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(Quatorze heures dix-sept minutes)
Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de la fonction publique se
réunit pour poursuivre ses travaux afin d'entendre toute personne ou
tout groupe qui désirerait intervenir sur l'avant-projet de loi sur la
fonction publique.
Les membres de la commission sont: M. Assad (Papineau), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Doyon
(Louis-Hébert), M. Blais (Terrebonne), M. Gravel (Limoilou), Mme
LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), M. LeMay (Gaspé), M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Lachance (Bellechasse), M.
Rivest (Jean-Talon), M. Tremblay (Chambly).
Les intervenants à cette commission sont: Mme Bacon (Chomedey),
M. Caron (Verdun), M. Charbonneau (Verchères), M. Dubois (Huntingdon),
M. Gagnon (Champlain), M. Hains (Saint-Henri), Mme Lachapelle (Dorion).
Cet après-midi, selon l'ordre du jour, nous entendrons le
Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du
Québec et l'Association des cadres supérieurs du Québec.
On demanderait au représentant du Syndicat des professionnelles et
professionnels du gouvernement du Québec de bien vouloir se
présenter à l'avant, s'il vous plaît, et de
présenter les personnes qui l'accompagnent.
Syndicat de professionnelles et
professionnels du gouvernement
du Québec
M. Lecourt (Roger): Oui. Ouste un petit moment. Je vais vous
présenter les gens qui m'accompagnent. À partir de ma droite
immédiate, Mme Madeleine Rochon, membre du comité exécutif
du SPGQ et responsable du comité des femmes; à sa droite, Mme
Lise Courcelles, membre du comité des femmes du SPGQ; à ma gauche
immédiate, M. Robert Hardy, membre du comité exécutif et,
à sa gauche immédiate, M. Marcel Théberge, membre du
comité de travail sur l'avant-projet de loi sur la fonction
publique.
Le Président (M. Champagne): Monsieur, votre nom, s'il
vous plaît!
M. Lecourt: Moi? Ah oui! Roger Lecourt, président.
Le Président (M. Champagne): Merci.
M. Lecourt: Si vous le permettez, avant de vous faire notre
présentation, je voudrais procéder en deux temps. Cela nous
satisferait. Nous avons déposé le texte d'un mémoire
complet il y a quelques jours, comme l'exigeait l'Assemblée nationale.
Nous avons déposé, comme nous l'avions indiqué, un
complément au mémoire qui traite des femmes et de la fonction
publique. Nous souhaiterions que ce complément soit
présenté dans une partie distincte cet après-midi; en
fait, que je fasse ma présentation, qu'il y ait une période de
questions sur l'ensemble de l'avant-projet de loi et que, par la suite, Mme
Rochon puisse présenter, en dix à quinze minutes, le
complément qu'on a remis en 100 exemplaires à la greffière
de la commission. Est-ce que c'est possible?
Le Président (M. Champagne): C'est possible.
M. Lecourt: Est-ce que cela va?
Le Président (M. Champagne): Cela va.
M. Lecourt: Je ne vous ferai pas la lecture du mémoire,
puisque j'imagine que vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance. Je
voudrais plutôt faire une présentation un peu plus large et,
à cette occasion, revenir sur quelques-unes des observations, des
demandes principales que nous formulons dans notre mémoire.
Il nous semble que cette commission parlementaire est l'occasion de
faire un bilan des relations qui existent entre le gouvernement et notre
syndicat. Cela nous amènera à vous expliquer pourquoi nous disons
ce que nous avançons dans notre mémoire sur l'avant-projet de
loi.
Vous savez, sans revenir dans les moindres détails, que nous
représentons 20% du personnel de la fonction publique
québécoise. C'est une minorité du personnel, mais je pense
que les événements de l'hiver dernier ont indiqué que
c'est un personnel qui exerce des fonctions stratégiques et
névralgiques dans la fonction publique. On a eu l'occasion, lors
d'incidents douloureux, de
voir que, quand les professionnels ne sont pas au travail, l'appareil de
l'État est passablement perturbé.
Les remarques que je ferai par rapport à ce que j'ai pu entendre
à ce jour à cette commission parlementaire - je souhaiterais que
le débat qui s'ensuivra se fasse dans le même esprit - je
tenterai, au maximum, qu'elles s'en tiennent le plus possible à des
faits. On va essayer d'éviter de prêter de mauvaises intentions
aux législateurs, comme on a accusé certains syndicats de le
faire. On va donc essayer de s'en tenir aux faits bruts, au contenu.
Je voudrais faire ma présentation en quatre parties. D'abord,
j'aimerais vous dire ce qu'est, pour nous, une loi sur la fonction publique;
deuxièmement, vous parler du climat qui existe actuellement chez les
membres que nous représentons et de l'impact que cela a face à
une réforme de la fonction publique; troisièmement, vous faire le
point sur le jugement que nous portons sur nos dernières relations du
travail et, enfin, cela nous amènera à dire ce que nous pensons
globalement de l'avant-projet de loi.
Dans la première partie, on dit ce qu'est, pour nous, une loi sur
la fonction publique. Il nous est apparu important de faire cette mise au point
au début de la présentation, parce qu'il nous semble que le
gouvernement se méprend sur ce qu'est une loi sur la fonction publique,
particulièrement lorsqu'il invoque la question des services aux
citoyens. Bien sûr, l'organisation de la fonction publique, la
façon dont la partie patronale se structure, comment elle partage les
pouvoirs, quels organismes elle se donne, tout cela a une incidence sur les
services à la population. Cependant, il ne faudrait pas penser que la
Loi sur la fonction publique, c'est un recueil de toutes les lois du
Québec. Les services aux citoyens sont définis dans de nombreuses
autres lois, ainsi que la façon de les dispenser. Dans ce
sens-là, on trouve prétentieux que le gouvernement invoque
l'actuel avant-projet de loi comme étant une loi qui va
révolutionner les services à la population. Cela prendrait des
changements beaucoup plus fondamentaux dans l'ensemble des lois pour qu'il y
ait un tel impact. On ne voudrait pas que, par le biais de ce thème
à la mode, de ce thème toujours politiquement rentable, on fasse
un exercice de propagande qui cache ce qu'est véritablement une loi sur
la fonction publique et ce à quoi elle doit servir.
Par ailleurs, quand on parle d'une refonte ou d'une réforme de la
Loi sur la fonction publique, il nous semble important de regarder,
derrière les textes de loi, les organigrammes, les dispositions
législatives ce qui se cache en termes de climat de travail et comment
la loi ou des politiques gouvernementales peuvent faire face à ce
climat. Je pense que l'État l'a abondamment utilisé lors des
dernières antinégociations: on est dans une situation où
les ressources humaines, c'est un des aspects fondamentaux, sinon l'aspect
fondamental, l'aspect essentiel des services de l'État. On sait qu'au
budget de l'État émargent pour plus de 50% les coûts de
rémunération et d'avantages sociaux des fonctionnaires ou des
parafonctionnaires. On sait donc par le type d'activité qu'on y
mène - on donne des services - que c'est d'abord et avant tout les
ressources humaines qui sont la ressource première et non pas, comme on
le trouve dans des entreprises de production, les ressources en capital.
Pour nous, quand on parle de services à la population, c'est
beaucoup le climat de travail et l'organisation du travail qui sont des
éléments essentiels dans le type de services que la population va
recevoir puisque, d'abord et avant tout, c'est nous qui les donnons. Il nous
semble important, à ce moment-ci, de se poser la question: Aujourd'hui,
à l'automne 1983, est-ce que les professionnels du gouvernement se
sentent valorisés? Est-ce qu'ils estiment avoir des mandats
intéressants? Est-ce qu'ils se croient utilisés de la meilleure
façon? Est-ce qu'ils estiment avoir une autonomie professionnelle qui
leur permet de se développer? Autrement dit, est-ce qu'ils ont
l'impression d'avoir une place dans l'appareil de l'État? La
réponse que je vais vous faire, évidemment, n'est pas une
réponse scientifique. Je n'ai pas de sondage à déposer
aujourd'hui là-dessus, mais, par les débats que nous avons
à l'intérieur des organes de notre syndicat, par ce que nous
entendons un peu partout, le climat est loin d'être satisfaisant à
ce moment-ci. Il s'est considérablement dégradé depuis
deux ans. Il s'est particulièrement dégradé depuis
quelques mois et cela continue. Je pense que c'est un élément
fondamental auquel le gouvernement devrait s'intéresser, tout aussi
fondamental, sinon plus, que le texte d'une loi sur la fonction publique.
Pourquoi ce climat s'est-il dégradé? Voici quelques
éléments qu'on porte à votre attention et qu'on aimerait
pouvoir débattre. En 1981 et 1982, lors de la préparation de ce
qui a été une pseudo-négociation, le gouvernement a
volontairement ou involontairement attaqué les fonctionnaires en les
traitant d'à peu près tous les noms, en leur mettant sur le dos
un paquet de problèmes que le Québec vivait à ce moment et
qu'il vit encore. Cela n'aide pas tellement, dévaloriser ses
employés, à les motiver. Par ailleurs, on est dans un contexte
accéléré de décroissance de l'appareil
d'État. Culturellement parlant, la fonction publique, les politiciennes
et politiciens la dévalorisent allègrement, l'État est
dévalorisé. Je vous en donne un exemple qui va peut-être
vous paraître lointain, mais qui est un signe de cela, un exemple
immédiat. Au moment où nous siégeons se tient un
sommet économique à Québec. On sait l'importance qu'a
l'État à Québec et l'importance des gens qui sont dans la
fonction publique en termes de main-d'oeuvre active. Pourtant, aucun des
syndicats de la fonction publique n'a été invité à
participer au sommet. C'est un signe indirect du peu de valeur qu'on accorde
aux fonctionnaires et à l'État pour lequel ils travaillent.
Par ailleurs, à l'intérieur de l'appareil, la situation de
décroissance, de compression budgétaire fait en sorte que les
gens sont de plus en plus devant une approche tatillonne, une approche de
contrôle qui émane en grande partie du Conseil du trésor et
qui est importée allègrement par les directions des
ministères. Les gens sont de plus en plus minutés. Leur travail
est de plus en plus analysé, décortiqué à la miette
en vue, apparemment, d'une productivité accrue. L'effet de cela,
jusqu'à ce jour, en tout cas, c'est une démotivation des gens.
Les gens ont l'impression qu'on est en train de segmenter leur travail en
miettes et que, au bout du compte, il leur reste très peu d'autonomie
professionnelle. Cette approche de mesure du travail quasiment à la
méthode de Taylor nous semble une approche pour le moins surprenante en
1983.
Un autre élément du climat actuel - il est
d'actualité celui-là et ce n'est pas pour le plaisir de jeter un
blâme - ce sont les hésitations actuelles du gouvernement, son
manque d'orientations politiques. Cela pourrait tout aussi bien s'appliquer
à l'Opposition; je n'ai pas l'intention de faire de politique partisane
ici, c'est encore interdit.
Mme LeBlanc-Bantey: Nous, on en fait? (14 h 30)
M. Lecourt: Oui, mais j'évite d'en faire, madame.
Les hésitations du gouvernement et son manque d'orientations
politiques se traduisent concrètement dans les milieux de travail par
une impression qu'il n'y a pas de direction dans la fonction publique. Je pense
que cela a aussi un effet sur la productivité et la motivation au
travail. Enfin, dernier élément, nous sommes en présence
de conditions de travail non négociées. On parlait hier de
surréglementation qu'on veut abolir. Si cela signifie aussi abolir la
surlégislation qu'on a connue en 1982, on trouve que c'est une bonne
idée.
Cela m'amène à la troisième partie avant d'aboutir
au projet de loi: la question des relations du travail. On est en face d'une
convention collective inachevée. Nous avons été l'objet
d'un décret. Il a été impossible d'en arriver,
après la grève qu'on a connue, les menaces de
congédiements massifs, pendant plusieurs semaines de
négociations, à un accord qui ait pu faire l'objet d'une
ratification par nos membres.
Pour nous, la loi des parties en matière de relations du travail
est fondamentale. Malgré les solutions d'arbitrage, les solutions de
marteau automatique, comme le disait M. Bourassa dans le Bas-Saint-Laurent,
toutes ces belles solutions inventées de partout, d'ailleurs, etc., on
pense que la loi des parties, la libre négociation, c'est encore un
élément fondamental des relations du travail et notre premier
souhait est de revenir dans les meilleurs délais à la libre
négociation.
Je voudrais faire un rapide tour d'horizon, sans reprendre en
détail les sujets qui ont fait l'objet de désaccord entre nous.
Il y en avait cinq; je voudrais en prendre un seul, celui qui est lié
à la décroissance, à la question de la
sécurité d'emploi, pour vous illustrer la situation que nous
vivons présentement et qui démontre, je pense, que le retour
à la libre négociation produirait sûrement de meilleurs
résultats.
Nous avons un régime de sécurité d'emploi depuis
décembre dernier, qui repose sur une vaste décentralisation -
cela nous ramène à un des objectifs de l'avant-projet de loi - et
sur une déréglementation. C'est, en grande partie, par directives
que le gouvernement procède actuellement. Chez nous, depuis
l'été dernier, il y a une quarantaine de personnes qui ont
été mises en disponibilité, qui le sont
présentement. Elles sont plus précisément 38. À la
fin de septembre, un autre contingent devrait s'y ajouter. La grande
décentralisation et la grande déréglementation font en
sorte que, contrairement à ce qui se produit ailleurs dans le secteur
parapublic ou dans le secteur privé, ce sont chez nous les gens qui ont
beaucoup d'ancienneté qui sont mis en disponibilité parce que la
directive que le gouvernement a décrétée fait en sorte
qu'on élimine des gens par le biais de la mise en
disponibilité.
Les gens qui font le travail de placement à l'office du
recrutement, qu'on ne pourra pas accuser d'être prosyndicaux, vous diront
qu'il y a un curieux phénomène en ce sens que l'ancienneté
des gens mis en disponibilité chez les professionnels
présentement est beaucoup plus élevée que
l'ancienneté moyenne du groupe. C'est quand même, me semble-t-il,
un phénomène curieux.
Par ailleurs, comme on l'avait souligné à l'employeur - on
avait proposé de négocier des mesures à cet
effet-là - les femmes, qui représentent 16% des fonctionnaires
permanents chez nous, sont actuellement 26% des personnes en
disponibilité. C'est un phénomène qui existe depuis
plusieurs semaines, ce n'est pas un phénomène passager d'une
journée. Il y a donc surreprésentation des femmes dans les mises
en disponibilité. On avait avisé l'employeur que cela se
produirait en fonction des
mécanismes qu'il a décrétés. Eh bien,
voilà, cela s'est produit.
Par ailleurs, en matière de sécurité d'emploi -
j'aimerais qu'on y revienne tantôt dans le débat, si le
gouvernement a enfin des réponses - la création de deux
sociétés d'État, trois si on parle des musées qui
seront divisés en deux, le Musée du Québec et l'abolition
du ministère des Travaux publics créent présentement
énormément d'inquiétudes chez les gens. Il semblerait
qu'il y ait une politique gouvernementale pour le moins curieuse,
incohérente. On veut un avant-projet de loi qui donne plus de souplesse
à l'employeur et, en même temps, des ministres disent: On
crée des sociétés d'État pour avoir plus de
souplesse. Cela semble être la course à la souplesse. On aimerait
bien savoir à quoi s'en tenir sur l'avenir des gens qui sont dans ces
organismes. Seront-ils versés à des sociétés d'Etat
non régies par la loi ou à des sociétés
d'État régies par la loi?
Tout cela pour vous dire que les dossiers pendants, comme celui des
occasionnels, des heures de travail, on aimerait bien savoir l'effet que cela a
eu sur la productivité. En passant la hausse
décrétée des heures de travail, la question de la
discrimination salariale on y reviendra plus tard - et la question de la
carrière sont toujours pendantes. Ce sont des éléments qui
nous préoccupent au plus haut point, tout autant, sinon plus, parce
qu'ils sont concrets. Ils nous préoccupent énormément
à l'heure actuelle et il y a place - c'est notre souhait - pour relancer
la voie de la négociation collective. Je ne parle pas d'une
négociation demain matin, je parle d'une volonté réelle de
rétablir le processus de la négociation collective dans les
meilleurs délais.
Quant à l'avant-projet de loi, cinq remarques, d'abord. Par la
suite, je vous dirai pourquoi on estime que ce projet de loi augmente de
façon anormale et indue les droits de gérance et pourquoi on
estime que tout projet de loi doit nécessairement traiter d'une
libéralisation du régime syndical.
Nos cinq remarques. D'abord, cette loi préconise des principes
louables en soi de décentralisation, de déréglementation.
Il faut cependant se rendre compte - je ne sais pas si le gouvernement en a
fait l'analyse - que cet avant-projet de loi se situe dans un contexte
où, au plan financier, on a, au contraire, des lois qui centralisent
énormément. Le contexte des compressions budgétaires fait
en sorte que le Conseil du trésor a la main haute sur les moindres
mouvements qui se font dans un ministère. À ce que je sache, il
ne semble pas y avoir actuellement de courant très clair et très
net pour une décentralisation équivalente du côté
des aspects budgétaires contrôlés par le Conseil du
trésor. L'équilibre entre un phénomène
observé depuis quelques années de centralisation et une
volonté de décentralisation de la gestion des ressources
humaines, par opposition à la centralisation des ressources
financières, pour nous, n'est pas très clair.
Par ailleurs, on voudrait que cela soit clair. Si l'on parle de
décentralisation strictement d'ordre administratif, de
décentraliser des pouvoirs, et qu'on fait une équation, comme Mme
LeBlanc-Bantey l'a faite au nom du gouvernement, entre décentralisation
administrative, efficacité et amélioration des services à
la population, on voudrait simplement souligner que c'est là une
hypothèse que la décentralisation va amener une plus grande
efficacité et des services plus adéquats aux citoyens. Je crois
que personne n'a la preuve de ceci. Si c'est une hypothèse et que vous
désirez la mettre en place, il faudrait peut-être avoir l'accord
des employés; cela aiderait à vérifier l'hypothèse.
Il n'y a aucune preuve. Il y a des fonctions publiques très
centralisées qui donnent d'excellents services à la population;
d'autres qui sont décentralisées et qui donnent tout autant
d'excellents services. C'est une question de culture organisationnelle. C'est
donc une remarque, en ce sens qu'il s'agit là d'hypothèses. Il ne
faudrait pas confondre les hypothèses avec les certitudes.
Par ailleurs, il y a un autre élément. On est
désagréablement surpris - j'imagine que c'est aussi le cas, et
encore plus, du député de Sainte-Marie et de quelques autres
personnes qui sont ici, je pense à M. Rivest et à d'autres
personnes qui ont été membres de la commission communément
appelée la commission Bisaillon - de voir que le gouvernement a,
semble-t-il, fait du "shopping", a pigé ce qui faisait son affaire dans
le rapport Bisaillon. Dans le rapport Bisaillon, il y avait tout de même
une cohérence interne. Il y a des choses avec lesquelles on était
d'accord; il y a d'autres choses avec lesquelles on n'était pas
d'accord. Il y avait une cohérence interne, il faut l'admettre. Le fait
de faire du "shopping", cela fait en sorte que, par rapport à l'analyse
du rapport Bisaillon, le manque de cohérence ou le
déséquilibre que voulait éviter la commission Bisaillon
est créé. Le gouvernement a choisi, à même les
recommandations de la commission Bisaillon, celles qui faisaient son
affaire.
En fin de compte, je précise les remarques quatre et cinq. Pour
nous, le projet de loi augmente les droits de la direction. On pense que cela
va régler les problèmes. Par ailleurs, on s'organise de
façon que le seul contrepoids qui puisse encore exister juridiquement,
puisque les organismes dits neutres disparaissent tous sauf le tribunal
d'arbitrage qu'est la Commission de la fonction publique, qui joue
de plus en plus un rôle limité à celui d'arbitrage,
fait en sorte que les syndicats, qui ont le droit de contracter, du moins, une
partie des conditions de travail, sont mis en position de
déséquilibre complet parce qu'on ne rétablit pas un
équilibre qui ferait en sorte que les droits de direction accrus
pourraient faire l'objet d'un contre-équilibre par la
négociation, par le rôle des syndicats. Je m'explique
là-dessus.
Mme LeBlanc semblait étonnée hier que les deux principaux
syndicats de la fonction publique parlent d'un accroissement des droits de la
direction dans le projet de loi. Il me semble que c'est évident
qu'à partir du moment où on dit qu'on veut être capable de
déléguer très largement et qu'on veut remplacer la
normalisation réglementaire par la discrétion aux gestionnaires,
c'est donner des pouvoirs de direction accrus au personnel. Sans juger si c'est
bon ou pas, il faut au moins constater que c'est cela qui va arriver. C'est
d'autant plus vrai que la partie sur les principes avec le côté
non défini, tant dans les termes que dans les modalités
d'application des facteurs d'efficience et d'imputabilité, fait en sorte
que le résultat net des articles 2 à 7 est d'augmenter les droits
de la direction, sa capacité de prendre des décisions dans des
matières non expressément prévues dans la loi.
Cela augmente donc les droits de gérance. Ce qui inquiète,
de notre côté, c'est que vu l'absence de définition des
termes - l'Association des cadres supérieurs en parlera probablement cet
après-midi beaucoup mieux que moi; dans son mémoire, j'ai
remarqué qu'elle a dit qu'il faudrait bien s'entendre sur le sens des
mots - et l'absence de modalités concrètes d'application d'un
principe comme l'imputabilité, le patron pourra faire ce qu'il veut. Il
pourra donner le contenu qu'il veut. Actuellement, dans les ministères,
on voit ce terme "imputabilité", entre autres, apparaître, le
terme "efficience" apparaître, et chacun y donne bien la
définition qu'il veut. J'imagine qu'à partir du moment où
les gestionnaires auront plus de pouvoirs ils vont utiliser la
définition dans le sens où eux l'entendent, faute d'encadrement
plus clair de ces principes dans la loi. Par conséquent, on pense que,
jusqu'à preuve du contraire, quand on n'est pas capable de donner un
contenu à des principes, on ne les met pas dans une loi.
Autre aspect qui, quant à nous, augmente les pouvoirs de
l'administration: la nouvelle définition des mesures administratives qui
confond maintenant le congédiement administratif et le
congédiement disciplinaire. Il est fondamental pour nous que le
congédiement administratif - ce qu'on appelle la révocation ou
encore la rétrogradation - qui n'existe que pour des motifs
d'incompétence et d'incapacité d'agir, que ces sanctions restent
encadrées comme elles le sont. Ouvrir le terrain à "une cause
juste et suffisante", c'est ouvrir la possibilité pour l'administration
de punir les gens pour tout et pour rien. Le mécanisme d'arbitrage est
tel en matière administrative que l'employeur au départ aurait
une longueur d'avance lorsqu'il imposerait un congédiement
administratif.
Par ailleurs, je vous ferais remarquer que c'est jouer dans les
décrets promulgués par l'Assemblée nationale puisque les
décrets sont faits de telle façon qu'ils respectent la lettre de
la loi actuelle, et on se retrouverait devant un vide juridique une fois de
plus. On a connu cela en 1978-1979 avec la loi actuelle et cela crée
énormément de confusion entre les parties. On n'a pas encore
compris pourquoi, à part les motifs d'élargir les
capacités de punition de l'employeur, on a changé les
définitions de sanctions administratives.
Les pouvoirs de gestion aussi au niveau du recrutement sont sensiblement
accrus. Je pense aux concours sans promotion. On peut tailler les concours
passablement sur mesure. Il s'agit d'élever le niveau du poste aux
conditions d'admission définies par les sous-ministres. Pour du
personnel comme nous qui avons un plan de classification polyvalent, des
conditions d'admission taillées sur un emploi, c'est aller en sens
complètement contraire du régime de carrière qu'on a, du
régime de mobilité.
L'élimination des candidatures, parce que, à un moment
donné, il y a trop de candidatures, cela me semble aller contre les
droits, en passant, élémentaires des citoyens. Si on trouve que
deux ans d'expérience pour un poste, ce n'est pas suffisant et que cela
va entraîner trop de gens, à ce moment-là mettez donc trois
ans au départ. Ne mettez pas deux ans d'expérience pour ensuite
constater qu'il y a trop de candidatures et dire: On met un critère de
trois ans. C'est rire des citoyens et des citoyennes. Les gens posent leur
candidature de bonne foi et on change les critères d'admission en cours
de route. Cela me semble absolument surprenant comme façon de faire d'un
État.
Par ailleurs, la preuve qu'on demande maintenant au candidat de montrer
sa compétence avec l'idée évidente d'arrêter le
droit de recours en matière de promotion, cela me semble une autre
façon d'élargir les droits de gérance. (14 h 45)
Enfin, il y a toute la question des exclusions arbitraires que le
Conseil du trésor peut faire; il peut soustraire des catégories
complètes d'emplois à l'application de la loi, permettre
l'embauche complètement en dehors du circuit officiel ou encore la
délégation des pouvoirs du Conseil du trésor. Tout cela,
c'est augmenter les droits de gérance. En contrepartie de
quoi? On nous dit: Pour le régime de négociation, il y a
longtemps que vous réclamez cela; vous êtes achalants avec cela.
On confiera cela à un comité d'étude, à un
comité créé qui regardera cela. Vous me permettrez Mme
LeBlanc, puisque c'est vous qui représentez le gouvernement, de vous
dire que c'est une approche de Ponce Pilate, c'est s'en laver beaucoup trop
facilement les mains.
Pour nous, l'augmentation des pouvoirs de gérance doit avoir une
contrepartie. Je m'explique sur les raisons historiques - je pense que c'est
important de le comprendre qui font en sorte qu'aujourd'hui on a encore un
régime syndical d'exception dans la fonction publique. Jean Lesage,
lorsque la Loi de la fonction publique de 1965 a été
présentée, avait dit: On restreint les matières
négociables parce qu'on confie à un organisme relevant de
l'Assemblée nationale, la Commission de la fonction publique, le
recrutement et la promotion des fonctionnaires et plusieurs autres de leurs
conditions de travail: la classification des emplois, par exemple, qui est un
élément capital. On ne peut pas, disait-il, donner prise au
syndicat là-dessus parce que, comme patrons, on a voulu éviter,
en donnant le tout à un organisme neutre relevant de l'Assemblée
nationale, le patronage patronal. On ne voudrait pas que le syndicat puisse
imposer - ce sont ses termes - le patronage syndical. On a vécu avec
cela jusqu'en 1978 au moment où le ministre d'alors, M. de Belleval, a
dit: Je ne peux pas laisser à la Commission de la fonction publique les
pouvoirs qu'elle a. On ne peut pas laisser cela à un organisme neutre;
comme patrons, comme Exécutif, il faut qu'on reprenne les pouvoirs. De
sorte qu'on a donné à la ministre de la Fonction publique un
grand nombre de pouvoirs, sauf ceux qui concernent le recrutement et la
promotion. La classification des emplois est passée au
ministère.
Quand on a parlé du régime syndical, il est apparu un
refrain qu'on entend à nouveau: il y a une commission d'étude, la
commission Martin-Bouchard qui étudiera votre régime syndical et
cette commission-là réglera votre problème. La commission
en question s'est penchée quelque peu, à travers un sujet
beaucoup plus vaste, sur notre problème, mais personne ne l'a
réglé. En juin 1978, on était en grève
illégale, nous et les fonctionnaires, et cela n'a pas
empêché le gouvernement d'adopter la loi malgré l'objection
des fonctionnaires et malgré les recommandations du rapport
Martin-Bouchard. Le régime syndical. Malgré le fait que le patron
reprenait clairement ses pouvoirs de patron - il ne pouvait pas dire: Je ne
vous donne pas le droit de négocier parce que je ne veux pas que vous
influenciez un organisme neutre - le patron a dit: Je maintiens un
régime d'exception; c'est pratique d'avoir la législation comme
instrument quand on est un patron pour la tailler sur mesure.
On a pris une autre voie pour faire valoir notre point de vue. En
septembre 1981, en commission parlementaire du travail, on soulevait les
problèmes que nous ont posés, de 1978 à 1981, les
restrictions de la Loi sur la fonction publique: forcer un employeur à
négocier le non négociable; l'amener à mettre dans des
conventions collectives des lettres d'intention dans lesquelles il disait qu'il
changerait des lois; forcer le changement des lois. Cela faisait trois ans
qu'on était dans cette galère de la loi actuelle. On disait qu'il
était temps d'avoir un régime syndical comme les autres, surtout
qu'on a un patron qui a les pouvoirs comme un autre patron.
M. Marois, à ce moment-là, était un peu
mêlé par rapport à toutes ces questions-là. Il nous
a dit: Il y a une commission d'étude sur la fonction publique qui
regardera votre problème, la commission Bisaillon; elle s'en vient, elle
va être formée bientôt. C'était en septembre 1981,
elle a été formée en novembre 1981. Il a dit: De toute
façon, je parle du problème à ma collègue du
ministère de la Fonction publique et elle trouvera une solution. La
solution, c'est, encore une fois, de se renvoyer la balle. Dans l'avant-projet
de loi qui nous est soumis, il n'y a plus d'organisme neutre. Le dernier
organisme dit neutre, l'office du recrutement devenu l'Office des ressources
humaines, relève du pouvoir exécutif. C'était le dernier
retranchement de la neutralité. Comment se fait-il qu'au moment
où le patron Fonction publique prend ses pouvoirs de patron en main,
décide de s'organiser comme une entreprise privée ou une
entreprise du parapublic, il continue de se donner un régime syndical
d'exception sur les matières négociables, sur
l'accréditation, sur la cession d'unité?
J'ai évoqué tantôt le cas des sociétés
d'État. Si la Société immobilière du Québec
est créée, vous savez que notre syndicat ne peut pas faire suivre
son accréditation dans la nouvelle société, contrairement
à ce qui se passerait dans le privé ou dans la parapublic.
Pourquoi? Parce qu'on est l'objet d'un régime d'accréditation
spécial. C'est la même chose pour les services essentiels.
Ce sont des sujets que vous connaissez et je ne peux pas croire que le
ministère de la Fonction publique n'ait pas étudié ce
sujet et n'en arrive pas à des conclusions. Je n'arrive pas à
comprendre. Hier, j'ai qualifié cette approche de fantaisie de mauvais
goût; je le répète aujourd'hui, je ne comprends pas cela et
je pense que c'est la pierre d'achoppement dans nos relations
gouvernement-syndicat quant à cet avant-projet de loi.
En terminant, un dernier élément, celui des occasionnels.
Nous aurons l'occasion de vous présenter, demain, notre point de vue de
façon détaillée. J'y reviens simplement pour souligner que
cela fait maintenant deux ans qu'un comité paritaire a
déposé un rapport quasi unanime sur la question, que le dossier
n'est toujours pas réglé, que nous avons demandé de
négocier et de signer une entente de principe qui est survenue le
printemps dernier concernant le droit de rappel des occasionnels. Je
rappellerai à la ministre de la Fonction publique qu'en octobre 1982
elle nous soulignait que les problèmes de conditions d'emploi des
occasionnels, ce serait intéressant d'en débattre à
l'occasion d'un avant-projet de loi parce que cela suppose, d'après le
rapport du comité paritaire, des changements à la loi. On ne
retrouve pas ces changements dans la loi. Je trouve que tout cela a assez
duré, surtout qu'il s'agit du personnel - chez nous, c'est 900
personnes, soit 10% de nos effectifs - qui a le plus mauvais sort dans la
fonction publique: il s'agit des 10% au total des fonctionnaires qui n'ont
aucune sécurité d'emploi. C'est le tampon que l'État se
donne pour faire face à ses hauts et ses bas en termes de charge de
travail; ce sont des gens qui sont dans l'insécurité
complète. Quand cela fait neuf ans ou dix ans que vous êtes
occasionnels, vous vous attendez qu'on règle votre problème. On
va en parler plus abondamment demain. On a voulu en faire l'objet d'une
présentation spéciale de notre comité, mais je tenais
à le souligner, c'est une situation qui doit être corrigée.
Le rapport Bisaillon avait de bonnes suggestions là-dessus et ce n'est
toujours pas réglé.
En conclusion, l'impression que nous avons actuellement, avec les
événements qu'on a vécus, avec l'approche de
l'avant-projet de loi, entre autres sur la question fondamentale du
régime syndical, c'est que les professionnels que nous
représentons n'ont pas de place aux yeux du gouvernement. On aura beau
faire les discours qu'on voudra: dans les discours, on a toujours une belle
place. Mais, dans la pratique, pour ce qui est du climat de travail, du retour
à un régime de libre négociation, de la
libéralisation du régime de négociation, on ne retrouve
pas, soit dans des politiques gouvernementales, soit dans l'avant-projet de
loi, de signe encourageant d'un changement d'attitude. On nous dira: Changez
d'attitude de votre côté. Je vous le dis clairement: Le changement
d'attitude doit venir d'abord du gouvernement, en ce sens que c'est lui le
patron, c'est lui qui a les cordeaux, c'est lui qui a les leviers et c'est, en
bonne partie, lui qui a créé les problèmes. Quant à
nous, nous sommes prêts à oublier ce qui s'est passé.
Même si c'est dans notre mémoire et dans notre fraîche
mémoire, nous sommes prêts à l'oublier. Sauf que cela va
prendre, à compter de ce moment-ci, des conditions pour le faire. Ces
conditions, c'est un changement d'attitude général, c'est un
changement dans les politiques qui s'appliquent à nous et c'est un
changement dans l'avant-projet de loi. On a souligné qu'il y a beaucoup
de dispositions qui nous satisfont, mais il est fondamental que les
éléments clé que je vous ai soulevés et ceux qui
sont repris plus en détail dans le mémoire fassent l'objet de
modifications. Il y a actuellement une occasion de virage dans les relations du
travail avec les professionnels et on souhaite que le gouvernement prenne le
virage. Il n'a pas commencé, par son avant-projet de loi, à le
prendre à ce moment-ci. Voilà, en gros, le message que j'avais
à vous livrer.
Le Président (M. Champagne): Merci, M. Lecourt. Mme la
ministre, vos commentaires et vos questions.
Mme LeBlanc-Bantey: II me fait plaisir d'entendre ce que le
syndicat des professionnels a à nous souligner sur certains aspects de
l'avant-projet de loi. Vous me permettrez, M. Lecourt, de retenir une phrase de
fin d'intervention, alors que vous dites que le gouvernement est en partie
responsable des problèmes auxquels fait face actuellement la fonction
publique. Bien sûr, vous faisiez allusion aux dernières
négociations. Il me fait plaisir que vous admettiez qu'on n'est
peut-être pas tout à fait responsable de tout. J'ai eu l'occasion
à plusieurs reprises de faire une certaine remise en question sur la
façon qu'a eue le gouvernement de se comporter lors des
négociations. On pourrait en parler encore longuement, tout au moins des
attitudes. À cet égard, j'aimerais qu'un jour on entende aussi le
syndicat des professionnels, à l'instar d'autres centrales syndicales,
d'une façon très saine aussi, se remettre en question. Je pense
que, chacun notre tour, ce n'est pas mauvais de temps à autre. Mais
j'aimerais cela entendre le syndicat des professionnels peut-être aussi
remettre en question certaines attitudes qui font que de négociation en
négociation on en arrive à des drames comme ceux qu'on a
vécus lors de la dernière négociation.
Cela dit, vous dites - je pense que vous avez utilisé le terme
prétentieux - qu'on se méprend un peu sur la façon
d'aborder les services aux citoyens. Vous dites que l'approche qu'on a choisie
est une hypothèse. C'est vrai, l'avant-projet de loi découle
d'une hypothèse; on n'a jamais prétendu que c'était la
seule façon d'améliorer les services de qualité aux
citoyens. Il découle d'une hypothèse qui n'est pas propre au
ministère de la Fonction publique ou au gouvernement, mais qui a
été celle aussi de la commission Bisaillon, sur la trop grande
réglementation,
la trop grande normalisation de la fonction publique, la
"déresponsabilisation" complète de tous les intervenants.
Vous parlez du fait que les professionnels ne se sentent pas
motivés, se sentent "déresponsabilisés", qu'on ne les
utilise pas au mieux de leurs ressources. C'est le diagnostic que j'ai fait et
que d'autres ont fait à l'endroit de l'ensemble de la fonction publique.
On a, peut-être à tort, pensé que la trop grande
réglementation, la trop grande normalisation avait eu ces
conséquences. Donc, pour tenter d'améliorer les services aux
citoyens, tenter de faire que les intervenants non seulement dans la gestion,
mais d'un bout à l'autre de la machine se sentent plus impliqués,
plus en mesure de répondre directement et plus rapidement aux demandes
de la clientèle, on a pensé qu'une façon d'y arriver
était de décentraliser la gestion des ressources humaines au
niveau des ministères et d'appliquer un nouveau principe. C'est vrai que
c'est un mot à la mode, mais, en tout cas, on n'a pas trouvé
encore de synonyme; je pense que les principes véhiculés par ce
mot à la mode, "imputabilité", sont bons. On a pensé qu'en
rendant les gens imputables de leurs gestes on aurait peut-être une
chance d'arriver à un meilleur service à la clientèle.
C'est le diagnostic qu'on a fait et, en conséquence, voici
l'avant-projet qui a été déposé.
On fera une discussion à un autre moment alors que je
spécifierai davantage, si vous voulez. Vous dites qu'on augmente les
pouvoirs de gestion. J'avais plutôt l'impression qu'on les
décentralisait, surtout qu'on les décentralisait au-delà
des modalités. On aura l'occasion aussi d'y retoucher, mais, en soi,
l'objectif de l'avant-projet de loi n'est pas d'augmenter les pouvoirs de
gérance ou de gestion, c'est de les décentraliser et de les
rendre plus proches des différents organismes qui ont des services
à rendre en fonction de leur réalité aussi.
Nous avons fait l'hypothèse que la décentralisation, la
déréglementation étaient un pas. J'ai pris soin de dire
aussi dans l'ensemble de mes interventions qu'on n'était pas naïfs,
qu'on était même très lucides et qu'on était fort
conscients que l'avant-projet de loi sur la fonction publique n'était
qu'une étape, qu'un maillon de la chaîne et que, s'il n'y avait
pas un changement de mentalités fondamental non seulement au
gouvernement, mais chez tous les gestionnaires comme les syndiqués,
effectivement, ce serait une goutte d'eau dans le désert. Pour se donner
le maximum de chances de réussir cette démarche, il faut que le
Conseil du trésor emboîte le pas, il faut qu'il y ait,
conséquemment, des amendements à d'autres lois qu'à celle
sur la fonction publique, que ce soit à la Loi sur l'administration
financière, que ce soient strictement des changements de pratiques
financières ou administratives. Donc, il faudrait, en premier, à
la suite du ministère de la Fonction publique, que le Trésor
emboîte le pas, mais les ministères aussi dans leur façon
de gérer et le gouvernement aussi dans sa façon de voir la
décentralisation.
J'imagine que, si on allait au bout du processus de la
décentralisation par rapport à la régionalisation, on
n'aurait pas fini d'en discuter avec le syndicat. Le peu qu'on a eu à
discuter à propos de la stabilité d'emploi durant les
négociations nous a donné un avant-goût de cela. Il reste
que tout cela s'inscrit dans une démarche qui risque, c'est vrai,
d'être longue et qui, pour avoir une cohérence, demande des
interventions d'autres personnes que celles du ministère de la Fonction
publique.
Donc, quand vous venez nous dire qu'il faut que le Conseil du
trésor change de mentalité, vous ne nous apprenez rien. On en est
fort conscients et même - je doute que cela vous rassure beaucoup - il
reste que la démarche que vous avez devant vous a été
faite aussi en collaboration avec le Conseil du trésor. Cela va de soi,
c'est lui qui va administrer la loi. (15 heures)
Admettons que c'est une hypothèse et que ce n'est peut-être
pas la meilleure. La question que j'ai à vous poser est la suivante. Je
pense sincèrement que les professionnels sont certainement aussi
préoccupés par les services aux citoyens qu'on peut l'être;
en tout cas, ce serait tout à fait anormal qu'il en soit autrement. Vous
avez dit au début que chaque ministère doit avoir ses
responsabilités par rapport aux services aux citoyens et que ce n'est
pas nécessairement par la gestion des ressources humaines que cela se
fait. En tout cas, je pense que la gestion des ressources humaines peut
être un élément important dans un meilleur service aux
citoyens. Mais si vous prenez cette hypothèse que, justement, une
nouvelle loi sur la fonction publique serait nécessaire ou, en tout cas,
importante, dans un objectif comme celui que poursuit le gouvernement, comment
verriez-vous cette nouvelle loi? Je le dis un peu aussi dans la perspective
où vous dites, à un moment donné, dans votre
mémoire: On est prêt à collaborer à condition,
autrement dit, que vous preniez nos recommandations; si vous nous donnez ce
qu'on demande, on va collaborer. Est-ce que ces recommandations, dans votre
esprit, créent un vrai équilibre entre les besoins des citoyens
et les besoins de vos membres, en tout cas les aspirations de vos membres? Je
comprends que cela fait aussi partie de votre rôle de les
défendre, mais comment voyez-vous cet équilibre nécessaire
entre vos demandes et, finalement, l'objectif que tout le monde
poursuit?
On ne s'amuse pas à faire une loi sur la fonction publique pour
le plaisir d'en faire une et, quant à moi, je n'éprouverais
absolument aucun plaisir à faire une loi sur la fonction publique
strictement pour vous donner l'impression que c'est pour augmenter les droits
de gérance. Je pense qu'on poursuit des objectifs qu'on a tenté
de véhiculer dans nos principes qui sont, c'est vrai, la primauté
des services aux citoyens, l'efficacité, l'efficience, etc. - ce sont
les discours qu'on a déjà faits - qui sont aussi de continuer
à protéger nos employés, en tout cas, à leur donner
l'équité à laquelle ils ont droit et la justice. Je pense
que le projet de loi, dans ce sens-là, ne va pas à l'encontre de
ces objectifs. Je ne suis pas d'accord avec l'interprétation que vous
faites des principes.
Vous dites aussi que, finalement, les principes vont servir à
accentuer des mesures disciplinaires ou administratives. Nous, de la
façon dont on interprète juridiquement les principes, c'est qu'un
juge devra se prononcer en fonction d'un équilibre entre les
différents principes. On est fort conscients, comme je l'ai
mentionné hier, qu'il se pourrait bien qu'on ne soit pas capables
d'offrir toujours le meilleur service aux citoyens parce qu'on n'en a pas les
moyens comme État. Si les citoyens devaient exiger qu'il y ait un
fonctionnaire chaque fois qu'ils remplissent une formule, il faut être
honnête et dire qu'on n'a peut-être pas les moyens d'offrir ce type
de service. Alors, c'est pour cela qu'on a tenté de maintenir un
équilibre dans les principes. Dans ce sens-là, je pense que des
juges pourraient en arriver à une interprétation tout à
fait différente de la vôtre - en tout cas, je l'espère -
sinon, on va approfondir cet aspect juridique parce que ce n'était pas
notre intention. C'est la première question sur une nouvelle loi sur la
fonction publique, si nécessaire selon vous, qui correspond aux
objectifs qu'on a.
Vous me permettrez de vous dire que c'est vrai qu'on a l'air d'avoir
fait un peu de "shopping" à la commission Bisaillon, mais il faudrait
admettre que, depuis hier matin, les gens qui sont venus nous voir ont
souligné les aspects de la commission Bisaillon qui leur plaisaient.
Chacun y a trouvé un peu son compte selon ses intérêts.
Dans cette perspective, vous aussi, vous y avez fait du "shopping". Vous venez
nous dire qu'à la commission Bisaillon il y avait de la cohérence
parce qu'elle recommandait un régime syndical différent ou
qu'elle recommandait, finalement, de soumettre la fonction publique au Code du
travail. Vous ne retenez pas, dans vos commentaires, nécessairement tout
le reste de la cohérence du rapport Bisaillon.
Sur le régime syndical, je sais que cela peut sembler - en tout
cas, vous l'interprétez comme cela - une façon de mettre le
problème sous le tapis et de refuser d'y faire face. Il nous est apparu
en toute sincérité, en toute cohérence, que, compte tenu
qu'il y avait une réflexion qui était amorcée par le biais
du comité des priorités sur un nouveau régime de
négociations dans les secteurs public et parapublic, c'était
là le forum idéal pour les syndicats de la fonction publique
d'acheminer leurs demandes. On n'a aucune idée actuellement à
quelle conclusion arrivera le comité. À mon avis, ce serait une
perte de temps que d'amender le régime syndical des syndiqués de
la fonction publique pour peut-être réamender la loi dans un an
parce que le comité en question ou le gouvernement, j'espère,
avec la plus grande concertation possible et le plus grand consensus,
arriverait à des conclusions qui iraient en contradiction avec des
décisions que nous aurions prises. Là aussi, je vois - si vous me
permettez de vous le souligner - quelques contradictions dans votre
mémoire tel qu'écrit. Vous dites, à un moment
donné: Finalement, on a dans la fonction publique un régime
syndical démodé, désuet, cela fait des années qu'on
revendique la classification, etc. Il serait temps qu'on fasse le ménage
là-dedans. Vous semblez présenter soumis au Code du travail comme
un régime beaucoup plus avant-gardiste, en tout cas, ou beaucoup plus
correct, beaucoup plus en perspective de ce que vous attendez. D'abord, je
trouve que ce n'est pas clair parce que c'est loin d'être sûr que,
même si vous étiez assujettis au Code du travail, l'employeur vous
permettrait, entre autres, de négocier votre classification, je pense
qu'il y a beaucoup plus d'entreprises privées où cela ne se fait
pas. Cela reste encore des prérogatives de l'employeur.
D'autre part, vous dites, à la page suivante de votre
mémoire: C'est bien beau de comparer le secteur privé et le
secteur public. Dans le secteur privé, ce sont des services qui se
mesurent tandis que dans le secteur public, ce sont des services intangibles.
Je suis loin d'être sûre de cela. Quand quelqu'un fait une demande
à l'aide sociale, cela reste quand même un service très
tangible. Il y a beaucoup de services très tangibles dans la fonction
publique. Vous dites donc: II ne faudrait pas aller trop loin. D'un
côté, il faudrait s'aligner sur le privé, pour le
régime syndical. D'un autre côté, en même temps, il
ne faut pas trop s'aligner, sur le privé parce qu'on ne se compare pas
au privé. En tout cas, j'ai vu là une contradiction. S'il n'y en
a pas, j'aimerais me faire éclairer.
Quant aux autres modalités, il y a la cause juste et suffisante.
Hier, mon collègue Bisaillon a été surpris de la
réaction viscérale que vous avez, tant vous que M. Harguindeguy,
sur un aspect comme celui-là. Vous parlez de danger en tout cas. On
avait
eu l'occasion d'en parler quand vous êtes venu nous voir. M.
Bisaillon disait: Dans le fond, cela ne fait mourir personne. Dans le secteur
privé, les gens sont habitués à cela. Pourquoi cela vous
énerve-t-il tant? Vous avez entendu M. Bisaillon, hier. Vous
étiez là. J'aimerais que vous réagissiez à
l'interprétation qu'en fait mon collègue de Sainte-Marie. Je
m'excuse, on ne devrait jamais nommer un député en commission
parlementaire; cela me surprend qu'il n'y ait personne qui me l'ait dit de
l'autre bord. En tout cas, grosso modo, c'est cela. Le reste, il s'agit des
modalités. C'est un avant-projet, je l'ai souligné, hier. Il y a
lieu encore de vous écouter très attentivement sur les
recommandations que vous avez. Mais, au-delà des modalités, sur
le fond, cela m'apparaît important que vous tentiez, en tout cas, de nous
donner votre point de vue.
Le Président (M. Champagne): M. Lecourt, si vous voulez
réagir.
M. Lecourt: Vous avez abordé trois choses, globalement:
les paramètres principaux, à notre sens, d'une nouvelle loi sur
la fonction publique, la question du régime syndical et la cause juste
et suffisante en rapport avec les sanctions. Par rapport à la loi, si
vous lisez bien notre mémoire, on y dit: L'avant-projet de loi tel qu'il
est structuré, nous serions prêts à en faire un essai loyal
sous réserve de modifier un certain nombre de choses. Je voudrais
revenir sur ces choses, cela vous donnerait une idée de ce qu'on peut
voir comme étant une Loi sur la fonction publique à
expérimenter, si on veut, parce qu'on parle d'une loi pour cinq ans ou
à peu près. Dans l'avant-projet que vous soumettez, il est
question de moins de réglementation, de fonctionner plus avec des
politiques générales, des directives générales du
Conseil du trésor. Il est question de donner clairement des pouvoirs -
au moins dans le texte - aux ministères sur la gestion de leur personnel
par opposition au ministère de la Fonction publique qui détient
les pouvoirs actuellement en vertu des articles 3 ou 4 de la loi. Il y a une
forte possibilité de délégation un peu partout. Je
reviendrai sur un aspect de la délégation qui nous semble une
incohérence, mais sur ces aspects, de façon globale, on
n'émet pas d'objection au fait qu'il y ait moins de règlements,
que les ministères aient plus de pouvoirs d'action en matière de
gestion des ressources humaines et au fait qu'il puisse y avoir une
délégation à un niveau où les gens sont
peut-être capables de prendre des décisions plus rapides et
peut-être plus motivées. Là où cela ne va pas,
à une exception près - je vais peut-être vous la mentionner
tout de suite - c'est au niveau du pouvoir de délégation.
Là où il semble y avoir une incohérence, c'est quand le
Conseil du trésor peut déléguer son pouvoir de faire des
politiques générales. Cela nous semble, dans la loi, une
incohérence parce qu'il y a un article de la loi qui dit: Les
sous-ministres ont la responsabilité de gérer leurs ressources
humaines dans le cadre des politiques générales établies
par le Conseil du trésor". D'autre part, on dit que le Conseil du
trésor peut déléguer l'établissement de politiques
générales. Notre compréhension de ce qui est
nécessaire à ce moment-ci ou de ce qui est à
expérimenter, c'est que le Trésor fasse les politiques
générales et que les ministères aient la latitude pour les
appliquer. On avait soulevé cette question-là au mois
d'août, à savoir ce que vous cherchiez. On nous avait dit: On
cherche à déléguer un pouvoir à l'office du
recrutement. Comme on le dit dans notre mémoire, si c'est cela, il y a
une autre façon de le faire qui ouvre moins la porte. À partir du
moment où le rôle du Trésor, si on le comprend bien, est de
faire des politiques générales, on ne voit pas comment les
ministères pourraient se voir déléguer le pouvoir de faire
des politiques générales. Par exemple, dans le domaine de la
classification des emplois, que ce soit négociable ou pas, on ne voit
pas comment un ministère pourrait avoir la possibilité de faire
sa classification. On se retrouverait dans des situations tout à fait
incohérentes avec cela. C'est un des aspects de la
délégation. Ce n'est pas sur le principe de la
délégation, mais sur la logique de déléguer
l'établissement de politiques générales, de lignes
directrices.
La même chose s'applique à un autre aspect et je pense que
ce sera évident, c'est une lacune du projet de loi. L'office du
recrutement, qui est chargé de gérer une banque de mises en
disponibilité, pourra déléguer, semble-t-il, une partie du
travail. C'est une aberration; il doit s'agir d'un oubli quelque part parce que
cela ne tient pas debout. On pense que c'est une erreur de rédaction ou
une erreur de concordance quelque part.
Ce sont les éléments de la délégation
où on a émis des objections, une pour des raisons
évidentes, je pense, et l'autre, dans la façon de voir la
préparation des politiques. Cela va, à ce jour, et cela va aussi
au niveau des structures. Dire: On donne au Trésor telle affaire et
à l'office telle autre chose, c'est clair. Il y a des mécanismes,
une répartition des pouvoirs qui dit: La déréglementation
se fera de telle façon, la décentralisation comme cela et la
délégation comme cela.
Là où cela ne va pas, c'est quand on invoque des principes
de gestion. Je voudrais dire tout de suite que, quant aux services à la
population, vous ne donnez pas le droit à des services de qualité
à la population dans
le projet de loi. Vous l'avez dit vous-même, on s'entend sur une
chose, l'article 2 est une lapalissade. On dit: La fonction publique est
là pour donner des services à la population. Il me semble que
c'est assez évident. Cela ne va pas dans le sens du rapport Bisaillon,
en tout cas, qui parlait de droit et qui prévoyait des mécanismes
visant à un certain contrôle ou une certaine évaluation des
services à la population.
Quand on s'est rencontré, vos fonctionnaires fouillaient dans le
projet de loi pour voir s'il y avait un endroit où on pouvait reparler
des services à la population. On en a trouvé un et cela ne disait
pas grand-chose. Ce bout-là des principes ne donne rien à
personne. Cela ne donne pas grand-chose à la population, cela me semble
évident, à part la rassurer, mais cela ne lui donne rien d'autre.
Pour le reste, les fonctionnaires, cela n'ajoute pas de droits, cela ne
retranche pas de droits, cela reprend les choses qui existent dans d'autres
lois ou dans des conditions de travail négociées ou
décrétées.
Là où cela ne va pas, c'est lorsque vous parlez
d'imputabilité et d'efficience sans que l'on sache de quoi il s'agit.
C'est là qu'on dit que cela donne un pouvoir de gérance. Cela
donne à l'employeur la capacité de s'asseoir sur ce
principe-là pour dire: J'ai fait cela au nom de l'imputabilité,
surtout quand ce n'est pas défini et qu'il n'y a aucun mécanisme.
Si vous voulez faire des expériences d'imputabilité, à
supposer qu'on s'entende sur le terme et sur ce que cela peut vouloir dire,
faites des expériences, mais ne décrétez pas d'office que
tout le monde est imputable sans que les gens sachent ce que cela veut dire.
Vous utilisez maintenant un terme qui s'appelle "responsabiliser". Dans notre
système parlementaire et dans notre système de travail, les gens
sont responsables de leurs gestes. Il n'est pas besoin d'écrire cela
dans le projet de loi, c'est une évidence du droit en
général. C'est ce contre quoi on en a, l'élargissement des
pouvoirs que donnent ces différents articles. Ce sont deux concepts mal
définis et impossibles à traduire. Je ne veux pas dire que c'est
impossible, mais ce sont des concepts mal traduits dans le concret.
En résumé, on est prêt à expérimenter
la déréglementation, la décentralisation et la
délégation quand on sait dans quoi on s'engage et où cela
peut nous mener. Est-ce que ce sera un succès ou pas? On ne le sait pas,
mais on sait dans quoi on s'embarque. Imputabilité, efficience? On ne le
sait pas clairement et ce n'est pas de la mauvaise foi. (15 h 15)
L'autre volet - cela m'amène au régime syndical - c'est
qu'il est absolument essentiel pour nous qu'on ait un mot à dire.
À partir du moment où c'est une directive ou une politique
générale qui va faire foi de tout, à partir du moment
où les gestionnaires auront plus de latitude, il me semble qu'il est
important que les employés, par leurs représentants collectifs,
puissent être en mesure de faire face à cette situation et
négocier les éléments requis.
Quand vous ne touchez pas le régime syndical, vous dites: On fait
une partie de la réforme. Je peux bien comprendre qu'on ne peut pas
changer toutes les lois du Québec d'un seul coup, cela va de soi, mais
qu'on ne puisse pas changer une loi dans ses deux aspects, l'aspect blanc et
l'aspect noir, c'est trop facile, c'est beaucoup trop facile. C'est dire:
Faites confiance à un nouveau régime du côté
patronal, à une nouvelle vision de l'organisation patronale, mais on
vous laisse le vieux régime, le vieux système d'une autre
époque, d'une autre réalité, en termes de vos droits
syndicaux. On ne peut pas accepter cela, vous le comprendrez facilement, il me
semble. Ce serait comme si, par exemple, par rapport aux gestionnaires, on
disait: Écoutez, on déréglemente, mais on ne vous donne
pas de délégation, on ne peut pas faire cela tout de suite, c'est
un comité qui étudiera cela. Il y a des gens qui diraient du
côté de la gestion: Écoutez un peu, cela ne marche pas.
C'est l'envers de la balance.
Quant au comité en question, pour avoir le 6 juin
rencontré quelques-unes des personnes qui sont parties à ce
comité qui avaient l'air en autorité - je pense à M. Louis
Bernard, à M. Boivin, assez bien connu - ce n'était pas dans le
mandat de ces gens. Ils s'intéressaient à un autre niveau de
problèmes. Ils s'intéressaient à des questions de
rémunération; ils s'intéressaient à des questions
de services essentiels surtout dans les affaires sociales. Ils
s'intéressaient à ce que j'appelle les macroproblèmes, les
problèmes de l'ensemble du régime de négociation dans le
secteur public. Ils s'intéressaient au droit de grève. Je n'ai
pas besoin de vous dire que cela va passer au dernier rang de poser la
question: Pourquoi y a-t-il 2000 professionnels qui sont exclus pour
confidentialité? Ou pourquoi le Directeur général des
élections a-t-il des employés qui n'ont pas le droit
d'association? Ou encore pourquoi ici, à l'Assemblée nationale,
peut-on soustraire le personnel à l'application de quelque loi
québécoise que ce soit? Cela ne les intéressera pas
tellement. Je ne crois pas que cela présente beaucoup
d'intérêt pour eux. D'ailleurs, ils n'en ont manifesté
aucun pour discuter de cela au mois de juin quand nous les avons
rencontrés. C'est envoyer le problème en dessous du tapis et
dire: On espère qu'ils ne bougeront pas trop, ces fatigants. Cela ne va
pas.
Quant à ce que vous avez cru voir
comme étant une contradiction, il me semble que ce n'en est pas
une. On ne parlait pas des matières négociables lorsqu'on disait
que, dans le secteur public, on est au niveau de services qui sontsouvent intangibles. Du moins, ceux que les professionnels et les
professionnelles du gouvernement donnent sont souvent intangibles. Ils sont
difficiles à mesurer. Avoir une approche de productivité
maximale, faire fonctionner la fonction publique comme une usine qui fabrique,
par exemple, des ordinateurs, des automobiles, ce n'est pas possible
d'organiser cela. On parlait de l'organisation de la fonction publique, de
l'importance pour nous du climat parce qu'on a beaucoup de latitude. Nous, dans
le type de travail que nous faisons, il y a une latitude que vous ne pourrez
jamais contrôler entièrement, d'où l'importance du climat.
Cela n'a pas rien à voir avec le champ du négociable. Ce n'est
pas parce qu'une professionnelle des affaires sociales travaille à
l'analyse d'un problème épidémiologique que, pour cette
raison, sa classification ne devrait pas être négociable, alors
que quelqu'un qui travaille sur une chaîne d'assemblage pourra la
négocier.
Une autre chose que vous avez mentionnée, c'est que le Code du
travail, ce n'est pas l'idéal. C'est vrai. Nous n'avons pas dit que
c'était l'idéal, le code. On a dit que nous voulions être
soumis au même régime que tout le monde. C'est cela que nous
voulons. Que vous refusiez de négocier la classification, c'est bien
possible. On peut actuellement négocier les frais de voyage. Vous
refusez systématiquement de le faire depuis des années. C'est le
jeu du rapport entre les parties. A ce moment, ce n'est pas ce qui est
recherché. Le fait de pouvoir négocier ne veut pas dire que nous
négocierons tout dans les moindres détails.
Un dernier élément pour ma part - M. Théberge
m'indique qu'il voudrait compléter sur le cadre général -
c'est la cause juste et suffisante. Je vais essayer de l'expliquer le plus
simplement du monde; cela se présente un peu en termes juridiques, mais
je vais essayer de vous l'expliquer. Le député de Sainte-Marie
faisait allusion à cela, hier. Il pensait aux mesures disciplinaires,
j'en suis convaincu. C'est un concept qui existe chez nous dans la fonction
publique, congédiement pour cause juste et suffisante. Quand on se
présente devant l'arbitre, l'employeur argumente que c'est une cause
juste et suffisante. C'est la même chose pour un congédiement pour
activités syndicales. Vous savez qu'en matière disciplinaire
l'arbitre a à dire: Est-ce que, oui ou non, l'employeur avait raison de
punir? S'il dit oui, il a à évaluer si la punition était
appropriée. Il peut dire: Ce congédiement n'a pas de bon sens,
c'est disproportionné, ce qu'on appelle le test d'opportunité. Il
peut dire: Je transforme cela en réprimande ou en suspension.
En matière administrative, ce n'est pas comme cela que cela se
passe. En matière administrative, ce n'est pas quelqu'un qui a commis
une faute; c'est quelqu'un qui ne peut pas répondre aux besoins de
l'organisation vus par l'organisation. La personne est invalide. La personne,
on l'estime incompétente. On estime que la personne ne réussit
pas à atteindre des résultats à l'intérieur des
budgets qu'on lui accorde. La personne n'est pas capable. À ce
moment-là, ce que l'arbitre a à faire, c'est uniquement
évalué si l'employeur avait raison. Il ne peut pas changer la
mesure administrative. Il a uniquement le pouvoir de l'annuler ou de la
maintenir. Si vous imposez un congédiement administratif et la peine
capitale pour un motif d'incompétence, l'arbitre peut dire: Oui,
l'employeur avait raison et je maintiens; sinon, il annule. Il ne peut pas
aller entre les deux. D'où pour nous l'importance capitale que les
sanctions administratives à l'origine soient bien balisées dans
leurs motifs puisqu'on n'a pas de marge de manoeuvre a l'autre bout sans
compter que cela joue dans le décret.
Vous pourriez faire des rétrogradations, des congédiements
pour des motifs nouveaux et là il y aurait un tribunal nouveau derecours de sorte que, pour le même type de sanction, on aurait deux
portes différentes. Il me semble que cela ne se fait pas, jouer dans une
convention collective, mais là il me semble que cela ne se fait pas,
jouer dans un décret. Vous auriez dû y penser avant. C'est cela,
la différence fondamentale. Je pourrais en parler encore longtemps parce
que vous abordiez le sujet de façon vaste, mais essentiellement, ce sont
les commentaires que j'ai à formuler. Il y a Marcel qui voudrait ajouter
quelque chose.
M. Théberge (Marcel): Un petit complément sur ce
que Mme LeBlanc disait tout à l'heure, à savoir que, même
si on était assujettis aux dispositions du Code du travail, cela ne
voudrait pas dire qu'on pourrait négocier des sujets comme la
classification. Historiquement, la Loi sur la fonction publique nous
interdisait de négocier certains sujets. Actuellement, c'est l'article
116. Sauf que cette disposition législative n'a pas fait en sorte que
nous nous sommes autocensurés au niveau des revendications qu'a
déposées la partie patronale au moment des négociations
des conventions collectives ou de ce qui en tient lieu.
Cependant, cela a posé le problème suivant: cela a fait
qu'à la table de négociation tant et aussi longtemps qu'on n'a
pas réussi à développer un rapport de force suffisant pour
que l'employeur accepte enfin d'en discuter, l'employeur asystématiquement refusé de négocier ces
questions-là. Il est arrivé dans le passé -
Mme LeBlanc a hérité du dossier tardivement - qu'au niveau
des négociations de conventions collectives nous avons obtenu de la part
de l'employeur des engagements -cela a pris la forme de lettres d'intention
-à savoir de proposer à l'Assemblée nationale de modifier
la loi en conformité avec l'entente qui est intervenue entre les parties
à la table de négociation. Le problème qui se pose,
évidemment, et qui s'est posé dans le passé, c'est que
cela a pris beaucoup de temps avant que les amendements législatifs
soient adoptés. D'autre part, les amendements législatifs qui ont
été adoptés n'étaient pas toujours, quant à
nous, conformes aux dispositions des ententes dûment
négociées.
Donc, le problème de la restriction de l'aire des
négociations, c'est, d'une part, un problème d'autruche puisque
cela ne nous empêche pas du côté syndical d'avoir des
revendications, d'essayer de faire valoir notre point de vue et d'en arriver
à une entente. D'autre part, cela ne règle pas les
problèmes parce qu'étant donné qu'il faut des
modifications législatives, jusqu'à preuve du contraire, nous
n'avons guère de contrôle sur cette question. Les ententes
négociées - au moment où c'était la mode - ne
signifient pas grand-chose à ce niveau-là. Finalement,
fondamentalement, c'est bien sûr qu'être assujettis aux
dispositions générales du Code du travail, ce n'est pas une
garantie du tout qu'on réussira à négocier des sujets qui
nous sont chers, sauf que cela nous assujettirait à un régime
normal de négociation où l'employeur aurait aussi un certain
nombre d'obligations.
Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Je vais essayer d'être très
rapide pour donner une chance aux autres. Vous dites, M. Lecourt, que vous
voudriez, en termes de régime syndical, être comme tout le monde.
Je me permets de vous poser la question suivante: Est-ce que vous seriez
prêt, pour être comme tout le monde, à avoir ce que tout le
monde a, à vous passer de la sécurité d'emploi
législative qui est dans la Loi sur la fonction publique? Être
comme tout le monde, cela suppose vraiment être comme tout le monde. Je
pense que, lorsqu'on fait la discussion, on ne peut pas honnêtement juste
aller voir la partie positive de ce qui fait notre affaire et garder de l'autre
main ce qui fait notre affaire à ne pas être comme tout le
monde.
M. Lecourt: Je vais revenir à cela, madame.
Mme LeBlanc-Bantey: Sur la question du comité, vous avez
raison. Au mois de juin, il est vrai que le fameux comité en question ne
s'était pas donné un mandat précisément autour de
la fonction publique. Par ailleurs, après notre rencontre au mois
d'août, on a obtenu l'engagement du comité des priorités
que la discussion concernant le régime syndical de la fonction publique
ferait partie du mandat de ce comité-là. Tout le monde a
considéré qu'il n'y avait pas de contradiction, ni de raison de
ne pas le faire.
Vous dites: Admettons qu'on ne reste pas comme tout le monde dans la
fonction publique, ce qui est prévu actuellement c'est que les
matières non négociables ne sont pas
décentralisées; cela se ferait pas voie de directives
plutôt que par voie de règlements. Je vous pose la même
question que j'ai posée à M. Harguindeguy hier: Si on
prévoyait des règlements sur ces matières non
négociées plutôt que des directives, est-ce que cela aurait
le mérite de vous sécuriser un petit peu? Vous dites: Finalement,
vous arrivez avec une nouvelle loi de la fonction publique qui est une nouvelle
façon de fonctionner. Et là, vous faites le lien très
direct entre le régime démodé que serait, à ce
moment-là, notre régime syndical et une nouvelle approche qui est
l'imputabilité, la responsabilisation, etc. J'ouvre une
parenthèse pour dire qu'il est vrai que cela peut avoir l'air
drôle qu'on sente le besoin d'indiquer dans des principes la
primauté du service aux citoyens, la responsabilisation des gens, mais
c'est cela, la réalité. On s'est dit: Les principes serviront
d'équilibre les uns envers les autres et plus les gens liront la loi,
moins on aura tendance à oublier notre raison d'être à tout
le monde. C'était un guide, et c'est dans ce sens-là qu'on a
senti la nécessité de le faire. Je serais la première
à être très contente si on pensait qu'il n'est pas
nécessaire d'en parler, que cela va de soi que la fonction publique est
au service des citoyens. Ce n'est pas toujours très clair. Je ne dis pas
que c'est la faute des gens qui sont dans la fonction publique. Non seulement
je ne dis pas cela, mais je prétends que c'est la faute de notre type de
gestion et non des individus, mais il reste que le résultat est
là.
Je reviens à ma question et je ferme la parenthèse.
Comment, selon vous, le fait de négocier la classification pourrait-il
favoriser le régime d'imputabilité ou le rendre plus
cohérent? Est-ce que vous avez un exemple concret pour tenter
d'éclairer ma lanterne?
M. Lecourt: Vous avez plusieurs questions.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est vrai.
M. Lecourt: Vous en avez une sur la sécurité
d'emploi; il y en a une qui m'a échappé sur le comité des
priorités.
Mme LeBlanc-Bantey: II n'y a pas de question là-dessus. Je
vous dis qu'ils se sont ajouté un mandat précis.
M. Lecourt: Ah oui! Le nouveau mandat du comité.
Permettez-moi de rire pour celle-là.
Mme LeBlanc-Bantey: Vous êtes toujours aussi
méfiant.
M. Lecourt: Madame, l'expérience!
Mme LeBlanc-Bantey: Vous ne changez pas. Le pire, c'est qu'il m'a
rendue méfiante. (15 h 30)
M. Lecourt: De toute façon, il y a quelqu'un qui va me
succéder et vous verrez que c'est une méfiance qui est culturelle
chez les professionnels. Sur la sécurité d'emploi, je pense que
vous devriez poser la question aux gens qui ne sont pas syndiqués pour
savoir ce qu'ils en pensent. Sur le régime syndical, quand on dit "tout
le monde", c'est clair qu'on veut être assujetti aux dispositions du
code. Les dispositions du code ne disent rien sur le régime de
sécurité d'emploi qui s'applique. C'est ainsi, par exemple, qu'il
y a un régime de sécurité d'emploi apparenté
nettement meilleur pour ce qui est d'une partie des dispositions sur les lieux
de replacement - notre fameuse stabilité d'emploi - dans le parapublic.
C'est un régime en vertu du code. Il y a des entreprises privées
où il y a zéro de sécurité d'emploi, vous n'avez
même pas le temps d'entrer que vous êtes sortis. Par contre, il y a
des entreprises privées où les gens jouissent d'une très
grande sécurité d'emploi. La sécurité d'emploi est
en bonne partie liée au type d'activité que l'entreprise fait,
vous savez cela. Les banques ne mettent pas de gens à pied à
pelletée. Cela varie, en tout cas, moins que les usines
d'automobiles.
Pour ce qui est de la négocier, je vous rappellerai -
peut-être n'êtes-vous pas au courant de cela - qu'avant l'actuelle
loi la sécurité d'emploi n'était pas garantie dans la
vieille loi, de sorte que c'est un acquis de négociation, le fait de ne
pas être mis à pied pour manque de travail, ce n'est pas un acquis
législatif. On sait que, dans la fonction publique, la
sécurité d'emploi est donnée pour d'autres motifs qui sont
reliés au type d'organisation, en dehors du fait que c'est une
organisation qui peut fonctionner plus facilement. Tout cela fait en sorte que,
finalement, il me semble que vous ne traitez pas du bon problème, vous
traitez des contenus de conditions de travail par rapport au régime
juridique. C'est une question qui touche beaucoup plus, en passant, les
non-sydicables que les syndicables, l'inclusion des articles sur le statut de
permanent.
Pour ce qui est du comité, vous lui ayez confié ce mandat
au mois d'août, madame, ne changera pas le fait que ce sera le dernier de
ses soucis. Aussi, finalement, le fond du problème a été
analysé sous tous ses angles. Vous disiez, hier: Cela fait des
années que les syndicats demandent cela. Effectivement, nous avons
retracé des documents. À l'origine même de la loi, avant
même la loi de 1964, avant que les gens aient le droit de se syndiquer,
il y avait un désaccord entre le gouvernement et les
représentants, les balbutiements de syndicats dans la fonction publique
sur l'aire du négociable. Il s'est maintenu à travers le temps,
sauf que les raisons de la position gouvernementale sont disparues depuis. Les
raisons sont - je vous l'ai dit tantôt - que l'on confie tel pouvoir
à un organisme neutre et qu'on ne peut pas permettre qu'un syndicat ait
une prise sur un organisme neutre. Mais les organismes neutres n'existent plus,
ils disparaîtraient avec l'avant-projet de loi. On vous l'a dit le 26
août, l'office disparaît comme organisme neutre. Enfin, vous
reconnaissez que c'est une fonction patronale en grande partie, sinon en
totalité.
Finalement, il me semble que le tour du jardin est fait depuis des
années; ça fait longtemps que vous nous entendez
récriminer là-dessus. Vous pourriez peut-être dire
clairement: On ne veut pas changer le régime syndical, ça fait
notre affaire comme ça; comme patrons, on a un instrument légal
en main qui restreint les matières négociables et c'est bien
pratique. Vous pourriez nous citer nombre de fonctions publiques où
ça se fait comme ça. Soyons clairs. Si référer
ça à un comité, c'est là la réponse, notre
réponse concordante à ça, c'est de dire: Dans cette
condition, la loi ne marche pas. Règlements versus directives, je vous
avoue - c'est une opinion personnelle -que je préfère de beaucoup
une directive parce que c'est plus facile à négocier.
Quant à la classification des emplois -Marcel y a fait allusion,
vous le savez pertinemment et vos collègues antérieurs le savent
encore plus - ce n'est pas parce que c'est interdit de négocier qu'on ne
négocie pas. Quand on s'est assis au Hilton et à d'autres
endroits, entre deux décrets, on a parlé allègrement de la
classification des emplois. Vous étiez de la partie, n'est-ce pas?
Mme LeBlanc-Bantey: Si cela se fait, pourquoi en faire un tel
plat? Justement, c'est ce que j'avais envie de vous dire tout à l'heure,
vous savez que cela se fait.
M. Lecourt: Enlevez-le de la loi. Pourquoi le laisser dans la
loi? Mettez-vous à jour. Vous savez ce qui est arrivé, cela s'est
fait en 1979, cela a pris deux ans et nous sommes encore aux examens de
changement de grades je ne me souviens plus
de quelle année, nous sommes en train de finir 1981. Tout cela
c'est à cause - en très grande partie, presque à 100% - de
ce fameux carcan juridique.
Négocier la classification dans un régime
d'imputabilité, ce serait intéressant d'en parler à une
autre table. D'abord, ce que je retiens, c'est le mot "négocier"; il
présente un certain intérêt dans vos propos. On pourrait en
parler à partir du moment où on s'entendrait un peu sur ce que
veut dire "imputabilité". Mais si cela se traduit en termes d'attente et
d'évaluation des gens par rapport à des attentes, tout cela fait
partie du champ général de la classification. Pour qu'on puisse
discuter, il faudrait savoir exactement ce que vous visez par cela. Si c'est le
mérite, vous savez qu'on est un peu hésitant, un peu beaucoup. Si
c'est un instrument de l'imputabilité, cela marche moins, c'est clair.
Il faudrait savoir de quoi on parle en termes d'imputabilité.
Mme LeBlanc-Bantey: Je termine là-dessus. J'ai seulement
posé la question parce que vous aviez fait un lien direct; alors, je me
demandais si vous aviez une réflexion articulée là-dessus.
C'est tout. Je passe mon tour maintenant et j'espère que je pourrai
revenir.
Le Président (M. Champagne): Alors, M. le
député de Louis-Hébert. Non?
M. Doyon: Je cède ma place au député de
Jean-Talon là-dessus.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Oui, M. Lecourt. Pardon?
Mme LeBlanc-Bantey: Directement du Sommet de Québec!
M. Rivest: Moi, j'ai été invité au Sommet de
Québec.
M. Lecourt: Vous ne travaillez pas pour le fédéral?
Non?
M. Rivest: Non. En partie, 50-50.
Le Président (M. Champagne): Quand il ne se rend pas
là!
M. Rivest: Comment? Le président s'est
prononcé!
Mme LeBlanc-Bantey: Parfois, c'est pas mal moins
équilibré que 50-50.
M. Rivest: Bien oui. C'est comme votre loi. C'est
déséquilibré. D'abord, je comprends que vous n'êtes
pas contre une des lignes de force du rapport Bisaillon, non plus que ce qui
est inclus dans le projet de loi, qu'effectivement, peu importe la
signification du mot "imputabilité", on donne plus de latitude de
gestion aux ministères et aux gestionnaires. À la page 7, ce que
vous rassemblez dans un paragraphe, c'est la tendance qui vous inquiète
beaucoup plus que les mesures spécifiques ou la démarche. C'est
ce que j'ai compris.
M. Lecourt: Oui, je l'ai dit tantôt, à partir du
moment où il est question de délégation ou encore du
principe - ce n'est même pas un principe, c'est un énoncé
dans le bout des articles 30 - où on dit: Ce sont les ministères
et sous-ministres qui sont responsables. J'ai dit cela tantôt, c'est
clair. Ce qui ne va pas, ce sont les principes du début dont on oublie
toute trace après l'article 7.
M. Rivest: Ma question va vous amener plus spécifiquement
à la question du rangement par niveau et à la question du
mérite. Dans le rapport de la commission spéciale, c'était
une des propositions assez fermes qu'on avait apportées, qu'on avait
discutées, d'ailleurs, avec vous et avec d'autres groupes. On retrouve
cela dans le projet de loi. Mais, dans le rapport Bisaillon de la commission
spéciale, il y avait toute une série d'additions ou de conditions
sur une espèce d'assouplissement de la règle du mérite -
par exemple, au niveau des comités de sélection - dont on n'a pas
la garantie dans le projet de loi. Quand vous dites -vous l'avez dit dans votre
intervention de départ, ainsi que dans la discussion que vous avez eue
avec Mme la ministre - que sur l'assouplissement de la règle du
mérite vous avez des inquiétudes, est-ce que ces
inquiétudes sont sur le fait que l'avant-projet ne vous donne pas un
certain nombre de garanties de façon à éliminer
l'arbitraire ou les réserves que vous aviez mentionnées? Quelles
sont les conditions précises que vous voudriez voir ajouter au niveau de
la loi, entre autres, pour accepter d'emblée et sans inquiétude -
pour reprendre votre expression - un assouplissement de la règle du
mérite?
M. Lecourt: Tantôt - le deuxième volet, j'imagine
qu'on va y arriver bientôt - on parlera du rangement par niveau en
fonction de l'accès à l'égalité. Je veux souligner
tout de suite qu'on pense, en tout cas, que la raison fondamentale pour
laquelle le gouvernement introduit le rangement par niveau n'est pas pour
faciliter l'accès à l'égalité. Le rangement par
niveau, du côté de notre syndicat, pour ce qui est du recrutement
des professionnels, ne nous crée pas d'inconvénients majeurs en
ce sens qu'on a toujours défendu la thèse des concours
généraux ou des concours sectoriels compte tenu du type de
classification que nous avons
négocié, malgré tout. Je comprends, par ailleurs,
les inquiétudes que les fonctionnaires peuvent avoir par rapport
à leur type de plan de classification. Le fait de dire que, chez nous,
cela ne pose pas de problème ne veut pas dire que le rangement par
niveau, on l'accepte pour tout le monde. On va laisser le choix aux
fonctionnaires. Ils connaissent pas mal mieux leurs problèmes que les
nôtres.
En dehors de cela, ce qui, à ce moment-ci, pose problème
dans la loi - je reprends les éléments suivants - c'est le fait
de pouvoir établir des conditions d'admission à des emplois
fixées par des sous-ministres. Pour des emplois de professionnels ou des
emplois de cadres, je ne vois pas comment on peut se permettre de le faire ou
s'il y a une nécessité de faire cela. Je n'arrive pas à
voir quel type de conditions d'admission particulières, autres que les
conditions générales, les sous-ministres pourraient mettre. De
toute façon, dans un régime où on veut une mobilité
du personnel, où on dit que les gens ne sont pas suffisamment mobiles et
qu'il faut qu'ils le soient plus, je ne vois pas comment, par des conditions
d'admission taillées sur mesure, on faciliterait une mobilité
ultérieure de gens engagés, taillés sur mesure. C'est un
premier élément et, en plus des exemples qui ont
été donnés hier, c'est une bonne manière d'aller
chercher la candidature qu'on veut.
L'élimination des candidatures admissibles, c'est une chose qui
ne va pas comme principe. L'autre élément - je le reprends -
c'est de demander aux gens de faire preuve de leur compétence. C'est
à l'examinateur de voir si les gens sont compétents ou pas.
Grosso modo, ce sont nos objections. D'autres disent qu'il faut que l'organisme
relève de l'Assemblée nationale, que c'est garant de sa
neutralité. Ce n'est pas, quant à nous, un élément
absolument essentiel, ni le rangement par niveau. C'est beaucoup plus les
éléments dont je vous ai fait part, à la source même
du processus de recherche de candidatures, qui constituent les vrais
dangers.
M. Rivest: Sur la question du régime syndical - Mme la
ministre a disparu -effectivement, au mois de juin, lors de l'étude des
crédits du bureau du premier ministre, j'avais interrogé le
premier ministre - d'ailleurs, c'est M. Bernard lui-même qui avait
répondu - sur la nature exacte du mandat qui avait été
confié à M. Bernard et M. Boivin relativement à une
réévaluation. J'étais très heureux de constater,
à la suite de votre déclaration, que, lors des rencontres que
vous avez eues à peu près à la même époque,
au mois de juin, vous aviez compris, comme je l'avais compris de la
réponse qui m'avait été fournie à ce
moment-là, que le mandat du comité des priorités,
c'était beaucoup plus de regarder l'ensemble des grandes questions du
régime de négociation et qu'effectivement le sempiternel
problème du régime syndical des fonctionnaires et des
professionnels allait arriver quelque part en appendice.
J'avais déjà émis mon opinion là-dessus. Je
l'avais dit au moment des travaux de la commission lorsqu'on s'était
rencontrés. C'est certainement une des déceptions de ce projet de
loi - je parle pour moi - qu'on n'ait pas abordé cette question, parce
qu'il y a des évidences. Quelqu'un qui travaille dans une
société d'État, que ce soit comme professionnel ou autre,
a droit à cela. J'ai souvent posé la question. On m'a
répondu -les gestionnaires de la fonction publique -par les arguments
que vous connaissez, mais qui ne m'apparaissaient pas complètement
déterminants.
Je veux simplement vous dire qu'on va être en position d'attente
comme vous sur cette question, parce qu'il me semble que ce ne serait pas
préjuger des conclusions générales des problèmes de
la négociation dans les secteurs public et parapublic que de
régler cette question, dans la mesure où les autres
employés de l'État n'ont pas ces restrictions-là. Comme
vous le dîtes, ils s'intéressent beaucoup plus aux questions de
l'éducation, entre autres, aux questions de santé, aux facteurs
de rémunération et de comparaison, selon ce qu'on m'a dit, entre
les rémunérations dans le secteur public et dans le secteur
privé. Vous avez compris le sens de mon intervention?
Mme LeBlanc-Bantey: Je veux vous souligner que je n'étais
pas disparue, que je m'étais absentée tout au plus une minute et
que me revoilà. (15 h 45)
M. Rivest: Vous avez dit: On a été prudents; on n'a
pas voulu le faire au cas où l'étude de M. Bernard et de M.
Boivin et des autres qui collaborent à cette étude arriverait
avec des conclusions. Est-ce qu'effectivement, comme ministre de la Fonction
publique, vous avez demandé spécifiquement au comité
chargé de réévaluer l'ensemble du régime de
négociation s'il a un mandat spécifique et net, une partie du
mandat concernant le régime syndical des fonctionnaires et des
professionnels?
Mme LeBlanc-Bantey: Cela a été exactement la
démarche qui a été faite auprès du comité,
justement pour que le problème ne passe pas en dessous du tapis, comme
vous le craignez, qu'il y ait un mandat spécifiquement orienté
vers les demandes des fonctionnaires et des professionnels de la fonction
publique. La réponse a été positive.
M. Rivest: Donc, il y a un engagement ferme.
Mme LeBlanc-Bantey: II y a un engagement de la part des membres
qui composent ce comité qu'ils vont voir spécifiquement au
problème du régime syndical dans la fonction publique,
au-delà de l'ensemble du problème qui était le but
premier.
M. Rivest: Je vous signale simplement la difficulté. Je ne
veux pas allonger inutilement cette question, mais c'est quand même
important. Ce comité, à ma connaissance, n'a pas une constitution
très officielle. Ce sont des collaborateurs privilégiés du
premier ministre qui vont faire un certain nombre de recommandations
probablement au premier ministre ou au Conseil des ministres. On n'a absolument
aucune garantie que le rapport de ce groupe de travail va être rendu
public et va faire l'objet d'une communication publique. Ils vont faire une
recommandation, d'après ce que j'ai compris - je ne sais pas si je fais
erreur - au gouvernement. Est-ce que ce rapport des conseillers du premier
ministre va être rendu public de façon qu'on sache l'objet exact
de leurs recommandations? Il peut très bien y avoir un rapport, que le
gouvernement s'en inspire et qu'ensuite les circuits officiels, enfin, les
circuits du premier ministre, du président du Conseil du trésor
arrivent avec un ensemble de propositions législatives et que ce
document reste un document interne du Conseil des ministres. Est-ce qu'il va
être public?
Mme LeBlanc-Bantey: Vous vérifierez dans la loi sur
l'accès à l'information quelles sont les obligations que le
gouvernement a par rapport à l'accès à ces documents. Cela
étant dit, qu'importe le caractère public ou non du rapport,
c'est clair que le gouvernement va devoir arriver avec des conclusions, que
celles-ci seront publiques et que le gouvernement devra justifier ses positions
tant sur l'ensemble du dossier que dans le cas de la fonction publique.
M. Rivest: Quand vous avez confié le mandat à la
commission Martin-Bouchard, on était sûr qu'ils
l'étudiaient même si c'était d'une façon incidente,
comme l'a signalé M. Lecourt. C'est un document public, tout le monde
peut y avoir accès, cela est une chose, c'est une procédure.
Là, vous retardez la décision sur le régime syndical
à cause d'un mandat qui a été confié à un
certain nombre de collaborateurs, un groupe informel, et on n'a aucune
espèce de garantie si bien que, finalement, vous auriez peut-être
pu prendre la décision vous-même de modifier dans un sens ou dans
l'autre le régime syndical ou de le maintenir.
Mme LeBlanc-Bantey: Peut-être que la publication du rapport
changera le problème.
M. Rivest: Oui, allez-y.
M. Lecourt: Est-ce que je peux intervenir sur cela?
Le Président (M. Champagne): M.
Lecourt.
M. Lecourt: Le comité en question, à moins que je
ne me trompe, n'a pas le statut et n'aura pas, à moins que le
gouvernement ne change d'idée, le statut d'une commission
d'enquête. Il pourrait difficilement prétendre à la
neutralité, ce comité. C'est un comité patronal - c'est
peut-être une bonne idée - qui veut regarder le régime de
négociation et ce comité, à ma connaissance,
procède à la pièce. Il y a une problématique
d'ensemble, ce que j'appelle le macroproblème, mais il procède
à la pièce. La partie gouvernementale a fait connaître la
semaine dernière aux centrales syndicales une proposition concernant la
rémunération. C'est une des grosses préoccupations.
Si vous dites: On veut leur confier cela, cela nous prend une expertise
et si moi, je me dis: Mme LeBlanc est de bonne foi, on va établir un
nouveau type de rapports, on va essayer de casser le cercle vicieux, je vous
demanderais, si c'est possible, pour être cohérents, que ce
comité patronal en arrive à des conclusions d'ici à quatre
semaines sur le sujet qui est abondamment documenté pour qu'au moins,
quand vous allez présenter un projet de loi, il y ait une conclusion.
Vous avez du temps devant vous. Vous avez la chance d'avoir un avant-projet de
loi et d'aboutir à un projet de loi où il ne va pas y avoir
uniquement le côté blanc, mais le côté noir aussi, ou
l'inverse. Cela vous donnerait le temps de regarder le problème et ne
nous mettrait pas dans une situation qui me semble impossible, soit que vous
adoptiez un projet de loi bientôt, que, deux mois après, vous
arriviez avec une proposition de modification du régime de
négociation et que vous changiez à nouveau la loi. C'est fait
à la pièce. En tout cas, à l'origine, avec l'étude
de la commission Bisaillon, ce n'était pas cela qui était voulu.
C'était une espèce de vision plus globale. Je pose la question -
je sais que ce n'est pas l'habitude que l'on pose des questions - Est-ce
possible d'avoir...
Mme LeBlanc-Bantey: Disons que c'est une question de bon
aloi.
M. Lecourt: ...une position d'ici quatre semaines?
Mme LeBlanc-Bantey: Bien sûr, je ne peux pas
répondre au nom du comité
aujourd'hui. Je vais vérifier et on vous donnera une
réponse là-dessus dans les prochains jours.
Le Président (M. Champagne): Vous avez fini votre
intervention, M. le député de Jean-Talon? M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, avant de poser des
questions au représentant du syndicat des professionnels, j'ai le
sentiment que je me dois de faire un certain nombre de commentaires
préalables. J'espère qu'on me le permettra. D'abord, deux
réflexions. En écoutant attentivement les propos qu'a tenus M.
Lecourt dans sa présentation du mémoire, je dois avouer que je me
sentais un peu plus à l'aise de ne faire partie ni du gouvernement, ni
de l'Opposition. Cela me rassurait temporairement, en tout cas.
Une voix: Vous aurez votre parti.
M. Bisaillon: Mon parti s'en vient. L'autre constatation, c'est
que le syndicat des professionnels est le premier groupe à affirmer
finalement que le rapport de la commission avait sa cohérence interne.
Ce n'était pas la Bible, mais les membres de la commission avaient voulu
en faire un document cohérent où l'ensemble des choses qui
répondaient au mandat qu'on avait reçu étaient
reliées les unes avec les autres.
Je sens le besoin de rappeler ce qu'était effectivement le mandat
de la commission. Il disait ceci: "Aux fins d'une révision de la Loi sur
la fonction publique -c'était le mandat majeur - la commission a comme
mandat de formuler à l'Assemblée nationale des recommandations
sur ce que devrait être le rôle de la fonction publique en
examinant l'ensemble de sa structure d'organisation et ses modes de gestion de
manière à accroître son efficacité et sa
responsabilité au service de la population québécoise."
C'était donc le rôle de la fonction publique que la commission
devait étudier de façon plus particulière. "Plus
spécifiquement, le mandat de la commission spéciale consiste:
premièrement à recommander les voies de solutions à
privilégier et les stratégies de changement à adopter de
façon à mieux servir la société des années
quatre-vingt." On parlait donc de voies de solutions à
privilégier et de stratégies de changement. "Deuxièmement
à identifier les voies de solutions à privilégier dans la
perspective d'une utilisation optimale des ressources humaines." Finalement -
et cela amènera les questions que j'aurai à poser au syndicat des
professionnels - le rapport de la commission était très large et
ne couvrait pas que la stricte Loi sur la fonction publique.
Le constat que les membres de la commission ont fait dès le
départ, c'était que la compétence existait à tous
les paliers dans la fonction publique; que les ressources humaines
étaient peut-être mal utilisées, mais avaient toutes la
compétence pour répondre aux besoins de la population et, donc,
répondre à ce droit - c'est dans ce sens-là que la
commission a orienté son rapport - pour les citoyens d'obtenir des
services de qualité et au meilleur coût possible,
évidemment.
Si je rappelle la démarche de la commission, c'est parce que,
depuis deux ou trois mémoires, les gens faisaient
référence au rapport de la commission spéciale et que
chacun y prenait un peu son compte. Tantôt, M. Lecourt soulignait que le
gouvernement avait fait du marchandage, qu'il était allé chercher
à la pièce des éléments qui pouvaient faire son
affaire. Vous avez souligné que des groupes, lorsqu'ils parlent du
rapport de la commission...
Mme LeBlanc-Bantey: ...
M. Bisaillon: Je vous indiquerai, Mme la ministre, que je
n'étais pas d'accord avec un bon nombre de choses que vous avez dites et
que je ne suis pas intervenu pour vous le dire au moment où vous les
avez dites.
Mme LeBlanc-Bantey: Ce n'était pas pertinent. Je m'excuse,
M. le député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Pour ne pas perdre le fil de mon idée, je
dirai que M. Lecourt a souligné que le gouvernement avait fait du
marchandage, dans le sens de "shopping". J'ai essayé de traduire
"shopping" par marchandage.
Mme LeBlanc-Bantey: Magasinage. M. Bisaillon: Magasinage.
Merci.
Mme LeBlanc-Bantey: Je ne vous interromprai plus.
M. Bisaillon: Le gouvernement a donc fait du magasinage et vous
avez souligné que, lorsque des groupes se présentent devant nous,
ils font référence au rapport de la commission en prenant
évidemment les choses qui font leurs affaires.
J'ai lu attentivement le mémoire du syndicat des professionnels
comme celui du groupe qui suivra, d'ailleurs. Je tiens à vous dire, Mme
la ministre - les membres de la commission se le rappelleront, mais je pense
qu'il n'est pas inutile d'en informer tous ceux qui nous écoutent - que
les groupes qui se sont présentés devant la commission
spéciale, de même qu'un bon nombre de personnes qui ne faisaient
pas partie de groupes organisés se sont présentés avec
beaucoup de méfiance à la commission. Le
mémoire du syndicat des professionnels souligne qu'ils ont
été reçus à huis clos, qu'ils ont été
consultés à huis clos sous une forme ou sous une autre et que,
par la suite, à partir d'un document de consultation, on avait tenu des
audiences publiques. Le syndicat des professionnels et l'Association des
cadres, d'ailleurr. qui va suivre, deux groupes, en particulier, qui
étaient très méfiants et très réticents,
finalement, non seulement vis-à-vis du mandat de la commission, mais
aussi par rapport à l'expérience nouvelle qui visait à
regrouper des députés des deux partis politiques et aussi par
rapport à l'équipe de recherche qui entourait la commission.
L'objectif, en ce qui concerne la commission, a été
plutôt de se dire - cela était aussi un de nos constats - Comme la
compétence est là, l'analyse des problèmes, c'est dans le
vécu qu'on va la trouver et ce sont les gens qui sont dans le milieu qui
peuvent nous les indiquer le plus parfaitement possible. C'est en fonction de
cela que nous avons préparé notre rapport et à l'aide
aussi de recherches qui avaient été préparées par
l'équipe qui nous entourait.
Ma conclusion est que, si on avait pris le rapport de la commission et
qu'on avait appliqué les 124 recommandations - enlevons-en
quelques-unes; comme je l'ai dit, ce n'est pas la Bible - disons à 80%,
je crois que les groupes qui sont venus devant nous auraient été
satisfaits: pas satisfaits totalement, mais chacun y aurait trouvé son
compte. C'est dans ce sens que le rapport de la commission était
orienté aussi, en tenant compte du fait que ce n'était pas
seulement la Loi sur la fonction publique qui était pour régler
la situation, mais que cela prenait, comme on l'a déjà dit, une
diminution véritable des pouvoirs du Conseil du trésor, pas juste
une annonce d'intention, une loi du Vérificateur général
qui lui donnerait des pouvoirs nouveaux et une revérification de la Loi
sur l'administration financière. À ce compte, on croyait qu'il
était possible de parler de changements.
Cela supposait des changements d'attitude et des changements de
comportement à tous les niveaux. Si on voulait se rapprocher davantage
du rapport de la commission, on aurait de grandes chances non seulement de
donner satisfaction aux groupes - parce que ce qui compte, ce n'est pas
seulement que les groupes qui sont dans la fonction publique soient satisfaits
-mais d'en arriver à ce qu'on comprenne l'existence de la fonction
publique comme étant le fait d'assurer le droit essentiel qu'ont les
citoyens de recevoir des services. Le fait que les citoyens recevraient des
services permettrait d'appliquer les autres principes que vous avez voulu
inscrire dans l'avant-projet de loi. Cela ferait un projet de loi qui ne serait
pas uniquement un projet de gérants. Cela ferait un projet de loi qui
s'attaquerait peut-être davantage aux problèmes vécus.
Avant de poser mes premières questions, j'aurais un autre
commentaire à faire. Pour la première fois, je pense, la
commission spéciale a eu l'occasion de recevoir les sous-ministres en
audiences publiques. À ma connaissance, c'était la
première fois que les sous-ministres comme groupe s'exprimaient devant
une commission parlementaire, même si c'était une commission
parlementaire de type différent. Or, les sous-ministres ont tenté
de convaincre les membres de la commission que la sécurité
d'emploi que vous avez abordée tantôt, ce n'était qu'une
bonne condition de travail. Les membres de la commission se sont penchés
sur cette question. On doit dire - et cela paraît aussi dans notre
rapport - que les sous-ministres ne nous avaient pas convaincus que, lorsque
l'on parlait de sécurité d'emploi dans la fonction publique, ce
n'était qu'une bonne condition de travail et qu'il fallait le percevoir
de cette façon. Pour les membres de la commission, c'était plus
qu'une bonne condition de travail; c'était un principe qui devait
exister de façon obligatoire à l'intérieur de la Loi sur
la fonction publique.
Pourquoi? Parce que, premièrement, le législateur l'avait
voulu de cette façon non seulement pour assurer la permanence, mais pour
abriter la fonction publique des changements politiques; aussi - c'est ce que
la commission avait ajouté comme argument - pour permettre une
véritable révision des programmes gouvernementaux. On disait que,
pour s'assurer que la vérification des programmes soit quelque chose de
réaliste et de faisable, il fallait que, de l'autre côté,
les gens qui ont à se remettre en question aient, au moins, cette
assurance d'avoir quelque chose d'autre à faire le lendemain qui
réponde cependant aux besoins des citoyens. La sécurité
d'emploi dans la fonction publique, il ne faut pas la relier au régime
syndical. La commission ne l'a pas reliée au régime syndical et
à une chose, une bonne condition de travail qu'on doit négocier,
mais elle l'a plutôt jugée comme étant un principe
essentiel qui doit être dans la Loi sur la fonction publique pour la
raison qui existait auparavant et pour celle que, selon nous, il fallait
ajouter maintenant. (16 heures)
Je pensais qu'il était important de rappeler ce qu'était
la commission, étant donné que tout le monde en parle, et de dire
comment on a commencé nos travaux, dans quel esprit aussi de
reconnaître - c'est le cas du syndicat des professionnels - qu'on n'a
peut-être pas fait un travail excellent, merveilleux et extraordinaire,
mais on a peut-être au moins réussi à désamorcer la
méfiance qu'il pouvait y avoir vis-à-vis de la
commission spéciale, et à faire en sorte aussi que,
malgré les appréhensions qu'un certain nombre de groupes
pouvaient avoir, ils peuvent aujourd'hui se reporter au rapport de la
commission comme étant quelque chose qui avait la prétention de
vouloir se tenir et d'apporter des solutions qui pouvaient être
cohérentes ou qu'on voulait ainsi.
Je vais énoncer maintenant mes questions, M. Lecourt,
après ce long préambule. Vous m'excuserez, mais je pensais que
c'était important de le faire. Dans votre mémoire, à la
page 29, vous demandez que l'Office des ressources humaines ne soit pas
autorisé à déléguer sa responsabilité de
placement et de recyclage des fonctionnaires en disponibilité. Cela me
semble une évidence. Je pense comme vous, cela doit être justement
une erreur de rédaction. Ce serait incohérent que l'office puisse
déléguer ses pouvoirs qui par définition doivent
être centralisés.
Par ailleurs, cela m'amène à vous poser des questions sur
tout le mode de dotation. Le rapport de la commission demandait que le mode, le
processus de dotation soit inscrit dans la loi. On sait que c'est inhabituel,
que c'est encore plus fort que de la réglementation. On
prétendait que pour une période de temps qui était
à évaluer, il n'était pas inutile que le processus de
dotation, que le mode de dotation soit inscrit dans la loi, ce qui
n'empêcherait pas pour nous que des éléments de cette
procédure puissent être négociés par la suite par
les différents syndicats qui ont à régler des conventions
collectives. Je voudrais avoir vos réactions là-dessus.
Par ailleurs, vous demandez, à la même page toujours, que
le Conseil du trésor ne puisse pas déléguer l'exercice de
ses fonctions aux ministères et que, par conséquent, l'article 88
soit retiré. Je voudrais savoir si c'est de façon
générale que vous vous référez au Conseil du
trésor ou si c'est seulement en regard de l'article 88. Il me semble
que, si vous teniez absolument à ce que le Conseil du trésor ne
puisse jamais déléguer, cela irait à l'encontre de quelque
chose que je pense. J'aimerais savoir pourquoi vous le dites. Selon moi, il
faut qu'on aille plus loin que ce qu'il y a dans l'avant-projet. L'avant-projet
permet au Conseil du trésor de déléguer des pouvoirs aux
sous-ministres et de leur permettre de sous-déléguer. Si on veut
en arriver à un régime plus cohérent, je prétends
que les sous-ministres doivent savoir ce qui est leur domaine de
responsabilité et quels sont les budgets qu'ils ont pour appliquer leurs
activités. Je veux savoir si votre remarque sur le Conseil du
trésor vise seulement l'article 88 ou si elle couvre l'ensemble des
activités du Conseil du trésor.
Troisième question. Vous avez mentionné toute la question
de la négociation et de la classification. Je ne reviendrai pas sur le
rapport de la commission. La commission envisageait la possibilité que
la classification puisse effectivement être négociée. Vous
nous aviez parlé cependant, lorsqu'on vous a reçus, au moment de
la commission spéciale, de l'historique de cette question de la
négociation des classifications. J'aimerais que vous nous
précisiez cela. Pourquoi la classification, historiquement, ne
s'est-elle pas négociée? Qu'est-ce qui fait que, selon vous,
aujourd'hui, les conditions sont changées? De surcroît, on sait
que, dans les conventions collectives, il y a l'obligation de consulter au
sujet de la classification. L'évaluation que la commission
spéciale faisait, c'était que cette consultation était
devenue à toutes fins utiles de la négociation. Comme elle
n'était pas encadrée et qu'elle était hors période,
cela faisait un type de négociation qui était beaucoup plus long,
donc beaucoup plus coûteux et moins efficace. Je voudrais aussi avoir vos
réactions là-dessus.
Je dois faire une correction sur des propos que j'avais
déjà tenus sur la question de la cause juste et suffisante.
Effectivement, j'ai compris hier, à la réponse que m'a faite le
président du Syndicat des fonctionnaires, la distinction qu'il faisait.
Je dois reconnaître qu'au plan juridique, il a parfaitement raison. Je
maintiens cependant que la notion de cause juste et suffisante est une notion
qui n'est pas dangereuse en droit de travail parce que c'est une notion qui a
50 ans de jurisprudence pour l'épauler et qu'en soi ce n'est pas quelque
chose de dangereux. Je comprends cependant que vos réticences
n'étaient pas sur la notion de cause juste et suffisante, mais beaucoup
plus sur l'application de cette notion-là aux mesures
administratives.
Je vous repose une question que je vous avais déjà
posée au moment de la commission spéciale, sur laquelle les
membres de la commission n'avaient pas trouvé de réponse. C'est
toute la question de l'autonomie professionnelle et des difficultés que
cela peut créer à l'intérieur du fonctionnement d'un
appareil comme celui de la fonction publique. Autrement dit, quel partage
peut-on faire entre l'autorité hiérarchique, les rapports entre
le supérieur immédiat et un professionnel et les commandes qu'il
peut passer et le jugement qu'il peut porter sur le travail qui est fait par le
professionnel, la marge de manoeuvre que le professionnel doit avoir et qui
peut lui être accordée en vertu du Code des professions? Est-ce
que vous avez des choses à ajouter là-dessus? Comment peut-on
faire le partage entre l'autonomie professionnelle... Par exemple, la personne
qui est architecte doit se soumettre, selon sa corporation, à un certain
nombre de règles d'éthique, et parfois cela pourrait contrevenir
à des
directives qui pourraient lui être données à
l'intérieur de la structure. Comment peut-on faire l'ajustement de ces
choses-là? Avez-vous des solutions en regard de cela?
Je terminerai en soulignant que vous avez soulevé avec justesse
le fait que, lorsque la commission a parlé de services aux citoyens,
elle a parlé du droit des citoyens à des services de
qualité et que c'est à partir de cette affirmation que les
travaux et les choix de la commission ont été faits. Je ne sais
pas si vous avez des réponses à me fournir sur l'ensemble de ces
choses-là.
M. Lecourt: J'ai pris vos questions en note. Tout à
l'heure, Madeleine Rochon voulait intervenir sur un aspect important du
régime de négociation; cela me permettrait de faire une pause et
de revenir.
Mme Rochon (Madeleine): Cela touche un peu ce dont on vient de
parler, à savoir le rôle de la fonction publique. Je pense qu'il
est important, quand on parle de la fonction publique, de savoir qu'il y a une
partie de la fonction publique qui rend des services directs à la
population, mais la fonction publique est aussi l'outil de développement
de la société québécoise. On pense à la
planification. La société est aujourd'hui quelque chose de
complexe. La fonction publique reflète cette société, elle
est complexe. Je pense qu'on minimise ces choses-là. Je vais repartir
sur le contexte actuel et vous verrez où je veux en arriver.
La nouvelle organisation patronale dont il est question dans
l'avant-projet de loi de la fonction publique et ce qu'on sent depuis les
dernières négociations, nous, on le met et les gens qu'on
représente le mettent aussi dans le contexte actuel de coupures
budgétaires. Il y a de grands changements qui s'en viennent.
Tantôt, dans le chapitre qui traite des femmes, on va parler du
classement moquette où, sous prétexte de le faire
disparaître, c'est la classification des agents de bureau qui est revue,
donc des milliers de personnes devront être intégrées dans
de nouvelles classifications.
On augmente l'arbitraire patronal dans un contexte
d'insécurité économique, et ce n'est pas comme cela qu'on
augmente la motivation des employés. Dans un tel contexte où on
veut redéfinir les pouvoirs du côté patronal et redonner
plus de pouvoirs aux petits patrons, les individus veulent savoir s'ils ont des
droits de recours face aux décisions de leurs gestionnaires. Est-ce que
leur syndicat a son mot à dire dans les nouvelles décisions, les
nouvelles formes d'organisation du travail? On ne peut pas dissocier ces deux
questions. Ce que je ne comprends pas, personnellement, dans une
société comme la nôtre, dans une fonction publique comme la
nôtre, au moment où ce sont les lois qui fixent ce que les gens
font, où ce sont les patrons qui fixent le contenu du travail, comment
prétendez-vous, en donnant plus de pouvoirs aux petits patrons, que vous
allez rendre plus de services à la population? En quoi la
téléphoniste, à qui on demande de répondre au
téléphone, va-t-elle être capable de savoir ce que font
tous les fonctionnaires, ce que font les ministères de la fonction
publique? En quoi la rendez-vous plus compétente pour dire à une
personne qui est perdue devant la fonction publique si c'est à tel autre
ou tel ministère que la personne doit s'adresser? Elle n'a pas
l'information. Les responsables de la fonction publique, c'est le politique, ce
sont les gestionnaires et nous ne voulons pas qu'une nouvelle forme
d'organisation du travail aille augmenter l'arbitraire patronal. Nous ne
croyons pas que c'est en augmentant l'arbitraire patronal que vous allez
améliorer la motivation des employés, surtout dans le contexte
actuel.
Mme LeBlanc-Bantey: Je pense que la question s'adresse à
moi. Je ne sais pas si...
Le Président (M. Champagne): Le président avait
toute une série de questions. Je pense que M. Lecourt arrive.
Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce que M. Bisaillon me passe son droit de
parole?
M. Bisaillon: Oui, sûrement.
Mme LeBlanc-Bantey: Je disais tout à l'heure qu'on
prévoyait, comme nouvelle forme de gestion... Là, je voudrais
qu'on oublie, si c'est possible, les dogmes et les jargons: loi patronale,
arbitraire patronal, etc. Si vous voulez revenir à la discussion sur les
négociations, on va la faire, mais je pense qu'on n'en est pas à
cela et je pense que, sereinement, depuis le début de
l'après-midi, on tente de chercher un équilibre -c'est dans ce
sens que les interventions sont allées - entre les objectifs que
l'État poursuit comme État et non pas comme patron, en fonction
des attentes que les citoyens ont de l'État qui est actuellement
représenté par le gouvernement actuel. Or, cela reste des
objectifs d'État que la commission Bisaillon a tenté d'identifier
et qu'on a tenté d'identifier dans l'avant-projet de loi. Nous, nous
avons privilégié, comme je l'ai dit au début, ce qui peut
paraître comme une hypothèse, mais cela nous est apparu comme une
meilleure façon de rendre service à la population.
Vous dites: En quoi la téléphoniste pourrait-elle rendre
un meilleur service du fait qu'on délègue plus près de ses
patrons, les petits patrons, comme vous les appelez? Je pense que, dans un
régime - c'est peut-être idéaliste, ce qu'on vise -
d'imputabilité
comme celui vers lequel on veut tendre, on va obliger les divers
intervenants, qu'importe leur niveau hiérarchique dans la machine,
à se parler et à négocier les attentes. C'est clair qu'on
ne pourra pas rendre la "petite téléphoniste", comme vous
l'appelez, responsable du service qu'elle rend à la clientèle si,
effectivement, le patron - qu'il soit un petit patron ou un grand patron - ne
lui donne pas les moyens, ne lui donne pas l'information ou ne lui donne pas
les moyens de rendre le service auquel le citoyen s'attend quand elle
répond au téléphone. C'est dans cette perspective qu'on
pense...
Ce n'est peut-être pas la meilleure solution mais, en tout cas, on
pense - là, on répond aux objectifs de la commission -qu'une plus
grande décentralisation des responsabilités à
l'intérieur des ministères pourrait aider. Moi, en tout cas, je
pense profondément que cela peut changer, mais à condition que
tout le monde change d'attitude, patrons comme employés. Les
mentalités qu'il y a dans la fonction publique, d'une hiérarchie
à l'autre, d'une strate à l'autre, les gens finalement... Comme
je l'ai dit à plusieurs reprises, après toutes les consultations
qu'on a faites, ce sont les professionnels qui se méfient des "petits
patrons", comme vous les appelez; ce sont les petits patrons qui se
méfient des cadres supérieurs; ce sont les cadres
supérieurs qui se méfient des sous-ministres et, à la
limite, comme je l'ai dit souvent, ce sont souvent les ministres et les
sous-ministres qui se méfient entre eux.
Finalement, on est rendu dans une fonction publique tellement
stratifiée qu'il s'est développé des relations de
méfiance non seulement liées aux dernières
négociations -c'est clair que cela n'a pas amélioré cet
état de choses - mais je pense qu'il faudrait être honnête
et reconnaître que ce n'était peut-être pas tout à
fait nouveau aux différents intervenants, cette stratification dans la
structure, selon l'endroit où ils se trouvaient et selon les
intérêts qu'ils avaient. Il s'est développé un
climat qu'il faut, à mon avis, briser et une des façons d'y
arriver, c'est par l'imputabilité, en obligeant les gens à
négocier leurs attentes et en obligeant aussi les gestionnaires,
à l'inverse, à préciser aux employés ce qu'ils
attendent d'eux. C'est peut-être idéaliste, mais c'était
tout au moins la philosophie de fond qui orientait peut-être la
nécessité d'une plus grande décentralisation.
Le Président (M. Champagne): Je fais une observation. On
avait prévu, dans le temps, d'entendre deux organismes avant 18 heures.
Sans vouloir brimer le droit de parole à quiconque, on aimerait qu'on
réponde peut-être plus rapidement pour en arriver à une
conclusion espérée d'ici dix minutes, pour qu'on puisse entendre
l'autre groupe, sans vouloir brimer personne.
M. Lecourt, si vous vouliez bien répondre à Mme la
ministre. (16 h 15)
M. Lecourt: Je voudrais vous souligner... C'est parce que vous
changez les règles du jeu souvent. Ce n'est d'ailleurs pas vous qui
êtes en cause, mais cette commission a un horaire particulièrement
flexible.
Le Président (M. Champagne): Oui.
M. Lecourt: Je vous avais indiqué qu'on souhaitait faire
une présentation sur un deuxième volet. J'aimerais quand
même qu'on puisse le faire. Vous y aviez agréé.
Le Président (M. Champagne): Oui, d'accord...
M. Lecourt: Je répondrais rapidement à M.
Bisaillon. Cela me permettrait d'ailleurs de tirer ma conclusion, s'il n'y a
pas d'autres questions.
Le Président (M. Champagne): Non, non. Mais c'est bien ce
que j'avais dit. Vous répondez à ses questions.
M. Lecourt: Oui, oui. Mais c'est parce que Mme Rochon - je vous
l'ai indiqué au début - voulait présenter le
complément au mémoire.
Le Président (M. Champagne): Ah;
Parfait. Ah oui! On va retenir cela, oui. On retient cela, oui.
M. Lecourt: Je pense que cela s'impose. Le Président
(M. Champagne): Cela va.
M. Lecourt: Rapidement, il y a cinq questions, grosso modo. Sur
le processus de dotation, les recommandations de la commission sur le fond du
processus, on n'est pas contre l'idée de dire: D'abord les gens en
disponibilité, en surplus; par la suite obligation à la
mobilité volontaire interne et de là on va à promotion et
recrutement.
Toutefois, pour être logique avec ce qu'on défend, essayer
d'être cohérent, je vois mal qu'on revendique que ce soit inscrit
dans la loi comme processus de dotation puisqu'on considère que c'est
là une matière qui est négociable. On est d'accord avec la
séquence, mais pour nous cela ne doit pas être inscrit dans une
loi.
M. Bisaillon: Est-ce que vous pensez, M. Lecourt, que le fait
d'inscrire la séquence, c'est-à-dire l'ordre impératif
dans lequel cela peut être fait, enlève des droits de
négociation?
M. Lecourt: Cela enlève le droit de changer la
séquence. D'accord?
M. Bisaillon: Oui.
M. Lecourt: Mais, de toute façon, sur la question de la
dotation, le problème à mon sens n'est pas là. Le
problème, c'est que les organismes ont toujours voulu se garder une
latitude telle qu'à un moment donné, cela donne place à du
favoritisme et à des aberrations. À certaines époques
-aujourd'hui on a fermé la vanne du recrutement pour d'autres motifs -
on allait recruter alors qu'on ne faisait aucun effort de mobilité
interne. Je ne reviendrai pas sur ces époques, ce n'est pas très
récent.
En tout cas, pour répondre rapidement, permettre... Sur le
Conseil du trésor, c'est clair que ce qu'on recherche, ce sont les
pouvoirs du Trésor qu'on retrouve aux articles 77 à 87 qu'on ne
veut pas voir délégués. Ce ne sont pas des pouvoirs du
Trésor qu'on retrouve ailleurs. Je vous les passe rapidement; je pense
que vous allez voir qu'il y a une certaine cohérence à
l'intérieur de cela.
On parle de politiques générales concernant la gestion des
ressources humaines. Il s'agit des grandes politiques du gouvernement
concernant comment, par exemple, on fait face au problème de
sécurité d'emploi. Cela devrait être une politique et non
pas des politiques. Les effectifs. Ce n'est pas aux ministères de fixer
leurs propres effectifs, me semble-t-il. La dotation. Si on veut qu'il y ait
une certaine cohérence dans la fonction publique, les ministères
devront normalement combler leurs emplois selon une politique
générale qui devrait être uniforme. Un ministère qui
déciderait de passer par promotion pour tel type d'emploi et un autre
par affectation, il me semble qu'il y a là une incohérence sur le
plan administratif, il y a un manque de logique.
La rémunération, les avantages sociaux sont, par
définition, des régimes généraux. Je pense que
l'accès à l'égalité, au moins comme politique
générale, comme programmes généraux, cela doit
être une volonté centrale de l'État. La
vérification, c'est un autre problème. La négociation des
conventions, je ne sache pas que le gouvernement veuille négocier des
conventions par ministère à ce jour; on a déjà de
la misère à en négocier seulement une pour tout le
monde.
Quant à l'article 84, on est farouchement contre cela. On ne sait
pas ce que cela veut dire et on voudrait que cela disparaisse purement et
simplement. Alors, il ne serait pas question de déléguer. On veut
que ce soit clair, à savoir quels sont les emplois qui peuvent
être exclus.
Je ne veux pas que, demain matin, mon emploi soit exclu pour un motif
pratique qui ferait l'affaire du patron et que je ne me retrouve plus dans la
fonction publique pour une raison très large. Et on a posé des
questions là-dessus. Je veux revenir là-dessus. Il y a quelque
chose qui ne va pas, c'est beaucoup trop large. Je pense d'ailleurs - je vois
Mme LeBlanc hocher la tête - qu'elle a saisi qu'il y avait là un
problème et qu'il y a un article de l'ancienne loi qui est relativement
clair, bien écrit, bien balisé, qui aurait tout avantage à
revenir.
La cause juste et suffisante, vous l'avez traitée, c'est inutile
de revenir...
M. Bisaillon: Avant que vous passiez à autre chose, M.
Lecourt...
M. Lecourt: Oui.
M. Bisaillon: Vous repoussez donc l'hypothèse que le
Conseil du trésor n'attribue que des enveloppes budgétaires
globales aux différents ministères et que, par la suite, les
ministères décident de ce qu'ils font avec leurs masses d'argent.
Vous repoussez cette hypothèse.
M. Lecourt: Non, non. C'est ce qui se fait actuellement.
M. Bisaillon: Non.
M. Lecourt: Oui, actuellement. Il y a une nouvelle pratique en
vigueur depuis le mois d'avril. Le Conseil du trésor donne une masse
budgétaire au ministère pour les effectifs. En tout cas, il
fixe...
M. Bisaillon: Ah! Pour les effectifs. M. Lecourt: Oui,
mais ce n'est pas...
M. Bisaillon: Mais vous repoussez l'hypothèse...
M. Lecourt: Non.
M. Bisaillon: ...que le rôle du Conseil du trésor ne
soit que d'attribuer le budget global des ministères...
M. Lecourt: Non.
M. Bisaillon: ...et que ce soit au sous-ministre, avec son
personnel, à déterminer les effectifs qu'il va utiliser pour
rendre des services et la façon dont il va organiser son propre
ministère.
M. Lecourt: Je ne repousse pas cette hypothèse. C'est dans
la Loi sur l'administration financière. Je vous ai dit que les
restrictions de délégation, cela concernait les articles 77
à 87. Ce dont vous parlez, c'est la Loi sur l'administration
financière.
M. Bisaillon: Oui, mais, dans les articles 77 à 87, il y a
des choses qui recoupent l'administration financière.
M. Lecourt: Les effectifs. M. Bisaillon: Les
effectifs.
M. Lecourt: Actuellement, que je sache, il y a une enveloppe
globale avec un maximum d'effectifs autorisés. Mais il n'y a plus comme
avant tant d'effectifs, tant de cadres supérieurs. En tout cas, c'est
pas mal changé. Ce n'est pas cela? Non? Bon! Je me trompe. On a
été mal informé.
M. Bisaillon: C'est parce que cela ne permet pas à chacun
des ministères de décider où il va mettre les
priorités, d'augmenter ou de diminuer les effectifs. Mais un
ministère pourrait... Actuellement, on fonctionne par directives. Le
Conseil du trésor dit: Voici les effectifs autorisés.
M. Lecourt: Le maximum.
M. Bisaillon: Mais moi qui suis sous-ministre, qui reçois
une masse d'argent et qui ai des services à rendre aux citoyens, je peux
décider que, pour rendre ces services, j'ai besoin de plus d'effectifs
et qu'à l'intérieur de ma masse budgétaire j'utilise plus
d'effectifs. Si vous le formulez de la façon que vous l'avez fait,
d'après moi, cela veut dire que vous repoussez cette possibilité.
Si ce n'est pas cela que vous voulez dire, eh bien, on s'entend, mais si...
M. Lecourt: Non. Il y a peut-être un problème
là; j'en conviens. Pour moi, cela a toujours été clair que
les questions budgétaires relevaient de la Loi sur l'administration
financière. La formule que j'avais comprise comme étant en
vigueur ou qu'on voulait mettre en vigueur récemment, c'est un plafond
maximal d'effectifs à ne pas dépasser et cela laissait une
latitude. Je comprends que cela ne permet pas de dépasser le plafond,
mais, à un moment donné, c'est à se demander, si on n'a
pas de plafond des effectifs ou une certaine norme d'effectifs... Le
ministère, de toute façon, ne peut pas s'en sortir avec un budget
X et une convention collective où les conditions de travail et de
rémunération sont déterminées. On divise le
coût moyen par le budget et cela donne un maximum d'effectifs. C'est une
autre façon de l'avoir. En tout cas, c'est difficile qu'un organisme
central ne puisse pas, à un moment donné, me semble-t-il, dire
qu'il y a une limite en termes généraux.
M. Bisaillon: La limite serait la masse budgétaire
globale. Mais, comme sous-ministre, je peux décider que j'ai besoin de
plus de gens et de moins de camions. Si j'ai plus de gens et moins de camions,
peut-être qu'il va y avoir plus de services de rendus à la
population.
M. Lecourt: Oui.
M. Bisaillon: Par ailleurs, dans un autre ministère, je
vais peut-être décider que j'ai besoin de plus de camions et de
moins de gens et que mon enveloppe budgétaire, je vais davantage la
mettre sur le matériel que sur les ressources humaines, parce que c'est
par le matériel que je vais rendre davantage de services.
M. Lecourt: Je persiste à croire que c'est surtout un
problème qui est lié à l'administration financière.
Je pense que le président s'impatiente.
Le Président (M. Champagne): Je pense aussi aux autres
intervenants.
M. Lecourt: Oui. Je termine les deux questions et je laisserai
parler Mme Rochon.
Le Président (M. Champagne): D'accord.
M. Lecourt: La négociation de la classification, ce
pourrait être un très long historique. Si je le fais très
court, cela a toujours été une matière exclue. Si je ne
remonte pas à la nuit des temps, si je me limite à la
période moderne, à partir de 1964, cela a été une
matière exclue, parce qu'on disait que c'était la Commission de
la fonction publique qui s'en occupait. C'est un organisme neutre. Mais,
dès la première négociation des professionnels, dès
la première grève, la plus longue - ce n'est pas d'hier qu'il y a
des conflits - on a négocié la classification. Cela a fait
l'objet majeur du conflit. On retrouve, dans les conventions de 1966, un
engagement du gouvernement à exiger de la Commission de la fonction
publique qu'elle promulgue des règlements qui vont se conformer à
telle norme négociée. Le reste de l'histoire, l'autre
épisode majeur a été 1978; avec l'adoption de la loi
actuelle, le gouvernement voulait changer le régime de classification en
introduisant ce qu'on appelle le "position plan". On a eu affaire au même
phénomène, soit des règlements modifiant les règles
négociées antérieurement au cours de l'année 1979,
en avril 1979, et toute la négociation 1979-1980 a principalement
porté sur ce sujet avec une série d'engagements à changer
la loi, ce qui a amené la loi 12 notamment, en juin 1981, si je ne me
trompe pas. Alors, c'est une histoire de chassé-croisé. Ce n'est
pas négociable. Le patron s'en sert à un moment donné en
disant que ce n'est pas négociable. Le syndicat dit: Ce n'est pas parce
que ce n'est pas négociable que je ne négocierai pas. On finit un
jour ou l'autre par le
négocier avec beaucoup de pots cassés inutilement, en se
disant mutuellement que c'est négociable et que c'est non
négociable. Si on disait: Quel est le problème? Il me semble que
c'est plus facile d'en arriver à une solution du problème
plutôt que de s'accrocher dans des problèmes d'ordre
juridique.
Les conditions, aujourd'hui, fondamentalement, ont changé par
rapport à l'époque. C'est que la raison d'être de la
non-négociation n'existe plus. Il n'y a plus d'organisme neutre. C'est
actuellement le ministère qui fixe la classification. Ce sera
éventuellement le Trésor. Il n'y a pas plus patron que le Conseil
du trésor en termes d'identification claire à
l'Exécutif.
Pour ce qui est de l'autonomie professionnelle, on pourrait en parler
longtemps. Notre crainte face à l'imputabilité et face a
l'efficience, dans un contexte, entre autres, dans les sciences humaines - mais
cela se retrouve aussi dans d'autres domaines de sciences appliquées
-c'est qu'il arrive que les gestionnaires n'aient pas de formation
spécialisée dans le champ d'activité d'un professionnel.
Vous voyez souvent des services de recherche où vous avez un cadre
économiste et vous avez des employés qui sont d'une autre
formation. Cela ne veut pas dire qu'ils ne connaissent absolument rien, mais
ils ne sont pas de la formation de base d'une partie de leur personnel. Rendre
les gens imputables au sens de leur dire: Vous êtes responsables devant
votre supérieur d'un geste qu'ils doivent, en vertu soit des conditions
de travail décrétées - la partie pratique professionnelle
- soit en vertu des règles de déontologie d'une profession... Il
peut y avoir une opposition entre les normes d'éthique et de
déontologie de la discipline concernée, qu'elle soit régie
ou pas par l'Office des professions, et les exigences d'imputabilité
d'un patron qui ne connaît pas le domaine suffisamment.
De même, sur la question d'efficience pas plus balisée
qu'elle ne l'est, pour des fins d'efficacité, on pourrait avoir des
conflits assez fréquents entre la règle d'art, la règle de
pratique dans ce domaine par rapport à une contrainte budgétaire
d'efficacité. Actuellement - pour terminer là-dessus - se vivent
des situations en dehors de toute la question d'imputabilité ou
d'efficience. Souvent, des décisions de coupures budgétaires
commencent à heurter les règles de pratique professionnelle de
déontologie. J'avais un cas que je n'exposerai pas ici parce qu'on est
en train de le régler. Mais, la semaine dernière, j'avais une
situation très claire. Les contraintes budgétaires, les
règles de productivité allaient carrément à
l'encontre de règles de l'art et dans un domaine qui a trait au secteur
de la justice, un domaine très délicat du type des interventions
que les gens font. Il y avait un affrontement très net entre deux
conceptions: une conception d'efficacité à coût
réduit et une autre de règle de pratique. C'est un danger
possible. À ce moment-ci, je pense qu'il n'y a pas lieu de faire une
longue conclusion, si ce n'est de demander à Madeleine de faire sa
présentation.
Le Président (M. Champagne): Mme
Rochon, la parole est à vous.
Mme Rochon: C'est le complément au mémoire sur
l'avant-projet du SPGQ. Cela concerne l'accès à
l'égalité pour les femmes dans la fonction publique. Les quelques
concessions faites au cours des dix dernières années par les
différents gouvernements pour garantir le droit des femmes de la
fonction publique au travail ont été acquises à la suite
des luttes des travailleuses et des organisations qui défendent leurs
intérêts. Jamais le gouvernement-employeur, quel que soit le parti
qu'il représente, n'a fait aux femmes de cadeau. Qu'on se rappelle les
nombreuses batailles menées avant qu'on aboutisse à la
reconnaissance des droits parentaux, à l'élargissement des
pratiques interdites, aux réalités tels le harcèlement
sexuel, l'état de grossesse, l'âge; à l'engagement de notre
employeur d'ouvrir des places en garderie pour les employées et
employés du secteur public tout en maintenant cependant le fardeau de
l'organisation et du financement sur les parents. On pourrait rappeler aussi
que c'est seulement lors de la négociation de 1975 que les doubles
classifications hommes-femmes avec des salaires différents ont
été abolies dans des classifications des secteurs public et
parapublic et que travail équivalent, salaire égal n'est toujours
pas respecté comme principe dans l'ensemble des salaires ou des
classifications des secteurs public et parapublic, même si cela a fait
l'objet de revendications très spécifiques lors de la
dernière négociation dans l'ensemble du secteur. (16 h 30)
Par ailleurs, l'histoire des dernières négociations tout
comme le bilan des programmes d'égalité en emploi et les
intentions gouvernementales sur les programmes d'accès à
l'égalité telles que contenues dans l'avant-projet de loi sur la
fonction publique ne nous permettent pas de croire à des lendemains qui
chantent. Bien au contraire. Nous y voyons un cheminement si hésitant
qu'il nous faut conclure que la représentation satisfaisante des femmes
dans les catégories d'emploi et dans les corps d'emploi de la fonction
publique n'est pas une priorité gouvernementale. Il s'agit tout au plus
de velléités qui permettront la mise en place de quelques mesures
à saveur
progressiste...
L'histoire des dernières négociations: Notre employeur a
refusé, au cours des deux dernières rondes de
négociations, de donner suite à notre revendication qui visait
à mettre fin à la discrimination sexuelle dont sont victimes les
membres de six corps d'emploi professionnels. Pourquoi ce refus? On ne veut pas
reconnaître que des préjugés sexistes ont influencé
la classification et la rémunération de corps d'emploi chez les
professionnelles et professionnels du gouvernement. Même si aujourd'hui
ces corps d'emploi ne sont pas tous demeurés des ghettos d'emplois
féminins, il n'en demeure pas moins que 36% des femmes professionnelles
s'y retrouvent contre seulement 7% des hommes professionnels.
La correction de cette discrimination héritée du
passé et liée à la dévalorisation des emplois
perçus comme une extension des rôles traditionnels dévolus
aux femmes n'exige même pas la mise en place d'un programme
d'accès à l'égalité. Il ne s'agit nullement
d'accorder temporairement des avantages préférentiels aux membres
des corps d'emploi discriminés, mais de mettre en application le droit
déjà reconnu par la charte des droits de la personne, à
travail équivalent, salaire égal. Et le gouvernement-employeur ne
juge toujours pas qu'il est urgent de reconnaître ce droit à une
partie de ses salariés en dépit de nos revendications.
La volonté patronale de retirer de la convention collective le
droit de grief pour discrimination, de même que son refus de
négocier la façon dont devraient se comporter les
ministères dans le choix des personnes mises en disponibilité et
dans le replacement de ces personnes, nous a également montré
l'absence de sérieux du gouvernement dans la défense des droits
des femmes et des personnes.
À l'heure actuelle, au SPGQ, nous comptons 26% de femmes parmi
les personnes mises en disponibilité contre 16% de femmes dans
l'ensemble de nos effectifs, de même qu'une surreprésentation des
personnes âgées et ayant beaucoup d'ancienneté. C'est une
situation qui ne fait que commencer car, avec le temps, le nombre de personnes
touchées par la réduction des effectifs ira en augmentant.
Programmes d'égalité en emploi: Rappelons que la politique
d'égalité en emploi pour les femmes dans la fonction publique
vise deux objectifs principaux. Le premier prévoit l'élimination
de tout élément de nature discriminatoire en matière de
gestion du personnel. Le second vise à rééquilibrer la
représentation quantitative de l'effectif féminin dans la
fonction publique à tous les niveaux de la hiérarchie et dans
tous les secteurs d'emploi. Nous ne croyons pas que le programme
d'égalité en emploi a eu un effet sur la représentation
des femmes. On peut même vous dire qu'au niveau du recrutement, à
ce moment-ci, le pourcentage des femmes professionnelles diminue depuis les
deux dernières années.
La représentation des femmes n'a à peu près pas
changé dans la fonction publique. De plus, les corps d'emploi où
le poids des femmes est demeuré stable sont justement ceux qui sont
exclusivement masculins.
Dans le bilan du ministère de la Fonction publique sur le
programme d'égalité en emploi, on dit à mots à
peine couverts que la "stratégie incitative d'intervention" n'est que de
la poudre jetée aux yeux des femmes. On sème des illusions du
côté des participantes qui y ont cru sans pouvoir compter sur une
"terre administrative fertile".
Du côté des ministères, on déplore le manque
d'orientations précises et cohérentes de l'organisme central
chargé de la coordination du programme. L'absence de politiques
d'encadrement entraîne forcément une paralysie dans l'action.
En matière de gestion du personnel et de développement des
ressources humaines, l'heure est à la solution des problèmes
organisationnels engendrés par la décroissance des effectifs
rapporte encore le document sur le bilan de la politique
d'égalité en emploi pour les femmes dans la fonction publique.
L'absence de priorité donnée au programme d'égalité
en emploi le relègue au dernier rang des préoccupations de
l'employeur, à moins qu'un de ses représentants n'y voit
là un motif de promotion personnelle.
Les réalisations concrètes des différents volets de
la politique d'égalité en emploi permettent de toucher du doigt
cette absence de volonté gouvernementale. On a sensibilisé les
cadres à la discrimination en emploi, on a sensibilisé les femmes
au développement de leur carrière, mais sans modifier en
profondeur et dans le sens des intérêts des travailleuses les
règles du jeu. Ainsi en est-il du projet de reclassement des
employées de secrétariat et du projet de création de
postes à temps partiel.
Le projet de reclassement des employées de secrétariat,
même s'il fait disparaître le classement-moquette, n'apporte aucune
solution à l'absence de débouchés de ce corps d'emploi. De
plus, ce reclassement se fait sur le dos d'un autre corps d'emploi, agents de
bureau, composé majoritairement de femmes. Comme mesure
d'égalité en emploi, on peut difficilement faire pis.
Lier "postes à temps partiel" à "programme
d'égalité en emploi", comme on le voit dans presque tous les
programmes ministériels, équivaut à admettre que le
travail rémunéré des femmes doit nuire le moins possible
à leurs responsabilités familiales. De là à les
encourager à
retourner au foyer, il n'y a qu'un pas. Les postes à temps
partiel pour les femmes consacrent leur double tâche, minimisent leurs
chances de promotion, les maintiennent dans une dépendance
économique. Et la boucle se referme...
Les postes à temps partiel, malgré les prétentions
patronales, ne sont pas tant liés aux besoins spécifiques des
femmes dans l'organisation de leur temps de travail qu'aux exigences des
organisations en cette période de réorganisation du travail.
Voilà comment le gouvernement traite le droit des femmes à un
travail social rémunéré.
Nous le voyons, les programmes d'égalité en emploi ne
servent jusqu'ici qu'à camoufler de nouvelles mesures patronales qui
vont affecter un très grand nombre de femmes, le gouvernement se servant
de l'actuel article 116 de la Loi sur la fonction publique, qui exclut du champ
du négociable une matière aussi importante que la classification
et les plans qui concernent l'organisation du travail.
Les programmes d'accès à l'égalité. Comment
ne pas douter de la bonne foi du gouvernement dans l'orientation et dans
l'étendue qu'il donnera aux programmes d'accès à
l'égalité quand il refuse la surveillance et le contrôle de
la Commission des droits de la personne sur ces programmes alors qu'il l'a
chargée par ailleurs de surveiller et de contrôler les programmes
d'accès à l'égalité dans les autres secteurs, sans
lui donner les moyens financiers dont elle avait besoin, ceci soit dit en
passant? Le projet de règlement sur les critères
d'élaboration, d'implantation et d'application des programmes
d'accès à l'égalité nous donne raison. C'est un
minimum qui ne rend même pas indispensables dans un programme
d'accès à l'égalité les mesures de redressement qui
en font pourtant sa spécificité. Que deviendront ces programmes
d'accès à l'égalité non obligatoires, mal
définis, non négociés?
L'avant-projet de loi sur la fonction publique nous dit que le Conseil
du trésor sera responsable d'établir des programmes
d'accès à l'égalité. Il pourra, en tout ou en
partie, déléguer cette fonction aux ministères. On nous
dit également que, dans les concours de recrutement et de promotion,
l'application de programmes d'accès à l'égalité
constitue dans certains cas une des conditions d'accès à un
concours. Comme énoncé des intentions gouvernementales en ce qui
a trait à l'accès à l'égalité, on peut
difficilement faire moins.
Conclusion: La situation des femmes dans la fonction publique va se
détériorer dans le contexte actuel, contrairement à ce que
laissent supposer les beaux principes énoncés dans l'avant-projet
de loi sur la fonction publique à l'article 6. L'accès à
l'égalité pour les femmes de la fonction publique, plus que
jamais, passe par la négociation avec les associations
représentatives des travailleuses. Nous demandons l'abolition de
l'article 116 de la loi actuelle et la négociation de vrais programmes
d'accès à l'égalité.
Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Mme Rochon a dit beaucoup de choses. Je ne
reprendrai pas chacun des points. On ne rentrera surtout pas dans une guerre de
statistiques parce que les miennes ne correpondent pas aux siennes, mais en
tout cas!
Grosso modo, le message que je vais livrer est le suivant. Hier, on a eu
l'occasion de dire devant cette commission parlementaire, à l'occasion
de la visite des membres des communautés culturelles qui sont venus nous
parler des programmes d'accès à l'égalité,
qu'après quelques années d'expérience de ces
régimes, de ces programmes, qui ont été basés, il
est vrai, sur une base plutôt incitative que coercitive, dans la
perspective où on était fort conscient - et je pense que Mme
Rochon pourrait l'admettre aussi - qu'il s'agissait là de mesures visant
à améliorer le sort des clientèles visées, il
s'agissait surtout de tenter de mettre en oeuvre des changements de
mentalités qui sont malheureusement aussi ancrées dans la
fonction publique qu'ailleurs. Plutôt que de choisir des mesures
coercitives, les gens à l'époque avaient abordé les
programmes d'accès à l'égalité d'une façon
plutôt incitative en espérant que non seulement la réaction
de l'administration serait plus favorable à une telle approche, mais
qu'en plus cela permettrait peut-être à des ministères
d'avoir plus d'imagination, plus d'initiative et peut-être plus
d'idées qu'avec des règlements coercitifs décidés
à l'avance qui ne correspondraient pas à toutes les
réalités vécues. Ce programme a été mis en
place, dans le cas des femmes, depuis trois ans. Nous vous en ferons d'ailleurs
un bilan dans les prochains mois, un bilan qui sera certainement très
honnête et, en conséquence, nous ferons des recommandations au
gouvernement.
Il se peut que l'approche qui a été choisie n'ait pas
été la meilleure. Il se peut que cela ait été la
bonne approche. Nous ferons une analyse exhaustive du bilan et nous
communiquerons à ce moment les résultats. Ce que j'en sais
à ce jour, c'est que, malgré tout ce que vous voulez en dire, ce
n'est pas aussi négatif que cela. Les programmes d'accès à
l'égalité dans certains ministères et dans certains
endroits ont eu des résultats heureux pour les femmes. Ils ne sont pas
spectaculaires, je suis la première à ne pas me gargariser des
résultats de ces programmes d'accès à
l'égalité, mais le bilan
n'est pas négatif. Je trouve que, lorsque vous en faites un bilan
aussi négatif, on ne rend pas service aux femmes.
On va oublier l'orthodoxie patronale et l'orthodoxie syndicale. Je me
permettrai de vous dire que M. Lecourt se rappellera ce que je vous ai
déjà dit à l'interne, dans une discussion sur
l'égalité en emploi. Dans une certaine mesure, vous ne devriez
pas plus faire confiance à vos collègues que je ne fais confiance
aux miens. Je pense que nous vivons dans une société où
forcément nous sommes influencés par notre culture, notre valeur
et notre éducation. Dans ce sens-là, on a tous des
préjugés à combattre de part et d'autre. Je vous l'avais
dit à l'époque, parce que je vous avais invité, comme
syndicat, comme syndicat reconnu militant sur le plan de la condition
féminine, en tout cas, ayant certainement des personnes très
militantes parmi vos ressources sur le plan de la condition féminine, on
vous avait demandé de participer au comité de surveillance des
programmes d'accès a l'égalité - parce que vous savez que
c'est comme cela que ça marche - pour nous aider à trouver, parmi
d'autres intervenants qui ont accepté de siéger à ces
comités, y compris le Syndicat des fonctionnaires, pour nous aider
à améliorer les performances des programmes d'accès
à l'égalité. Vous avez refusé en nous disant: II
n'est pas question, grosso modo - je ne me souviens plus du jargon; d'abord,
les jargons de négociation, j'ai tenté de m'en éloigner le
plus possible -on ne s'assoit pas avec le patron si cela ne se négocie
pas. C'est ce que j'appelle de l'orthodoxie syndicale.
C'est vrai qu'idéalement vous voulez que les programmes se
négocient, sauf qu'en tant que femmes, je trouvais que vous aviez
intérêt comme moi - je trouve que là, vous faites des
accusations dans le genre de celles où les gens qui parlent
d'égalité, de condition d'emploi ou d'égalité
féminine font de la promotion personnelle; je pense que ce sont des
accusations que vous lancez un peu gratuitement - qu'importe de quel
côté de la table nous étions, nous avions
intérêt à nous unir, à nous mettre ensemble pour
faire progresser la cause au-delà des débats plus
généraux qui doivent être là et qui demeureront
toujours. Vous avez refusé à ce moment-là. Je ne dis pas
que le résultat serait plus spectaculaire si vous y aviez
participé, peut-être qu'il serait un peu mieux; c'est loin
d'être sûr. Alors, je dis que vous ne nous avez pas aidés,
en tout cas, à améliorer les programmes d'accès à
l'égalité si vous trouviez qu'ils n'étaient pas
valables.
D'autre part, pour revenir sur des points précis de la
négociation... Je ne les reprendrai pas tous, mais quelques-uns. Vous
parlez entre autres, des corps discriminés. Vous nous dites: II y a des
corps discriminés dans la fonction publique, etc. On a eu un long
débat là-dessus durant les négociations. Nous avons une
étude, je vous l'ai dit très honnêtement durant toute la
négociation, qui ne fait pas la preuve qu'il y a effectivement
discrimination.
Ce que nous vous avons proposé, c'est de mettre sur pied un
comité paritaire avec toutes les balises possibles pour se donner le
maximum de chances afin que les conclusions de ce comité soient
honnêtes et que le gouvernement les accepte s'il devait être
prouvé qu'il y a discrimination. Finalement, cela n'a pas
été paraphé. Vous vouliez que le gouvernement admette
d'emblée qu'il y avait discrimination. Il n'y avait pas de preuves. En
tout cas, les études que nous avions n'étaient pas suffisamment
claires et vous ne nous avez pas fourni la preuve contraire durant les
négociations. Il y avait ce comité qui est toujours dans le cadre
du règlement qui est sur la table. Je pense qu'un tel comité
aurait pu et pourrait toujours -j'espère qu'on va l'avoir - rendre
service aux femmes de la fonction publique québécoise. Moi, comme
membre du gouvernement, je pense qu'il faut se préoccuper des femmes de
la fonction publique québécoise. Mais il faut aussi avoir une
vision plus large et tenter de se préoccuper, sur une base plus
générale, de l'ensemble des femmes du Québec.
Dans cette perspective, je pensais que ce comité aurait
aidé l'ensemble des femmes québécoises. Nous manquons
d'études sur la discrimination sur le marché du travail. Durant
les négociations, nous avons eu des communications, entre autres, avec
un organisme comme la Commission des droits de la personne à Ottawa - on
est capable d'aller chercher les bonnes choses là où elles sont -
effectivement, tout le monde reconnaissait qu'il n'y avait pas de balises
très claires. Nous étions prêts à utiliser les
meilleurs spécialistes, les plus objectifs finalement. Le comité
est toujours sur la table et ce n'est pas réglé parce qu'on ne
vous a pas donné exactement ce que vous vouliez.
Le classement-moquette. Vous faites allusion au classement-moquette;
vous avez souligné certains aspects de la solution qui est
proposée. La solution qui est proposée a été
déposée à M. Harguindeguy, au Syndicat des fonctionnaires,
pour consultation. Je ne veux pas présumer maintenant de ce qu'il y aura
comme règlement final tant que nous n'aurons pas une réaction
officielle du Syndicat des fonctionnaires. Nous tenterons, compte tenu des
moyens dont dispose l'État... Je vous souligne que, sur le
classement-moquette, malgré que la solution actuellement
déposée ne soit pas idéale, il y a quand même 6 000
000 $ que le gouvernement a décidé d'investir là-dedans.
Cela a peut-être l'air un peu mesquin d'arriver avec des montants
d'argent, sauf
que, là aussi, il faut tenir compte d'un certain équilibre
des besoins dans notre société. (16 h 45)
Vous arrivez avec le temps partiel. Pour le temps partiel, il y a aussi
une solution en consultation. Je ne veux pas entrer dans une guerre de religion
sur le temps partiel parce qu'il y a des points de vue que je partage. Je ne
pense pas qu'on aurait intérêt à instaurer dans la fonction
publique québécoise un régime de temps partiel qui
maintienne les femmes dans une situation de "cheap labor", ce n'est pas cela
qui est l'intérêt. Là aussi, il y a un équilibre
à maintenir entre les femmes qui sont dans la fonction publique et les
femmes qui ne sont pas dans la fonction publique, qui sont à la maison,
qui ne trouvent pas de travail et qui, elles, voient un intérêt
certain à venir, parce qu'elles ne sont pas disponibles à temps
plein, prendre une certaine expérience, à retrouver
tranquillement le marché du travail selon les disponibilités
qu'elles ont et, de ce fait, à se donner plus de chances, une fois
entièrement disponibles, d'avoir un emploi à temps complet dans
la fonction publique.
Je pense qu'il faut quand même, au-delà des objectifs
idéaux que nous avons tous de faire progresser la cause d'une
façon plus accélérée, avoir une perspective
d'équilibre entre l'idéal et le possible. Comme je l'ai dit hier
aux membres des communautés culturelles, il ne sert à rien,
compte tenu du contexte actuel de recrutement et de promotion, de
prétendre que je vais régler votre problème de
représentativité d'ici trois ans; cela serait irréaliste,
cela serait vous conter des menteries; cela ne serait pas correct de le faire.
Je pense que, dans cette perspective, pour l'égalité d'emploi en
ce qui concerne les femmes, il faut peut-être aller plus vite, plus loin.
Il faut certainement aller plus loin, il faut peut-être aborder les
programmes d'accès à l'égalité autrement que nous
ne l'avons fait. Il ne faut pas cependant donner l'illusion que, si tout n'est
pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, c'est nécessairement
parce qu'on a un gouvernement ou une société de gens qui ne sont
pas prêts à considérer que les choses ont
évolué sur le plan de la condition féminine et à
donner à la femme la place qui lui revient dans notre
société.
Je m'excuse d'avoir parlé aussi longuement, mais il faut dire que
ce sont toujours des débats très passionnés quand nous
nous rencontrons. Je pense qu'il faut quand même maintenir un peu
d'équilibre.
La question que je vous poserais précisément, sur les
programmes d'accès à l'égalité, en fonction des
objectifs que vous poursuivez et qui, je pense, sont les miens, c'est: Est-ce
que vous avez des suggestions concrètes vis-à-vis de
l'avant-projet de loi qui nous aideraient à faire progresser la cause de
la condition féminine?
Mme Rochon: Je pense que nos suggestions concrètes sont
dans notre conclusion. Ce qu'on veut, c'est qu'on arrête de parler
d'égalité en emploi et d'avoir de belles discussions de
sensibilisation sur les carrières. Dans les faits, ce qui se passe
à côté nuit aux femmes, que ce soit sur des questions comme
le classement-moquette... Combien le gouvernement économisera-t-il
d'argent en faisant disparaître deux échelons des agents de
bureau? En introduisant des postes à temps partiel, de combien d'emplois
allez-vous diminuer les effectifs avant d'engager une nouvelle personne?
Sur la question d'accès à l'égalité comme
sur toutes les questions de relations de travail, cela passe par les
associations représentatives, c'est-à-dire par des discussions
continues avec les associations représentatives, et ce n'est pas cela
que nous vivons. On sent qu'on est toujours tassé dans le coin. Au
comité de surveillance d'égalité en emploi, quand je vois
ce qui s'y fait, je suis très contente de ne pas y être.
Mme Courcelles (Lise): J'aurais un complément
d'information à donner. Je trouve que Mme la ministre fait des abus de
langage quand elle parle d'égalité en emploi et qu'elle taxe ce
programme-là de programme d'accès à
l'égalité. C'est peut-être un programme
d'égalité d'accès, mais ce n'est sûrement pas un
programme d'accès à l'égalité puisque, pour autant
que je sache, les programmes d'accès à l'égalité ne
sont toujours pas possibles. On attend toujours le projet de règlement
qui rendrait ces programmes possibles. Comme on le dit dans notre texte, la
spécificité des programmes d'accès à
l'égalité que le règlement ne semble pas toujours
reconnaître, c'est qu'il y a des mesures de correction qui donnent des
avantages préférentiels aux gens des groupes discriminés
temporairement.
Je ne pense pas que, dans aucun élément du programme
d'égalité en emploi, il s'agisse vraiment d'accès à
l'égalité. C'est une erreur de langage qui laisse, sans
être puriste et...
Mme LeBlanc-Bantey: Une nuance.
Mme Courcelles: Oui, c'est une nuance fondamentale, puisqu'il
fallait modifier la Charte des droits et libertés de la personne.
Quant au comité de surveillance, je trouve que vous nous taxez
rapidement de non collaborateurs. Quand on songe au mandat de ce comité
de surveillance, peut-être qu'on devrait un peu questionner la
représentante du Syndicat des fonctionnaires sur cette question, car ce
serait très intéressant d'avoir son point de vue; quand
on pense à ce comité, dis-je, qui n'avait même pas
mandat de faire rapport sur la place publique de l'efficacité des
programmes d'égalité en emploi, vous comprendrez que, pour nous,
c'était inacceptable. Si ce comité voulait vraiment surveiller
quelque chose, il fallait que tout le monde puisse prendre conscience de son
évaluation de la situation. Faire cela en catimini, entre nous, disons
qu'on ne trouvait pas que c'était vraiment de notre ressort d'y
participer. Cela ne correspondait pas du tout à nos objectifs.
Quand vous faites référence à certains
éléments de notre texte qui se réfèrent à
des évaluations sur le programme d'égalité en emploi, je
vous ferai remarquer que ces évaluations ont été prises
dans le rapport préliminaire d'égalité en emploi produit
par votre propre ministère. Quand on dit qu'il n'y a pas de terre
administrative fertile, quand on dit qu'il y a des gestionnaires qui l'ont mis
en application plus ou moins pour des motifs de promotion personnelle, ce n'est
pas notre invention. Ce sont des évaluations qui ont été
faites sur le terrain.
Quand vous parlez du temps partiel qui est en consultation, on voudrait
bien le croire. Quand vous donnez la raison finalement, ce n'est probablement
dit dans aucun document, car ce n'est pas une chose qui se dit, on voit tout de
suite le mouvement des femmes qui va se prononcer contre cela - que c'est un
équilibre à maintenir entre les femmes à la maison et les
femmes qui sont à l'emploi de la fonction publique, disons que les
vraies couleurs du temps partiel sont finalement données. C'est une
façon de partager les femmes entre elles, de les diviser encore. Vous
qui ne voulez pas cela, je suppose que ce que vous voudriez donner aux femmes
du Québec comme à l'ensemble des travailleurs du Québec,
c'est un emploi. On ne commencera pas à jouer les femmes les unes contre
les autres. J'espère que cela ne viendra pas de vous. Ce sont là
les éléments que j'avais à ajouter à ce que
Madeleine a dit.
Mme Rochon: J'aurais peut-être le goût d'ajouter
quelque chose. Tantôt, Mme la ministre, vous avez taxé mon langage
d'idéologique quand j'ai parlé d'arbitraire patronal. Je veux
dire que ce que je vois dans la fonction publique tous les jours comme
étant responsable du comité des femmes du SPGQ, face aux femmes,
c'est cela l'arbitraire patronal. Entre autres, quand la loi est entrée
en vigueur qui permettait une souplesse au niveau de l'âge de la
retraite, on a vu des femmes qu'on a insécurisées, on les a mises
à la retraite en leur disant que si elles ne prenaient pas leur
retraite, elles allaient être mises en disponibilité
bientôt. L'arbitraire patronal, le climat d'insécurité,
compte tenu de ce qu'on connaît de la fonction publique, selon nous, ce
qu'on voit par rapport à des gestionnaires face à des groupes,
des individus, la statistique qu'on a sur les mises en disponibilité des
femmes, on l'avait prévu.
Quand on regarde les gestes de l'employeur qui ne sont vraiment pas des
gestes d'un représentant de l'employeur, mais des gestes de l'employeur,
comme les postes à temps partiel, le classement-moquette, on sait qu'il
y a des changements à la classification qui s'en viennent. Nous sommes
très inquiètes comme femmes, pas seulement comme
syndiquées. Ce sont des droits comme femmes qu'on perd et ce sont des
droits comme salariées. Il n'y a encore eu aucune volonté de la
part de l'employeur de regarder ces choses de façon globale. Il y a
même toujours une reconnaissance de l'employeur, toujours un manque de
données. Un jour, il faudra bien négocier indépendamment
de l'article 116, regarder la situation des femmes dans la fonction publique,
regarder au jour le jour comment elle évolue. C'est la
négociation des programmes d'accès à
l'égalité. Cela fait longtemps qu'on le dit et on pense que c'est
seulement en négociant des programmes d'accès à
l'égalité, non pas en cachant 56 dimensions de la
réalité, mais en la regardant dans son ensemble.
Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: En conclusion, je vais admettre que,
effectivement, l'administration n'est pas toujours une terre fertile en ce qui
a trait au programme d'accès à l'égalité, mais
qu'elle a avantage à le devenir de plus en plus. Je comprends quand
Madeleine Rochon dit qu'il faut s'inquiéter. Vous parlez de l'arbitraire
patronal pour les femmes. On l'a vécu dans le cas de
l'ancienneté. Pour être juste envers tout le monde, on va dire que
cela n'a pas été strictement dans le cas des femmes; il y a eu
aussi de l'arbitraire que des hommes ont eu à subir. Il faut être
d'autant plus vigilant peut-être parce que nous sommes moins
habituées de nous défendre, dans le cas des femmes, que dans le
cas de la majorité dans la fonction publique. J'espère que cela a
été localisé et que cela n'a pas été
rapporté comme une volonté générale des
gestionnaires de se servir, entre autres, de mesures pour finalement taper
volontairement sur la tête des femmes. Par ailleurs, que vous continuiez
d'être vigilantes, que tout le monde continue d'être vigilant, cela
permet de tenter, dans la mesure du possible, de remédier à ces
situations.
Vous parlez de la négociabilité - et je termine sur cela -
des programmes d'accès à l'égalité. On avait
accepté - c'est toujours dans le cadre de règlements - de
négocier
une partie des programmes d'accès à
l'égalité pour les matières négociables. On ne
reprend pas la discussion, du reste. La raison pour laquelle j'étais
d'accord pour qu'il y ait une négociabilité, dans la mesure du
possible, des programmes d'accès à l'égalité, c'est
que j'avais l'impression que cela était bon pour l'ensemble des
objectifs que l'on poursuit, indépendamment du langage en matière
d'égalité pour les femmes. Je me disais que, s'il y avait une
négociabilité, les syndicats seraient plus vigilants; au moins,
vous participeriez, ce qui n'est pas le cas avec les comités de
surveillance. Plus les syndicats seront vigilants, mieux cela sera pour les
objectifs que l'on poursuit. Cela fait encore partie du cadre de
règlement, mais cela ne règle pas toute la
négociabilité, je l'admets, parce qu'il y a la classification et
d'autres aspects.
Le Président (M. Champagne): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: J'ai seulement quelques remarques à faire. Au
moment des discussions de la commission spéciale sur la fonction
publique, il est évident que nous avions eu certains doutes quant au
temps partiel. Souvent, ce sont les femmes qui sont les plus grandes perdantes
dans le travail à temps partiel. C'est pour cela qu'on se refusait
à promouvoir le travail à temps partiel pour les femmes.
J'aimerais laisser le niveau des grandes discussions, parce que Mme la
ministre a posé une question que j'avais déjà
préparée pour vous; alors, je le lui laisserai. J'aimerais avoir
votre opinion sur l'instauration des stages pratiques, par exemple, pour les
femmes. On sait que des femmes ont tout de même un vécu important
quand elles veulent revenir sur le marché du travail en ce qui concerne
la fonction publique; celles qui font déjà partie de la fonction
publique ont souvent le vécu, mais n'ont pas ce qui est
nécessaire pour effectuer certaines tâches. Si l'on veut qu'elles
accèdent à des postes supérieurs et professionnels, ou
à des postes de techniciennes, je crois qu'il est important de penser
à l'instauration de ces stages. Dans votre milieu, est-ce qu'on se
refuse à le faire ou s'il y a vraiment une volonté de participer
à de tels stages pratiques, par exemple? Est-ce qu'on voit cela comme
une possibilité de remédier à une catégorisation
chez les femmes à des postes inférieurs?
Mme Rochon: Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris la
question précise.
Mme Bacon: Les stages pratiques.
Mme Rochon: Sur la question de la formation qui doit être
donnée à des groupes dans une perspective d'accès à
l'égalité, qui rentre dans des mesures spéciales, il n'y a
aucun problème de notre côté.
Mme Bacon: C'est bien accepté.
Est-ce que vous accepteriez de confier ces responsabilités de
programmes à une hiérarchie supérieure en ce qui a trait
aux ministères? Est-ce que vous voulez que cela soit encore plus
près de celles qui occupent des postes que les femmes qui sont dans des
postes moins payants?
Mme Rochon: Quand on parle de programmes d'accès à
l'égalité, on parle vraiment de l'évaluation d'une
situation où on se fixe des objectifs quantitatifs, on se donne des
moyens d'y arriver. Il y a vraiment toute une démarche globale qui doit
être suivie de A à Z avec les associations des personnes
concernées. Dans la fonction publique, cela commencerait bien des fois
par ramasser des données. C'est de A à Z que les syndicats
doivent être intégrés dans le processus.
Une des choses aussi qui est dommage dans l'avant-projet de loi et ce
qu'on sent dans la nouvelle organisation patronale qui ne semble pas tellement
bonne pour les femmes - ce dont j'ai oubliée de parler tantôt
-c'est que, de plus en plus, on s'en vient par rapport au ministère et
il n'y a plus la mobilité interministérielle. On ne sent plus du
tout, dans la fonction publique, cette volonté et les moyens d'avoir une
mobilité interministérielle. Même pour les mises en
disponibilité, il n'est pas question de priorité, dans un premier
temps. Dans d'autres ministères, on sent vraiment des blocages. Pour les
femmes, c'est également important cette mobilité
interministérielle. (17 heures)
Mme Bacon: Toujours au niveau de l'égalité des
chances, on sait qu'il y a des coupures qui existent et vous les vivez tous les
jours. Le recrutement est presque nul, sinon nul. Il y a quand même des
actions qui peuvent être envisagées. Je pense que, si on utilisait
un peu l'imagination et le savoir, il devrait y avoir des formules de
remplacement. On a parlé hier des formules de remplacement au niveau des
communautés culturelles, par exemple. Est-ce que vous envisagez d'une
façon très réaliste certaines formules de remplacement,
compte tenu de ces coupures qui existent et du recrutement qui est nul?
Mme Rochon: Non seulement le recrutement est nul, mais le nombre
d'emplois est en train de diminuer. C'est aussi cela qu'il faut regarder. Une
femme qui a pris deux congés parentaux sans solde à demi-temps,
parce qu'elle a eu deux enfants, son employeur lui dit: II y a tellement
longtemps que tu prends des
congés sans solde a temps partiel, prends donc un poste à
temps partiel. À ce moment-là, les gestionnaires qui regardent
comment ils doivent arriver à rendre des services ont trois choix:
couper des postes et mettre des gens en disponibilité; déclasser
les individus, c'est-à-dire profiter d'un départ pour essayer
d'engager quelqu'un qui est moins bien classé; ou bien introduire des
postes à temps partiel. Il y a des changements à la
classification qui s'en viennent. On parle des problèmes qu'on vit et on
pense que c'est se leurrer de penser qu'il y ait une situation à ce
moment-ci qui va même permettre l'amélioration du sort d'autres
personnes à l'extérieur. Pas parce qu'on est contre. On peut bien
engager deux personnes en abolissant 100 postes et dire qu'on a
amélioré la situation parce qu'on a engagé deux personnes.
Ce qu'on regarde, c'est qu'il y a 100 personnes qui ont perdu un emploi.
Combien de femmes et combien de personnes ont été
réengagées? Je veux dire que c'est l'ensemble de la situation
qu'il faut regarder. On ne va pas se leurrer sur des prétendues
entrées possibles s'il y a des gens qui laissent la place.
Mme Bacon: Vous ne voulez pas vous leurrer, non plus, sur des
formules possibles de remplacement. C'est un peu cela.
Mme Rochon: Je vais vous expliquer. Comme femmes, nous
connaissons le problème de travailler à temps plein avec des
jeunes enfants qui se réveillent la nuit. Ce sont encore les femmes qui
se lèvent la nuit, comme vous le savez. Il y a des demandes pour des
congés sans solde à temps partiel pour alléger la semaine
de travail, mais liées à des besoins d'individus, aux situations
que les individus vivent quand les enfants sont petits ou qu'une femme retourne
sur le marché du travail. On peut vouloir y aller très
progressivement. C'est le besoin d'un individu. Cela n'a rien à voir
avec un patron qui est pris avec les compressions budgétaires et qui
dit: La seule manière de m'en sortir, c'est d'essayer de redistribuer
mes effectifs. Telle personne, je vais la faire travailler à temps
partiel, ou c'est une nouvelle forme d'organisation du travail qui vient des
coupures budgétaires. Cela n'a rien à voir avec les
problèmes des individus. On ne croit pas à ce moment-ci, compte
tenu de ce que l'employeur accepte de discuter avec nous, qu'il va y avoir
possibilité d'une adéquation.
Mme Bacon: Est-ce que cela vous inquiète de voir qu'il y
ait un peu la mainmise du Conseil du trésor sur des êtres humains?
Il est très facile pour le Conseil du trésor de jouer avec des
chiffres et de s'amuser avec des chiffres. Au moment où on lui confie
des êtres humains, est-ce que cela vous inquiète?
Mme Rochon: C'est certain, car ce que nous essayons toujours de
voir quand on regarde une directive, un règlement, c'est ce qui va
arriver aux individus, quels vont être les droits des individus, comment
les patrons vont se comporter et comment peut-on s'arranger pour que cela ne
ressemble pas à ce que moi, j'appelle dans mon langage la jungle, des
règlements de comptes, etc. J'en ai vécu, car je suis dans la
fonction publique depuis bientôt dix ans. J'ai souvent vu ce genre de
situations. C'est pour cela qu'on veut des droits en tant que groupes - ce sont
nos conventions collectives - et des droits pour les individus; ce sont les
droits de recours quand les règles du jeu ne sont pas respectées.
Toute notre perspective est celle-là. Que le patron s'organise comme il
le veut, mais à la condition que nous, comme individus, on conserve nos
droits.
Le Président (M. Champagne): D'accord. Peut-être un
petit mot, M. le président; ensuite, la ministre conclura.
M. Lecourt: C'est un mot d'ensemble. Cela va peut-être
avoir l'air curieux. Je vais conclure en prenant l'exemple d'une situation qui
est toujours difficile à comparer, qui, vue de l'extérieur,
s'apparente un peu à celle que notre syndicat a vécue ou vit
présentement face au gouvernement du Québec. C'est un exemple
pris au gouvernement fédéral, oh horreur! mais je le prends quand
même. Vous savez que, pendant des années, il y a eu des conflits
de travail beaucoup plus explosifs que ceux qu'on a pu voir avec les
professionnels, avec le syndicat des postiers. On ne compte pas les
grèves, on ne compte pas les accusations de tout ordre qui ont
été portées contre ce syndicat, de radicalisme etc., types
d'accusations qui sont, avec des bémols, portées contre notre
syndicat. Pourtant, il y a quelques années, on a enfin changé la
loi qui restreignait le droit de négocier dans les postes, en
créant une société des postes. On ne réclame pas
une société de la fonction publique, mais on réclame, en
ce qui concerne le régime syndical, le même type de modifications
que ce qu'on a connu aux postes. Dans une époque de changements à
caractère technologique dans ce cas, force a été de
constater que l'administration était aussi bien d'essayer de
négocier avec le syndicat. Je ne sais pas si vous avez remarqué
que, depuis, c'est toujours un syndicat militant, sauf que les conflits de
travail se sont atténués de beaucoup. Je crois que le service aux
citoyens, nous sommes à même de le constater, malgré des
ratés occasionnels dans la machine, s'est tout de même
considérablement amélioré.
C'est une comparaison qui, comme
toute comparaison, ne peut pas être une adéquation parfaite
avec notre situation. On ne fait pas le même genre de travail, on n'est
pas avec le même gouvernement, on n'est pas exactement le même
syndicat. Sauf que, face à cet avant-projet de loi, cette comparaison
m'indique qu'il y a nécessairement un élément à
regarder du côté du régime de négociation, si,
encore une fois, par rapport à ce que je disais au début,
l'avant-projet de loi est l'occasion d'un virage ou l'occasion de maintenir la
même approche que celle qu'on a connue il y a quelques mois.
C'est tout. Je rappellerai aussi à Mme LeBlanc-Bantey une demande
que j'ai formulée tantôt. S'il y a un comité patronal qui
est pour regarder le régime syndical, j'aimerais qu'on ait ses
conclusions d'ici à quatre semaines, en même temps qu'on va revoir
un projet de loi en version définitive. Merci.
Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Sur le comité, je vous fournirai une
réponse dans les prochains jours. La difficulté, a priori, que
j'y vois, c'est que, vu qu'on ne voulait pas arriver en contradiction avec des
recommandations éventuelles de ce comité par rapport à
notre régime syndical, il faudrait qu'il ait fait sa réflexion et
qu'il se soit arrêté sur l'ensemble des problèmes ou qu'il
ait une vision nette de la façon dont il envisage la solution de ce
qu'on a connu dans les négociations précédentes avant
d'arrêter son idée sur le régime syndical dans la fonction
publique, parce qu'autrement mon problème n'est pas réglé.
C'est la première difficulté que j'y vois, mais je vais tout de
même aller vérifier.
En terminant, je voudrais remercier le Syndicat de professionnelles et
de professionnels du gouvernement du Québec. Il s'est dit beaucoup de
choses. On va tenter de regarder cela avec le plus d'attention possible. Je
voudrais avouer tout bonnement ceci: Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille
pas, la façon dont la dernière négociation s'est
déroulée et surtout ce qu'il y a actuellement dans les
décrets demeurent au coeur de tout ce qu'on discute. C'est ce qui
explique que, de temps à autre, on s'échauffe parce que
forcément la page n'est pas tournée. Je pense qu'elle n'est pas
plus tournée pour vous qu'elle ne l'est pour nous.
M. Lecourt, j'ai envie de vous dire très simplement aussi: Vous
savez qu'il y a des choses dans les décrets que je n'aime pas plus que
vous, mais qui pour des circonstances, y sont entre autres, tout le plan de
carrière des professionnels. Elles y sont parce qu'on n'a pas eu le
temps de négocier, cela n'a pas adonné de part et d'autre; on ne
reprendra pas le procès. Ce que j'ai envie de vous dire avant de partir:
Allez vous chercher des nouveaux mandats chez vos membres et je tenterai
d'aller chercher des nouveaux mandats au gouvernement. J'ai toujours
l'impression que, pour peu qu'il y ait une volonté réelle
d'arriver à un règlement, c'est encore possible.
Le Président (M. Champagne): M.
Lecourt.
M. Lecourt: Une chose, madame, quand on va se chercher des
mandats habituellement... À moins que vous ne vouliez inverser les
relations de travail, jusqu'à récemment l'employeur faisait des
offres. Je ne vous dis pas de déposer de nouvelles offres sur la table,
mais c'est comme cela qu'on procédait. Aussi, jusqu'à nouvel
ordre, le dégât des décrets, vous l'avez commis, je ne veux
pas revenir sur cela, mais c'est vous qui l'avez voté. Nous avons les
mandats de négocier s'il y a matière à négociation.
On a fait des pas -j'espère que vous les avez notés car on vous
les a sûrement rapportés - dans une tentative de se sortir de ce
cercle vicieux. Quand bien même on se rappellerait le passé
pendant 25 ans, il va être passé. On a tenté depuis la
rentrée d'ouvrir la porte à une nouvelle façon de
régler les problèmes. J'espère qu'on va continuer. Les
signes doivent venir des deux côtés.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est cela. Disons qu'il y a des pas à
faire de part et d'autre. On ne reprendra pas la discussion.
M. Lecourt: En tout cas, c'est cela, de toute façon.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Je voudrais tout simplement vous remercier. Mon absence
d'intervention n'est pas le signe du désintéressement des propos
que vous avez tenus. J'ai pensé préférable de laisser
à mon collège de Jean-Talon, qui avait siégé
à la commission spéciale, le soin de vous poser un certain nombre
de questions. Votre mémoire est un outil de travail que j'ai l'intention
d'utiliser et que nous de l'Opposition, nous avons l'intention d'utiliser. Je
retiens de vos remarques, de vos interventions que vous avez identifié
un problème sérieux de non-motivation, de démobilisation,
de dégration du climat de travail à l'intérieur de la
fonction publique. Ayant moi-même pendant de nombreuses années
été membre du syndicat dont vous êtes président -
ayant été fonctionnaire - je connais les problèmes
auxquels vous avez à faire face. J'y suis très
sensible.
Je pense que le gouvernement doit donner l'exemple là-dedans
comme dans d'autres choses. Bien sûr, si la perception des fonctionnaires
et des employés de l'État est que le gouvernement tourne à
vide et se cherche une vocation en créant des comités de
dernière minute - des comités sur la relance économique,
sur la question nationale, avec toutes sortes d'euphémismes -il serait
contraire à la nature des choses que, dans l'échelle
hiérarchique, on retrouve cette motivation et cette mobilisation, ce
climat de travail qui est désirable pour assurer vraiment la
primauté des services aux citoyens. C'est impossible.
Le constat que vous faites aujourd'hui, je le compare à cette
constatation que faisait encore le collègue de la ministre, le ministre
de l'Agriculture, le lendemain de la prise du pouvoir, alors qu'il
annonçait à la population du Québec que dorénavant
les fonctionnaires étaient pour se retrousser les manches et travailler
d'une façon extraordinaire parce que les fonctionnaires,
prétendait-il, pour une fois, pourraient s'identifier aux objectifs du
gouvernement. On s'aperçoit après un certain nombre
d'années que ce n'est pas si simple que cela. Il y a une
complexité à l'intérieur de cette question. Il y a toutes
les structures qui sont en cause: la délégation, la
sous-délégation, l'imputabilité; on peut rentrer dans tous
les détails. On ne règle pas ce genre de problèmes en
disant: Les fonctionnaires adhèrent à notre objectif
politique.
On a cru qu'on avait réglé la question du climat de
travail à l'intérieur de la fonction publique, en disant: Les
fonctionnaires adhèrent à notre option politique et tout ira pour
le mieux dans le meilleur des mondes. On a la preuve aujourd'hui, avec le
constat que vous avez fait concernant la non-motivation, la
démobilisation, qu'il n'en est pas ainsi et que ce n'est pas si simple
que cela. Je pense que les inquiétudes que vous avez sont fort
fondées et j'espère qu'il en sera tenu compte en temps et lieu et
au plus haut lieu possible.
Mme LeBlanc-Bantey: Je ne répondrai pas à une
partie de l'intervention du député.
Le Président (M. Champagne): J'espère que c'est la
dernière, de toute façon.
M. Doyon: Je n'ai pas abusé, M. le Président.
Mme LeBlanc-Bantey: Non, c'est cela. Si le député
de Louis-Hébert veut relancer le débat, on va le relancer. J'ai
juste envie de lui poser la même question amicale que j'ai posée
hier soir, et il ne m'a pas répondu. Est-ce qu'il pense que le marteau
automatique serait mieux pour améliorer la productivité et les
relations dans la fonction publique?
Le Président (M. Champagne): Voici, au nom de tous les
membres de la commission parlementaire, on vous remercie de vous être
présentés ici à la commission parlementaire. Merci
beaucoup.
M. Lecourt: Au revoir. (17 h 15)
Le Président (M. Champagne): Nous allons demander aux
représentants de l'Association des cadres supérieurs du
gouvernement du Québec de bien vouloir se présenter à
l'avant. On demanderait au porte-parole de s'identifier et de présenter
les personnes qui l'accompagnent.
Association des cadres supérieurs du
gouvernement du Québec
M. Dupéré (Jean-Yves): M. le Président, Mme
la ministre, MM. les membres de la commission, pour donner suite à votre
aimable invitation, il me fait plaisir de vous présenter les cadres
supérieurs qui représenteront leurs confrères aujourd'hui
auprès de cette commission. Tout d'abord, à mon extrême
gauche, M. Robert De Blois, secrétaire de l'association, chef du service
de l'ameublement et de la décoration au ministère des Travaux
publics, peut-être une nouvelle société d'État; M.
Roland Guérin, administrateur à l'association, directeur
général adjoint du réseau Travail-Québec, je crois
qu'il n'y a pas un député qui ignore ce réseau; à
mon extrême droite, M. Marc Paradis, administrateur à
l'association, directeur général du bâtiment,
Société d'habitation du Québec; M. Jean-Paul Gagné,
vice-président de l'association, directeur général des
systèmes de traitement de l'information au ministère des
Communications; M. Lucien Parent, vice-président exécutif
de l'association et moi-même, Jean-Yves Dupéré,
président de l'Association des cadres supérieurs du gouvernement
du Québec.
Le Président (M. Champagne): M. le président, je
vous arrête tout de suite. Je crois qu'au point de vue technique on
devrait établir le temps alloué à votre
présentation. Pensez-vous que, d'ici à 18 h 30, on pourrait
entendre votre mémoire, poser des questions et émettre des
commentaires, à la satisfaction de tout le monde? Autrement, on pourrait
dire que l'on finit à 18 heures, on ajourne et on continue demain matin.
Voilà ce qui se présente à nous ce soir. Je voudrais avoir
votre réaction, sans vouloir, en aucune façon, enlever le droit
de parole à quiconque.
M. Dupéré: Je dois vous dire que, connaissant les
contraintes de la commission, nous avons tenté de résumer.
D'ailleurs, la première partie sera résumée, mais cela
prendra tout de même une quarantaine de minutes. J'imagine que cela nous
mettra aux environs de 18 heures avant de passer à la période de
questions. J'ai l'impression que...
Une voix: Demain, les questions.
M. Tremblay: Alors, on ne peut pas siéger ce soir?
Le Président (M. Champagne):
Messieurs, est-ce qu'on pourrait allouer 20 minutes de questions, 20
minutes de réponses?
M. Doyon: M. le Président, avec votre permission, on
continuerait demain à 10 heures, à moins qu'il n'y ait des
indications précises que vous ne seriez pas disponible demain.
M. Dupéré: On s'est rendu disponible cet
après-midi.
M. Doyon: Je vous remercie. Si cela convient à tout le
monde, on entendrait votre mémoire. Je ne sais pas ce qu'en pensent nos
collègues.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, il est difficile de se
prononcer à l'avance sans savoir le temps qu'on aura pour discuter.
Même si l'on s'entendait sur une période de 20 minutes, 20
minutes, 20 minutes si l'on prend une discussion qui supposerait qu'on ait
davantage de matière, de toute façon, on sera obligé de se
poser la question de nouveau pour demain matin. Alors, aussi bien entendre le
mémoire et revenir demain matin avec le même groupe pour les
questions.
Mme LeBlanc-Bantey: D'accord.
Le Président (M. Champagne): Êtes-vous
disposés à revenir demain matin?
M. Dupéré: On sera là demain matin.
Le Président (M. Champagne): D'accord. On vous
écoute.
M. Dupéré: J'espère tous au complet.
Le Président (M. Champagne): On vous écoute, M.
Dupéré.
M. Dupéré: Merci. Avant de vous présenter le
mémoire, je désire remercier, au nom de l'Association des cadres
supérieurs du gouvernement du Québec et des cadres
eux-mêmes, le président de cette commission parlementaire et tous
les membres d'accepter de nous entendre. Nos membres, comme vous le savez, sont
à la fois employeurs et employés. Ils ont à assumer
constamment cette dualité aussi enrichissante qu'exigeante. En tant que
représentants de ce groupe, nous nous devons de refléter ces deux
volets qui peuvent sembler contradictoires pour certains. Notre mémoire,
vous le constaterez, respecte cette double allégeance. C'est ainsi
qu'à titre de regroupement d'administrateurs qui assurent la
qualité de la gestion publique dans l'intérêt de la
collectivité québécoise nous profitons de cette importante
occasion pour vous faire part de nos réflexions sur le rôle de la
fonction publique des années quatre-vingt. Notre intervention ne se veut
aucunement une plaidoirie, mais plutôt, dans une optique de concertation,
une discussion des avenues possibles d'une réforme en profondeur de
l'administration publique.
L'intérêt et la préoccupation que nous avons
démontrés pour une réforme de la fonction publique au
cours des dernières années reflètent bien notre
volonté de participer à l'amélioration à la fois
des services offerts aux citoyens et de la gestion gouvernementale. Le
mémoire que nous soumettons à cette commission sera
articulé en trois temps. Avant de commenter les grands principes et les
orientations que l'on retrouve dans l'avant-projet de loi, nous désirons
profiter de l'occasion qui nous est offerte pour vous soumettre une
réflexion sur les différents projets de réforme que nous
avons connus au cours des dernières années et pour vous proposer
une philosophie et une pensée qui devraient, selon nous, guider toute
réforme de la fonction publique. Personne ne peut prétendre
posséder toute la vérité sur un sujet aussi complexe, nous
en sommes bien conscients. Toutefois, nous voulons, à travers ces
lignes, transmettre notre opinion à partir des expériences
vécues et des connaissances acquises dans un milieu qui est le
nôtre. Puisque l'avant-projet de loi propose une réforme de la
fonction publique, nous croyons qu'il est tout aussi important, sinon
primordial, d'amorcer une réflexion sur cette réforme que de
commenter, d'une façon technique, l'avant-projet de loi
lui-même.
Cette réflexion étant faite, nous analyserons les
principaux principes et les grandes orientations de l'avant-projet de loi, et
nous proposerons des modifications qui seront de nature à se rapprocher
davantage de l'objectif que nous nous sommes tous fixé. La
troisième partie de notre mémoire ne sera pas lue. Elle contient
l'analyse écrite et détaillée du projet de loi article par
article, que nous sommes disposés à discuter avec vous à
la période de questions, le cas échéant. Finalement, vous
trouverez à la fin
de ce mémoire une synthèse de nos principales
recommandations que nous avons l'intention de vous livrer à titre de
résumé de notre intervention.
Je cède maintenant la parole à Roland Guérin, qui
vous présentera un résumé de la première partie de
ce mémoire.
M. Guérin (Roland): Merci. Dans cette première
partie de notre présentation, nous nous sommes interrogés sur la
portée de toutes les réformes qui nous ont été
annoncées maintenant depuis quinze ans. En citant les
déclarations du chef du gouvernement de l'époque, des ministres
de la Fonction publique ou des députés de l'Opposition tout au
cours de ces années, nous avons voulu démontrer que ce n'est pas
d'aujourd'hui que l'on parle de réforme, d'accroissement de
l'efficacité, de surréglementation, de productivité et
d'une nouvelle qualité des services à la population. Nous
reconnaissons que ces changements se sont traduits par des améliorations
et des ajustements au bon fonctionnement de l'appareil de l'État mais,
à notre point de vue, cela n'a jamais constitué une
véritable réforme en profondeur.
Ce que nous constatons, c'est qu'il y a sans doute dans ces
désirs de réforme des considérations trop politiques.
Deuxièmement, il ne suffit pas d'annoncer ou de souhaiter une
réforme ou même de changer de gouvernement pour chambarder les
routines, la lourdeur administrative et les mentalités de l'État.
Troisièmement, ces soi-disant réformes ont pris au Québec
deux voies, celle de la réglementation et celle de la centralisation,
segmentant ainsi le pouvoir décisionnel des ministres, des
sous-ministres et des gestionnaires et alourdissant le fonctionnement de
l'appareil gouvernemental. Quand, pour une seconde fois en cinq ans, on
s'apprête a reformuler une loi aussi importante que celle qui
régit l'appareil gouvernemental, on doit admettre qu'il y a là,
pour le moins, un manque d'analyse et de réflexion sur le rôle de
la fonction publique au Québec. D'ailleurs, Mme la ministre dans une
présentation qu'elle nous faisait le 26 avril dernier, se montrait
d'accord avec ce propos en disant qu'il n'y a pas eu d'analyse en profondeur
depuis au moins une dizaine d'années.
Ce que nous constatons aussi et ce qu'il y a de surprenant, c'est que
les Québécois et les Québécoises ne doutent jamais
d'une réforme, que chaque parti politique en annonce une en arrivant au
pouvoir et que les fonctionnaires et les gestionnaires en attendent toujours
une.
Une réforme, une pensée. Ces efforts sporadiques, mais
valables en vue de réaliser une réforme de la fonction publique
ont eu autant de définitions que de porteurs de dossiers. Ce qu'on
remarque jusqu'ici, c'est qu'aucune des soi-disant réformes ne
s'appuyait sur une véritable philosophie de gestion adaptée aux
besoins des Québécois et des Québécoises,
supportée par une volonté gouvernementale ferme et
déterminée, définie selon une planification du changement
cohérente et articulée et une programmation bien
intégrée. Pourtant, ne pouvions-nous pas lire, sous la signature
de Jean-Marc Léger dans le Devoir du 19 novembre 1963: "II n'est pas
d'État moderne sans fonction publique; il n'y a pas de fonction publique
sans une pensée."
La définition du modèle de fonction publique que nous
souhaitons nous apparaît être la première condition à
la réussite d'une réforme authentique de la fonction publique.
À partir d'une véritable philosophie de gestion, il nous sera
possible de charpenter un plan de changement qui, en bout de piste, donnera
naissance, on le souhaite bien, à une nouvelle culture
organisationnelle.
Dans notre esprit, cette réforme en profondeur sera
orientée vers la qualité des services au public, le rapprochement
des services à la clientèle, la déréglementation ou
la simplification de cette réglementation et la réduction des
tracasseries administratives que doivent affronter quotidiennement les citoyens
et les gestionnaires. Elle reposera surtout sur la décentralisation et
la délégation du pouvoir de décision entre les mains de
ceux qui ont la responsabilité d'appliquer les programmes, les
politiques ou les lois. Elle reconnaîtra la performance des
fonctionnaires et elle devra aussi sanctionner, le cas échéant,
leur insuffisance. Elle nécessitera un changement de mentalité
tant chez les fonctionnaires que chez les politiciens et le public en
général. Pourquoi la rationalisation des ressources humaines,
matérielles, financières, la mobilité des cadres des
secteurs public, péripublic, parapublic, la responsabilisation des
gestionnaires, l'établissement d'indicateurs de rendement ne
seraient-ils pas aujourd'hui les avenues guidant la conception d'une nouvelle
organisation gouvernementale?
Il ne s'agit pas, non plus, de s'embarrasser d'idéologies ou d'un
idéal qui n'aura pas d'écho et de répercussion pratique
dans la vie des citoyens. La volonté du gouvernement d'instaurer
l'efficacité et l'efficience par une appréciation rationnelle des
relations entre les coûts, les avantages et les inconvénients qui
affectent le bien-être de la population devrait inspirer le travail
quotidien du fonctionnaire. De telles orientations pourraient permettre
d'atteindre la satisfaction de l'administré, la motivation de ceux qui
les réaliseront, c'est-à-dire les fonctionnaires et les
gestionnaires, et l'efficacité souhaitée par ceux qui sont
élus. Somme toute, des changements à la petite semaine, sans plan
d'ensemble, sans imbrication à d'autres objectifs clairement
définis nous font croire que la machine est trop grosse et qu'il
faut la traiter à la pièce. Il faudra bien, un jour, s'asseoir
pour définir les contours d'une réforme en profondeur, une
réforme qui soit axée sur une pensée articulée et
cohérente. Il faut se rappeler que la fonction publique est un point
d'appui important pour le développement économique et social du
Québec.
Quelques obstacles à franchir. Nous n'avons pas la
prétention d'avoir énuméré, à la fois en
termes d'ampleur et de complexité, tous les obstacles, mais
permettez-moi d'en citer quelques-uns.
Les mentalités. Le premier et l'un des plus importants obstacles
sera celui des mentalités. Il y a, d'une part, une sorte de
méfiance - on en a entendu encore parler tout à l'heure - et de
défaitisme chez les fonctionnaires. On a trop souvent créé
des attentes, suscité des espoirs sans livrer la marchandise, de sorte
qu'on a fini par développer une culture d'attentisme: "On va attendre
pour voir; cela n'a jamais rien donné", et d'autres expressions du genre
qui caractérisent cet état d'esprit.
D'autre part, le souci de l'efficacité et de l'efficience ne
constitue pas toujours un réflexe naturel chez nous. Il faudra que, dans
les secteurs opérationnels comme ailleurs, la productivité et
l'efficacité deviennent, ou redeviennent, une habitude. En somme, ce
sera la redécouverte du bon sens. Le changement de mentalités ne
s'effectuera pas par des changements de lois ou de directives ou de
règlements. C'est un état d'esprit qui pourra être
modifié par un nouveau style de gestion.
L'autoévaluation, un autre obstacle. Une réforme de
l'administration publique exige de la part du gouvernement une ouverture
d'esprit particulière qui l'amène à remettre en question
ses propres actions et les motifs qui sous-tendent ses interventions. Comment
peut-il exiger des autres une discipline à laquelle il ne peut
lui-même s'astreindre? Bien sûr, la politique a des visées
différentes de l'administratif, nous le concevons. Mais comment
pourra-t-on convaincre les gestionnaires d'être soucieux de
l'efficacité et de l'efficience si, par ailleurs, les politiciens posent
des gestes qui ne sont pas fondés sur les mêmes paramètres
d'une gestion efficace et efficiente? (17 h 30)
Un troisième obstacle, la compartimentation. Le cloisonnement
actuel des ministères et des organismes, et parfois même à
l'intérieur des ministères, soit dit en passant, pourrait bien
constituer un autre obstacle. Les fonctionnaires devront intégrer encore
davantage la notion de service à la clientèle et l'idée
qu'ils sont à l'emploi non pas d'un ministère mais bien de la
fonction publique du Québec. Il doivent concourir non seulement à
la réalisation des objectifs ministériels ou de leur organisme
mais aussi au mieux-être de la collectivité
québécoise.
Quelques conditions de succès, en résumé: 1. La
réforme souhaitée ne réussira que si elle repose sur une
philosophie de gestion et des plans de développement adaptés
tournée vers l'avernir. 2. Cette réforme authentique appellera la
remise en cause des mandats des organismes centraux afin d'adapter les
institutions aux orientations prévues. Là-dessus, le Conseil du
trésor est l'organisme qui peut être le plus déterminant.
3. La responsabilisation des gestionnaires devrait être la clé de
voûte d'une fonction publique compétente, efficace et axée
sur les besoins des citoyens. Pour être imputable, il faut aussi avoir le
pouvoir de décision, l'autorité sur les ressources et les outils
de gestion appropriés pour le faire. Cela présuppose
évidemment que des objectifs clairs et précis nous sont
signifiés. 4. On devra alors repenser le processus de décision.
C'est au niveau le plus près de leur application que les
décisions devront être prises, là où les
gestionnaires peuvent mieux juger des problèmes présentés.
5. Notre réforme devra aussi redéfinir les interactions entre
l'appareil politique et l'appareil administratif afin de créer une
confiance mutuelle. 6. D'autres interactions non moins essentielles devront
être définies. Rapidement: les relations avec les citoyens, la
place du citoyen, les modes de communication et d'information, autant de volets
auxquels il faudra s'arrêter et produire des énoncés clairs
et réalistes. 7. La condition essentielle pour réaliser une telle
réforme, c'est l'implication des gestionnaires. Il faudra non seulement
faire des cadres "des décideurs" compétents, mais aussi leur
assurer à la fois la confiance en regard de leur degré de
responsabilité et les moyens de réaliser efficacement leur
mandat. Les administrateurs publics ne seront plus dès lors sur le
pilote automatique imposé par des normes, des contrôles a priori,
tatillons et centralisés, minant la motivation et le sens des
responsabilités. On ne sera plus des administrateurs de directives.
Le Groupe consultatif de la rémunération du personnel de
direction dans la fonction publique fédérale, formé de
représentants de grandes entreprises privées, recommandait, dans
son dixième rapport, de renforcer le rôle des gestionnaires. Ce
groupe reconnaissait que les gestionnaires sont inspirés par le souci
d'élaborer de meilleures politiques publiques, d'améliorer le
rendement des services au public, de renforcer les pratiques de gestion au sein
de la fonction publique fédérale et de bien servir les
intérêts de l'État en tant qu'employeur. Je me dis que si
des
représentants canadiens du milieu des affaires sont capables
d'une telle affirmation, pourquoi ce dernier ne pourrait-il pas s'appliquer
aussi aux gestionnaires du gouvernement du Québec? 8. Dans toute
réforme sérieuse, les ressources humaines doivent devenir le
foyer d'intérêt puisqu'elles constituent la matière
première de l'organisation gouvernementale. On devra donner de nouvelles
dimensions à la motivation, à la formation, à l'initiative
et à l'esprit de service. Il faudra cesser de surnormaliser et ne
ménager aucun effort pour dynamiser la gestion du personnel.
M. Dupéré: Maintenant pour continuer, vous pouvez
vous référer à la page 16 de votre document, en milieu de
page. Le début est: "Si, dès 1960." Maintenant le texte sera
complet.
M. Guérin: Si, dès 1960, le gouvernement
fédéral a mis sur pied une Commission royale d'enquête sur
l'organisation du gouvernement - le rapport Glassco - il y a eu
également le rapport Hoover aux États-Unis, le rapport Gordon en
Ontario, le rapport Fulton en Angleterre, etc. Il y en a eu plusieurs du genre,
évidemment.
Si, au Québec, nous avons cru bon d'instaurer une Commission
royale d'enquête sur l'enseignement, en 1961, et d'instituer la
Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social en
1966, la période d'austérité économique et
financière actuelle ne serait-elle pas propice à doter le
Québec d'une recherche fondamentale dans le domaine de l'organisation
gouvernementale? Ce groupe de travail, composé de personnes
crédibles et compétentes, pourrait oeuvrer dans un contexte de
recherche - l'avenir en tête - où l'imagination et la
simplicité des moyens n'impliquent pas de fonds publics importants. Je
pense que la commission Bisaillon a fait aussi une démonstration dans ce
sens-là.
Cette "tête chercheuse" se doit d'être un groupe
indépendant représentatif des différents intervenants de
l'appareil gouvernemental, du public et des cadres eux-mêmes, et non un
organisme central. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les propos
d'un ex-ministre de la Fonction publique, M. Jean-Paul L'Allier, appuient notre
pensée. Chaque gouvernement, disait-il, l'annonce, (cette
réforme) mais commet l'erreur monumentale de confier la
responsabilité de la réforme à ceux qui sont situés
au sommet de la pyramide."
Or, c'est difficile pour ceux qui sont assis sur le sommet de bouger les
briques au-dessous sinon c'est leur chaise qui risque de tomber.
La période de crise économique et sociale que nous
traversons comporte aussi un avantage. C'est un temps de réflexion, de
remise en question, d'évaluation et de créativité. La
situation actuelle est propice à une telle réforme. Il ne
faudrait pas cependant qu'elle soit inspirée uniquement par des
considérations politiques ou financières. Les opportunités
de changement devront céder le pas à des transformations
fondées sur une philosophie de gestion. Qu'on dépose une nouvelle
loi de la fonction publique, c'est bien, c'est même un pas dans la bonne
direction, à condition qu'elle constitue l'un des volets importants de
la réforme gouvernementale et s'imbrique dans un changement global.
À ceux qui croient, en terminant, que la réforme n'est pas pour
demain nous, de l'Association des cadres supérieurs du gouvernement du
Québec, disons que c'est une bonne raison pour la commencer aujourd'hui.
Les années qui viennent nous posent un défi intéressant:
nous donner une nouvelle conception de l'organisation gouvernementale. C'est un
pari. C'est un pari à la fois sur l'intelligence mais aussi sur le bon
sens. Merci.
M. Dupéré: Vous nous permettrez de continuer
maintenant, à la page 18, sur l'analyse plus précise du projet de
loi en question.
Comme nous l'avons mentionné au chapitre I, la commission
Bisaillon retenait dans sa conclusion quatre grandes orientations devant servir
d'assise à toute réforme ou à toute modification de la Loi
sur la fonction publique. Ces orientations sont à peu près les
mêmes que celles qui avaient été dégagées par
les autres études ayant porté sur l'analyse et le rôle de
la fonction publique.
Nous croyons nécessaire de rappeler ces quatre grands axes avant
de nous demander si les principes et les orientations contenus dans
l'avant-projet de loi répondent bien aux préoccupations que les
membres de la commission Bisaillon exposaient dans le rapport final. Pour les
membres de la commission spéciale sur la fonction publique, toute
réforme ou toute modification à la loi devait faire en sorte,
premièrement, que le citoyen constitue la préoccupation majeure
et centrale du projet; que les agents de l'État soient davantage
responsables et qu'ils aient à répondre de leurs actes; qu'il y
ait accroissement de la productivité des fonctionnaires; que la
priorité soit mise sur l'utilisation optimale des ressources humaines
existantes dans la fonction publique. J'espère que M. Bisaillon ne sera
pas en désaccord avec cela.
Certes, il n'est pas facile de transcrire sous forme législative
les orientations et les recommandations d'une commission spéciale
mandatée pour étudier le rôle de la fonction publique
québécoise dans les années quatre-vingt. Cette
difficulté s'amplifie encore
davantage lorsque les sujets qu'il faut insérer dans un
avant-projet de loi portent sur la productivité, l'efficacité,
l'efficience, la déréglementation, la délégation de
pouvoirs et le service aux citoyens. Malgré ces difficultés de
taille, nous croyons que les rédacteurs de l'avant-projet de loi ont
fait un effort digne de mention pour traduire les grandes préoccupations
et les recommandations qui se dégagent du rapport de la commission
Bisaillon. A ce sujet, les dispositions interprétatives que l'on
retrouve aux articles 2 à 7 de l'avant-projet de loi indiquent bien les
principes et les paramètres sur lesquels reposera la nouvelle Loi sur la
fonction publique.
Cependant, les dispositions précitées omettent l'un des
principes fondamentaux devant guider une réforme authentique de la
fonction publique. En effet, le principe de la délégation de
pouvoirs, largement décrit et analysé par la commission
Bisaillon, n'a pas été repris dans l'avant-projet de loi. Tout au
plus souligne-t-on, aux articles 37, 88 et 104, que les titulaires des pouvoirs
peuvent déléguer les pouvoirs qui leur sont accordés par
le législateur. Cette discrétion n'est soumise à aucune
orientation, si bien qu'il pourrait arriver que très peu
d'activités de gestion soient déléguées. La loi
actuelle, on le sait, permet de déléguer plusieurs
activités de gestion du personnel. Malheureusement, l'expérience
démontre que bien peu de ces pouvoirs sont transmis aux gestionnaires.
En fait, on constate que la très grande majorité des
activités de gestion du personnel sont déléguées au
directeur du personnel ou au directeur des relations du travail. Cette
délégation restreinte limite le pouvoir et le rôle des
gestionnaires en matière de gestion des ressources humaines. Notre
affirmation ne fait que reprendre une constatation de la commission Bisaillon
et je cite: "Dans la plupart des ministères et organismes
gouvernementaux, bien peu de ces activités (de gestion du personnel)
avaient fait l'objet d'une délégation au profit des
gestionnaires." De plus, les membres de la commission Bisaillon tenaient
à rappeler - je cite encore une fois - que "le faible degré ou
l'absence de délégation des actes de gestion de personnel rendent
tout à fait illusoire la mise en place et le fonctionnement harmonieux
du régime d'imputabilité préconisé et décrit
dans le présent rapport."
À notre avis, on ne peut ignorer le principe de la
délégation sans risquer de mettre en cause la réforme de
la fonction publique qui nous est proposée. L'Association des cadres
supérieurs du gouvernement du Québec demande que l'on inscrive
dans la section II de la loi, une disposition visant à favoriser une
délégation optimale des pouvoirs de façon que les
décisions soient prises par le niveau le plus près possible de
leur application. Cette disposition interprétative servirait à
indiquer au titulaire du pouvoir la volonté du législateur sur ce
sujet. Nous suggérons que le texte suivant soit inclus de façon
à réaliser l'objectif de délégation optimale
nécessaire à la réforme de la fonction publique. Je cite:
"Afin de garantir la qualité des services au public, les pouvoirs
prévus dans la présente loi doivent tendre vers une
délégation optimale de façon à situer la
décision le plus près possible de la personne responsable
d'assurer le service aux citoyens."
Par ailleurs, le respect des différents principes prévus
aux articles 2 à 7 de la loi devraient faire l'objet d'un contrôle
a posteriori. Nous croyons que ce rôle de contrôle pourrait
être confié aux différents intervenants gouvernementaux qui
ont pour mandat de voir à ce que les citoyens et les fonctionnaires
soient traités avec justice et équité. Ainsi, la
Commission de la fonction publique pourrait exercer un contrôle sur les
principes que l'on retrouve aux articles 3, 5 et 6. Il suffirait d'accorder
à la Commission de la fonction publique un pouvoir d'enquête plus
large que celui qui est prévu à l'article 117 de la loi, afin de
permettre à cet organisme d'enquêter et de faire les
recommandations appropriées lorsqu'elle constate l'irrespect des
principes précités. L'article 121 de la loi devrait aussi
s'appliquer lors de la tenue d'une pareille enquête.
De plus, nous croyons que les différents intervenants
responsables d'assurer la qualité des services aux citoyens, et le
respect de leurs droits, devraient être associés de très
près à la réforme de la fonction publique. Ainsi, le
ministre délégué aux relations avec les citoyens et le
Protecteur du citoyen pourraient participer au respect des principes qui les
concernent plus particulièrement dans la loi.
Il nous apparaît donc essentiel de prévoir un
mécanisme de contrôle souple et indépendant qui
interviendrait a posteriori de façon à donner un véritable
sens aux principes que l'on retrouve aux articles 2 à 7 de la loi.
L'implantation graduelle d'un régime d'imputabilité est la
base même d'un service adéquat aux citoyens. Parlant de cette
notion, la commission Bisaillon disait que "le faible degré ou l'absence
de délégation des actes de gestion du personnel rendent tout
à fait illusoires la mise en place et le fonctionnement harmonieux du
régime d'imputabilité." De même, la ministre de la Fonction
publique exprimait l'avis que "le concept d'imputabilité, tout en
rappelant la notion de responsabilité, la relie étroitement
à la délégation de l'autorité et des moyens
nécessaires à l'atteinte d'objectifs
prédéterminés. Ce système ne peut exister si on ne
consent pas à décentraliser le pouvoir
de décision."
Nous partageons entièrement ces opinions. À notre avis, la
qualité des services gouvernementaux offerts aux citoyens passe
inévitablement par la délégation. Il est utopique de
penser améliorer la qualité des services au public sans
déléguer et décentraliser les pouvoirs, non seulement en
matière de gestion du personnel, mais aussi en toute autre ressource.
C'est la première condition à respecter.
L'amélioration du service au public nécessite aussi que le
législateur reconnaisse le droit du citoyen à un service de
qualité. L'article 2 de la loi mentionne ce droit sans toutefois en
circonscrire les limites. À notre avis, la prochaine loi sur la fonction
publique se doit d'articuler les principaux paramètres sur lesquels
reposera l'amélioration du service au public. Elle se doit aussi de
prévoir le premier devoir du fonctionnaire qui consiste à aider
et à supporter le citoyen qui a recours aux services gouvernementaux. La
reconnaissance de ce droit nécessite enfin un climat de confiance dans
la hiérarchie. Tous les intervenants devront donc s'attarder
particulièrement à développer ce climat de confiance et
d'implication pour que nous puissions vivre un sentiment d'appartenance
à une fonction publique au service du citoyen. (17 h 45)
La loi réserve une place importante aux administrateurs
d'État ainsi qu'au régime syndical des employés de la
fonction publique. Il est pratiquement muet sur le rôle, les pouvoirs et
les responsabilités que doivent assumer les gestionnaires de
l'État. En fait, ce n'est qu'à l'article 36 de la loi que l'on
peut lire et je cite: "Les sous-ministres et les dirigeants d'organismes
exercent leurs responsabilités avec l'appui et la collaboration du
personnel d'encadrement. Les cadres supérieurs et le personnel de
direction font partie du personnel d'encadrement. Cette disposition est
nettement insuffisante et ne traduit pas le souhait maintes fois exprimé
par nous et par d'autres d'accorder aux gestionnaires de l'État une
place prépondérante dans l'organisation de la fonction publique.
À cet effet, rappelons que le rapport Francoeur-Hendriks avait
consacré toute une étude au rôle et aux
responsabilités des gestionnaires de l'État. La participation
active des gestionnaires est, à notre avis, une condition absolument
essentielle à la réussite de la réforme de la fonction
publique. Comment pourra-t-on impliquer les gestionnaires de l'État si
leur pouvoir, leur rôle et leurs responsabilités ne sont
aucunement reconnus dans la loi?
Dans une étude intitulée: "Les cadres se
démobilisent-ils? publiée par Mme Pierrette Sartin, dans la revue
française "Travail et méthode", l'auteur identifie la crise
d'identité comme étant l'une des causes principales de la
démotivation des cadres et je cite: "C'est dans cette crise
d'identité et dans ce flou que réside une des causes
premières de la démotivation des cadres. Ceux-ci souffrent depuis
longtemps d'une crise d'identité qui va en s'aggravant avec leur
prolifération. Pour Mme Sartin, le premier remède à cette
démobilisation et à cette démotivation des cadres serait
sans doute de décentraliser la responsabilité et de redonner aux
cadres leur place en face de la base et des hiérarchies
parallèles. C'est en effet le chef qui reste responsable des
tâches confiées à ses subordonnés. Il doit savoir
où se donner les moyens d'assumer cette responsabilité".
En étant pratiquement muette sur le rôle, les pouvoirs, et
les responsabilités des gestionnaires, la loi ignore cette
réalité comme elle ignore, à notre avis, les
recommandations contenues dans le rapport Francoeur-Hendriks et celui de la
Commission Bisaillon. Nous insistons donc pour que la loi reconnaisse les
attributions des gestionnaires de l'État. Si l'on désire
réellement augmenter la productivité et par conséquent
améliorer le service au public il faut au premier chef que les
gestionnaires se sentent responsables; nous l'avons assez dit dans notre
premier chapitre.
Pour se sentir responsables ils doivent connaître leur rôle
et leurs responsabilités dans l'appareil gouvernemental. Nous ne pouvons
qu'être en accord avec les propos que tient Me Patrice Garant, dans son
traité sur la fonction publique canadienne et québécoise,
lorsqu'il décrit les stimulants qui doivent exister dans notre fonction
publique afin d'en augmenter l'efficience et la productivité.
Les stimulants d'ordre subjectif sont la conscience ou l'éthique
professionnelle ou l'encadrement du personnel. Le premier est important mais il
repose sur des facteurs personnels et il est plus difficile à utiliser.
Le second nous apparaît d'une très grande importance et nous
pourrions dire que le rendement du personnel d'une entreprise est fonction
directe de la qualité de ses cadres. C'est ici que s'est située,
hélas trop souvent, la différence entre l'entreprise
privée dynamique et le service public. Les cadres doivent, selon nous,
réaliser trois qualités: Être compétents, exigeants
et ambitieux. Et ceci s'applique aussi bien à la gestion administrative
en général qu'à la gestion du personnel.
Pour avoir des cadres compétents, la solution normale est de les
former au sein de l'entreprise, quoique l'apport étranger puisse
marginalement être considéré comme nécessaire. Pour
que les cadres soient exigeants pour eux-mêmes et leurs subalternes il
faut qu'ils se sentent responsables, ce qui exige une déconcentration et
une délégation d'autorité".
De la même façon, nous ne pouvons qu'appuyer les propos que
nous tenait Mme la ministre de la Fonction publique lors de l'assemblée
générale annuelle de notre association et je cite: "La
réforme dans la fonction publique se fera véritablement dans les
faits par la restauration de la responsabilité opérationnelle de
tous les agents et surtout de ceux des niveaux supérieurs dont le
métier est d'administrer."
À notre avis, il faudra des textes législatifs beaucoup
plus explicites que celui que l'on retrouve à l'article 36 de la loi
pour redonner aux gestionnaires la responsabilité opérationnelle
qui leur revient et dont ils ont besoin pour servir adéquatement le
public. Nous demandons que la restauration de la responsabilité
opérationnelle aux gestionnaires de l'État se traduise
concrètement dans la loi. Bien plus, nous offrons notre collaboration
pour proposer aux autorités responsables des projets de texte
législatif qui répondrait à notre avenir, aux
préoccupations exprimées par les rédacteurs du rapport
Francoeur-Hendriks, par les membres de la commission Bisaillon et par la
ministre de la Fonction publique elle-même.
En ce qui concerne la gestion des ressources humaines, nous croyons que
les articles 33 à 37 de la loi devraient être modifiés, de
façon à tenir compte du rôle et des responsabilités
des gestionnaires dans ce domaine. De plus, ces modifications devraient tenir
compte de l'employé lui-même, et faire appel à sa
collaboration, à sa motivation, afin d'assurer la productivité et
l'efficacité de son unité administrative, maximisant ainsi, par
le fait même, le service au public. À cet effet, nous proposons
que les articles 33 à 37 de la loi soient remplacés par les
dispositions que vous retrouverez au chapitre III de notre mémoire,
où nous analysons la loi article par article.
Le chapitre IV de la loi traite des administrateurs d'État et
fixe leur statut. Nous reconnaissons volontiers que la notion d'aministrateur
d'État est nécessaire, et nous ne pouvons qu'applaudir à
l'idée de regrouper les administrateurs de la haute direction dans un
même corps d'emploi.
Toutefois, deux questions retiennent notre attention: celle des
sous-ministres adjoints et associés et celle du directeur du cabinet du
premier ministre. Comment, en effet, concevoir que ce dernier puisse être
nommé fonctionnaire et, en même temps, se conformer à
l'article 14 de la loi qui stipule que le fonctionnaire doit faire preuve de
neutralité politique dans l'exercice de ses fonctions? Cela nous
apparaît peu conciliable. En conséquence, nous demandons d'exclure
le directeur du cabinet du premier ministre du corps d'emploi des
administrateurs d'État.
Quant aux sous-ministres adjoints et associés de chaque
ministère, le corps d'emploi des administrateurs d'État devrait
les exclure, rejoignant ainsi les orientations du rapport Francoeur-Hendriks et
celles de la commission Bisaillon. Nous demandons expressément que le
corps d'emploi des cadres supérieurs regroupe, à
l'intérieur de ses cinq classes, les sous-ministres adjoints et
associés. Un tel regroupement permettrait, comme le soulignait avec
justesse la commission Bisaillon, "un indéniable et indispensable
élément de continuité dans la structure administrative,
permettant un élargissement de la carrière des cadres
supérieurs".
De plus, elle aurait comme conséquence de soumettre les
nominations discrétionnaires du gouvernement à la règle du
mérite qu'il prône depuis plusieurs années. Comme
l'avant-projet de loi prévoit le rangement par niveaux, le gouvernement
jouait quand même d'une certaine discrétion pour choisir la
personne qu'il juge la plus apte à exercer une fonction de sous-ministre
adjoint et de sous-ministre associé.
Finalement, cette disposition rejoindrait l'une des
préoccupations majeures de l'Association des cadres supérieurs du
gouvernement du Québec, que le plan de carrière des cadres
supérieurs puisse reposer sur la règle du mérite et
déboucher tout normalement au haut de la pyramide administrative.
Parlons maintenant un peu du Conseil du trésor. L'article 77 de
la loi confie au Conseil du trésor la responsabilité
d'établir des politiques de gestion des ressources humaines. La Loi de
l'administration financière, quant à elle, prévoit que cet
organisme joue un rôle de premier plan en matière de gestion des
ressources financières. Or, la gestion des ressources financières
et la gestion des ressources humaines ne font pas nécessairement appel
à la même logique, aux mêmes principes, aux mêmes
intérêts non plus qu'aux mêmes modes de connaissance et de
fonctionnement. Il ne faudrait surtout pas que l'on réduise la gestion
des ressources humaines à une soi-disant logique financière. Le
Conseil du trésor devra donc consacrer autant d'attention et
d'énergie à la gestion des ressources humaines qu'à la
gestion des ressources financières, et donner des responsabilités
et des pouvoirs équivalents à chacune de ces deux missions,
assurant ainsi le juste équilibre nécessaire à
l'administration. Tout en étant d'accord avec l'orientation que l'on
retrouve dans la loi, nous jugeons essentiel que le gouvernement structure le
Conseil du trésor de manière qu'il puisse faire face
adéquatement à sa nouvelle responsabilité.
Par ailleurs, la commission Bisaillon et le rapport d'étude
Francoeur-Hendriks recommandaient une décentralisation des
pouvoirs, de façon à redonner aux gestionnaires de chaque
ministère et de chaque organisme les pouvoirs nécessaires
à l'exécution de leurs fonctions. Nous admettons que le Conseil
du trésor doit jouer un rôle important dans les réformes de
la fonction publique. Il faudrait tout de même que cet organisme
connaisse l'orientation du gouvernement concernant la décentralisation
des pouvoirs. Afin de faciliter l'atteinte de cet objectif, nous soumettons que
la loi devrait préciser qu'en matière de gestion des ressources
humaines le Conseil du trésor agit en collaboration avec les
autorités des ministères et des organismes.
L'avant-projet de loi prévoit, à son chapitre VII, les
sujets sur lesquels le gouvernement peut réglementer. On se rend compte
à la lecture que l'objectif de déréglementation
recherché par les rédacteurs a vraiment été
atteint.
Tout en diminuant de façon draconienne le pouvoir
réglementaire, l'avant-projet de loi accorde cependant, aux
différents organismes centraux, le pouvoir d'émettre des
directives ou d'établir des politiques en matière de gestion du
personnel. Nous craignons que les nombreux règlements actuellement en
vigueur ne se transforment en autant de directives et de politiques sur les
mêmes sujets. Toute personne ayant déjà consulté les
directives du Conseil du trésor, contenues dans quatre volumes
différents, quatre pouces d'épais, comprendra facilement nos
craintes. Nous espérons que les autorités gouvernementales
prendront les dispositions appropriées afin que les différents
intervenants fassent preuve de modération dans l'adoption de politiques
ou de directives en matière de gestion des ressources humaines. De plus,
nous croyons qu'il serait nécessaire que ces directives et ces
politiques reçoivent la même publicité que s'il s'agissait
d'un règlement adopté par le gouvernement.
En parlant d'imputabilité, l'article 4 de l'avant-projet de loi
prévoit que tout fonctionnaire rend compte des actes qui lui sont
imputables dans l'exercice de ses fonctions. Rappelons que la commission
Bisaillon avait insisté longuement sur cette question et qu'elle avait
identifié les conditions nécessaires à l'existence d'un
véritable régime d'imputabilité. La commission Bisaillon
avait également identifié les difficultés et les
problèmes reliés à l'implantation d'un tel régime.
Finalement, elle croyait que l'implantation d'un régime
d'imputabilité devait se faire en plusieurs étapes, impliquant
beaucoup de consultations, de préparation et de suivis par les
mandataires et les mandants. Nous nous sommes déjà
prononcés en faveur de ce principe dans le mémoire que nous
remettions aux membres de la commission. À cette occasion, nous
insistions sur la nécessité de procéder d'une façon
graduelle à l'implantation de ce principe et d'en étudier
auparavant toutes les implications. De plus, il nous apparaissait qu'un
régime d'imputabilité devait comporter des mesures permettant de
distinguer les décisions prises au niveau politique de celles prises au
niveau administratif. Nous ne pouvons que réitérer cette
même position devant les membres de cette commission.
Nous incitons fortement les autorités gouvernementales
chargées d'appliquer la future loi sur la fonction publique à
tenir compte des remarques que nous avons formulées et des commentaires
émis par les membres de la commission Bisaillon de façon que ce
principe soit véritablement utilisé comme un instrument de
gestion permettant l'amélioration de la fonction publique. Nous retenons
également la définition de l'imputabilité que nous a
donnée la ministre de la Fonction publique lors de notre dernière
assemblée générale annuelle. Pour la ministre,
l'imputabilité, "c'est l'obligation pour un fonctionnaire de rendre
compte à son supérieur de l'atteinte des objectifs
négociés concurremment avec les moyens mis à sa
disposition pour les atteindre dans un délai préétabli".
Sans aller jusqu'à demander que cette définition apparaisse dans
la loi, nous croyons qu'elle devrait être largement diffusée
auprès des membres de la fonction publique et auprès du public en
général. Il va de soi que la première étape
à franchir avant de procéder à l'implantation de ce
principe consiste à s'entendre sur la définition qu'il faut
donner à cette notion.
L'article 3 de l'avant-projet de loi pose comme principe que la fonction
publique doit être organisée et administrée avec efficience
et de manière à développer et à utiliser ses
ressources humaines de façon optimale.
Ce principe est sûrement l'un des plus importants que l'on
retrouve dans la loi puisqu'il concerne la productivité de la fonction
publique. La commission Bisaillon soulignait dans son rapport qu'il est
nécessaire qu'une politique relative à la productivité
dans la fonction publique vienne traduire une volonté claire en ce
domaine. Nous partageons entièrement cette opinion. À notre avis,
il est impératif que le gouvernement exprime clairement sa
volonté d'accorder priorité à la productivité de
l'État et qu'il soit conséquent avec cette volonté.
L'augmentation de la productivité étant directement reliée
à la motivation des fonctionnaires il est particulièrement
important que le gouvernement se penche sur cette question et qu'il adopte des
politiques qui permettront de motiver ses employés. Il s'agit là
d'un prérequis à toute réforme de la fonction publique
visant l'efficience et l'amélioration du service au public. (18
heures)
Existe-t-il, chez nos dirigeants, une telle volonté politique?
L'orientation,
annoncée récemment par le gouvernement, de transformer
certains ministères et certains organismes en sociétés
d'État, afin de les soustraire à la Loi sur la fonction publique,
nous laisse très songeurs quant à la volonté réelle
du gouvernement de consacrer des efforts importants au changement de
mentalité, à la motivation des fonctionnaires et à
l'augmentation de la productivité dans la fonction publique. Comment
peut-on, en effet, concilier cette orientation et la volonté
exprimée par le gouvernement d'accroître la productivité,
l'efficience et la motivation de ses fonctionnaires? Le changement de
mentalité, nécessaire à la motivation des employés
de l'État, demande qu'on établisse un climat de confiance et de
concertation dans un appareil qui, par son ampleur même, reste difficile
à gérer et impossible à uniformiser.
Le gouvernement devrait consacrer ses énergies à
développer des moyens qui permettraient d'augmenter la motivation des
employés de la fonction publique. La "responsabilisation" des
employés, l'enrichissement des tâches, la mise sur pied de mesures
d'encouragement à la productivité et la reconnaissance de la
performance dans le cheminement de carrière de la personne sont autant
d'avenues menant à la motivation et à la productivité des
fonctionnaires. L'Association des cadres supérieurs du gouvernement du
Québec offre sa collaboration afin que l'on développe, dans les
meilleurs délais, des moyens concrets et des outils de formation
continues qui permettront d'accroître la productivité de
l'État et la motivation des fonctionnaires.
En guise de conclusion, le premier chapitre de notre mémoire
présentait une réflexion sur une véritable réforme
en profondeur de la fonction publique. Nous y avons exposé franchement
les conditions à respecter et les obstacles à franchir pour en
arriver à une telle réforme. Nous sommes bien conscients que
l'adoption de la présente loi n'est pas une fin en soi, mais
plutôt un premier pas vers cet objectif. L'avant-projet qui nous est
proposé a le mérite d'amorcer cette réforme en insistant
plus particulièrement sur le service au public, l'efficience et la
productivité de la fonction publique, la déréglementation
et l'imputabilité des fonctionnaires.
Les commentaires et les positions que nous avons exprimés dans ce
deuxième chapitre, ainsi que les modifications que nous proposons au
chapitre III, visent essentiellement à bonifier le projet de texte
législatif qui nous est soumis. Nous croyons sincèrement que la
reconnaissance du principe de la délégation de pouvoirs ainsi que
l'identification du rôle, des responsabilités et des pouvoirs des
gestionnaires permettraient d'envisager plus rapidement une réforme de
la fonction publique reposant sur l'amélioration du service aux
citoyens.
Malgré tous les efforts consacrés et les travaux entrepris
depuis plus de deux ans pour réformer la fonction publique, nous devons
quand même conclure que le travail est loin d'être terminé.
Il faut pousser encore beaucoup plus avant cette réflexion, afin de
posséder toutes les informations nécessaires lorsque viendra le
temps de poser un diagnostic sur cette réforme le 1er novembre 1990,
jour où la loi qui nous est proposée cessera d'avoir effet. Afin
d'être en mesure de faire face à nos responsabilités
à ce moment, nous réclamons la création immédiate
d'un comité sur l'administration publique dont le mandat sera
d'étudier en profondeur le fonctionnement de l'appareil gouvernemental.
Un tel comité, formé de représentants du gouvernement, des
citoyens, des corporations, qu'on est souvent trop porté à
oublier, et des employés de l'État, devrait analyser le
fonctionnement des trois composantes de l'administration, soit: la gestion du
personnel, la gestion financière et la gestion matérielle. Nous
pourrions alors envisager, pour les années quatre-vingt-dix, l'adoption
d'une véritable charte de l'administration publique
québécoise.
Cette requête n'exclut aucunement l'adoption de l'avant-projet de
loi qui nous est proposé, avec les modifications que nous
suggérons. Elle se veut plutôt un élément de
continuité et de complémentarité aux travaux qui ont
été menés jusqu'à maintenant. Nous ne pouvons plus
nous payer le luxe de réformes à la pièce et de
réinventions de la roue en oubliant le moyeu, autant d'exercices qui
gaspillent inutilement les énergies et qui finissent par détruire
les meilleures volontés. La conjoncture économique maussade que
les sociétés subissent présentement à
l'échelle mondiale engendre un malaise généralisé
à l'endroit de toutes les administrations publiques. Tout retard
à procéder à une réforme en profondeur de
l'administration gouvernementale dans le sens proposé risque de soulever
des critiques encore plus virulentes chez les administrés, parce que la
gestion de l'appareil gouvernemental deviendra encore plus onéreuse. Il
est donc urgent d'adopter les mesures qui nous permettront de faire face
adéquatement au défi qui nous attend: offrir au public un
meilleur service à un moindre coût.
Je vous prie maintenant de vous référer à la page
44 de notre mémoire, où vous trouverez la synthèse des
principales recommandations de l'Association des cadres supérieurs du
gouvernement du Québec.
Suite à l'analyse de l'avant-projet de loi sur la fonction
publique, l'Association des cadres supérieurs du gouvernement du
Québec recommande: 1o que le principe de la délégation de
pouvoirs soit inscrit dans la section 2 de
l'avant-projet de loi de façon que les décisions soient
prises par le niveau le plus près possible de leur application; 2o que
le respect des différents principes prévus aux articles 2
à 7 de l'avant-projet de loi fasse l'objet d'un contrôle a
posteriori et que ce rôle soit confié à des organismes
gouvernementaux existants; 3o que l'avant-projet de loi sur la fonction
publique précise davantage les droits des citoyens à un service
de qualité; 4o que l'on accorde aux gestionnaires de l'État une
place prépondérante dans l'organisation de la fonction publique
en reconnaissant leur rôle, leurs pouvoirs et leurs
responsabilités; 5o que les sous-ministres adjoints et associés
soient intégrés à la classification des cadres
supérieurs et que leur nomination soit soumise à la règle
du mérite; 60 que le gouvernement structure le Conseil du trésor
de manière qu'il puisse faire face adéquatement à sa
nouvelle responsabilité en matière de gestion des ressources
humaines; 7o que la planification et le développement de la
carrière des administrateurs d'État et des cadres
supérieurs relèvent d'un interlocuteur de haut niveau à
qui serait confié ce seul mandat; 80 qu'un comité sur
l'administration publique, formé de représentants du
gouvernement, des citoyens, des corporations et des employés de
l'État, soit immédiatement créé afin
d'étudier en profondeur le fonctionnement des trois composantes de
l'administration publique, soit: la gestion du personnel, la gestion
financière et la gestion matérielle dans le cadre du service au
citoyen.
Voilà, M. le Président, Mme la ministre et MM. les membres
de cette commission, les commentaires que nous avions à formuler sur la
gestion gouvernementale et l'avant-projet de loi sur la fonction publique qui
fait l'objet aujourd'hui de notre rencontre.
Merci de nous avoir écoutés si attentivement.
Le Président (M. Champagne): Comme prévu au
début de cette présentation du mémoire, nous allons vous
entendre aussi à la période des questions et des commentaires
demain matin à 10 heures.
Sur ce, la commission élue permanente de la fonction publique
ajourne ses travaux à demain, jeudi, 10 heures.
(Fin de la séance à 18 h 08)