus souvent cherché la bête noire que tenté de comprendre
l'ensemble de la conjoncture. C'est l'impact dont on parlait tout à
l'heure à moyen et long terme sur le système parlementaire. Il
faut surtout éviter que les gestionnaires, craignant une sanction
dès la première erreur, se replient sur la défensive et
créent des normes pour se protéger. En un mot, il va falloir une
certaine tolérance et vivre la tolérance.
Dans le même sens, à l'autre paragraphe, on parle du droit
à la différence. À l'intérieur de certaines
règles générales, il faut qu'il y ait des solutions
différentes à des problèmes de même nature. Nous
sommes peu habitués à cela; nous sommes plus habitués
à normaliser, à faire en sorte qu'idéalement tous se
comportent de la même façon. Nous croyons que, pour respecter
l'esprit de cet avant-projet de loi, pour respecter des exigences de gestion,
pour respecter des modes opérationnels de fonctionner, il faut
reconnaître ce droit que nous appelons droit à la
différence, une diversité qui permettra l'initiative et la
créativité. Si on veut vaincre le scepticisme qui règne
dans plusieurs milieux actuellement, il importe que chacun soit convaincu qu'il
peut apporter des solutions originales aux problèmes auxquels il est
confronté.
Au point E, je me contenterai simplement de vous rappeler que la
responsabilisation implique de rendre des comptes à un moment
donné. Je pense que tout le monde le sait et nous sommes d'accord avec
le fait que cela devient plus évident dans l'avant-projet de loi. Les
cartes sont sur table et nous sommes d'accord avec cela.
Au niveau des organismes, à la page 6, la répartition des
pouvoirs ou la mise en place des acteurs, l'avant-projet propose l'abolition du
ministère de la Fonction publique, reconnaît aux sous-ministres la
responsabilité de gérer les ressources humaines, donc un
rôle accru aux sous-ministres, attribue au Conseil du trésor le
rôle d'établir des politiques générales, crée
un office des ressources humaines avec fonctions renouvelées. On
maintient également la Commission de la fonction publique. Nous sommes
d'accord sur le fond pour différentes raisons - on pourra
peut-être y revenir tout à l'heure - notre principale raison
étant que c'est le ministère, les sous-ministres, les dirigeants
qui vont être les principaux acteurs. Nous sommes d'accord avec cela.
Il y a cependant un souhait que nous aimerions exprimer à cet
égard au niveau de la répartition des acteurs. Il ne nous
paraît pas souhaitable que la responsabilité politique de la
gestion des ressources humaines relève de celui qui sera en même
temps responsable des ressources financières. Il nous paraît -et
nous sommes prêts à discuter de cela tout à l'heure - au
contraire que cette responsabilité relève d'un ministre distinct
qui aurait la charge de coordonner l'ensemble des réformes
administratives. À nos yeux,
surtout dans les années à venir, lorsqu'on parle de
nouvelles technologies, de bureautique et autres, il faut que quelqu'un soit
chargé d'avoir une vue beaucoup plus large et soit plus
préoccupé par les aspects humains et les ressources humaines.
Notre prétention est qu'il est très difficile d'inclure cette
approche de gestion des ressources humaines dans une perspective très
large à l'intérieur d'un organisme qui, lui, a des
préoccupations surtout financières. À un moment
donné, on se dit que s'il fallait -c'est surtout des questions qu'on
pose - que les stricts critères financiers prennent le pas
systématiquement sur d'autres aspects plus humains, il y a beaucoup de
défis dans les années à venir, comme vous le savez,
lorsqu'on parle de bureautique et autres. Il nous semble que ce serait un
piège très néfaste qui pourrait mener à des
situations très difficiles. C'est une réserve que nous jugeons
importante ou, enfin, une suggestion que nous faisons ici. Nous allons
même jusqu'à dire, comme vous le voyez au bas de la page 6, que ce
pourrait être un ministère léger, style ministère
d'État, qui assume ces fonctions ou un ministre d'État. Nous ne
voulons évidemment pas créer un autre ministère, ce n'est
pas du tout cela.
Au niveau de l'Office des ressources humaines, nous souhaitons, pour
différentes raisons, que les responsabilités de l'office -notre
raisonnement est simple, il part du fait qu'on parle d'un office des ressources
humaines - soient un peu élargies. On se demande carrément s'il
n'y aurait pas lieu de confier à cet office, en plus de sa mise en
oeuvre, la conception de certaines politiques globales au niveau des ressources
humaines. Tout comme on prévoit que les règlements de l'office
seront approuvés par le gouvernement, il nous semble cohérent que
les politiques élaborées par l'office soient aussi
approuvées par le gouvernement.
Au niveau de la Commission de la fonction publique, nous souhaiterions
qu'on ajoute possiblement à cette commission ou ailleurs - ce qui
importe pour nous, c'est que cette fonction soit remplie - une fonction de
surveillance globale de l'ensemble de l'application de la loi,
c'est-à-dire un peu le même principe qu'au niveau du
Vérificateur général en matière des ressources
financières. Nous croyons que, dans les années à venir, il
va falloir qu'un rôle semblable soit joué, mais au niveau des
ressources humaines, un genre d'évaluation globale du fonctionnement du
système, comment il progresse, etc. Donc - je m'excuse de l'expression -
c'est un genre d'"auditing" des ressources humaines. Pour le moment, nous
croyons que la commission pourrait faire cela, mais je répète que
ce n'est pas tellement l'endroit qui nous importe que la fonction et nous
croyons que c'est inévitable dans les années à venir.
Quant aux administrateurs d'État - un nouveau corps d'emploi qui
fait beaucoup discuter, semble-t-il - nous sommes complètement d'accord
avec la formation de ce corps. Il nous semble que cela va permettre non
seulement de reconnaître une certaine qualité ou expérience
en termes de gestion, mais que cela va aussi permettre une mobilité
beaucoup plus grande que ce qui existe actuellement. Par contre, nous
désirerions que ce soit clair qu'il est possible de limiter le nombre de
ces administrateurs d'État, la raison étant que, si le nombre
devient trop grand, la nature même de l'administrateur d'État perd
toute signification. Il faut trouver un truc quelconque - je ne sais trop
lequel - pour indiquer que c'est une classe un peu limitée, et non pas
ouverte et sujette à des augmentations très fortes dans les
années à venir.
Une autre suggestion que nous faisons également en ce qui a trait
aux administrateurs d'État, c'est que leur désignation - en fait,
l'accès à cette catégorie - soit soumise à un
processus que l'on retrouve dans d'autres fonctions publiques, savoir - c'est
une possibilité que nous suggérons - un comité
formé de hauts fonctionnaires nommés en raison de leur
expérience, de leur compétence et de leur connaissance du milieu,
qui pourraient être associés à l'examen des candidats au
corps d'emploi et, surtout, à la planification et à la gestion
des carrières de ce qu'on a appelé les emplois supérieurs.
Il nous semble qu'il faille un mécanisme pour l'entrée, une
certaine supervision et surtout, par la suite, un certain suivi. (12 h 30)
Concernant l'éthique et la discipline, grosso modo, nous sommes
d'accord avec ce qui est proposé dans l'avant-projet de loi. Cependant,
nous aurions carrément souhaité qu'on soit plus spécifique
en ce qui concerne les emplois supérieurs, en termes d'éthique.
À titre d'exemple, nous souhaitons que certaines des règles qui
s'appliquent au Conseil des ministres s'appliquent également aux
administrateurs supérieurs. Par exemple, lors du départ d'un
cadre supérieur, voici l'une des questions qu'on peut se poser: Est-ce
que lui, avec l'information qu'il a -supposons qu'il s'en va dans le secteur
privé ou ailleurs - peut, immédiatement après son
départ, continuer à transiger avec les appareils? Cela nous
inquiète un peu. Dans le même sens, est-ce qu'un sous-ministre ou
un sous-ministre adjoint peut détenir des propriétés, des
actions, ou autres, et être dans un ministère qui touche
directement ou indirectement ce secteur? Nous nous posons des questions. Nous
aurions aimé que ce soit plus étanche en ce qui concerne
l'éthique pour ce qui est des hauts fonctionnaires. C'est un souhait que
nous faisons.
L'implantation de la loi. J'aimerais faire une remarque carrément
personnelle qui s'inspire, évidemment, de ce qui est écrit ici,
mais je vais la dire en termes un peu plus clairs. On a reproché
à la loi 50 d'avoir été faite sans consultation. Je crois
que, cette fois-ci, il y a eu beaucoup de consultation. Donc, à la
limite, les raisons pour prétexter un échec seront beaucoup moins
fortes à l'avenir. Ce succès ou cet échec sera plus la
responsabilité de ceux qui vont mettre la loi en place. Cependant, nous
aimerions faire les rappels suivants. D'une part, c'est - vous l'avez compris -
une modification radicale à beaucoup d'attitudes et d'habitudes. Il
faudra prendre le temps voulu, ne pas désespérer s'il y a des
difficultés au départ et, surtout, laisser la chance ou le temps
aux personnes impliquées de s'habituer à ces nouvelles
règles et leur donner du support si elles en ont besoin. En un mot, il
faut prendre le temps cette fois-ci de donner réellement la chance
à la loi.
Deuxièmement, dans le même esprit, nous croyons que la
prépondérance de la gestion, qui est omniprésente, fera en
sorte que tous les organismes et tous les ministères auront non
seulement des responsabilités accrues, mais également, pour la
gestion de leurs ressources humaines, beaucoup de responsabilités
morales. Il est bien beau de dire qu'ils sont responsables légalement,
mais il y a un aspect moral aussi qui est sous-jacent à tout cela.
Ce que nous voulons dire par là, c'est que les responsables
devront carrément s'impliquer en termes de planification de
carrière. Nous discutions, par exemple, des changements technologiques.
Gérer des ressources humaines, cela veut dire planifier les changements
technologiques et non pas les imposer à la dernière minute. Cela
veut dire, si on veut entrer telle machine dans six mois, non seulement en
discuter avec les personnes, mais préparer ces personnes à ces
changements, leur donner la chance, soit par du perfectionnement, soit par de
l'entraînement, de s'habituer à ces machines ou à ces
nouvelles façons de faire. Une grande partie du poids de cet aspect
moral ou de cet aspect de confiance, qui est difficile à cerner mais qui
est majeur, va reposer sur les dirigeants de l'organisme.
Nous revenons, évidemment, sur le fait qu'il faudra prendre le
temps, au niveau de la formation du personnel, pour oeuvrer dans le cadre de
cette nouvelle loi. Disons-le franchement, nous avons agi depuis plusieurs
années d'une façon telle que les cadres étaient peu
appelés à gérer des ressources humaines; c'était
plus mécanique, plus légal. Et, surtout, c'était fait
ailleurs. Il ne faut pas s'imaginer que ces personnes-là, du jour au
lendemain, peuvent fonctionner facilement dans ce nouveau cadre. Il faudra leur
donner la chance de s'équiper, de réfléchir
là-dessus et il faudra prévoir du recyclage ou du
perfectionnement dans ce secteur. C'est un peu comme si on n'avait donné
aucune responsabilité à quelqu'un et que, tout à coup, on
lui dise le lendemain: Tu es dorénavant responsable. Cette transition
peut être dangereuse si on va trop vite et si on ne donne pas la chance
aux personnes de se préparer.
En conclusion, nous avons recueilli les principales recommandations. Je
crois que je les ai assez explicitées dans ma présentation. Le
dernier point sur lequel je voudrais revenir - je terminerai là-dessus,
M. le Président - je l'ai indiqué rapidement tout à
l'heure, c'est qu'à mes yeux, il importe qu'on donne réellement
la chance à cette loi pour la simple et bonne raison qu'on a, je pense,
développé, au cours des années, au Québec
particulièrement, une habitude de déstabilisation de l'appareil.
Il faut une certaine stabilité, une certaine sécurité, et
poussons-la jusqu'au bout, s'il vous plaît, plutôt que de
recommencer dans deux ou trois ans le même processus après
certains échecs ou certaines difficultés. À la limite, je
pense qu'une loi n'a de sens, d'effet réel, que s'il y a une
véritable volonté politique derrière cette loi. Cette
loi-ci va supposer beaucoup de volonté politique, de volonté
administrative, beaucoup de discipline. De grâce - je termine
là-dessus - laissons la chance à cette loi de s'actualiser.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Champagne): Mme la ministre de la
Fonction publique, vos commentaires et questions.
Mme LeBlanc-Bantey: Je vais vous dire tout de go que j'ai
trouvé votre intervention tellement intéressante que vous m'avez
donné envie de retourner à l'école, à
l'École nationale d'administration publique.
M. Jacques: Cela a dû être vu.
Mme LeBlanc-Bantey: Je comprends pourquoi mon collègue de
Sainte-Marie s'y est inscrit. J'ai trouvé cela intéressant
d'autant plus que c'est aussi le rôle de votre organisme et,
contrairement à d'autres intervenants qui sont venus - c'était
normal que chacun vienne nous donner son point de vue, compte tenu de la
lorgnette à travers laquelle ils voient leur propre
réalité, que ce soient les cadres, les syndiqués ou
d'autres groupes qui sont venus nous exprimer leurs revendications en fonction
de la réalité - je pense que non seulement vous tentez, mais vous
nous apportez un point de vue très neutre et aussi un point de vue
dégagé. Je commençais à ressentir le besoin d'avoir
un point de vue dégagé et un point de vue vers l'avenir. Cela
fait deux jours qu'on se dit les difficultés du passé et du
présent et il est
vrai qu'il est aussi difficile parfois de se détacher de son
passé. Mais je pense qu'une loi comme celle-là se veut
résolument orientée vers l'avenir, vers une nouvelle façon
de gérer nos ressources humaines, vers un changement de mentalité
profond. Je crois que nous n'y arriverons pas si chacun, à notre tour,
nous ne nous dégageons pas au maximum, finalement, de notre passé
et de notre présent comme acteurs dans la gestion des ressources
humaines. Je remarque que, dans ce sens-là - bien sûr, cela me
fait plaisir - vous êtes carrément d'accord avec le fond et
l'ensemble du projet de loi. Vous faites des remarques qui, à certains
égards, sont très pertinentes et on va certainement en tenir
compte.
Par ailleurs, un collègue nous disait tout à l'heure:
Combien les avez-vous payés? parce qu'il a eu l'impression que vous
m'aviez trouvé une nouvelle "job", au niveau des acteurs. Je vous avoue
que cela m'a un peu déçue parce que je pensais que j'avais
tellement de mérite à avoir aboli le ministère. Vous nous
arrivez en suggérant, finalement, une autre structure
ministérielle pensant que cela prend un ministre à temps plein
pour une réforme aussi importante que celle-là. Je ne sais pas ce
que le premier ministre en pensera, mais nous avions cru qu'un ministre pouvait
cumuler la responsabilité de l'Office des ressources humaines et une
autre responsabilité, parce que, dans notre esprit, même si ce
n'est pas inscrit dans la loi et même si on ne peut pas dire au premier
ministre comment faire ses remaniements - tout le monde le sait -l'Office des
ressources humaines devait nécessairement, pour maintenir un
équilibre entre la gestion financière et la gestion des
ressources humaines, dépendre d'un autre ministre que le
président du Conseil du trésor. Cela nous semblait aller de
soi.
Par ailleurs, nous avons cru bon, justement pour éviter les
malaises que le ministère de la Fonction publique a vécus tout au
cours de son existence de chevauchement quant aux responsabilités
Trésor et Fonction publique, d'envoyer au Trésor la
responsabilité de préparer des politiques pour la gestion des
ressources humaines, pensant que c'était une façon d'harmoniser
et la gestion des ressources humaines et la gestion des ressources
financières d'une façon plus cohérente. Quant à
moi, je crois toujours que cela peut être très sain qu'un
organisme comme le Trésor, qui est résolument orienté vers
la gestion des ressources financières - c'est déjà sa
première responsabilité - soit confronté aux
réalités de la gestion des ressources humaines pour le
sensibiliser justement à cela et qu'il ait de fait la
responsabilité d'équilibrer ces objectifs. Dans cette
perspective, il était prévu que l'office, le conseil le supporte
et, au besoin, fasse des recommandations; mais pour nous, il semble toujours
préférable qu'il y ait une harmonisation entre la gestion des
ressources financières et humaines.
Cela dit, si je me dégage de notre présent - je prends la
leçon que je nous demande à tous - et de notre passé,
parce que cela fait quand même quelques années qu'on songe
à cette loi, et admettons qu'on prendrait votre hypothèse de
séparer la gestion de ces deux ressources, comment voyez-vous cet
office? Est-ce que le sous-ministre siégerait au Conseil du
trésor, par exemple? C'est une question importante, parce que c'est un
malaise aussi qu'on a vécu comme ministère de la Fonction
publique de ne pas être présent aux décisions du Conseil du
trésor, aux décisions gouvernementales. On ne parle pas de
l'appareil, justement pour tenter de rétablir l'équilibre entre
le Conseil du trésor et les responsabilités qu'ont les
gestionnaires.
J'aimerais que vous me précisiez davantage cet aspect des
structures. Du côté de la commission, vous dites que vous
préféreriez qu'elle ait un rôle d'enquête
générale. La question se pose. Bien sûr, beaucoup de gens
l'ont souligné ici. D'autres prennent plutôt l'aspect
Vérificateur général que commission, mais grosso modo,
beaucoup d'intervenants ont senti le besoin de nous dire qu'il faudrait
un rôle de contrôle plus général que ce qui est
prévu dans l'actuelle loi. Ce qu'on a vécu comme
expérience, ce que les gestionnaires ont vécu est finalement la
judiciarisation de la commission, compte tenu, il faut bien le dire aussi, de
la loi 50 qui, dans beaucoup de cas, ne laissait pas plus de souplesse à
la commission qu'à d'autres intervenants. Justement, beaucoup de
gestionnaires craignent que si on maintient ces pouvoirs d'enquête et ces
rôles à la commission, effectivement cela aille à
l'encontre de ce qu'on veut développer comme responsabilisation et
imputabilité.
Vous, dans votre perspective, comment verriez-vous une nouvelle
commission qui pourrait rejoindre les objectifs que nous avons
d'imputabilité et de responsabilisation et, en même temps, jouer
le rôle que vous pensez qu'elle devrait jouer, soit le contrôle a
posteriori?
Vous avez parlé du droit à la différence, du droit
à l'erreur. Cela m'a aussi fait beaucoup plaisir parce que je pense que
la loi est orientée sur le droit à la différence. Le droit
à l'erreur, je pense que c'était opportun de souligner ce que
vous avez souligné. J'espère que l'Opposition aussi a pris son
message parce que les représentants gouvernementaux ne sont pas toujours
très tolérants par rapport aux erreurs que la gestion peut
commettre. Mais si les représentants gouvernementaux ne sont pas
tolérants, c'est parce qu'ils craignent surtout qu'à
l'Assemblée nationale un
événement qui ne soit pas en soi catastrophique devienne
politiquement une plaie pour un gouvernement et devienne finalement une
façon de taper sur lui. À l'Opposition, quel que soit le parti au
pouvoir, une adaptation peut être beaucoup plus importante à faire
qu'au niveau gouvernemental. Quand un gouvernement, quand un ministre sera
capable de dire en Chambre tout bonnement et tout simplement: Oui, il y a eu
une erreur, c'est regrettable, on va voir à la corriger et on va
éviter que des abus se fassent à l'avenir sans que cela prenne
des proportions qui durent une semaine à l'Assemblée nationale,
les ministres deviendront nécessairement plus tolérants pour les
erreurs administratives. (12 h 45)
J'aimerais que le député de Louis-Hébert, entre
autres, nous dise comment il voit cela. Est-ce possible une Assemblée
nationale future où les politiciens se donneraient des droits à
l'erreur? Ce qui ne veut pas dire se donner des droits aux abus. Ce qu'on a
toujours dit, dans l'approche que nous avons, c'est qu'on est fort conscients
qu'il y a des erreurs, qu'il y a des abus; mais au lieu de normer pour
déranger tout le monde alors qu'il y a abus qu'on peut localiser et
corriger, faisons confiance à l'ensemble, à la majorité et
allons corriger les abus là où ils sont.
Par ailleurs, vous ne parlez pas de sanctions quand vous parlez du droit
à l'erreur. Dans votre esprit, est-ce qu'il faudrait quand même
qu'il y ait des sanctions? Quels types de sanctions voyez-vous au droit
à l'erreur?
Il me reste deux questions. Dans votre esprit, comment voyez-vous un
échéancier sur l'imputabilité? Tout le monde est bien
conscient que cela ne peut pas se faire du jour au lendemain, cela va prendre
du temps, c'est un changement de mentalité. Entre autres, le
député de Sainte-Marie voudrait qu'on dépose une
espèce d'échéancier d'ici quelques mois afin de tenter de
donner une orientation plus précise aux objectifs qui découlent
de l'avant-projet de loi. Est-ce que vous avez eu l'occasion d'y
réfléchir à l'ENAP?
Une dernière question. Vous avez parlé de
déstabilisation de l'appareil. Vous avez dit: II faudrait qu'on
arrête de déstabiliser l'appareil; cela va faire, laissons les
gens travailler et laissons l'appareil avoir un certain sentiment de
sécurité; il n'y a pas de sentiment d'appartenance réelle
sans aussi un certain sentiment de sécurité. Qu'entendiez-vous
par là?
J'ai été plus courte que tout à l'heure. Je
m'améliore.
Le Président (M. Champagne): Oui. M. Jacques.
M. Jacques: Merci.
Dans l'ordre, la suggestion que nous faisons, tout d'abord: ministre
d'État. Sur cette question je vais réagir rapidement et je
demanderais à M. Van Der Donck de compléter mon intervention.
Tout d'abord, je tiens à vous rassurer: nous avions l'idée
de laisser au premier ministre l'occasion de choisir le ministre en question.
Nous ne pensions pas nécessairement à vous. Disons que nous
laissons cela au premier ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Vous nous auriez obligés à
créer un autre ministère par exemple.
M. Jacques: J'ai bien dit que cela prenait quelque chose de
léger. Je ne vous cacherai pas que nous avons longuement discuté
cette dimension. Le fond de notre raisonnement est le suivant: D'une part, vous
remarquerez que nous le lions à toute la notion de réforme
administrative. Selon nous, il doit y avoir, quelque part, un endroit où
l'on puisse voir dans une perspective beaucoup plus large. Cela vaut la peine
qu'il y ait quelqu'un qui soit politiquement responsable de cela, étant
donné les énormes choix qu'il va y avoir dans les années
qui viennent et qui auront de très grands impacts sur les ressources
humaines.
Je rappellerai également que nous le voyons dans une perspective
de gestion ou de management. À ce titre, en ce qui concerne les
ressources humaines, il faut un endroit où on a non seulement les
données mais l'expertise pour ce qui est de la planification, voir en
avant et prévoir en termes de problématique en ce qui a trait aux
ressources humaines. Il est clair à nos yeux que le Conseil du
trésor continuera à jouer un rôle. Par exemple, toute la
dimension financière, toutes les conventions collectives, nous netouchons pas à cela. Même pour les politiques, à cet
organisme que nous avons imaginé, il est clair que certaines de ces
politiques devraient être visées par le Conseil du trésor
et approuvées par celui-ci. Cependant, nous suggérons à la
commission de penser à ce point. Je demanderai, à ce moment-ci,
à M. Van Der Donck de se joindre à moi. Selon nous, il faut un
endroit où l'on puisse voir à plus long terme en ce qui concerne
les ressources humaines. Nous ne sommes pas nécessairement convaincus
que le Conseil du trésor peut agir seul dans cela. D'ailleurs, dans la
loi même on prévoyait que le Conseil du trésor pouvait
déléguer certaines de ces dimensions des ressources humaines
à l'office. Nous avons mordu carrément aux mots "office des
ressources humaines". Nous suggérons d'y ajouter ce volet.
M. Van Der Donck, s'il vous plaît.
M. Van der Donck: Quelle est la bonne formule? Ce n'est pas
facile à trouver. La nouvelle formule est sans doute en réaction
à celle qu'on a trouvée en 1978. À l'expérience, on
a constaté que celle de 1978 n'était pas une bonne formule parce
qu'elle était source de conflits et, également, de gaspillage.
Manifestement, les auteurs de l'avant-projet ont voulu corriger cette situation
en intégrant les deux dimensions que vous avez mentionnées, Mme
la ministre: la gestion des ressources financières et la gestion des
ressources humaines. Je pense qu'il faut maintenir cet objectif. Cependant,
nous craignons qu'en créant l'office, tel qu'il est décrit dans
le projet de loi, on crée un enfant faible dont les fonctions ne
seraient pas suffisamment autonomes et que cet office puisse mobiliser la
fonction publique et réussir à donner suite aux volontés
gouvernementales en matière de gestion des ressources humaines.
Premièrement, nous affirmons qu'il faut un ministre d'État
aux réformes administratives, champ qui déborde largement les
responsabilités immédiates, quotidiennes du Conseil du
trésor à la limite, si on le veut comme cela. On pense qu'il faut
un interlocuteur pour les fonctionnaires qui pourrait diriger les
réformes administratives qui débordent l'application du simple
projet de loi, puisque ce ministre, de qui relèverait non pas un
ministère, mais l'office, pourrait mettre en branle un certain nombre de
projets, de réflexions, pourrait assurer une certaine coordination entre
les actions menées par les ministères, donnerait plus de
garanties que la fonction de la gestion des ressources humaines aurait plus de
continuité sans forcément entrer en conflit avec l'exercice des
responsabilités du Conseil du Trésor qui vont rester très
importantes dans ce domaine. Quel est l'équilibre entre -puisqu'on a
aboli le ministère - le Conseil du Trésor et l'office? Plusieurs
intervenants devant la commission se sont posé la question. Plusieurs
craignent une trop grande concentration des pouvoirs au sein du Conseil du
Trésor. Nous pensons que ce ministre d'État, qui pourrait
être vice-président du Conseil du Trésor, par
hypothèse, pourrait jouer un rôle plus autonome, assurer tout son
temps et toutes ses énergies à la direction politique des
réformes administratives. Ce qui n'est pas forcément le cas pour
le ministre du Conseil du Trésor.
M. Jacques: Votre deuxième question avait trait à
cette notion d'"auditing" au niveau des ressources humaines. Nous
suggérons que la commission puisse jouer ce rôle. Encore
là, la raison fondamentale pour laquelle nous avons imaginé que
cela pourrait être à la Commission de la fonction publique est
qu'il y a des données, il y a une expertise et ils ont
déjà d'autres responsabilités. Dans notre esprit, ce n'est
pas nécessairement la Commission de la fonction publique. Je pense que
la commission et d'autres personnes auront sans doute d'autres idées
là-dessus. Mais ce à quoi nous tenons, c'est que cette fonction
soit, d'une part, carrément et nettement identifiée et qu'elle
soit quelque part pour la simple et bonne raison que cette
décentralisation... On le dit souvent en gestion, si on
décentralise, il faut renforcer deux fonctions. Cela rejoint un peu
l'argumentation qu'on faisait avec le ministère d'État pour la
réforme administrative et incluant, d'une façon
générale, les ressources humaines.
Il faut renforcer la planification et il faut renforcer le
contrôle a posteriori. Si on ne fait pas cela, il y a risque qu'on
échappe tout le bébé. On sait que les efforts de
décentralisation actuellement amènent précisément
ce genre de réflexion et de difficultés. Nous voulons qu'au
niveau de la planification des ressources humaines, ce soit renforcé par
un ministre d'État à la réforme ou autre. Nous voulons
également que l'autre morceau soit renforcé au niveau de
l'évaluation de tout cela, l'évaluation générale et
globale. Encore là, on aurait pu dire peut-être que le
Vérificateur général pourrait faire cela. Nous ne sommes
pas convaincus que c'est nécessairement la place; cela pourrait
être à un autre endroit. Mais je pense que le message ici est de
renforcer la planfication et - votre deuxième question - le
contrôle a posteriori, l'évaluation globale du fonctionnement du
système.
Troisième question, le droit à l'erreur. C'est
évident que cela amène certaines modifications. Cependant, au
niveau des sanctions - nous l'avons indiqué et j'ai passé
rapidement - vous verrez dans le texte que pour nous, cela va de soi, si on a
le droit de faire des erreurs, il doit y avoir des sanctions. Nous sommes
prêts à jouer la partie, c'est-à-dire que notre position
ici est la suivante: S'il y a des erreurs, n'ayez crainte car vous savez comme
moi qu'elles vont sortir. Nous sommes convaincus, nous donnons la chance au
coureur, que le même type d'erreur ne se reproduira pas indûment
dans le temps - c'est là qu'on pourra parler d'abus - pour la simple et
bonne raison que, s'il y a effectivement imputabilité, le dirigeant en
question ou ses adjoints ne se feront pas dire deux ou trois fois qu'ils ont
commis la même erreur. S'il y a véritablement imputabilité,
ils vont écoper en termes de promotion ou de poste. Nous sommes
prêts à jouer la partie. Ce que nous disons, c'est qu'il ne
faudrait pas prétexter une ou deux erreurs pour remettre en cause tout
ce qui est entrepris ici. Nous pensons que c'est malheureusement un danger.
Nous tenons à rappeler à la commission qu'il faudra être
tolérant là-dessus. Il y a peut-
être beaucoup d'acteurs, quels que soient leurs postes ou leurs
opinions, qui n'attendent que cela pour dire: On vous l'avait dit, cela ne
marchera pas.
C'est la même chose pour la décentralisation. On a affaire
au même défi. Décentraliser, cela veut dire entre autres
que certains organismes ne se comporteront pas exactement comme on l'avait
imaginé. C'est ce que cela veut dire implicitement. On peut
prétexter qu'un organisme se comporte différemment pour critiquer
la décentralisation et dire: On vous l'avait dit, ce n'est pas faisable.
Nous ne voulons pas tomber dans cette dynamique-là. Comme le dit Mme la
ministre, nous avons carrément pris option pour le futur. Nous faisons
l'hypothèse qu'il y a des mentalités nouvelles qui vont
apparaître. Il faut les encourager, faire en sorte que le terrain soit
fertile et nous tentons le plus possible de nous dégager du
passé. Dans notre esprit, il y a sanctions et il va y en avoir par
définition. Effectivement, cela va ressortir dans les journaux, à
l'Assemblée nationale. Ce que nous disons c'est que cela ne se
répétera pas par définition parce que la personne va
être pénalisée d'une manière ou d'une autre. Ce
qu'il faudra éviter c'est dire: Tiens, il y a une erreur. Une personne
se fâche à quelque part, que ce soit un ministre ou un autre, et
dit: II n'y en aura plus, et je fais un nouveau règlement. On retombe
dans l'ancienne dynamique, c'est cela que nous voulons dire. Le danger est
énorme.
N'oubliez pas - je l'ai dit tout à l'heure et je le
répète - qu'il y a beaucoup de personnes là-dedans qui
depuis des années - je ne le dis pas de façon cynique - n'ont pas
pris de véritables décisions. Elles font tout simplement
référer à des normes et des lois. Il ne faut pas
s'imaginer que le lendemain matin elles vont devenir ipso facto des individus
qui vont aisément plonger là-dedans. De toute façon, nous
sommes convaincus - comme nous l'avons dit au début - que tout va se
faire graduellement. Il ne faut pas s'imaginer que le lendemain de l'adoption
de la loi tout sera décentralisé, mais cela va se faire
graduellement.
Au niveau de l'imputabilité, nous n'avons pas pensé
à l'échéancier. Il y a des études actuellement dans
certains cours qui se font là-dessus à l'ENAP. Comme nous
l'avions dit à la commission Bisaillon, les impacts à long terme
d'une véritable imputabilité sont énormes; cela
amène une modification du système parlementaire, une
redéfinition du principe de la responsabilité
ministérielle, une précision. L'échéancier - je
vais sans doute vous décevoir - je suis incapable de vous en proposer
un. Je ne sais pas s'il y a de mes collègues ici qui ont de meilleures
idées que moi.
Mme LeBlanc-Bantey: Je me suis demandé s'il y avait des
suggestions.
M. Jacques: Étant donné que vous savez que M.
Bisaillon est étudiant chez nous, on pourra lui demander cela comme
travail.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est une excellente idée.
M. Jacques: Cela pourra être un de ses travaux et on
l'évaluera là-dessus.
Mme LeBlanc-Bantey: Cela est de l'imputabilité. (13
heures)
M. Jacques: Je dirai simplement ceci: Nous sommes convaincus - et
cela est indiqué dans les discussions qui ont eu lieu autour de cette
loi - que c'est une première étape vers l'imputabilité. Je
dirais que l'échéancier dépendra beaucoup du succès
de cette loi et qu'il ne faut pas brusquer les choses. Je n'ai pas
d'échéancier; peut-être qu'on aura des
éléments à vous fournir là-dessus. Il y a
présentement des recherches qui se font là-dessus; il y a des
interrogations à l'ENAP mais, pour le moment, c'est encore très
flou. Je sais, M. Bisaillon, que vous avez pris bonne note de ma suggestion. Je
pourrais la rappeler au directeur de l'information. Est-ce que quelqu'un
d'autre voudrait intervenir? Je m'excuse, mais je n'ai pas de meilleure
idée que cela. Je ne suis pas plus brillant que cela sur ce sujet.
Dernière question: la déstabilisation. Ce que nous disons,
ce n'est pas tellement de déstabiliser ou de vouloir insécuriser,
c'est surtout de donner la chance à la loi de faire ses preuves.
Certains ont dit - à la limite, c'est sans doute vrai - qu'il y a
beaucoup d'éléments de la loi antérieure, de la loi 50,
qui auraient fonctionné si on avait réellement laissé la
chance... Je ne sais pas, cela est très discutable. D'autres disaient
qu'il y avait, dans cette loi-là, des éléments qui
faisaient que cela pouvait difficilement fonctionner. Peu importe, notre
position est que, quoiqu'on fasse, s'il vous plaît, ayons la discipline
de donner la chance à cette réforme de faire un bout de chemin.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de réajustements en cours de
route, plutôt que d'avoir le réflexe une fois de plus de tout
chambarder, de dire: Cela ne fonctionne pas, on tourne la page et on
recommence. Je crois que c'est une faiblesse de l'administration publique
québécoise. Nous avons cette tendance, face à un
écueil, à une difficulté, à tourner la page et
à recommencer à nouveau. Il n'y a pas de tradition qui puisse
s'implanter dans ce contexte-là et, malheureusement, il y a un cynisme
qui se dégage. Plusieurs cadres et fonctionnaires disent: Une autre
réforme s'en vient, assoyons-nous, ne nous énervons pas,
ce sera comme les autres, cela avortera dans quelques mois ou un an, au
plus. C'est cette mentalité que nous voulons essayer de rappeler
à la commission parlementaire qu'il ne faut pas encourager.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. L'heure passe et je
connais les occupations de tout le monde et l'horaire de la commission.
Très brièvement, la ministre voit dans le rapport que vous
présentez une source de réconfort. Grand bien lui fasse: Je pense
qu'une seconde lecture lui permettra de voir qu'il y a aussi, à de
nombreux endroits, des inquiétudes sérieuses sur la façon
dont peut s'articuler et fonctionner cette réforme.
Je comprends votre propos selon lequel il faut donner la chance à
la réforme qui est proposée de faire ses preuves et de pouvoir
donner des résultats à la longue et atteindre les objectifs qu'on
en espère. Cependant, le devoir demeure de souligner les lacunes qui
peuvent exister. Vous en soulignez une de taille, qui est le risque que
présente finalement, c'est fondamental, je suis loin d'être un
expert, mais cela a été souligné à de nombreuses
reprises - le rôle du Conseil du trésor à
l'intérieur de la réforme. Je ne pense pas qu'on puisse insister
trop là-dessus. Le Conseil du trésor a une tradition, une
philosophie, une façon de faire les choses et des préoccupations
qui sont de nature salariale, financière. Du jour au lendemain, un peu
comme le gestionnaire dont vous parliez qui n'est pas habitué de prendre
des décisions, on demande au Conseil du trésor de tenir compte de
l'élément humain, de l'élément ressources humaines.
Comment le fera-t-il? Le point d'interrogation est énorme. Je me demande
si tout ne se joue pas là, finalement. Il faut qu'on soit bien conscient
du risque qu'on court en confiant la presque totalité des
responsabilités relatives à la gestion des ressources humaines au
Conseil du trésor. C'est une remarque que je veux faire et c'est une
remarque qui va dans le sens de celle que vous faites, à savoir si le
modèle que vous proposez est la bonne solution. Vous dites
vous-mêmes que cela reste à voir. Comme d'autres intervenants,
vous avez soulevé la question. La ministre demande que le droit à
l'erreur soit reconnu par l'Opposition, pour ce qui est du gouvernement. Je
dois un peu - je vous rejoins là-dessus - m'inscrire en faux sur ce
désir d'approche unanimiste et consensuelle qu'on retrouve maintenant de
la part du gouvernement. Comme vous le dites, le fait de souligner une erreur
et de la reprocher, c'est la meilleure garantie qu'on a qu'elle ne se
reproduise pas. Que des gens aient à en rendre compte, que des gens
aient à payer pour et que si le gouvernement a à payer pour
certaines erreurs, il le fasse, je pense que c'est tout à fait normal.
Nous sommes à l'intérieur - je pense que cela vaut la peine
d'insister, même si la ministre le disait un peu à la blague -
d'un système de gouvernement où l'Opposition est là pour
reprocher des choses au gouvernement et très rarement pour l'encenser.
Notre rôle n'est pas de manier l'encensoir. Je pense qu'entre eux ils le
font fort habilement et fort adroitement, ils n'ont pas besoin de nous. Notre
rôle c'est de souligner les lacunes, qui sont nombreuses, merci! Nous
allons continuer de le faire et je pense que tout le monde va s'en sentir
mieux.
Je veux revenir à votre mémoire. Vous soulignez un certain
nombre de choses. Au niveau de la responsabilité des gestionnaires, sur
toute la philosophie sous-jacente que nous retrouvons dans l'avant-projet de
loi, vous dites: "II faut prévoir que cela ne sera probablement pas sans
effet sur l'exercice du pouvoir politique." Ma première question est:
Que voulez-vous dire exactement et quelle sorte d'effet sur le pouvoir
politique prévoyez-vous en ce qui concerne cette responsabilisation des
gestionnaires? Quels changements prévisibles peuvent se produire? Vous
parlez très brièvement, vous l'avez dit dans des remarques en
passant, d'un certain phénomène qui est celui - vous avez
employé le mot, je pense - de la prolifération des sous-ministres
adjoints et des sous-ministres associés. Je vous rejoins
là-dessus. Je pense qu'il y a eu une forte tendance dans ce sens depuis
un certain nombre d'années. J'aimerais qu'en tant qu'expert - c'est un
peu à ce titre que vous êtes devant la commission, c'est à
titre de conseiller-expert - vous nous disiez ce que vous pensez de cette
prolifération du simple au double, au moins, des sous-ministres
associés et des sous-ministres adjoints. On en retrouve tant et plus qui
ont des responsabilités administratives, qui remplacent des personnes
qui étaient auparavant des directeurs généraux, etc. C'est
un phénomène qu'on a pu constater depuis un certain nombre
d'années. Considérez-vous que c'est tout simplement une
décision politique de formule de gestion ou si cela va plus loin que
cela, si cela peut avoir des effets sur la productivité, sur la
mobilisation, sur la motivation du personnel? Très brièvement,
est-ce que vous pensez que cette prolifération du nombre de
sous-ministres associés et de sous-ministres adjoints, etc.,
était nécessaire ou si on aurait pu se passer de cela? Je
comprends que la question peut être embarrassante, mais c'est le risque
qu'on prend lorsqu'on se présente devant une commission parlementaire.
En passant, nous sommes bien contents de vous avoir!
Une autre question que je voulais soumettre à votre attention,
c'est que vous
préconisez une espèce de resserrement - si j'ai bien
compris - de certaines règles d'éthique ou en tout cas une
possibilité de resserrement de règles d'éthique pour ceux
qui deviendraient des administrateurs d'État, sous-ministres,
sous-ministres associés, etc., au niveau des transactions, après
qu'ils ont quitté leur poste avec l'État, en ce qui a trait aux
intérêts qu'ils peuvent détenir dans certaines
sociétés, etc., qui ressembleraient un peu aux règles
d'éthique qu'on applique aux membres du cabinet. Ne craignez-vous pas,
d'un autre côté, que cette difficulté supplémentaire
rende plus difficile le recrutement de personnes de qualité, de
personnes qui, de par leur carrière, ont justement accumulé des
biens, ont fait des placements, sont détentrices d'actions, ont
l'intention et seraient prêtes à venir mettre leur expertise, leur
"know-how", au service de l'État, mais hésiteraient beaucoup
à le faire si, après les quelques années qu'elles sont
prêtes à consacrer à l'administration publique, elles se
voyaient dans l'impossibilité de transiger avec cet appareil
étatique. Est-ce que ce n'est pas là une difficulté dont
il faut peut-être tenir compte?
J'aurais plusieurs autres questions à soulever. De toute
façon, je pense que votre mémoire contient un nombre suffisant de
remarques pour que nous puissions l'utiliser de nouveau, à bon escient,
lors de la commission parlementaire qui ne manquera pas de se tenir, Mme la
ministre, j'imagine, quand nous aurons le projet de loi qui sera
peut-être la douzième, treizième ou quatorzième
version. Ce n'est pas un reproche que je fais; c'est tout simplement une
constatation. On aura peut-être l'occasion de revenir sur les remarques
qui sont contenues dans le mémoire et nous pourrons voir s'il y a
adéquation entre ce que vous proposez et certains changements qui
pourront être apportés dans le projet de loi lui-même par
rapport à l'avant-projet de loi que nous avons entre les mains.
M. Jacques: Merci, M. le député. Merci, M. le
Président. Vous faites certaines remarques à propos du Conseil du
trésor. Je sais qu'il y a eu beaucoup de remarques à ce sujet
ici. Je sais, pour avoir participé à un genre de 5 à 7 la
semaine dernière, en présence de plusieurs fonctionnaires, que
l'image du Trésor est améliorée, je pense. Ce ne sont pas
tellement des doutes que nous avons, c'est-à-dire que je suis un
optimiste de nature et je crois qu'effectivement, eux aussi sentent le besoin
de modifier certaines choses et je crois qu'ils peuvent le faire. Ce n'est pas
tellement sous cet angle que nous abordons le problème que sous celui de
la difficulté intrinsèque, quelle que soit la bonne
volonté du Conseil du trésor, de concilier certains
éléments. Écoutez, nous disons qu'il va rester beaucoup
d'éléments qui vont toucher la gestion des ressources humaines,
ne serait-ce que les négociations, les conventions collectives, les
politiques générales ayant un impact budgétaire. Mais il y
a tout cet autre volet qui est beaucoup plus souple, qui est beaucoup plus
prospectif. Notre hypothèse -elle est peut-être fausse - c'est
qu'il est difficile de concilier à l'intérieur de la même
boîte des valeurs, ou des préoccupations aussi différentes.
À moins que le Conseil du trésor s'organise d'une façon
telle qu'il y ait une branche qui s'occupe de cela et qui soit
complètement décentralisée, je ne sais pas. C'est une
question que nous nous posons et que nous vous posons: Est-il possible de
concilier, à l'intérieur de la même boîte, certaines
de ces préoccupations? Nous tenons pour acquis que la loi leur en
prévoit déjà beaucoup. Nous leur laissons essentiellement
ce qui est prévu, mais nous insistons plus de toute façon sur une
politique générale des ressources humaines. C'est pour cela que
nous avions vu cette dimension plus au niveau de l'Office des ressources
humaines qui va avoir certaines données. Ce n'est pas tellement en
termes de doute sur leurs capacités, parce que l'effort qu'on va exiger
du Conseil du trésor va être aussi fort que celui qu'on va exiger
des sous-ministres ou des dirigeants ou de toutes les directions de gestion de
personnel. L'effort pour eux aussi va être énorme. En fait,
l'effort va être grand pour beaucoup de personnes.
Quant aux erreurs, vous avez souligné à juste titre le
rôle de l'Opposition. Nous sommes d'accord, évidemment, avec le
rôle de l'Opposition. Nous savons et nous souhaitons que l'Opposition
continue de jouer son rôle. Ce n'était pas le sens de notre
intervention. C'est un pari que nous faisons, je le répète, c'est
une gageure et si effectivement, l'Opposition ou les journalistes
relèvent des erreurs, nous tenons pour acquis qu'elles vont se corriger.
Ce que nous craignons - et c'est là que je rejoins votre
troisième question, l'impact sur le politique -c'est le danger aussi
grand chez l'Opposition que du côté ministériel. Si, d'une
part, le rôle de l'Opposition est de poser des questions et de soulever
des points qui ont accroché et que l'Opposition, psychologiquement,
s'attend que le lendemain ce soit corrigé par une nouvelle norme, c'est
cela que nous voulons éviter. Le même réflexe pourrait
jouer du côté ministériel. Face à une erreur, on
dit: Sacrifice, je ne me ferai plus reprendre en Chambre et il passe l'ordre
à son sous-ministre: Bangi Une nouvelle règle, et je ne veux plus
rien savoir. C'est là qu'il va y avoir une phase d'adaptation et c'est
là que, par la dimension politique, nous voyons des changements qui vont
devoir survenir. C'est un certain jeu, mais qui va être
contrôlé parce que, si le
principe de l'imputabilité joue, il va être
contrôlé, par définition. (13 h 15)
Concernant la prolifération des sous-ministres, je vais faire
part de certaines réactions et je demanderai peut-être à
deux de ces personnes de m'aider, d'anciens sous-ministres. Je crois qu'il y a
eu une raison aussi. Vous avez soulevé des raisons différentes,
des raisons historiques. Je pense qu'il y a aussi eu - c'est là qu'on
tombe dans une réforme beaucoup plus globale - des raisons
administratives dans le sens que la gestion dans nos ministères
étant, à plusieurs égards, parfois, je dirais tellement
peu présente, la valorisation des cadres étant tellement peu
reconnue malheureusement... J'ai déjà dit, dans une
conférence antérieure, à l'Association des cadres
scolaires, que je croyais - et je le crois profondément - que le
défi des futures années, pour ce qui est des administrateurs
scolaires entre autres, était de revaloriser leurs fonctions.
Malheureusement, dans nos systèmes, on a dévalorisé la
fonction de cadre. Mais il se dégage une certaine apathie et je
comprends très bien la réaction d'un nouveau ministre ou d'un
sous-ministre de faire peu confiance à la machine en place, pas en
termes politiques, mais en termes strictement administratifs, parce que
plusieurs personnes compétentes n'ont pas eu l'occasion de se
manifester. Je pense que cette raison-là a pu jouer également,
une raison strictement administrative, c'est-à-dire que les ressources
en place ne seront pas suffisantes et qu'il nous faudra de l'aide. C'est
là qu'on va chercher des appuis nouveaux et qu'on crée
peut-être des postes.
Avant de donner la parole à M. Van Der Donck ou à M. Malo
là-dessus, je rappelle précisément qu'on veut, on
suggère qu'il y ait un mécanisme quelconque de contingentement.
Je ne sais pas comment cela pourrait être fait. Sans doute que le Conseil
exécutif aura un mot à dire, à savoir comment limiter, si
je peux dire, cette classe ou cette catégorie qui est, je le
répète, à nos yeux, très saine comme idée et
qui va permettre beaucoup de mobilité et de flexibilité. Nous
voulons la contingenter précisément pour ne pas la
dévaloriser et pour faire en sorte qu'elle soit la plus fonctionnelle
possible, la plus efficace possible.
Finalement, nous suggérons même vous le verrez dans le
texte - qu'il y ait un genre de comité ou autre qui jette un coup d'oeil
là-dessus, parce qu'il faut absolument que ce soient des personnes de
qualité, quels que soient les autres critères qu'on puisse faire
jouer, peu importe, mais qui, fondamentalement, sont de qualité si nous
voulons renforcer notre appareil.
Pour le reste, à ce sujet, je demanderais à M. Van Der
Donck ou à M.
Malo de se joindre à moi. Ils ont sans doute plus de
connaissances que moi là-dessus.
M. Van Der Donck: Je voudrais simplement donner aux membres de la
commission une mesure de la croissance du nombre de sous-ministres
associés et adjoints. Le premier sous-ministre adjoint a
été nommé en 1881. En 1958, il y en avait 18 et, en 1960,
il y en avait 23. C'est M. Jacques Bourgault, un chercheur à
l'Université du Québec, à Montréal, qui a
établi ces données et M. Bourgault est associé aux travaux
de l'ENAP. De 1960 à 1982, comment a évolué le nombre de
sous-ministres associés et adjoints? Entre 1960 et 1966, il s'est
créé, en moyenne, trois nouveaux postes de sous-ministre
associé ou adjoint par année. Entre 1966 et 1970, il s'en est
créé cinq par année. Entre 1970 et 1976, il s'en est
créé cinq par année. Entre 1976 et 1982, il s'en est
créé cinq par année, de sorte que nous sommes rendus
à 123. Le taux d'accroissement du contingent total, du nombre de
sous-ministres adjoints et associés, a atteint son maximum entre 1966 et
1970 - il était de 37% - et, depuis, il a diminué aux alentours
de 30%. Le nombre de sous-ministres adjoints et associés est à
peu près stable depuis trois ans.
Le Président (M. Champagne): Cela va?
M. Jacques: J'aimerais répéter un point qui a
été soulevé lors de la journée d'étude de
l'ENAP où certains d'entre vous étaient présents. Il faut
s'élever ici au-dessus du niveau du débat politique qui pourrait
exister. Si cette classe reste ouverte, c'est très tentant, quel que
soit le parti, d'y amener le plus possible de personnes. Je ne sais pas s'il me
permet de le citer, mais j'avais trouvé sa phrase très
éclairante. M. Roch Bolduc avait dit, lors de cette journée:
J'invite le gouvernement ou les gouvernements, peu importe, à se
protéger contre leur propre turpitude. Je pense que derrière cela
il y a un message important. C'est très tentant. Par contre, comme vous
avez dit, cela a des effets à long terme sur l'efficience, sur
l'efficacité, sur les coûts, sur la mentalité. En un mot,
si on entre systématiquement par le haut, cela a un impact sur
l'interne, entre autres, etc.
Dernier point, le recrutement des hauts fonctionnaires vis-à-vis,
entre autres, de l'angle que vous suggérez. Est-ce que cela ne peut pas
avoir un effet démobilisateur? Possible. Je pense que si c'est bien
expliqué, à mon avis, je ne sais pas si certains de mes
collègues ici voient cela autrement, je ne préjuge pas
nécessairement que le sous-ministre ou le sous-ministre adjoint doivent
se départir de toutes ces valeurs. Au moins, je pense qu'il devrait lui
faire connaître peut-être pas de façon aussi publique ou
officielle que pour un ministre, mais je pense qu'il y a un danger. Ce
n'est pas tellement en place que cela nous inquiète. Nous avons eu une
discussion là-dessus. Ce que je crains beaucoup, personnellement, c'est
lors des départs. Vous savez comme moi qu'au Québec,
particulièrement, le monde est très petit. Je vois des conflits
d'intérêts possibles qui pourraient être très
néfastes pour le renom de l'administration publique et son image dans le
public.
Je crois que ce point n'est pas assez surveillé et, pour en avoir
discuté avec certains sous-ministres, un bon nombre d'entre eux
également se posent la question. À un moment donné, cela
peut devenir indécent. Un sous-ministre quitte, il s'en va dans une
entreprise privée et va chercher les contrats systématiquement,
connaissant l'appareil, connaissant la machine, ayant des amis. Si on le fait
pour des ministres, je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas aussi d'une
certaine façon. C'est cela notre position. Je ne crois pas que cela
puisse avoir un effet démobilisateur si c'est bien expliqué.
C'est tout ce que j'ai à dire là-dessus. Je ne crois pas.
M. Doyon: Simplement une question de détail pour les
chiffres qui nous ont été fournis concernant l'augmentation du
nombre de sous-ministres. Simplement pour mon information personnelle. Est-ce
que ces chiffres comprennent ce qu'on appelle les secrétaires
généraux de ministères, qui sont assimilés à
peu de choses près à des sous-ministres et à des
sous-ministres adjoints ou associés?
M. Jacques: M. le député, je ne parlais que de
sous-ministres associés ou adjoints. Je pense que les secrétaires
généraux associés du Conseil exécutif sont
confirmés comme des sous-ministres, au rang de sous-ministres. Je ne
parlais que des sous-ministres adjoints et associés. Si la commission le
désire, je pourrai lui transmettre, avec la permission de M. Bourgault,
cette partie de son étude qui établit ces données.
M. Doyon: Ce serait intéressant parce qu'il ne faut pas oublier
que nous sommes dans une période où on parle abondamment de
décroissance de l'appareil étatique, de réduction de la
présence de l'État, etc. Je pense que si on veut avoir un
véritable portrait d'ensemble, il faut tenir compte de ces choses, il
faut tenir compte des secrétaires généraux des
ministères. Il faut tenir compte aussi des nouvelles structures que sont
les ministères d'État qu'on ne connaissait pas auparavant. Ils
nous sont arrivés comme cela et, dans les faits, peu importe
l'étiquette qu'on leur donne, ils établissent une structure
supérieure, une hiérarchie supérieure au niveau des sous-
ministres, que ce soit sous-ministre associé ou autre. Je pense qu'il
est important que cette dimension ne nous échappe pas. C'est tout
simplement le but de ma remarque. Je serais reconnaissant de voir si vous
pouvez nous fournir ces détails.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, je serai très bref,
compte tenu de l'heure. Je remercie mes collègues de me permettre de
continuer. Vous savez sans doute que j'attendais avec impatience le
mémoire de l'École nationale d'administration publique pour deux
raisons. La première, c'est que l'École nationale
d'administration publique est un intervenant neutre, n'a pas
d'intérêt immédiat dans la question qui nous concerne, est
une observatrice de l'administration publique depuis plusieurs années.
En plus de cela, son existence même est reliée à
l'amélioration de l'administration publique.
Évidemment, la deuxième raison, c'est que depuis
près d'un an et demi maintenant on a l'habitude à l'ENAP de juger
mes travaux par un A, un B ou un C, le plus souvent un C d'ailleurs. J'avais
hâte de pouvoir être en position de faire de même
vis-à-vis de ceux qui se permettent depuis un an d'apprécier mes
travaux.
M. le Président, je voudrais indiquer aux directeurs de l'ENAP
que j'ai produit dans le cadre d'un travail un échancier d'application
d'imputation et que j'ai obtenu un A, le seul, d'ailleurs. Je me rends compte
que cela n'a pas percé ni à l'ENAP ni au gouvernement.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est la première nouvelle que j'en
ai.
M. Bisaillon: Mme la ministre vous devriez savoir que lorsqu'on a
fait le débat à l'Assemblée nationale sur le rapport de la
commission, j'avais indiqué que j'avais un échéancier et
qu'il était disponible au gouvernement. C'était dans mon
intervention à l'Assemblée nationale.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est un oubli involontaire.
M. Bisaillon: Voilà, voilà. J'irai rapidement pour
souligner aux représentants de l'ENAP que vous nous avez apporté
des éléments, quelques-uns nouveaux, pour moi, fort
intéressants. Les précautions que vous voudriez que l'on apporte,
par exemple, à la catégorie des administrateurs d'État et
au développement d'une éthique particulière qui s'applique
à eux me semble un problème fort important qui avait
peut-être été négligé. Les différences
que vous voudriez voir apparaître entre la gestion des ressources
financières et la gestion des ressources humaines ont
déjà été soulignées à cette
commission, mais vous y avez apporté un éclairage
différent. Le mémoire aura avantage à être relu ou
complété, j'en suis convaincu. Je ne suis pas d'accord avec
l'ensemble. Je comprends que la ministre puisse être soulagée par
votre rapport ou y trouver un certain réconfort. Quant à moi,
j'aurais plusieurs discussions à faire avec vous à ce sujet mais
je sais qu'on aura des occasions pour le faire autres que celles de la
commission.
Je voudrais terminer en vous posant trois questions. Une première
s'adresserait à M. Van Der Donck, sur les catégories de personnes
comprises dans la catégorie des administrateurs d'État. Est-ce
que vous trouvez normal et approuvez-vous le fait que le chef de cabinet du
premier ministre soit inclus dans la catégorie des administrateurs
d'État? J'aurai une question par la suite à M. Jacques sur...
Mme LeBlanc-Bantey: C'est une raison historique.
M. Bisaillon: Pardon?
Mme LeBlanc-Bantey: C'est une raison historique.
M. Bisaillon: Vu qu'on est ici pour discuter d'un projet de loi
nouveau on ne se laissera pas embarrasser par ce qui existait hier,
puisqu'à ce moment-là on pourrait rester avec la loi 50. Je l'ai
déjà dit à la ministre hier, je le répète
aujourd'hui. Ma question est posée dans le sens que je ne veux pas
savoir si cela existait hier, je veux savoir si c'est normal que cela continue
d'exister demain.
M. Jacques a parlé du droit à l'erreur. J'aimerais qu'il
parle un peu plus de ce que vous avez commencé à élaborer
dans le mémoire et qui s'appelle "le droit à la
différence" et que vous nous expliquiez un peu plus ce que vous vouliez
dire par cela.
J'aurais une dernière question qui s'adresserait à M.
Malo. Est-ce que vous pensez que les structures de l'École nationale
d'administration publique, son fonctionnement et ses ressources pourraient
être davantage utilisés par l'appareil gouvernemental en ce qui a
trait au développement des ressources humaines gouvernementales et
à leur perfectionnement? Par exemple, pensez-vous que l'École
nationale d'administration publique pourrait facilement mettre sur pied des
programmes particuliers visant à faire en sorte que les changements de
mentalité et d'attitude qu'on appelle depuis les débuts de cette
commission puissent se réaliser véritablement par une assistance
de perfectionnement et de formation?
M. Van Der Donck: Je réponds à votre question, M.
Bisaillon, en vous disant que je ne connais pas la raison historique qui est
à l'origine de l'inclusion dans l'avant-projet de loi du directeur du
cabinet comme administrateur d'État. Deuxièmement, je pense que
l'on peut assimiler le directeur du cabinet à l'ensemble des personnels
politiques qui gravitent autour des ministres par ailleurs, sans regarder
l'aspect historique de la question. C'est une question qui reste à
débattre.
M. Jacques: La deuxième question en ce qui concerne le
droit à la différence. Vous aimeriez que j'explicite un peu notre
pensée sur ce sujet. Pour nous c'est un point fondamental. Je crois que
c'est un point clé de cette réforme. D'autant plus si l'on veut
que cette réforme débouche, comme il a été dit, sur
une imputabilité plus large et sur une modification également de
la gestion des ressources financières et matérielles dans les
années futures. (13 h 30)
II faut, je crois, que nos appareils, que nos organisations s'habituent
- et ce sera difficile - parce qu'il faut expliquer les différences,
mais il faut s'habituer à vivre des différences qui sont
inévitables. Nous croyons qu'on ne peut pas s'imaginer qu'un cadre de
travail ou un mode de fonctionnement puisse s'appliquer de la même
façon dans des organismes aussi différents ou aussi disparates
que ceux qu'on peut rencontrer dans la fonction publique.
Je crois que c'est l'une des raisons fondamentales de blocage important,
de frustration importante, de démotivation, etc. Selon nous, dans une
même catégorie d'emploi, il est souhaitable que des personnes,
étant donné qu'elles sont dans des organismes différents,
ne travaillent pas exactement de la même façon et que ce soit
possible et que ce soit reconnu. Il faudra énormément d'efforts
de la part de tout le monde. J'inclus évidemment les syndicats.
Je pense qu'à l'avenir ce genre de défi est
inévitable. On n'a pas le choix. Il faudra y faire face. Maintenant, je
répète que c'est au niveau de la gestion, entre autres, un droit
très exigeant, parce qu'il faut expliquer ces différences. Il
faut qu'elles soient réelles et basées et non pas uniquement des
caprices, parce que cela va tomber. Est-ce que cela répond à
votre question?
La troisième question s'adressait à M. Malo. J'aimerais
également, pour ce qui est de la dimension plus spécifique au
perfectionnement, que M. Lavigne se joigne à la réponse. J'aurai
une dernière question à poser à M. Bisaillon.
M. Malo (Luc): La question était: Est-ce que l'ENAP peut
assumer un rôle dans le développement des ressources humaines,
particulièrement dans le changement de mentalité et
d'attitude requis pour l'implantation de la loi?
Sans aucun doute, oui. D'ailleurs, si depuis une semaine j'ai
accepté d'être le directeur de la formation à l'ENAP,
laissant mon rôle d'administrateur d'État, c'est que je crois
fondamentalement que la qualité de la fonction publique, dans quelques
années, sera beaucoup fonction de la qualité des travaux et des
interventions de l'ENAP auprès de la fonction publique. Ce rôle
m'apparaît essentiel. Je pense que nous devons avoir les moyens de
l'assumer. Je pense que nous pouvons aussi l'assumer à travers et le
programme de formation et le programme de perfectionnement. Bien sûr, ce
rôle sera facilité si le gouvernement a une véritable
politique de gestion de main-d'oeuvre, si les politiques de mobilité de
main-d'oeuvre, de planification et de développement des carrières
des cadres sont bien conçues et bien situées dans une
planification où la préoccupation de gestion des ressources
humaines demeure la première préoccupation. Je pense que cela
doit être la première pour toute entreprise qui voit à long
terme et qui se situe dans l'avenir.
M. Jacques: M. Lavigne.
M. Lavigne (Pierre): Oui. J'aimerais ajouter quelques
éléments par rapport au perfectionnement et peut-être faire
un très bref historique. Au tout début du rapport, on affirme que
la fonction publique québécoise, depuis plusieurs années,
a acquis une certaine maturité, s'est habituée à
gérer dans un contexte où il y a plus de rareté de
ressources et, en ce sens, on affirme qu'on a une fonction publique qu'on juge
compétente, quant à nous. D'ailleurs, depuis deux ans, je pense
que la fonction publique québécoise se prépare à
l'imputabilité en termes de mentalité; à preuve, le
colloque qui a été réalisé au mois de mai avec les
sous-ministres par rapport à ce thème et ce qu'on peut retrouver
dans différentes activités avec des organisations. Ce qui est
intéressant, c'est que depuis deux ans nous avons passablement
d'activités avec des cadres de la même organisation. Cela est
passablement nouveau. Je tiens à le mentionner autant le
perfectionnement à l'ENAP était peut-être plus une approche
individuelle, autant, aujourd'hui, c'est une approche orga-nisationnelle. Dans
ce sens, nous affirmons sans hésitation qu'il y a un terrain propice
à l'heure actuelle dans notre fonction publique québécoise
à aller de l'avant.
Que pourrions-nous faire, nous de l'ENAP, de façon plus
spécifique? Nous de l'ENAP seuls, non; l'ENAP avec la fonction publique,
oui, parce qu'on croit beaucoup aux activités où il y a, dans la
diffusion, des gens de la fonction publique qui prêtent leur concours
à quelque niveau que ce soit. Dans ce sens, il y a bien sûr un
travail encore à faire au niveau des attitudes, des comportements. M.
Jacques en a parlé longuement. Je pense qu'il y a des choses à
faire au niveau du rôle et de la fonction du "manager" dans la fonction
publique. Nous avons déjà un certain nombre de contenus, nous
devrons revoir nos contenus à partir de la loi. Il y a des choses sur la
gestion des ressources humaines. Cela nous apparaît fondamental à
partir du moment où on responsabilise les dirigeants d'organismes, les
sous-ministres en titre. Je pense que cela doit se traduire dans la gestion des
ressources humaines et un des principes d'intervention en organisation est que
nous essayons d'impliquer le plus possible la haute direction.
Pour nous, la haute direction cela veut dire l'équipe
immédiate qui travaille autour du président de l'organisme ou du
sous-ministre en titre et dans ce sens, je pense que nous pourrions
éventuellement étayer cela. Il y a un thème qui est
nouveau et celui-là nous devrons y travailler fort pour y parvenir,
c'est celui de la gestion du changement. Vous avez parlé
d'échéancier d'imputabilité; on ne peut parler
d'échéancier d'imputabilité sans parler de la gestion du
changement. Cela peut prendre la forme pas nécessairement
d'activités de formation, cela peut prendre la forme d'activités
d'aide-conseil, de support, mais cela nous apparaît fondamental pour
assurer un certain succès. Dans ce sens, la présence d'un bassin
de ressources à l'ENAP - notre présence ici n'est pas
dénuée d'intérêt comme peut-être vous
l'affirmiez tantôt - constitue une alternative pour la fonction publique
québécoise. C'est dans cet esprit qu'il faut le voir.
Le Président (M. Champagne): M.
Jacques, vous aviez une question? Peut-être... Je ne sais
pas...
M. Jacques: Oui. Étant donné...
Le Président (M. Champagne): Est-ce que vous acceptez une
question parce qu'il faut quand même...
M. Bisaillon: On va attendre les questions.
M. Jacques: Non. Pour ma curiosité personnelle et
étant donné que, comme vous l'avez sans doute
réalisé, c'est très décentralisé à
l'ENAP, à preuve la présence de mes collaborateurs, quelle note
donnez-vous au rapport?
M. Bisaillon: Je serais tenté de répondre, M. le
Président, mais j'ai encore six mois à faire à l'ENAP.
Le Président (M. Champagne): Une vraie réponse de
politicien, n'est-ce-pas? Peut-être, Mme la Ministre, une
dernière...
Mme LeBlanc-Bantey: En concluant, je voudrais quand même
rassurer le député de Louis-Hébert et dire que même
si j'ai trouvé une source de réconfort dans le rapport, je suis
aussi consciente des inquiétudes qu'il contient. Je pense que c'est
inévitable qu'il y ait des inquiétudes. Si on devait tenir compte
de toutes les inquiétudes qu'on a entendues depuis le début de la
semaine, on finirait avec une loi qui serait deux fois plus
réglementée que la loi 50. Le problème qu'on va avoir,
c'est de maintenir un équilibre entre tout ce qui nous a
été dit et tenter d'avoir la meilleure loi possible, mais il n'en
reste pas moins que même avec la meilleure loi possible, parce que nous
sommes tous des humains et qu'évidemment elle ne sera pas parfaite, il y
aura encore des inquiétudes. Ce type d'approche est fondamentalement
différent, tout le monde le reconnaît, de ce qui existe
actuellement.
Il est clair qu'il suscite en soi des inquiétudes. Je dirai
très gentiment aussi que si l'ENAP devait, éventuellement,
fournir des cours dans le contexte de ce que demandait le député
de Sainte-Marie, j'espère que mon collègue de Louis-Hébert
aura la même humilité que j'ai eue au début de votre
intervention et qu'il s'inscrira.
Je pense profondément, même si je sais que l'Opposition est
là pour s'opposer, que si on veut arriver à un régime
d'imputabilité réelle, il va falloir qu'il y ait des changements
de mentalité très sérieux à l'Assemblée
nationale du Québec. Merci, M. le Président.
M. Doyon: Très brièvement, simplement pour joindre
mes remerciements à ceux de la ministre et pour lui dire que mon
défaut de m'inscrire à l'ENAP n'est pas un manque de
désir. C'est tout simplement que cela prend tellement de temps pour
surveiller ce gouvernement qu'on n'a pas le temps de faire autre chose.
Le Président (M. Champagne): Voici. En attendant de
s'inscrire aux cours, je vous conseille la lecture du nouveau volume qui a
été publié par l'ENAP, à savoir: L'administration
québécoise. Cela s'est fait avec l'Université du
Québec. J'y ai appris beaucoup de choses. Je conseille à mes
collègues d'en faire une bonne lecture avant de se présenter
aussi aux cours que vous donnez.
Sur ce, la commission élue permanente de la fonction publique
suspend ses travaux à cet après-midi, 15 h 30. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 40)
(Reprise de la séance à 15 h 40)
Le Président (M. Champagne): À l'ordre! La
commission élue permanente de la fonction publique poursuit ses travaux
afin d'entendre toute personne ou tout groupe qui désirerait intervenir
sur l'avant-projet de loi sur la fonction publique.
Nous demandons aux représentants du Comité des
occasionnelles et occasionnels du Syndicat de professionnelles et de
professionnels du gouvernement du Québec de se présenter à
l'avant, s'il vous plaît! On demanderait au porte-parole de s'identifier
et de présenter les personnes qui l'accompagnent.
Comité des occasionnelles et
occasionnels du Syndicat de
professionnelles et professionnels
du gouvernement du Québec
M. Hardy (Robert): M. le Président, Mme la ministre,
messieurs, à ma gauche, Mme Colette Doucet. Mme Doucet travaille au
niveau des services administratifs au ministère de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu. À ma droite, M. Michel LaBelle,
du même ministère au niveau des programmes d'emploi à
Trois-Rivières. Ils sont tous les deux occasionnels au gouvernement du
Québec. Moi-même, Robert Hardy, je suis agent d'information au
Conseil du statut de la femme, membre du comité exécutif. Au nom
du comité des occasionnels, je vous remercie de nous recevoir
aujourd'hui.
Je vous demanderais d'être attentifs à la question dont on
va traiter, attentifs particulièrement parce qu'on sait bien que cela ne
concerne pas une foule de gens comparativement à l'ensemble des
employés de l'État. On peut ramener cela à quelques
centaines et, sur un point précis, à quelques dizaines. C'est
important, car, vous le savez - cela a été mentionné par
d'autres groupes - chaque fois qu'il est question de ressources humaines, toute
l'attention qui est due devrait être apportée. Cela peut sembler
un petit point par rapport à l'ensemble du projet de loi. On pourrait
peut-être dire aussi que, si on est capable d'être grand dans cette
petite chose, on pourrait peut-être être à la hauteur dans
les plus grandes.
Vous avez pu prendre connaissance du mémoire; je n'ai pas
l'intention de le lire. Je préférerais plutôt
présenter la situation des occasionnels, faire état des solutions
pour régler les problèmes afférents à cette
question qui sont sur la table depuis déjà un bout de temps. Par
la suite, M. LaBelle pourra vous donner un exemple concret d'un occasionnel en
milieu de travail et Mme Doucet aura peut-être quelques mots à
ajouter à ce sujet. Allons-y pour voir comment toute la question des
problèmes des
occasionnels s'implique dans la réalité pour en arriver,
finalement, aux amendements qu'on souhaiterait voir apporter à
l'avant-projet de loi.
La situation actuelle chez les professionnels. Il est peut-être
utile de rappeler qu'il existe deux types d'emplois occasionnels: les emplois
à court terme qui peuvent durer six mois ou moins pour du remplacement
temporaire ou du surcroît de travail et l'autre type d'emplois, les
emplois occasionnels à long terme pour une durée de douze mois et
plus pour des projets spécifiques ou du remplacement à long
terme. C'est important de noter qu'un projet spécifique, c'est pour une
durée qui, généralement, ne doit pas excéder trois
ans, selon une directive du Conseil du trésor. Cette limite de trois ans
est importante et on va y revenir plus tard.
Les conditions de travail sont différentes selon chaque type
d'emploi occupé par les occasionnels. Si vous êtes un occasionnel
à court terme, vous ne bénéficiez pas d'avantages sociaux,
tels congés fériés, congés de maladie, mais vous
avez une compensation qui prend la forme d'une rémunération de
11,12%. Vous avez une prime de 8% qui s'ajoute à la compensation
puisqu'il n'y a pas de vacances. Pour ce qui est des occasionnels à long
terme, ils bénéficient des mêmes conditions que les
permanents à l'exception du régime de retraite. Cette condition
particulière, cet acquis date de la convention de 1980. Les deux groupes
d'occasionnels, toutefois, n'ont aucun régime de sécurité
d'emploi.
Au cours de cette même négociation de 1980 qui a vu
apparaître une condition spécifique pour les occasionnels à
long terme, il y avait eu une entente sur un cadre de travail pour
régler les questions en suspens à propos des occasionnels. Cela a
pris la forme d'une lettre d'intention; celle-ci apparaît à la
page 6, en annexe 1, du mémoire. Cela a aussi pris la forme d'une lettre
d'entente qui apparait en annexe au mémoire. La première
déclarait que le ministre - c'était le ministre Gendron à
l'époque - trouvait souhaitable que les occasionnels fassent l'objet
d'une déclaration d'aptitudes. La seconde lettre, la lettre d'entente -
toujours à la page 6, annexe I -prévoyait la création,
d'abord, d'un comité conjoint avec le mandat de dégager une
procédure qui avait comme objectif d'éviter, par exemple -
là, c'est un problème concret - lorsque est créé un
poste du même corps d'emploi que celui occupé par un occasionnel,
que la personne qui occupe ce poste soit ni plus ni moins en concurrence avec
des nouveaux candidats de l'extérieur, les occasionnels occupant ces
postes ayant déjà démontré leurs
capacités.
Le comité conjoint devait aussi trouver le moyen de régler
le problème des occasionnels qui, depuis de longues années,
étaient au service du gouvernement, les cas cruciaux de personnes qui,
souvent, étaient là depuis plus de trois ans et qui
dépassaient même dix ans de service à l'emploi de
l'État. C'était un comité paritaire, c'était un
comité qui avait un mandat d'un an; il était
présidé par une personne neutre qui venait de l'extérieur,
un professeur de l'École nationale d'administration publique, en
l'occurrence M. Paul Tessier.
Le comité s'est donc réuni. Il est peut-être bon de
noter aussi que les négociations qui ont lieu entre la partie patronale
et la partie syndicale, dans le cadre de ce comité, se sont
déroulées dans un bon climat. Parfois, on dit qu'on a de la
difficulté à s'entendre, mais je pense qu'à
l'intérieur du comité le climat était bon et,
effectivement, on a produit un rapport unanime à une question
près, qui n'est, d'ailleurs, pas une question majeure.
Quelles étaient les conclusions du comité? Quelles sont
ses solutions aux problèmes des occasionnels, solutions qui, si elles
avaient été mises en application, ne nous auraient pas
amenés ici aujourd'hui pour venir constater pourquoi on ne les retrouve
pas dans l'avant-projet de loi?
Première conclusion: instauration d'une banque de rappel à
caractère universel pour les occasionnels de six mois et plus. Ce point
a été depuis négocié et le syndicat a
concédé qu'on pourrait ne retenir dans cette banque que les
occasionnels d'un an et plus. Il y a eu négociation. C'est une
matière qui n'exige pas, dans ce cas-ci, d'être prévue dans
la loi, mais on peut profiter de l'occasion pour noter que, si
réellement il y a une bonne volonté de la mettre en place, nous
l'attendons encore. Mais on y reviendra tantôt.
Deuxième grande conclusion: pour réaliser le souhait du
gouvernement et du syndicat que les occasionnels fassent l'objet d'une
déclaration d'aptitudes, le comité a recommandé qu'on
tienne un concours de recrutement ouvert à tout le monde et que la
déclaration d'aptitudes pour les personnes se fasse au point de
départ, à l'entrée. Les personnes qui se
présenteraient à ces concours seraient invitées à
préciser si elles cherchent un emploi permanent, un emploi occasionnel
ou l'un ou l'autre. Alors, une même porte pour tous les citoyens en
général qui recherchent un emploi dans la fonction publique.
On peut passer la troisième recommandation qui traite des listes
et du moment où elles sont périmées. À propos de la
quatrième recommandation de ce comité, on peut souligner
uniquement qu'on se trouvait à régler le problème
lorsqu'un poste occasionnel est transformé en poste permanent. Vu que
l'occasionnel en question a déjà fait l'objet d'une
déclaration
d'aptitudes, la personne peut rester à ce poste.
Enfin, autre conclusion au niveau des irréguliers, des
cas-problèmes, pour tous ceux qui étaient au service de la
fonction publique depuis plus de trois ans, le comité recommandait de
tenir un concours réservé à ces personnes en vue de postes
réguliers. On peut jeter un coup d'oeil pour voir quels sont ces
irréguliers et donner quelques exemples. Au ministère des
Affaires culturelles, vous pouvez avoir des personnes qui sont au gouvernement
depuis plus de six ans dans des programmes d'activités
irrégulières. Il y a, entre autres, un cas qui a
été expliqué - je ne reprendrai pas les détails -
ici, en commission parlementaire, au moins à deux reprises. C'est le cas
d'une personne qui depuis plus de dix ans travaille toujours comme occasionnel
au gouvernement du Québec. Donc, pour ces personnes, le comité
avait comme résolution de tenir un concours qui leur était
réservé. Le comité a remis son rapport, rapport unanime
à une question près, en janvier 1982. Donc, il a
réalisé son mandat dans les délais prévus, et
patrons et employés s'étaient entendus sur les solutions que je
viens de vous résumer. Le compromis pour ces occasionnels était
trouvé. Pourtant, on n'était pas rendu au bout du tunnel sur
cette question.
Avant de passer à la question - parce que d'autres personnes en
ont traité et là on va arriver à ce que la commission
Bisaillon en pensait - il est peut-être bon de jeter un coup d'oeil sur
le portrait actuel des occasionnels parmi les professionnels de la fonction
publique. En août 1983, de ces 950 personnes environ, soit 10% des
effectifs -statistiques qui n'évoluent pas beaucoup; elles peuvent
évoluer un peu au cours d'une année, mais grosso modo, à
la même période dans l'année, on en revient toujours
à ce chiffre -33% sont des femmes. C'est un chiffre important à
constater quand on sait, comme on le mentionnait hier, qu'on retrouve
uniquement 18% de femmes dans les emplois permanents. Parmi ces 950 personnes,
près de 400 sont des occasionnels à court terme, comme je vous
l'ai expliqué tantôt, alors que 500 sont des occasionnels à
long terme. Les gros utilisateurs d'occasionnels, pour ceux que cela peut
intéresser, on les retrouve au ministère de l'Énergie et
des Ressources, au ministère de l'Environnement, au ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, à l'OPDQ.
Enfin, on peut noter aussi que plus de la moitié des emplois
occasionnels sont sur des projets spécifiques, donc autre chose que du
remplacement ou du surcroît de travail.
Ce portrait de la réalité étant fait, voyons un peu
ce que la commission Bisaillon en pensait dans son rapport de mai 1982,
quelques mois après le rapport du comité patronal-syndical. Sur
la question de la déclaration d'aptitudes, la commission ne s'est pas
prononcée pour l'avenir. Par contre, la commission a dit oui à
une banque de rappel. On pourrait reprendre le texte. Il était assez
simple qu'avant que le terme "efficience" soit mis de l'avant dans les
principes, on pensait aussi "efficacité" à la commission
Bisaillon, comme chez nous depuis longtemps. Quand on entraîne du
personnel, c'est gaspiller les fonds d'entraîner un grand nombre de
personnes plutôt que d'avoir recours aux personnes
entraînées, qui sont déjà en partie formées
pour occuper des emplois. Donc, oui de la commission à la banque de
rappel; oui aussi à des concours réservés aux occasionnels
au service du gouvernement depuis plus de trois ans. La commission était
plus que surprise, pour ne pas dire choquée, de constater que de telles
situations avaient pu se produire, à ce point que la commission allait
plus loin que le comité sur les occasionnels et elle recommandait que
ceux qui avaient plus de cinq ans d'ancienneté comme occasionnels soient
intégrés directement dans la fonction publique sans
déclaration d'aptitudes. On jugeait que leurs capacités - et je
pense que c'est normal - étaient amplement démontrées.
Qu'est-ce qui se passe neuf mois après le rapport du
comité paritaire? Qu'est-ce qui se passe quatre mois après la
confirmation du bien-fondé des conclusions majeures du rapport
patronal-syndical par la commission Bisaillon? En octobre 1982, Mme la ministre
nous fait part de ses conclusions. Elle écrivait au président du
SPGQ en octobre 1982. Sur la banque de rappel, grosso modo, elle nous disait:
Cette matière, on va s'en parler au cours de la négociation. Sur
la déclaration d'aptitudes - là, il est important de se
référer au passage cité directement dans notre
mémoire - Mme la ministre pensait ce qui suit: "Tout en reconnaissant
que le principe voulant qu'il est souhaitable que le titulaire d'un emploi
occasionnel fasse l'objet d'une déclaration d'aptitudes est valable en
soi, il ne m'apparaît pas opportun à ce moment-ci de
procéder à ce qui semblerait une modification majeure des
règles du jeu en ce domaine". Alors, ce n'était pas le temps. Je
poursuis la citation: "Vous n'êtes pas sans savoir que mon
ministère s'apprête à réviser la Loi sur la fonction
publique. Il m'apparaît que c'est plutôt à cette occasion
qu'il faille envisager la déclaration d'aptitudes des occasionnels. En
effet, l'économie générale de la loi actuelle est faite
surtout en fonction du personnel régulier."
C'est clair qu'en octobre, Mme la ministre reconnaissait, d'une part,
que la déclaration d'aptitudes, c'était la reconnaissance que M.
Gendron avait faite un an auparavant. Il reconnaissait que la
déclaration d'aptitudes pour les occasionnels, c'était
valable, mais que l'application devait être reportée au moment de
la refonte de la loi, c'est-à-dire à ce moment-ci. Donc,
c'était le temps d'agir. La question qu'on se pose, c'est: Pourquoi n'y
a-t-il rien dans l'avant-projet de loi pour répondre à cela si
c'est maintenant le temps d'agir?
Hier, Mme la ministre s'étonnait que le syndicat des
professionels soit méfiant à l'égard du gouvernement. On
ne comprend pas que vous puissiez encore vous demander pourquoi nous sommes
méfiants. Alors que, sur une question comme celle-là, un
comité patronal-syndical, avec un juge neutre, s'est entendu sur des
solutions, que ces solutions ont été reconnues comme valables par
la commission chargée d'étudier la situation, que Mme la ministre
les a reconnues comme valables et que le temps opportun désigné
par Mme la ministre est arrivé, pourquoi n'y a-t-il rien dans
l'avant-projet de loi? Tout le monde s'est entendu et il ne s'est rien
passé. C'est à se demander qui mène la barque en cette
matière. C'est important parce que la déclaration d'aptitudes,
c'est le point d'ancrage pour de nombreuses personnes. M. LaBelle va en parler
tantôt en fournissant l'exemple de son cas précis.
Enfin, pour les cas irréguliers, Mme la ministre a fait aussi du
magasinage, comme on le mentionnait hier dans un mémoire, et elle est
allée chercher dans le rapport de la commission Bisaillon, encore
là, uniquement ce qui pouvait faire son affaire, je le suppose. Bien
sûr, c'est ce qu'on retrouve à l'article 152, les conditions
additionnelles pour assurer l'intégration dans la fonction publique des
personnes qui ont une longue ancienneté comme occasionnels.
Voilà où nous en sommes. On peut vous résumer notre
position. D'abord, sur la question de la banque de rappel, cela a
été négocié. On ne reprendra pas le détail
de ce qui est dans le décret, de ce qui a été
négocié, mais cela a été négocié au
printemps et il y a eu entente sur cette question-là. Pourquoi cela
n'est-il pas encore en vigueur? Pourquoi n'y a-t-il pas moyen de mettre cela en
application? On a rappelé, lors de la rencontre du mois d'août
avec Mme la ministre - on le lui a demandé et cela a été
réitéré lors d'autres rencontres en septembre - que sur le
plan syndical on était toujours prêts. Il y a eu une concession de
notre part et je pense que cela a été reconnu par la partie
patronale. Mais il y a eu entente sur ce sujet en particulier et on se demande
encore ce qu'on attend du câté du gouvernement pour agir.
Sur la déclaration d'aptitudes, ce qu'on demande, c'est de
procéder à l'avenir et si le temps est venu d'agir, qu'il y ait
un amendement dans la loi à cet effet, que la même porte serve,
pour tout le monde, d'accès à la fonction publique, que ce soit
beaucoup plus clair à l'avenir, donc, que les occasionnels d'un an et
plus d'ancienneté soient recrutés et fassent l'objet d'une
déclaration d'aptitudes.
Enfin, sur les cas irréguliers, je pense que, si tout le monde et
même les membres de la commission se sont scandalisés de la
situation, il est encore urgent d'agir. La meilleure solution, à notre
point de vue, c'était celle de la commission Bisaillon: un concours
réservé à ceux qui ont plus de trois ans
d'ancienneté et l'intégration directe pour ceux qui ont cinq ans
et plus d'ancienneté. Je voudrais simplement souligner que c'est
d'autant plus la meilleure solution que celle proposée dans
l'avant-projet de loi vient de façon malicieuse, à notre point de
vue, élaguer dans les rangs des personnes que la commission et le bon
sens commun voudraient voir intégrer dans la fonction publique. En 1981,
le comité avait identifié une trentaine de personnes. Si on
devait se fier uniquement aux règles insérées dans
l'avant-projet de loi, ce n'est plus 30 personnes qui sont admissibles à
une intégration, même s'il y avait autant de personnes
possédant une longue ancienneté, mais bien uniquement huit
personnes qui pourraient être intégrées en vertu de
l'article 152 selon les chiffres que nous avons en main. Pourtant, il y en a
huit encore, parmi les 30 mêmes cas - je vais revenir tantôt sur
d'autres exceptions - qui sont toujours là, qui sont, selon nous, sur
des activités régulières, pas toujours cependant, sur des
activités régulières, mais qui ont une très longue
ancienneté et qui se verraient exclus en raison de la façon dont
l'article 152 est rédigé. (16 heures)
Une douzaine a déjà quitté depuis le temps
où la situation a été constatée. Donc, il y a douze
personnes qui ont été victimes ni plus ni moins de la
négligence d'agir. C'est quasiment offusquant de constater qu'elles
n'ont pas été reconnues comme des employés permanents. Il
y en a douze qui ont quitté. Enfin, il y a une personne qui a
réussi à se faufiler, disons, à postuler, à obtenir
un emploi permanent dans la fonction publique par le biais d'un concours
ordinaire. La trentaine, c'est sans compter les nouveaux venus, ceux qui ont
obtenu plus de cinq ans ou plus de trois ans d'ancienneté depuis le
moment où la liste a été établie.
Avant de passer à ma conclusion sur l'avant-projet
lui-même, j'aurais deux questions à soulever. D'abord - et
là je fais référence à l'article 152 - une sur le
statut de permanent. On dit bien: Le statut de permanent est attribué au
fonctionnaire. Qu'est-ce que cela veut dire exactement, le statut de permanent?
Est-ce qu'on doit comprendre que c'est selon le gros bon sens, pour des
personnes qui sont là depuis longtemps - elles obtiennent alors leur
permanence avec tout ce que cela comporte, sécurité
d'emploi, etc. - ou bien si cela veut dire que la personne a un an pour
compléter sa probation et que la même personne, qui a toujours un
grand nombre de jours d'ancienneté comme occasionnel, devra en plus
attendre une deuxième année pour pouvoir, en vertu du
décret, obtenir la sécurité d'emploi? On aimerait se faire
préciser cette notion de statut de permanent.
Une deuxième question, c'est l'application de l'article 152 dans
son ensemble; comment allez-vous l'appliquer aux nouveaux cas
irréguliers? On sait qu'à la liste de cas qui a été
établie en février 1981 et qui pouvait couvrir des personnes
jusqu'en février 1983, les gens de cinq ans et plus, on peut ajouter les
noms d'un certain nombre de personnes. Combien il peut y en avoir? On l'ignore.
Peut-être qu'au ministère de la Fonction publique on le sait.
Comment ces nouveaux cas irréguliers, qui se sont ajoutés depuis
le temps que, nécessairement, on a perdu parce qu'on n'a pas agi,
vont-ils être traités?
En conclusion, je peux peut-être répondre d'une
manière différente. Mme la ministre appelait hier le syndicat des
professionnels à faire preuve d'ouverture. Mme la ministre est aussi
surprise qu'on ait refusé le printemps dernier un comité conjoint
sur la question de la discrimination. Pourtant, quand on voit ce qui est
arrivé aux conclusions d'un autre comité conjoint de l'ancienne
négociation, il me semble que c'est facile de comprendre que nos membres
étaient on ne peut plus hésitants à confier encore des
études à d'autres comités conjoints.
Quand on trouve une solution patron-syndicat, quand tout le monde
s'entend et que la solution, malgré tout, ne vient pas, ce n'est pas, je
crois, ce qu'on appelle faire preuve d'ouverture. Malgré tout, on est
prêt à répondre à cette demande d'ouverture. On l'a
déjà dit, je crois, à Mme la ministre: Sur la question de
la négociation, il n'y a pas eu d'entente globale, il n'a pas pu y avoir
entente globale. Peut-être qu'on pourrait réussir en reprenant les
problèmes un par un. Si on commençait par régler celui
pour lequel les solutions sont déjà sur la table, sur lequel
à peu près tout le monde s'est prononcé, il me semble
qu'on pourrait avoir là un premier signe de bonne volonté du
gouvernement qui serait peut-être garant d'une bonne poursuite de nos
échanges sur d'autres matières.
J'arrête là-dessus. Je demanderais à M. LaBelle de
vous faire part d'un cas qui va vous tracer un portrait concret de ce que cela
peut représenter.
Le Président (M. Champagne): On aimerait que ce cas soit
un résumé, de toute façon.
M. Hardy: D'accord.
Le Président (M. Champagne): S'il vous plaît, M.
LaBelle.
M. LaBelle (Michel): Les occasionnels, j'essaie de parler en leur
nom, en étant un. De toute façon, M. Jolivet m'appelait un peu un
occasionnel permanent de la fonction publique. Un des députés
faisait remarquer ce matin qu'il était soumis au bâton une fois
tous les quatre ans. Nous, les occasionnels sommes soumis au chamboulage
à peu près tous les trois mois, six mois ou un an. Quand c'est
rendu que 10% des effectifs de la fonction publique, en ce qui a trait aux
professionnels, sont soumis à des régimes de travail qui
s'approchent de la convention collective de Taïwan, c'est-à-dire
qu'à peu près avec quinze jours d'avis... je m'inquiète.
J'entendais les décideurs ce matin parler en termes de qualité de
vie au travail. Nous, c'est plutôt en termes de survie et du droit au
travail qu'on intervient. J'apporterai une nuance à ce que M. Hardy
disait sur les types d'occasionnels qu'il y a dans la fonction publique.
Les décideurs politiques utilisent, de toute façon,
différents types de main-d'oeuvre: tantôt, elle est contractuelle,
tantôt elle est occasionnelle. Il y a des courts termes. Il est connu
que, pour des surcroîts de travail, on a toujours ouvert la porte aux
occasionnels qui viennent faire des mandats. On a même
déterminé aussi qu'il y avait des projets spécifiques
où même l'employeur, sur une plus longue durée, avait
besoin de main-d'oeuvre. Je donnais souvent comme exemple à d'autres
sous-ministres la fouille d'un endroit comme la Place Royale où on a
besoin d'une équipe de professionnels multidisciplinaires:
anthropologues, architectes, ingénieurs. Un contrat d'une durée
de trois ans qui, même à travers la fouille, peut être
prolongé pour une période de cinq ans, on n'a jamais
bloqué sur cela.
Ce qu'on dénonce, c'est le fait qu'il y a d'autres projets
spécifiques - même le Conseil du trésor a une directive qui
le reconnaît - qui s'inscrivent dans des natures permanentes,
c'est-à-dire que ce sont des projets spécifiques qui
déguisent des emplois permanents. Cela est inquiétant parce qu'on
est en train de développer dans la fonction publique deux régimes
de travail parallèles. Mon supérieur, mon gestionnaire me dit: Je
veux te garder. Cela fait quatre ans qu'il est dans la boîte de
création d'emplois. Et les décideurs nous annoncent à
grand renfort de trompette de la création d'emplois. Je
m'inquiète parce que lui-même dit: Écoute, dans la limite
de la loi 50 actuelle, tu ne peux pas avoir de déclaration d'aptitudes.
Nous, on lui dit: Écoute... Donc, c'est seulement une réforme
qui, à la dotation, au recrutement, permettrait à des
occasionnels,
sur des postes réguliers ou occasionnels, d'aller se chercher une
déclaration d'aptitudes, un rangement au mérite ou au niveau ou
quoi que ce soit.
Nous, ce que l'on réclame, ce n'est pas un traitement de faveur,
ce n'est pas un traitement comme les handicapés, ce n'est pas un
traitement comme les femmes, ni les minorités. On dit: On veut rentrer
tout le monde par la grande porte d'un avant et avoir les mêmes
conditions de travail que tout le monde. D'autant plus que chez nous, notre
chaise a été reconnue comme permanente. À un mille de mon
bureau dans un bureau de Travail-Québec, j'ai un confrère qui est
permanent, régulier, qui a le régime de retraite et toute la
kyrielle qui vous coûte tellement cher, dans le fond. Un occasionnel
coûte moins cher. Il ne paie pas de régime de retraite, il n'a pas
de vacances; c'est soumis à une relation d'amour entre le gestionnaire
et sa productivité. On demande à un occasionnel un rendement
au-dessus - si on faisait du "time study" - de la productivité
normale.
Vous avez beau, en tant que décideurs politiques, dire que vous
faites des diminutions d'effectifs, par la porte arrière, vous gonflez
les effectifs de la fonction publique par des postes occasionnels. Ces mandats,
ces postes et ces travaux, il faut les faire faire pareil. C'est plus facile
pour un gestionnaire d'aller se chercher au Conseil du trésor un CT
d'occasionnel que d'aller se dénicher une chaise permanente. Je pense
que les décideurs, vous avez omis volontairement dans la
rédaction du projet de loi de mettre au recrutement la question de la
déclaration d'aptitudes et cela m'inquiète. D'autant plus que
tous les décideurs antérieurs nous ont conviés à
cette loi en disant: Dans les cadres actuels, on ne peut pas.
Il y a deux choses qui sont au coeur du comité conjoint, comme je
vous le disais. L'essentiel, la banque de rappel, cela fait l'objet d'une
convention. Ce qui est essentiel à retenir - je comprends bien que le
blocage de ne pas hypothéquer l'avenir - c'est que dorénavant,
les employés réguliers ou occasionnels que vous voulez avoir dans
la fonction publique, recrutez-les par voie de concours. C'est le premier
élément. Je pense que cela respecterait le principe universel de
l'accessibilité des citoyens à la fonction publique. Je suis un
citoyen, donc en dehors de la fonction publique au moment où je vous
parle.
L'autre élément, c'est que ceux qui sont en situation
à l'intérieur, comme les occasionnels permanents - il ne faut pas
se le cacher - bon an, mal an, ce sont eux qui font des mandats.
J'entraîne même des employés réguliers. J'ai
même du personnel sous ma responsabilité et je me cogne toujours
le nez parce que je n'ai pas de déclaration d'aptitudes. Alors, on dit:
Les occasionnels qui sont dans la boîte, dont les postes sont reconnus -
chez nous, les gestionnaires au ministère de Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu l'ont reconnu -votre poste est permanent
maintenant, sauf que le titulaire ne l'est pas; c'est une nuance
importante.
Alors, pour ceux qui sont en dedans, dont les postes sont reconnus, qui
ont plus de trois ans de service, dont vous avez pu évaluer si leur
rendement était satisfaisant ou très bien, procédez par
voie de concours réservé. Vous régularisez un principe
d'équité qui est au centre. Je ne vous demande pas de donner
à ces gens une "job" permanente demain matin. Je vous dis: Donnez-leur
la chance de postuler par un concours réservé. Je comprends bien
que vous avez des problèmes avec les conventions collectives de
l'extérieur de la fonction publique. Il y a même des gens qui
regardent nos chaises aussi, malheureusement. Je comprends bien cela.
Je vais vous poser la question - même si le président de la
CEQ est ici en arrière et que je le connais bien - En quoi un enseignant
qui a trois ans d'ancienneté est-il meilleur qu'un occasionnel dans la
fonction publique qui a quatre ou cinq ans d'ancienneté? Est-ce à
cause d'une clause de sécurité d'emploi qu'il viendrait le
supplanter? Ce sont des questions de fond. C'est une question du droit au
travail; c'est une question qui concerne les citoyens, 10%. Quand la ministre
nous dit: Je m'excuse, j'accepte le principe de la rotation: travail,
chômage, aide sociale, je pense que c'est le cercle vicieux de la
création d'emplois qu'on connaît actuellement. On fait entrer des
gens dans la fonction publique, on fait un roulement; on leur fait
acquérir une expérience; on les rejette et on fait passer le plus
de gens possible. À travers cela, il s'avère qu'il y a des gens
qui sont là depuis - j'ai vu la liste que l'employeur nous a fait
parvenir - huit, neuf ou dix ans. L'article 152, tel qu'il est dans la loi
règle une partie, une poussière; c'est une miette que vous
laissez sur le coin de la table. Si le mot "concertation" a encore du sens
quand vous le sortez, c'est rare dans les relations de travail un rapport
unanime conjoint patronal-syndical. L'encre des signatures patronales n'est
presque pas sèche là-dessus et vous le tassez du revers de la
main.
Alors, si vous avez vraiment une volonté politique de
création d'emplois - non pas seulement des emplois
éphémères - si vous voulez donner le ton, je pense que
vous avez à corriger et à harmoniser un certain nombre de
situations de fait dans la fonction publique. C'est un dossier que les
sous-ministres en arrière de vous connaissent aussi bien que moi. C'est
un dossier où, lorsque les occasionnels n'ont pas accès au
recrutement et à la dotation, ils sont finalement
évacués.
Vous avez aussi à régler le cas des employés qui
n'en sont pas vraiment, qui sont déguisés sur des projets
spécifiques. On pourrait vous en faire la démonstration. J'en
connais au moins 22 au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu; c'est un exemple concret. Ces gens sont sur
une chaise, l'employeur le reconnaît. Ils sont à la
création d'emplois et ils ont commencé à l'époque
des hausses. Aujourd'hui, ils sont sur des mandats de création
d'emplois, ils font de la gestion de bureau et ils sont sur la même
chaise que leurs employés réguliers, sauf qu'ils ont un statut
éphémère d'occasionnels. Il peuvent en tout temps
être soumis au chamboulage soit du gestionnaire ou des décideurs
politiques.
Les gestionnaires et les décideurs politiques, par leurs
déclarations dans le passé, nous ont toujours conviés
à une refonte de la loi. Remarquez bien que les occasionnels qui
m'appellent sont inquiets et je les comprends. Quand ils regardaient la loi 50,
ils disaient: C'est vrai, à la limite, actuellement, on ne peut pas;
seule une refonte de la loi... Lorsqu'on a vu l'avant-projet, on n'a rien
trouvé, sauf l'article 152 où, par magie technocratique ou je ne
sais de quelle manière, ils en sont arrivés à nous
retrouver huit noms pour être nommés permanents. Encore là,
quand on a posé la question: Est-ce qu'ils seront permanents, ils ont
dit: Non, ils ont deux ans de probation à faire. J'ai dit: C'est le
bout! C'est cela le règlement sur les occasionnels que vous
déposez dans l'avant-projet de loi. Alors, je vous dis que vous n'avez
pas de volonté politique, même sur un rapport conjoint. (16 h
15)
Vous savez qu'en relations du travail, quand on n'est pas capable de
régler un problème, on dit toujours: On va former un
comité. C'est beau: On forme un comité et cela vide la question.
Mais pour la première fois - vous avez des signatures derrière -
le comité unanime patronal vous amène les pistes de travail vous
permettant de régulariser le cas des employés réguliers de
la fonction publique qui sont déguisés en occasionnels. Cela vous
permet aussi de ne pas hypothéquer l'avenir et de dire: Tout le monde
entre par la grande porte d'en avant; on ne recréera pas la petite porte
du député. Merci.
M. Hardy: M. le Président, deux minutes pour Mme Doucet.
Je vous assure que ce ne sera pas plus long.
Le Président (M. Champagne): Allez-y, allez-y.
M. Hardy: D'accord, merci.
Mme Doucet (Colette): Seulement un petit mot, au nom de mes
consoeurs qui travaillent comme occasionnelles à long terme. Tout
à l'heure, quand on regardait les chiffres, on disait: On est seulement
18% au SPGQ; on n'est quand même pas très nombreuses. On se perd
un petit peu dans la masse. Par contre, par rapport aux occasionnels, on est
quand même 35%, environ, et de cela il y en a environ 22% qui sont sur
des contrats à long terme. Donc, elles sont particulièrement
concernées par une mesure qui pourrait être mise en place dans un
projet de loi comme celui-là. Comme nous sommes particulièrement
présentes, c'est un des endroits où le gouvernement pourrait
possiblement manifester sa volonté de rétablir une espèce
d'équilibre dans le secteur professionnel au gouvernement et de
faciliter aux femmes professionnelles l'accès au travail. C'est tout ce
que je voulais ajouter. Merci.
Le Président (M. Champagne): On vous remercie. Mme la
ministre, des commentaires et des questions, s'il vous plaît!
Mme LeBlanc-Bantey: Cela en mériterait beaucoup, mais je
vais tenter de me limiter. Je dois dire d'abord, avant de l'oublier, que,
lorsque vous dites qu'on accorde un traitement de faveur aux clientèles
des programmes d'égalité en emploi, je m'inscris en faux contre
une telle interprétation. On leur accorde un traitement
d'équité parce que, justement, le traitement a toujours
été en leur défaveur. On n'entrera pas dans le
débat, mais je pense qu'il c'est important de le souligner.
Une autre question de privilège, si vous me permettez
l'expression. Je n'ai jamais dit que j'étais favorable à la
rotation travail-bien-être-social-assurance-chômage. Je pense que
vous me prêtez des intentions que je n'ai pas, sauf que là comme
ailleurs, qu'il s'agisse du dossier des occasionnels ou d'autres dossiers, on
essaie de faire ce qui est possible. Il y a une nuance entre ce qui est
souhaitable et ce qui est possible.
Je vous avoue que, si j'avais été membre du comité
paritaire, j'aurais probablement eu, moi aussi, tendance à avoir la main
sur le coeur. Quand on n'a pas à arbitrer l'ensemble des besoins ou des
obligations d'autres groupes, mais qu'on a affaire à un seul groupe, je
pense qu'on peut convenir peut-être plus facilement d'une
unanimité ou d'un bon sens en fonction des problèmes que vivent
les occasionnels.
Vous admettrez, quand même, qu'effectivement la négociation
n'est pas réglée. Durant les négociations, il y a eu
sensiblement de compromis de la part de la partie patronale, pour prendre les
expressions qui vous sont chères. Sur l'ensemble des points, il y avait
quand même eu une
entente. Il n'y a pas eu de signature parce qu'à la demande de
votre syndicat il avait été entendu qu'on réglait
l'ensemble du dossier, et non à la pièce. Alors, on
s'était quand même entendu sur les occasionnels; c'est toujours
dans le cadre du règlement. Effectivement, dans la loi, aussi on
reconnaît qu'après cinq ans - et on reprend une partie de la
proposition Bisaillon - il y a un véritable malaise et qu'il faut
régler le cas des irréguliers qui occupent des emplois à
caractère permanent. Il m'apparaît important de le rappeler.
Vous dites que douze de vos occasionnels ont été
congédiés, mais c'était peut-être la preuve qu'ils
n'occupaient pas un emploi à caractère permanent. Je ne le sais
pas, je ne connais pas les douze cas. L'important, c'est la notion d'emploi
à caractère permanent. Il est vrai qu'on peut, par exemple, dans
un projet comme Archipel, les Olympiques ou autre, avoir des emplois d'une
durée de cinq, six, sept, huit ans, dix ans, mais est-ce qu'on va
s'engager à l'avance à faire entrer dans la fonction publique
tous ces emplois, peut-être à caractère occasionnel de plus
longue durée, mais qui n'en restent pas moins des emplois fixés,
dont la durée et la nécessité sont fixées dans le
temps?
Vous dites que le comité a fait une recommandation unanime, mais
que je ne l'ai pas respectée ou que je n'en respecte pas l'essentiel.
Vous comprenez très bien la façon de fonctionner de ces
comités et vous savez que ce sont généralement des
comités qui font des recommandations au gouvernement. Tant mieux si le
gouvernement peut les accepter et, dans la mesure du possible, c'est
souhaitable encore une fois, sauf que cela n'est pas décisionnel. Le
comité en question, avant d'accepter les recommandations, comme cela va
de soi, n'est pas venu chercher des mandats auprès du gouvernement.
Compte tenu de la façon de fonctionner du comité, ce
n'était pas non plus nécessaire qu'il le fasse, sauf que, selon
les problèmes qui lui étaient soumis, il a tenté d'en
arriver à des solutions pour régler le dossier des occasionnels.
Je pense qu'il a fait son travail dans ce sens, sauf qu'on doit se demander,
maintenant qu'on a les recommandations du comité, si tout ce qui est
là comme recommandations est souhaitable non seulement pour
l'équité des gens en cause, mais aussi pour l'équilibre de
l'ensemble de la fonction publique. Je vous dis que, jusqu'à maintenant,
je n'ai pas trouvé souhaitable de retenir la déclaration
d'aptitudes, non pas pour des raisons techniques, non pas parce qu'il serait
compliqué d'avoir deux listes, mais parce qu'il y a une situation qui
veut qu'on ait une fonction publique qui recrute de moins en moins, pour ne pas
dire presque plus. Il m'apparaît qu'une des rares portes d'entrée
dans la fonction publique pour le citoyen qui a de moins en moins de chances
d'avoir accès à la fonction publique reste les postes
occasionnels. Vous dites qu'il y a du gonflement d'effectifs, que le Conseil du
trésor ne veut pas donner de postes permanents, mais que, par la porte
d'en arrière, il donnerait des postes occasionnels. Je ne le sais pas,
on peut le vérifier. Il y a peut-être effectivement un peu de vrai
dans ce que vous dites, mais je dirais, à l'inverse: Raison de plus pour
ne pas donner une permanence trop facilement et obliger des remises en
question.
Je trouve qu'il y a de moins en moins de portes d'entrée dans la
fonction publique pour les citoyens. Nous avons déjà des
clientèles que nous avons décidé de favoriser pour tenter
de rétablir une représentation équitable dans la fonction
publique, que ce soit les femmes, les membres des communautés
culturelles, les personnes handicapées. Vous parlez des enseignants;
peut-être bien qu'un enseignant peut dans beaucoup de cas faire aussi
bien le travail. La raison pour laquelle nous réservons des concours aux
enseignants, c'est que, de toute façon, nous sommes obligés de
les payer et on décide, comme gouvernement, que, puisqu'il faut les
payer, mieux vaut les utiliser. Je pense que généralement tout le
monde le comprendra. C'est la raison pour laquelle il y a une disposition qui
permet du recrutement autour des maisons d'enseignement. Quant à moi, je
pense que cela peut favoriser l'accès des femmes à la fonction
publique parce qu'il y a beaucoup de femmes dans ce secteur-là.
Le recrutement - je reviens là-dessus -est très rare.
À toutes fins utiles, une déclaration d'aptitudes pour les
occasionnels reviendrait quasiment à fermer la porte à tous les
autres qui ne sont pas actuellement dans la fonction publique. D'autant plus
que, comme occasionnels, vous avez la chance, comme n'importe quel citoyen, de
postuler des postes et, dans une certaine mesure, vous avez une longueur
d'avance compte tenu de l'expérience que vous avez acquise. Je vous
dirais que, si on était en pleine période d'expansion, si on
avait suffisamment d'argent et qu'il n'y avait pas de problème, je
n'aurais pas d'objection de principe à une déclaration
d'aptitudes, mais je pense qu'il faut tenir compte du contexte. C'est
discutable comme point de vue, je le comprends, mais cela reste encore le
mien.
Pour ce qui est des concours réservés, je m'y oppose
à cause des autres concours réservés pour les programmes
d'accès à l'égalité et de tous les autres
engagements auxquels on doit faire face. Je n'irai pas plus loin pour le
moment; je répéterai qu'entre ce qui est souhaitable et ce qui
est possible il y a une large mesure. Je dirais que je suis très
sympathique aux problèmes
que vous pouvez vivre; je dirais aussi qu'il est très normal de
vouloir améliorer son sort. Par ailleurs, nous avons à arbitrer
entre différents intérêts. Je pense que nous avons fait un
bout de chemin dans le cadre des négociations et je pense qu'on a
vraiment essayé de scruter à la loupe ce qui pouvait être
équitable et correct. Dans ce sens-là, je pense que vous devriez
quand même reconnaître qu'il y a eu de notre part une certaine
souplesse qui ne mérite pas la méfiance que vous entretenez.
En terminant, je voudrais vous poser une question. Vous dites qu'une des
raisons importantes pour lesquelles il devrait y avoir des déclarations
d'aptitudes, c'est que cela servirait à l'ensemble de la gestion parce
que les occasionnels ont déjà acquis une expérience
certaine à l'intérieur de la fonction publique. Par ailleurs,
vous aviez une revendication: la banque de rappel interministérielle. Je
dirais qu'à la limite, c'est vrai que les occasionnels acquièrent
une expérience dans un ministère et que cela peut être
très rentable pour la gestion de retourner chercher ces gens-là.
Comment placez-vous une réflexion pareille dans le contexte d'une banque
interministérielle?
M. Hardy: Si je prends le cas des agents d'information, la
rédaction des communiqués, la préparation d'un montage
audiovisuel ou peu importe la nature, d'un ministère à l'autre,
cela n'évoluera pas. Si vous prenez le biologiste, qu'il soit sur un
projet d'été dans un ministère comme celui de
l'Énergie et des Ressources ou qu'il travaille au ministère de
l'Agriculture, il travaillera toujours dans son domaine. Cela ne permet pas le
recrutement d'une personne d'un corps d'emploi pour aller travailler dans un
autre corps d'emploi. Ce sont des personnes qui ont développé une
expertise et ce sont des personnes qui ne l'ont pas développée
seulement pendant six mois, mais pendant un an et plus. C'est de
l'expérience et du capital pour lequel vous avez investi et qui
nécessairement serait réutilisé. Dans le contexte
interministériel, dans le contexte surtout des emplois polyvalents qui
sont les nôtres, le problème que vous semblez soulever ne
m'apparaît pas majeur, loin de là.
Le Président (M. LeMay): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Les représentants
du comité des occasionnelles et des occasionnels du syndicat qui sont
devant nous ont posé des questions et ont mis la ministre dans une
situation qui est un peu embarrassante. Vous avez cité des
écrits, des engagements fermes qui semblaient devoir déboucher
sur des solutions ou, en tout cas, sur des débuts de solutions. Force
nous est de constater, par les propos et les réponses que vous obtenez
aujourd'hui, que vous êtes encore assez loin du but. Évidemment,
les raisons qu'avance la ministre pour le piétinement nous ont
été rabâchées à d'autres occasions. Cela
ressemble à ce qu'on a dit quand il s'est agi de couper les salaires,
quand il s'est agi de faire des coupures de postes ailleurs, etc. On fait ce
qu'on peut avec ce qu'on a.
Cependant, je reste encore sceptique sur les raisons fondamentales qui
font que des gens peuvent, année après année, occuper des
fonctions, donc remplir un besoin. C'est là qu'est le dilemme. Si on
nous apportait la preuve que finalement - on ne peut pas s'en sortir facilement
- le poste qui est occupé ne répond pas à un besoin,
à ce moment il y a mauvaise administration. S'il y a un besoin qui se
perpétue d'année en année, il faudrait voir à ce
que le poste soit reconnu d'une façon permanente et à ce que les
personnes puissent l'occuper en pouvant profiter des avantages qui vont avec
cette fonction. C'est ce qui est difficile à expliquer là-dedans,
c'est le joint qui manque.
Je pense que vous avez probablement touché à une partie de
la raison de cet état de choses; la ministre a glissé rapidement
là-dessus. À certaines questions que, nous, de l'Opposition, nous
posons sur l'augmentation des cadres et des employés en
général de la fonction publique, on nous apporte des chiffres et
on nous lance à la figure chaque fois que, finalement, il n'y a pas eu
d'augmentation depuis tant d'années, que c'est resté stable et
que même il y a une tendance à la décroissance. Quand on va
plus loin que cela et qu'on passe au plan des occasionnels et des contractuels,
on s'aperçoit que, si on fait le total, ce n'est pas tout à fait
le cas.
Alors, il est bien sûr que le gouvernement a peut-être
avantage à se garder une soupape de sécurité qui lui
permette de jouer un peu sur les chiffres, et même un peu beaucoup. Je
n'ai pas d'objection fondamentale à cela, pour autant que cela ne fasse
pas de victimes qui ne voient pas comment se sortir du cercle vicieux et qui
sont prises dans l'engrenage sans y être pour grand-chose. Je peux tout
simplement déplorer cela. Nous-mêmes, quand on étudie les
crédits de la Fonction publique - Mme la ministre en est témoin -
on demande le nombre de fonctionnaires de la fonction publique et on nous donne
des chiffres. On demande: Oui, mais dans cela pouvez-vous nous dire combien il
y a d'occasionnels, pouvez-vous y ajouter les contractuels? On nous dit: Nous
regrettons, ces chiffres ne sont pas centralisés, ils sont gardés
ministère par ministère dans certains cas pour ce qui est des
contractuels, etc., ce qui fait qu'il est très difficile de vous donner
des réponses, pratiquement impossible.
Nous sommes donc avec des réponses qui, officiellement, tendent
à démontrer et à appuyer la thèse gouvernementale
voulant que la fonction publique soit stable, qu'il n'y ait pas d'accroissement
des effectifs, etc. Mais, quand on veut aller plus loin que cela, on n'est pas
en mesure de nous donner les réponses parce que le Conseil du
trésor - en tout cas, dans le cas des contractuels, parce que j'ai
tenté de l'obtenir - n'a pas de chiffres centralisés. C'est
peut-être une partie de la réponse qui est là. (16 h
30)
Le député de Sainte-Marie aura l'occasion de soulever ce
que la commission spéciale qu'il présidait a recommandé
à ce sujet-là. Mais je pense que vous avez totalement raison de
vous inquiéter du sort qui vous est fait dans l'avant-projet de loi. Si,
dans une occasion semblable, vous ne trouvez pas un embryon de solution aux
problèmes auxquels vous avez à faire face, je ne pense pas que
vous puissiez en espérer une dans d'autres circonstances.
Je n'ai pas de question spécifique à vous poser, sauf pour
vous dire que les cas que vous apportez sont éminemment sympathiques,
qu'ils méritent l'attention du gouvernement et de la ministre. Il
faudrait au moins régler les cas les plus patents, ceux qui paraissent
les plus évidents et qui méritent le plus d'attention et cela,
dans des délais raisonnables. Cela ne peut pas attendre des mois et des
années encore. Je regrette de voir que, malgré des écrits
que vous avez obtenus de gens soi-disant autorisés de la part du
gouvernement, vous en soyez à faire ce genre de revendications comme
s'il n'y avait absolument rien de fait et qu'on en était aux premiers
balbutiements, ce qui ne semble pas être le cas d'après les
documents que vous nous soumettez ou les propos que vous tenez.
M. LaBelle: M. le Président, je veux simplement ajouter un
élément. Cela va loin. Il y a même des postes, et je l'ai
indiqué à Mme la ministre, à notre ministère
où, pour être permanent, il faut qu'il y ait une DNE, une
déclaration de niveau d'emploi. Cela ne se donne pas comme cela, un
poste permanent dans la fonction publique en période de
décroissance. Je faisais remarquer à Mme la ministre - et M. de
l'Opposition, vous venez de le saisir - que cela va plus loin. Il y a des
postes qui ont été reconnus permanents et sur lesquels des
occasionnels comme moi sont assis. Donc, c'est un occasionnel qui occupe un
poste permanent. Il dit, après quatre ou cinq ans: Donnez-le-moi, le
poste; vous me dites que je donne un bon rendement et que je n'ai pas besoin
d'aller "performer" à un concours, à l'écrit ou à
l'oral. Vous m'évaluez tous les ans. On lui répond: Non, tu n'a
pas le droit, il faut que tu ailles chercher une déclaration
d'aptitudes. C'est cela qu'on dit. Au coeur du rapport conjoint se trouve la
mécanique: pas de chamboulage, pas de tripotage, donner à des
gens en concours de recrutement l'occasion d'aller se chercher une
déclaration d'aptitudes à l'entrée. Ceux qui occupent des
postes permanents depuis trois ans - cela ne peut pas gonfler les budgets; ils
sont déjà payés, ils sont là; il n'y a pas
d'augmentation de la masse salariale faites-leur au moins un concours
réservé pour encore vous assurer dans quel ordre de rangement
vous les évaluez. Quand le poste qu'ils occupent est permanent,
donnez-leur au moins l'occasion de l'avoir. Il y aura toujours une
maîtrise ou un doctorat plus fort pour venir sur une chaise. Il y a des
gens qui "performent" au concours oral ou à l'écrit; c'est clair.
Mais, lorsqu'on donne aux gestionnaires ie moyen d'évaluer, bon an mal
an, une main-d'oeuvre de professionnels sur le lieu de travail, je me demande
ce qu'il faut de plus à la fonction publique. Quand cela fait quatre ou
cinq fois que tu te fais évaluer et qu'en plus tu réclames un
concours pour t'assurer que tu es évalué et que tu es sur la
bonne chaise, on te dit: Non, tu ne peux pas, tu es occasionnel, tu n'a pas de
déclaration d'aptitudes.
Le coeur du rapport conjoint, c'est de régulariser à
l'entrée la déclaration d'aptitudes; c'est le noeud. La banque de
rappel, cela fait l'objet d'une convention. Cela se négocie dans des
conventions collectives. Mais pour la Loi sur la fonction publique, au
recrutement, cela prend une volonté politique de régulariser un
problème vieux non pas de l'année passée, mais de
plusieurs années. J'espère que la conjoncture n'a pas toujours le
dos large pour tout prendre. On dit: On est en période de
décroissance et le "timing" est mauvais. Si vous étiez venu il y
a cinq ans, on vous l'aurait donné. Une chance que je vois à la
télévision qu'au Québec c'est reparti, cela me soulage. Je
me dis que peut-être on a encore une chance. C'est pour cela qu'on vient
parce que ce sont les derniers espoirs qui nous restent, à nous les
occasionnels.
En termes de rangement, on est loin. Il y a des employés
réguliers, il y a des employés temporaires, il y a les organismes
extérieurs au secteur public qui peuvent venir. On est dans la
cinquième rangée. Et, pourtant, ce sont des gens qui ont les
mêmes mandats que les employés réguliers; ils se
côtoient quotidiennement. On ne peut pas créer deux
systèmes parallèles. C'est bien beau de demander aux occasionnels
d'avoir une loyauté envers l'organisation. Mais la loyauté,
excusez l'expression, ce n'est pas un "one-way"; c'est à double sens. Il
me semble que quelque chose comme cela doit exister. Manifestement, c'est une
autre gifle pour les occasionnels, parce que ce sont les plus faibles. Ce
matin, j'écoutais l'association des
cadres, tous ces gens-là. C'est une question de survie pour nous.
On est au bas de l'échelle et on se fait "blaster" sous la
décroissance, la crise économique, en fait tout un discours.
Bref, j'espère que les décideurs politiques, malgré
que j'aie appuyé la position de la thèse et de
l'antithèse, sauront quand même être réceptifs, parce
qu'il y a des centaines d'hommes et de femmes derrière nous qui
attendent cela. Malheureusement, pour eux, la réforme d'une loi, cela ne
revient pas tous les ans. Cela passe une fois de temps à autre. Le
rendez-vous historique est là. C'est bien dommage, on ferme le livre
là. Si vous fermez le livre différemment, on aura toujours, comme
tout autre citoyen, un jugement de valeur sur la social-démocratie, sur
le droit au travail, sur la concertation entre les syndicats. Sauf qu'à
frapper les plus faibles, les plus démunis dans la bergerie je ne suis
pas certain qu'à un moment donné cela ne se retournera pas contre
les décideurs au pouvoir. On peut être des occasionnels, mais on
est quand même encore capables de se tenir debout. On vous le dit en
mettant les points sur les i, parce qu'on est tannés. Je pense que, dans
les documents qu'on a déposés, vous avez tous les
éléments qui vous permettraient de régulariser un principe
d'équité.
Le Président (M. LeMay): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Nos invités m'excuseront de ne pas leur
poser de questions. Je vais plutôt adresser ma question à Mme la
ministre de la Fonction publique, si elle me le permet.
En faisant un certain rappel des événements qui ont
amené la commission spéciale à étudier le cas des
occasionnels, je veux d'abord lui dire qu'il n'y a pas, là-dedans,
seulement un problème humain. Il y a un problème de gestion,
d'administration et de contrôle des ressources humaines. Ce
problème n'a pas été amené devant la commission
spéciale par les personnes concernées. Ce ne sont pas des
occasionnels qui, dès le départ, sont venus présenter le
problème à la commission spéciale, mes collègues se
le rappelleront. Ce sont les gestionnaires eux-mêmes qui sont venus se
déclarer mal à l'aise de cette situation. Un bon nombre des
arguments - pas tous - que vous avez utilisés tantôt ne
résistent pas à l'analyse quand on fouille profondément.
Ils ne résistent pas à l'analyse. Il y a un abus certain de la
notion de mandat spécifique et il y a des hautes instances dans la
fonction publique qui se sont servies de cette notion avec laquelle ils ont
joué. On nous a expliqué, à un moment donné, qu'on
avait pu contourner la procédure de recrutement et de sélection
de personnel ou qu'on tentait parfois de contourner le Conseil du
trésor. De la même façon, il y a de hauts gestionnaires qui
se sont servis de la notion de mandat spécifique pour l'utiliser
à leurs fins. Ce sont les gens qui, finalement, en écopent et
c'est une gestion qui n'est pas normale et qui n'est pas conforme à ce
qu'on veut avoir.
Au moment où la commission spéciale a étudié
ce cas-là, un comité avait déjà siégé
et avait produit un rapport. Vous avez dit tantôt qu'évidemment la
personne qui discutait n'avait pas de mandat, n'était pas venue chercher
un mandat pour le faire. Je connais le fonctionnaire qui a signé ce
document. Je parle simplement sur la base des documents qui nous ont
été remis et je m'éloigne des propos que j'ai entendus. Je
prends le document. Je connais le fonctionnaire; j'ai eu affaire à lui
dans d'autres dossiers de négociation et il m'a toujours semblé
être un fonctionnaire prudent qui faisait attention, justement, au
respect des mandats et qui ne s'avançait pas sans savoir où il
s'en allait. Je l'ai même vu ici ce matin à la commission; il
assistait aux audiences de notre commission parlementaire. Je dis qu'il y a eu
un document et, si le fonctionnaire n'avait pas un mandat spécifique -
en tout cas, le fait que ce soit une table, cela devait être un mandat en
soi - il devait y avoir au moins quelqu'un qui lui avait dit d'aller s'asseoir
à la table pour discuter de ce problème. Je ne connais pas
beaucoup de fonctionnaires qui sont habitués aux négociations et
qui signent des documents sans en parler à personne. Il a quand
même signé le document conjointement avec les autres membres du
comité.
Par la suite, vous avez déclaré que c'est au moment du
projet de loi que vous régleriez le problème. Il me semble que
c'est maintenant le temps de régler ce problème. On ne peut plus
tolérer que des gens soient de façon régulière,
année après année, dans la fonction publique sans avoir le
même statut que les autres. Si à l'avenir cela se reproduisait,
c'est un beau cas d'imputabilité pour moi. C'est l'analyse que les
membres de la commission avaient faite. Si des situations comme cela se
produisent, il y a des responsables quelque part. Ces responsables sont les
gestionnaires qui ont enduré un état de fait comme cela. Qu'on
règle la situation du passé et, pour l'avenir, qu'on rende
imputables les gestionnaires qui se permettront de contourner, de jouer avec
les règles pour permettre qu'après dix ans tu te rendes compte
que quelqu'un, année après année, s'est fait reconfirmer
dans son poste et a donc eu un nouveau contrat. C'est plus que la petite
évaluation où on dit: 30% de A, 20% de B. C'est plus que cela
là. C'est: Est-ce que je renouvelle ton contrat ou pas? Je pourrais te
renvoyer chez vous, mais, si je le renouvelle année après
année pendant
dix ans, ne venez pas me faire croire que là il n'y a pas une
notion de permanence possible par rapport aux autres.
Moi, ma question, Mme la ministre, c'est: Allez-vous profiter du projet
de loi pour régler ce problème qu'on a eu dans le passé et
prendre des mesures, y compris dans le projet de loi, s'il le faut, pour qu'on
n'assiste plus à des situations comme celle-là? La commission
spéciale avait mis de l'avant des hypothèses de solutions. Si
toutes ces hypothèses n'étaient pas retenables, il me semble
qu'il y en a au moins un certain nombre qui pourraient l'être. Pour moi,
il me semble évident que quelqu'un qui est là depuis au moins
cinq ans, dans la même fonction, on devrait reconnaître cela
automatiquement. Pour les trois ans et plus, à moins qu'il ne s'agisse
vraiment d'un mandat spécifique et qui se termine, dont
l'échéance arrive, il me semble qu'on devrait aussi trouver une
formule. La notion de rappel, cela me semble être aussi une notion
acceptable et cela aussi était une demande des gestionnaires.
C'était de dire: Pourquoi nous obligez-vous, quand on a affaire à
des occasionnels, à toujours reprendre du monde nouveau? On en forme. On
leur apprend et on apprend ensemble comment faire le travail et chaque fois
c'est toujours à recommencer.
Dans ce sens, ce n'est pas seulement un problème humain. C'est un
problème de gestion aussi et de qualité de gestion. Je pense que
vous pourriez répondre à cela. J'ai l'impression, en plus de
cela, Mme la ministre - je vais aller plus loin - que vous voudriez, sauf qu'on
est ici en commission parlementaire pour cela.
Mme LeBlanc-Bantey: Vous avez un rôle pas mal plus
agréable que le mien, vous allez le reconnaître. Cela étant
dit, je ne me suis jamais engagée - d'autant moins que je connais la
subtilité du langage du syndicat des professionnels, et le
député de Sainte-Marie sait de quoi je parle - à
régler le problème au moment de la loi. Je me suis engagée
à envisager des solutions et je vous ai dit tout à l'heure: On
l'a envisagée et on a pensé qu'il n'était pas
préférable de retenir la déclaration d'aptitudes.
Le député de Sainte-Marie dit: Bon, s'il y a une situation
comme cela, c'est dû à des abus de gestion. Admettons que c'est
dû à des abus de gestion. En voulant régler des abus de
gestion, on va peut-être créer un autre type d'abus, un autre type
d'inéquités. C'est cela, l'équilibre que nous avons
tenté de maintenir dans cette discussion. Je crois que le rapport du
comité conjoint a été très utile et qu'entre
autres, dans le cadre des négociations, si jamais on en arrive à
une entente, il y a là beaucoup de choses qui font votre affaire. La
preuve: vous vous êtes entendus, et tout le monde sait que vous
êtes généralement assez exigeants.
En ce qui concerne les occasionnels, il y avait à la table des
négociations une assez bonne entente, y compris la banque de rappel
ministérielle. On ne s'est pas rendu encore jusqu'à la banque de
rappel interministérielle - voilà pourquoi je posais la question
tout à l'heure - mais une banque de rappel ministérielle, on
concevait que cela avait beaucoup de bon sens. Quand on parle du
problème des occasionnels, je n'ai pas à régler que le
problème des occasionnels professionnels. Je vais retourner une question
au député de Sainte-Marie. Qu'arriverait-il si, dans la
perspective où, dans le meilleur monde possible, dans un monde
idéal, on pouvait régler ce problème, on découvrait
qu'il n'y a pas simplement des occasionnels professionnels - il y en a un
certain nombre; on parle de gonflement d'effectifs; il faut quand même se
poser la question - qu'on découvrait que chez les fonctionnaires il y en
a le double, et il y en a le triple? Il y a là aussi du monde dont il
faut tenir compte et qui ne parle pas souvent très fort. Que ce soient
des messagers, que ce soient d'autres catégories de monde. Si on
découvrait qu'il y en a 1500, 2000 dans ce genre de situation, est-ce
que vous recommanderiez qu'on les intègre quand même dans la
fonction publique, compte tenu du contexte que vous connaissez et dont vous
n'avez pas à tenir compte, parce que forcément ce n'est pas votre
rôle, et compte tenu aussi d'autres inéquités qu'on veut
régler dans la fonction publique en ce qui concerne les femmes, les
membres des communautés culturelles, les personnes handicapées,
compte tenu aussi du fait qu'on a dans les réseaux de l'enseignement et
ailleurs des gens que, de toute façon, il faut que le citoyen paie parce
qu'ils ont une sécurité d'emploi? Si vous aviez à
équilibrer tout cela, M. le député de Sainte-Marie,
recommanderiez-vous toujours la même chose?
M. Bisaillon: M. le Président, je vais répondre
à la ministre en trois points. Le premier point, c'est que, quand la
commission spéciale a étudié ce problème, ce n'est
pas seulement le problème des professionnels qu'on a regardé,
c'est l'ensemble des cas qui nous avaient été soumis et
là-dedans il y en avait qui n'étaient pas des professionnels
effectivement. Mme la ministre me demande s'il y en avait 2000 ou 3000. On n'a
pas regardé combien il y en avait d'impliqués; évidemment,
cela aide toujours mieux à une solution. Quand on parlait d'une solution
dans le rapport de la commission sur le classement-moquette, finalement ce
n'était pas un nombre si extraordinaire à régler. (16 h
45)
La ministre a profité de la négociation pour régler
le problème des personnes
concernées par le classement-moquette. On en a vu les effets et
d'autres nous ont été rapportés au cours de cette
commission. On n'a pas regardé combien il y avait de personnes, à
savoir: S'il y en a beaucoup, on ne règle pas; s'il n'y en a pas
beaucoup, on règle. On s'est dit: Quelle est la situation? Est-ce une
situation tolérable? Votre question est la suivante: Est-ce que l'on se
rendait compte du fait qu'il y avait, chez les fonctionnaires, 3000
"irréguliers", entre guillemets? C'est cela qu'on veut dire.
Mme LeBlanc-Bantey: On est en train de faire l'inventaire, on
aura des chiffres précis bientôt.
M. Bisaillon: Supposons qu'il y en aurait 3000 dans la
catégorie des fonctionnaires, ce sont 3000 "irréguliers", entre
guillemets, qui ne sont pas comptabilisés lorsqu'on énonce les
effectifs de la fonction publique. Effectivement, je trouverais cela
dramatique, mais je maintiendrais notre recommandation qui est la suivante:
Premièrement, vous réglez le passé. S'il y a eu des torts
dans la gestion, ce ne sont pas les personnes qui occupent des fonctions
actuellement qui en sont responsables, ce ne sont pas les fonctionnaires, ce ne
sont pas les professionnels; ce sont ceux qui se servent de leur connaissance
de l'appareil pour passer à côté des règles qui sont
responsables. Alors, réglons leur cas. Ils font le même travail,
ils sont payés, eux aussi, actuellement. Réglons leur cas et
mettons des règles pour punir - c'est là que je disais que
c'était une question d'imputabilité - les gestionnaires qui
utilisent de façon abusive la procédure, les règles et les
connaissances qu'ils ont de l'appareil pour gonfler de façon
artificielle les rangs de la fonction publique, à l'extérieur des
normes. Quand on me tient des grands discours sur la justice et
l'équité, je veux bien, mais il y a dû y avoir un manque de
justice et d'équité au moment de l'engagement de ces personnes.
Il n'y a pas eu de concours public à ce moment.
Aujourd'hui, quand on veut me servir l'argument du droit du citoyen de
s'inscrire à un concours, je veux bien, mais le droit du citoyen
existait aussi il y a trois, quatre ou cinq ans, quand on a engagé des
fonctionnaires hors normes. La seule façon d'y arriver, c'est que cela
soit coûteux. Tant et aussi longtemps que cela ne pénalisera pas
quelqu'un quelque part, tant que le gouvernement ne verra pas les coûts
que cela représente, il n'agira pas vis-à-vis de ses
gestionnaires. C'étaient les réflexions de la commission. La
commission disait: Ce sera peut-être coûteux, mais payez. C'est
vous qui avez fait les erreurs, c'est habituellement ce qu'on dit quand
quelqu'un fait une erreur; Paie le prix et, après cela, prends les
mesures afin que tes gestionnaires se conforment aux normes et à la
pratique et qu'ils n'essaient pas de les contourner. Mais, au moins, la
situation des individus concernés sera réglée et, quand on
parlera des effectifs de la fonction publique, on saura de quoi on parle et on
saura que ce sont tous des gens réguliers.
Mme LeBlanc-Bantey: On a tout de même fait une tentative de
régler les cas du passé; plus qu'une tentative, puisqu'il est
déjà prévu dans la loi que l'on règle le cas des
"irréguliers", entre guillemets, de cinq ans et plus.
Pour revenir à une question que vous avez posée au
début, ce n'est pas pour l'avenir, ces cinq ans. C'est justement pour
éviter que les gestionnaires qui auraient tendance à abuser de ce
type de situation continuent de le faire en pensant que, de toute façon,
en ouvrant une autre porte, dès que quelqu'un aura fait cinq ans et
plus, à un poste permanent, il sera automatiquement
considéré comme employé permanent de la fonction publique.
C'est dans cette perspective que nous voulions régler les cas du
passé et faire en sorte que des mesures soient prises au Conseil du
trésor, parce que c'est là que cela doit se prendre pour
éviter le genre d'abus qu'on a connus dans le passé.
Cela étant dit, je voudrais conclure en disant que je continue de
penser que les efforts qui ont été faits du côté des
occasionnels depuis le rapport du comité paritaire ont été
louables et très honorables de notre part. On n'a pas tout
réglé, je le conçois. Je pense qu'on a vraiment
tenté des efforts pour rendre justice au maximum aux gens qui avaient pu
être victimes d'abus ou encore qui, sans être victimes d'abus, une
fois devenus occasionnels dans la fonction publique, aimeraient bien avoir un
poste permanent. C'est légitime, sauf qu'il y a aussi des emplois qui
sont occasionnels. Il faudra aussi l'accepter. Je pense que, comme fonction
publique, on a à vivre avec une telle notion. Il y aura toujours des
projets qui seront occasionnels et des emplois qui seront occasionnels. C'est
le partage à travers tout cela qu'on a tenté de faire
jusqu'à présent.
Le Président (M. Champagne): Alors, une petite
conclusion?
M. Hardy: S'il vous plaît, oui.
Le Président (M. Champagne): Rapidement.
M. Hardy: J'avais posé deux questions précises,
mais il y a une abstention de répondre. La première question: Si
le statut de permanent, en vertu de l'article 152, est accordé, est-ce
que les personnes ont à faire une année de probation et deux ans
pour
obtenir la sécurité d'emploi? Je comprends que c'est oui.
Est-ce que c'est oui ou non?
Mme LeBlanc-Bantey: Précisez votre question, s'il vous
plaît!
M. Hardy: Selon l'article 152, pour la personne qui doit
être intégrée dans la fonction publique, qui a une longue
ancienneté comme occasionnel, vous dites: Le statut de permanent lui est
attribué. Cette personne, à partir du moment où vous lui
donnez un statut de permanent, on constate qu'elle n'a pas besoin de faire un
an de probation et pas besoin, non plus, d'avoir deux ans pour obtenir sa
sécurité d'emploi. Elle a déjà sa
sécurité d'emploi et son statut. Bon, d'accord. Je vous
remercie.
En conclusion, je retiens deux éléments. Sur le premier
élément, on n'ira pas loin avec ce que j'ai entendu de la part de
la ministre aujourd'hui pour solutionner le problème des occasionnels.
Je le regrette vivement, d'autant plus qu'on nous invite à beaucoup de
concertation; cela a été dit tantôt et je n'insisterai pas
là-dessus. Je regrette encore plus de constater que, lorsqu'il est
question de comité, cela semble être un comité bidon
puisque les personnes qui en font partie ne semblent pas avoir de mandat pour
discuter. Je le regrette beaucoup. Enfin, j'espère quand même que
vous saurez apprécier à leur plus juste mesure, au cours d'une
relecture, comme certains l'ont dit ce matin pour d'autres mémoires, les
demandes qui y sont faites. On le verra bien au moment du projet de loi. Je
vous remercie.
Le Président (M. Champagne): Peut-être que Mme la
ministre a un dernier mot.
Mme LeBlanc-Bantey: Un dernier mot. C'est vrai que la
concertation se fait avec des compromis, mais ce sont des compromis de part et
d'autre. Je pense qu'il serait peut-être bon que vous aussi, à
votre tour, vous vous engagiez dans cette réflexion. D'autre part, je
pense que vous êtes injuste quand vous parlez de comité bidon. De
nombreuses recommandations ont été retenues; s'il y en a une qui
n'a pas été retenue, ce n'est pas suffisant pour juger l'ensemble
des travaux du comité. Il faut être juste envers ses membres. En
conséquence, quand il y a de tels comités, il faut tenter dans la
mesure du possible de les respecter. Ce fameux comité - vous avez fait
allusion au comité sur les corps discriminés - on avait
tenté de le baliser et de lui donner le maximum de chances d'avoir du
poids auprès du gouvernement, sauf qu'un gouvernement est toujours
là pour gouverner et il lui reste, à la fin, à arbitrer
entre les différents intérêts.
Le Président (M. Champagne): Sur ce, au nom des membres de
la commission parlementaire, on vous remercie d'avoir défendu votre
mémoire devant nous.
À ce qu'on m'a dit, la Centrale de l'enseignement du
Québec cède la place par ordre au Conseil du statut de la femme.
S'il n'y a pas d'objection, je demande aux membres du Conseil du statut de la
femme de bien vouloir se présenter ici à l'avant. On demanderait
au porte-parole de s'identifier et de présenter les personnes qui
l'accompagnent.
Conseil du statut de la femme
Mme Bonenfant (Claire): M. le Président, Mme la ministre,
mesdames et messieurs les membres de la commission, je suis Claire Bonenfant,
présidente du Conseil du statut de la femme. Les personnes qui
m'accompagnent sont, à ma droite, Mme Micheline Boivin, directrice du
service de la recherche, et Mme Élisabeth Power, directrice de
l'information.
Le Conseil du statut de la femme a fait des représentations
à la commission Bisaillon chargée de soumettre des propositions
touchant la réforme de la Loi sur la fonction publique. Il a
également soumis ses commentaires au moment de la parution du rapport de
cette commission. Le conseil a alors fait connaître son point de vue sur
les sujets les plus susceptibles d'affecter les femmes, tels, par exemple, le
classement-moquette, le travail à temps partiel, l'égalité
en emploi et les programmes d'accès à
l'égalité.
Il n'y a pas lieu de reprendre ici, dans le cadre de cette commission
parlementaire sur l'avant-projet de loi sur la fonction publique, les
échanges qui ont eu cours sur ces sujets. Le gouvernement poursuit, en
effet, son action en ces domaines par la préparation d'un
règlement édicté en vertu de la Charte des droits et
libertés de la personne relativement aux programmes d'accès
à l'égalité. Il a soumis récemment ses propositions
touchant le régime du temps partiel dans la fonction publique et
l'abolition du classement-moquette. Le conseil entend faire connaître
à qui de droit son avis sur ces questions d'une importance capitale pour
les femmes.
En raison de cette situation, il n'a pas été jugé
nécessaire de communiquer un mémoire du Conseil du statut de la
femme sur l'avant-projet de loi sur la fonction publique. Il nous est toutefois
apparu opportun de faire part à cette commission de notre point de vue
sur un des aspects particuliers de cette pièce législative, le
classement par niveau. Notre communication portera donc essentiellement sur ce
sujet et sur les programmes d'accès à l'égalité
concernés par cette loi.
En vertu des modifications apportées à la Loi sur la
fonction publique en juin 1981 "le ministre de la Fonction publique peut, dans
les cas qu'il détermine par règlement, requérir de
l'office qu'il regroupe par niveau les candidats déclarés aptes.
Le cas échéant, les nominations ou promotions se font au choix
parmi les personnes de même niveau, selon l'ordre de rangement des
niveaux."
Ces modifications à la loi ne remettent toutefois pas en question
la règle générale du mérite affirmée dans le
cadre du même article: "Lors d'un concours, la sélection est
établie sur la base des critères de compétence et
d'aptitude et le concours donne lieu à l'établissement d'une
liste classant les candidats par ordre de mérite. Les nominations et les
promotions sont faites selon cet ordre parmi les candidats qui ont fait l'objet
d'une déclaration d'aptitudes."
La seule entorse à la règle du mérite est celle
acceptée pour les besoins de l'application d'un programme de
redressement d'emploi au moyen du regroupement par niveau des personnes
déclarées aptes. Un examen de la réglementation touchant
le regroupement par niveau ne nous convainc pas cependant qu'une telle mesure
ainsi définie constitue un véritable accroc à la
règle du mérite. En effet, selon cette réglementation,
"les candidats et candidates rangés dans un niveau sont de
compétence sensiblement comparable. Les résultats sont
calculés sur un total de 300 points. Le premier niveau est
constitué du candidat ayant obtenu le meilleur résultat dans la
procédure de sélection et des candidats dont les résultats
sont de 20 points ou moins par rapport à ce meilleur résultat. Ce
rangement est appliqué lorsqu'il se trouve parmi les candidats et
candidates du premier niveau une ou plusieurs personnes visées par l'un
des programmes de redressement d'emploi. Les ministères et organismes
effectuent leur choix parmi les personnes rangées dans un niveau. Si
plusieurs personnes d'un des groupes visés sont au même niveau, le
choix doit respecter la règle du mérite.
En raison de la marge d'appréciation de la compétence
laissée au comité de sélection, une différence
maximale de 20 points sur 300 ne nous apparaît pas suffisamment
significative pour que la règle du mérite soit remise en cause.
L'évaluation de la compétence exige la prise en compte de
caractéristiques qui sont souvent difficiles à mesurer de
façon objective. Il faut reconnaître que, sous des apparences
d'objectivité, l'évaluation au mérite est largement
subjective, du moins pour certains corps d'emploi. Il est difficile qu'il en
soit autrement, et cela est d'autant plus prégnant que les
compétences exigées sont de nature autre que techniques et
manuelles.
Le Conseil du statut de la femme ne croit donc pas que le classement par
niveau, tel que conçu par la réglementation en vigueur pour
l'application de programmes de redressement d'emploi, a favorisé
indûment les femmes. Il croit, au contraire, que cela a permis, dans les
cas où une telle mesure a été appliquée, la
reconnaissance de la compétence des femmes concernées et leur
accès à des emplois qui autrement leur auraient été
refusés. Le Conseil du statut de la femme insiste sur le fait qu'il ne
revendique pas un régime d'exception permettant aux femmes d'avoir
accès à des emplois pour lesquels elles ne sont pas
qualifiées. Il demande simplement que, par les concours de recrutement
et de promotion, la compétence des femmes soit enfin reconnue,
même si elle devait s'exprimer de façon différente de celle
des hommes. (17 heures)
Le classement par niveau introduit par les modifications
apportées à la Loi sur la fonction publique en 1981 neutralise
des pratiques discriminatoires envers l'une ou l'autre des populations cibles.
Dans le cas des femmes, par exemple, les exigences des emplois sont
définies généralement par des hommes et les
critères de compétence requis pour occuper ces emplois sont
également souvent édictés par des hommes. La
compétence étant définie en référence aux
comportements de ceux qui occupent ou ont occupé cet emploi, celle-ci
sera plus souvent qu'autrement identifiée aux comportements et attitudes
des hommes lorsque la représentation féminine est faible dans un
corps d'emploi. De plus, même si la présence d'une femme est
généralement requise dans les jurys de sélection, la
composition des jurys demeure majoritairement masculine.
Pour ces raisons, nous croyons qu'il y a lieu de neutraliser les biais
introduits dans la sélection du personnel au détriment des femmes
et d'utiliser à cette fin une mesure permettant de reconnaître
leur mérite.
Dans le cadre de l'avant-projet de loi sur la fonction publique, le
classement par niveau n'est plus comme maintenant réservé aux
seuls cas où un programme de redressement d'emploi est requis. Si cette
loi est sanctionnée, le classement par niveau sera utilisé par
tous les comités de sélection aux fins de recrutement et de
promotion du personnel de la fonction publique.
Il est intéressant que, par l'élargissement de
l'application du classement par niveau à d'autres clientèles que
celles visées par les programmes de redressement d'emploi, on
reconnaisse formellement les limites du système d'évaluation au
mérite lorsqu'il est appliqué de façon stricte. On
reconnaît ainsi que le classement par rang, sous des apparences
d'objectivité, comporte des failles, la personne qui s'est
classée au premier rang dans un concours n'étant pas toujours la
mieux indiquée pour occuper l'emploi sollicité. Les tests de
mesure de la
compétence, tout comme ceux mesurant l'intelligence, suscitent de
nombreuses critiques. On leur reproche le fait qu'ils reflètent en
grande partie les croyances de ceux qui les conçoivent et les appliquent
au détriment d'une évaluation objective des personnes qui leur
sont soumises. Ces limites à l'objectivité des tests de
sélection du personnel ont pu être ressenties par de nombreux
candidats, notamment par ceux qui postulent un emploi ou une promotion exigeant
des compétences difficilement mesurables. Il peut donc être
bienfaisant d'élargir l'application du classement par niveau à
d'autres populations qu'à celles visées par les programmes
d'accès à l'égalité.
Il demeure toutefois important que, malgré les embûches, on
poursuive comme but à atteindre l'objectivité dans le recrutement
et la promotion du personnel. Il faut faire en sorte que le favoritisme et le
patronage soient évités. À cette fin, la recherche devra
être poursuivie pour que soient raffinés les instruments de mesure
de la compétence pour que ceux-ci ne soient pas le reflet des
préjugés ayant cours dans notre société.
Il importe également que le classement par niveau soit
défini de façon qu'on regroupe à un même niveau les
personnes ayant une compétence équivalente. En ce sens, il pourra
être dangereux de trop élargir la marge de points séparant,
à un même niveau, la personne qui s'est le mieux classée de
celle qui s'est le moins bien classée. La marge de 20 points sur 300
prévue par la réglementation actuelle nous paraît
acceptable. Une marge de 100 points sur 300 laisserait probablement trop de
place à l'arbitraire.
Si l'élargissement d'application du classement par niveau
paraît souhaitable, il nous est difficile d'affirmer qu'il doit
être généralisé comme le prévoit
l'avant-projet de loi sur la fonction publique. Est-ce que les critiques
relatives à la subjectivité des procédures de
sélection sont également fondées, quelles que soient les
catégories de personnel concernées par les procédures? Les
réticences du Syndicat des fonctionnaires à la
généralisation du classement par niveau sont-elles
justifiées? Cela mériterait examen. Il est possible que le
système d'évaluation au mérite pour le recrutement et la
promotion des fonctionnaires soit plus adéquat qu'il ne l'est pour les
cadres et les professionnels. Il est possible, à titre
d'hypothèse, que la docimologie ou science de l'évaluation soit
plus avancée en matière d'évaluation des habiletés
manuelles et techniques requises de façon prioritaire pour
l'accomplissement des tâches confiées aux fonctionnaires qu'elle
ne l'est en matière d'évaluation d'habiletés encore mal
définies, telles que celles requises pour la gestion dans la fonction
publique. Ces questions devraient être éclaircies avant que le
classement par niveau soit appliqué indistinctement à toutes les
catégories de personnel.
Parlons maintenant des programmes d'accès à
l'égalité. Il est important de rappeler que
l'élargissement de l'application du classement par niveau ne doit pas
constituer une remise en cause des programmes de redressement d'emploi. Ces
programmes, légalement autorisés depuis juin 1982, ont plus que
jamais leur raison d'être. Malgré l'existence de programmes
d'égalité en emploi pour les femmes dans la fonction publique et
une certaine évolution au cours des dernières années, la
représentativité féminine demeure nettement insuffisante.
Une évaluation de ces programmes, effectuée par le
ministère de la Fonction publique en mars 1983, révèle
que, si la représentation des femmes s'est accrue dans toutes les
catégories d'emplois, entre mars 1980 et septembre 1982, elle est
demeurée inchangée ou a diminué dans 171 corps d'emplois
sur un total de 242. Les corps d'emplois dans lesquels la représentation
des femmes est demeurée stable sont, dans 95% des cas, des corps
d'emplois occupés exclusivement par des hommes. Dans l'ensemble des
postes classifiés comme emplois supérieurs, on retrouve, au 31
mars 1983, 190 femmes pour une proportion de 5,65%, ce qui donne une
augmentation de 1,15% par rapport à l'année
précédente. À ce rythme d'augmentation, dans 45 ans, soit
en 2028, les femmes auront le privilège de former la moitié des
effectifs de la haute fonction publique québécoise.
Les programmes d'égalité en emploi, s'ils ont permis un
assainissement de la gestion courante de la fonction publique par
l'élimination des éléments discriminatoires
évidents qu'elle comportait, une prise de conscience des gestionnaires
de la nécessité de ces programmes et une sensibilisation des
femmes fonctionnaires et professionnelles à la possibilité d'un
plan de carrière, demeurent inefficaces pour assurer la
représentation féminine dans tous les corps d'emplois, notamment
là où elles sont complètement absentes. Il ne s'agit plus
de combattre les préjugés sexistes; il faut adopter des mesures
énergiques visant à redresser une situation systémique qui
perdure. Le bilan de la politique d'égalité en emploi
établi après trois ans d'application démontre la
nécessité de mesures spéciales étant donné
l'innefficacité des mesures incitatives et compte tenu du rattrapage
qu'exige la situation.
Le classement par niveau permettra à l'avenir, si l'avant-projet
de loi sur la fonction publique est adopté tel quel, tout comme la loi
le permet actuellement, la mise en oeuvre de programmes d'accès à
l'égalité, la seule différence entre la situation actuelle
et celle préconisée par
l'avant-projet de loi étant que le classement par niveau pourrait
dorénavant être utilisé dans le cadre de concours où
un programme de redressement d'emploi n'est pas requis. Dans tous les autres
cas - et ils sont nombreux - le classement par niveau permettra de choisir
parmi les personnes classées au premier niveau, celle qui fait partie du
groupe désigné par le programme de redressement d'emploi. Il
apparaît important qu'aucune confusion ne persiste à ce sujet.
Bien que les critères, normes, barèmes ou modalités
concernant l'élaboration, l'implantation ou l'application de programmes
d'accès à l'égalité fassent l'objet de la
réglementation prévue dans la loi 86 et qu'en conséquence
il ne soit pas du ressort de la Loi sur la fonction publique de préciser
ces dispositions, nous croyons, malgré tout, qu'on devrait y retrouver,
tout au moins, un rappel des engagements du gouvernement en matière de
programmes d'accès à l'égalité. Cette
référence aux programmes d'accès à
l'égalité nous paraît d'autant plus importante que le
gouvernement, par la loi 86, s'est reconnu un statut particulier qui a pour
effet de le soustraire du contrôle et de la surveillance de la Commission
des droits de la personne dans l'élaboration et l'implantation de ses
programmes.
L'avant-projet de loi sur la fonction publique, déposé par
la ministre, Mme LeBlanc-Bantey, fait état à quelques reprises de
la mise en place de ces programmes. Ainsi en est-il, par exemple, à
l'article 41 où il est dit notamment que "les conditions d'admission
à un concours doivent tenir compte des limites et restrictions qui
résultent de l'application des politiques du gouvernement concernant
notamment: 1 les programmes d'accès à l'égalité
visant... "Au chapitre VI, article 81 de l'avant-projet, on précise, en
outre, que c'est au Conseil du trésor que revient la
responsabilité d'établir des programmes d'accès à
l'égalité en vue de corriger la situation de personnes faisant
partie de groupes victimes de discrimination dans l'emploi." Enfin, une
dernière mention des programmes d'accès à
l'égalité est faite à l'article 101 où il est
stipulé que "l'Office des ressources humaines a, entre autres, pour
fonction de proposer des mesures pour assurer l'accès à
l'égalité en emploi." Si ces quelques références
sont importantes, elles ne nous paraissent pas, pour autant, suffisantes et
témoignent bien pauvrement de la volonté déjà
exprimée par le gouvernement d'implanter des programmes d'accès
à l'égalité dans la fonction publique.
La prise en compte des impératifs découlant de
l'implantation de programmes d'accès à l'égalité ne
devrait pas se faire uniquement au niveau des conditions d'admission aux
concours de recrutement ou de promotion. On risquerait ainsi de limiter
significativement la portée de ces programmes et ce, avant même
qu'ils aient été élaborés. S'il est important de
prendre en compte les objectifs visés par les programmes d'accès
à l'égalité dans l'établissement des conditions
d'admission aux concours, il n'est pas moins essentiel d'en tenir compte au
niveau de l'établissement des procédures d'évaluation
prévues à l'article 44, ainsi qu'au niveau de la nomination dont
il est fait état à l'article 50.
L'accès aux concours, l'évaluation des candidatures et le
choix final ou la nomination sont les trois étapes du processus de
sélection. On ne devrait, a priori, soustraire aucune de ces
étapes de l'application des programmes d'accès à
l'égalité. C'est pourtant ce qui nous paraît
découler des dispositions prévues dans l'avant-projet de loi sur
la fonction publique. Il y aurait donc à cet égard
nécessité d'y apporter des correctifs.
D'autre part, comme nous l'avons déjà signalé,
c'est le Conseil du trésor qui, en vertu de l'article 81, sera
chargé d'établir des programmes d'accès a
l'égalité. Cependant, celui-ci pourra, en vertu cette fois de
l'article 88, "déléguer à un sous-ministre ou à un
dirigeant d'organisme l'exercice des fonctions qui lui sont attribuées
par la présente loi".
La décentralisation éventuelle des pouvoirs en
matière de programmes d'accès à l'égalité
vers les ministères ne nous paraît pas en elle-même source
de problèmes. Cette décentralisation nous semblerait, cependant,
plus risquée si elle ne s'accompagnait d'aucune structure
supraministérielle d'évaluation et de contrôle de
l'implantation des programmes d'accès à l'égalité.
Or, dans son avant-projet de loi, la ministre n'a pas prévu de telles
dispositions et nous croyons qu'il y aurait intérêt à
apporter certaines précisions à cet égard au niveau
même de la loi, d'autant plus, nous le rappelons, que le gouvernement
n'est pas soumis pour l'application de ces programmes au contrôle de la
Commission des droits de la personne. L'imputabilité à laquelle
seront soumis les sous-ministres n'apparaît pas une garantie suffisante
en ces matières. J'ajouterai, personnellement, que je pense que la
Commission de la fonction publique serait l'endroit qui nous apparaît le
plus adéquat pour le contrôle et la surveillance des programmes
d'accès à l'égalité à l'intérieur du
gouvernement.
En conclusion, des dispositions législatives devaient être
prévues pour que soit rendue possible l'application de programmes
d'accès à l'égalité de façon à
corriger la discrimination systémique contre les femmes, qui perdure au
sein de la fonction publique. La nouvelle loi soumise à l'attention de
cette commission, tout comme
celle actuellement en vigueur, comporte de ces dispositions. Ce qui est
rendu possible par la loi ne sera effectivement réalisé en
matière d'accès à l'égalité que si nous
sommes disposés à fournir tous les efforts requis et, s'il y a
lieu, les ressources budgétaires nécessaires.
Il pourrait paraître difficile de modifier substantiellement la
situation touchant la représentativité des femmes dans la
fonction publique à tous les échelons lorsqu'il y a gel des
effectifs, absence de recrutement externe, limitation des promotions et, de
façon générale, un système de dotation favorisant
les fonctionnaires en place. Les responsabilités importantes
accordées au Conseil du trésor par l'avant-projet de loi
témoignent des préoccupations financières touchant la
gestion du personnel, ce qui n'est pas à rejeter. Il faut souhaiter
toutefois qu'une telle préoccupation ne constituera pas un obstacle
absolu à l'élimination de la discrimination selon le sexe au sein
de la fonction publique. Je vous remercie.
Le Président (M. Champagne): Merci. Mme la ministre, des
commentaires et des questions?
Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais remercier Mme Bonenfant et les
membres du Conseil du statut de la femme d'être venues témoigner
devant la commission. Je dois vous dire que, si le mémoire de l'ENAP ce
matin m'avait apporté un peu de réconfort, votre
témoignage, même s'il souligne certaines lacunes de l'avant-projet
de loi, m'apporte aussi beaucoup de réconfort. Je trouve que c'est un
témoignage très intéressant, qui m'apparaît
équilibré et qui mérite certainement de notre part la plus
large attention possible. Il m'a semblé, à première vue,
que vous faisiez des suggestions intéressantes. L'une des
premières questions que j'allais vous poser au début du
mémoire était si vous aviez des recommandations. Mais vous avez
pris soin d'en faire quelques-unes et nul doute qu'on va les regarder
très attentivement. Entre-temps, si vous en avez d'autres, ne vous
gênez pas pour nous les faire parvenir.
Je pense que tout le monde reconnaît -et j'ai eu l'occasion de le
dire à plusieurs reprises devant cette commission - que nous allons dans
les prochains mois évaluer l'approche incitative que nous avons eue
jusqu'à maintenant dans les programmes d'accès à
l'égalité. Vous jugez que cette approche incitative a eu des
résultats timides. Cela m'a amusée parce que vous avez fait le
calcul qu'à ce rythme cela prendrait 45 ans pour qu'on ait une
représentation équilibrée dans la fonction publique.
J'avais demandé qu'on fasse chez nous ce genre d'évaluation,
compte tenu des progrès qu'il y avait eu, entre autres, depuis deux ou
trois ans. Alors, j'ai déjà la réponse; c'est clair que
c'est un rythme beaucoup trop lent et qu'il va falloir prendre des mesures pour
accentuer ou accélérer la représentation équitable
des femmes dans la fonction publique.
(17 h 15)
Par ailleurs, je dirai que mon choix n'est pas encore fait quant
à la nécessité d'arriver avec des mesures coercitives
versus des mesures incitatives. Je pense qu'il faudra trouver les meilleurs
moyens. Nous aurons certainement l'occasion d'en discuter.
Je voudrais vous poser deux questions, très rapidement. Vous
semblez dire que le fait de rendre les sous-ministres imputables n'est pas
suffisant pour continuer un régime d'incitation comme le nôtre.
J'avais plutôt la perspective contraire. J'avais l'impression que, le
jour où nous aurons des gestionnaires véritablement imputables en
fonction d'objectifs, il faudra sans doute préciser comme gouvernement
que le régime d'imputabilité favoriserait, entre autres, une
approche comme celle que nous avons prise, les programmes d'accès
à l'égalité. En fait, les programmes d'accès
à l'égalité ont été, finalement, la
première démarche d'une mise en place d'une imputabilité
dans la fonction publique. Il faut dire qu'on a commencé
l'imputabilité avec ce qu'il y avait peut-être de plus
vulnérable et on aura à évaluer si, effectivement,
c'était un bon choix. Il y a peut-être des domaines où
c'est plus facile de rendre les gens imputables parce qu'ils sont plus
naturellement portés vers un type d'action que d'autres, mais cela reste
à évaluer. J'aimerais quand même vous entendre approfondir
davantage cet aspect.
Il y a une deuxième question que je veux vous poser. Il y a
beaucoup de gens qui sourient - je vais le dire comme je le pense à
l'idée qu'on parle d'envoyer l'établissement des politiques
d'égalité en emploi au Conseil du trésor. Bien sûr,
on avait maintenu un équilibre en chargeant l'office de conseiller le
Conseil du trésor sur ces politiques. Quelle est votre idée
précise? Autrement dit, est-ce que vous pensez quand même qu'il y
a une cohérence dans ce qu'on fait en envoyant ces politiques au
Trésor? Sinon, est-ce que vous avez une idée de l'endroit
où l'établissement des politiques d'égalité en
emploi pourrait aller?
Mme Bonenfant: Pour la première question au sujet de
l'imputabilité, je suis entièrement d'accord avec vous, c'est
toujours ce que j'ai répété. Tant qu'on ne rendra pas
imputables les responsables des programmes d'égalité en emploi au
plus haut niveau dans les ministères ou dans les organismes, il ne se
fera pas grand-chose, parce qu'il faut quelqu'un qui ait un pouvoir de
décision. Il y a des budgets impliqués. Il y a des
décisions politiques à prendre et, à
mon avis, c'est toujours au plus haut niveau que ces décisions
sont prises. Je suis d'accord sur l'imputabilité au plus haut niveau
à l'intérieur des ministères ou des organismes. Ce dont je
doutais, c'est que c'était suffisant. Quand on rend quelqu'un imputable
de quelque chose, il faut que quelqu'un juge si cette imputabilité a
été respectée, si on a bien fait nos devoirs. Alors, c'est
là que je dis que c'est extrêmement dangereux pour les programmes
du gouvernement, puisqu'ils sont soustraits à la Commission des droits
de la personne qui surveille les programmes qu'on fait dans le secteur
privé. S'il n'y a pas d'organismes au-dessus des sous-ministres pour
contrôler, pour surveiller l'application de ces programmes, à mon
avis, il manque une charnière quelque part.
Selon moi, les programmes d'égalité des chances en emploi,
il faut que cela parte d'une volonté politique très
élevée. Je pense qu'il faut que cela vienne de l'Exécutif.
Il faut que cela vienne du premier ministre, du Conseil des ministres, et que
cela aille en descendant, à des hauts niveaux de responsabilité.
Mais il faut que quelqu'un surveille si cette volonté politique
s'accomplit. Il faut un lieu. Je l'avais identifié à la
Commission de la fonction publique. Il y a peut-être lieu de
réfléchir à savoir s'il faut en créer un nouveau,
je ne sais pas. C'est ce que je voulais dire quand je disais que ce
n'était pas suffisant, l'imputabilité des sous-ministres, mais
que c'est nécessaire.
Quant au Conseil du trésor qui est responsable de la Loi sur la
fonction publique et des programmes d'égalité des chances en
emploi, cela m'apparaît assez normal puisqu'il y a une large part du
budget d'impliquée. Mais là où notre inquiétude se
situe, c'est que, dans une période de restrictions budgétaires,
de coupures budgétaires, quand c'est le même organisme qui
décide des coupures et des programmes, j'ai peur que la conjonction ne
nous mène pas loin. C'est là qu'est mon inquiétude. Je
pense que c'est logique que cela s'accroche au Conseil du trésor, bien
sûr, au niveau du financement de ces programmes. Faisons attention
justement qu'il y ait d'autres lieux de pressions politiques et de
contrôles que le Conseil du trésor et les échelons un peu
plus bas.
Mme LeBlanc-Bantey: Mon espoir, c'est qu'une fois entrés
dans la bergerie, nous ayons plus de chances de l'attendrir.
Mme Bonenfant: Ah! On a parfois des illusions, madame.
Le Président (M. Champagne): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: M. le Président, je comprends que cela fait
chaud au coeur de Mme la ministre d'entendre de telles communications, du
Conseil du statut de la femme, parce que c'est évident que ce n'est pas
tout le monde qui peut être d'accord avec elle. Je pense que vous avez
tenté de boucler la boucle - si mes souvenirs sont encore assez vivants
- par rapport aux discussions que nous avions eues au comité
spécial sur la fonction publique. On est en droit de toujours exiger
davantage pour qu'on aille un peu plus loin. Encore hier, on disait qu'il faut
toujours aller très loin pour aller plus loin.
Si je reviens aux programmes d'accès à
l'égalité des chances, on sait qu'en ce moment - vous en avez
parlé vous-même - il y a énormément de coupures
budgétaires. Aussi, l'engagement du nouveau personnel est presque nul;
même si on a parlé d'occasionnels tout à l'heure, ce n'est
pas l'exemple à suivre. Est-ce que vous voyez d'une façon
très réaliste des espoirs dans des programmes qui pourraient
faire en sorte d'amener vraiment cet accès à
l'égalité compte tenu de cette réalité qu'on doit
vivre de coupures budgétaires et d'engagement à peu près
nul? Dans des recommandations que vous auriez à faire, est-ce qu'il y a
un moyen à prendre pour atteindre ces objectifs?
Mme Bonenfant: Nous préparons présentement une
intervention par rapport au règlement de la Charte des droits et
libertés de la personne. Un projet a été
déposé et nous avons été consultées. Nous
allons entrer plus dans les détails techniques pour pouvoir assurer
l'accomplissement de ce type de programmes et voir quelles sont les conditions
objectives pour pouvoir les réaliser. C'est pour cela que je n'ai pas
insisté sur la technique applicable aux programmes d'accès
à l'égalité. Nous le ferons. Je ne sais pas s'il y aura,
tel qu'annoncé, une commission parlementaire sur ce sujet, mais, de
toute façon, nous déposerons auprès du ministère de
la Justice des commentaires sur le règlement par rapport aux programmes
d'accès à l'égalité. Je serai alors en mesure de
détailler davantage les techniques.
Quand vous me demandez si j'ai de l'espoir, je peux vous dire qu'on sait
pertinemment que le travail nous est rendu très difficile
présentement à cause de la conjoncture. Quand on veut arriver
à quelque chose, si vraiment le gouvernement a une volonté
politique et qu'il s'engage vis-à-vis des femmes, il va falloir qu'on
développe ensemble de l'imagination pour y arriver parce qu'autrement -
vous avez vu les statistiques que je vous ai données - nous sommes
condamnées, et le conseil n'accepte pas que les femmes soient
condamnées.
Donc, on va se débrouiller pour développer de
l'imagination, pour donner des suggestions, pour conseiller le gouvernement en
cette matière.
Mme Bacon: Ce que je crains du Conseil du trésor, c'est
qu'il va avoir la mainmise sur cet ensemble de travailleurs de la fonction
publique; parce qu'on sait que le Conseil du trésor est habitué
à jouer avec des chiffres. C'est très froid quant à la
prise de décision, aux directives à donner, aux règlements
à édicter. Est-ce que vous craignez une mainmise du Conseil du
trésor et, par la suite, les décisions qui pourraient s'ensuivre
sur l'ensemble de cette masse de travailleurs de la fonction publique par
rapport au ministère existant?
Mme Bonenfant: C'est pourquoi j'insiste beaucoup sur des
mécanismes de contrôle sur lesquels l'Assemblée nationale a
regard, enfin, il faut que les gens concernés, les syndicats puissent
s'y impliquer aussi. À mon avis, il va falloir penser
sérieusement aux mécanismes de contrôle à
l'intérieur de la fonction publique. Du côté de
l'entreprise privée, le commission des droits, si on lui en donne les
moyens financiers - c'est un autre problème - pourra exercer un
contrôle adéquat. Je pense qu'ils ont suffisamment d'idées
là-dessus. Les intéressés ont déjà
énoncé comment on pourrait effectuer cette surveillance, mais il
va falloir absolument -j'insiste beaucoup là-dessus - Mme la ministre,
bien réfléchir sur les moyens de surveillance et de
contrôle des programmes d'égalité des chances à
l'intérieur du gouvernement. Présentement, dans la charte des
droits, le gouvernement peut faire des programmes, mais il n'y a rien qui
prévoit la façon d'en contrôler et d'en surveiller
l'exécution, de sorte que c'est un voeu pieux. On veut voir dans les
règlements comment le gouvernement s'impose à lui-même une
autocensure et une autosurveilance. Cela est très important et j'insiste
beaucoup là-dessus.
Quant à la question que vous me posez d'un ordre
général du Conseil du trésor, je l'ai dit tout à
l'heure: Quand on est juge et partie à la fois, c'est sûr qu'il y
a un danger de centralisation. C'est pour cela que c'est important de descendre
avec l'imputabilité, comme Mme la ministre le suggère. Cela aussi
est important.
Mme Bacon: Une meilleure concertation, par exemple, avec les
groupes et le Conseil du trésor est-ce que cela peut amener une
meilleure égalité des chances par rapport à un
idéal à atteindre, au fond?
Mme Bonenfant: C'est sûr que c'est très important
que ces programmes soient pensés, proposés et acceptés par
les intervenants, c'est-à-dire les syndicats, les associations, le
gouvernement, les décideurs et celles et ceux qui en sont les
bénéficiaires. C'est toujours le même problème: II
faut absolument une concertation.
Le Président (M. Champagne): Merci. Le mot de la fin, Mme
la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Je répète ce que j'ai
déjà dit. Dans vos suggestions, entre autres, sur des moyens de
contrôle, je crois que vous avez raison. Il va falloir, d'une
façon ou d'une autre, trouver des moyens de contrôle pour
être sûr que le maximum est fait malgré la conjoncture,
malgré les difficultés. Vous avez raison aussi quand vous dites:
Avec beaucoup d'imagination - et généralement ce n'est pas ce qui
manque quand on veut bien se donner la peine d'en avoir - peut-être avec
une réorientation aussi pour faire face à la
réalité et en conséquence s'ajuster pour ne pas stagner et
surtout ne pas reculer, il y a lieu de continuer les démarches qui ont
été entreprises dans les programmes d'accès à
l'égalité avec la collaboration du conseil et de plusieurs
intervenants dans la fonction publique. Il y a dans ces programmes plein de
gens de bonne volonté dans tous les ministères. Cela ne va pas
toujours aussi vite qu'ils le voudraient. Peut-être qu'une des raisons,
c'est parce que la responsabilité n'est pas toujours assez haute dans la
hiérarchie, même s'il y a tout de même eu un pas cette
année où le Secrétaire général
lui-même a signifié des attentes à ses sous-ministres en
fonction des programmes d'accès à l'égalité. Il y a
eu un pas. Donc, il faudrait le continuer et il faudrait aussi l'accentuer en
termes de contrôle. On va y réfléchir pour tenter de
trouver une façon.
D'autre part, je voudrais souligner que j'ai trouvé que vous
aviez vraiment très bien encadré la problématique du
rangement par niveau quand vous avez souligné qu'il ne s'agissait pas
d'entorses à la règle du mérite. Je crois que non
seulement cela était pertinent, mais je continue de penser qu'il faut
faire une différence entre le principe et la méthodologie. Le
rangement par niveau par rapport à l'ordre numérique strict n'est
qu'une manière différente, mais il n'entache pas la règle
du mérite à l'intérieur des balises que vous avez
vous-même mentionnées. Entre 20 points et 100 points, il y a une
marge de manoeuvre, il y a un océan à ne pas traverser.
Je termine en vous disant que je vais étudier vraiment
très attentivement toutes les suggestions que vous nous faites.
J'espère que nous pourrons concrétiser certaines attentes que
vous avez en fonction de l'avant-projet de loi de sorte que les objectifs que
nous poursuivons se reflètent le mieux possible dans le projet que
nous
déposerons. Je vais prendre connaissance, je vous l'assure, du
mémoire que vous allez transmettre à mon collègue à
la Justice. Cela va certainement aider à la réflexion que nous
sommes en train de nous faire sur l'orientation des programmes d'accès
à l'égalité. Merci.
Le Président (M. Champagne): Au nom de la commission
parlementaire, mesdames, nous vous remercions de vous être
présentées devant nous.
Mme Bonenfant: Je m'excuse. Je voudrais réparer un oubli
en remerciant, la CEQ qui m'a permis de passer avant elle parce que j'avais une
autre obligation. (17 h 30)
Le Président (M. Champagne): Merci. On demande aux
représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec de se
présenter à l'avant, s'il vous plaît!
Je dirai aux membres de la commission parlementaire qu'il est question
de poursuivre les travaux après 18 heures, si vous n'avez pas
d'objection, de façon à terminer ce soir. Pour autant que les
intervenants soient là, on terminerait ce soir, après 18
heures.
Alors, on demanderait au porte-parole officiel de la Centrale de
l'enseignement du Québec de se présenter et de présenter
les personnes qui l'accompagnent.
Centrale de l'enseignement du Québec
M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, Mme la ministre,
mesdames et messieurs, en tant que président de la Centrale de
l'enseignement du Québec, Yvon Charbonneau, j'agirai à titre de
porte-parole de notre organisation. Je suis accompagné à cette
table de Mme Alice Gagnon, première vice-présidente de notre
bureau national, et de deux conseillers de notre organisation, MM. Denis
Arsenault et Germain Ménard.
Puisque vous avez déjà notre mémoire entre les
mains, je me contenterai d'en reprendre certains aspects devant vous
maintenant. D'abord, l'intérêt de notre organisation dans ce
débat provient du fait que nous avons représenté, à
l'occasion de la dernière ronde de négociations, quelque 100 000
employés de divers niveaux, dans différents secteurs des services
publics québécois. Nous avons également
représenté plus particulièrement, par le biais d'une
entente de services, le Syndicat de professionnelles et professionnels du
gouvernement du Québec.
Nous voyons dans le débat entourant cet avant-projet de loi une
occasion de discuter de certains enjeux relatifs au développement de la
société du Québec au moyen de services publics de
qualité, accessibles et démocratiques.
Il y a une question qui est au centre de tout ce débat, nous
semble-t-il, c'est d'en arriver à doter le Québec d'une fonction
publique, tout en assurant une certaine conciliation de la
nécessité pour l'État d'organiser les services publics,
des droits de la population à des services publics de qualité et,
aussi, des droits et des besoins de celles et ceux qui travaillent dans ces
services publics, plus particulièrement dans la fonction publique
puisque c'est de cela qu'il s'agit dans cet avant-projet de loi. C'est au coeur
du débat et il nous semble que tous les intervenants, dans cette
question, devraient s'efforcer de mettre de l'avant des mesures, des
propositions, des perspectives empreintes de cette préoccupation pour
faire en sorte qu'aucun des trois ordres ne développe un pouvoir
exagéré - quand je dis les trois ordres, ce sont l'État,
la population et les employés, fonctionnaires ou professionnels - donc,
qu'aucun des trois ordres ne développe une situation de pouvoir qui
aille en s'amplifiant au détriment des deux autres. C'est plutôt
une situation d'équilibre qu'il faut viser à développer,
à renforcer. À notre avis, une telle perspective suppose qu'on se
mette en tête quelque chose de particulièrement important, c'est
que ce genre d'équilibre et de consensus s'obtient par une
démarche basée sur la négociation, sur la recherche d'une
terrain d'entente dans l'organisation de l'ensemble des services
dispensés par la fonction publique. Cela suppose, si on parle de
négociation, si on parle de conciliation et de recherche d'un consensus,
que les parties se reconnaissent et que la partie qui détient le pouvoir
politique en plus de détenir des responsabilités d'organisation
des services publics soit à l'affût de certaines recommandations,
de certaines remarques qui peuvent venir de la part des organisations
syndicales, des remarques ou des observations exprimant ce que nous percevons
de la tendance dominante qui caractérise cet avant-projet de loi.
Comme nous le disons clairement dans notre mémoire, nous pensons
que ce projet de loi renforce essentiellement le pouvoir de l'État, mais
ne laisse qu'une place de plus en plus secondaire, pour ne pas dire marginale,
à la population ou aux syndicats représentant les
employés, les fonctionnaires, les professionnels dans l'ensemble de
l'agencement de ces services publics et de la fonction publique. Donc, notre
analyse, notre lecture de cet avant-projet de loi, c'est que le gouvernement,
gestionnaire de l'État, se sert de son pouvoir politique ici pour tirer
la couverture de son côté à la faveur d'une certaine forme
de restructuration de la fonction publique.
D'une manière générale, notre position en est une
d'appui aux préoccupations, aux suggestions, aux propositions mises de
l'avant ici par le syndicat des professionnels du
gouvernement du Québec. Donc, nous ne répéterons
pas tout ce que le SPGQ et ses représentants ont pu dire devant vous
puisque nous allons dans le même sens. Nous reviendrons, cependant, sur
quelques points qui nous semblent des dominantes à mettre de l'avant de
la part d'une organisation syndicale comme la nôtre et qui, d'ailleurs,
sont des préoccupations que nous exprimions déjà, cette
fois en 1977, de concert avec deux autres organisations syndicales.
La première question que j'aborderai à ce moment-ci est en
rapport avec le régime syndical prévalant dans la fonction
publique. Nous croyons que le régime d'exception - je dis d"'exception"
par rapport au régime de base prévu dans le Code du travail - mis
en place à l'occasion de la première Loi sur la fonction publique
en 1965, donc hérité de cette période alors que la
Commission de la fonction publique avait des pouvoirs importants et relevait de
l'Assemblée nationale, n'a plus sa place comme tel et que le tout
devrait évoluer vers une situation où les syndiqués de la
fonction publique seraient régis par les grands encadrements que
prévoit le Code du travail.
Actuellement, quelle est la situation et surtout quelle est la situation
qui se profile à travers l'avant-projet de loi qui est devant nous? Nous
ferons face bientôt à un Conseil du trésor qui a de plus en
plus de pouvoirs et à un office dont on retouche les mandats, les deux
reliés au gouvernement et non plus à l'Assemblée nationale
pour ce qui est de l'office, et à une Commission de la fonction publique
transformée passablement aussi, elle, reliée à
l'Assemblée nationale.
Mais pour ce qui est de l'office et du Conseil du trésor, les
deux organismes majeurs en l'occurrence ici, ceux qui ont le pouvoir, ils se
réfèrent au gouvernement. Si le gouvernement accepte, du moins en
principe, de négocier avec les syndicats qui représentent
d'autres catégories de salariés dans d'autres services publics et
de négocier en principe sur l'ensemble des conditions de travail, nous
croyons que le gouvernement devrait faire droit à une proposition
faisant en sorte qu'il n'y ait pas d'entrave au champ du négociable, du
moins pas d'entrave législative permanente au champ du
négociable, comme c'est encore le cas dans la fonction publique
maintenant ou même dans l'avant-projet de loi qui est devant nous.
Nous pensons aussi que les procédures d'accréditation des
syndiqués de la fonction publique devraient être similaires
à celles qui prévalent sous l'empire du Code du travail en
général, surtout au moment où on annonce certains
transferts de services ou certaines conversions de services actuellement
régis de manière centrale au profit d'autres régies ou
d'autres organismes en voie d'émergence, puisque le système
actuel prévoit aussi des possibilités d'exclusion de certaines
catégories de personnel. Nous pensons qu'il serait important de
prévoir que les syndiqués de la fonction publique pourront
s'organiser sur une base syndicale, même dans un cadre de service public
en évolution, en changement. Ce n'est pas l'objet du débat ici,
mais faisons l'hypothèse qu'il y a de telles transformations, nous
pensons qu'il serait tout à fait normal que les syndiqués de la
fonction publique puissent se réorganiser sans dépendre de
dispositions spéciales, mais le faire dans le cadre des dispositions
générales du Code du travail.
La libre négociation de toutes les conditions de travail -
incluant la classification, les clauses de promotion, etc -nous semble
compatible avec une bonne gestion. Nous pensons que ce qui peut nuire à
une bonne gestion, ce sont des dispositifs qui permettent certaines mesures
d'autoritarisme ou de favoritisme ou des dispositifs qui font que l'ensemble de
la fonction publique peut être amené, à travers les
années, à se décomposer en minifonctions publiques, selon
les ministères et les organismes. C'est un système qui permet, de
façon excessive, la délégation et la
subdélégation à partir du Conseil du trésor en
passant par des ministères et à travers les organismes;
finalement, une série de possibilités de modes de gestion
à partir de principes encadreurs émis d'en haut. Cela finit par
provoquer possiblement une fragmentation, un morcellement. Nous pensons que
cela peut constituer une entrave à la bonne gestion d'une fonction
publique vue comme un ensemble de personnes qui investissent leur vie,
finalement, dans le service à la population.
La libre négociation de l'ensemble des conditions de travail nous
fournit un moyen de régulariser certaines situations de tension,
certaines situations inéquitables et également de faire face aux
légitimes revendications qui s'expriment régulièrement. Ce
n'est pas en ayant des zones réservées, en mettant de
côté certaines de ces réalités, même si elles
comportent potentiellement des éléments conflictuels, et en se
les gardant toutes pour soi qu'on évacue pour autant les
réalités - je reviens au premier principe et c'est le principe
qui traverse l'ensemble de notre mémoire - c'est plutôt en
acceptant, de part et d'autre, un système qui permette la
négociation des différences ou des oppositions, plutôt que
leur résolution par une partie seulement. (17 h 45)
Donc, d'une manière générale, en
référence à ce premier point du régime syndical, de
la part du gouvernement, de la part des personnes qui sont dans les divers
partis politiques à l'Assemblée nationale, il devrait y avoir un
souci de comprendre tout
d'abord, d'affirmer par la suite, s'il y a moyen, et de
reconnaître l'apport du syndicalisme comme contribution au
développement des services publics et de la fonction publique à
travers les années. Il y a bien longtemps qu'on n'a pas entendu cela. On
a plutôt entendu des discours de dénigrement, des discours de
remise en cause plus ou moins fondés, même de la part de ceux qui
les profèrent, mal étayés, "sloganisés". Mais on
n'a pas entendu depuis longtemps, depuis belle lurette, des paroles
d'appréciation à l'égard des organisations qui
représentent celles et ceux qui font la fonction publique chaque jour,
celles et ceux qui conseillent les décideurs ou qui mettent en
réalisation, à exécution, les décisions que
prennent les membres du personnel politique. Il y a longtemps que cela n'a pas
été dit et il me semble que le fait de le dire pourrait aussi
nous rappeler que l'ensemble de la fonction publique sert la population,
même si ce service se fait par le biais d'un quotidien qui est souvent au
service des membres du personnel politique et de leurs gestionnaires.
Il me semble qu'on devrait reconnaître qu'à travers les
années les organisations collectives que s'est données le
personnel de la fonction publique ont contribué à diminuer et,
probablement, à enrayer le patronage, le favoritisme. Elles ont
contribué aussi à combattre la discrimination, l'arbitraire,
quoique le travail soit loin d'être terminé, comme on l'a vu avec
le dossier des occasionnels tout à l'heure ou encore à la suite
de certains propos de la présidente du Conseil du statut de la femme, il
y a quelques minutes. Donc, il y a encore du travail à faire de la part
des organisations que nous sommes. Il me semble que, de la part du
gouvernement, de la part du personnel politique, il devrait y avoir une
attitude d'accueil à la contribution réalisée par les
organisations collectives syndicales à travers les années,
contribution qui est encore possible, qui est encore disponible, comme
l'illustre le fait que nous nous présentions ici malgré tout ce
qui s'est passé il y a quelques mois.
Le deuxième groupe de remarques que je ferai tourne autour des
principes qui sont énoncés aux articles 2 à 7 de
l'avant-projet de loi. Je n'ai pas fait d'étude comparative avec
d'autres avant-projets de loi ou d'autres lois existant dans d'autres fonctions
publiques à travers le monde ou au Canada. On m'a dit que c'était
assez inhabituel d'introduire ou de mettre au début d'un projet de loi
des principes aussi généraux, prêtant à autant
d'interprétations diverses qu'il y a de mots clés dans chacun des
articles et, surtout, de terminer cette série de principes par l'article
7: "En cas de doute, toute disposition de la présente loi, d'un
règlement ou d'une directive ou d'un énoncé de politique
et toute décision prise en vertu de cette loi doivent être
interprétées de manière à donner effet aux articles
2 à 6."
Pour préconiser un principe comme celui-ci avec autant
d'assurance, il faudrait être capable de défendre point par point,
pouce par pouce, chacun des principes qui précèdent. Pour
bâtir une fonction publique avec tous les organismes qui ont à
intervenir là-dedans - Conseil du trésor, office et tous les
autres intervenants - et asseoir tout le reste de la loi sur un article comme
l'article 7, il faudrait que les articles 2 à 6 soient un socle de
marbre absolument intangible, indiscutable. Pourtant, les articles 2 à 6
sont assez friables lorsqu'on les regarde l'un après l'autre. Ce sont de
grands principes plutôt moralisateurs dans certains cas, plutôt
empruntés à différentes écoles de pensée
d'administration publique, j'imagine, d'autre part.
Quelle est la définition officielle de l'efficience? D'autres,
avant moi, vous en ont parlé. Je ne reprends pas tous ces arguments.
Qu'est-ce que c'est? Est-ce que vous voulez parler d'efficacité? Est-ce
que vous voulez parler des coûts? Est-ce que vous voulez parler des fins?
Qu'est-ce que vous voulez dire par "efficience"? Est-ce une traduction de
l'anglais, avec les concepts de différentes écoles de
pensée en administration publique derrière cela? Qu'est-ce que
vous voulez dire? Utiliser les ressources humaines de façon optimale,
nous sommes tous pour cela. Mais quand le Conseil du trésor, avec les
pouvoirs exorbitants qui lui seront conférés par la suite, aura
à trancher, à prendre une décision ou à
émettre un règlement ou des politiques en fonction du mot
"optimale", il a tout le champ devant lui. C'est celui qui le dit qui a raison.
Puisque moi, Conseil du trésor, le ou la ministre en question - il faut
avoir de l'espoir, comme vous l'avez dit tout à l'heure - aura
tranché la question, c'est optimal.
Mme LeBlanc-Bantey: Pourquoi commencez-vous à vous exciter
dès que vous parlez du Conseil du trésor?
M. Charbonneau (Yvon): Sur la question des services de
qualité, nous sommes tous d'accord. Je ne sais pas si c'est l'effort de
récupérer un certain slogan syndical. On ne peut pas vous
blâmer pour cela, mais en faire un principe de gestion qui sera
arbitré, en quelque sorte, par le Conseil du trésor, en
référence au Conseil des ministres, il me semble que c'est tirer
la couverture de son côté. C'est la preuve essentielle qui est la
base de notre mémoire. Vous vous donnez des portes d'entrée qui
sont des portes de grange, qui sont aussi larges que vous le désirez
à chaque article: qualité, efficience, optimal,
imputabilité.
Est-ce que vous voulez dire que les
gens doivent être responsables? Qu'est-ce que vous voulez dire par
"imputabilité"? On en a une idée, parce qu'il y a un certain
langage. Quand on est imputable, cela veut dire qu'on peut nous imputer une
faute. C'est le langage connu. Ce n'est sûrement pas celui-là que
vous voulez utiliser. Vous voulez parler de responsabilité, de
créativité, d'autonomie? Nous sommes pour ces valeurs, mais
arbitrées par le Conseil du trésor, en définitive...
Impartialité, justice, c'est bien; pas de problème là.
Mais pourquoi va-t-on asseoir le système sur des valeurs larges et
nobles comme cela et, ensuite, en confier la gestion au Conseil du
trésor? Il me semble qu'il ne faut pas trop lui en demander tout de
même. "Sans favoritisme ni discrimination", les "différentes
composantes de la société québécoise", c'est bien
sympathique tout cela, mais il y a bien des idées sur chacune des
notions en question.
Nous vous soumettons que cette partie de l'avant-projet de loi pourrait
disparaître sans qu'il y ait nécessairement de dommage à la
compréhension qu'on peut avoir du reste, surtout parce que vous
énoncez l'article 7 après les six premiers.
Nous avons également noté - je commenterai plus rapidement
quelques autres points mentionnés dans notre mémoire - un certain
élargissement, une tendance à élargir les pouvoirs de
sanctions au passage des articles 16 à 22: mesures disciplinaires,
mesures administratives, une frontière qui ne tient pas tout le temps.
On nous parle maintenant, dans l'avant-projet de loi, d'une "cause juste et
suffisante" pour une faute grave. Où est la frontière entre la
mesure disciplinaire et la mesure administrative dans le cas d'un professionnel
qui travaillerait, par exemple, au ministère de l'Éducation ou
pour un ministre relié au domaine de la culture ou de la langue et qui
persisterait, dans ses rapports et dans ses études, à arriver
à des conclusions, des analyses qui ne seraient pas tout à fait
conformes aux priorités que le ministre veut mettre de l'avant à
un moment donné? D'après sa compréhension, d'après
ses analyses, il arrive à tel genre de conclusions et, normalement, il
s'en dégagerait tel genre de recommandations. Il fait son devoir une
fois, deux fois, trois fois, mais, pour lui, c'est comme ça que
cela devrait aller. On va prendre une mesure administrative. On peut aussi
penser qu'il y a certains gestionnaires qui seraient portés à
parler d'entêtement, à parler d'autres attitudes. On pense que la
question de "cause juste et suffisante", c'est la porte ouverte à un
certain nombre de mesures arbitraires contre lesquelles on a de difficiles
recours sous le régime des décrets actuel. Un gestionnaire
veut-il un rendement optimal, un gestionnaire parle-t-il d'efficience, lui
aussi, parle-t-il d'imputabi-lité que, voilà, la porte est
ouverte à reproduire les problèmes et à les grossir aussi
du point de vue de l'employé qui a à les vivre, du fonctionnaire
ou du professionnel. Il me semble qu'il y a là l'introduction d'un
élément qui est nuisible, dans les circonstances, à de
saines relations de travail qu'on pourrait, par ailleurs, certainement
améliorer si jamais il y avait une possibilité de retour à
un régime de conventions collectives atteintes par voie de
réelles négociations entre vous et nous.
D'autres que nous ont parlé de la restriction autour de l'article
15. "Le fonctionnaire doit, au cours d'une élection provinciale,
s'abstenir de tout travail de nature partisane." On notera qu'il s'agit
d'élections provinciales seulement. Est-ce qu'il y a là une
suggestion que, pour ce qui est d'autres élections, cela pourrait
être différent? Vous pourriez répondre à cela. De
toute façon, on pense qu'il y a là une atteinte à un droit
politique normal pour un fonctionnaire, même en période
d'élection, de participer à des activités politiques de
son choix puisqu'il y a, par ailleurs, d'autres normes d'éthique qui
existent dans le système.
Je pourrais aborder aussi toute la question de la
nécessité de prêter un serment d'allégeance, la
question de loyauté. Par ailleurs, on nous parle, dans d'autres
articles, de neutralité politique, de transparence. On sait que le
gouvernement, dans d'autres lois de l'Assemblée nationale, met de
l'avant des possibilités accrues pour le public et pour les organismes
d'accès à l'information, même si on en reporte de quelques
mois, aux dernières nouvelles, la mise en vigueur définitive. Il
nous semble que, dans ces articles, on cherche à attacher davantage, on
cherche à être plus sûr de sa fonction publique
qu'auparavant. Il me semble que n'importe quel gouvernement devrait avoir la
modestie de se rappeler qu'il est de passage au pouvoir et qu'il n'y a pas
d'intérêt à long terme pour une société
d'attacher ses fonctionnaires, sa fonction publique, à ce point en
termes d'allégeance et de loyauté. L'allégeance et la
loyauté de la fonction publique, c'est à l'égard de la
population, c'est à l'égard de l'État, bien avant
d'être à l'égard d'un gouvernement ou d'un autre qui, eux,
sont de passage à la barre de l'État et au service de la
population.
Est-ce que ce genre de pressions qui s'accumulent dans ces nouveaux
articles cherchent à réduire la fonction publique ou certains
fonctionnaires ou groupes de professionnels au silence ou à les
entraîner dans quelque collaboration qu'il ne serait pas facile de dire
publiquement? Je ne le sais pas. Je n'oserais pas m'aventurer sur ce terrain,
mais nous constatons tout de même qu'il y a ici des contraintes accrues
qui tendront, si elles sont finalement votées,
certainement à provoquer d'autres genres de pratiques ou, tout
simplement, a faire en sorte qu'un certain nombre de citoyens avec plein droit
se retirent de toute participation politique légitime, par ailleurs. (18
heures)
Nous voulons parler aussi de l'article 43 qui est lu avec l'article 41.
L'article 41 fait état de l'ensemble des conditions
d'admissibilité établies par plusieurs instances et intervenants.
Finalement, il y a le Conseil du trésor, mais, avec les astuces de la
délégation et de la subdélégation, il y aura
probablement pas mal d'intervenants qui finiront par contribuer à
définir quelles sont les conditions d'admissibilité, à
définir la nature et les conditions d'exercice de l'emploi, à
intervenir dans tout le portrait de l'article 41.
À l'article 43, s'il y a trop de monde, on pourra modifier les
normes, on pourra modifier les conditions d'admission. Il semble qu'il y ait
là quelque chose d'un peu anormal. On connaît la difficulté
du marché de l'emploi actuellement. S'agissant des services
professionnels, on sait qu'en particulier au chapitre de l'emploi il y a un
désespoir grandissant chez tous les jeunes diplômés
d'université qui sont certainement à l'affût des offres de
services ou des concours qui peuvent s'ouvrir dans la fonction publique. Il me
semble qu'on doit donner à toutes les catégories, à tous
les individus de certaines catégories qui sont particulièrement
frappées par le sous-emploi ou le chômage des possibilités
réelles d'avoir accès à ces concours de manière
concrète. On devrait s'ingénier à éviter des
formules qui alourdiront encore le niveau de sous-emploi dans certaines
catégories à mesure qu'on rehausse ou qu'on resserre les normes a
priori, sans avoir à garder les personnes qui sont disponibles pour tel
ou tel concours, telle ou telle possibilité d'emploi. Il me semble que
c'est là que le bât blesse, à l'article 43. Il y a une
possibilité de discrimination accrue pour certaines catégories ou
sous-catégories d'aspirants aux emplois, qui sont très durement
frappées actuellement par la situation générale.
Je terminerai par quelques propos sur une question centrale qui rejoint
un peu celle du début. On nous présente ici un avant-projet de
loi qui nous assure, d'après certaines présentations que j'ai
entendues, que cela va aller mieux parce que la responsabilité de la
gestion va être plus centralisée dans les mains du Conseil du
trésor. On nous dit aussi que le Conseil du trésor - j'imagine
que c'est seulement une hypothèse, c'est la ministre qui parle - saura
concilier les problèmes budgétaires du gouvernement et la gestion
des ressources humaines. Je ne saurais croire que c'est plus qu'une
hypothèse de travail quand cela provient de la ministre de la Fonction
publique. Mais on avance avec assurance néanmoins, peu importe la
faiblesse de l'hypothèse ou de la prémisse. On y va. On ne sait
pas trop où l'on va, mais on y va avec assurance; il faut que cela ait
l'air d'une option claire. Mais on n'est pas trop sûrs parce que, tout de
suite après, on dit: Le Conseil du trésor va
déléguer à 25 ou 30 ministères et je ne sais trop
combien de dizaines d'organismes un certain nombre de responsabilités,
des responsabilités qui sont assez importantes pour certains aspects et
qui sont secondaires pour d'autres. Néanmoins, il y a un système
de délégation prévu; donc, cela permet de répondre
à ceux qui s'excitent en disant que le Conseil du trésor va tout
avoir: Mais non, il n'aura pas tout, il peut déléguer. C'est
probablement le genre de réponse qu'on nous prépare. Il les a,
mais il peut les donner à d'autres. Donc, il peut les garder aussi. S'il
les a, ce n'est certainement pas seulement pour les donner à d'autres,
non plus. On connaît un peu la structure qui a prévalu au
renforcement du Conseil du trésor au cours des années.
D'ailleurs, le projet de loi est assez explicite et impératif,
dirais-je, aux articles 77 à 88. Le Conseil du trésor fait les
politiques, le Conseil du trésor établit les effectifs -
auparavant, il les approuvait -détermine les
rémunérations, établit les programmes d'accès
à l'égalité, bien sûr. Il détermine les
rémunérations, mais il a aussi une possibilité à
l'article 83, celle de négocier. Si cela ne se règle pas par la
négociation à l'article 83, de toute façon il a l'article
79 pour s'en tirer. Il a le pouvoir d'exclure certaines catégories, etc.
Alors, le projet de loi est conçu en mettant au centre le Conseil du
trésor avec des pouvoirs très importants. Il pourrait ensuite
nous parler de délégation, de subdélégation, mais
il a des pouvoirs très importants en termes de gestion.
On nous dit qu'il est important de savoir où, par qui et par
quelles instances vont se déterminer les grands encadrements de la
fonction publique. En même temps, on dit et on répond en
débat que la planification, l'administration, la gestion et
l'évaluation pourront faire partie de pouvoirs
délégués. Qu'est-ce qu'on veut au juste? Est-ce qu'on veut
avoir 25 ou 30 lieux où se fera la gestion ou si on en veut un? On veut
une combinaison des deux, j'imagine. Dans quel sens? Qui répondra
à qui là-dedans? Est-ce que ce sont les sous-ministres dans
chaque ministère qui répondront au Conseil du trésor ou si
c'est le Conseil du trésor qui devra répondre à chaque
ministère du degré de satisfaction qu'il donne en termes
d'effectifs?
Quant à l'imputabilité, on peut renverser n'importe quand
la notion d'imputabilité, pour ceux qui aiment l'utiliser. N'importe
quel citoyen peut entrer
ici et exiger de son gouvernement de l'imputabilité. N'importe
quel membre de la fonction publique, fonctionnaire ou professionnel, peut
entrer dans le bureau de son supérieur hiérarchique et pourrait,
me semble-t-il, en tout légitimité exiger que son
supérieur soit imputable envers lui aussi. Ou bien le système ne
fonctionne que dans un sens: de haut en bas, avec des politiques et des
directives, et les autres n'ont qu'à s'y inscrire ou bien c'est dans les
deux sens. Si c'est un concept qui vaut dans les deux sens, cela veut dire
qu'il y aura beaucoup de mécanismes d'évaluation qui vont se
mettre en place dans toute la fonction publique comme dans les services publics
et qui permettront aux employés d'évaluer aussi à
l'occasion leur supérieur hiérarchique. Sinon, c'est un concept
qui ne va que dans un sens et qui ne va que renforcer le contrôle par en
haut de l'ensemble de l'appareil et de l'ensemble de la fonction publique.
Alors, c'est l'essentiel de la démonstration que nous voulions
faire ici ou, enfin, de la préoccupation que nous voulons apporter ici
dans ce débat. Il nous semble que la signification politique du
chambardement - ce ne sont pas seulement des retouches - prévu dans cet
avant-projet de loi, c'est que de plus en plus on va tout concentrer en un lieu
où jusqu'à maintenant les considérations
budgétaires annuelles, les considérations politiques
immédiates aussi - il faut le dire - doivent l'emporter, parce que c'est
le quotidien du domaine politique sur d'autres considérations qui sont
de l'ordre de la gestion des ressources humaines et qui ne peuvent se
développer qu'avec le temps, au cours des années et
au-delà des gouvernements qui se succèdent à la barre de
l'État.
On ne me fera pas accroire que, quand le Conseil du trésor aura
en main, d'une manière législative, l'ensemble des pouvoirs qui
se profile dans le projet de loi, qu'il sera talonné par le patronat,
talonné par les sources financières, les prêteurs,
talonné par l'ensemble des contraintes du quotidien politique, il aura
le recul qu'il faut, la sérénité qu'il faut aussi et
l'objectivité qu'il faut pour penser à long terme en termes de
gestion des ressources humaines dans l'ensembie des services publics. C'est
incroyable. Dès que c'est compris, cela ne se peut pas qu'on impute un
tel potentiel d'abnégation à cinq ou six ministres réunis
en Conseil du trésor. D'ailleurs, on s'aperçoit que les
politiques d'encadrement se feront plus nombreuses, plus globales, certes. On
nous dit qu'il y aura moins de règlements, mais les grands
règlements viendront bien du Conseil du trésor qui sera
appuyé par un office redevable au gouvernement et non pas à
l'Assemblée nationale. On aura plus de marge dans les sanctions, donc un
régime syndical encore atrophié, quelques droits politiques et
démocratiques à la baisse.
La question qui subsiste: Que reste-t-il là-dedans de
l'hypothèse que je soumettais au début, soit la recherche d'un
équilibre entre les droits de la population à des services de
qualité, équilibre prenant en considération les droits et
les besoins de ceux qui forment la fonction publique, et certaines contraintes
ou certains objectifs légitimes, par ailleurs, de l'État ou du
gouvernement dans l'organisation des services publics? Qu'est-ce qui reste
comme recherche d'un meilleur équilibre? À mon avis, ce n'est pas
cette recherche d'un équilibre, ce n'est pas une recherche de
conciliation entre ces trois ordres qui a animé les concepteurs de
l'avant-projet de loi; c'est plutôt la recherche d'une meilleure assise
pour l'autorité du pouvoir gouvernemental sur sa fonction publique.
C'est sûrement de la même farine, finalement, que l'esprit qui a
fini par faire en sorte que nos conventions collectives soient
remplacées par des décrets; c'est certainement le même
esprit qui prévaut derrière cela. Il me semble qu'à force
de faire fausse route le gouvernement, dans ses relations de travail avec ses
employés, pourrait à l'occasion d'un projet de loi se ressaisir
et essayer de regarder les possibilités d'un système qui ferait
une meilleure place à l'ensemble des intérêts qu'il faut
chercher à concilier et des besoins qu'il faut chercher à combler
par le biais des services publics.
Nous pensons, d'ailleurs, qu'il n'y aurait pas là de recul au
plan de l'efficacité en termes de gestion. Nous allons insister
là-dessus. Il y a eu trop de choses dites dénigrant les
interventions des organisations syndicales ces temps-ci, depuis deux ou trois
ans notamment, essayant de présenter les organisations syndicales comme
n'ayant que des préoccupations corporatistes, égoïstes,
etc.; tous les mots ont été employés à notre propos
et contre nous provenant de très haut dans la pyramide. Pourtant,
à travers l'ensemble des propositions que nous mettons de l'avant encore
aujourd'hui, comme on l'a fait depuis une vingtaine d'années à
travers nos organisations dans les services publics, dans la fonction publique,
il y a eu une volonté constante de contribuer à ce que le
Québec soit doté de services à la fois plus efficaces,
plus accessibles, plus démocratiques, plus satisfaisants pour la
population.
Il me semble que cette proposition de recherche d'un consensus devrait
être prise en considération du point de vue de celles et de ceux
qui ont à penser l'avenir des relations de travail et du point de vue de
celles et de ceux qui ont à décider quant à l'organisation
de la fonction publique et des services publics dans l'intérêt du
développement du Québec à long terme, au-delà des
préoccupations passagères de tel ou tel gouvernement.
Le Président (M. Champagne): Mme la ministre. (18 h
15)
Mme LeBlanc-Bantey: Je vais tenter de parler le plus
brièvement possible. Vous comprendrez que je ne reprendrai pas tous les
points parce que nous en aurions pour quelques heures. Je voudrais d'abord vous
remercier d'être venus: Je trouve que c'est intéressant qu'une
centrale syndicale comme la vôtre vienne. Vous êtes venus
certainement aussi parce que vous aviez une entente de services avec les
professionnels et je trouve un peu dommage qu'on n'ait pas eu l'occasion
d'entendre d'autres centrales syndicales qui - c'est normal - auraient
peut-être pu nous apporter un point de vue plus neutre, dans la
perspective où elles ne sont pas directement impliquées. Ceci
étant dit, je comprends fort bien que votre rôle, comme celui du
syndicat de professionnels, est aussi d'essayer de véhiculer les
préoccupations de vos membres.
Je vois deux étapes dans votre intervention: une première
étape, que je qualifierais de plutôt sereine et que j'ai beaucoup
appréciée, et une deuxième étape, que je qualifie
d'étape de règlement de comptes avec le gouvernement. Il suffit
-d'ailleurs, vous allez l'admettre - de vous entendre parler du Conseil du
trésor. Je vous ai dit à la blague, tout à l'heure: Ne
vous échauffez pas, on va parler du Conseil du trésor. Or, on
sent que vous êtes encore très pris, émotivement par la
dernière négociation.
J'en arrive tout de suite au régime syndical. Quand je suis
arrivée au ministère de la Fonction publique, moi qui n'avais
jamais vécu de négociation et qui avais un passé plus
syndical que patronal, même si je n'avais jamais milité dans les
instances syndicales, j'étais de celles qui pensaient qu'il y avait
peut-être lieu de revoir le régime syndical de la fonction
publique et si, à l'époque, j'avais été membre de
la commission Bisaillon, j'en serais arrivée à la même
recommandation qu'elle.
Par ailleurs, j'ai vécu la dernière négociation.
J'ai vécu, comme j'ai eu l'occasion de le déclarer, de longues
nuits à discuter - je le dis comme je le pense et je n'en fais pas un
blâme aux syndicats, mais c'est la réalité - les virgules,
les points-virgules, à passer des heures et des heures à tenter
de trouver une définition unisexe de conjoint. En fait, je ne veux pas
caricaturer, mais les négociations sont devenues, de part et d'autre,
des situations où chaque partie tente de promouvoir son point de vue,
mais pas toujours avec le meilleur équilibre en fonction des objectifs
recherchés. Je le dis en prenant la peine de spécifier que je
suis prête aussi à assumer la part de blâme qui revient
à l'employeur, sauf que cela crée une situation où,
finalement, cela prend beaucoup de temps pour s'entendre sur certains
sujets.
On parle souvent des retards du gouvernement à apporter des
réponses, mais il y a aussi des retards - vous l'admettrez, je pense -
qui peuvent être occasionnés par le style qu'ont maintenant pris
les négociations au Québec et, donc, des retards
occasionnés aussi par la partie syndicale. Je pense que nous en sommes
rendus à une étape où nous avons tous dit: II faut revoir
les mécanismes, il faut trouver une nouvelle façon de s'entendre,
il faut se remettre en question, il faut enfin arrêter de vivre les
crises qu'on vit de négociation en négociation. Dans ce sens, je
suis de celles qui pensent que, malgré les drames qu'on a vécus,
on devrait encore être capable d'y arriver. Or, pour qu'on y arrive - je
vous dis ce que j'ai dit aussi à d'autres - de part et d'autre, il faut
accepter ces remises en question et il faut aussi tenter d'aborder ce type de
réflexion avec le plus de sérénité possible.
En tout cas, je n'ai pas l'impression que l'intervention que vous nous
faites aujourd'hui est voulue avec un maximum d'équilibre en fonction
des objectifs que nous recherchons tous. Dans ce sens, je vous dirais
qu'aujourd'hui, après avoir vécu la négociation et compte
tenu des attitudes que je perçois encore - je suis prête à
dire que, du côté patronal, il y en a aussi qu'il y aurait lieu de
changer - je ne crois pas qu'on soit prêt encore, comme climat de
relations de travail, à une véritable concertation.
J'espère qu'on y arrivera, j'espère qu'on trouvera la solution
dans les prochaines années, mais je ne serais pas prête,
actuellement, à recommander de but en blanc que le régime
syndical de la fonction publique devienne complètement
négociable. Je ne suis pas sûre même que ce serait à
l'avantage et du syndicat et des employés. Peut-être que dans deux
mois, dans trois semaines, dans six semaines, une fois que nous aurons
cheminé de part et d'autre, je serai une des premières à
changer d'avis, mais je vous dis qu'en vous écoutant ou en
écoutant surtout la deuxième partie de votre intervention, cela
ne m'inspire pas la réflexion que nous sommes prêts.
Ceci étant dit, pour revenir à la loi et à notre
objectif, nous avons effectivement, comme vous l'avez mentionné au
début de l'intervention, très sereinement tenté de
rechercher un équilibre entre différents objectifs qui sont, bien
sûr, les services aux citoyens, l'efficacité ou l'efficience - on
n'entrera pas dans les définitions - et, en même temps, les droits
des employés et les obligations. C'est en fonction de cet
équilibre que nous avons mis des principes dans la loi que vous nous
demandez d'enlever. Contrairement à ce que vous pensez, à savoir
que ces principes augmentent le droit de gérance, mon
interprétation à moi - et encore là, s'il y a des
avocats, des juristes, qui peuvent me prouver le contraire, je changerai
certainement d'idée - c'est que ces principes limitaient le droit de
gérance, obligeaient les gestionnaires à juger en fonction d'un
certain nombre d'éléments qui n'étaient pas, justement,
seulement l'efficicacité ou l'efficience, mais le service aux citoyens
et aussi le traitement des employés avec justice et impartialité.
C'est dans cette perspective que nous pensions qu'en cas de doute, un juge
devrait trancher en fonction de l'équilibre de l'ensemble de ces
principes. Il y a peut-être lieu de continuer les analyses juridiques sur
l'application des principes, mais, jusqu'à présent, c'est
effectivement l'interprétation qu'on en a à la fonction
publique.
Nous avons aussi, en fonction d'une meilleure efficacité et d'un
meilleur service aux citoyens... Et j'avais l'impression que, tout au moins sur
l'approche de fond de la décentralisation dans les ministères, le
syndicat de professionnels, entre autres, n'était pas en
désaccord. C'est un peu la perception que j'ai eue et, si je me trompe,
il est temps qu'on me le dise. Le syndicat de professionnels et d'autres
syndicats nous ont mis en garde contre des portes qui semblaient ouvertes dans
la loi et qui auraient pu être trop grandes ou très grandes. Mais,
j'avais l'impression que, sur les objectifs poursuivis, sur le fond de la
solution que nous privilégions comme approche de la
décentralisation dans les ministères, généralement,
tout le monde s'entendait pour dire que cela pouvait être tout au moins
une hypothèse intéressante pour améliorer le service aux
citoyens. Et je rappelle l'hypothèse parce que effectivement le syndicat
de professionnels l'a présentée ainsi.
Vous, vous semblez dire dans le fond que cette approche n'a le
mérite que d'augmenter les pouvoirs de gestion, qu'elle
n'améliorera pas le service à la clientèle et surtout
qu'elle a le mérite d'augmenter les pouvoirs du Conseil du
trésor. Je pense que ce n'était pas du tout l'objectif
visé. J'ai dit à plusieurs reprises - tout le monde l'a
souligné autour de la table avec raison - que l'avant-projet de loi de
la fonction publique ne constituera pas en lui-même une véritable
réforme et qu'il va falloir que le Conseil du trésor s'ajuste,
que l'ensemble gouvernemental s'ajuste, tout comme l'ensemble des gestionnaires
et des employés à l'intérieur de la fonction publique.
C'est dans cette perspective que nous avons éliminé un
intermédiaire qui ne nous apparaissait plus nécessaire, qui
était le ministère de la Fonction publique, pour renvoyer ces
responsabilités au Conseil du trésor. À la limite, vous
êtes quasiment le seul, sinon le seul, qui semblez presque regretter la
disparition du ministère de la Fonction publique. Comme intervenant,
j'aimerais vous entendre là-dessus et savoir si je vous ai bien
interprété.
Vous dites qu'on a beaucoup dénigré -je sens le besoin de
le souligner - les syndiqués, les employés de la fonction
publique. Moi, je refuse qu'on m'accole cette étiquette, parce qu'il me
semble avoir dit à de nombreuses reprises depuis que je suis ministre de
la Fonction publique que nous avions une fonction publique compétente,
dynamique, professionnelle, qui avait besoin d'aération - ce que nous
tentons de faire par l'avant-projet de loi - mais que nous avions
généralement des employés dont on pouvait
reconnaître la compétence. Je pense que c'est un peu injuste de
prétendre que nous ne reconnaissons jamais la compétence de nos
employés.
J'ai envie de vous poser une question, parce que j'avais l'impression,
à la fin de votre intervention, qu'il n'y avait rien de bon dans cette
loi-là. En tout cas, c'est un peu l'interprétation que vous en
faisiez. Si tel était le cas, selon votre hypothèse, étant
donné que... Je pense que vous admettrez qu'il y a lieu
d'améliorer le service aux citoyens, qu'il y a lieu aussi
d'améliorer la motivation dans la fonction publique et aussi la
productivité. Je pense que personne ne contestera le fait qu'il est
toujours mieux de viser plus haut que ce que nous obtenons actuellement. La
question que j'ai envie de vous poser en fonction de ces objectifs est la
suivante: Comment verriez-vous une nouvelle loi sur la fonction publique?
M. Charbonneau (Yvon): La question est venue après un long
préambule.
Mme LeBlanc-Bantey: Moins long que le vôtre.
M. Charbonneau (Yvon): On va tenir des audiences et je vais vous
inviter à venir présenter un mémoire, si cela
continue.
Pour ce qui est du point de vue que nous représentons ici, vous
auriez souhaité, semble-t-il, entendre le point de vue d'autres
organisations syndicales plus neutres. Si vous reconnaissez un début de
neutralité dans nos propos, c'est certainement du temps perdu. Nous
sommes ici pour représenter non pas un point de vue neutre, mais le
point de vue de nos membres, qui est un point de vue bien spécifique
dans les circonstances, avec une préoccupation des services publics.
Mais je dirai tout de suite que les principaux fondements de notre
intervention d'aujourd'hui s'inspirent des mêmes principes que ceux qui
ont été défendus par les trois centrales, CSN, CEQ et FTQ,
en commission parlementaire, sur le projet de loi 53, en 1977. M. Marcel
Gilbert, qui représentait le point de vue de la CSN à
l'époque, disait
lui-même qu'on devait modifier substantiellement l'approche du
projet de loi no 53 qui a fini par être la loi 50, parce qu'il s'inspire
du vieux préjugé patronal selon lequel l'association des
travailleurs et le processus de négociation collective sont contraires
à la bonne gestion. Il soulignait que toute l'expérience de la
CSN démontrait, et je le cite: "Que la syndicalisation des
fonctionnaires et la négociation collective de leurs conditions de
travail ont fait plus pour assurer un minimum d'impartialité dans la
fonction publique et un minimum d'ouverture de l'appareil de l'État
à la population que toutes les institutions non conflictuelles et
objectives, comme la Commission de la fonction publique que le parti au pouvoir
a toujours pu contourner." Donc, le représentant de la CSN, à
l'époque, misait sur la nécessité de faire droit sans les
qualifier a priori. Il me semble que c'est imprudent ou que ce n'est pas de
bonne guerre, quand on veut entreprendre le dialogue, de qualifier le point de
vue de l'autre qui fait son possible pour exprimer une position, une
préoccupation, et de dire: Vous n'avez pas la
sérénité, etc. Ce qui vous semble de notre
sérénité, c'est une chose; ce qui en est, c'est une autre.
Nous n'avons jamais menacé de démissionner parce que le
président du Conseil du trésor était plus lourd. Alors, on
n'est pas très émotifs ni très énervés quand
on parle du Conseil du trésor. On en parle parce qu'il est vraiment
lourd et vous en savez bien quelque chose, et il veut s'alourdir à part
cela.
Je pense qu'il devrait y avoir place à une attitude d'accueil
pour discuter sur le fond des questions. Vous dites: J'ai passé des
nuits à discuter des points et des virgules. D'autres ont conclu que le
ministère de la Fonction publique était, par conséquent,
inutile. Si vous aviez passé des journées à discuter des
priorités et à essayer d'influencer vos collègues du
Conseil du trésor et du Conseil des ministres sur l'importance d'avoir
une autre approche de relations du travail, plus conciliatrice, plus
accueillante pour le bénéfice de celles et ceux qui donnent les
services publics, au lieu de discuter des points et des virgules,
peut-être qu'à ce moment-là on aurait pu avoir des
politiques plus équilibrées au niveau du Conseil du trésor
ou du Conseil des ministres. Si chaque ministre sectoriel, au lieu de discuter
aussi, j'imagine, des points et des virgules dans la nuit, discutait le jour de
ce qui importe, des grands choix, et pesait de tout son poids pour que ces
choix soient plus équilibrés et plus respectueux de celles et
ceux qui sont au travail et des besoins de la population, il me semble, en
toute sérénité, qu'on perdrait un peu moins de temps, en
effet, sur les détails par la suite.
Si on veut avancer sur le terrain de certaines nouvelles formules, pour
qu'il n'y ait pas de contradiction entre la position de la CEQ et celle du SPGQ
par rapport au Conseil du trésor et à la décentralisation
annoncée par les formules de délégation... Mais il y a,
cependant, des questions communes à l'une et l'autre position. Où
va aller le système avec le temps? J'imagine que ceux qui veulent donner
de tels coups de barre doivent avoir bien mesuré toute la
conséquence de ces changements. Ce ne doit pas être seulement des
hypothèses révisables dans trois semaines ou dans six semaines.
On est en train de mettre en place un modèle très
différent de celui qui existe maintenant. Finalement, si on le projette
sur quelques années, peut-être que, dans trois mois ou dans six
mois, ce ne sera pas encore très changé, mais ce que cela suppose
comme mécanisme au cours des années, les systèmes de
délégation, etc., cela peut créer des changements
substantiels à l'organisation de la fonction publique
québécoise. J'imagine qu'on a dû y penser assez pour se
dire que, dans trois mois, six mois, c'est un modèle qu'on va mettre de
l'avant. En tout cas, nous, on a pris cela au sérieux. Si on avait juste
dit: C'est un avant-projet de loi, eux vont améliorer cela à
notre satisfaction au niveau du projet de loi, on aurait attendu le projet de
loi. C'est parce qu'on a pris au sérieux des intentions que nous on
interprète comme des intentions de changements importants. Il y a une
philosophie bien caractérisée derrière, en termes
d'organisation de la fonction publique. Il faut donc être pas mal
sûr de son coup pour ne préconiser aucune formule
expérimentale, aucune formule transitoire comme le suggérait le
rapport d'une commission d'étude. On y va et tout de go c'est l'ensemble
que l'on transforme selon une nouvelle approche. Beaucoup de pouvoirs en haut,
combinant ressources humaines et financières, et ensuite on segmente le
système en sous-systèmes. (18 h 30)
II me semble qu'en toute modestie on devrait essayer de regarder s'il
n'y a pas des formules intermédiaires, des formules sur lesquelles on
pourra revenir avec plus de suggestions au niveau d'une étape
ultérieure de la discussion là-dessus, formules qui pourraient
permettre une certaine expérimentation si on convient qu'un certain
changement est nécessaire. Il me semble que ce serait plus pragmatique.
Donc, pas question d'une nouvelle Loi sur la fonction publique. Je pourrais
vous renvoyer aux recommandations de notre mémoire, que je n'ai pas lues
tout à l'heure, aux pages 18 et 19; il y a là quelques grands
jalons de ce que pourrait être une certaine réforme de la Loi sur
la fonction publique permettant un régime syndical plus régulier,
un champ des matières négociables reconstitué et
assurant
que les dispositions de la loi ne viendront pas rendre impossible la
recherche par la voie de la négociation de conditions de travail
acceptables de part et d'autre.
Voilà l'essentiel de notre préoccupation, si on veut la
résumer sous l'angle du changement possible de la Loi sur la fonction
publique. Si, par une série de dispositifs disponibles, le gouvernement
est toujours en mesure de se donner raison sur toute la ligne quand la
discussion devient un peu chaude, siffle la fin de la discussion et se donne
raison, c'est la négation. Je ne dirais pas à tous les jours et
chaque matin. Mais, dans le temps, c'est un schéma qui nie cette
possibilité en toute sérénité de se parler et
d'essayer d'en arriver à une formule d'entente. Quand un syndicat
recherche une convention collective, il recherche un contrat. Il cherche
à mettre sa signature à côté de celle d'un autre.
S'il cherchait à tout casser, il ne réclamerait pas une
convention collective. Il lie ses membres avec une convention collective
pendant un certain nombre d'années.
Quand on recherche une convention collective par le biais de la
négociation, on ne cherche pas à tout briser. On cherche à
arranger les choses de manière mutuellement satisfaisante. C'est cela le
langage qu'on vous tient. Ce n'est rien de terrible quand on regarde bien le
sens du message. Une nouvelle loi qui rendrait plus possible cette
démarche, ce serait une loi qui comporterait des changements
positifs.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Charbonneau (Yvon): Juste pour terminer. À l'occasion
de l'étude du projet de loi, à l'étape suivante,
j'espère qu'il y aura une autre commission parlementaire. On pourra
donner notre point de vue sur l'allure que prend le projet gouvernemental
après étude additionnelle et on fera notre effort pour aller plus
loin encore dans l'expression de notre point de vue et de nos suggestions.
Le Président (M. Champagne): Merci. M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Les propos du
président de la CEQ sont des propos qui sont de nature à nous
faire réfléchir très sérieusement. Au-delà
des mots employés, ce que j'y vois, c'est un vibrant plaidoyer en faveur
de la négociation, en faveur d'une démarche basée sur la
recherche d'intérêts communs, sur une disposition dont il fait la
démonstration parce que, finalement, dans l'affrontement, les
résultats ne sont pas ceux qu'on peut y voir à courte vue. Il est
bien sûr que le gouvernement actuel est dans une position difficile pour
répondre à des propos semblables à ceux que vous tenez.
Les inquiétudes que vous manifestez, particulièrement en ce qui
concerne le Conseil du trésor, sont des propos que nous avons entendus
ici depuis le début des audiences. Donc, je ne pense pas qu'en toute
honnêteté, la ministre puisse y voir de votre part - je ne dis pas
que c'est son intention -un manque de sérénité. Cela n'a
rien à voir avec la sérénité quand on dit que le
Conseil du trésor est un organisme accapareur, régulateur, qui
procède d'une façon unilatérale et qui, dans la
majorité des cas, fait peur aux gens qu'il est censé aider et
à qui il est censé donner des moyens d'agir. La preuve en est
faite et ce sont les propos que nous avons entendus depuis que cette commission
parlementaire siège.
Que vous veniez avec les vôtres ajouter à ce qu'on a
déjà entendu, je ne pense pas qu'on puisse, en toute
honnêteté, vous en tenir rigueur en aucune façon. Je pense
que ces propos sont justifiés. Que vous déploriez et que vous
vous inquiétiez de voir la disparition de ce qui peut être
considéré, malgré le peu de pouvoir dont il disposait, un
organisme tampon comme le ministère de la Fonction publique et de voir
une mainmise directe, sans intermédiaire, du Conseil du trésor
qui, en plus d'avoir la main haute sur le côté financier des
choses, aura maintenant la main haute sur les ressources humaines, je pense que
c'est de nature à inquiéter quiconque se soucie un tant soit peu
de la matière humaine qu'il y a dans les relations de travail.
Je serais bien malvenu de dire que ce n'est pas une inquiétude
que je partage et que ce n'est pas une inquiétude qui vaut la peine
d'être soulevée. Les situations possibles que vous soulevez avec
le nouveau projet de loi sont sûrement à être
étudiées et le Syndicat de professionnels du gouvernement du
Québec en a fait une démonstration assez éloquente hier.
Je pense qu'on peut voir les choses de différentes façons, mais,
quelle que soit la façon dont on les voit, qu'un organisme de la nature
et de l'importance de celui de la CEQ prenne la peine de se déplacer et
de venir dire ce qu'il pense et quelles sont ses préoccupations au sujet
de l'avant-projet de loi qui fait que cette commission parlementaire se
réunit, c'est tout à votre honneur.
En ce qui concerne les propos spécifiques que vous tenez, les
inquiétudes que vous manifestez en particulier sur le régime
syndical, les doutes profonds que vous avez sur l'utilisation d'articles, je
suis d'accord avec vous, même si cela ne fait pas longtemps que je suis
à l'Assemblée nationale, qu'il est très peu
fréquent qu'on retrouve, dans une manière de
préambule qu'on n'appelle plus préambule maintenant, des articles
qui édictent des principes généreux et
généraux, comme vous dites, et
sur lesquels on est d'accord, mais qui peuvent servir. C'est une hache
à deux taillants, comme on dit. Cela peut servir d'un côté
ou de l'autre parce qu'on est dans les définitions des termes, on est
dans l'appréciation subjective des termes. À partir de là,
je pense qu'on ne peut pas... Parce qu'on n'a pas de jurisprudence, on n'a pas
de données qui nous permettent de savoir comment, dans les faits,
à l'expérimentation et possiblement par des tribunaux d'arbitrage
ou autrement, seront interprétés ces termes
généreux et généraux. Il est un peu inhabituel, il
est même très inhabituel qu'on retrouve ce genre de choses.
Je suis prêt à croire la ministre sur parole que c'est fait
dans un but d'encadrer, de limiter l'utilisation des pouvoirs qui sont
confiés aussi bien au Conseil du trésor qu'à certains
gestionnaires. C'est vu du bout de la lorgnette patronale. C'est bien sûr
que la justification par les rédacteurs, le législateur et la
personne qui prépare et défend la loi ne peut être autre.
Mais je reconnais que, du côté de ceux qui vont vivre la loi, du
côté de ceux qui vont peut-être la subir, on peut faire
preuve d'une certaine méfiance. C'est ce que vous avez manifesté
en venant devant cette commission. Je crois que vous faites des remarques fort
pertinentes en ce qui concerne une certaine hypocrisie, je dirais, dans les
termes, qui fait qu'on enveloppe et qu'on enrubanne un certain nombre de
concepts qui peuvent donner prise et qui peuvent prêter à
interprétation, à diverses prises de position, à divers
gestes qui prouveront leur justification dans l'interprétation qu'on
donnera de ces mots. Je pense qu'il est un peu normal que le ton de votre
présentation, que déplore la ministre, ne puisse pas - ce qui lui
ferait le plus plaisir au monde possiblement... Mais la mémoire est une
chose qui existe et qu'on ne peut reprocher à personne.
On connaît les événements par lesquels les milieux
syndicaux ont dû passer; ils ont dû passer par le dessous de la
porte, se faire très petits. En grande partie, c'est le Conseil du
trésor qui a dicté la ligne de conduite. C'est le Conseil du
trésor qui a décidé où était le gras et
où était le maigre et qui continue de le décider. Cela a
donné des résultats qui ont fait - qui nous ont fait nous aussi -
drôlement grimacer et qui font craindre des résultats semblables
en lui donnant un accroissement de pouvoir. Je pense qu'il n'y a rien là
de scandaleux et qu'il n'y a rien là de surprenant non plus.
Je voulais tout simplement vous remercier de nous avoir fait part de
votre prise de position. Cela éclaire sur une façon dont la loi
peut être comprise, peut être interprétée.
L'avant-projet de loi peut être craint par certaines instances. Je pense
que cela nous permet et nous oblige même, dans l'étude que nous
aurons à faire éventuellement du projet de loi lui-même,
à faire preuve d'une prudence qui sera absolument nécessaire
compte tenus des propos, comme les vôtres, que nous aurons entendus.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, j'ai eu l'occasion, au
moment où on a commencé cette commission parlementaire, dans les
commentaires d'ouverture de même qu'au moment où les
différents groupes sont passés devant nous, de donner mon opinion
et de rappeler un certain nombre d'éléments des recommandations
de la commission spéciale. Dans ce sens, comme le mémoire de la
CEQ le souligne, j'ai indiqué que, même si on pouvait
apprécier le fait que les principes mis de l'avant par la commission se
retrouvent dans le projet de loi, j'ai souligné les difficultés
que représentaient, par exemple, l'article 7; j'ai déjà
souligné aussi le fait que le principe était là, mais que
ce n'était pas accompagné de ce qui devait normalement l'encadrer
et qui faisait partie ou faisait l'objet aussi des recommandations de la
commission spéciale.
Pour ce qui du régime syndical, évidemment, je maintiens
toujours la position que la commission spéciale a soutenue,
c'est-à-dire qu'on devrait avoir un régime uniforme à
celui du Code du travail pour les employés de la fonction publique. Les
commentaires de la ministre m'amènent cependant, M. le Président,
à faire deux commentaires additionnels là-dessus. La ministre
nous a dit que, si cela s'était passé, si l'avant-projet de loi
était arrivé avant les dernières négociations, elle
aurait probablement abondé dans le sens de la commission
spéciale, c'est-à-dire recommandé des conditions
identiques et un régime de négociation identique à celui
du Code du travail. Je lui rappellerai que c'était d'ailleurs, en
partie, le mandat qu'elle avait indiqué aux membres de la commission
spéciale.
Est-ce que sa différence de perception d'aujourd'hui
dépend du fait que le commentaire qu'elle a fait au président de
la CEQ pourrait lui être retourné? Est-ce que c'est la digestion
de la négociation qui fait mal et qui fait en sorte que la ministre ait
changé d'orientation? On pourrait, dans le fond, dans un sens comme dans
l'autre, se retourner les arguments. (18 h 45)
Mme la ministre a expliqué qu'elle avait passé de
nombreuses heures à discuter et que ce contexte de discussion l'amenait
à douter un peu de l'application d'un régime syndical identique.
Je voudrais lui rappeler qu'à la commission spéciale, il y avait
trois personnes qui avaient aussi déjà vécu des
négociations au niveau central. Le député de
Jean-Talon avait déjà suivi de près des
négociations du front commun. La députée de Chomedey a
déjà été au Conseil des ministres auparavant. Je
vous rappellerai que je faisais partie du comité patronal de
l'avant-dernière négociation. Même si je l'ai quitté
avant la fin, j'ai quand même aussi assisté à ces
discussions de coordination. Cela ne nous a pas empêchés de
recommander quand même - après une analyse de la situation - un
régime syndical qui soit uniforme, qui corresponde plus aux conditions
fixées par le Code du travail pour la fonction publique.
C'est évident pour moi que cela ne créerait pas davantage
d'embûches. Au contraire, le fait de permettre la libre
négociation ferait sûrement en sorte que des problèmes se
régleraient beaucoup plus rapidement. Lorsque les membres du syndicat de
professionnels sont passés en commission, on se souviendra que j'ai
donné l'exemple de la classification qui fait l'objet non pas de
négociations, mais qui, à toutes fins pratiques - le syndicat de
professionnels nous l'a bien affirmé - est négociée dans
bien des cas actuellement, on fait au moins l'objet de consultations,
consultations où l'on recherche davantage les consensus, de sorte que
cela s'étend souvent sur des périodes de deux ou trois ans. Il me
semble qu'on y gagnerait tout simplement à aller négocier
ouvertement dans un cadre de négociations où l'ensemble de la
classification est discutée plutôt que de le faire à la
pièce.
Je rappelle rapidement, M. le Président, les positions sur les
droits politiques pour les membres de la fonction publique. Je souligne que la
commission spéciale allait dans ce sens-là, avec cependant une
dissidence qu'on n'a peut-être pas rappelée suffisamment pendant
le cours de nos travaux. Je maintiens cependant que la notion de "cause juste
et suffisante" n'est pas en soi l'élément qui pourrait laisser la
porte ouverte au droit de gérance ou aux abus. C'est, on l'a compris
depuis les débuts de cette commission, plutôt la notion, ou le
mélange de mesures administratives et de mesures disciplinaires.
Je souligne rapidement quelques autres points qui sont contenus dans le
mémoire, sur lesquels on a déjà donné notre
opinion. Les règles du jeu qui changent en cours de route, il est
évident que, pour nous, c'est quelque chose qui doit être
modifié dans l'avant-projet de loi.
Cependant, il me reste une question. Je crains la façon dont le
mémoire a été présenté - il en était
de même pour le syndicat de professionnels - car cela donne l'impression
qu'en fin de compte, quand vous parlez de la délégation, des
pouvoirs de délégation et de subdélégation que le
Conseil du trésor a dans l'avant-projet... On dit: "Le
Conseil du trésor peut déléguer". Le fait que vous
critiquiez cette formulation pourrait laisser supposer que vous vous opposez
à toute décentralisation.
Je voudrais que vous clarifiiez cela. Est-ce que c'est parce que vous
voulez que tous les pouvoirs soient au Conseil du trésor de façon
claire et définitive? Ou si c'est parce que vous trouvez que,
formulé de cette façon-là, cela ne permettra pas la
décentralisation? Autrement dit, si la loi, si le projet de loi
comprenait un article qui délègue toute la responsabilité
aux sous-chefs, c'est-à-dire aux sous-ministres et aux dirigeants
d'organismes, et enlève cette responsabilité au Conseil du
trésor, est-ce qu'à partir du moment où le régime
syndical serait identique au Code du travail, vous seriez d'accord avec ce
genre de décentralisation?
Je termine par un dernier commentaire qui s'adresse à la
ministre. La ministre nous a dit dans ses commentaires tantôt qu'en ce
qui a trait au régime syndical, peut-être que dans deux mois elle
aura changé d'idée. On pourrait peut-être juste souhaiter
qu'elle ne se remette pas à la réécriture du projet de loi
avant cette date. Peut-être que, d'ici ce temps-là, elle aura
l'occasion de revenir sur ce point.
M. Charbonneau (Yvon): Ce qui nous a frappé en
réponse ou en tentative de réponse à la question... Il
faudra certainement continuer d'étudier toute cette question de
délégation et de subdélégation pour voir les formes
que cela peut prendre à travers le temps, ou bien encore les
contrôles qu'on peut mettre autour de cela, ou les spécifications
qu'on peut rattacher à un modèle comme celui-là. Ce qui
nous a frappé - on est au stade d'un avant-projet de loi c'est le
rapport qu'on peut faire entre les articles 2 à 7 et les articles 77 et
ceux qui suivent, les principes très larges du début, dont on
veut faire la base de tout par l'article 7, et l'article 77 qui dit: "Le
Conseil du trésor est chargé, au nom du gouvernement,
d'établir des politiques générales de gestion des
ressources humaines de la fonction publique et d'en évaluer la
réalisation en regard des principes énumérés aux
articles 2 à 7." Voilà, je pense, l'axe qui détermine le
sens général de ce projet de loi. Après cela, on parle de
la possibilité de délégation, mais on prend soin de tracer
de manière très ferme le périmètre de base de ce
projet de loi. C'est là-dessus qu'on voulait insister au stade de
l'avant-projet qui équivaut, dans les circonstances, à une
première discussion.
Sur d'autres projets de loi, on a la possibilité de s'exprimer au
niveau d'un livre blanc, mais, ici, je dirais que c'est quasiment
l'équivalent des intentions générales puisqu'on prend le
soin de faire une commission
parlementaire sur l'avant-projet. Nous y allons, nous aussi, sur notre
compréhension de la structure générale, de la structure de
base sur laquelle veut s'asseoir le reste, par la suite. Si on lit bien, il me
semble qu'on dit des choses qui touchent l'essentiel de la structure du nouveau
projet de loi, de l'intention gouvernementale, en mettant en relation les
articles 2 à 7 avec les articles 77 et suivants en termes d'organisation
générale.
Par la suite, on nous parle de délégation. Il me semble
qu'il y aurait peut-être de la recherche à faire - et nous en
ferons - avec le SPGQ sur toute cette question, sur des conditions à y
attacher, des sourdines à y mettre, des modalités, des
contraintes que cela peut revêtir à travers le temps.
Le Président (M. Champagne): Cela va? Le mot de la fin,
Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Je rappellerai d'abord que nous avons voulu
un avant-projet de loi parce que la consultation n'avait pas été
suffisamment large pour que nous ayons l'impression d'avoir le meilleur
équilibre possible entre les différents intervenants. Je l'ai
d'ailleurs rappelé à de multiples reprises cette semaine.
Deuxièmement, M. Charbonneau, je vous dirai qu'après votre
diatribe très vigoureuse, j'avais décidé de ne pas faire
de commentaire, je trouvais que cela n'en méritait pas. Je vais
être aussi franche que je l'ai été avec les portes que je
vous ai ouvertes pour que vous entriez et je vais vous dire que, malgré
que les dernières négociations aient été
vigoureuses ou viriles, pour employer un terme plus "commun" et sexiste, je
n'étais pas habituée et je n'ai pas été
habituée à une pareille mesquinerie.
Ceci étant dit, je ferai amende honorable et je dirai que, si le
ton de mon intervention a donné l'impression que je vous visais
personnellement, je m'en excuse, ce n'était pas mon intention. J'ai pris
la peine de souligner, en parlant effectivement des points-virgules et des
virgules, que j'étais prête aussi à prendre une part du
blâme et qu'il y avait des responsabilités à assumer des
deux côtés, si les négociations se sont
déroulées de cette façon. De toute façon, je pense
qu'il y a un consensus de plus en plus large dans notre société
selon lequel, si on veut améliorer le régime des relations de
travail, il faut que les mentalités changent de part et d'autre.
Pour fermer cette parenthèse, qui mérite d'être
fermée à un moment donné, vous dites qu'on aurait dû
s'attarder à défendre des priorités auprès de nos
collègues plutôt que de s'attarder aux points-virgules. Je pense
honnêtement avoir essayé de concilier les deux, mais mes
priorités n'étaient pas nécessairement les vôtres.
Je ne parle pas de la manière, j'ai eu l'occasion de faire des
commentaires sur la manière dont on s'y était pris. Elles
demeuraient la protection des bas salariés, certains aspects de la
condition féminine, que ce soient les garderies, le classement-moquette,
et tout n'a pas été fait pour le mieux, mais c'étaient les
priorités que j'avais parmi d'autres. Je pense que les résultats,
qui malheureusement se sont manifestés en décret,
reflètent cette priorité. Je comprends que vous ayez pu ne pas
les remarquer parce que, comme chef de la centrale que vous dirigez - c'est
normal - ce n'étaient pas nécessairement les priorités que
vous aviez dans cette négociation.
Ceci étant dit, je termine en disant que je crois encore à
la concertation, malgré les prises de bec qui sont peut-être
encore inévitables pour quelque temps. M. le député de
Louis-Hébert soulignait qu'il y avait encore des cicatrices, c'est vrai.
Je crois encore à la concertation et je dirai que celle-ci, c'est sur le
fond et c'est très important. Dans ce sens, je pense comme vous que les
syndicats de la fonction publique ont fait énormément pour
éliminer la discrimination; d'ailleurs, je l'ai déjà
souligné à plusieurs reprises. La concertation doit se faire sur
le fond. Peut-être aussi que je m'attache trop aux apparences.
Peut-être que cela ne veut rien dire, peut-être que je ne suis pas
habituée au ton de circonstance qu'on doit nécessairement prendre
quand on est d'un bord ou de l'autre de la table. Mais, pour moi, la
concertation, c'est aussi le ton.
Je vous remercie d'avoir témoigné. Nous relirons vos
témoignages et nous verrons s'il y a lieu, à travers vos
témoignages, d'ajouter de l'équilibre à ce que nous
recherchons comme une nouvelle gestion des ressources humaines dans la fonction
publique.
Le Président (M. Champagne): Au nom des membres de la
commission parlementaire, nous remercions les représentants de la
centrale syndicale des enseignants de s'être présentés
à la commission parlementaire.
M. Charbonneau (Yvon): L'organisme que vous remerciez porte le
même nom que celui qu'il avait en arrivant, la Centrale de l'enseignement
du Québec.
Le Président (M. Champagne): La Centrale de l'enseignement
du Québec. Excusez-moi.
Nous demandons aux personnes qui représentent les Agents de
gestion du personnel de la Côte-Nord, du Bas-Saint-Laurent et de la
Gaspésie de se présenter à l'avant, s'il vous plaît!
Nous demandons au porte-parole de s'identifier et de présenter la
personne qui l'accompagne.
Agents de gestion du personnel de la
Côte-Nord, du Bas-Saint-Laurent et de
la Gaspésie
M. Crête (Paul): II n'y a personne qui m'accompagne.
Le Président (M. Champagne): Vous êtes seul, je
m'excuse.
M. Crête: La Gaspésie, c'est très loin; on a
de la difficulté à amener d'autres personnes.
Mon nom est Paul Crête. Je suis agent de gestion du personnel
à Gaspé pour le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation. Je suis ici à titre de
représentant des agents de gestion du personnel qui travaillent pour le
gouvernement du Québec dans les régions mentionnées,
à savoir la Gaspésie, le Bas-Saint-Laurent, les
Îles-de-la-Madeleine et l'autre région, la Côte-Nord, soit
environ six agents de gestion du personnel. Ce n'est pas un groupe très
important en nombre, un peu comme la population de ces régions, et ce
n'est pas non plus une dissidence par rapport au Syndicat des conseillers en
gestion du personnel que vous avez entendu hier. L'intervention aura
porté beaucoup plus par rapport à la clientèle externe,
par rapport aux citoyens et à la façon dont, au niveau
régional, on perçoit malgré tout, en tant qu'agents de
gestion du personnel, la Loi sur la fonction publique. Donc, notre
crédibilité d'intervention se base sur le fait que nous sommes
des témoins quotidiens de la gestion du personnel en région.
D'autant plus que la majorité de ces agents a déjà
travaillé à Québec comme agent de gestion de personnel.
Nous sommes aussi des citoyens d'une région excentrique qui ne fait pas
référence à la région de la capitale nationale, la
région de Québec. On a tout de même la prétention
d'amener quelque chose ici qui est un regard que les gens de Québec
peuvent ne pas avoir.
En ce sens, je fais référence à la phrase de notre
court mémoire en ce qui a trait au deuxième paragraphe, où
on dit: En cette période où l'on peut facilement confondre
efficacité et centralisation lorsqu'on regarde la situation du haut du
cap Diamant. La fonction publique québécoise, il y a 35 ou 40
ans, se limitait probablement à ce qu'il y a comme bâtisses ici
autour, les édifices du parlement. Ensuite, elle a bâti une couple
de tours et, depuis une dizaine d'années, on fait face à un
phénomène de régionalisation. Ce phénomène
s'accompagne aussi d'autres termes qui sont, entre autres, la
décentralisation, la déconcentration, tous ces termes qui
répondent aux besoins de rejoindre le citoyen où il est.
(19 heures)
C'est par rapport à cela que nous voulions intervenir puisque,
dans la loi telle qu'elle est décrite, il ne nous est apparu nulle part
que le phénomène régional en soi était
considéré comme une priorité pour le gouvernement en ce
qui concerne le texte de la loi lui-même. Dans un article, on fait
référence au fait qu'il faut rejoindre le citoyen, mais il n'y a
nulle part de notion qui fasse référence à la
région elle-même. Si on fait référence, par exemple,
à la loi actuelle de la fonction publique et même à la loi
projetée, on a inséré dans le recrutement des processus de
délégation. Mais ces processus de délégation, en
fait, ont eu un impact de centralisation des activités à
Québec, dans le sens qu'auparavant, les bureaux de l'Office de
recrutement, par exemple, tenaient beaucoup de concours qui étaient sous
la responsabilité des gens dans les bureaux de l'office, en
région. On tenait même des concours de recrutement des
professionnels en région. On y tenait des concours de techniciens des
autres niveaux de personnel. Avec la délégation dans les
ministères, ce sont les directions du personnel qui ont pris cela en
main et toutes les directions du personnel sont à Québec,
à l'exception peut-être de l'Immigration à Montréal
et des agents de gestion du personnel des pêches maritimes à
Gaspé. Mais la majorité des directions du personnel sont à
Québec. Ce qui veut dire qu'en voulant déléguer, on a, par
rapport aux territoires, centralisé les activités.
Le deuxième aspect, c'est qu'on a trouvé que, dans la loi,
si on regarde le document, le choix des régions du ministre
François Gendron qui est en consultation aussi... Ce document fait
beaucoup appel à la concertation régionale. Il va donner,
sem-ble-t-il, beaucoup de pouvoirs ou, en tout cas, il va tenter de donner des
pouvoirs décisionnels en région. Et on ne retrouve rien dans
cette loi - qui a quand même un autre aspect qui fait
référence à la Loi sur la fonction publique proprement
dite - qui fait référence à cette nécessité
d'avoir une représentation régionale valable.
La vision qu'on souhaite, finalement, pourrait se traduire comme ceci,
rapidement. C'est que le nouvel Office des ressources humaines qui est
créé par la loi garantisse la vie du fonctionnaire en
région, pas dans le sens d'avoir un emploi assuré à tel
endroit, mais dans le sens de lui donner les mêmes chances que celles que
peut avoir le fonctionnaire à Québec. De là,
évidemment, à donner les mêmes chances aussi au citoyen qui
vit en région. Cela, c'est par rapport à l'Office des ressources
humaines et cela se traduit par la nécessité de maintenir lesbureaux régionaux et d'accroître leurs responsabilités,
notamment dans le domaine de l'information aux fonctionnaires sur leurs
droits. On ouvre une porte dans notre mémoire sur la mise en
disponibilité régionale par rapport au fait de gérer cela
de façon provinciale. C'est une délimitation qui fait plus
référence aux notions de l'individu, de l'être humain,
qu'à une notion provinciale. Si on considère la région du
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie dans son ensemble, c'est très grand,
très vaste, et cela peut créer des aberrations qui aboutissent,
par exemple, à des déménagements d'employés qui
sont peut-être causés par un manque de flexibilité dans ce
qui est prévu dans les règles de mise en disponibilité. On
voudrait qu'il en soit tenu compte.
Un autre aspect par rapport à la région, ce serait
d'obliger à une déconcentration des pouvoirs vers les
gestionnaires régionaux, d'autant plus que la réglementation en
cette matière est très encadrante. Comme il y a beaucoup de
règlements pour encadrer les prises de décisions
gouvernementales, on pourrait facilement déconcentrer les pouvoirs pour
autant qu'on délimite bien les conditions dans lesquelles cela peut se
faire.
Vous allez peut-être penser que tout cela peut se faire dans le
cadre de la loi actuelle, mais nous avons certaines restrictions qui sont les
suivantes. Si on laisse cela à la volonté du haut fonctionnariat
et à la volonté des sous-ministres, des gens qui sont en
autorité à Québec, le progrès va être
très difficile. Ces gens-là vivent à Québec, ils
ont connaissance principalement des besoins de la capitale et, de fait, ils
s'entourent eux-mêmes de gens, de conseillers, qui prennent les
décisions de Québec. Ils n'ont pas la tendance naturelle d'aller
en Abitibi ou ailleurs. C'est très difficile de leur demander de
développer une perception où le rôle des régions va
avoir autant d'importance que la réglementation qui a été
définie ici.
Deuxièmement, il nous apparaît essentiel que cela soit mis
dans la loi, parce que la régionalisation, c'est la meilleure
façon d'en venir à une fonction publique qui soit plus efficace
et plus rentable, pour rejoindre les citoyens, que ce soit au niveau des
coûts ou que ce soit au niveau de l'interprétation de la
réglementation excessive. Les fonctionnaires qui travaillent dans les
régions sont en train de devenir des gens qui doivent trouver des
façons, sans être illégales ou non réglementaires,
de jouer avec les directives, la réglementation, afin de répondre
aux besoins des citoyens, parce que les programmes eux-mêmes ne
répondent pas aux besoins concrets de chacune des régions.
À titre d'exemple, un règlement comme celui de l'Office de la
construction n'est pas directement relié à la Loi sur la fonction
publique, mais les normes provinciales deviennent non administrables au niveau
régional. C'est pour cela que nous croyons que, s'il y avait une
structure régionale de pouvoirs qui pourrait, dans le cadre de certaines
limites, jouer avec les règles de fonctionnement, cela rendrait la
fonction publique plus facilement administrable en évitant la
surréglementation.
Il y a un dernier point qu'on voudrait voir mentionné dans la
loi. Personnellement, je me suis rendu compte, ayant travaillé à
Québec comme agent de gestion du personnel pendant quatre ans et,
ensuite, à Gaspé, volontairement, pour la Direction des
pêches maritimes, que les fonctionnaires vivant en région sont
beaucoup moins informés que ceux de Québec sur leurs
possibilités de carrière, sur différentes autres
informations de ce type. Les directions du personnel étant à
Québec, c'est très difficile pour un employé, dans une des
différentes régions, qui se fait un plan de carrière
d'aller chercher les informations, d'oser ouvrir les portes; même les
patrons intermédiaires et même les cadres sont souvent
éloignés de ces préoccupations et n'ont pas toujours une
sensibilisation particulière à faire passer ce message à
leurs fonctionnaires.
En résumé, c'est ce qu'on voulait dire dans notre court
mémoire, mais la préoccupation majeure, c'est de faire comprendre
aux gens qui vivent sur la colline parlementaire... Je suis bien content de
voir qu'il y a plusieurs députés des régions à la
commission parlementaire. Cela va peut-être permettre de tenir compte de
cela.
Le Président (M. Champagne): Merci. Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Merci, M. le Président. Je suis
très heureuse d'entendre M. Crête nous parler des problèmes
régionaux, parce qu'en fait c'est la seule intervention
véritablement de ce type que nous avons eue devant cette commission
parlementaire. C'est d'autant plus pertinent qu'il se peut, effectivement, que
la Loi sur la fonction publique, qui a une approche très
décentralisatrice en soi... Quand on l'a rédigée, on a,
bien sûr - surtout ceux qui viennent des régions, ce qui est mon
cas -pensé aux effets que cela pourrait avoir en région, et le
type d'approche d'une loi comme celle-là permet la
décentralisation en région et d'envoyer des pouvoirs en
région. Cela permet donc de répondre à certaines
aspirations de délégués régionaux.
On est allé, d'ailleurs, en tournée. Malheureusement, on
n'a pas eu le temps de faire toutes les régions du Québec, mais
on est allé en tournée. Même moi, je l'avoue humblement,
malgré le fait que je viens d'une région, n'ayant jamais
été gestionnaire à la fonction publique, j'ai
découvert des réalités que je pensais connaître
parce que je venais d'une région, mais ce n'est pas aussi clair. Dans ce
sens-là, je pense qu'on a
vraiment intérêt à regarder davantage comment on
pourrait non seulement décentraliser, mais régionaliser la loi.
Il est vrai qu'en région les gens vivent des problèmes tout
à fait particuliers auxquels la loi ne répond pas
nécessairement et elle ne pourra pas répondre à tous. Mais
il est certainement possible de voir entre autres, selon les suggestions
très concrètes que vous faites, s'il y a lieu
d'opérationnaliser et peut-être d'avoir une mise en
disponibilité régionale, ou encore de trouver d'autres moyens
qu'il serait nécessaire d'inscrire dans la loi pour tenter de
répondre le mieux possible à la réalité des
gestionnaires en région. J'avoue que la préoccupation, la
décentralisation est orientée vers ce type de
réalité, mais qu'elle ne sera pas suffisante et c'est clair qu'il
va falloir regarder la loi avec cette perspective purement
régionale.
Ceci étant dit, j'ai une question qui me vient à l'esprit
à la suite des consultations qu'on a faites en région. Les
gestionnaires des régions suggéraient que, dans le plan de
gestion de carrière des cadres, il soit prévu qu'un gestionnaire
qui vient à Québec ou qui travaille à Québec ait
besoin d'une expérience régionale, en fait, que
l'expérience régionale soit un peu un critère de promotion
sinon de recrutement. Est-ce que vous pensez qu'une mesure comme
celle-là pourrait aider à sensibiliser, finalement, non seulement
les sous-ministres, mais l'ensemble des gestionnaires en région? En
conséquence, est-ce que vous pensez qu'il serait bon aussi que les
fonctionnaires en région aient la vision que j'appellerai de la colline
parlementaire, parce que finalement cela pourrait favoriser une meilleure
intégration des réalités des uns et des autres?
M. Crête: Pour répondre à cela, je suis
à 100% d'accord avec le fait que l'expérience régionale
permet d'avoir une autre perception de la réalité du
Québec. Comme fonctionnaire, se faire évaluer autrement que par
le respect de la réglementation, peut-être plutôt par le
respect des volontés des citoyens, c'est une façon que
j'appuierais. En fait, j'ai un exemple, c'est le programme Formacadres qui,
dans sa formulation, dans sa souplesse, permet un peu ce type de choses
où on prend un fonctionnaire qui est en train de se développer
pour devenir cadre et qui peut aller chercher des mandats d'un an à un
endroit, d'un an à un autre endroit et dans différents types
d'entreprises. Ce genre de choses, cela pourrait être facilité. Je
sais que, dans la politique de développement des cadres, on mentionne la
nécessité d'avoir différents types d'expérience. Je
pense que, si on le faisait dans le sens de demander aux gens d'aller en
région, cela permettrait aussi de faciliter le recrutement en
région parce que souvent la capitale et Montréal tirent les
élites de nos régions et les sortent régulièrement.
On a beaucoup de misère à ramener les gens, il ne faut pas s'en
cacher. Quand quelqu'un vient faire un cours universitaire à
Québec ou à Montréal, le ramener en Gaspésie, comme
a déjà dit quelqu'un, c'est quasiment pire... Comme le premier
ministre avait dit au niveau des poissons et de la DGPM, on a plus de
difficultés à amener les fonctionnaires que de ramener les
poissons à Québec.
Mme LeBlanc-Bantey: Dernière question sur le recrutement.
On a déjà amendé la loi 50 pour permettre le recrutement
sur une base régionale, selon des entités administratives. Je
l'avoue, c'était, à l'époque, surtout pour des raisons de
coûts. Est-ce que vous pensez que ce moyen qui est maintenant à la
disposition des régions, celui de recruter régionalement, peut,
par ailleurs, nuire à l'attirance de candidatures venant du reste du
Québec? Est-ce que, finalement, on a assez d'effectifs en région
pour certains types de concours sans avoir besoin d'effectifs nationaux?
M. Crête: Je pense que, quand on monte dans la
hiérarchie, cela va. Comme l'office l'a fait, finalement, avec les
termes niveau de secondaire V, local, collégial, régional, niveau
professionnel provincial; de cette façon, c'est très acceptable,
c'est très valable. Cela fait l'affaire des gens des régions et
cela crée moins de frustrations que d'amener quelqu'un, par exemple, de
Montréal pour remplir un emploi à Gaspé parce que cette
personne s'est classée avec 201 points plutôt que 200 ou 199 ou
198 dans la région. Dans ce sens, je pense que la position actuelle est
favorable. Cela ne crée pas de problème par rapport aux autres
régions, par rapport au bassin. Où il y a une difficulté,
selon moi, c'est qu'une fois que quelqu'un est fonctionnaire à
l'intérieur de la fonction publique, on crée une discrimination
lorsqu'on lui donne une limite, dans le sens que si un agent de bureau se
présente à un concours de technicien pour Montréal et
qu'il reste à Gaspé, il peut être bloqué au niveau
carrière. Dans ce sens, une fois qu'on est à l'intérieur
de la fonction publique, cela me semble plus difficile à justifier que
par rapport aux concours de recrutement public où là, on fait
vraiment appel à la population d'une région donnée, alors
qu'un concours de promotion devrait donner chance égale à tout
fonctionnaire qui a le statut de fonctionnaire. (19 h 15)
Mme LeBlanc-Bantey: Dernier commentaire là-dessus parce
que ce que les gestionnaires nous ont dit en région, c'est qu'une des
difficultés qu'ils vivent, c'est justement la lenteur du recrutement
pour
combler un poste, surtout si on doit suivre une séquence
obligatoire qui est une mutation, une promotion, etc. Je sais que le
député de Sainte-Marie n'aime pas que je fasse allusion à
cela, mais je lui souligne très ouvertement et très
honnêtement ce que des gestionnaires nous ont dit en région,
c'est-à-dire que c'était très long et qu'en
conséquence...
M. Bisaillon: ...il n'y a pas de séquence dans la loi, Mme
la ministre. Ce n'est pas compliqué.
Mme LeBlanc-Bantey: Ils voyaient plutôt la
possibilité d'avoir un mécanisme spécial en région
afin que le recrutement se fasse plus rapidement. Quand, dans une
région, tu as un fonctionnaire - à Hull, il y a un
ministère où il y a un fonctionnaire -c'est clair que, si le
fonctionnaire part, il n'y a personne pour le remplacer entre-temps et
répondre aux services à la clientèle. Tel n'est pas le cas
dans les grands bassins comme Québec et Montréal. Dans cette
perspective, maintenez-vous toujours qu'on devrait, tout au moins en ce qui
concerne les mutations et les promotions, continuer d'avoir des bassins
nationaux pour ne pas limiter les chances de promotion des candidats?
M. Crête: Une première notion dans cela, c'est la
mise en disponibilité régionale. Pour donner une situation
concrète, présentement, on a des agents de bureau qui sont ou qui
vont être mis en disponibilité à Québec et
possiblement, selon ce qu'il y a dans les décrets, on peut les envoyer
à Gaspé et inversement aussi, après les six mois de
protection... Dans ce sens, ce serait respecter davantage la carrière
des gens que de leur donner une chance de pouvoir tout le temps rester dans la
limite des 50 kilomètres.
Par contre, pour ce qui est de la sélection et des délais,
j'en suis très conscient parce que les gérants m'en parlent
quotidiennement. Effectivement, il y a des délais assez importants et ce
n'est pas nécessairement à cause de l'incompétence des
gens. C'est vraiment que le système est très lourd par rapport
à cela. Par contre, les délais sont longs. Mais ce qu'il faut
respecter au fond de tout cela, le meilleur coup qui a été fait,
c'est le principe du mérite. C'est-à-dire que, si l'on en
revenait à ce qui existe, par exemple, au gouvernement
fédéral, où tout le monde peut s'inscrire dans un fichier
et où n'y a pas de concours - c'est tout le temps ouvert, à
longueur d'année, mais on choisit les gens dans ce fichier - cela est
sujet à beaucoup plus de discrimination que ce que nous pouvons faire.
Dans ce sens, on devrait continuer à apporter des délais
plutôt que de faire des choix trop discriminatoires.
Mme LeBlanc-Bantey: Cela va pour le moment.
Le Président (M. Champagne): Cela va. M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Je remercie M.
Crête de s'être rendu devant la commission. Je n'ai pas de remarque
particulière, sauf que je pense que tous les aménagements qui
pourront être faits dans la loi - il en suggère ici quelques-uns,
dans le court mémoire qu'il nous présente - qui sont ou qui
seraient de nature à faciliter la vie aux fonctionnaires en
région et en même temps à assurer aux citoyens qui se
sentent déjà... Très souvent, il y a le
phénomène des fonctionnaires qui ont de la difficulté
à communiquer et à se sentir en communication directe ou facile
avec Québec, il y a aussi les citoyens qui se demandent si on s'occupe
d'eux et s'ils ont les mêmes services en région que les gens de
Québec, de Montréal ou de centres populeux. Tout ce qui peut
être fait doit être fait dans les circonstances. La
préoccupation qu'on doit avoir en est une qui vise à assurer une
égalité de services autant que faire se peut. Il n'y a finalement
pas de raison pour que des gens qui sont citoyens à part entière
du Québec, où qu'ils demeurent, ne puissent pas aussi facilement
que d'autres avoir accès aux mêmes services, aux mêmes
renseignements. Cela, il faut le déplorer.
C'est heureux que vous veniez nous rappeler ceci et je ne crois pas
qu'on doive s'habituer à ce genre de choses, c'est-à-dire que, de
notre côté, ici à Québec, on dise que c'est
inévitable et que, du côté de la Côte-Nord, de la
Gaspésie ou de l'Abitibi-Témiscamingue, on dise que cela ne peut
pas être autrement vu les distances etc. Il faut viser à une
égalité des services. Ce n'est pas facile, c'est le défi.
C'est grâce à des fonctionnaires qui, comme vous, acceptent
d'aller volontairement - et cela semble être votre cas - oeuvrer à
l'extérieur des grands centres que cet objectif pourra être
atteint.
Je vous remercie de vous être déplacé et encore une
fois d'être venu à nous. Nous aurions peut-être dû -
je sais qu'il en avait été question mais cela créait des
problèmes - aller vous écouter sur place. Cela aurait
peut-être été une chose à faire, sauf que les
circonstances ne l'ont pas permis. Mais que vous soyez venu nous expliquer
votre point de vue, je vous en sais gré.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Gaspé.
M. LeMay: Merci. Je tiens, moi aussi, à vous remercier, M.
Crête, de vous être déplacé. Je pense que, depuis
l'élection de
1981, c'est la première fois que quelqu'un des régions se
déplace pour venir en commission. Habituellement, ce sont les
députés régionaux qui se lèvent, soit au salon
bleu, soit en commission parlementaire ou à leur conseil de
députés, pour mettre en valeur l'importance des régions,
qui sont quand même le pivot du développement de la capitale
nationale et des autres grands centres.
J'aurais deux questions à vous poser. Voici la première:
On parle depuis deux jours de délégation de pouvoir et
d'imputabilité... J'ai posé la même question hier et fait
part de mon inquiétude. Pour moi, il est bien facile de
déléguer des pouvoirs du 12e ou du 15e étage en descendant
de deux ou trois étages, mais déléguer des pouvoirs
à 500 milles, c'est peut-être une autre affaire. Je ne sais pas
comment vous voyez cela à l'intérieur de la loi, que ce soit pour
la délégation de pouvoir ou encore l'imputabilité, assis
dans votre bureau, à Gaspé, par rapport au "boss" qui est assis
ici à Québec.
M. Crête: Là-dedans, je pense qu'il y a une question
de mentalité plus que de loi. La décentralisation, la vraie,
c'est d'amener le pouvoir vers le citoyen là où il est, non pas
le contraire. Il ne s'agit pas de fermer les villages et d'amener les gens
où les villages sont. Un exemple concret d'imputabilité, c'est le
ministère de l'Énergie et des Ressources, où on a des
administrateurs régionaux qui, finalement, ont un certain nombre de
pouvoirs. Je pense aux nominations, aux pouvoirs de dépenser qui sont
plus élevés que pour d'autres ministères, etc. Du fait que
les gens en région développent une habileté à se
débrouiller facilement et du fait que, lorsqu'on responsabilise
quelqu'un, il a de plus en plus le goût de faire sa "job" comme il faut,
dans ce sens, c'est au niveau d'une vocation gouvernementale. Peut-être
que je rejoins l'histoire du choix des régions ou le fait qu'il faut
qu'il y ait une volonté du gouvernement d'amener les ministères
à décentraliser leurs activités. Je parle de
décentralisation; je veux dire vraiment d'amener les pouvoirs en
région. On a assisté depuis dix ans à la
régionalisation des gens. On a assisté à la
déconcentration des pouvoirs, c'est-à-dire tous les programmes
structurés à Québec, les faire administrer en
région, et maintenant, je pense qu'on serait mûr, si on veut, pour
que cela roule vraiment correctement, pour une réelle
décentralisation vers les régions. On a déjà
parlé de l'exemple de la voirie régionale. Vous pouvez être
sûr que la personne qui est la mieux placée pour administrer la
voirie régionale, c'est la personne qui passe sur les routes de la
région à tous les jours. La personne de Québec qui ne
passe pas sur les routes de la
Gaspésie - heureusement, elles ont été
améliorées...
M. LeMay: Parce qu'ils ont un bon député.
M. Crête: Pardon?
M. LeMay: Ils ont un bon député, c'est pour
cela.
M. Crête: Ah! peut-être. Je ne sais pas.
Mais, sérieusement, il est très important de donner un
exemple. On parlait du Conseil du trésor et de la
délégation. Si on mettait un peu d'imagination là-dedans,
le Conseil du trésor pourrait facilement avoir une structure qui, au
lieu de fonctionner par secteurs et toutes ces choses, tienne compte des
régions. Que l'analyste sur les pêches maritimes travaille
à Rimouski ou à Gaspé au lieu d'être à
Québec et que, dans cette fonction, il ait le même rôle
qu'un membre du Conseil du trésor. Vous pouvez être sûr
qu'en sortant dans la rue pour des analyses de programmes pour des
pêcheurs qu'il côtoie tous les jours, il apprendrait de plus en
plus à voir la réalité et de moins en moins le signe de
piastre, de façon quotidienne.
M. LeMay: Je vous remercie. Vous avez résumé ce que
je dis depuis deux ans. À l'avant-dernier paragraphe, vous dites: "Le
Conseil du trésor... l'Office des ressources humaines...", un peu comme
s'il y avait un doute. Est-ce que c'est parce que, depuis deux jours, on doute
beaucoup que le Conseil du trésor patronne à la fois l'aspect
financier et l'Office des ressources humaines? Il y a même un organisme,
cet après-midi, qui nous a proposé un ministère
d'État pour les ressources humaines. Est-ce que vous pensez que le
Conseil du trésor peut à la fois gérer le
côté financier et le côté des ressources humaines?
Autrement dit, est-ce que le Conseil du trésor peut avoir une
âme en plus d'avoir des signes de piastre?
M. Crête: On intervient sur une chose différente,
mais je donne ma perception quand même. Selon moi, le ministère de
la Fonction publique, il était grand temps qu'il "passe au bat", dans le
sens qu'effectivement, dans n'importe quelle négociation, ce sont les
gens qui ont la bourse qui décident. Même si vous mettez une
structure intermédiaire en négociation, si la personne qui
contrôle la bourse peut bloquer ces choses en fin de compte, cela
va créer plus de frustations dans le système.
Les trois petits points n'étaient pas en référence
au fait qu'on était satisfait ou pas du Conseil du trésor. Notre
optique était beaucoup en fonction de la déconcentration
des pouvoirs. Dans ce sens-là, il est sûr qu'un Conseil du
trésor a tendance à centraliser les décisions. C'est
toujours plus facile de prendre une décision, on se sent toujours plus
sécurisé quand on prend une décision dans une petite tour
que quand on va la faire vivre par tout le monde.
Si vous décidez que vous donnez le pouvoir de dépenser 50
000 $, 100 000 $ ou X dollars à chacun de vos administrateurs
régionaux, tout de suite, vous allez avoir peur. Qu'est-ce qu'ils vont
faire avec cela? Où vont-ils aller avec cette histoire? Est-ce qu'ils
vont réussir à faire quelque chose? C'est la même chose
pour un député à qui on donnerait 25 000 $, 50 000 $ ou
200 000 $ avec des pouvoirs discrétionnaires; je suis sûr que,
demain matin, beaucoup de gens crieraient et diraient que cela va être le
patronage et tout. Or, si les personnes en région, si le conseil des
députés d'une région comme l'Est du Québec avait le
pouvoir de dépenser de l'argent comme Parlement ou quasi-Parlement
régional et si les administrateurs régionaux répondaient
à ces gens, il y aurait des possibilités de faire des choses
drôlement intéressantes de ce côté-là.
Mme LeBlanc-Bantey: Je sens que M. Guy Bisaillon va parler.
Le Président (M. Champagne): Alors, s'il n'y a pas
d'autres interventions, au nom des membres de la commission parlementaire, M.
Crête, on vous remercie de vous être présenté devant
nous.
Mme LeBlanc-Bantey: Je veux réitérer
l'intérêt que présentait votre intervention. C'était
la seule et c'est fondamentalement important. Je sais que vous venez de
très loin; Gaspé, ce n'est pas à la porte. Ce n'est pas
facile non plus, car vous avez attendu une partie de la journée. Je vous
remercie infiniment et je vous assure que, dans la mesure du possible - comme
avec tous les autres - on va tenter de tenir compte de vos interventions.
M. Crête: Est-ce que je peux juste dire un petit mot? Il
faudrait dire à tous vos sous-ministres que, même s'il n'y a pas
de homard en hiver en Gaspésie, il y a quand même du monde.
Mme LeBlanc-Bantey: D'accord, je vais faire circuler le
message.
Le Président (M. Champagne): Merci beaucoup, M.
Crête. On demanderait aux représentants de l'Association du Parti
québécois de la capitale nationale de se présenter
à l'avant, s'il vous plaît! Si vous voulez bien vous
présenter, monsieur.
Association du Parti québécois de la
capitale nationale
M. Bégin (Paul): Paul Bégin. Je suis le
président de l'exécutif de l'Association du Parti
québécois de la région de la capitale nationale. Le
mémoire que nous soumettons porte essentiellement sur un point, soit la
possibilité pour les fonctionnaires de faire du travail partisan durant
une campagne électorale.
Les motifs qui nous animent pour parler de cette question sont de trois
ordres. Tout d'abord, nous partons de la Charte des droits et libertés
de la personne qui dit que toute personne est titulaire du droit, de la
liberté d'expression et d'opinion. Cette charte, qui est à la
base de toute la société avec d'autres droits, nous semble mise
de côté totalement dans le projet de loi, comme dans la loi
antérieure, d'ailleurs. Aucune distinction n'y est faite entre les
divers fonctionnaires - on généralise - et il est interdit,
durant une campagne électorale, de faire du travail partisan. Ceci met
de côté ces deux droits fondamentaux. Nous croyons que c'est aller
trop loin dans le processus. (19 h 30)
La deuxième raison qui nous amène à dire que cette
interdiction devrait être modifiée, c'est l'existence dans
l'avant-projet de loi de certaines dispositions qui, à notre sens,
garantiraient l'impartialité et l'intégrité du
fonctionnaire et la perception que les citoyens en ont. Les articles 9, 10, 11,
12, 13 et 14 donnent des guides sur les normes d'éthique et de
discipline du fonctionnaire. Nous croyons que, si un fonctionnaire respecte les
principes qui sont énoncés dans ces articles-là, il n'y a
aucun risque que cette personne cause un préjudice d'une façon
quelconque au citoyen qui, au lendemain de cette élection, aura à
négocier, discuter, rencontrer un fonctionnaire.
La troisième raison, c'est que nous croyons qu'il y aurait
certains types de fonctionnaires qui, en raison de certaines circonstances, ne
pourraient être autorisés à faire du travail partisan
durant une campagne électorale. Entre autres, il est évident que
certaines personnes qui sont en contact direct, quotidien avec les citoyens
sont dans une position où ils pourraient être jugés comme
étant partisans dans leurs contacts quotidiens. On pense aux gens qui
travaillent dans un centre de main-d'oeuvre; une personne est en contact direct
pour dire: Oui, il y a un emploi; non, il n'y en a pas; si tu te
présentes de telle façon, tu pourrais en avoir un. Il est
évident que, si cette personne dit: Je suis libéral, lui est
péquiste ou inversement selon les situations, elle pourrait créer
une sensation chez le citoyen qui n'a pas un contact véritablement
honnête avec la fonction publique ou le fonctionnaire. À
l'égard de ces gens-là, je crois qu'on ne devrait pas permettre
un travail partisan.
II y a également les hauts fonctionnaires - je ne suis pas
familier avec toute la structure ou l'organigramme, n'étant pas
moi-même dans la fonction publique -qui sont chargé de
procéder à l'élaboration des politiques gouvernementales
et ceux qui sont chargés de la mise en application directement, au
niveau de l'ensemble de la structure des politiques gouvernementales. Nous
croyons que ces gens devraient continuer à ne pas pouvoir faire de
travail partisan. C'est quand même un nombre limité de gens par
rapport à l'ensemble des fonctionnaires. Nous croyons sincèrement
que la secrétaire qui travaille dans un bureau quelconque d'un
ministère ne met rien en péril, ni de l'État, ni du
gouvernement, si elle fait un travail partisan durant une campagne
électorale. C'est là la grande majorité des gens. Encore
une fois, je ne connais pas tout l'organigramme, mais on peut facilement
trouver ces personnes-là et les exclure de l'interdiction qu'on a mise
dans la loi.
Il y a une troisième catégorie de gens qui, eux, posent un
problème. Ce sont ceux qui sont entre les deux, qui sont proches de la
direction, proches de l'élaboration des politiques gouvernementales et
qui, par certains autres aspects de leur travail, sont plutôt dans la
catégoie de ceux qui n'ont aucun contact avec la population.
Évidemment, ces gens-là posent un problème. Nous
soumettons une proposition qui est simple - mais d'autres propositions
pourraient faire l'affaire - c'est qu'on défère les postes
où il y a un doute à un organisme indépendant, que ce soit
l'Office des ressources humaines ou un autre, qui sera chargé de
déterminer si le fonctionnaire occupant tel poste - pas tel monsieur,
mais le fonctionnaire occupant tel poste - pourra ou ne pourra pas le faire,
parce que effectivement, dans le travail qu'il a à faire, il risque de
ternir cette image d'impartialité qu'on veut obtenir dans les relations
avec les citoyens. Cela représente un certain nombre de fonctionnaires;
cela pourrait être fait par une classification - il y en a
déjà des quantités - le poste pourrait être
étiqueté de telle manière que, si une personne est
engagée, promue, mutée, elle pourrait savoir
immédiatement, par un avis qui pourrait lui être adressé,
que maintenant qu'elle occupe tel poste, elle ne peut plus, si elle le pouvait
avant, faire du travail partisan.
Nous croyons que les objectifs de la loi seraient parfaitement atteints.
On permettrait surtout au plus grand nombre de citoyens d'exercer un des
principaux droits qu'on a dans une société, soit d'avoir une
opinion. L'opinion, on peut l'avoir en dedans de soi-même et cela ne vaut
pas grand-chose; ce qui est important, c'est de pouvoir l'exprimer. S'il est un
moment privilégié dans une société
démocratique, c'est au moment d'une campagne électorale, c'est
d'exprimer ce qu'on pense et essayer d'influencer d'autres personnes dans le
sens qu'on croit important.
Dans la mesure où on peut assurer qu'une personne ne ternira pas
l'image d'impartialité politique qui mettrait en péril le
gouvernement ou l'État, on dit qu'on devrait lui donner le droit de
s'exprimer comme tous les autres citoyens. C'est essentiellement l'objet de
notre mémoire.
Le Président (M. Champagne): Merci. Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais remercier le Parti
québécois de la région de Québec de
présenter cette question, d'autant plus que c'est une question qui a
été soulevée à de multiples reprises depuis le
début de nos travaux. Il y a bien sûr des opinions très
partagées là-dessus. Vous dites qu'il n'y a pas de raison pour
qu'on empêche tout le monde de participer aux élections. Qu'on
empêche certaines catégories de le faire, ça va, mais pour
la secrétaire à son bureau, par exemple, on ne voit pas en quoi
on peut mettre en péril les objectifs de l'État. Je vais vous
dire que je ne vois pas tout à fait les choses de la même
façon que vous pour les gestionnaires, les planificateurs, dans la
perspective d'un régime d'imputabilité. Une première
imputabilité qu'on pourrait demander à ces planificateurs, c'est
d'avoir assez de jugement pour décider si, effectivement, il y a lieu ou
non de s'engager sur le plan partisan.
La raison pour laquelle j'hésite encore à recommander un
travail partisan en campagne électorale, c'est à cause des
fonctionnaires qui sont en service constant avec la clientèle, qui sont
en contact direct. C'est cette catégorie que j'hésite à
impliquer parce que, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, j'ai
toujours pensé - on le sait -que la politique est un sport et on sait
aussi qu'en campagne électorale, cela prend des proportions beaucoup
plus passionnées et j'ai encore de la difficulté à voir
comment... Cela ne se pose peut-être pas à Québec; en tout
cas, cela se pose moins qu'en région, et cela se pose certainement moins
qu'à Montréal aussi parce que les gens se connaissent moins. Mais
là où les gens se connaissent, j'ai de la difficulté
à concevoir comment, du jour au lendemain, les gens vont être
capables de se parler avec la même neutralité.
C'est cet aspect de service à la clientèle qui me fait
hésiter. Dans ce sens, je me demande si la population
québécoise -je pense que cela a beaucoup évolué au
niveau de nos moeurs politiques depuis une vingtaine d'années - est
prête à voir ses fonctionnaires participer activement aux
campagnes électorales. Vous allez me dire:
Bien sûr, cela devient un peu de l'hypocrisie parce qu'ils y
participent de toute façon, ils sont identifiés. Mais je continue
de maintenir qu'il y a une nuance très importance sur le plan des
comportements entre participer et militer dans un parti en dehors des
élections et militer activement au moment de la campagne
électorale.
Votre impression, si on prend la région que vous connaissez bien,
la région de Québec, est-ce que vous avez l'impression
honnêtement que les citoyens de Québec sont prêts finalement
à... Parce que cela demeure encore un virage, d'une part, et, d'autre
part, comment réagissez-vous à mes inquiétudes sur le
service à la clientèle?
M. Bégin: Je prendrai tout d'abord la deuxième
question. Effectivement, dans notre mémoire, nous avons
été conscients aussi de ce problème de la relation directe
du citoyen avec le fonctionnaire et du problème que cela pourrait poser
éventuellement. C'est pour cela que nous suggérons que ceux qui,
de par leurs fonctions, ont un contact direct, immédiat,
régulier, fréquent, avec la population, n'aient pas cette
possibilité pour éviter que des impressions du type de celles que
vous avez mentionnées se créent. Mais c'est encore un nombre
très petit de fonctionnaires, très petit. Peut-être que
c'est plus présent et même constant dans les régions, c'est
vrai. Mais, ici à Québec, c'est le petit nombre, c'est la
fraction qui a un contact direct avec la population. Dans les tours, ici, il
n'y a personne, il n'y a pas un chat qui va aller rencontrer ces
fonctionnaires, sauf occasionnellement quelques procureurs ou des choses comme
cela, mais généralement il n'y a pas de contact avec la
population.
Donc, je pense que, pour la très grande majorité, cette
crainte que vous manifestez et que nous partageons dans le fond - parce que
c'est ce qu'on a mentionné dans notre mémoire - n'existe pas. Je
m'excuse, j'ai oublié le premier aspect: c'est si la population du
Québec est prête?
Mme LeBlanc-Bantey: Oui, les citoyens...
M. Bégin: Je peux difficilement parler pour la population
comme telle, mais je pense qu'on peut répondre à cette question
de la manière suivante.
Mme LeBlanc-Bantey: Habituellement, les militants travaillent sur
le terrain; donc, ils sont quand même directement impliqués.
M. Bégin: Oui. Mais voyez-vous, c'est que la loi permet,
de toute façon, aux fonctionnaires de faire du travail partisan en
dehors de la campagne électorale. Celui qui est militant, celui qui est
exposé, en fait, à être connu ou à influencer les
gens dans leur jugement, est déjà là, finalement. Ce sont
eux, en fait, qui sont empêchés de faire un travail durant la
campagne électorale.
Vous savez, même si le bref est émis, si je sais qu'une
telle personne pense de telle façon, le lendemain je ne change pas
d'idée sur la conception que j'ai d'elle. Si on sait qu'un tel est
péquiste et que l'autre libéral, qu'il y ait une campagne
électorale ou non, on le sait. Comme les fonctionnaires dans le
même ministère savent que leur voisin est péquiste, l'autre
libéral, l'autre plutôt neutre, je ne pense pas qu'au lendemain
des élections ils vont se déchirer entre eux. De toute
façon, ils le savent déjà, ils vivent tous les jours comme
cela et ils se connaissent très bien. Si le monsieur ou la madame fait
une intervention plus ou moins publique, ils vont dire: II est comme on le
pensait; il est de ce côté ou inversement. Alors, cela ne change
pas grand-chose.
Les citoyens ne les connaissent même pas. Elle est passée
l'époque où on pouvait reconnaître physiquement un
fonctionnaire, n'est-ce pas, celle où on avait les ronds-de-cuir qu'on
pouvait physiquement identifier. Aujourd'hui, un fonctionnaire à
Québec, c'est n'importe qui comme c'est personne. On ne sait pas qui
l'est et qui ne l'est pas. De sorte que cette crainte, à mon point de
vue, dans une région comme la capitale nationale, n'est pas
justifiée, et c'est aussi vrai pour Montréal. Mais c'est 80% ou
peut-être 90% de la fonction publique. Pour ces raisons-là, on
prive un grand nombre de gens d'exercer un droit fondamental reconnu par la
charte et une loi particulière vient le limiter. Personnellement, cela
m'apparaît très important et on devrait tenter de trouver
l'équilibre. Peut-être qu'on en brimera encore quelques-uns de
trop; peut-être qu'on devrait être prudent dans l'application. Mais
sabrer tout le monde et mettre tout le monde sur un même pied, de peur
que quelques-uns ne commettent des abus, cela m'apparaît aller beaucoup
trop loin. Ce n'est pas seulement à l'égard de l'avant-projet de
loi, cela existe déjà dans la loi actuelle. Donc, c'est un
changement global qui devrait être fait. Et je pense que notre
société, sur le plan des idées, en général,
est mûre pour une chose comme celle-là.
Mme LeBlanc-Bantey: Cela va pour le moment.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je
voudrais souligner que la présence ici de M. Bégin constitue en
quelque sorte une exception à la règle. Le mémoire qui
devait être présenté dans les délais prévus
ne l'a pas été. Il y a eu entente pour que
cela puisse se faire. Il aurait été évidemment
souhaitable que nous le sachions à l'avance, parce que je vais vous dire
très franchement et très honnêtement que nous avons aussi
des militants actifs dans la région de Québec qui auraient voulu
s'exprimer sur le sujet et qui auraient pu le faire. Je ne sais pas de quelle
façon exactement, mais encore aurait-il fallu qu'on les rejoigne et
qu'on puisse provoquer de leur part une intervention, ce qui n'a pas
été possible compte tenu des courts délais.
M. Bisaillon: Vous voulez dire que vous vous organisez moins bien
que de l'autre côté.
M. Doyon: C'est que nous provoquons moins les choses, disons.
J'ai quand même, au nom de l'Opposition, accepté que M.
Bégin vienne nous rencontrer pour nous faire part de son point de vue,
du point de vue du Parti québécois, en ce qui concerne
Québec particulièrement. Mais je ne voudrais pas que ce soit vu
comme étant la porte ouverte à ce genre de choses, sans que les
règles ne soient respectées d'aucune façon. Je suis
très content d'entendre votre point de vue d'autant plus qu'à peu
de choses près - et je parle plutôt à titre personnel ici,
parce que la discussion n'a pas été aussi poussée que je
l'aurais voulu chez nous - je partage votre point de vue.
J'ai quand même un certain nombre d'inquiétudes. Il en est
de la politique comme de la justice. On dit très souvent que, pour ce
qui est de la justice, il est aussi important que les apparences de justice
soient préservées que la justice soit vraiment rendue. Pour ce
qui est des fonctionnaires et des services aux citoyens, ce sont souvent les
apparences qui sont importantes. Il y a une espèce de climat de
décence qui s'installe qui fait qu'on modère ses élans
quand on veut respecter ce genre de tradition. C'est ce qui me fait un peu
hésiter. Comme vous le dites fort à propos, il est sûr que,
dans les faits, les gens font connaître leur opinion en dehors des
campagnes électorales et il serait peu probable que, lors des campagnes
électorales, ils logent à une autre enseigne que celle qui est la
leur pendant la majorité du temps.
Il reste aussi le problème que je voudrais soulever et sur lequel
j'aimerais avoir votre opinion: cette porte ouverte qu'on voudrait pour la
politique provinciale, est-ce que vous la voyez aussi du côté de
la politique fédérale, du côté de la politique
municipale ou scolaire ou si vous restreignez vos propos uniquement à ce
qui concerne la politique provinciale? J'aimerais que vous m'éclairiez
un peu là-dessus. J'aimerais aussi que vous me disiez... C'est
intéressant parce que j'ai aussi plusieurs fonctionnaires dans le
comté que je représente ici à l'Assemblée
nationale. Parmi les gens avec qui vous travaillez - étant donné
que vous êtes ici pour nous éclairer, j'y vais très
directement - les militants péquistes qui sont aussi des fonctionnaires
- j'imagine qu'il en reste -est-ce que vous sentez de leur part une demande
dans ce sens-là? Est-ce que vous sentez qu'il y a une requête, un
besoin de leur part d'accéder à cette capacité
d'intervention politique même en période de campagne
électorale. (19 h 45)
M. Bégin: Pour répondre à votre
deuxième question, assurément, beaucoup de gens voudraient en
faire, mais la menace est tellement grande que c'est le congédiement.
Vous comprendrez que, devant cette situation, personne n'ose défier, de
quelque manière que ce soit, cette loi. Je pense que tous les
fonctionnaires ont le choix de faire de la politique en dehors des campagnes
électorales et, pourtant, il y en a quand même un nombre
relativement limité, comme dans tous les autres domaines de la
société. Seulement certains groupes de personnes sont
intéressés par le travail politique comme tel. Ces
gens-là, évidemment, sont définitivement frustrés
du fait que, jusqu'à l'émission du bref, ils peuvent travailler,
que, du jour au lendemain, ils deviennent proscrits complètement et ne
peuvent plus rien faire. Ils doivent même éviter d'être vus
près de quelqu'un ou de certains organismes, parce qu'on pourrait
peut-être les accuser de faire du travail partisan. Plusieurs seraient
désireux de le faire. Ce n'est pas une opinion personnelle que
j'émets; c'est une opinion qui vient de notre milieu, où on vit,
où il y a beaucoup de gens qui oeuvrent dans la fonction publique. Par
définition, à Québec, on touche le fonctionnaire un peu
partout; c'est obligatoire. C'est une ville de fonctionnaires. Il y a beaucoup
de gens qui aimeraient être capables de le faire, pour répondre
à votre question.
En ce qui concerne votre première question, la politique
fédérale, municipale et scolaire, je n'en ai pas parlé,
parce que la loi laisse la porte ouverte à le faire et, à mon
point de vue, c'est à bon droit. Mais je considère qu'il y aurait
un équilibre si, justement, on faisait ce que nous proposons, à
l'égard de la politique provinciale, ce qui se fait déjà
concernant la politique fédérale. Les mêmes principes
s'appliquent, à mon point de vue, à la politique
fédérale, mais les dangers sont peut-être moins
évidents pour le fonctionnaire provincial qui travaille durant une
campagne électorale. Le lien qu'on craint qui se fasse entre le citoyen
existe. À mon point de vue, c'est évident qu'on devrait laisser
le fonctionnaire faire un travail partisan au niveau fédéral, au
niveau municipal et au niveau scolaire.
M. Doyon: Pour poursuivre dans la
même veine, M. le Président - je vais terminer
là-dessus - très rapidement, il existe quand même dans
l'avant-projet de loi une différence capitale entre le traitement qui
est fait au fonctionnaire provincial qui désire se présenter
à une élection provinciale et celui qui est fait au fonctionnaire
provincial qui désire se présenter à une élection
à d'autres instances politiques. Est-ce que vous avez une opinion,
à savoir si le traitement devrait être le même en ce qui
concerne la réintégration de son poste, le congé sans
solde, etc.?
M. Bégin: Ceci m'apparaît plus de la nature d'une
convention collective que d'une question législative dans le sens que
c'est une accommodation qu'un employeur accorde à ses employés.
Un employeur, actuellement, ne peut pas congédier quelqu'un parce qu'il
veut se présenter à un poste quelconque; c'est inscrit dans la
loi. Je pense que la loi fédérale pourrait prévoir, de la
même manière, qu'on ne pourra pas congédier personne qui se
présente à une élection fédérale, ce qui
s'appliquerait à l'employeur provincial envers ses employés.
L'avantage qui est donné dans la loi, comme vous le mentionnez,
m'apparaît beaucoup plus de la nature d'une clause de convention
collective que d'une pièce législative comme telle.
M. Bisaillon: Sauf que la Loi sur la fonction publique a toujours
été un peu la convention collective des cadres, de ceux qui ne
sont pas couverts par des conventions collectives.
M. Bégin: C'est pour cela que cela m'apparaît plus
de la nature d'un droit qu'on accorde ou qu'on négocie dans une
convention collective, même si cela est reflété dans une
loi, que d'un avantage politique strictement au niveau où nous l'avons
vu, c'est-à-dire l'expression de ses droits. C'est un peu comme
l'employé dans la fonction publique: il peut réintégrer
ses fonctions. Mais quelqu'un qui travaille dans l'entreprise privée et
qui veut se présenter, le patron doit le laisser se présenter. Il
ne peut pas le congédier. Il doit le réintégrer s'il est
défait ou s'il n'est pas candidat. Mais de là à lui
redonner, après quatre ans, le statut qu'il avait avant
l'élection, le patron va dire: Un instant, je ne suis pas capable de me
permettre cela. L'État employeur, compte tenu de sa fonction, de son
importance, etc., peut se le permettre. Tant mieux, je trouve cela bien, mais
on ne peut pas aller plus loin que cela, je pense.
M. Doyon: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que, si on
accorde ce privilège à un type de candidat, un candidat qui se
présente à une élection provinciale, le même
traitement pourrait être réservé à un fonctionnaire
qui postule, qui se porte candidat, comme le député aux Communes,
par exemple, et qu'il obtienne... Ma question est la suivante: Si on donne un
traitement défini à quelqu'un qui se porte candidat à une
élection provinciale, est-ce que le même traitement qui serait
prévu dans la loi pour celui-là devrait être
réservé à quelqu'un qui se porte candidat à une
élection fédérale?
M. Bégin: Je ne fais pas d'équation entre les deux,
parce que, comme je l'ai dit, cela m'apparaît plus une question de
relations entre employeur et employé qu'une question de droits
fondamentaux. Je répondrai en disant: Je ne vois pas pourquoi on
donnerait, par exemple, à celui qui voudrait se présenter
à la mairie de Québec ou de Montréal l'avantage que vous
demandez pour celui qui se présentera au fédéral. Un
employeur peut dire: Si vous vous présentez à une élection
provinciale, je vous accorde cela. Je ne vois pas d'équation obligatoire
pour celui qui se présentera au fédéral. Il est
évident que si on donne des droits, plus on peut en donner, dans la
mesure où on peut le faire, c'est mieux, mais je n'ai pas de sentiment
de frustration pour aller à dire: Parce qu'on ne le donne pas au niveau
municipal, au niveau scolaire ou au niveau fédéral, il y a une
injustice du fait qu'on le donne au niveau provincial.
M. Doyon: N'avez-vous pas l'impression qu'à ce moment on
prive le citoyen, parce que votre argumentation repose sur le fait que les
fonctionnaires doivent être des citoyens à part entière?
À ce moment, cela implique qu'ils ont un traitement égal. Si,
parce qu'on peut législativement décider d'une chose en ce qui
concerne le fonctionnaire provincial qui se présente à une
élection provinciale, est-ce que vous n'avez pas l'impression que le
citoyen qui déciderait, par goût personnel ou par aptitude, de
briguer les suffrages à une élection fédérale et
qui n'obtiendrait pas le même traitement peut prétendre ne pas
jouir des mêmes droits que s'il se présentait à une
élection provinciale?
M. Bégin: Je ne crois pas. Je répondrais encore un
peu de la même manière. C'est que la liberté de s'exprimer
lors d'une campagne électorale m'apparaît un droit fondamental
consacré par la charte. Le pouvoir de se présenter à une
élection, c'est quelque chose qui dépend de la relation
employeur-employé et l'employeur peut dire... Par exemple, si je suis
dans une entreprise, mes associés peuvent me dire si je me
présente à une élection: Écoutez, Paul, dans quatre
ans, quand vous serez là, vous pourrez revenir au bureau; cependant si
vous vous présentez au provincial, non; oui, si vous le faites au
fédéral. Ce serait malheureux pour
moi, si je veux me présenter au provincial, mais je ne pourrais
pas dire que j'ai été brimé dans mes droits. Ce sont les
relations patron-ouvrier.
Mme LeBlanc-Bantey: ... Parti québécois, mais il
n'y a pas de contradiction.
M. Doyon: Cela dépend si on a les yeux ouverts pour les
voir.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Je considère que sur cette question, on
tourne autour du pot et on essaie de regarder des textes au lieu de regarder la
vie ce qui se passe, en fait, dans la vie de tous les jours. On donne de faux
arguments. Dans ce sens, M. le président de la région de la
capitale, votre mémoire est décevant et moi il me
déçoit parce que vous partez de deux grands principes qui sont
fort valables et qui indiquent à part cela l'état de fait. Vous
dites: Dans l'avant-projet de loi, il y a déjà plein de choses
qui garantissent la neutralité et l'impartialité des
fonctionnaires. Là vous tombez dans une analyse: à qui on le
donne, à qui on ne le donne pas. Comme je sais que vous avez le sens de
l'humour, je vais vous dire que c'est une réaction très
péquiste dans le fond. On part d'un petit problème, on essaie de
construire autour de cela un truc administratif pour essayer de nous faire
distinguer qui a le droit et qui n'a pas le droit.
Dans la vie de tous les jours, l'argument qu'on donne, vous l'avez
souligné dans une réponse à la ministre, vous avez dit:
Ici les gens se connaissent. Ils savent que lui est libéral, lui est
péquiste. Alors, quand on le sait et que cela ne nous dérange pas
11 mois - qu'est-ce que je dis 11 mois, c'est 47 mois dans notre vie - cela ne
nous dérange pas, et tout d'un coup il faudrait que cela nous
dérange parce que quelqu'un a émis des brefs. Moi, je ne
comprends pas cela. C'est comme si le monde qui est ici n'était jamais
allé dans une brasserie. Après le troisième verre dans une
brasserie, c'est quoi le travail partisan? Le gars qui donne son opinion et qui
dit: Le gouvernement est de même, il faut changer. Fait-il du travail
partisan quand il fait cela? Pourtant, cela est quotidien. C'est à tous
les jours que cela se passe. L'argument qui dit: Dans les grandes villes, cela
pourrait passer, mais c'est dans les petites villes... Justement à cause
du contact avec les citoyens, dans les petits endroits il n'y a pas besoin de
pointage quasiment, vous le savez. Lui est comme cela, lui est comme cela. Vous
le savez à l'avance.
Alors, c'est quoi l'idée que tout à coup les gens qui se
connaissent et qui se rencontrent quotidiennement, qui prennent un verre
ensemble, qui travaillent ensemble, qui savent où ils se situent
mutuellement au plan politique, qui financent parce qu'on leur donne le droit
de financer, qui peuvent être des membres d'exécutifs locaux parce
qu'on leur donne ce droit, tout à coup, pendant un mois, ils ne peuvent
plus rien faire, ils ne peuvent plus financer, ils ne peuvent plus être
membres de l'exécutif? Là s'ils vont prendre un verre, cela ne
sera plus comme 47 mois avant. Ils n'ont plus le droit de dire ce qu'ils
pensent. Je trouve cela ridicule parce que de toute façon, même si
pendant un mois quelqu'un ne disait pas ce qu'il a crié pendant 47 mois,
pensez-vous que les citoyens vont l'avoir oublié?
C'est un argument qui ne tient pas. Le seul argument qui tienne, c'est
celui des fonctionnaires eux-mêmes, qui vont décider
eux-mêmes de ne pas se mettre dans une position de s'identifier. Vous
l'avez souligné. Malgré le fait que la loi actuelle reconnaisse
le droit au financement des partis politiques et à la participation
politique, il y a encore beaucoup de fonctionnaires - et un fort pourcentage -
qui décident eux-mêmes de ne pas le faire. Où est le
problème? Je vais vous expliquer une autre chose. Quand on a fait la Loi
sur le financement des partis politiques, le projet initial prévoyait la
divulgation des noms à 25 $. Cela a été modifié au
Conseil des ministres pour être porté à 100 $ en pensant,
entre autres choses, à la région de Québec, se disant
qu'il faut faire du financement et que si le nom des fonctionnaires est
publié à 30 $ on va perdre plusieurs adeptes pour le financement.
Ils ont porté cela à 100 $; ils donneront 99,50 $ et leur nom ne
sera jamais mentionné. Pourtant ils ont le droit de le faire, la loi le
reconnaît.
Ce sont toutes des procédures comme cela qu'on prend, où
on fait semblant de ne pas savoir que dans la vie de tous les jours les gens
sont identifiés et que c'est de plus en plus du grand monde, du monde
plus politisé, et qu'ils n'ont pas peur de cela. Je demande pourquoi
faire des distinctions. J'en ferais une, et ce serait les administrateurs
d'État. D'autant plus depuis qu'on a vu le mémoire de l'ENAP
où il y avait des arguments intéressants quant à
l'éthique qui devrait s'appliquer à cette catégorie de
membres de la fonction publique. En dehors de cela, pourquoi n'ouvre-t-on pas
tout simplement? De toute façon, 47 mois par année on ouvre. De
plus, on va avoir des problèmes incroyables à définir ce
que veut dire "travail partisan". C'est quoi le travail partisan? Pendant le
mois de l'élection, je ne vais jamais dans un local électoral; je
ne sollicite personne de porte en porte; je n'occupe pas de fonctions, qui ne
sont pourtant pas des fonctions partisanes, comme recenseur, par exemple, ou
comme greffier
ou comme scrutateur, je n'occupe aucune de ces fonctions. Mais je vais
prendre ma petite bouteille tous les soirs à la brasserie et là
j'essaie de convaincre du monde. Est-ce que je fais du travail partisan? Je
trouve que là on va avoir un problème incroyable à
définir cela. Si je suis en congé de maladie je peux avoir le
droit. Si je suis en vacances, j'ai le droit, mais si je suis en fonction, je
ne l'ai plus. Je trouve que cela n'a pas de bon sens. D'ailleurs, je vous
signale en passant que si l'on devait adopter l'avant-projet de loi tel qu'il
est là, sous sa forme actuelle... Je vais vous poser la question
à savoir si vous trouveriez normal, M. le Président, que le chef
de cabinet du premier ministre, pendant une campagne électorale, ne
fasse pas de travail partisan. C'est cela l'avant-projet de loi actuel.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est une bonne question.
M. Bisaillon: Je trouve qu'on devrait y aller carrément,
ouvrir et dire: Le monde continue à penser et il continue à agir.
Peu importe qu'il travaille avec la clientèle ou pas, les gens se
connaissent et ils savent comment cela fonctionne.
Le Président (M. Champagne): D'accord, peut-être une
courte réponse.
M. Bégin: Je n'aurais peut-être pas la pudeur dont
vous parlez. Personnellement je partage votre point de vue. Cependant, je pense
que le mémoire répond en quelque sorte à ce que Mme
LeBlanc-Bantey mentionnait tout à l'heure en réponse à une
question du député de Louis-Hébert: Est-ce que la
population est prête à ce que ce soit aussi large? En ce qui me
concerne je croirais que oui. La réserve que vous y trouvez et qui vous
agace, je ne l'aurai pas personnellement. Je crois qu'on devrait le donner. Il
y a une catégorie, ceux qui sont vraiment dans le haut
complètement de l'échelle, qui ne devrait pas l'avoir. C'est une
opinion purement personnelle. Je partage votre point de vue sur ce sujet. Quant
au reste, c'est seulement une question d'évolution des moeurs. Il serait
difficile d'un seul coup de passer tout cela. C'est dans ce sens que vont les
réserves que vous avez dans le mémoire à cet
égard.
Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: En terminant, j'écoute toujours tous
ces propos avec beaucoup d'intérêt. Je dois vous dire que la
position du député de Sainte-Marie ne me surprend pas, on en a
longuement discuté. J'avoue que la loi 50 telle que
rédigée actuellement présente une certaine
incohérence. J'avoue que c'est difficile et effectivement, vu le fait
qu'on s'est déjà rendu à l'émission des brefs, le
lendemain matin les règles du jeu changent.
Par ailleurs, je ne suis toujours pas convaincue que cela ne peut pas
créer certains malaises en ce qui concerne le service à la
clientèle. J'accepte très humblement de réfléchir
à tout ce qui a été dit ici sur ce sujet et sur d'autres
choses, mais je voudrais vous dire que je ne pense pas que notre position aille
à l'encontre de la charte des droits et libertés. On restreint la
manifestation, il faut bien l'admettre, mais on n'empêche pas une
expression d'opinion. L'expression d'opinion importante en politique, c'est
quand les gens s'expriment, vont voter. Non, mais, sérieusement, j'ai
vérifié. (20 heures)
Je vois un autre de mes collègues qui, bien sûr, est
d'accord avec vous et je me sens en terrain ennemi de tous bords et de tous
côtés. J'ai vérifié dans la charte et cela ne va pas
à l'encontre des dispositions qu'on y retrouve. Effectivement,
l'expression d'opinion est toujours permise, en tout cas, concrètement.
Ceci étant dit, j'admets que cela limite la manifestation de cette
opinion.
Je termine en disant que je pense qu'il était important que vous
veniez. C'est important que la discussion se fasse. J'aurai certainement
d'autres consultations avec d'autres instances d'ici au dépôt du
projet de loi. On verra à quelle conclusion on en arrivera.
J'espère, en tout cas, que ce sera pour le meilleur équilibre,
encore une fois, des objectifs recherchés par la loi d'efficience et, en
même temps, de service à la clientèle tout en maintenant,
bien sûr, malgré ce que certains ont prétendu, l'ensemble
des droits qu'ont nos employés actuellement et leurs obligations
aussi.
En terminant, je voudrais aussi remercier le député de
Louis-Hébert de sa collaboration pour permettre au Parti
québécois de la région de Québec de venir en
commission. Je conçois que c'est un précédent. Je pense
qu'effectivement il n'est pas question d'en abuser, mais c'était quand
même - je le répète - important que ce point de vue soit
entendu. Il y a bien des chances qu'il corresponde d'ailleurs à celui de
vos militants de la capitale nationale. C'est aussi certainement une des
raisons pour lesquelles vous vous y êtes prêtés de si bonne
grâce. Je vous remercie encore une fois et je remercie tous les membres
de la commission pour leur grande disponibilité cette semaine.
M. Bisaillon: Je pense que le député de
Kamouraska-Témiscouata voulait demander un vote sur la question
de...
Le Président (M. Champagne): Cela va.
Est-ce que vous aimeriez...
Mme LeBlanc-Bantey: On pourrait le faire article par article. Si
la réforme parlementaire est assez loin, je suppose que vous pourrez
voter librement.
Le Président (M. Champagne): M. Bégin, au nom des
membres de la commission, on vous remercie de vous être
présenté devant notre commission parlementaire.
Dépôt du mémoire de la
CVMQ
Nous faisons ici dépôt du mémoire de la Commission
des valeurs mobilières du Québec. Je demande au rapporteur, le
député de Gaspé, de faire rapport à
l'Assemblée nationale à cet effet.
M. Bisaillon: Je ne sais pas si la ministre nous permettrait de
faire des commentaires pendant deux minutes à la fin de cette
commission. Est-ce qu'on peut?
Le Président (M. Champagne): Est-ce qu'il y a
consentement?
M. Doyon: Deux minutes.
Mme LeBlanc-Bantey: On veut laisser la plus grande liberté
d'expression au député de Sainte-Marie.
Conclusions
M. Bisaillon: Merci, madame. On vient de passer trois jours
à entendre des groupes sur l'avant-projet de loi sur la fonction
publique. La ministre avait annoncé qu'il y avait encore beaucoup de
possibilités. Elle a annoncé à plusieurs reprises à
des groupes qu'elle allait réfléchir aux positions qui nous ont
été communiquées. On va se revoir, c'est évident,
sur un projet de loi et j'espère que ce sera en commission
parlementaire. Je voudrais peut-être suggérer qu'on innove dans ce
domaine et qu'on n'attende pas de placer les parlementaires et les groupes
devant un projet fini, final, fermé, gelé dans le ciment.
Peut-être que la ministre pourrait trouver, entre-temps, un
mécanisme, un moyen, qui permettrait ou à des
représentants des deux partis qui ont travaillé à la
commission spéciale ou à des membres de cette commission de
réagir avant la version finale du projet de loi. Je laisse cela à
la considération de la ministre pour...
Mme LeBlanc-Bantey: Je peux répondre tout de suite.
M. Bisaillon: J'ai trois autres petites choses à vous
demander. La deuxième chose: si jamais on devait revenir en commission
parlementaire avant l'étude article par article, autrement dit avant la
deuxième lecture, je trouverais important qu'on reçoive cette
fois l'organisme qui aura été le grand absent de cette commission
parlementaire, c'est-à-dire le Conseil du trésor. Je
suggère aussi d'envisager la possibilité d'avoir l'opinion de la
Commission de la fonction publique, de l'Office du recrutement et de la
sélection du personnel de même que du ministre
délégué aux Relations avec les citoyens. Ce sont des
personnes qui sont concernées par une nouvelle loi sur la fonction
publique, mais aussi par ce que cette nouvelle loi peut supposer comme
aménagement autour d'elle. Si on doit avoir une commission
parlementaire, j'apprécierais qu'on puisse avoir l'occasion d'interroger
les personnes qui, par la suite, devront compléter les changements et la
réforme. Cela nous donnerait peut-être un aperçu juste de
ce vers quoi on s'en va.
Le troisième élément - je l'avais souligné
dans mes commentaires du début -je voudrais réitérer ma
demande à savoir que le jour où la ministre déposera un
projet de loi probablement assez final, négociable, il y ait au moins,
sous une forme ou sous une autre, une annonce d'intention gouvernementale quant
aux autres aspects qui sont couverts, qui sont compris dans l'administration de
la fonction publique, dans la gestion des resssources humaines, donc tout ce
qui peut entourer les éléments contenus dans la loi sur la
fonction publique.
Le Président (M. Champagne): Madame la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Très rapidement, je voudrais
réagir officiellement à une des trois considérations.
Quant aux autres, j'accepte de les prendre en considération et tenter
d'apporter des réponses le plus rapidement possible.
Ma première considération est à savoir que le
député de Sainte-Marie espère que la commission Bisaillon
tout au moins aura l'occasion d'être associée aux amendements qui
pourraient découler des groupes que nous avons entendus, des
consultations, etc., avant le dépôt du projet de loi. Je dois vous
dire que c'était notre intention, dès que nous aurons - du
côté du ministère de la Fonction publique -
élagué l'ensemble des représentations qui nous ont
été faites. Finalement, je vais rencontrer la commission
Bisaillon sur ces nouvelles orientations, s'il y a lieu d'en avoir, et tenter
de voir jusqu'à quel point les orientations qu'on prendra maintiennent
l'équilibre, les objectifs qui étaient poursuivis par la
commission Bisaillon, dans la mesure du possible.
Le Président (M. Champagne): Cela va. La commission
élue permanente de la fonction publique ajourne ses travaux sine die,
parce qu'elle a accompli le mandat qui lui était confié.
Merci.
(Fin de la séance à 20 h 07)