(Onze heures trente-deux minutes)
Le
Président (M. Simard) :
Alors, chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Je constate que nous avons
quorum. Je vous souhaite la bienvenue.
Nous sommes en mesure de reprendre nos auditions
publiques et nos consultations particulières sur le projet de loi n° 12, Loi visant principalement à
promouvoir l'achat québécois et responsable par les organismes publics, à
renforcer le régime d'intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de
l'Autorité des marchés publics.
Mme la
secrétaire, heureux de vous retrouver. Vous nous avez manqué. Est-ce qu'il y
aurait des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le
Président. Alors, M. Reid
(Beauharnois) est remplacé par M. Allaire (Maskinongé) et M. Ouellet
(René-Lévesque) est remplacé par M. Gaudreault (Jonquière).
Auditions (suite)
Le Président (M. Simard) : Alors, ce
matin, nous entendrons, donc, deux groupes avant la pause et nous commençons
par Me Geneviève Dufour, professeure titulaire à l'Université de Sherbrooke.
Chère collègue, soyez la bienvenue.
Mme Dufour (Geneviève) : Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Simard) : Vous
savez que vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation.
Mme Geneviève Dufour
Mme Dufour
(Geneviève) : Merci. M. le
Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je vous remercie de
m'avoir invitée à intervenir devant vous. Comme M. le président a dit, je suis
professeure à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke et je concentre
mes recherches sur les liens entre le commerce et l'environnement et les droits
humains. Je suis surtout, donc, experte en droit du commerce international,
mais j'ai eu à me pencher sur les acquisitions durables depuis 2014. En fait,
je mène des recherches sur la question des acquisitions durables en plus de
donner fréquemment des formations ou des conseils aux entreprises ainsi qu'à
divers groupes d'acheteurs.
Plus précisément, dans le cadre de mes
recherches, j'ai analysé le cadre normatif d'une trentaine d'entités dans le
monde, donc des villes, des provinces, des États, des pays qui ont fait le pari
de rendre leurs acquisitions plus responsables,
et mon constat est simple : le Québec est en retard. J'attendais donc avec
grande impatience le projet de loi qui est à l'étude aujourd'hui, parce
que mes recherches m'ont aussi amenée à constater que les entités que je
qualifie de championnes en matière d'acquisitions responsables le sont toutes à
la suite d'un changement législatif.
Autrement
dit, les organismes publics ne décident pas du jour au lendemain de faire des
acquisitions responsables. Ils le
font quand on les oblige, d'abord et avant tout. Bon, évidemment, ensuite, il
est important de les former, de les outiller, de les accompagner, ce que la stratégie gouvernementale prévoit,
évidemment, que je ne commenterai pas aujourd'hui.
Bref, j'attendais donc avec impatience ce projet
de loi car il a le potentiel de changer enfin le paysage de l'approvisionnement
au Québec. Et je pense qu'on peut se réjouir que le projet de loi fasse une
place à l'acquisition responsable. Pour moi, le message est clair : on
veut évoluer, on veut rendre les acquisitions plus durables, plus socialement
responsables, plus inclusives.
Toutefois, au regard de mes recherches, ma
lecture du projet de loi me laisse croire qu'il doit être beaucoup plus
directif et beaucoup plus précis. Sans ça, les changements ne s'opéreront pas,
et nous continuerons à prendre du retard par rapport à un nombre important de
pays dans le monde. Et qui dit retard dit impossibilité d'être compétitif tant
sur les marchés nationaux que sur les marchés étrangers, alors même que les
traités de commerce et les accords de libre-échange nous permettent de plus en
plus d'accéder aux marchés publics étrangers mais que ces derniers ajoutent de
plus en plus aussi, souvent, des considérations de développement durable.
Donc, évidemment qu'il
faut y aller progressivement, évidemment qu'on doit laisser une certaine
souplesse, évidemment qu'on ne peut pas rattraper 15 ans de retard en
trois ans, mais on doit néanmoins être ambitieux. Et, pour ça, il faut être directif et renverser le fardeau de preuve. Les
organismes publics devraient avoir le fardeau d'inclure du développement
durable et, à défaut, de s'expliquer, de consigner, comme on exige d'elles de
le faire pour l'achat québécois ou régional sous les seuils de l'Accord de
libre-échange canadien prévu à l'article 14.2.
Dans mon
mémoire, je propose, bien humblement, sept recommandations. Certaines de mes
recommandations seront peut-être plus pertinentes dans le cadre des règlements
ou de la stratégie, le législateur va en décider. Mais je souhaite
rappeler à la commission que, si on regarde ce qui s'est passé à l'étranger,
donc dans divers pays qui ont un pas d'avance sur nous, lorsqu'ils se sont
contentés de stratégies ou de politiques sans insérer le tout de manière très
précise dans le cadre normatif en tant que tel, ils se sont rendu compte qu'ils
n'atteignaient pas leurs cibles.
Cela étant dit, je vais maintenant revenir avec
vous rapidement sur mes sept recommandations. La première d'entre elles, c'est
de privilégier fortement la règle de l'offre la plus économiquement avantageuse
plutôt que le plus bas soumissionnaire et, à défaut, d'exiger une
justification. C'est important d'évaluer la qualité d'un produit. Les études
démontrent que d'insérer du développement durable uniquement à titre de
spécification technique constitue un obstacle majeur pour l'accroissement des
acquisitions durables. Au niveau de l'Union européenne et dans une majorité de
pays européens, on privilégie explicitement l'offre la plus économiquement
avantageuse et on définit ce mode-là en
précisant qu'il inclut de prendre en compte le cycle complet... le cycle de vie
complet et le meilleur rapport qualité-prix,
lui-même évalué sur la base de critères comprenant des aspects, évidemment,
qualitatifs, environnementaux et/ou sociaux liés à l'objet du marché.
Donc, c'est clair, c'est précis.
Deuxième recommandation : Définir les
objectifs précis de développement durable que le gouvernement cherche à
poursuivre par ses acquisitions. Le projet de loi n° 12 réfère à divers
instruments pour définir le concept de développement durable. C'est une
technique, la technique du renvoi, qui est bien connue des juristes mais qui
est imprécise et qui va surtout laisser ici probablement plusieurs organismes
publics hésitants. Donc, à l'instar de ce qui se fait, par exemple, à Oslo, on
doit préciser les objectifs précis poursuivis concernant les droits humains,
les normes fondamentales du travail ou de
l'environnement qui doivent être poursuivis dans le cadre des acquisitions
responsables. La directive européenne, elle,
inclut en annexe les conventions internationales pertinentes. Il me semble
qu'on devrait s'en inspirer.
Troisième
recommandation : Identifier explicitement les voies de passage au sein
desquelles le développement durable
peut être inséré et offrir des balises claires. Pour avoir souvent formé des
acheteurs publics, ceux-ci ne connaissent pas les voies de passage par
lesquelles ils peuvent insérer du développement durable. Donc, le projet de loi
devrait être clair, il devrait nommer ces
voies de passage : l'objet du marché, les exigences de conformité, les
critères d'évaluation de la qualité, les critères d'exécution du
contrat, les critères d'exclusion de certains fournisseurs. Le développement
durable peut être inséré à chacune de ces étapes. Ça devrait être mentionné, et
le règlement devrait, lui, les baliser. Je n'ai évidemment pas le temps de
passer en revue comment il devrait les baliser, mais, à ce titre-là, on peut
aussi s'inspirer de ce que font les autres pays.
Quatrième recommandation : imposer la prise
en compte du coût du cycle de vie complet des produits et des services. J'ai bien compris, Mme la ministre, que
vous acceptez l'idée de prendre en compte le coût du cycle de vie, et je
m'en réjouis, parce qu'il est acquis à travers le monde que les marchés publics
doivent aujourd'hui prendre en compte le coût du cycle de vie complet. À ce
titre, le projet de loi devrait être plus ambitieux puis envoyer un message
clair à l'effet que les organismes doivent systématiquement prendre en compte
les coûts monétisables du cycle de vie. Les coûts en amont, les coûts durant et
les coûts en aval de la possession devraient être pris en compte.
• (11 h 40) •
Autrement dit, il arrive trop souvent que le
prix d'acquisition ne reflète pas la réalité. Donc, on se retrouve, comme
Québécois, à acheter des produits peu chers mais extrêmement dispendieux à long
terme ou encore des produits qui doivent être remplacés à courte échéance ou
qui ne peuvent tout simplement pas être recyclés ou réutilisés. Donc, on
devrait pouvoir prendre en compte les coûts de l'eau, de l'énergie consommée
lors de la production, lors de l'extraction des matières premières, les coûts
de dépollution, les coûts de maintenance, les coûts pour réduire la consommation d'énergie ou de polluants, les coûts
de retrait, les coûts de récupération, etc. Évidemment, une fois que
c'est dit, on doit trouver des outils qui vont permettre de calculer ces coûts.
Encore ici, on peut s'inspirer de ce qui se fait à l'étranger ainsi que de ce
qui se fait déjà ici dans divers... Mais il n'en
demeure pas moins que le projet de loi, lui, doit affirmer le principe. La
stratégie, ensuite, pourra permettre d'outiller les organismes publics.
Cinquième recommandation : préciser la
portée de l'exigence de prendre en compte les éléments du développement durable
liés à l'objet du marché. Le projet de loi insiste sur le lien entre la
considération développement durable et le lien avec l'objet du marché, et une
telle exigence va de soi. Toutefois, le projet de loi ne la précise pas
suffisamment, et j'ai peur que cette exigence mène les organismes publics à
limiter leur marge de manoeuvre à insérer du développement durable. Et c'est ce
qui s'est passé dans plusieurs pays, ça a retardé la prise en compte du développement
durable de 10 ans dans certains pays. En Europe, il a fallu plusieurs
décisions de la Cour de justice de l'Union européenne pour déterminer la portée
de l'exigence d'être lié à l'objet du marché. Encore une fois, prenons l'exemple sur ceux qui sont passés par là puis
ajustons-nous dès maintenant. Précisons, par exemple, que sont
considérées comme liées à l'objet du marché les considérations de développement
durable relatives à tous les stades du cycle de vie d'un produit et d'un
service, et ce, même lorsque ces considérations environnementales ou sociales
n'ont pas un impact sur les qualités intrinsèques des travaux, fournitures ou
services.
Sixième recommandation : instaurer un
mécanisme de suivi par l'insertion du développement durable dans les marchés
publics. Il y a plusieurs entités dans le monde qui l'ont fait, et celles qui
ne l'ont pas intégré dans leur cadre normatif considèrent que ça les a
empêchées de faire le suivi.
Septième recommandation : prévoir un
principe de non-régression en cas d'appels fructueux d'offres insérant du
développement durable. Le Québec est en retard. Avec le projet de loi, on a des
chances d'évoluer vers le mieux. Chaque
appel d'offres qui va inclure du développement durable va être une petite
victoire pour l'environnement, l'humain, l'économie, l'innovation au Québec. Donc, il faut s'assurer qu'on ne
puisse pas revenir en arrière. Le principe de non-régression donne un
effet de cliquet puis il permet, de manière progressive, d'aller toujours plus
loin dans le développement durable et l'innovation.
Alors,
en conclusion, évidemment, mon travail de chercheuse vise à comparer les États
entre eux. Évidemment que je vous présente les meilleures pratiques et
évidemment que tout ça doit être adapté à notre réalité puis à nos priorités.
Mais, s'il y a des pays comme la France, le Bénin, la Tunisie ou encore des
villes comme Barcelone, Berlin ou San
Francisco qui arrivent à affirmer clairement leur volonté de rendre leurs
acquisitions responsables en visant le cycle de vie et la chaîne d'approvisionnement, si la France ambitionne
d'atteindre 100 % de ses acquisitions vertes et 30 % de...
Une voix : ...
Mme Dufour
(Geneviève) : Il me reste à peu près 20 secondes, M. le
Président?
Le Président (M.
Simard) : Oui, allez, vous pouvez poursuivre parce que la ministre
vous offre une partie de son temps. On vous écoute.
Mme Dufour
(Geneviève) : Merci, Mme la ministre. Donc, ce que je disais, c'est
que la France ambitionne d'atteindre 100 % de ses acquisitions vertes et
30 % de ses acquisitions socialement responsables pour 2025. La Tunisie
est en mesure d'atteindre 30 % d'acquisitions durables pour la
fin 2022. Donc, il n'y a rien qui empêche de prendre un virage à
180 degrés au Québec pour faire du plus important acheteur de biens et
services, le gouvernement, ses organismes, des acheteurs responsables
exemplaires. Et ça, ça joue d'abord et avant tout devant vous car vous êtes en
mesure de déterminer si le projet de loi va avoir un réel impact sur
l'approvisionnement responsable au Québec dans les années à venir. Je vous
remercie.
Le Président (M.
Simard) : Merci à vous, maître. Mme la ministre.
Mme LeBel : Merci,
Me Dufour. Je dois avouer que j'aurais préféré vous avoir comme professeure que
comme adversaire dans un tribunal parce que vous êtes très inspirante dans
votre façon de vous exprimer.
Mais, ceci étant dit,
c'est parce qu'il y a beaucoup de choses qui rejoignent, justement, la volonté
du gouvernement, là, suite au dépôt de cette stratégie, que je mène d'ailleurs,
cette volonté, présentement, là, suite au dépôt de la stratégie, du projet de
loi. Donc, il y a beaucoup de mécanismes très intéressants. Puis j'aimerais
peut-être voir avec vous, parce que je suis toujours préoccupée par le fait
d'être capable d'affirmer clairement sa volonté pour pouvoir donner une réelle
impulsion, c'est-à-dire une réelle direction et pas juste avoir des belles
déclarations de principes, là, qui vont rester, pratico-pratique, sur le
terrain, lettre morte. Ce n'est pas l'objectif. Mais j'ai aussi le souci et la
compréhension... le fait de savoir que, bon, il y a beaucoup de ministères et
organismes, il y a beaucoup de secteurs qui vont être touchés par ce projet de
loi là, c'est une bonne chose parce qu'on va avoir un impact plus large, mais,
d'un autre côté, c'est un paquebot à adapter, à faire tourner. Et je le dirais
avec beaucoup de respect pour les gens du... de la fonction publique, c'est à
géométrie variable aussi, l'expertise des gens dans les différents secteurs. Il
y a des endroits où on fait beaucoup plus d'appels d'offres et qu'on a
peut-être... on est peut-être plus ouvert ou plus rompu à la nécessité de
regarder le cycle de vie, les choses comme ça. Il y en a d'autres où c'est
peut-être plus complexe.
Donc, moi, ma
préoccupation, c'est de voir avec vous... parce que vous parlez de pays qui
sont beaucoup plus avancés, mais, d'une certaine façon, ils ont fait beaucoup
d'essais-erreurs. Vous avez raison, il faut apprendre de ces essais-erreurs, mais, en même temps, l'avantage
d'un essai-erreur, sans vouloir réduire, c'est que, quand on
l'expérimente et on... bon, on a comme... on acquiert une certaine expertise
quand même, au fur et à mesure, à l'interne.
Donc,
moi, c'est de voir avec vous comment on peut faire cette transition. Puis je
vais y aller peut-être avec... je vais commencer par votre
recommandation n° 4, mais je pense que tout ça
s'emboîte, là, dans un tout. Quand on dit, entre autres, d'imposer la prise en compte du cycle de vie complet des produits
et services, à terme, j'en suis. À terme... bon, quand? Mais toute cette prise en compte du cycle de vie,
que ce soit dans l'objet du marché, à titre d'exemple, parce qu'on parle
de développement durable dans tous les secteurs, comment on peut s'assurer
d'avoir des mécanismes qui permettent d'atteindre
l'objectif de façon réelle, c'est-à-dire de forcer l'objectif mais de permettre
une transition? Parce qu'il y a des...
Donc... Et vous avez
parlé tantôt — je
fais du coq-à-l'âne — de
la loi du plus bas soumissionnaire conforme, nous, qu'on appelle ici, là, que
vous connaissez très bien. On a déjà discuté du fait qu'on pouvait peut-être,
dans cette loi-là qui... Bon, on va tous admettre d'entrée de jeu qu'elle n'est
pas... qu'elle est surutilisée et qu'elle ne rend pas de service dans tous les
cas de figure, disons-le comme ça, mais je pense qu'on peut, dans cette
loi-là... dans cette règle-là, quand on parle de conformité, commencer à
amorcer, peut-être, une certaine transition, amorcer un certain virage vers des
modes d'adjudication plus performants au sens des critères de développement
durable, entre autres. Est-ce qu'on peut se servir de cette règle-là pour
graduellement, peut-être, la bonifier pour pouvoir l'abandonner?
Et, quand je parle de
la modifier, c'est-à-dire que, dans les critères de conformité, il est possible
d'avoir des niveaux... de demander certains niveaux de qualité. Il est possible
d'avoir des exigences envers les entreprises qui soumissionnent pour être
conformes, des exigences d'écoresponsabilité, à titre d'exemple, de recyclage.
Bon, c'est peut-être la base, vous allez me dire, mais j'essaie de trouver des
exemples qui sont clairs.
Donc, est-ce que ça
pourrait être une façon d'amorcer le virage? Parce que d'encarcaner, dans un
projet de loi, une obligation, je comprends l'objectif. Ma crainte,
c'est : Comment je fais pour être capable aussi d'amorcer le virage? Donc, j'ai la réglementation, j'ai des directives,
j'ai un tas d'outils, là, mais moi, c'est que ça soit aussi
opérationnalisable, là, sur le terrain, tant dans les effets positifs que dans
la... l'espace pour s'adapter.
Mme Dufour
(Geneviève) : C'est tout à fait pertinent, vos questions, Mme la ministre.
Quand je donne des formations aux acheteurs publics, c'est les questions qu'ils
me posent. Ils me disent : C'est bien beau, vos grands principes
universitaires de cycle de vie complet, mais comment est-ce qu'on peut le
concrétiser? Et je leur donne des exemples en leur montrant que, finalement, il
faut arrêter de penser que de l'acquisition durable, c'est de tout mesurer en partant des émissions de gaz à effet de serre.
Qui peut vraiment mesurer ses émissions de gaz à effet de serre quand il
produit du matériel de bureau dans un petit
village du fond du Québec? Donc, il faut arrêter de penser que c'est
compliqué.
Quand on dit qu'il
faut viser le cycle de vie complet, par exemple, si on est en matière
alimentaire et qu'on commande des produits alimentaires, pourquoi est-ce qu'on
ne demanderait pas qu'ils soient livrés dans des contenants en vrac,
réutilisables, et que le fournisseur va venir rechercher les contenants à la
fin? On vient de viser le cycle de vie. On ne vise pas la pomme, on vise ici le
cycle de vie complet. Donc, c'est possible de le faire.
Quand on parle
d'acheter certains produits... puis je sais que vous avez reçu Jean Simard
hier, qui vous a parlé d'aluminium, mais je pense que c'est souvent l'exemple
qui nous revient au Québec, mais c'est un exemple exemplaire. Un «exemple
exemplaire», c'est très bon, ça. Mais de l'aluminium fait au Québec ou de
l'aluminium fait en Chine, c'est de
l'aluminium. De l'aluminium, c'est de l'aluminium. Quand on vise le cycle de
vie complet, on regarde avec quel
genre d'énergie il a été produit. On vise aussi à regarder combien de temps ça
va être durable puis qu'est-ce qu'on va pouvoir faire avec ce produit-là
une fois que c'est fini. L'aluminium, c'est recyclable. On le sait
qu'aujourd'hui on recycle l'aluminium, on le transforme. On peut lui donner une
deuxième vie puis une troisième vie.
• (11 h 50) •
Donc, ce n'est pas si
compliqué que ça de regarder le cycle de vie complet, c'est... Et c'est pour ça
que je vous ai dit que je suis très consciente qu'il faut y aller
progressivement. En France, quand on dit qu'on vise 100 % des acquisitions
avec des considérations environnementales, on parle d'une considération par
appel d'offres. On ne dit pas qu'il faut que ça soit du mur-à-mur, mais on dit :
organismes publics, faites l'effort, une considération, que ce soit l'objet du
marché, là, ça, c'est le nec plus ultra, on achète quelque chose d'écologique,
mais ça peut être une exigence, ça peut être un critère de qualité, ça peut
être un critère d'exécution du contrat. C'est faisable de le faire.
Je
vais passer à votre deuxième point. Vous me dites : Oui, la règle du plus
bas soumissionnaire, ce n'est quand même pas si mal parce qu'on peut ajouter des exigences qui sont en lien avec
des considérations environnementales ou sociales, mais c'est plus
compliqué. C'est plus compliqué d'exiger de l'environnement que de le mettre
comme critère qualité, finalement, où on
va... on donne une certaine marge de manoeuvre. Donc... Et, selon les études,
on se rend compte que ce n'est pas la bonne façon, parce que les
organismes publics sont ultraréticents à mettre des exigences, des
certifications, des normes, une obligation
de se conformer, alors que, quand on est dans l'exigence, bien là, on peut
donner un petit peu plus de points, un petit peu moins de points, puis
on peut, justement, faire en sorte que le marché va s'adapter avec...
Mme LeBel : ...parce
qu'en vertu de la loi du plus bas soumissionnaire conforme, si c'est une
exigence, qu'elle n'existe pas, il n'est plus conforme, donc il est, d'entrée
de jeu, de facto éliminé, alors que, dans l'autre cas, il peut peut-être... il
continue à être considéré mais va remporter moins de points dans certains
secteurs et d'autres points... d'autres critères pourraient finir par
l'avantager quand même. Donc, c'est ce que vous dites, là.
Mme Dufour
(Geneviève) : Exact. C'est une façon d'amener le... l'économie, le
marché à se transformer progressivement.
Mme LeBel : Donc...
Parfait. Puis c'est peut-être... Je peux peut-être faire un autre lien avec le
principe de non-régression dont vous venez de parler. Donc, ça peut permettre
aussi de commencer, peut-être timidement dans certains cas, mais quand... mais
ne plus jamais reculer en bas de la marche... du pas qui a été franchi. Donc,
chaque appel d'offres va devenir de plus en plus... ou, en tout cas, pas de
moins en moins, définitivement, là. Donc, on peut... avec ce principe de
non-régression là, on a, par le fait même, la considération de la progression
et de la transition, là.
Mme Dufour
(Geneviève) : Exact. Tout à fait, et je pense qu'il faut quand même
laisser une certaine marge de manoeuvre. Si un organisme public ne peut pas
appliquer le principe de non-régression, il faut lui demander de le consigner
et de s'expliquer.
Mme LeBel : Peut-être
faire une petite parenthèse pour laisser mon collègue de Saint-Jérôme, là. Il a
une question par rapport à la discussion qu'on a. Merci.
Le Président (M.
Simard) : Cher collègue.
M.
Chassin : Merci, M. le Président. Merci.
Mme Dufour, en fait, c'est une question sur, justement, cette dernière
recommandation, qui est la vôtre, du principe de non-régression en cas d'appel
d'offres fructueux. Puis là je veux juste être certain de bien comprendre.
Est-ce que c'est
parce qu'on a appliqué, par exemple, un critère environnemental, on a trouvé
chaussure à son pied, disons, puis on va continuer, donc, d'exiger ce même
critère ou est-ce que la définition d'appel d'offres fructueux est un peu plus
large? Par exemple, le fait que, oui, on a eu une réponse à notre appel
d'offres, mais une seule entreprise propose quelque chose qui respecte nos
critères, à ce moment-là, ça ne favorise pas la concurrence, si on le maintient
tel quel. Quelle flexibilité vous donnez à cette définition d'appel d'offres fructueux?
Mme Dufour
(Geneviève) : Bien, pour moi, un appel d'offres fructueux, c'est un
appel qui permet, justement, à plusieurs entités de soumettre à plusieurs
fournisseurs. On parle habituellement d'au moins trois fournisseurs, là, sauf
exception. Mais, oui, je parle d'un vrai appel d'offres où il y a une vraie
compétition. Voilà.
M.
Chassin : Donc, autrement dit, une façon
de montrer que le marché est rendu là, donc qu'on ne reviendra pas à la
position ex ante. Mais la non-régression, c'est vraiment quand, effectivement,
on peut constater que le marché est rendu là aussi.
Mme Dufour (Geneviève) : Exact.
M. Chassin : Merci. C'était une petite question de précision que je
voulais poser.
Mme LeBel : Bien, c'était une
question excellente, parce qu'effectivement il faut... quand on applique un
principe comme celui de la non-régression, bien, quand est-ce qu'on a la
permission de faire le pas arrière, bien, il faut le comprendre également, là,
dans le principe.
Il y a plusieurs choses. Vous parliez de
définir, entre autres, les objectifs précis, là, du développement durable que
le gouvernement cherche à poursuivre par ses acquisitions responsables. Bon,
c'est sûr que nous, on fait... on a le principe de renvoi. Mais, dans le fond, ce
que vous nous dites, c'est que, même si, par le renvoi, juridiquement, on
parvient au même objectif... vous dites qu'il y a quand même une plus-value à
affirmer, de façon plus explicite dans le cadre de la loi, la loi dans laquelle
on fait ce renvoi-là, les principes auxquels on fait référence, là, quitte à
faire le renvoi de toute façon, mais à
préciser au moins quelques critères, là. Parce que c'est vrai que,
juridiquement, quand on se parle entre avocats, on se dit : Bien,
c'est la même chose, là. On s'envoie la loi puis on va lire la Loi sur le
développement durable. Mais ce que vous nous dites, c'est qu'il y a une
plus-value à le faire de façon plus claire, donc, plus explicite.
Mme Dufour (Geneviève) : Plus claire
et plus adaptée, parce que votre Loi sur le développement durable, c'est super,
puis, entre juristes, on comprend très bien ce que c'est, le développement
durable, puis c'est assez précis dans les objectifs, mais il y en a qui,
lorsqu'on les lit, ne s'adaptent pas... ne sont pas très adaptés au marché
public. Tu sais, je pense que ça serait important qu'on parle du recours aux
énergies renouvelables, de la composition des produits, leur caractère
écologique, polluant, toxique, le caractère réutilisable, recyclé,
reconditionné des produits, donc, la
prévention de la production des déchets, la valorisation des déchets aussi,
certaines pratiques environnementales qu'on va appliquer à l'exécution.
Donc, je vous parlais, là, de la livraison en vrac.
Puis, au niveau social, c'est la même chose, là.
On devrait référer... bien, le projet de loi parle déjà de l'insertion de
publics éloignés, mais on devrait y référer plus directement : des
personnes en situation de handicap, de la lutte contre les discriminations, des
droits et principes fondamentaux du travail. Il y en a quatre, il y en a juste
quatre, mais ces principes et droits fondamentaux, on devrait les réaffirmer.
Mme LeBel : Peut-être vous amener
dans un... bien, pas dans une autre direction, parce qu'on est dans la même
conversation, mais là vous êtes... naturellement, votre champ d'expertise est
encore plus en droit international. J'imagine que nos accords de libéralisation
du marché, nos accords internationaux, vous les connaissez aussi. Dans le projet de loi... dans la stratégie aussi, mais,
dans le projet de loi, on se propose... Bon, naturellement, on s'est fait
mettre en garde de respecter les accords, ce qui ne veut pas dire qu'on ne peut
pas exploiter, de façon plus judicieuse, toutes les marges de manoeuvre qui s'y
trouvent.
Est-ce que vous pensez qu'on va assez loin dans
le projet de loi ou est-ce qu'on pousse... on pousse la ligne trop loin? Est-ce
qu'on va dans... Est-ce qu'on exploite les marges de manoeuvre de façon
adéquate? C'est sûr... En théorie, pour l'instant, on s'entend là, mais, dans
la pratique, on pourra le faire, mais les principes qui sont exposés...
Mme Dufour (Geneviève) : Je pense
que... Excusez-moi. Oui, je pense que vous avez très, très bien écrit cette
partie du projet de loi. On respecte tout à fait nos accords de libre-échange
et nos engagements spécifiques du Canada, du Québec. Vous êtes allés jouer dans
la marge de manoeuvre, c'est très bien fait, avec trois échelons. Je n'ai rien
à dire sur ça, et c'est rare.
Mme LeBel : Bien, donc, vous
pensez... Bien, c'est ça. Puis je vous jure, ce n'était pas une question
plantée, là, mais donc... C'est parce que je me demandais : Est-ce qu'on
va assez loin? Est-ce qu'on va trop loin? Ce que vous dites, c'est qu'on va chercher, maximiser... on va chercher l'espace
disponible sans franchir la ligne... la ligne qui pourrait nous nuire,
disons-le comme ça.
Mme Dufour
(Geneviève) : Exact. Mais, si vous vouliez... comment le dire,
si vous vouliez aller encore plus loin dans
la marge de manoeuvre qui vous est laissée, vous feriez une place grandissante
aux considérations environnementales et sociales, parce que, s'il y a...
Mme LeBel : Parce qu'on a... bon,
parce qu'on a de la marge dans les accords par rapport à ça.
Mme Dufour (Geneviève) : Bien, toute
la marge est là. Il n'y a aucune limite. Si on le fait vraiment pour des
considérations sociales et environnementales, il n'y a aucun problème. Et, si
on est capable de se distinguer de... des usines du Bangladesh ou de la Chine, c'est
bien, parce qu'on a des lois, en matière environnementale et sociale, qui sont
très respectueuses des accords internationaux.
Mme LeBel : Parfait. Merci beaucoup.
Merci. C'était très éclairant. Merci.
Le Président (M.
Simard) : M. le député de Mont-Royal—Outremont.
M. Arcand : Merci, Me Dufour. Encore
une fois, bienvenue parmi nous. J'avais quelques questions pour vous qui...
J'essaie évidemment... Sur le principe et les principes que vous avez mis de
l'avant, je pense que probablement toutes les formations politiques sont
d'accord sur le principe, mais évidemment le diable est toujours un peu dans
les détails. Comment est-ce qu'on applique ça? Vous avez vous-même reconnu
qu'il fallait y aller de façon progressive.
J'aimerais, comme première question... Vous avez
dit, dans votre mémoire, que 15 %, ce n'était pas suffisant comme cible.
Est-ce que vous avez une idée de ce que ça devrait être? Qu'est-ce qu'on
devrait proposer comme cible éventuellement?
• (12 heures) •
Mme Dufour (Geneviève) : Bien, c'est
difficile de répondre à la question, parce que, comme on n'a aucun mécanisme de
suivi clair au Québec, ou, en tout cas, moi, je ne connais pas d'études qui ont
été faites, on ne sait pas à combien on est rendus, mais je pense qu'on est...
c'est peu. Je pense que c'est très peu. Donc, c'est difficile de se dire qu'on
veut atteindre un pourcentage x, si on ne sait pas d'où on part.
Bon, la France, 100 %, clairement, on ne
peut pas y arriver en 2025 parce qu'on a déjà 10 ans de retard au moins.
Mais, lorsque je vois la Tunisie, qui va atteindre 30 % en 2022, je me dis
qu'on devrait quand même essayer, nous, de
se donner des objectifs ambitieux. Est-ce que... Je sais que Switch a fait des
recommandations. Ça ne me semblait pas fou. Et, encore là, ils vous
l'ont bien dit, ils ne savent pas d'où on part, mais on devrait avoir des
cibles ambitieuses.
Puis, comme je le disais à Mme la ministre, ce
n'est pas compliqué de mettre du développement durable dans les appels d'offres... dans les contrats. Ce n'est
pas compliqué. Une considération, commençons par ça, mais donnons-nous
surtout un mécanisme de suivi, et ça, c'est une de mes recommandations,
donnons-nous un mécanisme de suivi pour que, chaque année, il y ait des
rapports qui soient rendus des organismes publics et que ces rapports-là soient
vérifiés et transparents, rendus publics pour qu'on sache où on en est.
M. Arcand : Donc, des rapports
annuels qui pourraient être présentés à ce moment-là. On a parlé de faire jouer
un rôle encore plus important au Commissaire au développement durable, qui
pourrait être une façon aussi de faire les choses. Je pense que c'est une
option qui a été déjà discutée par le passé.
Moi, la problématique que j'y vois actuellement,
dans ce sens-là, c'est que... à moins que la ministre me dise le contraire,
mais moi, je ne suis pas convaincu que les gens qui sont impliqués, hein... On
s'entend qu'il y a quatre endroits
importants au sein du gouvernement où on donne des contrats. Vous avez la Société
québécoise d'infrastructures, le ministère de la Santé, le ministère des
Transports du Québec qui donnent pas mal de contrats également, et vous avez
évidemment le Centre d'acquisitions gouvernementales. Alors, vous avez ces
principaux organismes là. Je ne suis pas certain que les gens qui sont
impliqués à l'intérieur de ces organismes-là ont une connaissance très
importante de l'environnement et de la façon
d'évaluer justement ces éléments-là, qui peuvent être, à certains niveaux,
assez compliqués. Même si vous nous dites : Écoutez, il ne faut pas
compliquer les choses, mais, quand même, ça demande une certaine analyse ou
expertise.
Est-ce que ça ne serait pas une recommandation,
puis je vous dis ça comme ça, mais d'avoir... chaque fois qu'on prend une
décision pour donner un contrat, qu'on ait quand même une validation d'un
comité quelconque, ou, enfin, d'un groupe, ou d'un individu qui serait... qui
pourrait donner au moins une opinion environnementale sur chaque décision qui
est prise?
Mme Dufour (Geneviève) : Bien, écoutez,
ça dépasse largement mon seuil de compétence, mais ce que je peux vous dire,
c'est que la Corée du Sud et la Hollande ont mis en place, pour justement
accompagner les acheteurs publics, des logiciels très, très, très précis. Alors,
l'acheteur public a... et c'est un site gouvernemental, un logiciel qui a été
développé par les gouvernements de la Corée et de la Hollande. L'acheteur
sélectionne le produit qu'il veut acheter et ensuite il arrive à toute une
série de critères d'exigences, de considérations sociales et environnementales
qu'il peut ajouter à son appel d'offres.
Mais c'est sûr, vous avez raison, ça demande une
certaine expertise, mais je pense que, dans la stratégie, le gouvernement a
aussi bien prévu d'accompagner, produire des guides, donner des formations,
faire des forums, je ne sais plus si c'est comme ça qu'on l'appelle, mais bref,
il y a cette conscience qu'il faut un accompagnement très serré des acheteurs
publics.
Le nec plus ultra, c'est la Corée et la Hollance,
si on s'en allait vers là, mais ça ne se monte pas en deux jours. Ça ne se
monte pas en six mois non plus. Ça demande des expertises très variées.
M.
Arcand : C'est ça. Mais donc, vous dites, ce sont les pays
un peu modèles, actuellement, de ce point de vue là.
Mme Dufour (Geneviève) : Oui. Au
titre de l'accompagnement des acheteurs publics, pas au titre normatif,
nécessairement, parce que ça, il y en a plein d'autres qui sont des champions.
M. Arcand : O.K.
Très bien. Maintenant, vous avez mentionné l'obligation, bon, qu'il fallait
expliquer ne pas avoir recours à l'offre uniquement la plus économiquement
avantageuse, etc. Étant donné que la valeur économique d'un bien, ou d'un
service, ou un produit, enfin... parfois, c'est difficilement mesurable. Et on
se demande toujours si la porte de sortie n'est pas trop grande, à un moment
donné, et s'il y a des façons de... parce que, finalement, plus on met de
critères, les acheteurs publics vont finir, toujours, par se réfugier en
disant : Bien, je vais me sécuriser, je vais prendre le prix le plus bas ou... enfin, à moins
que, vraiment, il y ait des différences très minimes. Mais est-ce que...
Comment est-ce qu'on fait pour s'assurer, justement, de minimiser son recours
dans les organismes publics?
Mme Dufour (Geneviève) : On
fait comme l'Europe, c'est-à-dire quand on dit que c'est l'offre
économiquement la plus avantageuse qui est privilégiée, et qu'à défaut ça doit
être expliqué et consigné. Et il y a tout un système de rapports qui doit être
donné.
M. Arcand :
O.K. Et ça, dans votre expertise, de ce que vous connaissez qui a été fait
en Europe, qu'est-ce qui a été le plus difficile? Quels ont été les... Vous
avez dit : Ils ont fait des essais-erreurs, et ainsi de suite. Qu'est-ce qui... Comment s'est fait... parce que je ne pense
pas que ça puisse se faire aussi rapidement qu'on le voudrait, mais, en
tout cas... Comment ça s'est... Comment le travail s'est fait au fil des
années? Ils ont commencé par quoi exactement?
À un moment donné, je
pense que c'est hier ou avant-hier, on parlait d'une entreprise qui aurait...
C'est Écotech qui nous disait que les entreprises devraient avoir une carte
Nexus verte pour dire au moins que ce sont des entreprises qui sont
écoresponsables, de façon générale, avant qu'on pousse l'analyse plus loin.
Est-ce que... Comment
les pays européens ou, enfin, ceux qui sont les champions, comme vous dites,
comment ils ont procédé? Quelles ont été, d'après l'analyse que vous avez pu en
faire, les meilleures formules?
Mme Dufour
(Geneviève) : Bien, ils ont fait plusieurs erreurs au début. Puis,
comme la ministre le disait, c'est normal de faire des erreurs puis c'est par
le biais des erreurs qu'on finit par développer le droit. En tout cas, nous,
les juristes, on est bien habitués à ça, hein? Mais, en Europe, ce qui s'est
passé, c'est qu'il y a eu énormément de jurisprudence, et ça a fait en sorte
que ça a retardé l'inclusion du développement durable dans les marchés. Par
exemple, au début, on se posait des questions aussi simples que : Est-ce
qu'on peut imposer une certification, une norme, une carte Nexus écologique, ou
si, finalement, n'importe quelle entreprise qui répond aux normes incluses dans
une certification pourrait gagner l'appel d'offres?
Ils ont eu aussi à
clarifier ce dont je vous ai parlé, l'exigence d'être en lien avec l'objet du
marché. C'est une vraie question. Est-ce que, finalement, c'est ce que je
disais tantôt, de l'aluminium qui a été produit en Chine avec du charbon ou au
Québec avec de l'énergie renouvelable, c'est le même produit? Et être en lien
avec l'objet du marché, est-ce que ça veut dire qu'il faut qu'il y ait un
impact de notre critère sur les caractéristiques finales du produit?
Mais l'Europe a pris
du temps à le clarifier, et c'est uniquement sur le tard qu'ils ont réussi à
clarifier que, non, on n'avait pas besoin que ça ait un impact sur les
caractéristiques du produit. Même si on visait l'ensemble du cycle de vie,
c'était lié à l'objet du marché, et ce, même si on ne l'avait pas mis dans
l'objet du marché. Donc, c'est un paquet de questionnements qui ont donné lieu
à des retards, à des appels d'offres qui ont été contestés.
Et nous, on est
chanceux, on peut prendre appui sur ce qui s'est passé. J'étais en Tunisie la
semaine passée et j'ai discuté avec le ministre de l'Environnement, avec les
gens qui étaient responsables des politiques d'acquisition responsable. En
2014, ils étaient en avance sur tout le monde et aujourd'hui ils se
disent : Bien, on n'était pas... on n'est plus si en avance parce qu'on a
fait des erreurs. On a oublié de demander des rapports à chaque année. On a
oublié d'inclure ça dans le cadre normatif. On a oublié de définir quels
étaient précisément les objectifs de développement durable parce que c'est
important. Et, tout ça, ils sont en train de réviser leur cadre normatif, puis
nous, on est chanceux, on peut s'en inspirer.
M. Arcand :
O.K. Je reviens encore à la cible parce que j'aimerais que vous... Vous
dites : Elle ne va pas assez loin, on est trop timides. Dites-moi ce que
vous voyez, si vous étiez à la place de la ministre.
Mme Dufour
(Geneviève) : Bien, ça nous prend des cibles claires et progressives.
Là, on a un plan stratégique qui va jusqu'en 2026. Il me semble qu'on devrait
avoir des objectifs pour 2024, début 2024. On devrait ensuite avoir des objectifs pour 2026. Ça devrait être
échelonné. Il faut se donner des cibles ambitieuses, parce que, sinon, on n'y
arrivera pas. Mais il faut aussi, comme je le disais, ne pas négliger
d'expliquer aux acheteurs publics que ça peut ne pas être compliqué d'émettre des considérations sociales et
environnementales. Et on y va tranquillement, on y va progressivement. Et, tout le long qu'on y va, on accompagne les
acheteurs publics qui, la plupart, veulent faire du développement
durable.
• (12 h 10) •
Le Président
(M. Simard) : Merci. Merci à vous. Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal :
Merci. Merci beaucoup, beaucoup, Mme Dufour. Très, très intéressante,
votre présentation, le mémoire, puis les discussions, et les échanges. Moi, je voudrais
revenir à la notion de l'analyse du cycle de vie, où vous dites qu'il faut
vraiment le préciser, il faut faire ça en amont, pendant l'utilisation du
produit, en aval.
Moi, je me rappelle,
j'ai fait une maîtrise en environnement puis j'avais fait... ce n'était pas un
moment de maîtrise, c'était un essai sur l'analyse du cycle de vie. On disait
qu'il fallait analyser les produits du berceau au tombeau, c'est l'expression
qui était utilisée, donc tout le long. Puis il y a aussi beaucoup d'expertise qui
est développée au Québec. Je pense, par exemple, au CIRAIG, le Centre
international de référence sur le cycle de vie de Polytechnique, il y a des
logiciels, etc.
Si on le met, là, de
façon très, très sérieuse, là, dans le projet de loi, est-ce que les ministères
et organismes... est-ce qu'au Québec on aurait l'expertise ou est-ce que, par
exemple, si on ne l'a pas à l'interne, on va dire : Bien, on va aller à
l'externe pour faire ces analyses-là? Normalement, il faut se fier à ce que
l'entreprise nous dit, mais, si on veut
s'assurer que ce que l'entreprise nous dit sur l'analyse du cycle de vie de son
produit est vrai, il faut contre-vérifier. Est-ce que ça ne pourrait
pas, par exemple, coûter trop cher et ça pourrait être un frein?
Mme Dufour (Geneviève) :
Mais habituellement, quand on prend en compte l'ensemble du cycle de vie,
ça ne coûte pas nécessairement plus cher, parce qu'on se retrouve avec des
produits qui sont plus durables, qui coûtent moins cher d'entretien, qui coûte
moins cher pour les...
Mme Ghazal : ...je parle de
faire l'évaluation, parce que, l'évaluation, il faut qu'elle soit neutre.
Comment est-ce qu'on peut se fier... Si, par
exemple, le ministère et organisme, il dit : Bien, moi, ça va être
l'analyse du cycle de vie du produit
que j'achète et... il se fie sur quoi? Parce que c'est quand même, vous dites,
les intrants, le coût sur l'eau, etc. C'est beaucoup, beaucoup de
données. Comment est-ce qu'on peut s'assurer qu'on a la bonne information pour
le ministère et organisme qui fait l'évaluation? Est-ce qu'on a l'expertise à
l'interne pour le faire?
Mme Dufour (Geneviève) : Bien,
ça, je ne sais pas si on a l'expertise à l'interne pour le faire dans les
différents organismes, mais ce que je sais, c'est que, dans certains pays, ces
coûts-là, les coûts d'analyse du cycle de vie, sont inclus dans le budget du
marché parce qu'on considère que c'est très, très important, de la même façon
qu'on va inclure des coûts lorsque, par exemple, on veut un dialogue
compétitif, etc. Donc, c'est très important d'inclure ça. Si on veut construire
un pont, il faut que, dans le budget du pont, on inclue cette analyse du cycle
de vie, que ce soit à l'interne ou à l'externe.
Mme Ghazal : Donc,
vous ne voyez pas ça comme quelque chose de compliqué, là, à faire, puis ça
serait possible, puis d'avoir les bonnes données, puisque ça se fait
ailleurs. C'est ça. C'est...
Mme Dufour (Geneviève) : Exactement.
Mme Ghazal : Vous nous parlez aussi
des expériences d'ailleurs, donc on n'est pas plus fous que les autres.
Mme Dufour (Geneviève) : Je ne
vous dis pas que ce n'est pas compliqué.
Mme Ghazal : Non, c'est ça.
Exact.
Mme Dufour (Geneviève) : C'est
compliqué, mais on n'est pas moins bons que les autres.
Mme Ghazal : O.K. Très bien.
Bien, juste rapidement, à vous entendre, vous dites qu'il y a quand même beaucoup de marge de manoeuvre pour les critères
environnementaux et sociaux. Puis là je me disais : Mon Dieu! Les
accords internationaux ne sont pas aussi pires que ce qu'on pourrait penser.
Mais il y a quand même des États qui appellent...
Le Président (M. Simard) : Rapidement.
Mme Ghazal : ...qui sont inquiets
du... Ils disent que c'est du protectionnisme d'utiliser ça, puis je voulais
savoir s'il y avait des...
Bien, écoutez, je n'ai pas le temps, ça fait que
je ne peux pas poser la question, mais je vous appellerai. C'est triste de
même.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Merci,
Mme Dufour. C'est extrêmement, extrêmement, extrêmement intéressant. Bon,
il y a beaucoup de notions, et ce n'est pas tout le monde qui ont
nécessairement la même définition, analyse de cycle de vie, développement
durable, même on pourrait parler d'économie circulaire.
Vous parlez, dans votre recommandation n° 2, de définir les objectifs précis de développement
durable que le gouvernement cherche à poursuivre par les acquisitions. Comment
on intègre ça? Dans le sens que est-ce que c'est suffisant de faire référence à
la Loi sur le développement durable, mais qui elle-même n'est pas en adéquation
exacte avec, par exemple, les 17 objectifs de l'ONU? Alors, comment on
fait pour bien intégrer les objectifs de développement durable dans le projet
de loi n° 12? Je ne sais pas si...
Puis j'aurais une autre question après. Alors,
je n'ai vraiment pas beaucoup de temps non plus, là, donc voilà.
Mme Dufour (Geneviève) : Mais,
pour moi, ce n'est pas compliqué. Vous avez référé aux objectifs de
développement durable. On devrait tous les prendre en ligne de compte. Le
Canada fait partie... est partie à plusieurs conventions internationales. On
devrait les prendre en ligne de compte. Il faut faire un choix, mais ce n'est
pas si compliqué que ça. On le sait quels sont les droits et principes
fondamentaux du travail qu'on veut respecter au Québec. On le sait, quels sont
nos objectifs environnementaux. Il faut juste être très explicite. Parce que,
vous l'avez dit, quand on dit «développement durable», c'est trop flou.
M. Gaudreault : Deuxième
question, je ne me souviens plus de quel chapitre, là, dans le projet de loi
n° 12, on parle, évidemment, du développement durable. Est-ce qu'on ne
devrait pas monter un peu plus hélicoptère et parler de lutte contre les
changements climatiques pour intégrer ça dans l'atteinte des objectifs plus
larges de réduction de gaz à effet de serre que s'est donné le Québec? Et,
comme outil, bien, c'est d'atteindre évidemment nos objectifs de développement durable par des moyens d'analyse de cycle de
vie, etc. Est-ce que vous trouvez que le projet doit être assez ambitieux quant
à son intégration avec les cibles de réduction de gaz à effet de serre du
gouvernement?
Mme Dufour (Geneviève) : Mais,
encore là, il faut juste le dire, parce que c'est prévu par l'article 5,
ajouté à l'article 14.9, là, le changement climatique dans l'espace
d'innovation. C'est déjà prévu, c'est dans nos objectifs de développement
durable, mais, encore là, qu'est-ce que c'est, réduire... pardon, nos émissions
de gaz à effet de serre pour une entreprise, une microentreprise québécoise?
Donc, il faut être beaucoup plus précis que ça. Qu'est-ce que ça veut dire pour
nous? Et c'est là qu'il faut avoir des objectifs très précis.
Le Président (M. Simard) : Eh
bien, Pre Dufour, merci pour votre très belle présentation. Et, à chaque fois,
votre contribution est fort positive à nos travaux. Alors, merci à nouveau.
Sur ce, nous allons suspendre quelques instants,
le temps de faire place à nos prochains invités.
(Suspension de la séance à 12 h 17)
(Reprise à 12 h 19)
Le Président (M. Simard) :
Alors, nous poursuivons nos travaux. Nous sommes maintenant en présence de
représentants de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec. Madame,
monsieur, bienvenue parmi nous. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous
présenter?
Corporation des
entrepreneurs généraux du Québec (CEGQ)
Mme Robitaille (Mélissa) : Bonjour.
Mélissa Robitaille, je suis présidente du conseil d'administration de la CEGQ
et coprésidente-directrice générale de l'entreprise Syscomax.
M. Côté (Eric) : Éric Côté,
président-directeur général de la Corporation des entrepreneurs généraux et aussi
vice-président de l'alliance canadienne des entrepreneurs généraux du Canada.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue
à vous également. Vous disposez de 10 minutes.
• (12 h 20) •
Mme Robitaille (Mélissa) : Merci.
Alors, bonjour et merci, M. le Président. Nous vous remercions de nous recevoir
pour nous permettre d'offrir nos commentaires concernant le projet de loi
n° 12 en virtuel, comme la dernière fois pour le projet de loi n° 66,
en espérant que nous aurons l'occasion de pouvoir le faire prochainement devant
vous.
Depuis 25 ans cette année, la Corporation
des entrepreneurs généraux, la CEGQ, représente exclusivement les entrepreneurs
généraux du Québec qui oeuvrent principalement dans le secteur ICI, soit
institutionnel, commercial et industriel, et qui réalisent près de 85 %
des projets de bâtiment au Québec à chaque année.
Notre mission, c'est de défendre les intérêts
des entrepreneurs généraux et de l'industrie de la construction par sa
contribution au développement du Québec, notamment au niveau économique et
durable. Et la CEGQ cherche à soutenir de
manière proactive les entrepreneurs généraux dans la réalisation d'ouvrages de
qualité... et de leur production.
La CEGQ a élaboré les recommandations dans ce
mémoire grâce à plusieurs rencontres avec ses comités de travail au cours des
récentes semaines, auprès d'entrepreneurs généraux de toutes tailles et
provenant de toutes régions. Nous remercions tous les membres de leur
engagement à leur contribution à ce mémoire et nous sommes certains qu'il
reflète leurs attentes et surtout leur expérience collective et quotidienne en
tant qu'entrepreneur général sur les chantiers de construction au Québec.
La CEGQ salue les efforts du gouvernement.
Toutefois, nous souhaitons communiquer aux parlementaires certaines
observations pour permettre au projet de loi n° 12 de favoriser réellement
l'achat de produits québécois ainsi que d'améliorer la gestion des contrats
publics sur les chantiers de construction.
M. Côté (Eric) : Nous allons entrer
dans le vif du sujet par rapport à nos recommandations. Je remercie aussi les
membres de la commission. Nous sommes préoccupés, évidemment, comme membres
fondateurs de la coalition, contre les retards de paiement. Nous sommes là
depuis les débuts... qu'il manque, dans ce projet de loi, une opportunité qui a
été manquée. À notre avis, c'est peut-être une question de timing, le rapport
des projets pilotes est sorti peut-être trop tard par rapport au projet de loi.
C'est l'espoir qu'on a. On a entendu la présidente faire les commentaires cette
semaine, là, à nos collègues de la coalition, et nous souhaitons évidemment
porter notre voix à celle de la coalition pour souhaiter que le projet de loi
n° 12 puisse intégrer des éléments qui touchent les paiements... contre
les retards de paiement. C'est indéniable de notre côté. C'est un dossier que
nous travaillons depuis de nombreuses années.
Sur la question de l'achat québécois,
évidemment, on est heureux, enfin, que ce qu'on appelle la clause «Buy
American»... que le Québec ait enfin sa clause «Buy American», si on peut le
dire ainsi. Beaucoup de gens nous déploraient que les Américains avaient des
moyens pour justement encourager leur économie, et je pense que le Québec se
dote de moyens pour le faire est une bonne chose. Toutefois, on doit indiquer
qu'en cette matière, le secteur de la construction, les projets de construction
sont réalisés à plus de 90 % par des entrepreneurs du Québec. Donc, c'est
vraiment au niveau des produits québécois que... à notre avis, qu'il y a un
effort qui doit être fait de ce côté-là.
Malheureusement, ce qu'on
doit constater, c'est que les ententes intercommerciales, et tout ça, limitent
quand même ces efforts-là. Nous sommes d'avis que peut-être qu'il faudrait
regarder peut-être plus en amont dans les projets. On peut bien spécifier,
souhaiter qu'il y ait plus de produits qui seront québécois, mais il faut
comprendre que, dans le secteur de l'industrie de la construction, les
entrepreneurs doivent utiliser les matériaux qui sont spécifiés dans les devis.
Donc, c'est aux professionnels qu'il faut, dans le fond, envoyer le signal
d'utiliser ces produits-là.
Les entrepreneurs ont toutefois l'opportunité
d'utiliser ce qu'on appelle des reconnaissances d'équivalence, c'est-à-dire
que, quand l'appel d'offres est sorti, on peut, à ce moment-là, proposer des
produits équivalents. Il faudrait que... Dans le fond, c'est un processus qui
est très complexe, je vous dirais, et souvent il sert à proposer des produits
peut-être qui sont moins chers, mais qui sont d'équivalente qualité. Peut-être
qu'on pourrait avoir un cadre, et c'est dans notre première recommandation,
qu'on ait un cadre qui permet justement de proposer des produits québécois
quand les plans et devis ne le spécifient pas.
Donc, je pense que nous sommes tous fiers de ce
qu'on produit au Québec. Et, si parfois des professionnels auraient omis ou
n'auraient pas spécifié que ça pourrait être des produits québécois, bien,
comme entrepreneurs, je pense que nous pouvons le faire à qualité égale,
évidemment. Ça nous pose évidemment des défis sur la disponibilité de ces
matériaux-là, et tout ça. C'est un enjeu qu'il faudra, évidemment... sur lequel
il faudra prévoir des modalités. On ne nous a pas parlé aujourd'hui,
nécessairement, de la question des pénuries de matériaux. C'est quelque chose
qu'on vit actuellement, clairement, de ce côté-là.
Nous avons aussi des préoccupations sur tout ce
qui touche aussi les pouvoirs de l'Autorité des marchés publics. Juste avant,
je voudrais dire aussi, il y a des dispositions qui étaient proposées pour
faciliter l'encouragement de l'économie régionale.
À cet effet-là, notre position est un peu mitigée. Il peut y avoir un effet
positif de vouloir encourager régionalement certaines entreprises,
mais... je n'aime pas le terme, mais il ne faudrait pas que ça devienne une
prison pour qu'un entrepreneur soit confiné
à sa propre région, particulièrement dans le secteur de la construction. Ça
pourrait devenir un incitatif à ne pas sortir de sa région. Et parfois,
dans des cycles de projets, il peut y avoir moins de projets dans une région, donc une entreprise serait un peu coincée
dans sa région et serait désavantagée dès qu'elle sort de sa région.
Alors, il faudrait faire attention à ces mesures-là, justement, pour ne pas
créer une nouvelle problématique à cet effet-là.
L'autre chose
aussi, c'est que ça peut réduire le nombre de soumissionnaires. Peut-être que
pour des fournisseurs de matériaux ou si on veut acheter des choses pour
une école, c'est une chose, mais, pour le secteur de la construction, ça
implique des risques qui ont déjà été présentés, je le rappelle, avec l'OCDE, à
la commission Charbonneau. Je pense qu'on veut le plus de choix possible. Donc,
je dirais, nous recommandons qu'on utilise ces méthodes pour les marchés
régionaux de manière très prudente et qu'il y ait une surveillance accrue pour
justement ne pas créer des marchés fermés, où il y a des entrepreneurs qui
auraient accès... qui seraient les seuls à accéder des contrats et qui
pourraient peut-être, à terme, augmenter le prix. On sait l'effet des prix des
marchés de ce côté-là.
Par rapport à l'innovation, développement
durable aussi, on a beaucoup d'éléments qui nous préoccupent. On a beaucoup parlé du plus bas soumissionnaire
durant cette commission-là. Je pense que le gouvernement et les
parlementaires doivent constater que, dans le secteur de la construction, il y
a des règles qui sont mises en place, notamment avec le Bureau des soumissions
déposées, qui est obligatoire, pour les entrepreneurs généraux, d'aller
chercher leur prix dans la plupart des temps. Et la règle au BSDQ, c'est
toujours d'avoir le plus bas soumissionnaire. Alors, si on veut de la place à
l'innovation, à des critères, en termes de développement durable ou social, il
faudrait qu'on ne puisse suspendre ces règles du plus bas soumissionnaire aussi
au Bureau des soumissions déposées. Comment y arriver? Bien, écoutez, il y a
deux ans, à peu près, jour pour jour, nous avions déposé, pour le projet de loi
n° 66, des documents qui expliquaient qu'il y a un plan d'action qui a été
fait par le comité interministériel. Alors, ce qu'il faudrait, c'est mettre en
place les travaux qui ont été avancés par ce comité-là, et notamment,
justement, pour qu'on puisse amender le code des soumissions ou qu'on le fasse
avec les propriétaires en collaboration à cet effet-là.
Il y a aussi d'autres éléments qu'on voulait
couvrir dans notre mémoire. Je voudrais rapidement arriver sur les nouveaux
pouvoirs de l'Autorité des marchés publics. Nous avons des préoccupations quant
à cet élément-là et nous souhaitons, à cet effet-là, que ça soit mieux encadré.
Et enfin je vous dirais que, sur la question de
la nouvelle... ce qu'on appelle la nouvelle déclaration d'intégrité qu'on va
exiger, on se pose vraiment la question si ça va devenir un nouveau fardeau
administratif. On connaît la règle du un pour un avec la politique. Donc, M. le
Président, essentiellement, c'est qu'on souhaiterait ne pas ajouter du fardeau
administratif par rapport à ça.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à vous, M. Côté. Nous pouvons donc poursuivre. Mme la ministre.
Mme LeBel : Merci, M. le Président.
Merci, M. Côté, de votre présentation. Alors, je vais réitérer les mêmes
commentaires que j'ai faits à tous ceux qui l'ont mentionné, surtout aux gens
de la coalition sur les retards de paiement, là, sur notre intention de mettre
en oeuvre les résultats positifs du projet pilote le plus rapidement possible.
Donc, on est en train de regarder toutes les possibilités, dont celle qui est
suggérée. Donc, on pourra... Donc, considérez que votre point est fait à ce stade-ci. Donc, permettez-moi de ne pas
élaborer sur cette question-là avec vous puis de peut-être aborder
d'autres questions, là, qui sont plus propres à vos commentaires dans votre
mémoire.
Entre autres, bon, là où il y a, je dirais, un
écart marqué, où, je vais dire, il y a déficit de retombées économiques ou un
déficit d'achats sur le territoire québécois... quand on parle des marchés
publics, hein, il y a trois grands secteurs, construction, services et biens,
vous les connaissez aussi bien que moi, là, où on a du... on doit faire un
effort marqué, c'est en matière d'acquisition. Naturellement, on est à
38 % d'acquisitions, là, sur le territoire québécois, quand on parle
d'entreprises québécoises, à titre d'exemple, ou d'achat québécois.
En matière de
construction, on est beaucoup mieux positionnés, c'est 99 %, ce qui ne
veut pas dire qu'on ne peut pas faire un effort, vous avez raison, surtout à
travers ce que vous mentionnez être le cadre de référence pour définir ce qui
constitue un produit québécois.
J'aimerais que vous nous en parliez. Prenez plus
de temps, là, pour nous expliquer quelle est la difficulté. Je comprends que
vous êtes capables, présentement, quand il y a... dans un appel d'offres, quand
on fait référence à un type de produit, que
ce soit un plancher, peu importe, là, peut-être que je manque d'imagination,
là, mais vous comprenez, qui peut être un produit étranger, vous avez
quand même la possibilité de dire : Moi, j'ai accès à un produit québécois
équivalent dans ce qu'on recherche au
niveau, à tout le moins, esthétique et technique, là, je vais le dire comme ça.
Mais quel est le processus actuel? Donc, c'est plus un... c'est un allègement
du processus, une simplification du processus que vous recherchez? Parce que la
possibilité existe. Maintenant, je comprends que c'est très complexe. Donc, je
veux juste comprendre le processus et où est-ce que vous pensez qu'on peut
agir, là.
• (12 h 30) •
M. Côté (Eric) : Bien, en fait, je
vous remercie pour la question. L'élément, c'est qu'il existe déjà un processus
qui est en place, et l'entrepreneur a 10 jours après le dépôt de sa soumission
pour proposer des équivalences. Donc, après
10 jours, si on n'a pas trouvé le produit, bien, il est trop tard. Donc, il
faudrait que, dès le début... Dans le fond, moi, je pense aux fournisseurs de ces produits-là. Il faut que ces gens-là
puissent présenter leurs produits, des produits innovants, dès le début,
même au niveau de la conception.
Donc, un moyen d'atteindre ça, c'est que les
projets qu'on met de l'avant soient connus à l'avance un peu plus pour donner
une chance à ces fournisseurs-là de faire valoir que ces produits-là soient
dans les appels d'offres, parce que, si le produit est dans l'appel d'offres,
bien, écoutez, le défi, il n'est pas à l'entrepreneur d'essayer de proposer un
produit québécois, il est au concepteur de l'intégrer dans son concept, si on
veut. Donc, dès que c'est fait en amont, c'est plus facile.
On le voit dans les projets à valeur
environnementale, là, c'est clair. Il y a des points attribués, il y a des
choses qui sont mises en place. Mais, dans ce cas-ci, pour un entrepreneur, de
dire : Bien, moi, je veux choisir un produit québécois, très souvent, ce
n'est pas de son choix, c'est livré au concepteur. Alors, il faut faciliter,
étendre la période dans laquelle on peut le faire, peut-être le mettre en
période de soumission aussi, que les gens puissent le proposer dès le début, et
que ça soit facilité, et que ça ne soit pas une entorse au travail du
concepteur, mais que ça soit vraiment reconnu pour dire : Il faut donner
une valeur québécoise à cet ouvrage-là. Et il y a tout de sortes de moyens de
le faire, mais, je pense, ça se fait en collaboration avec les concepteurs et,
ultimement, le client aussi, qui doit l'exiger auprès de son concepteur, qu'il
y ait des produits québécois.
L'autre élément, c'est : est-ce que ces
produits-là seront disponibles en qualité et est-ce qu'ils répondront aux
critères de quantité aussi? C'est là, le défi. On la vit, en ce moment, la
pénurie des matériaux. Ce n'est pas facile. On a de la misère à avoir des
produits de Chine, imaginez les produits québécois. On s'est battus après les
deux-par-quatre, pour leur courir après puis les trouver, alors qu'ils étaient
vendus aux États-Unis. Alors, c'est un beau défi, mais je pense qu'il faut
aller dans cette voie-là, parce que l'impact économique, pour le Québec, il est
sûrement positif. Ça va demander plus de travail de tout le monde, mais
l'impact va se faire sur toute notre économie, puis, je pense, là-dessus, on ne
peut pas être contre.
Mme LeBel : Non. Puis donc c'est un
peu aussi dans la portion que vous me disiez... que vous mentionniez dans une de vos recommandations, faciliter la
demande d'équivalence. Donc, vous êtes conscients, bon, que,
quelquefois, il y aura peut-être des moments où on va se tourner vers un
produit puis peut-être parce que... bon, pour toutes sortes de raisons, et que
l'entrepreneur pourrait avoir l'intention ou... vouloir nous offrir un produit
québécois.
Donc, ce que vous dites, c'est également de
permettre cette possibilité-là, mais d'étendre peut-être la période ou de voir
comment on peut faciliter le processus, là, pour les entreprises, démontrer que
le produit qu'elles ont en tête va être
équivalent, là, en termes de ce qu'on recherche, là, soit par la... tant par la
qualité que par l'esthétique aussi. Il y a plusieurs choses, là.
M. Côté (Eric) : Bien, si on parle
de qualité égale, là, si on parle de qualité qui a les caractéristiques
nécessaires minimales, là, bien, je pense qu'on ne veut pas dire que les
produits québécois sont moins bons, sont de moins bonne qualité. Ils ont des
standards minimums pour un bâtiment. Ça, c'est normal. On est livrés à des
exigences, là, du Code du bâtiment, mais je pense qu'on peut se donner un
espace additionnel qui nous permettrait de, j'allais dire, déjouer, peut-être,
les ententes intercommerciales puis de pouvoir continuer à proposer des
produits québécois tout au long du processus de... dans l'élaboration des
projets, là.
Ça fait que c'est de faciliter ce processus-là
puis d'avoir une conscience particulière pour le faire, et surtout, si les
produits sont là, c'est un peu... On le voit dans les grands projets, là, on va
chercher des équipements à l'étranger, des choses comme ça. Peut-être que, si
on pouvait dire : Bien, on veut du bois québécois, on veut des produits
innovants québécois... qu'on leur laisse une place. Donc, c'est quelque chose
qui est assez difficile, avec les concepteurs, de venir changer quelque chose
dans un concept parce que nous ne sommes pas le concepteur. Nous sommes un
entrepreneur. Nous sommes l'exécutant. Donc, on n'a pas... On ne nous reconnaît
pas une expertise d'aller chercher ces produits québécois là.
Mme LeBel : Ce qui rend le dialogue
difficile par la suite, c'est ce que vous dites, là.O.K.
Peut-être aborder un autre aspect qui a été peu
abordé, quand on parle de l'Autorité des marchés publics, une question en
particulier. Vous faites une recommandation, entre autres, ou, en tout cas, il
y a un passage dans votre mémoire qui dit : «Afin de
respecter le plan d'action gouvernemental en matière d'allègement réglementaire — bon,
on en est, là, d'ailleurs, un de mes collègues ici, de Saint-Jérôme, en est un
des porteurs et des instigateurs — donc, il est recommandé que l'AMP ne
mette pas en place un nouveau processus lié à la déclaration d'intégrité — ce
qui est très différent de l'autorisation de contracter, on se comprendra — sous
la responsabilité des entrepreneurs généraux, mais plutôt de chercher à mettre
en place un service centralisé d'autorisation à guichet unique en
collaboration...»
Bon, je ne lirai pas la fin de la phrase, mais
là, écoutez, je veux juste comprendre. L'idée, c'est... L'objectif n'est
certainement pas d'ajouter au fardeau. L'objectif est de s'assurer que, même
sous les seuils d'autorisation, on est capables d'avoir... d'aller chercher les
entreprises les plus... avec un niveau d'intégrité démontré ou, à tout le
moins, le plus haut niveau d'intégrité. Je
pense que c'est... On ne peut pas être contre la vertu. Donc, l'idée, c'est
d'avoir ce type de mécanisme là. Ça
existe ailleurs. Ça existe, entre autres, à New York, pour la ville de New
York, pour la... quand on parle des
approvisionnements dans ce sens-là. C'est une déclaration d'intégrité également
où l'entrepreneur se déclare intègre.
Donc, qu'est-ce que vous voulez dire au juste,
là? Est-ce que vous dites : Ne le faites pas ou, si vous le faites, attention à la paperasse? Je veux juste
comprendre, parce que l'idée, c'est d'aller chercher tout le monde sous les
seuils, là.
M. Côté (Eric) : L'intégrité,
écoutez, c'est une question de vertu, évidemment, qu'on souhaite. On le
souhaite, évidemment, parce que les gens qui troublent les règles du marché pénalisent
tous les autres. Alors, ça, il n'y a pas de doute, ce n'est pas qu'on veut
cacher de l'intégrité, au contraire, mais ce qui nous impose... c'est la
question du fardeau administratif. Je ne sais pas si vous le savez, mais, avec
l'attestation de Revenu Québec, là, l'entrepreneur général est responsable de
vérifier si ses sous-traitants ont payé l'argent à Revenu Québec et il est
pénalisé s'il ne l'a pas fait.
Alors, on ne veut pas devenir le... Autant qu'on
n'a pas été très appréciés d'être le percepteur d'impôt du gouvernement auprès
des sous-traitants, je pense que l'entrepreneur général ne devra pas devenir le
gardien de l'intégrité pour tous ces
sous-contrats. Imaginez si quelqu'un nous ment et il nous fait défaut, alors,
nous, comme exécutants des travaux, on va devoir trouver quelqu'un
d'autre. Peut-être que cette personne-là devait de l'argent à la CCQ, puis là
on va se retrouver dans une situation fâcheuse.
Nous, ce qu'on dit, c'est que, quand on engage
un entrepreneur avec une licence, il a déjà été enquêté à la Régie du bâtiment,
il a déjà été enquêté à la CCQ, il a déjà été enquêté à l'agence de revenu du
Québec. Il a peut-être été vérifié par la Santé publique durant la pandémie
parce qu'il ne mettait pas des masques et ces choses-là. Est-ce qu'on pourrait avoir un endroit où on a une
lumière verte qui nous dit : Prenez cet entrepreneur-là, il passe le test
à tous les endroits, puis qu'il y ait une lumière verte AMP sur le site
de la Régie du bâtiment qui dit : Celui là, vous pouvez le prendre puis...
parce qu'on comprend que l'AMP n'a pas les moyens d'aller chercher une
autorisation... de faire faire une
autorisation aux 45 000 détenteurs
de licences à travers le... aux 25 000 détenteurs
de licences RBQ au Québec, là. On comprend qu'on veut arriver à un
objectif par un autre moyen. Qu'on puisse vérifier les gens qui font des
contrats publics, j'en suis, mais il faut trouver un moyen pour ne pas que ça
soit à la charge de l'entrepreneur, mais que ça soit à la charge de l'État de
le faire, parce que ce n'est pas l'entrepreneur qui va en bénéficier, c'est
l'État.
Alors, je pense que c'est pour ça, la règle du
un pour un. Puis, écoutez, M. Chassin était là à la rencontre quand on lui
a dit que le un pour un, c'était nécessaire. On a sorti une lettre qui
existait, d'il y a 20 ans, où on souhaitait l'allègement réglementaire.
Vous demanderez à nos collègues de l'ACQ, ils l'ont signée, cette lettre-là. Et
je pense qu'il faut qu'on trouve un moyen de rendre ça facile, mais d'avoir les
meilleures exigences en termes d'intégrité, et ça, je pense, il n'y a pas de
compromis à faire, mais il faut trouver le meilleur moyen.
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Mme LeBel : Je vais
conclure... Vous êtes pour l'objectif, mais vous nous mettez en garde de ne pas
ajouter au fardeau. C'est ça?
M. Côté (Eric) : Ne soyons pas
en contradiction d'une politique à une autre.
17
847
Mme LeBel : Exact.
Merci. Bien, merci beaucoup de votre contribution.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, Mme la ministre. D'autres interventions de la part des collègues du
côté ministériel? Sans quoi je cède la parole au député de Mont-Royal—Outremont.
M. Arcand : Merci,
M. le Président. Bonjour, M. Côté. Bonjour, Mme Robitaille. Bienvenue à cette
commission.
On vit actuellement dans un monde un peu
complexe, particulièrement au niveau de la construction, des entrepreneurs
généraux. On assiste à des hausses de prix de matériaux. On assiste à des
pénuries de main-d'oeuvre. On assiste à des
bouleversements un peu partout. Dans le contexte actuel, ma question est
simple. Moi, si je suis le donneur d'ouvrage,
je vais vouloir me sécuriser puis je vais me sécuriser, évidemment, en me
réfugiant derrière le plus bas prix.
Or, au cours de cette commission, ce qu'on a
tenté de démontrer, c'est que ce n'était certainement pas la seule valeur et
qu'il fallait évidemment qu'il y ait d'autres critères, l'innovation,
l'environnement, etc. Alors, ma question est bien simple. Comment, dans le
contexte actuel, on peut sécuriser ces donneurs d'ouvrage là et s'assurer
qu'ils paient le juste prix? À tout le
moins, même si ce n'est pas nécessairement le plus bas prix, comment peut-on
les sécuriser pour qu'ils paient quand même un prix qui est juste?
• (12 h 40) •
Mme Robitaille (Mélissa) : En
fait, il y a différentes façons. Si nos entrepreneurs sont intéressés à aller
soumissionner, c'est déjà un plus. Un des freins majeurs aux entreprises pour
aller soumissionner pour l'État, c'est les délais de paiement, le manque de
collaboration puis la gestion administrative. Dans l'optique où est-ce que vous
avez plus de joueurs qui vous déposent des prix, vous
avez déjà au moins une plus grande répartition de coût qui va venir aider pour
pouvoir le faire, d'adresser les projets différemment. Avec la pénurie de
main-d'oeuvre, la pénurie de matériaux, ça demande que les projets de
construction soient travaillés beaucoup plus en amont, beaucoup plus en mode
préparation. Ça nécessite aussi de faire de la précommande d'achats de
matériaux, de l'entreposage pour être en mesure d'avoir les ressources prêtes
au moment... où est-ce qu'elles sont requises, en chantier, mais ça nécessite
aussi de les payer. Donc, ça amène une dynamique qui est peut-être plus... qui
sort du cadre, peut-être, habituel de ce qui est en fonction dans le contexte
actuel. Une fois la chaîne d'approvisionnement rétablie puis les niveaux de
mises en chantier plus stabilisés, ça va être plus facile de revenir à un mode
conventionnel par la suite.
M. Arcand : La question de l'achat
québécois, qui est la volonté derrière ce projet de loi là, plusieurs gens dans
le domaine nous disent : Écoutez, c'est parfois difficile de définir
certains produits puis de les identifier comme étant québécois. Comment
pensez-vous qu'on peut s'assurer, justement, de cette prévalence de produits
québécois? Parce que, parfois, il y a certains produits qui sont faits au
Québec, mais qui viennent de l'extérieur, retransformés au Québec, et ainsi de
suite, là. Est-ce que, pour vous, ça représente un enjeu d'avoir des produits
québécois ou si vous pensez qu'on est presque autosuffisants dans cette
matière?
Mme Robitaille (Mélissa) : On n'est
pas autosuffisants, mais, dans la mesure où est-ce que c'est clarifié, chacune
des étapes, un petit peu comme au niveau alimentaire, quelle étape que ça
fonctionne, ça aide. Puis quand c'est clair, c'est facile de pouvoir le
proposer. Je vais prêcher pour ma façon de faire. Je n'oeuvre pas dans le
public, donc, j'ai une façon de travailler différente. Si je suis en mesure...
Si le produit est disponible, s'il rentre dans les paramètres puis il rentre
dans les performances, je suis capable de le faire parce que le timing est bon.
Si je l'extrapole au niveau du public, bien, il faut s'assurer qu'il y ait la
même flexibilité.
Ça fait que, si la définition d'un produit
québécois, avec la transformation, elle est claire au départ, un, les
professionnels vont pouvoir les choisir. Puis, deux, s'il y a la latitude de
pouvoir moduler en termes de l'évolution de chances de pouvoir les rentrer,
bien là, ça va être plus facile de dire si la disponibilité est là... parce
qu'on n'est pas autosuffisants, on ne le sera pas, mais, au moins, qu'on soit
capables d'aller chercher le maximum qu'on peut aller chercher dans la
province, mais il faut avoir une prévisibilité pour savoir quand est-ce que le
projet arrive. Sinon, bien, il faut avoir la latitude de pouvoir s'adapter en
cours de route, si la disponibilité devient présente, mais qu'elle n'était pas
nécessairement présente en cours d'appel d'offres.
M. Arcand : Il y a une des critiques
que j'entends sur le projet de loi de la part de certaines personnes qui disent
qu'on n'insiste pas assez sur la qualité, c'est-à-dire qu'il n'y a pas beaucoup
de mentions... On a parlé d'environnement, d'innovation, mais, sur la question
de la qualité, ce n'est pas quelque chose... et pourtant c'est quand même
important d'avoir de la qualité dans le domaine, parce que, parfois... On dit
toujours : Tu es mieux de payer quelque chose un peu plus cher, mais qui
va durer plus longtemps et qui va avoir meilleure valeur. Est-ce que vous avez
une opinion par rapport à ça?
Mme Robitaille (Mélissa) : J'y vais
ou tu y vas?
M. Côté (Eric) : Bien, on est sur la
même opinion, mais la question de la qualité, là, et des matériaux qui seront à
spécifier, et des manières de faire, elles sont spécifiées dans les plans et
devis. On ne peut pas déroger à ça, la conception, à la base, là... Après ça,
son exécution, c'est une autre étape. Est-ce que les... et il y a une surveillance
des travaux qui est prévue dans la
plupart... dans les projets publics, et tout est fait selon... conforme. Et,
écoutez, l'entrepreneur qui ne fait
pas des travaux selon les termes, bien, il va être pénalisé. Donc, la qualité,
elle est là aussi. Il y a une surveillance des travaux qui se fait, et
tout ça.
Et, si vous parlez de choix aussi, bien, je
pense que c'est des choix, quand on fait des projets, de... est-ce qu'on veut
des projets... des matériaux nobles ou on veut des matériaux fonctionnels? Est-ce
que la question de la qualité et de l'esthétique est importante aussi ou on
parle juste de solidité et d'utilité des matériaux, là, tout ça? Non, mais je
pense que... Je ne pense pas qu'on remet en cause la qualité du travail des
entrepreneurs, mais beaucoup plus... Je pense que, si on a un processus qui
facilite et des plans et devis qui sont vraiment clairs puis qui spécifient ce
qu'on veut, bien, on va l'exécuter, comme entrepreneur général, selon les
termes du contrat.
M. Arcand : Et, dans l'expérience
que vous avez dans les appels d'offres gouvernementaux, est-ce que vous avez le
sentiment qu'on recherche vraiment la qualité ou si c'est uniquement le prix?
M. Côté
(Eric) : Bien, écoutez, c'est une bonne question. Moi, je
pense qu'il y a des devis de performance, il y a des éléments qui sont précisés. Il y a des ouvrages
qui nécessitent un certain niveau de qualité. Quand on construit un
hôpital ou un centre de cancérologie, on ne veut pas y aller avec des matériaux
qui sont... mais c'est en fonction de la durée de l'ouvrage, là. Puis ça nous
rappelle, je pense, à l'intervenant précédent qui parlait du cycle de vie, là.
C'est bien de pouvoir bâtir pour longtemps avec la meilleure qualité, mais
parfois est-ce qu'on a besoin d'un bâtiment pour qu'il dure 75 ans,
100 ans, 50 ans? Je pense qu'aussi il y a une durée de vie aussi, là,
qu'il faut considérer.
Donc, il y a des
ouvrages qui nécessitent des niveaux de perfection qui sont plus importants que
d'autres, là, mais je pense qu'il faut regarder aussi en termes de la capacité
de la population d'assumer ces ouvrages-là, là. Ça ne sert à rien d'avoir le
plus beau pont, le meilleur pont, le plus solide au monde, si on a plus
d'argent pour acheter des voitures pour rouler dessus
parce qu'on a été trop taxés, là. Je pense qu'il faut... Il y a un équilibre de
fonctionnalité et aussi... qu'il faut examiner. C'est un équilibre qui est
difficile, et, bien, je pense que ça repose dans les mains des concepteurs et
du gouvernement de choisir, là, le niveau de qualité en fonction de l'usage qui
va en être fait puis de l'utilité pour le public.
M. Arcand : Dans
vos recommandations, je regarde la recommandation 4 puis la recommandation 5.
Dans la recommandation 4, vous dites : «Encadrer la mesure qui vise le
développement régional en limitant la taille des contrats», et ainsi de suite,
et, dans la recommandation 5, vous dites : «Il faut limiter les dépenses
scindées dans le cadre des projets de construction.» Je ne sais pas, je voyais
une espèce... un peu quelque chose de contradictoire. Vous dites : À
quelque part, il faudrait presque des plus gros contrats pour que ce soit plus
efficace puis, en même temps, il faudrait avoir des plus petits contrats pour
favoriser certaines régions du Québec ou des entrepreneurs à ce niveau-là.
Est-ce que ce que j'interprète mal actuellement ces deux recommandations-là?
M. Côté
(Eric) : Il y a un point de jonction, justement, à ce que vous dites.
Premièrement, le fractionnement des contrats au niveau régional, je pense qu'on
l'indique, là, c'est un facteur de risque, à notre avis, et l'effet positif,
pour les petits entrepreneurs, il n'est pas nécessairement là. Vous avez des
gens qu'on connaît... Le secteur de la construction, là, les gens de la
Côte-Nord ne se limitent pas à venir travailler sur la Côte-Nord. Les
travailleurs se promènent partout où il y a des chantiers. C'est un peu le
propre, là... Je ne veux pas dire que les gens de l'industrie de la
construction sont nomades, mais ils sortent de leur région parce qu'ils vont où
il y a des projets. Donc, ça, c'est important par rapport à ça. Donc, l'idée
aussi, bien, c'est... il y a un risque en fractionnant les contrats puis en...
puis, en le limitant à certaines régions, on a vu l'expérience, on ne veut pas
des marchés fermés.
D'un autre côté, la
politique d'essayer de ne pas... quand on fractionne des contrats, bien, on
augmente le risque que la coordination soit
problématique aussi. Alors, ce qu'on dit, ce n'est pas fractionner des grands
projets en plus petits, ce n'est pas
ça, l'idée, mais c'est parce qu'il faut être prudents quand on ferme des
marchés, d'une part. Et, quand on a des marchés, d'essayer de
fractionner pour donner accès à des plus petits joueurs à ces marchés-là, bien,
il faut avoir... il faut réaliser qu'il y a un risque au niveau de la
coordination puis que la réalisation d'ouvrages soit complexifiée ou qu'il y
ait des risques.
Alors, nous, ce qu'on
souhaite, c'est qu'il y ait des contrats pour le plus grand nombre
d'entrepreneurs de toutes les grandeurs possibles, parce que les gens qu'on
représente sont grands et petits et travaillent dans toutes les régions du
Québec. Alors, ce qu'on souhaite, c'est que tout le monde ait du travail et
puisse contribuer à l'économie du Québec avec ces travaux-là.
M. Arcand : ...pas
une centralisation excessive.
M. Côté
(Eric) : Voilà, il ne faut pas centraliser puis il ne faut pas décider
à un seul endroit. Mais je pense qu'au niveau régional il faut y aller quand
même avec parcimonie, parce que l'effet, ça va faire en sorte qu'il y a un
entrepreneur qui va avoir tous les contrats dans une région, à terme, là, parce
que les autres n'y auront pas accès. Ça fait qu'on ne veut pas ça. Il n'y a
personne qui ne veut avoir qu'un seul soumissionnaire. Ça, c'est quelque chose
que même l'OCDE nous dit. Il ne faut pas avoir juste un seul soumissionnaire.
Il faut avoir de la diversité. Alors, protégeons la diversité, protégeons la compétition, et, à ce moment-là, on a plus
de joueurs de ce côté-là qui vont le rendre possible et...
M. Arcand : Et
exceptionnellement, au cours de la dernière année, est-ce que c'est un enjeu
d'avoir des problèmes de soumissionnaires dans votre expérience ou de ce que
vous voyez? Je vois...
M. Côté (Eric) : Bien, c'est la quantité
de travail. C'est la quantité de travail qui nous... Je vais laisser Mme
Robitaille en parler aussi parce qu'elle a aussi vécu ça, mais...
M. Arcand : Elle
sourit un peu quand je pose la question.
M. Côté
(Eric) : Je vous dirais... puis je vais laisser la parole à Mélissa,
mais on a beaucoup de travail.
Le Président (M.
Simard) : ...s'il vous plaît.
• (12 h 50) •
M. Côté
(Eric) : Oui, Mélissa, en conclusion.
Mme Robitaille
(Mélissa) : Il y a beaucoup de travail en marché... Je m'excuse, on
s'entend en écho, mais il y a beaucoup de
travail en marché, ce qui fait que les gens sont plus occupés à effectuer les
chantiers qui sont déjà en cours que de soumissionner ce qui s'en vient
dans le futur. Donc, ça limite. Ceux qui soumissionnent puis qui se retrouvent
seuls, bien, c'est dur de valider après ça si le prix est juste ou pas, là.
M. Arcand : Donc,
il faut faire attention pour trop monter le PQI au prochain budget.
Mme Robitaille
(Mélissa) : Pas nécessairement trop le monter, mais d'être en mesure
de pouvoir le planifier dans le temps ou de le partager en amont. On est
capables de pouvoir s'organiser, en conséquence, les ressources, et non pas
tout en même temps.
Le Président
(M. Simard) : Merci, Mme Robitaille. Alors, nous
poursuivons, mais message bien entendu, cher collègue. Mme la députée de
Mercier.
Mme Ghazal : Oui, merci. Merci
beaucoup pour votre présence, et votre présentation, et mémoire. Vous avez dit
que 90 % de votre marché est comblé par les entrepreneurs québécois. Les
autres, ils travaillent où? Est-ce que, dans le reste du... ailleurs au Canada
ou aux États-Unis, les autres entrepreneurs... Est-ce que vous faites beaucoup
de contrats ailleurs ou... les entrepreneurs
québécois, ailleurs au Canada ou aux États-Unis? J'aimerais en savoir un peu
plus.
M. Côté
(Eric) : Bien, je pense, quand on dit 90 % des
entrepreneurs, c'est qu'on dit que les projets de construction au Québec
sont réalisés à 90 % par des entrepreneurs du Québec, oui.
Mme Ghazal : O.K. Donc, les
entrepreneurs au Québec ne font pas beaucoup de contrats à l'extérieur ou pas
du tout.
M. Côté (Eric) : Au contraire.
Au contraire, on a des opportunités sur le marché ontarien, sur le marché du
reste du Canada, les Maritimes. On a des gens qui sont même sur le marché
américain, qui se développent. Il y a des gens qui ont développé des
spécialités, là. On a un entrepreneur qui est dans le secteur privé, qui
travaille avec un client du secteur bancaire que je ne suis pas obligé de vous
nommer, mais ils ont des succursales à travers le Canada, et il a développé une
expertise, et il est devenu l'entrepreneur de choix pour cette institution
financière... de construire ses succursales. Donc, ça fait en sorte...
Mme Ghazal : Est-ce qu'ils vont
sur les marchés publics aussi?
M. Côté (Eric) : Pas tellement,
pas tellement. Ça, je laisserais Mme Robitaille répondre parce qu'elle est
dans le secteur privé et elle pourrait vous en parler.
Mme Ghazal : Puis c'est
surtout, dans le fond, ailleurs au Canada, si je comprends bien. Vous avez
parlé de l'Ontario, tout ça, moins aux États-Unis. Je suis curieuse.
M. Côté (Eric) : Le marché
américain, c'est d'autre chose.
Mme Ghazal : O.K.,
très bien. Écoutez, j'ai... je ne suis pas sûre d'avoir compris très bien la
recommandation n° 5, là, en la lisant, je l'ai lue plusieurs fois, peut-être parce que je
connais moins le marché, puis là j'ai entendu vos discussions avec le
collègue. Si vous vouliez peut-être l'expliquer rapidement, limiter les
dépenses scindées dans le cadre de projets de
construction pour assurer que les échéanciers et l'exécution des travaux ne
soient pas compromis sur le plan opérationnel. C'est quoi, le problème,
exactement, qui... que vous voulez régler, là, avec le projet de loi?
M. Côté (Eric) : Oui. Je pense
que ce qui est important, et on l'a mentionné au projet de loi n° 66, on
l'a mentionné à plusieurs moments auprès des
gouvernants... La prévisibilité des coûts et la prévisibilité des contrats à
venir, c'est quelque chose d'important. Et j'en profite, puis malheureusement,
j'aurais aimé apporter la question à votre collègue...
En Ontario, ils ont... Au Québec, on a un PQI,
mais qui est fait une fois par année. En Ontario, ils ont ce qu'ils appellent
une mise à jour du marché qui est publiée à tous les trimestres, qui dit c'est
quoi, les projets qui s'en viennent. Alors, au lieu d'un PQI statique, là, avec
peu de dates, l'Ontario, Infrastructure Ontario, propose un calendrier en
expliquant quel mode de réalisation va être utilisé, c'est quoi, l'ampleur du
projet, dans quelle région il va être, est-ce qu'il est à l'étape de la
conception, est-ce qu'il... l'étape, écoutez... et c'est sur le site
d'Infrastructure Ontario. Il est en français. Vous pouvez l'obtenir, et je
pourrais vous le transmettre à la commission, si vous le voulez, mais c'est un
outil qui permettrait...
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Côté (Eric) : ...notamment
aux grands joueurs, mais aux petits joueurs, de savoir qu'est-ce qui s'en vient
comme travail.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. Alors, M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Bonjour à
vous deux. Merci beaucoup d'être là. Moi, je me souviens très bien de l'étude
du projet de loi n° 66. Nous y étions, vous y étiez et, déjà, vous nous
avez allumé un feu rouge, là, je dirais, sur l'application des recommandations
de la commission Charbonneau en lien avec le Bureau des soumissions déposées.
Vous en parlez dans votre mémoire. Vous en faites même la
recommandation 8, là. Alors, j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus
là-dessus. Est-ce qu'il y a eu un suivi, au moins, depuis l'adoption du projet
de loi n° 66?
M. Côté (Eric) : Eh bien, M. le
Président, malheureusement, il y a eu peu de suivi. On attend un retour de la
part du gouvernement. On est en discussion avec les propriétaires du BSDQ pour
essayer de trouver des solutions, mais, du côté gouvernemental, on n'a pas eu
d'information à cet effet-là. Je vous dirais qu'on nous envoie un signal en donnant les pouvoirs de surveiller les sous-contrats à
cet effet-là, et nous, ce qu'on propose dans le projet de loi, c'est...
justement, au lieu de tourner autour du pot, nommons le BSDQ comme organisme
qu'on devrait surveiller, tout simplement. Ils sont créés par une... Le BSDQ
est créé par une loi... par deux lois. Alors, pourquoi le gouvernement ne
s'arroge pas le pouvoir d'aller vérifier et qu'il donne le pouvoir à l'AMP
d'aller vérifier au BSDQ?
M. Gaudreault : Oui, puis l'AMP
nous a dit ici qu'ils étaient bien prêts à prendre plus de responsabilités, là.
Ça fait que c'est comme un tant qu'à y être, là. Donc, je comprends que, depuis
l'adoption de la loi n° 66, le gouvernement s'est
traîné les pieds sur le suivi du rapport de la commission Charbonneau versus le
BSDQ. C'est un peu ça que vous nous dites, là.
M. Côté (Eric) : Bien, je pense
que le gouvernement a travaillé sur d'autres priorités. On avait une pandémie.
Le BSDQ n'était peut-être pas dans les priorités à ce moment-là, mais je pense
que... En fait, là, M. le Président, la question, c'est : Qui doit s'occuper
du Bureau des soumissions déposées? Nous ne le savons pas, au gouvernement, qui
est titulaire. On nous dit que c'est le ministère des Affaires municipales. On
nous dit que c'est le Conseil du trésor. On
nous dit que c'est le ministère du Travail ou on nous dit que c'est la SQDI. Le
rapport est signé par quatre organismes, et on n'a toujours pas la
réponse de qui s'occupe du BSDQ.
M. Gaudreault : Être ou ne pas
être, telle est la question du BSDQ. J'espère que la ministre va pouvoir nous déposer
un suivi des recommandations, là, de la commission Charbonneau en lien avec le
BSDQ, entre autres, pour l'étude des crédits. Ça s'en vient, peut-être qu'elle
pourra faire ça.
Une voix : ...
M. Gaudreault : Non, non, non,
c'était un commentaire. Je pense que M. Côté aimerait avoir ça peut-être à
l'étude des crédits qui s'en vient bientôt. Oui ou non?
M. Côté (Eric) : Bien, comme
toutes les études de crédits, on écoute, on lit et on n'y trouve pas
grand-chose. Alors, oui, j'ai espoir. J'ai espoir que ça peut être aux crédits,
mais il faudrait qu'on nous dise qui, dans les titulaires ministériels, était
responsable du BSDQ parce que nous n'avons pas la réponse en ce moment.
M. Gaudreault : O.K. Alors, la
question est lancée dans le vaste univers gouvernemental. On va aller chercher
la réponse. Merci.
Le Président (M. Simard) : Bien,
M. Côté et Mme Robitaille, ce fut un grand plaisir que de vous
recevoir dans le cadre de nos délibérations. Merci d'avoir été là.
Sur ce, nous allons suspendre et nous serons de
retour cet après-midi à 14 heures. À nouveau, merci.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
(Reprise à 14 h 04)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers amis, bienvenue à nouveau à tous. Nous sommes en mesure de reprendre nos
travaux. Je constate que nous avons en effet le quorum nécessaire pour le
faire.
Nous nous retrouvons en ce moment en présence de
représentants de l'Association de la construction du Québec. Alors, messieurs,
bienvenue parmi nous et merci d'avoir répondu à notre appel. Auriez-vous
d'abord l'amabilité de vous présenter?
Association de la
construction du Québec (ACQ)
M. Arbour (Jean-François) : Oui.
Bonjour à tous. Jean-François Arbour, ingénieur, je suis le président du
conseil d'administration de l'Association de la construction du Québec.
M. Hamel (Pierre) : Et Pierre Hamel, directeur, Affaires juridiques et
gouvernementales, à l'ACQ.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Nous vous écoutons. Vous disposez de 10 minutes.
M. Arbour (Jean-François) : Merci à
tous. M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, comme vous l'avez mentionné, je suis Jean-François
Arbour, ingénieur et entrepreneur depuis plus de 25 ans et
président du conseil d'administration de l'ACQ. Je suis accompagné aujourd'hui
de Me Pierre Hamel, directeur des affaires juridiques et gouvernementales
de notre association. Je voudrais d'abord remercier la commission de nous
donner l'opportunité de vous présenter nos commentaires et recommandations visant
le projet de loi n° 12.
Les aspects
d'innovation et de développement durable évoqués au projet de loi sont fort
intéressants et prometteurs. Rendre les donneurs d'ouvrage plus agiles au
niveau du mode d'attribution des contrats demeure un objectif louable qui sera bénéfique pour tous les
intervenants de l'industrie. Me Hamel vous fera part de nos
recommandations dans quelques instants, mais avant tout je dois joindre ma voix
à celles des milliers d'entrepreneurs, fournisseurs québécois travaillant pour les organismes publics qui souhaitent non
seulement avoir accès aux marchés publics, mais être respectés pour le
travail réalisé. Et nous respecter, pour nous, les fournisseurs, ça veut dire
être payé dans les délais.
Il nous apparaît donc
incontournable, dans le cadre d'une stratégie en matière de marchés publics, de
mettre à l'avant-plan une procédure de paiement rapide et de résolution de
conflits tout aussi rapide pour mettre un terme aux délais qui s'étirent de
plus en plus et qui, n'ayons pas peur des mots, font fuir plusieurs bons
entrepreneurs des marchés publics. Bref, une stratégie gouvernementale des
marchés publics devrait reposer d'abord sur un engagement du respect des
fournisseurs en adoptant les dispositions de l'arrêté ministériel de 2018 de façon
permanente.
Les objectifs du
gouvernement pour 2026 pourraient dépasser de 1,5 milliard à plus de
5 milliards de retombées positives pour la même période. Vous avez compris
dans notre propos que nous appuyons sans réserve la position de la coalition
qui a paru devant vous mardi dernier.
Voilà donc pour mes
quelques commentaires d'ouverture. Je cède maintenant la parole à
Me Hamel.
M.
Hamel (Pierre) : Merci, M. Arbour.
Alors, M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, merci
de nous permettre de comparaître aujourd'hui.
Donc, les entreprises
en construction sont pragmatiques et, par les temps qui courent, elles sont
très, très pragmatiques, tout comme le sont les donneurs d'ouvrage. Et ce qui
interpelle les entreprises, dans le cadre de l'analyse des dispositions du
projet de loi, c'est des réponses aux questions tout aussi terre à terre.
Alors, les questions sont les suivantes, et
c'est en répondant à ces questions que nous aurons l'opportunité de vous faire
part de nos recommandations.
D'abord,
comme fournisseur, quand et comment je serai payé? Également, quels impacts les
dispositions auront sur la gestion de mes opérations? Quels impacts
auront-elles sur le développement de mes affaires? Et quelles dispositions
dois-je prendre pour demeurer compétitif et répondre aux demandes des donneurs
d'ouvrage? Et subsidiairement, là, s'il y a des outils pour me permettre de
demeurer compétitif et répondre aux demandes des donneurs d'ouvrage, j'aimerais
bien y avoir accès.
Donc, d'abord, en ce
qui a trait à quand et comment je serai payé, bon, l'adoption rapide des
dispositions en matière de délais de paiement, c'est un incontournable. Compte
tenu de la position des autres intervenants, à moins que vous ayez des
questions, pour nous, c'est réglé, ça doit faire partie du projet de loi
n° 12. C'est une loi qu'on ouvre très peu fréquemment et on a une très...
une importante opportunité de le faire, il faut le faire maintenant.
Pour ce qui est des
impacts sur la gestion des opérations des entreprises, je vous amène sur le
terrain des dispositions relatives à l'Autorité des marchés publics, qui
souhaite modifier la façon dont elle procède au maintien de l'autorisation.
Actuellement, l'autorisation est délivrée pour une période de trois ans
et, si vous avez des modifications entre temps, bien, vous en faites part à
l'autorité. Là, ce qui est proposé, c'est que l'autorisation soit valable pour
une période de cinq ans mais qu'elle soit maintenue sur une base annuelle.
Donc, ça préoccupe certaines entreprises quant au fardeau administratif
supplémentaire que ça représente. On parle de cinq formulaires à remplir,
qu'on ne connaît pas, et le fardeau va dépendre en bonne partie de ce qui va
être inclus au règlement qui doit être adopté.
Mais ça soulève
plusieurs questions. Le fait d'avoir à remplir, à chaque année, différents
formulaires pour le maintien de l'autorisation, est-ce que ça va compliquer la
gestion des affaires de l'entreprise? Les formulaires sont-tu plus ou aussi
laborieux à remplir que la demande initiale?
Si la demande
initiale a été adoptée et que les mises à jour sont requises annuellement,
pourquoi limiter ça à cinq ans? Pourquoi ne pas faire comme la RBQ et
faire une demande initiale et, par la suite, faire un maintien annuel? Et pourquoi
refaire une demande complète après cinq ans? Actuellement, l'AMP, avec
les nouveaux pouvoirs qui lui sont attribués, peut intervenir en tout temps
auprès des entreprises qui sont autorisées, qu'elles soient en contrat ou pas
avec une autorité publique.
Bref, plutôt que de
placer les formulaires sur une éventuelle liste de demandes d'allègements qu'on
aura à faire éventuellement, pourquoi ne pas réfléchir immédiatement à la
question?
• (14 h 10) •
Maintenant, quels
impacts auront-elles sur le développement des affaires? Et ça, c'est l'aspect
le plus important. Actuellement, au niveau national, les autres provinces, là,
vu la réglementation du Québec, c'est-à-dire de la Commission de la
construction du Québec et la RBQ, qui sont uniques au Québec, ça n'existe nulle
part ailleurs au Canada... Or, ces mesures-là sont déjà jugées comme des
barrières à l'entrée et ça nous a créé, au cours des années, des problèmes
assez importants. Il ne faut pas l'oublier.
L'entente
Québec-Ontario en matière de mobilité de main-d'oeuvre a été conclue
en 2006, quand même après sept ans de mesures assez importantes
contre les entreprises du Québec, et il s'agissait de mesures tout simplement
politiques. Or, sur le plan provincial, il ne faut pas sous-estimer l'impact que
la perception des mesures protectionnistes ou anticoncurrentielles que
pourraient... à laquelle pourraient prétendre les autres provinces peuvent
avoir sur nos entreprises qui oeuvrent en Ontario, au Nouveau-Brunswick, à
Terre-Neuve, partout au Canada, et même à New York. L'industrie de la
construction, ce n'est pas une industrie qui est visée par le projet de loi et,
selon nous, ça devrait être exclu pour éviter tout quiproquo susceptible de
fermer les frontières ou limiter l'accès aux marchés publics des autres provinces, comme ce fut le cas de 1999 à 2006.
Pour ce qui est des... Et là, quand je parle de l'industrie de la
construction, comprenons-nous bien, je ne fais référence qu'aux contrats
d'entreprises entre un entrepreneur et un donneur d'ouvrage, un entrepreneur
général ou spécialisé. Je ne fais pas référence à la fourniture de matériaux,
la fabrication du Québec, pas du tout.
Pour ce qui est des appels d'offres régionaux,
pour les contrats non assujettis à un accord de libéralisation, l'industrie n'a
pas besoin des dispositions pour se développer, au contraire. On parle de
contrats de moins de 100 000 $ environ, là, et,
pour 2020, on parlait de 2 000 contrats qui représentaient
environ 100 millions. Ça, c'est les contrats des organismes publics. Je ne
suis pas certain que ça regroupait les municipalités, je ne crois pas.
Mais, quand même, ce sont un bon nombre de contrats
qui font vivre plusieurs petites et moyennes entreprises au Québec, et, bien qu'elles soient présentes au
niveau local, dans leur propre région, pour vivre, elles doivent
également oeuvrer dans les régions limitrophes. L'entreprise de Rimouski n'oeuvre
pas uniquement dans le Bas-Saint-Laurent, mais également elle doit aller en
Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine, et toute la région de Chaudière-Appalaches jusqu'à
Québec. C'est la même chose pour le Saguenay, c'est la même chose pour la Basse-Côte-Nord.
Et, bref, on doit voyager et on doit travailler dans les zones limitrophes.
Or, en exigeant que tous les contrats fassent
l'objet d'appels d'offres régionalisés, on interdit systématiquement l'accès
aux entreprises des régions limitrophes. On interdit à ces entreprises d'une
région d'aller dans une autre région. En d'autres termes, on enclave nos
propres entreprises dans notre propre province. Alors, on comprend qu'il y a
des moyens qui ont été mis en place pour permettre aux donneurs d'ouvrage de ne
pas faire d'appel d'offres régionalisés si, bon... ou de contrats gré à gré
s'ils ne sont pas en mesure de le faire. Bien, encore là, si on est pour
toujours utiliser un moyen pour éviter d'appliquer les dispositions, pourquoi
ne pas simplement soustraire les contrats de construction à ces
dispositions-là? Alors, voilà notre élément le plus important.
Maintenant, quant à la question : Quelles
dispositions je dois prendre pour demeurer compétitif et répondre aux demandes
des donneurs d'ouvrage?, bien là, on fait référence à la notion de
prévisibilité. Par exemple, le virage numérique s'est engagé dans la voie de
l'utilisation du BIM par les donneurs d'ouvrage publics, et le gouvernement a
mis en place une feuille de route qui permet aux entreprises, sur une période
de cinq ans, je crois... quelles seront les exigences des donneurs
d'ouvrage au cours de cette période. C'est très intéressant et ça nous permet
de suivre et d'être accompagnés par les donneurs d'ouvrage pour atteindre les
objectifs qu'ils se sont eux-mêmes fixés.
Or, ça va être la même chose en matière de
développement durable. Les entreprises vont s'adapter aux marchés dans la
mesure où les entreprises sont accompagnées, comprennent bien les besoins des
donneurs d'ouvrage et la façon dont ils doivent contribuer. Alors, s'il y a des
outils qui peuvent être développés, il serait important qu'ils le soient.
Alors, pour nous, ça répond à la question : Existe-t-il des outils pour
permettre de demeurer compétitifs et répondre aux
demandes des donneurs d'ouvrage? On est un peu plus précis dans notre mémoire,
mais ça s'applique aux différents modes d'octroi de contrat de
construction comme tel.
Alors, voilà nos principales préoccupations.
Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à vous deux, messieurs. Mme la ministre.
17
847
Mme LeBel : Merci
beaucoup. Merci, Me Hamel. Merci, M. Arbour, c'est ça? Désolée, c'est
tellement petit à l'écran que mes yeux ne me permettent pas, mais,
Me Hamel, on se connaît depuis une autre époque, donc, là où j'ai compris
la différence entre l'ACQ et l'ACGRTQ, mais... Donc, ça me fait plaisir de vous
voir à nouveau et de vous rencontrer.
Écoutez, il y a beaucoup de points dans ce que
vous abordez. Naturellement, un des gros points, la stratégie est d'augmenter
la part des achats gouvernementaux québécois en matière d'approvisionnement. On
a quand même un beau taux de retombées québécoises, je vais le dire au sens
large, quand on parle la construction, mais c'est sûr qu'il y a beaucoup d'enjeux qui vont s'appliquer dans le domaine de la
construction. Et, quand vous parlez de ce que nous, on appelle la
régionalisation des offres, des appels d'offres, on comprend très bien que vous
nous mettez en garde de ne pas faire en sorte qu'on vienne limiter le nombre de
soumissionnaires possible, là, dans certains cas et... dans certains cas de
figure, et ce n'est certainement pas l'intention.
Donc, l'idée, c'est de fournir des outils
supplémentaires pour être capable, quand on peut le faire et qu'il y a une
présence suffisante, et surtout en approvisionnement, parce que c'est là où on
doit augmenter notre apport, il y a une présence suffisante de
soumissionnaires possibles, d'être capable d'aller, peut-être, avoir un impact
économique ciblé dans certaines régions. Donc, je peux vous dire que votre
point a été bien entendu, puis il a été fait par quelques autres intervenants,
mais je me permettais de préciser.
Peut-être parler un peu du régime d'intégrité de
l'AMP. Vous l'avez abordé, vous l'avez... celui qui nous fait... bon, entre
autres pour la question d'obtenir une autorisation sous... au-dessus, pas sous,
mais au-dessus, puis on parlait des accords internationaux, on est sous, mais
là on est au-dessus de certains seuils. On se propose justement, entre autres... On veut, entre autres, simplifier ou, à
tout le moins, s'assurer qu'on ne fait pas un tour de roue pour rien, trop
souvent, là, à tous les trois ans, puis il y a des délais d'attente, puis
il y a des entreprises qui sont limitées parce que, des fois, elles ne sont pas capables d'avoir l'autorisation
à temps, on connaît toute la... Donc, l'idée, c'est de pallier à certains
enjeux.
Est-ce que je comprends, là, que d'entrée de jeu
ce que vous nous dites, c'est que vous ne voyez... oublions la mécanique pour
l'instant, vous ne voyez pas de problème à ce qu'une autorisation de contracter
soit d'une durée plus grande, là, d'entre trois et cinq ans, là? Vous pensez
que ça peut quand même... parce qu'il pourrait y avoir certaines inquiétudes du
public de dire : Bien là, on laisse aller pendant cinq ans. Comment
peut-on s'assurer que l'entreprise demeure intègre pendant ces
cinq ans-là? Puis on pourra parler, après ça, de la mise à jour annuelle,
là.
M. Hamel (Pierre) :
Écoutez, nous, ce qu'on pense, c'est que la demande initiale, qui est déjà très
lourde, devrait servir de base, et, par la suite, c'est un maintien de façon
indéfinie. Comme la Régie du bâtiment a l'obligation de voir si les
entrepreneurs méritent la confiance du public, l'AMP, elle, parle d'intégrité.
Essentiellement, c'est de la conformité, là, mais... et, partant... si, à
chaque année, on remplit les documents, puis qu'il n'y a pas de changements
majeurs, puis qu'il n'y a pas de plainte relativement aux activités de
l'entreprise, il serait... il est inutile de redemander et de redemander à tous
les cinq ans, ou trois ans, ou quatre ans, peu importe, de
refaire le tour de roue. Quand on fait... Quand on
propose et... ou quand on le fait actuellement, bien là, on reçoit un courriel
puis on dit : Bien, pour l'instant, ce courriel-là est valable comme votre
autorisation. Et en plus, quand on ne la demande pas dans les délais, bien, on
se retrouve face à toutes sortes de pénalités administratives qui ne sont pas
de l'intégrité, que c'est juste de la conformité à l'égard de procédures
supplémentaires qu'on a... que personne dans le monde n'ont, sauf nous.
Alors, moi... ce qu'on veut, on dit :
Écoutez, je comprends que c'est une préoccupation fondamentale et je... on
comprend que c'est important que l'Autorité des marchés publics intervienne,
mais trouvons une façon maintenant de regarder ça d'une façon appropriée. Et
est-ce que ça ne serait pas mieux, tout simplement, de... à chaque année,
d'avoir de l'information pertinente et de suivre l'ensemble des entreprises qui
souhaitent avoir une accréditation de cette façon-là? C'est peut-être une façon
plus simple d'aborder un problème, sans avoir peur que le public nous
dise : Ça ne fonctionnera pas, etc. De toute façon, si ça ne fonctionne
pas, ça va apparaître à un moment donné et ça ne sera pas nécessairement dans
la demande d'autorisation qui est faite par l'entreprise en question.
Mme LeBel : Parfait. On se propose,
dans le projet de loi, de créer un espace de... On l'appelle «espace
d'innovation», là, mais l'idée de cet espace-là est de se permettre d'avoir un
espace où on se permet, et non pas à la grandeur des marchés publics... et,
encore là, il ne faut pas le voir en termes de volume, il faut le voir en
termes de façons de faire, c'est-à-dire de pouvoir expérimenter. Bon, il y a...
il y a toute la question des produits, des technologies innovantes, vous avez
parlé tantôt du BIM, mais entre autres, également, de pouvoir faire évoluer
notre cadre normatif. Il y a la fameuse loi du plus bas soumissionnaire, il y a
plusieurs types de règles d'adjudication. On a eu l'occasion d'en parler dans
un autre forum pendant longtemps.
Pour diverses raisons, des raisons d'efficacité,
d'efficience et d'avoir la meilleure règle possible, et des questions
d'intégrité et de contrer la collusion aussi dans certains cas, il est très
approprié que les donneurs d'ouvrage ou les
acheteurs publics aient une panoplie d'outils d'adjudication de contrats à leur
disposition. Plusieurs nous demandaient de l'abolir. Est-ce que... Bon,
qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que vous... Qu'est-ce que vous pensez
d'ailleurs de l'espace d'innovation puis de la règle du plus bas soumissionnaire?
Vous êtes un des groupes qui ne l'avez pas abordée de front. Là, peut-être, je
me permets de vous poser la question, là.
• (14 h 20) •
M.
Hamel (Pierre) : Oui. Bien,
je vous remercie. Écoutez, d'abord, bravo pour l'espace innovation pour donner
de l'air puis faire respirer nos donneurs d'ouvrage qui, selon moi, avaient
quand même certaines possibilités, là, mais là vous les écrivez noir sur blanc,
même avec le dialogue compétitif, je crois, ou quelque chose comme ça. Je
reconnais M. Chassin là-dedans un petit peu,
mais je vous dirais... je vous dirais que c'est fantastique. Puis il faudrait
les aborder un peu en projet pilote.
Il faudrait aussi pour permettre... parce que ça prend des gestionnaires quand
même aguerris pour changer la donne et
développer toute la gestion de... ou ces nouveaux modes de gestion là et
d'attribution de contrats comme tels.
Maintenant, pour la règle du plus bas
soumissionnaire, écoutez, selon nous, c'est un faux débat. Sincèrement, là,
c'est... pour moi, personnellement, d'abord, c'est un faux débat. Actuellement,
c'est... le Québec est tout à fait en ligne avec ce qui se passe au Canada.
J'ai parlé hier avec des gens de la Colombie-Britannique, puis on me dit que
95 % des contrats sont octroyés au plus bas soumissionnaire en
Colombie-Britannique, 90 % au Manitoba, 90 % en Ontario, et que, dans
la pondération de la ville d'Ottawa, où il y a 80 % pour le prix puis
20 % pour l'expertise du vendeur, bien, sur les 300 soumissions
qu'ils ont eues l'an dernier, il y en a sept qui sont allées au deuxième plus
bas, il y en a 293 qui étaient au plus bas soumissionnaire conforme. Alors
donc, il ne faut pas rejeter...
Et moi, ce que je pense, c'est que ce débat-là,
ça occulte la vraie question qu'on doit se poser, c'est que, pour que ça
fonctionne, peu importe l'octroi, il faut que ça soit préparé en amont. Et ça,
on ne met jamais les efforts suffisants pour bien préparer en amont. On est
pressés soit technologiquement, soit financièrement, à cause de budgets, ou
pour des raisons politiques. Et, dans ce contexte-là, ça force les donneurs
d'ouvrage publics à aller trop vite et, évidemment, à préparer des plans et devis où les entrepreneurs... où les
professionnels n'ont pas eu le temps de les préparer, il n'y a pas eu de
plans fonctionnels et techniques qui ont été complétés, et j'en passe et des
bonnes et des meilleures.
Et on parlait de la commission Charbonneau. Il y
a une panoplie d'expertises qui ont été déposées et il y en a une qui
disait : Quand ce n'est pas bien préparé, les plans et devis, c'est une
source de collusion et de corruption parce que, là, il se passe des
situations... on appelle ça, là, l'immatériel, là. Bon, ah, j'ai oublié quelque
chose dans mes plans et devis, l'entrepreneur le corrigera. Mais je te l'ai
corrigé, peux-tu m'aider à avoir mon... peux-tu avoir mon paiement plus rapide?
On a des problèmes de paiement. O.K., ça va. Alors donc, il se crée toutes
sortes de situations parce qu'en amont ça n'a pas été préparé. C'est déjà une
source comme telle. Ça, c'est très important.
L'autre élément, les entrepreneurs, ils veulent
faire les travaux puis ils veulent s'en aller. Les enjeux, actuellement, on parle du délai de paiement, mais
l'autre, le chapitre II, c'est comment négocier ses ordres de
changement. On n'en veut pas, c'est trop compliqué, on perd de l'argent avec
ça. C'est très sérieux.
Alors, moi,
je vous dis, là, si on prépare bien en amont les projets puis on prend le temps
de les préparer de façon appropriée et complète, on va arriver à un appel
d'offres, que vous prenez l'appel d'offres qui sourit le mieux au projet du
donneur d'ouvrage, peu importe ça va être quoi, ça va être bien fait. Mais, si
c'est mal fait, peu importe le mode d'octroi, on va avoir des problèmes en bout
de piste.
Mme LeBel : Ça me dit vaguement
quelque chose. Non, mais effectivement, on parle...
M. Hamel (Pierre) : Mais il ne faut pas l'oublier. Il ne faut pas l'oublier.
Mme LeBel : Non, c'est ça.
M. Hamel
(Pierre) : On a tendance à l'oublier.
Mme LeBel : Mais naturellement, on
en parlait, puis on en a discuté avec d'autres intervenants, la clé du succès est souvent dans une meilleure évaluation
des besoins. Donc, quand on parle de préparer en amont, ça fait partie
de la solution, hein? Il y a le dicton qui dit : Ce qui se conçoit bien
s'énonce clairement. Donc, habituellement... et c'est la même chose pour le choix du mode d'adjudication.
Donc, si on est capable d'avoir une meilleure préparation, bien, on peut
peut-être faire un meilleur choix ou un choix différent, disons-le, dans
certains cas de figure. C'était très clair. Merci.
Le projet de loi propose également, là, de s'en
aller vers l'augmentation de la prise en considération, surtout dans
l'évaluation des besoins, donc, évidemment, dans les critères d'appel d'offres
ou d'achats, de demandes d'achats particuliers, par la suite, de prendre en
compte beaucoup plus le développement durable et d'y avoir des notions de
développement durable, des critères de développement durable. Je sais que votre
association y est favorable, là, mais est-ce que vous pensez que les
constructeurs du Québec sont prêts à pouvoir répondre à cette demande-là aussi,
quand on parle de développement durable? Il y a... bon, les critères sont aussi
nombreux que le temps de discussion qu'on pourrait prendre, là, mais...
M. Hamel (Pierre) : Écoutez, sans aucun doute. Sans aucun doute, les
entrepreneurs vont faire ce qu'on leur demande. Écoutez, c'est sûr qu'au niveau
du résidentiel il y a... maintenant, il y a des immeubles zéro émission qui
peuvent même vendre l'électricité aux voisins, là. On est rendu là. Alors, il
n'y a pas de problème, c'est rendu dans les moeurs.
Maintenant, c'est sûr que, les certifications qui sont requises, on est capable
de les atteindre. Ça dépend évidemment des plans et devis beaucoup.
Alors, on n'a pas de problème à atteindre comme tel.
En termes de récupération de matériaux, c'est...
on est toujours prêt. D'ailleurs, nous avons fait des rénovations. On a
construit un bâtiment LEED. On fait des rénovations. On va sur des programmes
pour séparer le gypse des autres déchets, etc., mais, quand il n'y a pas de
programme, on ne peut pas rien y faire. Puis, au Québec, on n'a pas vraiment
les infrastructures pour arriver là, mais les entrepreneurs vont le faire. Il
n'y a pas de problème comme tel.
Il y a un élément qui est important, par
exemple, c'est qu'en matière de développement durable on parle surtout
d'écologie, mais l'éthique et l'intégrité en font partie. Et nous, on considère
que les mesures de l'AMP, c'est beaucoup de conformité. On parle d'intégrité,
là, mais c'est beaucoup de conformité. Est-ce que vous avez payé vos factures?
Est-ce que vous avez payé vos... est-ce que vous payez vos choses? Est-ce que
vous êtes en loi? Est-ce que vous êtes en règle? Mais c'est juste un volet, ça,
de l'intégrité comme telle. Et il n'y a pas de mesure qui est proposée, dans
l'espace innovation ou au niveau du développement durable, de souligner
l'effort des entreprises qui implantent des programmes d'intégrité, que ce
soient les programmes d'intégrité qui sont prévus sur le plan privé ou que ça
soit 37001, ISO 37001. Ces programmes d'intégrité là ne sont pas reconnus,
et ça prend des efforts importants pour ces entreprises-là pour participer, et,
selon nous, ça donne des entreprises significativement plus, je dirais,
intègres que si on ne s'en... Et je ne dis pas que les autres ne sont pas
intègres, mais ce que je dis, c'est qu'il y a un effort particulier de ces
entreprises-là qui devrait être noté ou, à tout le moins, encouragé.
Mme LeBel : Écoutez, c'était
très clair comme toujours. Merci beaucoup. Merci à vous deux.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Je cède maintenant la parole au député de Mont-Royal—Outremont, et nous aurons tout à l'heure à statuer sur la
répartition, éventuellement, du temps qui appartenait à la députée de Mercier.
M. Arcand : Très bien. Merci,
M. le Président. J'aimerais d'abord, premièrement, vous saluer, M. Arbour,
Me Hamel. Ma première question : Est-ce qu'il y a beaucoup dans...
Quelle est la proportion de contrats que les entreprises
en construction ont en Ontario, par exemple? Est-ce qu'il y a vraiment des
échanges importants à ce niveau-là?
• (14 h 30) •
M. Hamel (Pierre) : Absolument. Écoutez, il y a... toutes les entreprises de
l'Outaouais travaillent à Ottawa, toutes les entreprises de l'Abitibi
travaillent dans le nord de l'Ontario comme tel, il y a beaucoup d'industriel
qui se fait dans le nord de l'Ontario et il y a beaucoup d'institutionnel
important, puis je parle de la capitale nationale et Travaux publics Canada,
qui se font en Ontario. Alors, les entreprises n'ont pas le choix de travailler
dans... Et il y a des entreprises qui ne
travaillent que pour le fédéral des deux côtés de la frontière comme
telle, et je parle des entreprises, là,
qui ont 500 000 $ ou 600 000 $ de chiffre d'affaires, là.
C'est des petites entreprises qui travaillent sur les deux côtés.
Par contre, et je n'ai pas les chiffres, par
exemple, sur le nombre d'entreprises québécoises qui font des travaux, mettons,
publics en Ontario, mais les chiffres qu'on a ici par rapport aux contrats que
les Ontariens viennent faire au Québec,
là... là, c'est des statistiques des contrats des organismes publics du Secrétariat du Conseil du trésor, 2019‑2020,
alors ils sont disponibles, là, mais on voit qu'au Québec il y a
5 000 contrats qui sont accordés, pour une valeur de
5 milliards, à des Québécois, mais il y a 18 contrats qui sont
accordés à des Ontariens pour 39 millions. Alors, 18, c'est juste assez
pour dire : Écoutez, si vous nous empêchez de faire ces travaux-là, bien
là, on a une barrière, puis là ça va créer des enjeux.
La même chose pour ailleurs au Canada, c'est des
petits contrats. On a trois contrats pour 460 000 $ et on
n'appelle pas sa mère pour ça. Mais, par contre, si on leur coupe... si ont les
empêche de venir, on donne... j'allais dire, on donne du gaz, on donne de l'air
à ceux qui veulent aller à l'encontre de nous. Au Nouveau-Brunswick, on a un
contrat de 26 000 $ parce qu'on a une entente interprovinciale comme
telle. Alors donc, selon nous, c'est important de regarder, il y a des... puis,
des fois, c'est l'Alberta. Vous savez qu'on a des enjeux avec l'Alberta. On a
des enjeux politiques avec l'Alberta. Nous, on ne veut pas faire les frais de
ces enjeux-là en nous disant : Ah! bien, parce que l'une
des... Vous, vous avez des conditions difficiles ou des règles
anticoncurrentielles, bien, nous, on va empêcher à nos gens de travailler en Alberta. Il y en a une panoplie qui travaille
en Alberta, à Terre-Neuve, en Colombie-Britannique,
partout au Québec, des petites et moyennes entreprises. Pour que nos
entreprises de moyenne taille deviennent grosses, elles doivent travailler en
Ontario, elles doivent travailler ailleurs au Québec, et je parle des
entrepreneurs généraux et spécialisés. Et c'est un... c'est une bonne
proportion des entreprises, alors, pour nous, c'est un enjeu véritable. Quand
ils ont fermé les frontières, de 1999 à 2006, puis ils obligeaient, alors
c'était juste... c'étaient juste les contrats privés qui étaient autorisés. Et,
ces contrats privés là, ils avaient inventé des processus de... juste pour nous
mettre des bois dans les roues, essentiellement.
Alors, nous, ce qu'on dit, vu qu'on n'est pas
visés par ça : Pouvez-vous nous exclure de ça pour éviter ces éléments-là
comme tel? On va baisser la pression puis on va enlever des... comment je
dirais, des poignées politiques à des gens qui auraient, pour quelque raison,
représailles. Et, dans les temps qui courent, il y a toutes sortes de
situations qui se passent, les temps sont déjà difficiles, on ne voudrait pas
ajouter une couche à ça.
M. Arcand : Donc, si j'ai bien
compris, il faudrait que... dans la préparation de ce projet de loi là, que le
gouvernement regarde autant les accords canadiens que les accords
internationaux, là, pour être bien sûr que ce qu'on s'apprête à faire est
conforme et ne nuise pas aux entreprises québécoises à l'extérieur.
M. Hamel (Pierre) : Écoutez, absolument. Absolument, c'est très... et surtout
les accords canadiens. Et je lisais... Un
jugement a été rendu dans le dossier de la Saskatchewan et de l'Alberta
pour des travaux de route de 2 millions. Bien là, il y a eu le
bureau d'arbitrage de l'accord, il y a eu un arbitre qui a rendu décision, la
décision a dit : Effectivement, la façon d'accorder le contrat par la
Saskatchewan était à l'encontre de la section V de l'Accord de libre-échange
canadien. Alors donc, c'est déjà... déjà, il y a des pressions qui se font pour
libérer tous les marchés au Canada pour que tout le monde puisse travailler
dans toutes les provinces. Et nous, on vit déjà avec cette photo qu'on est...
on a nos barrières avec la CCQ puis la RBQ, qui n'existent nulle part ailleurs.
Alors, c'est ça qu'on veut éviter.
M. Arcand : Alors, si je vous suis
très bien, sur le principe de l'achat québécois, vous êtes... évidemment, on ne peut pas être contre le principe, mais dans la
pratique, vous dites : Faites très attention. C'est un peu ça que vous
dites?
M. Hamel (Pierre) : On ne veut pas que ça se retourne contre les entrepreneurs
généraux et spécialisés qui ont besoin de l'extérieur pour se développer.
M. Arcand : Parfait. J'aimerais vous
poser une question aussi, parce que je pense que c'était clair... si ça peut
vous rassurer, on a eu des discussions avec d'autres groupes, et je pense qu'il
était relativement clair que, lorsqu'on parle, par exemple, de donner des
contrats à des entreprises... Puis là je vais vous donner un exemple bien
simple, là. C'est peut-être plus problématique... Admettons que quelqu'un
achète des pommes. Si les pommes viennent de l'État de Washington, c'est peut-être plus problématique que si elles viennent
de l'Ontario, en voulant dire, je pense qu'il y a comme une entente comme quoi, quand c'est... ça
vient du Canada, c'est quand même... on fait partie encore du Canada,
alors c'est quand même quelque chose qui est quand même reconnu et qui ne
devrait pas comme tel poser de problème. Et, dans l'adoption de la loi, on va
regarder ça pour être bien sûr que c'est conforme.
Pour ce qui est de la hausse des matériaux, de
la main-d'oeuvre dans le cadre de cette... de ce projet de loi là, évidemment,
tout le monde est venu nous dire : À un moment donné, bien, il faudrait
avoir des considérations environnementales, il faudrait avoir des
considérations d'innovation, de qualité aussi qui sont importantes, et le prix
le plus bas n'est pas nécessairement le seul critère qui devrait guider les
gens. Parce que, dans le fond, on parle de quatre groupes principaux, qui sont
le ministère des Transports, qui sont le Centre d'acquisitions gouvernementales,
le ministère de la Santé et également la SQI, là, qui donnent des ententes.
Alors, c'est les quatre principaux, je dirais.
Et donc ma question par rapport à ça,
c'est : Dans le contexte actuel, est-ce qu'on peut sécuriser... parce que,
dans le contexte actuel, vous le savez, c'est un peu la folie dans le milieu de
la construction, peut-on sécuriser les donneurs d'ouvrage qu'ils vont obtenir
un prix juste à l'intérieur de ça? Parce que ce que vous nous avez dit tout à
l'heure, c'est que c'est beau, vos principes, là, vos principes d'écologie
puis de... mais vous n'êtes pas réalistes tant que ça, parce que, dans toutes
les autres provinces, c'est le prix le plus bas qui semble être déterminant.
Alors, moi, la question, c'est : Est-ce qu'il y a une façon d'obtenir un
prix juste en construction ou il y a-tu une façon de sécuriser? Si moi, je suis
acheteur, j'ai toujours l'impression qu'on me surcharge, ce qui explique
d'ailleurs souvent les délais de paiement, en passant.
M. Hamel (Pierre) : Écoutez, c'est très intéressant comme question. Je vous
dirais que ce qui est... ce qui fait en sorte que ça fait fuir les
soumissionnaires ou que ça gonfle le prix des soumissions, c'est le partage du
risque. Et là, si un entrepreneur est obligé d'assumer 100 % du partage du
risque, du coût des matériaux, bien, il va se mettre des bretelles, une
ceinture, un «fullface», vous comprenez. Donc, le prix va être tellement
déraisonnable qu'on ne pourra pas avoir des soumissions réalistes, mais il ne
le connaît pas, parce que son fournisseur, lui, il lui garantit ses prix pour deux
jours, deux semaines, mais pas 90 jours, comme c'est demandé par les
donneurs d'ouvrage.
Avec la SQI,
l'industrie a développé un projet à l'égard duquel, pour le prix des matériaux,
il pouvait y avoir un ajustement en cours de réalisation de projet. Le propriétaire
assume une partie des coûts, mais l'entrepreneur aussi, jusqu'à hauteur de
5 %. Et, s'il y a une baisse de 5 %, elle vient au donneur d'ouvrage.
S'il y a une hausse, bien, la partie de la hausse est payée à l'entrepreneur.
Ça débute depuis janvier, février. On commence avec ça et on espère que ça va faire des petits. Et on utilise des indices de Statistique
Canada, qui travaille avec nous, pour avoir les meilleurs indices possibles
pour dire... et ça, on le fait pour une trentaine de produits. Alors donc, on a
vraiment travaillé pour essayer d'ajuster, je dirais, ce risque-là, qui est
important.
Pour le reste, bien,
les donneurs d'ouvrage, c'est important qu'ils utilisent un langage contractuel
qui n'est pas... qui est aussi équilibré. Si on dit : Vous devez livrer à
telle date, puis c'est plus ou moins réaliste, et vous allez avoir 5 % par
jour de pénalité, bien, assurez-vous que les pénalités vont être dans le prix
de la soumission, parce que c'est irréaliste
parce qu'on n'est pas en mesure de garantir la chaîne d'approvisionnement, etc.
Alors, les donneurs d'ouvrage qui enlèvent ça, qui comprennent ça, qui
se retrouvent... et il faut... Ça prend des gens impliqués dans ce projet-là.
M. Arcand :
D'accord. Merci.
Le Président (M.
Simard) : À ce stade-ci, je dois vous reposer la question que je vous
avais adressée en début de séance : Comment souhaitez-vous répartir le
temps de la députée de Mercier? Équitablement entre le Parti libéral et le Parti
québécois?
M. Arcand : Je
vais donner la chance au député de Jonquière pour qui j'ai une profonde
admiration. Je vais lui laisser mon temps.
Le Président (M.
Simard) : Mais, néanmoins, cela prend consentement. Cela...
Mme LeBel :
Ça repose sur moi?
Le Président (M.
Simard) : Ça repose sur vous, Mme la ministre, entièrement, comme tant
d'autres choses.
Mme LeBel : Alors,
je suis d'accord. Qu'on le retienne, qu'on le retienne.
Le Président (M.
Simard) : Alors, merci à vous tous pour cette précieuse collaboration.
M.
Gaudreault : Je sens beaucoup de pression.
• (14 h 40) •
Le Président (M.
Simard) : C'est presque un cadeau de départ, ça, collègue, voyez-vous.
M. Gaudreault : C'est un... tant que ce n'est pas un cadeau de Grec. Alors, merci. Merci
aux collègues de consentir.
Alors,
bonjour. Merci beaucoup pour votre présence. Et on a des grandes entreprises
qui sont sûrement membres de votre
association dans les différentes régions du Québec, notamment au Saguenay—Lac-Saint-Jean, j'en ai plein en tête.
Petite question
vraiment, là, pour avoir votre point de vue de l'industrie. Moi, il y a des
firmes de génie ou des entrepreneurs, dans
ma région, qui m'ont dit : Sylvain, quand ça vient le temps d'appliquer
les principes de développement durable ou les certifications LEED — monsieur,
vous avez fait mention tout à l'heure de la certification LEED — bien
là, il arrive des dépassements de coûts ou on est... on a des dépassements de
délais, puis la pression est justement de... première chose qu'on coupe, c'est
là, pour aller plus vite.
Est-ce que c'est
quelque chose que vous remarquez? En tout cas, moi, il y a un certain nombre de
chantiers, là, même dans ma circonscription, où j'ai eu ces témoignages, je ne
veux pas donner d'exemples précis, là, pour éviter de mettre du monde dans le
trouble, mais où on m'a dit : Sylvain, surveille ça, ça n'a pas de bon
sens, quand ça vient le temps d'appliquer le LEED ou le développement durable,
c'est là qu'ils vont couper en premier pour être capables de rencontrer des délais. Ou moi, comme député, je
suis le premier à dire : Respectons les délais, respectons les délais
puis les budgets, mais c'est toujours le développement durable ou les
certifications environnementales qui en... qui écopent.
M.
Hamel (Pierre) : Écoutez, je ne sais pas.
Peut-être, Jean-François peut répondre, mais...
M. Arbour
(Jean-François) : Bien, écoute, je pourrais peut-être... Pour appuyer
votre dire, vous avez raison, souvent, dans
les projets, évidemment, les choses qui vont... les éléments les plus faciles,
si je veux utiliser l'expression, et j'ai été consultant dans un... dans
mon ancienne vie, bien, les choses les plus faciles à couper, évidemment, c'est
ça, c'est les critères LEED, qui, souvent,
sont vus superflus ou sont vus... ou quoi que ce soit. Mais je reviens encore
une fois, ça ne vient pas de l'entrepreneur, évidemment. C'est le
donneur d'ouvrage.
M.
Gaudreault : Bien, ce n'est pas ça que je dis. Oui.
M. Arbour
(Jean-François) : C'est ça. C'est le donneur d'ouvrage qui décide de
prendre cette décision-là avec ses professionnels et qui décide : Ah!
écoute, on va couper, dans ce cas là, dans ces critères-là, on va permettre... On va oublier des matériaux qui, peut-être... qui
avaient peut-être une moins grande influence au niveau... une meilleure
influence, pardon, au niveau énergétique, mais on va les remplacer par des
matériaux plus usuels, qui vont coûter moins cher et qui vont permettre de
respecter le budget.
M. Gaudreault :
Mais vous comprenez qu'à mon point de vue, si on veut, dans une loi, se
donner des critères puis des conditions de respect des valeurs ou des
engagements de développement durable, c'est inacceptable qu'on ne soit pas capables... Tu sais, je veux dire, on se pète les
bretelles... c'est monsieur, tout à l'heure, qui parlait de bretelles, de ceintures puis de «fullface». On se pète les
bretelles, les ceintures puis les «fullfaces» en disant : On est
développement durable, on va se mettre des conditions, puis c'est la première
chose qu'on coupe.
Alors, il faut
s'assurer d'un suivi assez serré là-dessus, puis je sais que ce n'est pas les
entrepreneurs, là. Ce n'est pas vous que j'attaque, c'est l'ensemble du...
C'est plus en amont, là, comme vous dites, le donneur d'ouvrage ou le chef de chantier qui va couper là-dessus.
Alors, il faut qu'on se donne des... Ça, vous êtes à l'aise avec ça, qu'il
y ait des normes, je dirais, ou des suivis, là, pour s'assurer quand même que
c'est appliqué?
M.
Hamel (Pierre) : Bien, de façon plus
générale, oui. Mais essentiellement, c'est les questions budgétaires, c'est les
questions en amont : Est-ce que ça a été bien planifié? Est-ce que le
budget est réaliste? Est-ce que les délais sont réalistes? Parce que là, si on a
un problème de délai puis on est obligés de couper à cause des délais, c'est
sûr qu'on va... la salle de repos des employés ou tel autre élément qui fait
partie... qui donne des points de certification vont prendre le bord,
assurément, là, comme tel.
Mais
donc, encore, on revient toujours à une planification fonctionnelle et ne pas
avoir besoin de revenir pour avoir des
budgets additionnels, parce que, là, on a des problèmes d'adoption des budgets,
etc. Mais je suis d'accord avec vous.
M.
Gaudreault : Je suis d'accord avec vous. O.K. On est d'accord. Tout le
monde est d'accord.
Maintenant,
deuxième sujet, je vous ai dit, d'entrée de jeu, et vous le savez, je suis
député d'une région où il y a des entreprises importantes, où on a des
défis de main-d'oeuvre, où on a des... parfois, des taux de chômage un petit
peu plus élevés, où on veut diversifier
notre économie. On est très dépendants de la grande entreprise, donc, quand on
a des chantiers publics, nos entrepreneurs sont contents. Je vous
entends sur ce que vous dites sur la régionalisation, mais il y a des
entrepreneurs en région qui peuvent être frustrés de voir arriver aussi des
grands entrepreneurs de Montréal ou de Québec pour des chantiers ou dans des
régions.
Alors, jusqu'où on
va, là, en matière de régionalisation? Jusqu'où on est capables de tirer une
ligne, là? Moi, je vous le dis très franchement, moi, comme député, il y a du
monde qui cogne à ma porte, des entrepreneurs qui disent : Sylvain,
regarde, là, tel chantier, dans ton comté, là, c'est un gros entrepreneur de
Montréal. Tu sais, je veux dire, c'est un peu frustrant, là.
M.
Hamel (Pierre) : Bien, je peux comprendre,
mais l'entrepreneur du Saguenay, l'entrepreneur général va engager des
sous-traitants de Montréal, des sous-traitants de Québec, des sous-traitants de
Rimouski pour faire ses travaux, et ça va être un représentant de Rimouski qui
va faire la structure métallique. C'est très trompeur. En 2006, quand il y a eu des pressions par des ministres
pour que la Gaspésie... ce soit juste donné à la Gaspésie, bien, il y avait
juste une entreprise qui pouvait faire le contrat, puis c'est des entreprises
du Saguenay qui ont fait les travaux. Alors, vous comprenez? Alors, c'est trompeur, ça. Il faut... Il ne faut pas
s'arrêter à ça, comme tel. Il faut être plus... je dirais, plus global.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. Alors, M. Arbour, M. Hamel, à nouveau, merci pour votre
présence. À chaque fois, c'est fort instructif de vous avoir parmi nous.
Sur ce, nous allons
suspendre nos travaux quelques moments, le temps de faire place à nos derniers
invités mais pas les moindres. Au revoir.
(Suspension de la séance à
14 h 46)
(Reprise à 14 h 49)
Le Président
(M. Simard) : Nous en sommes rendus à notre dernière présentation
dans le cadre de ces consultations et nous recevons à l'instant des
représentants de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du
Québec. M. Tremblay et M. Tremblay, soyez tous les deux les bienvenus
parmi nous. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter?
Association des constructeurs de routes et grands
travaux du Québec (ACRGTQ)
M. Tremblay
(Pierre) : Oui. Bonjour. Mon nom est Pierre Tremblay. Moi, je suis le
directeur du secteur Science, technologie, innovation à l'ACRGTQ depuis bon
nombre d'années. Merci de l'invitation que vous nous faites.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous.
M. Tremblay
(Mathieu) : Oui, bonjour à tous. Mathieu Tremblay, je suis avocat pour
l'ACRGTQ, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du
Québec.
Le Président
(M. Simard) : Alors, messieurs, vous disposez d'une période de
10 minutes.
M. Tremblay (Pierre) : Merci.
M. le Président, Mme la ministre et présidente du Conseil du trésor, Mmes et
MM. les députés, nous vous remercions de l'occasion que vous nous faites, qui
nous est offerte aujourd'hui pour vous présenter le point
de vue de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du
Québec, l'ACRGTQ, à l'égard du projet de loi n° 12.
Je me permets de vous présenter brièvement notre
association. L'ACRGTQ a été incorporée en 1944 et représente la majorité des
principaux entrepreneurs et fournisseurs oeuvrant dans la construction de
routes, d'ouvrages de génie civil et de grands travaux. À ce titre, elle
représente plus de 2 500 employeurs actifs au sein de l'industrie de
la construction de routes, d'ouvrages de génie civil et de grands travaux,
lesquels emploient plus de 40 000 salariés ayant travaillé plus de
31 millions d'heures estimées par la CCQ en 2020.
De plus, l'ACRGTQ représente aussi les
principaux exploitants de carrières et de sablières du Québec via son
Regroupement professionnel des producteurs de granulats, le RPPG. Il s'agit de
près de 60 propriétaires possédant plus de 270 carrières, sablières
et gravières au Québec. Annuellement, ils produisent plus de 85 millions
de tonnes d'agrégats, et ce, sur l'ensemble du territoire du Québec. Plus de
75 % de ses membres font actuellement de la récupération et du recyclage
de béton et d'asphalte.
• (14 h 50) •
À titre introductif, l'ACRGTQ salue la volonté
du gouvernement de favoriser l'acquisition auprès d'entreprises québécoises et
une meilleure prise en compte du développement durable dans le cadre des appels
d'offres. Elle est aussi favorable à la création d'un
espace permettant l'innovation dans les marchés publics, qui était d'ailleurs
réclamé par l'industrie depuis plusieurs années.
Elle désire toutefois vous communiquer ses
commentaires et propositions concernant la priorisation des entreprises québécoises et d'innovation, la prise
en compte du développement durable et du droit de l'environnement, et l'adoption des dispositions concernant la
nomination d'un intervenant expert, et l'imposition d'un calendrier de
paiement.
D'entrée de jeu, nous sommes d'avis que les
modifications législatives visant à favoriser l'innovation est un important pas
dans la bonne direction. Ces mesures peuvent être entre autres imposées aux
donneurs d'ouvrage publics... d'adopter, par des contrats plus collaboratifs,
ou permettre aux entrepreneurs du secteur génie civil et voirie de proposer des
solutions aux donneurs d'ouvrage qui sont non seulement innovantes mais qui
peuvent aussi s'avérer plus efficientes et plus respectueuses de
l'environnement.
Cela dit, les
moyens préconisés, à savoir l'adoption d'arrêtés ou de directives en ce sens,
devraient au préalable avoir fait
l'objet de consultations auprès de toutes les parties prenantes. À ce titre,
dans le domaine du génie civil et de la voirie, les connaissances que
détiennent l'ACRGTQ et ses membres bénéficieraient sans contredit à l'ensemble
de l'industrie.
Par ailleurs, ces façons de faire pour
l'adoption de modes alternatifs d'octroi de contrats à la pièce, bien
qu'offrant une souplesse dans l'octroi des contrats permettant de tester
plusieurs méthodes d'adjudication, devraient être accompagnées d'objectifs
permettant d'adopter des règles d'encadrement pérennes. L'ACRGTQ est d'avis
qu'il est primordial qu'au terme de ces essais, un cadre normatif à l'égard de
ces nouveaux modes d'octroi de contrats soit adopté afin de permettre à
l'industrie de connaître précisément les règles qui les gouvernent.
Ce faisant, nous proposons qu'un canal de
discussion soit établi dès à présent permettant aux acteurs concernés de
soumettre leurs idées. Nous soumettons que le projet de loi devrait aussi
prévoir qu'après la réalisation d'un ou de plusieurs projets octroyés sous
l'une ou l'autre de ces mesures ou à l'issue d'un terme de deux ans un rapport
soit publié, évaluant précisément la mise en oeuvre d'un cadre réglementaire à
cet effet.
Deuxièmement, l'ACRGTQ appuie les mesures
proposées relativement à la prise en compte du développement durable par les
organismes publics, en amont des projets. Néanmoins, nous craignons qu'elles ne
soient pas suffisantes pour résoudre des problématiques que vit... que vivent
notre industrie au regard de la production et de la valorisation des granulats.
Aux dires des propriétaires de carrières et de sablières du Québec,
l'écoulement des matières résiduelles entreposées sur leurs sites est ardu,
considérant que les donneurs d'ouvrage n'acceptent qu'une petite quantité de
matières recyclées sur les chantiers de génie civil.
Considérant
que l'air est... pardon, considérant que l'air est au changement et que la
volonté du gouvernement doit être
porteuse d'actions concrètes en cette matière, nous proposons que soit ajoutée
aux pouvoirs du Conseil du trésor
cette faculté d'obliger les donneurs
d'ouvrage publics, dans le cadre de contrats, à effectuer la valorisation des
matières résiduelles.
En troisième
lieu, l'ACRGTQ ne peut taire sa déception de ne pas voir, dans cette pièce
législative d'importance, une disposition permettant au gouvernement
d'adopter un cadre réglementaire en matière de délai de paiement et de
règlement des différends, considérant les recommandations favorables émises par
toutes les parties impliquées au projet pilote contre les retards de paiement
du Conseil du trésor.
Ainsi, notre recommandation à cet effet, à
l'instar de la Coalition contre les retards de paiement de l'industrie de la
construction, est d'ajouter au projet de loi un amendement intégrant un article
donnant le pouvoir à la présidente du Conseil du trésor d'imposer, par
règlement, le calendrier de paiement et un mécanisme de règlement rapide des
différends aux organismes soumis à la LCOP afin de faciliter les paiements aux
entreprises contractant avec les donneurs d'ouvrage publics et leurs
sous-traitants et fournisseurs.
En conclusion, l'ACRGTQ appuie les nouvelles
mesures permettant l'innovation et l'achat local dans le projet de loi
n° 12. Considérant que ces principes ne trouvent pas d'applications concrètes
sans l'adoption de règlements, d'arrêtés ou de directives par le gouvernement,
nous espérons que ceux-ci seront adoptés en prenant en compte l'opinion de
l'industrie afin que ce projet de loi ait un impact positif dans le domaine de
l'acquisition de biens, de services et d'ouvrages de construction par les
organismes publics. Nous réitérons d'ailleurs notre intérêt à être consultés
dans le développement de ces nouvelles mesures. Les membres de l'ACRGTQ
possèdent une expertise certaine et ont la volonté de contribuer à l'innovation
et à l'avancement des règles contractuelles au Québec.
Enfin,
tout comme le gouvernement, l'ACRGTQ reconnaît que la préoccupation constante
doit être de demeurer... doit demeurer le maintien de l'intégrité de
l'industrie ainsi que la protection des entrepreneurs honnêtes et respectueux des lois et des règlements en vigueur, que représente la
majorité de l'industrie de la construction. Nous vous remercions de votre
attention.
Le Président (M.
Simard) : Merci à vous, M. Tremblay. Mme la ministre.
Mme LeBel : Merci,
M. le Président. Merci, M. Tremblay, de votre présentation.
Je n'aborderai pas
avec vous la question des retards de paiement. On en a discuté beaucoup,
beaucoup, la coalition est venue, beaucoup
d'autres ont ajouté leurs voix à la leur, alors j'ai déjà eu l'occasion de
m'exprimer sur le sujet. On est en train de regarder la meilleure façon
de le faire le plus rapidement possible, et rien n'est exclu, disons-le comme ça. Donc, je peux peut-être aller dans un
sujet qui est peut-être un peu plus collé, là, sur le projet de loi comme
tel.
Puis je vais
peut-être commencer par vos dernières paroles sur... à l'effet que vous... bon,
vous favorisez naturellement le maintien de l'intégrité, là. J'en ai... Je n'en
ai aucun doute. L'ACQ, qui vient de nous faire une présentation, s'est
prononcée quand même, elle, sur la portion où on se propose de modifier, là,
certains aspects de l'AMP, dont la question de l'autorisation de contracter, la
question... la déclaration d'intégrité qui va être demandée aux différentes
personnes qui veulent soumissionner sur un contrat public, nous mettait en
garde contre certains problèmes administratifs ou fardeaux administratifs.
Est-ce que, vous, vous avez une inquiétude par rapport à cette modification-là,
du régime, quand on parle de l'AMP ou...
M. Tremblay (Pierre) : Je vais laisser la parole
à Me Tremblay, qui s'est occupé de ce dossier particulièrement. Donc, ça
va être plus simple comme ça.
Mme LeBel : Aucun
problème. Me Tremblay.
M. Tremblay
(Mathieu) : Oui. Donc, bien, en effet, nous nous sommes posé la
question également de notre côté. On considère que c'est quand même
intéressant, par contre, d'avoir prolongé la durée de l'autorisation de
contracter de trois à cinq ans, ce qui est quand même un certain
allègement, considérant la quantité de documents qui doit être faite et les
conséquences également à dépasser le délai pour demander le renouvellement.
Donc, pour cet élément-là, on considérait ça intéressant.
Au niveau du
renouvellement annuel, eh bien, c'est sûr qu'il y a certaines inquiétudes qui
pourraient survenir. Cependant, je ne crois pas que ce soit un très grand enjeu
de notre côté.
Notre rapport, notre
mémoire en fait également effet, de certains autres éléments. On a analysé,
entre autres, les nouveaux pouvoirs de l'inspecteur. Pour ça, on a peut-être
une petite mise en garde. Au niveau des pouvoirs de l'AMP d'enquêter durant
l'exécution des contrats, on se demande jusqu'où ça peut aller, considérant que
les contrats publics en génie civil et voirie, qui constituent notre secteur,
sont quand même hautement déjà surveillés. Il y a différents surveillants de
chantier, il y a des obligations des clients, il y a certaines redditions de
comptes. Les entrepreneurs sont déjà quand même assez bien surveillés. Je
pourrais dire, donc, que la seule inquiétude qu'on avait un peu de notre côté,
c'est de se demander : Est-ce que ces efforts-là de... Si l'intervenant
expert vient surveiller les chantiers, est-ce que c'est des efforts qui sont
mis au meilleur endroit? Parce qu'on pense à l'autorisation de contracter que
nos membres doivent avoir, entre autres, d'avoir l'attestation d'intégrité
aussi qui doit être remplie au dépôt de la soumission. On a le renouvellement annuel
et puis, par la suite, on va quand même surveiller ces entrepreneurs-là. Donc, ce n'est pas nécessairement une... ce n'est
pas un enjeu qui est principal. Je pense que ça mérite seulement, peut-être
au niveau de l'allègement réglementaire, une mise en garde.
Par contre, pour les
entrepreneurs qui ont l'autorisation de contracter, c'est certain qu'on
considère que ça peut faire quand même beaucoup, là. C'est une accumulation des
garanties qui... dont je laisserai à l'appréciation des parlementaires de considérer
si c'est nécessaire.
• (15 heures) •
Mme LeBel : Bien, vous parliez des nouveaux pouvoirs de l'AMP.
Entre autres, là, il y a tout le régime d'intégrité, c'est-à-dire
l'autorisation de contracter qui est, bon, modifiée de trois à un... de trois à
cinq, qu'on se propose de modifier dans la façon de faire, il y a toute la
déclaration de... pas la déclaration de conformité, mais la déclaration d'intégrité qu'on se propose d'ajouter
aussi pour être capables d'aller sous les seuils, avoir une autre
garantie... «garantie», c'est peut-être un mot fort, mais d'avoir des balises
nous permettant d'assurer une meilleure intégrité de nos entreprises qui contractent.
Mais vous me parliez
des nouveaux pouvoirs de l'AMP, d'inspection, entre autres, des chantiers. Ces
pouvoirs-là, on se propose de les prolonger, dans le p.l. n° 12, ou plutôt
de les étendre à tous les contrats publics, mais ça faisait partie des pouvoirs
déjà qui avaient été accordés à l'AMP dans le cadre du projet de loi
n° 66, le projet de la loi sur l'accélération de certains travaux...
certains projets d'infrastructure, la LACPI, à l'annexe... et ça devait...
donc, à tous les projets du PQI, mais
particulièrement, là, ceux qui sont à l'annexe. Beaucoup de projets du PQI...
je peux vous le dire, on est en train
de le préparer. Le PQI est une grande partie de travaux, de grands travaux
routiers. Le directeur de l'AMP nous disait qu'ils avaient déjà, dans le
cadre des nouveaux pouvoirs, effectué des visites de chantiers et des
inspections.
Est-ce que vous avez
eu des feedbacks de ça, des retours disant : Ça ne fonctionne pas, ça
fonctionne, mais il y a quand même quelque chose, là... parce que l'AMP n'a pas
le même regard que les autres organismes d'inspection, il faut le dire. Et
l'exécution d'un contrat en matière d'intégrité... Tu sais, on a-tu mis
vraiment ce qu'on doit mettre sous l'asphalte avant qu'on l'étende, là? Tu
sais, on se comprend, il y a... donc, d'être capable de voir, en cours de
chantier, ce qui se passe. Mais est-ce que ça a posé des problèmes à vos
entrepreneurs, ces quelques inspections là, ou est-ce que vous avez eu des
retours par rapport à ça?
M. Tremblay
(Mathieu) : Pierre, est-ce que tu voulais...
M. Tremblay (Pierre) : Oui, on a eu
quelques retours, effectivement, là-dessus, où ce qu'on en comprenait, puis
évidemment, là, c'est reporté, évidemment, on... Je dirais, ce qu'on en
comprend, c'est que les inspecteurs comprennent leur rôle de façon différente.
Parce que, là, quand on arrive au point, là, où on se dit : Certains
membres... Puis là je comprends ce que vous
voulez mentionner par rapport au fait que : Est-ce qu'on a bien fait le
contrat? Est-ce qu'on l'a réalisé tel qu'il devait être fait, selon...
évidemment, selon les exigences qu'on retrouve dans le contrat?
Ce qu'on se disait, essentiellement,
c'est... le fait qu'il y ait déjà des gens, il y a déjà de l'inspection,
il y a déjà des contrôleurs qualité, des gens qui travaillent pour le compte
des donneurs d'ouvrage, dans le contexte du génie civil et voirie, en nombre, je dirai, assez important. Ce qu'on se faisait
rapporter, c'est qu'il y avait un genre de dédoublement du
questionnement concernant, justement : Est-ce qu'on a mis le demi-pouce
qu'on devait mettre d'épaisseur d'asphalte
nécessaire? Ce qu'on se disait, c'est : Est-ce que c'est vraiment
nécessaire que ce soit refait par, je dirais, les représentants de
l'AMP? C'était cet élément-là, là, qui nous était resoulevé par nos membres.
Mme LeBel : ...comme telle, c'est de
dire : C'est peut-être... Bien, d'ailleurs, l'AMP en a parlé, de s'allier
des partenaires puis peut-être de travailler en collaboration avec d'autres
organismes qui font déjà ce type d'inspection là, et quitte à se servir de ces
renseignements-là ou de ces inspecteurs-là pour avoir l'information ou le
regard requis. Donc, ce n'est pas sur le principe de l'inspection, c'est sur la
façon de faire.
M. Tremblay (Pierre) : Exact.
Mme LeBel : J'aime bien quand on est
capable de bien recadrer, c'est mieux pour tout le monde. Donc, vous avez parlé
de l'espace d'innovation comme étant, bon, une idée dont vous aviez déjà
beaucoup de fois réclamé, là, la venue. Très contente de l'entendre, parce que
je pense qu'effectivement ça va nous permettre de faire évaluer... évoluer nos
marchés publics dans toutes sortes de bonnes directions. Quand on parle
particulièrement de grands travaux routiers, innovation, je pense qu'on est
dans une bonne... dans un terreau qui peut être fertile, si on parle...
Et je comprends très bien ce que vous nous
dites, quand vous dites : Bien, assurez-vous de ce que vous expérimentez
dans l'espace d'innovation, vous avez des mécanismes pour l'intégrer dans
l'entièreté des marchés publics et, si vous le faites, que, par la suite, il y
ait un cadre normatif clair, que ce soit par voie réglementaire ou autres, pour
qu'on puisse savoir comment... comment se comporter, disons-le comme ça, eu
égard aux règles. C'est bien compris. C'est ce qu'on a l'intention de faire,
quand on parle des rapports, des choses comme ça, mais on pourra voir si on
peut aller un pas plus loin, mais l'intention de faire ce que vous dites est
déjà présente dans la stratégie, dans le projet de loi. Maintenant, c'est de
voir si elle est bien traduite par les mesures ou par les termes qui sont
employés. Ça fait qu'on... je prends bonne note.
Mais je vais y aller peut-être un peu plus
pratico-pratique. Demain matin, l'espace d'innovation est créé, le projet de
loi est adopté. Qu'est-ce que vous pensez qu'on devrait expérimenter en premier
ou quels sont les premiers... les premiers... justement, les premières
expérimentations qu'on devrait faire? Comment on devrait procéder, dans votre
secteur, pour faire les premiers pas? Parce qu'il faut le faire, on nous l'a
dit beaucoup, progressivement pour être capable... il faut que tout le monde
s'adapte, autant les donneurs d'ouvrage que l'industrie, mais qu'est-ce qu'on
devrait faire en premier dans votre secteur?
M. Tremblay (Pierre) : Sans rentrer,
évidemment, dans le détail, parce qu'il existe effectivement une multitude de
nombre de contrats, mais je dirais, très certainement, les contrats à titre
collaboratif. Puis, quand je parle de contrats collaboratifs, c'est, je dirai,
de pouvoir impliquer... parce que je sais qu'il y a déjà des choses qui sont
faites là-dessus, je dirai, en amont de l'appel d'offres, mais, quand je dis
«en amont de l'appel d'offres», ce n'est pas à l'étape de la conception.
Souvent, on arrive, la conception est assez bien réalisée, conçue, je vais le
dire comme ça. Ce que nous, on préconise, c'est que la collaboration de
l'entrepreneur à la finalisation de la conception puisse être possible. Et c'est à ce moment-là que l'entrepreneur, lui,
de par son expertise d'exécutant, d'installateur, passez-moi
l'expression, et de proposition de matériaux... c'est là que toute sa
puissance, je vais le dire de même, pourrait être mise à contribution pour
s'assurer que la conception a été bien faite.
Puis l'autre élément important, le fait d'impliquer
l'entrepreneur dans, justement, l'étape de finalisation de la conception, c'est
qu'on va gagner énormément de temps au niveau de la mise en oeuvre. Et on sait
très bien que, les échéanciers étant tellement serrés aujourd'hui... que les
manières de faire sont importantes, de la manière dont l'entrepreneur peut
imaginer une mise en oeuvre d'une poutre de pont, par exemple, au lieu de
l'étendre sur deux, ou trois, ou quatre
semaines, on pourrait le faire dans une fin de semaine. On comprend que c'est
l'expertise de l'entrepreneur... une
bonne... exactement à ce niveau-là, donc pour s'assurer que la conception est
en lien direct avec la méthode de mise en oeuvre. Donc, c'est là
qu'on... quand on préconise ou qu'on propose d'avoir une collaboration de l'entrepreneur,
c'est à ce niveau-là et évidemment au niveau
des propositions faites de différents types de matériaux. Parce que, là, la
préfabrication, par exemple, ne pourrait pas être... figurer, dans la mesure où
elle n'a pas été bien réfléchie comme telle.
Donc, c'est à ce niveau-là que nous, on présume que les modes de... les modes
collaboratifs devraient, à mon sens à moi, être les premiers à être mis
à contribution dans l'espace innovation.
Mme LeBel :
Et c'est un peu ce que vous mentionniez tantôt. Bien, je vais essayer de
voir si j'ai bien... j'interprète bien vos propos, puis, si ce n'est pas le
cas, là, corrigez-moi. Mais ce que vous avez mentionné tantôt, c'est qu'il y a déjà des choses qui se font, mais il y a peut-être
un... je ne disais pas «malaise», mais il y a peut-être une retenue des
donneurs d'ouvrage, ou des concepteurs publics, ou des gens qui ont à concevoir
les travaux de s'en aller dans ces modes alternatifs là vu que ce n'est pas la
règle générale, alors que l'espace d'innovation va peut-être leur dégager
l'espace, c'est le cas de le dire, l'espace nécessaire pour pouvoir le faire,
en disant : Bien, regardez, c'est ça que je fais, je suis dans
l'innovation, plutôt que d'avoir l'air de déroger aux méthodes reconnues, entre
guillemets. C'est un peu ça que vous disiez dans...
M. Tremblay
(Pierre) : C'est exactement ça. Tu sais, on va jusqu'à la proposition,
dans un appel d'offres, de dire : Au lieu de le faire de telle manière, je
vais vous proposer de le faire sur des fins de semaine où, exemple, je vais
complètement fermer le travail... je vais fermer une section de route. Donc, le
devis ne précise pas... dans un contexte d'appel d'offres public plus bas
soumissionnaire conforme, le devis ne propose pas de fermer une section de
route, par exemple. Je dois soumissionner avec ces conditions-là. Quand c'est
fait, puis que l'appel d'offres est lancé, puis que le plus bas soumissionnaire
est choisi, puis que je reviens à vouloir proposer une fermeture de route,
c'est comme si je venais de déroger au contrat. Donc, ma proposition, même si
elle est intéressante et intéressante au point de vue du donneur d'ouvrage, de
gagner du temps puis peut-être même de l'argent, je ne peux pas le faire parce
que je viens de déroger du contrat public qui m'avait été octroyé.
Donc, c'est à partir
de là que, dans le contexte actuel, ces opinions-là, dès qu'elles dérogent du
contrat, sont plus ou moins recevables. Donc, c'est pour ça qu'on dit : Si
on est en amont de ça, puis le mode collaboratif permet aux entrepreneurs de
lancer ces propositions-là, ces suggestions-là sans retenue, bien, c'est là
qu'on va gagner ce temps-là, c'est là qu'on va gagner cette... ces
possibilités-là, qui vont en faire profiter autant les entreprises, que le
propriétaire lui-même, que les ingénieurs-conseils. C'est ça qu'on souhaite.
Mme LeBel :
O.K. Bien, écoutez, c'est très intéressant. Merci beaucoup de votre
collaboration, de votre participation cet après-midi.
M. Tremblay
(Pierre) : Ça fait plaisir.
Le Président
(M. Simard) : M. le député de Mont-Royal—Outremont.
M. Arcand :
Merci, M. le Président. Bonjour, MM. Tremblay, c'est un plaisir de
vous avoir ici aujourd'hui. Ma question porte, évidemment, sur ce dont...
D'abord, premièrement, juste pour bien comprendre, votre association, vous
faites surtout affaire avec le MTQ, surtout?
M. Tremblay
(Pierre) : Le MTQ, les municipalités, Hydro-Québec, STM, les grands
donneurs d'ordre public, c'est principalement nos clients, effectivement.
M. Arcand :
Ah bon! Tout à l'heure, j'avais l'Association de la construction du Québec qui
disait que... globalement, là, je ne veux pas les interpréter de façon abusive,
mais essentiellement, ce qu'ils disaient, c'est que, bon... je veux bien que
vous mettiez des clauses environnementales, on est d'accord avec ça,
l'innovation, etc., mais il faut rester réaliste, parce que le plus bas prix
sera toujours la norme qui sera regardée, d'abord et avant tout, par le
gouvernement. Est-ce que vous êtes du même avis?
• (15 h 10) •
M. Tremblay
(Pierre) : C'est inévitable que, dans l'expérience qu'on a de tous les
modes dans lesquels on a été amené à contribuer, là, qui ne sont pas les plus
bas soumissionnaires conformes, le prix a toujours fait un grand espace de
sélection de projets, là, de l'ordre de 80 % et plus, dans... je dirai,
dans certain cas, là, en termes de qualification, là, les projets plutôt
qualificatifs. Ça, effectivement, ça restera toujours.
L'élément qu'on
amène, par rapport à mettre un peu d'emphase sur environnement, nouveaux types
de matériaux, nouveaux produits, ça, je pense que ça rentre dans le contexte
du... je dirai, de l'implication des cycles de vie. Donc, je pense qu'il faut
de plus en plus être capable, par ces éléments-là environnementaux et les...
les suggestions de faites au niveau de la mise en oeuvre puis des nouveaux
produits rentrent dans le contexte de la réflexion du cycle de vie, là, qui est
fortement, je dirais, dans notre cas à nous, au niveau du génie civil et
voirie, réfléchie par les donneurs d'ouvrage. Donc, ça devrait prendre plus de
place que ça le prend actuellement, là. C'est ce que je vous mentionne.
M. Arcand :
Mais, dans vos discussions, par exemple, est-ce que vous avez des cas où,
véritablement, si vous me permettez l'expression, votre input, là, j'ai le mot
en anglais, là, votre input a été reconnu, par exemple, par le MTQ comme
étant... en disant, par exemple : Écoutez, avant de faire cet appel
d'offres là, là, vous devriez mettre tel genre de matériaux, vous devriez...
Est-ce que... ou c'est très rigide, et vous n'avez pas grand chance de passer à
côté?
M. Tremblay
(Pierre) : Actuellement, très, très, très peu. Je l'ai vu, dans les
25 dernières années, deux fois où on a pu... parce qu'on a des
discussions, je dirais, d'ordre technique, qui ne sont pas contractuelles, avec
le ministère. On a une panoplie de tables de discussion avec eux pour,
justement, parler de toutes ces innovations-là, ces nouvelles manières de faire
là. Ça fait qu'on l'a fait dans un cadre qui n'est pas contractuel, on suggère
des éléments, mais, dès qu'on rentre dans un contexte contractuel, où le
ministère dit : J'ai un projet sur l'autoroute 40 à Trois-Rivières,
on... la discussion, là, elle ne peut pas se faire, elle ne se fait pas à notre
niveau actuellement. Donc, c'est très, très rare. J'ai vu ça une fois en
25 ans où on a pu donner une suggestion, mais sans plus.
M.
Arcand : Mais dans la... de la façon dont vous voyez les choses,
actuellement, et compte tenu de l'expertise que
vous avez, parce que vous êtes dans le domaine puis vous avez l'expertise,
est-ce qu'on pourrait en faire énormément plus en matière
environnementale, actuellement, s'il y avait un peu moins d'oeillères du côté
gouvernemental?
M. Tremblay (Pierre) : Il y a effectivement de
plus en plus d'intention et d'intérêt, de la part des entrepreneurs,
d'amener des solutions, je dirai, au niveau de l'environnement, qui sont
porteuses. Ça, c'est évident, là. Puis là je me réfère aux gens des matériaux
recyclés, là. On en parlait, tout à l'heure, au niveau des bétons et
d'asphalte, ne serait-ce que ça, c'est déjà
des techniques qui sont connues. C'est déjà des matériaux qui sont normalisés,
je vais aller jusque-là, ou qui sont
disponibles, mais c'est dans le contexte de la volonté de vouloir les utiliser
qu'on retrouve, des fois, des réserves.
Donc, oui, on en a
des solutions. Oui, on en a des propositions qui sont, au niveau de
l'environnement, très acceptables, là, je le dis comme je le pense. C'est juste
la volonté de vouloir les pousser puis de les considérer, quand on est en amont
du projet, au niveau de la conception. Ça a été dit souvent qu'on a très peu de
temps pour pouvoir faire de la conception, donc les nouveaux produits
deviennent un fardeau de plus à analyser dans l'étape de conception. Donc,
quand on n'a pas le temps, on se réfère à ce qu'on connaît... à savoir on
retourne dans nos habitudes puis on retourne dans les matériaux neufs. Donc, le
recyclage, par exemple, ou les nouvelles méthodes de recyclage deviennent un
peu plus difficiles à introduire quand on est dans un mode traditionnel.
C'est pour ça qu'on
vous dit, si on est collaborateurs un peu plus, ces éléments-là d'innovation,
dans l'environnement entre autres, peuvent être mieux suggérés, plus en amont,
je dirais, suggérés du fait que ça pourrait être plus inclusif dans les
contrats. C'est pour ça qu'on parle de mode collaboratif.
M. Arcand : Bien,
en fait, donc, ce que vous nous dites, vous ne nous le dites pas directement,
mais ce que je comprends un peu, c'est que nos donneurs d'ouvrage ne
connaissent pas tellement bien les nouvelles méthodes qui peuvent exister
actuellement et qui font en sorte qu'on pouvait, par exemple, avoir des
meilleures routes, qu'on pourrait avoir des routes plus... faites avec des
produits qui sont plus acceptables sur le plan de l'environnement.
M. Tremblay
(Pierre) : Je n'oserais pas dire que tous les donneurs d'ouvrage ne le
savent pas. Le ministère des Transports est bien au fait de tout ça. Ils ont
participé énormément à des... comme je le disais tantôt, à des normes qui ont
bien cadré l'utilisation de ces matériaux-là. Le problème n'est pas dans la
connaissance de la possibilité puis de la capacité de ces matériaux-là, c'est
dans la... c'est plutôt au niveau du contrôle de la qualité une fois sur
chantier. Puis, dès qu'on rentre à ce niveau-là, ça demeure être les
connaissances et les compétences des inspecteurs de chantier qui vont s'assurer
que le matériau, ne serait-ce que recyclé, respecte bien les normes. Donc, ce
n'est pas la possibilité de les utiliser, mais la crainte de ne pas être
capable de bien contrôler ce matériel-là, qui est différent d'un matériel neuf
bien connu, qui, des fois, met des freins à l'utilisation de ces matières-là.
C'est un des éléments, là, qui ressort souvent au niveau de la capacité de
faire.
M. Arcand : D'accord.
Et pourquoi vous... Je vois que vous voulez donner du pouvoir à la présidente
du Conseil du trésor pour, entre autres, la valorisation des matières
résiduelles. Pourquoi c'est, pour vous, compliqué d'aller là-dedans?
Pourquoi... vous voulez que ce soit fait par quelqu'un d'autre, si j'ai bien
compris?
M. Tremblay
(Pierre) : Non, c'est qu'actuellement, comme je le disais, nos...
évidemment, je vais parler pour les gens qu'on représente, les propriétaires de
carrière, sablière qui reçoivent, qui transforment, qui traitent des matériaux
recyclés et qui les revendent. Actuellement, il rentre plus de matière dans les
carrières issues des chantiers de construction... évidemment, c'est transbordé
vers les carrières, puis les carrières les transforment pour les revendre. Il
rentre plus de matériel dans les carrières qu'il n'en sort. Donc, ça, ça veut
dire, essentiellement, qu'on n'en demande pas assez au niveau des contrats
publics. Il y a un manque de ce côté-là. Ça fait des années qu'on essaie de
promouvoir tout ça. Puis, pour toutes sortes de raisons, des fois qui sont
valables puis des fois qui le sont moins, sur la volonté simplement des
individus de pas vouloir le faire, ça fait en sorte qu'on échappe des contrats
où on pourrait mieux et de manière plus importante revaloriser.
Donc, le fait que...
de l'imposer devient une nécessité pour les donneurs d'ouvrage, je dirai,
municipaux ou autres, de les obliger à considérer que le recyclé est un élément
d'importance qu'il faut remettre sur la table dans les contrats de construction. C'est dans ce sens-là qu'on dit que, si on est
obligé à l'obliger, c'est peut-être le temps de le faire.
M. Arcand : Donc, c'est ça, c'est
dans ce sens-là que vous voudriez qu'elle agisse. Et ça, ce serait
possiblement, dans un règlement ou dans le projet de loi, là, quelque chose qui
pourrait être mentionné, j'imagine, à ce moment-là?
M. Tremblay (Pierre) : Effectivement.
Comprenons-nous bien qu'on ne souhaite pas que tout soit réglementé.
Dans la mesure où ça se faisait de façon volontaire, et efficace, et compagnie,
on n'aurait pas... probablement pas besoin de ça, mais force est d'admettre
qu'après tant d'années où on essaie de pousser ces produits-là il reste qu'il y
a encore un trop, selon nous, grand nombre de propriétaires, donneurs d'ouvrage
qui n'en font pas assez référence, donc de là notre proposition.
M. Arcand :
Juste, sur la cédule de paiement, est-ce qu'il y a... et ce qui a été
présenté par la coalition, c'est exactement le consensus de l'industrie sur les
façons de faire au niveau des paiements, ce que vous suggérez?
M. Tremblay (Pierre) : Mathieu.
M. Tremblay
(Mathieu) : Je vais prendre le relais, Pierre, merci. Donc, oui,
effectivement, il y a consensus. L'ACRGTQ est membre de la Coalition contre les
retards de paiement également. On fait partie de ces représentations-là, on
travaille activement, tous ensemble, pour parler d'une même voix et demander
qu'à même le projet de loi n° 12, bien, il y ait minimalement une
disposition habilitant le gouvernement à adopter des mesures permanentes afin
de régler les délais de paiement puis afin
de mettre en place, également, le règlement des différends par un intervenant
expert.
M. Arcand : Très bien. Merci.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, cher collègue. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Alors, merci
beaucoup pour votre présence, MM. Tremblay au carré, c'est ce que je
comprends, sûrement avec des racines du Saguenay—Lac-Saint-Jean... Ah non! Bon, je
ne voulais pas vous insulter, c'est bon. Alors, l'autre M. Tremblay, c'est
parfait. On ne commencera pas à embarquer là-dedans.
Et ça me fait plaisir de vous voir, parce que
j'ai le goût de vous reposer un peu la même question que j'ai posée au groupe
précédent. Je ne sais pas si vous avez écouté la présentation précédente. C'est
ça, ce n'est pas évident quand on n'est pas en présence dans la salle, là. Mais
moi, ce que j'entends, c'est que... de la part de certains entrepreneurs ou de
firmes de génie-conseil, par exemple, dans ma région ou ailleurs, c'est :
quand ça vient le temps de couper sur un projet qui est en cours, un projet
public, là : Ah! on va couper sur la certification LEED, on va couper sur
les mesures de développement durable, on va couper là où on essaie d'amener de
l'innovation pour... parce que c'est ça qui prend plus de temps, c'est ça qui
coûte plus cher.
Est-ce que c'est des choses aussi, dans les
grands travaux, que vous constatez, parfois, là, sans cibler de travaux en
particulier, mais que, par exemple, le donneur d'ouvrage ou le chef de chantier
va souvent mettre un peu de pression pour couper, justement, sur ces
mesures-là, là, qui sont plus d'innovation ou de... plus de développement
durable?
• (15 h 20) •
M. Tremblay (Pierre) : C'est
évident de ce qu'on entend. Évidemment, je n'ai pas de cas concret, là, en
tête, qui pourrait me dire : Voici ce qui s'est déjà passé, là, mais oui,
effectivement, on pourrait imaginer que ces éléments-là deviennent, je dirai, des
éléments plus faciles à escamoter, pas parce que ce n'est pas une bonne idée...
c'est souvent, je dirai, l'inconnu de... qui fait en sorte qu'un nouveau
matériau, un nouveau produit, une nouvelle manière de faire, qui est plus ou
moins connue, devienne un peu la... je dirai, sous réserve.
De là notre point, quand je disais tantôt, je
vais faire un aparté, aussi, au moment de la conception, la collaboration des entreprises qui auraient des
bonnes idées pourrait être faite en amont. On pourrait déjà, je dirai, tout
évaluer ces éléments-là de crainte... qui pourraient faire en sorte que, lors
de l'exécution, des mois plus tard, on ne soit plus à l'aise avec de nouvelles procédures. Donc, de là le fait d'impliquer, en
amont, l'entrepreneur, ce serait une chose intéressante.
Puis il y a une chose qu'il ne faut pas oublier,
puis ça, je le comprends, au niveau des donneurs d'ouvrage, quand vient le
temps de prendre des décisions à ce niveau-là, ce sont des travaux qu'on fait
pour des dizaines d'années. Une route, théoriquement, c'est conçu pour 40,
50 ans, un pont, une centaine d'années. Ça fait que je peux comprendre
que, si on arrive avec des effets surprises lors d'une exécution de contrat,
qui n'a peut-être pas été conçu ou réfléchi en amont, à la conception, que le
nouveau produit pourrait faire peur, la nouvelle manière de faire pourrait
faire peur, parce qu'on va être pris avec ça pendant 50 ans. Donc, il y a
du pour, il y a du contre puis il y a des... On comprend bien que ces
éléments-là peuvent refroidir des gens quand vient le temps de faire des
travaux. De là, évidemment, le point de dire : Si on est capables d'en
parler avant, on va tout évacuer ces problématiques-là puis on va être capables
de faire plus et de faire mieux.
M. Gaudreault : ...aussi que, des
fois, j'ai l'impression que c'est peut-être un peu le... comment je pourrais
dire, je ne pas si c'est une paresse de l'organisation ou une culture
organisationnelle de certains ministères, mais, tu sais, au... chez moi, là, on
a un pont en aluminium qui a 70 ans, là. Ça fait que ça veut dire ça
marche puis ça tient, là, tu sais. On est sûrement capables d'en faire d'autres
ailleurs.
Mais justement, parlant d'innovation, vous en
parlez dans votre mémoire, est-ce que vous pensez que vos membres seraient
ouverts, ou intéressés, ou c'est ce qu'ils souhaitent, d'avoir un peu plus
d'accompagnement, justement? Quand la ministre aime bien nous dire qu'il y a de
l'espace d'innovation, dans le projet de loi, est-ce qu'il faut s'assurer qu'il
va y avoir de l'accompagnement de la part des... du secteur privé pour aller
vers cette innovation?
M. Tremblay (Pierre) : Effectivement,
quand on parle de ça puis quand on parlait de l'encadrement, il y a plusieurs,
je vais dire, dizaines de types de contrats, je dirai, différents. Quand on
dit : Nous autres, on peut expérimenter
toutes sortes de modes, c'est correct de le faire, mais, à un moment donné, je
pense que la nature étant ce qu'elle est, il va y avoir quatre ou cinq
modes qui vont être les plus propices à l'ensemble des... à quasiment
100 % des travaux que l'on fait. Le plus bas conforme en est un, il va y
en avoir... des modes collaboratifs, il va y en avoir d'autres.
Donc, ce que l'on dit simplement, là-dedans,
pour ce qui est de l'accompagnement de l'industrie, puis c'est ce qui est
important de saisir, c'est que, si on cible bien puis on encadre bien les
quelques modes contractuels différents, on va permettre aux gens de comprendre
les règles du jeu, de s'assurer qu'on les saisisse bien. Pour les
entrepreneurs, entre autres, de se... passez-moi l'expression anglaise, de se
«setuper», d'avoir les bonnes personnes pour pouvoir être capables de répondre
à ces demandes-là... parce qu'on est dans un cadre contractuel différent, donc
ça prend de l'expertise différente. Donc, il faut être capables, pour les
entrepreneurs, de savoir qu'est-ce qu'on a besoin comme monde, quel équipement
qu'on a besoin pour être capable de répondre à ces nouveaux modes là. Donc,
être capable de grandir ensemble, autant les donneurs
d'ouvrage que les entrepreneurs, du fait qu'on le sait qu'il va y avoir quatre
ou cinq modes différents, et non pas 82, qui va arriver rien qu'une fois, puis,
après 10 ans, je vais trouver... je vais être capable de revoir le même
mode que j'ai vu en 2020. Donc, j'ai perdu mon expertise, j'ai perdu mon monde,
j'ai perdu mon équipement, parce que je ne le demande pas assez souvent. Donc,
un peu moins de modes pour que... et un peu plus de contrats pour que
l'habitude embarque, puis que l'expérience embarque, puis que les entrepreneurs
soient capables de faire les choses. C'est ça qu'on demande, d'être progressif
puis d'être, je dirai, concis et restreint dans les types de modes qui seraient
valorisés.
M. Gaudreault : Donc, de donner une
chance de développer des nouveaux réflexes, là, dans le fond, dans l'industrie.
Puis je comprends, peut-être pour terminer, en tout cas, que je... Quand vous
parlez de la... je change un peu de sujet, là, mais de la valorisation des
matières résiduelles, vous avez parlé des carrières et sablières, de recyclage,
en tout cas, bien, pour moi, ça m'a fait allumer que, tu sais, on parle de plus
en plus, avec ce projet de loi... il faut intégrer des pratiques d'analyse de
cycle de vie. Donc, c'est une façon...
Le Président (M. Simard) : ...
M. Gaudreault : Oui, c'est une
façon, donc, de l'intégrer exactement là-dedans. Vous n'êtes pas obligé de
répondre, là, parce que, dans le fond, je vous exprime ce que j'ai compris.
Alors, voilà. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci à
vous, M. le député de Jonquière. Alors, Me Tremblay, M. Tremblay, merci pour
votre contribution à nos travaux. Vous savez que vous étiez les derniers
intervenants dans le cadre de ce mandat qu'avait notre commission, de procéder
à des auditions particulières sur le projet de loi n° 12.
Mémoires déposés
Alors, ceci étant dit, je dépose des mémoires
des personnes et des organismes non entendus pendant cette commission.
Nous nous donnons rendez-vous... nous ajournons,
bien sûr, nos travaux pour ce soir, mais on se donne rendez-vous demain, à 10 heures, le 18 mars,
pour un autre mandat. Alors, à nouveau, merci pour votre précieuse
collaboration. Un merci particulier pour notre précieux secrétariat et toute
son équipe. Belle fin de soirée.
(Fin de la séance à 15 h 25)