Journal des débats de la Commission des finances publiques
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
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Le
jeudi 23 novembre 2023
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Vol. 47 N° 31
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 35, Loi concernant la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 21 mars 2023 et modifiant d’autres dispositions
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12 h (version non révisée)
(Douze heures quatre minutes)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, bienvenue à toutes et à tous. La commission est réunie afin de
procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le
projet de loi n° 35, Loi concernant la mise en œuvre
de certaines dispositions du discours sur le budget du 21 mars 2023 et
modifiant d'autres dispositions.
M. le secrétaire, bonjour.
Le Secrétaire : Bonjour.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue
parmi nous. Y aurait-il des remplacements ce matin?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Allaire (Maskinongé) est remplacé par M. Lamothe
(Ungava).
Le Président (M. Simard) : Merci
et bienvenue à ces collègues.
Alors, nous débutons d'entrée de jeu et
nous avons l'honneur de recevoir Jean-Claude Ménard, ancien actuaire en chef. M. Ménard,
soyez le bienvenu parmi nous.
(Panne de son)
M. Ménard (Jean-Claude) : C'est
un plaisir.
Le Président (M. Simard) : Bon,
bravo! Le son est revenu. Alors, vous savez que vous disposez de 10 minutes
pour faire votre présentation.
M. Ménard (Jean-Claude) : Tout
à fait. Alors, M. le Président, chers membres de la commission, il me fait
extrêmement plaisir de participer aux travaux de votre commission sur le projet
de loi no 35, Loi concernant la mise en œuvre de certaines dispositions du
discours sur le budget du 21 mars 2023 et modifiant d'autres dispositions.
Je suis Jean-Claude Ménard. J'ai été l'actuaire
en chef du Régime de rentes du Québec de 1995 à 1999 et du Régime de pensions
du Canada de 1999 à 2019. Tout en continuant de demeurer actif au sein de l'Institut
canadien des actuaires, mes propos n'engagent que moi aujourd'hui et ne doivent
pas être associés à mon institut professionnel. En fait, j'ai partagé ma
carrière une vingtaine d'années avec....
M. Ménard (Jean-Claude) : ...Retraite
Québec et, les dernières 20 années, avec l'office... le Bureau du
surintendant des institutions financières à Ottawa.
Alors, plus spécifiquement, aujourd'hui,
je suis ici pour partager mon opinion sur les modifications du Régime de rentes
du Québec contenues dans le projet de loi n° 35. Je désire souligner que
je supporte entièrement les modifications proposées au Régime de rentes du
Québec. En particulier, la protection de la rente de retraite pour les
travailleurs et travailleuses de 65 ans et plus et l'élimination de
cotiser pour les bénéficiaires de la rente de retraite de 65 ans et plus
constituent à elles seules deux mesures qui seront bénéfiques pour l'ensemble
des personnes visées. Ces deux mesures existent déjà au Régimes de pension du
Canada, ce qui permet une meilleure harmonisation entre les deux régimes.
Dès le 1er janvier 2024, l'âge
maximal auquel une personne peut demander sa rente de retraite sera repoussé de
70 à 72 ans. Cette mesure augmente la tranche d'âge pour laquelle il est
possible de demander sa rente, soit une période de 12 ans. Elle augmente
donc la flexibilité du régime. Toutefois, elle ne sera bénéfique qu'à un petit
nombre de personnes. Compte tenu que les retraités vivent de plus en plus vieux
et que cette tendance va continuer dans l'avenir, je pense que de plus en plus
de personnes demanderont leur rente de retraite à un âge plus avancé. Je suis
donc d'accord avec cette mesure.
Le rapport actuariel modifiant
l'évaluation actuarielle du Régime de rentes du Québec au 31 décembre 2021
a été déposé à l'Assemblée nationale le 19 octobre 2023. Il présente les
effets des modifications proposées sur le taux de cotisation d'équilibre à la
fois pour les régimes de base et pour le régime supplémentaire. Dans les deux
cas, les taux d'équilibre demeurent inférieurs aux taux de cotisation prévus
par la loi. Ceci permet donc de conclure que les bonifications proposées ne
mettent pas en péril la soutenabilité financière du régime que ce soit à court
terme ou à long terme.
La section la plus complexe du rapport
actuariel déposé en octobre 2023 demeure la section 2.4 qui définit les
paramètres du mécanisme d'ajustement automatique du régime supplémentaire. À la
lecture de cette section, certains d'entre vous se sont sans doute demandé s'il
aurait été possible de simplifier le mécanisme d'ajustement automatique. Ma
réponse est non. Pourquoi? Parce que le futur est incertain par définition et
qu'il faut prévoir à l'avance toutes les situations possibles, notamment grâce
à des méthodes stochastiques avancées.
Pour le régime de base, un mécanisme
d'ajustement automatique du taux de cotisation existe depuis 2012. Lorsque le
taux de cotisation d'équilibre excède d'au moins 0,1 % le taux de
cotisation prévu par la loi, ce dernier est augmenté à raison de 0,1 % par
année jusqu'à ce que l'écart entre les deux taux devienne inférieur à
0,1 %. Il n'a pas été nécessaire d'utiliser le mécanisme jusqu'à présent,
et on doit tous s'en réjouir collectivement.
Depuis la création du régime
supplémentaire en 2019, la loi prévoit que les prestations et les cotisations
peuvent être modifiées en cas de déséquilibre financier. Le projet de loi
n° 35 vient définir les paramètres d'application du mécanisme. Les mesures
prévues par le mécanisme visent à partager entre les travailleurs, les
employeurs et les retraités l'effort à consentir pour le retour à l'équilibre
financier. Il est important de répéter que ce mécanisme fonctionne dans les
deux sens, c'est-à-dire qu'il est prévu que l'ensemble des parties en
bénéficiera en cas de situation financière favorable.
• (12 h 10) •
Comme on commence un régime et que les
marchés financiers vont à la hausse ou à la baisse, il y aura nécessairement
des périodes où la situation pourrait être moins bonne que prévu et d'autres
situations où la situation pourrait être beaucoup meilleure. Et, en ce sens, le
projet de loi prévoit des bonifications au régime si la situation financière
était de beaucoup supérieure à ce qui est prévu.
En cas de situation financière
défavorable, le taux de cotisation est augmenté de 0,1 % par année,
partagé à parts égales entre les travailleurs et les employeurs. Le niveau des
prestations est également réduit de 1 % par année. L'ajustement du niveau
des prestations s'applique aux rentes en paiement et aux rentes accumulées. En
cas de situation financière favorable, comme je l'ai dit précédemment, la
situation inverse s'applique.
Maintenant, la portée du mécanisme est
restreinte de trois façons, la première, par des limites cumulatives...
M. Ménard (Jean-Claude) : ...d'application.
C'est-à-dire que le niveau des prestations doit demeurer toujours entre
90 % et 110 % du niveau initial, et le taux de cotisation prévu par
la loi, qui est de 2 %, entre 1 % et 3 %. Si les limites sont
atteintes, les prestations et les cotisations demeurent alors à ce niveau. Une
variation maximale de 10 % du niveau de la rente du régime supplémentaire
représente environ 3 % sur la rente de retraite totale, c'est-à-dire la
rente qui combine le régime de base et le régime supplémentaire.
La portée du mécanisme est aussi
restreinte de façon temporelle dans le temps, c'est-à-dire que le mécanisme ne
pourra être déclenché au cours des 20 premières années d'existence du
régime supplémentaire. Donc, les résultats de l'analyse actuarielle au
31 décembre 2039 seront les premiers à déclencher le mécanisme, s'il y a
lieu, ce n'est pas nécessairement le cas, et ça ne sera pas nécessairement le
cas à ce moment-là.
Enfin, le troisième élément qui limite les
portées du mécanisme, c'est une solution par défaut. Afin de permettre une
réaction prompte en cas de déséquilibre financier, le gouvernement pourrait
surseoir à ses actions ou mettre d'autres mesures en place. Les mêmes principes
de partage de risque ont guidé les mécanismes d'ajustement automatique au RPC,
régime de pension du Canada supplémentaire, en 2019.
Et je faisais partie du groupe qui a conçu
ces mécanismes d'ajustement. Je suis évidemment d'accord avec le principe de
partage de risques entre toutes les parties prenantes, c'est-à-dire les
travailleurs, les employeurs et les retraités, surtout, et j'insiste, surtout
lorsque ce principe de partage de risque est clairement défini à l'avance dans
les dispositions législatives, de cette manière, personne n'est pris par
surprise.
Merci de votre attention. Il me fera
extrêmement plaisir de répondre à vos questions.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci, M. Ménard, pour votre présentation. Et je cède la parole au ministre des
Finances, qui dispose d'une période de 16 min 20 s.
M. Girard (Groulx) : Oui,
merci, M. Ménard. Et d'abord, permettez-moi de vous féliciter pour vos
nombreuses années de service, tant chez Retraite Québec qu'au régime de pension
du Canada. C'est vraiment apprécié. Et puis je suis content aussi, quand même,
c'est des sujets qui sont complexes, mais si j'entends un commentaire général,
c'est que vous supportez l'ensemble des propositions qui sont devant nous?
M. Ménard (Jean-Claude) : Tout
à fait, tout à fait.
M. Girard (Groulx) : Merci.
Je pense que c'est important que ce soit entendu.
On va y aller par étapes, là, parce que
c'est complexe. Pouvez-vous réexpliquer, pour le bénéfice de nos nombreux
auditeurs, et des membres de cette commission, et du personnel, on va y aller
vraiment simplement, le mécanisme d'ajustement actuel du régime de base, là, si
vous expliquiez ça à vos étudiants, pouvez-vous nous réexpliquer ça?
M. Ménard (Jean-Claude) : ...de
base, le taux de cotisation actuellement dans la loi est de 10.8 %. S'il
advenait que l'actuaire... dans le rapport actuariel, le taux d'équilibre était
à 10.91 %, ce qui se passerait, le mécanisme serait déclenché et le taux
de cotisation augmenterait à 10.9 %. Et il n'y aurait rien d'autre de
plus. Maintenant, comme je l'ai dit, c'est une... Ce sont des mesures par
défaut, le gouvernement pourrait en décider autrement. Ça, c'est pour le régime
de base.
M. Girard (Groulx) : Oui. Non
mais je veux juste répéter, là, pour que tout le monde comprenne. Parce que là,
là, l'actuariat, là, c'est compliqué, O.K., croyez-moi, et les probabilités
aussi. Et là, on est dans le domaine des probabilités stochastiques, qui sont
une branche encore plus complexe des probabilités. Alors, on a un taux de
cotisation actuel de 10.8 %, O.K., qui est supérieur au taux d'équilibre.
S'il s'avérait que le taux d'équilibre était supérieur de plus de 0,10 %,
donc à partir de 10,91 %, il y a déclenchement de l'ajustement du
mécanisme de base. Correct?
M. Ménard (Jean-Claude) : Très
bien expliqué. Ça prend un ministre des Finances pour expliquer ce qu'un
actuaire veut dire.
M. Girard (Groulx) : O.K. et
cet ajustement-là ferait passer le taux de cotisation de 10,8 % à
10,90 %?
M. Ménard (Jean-Claude) : Tout
à fait.
M. Girard (Groulx) : O.K. Et
qui paie le...
M. Girard (Groulx) : ...pour
le bénéfice de tous nos auditeurs?
M. Ménard (Jean-Claude) : C'est
à parts égales entre les employeurs et les travailleurs.
M. Girard (Groulx) : Voilà.
Alors, ça, moi, je savais tout ça, mais c'est important, parce que le régime de
base a déjà un mécanisme qui est en place, qui est apprécié. Là, on a un régime
supplémentaire, qui a été amené en 2019, dont les paramètres du mécanisme
d'ajustement automatique n'ont pas été définis par ceux qui ont bonifié le
régime, contrairement au Régime de pensions du Canada, d'où la nécessité, pour
ce gouvernement, d'amener des paramètres, un mécanisme d'ajustement automatique
si le régime n'est pas suffisamment financé. À partir de quelle date ces
mécanismes entrent-ils en vigueur?
M. Ménard (Jean-Claude) : À
partir du rapport actuariel du 31 décembre 2039. Alors, ça, ça veut
dire que ce ne serait pas avant 2041 s'il y avait lieu d'agir, d'une façon ou
d'une autre, parce qu'on pourrait très bien, à ce moment-là, se retrouver dans
une position en surplus, c'est-à-dire que le taux d'équilibre pourrait être à
1,6 %, aussi bas que 1,6 %, au lieu de 2 %, et là, à ce
moment-là, il y aurait un mécanisme de bonification qui s'enclencherait.
M. Girard (Groulx) : O.K. Et
pourquoi on choisit de ne pas faire d'ajustement avant 2039?
M. Ménard (Jean-Claude) : Bon,
ce sont des... c'est un mécanisme par défaut. C'est très important d'avoir un
mécanisme par défaut, et ça... Pardon?
M. Girard (Groulx) : Non, ça
va.
M. Ménard (Jean-Claude) : Est-ce
que vous... Ah! O.K., vous m'entendez bien?
M. Girard (Groulx) : On vous
entend très bien.
M. Ménard (Jean-Claude) : Oh!
excusez-moi, c'est... Donc, c'est un mécanisme par défaut, et il n'y a rien qui
empêche, si la situation, je dirais, en 2030... si le taux était à... aussi bas
que 1,7 %... et même actuellement, si vous voulez, le taux d'équilibre est
en bas de 2 %, il pourrait y avoir d'autres bonifications qui seraient
apportées au régime supplémentaire. Donc ça n'empêche pas le gouvernement
d'agir. Ce que ça fait, par contre, c'est qu'à partir de 2039 il y a des
mécanismes par défaut.
Vous pourriez poser la question :
Pourquoi attendre à 2039? Pourquoi pas avant? Bon, là, il faut savoir que le
régime supplémentaire, il est pleinement capitalisé. Ce que ça veut dire,
contrairement au régime de base, c'est que le principal risque, il n'est pas
démographique, parce que chacun paie pour sa rente, il est lié à
l'investissement, et les marchés financiers montent, et descendent, et,
quelquefois, de façon abrupte. Donc, il faut prévoir des mécanismes, et c'est
pour ça que, quand on parlait... Nous, on a beaucoup regardé les méthodes
stochastiques, et stochastiques, ce que ça fait, ça regarde la volatilité des
marchés financiers. Habituellement, on prenait de 1945 jusqu'à nos jours, donc
au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, et on regardait les marchés
financiers canadiens, maintenant, aussi, internationaux, et pour calculer, si
vous voulez, les probabilités. Parce que, dans le fond, ce que les mécanismes
font, ils instaurent une zone verte, c'est-à-dire que le taux de cotisation
d'équilibre va bouger automatiquement. S'il est entre 1,7 % et 2,2 %,
aucune action n'est requise. S'il est à l'extérieur de ces fourchettes, là, à
ce moment-là, il y a un mécanisme par défaut.
• (12 h 20) •
M. Girard (Groulx) : O.K. Et
il reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Simard) : 9 min 45 s.
M. Girard (Groulx) : Alors,
puisque vous êtes si bon pédagogue, allons-y et attaquons-nous au mécanisme
d'ajustement du régime supplémentaire. Pouvez-vous nous expliquer comment ça va
fonctionner, en 2039, si on dévie de 2 %?
M. Ménard (Jean-Claude) : Si
on dévie de... c'est-à-dire que... c'est ça, si le taux de cotisation est à
2,21 %... donc, le taux d'équilibre, actuellement, il est à 2 %... le
taux prévu par la loi est à 2 %, pardon, le taux d'équilibre est inférieur
à ça... alors, si le taux d'équilibre du rapport actuariel montre 2,21 %,
là, à ce moment-là, il y a un ajustement des prestations et des cotisations.
Les cotisations montent, augmentent de 2 % à 2,1 %, et les
prestations en paiement et les rentes accumulées... alors, pas uniquement ceux
qui sont à la retraite, mais ceux qui sont proches de la retraite... il y a un
facteur, de telle sorte que les...
M. Ménard (Jean-Claude) : ...sont
traités de façon équitable et qu'il y a une réduction, encore une fois,
seulement de 1 %. Mais ce qui se passe, c'est qu'il y a une situation
financière défavorable, et le partage de risques est assumé à la fois par les
bénéficiaires et à la fois par les cotisants. Les cotisants, on parle des
travailleurs et des employeurs.
M. Girard (Groulx) : O.K. Qui
est le père spirituel... ou qui a défini la proportion entre les cotisations et
les prestations? Pourquoi de 2 à 2,1 et des prestations de... en hausse...
Pourquoi une augmentation des contributions de 2 à 2,1 et une baisse de
prestations à 1 %, c'est, de façon probabiliste et stochastique, le bon
équilibre?
M. Ménard (Jean-Claude) : Tout
à fait. C'est un partage de risques entre les deux. Je reviendrais beaucoup à
la... à la proportion, le fameux 50 %. C'est qu'il y a... Lorsqu'il y a un
déficit, il faut calculer, si vous voulez, une proportion... ça ne sera pas
nécessairement 50-50, mais quelque chose qui s'approche entre un partage égal. Parce
que le régime de retraite, ce n'est pas compliqué. Vous avez, d'un côté, des
cotisations et des revenus de placement et, de l'autre côté, les bénéfices à
payer. Lorsqu'il y a une situation financière défavorable qui se produit, les
deux parties sont mises à contribution, c'est-à-dire cotisations employés...
employeurs et travailleurs, et, de l'autre côté, les bénéficiaires.
Il aurait pu y avoir une... d'autres
pourcentages de choisis. Le rapport actuariel ne montre pas exactement tous les
détails de ça, mais le... il m'apparaît, à tout le moins, selon moi... la
proportion qui est faite entre... Parce qu'il ne faut pas oublier, quand le
taux de cotisation... Il est à 2,21. Quand il augmente à 2,1, en même temps, je
réduis les prestations, donc mon taux d'équilibre n'est plus à 2,21, il est
plus bas que ça. Je ne sais pas à quel niveau il serait à ce moment-là, mais le
point là-dedans, très important, c'est le principe du partage de risques entre
toutes les parties prenantes du régime.
M. Girard (Groulx) : Mais,
statistiquement, vous affirmez, sans... avec tout votre bagage quantitatif, que
le mécanisme d'ajustement du régime supplémentaire va, un, imposer un
ajustement... en cas d'insuffisance de capitalisation, un ajustement
approximativement ou précisément de 50 % à ceux qui contribuent et de
50 % à ceux qui reçoivent des prestations. C'est l'équilibre qu'on a
choisi.
M. Ménard (Jean-Claude) : C'est
le principe, oui. À tout le moins pour les mécanismes d'ajustement du régime de
pension du Canada, c'est... c'est le cas. Et je... quand je regarde les
chiffres... Les mécanismes ne sont pas tout à fait identiques à ceux du régime
de pension du Canada, mais les principes sont les mêmes. Et il m'apparaît, avec
les chiffres que je voyais dans le rapport actuariel, que la proportion
était... est à 50-50, mais je ne peux pas vous l'affirmer de façon... Ça
prendrait...
M. Girard (Groulx) : Est-ce
que, dans la littérature financière ou actuarielle, il y a des chercheurs qui
prônent une division différente de celle qui a été choisie, le 55 ans?
M. Ménard (Jean-Claude) : Écoutez,
on pourrait utiliser le régime de rentes du Québec comme exemple, où on voit
que le régime de base, c'est 100 % d'un côté, 0 % de l'autre,
c'est-à-dire 100 % du... au niveau des taux de cotisation, et il n'y a pas
d'ajustement aux bénéfices. Et, dans le régime supplémentaire, là, le partage
est fait 50-50. Dans le régime de pension du Canada de base, le principe de
50-50 s'applique également au régime de base.
Dans la littérature financière, quand je
regarde les mécanismes d'ajustement automatique, je serais tenté de vous
parler... de vous citer la Grande-Bretagne, dans un premier temps, et, dans un
deuxième temps, l'Allemagne. La Grande-Bretagne, ce qui est fait, c'est un
mécanisme relié...
M. Ménard (Jean-Claude) : ...à
la longévité. Les gens vivent, mettons, trois ans de plus, à ce moment-là, il y
a un an... l'âge de retraite augmente d'un an parce que, dans le fond, le trois
ans additionnel, il est partagé entre la période sur le marché du travail et la
période à la retraite. En Allemagne, c'est un ratio de dépendance qui est
utilisé, c'est-à-dire population active versus retraités. C'est un mécanisme
qui est assez sévère parce que, si on a une population, au plan démographique,
qui vieillit rapidement, ça peut amener une réduction des prestations assez
forte. Dans ce cas-ci, la réduction potentielle, je dis toujours potentielle,
est quand même, à mon sens à moi, minimale.
M. Girard (Groulx) : Ça
complète mes questions, M. le Président, je ne sais pas s'il y a de mes
collègues qui ont des questions.
Le Président (M. Simard) : Sans
quoi nous passons la parole au député de Nelligan et leader de l'opposition
officielle. Cher collègue, vous disposez de 12 minutes.
M. Derraji : Merci, M. le
Président. Et je tiens à remercier, vraiment, les questions du ministre, parce
que ça nous a un peu... vraiment éclairés. Bienvenue, M. Ménard. J'ai lu votre
ancien rapport, je vais juste chercher le titre, ça a été avec des collègues à
vous, MM. Latulipe et Plamondon, je l'ai devant moi, c'est par rapport à la
consultation publique sur le régime de rentes du Québec. Merci beaucoup.
J'avais une question tout à l'heure, quand
le ministre vous a posé la question sur l'ajustement automatique, et vous avez
dit que... par rapport à vos méthodes stochastiques, et le ministre vous a posé
la question, par rapport à 2039, 2041, si ma mémoire, elle est bonne. Là, dans
le projet de loi, on propose deux choses, c'est d'augmenter... c'est de
2 % pour les années de 2023 à 2041. L'article 1.
M. Ménard (Jean-Claude) : Ça,
c'est si le taux d'équilibre est en haut.
M. Derraji : Oui. Et là on
dit le taux d'équilibre... Tout à l'heure, le ministre vous a parlé de taux de
cotisation à 10.8% et le taux d'équilibre à 10,91%, si ça se rajoute. Juste
expliquer, parce que je n'ai pas compris le bout 10,8, 10,91%, s'il vous plaît.
C'est régime du bas, ça.
M. Ménard (Jean-Claude) : Oui,
d'accord. Dans le régime de base, le taux de cotisation est à 10,8 %,
partagé en parts égales employeurs et travailleurs. Dans le régime
supplémentaire, c'est un taux de cotisation qui s'ajoute, de 2 %, 1 %
employé, 1 % employeur. Dans... Les mécanismes d'ajustement sont différents
pour le régime de base et pour le régime supplémentaire, mais je dirais qu'au
départ le risque est aussi différent, c'est-à-dire que le régime de base, c'est
un régime partiellement capitalisé, donc, même s'il y a une caisse importante,
la majorité des entrées de fonds vont venir des cotisations. Ce qui veut dire
que le risque est beaucoup plus relié au marché du travail et à la démographie,
si vous avez moins d'enfants, si la population vieillit plus rapidement,
vous...
M. Derraji : Oui. Excellent,
mais juste une étape à la fois, parce que c'est excellent, ce que vous venez de
dire. Donc, prenons le cas du régime de base, qui est capitalisé, ça dépend du
nombre de la population active.
M. Ménard (Jean-Claude) : Oui.
Partiellement capitalisé.
M. Derraji : Partiellement
capitalisé. À quelle hauteur?
• (12 h 30) •
M. Ménard (Jean-Claude) : À
une hauteur, bon, si... Le régime supplémentaire, lui, il est complètement
capitalisé, chaque personne paie pour sa rente. Donc, si le régime
supplémentaire, je pense, à 100 %, dans le régime... 30%.
M. Derraji : Non, je veux
vraiment qu'on reste sur deux bases, s'il vous plaît.
M. Ménard (Jean-Claude) : Oui.
M. Derraji : Il est
capitalisé à quelle hauteur?
M. Ménard (Jean-Claude) : 30 %.
M. Derraji : 30 %. Et
vous avez dit que ça, ça dépend de d'autres paramètres, paramètres
démographiques?
M. Ménard (Jean-Claude) : Oui.
M. Derraji : O.K., c'est
excellent. Et là vos projections pour la durée qu'on étudie présentement.
M. Ménard (Jean-Claude) : Bon,
ce qui est étudié présentement, c'est qu'il n'y a pas de changement au
mécanisme du régime de base, mais il y a des précisions sur le régime
supplémentaire. Dans cet univers, le risque d'investissement est beaucoup plus
grand parce que chacun paie pour sa rente. La majorité des entrées de fonds
vont provenir des revenus de placements et de la taille de la caisse. Donc, la
caisse va être de plus en plus... la réserve va être de plus en plus élevée. Ce
qui veut dire qu'un soubresaut sur les marchés financiers va avoir un impact
plus grand...
12 h 30 (version non révisée)
M. Ménard (Jean-Claude) : ...dans
le régime supplémentaire que dans le régime de base.
M. Derraji : Mais il reste qu'il
est plus élevé sur le supplémentaire que sur celui de base.
M. Ménard (Jean-Claude) : Bien,
le risque d'investissement, oui, le risque démographique, à peu près nul parce
que chacun paie pour sa rente. Alors, s'il y a un taux de chômage plus élevé,
ça ne change à peu près pas le coût du régime supplémentaire.
M. Derraji : Ça, c'est
excellent, c'est un bon point. Merci beaucoup pour la clarification.
Tout à l'heure, vous avez dit qu'il y a d'autres
régimes et d'autres pays qui font le mécanisme d'ajustement automatique comme
une mesure depuis plusieurs années. Ça veut dire qu'ils l'ont adopté avant nous?
M. Ménard (Jean-Claude) : Oui,
bien sûr.
M. Derraji : O.K. Et là vous
parlez toujours du supplémentaire, hein, on ne parle pas de base?
M. Ménard (Jean-Claude) : Exact.
M. Derraji : Oui. Pouvez-vous
juste...
M. Ménard (Jean-Claude) : Excusez.
Dans les autres pays, ils vont... ils n'auront pas la précision du
supplémentaire et de base. En Allemagne, c'est pratiquement par répartition, c'est-à-dire
qu'il n'y a pas de caisse ou très peu de caisse. Donc, ça vous prend des
cotisations, à chaque année, suffisantes pour payer les prestations parce qu'il
n'y a pas de caisse, donc il n'y a pas de revenus de placement. Ici, grâce à la
Caisse de dépôt et placement, grâce aux décisions qui ont été prises, surtout
en 1998, 1999, là, il y a... le taux de cotisation a augmenté rapidement à 9.9 %
et, par la suite, 10.8 %, ce qui fait que le fardeau sur les cotisants est
beaucoup moins grand parce qu'il y a une caisse qui génère des revenus de
placement. Et ça, c'est vrai autant pour le régime de base que pour le régime
supplémentaire, sauf que, dans le régime supplémentaire, c'est encore plus vrai
parce qu'il est complètement capitalisé. Chacun paie pour...
M. Derraji : Oui. Et du
moment qu'il est capitalisé, c'est pour cela que le risque... vous ne voyez pas
de notion de risque, que ce soit... bien, dans le base, vous l'avez très bien
clarifié, mais dans le supplémentaire...
M. Ménard (Jean-Claude) : Démographique,
non, investissement, oui.
M. Derraji : Oui,
investissement, oui. O.K., excellent. Vous avez aussi parlé de deux scénarios
par rapport aux taux de cotisation qui est à 10.8. Et je voulais intervenir
tout à l'heure, mais c'est le ministre qui avait l'échange avec vous. Là, on
parle d'un taux d'équilibre à 10.91. Ça, c'est dans quel type de scénario?
Idéaliste? Scénario fort probable?
M. Ménard (Jean-Claude) : Bon,
je vous référais au dernier rapport actuariel que je n'ai pas avec moi, où il y
a des tests de sensibilité. Et c'est évident que si la population vieillit
davantage que ce qui est prévu par l'actuaire... par le rapport actuariel, ou
si encore la population active, pour toutes sortes de raisons, soit moins de
natalité, moins d'immigrants, plus de chômage, le taux pourrait être à 10.91.
M. Derraji : Merci beaucoup.
Désolé, j'ai eu un moment d'inattention, mais je n'ai aucun problème...
Une voix : ...
M. Derraji : Non, non, mais
aucun problème.
Une voix : ...
M. Derraji : Non, non, mais j'apprécie,
parce que, tout à l'heure, moi, je voulais intervenir au moment où il y avait
la question... Non, non, mais allez-y, là. Désolé, c'est une poutine interne.
Mais si M. le ministre avait une question, je n'ai aucun problème. Allez-y,
allez-y.
Le Président (M. Simard) : Est-ce
qu'il y a consentement pour que le ministre intervienne? Ça prend un
consentement.
M. Derraji : Oui, oui, je n'ai
aucun problème.
Le Président (M. Simard) : ...M.
le ministre, sur le temps de votre collègue, hein?
M. Derraji : Oui, oui, je n'ai
aucun problème, on apprend.
M. Girard (Groulx) : ...il
faudrait prendre une photo.
Le Président (M. Simard) : Quand
même.
M. Girard (Groulx) : C'est de
l'humour, c'est de l'humour.
Le Président (M. Simard) : Alors,
allons-y.
M. Girard (Groulx) : Selon
vous, là, la marge de manœuvre qu'on doit conserver, est-ce que d'être
directement accoté sur le taux d'équilibre, c'est correct ou il y a une marge
de manœuvre supplémentaire qu'on doit conserver? Puis là on va se simplifier la
vie, là, parlons uniquement du régime de base. Parce que, là, il y a beaucoup
de discussions. Ce matin, il y a eu dépôt de projet de loi de l'opposition qui
concerne la rente invalidité. Le député de Maurice Richard aurait pu, peut-être
même, potentiellement, déposer le même projet de loi. On se fait demander des
ajustements au régime. Est-ce que d'être accoté directement sur le taux d'équilibre,
c'est une position prudente, suffisamment prudente, d'un point de vue
statistique?
M. Ménard (Jean-Claude) : Pas
du tout. Pas du tout. Et je vous réfère au tableau 8 du rapport actuariel
qui a été déposé en octobre 2023. Et ce qu'on voit, c'est la probabilité que le
taux de cotisation soit supérieur au taux... que le taux d'équilibre, pardon,
soit supérieur au taux de cotisation prévu. Avant les modifications, c'est
44 %, donc en bas de 50 %. Avec les modifications législatives...
M. Ménard (Jean-Claude) : ...ce
taux-là, de façon normale, monte à 48 %. Donc, on augmente le risque que,
dans un rapport subséquent, pour toutes sortes de raisons, les... prenons
l'exemple le plus simple, les gens vivent plus longtemps que prévu, à ce
moment-là, on pourrait avoir un taux d'équilibre supérieur à 10,8 %. Et,
quand je vois le 48 %, c'est dans une optique où je suis déjà en bas du
taux d'équilibre... pardon, je suis déjà en bas du taux de cotisation prévu par
la loi. Autrement dit, je suis probablement dans... le 48 % doit référer
au taux de 10,7 %. Le point est que... 0,1 %, c'est une approche
prudente à conserver dans le régime de base.
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Derraji : M. le Président,
une question, ils représentent combien... la différence? Parce que vous avez
dit : La marge, elle est minime, 10,7 versus le 10,8, mais ça représente
combien si vous... au-delà du pourcentage?
M. Ménard (Jean-Claude) : C'est-à-dire
que c'est une marge qui est très faible, la marge de manœuvre est très faible,
ça ne prendrait pas grand-chose pour... je n'ai pas fait de calcul, mais dans
les tests de sensibilité... dans les tests de sensibilité du rapport actuariel,
vous pouvez voir les différentes variables qui peuvent influencer le taux
d'équilibre à la hausse.
M. Derraji : Allez-y, oui...
Le Président (M. Simard) : Oui.
Alors, on va...
M. Derraji : Donc, c'est le
fond du sujet. Je n'ai aucun problème. On a un actuaire en face de nous... mon
temps de parole, aucun problème, oui, oui.
Le Président (M. Simard) : ...pour
que le ministre intervenir, encore une fois, à ce stade-ci? M. le ministre.
M. Girard (Groulx) : C'est
que c'est important, parce que la rente invalidité, qu'on parle tous, elle a
évidemment un coût. Et là ce que l'évaluation actuarielle nous dit, c'est que
même avec 10 points de marge de manœuvre, la probabilité que dans 20 ans on
doive augmenter les cotisations, parce que les fluctuations soient
démographiques ou de rendement n'ont pas été celles des hypothèses actuarielles
qu'on a faites, est à 48 %. Alors, si, par exemple, on prenait le 10 point
de base de marge de manœuvre pour quelque mesure que ce soit, ça pourrait être
la rente d'essai, ça pourrait être la rente invalidité, si on bouffait le 10
points de base, bien là, le 48 %, il va augmenter. Et donc ici, on... le
régime, il est à l'équilibre sous des hypothèses statistiques. Mais si les
hypothèses ne se matérialisent pas, dans 48 % des cas, on va être obligé
d'augmenter les cotisations. Il faut donc être très prudent avec notre marge de
manœuvre. C'est tout. Je m'arrête là puis je remercie le député de Nelligan
pour l'usage de son temps.
M. Derraji : Non, mais
sérieux, ce n'est aucun problème. J'avais la même question tout à l'heure, mais
je comprenais qu'on écoutait notre intervenant, M. Ménard. Mais le débat sur la
marge est extrêmement important, parce que les hypothèses qu'on a, là, on peut
faire... Il y a un débat de marge statistique, probabilité, mais il y a un
débat politique que je ne vais pas faire maintenant, parce que c'est un choix,
c'est un choix, c'est un choix. Et c'est exactement la conclusion que je
voulais faire avec vous, c'est que la marge, elle est minime, démontrer, d'un
point de vue statistique, les probabilités. Mais il y a un choix politique, le
choix, le ministre vient de le dire, où on va aller et qu'est ce que ça va
affecter.
• (12 h 40) •
Maintenant, la question où je veux vous
ramener, écoutez, on le voit, parce que le ministre me donne la possibilité de
le ramener, c'est de pénaliser les aînés invalides. Et ça, vous le voyez
avec... il y a une poursuite, etc., mais la marge n'est pas assez élevée, vous
venez de le dire. Donc, moi, ma question, et je ne veux pas vous ramener, M.
Ménard, sur un terrain politique, ce n'est pas mon but. Juste d'un point de vue
probabilité, avec ce que vous avez sur la table et avec la marge qu'on a sur la
table, statistiquement, c'est des choix à faire, mais on peut le faire.
M. Ménard (Jean-Claude) : On
peut le faire. Tout d'abord, je vous remercie infiniment pour votre question
sur... qui nous a amenés de discuter de la marge de manœuvre, M. le député de
Nelligan, c'est excellent. Comme on l'a dit, cette marge-là de 0,1 %, elle est
minime. Si elle est utilisée pour... Et oui, on est tous d'accord que les
invalides, la rente d'invalidité, tout ce qui touche les Invalides devrait être
bonifié. Le problème, c'est que, si vous utilisez cette marge de manœuvre de
0,1 %, vous avez de grandes chances que le prochain rapport actuariel montre un
taux d'équilibre plus élevé que...
M. Ménard (Jean-Claude) : ...parce
que là, vous seriez au taux d'équilibre, à 18 %, donc la probabilité, elle
commence à être forte. Et là, vous seriez dans une position d'augmenter encore
le taux de cotisation.
M. Derraji : Oui, on augmente
le taux de cotisation. Mais, encore une fois, je vais être très prudent sur la
ligne politique. On augmente le taux de cotisation, mais on règle un problème
des invalides.
M. Ménard (Jean-Claude) : Ça
serait préférable d'attendre que cette marge de manœuvre soit un peu plus
grande.
M. Derraji : O.K. C'est
excellent. Et quand on veut que ça soit plus grand, c'est quoi le pourcentage
pour vous, on le déclare... significativement grand?
M. Ménard (Jean-Claude) : Bon,
par rapport à 10,8 %, tout ce qui est en bas de 10,6 %, je dirais, c'est une
marge qui permet de faire des bonifications. Maintenant, il y a des
bonifications qui ne coûtent pas cher et il y a des bonifications qui coûtent
très cher, donc il faudra voir à ce moment-là. C'est au gouvernement de
décider.
M. Derraji : M. Ménard, quel
plaisir, vous voir. Je pense que vous avez aidé beaucoup de personnes autour de
la table. Merci beaucoup pour votre temps précieux et d'éclairer les membres de
la commission. Merci beaucoup, M. Ménard.
M. Ménard (Jean-Claude) : Merci
à vous.
Le Président (M. Simard) : Et
merci à vous, collègue, là, dans le cadre de cet échange, là, pour nous avoir
permis d'approfondir les choses. Alors, cher collègue de Maurice-Richard, vous
disposez de 4 min 8 s.
M. Bouazzi : Merci, M. le
Président. Merci, M. Ménard, d'être ici. C'est effectivement très éclairant de
vous écouter. Je vais probablement réécouter l'enregistrement à un moment.
J'ai une question concernant les cotisations.
Le projet de loi propose qu'on puisse ne pas cotiser et garder des personnes au
travail. On comprend que l'objectif du projet de loi, c'est que des personnes
puissent rester plus longtemps au travail, entre autres à cause des questions
de vieillissement de la population et de manque de main-d'oeuvre dans un
certain nombre de domaines, et que l'objectif, c'est que la... Il y a...
excusez l'anglicisme, mais un «incentive», là, quelque chose qui pousse les
gens à...
Une voix : ...
M. Bouazzi : ...Un incitatif,
merci, pour rester au travail. Dans cette approche, l'employeur aussi arrête de
cotiser. Et on voit mal ce que ça change pour garder la personne au travail
plus longtemps, que l'employeur arrête de cotiser. Ça fait que, mis à part
l'argument qui dit : Bien, on a toujours fait comme ça, moitié-moitié,
est-ce qu'on pourrait tout simplement décider que l'employeur continue à
cotiser?
M. Ménard (Jean-Claude) : Je
dirais que le financement de la retraite, et c'est fondamental, c'est une responsabilité
partagée entre les employeurs et les travailleurs. L'employeur a un rôle, mais
le travailleur a aussi un rôle. Et de créer des situations où seulement
l'employeur cotise, selon moi, ce n'est pas souhaitable. Parce qu'il faut
responsabiliser à la fois l'employeur que, quand vous engagez quelqu'un, il y a
aussi un coût à assumer au niveau de la retraite de ce travailleur, et le
travailleur lui-même a une obligation d'épargner pour la retraite. Donc, oui,
vous avez raison, c'est un partage 50-50 depuis 1966, depuis la création, mais
je crois que ce principe-là doit continuer d'être appliqué dans le futur.
M. Bouazzi : Mais, en tout
respect, je comprends qu'on responsabilise effectivement que le travailleur et
l'employeur cotisent, mais, ici, on a décidé que le travailleur ne cotisait
plus, malgré qu'il continue à travailler. Je ne vois pas en quoi est-ce qu'on
déciderait... Je comprends que ça a toujours été comme ça. Ça, c'est un
argument qui marche très bien au sein de cette institution, mais disons qu'on
veut changer, c'est ce qu'on est en train de faire, pourquoi faire ce
cadeau-là, étant donné qu'il ne contribue pas à garder des gens dans le monde
du travail?
M. Ménard (Jean-Claude) : Écoutez,
le travailleur, s'il choisit de ne pas cotiser, il me semble normal que
l'employeur cesse également de cotiser, tout simplement. Et je ne dis pas qu'au
plan technique ce n'est pas possible. Ce qui devrait être fait, à ce moment-là,
c'est que la personne accumule la moitié de ce qu'elle aurait accumulé parce
que, dans le fond, il rentre seulement la partie de l'employeur. Mais, encore
une fois, je trouve...
M. Ménard (Jean-Claude) : ...que
c'est une brèche importante qui est faite dans ce principe de responsabilité
partagée entre, pour le financement de la retraite, peu importe l'âge, 50-50,
employeurs et travailleurs.
M. Bouazzi : Et j'entends,
mais est-ce qu'on pourrait imaginer un mécanisme qui fait que les personnes qui
restent au travail, qui ne cotisent plus vont avoir, si on garde la cotisation
de l'employeur, plus d'argent quand ils vont, justement, prendre leur RRQ, vu
qu'on accumule plus de cotisations?
M. Ménard (Jean-Claude) : Nécessairement,
mais... je dirais, la moitié de ce qu'ils auraient eu autrement s'ils avaient
eu... cotisé, eux également.
M. Bouazzi : Exact.
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Bouazzi : Donc...
Le Président (M. Simard) : Alors...
Bien, M. Ménard, ceci clôt notre période d'intervention, et un énorme merci à
vous pour votre présence parmi nous ce matin, ce fut fort apprécié.
Et, afin de faire place à nos prochains
invités, nous allons suspendre momentanément nos travaux.
M. Ménard (Jean-Claude) : Merci
à vous.
Le Président (M. Simard) : Ça
fait plaisir, M. Ménard.
M. Ménard (Jean-Claude) : Merci.
Le Président (M. Simard) : Ah!
on va... Bien, on va... il y a une très bonne recommandation que je vais
suivre, on va suspendre jusqu'à 14 heures, à la demande générale.
(Suspension de la séance à 12 h 48)
14 h (version non révisée)
(Reprise à 14 h 04)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, la Commission des finances publiques reprend ses travaux.
Et, comme vous le savez, nous poursuivons
les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n°
35, Loi concernant la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur
le budget du 21 mars 2023 et modifiant d'autres dispositions.
Et je cède, d'entrée de jeu, la parole aux
représentants de Force jeunesse. Bienvenue à vous quatre. Auriez-vous d'abord l'amabilité,
s'il vous plaît, de vous présenter?
Mme Dery (Lauriane) : Merci, M.
le Président. M. le ministre, chers membres de la commission, merci de l'invitation.
Donc, Lauriane Dery, présidente de Force jeunesse.
M. Mireault (Fred-William) : Fred-William
Mireault, vice-président exécutif.
Mme Racine (Éliane) : Éliane
Racine, membre du comité contenu.
Mme Ben Jelili (Emna) : Emma
Ben Jelili, vice-présidente au contenu.
Le Président (M. Simard) : Alors...
vous savez que vous disposez de 10 minutes.
Mme Dery (Lauriane) : Merci
beaucoup. Donc, brièvement, Force jeunesse défend les droits et les intérêts de
la jeunesse québécoise dans l'élaboration des politiques publiques depuis
maintenant 25 ans. On est l'une des seules organisations jeunes à être
activement impliquée dans les questions de retraite et de finances publiques.
Vous comprendrez donc que les retraites, le Fonds des générations et... l'équilibre
budgétaire, pardon, sont les sujets qui nous interpellent particulièrement dans
le cadre du projet de loi n° 35, et c'est sur ces aspects spécifiques que nous
nous concentrerons nos interventions. Notre mémoire comprend 21 recommandations.
On ne les passera pas tous en revue, je vous assure, mais il nous fera plaisir
de répondre à vos questions suite à notre présentation.
Avant d'entrer dans le détail de nos
recommandations, il est important pour nous de réitérer que la valeur qui guide
notre action et qui a dicté la rédaction de notre mémoire, c'est l'équité
intergénérationnelle. Pour nous, l'équité intergénérationnelle, c'est d'être en
mesure de trouver le fragile équilibre entre répondre aux besoins de la société
actuellement tout en s'assurant que les générations futures auront, elles
aussi, accès à des services de qualité et à des opportunités équivalentes que
celles offertes aujourd'hui. C'est un défi de taille, on va en convenir, et c'est
pourquoi il est primordial de mettre en place des outils et des mécanismes
clairs et rigoureux dans une perspective de long terme pour assurer la sécurité
financière à la retraite et la soutenabilité des finances publiques. Le Fonds
des générations est un excellent exemple de ce contexte... de ce concept,
pardon, parce que c'est un outil qui fonctionne et qui a fait ses preuves. Et c'est
pour cette raison que nous réitérons notre appui à la décision du ministre des
Finances de maintenir et de...
Mme Déry (Lauriane) : ...utiliser
le Fonds des générations pour qu'il puisse continuer à servir les générations
futures.
Toutefois, nous devons... nous nous devons
d'apporter à l'attention de la commission certaines inquiétudes que nous avons
à la lecture du projet de loi no 35. Tout d'abord, nous avons été étonnés
de constater que certains changements proposés au Régime des rentes du Québec
n'ont pas été abordés lors des consultations qui ont pourtant eu lieu
spécifiquement à ce sujet en février dernier, ainsi que dans les publications
subséquentes. Nous sommes d'avis que certaines dispositions du projet de loi
no 35 pourraient fragiliser la viabilité financière du régime et risquent
d'alourdir le fardeau des générations futures, notamment en ouvrant certaines
brèches qui pourraient conduire à la politisation des outils. Je passe
maintenant la parole à mon collègue Fred-William.
M. Mireault
(Fred-William) :
Oui. Merci, Lauriane. Donc, les principes qui guident la
réflexion de Force Jeunesse en matière de retraite s'inscrivent dans l'équité
entre les générations qui participent aux régimes publics. Nous croyons
fermement que l'ensemble des interactions d'un individu avec le régime
devraient être prises en compte pour évaluer l'effet de génération et que nous
devons se doter de politiques qui permettent de diminuer l'insécurité et
l'imprévisibilité financière à la retraite. Ce qu'on veut, c'est nous assurer
que tout un chacun puisse vieillir dans la dignité, et ce, peu importe sa
génération d'appartenance.
Comme Lauriane l'a mentionné, Force
Jeunesse estime que certaines dispositions du projet de loi no 35
pourraient fragiliser la viabilité financière du régime supplémentaire du RRQ
et augmentent le risque pour les participants à ce régime. On appelle au
gouvernement à faire preuve de prudence. Le projet de loi ouvre la porte à une
diminution des taux de première et deuxième cotisations au régime
supplémentaire jusqu'en 2042, et ce, même en cas de bonne santé financière du
régime.
Comme Lauriane l'a mentionné, cette mesure
n'a pas été étudiée lors des dernières consultations sur le RRQ, alors que le
rapport de cette commission mentionnait pourtant l'importance de maintenir une
marge de manœuvre suffisante pour la santé et sa santé financière... assurer sa
santé financière. Si la conjoncture économique devait se détériorer durant
cette période de gel, le risque d'un déséquilibre financier du régime
augmenterait. Dans le cadre d'une mauvaise santé financière du régime, il ne
serait pas possible d'ajuster ces cotisations pendant près d'une vingtaine
d'années.
Cette mesure pourrait également résulter
en un redressement plus drastique des cotisations au régime supplémentaire à la
fin de la période de gel pour compenser le manque à gagner dans le cadre de...
dans le cas d'une mauvaise santé financière de ce régime. Les jeunes
travailleurs qui commanderont... qui commenceront à cotiser au RRQ autour de
2042 pourraient devoir absorber une hausse considérable de la première et de la
deuxième cotisation au régime supplémentaire, sans avoir nécessairement
bénéficié du gel. Je crois qu'il est préférable que les cotisations puissent
être ajustées graduellement et en amont, plutôt que de subir une diminution des
prestations une fois à la retraite, pour à la fois réduire le risque individuel
et favoriser une sécurité financière suffisante à tous et à toutes.
Au-delà des risques mentionnés plus tôt,
on croit qu'il est également préférable de mieux évaluer l'impact en amont des
changements climatiques sur le rendement du régime plutôt que d'activer ce
mécanisme d'ajustement. Le mécanisme d'ajustement automatique inscrit le projet
de loi... dans le projet de loi s'apparente, à beaucoup d'égards à un régime à
prestations cible, ce qui inquiète notre organisation. Nous croyons que le
régime public devrait offrir une sécurité financière et une plus grande
prévisibilité à la population québécoise pour le régime supplémentaire.
Enfin, nous souhaitons soulever qu'un
nombre très restreint de groupes qui ont été invités à se prononcer sur les
modifications prévues au Régime des rentes du Québec, et on croit que davantage
d'analyses et de consultations sont requises pour bien évaluer l'impact de ces
mesures. Je vais céder la parole à Emna pour la suite de notre présentation.
• (14 h 10) •
Mme Ben Jelili (Emna) :
Merci, Fred-William. Donc, maintenant, concernant maintenant le Fonds des
générations et la gestion de la dette, nous saluons l'engagement du ministre
des Finances à maintenir le Fonds des générations et à utiliser les sommes déjà
accumulées pour le remboursement de la dette tel qu'il est prévu dans la loi.
On trouve quand même dommage qu'il y ait un retrait des redevances minières au
Fonds des générations. Dans une perspective d'équité intergénérationnelle,
l'exploitation actuelle des ressources impose un coût d'opportunité aux futures
générations qui ne peuvent pas profiter de celles-ci dans le futur. Donc, en
dédiant ces versements-là à des projets qui favorisent l'équité
intergénérationnelle, on permet de redistribuer les revenus provenant d'une
ressource limitée entre les générations actuelles et les générations futures.
Force Jeunesse propose d'ajouter aussi un
nouveau chapitre dans la loi pour qu'un exercice de contrainte budgétaire
intertemporelle élargie soit réalisé. Mais la proposition faite ici, elle va
au-delà de la prise en considération des impacts démographiques puisqu'elle va
aussi intégrer une analyse qui prend en compte les impacts sociaux et
environnementaux. Cette proposition, d'ailleurs, elle s'inspire des travaux qui
sont faits en Australie. De plus, il serait important aussi que toute
diminution significative du taux d'imposition, elle fasse l'objet d'une analyse
des impacts de cette décision-là sur un retour à l'équilibre budgétaire. Ça
constituerait aussi un mécanisme pour éviter que les décisions soient prises
dans une perspective de court terme, en mettant en péril la soutenabilité
financière de l'État...
Mme Ben Jelili (Emna) : ...enfin,
pour favoriser la compréhension de la société civile et des chercheurs, il
serait aussi pertinent d'améliorer la transparence vis-à-vis des politiques de
placement du Fonds des générations. Bien... parce qu'on sait que, bien que la
politique de placement, elle soit indiquée dans le budget du Québec, celle-ci
ne comporte pas les cibles de rendement qui sont visées, c'est-à-dire les
cibles et les résultats... environnemental qui respectent le principe d'Escher.
Donc, ils permettent au final d'avoir une bonne gouvernance du Fonds des
générations. Il est aussi difficile nous assurer que les placements du Fonds
des générations sont carboneutres et que les niveaux de cibles de ces
placements-là, bien, sans avoir une divulgation claire de cette information par
le ministre des Finances.
Le projet de loi n° 35, qui prévoit aussi
une modification à l'équilibre... à la Loi sur l'équilibre budgétaire, et on
tient à saluer le ministre d'avoir maintenu l'obligation de présenter chaque
année un plan pour avoir un budget équilibré et d'en être redevable devant
l'Assemblée nationale. Ce degré-là de transparence et de redevabilité, ils sont
essentiels pour assurer une bonne gestion des finances et aussi pour respecter
le principe d'équité intergénérationnelle.
Force Jeunesse a tout de même pris
connaissance de certains changements qui méritent réflexion. Le premier
changement, il concerne la suppression de la réserve de stabilisation. On est
conscients que c'est un outil qui est imparfait, mais la réserve de
stabilisation, elle offre une marge de manœuvre financière supplémentaire au
gouvernement qui lui permet de faire face aux dépenses imprévues en cas de
détérioration rapide de la situation économique. Et cette réserve-là, elle
contribue donc à atténuer les répercussions négatives sur les finances
publiques. Et on l'a vu avec la COVID-19, c'est important pour le gouvernement
d'avoir une marge de manœuvre en cas de crise sociale ou sanitaire majeure. Si
on décide de maintenir aussi la réserve de stabilisation, bien, ce serait
important d'intégrer des dispositions qui soient claires et qui favorisent la
transparence et la divulgation d'information sur la gestion et l'utilisation de
la réserve.
Le projet de loi n° 35, qui retire
également les dispositions qui précisent ce que constituent des conditions
économiques moins favorables. Donc, ça ouvre la porte à l'usage d'un pouvoir
discrétionnaire par le gouvernement de ce que constituerait... une situation
économique moins favorable dans le cas où le plan de retour à l'équilibre
budgétaire ne serait pas respecté. Même si Force Jeunesse reconnaît qu'il peut
être difficile de déterminer ces conditions-là, on croit que des définitions
claires, dans des dispositifs législatifs, sont quand même importants.
On remercie la commission de nous avoir
écoutés. Nous sommes maintenant prêts à accueillir vos questions.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à vous quatre, notamment pour votre ponctualité. Je laisse la parole au
ministre des Finances.
M. Girard (Groulx) : Juste
pour précision, on parle quand même une ponctualité partielle...
Le Président (M. Simard) : Totale,
complète.
M. Girard (Groulx) : J'ai
perdu combien de temps?
Le Président (M. Simard) : Absolument
zéro, zéro seconde.
M. Girard (Groulx) : Voilà.
Le Président (M. Simard) : Ils
étaient pile-poil dans le temps, des vrais professionnels que je salue à
nouveau.
M. Girard (Groulx) : Alors,
quand vous m'avez demandé pour utiliser mon temps...
Le Président (M. Simard) : C'était
au cas où, oui, oui. C'est une gestion de risques, oui.
M. Girard (Groulx) : Alors,
voilà. J'étais prêt à offrir de mon temps, mais on n'en a pas eu besoin. Bon.
D'accord. O.K. Merci pour la présentation, merci pour le mémoire. Et soyez
assurés que l'entièreté du mémoire sera analysée en détail ainsi que toutes les
propositions par le ministère des Finances, Retraite Québec et le cabinet du
ministère des Finances.
Quelques commentaires. Vous dites que les
propositions, par rapport au RRQ, n'ont pas été discutées lors de la
consultation publique sur le RRQ, respectueusement, je ne suis pas d'accord
avec cette affirmation. L'ensemble des propositions étaient convenues dans un
document public. Il y a eu de nombreux mémoires, des présentations en
commission, et on a fait preuve d'écoute. Il y avait des mesures plus
controversées, et on arrive ici avec des mesures qui font assez consensus.
Quant aux cotisations du régime supplémentaire, bien, il n'a jamais été
question de geler les cotisations. C'est bien que le mécanisme d'ajustement
entre en vigueur, qu'on devait définir par la loi, mais ça n'avait pas été fait
lorsque la loi avait été mise en vigueur. Lorsque le régime a été mis en
vigueur en 2019, le mécanisme d'ajustement n'avait pas été précisé.
Et donc le gouvernement assume ses
responsabilités, propose un mécanisme d'ajustement dans le projet de loi n° 35,
et le mécanisme d'ajustement repose sur la formule 50-50 entre les retraités,
d'une part, et les cotisants...
M. Girard (Groulx) : ...les
cotisants incluant travailleurs et employeurs, 50 %, donc un équilibre
équivalent à ce qui se fait au niveau du Régime de pensions du Canada.
Pour le Fonds des générations, peut-être
aussi la question de l'ESG, les fonds appartiennent au gouvernement, sont
placés... Bien, en fait, ils appartiennent aux Québécois, mais disons que le gouvernement
agit comme un mandataire ou fiduciaire. Et c'est la Caisse de dépôt qui gère.
La politique de placement ou les règles de gouvernance associées aux placements
sont les mêmes pour l'ensemble de la Caisse de dépôt. Est-ce que vous suggérez
que les politiques ESG du Fonds des générations devraient être différentes, par
exemple, que les fonds du RRQ ou du FARR pour le régime de retraite des
employés du secteur public?
Mme Déry (Lauriane) : Merci
beaucoup, M. le ministre, pour votre question. Tout d'abord, pour revenir
peut-être sur votre premier commentaire par rapport à la consultation, là, sur
le RRQ, en effet, il y a eu des allusions aux intentions, là, de... sur les...
justement, les ajustements automatiques... les mécanismes d'ajustement automatique,
pardon, mais, du moins, de notre compréhension, il n'a jamais été question de
vos intentions claires en la matière. Je pense que c'est là-dessus, en fait,
nous, qu'on trouve peut-être un peu dommage, de ne pas avoir eu l'occasion
d'échanger avec plus de nombreux groupes et de parties prenantes sur la
question. Ceci étant dit, je vais passer la parole à ma collègue Éliane pour
les ESG.
Mme Racine (Éliane) : Bien,
en fait, je pense que l'idée derrière la divulgation, là, des cibles ESG pour
le Fonds des générations, c'est que les placements qu'on fait avec le Fonds des
générations peuvent aussi nous aider dans notre lutte aux changements
climatiques. Donc, l'idée, c'est de se dire : Bien, les placements qu'on
va faire, en particulier pour le Fonds des générations, parce qu'on parle
vraiment, là, d'une équité ou d'un transfert entre différentes générations,
mais de... On doit s'assurer que ces placements-là, bien, respectent certains
critères en matière environnementale, mais également, là, au niveau social et
de gouvernance.
Maintenant, est-ce que la politique
devrait être différente? Bien, dans un monde idéal, on pourrait modifier aussi
la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec pour s'assurer qu'il y ait
une plus grande prise en considération des facteurs ESG. Je tiens quand même à
mentionner que la Caisse de dépôt a déjà débuté, là, à faire des changements à
ce niveau-là. Mais on partage un peu l'avis de Québec solidaire, là, sur
l'aspect qu'il y a moyen d'aller peut-être un peu plus loin puis d'essayer
d'aller utiliser ce levier-là qu'on a... duquel on s'est doté, qui est la
Caisse de dépôt, pour pouvoir favoriser la transition énergétique.
M. Girard (Groulx) : Mais
juste pour être clair, là, est-ce que vous voulez modifier la vocation du Fonds
des générations? Parce que l'unique but du Fonds des générations est la
réduction du poids de la dette? Point.
Mme Déry (Lauriane) : On
est d'accord. On est tout à fait d'accord avec cette... avec ça. Nous, ce qu'on
dit, c'est que le Fonds des générations, sa mission première, demeure le
remboursement de la dette. Cela dit, la dette peut maintenant aujourd'hui se
mesurer à différents niveaux, évidemment au niveau des finances publiques, mais
aussi en matière de qualité des services, en matière d'environnement. Et le
contexte économique a changé. Donc, bien que la mission première du fonds, et
je le répète parce que c'est important, doit demeurer le service de la dette et
le remboursement de la dette, il y a peut-être une réflexion à avoir, à savoir
si on ne pourrait pas utiliser les versements pour financer d'autres projets
qui puissent servir l'équité intergénérationnelle.
• (14 h 20) •
Mais avant de se lancer dans toutes les
discussions de diversification de fonds, nous, on pense que si jamais il y a un
intérêt à aller vers ça, ça va être hyper important de mettre en place une
table de discussion et de réflexion pour mettre en place aussi des mécanismes
qui sont très, très, très, très clairs pour voir quel pourcentage des montants
pourrait être redistribué à des projets d'équité intergénérationnelle et quels
types de projets intergénérationnels on veut financer. Parce que nous, l'idée,
ce n'est pas de dire qu'on veut utiliser l'argent du fonds pour financer
différents... différents services, différents projets. Pour nous, c'est
vraiment important. La mission première demeure le remboursement de la dette.
Et si jamais il y a intérêt à financer d'autres types de projets, par exemple,
comme une caisse santé, comme le Fonds des infrastructures par exemple, qui
pour nous sont des projets d'équité intergénérationnelle importants...
Mme Dery (Lauriane) : ...ça va
être important de mettre en place une table de concertation avec les experts,
autant les experts des finances publiques que des différentes organisations de
la société civile, pour établir des mécanismes clairs, parce qu'une des forces
du Fonds des générations et ce qui fait en sorte que c'est un outil qui
fonctionne, c'est parce que la loi est très claire. Donc, nous, c'est une idée qu'on
apporte, mais il faut quand même être très prudent avec cette idée-là. On
réitère, encore une fois, puis pour répondre à votre question, M. le ministre,
que le but premier du Fonds des générations doit demeurer le remboursement de
la dette.
M. Girard (Groulx) : O.K.
Alors, pour cet aspect-là, on s'entend que le but premier demeure, et c'est
l'intention du gouvernement. Puis ce que je comprends, c'est que s'il y avait
d'autres buts, vous voudriez qu'ils soient liés aux changements climatiques,
puis vous voudriez qu'il y ait un processus de consultation autour de ça. Mais,
pour l'instant, le gouvernement n'a pas signifié ça et, au moins, on s'entend
sur le but principal.
La réserve de stabilisation, j'entendais
vos remarques et je n'ai pas pu m'empêcher de me poser la question. Êtes-vous
bien conscient qu'il n'y a pas d'argent dans la réserve de stabilisation, que
c'est uniquement un compteur comptable?
Mme Ben Jelili (Emna) : Effectivement,
on est bien conscient de ce dispositif-là, mais on pense que la réserve de
stabilisation, elle offre quand même une marge de manœuvre financière au
gouvernement. D'ailleurs, votre gouvernement a quand même fait une utilisation
de cette réserve de stabilisation là lors de la crise de COVID-19, puis c'est normal.
Elle sert bien à ça. Il reste que, bien évidemment, que ce soit pour une
réserve de stabilisation ou pour un fonds de suppléance, par exemple, ce qui
reste important, c'est l'utilisation et l'utilité qu'on en fait. Donc, il est
important quand même de bien avoir des critères de l'utilisation dont on fait,
de bien décrire aussi les circonstances de son utilisation et aussi les limites
évidemment. Mais il demeure très important quand même de s'assurer qu'on ait
aussi une marge de manœuvre supplémentaire. Puis ça, j'imagine que c'est
bénéfique aussi pour le gouvernement d'avoir une marge de manœuvre
supplémentaire en cas d'incertitudes économiques.
M. Girard (Groulx) : O.K., je
vais juste repréciser certains points associés à la réserve de stabilisation
parce que, quand même, elle est là depuis l'existence de la loi en 2006, elle a
semé énormément de confusion. Et, moi-même, quand je suis arrivé en 2018, j'ai
été obligé de reconsidérer ma compréhension de ce qu'était la réserve de
stabilisation. Mais lorsque vous dites que la réserve de stabilisation nous a
servi durant la pandémie, je vous confirme que non, parce qu'il n'y avait pas
d'argent dans... il n'y a jamais eu d'argent dans la réserve de stabilisation.
C'est simplement un compteur comptable qui accumule des surplus passés et qui
dit : Par exemple, si vous avez fait un surplus il y a trois ans de
2 millions, puis il y a deux ans de 1 million, qui dit que votre
réserve de stabilisation est à 3 millions, mais vous n'avez pas de fonds
avec 3 millions, vous avez juste emprunté 3 millions de moins. Et
donc, lorsque la COVID est arrivée, on avait besoin d'argent et puis on a dû
l'emprunter, et que la réserve de stabilisation était à trois, cinq ou huit, ça
ne changeait absolument rien.
Et donc, puisque ça ne sert à rien, qu'il
n'y a pas de fonds, notre proposition, c'est de l'éliminer parce qu'elle crée
le faux sentiment de confiance qu'il y a un fonds, une réserve, comme, par
exemple, le fonds de suppléance qui, lui, a des fonds, 200 millions par
année, ou la provision pour éventualités qui, cette année, était à
1.5 milliard. Et là on a eu une baisse de revenus de 1 milliard, on a
utilisé la provision de 1 milliard, on a descendu à 500 millions pour
des besoins, comme l'adaptation aux changements climatiques, le logement, la
lutte à itinérance. Mais dans le fonds de suppléance, dans les provisions pour
éventualités, il y a des fonds. Dans la réserve de stabilité, de stabilisation,
il n'y en a pas. Et c'est pour ça que, par exemple, si la réserve de
stabilisation était à 10 milliards, ça crée un faux sentiment de sécurité
qu'il y a à quelque part une réserve de 10 milliards. Or, il n'y a rien,
il y a juste... il y a une somme comptable de surplus passée.
Mme Dery (Lauriane) : Puis
notre compréhension aussi, c'est que, par exemple, les fonds de suppléance
sont... ils existent, sont beaucoup mieux, je pense qu'ils sont mieux régis
aussi, là, mieux encadrés, mais, de notre compréhension, c'est des fonds qui
servent uniquement à financer...
Mme Dery (Lauriane) : ...certains
programmes. Donc, nous, la compréhension qu'on en avait, c'est que le fonds de
stabilisation, justement, permet une plus grande marge de manœuvre à
différents... à différents niveaux, et c'est dans ce sens-là où nous, on trouve
que de l'abréger complètement, bien, on vient peut-être de se priver d'une
marge de manœuvre. Mais on est très consciente que ce n'est pas un fonds qui
est parfait, c'est un fonds qui mériterait peut-être d'être mieux encadré, en
effet, on le reconnaît, mais pour nous, il y a quand même une différence entre
ce fonds-là et les fonds de suppléance.
M. Mireault (Fred-William) : J'ajouterais
aussi que dans les fonds de suppléance, là, vraiment, je pense que l'esprit de
notre recommandation autour de la réserve de stabilisation, c'est vraiment à
l'effet qu'on veut conserver des mécanismes transparents de reddition de
comptes pour donner une image fidèle de la réalité budgétaire aux Québécois,
puis je pense que c'est un objectif qui est partagé. Le fonds de suppléance, de
notre côté, on a beaucoup de misère à trouver de l'information sur ce qu'il
contient, sur la manière dont il est utilisé. Donc, on comprend l'argument, là,
de qu'il y a probablement de l'argent dans le fonds de suppléance qui peut être
utilisé activement par le gouvernement, mais est ce qu'on dit, c'est : Il
devrait y avoir une une transparence additionnelle sur la gestion de ces
sommes-là par le gouvernement.
M. Girard (Groulx) : O.K.
Mais là, pour tous les gens qui nous écoutent, là, je vais donner une
transparence totale, là, le fonds de stabilisation, il n'a pas de fonds. O.K.?
Parce que c'est un compteur comptable, il n'y a pas d'argent dans un dépôt dans
une banque correspondant à la valeur comptable de la réserve de stabilisation.
Autrement dit, si vous accumulez des surplus, vous empruntez moins, et si vous
avez besoin d'utiliser de l'argent, dans les années futures, plus que vous
aviez prévu, vous devez emprunter. Or, à aucun moment vous ne bénéficiez de
fonds qui auraient été empruntés pour mettre, par exemple, dans une réserve.
Alors, on aura ces discussions-là autour
du projet de loi n° 35. Mais, par souci de transparence, nous proposons
d'abolir la réserve de stabilisation, M. le Président, parce qu'elle sème une
fausse impression de sécurité, comme s'il y avait une réserve qu'on pouvait
utiliser pour des éventualités. Or, s'il y a des éventualités, on peut faire
toutes sortes de choses, mais on ne peut certainement pas utiliser des fonds
d'une réserve qui n'a pas de fonds, alors ça, c'est un point, et contrairement
au fonds de suppléance qui a des fonds, puis aux provisions pour éventualités
qui ont des fonds.
Finalement, juste un point sur le pouvoir
discrétionnaire, juste pour vous dire, ça a été discuté hier. Certains ont
suggéré que le pouvoir discrétionnaire soit plutôt balisé par une fluctuation
de PIB. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?
Mme Ben Jelili (Emna) : C'est...
Évidemment, bien, il y a plusieurs possibilités pour bien définir qu'est-ce
qu'une incertitude économique. Ça pourrait être un taux de croissance de PIB
qui est plus faible qu'anticipé lors du plan d'un retour d'équilibre. Ça
pourrait être aussi en fonction du taux de croissance du PIB nominal qui
affecte aussi les recettes gouvernementales. Donc, il existe plusieurs
dispositifs qui sont possibles pour bien justifier qu'est-ce qu'une incertitude
économique. Il reste que les experts en finances publiques pourraient davantage
amener de la précision sur cette définition-là.
M. Mireault (Fred-William) : Dans
notre mémoire, on ne prononce pas sur les balises en tant que telles, on fait
juste mentionner que c'est important pour nous qu'il y en ait pour accroître
justement la transparence. On est très conscients aussi que des balises trop
précises rendent la loi inopérante ou difficile à appliquer. Donc, il y a un
juste milieu à trouver, mais on pense quand même qu'il y a un certain niveau de
balises qui devrait être inscrit dans la loi. Le niveau en tant que tel, ça, ça
pourrait être déterminé par des experts en finances publiques.
M. Girard (Groulx) : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à vous, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à la vice-présidente
de la Commission des finances publiques, la députée de Bourassa-Sauvé. Chère
collègue, vous disposez d'environ 12 minutes.
• (14 h 30) •
Mme Cadet : Merci beaucoup,
M. le Président. Donc, salutation donc aux membres de Force Jeunesse qui sont
ici avec nous aujourd'hui. Vos présentations en consultations particulières
sont toujours d'une pertinence admirable et vos propos sont toujours, donc,
d'une grande intelligence. Donc, merci beaucoup pour votre contribution à cette
commission.
Évidemment, donc, vous le savez, je suis
notamment porte-parole pour la jeunesse, pour ma formation politique. Donc à
l'intérieur donc du projet loi n° 35, donc, j'ai des
préoccupations, donc, face aux dispositions qui concernent, donc, le Fonds des
générations.
Je vous ai entendus un peu plus tôt, donc,
parler donc de diverses questions du fonds, mais aussi, donc, vous maintenez
donc le mandat premier du fonds, donc étant... donc qu'il soit donc affecté au
service de la dette...
14 h 30 (version non révisée)
Mme Cadet : ...comme première
question, ce qu'on voit dans le projet de loi, c'est que, bon, donc, pour
parvenir à réaliser, donc, des baisses d'impôt, donc, le gouvernement actuel
décide de réduire, donc, les versements au Fonds des générations et, pour y
parvenir, donc, retire définitivement des sources de revenus du Fonds des
générations. On parle de la totalité des revenus miniers perçus par le
gouvernement, qui sont estimés à 484 millions de dollars en 2022-2023, d'un
montant de 500 millions de dollars par année provenant de la taxe
spécifique sur les boissons alcooliques, des revenus provenant des biens non
réclamés, qui représenteront 55 millions de dollars en 2022-2023.
Dans votre mémoire, donc, vous parlez
particulièrement, dans la section sur les revenus dédiés, de la question des
revenus miniers. Donc, j'aimerais... Puis vous l'avez évoqué également, donc, à
l'intérieur de votre 10 minutes, mais je vous laisserais élaborer un peu plus
longtemps sur cette question-là.
Mme Ben Jelili (Emna) : Oui.
Donc, on sait qu'il y a différents différents types de versement qui sont faits
au Fonds des générations, hydrauliques, les redevances minières. Avant, il y
avait aussi les boissons alcooliques, mais ça a été abrogé dans le cadre de
cette loi-là. En fait, le fait qu'on abroge les redevances minières, c'est plus
un problème dans une perspective d'équité intergénérationnelle. Ça fait en
sorte que les générations actuelles qui n'ont pas pu bénéficier de l'exploitation
immédiate d'une telle ressource, eh bien, au moins, ils peuvent bénéficier de l'argent
qui va être mis dans des projets qui favorisent l'équité intergénérationnelle
de manière indirecte. Donc, c'est vraiment le message même de respecter le
principe d'équité intergénérationnelle qu'on trouve dommage de mettre fin à ce
revenu minier. Ce n'est pas par sa considération importante dans l'enveloppe
pour les fonds des générations, mais c'est vraiment le message qu'on envoie à
ce niveau-là.
Mme Dery (Lauriane) : Je peux
ajouter aussi à ce niveau, pour nous aussi, on trouve que c'est peut-être un
petit peu dommage, considérant les intentions du gouvernement en matière de
croissance, notamment liées à la filière batterie, on sait que les revenus
miniers sont... seront sûrement portés à croître au cours des prochaines
années. Donc, pour nous, peut-être, contrairement à la Société des alcools, où
est ce que le lien est peut-être un petit peu moins facile à faire qu'avec,
vraiment, des revenus miniers, où c'est des ressources qui sont limitées qu'on
utilise pour le temps d'une ou deux générations, c'est l'idée même de l'équité
intergénérationnelle dont mentionnait ma collègue Emna, d'en faire profiter les
autres générations. Puis, en plus, on s'attend à ce que ces revenus-là soient
augmentés, au cours des prochaines années, avec la filière batterie.
Donc, nous, on trouve qu'à ce niveau-là,
vraiment, pour les revenus miniers, c'est un peu dommage considérant que c'est
vraiment aligné avec l'esprit même du Fonds des générations, la mission même du
Fonds des générations, qui est d'assurer l'équité intergénérationnelle.
Mme Cadet : Merci. Puis d'ailleurs
vous parliez... vous évoquiez que ces revenus sont appelés à croître, puis je
pense que... en fait, le cumul des sommes perçues représenterait environ 1
milliard. Donc, ce qui représente à peu près, donc, l'équivalent de la baisse d'impôt
pour 2023, simplement, donc, au niveau des revenus miniers dans la prochaine
année. Donc, on voit déjà, donc, cette croissance-là.
Dans votre mémoire, donc, vous dites, donc :
C'est sans danger de mettre fin aux versements qui proviennent spécifiquement
de la taxe... en fait, qui provient de la taxe spécifique sur les boissons
alcooliques, étant donné leur faible contribution. Donc, vous, c'est vraiment,
donc, la question de la faible contribution qui fait en sorte que vous seriez
en faveur, donc, du retrait de cette taxe-là.
M. Mireault (Fred-William) : La
contribution, mais aussi, justement, comme Emna l'a mentionné, le fait que,
quand on consomme... quand on exploite une ressource minière, on impose un coût
d'opportunité sur les prochaines générations qui ne pourront pas l'exploiter.
On n'a pas nécessairement ce même problème là avec les boissons alcoolisées.
Mme Cadet : Parfait. Oui.
M. Mireault (Fred-William) : Bien,
à terme, peut-être, là.
Mme Cadet : On parlait un peu
plus tôt, donc, de la baisse d'impôt, donc, qui a été financée, donc, à même la
diminution du versement dans le Fonds des générations. Est-ce que vous avez
réalisé différentes analyses, donc, la diminution des versements, donc, au
Fonds des générations, donc, à terme? Donc, est-ce qu'on sait si, donc, il y
avait les versements, donc, en fait, les revenus dédiés, donc, qui sont ôtés,
donc, à travers, donc, ce projet de loi, s'il y a... donc, si cette diminution
des versements surpasserait à terme, donc, les coûts de la baisse d'impôt qui a
été accordée dans le dernier budget?
Mme Racine (Éliane) : En
fait, il n'y a pas d'analyse qui a été faite en lien avec la baisse d'impôt
chez Force Jeunesse, on s'est davantage concentré sur le projet de loi n° 35,
en tant que tel. Mais c'est certain qu'il y a un lien à faire entre les
finances...
Mme Racine (Éliane) : ...Public
actuel, les décisions qui sont prises puis l'impact que ça peut avoir sur les
finances publiques à long terme et donc sur l'utilisation puis la gestion du
Fonds des générations, mais ce n'est pas quelque chose qu'on a considéré dans
notre analyse du projet de loi n° 35.
M. Mireault (Fred-William) : et
ce sont des analyses qui sont complexes, puis c'est pour ça qu'on a une
recommandation qui concerne vraiment la soutenabilité financière, budgétaire du
gouvernement du Québec à l'effet qu'à chaque cinq ans, on suggère que le
ministre des Finances se prononce sur l'impact sur les 50 prochaines
années des politiques gouvernementales en place. Force Jeunesse, on a beaucoup
de qualités, mais on n'a pas les ressources de faire des analyses budgétaires très,
très approfondies, donc on pense que c'est un exercice que le ministère des
Finances, peu importe la couleur du gouvernement, devrait faire pour s'assurer
qu'on a un régime budgétaire et fiscal qui est soutenable pour l'État québécois
à long terme.
Mme Cadet : Vous avez en
effet beaucoup de qualités. Vous recommandez de changer l'intitulé de la loi,
donc peut-être vous entendre un peu plus là-dessus. Parce que là, vous avez
mentionné qu'évidemment, donc, le but premier, donc, vous le maintenez, donc,
que le fonds des générations soit affecté, donc, au service de la dette, mais
vous souhaitez, donc, modifier le titre du projet de loi n° 35 en
remplaçant «réduction de la dette» par «gestion de la dette»?
Mme Ben Jelili (Emna) : ...gestion
de la dette, et d'ajouter aussi le principe d'équité intergénérationnelle dans
l'intitulé de la loi. Parce qu'on pense que ça reflète vraiment l'esprit du
Fonds des générations et pourquoi il a été créé, en 2006, non seulement c'est
bien évidemment pour avoir un service de la dette qui est inférieur, qu'on
n'ait pas à payer davantage... puis là, dans les conditions inflationnistes
dans lesquelles on est actuellement, on sait qu'un taux directeur élevé, ça
nécessite donc que notre dette nous paie plus... on la paie plus cher, donc
c'est-à-dire que notre service de la dette augmente. Donc, on trouve que, bien
évidemment, on doit conserver l'objectif premier, qui est le remboursement de
la dette, parce que ça peut considérer un fardeau fiscal considérable pour les
générations futures, mais il reste qu'on trouve que le Fonds des générations,
ça reflète vraiment le principe d'équité intergénérationnelle. Puis le Québec a
instauré ça, puis il se distingue des autres provinces par rapport à ce... Par
rapport à cette loi-là.
Mme Cadet : Merci. Vous avez
eu la conversation avec le ministre sur la divulgation des cibles de rendement
ESG, j'aimerais donc aussi vous entendre sur ces éléments-là. Donc, vous
suggérez, donc, peut-être qu'il y aurait, donc, possibilité, donc, d'ouvrir, en
fait, donc, sur la Caisse de dépôt et de placement pour que l'on puisse établir
ce type de cible?
Mme Racine (Éliane) : ...parce
que là, on parle du Fonds des générations, mais n'oublions pas que la Caisse de
dépôt, elle gère aussi le régime des rentes du Québec. Puis, quand on regarde
les risques qui s'en viennent pour les régimes comme le RRQ, un des risques
financiers qu'on a, c'est les changements climatiques. Puis ce n'est pas
uniquement les événements météorologiques extrêmes, mais c'est aussi les
politiques qu'on peut venir mettre en place. Puis ça ne veut pas dire de ne pas
mettre de politique pour lutter contre les changements climatiques, mais c'est
juste que parfois, ces politiques-là peuvent avoir un impact indirect sur les
organisations. Et donc, si vous avez des investissements qui sont faits dans
une compagnie XYZ, bien, si cette compagnie-là est affectée par une
modification législative, bien, il se peut que votre rendement soit moins élevé
que ce qui était anticipé.
Puis cette analyse-là, on l'a vue, ça a
été fait en Europe, puis, quand on regarde ce qui s'est fait avec les régimes
privés en Europe, on parle que les risques climatiques peuvent amener une perte
financière au niveau des régimes de retraite qui peut monter jusqu'à 12 %.
12 %, c'est beaucoup, puis ça peut affecter ou mettre en branle,
justement, les fameux mécanismes d'ajustement automatique.
• (14 h 40) •
Donc, ce qu'on dit là, pour le régime des
rentes, bien, c'est vrai pour tous les régimes ou les fonds qui peuvent être
gérés par la CDPQ. Ça fait que je pense qu'au-delà de juste vérifier si les
entreprises cochent certains critères ESG, bien, c'est aussi dans notre
capacité d'anticiper les impacts des changements climatiques sur les placements
qu'on va avoir faits.
Mme Cadet : Merci. Je vais
revenir, un peu plus tôt, dans votre présentation puis dans votre mémoire,
donc, sur la question du gel des cotisations pour les régimes supplémentaires
des rentes du Québec, donc, le ministre semblait être en désaccord avec la
question du gel des cotisations en disant : Bon, il n'y a pas de gel qui
est prévu, donc, je vous entendrais un peu sur cette question-là aussi.
Mme Racine (Éliane) : Buen,
en fait, je pense qu'il faut rappeler que c'est effectivement vrai que dans la
loi, la section cinq n'avait pas nécessairement des mécanismes extrêmement bien
définis, là, on faisait peut-être plus référence à un règlement qui serait mis
en place dans un deuxième temps. Donc, il faut reconnaître que le projet de loi
n° 35 permet d'établir des balises claires pour le mécanisme d'ajustement
automatique.
Par...
Mme Racine (Éliane) : ...compte.
La loi actuelle du RRQ prévoit qu'à partir de 2024, on applique le même
mécanisme qui est en place pour le régime de base, c'est-à-dire qu'en fonction
de ce qu'on va obtenir au niveau de l'évaluation actuarielle puis en fonction
du taux de cotisation de référence, bien, on va être en mesure de modifier les
cotisations. Donc, nous, ce qu'on constate, c'est qu'en modifiant les articles
de loi pour pouvoir venir intégrer une cotisation à 2 % jusqu'en 2041,
mais ce qu'on vient introduire, c'est cette idée-là que les cotisations ne
bougeront pas pendant 20 ans. Puis, entendons-nous, là, on n'est pas en
train de dire que le régime ne va pas bien puis donc qu'on s'en va vers une
perte, mais on fait juste dire que, pour les retraites, un principe de prudence
est de mise. Et donc si on voit puis on ne sait pas encore, mais si on tombe en
récession à ralentissement, ou même s'il y a des placements qui sont moins
rentables qu'avant, mais on n'est pas à l'abri qu'il y ait des fluctuations au
niveau des cotisations et donc des rendements du régime. Puis c'est à ce
niveau-là, je pense, qu'il faut se laisser une marge de manoeuvre pour pouvoir
réajuster le régime au moment où ça se produit, plutôt que d'attendre
20 ans pour mettre en branle, là, les mécanismes d'ajustement automatique
qui sont prévus dans le projet de loi n° 35.
Mme Cadet : Merci. Un peu
plus tôt aujourd'hui, donc, on n'avait, donc, M. Ménard qui nous disait,
puis le ministre...
Le Président (M. Simard) : Alors,
en conclusion.
Mme Cadet : En conclusion
déjà.
Le Président (M. Simard) : S'il
vous plaît. Très rapidement.
Mme Cadet : Ah, d'accord.
O.K., ça passe très vite. Donc, c'est à cet effet que vous recommandez de
retirer les articles 1 et 2 du projet de loi n° 35, le gouvernement
maintient le mécanisme d'ajustement des cotisations liées au taux d'équilibre.
Mme Racine (Éliane) : C'est
ça.
Le Président (M. Simard) : Alors,
c'est une réponse très succincte. Je vous en remercie. Je cède maintenant la
parole au député de Maurice-Richard.
M. Bouazzi : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup. Très heureux de vous voir ici en commission.
Plusieurs questions rapides. Donc, sur la question des critères
d'investissement dans le Fonds des générations, en fait, tout en étant fidèle,
de ce que je comprends, de ce que vous dites, au... à la philosophie, si on
veut, de ne pas laisser des dettes aux futures générations, vous pensez que cet
argent-là devrait être investi de manière à ce que ça n'augmente pas, y compris
la dette climatique, aux prochaines générations?
Mme Racine (Éliane) : Exactement.
M. Bouazzi : Je vais faire du
millage là-dessus. Peut-être, d'abord une question facile, est-ce que vous
pensez que ne pas verser de l'argent dans le Fonds des générations et le verser
en baisses d'impôt contribue à régler une dette entre les générations?
Mme Dery (Lauriane) : On
s'est déjà exprimé sur la baisse d'impôt, je pense que tout le monde ici autour
de la table connaît notre avis sur la question. En effet, on ne pense pas
que...
M. Bouazzi : ...très peu de
temps.
Mme Dery (Lauriane) : O.K.
Allez-y. Parfait.
M. Bouazzi : Je connais votre
position, donc je comprends que c'est non, ça ne participe pas. Ma question, en
fait, c'est dire... parce qu'on parle beaucoup de dette et de dette entre les
générations. Actuellement, il y a des études qui disent qu'en gros 1 $
investi en résistance, en fait, face au changement, économiserait à peu près
13 $ à la fin du siècle. Malgré toute la bonne volonté, je pense que vous
êtes les seuls ici présents dans cette salle qui allez être là à la fin de
siècle, et j'espère tous, toutes. Est-ce que vous pensez qu'on est mieux avec
un équilibre actuellement, par exemple à la fin de chaque année de manière
dogmatique, tout en sachant qu'on n'investit pas l'argent qui va nous permettre
d'éviter 14 fois le prix quand vous serez à la fin de votre retraite?
Mme Ben Jelili (Emna) : Bien,
l'important c'est bien évidemment de quand même pouvoir avoir des services,
parce que ça ne bénéficie pas seulement pour les générations actuelles, mais ça
bénéficie aussi une protection sociale solide, un filet social solide, ça a des
répercussions aussi qui sont de long terme pour la société dans sa globalité.
Mais il reste que le remboursement, l'équilibre budgétaire aussi font en sorte
qu'on n'ait pas non plus de fardeau, c'est-à-dire qu'on... comme je l'avais
précisé tout à l'heure, le service de la dette ne nous coûte pas plus cher,
nous, générations futures ou actuelles, dans un avenir proche aussi.
M. Bouazzi : Est-ce que vous
êtes d'accord pour dire que si le rapport entre la dette et le PIB diminue, on
ne participe pas à augmenter le fardeau pour les prochaines générations?
Mme Racine (Éliane) : Mais je
pense qu'il y a deux choses, là. La première, c'est oui si on s'intéresse au
ratio dette/PIB, mais vous l'avez.
Mme Racine (Éliane) : ...mentionné,
les changements climatiques ont lieu, puis on est... je pense que ce n'est pas
parce qu'on fait attention à la dette que ça veut dire qu'il ne faut pas faire
des dépenses ou des efforts pour pouvoir lutter contre les changements
climatiques, là. Au contraire, le Fonds des générations nous permet quand même
de faire une gestion de la dette puis d'essayer d'anticiper. Mais, en bout de piste,
ce n'est pas la seule manière non plus de lutter contre les changements
climatiques. Puis la dette climatique est tout aussi importante, là, dans les
discussions qu'on a aujourd'hui, que les autres types de dettes, là, comme Emna
et Lauriane mentionnaient, là, par rapport aux services... aux finances
publiques.
M. Bouazzi : Donc, pour
faire... Parce qu'on s'entend qu'il y a, en gros, deux dettes qu'on accumule.
Bon, il y en a une qui est financière, bon, et puis il y en a une qui est écologique.
Et...
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Bouazzi : ...en
conclusion, on s'entend que... Est-ce qu'on s'entend que ça respecterait la
philosophie du fonds de se dire : On doit attaquer les deux de front et
pas juste la financière?
Mme Dery (Lauriane) : Oui,
mais de bien le faire aussi. Et c'est pour ça qu'on revient avec notre
recommandation de : si c'est le... si c'est l'objectif de diversifier les
versements au fonds, il faut bien le faire, avec des mécanismes qui sont clairs
et qui servent l'équité intergénérationnelle.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, merci à vous quatre pour cette très belle présentation. Merci à
nouveau d'être venus.
Sur ce, nous allons suspendre
momentanément nos travaux afin de faire place à notre prochain invité.
(Suspension de la séance à 14 h 49)
(Reprise à 14 h 54)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, nous reprenons nos travaux. Et nous avons l'honneur de
recevoir le Pr Pierre-Carl Michaud, professeur aux HEC et titulaire de la
chaire Parizeau. M., vous disposez de 10 minutes.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Merci,
M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, mesdames, messieurs,
c'est un plaisir d'être avec vous. J'enseignais ce matin et j'ai enseigné une
bonne partie de la semaine, donc je n'ai pas pu préparer de mémoire écrit, mais
inquiétez-vous pas, j'ai quelque chose d'organisé et de structuré pour vous
aujourd'hui.
J'ai trouvé... J'ai eu un petit sourire
quand j'ai lu la loi n° 35, et, en particulier, la réunion, dans ce projet
de loi là, à la fois, du Régime des rentes du Québec puis des Finances
publiques. C'est un beau symbole, parce qu'en fait, quand on pense aux socles de
notre société c'est deux éléments qui sont extrêmement importants, à la fois, à
la crédibilité de notre gestion des finances et de l'économie, et, aussi, en
termes de transparence. C'est extrêmement important que ces deux joyaux là, la
population soit capable de bien les comprendre, d'avoir une certaine confiance
dans leur gestion et leur fonctionnement.
Donc, vous me permettrez de faire des
commentaires, en fait, sur trois éléments importants du projet de loi, à mes
yeux, puis qui touchent aussi mes domaines d'expertise. Le premier élément
concerne, bien sûr, le Régime des rentes du Québec, plusieurs, donc, mises en
oeuvre de plusieurs éléments qui sont... qui ont été issus, là, des
consultations qui ont été faites. Je pourrais d'abord noter qu'il est très intéressant,
dans le projet de loi, qu'on donne enfin un mandat un peu élargi d'éducation et
d'information à Retraite Québec. Je pense que c'est très, très important quand
on mesure, en fait, la connaissance qu'ont les gens de notre système de
retraite, et on le fait à HEC Montréal. Il y a une connaissance quand même
assez faible de comment notre système fonctionne, et je pense que c'est très,
très important, autant au niveau du Régime des rentes du Québec, mais aussi du
ministère des Finances et des Finances publiques, d'améliorer la connaissance
qu'ont les gens du fonctionnement de ces systèmes-là, autant pour se préparer,
mais aussi pour participer aux débats, quand il y a débats, et quand il y a des
changements.
J'aime aussi beaucoup, dans le projet de
loi, la flexibilité. Le mot «flexibilité» revient souvent. C'est un régime...
M. Michaud (Pierre-Carl) : ...les
Québécois, on le voit, sont très attachés, mais aussi où on valorise énormément
la possibilité de pouvoir prendre sa rente du RRQ à divers moments sans être
pénalisé. Et ça, je pense que c'est un élément qui ressort de manière
importante. La mesure où je considère que peut-être on n'a pas fait le travail
au complet, c'est la mesure d'étendre l'âge maximal auquel on peut prendre la
rente de 70 à 72 ans.
Et je vais vous expliquer mon problème
au-delà du coût de ce que ça coûterait de le rajouter. C'est qu'en fait, en ce
moment, en faisant ce changement-là, on dit aux gens, bien, même des gens qui
ont un risque de mortalité moyen, bien, c'est une bonne idée. Allez-y,
retardez-la.. Mais en fait, si on fait les calculs en termes de valeur
présente, là, avec des hypothèses similaires à ceux de Retraite Québec, en
fait, en termes de valeur présente des prestations qu'ils vont recevoir, ils
vont perdre de l'argent s'ils le font. Les facteurs de bonification de la rente
pour le retard ne sont pas suffisamment élevés.
Et ça, je pense que c'est un point
important, c'est-à-dire en y allant, en augmentant l'âge, mais on a bonifiant
pas ces facteurs-là, je pense qu'on envoie le mauvais message. Et donc, au-delà
du coût de la mesure, je pense que ça serait important d'au moins planifier une
hausse progressive, là, comme certains autres de mes collègues l'ont déjà
proposée, je crois, hier. Donc, je crois que ça, c'est un élément important. Et
grosso modo pourquoi il faut hausser ce facteur-là, c'est que les taux de
mortalité augmentent avec l'âge. Puis plus on avance en âge puis on cherche à
sacrifier une rente présentement pour en avoir une plus élevée demain, bien, il
faut augmenter de plus aux âges plus avancés.
Un deuxième élément sur lequel je veux
faire une remarque, c'est sur la Loi sur l'équilibre budgétaire, on l'appelle
souvent la LED dans le jargon. Alors, c'est une loi qui cherche vraiment, qui
parle du cycle économique puis du rôle de la politique fiscale. Hein, ce n'est
pas une... Ce n'est pas une loi en tant que telle qui parle beaucoup de dette à
long terme et tout ça. L'autre loi va en parler davantage. C'est une... C'est
une loi qui cherche à nous aider. Quand on regarde les gouvernements, comment
ils se comportent, bien, généralement, ils font des déficits quand ça va mal
parce qu'ils cherchent à relancer l'économie, puis leurs dépenses augmentent de
beaucoup, les recettes baissent. Puis quand ça va bien, on voudrait
généralement qu'ils viennent compenser ça avec des surplus, puis qu'ils
viennent essentiellement à... Donc, pour qu'à long terme on lisse les cycles,
mais qu'il n'y ait pas d'impact à long terme pour les finances publiques. On
remarque, bien sûr, en pratique, que les gouvernements font... Quand ça va mal,
ils dépensent beaucoup plus, mais quand ça va bien, ils oublient de faire les
surplus.
La réserve de stabilisation, même s'il n'y
avait pas d'argent, puis j'ai bien écouté la réponse... à nous donner, moi,
j'appelle ça des airs-lousses quand je l'enseigne aux étudiants. Pour ceux qui
connaissent l'expression, c'est un peu comme... On fait des bonnes actions puis
on a un petit peu plus... On a de la marge de manœuvre de plus qu'on se fait
donner, de pouvoir peut-être faire des choses un peu plus tard, quand ça ira
moins bien. Et je crois que la réserve avait cet élément-là. C'est à dire,
quand ça allait bien, on se laissait un aide mémoire qu'on... Oui,
effectivement, ça allait... ça allait mieux, puis ça nous donnait, avant de
déclencher la suspension de la loi ou un plan de retour à l'équilibre, ça nous
donnait la possibilité de faire des déficits plus substantiels dans une crise
pour venir amoindrir ces effets-là. Donc, je trouvais qu'elle avait un beau
principe. Mais, bien sûr, je comprends qu'en même temps c'était difficile de
bien comprendre son fonctionnement.
La mouture qui nous est présentée dans le
projet de loi est intéressante, laisse... Bien sûr, on est beaucoup plus dans
la mouvance, on laisse beaucoup plus de marge de manœuvre au ministre pour
essentiellement donc revenir à l'équilibre budgétaire avec plusieurs
possibilités, là, de venir... de venir en quelque sorte, là, justifier un
retour à l'équilibre budgétaire, ou s'il y a des circonstances particulières,
de ne pas le faire. Donc, je n'ai pas nécessairement de problème avec ça.
Laissons la chance au coureur, voyons comment ça va se dérouler. Mais c'est sûr
qu'on est moins dans l'esprit des règles budgétaires très strictes et très
fortes qui... qui implémentent ce mécanisme-là.
• (15 heures) •
Le dernier point sur lequel je veux
intervenir, c'est celui du Fonds des générations et de la loi-dette. Et je veux
qu'on distingue comme il faut dans le débat public les concepts de
soutenabilité budgétaire et d'optimalité de la dette budgétaire ou des cibles.
La question de soutenabilité, elle est technique d'un point de vue de marchés
financiers, c'est-à-dire est-ce que la trajectoire financière du Québec, qui
est incertaine, est ce qu'il y a une probabilité substantielle qu'il y ait une
trajectoire de dette qui vienne exploser? Hein, c'est essentiellement ça que
les marchés évaluent, par exemple, quand ils fixent la cote de crédit du
gouvernement du Québec. Et donc, pour ça, par exemple, on va regarder donc, les
cibles, où s'en va la dette du Québec. On va aussi évaluer les risques. Et en
particulier dans un État qui taxe beaucoup, bien, si ça va mal puis il faut
augmenter les impôts, mais qu'on est de l'autre côté de la courbe de l'affaire,
bien, ça se peut très bien qu'on ait de la misère à générer des revenus. Et
donc, à ce moment-là, notre prime de risque sur notre dette augmente. Donc
essentiellement, c'est ça qui se passe comme mécanisme. Et c'est pour ça que
c'est très important d'un point de vue de soutenabilité, d'avoir une
trajectoire soutenable. Les cibles qui sont dans la réforme...
15 h (version non révisée)
M. Michaud (Pierre-Carl) : ...dans
ce qui est proposé dans le projet de loi. On ne peut pas vraiment rien dire sur
ça d'autre que de dire : Bien, on prévoit une baisse, donc, en termes de
dette nette. Si on avait prévu une stabilisation du ratio dette nette,
probablement que c'était aussi soutenable. Mais on n'a pas de mesure, à ce
niveau-là, de quantification du risque, et ça, ce serait peut être intéressant
qu'on n'y aille un petit peu plus éventuellement dans le futur, dans cette
dimension-là.
En termes d'optimalité et du Fonds des
générations, puis peut-être que ça sera mon dernier point, je veux qu'on fasse
très attention pour bien distinguer l'optimalité en termes de coût, c'est-à-dire,
si on a une trajectoire financière, on veut ramener le ratio dette nette à
30... à un certain horizon, à 30 % du PIB, on peut le faire de différentes
façons, et là au niveau de l'optimalité, c'est toute une question, avec le
Fonds des générations, de savoir est-ce que le Fonds des générations génère des
rendements plus élevés que le coût de la dette, puis d'essayer un petit peu,
par rapport aussi à la croissance du PIB, de voir quel est l'équilibre et quelle
est la meilleure stratégie.
Le problème avec le Fonds des générations,
c'est que c'est risqué une stratégie comme ça. Il y a des effets de levier. On
dit... Ce qu'on fait essentiellement, c'est qu'on emprunte davantage en
obligations, puis on met de l'argent en contrepartie dans le Fonds des
générations, et on joue sur ce différentiel de rendement là. Mais il y a un
risque substantiel, dans les sept premières années durant lesquelles le fonds
est institué, le fonds avait une valeur marchande qui était plus faible que la
valeur des cotisations. Par la suite, il y a eu une bonne vague pendant six,
sept années, et là on est retourné dans des rendements qui sont beaucoup plus
faibles.
Et donc d'un point de vue de gestion de la
dette publique, si c'était facile de faire une stratégie comme ça, puis d'avoir
un «free lunch», d'avoir des rendements plus élevés, bien, les gouvernements le
feraient à outrance, emprunteraient sur les marchés financiers et émettraient
beaucoup d'obligations, puis ils investiraient sur les marchés pour aller faire
fondre leur dette plus vite. S'ils faisaient ça, bien, les rendements boursiers
diminueraient parce qu'il y a trop de demande pour ce genre d'actifs là.
Donc ça nous dit qu'essentiellement le
Fonds des générations, il faut qu'il demeure à une taille raisonnable parce qu'il
y a du risque. Et je pense que, dans la stratégie qui est présentée ici, de
réduire essentiellement les versements au fonds qui était en croissance
substantielle, je pense que c'est une stratégie qui est prudente, qui est
correcte et qui a encore une fois ne fait pas porter tout le risque sur les
générations futures. C'est un élément qu'on ne fait jamais entendre quand on
parle du Fonds des générations.
L'équité intergénérationnelle, pour
terminer, pour moi c'est souvent de la sauce aux pommes dans ce que j'entends,
ou de la tarte aux pommes. Vous savez, on ne sait pas trop de quoi on parle
quand on veut dire de l'équité intergénérationnelle, le ménage aujourd'hui, qui
a 35 ou 40 ans, qui a des enfants à l'école, puis qui s'occupe de ses
parents âgés qui n'ont pas de services en soutien à l'autonomie lui aussi, l'équité
intergénérationnelle, il s'en préoccupe, mais pour sa génération présentement.
Et donc réduire la dette, ce n'est pas un objectif à long terme nécessairement
qui est souhaitable. Il faut bien gérer tout ça.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup, Pr Michaud. Je cède la parole au ministre des Finances.
M. Girard (Groulx) : Mais je
suis tellement content que vous soyez venus nous voir parce que j'aurai envie
de vous donner un rendez-vous avec Gérald Filion, parce que quand je discute
avec lui du Fonds des générations, il semble me dire que c'est un «free lunch»,
que tu empruntes, tu mets de l'argent à la Caisse de dépôt puis tu captes... tu
captes la prime de risque qu'on appelle en finance «l'Equity Risk Premium», c'est-à-dire
qu'on fait 3 % de rendement en moyenne sur le long terme, mais que, quand
tu prends un bouillon puis que, par exemple, le SNP500 baisse de 25 %, bien,
plus ton fond est gros, plus tu baisses, puis plus c'est long avant que tu
reviennes.
Mais... mais moi, les gens me parlent
toujours du Fonds des générations comme si c'était un «free lunch» : Bien
voyons, pourquoi vous ne le gardez pas plus gros? Pourquoi vous ne le gardez
pas plus gros et vous allez capturer 3 % de prime de risque? Le seul
problème, c'est qu'il y a des années où on ne capture rien du tout, là, on a
des rendements négatifs, puis plus le fonds est gros lorsque le rendement est
négatif, bien, plus ça prend beaucoup d'années à récupérer ça, et que l'ensemble
de la proposition soit positive. Alors, en espérant que Zone économie prendra
la clip puis vous parlera de l'effet de levier dans le Fonds des générations.
Nous on pense que le Fonds des générations
ne devrait pas être plus gros. On essaie d'avoir un estimé. Il peut être en
fonction du PIB où il peut être en fonction de la dette puisque de toute façon
on s'intéresse à la dette-PIB. Vous vous êtes vous posé cette question-là :
Quelle est la taille optimale, par exemple, en proportion de la dette?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Bien,
je pense que les arbitrages que vous soulevez, c'est les bons. Si ça devient
trop...
M. Michaud (Pierre-Carl) : ...gros,
il y a des dangers au niveau du risque. Puis éventuellement les marchés
financiers, quand ils évaluent la dette québécoise puis sa capacité à
rembourser, ça peut même venir affecter le prix des obligations québécoises,
là, tout ça est lié. Donc, il faut faire attention.
Je pense qu'en termes... en termes de
dette, parce que souvent c'est ça qu'on regarde, donc de mesurer l'effet de
levier en termes de dette, je pense que c'est le bon terme, mais il faut le...
il faut aussi le mesurer en termes de PIB, parce que... Le risque, en termes de
la dette, oui, bon, fait fluctuer la dette nette avec ça, on peut accorder une
certaine valeur à ça, mais ultimement, la valeur, il faut l'ancrer sur la...
notre capacité à absorber ces chocs-là. C'est-à-dire supposons que la dette
nette se met à augmenter de 5... supposons, on a un énorme fonds des
générations, et puis la dette nette augmente de 5 % en une année, comment
on réagit à ça? Bien, il va falloir réagir en haussant les impôts ou en
diminuant nos dépenses, donc l'ancrer aussi, d'une certaine façon, au PIB. Je
pense que ça serait une bonne chose à faire, mais je n'ai pas de chiffres pour
vous. C'est une question sur laquelle on travaille actuellement.
M. Girard (Groulx) : O.K.,
mais c'est excellent, mais supposons qu'on a approximativement 220 milliards de
dette nette, puis là on va s'enligner sur une métrique de dette nette, mais on
pourrait avoir un autre pourcentage sur la dette brute, mais... ou la dette sur
les marchés, mais certainement, à 10 %, on commence à se poser des sérieuses
questions et, à 20 %, on est pas mal certain qu'on est trop gros, là. De
dire qu'on a un fonds à côté de notre dette qui correspondrait à 20 % de
notre dette, c'est beaucoup de levier pour un fonds dont la mission est de
payer des services en santé et en éducation, là. Ça fait que vous allez étudier
cette question puis nous trouver la... un estimé précis avec un intervalle de
confiance?
M. Michaud (Pierre-Carl) : C'est
une question très difficile, mais c'est une question qui mérite d'être posée.
Je pense qu'elle est intéressante.
M. Girard (Groulx) : D'accord.
Est-ce que vous pensez que, lorsque... Présentement, notre coût moyen de la
dette est de 3,35 %, on va simplifier, disons 3,5, et puis aujourd'hui
notre coût marginal, 4,5. Hein, on a une durée de 12 ans puis on émet du 10 ans
à 4,5, ça fait qu'on émettrait du 12 ans probablement à 4,6. Est-ce que vous
pensez que, lorsqu'il y a 100 points de différence entre le coût marginal de
financement puis le coût moyen, on fait bien de contribuer au Fonds des
générations ou on devrait plutôt directement payer la dette? Est-ce qu'il y a
un taux... Est-ce qu'il y a une différence entre le taux marginal et le taux
moyen qui devrait nous inciter à rembourser de la dette plutôt qu'à faire des
versements au Fonds des générations pour tenter de capturer une prime de risque
de 3 %?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Je
pense que c'est une bonne question, là. Quand le coût marginal commence à
augmenter beaucoup... Puis on voit surtout que, quand on emprunte à long terme...
Moi, je regarde toujours les... l'émission d'obligations qu'on fait puis celles
qui viennent à échéance, il faut toujours se rappeler que la dette, c'est du
long terme, hein, il y a des obligations en ce moment qui sont à échéance, qui
datent de la fin des années 90, là, à des taux très élevés. Donc, il faut
toujours se poser ce genre de questions là parce qu'on les a pour longtemps,
ces taux-là.
• (15 h 10) •
Moi, je pense que, dans des... ça serait
peut-être une idée intéressante de réfléchir au coût marginal comme ça, de voir
que, quand on a un gros écart entre notre coût marginal des nouvelles
obligations et la dette existante... Bien sûr, il faut regarder aussi la prime
de risque côté marché boursier. Je pense que, tout récemment, elle était même
quasiment négative, là. Il y a... Il y a un «doping» des rendements du côté des
marchés obligataires. Et puis, d'un autre côté, sur les marchés boursiers, la
prime de risque a fondu de beaucoup.
Donc, je pense qu'il faut faire très
attention dans les années à venir puis surtout se rappeler de notre capacité à
réagir. Elle est très limitée au Québec. Si ça ne va pas bien dans cinq, 10 ans
puis qu'on est dans le feu de l'action avec plein d'autres dépenses qu'on doit
faire, des impôts qui sont encore très élevés, c'est très difficile de réagir à
ça et de venir rassurer tout le monde qu'on va être capable de livrer nos
promesses.
M. Girard (Groulx) : O.K.
Mais c'est certainement une question que j'aimerais que vous regardiez ou
peut-être un de vos étudiants de maîtrise ou... Parce que là, nous, à 100
points de base de différentiel, ce qu'on a décidé, c'est de faire des paiements
ponctuels de... par exemple, 2 millions et demi cette année, 2 millions l'an
prochain, autrement dit on réduit notre programme de financement de 2,5
milliards, mais on conserve à côté le fonds, qui, lui...
M. Girard (Groulx) : ...est à
21 milliards ou presque à 10 % de la dette nette, là. Alors, on...
C'est comme si, les nouvelles contributions au Fonds de générations, on les a
envoyés sur la dette pour ne pas faire des émissions à quatre et demi, des
émissions marginales ou en faire moins. Mais là on conserve le 21,
22 milliards que, lui, on doit refinancer à quatre et demi. Puis là, avec
ça, on achète quoi? Bien, grosso modo, on achète du S&P 500, dont la
performance est liée à cette compagnie de technologie à 85 %. Puis,
essentiellement, ce qu'on fait, on fait du levier sur cette stock. Oui, il y a
de l'infrastructure là-dedans, là, puis il y a de l'immobilier, mais grosso
modo on est en position de levier, c'est-à-dire qu'on emprunte plus pour des
actifs risqués qui sont hautement corrélés avec S&P 500.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Et
c'est le point que j'essayais de faire tout à l'heure, c'est dire... Ce n'est
pas parce qu'on dit que, le Fonds d'une génération, on pense qu'il faut y
contribuer moins qu'on est contre l'équité intergénérationnelle, c'est de
dire : Est-ce qu'on on peut faire la même stratégie, de mettre les mêmes
montants dédiés à la réduction de la dette sans nécessairement les mettre dans
le fonds? Et ça, je pense que c'est une idée importante qu'il faut maintenir,
surtout dans un contexte de risque, de dire : Allons-y et mettons les
montants tout de suite et réduisons nos nouvelles émissions qui sont à
4 %. Ce n'est pas être contre ou dire : On est contre la réduction de
la dette, quand on dit ça, c'est juste de dire : Bien, c'est une approche
peut-être prudente. Et moi, ça m'a toujours un peu interrogé cette question-là,
là, l'équité intergénérationnelle quand on prend beaucoup de risques parce
qu'on est en train de transférer ce risque-là aux générations futures. Donc, il
faut faire un petit peu attention avec l'effet de levier.
M. Girard (Groulx) : Oui,
moi, je dirais qu'à 20 %, là, on dépasse les 20 % bornes, là.
20 % de la dette nette, c'est certain qu'on ne veut pas aller.
Le déficit de maintien d'actif. O.K. On a
un plan québécois d'infrastructures qui a augmenté de 50 %. Il y a
60 % de maintien d'actif, 40 % de nouveau. Le nouveau, c'est très
bien, ça amène du déficit de maintien d'actif futur. Qu'est-ce qu'on devrait
faire avec le déficit de maintien d'actif? Est-ce qu'on doit le garder séparer
dans le plan québécois des infrastructures et simplement avoir une fonction de
réaction, là, il faut minimiser, ou si on devrait l'intégrer dans la dette
publique? Est-ce qu'on devrait avoir un vase communicant entre le déficit de
maintien d'actif puis la dette publique?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Moi,
je crois que oui. Quand vous regardez la dette nette, sa composition, ce n'est
généralement pas des déficits accumulés, c'est surtout de l'action qui se passe
au niveau des infrastructures. Et on en parle peu, parce qu'on parle plus de la
Loi sur l'équilibre budgétaire avec la Loi sur la réduction de la dette, mais,
en fait, le gros de l'action se passe au niveau des infrastructures. Moi, j'ai
été... j'ai trouvé ça ahurissant quand j'ai regardé les chiffres de l'évolution
du déficit de maintien d'actif d'année en année, les nouveaux constats, les
taux de croissance des nouveaux constats. Et ces taux-là, je pense, c'est sûr
qu'il faut comparer à tous les autres taux qu'on a dans l'économie, puis les
rendements, puis le coût de la dette. Ce déficit-là, il est en train de croître
à un rythme très, très rapide. Et donc je pense qu'il faut l'intégrer.
Ça nous prend beaucoup plus d'informations
aussi sur ce déficit-là. Donc, dans un projet qu'on a fait cette année, là,
qu'on va publier dans quelques semaines, on a eu énormément de difficultés à comprendre
la dépréciation de notre stock d'infrastructure, c'est-à-dire à quel rythme il
se déprécie. On voit le déficit de maintien d'actif, on le voit grandir, on a
les classes d'actif, mais il nous manque beaucoup d'informations. Puis je pense
qu'un beau travail d'amener au moins l'information ensemble pour le moment, de
parler des doubles dettes qu'on a au Québec... on a aussi la dette climatique,
bien sûr, mais cette dette d'infrastructure et notre dette publique, je pense
que ça va ensemble puis on ne peut pas penser à une sans l'autre.
M. Girard (Groulx) : Et
avez-vous une opinion... Par exemple, là, est-ce que vous croyez que tous les
déficits de maintien actif sont égaux, par exemple, ou pensez-vous que
l'utilité marginale du déficit de maintien d'actif des écoles publiques est
supérieure à celui des routes ou des hôpitaux?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Ah!
là, les hôpitaux versus les écoles, hein, beau choix. Je vais vous laisser ce
genre de choix là, M. le ministre, et aux membres de l'Assemblée nationale.
Bon, je pense qu'il y a des besoins critiques à plusieurs endroits. Est-ce que
les routes... Bon, est-ce que c'est toutes les routes qui sont égales? Est-ce
que c'est tout qui est aussi névralgique étant donné les transformations démographiques,
spatiales qu'on a sur le territoire? Ça, c'est autre chose. Je pense que, là,
on pourrait aller creuser un peu plus. Mais, en termes d'infrastructures
sociales, ça l'a un effet sur la croissance économique...
M. Michaud (Pierre-Carl) : ...les
études dans les infrastructures, l'état des infrastructures. Donc, c'est
quelque chose qui est même non négligeable au niveau économique, c'est-à-dire
des bonnes infrastructures vont nous donner des bons étudiants, des gens qui
vont être bien soignés, qui vont pouvoir retourner rapidement sur le marché du
travail, ainsi de suite. Donc, je pense qu'il faut... mais je vais vous laisser
le choix.
M. Girard (Groulx) : O.K.,
puis vous avez un nouveau pavillon en plus. Alors, vous avez quelques années avant
d'avoir un problème de déficit de maintien d'actifs. Ce serait tout pour moi,
M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Mme la députée de Bourassa Sauvé.
Mme Cadet : Merci, M. le
Président, merci, M. Michaud d'être avec nous aujourd'hui. Pour les non-initiés
comme moi, vous avez mentionné au départ, donc, vous avez fait la distinction
entre les principes de soutenabilité et d'optimalité. Donc, peut-être revenir
là-dessus, là, pour bien poser le reste de la conversation.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Bien,
je vais parler d'optimalité. Quand on parle de générations, puis des
générations qui coexistent au même moment, puis qu'on essaie de réfléchir à ces
questions-là de dette, il y a l'économiste qui a gagné le prix Nobel, Peter
Diamond, est un des premiers à étudier cette question-là. Et puis, quand
l'économie, elle croit, quand même de manière substantielle, là, l'économie,
là, je parle du PIB, quand on se dit aujourd'hui : Bon, on a un certain
revenu, la génération dans 10 ans, va avoir avec un revenu, disons, de
30 % plus élevé, le coût, là, en termes de coût d'opportunité aujourd'hui,
de pouvoir consommer, étant donné qu'on a des revenus plus faibles que la
génération suivante, peut être substantiellement élevé, qu'on veuille peut-être
que ce soit peut-être optimal d'emprunter et que la génération suivante, qui a
des revenus plus élevés, qui a peut-être un sacrifice de consommation moins
élevé, puisse, à ce moment-là, repayer cette dette-là.
Ça ne veut pas dire que c'est un chèque en
blanc à faire de la dette, mais ça veut dire qu'on peut avoir, par exemple, un
ratio dette PIB qui est constant dans le temps. Et, si la croissance est
suffisamment forte et plus élevée que le coût de la dette, on peut même avoir
des déficits permanents. Donc, ce que le fédéral, par exemple, fait depuis
2016, qui est d'avoir des déficits petits, mais on regarde les trajectoires de
dette PIB, c'est toujours en décroissance. Comment ils réussissent à faire ça?
Bien, c'est ils vont juste à la marge où ils pensent qu'ils peuvent aller. Le
danger avec ça, bien sûr, c'est qu'il y a de l'incertitude économique, puis,
quand les taux d'intérêt remontent, bien, on est obligé de repousser la courbe
à chaque fois.
Donc, la question d'optimalité, il faut se
rappeler qu'à la fin de la journée, on essaie d'aider les citoyens à financer
de la consommation, de l'achat de biens, de services et c'est ça qui détermine
leur bien-être, quand on parle de dette, on n'est pas en train de parler de
gestion financière d'actifs. Et donc il faut réfléchir à ces questions, et, de
la dette, ce n'est pas mauvais à avoir. Un jeune ménage, là, qui sort du marché
du travail, il va chercher de la dette parce qu'il sait que ses revenus vont
croître dans le futur. Il remboursera quand il sera plus riche. Et c'est tout à
fait optimal de faire ce genre de comportement là, on... la plupart d'entre
nous le font. Donc, le... savoir, c'est quoi, le ratio de dette optimal? C'est
un jugement qui est très difficile à faire pour quelconque économiste. Et on
laisse généralement ça au pouvoir politique de cibler, de mettre une cible et
puis de décider, bien, où ils veulent aller. Mais nous, à un certain moment
donné, notre jugement s'arrête en disant : Bien, regardez, donnez-nous les
arguments, donnez-nous le coût de financer votre projet de société. Et puis on
va vous dire si vous vous y rendez de la bonne façon. Mais la question
d'optimalité, elle est très importante pour vous, pour la société québécoise,
pour tout le monde... d'y réfléchir davantage.
Mme Cadet : Merci, puisque
c'est dans cette perspective, plus tôt, vous disiez, donc, la prime de risque
sur notre dette augmente, mais ce n'est pas... ce n'était pas lié au principe
d'optimalité.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Non,
bien, la prime de risque sur notre dette, en fait, ce qui est bien dans les...
On voit quand même les bienfaits de la stratégie qui a été adoptée dans les
20 dernières années. La prime de risque, par exemple si on se compare aux
obligations canadiennes, donc la dette québécoise, les obligations québécoises,
cette prime là, elle a baissé et elle a même... même l'Ontario nous a
maintenant légèrement dépassés. Il y a une prime de risque même un petit peu
plus élevée. Donc, on fait très bien, à ce niveau-là, on est très crédible sur
les marchés, qu'on a une stratégie saine, qui s'en va vers une trajectoire qui
est soutenable. Les marchés financiers évaluent la soutenabilité, l'optimalité.
Eux, ce qu'ils s'intéressent, c'est de savoir : Allez-vous être capables
de me rembourser dans 10 ans, dans 20 ans? De savoir, là, comment
est-ce qu'on veut partager ça entre les générations, ça, c'est moins de leur
acabit.
• (15 h 20) •
Mme Cadet : Donc, la
soutenabilité, donc, c'est vraiment, donc, la réponse, donc, face aux marchés
financiers. Donc, comment est-ce qu'eux, ils évaluent donc notre capacité de
remboursement de la dette qu'on peut avoir.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Quand
on émet 5 milliards de dollars, et puis il y a un acheteur sur le
marché primaire qui achète cette dette-là, bien, il va falloir lui rembourser
le capital éventuellement à la fin, quand elle vient à échéance. Donc, lui, il
prend un pari sur notre dette, de savoir est-ce que, oui ou non, on a la
crédibilité pour rembourser éventuellement. Et donc le taux qu'il va demander
va être fonction de cette crédibilité-là.
Mme Cadet : Donc, et là je
reviens, donc, toute la question de... toute la conversation qu'on vient
d'avoir sur le fonds des générations, donc, essentiellement, donc, le fonds ayant
une mission primordiale de diminution du service de la dette et des intérêts.
Donc, l'objectif du fonds, donc, est vraiment de répondre à cette perspective
de soutenabilité financière...
M. Michaud (Pierre-Carl) : ...Tout
à fait. Dans une perspective de réussir à réduire la dette... disons qu'on vise
tous... on s'entend tous sur : on veut se rendre à 30 %... de quelle
manière qu'on s'y prend? Bien, si c'est très efficace, l'effet de levier, le
sacrifice de consommation que les générations présentes vont faire pour réduire
la dette va être moins élevé avec le Fonds des générations que si on avait
utilisé le remboursement de dette immédiat. Mais ce qui joue, dans ce jeu-là,
c'est la prime de risque, la différence de rendement entre ce que la Caisse de
dépôt fait et le coût de nos obligations. Mais ce rendement-là, il est risqué.
Ce n'est pas pour rien qu'il y a une prime de risque. Généralement, c'est pour
compenser du risque, et donc il faut faire extrêmement attention avec ce
jeu-là. Et ce n'est pas un jeu qui est... qu'on peut le faire ad vitam
aeternam, et qu'on peut investir des sommes importantes d'argent. Donc, il faut
faire attention, il faut l'utiliser avec dosage. Donc, ça peut être une
stratégie payante au niveau des coûts, mais il y a du risque.
Mme Cadet : Et là vous
disiez... je vous ai entendu dire, donc, qu'il n'y a pas de mesure de
quantification du risque, mais c'était avant que vous parliez du Fonds des
générations. Peut-être juste me resituer ici.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Oui,
bien, la quantification du risque, vous voulez dire, au niveau du Fonds des
générations, puis que ça implique? Bien, on a une petite idée, là, d'où s'en
vont les rendements, sans trop... basé sur les rendements passés. Quoique je
vais vous dire qu'à la sortie de la pandémie, en ce moment, avec tout ce qui se
passe, ce qui se passe aux États-Unis il y a beaucoup d'incertitude. Et donc je
pense que c'est même difficile de faire de la quantification, mais c'est quand
même substantiel. Dans un rapport qu'on avait produit durant la pandémie - puis
ça, je pourrais l'envoyer aux parlementaires si c'est nécessaire - on avait
fait des simulations, on avait utilisé les rendements passés du fonds puis on
avait juste montré l'étendue du ratio dette nette-PIB qu'on pouvait obtenir à
15 ou 20 ans, et puis c'est quand même... ça donne quand même une fourchette
surprenante. Si on laisse ça trop grossir, on en vient avec un ratio dette
nette qui peut varier de plusieurs dizaines de points de pourcentage, là, à terme.
Donc, il faut faire attention. C'est pour ça que les...
Mme Cadet : Qui peut varier,
vous voulez dire, donc, qui peut augmenter ou...
M. Michaud (Pierre-Carl) : C'est
ça, qu'on pourrait avoir à la hausse, à la baisse. Donc, c'est une des raisons
pourquoi, non plus, les régimes de retraite ne font pas de l'effet de levier
substantiel quand ils financent les promesses futures, parce qu'ils font très
attention, justement, à ce genre de considérations là.
Mme Cadet : Mais si j'entends
bien, donc, nonobstant cette augmentation-là du ratio dette-PIB, donc, si on en
vient avec le concept d'optimalité que vous venez de nous décrire, donc, il n'y
aurait pas nécessairement d'incohérence dans... au niveau de l'optimalité. Au
niveau de la soutenabilité, oui, mais pas au niveau de l'optimalité, s'il y a
une augmentation du ratio dette-PIB.
M. Michaud (Pierre-Carl) : L'optimalité,
c'est autre chose, et c'est de voir quelle est la portion de ce risque-là qu'on
est prêts à supporter comme payeurs d'impôts futurs ou contribuables futurs si
jamais ça se trouve qu'on a des épisodes de rendement qui sont... et que le
fonds devient très grand. Et ça, au niveau de l'optimalité, c'est très
difficile à quantifier.
Mme Cadet : Puis là vous
dites : Si le fond devient très grand. Donc, vous avez parlé... avec le
ministre la question de la taille du fonds, donc, de taille optimale. Donc, la
taille optimale, donc, a surtout été évoquée en proportion de la dette, mais
est-ce qu'il y a une taille de capitalisation du fonds qui serait intéressante
aujourd'hui, quand vous regardez les chiffres?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Bien,
je la regarde toujours en termes de proportion...
Mme Cadet : Toujours en
termes de proportion, O.K.
M. Michaud (Pierre-Carl) : ...de
la dette qu'on a. Je pense qu'il faut toujours l'ancrer sur quelque chose. On
ne peut pas la laisser en dollars, là, il y a trop de choses qui évoluent. Je
ne sais pas si c'était ça, le sens de votre question?
Mme Cadet : Oui, c'est
exactement ça, la question, c'est ça.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Non,
je pense qu'en dollars il ne faut pas...
Mme Cadet : C'est ça. Donc,
pas une capitalisation, pas un chiffre en termes de capitalisation, mais,
vraiment, en termes du ratio dette-PIB.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Non,
vraiment pas. Je pense qu'il faut éviter tout ce qui est en dollars avec
l'inflation, avec d'autres choses qui bougent en même temps, l'économie qui
croît. Je pense qu'il faut toujours revenir ancrer ça sur quelque chose.
Mme Cadet : O.K. Puis dans
l'échange avec le ministre aussi, vous venez de parler, donc, d'une utilisation
d'une part du fonds au remboursement de la dette immédiatement, là, plutôt que
de placer ces sommes-là dans le fonds. À partir de quels ratios, donc, vous
recommanderiez, donc, cette utilisation-là? Est-ce que ça a été évoqué
librement?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Je
n'ai pas de chiffres.
Mme Cadet : Vous n'avez pas
de chiffres. O.K., c'est ça, ce n'est pas... il n'y a pas de...
M. Michaud (Pierre-Carl) : Je
n'ai pas de chiffres exacts. Je pense qu'il faut juste faire attention. Moi,
j'essaie un petit peu... de vous donner un petit peu des balises...
Mme Cadet : Je comprends,
oui.
M. Michaud (Pierre-Carl) : ...ça,
je pense... des considérations nouvelles, peut-être, dans le débat, auxquelles
il faut, je pense, commencer à faire un petit peu attention. Mais de dire,
est-ce qu'on est déjà passés ce seuil-là, ça, je ne m'avancerai pas sur ça.
Mme Cadet : O.K., merci.
Puis, évidemment, donc, dans le projet de loi n° 35, il y a toute la
question des revenus dédiés. Donc, c'est sûr qu'on parle de la taille, d'une
certaine manière, mais il y a certains revenus dédiés, donc, qu'on enlève. J'aimerais
vous entendre là-dessus. On n'en a pas... Je ne vous ai pas entendu sur cette
question-là.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Bien,
moi, je trouve très bien l'adéquation entre des revenus dédiés qui parle, par
exemple, de ressources et de ressources non renouvelables. Donc, ça, je pense
que c'est un concept qui va très bien. Ils étaient en croissance, ces revenus
dédiés là, de manière assez forte. Donc, tout est une question de cadrage ici,
de dire : Est-ce qu'on a éliminé des revenus? Est-ce qu'on a réduit nos
contributions? Ou est-ce qu'on les a réduites par rapport à une tendance qui
était à la hausse? Moi, je pense que c'est ça qui est...
M. Michaud (Pierre-Carl) : ...Ça,
la question, je pense. Puis donc, de les réduire par rapport à une tendance qui
était à la hausse, à ce moment-là, d'éliminer certains de ces revenus dédiés
là, qui sont peut-être moins en lien avec des ressources non renouvelables, je
pense que c'est quelque chose qui peut se justifier.
Mme Cadet : Donc, quelque
chose qui peut se justifier. Mais en même temps, est-ce que vous avez certaines
inquiétudes? Parce qu'évidemment on parle surtout, donc, des... bien, des
revenus miniers, là, en l'espèce. Vous avez des inquiétudes face au retrait de
ces...
M. Michaud (Pierre-Carl) : Il
pourrait y avoir des fluctuations quant à ces sources de revenus là. J'imagine
qu'il est possible de réfléchir, éventuellement, de revoir ces revenus-là, je
ne sais pas si c'est déjà prévu dans la loi ou si c'est quelque chose qui
pourra se faire dans un... à un certain moment donné. Mais, bon, de manière
générale, c'est sûr que ces revenus-là ont toujours fluctué et ils peuvent
encore fluctuer, donc, ça, ça reste une source d'incertitude additionnelle.
Mme Cadet : Ça fait que, si
je vous entends bien, parce que vous nous avez parlé, donc, de toujours avoir
un point d'ancrage en termes de pourcentage, donc, si, donc, avec les.... ce
qu'on voit au projet de loi en termes, donc, de retrait définitif de certaines
sources de revenus, donc, peut-être que le pourcentage, c'est peut-être plus ça
que vous, vous reverriez, plutôt que la... en fait, le retrait de sources
complètes de revenus, là?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Oui,
j'ai toujours... je me suis toujours rappelé un concept, dans un cours de
finances publiques que j'avais eu, c'est toujours le même concept, en anglais,
c'est «a buck is a buck is buck». 1 $, à la fin, là, c'est ça qu'on recherche.
De taguer des revenus ou, pardon, l'anglicisme, mais d'aller choisir des
sources de revenus pour dire : c'est seulement ces revenus-là qui vont
dans le fonds, peut-être que c'est bon d'une certaine façon pour l'expliquer à
la population. Mais je pense que ça serait très important aussi d'en parler en
termes de qu'est-ce qu'on vise comme pourcentage de revenus qu'on veut mettre
au fonds, plutôt que de viser des sources particulières puis d'avoir des
discussions sur ça.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
Le Président (M. Simard) : En
terminant.
Mme Cadet : Puis, en
terminant, donc, la question des politiques de placement du Fonds des
générations, est-ce que vous avez des commentaires à cet effet?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Non,
c'est des politiques qui sont déterminées, je pense, avec la... en
collaboration avec la Caisse de dépôt. On regarde les profils de risque, un peu
comme on le fait avec les régimes de retraite. Donc, ça, je ne m'immiscerai pas
nécessairement dans les politiques de placement. Puis j'imagine qu'il faut
avoir une certaine cohérence, là, entre des différents fonds qui sont
administrés par le gouvernement quant à la politique de placement.
Mme Cadet : Parfait. Merci
beaucoup, M. Michaud. Merci d'avoir été avec nous. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Merci,
chère collègue. M. le député de Maurice-Richard.
M. Bouazzi : Merci, M. le
Président. Vraiment passionnant de vous écouter. Merci beaucoup d'être là. Et
je vais me permettre de faire un peu de millage sur la dernière question et
puis ensuite revenir à d'autres questions.
Est-ce que vous pensez qu'il serait
positif qu'actuellement... La Caisse de dépôt, comme vous savez évidemment, il
y a deux piliers, en gros, qui sous-tendent la mission, le développement
économique au Québec et puis faire plus d'argent avec l'argent dans lequel...
qu'on met à l'intérieur. Est-ce que vous pensez que, par souci aussi d'équité
intergénérationnelle, on ne devrait pas rajouter un troisième pied, qui serait
les questions de respect tout simplement des limites de la planète face au
développement économique?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Oui,
tout à fait. Mais d'un autre côté, moi, j'ai toujours cet élément-là, si on me
dit : on veut être sérieux à propos de ces questions-là, bien, qu'on ait
un projet d'investissement en infrastructures vertes, le gouvernement,
lui-même, qu'il le finance avec ses propres obligations, qu'on fasse des gestes
concrets avec des montants d'argent. Pour moi, le placement ESG, tout ça, à la
taille de l'économie du Québec, ça reste quelque chose d'intéressant, mais ça reste
que ça a un effet quand même marginal, je pense, sur ce qui se passe ici. Donc,
je suis davantage, sur ces questions-là, moi, pour des gestes concrets. Vous
savez, les finances publiques, c'est aussi de financer des projets de société,
ce n'est pas juste d'administrer le quotidien. Donc, si on veut être sérieux à
propos de ces questions-là, qu'on fasse des investissements très importants
puis qu'on les finance de la meilleure façon possible.
• (15 h 30) •
M. Bouazzi : On est d'accord.
Ceci étant dit, évidemment, les investissements sont partout dans le monde, et
même plus ailleurs qu'ici.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Oui.
M. Bouazzi : Je vous ai
entendu parler des risques qu'on prend, en faisant des effets de levier, de
jouer au «hedge fund», d'emprunter de l'argent pour l'investir et puis voir la
différence entre ce que ça rapporte, ce que ça nous coûte. Bien, est-ce que ça
serait même le rôle de l'État... Je vous poserais la question comme ça :
Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt se concentrer à juste mettre l'argent sur la
dette, parce que c'est ça le rôle de l'État, et puis peut-être, je ne sais pas,
moi, taxer les gains en capital des «hedge funds» ou jouer le rôle de l'État,
qui est... un des rôles premiers, c'est de gérer des revenus en fonction des
taxes, plutôt que de l'investir en bourse?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Moi,
c'est-à-dire, d'avoir dans la loi sur la réduction de la dette une contribution
des revenus dédiés qui sont dédiés au remboursement de la dette, moi...
15 h 30 (version non révisée)
M. Michaud (Pierre-Carl) : ...c'est
très compatible avec l'idée du Fonds des générations. Le fonds lui-même, et sa
stratégie, et l'argumentaire qu'il y a autour, c'est quelque chose qui ne me
convainc pas beaucoup pour vous dire la vérité, mais c'est très important de
garder les revenus dédiés et puis la mécanique qui nous force à réduire la
dette, ça, je pense que c'est très important.
M. Bouazzi : En quelques
secondes, je vous ai entendu et je ne suis pas sûr que le ministre a entendu
tout à l'heure, vous avez dit qu'on peut faire un déficit tous les ans et
évidemment avoir un rapport dette/PIB qui, lui, ne se détériore pas. On s'entend
que, dans cette situation-là, on ne détériore pas notre situation par rapport à
la prévisibilité, aux marchés, etc.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Non,
tant qu'on est dans contexte de certitude. Et c'est quand on est dans un
contexte d'incertitude où là cette stratégie-là peut devenir risquée
éventuellement.
M. Bouazzi : Mais on s'entend
que, quand on fait un budget, on est aussi en contexte d'incertitude au début
de l'année, il y a des choses qui se matérialisent à la fin.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Tout
à fait. Mais ce que je voulais dire, c'est que toutes ces analyses-là qui
viennent d'Olivier Blanchard et d'autres, la possibilité de faire des déficits
permanents, il y a toujours des éléments très importants qui sont mentionnés,
de faire très attention à l'incertitude dans cette stratégie-là.
M. Bouazzi : Nous, c'est plus
par rapport au dogme du déficit zéro, pas l'obligation de faire des déficits à
toutes les années, mais vraiment que ce soit le critère principal, alors qu'en
fin de compte il y a toutes sortes... je veux dire, on peut tout de suite voir
qu'on n'est pas obligé d'avoir ce dogme-là, tout en gardant...
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Bouazzi : ...une vision
très stricte des finances publiques.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Tout
à fait.
M. Bouazzi : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, très cher collègue. Cher professeur, merci pour votre présence parmi
nous, ce fut très apprécié.
Et compte tenu de l'heure...
Retournez-vous à Montréal?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Oui.
Le Président (M. Simard) : Alors,
bonne route, soyez prudent. Et compte tenu de l'heure...
Le Secrétaire : Dépôt des
mémoires.
Le Président (M. Simard) : Ah
oui, oui, oui. Mon secrétaire m'avise, à juste titre, que je dois procéder au
dépôt des mémoires que bien des groupes ont eu la gentillesse de nous faire
parvenir, et que nous n'avons pas eu le temps d'entendre, alors le dépôt est
fait. Et sur ce, compte tenu de l'heure, j'ajourne nos travaux. On se retrouve
le 28. Merci à tous.
(Fin de la séance à 15 h 34)