(Onze heures vingt-six minutes)
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Alors, chers amis, bonjour. Nous en sommes à notre deuxième journée de consultations particulières et
d'auditions sur le projet de loi n° 12, Loi visant principalement à
promouvoir l'achat québécois et responsable par les organismes publics, à
renforcer le régime d'intégrité des entreprises et accroître les pouvoirs de
l'Autorité des marchés publics.
Donc, nous
avons... Nous serons toute la journée en visioconférence. Nous débutons ce
matin par la présence de représentants de l'Alliance Switch. Alors,
messieurs, bonjour à vous deux.
Mais, avant de vous laisser la parole, je dois vérifier auprès de notre
secrétaire. Mme Martin, vous êtes nouvelle parmi nous ce matin.
Bienvenue, heureux de vous avoir. Y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Reid (Beauharnois) est remplacé par M. Allaire
(Maskinongé); M. Leitão (Robert-Baldwin) est remplacé par M. Polo
(Laval-des-Rapides); et M. Ouellet (René-Lévesque) est remplacé par
M. Gaudreault (Jonquière).
Auditions (suite)
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Merci à vous. Alors, sur ce, messieurs, auriez-vous d'abord l'amabilité de vous
présenter?
Switch, L'Alliance pour
une économie verte
M. Leclerc (Denis) : Avec plaisir.
Alors, bonjour. Je suis Denis Leclerc, le président et chef de la direction
d'Écotech Québec — La
grappe des technologies propres, et aussi coprésident de L'Alliance pour une
économie verte, Switch.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Bienvenue.
M. Simard (Jean) : Quant à moi — bonjour,
M. le Président, — Jean Simard,
je suis président et chef de la direction de l'Association de l'aluminium du
Canada et membre fondateur de l'Alliance Switch.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Alors, messieurs, vous disposez de 10 minutes pour faire votre
présentation.
M. Leclerc (Denis) : Merci beaucoup,
Mme la ministre, et également les élus.
Alors, petit mot sur Switch, juste pour rappeler
que Switch, qui est un... qui a été fondé il y a presque 10 ans, en 2013,
on est... c'est une alliance pour une économie verte. C'est-à-dire qu'on est un
organisme à but non lucratif qui est composé de représentants provenant des
secteurs économique, écologique et également financier. Alors, on a des gens d'affaires, des écolos, des investisseurs
ensemble. Et notre objectif est très simple, trouver des façons
d'accélérer la transformation de notre économie pour qu'elle soit plus verte,
innovante et résiliente.
Et, Switch, en 2015, alors il y a sept ans, on a
publié une étude avec plusieurs recommandations pour rendre les marchés publics plus performants et plus
responsables. C'est pourquoi qu'aujourd'hui, bien, on se réjouit de
l'annonce de la publication de la stratégie des marchés publics et du projet de
loi n° 12. Nous avons pris le temps d'analyser, bien sûr, le contenu des
deux documents. Compte tenu de notre mission, bien, vous avez dans notre
mémoire nos commentaires concernant les orientations particulièrement au niveau
des achats écoresponsables.
Nous voulons utiliser nos 10 minutes, il
nous en reste huit, peut-être, là, pour profiter de ces minutes-là pour vous
parler particulièrement ou mettre en perspective quatre aspects spécifiques.
D'abord, parlons du cycle de vie, parlons de
cette notion du cycle de vie. Il y en a qui vont parler du coût total de
possession, ce qui est un élément aussi en parallèle à tout cela. Pour nous,
c'est une notion extrêmement importante, le cycle de vie, pour connaître la
valeur d'un produit, et non pas le prix d'un produit, mais la valeur d'un
produit. Et comment on fait ça? Parce qu'il y a... Ça peut sembler complexe,
mais, si on se base... Il faut se baser sur des paramètres internationaux qui
existent déjà, et ces paramètres vont être extrêmement importants parce qu'ils
vont nous servir de référence comparable au
niveau des différents produits. Il faut qu'on ait une base solide de
comparaison, et on n'a pas besoin de réinventer le velcro, là. Il y a des bases
qui existent déjà. Alors, on peut bénéficier du travail qui était fait par
plusieurs autres intervenants à l'international.
Alors, cette notion de
cycle de vie, pour nous, ça devient un outil de décision pour les achats
publics, et, pour le gouvernement, ça peut devenir un outil de communication,
alors un outil d'aide à la décision puis un outil d'aide à la communication
pour bien exprimer la valeur d'un produit par rapport... au lieu d'un prix,
d'un coût d'un produit.
Alors, c'est la première notion qu'on voulait
vous mentionner. Les deux autres, je vais demander à mon collègue Jean de nous
en faire part.
• (11 h 30) •
Le Président (M. Simard, Montmorency) : Merci.
M. Simard.
M. Simard (Jean) : Oui, M. le
Président. Mme la ministre, bonjour, MM., Mmes les députés.
Alors, la
seconde notion qui est très importante dans le contexte de votre projet, c'est
celui des appels d'offres basés sur
la performance plutôt que sur des spécifications. On parle ici, donc, de
prendre en compte la finalité recherchée plutôt que de prendre en compte ou de dicter les intrants requis pour
arriver à livrer une solution qui serait recherchée par un marché public
en particulier.
Je pense qu'un bon exemple de ça, c'est la
différence entre faire un appel d'offres où est-ce qu'on décrit une boîte de
carton en disant : Vous devez utiliser un carton de telle épaisseur, de
tel type, avec une surface x, et... plutôt que de dire : On recherche un
emballage qui permet de conserver de façon étanche un produit ou des produits
qui pourraient avoir un poids allant jusqu'à x.
Alors, ça, c'est un appel d'offres basé sur la
performance. C'est quoi, la différence entre les deux? Bien, c'est que le
second, c'est une façon de libérer l'intelligence pour accéder à l'innovation,
alors que le premier, c'est la meilleure façon de continuer d'avoir toujours la
même chose quand on pose la même question. Donc, si on veut, dans un espace
d'innovation, s'ouvrir à des propositions qui sortent des sentiers battus et
qui ont un mérite, il faut procéder avec des
appels d'offres à la performance, et ça permet d'intégrer dans la démarche des
aspects environnementaux et sociaux qu'on ne peut pas mettre dans des
appels d'offres de spécifications. Alors, ça, c'est le deuxième facteur.
Le troisième
est très, très, très important et c'est plus dans le sens du processus que vous
proposez au fil des ans. On croit qu'il est nécessaire... Une fois que
le gouvernement envoie un signal clair quant à son intention de faire un
changement de cap dans ses appels d'offres, il est important de donner de la
prévisibilité, et on ne retrouve pas la prévisibilité qui est requise pour que
le secteur privé se mobilise sur un parcours pluriannuel pour arriver à livrer
la marchandise. Et ce qu'on propose dans notre document, c'est de se donner des
seuils à atteindre de volume d'achats qui s'insèrent dans cette démarche-là.
Et, dans la mesure où on est capables de remplir ces seuils-là au fil des ans,
on devrait être en mesure d'atteindre la cible finale.
Vous savez,
ce qu'on demande là, c'est ce que le secteur privé a présentement comme
contraintes opérationnelles de plus en plus si on parle des normes ESG
et d'autres façons de travailler pour réduire son empreinte carbone, améliorer
sa performance sociale et environnementale. C'est la demande des investisseurs,
les marchés l'exigent. Et, si l'État a un devoir d'exemplarité, il devrait
mettre en place des outils similaires. Et je repasse la parole.
M. Leclerc
(Denis) : Merci, Jean. Et
finalement, le quatrième point qu'on voulait vous soumettre, bien humblement,
c'est l'aspect qu'on comprend que les deux premières années, ça va être des
années d'apprentissage, également de formation, et qu'on... et qu'au niveau de
la loi sur les organismes publics, qui prévoit que les organismes doivent contribuer à l'atteinte des objectifs gouvernementaux,
alors comment les organismes vont être en mesure de respecter les
contraintes ou les éléments du projet de loi n° 12 ou de la stratégie du
gouvernement.
Maintenant, ce qu'on suggère, c'est un
inversement de fardeau. C'est-à-dire, au lieu de demander aux gens qu'est-ce
que... lesquels des organismes ont réussi à respecter l'ensemble des
contraintes ou des mesures, pardon, de la stratégie des marchés publics, on se
devrait de savoir pourquoi les autres n'ont pas réussi à le faire. Alors, un inversement
de fardeau pour mieux comprendre quels sont les obstacles, pour mieux
comprendre quels sont les besoins de formation au niveau de la fonction
publique, parce qu'on va tous apprendre, non seulement des succès, mais
également, j'allais dire, des échecs ou des insuccès à ce jour, de façon à
pouvoir accroître le nombre d'acquisitions écoresponsables et, en même temps,
accroître la formation et la sensibilisation de l'ensemble de la fonction
publique.
On s'arrête
là parce qu'on voulait vous donner plus de temps encore pour nous poser des
questions et d'échanger avec nous. Merci.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Merci à vous, messieurs. Sans plus tarder, je cède la parole à la présidente du
Conseil du trésor.
Mme
LeBel : Oui, merci. Merci, messieurs, des... J'apprécie
beaucoup l'aspect fort pratique que vous amenez dans vos exemples et
dans vos solutions quand vous parlez de l'appel d'offres, entre autres, basé
sur la performance. Je vais vouloir y revenir avec vous.
Je vais peut-être vous amener plus dans le
projet de loi parce que je sais qu'on vous a rencontrés, il y a des besoins, il y a beaucoup... bon, en matière
d'aluminium également, on peut y voir effectivement, à première vue,
beaucoup d'avantages économiques et écologiques, disons-le comme ça, là,
juste... je sais que je fais des raccourcis, mais on se comprend. Donc, effectivement, ce sont... il faut apprendre à réfléchir
à d'autres solutions, puis c'est ce que veut le projet de loi, toujours
combiné dans une stratégie, parce que les deux doivent se lire et vivre
ensemble, là, naturellement.
Entre autres, ce que
j'expliquais hier, puis vous avez sûrement suivi les débats, mais je vais me
permettre de le recadrer, là, pour les fins de notre conversation, c'est que c'est
toujours le difficile équilibre entre une rigidité des marchés
publics, qui peut s'expliquer, moi, je parle de rigueur, mais qui peut se... je
dirais que c'est une rigueur qui se traduit dans une certaine rigidité,
disons-le comme ça, mais qui est fondée sur la nécessité et le besoin de
bien... d'avoir une saine gestion des marchés publics. Puis je vous dirais que
je... on avait un débat ce matin au salon bleu, je veux juste m'en servir pour
illustrer, où on nous parlait... c'est un autre débat, mais on nous parlait des
fois de... quand on... quand le gouvernement, donc, ne paie pas... paie plus
cher, c'est l'argent des Québécois, on ne devrait pas faire telle action, parce
qu'au final on paie plus cher. Le débat, c'était situé dans une autre catégorie,
puis je ne veux pas le remettre en place,
mais ce débat-là revient dans les marchés publics également toujours. Et il est
normal, ce débat-là, donc, cette...
et c'est ce qui explique probablement que cette fameuse loi, infâme loi du plus
bas soumissionnaire, qu'on ne peut pas... moi, je pense qu'il ne faut
pas jeter le bébé avec l'eau du bain, là, mais il faut, il faut revoir le
paysage, je le dirais comme ça, a peut-être été si souvent utilisée et même
surutilisée. Je m'explique, parce que là, on est très loin d'un appel d'offres
basé sur la performance, on s'entend.
Donc, c'est un long
laïus, mais on a 16 minutes, on va pouvoir cadrer les choses. Donc, ce
qu'on a essayé de faire, c'est de trouver
l'équilibre entre cette stabilité nécessaire des marchés publics, parce qu'ils
ont besoin d'avoir une rigueur, et les gens, les gens étant les
citoyens, les contribuables du Québec, les citoyens au sens large, ça inclut
les compagnies, ça inclut les citoyens corporatifs, mais tous les citoyens du Québec
doivent comprendre que ce qu'on fait avec nos marchés publics, c'est dans leur
intérêt.
Je viens à l'Espace
d'innovation. L'idée d'avoir créé un espace d'innovation est un peu cette idée
de se dégager un espace où on est capable de dire : Dans cet espace-là, on
se permet d'expérimenter, de tester, de vérifier si, effectivement, quelque
chose comme un appel d'offres sur la performance peut être une bonne chose et
donne des résultats, donc se dégager du genre : Je veux la boîte de carton
avec 2 millimètres d'épaisseur, mais donnez-moi quelque chose qui peut
tenir un poids de deux livres sur une longue... Bon, peu importe, on se
comprend, là. Donc, c'est un peu ça, là, puis s'assurer qu'on a la bonne
solution.
Je vais revenir à
l'appel de performance — je
me tais là-dessus — pensez-vous
que cette idée d'avoir un espace d'innovation là qui, quant à moi, veut garder
un équilibre, est une bonne idée? Et est-ce que vous pensez que ce n'est pas
plutôt... c'est dans cet espace-là, justement, qu'on peut tester ce genre de solution
là sur les devis, sur les mesures durables, là? Alors...
• (11 h 40) •
M. Leclerc
(Denis) : Peut-être que je peux répondre en partie, puis je vais
laisser Jean surtout parler des appels d'offres basés sur la performance.
L'Espace d'innovation, bien sûr que c'est un forum essentiel pour partager
l'ensemble de l'information, créer de l'émulation également, puis de tester.
Et, si on revient... je fais un aparté pour le
cycle de vie ou la valeur, c'est sûr que les gens vont vous demander pourquoi
ça nous coûte plus cher. Parce qu'il y a le prix à l'achat puis il y a le coût de l'utilisation. Puis je pense
qu'avec le télétravail qu'on a vu au cours des deux dernières années, il
y en a combien qui ont acheté des imprimantes puis qui se sont aperçus, finalement,
que le coût des cartouches d'imprimante était beaucoup plus cher que la
machine? Ça fait que ton coût d'utilisation dans une année va être beaucoup
plus élevé qu'un coût d'achat de l'imprimante. Alors, je pense que les gens
vont comprendre, au niveau d'un coût ou d'un prix d'achat. Je vous donne cet
exemple-là pour illustrer que je pense qu'il y a bien des gens qui sont rendus
à ce niveau-là.
Maintenant, si on
fait juste un aparté sur l'Espace d'innovation, nous, on lève notre chapeau à
cette idée-là, même on la pousserait davantage, c'est qu'il faut absolument que
les acheteurs publics fassent connaître à l'avance leurs appels d'offres, leurs
besoins et, en même temps, puissent découvrir quels sont les produits, quelles
sont les innovations qui sont déjà disponibles de façon à mieux rédiger, mieux
structurer leur appel d'offres, ce qui va être bon pour le Québec, ce qui va être bon pour les achats locaux. Jean, au
niveau des appels d'offres sur la performance.
M. Simard (Jean) : Bien, je pense que, premièrement, il ne faut pas s'inquiéter, là, ce
n'est pas de l'innovation, ça fait des décennies que ça existe. La
Hollande a amorcé des appels d'offres... l'utilisation de ce type d'appel
d'offres là en 1991. Ils ont amélioré, bonifié. Il y a eu des glissements, il y
a eu de l'errance, ça a été corrigé. Le Danemark en fait. À travers l'Europe,
on utilise ça. Pourquoi? Parce que, justement, c'est un appel à l'innovation
puis c'est la meilleure façon de permettre une plus grande liberté dans la
conception de solutions.
Et le défi que ça
pose, parce que ça pose un défi pour l'administration publique, Mme la
ministre, c'est qu'on passe d'un contrôle
a priori à la nécessité d'un contrôle a posteriori. C'est-à-dire qu'il faut...
Si c'est un appel d'offres sur la performance, il va falloir évaluer
a posteriori que ça livre la marchandise. Ça veut dire que ça prend un
monitoring puis ça prend des évaluations par la suite. Donc, l'engagement est
différent dans le temps puis en termes d'expertise.
Et ça veut dire, il y
a un élément qui est fondamental, puis je pense que vous l'avez assez bien
couvert dans la stratégie, je voudrais vous faire le compliment que c'est
probablement la vision la plus holistique, en termes de stratégie
d'approvisionnement, à ce jour au Canada; l'important, votre grand défi, c'est
la livraison. C'est toujours le grand défi des gouvernements. Alors, le gros
défi, je pense, c'est le renforcement de la capacité institutionnelle au sein
de l'appareil gouvernemental. Ça va être... c'est le plus gros défi que vous
avez, c'est d'amener, de mobiliser les ressources
internes du gouvernement autour de cet engagement-là, d'apporter la formation
requise et aussi l'imputabilité à travers la transparence et la capacité
de mesurer la progression.
Puis un des gros
enjeux que vous avez, c'est qu'il y a beaucoup d'attentes qui vont être créées.
Tous les gens vont vouloir que ça arrive du jour au lendemain. C'est pour ça
que se donner cinq ans, c'est une approche qui est intelligente, sauf qu'il
faut avoir l'imputabilité sur une base annuelle, de mesurer la progression puis
l'engagement des fonctionnaires pour livrer la marchandise.
Mme LeBel : Oui.
Bien, on a peut-être... bon, on peut peut-être voir à améliorer tout ça, mais
je pense qu'on a ces principes-là, effectivement, dans la stratégie, là, sur la
reddition de comptes sur une base annuelle, mais qui est dans l'objectif,
justement, de voir évoluer les choses. Puis c'est important de le préciser, la
stratégie est sur cinq ans, mais les modifications que l'on fait dans le projet
de loi sur la loi sur les contrats publics qui instaure, entre autres, l'Espace
d'innovation et différents critères, et on va prendre connaissance de vos
recommandations plus précises, là, naturellement, ne soyez pas inquiets, est là
pour rester.
Donc, je pense que ce qui est important... Et
vous avez peut-être mis le doigt sur une chose, l'idée de le faire
progressivement dans un espace d'innovation qui nous permet, par la suite, de
prendre ce qui en ressort de positif pour l'injecter, par le biais de la
réglementation, dans l'entièreté des marchés publics, je pense que c'est
justement pour se donner les moyens de nos ambitions et les moyens de le mettre
en oeuvre. Parce que je ne suis pas certaine, vous avez raison, que, si, du
jour au lendemain, on passe d'une façon de faire à une autre... Je veux dire,
ça prend de la formation, ça prend de l'accompagnement.
Et ça va me permettre de vous amener peut-être
un peu plus, justement, sur l'approche, bien, sur la performance. On en a
entendu différentes versions au cours des derniers jours. Je sais même qu'en
Europe ça a remplacé, dans certains cas, la notion de dialogue compétitif. Pour
moi, c'est un peu la même chose ou l'autre bout, c'est-à-dire que je vois que,
dans le dialogue compétitif, souvent, on peut avoir ces certains dialogues là
avec les entreprises pour identifier nos besoins... c'est-à-dire faire connaître
nos besoins et leur permettre de nous aider à identifier des solutions, c'est
peut-être comme un appel de solutions, mais en amont, et, par la suite, donc,
permettre à l'industrie de répondre par une offre aux besoins ainsi ciblés, là,
dans la solution. Alors que, dans l'appel d'offres basé sur la performance, ce travail-là se fait... bon, pourrait se faire
avec l'industrie, mais en principe se fait par... pas le donneur
d'ordres, parce que ce n'est pas de la construction, mais l'acheteur,
l'acheteur gouvernemental ou l'acheteur de services ou de biens qui doit, lui,
dire : Bien, voici mon besoin, remplissez-le. Donc, ça ressemble beaucoup
à un appel de solutions avec des nuances, là, c'est-à-dire qu'il faut que je
m'assure que la performance est remplie.
Est-ce que vous pensez que... Moi, je pense
qu'on devrait avoir tous les outils, mais quelle différence vous faites entre le dialogue compétitif qui ressemble
un peu... qui pourrait ressembler un peu à ça et... (panne de son) ...basé sur la performance? Parce qu'on nous a parlé
beaucoup de dialogue compétitif aussi dans les derniers... dans les
dernières consultations. Pour moi, tous les outils devraient être disponibles,
là, mais c'est bon de comprendre où vous voyez, vous, les différences ou les
avantages et inconvénients de l'une ou l'autre.
M. Simard (Jean) : Bien, je
pense que... un, je ne suis pas... je ne suis pas féru sur le dialogue
compétitif dont vous parliez tout à l'heure, parce que ce n'est pas une notion
que je saisis bien, mais je peux vous parler de l'appel d'offres de performance
et surtout de la notion des outils, qui va être fondamentale quand on parle de
renforcement de capacités institutionnelles. Les appels d'offres de
performance, dans la mesure où ils font appel à des notions, par exemple, environnementales et sociales, quant à la
finalité recherchée, devraient... requièrent l'utilisation d'outils tels
que l'analyse du cycle de vie puis le coût total de possession. Puis c'est
fondamental, parce que c'est ça qui permet vraiment de mesurer la valeur
intrinsèque de la proposition qu'on a devant nous sur certains aspects, et elle
donne aussi ouverture à des considérations qu'on n'utilise pas normalement et
qui ont le défaut de renforcer les schèmes traditionnels d'appel d'offres.
Par exemple,
si vous faites un appel d'offres pour un pont, normalement, au Québec, le
ministère des Transports va spécifier l'utilisation de l'acier, plutôt
que de faire un appel d'offres de performance pour exprimer le fait qu'il a besoin de relier deux rives d'un
cours d'eau pour pouvoir supporter un poids x, des charges et des
intempéries, et ainsi de suite, et donc donner ouverture à l'utilisation de
différents matériaux. Ça fait 12 ans qu'on fait des représentations à cet
effet-là. Le seul gain qu'on a, à toutes fins utiles, c'est de procéder à des
études qui suivent d'autres études et d'autres études, plutôt que d'utiliser
des outils d'aide à la décision qui permettraient de mesurer des propositions
dans un espace d'innovation comme vous le proposez, par exemple, et de tester
ça pour pouvoir ensuite tirer dans nos marchés publics des propositions qui
pourraient faire... qui pourraient être dans l'intérêt supérieur de l'économie
québécoise. Encore là, le coût total de possession est fondamental.
L'aluminium, vous avez amené le sujet tout à
l'heure, je vous en remercie, c'est un matériau qui fait appel à
l'intelligence. Il coûte plus cher à l'achat, c'est plus complexe, mais c'est
un matériau qui est moins dispendieux à l'usage. Alors, quand on utilise le coût
total de possession, on en vient à la conclusion, et c'est documenté au niveau
international, qu'une proposition en aluminium, comparativement à une
proposition traditionnelle avec des matériaux
comme l'acier, est moins dispendieuse. Mais on n'est pas capable d'utiliser ce
matériau-là dans des appels d'offres actuels parce que c'est des appels
d'offres sur spécification.
Mme LeBel : Donc, il faut sortir de
ce... Est-ce qu'il me reste quelques minutes? Une dernière?
Le Président (M. Simard, Montmorency) : Il
y a un peu d'écho, cependant. Si on pouvait corriger ça.
Mme LeBel : Oui, je m'entends
moi-même, et c'est... écoutez...
Le Président (M. Simard, Montmorency) : : C'est
doublement plus plaisant.
• (11 h 50) •
Mme LeBel : Non, mais moi, je ne le vois pas de même, mais,
en tout cas... Bien, vous parliez d'outil décisionnel, puis il reste peu
de temps, mais je vais conclure avec ça, parce que vous mentionnez, dans votre
mémoire, que, bon... «souhaite vous informer que nous
développons une grille d'analyse», là, et qui pourrait justement alimenter
l'Espace d'innovation. Donc, c'est ce type d'outil décisionnel là dont vous
parlez, là.
M. Simard (Jean) : Oui. On
travaille... Switch a demandé à l'Institut du Québec de développer une grille d'analyse pour être utilisée par les instances
gouvernementales dans deux situations cadres. Il y en a une qui est
l'aide aux entreprises, des aides financières, donc, à travers Investissement
Québec, ainsi de suite, d'avoir une grille qui permet d'internaliser des notions de performance environnementale, sociale, en
se mesurant à des objectifs de développement durable, par exemple, des Nations unies. Et le même outil pourrait être
utilisé justement pour baliser des processus d'appel d'offres, donc une
grille d'analyse qui pourrait être utilisée pour mesurer, accueillir des
propositions autrement que dans des schèmes
traditionnels. Et on vous propose, Mme la ministre, d'assurer la collaboration
des différents ministères avec cette initiative qu'on fait pour le
gouvernement. On aimerait beaucoup que ça fasse... (panne de son).
Mme
LeBel : On va en prendre certainement connaissance avec
sérieux. Merci beaucoup de votre intervention, messieurs, c'était fort
apprécié. Merci.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
D'autres interventions du côté gouvernemental? Sans quoi je cède la parole au
député de Mont-Royal—Outremont.
M.
Arcand : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour,
M. Leclerc, M. Simard. Un plaisir de vous revoir aujourd'hui.
On sait qu'au niveau gouvernemental, évidemment, il y a quelques joueurs
importants au niveau de la décision d'offrir certains contrats, etc., le Centre
d'acquisitions, le ministère de la Santé, le ministère des Transports, la SQI. Enfin, ce sont les principaux joueurs, là, qui
sont là. D'après vous, quelles sont les plus grandes erreurs qui sont
faites, vous qui surveillez ça depuis nombre d'années? C'est de trop spécifier
dans les appels d'offres? C'est... Quelles sont les erreurs les plus grandes?
M. Simard (Jean) : Bien, c'est
certain qu'on met le mot... l'expression «l'appel d'offres au plus bas
soumissionnaire» est certainement l'expression-valise de tous les maux de la
terre dans les processus, mais je pense qu'on
peut faire quand même un tri. Et certainement, quand on parle d'innovation,
c'est un problème beaucoup plus, comme on l'a exprimé tout à l'heure, de
donner ouverture à travers une façon différente que des appels d'offres. Je ne
pense même pas que c'est une question de plus bas soumissionnaire, c'est
beaucoup plus une question d'appels d'offres de performance, entre autres, pour
permettre l'innovation.
C'est certain que le plus bas soumissionnaire
conforme, on ne se creuse pas trop, trop la nénette, là, pour répondre à un
appel d'offres, on s'assure qu'on a le plus bas coût, qu'on charge le plus bas
prix. En soi, c'est un problème, mais je vous dirais que c'est un problème qui
est très fort au niveau municipal aussi. On a un peu infantilisé, je pense, le
secteur municipal au cours des dernières décennies au Québec. On a perdu une
marge de manoeuvre pour aller chercher de l'innovation, alors que c'est un
milieu qui serait capable, en se coordonnant, de faire émerger des propositions
innovantes. Ils ne peuvent pas le faire, dans la mesure où ils se trouvent
contraints d'utiliser le processus du plus bas soumissionnaire, sauf exception.
Et aussi, au niveau des règles comptables, ce qu'on
comprend, c'est qu'au niveau
budgétaire une municipalité, elle ne
prendra pas en compte le coût total de possession parce que ce n'est pas le même budget, ce n'est
pas la même personne qui est responsable que lors de l'achat initial du bien. Et donc il y a un problème structurel ou
systémique dans ces mécanismes-là qui va à l'encontre de la recherche de
solutions innovantes, dont le coût est différent ou devrait être calculé de
façon différente. Je passe la parole à Denis.
M. Leclerc
(Denis) : Merci. Bonjour. Et j'ajouterais un élément à
améliorer, puis j'en ai parlé très brièvement, c'est le fait de pouvoir,
au niveau des acheteurs publics, informer le marché sur leurs intentions, sur
leurs demandes, ce qu'ils... quels enjeux qu'ils ont. Et, vous savez, en
innovation, c'est très important. Et nous, chez, bon, Écotech Québec, on est
membres de Switch, mais Écotech Québec, on a fait quelque chose, on a fait un
projet pilote l'automne dernier où on avait mis au jeu sept enjeux d'organismes
publics. Alors, en collaboration avec les organismes publics, on avait
identifié sept de leurs enjeux et on a mis au défi l'innovation, l'écosystème
d'innovation au Québec pour leur soumettre des solutions innovantes, des
produits innovants qui existent déjà, là, ou une approche innovante. Ça, c'est
pour leur permettre... permettre aux acheteurs publics de mieux comprendre
qu'est-ce qui existe déjà sur le marché pour mieux rédiger leurs prochains
appels d'offres.
Alors, je ne sais pas si c'est vraiment comme ça
qu'on appelle le dialogue compétitif, mais il reste que l'initiative que l'on a
faite avec les sept enjeux des organismes publics, ça a été un grand succès
parce qu'on a vu qu'il y a ce forum d'échange. Ils appellent ça des vitrines
technologiques inversées. Le gouvernement avait ça uniquement pour les
technologies de l'information. Je pense qu'il faut démocratiser tout ça, là, il
faut en avoir pour de l'innovation, notamment pour les technologies propres,
pour pouvoir soumettre les innovations, les nombreuses innovations qui existent
déjà au Québec que le gouvernement pourrait très bien utiliser.
M. Arcand : Je me rappelle qu'en
2019, je pense que c'est Écotech Québec, là, qui proposait une espèce de carte
Nexus, là, vous aviez proposé... pour les entreprises qui étaient respectueuses
de l'environnement. Parce que moi, la crainte que j'ai, c'est qu'il faut
essayer de faire des choses quand même simples. Et ça, je trouvais ça
intéressant, de dire : On a une carte Nexus qui pourrait faciliter l'accès
au niveau des marchés publics. Et il me semble, en tout cas, que le projet de
loi n° 12 qu'on a devant nous me semble compatible avec ce type de
démarche. Et donc ma question, c'est : Est-ce que
vous pensez que c'est encore quelque chose qui est possible, qui pourrait être
inclus à l'intérieur de ce qu'on propose aujourd'hui?
M. Leclerc
(Denis) : Mais vous avez une bonne mémoire. J'apprécie. Oui, le Nexus
vert, hein, le Nexus est tellement important, lorsqu'on arrive d'un voyage puis
on passe devant tout le monde, c'est parfait. C'est un petit peu ça, le Nexus vert, c'est-à-dire qu'avec la
crédibilité de l'organisation, avec ce qu'on appelle son «track record»,
bien, ça nous permet, à ce moment-là, d'accélérer certaines démarches auprès
des gouvernements. Vous savez, ça pourrait être un excellent moyen d'inciter
des entreprises à faire affaire davantage avec le gouvernement. Il y a ça
aussi, cet enjeu-là. Je pense qu'avec... là, on a la stratégie, sa mise en
application, on pense qu'il va y avoir... on souhaite qu'il va y avoir des mécanismes comme cela pour
faciliter, accélérer cette démarche-là au niveau des marchés publics.
Jean.
Une voix :
...
M. Leclerc
(Denis) : Non, tu es en sourdine, Jean.
M. Simard
(Jean) : Si vous permettez, M. Arcand, j'aimerais ajouter que de
plus en plus, avec le recadrage des chaînes d'approvisionnement sur le plan
mondial, au niveau nord-américain, au niveau canadien, avec tout le contexte
géopolitique qu'on connaît, il va y avoir des nouveaux paramètres pour accéder
à des marchés très importants. On le voit même dans le secteur privé où est-ce
qu'on va devoir démontrer une conformité à des standards ESG, avoir obtenu des
certifications internationales, et ainsi de suite. Il y a une certification qui
est de plus en plus connue et qui est
globale, donc qui est reconnue partout, puis c'est l'utilisation des objectifs
de développement durable des Nations unies, par exemple. Et chaque
secteur peut cadrer une série de ces objectifs-là pour l'appliquer, par
exemple, à son industrie, à son entreprise.
On pourrait penser à
un processus de préqualification. Vous parliez du Nexus, là, ça pourrait être
une préqualification d'entreprises québécoises. Ce n'est pas nécessaire que ce
soit exigé dès la première année, mais, encore là, le signal pourrait être
donné par le gouvernement, de dire : On se donne cinq ans pour que
50 %, par exemple, des soumissionnaires
obtiennent la certification. La première année, ça va être plus une période
d'apprentissage, de comprendre qu'est-ce que ça représente. La deuxième, il
devrait y en avoir tant de pour cent, et ainsi de suite. Et, un, ça permet de
protéger l'intérêt public, de représenter des valeurs qui sont très
contemporaines et surtout d'amener nos entreprises à se rendre... à se donner
accès à des marchés internationaux qui, de plus en plus, vont exiger ça.
M. Arcand : D'accord.
Vous aviez, d'ailleurs, au niveau de ce que vous avez présenté, vous avez parlé
de cibles qui vont de 15 % de 2022 à 2027 jusqu'à 2048 où vous êtes à
25 %. Expliquez-moi comment vous en arrivez à ces chiffres-là.
• (12 heures) •
M. Simard (Jean) :
C'est un exemple. C'est un exemple. C'est pour montrer l'importance d'avoir
une démarche qui est progressive dans le temps plutôt que de créer un choc,
mais, en même temps, d'en avoir une. C'est nécessaire, mais il faut l'étaler
sur une période de temps donnée. Alors, c'est strictement arbitraire, ce qu'on
a mis là, là, ce n'est pas... La
recommandation, ce n'est pas ces chiffres-là. La recommandation, c'est de se
donner une approche comme celle-là... (panne de son) ...progressive.
M. Leclerc (Denis) :
Et c'est difficile pour nous de mettre des chiffres parce que, même le
15 %, est-ce que c'est beaucoup? Il est de combien en ce moment? Alors,
c'est difficile pour nous de donner une valeur à ce 15 % là. Alors, c'est
pour ça qu'on... Mais, comme l'explique Jean, c'est plus la progression au
cours des prochaines années qu'on voit que ça peut inciter davantage la
fonction publique, les acheteurs publics à respecter les nouveaux critères
d'achat responsable.
M. Arcand : O.K.
Hier, quand on a entendu des chambres de commerce... Et disons que les chambres
de commerce, ce que l'on disait hier, c'est qu'on avait beaucoup, je dirais, de
craintes par rapport, au-delà du projet de loi, à la façon de changer la
culture organisationnelle de l'État, qu'on a beaucoup de craintes. C'est très
figé. Et puis aujourd'hui, ce que vous nous dites, et ça explique d'ailleurs
pourquoi vous avez fait ces projets-là, c'est qu'on dirait que les décideurs ne
sont pas très conscients de ces nouvelles technologies, de ces nouvelles
innovations, ne sont pas très conscients de ce qui se passe. Est-ce que ce
n'est pas là une grande partie du problème... pas d'effort de marketing, de
faire connaître justement les innovations québécoises?
M. Leclerc
(Denis) : Bien, c'est... le marketing, oui, mais il faut que de,
l'autre côté, il y ait une ouverture, mais il faut qu'il y ait aussi un besoin.
Et, au-delà de l'incitation, il faut qu'il y ait des obligations, hein? Alors,
d'inciter et d'encourager, c'est une chose, mais d'obliger, c'en est une autre.
Alors, c'est pour ça que l'activité que nous avons faite avec les organismes
publics l'automne dernier...
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : Merci, M. Leclerc.
M. Leclerc
(Denis) : ...ça nous a permis...
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : Merci. Désolé de vous contraindre
dans le temps. On vous a laissé quand même beaucoup plus de temps que prévu
pour la section dévolue au député d'Outremont. Donc, je cède maintenant la
parole à la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci. Merci, M. Leclerc, M. Simard.
Vous allez voir, il y a encore moins de temps, là, avec moi,
malheureusement, à peine deux minutes quelque chose. Écoutez, merci pour votre
présentation, pour votre mémoire.
Vous n'êtes pas les
premiers, là, à avoir remis en question la stricte règle du plus bas
soumissionnaire. Et vous parlez d'inverser le fardeau de la preuve dans la
reddition de compte du Conseil du trésor. Et c'est sûr que, bien, on va en
tenir compte, et ça va nous aider dans nos discussions.
Il y a une
proposition, en fait, par rapport au fait... par exemple, vous dites que c'est
important qu'il y ait une marge préférentielle pour... dans le pointage des appels
d'offres, pour s'assurer que les normes environnementales minimales soient respectées
ou avantagées.
Vous parlez de
s'approvisionner en fraises du Québec plutôt qu'en importer du Mexique ou de la
Californie, donc c'est un exemple que vous donnez. Est-ce que vous pensez que
c'est quelque chose de possible dans le marché actuel? Il ne devrait pas y
avoir, par exemple, une tarification carbone? J'aimerais vous entendre.
Qu'est-ce que vous pensez de cette idée-là, qu'il y ait une tarification
carbone pour les produits importés, qui est une idée qui est en train de se
discuter, puis certains pays l'ont mis en place?
M. Simard
(Jean) : Écoutez, je vais me permettre d'amorcer la réponse parce que
c'est un sujet qui touche énormément notre industrie, l'industrie canadienne de
l'aluminium, dont celle du Québec. Le mécanisme carbone, c'est une idée qui est
poussée présentement à l'origine par l'Union européenne. C'est une gestion
nationale. Donc, le Québec n'aurait pas à gérer une telle politique, c'est le
Canada qui serait appelé à gérer ça. Le Canada, et dont le Québec, est en très
bonne position parce qu'on a un mécanisme de tarification carbone.
Une fois qu'on a dit
ça, le gros enjeu pour nous, c'est le fait que notre commerce est vers les
États-Unis, il n'est pas vers l'Europe, en très grande partie. Et, demain
matin, si on se prête à un mécanisme européen, par exemple, ça pourrait forcer
le retrait des allocations de protection de couverture pour les grands secteurs
industriels, qui sont considérés comme intensifs en termes d'utilisation
d'énergie, et exportateurs. Ça veut dire que, demain matin, l'aluminium qu'on
exporte aux États-Unis ne serait plus couvert en termes d'allocation carbone
parce qu'on serait en lien avec l'Union européenne, avec le système européen,
alors qu'on exporte 90 % de ce qu'on produit vers les États-Unis, où on
doit se colletailler avec de l'aluminium qui vient de l'Inde au charbon, du
Moyen-Orient au gaz naturel, de la Chine au charbon. Alors, on serait exposés à
une concurrence qui n'a aucune tarification carbone, alors qu'on perdrait nos
allocations de couverture qui sont là pour nous protéger de la concurrence.
Mme Ghazal :
Là, je sais qu'on est au Québec...
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : Mais très succinctement, puisqu'on a déjà
dépassé le temps.
Mme Ghazal :
Ah? O.K. Mais est-ce que, par exemple... J'avais d'autres choses, mais, ce
n'est pas grave, je vais rester là-dessus vu
qu'il ne reste pas de temps. Est-ce que c'est possible, par exemple... Vous
parlez des fraises, pour certains secteurs. Est-ce que ça serait bien
pour le Québec et d'autres, peut-être... Parce que ça nuirait à certaines
industries, laisser tomber...
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : Succinctement, s'il vous plaît.
Mme Ghazal :
Comme l'alimentation, la santé.
M. Simard
(Jean) : Oui. Les systèmes visent les grandes familles de matériaux de
base. Ils ne visent pas les produits parce que c'est trop difficile à
contrôler. Alors, ça ne ferait rien pour les fraises.
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : Merci, M. Simard. Merci à vous, chère
collègue. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui. Merci beaucoup. Quand je vois le secteur économique aussi mobilisé
dans la lutte contre les changements
climatiques, l'économie, et le monde des affaires, il est beaucoup plus en
avance, j'ai l'impression, que le gouvernement, à certains égards.
Vous le savez,
M. Simard, on a un pont en aluminium depuis 70 ans à Arvida qui tient
la route. Si j'avais été ministre des Transports plus longtemps, on aurait
multiplié ce type de pont à travers le Québec.
Maintenant, moi, je
veux vous entendre justement sur l'enjeu des changements climatiques. Vous en
parlez beaucoup, j'aime ça, entre autres, la recommandation 2, la
recommandation 3, votre recommandation 10. Donc, deux questions. Comment
on peut intégrer... Vous le dites quasiment, là, le test climat que le ministre
de l'Environnement n'a pas mis dans sa
loi n° 44, ou, en tout cas, pas suffisamment. Donc,
comment intégrer le test climat et la reddition de compte là-dessus? D'autres nous ont parlé, hier,
de donner des pouvoirs accrus au Commissaire
au développement durable.
M. Simard (Jean) : Bien, pour
ce qui est du test climat, pour nous, ça ferait partie de toute la notion d'une
grille, une grille d'analyse qui internalise, justement, des facteurs
environnementaux, des facteurs sociaux qui, soit dit en
passant, pourraient être utilisés même au-delà du seuil de 300 quelques mille
dollars que couvre le présent projet de loi, sauf erreur, parce que ce sont des
éléments de référence qui sont admis par l'Organisation mondiale du commerce.
On peut se référer à des balises environnementales et sociales dans le cadre de
nos accords internationaux. Donc, on aurait tout lieu d'utiliser ces
référentiels-là dans une grille d'analyse. Et d'ailleurs la proposition qu'on a
faite à Mme la ministre tout à l'heure, là, le projet qu'on travaille avec
l'Institut du Québec, porte justement sur l'utilisation de ces référentiels-là.
M. Leclerc (Denis) : Et quoi de
plus normal de pouvoir identifier des éléments qui viennent contribuer à
l'atteinte des objectifs du Québec. Que ça soit en matière des émissions de gaz
à effet de serre, la protection des eaux, les matières résiduelles, même sa
politique d'agriculture durable, ce sont des éléments... Si on se donne des
stratégies de cette ampleur-là au Québec, il faut s'assurer que ce que le
gouvernement fait vient appuyer l'atteinte de ces objectifs.
M. Gaudreault : Et le Commissaire au
développement durable qui ferait la reddition de comptes, qu'est-ce que vous en
pensez?
M. Simard (Jean) : Ce n'est pas une
mauvaise idée. Il faut qu'il y ait une reddition de comptes, c'est certain.
C'est très important. Sinon, on n'avancera pas.
M. Gaudreault : Parfait. Donc, vous
dites : Il faut une reddition de comptes, il faut trouver le meilleur
mécanisme. Le Commissaire au développement durable peut en être une. En tout
cas, le G15, hier, le Conseil du patronat également était d'accord. J'imagine
que vous n'êtes pas très aux antipodes, là, de ces groupes-là, là.
• (12 h 10) •
M. Leclerc
(Denis) : Absolument pas. Je pense que ça peut être une
avenue à considérer puis de façon très positive.
M. Gaudreault : Merci.
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : Alors, M. Leclerc,
M. Simard, merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux ce
matin.
Sur ce, nous allons suspendre momentanément, le
temps de faire place à nos prochains invités. À nouveau, merci à vous deux.
M. Simard (Jean) : Merci. Au revoir.
M. Leclerc (Denis) : Au revoir.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Au revoir.
(Suspension de la séance à 12 h 11)
(Reprise à 12 h 16)
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Alors, chers collègues, nous sommes de retour et nous sommes maintenant en
présence de représentants de l'Institut de recherche en économie contemporaine.
Messieurs, bonjour. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter?
Institut de recherche
en économie contemporaine (IREC)
M. Rioux (Hubert) : Alors, bonjour.
Hubert Rioux. Je suis chercheur à l'Institut de recherche en économie
contemporaine.
M.
Laplante (Robert) : Robert Laplante, directeur général de l'Institut
de recherche en économie contemporaine.
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : Messieurs, vous disposez
de 10 minutes pour faire votre présentation.
M. Rioux (Hubert) : Alors, bonjour à
tous. Merci, effectivement, de nous donner l'occasion d'exprimer le point de vue de l'IREC sur ce projet de loi
n° 12 et plus largement sur la stratégie des marchés publics qui
l'accompagne.
Alors, je vais débuter, d'abord, en rappelant
que cette stratégie et ce projet de loi s'inscrivent, de notre point de vue,
d'abord et avant tout dans un contexte de déstabilisation profonde des chaînes
de valeur manufacturières mondiales, qui a évidemment été accentuée par la
crise géopolitique russo-occidentale, disons, la pandémie de COVID-19 et
l'accélération des bouleversements climatiques, mais dont les racines profondes
remontent au moins à la crise financière de 2008 et aux multiples chocs, là,
qui vont suivre dans les années 2010. Et cette conjoncture historique
particulière a poussé les économies occidentales à reconsidérer l'importance de
l'autonomie industrielle stratégique, puis à mettre en place des politiques de
réindustrialisation et de relocalisation des chaînes d'approvisionnement
manufacturière, dont les mesures préférentielles visant les marchés publics,
qui sont des manifestations centrales. Et conséquemment on souhaite, ce midi,
soulever quelques éléments importants.
D'abord, le gouvernement du Québec doit
s'attendre à ce qu'en particulier, dans la foulée du conflit armé, là, en
Europe actuellement, l'appréciation, l'interprétation et même le respect des
principes de non-discrimination réciproque prévus aux accords commerciaux
internationaux sur les marchés publics soient fondamentalement bouleversés à
court et à moyen terme. Ensuite, et pour cette même raison, le gouvernement
doit s'attendre à ce que les exceptions et les exclusions prévues à ces accords
sur les marchés publics, pour ce qu'on appelle communément les objectifs
légitimes, là, qui permettent de contourner les principes de non-discrimination
réciproque, soient de plus en plus fréquemment invoquées, voire
instrumentalisées par les partenaires commerciaux du Québec. Les objectifs
légitimes liés notamment à la sécurité nationale, à la santé et à la sécurité
des travailleurs et des consommateurs, à la protection
de l'environnement puis à la sécurité des approvisionnements en biens d'intérêt
critique — on
peut penser, par exemple, aux pharmaceutiques, à l'agroalimentaire, aux
technologies de pointe — seront
dorénavant utilisés de manière plus ou moins
systématique afin d'avantager les fournisseurs locaux dans le cadre des appels
d'offres publics, et nous sommes d'avis que le gouvernement du Québec ne
doit pas s'empêcher d'emprunter cette voie également.
Enfin, bien que la stratégie et le projet de loi
englobent à la fois l'approvisionnement en biens, en services et en travaux de
construction, on croit qu'il convient de mettre l'accent, dans le cadre de leur
application, sur le secteur des biens. C'est
très clairement dans ce domaine-là que l'approvisionnement québécois est
déficient, et ça correspond plus largement à la dépendance importante du
Québec envers les importations manufacturières.
Aujourd'hui, pour vous donner une idée, la
demande intérieure québécoise totale en intrants et en produits manufacturiers
est comblée à plus de 65 % par les importations, et, dans ce contexte-là,
la stratégie et ce projet de loi devraient être utilisés sans ambiguïté, de
notre point de vue, comme des outils de substitution des importations. Et c'est
avec ces considérations en tête que j'évoque, pour terminer, quelques points
importants en rafale, en espérant que ça puisse vous permettre de pousser un
peu plus loin votre réflexion.
• (12 h 20) •
Premièrement, comme c'est le cas notamment aux
États-Unis dans le cadre des dispositions du Buy American, on pense que la définition du concept de fournisseur québécois
devrait intégrer un seuil d'approvisionnement local afférent à la valeur des intrants ou des composantes des biens
concernés, avec application de marges préférentielles en fonction de ce
seuil.
Deuxièmement, comme ça se fait notamment en
France, il serait envisageable d'intégrer des critères linguistiques aux appels
d'offres publics, favorisant indirectement les entreprises québécoises.
Troisièmement, et comme le projet de loi le
reconnaît déjà en partie, on veut souligner le fait que les critères
environnementaux, sociaux et de gouvernance sont généralement acceptés en droit
des marchés publics et peuvent permettre
d'avantager indirectement les fournisseurs locaux. Il en va d'ailleurs de même
des critères afférents à la création de marchés d'économie circulaire ou
de circuits courts, notamment en matière d'approvisionnement agroalimentaire.
Et finalement, et ça, c'est particulièrement
important de notre point de vue, il est à noter que les organismes sans but
lucratif, dont les coopératives, sont exemptés des principes de
non-discrimination de l'Accord sur les marchés
publics de l'OMC, de l'Accord de libre-échange canadien et de l'accord de
coopération et de commerce Québec-Ontario, et qui plus est, les OBNL et
donc les coopératives sont également exemptées du chapitre de l'AECG avec
l'Europe sur les marchés publics pour tout ce qui a trait à l'urbanisme.
Donc, considérant l'importance, là, du secteur
de l'économie sociale au Québec, ça offre, de notre point de vue, des
opportunités intéressantes, et je laisse là-dessus la parole à Robert Laplante.
Ton micro est fermé, Robert.
M. Laplante (Robert) : Pardon. Merci
de me donner l'occasion d'attirer votre attention sur une dimension importante
de l'économie du Québec, qui, dans le projet de loi et dans le débat public en
général, est sous-évaluée quant à son
potentiel structurant. Le recours aux marchés publics peut fournir de puissants
instruments de reconfiguration des économies locales et régionales, et
les entreprises d'économie sociale peuvent en fournir, aussi bien par le biais
des achats qu'elles peuvent faire que par la production de biens et services
qu'elles peuvent livrer. Ces entreprises d'économie sociale peuvent fournir de
très puissants leviers, mobilisables partout et rapidement sur tout le
territoire. C'est vrai particulièrement dans le domaine agroalimentaire et de
la sécurité alimentaire.
La stratégie nationale gouvernementale d'achat
d'aliments québécois est une initiative qu'il faut bonifier, c'est un pas dans
la bonne direction, mais il faut ajouter à cette politique une dimension
nettement plus volontariste. Il ne suffit plus d'appeler à la concertation, de
proposer du conseil et des incitatifs, il faut un cadre structurant et des
mesures effectives pour donner du résultat.
Les coopératives de producteurs, de
transformateurs et les agences de distribution peuvent jouer un rôle clé, car
ils ont une masse critique dans plusieurs filières stratégiques pour tout le
secteur de l'agroalimentaire. Le domaine de l'économie sociale couvre
effectivement un très large spectre d'activités de production et de
distribution, et il peut fournir, puisqu'il
est un important gisement d'emplois...
c'est le plus important gisement
d'emplois industriels au Québec. Le secteur agroalimentaire est
particulièrement mobilisable pour l'économie sociale. Il peut fournir une
occasion de réunir la politique commerciale, la politique industrielle et la
sécurité alimentaire, dans la mesure où on comprendra que l'achat local n'a de
portée que s'il est combiné à une stratégie de production locale. L'action
gouvernementale doit rendre ce lien incontournable. C'est le cadre qu'il faut
bâtir.
À cet égard, je
rappellerai une des remarques souvent proférées devant les consultations du
défunt rapport Pronovost d'il y a quelques années, où plusieurs intervenants du
monde de l'agroalimentaire déploraient le fait que le Québec
dépend de trois grands distributeurs, principalement pour l'ensemble de ses
fournitures en agroalimentaire, et qu'un
seul de ses distributeurs est sous contrôle québécois, ce qui fragilise
considérablement l'ensemble du domaine agroalimentaire.
On avait, à ce moment-là, évoqué la possibilité, et même plusieurs acteurs le
soutenaient, la nécessité de faire
naître un réseau de distribution sous contrôle coopératif pour offrir un
contrepoids aux concentrations logistiques imposées par des contrôles
externes de ces grands distributeurs.
Les
entreprises d'économie sociale sont effectivement territorialisées. Elles sont
donc beaucoup plus facilement mobilisables pour la construction de
circuits courts. Elles devraient être normalement prises en considération. Ce sont les fers de lance d'une stratégie de
substitution des importations qui pourrait privilégier à la fois
l'approvisionnement local et une conduite environnementale appropriée à la
lutte aux changements climatiques. L'empreinte carbone pourrait ainsi être
diminuée, et cette empreinte carbone devrait être un des critères incorporés à
tout appel d'offres.
L'approvisionnement
alimentaire devrait être effectivement assorti, dans les appels d'offres, d'une
clause du 150 kilomètres et...
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : Très bien.
M. Laplante
(Robert) : Et, à ce moment-là, on pourrait penser que...
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : Merci beaucoup.
Mme LeBel :
...
M. Laplante
(Robert) : Oui. Je compléterai.
Le Président (M.
Simard, , Montmorency) : Ceci étant dit, oui, Mme la ministre.
Mme LeBel :
Oui. Mais je vais vous laisser compléter, M. Laplante, votre
présentation sur le temps qui m'est imparti, puis on pourra peut-être...
j'aurai peut-être quelques questions pour vous par la suite.
M. Laplante
(Robert) : Je vous remercie, Mme la ministre. Rapidement, les
entreprises d'économie sociale, parce qu'elles ont une plus grande longévité
que les entreprises commerciales conventionnelles et des pratiques commerciales centrées sur l'intérêt général,
peuvent fournir des éléments de densification du tissu économique local
et régional. Elles peuvent faciliter la plus
grande efficacité de nos politiques agricoles et de nos politiques
d'approvisionnement.
En
règle générale, et je conclurai là-dessus, les appels d'offres — tous
les appels d'offres — devraient
comporter une clause de priorité à
l'investissement local — c'est
une clause qu'on retrouve dans beaucoup d'États américains — une
clause qui pourrait s'appliquer à tout soumissionnaire qui... Toute condition
est évidemment satisfaisante, étant égale par ailleurs, la préférence devrait
être accordée à tout fournisseur qui, pour répondre à l'appel d'offres, peut
faire la preuve de son investissement dans
l'économie locale et régionale. Cela est conforme aux entreprises et aux
exigences du commerce et cela faciliterait
grandement l'investissement dans l'économie de chacune des régions. Et
particulièrement cela inciterait les grands pourvoyeurs de services financiers,
les grands créateurs de réservoirs de capitaux, à être plus présents dans les
collectivités qui génèrent leurs profits et leurs encours.
Alors, pour une
politique d'achat, il faut privilégier l'économie sociale, lui faire une place
centrale dans l'approvisionnement agroalimentaire et, plus globalement, offrir,
dans les appels d'offres, la possibilité pour tout soumissionnaire de bonifier sa proposition en manifestant son intérêt à
investir dans l'économie locale et régionale. Voilà.
• (12 h 30) •
Mme LeBel : Merci, M. Laplante. Vous avez été très éloquent
sur la place de l'économie sociale, les entreprises d'économie sociale,
donc c'est peut-être pour ça que je vais vous amener un peu plus sur un autre
terrain pour être capable d'en discuter un peu plus... un peu plus en long avec
vous et votre collègue qui vous accompagne.
Je vais tout de suite
donner mes couleurs, puis j'ai l'impression... bon, moi, je pense que les
accords de libéralisation des marchés
publics sont importants. Ils ont leur place. Ils ont des avantages également
pour notre économie, nos entreprises. Mais là où je vous rejoins, c'est
sur le fait que, je vais le dire dans mes mots, probablement, au Québec ou même
au Canada, on a peut-être été beaucoup trop timides dans l'exploitation des
marges de manoeuvre disponibles à l'intérieur de ces accords-là.
Donc, sans mettre à
mal les accords et, encore une fois, de jeter le bébé avec l'eau du bain, parce
qu'il y a un avantage... Et je vous dirais que, dans mes consultations,
beaucoup de gens de l'industrie, les entreprises, ne veulent pas non plus qu'on
mette la hache... même si ce n'est pas nous qui sommes signataires, on se
comprend, là, mais qu'on se comporte comme s'ils n'existaient pas, disons-le
comme ça, compte tenu de la place de notre économie québécoise et sa situation
de force ou non, dépendamment comment on la regarde.
Là où, donc, je suis
d'accord avec vous, je le disais, c'est sur l'exploitation des marges de
manoeuvre disponibles, et c'est ce que se propose de faire la stratégie,
d'ailleurs. Il y a la stratégie, il y a le projet de loi. Dans le projet de
loi, naturellement, on se propose, à titre d'achat québécois, à titre
d'exemple, d'exploiter les marges de manoeuvre disponibles. D'ailleurs, on a
commencé avec deux appels d'offres pour le CAG, où on a réservé des lots
minoritaires, mais on a réservé des lots en matière d'approvisionnement de
masques où, là, j'allais dire «l'excuse», l'objectif légitime s'applique
quand on parle de santé et sécurité, entre autres.
Donc, je comprends que vous nous proposez
peut-être d'aller plus loin ou d'exploiter d'autres types de marge de
manoeuvre. J'aimerais juste vous entendre un peu, toujours dans le respect des
accords : Comment on peut exploiter ces marges de
manoeuvre là? Bon, avez-vous d'autres types... d'autres secteurs, d'autres
types de biens, là? C'est ça que... Rapidement, les équipements de protection
individuelle en matière de santé nous apparaissent comme étant une évidence,
là, qui rentrent clairement dans la définition de la marge de manoeuvre. Est-ce
que vous avez d'autres secteurs à nous proposer, qu'on devrait explorer, à tout
le moins, auxquels on devrait songer?
M. Laplante (Robert) : Oui. Bien, je
laisserai Hubert parler plus spécifiquement des domaines industriels, mais je
voudrais rappeler qu'il n'y a pas d'opposition entre profiter pleinement de la
marge de manoeuvre que nous accordent les accords avec la nécessité de
maintenir notre économie dans les marchés internationaux. L'économie du Québec
est une économie d'exportation. Il n'est pas question d'opposer quelque mesure
que ce soit pour en diminuer la portée, mais il est essentiel d'occuper tout le
terrain pour offrir, justement, aux entreprises, des appuis solides dans le
marché national pour leur permettre de mieux compétitionner à l'international.
Et, à cet égard, les exemples que peut apporter Hubert dans le récent rapport
que nous avons versé à la commission sont assez éloquents.
M. Rioux (Hubert) : Absolument,
j'abonde dans le même sens, notre propos n'est évidemment pas qu'il faille
jeter à la poubelle les accords commerciaux internationaux, y compris en ce qui
concerne les marchés publics, là. Ce n'est pas du tout ça. C'est... Un peu
comme l'ont d'ailleurs rappelé plusieurs des intervenants qui sont passés avant
nous, beaucoup de juridictions voisines du Québec ou de partenaires commerciaux
du Québec, effectivement, profitent déjà des échappatoires ou des exceptions
qui sont déjà prévues à ces accords en termes de marchés publics. On peut
penser, par exemple, à la quasi-totalité des États américains qui appliquent
des marges préférentielles pour les entreprises locales, qui sont définies de
différentes manières, soit sur la base du pourcentage d'employés résidant dans
l'État ou sur d'autres bases. Mais une approche intéressante que beaucoup
d'États américains, également, ont adoptée, c'est d'appliquer des mesures de
réciprocité aux appels d'offres publics, qui font en sorte que, lorsque les entreprises étrangères postulent sur des appels
d'offres publics dans un état X ou Y, l'État va appliquer un pourcentage
supplémentaire au prix qui est de... au prix de la soumission de l'entreprise
étrangère en fonction des marges préférentielles qui sont appliquées dans le
pays d'origine de cette entreprise étrangère, de façon à ce que le terrain de
jeu soit égal pour tous. Et donc c'est une manière... ce serait une manière,
pour le Québec, entre autres, d'égaliser le terrain de jeu pour les entreprises
québécoises face aux compétiteurs étrangers pour les marchés publics. On peut
penser, donc, en termes de secteurs, là, industriels à privilégier, vous avez
mentionné les EPI, là, l'équipement médical en général. Bien sûr, on peut
penser aux pharmaceutiques, même s'il y a une certaine complexité à aller de
l'avant dans ce secteur-là, en raison de la relativement faible production
québécoise dans ce secteur, mais ce serait justement une opportunité d'essayer
de la promouvoir. Et on peut penser, bon, évidemment à l'agroalimentaire, là.
Et, dans ce cas-là, il y a beaucoup d'exemples
internationaux intéressants, notamment en Europe et en France, où on encourage
de différentes manières les producteurs locaux, notamment, en France, par
l'entremise d'approvisionnement des cantines scolaires, qui sont souvent donnés
de préférence à des entreprises locales ou à des coopératives locales. Puis, maintenant, ces politiques-là s'appliquent à
l'échelle européenne également avec différents programmes, notamment, le récent programme De la ferme à la fourchette,
là, qui va avantager beaucoup les fournisseurs nationaux des différents
pays membres en termes d'approvisionnement agroalimentaire.
Mme
LeBel : Dans le cadre de la stratégie, entre autres, on a
déjà identifié, effectivement, puis, bon, vous l'avez mentionné, ça
découle beaucoup... bien, pas la réflexion, mais la démonstration s'est faite,
pendant la pandémie, de l'importance de sécuriser nos chaînes
d'approvisionnement en matière de santé, donc, au sens large, c'est-à-dire, là,
bon, plus spécifiquement, les équipements de protection individuelle
présentement, mais, de façon plus large, en matière de santé et dans
l'alimentation, dans l'agroalimentaire. Donc, ce sont déjà les deux secteurs
qui ont été identifiés, où on doit, je pense, favoriser les productions
locales, les chaînes de production locale et sécuriser cette production. Est-ce
qu'il y a d'autres secteurs, bon, en partant de la prémisse qu'on ne peut pas
faire... on ne peut pas le faire dans tous les secteurs? Bon, des fois, il y a
des difficultés. Vous avez parlé du pharmaceutique, même si on pense que c'est une bonne idée sur le plan
théorique, sur le plan pratique, ça pose des enjeux, des fois, qui sont plus...
qui sont peut-être plus réglables à long terme, disons. Mais en excluant santé
et alimentaire qu'on a déjà ciblés comme étant les secteurs où on doit
travailler en priorité, est-ce qu'il y aurait un autre secteur que vous auriez
à nous proposer où vous pensez qu'il y a une certaine faisabilité ou une certaine
nécessité de le faire, là?
M. Laplante (Robert) : Écoutez, il y
en a plusieurs autres, mais en particulier celui des technologies propres. Et
je crois que plusieurs intervenants, comme... regroupés, là, chez Écotech, par
exemple, ont souvent insisté sur la nécessité, pour les politiques d'achat
gouvernementales, de prêcher par l'exemplarité, et, de ce point de vue là,
d'aller chercher, dans les appels d'offres, les propositions qui sont à la
pointe de la technologie et qui sont à la pointe
de la technologie développée ici. Et nous sommes, dans ces matières,
particulièrement bien pourvus. Le Québec possède un réseau très important, une grappe industrielle assez
performante en matière des technologies environnementales. On pourrait
aussi dire la même chose, et là-dessus, Hubert pourra donner plus de détails,
sur tout ce qui concerne les technologies de l'électricité, où nous allons, au
cours des prochaines années, avoir à faire des choix stratégiques majeurs.
M. Rioux
(Hubert) : Absolument. Pour compléter sur la question des
technologies propres, là, vous avez entendu, aujourd'hui, et... plutôt hier, bon, les gens de Propulsion Québec, là,
entre autres, là, toute la grappe de l'électrification des transports. Je pense qu'il y a beaucoup
d'opportunités, effectivement, dans ce secteur-là. Un secteur afférent à
celui-là, sur lequel
nous savons déjà que le gouvernement du Québec travaille beaucoup, c'est celui
des carburants renouvelables également, hydrogène, biomasse, etc. Donc,
c'est également un secteur dans lequel on pourrait essayer d'en faire le
maximum pour favoriser à la fois la production et l'utilisation de ces
carburants renouvelables à mesure que nous serons capables de les produire. Et
ça nous permettrait, notamment, d'amenuiser notre déficit commercial qui dépend
beaucoup de l'importation de carburants
fossiles. Et effectivement, sur la question du matériel électrique, ça, c'est
une question importante et intéressante puisqu'on sait que, dans les dernières
années, le déficit commercial, de façon un peu paradoxale considérant les
avantages comparatifs du Québec dans ce secteur-là et les capacités
d'Hydro-Québec, le déficit commercial du
Québec, en matière d'équipement électrique, de matériel électrique, s'est accru
beaucoup dans les dernières années.
Donc, il y aurait beaucoup de travail à faire de ce côté-là. Et je précise
notamment qu'Hydro-Québec est
exemptée des principes de non-discrimination de plusieurs de nos accords
internationaux sur les marchés publics pour une longue liste de biens et de matériel électrique. Donc, vous êtes
déjà au courant, là, mais enfin, bref, je le mentionne, parce
qu'effectivement peut-être qu'il y aurait matière à profiter davantage de ces
exemptions-là dans l'avenir.
Mme LeBel : Bien, merci
beaucoup, messieurs. Merci de votre participation.
M. Rioux (Hubert) : Merci
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
M. le député de Mont-Royal—Outremont.
• (12 h 40) •
M. Arcand : Merci, M. le
Président. Bonjour, messieurs Laplante et Rioux. Je dois dire que j'ai trouvé
très intéressante votre présentation ce matin, parce que ça nous force
évidemment à réfléchir de façon importante. Et je pense que le projet de loi
qui est devant nous, c'est une façon, justement, de pouvoir remettre en
question un certain nombre de choses. Évidemment, on nous avait rappelé, avec
beaucoup de justesse, jusqu'à quel point nous sommes actuellement dépendants
encore beaucoup trop de certaines importations. Je pense que c'est un des
éléments clés. Vous nous avez donné des pistes de solution. Tout à l'heure, on
avait les gens d'Écotech qui nous disaient, entre autres, qu'il devrait y avoir
une... On a parlé d'une carte NEXUS, là, pour les entreprises qui sont
écoresponsables, qui ont des technologies en matière d'environnement, etc., que
c'était une façon de pouvoir sensibiliser ce qu'on appelle les donneurs
d'ouvrage à ça.
Moi, je suis toujours étonné du nombre effarant,
actuellement, de gens qui perdent les contrats au niveau du gouvernement et qu'ils perdent, évidemment, parce
que, souvent, leurs compétiteurs... Puis je ne veux pas commencer à
faire une attaque contre un pays en particulier, mais la Chine est certainement
un énorme problème à ce niveau-là, parce
que, tu sais, la Chine offre des coûts très bas. C'est clair qu'il y a...
Probablement que, de tous les pays qui peuvent nuire à notre espèce d'autosuffisance, si vous me permettez
l'expression, la Chine est certainement un problème. Est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer que certains
endroits... ou que le gouvernement tienne compte quand même de ces
éléments-là? Combien de compagnies m'ont dit : Bien, moi, j'ai perdu
certains contrats gouvernementaux, parce que j'avais
un compétiteur qui faisait venir ses choses de Chine ou d'autres pays à bas coûts,
puis j'ai perdu à cause de ça, etc. C'est quoi, votre vision par rapport
à ça? Qu'est-ce qu'un gouvernement devrait faire dans des cas comme ça? Est-ce
qu'il devrait tenir compte de ces éléments-là?
M. Laplante (Robert) : Bon, on
comprendra qu'il ne s'agit pas de mettre tel ou tel pays au ban sous prétexte
qu'il est capable de produire à plus bas coûts, mais ça remet en question et ça
peut remettre en question la clause du plus bas soumissionnaire dans la mesure
où on peut introduire d'autres critères pour pondérer l'évaluation d'une
soumission et d'une réponse à un appel d'offres en tenant compte, par exemple,
du bilan carbone, en tenant compte de la production locale, de la chaîne des
intrants. Ce sont des critères qui peuvent être utilisés et qu'il est possible
de formuler en tout respect des règles du commerce international et qui vont
permettre une compétition à armes égales, si
on peut dire, en tenant compte de tous les facteurs qui conditionnent la
production. On n'arrive pas à un prix très bas uniquement par des critères de productivité, mais aussi par les
conditions d'externalisation d'un certain nombre de coûts qui font en
sorte que, par exemple, dans l'agroalimentaire, il y a une compétition inégale
qui peut se livrer, parce que les pesticides sont autorisés à certains
endroits, parce que des techniques de production sont tolérées ailleurs, etc.
Donc, il faut à la fois un appel d'offres visant
à privilégier des critères qui vont pondérer le plus bas coût et qui, d'autre
part, vont inciter les producteurs, les répondants aux appels d'offres à se
placer à la fine pointe. Il y a un rôle là important pour privilégier les
technologies de pointe dans lesquelles on peut aller chercher là quelque chose
de structurant pour les entreprises québécoises.
M. Rioux (Hubert) : Je complèterais
peut-être...
M.
Arcand : Oui,
allez-y, allez-y.
M. Rioux (Hubert) : Bien, très
brièvement, je vous laisserais poser d'autres questions. Simplement pour dire
que ce que Robert vient de présenter, effectivement, c'est, on pourrait dire,
l'approche incitative ou la carotte, mais il y a également l'approche du bâton
qui peut être intéressante dans la mesure du raisonnable. Donc, par exemple, en
plus des marges préférentielles qu'on pourrait appliquer à nos appels d'offres
pour les différents critères que Robert vient de mentionner, on pourrait
également penser à différents types de pénalité qu'on pourrait imposer selon
différents critères à nos appels d'offres. C'est une approche qu'utilisent,
notamment, de plus en plus les pays européens, notamment,
pour les problèmes que vous avez identifiés, M. le député, à l'égard des pays en
émergence, et notamment de la Chine.
Donc, par exemple, la France applique des
pénalités pour toutes sortes de critères, mais notamment lorsque le prix de la soumission des entreprises
étrangères est considéré artificiellement bas et qu'on considère qu'il s'agit,
donc, de dumping social ou environnemental, en raison des salaires très peu
élevés ou de la réglementation très peu élevée qui s'applique aux secteurs
d'activité de l'entreprise qui applique sur les appels d'offres. Donc, il y a
les deux approches, je pense, à combiner dans les appels d'offres dans le
futur.
M. Arcand : Donc, la carotte pour
ceux qui sont écoresponsables et qui produisent des choses qui se font selon les normes éthiques et d'autres pour, je
dirais, le dumping social de ce côté-là. Vous avez identifié deux
endroits, principalement... vous avez donné
deux endroits, principalement, où vous trouviez que le Québec se devait d'être
beaucoup plus autosuffisant, si vous me
permettez l'expression, c'était le pharmaceutique et l'agriculture. J'aimerais
juste que vous me donniez... Est-ce
qu'il y a d'autres... Les autres secteurs, on n'en a pas parlé beaucoup, mais
juste que vous nous disiez quels sont les autres secteurs où vous
pensez... dans lequel on a une forte carence, et il faut corriger le tir
là-dessus.
M.
Laplante (Robert) : En réalité, nous avons une nécessité absolue de
soutenir beaucoup plus vigoureusement l'utilisation des technologies
environnementales dans la mesure où nous allons devoir faire des efforts
considérables pour mener la lutte aux changements climatiques. Et il faut, de
ce point de vue là, configurer les appels d'offres en introduisant les critères
discriminants favorisant la conduite écoresponsable pour s'assurer que les
technologies que nous allons privilégier vont soutenir et aller dans le sens
des efforts du gouvernement du Québec, des efforts qu'il a signifiés dans ses
engagements internationaux.
M. Arcand : Il y a également...
Hier, nous avons eu un plaidoyer très important sur l'économie sociale. Nous avions une participante hier qui a vraiment,
évidemment, vanté l'économie sociale. Est-ce que vous avez des
statistiques qui existent par rapport au fait que le Québec donne très peu de
choses, finalement, aux entreprises d'économie sociale par rapport à d'autres
pays? Est-ce qu'on est très mauvais en cette matière? Est-ce que vous avez des
statistiques par rapport à ça?
M. Laplante (Robert) : Je ne les
citerai pas de mémoire. Ce qu'on peut retenir, cependant, c'est que la part de l'économie sociale dans les marchés publics est
en dessous de notre potentiel. Le Québec est une terre d'économie
sociale extraordinairement développée. En fait, il y a peu d'endroits dans le
monde où le spectre des activités prises en charge par l'économie sociale est aussi
large et diversifié, et on peut penser que les quelque
200 000 emplois qui en relèvent pourraient être plus nombreux encore
si on faisait une meilleure place. Et c'est tout à fait conforme aux acquis de
la tradition politique québécoise qui a reconnu, depuis plus de 25 ans
maintenant, que l'économie sociale est une composante à part entière de la
structure économique du Québec. C'est une composante à part entière, mais dont
le potentiel est sous-exploité.
M. Arcand : Il me reste très peu de
temps. Je voudrais juste vous demander, encore une fois, de nous dire, de la
façon la plus claire possible, quelles sont, pour vous, les principales
caractéristiques qui feraient qu'on aurait des marchés publics plus efficaces.
M. Laplante (Robert) : Hubert.
• (12 h 50) •
M. Rioux (Hubert) : Bien, plus
efficace, ça dépend ce qu'on entend par plus efficace, là, si nous...
M.
Arcand : Par
rapport au prix, par rapport à la qualité, par rapport à la performance ou par
rapport à la valeur, parce que là on parle aussi de valeur.
M. Rioux (Hubert) : Absolument.
Bien, dans cette perspective-là, je pense que vous avez déjà obtenu de vos interlocuteurs précédents quelques idées
intéressantes. Je pense, la principale, et il y a à peu près consensus là-dessus,
c'est qu'il faille renverser la perspective, évidemment, du plus bas
soumissionnaire conforme pour y réserver un beaucoup plus faible pourcentage de
la note globale dans les grilles d'évaluation. On peut penser à un tiers de la
note, par exemple, qui serait alloué au prix et aux deux tiers pour d'autres
critères environnementaux et des critères qui permettraient effectivement de
promouvoir l'achat local pour un autre tiers.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Très bien.
M.
Arcand : Très bien.
Merci infiniment.
Le Président (M. Simard) : Mme la
députée de Mercier.
Mme Ghazal : Oui. Merci beaucoup,
messieurs, pour votre mémoire qui est très, très, très complet. Écoutez, vous
parlez beaucoup du fait que les autres États... Puis, dans votre mémoire, là,
vous donnez beaucoup, beaucoup d'exemples, puis dans la présentation et les discussions
d'exemples d'États qui exploitent ces zones grises qui sont dans
les accords internationaux avec toutes sortes de moyens. Puis vous nous avez
donné des exemples, là, dans certains secteurs et... d'exemples de créativité,
je dirais, de certains États, pour le faire. Est-ce que, selon vous, tous ces
États-là respectent les accords internationaux ou ils sont juste... des fois,
ils vont exploiter les zones grises, les limites interprétatives, puis,
d'autres fois, peut-être, qu'ils ne les respectent pas, puis ils prennent une
chance, et ils ne se font pas poursuivre, puis ça bénéficie à leurs économies
locales?
M. Rioux (Hubert) : Bien, ça dépend
évidemment des cas, mais il y a beaucoup d'exemples aux États-Unis où des
entreprises ont poursuivi des États américains, notamment, en raison des marges
préférentielles que les États appliquent, par exemple, pour favoriser les
producteurs et les fournisseurs locaux de leur État. Dans la plupart des cas,
de ce que j'en ai lu dans la littérature, là, les États ont presque toujours
gagné leur cause, parce qu'on arrivait à démontrer que les retombées
économiques et sociales étaient justifiables du point de vue de la marge
préférentielle applicable. Et évidemment on ne parle pas de marges
préférentielles de 75 %, là, on parle de 5 %, 10 % 15 %,
grosso modo, ce qui est prévu au projet de loi, là, ce qui est intéressant de
notre point de vue.
Et, dans d'autres cas, effectivement, on profite
de zones grises ou d'exemptions qui sont prévues aux accords eux-mêmes. On parlait
tout à l'heure, là, des exemptions en ce qui concerne les objectifs légitimes.
Il faut se rappeler que, dans le cadre de l'AECG, par exemple, on prévoit
jusqu'à 10 exemptions, pour objectif légitime, applicables à tous les pays
membres de cet accord, donc...
Mme Ghazal : Mais qu'est-ce qui fait
que nous, on ne le fait pas? Est-ce que c'est parce qu'on ne va pas faire
l'effort, on ne le connaît pas? Parce qu'on n'arrête pas de dire : On a
les mains liées. Puis aussi, ce que je comprends de ce que la ministre nous
dit, c'est que c'est pour les contrats de 100 000 $ et moins, et, en
haut de ça, il n'y a rien à faire. Est-ce que c'est votre compréhension?
M. Rioux (Hubert) : Robert,
veux-tu...
M. Laplante (Robert) : Non, pas du
tout, pas du tout. Les critères peuvent s'appliquer et la règle de base à
respecter, c'est que les critères doivent s'appliquer à tous les
soumissionnaires. Alors là, c'est la ligne qui définit...
Mme Ghazal : Peu importe les...
M. Laplante (Robert) : Oui.
Le Président (M. Simard, Montmorency) : Très
bien. Merci. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Merci beaucoup.
Merci beaucoup pour votre présentation toujours très complète, comme on est
habitué de vous connaître. Vous avez sûrement suivi nos travaux depuis le début
des auditions, puis, moi, ce que je constate, c'est que, vraiment, le secteur
des affaires est plus prêt à bouger, pour s'adapter aux analyses de cycle de
vie, aux critères pour lutter contre les changements climatiques, que le
gouvernement qui, pourtant, lui, dans ses prétextes, dit : Ah! le monde
économique n'est pas rendu là, ça fait qu'on va se retarder un peu, on ne peut
pas aller aussi vite. Moi, je sens qu'il y a une forme de décalage. J'aimerais
ça avoir un peu votre analyse plus macro de la situation, parce que vous faites
souvent référence dans votre mémoire à la réindustrialisation, et là vous
dites : Les critères ESG sont de plus en plus acceptés dans le monde de
l'économie.
J'aimerais ça que vous nous fassiez un peu une
analyse un peu plus macro sur là où on s'en va en termes de
réindustrialisation, et là où même le monde économique est prêt à aller et où
le gouvernement ne suit pas finalement. En une minute, tout ça.
M. Rioux (Hubert) : Bien, très
rapidement, puis je laisserai Robert compléter. On a, nous, dans le cadre de
nos précédentes études sur la relocalisation puis la réindustrialisation, mené
un sondage, justement, auprès des entreprises manufacturières et des organismes
de développement économique sectoriels dans le secteur manufacturier, leur
demandant quelles étaient leurs visions des choses à ces égards-là, justement.
Et les réponses ont été absolument claires, le trois quart, grosso modo, des
entreprises manufacturières qu'on a consultées disent que la pandémie de COVID-19,
et ça s'appliquerait évidemment aux tensions géopolitiques en cours, là, a
surtout souligné l'importance du raccourcissement des chaînes
d'approvisionnement et la relocalisation d'activités productives au Québec. Et, quand on leur demande quelles
politiques devraient être mises en place pour accélérer ces mouvements-là,
la première qui ressort, et de façon très claire, encore une fois, par rapport
aux autres, c'est l'approvisionnement public et les marchés publics. Donc, je
pense que c'est un pas dans la bonne direction, qu'est ce projet de loi, et
c'est une opportunité à ne pas manquer.
M. Laplante (Robert) : À la
condition toutefois d'y inclure des clauses qui vont favoriser le passage à
l'acte et pas seulement l'incitatif et l'invitation.
À cet égard, nous allons déposer plus concrètement la série
d'amendements aux divers articles que nous avons analysés.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Alors, messieurs, merci pour votre participation à nos travaux ce matin.
Sur ce, compte tenu de
l'heure, nous allons suspendre nos travaux et nous nous donnons rendez-vous à
15 heures cet après-midi. C'est à ne pas manquer.
M. Rioux (Hubert) : Merci de nous
avoir entendus.
M. Laplante (Robert) : Merci
beaucoup au plaisir.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
(Reprise à 15 h 06)
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Bon après-midi à toutes et à tous. Nous avons quorum. Nous pouvons reprendre
nos travaux.
Comme vous le
savez, nous sommes réunis dans le cadre d'auditions publiques portant sur le
projet de loi n° 12, Loi visant principalement à promouvoir l'achat
québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime
d'intégrité des entreprises et accroître les pouvoirs de l'Autorité des marchés
publics.
Cet
après-midi, nous entendrons quatre groupes et nous commençons immédiatement par
la Fédération canadienne de
l'entreprise indépendante. Madame, monsieur, bienvenue parmi nous. Merci
d'avoir accepté notre invitation. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous
présenter, s'il vous plaît?
Fédération canadienne
de l'entreprise indépendante (FCEI)
M. Vincent (François) : Bonjour.
François Vincent, vice-président, Québec, pour la Fédération canadienne de
l'entreprise indépendante.
Mme Joly
(Clémence) : Bonjour. Clémence Joly, analyste des politiques à
la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.
Le Président (M. Simard,
Montmorency) : Alors, bienvenue. Et vous disposez de
10 minutes pour faire votre présentation.
M. Vincent
(François) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les
députés, bonjour. La FCEI, c'est le plus grand regroupement de PME au
pays. Elle compte 95 000 membres, dont 20 000 au Québec, qui
sont issus de tous les secteurs d'activité économique et qui sont présents sur
tout le territoire québécois.
D'emblée, nous devons... nous voulons vous
remercier, remercier la Commission des finances publiques, pour cette opportunité de présenter nos
commentaires. Nous voulons également saluer la volonté marquée de la
ministre d'élaborer une stratégie gouvernementale et de déposer un projet de
loi sur l'achat québécois et les marchés publics, qui met au centre la
participation des petites et moyennes entreprises québécoises.
La FCEI remarque que les objectifs du projet de
loi visent à faire de l'achat local une priorité et de rendre plus accessibles les marchés publics à un plus
grand nombre de PME dans toutes les régions du Québec. Ces orientations répondent aux attentes des PME québécoises car
elles sont 53 % à demander que les organismes publics
s'approvisionnent davantage auprès des PME locales, et ce, tout en respectant
les engagements du Québec des accords internationaux.
Bien que nous soyons favorables, nous allons
quand même proposer des améliorations au projet de loi pour permettre surtout
au gouvernement d'atteindre ses objectifs. Avant d'aller plus loin dans ces
recommandations-là, j'inviterais Clémence Joly, qui a rédigé le mémoire avec
moi, à présenter la situation des PME québécoises.
Mme Joly (Clémence) : Merci,
François. Bonjour à tous à nouveau. Donc, les PME, elles ont été fragilisées
par les restrictions économiques. Et, selon les estimations, elles se sont
endettées en moyenne de près de 100 000 $. De plus, la majorité d'entre elles n'ont pas encore retrouvé un niveau
de ventes normal, un niveau de revenus normal. L'action gouvernementale
est de mise pour aider les PME à se relever, et un des axes d'intervention
possibles est l'achat local.
Nous avons sondé les PME sur l'achat local. Nos
données démontrent que les campagnes de promotion ont fait la différence...
Elles ont fait une différence. En effet, ce sont 29 % des PME qui
affirment que cela a contribué à leur survie. Nous leur avons également demandé
quelles étaient précisément leurs attentes à l'égard d'actions gouvernementales à privilégier pour promouvoir
l'achat local. Encourager les ministères et les agences gouvernementales
à s'approvisionner davantage auprès des PME locales tout en respectant les
accords internationaux était la première réponse citée par les PME, donc,
représentant un pourcentage de 53 %. Elles étaient également... Elle était
suivie par l'intensification des campagnes d'achat local, pour 44 %, et
enfin de prévoir une proportion de contenu local dans les appels d'offres
publics et semi-publics, pour 34 % des PME.
Comme le mentionnait François, les données de
notre sondage confirment que l'orientation gouvernementale présentée
aujourd'hui dans le projet de loi n° 12 répond à une demande forte des PME
québécoises. Nous notons que les nouvelles
dispositions n'imposent pas, selon l'analyse d'impact réglementaire, de coûts
de conformité ou de coûts liés à des formalités administratives.
Dès lors, donc, la FCEI
tient à souligner aussi la volonté du gouvernement de diminuer le poids de la
paperasse et souhaite profiter de cette tribune pour inviter le gouvernement du
Québec à poursuivre les efforts à l'égard de la réduction du fardeau
administratif et réglementaire des entreprises afin qu'elles puissent accéder
et répondre plus facilement, plus simplement et rapidement aux appels d'offres
et aux marchés publics.
François, je t'invite à poursuivre la
présentation.
• (15 h 10) •
M. Vincent (François) : Bien, pour
pousser plus loin l'analyse de ce projet de loi, on a lancé un sondage spécial
auprès de notre membership mardi dernier pour justement avoir leur point de vue
sur les marchés publics. En deux jours, lorsqu'on a finalisé notre mémoire, on
a eu 627 répondants, soit une marge d'erreur de plus ou moins 3,7 %,
19 fois sur 20. Ce qu'on voit dans les résultats puis ce qui est détaillé
dans le mémoire qu'on a acheminé hier, c'est que les résultats préliminaires
illustrent que c'est 36 % des PME qui affirment qu'ils ont vendu des biens
ou des services à un ou plusieurs organismes publics au cours des cinq
dernières années. Donc, on voit qu'il y a une possibilité d'augmenter ce
pourcentage-là et d'attirer davantage de PME québécoises sur les marchés
publics.
On leur a
demandé quels sont leurs obstacles. On va en parler, des obstacles. Il y en a
48 % qui ont mentionné que les
exigences gouvernementales sont trop lourdes, les cautions, les critères, etc.,
pour que les entreprises y participent ou augmentent leur participation.
Et ils sont 52 % qui ont souligné que la paperasse associée aux marchés
publics diminue leur intérêt d'y participer. C'est la moitié des PME, 51 %
pour être précis, qui affirme que les délais de paiement trop longs freinent
leur intérêt à s'intéresser aux marchés publics. Puis enfin il y a 40 %
des dirigeants de PME qui mentionnent qu'il est difficile de communiquer avec
l'acheteur ou l'utilisateur réel des biens et des services et que ça, ça
complexifie leur volonté ou leur intérêt de faire affaire avec l'État.
Quant aux
propositions, on leur a demandé aussi. Il y en a 61 % qui ont dit que la
simplification et la réduction des formalités administratives des appels
d'offres des marchés publics étaient importantes. Puis, dans un même ordre
d'idées, il y en a 46 % qui demandaient de former davantage les
entreprises aux appels d'offres des marchés publics. Ce dernier point est
traité dans la stratégie gouvernementale, puis on l'a reconnu dans notre
mémoire.
Comme plusieurs intervenants vous ont mentionné
hier, dont la Fédération des chambres de commerce du Québec, le Conseil du
patronat du Québec, la FCEI s'interroge sur la pertinence de conserver les
critères du plus bas soumissionnaire dans l'octroi des contrats publics. En
fait, ce sont 64 % des PME québécoises qui sont favorables et croient que
cela augmenterait la participation aux marchés publics de ne pas aller
seulement avec la règle du plus bas soumissionnaire.
Donc, nous invitons les parlementaires à se pencher sur cette question. On a
remarqué qu'il va y avoir des marges de manoeuvre données aux organismes
quant à l'innovation. Peut-être qu'on peut sortir de la politique du plus bas
soumissionnaire en passant par là, mais force est de constater qu'il faut
bouger sur cette question-là. Puis on vous invite vraiment à vous pencher, lors
de l'étude détaillée, sur cet enjeu pour alimenter la participation des PME aux
marchés publics québécois.
Maintenant, il est important de parler de la
question des délais de paiement. La coalition contre les retards de paiement de
l'industrie de la construction puis le CPQ vous en ont parlé aussi hier. Pour
la FCEI, c'est un élément qui doit être
ajouté au projet de loi n° 12. En effet, c'est six PME sur 10 qui
demandent qu'un règlement soit instauré pour assurer que le paiement de
l'État soit plus rapide pour les entreprises. Puis, pour nous, c'est
névralgique. Pourquoi?
Bien,
d'abord, Clémence en a parlé, les PME sont fragilisées par la pandémie puis
elles n'ont tout simplement pas des
marges de manoeuvre parce qu'elles sont sous leurs revenus normaux puis elles
ont un endettement plus important. Ensuite de ça, elles sont frappées
par l'augmentation des coûts. La FCEI a demandé en début de l'année quels
étaient les plus importants défis pour l'année 2022. Il y a trois PME sur
les... Il y a 74 % des PME qui ont dit que l'augmentation des prix,
c'était leur principale préoccupation pour 2022.
Puis là-dessus il faut ajouter la pénurie de
main-d'oeuvre puis la pression de la pénurie de main-d'oeuvre. Puis on vous
donne encore une fois des résultats les plus à jour quant aux impacts de la pénurie
de main-d'oeuvre de notre sondage qui est en cours de réalisation. C'est
66 % des dirigeants de PME qui doivent travailler plus d'heures pour
compenser le manque de main-d'oeuvre dans leur entreprise et 46 % de leurs
employés qui doivent travailler plus d'heures pour compenser le manque de
travailleurs. C'est 41 % des PME qui sont contraintes à refuser des ventes
ou des contrats à cause de ça.
Donc, si un entrepreneur perd sa rentabilité
parce qu'il y a une augmentation des prix assez importante actuellement puis
qu'il doit refuser des contrats par manque d'employés, est-ce qu'il va
s'aventurer sur les marchés publics, sachant
pertinemment qu'il devra attendre des lunes pour se faire payer? La réponse,
c'est non. Si la stratégie gouvernementale vise à augmenter la
participation des PME, il doit régler une fois pour toutes cet enjeu des délais
de paiement dans le projet de loi n° 12.
Maintenant,
on ne peut pas vous cacher que la FCEI n'est pas favorable aux politiques
économiques protectionnistes car ce n'est pas à l'avantage des PME. De
nombreuses entreprises québécoises peuvent profiter du marché public des autres
provinces, puis fermer des opportunités d'affaires au public... aux entreprises
canadiennes pourrait pousser les provinces à
faire la même chose pour les entreprises québécoises. Ainsi, la FCEI a été
rassurée des articles du projet...
(Interruption)
M. Vincent (François) : J'ai entendu
un feed-back dans mes oreilles.
Le Président (M. Simard, Montmorency) : Désolé,
M. Vincent. Alors, si vous voulez poursuivre, cela doit être sur le temps
de quelqu'un, et la ministre propose que ce soit sur son temps de parole à
elle.
M. Vincent
(François) : Ah! c'était ma conclusion.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Alors, veuillez poursuivre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Oui, c'est
simplement pour partir le chronomètre, mais effectivement vous pouvez
poursuivre, puis on pourra commencer notre discussion par la suite. Ça fait que
je vous laisse compléter votre présentation.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Merci. Désolé de vous avoir interrompu.
M. Vincent (François) : Merci
beaucoup.
Mme LeBel : Aucun problème.
M. Vincent (François) : Bien,
désolé, je pensais que j'avais... dans 10 minutes.
Donc, à la FCEI, on était rassurés de la façon
que les articles sont rédigés et on parle d'entreprises québécoises puis canadiennes. Je peux référer aux articles 14.1,
14.2 et 14.5, c'est démonstratif. Nous voulions saluer le gouvernement
pour cette rédaction. Maintenant, on pense qu'en habilitant davantage les
entreprises québécoises pour justement aller chercher les marchés publics
québécois, on pourra aller profiter plus largement aussi des marchés publics
canadiens des autres provinces, et on pense que cette stratégie-là est la
bonne, mais qu'il faut s'attaquer aux enjeux importants, notamment les retards
de paiement. Merci beaucoup.
Le Président (M. Simard, Montmorency) : Merci,
M. Vincent. Mme la ministre.
Mme LeBel : Merci. Merci
beaucoup pour votre présentation. D'ailleurs, il y a plusieurs points
importants. J'ai devant moi les résultats, justement, les grandes questions et
les résultats du sondage auquel vous avez fait référence, et c'est fort
important de regarder le projet de loi, mais de le regarder dans un ensemble,
hein, parce qu'on ne peut pas tout faire dans la LCOP. Il y a des choses qui
doivent se faire par le biais d'une stratégie et d'autres choses qui doivent se
faire aussi par le biais de la modification de règlements et de directives.
Donc, une fois que j'ai cadré tout ça, là, naturellement, bon, en commission
parlementaire, on parle d'un projet de loi, mais je pense qu'il faut toujours
situer les actions ou les décisions dans un grand contexte, et la stratégie est
le contexte plus large dans lequel tout ça se situe.
D'ailleurs, je vais voir peut-être quelques-unes
de vos... des questions de votre... des items de votre sondage. Entre autres,
simplifier et réduire les formalités administratives des appels d'offres, pour
nous, dans la stratégie, je pense que vous l'avez vu, il y a plusieurs actions
qui sont de nature à vouloir favoriser l'accès, surtout des PME, aux contrats publics. On est fort conscients, dans les
consultations qu'on a faites, qu'il y a des difficultés, des fois,
d'accès de toutes sortes.
Et je vais
peut-être... Je vais faire du coq à l'âne deux minutes. Je vais fermer tout de
suite la question des retards de paiement comme question, pas pour y
mettre une fin de non-recevoir, mais pour vous dire qu'on a bien entendu. On
travaille avec la coalition, et l'intention est d'aller de l'avant le plus
rapidement possible pour donner des suites au projet pilote. Maintenant, comme
j'ai plein d'impératifs, je ne m'engagerai pas sur le véhicule, le quand, mais
je peux vous dire qu'on y travaille très activement pour trouver des solutions
le plus rapidement possible. Donc, c'est très entendu, parce que vous... je
fais partie des personnes qui, comme vous, pensent que ça... de toute manière,
de façon... Bon, une... Premièrement, c'est une bonne chose de payer ses
comptes dans de bons délais, mais, outre ça, outre cette... je dirais, outre
cette question-là que... qui fait du sens pour tout le monde, bien, il y a un impact
sur la capacité de soumissionner des PME. Il y a un impact sur beaucoup de
choses, et moi, le corollaire, j'y vois l'impact aussi sur le nombre de PME qui
peuvent soumissionner, donc, la concurrence, etc. Donc, il y a d'autres impacts
que le fait que de respecter le principe qui se veut que, bien, quand tu dois
de l'argent, tu dois le payer le plus rapidement possible. Donc, je simplifie à
outrance, mais on se comprend bien. Donc, c'est pour ça que je ne prendrai pas
plus de temps pour en discuter avec vous parce que le message est bien entendu.
Maintenant, pour ne pas perdre mon idée, oui,
dans la stratégie, il y a plusieurs choses pour accompagner, donc le tremplin, à titre d'exemple, des équipes
multidisciplinaires, je ne dirais pas la simplification, mais
l'uniformisation ou la standardisation le
plus possible des appels d'offres. Est-ce que c'est des choses que vous pouvez
constater... bon, peut-être que ça ne répond pas entièrement, mais qui
peuvent répondre à certaines des préoccupations, entre autres celles qui se
trouvaient dans votre sondage, là?
• (15 h 20) •
M. Vincent (François) : Je
répondrais oui. Puis, dans l'analyse qu'on a faite, d'habitude, tu sais, on
faisait tout le temps une analyse juste du projet de loi, mais là on a analysé
aussi la stratégie puis on reconnaît justement qu'il y a des efforts qui sont faits pour améliorer, justement, là, ce
que vous avez dit, là, diminuer, d'une certaine façon, le fardeau
administratif par un allègement de... par un accompagnement des entrepreneurs.
On a souligné notamment la mesure 9, tu sais, les efforts de communication
puis de sensibilisation, la mesure 13, d'accompagner les PME dans le
processus. On a souligné la mesure 11, les ateliers thématiques, la
mesure 12, le répertoire, la mesure 10, le tremplin, donc, plusieurs éléments qui vont aider puis qui
vont accompagner l'entreprise, qui vont rendre le processus plus simple.
Maintenant, il y a encore des petites choses
qu'il reste à faire, puis on vous demande de rester attentifs à cette question-là
parce que c'est un élément qui fait partie des préoccupations des
entrepreneurs. Peut-être juste un élément, là, puis ça fait un lien avec les retards de paiement aussi,
là, on a un entrepreneur qui a répondu aux questions du sondage, je ne
sais pas c'est dans quel secteur parce que, là, on n'a pas l'accès à l'ensemble
des données parce que notre sondage est
encore actif, il dit qu'il fait affaire avec le MTQ, la SAAQ et la CNESST puis
qu'il pense qu'il y aurait place à une uniformisation des ministères
pour les paiements directs. Il fait référence à la CNESST puis il dit qu'en
Ontario lui, il a un paiement direct en 10 jours, tandis qu'ici, au
Québec, il reçoit encore des chèques. Donc, voilà, c'est peut-être une façon,
là, de poursuivre une amélioration continue.
Mme LeBel : ...qu'il le reçoit même
par fax. Ça dépend des endroits. Non, mais je fais une blague, mais je
comprends que vous voulez qu'on garde... bien, peut-être plus gouvernemental,
là, mais, oui, c'est noté.
M. Vincent (François) : Il faut
continuer à apporter... Il y a les bonnes... Vous avez les bonnes orientations,
les bonnes mesures, mais il ne faut pas perdre de vue le fait qu'il faut
continuer à trouver une façon d'alléger puis de simplifier l'allègement
réglementaire.
Sur la question des retards de paiement, si vous
me permettez, vous dites que vous avez entendu, le message est bien entendu.
J'espère que ça fait référence à notre recommandation qui stipule qu'on demande
d'introduire un article habilitant la ministre à adopter un règlement pour
encadrer les paiements rapides dans l'industrie de la construction. Vous avez
dit que c'est quelque chose... que vous allez de l'avant le plus rapidement
possible. Bien, vous habiliter à adopter un règlement, ça vous permettrait de
le faire. La session parlementaire... Il n'y aura pas d'autre projet de loi
nécessairement qui va pouvoir être mis sur la table pour pouvoir vous donner la
possibilité d'adopter un règlement. Moi, ça fait 10 ans que j'entends
parler de ce dossier-là. Il y a eu plusieurs fois où il y a des amendements qui ont été adoptés, notamment pour
les projets pilotes. Là, il y a une place pour le mettre, cet article-là,
puis vous pourrez prendre le temps que vous voulez, mais vous aurez la
possibilité de le faire par voie réglementaire. Donc, on vous incite fortement
de mettre en application notre recommandation.
Mme LeBel : C'était très clair dans
votre document. Peut-être aller sur ce qui est plus de la nature du projet de
loi comme tel, là, bien que ça se lit dans le cadre d'une stratégie, simplement
pour pouvoir avancer dans les travaux de la commission et voir si on peut
pousser peut-être un peu plus loin. Très contente de vous entendre justement
sur les accords de libéralisation du marché, sur le fait qu'effectivement on a
un intérêt à les respecter parce qu'ils sont d'intérêt, disons-le comme ça.
Mais je pense que là où on a également un intérêt, puis ça a été dit à
plusieurs reprises, c'est d'avoir un peu moins de timidité dans l'exploitation
des marges de manoeuvre existantes à travers...
Bon, il y a différents de marge de manoeuvre, dépendamment de quels accords on
fait référence. Donc, je ne m'attacherai pas à des seuils parce qu'il y
a des choses qui peuvent se faire au-dessus, en dessous des seuils, dépendamment des marges de manoeuvre, mais disons
que l'idée générale est d'exploiter les marges de manoeuvre qui sont présentes. Si on parle, entre autres, de l'achat
québécois, est-ce que vous avez peut-être des suggestions ou vous pensez
que ce qui est en place pour nous permettre
d'exploiter ces marges de manoeuvre là... entre autres, l'espace d'innovation,
etc., est-ce que vous pensez qu'on peut... qu'on a les outils en place
pour se permettre de le faire, disons-le?
M. Vincent (François) : Je dirais
oui. Si on outille bien les PME locales, si on crée des listes, si on crée
les... le tremplin, je trouvais ça vraiment intéressant aussi, bien,
nécessairement, on va avoir davantage d'entreprises qui vont aller vers les
marchés publics, il va y avoir davantage d'entreprises qui vont pouvoir fournir
l'État. Les marges de manoeuvre que vous donnez aussi vont permettre cela. Mais
c'est important, pour nous, de ne pas bloquer les entreprises canadiennes, parce qu'en Ontario, par exemple, il peut y
avoir des entreprises qui sont proches des entreprises de l'Outaouais
qui pourraient aller soumissionner et offrir des contrats et qui ont une base
d'affaires au Québec.
Donc, nous, c'est important d'aller chercher la
même ouverture qu'on a aux entreprises canadiennes. Puis, de toute façon, si on
encadre bien aux entreprises, si on les aide bien, si on règle les délais de
paiement, bien, nos entreprises québécoises vont augmenter leur participation,
là. C'est 36 % des PME québécoises qui participent aux marchés publics
selon nos données préliminaires, bien, ça va monter à 40 %, 45 %,
50 %. Puis, après ça, bien, ça va être quoi, le prochain marché? Bien, ça
va être les marchés en Ontario. Ça va être les marchés dans les autres
provinces canadiennes. Puis on va faire croître les possibilités de nos
entreprises d'ici de pouvoir justement faire bénéficier de leurs talents et
faire bénéficier à l'ensemble des Québécois et Québécoises des retombées
économiques.
Mme LeBel : Peut-être sur un autre
critère qu'on se propose à mettre de l'avant, là, donc, et d'avoir, à tout le
moins, une bonne, une grande sensibilité, et de se poser la question de façon
beaucoup plus automatique, c'est de voir comment on peut incorporer dans... bon,
au départ, dans l'évaluation des besoins gouvernementaux, mais également dans
nos appels d'offres à terme, des critères environnementaux, des critères de
développement durable, de voir si on est
capables de... et ça a été discuté dans les derniers jours, de voir si on peut
donner des marges préférentielles ou donner... d'accorder des... je ne
dirais pas des points bonis parce que ce n'est pas comme ça que ça fonctionne,
mais, disons, un avantage aux entreprises qui sont... qui recyclent, ou qui
sont écoresponsables, ou qui ont... bon, qui font de l'économie circulaire, peu
importe, là. Je pourrais avoir une liste de critères. Est-ce que ça...
L'enjeu aussi, c'est d'y aller graduellement le
plus possible pour permettre aux entreprises de s'adapter, parce que ce n'est
pas mieux si l'effet est de réduire le nombre d'entreprises à chaque fois
qu'ils sont capables de soumissionner, là. Donc, c'est de le faire... Qu'est-ce
que vos membres pensent de cet aspect-là? Est-ce qu'ils pensent être capables
de s'adapter? Parce qu'on disait toujours que c'est un peu l'oeuf et la poule,
hein? Si on le met, les compagnies vont s'adapter, et vice versa, donc, mais il
y a toujours un temps où on doit faire cette transition-là pour
permettre aussi aux marchés de réagir. Qu'est-ce que vous avez comme feed-back — feed-back,
c'est très français — là-dessus?
M. Vincent (François) : On n'a pas
posé de question spécifiquement sur les objectifs de développement durable ou
l'adaptation de la politique gouvernementale d'ouvrir les marchés publics aux
entreprises locales en lien avec le développement durable, mais la seule donnée
qui peut être liée à ce que vous avez posé comme question, c'est relié au
concept du plus bas soumissionnaire. Dans la question de sondage qu'on posait,
on demandait si les PME québécoises voulaient privilégier une approche basée
sur des critères touchant la qualité, l'innovation, l'expertise, la durabilité
et à vocation socioenvironnementale plutôt que celle du plus bas prix, puis
c'est 64 % qui ont dit qu'ils étaient en faveur. Donc, c'est la seule
donnée qui pourrait me permettre de répondre à cette question-là. Donc, il y a
une sensibilité des PME, mais, en tant qu'organisation, la FCEI, on ne s'est
pas positionnés plus largement sur cette question-là.
Mme
LeBel : Quelle part, dans le 64 %, le critère
socioenvironnemental pourrait avoir, là, mais je comprends très bien
votre réponse. D'ailleurs, sur le concept du plus bas soumissionnaire, vous
avez dit : On s'interroge sur l'opportunité de le conserver tout en
admettant que ça ne devait pas être le seul outil qu'on utilise ou le premier
outil. Donc, je pense que de conserver la règle du plus bas soumissionnaire
dans le coffre à outils, c'est une chose, de penser qu'elle est inutile dans
100 % des cas de figure d'approvisionnement gouvernemental, c'en est une
autre.
Je comprends que ce n'est pas à travers le
projet de loi qu'on voit le signal, vous avez tout à fait raison, c'est à
travers la stratégie et la réglementation qu'on devra ajuster par la suite,
parce que l'écueil... Puis j'aime bien le situer, parce qu'on parle du projet
de loi, mais je disais tantôt qu'on peut agir dans la stratégie, dans le projet
de loi et dans la réglementation. Il faudra donc agir dans la réglementation.
La difficulté se trouve à l'article 10 du règlement qui... Dans ce qu'on doit privilégier comme appels
d'offres. Là, je vais résumer simplement, le prix prend toute
l'importance au détriment du reste. Donc, je pense que vous avez tout à fait
raison que le signal n'est peut-être pas clair dans ce cas-là. Mais donc c'est
à ça que vous faites référence, j'imagine, et pas au fait que la règle du plus
bas soumissionnaire n'est plus du tout, du tout, du tout une règle qui devrait
exister, là. En tout cas, moi, je ne le pense pas, mais je vais vous laisser
l'expliquer.
• (15 h 30) •
M. Vincent
(François) : Bien, tu sais,
moi, je ne suis pas un expert dans cette question-là, et notre
organisation n'a pas fait autant de recherches que d'autres comme la FCCQ ou le
CPQ, mais c'est quand même la première réponse que les PME ont donnée pour
pouvoir avoir accès aux marchés publics, c'est de revoir cette règle-là. Donc, nous,
ce qu'on vous dit, c'est assez clair comme message des dirigeants de PME au
Québec.
Maintenant,
comment y arriver? Est-ce qu'on le change tout de suite? On fait un virage à
180 degrés ou on y va par étapes? Nous, ce qu'on avait vu dans
notre analyse, puis peut-être qu'on s'est trompés, là, mais c'est qu'il y avait
certaines marges de manoeuvre qui étaient données pour l'innovation, puis des
organismes doivent avoir un mandat d'en faire au moins un. Je pense, c'est 54,
là, l'objectif, sur un... d'innovation, c'est peut-être qu'on peut tester certains éléments pour voir comment balancer bien
la politique du plus bas soumissionnaire en intégrant des nouveaux critères là-dedans puis, après, adopter une
politique qui va être favorable à l'État puis aussi aux payeurs de taxes, là,
pour... parce que la politique du plus bas
soumissionnaire a quand même un objectif de ne pas augmenter le prix de façon
assez significative puis qu'au bout de la ligne, bien, c'est les citoyens puis
c'est les PME qui vont payer davantage. Mais le message du milieu des affaires
est assez clair à l'égard du fait qu'il faut se pencher là-dessus, puis
rapidement, là.
Mme LeBel : J'imagine... En tout
cas, je conçois que dans... que les entreprises qui sont membres de la FCEI sont
probablement, là, les entreprises... de par le concept de petites et moyennes
entreprises, sont probablement les entreprises qui, quand elles ont accès à des
contrats publics, sont sous les seuils d'autorisation, c'est-à-dire d'aller chercher une autorisation de contracter. Donc, de
par la nature des entreprises et de par la grosseur des contrats, je ne
dis pas qu'il n'y a pas certaines de vos
entreprises qui en ont au-dessus, là, mais, en général, est-ce que vous avez
sondé vos membres sur cette nouvelle
notion qu'on va... se propose de modifier le régime d'intégrité, là, qui va...
qui pourrait affecter, là, ou, en tout cas, cibler, ou, en tout cas,
concerner... le terme adéquat, mais beaucoup de vos membres, là, sur des exigences d'intégrité... la déclaration
d'intégrité, à titre d'exemple, qui touche tout le monde, peu importe la valeur
des contrats pour lesquels on va
soumissionner au gouvernement? Donc, c'est différent de l'autorisation de
contracter, qui demeure tributaire de
certains seuils, puis, de toute façon, qui dit seuils... On dira toujours...
des gens qui n'y passeront pas, mais la déclaration d'intégrité devrait
toucher tout le monde. Est-ce que vous avez un son de cloche là-dessus?
M. Vincent (François) : Bien, ce
qu'on voyait, c'est peut-être une possibilité d'augmenter la paperasse, là,
parce qu'il fallait avoir un renouvellement annuel, puis etc. Puis, tu sais, je
n'ai pas vu qu'est-ce qu'il avait de l'air, là, ce formulaire-là, puis etc.,
là. Donc, oui, ça peut avoir une...
Mme LeBel : ...principe. Dans le
fond, parce qu'il reste peu de temps, je veux juste résumer votre pensée, vous
me direz que c'est ça, ce n'est pas sur le principe d'être soumis à un régime
d'intégrité, c'est sur comment ça va se faire pour ne pas que ça soit trop
lourd au niveau administratif. C'est ça?
M. Vincent (François) : C'est clair,
oui, quand on regarde aussi... Puis, par rapport aux plus petites, le fardeau
administratif est inversement proportionnel à la grandeur des entreprises puis
la majorité des entreprises au Québec sont petites. Ça
fait que, si vous voulez avoir plus d'entrepreneurs, d'entreprises, c'est sûr
qu'il faut que le fardeau administratif soit le plus bas. On comprend que
l'État peut avoir des mécanismes pour s'assurer de faire affaire avec des
entreprises qui respectent qu'est-ce qui se passe, mais, maintenant, faites-le,
de grâce, en limitant le fardeau administratif des entreprises, parce que,
sinon, on va tourner en rond, là.
Mme LeBel : Merci.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Merci beaucoup. Alors, nous cédons maintenant la parole au porte-parole de
l'opposition officielle et député de Mont-Royal—Outremont.
M. Arcand : Merci, M. le Président.
Alors, bonjour, M. Vincent, Mme Joly. La première question que
j'aimerais vous poser porte évidemment sur le projet de loi n° 12, mais
surtout en rapport avec certains des propos que vous avez mentionnés, qui semblent
vous inquiéter, et particulièrement la relation avec les autres provinces
canadiennes, et est-ce que, d'après vous, dans ce que vous avez vu, vous avez
un article dans le projet de loi n° 12 actuellement
que vous trouvez, si j'emploie l'expression, d'un protectionnisme un peu
dangereux, que ça peut menacer, d'une
certaine façon, certaines entreprises ou certains autres gouvernements à
dire : Au Québec, ils sont trop protectionnistes, etc., et ça, ça
peut nuire, à un moment donné? Est-ce qu'il y a un article là-dedans qui vous
apparaît un peu particulier et dangereux?
M. Vincent (François) : Bien, on a
regardé les articles, puis, quand on... ce qu'on a remarqué, c'est... Quand on parlait des définitions, des expressions
«petite entreprise», on parlait aussi d'ailleurs au Canada puis on a
remarqué qu'on parlait d'entreprises québécoises puis d'entreprises
canadiennes.
Maintenant, notre organisation, on n'aime pas
ça, là, quand il y a des politiques de protectionnisme. C'est contre, un peu, notre nature, mais il faut quand
même aussi... Notre leitmotiv, c'est qu'on répond à ce que nos membres
nous disent par sondage. Puis on a fait un sondage sur l'achat local à l'été,
en juillet 2020, pour, justement, évaluer qu'est-ce qui avait été fait au
niveau de l'achat local et surtout qu'est-ce que le gouvernement devrait faire
pour pousser sa politique d'achat local plus loin. Ça, c'est juste des
répondants du Québec qui ont répondu, pas des autres provinces. Puis là on
avait une question qui était ouverte, puis la première réponse a été, bien,
justement, de... en respectant les acteurs internationaux, de... que le
gouvernement s'approvisionne davantage dans les entreprises locales. Donc, ça,
c'est un mandat qui est quand même assez fort. Donc, ça, il faut l'exprimer.
Donc, les PME québécoises, c'est ce qu'elles ont
demandé. Maintenant, il faut que ça se fasse dans un... d'une façon balancée.
Bien, balancée, je ne sais pas si c'est un anglicisme, là, mais, justement,
pour ne pas qu'on parte dans une spirale de protectionnisme puis qu'au bout de
la ligne on ferme le marché... un plus gros marché à nos entreprises d'ici, parce que les autres provinces
vont vouloir faire la même chose. Donc, nous, on a vu qu'il y avait
quand même un certain équilibre puis on a communiqué, là, le fait que c'était
ce que les PME du Québec demandaient.
M. Arcand : Parce que je sais qu'il
y a plusieurs intervenants qui nous ont dit, entre autres, que les marchés
publics, avec, évidemment, l'item du plus bas soumissionnaire aussi pouvaient
faire en sorte que des entreprises avaient tendance à aller un peu plus à
l'extérieur. Il y avait plus de facilité à intégrer les marchés. On a parlé des
États-Unis, de l'Ontario. Est-ce que c'est une réalité que vous avez observée
de ce côté-là?
M. Vincent (François) : Bien, nous,
ce qu'on a observé, dans notre mémoire, là, sur les marchés publics, c'est les
données qu'on... on avait... une autre recherche qu'on avait faite en... je
pense, c'était en 2009, là, puis ça, c'était au niveau des marchés publics au
fédéral. Ça fait que les données les plus récentes quant aux marchés publics,
vous les retrouvez dans le mémoire, là, puis c'est des résultats préliminaires,
là. Quand les résultats vont être finaux, puis ça, on pourra les envoyer à la
commission parlementaire, bien, on va être capable de faire une sectorisation
avec les secteurs d'activité économique, les régions, puis, etc. Là, pour
l'instant, on n'a pas ça parce que c'est vraiment des résultats préliminaires
puis on a commencé ça... on a lancé... j'ai dit mardi dans mon discours
d'ouverture, mais c'est lundi, 8 heures, qu'on a commencé le sondage.
M. Arcand : Comme vous êtes une
fédération qui êtes un peu partout au Canada, est-ce que vous avez une province
qui, à votre avis, semble plus favoriser l'accès des PME aux marchés publics?
Est-ce qu'il y a une province qui est plus modèle que le Québec actuellement?
M. Vincent (François) : Il y a des
provinces qui sont plus modèles en matière des retards de paiement, puis on
incite vraiment le gouvernement et les parlementaires à regarder ce qui se fait
puis à outiller la ministre à adopter un règlement sur les retards des
paiements.
Sur la question des autres provinces, on sait
que l'Ontario est en train de prendre un virage similaire au Québec, mais je vous
dirais que la réaction de la FCEI là-bas était très, très négative. Bien, nous,
elle est plus posée parce qu'il y a 53 % de nos membres qui l'ont demandé.
Donc, on est des démocrates, on va partager sans filtre ce que nos membres pensent et outiller les
parlementaires et les gouvernements à aller de l'avant avec leurs
orientations.
M.
Arcand : Vous avez beaucoup insisté également sur la
simplification des formules administratives. Est-ce que vous avez en
tête quelles sont les formules, là, qui vous dérangent le plus actuellement?
M. Vincent
(François) : On demande au gouvernement de porter une attention pour
ne pas en rajouter. Clémence, elle a parlé à un membre et elle peut peut-être
donner un exemple, là. C'est relié avec la loi 101.
Maintenant, on vient de partir notre sondage. On
a plusieurs commentaires sur le fardeau administratif et réglementaire qui sont
dans le sondage également puis on pourra aller plus en détail là-dessus. Mais
ce qu'on sait, c'est que les membres nous ont dit à près de... à six sur 10, en
disant que, pour améliorer leur intérêt à participer aux marchés publics, bien,
ce n'est pas en alourdissant le fardeau administratif et réglementaire. Donc,
ça, c'est un élément à prendre en considération. On a vu dans la stratégie qu'il
y a des mesures qui sont ciblées par rapport à ça, notamment au niveau du
service à la clientèle, mais c'est un dossier qu'il ne faut pas perdre de vue.
Puis je donnerais peut-être l'exemple de notre
recherche qu'on a dévoilée en février sur le fardeau administratif
réglementaire aux États-Unis puis au Canada, puis on a vu que le fardeau
administratif pour les entreprises a augmenté aux États-Unis, tandis qu'il a
resté stable au Canada. Pourquoi? Parce qu'ici on a continué à avoir des
objectifs gouvernementaux dans chaque province puis au fédéral. Donc, quand on
laisse... quand on enlève la... les yeux sur
le ballon, bien, on peut le perdre rapidement. Et c'est pour ça ici qu'on vous
en parle puis qu'on demande au... à la ministre de prendre des engagements,
puis, ensuite de ça, dans la poursuite de cette stratégie-là puis dans les
règlements, d'assurer qu'il n'y ait pas une augmentation du fardeau
administratif et réglementaire puis même une diminution du fardeau
administratif et réglementaire.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Mme Joly, souhaitiez-vous ajouter quelque chose? Je semblais voir que vous
souhaitiez parler, non?
• (15 h 40) •
Mme Joly (Clémence) : Non.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Je me suis trompé?
Mme Joly (Clémence) : C'est bon.
Merci.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Excusez-moi.
M. Arcand : Parfait. Alors, M. le
président, ma question porte sur un aspect de votre mémoire, que je trouve très préoccupant, dans lequel vous dites :
Environ deux tiers des propriétaires de PME ne conseilleraient pas à leurs
enfants de démarrer une entreprise à cause
de la lourdeur du fardeau réglementaire actuel. Et ça, c'est une hausse de
15 points depuis 2017. J'aimerais juste
que vous m'expliquiez : D'après vous, pourquoi c'est devenu assez
inquiétant comme statistique?
M. Vincent (François) : Bien, moi,
je vous dirais que probablement que la pénurie de main-d'oeuvre puis la
pandémie a rajouté une fatigue aux entrepreneurs parce qu'une des principales
raisons... impact qui était non économique du dirigeant d'entreprise durant la
pandémie, c'était qu'il allait... qu'il avait à travailler plus d'heures. Je
pense que c'était quatre sur 10, puis on l'a vu aussi dans le cadre de la
pénurie de main-d'oeuvre. Puis on a les données les plus à jour qui existent au
Québec là-dessus, là, qui sont dans le mémoire, puis c'est... je ne veux pas me
fourvoyer, là, on a beaucoup de pourcentages puis on peut... 66 % des
dirigeants qui doivent travailler plus d'heures, ça fait que... Puis, quand vous prenez aussi la composition économique
du Québec, il y a la moitié des entreprises, 53 %, qui ont moins de 5 employés. Donc, je me
retrouve dans une situation que, moi, comme dirigeant d'entreprise, bien,
je fais... je travaille davantage pour être
capable de répondre aux contrats de mon entreprise. Je dois refuser des
contrats, ce qui va à l'encontre même de ce qu'est un entrepreneur puis je dois
remplir des papiers.
Donc, le poids de la paperasse devient d'autant
plus lourd si j'ai à travailler plus d'heures parce que je manque d'employés,
si j'ai à refuser des contrats, parce que je manque d'employés. Donc, le
fardeau administratif et réglementaire, bien qu'il pourrait être au même
niveau, devient encore plus néfaste économiquement pour les entrepreneurs
québécois.
M. Arcand : Il me reste combien de
temps, M. le Président?
Le Président (M. Simard, Montmorency) : 1 min 48 s.
M. Arcand : Alors, ma question porte
sur... Vous dites dans votre mémoire que les... la fédération incite le
gouvernement du Québec à accélérer ses actions pour réduire les barrières
interprovinciales pour faire bénéficier les PME du marché canadien. Je veux
juste que vous m'expliquiez ce que vous voulez dire dans ça.
M. Vincent
(François) : On en avait parlé, il y a deux ans, dans notre
rapport. Entre les provinces, il y avait un axe, qui était sur l'évaluation des provinces, sur l'accord de
réconciliation. Je ne me rappelle plus du terme exact, mais il y a des
objectifs entre les provinces pour diminuer les barrières puis permettre,
justement, aux entreprises de fonctionner et de faire affaire dans les autres
provinces. Il y a beaucoup de mesures qui sont «ongoing» — excusez-moi-le... — en
processus, qui doivent venir en adoption. On sait qu'il y a une volonté forte
du gouvernement du Québec de le faire. D'ailleurs, hier, il y a eu une annonce
quant au transport d'alcool qui a été faite pour avoir une adaptation avec le
reste du Canada, mais il faut mettre autant d'énergie sur la diminution des
barrières entre les différentes provinces qu'on veut en mettre pour ce qui est
des entreprises d'ici et de faire affaire aux marchés publics. On a... On a un
beau pays. On a des
belles opportunités économiques pour nos entreprises. Bien, en diminuant les
barrières, c'est sûr qu'on va les aider davantage à cet égard. Puis on
est en train de travailler à un rapport de recherche, qu'on va dévoiler
probablement en juillet, pour outiller et cerner où sont les améliorations à
apporter pour les différentes provinces.
M. Arcand : Est-ce qu'il y a un
irritant majeur dans ça? Est-ce que... Dans les barrières, est-ce qu'il y a un
irritant qui est plus important que d'autres?
M. Vincent (François) : Non, je ne
dirais pas qu'il y a un irritant plus que l'autre, là. On va poursuivre notre
analyse, là. Les irritants, c'est quand on ne comprend pas pourquoi il y a une
distinction qui peut être mise, là. Je sais qu'à un moment donné il y avait des
distinctions, tu sais, pour les pneus, ou etc., mais je ne veux pas m'avancer
plus spécifiquement, là. Mais on comprend qu'il y ait des réglementations pour
assurer la sécurité des citoyens, puis etc. Bien, maintenant, il faut accélérer
cette... le marché canadien, surtout dans un contexte de relance économique,
pour aider nos entreprises à aller chercher les marchés partout au Canada.
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Oui. Merci, M. le
Président. Merci, M. Vincent, madame... Mme Joly, oui. Écoutez, je vous entends parler depuis tantôt, M. Vincent, et
ce que je comprends, ce que vous dites, c'est que vous, à la FCEI, là,
vous n'êtes pas pour le protectionnisme, ça nuit aux entreprises. Mais, quand
vous sondez les gens, vos membres, bien là, ils
vous disent qu'eux l'achat local, si le gouvernement les... favorisait plus
l'achat local québécois, d'autres critères, bien, que c'est bon pour
eux. Ça fait que je sentais que vous piliez un peu sur votre coeur, là, pour
nous dire ça, puis là, en tout cas, je vais vous laisser un peu gérer ce
malaise que... avec lequel vous vivez.
Bien, ma question...
M. Vincent (François) : Ah! je vis
très bien avec ça.
Mme Ghazal : Vous êtes à l'aise.
C'est bon. Bien, ma question, c'est... Justement, il y en a d'autres qui nous
ont dit que, bien, on est trop sage au Québec, au Canada — là, on
va parler ici, au Québec — avec
les accords internationaux, puis il y a beaucoup plus de zones grises qu'on
n'exploite pas assez, et qu'il faut le faire. Est-ce que, selon vous, premièrement, vous êtes d'accord avec
ça, d'exploiter ces zones grises dans les accords internationaux pour
protéger notre économie locale plus? Et est-ce que le gouvernement devrait
aller là encore plus en exploitant ces zones grises et est-ce que le projet de
loi le fait?
M. Vincent (François) : Bien, moi,
je veux dire, si on exploite les zones grises, mais que les entreprises ne
veulent juste pas aller vers les marchés publics parce que les délais de
paiement sont trop élevés, parce que la paperasse est trop élevée, bien, ça ne
sert à rien, là. C'est comme un peu la poule puis l'oeuf, d'où l'importance de
bien outiller nos entreprises, de bien les accompagner, de leur trouver des
opportunités, de leur créer des tremplins. Puis, ensuite de ça, bien, elles
vont se doter d'un processus interne, elles vont trouver intérêt à aller vers
les marchés publics. Puis, même au niveau de la pénurie de main-d'oeuvre, là,
si tu as... s'il y a quatre PME sur 10 qui refusent des contrats et des ventes,
pourquoi elles iraient se chercher un autre marché si, déjà là, elles ne sont
pas capables de répondre au marché qu'elles ont actuellement?
Donc, on peut se donner... on peut se... décider
de vouloir aller chercher plein de zones grises, mais nous, on ne pense pas que c'est la bonne façon de faire,
là. Allons-y en outillant nos entrepreneurs, en ayant une rédaction qui
ne va pas créer ou susciter une réaction des autres provinces à une volonté
protectionniste du Québec pour bloquer un marché
qui serait bénéfique aux entreprises québécoises. C'est... Là-dedans, tu sais,
c'est... tout est dans l'équilibre, là.
Mme
Ghazal : Bien, si, par exemple, les retards de paiement
sont réglés, si... Vous dites «la paperasserie». Il y a un projet de
loi, je comprends que ça ne vous a pas satisfait. En tout cas, si toute la
paperasserie, comme vous dites, est éliminée, vous trouvez que c'est bien
d'aller exploiter ces zones grises, c'est-à-dire de mettre un peu plus de
mesures pour protéger notre marché local.
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : En conclusion. Et peut-être Mme Joly... Parce que là, je vous
voyais, Mme Joly, vous souhaitiez intervenir, sans doute?
Mme Joly (Clémence) : ...
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Non? Ah! bien, je lis mal, je décode mal vos signaux... vos signaux verbaux.
Alors, voilà. Pourriez-vous poursuivre, M. Vincent?
Mme Ghazal : Je pense que... Je...
Je ne sais pas...
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Ça va?
Mme Ghazal : ...s'il a entendu mon
message.
M. Vincent
(François) : J'ai été dérangé par... Pouvez-vous juste répéter votre
question?
Mme
Ghazal : Bien, en fait, ce que je voulais dire, c'est que,
s'il n'y avait plus de problème de paiement — la ministre,
elle a dit qu'elle allait y voir — s'il
n'y avait pas de... plus de lourdeur administrative, et tout ça, dans le
principe de plus protéger notre marché, le plus possible, dans le... en allant
le plus loin possible, là, dans l'interprétation des zones grises des accords
internationaux, vous êtes d'accord avec ça.
M. Vincent (François) : Non.
Mme Ghazal : O.K.
M. Vincent (François) : Moi, je
pense, il faut outiller les entreprises à faire affaire avec l'État et il faut répondre à la question de la pénurie de
main-d'oeuvre en augmentant l'immigration, en baissant les taxes sur la
masse salariale, puis, ensuite de ça, ces entreprises-là vont aller chercher
les marchés publics. Il ne faut pas aller plus loin que qu'est-ce qu'il y a là
actuellement. Les PME nous disent, à 53 %, qu'ils veulent que les
ministères et organismes s'approvisionnent davantage chez eux.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Merci beaucoup.
M. Vincent (François) : Mais de
là à aller...
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Merci beaucoup, M. Vincent.
M. Vincent (François) : ...vers une
politique protectionniste, la FCEI n'était pas d'accord avec ça.
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : Très bien. Merci. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Alors, bonjour, Mme Joly,
M. Vincent. Merci beaucoup de... d'être ici. Depuis le début des auditions, on a reçu quand même plusieurs
groupes qui représentent des entreprises ou le milieu économique. Je
pense à la Chambre de commerce. Je pense à la FCCQ. Je pense à Écotech, je
pense à l'Association de l'aluminium, qui sont
venus à travers Switch, le Conseil du patronat même, et ils nous ont tous parlé
de l'importance, par exemple, soit de
systématiser les règles ESG dans les critères ou de tenir compte de l'impact
sur les changements climatiques, d'avoir même un test climat, de tenir
compte du développement durable, et je vous entends moins là-dessus, sur ces
enjeux-là. Pouvez-vous nous dire
pourquoi et nous dire, si le gouvernement est plus actif en matière de critères
sur... ou de grille d'analyse en vertu
des... par exemple de l'atteinte des
cibles de réduction de gaz à effet de serre du Québec, comment vous vous
positionnez.
• (15 h 50) •
M. Vincent
(François) : Pourquoi? Ça fait deux ans qu'on est sur la
pandémie, qu'on fait trois communiqués par jour, qu'on vit des restrictions à travers le Québec, qu'on se bat pour
les PME au Québec, là. On s'est concentré là-dessus, là.
Maintenant,
vous avez plusieurs organismes économiques qui vont vous permettre de faire
valoir vos orientations environnementales, là, puis nous, c'est sûr
qu'on va se pencher sur cette question-là. On avait un sondage qui était prévu,
là, juste, juste avant que la pandémie pète, là, un gros sondage pour
réorienter ça puis voir comment on peut tirer l'avantage des PME, mais là
l'agenda a comme pas mal changé, là.
M. Gaudreault : Oui. C'est sûr
qu'après la crise de la pandémie, c'est... ou avec, ou avant, ou pendant, ou en
même temps, c'est la crise climatique qui nous attend aussi avec les impacts,
notamment sur les entreprises et sur le milieu des affaires, bien, l'ensemble
du développement économique. Alors, en tout cas, si, éventuellement, vous avez
des réflexions dans vos sondages ou dans vos démarches là-dessus, je pense, ça
serait important de nous les faire parvenir avant la fin de notre travail de
commission, parce que c'est clair que nous allons avoir sûrement des
amendements qui vont aller dans ce sens-là. Puis le message qu'on a entendu
beaucoup de la part des entreprises des derniers jours, c'est que c'est le
gouvernement qui est en retard par rapport à la volonté des entreprises d'avoir
une prévisibilité au moins quant aux critères reliés aux ESG ou aux changements
climatiques.
M. Vincent (François) : C'est
sûr que la prévisibilité, c'est un... c'est un élément clé dans le milieu des
affaires puis c'est ce qui a manqué vraiment beaucoup dans les deux dernières
années. C'est sûr que, si on a des éléments à vous faire part pour vous aider
dans la réflexion... Mais je vous retournerais au 64 %...
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Très bien.
M. Vincent (François) : ...relié au
plus bas soumissionnaire, puis là-dedans il y a un texte sur le socio... sur
l'environnement.
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : D'accord. Bien. M. Vincent, Mme Joly, merci à vous deux.
Désolé, hein, je suis maître du temps.
Parfois, c'est un peu ingrat comme responsabilité. Votre intervention fut fort
intéressante. Au plaisir de vous retrouver parmi nous.
Sur ce, nous allons
suspendre momentanément nos travaux afin de faire place à nos prochains
invités. Merci.
Mme Joly (Clémence) : Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 53)
(Reprise à 16 heures)
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Nous poursuivons nos travaux. Nous sommes maintenant en compagnie de
représentantes des Manufacturiers et exportateurs du... Québec, dis-je.
Mesdames, bonjour. Soyez les bienvenues parmi nous. Auriez-vous d'abord
l'amabilité de vous présenter?
Manufacturiers et exportateurs
du Québec (MEQ)
Mme Proulx (Véronique) : Bien sûr. Alors, bonjour. Véronique Proulx,
présidente-directrice générale des Manufacturiers et exportateurs du Québec.
Mme Labranche (Marie-Ève) : Bonjour.
Mon nom est Marie-Ève Labranche. Je suis directrice, affaires publiques et
gouvernementales chez Manufacturiers et exportateurs du Québec.
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : Merci. Vous disposez de 10 minutes afin de faire votre
présentation.
Mme Proulx (Véronique) : Excellent. Alors, bonjour, Mme la ministre. Bonjour à tous
les membres de la commission. Très heureuse d'être ici aujourd'hui pour
présenter la position de Manufacturiers et exportateurs du Québec sur le projet
de loi n° 12.
Alors,
brièvement, Manufacturiers et exportateurs du Québec, on représente
1 100 entreprises membres partout à travers le Québec. Notre raison d'être, notre mission première, eh bien,
c'est d'assurer la croissance du secteur manufacturier. Alors, plusieurs
de nos membres sont touchés directement par le projet de loi, mais je tiens
également à souligner que nos membres sont de grands exportateurs qui tiennent
aux accords de libre-échange.
Alors, c'est vraiment dans ce contexte. Je tiens
à souligner que les entreprises manufacturières sont en faveur d'une
compétition au sein de leur marché, mais ça doit être une compétition qui est
saine et qui est loyale. Alors, les entreprises québécoises n'ont pas de
problème à être en concurrence avec des entreprises canadiennes, par exemple,
qui respectent les mêmes réglementations, que ce soit en matière
environnementale, sociale ou de gouvernance. Toutefois,
ce qu'elles déplorent, c'est de ne pas obtenir des contrats au profit
d'entreprises qui sont basées à l'étranger et qui n'ont pas ces mêmes
obligations. Alors, c'est pourquoi le projet de loi est si important pour nos
membres, et c'est dans ce contexte que s'inscrit nos recommandations.
Alors, vous le savez tous, on a salué le dépôt
de la stratégie gouvernementale des marchés publics et du projet de loi n° 12. Pour nous, c'est
un pas dans la bonne direction, c'est un pas vers l'avant. Les manufacturiers
attendaient avec beaucoup d'impatience cette stratégie depuis plusieurs mois.
Je vous dirais qu'on a une grande préoccupation qui va se refléter dans nos six
recommandations, et cette préoccupation, c'est qu'on se retrouve dans deux ou
trois ans avec très peu de changements ou très peu d'impacts, parce qu'il n'y a
pas, à notre avis, suffisamment d'obligation de performance dans le projet de
loi.
De plus, un autre
élément important, nulle part dans le projet de loi on différencie les
entreprises québécoises, c'est-à-dire des entreprises québécoises qui
sont des distributeurs, et donc qui s'approvisionnent à l'étranger, comparativement à des entreprises québécoises qui
fabriquent ici. Alors, pour nous, c'est vraiment un élément essentiel
sur lequel on va revenir dans nos différentes recommandations.
Alors, je le
mentionnais, nous avons six recommandations qui sont basées sur des
consultations que l'on a faites avec nos membres, des entreprises qui
sont dans le secteur agroalimentaire, secteur de la construction, secteur du
transport, secteur pharmaceutique, et autres.
Alors, sans plus tarder, je me lance. La
première recommandation : MEQ demande d'ajouter plus de mordant au projet de loi. Alors, présentement, il faut
rappeler que les différents ministères et organismes ont le pouvoir
d'utiliser d'autres moyens que le plus bas
soumissionnaire conforme, mais ils ne passent pas à l'action. Alors, si on veut
un réel changement, si on veut avoir de l'impact, il faut qu'il y ait
une obligation de performance et des cibles ambitieuses.
Alors, pour ce faire, il y a deux choses qu'on
propose. La première, c'est d'inscrire dans le projet de loi des mécanismes qui
visent à identifier des gens imputables au sein des ministères et des
organismes, et, deuxièmement, que les
orientations du projet de loi et de la stratégie gouvernementale soient
inscrites dans les objectifs et les livrables des ministères et
organismes respectifs.
Alors, je
vous donne quatre exemples précis d'améliorations qui permettraient de donner
plus de mordant au projet de loi. Je suis certaine qu'il y en a d'autres par
ailleurs. Alors, dans un premier temps, par ce projet de loi, il y aurait lieu
d'inscrire officiellement les éléments clés
de la nouvelle stratégie dans la mission du Centre d'acquisitions
gouvernementales.
Deuxièmement, à l'article 14.1, on est
vraiment dans le... à l'article 14.1, on est dans le contexte des achats
en dessous des seuils prévus aux accords de libre-échange, et il est écrit que
les organismes publics peuvent opter soit entre l'appel d'offres aux petites
entreprises, accorder un avantage sous la forme d'une marge préférentielle ou exiger des biens et des services ou des travaux de
construction québécois ou autrement canadiens. Si c'est possible de faire une discrimination positive à l'égard
d'entreprises québécoises, on ne doit pas donner l'option au
gestionnaire qui est responsable dans l'organisme. Il faudrait plutôt écrire que
l'on... que l'on peut... pardon, il faudrait plutôt écrire ou retrouver dans le
texte que l'on doit utiliser un des trois leviers qui est mis à leur
disposition.
Un troisième exemple, il faut s'assurer que tous
les intervenants dans la chaîne soient assujettis. Je m'explique. Disons qu'on
a un projet de rénovation d'une école secondaire. On a un architecte qui va
spécifier les produits, on a un entrepreneur
général qui va avoir le contrat, et, souvent, il va y avoir un deuxième puis un
troisième niveau de sous-traitants. Il faut s'assurer que tous ces
sous-traitants soient assujettis aux changements et aux objectifs qui sont
visés par ce projet de loi.
Et finalement, et non le moindre, et je l'avais
mentionné en introduction, il faut vraiment venir distinguer dans le projet de loi les distributeurs des
fabricants. Il faut vraiment que ça soit très clair, quelle est notre cible à
cet égard. Alors, le Conseil du trésor pourrait s'inspirer des travaux
qui sont faits au MEI quant aux produits du Québec et aux produits fabriqués au Québec, sinon, bien, on va
se retrouver dans cinq ans avec une plus grande proportion, peut-être,
d'achats qui se fait auprès d'entreprises québécoises, mais pas nécessairement
d'achats d'entreprises qui fabriquent ici au Québec.
Recommandation
n° 2 : développer l'Espace d'innovation des
marchés publics afin qu'il donne véritablement des résultats et l'ancrer dans une culture d'affaires en collaboration
avec les entreprises. Alors, on est favorables à l'espace innovation, on pense que c'est une excellente
idée. Mais, pour que ça donne des résultats concrets, il faut dans un
premier temps évaluer et mesurer en continu la performance de ce qui sera fait
comme travaux, plutôt que d'attendre 18 mois après l'adoption du projet de
loi pour évaluer le progrès. 18 mois, c'est beaucoup trop long. Il faut
vraiment opter pour une évaluation dynamique afin de pouvoir suivre en temps
réel ce qui se passe, au même titre qu'on le ferait dans le secteur privé par
ailleurs.
• (16 h 10) •
Ensuite, dans
l'espace innovation, on mentionne que les ministères et organismes,
52 ministères et organismes doivent expérimenter au moins une
mesure qui vise l'innovation. Alors 52, c'est très bien, mais il faut être
capable, encore une fois, d'encadrer, de donner des paramètres aux travaux qui
seront faits, pour s'assurer qu'on augmente la part d'achats des biens qui sont
fabriqués ici, au Québec.
Et finalement, toujours dans l'espace
innovation, bien, il y aurait lieu de travailler de concert avec les
entreprises qui ont développé une certaine expertise. Et je m'explique.
Certaines entreprises nous ont approchés, elles ont fait des travaux, elles ont
développé des grilles d'analyse sur la durée de vie, par exemple, de certains
produits. L'espace innovation doit permettre un mécanisme où on peut bénéficier
de l'expertise du secteur privé, encore une fois, au bénéfice de l'espace
innovation.
Troisième
recommandation : améliorer la représentativité des entreprises détenues
par des femmes. Écoutez, dans le projet de loi, on fait référence à
augmenter la représentativité des entreprises autochtones dans leur part des
contrats publics. Je pense qu'il serait de mise d'ajouter les femmes... les
entreprises détenues par des femmes par ailleurs.
Quatrième recommandation : on mentionne de
miser sur des paramètres favorisant les produits et services de qualité des entreprises qui fabriquent au Québec,
et ce, sans ne se fier qu'à la règle du plus bas soumissionnaire
conforme. Écoutez, dans le secteur manufacturier, le plus gros irritant, c'est
la règle du plus bas soumissionnaire conforme. Toutes les entreprises
manufacturières qui pensent à faire affaire avec le gouvernement ou qui font
affaire avec le gouvernement le soulignent comme étant un obstacle et un
irritant majeur. Alors, présentement, il y a plusieurs critères qui peuvent
déjà être mis en place par les organismes publics afin de faire une
discrimination positive pour les produits fabriqués ici, mais force est de
constater que c'est peu ou que ce n'est pas fait ou utilisé.
Alors, pour cela, encore une fois, pour que le
projet de loi ait un impact réel, il faut se doter, d'ici un an, par exemple, d'un pourcentage d'adjudication fondé sur
d'autres critères que le plus bas prix conforme. Donc, par exemple, de
dire : D'ici un an, 20 % de tous les contrats qui sont attribués
n'auront pas été faits en fonction du plus bas soumissionnaire conforme, mais plutôt en fonction des autres leviers qui
auront été donnés. D'ailleurs, il a été démontré dans une étude qu'il
est rentable pour l'État de permettre un surplus de 17 % de prix si le
produit est fabriqué localement, en raison des retombées économiques.
Et finalement, encore une fois, pour amorcer le
changement, on doit demander au ministère de justifier systématiquement
l'utilisation du mode d'adjudication fondé uniquement sur les plus bas prix
conformes. C'est une façon d'amorcer le changement puis de s'assurer qu'il y
ait un réel changement, encore une fois, qui soit réalisé.
Cinquième recommandation : prioriser la
mise en place de spécifications techniques de produits québécois ou canadiens
dans les devis afin que les entreprises étrangères prouvent que leurs produits
sont équivalents, et non l'inverse. Alors,
je vous explique. Présentement, lorsqu'un architecte, par exemple, spécifie des
produits sur un projet d'infrastructure, il va souvent spécifier les
produits étrangers, notamment des produits chinois, par exemple. Et à ce
moment-là, les manufacturiers québécois doivent démontrer que leurs produits
sont équivalents ou de meilleure qualité. Ce
qu'on demande ici, c'est que l'architecte ait l'obligation, dans la mesure du
possible, de spécifier les produits québécois, et ce sera aux
entreprises étrangères de prouver que leurs produits sont équivalents. Il faut
savoir qu'au Québec on a vraiment une grande
variété de fabricants québécois, des produits de qualité, des produits
compétitifs. Il n'y a rien qui justifie le fait que ce soient des
entreprises étrangères qui soient spécifiées et non l'inverse.
Et finalement, notre dernière recommandation,
c'est de mettre en place un guichet pour les entreprises au sein de l'Autorité
des marchés publics. Alors, les entreprises consultées dans le cadre de ce
projet de loi ont mis de l'avant le fait qu'il est souvent difficile de
consulter l'AMP sans avoir recours à des avocats ou à des consultants. Ça veut
donc dire que c'est très complexe et que c'est très coûteux aussi pour eux de
tenter d'établir une conversation et une discussion quelconque. Alors, l'AMP pourrait
avoir recours à un service d'ombudsman pour défendre les intérêts de
certaines entreprises qui se sentent lésés au cours d'un appel d'offres et/ou
pour résoudre des plaintes du milieu des affaires efficacement.
Alors,
j'arrive déjà à la fin. Je vous dirais que, je tiens à le rappeler, là, il ne
faut surtout pas sous-estimer l'impact des
marchés publics sur les manufacturiers québécois. Les marchés publics, ça
représente vraiment un levier important pour favoriser la croissance des
manufacturiers et, je vous dirais, de favoriser la croissance de l'empreinte
manufacturière au Québec, mais ça représente aussi un tremplin significatif
pour les exportateurs à l'international, et c'est pourquoi ce projet de loi est
si important aux yeux des manufacturiers québécois.
Alors, je tiens à vous offrir notre entière
collaboration afin les mesures mises de l'avant dans la stratégie des marchés
publics et dans la loi portent fruit. Merci à tous.
Le Président (M. Simard, Montmorency) : Merci
à vous. Je cède maintenant la parole à la présidente du Conseil du trésor.
Mme LeBel : Merci. Merci, M. le
Président. Merci beaucoup, Mme Proulx. C'est toujours un plaisir de vous
rencontrer, puis on peut... capables de discuter un peu plus, là, du projet de
loi. Mais il y a plusieurs... À l'action gouvernementale, je vais le dire de
cette façon-là, il y a plusieurs choses, là : il y a la stratégie, le
projet de loi, naturellement, et de nous permettre d'aller avec... à
l'intérieur de la Loi sur les contrats publics, voir comment on peut aller plus
loin ou nous aider à pousser la stratégie un peu plus loin. Et c'est clair, là,
quand on ne lit que le projet de loi... je sais que ce n'est pas ça que vous
avez fait, du tout, là, mais c'est clair que, quand on ne lit que le projet de
loi, on peut penser qu'il manque des choses. Mais il y a des choses qu'on peut
faire, dans le cadre d'une stratégie, puis il y a des choses qu'on doit faire
dans le cadre du projet de loi.
Je vais peut-être vous demander... Pour moi,
c'est très clair, puis on en avait parlé lors de la rencontre, je sais que vous
avez rencontré également mon collègue de Maskinongé et mon collègue du cabinet
également, Sébastien, vous en avez parlé à
plusieurs reprises, c'est clair pour nous que c'est important de protéger les
accords de libéralisation du marché...
des marchés. Bon, on n'entrera pas plus avant, mais je pense que l'objectif de
la stratégie, c'est de se permettre
d'exploiter toutes les marges de manoeuvre déjà disponibles. Parce que c'est
beau de dire qu'on respecte les accords, mais il ne faut quand même pas... ne pas se priver, pardon, des marges
de manoeuvre qui sont nécessaires à l'intérieur.
Donc, quand on parle d'exploiter ces marges de
manoeuvre là à travers la stratégie et le projet de loi, est-ce que vous
trouvez qu'on va trop loin, qu'on ne va pas assez loin, dans le sens qu'on
pourrait pousser encore plus les zones grises ou est-ce que vous pensez que
l'équilibre... il y a un bon équilibre, là, entre le fait de ne pas se fermer
les marchés extérieurs et de pouvoir, d'un autre souffle, quand même aider nos
entreprises locales? Et je comprends que de les aider, ce n'est pas
nécessairement de fermer le marché, c'est de les outiller. Mais, si on parle
de... si on se concentre sur l'exploitation des marges de manoeuvre...
Mme Proulx (Véronique) : On pense qu'on peut aller encore plus loin. Parce que, dans
le fond, il y a l'espace innovation qui
permet d'explorer puis qui va éventuellement débouler, de ce qu'on comprend, sur
peut-être des nouveaux critères, nouvelles façons de faire ou d'évaluer.
Je pense notamment à tout ce qui touche le développement durable, le cycle de
vie des produits. Mais ça, ça va prendre un certain temps avant que ça se mette
en place. Après, il y a tout ce qui est en dessous des seuils, des seuils au
niveau des accords de libre-échange, mais ce sont des petits contrats qui vont bénéficier aux petites
entreprises, parce que les contrats ne sont pas significatifs. Donc, là où on
trouve qu'on se prive, peut-être, jusqu'à un certain point, et je reviens au
plus bas soumissionnaire conforme, il y a d'autres leviers qui peuvent être
utilisés, tout en respectant les accords de libre-échange, notamment la notion
de qualité.
Donc, je prends un exemple concret, une
entreprise qui vend un équipement x au gouvernement, un ministère, bien, il y a le prix de vente, mais il y a aussi la durée de
vie. Puis il y a quand même des mécanismes en place qui permettraient
facilement d'avoir une garantie, d'avoir une vérification de cette durée de vie
là, et là ça permettrait d'aller chercher peut-être des entreprises...
davantage de produits fabriqués au Québec. Mais, encore une fois, si on ne donne pas une cible précise, en termes de
pourcentage de produits qui doivent être spécifiés... qui doivent être...
qui doivent être octroyés sans utiliser le
plus bas soumissionnaire conforme, les gens vont revenir à ce qu'ils
connaissent, les gens étant les acheteurs, vont revenir à ce qu'ils connaissent
et vont rester avec ce critère-là qui est plus facile, plus prévisible pour eux
aussi.
Mme
LeBel : Dans un article qui est sorti récemment, on
parlait d'une, bon, entre autres... Le titre, c'est le... bon, Un
rapatriement plus facile à dire qu'à faire, quand on parlait de... pour vos
membres, surtout de rapatrier — mon Dieu! c'est beaucoup de r — rapatrier
les approvisionnements au Québec. Dans les entreprises qui ont été sondées,
20 % disaient pouvoir peut-être le faire; 63 %, en tout cas la
balance, entre autres, disaient... ne prévoyaient pas le faire. Bon, il y a ceux entre les deux, là, qui étaient...
Bon, une grosse partie de cette raison-là est sur le fait de... bon, la
main-d'oeuvre, la disponibilité, c'est exact, mais beaucoup disaient :
Bien, c'est plus cher quand on s'approvisionne au Québec, donc...
Et moi, je comprends
très bien l'obligation du gouvernement du Québec d'être exemplaire. Je
comprends très bien, surtout dans votre
domaine, que la loi du plus bas soumissionnaire n'est... la règle, pardon,
n'est probablement pas la plus adaptée au type de produits que vos
membres font. Mais, à un moment donné, il y a quand même une obligation du
gouvernement du Québec de... d'avoir quand même un juste prix, disons-le, le
plus près possible. Et, quand même, vos membres admettent que c'est difficile
d'acheter québécois, parce que c'est beaucoup plus cher et qu'ils
ne le font pas. Je veux dire, comment on peut concilier les deux puis comment
on peut vous aider, en tant que gouvernement, vous aider à rapatrier ces
chaînes d'approvisionnement là, sans que ça soit nécessairement à travers nos
marchés publics non plus, là?
Mme
Proulx (Véronique) : Oui. En fait, il y a
plusieurs choses intéressantes là-dedans. La première, puis je reviens, on l'a
nommé dans l'étude, il a été démontré par une étude, puis je laisserai Marie
vous la citer, parce que j'oublie toujours
le nom, que c'est possible d'avoir un écart de prix de 17 % tout en ayant
les retombées économiques pour le Québec. Alors, on est d'accord que le
critère du plus bas soumissionnaire peut avoir sa place. Nous, ce qu'on dit,
c'est qu'il n'a pas à avoir systématiquement sa place. Donc, c'est la première
chose.
Deuxièmement, on est
d'accord que ça doit être rentable pour le gouvernement, lorsqu'on regarde la
qualité versus le prix. Il y a cette
analyse-là qui doit être faite. Et l'idée, ce n'est pas de dire : Bon, on
va payer trois fois plus cher parce que c'est fabriqué au Québec.
Ce n'est pas du tout ça, là. C'est juste de dire : Comment est-ce qu'on
s'assure que d'autres critères soient
regardés pour s'assurer... Puis je reviens, par exemple, à la durée de vie du
produit. Combien de manufacturiers m'ont expliqué que leurs produits
étaient plus chers à l'achat, mais la durée de vie était beaucoup plus grande
que des produits, par exemple, achetés en Asie. Donc, ça, c'est un élément.
La deuxième partie,
c'est concernant les chaînes d'approvisionnement. Puis vous avez raison, un
certain pourcentage des manufacturiers disent que c'est trop compliqué ou que
ça coûterait trop cher ramener de la production
ici. Ça, c'est pour ceux qui veulent prendre ce qu'ils fabriquent ailleurs et
le ramener ici. Par contre, quand on regarde les manufacturiers qui sont
établis ici, les entreprises, vous savez, manufacturières sont très
résilientes, souhaitent continuer à augmenter leur part de marché et augmenter
leur production ici, au Québec.
Le plus grand frein,
puis là vous avez posé une question vraiment pertinente, comment est-ce que le
gouvernement peut aider, c'est vraiment sur la question de la pénurie de
main-d'oeuvre. Tant... parce que c'est le plus grand frein à la croissance des
manufacturiers et c'est aussi ce qui a été nommé dans le sondage sur les
chaînes d'approvisionnement. Quand on pose la question : Comment est-ce
que le gouvernement peut aider?, c'est en nous donnant accès aux travailleurs dont on a besoin. Ceci étant dit, ça va
demeurer un défi. Si, par exemple, les parts de marché... les parts des contrats publics qui vont aux entreprises
québécoises qui fabriquent ici augmentent, bien, c'est sûr que, présentement, on est freinés par la pénurie de
main-d'oeuvre. Ça va de soi. Et je le réitère, les entreprises
manufacturières sont résilientes, innovantes
et cherchent à continuer à croître, notamment par l'entremise des marchés
publics québécois.
Mme LeBel : Je
veux peut-être parler un peu de votre recommandation n° 1.
Vous dites : Ajouter plus de mordant au projet de loi, notamment en
assurant une obligation de performance envers les ministères et organismes pour
qu'ils passent à l'action. Bon, le fait d'avoir des mécanismes pour s'assurer que
la stratégie est mise en place, c'est-à-dire qu'elle... qu'on passe de la
stratégie à l'effet sur le terrain, je vais le dire comme ça, j'en suis. Bon,
je ne pense pas que c'est de l'ordre d'un projet de loi, je pense que c'est
plus dans la stratégie ou dans les suivis qu'on fera. Mais qu'est-ce que vous voyez comme obligation de performance ou
mécanisme, là? On verra le véhicule approprié par la suite, là, mais sur
votre objectif, plutôt.
Mme
Proulx (Véronique) : Oui. Bien, je reviens
à deux choses que j'ai nommées dans le... Est-ce que vous m'entendez en double,
ou c'est juste moi? Ah! là, ça va. O.K.
Alors,
je reviens à ce que j'avais dit dans mes notes tout à l'heure — je
m'excuse. Il y avait deux choses qu'on mentionnait. C'est que, d'une
part... et je suis d'accord avec vous, là, ça peut être dans la loi, ça peut
être dans la stratégie, l'important, c'est qu'il y ait cette obligation-là de
performance, donc des mécanismes qui visent à identifier les gens imputables et
responsables au sein des ministères et organismes. Et l'autre, c'est que les
orientations du projet de loi et de la stratégie soient inscrites dans les
objectifs, les livrables des ministères et des organismes.
Dans le fond, là, on
veut s'assurer que, dans deux, trois ans, oui, il y a eu ce projet de loi,
là, il y a eu la stratégie, on n'a pas
atteint les résultats, puis ça va être ça. Il faut qu'il y ait cette obligation
de performance là pour s'assurer que les gens aillent de l'avant. Puis
on insiste là-dessus parce qu'on comprend, en fait, qu'il y a un modus operandi
qui est en place. Je reviens au plus bas soumissionnaire conforme, ça va être
difficile d'amener ce changement-là. Et la formation, les orientations, ça ne
sera pas assez. Il faut s'assurer qu'il y ait cette obligation de performance
là à tous les égards. Puis je peux peut-être...
Mme LeBel :
Oui, très bien, très bien compris,
merci. Je vais vous amener peut-être sur une portion du projet de loi
avec... pour laquelle on discute moins, peut-être, avec les différents
intervenants. Je pense qu'ils ne savent plus... Je n'arrête pas de bouger dans
la salle, donc ils savent plus avec quel micro me suivre. C'est ma faute. Mais
ce qui est toute la portion du projet de loi qui concerne de rehausser les
pouvoirs de l'AMP, première étape qu'on avait déjà faite dans le projet de loi
n° 66, là, on vise à le faire pour tous les contrats publics. Entre autres, le
projet de loi propose de modifier le régime d'intégrité pour que tous les
contractants ou sous-contractants, entre... soient... à un contrat, là, satisfassent à certaines exigences
d'intégrité, peu importe la valeur du contrat. Donc, on a l'autorisation
de contracter, qui est une chose, et on a la déclaration d'intégrité qu'on se
propose d'introduire.
Puis je vais faire un
lien avec une de vos recommandations, c'est pour ça que je me permets d'aller
sur ce terrain-là, où vous dites :
Mettre en place un guichet pour les entreprises, au sein de l'Autorité des
marchés publics, afin qu'elles
puissent contribuer à résoudre des plaintes efficacement. Peut-être me donner
un peu l'exemple de ce que vous voulez dire, là, «résoudre des plaintes
efficacement». Est-ce que vous parlez de l'accompagnement? Est-ce que vous parlez de l'autorisation de contracter? Les
délais? Juste me situer pour voir... Bon, un, peut-être qu'il existe déjà
quelque chose, peut-être que non. Mais j'aime mieux... j'aimerais ça comprendre
c'est quoi, le problème, là. Peut-être...
Mme Proulx (Véronique) :
Absolument, je vais...
Mme LeBel :
...ça ferait bien mon affaire.
Mme Proulx (Véronique) : Parfait. Je vais laisser Marie-Ève répondre, parce que c'est elle qui
s'est entretenue avec plusieurs entreprises sur le sujet. Marie-Ève.
Mme Labranche
(Marie-Ève) : Oui. Dans le fond, il y a comme deux volets. Il y a le
volet, oui, de services aux entreprises, là, d'accompagnement, puis ça, je
pense, dans la stratégie, vous y faites allusion, comment on peut mieux
accompagner les entreprises pour qu'elles comprennent comment accéder aux
marchés publics, surtout dans la PME, et il y a aussi l'autre côté que, des
fois, les entreprises se sentent lésées par un appel d'offres. Donc, il y a un
appel d'offres qui a été lancé, ils sentent qu'il est un petit peu orienté, ils
sentent que peut-être qu'ils n'ont pas leur place ou qu'ils pourraient avoir
une plus grande part d'innovation, puis, s'ils changeaient quelque critères,
ils pourraient y participer, par exemple. Et là, dans le temps, ils veulent se
tourner vers l'AMP pour pouvoir faire valoir un
peu, dans le processus, qu'ils se sentent, justement, lésés. Et là ce qu'on
comprend, c'est que c'est supercompliqué pour les entreprises, donc ils
font affaire avec un consultant, un avocat, ils essaient de voir comment ils
peuvent accéder à l'AMP, faire valoir ça,
puis, quand l'appel d'offres est en cours, ça devient encore plus compliqué.
Donc, c'est un service, un peu, d'ombudsman, qu'on se disait, donc un
peu un service où que l'entreprise peut se tourner vers l'AMP pour pouvoir
ouvrir ce dialogue-là, même si l'appel d'offres est en cours.
• (16 h 20) •
Mme LeBel : Juste pour peut-être recadrer, parce que c'est
important, pour moi, qu'on comprenne. L'Autorité des marchés publics,
son rôle n'est pas de dire : Le gouvernement aurait dû prendre une règle
plutôt qu'une autre, c'est-à-dire la règle du plus bas soumissionnaire ou la
qualité, ou dire : L'identification des besoins n'était pas adéquats, etc.
C'est vraiment de voir si... je vais y aller de façon très large, si les
processus sont intègres et s'ils sont conformes,
etc., les enquêtes. Donc, je veux juste être capable de comprendre l'enjeu,
parce que peut-être que c'est l'AMP, peut-être que c'est autre chose
auquel il faut songer dans ce que vous expliquez. Mais j'avoue, là, en toute
humilité, que je n'ai pas compris le lien
avec l'AMP dans le problème que vous venez d'exposer. Ça fait que peut-être
juste me donner un exemple.
Parce que c'est une
grande différence de dire : Je suis convaincu que j'ai été lésé dans
l'appel d'offres, que la personne qui est
jugée conforme n'aurait pas dû être jugée conforme — bon,
les tribunaux existent, l'AMP existe — ou
de dire : Bien, je considère que
l'appel d'offres n'était pas adéquat, que j'aurais pu y répondre s'il avait été
fait autrement. Je veux juste comprendre. Ça a l'air peut-être trop
technique, là, mais c'est important pour moi. Parce qu'on parle d'un guichet à
l'AMP pour résoudre des plaintes efficacement, mais il y a plusieurs types de
plaintes, puis souvent il y faut les... Il y a peut-être un endroit où on peut
les diriger mieux, aussi, les gens. C'est peut-être ça, à la base, une espèce
de service aux entreprises pour mieux les diriger. Mais je veux vraiment,
vraiment comprendre ce point-là.
Mme Labranche
(Marie-Ève) : C'est sûr que les entreprises, en premier lieu, vous
avez raison, là, vers qui ils se dirigent,
dans ce temps-là, ce n'est pas clair. Ça, c'est le premier point. Donc, on
reçoit nous-mêmes des appels, là, dans le fond, des entreprises qui ne
savent pas vers qui se diriger, vers quelle porte cogner. Donc, ça, c'est
peut-être le premier point.
Le
deuxième point, c'est vraiment, dans le fond, un coup qu'ils sentent que
l'appel d'offres est en cours ou qu'il est terminé... Puis ça, là, vous
avez raison, il y a comme deux façons, c'est soit que l'appel d'offres a été
mal défini, puis là, peut-être, c'est le ministère ou l'organisme en question,
mais il y a aussi le résultat de l'appel d'offres, où il semble que, dans le
processus, il aurait pu y avoir une plus grande ouverture. Donc là, vers qui
ils se tournent, ces entreprises là, donc, comment ils peuvent faire valoir
davantage leurs droits? Puis là, ça, c'est vraiment des entreprises qu'on a
consultées dans le cadre du projet de loi, qui nous mettaient en lumière cette
difficulté-là, dans le fond, d'accès, si je pourrais dire, lorsqu'ils se
sentent lésés.
Mme LeBel : ...peut-être,
théoriquement, je pourrais dire que le fait d'avoir un service d'accompagnement
aux entreprises pourrait permettre, à tout le moins, d'avoir... de les
orienter. Est-ce que c'est vraiment de la matière de l'AMP ou c'est plutôt de
mieux informer ou d'avoir une meilleure adéquation entre les besoins du
ministère et l'espèce de dialogue, aussi, qu'on veut, dans le cadre de la
stratégie, mettre en place, c'est-à-dire que le ministère puisse afficher...
devront afficher leurs besoins en approvisionnement pour les années à venir,
pour lancer des signaux aux entreprises pour dire : Bien, voici ce dont on
aura besoin dans les deux, trois prochaines années pour permettre, peut-être,
aux entreprises d'y répondre?
Mais il y a
peut-être, dans le service d'accompagnement, peut-être, une partie de réponse à
ce que vous dites. Mais j'avoue très
sincèrement que je vais avoir besoin peut-être de plus d'informations, si vous
êtes capables de clarifier les
demandes des entreprises. Parce que, c'est peut-être mon ancienne formation,
là, mais, pour moi, ce n'est pas clair entre ce que l'Autorité des
marchés publics peut faire, l'UPAC, le ministère. C'est-tu juste une plainte
de : ce n'est pas adéquat, vous n'avez
pas pris la bonne règle? Je veux juste être sûre qu'on démêle tout ça. Mais ce
n'est pas nécessaire aujourd'hui, mais, si vous êtes capables d'avoir
des précisions là-dessus, ça serait apprécié, pour que je comprenne bien. Pour
mettre quelque chose en place, il faut bien comprendre le besoin. Donc, ça
serait apprécié.
Vous avez parlé
d'inclure... Je ne sais pas s'il me reste un peu de temps, M. le Président.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
À peu près 2 min 30 s.
Mme
LeBel : Ah! bien, parfait. Je vais y aller rapidement. Je suis très
sensible à cette question-là, mais vous me parlez d'assujettir le CAG à la
stratégie. Il l'est déjà, je vais vous le dire, par le biais d'une directive, à
tout le moins. Mais je vais aller un peu
plus loin. Vous allez dire... vous avez marqué qu'il y a lieu d'inclure
officiellement les éléments clés de la nouvelle stratégie dans la
mission du CAG. Donc, de quelle façon vous nous suggérez de le faire, là, c'est-à-dire, dans sa loi? Comment vous voyez
ça? Parce que... (panne de son) ...biais d'une directive, je peux vous
le dire, là, ils ont déjà... c'est déjà inclus dans leur mission, mais par le
biais d'une directive, disons-le comme ça, là.
Mme Proulx (Véronique) : Effectivement. Donc, est-ce qu'on peut aller une étape plus loin pour
s'assurer que ça se mette en place et
que ça ne soit pas juste une directive, mais qu'il y ait une obligation,
l'obligation de passer à l'action? Et c'est vraiment là, je reviens à
notre préoccupation de base, là, c'est que tout ça se fasse, puis, encore une fois, là, on avance dans la bonne direction, mais que les gens ne sentent pas
l'obligation de passer à l'action et que, dans deux, trois ans, quatre
ans, cinq ans, bien, on ait augmenté... on n'ait pas augmenté la part des
produits fabriqués ici au Québec.
Mme LeBel : La
mise en oeuvre, c'est dans le cadre de la mise en oeuvre, disons.
Mme
Proulx (Véronique) : Exactement,
exactement.
Mme LeBel : Merci
beaucoup.
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Mont-Royal—Outremont.
M. Arcand : Merci,
M. le Président. Bonjour, Mme Proulx, bonjour, Mme Labranche. Si je
comprends bien l'intervention que vous venez d'avoir avec la ministre
là-dessus, est-ce qu'on s'entend pour dire qu'essentiellement, là, les plus
grands donneurs d'ouvrage, si on veut, au niveau du gouvernement, il y a la
SQI, il y a le Centre d'acquisitions gouvernementales, il y a un peu le
ministère de la Santé dans ça puis il y a le MTQ, le ministère des Transports
du Québec? Alors, si on avait un amendement, par exemple, dans l'étude du projet
de loi, qui disait : Voici, telle personne ou, enfin, telle fonction à
l'intérieur de chacun de ces endroits-là est imputable, c'est quelque chose qui
pourrait être acceptable?
Mme
Proulx (Véronique) : Oui, exactement.
C'est pour vraiment entraîner cette obligation de performance dans la mise en
oeuvre de la nouvelle stratégie et de la loi.
M. Arcand : Vous
seriez d'accord, vous trouveriez que ça pourrait faire du sens, en ce sens-là,
si on avait un tel amendement?
Mme
Proulx (Véronique) : Absolument,
absolument.
M. Arcand : O.K.
Maintenant, vous avez parlé des marchés publics. L'inquiétude, nous, qu'on a,
ce n'est pas tant parce que l'Autorité des marchés publics a des nouveaux
pouvoirs... enfin, on enlève certains pouvoirs à l'UPAC aussi dans le projet de
loi pour le donner à l'Autorité des marchés publics. Mais déjà, la réputation
de l'Autorité des marchés publics, ce n'est pas celle, nécessairement, d'une si
grande efficacité. Et vous le dites un peu dans votre mémoire que c'est un peu
compliqué de faire affaire avec l'Autorité des marchés publics. La semaine
prochaine, il y a un budget, comme vous le savez. Dans le budget, on va voir
si... Moi, quand j'ai posé des questions au président de l'Autorité des marchés
publics, il n'a pas été capable de me dire quel genre de budget il allait avoir
l'an prochain. Je veux juste que vous essayiez de me dire de quelle façon...
quels sont les problèmes que vous vivez, de façon assez concrète, avec
l'Autorité des marchés publics actuellement.
Mme Proulx
(Véronique) : Alors, je vais me référer à
Marie-Ève encore une fois... cette question-là.
Mme Labranche
(Marie-Ève) : Oui. Dans le fond, comme on disait un petit peu tout à
l'heure, c'est la confusion, des fois, de vers qui ils se tournent quand il y a
un appel d'offres, donc la porte d'entrée, là, donc... Surtout, quand l'appel
d'offres roule, on comprend que tout le monde est un peu plus prudent, puis là
ça devient encore plus compliqué. Mais c'est vraiment, dans le fond, l'accès.
Puis ce qu'on me dit, c'est que souvent il faut qu'ils prennent des avocats,
des consultants pour avoir... pour aller de l'avant avec l'Autorité des marchés
publics.
M. Arcand : Donc,
c'est ça qui est essentiellement l'enjeu de ce côté-là?
Mme Labranche (Marie-Ève) :
Exact.
M. Arcand : O.K.
Votre mémoire parle des femmes au niveau des marchés publics. J'aimerais juste
élaborer : Où est-ce que vous voyez le problème principal, exactement?
C'est qu'il y a trop d'hommes dans ceux qui prennent les décisions? C'est quoi,
exactement?
Mme
Proulx (Véronique) : En fait, je n'irai
pas là, je ne dirai pas ça. Mais ce qu'on dit, en fait, c'est qu'on veut...
dans l'espace innovation, on fait référence au fait qu'on souhaite accorder une
plus grande part de marché aux entreprises détenues par
des autochtones, et ce qu'on souligne c'est qu'on devrait ajouter les
entreprises détenues par des femmes.
Donc,
si je fais le parallèle, aux États-Unis, il y a tout ce qui est «minority-owned
businesses», «women-owned businesses» aussi. Les femmes ont un certain
pourcentage ou ont une certaine part des contrats publics qui peuvent leur être
attribués, et c'est ce qu'on voudrait avoir également, si on... je n'ai pas le
bon terme, pas «privilégie», là, mais, si on donne certains de préférence aux
entreprises détenues par les autochtones, on devrait faire la même chose pour
les entreprises détenues par des femmes. Elles représenteraient 16 % des
entreprises au Canada. C'est peu, mais, si on veut leur permettre de croître, bien,
c'est souvent le défi des entreprises détenues par des femmes d'être capables
de croître, bien, les marchés publics, c'est une belle façon pour eux de
poursuivre leur croissance et donc un tremplin vers des plus grands marchés.
M. Arcand : On
dit souvent qu'il n'est pas simple d'évaluer un produit, au Québec. Quand on
est dans le secteur agroalimentaire, disons
que c'est assez facile parce que c'est marqué «produit du Québec». Mais, si
c'est facile dans le secteur alimentaire, est-ce que vous avez des
craintes par rapport au fait que, dans le secteur manufacturier québécois, il y a peut-être certains enjeux de
définition, si on veut, de ce qu'est un produit québécois?, parce que
c'est fait avec des produits parfois qui viennent d'ailleurs. Alors, comment
est-ce qu'on fait pour s'assurer, justement, que les fournisseurs
manufacturiers sont réellement des producteurs québécois? Je ne sais pas,
est-ce que vous avez des critères à nous suggérer en ce sens-là?
Mme
Proulx (Véronique) : Bien, peut-être, dans un premier temps,
c'est clair que ça ne sera pas évident de départager ce qui est fabriqué au
Québec de ce qui ne l'est pas, parce qu'il y a plusieurs nuances, plusieurs
facteurs qu'il faut considérer, mais je pense que ça va être important de le faire.
Si on ne le fait pas, encore une fois, dans deux
ans, trois ans, quatre ans, on va se retrouver peut-être avec une augmentation
du nombre d'entreprises québécoises qui obtiennent les contrats publics,
mais pas nécessairement des entreprises qui fabriquent au Québec.
Et là je reviens à la
question, tout à l'heure, de la ministre : Comment est-ce qu'on fait pour
avoir plus de mordant? C'est un très bel exemple. Nulle part dans la stratégie
ou dans le projet loi on ne le définit, et ça doit se faire. Il y a des travaux
qui se font du côté du ministère de l'Économie et de l'Innovation en ce sens.
J'ai eu le plaisir de présider le chantier Origine, dans le cadre du Panier du
Québec, il y a des travaux qui ont été amorcés, et je comprends qu'il y a des
travaux qui se poursuivent, et je pense que le Conseil du trésor devra ou
devrait regarder ce qui est fait de ce côté-là pour s'assurer d'une cohérence,
aussi, dans l'ensemble des travaux du gouvernement. Encore une fois, ça ne sera
peut-être pas parfait, mais c'est quand même mieux que ne pas avoir de critères
et ne pas augmenter les parts de marché d'entreprises qui fabriquent ici au
Québec.
• (16 h 30) •
M. Arcand :
C'est parce que j'ai eu beaucoup de gens qui m'ont dit qu'une des choses qui
manquent beaucoup dans le projet de loi, ou enfin dans la définition... Il y a
même des gens qui sont venus nous dire, lorsqu'il y a eu certaines
comparutions, tout à l'heure, qu'il devrait y avoir un critère, genre :
33 % pour le prix, 33 % pour la qualité puis 33 % pour
l'environnement. Je vous donne ça comme idée, là, qui devrait être quelque
chose qui guide un peu le gouvernement dans son approche. Mais, dans ce
domaine-là, au niveau des manufacturiers en particulier, il semble qu'il y a
beaucoup de gens qui sont des manufacturiers québécois qui peuvent perdre des
contrats, par rapport à d'autres dont les produits viennent vraiment de
l'extérieur, et évidemment on a identifié la Chine comme étant un des
fournisseurs, des nombreux fournisseurs avec des produits de moindre qualité,
et souvent, le gouvernement, parce qu'ils ont le prix le plus bas, bien, ils
vont donner ça à ces gens-là. Est-ce que c'est un enjeu que vous vivez,
actuellement, ou que vos membres vous disent, actuellement, que ça existe?
Mme
Proulx (Véronique) : C'est-à-dire qu'on a des membres qui nous
disent perdre des contrats aux dépens d'entreprises, par exemple, qui font
affaire aux Philippines ou en Chine, alors qu'elles, elles fabriquent ici.
Mais, pour revenir à la question des critères, on peut regarder, par exemple,
ce qui se fait en Ontario, au niveau du Canada :
pour le «Canada made», c'est la dernière transformation substantielle. Donc, il
existe des règles, au Canada, à l'intérieur desquelles le gouvernement
pourrait s'inspirer pour définir ce qu'est un produit fabriqué au Québec, et
c'est important de le faire.
Et,
vous savez, quand vous êtes une entreprise québécoise qui fait affaire à
l'international — donc,
nos membres sont de grands exportateurs — si vous voulez faire
affaire aux États-Unis, vous voulez aller chercher des parts de contrats
publics en Europe, vous devez avoir un pied-à-terre à l'international. À
l'inverse, si vous êtes une entreprise étrangère
et vous ne fabriquez pas ici, au Québec, vous avez accès à nos marchés, à nos
contrats publics, à nos marchés publics. Alors, c'est pourquoi il doit y
avoir une forme de définition, un consensus, au sein du gouvernement, pour
définir ce qui est fabriqué au Québec et, encore une fois, de tenir compte de
ça dans la loi et dans la stratégie.
M. Arcand :
Est-ce que... Dans les choses qui sont mentionnées dans le «Canadian made»,
vous dites, est-ce que c'est le fédéral? C'est l'Ontario? C'est qui,
exactement, qui, d'après vous, est un modèle?
Mme
Proulx (Véronique) : En fait, l'Ontario est en train de mettre
en place ou met en place la dernière transformation substantielle, qui donne
une certaine rigueur, mais qui n'est pas trop lourde non plus à gérer. Pour l'État, par exemple, c'est l'État qui reconnaît
cette certification-là, donc ça pourrait être un modèle à suivre,
effectivement.
M. Arcand : Parfait. Une bonne partie des manufacturiers
québécois ont une structure de production qui... il y a des types de
production qui sont à la chaîne, mais il y a des types de production qui sont
sur mesure. Et, en ce sens-là, comment est-ce qu'on s'assure que ceux qui font
un type de production sur mesure aient aussi accès aux marchés publics? Parce
qu'on n'est pas dans le même... dans la même joute, véritablement.
Mme
Proulx (Véronique) : C'est-à-dire, vous voulez dire qu'ils
seraient moins compétitifs parce qu'ils ne sont pas dans le volume?
M. Arcand :
Ils ne sont pas dans le volume, alors là, la qualité doit jouer un rôle
beaucoup plus grand, à ce moment-là.
Mme
Proulx (Véronique) : On peut penser, par exemple, à des
contrats... à des entreprises qui sont dans le secteur médical, même dans le
secteur de la construction, en fait, dans tous les secteurs. On a beaucoup de
PME manufacturières, en fait, qui ne sont pas dans le volume. On est beaucoup
sur du sur-mesure, avec des spécifications précises, donc une plus grande
qualité. Mais, encore une fois, si on regarde d'autres facteurs que le prix,
par exemple la durée de vie, j'y reviens parce que nombre... de nombreux
manufacturiers nous en ont parlé, bien, c'est un critère qui leur permettrait
de se différencier puis d'obtenir les contrats par rapport à des concurrents,
parfois américains, parfois asiatiques, qui les ont obtenus basés uniquement
sur le prix. Alors, c'est pourquoi c'est important d'élargir la panoplie des
critères pour permettre une discrimination positive pour les entreprises qui
font affaire ici, qui font des produits de qualité et qui, ultimement, sont
rentables pour l'État et pour l'économie également.
M. Arcand : ...nous
avons eu les... des gens de la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante qui sont venus, et une de leurs préoccupations, c'était le fait
qu'il y a un petit côté un peu trop protectionniste dans ce projet de loi, et que ça pouvait nuire à certains
accès dans d'autres provinces canadiennes ou, même, aux États-Unis,
parce que ou bien on est pour le
libre-échange ou, quand on commence à faire du protectionnisme, ça peut jouer
des deux côtés, comme vous le savez.
Et ils avaient une crainte, à un moment donné, de dire : Ça peut nuire, si
on va trop loin, ça peut nuire à l'accès de certaines entreprises à
l'extérieur du Québec. Est-ce que vous, vous avez cette préoccupation par
rapport à ça, étant donné qu'il y a quand même pas mal d'exportation qui se
fait puis le Québec vit d'exportation, beaucoup?
Mme
Proulx (Véronique) : C'est une très bonne
question. Puis vous avez raison, les manufacturiers sont responsables de
86,9 % de nos exportations, donc nous sommes des grands exportateurs. Dans
le mémoire que l'on a fait, et je l'ai mentionné tout à l'heure aussi, on fait
référence au Québec et au Canada. Donc, on n'a pas de difficulté à ce que les
règles qui soient mises en place s'appliquent aux manufacturiers canadiens,
encore une fois, parce qu'on est sur le même pied d'égalité. On respecte les
mêmes règles, on a les mêmes structures de coûts. Donc, on n'a pas de
difficulté à ce qu'il y ait une concurrence loyale. Puis là où on sent...
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : ...s'il vous plaît.
Mme
Proulx (Véronique) : Pour moi?
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : Oui, c'est ça. En conclusion, s'il vous plaît.
Mme
Proulx (Véronique) : Ah! je m'excuse, ça
coupe. Alors, pour nous, ce n'est pas un enjeu, dans la mesure où que ce soient
des critères qui favorisent une discrimination positive, encore une fois, et
qu'on respecte les accords de libre-échange.
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : Merci beaucoup. Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci
beaucoup. Merci, mesdames, pour votre présentation puis vos propositions. Vous
avez des recommandations très, très intéressantes. Je retiens celle sur le
service d'ombudsman de l'AMP. Justement, on avait parlé qu'ils avaient besoin
de peut-être plus de ressources pour faire tout le travail et les
responsabilités que le projet de loi leur ajoute, puis là vous parlez aussi de
ce service-là, et d'autres propositions.
Je voudrais revenir
sur la recommandation 3 pour donner plus, disons, d'avantages, là, pour
favoriser les entreprises qui sont détenues par des femmes. Vous pouvez être
certaines que je vais... je prends ça très, très en note, et probablement que
je ferai un amendement aussi là-dessus, à moins que la ministre va le faire.
Vous dites qu'il y a un plus grand nombre de ministères, de sociétés d'État et
de municipalités qui s'engagent déjà à le faire. Est-ce que vous avez remarqué,
parmi vos membres... Est-ce que c'est plus dans certains secteurs des
ministères et organismes ou c'est généralisé, qu'il y a cette tendance à le
faire, de façon volontaire, par organisme?
Mme
Proulx (Véronique) : En fait, je faisais
référence, plutôt, à l'extérieur du Canada. Donc, par exemple, aux États-Unis,
qui a tout ce qui est «minority-owned», «women-owned businesses», qui ont accès
à un certain... ils ont une certaine part des contrats publics. Donc, par exemple,
le ministère des Transports doit donner un pourcentage x de ses contrats à des
«minority-owned or women-owned businesses».
Mme Ghazal : Et donc c'est une
exigence légale.
Mme
Proulx (Véronique) : Exactement,
exactement.
Mme Ghazal : O.K. Je pensais qu'il y
avait une volonté qui existait déjà. Mais pas du tout au Québec. Vous ne la
ressentez pas...
Mme Proulx (Véronique) : Non, non. Non, exactement.
Mme Ghazal : ...dans la loi, pour
que ce soit le cas.
Mme Proulx (Véronique) : Exactement.
Mme Ghazal : Est-ce que... Bien,
peut-être par rapport au... Quand vous dites : Le service d'ombudsman, et
tout ça, ça, c'est ce que vos membres vous ont dit de façon générale, est-ce
que vous avez fait une étude, peut-être un sondage ou quelque chose comme ça,
ou c'est ce que... La proposition, dans le fond, elle vient de vous à la suite
de commentaires qui ont été faits par vos membres?
Mme
Proulx (Véronique) : Oui, tout à fait. En fait, le défi, là, c'est
toujours d'être capables de communiquer avec l'AMP. Ça fait que ce n'est pas possible, il n'y a pas cet
échange-là, il n'y a pas de communication. Donc là, ils se retournent
vers nous, puis ils ne savent plus vers qui se retourner. Ils n'ont pas de
réponses à leurs questions. Il n'y a pas d'endroit où ils peuvent déposer leurs
préoccupations, avoir réponse à leurs questions. Alors, c'est pourquoi on
revenait avec le service d'ombudsman.
Mme
Ghazal : Parce que, sinon, quand ils font appel à vous,
après ça, vous, vous êtes capables de les contacter ou il faut faire
appel avec des avocats et des consultants? C'est ce que vous disiez dans votre
mémoire.
Mme
Proulx (Véronique) : Exactement. Un, ce n'est pas notre rôle, puis on
n'a pas ce canal de communication là, là, officiel ou non officiel.
Donc, c'est vraiment via les experts, et là il y a des frais, il y a des
délais. Mais ça ne veut pas dire nécessairement qu'il va y avoir cette
communication-là qui va s'établir non plus.
Mme Ghazal : O.K. Très bien. Je
n'avais pas d'autres questions.
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : Très bien. Merci à vous, chère collègue. M. le député de
Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Bonjour. Merci
beaucoup pour votre présence. J'aimerais ça vous entendre parler un petit peu
plus des régions. Il y a beaucoup de manufacturiers et d'exportateurs, des
équipementiers, également, dans les régions hors Québec, Montréal, comme chez
moi, au Saguenay, ou ailleurs, dans les régions proches des... de
l'exploitation des ressources naturelles également. On a eu des commentaires,
entre autres, de la chambre de commerce de Montréal, sur des critères, là, de
40 %, 60 % concernant, par exemple, des contrats accordés dans des
régions du Québec, sans... bon, en demandant
un petit peu plus de souplesse, là, sur les limites dans les régions. Alors, j'aimerais ça vous entendre un peu là-dessus.
Est-ce que les régions... ou les critères de... concernant les régions
doivent être inclus dans le projet de loi?
Mme Proulx (Véronique) : Bien, écoutez, c'est une très bonne question. Dans nos
consultations, ce n'est pas ressorti. En
toute transparence, là, ce n'est pas quelque chose qui nous a été amené, et on
a consulté des entreprises qui étaient en région. Ceci étant dit, pour
les entreprises en région, lorsqu'on... Je vais faire le parallèle. Quand on
parle d'exportations pour les entreprises en région, vous le savez, c'est
toujours plus difficile, parce qu'il y a une distance, il y a des coûts additionnels qui s'imposent et c'est pourquoi les
marchés publics deviennent fort importants et intéressants pour ces
entreprises en région, parce que c'est ici, c'est local, et, encore une fois,
ça leur donne un tremplin. Est-ce qu'il y a des critères qui devraient être mis en place pour favoriser les
entreprises en région? Je ne serais pas portée à me prononcer là-dessus, tout simplement parce que ça ne nous a
pas été nommé. Mais, Marie-Ève, je vais te permettre peut-être de compléter.
• (16 h 40) •
Mme
Labranche (Marie-Ève) : Non, exactement. Quand on les a consultées sur le
projet de loi, on a consulté beaucoup d'entreprises de différents
secteurs, de différentes régions, puis ce n'est pas du tout ressorti comme
étant un critère qu'ils voudraient mettre de l'avant, là.
M. Gaudreault : On va de l'avant,
par exemple, avec des critères sur l'analyse de cycle de vie, par exemple. L'enjeu de la distance, dans l'approvisionnement,
peut être un enjeu qui va faire en sorte que, directement ou
indirectement, on va favoriser les régions, par exemple, pour des équipements
des ministères ou des organismes qui sont basés en région et qui peuvent s'approvisionner par des équipements de... Même si
ça n'arrive pas au plus bas soumissionnaire, bien, au moins, la distance
fait en sorte que... et la création d'emplois en région, etc., va faire en
sorte qu'ils vont pouvoir se qualifier.
Mme Proulx (Véronique) : Absolument. Ça, il n'y a aucun enjeu, en fait, et d'ailleurs, dans les
consultations que l'on a faites, on a beaucoup parlé de développement durable,
de faire une discrimination positive à l'égard des entreprises
qui respectent les règles d'ESG, notamment, en termes de développement durable.
Donc, pour nous, ça fait plein de sens.
M. Gaudreault :
O.K. En tout cas, si jamais vous
avez des informations additionnelles concernant vos membres provenant
des régions, n'hésitez pas à nous envoyer ça, parce que c'est des enjeux
extrêmement importants, là.
Mme
Proulx (Véronique) : Absolument. Avec
plaisir.
M.
Gaudreault : Merci.
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : Alors, Mmes Proulx et Labranche, merci beaucoup
pour votre précieuse contribution à nos travaux.
Alors, sur ce, nous
allons suspendre momentanément, le temps de faire place à nos prochains
invités. Merci à nouveau à vous deux.
(Suspension de la séance à
16 h 42)
(Reprise à 16 h 48)
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : Chers collègues, nous pouvons poursuivre. Nous
sommes maintenant en présence de représentants de L'Union des producteurs
agricoles. Alors, madame, monsieur, soyez les bienvenus. Auriez-vous d'abord
l'amabilité de vous présenter?
Union des producteurs
agricoles (UPA)
M. Caron
(Martin) : Martin Caron, président général de L'Union des producteurs
agricoles, des producteurs laitiers et céréaliers à Louiseville, en Mauricie.
Mme Tessier (Annie) : Oui, bonjour. Mon nom est
Annie Tessier. Je suis coordonnatrice adjointe à la mise en marché et à l'aide aux groupes à la Direction des
recherches et politiques agricoles de L'Union des producteurs agricoles.
Le Président (M. Simard, Montmorency) : Alors, à nouveau, merci d'être là, et vous
disposez de 10 minutes afin de faire votre présentation.
M. Caron (Martin) : C'est très bien. Bien,
merci, M. le président de la commission. Mme la ministre, MM. et Mmes
les députés, je suis accompagné, comme vous avez pu voir... Annie, Annie
Tessier... au niveau de la... coordonnatrice sur la mise en marché et de l'aide
aux groupes et au niveau de la Direction recherches et politiques agricoles.
Bien, nous sommes très heureux d'être là avec vous pour parler, entre autres,
du projet de loi n° 12.
L'UPA salue la
volonté du gouvernement de promouvoir l'achat québécois dans ses ministères et
ses organismes. Au-delà des arguments économiques, il est bon de se rappeler
que la mise en marché de proximité fait aussi partie du développement durable.
Nos commentaires vont
porter sur les biens alimentaires et sur le bois de construction. Notre mémoire
présente plusieurs éléments, mais notre présentation va principalement porter
sur deux éléments majeurs, soit la définition d'un achat québécois et les
règlements d'accès sur les marchés publics.
Il est important de
bien définir ce qu'on entend par «achat québécois» pour que les entreprises
agricoles de chez nous, les petites comme les grandes, profitent vraiment de ce
marché. Le projet de loi parle de valeur ajoutée québécoise. Cette notion sera
définie plus tard, par règlement, par le Conseil du trésor. Pour la stratégie
qui accompagne le projet de loi, l'achat québécois est un achat effectué auprès
des fournisseurs québécois. Si un fournisseur a une place d'affaires au Québec,
c'est donc un fournisseur québécois, même si tous les produits offerts sont importés.
Par exemple, un fournisseur de viande de kangourou qui a une place d'affaires
au Québec serait un fournisseur québécois.
L'organisme public qui ferait un achat auprès de lui ferait un achat québécois.
Mais si le même fournisseur vend aussi de la viande de lapin, il
faudrait s'assurer que le produit soit réellement québécois pour être considéré
comme tel, car nous avons des producteurs de lapins au Québec. On peut faire le
même parallèle avec les pommes. Si un
fournisseur québécois ne vend que des pommes de Washington, s'agit-il vraiment
d'un achat québécois? Il est important d'encourager les fournisseurs et
les transformateurs alimentaires qui ont une place d'affaires au Québec, mais il faut aussi encourager
l'approvisionnement de ces entreprises en productions agricoles cultivées ou
élevées au Québec avant d'être transformées. La solution la plus sensée est
donc d'adopter des définitions d'aliments du Québec ou d'aliments préparés au
Québec, qui sont reconnues par toute l'industrie.
• (16 h 50) •
Pour les matériaux de
construction, il n'y a pas d'identifiant officiel pour le bois de forêt locale.
C'est en s'approvisionnant dans des usines
de transformation québécoises... et des organismes publics pourront avoir un
contenu québécois. 21 % du bois rond transformé dans ces usines
proviennent de la forêt privée.
Le deuxième enjeu majeur, c'est tout ce qui
entoure la règle d'achat pour les organismes publics. Les institutions et les organismes publics
représentent un marché important, mais, en raison des règles, il est difficile
d'accès pour les entreprises agricoles forestières
privées du Québec. Premièrement, à partir d'un certain seuil, les marchés
publics doivent s'ouvrir aux fournisseurs des États avec qui le Canada ou le
Québec ont des ententes de commerce ou des accords de commerce, mais, même en
bas de ces seuils, l'accès aux marchés publics est difficile pour les
entreprises de chez nous. Pour réduire ses dépenses, le Conseil du trésor
publie, chaque année, un plan d'acquisitions gouvernementales.
Dans ce plan, on identifie toutes les acquisitions à réaliser par le Centre d'acquisitions gouvernementales et
ses regroupements.
À titre d'exemple, le système de santé et de
services sociaux doit passer par le centre d'acquisitions pour plusieurs achats
alimentaires de viande, de charcuterie, de produits laitiers ou de boulangerie.
Un centre intégré de santé et de services
sociaux, comme celui du Saguenay—Lac-Saint-Jean, par exemple, est responsable d'une
soixantaine d'installations, réparties sur
un grand territoire. Il doit donc passer par le centre d'acquisitions pour les
produits laitiers. En regroupant beaucoup d'organismes dans un
regroupement d'achats, les plus petits fournisseurs — par
exemple, les laiteries régionales — seraient
écartés dès le départ, en raison du grand volume demandé. Seuls les grands
distributeurs de marchés institutionnels ou les grands transformateurs pourront
remporter les appels d'offres.
Beaucoup de producteurs agricoles seront exclus
des appels d'offres. Nos 29 000 entreprises agricoles ont des terres
et des productions diverses. Environ la moitié ont des revenus annuels de moins
de 100 000 $. Pour assurer la
participation du secteur agricole aux appels d'offres, il faudrait, en
réserve... il faudrait réserver aux petites entreprises. Et la définition de «petites entreprises» devrait
reconnaître les différentes formes d'entreprises agricoles. Les volumes,
les variétés de découpes d'une entreprise agricole... peut offrir à un
organisme public soient limités en fonction de sa taille, de son degré de
spécialisation ou de diversification.
D'autre part, prenons exemple d'un producteur
spécialisé qu'en pommes de terre. Devant un appel d'offres pour
l'approvisionnement général en légumes ou en fruits du centre intégré de santé
et de services sociaux de la Capitale-Nationale,
il ne pourrait répondre à un tel appel d'offres. Pour qu'un producteur
spécialisé puisse, donc, y répondre, il
faudrait que l'appel d'offres soit, lui aussi, spécialisé. Les organismes
publics et les centres d'acquisitions devraient donc lancer des appels d'offres
spécialisés de type de production alimentaire. Les catégories générales
limitent l'accessibilité à trop d'entreprises agricoles.
Le projet de loi vise aussi à donner plus de
latitude aux organismes publics, sous certaines conditions, mais les règles et
les accords de commerce permettent déjà une marge de manoeuvre. Des stratégies
qui tiennent compte des fournisseurs québécois, de l'environnement, de la
qualité ou de la certification, comme les produits biologiques, pourraient déjà
être envisagées. Pour permettre aux entreprises agricoles et aux fournisseurs
alimentaires d'accéder aux marchés publics, il faut encourager les organismes
publics et les centres d'acquisitions à utiliser dès maintenant le plein
potentiel de cette marge de manoeuvre, et de faire des appels d'offres qui
tiennent compte de divers critères précis,
et pas seulement celui du plus bas prix. Ça veut dire permettre des contrats à
commande avec plusieurs fournisseurs, ça veut dire aussi octroyer des
contrats en plusieurs lots.
Pour continuer avec mon exemple, le centre
intégré de santé et services sociaux de la Capitale-Nationale pourrait répartir
ses besoins de légumes par lots : un lot pour les... un lot pour tel hôpital,
un lot pour tel centre d'hébergement, un lot
pour tel centre jeunesse, etc. En réunissant les quantités nécessaires, les
entreprises de la région pourraient mieux y répondre. Et ça veut dire,
finalement, établir des critères précis pour les produits, comme pour donner une marge préférentielle pour les produits
biologiques. Pour y arriver, le Conseil du trésor doit demander au
Centre d'acquisitions gouvernementales, ses
succursales et aux organismes publics d'utiliser toutes les marges de
manoeuvre déjà permises par le règlement et les accords de commerce.
Dès l'entrée
en vigueur du projet de loi, le Conseil du trésor doit aussi émettre des
directives des organismes publics et
au centre d'acquisitions sur les nouvelles marges du p.l. n° 12.
Ça veut dire, premièrement, réserver des appels d'offres publics aux
petites entreprises, deuxièmement, accorder des contrats en fonction d'une
valeur ajoutée québécoise ou canadienne et, troisièmement, exiger des biens,
services ou des matériaux de construction québécois ou canadiens.
Finalement, le nouveau rapport annuel du Conseil
du trésor concernant l'innovation du marché devrait aussi présenter l'état des
acquisitions québécoises. Il faut que les marges de manoeuvre, nouvelles ou
actuelles, aient un impact mesurable sur l'achat alimentaire ou sur les
matériaux de construction québécois. Si on ne voit pas de croissance, il
faudrait évaluer quelles mesures mettre en place pour y arriver.
En conclusion, le projet de loi n° 12 est
intéressant, car il va contribuer à la politique bioalimentaire du Québec, mais
il faut que les entreprises agricoles et alimentaires de chez nous puissent
réellement accéder aux marchés. L'UPA peut aussi aider ou peut être impliquée
pour le suivi de ces objectifs. Merci beaucoup.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Merci à vous, M. Caron et Mme Tessier. Nous allons passer, donc, à la
période d'échange. Mme la ministre.
Mme LeBel : Merci. Merci
beaucoup, M. Caron, de votre présentation. D'ailleurs, beaucoup de choses
que vous dites, bien, sont dans la stratégie ou dans le projet de loi, et,
naturellement, les directives qui découleront du projet de loi, s'il est
éventuellement adopté, devront être faites. Je suis tout à fait d'accord avec
vous, là, il faut... Et je... Et vous avez...
vous l'avez mentionné, hein, il y a toute la base réglementaire qui devra en
découler, naturellement, parce
qu'effectivement dans le but de se garder une meilleure agilité, bien, il y a
beaucoup de choses qu'on... entre autres, des définitions, telles que
«achat québécois», etc., la stratégie en fait part, mais il y a beaucoup de
choses qui devront se trouver dans la
réglementation pour ne pas être obligés d'amender un projet de loi chaque fois
que ces notions-là évoluent ou qu'on veut faire évoluer une définition.
Donc, vous avez bien fait de le mentionner, parce qu'effectivement c'est
important de le faire.
Je vais quand même... et
puis je veux quand même mentionner que... je déteste les acronymes, mais la
SNAAQ, la stratégie nationale d'achat en alimentation québécoise ou en aliments
québécois, la SNAAQ, disons-le comme ça,
existe toujours, et notre stratégie vient donc en rajouter une couche
par-dessus ça, et, si je ne m'abuse, il y a déjà, à l'intérieur de ça, une définition d'«aliment
québécois» et d'«aliment préparé au Québec», si je ne me trompe pas, là.
M. Caron (Martin) : Exactement,
Mme la ministre, exactement, il y a déjà une définition.
Et d'ailleurs, dans notre mémoire, on en
fait part, là, sur les.. sur ces deux éléments-là de définitions, et c'est pour
ça qu'on se dit que c'est un élément quand même assez important et
essentiel, et l'industrie reconnaît ces deux définitions-là, c'est-à-dire un
produit, un aliment du Québec puis un aliment fabriqué au Québec.
Mme LeBel : Parfait.
M. Caron (Martin) : Ça fait que
je pense que, si on y va comme ça, on va être en mesure de répondre à ces
attentes-là.
Mme LeBel : Et je vous rassure,
il n'est pas de notre objectif, dans la stratégie, de redéfinir une définition
qui fonctionne déjà. On a déjà plus de difficulté à faire... à prendre cette
définition-là pour «fabriqué au Québec», ou les
produits québécois autres, là, c'est peut-être plus... et, comme il y a déjà
une... en alimentation, je pense qu'il y a... cette notion-là est peut-être
plus... je ne dirais pas, plus simple, mais elle est plus aisée à circonscrire.
Elle est déjà faite dans la SNAAQ, donc on va s'appuyer là-dessus.
Mais c'est quand même important pour moi de vous
amener un peu sur ce terrain-là. Corrigez-moi si je me trompe, puis je vais admettre, d'entrée de jeu, que ce n'est pas
nécessairement mon domaine d'expertise, l'alimentation et la production
dans le... et... mais il n'y a pas de producteurs qui vendent directement au
gouvernement, là. Ça passe par des fournisseurs. Est-ce que je me trompe?
• (17 heures) •
M. Caron (Martin) : Bien,
exactement, il y a bien des cas, mais... Quoique, Mme la ministre, il y a eu un
projet pilote qui s'est fait, avec quelques producteurs, là, pour avoir des
projets puis avoir des accès des ventes, et là il y a quelque chose qui s'est
mis en branle, mais il y avait beaucoup un délai de paiement, là, qui était
problématique là-dessus. Mais on a déjà... Puis c'est avec l'organisme qui
s'appelle la CAPÉ, entre autres, qu'on a suivi ce dossier-là, et ça a permis, entre
autres, d'arriver, oui, à faire des offres directement sur ces produits-là,
mais il y avait un côté administratif qui était, encore là... puis sur les
délais de paiement, je pense qu'il faut être capables de corriger. Mais c'est
le bienfait.
Puis je pense que vous avez reconnu, entre
autres, de valoriser ou de développer l'économie au niveau des régions. Ça fait
que c'est pour ça, vraiment... je pense qu'il y a quelque chose qui est là,
c'est accessible. Il y a déjà une marge de manoeuvre qui est là, mais on ne
s'en sert pas, et il faudrait être capables de s'en servir, pour que des
producteurs des exemples qu'on a mentionnés, bien, puissent y avoir accès. Puis
je pense que c'est de faire connaître tous les bons coups puis toute la
richesse qu'on a dans chacune de nos régions.
Mme LeBel : Donc, ça va dans la
stratégie d'exploiter, comme vous le disiez, les marges de manoeuvre, puis dans la stratégie, également... parce qu'il y a le
projet de loi, la stratégie, les règlements, les directives. En tout cas, il
y a toutes sortes de mécanismes, de véhicules pour atteindre les objectifs que
vous avez énoncés dans votre énoncé, là.
M. Caron (Martin) : Oui, exact.
Mme LeBel : Donc, c'est
toujours de choisir le bon, mais l'idée, c'est d'y arriver. J'allais... Mon
Dieu, j'ai perdu ce que j'allais dire. Continuez donc.
M. Caron (Martin) : Bien, je
voulais juste vous rajouter, Mme la ministre, c'est que, nous, on se dit :
Il va peut-être falloir être capables de segmenter. L'exemple
qu'on vous a mentionné d'un producteur qui produit juste des pommes de
terre, bien, lui, présentement, là, il est pris, là, puis, pourtant, on a plein
de régions, là. Puis vous en faites partie, Mme la ministre, d'une région où
est-ce qu'il y a des pommes de terre aussi.
Mme LeBel : Bien, il y a du
porc et des pommes de terre.
M. Caron (Martin) : Ça fait
que, ça, je me dis : De quelle façon qu'on peut gérer ça, là, pour aider ces
producteurs-là qui sont spécialisés, mais qui ne demandent pas mieux de
contribuer? Puis, je pense, même, les gens qui reçoivent de l'alimentation, eux
autres aussi, là, ils veulent avoir cette saveur-là qu'on peut avoir dans
chacune de nos régions.
Mme LeBel :
Absolument. Puis la poursuite de votre réponse m'a ramené en tête, là, là
où je m'en allais. Donc, d'ailleurs, dans la
stratégie, dans la question d'exploiter les marges de manoeuvre qui sont à
travers les accords, et toutes les
marges de manoeuvre qu'on a à travers les différents lois et règlements, il y a
deux chaînes d'approvisionnement qu'il nous a... qui nous sont apparues
essentielles de sécuriser, et que la pandémie a mis en lumière, aussi, comme
essentielles à sécuriser, donc tout ce qui est le secteur de la santé, entre
autres, et l'agroalimentaire. Donc, c'est un peu de me
demander comment... vous demander comment on peut peut-être aller plus loin
dans la sécurisation de ces chaînes d'approvisionnement là.
La question de la
vente... l'achat direct aux producteurs est une question, aussi, qui est
importante à travailler puis à creuser avec
vous. Mais il y a toute la question du fournisseur. C'est peut-être moins vrai
dans l'agroalimentaire, mais, dans d'autres types de produits, il y a
tout l'équilibre entre nos entreprises québécoises qui n'ont, on va se le dire,
pas juste un casier postal, là, mais une empreinte au Québec, c'est-à-dire
qu'ils ont des employés, qu'ils ont des emplois, des retombées économiques, qui
fournissent des biens qui ne sont pas nécessairement tout le temps, des biens fabriqués au Québec, et des entreprises qui
fabriquent au Québec. C'est peut-être moins criant dans
l'agroalimentaire, mais comment vous voyez
où on peut garder un équilibre entre les deux? Parce que c'est bien de
favoriser l'achat local, au sens
québécois, l'achat québécois, mais il ne faut pas non plus... Qu'est-ce qu'on
fait avec nos entreprises qui ont pignon
sur rue? Et j'ai eu, moi, entre
autres, dans... pas moi, mais avec le CAG, on a eu cet enjeu-là avec les
masques, c'est-à-dire une entreprise qui fabriquait au Québec, mais
prenait tous ses matériaux à l'extérieur, et l'entreprise qui ramenait plutôt
le masque tout fait de l'extérieur. À toutes fins pratiques, c'étaient les
mêmes matériaux. Je peux comprendre que, dans un cas ou dans un autre, bien, il
y a des gens qui y travaillent, il y a une plus-value pour le Québec. Donc,
comment on fait pour faire la part des choses?
Puis
vous allez peut-être me dire que, dans l'agroalimentaire, c'est moins criant,
mais même dans les fournisseurs aussi... ou augmenter le niveau de
production, parce qu'il y a des fournisseurs qui nous disent : Bien, je
n'ai pas la capacité de vous trouver, entre autres, les pommes, toutes les
pommes nécessaires que le gouvernement du Québec voudrait avoir, là. Donc, comment on fait pour concilier tout ça? Il y a
beaucoup de choses dans ma question, là, mais...
M. Caron
(Martin) : Bien, je vais laisser aller Annie puis je compléterai la
réponse, parce que je voyais qu'Annie voulait répondre.
Mme Tessier
(Annie) : Elle avait des éléments de réponse, peut-être, peut-être pas
toutes les réponses aux questions, mais quelques éléments. C'est pour ça que la
définition... les définitions que M. Caron a mentionnées sont assez
importantes. Parce que, quand on fait référence à la définition d'aliment du
Québec ou à la définition d'aliment préparé
au Québec, il y a toujours la notion de lorsque le produit est disponible, et
moi, je pense que, si on a des critères... parce que plusieurs avant nous vous ont mentionné toute la question des
critères de qualité, les critères de provenance, quand on donne des
directives vers lesquelles on dit : Oui, on veut avoir une valeur ajoutée
québécoise, puis on fait des lots pour faire de l'acquisition de ces
produits-là, pour s'assurer qu'à certains moments on puisse aller à 100 %
avec du Québécois, bien, il y a peut-être à d'autres moments où on ne pourra
pas, effectivement, parce que la quantité
n'est pas là, parce qu'on n'est pas en saison, mais il y a moyen, moi, je
pense, avec les marges qui sont déjà là puis avec des directives très
claires, de dire à nos institutions : Lorsque c'est disponible, allez-y.
Puis, lorsque ce ne l'est pas, bien, on passe à un fournisseur qui a une place
d'affaires au Québec mais qui s'approvisionne à l'extérieur.
M. Caron
(Martin) : Puis je peux rajouter sur les deux exemples qu'on vous a
donnés. L'exemple de la production de lapins, bien, on a une production de
lapins qui est là. L'exemple de la production de la pomme, bien, avant
d'acheter celle de Washington, bien, on peut-tu acheter la pomme au niveau du
Québec, là? Et comment qu'on met en place...
Puis c'est un peu la
définition, en voulant dire que, quand c'est, oui, préparé ou fait au niveau du
Québec, avec le distributeur, bien,
minimalement, bien, s'il y en a déjà au Québec, bien, tu te dois de prioriser
ces achats-là, mais ça va prendre, Mme la ministre, puis on l'explique
un petit peu plus loin, ça va prendre un suivi, un suivi par rapport à ces
actions-là pour s'assurer... Parce que les marges de manoeuvre sont là, mais il
faut vraiment s'assurer. Parce que, moi, les producteurs, qu'est-ce qu'ils me
disent, ils disent : Martin, je n'ai pas accès, là, on me demande de
contribuer au développement de... côté économique de l'autonomie alimentaire du
Québec, mais, en même temps, je n'ai pas accès à ces chaînes-là. Ça fait qu'il
faut mettre des balises en place, là, pour s'assurer que ça se fasse bien.
Mme LeBel : O.K.
Peut-être un dernier élément. Selon vous, là, tout l'ajout de l'obligation de considérer
le développement durable, des critères environnementaux... Ayant un comté qui
est quand même assez agricole, pour une grande partie, j'entends beaucoup
parler de l'environnement, naturellement, puis les producteurs agricoles. Bon,
il y a des pour et des contre, puis je ne veux pas rentrer là-dessus, mais quel
est l'effet sur vos producteurs agricoles de cette initiative-là ou de cette
notion-là d'intégrer toutes ces notions-là de développement durable dans nos
appels d'offres? Bon, peut-être, encore une fois, c'est peut-être moins
applicable à l'alimentaire, ou oui, mais, je veux voir, est-ce qu'il y a un
effet positif, négatif, une crainte? Est-ce que ça va demander de l'adaptation?
M. Caron (Martin) : Bien, c'est... bien, je
vous dirais, Mme la ministre, puis le timing est vraiment bon, hier, on
était à Lévis, entre autres pour notre deuxième sommet au niveau du
développement durable, et c'est des choses comme ça qui ont été soulevées. Les
producteurs ont de l'ambition par rapport au développement durable. Ils sont
là. Ils veulent juste être accompagnés, informés et avoir un soutien financier
pour avoir cette transition-là.
Puis, on l'a dit, au
tout début de notre mémoire, là, c'est là qu'on parle de marchés de proximité,
là, c'est du développement durable, ça. Et présentement, quand on se dit qu'il
faut laisser la place aux producteurs des régions pour avoir accès à ces
marchés-là, bien, on va contribuer au développement durable. On va contribuer à
tout cet aspect-là de travail économique, là. Ça fait que les producteurs sont
prêts à relever le défi là-dessus.
Mme LeBel : Bien, merci beaucoup...
Mme Tessier
(Annie) : Puis je pourrais rajouter...
Mme LeBel : Oui, allez-y, madame.
Mme Tessier (Annie) : Je pourrais
rajouter, parce que plusieurs de vos autres intervenants qui sont passés dans
les deux dernières journées l'ont mentionné, quand on fait référence à un
kilométrage entre le produit puis l'utilisateur, quand on fait référence aux
gaz à effet de serre, et toutes ces choses-là, l'achat local contribue à ça, à
quelque part, aussi, de limiter ce kilométrage entre l'utilisateur et le
producteur. Et aussi il y a plein d'autres enjeux, là, sur lesquels, là, justement, M. Caron a mentionné, là, le
milieu agricole travaille, là, pour limiter, là, son empreinte
écologique. Plusieurs secteurs ont fait des analyses de cycle de vie, là, qui
sont disponibles. Donc, d'utiliser ce genre de critères là est positif même
pour nos producteurs, là.
Mme LeBel : Parfait. Bien, merci
beaucoup. Merci beaucoup de votre participation.
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : Merci, Mme Tessier. M. le porte-parole de l'opposition
officielle, à vous la parole.
• (17 h 10) •
M.
Arcand : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Caron,
bonjour, Mme Tessier, un plaisir de vous rencontrer aujourd'hui.
Tout à l'heure, j'étais avec les Manufacturiers et exportateurs, et puis moi,
je posais bien des questions sur ce qu'est un produit québécois. Et j'avais en
tête le fait que, dans le domaine agroalimentaire, c'était pas mal moins
compliqué au Québec. Puis, en lisant votre mémoire, je m'aperçois que ce n'est
pas si simple que ça. Et j'avais, entre autres, je me rappelle très bien,
j'avais en tête ce dont on avait parlé beaucoup, il y a quelque temps, les
fameux pâtés au poulet St-Hubert avec de la... du poulet, je pense, ça venait
de la Thaïlande, ou je ne me rappelle pas exactement, là, de quel endroit que
ça venait, mais ça ne venait pas du Québec. Et vous avez l'occasion de définir
ça entre les aliments du Québec et puis les aliments préparés au Québec.
Alors, je voulais... je voulais essayer de voir
avec vous, comme première question, premièrement, est-ce que vous faites une
différence entre des... Parce que vous avez parlé, tout à l'heure, des pommes
qui viennent de l'État de Washington puis vous avez parlé des pommes de terre
de l'Île-du-Prince-Édouard. Et beaucoup de gens sont venus nous dire : Écoutez, faites une différence
entre ce qui est au Canada puis ce qui est international, parce qu'on
bénéficie quand même d'accords avec le Canada. Je sais que... dans le domaine
de l'agriculture, je pense que c'est 40 % du lait qu'on fournit au reste
du Canada, ce qui est quand même assez important.
Alors, j'aimerais savoir de votre part :
Est-ce que vous faites une différence entre, disons, demain matin, une pomme de
l'Ontario, admettons, et une pomme de Washington, exemple, si je donne ça comme
exemple? Est-ce que... Parce que c'est quand même assez important comme différence,
étant donné que, comme vous le savez, en matière d'échange, ça se joue des deux
côtés. Alors, je voulais juste voir un peu votre positionnement là-dessus.
M. Caron (Martin) : Bien, et puis
merci bien pour la question, parce que ça nous amène aussi à mentionner quelque
chose de très important, au Québec, là, on a une fierté, 70 % des produits
qui sont faits ici, on les transforme.
Comparativement, les autres provinces, c'est beaucoup plus bas que ça. Ça fait
qu'il y a quand même quelque chose d'intéressant, puis qu'on a un
potentiel, et c'est pour ça, d'ailleurs, qu'on a dit : On a un plein
potentiel. L'exemple des pommes, et c'est pour ça, dans notre mémoire, on
mentionnait un produit au niveau du Québec ou du Canada, mais, quand on se base
avec la définition, dans un premier temps, avec aliment du Québec ou aliment
préparé au Québec, on ramène un peu ces priorités-là.
La première des choses, c'est que, si tu as des
pommes ici, au niveau du Québec... puis, vous le savez sûrement, tout
l'ensemble des députés, que, présentement, des pommes, on est capables de
l'avoir à l'année, du Québec, là. Ça fait que, quand on est capables d'avoir ce
produit-là, bien, il faut être capable... être en mesure de prioriser. Mais
moi, je me dis : Ensuite de ça, bien, l'autre étape, c'est d'avoir des
pommes au niveau du Canada, oui, qui viennent de l'Ontario, et, ensuite de ça,
bien, s'il y a un manque, on peut aller du côté des États-Unis. Mais il y a plusieurs produits qu'au niveau des ententes
commerciales ou des accords commerciaux, là, qui n'ont pas d'affaire
là-dedans, là. Et, même ceux qui ont d'affaire, là, on n'a vraiment pas atteint
ces seuils-là, on est vraiment loin de ça. D'ailleurs,
c'est pour ça qu'on le disait à la ministre, qu'il faut avoir un suivi de ça,
parce que, nous, les producteurs nous le disent, là : Regarde, on
n'est pas capables de rentrer là. Et je pense qu'au niveau du gouvernement du
Québec on se prive, là, de notre savoir-faire qu'on a ici, au Québec, là.
M.
Arcand : Et, moi, il y a une question que j'aimerais vous
poser, c'est sur les aliments préparés au Québec : Jusqu'à quel
point c'est un enjeu? On a toujours l'impression que les aliments, de façon
générale, sont quand même, dans la grande majorité des cas, préparés au Québec,
mais est-ce qu'on se trompe royalement en pensant cela?
M. Caron (Martin) : Je te laisserais
peut-être, Annie, commencer puis je compléterai.
Mme Tessier
(Annie) : Bien, quand on parle d'aliments préparés au Québec,
effectivement, M. Caron l'a mentionné un petit peu plus tôt, on a quand
même 70 % de la production agricole qui est transformée par nos transformateurs québécois. Quand on parle de cette
définition-là, c'est lorsque la main-d'oeuvre... lorsque la
transformation a été faite ici avec des produits qui, parfois, sont importés.
Parce qu'on le sait on n'est pas autosuffisants à 100 %, là, ici, là. Donc, c'est
normal que des produits puissent arriver de l'extérieur et soient transformés
ici et qu'ils deviennent aliments préparés au Québec, malgré qu'il y a une
certaine part, là, qui vienne de l'extérieur. Ça fait qu'on n'est pas fermés à
ça du tout, parce qu'on le sait que, de toute façon, certains de nos produits
vont faire le chemin inverse, puis ils vont aller se faire transformer dans
d'autres pays aussi. Donc, on n'est pas fermés à cette notion-là.
La... Ce qu'on essaie
de faire valoir, c'est lorsque des produits sont disponibles ici, qu'on peut
les transformer ici, ils devraient s'appeler «Aliments du Québec», parce qu'ils
ont un contenu québécois. Et, lorsqu'ils sont
transformés, parce que c'est des produits qui sont importés, mais que le gros
de la grande transformation se fait au Québec,
bien, on appelle ça des aliments préparés au Québec. Donc, ça permet, dans les
deux cas, de valoriser une valeur ajoutée
québécoise ou même canadienne, parce que la définition pourrait même s'étendre
jusqu'à partout au Canada, là.
M. Arcand : Et,
dans l'état actuel des choses, au moment où on se parle, est-ce... Vous avez
parlé, tout à l'heure, des CISSS. Nous, on a
identifié évidemment les endroits où il se donne le plus de contrats publics,
c'est-à-dire le Centre d'acquisitions gouvernementales, le ministère de
la Santé, le ministère des Transports, et ainsi de suite, là, il y a trois ou quatre endroits, là, qui sont
vraiment très importants. Est-ce que vous voyez, dans l'état actuel des
choses, une grosse différence entre les politiques, par exemple, des CISSS, là,
dont on a parlé tout à l'heure, et le CAG, là, le Centre d'acquisitions
gouvernementales? Est-ce qu'il y a des gens qui sont plus produits locaux ou si
vous voyez, dans les critères, dans ce que vous avez pu voir au niveau des
critères, des grandes différences?
M. Caron
(Martin) : Annie.
Mme Tessier
(Annie) : Bien là, je ne suis pas certaine de tout bien comprendre la
question, mais je vais répondre en fonction de ce que j'ai compris comme
question. Puis le... quand on parle de centre d'acquisitions, on sait qu'il y a
quand même des consignes qui sont données aux... justement, à nos CIUSSS puis à
nos CISSS, pour dire : Vous devez faire de l'acquisition auprès du Centre
d'acquisitions gouvernementales.
Et là on y va avec
des grands lots ou on y va avec des grands appels d'offres pour une année
complète, avec tous les produits mélangés, toutes les viandes. Si on y
allait... si on donnait des consignes plus claires à nos... justement, à notre
Centre d'acquisitions gouvernementales, et qu'il pouvait y aller sur des lots
soit spécialisés ou soit par région, il pourrait y avoir là plus de place aux
produits ou, à tout le moins, aux fournisseurs qui font de la place aux
produits du Québec, là, dans leur liste de produits. Je ne sais pas si ça
répond à votre question.
M. Arcand : Ce
que vous dites...
(Interruption)
Le Président (M. Simard,
Montmorency) : ...un certain bruit de fond en ce moment.
M. Arcand : ...mais
ce que vous dites, c'est que vous prêchez un peu pour une moins grande
centralisation... (Panne de son) ...que, pour les produits alimentaires, il
devrait y avoir un petit peu plus de...
Mme Tessier
(Annie) : Oui.
M. Arcand : C'est
un peu ça que vous dites.
Mme Tessier
(Annie) : Une moins grande centralisation, oui, ou plus de marge de
manoeuvre, surtout dans certains produits, notamment dans l'alimentaire,
notamment dans la viande, notamment dans les fruits et légumes.
M. Arcand : O.K.
Donc, vous trouvez que le CAG est un peu trop présent et vous pensez que ce
serait plus bénéfique, pour vos producteurs, s'il y avait une certaine marge de
manoeuvre, disons.
M. Caron (Martin) : Je pense, face à la
question, c'est... tantôt, on le mentionnait, on parlait de
segmentation, d'ouvrir davantage sur
différents lots pour se spécialiser, ça va être gagnant pour l'ensemble. Parce
que, présentement, comme Annie l'a
mentionné, c'est... quand tu y vas sur un appel d'offres, puis c'est un contrat
au niveau annuel, bien, ça limite, là, ça limite.
Les producteurs sont
prêts à prendre des ententes, mais il va falloir être capable de segmenter ou
diversifier ces appels d'offres là. Et, je pense, qu'est-ce qui est important
aussi, puis je l'ai mentionné à Mme la ministre, c'est qu'il y ait un suivi de
ces achats-là pour s'assurer que les marges de manoeuvre sont là ou peut-être
des ajustements qu'on demande. Si ces mesures-là n'ont pas été faites, bien, on
devra les corriger, corriger le tir là-dessus, là. Moi, je trouve ça
inconcevable, ça, là, qu'on ne puisse pas bénéficier de tout le savoir-faire,
dans chacune de nos régions, des produits qui sont produits, qui sont cultivés,
qui sont élevés ou qui sont même transformés au Québec, là.
M. Arcand : D'accord, O.K. Pour ce qui est des produits
forestiers, tout à l'heure, vous en avez parlé. J'imagine que, des contrats de produits forestiers de
100 000 $ et moins, là, qui... pour... il ne doit pas y en avoir
tellement de ça.
M. Caron
(Martin) : Oui, c'est sûr, puis on l'a mentionné, c'est quand même
complexe pour les... au niveau des produits forestiers, mais nos producteurs,
puis je l'ai mentionné, c'est à peu près 21 % qui viennent de la forêt privée, qui sont
transformés dans les usines qu'on a ici, au Québec. Ça fait que, donc, je pense
que... et en autant qu'on s'organise pour utiliser les bois qui sont
transformés aux usines du Québec, bien, je pense qu'on va remplir le mandat,
minimalement, d'utiliser le 21 % qui vient des producteurs forestiers du
Québec.
M. Arcand : Tout à l'heure, on a abordé la question de
l'environnement et de la question qui touche, évidemment, les aides qui
peuvent être fournies aux agriculteurs de façon générale. Est-ce que vous...
Est-ce qu'on avance de façon significative dans ce domaine? Je sais qu'il y a
eu déjà un Fonds vert, il y a un Fonds vert qui existe, et puis les producteurs
devraient normalement en profiter, etc. J'aimerais que vous me donniez un peu
l'état de situation, parce que c'est un enjeu qui devient de plus en plus
important.
• (17 h 20) •
M. Caron
(Martin) : Oui. Bien, on a eu ici, au Québec, puis il faut quand même
le souligner, c'est quelque chose de... une nouveauté qu'on a eue au Québec.
Par contre, aux États-Unis puis en Europe, ça se faisait, mais ici il y a eu
une initiative ministérielle pour la reconnaissance, la rétribution des
pratiques agricoles, les bonnes pratiques agricoles. Ça fait que, donc, il y a
déjà eu une annonce qui est là. Bien, vous savez qu'en même pas une journée, bien, tout le budget a été écoulé. Ça fait que ce
n'est pas tous les producteurs qui ont pu... il y a eu juste
1 800 producteurs qui ont eu accès à ces fonds-là ou à aller chercher
ce potentiel d'argent là.
Et on voit que, les
producteurs, on a beaucoup d'ambition là-dessus, ça fait que je pense qu'il va
falloir aller un petit peu plus loin là-dessus. Puis le Fonds vert, le Fonds
vert qui est établi, peut-être juste mentionner à l'ensemble des députés, les
producteurs et productrices, là, on contribue à 50 millions par année dans
le Fonds vert. C'est plus de 267 millions que les producteurs et
productrices ont mis là-dedans. Ça fait qu'on s'attend vraiment à... Je sais,
je pense qu'il y a un prochain budget qui s'en vient, donc on s'attend d'avoir
un suivi là-dessus.
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : Alors, très bien. Alors, en conclusion, en conclusion, M. le
député.
M. Arcand : Oui,
juste une question rapide. Vous, est-ce que vous vous faites payer
correctement? Je sais que les gens de la construction se plaignaient de ça,
alors je pose...
M. Caron
(Martin) : Puis je pense qu'on... je pense qu'on manque de temps, là.
M. Arcand : Merci.
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : Très bien. Alors, merci beaucoup. Mme la
députée de Mercier.
Mme Ghazal : Oui.
Merci, merci beaucoup. Merci, M. Caron, Mme Tessier. Je veux revenir
au CAG. Est-ce que... depuis que ça a été mis en place, toute la
centralisation, est-ce que vous êtes capables de dire que ça se passe mieux,
pour vos membres, ça se passe de façon pire ou ça ne fait pas assez longtemps
pour être capable de juger si ça se passe mieux ou pas pour vos membres?
M. Caron
(Martin) : Bien, d'entrée de jeu, je pense qu'on l'a mentionné, nos
producteurs, qu'est-ce qu'ils nous disent, ils n'ont pas accès, là, ça fait
que... Et ça fait des années. Ça fait que ça répond à la question, en voulant dire... je ne peux pas dire que c'est pire, mais
en voulant dire : Il faut vraiment favoriser. Et c'est pour ça qu'on
dit : Bien, le projet de loi ouvre une porte pour qu'on ait cet
accès-là, entre autres, mais il faut s'assurer de mettre les mesures en place
pour arriver à ces objectifs-là.
Mme Ghazal : Donc, vous dites que vous n'y avez même pas accès,
avant le CAG, c'est ça que vous voulez dire?
M. Caron (Martin) : Non, c'est très complexe.
C'est minime, les entreprises, là, qui sont là. D'ailleurs, tantôt, j'ai
parlé d'un projet pilote, je sais que ça a été quand même soutenu par le
ministère de l'Agriculture, bien... mais on voit que c'était quand même
complexe, là. Donc, il faut continuer, il faut aller de l'avant.
Mme Ghazal : Pour faciliter l'accès, il y a des... d'autres
organisations qui nous ont parlé que ce serait important de donner une
part ou de privilégier, entre autres, l'économie... les entreprises d'économie
sociale, et c'est absent dans le projet de loi. Est-ce que ça, ça aura un
impact positif pour vos membres?
M. Caron (Martin) : Oui, oui, exactement. Je
pense qu'il y a... Tantôt, j'ai parlé de la CAPE, une coopérative de
proximité... une coopérative agricole au niveau de proximité et puis côté
écologique. Là, on parle de paniers de Fermier de famille, entre autres, qui
font ça. Ça fait qu'il y a de l'engouement pour ça, et je pense que ça pourrait
amener cette ouverture-là.
Et, en plus de ça, je
veux ramener sur le sujet, la production biologique, là. La production
biologique, là, on se base juste au niveau du prix, bien, mais on se prive de
produits, vraiment, qui ont été faits ici, au niveau du Québec. Mais ça, cet
aspect-là, je pense que... C'est pour ça qu'on amène au niveau d'un critère, il
ne faut pas juste se baser sur la valeur du prix, mais avoir cette logique-là
aussi, là.
Mme Ghazal : Oui,
bien, vous parlez de production biologique, si, par exemple, il y avait des
critères qui étaient regardés sur l'usage des pesticides, l'eau, tous ces
critères-là environnementaux, est-ce que c'est quelque chose
qui... que vous verrez d'un bon oeil ou vous aurez des craintes s'il y avait
des critères basés sur ce genre de critères là pour le choix?
M. Caron
(Martin) : Bien, je vous dirai que, dans un premier temps, peut-être
rassurer tout le monde, c'est que les producteurs suivent des normes, et ici la
réglementation est assez exhaustive, là. Ça fait que je vous dirai que ça, il n'y a pas de problème là-dessus.
Présentement, nos producteurs suivent... ils ont des cahiers de charges et
suivent ce... face à cette
réglementation-là. Et tantôt on m'a posé la question sur le développement
durable, mais les producteurs sont prêts, sont prêts, oui, à aller à...
Et puis, je tiens à signaler, ce n'est pas d'améliorer des pratiques, c'est
qu'on s'adapte, on s'adapte parce qu'il y a de la nouveauté, il y a un côté de
recherche qui se fait. Donc, on s'adapte.
Le Président (M. Simard,
Montmorency) : Très bien.
Mme Ghazal :
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : Merci. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui, merci beaucoup pour votre présence et votre mémoire. Petite question
du champ gauche, c'est le cas de le dire, vous parlez de champs, là, en ce qui
vous concerne, est-ce que... et de la gauche en ce qui me concerne, est-ce
qu'on ne devrait pas impliquer davantage La Financière agricole dans la loi,
dans le projet de loi? Parce que La Financière agricole a des outils, quand
même, d'appui à la diversification des productions pour la croissance des entreprises, pour la relève
agricole. Est-ce qu'on ne pourrait pas faire un lien entre le projet de loi
n° 12 et les outils qu'on a avec La Financière agricole pour brasser la
cage de cette institution-là afin qu'elle devienne un effet de levier, là,
encore plus fort pour soutenir la croissance vers les produits québécois et la
mise en valeur des produits québécois?
M. Caron (Martin) : Bien, je prends cette
question-là, puis un des éléments qu'on a parlé, de développement
durable tantôt, puis l'initiative ministérielle qui a été annoncée sur la
rétribution des pratiques agricoles, eh bien, c'est La Financière qui le gère,
ils ont un budget directement. Ça fait que, donc, si on veut soutenir le
développement des marchés, que ce soit du côté horticole... parce que,
malheureusement, sur l'initiative, il y a un côté horticole et un côté
production bio, puis, au niveau des régions périphériques, ça a peut-être été
oublié. Ça fait que je pense que, oui, il y aurait peut-être une opportunité
que La Financière puisse bonifier ou soutenir tout le transfert de
connaissances par rapport à nos pratiques puis avec nos producteurs, pour
s'assurer d'avoir vraiment, sur l'objectif qu'on a... et de répondre au projet
de loi, présentement, qu'on veut valoriser, du côté économique des produits.
M. Gaudreault :
Donc, peut-être inclure davantage La Financière, peut-être, si ce n'est pas
dans le projet de loi, au moins dans la stratégie qui suit la politique... qui
suit, c'est-à-dire, le projet de loi qui sera adopté.
Autre question, vous
parlez d'un rapport de suivi de l'application de la section sur le
développement régional, là. Moi, ça m'interroge. Ça m'intéresse beaucoup,
surtout, là, quand on parle de développement régional. Alors, comment vous
voyez ce rapport de suivi, là, précisément?
M. Caron
(Martin) : Bien, nous, qu'est-ce qu'on voit, c'est qu'on dit :
Bien, il y a un suivi avec le Conseil du trésor puis face aux achats, ça fait
qu'il faut s'assurer d'avoir un comité et qu'on puisse être présents. Puis
d'ailleurs c'est l'offre qu'on faisait à la fin de notre mémoire, en tant
qu'UPA, qu'on se dit : Bien, on est prêts à être présents, là, et de voir
si les choses, les mesures qui sont appliquées vont bien répondre à aller
chercher ou à avoir accès, entre autres, aux
produits de nos entreprises agricoles sur le terrain, dans les régions et dans
nos communautés, là. Ça fait qu'il faut avoir soit un comité de liaison,
un comité de suivi qui soit là, puis qu'on puisse aussi reproposer, s'il y a
des petites modifications réglementaires à faire, pour s'assurer qu'on atteint
cet objectif-là.
M. Gaudreault :
Que ce rapport soit public ou ce suivi, en tout cas, soit public de façon
régulière au bout d'un échéancier. O.K.
M. Caron
(Martin) : Absolument, absolument. Je pense qu'on a besoin des
indicateurs comme ça pour savoir si on est bien alignés sur l'objectif.
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : Très bien.
M.
Gaudreault : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : Très bien. Alors, M. Caron,
Mme Tessier, merci beaucoup pour votre présence parmi nous cet après-midi.
Votre contribution fut fort positive.
Ceci dit, nous allons
suspendre nos travaux, le temps de faire place à nos prochains invités.
(Suspension de la séance à
17 h 29)
(Reprise
à 17 h 35)
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : Nous sommes de retour avec des représentants du
Réseau québécois pour une mondialisation
inclusive. Messieurs, bonjour. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous
présenter?
Réseau québécois pour une mondialisation inclusive (RQMI)
M. Benhmade (Hamid) : Bonjour, je m'appelle
Hamid Benhmade. Je suis le porte-parole du Réseau québécois pour une
mondialisation inclusive.
M. Vaillancourt
(Claude) : Moi, c'est Claude Vaillancourt. Je suis membre du RQMI et
je suis aussi président d'ATTAC-Québec.
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : Soyez les bienvenus, et vous disposez d'une période de
10 minutes.
M. Benhmade
(Hamid) : Je vous en prie. Donc, on peut commencer? Mesdames et
messieurs, tout d'abord, au nom de mes collègues du Réseau québécois pour une
mondialisation inclusive, mon collègue et moi, nous tenons à vous remercier de
nous avoir invités à la Commission des finances pour participer à ces auditions
publiques.
Permettez-moi
brièvement de rappeler que le Réseau québécois pour une mondialisation
inclusive est une coalition multisectorielle regroupant des organisations
sociales issues des milieux communautaires, populaires et syndicaux. Notre
mission, principalement, porte sur la démocratisation du débat sur la
mondialisation de manière à ce qu'on puisse informer davantage nos membres et
le grand public sur les avantages et les limites des accords de libre-échange.
En
guise d'introduction, tout d'abord, c'est avec une certaine satisfaction que
nous accueillons le projet de loi n° 12. Clairement, il s'agit d'un
pas vers une relance économique inclusive et durable, car celui-ci élargit
davantage la mission de l'Autorité des marchés publics, comme il a été rappelé par le passé, mais
d'autant plus que l'octroi des marchés publics serait désormais soumis à
des considérations autres qu'économiques, en l'occurrence des considérations
sociales et environnementales.
Toutefois, nonobstant
les atouts dont ce projet jouit ainsi que les avantages qu'il promet, nos
accords de libre-échange risquent de rendre difficile son application sur le
terrain. Notre intervention porte ainsi sur le premier volet de ce projet de
loi, celui qui correspond à notre expertise sur la promotion de l'achat
écoresponsable par les organismes publics.
Ainsi, six
recommandations sont à considérer. Premièrement, nous invitons le gouvernement
du Québec à considérer le cadre restrictif
qui lui est imposé par les accords de libre-échange négociés et signés par le
gouvernement fédéral, d'où, d'ailleurs, la difficulté de notre intervention,
qui vient du fait que les accords de libre-échange sont négociés au niveau
fédéral mais touchent à des secteurs qui relèvent des provinces.
En guise d'exemple,
alors que le projet de loi n° 12 ambitionne de contribuer à une relance
inclusive et durable, son déploiement sur le terrain serait contraint par une
panoplie d'obstacles, en particulier le chapitre 19 de l'Accord économique
et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, connu sous le nom
de l'AECG. À rappeler que le chapitre en question ne permet pas au Canada, ni
aux provinces, d'ailleurs, d'appliquer ce qu'on appelle les marchés réservés
aux petites et moyennes entreprises locales. Libéraliser à tout prix nos
marchés publics sans avoir exigé
initialement l'application de la clause des marchés réservés risque de nuire à
tout un tissu entrepreneurial, en l'occurrence nos petites et moyennes
entreprises.
Deuxièmement, il nous
semble nécessaire de nous inspirer davantage du plan de nos voisins américains,
Buy American, en précisant le seuil que doivent contenir les produits à
utiliser dans ces marchés publics pour se qualifier de locaux. Alors que la
pandémie rappelle la nécessité de promouvoir l'achat local, nos alliés
américains se sont déjà adaptés à cette réalité par le recours au plan Buy
American, qui est au coeur des priorités du plan de relance de l'administration
actuelle.
Washington prévoit de
resserrer les règles d'origine pour réclamer plus de contenu américain. Bien
que nos voisins s'engagent à libéraliser
leurs marchés publics à des soumissionnaires étrangers, l'administration
actuelle a martelé à plusieurs
reprises qu'aucun marché public ne sera attribué à moins que tous les produits
utilisés par le soumissionnaire étranger
soient locaux. D'ailleurs, dans son discours sur l'état de l'Union,
1er mars 2022, le président Biden a clairement adopté un ton
reconnu comme étant protectionniste.
75 % de contenu
national sera, dans l'avenir, le seuil qu'un produit doit satisfaire notamment
pour se qualifier aux marchés publics, un
seuil qui se situe actuellement à seulement 55 %. Cette nouvelle politique
sera dès lors adoptée en matière de prix dans certains cas, et ce, pour
donner aux entités fédérales américaines la latitude de payer plus cher pour les produits locaux, nonobstant la
possibilité de se les procurer à moindre prix en dehors des États-Unis.
Troisièmement,
pour que nos marchés publics puissent devenir de véritables leviers de
croissance économique, il nous semble
irréversiblement nécessaire de rehausser significativement les seuils de valeur
des contrats des entreprises, de manière à donner à l'État québécois la
plus grande liberté dans l'attribution des contrats publics.
Il est mentionné à
trois reprises, dans le projet de loi, que les contrats publics doivent être
attribués selon les seuils imposés par nos accords de libre-échange, en
l'occurrence l'AECG. Le problème est que ces seuils sont trop bas. D'autant plus que la création récente de plus
grandes structures, sur le plan municipal ou dans les services de la
santé, rend encore plus difficile l'octroi d'un contrat public sans passer par
l'ouverture à la concurrence internationale. La centralisation de tous les achats gouvernementaux au sein du Centre d'acquisitions gouvernementales en est un exemple.
Étant
conscient que le Québec a l'obligation d'honorer ses engagements en vertu des
accords qu'il a déjà signés par le passé, il
est cependant possible d'imposer aux soumissionnaires étrangers certaines
mesures contraignantes tout en n'étant pas discriminatoires, entre
autres l'obligation d'offrir des conditions salariales et non salariales
socialement responsables et d'autres mesures écologiques, parmi lesquelles le
choix de soumissionnaires ayant des processus de production à faible empreinte
de carbone.
En raison de leur
nature non discriminatoire, que ce soit sur l'origine ou sur l'emplacement, ces
mesures pourraient être applicables sans que nos partenaires étrangers, en
l'occurrence européens, puissent les rejeter. Malgré leur nature ayant potentiellement des effets restrictifs sur le
commerce, l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, permet certaines
exceptions par le recours à des politiques dites légitimes, et ce, pour
protéger la vie des animaux, des personnes et préserver les ressources
naturelles.
D'ailleurs, selon
l'OMC, même si une mesure s'avère incompatible avec ses règles sur le commerce,
elle serait exceptionnellement permise sous réserve de remplir deux conditions
fondamentales, à savoir l'application non protectionniste et la protection de
l'environnement. Pour que je respecte le temps qui m'est accordé, je passe la
parole à mon collègue, Claude Vaillancourt, et vous remercie de votre
attention.
• (17 h 40) •
M. Vaillancourt
(Claude) : Bonjour. Alors que le projet de loi n° 12 prône
l'achat responsable, aucun de ses articles ne met clairement fin à la règle du
plus bas soumissionnaire.
Pour que les marchés
publics puissent assurer des relais de croissance à nos entreprises, le RQMI
propose de repenser la libéralisation de nos marchés publics, telle qu'elle a
été mise en application ces dernières années, tenant compte d'enjeux
sécuritaires, économiques, sociaux et environnementaux. Clairement, l'abandon
de la règle du plus bas soumissionnaire est un pas vers une relance résiliente.
Adjuger le marché
selon le prix le plus bas est, à n'en point douter, nuisible au développement
inclusif, notamment au détriment des attentes sociales des populations les plus
marginalisées. Miser sur une concurrence axée principalement sur le prix risque
d'affaiblir la qualité des services sociaux et empêche de protéger efficacement
l'environnement. Ne considérer que le prix du plus bas soumissionnaire lors des
soumissions a eu de nombreuses conséquences négatives et souvent dénoncées.
Amorcer la transition
énergétique. La transition socioécologique doit être une priorité pour le
gouvernement du Québec. D'un rapport du GIEC à l'autre, nous apprenons à quel
point le réchauffement climatique aura des effets destructeurs et un coût
élevé. Bien que nous ayons le privilège de profiter d'une énergie renouvelable
grâce à notre production d'électroélectricité, la consommation de gaz à effet
de serre par habitant reste très élevée, notamment à cause du transport et de
l'industrie. Il est clair, selon nous, que le gouvernement du Québec a le
pouvoir d'intervenir pour mettre en place une véritable transition écologique
qui serait aussi porteuse de justice sociale.
En ce sens, la
section V du projet de loi portant sur le développement durable nous
semble particulièrement satisfaisante. Plus précisément, les articles 14.8
et 14.9 arrivent à d'excellentes conclusions. Ceci devrait assurer une plus
grande diversité dans la distribution des contrats publics, permettant aux plus
petites entreprises et aux entreprises d'économie sociale de faire des
soumissions et d'avoir la possibilité d'obtenir des contrats publics sans qu'il
y ait de discrimination contre les entreprises étrangères.
Nous apprécions cette
importante avancée et nous considérons que le gouvernement devrait se montrer
plus actif dans la mise en place de la transition socioécologique et en fasse
davantage pour réduire la production de gaz à effet de serre. Il pourrait être
attentif aux projets citoyens allant en ce sens, notamment la feuille de route
du Front commun sur la transition énergétique.
L'exclusion de la résolution
des différends entre investisseurs et États. Sans doute, le projet de loi
n° 12 adopte une vision ambitieuse pour que nos marchés publics soient
accordés selon les priorités nationales du Québec. Toutefois, bien qu'il
promette un large éventail d'avantages économiques, sociaux et écologiques, il
est possible qu'il soit remis en cause par
les investisseurs et les soumissionnaires étrangers en vertu des mécanismes de
règlement des différends entre investisseurs et États. Un scénario qui nous
amène à proposer à la commission de considérer un tel risque, sachant que le
nombre de différends a connu une hausse significative à l'ère de la pandémie.
Le
RQMI s'est toujours fermement opposé aux tribunaux d'arbitrage privés, donnant
de trop grands avantages aux entreprises et limitant la capacité des
gouvernements de réglementer en faveur du bien commun. Les organes de règlement
des différends entre investisseurs et États doivent être remplacés par un
système de règlement des différends d'État à État tel qu'il se trouve,
par exemple, dans le chapitre 31 de l'ACEUM.
Comme nous l'avons
laissé entendre dans les différentes parties du mémoire que nous avons soumis,
le projet de loi est un pas dans la bonne
direction. L'économie locale du Québec a besoin de ce soutien
gouvernemental, encore plus en ces temps
difficiles postpandémiques. Cependant, nous avons vu à quel point les
initiatives gouvernementales sont limitées par les accords de
libre-échange conclus par le Canada, et nous craignons que ces accords rendent
difficile son application.
Nous
espérons que le gouvernement du Québec continuera à prendre acte des effets
négatifs d'une libéralisation à tous crins de l'économie, à la fois sur
l'environnement et sur la population du Québec. Certes, nous ne parlons ni
d'autarcie ni de fermeture des frontières, mais d'une vision nouvelle de
l'économie favorisant les circuits courts, le développement
des services publics, la lutte contre les changements climatiques, la
transition écologique et la justice sociale.
L'économie québécoise
a déjà amorcé d'importants changements. Il faut les poursuivre en demeurant
créatifs, audacieux et en soutenant nos entreprises locales dans toute leur
diversité, beaucoup mieux qu'on ne l'a fait auparavant. Alors, on vous remercie
beaucoup.
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : Merci à vous, messieurs. Je cède maintenant la parole à la présidente
du Conseil du trésor.
Mme LeBel : Merci, messieurs, pour
votre présentation. Je suis fort consciente, là, compte tenu de la mission... de votre mission, il y a peut-être une
certaine difficulté, là, d'intervention dans le cadre du projet de loi,
mais dans le sens où, naturellement, les accords existent au moment où on se
parle. Donc, je comprends très bien votre position et ce que vous véhiculez.
Maintenant, je vais peut-être vous ramener,
peut-être, à ce qu'on peut faire dans l'immédiat dans le cadre du projet de loi. D'ailleurs, merci d'avoir souligné,
là, les sections du projet de loi, entre autres sur le développement
durable. Il y a toute la question de
l'Espace d'innovation aussi qui pourrait peut-être nous permettre de pousser,
d'expérimenter certains critères, certaines notions que vous venez de
mentionner.
Je m'excuse de vous ramener au projet de loi, ce
n'est pas parce que le reste n'est pas intéressant, mais comme on peut travailler dans... Bon, il y a des
choses aussi qui peuvent se travailler avec le ministère de l'Économie, il y a
des choses qui peuvent se travailler, mais je veux y aller peut-être sur ce qui
est à ma portée, là, dans le cadre du p.l. n° 12.
Vous avez parlé de promotion d'achat
écoresponsable. Donc, quand on parle... Dans l'optique où on travaille avec les
accords actuels, dans l'optique où on veut pousser sur les marges de manoeuvre — je
comprends votre commentaire sur les seuils, mais ils existent au moment où on
se parle, disons-le — qu'est-ce
que vous pourriez nous proposer, peut-être, qu'on pourrait expérimenter,
justement, dans l'Espace d'innovation pour nous permettre de mettre de l'avant
ce que vous prônez et peut-être de progresser et d'acquérir l'expérience au
point de vue des achats gouvernementaux? Parce que ça ne peut pas... Vous
travaillez là-dedans depuis longtemps, là, c'est une expertise aussi. Mais, si on veut aller dans la bonne direction,
on doit se permettre aussi d'avoir une zone où on pousse un peu plus,
vous avez raison. Alors, peut-être... y a-tu des critères, des choses? Comment
on peut faire la promotion de l'achat écoresponsable à l'intérieur des marges
de manoeuvre actuelles, disons-le?
M. Vaillancourt (Claude) : Je vais
répondre. Tu réponds? Moi, je dirais que la première chose... On a parlé de la
règle du plus bas soumissionnaire, mais nous, ça nous semble vraiment... il
semble y avoir un noeud, là, puis une contradiction dans la loi, dans le projet
de loi actuel. C'est-à-dire que la règle du plus bas soumissionnaire oblige, d'une certaine manière, à prendre le
soumissionnaire qui offre le meilleur prix. Bon, ça, ça va de soi. Mais
nous, on est convaincu que si on veut
développer la responsabilité en ce qui concerne la protection de
l'environnement, ça, ça a des coûts.
Donc, on pense qu'il y a une contradiction entre, comment je pourrais dire,
cette règle du plus bas soumissionnaire et la nécessité d'imposer des
contraintes environnementales aux entreprises.
Donc, on ne voit pas comment ça peut... comment
l'un peut exister avec l'autre, finalement. On est convaincu que, parfois, il est nécessaire d'avoir des coûts plus élevés
pour permettre une meilleure qualité des services accordés. Et le
problème aussi, c'est que l'accord entre le Canada et l'Union européenne,
puisqu'il faut en parler, de cet accord-là, est un accord qui est fait pour,
dans le fond... donne un avantage aux grandes entreprises multinationales à cause
des économies de marché qu'ils peuvent faire, ce qu'une petite entreprise ne
peut pas faire. En d'autres mots, quand une petite PME locale est en
concurrence pour un marché public avec une grande multinationale qui a une
expertise, d'ailleurs, pour répondre à ces appels d'offres qui sont assez
impressionnants, on ne parle pas, là, de rapports d'égalité. Et je pense
qu'effectivement, si on enlève la règle du plus bas soumissionnaire, alors, à
ce moment-là, on peut imposer des critères
qui sont autres que le coût, la qualité des services offerts et la capacité
aussi d'avoir des mesures qui sont beaucoup plus favorables pour la
protection de l'environnement. Alors, c'est, en gros, notre analyse. Je ne sais
pas si, Hamid, tu as quelque chose à ajouter.
M. Benhmade
(Hamid) : Mme la ministre, si vous permettez, j'aimerais
rajouter comme un élément important... c'est que vous avez cité que le
Québec a des obligations pour honorer ses engagements en vertu des accords que
nous avons signés par le passé, ce qui est tout à fait véridique et rationnel.
L'OMC permet d'ailleurs d'adopter certaines politiques dites légitimes. Et je
pense qu'il faut investiguer davantage, parce que vous avez discuté de
l'innovation, et je pense qu'on pourrait aller aborder l'innovation de manière
institutionnelle : Qu'est-ce que l'OMC nous permet aujourd'hui tout en
étant capable d'honorer nos engagements?
Ces politiques légitimes permettent
effectivement de mettre en place des mesures environnementales qui peuvent
paraître contraignantes mais qui sont acceptées et admises par l'OMC.
D'ailleurs, le nombre de litiges sur le commerce et l'environnement, depuis
1995 jusqu'à aujourd'hui, ne sont que de quatre litiges et différends à l'OMC.
Ce qui permet de savoir que l'OMC reconnaît le droit que les membres peuvent
adopter certaines mesures qui peuvent paraître contraignantes sur le plan
environnemental.
• (17 h 50) •
Mme LeBel : ...on parle de la
règle du plus bas soumissionnaire, vous avez raison, le projet de loi n'y fait
pas mention parce que cette règle-là, qui... la règle qui fait en sorte que ce
mode d'adjudication là est priorisé ou favorisé par les organismes gouvernementaux
se trouve dans la réglementation. Donc, je pense qu'il faut effectivement faire le pas de plus et ajuster la
réglementation pour s'assurer qu'elle n'est plus, et j'y vais dans mon
langage, la règle par défaut, c'est-à-dire
la règle automatique vers laquelle on se tourne. Je demeure convaincue que
c'est une règle qui peut avoir un
usage, par contre, là. Il y a une différence entre dire que c'est la règle
qu'on utilise à tout prix, pour ne pas
faire un mauvais jeu de mots, et de dire que c'est une règle complètement... à
évacuer complètement. Je ne le pense pas.
D'ailleurs, je
vais... je pense, et je l'ai entendu de d'autres groupes et dans d'autres
forums, la règle du plus bas soumissionnaire conforme, il y a aussi le fait que
ce n'est pas la règle la plus adaptée. Je suis d'accord pour faire progresser sur certains aspects, bon, entre autres en
innovation puis en critères de cycle de vie et durée de vie des produits, mais
on peut, dans les critères de conformité, on peut se permettre aussi d'aller
plus loin que ce qu'on fait présentement, c'est-à-dire que le plus bas
soumissionnaire conforme peut être une entreprise écoresponsable pour être
conforme comme plus bas soumissionnaire.
Donc, il y a moyen de
dire : Je vais prendre le produit le moins cher, mais auprès d'une
entreprise... Bon, là, il y a toute la question de comment on va l'établir, là,
mais, disons... Donc, il peut y avoir, même dans les critères de conformité,
dans cette règle-là, on peut faire un bout de chemin aussi. Est-ce que vous y
avez déjà songé?
M. Vaillancourt
(Claude) : Oui, tout à fait. Oui, je pense qu'effectivement, ça, c'est
une bonne... On peut formuler des appels d'offres de manière à hausser les
exigences. Nous... Moi, j'ai souvent des contacts avec des camarades européens qui travaillent sur le même
sujet et je peux vous dire que, dans les communautés européennes, c'est
quelque chose qui est souvent mis en pratique, parce qu'eux aussi, ils sont
pris avec des accords de libre-échange contraignants, eux aussi, ils veulent
soutenir leur économie locale et eux aussi sont en quête de solutions. C'est un
petit peu dommage qu'on soit obligés d'en
arriver là, par exemple, on est obligés de ruser avec quelque chose qui a
été négocié, finalement. Mais effectivement, ce que vous dites, c'est quelque
chose que... avec laquelle on est tout à fait en accord. Effectivement, il y a
cette possibilité-là.
Mme LeBel :
Dans le fond, c'est de ne pas... c'est d'arrêter d'utiliser cette règle du
plus bas soumissionnaire conforme de base, de façon «basic»...
M. Vaillancourt
(Claude) : C'est ça.
Mme LeBel :
...si je me permets de le dire dans ces mots-là, mais, même avec cette
règle-là, on peut se permettre de l'ajuster et d'aller chercher des critères et
de se permettre de payer le moins cher possible pour certains types de produits, où ça se défend, mais en y
ajoutant certains critères, entre autres, d'entreprises vertes ou
d'entreprises qui recyclent ou... en tout cas, l'imagination, à ce moment-là,
devient notre seule limite, j'imagine, là.
Donc, malgré vos
commentaires, je lis correctement que ce n'est pas dire de l'évacuer à tout
prix, mais, disons, de prendre un pas de recul et de s'assurer que toutes les
règles disponibles sont utilisées adéquatement pour favoriser les objectifs que
vous avez mentionnés.
M. Vaillancourt
(Claude) : Effectivement, puis que ces objectifs-là restent vraiment
la priorité, et que ce soit la priorité devant, disons, des économies à tout
prix, là.
M. Benhmade
(Hamid) : Je pense, si on souhaite mettre en place une action qui
pourrait être, de manière pratique, déployée
dans les semaines, voire les mois à venir, un diagnostic sur les effets de la
clause du plus bas soumissionnaire pourrait nous permettre de savoir
quels sont les secteurs qui ont été touchés négativement par cette clause. Et peut-être ça pourrait donner naissance
à un plan d'action où cette remise en question sera sectorielle. Peut-être
qu'on va se rendre compte que, dans les secteurs plus socioécologiques, cette
clause n'a pas sa place, probablement dans d'autres secteurs où cette clause
pourrait être encore considérée, de manière à ce qu'on puisse mettre en place
un changement graduel, car certainement, aucun changement ne peut se faire de
manière très drastique.
Mme LeBel :
C'est une excellente conclusion à notre échange. Merci beaucoup, messieurs.
Le Président (M.
Simard, Montmorency) : M. le député de Mont-Royal—Outremont.
M. Arcand : Oui. Bonjour, messieurs.
Bienvenue à cette commission. C'est étrange de voir qu'il y a quelques
années, évidemment, tout le monde était en faveur d'accords de libre-échange.
On a eu des accords de libre-échange Canada-États-Unis, après ça
Canada-États-Unis-Mexique, et on a eu l'accord de libre-échange avec l'Union européenne. Et là, depuis quelques années, il y a
une vague un peu plus protectionniste. À l'époque, le président Trump a
voulu renégocier un certain nombre de choses, etc., mais, de façon générale, au
départ, sur le plan strictement économique,
les gens trouvaient que les accords de libre-échange étaient bénéfiques pour le
Québec, sur le plan purement économique.
Aujourd'hui, on
assiste à une vague un petit peu plus, je dirais, protectionniste. Vous avez
mentionné le Buy America Act que le président Biden a fait. Évidemment, les
États-Unis sont un pays de 340 millions, à peu près, là, de personnes.
C'est quand même un peu plus facile par rapport à un État de 8 millions
comme le Québec. Mais, à l'intérieur de ça, ce qui est apparu à tout le monde,
c'est que peut-être que les clauses qui nous permettent d'avoir un peu plus de
flexibilité devraient être utilisées davantage.
Et ma question est
simple. Tout le monde était relativement d'accord, depuis le début de la
commission, pour dire que le prix le plus bas ne doit pas être la seule
justification, qu'il y avait une espèce d'équilibre à y avoir entre le prix le
plus bas, entre, je dirais, l'écoresponsabilité dans l'offre qui est offerte et
aussi ce qu'on appelle la qualité. Si vous avez un producteur qui... ou un
manufacturier qui fait venir ses produits en grande partie de Chine, et puis
qu'il le fait, etc., bon... Est-ce que cette espèce d'équilibre qu'on doit
avoir entre prix, environnement et qualité, ça rejoint un peu ce que vous nous
mentionnez?
M. Vaillancourt
(Claude) : Bien, moi, je dirais juste quelque chose qui est quand
même... Parce que, moi, je suis l'évolution des accords de libre-échange depuis
20 ans à peu près, là. J'ai beaucoup suivi les négociations de l'AECG.
Puis vous dites : Tout le monde était en faveur du libre-échange, c'est
vrai, mais il y avait quand même une certaine opposition. Et nous, au RQIC,
c'est notre ancien nom, RQMI, on a toujours dénoncé l'ouverture des marchés
publics dans les accords de libre-échange. On s'est dit : Ça, ça devrait
rester sous contrôle absolu et ça ne devrait pas se retrouver dans un accord de
libre-échange.
Et d'ailleurs c'est intéressant, si on rappelle
l'historique, là, Seattle, hein, le fameux sommet de Seattle qu'il y a eu, les pays du Sud, une des raisons de leur
refus d'embarquer dans cet accord, c'était justement qu'ils voulaient
protéger leurs marchés publics parce que, pour eux, l'intervention
gouvernementale sur l'économie locale se fait par les marchés publics, et perdre ça aux dépens de grandes entreprises
européennes et américaines, puis ils ont vu que c'est ce qui s'est passé, dans les faits, en Amérique du
Sud, il y a vraiment une perte de contrôle là-dessus, ce serait
catastrophique pour leur pays. Puis, quand même, ça, l'histoire a pu vérifier
ça.
Alors, nous, disons que, c'est très clair que,
si on veut justement avoir un meilleur contrôle, il aurait fallu exclure ça de
l'accord. Puis le problème dans l'accord aussi, c'est qu'au Québec on a fait
des plus grosses structures dans les villes,
entre autres, dans le système de santé, qui fait que les commandes ont des
coûts plus élevés, et on a abaissé... dans l'accord, l'AECG, on trouve
que les seuils sont beaucoup plus... sont beaucoup trop bas. Ça, on l'a
toujours dit, il aurait fallu que les seuils soient plus hauts, puis c'est une
de nos demandes, d'ailleurs, dans notre... c'est une de nos demandes. Et, à partir de ce moment-là, ça devient difficile de se
servir des marchés publics comme quelque chose qui fait du bien à notre économie locale et qui permet de protéger
davantage l'environnement et aussi de servir davantage la communauté. Donc, c'est, en gros... Je ne sais pas
si j'ai bien répondu à votre question. Peut-être, Hamid, tu as quelque
chose à rajouter.
M. Benhmade (Hamid) : Permettez-moi
de rajouter quelques éléments sur votre question sur l'évolution de la
perception par rapport aux accords de libre-échange. Certes, nous sommes passés
d'une perception purement économique, dans les années 80-90. Aujourd'hui,
il y a une remise en question. Je pense qu'il y a des éléments qui nous sont imposés par le hasard. La pandémie nous
a rappelé la nécessité d'être indépendant sur les chaînes de valeur extrêmement essentielles en termes de santé et
puis d'alimentation. Nos alliés américains sont en train de
métamorphoser leur façon de voir les échanges internationaux.
Toutefois,
comme vous avez dit, la réalité nous impose aussi un cadre institutionnel à
l'OMC, il y a des engagements que nous avons pris par le passé, sauf
qu'on peut innover à l'intérieur de ces cadres. Encore une fois de plus, je
rappelle que l'OMC nous permet, de manière explicitement légale, de faire
recours à des politiques légitimes. Il suffit maintenant juste d'explorer en
détail qu'est-ce qui est permis à l'intérieur de cette structure
institutionnelle, de manière à ce qu'on puisse trouver cet ajustement entre les
contraintes institutionnelles qui nous sont imposées et puis la nécessité de revoir à long terme ce modèle économique qui doit
désormais, en fait, être axé sur la justice sociale et la justice
écologique. Donc, je pense que le défi, aujourd'hui, c'est de trouver cet équilibre
entre ce qu'on souhaite atteindre en termes
d'urgence environnementale et sociale, mais également entre les ressources qui
nous sont aujourd'hui disponibles et qui sont permises par les
organisations auxquelles... auprès desquelles nous sommes membres.
M. Arcand : D'accord. Mais, si on
revient strictement au projet de loi, parce que c'est de ça dont on discute
aujourd'hui, tout le monde ici comprend, y incluant, je pense, la ministre, que
le prix le plus bas, bon, il faut revoir un certain nombre de choses par rapport
à ça. Je pense qu'il y a un consensus passablement général là-dessus. Même
chose sur les questions d'innovation, d'environnement, c'est relativement
consensuel à ce niveau-là. Est-ce que... Une fois qu'on a dit ça, qu'est-ce qui
vous apparaît le plus prioritaire, actuellement, à modifier dans ce projet de
loi?
• (18 heures) •
M. Vaillancourt (Claude) : Bien,
dans le projet de loi... comme, moi, je pense que le projet de loi se tient en
tant que tel, mais moi, ce que j'ai peur, c'est des choses qui sont extérieures
au projet de loi, qui empêchent l'application, finalement, de ce projet de loi.
Par exemple, une chose qui m'inquiète beaucoup, moi, c'est les seuils. Est-ce
qu'on va être capable, hein, de vraiment se servir des appels d'offres alors
que les seuils sont si bas? Donc, ça limite tellement la possibilité, là, que,
finalement, j'ai peur que ce projet de loi ne soit pas aussi efficace qu'il
l'est sur papier. On lit le projet de loi, on dit : C'est intéressant.
Mais on regarde les contraintes, on dit : Woups! Là, il y a quelque chose
qui ne marche pas.
Peut-être que... Là, je sais que c'est très
difficile, mais je pense qu'il faudrait faire pression sur le gouvernement
fédéral sur les seuils, pour les rehausser, ces seuils-là. Je ne sais pas dans quelle
mesure c'est possible. L'accord n'est pas encore ratifié, hein, il faut dire.
Il y a plusieurs pays européens... La majorité des pays européens n'ont pas
ratifié... peut-être la majorité, enfin, un nombre très élevé de pays européens
n'ont pas ratifié cet accord-là. Donc, j'ai l'impression que...
Puis, comme vous l'avez très bien dit, on
conçoit le libre-échange autrement aujourd'hui. Donc, est-ce qu'il y aurait une
possibilité de négociation? En tout cas, je pense que le gouvernement du Québec
aurait quand même un certain devoir de faire pression sur le gouvernement
fédéral pour dire : Ça, ça ne marche pas, on a un projet de loi, on a
quelque chose qui l'empêche, nous empêche de le mettre en place.
M. Arcand : D'accord. Bien, écoutez,
je vais vous laisser là-dessus. De toute façon, ça tombe bien, parce que la responsable des relations canadiennes,
c'est la présidente du Conseil du
trésor. Alors, elle a un mandat, je
pense qu'elle a entendu fort bien. Alors, merci infiniment, messieurs.
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : Message bien passé, cher collègue. Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Oui. Merci, M. le
Président. Merci beaucoup, messieurs. Écoutez, vous ne serez pas surpris, moi,
comme députée de Québec solidaire, ce que vous écrivez dans votre mémoire, on
aurait pu quasiment l'écrire, peut-être pas dans les détails, mais dans
l'esprit et les principes, et on est très, très d'accord. Puis ce que vous,
vous exprimiez à la fin, c'est exactement ça, la crainte que j'ai, c'est qu'il
y a une bonne volonté du gouvernement d'aller de l'avant avec l'achat local,
favoriser les entreprises locales, etc., mais est-ce que ça va être possible
d'atteindre les résultats? Et c'est la crainte que j'ai.
Une question
plus précise : À la page 6 de votre mémoire, vous parlez des seuils
qui sont trop bas. Vous faites référence
à un seuil de 365 700 $ pour les contrats de biens et services, un autre
de 649 100 $ pour les sociétés d'État, etc. La
ministre... et dans le projet de loi, on fait référence à un seuil de
100 000 $. Je comprends que ça fait peut-être référence à d'autres
accords internationaux. Comment est-ce que vous voyez ça? Comment est-ce que ça
s'articule? C'est quoi, les seuils entre les différents accords? Parce que la
ministre a fait plusieurs fois... à plusieurs reprises mention à un seuil de
100 000 $.
Une voix : ...
Mme Ghazal : En fait, elle fait
référence à ce qui est dans la loi, 100 000 $. Puis vous, vous
mentionnez trois fois plus puis vous dites que c'est bas, puis c'est tout à
fait le cas, c'est tout à fait vrai.
M. Vaillancourt (Claude) : Nous, les
seuils dont on parle, c'est ceux qui sont dans l'AECG. C'est vraiment l'accord
qui est le plus contraignant, là, en ce qui concerne les marchés publics, et
c'est aussi... il faut dire, les compagnies européennes sont aussi les
compagnies les plus puissantes dans ces compagnies qui cherchent le plus une
expansion à travers, disons, la réponse aux marchés publics dans le monde.
Si on voit, par exemple, quand l'Amérique du Sud
a ouvert ses marchés publics, ça a été vraiment la ruée des entreprises
européennes qui ont pris possession de l'eau, du système de santé, dans
différents secteurs, là, surtout ce qui
concerne l'économie municipale, là. Puis ils sont omniprésents encore
aujourd'hui. Et ça donne évidemment... bien, ça a fait que les... comment je pourrais dire, la part des services
publics a beaucoup diminué, parce qu'elles ont été très, très agressives là-dedans, ces entreprises-là.
C'est sûr qu'à travers l'AECG, il n'y a pas une ouverture aussi grande,
fort heureusement, mais il y a quand même
cette possibilité pour les entreprises de répondre à beaucoup d'appels
d'offres.
Mme Ghazal : Et, de ce que
j'entends de ce que vous dites, c'est comme si... si, dans la loi, c'est
100 000, c'est comme... on a été encore plus restrictifs dans la loi que
ce que les accords internationaux peuvent peut-être nous permettre. Mais de
toute façon, peu importe les accords, les seuils sont trop bas. J'aimerais vous
entendre sur ce qu'on a parlé, de...
Le Président (M. Simard, Montmorency) : Succintement.
Mme Ghazal : Oui,
rapidement. Le président Biden, est-ce que ce qu'il amène, là, avec le Buy
American Act, est-ce que ça va à l'encontre de l'ACEUM, de l'Accord
Canada—États-Unis—Mexique?
M. Benhmade (Hamid) : En fait,
le... ce qui est sûr et certain, c'est que l'esprit dans lequel l'ACEUM a été
négocié est un... donc c'était dans un esprit nord-américain ouvert,
libéralisé. On a été surpris, bien évidemment, de voir l'orientation de
l'administration actuelle qui poursuit presque les mêmes orientations que
l'administration précédente. Le style est différent, mais les orientations sont
les mêmes...
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Très bien.
M. Benhmade (Hamid) : Je veux
dire que...
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Très bien.
M. Benhmade (Hamid) : Je veux
dire que les orientations sont...
Le
Président (M. Simard, Montmorency) : Merci beaucoup. Nous poursuivons avec le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui, merci, M.
le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présence. Vous dites que la
section V du projet de loi devrait s'inscrire davantage, dans l'objectif de la
transition socioécologique, vers une réduction des gaz à effet de serre. La
section V s'intitule Développement durable et parle de développement durable.
Alors, pouvez-vous nous expliquer un petit peu plus ce que vous voyez à cet
égard?
M. Vaillancourt (Claude) : O.K.
Bien, en fait, c'est qu'on considère que ce chapitre-là est excellent, O.K.,
c'est... mais c'est simplement l'action du gouvernement sur les marchés
publics. Et on considère qu'une politique environnementale d'un gouvernement
qui mène vers la transition, ça doit aussi être plus ambitieux que ça, donc ça doit toucher d'autres secteurs. Et on n'a pas l'impression
que, dans les politiques du gouvernement actuel, il y a une volonté vraiment
très, très forte de s'engager dans une transition socioénergétique. Donc, c'est
ça qu'on veut dire, là. J'espère que je suis clair, là.
M. Gaudreault : Oui, bien, vous
êtes clair. J'ai la même impression que vous, là. D'ailleurs, on entend souvent
le message ici, même venant du milieu des affaires, qu'ils sont beaucoup plus
prêts à aller plus vite en matière de lutte contre les changements climatiques
dans la mesure où ils ont de la prévisibilité. Mais j'aimerais savoir un petit
peu plus comment vous voudriez l'articuler. Est-ce que c'est juste en changeant
le titre de la section? Est-ce que c'est en faisant carrément référence à des
politiques d'analyse de cycle de vie, de test climat? Les gens de Switch,
l'alliance Switch nous a parlé de ça. Avez-vous des idées là-dessus?
M. Vaillancourt (Claude) : C'est-à-dire,
le projet de loi, on le dit, on le trouve correct. Ça, c'est très bien, mais
quand on parle, évidemment, de transition énergétique de manière plus globale
dans les politiques gouvernementales... Moi, je fais partie du Front commun sur
la transition énergétique. Je ne sais pas si... Le Front commun sur la
transition a créé une feuille de route, hein, qui montre, dans tous les
aspects, aussi bien sociaux, économiques, technologiques, quelle voie doit
prendre la transition. Je ne sais pas si vous connaissez ce document, c'est un
document d'une grande qualité, d'une grande précision, très global aussi, qui
aborde tous les aspects de la transition. Donc, c'est vers ça, c'est à ça que
le gouvernement devrait répondre. Parce qu'à mon avis on a le projet le plus
élaboré de transition énergétique, écologique et sociologique dans ce qui se
fait au Québec, actuellement, donc c'est un document que je vous invite à lire
et à consulter.
M. Gaudreault : C'est bon.
Merci.
Le Président (M. Simard, Montmorency) :
Alors, MM. Benhmade et Vaillancourt, merci beaucoup pour votre
contribution à nos travaux.
Compte tenu
de l'heure, nous allons ajourner. On se retrouve demain, le 17, après les
affaires courantes. Au revoir.
M. Vaillancourt (Claude) : Merci
beaucoup.
M. Benhmade (Hamid) : Merci de
votre attention. Au revoir.
(Fin de la séance à 18 h 09)