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(Dix heures vingt minutes)
Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de la fonction publique entreprend
ses travaux afin d'entendre toute personne ou tout groupe qui désirerait
intervenir sur l'avant-projet de loi sur la fonction publique.
Les membres de la commission sont: M. Assad (Papineau), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Doyon
(Louis-Hébert), M. Gravel (Limoilou), Mme LeBlanc-Bantey
(Îles-de-la-Madeleine), M. LeMay (Gaspé), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Martel (Richelieu), M. Rivest (Jean-Talon)
et M. Tremblay (Chambly).
Les intervenants sont: Mme Bacon (Chomedey), M. Blais (Terrebonne), M.
Caron (Verdun), M. Charbonneau (Verchères), M. Dubois (Huntingdon), M.
Gagnon (Champlain), M. Hains (Saint-Henri) et Mme Lachapelle (Dorion).
Je demanderais aux membres de la commission de désigner un
rapporteur, s'il vous plaît!
Mme LeBlanc-Bantey: M. LeMay.
Le Président (M. Champagne): M. LeMay,
député de Gaspé, est proposé comme rapporteur.
M. Doyon (Louis-Hébert): Pas d'objection.
Le Président (M. Champagne): Pas d'objection. M. LeMay,
député de Gaspé, sera le rapporteur de cette
commission.
Voici l'ordre du jour de ce 27 septembre. Nous entendrons aujourd'hui le
Syndicat des conseillers en gestion du personnel du gouvernement du
Québec, le Syndicat des cadres du gouvernement du Québec Inc.,
Alliance Québec, le Comité provisoire des technologues de la
fonction publique et, enfin, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec Inc.
Pour l'information des membres de la commission et de ceux qui se
présentent aujourd'hui, ce matin, on devrait entendre un premier groupe;
cet après-midi, le deuxième, le troisième et le
quatrième groupe; ce soir, on entendrait le Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec Inc.
Une voix: C'est un dépôt, le quatrième.
Le Président (M. Champagne): Pardon?
Mme LeBlanc-Bantey: Le quatrième, c'est un
dépôt.
M. Hains: Le quatrième, c'est un dépôt.
Le Président (M. Champagne): Le quatrième, c'est
pour dépôt seulement. Cet après-midi, on entendrait le
Syndicat des cadres du gouvernement du Québec Inc., et, ensuite,
Alliance Québec. La procédure globale, c'est d'entendre des
mémoires. On peut dire qu'en règle générale il y a
eu un genre de concertation avec l'Opposition et Mme la ministre pour faire en
sorte qu'on entende les mémoires. On leur donne à peu près
une heure, une heure et demie, mais on s'est entendu pour que ce soit une
démarche assez flexible au point de départ. Cela irait? Je
demanderais, si on n'a pas de remarques préliminaires...
Mme LeBlanc-Bantey: Oui, j'en ai.
Le Président (M. Champagne): Mme la ministre, vous avez la
parole.
Remarques préliminaires Mme Denise
LeBlanc-Bantey
Mme LeBlanc-Bantey: Merci, M. le Président. Je n'ai jamais
cru que les gouvernements étaient, en soi, très avant-gardistes.
Je crois plutôt que les réformes que sentent la
nécessité d'instaurer les gouvernements qui se succèdent
correspondent à des vagues de fond ou à des mouvements qui
originent des pulsions qui agitent notre société. Ainsi en est-il
de notre administration publique québécoise qui, depuis le
début des années soixante, a tenté, avec succès
d'ailleurs, de s'ajuster aux exigences et aux mutations d'un monde dit moderne.
Au "small is beautiful", à l'administration à la petite semaine
s'est substitué un appareil imposant, de plus en plus
professionnalisé, qui a tenté à la fois de relever les
défis de cette société moderne et en même temps de
se protéger contre les abus de moeurs politiques devenus irrespirables.
Qu'en est-il résulté?
La nécessité de se regrouper en
syndicats et, bien sûr, l'ajustement des politiciens à qui,
au Québec comme ailleurs, on demande de s'ajuster. Les politiciens
étaient devenus les symboles d'un favoritisme éhonté, ce
qui n'était, si vous me le permettez, ni totalement vrai, ni totalement
faux. Et dans beaucoup de régimes démocratiques, on allait tenter
de se prémunir contre cette nouvelle peste. Et quand les politiciens ne
seraient plus assez pestiférés, il faudrait, bien sûr, se
prémunir entre gestionnaires, puisque la méfiance était de
bon aloi, et, finalement, il faudrait se méfier et se prémunir
entre tout le monde. Se prémunir serait dorénavant notre objectif
national. On s'est donc prémuni à outrance. Pour ce faire, on a
bâti législation sur législation, réglementation sur
réglementation.
Aurons-nous la maturité aujourd'hui de constater que l'abus
discrétionnaire a cédé le pas à l'abus
réglementaire? Je crois que oui. J'ai l'audace de penser qu'à la
limite beaucoup de citoyens, beaucoup d'employés de la fonction publique
se sentent aussi dépourvus face à la super-spécialisation
qu'ils l'étaient à l'époque où le ciel était
bleu et l'enfer était rouge. Il y a encore des gens qui pensent qu'il y
avait là matière à réflexion. Laissons les blagues
et la rétrospective et sarclons nos oignons.
L'avant-projet de loi devant nous a fait l'objet déjà de
nombreuses consultations. Vous vous souviendrez d'abord qu'un comité
spécial mis sur pied à l'été 1981 - je vois le
président qui est arrivé - avait pour mandat de formuler des
recommandations sur ce que devait être le rôle de la fonction
publique québécoise. Ce comité, présidé par
le député de Sainte-Marie, était formé de
ministériels et de députés de l'Opposition dont la
députée de Chomedey qui est ici aujourd'hui. A ma connaissance,
c'était la première fois au Québec que des élus,
membres de partis différents, étaient appelés, à
partir d'un mandat de l'Assemblée nationale et en dehors des structures
traditionnelles des commissions parlementaires, à consulter, analyser et
faire des recommandations sur un sujet donné, en l'occurrence celui du
rôle de la fonction publique.
J'ai voulu - et je pense que c'est essentiel dans notre système
parlementaire -que ce soit, dans un premier temps, les représentants
élus des citoyens, c'est-à-dire les députés, qui
s'impliquent dans la réforme entreprise. La formule dite commission
spéciale a le mérite de fournir un premier éclairage sur
les problèmes à l'étude, éclairage, à mon
avis, empreint de moins de préjugés ou d'idées
préconçues - appelez cela comme vous voudrez - parce que
présenté par des individus qui n'ont pas d'intérêt
immédiat dans la réflexion.
Le seul intérêt qu'une commission doit poursuivre, c'est
l'intérêt du citoyen. C'est de cette façon que les
députés de la commission Bisaillon ont abordé leur
tâche, et je les en félicite. Nous leur devons sincèrement
nos remerciements.
Depuis les travaux de la commission, d'autres consultations ont eu lieu.
Ceux qu'il est convenu d'appeler les gens de la machine administrative,
c'est-à-dire les sous-ministres, les cadres supérieurs et
certains groupes de fonctionnaires, ont été consultés. Un
certain nombre de groupes, entre autres les représentants des
principales organisations syndicales, nous ont déjà fait
connaître, lors de rencontres particulières, leurs
réactions préliminaires à l'avant-projet de loi.
Au cours de l'été, j'ai communiqué par écrit
à tous les membres de l'Assemblée nationale, y compris, bien
sûr, nos collègues de l'Opposition, le contenu de cet avant-projet
de loi. Je leur demandais par la même occasion de bien vouloir me
transmettre leurs commentaires.
J'ai eu également l'occasion de rencontrer des administrateurs,
des fonctionnaires régionaux qui en avaient beaucoup à dire pour
ajuster notre gestion aux réalités régionales. Leur
témoignage m'a été très précieux. Leur
expérience et leur vécu particulier ne peuvent qu'enrichir cette
démarche. Je suis fière d'affirmer que cet avant-projet, dans sa
forme actuelle, n'a pas été cogité en vase clos par une
petite élite de technocrates ou de politiciens.
Pourquoi modifier une loi, la loi 50, qui, dans les faits, n'a que
quatre années d'existence? Voici pourquoi. Les changements introduits
dans notre fonction publique depuis 1970 ont eu comme conséquence de
changer assez profondément non seulement les méthodes de
l'administration centrale mais également celles de l'administration du
personnel. Le sens général de ce mouvement, malgré
certains changements de priorités, était, malgré tout, une
définition de plus en plus organisée des rôles et des
mandats que devaient assumer les ministères et organismes.
L'introduction de la loi 50 est venue renforcer ce mouvement. On a
normalisé à outrance la gestion de la fonction publique. On a
créé des organismes, on a nommé des responsables. Ils se
sont donné plein de normes, de règlements et vogue la
galère. Je ne dis pas qu'il n'est pas nécessaire d'avoir des
organismes responsables qui orientent ou décident. Non. Je dis
plutôt - et il faut bien se le dire - que ces organismes devenus
institutions, malgré un souci d'efficacité, s'empêchent
parfois, de par leurs structures, leurs interrelations, leurs codes de
procédure, de fonctionner efficacement. Autrement dit, ils se marchent
sur les pieds les uns les autres. D'ailleurs, le diagnostic de la commission
Bisaillon est très clair là-dessus: "Un bref diagnostic sur les
effets de notre législation permet d'abord de constater
qu'elle a généré un renforcement très
prononcé de la réglementation. La prolifération des
règlements en matière de gestion du personnel a donné lieu
à une bureaucratisation et à une judiciarisation de la gestion
des ressources humaines. Il s'en dégage un climat de confusion tant chez
les employés que chez les gestionnaires".
Et les commissaires constatent "le peu de latitude (ou d'autonomie) dont
jouissent véritablement les gestionnaires des ministères et
organismes gouvernementaux. En effet, un phénomène
d'omniprésence des organismes centraux dans l'ensemble des
activités de gestion et, dans le cadre législatif et
réglementaire actuel, les circuits administratifs impliquant ces
organismes, donnent lieu à de lourds et coûteux délais."
(10 h 30)
Inévitablement, ce type de centralisation a également
engendré un développement phénoménal des
activités de contrôle et de vérification en matière
de gestion des ressources humaines, comme je l'ai dit tout à l'heure,
pas toujours très coordonnées. Chaque organisme possédant
sa petite équipe de vérificateurs, les ministères
subissent à répétition une série de
vérifications souvent, pour ne pas dire toujours, effectuées
préalablement à l'acte administratif à poser.
Et que dire de cette vache sacrée - si vous me permettez
l'expression - le principe du mérite? Noble en soi, ce principe, tel
qu'appliqué, c'est-à-dire sans modérer la rigidité
de son interprétation et de son appellation, est devenu parfois plus
important que son objectif. La "structurite" parfaite, quoi!
Enfin - et c'est le plus important - on a indirectement inspiré
la fonction publique ou plutôt son organisation à ne fonctionner
que pour elle-même, que pour son mieux-être. Elle a
été portée, par la force des circonstances, à
oublier sa raison d'être, la raison pour laquelle les citoyens paient des
taxes, son objectif ultime: je veux parler, bien sûr, du service aux
citoyens.
Voilà ce qui explique, dans les grandes lignes, les raisons de la
réforme que nous proposons, une réforme dont l'avant-projet de
loi actuel n'est qu'un maillon.
Cet avant-projet de loi énonce des principes, des
préceptes qui guideront l'application et l'interprétation de la
loi que nous espérons adopter d'ici à décembre. Les
principes généraux n'ont pas pour effet d'attribuer des droits ou
d'imposer des obligations. Ils constituent plutôt un cadre
d'interprétation.
Pas plus que toute autre loi, cette loi ne peut contenir tous les
éléments nécessaires à son application aux cas
d'espèce; les termes devront inévitablement être
interprétés par ceux qui auront à les appliquer.
Les principes énoncés indiquent l'éclairage avec
lequel l'application de la loi devra être envisagée au cas de
doute sur l'intention du législateur. Ainsi, le législateur
imposera à tous ceux qui appliqueront la loi (gestionnaires,
commissaires, arbitres et juges) l'obligation de tenir compte de l'ensemble des
principes énoncés. Aucun de ceux-ci ne devra, en effet,
être privilégié à moins que le contexte de la loi ne
permette d'en conclure autrement. Il s'agit, en somme, de favoriser une
interprétation équilibrée de la loi et des actes qui en
découlent.
Quelles sont ces orientations générales? Le principe de
base autour duquel s'articule cet avant-projet, c'est le service aux citoyens.
C'est peut-être une vérité de La Palice pour bon nombre
d'entre nous, mais à l'instar de la commission spéciale il est
urgent de le rappeler, de le répéter et, pour être certain
qu'on ne l'oubliera pas, de l'inscrire dans un projet de loi. Nous ne saurions
trop insister sur la primauté de cet objectif. Les citoyens doivent
être considérés comme des mandants conscients de leurs
besoins et non comme des consommateurs à qui l'État fournit,
selon son bon vouloir, une certaine quantité de biens et de services. Il
nous faut donc modifier certains comportements qui nous font parfois oublier la
raison d'être de la fonction publique, sa finalité. Notre objectif
est et doit être de tirer le meilleur parti de l'ensemble des ressources
en favorisant plus spécifiquement une gestion des ressources humaines
adaptée aux services à dispenser et conforme aux moyens dont
dispose l'État.
Notre deuxième objectif vise l'efficience de l'organisation et de
l'administration de la fonction publique. En d'autres mots, je parle de
rendement. Je ne suis pas la plus partisane de la comparaison classique du
secteur public versus le secteur privé; c'est difficilement comparable,
comme je l'ai dit, et il faut admettre que la productivité des
employés de l'État est difficilement mesurable.
Tous nos efforts d'amélioration du rendement seraient vains s'ils
n'étaient accompagnés de gestes administratifs visant une prise
en charge des responsabilités dévolues à chaque
organisation, à chaque fonctionnaire. Ceci m'amène à
parler de notre troisième grand objectif, soit la responsabilisation des
gestionnaires et de l'ensemble des employés de l'État.
La délégation d'autorité étant peu
répandue, le degré de responsabilité me semble très
faible dans notre fonction publique actuelle. Le niveau d'autorisation pour
accomplir telle ou telle action est si élevé dans la
hiérarchie que la responsabilité se dilue et, de fait, les
gestionnaires n'ont pas la latitude voulue pour prendre les décisions
appropriées au bon moment.
Nous proposons d'accorder plus
d'autorité en matière de gestion des ressources humaines
aux administrations des ministères et organismes. Il faudra, ce faisant,
redéfinir certains rôles exercés actuellement par les
autorités centrales et mettre l'accent sur la délégation
de pouvoirs.
Dans la même veine, à chaque ministère sera
déléguée la mise en oeuvre des programmes gouvernementaux,
les autorités de chaque ministère disposant de pouvoirs leur
permettant d'exercer efficacement les mandats qui leur sont confiés avec
les moyens qu'ils jugent appropriés. La réforme de la fonction
publique se fera véritablement dans les faits par l'instauration de la
responsabilité opérationnelle de tous les agents et surtout de
ceux dont le métier est d'administrer.
Si nous voulons atteindre une plus grande responsabilité des
organisations, il faut nous débarassser de la trop lourde
réglementation en matière de gestion des ressources humaines.
À la place de cette lourde réglementation, nous avons
plutôt énoncé certains principes généraux qui
serviront de guides à chaque gestionnaire dans son opération
quotidienne.
Un quatrième principe stipule le droit du personnel à
être traité et géré avec impartialité, ce qui
signifie justice et absence de discrimination et de favoritisme. La Charte
québécoise des droits et libertés de la personne
protège le citoyen contre l'abus de pratiques qui peuvent aboutir
à une quelconque forme d'injustice. Cela doit s'appliquer aux citoyens
fonctionnaires autant qu'aux autres contribuables. Nous voulons, en inscrivant
un tel article dans cet avant-projet de loi, qualifier le type de gestion qui
doit et qui devrait toujours être l'apanage d'une fonction publique saine
et transparente.
J'ai déjà parlé du passé. Il y a eu des
gestes posés qui n'étaient pas toujours empreints de vertu. Le
présent indique qu'il faut toujours être vigilants. Certaines
personnes en situation de responsabilité ternissent l'image qu'on a
besoin d'avoir, comme société, de notre fonction publique. Il
sera, par ailleurs, toujours difficile d'enrayer complètement des
comportements qui, souvent, se sont développés avec le temps, qui
se sont enracinés dans les habitudes administratives.
Dans ce sens, l'article auquel je fais référence est en
soi une mini-charte. Son contenu est un guide qui veut qualifier les gestes
posés par l'administration. Ce souci d'impartialité doit
s'appliquer particulièrement au recrutement où une
véritable transparence des gestes doit primer. Le principe du
mérite qui gouverne actuellement la sélection du personnel est
maintenu. Il nous semble essentiel afin de s'assurer que les personnes les plus
qualifiées soient choisies et qu'il en apparaisse clairement ainsi.
Toutefois, nous proposons certains aménagements afin
d'améliorer l'efficacité du processus et d'éviter des
coûts inutiles. Le principal changement à cet égard
concerne le rangement des candidats par le jury de sélection. Il nous a
semblé que le rangement numérique strict véhicule la
notion exagérée que celui qui obtient le plus de points est
absolument le meilleur candidat pour remplir le poste. C'est une notion
très discutable, à mon avis. Toute sélection de personnel
comporte une large part de subjectif, à tel point que deux jurys
différents peuvent très bien inverser le rang des candidats ayant
obtenu des notes rapprochées. Ainsi, nous est-il apparu
préférable de regrouper des candidats ayant des notes similaires
dans un même niveau. Ceci permet au gestionnaire de choisir entre ces
quelques personnes de compétence égale soit pour promouvoir
certains groupes sous-représentés ou pour assurer une meilleure
cohésion de son groupe de travail. D'ailleurs, la commission Bisaillon
nous faisait cette recommandation.
Vous avez sans doute remarqué que nous n'avons pas modifié
dans l'avant-projet de loi le régime syndical tel qu'il apparaît
dans la loi actuelle. Nous ne posons pas de jugement sur le mérite ou
l'équilibre du régime actuel. Nous pensons simplement que la
réflexion doit s'acheminer vers le groupe de travail spécial,
présidé par le secrétaire général du Conseil
exécutif, qui a été mis sur pied le 28 avril dernier afin
de revoir le régime de négociations des secteurs public et
parapublic. L'avant-projet ne veut pas préjuger des réflexions et
des recommandations de ce comité.
J'ai dit au début que l'avant-projet n'est qu'un maillon de la
réforme que nous préconisons; je voudrais, en terminant, vous le
situer dans la démarche que nous avons entreprise. Une organisation ne
comporte pas que des ressoures humaines; il lui faut, pour bien fonctionner,
des ressources techniques et surtout financières. Les trois sont
indissociables. Quand on apporte des changements à une partie ou
à un élément de cet édifice, il faut s'assurer que
les autres éléments soient ajustés en conséquence;
autrement, l'édifice risque de s'écrouler. Il en est ainsi,
à mon avis, des changements que nous proposons; ils s'inscrivent dans et
commandent des changements à d'autres niveaux que celui particulier de
la gestion des ressources humaines.
Pour illustrer mon propos, prenons l'imputabilité ou, si vous
préférez, la "responsabilisation" des gestes administratifs.
C'est bien beau de l'inscrire dans une loi, mais comment dans les faits la
réalise-t-on, cette imputabilité? Je pense que les organismes
gouvernementaux, les organismes centraux en particulier, devront se doter de
mécanismes qui permettront aux individus
dans la machine bureaucratique de se sentir impliqués dans cette
démarche.
Beaucoup de gestionnaires se plaignent qu'ils doivent toujours
quémander une permission, une autorisation pour faire ceci ou cela. Ils
sont payés pour assumer des responsabilités. Je propose de leur
donner les moyens de les assumer.
La perfection étant plutôt une aspiration qu'une
qualité innée, il faut que l'État se dote de moyens de
contrôle des gestes ou des actes posés par ses employés.
Mais ce contrôle ne devrait pas se faire comme il se fait actuellement,
c'est-à-dire avant l'action elle-même. Nous proposons de le faire
a posteriori, comme l'ont, d'ailleurs, recommandé les membres de la
commission spéciale.
Soyons réalistes aussi: l'avant-projet de loi n'est pas une fin
en soi. Il se veut un cadre de référence pour les questions
reliées à la gestion des ressources humaines. Il pose, cependant,
un certain nombre de principes qui commandent des changements à la
gestion publique dans son ensemble. Par exemple, il est indéniable que,
si le Conseil du trésor ne change pas sa façon d'administrer, ne
délègue pas, cela ne sert à rien de parler
d'imputabilité. Il faudra que cet organisme emboîte le pas. Il
faudra aussi que les responsables administratifs des ministères et
organismes acceptent ces changements de mentalité administrative et
voient à faire appliquer les objectifs que le gouvernement poursuit.
Il n'est pas facile, non plus, de prendre une nouvelle direction quand
on est habitué de fonctionner d'une certaine façon. Mais je me
permets d'être très confiante à cet égard. Si on
regarde en arrière et qu'on évalue tous les changements, les
chambardements qui sont survenus dans la fonction publique au cours des
dernières années, il faut bien admettre qu'un professionnalisme,
qu'un dynamisme certain des personnes qui la composent ont guidé son
évolution et nous ont donné une fonction publique qui, avec
toutes ses faiblesses, est néanmoins une fonction publique de
qualité.
Qu'on se rappelle seulement l'entrée massive de
compétences au début des années soixante-dix.
C'était une période d'expansion rapide. L'État
était impliqué dans de plus en plus de secteurs de la
société et il avait besoin de compétences nouvelles pour
mener à bien son expansion. La société
québécoise de ces années-là s'ajustait aux grandes
missions qu'elle s'était données, tant au niveau de
l'éducation que des affaires sociales, pour ne citer que les plus
grandes. Cette expansion, ces ajustements ont eu un effet direct sur l'appareil
bureaucratique; il a grossi et il s'est ajusté en
conséquence.
Les individus à l'intérieur des ministères, des
organismes ont dû s'adapter très rapidement. La croissance a
ralenti ces dernières années; la mission n'est plus la
même. Cependant, les compétences se sont aguerries au contact des
mouvances passées.
C'est pourquoi je crois sincèrement que les réactions aux
orientations que l'on propose dans l'avant-projet de loi iront dans le sens
d'une efficacité accrue de la gestion publique dans son ensemble.
Le Président (M. Champagne): Merci, Mme la ministre.
Est-ce qu'il y aurait d'autres remarques préliminaires?
M. Doyon (Louis-Hébert): S'il vous plaît, M. le
Président.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Louis-Hébert, à vous la parole.
M. Réjean Doyon
M. Doyon (Louis-Hébert): Merci, M. le Président. La
commission qui commence ses travaux aujourd'hui est une commission d'une
très grande importance qui laissera des marques sur la façon dont
sera gérée la chose publique dans les années à
venir. C'est très clair. M. le Président, cinq ans après
avoir fait une première réforme qu'on annonçait comme
devant régler un certain nombre de problèmes, nous nous voyons
dans une situation où nous revenons en arrière. Nous sommes
obligés de reconnaître que les remèdes qui avaient
été proposés à ce moment-là et qui devaient,
justement, solutionner les difficultés qu'on connaissait à
l'intérieur de la fonction publique québécoise n'ont pas
donné les résultats escomptés. Autrement, pourquoi en
serait-on rendu à faire disparaître tout simplement le
ministère de la Fonction publique?
Je crois que la chose est devenue évidente et qu'elle s'impose,
mais on doit en tirer une certaine conclusion. Quand on a agi, en 1978, on l'a
fait trop rapidement, sans consultation, sans concertation et d'une
façon unilatérale. Il est évident que les problèmes
qu'on connaît aujourd'hui, et qui entraînent une réforme
aussi nécessaire que celle qui s'amorce, nous amènent à
nous rendre compte qu'en 1978 la loi qui a été adoptée ne
répondait pas aux besoins du moment. Autrement, on n'aurait pas besoin
de faire ce qu'on fait maintenant. (10 h 45)
Je cite, par exemple, un article de journal paru le 1er août 1977
où M. Denis de Belleval, ministre de la Fonction publique à
l'époque, disait: "Cela va bouger dans la fonction publique; des
mutations horizontales d'un ministère à l'autre, il va y en
avoir, de même que d'une région à l'autre, de façon
à éliminer la création ou la constitution de fiefs, le
népotisme, etc". Alors, est-ce qu'on doit en conclure que ce qui
était annoncé en 1978 n'a pas pu être réalisé
et qu'on est
obligé d'avoir recours à d'autres moyens ou si on est
obligé de tirer une autre conclusion, c'est-à-dire une conclusion
qui découlerait des propos que tenait M. Jean Garon, ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, lorsqu'il disait:
C'est bien simple, on veut s'assurer que les prochains fonctionnaires ne seront
pas des adversaires; quant à ceux qui existent déjà dont
on n'est pas sûr, on les déplacera pour qu'ils ne puissent pas
nuire? Est-ce qu'on peut tirer la conclusion que la mission qui avait
été confiée, à ce moment-là, à la loi
qui avait été adoptée en 1978, selon les propos
mêmes du ministre Garon, serait accomplie et qu'on passerait à une
autre étape qui serait de la nature de l'avant-projet de loi qu'on a
devant nous? C'est ce genre de réflexion que m'inspire la réunion
que nous avons aujourd'hui.
Les propos du ministre Garon tenus en 1977 n'étaient pas des
propos en l'air. C'étaient des propos qui, de sa part en tout cas, dans
son ministère, ont donné lieu à des actes précis.
Je réfère particulièrement à un article qui a paru
dans le Soleil du jeudi 17 décembre 1981 où le ministre de
l'Agriculture, Jean Garon, faisait disparaître sept directions
générales, donc sept postes soumis à la Loi sur la
fonction publique, pour les transformer en postes qui seraient comblés
par des sous-ministres adjoints, de façon que ces personnes puissent
être nommées directement par le gouvernement, directement par le
cabinet, sans tenir compte des normes et des critères de la fonction
publique.
La question que je pose, M. le Président, est la suivante: Est-ce
que la réforme qu'on a devant nous, veut dire mission accomplie en ce
qui concerne les objectifs déterminés par le ministre Garon? Je
pose la question; je n'y réponds pas. Mais l'inquiétude que
j'exprime est là et je sais qu'elle est parmi les fonctionnaires. Je
sais qu'elle existe au sein de la fonction publique québécoise
actuelle. Je sais que ce sont des questions qu'on se pose sérieusement
et avec raison non seulement devant des propos de la nature de ceux que je
viens de citer du ministre Garon, mais aussi devant des gestes précis
qui ont été posés dans les années ou dans les mois
qui ont suivi.
Il est beau de vouloir euthanasier un ministère. C'est,
cependant, une autre chose de voir par quoi on va le remplacer. Les
inquiétudes que j'exprime viennent aussi du fait que la
presque-totalité des responsabilités du ministère de laFonction publique seront dorénavant confiées au Conseil du
trésor. On connaît et les fonctionnaires connaissent la
façon de procéder du Conseil du trésor. On sait que le
Conseil du trésor dispose d'une pléthore de directives et qu'on
est passé maître dans l'art de faire des colonnes de chiffres, de
les additionner, de les soustraire, de les multiplier, d'être
déficitaire ou d'avoir un surplus. Mais on joue avec des deniers. On
joue avec de l'argent. On joue avec des dollars.
Ce qu'on doit se poser comme question, l'inquiétude qu'on doit
avoir, c'est: Est-ce que cette philosophie administrative qui est celle du
Conseil du trésor, celle qui est normale quand on joue avec des dollars,
des colonnes de chiffres, de l'argent, purement et simplement, est
désirable quand on joue avec de la matière humaine, avec des
ressources humaines? Le Conseil du trésor, dans ses attitudes
passées et présentes, n'est sûrement pas dans une position
pour nous rassurer actuellement. Je pense que cette question se pose
drôlement. Nous n'avons aucune garantie, M. le Président, qu'on
administrera différemment les membres de la fonction publique, les
fonctionnaires, qu'on ne le fait de l'argent où, quand on a un surplus,
on fait un virement de fonds, où, quand on en manque, on va piger
ailleurs, etc., ou quand on n'a plus d'argent, on coupe purement et simplement,
on ferme le robinet. On ne peut pas agir comme cela quand on agit avec des
hommes et des femmes. On ne peut pas agir de cette façon. C'est une
inquiétude que nous avons le droit et même, je dirais, le devoir
d'avoir.
Cette inquiétude prend sa source dans des gestes très
récents que le gouvernement pose. Il se sert d'une fonction qui
normalement ne devrait pas être une fonction politique. Je pense au
secrétaire général du Conseil exécutif - nos
journaux nous l'apprennent, les nouvelles nous l'ont appris hier - qui est
assigné à un ou deux comités, essentiellement des
comités politiques, de nature ministérielle, pour des fins
propres à un parti politique qui veut refaire son image, qui est
à court d'idées, qui ne peut pas faire face à
l'échéance du 18 octobre devant l'Assemblée nationale. On
dit de la personne qui occupe ce poste qu'elle est le patron des
sous-ministres. On l'assigne à un des comités, d'une façon
euphémiste, qu'on appelle le comité sur la question nationale,
c'est-à-dire le comité sur l'indépendance du
Québec; on l'assigne aussi, je pense, j'en suis moins sûr,
à un autre comité qui est celui de la relance économique.
C'est le gouvernement qui nous propose un avant-projet de loi qui doit
consacrer - on le verra dans l'étude article par article, parce qu'on y
viendra plus en détail - la neutralité politique des
fonctionnaires, qui, du même souffle, se sert d'une fonction comme celle
du secrétaire général du Conseil exécutif pour le
faire participer, je dirais même plus, pour le faire se compromettre dans
une question essentiellement politique, essentiellement électorale, qui
doit donc se régler entrepoliticiens, entre personnes qui se
présentent
devant l'électorat et qui font valoir des idées et qui
permettent à la population de choisir entre les faits en
présence.
Je pense qu'on peut se poser la question. Que fait le premier
fonctionnaire -parce qu'on parle de fonctionnaires dans ce projet de loi - du
Québec dans un de ces comités essentiellement politiques? Il y a
là une inadéquation entre les intentions parfaitement admirables
et parfaitement respectables que la ministre vient d'exprimer dans ses
remarques préliminaires et les gestes que nous sommes en mesure de
constater à tous les jours, des gestes comme ceux que je viens
d'indiquer, nomination du secrétaire général du Conseil
exécutif, changements au niveau du ministère de l'Agriculture, au
niveau des directions générales, à la suite de propos
très clairs que prononçait le ministre de l'Agriculture qui nous
disait: On va mettre de côté ceux qui nous nuisent ou qui sont de
nature à nous nuire. Je pense qu'il est de notre devoir de poser un
certain nombre de questions. Il faut les poser maintenant parce que
après il sera trop tard.
Les réactions que nous devons avoir pour bonifier ce projet de
loi, pour le rendre étanche doivent être des réactions
immédiates, rapides qui vont permettre, et qui vont même l'y
obliger, au gouvernement de poser un certain nombre de gestes concrets qui ne
laissent pas d'échappatoires.
Je faisais un certain nombre de remarques tout à l'heure
concernant le Conseil du trésor, concernant sa façon de
gérer les fonds publics. La ministre le disait tout à l'heure
dans ses remarques préliminaires, le Conseil du trésor va
être l'organisme central qui va émettre des politiques
générales qui vont permettre à la fonction publique
québécoise de fonctionner normalement, de remplir ses
tâches et de remplir ses mandats. Cependant, je me dois de regretter
très sincèrement - il n'est peut-être pas trop tard pour
remédier à cela -l'absence ici d'un représentant, d'un
ministre siégeant au Conseil du trésor. Je pense qu'il serait
nécessaire que quelqu'un du Conseil du trésor soit ici pour
éclairer notre lanterne, pour répondre à nos
inquiétudes, pour nous dire quelles seront, à titre indicatif,
les directives et les politiques générales vers lesquelles on
s'oriente. Nous n'avons personne du Conseil du trésor ici. Pourtant, le
pivot de toute cette réforme, c'est le Conseil du trésor, et
celui-ci brille par son absence.
Si nous sommes dans une situation où le ministère de la
Fonction publique disparaît, est-ce qu'on n'est pas, tout simplement, en
train d'ajuster législativement une situation de fait? Tous les
fonctionnaires qui ont affaire à la gestion du personnel connaissent
l'emprise de facto du Conseil du trésor sur tout ce qui s'appelle
ressources humaines. C'est donc dire que, si on se réfère
à la loi actuelle sur la fonction publique, il y a eu
détournement de responsabilités: un organisme qui n'était
pas habilité législativement à exercer les
responsabilités qui étaient celles de la fonction publique par la
force des choses, par le fait qu'il contrôlait les cordons de la bourse,
a pris une telle importance que dans les faits il a mis en tutelle le
ministère de la Fonction publique. C'est une situation de fait
vérifiable quotidiennement.
Je me demande si ce qu'on nous présente comme étant une
nécessité pour s'ajuster aux développements normaux de la
fonction publique n'est pas simplement un ajustement à cet accaparement
qu'a fait le Conseil du trésor des pouvoirs du ministère de la
Fonction publique. Je pose cette question-là et il faut se la poser. Les
changements qu'on impose dans le projet de loi peuvent amener une
amélioration de la gestion des ressources humaines de la fonction
publique québécoise, mais à la condition que chacun des
organismes exerce, d'une façon très serrée, une
surveillance quotidienne et continue. Il sera facile à ce
moment-là de s'apercevoir qu'une fois encore on se retrouvera dans une
situation où on n'aura pas atteint les buts visés, que dans les
faits les choses auront tourné différemment, se seront
détériorées, auront donné des résultats
contraires à ceux qu'on espérait.
Je pense que faire preuve de méfiance dans ce domaine-là,
c'est en même temps faire preuve tout simplement de mémoire et
avoir de la mémoire, c'est une qualité nécessaire pour
améliorer les situations, si on ne veut pas se retrouver d'ici quelques
années avec une fonction publique qui ne sert pas les citoyens, qui
n'est pas capable de donner son plein rendement, qui, malheureusement - telle
qu'on la connaît aujourd'hui, dans plusieurs cas, malgré sa
très grande quantité - est très fondamentalement
démotivée pour toutes sortes de raisons. (11 heures)
On n'a qu'à penser aux projets de loi qui ont été
adoptés le printemps dernier. On n'a qu'à penser à une
espèce de mise en tutelle - cela va jusque-là - par un certain
nombre dans certains ministères, par le cabinet ministériel, le
cabinet politique, des administrateurs de carrière. On a simplement
à penser à ces situations pour s'assurer, au moins, que, pour
l'avenir, la fonction publique pourra être gardée à l'abri
des interventions purement politiques, des interventions qui peuvent être
motivées par des situations ponctuelles, par des situations qui sont
très souvent des réponses à des mouvements de panique, des
mouvements d'expédients politiques.
Je pense que la fonction publique mérite cela, notre fonction
publique que nous
avons créée au fil des ans avec les fonds publics, qu'on a
mise sur pied et qui s'est gagné le respect des fonctions publiques dans
les autres provinces canadiennes, y compris de la fonction publique
fédérale. Cette réputation de notre fonction publique
québécoise doit être respectée, doit être
conservée et elle doit être mise à l'abri des interventions
des politiciens, des gouvernements, qui, eux, passent alors que la fonction
publique doit jouir d'une permanence qui, en fin de compte, permet aux citoyens
d'y trouver leur compte et d'obtenir les services pour lesquels, finalement,
ils paient. Je pense que c'est de toute première importance. La mise de
la fonction publique au service des citoyens et citoyennes du Québec
doit se faire sans aucun accroc, sans aucun obstacle. Il doit y avoir une
continuité directe entre le besoin du citoyen et la réponse qu'il
obtient des gens qu'il paie et qui veulent rendre ce service à la
population.
Nous aurons l'occasion de revenir plus longuement sur un certain nombre
de principes qui sont ceux de la réforme. Nous parlerons du principe du
mérite. Nous pourrons faire valoir un certain nombre
d'inquiétudes ou, au moins, d'interrogations sur l'application pratique
de ce principe. Nous parlerons du classement par niveau, du rangement par
niveau. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Nous pourrons aussi nous attarder
à tout ce qui touche l'imputabilité.
C'est avec beaucoup d'intérêt et avec une très
grande réceptivité, Mme la ministre, que je vais prendre
connaissance des mémoires que les intervenants - ils sont au nombre de
treize ou quatorze, si je ne m'abuse - vont nous présenter pendant les
prochains jours. À partir de là, l'Opposition verra quelles sont
les améliorations qui lui paraissent désirables et souhaitables
à ce projet de loi. Je termine mes remarques là-dessus, en
souhaitant la bienvenue à toutes les personnes qui sont ici.
Le Président (M. Champagne): Merci. M. Bisaillon:
M. le Président...
Le Président (M. Champagne): Oui, M. le
député de Sainte-Marie, la parole est à vous.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: ...j'essaierai d'être le plus bref possible.
On est rendu aujourd'hui à une autre étape d'une démarche
qui a été entreprise il y a pratiquement deux ans maintenant, non
seulement sur la révision de la Loi sur la fonction publique, mais bien
au-delà, sur tout le fonctionnement de l'appareil de la fonction
publique, sur tous les mécanismes et les outils de travail qui sont mis
à la disposition de la fonction publique pour rendre des services aux
citoyens.
Cette démarche, à laquelle nous sommes rendus aujourd'hui,
se situe dans le cadre de l'étude d'un avant-projet de loi. Je suppose
bien que si, au niveau gouvernemental, on a pris la précaution de parler
d'un avant-projet, c'est parce qu'on pensait, justement, qu'il y avait de la
place encore pour de l'amélioration. Probablement que les consultations
qui sont faites par le biais de cette commission parlementaire nous serviront
à en arriver à un projet de loi qui réponde
véritablement aux besoins non seulement de la fonction publique et des
fonctionnaires qui y travaillent, mais de l'ensemble des citoyens et des
citoyennes du Québec.
À tort, on a souvent pensé que la Loi sur la fonction
publique était une question technique qui ne relevait que des hauts
technocrates qui pouvaient se pencher sur cette question, s'y intéresser
et régler l'ensemble des détails. À l'analyse, M. le
Président, on se rend compte que c'est peut-être cette
mentalité qui a développé, en fait, un certain nombre de
travers qu'on a pu remarquer dans notre fonctionnement. C'est peut-être
parce qu'on a pensé trop longtemps que c'était
réservé à des spécialistes, que toute la question
de la Loi sur la fonction publique était réservée à
un niveau particulier d'encadrement qu'on s'est éloigné
tranquillement de la perception qu'on doit avoir de ce que doit être la
fonction publique. C'est peut-être à cause de cela qu'on a perdu
de vue l'objectif premier qu'on doit avoir quand on met sur pied une fonction
publique, c'est-à-dire le service aux citoyens.
Dans ce sens-là, le projet de loi reconnaît et inscrit un
certain nombre de principes que la commission spéciale sur la fonction
publique avait retenus. La primauté des services à rendre aux
citoyens, non seulement les services à rendre, mais les services de
meilleure qualité et au meilleur coût. L'imputabilité et
l'utilisation maximale des ressources humaines de la fonction publique. Ces
principes sont reconnus dans le projet de loi. J'aurai l'occasion, probablement
au cours des rencontres qu'on aura avec les groupes qui viendront devant cette
commission, de souligner que, si les principes sont maintenant inscrits dans la
loi, il me semble qu'il manque un peu d'habillement à ces principes. On
aurait peut-être intérêt à aller un peu
au-delà de la reconnaissance du principe et à préciser un
peu davantage comment dans le concret, dans le quotidien cela va pouvoir
s'effectuer.
Mon rôle à cette commission, M. le Président, sera,
évidemment, de toujours comparer le rapport de la commission
spéciale avec le projet de loi, de comparer aussi - ce n'est pas une
menace, mais un avertissement - ce que les groupes qui seront
devant nous vont venir dire à la commission parlementaire avec ce
qu'ils sont venus présenter aussi devant la commission spéciale.
Bien sûr, il s'est passé certains délais entre le moment
où la commission spéciale a soumis son rapport à
l'Assemblée nationale et le moment où on étudie un
avant-projet de loi. Je serai curieux - je le dis maintenant - de savoir s'il y
a des différences entre les prises de position de groupes qui sont venus
devant la commission spéciale et qui viennent aujourd'hui devant la
commission parlementaire. Je serai particulièrement curieux de savoir ce
qui a pu modifier leur opinion et quels sont les événements qui
ont pu se passer depuis la commission spéciale pour que leur analyse de
la situation soit différente.
Mon deuxième objectif, M. le Président, à cette
commission sera finalement d'arriver à ce qu'on ait un projet de loi qui
ne fasse pas des distinctions aussi hermétiques qu'on les a connues dans
le passé entre le politique et l'administratif. Contrairement à
l'intervenant qui m'a précédé, je pense que le grand
défaut du passé, c'est de ne pas avoir assez
intégré l'administratif et le politique. Au-delà de la loi
et du meilleur projet de loi qu'on pourra obtenir, les changements dont on a
besoin sont d'abord des changements d'attitude et de comportement et ce,
à tous les paliers autant au plan politique qu'au plan administratif. Ce
que cela nous prend, c'est davantage une intégration des besoins
politiques et des besoins administratifs. Si on n'est pas capables de faire
cette intégration - intégration veut aussi dire différence
et champ de responsabilité particulier - et de délimiter le champ
des différences, on aura peut-être un beau projet de loi, mais on
sera sûrement obligés de revérifier encore dans trois,
quatre ou cinq ans.
Je voudrais aussi attirer l'attention des membres de cette commission
sur le fait que l'avant-projet de loi qui est devant nous ou un projet de loi
quelconque qui viendra par la suite ne réglera pas l'ensemble des
problèmes de la fonction publique, n'intégrera pas, non plus,
l'ensemble des recommandations qui ont été faites par la
commission spéciale. Une véritable amélioration de tout
notre fonctionnement passe aussi par une diminution des pouvoirs du Conseil du
trésor, par une revérification de la Loi sur l'administration
financière, par l'établissement d'une loi du Vérificateur
général et par un plan d'application et d'implantation de
l'imputabilité. Ce sont des éléments qu'on ne retrouvera
pas dans l'avant-projet de loi.
Je pense qu'il faudrait, quand même, avoir en tête que le
projet de loi de la fonction publique doit être un des
éléments de l'ensemble de la réforme. Il sera fort
difficile de se prononcer de façon efficace sur ce projet de loi si on
n'a pas, à ce moment, l'annonce d'un portrait d'ensemble des autres
mesures que le gouvernement entend prendre. Cela peut me satisfaire, pour
l'instant, de voir que le Conseil du trésor a la possibilité,
dans l'avant-projet de loi, de déléguer ses pouvoirs aux
sous-chefs et d'accorder aux sous-chefs le pouvoir de
sous-délégation, mais cela ne m'assure pas que cela sera fait.
Autrement dit, le projet de loi de la fonction publique peut ouvrir la porte,
mais il ne nous donne pas la clé.
Dans ce sens-là, j'aurais une suggestion à faire à
la ministre de la Fonction publique. Je pense qu'il serait important, au moment
où on aura terminé les travaux de cette commission parlementaire
ou encore au moment où la ministre déposera un nouveau projet de
loi, qu'on ait une déclaration ministérielle nous
annonçant les mesures que le gouvernement entend prendre quant au
rôle du Conseil du trésor, quant à la Loi sur
l'administration financière et quant à une loi du
Vérificateur général. J'espère que la ministre ne
se sentira pas obligée, pour arriver à ce résultat, de
mettre sur pied un comité de ministres pour étudier la question.
Je pense qu'avec toutes les études qui ont été faites on
pourrait facilement en arriver à se brancher rapidement et facilement
sur ces questions. Je pense que cela sera un élément
essentiel.
De la même façon, le gouvernement devrait normalement
arriver à l'échéance où il devrait nous
présenter un plan d'implantation de l'imputabilité. Je
rappellerais a la ministre de la Fonction publique qu'il y a bientôt un
an - en fait, si je ne me trompe pas, cela fait exactement dix mois au moment
où on se parle - que l'Assemblée nationale a adopté
à l'unanimité, à partir du rapport de la commission
spéciale, une motion demandant au gouvernement de déposer a
l'Assemblée nationale un plan d'implantation de l'imputabilité.
On arrive à cette échéance, on y sera vers la fin du mois
de novembre. Si, à ce moment, l'Assemblée nationale siège,
on pourrait peut-être demander au gouvernement d'ajouter un morceau, une
pièce du puzzle et de nous mettre sous les yeux ce plan d'implantation
de l'imputabilité. Sur combien d'années prévoit-on rendre
imputable l'ensemble de la fonction publique? Par quel secteur
d'activité commencera-t-on l'expérience de l'imputabilité?
Par quel niveau d'emploi à l'intérieur de chaque secteur
d'activité commencera-t-on à rendre imputables les gestionnaires?
Ce sont des questions sur lesquelles, normalement, un plan d'implantation
devrait nous renseigner.
En terminant, M. le Président, je réitère le fait
que, si l'avant-projet de loi peut ajouter des choses, tant mieux, mais que,
pour moi, il serait important de traiter de l'ensemble de la question et
qu'à ce
niveau ce n'est que par l'annonce - par le biais de déclarations
ministérielles ou autrement - de mesures gouvernementales en ce qui a
trait au Vérificateur général, à la Loi sur
l'administration financière et à l'imputabilité qu'on
pourra avoir un véritable portrait de ce que pourrait être le
fonctionnement de la fonction publique.
Le Président (M. Champagne): Merci, M. le
député. Mme la ministre, quelques minutes pour
répondre.
Mme Denise LeBlanc-Bantey
Mme LeBlanc-Bantey: Oui, très brièvement. Je ne
reprendrai pas tout ce qui a été dit. Je voudrais, quand
même, me permettre de réagir à certaines choses qui ont
été dites par le député de Louis-Hébert ou
par celui de Sainte-Marie. À l'instar du député de
Louis-Hébert, je voudrais souligner que c'est un avant-projet et que,
moi aussi, j'écouterai les intervenants avec beaucoup
d'intérêt et une très grande réceptivité. On
a voulu, justement, que ce soit un avant-projet pour nous permettre de faire le
meilleur projet de loi possible, compte tenu des interventions qui seront
faites en commission parlementaire comme d'autres qui ont été
faites par d'autres intervenants.
Je vais commencer par réagir un peu au procès d'intention
- ce n'est peut-être pas ce qu'il a voulu faire - que le
député de Louis-Hébert a quand même fait sur les
effets de la loi 50 en disant: Maintenant que vous avez peut-être
respecté la volonté qu'avait notée le collègue de
l'Agriculture -j'aimerais savoir où cette intervention a
été faite parce que, hors contexte, il est toujours difficile
d'évaluer cela - on peut peut-être passer a une autre
étape. (11 h 15)
Je pense qu'il faut admettre que prendre cette attitude - je ne pense
pas que cela ait été son but - serait quand même faire
injure à l'excellent travail qu'a fait, depuis l'application de la loi
50, l'Office du recrutement et de la sélection du personnel. Je pense
que tout le monde sera unanime pour dire qu'en très grande
majorité la sélection, le recrutement et la promotion se sont
faits sur des bases équitables où on laissait le moins de place
possible à l'arbitraire, compte tenu de la nature humaine. Je crois que
tout le monde s'entend pour dire que la règle du mérite - le
principe qui a été véhiculé par la loi 50
était le principe du mérite - a été effectivement
mise en place et éminemment très bien surveillée par
l'office du recrutement. On ne prétend pas qu'il n'y a pas eu d'erreurs
ou d'abus; on ne peut pas avoir les yeux partout et on ne peut pas avoir un
policier pour chaque gestionnaire qui choisit une personne
intéressée à entrer dans la fonction publique ou à
obtenir une promotion. Le député de Louis-Hébert devrait
avoir l'honnêteté d'admettre que le principe du mérite a
été très bien contrôlé par l'office du
recrutement et par l'ensemble des gestionnaires.
Il a beaucoup parlé de la déclaration que mon
collègue à l'Agriculture aurait faite en 1978-1979, alors que mon
collègue aurait dit: S'ils nous nuisent, nous allons les
déplacer. J'ai surtout retenu l'allusion au "nuire". Cela n'a pas
été inventé par le Parti québécois; depuis
toujours, on a fait prêter des serments d'office aux fonctionnaires
à qui on a demandé d'être loyaux aux politiques
gouvernementales. On ne leur demande pas, bien sûr, d'être loyaux
à l'esprit partisan d'un gouvernement. Par ailleurs, quand un
gouvernement est élu, il est élu par une population en fonction
des objectifs Politiques - avec un grand p - qu'il a présentés
à la population et qu'il se doit de mettre en pratique. Dans ce sens, je
pense que c'est tout à fait normal que, peu importe le gouvernement, il
attende de ses fonctionnaires qu'ils ne nuisent pas, qu'ils soient là
justement pour appliquer les politiques gouvernementales en fonction des
engagements qu'il a pris vis-à-vis de la population. Si la population
trouve que le gouvernement les applique mal ou fait mal son travail, elle
jugera en temps et lieu, mais, en attendant, la responsabilité des gens
qui sont dans la fonction publique, c'est d'aider le gouvernement à
accomplir le mieux possible ses politiques en fonction des attentes que la
population a de ce gouvernement.
Dans ce sens, je suis bien plus d'accord avec une analyse comme celle du
député de Sainte-Marie, alors qu'il parle de la
nécessité de créer un équilibre entre
l'administratif et le politique. C'est vrai qu'il faut neutraliser au maximum,
surtout dans la gestion des ressources humaines parce qu'on a connu trop
longtemps des situations d'arbitraire et de favoritisme; il faut neutraliser au
maximum. Sauf qu'il faut peut-être aussi que tant les politiciens que les
administrateurs ou les fonctionnaires, arrêtent de se méfier les
uns des autres; il va falloir un jour qu'on s'habitue à vivre - comme le
député de Sainte-Marie le rappelait l'autre jour à l'ENAP
- avec les "bibites" politiques. Les "bibites" politiques sont élues par
la population pour la représenter, pour gouverner. Dans ce sens, il
faudrait arrêter de considérer la politique comme quelque chose de
nécessairement imbu de mauvaises intentions, de mauvaise foi et à
surveiller dangereusement. Je trouve que, quand le député de
Louis-Hébert laisse entendre cela, il ne rend service ni à la
démocratie, ni à l'administration en général parce
qu'il est très sain qu'il y ait un rapport de confiance entre les deux
paliers. Dans ce sens, je crois
que ce n'est pas par de telles interventions qu'on peut amener les uns
et les autres à se respecter et aussi à se faire confiance.
Le député de Louis-Hébert a souligné, a
pensé, en tout cas a accusé ou a voulu accuser - je ne le sais
pas - le Conseil du trésor d'avoir fait des accaparements
législatifs, ce en quoi il se trompe. Dans la loi 50, il y avait
effectivement et il y a toujours énormément de chevauchements
entre le Conseil du trésor, la Loi sur la fonction publique et le
ministère de la Fonction publique. Le Conseil du trésor n'a fait
que prendre ses responsabilités. Par exemple, si on prend le cas de la
réglementation, la ministre de la Fonction publique ne parlait que par
règlements - y compris s'il y a des tempêtes de neige l'hiver - et
le Conseil du trésor devait nécessairement approuver tous les
règlements qui émanaient du ministère de la Fonction
publique. C'est vrai qu'il avait beaucoup d'emprise, mais la loi lui
conférait cette emprise, entre autres sur la réglementation. Le
Conseil du trésor, légalement et législativement, a la
responsabilité de la coordination des conventions collectives, que ce
soit sur le plan salarial ou encore sur le plan normatif, dès que cela
implique des déboursés d'argent. Le Conseil du trésor, de
par la Loi sur l'administration financière, détermine le nombre
d'effectifs dans la fonction publique. Alors, ces chevauchements étaient
législatifs. En fait, le Conseil du trésor n'a pas pris de
responsabilités qu'il n'aurait pas dû prendre.
Qu'il ait développé une mentalité extrêmement
centralisatrice non seulement à l'égard de la gestion des
ressources humaines, mais surtout à l'égard de la gestion des
ressources financières, personne ne le conteste. La preuve que personne
ne le conteste, c'est que l'avant-projet de loi que vous avez devant vous a
été préparé en très étroite
collaboration avec le Conseil du trésor parce que, bien sûr, ils
sont conscients que cette trop grande centralisation a nui, finalement, non
seulement à l'efficience de la gestion des ressources humaines, mais
aussi à la qualité du service aux citoyens. Ils sont les premiers
à le reconnaître et, dans ce sens-là, il y a effectivement
aussi au Conseil du trésor une réflexion très
sérieuse qui est en train de se faire sur la façon, dans les
faits, dont va s'appliquer la réforme que nous vous proposons si nous la
votons à l'Assemblée nationale. Dans ce sens-là, je n'ai
pas d'objection à ce que des collègues du Conseil du
trésor viennent cette semaine; cela pourrait être très
intéressant. Par ailleurs, comme nous n'en sommes qu'à
l'étape de l'avant-projet de loi, je crois que vous aurez très
certainement l'occasion d'en discuter avec des collègues du Conseil du
trésor, le président ou d'autres, au moment où,
effectivement, nous aurons retenu des orientations définitives pour le
dépôt du projet de loi.
Il y avait, évidemment, toute la question de la mise en tutelle
des cabinets par la machine. Je ne prendrai pas la peine d'en parler puisque
cela revient à l'intervention que je faisais tout à l'heure. Je
pense que les cabinets politiques sont là pour tenter de
véhiculer auprès de la machine, auprès des ministres, le
point de vue de citoyens qui, pour une raison ou pour une autre, peuvent voir
des vues différentes sur la réalité. Je crois que, dans
l'ensemble des ministères, les deux races de monde vivent bien ensemble.
Qu'il y ait des endroits où cela vit moins bien, je pense qu'il n'y a
rien là d'exorbitant. Qu'importe les gouvernements, qu'importe les
machines et qu'importe les cabinets, il y aura toujours des endroits où
cela roule moins rondement qu'ailleurs, mais il n'y a pas lieu d'en faire un
drame.
Le député de Sainte-Marie a rappelé qu'on avait
retenu l'ensemble de ses principes. Je suis contente de voir qu'au moins sur ce
plan il semble satisfait. Effectivement, il a souligné aussi que le
rapport Bisaillon ne concernait pas que la Loi sur la fonction publique; il
commande des changements dans l'ensemble de la machine, surtout eu égard
aux services aux citoyens, changements qui ont déjà
été mis en branle, d'ailleurs, par mon collègue qui est
responsable des services aux citoyens ou qui ont été mis en
branle au ministère des Communications ou ailleurs. En ce qui nous
concerne, nous avons vraiment tenté, le mieux possible, dans
l'avant-projet de loi, de concilier les principes qui devaient diriger
l'orientation de la loi et les moyens pour y parvenir. Comme je le disais tout
à l'heure, nous ne pensons pas avoir la vérité toute faite
ni être sûrs que tout ce qui est là devrait rester, mais
nous pensons que, tout au moins, une approche de décentralisation vers
les ministères, de responsabilisation des personnes impliquées
dans la machine, qu'importe le niveau, est certainement la clé pour
ouvrir la porte.
C'est vrai que la Loi sur la fonction publique ouvre la porte, mais elle
ne fournit pas nécessairement la clé, et cela, je l'ai dit dans
mes notes préliminaires. J'ai admis qu'il faudrait que le Conseil du
trésor s'ajuste, qu'il y ait sans doute des amendements à la Loi
sur l'administration financière ou à d'autres lois. Mais je pense
qu'au moins il faut reconnaître que l'avant-projet que nous avons devant
nous est une étape extrêmement importante dans un processus qui,
il faut le reconnaître encore une fois, devrait être dans
l'ensemble de la machine gouvernementale.
J'ai hâte d'entendre ce que les groupes ont à nous dire.
Honnêtement, je vais vous écouter avec beaucoup
d'intérêt et de
réceptivité, comme je le mentionnais tout à
l'heure, parce que le but de la commission parlementaire, c'est de tenter, par
vos expériences et par vos commentaires, de faire que le projet de loi
de la fonction publique qui sera déposé soit le meilleur
possible, compte tenu des impératifs et des circonstances qui orientent
toujours un avant-projet de loi. Je vous remercie, M. le Président, et
je m'excuse si j'ai été un peu longue.
Auditions
Le Président (M. Champagne): Merci beaucoup, Mme la
ministre. S'il n'y a pas d'autres commentaires, on va demander aux personnes
qui représentent le Syndicat des conseillers en gestion du personnel du
gouvernement du Québec de se présenter à l'avant, s'il
vous plaît! Mme Lisette B. Matte, la présidente, et son
groupe.
Mme la présidente, on vous demanderait de vous identifier et de
présenter les personnes qui vous accompagnent.
Syndicat des conseillers en gestion du personnel du
gouvernement du Québec
Mme Matte (Lisette B-): Mon nom est
Lisette B. Matte, présidente du Syndicat des conseillers en
gestion du personnel du gouvernement du Québec. À ma gauche, MM.
Laval Côté, vice-président, et Bernard Lanctôt,
directeur. A ma droite, M. Michel Carpentier, directeur, ainsi que M.
Louis-Georges Brouillard, secrétaire exécutif du syndicat.
Le Président (M. Champagne): Madame, on vous écoute
pour la présentation de votre mémoire.
Mme Matte: Cela nous intéresserait de vous dire un peu qui
on est. On est un groupe un peu nouveau dans la fonction publique. Notre nom,
c'est le Syndicat des conseillers en gestion du personnel. On forme une
association reconnue par le ministère des Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières en vertu de la Loi sur
les syndicats professionnels. On est reconnu par le gouvernement pour
représenter tous les agents de la gestion du personnel aux fins de
relations du travail depuis 1978. Notre syndicat représente 69% des
agents de gestion du personnel admissibles à ce groupe. Il faut dire
aussi que notre groupe fonctionne sur une base bénévole, toute
l'organisation et tous les comités. Tout se fait en dehors des heures de
travail et sur le temps personnel des membres.
Il va de soi qu'étant donné notre champ de travail il est
particulièrement crucial pour nous de nous intéresser à
l'avant-projet de loi sur la fonction publique vu que, dans nos interventions
quotidiennes de professionnels, on a à promouvoir les dispositions de la
Loi sur la fonction publique, à les défendre, à les
interpréter et à les appliquer. Compte tenu du peu de temps qu'il
nous a été possible de consacrer à l'avant-projet de loi,
nous avons mis dans ce mémoire la plupart des réflexions qu'il
nous importait de présenter à la commission.
En termes d'orientation du projet de loi - je pense que c'est une
constatation qu'on fait comme groupe et que tout le monde fait par rapport
à la fonction publique - on a vécu une période de fortes
réglementations qui a été pénible à vivre
tant pour nous, les professionnels de la gestion des ressources humaines, que
pour les gestionnaires à qui elle s'adressait. On ne peut qu'être
d'accord avec les principes mis de l'avant par l'avant-projet de loi et
même les appuyer très fortement. Cela nous semble des valeurs
fondamentales pour permettre à la fonction publique de progresser, en
particulier le principe du service aux citoyens. Il nous semble que la gestion
des ressources humaines ne pourra donner sa pleine efficacité que si ce
principe est pleinement mis de l'avant et pleinement articulé dans
toutes ses dimensions. Il va aussi de soi que la promotion de l'efficience au
sein de la fonction publique nécessite des énergies, de
même que le principe de l'imputabilité des gestionnaires est
vraiment fondamental à l'atteinte de l'amélioration du service
aux citoyens.
Donc, le syndicat est favorable à la plupart des principes mis de
l'avant par le projet de loi. Toutefois, c'est surtout dans l'application de la
loi et dans la mesure où les organismes centraux et aussi les directions
de personnel consentiront, dans les faits, à déléguer aux
gestionnaires des pouvoirs sur la gestion des ressources humaines que nous
pourrons alors parler d'imputabilité. Il ne faut pas se le cacher, la
mentalité/contrôle existe au sein des organismes centraux, mais je
pense que cela existe au sein de chaque ministère, dans les directions
de personnel et dans toutes les boîtes administratives, quelles qu'elles
soient.
Politiques, normes, règlements et procédures,
idéalement réduits à leur plus simple expression,
devraient constituer, à notre sens, des balises et non des entraves
à la gestion. Toute mesure qui ne respecte pas le principe de la
primauté du service aux citoyens devrait être
systématiquement écartée.
Dans ce contexte de responsabilisation plus grande des gestionnaires,
les conseillers en gestion du personnel entrevoient que leur contribution
à la gestion sera gratifiante et mieux acceptée. Je pense que
c'est depuis l'existence du syndicat qu'on met de l'avant la promotion de
l'exercice du rôle conseil par les agents de gestion du personnel
comme devant contribuer plus efficacement à la gestion des
ressources humaines. Par la lourde réglementation, on est beaucoup plus
astreint à un rôle d'applicateur de règlements et de
contrôleur que de conseiller professionnel et de soutien aux
gestionnaires dans l'atteinte de leurs objectifs.
Un prérequis, toutefois: lorsqu'on parle d'imputabilité,
il faut considérer globalement et de façon intégrée
toutes les politiques générales en matière de gestion
financière, matérielle et de ressources humaines. Il faut
également définir sur quoi porte l'imputabilité dans
chacun de ces domaines et quelle est la véritable marge de manoeuvre du
gestionnaire dans le rôle qu'on veut lui faire jouer. Tout cela est
à voir à la suite de l'approbation d'un projet de loi. (11 h
30)
Jusqu'à présent, on a traité de notre vision
quelque peu interne de l'administration. C'est toujours avec une certaine
pudeur que des fonctionnaires parlent de la relation entre le politique et
l'administratif. Mais c'est vraiment un domaine qui a un impact direct sur
l'efficacité administrative. Notre réflexion aurait avantage
à être plus poussée sur cet aspect, mais il nous semble
vraiment qu'une clarification de l'éthique de la relation entre le
politique et l'administratif serait de nature à assurer une meilleure
atteinte des trois objectifs mis de l'avant par le projet de loi. Notre
préoccupation est que le politique et l'administratif aient des
relations beaucoup plus associées, beaucoup plus
intégrées, dans le respect de la compétence et des
responsabilités respectives.
Pour poursuivre les commentaires sur certains articles du projet de loi,
chacun des membres du conseil aurait à commenter différents
articles. Je demanderais à Michel Carpentier de poursuivre pour les
articles 3, 9 et 10.
M. Carpentier (Michel): Merci. Les modifications qu'on a
proposées, dans certains cas, au libellé, s'appuient, comme vient
de le dire Lisette, sur les quatre principes qui ont été
rappelés ce matin, c'est-à-dire l'intérêt public, le
rendement, la responsabilisation des employés et le souci de traiter les
employés avec équité. Les modifications qu'on a
proposées s'inscrivent dans cet esprit. Une première modification
est proposée à l'article 3. Je vais vous demander de faire de la
gymnastique pour aller voir en annexe le libellé qu'on propose. Tout
simplement, c'est une technicité. Au lieu de dire: "La fonction publique
doit être organisée et administrée avec efficience et de
manière à développer ses ressources humaines", nous
prétendons que, sur le plan des sciences du comportement, sur le plan
pédagogique, on ne développe pas des gens, pas plus qu'on ne les
motive. Les gens se motivent et se développent eux-mêmes. Dans le
sens de l'imputabilité, cette nuance est importante. On souhaiterait
dire plutôt: "Favoriser le développement de ses ressources
humaines". C'est une technicité.
À l'article 9, on propose - je ne lirai pas tout l'article -
d'ajouter: "en conformité, le cas échéant, avec les normes
d'éthique qui guident l'exercice de sa profession." Quand on rappelle
les droits du fonctionnaire, on est d'accord avec cela, sauf que cela devrait
être assujetti, comme pour n'importe quel employeur, à une
éthique qui, elle, normalement est définie en fonction de
l'intérêt public, donc, qui est plus grande que les exigences d'un
employeur. On souhaite que les obligations qu'on veut imposer aux
fonctionnaires soient assujetties, quand même, à des normes
d'éthique qui, en principe, sont reconnues d'intérêt
public. Je vous ferai remarquer aussi qu'à l'article 9 on rejoint le
principe ou le souci d'imputabilité en faisant l'hypothèse que
les gens sont responsables en tant que professionnels ou fonctionnaires.
À l'article 10, on trouve que la position prise dans
l'avant-projet est un peu radicale, pour ne pas dire totalitaire. Quand on
interdit au fonctionnaire de révéler quoi que ce soit dont il a
connaissance dans l'exercice de ses fonctions, pour nous, cela détonne
un peu avec le principe de responsabilité qu'on veut mettre de
l'avant.
On n'est pas, non plus, pour une position qui serait à
l'opposé, soit une transparence parfaite, parce qu'elles sont
très fragiles les choses transparentes. On n'est pas d'accord pour que
les fonctionnaires se mettent à faire des conférences de presse
à toutes les semaines. Entre les deux, on s'est dit que l'on peut,
peut-être, les considérer comme des gens responsables, des gens
qui ont un certain jugement. On souhaiterait leur donner la possibilité
de s'exprimer lorsque, dans leur optique propre, il y va de
l'intérêt public. Il appartiendrait à ces derniers de faire
la preuve que leur intervention est dans l'intérêt public. Le
libellé qu'on propose, c'est: "Nonobstant ce qui précède,
un fonctionnaire ne saurait encourir de sanction s'il est prouvé que la
divulgation d'information recueillie dans l'exercice de ses fonctions a servi
l'intérêt public." La preuve appartient donc au fonctionnaire qui
divulgue des choses. On se dit: Cela rejoint le principe et de
l'intérêt public et de l'imputabilité. Si on a affaire
à des gens responsables, on peut courir ce risque. Cela rejoint aussi
une préoccupation dont faisait état la ministre lorsqu'elle
parlait de l'ancienne attitude qui voulait qu'on se prémunisse contre
tout tout le temps. On se dit que peut-être en libellant l'article
autrement on s'éloignerait de cette préoccupation.
M. Côté (Laval): À l'article 19, absence sans
permission, on mentionne que l'absence sans permission, sans préjudice
de toute sanction disciplinaire, peut être suivie d'une coupure de
traitement. Or, au sens des relations du travail, une coupure de traitement
n'est pas une mesure disciplinaire, mais plutôt une mesure
administrative. Afin de faciliter l'application de l'article 19, nous
suggérons qu'il soit placé en dessous de la rubrique "mesures
administratives". Au niveau de l'application, on pourrait avoir certaines
difficultés d'interprétation.
Les articles 23 et 24 parlent du candidat à une élection
provinciale. À l'article 23, on mentionne qu'un fonctionnaire qui veut
se porter candidat à une élection provinciale aurait droit a un
congé sans solde. Si on se réfère à l'article 6
où on mentionne que le recrutement et la gestion des ressources humaines
s'effectuent sans favoritisme ni discrimination en matière de favoriser
l'apport des différentes composantes de la société
québécoise, on se demande pourquoi un fonctionnaire ne se
porterait-il pas candidat à une élection
fédérale.
Si ce même fonctionnaire s'était présenté
à une élection fédérale ou provinciale et avait
été élu, l'esprit de l'article 24 propose que sa
sécurité d'emploi soit prolongée tout le long de son ou de
ses mandats. Compte tenu de la situation actuelle, des compressions d'effectifs
et des compressions budgétaires, nous suggérons que ce droit ou
ce privilège ne soit accordé que pour une durée maximale
de cinq ans. Après cinq ans, si ce ou cette fonctionnaire est toujours
député(e) ou ministre, il ou elle serait
considéré(e) comme ayant démissionné.
M. Lanctôt (Bernard): Pour les articles 29 à 33
concernant les recours, du moins en ce qui concerne la promotion, la formule
développée dans un des projets de loi précédents
où on confiait au Protecteur du citoyen la possibilité de faire
enquête nous semblait avoir l'avantage, premièrement, de
protéger les droits du citoyen, de ne pas empêcher le processus de
suivre son cours et, finalement, de maintenir la qualité des services.
Or, à notre avis, la formule retenue dans le présent avant-projet
maintient l'un des malaises de la loi 50, c'est-à-dire la lourdeur des
procédures en matière de concours de promotion, à moins
que la Commission de la fonction publique ne soit plus sélective dans la
recevabilité des appels.
M. Carpentier: Dans le libellé actuel de l'article 33, on
dit: "Le sous-ministre est responsable de la gestion des ressources humaines
qui sont allouées au ministère." Toujours dans un esprit
d'imputabilité, nous croyons que cela ferme la porte à la
possibilité que le sous-ministre gère ses ressources
lui-même comme il l'entend, soit entièrement responsable de la
gestion des ressources. Dans ce sens, on voudrait proposer une
possibilité d'ouverture en disant "la gestion des ressources humaines
constituant les effectifs du ministère", dans l'hypothèse future,
par exemple, où il y aurait une masse budgétaire à
gérer, mais pas nécessairement des effectifs
déterminés par le Conseil du trésor.
La même remarque s'applique à l'article 34. On verra,
à l'article 78, que plutôt que dire que "le conseil établit
les effectifs requis pour la gestion", nous proposons ceci: "Le Conseil du
trésor définit des normes pour l'établissement..." Un
assouplissement en ce qui concerne l'ingérence du Conseil du
trésor au niveau de chacun des ministères et organismes.
M. Côté: À l'article 35, gestion des
ressources humaines. La responsabilité de la gestion des ressources
humaines comprend, notamment, la planification, l'organisation, la direction,
le développement et l'évaluation de ces ressources. Nous sommes
conscients que, dans l'esprit de l'article 35, au niveau des
responsabilités de la gestion des ressources humaines, cela ne se veut
pas une énumération exhaustive et tout à fait
complète. Toutefois, nous voulons qu'on porte attention à
certaines fonctions qui nous paraissent essentielles au niveau de la gestion
des ressources humaines. Entre autres, nous souhaitons voir apparaître,
à côté de celles énumérées à
l'article 35, des fonctions comme l'analyse d'emploi, la dotation et
l'application des conventions collectives ou des conditions de travail.
J'apporterai une attention particulière au niveau de l'analyse
d'emploi. On a essayé de comprendre si l'analyse d'emploi est
intégrée ou comprise au niveau de l'organisation. Si nous,
conseillers en gestion du personnel, nous posons la question au niveau de
l'application, il pourrait y avoir certaines difficultés. Nous savons
qu'actuellement, au niveau de l'analyse d'emploi, il y a une certaine faiblesse
au niveau de la fonction publique québécoise. C'est un
élément de base essentiel. On ne parle pas d'organisation
lorsqu'on n'a pas encore saisi les besoins de l'organisation et ils sont
déterminés au niveau des analyses d'emploi. Je souligne
également que l'analyse d'emploi a un lien direct avec la
rémunération. Lorsqu'on fait une analyse d'emploi qui
débouche nécessairement sur une détermination du niveau
d'emploi, si c'est faussé au départ et qu'une
détermination du niveau d'emploi est jugée au niveau technique
alors qu'au regard des règlements qui existent au niveau de la
classification cet emploi est non pas au niveau technique, mais au niveau
d'agent de bureau ou au niveau de fonctionnaire, on se rend compte que tout le
long de la carrière, pour
l'organisation, il y a des coûts excessifs, qu'on le veuille ou
non. La détermination du niveau d'emploi est liée directement
à l'argent, directement au traitement, d'où l'importance, je
crois, de le mentionner à l'article 35.
M. Lanctôt: Les articles 33 à 38 portent sur la
responsabilité des ministères et organismes. Dans le cadre de
l'imputabilité, des pouvoirs de gestion passeront des organismes
centraux aux ministères. On essaiera de faire jouer aux gestionnaires un
vrai rôle de gestion. Il reste, cependant, à souhaiter que les
processus de vérification et de contrôle, qui sont
nécessaires à toute saine gestion, soient intégrés
dans le processus et non pas exercés concurremment par différents
organismes centraux. On espère aussi qu'advenant l'acceptation de
l'avant-projet les organismes centraux se donnent des mécanismes et des
stratégies précises quant à l'implantation et à la
réalisation des principes énoncés dans l'avant-projet.
L'expérience de la loi 50 nous suggère qu'il est plus facile
d'énoncer des principes que de modifier des mentalités et des
comportements.
M. Carpentier: Quant aux articles 38 à 52, concernant le
recrutement et la promotion, nous sommes, évidemment, d'accord avec les
propositions de l'avant-projet. Tout ce qu'on déplore, finalement -je ne
veux pas revenir à ce qu'on a dit tout à l'heure - c'est, par
exemple, aux articles 40 et 41 des limitations à la
délégation qui est faite au sous-ministre. On trouve qu'il y a
une tendance, une ouverture, mais quand même limitative. On vous fait
confiance, mais on aimerait que ce soit moins limitatif.
Mme Matte: D'accord. Sur la partie des administrateurs
d'État, on n'a aucun commentaire à formuler, de même qu'en
ce qui concerne le régime syndical. Comme on sait qu'un groupe de
travail relevant du Comité des priorités doit proposer une
réforme du régime de négociations, nous attendons des
propositions, des projets de loi en ce domaine pour les étudier et
présenter nos commentaires.
On va poursuivre sur le cadre institutionnel avec M. Michel
Carpentier.
M. Carpentier: On dit dans notre mémoire qu'on anticipe
malheureusement certains dysfonctionnements qu'on retrouvait aussi dans la loi
50 au niveau de la répartition des pouvoirs. On pense que le pouvoir,
par exemple, de réglementer et le pouvoir d'appliquer devraient
être attribués au même organisme. Autrement, les
mécanismes de rétroaction sont très compliqués.
Quand c'est l'un qui réglemente et que c'est un autre qui administre,
cela devient compliqué de faire le lien et de réajuster la
réglementation selon ce que pourrait suggérer l'usage de la
réglementation. On aimerait que les pouvoirs se retrouvent à
l'intérieur d'un même organisme.
À l'article 78, la modification proposée, c'est celle dont
j'ai parlé tout à l'heure concernant le rôle que le Conseil
du trésor devrait jouer au niveau des effectifs, c'est-à-dire
suggérer des normes plutôt que d'imposer un nombre donné
d'effectifs.
On a relevé des exemples de dysfonctionnement: à l'article
78, le Conseil du trésor définit les modes de dotation et les
règles de mise en disponibilité et de placement. À
l'article 102, on confie l'application des dispositions à l'office.
Alors, comment intégrer ces deux choses?
On ne reviendra pas sur ce qui a été dit ce matin,
à l'ouverture, mais on a aussi certaines craintes sur la façon
qu'on connaît ou qu'on reconnaît au Conseil du trésor
d'intervenir dans les organismes. On a peur que ne soient transposés au
niveau de la gestion des ressources humaines certains principes comptables qui
sont appliqués maintenant en matière de gestion
financière. (11 h 45)
Les articles 88 et 104 permettent la délégation des
fonctions du Conseil du trésor et de l'office aux ministères et
organismes. Ce qu'on aurait souhaité, c'est que la
délégation représente la règle et qu'il y ait des
exceptions peut-être pour certains ministères ou organismes
reconnus "délinquants". C'est un peu le contraire qui se produit. On
dit: On va donner la permission à ceux qui sont sûrs, on va leur
déléguer certaines responsabilités. On aurait aimé
que ce soit le contraire.
Mme Matte: Au chapitre VII sur la réglementation, nous
n'avons aucun commentaire. Au chapitre VIII, on a une modification à
proposer.
M. Côté: À l'article 127, deuxième
partie, nous aimerions, au niveau de l'esprit, aller plus loin de ce que
propose l'avant-projet. Je vais vous le lire rapidement. Le fait pour un
fonctionnaire de commettre une telle manoeuvre frauduleuse -
c'est-à-dire à l'occasion d'un concours de promotion, d'un
concours de recrutement ou encore d'un changement de grade - constitue une
cause suffisante de congédiement. Nous aimerions aller encore plus loin
que cela. Nous aimerions pouvoir ajouter: Le fait pour un fonctionnaire de
commettre une telle manoeuvre frauduleuse ou de tenter d'exercer une influence
indue en sa faveur ou en faveur d'une autre personne constitue une cause
suffisante de congédiement.
Mme Matte: Au chapitre IX, nous
n'avons aucun commentaire. En guise de conclusion, nous avons
tenté dans cette étude sommaire de comprendre, d'analyser et
d'apprécier les principes qui sous-tendent l'avant-projet de loi. Nous
constatons la volonté du gouvernement de ramener à la fonction
publique son rôle véritable de desservir la population
québécoise. Nous sommes conscients, comme syndicat et comme
partenaire de la gestion, que cette volonté perturbera la
mentalité de plus d'un fonctionnaire. C'est pourquoi nous souhaitons que
l'application des principes de l'avant-projet de loi se fasse graduellement,
dans un climat de confiance et de sérénité. La
participation de chacun des fonctionnaires du gouvernement est
nécessaire à la réalisation d'un tel projet. Les principes
énoncés par cet avant-projet de loi doivent être compris
des fonctionnaires. Aussi, les mécanismes nécessaires doivent
être mis en place afin de sécuriser et d'assister ces
fonctionnaires qui feront face à des difficultés d'adaptation, il
va sans dire.
La majeure partie des membres de notre syndicat souhaitent cette
évolution depuis longtemps et sont prêts sans réserve
à appuyer les gestionnaires dans ce processus de maturation. Trop
souvent le conseiller ou la conseillère en gestion a été
confiné à un rôle technique se résumant à
l'application de nombreux règlements émanant des organismes
centraux. L'exercice de notre profession y gagnera vraisemblablement en
exigences mais aussi en satisfaction.
Le Président (M. Champagne): Nous allons passer aux
commentaires et aux questions. Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Très brièvement, je vous
remercie d'être venus à la commission d'autant plus que, s'il y a
des gens qui sont fort conscients des faiblesses et des forces de la loi 50
actuelle, ce sont généralement ceux qui sont impliqués
dans la gestion du personnel comme vous l'êtes. J'ai trouvé votre
mémoire intéressant aussi dans la perspective où je pense
que vous avez tenté objectivement au-delà des objectifs qu'on
poursuit et avec lesquels vous semblez être d'accord, de nous donner
votre point de vue. Je trouve cela d'autant plus intéressant qu'avec une
approche comme celle que nous proposons dans l'avant-projet de loi, vous allez
être parmi ceux qui risquent de perdre certains pouvoirs de gestion du
personnel. Dans ce sens-là, vous n'avez pas eu une réaction qui
aurait pu vous placer en conflit d'intérêts avec votre
façon de voir une nouvelle gestion du personnel. Je pense encore
là que votre témoignage est important parce que c'est clair que
l'avant-projet de loi, au-delà de tous les problèmes qu'on a
énumérés tout à l'heure, se veut surtout un
avant-projet qui oriente la gestion du personnel. C'est, bien sûr, ce
à quoi nous nous sommes attachés le plus spécifiquement
dans ce projet en étant conscients que, si on veut parler de
responsabilité et d'imputabilité comme on l'a dit, cela ne doit
pas s'arrêter là. Il ne faudrait pas non plus oublier le but
premier de notre loi.
Vous avez posé une question sur la participation aux
élections fédérales par rapport aux élections
provinciales. Je vais vous expliquer mon raisonnement comme je l'ai fait
à plusieurs reprises. Comme je l'ai dit à d'autres - je vais
être très honnête, je n'ai pas non plus consulté mon
collègue Marcel Léger là-dessus - je crois que
traditionnellement la seule raison pour laquelle on a empêché nos
fonctionnaires de participer à des élections provinciales et
fédérales... Dans ce sens-là, la loi 50 avait quand
même fait un pas assez grand, permettant la participation en dehors des
périodes électorales proprement dites. La seule raison pour
laquelle on avait empêché -dans l'avant-projet, on le recommande
toujours, on verra se qui découlera de la consultation - la
participation électorale, c'était pour permettre la plus grande
neutralité dans l'exercice des fonctions. On sait que les fonctionnaires
à l'emploi du gouvernement du Québec sont tenus d'exercer leurs
fonctions avec la plus grande neutralité possible. J'ai toujours cru
personnellement que la politique, au Québec, c'était un sport, un
sport qui prend des proportions très passionnées en campagne
électorale. J'ai toujours pensé que les passions étaient
plus fortes pendant les campagnes électorales qu'en dehors des
périodes électorales. En ce sens, j'ai encore des
hésitations à franchir l'autre pas.
Par ailleurs, le problème ne se pose pas du tout dans le cas du
gouvernement fédéral parce que le fonctionnaire du gouvernement
du Québec est tenu d'agir avec neutralité dans l'exercice de ses
fonctions, parce que ses fonctions découlent des politiques
gouvernementales du Québec. Il n'a pas à être neutre par
rapport aux politiques du gouvernement du Canada ou d'autres gouvernements. Sa
principale neutralité est à l'égard du gouvernement
élu par la population du Québec pour siéger à
Québec. En conséquence, on ne voyait pas pourquoi
-personnellement, je ne voyais pas pourquoi -on ne permettrait pas une
participation aux élections fédérales pendant une campagne
électorale. Par ailleurs, si on permet une participation au
fédéral, de la même façon, on ne donne pas des
droits aux fonctionnaires qui se présenteraient aux élections
fédérales. Mais l'inverse se produit au Québec puisqu'on
empêche nos fonctionnaires de participer à des élections au
Québec sous prétexte de neutralité. On pense donc qu'il
est juste de donner des droits à ceux qui voudraient représenter
leurs concitoyens à l'Assemblée
nationale.
Je dois vous dire que c'est un débat qui ne fait pas encore
l'unanimité. Je crois que beaucoup de groupes auront l'occasion de se
prononcer sur la pertinence de laisser les fonctionnaires participer aux
élections. On verra ce qui en découlera dans le projet.
Cela dit, je vais vous poser une simple question. Vous dites que vous
auriez préféré qu'on retienne l'approche de l'ombudsman
plutôt que de maintenir la Commission de la fonction publique comme
commission d'enquête sur le processus de recrutement et de promotion. Il
y avait effectivement une hypothèse qui avait été
évaluée avant l'avant-projet; nous ne l'avons pas retenue pour un
certain nombre de raisons. J'aimerais que vous expliquiez un peu les malaises
qu'engendre, selon vous, un organisme comme la Commission de la fonction
publique et, dans un autre temps, que vous nous indiquiez, si on doit maintenir
la commission... Vous parlez de limiter la recevabilité de certains
appels. J'aimerais que vous explicitiez le rôle de l'ombudsman par
rapport à la commission, et sinon, si on retient la commission, les
moyens d'améliorer le mécanisme pour régler certains
malaises.
M. Lanctôt: Ce qu'on voulait dire, ce n'est pas contre la
commission, mais c'est sur le principe émis dans un des avant-projets de
loi en donnant un pouvoir au Protecteur du citoyen. Que ce soit la commission,
on n'a absolument rien contre la commission, on serait même d'accord pour
qu'elle conserve tous les pouvoirs, mais à condition qu'elle mette une
réserve sur les appels, qu'elle puisse limiter le nombre d'appels, parce
que, en ce moment, les procédures peuvent durer jusqu'à deux ans
pour compléter un concours. C'est tout à fait long. C'est surtout
dans cet esprit-là qu'on l'a écrit. On n'a rien contre la
Commission de la fonction publique. C'est sur le principe qui veut qu'on puisse
donner un droit d'appel aux citoyens, que ce droit-là n'arrête pas
la procédure et qu'on puisse continuer à progresser dans les
concours qu'on pilote.
Mme Matte: Il s'agit d'essayer de concilier le droit des
fonctionnaires à avoir des mécanismes de recours et d'appel pour
faire reconnaître leurs droits avec le principe de l'efficacité.
On est à la recherche. On n'a pas de suggestion autre que de dire:
Est-ce que la commission ne pourrait pas avoir des mécanismes de
vérification du bien-fondé ou de la recevabilité d'un
appel pour qu'un concours ne soit pas automatiquement bloqué dès
qu'un appel est placé? On veut assouplir un peu le mécanisme
d'appel en regard de la poursuite du processus administratif. Nous vivons cela
de façon assez intense en relation avec nos gestionnaires qui ont un
poste à combler. On a même observé des cas où on
devait attendre jusqu'à deux ans pour combler un poste en raison des
mécanismes d'appel. Il nous semble qu'il y aurait moyen de conserver les
droits des fonctionnaires tout en mettant de l'avant l'efficacité
administrative.
Mme LeBlanc-Bantey: Donc, quand vous parliez de malaise, vous
faisiez surtout allusion à des situations où un poste ne peut
être comblé parce que quelqu'un est allé en appel dans un
concours de promotion, par exemple?
Mme Matte: Oui, c'est bien cela. Mme LeBlanc-Bantey:
D'accord.
Le Président (M. Champagne): Merci. M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon (Louis-Hébert): Merci, M. le Président.
Mes premières paroles évidemment seront des paroles de
remerciement à l'endroit des membres et des dirigeants du Syndicat des
conseillers en gestion du personnel du gouvernement. Leur mémoire est
très intéressant et il a surtout le mérite d'être
présenté par des gens qui vivent la gestion du personnel et qui
savent ce dont ils parlent.
Les remarques qu'ils nous font méritent d'être
étudiées et, dans certains cas, d'après moi, on verra,
avec les autres mémoires qu'on a en main, si elles doivent être
retenues.
La première réflexion qui me vient à l'idée,
c'est celle qui concerne la possibilité d'avoir un congé sans
solde ou un congé quelconque pour ce qui est des fonctionnaires de la
fonction publique québécoise qui désireraient se
présenter à une élection fédérale. Je pense
qu'il s'agit là d'une question de principe fondamentale et non d'une
question de modalités. Les fonctionnaires, quand ils sont à
l'emploi du gouvernement du Québec, doivent demeurer des citoyens
à part entière - c'est fondamental, c'est une question de
principe -et, si on est un citoyen à part entière d'un pays,
d'une province, quelles que soient les fonctions qu'on occupe, on doit pouvoir
postuler les postes électifs de cette société à
laquelle on appartient.
M. le Président, je ne veux pas ouvrir de débat
là-dessus, mais je fais abstraction de l'option politique fondamentale
du Parti québécois. Dans la situation actuelle, je pense qu'on
peut très difficilement défendre à des fonctionnaires qui,
dans l'exercice de leurs fonctions, dans leur carrière, ont choisi de se
dévouer, de se consacrer au service de leurs concitoyens du
Québec par le biais de la fonction publique québécoise, on
peut très
difficilement leur nier le droit en même temps, selon leur
désir et selon leur capacité, de se présenter comme
candidats à une élection fédérale. Je ne pense pas
qu'on puisse rattacher cela au fait que la position des fonctionnaires
vis-à-vis de la politique fédérale n'exige pas d'eux la
même neutralité que leurs fonctions de fonctionnaires
québécois, que leurs postes de fonctionnaires
québécois exigent d'eux vis-à-vis de la politique
québécoise. Les réflexions que je fais vis-à-vis
des personnes qui désireraient se porter candidates au gouvernement
fédéral s'appliquent aussi, sans aucune réserve, à
des gens qui désireraient se porter candidats à une
élection municipale.
Étant en politique, ainsi que vous, M. le Président et Mme
la ministre, vous savez que la politique a besoin d'avoir accès à
tout le réservoir des compétences disponibles et que, si cette
disposition, pour une raison ou pour une autre, empêchait, soit au
fédéral, soit au municipal, des gens qui en ont la
capacité, la compétence et le désir de venir servir leurs
concitoyens en tant qu'hommes ou femmes politiques, je vous dis sans ambages
que c'est une mauvaise restriction qui n'a pas sa raison d'être. On doit,
là-dedans comme dans le reste, mettre toutes les chances de notre bord.
Et si, en même temps, un changement approprié dans cet article
amenait les fonctionnaires, qui sont des citoyens à part entière
- non seulement au provincial, mais au fédéral et au municipal -
à se présenter comme candidats ou candidates, c'est
désirable. Et je pense aussi que, pour les citoyens et les citoyennes en
général, c'est désirable de ne pas permettre qu'il y ait
d'obstacles inutiles à des candidatures éventuelles, aussi bien
au niveau fédéral que municipal. Ce sont les remarques que je
voulais faire là-dessus. (12 heures)
En ce qui concerne d'autres points que vous soulevez et que j'ai
notés ici, les modifications que vous proposez à l'article 10
mettent une sourdine, si on peut dire, à l'automatisme de la sanction
advenant le cas où un fonctionnaire se serve de renseignements dont il a
eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qu'il s'en serve
publiquement ou privément. L'article est flou là-dessus, on ne
sait pas trop. Je voudrais savoir si, dans votre expérience personnelle,
en tant que gestionnaire, ce sont des situations qui, à votre
connaissance, se présentent régulièrement, qui sont
fréquentes. Est-ce qu'il y a vraiment un problème majeur? Est-ce
qu'on est en train, par la voie de l'article 10 tel qu'il existe actuellement,
d'utiliser un canon pour tuer une mouche, en d'autres mots? Ou si ce sont des
situations qui sont tellement exceptionnelles qu'on peut y mettre une sourdine
de la nature de celle que vous y mettez et qui pourrait être
différente, peu importe? J'aimerais savoir quelle est votre
expérience personnelle dans ce domaine-là.
M. Carpentier: II est difficile de quantifier et de dire si cela
arrive souvent. Ce qui nous frappe là-dedans, c'est l'esprit. Si on veut
que les gens soient responsables, il faut témoigner d'une certaine
ouverture, d'une certaine confiance. Et cela se manifeste en le disant: la
transparence, c'est une façon de le manifester. Si on veut une certaine
transparence, c'est une bonne façon de le montrer. Mais, je ne pourrais
pas donner de statistiques pour dire que cela se présente dans tel ou
tel cas. Il reste qu'on est quelquefois mal pris parce que, comme
professionnels - cela peut être vrai pour quelqu'un qui travaille
à l'Environnement, par exemple, en écologie ou des choses comme
cela - on est pris dans un dilemme où il nous semble que
l'intérêt public n'est pas là où la décision
politique s'oriente. Et là, on est mal pris en termes personnels et on
aimerait être capable de le dire, mais on ne le peut pas, sous peine de
subir des sanctions. Ce qu'on dit, c'est: Laissons donc la porte ouverte
à un peu plus de transparence pour que les gens qui vivent des
situations comme cela puissent parler et dire publiquement qu'ils ne sont pas
d'accord. Mais, combien de fois cela se présente-t-il? C'est difficile
à dire.
M. Doyon (Louis-Hébert): Merci. Autre remarque que
m'inspire la modification que vous proposez à l'article 9 - et
là, je fais encore appel à votre expérience personnelle
-est-ce que, dans les faits, dans la gestion quotidienne des gens qui sont
régis par un code d'éthique, que ce soit par le Code des
professions ou autrement, les gens, qu'ils soient avocats, architectes ou
ingénieurs - on pourrait en nommer plusieurs - s'y conforment? Est-ce
que vous êtes en mesure de dire si les gens se conforment à ce
code de leur profession personnelle? Quelle est la situation actuelle?
M. Carpentier: C'est très difficile, encore une fois, de
répondre pour les autres professions. On sait qu'il y a quelquefois des
pressions qui sont exercées pour faire des entorses à notre
éthique, parce qu'on n'est pas régis officiellement par un code
d'éthique, mais il reste qu'on a tous une certaine éthique
personnelle. Quelquefois, on est obligé de faire des entorses,
effectivement.
M. Doyon (Louis-Hébert): Je vais terminer
là-dessus, M. le Président. Je vois que la modification que vous
proposez à l'article 127 fait de la tentative d'exercer une influence
indue l'équivalent de l'infraction elle-même, c'est-à-dire
de la
commission de l'infraction. Évidemment, étant avocat, je
peux vous dire - mais là, on n'est peut-être pas dans le Code
criminel -que, normalement, on dit que la tentative est une offense incluse.
Normalement, le fait de tenter de commettre quelque chose est une offense
incluse purement et simplement. Je n'ai pas d'objection, vu qu'on n'est pas
dans un texte législatif de nature pénale à proprement
parler, qu'on l'indique, mais je voudrais vous souligner quelque chose. Est-ce
que vous ne pensez pas que, si on l'inclut dans le deuxième paragraphe,
on ne devrait pas aussi l'inclure dans le premier paragraphe?
C'est-à-dire qu'on est plus sévère ici pour le
fonctionnaire qui commet une telle manoeuvre frauduleuse ou tente d'en
commettre une que pour la personne qui se présente à un concours
et qui commet cette tentative. Ce que je demande, c'est: Est-ce qu'on ne
devrait pas, à ce compte-là, retrouver, dans le premier
paragraphe de l'article 127, une phrase de la nature de celle-ci,
c'est-à-dire "commet une manoeuvre frauduleuse ou tente de commettre une
manoeuvre frauduleuse", ce qui ajusterait les deux cas? Il est bien sûr
que, si on le dit dans le deuxième paragraphe - c'est simplement un
détail; ce qui n'est peut-être pas nécessaire - et qu'on ne
le dit pas dans le premier paragraphe, par voie de conséquence, c'est
clair, je pense, qu'on exclut la tentative dans le premier paragraphe. Je vous
souligne simplement cet aspect-là.
M. Côté: Toutefois, lorsqu'on mentionne "toute
personne", cela peut inclure quelqu'un de l'extérieur de la fonction
publique et c'est pour cela que, lorsqu'on parle de congédiement, il
nous est difficile de congédier quelqu'un qui est à
l'extérieur, parce qu'il y a "toute personne". La sanction, c'est qu'il
a été banni d'un concours pour une période de deux ans.
C'est pour cela, en fait, qu'on n'a pas rajusté. J'ajouterais aussi
qu'il est normal qu'on soit plus sévère pour quelqu'un de
l'intérieur qui connaît très bien les règles du jeu
que pour quelqu'un qui travaille à l'extérieur et qui ne sait pas
trop ce qui se passe à l'intérieur de la fonction publique. C'est
pour cela que, peut-être, il y a une disproportion entre la
sévérité de la sanction pour le fonctionnaire et pour
"toute personne".
M. Doyon (Louis-Hébert): Je comprends que la sanction
n'est pas la même. En tout cas, je vous le soulignais tout simplement. Si
on le met dans le deuxième paragraphe et qu'on ne le met pas dans le
premier, il y aura sûrement une différence entre les deux, et il
va falloir tirer la conclusion que la tentative qui est normalement incluse,
une offense incluse, ne l'est pas pour ce qui est du premier paragraphe.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, j'ai quelques questions et
un commentaire. Je pense que je vais commencer par le commentaire qui concerne
l'article 24, ce que vous dites au sujet de l'article 24. Je vais tout de suite
vous donner ma position; alors, on pourra mieux discuter. Dans mon intervention
du début, j'ai indiqué que, selon moi, il fallait davantage
intégrer l'administratif et le politique et que c'était
finalement pour moi une question d'attitude, de changement de mentalité,
beaucoup plus que de textes législatifs. De la même façon
que, pour moi, le service aux citoyens, cela va se concrétiser
quotidiennement par des choses. C'est un exemple, pour moi, de la
non-intégration du politique et de l'administratif et de la
non-intégration de la notion de service aux citoyens,
c'est-à-dire que la perception qu'on peut avoir dans la fonction
publique, quand on est à l'intérieur, de l'homme politique, cela
se manifeste d'une certaine... Je corrige. La perception qu'on peut avoir des
services à fournir aux citoyens, cela se manifeste aussi par l'attitude
qu'on a vis-à-vis de ceux qui les représentent, de la même
façon que les distances qu'on veut prendre entre le politique et
l'administratif, cela se manifeste par des attitudes qu'on peut avoir à
l'intérieur. Pour moi, cela a toujours été un exemple dans
la Loi sur la fonction publique, c'est-à-dire la distinction qu'on fait
entre le fonctionnaire qui a la chance de ne pas avoir été
élu à une élection et celui qui a l'incompétence de
se faire élire.
On dit: On a un point de départ qui est le même pour tout
le monde. Les fonctionnaires ont les mêmes droits que l'ensemble des
citoyens et ils ont aussi le droit de briguer des postes électifs. Je
reconnais que l'avant-projet de loi améliore un peu dans le sens que,
maintenant, il permet, pendant les campagnes électorales, y compris au
fédéral - il reste qu'on empêche encore la participation
des fonctionnaires pendant les campagnes provinciales - d'une meilleure
façon que dans l'ancienne loi, au moins aux fonctionnaires d'avoir
automatiquement un congé sans solde. Quand c'est du côté du
fonctionnaire, cela va. Quand c'est pour permettre à un fonctionnaire de
briguer les suffrages, jusque-là, c'est parfait. On dit: II va avoir un
congé sans solde. Avant, on disait: II faut qu'il démissionne et,
après, on le réintégrera. Dans la loi actuelle, on ne le
réintègre pas de la même façon s'il a
été battu ou s'il a été élu. Votre
commentaire, je dois constater qu'il va encore dans le même sens. On dit:
S'il a la malchance d'être là pour plus de cinq ans, il va perdre
ses droits de fonctionnaire. Autrement dit, quel intérêt un
fonctionnaire peut-il avoir à prendre les risques que cela
comporte de venir en politique, à amener au niveau politique son
expérience administrative si, après cinq ans, il perd ses droits
de fonctionnaire? On lui donnerait tous les droits comme fonctionnaire au
départ, mais si cela dure plus de cinq ans... Autrement dit, en
filigrane de tout cela, ce que je vois - vous me le direz si je me trompe -
c'est que, s'il a été contaminé trop longtemps, on ne lui
permettra pas de revenir dans les rangs. Je m'excuse, mais je trouve que votre
motif, qui est un motif de compression d'effectifs, dans les circonstances,
compte tenu du nombre de personnes que l'histoire nous a démontré
que cela touchait, ce n'est pas tellement cela. Je vois beaucoup plus - c'est
peut-être là-dessus qu'il y aurait une discussion
intéressante à faire - une question de mentalité,
d'attitude vis-à-vis de la politique et de l'administratif. Dans la
machine, j'ai l'impression que c'est ainsi qu'on le vit. C'est un peu cela qui
m'a toujours rebuté.
Ce sont peut-être des choses comme cela qu'il faut qu'on fasse
disparaître. Pour ce qui est de l'attrait, il faudrait comparer le
salaire d'un sous-ministre à un salaire de député pour
comprendre que la politique active doit avoir un attrait différent que
celui du salaire, quand on sait qu'un sous-ministre gagne à peu
près le double de ce qu'un député peut gagner,
malgré le fait que les administrateurs aient pu être gelés
pendant un an et que le salaire des députés ait augmenté.
C'était mon commentaire. J'aimerais que vous réagissiez
tantôt sur cette question.
J'ai quelques questions à vous poser. Premièrement, sur le
régime syndical. Je suis étonné de voir que vous ne vous
prononciez pas sur le régime syndical dans la fonction publique. Je
comprends que vous dites: II se discute des choses au Comité des
priorités et on va attendre d'en avoir les résultats. J'aimerais
cependant avoir vos réactions sur ce qui était proposé par
la commission spéciale en regard du régime syndical. Il y avait
quand même des choses où la commission recommandait des
ajustements par rapport à la loi actuelle. J'aimerais connaître
vos opinions là-dessus. Au moins, si vous ne pouvez pas savoir ce qui va
sortir du Comité des priorités, vous savez ce qu'il y a dans les
recommandations de la commission spéciale. Quelles sont vos opinions
là-dessus?
Deuxième question. Vous ne vous prononcez pas sur la notion
d'administrateur d'État. Vous dites: On n'a pas de commentaire à
faire là-dessus. Je voudrais vous poser des questions quand même.
C'est une fonction nouvelle qu'on crée, donc, des droits nouveaux qu'on
élargit à un nombre de personnes qui n'étaient pas
nécessairement toutes couvertes par cette notion d'administrateur
d'État dans le passé. Est-ce que vous trouvez cela normal? Est-ce
que vous trouvez aussi normal que le chef de cabinet du premier ministre soit
considéré comme un administrateur d'État? Je comprends
qu'il faut intégrer le politique et l'administratif, mais est-ce qu'on
doit à ce point faire l'intégration? Est-ce que vous trouvez
normal que le chef de cabinet du premier ministre soit considéré
comme un administrateur d'État? C'est ma question sur les
administrateurs d'État.
Vous soulevez le vieux problème de l'éthique
professionnelle de chacune des professions. Je voudrais savoir si, dans
l'exercice de vos fonctions, vous avez eu connaissance de problèmes que
les deux allégeances pouvaient occasionner. Autrement dit, je suis un
fonctionnaire, j'ai un supérieur immédiat, je dois le conseiller,
je le conseille effectivement; il prend une orientation différente ou il
me demande de prendre une orientation différente. Mon allégeance
va vers mon supérieur immédiat; au même moment, j'ai aussi
une allégeance à une corporation professionnelle. Mettons que je
suis architecte ingénieur, cela a toujours créé des
problèmes dans la fonction publique, cela fait quasiment deux types de
fonctionnaires. Premièrement, comment pouvez-vous régler cela?
Deuxièmement, vous le mettez beaucoup plus large dans votre
mémoire, vous parlez de l'éthique professionnelle en
général. Donc, je comprends que cela couvre plus que
l'éthique qui dépend du Code des professions. Je prendrais votre
exemple. Vous n'êtes pas régis, je pense, par le Code des
professions. Vous avez dit tantôt: On a une éthique personnelle.
Où fera-t-on la démarcation, à un moment donné,
entre les différents groupes qui peuvent tous développer leur
propre code d'éthique? En fait, comment verriez-vous l'organisation de
tout cela?
À la page 7 de votre mémoire, vous dites: Toute mesure qui
ne respecte pas le principe de la primauté du service au citoyen devrait
être systématiquement écartée. Je trouve que c'est
très bien et je suis en parfait accord avec cela. J'aimerais que vous
m'expliquiez comment, dans la pratique, on assurera cela et que vous me donniez
des cas actuels, qu'on peut vivre actuellement, par exemple, où, en
fonction de ce principe que vous énoncez à la page 7, des mesures
auraient été mises de côté. Autrement dit, y a-t-il
actuellement des mesures que vous voyez dans votre travail quotidien qui
seraient mises de côté parce que cela ne respecterait pas la
primauté du service au citoyen?
J'aurais beaucoup d'autres questions, mais je pense que je vais
m'arrêter là. (12 h 15)
M. Côté: Pour ce qui est de l'article 24, vous
m'aviez demandé si vous aviez tort
ou raison. Vous aviez tort.
M. Bisaillon: Je ne m'attendais pas que vous me disiez que
j'avais raison.
M. Côté: D'accord. La discrimination envers les
hommes politiques qui réintègrent la fonction publique ne nous a
pas effleuré l'esprit. C'est peut-être un peu naïf de notre
part, je le confesse, mais actuellement c'est l'aspect de mise en
disponibilité qui nous fatigue et nous travaille sérieusement,
surtout nous, conseillers en gestion du personnel qui n'avons pas encore de
conditions de travail précises. C'est peut-être naïf, mais
c'est uniquement cet aspect-là. D'accord?
Mme Matte: C'est la réalité très
concrète de la gestion des ressources humaines à laquelle nous
sommes confrontés tous les jours, où on a des gens à
réaffecter et où les postes se font rares. Nous sommes toujours
à l'aguet des postes disponibles à quelque moment que ce
soit.
Je dois dire très franchement que les propositions de la
commission Bisaillon vont un peu loin. Concernant le régime syndical,
nous n'avons pas fait une révision exhaustive de ce qui était
proposé. On vous demanderait peut-être de nous rappeler certains
éléments et on pourrait commenter à partir de cela.
M. Bisaillon: Je vous parlerai entre autres choses, par exemple,
des postes confidentiels. Il y a une pratique différente, dans la
fonction publique, de celle qu'on retrouve dans le Code du travail. La
commission recommandait qu'il y ait uniformité entre ce qu'on retrouve
pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses et qui leur est
accordé par le Code du travail et ce qui leur est accordé par la
fonction publique. Dans le Code du travail, on dit que c'est le poste qui est
confidentiel. Une secrétaire exécutive, par exemple, la
secrétaire du président d'un organisme, sera
considérée par le Code du travail comme occupant un poste
confidentiel. Dans la fonction publique, nous assistons à l'ensemble
d'un service qui est confidentiel, du responsable de l'entretien ou de la
personne qui fait l'entretien jusqu'au plus haut niveau. Par exemple, tous ceux
qui travaillent pour le Vérificateur général n'occupent
pas des postes syndicables au sens de la Loi sur la fonction publique alors
qu'un bon nombre de ces postes le seraient en vertu du Code du travail. Cela
faisait partie du régime syndical.
Il y avait aussi toute la question de la négociation, de la
classification. Nous avions suggéré, dans le rapport de la
commission, qu'on étudie cette question parce qu'on pense que, dans les
faits, on en est rendu à une quasi-négociation. La consultation
est tellement poussée que c'est, à toutes fins utiles, de la
négociation. Mais comme ce n'est pas reconnu de façon officielle,
cela allonge les délais et, dans le temps, cela occasionne des pertes de
temps. Pourquoi ne pas le reconnaître de façon officielle? Je vous
en donne deux exemples, mais il y en avait d'autres; prenons ces
deux-là.
M. Côté: D'accord. Au niveau des exclusions
syndicales, je crois qu'il y a quand même eu un travail qui est fait par
les syndicats. Pour l'exclusion en général, ce que vous
énoncez est effectivement vrai, mais maintenant on a tendance à
considérer beaucoup plus les fonctions qu'occupe un employé pour
le syndicaliser ou le désyndicaliser. Je prends un exemple: il peut
arriver qu'un conseiller en gestion du personnel, qui est d'office non
syndicable -puisque nous sommes dans une direction de personnel - occupe des
fonctions de biologiste dans un autre service; il est possible qu'il devienne
syndicable à cause de ses fonctions et non à cause de son
classement. Il y a une évolution dans ce sens. Évidemment, il y a
beaucoup de corrections à apporter.
L'autre partie concerne la négociation de la classification. Il
me fait plaisir d'entendre cela, je suis un ancien spécialiste en
classification. Je n'affirmerai pas qu'actuellement la classification est
négociée. Il existe effectivement un comité consultatif au
niveau de la classification, mais je crois que les pouvoirs de l'employeur sont
très forts encore au niveau de la classification. À savoir si
cela devrait être complètement négociable, je connais des
entreprises où la classification est négociable, j'en connais
d'autres, par contre, où ce n'est pas négociable. Laquelle est la
bonne? Je ne sais pas, c'est difficile de trancher un litige comme
celui-là. C'est certain que l'employeur a quand même un mot
à dire au niveau de la classification. D'autre part, il est aussi
normal, pour protéger les droits des syndiqués, que les syndicats
aient un droit de regard également sur la classification. De là
à déléguer entièrement, au niveau de la
négociation, je ne suis probablement pas habilité pour m'avancer
sur un sujet comme celui-là.
M. Carpentier: On a plus de questions à poser
là-dessus que des solutions à apporter. Comme le médecin a
le droit de refuser de faire un avortement parce que son éthique
professionnelle ne le lui permet pas, on voudrait avoir, comme professionnels
au gouvernement, des droits reconnus. Est-ce qu'il faut les mettre dans un code
dans le cas de chaque profession? Peut-être qu'on prendra des
années avant de définir un code. En attendant que cela soit fait,
peut-être qu'il y a une question de jugement personnel
qui entre en cause et cela sera à chacun à faire preuve...
L'expression "bonne foi" est utilisée quelquefois dans l'avant-projet de
loi. Peut-être que c'est aussi un cas où on pourra évaluer
la bonne foi des gens. On n'a vraiment pas de solution à court terme
là-dessus, mais il reste qu'il y a un malaise. Il y a des situations
où on voudrait pouvoir dire: Non, je ne le fais pas, parce que c'est
contraire à mes convictions profondes, c'est contraire à
l'éthique généralement observée dans ma
profession.
Mme Matte: On est en mesure d'observer des situations de
conflits, de priorités et d'objectifs, au niveau strictement
administratif, parce que nous sommes quand même dans une structure
humaine et tout le monde n'est pas nécessairement aligné sur des
objectifs supérieurs, des objectifs de service aux citoyens et à
la communauté. Il arrive des situations où des
intérêts personnels sont mis de l'avant et les fonctionnaires sont
mis au service d'intérêts personnels de supérieurs
immédiats. Ce sont des situations très pénibles à
vivre, vraiment inacceptables et qui sont contraires à
l'intérêt public. On est même en mesure d'observer ce
même type de conflit entre des objectifs politiques et des objectifs
administratifs. Des décisions politiques ne sont pas
nécessairement d'accord avec des études qui sont faites et qui
font la preuve que des choix doivent être privilégiés alors
qu'au jugement politique, il semble que ce ne soit pas ce choix qu'on fait.
Cela crée des situations professionnelles très pénibles
à vivre. Ce serait de nature à démobiliser beaucoup les
fonctionnaires. Il y a un certain besoin de faire sortir de la vapeur. Je ne
sais pas si ce serait de nature à aider l'intérêt public.
La vapeur qui ne sort pas est au détriment de la fonction publique parce
que cela détruit l'énergie des fonctionnaires et les amène
à se rabattre sur leur petit domaine ou à leur niveau d'horizon.
Il y a là un malaise qu'on ne sait pas comment aborder; on ne sait
quelle solution proposer, mais cela est très réel.
M. Bisaillon: La latitude que vous demandez pour les professions
serait sûrement intéressante aussi à l'intérieur des
conseils des députés.
Le Président (M. Champagne): Cela va. M. le
député de Gaspé.
M. Bisaillon: Je m'excuse, M. le Président, mais je pense
qu'il y aurait une dernière réponse à obtenir sur la
question du service aux citoyens. Votre déclaration à la page
7.
M. Carpentier: Là aussi, c'est un énoncé de
principe. Comment cela s'articule dans les faits, c'est avec l'usage qu'on va
pouvoir le régler. Ce qu'on veut dire, c'est que tout ce qu'on propose
après doit être lu à la lumière de cette
préoccupation. Comment cela se divise? C'est une question
d'évolution des mentalités, de choix.
M. Bisaillon: Si vous ne me répondez pas plus que cela,
cela m'amène à vous poser une deuxième question qui est la
suivante: Le projet de loi renferme plusieurs principes. Quand il n'y aura rien
de prévu dans le projet de loi, c'est donc à la lumière de
ces principes qu'il va falloir se prononcer. Est-ce que vous êtes
d'accord avec moi pour dire qu'il y a des principes qui, à un certain
moment, peuvent être antagonistes? Je peux décider de faire cela
sous le couvert de l'efficacité administrative et cela peut aller
à l'encontre de la notion de service aux citoyens ou du meilleur service
au citoyen.
M. Carpentier: Ce qu'on pense, c'est que la primauté
devrait être donnée au service aux citoyens. On devrait avoir un
mécanisme qui nous permettrait de manifester cet antagonisme et
d'être capable de le dire.
M. Bisaillon: Donc, une priorité dans les principes.
M. Carpentier: Et aussi dans les faits.
Mme Matte: Cela s'articule aussi, il me semble, autour d'une
meilleure relation, d'une meilleure concertation entre le politique et
l'administratif, d'une intégration, d'une harmonisation des objectifs.
Nous sommes à un niveau professionnel et nous sommes assez loin de toute
la machine politique et de la machine administrative supérieure. On vit
souvent nos fonctions de façon déconnectée. On a
l'impression qu'on flotte quelque part dans la machine administrative. On ne
sait pas quelles sont les orientations gouvernementales fondamentales sur
beaucoup d'aspects. On a l'impression que la machine tourne toute seule, qu'on
est aussi dans cette machine-là et qu'on contribue à la faire
tourner toute seule. Il y a une très mauvaise connexion - c'est comme
cela que je le définis - entre le politique et l'administratif et,
à l'intérieur de l'administratif, entre les différents
niveaux. Quand on flotte à l'intérieur de la machine
administrative, on a bien de la difficulté à se brancher sur le
service aux citoyens et à voir dans quel sens orienter ses actions. Il
me semble que le consensus administratif n'est pas clair sur cela, n'est pas
limpide, il est même très flou. Cela ne contribue pas à
permettre aux fonctionnaires de nous donner le meilleur d'eux-mêmes dans
le sens du service aux citoyens. Les actions professionnelles ne sont pas
suffisamment orientées, ne sont pas
assez clairement définies et laissent place à beaucoup de
conflits entre individus et à beaucoup de conflits
d'intérêts qui n'ont aucun lien avec le service aux citoyens.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Gaspé.
M. LeMay: Je serai très bref. Je voulais simplement
connaître votre opinion. On a parlé de l'implication des
fonctionnaires au niveau politique, c'est-à-dire directement comme
candidats possible ou candidats élus. À la suite d'une
consultation faite cet été, plusieurs groupements ont
manifesté le désir de voir, purement et simplement,
disparaître l'article 15 du projet de loi qui dit que le fonctionnaire
doit, au cours d'une élection provinciale, s'abstenir de tout travail de
nature partisane à compter de la date du décret. Est-ce que vous
avez une position là-dessus? Est-ce que vous en avez discuté
entre vous?
Mme Matte: Cela nous semble aller de soi. Je pense qu'on est en
mesure d'observer des fonctionnaires qui ont eu une implication politique
partisane et cela ne peut que créer des conflits au niveau interne,
parce que ces fonctionnaires sont retirés temporairement de leurs
fonctions. Cela pose des difficultés. Personnellement, je
préconise la neutralité politique. Je pense que cela facilite la
vie à tout le monde à l'intérieur de la machine dans les
relations avec le politique. Je ne sais pas s'il y a des membres du conseil qui
ont d'autres opinions à présenter sur cela.
M. Carpentier: C'est que l'appartenance officielle à une
option politique constitue tout le temps une pression en soi. C'est difficile
de faire abstraction de cela en dehors des périodes électorales.
Même si nous avons dit qu'il y avait une espèce de montée
de la fièvre dans ces périodes, il reste que c'est une
fièvre un peu comme la malaria; il n'y a pas d'immunité totale
à cela et on a l'impression que cela dure un peu tout le temps. Alors,
plutôt que de courir ce risque, nous disons: II est plus serein qu'il n'y
ait pas de prise de position officielle, c'est plus relaxe, moins
stressant.
M. LeMay: Vous êtes bien d'accord avec cet article 15?
M. Carpentier: Même s'il n'y a pas eu de consultation de
nos membres, ce sont nos expériences personnelles.
M. LeMay: Merci.
Le Président (M. Champagne): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: Je m'excuse d'avoir manqué une partie de votre
exposé; j'avais quand même pris connaissance de votre dossier.
Quant à l'imputabilité, par exemple, est-ce que dans votre groupe
les gens se refusent à cela ou s'ils l'acceptent d'emblée? Quelle
est l'attitude de vos membres face à l'imputabilité?
M. Côté: La plupart de nos membres achètent
globalement l'imputabilité. Je crois que pour nous, conseillers en
gestion du personnel, cela va faciliter notre travail. C'est-à-dire
qu'au lieu de contrôler avant et après une action, ce sera le
gestionnaire qui sera responsable de ses actions et de ses gestes.
Évidemment, cela nous demande beaucoup plus de travail parce qu'il est
beaucoup plus difficile de conseiller que de contrôler; par contre,
l'imputabilité est nécessaire pour rendre les gens responsables
de leurs actes. Que ce soit au niveau des cadres supérieurs, que ce soit
à celui de la gérance intermédiaire ou que ce soit au
niveau de la téléphoniste - ou du téléphoniste,
masculin et féminin - il faut que tout le monde soit responsable de ses
actes. Qu'on n'entende pas dire: La décision a été prise
ailleurs, j'applique uniquement ce qu'on me dit de faire. Je suis responsable,
je suis conscient du geste que je pose. Aussi, si on avait la
possibilité d'être fier de le faire, cela faciliterait grandement
le service.
Mme Bacon: En fait, c'est un accueil positif qui a
été fait à ces recommandations et non négatif.
M. COté: Très positif.
M. Carpentier: Tout à l'heure, Mme la ministre proposait
que c'était une perte de pouvoir pour nos membres. C'est effectivement
vrai en partie, mais c'est un gain de crédibilité. Au lieu
d'être perçus comme des représentants des organismes
centraux, nous pouvons maintenant être perçus comme des gens qui
peuvent vraiment apporter de l'aide et donner des conseils. (12 h 30)
Le Président (M. Champagne): Merci. Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais d'abord - je pense que le
député de Louis-Hébert sera d'accord avec moi - revenir
sur la question des droits ou des privilèges de participer à des
élections ou d'avoir un privilège de retour dans la fonction
publique. Je pense qu'il faut faire la nuance entre un droit et un
privilège. En fait, en permettant à un fonctionnaire du
Québec de se présenter aux élections à
l'Assemblée nationale, c'est un privilège de retour automatique
dans la fonction publique qu'on lui donne, avec garantie d'emploi. Dans son
libellé, l'avant-projet n'empêche pas un fonctionnaire qui
voudrait participer aux élections fédérales
d'obtenir un congé sans solde, sauf que le privilège n'est pas
automatique; c'est là la nuance, la loi est muette là-dessus,
elle ne l'interdit pas. La même chose pour toutes les charges publiques.
J'ai dit tout à l'heure que la réflexion se posait.
Par ailleurs, en ce qui a trait aux charges publiques, il y a
déjà dans certaines conventions collectives certains
privilèges qui sont consentis. Dans cette perspective, je dois vous dire
que, si on devait revenir sur la possibilité de donner des
privilèges à des gens qui iraient dans une élection
fédérale, pour moi, compte tenu finalement du seul
empêchement, à mon esprit, qui était la neutralité,
je pense qu'il faudrait l'envisager sur une même base que les autres
charges publiques, comme vous l'avez d'ailleurs fait, qu'elles soient
municipales ou scolaires.
Je voudrais dire au député de Sainte-Marie que la raison
pour laquelle le chef de cabinet se trouve parmi les administrateurs
d'État est une raison historique. Cela faisait partie de la loi 50,
semble-t-il; cela a toujours fait partie des lois de la fonction publique. Il y
a, d'ailleurs, dans cet avant-projet certains relents historiques qui
s'appliquent à cela. Cela n'a pas été une demande
particulière de sa part, je tiens à le souligner. Le
député de Sainte-Marie a laissé entendre qu'en
créant un corps d'administrateurs d'État, on leur donnait de
nouveaux droits. C'est tout à fait faux. On ne donne aucun droit aux
administrateurs d'État. On ne fait que les regrouper ensemble pour
permettre une meilleure gestion de la carrière des sous-ministres. Au
contraire, je dirais qu'on leur enlève des droits qu'ils avaient. Entre
autres, si un sous-ministre voulait maintenant se présenter à une
élection, il faudrait qu'il démissionne. Les sous-ministres ont
un statut de permanence comme fonctionnaires, mais pas comme sous-ministres. Ce
qui veut dire que, s'il y avait lieu, éventuellement, de réviser
certaines compétences de sous-ministres, nous ne serions pas tenus aux
mêmes exigences que nous avons dans d'autres conventions collectives ou
même avec l'association des cadres.
Je voudrais revenir sur votre discussion. Je l'ai laissé passer
tout à l'heure, mais vous avez, dans votre mémoire, une
recommandation que le député de Louis-Hébert a
soulignée, à savoir qu'on puisse laisser les fonctionnaires juger
de l'intérêt public dans le cas de divulgation d'informations. La
proposition que nous avons actuellement, c'est de s'en tenir à la loi
sur l'information gouvernementale qui encadrera, finalement, ce qu'il devrait
être d'intérêt public de divulguer. D'un côté,
vous dites: On est complètement déconnecté du politique,
l'administratif est déconnecté du politique, la machine tourne
par elle-même; cela n'est pas bon, cela crée de drôles de
situations. D'un autre côté, vous dites: On voudrait pratiquement
avoir le droit de divulguer ce qui nous apparaît d'intérêt
public, parce qu'il arrive que des décisions politiques vont à
l'encontre de recommandations administratives. Alors, je trouve qu'il y a
là un peu de contradiction dans la mesure où on assume qu'il y a
un gouvernement qui prend des décisions "politiques" et, s'il va trop
loin ou s'il y a des abus, la population jugera, sauf que le gouvernement aura
toujours des comptes à rendre, ou on se dit que les décisions
administratives devraient toujours être le choix des gouvernements, ce
qui n'est pas, non plus, le meilleur équilibre dans tous les cas.
Par ailleurs, pour revenir à la question plus précise de
la divulgation de ce qui vous semblerait d'intérêt public, ne
craignez-vous pas, finalement, que cela crée une forme d'anarchie? Qui
va juger? Vous dites: Le fonctionnaire est imputable; rendons-le imputable et
on jugera si c'était d'intérêt public. Mais qui va juger
que c'était d'intérêt public? À titre d'exemple, un
fonctionnaire à l'aide sociale, à un moment donné, je ne
sais pas, découvrirait des abus de la part de
bénéficiaires et déciderait de le divulguer pour indiquer
à la population qu'il y a des gens qui font des abus. Est-ce que c'est
d'intérêt public? Je pose la question tout à fait
naturellement, mais c'est où cela commence et ou cela s'arrête?
Est-ce qu'on ne risque pas de créer une espèce de situation
d'anarchie dans la fonction publique où tout le monde se sentirait juge
de l'intérêt public qui, selon un ou d'autres, peut être
complètement contradictoire? C'est une question que je vous pose.
Là-dessus, j'aimerais savoir comment vous pensez qu'une notion comme
celle-là pourrait s'articuler.
Concernant les droits des professionnels, je pense que vous avez quand
même fait un petit acquis - en tout cas, je ne sais pas si vous le
considérez petit, moyen ou considérable - dans les derniers
décrets, qui vous permet dorénavant, comme professionnels, de
refuser de signer un document parce que cela ne vous paraît pas aller
dans le sens de ce que vous recommandez. En tout cas, c'est une concession
qu'on a faite lors des dernières négociations.
Le député de Sainte-Marie a souligné qu'il pouvait
y avoir, dans les six principes qui orientent l'avant-projet de loi, des
principes antagoniques. Il mettait en parallèle le service aux citoyens
et, par exemple, l'efficacité de la machine ou l'efficience. C'est vrai
qu'en apparence cela peut être antagonique. Par ailleurs, les six
principes qui orientent l'avant-projet de loi, comme je l'ai dit dans mes notes
préliminaires, doivent se faire en équilibre les uns par rapport
aux
autres. Entre autres, un autre principe qui est très important,
c'est que les fonctionnaires doivent être traités avec
impartialité et justice. Il faut que ces six principes, justement,
s'équilibrent les uns par rapport aux autres même si sur le plan
de l'efficience ou de l'efficacité on dit: II faut donner un meilleur
service aux citoyens et, par ailleurs, au meilleur coût possible.
C'était une recommandation de la commission Bisaillon. Je comprends
qu'il faut que, sur le plan de la philosophie, de la mentalité, la
primauté du service aux citoyens soit là. Par ailleurs, si on
devait l'appliquer dans toute sa rigueur et qu'on pense que, pour un meilleur
service aux citoyens, on devrait exiger de l'ensemble des fonctionnaires que
chaque fois qu'il y a un formulaire à remplir il faudrait que le
fonctionnaire aide les citoyens, si on n'a pas les ressources humaines pour
offrir tous les services et les meilleurs services, cela peut -et c'est vrai -
aller en contradiction avec l'efficience, parce que cela pourrait vouloir dire
à la limite augmenter les effectifs.
On est très conscient qu'il peut y avoir apparemment des
contradictions; il faut avoir les services qu'on a les moyens de se payer et,
en même temps, continuer de traiter nos gens dans la fonction publique
avec équité et justice. Dans ce sens, un juge, en face d'une
situation concrète, pourra évaluer en fonction de tout cet
équilibre à respecter le jugement qu'il doit poser compte tenu
des cas qui lui seront soumis. Voilà, grosso modo, les commentaires que
je voulais faire, mais je voudrais vraiment que vous reveniez sur votre complet
libre accès à la parole sur la place publique.
M. Carpentier: Quant à la question de
l'intérêt public, on n'a pas inventé l'expression, on l'a
prise dans l'avant-projet de loi à l'article 9. On a dit: On va prendre
la même définition que le gouvernement pour ce qui est de
l'intérêt public.
Maintenant, sur la deuxième question, on n'est pas meilleurs
juges que le gouvernement, mais l'adoucissement qu'on met, c'est quand on dit:
II appartient aux professionnels ou aux fonctionnaires de prouver que les
révélations qu'ils font sont d'intérêt public. En
mettant cette réserve, c'est certain que ce n'est pas n'importe qui, qui
demain matin, va se mettre à convoquer une conférence de presse
et à faire des déclarations. On va y penser deux fois avant de se
lancer et de dire: Moi, je définis que l'intérêt public
c'est ça et maintenant, je parle. On pensait à des situations de
conflit réel. On reconnaît au gouvernement le droit
évidemment, de gouverner, de faire des politiques, de définir des
orientations en matière culturelle, sociale, économique, etc. On
est les serviteurs qui doivent faire en sorte que ces politiques deviennent une
réalité. On est d'accord avec cela. Mais il y a des situations
où il y a des conflits même entre ces grandes orientations, ces
grandes politiques. Les idées ou les hypothèses qu'on peut
émettre, c'est, par exemple, un conflit entre une politique de
main-d'oeuvre ou une politique de création d'emplois dans un secteur
polluant. C'est une situation que certaines personnes vivront des fois. Elles
doivent créer de l'emploi dans un secteur où la pollution
augmentera. Où est l'intérêt public? Est-ce de créer
une dizaine d'emplois et de polluer l'environnement ou de le garder sain? Il
n'y a pas un seul fonctionnaire qui prendra sur lui seul de décider que
la meilleure solution est celle-là pour l'intérêt public.
Il reste qu'on se posera un peu plus de questions s'il y a plus de monde qui
veille à l'intérêt public. C'est tout ce que l'on dit. On
ne veut pas se substituer au gouvernement; on veut s'ajouter au gouvernement et
prendre notre part de responsabilité vis-à-vis de cela.
M. Bisaillon: Juste un petit bout pour compléter cela.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Comment mettez-vous en parallèle votre
déclaration de tantôt sur la neutralité politique en
disant: On a constaté, par notre expérience quotidienne, qu'il
vaut mieux s'abstenir parce que cela crée des problèmes, autant
internes que vis-à-vis de la politique? C'était votre
déclaration tantôt à la question du député de
Gaspé sur l'article 15. Maintenant, vous dites: Évidemment, un
fonctionnaire pourrait porter le jugement qu'il est de l'intérêt
public qu'un certain nombre de choses soient dites et les dire. Vos deux
positions ne s'opposent-elles pas?
M. Carpentier: Je ne comprends pas votre objection. Ce qui est
sous-entendu dans ce que vous dites, c'est que jugement et politique, c'est la
même chose.
M. Bisaillon: Ce qui est sous-entendu dans ce que je dis, c'est
qu'avec votre position sur l'éthique il devrait y avoir une attitude
différente sur l'article 15.
M. Carpentier: Ce qu'on dit, c'est que ce qui est bon et pas bon,
il semble que ce soit une question de jugement, que cela n'a rien à voir
avec la politique. Ce n'est pas de la politique pour nous de dire que polluer,
ce n'est pas bon. Tout le monde reconnaît cela, qu'on soit politicien ou
pas. Par contre, il appartient au gouvernement de prendre des orientations, de
développer des politiques. Mais on dit que ce n'est pas parce qu'il y a
un gouvernement élu que tout ce qu'il fait devient
systématiquement bon, qu'on ne doit
pas rester critique par rapport à tout ce qu'il fait, se fermer
les yeux et surtout la bouche. C'est ce qu'on dit. On ne s'engage pas
politiquement contre le gouvernement quand on dénonce ou qu'on voudrait
pouvoir dénoncer telle attitude. On s'engage pour le bien des citoyens,
pour l'intérêt public. On ne fait pas de politique quand on dit
que cela dessert l'intérêt public. Cela peut ressembler à
de la politique, par exemple.
Mme LeBlanc-Bantey: Cela dépend comment vous envisagez la
politique.
Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: La politique n'est pas nécesairement
partisane. C'est, finalement, une vision de société ou des
projets qui correspondent à certains besoins dans une
société. Je pense que c'est là qu'il faut faire la nuance
et c'est dans ce sens-là, je pense, que le député de
Sainte-Marie posait sa question.
J'avais quand même posé une question précise. Vous y
répondez en disant que vous ne pensez pas que beaucoup se serviraient de
cela, finalement. Mais, advenant le cas d'une fonction publique
"complètement libérée", est-ce que vous ne prévoyez
pas une situation d'anarchie? Est-ce que vous pensez qu'il est encore possible
pour le gouvernement de gouverner?
M. Carpentier: Je n'ai pas de réponse à cela. C'est
une hypothèse qu'on fait.
Mme Matte: On est à la recherche d'un moyen terme entre
une muselière et la divulgation sans fondement. Je veux dire qu'au
niveau des libertés individuelles, c'est très difficile à
prendre de n'avoir aucun droit d'utiliser son droit de citoyen dans des
domaines d'intérêt public, de sens commun et de données
objectives d'ordre professionnel. En tout cas, c'est surtout au niveau des
principes. Je trouve qu'on peut dire que, dans notre domaine, nous sommes
strictement limités au domaine administratif, à part faire
état de fausses manoeuvres ou de mauvaise application de
règlement ou de détournement de règlement. Ce n'est pas de
notre ressort, mais je pense que c'est dans une vision de l'ensemble de la
fonction publique, dans toute la dimension de la relation avec le politique et
l'administratif. Il y a vraiment une zone grise. Je veux dire qu'il est
difficile pour nous d'avancer des positions bien claires. On a à
cheminer comme groupe et je pense que l'ensemble de la fonction publique aussi
doit approfondir toute cette dimension de la relation entre le potitique et
l'administratif, et le service aux citoyens. À mon sens, il y a beaucoup
de cheminement à faire dans ce sens, pour se donner les meilleures
règles du jeu et mieux s'harmoniser dans ce service. (12 h 45)
Le Président (M. Champagne): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: J'ai juste une remarque qui est peut-être une
question en même temps. Quand c'est rendu nécessaire pour un
groupe de s'exprimer comme vous venez de le faire en parlant de cette coupure
entre le politique et l'administratif, je ne pense pas, Mme la ministre, que
c'est faire de la politique que d'exprimer une réaction de
fonctionnaires face aux décisions qui sont prises ou face à des
choix. Quand vous demandez la parole, est-ce parce que vous n'avez pas de
mécanisme nécessaire à l'intérieur même de
votre boîte pour faire connaître vos réactions face à
des décisions qui sont prises? Cette réaction que vous pouvez
avoir, je ne la vois pas comme antigouvernement; vous la faites comme
conseillers, comme ce que vous devez être, comme fonctionnaires et un
gouvernement doit aussi être à l'écoute de ses
fonctionnaires. Il n'a pas la vérité tranquille parce qu'il est
élu. Est-ce parce que vous sentez qu'il y a des coupures entre vous et
le politique? Vous parlez de zone grise. Est-ce parce qu'il n'y a pas
suffisamment de mécanismes de communication, de consultation que vous
sentez ce besoin d'aller aussi loin que de le dire à
l'extérieur?
M. Carpentier: II y a peut-être une avenue dans ce que vous
suggérez. Ce qu'on dit, c'est qu'il est difficile de se faire imposer le
silence total et absolu. L'article 10 dit: Tout fonctionnaire est tenu à
la discrétion sur quoi que ce soit. Il ne peut pas exercer son jugement
pour dire: Cela, je peux le dire; cela, je ne peux pas le dire; c'est tais-toi
et marche. Cela me fait penser à des choses qu'on a vécues il y a
25, 30 et 40 ans. Ce n'est pas progressiste comme attitude. Ce n'est pas
témoigner de la confiance envers ses fonctionnaires que de leur imposer
ce silence. À la limite, on a dit: C'est totalitaire. Je sais que ce
n'est pas l'intention du gouvernement actuel. Dans les pays de l'Est, on
retrouve des dispositions comme cela. Défense de révéler
quoi que ce soit sur ce que vous allez voir, sur ce qui va se passer ici. Nous,
on dit que c'est peut-être un peu trop. Faites-nous confiance un peu plus
que cela, quitte à ce qu'on assume notre responsabilité en
divulguant des choses.
Mme Bacon: En rapport avec ma question, est-ce que vous trouvez
qu'il y a suffisamment de mécanismes de communication existants qui vous
permettraient - je ne dis pas d'accepter cet article - de vous exprimer
à l'intérieur sans avoir à réagir à
l'extérieur?
M. Carpentier: Dans notre secteur d'activités, il n'y en a
pas.
Mme Bacon: Est-ce que vous les souhaitez?
M. Carpentier: C'est à considérer. C'est la
première fois que j'ai vraiment l'occasion de penser à cette
avenue.
Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: En fonction des discussions que vous venez
d'avoir avec la députée de Chomedey, est-ce que vous croyez que
la volonté qu'on a d'implanter un régime d'imputabilité ou
de responsabilisation - je n'ai pas encore trouvé un meilleur synonyme
à imputabilité, car je trouve que c'est un mot qui n'est pas
facilement comestible pour beaucoup de gens - devrait avoir comme
conséquence pour les gestionnaires de négocier, finalement, les
attentes qu'ils ont avec les professionnels ou d'autres groupes dans la
fonction publique? On a beau vouloir rendre les gens responsables, mais il va
falloir qu'on leur donne non seulement les ressources humaines, mais aussi les
moyens financiers et, éventuellement, tous les moyens en mesure de les
aider, finalement, à livrer la marchandise. Est-ce que vous croyez qu'un
régime comme celui-là peut amener les gens, autant au niveau
politique qu'administratif, à se parler davantage, à communiquer
davantage, pour revenir à la préoccupation de la
députée de Chomedey, qu'une situation où tout est
tellement réglementé que, d'une strate à l'autre, les gens
n'ont plus à se parler parce que le règlement parle pour eux? Une
approche comme celle qu'on préconise peut favoriser ce type de
communication.
Mme Matte: Oui, je dirais que c'est une avenue susceptible de
développer des rapports, de permettre aux rapports de s'harmoniser et de
faire des ententes sur les objectifs à poursuivre et sur les moyens d'y
arriver. Ce qu'on déplore, c'est que lorsque le droit de veto est
imposé on n'a rien à dire et que même les raisons de la
décision ne nous sont pas communiquées. On n'a même pas la
capacité de considérer le point de vue de l'autre parce qu'il ne
nous est pas expliqué. À ce moment-là, on se dit: On n'a
pas d'autre recours que la tribune publique. C'est bien sûr que je pense
qu'un travail fait en concertation entre les différentes équipes
et les différents niveaux de l'administration et du politique
minimiserait beaucoup les malaises qui sont vécus. C'est mon opinion
personnelle.
Mme Bacon: Cela ne vous empêche pas de refuser cet
article-là. Vous n'acceptez pas l'article tel quel?
M. Carpentier: On trouve qu'il est radical. On a, jusqu'à
maintenant, fait porter le débat entre le politique et l'administratif,
mais il y a aussi la transparence. C'est terriblement exigeant pour
l'administration. Ce ne sont pas seulement les pressions politiques qui nous
font peur, parce qu'on est souvent très loin de cela, mais ce sont des
pressions administratives. Ce sont des biais administratifs qui font que nous
sommes mal à l'aise et qu'on ne peut pas dénoncer les pratiques
administratives. Ce n'est donc pas seulement au niveau politique qu'on subit
des pressions, mais également à d'autres niveaux. Quand ont dit
qu'on souhaite la transparence, on sait que ce sera très exigeant pour
tout le monde, non seulement pour les politiciens, mais aussi pour les hauts
fonctionnaires et les gestionnaires à tous les niveaux, y compris
nous-mêmes.
Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Très rapidement, avant de terminer
là-dessus, il faudrait quand même spécifier que c'est
toujours sous réserve de la loi relative à l'information.
Deuxièmement, je pense qu'on n'innove pas dans la loi; c'était
déjà le serment d'office que vous prêtiez
antérieurement.
En terminant, je vous remercie d'être venus. Je trouve que cela a
suscité des débats très intéressants, sinon
passionnants, qu'on aurait avantage à approfondir avec d'autres groupes,
ainsi qu'entre nous ou entre politiciens, je pense qu'on a cherché le
meilleur équilibre possible compte tenu des objectifs poursuivis. C'est
l'attitude qu'on tentera de garder jusqu'à la fin en essayant, bien
sûr, de tenir compte et de faire l'équilibre entre les
différentes représentations qui nous seront faites.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: J'ai juste un petit commentaire à faire pour
que mon silence ne soit pas mal interprété. Tout à
l'heure, la ministre a passé des commentaires sur des choses que j'avais
dites concernant les administrateurs d'État. Je n'ai pas
répliqué à cela et je ne voudrais pas que mon silence soit
perçu comme une acceptation ce ses propos. Je me ferai fort, en temps et
lieu, de prouver mon point de vue directement à la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Merci, M. le député.
Le Président (M. Champagne): M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon (Louis-Hébert): Merci, M. le Président. En
terminant, ce que je retrouve dans le mémoire qui nous a
été présenté, c'est des inquiétudes qui
sont, finalement, les inquiétudes de tout le monde et
particulièrement de notre côté, de l'Opposition. Je pense
que la ministre en partage un certain nombre, elle aussi.
Vous avez glissé peut-être un peu rapidement à mon
goût - vous n'en êtes pas responsables; c'est moi qui n'ai pas
soulevé la question en temps opportun - sur l'approche et l'attitude du
Conseil du trésor en tant que gestionnaire de ressources humaines par
rapport à ce qu'on connaît comme étant sa vocation
officielle jusqu'à maintenant, même si la ministre m'a dit qu'il
ne faisait que son job lorsqu'il s'occupait d'effectifs, etc. La vocation
actuelle du Conseil du trésor est de jouer avec des fonds, des montants
d'argent, de couper quand il n'y a plus d'argent et d'en remettre quand il en
manque. J'aimerais que vous nous disiez si vous considéreriez comme
nécessaire que, dès maintenant, le Conseil du trésor nous
donne une idée du genre de politique générale qui serait
celle des divers ministères, des divers agents à qui serait
déléguée la gestion des ressources humaines. Est-ce qu'il
serait nécessaire qu'une idée générale de ces
politiques du Conseil du trésor nous soit connue dès maintenant
pour en faire une étude plus à point, plus réelle, compte
tenu du rôle que le Conseil du trésor va jouer dans cet
avant-projet de loi?
Mme Matte: II nous semble, bien sûr, qu'on devra illustrer
de façon pratique les principes qui sont mis de l'avant et que la
participation du Conseil du trésor devra être clarifiée
à un moment ou à un autre avant d'arrêter
définitivement un projet de loi qui engagera la fonction publique pour
un certain nombre d'années. Les inquiétudes que nous avons par
rapport au Conseil du trésor font appel à des réponses
à un moment ou à un autre.
M. Doyon (Louis-Hébert): À la suite de
l'expérience que vous avez avec le Conseil du trésor,
j'imagine.
Mme Matte: Oui.
M. Doyon (Louis-Hébert): Merci.
Le Président (M. Champagne): II n'y a pas d'autres
interventions? Alors, au nom des membres de la commission, je vous remercie,
madame et messieurs du Syndicat des conseillers en gestion du personnel du
gouvernement du Québec, d'avoir présenté un mémoire
à cette commission parlementaire. Sur ce, nous suspendons nos travaux
à cet après-midi, quinze heures. (Suspension de la séance
à 12 h 55)
(Reprise de la séance à 15 h 10)
Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de la fonction publique poursuit
ses travaux afin d'entendre toute personne ou tout groupe qui désirerait
intervenir sur l'avant-projet de loi sur la fonction publique.
Nous avons devant nous le Syndicat des cadres du gouvernement du
Québec Inc. Je demanderais à son porte-parole de se
présenter et de présenter les personnes qui l'accompagnent afin
d'entendre son mémoire.
Syndicat des cadres du gouvernement du
Québec
M. Dorval (Denis): Merci beaucoup. Cela nous est très
agréable d'être ici devant vous. Mon nom est Denis Dorval; je suis
le président général du Syndicat des cadres. Les gens qui
sont avec moi sont, à ma droite, M. Réjean Doyon - on en a un,
nous aussi - le vice-président général du Syndicat des
cadres...
Mme LeBlanc-Bantey: Vous n'êtes pas chanceux!
M. Doyon (Louis-Hébert): ...
Le Président (M. Champagne): Monsieur, vous poursuivez,
s'il vous plaît!
M. Dorval: Alors, puisque vous me rappelez à
l'ordre...
Le Président (M. Champagne): Non, ce sont eux que je
rappelle à l'ordre.
M. Dorval: C'est devenu une vieille blague; cela fait trois fois
que je la pousse. À ma gauche, M. Jean-Marie Blais, le secrétaire
général de notre mouvement. Il y a aussi, à mon
extrême droite, M. Robert Deblois, conseiller juridique attaché au
Syndicat des cadres.
Pour vous situer un peu - je vous voyais, tout à l'heure, vous
interroger sur le Syndicat des cadres - pour le moment, il est porté
vers l'avant, bien sûr. Nous représentons une catégorie de
gens qui sont membres du personnel de maîtrise et de direction au
gouvernement du Québec. Ce sont des représentants de l'employeur
qui se situent d'une façon très directe entre les cadres
supérieurs que vous connaissez et le personnel supervisé, ce qui
veut dire que nous sommes, à toutes fins utiles, des membres
évidents du personnel
d'encadrement, selon le texte de l'avant-projet de loi, mais nous sommes
plus précisément des cadres intermédiaires.
Partant de là, nous avons jugé éminemment important
de soumettre notre mémoire, nos représentations. Ce document a
deux volets: il y a les préoccupations prioritaires et
générales sur lesquelles nous pouvons expliciter davantage et
aussi la deuxième partie qui se veut une étude plus
détaillée, plus critique de certains articles qui ont retenu
notre attention d'une façon plus particulière, ce qui ne veut pas
dire que d'autres articles n'ont pas également attiré notre
attention, mais d'une façon peut-être moins prioritaire que ceux
qui sont actuellement cités dans la seconde partie du document en
question.
Partant de là, je ne connais pas la procédure à la
commission. Est-ce que vous désirez que j'y aille d'une façon
méthodique selon les différents éléments
cités dans notre mémoire ou si vous posez des questions?
Le Président (M. Champagne): Règle
générale, on vous donne environ 20 minutes pour votre
exposé. Ce peut être 15 minutes, ce peut être 10 minutes.
Libre à vous de les prendre. Ensuite, il y aura des commentaires de la
part de Mme la ministre et de l'Opposition et, ensuite, des questions. Cela
peut durer, dans l'ensemble, environ une heure. Mais c'est très souple
comme démarche.
M. Dorval: D'accord. Je vous remercie.
Le Président (M. Champagne): Vous avez un mémoire
de combien de pages, M. le président général?
M. Dorval: II doit y avoir - je ne les ai pas comptées -
de 15 à 20 pages approximativement.
Le Président (M. Champagne): Vous êtes libre de le
lire. (15 h 15)
M. Dorval: Nous allons y aller d'une façon relativement
succincte. Une des préoccupations que nous avions, c'était le
statut de cadre reconnu dans la loi. Nous avons soumis, il n'y a pas tellement
longtemps, aux autorités du ministère - et nous le refaisons
aujourd'hui encore une fois - un statut de cadre bien défini dans la Loi
sur la fonction publique. À un article, je pense que c'est au chapitre
III, plus particulièrement à l'article 36, on définit que
le personnel d'encadrement regroupe le personnel de maîtrise et de
direction - c'est nous - et les cadres supérieurs. Il nous est apparu
important - c'était même la volonté des plus hautes
instances de notre syndicat -que soit bien défini le statut de cadre
dans la loi. Il y a évidemment, précédant la citation de
ce que nous vous proposons comme article, des arguments. On désire
connaître d'une façon exacte le terme "personnel de maîtrise
et de direction". On parle aussi d'identification de bassin de population parce
qu'on sait très bien que très bientôt l'intégration
sera terminée - qui est déjà en bonne marche d'ailleurs -
et qu'on définira exactement ce qu'est du personnel de gérance.
C'est une de nos grandes préoccupations. Maintenant, si je vais à
la page 2 et que je parle de l'autre grande préoccupation de notre
organisation, c'est la reconnaissance du Syndicat des cadres du gouvernement du
Québec dans la Loi sur la fonction publique. On se rappellera que lors
de la commission spéciale d'étude sur la fonction publique que
nous appelions, nous, la commission Bisaillon - bonjour en passant -nous avions
fait des représentations également dans ce sens. Nous avons bien
sûr lu le rapport de ladite commission qui recommandait un régime
particulier ou une syndicalisation tout au plus de cadres dans la fonction
publique.
Dans une suite logique de la commission Bisaillon ou la commission
spéciale d'étude sur la fonction publique, nous avons
rencontré, il n'y a pas tellement longtemps, un M. Sarault et nous lui
avons soumis un régime particulier de relations du travail puisqu'on
sait actuellement que la reconnaissance officielle que nous avons est au plan
de la consultation en matière de relations du travail. Un petit peu plus
bas, nous insisterons peut-être un peu davantage, mais nous avons
jugé que dans une suite logique de présentation à des
commissions parlementaires sur la fonction publique, vous le représentez
aujourd'hui en annexe au document. Je ne vous en ferai pas
nécessairement lecture en entier. Maintenant, le document y est avec une
lettre explicative qui fut adressée à M. Pierre Sarault à
l'époque explicitant différentes raisons pour lesquelles nous
requérons un régime particulier de relations du travail.
Un autre élément qui, dans l'avant-projet de loi, a retenu
notre attention d'une façon pour le moins très grande c'est
évidemment le ministère de la Fonction publique qui
disparaîtrait pour voir toutes les responsabilités qu'il a
actuellement dévolues tantôt au Conseil du trésor et
tantôt à l'éventuel l'Office des ressources humaines. Il
est évident que cela nous cause des préoccupations,
particulièrement quant à la délégation des
pouvoirs, qui sont très grands au niveau des sous-ministres et
dirigeants d'organismes, et aussi à la subdélégation. Tout
cela parce qu'on parle allègrement depuis très longtemps de
régime d'imputabilité. Comme nous faisons partie d'un personnel
cadre dans la fonction publique, l'imputabilité, comme système,
nous préoccupe.
J'ai oublié au tout début - néanmoins c'est
écrit dans notre lettre de présentation - que les deux grands
principes qui ont guidé la rédaction du projet de loi, la
primauté du service aux citoyens et aussi l'efficience et
l'efficacité de la gestion, il est évident que nous les
endossons.
Lorsqu'on parle d'imputabilité ou de système
d'imputabilité sans en connaître les coordonnées
très exactes, c'est là où le point d'interrogation se pose
en autant que nous sommes concernés en notre qualité de
cadres.
Je reviens peut-être d'une façon un peu plus
détaillée au régime particulier de relations du travail.
Lorsqu'on voit dans l'avant-projet de loi la quantité de
responsabilités qui sont dévolues au Conseil du trésor -
je ne veux surtout pas provoquer de taquineries; vous savez que le Conseil du
trésor pour nous est une grosse machine parfois très
sévère - et qu'on voit les responsabilités qui lui sont
dévolues, on voit la machine encore beaucoup plus grosse et possiblement
encore un peu plus sévère. À ce moment-là on
revient vite à notre projet -je dirais même à notre
requête, au stade où cela est rendu - d'un régime
particulier de relations du travail pour nous les cadres. Il nous semble
à tout le moins qu'il y aurait à ce moment-là une
possibilité de "négociations" entre guillemets bien sûr,
puisque en tant que cadres il est totalement impensable, même en ayant le
mot "syndicat" dans notre nom d'incorporation lequel fait sursauter bien des
gens... il n'en demeure pas moins que c'est un syndicat de cadres et que
l'histoire du droit de grève est absolument exclue de notre
pensée. C'est pour cela que je dis souvent "négociations" entre
guillemets. Maintenant, il faudrait qu'il y ait quand même une
façon de pouvoir "négocier" avec un appareil aussi grand, aussi
fort, que le Conseil du trésor, davantage avec toutes ses
responsabilités qui vont tantôt, si le projet de loi est
accepté par l'Assemblée nationale, être sa
responsabilité directe. Il en a beaucoup. Je vous fais grâce de
l'énumération, vous les connaissez déjà toutes.
C'est pour cela qu'on revient encore avec le régime particulier
de relations du travail. On pourra alors être une certaine force pour
pouvoir discuter, échanger, obtenir et recommander, et je passe tous les
termes que vous connaissez déjà, pour bien représenter
tous nos membres, qui sont tous des cadres à tous les niveaux.
Il y a aussi - j'y vais de mémoire, mais j'essaie de suivre le
texte aussi - la création de cet Office des ressources humaines qui
suscite beaucoup de questions chez nous. Nous avons souligné
particulièrement un article qui est le développement de la
carrière du personnel d'encadrement. Dans une des responsabilités
de cet Office des ressources humaines, nous retrouvons la planification et le
développement de la carrière du personnel d'encadrement.
L'avant-projet de loi définissant que nous ferons partie et que nous
faisons partie du personnel d'encadrement, il est évident que nous nous
sommes beaucoup interrogés.
L'Office des ressources humaines a pour fonction, entre autres choses,
de collaborer avec les ministères et organismes, conformément aux
politiques établies par le Conseil du trésor, à
l'établissement d'un système que je décrivais tout
à l'heure.
Nos interrogations sont surtout face aux besoins et attentes des
individus que nous représentons, le personnel cadre. Au niveau de cet
Office des ressources humaines, quelles seront les possibilités à
une organisation comme la nôtre d'être consultée, de pouvoir
faire des recommandations et réussir tout au moins à aider
à contribuer à orienter l'office en question dans la mesure des
besoins et des attentes de nos gens? C'est une interrogation que nous
qualifions de prioritaire chez nous.
Maintenant, il y a l'avènement - et j'ai passé par-dessus
- des politiques générales. Le Conseil du trésor
émet des politiques générales et de là il y aura
des pouvoirs de réglementation dévolus à différents
ministères ou organismes. C'est encore un peu la même
interrogation. Une politique générale est une orientation; bien
sûr que pour l'opérationnaliser cela prend de la
réglementation, c'est évident. Encore là, sans aucune
prétention notre organisation croit avoir atteint à ce niveau et
à tous les autres niveaux - je pense qu'on l'a démontré et
je vous citerai un exemple dans quelques secondes - depuis le temps une
maturité que je qualifie de cadre qui nous permet de requérir
à certaines occasions d'écouter nos recommandations, nos
revendications. Nous pouvons, sans avoir la prétention d'orienter le
Conseil du trésor, tout au moins lui donner de bonnes idées parce
que nous sommes persuadés d'en avoir. C'est une autre inquiétude,
à quel niveau pourra-t-on faire des recommandations, à ces
instances qui deviendront davantage, par l'avant-projet, responsables de
beaucoup de choses?
Je crois ici être en mesure de vous donner l'exemple dont je vous
parlais tout à l'heure de la maturité. Nous avons un
arrêté en conseil - tel qu'il est décrit dans la lettre de
présentation à la commission - qui nous reconnaît au niveau
de la consultation en matière de relations du travail. Je pense que les
gens de la fonction publique sont même en mesure d'appuyer ce que je vais
vous dire. Il y a actuellement une intégration qui se prépare du
personnel de maîtrise et de direction, tous les cadres
intermédiaires. Le ministère de la Fonction publique a
respecté, évidemment, l'arrêté en conseil qui permet
ou qui oblige même la consultation.
Ils ont été un peu plus loin. Cela a été,
à toutes fins utiles, quasi de la concertation. Ce qui veut dire que le
syndicat des cadres autant que la liasse d'une quarantaine de ministères
et d'organismes se sont impliqués très directement - plus
particulièrement mes deux confrères ici MM. Réjean Doyon
et Jean-Marie Blais - dans ce comité, ont fait des recommandations et
des études très sérieuses proposées en même
temps que les ministères. L'expérience s'est avérée
comme étant - je pense et j'ose dire - un succès. À ce
titre-là, c'est l'exemple type; il y en a bien d'autres de moins grande
envergure, mais je pense que c'est l'exemple type qui peut démontrer
facilement au ministère de la Fonction publique et aux éventuels
organismes qui auront la charge des responsabilités, notre
maturité quant à être consultés et quant à
nos recommandations allant même jusqu'à un régime
particulier de relations du travail.
Je termine par ces explications et ces quelques commentaires que j'ai
ajoutés à la première partie du document que nous vous
avons soumis. Je ne sais pas si vous désirez que je continue et qu'on y
revienne de façon globale...
Le Président (M. Champagne): Je pense qu'il faudrait
présenter votre mémoire en entier et ensuite on aura une
période de commentaires et de questions. (15 h 30)
M. Dorval: Cela me va. Au niveau de l'analyse plus
détaillée, analyse critique de certains articles - j'appuie sur
les mots "certains articles" puisque je voudrais vous redire que cela
n'implique pas que les autres articles ont été
négligeables pour nous - je pense que vous présenter un
mémoire de 150 pages n'aurait pas été
approprié.
Premièrement, l'article 8 qui, d'une façon
particulière - vous le voyez au niveau des commentaires - a
attiré notre attention quant au phénomène et je cite: "...
ainsi que celles - on parle des attributions d'emploi -qui peuvent lui
être conférées par la personne habilitée..." C'est
dans la loi. Depuis quelque temps, nos représentations ont
été faites à différents paliers à ce
titre.
Depuis deux ans ou même un peu plus, les restrictions
budgétaires, les coupures d'effectif, la réorganisation
administrative ont fait qu'une certaine quantité de notre personnel
cadre que nous représentons s'est vu placé en situation non
conforme à leur classification. Je vous assure - je fais toujours la
blague - ce n'est généralement pas à la hausse mais je
dirais plutôt à la baisse. Si l'avant-projet de loi, le projet de
loi ou la loi permettait à n'importe qui dans un ministère
habilité bien sûr, mais à une instance habilitée de
conférer à un individu-cadre que nous représentons
d'autres attributions, de l'expérience du vécu, nos
interrogations sont plus que sérieuses.
C'est évident que nous recommandons, face à cet article,
que soient rayés - c'est défini dans notre recommandation - les
termes que je vous définissais tout à l'heure,
particulièrement à cause des représentations que nous
faisons. Au surplus, nous croyons que c'est un risque de ne pas utiliser de
façon optimale les ressources-cadres que le gouvernement du
Québec possède actuellement. Nous disions tout à l'heure
que l'Office des ressources humaines aura la responsabilité de planifier
et de surveiller le plan de carrière de l'individu-cadre. Cela nous
préoccupe beaucoup de voir que le problème actuel pourrait
s'aggraver.
À l'article 10 de l'avant-projet de loi -vous allez dire qu'on
s'en préoccupe beaucoup, mais effectivement c'est le cas -nous avons
cité dans chacun des cas le texte de loi et, sous réserve des
lois relatives à l'accès à l'information, tout
fonctionnaire est tenu à la discrétion sur quoi que ce soit.
L'expression "sur quoi que ce soit" nous a préoccupés grandement.
L'expérience du vécu, particulièrement depuis les quatre
ou cinq dernières années, nous démontre que dans certains
ministères ou organismes - je ne veux pas avoir l'air d'exagérer,
je ne veux pas dire qu'ils font de la démagogie -des gestionnaires...
Nous avons un exemple très pratique, je ne le citerai pas
nécessairement en le précisant puisque je ne veux pas citer des
individus particulièrement. Tel que nous le citons dans le texte, 25 ou
30 années de loyaux services, dont peut-être une dizaine à
titre de cadres dans la fonction publique, ont été
balayées du revers de la main pour ce que nous considérons
évidemment comme étant une banalité incluse à
l'intérieur de l'expression "sur quoi que ce soit". Je pense que le
gouvernement du Québec, l'organisme concerné ou le
ministère concerné s'est privé par le fait même d'un
potentiel-cadre très sérieux.
Il y a même eu des commissaires ou une commissaire de la
Commission de la fonction publique qui a eu les deux mains liées
carrément devant un cas banal, devant un cas extrêmement
sympathique. C'était Mme Langlois à l'époque; je dis
à l'époque, mais il n'y a même pas une année. Elle a
eu les deux mains nettement liées et a dit: Je suis, à toutes
fins utiles, obligée de m'en tenir à telle et telle choses.
Nous recommandons que l'expression "sur quoi que ce soit" soit
enlevée de ce libellé. Je vous fais grâce des quelques
exemples du "quoi que ce soit" qu'on pourrait donner; cela aurait l'air
peut-être trop banal. Mais on pourrait donner beaucoup d'exemples qui
feraient en sorte que l'expression "sur quoi que ce soit" deviendrait
exagérée ou pourrait être utilisée de façon
exagérée, sous prétexte de donner un exemple. Avant de
tourner la page sur cela, je vous dirais que,
dans des cas où il s'agit d'une peine capitale, il est
évident que c'est encore beaucoup plus sérieux. Il ne s'agit pas
ici d'une suspension de deux ou trois jours, ou d'une semaine, où une
personne peut quand même continuer une carrière, mais il s'agit de
la peine capitale.
A l'article 29, on parle d'un délai pour loger un appel en
matière de rétrogradation, de congédiement, d'une sanction
disciplinaire ou d'un relevé provisoire de fonction. On dit, dans
l'avant-projet, que c'est 21 jours; on propose 21 jours. On sait
qu'actuellement le délai est de 30 jours. On a, encore une fois,
l'expérience du vécu et vous serez en mesure de le constater par
les appels logés à la Commission de la fonction publique.
Même s'il n'y en a pas une liasse, il y en a quand même
quelques-uns. Comme c'est toujours pour des points très importants: le
congédiement, c'est la peine capitale; après la
rétrogradation, la carrière est grandement entravée; la
sanction disciplinaire, c'est une tache très forte à un dossier -
on peut présumer que le plan de carrière est grandement
entravé par cela - et le relevé provisoire des fonctions n'est
pas moins sérieux, puisque, en général, après un
relevé provisoire des fonctions, d'après l'expérience
qu'on en a, suit le congédiement, on allait vous demander un
délai de 50 jours et vous nous le baissez à 21.
Selon les quelques commentaires que nous ajoutons à la suite du
texte, nous croyons que le délai demandé de 30 jours est
grandement justifié. Je vais vous citer un exemple très pratique,
excluant le congédiement, concernant les trois autres points pour
lesquels une personne pourrait être congédiée. Vous savez
qu'étant donné que nous représentons le personnel cadre,
ce n'est pas du tout la même philosophie qui s'applique à un
personnel supervisé. Supposons une rétrogadation, une sanction
disciplinaire ou un relevé provisoire. Nous voyons souvent un agent de
maîtrise, un contremaître, ou autre, avoir une suspension de trois
jours pour un acte commis. En supposant qu'il accepte, il se retourne et
consulte son organisation qui est la nôtre, il consulte un avocat, il
consulte bien des gens. Cela prend du temps. Et le délai actuel de 30
jours commence à être amputé. La question qu'il nous pose
à nous, au Syndicat des cadres, c'est la suivante, et elle est
fondamentale. Il nous dit: J'ai des craintes à loger un appel parce que
je suis maintenant partie intégrante du personnel cadre, je suis un
représentant de l'employeur, ce qu'on appelle de l'autre
côté de la clôture - ce n'est pas une barrière, c'est
juste une petite clôture, mais quand même - et, est-ce que,
implicitement, mes supérieurs, qui sont des cadres supérieurs,
dans la majorité des cas, verront cela d'un bon oeil? Je vais devoir
souvent les traîner devant la commission; ils seront cités
à témoigner, etc. Cela devient une situation très
embarrassante. Donc, l'individu doit vraiment y penser concrètement et
s'interroger avant de poser le geste, parce que c'est un cadre. Et tout cela ne
se fait pas dans 24 ou dans 48 heures. Il faut vraiment que l'individu y
réfléchisse dans certains cas. Il y a des cas où cela va
très bien. Évidemment, j'ai exclu tout à l'heure le
congédiement, parce que, l'individu étant directement - disons-le
comme c'est - dans la rue, il n'a plus peur de déplaire à
personne; lui, il va y aller directement, il ne se pose pas de questions. Mais
les autres s'interrogent énormément sur cela. Consulter des
avocats - je vais vous faire rire - cela a toujours été
très long. Et, au surplus, il y a toujours ces impondérables qui
sont hors du contrôle de l'individu. J'ai même fait sourire le
nôtre. Ce sont toujours des impondérables qui nous arrivent,
à un moment donné, et on a encore des cas pratiques qui ne datent
même pas d'une année et pour lesquels, pour une seule
journée, l'individu n'a pu être entendu devant la Commission de la
fonction publique pour un congédiement ou pour toute autre sanction
disciplinaire.
Le délai de 30 jours nous apparaît à tout le moins
essentiel ici et c'est à ce titre que nous vous recommandons de le
laisser à 30 jours. Encore une fois, je reviens toujours sur la
traditionnelle peine capitale où, même dans les trois autres cas
qui ne sont pas nécessairement la peine capitale pour un cadre,
j'oserais dire que c'est à peu près l'équivalent.
J'oubliais de souligner ici - je me fais un plaisir de le dire
particulièrement devant Mme la ministre - que les gens que nous
représentons sont aux quatre coins de la province. Quand on parle des
quatre coins de la province, c'est loin. Quand le Syndicat des cadres part en
tournée pour rencontrer nos gens, on va jusqu'aux
Îles-de-la-Madeleine, puisque nous en avons une bonne douzaine
là-bas. Sans que ce soit une région comme telle, la région
de la Gaspésie regroupe le personnel cadre des
Îles-de-la-Madeleine. Vous voyez l'individu, là-bas, qui est pris
dans une tempête de neige, l'avion ne peut pas décoller, le
courrier ne peut pas partir; vous en savez quelque chose. On a
déjà été pris là, pris à ne pas y
aller ou pris à ne pas pouvoir revenir. Alors, il y a tous ces
impondérables extérieurs. On a même pensé à
ceux qui sont tout près de chez vous. On en a sur la Côte-Nord. On
en a en Abitibi-Témiscamingue. On en a partout.
On continue. Je ne veux pas trop vous attendrir; je vais passer
immédiatement à autre chose. On va passer à l'article 37 -
je pense que vous le voyez par notre commentaire - où nous retrouvons -
on en a parlé tout à l'heure - une plus forte
délégation de pouvoirs aux sous-ministres et
dirigeants d'organismes. Dans différents documents de Mme la
ministre, entre autres, j'ai lu votre mémoire présenté au
Conseil des ministres, et également dans l'avant-projet de loi, dans le
rapport de la commission spéciale d'étude et dans bien d'autres
documents, nous retrouvons beaucoup d'insistance sur la
délégation de pouvoirs et la subdélégation de
pouvoirs, ce qui nous apparaît comme étant un outil nettement
indispensable en ayant toujours à l'idée qu'il y aura un
système d'imputabilité. On s'interroge beaucoup - j'espère
qu'on aura quelques orientations tout à l'heure - sur certaines
méthodes, sur certaines pensées ou orientations pour inciter
davantage, voire même obliger, c'est un grand mot, mais pour avoir une
forte incitation quant à cette délégation de pouvoirs pour
que le personnel cadre supérieur ou intermédiaire - parce que
c'est nous quand on parle du personnel d'encadrement - ait les
éléments nécessaires pour vraiment être imputable si
le système d'imputabilité atteint les idées du
départ.
C'est évident que c'est une préoccupation qu'on
espère dissiper avec les commentaires que vous aurez peut-être
pour nous tout à l'heure, mais elle est très grande. On se base
toujours sur le vécu, sur les expériences passées. Vous
savez - on en a encore parlé récemment - que nous sommes
actuellement, suivant un principe d'évaluation au rendement, basé
sur des attentes signifiées. Sans trop revenir en détail sur ce
principe que vous connaissez sûrement déjà, il n'en demeure
pas moins que nous nous interrogeons encore une fois sur l'utilisation,
l'uniformité de l'utilisation de ce principe qui est peut-être un
phénomène, à plus petite échelle, susceptible
d'être imputable de ce qui nous a été dicté au
début de l'année et de la façon dont les gens, tout au
long de l'année, sont revus ou de la façon dont on tient compte
des impondérables durant cette année qui s'écoule, que ce
soit imputable au sens qu'on veut lui donner ou qu'on soit responsable des
attentes signifiées qui nous ont été remises en
début d'année, comme cela a été le cas pour les
différents cadres intermédiaires, ii n'y a pas tellement
longtemps. On a donné à tous des attentes. Ils doivent arriver
à les concrétiser, mais entre le mois de juin dernier et le mois
de juin 1984, qu'est-ce que nos patrons à nous vont faire pour nous
donner les moyens et, s'il y a perte de moyens ou d'outils en cours
d'année, est-ce qu'il y aura une façon de tenir compte d'une
modification à la baisse, d'une perte de moyens, que ce soit en termes
matériels, en termes humains, en termes d'argent ou autres? Ce sont
toujours les trois contraintes qui nous suivent tout au long de l'année,
face aux attentes signifiées ou à un éventuel
système d'imputabilité.
À l'article 124, je pense que vous voyez que nous avons, dans la
citation de l'article, inscrit en grandes lettres "en ajouter de nouvelles".
Nous nous interrogeons, c'est sûr, sur un libellé et sur le fait
qu'un règlement puisse, ou ce qu'on voudra, avoir peut-être plus
de poids que la loi. Je pense que notre guide premier doit être la loi.
Est-ce qu'un règlement pourrait faire en sorte qu'on y ajoute des choses
telles que ce soit plus fort que ce qui est déjà inscrit dans la
loi? À ce titre, il est évident que nous recommandons que ces
mots soient enlevés pour la plus grande dissipation d'interrogations
possibles dans un libellé de la sorte. On aura peut-être
l'occasion d'y revenir un peu plus en détail. Maintenant, il s'agit,
encore une fois ici, de préciser des normes d'éthique et de
discipline prévues dans la loi. On connaît les sanctions qui
découlent pour quelqu'un qui pourrait ou qui semblerait avoir contrevenu
à un code ou à des normes d'éthique et de discipline.
C'est à ce titre que nous sommes inquiets de voir qu'un organisme
pourrait, avec le poids qu'on lui connaîtrait, recommander d'ajouter de
nouvelles normes d'éthique et de discipline à la loi votée
par l'Assemblée nationale.
Nous vous proposons un article à être libellé
à la toute fin de cet avant-projet de loi. Toujours basé sur
l'expérience du vécu, également, partant du fait qu'aucun
citoyen ne doit être privé d'être entendu à
l'occasion de toute sanction devant une instance habilitée à
l'entendre dans les matières qui sont déjà prévues
dans la loi ou même en dehors, nous vous recommandons ici qu'un
commissaire puisse proroger un délai de la présente loi ou
relever un fonctionnaire de son défaut de l'avoir respecté.
Encore une fois, je reviens un peu sur le fait que tout à l'heure
on parlait d'un délai de 30 jours, qui serait réduit à 21
jours, pour interjeter un appel. Quand on regarde dans quelle mesure l'individu
se voit placé pour interjeter un appel, il s'agit de sanctions
disciplinaires, de congédiements ou autres, c'est
énormément sérieux... Je ne veux pas dire que les
instances que nous supervisons sont de moins grande importance que nous, mais
quand il s'agit d'un plan de carrière, rendu au statut de cadre, je
pense que cela atteint une importance primordiale. Voir que quelqu'un qui
dépasserait le délai de 21 jours prévu dans
l'avant-projet, ou de 30 jours, tel que nous recommandons que cela demeure, ne
puisse pas... Nous avons encore une jurisprudence d'il y a à peine trois
mois devant la commission de la fonction publique qui nous démontre que,
dans une circonstance vraiment particulière, extraordinaire, ou
appelez-la comme vous voudrez, mais elle est vraiment abracadabrante, le
commissaire concerné, Me Harold Hutchison en l'occurrence, s'est vu
carrément, encore une fois, les deux poings liés par la loi et
dire:
II n'est pas de ma juridiction; c'est un délai de rigueur, nous
le gardons de rigueur et je n'ai pas juridiction pour dire, même si la
raison est éminemment importante, sérieuse, même si le cas
est extrêmement sympathique - on pourrait en mettre encore, mais je vais
arrêter - je ne peux pas aller plus loin que les 30 jours et c'est
tout.
Au surplus, je reviens encore et je vais tenter de vous attendrir, Mme
la ministre, je vous dirai qu'il y a un seul endroit à Québec
pour tous les gens dans les quatre coins de la province pour loger un appel...
Il n'y a pas d'endroits pour loger un appel, aux quatre coins de la province,
où un individu pourrait avoir la possibilité de se renseigner
plus vite sur certaines façons... On a beau dire que nul n'est
censé ignorer la loi, nul n'est censé ignorer la
réglementation, nul n'est censé ignorer, à toutes fins
utiles, rien, on ignore souvent quand même.
C'est dommage que d'ignorer une procédure fasse qu'il y ait perte
de quelques jours de délai avant de la bien connaître. Nos membres
ont beau être des cadres et lire bien, comprendre bien et vite, il n'en
demeure pas moins que ce ne sont pas des procédures dont on se sert
souvent dans notre vie ou dans notre carrière.
C'est le genre de procédure sur lequel on s'interroge très
souvent presque devant le fait accompli. Partant de là, il serait
grandement louable que les commissaires aient cette possibilité
d'entendre une requête qui permettrait à ladite instance et
à la personne habilitée de l'instance, de dire: D'accord, je vais
fixer un nouveau délai, en rendant son jugement. Je pense que c'est une
procédure déjà prévue au Code de procédure
civile. On cite ici l'article 484 dudit code qui permet certaines choses.
Je pense qu'avec les questions que vous nous poserez on pourra davantage
mettre encore un peu de chair autour de l'os, discuter davantage. J'ai
sûrement dépassé les 20 minutes, je me suis enflammé
un peu.
Le Président (M. Champagne): Vous avez parlé
pendant 45 minutes. Vous ne saviez pas que vous aviez le verbe facile.
M. Dorval: Voilà! Je cesse en partie.
Le Président (M. Champagne): D'accord. Vous aurez aussi la
chance, par les commentaires ou les questions des personnes autour de la table,
de continuer à expliciter votre pensée.
Mme la ministre, vous avez des commentaires et des questions?
Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais d'abord remercier le Syndicat des
cadres d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Soit que
personne ne voulait casser la glace ou que les gens avaient un emploi du temps
plutôt chargé, il a été difficile de fixer, pour le
leader de l'Opposition, la journée de comparution. Le Syndicat des
cadres aurait préféré comparaître plus tard dans la
semaine; donc on apprécie d'autant plus qu'il ait fait cet effort de
venir nous faire ses représentations aujourd'hui.
Vous me permettrez aussi de vous souligner que je ne suis pas
très, très fâchée quand des gens se font prendre aux
Îles dans une tempête ou dans de la brume. Cela permet justement
à ces gens-là de se senbiliser aux problèmes
d'éloignement et de communications. D'autre part, dans votre cas, je
suis convaincue que cela vous a permis, peut-être à plusieurs
reprises, contrairement à d'autres gestionnaires dans la fonction
publique qui malheureusement ne se font pas prendre assez souvent en
région, de vous sensibiliser aux problèmes que les gestionnaires
peuvent vivre par rapport à l'éloignement de la grosse machine en
région.
M. Dorval: J'ai eu l'occasion de l'oublier avec du bon homard, en
passant.
Mme LeBlanc-Bantey: Ah! Vous êtes allé au mois de
mai. C'est une coutume discutable.
Mme Bacon: II ferait peut-être mieux d'aller plus loin.
Mme LeBlanc-Bantey: Cela dit, on est heureux que les gens
apprécient notre homard. Mais on aime cela aussi lorsqu'ils viennent
à d'autres saisons de l'année.
J'ai cru déceler dans votre attitude ou dans vos commentaires
beaucoup d'inquiétudes finalement sur le rôle que pourrait jouer
le Conseil du trésor ou le nouvel office qui ne sera pas tout à
fait nouveau parce qu'on y retrouvera les gens de l'Office de la
sélection et du recrutement et des gens de la fonction publique, mais
seulement dans son nom, puisqu'il s'appellera l'Office des ressources humaines.
Quant à l'attitude que ces organismes pourraient avoir avec un syndicat
comme le vôtre qui prône la concertation et, en même temps,
une consultation, par ces organismes, auprès de vous, vous semblez - en
tout cas, je l'ai pris comme un compliment - laisser entendre qu'à la
fonction publique, cela allait bien... Dans le fond, vous désireriez
retrouver ce type de concertation dont vous avez fait l'expérience. Je
crois que les inquiétudes que vous manifestez ne sont pas
justifiées. Parce que vous retrouverez de toute façon, que ce
soit au Conseil du trésor ou à l'Office des ressources humaines,
les vis-à-vis que vous aviez chez nous. Je crois que la concertation, la
collaboration et la consultation, c'est très souvent une question
d'attitude des intervenants, peu importe de quel côté de la table
ils se trouvent, que ce
soit du côté des fonctionnaires ou du côté des
syndicats. Bien plus, en fait, que les déclarations officielles que font
les chefs syndicaux et les responsables gouvernementaux. Je crois que,
là-dessus, les fonctionnaires ont un rôle très important
à jouer. Si déjà, vous avez l'impression qu'il s'est
établi un processus de concertation et de consultation, je ne vois pas
pourquoi vous ne le retrouveriez pas avec les mêmes personnes, peu
importent les organismes où ils sont.
Vous nous avez aussi laissé entendre qu'il y a des choses que
vous aimeriez retrouver dans la loi, comme la reconnaissance officielle du
Syndicat des cadres du gouvernement du Québec et d'autres aspects qui
vous permettraient de vous sentir plus protégés face à
l'avant-projet de loi. Il faudrait d'abord souligner que la seule
reconnaissance officielle qu'il y a dans l'avant-projet de loi face à un
syndicat est celle du Syndicat des fonctionnaires. C'est une raison historique;
on l'a maintenu en raison de droits acquis, des droits historiques, mais c'est
la seule reconnaissance officielle que vous verrez dans la loi.
D'autre part, il ne faudrait pas non plus que l'avant-projet de loi de
la fonction publique devienne une sorte de convention collective pour les
cadres et une deuxième convention collective pour les syndiqués.
Je crois que vous avez chacun vos mécanismes de négociation en
place et que c'est finalement à cette table que doivent s'acheminer vos
revendications. Bien sûr, on tiendra compte des remarques que vous avez
faites, mais il faudrait, à mon avis, éviter de faire que
l'avant-projet de loi, qui est une loi sur la gestion de la fonction publique,
devienne des conventions collectives.
Du côté de l'imputabilité, j'ai comme l'impression
que vous êtes d'accord avec le principe, même si, encore là,
vous manifestez certaines inquiétudes démontrant que, finalement,
on va donner beaucoup de pouvoirs aux organismes, aux chefs d'organismes et aux
sous-ministres, mais que la délégation n'est pas obligatoire.
L'approche que nous avons prise jusqu'à maintenant est la suivante: si
on veut implanter un véritable système d'imputabilité dans
la fonction publique, il nous apparaît que cette responsabilisation et
cette imputabilité doivent commencer par les sous-chefs eux-mêmes,
par les dirigeants avant toute chose. Il serait peut-être dangereux
d'obliger une délégation dans une fonction publique qui n'est pas
habituée finalement à ce type de gestion, je l'ai dit ce matin,
je pense qu'on peut le répéter. Il faut s'habituer à
l'idée qu'il faudra un certain temps pour en arriver à une
fonction publique responsabilisée et à qui on pourra demander de
rendre des comptes sur les gestes que les fonctionnaires posent,
c'est-à-dire qu'importe la situation hiérarchique. Nous ne
pensions pas préférable d'obliger une délégation
parce que cela implique aussi toute la séquence de la
délégation et de se faire dire par des sous-ministres six mois ou
un an plus tard: Je savais que tel ou tel gestionnaire n'était pas apte
à prendre une responsabilité pareille, mais la loi m'obligeait
à faire la délégation, donc je l'ai faite. On ne voudrait
pas que la loi, finalement, prenne la responsabilité que le
sous-ministre doit prendre. Le sous-ministre est là pour gérer
les ressources de son ministère, il doit en conséquence les
assumer et décider si effectivement il y a lieu de
déléguer et si la personne à qui il délègue
est capable d'assumer ses responsabilités, si le temps est venu de lui
confier ces responsabilités. C'est la raison pour laquelle on a pris une
approche plus souple comme délégation. (16 heures)
Par ailleurs, si on devait prendre une approche plus rigoureuse selon
les suggestions que vous nous faites, j'aimerais avoir plus d'éclairage
sur la façon dont vous le voyez. Par exemple, comment
prévoyez-vous la délégation non seulement du sous-ministre
aux cadres supérieurs mais aussi des cadres supérieurs à
vous, les cadres intermédiaires.
Dans un deuxième volet, est-ce que vous pensez qu'il faudrait
prévoir aussi la délégation des cadres
intermédiaires vis-à-vis des autres groupes de la fonction
publique ou des cadres supérieurs, qu'importe, que ce soient les
professionnels et les fonctionnaires. Dans mon esprit, la responsabilisation
doit se faire de haut en bas de la structure. Je pense que ce matin le
député de Sainte-Marie parlait d'un an, deux ans, quelques
années. Il admettait lui-même que ce n'est pas un processus qui
peut se mettre en branle du jour au lendemain. Dans ce sens-là, si vous
avez réfléchi à une délégation obligatoire,
j'aimerais savoir de quelle façon elle pourrait s'articuler.
Je vais reprendre très brièvement sur la
discrétion. On a eu une très longue discussion ici ce matin sur
la discrétion sur quoi que ce soit qu'on demanderait aux fonctionnaires.
Je pense qu'il y a quand même un assouplissement. En fait, on retrouve
dans la loi les normes qui existaient déjà dans un
règlement sur le code d'éthique. C'était un
règlement et on a décidé de le mettre dans la loi pour
plus de transparence. Il reste qu'il me semble qu'on a assoupli une mesure qui
nous permet maintenant de ne pas justement appliquer - pour reprendre votre
expression - la "peine capitale", entre guillemets, dans un cas de manquement
de discrétion, mais plutôt de juger selon la gravité de la
faute. Cela m'apparaît quand même un assouplissement dont il
faudrait tenir compte. Pour le moment, je me
limiterai à ces commentaires quitte à revenir par la suite
si vous me le permettez. Je voudrais vraiment que vous précisiez - je
pense que vous avez dû réfléchir - sur tout le principe de
la délégation, le mécanisme surtout.
M. Dorval: Je vais être plus court que tantôt car je
vais me faire rappeler à l'ordre. J'ai pris quelques notes rapidement.
Je reviens un petit peu au Conseil du trésor qui a suscité des
inquiétudes chez nous en voyant beaucoup de responsabilités qui
lui sont dévolues concernant la maturité que nous aurions ou que
nous avons, je crois, démontré avec la fonction publique. C'est
un fait que l'expérience a été très belle.
Maintenant, nous allons aller jusqu'à utiliser un peu beaucoup
l'expression "garantie". Quelles seraient les garanties que le Conseil du
trésor - avec toutes ces responsabilités - nous offrirait dans un
esprit de continuité de l'expérience vécue chez vous
à la fonction publique? La question est peut-être un peu cela.
Est-ce qu'il acceptera d'aller jusqu'à tenter ces expériences ou
si ce sera la consultation au sens strict du terme? Je ne dirai pas que c'est
devenu un droit acquis, la concertation, à la fonction publique. Elle
faisait son chemin et au fur et à mesure il y avait concertation
à toutes fins utiles dans des dossiers de plus en plus importants.
Est-ce que nous devrons, au Conseil du trésor, recommencer, à
toutes fins utiles, au bas de l'échelle même si devant nous il y
à peu près les mêmes employés qui étaient
à l'époque à la direction du personnel de maîtrise
avec qui on travaille - pour autant que je suis concerné - depuis
près de quatre ans?
Nous nous retrouverions devant une autre instance. Est-ce qu'il n'y a
pas un retour en arrière où il faudra recommencer à
redémontrer ou si notre réputation sera déjà devant
nous? Donc, on n'a pas ces garanties, on ne les sent pas et elles nous
inquiètent. Je ne vais pas plus loin que cela. Ces garanties nous
inquiètent.
Pour ce qui est de la syndicalisation des cadres, je comprends
très bien que la Loi sur la fonction publique ne doive pas devenir un
volume de un à dix tomes de toutes les conventions collectives ou de
toutes les ententes collectives pour le personnel cadre. Un régime
particulier, formel et entier de relations du travail est une chose que nous
débattons depuis... Je me rappelle le colloque à
l'Université Laval des 17 et 18 octobre 1980, la conférence des
cadres qui regroupe toutes les associations de cadres comme la nôtre. Il
est sûr qu'à la plus haute instance de notre organisation, les
gens réclament ce régime particulier; celui-ci s'inscrit dans les
préoccupations de tout à l'heure sur lesquelles je ne reviens
pas, tout en reconnaissant qu'il y a peut-être - ce n'est pas
nécessairement dans la Loi sur la fonction publique - un autre moyen que
les instances habilitées pourraient soumettre selon lequel il serait
reconnu officiellement autrement que de la façon dont il l'est
actuellement, ayant fait preuve de, et de, et de, et ayant atteint la
maturité dont je vous parle depuis tout à l'heure.
Maintenant, quant à l'imputabilité, vous y êtes
revenu en disant... On commence par les instances au niveau des sous-ministres,
cela devrait aller... L'article 4 du projet le dit un petit peu en d'autres
termes. Il dit que tout le monde doit être responsable de A à Z ou
de Z à A, je ne veux discriminer personne. J'ai lu et relu dans
différents mémoires présentés - le mémoire
des sous-ministres, celui de la commission Bisaillon à l'époque
et tous les autres - qu'on parle toujours de l'implantation graduelle. Il est
sûr que nous ne voyons pas ce système d'imputabilité
s'installer de but en blanc, du jour au lendemain dans la fonction publique. Je
ne sais pas, moi, me voilà en avril prochain rendu imputable et tous mes
confrères cadres à tous les niveaux! L'imputation graduelle, j'y
crois. J'ai vu aussi dans la liasse de documentation qu'on a pu lire sur la
fonction publique qu'on recommandait que cela commence par les sous-ministres,
les hauts dirigeants de l'organisme ou du ministère et qu'ensuite on
aille dans tous les différents niveaux de cadres; que cela aille
même au personnel supervisé en relation directe avec un service
aux citoyens, un personnel supervisé qui réponde directement
à un comptoir où le public entre pour avoir des services afin
qu'on puisse, lui aussi, le rendre imputable dans une certaine forme.
Les formules sont diverses. Si vous me demandez de vous donner la mienne
je vais vous dire que des formules stéréotypées d'avance,
il serait possible, même si je n'en ai pas une purement et simplement
ici, d'en penser dans les normes et les façons de penser dont on a
discuté. Sur papier cela va toujours très bien, mais quand on
arrive dans l'implantation de ce système c'est là que
généralement il y a un manque, premièrement,
d'uniformité. On déplore peut-être un certain manque de
contrôle quant à l'uniformisation d'une pratique. Pour cela on se
base sur le vécu des attentes signifiées qui ressemblent un petit
peu - on en a déjà parlé il n'y a pas tellement longtemps
- au phénomène d'imputabilité. On pourrait peut-être
dire: On est presque imputable des attentes signifiées qui nous sont
données l'année précédente. Déjà,
là, on s'aperçoit que l'uniformisation de ce système est
très difficile; la compréhension de ministère en
ministère et surtout de région en région à
l'intérieur du même ministère est différente.
Maintenant, si je reviens sur l'autre élément que vous
avez soulevé plus
particulièrement, le "quoi que ce soit", je ne suis pas sûr
d'être convaincu que les risques d'utilisation... Étant
donné qu'il s'agit d'une peine capitale, qu'il n'y aurait pas un
libellé différent, un peu plus précis qui ferait en sorte
qu'il y aurait - je vais vous le dire aussi allègrement que je le pense
- un risque de charriage avec une expression aussi large. Voilà, pour le
moment, ce que j'avais à ajouter aux quelques commentaires.
Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Comme vous le dites, entre guillemets, la
"peine capitale" n'est pas prévue dans le cadre de cet article; au
contraire, on prévoit d'être capable de juger en fonction de la
gravité. À moins que je ne me trompe sur le sens de la loi, c'est
bien ce que nous avions prévu. C'est l'article 16, qui est un article
général, qui juge de l'article en question sur la
discrétion, alors qu'un fonctionnaire qui contrevient est passible d'une
sanction pouvant aller jusqu'au congédiement selon la nature et la
gravité de la faute. Auparavant, on était obligé de le
congédier; maintenant, on peut choisir une mesure plus appropriée
aux circonstances sans nécessairement aller au congédiement.
M. Dorval: En terminant, je reviendrai très
brièvement sur le fait que l'expérience du vécu et la
jurisprudence nous démontrent qu'ils ont été jusqu'au
congédiement. C'est la situation.
Mme LeBlanc-Bantey: Mais la loi 50 obligeait d'aller au
congédiement, on n'avait pas le choix, il fallait aller au
congédiement. C'est la raison pour laquelle on a apporté un
amendement, d'une part, parce qu'il y a des sanctions qui ne se donnaient pas
compte tenu que des gestionnaires trouvaient que c'était exorbitant, le
congédiement. D'autres fois, on allait jusqu'au congédiement
alors qu'on n'aurait pas dû aller jusqu'au congédiement. C'est la
raison pour laquelle on a amendé, par l'avant-projet, pour permettre
plus de souplesse dans l'application des sanctions en jugeant justement selon
les cas d'espèce et avec le meilleur bon sens possible.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon (Louis-Hébert): Merci, M. le Président.
Très rapidement et le plus succinctement possible, je voudrais remercier
les membres du Syndicat des cadres pour leur mémoire. Ce que j'en
retiens, c'est qu'il y a un certain nombre de dispositions qui les laissent
profondément songeurs et je crois qu'ils ont raison d'être
songeurs vis-à-vis de certaines dispositions qui sont un peu floues
actuellement. Par exemple, on ne sait pas -cela me paraît vital, c'est
une pierre d'assise de la réforme et de tout le rapport Bisaillon - la
méthode qui sera appliquée pour mettre en place le principe de
l'imputabilité.
On ne connaît pas non plus - c'est une autre source
d'inquiétude - la nature ou même la philosophie
générale, l'économie générale des politiques
générales du Conseil du trésor, on ne sait pas à
quoi s'en tenir.
L'autre interrogation qui me paraît très bien
fondée, c'est que vous vous demandez si vous serez obligés de
réinventer de nouveaux canaux de communication avec un organisme qui
sera chargé dorénavant de faire ce que faisait le
ministère de la Fonction publique. Je pense que c'est là une
inquiétude qui est fort fondée et qui, jusqu'à maintenant,
ne peut pas, dans les circonstances actuelles, recevoir de réponse ou de
dénégation formelle, c'est une situation de fait. Vous aurez de
nouveaux interlocuteurs, vous aurez un nouvel organisme qui fonctionnera selon
une certaine philosophie. Comment s'établiront les contacts, les
relations avec cet organisme qui sera nanti de nouveaux pouvoirs? C'est
à voir.
Les interrogations que vous avez sur la façon dont se feront les
délégations et les sous-délégations restent aussi
ouvertes. Alors, devant tout cela - je termine là-dessus - je pense que
vous devez continuer à avoir les yeux grands ouverts, à profiter
des occasions qui vous seront offertes comme celle d'aujourd'hui et comme celle
qui nécessairement pourra se présenter à nouveau lors de
l'étude du projet de loi en commission parlementaire en temps et lieu,
pour voir ce qu'il advient de ces interrogations, de ces inquiétudes.
Nous, les parlementaires, les représentants de la population, devons, en
grande partie, dans des situations semblables, nous en remettre à vous
pour éclairer notre lanterne. Je pense que vous vous acquittez de votre
tâche en soulevant ces problèmes-là, en attirant notre
attention là-dessus et en demandant au gouvernement, puisque c'est sa
responsabilité, de régler à la satisfaction de votre
syndicat, à celle des fonctionnaires et à celle de la population,
les choses qui ne sont pas réglées ou qui ne sont pas claires
dans l'avant-projet de loi. Je pense que c'est normal qu'il y en ait un certain
nombre et c'est normal que ces choses-là soient vues par vous en premier
lieu. (16 h 15)
Je n'ai pas de question spécifique à vous poser. Je
reconnais avec vous que, en ce qui concerne tout ce qui relève de la
discrétion, tout ce qui relève de l'obligation de loyauté
des fonctionnaires, on nage un peu dans le flou là aussi. Il y a du pour
et du contre. On doit tenir compte des
obligations qu'ont les fonctionnaires de bien servir leur patron qui est
le gouvernement du Québec et, en même temps, l'obligation qu'ils
ont de répondre, de la meilleure façon possible, à
l'intérêt public entendu dans son sens le plus large. Il y a
sûrement d'autres points, tel que vous l'avez dit, qui ne sont pas
abordés dans votre mémoire, parce que vous n'avez pas voulu
prolonger trop longuement le débat. Il y aurait peut-être lieu d'y
revenir, que ce soit sur la possibilité pour un membre de la fonction
publique de se présenter comme candidat dans une élection
fédérale, scolaire ou municipale, ou sur des choses semblables
qui sont plus détaillées. Vous pourrez peut-être y revenir
à une autre occasion.
Je termine en vous disant que votre présentation a
été énormément appréciée et que, de
notre côté, pour ce qui est de ma formation politique, nous en
ferons sûrement notre profit.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. Dorval, je dois vous avouer que vous m'avez fort
peu ému quant au plaidoyer que vous avez fait sur la question des
délais, pour les raisons suivantes. Dans le fond, vous revendiquez la
possibilité pour les cadres de se syndiquer. Donc, vous mettez de
l'avant la notion de syndicalisme de cadre dans un autre moment. Et, je tiens
à vous souligner que la notion de délai vécue comme elle
est exprimée dans la loi s'applique déjà à
l'ensemble du mouvement syndical. Il faut bien, à un moment
donné, qu'on place un délai. On peut bien jouer sur la notion du
21 jours plutôt que 30 jours; cela est une chose. Mais, le fait qu'un
organisme syndical, qu'un membre d'un organisme syndical soit placé
devant une objection d'un juge qui dit que le délai est
dépassé, c'est fréquent en relations du travail. Alors,
si, en même temps, vous revendiquez le même fonctionnement que
celui qu'on connaît chez le personnel syndiqué, il me semble que
vous devez aussi prendre ce qui est désavantageux. On ne peut pas, en
même temps, avoir le même statut que les autres et les mêmes
mécanismes de défense et vouloir échapper aux
règles très strictes qui peuvent exister dans ce milieu. C'est le
commentaire que je voulais vous faire, parce que, à moins que je n'aie
pas du tout compris votre intervention, il m'a semblé que, non seulement
vous demandiez le maintien de 30 jours de délai, ce qui est
défendable et qui peut être discuté, mais qu'en plus, vous
nous avez souligné des cas - et je dois comprendre que les cas se sont
produits à des moments où le délai était
déjà de 30 jours - où, par exemple, par une
journée, on déclarait non recevable le cas qui était
présenté parce qu'il y avait prescription. Je veux seulement vous
souligner que c'est courant en relations du travail que des causes soient
perdues parce que la prescription joue. Alors, si elle joue pour le personnel
syndiqué, elle devrait jouer aussi dans le cas du personnel cadre et il
ne devrait pas y avoir, ni dans la loi, ni dans la pratique, de passe-droits,
même pour des cadres.
Un deuxième commentaire: Lorsque vous vous étiez
présentés devant la commission spéciale, vous aviez
formulé vos demandes à peu près de la même
façon que vous le faites maintenant quant à la reconnaissance du
Syndicat des cadres du gouvernement du Québec Inc. J'avais eu
l'impression qu'on s'était finalement entendu pour dire qu'il fallait
faire la distinction entre reconnaître dans une loi un organisme
déjà existant et reconnaître le principe du syndicalisme
pour les cadres. J'avais compris qu'on s'était entendus là-dessus
lors de la commission spéciale, ce qui était fort sympathique
d'ailleurs aux membres de la commission et qui faisait l'objet d'une de nos
recommandations. Autrement dit, nous, ce qu'on disait, c'est: nous pouvons,
nous, nous déclarer favorables au syndicalisme de cadre, mais une fois
que le principe sera reconnu, les mêmes règles qui s'appliquent
dans le monde syndical vont s'appliquer pour les cadres. C'est-à-dire
que l'organisme qui ira chercher la majorité plus un deviendra
l'organisme représentatif; il n'est pas nécessaire de le
mentionner dans une loi. Autrement dit, quand je parle d'un système de
relations du travail, je ne reconnais pas dans la loi le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec ou le Syndicat des professionnels
du gouvernement; ce n'est pas la Loi sur la fonction publique qui
reconnaît le syndicat, c'est le Code du travail qui fait que, parce qu'un
organisme a répondu aux prescriptions du Code du travail, il devient
l'organisme représentatif.
Votre demande est encore formulée, à savoir que la loi
reconnaisse le Syndicat des cadres du gouvernement du Québec, celui qui
a déjà été reconnu en 1978 par une entente de bonne
foi. Cela détruit un peu, je pense, l'insistance que vous pourriez
apporter au développement de la notion du syndicalisme de cadre.
J'aimerais également vous entendre sur cette question.
J'ai été étonné de voir que vous avez
souligné l'article 124 et, effectivement, je pense que c'est une chose
à laquelle il faudra prêter attention. Il y a des règles
d'éthique qui sont fixées dans la loi. Et ce qu'il y a dans la
loi se présente davantage, d'ailleurs, comme un code disciplinaire que
comme un code d'éthique. On précise, à l'article 124, que
le Conseil du trésor à lui tout seul pourrait en préciser
le fonctionnement, et non seulement préciser le fonctionnement de ce qui
est déjà là, mais
en plus faire de nouvelles règles. Si on a jugé important
d'en mettre un certain nombre dans la loi, qu'on ferme cela là et qu'on
ne laisse pas la possibilité à un organisme qui n'aurait pas
à se représenter devant le Parlement - parce que si c'est le
Conseil du trésor, cela ne repassera jamais devant le Parlement - d'en
édicter de nouvelles. C'est un point que vous avez souligné
auquel il faudra apporter beaucoup d'attention; d'autant plus que les membres
de la commission étaient plutôt favorables à une nouvelle
approche quant à l'établissement d'un code d'éthique. On
avait fait l'analyse que le code d'éthique qui existait
déjà n'avait jamais été mis en application par le
personnel d'encadrement ou qu'on y attachait, finalement, plus ou moins
d'importance, que des manquements graves au code d'éthique n'avaient
jamais été soulignés dans le passé plus qu'il ne
fallait. Ce qu'on suggérait, c'est que le code d'éthique soit une
entente entre les différentes parties, et qu'à partir du moment
où cela fait l'objet de l'entente, ce puisse être appliqué.
Ce n'est pas le choix - en tout cas, le premier choix - que le gouvernement a
fait puisqu'on nous met un certain nombre de règles d'éthique
dans la loi, de normes d'éthique et de discipline, et, ensuite, on dit:
Le Conseil du trésor en fera de nouvelles. Je pense que c'est un danger
que vous aviez raison de souligner.
Par ailleurs, de la même façon, j'ai été
surpris de voir que vous n'aviez pas souligné les dangers de l'article
54 qui dit que, dans le cas d'une promotion, le Conseil du trésor peut
déterminer les classes d'emploi où. un stage probatoire est
requis et fixer la durée d'un tel stage. Autrement dit, je comprends que
cela touche vous autres seulement ou des groupes de cadres puisque, dans les
articles qui précèdent, on a senti le besoin de déterminer
que le stage probatoire pour toute personne recrutée comme fonctionnaire
était de six mois. Je dois donc comprendre qu'avec l'article 54, si le
Conseil du trésor, dans le cas d'une promotion, peut déterminer,
en plus de cela, pour chacun des postes, le stage probatoire qui est requis et
en fixer la durée, c'est arbitraire. Je comprends que cela pourrait
changer d'une année à l'autre, de six mois en six mois ou d'un
concours à l'autre. Dans ce sens-là, je me demande comment il se
fait que vous n'ayez pas souligné cet aspect qui me semble tout aussi
important que ce que vous avez souligné à l'article 124.
Je terminerai mes commentaires et questions par toute la question de
l'imputabilité. Vous avez dit que vous étiez d'accord avec une
implantation graduelle de l'imputabilité, ce qui va exactement dans le
sens de ce que la commission spéciale avait recommandé, sauf que,
quand je regarde l'avant-projet de loi qui est devant nous, j'ai peur que ce
qu'il y a de graduel dans nos recommandations - il y avait des choses, des
pôles plus importants que d'autres... La recommandation, sans faire
d'échéancier, plaçait l'importance sur des choses plus
particulières. Par exemple, les sous-chefs d'abord, les cadres
supérieurs par la suite, et on allait immédiatement aux
fonctionnaires qui ont affaire directement au public. C'étaient les
premières personnes qu'on rendait imputables. Mais il y avait un autre
pôle qui était le contrôle parlementaire de
l'imputabilité. Il semble bien que dans la gradation qu'on va faire dans
l'imputabilité, le contrôle parlementaire, s'il arrive, il va
arriver probablement en dernier lieu, parce que je ne vois rien, aucune notion
qui nous permette le contrôle parlementaire de l'imputabilité. Je
comprends que les sous-ministres, les sous-chefs, les présidents
d'organismes soient réticents à la notion de contrôle
parlementaire de l'imputabilité compte tenu surtout de deux exemples
qu'on a pu vivre dans les derniers six mois au Parlement, mais je m'attendais
que les cadres de niveau intermédiaire puissent me parler un peu du
contrôle parlementaire et me dire qu'ils ne craignaient pas cela et que
cela serait peut-être une bonne chose que le Parlement puisse
vérifier l'imputabilité administrative, ce qui préciserait
davantage les différences à faire entre la responsabilité
administrative et la responsabilité politique.
J'aimerais que vous me parliez un peu de votre réaction et de
celle de votre organisme sur le contrôle parlementaire de
l'imputabilité et si dans l'application graduelle d'un plan
d'imputabilité, vous voyez cela comme les sous-ministres,
c'est-à-dire en tout dernier, si on a le temps.
Le Président (M. Champagne): M.
Dorval.
M. Dorval: M. Bisaillon, je ne vous ai pas convaincu. J'ai
détruit, j'ai étonné positivement à un moment
donné et après cela, je suis revenu, je vous ai surpris encore,
et je termine en vous imputant. Je suis conscient qu'une personne qui, à
votre titre, à l'époque, a étudié cela dans les
moindres fonds, avec toute la batterie de spécialistes que vous aviez
avec vous, ait pu réagir sur certains points de la sorte. Maintenant, je
vais essayer de revenir point par point, mais il y en a sur lesquels je
redirais ce qui a déjà été dit. Alors, je
n'inventerai pas d'arguments, aujourd'hui, pour le plaisir d'en inventer. Je
n'essaierai peut-être même pas de vous convaincre. Quand il s'agit
du délai, vous avez parlé du délai de 21 jours et de 30
jours, etc. Quand quelqu'un est hors délai, cela se voit partout. Ce
n'est rien de terrible. Nous autres, on ne pense pas la même chose. Pour
nous, c'est terrible parce que c'est un délai de rigueur.
Ce n'est pas du tout la même notion.
Il s'agit d'un délai de rigueur. Partant de là, toute
possibilité d'être en dehors de ce délai de rigueur peut
arriver. Cela peut arriver, c'est possible. Si on est capable d'aller sur la
lune à une seconde près, on est capable de manquer un
délai de rigueur. Si la raison se tient debout, j'appelle cela des fois
des raisons-cadres, tout est associé aux cadres, sauf d'être
accroché sur un mur. Alors, comme on ne veut pas justement se faire
accrocher, on dit: Y a-t-il une possibilité qu'on donne le pouvoir
à un commissaire de la Commission de la fonction publique, à une
commissaire puisqu'il y en a une qui délie les mains et qu'on dise: II y
a une raison purement intelligente et brillante pour laquelle je consentirais
à ce qu'on puisse le relever de son défaut, parce que c'est un
défaut, c'est évident? On conçoit que c'est un
défaut.
C'est simplement dans cet esprit. On ne veut pas que cela devienne une
pratique courante, pour un tout ou pour un rien. Monsieur est allé en
vacances à Ogunquit, il a complètement oublié d'adresser
sa lettre, je suis d'accord avec vous que c'est son fichu problème et
que cela ne regarde personne d'autre que lui. Il n'avait qu'à ne pas se
faire griller et cela aurait été tout. Mais l'individu, par
exemple, qui a une problématique comme on a vu il y a à peine six
mois devant le commissaire Hutchison, je pense que celui-là avait un
motif louable, valable, vendable et tout ce que vous voudrez et que le
commissaire aurait dû avoir les deux mains déliées et
être capable vraiment de donner son jugement et non pas de le limiter
dans son jugement sur un point de ce genre. De là à ce que cela
devienne pratique courante, quotidienne et autres, je suis entièrement
d'accord avec vous là-dessus.
L'autre point que vous avez soulevé, c'est le point du
syndicalisme de cadre. Sur celui-là, j'y vais doucement parce que tous
les arguments ont été donnés et peut-être que je
prendrais encore 45 minutes et que le président de la commission
enlèverait ses lunettes, me regarderait avec ses grands yeux et dirait:
45 minutes, ce n'est pas possible. (16 h 30)
Je vais y aller succintement mais une chose est certaine: ce que nous
recherchons ce n'est pas nécessairement que ce soit dans la Loi sur la
fonction publique. On veut être reconnu dans une loi et c'est la
recherche d'une meilleure façon possible de laquelle découlerait
un régime de relations du travail.
S'il y a un autre moyen plus ferme, on est prêt à
écouter. On ne veut pas être carrément bornés sur
cela. Je pense qu'il sera toujours louable qu'un organisme comme le
nôtre, qui a démontré qu'il devait y en avoir un, puisse en
arriver à le demander. Si ce n'est pas la façon, dans la Loi sur
la fonction publique, je le comprends, il y a d'autres lois pour cela, des
projets de loi privés, et toutes sortes de choses. Cela pourrait donc
être pensable dans une autre forme.
J'irais peut-être à l'imputabilité parlementaire, et
je vous rejoins sur certains points. Vous avez dit: Comment se fait-il qu'un
organisme de cadres ne se soit pas penché sur l'imputabilité
parlementaire? Pourquoi n'a-t-il pas pensé à cela?
Une voix: Le contrôle.
M. Dorval: Le contrôle. Je dois vous avouer qu'on s'est
penché sur notre propre contrôle. Ce sont les gens qu'on
représente, c'est le mandat qu'on a. Si...
M. Bisaillon: Me permettez-vous de poser ma question
autrement?
M. Dorval: Avec plaisir.
M. Bisaillon: Vous avez exprimé des craintes et des
réserves qui sont partagées par un bon nombre non seulement
d'organismes mais aussi de parlementaires face au Conseil du trésor. Si
je vous posais la question différemment: Est-ce que le contrôle
parlementaire vous fait aussi peur ou seriez-vous aussi réticents
vis-à-vis du contrôle parlementaire que vous l'êtes devant
le Conseil du trésor?
M. Dorval: Si vous en parlez à ce niveau-là, et
qu'on se fait bousculer par une entité qui n'est pas
contrôlée par le Parlement, je vous dirai qu'on va réagir.
Il y a différentes façons de réagir. En tant que syndicat
de cadres on peut réagir et en tant que regroupement avec d'autres
entités on peut réagir différemment aussi. Je vous fais
grâce de toutes les méthodes qui sont généralement
reconnues, c'est sûr. Il y a moyen de réagir sur des attitudes ou
des non-attitudes. Partant de là c'est probablement à la
connaissance du vécu qu'on verra à être capable de
déterminer que le contrôle parlementaire n'est pas efficace ou
qu'il y a carrément un manque à ce niveau-là.
On tentera tout au moins, si on a eu l'impression de présumer
à certains endroits, pas d'être plus raisonnable ou plus
conciliant mais d'avoir l'oeil agile...
M. Bisaillon: Je vais reposer ma question autrement, M. Dorval.
Vous avez demandé que la question de la délégation et de
la sous-délégation soit établie plus clairement pour que
les cadres soient assurés que ce ne soient pas juste des voeux pieux
dans un projet de loi mais qu'en plus cela se réalise en pratique. Donc,
que vous ayez non
seulement la responsabilité mais les moyens d'exercer cette
responsabilité.
M. Dorval, vous êtes responsable, par vos fonctions, de
l'application du programme Loginove. On vous a donné le budget. Le
contrôle parlementaire serait de vous faire venir devant une commission
parlementaire et dire: M. Dorval, au plan administratif, comment avez-vous
administré le programme Loginove? Qu'est-ce que cela a donné?
Est-ce que cela a donné de bons résultats? Est-ce qu'on a eu les
meilleurs services au meilleur prix? Ce serait la vérification de votre
administration, de l'administration d'un programme dont vous avez
l'entière responsabilité et pour lequel vous aviez les budgets.
Est-ce que cela vous ferait peur?
M. Dorval: Non, il ne faudrait pasi Dans votre rapport vous
soulignez que ce contrôle parlementaire existe en Angleterre. Les gens de
hautes instances ou d'organismes très très importants, comme le
Conseil du trésor en est un ici, doivent aller rendre compte devant le
Parlement, leur Assemblée nationale à eux. Dans
l'imputabilité, ici, on ne le voit pas. Est-ce que cela ira
jusque-là? Ce que je retiens de votre question c'est ceci:
Jusqu'où un organisme comme le nôtre, à la connaissance du
contexte et de tous les règlements qu'on ne connaît pas encore
d'une façon très précise, doit s'inquiéter à
ce niveau du contrôle parlementaire de ces organismes que l'on voit
aujourd'hui très forts et qui nous inquiètent ou qui seront
peut-être très forts en responsabilités et qui devront
rendre compte eux aussi en tant qu'organismes, mais nous, le Syndicat des
cadres, est-ce qu'on doit s'en inquiéter? Bien oui, c'est sûr
qu'on doit s'en inquiéter. Est-ce qu'on revendiquera s'il n'y a pas
contrôle jusqu'à ce niveau de ces organismes pour lesquels on a eu
des interrogations? C'est sûr qu'on s'en inquiétera et qu'on
prendra les moyens appropriés. Mais dans l'immédiat, sachant que
les gens que l'on représente seront imputables, on commence par
s'occuper d'eux et, ensuite, au vécu de ce que ces organismes feront, on
pourra y revenir.
C'est la seule réponse que j'ai à vous donner aujourd'hui
concernant ces organismes à haut contrôle. Mais c'est sûr
que, dans notre esprit, on tient pour acquis que ces gens sont responsables,
qu'ils devront rendre compte devant les autorités habilitées. Si
c'est une commission parlementaire, ils le feront; si c'était
l'Assemblée nationale, par la voix de son président ou de son
vice-président, dirigeants d'organisme, ils devront rendre compte et ils
seront imputables devant l'Assemblée nationale, c'est sûr.
On voit d'ailleurs des éléments de renvoi d'individus
là-dedans, dirigeants d'organisme ou présidents d'organisme, qui
sont déjà prévus. J'imagine qu'il y aura ces
contrôles.
M. Bisaillon: Article 54.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Gaspé. Oui.
M. Bisaillon: Sur l'article 54. Quels sont vos commentaires
là-dessus?
Mme LeBlanc-Bantey: Cet article existait déjà dans
la loi 50.
M. Bisaillon: Oui, mais je suppose, Mme la ministre, que si on
fait un avant-projet, on ne doit pas avoir d'objection aux changements.
Mme LeBlanc-Bantey: D'accord, mais au cas où vous
penseriez que c'est...
M. Bisaillon: Si l'ancienne loi était bonne, on n'avait
qu'à la garder.
Mme LeBlanc-Bantey: Au cas où vous auriez vu des
intentions cachées dans cet article, il n'est pas nouveau.
Le Président (M. Champagne): M.
Dorval, la question vous est posée.
M. Dorval: D'accord. Ce ne sera pas long. Vous me permettez de
revenir à l'article.
Je veux vous dire tout de suite que dans les réglementations
existantes - sans avoir parcouru en détail ou avoir recherché
tout sur le contexte - on détermine déjà des stages
probatoires variant de six mois à une année. Nous avons
déjà cela dans la réglementation des différents
corps d'emploi.
Alors, nos préoccupations pour le moment ne sont pas plus
abracadabrantes que cela au niveau du stage probatoire. Puisqu'on est
consulté d'ailleurs sur la réglementation, on fait nos
représentations et nos recommandations dans le cas comme cela s'est
passé lors de la réforme il n'y a pas tellement longtemps.
J'imagine qu'on aura encore les possibilités et on en a parlé un
peu plus loin.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Gaspé.
M. LeMay: M. Dorval, vous savez que je suis un homme de
région, alors je m'inquiète et je m'intéresse toujours
à ce que vous dites étant donné que cela s'applique dans
des régions, que ce soit l'Abitibi, que ce soient les
Îles-de-la-Madeleine ou que ce soit la Gaspésie. Vous parlez
à l'article 3, en page 2, de la délégation de pouvoirs; on
parlait même de sous-délégation etc. Je vois très
bien cette délégation du 200, chemin Sainte-Foy, par exemple, du
10e,
du 11e ou du 12e étage, mais quand il s'agit de l'application en
région, comment voyez-vous cela, que ce soit aux
Îles-de-la-Madeleine, que ce soit en Abitibi ou que ce soit en
Gaspésie, peu importe où, mais dans l'application
concrète? Est-ce que vous n'avez pas peur de créer de petits
fiefs ou des petites tours d'ivoire régionales?
M. Dorval: Je vous disais tantôt qu'on a des membres aux
quatre coins de la province - c'est absolument vrai - vous êtes
même en mesure de le constater. C'est un problème que les gens
nous soulèvent: la "gang" de Québec a tout ce qu'il faut et nous,
ici, il faut essayer de tout trouver. Même les notions changent de temps
en temps, non pas d'un ministère à l'autre, mais à
Québec, à Rimouski, à Gaspé et sur la
Basse-Côte-Nord et la Haute-Côte-Nord. Rendu là, c'est comme
le message de bouche à oreille, il s'est un peu
déformé.
Maintenant, si on se réfère au statut de cadre bien
défini dans la loi - je pourrais vous le reciter - si vous allez
à la page 1 des priorités générales et que vous
regardez les deux derniers paragraphes, à partir du moment où les
gens sont généralement affectés à la planification,
la direction, etc., nécessaire à la réalisation des
responsabilités qui leur sont confiées et qu'ils possèdent
au surplus l'autorité administrative et disciplinaire leur permettant
d'exécuter leurs responsabilités de gestion, à partir du
moment où c'est dans la loi, je pense que la loi doit être
appliquée autant sur la Basse-Côte-Nord, sur l'île
d'Anticosti qu'à la Place Victoria, à Montréal, ou
à la Place d'Youville à Québec.
M. LeMay: Est-ce que vous croyez que la loi sera appliquée
à Québec comme à Havre-aux-Maisons?
M. Dorval: Ils devront être imputables de la
non-application de la loi.
M. LeMay: Dans le concret.
M. Dorval: Évidemment, je disais tout à l'heure
que, quand c'est sur papier, c'est toujours très beau. Dans la pratique,
c'est là que, bien souvent, on s'enfarge. Devant un principe de ce
genre, je suis prêt, nous sommes prêts en tant qu'organisme, en
autant que c'est fait selon les règles de l'art, dans la forme
graduelle. On est prêt à donner un peu la chance au coureur pour
autant que nous aussi nous l'ayons. Il y a un rodage, une mentalité
à changer. Est-ce que la mentalité se répandra très
vite dans ces régions qu'on va justement visiter dans quelques semaines,
où on soulèvera des problématiques qui ne sont pas du tout
celles du gars du plein centre de Montréal, loin de là? Pour lui,
la mobilité, c'est trois étages plus bas; pour l'autre, c'est 150
milles plus loin et, pourtant, c'est le même département et on le
saisit bien. Est-ce que cette mentalité arrivera assez vite jusque
là? Je suis obligé de vous dire que je l'espère et qu'on
va être vigilant à cet effet. Ayant, nous aussi, une pierre
d'assise de ce genre-là, déjà, on a un point d'appui pour
pousser les gens même en région éloignée... Vous
savez, lorsque je vais les voir, ils disent que c'est moi, à
Québec, qui suis en région éloignée et non pas eux.
Si on a au moins ce point d'appui qui nous apparaît totalement
fondamental - c'est notre raison d'être et il est là - on a un
appui beaucoup plus fort pour arriver plus rapidement à ce que ce soit
concrétisé pas seulement sur papier, mais autant à
Baie-Comeau-Hauterive qu'à Gaspé ou à Amos.
M. LeMay: M. Dorval, vous savez qu'on parle beaucoup, ces
temps-ci, du fait que M. Gendron fera des consultations très
bientôt concernant le redécoupage des régions. Donc, on va
certainement redonner à des régions des vocations administratives
nouvelles. Est-ce que vous croyez que le projet de loi va être
ajusté à cette nouvelle politique de décentralisation ou
cette nouvelle politique administrative du gouvernement? Croyez-vous que le
projet de loi actuel est le cadre idéal pour l'application de cette
loi?
M. Dorval: Étant ici pour vous expliquer le mémoire
qui est devant nous, je vais vous avouer que notre organisme n'a pas
complètement fini de se pencher sur ce projet, particulièrement
les MRC dont on entend parler depuis longtemps.
M. LeMay: Purement et simplement, je voudrais...
M. Dorval: Alors, personnellement, je préférerais,
au nom de mes collègues et de l'organisation, la retenir pour une autre
fois. Nos investigations ou interrogations sur le sujet ne sont pas
terminées. On consulte même des gens qui sont directement
impliqués dans des choses du genre. Je pense que je
préférerais beaucoup retenir ma réponse pour une autre
fois ou une autre tribune.
Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: En terminant, je voudrais souligner à
vous et à tous les membres de la commission que, comme ministre de la
Fonction publique, je me suis donné comme mandat de tenter
d'améliorer la gestion des ressources humaines et, en
conséquence, bien sûr, d'améliorer le service que les
citoyens reçoivent.
On ne s'est pas donné le mandat
d'abolir le Conseil du trésor. Évidemment, c'est clair que
toutes les insécurités ou toutes les frustrations que peut
provoquer un organisme central comme le Conseil du trésor par la force
des choses, ce n'est pas par la Loi sur la fonction publique qu'on va
régler cela. Il faudrait quand même souligner qu'on ne donne pas
plus de pouvoirs au Conseil du trésor qu'il n'en a actuellement. On lui
donne l'administration de la loi. Par ailleurs, les pouvoirs ne sont pas
automatiques. Le Conseil du trésor devra déléguer. Je vous
rappelle que ce projet de loi a été préparé en
collaboration avec le Conseil du trésor. Les membres du Conseil du
trésor et la machine administrative sont très conscients qu'il
s'agit d'un changement de cap fondamental, qu'il s'agit d'un changement de
mentalité fondamental et que non seulement le Conseil du trésor
doit devoir s'ajuster mais également tous les ministères et les
gestionnaires. (16 h 45)
Vous avez dit vous-même que ce n'est pas parce qu'on écrit
des choses sur papier que cela va nécessairement bien. Je dirais que,
dans ce cas-là, c'est surtout le changement de mentalité qui est
important, bien plus que ce qu'on écrira sur papier. C'est bien beau de
prévoir les délégations, mais si on ne donne pas tous les
moyens aux gestionnaires d'assumer leurs responsabilités ou aux
individus dans la machine, je pense qu'on n'aura rien réglé. Les
nouvelles normes du code d'éthique qu'on prévoit pouvoir faire
par réglementation, il ne faudrait pas qu'on y voit trop d'intentions
cachées. Il s'agit -on l'espère, si la loi est adoptée -
d'une loi suffisamment souple pour s'adapter aux changements, aux
circonstances. On ne devrait pas avoir à la changer après deux ou
trois ans. C'est un minimum de prudence qu'on se donne par une mesure semblable
permettant peut-être, éventuellement, sur des cas qu'on ne peut
prévoir, de faire de nouvelles normes d'éthique. Je vous dis tout
de suite que c'était la seule utilité que nous y voyions.
Quant au contrôle parlementaire - je vais quand même en
parler un petit peu parce que le député de Sainte-Marie y a fait
longuement allusion - je suis de ceux qui pensent qu'éventuellement on
devrait en arriver à un contrôle parlementaire plus efficace sur
la gestion. J'ai envie de faire une blague et de dire que si le comportement
des parlementaires, de part et d'autre de la Chambre ou de part et d'autre de
la table, était aussi serein et aussi positif qu'il l'est depuis ce
matin, je pense que personne n'aurait objection à implanter, dès
demain, un régime d'imputabilité à l'Assemblée
nationale. Par ailleurs, je ne pose pas... L'absence du sujet dans la loi n'est
pas un jugement que nous posons sur la valeur de l'imputabilité à
l'Assemblée nationale, mais on pense plutôt qu'une telle
décision doit se régler par le biais de l'Assemblée
nationale et par le biais de la Loi sur l'Assemblée nationale. Nous ne
devons pas régler le problème de l'imputabilité des
gestionnaires à l'Assemblée nationale par le biais de la Loi sur
la fonction publique.
C'est en gros ce que je voulais exprimer comme dernier commentaire. Je
vous remercie de vos commentaires. On essaiera, bien sûr, d'en tenir
compte dans la mesure du possible. Comme je l'ai dit ce matin, c'est clair
qu'il faudra en même temps tenter de faire un équilibre entre les
différentes interventions que nous aurons. Il y a dans la fonction
publique autant d'intérêts différents qu'il y a
d'associations ou de groupes différents. On verra, tout le monde
ensemble, à tenter de maintenir l'équilibre entre ces
différents groupes, ces différents centres d'intérêt
et entre les droits et les obligations de tout le monde. Je vous remercie
encore une fois de votre témoignage.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon (Louis-Hébert): C'est purement et simplement des
remerciements et des encouragements à continuer ce que vous avez
entrepris. Il ressort des discussions que nous avons eues - et vous l'admettez
vous-même - qu'il y a des explications supplémentaires qui doivent
venir au niveau du contrôle parlementaire, de l'imputabilité et au
niveau de la reconnaissance syndicale. Toutes ces choses doivent être
discutées plus longuement et, je vous l'avouerai, d'une façon un
peu plus convaincante. Je vous ai écouté avec beaucoup
d'attention et je pense que vous avez soulevé les bonnes questions. Les
réponses ne sont pas totales, ne sont pas complètes pour le
moment. Il n'est peut-être pas possible qu'elles le soient à ce
stade-ci de nos discussions. Il ne faudrait pas qu'on se quitte sur l'illusion
mutuelle que nous n'avons plus quoi que ce soit à apprendre l'un de
l'autre.
Vous avez encore des choses à nous apprendre, à nous
fournir. Vous nous avez mis en appétit, il va falloir que vous
remplissiez la commande. De mon côté, en tant que parlementaire,
je pense qu'il va nous falloir alimenter cette discussion, provoquer de
nouvelles rencontres de façon qu'on puisse, le plus tôt possible,
s'entendre sur une procédure qui soit acceptable pour tout le monde afin
que ce qui est la Loi sur la fonction publique soit la loi qui fait l'objet du
consensus le plus total, permettant à ce qu'il est convenu d'appeler la
primauté du service aux citoyens et aux citoyennes d'être vraiment
respecté et que cela serve de ligne de conduite, de ligne directrice
dans les décisions que vous avez à prendre, tout
comme nous, en tant que parlementaires, nous devons nous laisser guider
par cette même ligne directrice. Je vous remercie et je veux vous dire
que je suis à votre disposition, personnellement ou individuellement,
quand l'occasion se présentera, pour pousser plus loin la discussion que
nous avons entreprise aujourd'hui.
Le Président (M. Champagne): II semble que vous ayez un
dernier commentaire, M. Dorval? Peut-être rapidement.
M. Dorval: Oui, je veux simplement remercier les gens, au nom de
mes collègues et de l'organisation que nous représentons, de nous
avoir entendus. J'ai vraiment le goût de le dire, nous sommes des
gestionnaires de l'État, mais nous sommes aussi des citoyens avec des
familles utilisatrices de services gouvernementaux. Il faudrait aussi que des
efforts soient faits pour... Puisqu'on parle de primauté de services aux
citoyens, nous en sommes nous aussi, c'est pour cela que nous revendiquons
à certains niveaux également.
Le Président (M. Champagne): Au nom des membres de la
commission parlementaire, M. Dorval, nous vous remercions, ainsi que vos
collègues qui vous ont accompagné, d'avoir présenté
devant la commission parlementaire le mémoire qu'on a entendu. Merci.
Nous appelons maintenant les représentants d'Alliance Québec,
s'il vous plaît! Nous allons vous demander de vous présenter comme
porte-parole et ensuite de présenter celui ou celle qui vous accompagne.
Je ne sais pas si vous connaissez la procédure à la commission
parlementaire, mais en règle générale on vous accorde
environ 20 minutes - on parlait de cela ce matin - maintenant cela peut
être souple et ensuite il y aura des commentaires et des questions de
part et d'autre.
Alliance Québec
M. Mulcair (Tom): D'abord, nous voudrions, comme vous l'avez
demandé, nous présenter. Mon nom est Tom Mulcair, je suis
directeur de programmes à Alliance Québec, c'est-à-dire
que je suis permanent dans un organisme qui est composé d'environ 40 000
membres représentant 22 chapitres et organisations régionales
dans la province. À ma gauche, c'est Barbara Verity, de notre direction
des communications.
Je voudrais également remercier la commission pour l'occasion
qu'elle nous fournit de présenter notre point de vue sur deux questions
précises dans cet avant-projet de loi, soit la question de la
représentation de la communauté québécoise
d'expression anglaise au sein de la fonction publique du Québec et, dans
un deuxième temps, la notion de services au public contenue à
l'article 2 de l'avant-projet de loi.
Dans notre mémoire, nous faisons brièvement état,
au tout début, du fait que les chiffres disponibles sur la participation
de la communauté d'expression anglaise au sein de la fonction publique
sont pour le moins divergents et, oserais-je dire, contradictoires.
Dans une première étude - dont on ne fait pas état
ici - publiée en 1982 par le Conseil de la langue française, on
mentionne que la communauté québécoise d'expression
anglaise dans la fonction publique du Québec représentait alors -
c'est-à-dire selon un recensement interne fait en 1979 - 0,71% de la
fonction publique et que, selon le recensement de 1976 - c'est-à-dire le
plus récent disponible à l'époque - des personnes de
langue maternelle anglaise, c'est-à-dire de première langue
apprise et encore comprise, comptait encore environ 13% de la population
québécoise. Donc, une sous-représentation assez
évidente.
Une deuxième étude, menée l'année
dernière par le ministère de la Fonction publique,
évaluait ce même chiffre de la population d'expression anglaise -
entendons-nous bien - à 0,6%. Plus récemment, c'est-à-dire
ce mois-ci, la direction de la recherche du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration, a publié une
étude qui indiquait que ce chiffre s'élevait à environ
2,3%. Concernant la dernière étude, comme les deux autres par
ailleurs, on peut se poser des questions sérieuses quant à la
méthodologie. La troisième étude, par la direction de la
recherche du ministère des Communautés culturelles, se base sur
le recensement de 1981. On regarde dans ces cas-là l'adresse des
individus pour essayer de déterminer leur emploi; il y a toutes sortes
de choses là-dedans. Les deux autres études, celles du Conseil de
la langue française, étaient un recensement interne; il y avait
un document distribué à chaque individu, assez complet - pays
d'origine, etc. - et le chiffre de 0,71% vient de là. Le chiffre de 0,6%
concernait les chefs de service - à moins que je ne me trompe,
c'était dans votre ministère - qui devaient indiquer, en faisant
eux-mêmes une sorte de pointage dans le ministère, à peu
près la langue maternelle et le pays d'origine des personnes dans le
service. Où est la réalité, la vérité
là-dedans? On dit en anglais: "There are lies in statistics". Je pense
que c'est un cas parfait pour nous indiquer qu'avec des divergences de 400% sur
une question assez précise, il est assez difficile de savoir où
est la réalité pour ce qui est de la participation. Disons juste
que tous ces chiffres démontrent très clairement qu'on est
nettement sous-représenté au sein de la fonction publique du
Québec.
L'avant-projet de loi que nous avons devant nous s'adresse, à
plusieurs endroits...
Nous mentionnons trois articles où il est question de programmes
d'accès à l'égalité, les articles 81, 41 et 6. Et,
cela doit être un lapsus révélateur lié au
numéro de l'article. J'ai oublié que l'article 101 en parle
également. Dans ces quatre articles, on constate également qu'il
n'y a pas d'obligation de rendre des comptes. Je pense que l'une des choses les
plus révélatrices à cet égard se trouve dans les
notes explicatives. On peut s'entendre pour dire que les notes explicatives
peuvent nous éclairer sur le sens d'un projet de loi, mais qu'elles ne
sont pas admissibles devant un tribunal. Mais, pour démontrer
l'idée qui sous-tend l'adoption d'un projet de loi, je trouve le contenu
très intéressant. À la page 6 de vos notes explicatives,
on lit, vers la fin de la page: "La dotation - on parle ici de l'article 41 en
particulier - "...possibilité d'établir des conditions
d'admissibilité souples et adaptées aux exigences des emplois,
mais compatibles avec les conditions d'admissibilité
édictées par le Conseil du trésor ainsi que le
règlement de l'Office des ressources humaines, en tenant compte des
limites et restrictions résultant de l'application des politiques du
gouvernement tels les programmes d'accès à
l'égalité". Cela vient quand même assez loin, après
plusieurs conditions. Dans les projets de règlement qui ont
circulé au mois de juillet en vertu de la Charte des droits et
libertés de la personne, on indique que le présent
règlement s'applique également aux ministères et
organismes du gouvernement, à l'exception de l'article 9, l'article en
question exigeant un rapport annuel, par exemple, des entreprises
privées qui doivent adopter des programmes d'accès à
l'égalité. Je pense que dans toute analyse de la situation -
parce que, soyons clairs, en tant qu'anglophones au Québec, je pense
qu'il est assez... Il faut faire attention lorsqu'on essaie de parler de
discrimination ou de choses semblables et nous en sommes pleinement conscients.
Si on regarde, dans le passé, les secteurs privés et le secteur
public au Québec, il y a des raisons historiques vérifiables pour
expliquer des phénomènes qui sont transmis aujourd'hui par ces
chiffres. Depuis le début des années soixante et avec une
intervention assez importante de la part de l'État, d'abord en 1974 avec
la loi no 22, et ensuite en 1977 avec la loi no 101, on a vu tout le poids de
l'État, avec des mesures concrètes qui touchaient surtout la
francisation des entreprises, pour venir corriger une situation au sein de
l'industrie, surtout dans le secteur privé de la province de
Québec. (17 heures)
Dans une étude publiée en 1978 par le Conseil de la langue
française, le professeur Vaillancourt, de l'Université de
Montréal, indiquait que les choses avaient évolué
radicalement depuis le début des années soixante. Aujourd'hui, on
constate souvent, à Alliance Québec, qu'il ne s'agit plus
maintenant d'une simple francisation dans le secteur privé, mais qu'on
tend vers ce qu'on pourrait, tout simplement, appeler une francophonisation,
c'est-à-dire que certaines entreprises, plutôt que de faire
l'analyse de la capacité de quelqu'un à atteindre les objectifs
d'un programme de francisation qui est la généralisation de
l'emploi du français à tous les niveaux de l'entreprise, optent
carrément pour quelqu'un qui a soit un nom français - aussi
bête que cela puisse paraître, c'est le cas; c'est souvent ainsi
qu'on procède à ces analyses - ou qui possède un certain
nombre d'années de formation en langue française.
Au sein de la fonction publique, on a non seulement des lois qui
régissent la dotation et le recrutement, mais il y a aussi la Charte de
la langue française qui joue un rôle important. D'ailleurs, c'est
ce qui est signalé dans l'étude du Conseil de la langue
française lorsqu'il fait une énumération des facteurs qui
expliquent un peu la situation actuelle.
L'article 20 de la Charte de la langue française dit que, pour
être promu, muté ou admis à un poste en administration
administration a un sens très large; cela comprend donc la fonction
publique - il faut avoir de la langue officielle une connaissance
appropriée à l'exercice de cette fonction. Nous savons - selon
des chiffres, encore une fois, qu'on peut discuter - que l'article 20 comporte
une exigence, une sorte de barrière systémique, si l'on peut
dire, à l'accès à la fonction publique. Il faut aussi
admettre que des gestes concrets ont été posés. De plus en
plus, on laisse les gens qui veulent passer des examens d'admission à la
fonction publique le faire dans une autre langue, si nécessaire. Je
pense que ce n'est que naturel. Quand on voit que le secteur privé est
en pleine francisation, c'est un lieu de plus en plus apte à fournir un
enseignement de la langue officielle du Québec aux gens qui veulent y
accéder. À l'administration, cela y est déjà. Avec
le quasi-gel des effectifs, le recrutement va peut-être devenir une
question de remplacer les démissionnaires, les gens qui quittent
naturellement leur emploi ou qui prennent leur retraite. On sait tous que le
recrutement au sein de la fonction publique va se faire de moins en moins,
surtout d'ici deux ou trois ans. Il va falloir chercher des moyens.
Toute l'idée de la francisation des entreprises est un
modèle adapté à notre situation. Ce n'est pas le
modèle américain "de affirmative action"; c'est
complètement autre chose et c'est quelque chose d'obligatoire pour des
entreprises d'une certaine taille, qui est appliqué par un
organisme d'État. C'est un modèle qui est adapté
à notre situation. Dans le même sens, nous sommes d'avis qu'il va
falloir chercher des solutions propres au contexte québécois. Par
là, nous vouions dire que ce n'est pas un cas de discrimination comme ce
pouvait l'être aux États-Unis, avec des personnes de race noire
qui ne pouvaient pas accéder à des postes dans l'industrie et
dans le secteur privé. Ici, on a une autre barrière qui n'est pas
une question de couleur de la peau. C'est une question de langue. Quelqu'un qui
sort de l'université ou qui a fait ses études au Québec
aujourd'hui, on a tous vu les chiffres... Le fardeau du bilinguisme, comme on
l'a souvent et à très juste titre signalé -cela devait
être porté normalement par la minorité, la même
minorité linguistique. De plus en plus, on constate que les anglophones
au Québec apprennent le français. De plus en plus, ils envoient
leurs enfants à des écoles d'immersion, mais on se rend
également compte que l'accès au marché privé du
travail est de plus en plus fermé. Dans le secteur public, on le sait la
situation n'a guère changé depuis quelques années. Les
recensements dont le Conseil de la langue française fait état
remontent jusqu'aux années quarante et les chiffres varient très
peu.
Il va falloir qu'on cherche des solutions adaptées à notre
contexte qui vont permettre à des gens de participer à la vie
québécoise, de s'intégrer à la fonction publique,
que ce soit par le biais de stages, ou en rendant plus longue la période
pendant laquelle une personne doit faire ses preuves pour être admissible
à la permanence dans la fonction publique, disons, en lui donnant une
année additionnelle. Peut-être que la personne a les aptitudes
professionnelles pour occuper une fonction, mais n'a pas encore l'aptitude
d'écrire en français qui serait nécessaire. Avant de lui
accorder sa permanence, on pourrait dire: Voici, il y a différents
statuts qui peuvent exister. Je pense que l'appel que nous faisons aujourd'hui
est pour une recherche de solution adaptée et de propositions
concrètes.
On peut regarder ensemble les articles en question. Il s'agit des
articles 6, 41, 81 et 101 de l'avant-projet de loi. On frôle
l'idée d'accès à l'égalité. We pay
lip-service to it, we talk about it, we know it is something that would be
advisable but there is no verifyable means provided for to make sure that those
affirmative action programs are going to be, one, supervised and to someone who
will be accountable for their implementation.
Let us take the examples from the articles. À l'article 6, on
mentionne que "le recrutement et la gestion des ressources humaines
s'effectuent sans favoritisme ni discrimination et de manière à
favoriser l'apport des différentes composantes de la
société québécoise". Très bien et je ne
doute pas que c'est un sentiment louable qui est vraiment ressenti. Mais,
lorsqu'on regarde plus loin dans l'avant-projet de loi à l'article 41,
on nous dit, dans le paragraphe qui suit les conditions d'admission: "De plus,
elles doivent tenir compte des limites et restrictions qui résultent de
l'application des politiques du gouvernement concernant, notamment: "1 les
programmes d'accès à l'égalité visant, par
exemple",... Encore une fois, je trouve que c'est une rédaction
législative assez intéressante et inusitée. Donner des
exemples dans un avant-projet de loi, c'est quelque chose que je n'ai jamais
vu. Je pense qu'il y aurait peut-être moyen d'être un peu plus
explicite là-dessus, mais, encore une fois, on parle d'exemples. C'est
très général.
À l'article 81, à notre point de vue, il y a une
légère contradiction entre le libellé de cet article et ce
qu'on vient de lire à l'article 6; effectivement, on mentionne: "Le
conseil est chargé d'établir des programmes d'accès
à l'égalité en vue de corriger la situation de personnes
faisant partie de groupes victimes de discrimination dans l'emploi." On parle
d'une sorte de discrimination négative pour corriger une telle
situation. À l'article 6, on dit carrément que cela s'effectue
sans discrimination. Il y a une légère contradiction de termes
qui risque, comme on l'a déjà vu avec le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec, de faire surgir des débats
de fond sur ce qui est ou non de la discrimination et si c'est permis ou non.
On sait qu'avec les modifications à la Charte des droits et
libertés de la personne il ne devrait plus y avoir le problème
qu'on a déjà vécu.
Je pense que cela mériterait d'être précisé
à l'intérieur de votre avant-projet de loi. Finalement, à
l'article 101, au troisième alinéa, encore une fois, en dernier
lieu, on mentionne que l'office a pour fonctions de proposer au gouvernement -
c'est la dernière chose qu'on dit: "des mesures pour assurer
l'accès à l'égalité en emploi." On fait mention de
programmes avec lesquels on ne peut qu'être d'accord, mais, comme nous le
disions au début, on est d'avis qu'il manque des dents pour surveiller
l'implantation, il manque une responsabilité. Je vais reprendre un des
termes qu'on a employés beaucoup ici aujourd'hui: Qui va répondre
de l'implantation de ces programmes? Est-ce qu'on va établir, comme on
le ferait dans le secteur privé, des quotas, des nombres, des chiffres
bruts, des pourcentages? Si oui, est-ce qu'on va être capable d'aller
devant la Commission des droits de la personne si ces programmes ne sont pas
appliqués? À l'heure actuelle, cela n'a pas l'air d'être le
cas.
En deuxième lieu, nous parlons dans notre mémoire de
l'article 2 de l'avant-
projet de loi qui se lit comme suit: "La fonction publique a pour objet
de fournir au public les services de qualité auxquels il a droit. Elle
assure la réalisation des politiques établies par
l'autorité constituée et l'accomplissement des objectifs de
l'État." Je pense que quelqu'un ayant déjà fait des
études en sciences pourrait prendre 5 minutes pour nous dire que c'est
cela la définition de la fonction publique, sans aucune
difficulté. "L'autorité constituée" signifie... et on sort
nos dictionnaires et nos bouquins et on sait où on va. "Politiques
établies", cela va. "Accomplissement des objectifs de l'État".
Mais en réalité qu'est-ce que tout cela signifie pour le
fonctionnaire assis à son bureau dans un ministère? Nous avons
mentionné, dans notre mémoire, un exemple - et ce n'est qu'un
exemple - de directives émanant de l'Office de la langue
française et concernant deux articles de la Charte de la langue
française. C'est une loi qui nous concerne beaucoup à Alliance
Québec. De là l'exemple, donc.
La commission Vaugeois-French sur la législation
déléguée au Québec a déjà fait le
point suivant: Souvent, pour combler soit des lacunes dans la rédaction
d'un projet de loi, soit des lacunes dans les visées politiques à
l'époque, on rédige des règlements qui sont, sur le plan
juridique, d'une légalité, mettons, très douteuse. On l'a
vu avec la loi 101 où les règlements en question ont
été analysés, d'abord, par le doyen de la faculté
de droit de l'Université de Montréal, Yves Ouellet. Il a conclu
que, dans la plupart des cas, ils étaient légaux. Une
deuxième étude par la Direction générale des
affaires législatives du ministère de la Justice en est
arrivée essentiellement aux mêmes conclusions. Une
troisième étude par un comité tripartite formé de
membres de l'Office de la langue française, de la Commission de
surveillance de la langue française, du Conseil de la langue
française a dit que la loi 101 a fait perdre des "jobs". Finalement, des
membres du cabinet de Godin en sont arrivés vraiment aux mêmes
conclusions. Les règlements en vertu de la loi 101 étaient
adoptés sans aucune autorité législative dans la
législation habilitante pour la plupart. C'est un deuxième niveau
d'autorité législative, dans ce cas-là douteux. Mais un
règlement, quoi qu'il en soit, a quand même le mérite
suivant. Il doit, dans la plupart des cas, être prépublié.
Il est public, c'est-à-dire qu'on le retrouve dans la Gazette officielle
et on sait ce qu'il dit. Si quelqu'un refuse de l'appliquer ou l'applique mal,
on a des recours par des brefs de prérogatives devant les tribunaux et,
si c'est illégal, on peut également recourir du jugement.
Quant au troisième niveau qu'on évoque dans notre
mémoire et pour lequel on exprime des doutes quant à la
rédaction actuelle de l'article 2, on a, par exemple, un document de
l'Office de la langue française qui prétend
énumérer des principes. Cela émane d'un individu qui est
responsable du service de la promotion du français dans
l'administration. Il y a des principes régissant l'utilisation du
français et d'une autre langue dans les ministères et organismes
gouvernementaux. Ensuite, il procède à énumérer ce
qu'il considère être des principes qu'on ne retrouve ni dans les
règlements ni dans la loi. Pour vous donner un exemple, le principe no
3: II n'y a pas lieu de traduire dans une autre langue que le français
les permis, les autorisations, les certificats, les enregistrements, etc.,
etc.
J'ai apporté avec moi, à titre d'indication, tout un
dossier dans lequel avec d'autres, nous avons fait des demandes pour avoir des
renseignements, des documents, des textes de l'administration qui peuvent
être rédigés dans une autre langue en vertu d'une
combinaison de deux articles dans la Charte de la langue française,
à savoir l'article 15 et l'article 89. On a déjà
essayé de les obtenir et souvent on obtient comme réponse: On n'a
pas le droit en vertu de la loi 101, même si la loi 101 le permet. La
réponse est très simple lorsqu'on s'interroge à savoir le
pourquoi de cet état de choses. Le fonctionnaire, l'administrateur assis
à son bureau dans un ministère n'applique pas la loi 101
quotidiennement. La personne en question n'a peut-être jamais lu la loi
101. Elle sait ce que cela comporte en général comme exigences.
Cette personne se basera sur un règlement... Pardon. Encore une fois,
cela devient trompeur à ce point-là. Ce n'est même pas un
règlement, ce sont des principes mis sur papier par un autre
fonctionnaire qui administre la loi 101. Elle s'y référera tout
simplement et dira: II n'y a pas lieu de traduire. Ce n'est pas écrit:
On n'a pas le droit de traduire parce que ce serait quand même trop
énorme, mais il n'y a pas lieu de traduire. C'est un peu plus indirect
et on arrive au même but. On ne traduit pas, ces documents ne sont pas
disponibles.
Dans le même article 2, on parle de "fournir au public les
services de qualité auxquels il a droit". On peut le comprendre dans
deux sens: le public a droit à des services de qualité, mais
aussi lorsque le public a droit à un service il devrait le recevoir.
C'est un autre exemple d'un service auquel le public a droit qui est
fermé. C'est très bien, politiquement, aux yeux du public; cela
marche assez bien lorsqu'il s'agit d'une grande méchante multinationale
et qu'on peut la pointer du doigt. Si c'est un ouvrier à
Pointe-Saint-Charles qui se fait blesser et qui aura peut-être du mal
déjà à remplir une fiche dans sa langue, qui est
peut-être en l'occurrence l'anglais, pour la Commission de la
santé et de la sécurité du travail et qui doit essayer
avec ses "chums" au travail ou
peut-être avec quelqu'un qui peut parler un peu le français
de remplir la fiche, on se rend compte qu'il y a des choses qui sont
touchées très directement et qui concernent le service de
qualité au public, auxquelles il aurait normalement dû avoir
droit, mais qui lui sont fermées. (17 h 15)
Pour revenir à l'exemple du fonctionnaire qui a en main un tel
document émanant de l'Office de la langue française, nul ne
nierait que c'est une politique établie par l'autorité
constituée que de promouvoir l'utilisation du français. On ne
dirait pas, non plus, que ce n'est pas un objectif de l'État. Il a un
document en main, lequel suivra-t-il? Est-ce qu'il soulèvera un doute
quant à la légalité ou à la validité d'une
telle lettre circulaire? Probablement pas. Il se sentira très
rassuré en relisant l'article 2. Beaucoup de gens impliqués dans
la rédaction des lois nous disent qu'il faut autant que possible
éviter des définitions. C'est vrai. Souvent, dans nos lois, on
avait des listes de définitions longues comme cela. Cela rendait
extrêmement difficile et impénétrable la lecture des
projets de loi et des lois. Mais je pense que c'est un cas où, sinon par
définition, au moins par expansion sur la pensée qui est contenue
à l'article 2, on explique que, d'abord, l'Assemblée nationale
exprimant sa volonté par le biais de lois et de règlements - la
législation déléguée - qui en découlent
légalement, c'est cela, la volonté bien exprimée par le
biais des institutions démocratiques dont on s'est doté au
Québec, et non ce genre de directives internes, de politiques
administratives qui viennent carrément, dans ce cas, contredire ce qui
est contenu dans la loi en question.
On voudrait tout simplement terminer, avant de répondre à
vos questions, en répétant que nous vous sommes très
reconnaissants d'avoir accepté de nous inviter aujourd'hui. On
apprécie beaucoup l'occasion qui nous a été fournie.
Le Président (M. Champagne): Merci. Mme la ministre, pour
des commentaires et des questions.
Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais remercier, moi aussi, Alliance
Québec d'être venue témoigner en commission parlementaire,
sauf que je me permettrai un premier commentaire en partant. Je ne sais pas si
j'ai mal perçu le sens de votre intervention, mais j'avais l'impression
que cela vous aurait tenté pas mal plus de parler de la loi 101 que de
la Loi sur la fonction publique.
M. Mulcair: On va garder cela pour le mois d'octobre.
Mme LeBlanc-Bantey: Vous avez fait vous-même allusion au
contexte historique qui avait pu expliquer que, traditionnellement,
effectivement les anglophones - tout à l'heure, je vous demanderai ce
que vous entendez par anglophones - avaient tendance à aller plus dans
le secteur privé et les francophones dans la fonction publique
québécoise. On ne reprendra pas tout le débat qui a eu
lieu et toutes les étapes historiques, à partir des deux
solitudes. On aurait pu aussi parler de multiples solitudes, la solitude des
Juifs, des Polonais, des Italiens et de toutes les sociétés, des
communautés culturelles qui ont tenté de trouver leur place au
soleil au Québec. Finalement, nous sommes rendus au début des
années quatre-vingt avec des lois qui se sont succédé, que
ce soit la loi 22, la loi 101, qui ont tenté de clarifier une fois pour
toutes le débat et de donner à la majorité la certitude
que le Québec était d'abord et avant tout un coin ou un pays
français, selon l'optique dans laquelle on se place, et qu'en
conséquence on donnerait à la majorité le maximum de
moyens pour qu'elle aussi trouve sa place au soleil dans ce coin de pays qui
lui appartient.
J'ai toujours été de celles qui croient
profondément à l'apport des sociétés pluralistes au
Québec. Par ailleurs, je vous dis aujourd'hui que je ne crois pas qu'il
serait bon de provoquer d'autres bouleversements sociaux en apportant des
amendements à la loi 101 qui pourraient aller à l'encontre des
objectifs qui étaient poursuivis par les différents gouvernements
qui se sont succédé. Admettons que la loi 101 allait plus loin
que la loi 22, il n'en reste pas moins que la réflexion au Québec
a duré une bonne vingtaine d'années, une bonne trentaine
d'années et qu'il était temps qu'on finisse par clarifier
certains aspects.
Cela étant dit, je continue de croire qu'il y a lieu de leur
donner le maximum de place dans notre société
québécoise et qu'on a besoin de l'apport des autres
sociétés et des autres cultures qui pourraient venir au
Québec tenter d'enrichir, si vous voulez, notre vécu, nos
expériences et notre société comme telle. Je pense aussi
que cela commande des attitudes de tolérance, d'ouverture, de part et
d'autre.
Dans ce sens-là, je pense que quand vous parlez de la
nécessité, entre autres, d'offrir des services aux citoyens, le
minimum qu'on puisse exiger des gens qui viennent travailler dans la fonction
publique québécoise un jour, c'est qu'ils soient aussi capables
d'offrir des services à l'ensemble des citoyens et non pas, finalement,
à une catégorie de citoyens. Vous admettrez qu'il serait
très difficile de mettre sur pied une série de fonctions
publiques qui, finalement, donneraient aux citoyens différents services
selon les langues. À mon point de vue, il n'y a pas seulement les
anglophones, mais aussi
les autres communautés, que ce soient les Italiens, les
Espagnols, les Juifs ou tout le monde. Dans ce sens-là, on ne peut pas
demander à notre fonction publique québécoise d'offrir
l'ensemble des services dans toutes les langues. Je crois que c'est normal
qu'on exige des gens qui viennent travailler dans la fonction publique de
connaître la langue française et d'être capables, en
conséquence, d'offrir des services non seulement, par exemple, aux
membres de leur communauté, mais à l'ensemble de la population.
Je pense que vous n'aurez pas d'objection à une vision comme
celle-là.
Cela étant dit, je ne prétendrai pas que tout va pour le
mieux dans le meilleur des mondes dans la fonction publique, tant en ce qui
concerne les programmes d'accès pour les membres des communautés
culturelles que pour les femmes, que pour les personnes handicapées, qui
sont quand même des programmes relativement jeunes et qui, à mon
avis, ont suscité de la part de tous les intervenants dans beaucoup de
ministères, ou d'autres intervenants comme le CIPACC, une participation
active et pleine de bonne foi, de bonne volonté.
Dans l'ensemble de l'administration publique il se fait d'énormes
efforts. Évidemment, la loi ne reflète pas tout ce qu'il y a
comme mesures dans les programmes d'accès à
l'égalité. Je pense qu'il se fait d'énormes efforts.
Même si tout n'est pas réglé - surtout dans un contexte
où il y a des réductions d'effectif, etc. - ce que je dis
à beaucoup de gens et ce que j'ai eu l'occasion de dire, c'est que,
finalement, il s'agissait aussi, malgré le fait qu'on ne pouvait pas
aller aussi rapidement que dans une fonction publique en période
d'expansion, de tenter tout au moins de limiter les dégâts et
d'améliorer, malgré tout, le sort des clientèles
traditionnellement discriminées.
Vous faites allusion au fait qu'il y a de la contradiction dans les
chiffres, et c'est vrai. Le dernier sondage ou le dernier inventaire
était fait par Statistique Canada. J'ai presque envie de vous dire qu'en
théorie vous devriez généralement leur faire plus
confiance qu'à nous. Effectivement, ils sont passablement plus
généreux que notre inventaire. C'est vrai que les
méthodologies sont différentes. À titre d'exemple, il y a
des gens dans la fonction publique qui ne sont pas nés au Québec,
qui sont d'une langue autre que le français et qui refusent de se faire
considérer comme membres d'une communauté culturelle, pas parce
qu'ils ont peur de subir l'ostracisme... Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas des
cas ici et là. Je crois que généralement ceux que je
connais - je pense que je suis bien placée pour le savoir, car j'en
connais quelques-uns - refusent de se laisser considérer comme des
membres des communautés culturelles parce qu'ils se sont
carrément intégrés à la majorité
québécoise. Ils continuent de véhiculer leur culture,
leurs valeurs, leurs idées. Ils continuent, bien sûr, d'être
tributaires de leurs origines, mais ils se sentent intégrés et,
comme tels, ils se sentent Québécois. Pour moi, quelqu'un qui est
québécois, ce n'est pas compliqué. Ma définition du
Québécois, c'est quelqu'un qui est prêt à vivre au
Québec et à s'intégrer à la majorité, qui
vit avec cette majorité et aussi avec ses différences, mais qui
assume, par ailleurs, qu'il y a un Québec français avec une
majorité francophone, avec les inconvénients que cela peut
supposer pour des membres des communautés culturelles qui n'ont pas
encore une connaissance suffisante de la langue.
Par ailleurs, vous admettrez que c'est quand même très
loin, ce qui se passe au Québec, de ce qu'on vit ailleurs dans d'autres
provinces. Je ne le dis pas parce que je pense qu'il faut s'inspirer de ce qui
se passe ailleurs. On ne peut pas demander à des gens d'aspirer à
moins que ce qu'ils ont; c'est normal qu'on aspire à plus. Je pense
qu'on est conscient, malgré tout, des efforts qu'on peut demander
à des membres d'autres communautés culturelles. Contrairement
à ce que quelqu'un disait dernièrement au Manitoba, on ne demande
pas à quelqu'un de sacrifier sa langue comme si c'était une chose
mineure. Ce n'est pas du tout sur ce plan que les problèmes doivent se
poser.
Je reviens plus spécifiquement à la fonction publique. Il
se pourrait que nous devions en arriver éventuellement à des
programmes d'accès à l'égalité qui aient plus de
dents. On va faire la réflexion cet automne. On va faire le bilan,
après quelques années d'expérience, de ces programmes. Il
se pourrait que je sois la première à recommander au gouvernement
d'avoir des mesures plus directives qu'incitatives, ce qui a été
plutôt notre approche parce qu'on comptait en même temps sur le
changement des mentalités. Pour le moment, il faut quand même
apprécier le travail qui se fait et ne pas, non plus, démotiver
ceux qui y croient profondément, dans la fonction publique ou ailleurs,
comme dans le cas des communautés culturelles. Je pense que les
comités dans les ministères ont tenté de faire un travail
intéressant. À cet égard, je vais terminer en vous posant
une question. Le sondage ou l'inventaire qui a été publié
par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration
faisait allusion au fait que si, à la fonction publique, la
représentation était plutôt en deçà de ce
qu'on devrait avoir comme objectif, compte tenu de la population active des
membres des communautés culturelles, cet inventaire indiquait que les
membres des communautés culturelles étaient assez bien
représentés, pour ne pas dire, dans certains cas, très
bien représentés dans certains réseaux.
M. Mulcair: Dans les secteurs parapublics, par exemple.
Mme LeBlanc-Bantey: Dans les secteurs parapublics. À la
limite même, je pense qu'il y a certains secteurs de l'éducation
où il pourrait y avoir des représentativités beaucoup plus
importantes que la population active. Dans ce sens-là, est-ce que vous
pensez - je ne veux pas là-dessus prétendre qu'il ne faut pas
prendre nos responsabilités dans la fonction publique - que la
représentation des membres des communautés culturelles doit
être finalement un peu équilibrée en fonction de l'ensemble
des services que l'État paie à une population? C'est normal que
dans les hôpitaux il y ait plus de gens qui parlent directement la langue
parce que ce sont des situations névralgiques quand même
très importantes ou dans l'éducation. Est-ce que vous croyez
qu'on devrait, s'il y a 20% de représentativité dans les
réseaux, vouloir atteindre 12% ou 15% dans la fonction publique selon ce
que vous évaluez comme objectif honorable? Dans la perspective
où, si on doit exiger une représentativité très
étanche entre réseaux, il se pourrait bien qu'à l'inverse,
des gens viennent nous dire: II y a peut-être une
surreprésentation des communautés culturelles à certains
endroits. C'est pour cela que je vous pose la question parce que je vous avoue
que je n'ai pas d'opinion définie. Je pense que dans l'ensemble la
représentativité - vous l'admettrez - est quand même
honorable. Il y a encore des efforts à faire, surtout à la
fonction publique mais j'aimerais voir comment vous évaluez cette
représentativité.
Comme deuxième question, j'aimerais savoir - vous parlez des
anglophones - quelle est votre définition d'anglophones? Pour moi, cela
est important parce que dans mon esprit, il s'agit de communautés
culturelles différentes. Je pense que si on veut se comprendre en termes
d'objectifs...
M. Mulcair: Pour répondre à votre première
question, j'allais aborder - je suis content que vous ayez posé la
deuxième question parce qu'il fallait aborder les deux en même
temps. Dans le secteur parapublic, les chiffres démontrent
effectivement, surtout à l'enseignement universitaire, une
surreprésentativité. Je pense qu'autant dans les
universités anglophones que dans les universités francophones on
a souvent eu recours à des gens venant d'Europe et du côté
anglais des États-Unis. Du moment qu'on tient compte de deux facteurs,
soit d'une autre langue maternelle, soit la provenance d'un autre pays comme
étant les deux bases principales pour déterminer l'appartenance
ou non... Si quelqu'un est francophone, québécois dans la
définition ou fait partie d'une communauté culturelle, je
pense que cela est assez facile à expliquer du côté des
universités.
Pour ce qui est des secteurs public et parapublic, il faut modifier ces
chiffres un peu. Dans les hôpitaux, par exemple, et dans tout le
réseau des affaires sociales, dans les travaux de soutien, il y a une
très grande représentativité des communautés
culturelles, effectivement. Je pense qu'il y a des facteurs historiques
là-dedans aussi mais que c'est surtout là qu'on retrouve... Comme
vous l'avez également mentionné, si on donne des services au
public dans un secteur où la langue fait certainement partie de la
façon de soigner quelqu'un, si on l'aborde dans sa langue cela aidera
sûrement. Je pense que dans les hôpitaux, traditionnellement, il y
avait des hôpitaux qu'on pouvait considérer... Même si cela
n'était inscrit nulle part, St. Mary's était anglophone et
même irlandais catholique anglophone, il y en avait d'autres qui
étaient protestants anglophones et d'autres anglophones juifs.
Ce qui nous amène un peu à votre deuxième question:
Qu'est-ce que cela mange en hiver un anglophone? Qu'est-ce que c'est? Comment
le définit-on? Vous avez peut-être remarqué que je me suis
repris une fois parce que j'avais dit anglophone pour employer l'expression que
nous préférons qui est "la communauté
québécoise d'expression anglaise". Qu'est-ce que cela comprend.
Dans les chiffres du Conseil de la langue française, par exemple, on
parle de personnes de langue maternelle anglaise. Déjà
là-dedans on a souvent entendu l'expression "Anglo-saxons". En tant
qu'Irlandais d'origine, cela me fait un peu dresser les cheveux sur la
tête parce que les Irlandais et les Anglo-saxons ce n'est pas la
même chose. Ce n'est pas non plus la même chose si quelqu'un vient
d'Australie: il peut avoir une toute autre origine ethnique et venir
d'un pays où lui et ses parents ont toujours parlé l'anglais. (17
h 30)
Ce qu'on comprend lorsqu'on parle d'une communauté
québécoise d'expression anglaise, c'est, encore une fois selon
les chiffres du conseil, une communauté qui va autour de 15% à
17% de la population. Ses membres peuvent venir d'un autre pays: vous avez
mentionné tout à l'heure l'Italie. Quelqu'un qui est venu
d'Italie à la fin des années cinquante, à l'âge de
trois ou quatre ans, qui a fait toutes ses études en anglais, de
l'école primaire jusqu'à l'université, qu'est-ce qu'il va
demander s'il va dans un CLSC ou un hôpital? Il va probablement vouloir
se faire servir en anglais, si cela lui est possible à l'endroit
où il vit, s'il y a une assez grande proportion... Pour nous, cette
personne, vu qu'elle aurait également le droit de faire instruire - en
vertu de l'article 73 de la loi 101 - ses enfants en anglais - un choix qu'elle
pourrait également exercer -
tout cela, dans notre idée, fait en sorte qu'une telle personne
serait considérée comme faisant partie d'une communauté
d'expression anglaise. Mais nous savons qu'à peu près les deux
tiers de cette communauté d'expression anglaise sont également
capables de s'exprimer dans la langue de la majorité.
Vous avez dit tout à l'heure que les gens du Québec ont le
droit de se faire servir dans la langue de la majorité et que ce serait
peut-être anormal que quelqu'un réponde dans un ministère
quelconque et dise: Sorry, I cannot speak to you in French. Je pense qu'en
1983, ce serait plutôt inusité; je pense même que ce serait
impossible.
Je crois que lorsqu'on disait qu'il faut trouver des solutions
adaptées au contexte québécois, ce que nous voulions dire,
c'est qu'il faut trouver les moyens d'inclure, de chercher à ouvrir des
portes plutôt que de fermer des portes.
Je terminerai en mentionnant que, en vertu de l'article 20 de la Charte
de la langue française, croyez-le ou non, dans les hôpitaux 113-F,
c'est-à-dire les hôpitaux qui desservent une population d'une
majorité d'une langue autre que le français, on exige de
quelqu'un qui fait fonctionner un lave-vaisselle de passer un test de
français. Je pense que c'est une indication que la façon dont on
applique une politique avec laquelle tout le monde peut être d'accord
peut être tout aussi importante que le principe lui-même.
Mme LeBlanc-Bantey: Franchement, par niveaux, est-ce que vous
avez une opinion là-dessus? Je dois vous dire que l'expérience
qu'on a vécue, depuis que le rangement par niveaux est en vigueur, a
aidé le recrutement des membres des communautés culturelles. En
tout cas, cela nous apparaît une mesure qui a été efficace
pour les femmes. Et compte tenu des proportions, je pense qu'elle a
été encore plus utilisée pour les membres des
communautés culturelles que pour les femmes ou pour les autres personnes
visées par nos politiques, comme les personnes handicapées.
Est-ce que vous avez une opinion ou est-ce que vous avez eu l'occasion de
vérifier cela?
M. Mulcair: Oui, c'est un pas dans la bonne direction.
Mme LeBlanc-Bantey: Pardon?
M. Mulcair: Les mesures prises jusqu'à maintenant sont un
pas dans la bonne direction, mais je pense que les chiffres démontrent
encore une fois - le relevé qui a été effectué par
votre ministère l'an dernier, malgré qu'il y ait divergence, on
est d'accord pour dire que nous ne les admettons pas - que les programmes en
question sont un bon début. Il faut aussi se rendre compte, - comme vous
l'avez dit également - qu'il y a des changements de mentalité:
depuis six ou sept ans la communauté québécoise
d'expression anglaise a dû faire tout un cheminement et ce n'est pas fini
pour certains. D'un autre côté, moi, pour avoir passé cinq
ans dans la fonction publique du Québec, je pense qu'à
l'intérieur souvent, par exemple, dans des syndicats, partiellement
à la blague, quelqu'un me disait: "Que faites-vous là? Vous avez
déjà les jobs dans le privé et vous venez nous voler les
jobs dans la fonction publique." Et j'étais obligé d'essayer de
justifier mon existence au sein de la fonction publique du Québec. Je
pense qu'il y a des changements d'attitude qui vont venir au fur et à
mesure que les gens prendront l'habitude d'entendre un accent, de voir une peau
d'une autre couleur, de travailler à côté de quelqu'un
handicapé ou d'avoir une femme comme patronne. Ce sont des changements
de mentalité et cela ne se fait pas du jour au lendemain; je pense que
ce serait naïf de prétendre que cela peut se faire. Mais pour ce
qui est des mécanismes de contrôle ou de vérification, pour
s'assurer que ce qui est un voeu louable ne devienne pas un voeu pieux,
vidé de sens par manque de contrôle, je pense qu'il faut, comme on
s'entendait tout à l'heure, ajouter des dents à ces
dispositions.
Mme LeBlanc-Bantey: Attendez, je ne voudrais quand même pas
vous induire en erreur. J'ai dit qu'on va évaluer cet automne
l'efficacité des programmes d'accès à
l'égalité. Et, à ce moment-là, on va décider
si on va continuer l'approche plutôt incitative qu'on a eue, comptant
justement sur le changement des mentalités ou, au contraire, agir
davantage sur les mentalités. Mais, je veux quand même être
très claire, parce que la décision n'est pas prise quant à
l'orientation que moi, je recommanderai au gouvernement.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon (Louis-Hébert): M. le Président, je veux
d'abord remercier M. Mulcair de la sérénité de ses propos.
Je pense qu'il aurait pu, avec beaucoup de justification, prendre un ton
beaucoup plus revendicateur. Les propos qu'il a tenus, quant à moi, me
paraissent très convaincants. Ce sont des propos que j'ai eu l'occasion
de soumettre à Mme la ministre lors de la commission parlementaire sur
le ministère de la Fonction publique, l'an dernier et l'année
précédente. Et, avec le même ton contrit qui parfois
caractérise la ministre, elle nous explique que, dans les circonstances,
on fait ce qu'il y a de mieux; qu'on ne dispose pas de tous les outils
budgétaires qu'on voudrait; que le recrutement est au ralenti, etc.
Une chose demeure, dans les faits, c'est que la situation ne
s'améliore pas en ce qui concerne la représentation des
collectivités qui utilisent couramment l'anglais au sein de la fonction
publique. C'est une réalité constante. Même de ce
côté-là, je pense que Mme la ministre a eu l'occasion de
reconnaître qu'il y avait une détérioration. N'y aurait-il
pas détérioration, la situation étant déjà
suffisamment mauvaise, que le moindre piétinement constituerait un
recul. Je veux que cela soit très clair: il est inacceptable que cette
situation se prolonge de telle façon. On a beau trouver toutes les
raisons qu'on voudra; on a beau sortir les programmes qu'on voudra; qu'ils
s'appellent CIPACC, qu'ils s'appellent comme ils voudront, un fait demeure, ce
n'est pas mieux que c'était. Dans les circonstances, il faut trouver
autre chose. Que la ministre nous dise candidement qu'on va évaluer,
dans un avenir rapproché, l'évolution des mentalités et
que si cela ne suffit pas, on verra s'il n'y aurait pas moyen de faire certains
aménagements de nature à améliorer la situation, on peut
aller jusqu'à dire, tant qu'on ne me fera pas la preuve du contraire,
que la preuve est faite à l'heure où on se parle que la situation
n'est pas en voie d'amélioration; elle est en voie de
détérioration. Dans les circonstances, quelque chose doit
être fait.
Étant donné qu'on parle de fonction publique et qu'on
parle à la ministre de la Fonction publique, il ne convient pas de
renvoyer la balle ailleurs, que ce soit au niveau des services publics ou
parapublics, au niveau universitaire, scolaire, hospitalier; il faut que
quelque chose soit fait dans la fonction publique. On a beau invoquer, avec
raison, toutes les raisons historiques du monde, il faut, à un moment
donné, prendre le taureau par les cornes et corriger cette situation.
Autrement, force nous sera de tirer les conclusions qui s'imposent,
c'est-à-dire que cela reste au niveau des paroles et que les gestes ne
s'ajustent pas, ne se conjuguent pas avec les paroles. Et cela, ce n'est pas
récent. On fait état - on n'a pas fini d'en entendre parler - de
ce qui se passe au Manitoba. Je regrette l'intolérance où qu'elle
se produise, je la réprouve et je la combats. Je n'en prends surtout pas
prétexte pour l'installer et l'instaurer chez moi. Je pense qu'il faut
être clair là-dessus. La situation au Manitoba peut être
déplorable, sauf que je n'irai jamais jusqu'à ire que,
pour ce qui est des francophones au Manitoba, il s'agit là d'une cause
perdue et qu'on perd notre temps à s'en occuper et que plus vite on se
concentrera sur ce qui est essentiel au Québec, c'est-à-dire la
langue française pour la majorité des Québécois, en
oubliant le reste, plus vite on remplira sa vocation ou sa mission. Je ne suis
pas d'accord avec ces propos-là et je ne suis pas d'accord non plus avec
une série de gestes, d'explications ou de faux-fuyants qui font que, de
commission parlementaire en commission parlementaire, d'étude en
étude, de budget en budget, on nous explique, avec toutes sortes de
raisons, qu'on ne peut pas faire mieux dans les circonstances. Je fais appel
à M. Mulcair, à Alliance Québec, pour nous faire part de
propositions précises, de moyens de nature à pouvoir passer
à une autre étape, de façon qu'on puisse voir, quand on
fait état de certaines volontés d'amélioration, si on est
prêt à accepter de faire l'essai de certains moyens qui pourraient
corriger cette situation qu'on dit déplorer.
Il n'est pas suffisant de compter sur des changements de
mentalité. Ce sont là des voeux pieux. L'exemple que vous
apportez paraît révélateur et je pense qu'on est en plein
dans le sujet de la fonction publique, malgré que Mme la ministre ait
dit que vous sembliez plus porté à parler de la loi 101 que de la
Loi sur la fonction publique. Je pense qu'on est en plein dans la Loi sur la
fonction publique. Quand on examine un article précis de la loi que vous
nous avez cité, on ne peut faire autrement qu'être
entièrement d'accord avec cet article, mais j'ai en main une directive -
je ne sais pas quel nom a ce document - qui permet à des fonctionnaires
qui posent des gestes concrets dans le vécu quotidien, à savoir
comment la loi 101 s'applique, comment cela se vit, de passer à
côté de la lettre et de l'esprit de la loi 101 et, par
conséquent, d'effectuer un détournement de la volonté de
l'Assemblée nationale, la plus haute autorité du Québec.
C'est très grave et c'est très sérieux.
Je félicite Mme la ministre d'avoir eu la bonne idée de
dire que la fonction publique avait pour objet de fournir au public les
services de qualité auxquels il a droit. Il n'y a personne qui va
être contre cela. On continue, la fonction publique assure la
réalisation des politiques établies par l'autorité
constituée et l'accomplissement des objectifs de l'État. En
même temps qu'on dit cela, on s'organise, en tout cas on vit une
situation - je retire les mots "on s'organise" - qui est de nature à
nous amener à la seule conclusion possible. C'est qu'on ne respecte pas
la loi, ce qui a été les intentions de l'Assemblée
nationale. Je pense qu'on ne peut que déplorer cela.
Les chiffres que vous nous fournissez dans le court mémoire que
vous nous présentez sont des chiffres qui nous amènent à
nous poser de très sérieuses questions. Ce sont des chiffres qui
ne sont pas nouveaux. Ce sont des chiffres qui sont connus. Ce sont des
chiffres qui sont répétés à chaque occasion et il
est impossible, ici au Québec, de réaliser la concertation
sociale nécessaire, que ce soit pour une relance économique
valable, que ce soit pour une affirmation pure et simple du
Québec comme société forte. Si on ne prend pas les mesures
nécessaires pour qu'un segment de notre population qui va de 15%
à 18% ou à 17% ne sente pas qu'il peut participer de plein droit
à la vie de l'administration publique... Je pense que cette situation
doit être corrigée et ce n'est pas une faveur que de faire cela.
Ce n'est pas accorder un privilège. C'est tout simplement être
juste. C'est tout simplement être honnête aussi envers
soi-même parce que, finalement, nous-mêmes, nous avons tout
à retirer de cela et les revendications que nous faisons ailleurs n'en
auront que plus de crédibilité si nous sommes capables de prendre
les moyens, ici à l'intérieur des organes que nous
contrôlons qui sont les nôtres, d'accorder aux autres la justice
que nous réclamons pour nous-mêmes. (17 h 45)
Je prends votre mémoire comme étant une
représentation sérieuse, sereine d'une situation qui est
difficile, mais qui malheureusement n'est pas nouvelle et qui devrait subir, de
la part de l'Assemblée nationale, un certain nombre de changements.
J'imagine - j'aimerais simplement que vous me disiez ce que vous pensez
là-dessus - que la mise en place du principe d'imputabilité
pourrait, jusqu'à un certain point, permettre de demander des comptes
à quelqu'un quelque part.
J'aimerais que vous me disiez si vous pensez que c'est là un
moyen qui peut permettre à des gens à qui on aurait confié
l'atteinte d'un objectif quelconque, quel qu'il soit, sur lequel le
gouvernement se serait penché, qu'il aurait déterminé
lui-même et dont l'atteinte aurait été confiée
à un fonctionnaire ou à des fonctionnaires, si vous pensez que
l'imputabilité pourrait être un moyen de s'assurer que finalement
quelqu'un est comptable quelque part de progrès ou de
détérioration, à un moment donné?
M. Mulcair: Je ne suis pas sûr que ce serait suffisant. Je
pense que la situation qu'on examine dans les règlements, dans le projet
de règlement dont on faisait état sous l'égide de la
Charte des droits et libertés de la personne, est un exemple de ce qu'on
appelle: Do as I say and not as I do. On peut faire des leçons à
l'entreprise privée pour ce qui est de rendre des comptes pour le
programme d'accès à l'égalité et la rendre
responsable devant la Commission des droits de la personne; ce faisant, on
s'exempte de ces mêmes obligations, du moins de la part de l'État.
Je pense qu'effectivement, il faut un recours à une autre instance comme
la commission pour s'assurer des programmes que normalement on devrait - je
pense que cela devrait être "doit adopter" - adopter, qu'on veille
à leur exécution, à leur mise en place et que l'atteinte
de certains objectifs clairement identifiés, exprimés
publiquement puisse être vérifiée.
Le Président (M. Champagne): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: Je ne reviendrai pas sur l'ensemble de votre document,
M. Mulcair, mais j'aimerais quand même faire quelques remarques. Je dois,
moi aussi, mentionner le ton serein de votre intervention qui est quand
même un prélude. Même si on l'accepte mal, je pense que les
discussions qui s'en viennent au mois d'octobre sont très reliées
avec ce que vous nous présentez aujourd'hui dans une demande tout
à fait légitime d'une représentation adéquate de la
communauté québécoise d'expression anglaise. En même
temps, je dois dire que nous nous étions penchés aussi, à
la commission spéciale de la fonction publique, sur cette
représentation ou cette participation de votre communauté, de
même que des différentes communautés culturelles au
Québec, aux travaux de la commission de la fonction publique. Nous
avions fait certaines recommandations à cet effet-là.
Je pense que c'est vous qui avez mentionné des barrières,
à un moment donné, entre le secteur public et le secteur
privé. C'est aussi très facile d'élever des
barrières entre les différentes communautés. Il y a des
barrières psychologiques qui ne sont pas encore toutes tombées
malheureusement et on verra peut-être au mois d'octobre qu'il en existe
encore. Il ne faudrait quand même pas s'accrocher aux barrières
qui existent dans d'autres provinces pour ne rien faire ici ou dire qu'on a
tellement fait plus. Je pense que ce serait injuste de la part de
législateurs de dire de telles choses et ce serait aussi injuste en
fonction des gens que nous devons représenter ici comme
législateurs.
Vous avez mentionné aussi la "francophonisation" de l'entreprise.
Il y a cela aussi qui peut devenir un problème, je pense, au niveau de
la représentativité des différents groupes. Je pense qu'il
faut toujours le garder à l'esprit parce que ceux qui n'ont pas à
vivre ces situations ont tendance à l'oublier.
Dans votre mémoire, vous mentionnez qu'il y a eu certaines
initiatives et vous mentionnez le CIPACC, par exemple. Je ne suis pas certaine
que les résultats... C'est beau de former des comités, des
structures, de mettre sur pied de tels groupes, mais, au plan concret, quels
sont les résultats qu'on peut en espérer? Depuis la formation
d'un tel comité, quels ont été les résultats
concrets? Je m'interroge sur la valeur réelle de résultats qui
auraient pu provenir de la formation d'une telle équipe de travail.
Je dois aussi dire que j'accepte votre préoccupation et
l'interrelation avec la loi
101 quand vous nous revenez avec l'article 2. Quand on pense à
des notions de services au public, il faut par le fait même, si on veut
desservir l'ensemble de la population, avoir à l'esprit quelles sont les
personnes qui peuvent le faire. Je n'ai pas l'impression qu'on exige des
personnes de langue française de connaître la langue anglaise, par
exemple, dans certains secteurs d'activité de la fonction publique pour
donner à une partie de la population des services adéquats.
Vous avez parlé de tests qu'on exige dans certains postes, qui
n'ont vraiment rien à faire avec les choses qu'on demande. Cela aussi,
ce sont des préoccupations que je partage avec les gens de votre groupe,
je pense qu'il faudrait quand même continuer à travailler dans ce
sens. Les changements de mentalité se font souvent très
lentement. Les changements de situation se font souvent très rapidement.
Il y a souvent, entre les mentalités et les situations, un tel
fossé que cela amène justement cette émotivité
qu'on doit déplorer dans certains cas, par exemple. Encore une fois, la
sérénité avec laquelle vous nous faites part de vos
préoccupations est, pour moi, quand même un prélude
à d'excellentes relations au niveau des discussions qui auront lieu sur
la loi 101. J'y reviens, Mme la ministre, parce que l'un ne va pas sans
l'autre. Il faut regarder certaines émissions de télévsion
comme on vient d'en voir très récemment pour voir que
l'émotivité est loin d'être partie dans certains groupes.
Non seulement elle existe, mais elle existe d'une façon dangereuse. Je
pense qu'il faudrait garder cela à l'esprit dans les discussions
futures.
J'aimerais quand même que vous me parliez des résultats
concrets que vous avez pu remarquer dans certains groupements parce que, quant
à moi, je n'en ai pas vu. Je me demande si on n'est pas en train
d'espérer des résultats qui sont peut-être impossibles
à atteindre.
M. Mulcair: Le comité pour l'implantation du plan d'action
à l'intention des communautés culturelles a été
formé au printemps 1981 pour donner suite à un
énoncé de politique qui portait justement ce nom, qui a
été lancé par pur hasard juste avant la dernière
campagne électorale. Les résultats, pour répondre
carrément à votre question, sont malheureusement quasi
inexistants. Il y a eu des rapports, il y a eu des études, il y a eu des
propositions. En termes de résultats concrets, on ne peut vraiment pas
en parler.
Pour ce qui est des différents secteurs d'activité de la
fonction publique que vous avez évoqués, je pense que
peut-être l'avant-projet de loi donne ouverture à quelque chose
qui serait sans doute nécessaire pour assurer que les gens qui ont
besoin de services dans une autre langue puissent les avoir et que les gens
puissent fournir ces services dans deux langues. C'est l'article 80 qui
prévoit que le Conseil du trésor peut décider - avant,
cela se faisait par règlement - du paiement à un fonctionnaire
d'une rémunération en sus de ce qui lui est alloué pour
l'exercice de ses fonctions. Peut-être s'agit-il d'une ouverture aux
primes au bilinguisme qui seraient certainement bienvenues pour les personnes
qui, à l'heure actuelle, dans le domaine de la justice, par exemple,
doivent travailler dans deux langues, alors que d'autres ne le font pas
même si elles le peuvent.
Les secteurs d'activité de la fonction publique où on voit
une volonté réelle de l'État de fournir des services dans
une langue autre que le français ont tous trait aux cueillettes de
fonds. Les billets de Loto-Québec sont bilingues au dos,
c'est-à-dire toutes les instructions. La publicité pour les
obligations de la province de Québec est bilingue, c'est-à-dire
tous les prospectus. Les formules d'impôt, à l'inverse de la
situation qu'on a évoquée plus tât pour certains documents
destinés aux individus - et encore une fois contrairement à ce
qui a été indiqué dans la charte - tant pour les individus
que pour les personnes morales, sont disponibles en anglais. Donc, lorsque
c'est dans son intérêt, on trouve toujours moyen de fournir le
service en anglais, surtout quand il s'agit d'aller chercher des sous. Je le
dis avec un petit sourire, mais c'est finalement un peu cynique. Dans les
endroits où il s'agit de services à l'individu, on retrouve
justement des directives comme celles qu'on vient de voir, qui viennent fermer
des portes qui auraient dû normalement être ouvertes même en
vertu de la loi 101.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Je pense que votre suggestion d'une sorte de
tribunal d'appel pour vérifier les résultats de la politique,
cela devrait être certainement retenu pour être
considéré sérieusement.
Dans un autre ordre d'idées, je pense qu'on peut s'entendre pour
dire qu'il y a un rattrapage à faire dans ce domaine,
c'est-à-dire que les chiffres que vous avez évoqués sont
éloquents. Par contre, avez-vous des statistiques qui permettent de
mesurer s'il y a amélioration non pas en prenant la masse globale de
tous les fonctionnaires qui existent et en comparant les anglophones avec le
nombre total de francophones ou de fonctionnaires, mais en considérant
plutôt l'amélioration qu'il y aurait eu depuis 1981? Est-ce que
les pourcentages d'embauche d'anglophones depuis ce temps-là sont plus
élevés qu'auparavant?
M. Mulcair: Cela dépend encore une fois où l'on
prend nos chiffres. Depuis 1981, avec le peu d'embauchage qu'il y a eu, je
pense que, même si, en termes de proportion, il y a eu changement - et
effectivement il y a eu changement depuis 1981 - le nombre d'employés en
question est si peu que cela change très peu la proportion de
l'ensemble. Je pense qu'effectivement c'est une indication qu'il y a des
changements qui sont en route et qu'il faut faire plus en termes concrets. Il y
a eu une indication dans l'étude du Conseil de la langue
française que la population, que les anglophones qui s'identifiaient
comme tels au sein de la fonction publique constituaient une population
vieillissante qui se regroupait parfois dans certains ministères ou,
dans le temps, il y avait un English Minister of Finance. On retrouvait donc
certains groupuscules d'anglophones dans certains ministères qui avaient
de très longs états de service et qui étaient, dans la
plupart des cas, près de la retraite. Je pense que la situation,
à l'avenir, pourrait changer. Le fait est qu'historiquement il y a eu,
non seulement une sous-représentativité, mais je pense que c'est
aussi un fait historique - on peut s'entendre là-dessus - qu'il y a eu
une certaine réticence à venir dans la fonction publique du
Québec. On constate la même chose, que ce soit à la police
ou à la CUM, dans tout ce qui s'appelle secteur public dans la province
de Québec, que ce soit au plan municipal ou provincial, il y a un gros
problème.
Il y a des changements à effectuer. Je pense que la jeune
population de Québécois d'expression anglaise qui arrive sur le
marché du travail est beaucoup plus réceptive - nos propres
constatations ont tendance à le prouver - à l'idée de
travailler dans la fonction publique, dans les cégeps qui sont une
nouveauté qui n'existe que depuis environ une douzaine d'années
dans le secteur anglophone, dans les universités, à une plus
grande participation dans la vie des Québécois. On peut voir,
dans le secteur culturel et dans la vie de tous les jours, que les gens sont
beaucoup plus prêts à accéder à des postes en
administration publique au Québec. Je pense aussi qu'il y a des
barrières qui ont été imposées dans le
passé, ce qu'on pourrait appeler des barrières
systémiques. Il y a des organismes de l'État, des corporations
qui appartiennent au gouvernement du Québec, qui exigent un certain
nombre d'années d'enseignement en français avant de pouvoir
accéder à certains postes. Si on ne les a pas, peu importe la
qualité du français de l'individu, même s'il a
travaillé en français dans le milieu des affaires où cela
se francise, il aura cette barrière. Je pense que c'est le genre de
chose, c'est un exemple précis, mais je pense que, pour l'ensemble de la
fonction publique, on est en mesure de dire que les changements d'attitude sont
là. Les gens veulent plus que jamais s'intégrer à la vie
québécoise et participer à l'administration publique qui,
comme on le sait, a une ampleur en 1983 qui ne se compare même pas
à ce qu'elle était il y a vingt ans. (18 heures)
M. Tremblay: Si je comprends bien, on peut s'attendre qu'il y ait
plus d'offres d'emploi de la part des Québécois anglophones dans
la fonction publique que ce qu'on avait auparavant.
M. Mulcair: Je pense que, là-dessus également, il y
a eu des chiffres dernièrement qui tendent à démontrer -
si on peut parler d'un résultat - que le fait qu'on en parle tant fait
en sorte que les gens se rendent compte que ces postes existent et qu'on peut
les postuler. Mais si, par un stage de formation ou une extension du temps
disponible à une personne avant de devenir permanent, on lui permettait
de s'intégrer ou si on lui permettait de subir son examen
d'entrée dans une langue autre que le français, quitte à
lui faire faire les preuves de sa connaissance appropriée du
français un peu plus tard dans son cheminement de carrière, je
pense que ce serait un exemple parfait de ce qu'on pourrait faire. Si toutes
les règles de progression à l'intérieur ne sont pas
également sujettes à des programmes d'accès à
l'égalité, il y aura des sortes de barrières internes. La
grande proportion de la fonction publique est composée d'hommes
francophones. Si on n'assujettit pas les règles de progression de
carrière, les règles d'ancienneté à des programmes
d'accès à l'égalité, cela peut prendre
énormément de temps avant que les gens puissent avoir la chance
d'accéder à des postes plus élevés. Je pense qu'il
y a des choses concrètes qu'on peut faire: faire de la publicité
pour les concours de recrutement dans les journaux anglais, en anglais, et
expliquer de quoi il s'agit; des gestes concrets qu'on peut poser et qui
donneraient les résultats escomptés.
M. Tremblay: Je pense que votre participation à la
commission est extrêmement positive et je trouve heureux que vous vous
soyez présentés et que vous nous transmettiez ces suggestions. Je
suis persuadé que, si vous en avez d'autres pour nous aider à
trouver des moyens d'intégrer plus de Québécois
anglophones à la fonction publique québécoise, nous serons
certainement très heureux de les entendre.
M. Mulcair: Merci.
Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: En terminant,
très rapidement, je ne voudrais quand même pas que les
membres de l'Opposition donnent l'impression qu'on veut s'aligner sur les
autres provinces. Je pense que mon intervention a été très
claire là-dessus. Ce n'est pas parce que les francophones hors
Québec n'ont pas le sort qu'ils devraient avoir qu'on pense qu'on
devrait appliquer la même chose aux membres des communautés
culturelles de langue anglaise ou d'autres communautés. Je pense que les
gestes des différents gouvernements du Québec l'ont prouvé
depuis de nombreuses années.
Cela étant dit - cela va faire plaisir au député de
Louis-Hébert - moi non plus, je n'étais pas d'accord avec
l'intervention de mon collègue sur le sort de la société
franco-manitobaine. Je ne suis pas la première à le dire et je ne
serai sans doute pas la dernière.
Je pense que ce serait malhonnête de vous donner l'impression
qu'on peut accomplir des miracles dans la fonction publique. Je pense qu'il n'y
a pas de miracle qui s'est fait même en pleine période
d'expansion. C'est vrai que cela peut sembler des prétextes et que ce ne
sont pas des raisons pour ne pas faire le maximum de ce qu'on peut faire. Mais,
il est clair que, dans une période où le recrutement est à
peu près nul, ou diminué de beaucoup, les choses ne peuvent pas
aller aussi rapidement que le prévoyait le plan d'action. Qu'importe,
cela dit - cela a été publié à la veille de la
campagne électorale - je me permettrai de vous avouer bien
honnêtement que là où l'Opposition a vu de la
sérénité, j'ai eu l'impression d'entendre souvent aussi un
ton pas mal sarcastique. Mais on interprète différemment de
chaque côté du président; c'est peut-être normal
aussi.
J'ai aussi dit que la tolérance était des deux bords, que
cela se joue à deux et qu'effectivement, un climat de tolérance,
cela s'entretient par les deux parties. Et dans ce sens-là, de la
même façon, nous, comme francophones, avons comme
responsabilité de rectifier des abus de discours et de langage ou des
exagérations que feraient certains francophones qui, sur le plan de la
mentalité, ne seraient pas prêts à être aussi
réceptifs que d'autres. De toute façon, je pense qu'un organisme
comme le vôtre a une énorme responsabilité dans son milieu.
L'émotivité à laquelle faisait allusion Mme la
députée de Chomedey, cela s'entretient. Je pense que vous avez
aussi la responsabilité de replacer les choses dans leur contexte
quelquefois. Je n'ai pas toujours l'occasion d'écouter ou de lire vos
déclarations, mais j'espère que vous le faites. L'image du
Québec, c'est notre image à tous, qu'on soit de langue
française, de langue anglaise ou autre; on a une responsabilité
collective quant à l'image du Québec qu'on entretient, non
seulement ici, mais à l'étranger.
Pour revenir à la fonction publique -Mme la députée
de Chomedey m'a fait dévier - je disais donc que ce serait illusoire de
vous faire croire que des miracles peuvent se produire au cours des prochaines
années. On peut continuer les interventions qu'on a faites, les
accélérer et, à la limite, prendre des mesures plus
draconiennes, si c'est l'option qu'on doit prendre, mais le rangement par
niveau était aussi dans cette option quand on a pris cette
décision. Sauf que, si on n'avait qu'une clientèle
discriminée dans la fonction publique... Dans ce sens, je ne vois pas de
contradiction dans les deux articles que vous avez soulevés; je vais les
regarder sérieusement, mais je ne voyais pas le lien de la même
façon. Si on n'avait qu'une clientèle qui était les
membres des communautés culturelles, à la limite, on pourrait
peut-être s'illusionner plus longuement. Mais on a aussi d'autres groupes
sous-représentés.
Je ne pense pas que l'attitude ou la position devrait être
d'ouvrir un recrutement général pour représenter
l'ensemble de ces groupes traditionnellement discriminés dans la
fonction publique. Il faut vivre avec la réalité à
laquelle on fait face. Il faut aussi tenter, par tous les moyens possibles,
d'avoir des mesures d'attirance dans la fonction publique. Je pense que
l'Office du recrutement a fait un bon effort dans ce sens, tant dans la
publicité dans certains journaux ethniques que dans les programmes
d'accès à l'égalité. Ces gens ont prévu, ont
fait des échanges de stages. Vous faisiez allusion à des stages;
il y a eu de jeunes étudiants des universités anglophones qui
sont venus en stage dans la fonction publique québécoise. On
essaie de le faire par le biais du recrutement d'occasionnels. C'est moins bon
qu'un emploi permanent, mais, au moins, là aussi, on vise des
clientèles des communautés culturelles en disant: Au moins, ces
gens auront une chance de prendre contact avec la fonction publique, de se
faire connaître, de prouver leur compétence et,
éventuellement, cela pourra aussi leur favoriser des portes
d'entrée dans la fonction publique. Je pense qu'on prend des moyens. Il
y en a sans cloute d'autres à prendre.
S'il y a lieu, dans la loi - on verra les suggestions de l'Opposition et
d'autres groupes là-dessus - d'encadrer davantage cet aspect-là,
il n'y a pas d'inconvénient, sauf qu'il faut se dire, tout le monde,
qu'il faut aussi être réaliste et ne pas se lancer la pierre trop
facilement. Cela devient, à un moment donné, facile de se lancer
la pierre. Dans ce sens-là, je pense que les gens qui, dans la fonction
publique, ont la préoccupation de la représentation des membres
des communautés culturelles - un organisme comme le CIPACC - ont eu
beaucoup de bonne foi, de bonne volonté, et
ce serait très malsain de les démobiliser et de les
démotiver. Merci.
Le Président (M. Champagne): Au nom des membres de la
commission parlementaire, je remercie les deux personnes représentant
Alliance Québec d'être venues devant cette commission.
Le Comité provisoire des technologues de la fonction publique
présentera un mémoire, mais ce sera pour dépôt
seulement.
La commission parlementaire élue permanente de la fonction
publique suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 09)
(Reprise de la séance à 20 h 20)
Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente de la fonction publique
poursuit ses travaux afin d'entendre toute personne ou tout groupe qui
désire intervenir sur l'avant-projet de loi sur la fonction publique. Je
demanderais aux représentants du Syndicat des fonctionnaires provinciaux
du Québec Inc. de se présenter à l'avant, s'il vous
plaît.
On demanderait, M. le président, de vous présenter et de
présenter les personnes qui vous accompagnent. La procédure, la
règle générale, selon ce que vous voulez, est la suivante:
vous présentez votre mémoire, soit en résumé, on
vous donne peut-être 20 minutes pour le faire, c'est très souple;
ensuite, il y a une période de commentaires et de questions. Si vous
voulez bien vous présenter et présenter les personnes qui vous
accompagnent.
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec
M. Harguindeguy (Jean-Louis): M. le Président, bonsoir. On
s'excuse d'être aussi peu nombreux malgré le nombre de membres
qu'on représente. Vous comprendrez que nous avions déjà
indiqué notre non-disponibilité pour aujourd'hui. Nous avions
indiqué que le seul jour disponible était demain, le 28. J'ose
espérer que ce n'est pas symptomatique de l'attention que la commission
apportera à notre mémoire. En tout cas, que les revendications
qu'on formulera seront mieux retenues. Nos gens étaient en province
aujourd'hui et moi aussi. Alors, ceux qui ont pu se rendre disponibles pour ce
soir sont, à ma gauche, le premier vice-président des
fonctionnaires, Pierre Chassé, également, le troisième
vice-président des ouvriers, Marcel Lemieux et moi-même,
Jean-Louis Harguindeguy.
J'ose espérer que le mémoire a été lu. Je
pense qu'on pourrait s'exempter d'en faire la lecture de façon
complète. Globalement, ce qui ressort de notre mémoire, de
l'étude que nous avons effectuée de l'avant-projet de loi sur la
fonction publique, c'est ceci: à notre sens, il ne change pratiquement
rien, de façon concrète, de façon positive, dans la
gestion de la fonction publique. Comme nous avons d'ailleurs eu l'occasion de
l'indiquer à la ministre lors d'une rencontre précédente,
au cours du mois d'août, l'avant-projet de loi ne fait qu'ouvrir beaucoup
plus les portes au patronage et, en fait, au favoritisme dans la fonction
publique. On revient, quant à nous, à ce qui a existé
avant la venue du syndicalisme en 1960 alors que, pour devenir admissible, pour
avoir des promotions, pour avoir des nominations à des postes
supérieurs, il fallait nécessairement être en accord avec
nos patrons, nos dirigeants à tous les points de vue. Autrement, il sera
impossible pour nous, si on regarde certaines dispositions sur l'avant-projet
de loi de la fonction publique...
Quant à nous, la partie essentielle qui ressort, c'est qu'on
permettra dorénavant au ministère de faire le choix des candidats
puisque l'article 38 prévoit, au deuxième alinéa, que
lorsqu'un ministère réévaluera à la hausse un poste
qui aura été occupé de façon temporaire par un
fonctionnaire, le ministère pourra procéder à sa
nomination sans concours, alors qu'à l'heure actuelle c'est quand
même une obligation pour les ministères de tenir de tels concours
pour ratifier la nomination.
Pour nous, c'est un des points majeurs puisqu'on sait de quelle
façon cela fonctionne au niveau du gouvernement où les
affectations temporaires qui sont parfois permanentes s'effectuent de
façon outrancière. D'autre part, nous estimons aussi que des
ouvertures additionnelles seront créées puisqu'elles permettent
aux sous-ministres qui seraient responsables de la gestion d'exiger des
conditions additionnelles à celles qui sont requises par les plans de
classification, ce qui, en définitive, permettra de faire des choix
préalables des candidats qu'on veut éventuellement rendre
admissibles si des concours se tiennent.
Il y a aussi un aspect qui est drôlement important pour nous et
qui va à l'encontre du rapport de la commission Bisaillon. C'est la
question du principe du mérite, puisque dorénavant, le rangement
par niveau et la nomination au choix parmi les candidats seront possibles, ce
qui ne l'est pas à l'heure actuelle, mis à part les programmes
d'égalité à l'emploi. Quant à nous, toutes ces
ouvertures vont nous ramener à ce qui a existé avant que le
syndicalisme soit instauré dans la fonction publique.
Bien entendu, le seul aspect sur lequel nous sommes d'accord dans
l'avant-projet de loi est l'abolition du ministère de la Fonction
publique. On l'a déjà exprimé à la commission
Bisaillon aussi. On estime qu'on
élimine un intermédiaire qui n'a aucun pouvoir à
l'heure actuelle en vertu de la loi puisque la loi actuelle prévoit que
le ministère doit faire ratifier tous ses règlements par le
Conseil du trésor. Nous estimons donc que, la vraie autorité qui
agit actuellement au nom du gouvernement étant le Conseil du
trésor, nous sommes aussi bien de faire affaire directement avec lui,
sauf qu'on souhaiterait quand même que la transparence qui est si
chère à la parraine du nouveau projet de loi soit
également applicable dans le cas du Conseil du trésor, car on
sait que les règlements éventuels, les directives, les
énoncés de politique - parce que cela pourrait être
n'importe quoi qui va déterminer les politiques à appliquer dans
la fonction publique - ne feront pas nécessairement l'objet d'un
règlement, ne seront pas nécessairement rendus publics,
contrairement à ce qui existe pour l'Office des ressources humaines et
également la Commission de la fonction publique. Nous estimons que si on
veut assurer la transparence, si on veut également que les
fonctionnaires, les employés soient au fait des conséquences des
contraintes qui leurs sont imposées, le strict minimum est qu'ils soient
tenus au courant de ces divers règlements.
D'autre part on souhaite - on vous l'indique dans le mémoire -
qu'il y ait le moins de règlements possible. Quant à nous, si on
veut réellement rendre la fonction publique efficace, c'est par une
collaboration étroite des employés. Cela présuppose quand
même un climat de confiance. Cela présuppose donc des accords qui
interviennent avec le représentant des employés, ce que ne
prévoit pas l'avant-projet de loi tel que formulé avec le
principe de l'imputabilité où on laisse tous les gestionnaires
responsables de leurs actes. On a quand même constaté qu'il n'y a
pas seulement le pouvoir de délégation et de
subdélégation qui est possible à tous les niveaux.
Même le Conseil du trésor pourrait éventuellement donner
ses mandats à n'importe quel ministère ou organisme, n'importe
quel fonctionnaire, l'Office du recrutement et de la sélection du
personnel ou des ressources humaines également. En fait, ce sera un
charivari épouvantable dans la fonction publique. On se retrouvera avec
30 fonctions publiques dans la grande fonction publique
québécoise. Je pense que ce n'est pas de cette façon qu'on
peut assurer l'efficacité de la gestion au gouvernement.
Dieu sait qu'à l'heure actuelle, même avec des pouvoirs
réglementaires qui sont prévus dans la loi, qui sont
attribués au ministère de la Fonction publique ou au Conseil du
trésor, même le Conseil du trésor, qui a des pouvoirs
coërcitifs assez importants aujourd'hui, s'avoue incapable de faire
appliquer les règlements, ses propres règlements, par les
ministères. J'en ai une preuve tangible dans une correspondance que je
viens tout juste de recevoir, à la suite de démarches
effectuées dans le cadre de l'embauche d'employés occasionnels,
où le Conseil du trésor a établi qu'il ne peut exercer un
pouvoir coërcitif vis-à-vis des ministères. Or, la
réglementation actuelle prévoit que l'embauche d'occasionnels
à des emplois spécifiques doit obtenir, au préalable
l'accord du Conseil du trésor. Tantôt, quand on ouvrira ces
pouvoirs délégués, en fait, comment est-ce qu'on pourra
s'assurer qu'effectivement la gestion sera exercée de façon
efficace? On en doute.
D'autre part, il y a aussi un aspect important quant à nous et je
pense que l'expérience a démontré la
nécessité de conserver à la Commission de la fonction
publique les pouvoirs qu'elle a présentement. Même on souhaiterait
qu'ils soient amplifiés, dans le sens qu'on voudrait qu'il y ait un
organisme qui puisse enquêter pour s'assurer de l'application de la loi
et de ses règlements, ce que ne prévoit pas l'avant-projet de
loi.
Les dispositions à l'article 30a de la loi actuelle étant
éliminées dans l'avant-projet de loi, quel est l'organisme qui va
tantôt s'assurer qu'effectivement les ministères, le Conseil du
trésor et l'Office des ressources humaines, qui relèvera d'une
autorité politique, va effectivement appliquer les règlements? Il
n'y aucun pouvoir coërcitif prévu dans la loi. Il n'y aura non plus
aucun recours pour les employés qui seront assujettis à cette
loi. Je pense qu'il y a essentiellement bien des oublis qui ont
été effectués dans la préparation de cet
avant-projet de loi, voulus ou, en fait, involontaires. Il nous reste
peut-être à chercher à le savoir. Mais ce sont quand
même des points extrêmement importants parce que les
employés de l'État se retrouvent à toutes fins utiles
devant aucun recours éventuel pour faire respecter leurs droits les plus
légitimes. Cela crée des situations plutôt ambiguës
à l'intérieur des ministères qui ne créent pas un
climat de travail favorable. On parle d'améliorer l'efficacité et
l'efficience; même on veut inventer des primes au rendement. Je ne pense
pas que ce soient les solutions pour amener justement l'efficacité dans
la fonction publique. D'ailleurs, un des prédécesseurs de la
ministre actuelle, M. Denis de Belleval, même si nous l'avons
contesté, a quand même formulé certaines
déclarations qui, aujourd'hui, en fait, se retrouvent totalement
à l'opposé. La position du gouvernement a changé depuis
les derniers cinq ans de façon tellement draconnienne qu'on ne s'y
retrouve plus dans la philosophie que poursuit le gouvernement dans la gestion
de sa fonction publique. Ce qui a été bon il y a cinq ans,
aujourd'hui est envoyé au
rebut, à toutes fins utiles et on va revenir à la
situation qui prévalait avant qu'on puisse se former en syndicat.
Il y a aussi un aspect qui nous fait drôlement peur: c'est
l'article 84 de la loi, ou de l'avant-projet de loi puisqu'il pourrait vouloir
dire la fin du syndicalisme dans la fonction publique. L'avant-projet de loi
permet au Conseil du trésor d'exclure de l'application de la loi quelque
catégorie d'employés que ce soit, de l'exclure même
lorsqu'il s'agit d'employés permanents du régime syndical,
c'est-à-dire que ces employés se retrouveraient sans aucun
syndicat pour les représenter alors que -position quelque peu aberrante
- les employés occasionnels resteraient assujettis au régime
syndical. Je pense qu'il y a des contradictions flagrantes, des
incohérences évidentes qui nous démontrent qu'il y a
peut-être un suivi qui n'a pas été effectué. (20 h
30)
Je pense à certaines recommandations de la commission Bisaillon.
Le régime syndical pour lequel on revendique depuis déjà
de nombreuses années, depuis le début de notre existence, de
pouvoir négocier l'ensemble de nos conditions de travail, n'a absolument
pas été retenu. C'est le régime syndical actuel qui a
été reconduit avec seulement des concordances. On estime qu'en
1983 il y aurait lieu que des modifications soient apportées à la
philosophie du gouvernement quant aux relations du travail avec ses
employés. Si le gouvernement veut perpétuer le climat qui a
prévalu au cours de l'automne dernier et qui nous a amenés
à un cul-de-sac lors des négociations, je pense que le meilleur
moyen est d'adopter l'avant-projet de loi tel que vous l'avez actuellement sur
la table.
Je pense que ce n'est pas la façon d'amener un climat de
confiance grâce auquel les gens seront heureux de travailler dans la
fonction publique, et ce pour offrir à l'ensemble des citoyens les
services de qualité auxquels ils sont en droit de s'attendre et pour
lesquels, d'ailleurs, ils paient assez cher. Mais cela présuppose, au
point de départ, la collaboration de tous. Je pense que si le
gouvernement veut décider de façon totalitaire,
unilatérale dans ce domaine-là, inévitablement ce sera le
chaos le plus complet. Je pense qu'avec l'expérience qu'on a
vécue, le gouvernement a intérêt à tempérer
quelque peu son attitude pour faire en sorte qu'on puisse commencer à se
parler et à décider quelque chose. C'est aberrant de constater
que même dans un contexte... Je prends un exemple tout récent,
celui où on revendique une ouverture dans la loi concernant l'annulation
d'entreprise.
De plus en plus le gouvernement semble s'orienter vers la
décentralisation, c'est-à-dire confier à des
sociétés autonomes des responsabilités qui incombent
à des ministères, même de confier aux MRC aussi des
responsabilités qui incombent à des ministères. Je pense
qu'il y aurait lieu de garantir aux employés actuels leurs droits les
plus légitimes, leurs conditions de travail et leur
sécurité d'emploi. Ce qui n'est pas le cas.
Comment voulez-vous qu'on puisse collaborer, travailler dans un climat
de confiance quand, pour faire valoir les droits les plus simples de nos
membres, on se retrouve en Cour supérieure afin d'essayer d'avoir comme
condition essentielle le strict respect d'un décret qui nous a
été imposé au mois de décembre dernier. Je pense
que ce sont des situations qui, à notre sens, sont contraires à
toute règle normale de gestion d'employés. C'est une attitude que
le gouvernement devra modifier de façon complète. Il va falloir
qu'il y ait un certain examen de conscience qui se fasse si on veut que les
gens puissent réellement donner le plein rendement. L'avant-projet de
loi, avec toutes les ouvertures possibles de patronage-favoritisme, nous fait
penser le contraire.
Il y a aussi un sujet sur lequel je voudrais terminer, parce que je sais
qu'il est cher au coeur de la ministre. C'est la condition féminine,
l'égalité en emploi dans la fonction publique. L'avant-projet de
loi en traite quelque peu à trois articles - les articles 41, 81 et 4 -
mais tellement peu que finalement on pourrait passer assez rapidement sur le
sujet. Mais, pour nous, c'est quand même important, 52% de nos membres
sont des femmes. Même si on veut laisser croire qu'il y aura des
programmes d'accès à l'égalité pour les femmes, les
personnes handicapées, les communautés culturelles et les
autochtones, si on se fie à l'expérience qu'on a vécue au
cours des quatre dernières années, les résultats de
l'expérience ne sont pas garants de l'avenir, contrairement à ce
qu'on pourrait croire. Les programmes d'accès à
l'égalité sont d'abord imposés par le gouvernement, par
les ministères, il n'y a pas d'accord intervenu à ce niveau.
Quand on parle de conditions de travail et de gestion d'employés, cela
présuppose au point de départ au moins un accord tacite des
employés, si on veut qu'il y ait une certaine réussite des
programmes, ce qui n'a pas été le cas. La représentation
des femmes dans les niveaux hiérarchiques de la fonction publique n'a
pas tellement changé depuis les quatre dernières années.
On n'a pas non plus profité des promotions puisqu'il n'y en a plus. Avec
une politique de réduction d'effectifs, comment voulez-vous permettre,
quand des emplois libérés par des personnes qui
décèdent, prennent leur retraite ou démissionnent ne sont
pas comblés, que des groupes, qui étaient
défavorisés jusqu'à présent, puissent
accéder à des postes supérieurs? C'est la même
remarque qu'on pourrait formuler à l'égard des
handicapés et des communautés culturelles. Il n'y a plus
d'embauche dans la fonction publique, comment peut-on s'assurer
qu'effectivement les personnes handicapées puissent venir en grossir les
rangs? Le gouvernement même s'efforce de mettre à pied et de
congédier des gens qui deviennent invalides en cours d'emploi. On parle
d'en embaucher, alors que ceux qu'on a déjà on les envoie chez
eux.
Je pense qu'il y a des incohérences flagrantes dans la gestion
courante et ce n'est sûrement pas cet avant-projet de loi qui va nous
permettre de régulariser cette situation. Je pense qu'au point de
départ tout cela présuppose une collaboration des plus
étroites. Nous l'indiquons dans le mémoire, nous sommes
même disposés, s'il le faut, à collaborer à
l'intérieur d'un comité technique qui pourrait amener des
résultats concrets. En 1965, quand une première loi de la
fonction publique a été élaborée, cela a
été à la suite de travaux conjoints. Le gouvernement,
à l'époque, n'a pas hésité à obtenir la
collaboration des syndicats pour l'élaboration du projet de loi. Je sais
bien que, l'Assemblée nationale étant souveraine, vous me direz:
Ce n'est pas de votre ressort. Mais, dans les circonstances et suivant
l'expérience qu'on a vécue depuis les dernières
années, le gouvernement a intérêt à rechercher la
collaboration de tous ceux qui sont censés être ses principaux
collaborateurs, ses propres employés. Ce qui, malheureusement, n'est pas
le cas à l'heure actuelle. C'est l'essentiel de notre mémoire
qu'on vous a déposé au cours de la semaine dernière.
Je suis disposé à répondre à toutes les
questions que vous jugerez à propos de me poser, si certains aspects de
notre mémoire ne sont pas sufisamment clairs pour vous indiquer les
revendications qu'on a à formuler. Essentiellement, ce qu'on voudrait,
c'est que, comme employés de l'État, on puisse être
considérés comme tout autre citoyen du Québec, à
tous les niveaux, autant dans la négociation, dans nos droits civiques
de faire du travail politique, autant en temps d'élection que quand il
s'agit de déterminer nos conditions de travail. Je pense que c'est de
cette façon qu'ensemble on va pouvoir arriver à donner aux
citoyens quelques-uns diront qu'ils nous paient grassement, parce que c'est le
thème utilisé par le gouvernement depuis de nombreuses
années - des services pour lesquels ils paient. On est prêt
à le faire, mais cela présuppose aussi que les autorités
acceptent notre collaboration. Nous sommes réceptifs à ce
niveau-là.
Le Président (M. Champagne): Merci. Mme la ministre, pour
des commentaires et des questions.
Mme LeBlanc-Bantey: M. le Président, je voudrais d'abord
m'excuser auprès du Syndicat des fonctionnaires si la convocation de ce
soir a bousculé sensiblement leur emploi du temps. Il nous semblait que
la première convocation avait été faite pour demain et que
vous n'étiez pas disponibles. J'ai l'impression qu'il y a eu un
malentendu. Quoiqu'il en soit, on apprécie que vous vous soyez quand
même déplacés pour tenter de véhiculer votre point
de vue auprès de la commission parlementaire.
Cela étant dit, je voudrais aussi remercier M. Harguindeguy pour
l'ensemble des commentaires qu'il a faits. Certaines de ses remarques
méritent d'être étudiées avec la plus grande
attention. Malgré le climat qui a pu découler des
dernières négociations, je ne pense pas qu'il faille voir dans ce
projet de loi plus d'intentions cachées qu'il n'y en a. En tout cas, ce
n'est pas dans cet objectif que l'avant-projet a été
préparé au ministère de la Fonction publique. Je pense
qu'il serait peut-être de bon aloi, dans un contexte futur de relations
de confiance et d'harmonie, de ne pas nous prêter plus de mauvaises
intentions qu'on n'en a eu dès le départ.
Vous avez dit dans votre mémoire - je pense que vous l'avez
souligné en résumé -votre préoccupation pour le
service aux citoyens, tout ceci mis en parallèle avec la
déréglementation que nous préconisons effectivement dans
l'avant-projet de loi, déréglementation qui, à notre avis,
correspond à un diagnostic qui a été posé non
seulement par les artisans de l'avant-projet de loi, mais entre autres par la
commission Bisaillon, par l'ensemble des gestionnaires et souvent aussi par des
fonctionnaires ou des professionnels qui ont l'occasion, à un moment
donné, de porter des jugements sur la gestion actuelle de la fonction
publique.
Je disais ce matin, dans mes notes préliminaires, que je n'avais
pas l'impression que les gouvernements étaient avant-gardistes en soi.
Je crois plutôt que les gouvernements reflètent dans leurs lois
des attentes qui viennent de groupes de pression ou du consensus
général d'une société. C'est dans ce sens qu'on
arrive avec un avant-projet de loi qui va dans le sens contraire, je le
reconnais, de la loi 50 qui, elle, prévoyait une réglementation
plutôt rigide, plutôt sévère pour tenter de contrer
certains abus auxquels ont du faire face les gens de la fonction publique. Nous
avons pensé, cinq ans plus tard, qu'il y avait peut-être lieu de
se rajuster et de tenter d'avoir une gestion des ressources humaines
adaptée aux attentes de la population du Québec et adaptée
aussi aux attentes des personnes vivant à l'intérieur de la
fonction publique, qui, elles-mêmes, admettront que la
réglementation et la gestion sont devenues beaucoup trop
complexes, beaucoup trop réglementaires. Nous avons choisi une
option qui, effectivement, va tout à fait dans le sens contraire de la
loi 50 mais qui nous paraît, en tout cas pour le moment, la meilleure
façon d'offrir un service de qualité aux citoyens.
On l'a mentionné ce matin, ce n'est pas simplement par un
amendement à la Loi sur la fonction publique qu'on pourra y arriver. Il
faudra que l'ensemble du gouvernement, les organismes centraux, emboîtent
le pas. On a eu l'occasion d'en discuter longuement. Il nous semblait que
c'était une approche préférable à une approche de
réglementation, à une approche très rigide qui, vous
l'avez souligné vous-même, malgré tout, ne règle pas
tous les problèmes. Ce n'est pas parce qu'il y a des règlements
très rigides qu'ils sont nécessairement respectés. Vous
avez fait allusion à un règlement qui, semble-t-il,
émanerait du Conseil du trésor et qui, finalement, n'est pas
respecté par certains ministères.
Notre approche a été de se dire qu'il ne sert à
rien de mêler tout le monde avec de multiples règlements pour
tenter de corriger quelques abus qu'il peut y avoir ici et là; on est
mieux d'agir par rapport aux abus plutôt que d'essayer, a priori, de
prévoir tous les abus. On ne pourra jamais les prévoir tous, de
toute façon, et à la limite, si on voulait tenter de corriger
tous les abus qu'a pu provoquer la loi 50, il faudrait peut-être qu'on
ait une loi à laquelle on ajouterait une centaine de règlements.
Après expérience, on pourrait peut-être, dans quelques
années, en faire une autre pour tenter de régler d'autres abus.
Finalement, c'est un cercle qui n'en finit plus et c'est un choix à
faire. Nous, on a choisi l'autre option. Elle est peut-être discutable,
elle n'est pas nécessairement parfaite, mais elle nous apparaissait de
loin préférable à une réglementation à
outrance.
Je ne m'attarderai pas là-dessus. Je veux revenir à votre
affirmation que, finalement, avec une approche comme la nôtre, on revient
grosso modo à ce qui existait avant les années soixante. Vous ne
m'en voudrez pas de vous dire que je pense que vous n'êtes pas dupes.
Vous savez très bien que, même avec une approche comme le
rangement par niveaux, on ne revient pas du tout à ce qui existait avant
1965, au moment où vous vous êtes syndicalisés, où
vous avez tenté d'éviter par vos conventions collectives certains
abus, ou vous avez voulu contrer des abus de la gestion qui était
complètement politisée. Mais, au-delà de cela, la loi 50 a
quand même introduit la règle du mérite, le principe du
mérite qui n'est pas du tout touché par l'avant-projet de loi.
C'est vrai que nous changeons la méthodologie. Nous changeons l'ordre
numérique strict pour un rangement par niveaux, mais vous savez fort
bien que tout le processus de recrutement et de promotion doit continuer
à s'appliquer avec la même rigidité.
J'oublie les allusions que vous avez faites à certains articles
qui pourraient, à votre avis, ouvrir des portes un peu trop larges. Il y
a lieu de regarder cela aussi, mais le principe du mérite demeure le
même. La seule chose, c'est qu'à un moment donné - un des
objectifs premiers était de favoriser l'accès à la
fonction publique de certaines clientèles visées par
l'égalité à l'emploi - nous disons: À
compétence égale... Le niveau, vous savez comment cela
fonctionne. Dans un concours de 300 points, le niveau se joue à
l'intérieur de 20 points. Autrement dit, entre quelqu'un qui a
peut-être 260 points et l'autre personne qui en a 240, les analyses qui
ont été faites prouvent que les personnes à
l'intérieur de ce niveau sont vraiment à compétence
égale; ce qui joue dans le choix des candidats, c'est très
souvent les préjugés des membres du jury qui examinent les
candidats. C'est là qu'on a réalisé que la règle du
mérite avait beaucoup de mérite, mais qu'elle avait tendance
à discriminer systématiquement des gens qui ne faisaient pas
partie de la majorité, de la minorité en nombre, mais de la
majorité en importance sociale, masculine, francophone. C'est la raison
pour laquelle on est arrivé avec une mesure pour tenter
d'équilibrer, mais cette mesure se joue toujours dans des niveaux de
compétence égale.
Il ne s'agit pas, comme c'était le cas avant 1960, d'aller
chercher son cousin, son "chum", son voisin parce qu'il était du bon
bord. Ou encore, même avant la loi 50, de la façon dont les
niveaux fonctionnaient, il y avait des listes d'admissibilité, où
des candidats étaient déclarés aptes, on suggérait
trois personnes à un gestionnaire, le gestionnaire n'était pas
content des trois, il en redemandait trois autres jusqu'à l'infini. S'il
y avait 20 personnes, 30 personnes sur la liste, jusqu'à ce que le
gestionnaire trouve la personne qui lui convenait, il pouvait demander de
retourner voir la liste. Le rangement par niveau implique que cela se joue sur
une base de 20 points, ce qui peut, dans certains cas, signifier qu'il n'y aura
qu'une personne dans le niveau parce que si une personne, admettons, a 260
points, pour reprendre mon exemple précédent, et une autre 230,
il a déjà dépassé les 20 points. Donc, il y aurait
une personne. Il se peut qu'il y ait deux personnes ou trois, sauf que lorsque
le niveau sera fini il sera fini. Il n'y aura pas 15 ou 20 personnes avec
toutes la latitude qu'il y avait avant l'instauration de la loi 50 et de la
règle du mérite. Je pense que vous devriez reconnaître que
c'est quand même extrêmement différent de ce qui existait
avant et que cela n'entache pas le
principe du mérite. Qu'il y ait une méthode ou une autre,
les niveaux de compétence, le processus de recrutement et de
sélection ou de promotion doit demeurer aussi étanche -parce
qu'on ne peut jamais être complètement étanche, tant qu'il
y a de la nature humaine il y a aussi des abus à tenter de
contrôler - que possible, le plus étanche possible. Je pense que
l'avant-projet n'entache pas du tout cet aspect.
Il est vrai que la déréglementation peut entraîner
d'un ministère à un autre des attitudes différentes. Vous
dites que le danger est qu'il y ait 30 fonctions publiques. De toute
façon il n'y aura jamais une déréglementation aussi large
que vous voulez le laisser entendre. Il y aura toujours les conventions
collectives et l'avant-projet qui tentera de normaliser, tout au moins sur le
plan de l'application des conditions de travail, la situation des
employés d'un ministère à un autre. Que, dans certains
ministères, il y ait des aspects de la gestion du personnel qui se
passent différemment d'un autre, ce n'est peut-être pas non plus
tout à fait scandaleux, et cela ne va pas nécessairement non plus
à l'encontre des employés de ce ministère qui peuvent
aussi, selon des situations qui correspondent finalement à des
réalités qu'ils sont peut-être les seuls à vivre,
tenter d'avoir des règlements qui seraient beaucoup plus
équitables pour eux que des règlements complètement
uniformes.
En tout cas, là-dessus, je ne suis pas sûre que ce soit si
malsain que cela une espèce de latitude dans la gestion. S'il y a lieu
de répondre à certaines craintes que vous avez, on verra s'il y a
moyen de resserrer. Je pense qu'il ne faut pas, a priori, condamner la
déréglementation ou une certaine latitude de gestion en pensant
que tout va nécessairement aller très mal et que le seul
intérêt des politiciens ou des gestionnaires est encore,
arbitrairement, d'offrir des mauvaises conditions de travail ou de taper sur la
tête des employés.
Ce sont, grosso modo, les deux commentaires que je fais. J'ai deux
questions à vous poser. Premièrement sur la
déréglementation. Vous disiez qu'effectivement vous aviez
l'impression que déjà les citoyens avaient un excellent service.
Que répond-on finalement à un diagnostic comme celui qu'a fait la
commission Bisaillon ou beaucoup d'autres groupes de notre
société qui disent finalement que la fonction publique est
devenue tellement surréglementée, surnormalisée, etc.,
qu'il n'y a plus personne de responsable dans cette fonction publique? Il faut
donc trouver les moyens d'aérer un peu cela, lui donner les moyens et
trouver de nouvelles façons de gestion qui lui permettent d'être
plus proche des demandes des citoyens. Est-ce que vous avez une approche qui
pourrait répondre aux mêmes objectifs et en même temps qui
pourrait être différente de celle qu'on a dans l'avant-projet?
Deuxième question. Honnêtement, admettez-vous que le
rangement par niveaux n'est quand même pas un retour à ce qui
existait avant 1960?
M. Harguindeguy: Quant à votre première question,
Mme la ministre, pour ce qui est de déréglementer nous sommes
d'accord avec la déréglementation. Cependant ce n'est pas dans le
sens d'augmenter les droits de gérance comme le fait l'avant-projet de
loi. Si on déréglemente, vous nous dites qu'il y aura toujours
des conventions collectives. Tant mieux, je le souhaite, c'est notre
désir le plus cher.
D'ailleurs c'est notre but. Mais est-ce que les conventions collectives
vont comporter la négociation de l'ensemble des conditions de travail?
J'en suis moins sûr. L'avant-projet de loi maintient quand même les
restrictions qui nous sont imposées à l'heure actuelle, qui
concernent tout le régime de la dotation, de la nomination des
employés. Vous avez même pris la précaution dans
l'avant-projet de loi de prévoir que dorénavant tout changement
d'affectation, toute mutation va devenir une nouvelle nomination qui, elle,
n'est pas négociable. Vous allez donc quand même me permettre de
craindre cette déréglementation.
Déréglementer et laisser les droits à tout le monde
sans avoir aucun recours possible ni avoir aucune autorité
véritable pour faire en sorte qu'un organisme puisse imposer à un
ministère l'application de certains règlements ou même de
certains accords, on le vit déjà à l'heure actuelle. Vous
êtes responsable d'un ministère qui n'a aucun pouvoir
vis-à-vis des autres ministères au niveau même de
l'application d'une convention collective. Même si on arrive à
s'entendre avec vos représentants au niveau de l'interprétation
à donner, si un ministère décide de vous envoyer promener
comme ils le font avec nous, on est obligé de se retrouver en arbitrage.
On l'a fait même en cour, cette semaine.
Quand on parle de la règle du mérite pour dire que le
rangement par niveaux ne revient pas à ce qui existait auparavant, vous
me permettrez d'en douter encore. Je me mets à la place d'un de nos
membres, je pourrais vous donner son nom, Denis Paré, de Sherbrooke,
qui, après deux reprises, s'est qualifié effectivement à
un concours d'agent social principal. Au premier concours, d'autres candidats
l'ont suivi et qui étaient inscrits aussi dans le premier niveau. Comme
il est arrivé le premier, le ministère ne voulant pas le nommer,
parce que le choix ne pouvait pas se faire, le ministère décide
d'abolir le poste. Notre membre n'a pu rien
faire. En fait, c'est le droit le plus légitime de la gestion,
l'abolissement.
Quelque temps après, le ministère a ouvert un nouveau
concours, encore d'agent social principal. Notre même bonhomme s'est
qualifié encore le premier, il était le seul sur la liste. Il n'y
en a pas eu d'autre cette fois. Mais le ministère ne voulant pas le
nommer encore, il ne l'a pas nommé. Il a aboli le poste à
nouveau. Donc, si vous aviez instauré le rendement par niveaux,
croyez-vous que mon cher ami, Denis Paré, aurait eu la promotion? Sur
quel critère l'organisme se serait basé pour dire: je prends Jos
Bleau à la place de Denis Paré? Quel recours aurait-on eu?
À l'heure actuelle, on peut au moins faire porter l'odieux sur le
ministère pour dire que c'est parce qu'il y a réellement des
conflits de personnalités qui existent et qui font en sorte que la
personne, même si elle est déclarée apte à un
concours, n'est pas nommée. On peut leur faire porter cet odieux. Mais,
éventuellement, avec le rangement par niveaux que vous instaurez pour
l'ensemble des concours, quelles seront nos possibilités de
prétendre... On pourra toujours dire ce qu'on voudra, vous me direz:
Écoutez, c'est toute la même valeur; il y a 20 points de
différence, donc le ministère a pris celui-là. Sur quelle
base choisira-t-on entre les gens de compétence égale? Est-ce
qu'on va favoriser l'ancienneté? Sûrement pas. On va favoriser
quoi? La beauté? la couleur des cheveux? Quels seront les
critères objectifs d'une saine gestion qui sera utilisée par les
ministères et organismes pour faire en sorte qu'effectivement les gens
qui seront à l'intérieur de la fonction publique se sentent
respectés... Jusqu'où cela mènera-t-il? Quel sera le
résultat concret, quant au climat de travail, du rangement par niveaux.
On sait déjà d'avance, vous le dites vous-même -c'est votre
prétention - qu'il y avait des concours bidons. Tantôt, il ne sera
même plus nécessaire qu'il y en ait. Ceux qui, avant le concours,
savent qu'ils n'ont pas de chance d'être nommés, même s'ils
se qualifient dans le premier niveau, parce qu'ils ont déjà des
accrochages avec leur patron pour quelque raison que ce soit: activités
syndicales trop grandes, trop importantes ou qu'ils abusent de leurs droits, on
ne le nommera pas. La règle du mérite, à l'heure actuelle,
de façon numérique, nous protège au moins
là-dessus. On a au moins ce minimum de protection. Et on désire
le conserver. On est d'accord qu'il y ait des programmes qui doivent être
mis de l'avant pour régulariser certaines situations de groupes
défavorisés, mais on veut que dans ces cas, ce soit aussi par
voie de négociation.
On n'a pas besoin de discuter bien longtemps pour nous convaincre que
l'avant-projet de loi que vous avez déposé - cela a
été vos propres paroles tantôt - a été
élaboré à la suite de la commission Bisaillon. On est
d'accord sur certaines parties du rapport, sur d'autres, non. En tout cas, je
pense que c'est inévitable. Mais, en fait, le motif le plus important
que j'ai retenu, c'est que vous nous avez dit: Cela a été
élaboré à la suite de consultations de l'ensemble des
gestionnaires. C'est vrai. La loi qui est là, l'avant-projet de loi, on
l'a perçu immédiatement comme étant une loi qui favorise
l'employeur, le gestionnaire tout court, tout simplement. C'est beaucoup plus
une loi disciplinaire qu'une loi qui est là pour établir une
règle, en fait, des balises, pour assainir le climat qui prévaut
dans la fonction publique. C'est réellement une loi faite par des
gestionnaires.
En aucun temps, dans les treize avant-projets qui ont amené ce
dernier avant-projet de loi, les syndicats et les employés n'ont
été consultés. Jamais! Sur quelque base que ce soit,
même sur l'orientation. Mise à part la commission Bisaillon
où le mandat a été quand même assez restreint, en
tout cas, sur certaines matières, on n'a jamais été
consultés même sur l'élaboration de l'avant-projet et la
façon dont on pouvait entrevoir le fonctionnement de la fonction
publique, comment on pouvait envisager d'améliorer les relations ou les
services à la clientèle.
Comment voulez-vous arriver à satisfaire la clientèle
quand on vit avec une politique de réduction d'effectifs qui fait en
sorte que, dans certains bureaux, on réduit le nombre d'employés,
ce qui fait en sorte que vous avez un ministre délégué aux
Relations avec les citoyens qui, lui, se frappe le nez sur des portes
fermées parce que les employés ne sont pas là. Ils ne
peuvent pas être partout. Le don d'ubiquité n'existe pas pour les
fonctionnaires, encore moins pour bien d'autres. On ne peut pas être
partout. Les gens ont un mandat d'aller faire des enquêtes en province,
ils ne peuvent pas être au bureau en même temps. Pourquoi? Parce
que dans certains cas on a réduit les effectifs. Il y a trois mois il y
avait une personne qui était là en permanence, aujourd'hui elle
n'y est plus. Comment peut-on concilier tout cela?
Jusqu'à présent, les politiques que vous avez mises de
l'avant ont toutes été préparées sans consultation
préalable des syndicats. La politique de réduction des effectifs
peut être plausible et légitime dans bien des cas. Je n'ai pas
objection à dire -même si ce sont des membres que je
représente - qu'à certaines périodes de l'année, il
y a trop d'employés dans certains ministères et ils pourraient
être utilisés ailleurs. On s'est même offert pour
prévoir des règles; mais non, le ministère a
décidé de les imposer. On est allé en arbitrage pour
obtenir gain de cause, un an plus tard. Croyez-vous que cela favorise un climat
de
relations propre à une fonction publique efficace? Sûrement
pas.
La règle de 1% de réduction: croyez-vous que c'est une
politique raisonnable et logique qui se défend partout? La politique
d'embauche d'employés: croyez-vous qu'il est normal que dans un
ministère - prenez le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du Revenu - sur 2000 personnes qui travaillent dans le
réseau de la main-d'oeuvre et de l'aide sociale, vous en ayez 700 qui
soient des occasionnels embauchés à contrat? Est-ce que c'est en
embauchant cette catégorie d'employés, qui sont dans
l'instabilité la plus pure, sans aucune garantie, à la merci de
tout le monde, qu'on va donner des services de qualité? Quand on fait
des revendications là-dessus, vous nous dites: On n'a pas de
contrôle là-dessus; chaque ministère est responsable. Et
c'est ce à quoi l'avant-projet de loi nous amène.
Il nous semble que pour changer la mentalité de la fonction
publique il faudra avoir, au point de départ, la collaboration de ceux
qui sont vos principaux collaborateurs. Tant et aussi longtemps que vous
n'admettrez pas que cette collaboration est nécessaire, je pense que
vous êtes voué à l'échec avec quelque projet que ce
soit. Ce n'est pas en imposant d'autorité vos choix que vous allez
réussir à améliorer l'efficacité de la fonction
publique. Il y a déjà 17 ans que je travaille à
l'intérieur du mouvement syndical dans la fonction publique; j'en ai vu
beaucoup et je pense qu'au lieu de s'améliorer, comme on dit
communément, on "rempironne". L'avant-projet de loi que vous avez
là donnera encore plus de pouvoirs coercitifs; il ouvre encore beaucoup
plus grand les droits de gérance. On en a déjà qu'on a
tenté de limiter en convention collective et on a toutes les
misères du monde à les faire respecter. Vous voulez donner encore
plus de latitude à ces mêmes personnes qui, aujourd'hui, n'ont
même pas le respect de la personne humaine, dans certains cas.
Je pense que vous faites fausse route. C'est pour cela que je
réitère que, pour le faire, il n'y a pas urgence. Je pense qu'on
a encore le temps; il y a encore deux ans avant la prochaine convention
collective. Je pense qu'on aurait intérêt à tous s'asseoir
et à regarder ensemble comment on peut faire en sorte que cela
fonctionne. Je pense que les principaux, ceux qui savent quelles sont les
améliorations qui devraient être apportées et les solutions
qui devraient être envisagées, sont quand même ceux qui
vivent dans le champ. Il n'y a pas que les gestionnaires. Ces derniers ont leur
vision des choses et leur vision est motivée par les
responsabilités que vous leur confiez. Avec le principe de
l'imputabilité, avec les droits que vous vous donnez de congédier
pour des causes justes et suffisantes... le patron qui ne fera pas son job
à votre goût, je vous dis qu'il ne restera pas longtemps. Si c'est
ce genre de gestion que vous désirez, comme celle qui existe dans
l'armée, où nous n'aurons que le droit de dire oui. Je pense que
ce n'est pas de cette façon que vous réglerez la situation que
vous voulez régler.
J'estime qu'au point de départ, vous vous êtes mal
engagés. Il me semble que cela présupposait des consultations
beaucoup plus poussées, et pas seulement par l'entremise d'une
commission parlementaire: on a déjà vécu des
expériences et on sait ce que cela donne.
Mme LeBlanc-Bantey: Très rapidement, pour laisser la
parole à mes collègues. Je voudrais quand même avouer que
c'est vrai que l'avant-projet de loi que vous avez devant vous a
été l'objet de consultations beaucoup plus avec certains
gestionnaires qu'avec les syndicats. On aurait souhaité qu'il en
fût autrement - je ne dis pas qu'il est trop tard pour se reprendre -
sauf que vous admettrez vous-même - et je pense que les interventions que
vous faites en témoignent - que l'hiver et le printemps derniers, le
contexte de sérénité n'était peut-être pas le
meilleur pour tenter de trouver ensemble, de part et d'autre, une meilleure
façon de gérer l'ensemble de nos ressources en fonction des
objectifs que doit se donner la fonction publique, pour assurer les services
aux citoyens. Dans ce sens, il nous était apparu que ce serait peine
perdue de tenter de s'entendre, mais on espérait que le climat de
l'été et que le temps passant, les cicatrices pourraient se
fermer un peu. C'est loin d'être sûr, c'était
peut-être inévitable. (21 heures)
Par ailleurs, je suis bien d'accord avec l'idée ou la
volonté que vous manifestez de tenter d'en arriver à une gestion
qui soit véritablement de concertation de ces différents
partenaires, tant du gestionnaire que du syndicat. Je pense que vous allez
admettre que cela commande aussi des changements d'attitude de part et d'autre.
Je ne suis pas sûre que c'est par un avant-projet de loi sur la fonction
publique qu'on puisse régler le problème.
Je voudrais ouvrir une parenthèse sur le régime syndical.
Comme je l'ai souligné à vous et à d'autres, nous ne
posons pas de jugement sur la valeur du régime syndical actuellement en
vigueur dans la fonction publique. Nous avons simplement cru qu'il était
opportun que vos revendications à cet égard s'adressent au forum
qui a déjà été créé par le
comité des priorités, pour ne pas arriver avec des conclusions
qui pourraient, à la limite, aller en contradiction avec certaines
conclusions auxquelles en arriverait le comité qui s'est donné
comme mandat de tenter de trouver un nouveau mode de
négociation pour éviter les drames qu'on a connus la
dernière fois et lors des rondes précédentes.
Je reviens sur le rangement par niveaux parce que
l'interprétation que vous en faites me préoccupe. Vous donnez le
cas de votre monsieur - selon ce que vous prétendez - de qui un
gestionnaire ne voulait pas. Mais la loi 50 n'empêche pas cela. Un
ministre ou un gestionnaire qui refuse de signer une candidature quelconque
peut effectivement ne pas la signer, il peut aussi décider d'abolir le
poste, il peut trouver les moyens. Vous faites la preuve que quand on ne veut
pas vivre avec quelqu'un on peut en trouver les moyens. Au-delà des
objectifs que nous avions pour les clientèles visées par
l'accès à l'égalité et de la conviction que nous
avons aussi que l'ordre numérique était discriminatoire, il n'en
reste pas moins que c'est peut-être aussi bien, si les gestionnaires ont
le choix entre une ou deux personnes, qu'ils choisissent celle avec qui ils
sont capables de vivre. Je crois que dans la productivité et la
motivation, un climat de relations humaines, cela existe. Il ne sert à
rien de forcer des gens à vivre ensemble s'ils n'en sont pas capables;
parce que, de toute façon, ils vont trouver les moyens de ne pas vivre
ensemble. Vous en faites la preuve avec la loi actuelle, je ne pense pas que ce
soit l'effet du rangement par niveaux.
Dans ce sens, je me dis: S'il y a des abus, la commission a toujours le
mandat de contrôler le recrutement. Si cela devait être
prouvé que le niveau, à certains endroits, sert à exclure
véritablement des personnes, il y a toujours un recours pour les gens
ainsi pénalisés de faire un appel et de tenter de faire la preuve
qu'effectivement il y a des gens qui systématiquement discriminent
certains individus par rapport à d'autres.
Par ailleurs, il y a peut-être un mérite quand même
dans le rangement par niveaux, au moins il y a des responsables. Le
gestionnaire est obligé de choisir, il y a un responsable qui prend une
décision, c'est cela aussi, l'imputabilité. Ce qui n'est pas du
tout le cas actuellement avec le choix par jury. Finalement, il n'y a personne
de responsable, un jury, c'est toujours anonyme et neutre en apparence - et
dans la plupart des cas j'espère que ça l'est - sauf que les gens
qui se sentent pénalisés n'ont personne, ne peuvent pas toucher
les véritables responsables de cette situation.
C'est le dernier commentaire pour le moment, je vais laisser la parole
aux autres.
M. Harguindeguy: Je ne sais pas si vous me permettriez de
préciser.
Le Président (M. Champagne): Oui, allez-y.
M. Harguindeguy: Quand j'ai donné l'exemple de notre
membre à Sherbrooke, dans le premier concours, si le rangement par
niveaux avait existé, le poste n'aurait pas été aboli
parce qu'on aurait probablement nommé la deuxième ou la
troisième personne qui avait été déclarée
apte cette première fois. La deuxième fois, on a aboli le poste
à nouveau parce qu'il n'y avait qu'une seule personne de
qualifiée sur la liste qui était notre même bonhomme. Si le
rangement par niveaux avait existé, j'ai l'impression que cela aurait
été réglé parce qu'on aurait peut-être choisi
le deuxième ou le troisième.
Quant à l'appel à la commission, je n'ai pas
retrouvé ce pouvoir dans l'avant-projet de loi. Je n'ai pas
retrouvé non plus, comme dans la loi actuelle, un pouvoir quelconque
pour corriger les situations que la commission pourrait constater comme
étant contraires aux dispositions de la loi ou de la
réglementation. Si vous le retrouvez, j'apprécierais que vous me
l'indiquiez, parce que j'ai une situation de fait où la commission, il
n'y a pas si longtemps, a établi qu'un ministère a
outrepassé - et pas le moindre, c'est le ministère de la Justice
-le règlement. La commission a établi que c'était
contraire à la loi et au règlement et le ministère n'a pas
encore corrigé la situation. Je ne sais pas quel recours on pourrait
avoir.
Mme LeBlanc-Bantey: J'en ai perdu un petit bout, je m'excuse.
C'est vrai qu'il n'y a pas d'obligation, ou en tout cas de pouvoir donné
à la commission de corriger des situations. Par ailleurs, la commission
garde le pouvoir d'enquêter et de faire des recommandations sur le
recrutement et la promotion, actuellement en tout cas.
M. Harguindeguy: Les recommandations, on sait ce. que cela
vaut.
Mme LeBlanc-Bantey: Cela reste des rapports déposés
à l'Assemblée nationale et avec des collègues comme celui
de Louis-Hébert, à un moment donné, cela peut embarrasser
un gouvernement, s'il a des appuis, effectivement.
M. Harguindeguy: Alors, on va se charger de vous embarrasser bien
vite.
Mme LeBlanc-Bantey: Vous avez l'air d'être parti pour
cela.
M. Harguindeguy: Ah, vous savez, même si
l'été a été beau, la convalescence est parfois
longue.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Louis-Hébert, à vous la parole.
M. Doyon (Louis-Hébert): Merci, M. le
Président. Les propos qu'on vient d'entendre confirment les
inquiétudes que nous, de l'Opposition, avons à maintes reprises
exprimées lors de l'étude des projets de loi auxquels on fait
référence. Il n'y en a pas eu seulement un; il y en a eu une
kyrielle, un train, qui, selon nous, devaient amener des résultats
semblables à ceux qu'on connaît aujourd'hui et les
conséquences ne sont pas surprenantes. La ministre fait faussement
preuve - ou elle fait semblant de faire preuve - d'angélisme quand elle
se dit surprise d'entendre des propos semblables à ceux qui sont tenus
ici. Moi, cela ne me surprend pas du tout. C'est le contraire qui serait
surprenant. Je pense qu'on ne peut pas amener la concertation qui est
nécessaire, le consensus qui est désirable, avec des mesures
législatives de la nature de celles qui ont été prises
depuis un certain nombre de mois. Cela n'est pas surprenant qu'on soit
méfiant du côté des employés. Cela n'est pas
surprenant qu'on veuille se prémunir contre certains autres abus. Je
pense que, là-dedans comme dans autre chose, chat échaudé
craint l'eau froide. Même si on a beau dire qu'il n'y a rien dans ce
projet de loi qui doive les inquiéter, après avoir passé
par les lois 68, 70 et 111, etc., je pense que ce serait faire preuve d'une
très courte mémoire de leur part que de ne pas se demander s'il
n'y a pas de raison pour eux... Est-ce que mon collègue a l'intention de
parler tout le temps comme cela, M. le Président, ou si cela va
être mon tour?
M. Tremblay: Continue ta démagogie!
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Louis-Hébert a la parole. Je demanderais au député de
Chambly d'attendre son droit de parole.
M. Tremblay: Je vais utiliser toute ma patience pour
l'écouter.
M. Doyon (Louis-Hébert): Merci, M. le Président. Je
continue donc les propos que je tenais, sans avoir à les faire approuver
d'aucune façon par le député de Chambly. Que cela lui
fasse plaisir ou non, mes propos sont les suivants, M. le Président.
Quand on sème le vent, on récolte la tempête; ce n'est pas
surprenant. Qu'on se demande si le gouvernement n'a pas d'autres idées
en tête après avoir été - et j'emploie le mot
à dessein - matraqué comme on l'a été, je pense que
ce n'est pas moi qui vais blâmer les gens qui sont devant nous
actuellement. Je pense que le gouvernement aurait dû prévoir cela,
parce que gouverner, c'est aussi prévoir. Il aurait dû
prévoir qu'à un moment donné on aurait besoin de la
collaboration, on aurait besoin de l'approbation, des conseils des gens qui
sont les principaux collaborateurs de quelque gouvernement que ce soit. On a
coupé des ponts; on l'a fait d'une façon brutale. Dans les
circonstances, cela ne se reconstruit pas du jour au lendemain, des ponts. Il
faut qu'on y mette le temps; il faut qu'on fasse des fondations. Et, quand on
arrive avec un projet de loi comme celui-là et qu'on a des
réactions qui ne sont peut-être pas les réactions que la
ministre voudrait entendre, moi je n'en suis pas scandalisé.
Vous soulignez les inquiétudes, les préoccupations que
vous avez en ce qui concerne les implications que peut avoir le rangement par
niveau. Vous avez expliqué des cas pratiques. Et, moi, quand vous
expliquez ces cas-là, je respecte énormément votre point
de vue parce que vous vivez ces situations-là; vous les connaissez de
première main; vous ne les inventez pas. Et, à partir de
là, je pense qu'il faut en tenir compte. Il faut se demander s'il n'y a
pas, derrière les cas que vous avez cités, des raisons pour
examiner de plus près la question. Vous déplorez une absence de
consultation. J'apprends ici ce soir que la consultation ne s'est pas faite du
tout et je m'en étonne aussi. Cela me paraît pourtant
élémentaire qu'on vous implique dans la préparation d'un
projet de loi de l'envergure de celui qui est devant nous actuellement. Je
regrette infiniment qu'on ait attendu la tenue d'une commission parlementaire
sur l'avant-projet de loi au lieu de faire une consultation en bonne et due
forme, de bonne foi, entre des gens qui méritent mutuellement le
respect.
Le principe du mérite est un principe sacré; c'est un
principe qui doit être défendu. Tout ce qui peut être
perçu, à tort ou à raison, comme étant une atteinte
au principe du mérite doit être dénoncé. La preuve
incombe au gouvernement, qui est le maître d'oeuvre de ce projet de loi,
de démontrer que d'aucune façon il n'y a atteinte au principe du
mérite. Ce n'est pas à nous, de l'Opposition, ce n'est pas aux
intervenants, ce n'est pas aux gens qui seront touchés par le projet de
loi qu'incombe cette preuve. S'il y a danger, s'il existe une
présomption, fondée ou pas, d'atteinte au principe du
mérite, il vous appartient, Mme la ministre, en tant que responsable, de
faire disparaître cette fausse impression.
Je n'ai pas été surpris mais j'ai été
heureux d'entendre M. le président Harguindeguy dire qu'il était
d'accord avec la disparition du ministère de la Fonction publique parce
qu'il y voyait un intermédiaire inutile, qui n'a pas sa raison
d'être. Cela rejoint un peu les remarques préliminaires que j'ai
eu l'occasion de prononcer ce matin. L'avantage du projet de loi, malgré
tous les défauts qu'il peut comporter actuellement, est qu'on saura au
moins clairement qui est le "boss", qui mène et qui dit à qui
quoi faire plutôt que d'avoir un ministère de la
Fonction publique que l'on déplore - je suis sûr que Mme la
ministre a déjà eu l'occasion de le déplorer
elle-même privément - qui est mis en tutelle par le Conseil du
trésor. C'est ce qui s'est passé dans les faits. Vous avez
été en mesure de le vivre. J'ai été témoin
de cela lors des dernières négociations ou du "semblant" de
négociations qu'il y a eu ces derniers mois.
Ce n'est pas normal que par une loi on crée un ministère
de la Fonction publique et que, dans les faits, ce soit le Conseil du
trésor qui dispose et qui impose ses vues au ministre de la Fonction
publique. Au moins, à partir de là, sur ce principe, on saura
à quoi s'en tenir. L'inquiétude qu'on doit avoir - et je suis
sûr que vous la partagez - c'est: Est-ce que le Conseil du trésor
va administrer les ressources humaines, c'est-à-dire les hommes et les
femmes qui oeuvrent dans la fonction publique - vos membres - de la même
façon qu'il administre les deniers publics, c'est-à-dire en
faisant des colonnes, en soustrayant et en faisant des virements de fonds,
etc., des opérations comptables? Quand on travaille avec des humains, on
ne travaille pas avec des chiffres, on ne travaille pas avec des dollars, on ne
travaille pas avec des fonds, purement et simplement.
Je pense qu'il faut se poser la question. On n'a aucune garantie que
l'approche du Conseil du trésor sera différente, qu'elle ne sera
pas aussi brutale qu'elle l'a été quand le président du
Conseil du trésor nous a expliqué qu'il devait couper les
salaires pour des raisons purement budgétaires, essentiellement
financières, sans tenir compte du tout des effets de ces coupures sur le
capital humain. Ce sont là des inquiétudes qui doivent être
étudiées par la commission; ce sont les vôtres, j'en suis
sûr. (21 h 15)
Je voudrais dire, en terminant, que nous allons considérer les
remarques contenues dans le mémoire que vous nous avez soumis. Nous
allons examiner de très près les préoccupations que vous
manifestez dans ce mémoire et, en temps et lieu, nous verrons à
ce que les améliorations qui doivent être apportées le
soient de façon que, dans la mesure du possible, le gouvernement puisse
être convaincu de faire les changements qui s'imposeront. Je veux vous
remercier de votre travail et de vous être présentés ici ce
soir. Soyez sûrs que, de notre côté, je n'étais pas
au courant, je pense qu'il y a eu tout simplement un malentendu. Votre
présence ici ce soir me fait plaisir, mais nous aurions pu vous recevoir
à tout autre moment qui aurait pu vous convenir.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: J'ai beaucoup de choses à dire. Je voudrais
d'abord dire à M. Harguindeguy ce que j'ai dit ce matin, pour situer un
peu les questions et les commentaires que je vais avoir à faire. Ce
matin, j'indiquais comment je voyais mon rôle à cette commission.
J'ai dit que j'essaierais davantage de comparer l'avant-projet de loi avec le
rapport de la commission et aussi les prises de position des groupes qui sont
venus devant la commission à ce moment par rapport à celles
qu'ils peuvent avoir maintenant. C'est donc à la lumière de tout
cela que je vais faire les interventions et poser les questions que j'ai
à poser sur votre mémoire.
Par ailleurs, mon lit est un peu fait. Après avoir lu votre
mémoire deux fois - je l'ai relu tantôt pendant que vous faisiez
votre présentation - j'ai remarqué qu'il y avait finalement
beaucoup de points, de recommandations de la commission avec lesquels vous
étiez d'accord. J'en ai remarqué, dans le fond, beaucoup plus
à la deuxième lecture que la première fois, ce qui m'a
fait peur un peu parce que j'ai pensé qu'aux yeux de certaines
personnes, cela pourrait avoir comme effet de discréditer le rapport de
la commission. Par la suite, je me suis dit: Peut-être qu'au moins on va
se retrouver sur ce terrain.
Par ailleurs, il demeure des points de désaccord. Je vais
commencer par le premier. Le premier, c'est celui du rangement par niveaux,
évidemment. C'est une recommandation de la commission et je voudrais
partir de l'exemple que vous avez donné. Dans le fond, les membres de la
commission avaient examiné cela très sérieusement. Cette
question, je pense, avait reçu vos représentations et celles des
gestionnaires et l'exemple que vous avez donné, dans le fond, nous a
été servi aussi à l'inverse. Autrement dit, j'ai pris
connaissance, pendant les travaux de la commission, de la création de
postes bidons. L'exemple que vous nous avez donné était le
suivant: parce qu'on ne voulait pas nommer quelqu'un, on abolissait le poste et
on laissait passer du temps; ensuite, on remettait le poste en fonction pour
pouvoir en arriver à un premier choix qui fasse sinon notre affaire, du
moins qui ne soit pas celui qu'on voulait éviter. C'est l'exemple que
vous nous avez donné.
À la commission, des gestionnaires sont venus m'expliquer qu'il
était arrivé parfois qu'on crée des postes de toutes
pièces parce qu'on voulait avoir quelqu'un. L'exemple que j'ai toujours
donné et que je continue de donner depuis ce temps parce que je l'ai
trouvé superbe, c'est celui du poste d'agent de bien-être
créé à Povungnituk. On a fait le concours et,
effectivement, c'est quelqu'un de Québec qui s'est
présenté. Il n'y en a pas des tonnes qui se présentent
pour un poste à Povungnituk. J'avais compris cela vite aux
travaux de la commission. J'avais compris qu'il n'y en avait moins
à Povungnituk qu'il y en a à Montréal quand il y a un
concours. Évidemment, la personne qu'on voulait s'est classée
première. Le lendemain, elle a demandé une mutation à
Lévis et le poste à Povungnituk a été aboli. Vous
pouvez avoir l'exemple à l'inverse. Autrement dit, peu importe le
système - pourtant, c'était l'ancien système, il n'y avait
pas le rangement par niveaux, on choisissait le premier - quelqu'un peut jouer
avec le système. Il est sûr que cela va être difficile de
trouver un système à l'abri de tout cela.
Par ailleurs, la commission avait remarqué aussi que
l'application poussée un peu à l'absurde du principe du
mérite, tel que conçu dans la loi 50, avait amené des
éléments un peu aberrants, des coûts de concours et de
nomination qui nous semblaient exagérés. On parle de traiter les
fonctionnaires de façon juste; moi, je pense qu'on pourrait parler
d'équité aussi. Quelle est la différence, quand il y a 11
000 personnes inscrites à un concours, entre celui qui s'est
classé premier et celui qui s'est classé cinquième? Quand
il y en a 11 000, évidemment, sur 11 000, il n'en reste pas 11 000, mais
s'il y a eu 11 000 candidats il doit y en avoir 400 à 500 en dernier.
Quand on les a tous numérotés de 1 à 500, en termes de
compétence véritable, quelle est la différence entre le
premier et le cinquième? Dans ce sens, cela nous semblait un
assouplissement nécessaire.
Par ailleurs, on mettait des balises. On faisait des recommandations qui
nous semblaient bien importantes. Évidemment, parce que vous
préféreriez le système du rangement au mérite qui
existait, vous ne les avez pas soulignées, mais je vous indique que je
me battrais bien plus fort contre la possibilité pour le sous-ministre
de fixer les conditions d'admission aux concours. Cela est un moyen, bien plus
que le rangement par niveaux, de contrôler qui on veut. Autrement dit on
trace le portrait, on fait la photo et ensuite on regarde autour de soi s'il
n'y a pas quelqu'un qui correspond à la photo. C'est cela la permission
de fixer les conditions d'admissibilité.
Deuxièmement, que ce soit jugé par un organisme qui
dépend de l'Assemblée nationale. Il me semble que c'est vital,
important et qu'on doit se battre là-dessus.
Troisièmement, les comités de sélection. On avait
quand même, au niveau de la commission, un certain nombre de
recommandations sur les mesures qu'on devait prendre pour assurer une plus
grande impartialité et aussi une plus grande uniformité dans la
façon dont se tenaient les concours et dont étaient faites les
sélections. On avait donc des recommandations sur les jurys de
sélection. Cela nous semblait un élément qui devait nous
garantir davantage.
On avait aussi une recommandation qui disait que la commission devait
avoir davantage de pouvoirs, entre autre le pouvoir de blâme, ce qu'elle
n'a pas actuellement. Il est évident que c'étaient des
recommandations qui faisaient mal. Dans un des projets qui nous ont
été présentés, l'apparition de l'ombudsman
là-dedans nous indiquait tout de suite quelle orientation un certain
nombre de gestionnaires voulaient voir prendre aux concours. On sait que
l'ombudsman ne fait que des recommandations, qu'il n'a aucun pouvoir de
décision. C'est disparu maintenant dans l'avant-projet, mais cela a
déjà été présent au moins dans la tête
d'un certain nombre de personnes puisque cela a déjà paru dans un
des projets qui ont circulé dans le décor.
Des mesures comme celles-là nous semblaient des garanties plus
sérieuses et permettaient en même temps d'avoir le rangement par
niveaux et d'éviter un certain nombre de situations absurdes dans
lesquelles on s'était retrouvé. Ce que je voudrais savoir
finalement... C'était notre position. Un homme peut toujours changer
d'idée, mais on était sept. Il y avait aussi deux femmes. Il
semble qu'elles changent plus difficilement d'idée.
Mme LeBlanc-Bantey: Pour M.
Harguindeguy, l'expérience n'a pas été si mauvaise
avec une femme à la Fonction publique, finalement.
M. Harguindeguy: Pardon?
Mme LeBlanc-Bantey: Je dis que je pense que l'expérience
de M. Harguindeguy n'a pas été si mauvaise avec une femme
à la Fonction publique, finalement.
M. Harguindeguy: Je m'entends bien avec les femmes.
M. Bisaillon: Ce que je voulais savoir c'est... Je suis bien
prêt à avoir des arguments pour changer d'idée, mais
jusqu'à présent c'est là la position de la commission.
Maintenant, les garanties dont je vous ai parlé et qui étaient
dans le rapport de la commission ne sont pas dans l'avant-projet de loi. Ce que
je voudrais savoir de votre part est ceci: Si elles étaient
réinstallées dans l'avant-projet de loi, est-ce que votre opinion
sur le rangement par niveaux pourrait être modifiée?
M. Harguindeguy: D'abord je pense que lorsque vous avez fait
référence au poste de Povungnituk, c'est nous qui vous l'avions
référé parce que là aussi c'était un de nos
membres, malheureusement. Quant aux recommandations que vous avez
formulées, la seule sur laquelle nous avons des objections, c'est
peut-être quant à la composition du
jury de sélection, à savoir que le supérieur
immédiat participe au concours, excepté lorsque c'est quelqu'un
qui est dans le même secteur de travail, si je me remémore encore
votre recommandation. Nous n'avons pas retenu celle-là parce que de tout
temps nous nous opposons au fait que le supérieur immédiat soit
participant au jury de sélection.
Quant à l'abolition de l'article 40 nous le demandons aussi - on
n'a peut-être pas élaboré ce soir - à la page 17 du
mémoire quand on parle de recrutement et promotion. On exige justement
que l'article 40 tel que proposé soit éliminé, dans ce
sens que nous aussi sommes opposés complètement à ce que
le sous-ministre puisse établir les conditions d'admission, comme le
prévoit l'article 40. Donc, de faire le portrait du candidat qu'il
désire avoir à la suite d'un concours si on le demande. Vous
l'avez à la section II, Dotation, dans les quatrième et
cinquième paragraphes.
Quant à l'organisme indépendant nous demandons aussi que
l'office ne relève pas d'un ministre... Plus loin, au niveau de l'Office
des ressources humaines, on souhaite que l'office responsable de la dotation et
de la tenue des concours ne puisse pas aussi déléguer autant
qu'il le fait actuellement, parce que si on a certaines difficultés
c'est que l'office a délégué, dans bien des
ministères, la responsabilité de tenir des concours, donc de
déclarer des personnes aptes. Là aussi le jeu du favoritisme
commence à être intégré assez rapidement et on
demande justement que l'office soit indépendant, qu'il relève de
l'Assemblée nationale directement et non pas d'un ministre.
Quant à la commission, je pense que nous avons retenu
essentiellement votre recommandation aussi. L'expérience nous a
démontré qu'on souhaite que la commission conserve son mandat
d'enquête et on veut également qu'elle puisse corriger des
situations, chose qu'elle ne peut pas faire présentement. Je pense
qu'essentiellement, mis à part le jury de sélection et le
rangement par niveaux - on n'a pas encore été convaincus que
c'était la meilleure chose à faire - quant sur le système,
on est sensiblement proche de la recommandation de la commission puisque
d'ailleurs, à la commission, on avait aussi indiqué
essentiellement cette position, lorsqu'on avait comparu devant vous.
M. Bisaillon: Vous soulignez à la page 16 ou 17 de votre
mémoire que vous seriez favorables à ce que les citoyens qui
participent à des concours de recrutement puissent avoir aussi un droit
de recours, le même genre de recours que les syndicats peuvent avoir
devant le Tribunal du travail, c'est-à-dire une décision prima
facie de la commission d'entendre ou de ne pas entendre et, si on entend, qu'on
puisse donner un recours. Vous...
M. Harguindeguy: C'est l'une de vos recommandations aussi, si je
ne m'abuse.
M. Bisaillon: Oui, c'était un point de similitude que je
voulais souligner encore parce que j'arrive à d'autres points de
divergence qui se trouvent d'ailleurs aux pages 14 et 15, à la page 15
surtout. C'est peut-être la digestion qui n'est pas encore faite, mais
vous revendiquez des droits politiques. Vous demandez, en accord avec la
commission là-dessus, que les fonctionnaires soient traités comme
l'ensemble des citoyens et qu'ils aient les mêmes droits politiques que
les autres citoyens. Là où je ne vous suis plus, là
où j'ai de la difficulté à comprendre votre raisonnement -
soyez assuré que je n'ai rien à gagner là-dedans, ce n'est
pas ma convention que j'essaie de négocier; je ne suis pas
fonctionnaire, je ne venais pas de la fonction publique et je n'ai pas
d'intérêt à y retourner, je ne suis pas couvert par cela -
mais je comprends votre position quand vous dites: d'une part, effectivement on
est d'accord avec la commission pour dire que les fonctionnaires devraient
avoir la possibilité de faire de la politique partisane.
En passant, M. le Président, je souligne que le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec nous a posé un
problème intéressant. Il nous dit: Dans le passé, il y a
eu une attitude - qui était celle de la loi 50 - de dire que les
fonctionnaires ne doivent pas faire de politique pendant les périodes
électorales. Il y a eu une exception à cela pour le
référendum où on a dit: oui, pendant une campagne
référendaire, comme ce n'est pas partisan, les fonctionnaires
peuvent participer. Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec
nous pose la question: Qu'est-ce qui va arriver quand ce sera une
élection référendaire?
Mme LeBanc-Bantey: C'était une bonne question.
M. Bisaillon: Est-ce que c'est selon la façon dont on va
se brancher qu'on aura le droit ou pas le droit? C'est un problème
intéressant et cela montre peut-être aussi jusqu'à quel
point on essaie d'aller trop loin dans le projet de loi quand on essaie de
catégoriser les moments où c'est fait, où c'est possible
et les moments où ce ne l'est pas, comme si, de toute façon, les
gens pouvaient arrêter de penser dans le temps et de sentir les choses
comme ils le font. Là-dessus, nous sommes d'accord, sauf que je ne vous
suis plus quand, par la suite, vous dites: Une fois que c'est fait, une fois
qu'il a été
contaminé par l'Assemblée nationale, oublions tout cela.
Alors que, de tout temps, les conventions collectives quand elles permettent
que quelqu'un soit libéré pour une action, assurent qu'il
reprenne son poste. Je vous soulignerai que la commission spéciale n'a
jamais demandé qu'il y ait une réévaluation des fonctions
ou du dossier quand il revient. La commission disait que, lorsqu'un
fonctionnaire a été appelé à occuper des fonctions
électives, donc quand il a siégé au Parlement, quand son
mandat est terminé, soit parce qu'il le désire ou qu'on le
désire à sa place; quand son mandat est terminé et qu'il
revient dans la fonction publique, il revient à la catégorie
d'emploi qu'il occupait et il fait comme tous les autres fonctionnaires. S'il
pense qu'il a acquis une expérience valable au Parlement et une
connaissance de l'appareil qui vaille la peine d'être mise de l'avant, il
s'inscrit à des concours comme tous les autres fonctionnaires. Vous
refusez même ce droit. Est-ce que je comprends que c'est la digestion ou
si...?
M. Harguindeguy: Non. D'abord, au point de départ, c'est
qu'on revendique un droit légitime de tout citoyen de faire de la
politique. Notre impression, c'est que si, éventuellement, des
fonctionnaires - parce qu'il semblerait que le motif principal, c'est qu'on
veuille garantir aux citoyens l'intégrité des fonctionnaires lors
d'une campagne électorale - notre prétention, c'est que si,
effectivement, c'est la crainte du législateur, dans cette
période, un fonctionnaire ne pourrait faire de la politique, alors qu'en
d'autres temps, il peut en faire. Si on prend l'exemple de quelqu'un qui ferait
effectivement de la politique pendant quatre ans, pendant un mandat du
gouvernement, je pense que, dans l'idée des citoyens, c'est acquis que
tel ou tel fonctionnaire est déjà identifié à un
parti politique et qu'il fait donc de la politique. Ce n'est pas parce qu'on va
l'empêcher dans une loi de faire du travail partisan pendant 40 ou 50
jours que cela va changer quelque chose dans la perception du citoyen qui reste
dans le village de "Saint-Clin-Clin". Cela ne change absolument rien. (21 h
30)
Je pense qu'en 1983 les gens ont évolué et acceptent le
fait qu'éventuellement il y ait des gens qui fassent de la politique
à tous les niveaux. D'autre part, on représente une
catégorie d'employés qui n'a peut-être pas les moyens de
faire de la politique. C'est peut-être pour cela qu'essentiellement, chez
nous - parce que cela coûte de l'argent d'en faire - même au niveau
municipal, il n'y a pas de retour à long terme. Lorsque quelqu'un se
présente comme maire d'une municipalité à temps plein,
c'est un premier mandat et la personne conserve un droit de retour;
après le deuxième, elle doit démissionner. Cela n'est pas
une nécessité pour nous sauf qu'on se dit: Si, à la
rigueur, le gouvernement décide d'accorder ce droit à
l'ex-fonctionnaire qui revient dans la fonction publique, on désire - en
fait, c'est le point le plus important - que le reclassement ou le classement
qu'a attribué l'office tel que prévu par le présent
avant-projet de loi ne soit pas une promotion, à moins que ce ne soit
à la suite d'un concours auquel on accorderait l'admissibilité
aux autres fonctionnaires. Notre principale préoccupation est à
ce niveau-là. C'est autant pour le personnel des cabinets de ministres
que pour d'autres. Car on vit, à l'heure actuelle, des
expériences où des gens font l'objet d'un nouveau classement qui
correspond pour eux à une promotion et qui pourrait correspondre
à une promotion pour d'autres, mais auquel nos membres n'ont pas la
possibilité de s'inscrire.
La question de libération n'est pas notre principal sujet; chez
nous, ce n'est pas de cela qu'on discute. Les gens veulent pouvoir participer
éventuellement - quelques-uns du moins - exercer leurs droits de
citoyens et exprimer leurs choix.
M. Bisaillon: Un autre sujet, si vous me le permettez, M. le
Président, à la page 14. Lorsque vous mettez de l'avant les
éléments "pour une cause juste et suffisante", qui apparaissent
dans l'avant-projet de loi, vous dites, à la page 15: "Cette disposition
est contraire à celle prévue à notre décret."
J'aimerais que vous m'expliquiez cela.
Par ailleurs, vous semblez vous inquiéter de la formulation "pour
une cause juste et suffisante". J'ai de la difficulté à
comprendre pourquoi, car il me semble que, dans les relations de travail, il y
a une longue jurisprudence qui détermine ce qu'on veut dire quand on dit
"pour une cause juste et suffisante". C'est comme lorsqu'on dit qu'un arbitre
se prononce selon l'équité et la bonne conscience: on n'a jamais
cherché la définition dans le dictionnaire, mais on sait ce que
cela veut dire.
M. Harguindeguy: Jusqu'à présent les
congédiements étaient considérés comme des mesures
disciplinaires alors que l'avant-projet de loi fait en sorte que le
congédiement, la destitution ou la révocation devient une mesure
administrative. On pourra donc congédier pour une cause juste et
suffisante, mais qui n'est pas un motif de discipline. Jusqu'à
présent, il y a toujours eu un motif, c'est-à-dire un manquement
à un devoir quelconque du fonctionnaire, soit au niveau de
l'assiduité ou à un autre, qui amène le
congédiement. Il y a déjà une base et la jurisprudence est
là pour démontrer que, sur les aspects disciplinaires, on sait de
quoi on parle. S'il s'agit de mesures administratives,
qu'est-ce que sera un congédiement pour une cause juste et
suffisante? Est-ce que c'est un surplus de personnel? Dans ce cas-là en
particulier, on parle de rétrogradation, l'exemple qu'on donne est la
rétrogradation. Actuellement, un employé peut être
rétrogradé uniquement parce qu'il est incapable d'exercer
physiquement ou mentalement les attributions de sa classe d'emploi ou qu'il est
incompétent dans l'exercice de ces attributions. C'est
déjà limité, dans le décret, au niveau des motifs
pour lesquels on peut rétrograder quelqu'un. Dans la convention que nous
avions négociée, sur cette partie-là, on s'était
entendu, on a paraphé les articles. Nous avons négocié la
possibilité de rétrogradation pour ces motifs il y a de
nombreuses années, mais elle est limitée à ces
motifs-là. L'avant-projet de loi permettrait de rétrograder "pour
une cause juste et suffisante" qui pourrait être autre chose que cela.
Nos décrets ne prévoient pas, non plus, de recours pour une
rétrogradation pour une cause juste et suffisante. Ils prévoient
un recours pour des motifs de rétrogradation pour incompétence ou
incapacité.
M. Bisaillon: Cela m'amène, M. Harguindeguy, à vous
poser une autre question. Vous venez d'utiliser trois termes qui, dans le
langage populaire, se diraient de la même façon: II est dehors.
Dans la fonction publique, on a des termes différents selon les
circonstances dans lesquelles cela se produit. L'effet est toujours le
même, la personne perd son job. On demandait tantôt que, dans le
régime syndical, ce soit ajusté à ce qui se fait pour
l'ensemble des autres travailleurs et travailleuses.
Dans l'avant-projet de loi - cela le reprend essentiellement, sauf que
cela ajoute un peu - tout le processus de nomination qu'on pourrait relier au
processus de détermination de la permanence et de la fin de la
période de probation, vous ne trouvez pas que c'est une procédure
inutile? L'acte de nomination, je n'ai jamais vu cela en relations de travail.
La convention collective détermine comment quelqu'un est engagé
et, une fois qu'il est engagé, la date de son début d'emploi,
c'est son chèque de paie qui la dit. Quand la convention dit: La
permanence est acquise après un an, s'il a eu son chèque de paie
le 15 décembre, le 15 décembre de l'année suivante, il n'y
a pas besoin que quelqu'un trempe sa plume dans l'encre pour dire: Vous avez
votre permanence; il l'a de façon automatique. Ici, il y a toute une
procédure, qui était dans l'ancienne loi, et qui fait qu'on fait
des différences dans le fonctionnement de quelque chose qui devrait
être très simple en relations de travail. Un acte de nomination,
un acte pour chaque déplacement, le sous-ministre qui va être
obligé d'écrire à chaque fois qu'il va y avoir un
changement d'emploi. Alors, si quelqu'un entre dans la fonction publique, vous
lui écrivez pour lui dire: Vous êtes là. Il est
censé le savoir, il a son chèque de paie. De plus, à
chaque fois qu'il change d'emploi, on lui écrit pour lui dire qu'il a
changé d'emploi; s'il ne le sait pas encore, c'est qu'il ne devait
peut-être pas être changé d'emploi.
M. Harguindeguy: Pour avoir le chèque, cela prend le
papier.
M. Bisaillon: C'est cela, mais il me semble que vous encouragez
cette procédure jusqu'à un certain point. Seriez-vous d'accord
que tout cela disparaisse, que ce soit soumis aux conventions collectives et
aux règles normales des relations de travail?
M. Harguindeguy: Oui, d'ailleurs...
M. Bisaillon: Pourquoi fait-on ces différences dans la
fonction publique?
M. Harguindeguy: II faut quand même dire qu'en pratique, il
y a bien des écrits qui sont censés être existants et qui
ne le sont pas. C'est pour cela qu'on ne s'en occupe pas, on a d'autres sujets
plus importants à traiter. S'il faut faire du texte pour faire du texte,
ce n'est pas grave. Par exemple, les écrits donnant la permanence
après un an de service, très peu de nos employés l'ont;
automatiquement, dès le moment où l'employé reste à
l'emploi, il sait qu'il a sa permanence, donc il n'y a pas besoin d'un
écrit. Si éventuellement il était congédié,
si le ministère voulait s'essayer pour dire: On ne lui a jamais
écrit lui disant qu'il avait sa permanence, je pense que, sur la base de
nos décrets ou de nos conventions collectives, on arriverait à le
défendre adéquatement. Sauf que les autres papiers, les actes de
titularisation sont malheureusement nécessaires, semble-t-il, pour des
motifs administratifs. Il n'y a pas de chèque qui sort si le papier
n'est pas là.
M. Bisaillon: Est-ce que ce ne serait pas à cause de cela
qu'on a des gens qui sont dans la fonction publique - c'est un état de
fait, on a vu cela pendant les travaux de la commission - depuis cinq ans,
à temps plein, qui n'étaient pas des employés permanents
et qui ne pouvaient pas l'être parce qu'il n'y avait pas eu d'acte de
nomination? Autrement dit, si la loi dit: Cela prend un acte de nomination et
qu'il n'y en a pas eu...
M. Harguindeguy: II y en a. Dans notre syndicat, nous avons au
moins 5000 personnes qui n'ont jamais été nommées
légalement en vertu de la loi et qui sont protégées par
nos conventions collectives. C'est ce qu'on
appelle chez nous les irrégulièrement nommés; les
ouvriers qui étaient nommés en vertu de la première loi,
avant 1966, n'ont jamais fait l'objet d'une nomination légale en vertu
des lois existantes. D'ailleurs, c'est pour cela qu'on réclame une
disposition transitoire pour régulariser la situation une fois pour
toutes.
M. Bisaillon: M. le Président, j'ai pris un peu de temps.
J'ai encore des questions, alors je pourrais peut-être permettre à
quelqu'un d'autre de prendre la parole et revenir après.
Le Président (M. Champagne): Allez, tout le monde
écoute avec beaucoup d'intérêt.
M. Bisaillon: À la page 13, M. Harguindeguy...
Une voix: ...
M. Harguindeguy: Est-ce que je dois dire merci?
Une voix: ...
M. Harguindeguy: Merci.
M. Bisaillon: ...vous faites référence aux
employés - justement ce dont vous venez de parler - nommés
irrégulièrement. Combien avez-vous dit qu'il y en avait?
M. Harguindeguy: Environ 5000.
M. Bisaillon: Actuellement, il y en a 5000?
M. Harguindeguy: Grosso modo; on n'a pas l'inventaire exhaustif,
mais ce sont tous ceux qui auparavant ont été nommés comme
ouvriers, qui n'avaient pas fait l'objet d'un écrit du ministre, tel que
le prévoyait la loi, et qui ont acquis leur permanence ou leur
sécurité d'emploi par les dispositions de la convention
collective. Il y a d'ailleurs une disposition particulière à cet
effet dans nos conventions.
M. Bisaillon: À la page 12, c'est ce que vous voulez dire
quand vous dites que la présente loi s'applique aux personnes admises
dans la fonction publique en vertu d'une loi antérieure?
M. Harguindeguy: C'est peut-être une question de
clarification du texte, parce qu'on dit que ce sont ceux qui sont admis en
vertu de la présente loi - alors l'article 1 -qui sont nommés
suivant celle-ci - c'est-à-dire l'avant-projet de loi - ainsi qu'aux
personnes admises dans la fonction publique en vertu d'une autre loi. C'est
pour clarifier, c'était une loi antérieure sur la fonction
publique. C'est juste une question de précision.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Chambly? Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais revenir un peu sur ce que le
député de Louis-Hébert a dit tout à l'heure. Il me
permettra d'y revenir. Je pense que je n'ai jamais laissé entendre que
je n'étais pas consciente des difficultés de climat qu'avaient pu
créer les dernières négociations entre les
différentes associations syndicales et le gouvernement. Je ne me suis
jamais gênée de dire publiquement et à plusieurs reprises,
depuis plusieurs mois, que, si fondamentalement je demeure convaincue que le
gouvernement n'avait pas le choix, il se pourrait que, sur les manières,
on aurait pu en trouver, disons, de moins brutales que celles auxquelles on a
dû avoir recours à plusieurs reprises. Cela étant dit, je
trouve que le député de Louis-Hébert devrait
déjà se prononcer sur les attitudes de son futur chef qui nous
promet déjà, lui, un marteau automatique, autrement dit le genre
de législation qu'on a dû faire, mais permanente. Ce serait
intéressant de savoir ce qu'il en pense au lieu de prétendre que
c'est excessif et qu'on ne devrait jamais avoir recours à ce type de
comportement avec nos syndiqués. Il faudrait savoir à quel
étage vous logez. Ce serait important, je pense, pour nos associations,
d'avoir tout de suite un aperçu de ce que vous proposeriez, vous, si
vous étiez dans un gouvernement avec votre futur chef.
Je voudrais aussi revenir sur la mise en tutelle du Conseil du
trésor. J'ai dit ce matin que les responsabilités qu'occupait le
Trésor en matière de gestion des ressources humaines
étaient des responsabilités qui lui avaient été
confiées par la loi 50, tant sur l'acceptation des règlements
formulés par la fonction publique que sur la négociabilité
de certaines choses, que ce soit la question salariale ou autre chose. Je crois
que le Trésor, compte tenu de la formulation de la loi 50, n'avait pas
d'autre choix que d'agir comme il a agi au cours des dernières
années en termes de chevauchement de responsabilités entre le
Conseil du trésor et le ministère de la Fonction publique.
Je vais revenir un peu à M. Harguindeguy. Vous laissez entendre
à plusieurs reprises que l'avant-projet de loi est là pour
augmenter les pouvoirs de la gestion d'une façon, à votre avis,
excessive. Ce qui ne ressort pas clairement de votre intervention... D'abord,
je ne sais toujours pas si vous êtes d'accord en soi avec un principe
d'imputabilité, qu'importent les balises qu'on pourrait y mettre
éventuellement pour éviter des abus; cela,
c'est un aspect. L'autre aspect, c'est que je comprends que vous
êtes en gros contre la déréglementation, que vous avez peur
des abus, que cela peut être insécurisant compte tenu de certains
abus auxquels vous avez eu à faire face par les années
passées ou même actuellement. Mais, est-ce que vous, si
l'avant-projet prévoyait de la réglementation sur des
matières non négociables, tel que cela existe actuellement dans
la loi 50, cela vous rassurerait un petit peu, en attendant, bien sûr,
les conclusions de ce qui viendra du comité qui a été mis
sur pied par le Comité des priorités pour analyser toute la
réforme du système de négociations?
M. Harguindeguy: Je préférerais, avant de
répondre, attendre les résultats de l'étude du
Comité des priorités. Je ne voudrais quand même pas que ma
réponse puisse être considérée comme étant un
accord sur des pouvoirs réglementaires sur les matières non
négociables actuelles, puisqu'on revendique qu'elles soient toutes
négociables. D'ailleurs, dans le mémoire, on indique qu'on
souhaiterait qu'il y ait le moins de règlements possible et que, s'il y
a des règlements, qu'ils aient l'accord des parties. Je pense qu'au
point de départ cela situe un peu nos revendications à ce sujet.
On estime que tout ce qui concerne la gestion des employés devrait faire
l'objet d'un accord entre les parties, que ce soit à l'intérieur
d'une convention collective ou par une autre méthode. Quant à
nous, c'est cela.
Mme LeBlanc-Bantey: Honnêtement, il faudrait dire
maintenant que tant votre position que celle du Syndicat de professionnels sont
très claires et continues depuis de très nombreuses
années.
M. Harguindeguy: Oui.
Mme LeBlanc-Bantey: Je ne pense pas que la question que je vous
pose présuppose un accord de votre part avec le régime syndical
tel qu'il existe. Ce que je dis, c'est qu'en attendant les conclusions de cette
commission, si l'avant-projet de loi contient les mêmes dispositions
réglementaires que celles de la loi 50, est-ce que cela pourrait,
à votre avis, limiter ce que vous décrivez comme des abus de
gestion ou, en tout cas, un plus grand pouvoir pour les gestionnaires dans
l'avant-projet? (21 h 45)
M. Harguindeguy: Cela présupposerait que les
règlements qui seraient éventuellement mis en vigueur feraient
l'objet d'une consultation et d'une publication dans la Gazette officielle,
comme c'est prévu à l'article 126 de l'avant-projet de loi, chose
qui n'est pas prévue pour les règlements, les décisions ou
les directives du Conseil du trésor. À l'heure actuelle,
même l'avant-projet de loi est totalement muet sur cet aspect de la
vulgarisation des directives ou des décisions du Conseil du
trésor. Comme c'est quand même lui qui est le principal
responsable de la gestion, il me semble que la transparence devrait
exister.
Quant à l'imputabilité, quant à nous, il va de soi
que les fonctionnaires sont responsables. On n'a pas besoin d'une loi pour nous
le dire. Quand on est embauché, c'est pour faire un certain travail. Si
l'employé ne rend pas compte de ses actes, il y a, à ce
moment-là, des pouvoirs disciplinaires comme dans toute entreprise. Dans
une entreprise privée, il n'y a pas de loi pour dire que le
gérant est responsable de telle chose et que tel employé est
responsable de telle autre chose. C'est évident à sa face
même. C'est pour cela que, sur les principes des articles 2 à 6,
c'est difficile de faire des commentaires sinon de dire qu'on est tous pour la
vertu, même si parfois il y en a qui pratiquent le vice. Mais que
voulez-vous? Il me semble que cela va de soi.
Un sous-ministre, même si vous ne le dites pas de cette
façon, est responsable. Le gestionnaire, l'attaché ou l'agent
d'administration, l'agent de maîtrise est aussi responsable. Il doit
rendre compte du fonctionnement de son secteur de travail. Je pense que la loi
n'a pas besoin de le dire pour que ce soit évident. C'est pour cela
qu'on n'a pas parlé tellement sur l'imputabilité. Depuis que je
suis fonctionnaire, j'ai pensé que c'était vrai. Il faut croire
que ça ne l'était pas jusqu'à présent.
Mme LeBlanc-Bantey: En tout cas, il n'était pas clair que
ça l'était.
M. Harguindeguy: Non?
Mme LeBlanc-Bantey: Voilà la raison pour laquelle on a cru
bon de l'inscrire comme un des principes qui doit orienter l'avant-projet.
M. Harguindeguy: Nos statuts, au syndicat, ne précisent
pas que l'imputabilité existe chez nous. Si je ne fais pas mon job, j'ai
l'impression que je ne serai pas là longtemps.
Mme LeBlanc-Bantey: On ne discutera pas... Je ne voudrais pas
entrer...
M. Harguindeguy: Je fais la même transposition au niveau de
la fonction publique. À mon sens, quand on engage quelqu'un, il a des
comptes à rendre. Il me semble que vous ne payez personne à rien
faire. Vous ne devriez pas, en tout cas.
Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais
revenir sur les programmes d'accès à
l'égalité. Je pense que vous portez un jugement assez dur. Je
suis la première à reconnaître qu'on n'a pas
réglé tous les problèmes d'accès à
l'égalité dans la fonction publique. Par ailleurs, au-delà
de ce que contient la loi, je pense qu'il faudrait quand même que vous
admettiez qu'il y a eu, de la part des comités responsables de
l'application des programmes d'égalité en emploi, surtout en ce
qui concerne les femmes, des actions qui, si elles n'ont pas fait progresser
spectaculairement la cause des femmes, ont tout au moins réussi à
la faire progresser et, dans certains cas, ont doublé, depuis son
application, les représentations, par exemple, au niveau des postes de
gérance ou autres. Je crois que, quand on sortira le bilan officiel, ce
ne sera pas un bilan aussi désespérant que vous le laissez
entendre.
Par ailleurs, je ne voudrais pas entrer dans cette discussion, mais je
voudrais vous poser une question. Est-ce que vous admettez quand même
qu'on a franchi un pas dans la dernière négociation sur la
négociabilité des programmes d'accès à
l'égalité? Il me semble que, dans vos conventions collectives
maintenant, tout au moins pour certaines matières négociables,
nous sommes tenus de négocier avec le syndicat certaines mesures ou
certains aspects des programmes d'accès à
l'égalité.
M. Harguindeguy: Oui, sauf qu'à défaut d'entente,
c'est le gouvernement qui décide et la décision que vous prenez
ne peut avoir comme conséquence d'amoindrir les conditions existantes.
Il est vrai que c'est un mandat de négocier, mais quand même avec
une certaine limite. On n'a pas le même droit de négocier que les
autres travailleurs du Québec. Je serais porté à croire,
si j'adhérais à l'orientation envisagée par le
gouvernement... C'est peut-être dans un autre domaine, mais je pense
qu'il est essentiel de l'énoncer. Le gouvernement a déposé
le projet de loi 18 pour créer la Société
immobilière du Québec. En fait, on veut l'exclure de
l'application de la Loi sur la fonction publique selon le principe qu'elle doit
être plus efficiente, n'étant pas dans la fonction publique,
à cause de la lourdeur administrative.
Si c'était le cas, je serais tenté de dire: Dans ces cas,
abolissons la Loi sur la fonction publique au complet et faisons en sorte que
les ministères soient assujettis au Code du travail. Cela va
correspondre à une revendication, en fait, même depuis le
début de notre existence. Pourtant, on va sans doute nous dire que ce
n'est pas le cas que, pour être efficient à la fonction publique,
cela prend une loi. Cela prend l'imputabilité, des pouvoirs aux
gestionnaires. Donc, cela présuppose que les sociétés
autonomes aussi pourraient être dans ce même groupe. Il y a
certaines contradictions, certaines incohérences avec lesquelles on peut
difficilement, à l'heure actuelle, transiger. Il y a des choses qu'on
recherche, des motifs réels qui amènent certaines modifications
qui sont envisagées, auxquels je n'ai malheureusement pas de
réponse et qui concernent pourtant les mêmes personnes.
Quant au programme de l'égalité à l'emploi,
qu'est-ce que vous voulez? Là aussi, vous avez décidé que
la Charte des droits et libertés de la personne ne s'appliquait pas
à vous, en tant que gouvernement. L'imposition que vous en faites aux
autres employeurs du Québec... Dans votre cas, c'est le gouvernement qui
décide des programmes. On n'a pas de recours quant aux programmes, s'il
y en a ou s'il n'y en a pas, bien appliqués, mal appliqués, quant
au choix, si on crée du favoritisme, en fait, du patronage quant au
choix des personnes, même si ce sont des femmes. Les autres n'ont pas de
recours. Ce sont quand même des situations qu'on vit depuis toujours. On
essaie, malgré tout, on revient. Un jour, peut-être qu'on va
arriver à se faire comprendre ou entendre. En tout cas, on le
souhaite.
Mme LeBlanc-Bantey: Ce que vous dites est contradictoire. Vous me
dites: Vous n'en faites pas assez pour les programmes d'accès à
l'égalité. D'un autre câté, vous me dites qu'on fait
du patronage, même pour les femmes. Si vous me dites que mon rangement
par niveau risque de faire du patronage pour les femmes, les membres des
communautés culturelles et les personnes handicapées, je dis oui,
je suis pour le patronage. Oui, je suis pour un patronage qui ne discrimine pas
systématiquement, comme c'est le cas actuellement, les clientèles
visées par l'accès à l'égalité. Dans ce
sens, je vais être très réceptive et très
honnête, quand vous me dites que oui, on n'en fait pas assez.
D'un autre côté, il faudrait que les autres, autrement dit
les hommes, puissent contester des décisions qui favorisent ces
clientèles. On l'a vécu, vous me permettrez de le rappeler, parce
que je ne l'ai pas encore tout à fait digéré; c'est pour
cela que j'accepte difficilement que vous me fassiez la leçon. Je pense
que, là-dessus, vous allez comprendre parce qu'on a vécu un cas
de perfectionnement dans un ministère où on avait fait
débloquer de l'argent pour le perfectionnement des femmes dans la
fonction publique. Première nouvelle: on avait une injonction que le
Syndicat des fonctionnaires défendait parce que des gars trouvaient que
c'était inéquitable que juste les femmes aient du
perfectionnement et non les gars. Si on laisse ce genre d'équilibre, on
ne s'en sortira jamais. C'est clair que, majoritairement, les hommes dans la
fonction publique, surtout dans une période où les
promotions sont rares, où le recrutement est rare, laissent
toutes les portes ouvertes pour détruire systématiquement les
mesures qu'on tente de mettre de l'avant dans les programmes d'accès
à l'égalité.
M. Harguindeguy: Lorsque je parle de patronage, Mme la ministre,
ce n'est pas de patronage en favorisant des femmes au détriment des
hommes. Au contraire, ce n'est pas cela. Même à l'heure actuelle,
dans les programmes d'accès à l'égalité qui sont
prévus uniquement pour les femmes, du patronage s'effectue.
J'espère en tout cas que, sur celui-là, vous vous opposez au fait
qu'il puisse y avoir du patronage, qu'on favorise des femmes au
détriment d'autres femmes.
Quant à l'injonction, je suis bien aise d'en parler, cela a
amené le gouvernement... Parfois on est rendu, même dans le
domaine des relations de travail, à faire appel à la justice pour
régler nos problèmes. En principe, les termes "relations de
travail" présupposent qu'il y a des discussions et on doit essayer de
s'entendre. C'est cela le principe des relations. Le fait d'avoir une
injonction vous a au moins forcés à amender des lois pour
légaliser les programmes que vous faisiez parce qu'ils étaient
contraires aux dispositions de la charte. Cela a au moins eu cela comme
résultat concret. Cela a légalisé les programmes
d'accès à l'égalité à l'emploi dans la
fonction publique. Comme l'injonction récente qu'on a
déposée en cour a aussi permis de régulariser une
situation qui, à notre sens, y était contraire. Mais c'est quand
même malheureux qu'on soit obligé de se ramasser devant la cour
pour essayer de s'entendre. Ne croyez-vous pas que ce serait logique qu'on le
fasse en d'autres lieux que devant les cours de justice? On laisse à des
tiers le soin de déterminer nos relations.
C'est sûr...
Mme LeBlanc-Bantey: Idéalement...
M. Harguindeguy: On a de l'argent pour y aller, on en a encore un
petit peu, mais ce n'est quand même pas normal.
Mme LeBlanc-Bantey: Idéalement, c'est clair, sauf que je
ne pense pas que le problème soit aussi simple que cela. Je vais quand
même fermer la parenthèse.
Je dois terminer. J'ai terminé. Je vais simplement faire un
commentaire en terminant. Vous soulignez encore une fois, un peu en
parallèle avec les commentaires que vous avez faits sur la
non-consultation, que c'est un avant-projet de loi. La raison pour laquelle
nous avons justement voulu vous consulter sur un avant-projet de loi, c'est que
nous étions fort conscients que nous n'avions pas fait la plus large
consultation possible eu égard finalement aux différents
intervenants et aux différents intérêts qu'ont les
intervenants par rapport à une loi comme celle-ci. Dans ce sens, on a
écouté vos remarques avec beaucoup d'attention. Je pense qu'il y
a des choses qui méritaient d'être soulignées. Nous allons
tenter, dans la mesure du possible, de calmer les inquiétudes que vous
pourriez avoir quant à une gestion de la fonction publique qui
risquerait d'être inéquitable pour les syndiqués, bien
sûr en mettant dans la balance aussi les objectifs que nous visons qui
sont le service aux citoyens et en même temps une plus grande efficience
dans la mesure du possible.
Je vous répète que j'ai écouté avec beaucoup
d'intérêt certaines choses et j'espère que nous aurons
l'occasion d'en discuter encore jusqu'au dépôt du projet de
loi.
M. Harguindeguy: Je le souhaite. Nous sommes totalement
disposés aussi, s'il y a d'autres rencontres qui sont nécessaires
en dehors de ces lieux sacrés, pourrait-on dire, à vous
rencontrer. Le seul souhait que je peux exprimer, c'est, le cas
échéant, s'il n'y avait pas d'autres consultations, qu'à
tout le moins, sur la base du projet de loi que vous allez déposer, on
ait la possibilité de se faire entendre en commission parlementaire. Je
ne voudrais pas, si l'un de vos prédécesseurs décide qu'il
n'y a pas nécessité d'avoir une commission parlementaire sous le
prétexte que vous nous avez consulté... Vous savez à quoi
je fais référence. Quand il y a eu la commission parlementaire
sur le projet de loi 53, il a été retiré...
Mme LeBanc-Bantey: Qui, aujourd'hui, est mon
prédécesseur? C'est ce que je ne comprends plus.
M. Harguindeguy: On essaie quand même de retirer le bon de
ceux qui vous ont précédée, en souhaitant faire
pareillement avec vous, pour ceux qui vous suivront. Sauf qu'avec la loi 50, on
n'a pas eu l'occasion de se faire entendre; on n'a pas eu non plus l'occasion
de se faire entendre sur les projets de loi 12, 22 et 68. Je voudrais qu'au
moins, sur le projet - le projet de loi 111, encore moins; celui-là, je
n'en parle pas; je ne veux pas tourner le couteau dans la plaie pour qu'au
moins la cicatrice reste fermée -on puisse avoir l'occasion d'en
discuter. Ce sont les seules occasions qui nous sont données de parler
à nos vrais patrons, qui sont le gouvernement et l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Champagne): Au nom des membres de la
commission parlementaire, on vous remercie de vous être
présentés devant cette commission.
M. Harguindeguy: C'est moi qui vous remercie.
Le Président (M. Champagne): Merci.
M. Bisaillon: Est-ce que je pourrais savoir, M. le
Président, le menu de la journée de demain?
Le Président (M. Champagne): Oui, c'est cela.
J'étais pour l'annoncer ou, du moins, j'ajournais les travaux à
demain après-midi, 14 heures. Je répète: La commission
élue permanente de la fonction publique ajourne ses travaux
jusqu'à demain après-midi, 14 heures, ici même. Merci.
(Fin de la séance à 21 h 57)