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Version préliminaire

42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mardi 15 mars 2022 - Vol. 46 N° 14

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi visant principalement à promouvoir l'achat québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime d'intégrité des entreprises et accroître les pouvoirs de l'Autorité des marchés publics


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Intervenants par tranches d'heure

  • 9 h 30

    • Simard, Jean-François
    • LeBel, Sonia
    • Arcand, Pierre
  • 10 h

    • Arcand, Pierre
    • Simard, Jean-François
    • Ghazal, Ruba
    • Gaudreault, Sylvain
    • LeBel, Sonia
    • Chassin, Youri
  • 10 h 30

    • LeBel, Sonia
    • Simard, Jean-François
    • Arcand, Pierre
    • Ghazal, Ruba
    • Gaudreault, Sylvain
  • 11 h

    • Simard, Jean-François
    • LeBel, Sonia
    • Arcand, Pierre
  • 11 h 30

    • Arcand, Pierre
    • Simard, Jean-François
    • Ghazal, Ruba
    • Gaudreault, Sylvain
    • LeBel, Sonia
  • 12 h

    • LeBel, Sonia
    • Simard, Jean-François
    • Arcand, Pierre
    • Gaudreault, Sylvain
  • 15 h 30

    • Simard, Jean-François
  • 16 h

    • Simard, Jean-François
    • LeBel, Sonia
    • Arcand, Pierre
  • 16 h 30

    • Arcand, Pierre
    • Simard, Jean-François
    • Ghazal, Ruba
    • Gaudreault, Sylvain
    • LeBel, Sonia
  • 17 h

    • LeBel, Sonia
    • Simard, Jean-François
    • Arcand, Pierre
    • Ghazal, Ruba
    • Gaudreault, Sylvain
  • 17 h 30

    • Simard, Jean-François
    • LeBel, Sonia
    • Arcand, Pierre
  • 18 h

    • Arcand, Pierre
    • Simard, Jean-François
    • Ghazal, Ruba
    • Gaudreault, Sylvain
    • LeBel, Sonia
  • 18 h 30

    • LeBel, Sonia
    • Simard, Jean-François
    • Arcand, Pierre
    • Ghazal, Ruba
    • Gaudreault, Sylvain

 

Journal des débats

9 h 30 (version révisée)

Le mardi 15 mars 2022 — Vol. 46 N° 14

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi visant principalement à promouvoir l'achat québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime d'intégrité des entreprises et accroître les pouvoirs de l'Autorité des marchés publics

(Neuf heures cinquante-deux minutes)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, bienvenue à toutes et à tous. Très, très heureux de vous retrouver ce matin en ce retour de travaux parlementaires. Je constate que nous avons quorum. Nous sommes donc en mesure de pouvoir amorcer nos travaux.

Comme vous le savez, la commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi visant principalement à promouvoir l'achat québécois et responsable par les <organismes...

Le Président (M. Simard) : ... visant principalement à promouvoir l'achat québécois et responsable par les >organismes organismes publics à renforcer le régime d'intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l'Autorité des marchés publics.

Mme la secrétaire, bonjour.

La Secrétaire : Bonjour.

Le Président (M. Simard) : Y aurait-il des remplacements ce matin?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Alors, M. Reid (Beauharnois) est remplacé par M. Allaire (Maskinongé); et M. Ouellet (René-Lévesque) est remplacé par M. Gaudreault (Jonquière).

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, cet avant-midi, nous aurons quatre groupes qui seront avec nous en présentiel. Avant de les entendre, comme le veut la tradition, nous ferons nos remarques préliminaires, et je cède immédiatement la parole à la présidente du Conseil du trésor. Chère collègue, vous disposez de six minutes.

Mme LeBel : Bien, merci, M. le Président. Alors, c'est vraiment un plaisir. D'ailleurs, bonjour à tout le monde, merci d'être présents, et bonjour, surtout, dans cette nouvelle ère qui est... qui nous rappelle et qui nous démontre que, bon, on s'en va vers le mieux, et on l'espère tous. Donc, très contente de vous retrouver, surtout après cette relâche parlementaire, surtout pour amorcer aujourd'hui la consultation sur le projet de loi n° 12, Loi visant principalement à promouvoir l'achat québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime d'intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l'Autorité des marchés publics, qu'on entendra, d'ailleurs, en premier en consultation.

Loi qui est très importante pour moi, qui s'insère dans une stratégie beaucoup plus large qui est la stratégie des marchés publics, qui a plusieurs objectifs. Et j'ai très hâte qu'on puisse, là, comme on le fait toujours, d'ailleurs, dans nos dossiers, dans mes dossiers, pouvoir entendre tout ce qu'il y a à se dire sur ce projet de loi là, toujours le situer, d'ailleurs, dans le cadre plus large de la stratégie, qui a divers objectifs, et pouvoir voir par la suite, là, comme on le fait et comme j'ai l'expérience de le faire avec tous mes collègues jusqu'à présent dans les projets de loi que j'ai à étudier... être capables, dans l'article par article, pouvoir le faire de façon constructive et voir à améliorer le tout, parce que tout est perfectible dans la vie, ça, je suis d'accord avec ça.

La seule chose où j'ai... je ne... habituellement, où je ne divague pas... ou ne déroge pas, pardon — divaguer, ça peut m'arriver, mais pas en commission, j'espère — ...ne déroge pas, c'est sur les objectifs. Mais, quand on est capables de trouver des moyens ou de raffiner des moyens pour y parvenir, habituellement, les discussions sont très ouvertes, et je suis très encline à le faire.

Donc, je pense que ça va bien de rappeler brièvement le bien-fondé, là, de l'approche et pourquoi on le fait. L'idée est de répondre à la fois aux attentes des entreprises québécoises, des ministères et organismes du gouvernement qui ont une part de responsabilité, de la population québécoise. Il ne faut pas oublier que les marchés publics appartiennent aux Québécois, et je pense que tout ce qu'on fait avec nos marchés publics doit bénéficier au sens large pour... aux Québécois, donc avoir une valeur ajoutée aux Québécois. Donc, on peut penser à du développement durable, on peut penser à de l'innovation, on peut penser à de l'achat québécois. Il faut aussi penser à respecter les accords de libéralisation du marché, parce qu'à terme tout ça bénéficie aux Québécois d'une façon ou d'une autre.

Donc, si on veut revoir en profondeur cette approche, là, en matière d'acquisition de biens et de services, particulièrement, bien, c'est vraiment dans un souci de favoriser l'achat québécois, je l'ai dit, d'augmenter nos marges de manoeuvre actuelles et de pouvoir injecter plus d'argent sur notre territoire. Je pense qu'il faut accorder aussi aux entreprises de chez nous un meilleur accès aux contrats gouvernementaux. Ça a été beaucoup de discussions qui ont eu lieu par mon collègue, d'ailleurs, de Maskinongé et adjoint parlementaire, qui a eu l'occasion de faire une tournée dans ce sens-là, promouvoir l'achat responsable, on en a entendu parler. Et moi, je pense que le corollaire de tout ça pour le gouvernement, pour les organismes publics, c'est de s'assurer que le chien de garde des contrats publics, l'AMP, ait les pouvoirs nécessaires à sa disposition pour être capable de faire son travail et de bien avoir... d'avoir le regard qu'il se doit d'avoir sur les contrats publics, les marchés publics gouvernementaux et nous permettre d'utiliser tous les outils dans ce coffre à outils d'achats gouvernementaux, tous les outils qui sont permis par la loi.

Donc, le contexte de la pandémie a démontré... Je pense que ce n'est pas le point de départ de cette stratégie, parce que ça fait longtemps qu'on entend des doléances de par les entreprises, particulièrement, surtout en matière d'innovation, de développement durable, etc., donc c'était le temps de faire bouger nos marchés publics, mais je pense que ça a démontré l'importance de réduire notre dépendance extérieure vis-à-vis certains marchés et de renforcer notre capacité d'assurer une disponibilité de plusieurs éventails des chaînes d'approvisionnement, surtout en matière de santé, on parle d'équipements de protection personnelle, et nos chaînes d'alimentation. Je pense que la pandémie a démontré que ce sont deux secteurs qui sont stratégiques et sur lesquels je pense qu'il est de bon aloi de mettre l'accent, M. le Président.

C'est une de nos priorités, bon, notre premier ministre en a fait une priorité, et je pense qu'il faut que l'État québécois donne l'exemple. Donc, à terme, ce seront des augmentations de près de 10 % de points de pourcentage. On est à 38 % d'achats québécois en matière de biens. Je suis <heureuse...

Mme LeBel : ... pourcentage. On est à 38 % d'achats québécois en matière de biens. Je suis >heureuse de dire qu'en matière d'achat de services et en matière de construction on est à 99 % et 92 %, là. Je pense que là, au niveau de l'exemplarité, on en est... on marque la cible, on atteint la cible. Mais je pense que là où on a un effort supplémentaire à faire, c'est en matière d'acquisition de biens. Donc, c'est pourquoi cette stratégie-là, accompagnée du projet de loi, parce que le projet de loi est un ensemble de la stratégie, est une extension, un outil, une composante de la stratégie, je peux le dire — je peux sortir une liste de synonymes, mais je pense que vous comprenez bien ce que je veux dire — ...et l'idée, c'est d'aller un peu plus loin, justement, en matière d'acquisition d'achats québécois.

Donc, je vais conclure mon intervention, parce qu'on aura le temps d'en parler beaucoup avec les gens qui sont en consultation, mais aussi en article par article. Mais ce sont les grands objectifs : l'achat québécois, développement durable, et un meilleur accès à nos entreprises, et surtout aussi favoriser l'innovation, que ce soit dans les acquisitions de biens, dans les biens comme tels ou les achats qu'on fera et dans les processus, aussi, d'acquisition gouvernementale, donc l'innovation dans ces processus-là également.

Donc, merci beaucoup. Et j'ai très hâte de commencer cet exercice avec mes collègues et avec les gens qui vont revenir en consultation.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, Mme la ministre. M. le député de Mont-Royal—Outremont.

M. Arcand : Merci, M. le Président. J'en profite, évidemment, pour saluer la ministre, aujourd'hui, pour l'étude de ce projet de loi n° 12, ces consultations, d'abord. Et j'en profite également pour saluer la députée de Mercier, mais peut-être plus particulièrement le député de Jonquière, qui nous a fait une annonce, il y a déjà quelques jours, et je voudrais simplement le remercier pour 15 années de brillants débats à l'Assemblée nationale. Alors, c'était un des points que je voulais faire.

D'abord, premièrement, le projet de loi n° 12 comme tel, c'est un projet de loi, là, qui, évidemment... sur la question de l'achat québécois, il n'y a personne qui peut être contre le fait de privilégier l'achat québécois. La question sur laquelle on s'est posés à un moment donné, lorsqu'on a regardé ce projet de loi, c'était essentiellement de se dire : Est-ce qu'on avait vraiment besoin... jusqu'à quel point on avait besoin d'un projet de loi? Il nous a semblé a priori que, via des directives du Conseil du trésor, il y avait certainement moyen de pouvoir privilégier l'achat québécois. Il y avait des efforts qui avaient été faits, déjà, par le passé, en ce sens-là. Alors, c'est la première question qu'on s'est posée.

On a vu, ce matin, également, les informations à l'effet que le projet de loi n'allait pas assez loin. Nous, évidemment, sur le principe, comme je l'ai dit, nous ne sommes pas en désaccord avec ce principe, mais il y a certains éléments à l'intérieur de ça qui sont, pour nous, sujet de préoccupations, et je vais profiter de l'occasion pour, véritablement, vous en faire part.

Un des enjeux, ce qui nous apparaît l'enjeu le plus important, actuellement, c'est toute la question de l'absence du paiement rapide, là, pour la construction. C'était une des recommandations, entre autres, de la commission Charbonneau. On aura l'occasion d'en discuter plus en détail avec la ministre, mais c'est clair que ça, c'est un enjeu qui nous apparaît l'enjeu majeur. Ce qu'on ne comprend pas, c'est qu'à l'époque où on était au gouvernement on avait lancé des projets pilotes pour payer les fournisseurs de services dans plusieurs domaines, de la meilleure façon possible. Et on sait jusqu'à quel point le gouvernement du Québec, à cet égard, est un cancre en ce domaine. Alors, je pense que c'est un des enjeux qui va devenir important. Parce qu'on a beau vouloir encourager les entrepreneurs régionaux, si ces entrepreneurs régionaux là ne sont pas payés rapidement et promptement, il est clair que ça va rester un enjeu.

Deuxièmement, on s'est rendu compte que la ministre a, évidemment, voulu respecter les ententes internationales de libre-échange. Donc, c'est sûr que le projet de loi est un peu plus limité en ce sens-là, parce qu'on n'a pas le choix que de respecter les clauses des accords de libre-échange. Alors ça, c'est un des éléments également.

La question, on est bien d'accord pour que l'Autorité des marchés publics ait plus de pouvoirs, plus de finance, mais on va devoir également poser les questions en ce sens-là, et je sais qu'aujourd'hui on a l'Autorité des marchés publics qui va intervenir.

• (10 heures) •

Alors, essentiellement, ce sont les points qui nous apparaissaient à ce stade-ci importants. On a vu également que, comme je l'ai dit tout à l'heure, dans ce projet de loi là, tout peut se faire, mais nous sommes ouverts à discuter avec la ministre, et on aura certainement des amendements à proposer, M. le Président, pour faire en sorte que ce projet de loi là soit le meilleur possible. Et, en ce sens-là, on va travailler...


 
 

10 h (version révisée)

M. Arcand : ...M. le Président, pour faire en sorte que ce projet de loi là soit le meilleur possible, et, en ce sens-là, on va travailler en équipe. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci beaucoup. J'ai 10 minutes, c'est ça? Non?

Le Président (M. Simard) : Quatre, en fait.

Mme Ghazal : Quatre? Ah! excellent.

Le Président (M. Simard) : Quatre. Oh! pardon, excusez-moi, une.

Mme Ghazal : Oui, c'est ça. Je pensais que les règles ont changé dans tout.

Le Président (M. Simard) : Vous savez, ce matin, j'étais...

Une voix : ...

Le Président (M. Simard) : Non, c'est ça. Non, 30 secondes, non.

Mme Ghazal : Oui, c'est ça. Bon, j'y vais, alors. Bien, merci beaucoup. Écoutez, je suis vraiment très, très heureuse d'être ici. Je me sens vraiment comme à la rentrée scolaire, là. Il n'y a plus de plexiglas, etc. Je pourrais en rajouter aussi pour saluer le collègue de Jonquière, mais je sentais qu'il commençait à pleurer, donc je vais le laisser tranquille.

Alors, écoutez, chers collègues, évidemment, le projet de loi n° 12, nous sommes en faveur du principe. Ça participe d'une tendance mondiale de favoriser les économies locales. La COVID nous a montré à quel point on est dépendants des marchés internationaux. On se rappelle à quel point on avait peur de manquer de médicaments, de manquer de tout, et il ne faut pas revivre ça.

Maintenant, les bonnes intentions, c'est bien, les actions, c'est mieux. Il faut sortir aussi des slogans. Je veux dire à quel point... Quelle est la marge de manoeuvre du Québec pour atteindre les objectifs avec les accords internationaux qui ont été signés? On dit qu'on n'a pas le choix, mais ils ont été signés. Nous nous sommes lié les mains à travers les années. C'est une tendance depuis les années 80 qui a fait qu'on a cette dépendance-là.

Donc, j'ai très, très hâte de voir à quel point on va pouvoir aller au-delà des slogans avec ce projet de loi n° 12. Je n'ai plus de temps. Donc, on va avoir l'occasion d'en... je vais avoir l'occasion d'en parler plus longtemps, et j'ai très, très hâte d'entendre les intervenants qui vont venir en commission. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Merci. Je ne m'attendais pas à avoir ces bons mots des collègues. Je les remercie, notamment le député de Mont-Royal qui a été élu en même temps que moi. Alors, on aura l'occasion d'en reparler sûrement, mais je veux intervenir sur le projet de loi n° 12. Avec le peu de temps que j'aie, un mot : Écoconditionnalité. Conditions écologiques. Je suis retourné dans un article de La Presse, à la suite... je pense, c'était à l'étude des crédits, le 30 mars 2021, où nous avions eu l'occasion d'échanger là-dessus, la ministre et moi, et elle s'était engagée à imposer des critères écologiques contraignants pour les appels d'offres.

L'enjeu de la crise climatique ne peut pas faire autrement que d'apparaître dans les critères d'acquisition du gouvernement dans les politiques d'acquisition. Alors, la ministre parle de la recherche d'un développement durable. Je lui dis tout de suite, ce sera insuffisant. Il va falloir avoir des critères beaucoup plus contraignants et beaucoup plus obligatoires, je ne sais pas si ça peut se dire comme ça, quant aux politiques d'acquisition dans une optique de grille d'analyse climatique, de test de climat. Et, s'il y a une institution, au Québec, qui doit être exemplaire à cet égard, c'est le gouvernement du Québec, qui doit donner l'ordre de marche en matière d'acquisition écologique. Et j'avise la ministre qu'on va avoir clairement des amendements là-dessus. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, cher collègue. Alors, nous en sommes maintenant à l'étape des auditions et nous commençons par recevoir des représentants de l'Autorité des marchés financiers. M. Trudel, bonjour.

M. Trudel (Yves) : Bonjour.

Le Président (M. Simard) : Bienvenue parmi nous. Vous êtes un habitué, mais néanmoins auriez-vous l'amabilité de vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne?

M. Trudel (Yves) : Bien sûr. Une petite correction, nous sommes de l'Autorité des marchés publics, et non pas financiers.

Le Président (M. Simard) : Bien, excusez-moi, voyons. Bien oui.

M. Trudel (Yves) : Mon nom est Yves Trudel. Je suis le président-directeur général de l'Autorité des marchés publics.

Mme Hamel (Chantal) : Alors, je suis Chantal Hamel, je suis la directrice de l'admissibilité et du soutien juridique à l'Autorité des marchés publics.

Le Président (M. Simard) : ...vous disposez de 10 minutes.

M. Trudel (Yves) : Merci. Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, il me fait plaisir de m'adresser à vous dans le cadre des consultations particulières du projet de loi n° 12.

D'emblée, je tiens à vous préciser que l'Autorité des marchés publics est favorable aux dispositions du projet de loi concernant plus spécifiquement l'intégrité des marchés publics. Par cette allocution, je vais vous énoncer dans quelle mesure ces changements législatifs sont non seulement pertinents et essentiels, mais comment l'AMP profitera de ces modifications pour accroître son rôle de surveillance des marchés publics. Par ces changements, le Québec continue de se donner les moyens nécessaires pour favoriser l'équité, la transparence et la saine concurrence dans les marchés publics.

Dès que nous avons entrepris nos activités en 2019, nous nous sommes aperçus des limites de nos pouvoirs qui nous empêchent de répondre entièrement à notre mission de surveillance des marchés publics.

Un comité de travail auquel a participé l'AMP et le Secrétariat du Conseil du trésor a profité de la <volonté...

M. Trudel (Yves) : ...la >volonté ministérielle de revoir la Loi sur les contrats des organismes publics et la Loi sur l'Autorité des marchés publics, également de notre expérience vécue sur le terrain depuis 2019, en plus des échanges avec plusieurs de nos partenaires, dont l'Unité permanente anticorruption.

Nos commentaires devant cette commission, aujourd'hui, porteront sur quatre éléments spécifiques du projet de loi, soit l'élargissement des pouvoirs de l'AMP, la déclaration d'intégrité des entreprises, le rapatriement des activités de vérification de l'intégrité menées par l'UPAC et les sanctions administratives pécuniaires.

Au regard de l'élargissement des pouvoirs de l'AMP. La Loi concernant l'accélération de certains projets d'infrastructure a conféré à l'AMP des pouvoirs additionnels lui permettant de faire des vérifications et des enquêtes sur l'ensemble des projets identifiés à l'annexe I de la loi. Un peu plus d'un an depuis que l'AMP dispose de ces nouveaux pouvoirs, nous avons été à même de constater à quel point ceux-ci seraient pertinents pour tous les autres projets pour lesquels les fonds publics sont investis. C'était d'ailleurs l'essence de notre positionnement, devant les membres de cette même commission, alors que nous souhaitions, par souci de cohérence, que ces pouvoirs soient étendus à l'ensemble des contrats publics.

L'expérience de la dernière année a démontré comment le fait d'être présent sur les chantiers fait en sorte de nous alimenter et de nous permettre d'exécuter notre travail de surveillance comme il se doit.

Concrètement, ces pouvoirs, dans le cadre du p.l. n° 12, nous permettraient : d'effectuer une veille des sous-contrats publics en plus de celle des contrats publics, de requérir des documents et des renseignements des soumissionnaires, des contractants et des sous-contractants, en plus de faire... en plus de pouvoir le faire auprès des organismes publics, d'enquêter de notre propre initiative, sans avoir l'obligation de constater des manquements répétés, afin de s'assurer que l'organisme public agit en conformité avec le cadre normatif et de rendre de nouvelles ordonnances, notamment d'exiger que l'organisme public surveille adéquatement l'exécution d'un contrat et en présence d'un manquement grave, de suspendre ou de résilier un contrat public.

• (10 h 10) •

Concernant la déclaration d'intégrité des entreprises, advenant l'adoption du projet de loi, les entreprises auraient l'obligation d'attester de leur intégrité avant de conclure un contrat public, peu importe la valeur ou la nature du contrat, qu'il s'agisse d'un contrat de service, d'un contrat de construction ou d'approvisionnement.

Cette mesure n'aurait pas pour effet de remplacer les autorisations nécessaires pour toute entreprise souhaitant obtenir un contrat public dont la valeur est égale ou supérieure aux seuils prévus à la LCOP, mais constituerait un levier additionnel à notre disposition pour s'assurer de l'intégrité des entreprises qui obtiennent des contrats publics.

Il faut savoir que les entreprises dans le secteur des approvisionnements n'ont pas à obtenir d'autorisation de contracter, peu importe la valeur des contrats, et ne font donc l'objet d'aucune vérification d'intégrité malgré l'importance que ce secteur représente au chapitre des marchés publics.

Avec le p.l. n° 12, l'AMP pourrait imposer des mesures correctrices d'accompagnement ou de surveillance. Toute entreprise dans les secteurs des services, de la construction ou de l'approvisionnement qui ferait défaut de respecter son engagement s'exposerait à une inscription au Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics pour une période de cinq ans.    Cette mesure découle du fait que nous nous retrouvons parfois avec des entreprises qui soumissionnent sur des contrats sous les seuils visés par une autorisation de contracter et qui échappent ainsi à toute vérification.

Avec la loi actuelle, à moins d'être reconnue coupable d'une infraction prévue à l'annexe I de la LCOP — ce qui occasionne une inscription automatique au RENA — nous ne pouvons empêcher une entreprise d'obtenir des contrats publics sous les seuils d'autorisation prévus à la LCOP.

Nous pourrions également contraindre une entreprise ou un administrateur à nous fournir tout document ou renseignement permettant de vérifier l'intégrité de l'entreprise et de ses dirigeants.

En ce qui concerne les autorisations de contracter, nous estimons que la durée de validité qui serait prolongée de trois à cinq ans est aussi une excellente mesure qui réduirait d'emblée le fardeau administratif des entreprises. Je vous rassure à l'effet que cette mesure n'aura pas pour conséquence de négliger les vérifications. Au contraire, les nouvelles dispositions feraient plutôt en sorte que les vérifications d'intégrité seraient effectuées en continu, sur une base ponctuelle et annuelle.

L'AMP pourra donc investir encore plus d'efforts dans ses interventions sur le terrain plutôt qu'en gestion administrative de dossiers.

Fait <important...

M. Trudel (Yves) : ...Fait >important à porter à votre attention, nous avons identifié, jusqu'à maintenant, plus de 1 300 entreprises qui ont retiré leur demande d'autorisation après l'avoir déposée auprès de l'AMP, évitant ainsi de se soumettre aux vérifications d'intégrité. Nous constatons que plusieurs d'entre elles obtiennent tout de même des contrats publics sous les seuils d'autorisation.

Nous estimons que les mesures d'intégrité qui sont prévues au p.l. n° 12 feraient en sorte d'assainir le marché. Elles favoriseraient ainsi les entreprises intègres qui méritent d'obtenir des contrats publics.

En ce qui concerne le rapatriement des activités de vérification de l'intégrité menées par l'UPAC, soulignons que, dans le cadre de ses responsabilités au regard de l'admissibilité des entreprises aux marchés publics, l'AMP est impliquée au tout début du processus pour recueillir les informations nécessaires et pour constituer le dossier de l'entreprise qui effectue une demande d'autorisation ou de renouvellement.

Ce dossier est ensuite soumis à l'UPAC, qui effectue des vérifications d'intégrité auprès des différents partenaires, tels la Régie du bâtiment du Québec, la Sûreté du Québec, Revenu Québec et la Commission de la construction du Québec. Suivant cette analyse, l'UPAC retransmet un avis à l'AMP, qui doit alors rendre sa décision d'autoriser ou de refuser la demande.

Nous estimons qu'en rapatriant cette activité à l'AMP, cela permettrait d'améliorer l'efficacité et l'efficience des différentes étapes d'analyse d'un dossier puisqu'il sera assumé du début jusqu'à la fin par l'AMP.

Cela éviterait aux entreprises de devoir échanger avec deux agences différentes et réduirait également les délais de traitement des demandes d'autorisation et de renouvellement.

Étant l'organisme qui prend la décision finale, l'imputabilité d'une telle décision serait donc entièrement assumée par notre organisation.

La sanction du p.l. n° 12 répondrait également à la recommandation 29 du rapport du comité consultatif sur les réalités policières du 25 mai 2021, qui stipulait, et je cite, de «confier à l'Autorité des marchés publics la responsabilité d'évaluer la probité des entreprises faisant affaire avec le secteur public.»

En ce qui concerne les sanctions administratives pécuniaires, nous y voyons des bénéfices permettant de renforcer davantage le régime d'intégrité. Par ce projet de loi, les sanctions pourraient être imposées dès qu'il y a un manquement, ce qui aurait pour conséquence de constituer un incitatif à respecter les règles établies et à se conformer aux dispositions de la LCOP.       Mentionnons également que l'AMP tiendra un registre public des entreprises sanctionnées, ce qui constituerait, encore une fois, une mesure de dissuasion.

Ce projet de loi viendrait d'ailleurs renforcer le principe de transparence auquel nous adhérons et que nous prônons puisque ce registre contiendrait des informations accessibles sur notre site Web.

En conclusion, l'AMP estime que l'adoption de ce projet de loi permettrait de renforcer et de rehausser la qualité du régime d'intégrité des marchés publics au Québec. La population est d'ailleurs en droit de s'attendre à ce que l'argent qu'elle verse en taxes et en impôts soit investi de la meilleure façon possible pour des services et des infrastructures publics. Elle permettrait également de donner à l'AMP les moyens additionnels lui permettant de réaliser sa mission et d'assurer la transparence, l'équité et la saine concurrence dans les marchés publics. Elle permettrait également d'élargir ses pouvoirs de surveillance et d'intervention, tant en matière de surveillance... de surveillance des marchés publics.

L'AMP entend donc continuer à jouer pleinement son rôle de surveillance des marchés publics et n'hésite pas à intervenir dans toute situation où le cadre normatif ou les règles contractuelles n'apparaissent pas avoir été respectés.

Soyez assurés que tout notre personnel est investi, mobilisé et déterminé à réaliser la mission de l'AMP. Équité, transparence, saine concurrence demeurent nos principes fondamentaux.

Nous sommes maintenant disponibles à répondre à vos questions. Merci de votre attention.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. Trudel. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre. Et votre groupe parlementaire dispose de 16 min 30 s.

Mme LeBel : O.K., merci. On va essayer d'en faire bon usage, M. le Président. Alors, merci, M. Trudel, merci, Mme Hamel, d'être présents. On a eu l'occasion, d'ailleurs, depuis mon arrivée au Trésor, d'avoir quelques discussions sur l'AMP et ses pouvoirs, particulièrement dans le cadre du projet de loi n° 66, qui est maintenant une loi, qui est la loi sur l'accélération de certains projets d'infrastructure, où il était fort important, pour notre gouvernement, pour moi, d'accélérer des processus mais d'avoir un contrepoids à ça, c'est-à-dire le pouvoir de surveillance de l'AMP.

On a eu <beaucoup...

Mme LeBel : ...on a eu >beaucoup de discussions, à l'époque, sur la pertinence d'étendre ou non. Et vous conviendrez que, dans le cadre du projet de loi n° 66, au moment où on se parle, on a quand même fait un grand bout de chemin, hein? Si je ne me trompe pas, ce sont tous les projets du PQI maintenant, du Plan québécois des infrastructures, qui sont soumis à votre autorité. Est-ce que vous considérez que le bout de chemin supplémentaire, présentement, qu'on fait avec le p.l. n° 12... en bon français, est-ce qu'on finit le travail pour s'assurer que vous avez le regard sur l'ensemble des contrats publics qui sont donnés par le gouvernement?

M. Trudel (Yves) : Tout à fait. À l'image de ce que... des pouvoirs que nous avons obtenus, eu égard au projet de loi... à la loi accélérant certains projets d'infrastructure, ce qui est prévu au projet de loi actuel, en plus des pouvoirs d'enquête, nous permettrait d'enquêter sur toute, toute question se rapportant à notre mission. C'est un grand changement dans ce projet de loi là. Parce qu'au-delà des pouvoirs d'enquête il y a également tout le pouvoir d'enquêter sur l'intégrité des entreprises faisant affaire avec le secteur public. Et ça, c'est très important.

Si je pouvais donner l'exemple de ce que ça nous aura donné, les pouvoirs additionnels dans le p.l. n° 66, depuis novembre 2019, le mandat... le gouvernement nous a mandatés pour faire un examen de gestion contractuelle au ministère des Transports du Québec, avec les pouvoirs de la loi actuelle que nous avons au niveau de la Loi sur l'Autorité des marchés publics. Nous avions fait des plans de travail et, suivant la sanction du projet de loi n° 66, donc la Loi accélérant certains projets d'infrastructure, qui nous donnait des pouvoirs additionnels, nous avons identifié, à l'annexe I, tous les projets visés dans la loi qui doivent être exécutés par le MTQ. Ça nous a permis de modifier notre plan de travail et se servir plutôt des pouvoirs qui nous sont...qu'ils nous ont été accordés dans le p.l. n° 66 pour faire notre travail d'examen de gestion contractuelle au niveau du MTQ.

Mme LeBel : Ça, ça couvre, si je ne me trompe pas, parce qu'on pourra en parler par la suite, là, quand on parle de l'autorisation de contracter, là, qui se fait au-dessus de certains seuils, on le comprend, mais ce que vous venez de dire, ça couvre tout contrat, que ce soit des contrats qui soient visés par une entreprise qui doit avoir une autorisation de contracter ou non à ce moment-là. Donc, vous avez un regard supplémentaire aussi sur ces entreprises-là, ces contrats-là.

M. Trudel (Yves) : Sur les processus de contrats, oui, tout à fait, même en bas des seuils, nous avons des pouvoirs additionnels, effectivement, de vérifier et d'enquêter.

• (10 h 20) •

Mme LeBel : O.K. Très important, je pense, vous l'avez mentionné, l'intégrité des entreprises est aussi importante que l'intégrité du processus qui contracte. Donc, il y a plusieurs... il y a deux choses, je pense, particulières pour lesquelles je veux... vous avez pris la peine de les mentionner dans votre déclaration d'ouverture, dans votre présentation, mais je pense que c'est important pour les Québécois d'illustrer un peu plus qu'est-ce que ça veut dire puis qu'est-ce que ça comporte. Et on va parler de deux choses : il y a la déclaration d'intégrité des entreprises, qui est nouvelle dans le cadre du projet de loi, et l'autorisation de contracter, où on fait certaines modifications aussi.

Commençons peut-être par l'autorisation de contracter qui existe déjà. On ira à la prolongation au préalable, mais je comprends qu'également on prend une portion présentement des... Le processus est une chaîne. Une portion de la chaîne, présentement, est entre les mains de l'UPAC. Si je comprends bien, on se propose de rapatrier ça à votre niveau parce que la décision finale, si je comprends bien, appartient à l'Autorité des marchés publics. Donc, peut-être nous expliquer le processus. Qu'est-ce qui était fait à l'UPAC? Qu'est-ce qui sera fait maintenant chez vous? Et pourquoi c'est une bonne chose de le faire?

M. Trudel (Yves) : Oui. Alors, le processus actuel fait en sorte qu'à l'Autorité des marchés publics nous accueillons la demande d'une entreprise qui souhaite contracter avec le secteur public au-delà des seuils prévus par la LCOP, soit 1 million pour les contrats de service et 5 millions pour les contrats de construction. Donc, nous accueillons la demande, nous recueillons les documents utiles à la vérification d'intégrité et à l'obtention de l'autorisation et/ou du renouvellement, le cas échéant, et nous accompagnons l'entreprise, parce que ça prend un certain temps avant de recueillir toute l'information des entreprises. Donc, nous accompagnons également l'entreprise pour l'aider à documenter son dossier. Quand le dossier est complet, nous soumettons la demande pour des vérifications d'intégrité à l'UPAC — qui eux, comme je l'ai dit dans mon allocution, s'adressent à différents partenaires — pour s'assurer de l'intégrité de l'entreprise qu'elle doive vérifier. Par la suite, l'UPAC en fait une analyse et nous retransmet un avis qui sera soit favorable soit défavorable pour autoriser ou non une entreprise. Lorsque l'avis est défavorable, nous devons, c'est une question d'équité procédurale, agir par préavis de refus auprès de l'entreprise, et donc nous <posons...

M. Trudel (Yves) : ...donc nous >posons des questions additionnelles à l'entreprise, qui répond à nos questions, et nous analysons les réponses, et nous décidons d'émettre ou ne pas émettre l'autorisation de contracter dans le secteur public, au-delà des seuils.

Mme LeBel : O.K. Donc là, présentement, ce qu'on se propose dans le projet de loi n° 12, s'il est adopté, c'est de prendre toute la portion d'analyse du dossier et d'avis et de vous remettre ça entre les mains pour que, maintenant, l'AMP ait tout le contrôle du processus, «contrôle» est peut-être un mot fort, mais tout le processus entre les mains, de la demande à l'autorisation en passant par la vérification. C'est exact?

M. Trudel (Yves) : Exact. Par exemple, le Bureau de l'inspecteur général pourrait rendre une décision dans un contrat avec la Ville de Montréal. Je lis le rapport, je lis la décision. Les gens chez nous font ça. Nous analysons tout ça, et là nous devons, en ce moment, communiquer avec l'UPAC pour leur dire : Bien, je t'invite à aller chercher le rapport du Bureau de l'inspecteur général, analyse-le, et fais-moi une vérification d'intégrité, alors que je l'ai déjà lu. On pourrait aller directement. C'est un autre exemple du fait que nous souhaitons que cette activité-là soit rapatriée à l'AMP.

Mme LeBel : Je pense, c'est important de... que les gens comprennent également que ce n'est pas la... puis vous me corrigerez, là, mais je pense que vous le connaissez, l'organisme, assez, ce n'est pas la section Enquêtes policières de l'UPAC qui fait ça, c'est la branche vérification. Donc, c'est important de le mentionner. Est-ce que vous considérez qu'à l'AMP vous avez tous les outils nécessaires pour cette vérification-là? Parce que, dans l'imaginaire populaire, on se dit : L'UPAC est peut-être mieux placée. C'est un corps de police. Peut-être expliquer qu'il y a une différence entre une vérification et une enquête criminelle et que vous... Est-ce que vous pensez que vous avez tous les outils? Puis je pense qu'il reste une section, de toute façon, à l'UPAC, qui est la vérification, là, qui va tout... sur la banque de renseignements policiers, là, auxquels ils ont accès. Donc, peut-être juste démystifier tout ça dans la tête des gens, s'il vous plaît.

M. Trudel (Yves) : Exactement. Donc, lorsque nous transmettons la demande, une fois que le dossier est complété, nous transmettons la demande au commissaire associé aux vérifications. Donc, ce n'est pas au département criminel, mais bien au département de vérification. Et est-ce que nous aurions tous les outils? En fait, le commissaire aux vérifications fait des demandes auprès de différents partenaires, ce que nous pouvons également faire, bien entendu. Et, effectivement, le secteur Vérification de l'UPAC demeurerait en collaboration avec nous, eu égard à une demande d'autorisation, puisque nous leur demanderions les vérifications au niveau des états financiers, s'assurer que les argents ne proviennent pas du blanchiment d'argent et des dossiers criminels des dirigeants et des entreprises.

Mme LeBel : Donc, la section des vérifications, qui est propre à l'UPAC, à sa mission, demeurerait à l'UPAC et deviendrait, eu égard à l'AMP et dans la section Analyse, un partenaire comme les autres auquel vous vous adresseriez pour une fonction particulière, une vérification particulière.

M. Trudel (Yves) : C'est exact, M. le Président.

Mme LeBel : O.K. J'ai eu... Outre le fait que ça semble beaucoup plus pratique, là, d'avoir le contrôle du processus compte tenu que vous êtes celui qui recevez la demande et émettez l'autorisation ou non, là, dépendamment à l'avis, est-ce que vous avez vu certains enjeux, justement, passer par l'UPAC?      Je vais vous donner un exemple très concret. J'ai eu à quelques reprises, comme présidente du Conseil du trésor, à autoriser, là, des prolongations de contrat pendant que la vérification était en cours, alors que la demande était faite. Est-ce que vous avez constaté qu'il y avait peut-être, justement, une question d'efficacité du processus? Et l'idée, ce n'est pas de jeter le blâme, là, c'est de faire un constat et de voir si vous pensez que ça sera plus efficace, là. Est-ce qu'on va avoir plus de délais, finalement? C'est ça, ma question.

M. Trudel (Yves) : En fait, l'enjeu est autour des délais. Effectivement, vous avez à rendre certaines dérogations. Nous avons des échanges réguliers avec des entrepreneurs qui considèrent que les délais sont beaucoup trop longs et nous pensons qu'en rapatriant l'activité on pourra être plus en continu. Pendant qu'on reçoit la demande, qu'on attend la documentation, qu'on accompagne l'entreprise, on pourrait déjà amorcer les délais de vérification. Donc, les délais commenceraient à la réception. Nous pourrions déjà analyser sur sources ouvertes s'il y a des problématiques d'intégrité avec l'entreprise. Un enquêteur pourrait se déplacer pour aller poser des questions utiles pendant le processus, alors que maintenant... Nous avons toute la documentation. Parfois, il y a des... certaines corporations qui ont des structures corporatives très importantes. Nous pourrions déjà amorcer le volet Vérification d'intégrité sur la structure corporative. En ce moment, on attend ces documents-là. On les transmet, et, une fois transmis, la vérification d'intégrité commence lorsqu'un analyste à l'UPAC a été assigné au dossier. Ça prend un certain temps, donc il y a un délai additionnel très important.

Mme LeBel : Et, entre autres, je vais rentrer peut-être dans une autre modalité, le fait d'augmenter... de prolonger la durée de validité des autorisations de contracter de trois à cinq ans. À prime abord, encore une fois, ça pourrait sembler inquiétant. On est... On <autorise...

Mme LeBel : ...On est... On >autorise pour cinq ans, beaucoup de choses peuvent se passer en cinq ans. Vous avez dit : Je tiens à vous rassurer, dans votre allocution. Peut-être, détaillez encore plus. Qu'est-ce que ça implique et pourquoi c'est une bonne chose, finalement, de le faire, là, en plus de rapatrier, là, des analyses chez vous?

M. Trudel (Yves) : C'est que présentement, avec la loi actuelle, c'est trois ans, comme vous le savez, et c'est au bout de trois ans que recommencent, lors de la demande de renouvellement, les vérifications d'intégrité. Avec le projet de loi actuel, les vérifications d'intégrité seraient menées en continu, entre autres, de façon ponctuelle. Donc, s'il y a un changement de structure important pendant l'année, l'entreprise aura l'obligation de nous en informer. Par la suite, il y aura une déclaration annuelle, ce qui fait qu'à toutes les années on pourra connaître les changements qui auront eu lieu dans l'entreprise, parce qu'ils vont nous en informer par une déclaration annuelle, et mener les vérifications d'intégrité, le cas échéant. Donc, c'est un avantage qu'il y a au projet de loi actuellement autant pour l'entrepreneur que pour nous en termes de vérification d'intégrité.

Mme LeBel : Merci. Bon, M. le Président, mon collègue le député de Saint-Jérôme aurait peut-être une question sur cet enjeu-là. Je peux peut-être ouvrir une parenthèse et, si vous permettez, s'il reste du temps, je reviendrai sur un autre aspect à la suite.

Le Président (M. Simard) : Avec plaisir. M. le député de Saint-Jérôme.

M. Chassin :Merci, M. le Président. Merci, Mme la ministre, et merci à vous de votre présentation. Je trouve ça très intéressant de vous sentir sensibles et préoccupés par les délais et par la complexité pour les entreprises d'obtenir l'autorisation. Puis là, dans le fond, effectivement, on parle justement d'un processus qui est amélioré, qui est notamment en continu. Est-ce que... est-ce que... dans le fond, je crois comprendre que votre préoccupation, pour que ce soit le plus simple possible, notamment pour des entreprises qui auraient peut-être tendance à ne pas aller chercher l'autorisation parce que c'est compliqué... Est-ce que vous diriez que, dans le fond, que ça limite la concurrence, qu'au contraire vous avez cette intention de simplifier, dans le fond, le processus pour les entreprises pour que le maximum puisse se qualifier et appliquer, donc, sur, par exemple, les appels d'offres et maximiser la concurrence? Est-ce que c'est ça, la préoccupation de l'AMP?

M. Trudel (Yves) : À l'AMP, évidemment, notre plus grande préoccupation, ce sont nos principes fondamentaux. C'est la transparence, la saine concurrence et l'équité. Effectivement, l'équité, bien, ça passe par les autorisations. Donc, c'est important de les avoir actuellement au-delà des seuils. Et, oui, notre objectif est de simplifier le plus possible tout le processus de demande d'autorisation ou de renouvellement.

M. Chassin :Et spécifiquement sur les... Dans le fond, le suivi, la déclaration annuelle en quelque sorte, est-ce que ça va être simple à remplir? Autrement dit, si je n'ai pas de changement dans ma structure, j'imagine que ça ne prendra pas une demi-journée.

M. Trudel (Yves) : Tout à fait. Bien, c'est ce que nous sommes en train de regarder. C'est de rendre ça le plus simple possible s'il n'y a pas de changement dans la structure. S'il y en avait en cours d'année qui sont importants, bien, ponctuellement, ils doivent nous les déclarer, devraient nous les déclarer et annuellement, par une déclaration qui pourrait être simple, effectivement, bien, nous en informer. Puis c'est ce qui nous permettrait, à chaque année, de faire les vérifications, donc en continu.

M. Chassin :Bon. Bien, merci beaucoup.

Mme LeBel : Merci. Peut-être juste compléter sur mon collègue. Dans votre principe de saine transparence... de saine concurrence, pardon, je lis en filigrane le mot «intégrité de la concurrence», «intégrité des marchés publics». Donc, je comprends de vos propos... parce que c'est à votre demande, hein, cette prolongation-là de délai. Donc, je comprends de vos propos, ce que vous ne dites, ce n'est pas que la simplification ne viendra pas... ne viendra pas limiter l'intégrité ou notre possibilité de vérifier, là, on va... on contrebalance les deux objectifs.

M. Trudel (Yves) : Tout à fait.

Mme LeBel : O.K. Peut être y aller sur... pendant qu'il reste... Il reste peu de temps, mais je veux vous entendre sur la déclaration d'intégrité des entreprises, qui est fort différente de l'autorisation de contracter, vous l'avez dit. En quoi vous pensez que c'est une plus-value dans l'ajout qu'on vient de faire, là?

M. Trudel (Yves) : En fait, deux choses. La première, c'est que ça vise également les contrats en approvisionnement, donc l'intégrité des entreprises qui donnent des biens, fournissent des biens. Donc, un volet très important. Et, par ce projet de loi là, nous pourrions vérifier l'intégrité de toutes les entreprises qui contractent avec le secteur public, peu importe la valeur du contrat. En ce moment, c'est seulement au-dessus des seuils, donc 1 million, 5 millions. Avec le projet de loi, s'ils étaient sanctionnés, nous aurions donc la possibilité de vérifier l'intégrité de l'ensemble des entreprises qui font affaire avec l'État ou une municipalité.

Mme LeBel : Et, peut-être rapidement, en quoi est-ce que c'est différent de l'autorisation de contracter? Est-ce que c'est des vérifications différentes? Est-ce que c'est un pouvoir plus large? Qu'est-ce que ça vous donne comme possibilité? Parce que certaines vont avoir aussi l'autorisation de contracter, là, il va y avoir un chevauchement des fois des deux mesures, là.

• (10 h 30) •

M. Trudel (Yves) : En fait, ce que ça... ce que ça permet, c'est les mêmes pouvoirs de vérification, eu égard aux demandes d'autorisation. Donc, il n'y a pas de pouvoir élargi...


 
 

10 h 30 (version révisée)

M. Trudel (Yves) : ...élargi, on utiliserait les mêmes pouvoirs d'enquête avec les mêmes barèmes d'intégrité, si vous voulez. Et ça fait juste que l'ensemble des entreprises seraient soumises à une vérification d'intégrité, le cas échéant. Et ce n'est pas en amont — je m'excuse — ce n'est pas un amont. C'est important de retenir. C'est qu'en ce moment ils devraient se déclarer intègres, donc devraient compléter un formulaire, j'imagine, qui sera fait par nos collègues du Conseil du trésor, qui sera élaboré par eux, et se déclarer intègres d'emblée, ce qui nous permettrait, par une veille, de déterminer s'ils le sont ou ils ne le sont pas.

Mme LeBel : O.K., mais ça pourrait se faire en continu, également, là?

M. Trudel (Yves) : Tout à fait. Et, si les entreprises ne le sont pas ou leurs dirigeants ne le sont pas, l'avantage, avec le projet de loi actuel, c'est que nous pourrions imposer des mesures correctrices, des mesures d'accompagnement et des mesures de surveillance à ces entreprises-là. Et, comme je l'ai mentionné, s'ils ne se conforment pas aux mesures correctrices, il tombera au RENA.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. Trudel.

Mme LeBel : Merci.

Le Président (M. Simard) : M. le député de Mont-Royal—Outremont.

M. Arcand : Merci beaucoup, M. le Président. M. Trudel, également Mme Hamel, bienvenue parmi nous aujourd'hui. Votre mémoire est très... il y a beaucoup de louanges, dans votre mémoire, envers le projet de loi. Est-ce qu'il y a des choses que vous auriez aimé avoir que vous n'avez pas eues, dans ce projet de loi?

M. Trudel (Yves) : Non. Je dois vous dire que, dans le projet de loi actuel... le projet de loi actuel nous permettrait de répondre à notre mission à 100 %, ce qui n'est pas le cas actuellement avec la loi que nous avons.

M. Arcand : O.K. Est-ce que... Vous comprenez, je pense, que l'une des craintes que nous avons, nous, c'est que... On veut bien qu'on augmente la mission, que ça va augmenter le nombre... l'importance au niveau du travail. Peut-être qu'une des personnes importantes, en plus de la ministre, c'est peut-être le ministre des Finances, qui, la semaine prochaine, va présenter un budget. Est-ce que vous avez fait des demandes d'ajustement? Parce que ce qu'on considère, c'est que c'est une charge de travail plus importante pour l'autorité. Est-ce que vous avez fait des demandes en ce sens-là? Est-ce que vous vous attendez à une augmentation de votre budget total?

M. Trudel (Yves) : Alors, M. le Président, nous allons définitivement faire des demandes.

M. Arcand : Bien, dépêchez-vous, là, parce qu'il reste une semaine.

M. Trudel (Yves) : Elles n'ont pas encore été adressées. Nous sommes présentement dans un processus d'optimisation, nous regardons ce que nous pouvons faire de façon... des choses de façon différente. On ne connaît pas encore entièrement le processus puis la méthodologie utilisée par nos collègues de l'UPAC, si jamais le projet de loi était sanctionné et donc que nous rapatrierions cette activité-là. Il y a des comités de travail qui commencent dès vendredi pour voir comment on peut optimiser le processus.

Je suis à revoir, présentement, ma structure. On regarde où est-ce qu'on aura des besoins, et, oui, il y aura des besoins qui seront adressés. Mais le volet optimisation, ce n'est quand même pas rien. Parce que, je vous donne un exemple, au niveau des enquêtes, à mon arrivée, on a mis beaucoup d'efforts, pendant le processus d'appel d'offres, donc nous sommes très en amont. Ce que ça permet de faire, cette optimisation-là, ça nous permet de ne pas faire d'enquêtes, de ne pas mettre d'efforts en termes juridiques, et, moi, de ne pas rendre une décision publique. Donc, ces efforts-là sont plutôt mis en amont, ce qui nous permet de réguler la situation en temps opportun.

Et ça, c'est important parce que... On pourrait demander plein de monde, mais, si on ne regarde pas pour optimiser comment nous effectuons notre travail, on passe souvent à côté de volets super importants. Évidemment, en régulant la situation pendant le processus, on ouvre les marchés à la concurrence et on rend ça plus équitable, donc ça fait... Et ça, écoutez, je vous dirais que deux fois par semaine, on intervient au niveau d'un processus, et le processus... et le ministère ou l'organisme en question corrigent le tir. C'est quand même beaucoup, deux fois par semaine, ce qui nous permet de revoir notre structure.

Ça va nous prendre des gens, là, définitivement. Mais on est plus en train de regarder, en ce moment, comment on pourra optimiser davantage, et la méthodologie utilisée par l'UPAC.

L'avantage également, c'est qu'on a des partenaires avec qui nous travaillons de façon très étroite, c'est... Entre autres, avec le p.l. n° 66, nous effectuons beaucoup de visites de chantiers, mais nous le faisons avec des partenaires qui ont aussi de l'intérêt dans les marchés publics.

M. Arcand : O.K. Si j'avais à vous demander, parallèlement à ça : Est-ce que... au niveau des effectifs, par exemple, est-ce que vous avez une idée, d'abord, vous avez combien d'effectifs, actuellement?

M. Trudel (Yves) : Présentement, 167 postes <autorisés...

M. Arcand : ...par exemple, est-ce que vous avez une idée, d'abord, vous avez combien d'effectifs, actuellement?

M. Trudel (Yves) : Présentement, 167 postes >autorisés, puis je dépasse un petit peu.

M. Arcand : Et est-ce que vous avez une idée de ce que vous pouvez prévoir, disons, d'ici les trois prochaines années, si ce projet de loi là est adopté?

M. Trudel (Yves) : En fait, comme je vous disais, nous sommes à le regarder, donc on est en train de revoir la structure. Je dirais que, dans les prochaines semaines, j'aurai une idée du nombre d'effectifs requis pour accomplir toute ma mission, si jamais le projet de loi était sanctionné.

M. Arcand : Mais vous êtes d'accord pour dire que ça va prendre une augmentation, quand même, des effectifs, pour remplir votre mission d'ici les prochaines années?

M. Trudel (Yves) : Absolument, M. le Président.

M. Arcand : O.K., mais, pour l'instant, vous ne savez pas exactement de quoi on parle à ce niveau-là?

M. Trudel (Yves) : On n'a pas terminé l'analyse encore, mais ce sera fait dans les prochaines semaines, tout à fait.

M. Arcand : O.K. Vous dites également qu'il y a 1 300 entreprises qui se sont retirées de la vérification de l'Autorité des marchés publics, mais elles ont quand même accès à des contrats. Combien de cas, dans le passé, ces entreprises-là ont été sanctionnées sous les seuils... qu'on a eu sous les seuils, là? Des entreprises qui ont été sanctionnées, est-ce qu'il y en a eu beaucoup?

M. Trudel (Yves) : Sous les seuils, on ne peut pas sanctionner les entreprises, en ce moment.

• (10 h 40) •

M. Arcand : Non, non, mais qui auraient été sanctionnées, disons?

M. Trudel (Yves) : Non. Je comprends. Non, puisqu'il n'y a pas de vérifications d'intégrité qui sont effectuées lorsque les entreprises ne demandent pas d'autorisation, parce qu'elles n'ont pas l'obligation de le faire. C'est ça, notre constat. Et on ne dit pas qu'ils ne sont pas intègres, on fait juste dire qu'ils se privent de contrats qui m'apparaissent intéressants et qu'ils n'ont donc pas eu à subir une vérification d'intégrité. Par contre, elles contractent quand même sous les seuils.

M. Arcand : C'est ça. Et est-ce que, dans les différentes mesures qu'il y a dans le projet de loi et dans ce que vous avez fait au cours, disons, de la dernière année... est-ce qu'au niveau des entreprises il y a eu beaucoup de résistance à certaines choses? Tu sais, je vais vous donner un exemple, là, les sanctions administratives pécuniaires qui sont rendues publiques, est-ce que c'est quelque chose que les entreprises... peuvent avoir certaines réticences? Parce que quelqu'un peut avoir fait une erreur, et puis il dit : Bon, vous êtes en train de nuire à ma réputation, parce que c'est rendu public, etc. Est-ce qu'il y a des... y a-tu des choses dans ça qui démontrent une certaine résistance de la part des entreprises?

M. Trudel (Yves) : Bien, ce qui est important, c'est, premièrement, en ce moment, il n'y a pas de sanctions administratives pécuniaires. Mais en plus, pour répondre à l'inquiétude que pourrait avoir une entreprise, tel que vous le soulevez, l'avantage avec le projet de loi actuel, s'il était sanctionné, c'est que l'AMP, nous aurions discrétion pour émettre ou non une sanction pécuniaire en fonction du manquement. Donc, si c'était une erreur, par exemple, et que l'entreprise nous expliquait son erreur, je ne serais pas très, très porté à émettre une sanction pécuniaire, à ce moment-là.

M. Arcand : C'est ça. Mais moi, je me rappelle, parce qu'en 2010 on avait fait... à un moment donné, on avait introduit cette notion-là de sanction administrative pécuniaire en matière d'environnement, et il y avait différents niveaux, là, il avait été établi, à l'époque, un certain nombre de niveaux. Si quelqu'un, par exemple, faisait une erreur très faible, bon, c'était vraiment minime, etc. Est-ce qu'il y a différents niveaux, de votre côté?

M. Trudel (Yves) : Il y aura définitivement différents niveaux de prévus. Et je dois vous dire qu'en ce moment même nos équipes de juristes, avec les équipes du Secrétariat du Conseil du trésor, travaillent, en ce moment même, à l'élaboration des montants de l'infraction, du manquement. Donc, on est là-dedans présentement.

M. Arcand : Mais donc la décision de rendre ça public va être une décision de l'Autorité des marchés publics, en fonction de l'importance de la faute?

M. Trudel (Yves) : En fait, lorsque nous émettrons une sanction pécuniaire, elle sera rendue publique lorsque nous l'émettrons. En réponse à votre première question, c'est en cas d'inquiétude d'une entreprise de se voir inscrite au Registre des sanctions administratives pécuniaires, sur notre registre, à ce moment-là...

Mme Hamel (Chantal) : ...

M. Trudel (Yves) : C'est ça.

Mme Hamel (Chantal) : ...on va avoir une discrétion. Donc, si d'emblée l'entreprise réussit à nous démontrer qu'elle a commis une erreur, que c'était de bonne foi, bien, l'Autorité des marchés publics n'imposera pas de sanction administrative pécuniaire à cette entreprise-là, le cas échéant.

M. Arcand : Parce que vous savez qu'aujourd'hui, avec les médias sociaux, avec tout ce qui se passe, les réputations... il faut être prudent au niveau de certaines <réputations...

M. Arcand : ... sociaux, avec tout ce qui se passe, les réputations... il faut être prudent au niveau de certaines >réputations, parce qu'on s'aperçoit que quelqu'un peut avoir commis une erreur très mineure et se voir inscrit, etc. Donc, c'est vous qui allez décider si l'infraction est suffisamment importante pour pouvoir inscrire ça publiquement?

M. Trudel (Yves) : Tout à fait. Et notre réflexion a également porté sur les réseaux sociaux. Donc, l'impact que ça pourrait avoir sur une entreprise qui aurait commis une erreur, ça a fait partie de notre réflexion, tout à fait.

M. Arcand : O.K. Sur les délais de traitement des dossiers comme tels, je sais que vous l'avez abordé avec le ministre, vous avez dit : Les délais vont être réduits. J'aimerais que vous me parliez, justement, de ces délais, actuellement, puis ce vers quoi vous allez tendre.

M. Trudel (Yves) : En fait, actuellement, au niveau des demandes d'autorisation et de renouvellement, les délais moyens sont de 368 jours, ce qui fait que c'est beaucoup, donc ça a un impact, non seulement sur l'entreprise qui attend d'obtenir son renouvellement ou son autorisation, mais également sur le donneur d'ouvrage qui, lui, est en appel d'offres, et donc sur la concurrence dans les marchés, même, pour quelqu'un qui attendrait son autorisation. Ce qui fait que la présidente du Conseil du trésor doit, à l'occasion, émettre une dérogation pour que l'entreprise qui n'a pas encore obtenu son autorisation puisse soumissionner sur un contrat public. Donc, les délais sont grands.

Nous pensons que nous arriverions à réduire les délais, comme je l'expliquais tantôt, en commençant la vérification d'intégrité dès la réception d'une demande d'autorisation ou de renouvellement, le cas échéant.

M. Arcand : O.K. Dites-moi, moi, je ne suis pas sûr de bien comprendre encore la nuance que vous faites entre la déclaration, l'autorisation de contracter, etc. Juste que vous me réexpliquiez, il reste 30 secondes, à peu près, là, alors...

Une voix : ...

M. Arcand : 10!

M. Trudel (Yves) : Donc, la loi actuelle prévoit une demande d'autorisation qui est renouvelable aux trois ans, lorsque les contrats sont prévus, en termes de services. Donc, 1 million et plus, c'est prévu à la LCOP et, construction, 5 millions et plus. Ça prend une demande d'autorisation et un renouvellement aux trois ans, le cas échéant.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup. C'était presque 30 secondes, cher collègue. Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présence. Votre mémoire est très éclairant. À la page 5, vous parlez... vous dites que c'est important de réduire les délais administratifs parce que ça va vous permettre d'être, vous, sur le terrain, de prolonger, là, trois à cinq ans. Puis vous dites quelque chose d'inquiétant : qu'il y a 1 300 entreprises qui avaient retiré leur demande d'autorisation parce qu'elles ne voulaient pas faire face à toutes les vérifications. Et vous constatez qu'elles obtiennent quand même des contrats publics sous les seuils d'autorisation. Est-ce que les modifications qui sont faites à la loi, là, avec le projet de loi n° 12, ça va empêcher ça? Est-ce qu'on ne devrait pas revoir les seuils sous lesquels on peut contracter sans avoir de vérification?

M. Trudel (Yves) : En fait, nous considérons que le projet de loi, c'est... la meilleure solution est présentement au projet de loi. De revoir les seuils, ça obligerait qu'on soit en amont dans les vérifications, et ma crainte, peu importe le seuil, c'est qu'il y aura toujours quelqu'un qui va vouloir contracter sous les seuils, donc échapper au volet d'intégration, d'intégrité.

Présentement, peu importe la valeur du contrat, si le projet de loi était sanctionné, nous pourrions intervenir auprès d'une entreprise, si on avait l'information qu'elle n'avait pas l'intégrité utile pour contracter avec l'État. Et ça nous...

Mme Ghazal : ...quand elle est sous les seuils. O.K., je comprends.

M. Trudel (Yves) : Non, nous ne pouvons pas, en ce moment. Et nous pourrions, avec le projet de loi, imposer des mesures correctrices à l'entreprise pour la ramener dans un volet d'intégrité à notre satisfaction.

Mme Ghazal : O.K. Merci. Puis, par rapport aux sanctions administratives et pécuniaires, là, dans le projet de loi, il y a des montants, là, comme d'habitude. Qu'est-ce que vous pensez si ces sanctions-là... qu'est-ce que vous pensez de l'idée si les sanctions étaient proportionnelles aux revenus de l'entreprise, pour que ça ait vraiment un impact, au lieu que ce soient des montants fixes que vous déterminez?

M. Trudel (Yves) : Si vous permettez, Me Hamel pourrait répondre à cette question-là.

Mme Hamel (Chantal) : Oui. En fait, c'est difficile de déterminer les revenus d'entreprise. En fait, ça ferait en sorte qu'il y aurait une charge administrative importante pour faire l'analyse des revenus d'entreprise. Donc, oui, dans le cadre des demandes d'autorisation et des demandes de renouvellement, on demande les états financiers des entreprises, mais il n'en demeure que, dans la vie de l'entreprise, il y a souvent une fluctuation importante. De sorte que l'Autorité des marchés publics serait toujours <obligée...

Mme Hamel (Chantal) : ... fluctuation importante. De sorte que l'Autorité des marchés publics serait toujours >obligée, à chaque fois qu'on veut imposer une sanction administrative pécuniaire, faire des validations qui sont longues et très laborieuses.

Mme Ghazal : Donc, si je dis les revenus... même si c'est, par exemple, basé sur le chiffre d'affaires, admettons, ça serait les mêmes tarifications?

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

Mme Hamel (Chantal) : Bien, en fait, le chiffre d'affaires, c'est un peu difficile. Ce n'est pas parce qu'une entreprise a un gros chiffre d'affaires que, nécessairement, c'est une entreprise qui fait des revenus. Alors, je trouve que la question est très difficile, oui.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci. Merci beaucoup. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci pour votre mémoire et votre présence. Depuis l'adoption du projet de loi n° 66 et des 180 ou 181 projets dans l'annexe, combien de contrats vous avez examinés?

M. Trudel (Yves) : On a examiné, je dirais, au 31 janvier, 400 contrats sur 655 qui sont publiés au SEAO. Donc, a regardé ce qui avait été publié...

M. Gaudreault : Mais ces 400 contrats-là, c'est 400 contrats qui découlent directement du projet de loi n° 66?

M. Trudel (Yves) : Directement du projet de loi n° 66, en plus d'avoir effectué plus de 20, 25 visites chantier, en plus. Donc, ça nous a amenés sur le terrain, c'est ce que le projet de loi nous a donné comme pouvoirs.

M. Gaudreault : Mais 25 sur 400, 25 visites de chantier sur 400, est-ce que c'est une bonne proportion?

M. Trudel (Yves) : C'est très bien, très bien. Et en ce moment, dans le cadre du projet de loi n° 66, c'est important de le dire, on n'a pas reçu de dénonciations puis de plaintes. Les informations, on va les cueillir sur les chantiers. Donc, ça semble assez conforme.

M. Gaudreault : O.K. La Loi sur l'Autorité des marchés publics prévoit, à son article 68, qu'il ne peut pas y avoir de concurrence, si on veut, là, entre l'AMP et le Bureau de l'inspecteur général. Donc, il y a comme un partage des fonctions. Est-ce que le projet de loi n° 12 risque de nous amener dans de la confusion ou un chevauchement dans les fonctions du BIG vers les vôtres? 

• (10 h 50) •

M. Trudel (Yves) : Ah! pas du tout. Donc, le BIG a juridiction sur l'île de Montréal, avec les contrats municipaux de la ville de Montréal. Donc, on laisse au BIG la ville de Montréal, puisqu'elle a juridiction, puis on s'occupe du reste de la province.

M. Gaudreault : Mais il y a quand même des contrats qui peuvent être concomitants, je dirais, là, sur le territoire de la ville de Montréal.

M. Trudel (Yves) : Il y a des entrepreneurs qui font affaire, bien entendu, avec d'autres municipalités et/ou l'État québécois, qui font également affaire sur l'île de Montréal. Et effectivement on s'échange l'information, si jamais il y avait de l'information utile à obtenir ou à donner à nos collègues.

M. Gaudreault : Mais qu'est-ce que va amener de façon différente le projet de loi n° 12 là-dessus?

M. Trudel (Yves) : Au niveau de la ville de Montréal et de notre relation avec le Bureau de l'inspecteur général, aucune différence.

M. Gaudreault : O.K. Maintenant... Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Simard) : Oui, il vous reste 30 secondes, cher collègue.

M. Gaudreault : O.K. Sur les projets de la Caisse de dépôt et placement, est-ce que... il y a quand même beaucoup d'argent et de contrats qui sont accordés, est-ce que vous voudriez avoir compétence là-dessus aussi ?

M. Trudel (Yves) : Présentement, nous n'avons pas juridiction. Puis je vous laisserais le soin, les élus, de débattre, si on devrait avoir ou pas juridiction, je n'ai pas pas d'intérêts ou de l'intérêt, donc je reste neutre dans ça. Je vous laisse à vous le soin de déterminer...

M. Gaudreault : O.K., c'est parce que vous voulez beaucoup de pouvoirs sur plein de choses, mais sur la Caisse de dépôt, non?

M. Trudel (Yves) : En fait, ce n'est pas dans notre juridiction actuellement. Puis je vous laisse le soin de débattre de ce volet-là.

M. Gaudreault : C'est bon. Merci.

Le Président (M. Simard) : Alors, M. Trudel, Mme Hamel, merci beaucoup pour votre présentation très constructive.

Alors, nous allons suspendre nos travaux momentanément, le temps de faire place à nos prochains invités. Et au plaisir de vous revoir parmi nous.

(Suspension de la séance à 12 h 52)

(Reprise à 10 h 56)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous sommes en mesure de reprendre nos travaux. Bienvenue à toutes et à tous.

Nous sommes en présence des représentants de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain ainsi que du groupe Propulsion Québec. Madame, monsieur, bienvenue à vous deux. Vous savez que vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation. Mais, pour les fins de nos travaux, auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter?

M. Leblanc (Michel) :Alors, je suis Michel Leblanc, le président et chef de direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Bonjour.

Mme Houde (Sarah) : Sarah Houde, présidente-directrice générale de Propulsion Québec, la grappe des transports électriques et intelligents du Québec.

Le Président (M. Simard) : Merci d'être là. Nous vous écoutons.

M. Leblanc (Michel) :Alors, d'abord, merci beaucoup de nous accueillir. Vous avez un deux pour un, aujourd'hui. Je vais référer un peu à notre collaboration, mais d'abord je tiens à souligner à quel point je pense que... au nom du milieu des affaires, je dois dire qu'on est très heureux que le Parlement regarde ce projet de loi, on est très heureux du projet de loi, et c'est un exercice qu'on espérait voir depuis longtemps. Et donc on est confiants que vous saurez le mener à terme pour qu'on arrive enfin à avoir un outil qui va nous permettre d'atteindre un objectif qu'on devrait avoir tous, qui est d'utiliser les marchés publics, le gouvernement comme pilier de développement économique au Québec.

Beaucoup de sociétés à travers le monde ont déjà fait ça. On sait que les accords de libre-échange permettent de le faire, quand c'est bien fait, et c'était une question de temps pour qu'on <s'organise, ici...

M. Leblanc (Michel) : ... libre-échange permettent de le faire, quand c'est bien fait, et c'était une question de temps pour qu'on >s'organise, ici, pour le faire nous-mêmes. Ce que vous avez devant vous aujourd'hui, c'est... je pense qu'on est un peu connus, quand même, mais c'est un représentant du milieu des affaires de la région de Montréal et une représentante d'un secteur de force pour tout le Québec mais aussi pour la région de Montréal. Et, à travers le temps, ce qu'on a fait, c'est de se poser la question : Comment on pourrait utiliser ce secteur, qui se développe, pour illustrer l'importance des marchés publics?

Et donc, en 2019, on a fait une première étude sur les façons de renforcer le secteur et en 2020 on a fait une étude qui y faisait suite, parce que, dans la première, on disait : Les marchés publics sont un levier qu'on devrait utiliser et on devrait se doter de critères qui, tout en étant des critères nobles, des critères acceptables aux ententes de libre-échange, vont permettre de renforcer la base économique, et l'étude de 2020, qui s'intitulait Faire des marchés publics un outil stratégique de développement économique et de renforcement de l'innovation au Québec, bien, portait directement sur l'objet de ce projet de loi.

On identifiait dans cette étude trois conditions essentielles. La première, une volonté politique claire et un alignement des politiques publiques et des processus opérationnels, et ça fait référence, dans le fond, aux déclarations de stratégie du gouvernement. Et on est très heureux que cette première condition ait été tout de suite remplie. On va se doter d'un cadre stratégique. Ensuite, le deuxième élément, c'était qu'il fallait... il faut modifier l'encadrement juridique. Et c'est pour ça que le projet de loi est essentiel. La volonté politique ne suffira pas. Et le troisième, qui est aussi important, et ce sera par les règlements, peut-être, mais ce sera surtout par les pratiques, c'est de transformer la culture organisationnelle, au gouvernement, pour aller dans la direction où on veut aller, c'est-à-dire d'utiliser les processus des marchés publics, des marchés publics eux-mêmes, comme étant un levier de développement économique.

• (11 heures) •

Je vais être très, très rapide, je veux laisser le maximum de temps à Sarah, mais c'est clair qu'à travers ses approvisionnements le gouvernement a la possibilité de changer bien des choses pour beaucoup d'entreprises. Et le premier élément, c'est de sortir de ce qu'on a toujours reconnu historiquement comme étant une bonne pratique, et récemment on sait que ce n'est pas nécessairement la meilleure pratique, qui est la question de l'appel au plus bas soumissionnaire.

Notre étude dit qu'on doit carrément migrer vers ce qu'on va appeler les offres les plus économiquement avantageuses. Par «économiquement avantageux», évidemment, ça tombe sous le sens de considérer tous les coûts du cycle de vie d'un équipement. Ça veut dire de considérer tous les effets qu'il peut y avoir, ce qu'on va appeler parfois des externalités négatives, donc des coûts qui sont reproduits ou qui sont produits sur le reste de la société. Et le meilleur exemple, c'est, évidemment, si on y va aussi vers l'impact sur l'environnement, bien... c'est un exemple typique où, si, on intègre les coûts de transport et l'impact carbone d'un bien qu'on achète, bien, possiblement que de l'acheter localement va devenir rapidement plus rentable, peut-être au niveau des coûts mais sûrement au niveau des coûts sociaux complets.

Donc, à partir du moment où on se dote d'une stratégie qui nous permet de sortir du plus bas soumissionnaire, la question que je pose, c'est : Est-ce qu'on aurait pu aller, dans le projet de loi, plus loin et non pas de dire que la règle, c'est le plus bas soumissionnaire? On est très ouverts à ce que les gens adoptent d'autres processus et on va les former pour qu'ils le fassent régulièrement. On aurait pu aller plus loin en disant : La règle, c'est de ne pas faire le plus bas soumissionnaire, mais, lorsque c'est pertinent, de le demander, de renverser la demande d'exception, que le plus bas soumissionnaire devienne l'exception, parce qu'on achète des feuilles lignées, parce qu'on achète des matériaux qui ne demandent pas d'avoir des critères d'innovation ou d'avoir des critères d'impacts environnementaux.

Deuxième point, on se pose la question : Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas systématiquement un critère d'innovation qui serait intégré à tout appel d'offres, sauf exception? Donc, encore une fois, de renverser le fardeau qui est : on demande de l'innovation, sauf lorsque, dans les processus, on démontre que ce n'est pas pertinent.

Et le dernier point par rapport à la stratégie, je l'ai évoqué, il a été question d'un pourcentage d'appels d'offres qu'on voudrait voir octroyer en région versus Montréal et Québec. On questionne ce qu'il y a derrière ce chiffre de 60 %. Notre préoccupation, c'est simplement qu'une entreprise de Montréal ou de Québec qui arriverait à 41 % se verrait dire : Bien non, sais-tu, on a atteint notre limite de 40 %, puis tu n'es plus admissible. On questionne concrètement ce que ça voudrait dire.

Je terminerai en disant tout simplement qu'on devrait se donner comme objectif de réviser, d'ici cinq ans, l'impact réel. Donc, autrement dit, il y a des décisions qu'on prend là, c'est dans quelques années qu'on pourra voir si ça fonctionne et si la culture organisationnelle s'est transformée. Sarah.

Mme Houde (Sarah) : Merci, Michel. Donc, peut-être rapidement vous parler de Propulsion Québec. On est, depuis 2017, la grappe des transports électriques intelligents. Nous regroupons 250 membres, qui sont de la start-up à la grande entreprise mais qui sont aussi des centres de recherche...


 
 

11 h (version révisée)

Mme Houde (Sarah) : ...qui sont de la start-up à la grande entreprise, mais qui sont aussi des centres de recherche, des universités ou des opérateurs de mobilité du Québec. Nos 250 membres manufacturent ou assemblent des véhicules électriques, de la trottinette au train, et tout ce que vous pouvez imaginer entre les deux, sauf des voitures, bien sûr, assemblent des infrastructures de recharge, manufacturent des pièces, des composantes pour ces véhicules ou infrastructures, mais aussi pour des véhicules intelligents ou des infrastructures intelligentes, et ont développé et offrent des nouveaux services de mobilité, là, des nouveaux modèles d'affaires en mobilité, comme l'autopartage, le vélopartage. Donc, on est très axés sur le futur de la mobilité. Et nous avons réalisé, effectivement, avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, avant la pandémie, cette étude sur l'approvisionnement public. Déjà, à cette époque, nous pensions que l'approvisionnement public, les marchés publics pouvaient être utilisés comme un levier stratégique pour le développement économique, mais aussi pour l'atteinte de nos objectifs environnementaux, et nous avons utilisé notre industrie, le secteur des transports électriques, comme étude de cas, notamment parce qu'on pense que c'est un secteur extrêmement stratégique pour l'avenir de l'économie du Québec. Un jour, nous aurons absolument besoin de nous déplacer en véhicule électrique, et, si on les assemble ici et qu'on s'organise pour ne pas avoir à les importer dans les prochaines années, bien, on pense que ce sera une stratégie gagnante pour le Québec.

Donc, nous avons réalisé cette étude, effectivement, et, nous aussi, nous sommes très heureux du projet de loi n° 12. Nous pensons que c'est un pas important pour les entreprises de notre écosystème, que cela aura un impact majeur sur notre secteur. On tient à souligner la volonté du gouvernement de favoriser l'innovation et l'approvisionnement local, qui sont deux éléments clés qui permettront, là, d'atteindre nos objectifs. Nous pensons cependant qu'il est nécessaire de poser des gestes concrets pour renforcer la place de l'innovation et du développement durable tout en assurant l'exemplarité de l'État dans la formulation du projet de loi, et donc qui nous permettront, vraiment, de passer à l'action pour mettre en place des critères de développement durable obligatoires qui permettront de répondre aux objectifs du Plan pour une économie verte.

Donc, je vais revenir plus précisément sur nos recommandations que vous avez pu lire dans notre mémoire lié d'abord à l'innovation. Nous proposons de préciser dans quelles circonstances et selon quels critères la présidente du Conseil du trésor exigera qu'un organisme public procède à un appel d'offres sur invitation pour acquérir un prototype ou pour... qui comporte un dialogue compétitif dans le but que cette pratique devienne une pratique courante et non une pratique exceptionnelle. Nous pensons qu'un pouvoir discrétionnaire, évidemment, ce n'est pas une obligation. Ça constitue encore une application volontaire, c'est un gain, c'est un pas vers l'avant, mais nous sommes inquiets que la pratique demeure marginale et nous vous demandons de préciser les circonstances dans le but d'augmenter le recours à ces pratiques et éviter que ça demeure une pratique marginale.

Nous proposons également d'ajouter la mention «innovation» à l'article 2 de la Loi sur les contrats des organismes publics. Parmi la liste des objectifs, nous pensons que d'ajouter ce mot-là dans les objectifs de la LCOP permettra, là, de bien positionner l'innovation comme un objectif réel.

Nous voulions vous donner, à cet égard, l'exemple d'un de nos membres, Ambulances Demers, qui a développé une ambulance électrique, qui est vraiment un produit innovant et qui a de belles perspectives d'être exporté à l'étranger. C'est quand même un défi de construire une ambulance électrique qui est sécuritaire, sur laquelle on peut se fier, qui est un... qui a, évidemment, un haut besoin de fiabilité puisque c'est une ambulance, mais ça permet quand même de réduire l'empreinte carbone et de positionner le Québec comme un leader en innovation dans notre secteur. Comment est-ce qu'on va pouvoir s'assurer que les organismes publics, que les hôpitaux du secteur de la santé vont pouvoir profiter de ces ambulances-là? Nous pensons, là, qu'il faudrait que... Si ça demeure optionnel, nous sommes inquiets que, peut-être, les gestionnaires vont encore aller vers la pratique la plus courante et ne vont pas nécessairement exiger des critères environnementaux dans leur appel d'offres.

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

Mme Houde (Sarah) : Oui, en conclusion. Nous recommandons également d'instaurer un mécanisme de suivi plus global. Oui, le projet de loi prévoit un mécanisme de suivi pour les marchés décrétés par la présidente du Conseil du trésor, mais nous recommandons un mécanisme de suivi de façon plus globale pour le système d'approvisionnement, un peu à l'image des recommandations du G15+. Nous recommandons également que le développement durable soit pris à travers les différentes voies de passage du projet de loi. Encore une fois, là, nous pensons que la notion de cycle de vie de chaîne d'approvisionnement devrait devenir une obligation. Actuellement, ce n'est pas explicite. Nous proposons également d'ajouter un principe de non-régression qui permettrait de ne pas reculer une fois qu'on a réalisé des avancées. Et évidemment, comme l'a précisé Michel, nous <proposons...

Mme Houde (Sarah) : ...permettrait de ne pas reculer une fois qu'on a réalisé des avancées. Et évidemment, comme l'a précisé Michel, nous >proposons d'ajouter un mode d'adjudication fondé sur la règle de l'offre la plus économiquement avantageuse plutôt que la loi du plus bas soumissionnaire.

Et un dernier point très important...

Le Président (M. Simard) : Oui, vraiment, en conclusion.

Mme Houde (Sarah) : Un dernier, dernier, dernier point.

Le Président (M. Simard) : Oui.

Mme Houde (Sarah) : C'est qu'en fait on aimerait voir un bâton et une carotte. Qu'est-ce qui fait que les gens vont avoir... vont être incités, finalement, à aller vers d'autres façons de fonctionner que le plus bas soumissionnaire? Comment on peut les inciter à aller de cette façon-là?

Le Président (M. Simard) : On pourra poursuivre durant l'échange...

Mme Houde (Sarah) : Oui, absolument.

Le Président (M. Simard) : ...si ça ne vous dérange pas.

Mme Houde (Sarah) : Il y a tant de choses à dire.

Le Président (M. Simard) : Mme la ministre, vous avez 16 minutes.

Mme LeBel : Bien, justement, écoutez, je voulais... j'essayais de faire en disant : N'accélérez pas trop parce que j'ai quand même 16 minutes de discussion avec vous puis je vais vous donner l'occasion de compléter. D'ailleurs, je vais peut-être juste cadrer un peu la discussion. C'est important de mentionner, pas de comprendre parce que vous le comprenez, donc le terme est mal choisi, mais de mentionner que le projet de loi est une composante d'une stratégie. D'ailleurs, M. Leblanc, vous avez mentionné la cible de 60 %. Elle n'est pas au projet de loi, la cible, elle est dans la stratégie. Donc, simplement qu'on fasse la part des choses, pas parce que je pense que ce n'est pas pertinent, mais il y a ce qu'on peut faire dans le cadre de l'étude du projet de loi.

Puis effectivement, vos préoccupations par rapport aux cibles, on a eu l'occasion d'en discuter antérieurement, mais je les comprends très bien. Mais ça fait partie de la stratégie, et ce sont des cibles qui sont visées, naturellement, à terme, sur cinq ans.

• (11 h 10) •

Je veux juste qu'on... parce qu'il y a beaucoup de choses, il y a beaucoup de choses qui sont importantes puis il y a beaucoup de choses dans le projet de loi qui doivent se lire aussi avec la stratégie pour être capable de bien comprendre l'objectif gouvernemental et la direction qu'on souhaite... qu'on souhaite prendre et atteindre. Je peux vous rassurer. Bon, on vient de recevoir vos mémoires respectifs, donc mes questions vont peut-être être moins pointues que je l'aurais souhaité, mais on va prendre le temps de les analyser.

Je dois aussi mentionner que quelques-unes de vos recommandations s'adressent à la réglementation et non pas au projet de loi. Vous faisiez référence, M. Leblanc, à la règle du plus bas soumissionnaire. Vous ne vouliez pas qu'elle soit la règle habituelle. C'est par réglementation qu'on pourra poursuivre le travail. Je vous rassure, j'ai la même sensibilité. Maintenant, de voir si on doit, dans un cadre, un projet de loi, être trop encarcanés... Parce que je pense qu'on a la même préoccupation de faire évoluer les marchés publics le mieux possible, le plus rapidement possible. Donc, je pense qu'il y a différents motifs de le faire, mais je veux juste recadrer la discussion.

D'ailleurs, dans une des... dans la recommandation... une des recommandations, dans la section du mémoire de Propulsion Québec, c'est justement de revoir le règlement, donc, dans ce sens-là, pour la loi sur le plus bas soumissionnaire.

Ceci étant dit, je vous donne encore quelques minutes peut-être pour terminer votre présentation, puis ça va me permettre d'alimenter ma discussion avec vous, compte tenu que je prends un petit peu connaissance de votre mémoire au fur et à mesure que vous parlez. Donc, ça va me permettre de bien intégrer certaines choses et d'avoir une meilleure... peut-être une meilleure discussion avec vous.

Mme Houde (Sarah) : Merci, c'est apprécié. Bien, c'était simplement pour... toujours, toujours dans cet esprit d'éviter que ces... parce qu'on l'a précisé plus tôt, on cherche à changer une culture, à... Oui, on dit : Bien, on va vous former à mieux utiliser le système actuel pour vous sortir de la loi du plus bas... de la règle du plus bas soumissionnaire lorsque ce n'est pas nécessaire, lorsqu'on ne commande pas une tablette de papier ligné, pour reprendre cet exemple.

Mme LeBel : ...exemple, ça.

Mme Houde (Sarah) : Pour reprendre cet exemple. Seulement, ce qu'on se demande, c'est : D'abord, est-ce qu'on se donne suffisamment d'indicateurs pour suivre ça, année après année, pour suivre l'avancement puis cette transformation de culture? Puis est-ce qu'on donne assez... Est-ce qu'on met en place un cadre suffisamment incitatif et même, je dirais, tu sais, un cadre de bonus-malus pour récompenser, finalement, ceux qui vont vraiment s'engager dans cette transformation de culture là?

Donc, à la fois, peut-être, nous, ce qu'on recommandait, c'est peut-être d'ajouter une obligation de se justifier quand on utilise la loi... la règle du plus bas soumissionnaire — alors, je dois l'expliquer, ceci est un produit qui, bon, est plus applicable à l'utilisation de cette règle-là — et un incitatif pour ceux qui vraiment se sont donné la peine, deviennent des ambassadeurs auprès de leurs collègues, parce qu'on pense que c'est aussi par la pratique que ce processus-là, ce réflexe-là va se développer. Donc, est-ce qu'il y a moyen, là, d'intégrer un bâton et une carotte? Voilà.

M. Leblanc (Michel) :Si je peux compléter moi aussi, d'abord, vous avez parfaitement raison, puis, avec le temps, on a bien compris, qu'on discute d'un projet de loi à chaque fois qu'on est en consultation. Mais c'est très difficile pour nous d'en discuter sans aborder la question de l'application, donc des règlements, et, dans bien des cas comme dans celui-ci, sans discuter de la vision globale, qui est d'ordre stratégique. Donc, c'est pour ça que... on vient puis on discute des trois en même temps.

Mais je voudrais juste revenir sur ce que Sarah évoquait, qui est le changement de culture au gouvernement dans le cadre de l'application du projet de <loi...

M. Leduc (Michel) : ...je voudrais juste revenir sur ce que Sarah évoquait, qui est le changement de culture au gouvernement dans le cadre de l'application du projet de >loi, et notamment sur la volonté qu'on intègre les PME. Et cette notion de dire qu'on va intégrer des PME, donc qu'on va briser, si on veut, les lots, les rendre d'une façon qui sont plus accessible aux PME, va avoir un impact sur les coûts. Parce qu'en général, si on va avec des grands fournisseurs qui ont des grandes économies d'échelle par opposition à des petits fournisseurs, et souvent des petits fournisseurs aussi qui ont des modèles innovants, alors la question derrière tout ça va devenir aussi la question du suivi. Et je pense que le projet de loi doit être très explicite sur les mécanismes de suivi parce qu'il faut qu'on ait l'occasion, dans cinq ans, de faire le point sans que ça soit un gros débat politique, mais un débat d'efficacité. Est-ce qu'on y arrive? Ça ne sera pas automatique. Ça ne sera pas si facile. Je peux vous dire que, dans le privé, les changements de culture organisationnelle, c'est souvent vu comme étant le plus gros défi, bien plus que de changer la règle de l'entreprise.

Mme LeBel : Je comprends très bien le concept. Puis l'idée, d'ailleurs, je l'ai dit dans ma présentation lors de mon allocution de départ aux consultations, c'est de bien situer tout ça dans l'ensemble, et je pense que c'est important de le dire, qu'il y a une stratégie. Mon commentaire n'était pas de vous dire : Limitez-vous au projet de loi, mais plutôt que c'est bon de le spécifier, parce que... pour ne pas donner l'impression que parce que ce n'est pas fait dans le projet de loi, ça ne peut pas se retrouver ailleurs, parce que, pour moi, il y a l'objectif poursuivi et le meilleur véhicule pour l'atteindre, et ce n'est pas toujours dans le cadre du projet de loi. Pour avoir une meilleure agilité, des fois, c'est dans une directive, dans une stratégie, dans un règlement qu'on doit décliner les différentes façons de faire et les objectifs pour garder, je dirais, un bel équilibre entre une structure très cadrée et une agilité d'évoluer. Donc, c'était simplement l'objet de mon commentaire.

D'ailleurs, j'aimerais d'ailleurs peut-être revoir avec vous un peu aussi tout ce qui est la question du coût du cycle de vie, de la juste valeur, dans le fond, et j'aimerais qu'on en discute un peu plus. Je suis, d'entrée de jeu, d'accord avec cette idée-là. J'ai eu l'occasion de l'expliquer, de l'exposer. Ma grande préoccupation est de s'assurer que c'est à l'avantage du Québécois, l'avantage étant très large et pas juste l'avantage du prix brut, mais ça peut-être, comme vous le disiez, les retombées économiques, l'avantage environnemental, le développement durable. Pour moi, ça doit s'évaluer avant de se... avant de se décliner dans l'ensemble des marchés publics.

Et c'est un peu la raison d'être de l'espace d'innovation que l'on crée à l'intérieur du projet de loi. C'est une façon que nous avons trouvée d'enfin aller de l'avant avec une évolution des marchés publics. Je pense que je suis capable de comprendre, arrivant d'une culture où... bon, faire bouger des règles qui sont des règles de saine gestion, de saine concurrence, d'intégrité, on doit le faire quand on est certains qu'on va dans une direction qui maintient ces principes-là. Et souvent on peut se priver d'innovation et d'ouverture par prudence, mais je pense que la prudence est de mise quand on parle des marchés publics.

Donc, l'idée derrière la création de cet espace d'innovation là est de justement se permettre d'avoir, je dirais, un dôme, un endroit, parce que, je le dis, ce n'est pas une proportion, c'est un endroit où on peut se permettre de faire ce genre d'innovation là, de se donner l'opportunité de l'évaluer et que, si elle rencontre bien les objectifs ou les promesses que l'on y voit, qu'on puisse, après ça, intégrer ces principes-là. Et je veux voir si, avec vous, c'est bien compris, si vous pensez que c'est... que c'est adéquat.

Et, bon, j'ai eu l'occasion, par contre, peut-être pas votre mémoire, mais de voir, là, différents rapports d'étude, entre autres, en septembre 2020. Je ne sais pas si ça vient de la chambre de commerce, je pense, sur... Faire des marchés publics un outil stratégique de développement économique et de renforcement de l'innovation au Québec. Donc, on s'est quand même inspirés beaucoup de ces objectifs-là en essayant de trouver le moyen de garder cet équilibre que je vous mentionne. Puis pour moi, c'est exactement ça, l'objectif.

Donc, peut-être vos commentaires là-dessus de façon un peu plus large, là, parce que, je vous dis, on va vraiment examiner toutes vos recommandations pour l'étude détaillée. Je vous le confirme. Mais là c'est un peu plus complexe pour moi d'en discuter, là.

Mme Houde (Sarah) : Bien, nous, on pense que, pour le Québécois, on devrait toujours favoriser la valeur plutôt que le prix, toujours. La...

Mme LeBel : Mais la question, c'est l'évaluation de cette valeur.

Mme Houde (Sarah) : C'est ça.

Mme LeBel : La théorie, j'y adhère, à la théorie.

Mme Houde (Sarah) : Bien, effectivement, la notion de cycle de vie d'un produit, c'est une bonne façon de mesurer la valeur parce que ça nous donne une perspective beaucoup plus large. D'ailleurs, encore une fois, nous pensons que cette notion-là devrait être systématiquement évaluée. D'ailleurs, on a certains de nos membres, juste pour revenir sur le point des PME dont parlait Michel, on a certains de nos membres qui, s'ils constatent que la règle du plus bas soumissionnaire conforme est nommée dans l'appel d'offres, ne <participent....

Mme Houde (Sarah) : ...s'ils constatent que la règle du plus bas soumissionnaire conforme est nommée dans l'appel d'offres, ne >participent simplement pas parce que leur produit ne sera pas compétitif. Un véhicule électrique, c'est plus cher qu'un véhicule à essence encore, malgré le fait que, sur le cycle de vie, on peut épargner sur les coûts d'opération, les coûts d'entretien et que... sur un cycle de vie complet, et sans compter les externalités environnementales et sociales, puisque ces véhicules-là sont faits ici, embauchent des gens d'ici, donc ne vont simplement pas participer à ces appels d'offres là. Donc, selon nous, le calcul du cycle de vie, c'est vraiment une bonne façon de mesurer la valeur.

M. Leblanc (Michel) :Deux choses. Premièrement, c'est clair que le coût du cycle de vie, le coût sur le cycle de vie, il n'est pas toujours facile à estimer dès le départ. Puis évidemment, pour un responsable d'approvisionnement qui recevrait des évaluations différentes, de distinguer la bonne de la mauvaise, c'est très difficile. Donc, je ne suis pas en train de dire que c'est simple. Je suis en train de dire, par ailleurs, qu'on n'est pas les premiers et qu'ailleurs dans le monde il y a des meilleures pratiques qui sont en train de se développer. Et donc peut-être qu'à travers le gouvernement il devrait y avoir une unité qui va aller s'inspirer concrètement des meilleures pratiques ailleurs. Ça, c'est la première chose.

Deuxièmement, moi, j'appuie beaucoup votre concept d'avoir des espaces d'innovation, de se permettre d'avoir des endroits où on pourrait aller en appel d'offres, où on demande aux gens de proposer des solutions pour obtenir des résultats, eux, très bien définis, mais de laisser aux entreprises le loisir d'arriver avec des propositions qui sortiraient de l'ordinaire et, je vous dirais, puis là je pense que ça va nous prendre de la maturité, d'admettre qu'à certains moments, c'est bon de consulter des entreprises avant de faire l'appel d'offres pour voir comment on peut faire un appel d'offres qui va stimuler le plus possible une réponse de la part des entreprises. Et je dis que ça va nous prendre de la maturité parce que, d'un point de vue politique, ça exposera toujours à cette perception qu'il y a collusion, qu'il y a copinage, qu'il y a des entreprises qui sont plus proches des décideurs. Mais, dans les faits, si on veut aller de l'avant vers une vraie société innovante, il y a des moments où le fonctionnaire, le gouvernement ne pourra pas savoir exactement comment je définis mon appel d'offres pour stimuler cette réponse, et donc je vais aller vous consulter. Et, si c'est fait de façon transparente, si c'est fait avec toutes les meilleures pratiques, moi, je pense qu'on va y arriver, mais ça va nous prendre un peu de maturité collective.

• (11 h 20) •

Mme LeBel : Bien, écoutez, je pense que c'est exactement... puis mon objectif n'est pas d'argumenter, mais de voir... c'est exactement l'objectif de l'espace innovation. C'est pour ça qu'il n'est pas défini en termes de proportion, mais en termes de dire : Identifions les secteurs, les moments où c'est important d'aller, j'allais dire, expérimenter ces bonnes pratiques là, de se donner l'occasion d'aller voir ailleurs ce qui se fait, se donner l'occasion...

Parce que je suis très... Je reviens sur le calcul du cycle de vie puis, pour moi, c'est fort important quand on parle de l'intégrité des marchés publics. Et je ne veux pas être simpliste, mais c'est facile de voir que l'item x qui coûte 2 $ et l'item x, le même item x, qui coûte 1,50 $, pour tout le monde, c'est facile de voir qu'à première vue on fait une économie de 0,50 $, bon. Mais, quand on parle de l'item x qui dure plus longtemps, qui coûte moins cher en transport, qui coûte... na, na, na, coûte 2 $ et l'autre, bon... comment on est... et là 1,50 $, puis qu'on fait la proportion... Je pense que, ce calcul-là, on doit se donner l'occasion de l'expérimenter, de voir comment le faire. Parce que mon autre question est : Est-ce que le donneur d'ouvrage ou le donneur... le ministère et organisme doit, à toutes les fois, se fier aussi à l'entreprise? La réponse, c'est :  Un peu des deux, mais il faut se donner... Puis vous parliez de former des unités à l'intérieur du gouvernement, mais c'est aussi l'objectif de l'espace d'innovation, d'acquérir cette maturité qui va être nécessaire, justement.

Et c'est pour ça que je voulais voir un peu... vous entendre. Puis l'idée, c'est d'y avoir une certaine souplesse. Et je ne sais pas si vous avez noté la possibilité qu'on s'est donnée, de façon réglementaire, de ne pas revenir en projet de loi quand une bonne idée ou une bonne façon de faire est... je ne dirais pas «avérée» parce que le fardeau est peut-être trop élevé, mais disons que... remplit les promesses qu'on lui imputait. Et on peut, par voie réglementaire, à ce moment-là, à l'instar de la loi sur le plus bas soumissionnaire et de toutes les autres méthodes d'adjudication, en faire une méthode privilégiée du gouvernement.

Donc, je comprends, là, parce que ça fait longtemps que vous attendez, vous aimeriez qu'on aille plus rapidement, plus loin, mais j'aimerais juste qu'on constate... en tout cas, je ne vous force pas à le dire, mais qu'on a quand même... on prend la direction qu'on doit prendre, là, par rapport à vos rapports précédents, là.

M. Leblanc (Michel) :On arrive... en fait, les deux, là, mais moi, je vais parler pour moi, on arrive extrêmement supportant de la démarche. On pense qu'on pourrait aller un petit peu plus vite, mais, dans les faits, là, ça ne doit pas être perçu comme étant une critique, ça doit être perçu comme étant, je pense, un signe qu'on est rendus là. Puis c'est la bonne façon de faire.

Je terminerais juste en vous disant qu'un des défis, c'est donner <la...

M. Leblanc (Michel) : ...façon de faire.

Je terminerais juste en vous disant qu'un des défis, c'est donner >la prévisibilité, et c'est là qu'il risque d'y avoir un petit enjeu. Sarah disait : Il y a des entreprises qui sont dans l'innovation qui disent : Moi, si vous allez vers le plus bas soumissionnaire, là, je n'y vais juste pas, c'est une perte de temps. Par ailleurs, ça donne une certaine prévisibilité. Quand on va ouvrir les appels d'offres avec des environnements où on veut de l'innovation, où on veut tenir compte du cycle de vie, on veut tenir compte... ça peut créer chez certains une impression qu'il y a comme une loterie : Est-ce que mes critères vont être les bons? Alors, je vous dirais, on va apprendre ensemble.

Mais un des défis va être de dire : O.K., quand est-ce qu'on veut donner de la prévisibilité pour que les gens s'engagent dans une démarche de définir une offre puis qu'ils sentent qu'ils comprennent comment ça va être donné, là?, et d'autres qui vont dire à certains autres moments : O.K., c'est ouvert, tant mieux, je vais pouvoir arriver avec quelque chose d'innovant qu'on n'a jamais vu. Donc, on va apprendre ça. Donc, il va y avoir des critiques. Moi, je vous dis, il y a du privé qui va dire : Moi, je veux plus de prévisibilité, puis il y en a d'autres qui vont dire : Moi, je veux qu'on tienne absolument compte de ma capacité d'innover, d'arriver avec une solution innovante. Ça va nous prendre de la maturité

Mme LeBel : Et un équilibre entre les deux. Donc, je veux juste vous vous réitérer le fait qu'on va prendre connaissance dans les détails de vos mémoires puis on va pouvoir voir à quel point on peut, je dirais, améliorer les choses dans le même objectif, là. Puis il reste quelques secondes, si vous voulez conclure.

Mme Houde (Sarah) : Effectivement, vous pouvez y voir... vous pourrez voir dans notre... dans notre étude que nous recommandons des meilleures pratiques prises à l'étranger. Donc, il y a des suggestions, notamment sur le dialogue compétitif qu'on a évoqué un petit peu plus tôt, le développement d'outils pour calculer le cycle de vie à l'intérieur même des organismes publics, donc, pour vraiment outiller nos donneurs d'ouvrage à le calculer, ce cycle de vie là. Et aussi, si on exige une justification lorsqu'on a recours à la règle du plus bas soumissionnaire, bien, c'est vraiment là qu'on va pouvoir s'assurer que la valeur a toujours été prise en compte plutôt que le prix.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup, M. le député de Mont-Royal—Outremont.

M. Arcand : Merci, M. le Président. M. Leblanc, Mme Houde. M. Leblanc, depuis... et on se connaît depuis longtemps, et je sens dans vos propos, et vous me direz si je vous interprète correctement, je sens dans vos propos... parce que ça fait plusieurs années que vous êtes à la tête de la Chambre de commerce de Montréal métropolitain, mais vous dites essentiellement, là... je reprends ce que vous avez dit, vous avez dit : Écoutez, moi, je suis très heureux de voir le projet de loi, je supporte les objectifs, mais, entre guillemets, j'espère qu'il y aura un changement dans la culture organisationnelle du gouvernement. Donc, évidemment, vous êtes en faveur, mais vous avez des grands doutes par rapport à ça. Et je pense, moi aussi, que c'est... le diable va être dans les détails et de façon très claire, c'est ça.

Puis tout le monde est d'accord ici sur un principe, mais j'aimerais qu'on essaie, aujourd'hui, d'aller plus loin. Tout le monde dit : Ça prend des appels d'offres, puis il faut qu'il y ait une offre économique avantageuse. Sur le plan du principe, tout le monde trouve ça extraordinaire, c'est un concept superintéressant, mais, dans le concret, j'essaie de voir comment est-ce qu'on peut l'appliquer. Parce que n'importe quel économiste à qui on parle va dire : Oui, c'est correct, là, mais c'est quelque chose de difficile à faire.

Est-ce que vous avez quand même une certaine idée ou une certaine comparaison de ce qui a pu se faire ailleurs et qui peut représenter... qui peut représenter une offre économique avantageuse quand on étudie un projet?

M. Leblanc (Michel) :Bien, je vais rapidement céder la parole à Sarah parce que... ce n'est pas pour rien qu'on l'a fait ensemble, tu sais, parce que la chose la plus évidente, c'est le fameux véhicule électrique. Sur le coût d'acquisition, là, bien, ce n'est pas compliqué, présentement, ça coûte moins cher, un véhicule à essence. Très rapidement, quand on regarde l'ensemble des enjeux liés au véhicule lui-même, que ce soit l'entretien, que ce soit éventuellement les coûts d'énergie, là, je vais laisser Sarah en parler, mais c'est une évidence.

Mais, moi, je vous amènerais sur d'autres cas à travers le temps. Dans une vie antérieure, j'ai dirigé une grappe, à l'exemple de Sarah, qui était celle des sciences de la vie, Montréal InVivo, et on avait, à ce moment-là, des entreprises d'équipements médicaux qui essayaient... puis ça... je vous parle de mon époque, mais, depuis ce temps-là, ça n'a pas changé, qui essayaient de vendre des équipements médicaux innovants à des... à des hôpitaux et à des fournisseurs, enfin, à l'État, et qui n'y arrivaient juste pas, et qui arrivaient aux États-Unis... Et c'est que, dans le produit, il y avait encore de l'innovation à valider. Et, aux États-Unis, ils trouvaient des hôpitaux qui étaient prêts à les accompagner dans ce cheminement-là, tandis qu'ici on se cachait derrière : Attends, attends. Mais tu n'es pas capable de me garantir que ça fonctionne exactement comme tu me le dis, donc, moi, je n'y touche pas. Alors, c'est cette mentalité-là qui <était...

M. Leblanc (Michel) : ...que ça fonctionne exactement comme tu me le dis, donc, moi, je n'y touche pas. Alors, c'est cette mentalité-là qui >était sous le couvert de protéger le citoyen, le client de l'hôpital. On ne voulait pas toucher à ça. Et donc, je vous dis juste, l'innovation était testée, développée, confirmée, vendue en plus grand nombre aux États-Unis. Il y avait une entreprise aux États-Unis qui détectait la valeur, qui achetait l'entreprise du Québec ou sa technologie, puis on perdait l'innovation qu'on avait développée ici.

C'est un exemple typique de se dire : Dans la mentalité de la personne responsable des approvisionnements, est-ce que je suis ouvert à faire un approvisionnement, où il y a un certain risque parce que c'est innovant, parce que ça n'a pas été testé des milliers de fois? Mais oui, il y a une énorme valeur pour le Québec, si c'est le produit qui, éventuellement, prend le marché.

M. Arcand : Oui, mais, dans le domaine de l'auto électrique ou de... ça, c'est quand même quelque chose de plus facile parce que, d'une part, c'est vraiment deux technologies. Je veux dire, c'est clair, on lutte contre les GES en ayant un véhicule électrique, etc., donc, ça, c'est quand même... Mais il y a des secteurs où c'est pas mal plus compliqué. Puis, à un moment donné, comme vous le savez, les gouvernements gèrent l'argent du monde. Et donc, à partir de ce moment-là, moi, je suis le premier à vouloir... et on a fait des projets pilotes, nous, à l'époque, pour changer ce concept uniquement du prix le plus bas, là. Mais j'essaie de voir : Est-ce qu'il y a une formule qui, à votre avis, Mme Houde ou M. Leblanc, qui vous apparaît plus consensuel, je dirais, qui ont été adoptés, peut être, par d'autres gouvernements?

• (11 h 30) •

Mme Houde (Sarah) : Dans notre étude, on fait référence à plusieurs exemples, notamment européens, notamment tirés de l'OCDE, et on en revient toujours à cette notion de valeur plutôt que prix. Cette... Donc, de bien préciser l'importance cruciale de la valeur plutôt que le prix et de l'innovation, de bien les préciser, ça, déjà, ça envoie un message qui favorise la transformation de culture organisationnelle. Il y a plusieurs exemples concrets qui sont nommés dans notre étude. Notamment, lorsqu'on parle de projets plutôt technologiques, l'innovation est tellement rapide, les donneurs d'ouvrage peuvent avoir du mal à suivre l'évolution du marché tellement il évolue rapidement, que de faire une... Puis c'est inclus, là, de faire une demande de solution, donc j'aurai besoin de tel, tel, tel résultat, plutôt que : Je demande que le logiciel ait telle, telle, telle caractéristique. On fait plutôt un appel de solutions plutôt que, vraiment, un appel... Puis, ça, c'est une solution qui est proposée dans notre étude.

On propose également le dialogue compétitif, on en a parlé un peu plus tôt. Donc, quand on a un appel d'offres à faire, encore une fois, sur un dossier, peut-être, où la technologie a évolué rapidement, qui comporte plus de complexité, d'avoir un dialogue compétitif, ouvert et transparent des différents potentiels d'entreprise pour vraiment comprendre et améliorer l'appel d'offres par le dialogue compétitif — si je ne me trompe pas, ça a été utilisé au Danemark, cette solution-là — puis, de façon générale, encore une fois, là, vraiment, de favoriser la valeur plutôt que le prix, ça... en formant les donneurs d'ouvrage et en leur donnant des outils pour calculer cette valeur-là, la notion de cycle de vie étant une façon objective de mesurer cette valeur-là plutôt que le prix, ce sont toutes des manières très concrètes, là, pour répondre à votre question, qui peuvent être mises de l'avant pour répondre à l'objectif.

M. Leblanc (Michel) :Je vais vous donner un exemple. En milieu urbain, des gens à Montréal me disent : Michel, on ramasse la neige exactement comme il y a 50 ans. Et ça veut donc dire qu'on ramasse la neige avec un véhicule, qui est une souffleuse, avec des camions qui passent à côté.

Dans les champs, nos agriculteurs ne récoltent plus comme il y a 50 ans, et il y a de l'innovation en milieu agricole qui se fait parce qu'il y a un marché qui est planétaire. On devrait avoir une obligation de résultat, d'améliorer l'efficacité de la cueillette de la neige dans les milieux urbains, et de poser, donc, dans le cadre d'appels d'offres, des objectifs. Est-ce qu'on pourrait, à l'exemple des moissonneuses-batteuses, arrêter de prendre deux véhicules qui bloquent deux voies, mais d'en avoir un qui suit puis de le tirer par en arrière? Des gens à Montréal me disent : Comment ça se fait qu'on n'est pas la capitale mondiale de l'innovation de la cueillette de la neige en milieu urbain?

Mme Houde (Sarah) : Puis c'est ça, penser à l'intérêt du citoyen puis... ou l'intérêt du payeur de taxes : c'est de s'assurer qu'on utilise toujours les techniques les plus innovantes pour aller plus vite, payer moins cher, donc maximiser notre investissement. Si on fonctionne juste sur le plus bas soumissionnaire, on ne pense pas à l'intérêt du payeur de taxes une bonne partie du temps.

M. Arcand : Si je vous comprends bien, là, quand les règlements vont suivre, ça va être aussi important que le projet de loi lui-même?

M. Leblanc (Michel) : Les règlements et la culture organisationnelle...


 
 

11 h 30 (version révisée)

• (11 h 40) •

M. Arcand : ...aussi important que le projet de loi lui-même.

M. Leblanc (Michel) :Les règlements et la culture organisationnelle, la formation des équipes à l'intérieur du... ça va être essentiel.

M. Arcand : J'avais d'autres questions qui touchaient, entre autres, des choses que vous n'avez pas beaucoup abordées. C'était, entre autres, la question que j'ai posée tout à l'heure aux gens de l'Autorité des marchés publics, c'était sur la question du registre, qu'ils voulaient rendre public un registre de sanctions pécuniaires, etc. Et évidemment, moi, dans les consultations que j'ai pu faire, ça a amené des craintes auprès de certaines entreprises qui disaient : Bien, écoutez, c'est parce que si on a fait une erreur qui est relativement mineure... Et, à cette question-là, le président de l'Autorité des marchés publics m'a dit : Écoutez, on regarde ça, puis, si ce n'est pas nécessaire de le rendre public, on ne le rendra pas public.

Alors, ma question, c'est : Est-ce que c'est public ou ce n'est pas public, là, selon le bon vouloir de l'Autorité des marchés publics? Est-ce que vous avez cette préoccupation-là actuellement?

M. Leblanc (Michel) :Bien, je vous ai entendu la poser, j'ai entendu réponse, puis j'étais inquiété par la réponse qui donnait vraiment l'impression qu'on irait un peu à l'oeil, qu'on irait un peu au jugement de… Ça me donnait l'impression que c'est si on trouve que ça a l'air grave, on va le mettre, si on trouve que ça n'a pas l'air grave, on ne le mettra pas. Ça, ça m'a inquiété. Ça m'inquiète d'abord parce que ça donne beaucoup de pouvoirs à un individu, puis ça peut varier d'un individu à l'autre, ce qui est donc, en régime de droit, inquiétant.

La deuxième chose qui est inquiétante là-dedans... Puis il faut bien se comprendre, nous sommes totalement en faveur de mesures qui font en sorte que ceux qui trichent ou ceux qui ne se conforment pas soient identifiés et punis. Ça, on est en faveur de ça. Ce qu'on dit par ailleurs, c'est que, si on fait ça puis que, dans les autres juridictions, on ne le fait pas, nos entreprises qui sont sur plusieurs juridictions vont être en désavantage par rapport à leurs concurrents dans les autres juridictions. Les concurrents ailleurs vont se servir de cette information-là. Donc là, c'est simplement pour dire : Qu'est-ce qu'on veut faire pour s'assurer qu'il y ait de l'intégrité, que ceux qui trichent soient identifiés et punis, mais qu'en même temps on ne se mette pas à être en désavantage compétitif quand on est dans des domaines où les entreprises sont actives sur d'autres marchés où les tricheurs ne sont ni identifiés ni punis?

M. Arcand : J'ai une dernière question parce qu'il me reste peu de temps. La question aussi qui nous préoccupe, nous, le plus, dans ce projet de loi, c'est le côté mauvais payeur de la part du gouvernement. Et ce projet de loi ne va pas très loin de ce côté-là. Et on voulait savoir si vous avez également cette préoccupation-là.

M. Leblanc (Michel) :On a cette préoccupation. Est-ce que ça devrait être un projet de loi qui dit au gouvernement de payer correctement ses fournisseurs en temps raisonnable? On pense que non. On pense que c'est le gouvernement qui devrait simplement décréter que ses meilleures pratiques, c'est de payer le monde correctement dans des délais raisonnables. C'est pour ça qu'on partage cette crainte, mais ce n'est pas nécessairement par le projet de loi qu'on pense que ça doit être corrigé.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : ...dans le fond, ce que je comprends de ce que vous dites, puis là je vais l'interpréter, puis vous me dites si j'ai bien compris, vous dites que, pour les critères autres que le prix, là, qui devraient être même faits de façon systématique, puis le prix, ce serait en dernier lieu, les critères environnementaux, l'obligation de faire une analyse de cycle de vie, tout ça, il y a comme des intentions du gouvernement, il y a des bonnes intentions, mais il n'y a pas assez d'obligations, pas assez de carottes. Est-ce que je vous comprends bien? Pas assez de bâtons, pardon. Trop de carottes, pas de bâtons.

Mme Houde (Sarah) : Bien, d'abord, juste pour reprendre, le prix, c'est important, c'est un élément extrêmement important, tout comme les critères environnementaux, critères environnementaux qui vont souvent avoir un effet collatéral sur la proximité, donc sur l'approvisionnement local, sur l'achat local, donc d'autres externalités. Effectivement, l'esprit est là. Nous, on recommanderait d'aller, effectivement, un peu plus loin pour ajouter plus d'obligations, moins de pouvoirs discrétionnaires. Comme l'a dit Michel, pouvoir discrétionnaire égale pouvoir à un individu qui peut changer avec le temps. Donc, nous, on recommanderait, là, de toujours favoriser la valeur plutôt que le prix.

Mme Ghazal : O.K. Puis j'ai une autre question. Il y a… Parce que vous avez parlé, par exemple, pour l'ACV, l'analyse du cycle de vie, ce qui se fait ailleurs, des bonnes pratiques, notamment en Europe. Et maintenant, en Europe, ils veulent, pour tenir compte des externalités que comportent, là, les échanges de longue distance... Est-ce que vous serez d'accord avec une tarification carbone sur les importations pour favoriser nos entreprises locales? Ça peut être un des deux.

M. Leblanc (Michel) :Absolument pas. Absolument pas. On est une société qui vit des marchés étrangers. Notre croissance… la croissance de nos fleurons, ce n'est pas de vendre à 8 millions de Québécois. L'achat <local...

M. Leblanc (Michel) : ...la croissance de nos fleurons, ce n'est pas de vendre à 8 millions de Québécois. L'achat >local, c'est important, mais on s'inscrit dans un marché planétaire. Chaque fois qu'on va mettre des critères qui vont réduire les importations, on doit s'attendre à ce que nos marchés réagissent, puis ça va nous nuire. Puis c'est des jobs, c'est des jobs partout sur le territoire.

Ça fait que moi, ce que je pense, c'est qu'on doit s'assurer qu'on prend des bonnes pratiques. Puis Sarah le disait, il y a moyen de favoriser l'achat local en intégrant le critère environnemental, mais d'une façon qui n'amènera pas les marchés étrangers à réagir puis à fermer l'accès qu'on a.

Mme Ghazal : Mais, si les marchés étrangers le font aussi, je veux dire, c'est une tendance, on va être à la remorque.

Mme Houde (Sarah) : Bien, c'est justement ce que j'allais dire. En fait, le gouvernement du Canada, suite à la dernière COP, s'est engagé à se pencher sur cette question-là avec les autres pays. Donc, je dirais plutôt que ça relève du fédéral, bien honnêtement, cette décision-là. Et ça tombe sous le sens seulement si tout le monde s'engage. Il y a quand même une très grande majorité des pays industriels qui se sont engagés pour la carboneutralité d'ici 2050. Donc, ça devient, je pense, quelque chose de beaucoup plus pensable, là, à moyen terme, mais je dirais que ça relève davantage du fédéral.

Le Président (M. Simard) : Très bien.

Mme Ghazal : Bien, on aurait quelque chose à faire, parce qu'en ce moment on utilise le SPEDE et, après ça, on va exempter des entreprises ici. Donc, les objectifs qu'on veut atteindre sur notre marché local pour nos cibles environnementales, on n'est pas capable de les atteindre parce qu'on donne des passe-droits, entre guillemets, à nos entreprises locales.

Le Président (M. Simard) : Très bien.

Mme Ghazal : C'est terminé, oui? Merci.

Le Président (M. Simard) : Malheureusement. Alors, M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup. Je n'ai pas beaucoup de temps, moi non plus, un commentaire, deux questions. Premier commentaire, bien, je suis content de vous voir ensemble, je veux dire, il faut tellement que ça soit plus ça, le secteur de l'innovation verte, de l'économie verte puis le secteur de l'économie, qu'on arrête de s'opposer l'un et l'autre. Bravo, O.K., il faut continuer dans ce sens-là. Je sais, on va avoir le G15, tout à l'heure, on va avoir le Conseil du patronat aussi, go! Bon, ça, c'était mon commentaire.

Question. Propulsion Québec, je vous sens que vous auriez le goût d'aller un petit peu plus loin, parce que vous nous dites : Bon, il faut donner une bonne définition du développement durable, prendre en compte le cycle de vie, le principe de non-régression, systématiser les critères ESG, une adéquation entre la Loi sur les contrats des organismes publics et la Loi sur le développement durable. Allez-y, là, dites-nous, là, qu'est-ce qu'on doit faire pour qu'on soit cohérent là-dedans, là.

Mme Houde (Sarah) : Bien, je vous en ai fait part, là, dans mon long laïus, sur nos différentes recommandations. Effectivement, on est vraiment heureux que cette discussion-là ait lieu, on est heureux de la volonté du gouvernement. On voudrait effectivement aller un peu plus loin et rendre la valeur systématique. Le plus bas soumissionnaire, la marge, pour certains produits non critiques, non… moins importants, tablettes de papier, mais, pour la très grande majorité des produits, nous souhaiterions avoir plus d'innovation pour éviter du déneigement du XXe siècle et favoriser une valeur qui prend en compte les externalités environnementales, qui a comme impact collatéral de favoriser l'approvisionnement local en tout respect des ententes internationales de commerce.

M. Gaudreault : M. Leblanc, le gars des régions s'adresse à vous. Vous plaidez pour le cycle de vie, parfait, il faut le systématiser. Mais, dans l'analyse du cycle de vie, on tient compte des impacts environnementaux. Donc, d'avoir une portion consacrée au développement des régions… Moi, j'aime mieux que le lait, par exemple, qui va à l'hôpital de Jonquière, soit acheté par Nutrinor, qui est au Saguenay, que par une laiterie à Québec ou à Montréal puis qui retraverse le parc des Laurentides. Alors là, je comprends qu'il y a comme une contradiction, vous plaidez pour le cycle de vie, mais, en même temps, vous voulez protéger le territoire de Montréal.

M. Leblanc (Michel) :Non, ce que je voulais empêcher, c'est qu'on se donne un objectif rigide de proportion qui viendrait des régions. Et, par contre, je suis complètement d'accord pour qu'on tienne compte des externalités, qu'on tienne compte de l'impact de tous les coûts, incluant les coûts de transport. Alors, tout ce que je vous dis, c'est le fameux… On dit : On a un objectif de 60 %. Ça fait que, moi, je dis aux entreprises : O.K., moi, quand je vais être le 41e pour cent à Montréal, qu'est-ce qu'on fait? On le barre?

M. Gaudreault : Mais comment qu'on gère ça, d'abord?

Le Président (M. Simard) : Très, très rapidement.

M. Leblanc (Michel) :On le rentre dans les critères qui valorisent l'approvisionnement local, en mettant en évidence les coûts de transport, en mettant en évidence les effets environnementaux. Ça fait qu'on le fait, un peu comme on veut le faire internationalement, par des critères qui sont nobles puis qui finissent par favoriser l'achat local, mais pas...

M. Gaudreault : Et 40 %, ce n'est pas noble.

M. Leblanc (Michel) :Non. Non.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, merci à vous, chers collègues.

Donc, Mme Houde, M. Leblanc, merci beaucoup pour votre présence parmi nous aujourd'hui, ce fut fort intéressant. Au plaisir de vous retrouver bientôt, j'espère.

Sur ce, nous allons suspendre <momentanément...

Le Président (M. Simard) : ...Au plaisir de vous retrouver bientôt, j'espère.

Sur ce, nous allons suspendre >momentanément nos travaux, le temps de faire place à nos prochains invités. Au plaisir de vous revoir.

(Suspension de la séance à 11 h 43)

(Reprise à 11 h 48)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous sommes de retour. Nous pouvons reprendre nos travaux. Et nous sommes en présence de représentants de Medtech Canada. Messieurs, bonjour.

Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter, s'il vous plaît?

M. Larose (Benoit) : Certainement. Donc, je suis Benoit Larose, vice-président de Medtech Canada ici, au Québec.

M. Verrault (Marc-Sébastien) : Bonjour. Je suis Marc-Sébastien Verrault. Je suis du comité exécutif de Medtech Canada.

Le Président (M. Simard) : Alors, vous disposez de 10 minutes.

M. Larose (Benoit) : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, à la présidence. Bonjour, à vous tous. Donc, mon nom est Benoit Larose, je suis vice-président Québec chez Medtech Canada. C'est M. Marc-Sébastien Verrault, ici, membre de l'exécutif de notre association, qui m'accompagne aujourd'hui.

Medtech Canada représente l'industrie des technologies médicales au pays. C'est le secteur qui compte, au Québec, plus de 369 entreprises et près de 14 000 emplois. Depuis plus de 40 ans, nous faisons le lien entre les entreprises et les systèmes de santé canadiens. Nous sommes le partenaire de choix des gouvernements concernant les politiques publiques qui touchent le domaine de la santé.

En premier lieu, nous saluons la volonté du gouvernement du Québec de donner accès aux contrats publics à un plus grand nombre de PME, de favoriser l'achat local et le développement économique de toutes les régions du Québec. Aussi, nous remercions les membres de la commission de nous permettre de représenter nos recommandations au sujet du projet de loi n° 12. La présence en commission de représentants du secteur de la santé est tout aussi importante que celle des milieux de la construction et de l'environnement, d'autant plus que le ministère de la Santé, selon notre connaissance, ne figurait pas aux consultations internes préalables, lors de l'élaboration du projet de loi.

Le domaine de la santé représente près de 6 milliards de tous les contrats publics annuellement, donc, à peu près le tiers des achats du gouvernement du Québec. Les approvisionnements en technologies médicales représentent, eux, environ 2,4 milliards, soit près de 41 % de la valeur des contrats publics en santé.

Donc, notre secteur compte pour beaucoup dans le domaine des approvisionnements en santé. On parle ici des dispositifs, des équipements, des fournitures médicales, comme bien sûr les fameux EPI, que tout le monde connaît aujourd'hui, et le matériel nécessaire pour injecter les vaccins ou faire les tests COVID rapides ou non.

Notre domaine d'activité touche même les applications numériques de plus en plus répandues. Donc, on est très heureux de représenter ici cet important secteur. On aimerait aujourd'hui vous améliorer… vous aider à améliorer le projet de loi.

Donc, le projet doit impérativement être examiné en tandem avec la Stratégie gouvernementale des marchés publics, donc la stratégie qui a été lancée récemment. Le projet de loi est donc l'outil législatif qui est choisi pour concrétiser les objectifs de la stratégie.

Notre association souscrit aux objectifs poursuivis par la stratégie et le projet de loi qui en découle, bien sûr. Nous avons souligné positivement la mise en place de l'Espace d'innovation des marchés publics. Nous avons aussi souligné la mesure Tremplin aux contrats publics et celle qui vise à faciliter et stimuler l'accès à l'innovation, parce que ce sont des demandes de longue date de notre secteur.

En général, les 21 mesures de la stratégie sont toutes pertinentes et constructives. Mais, cela dit, au quotidien, c'est bien davantage dans le cadre normatif des contrats publics que la partie se joue, ainsi que dans le travail du Centre d'acquisitions gouvernementales. Sans cadre normatif efficace, la portée de la stratégie, à notre avis, sera limitée.

Nous nous serions attendus à ce que le projet de loi n° 12 comprenne des dispositifs structurants pour permettre d'atteindre efficacement les objectifs de la stratégie. On aurait voulu que le projet de loi touche sous le capot de la mécanique des contrats publics. Or, force est de constater que le projet de loi évite de toucher à la mécanique.

Hormis l'article 14.6, qui oblige les organismes publics à procéder à une évaluation des besoins s'inscrivant dans la recherche d'un développement durable, on reste dans l'incitation, la bonne volonté, la persuasion. On mise sur la sensibilisation, la formation, l'accompagnement, mais on ne touche pas aux règles du jeu. Même l'idée tout à fait judicieuse de tirer parti des possibilités permises par les accords de libération pour privilégier l'achat chez les fournisseurs locaux n'est pas contraignante. On pourrait être plus affirmé en ce sens.

On se demande pourquoi on ne profite pas de l'occasion de la stratégie pour aligner la Loi sur les contrats des organismes publics avec les objectifs gouvernementaux. Pourtant, tout le milieu le sait, que ce sont les limites dans les principes de la loi et son application qui sont le principal problème. C'est normal qu'on ait recours presque systématiquement à l'adjudication au prix plus bas conforme, parce que la loi et son règlement poussent dans cette direction. Puis vous allez l'entendre d'autres groupes, puis vous l'avez probablement déjà entendu, nous suivons ces choses-là.

Selon notre estimation, neuf contrats sur 10 sont attribués selon ce mode. On confond conformité et qualité. On s'imagine qu'en mettant des critères <minimaux...

M. Larose (Benoit) : ...On confond conformité et qualité. On s'imagine qu'en mettant des critères >minimaux de qualité, on choisit la qualité, mais c'est faux. On choisit toujours la qualité minimale le moins cher parmi les produits acceptables.

Ce recours systématique à la qualité minimale est un frein à l'innovation et à la qualité clinique, à la recherche de valeur pour les citoyens et contribuables, les usagers. C'est un non-sens pour le développement économique et le savoir-faire québécois, et en particulier pour les PME, qu'on aimerait pourtant appuyer pleinement.

Ainsi, nous recommandons que le projet de loi, au même titre que pour le développement économique et les considérations environnementales, apporte des modifications à la Loi sur les contrats des organismes publics et ajoute l'innovation et la valeur pour le contribuable dans les objectifs explicitement nommés dans l'article 2 de la LCOP.

Par ailleurs, le Règlement sur certains contrats d'approvisionnement des organismes publics est déjà modifié par le projet de loi n° 12. Il faut donc en profiter pour enfin introduire dans le règlement un nouveau mode d'adjudication fondé sur l'évaluation de l'offre soumise en fonction des critères pondérés, mais qui inclut le prix. Ainsi, le prix demeure un critère, mais pas le seul. Il est présent avec la qualité, l'innovation, l'efficience globale du produit, du service ou du traitement, puis les conséquences en termes d'achat local. On peut mettre ce qu'on veut dans les critères. Bref, un mode d'adjudication fondé sur la valeur réelle de l'achat pour le contribuable qui, au bout du compte, paie la note et mérite d'en avoir pour son argent.

Il faut souligner que les autres juridictions canadiennes, la Communauté européenne, donc nos partenaires de libre-échange permettent des modes… ces modes-là et s'en servent pour favoriser leur industrie locale. Nos propres exportateurs en profitent. Pourquoi ne pas mettre à niveau nos pratiques?

Également, pour s'assurer que le prix plus bas conforme ne soit plus la norme, il faut prévoir l'obligation, lorsqu'on l'utilise dans un appel d'offres, qui demeure toujours possible, d'inclure une justification de la part de l'organisme public à l'effet que c'est le mode le plus avantageux en regard des objectifs de la loi pour ce cas-là.

De plus, considérant son importance incontournable comme acheteur clé dans le marché, nous estimons que le mandat législatif du Centre d'acquisitions gouvernementales, sous la responsabilité du Conseil du trésor, devrait être formellement modifié pour inclure les objectifs poursuivis par la stratégie gouvernementale. Le centre doit aussi avoir comme mandat de générer de la valeur pour le contribuable puisque l'optimisation des acquisitions qu'on lui demande de faire dans la loi est interprétée uniquement en termes du prix le plus bas possible.

À notre sens, sur la base de notre quotidien dans le monde des contrats publics, c'est uniquement en modifiant le cadre réglementaire et le mandat du Centre d'acquisitions gouvernementales que la stratégie pourra atteindre ses objectifs. Même une récente rencontre avec la direction du centre nous a permis de constater que, tant que son seul critère de mesure de performance sera basé sur les plus bas prix, elle ne tiendra pas compte des objectifs de la stratégie. Ce n'est pas son rôle.

Nous anticipons très peu de changements sur le terrain. Il faut accoler aux orientations gouvernementales les leviers législatifs nécessaires à leur concrétisation. La Loi sur les contrats des organismes publics, ses règlements et le mandat du Centre d'acquisitions gouvernementales sont ces leviers. Or, ce que le projet de loi n° 12 propose, c'est un levier qui ploie et crisse sous l'effort de faire bouger un système d'approvisionnement alourdi par des décennies de consolidation du pouvoir d'achat. C'est la seule stratégie qu'on a suivie depuis 25 ans, consolider les achats.

Enfin, notre mémoire suggère diverses pistes d'action pour améliorer le traitement des plaintes des fournisseurs par l'AMP dont la loi constitutive nous semble trop limitante en ce qui a trait à sa capacité d'offrir des recours aux fournisseurs qui se sentent lésés tout au long de la gestion contractuelle.

Ces recommandations ne datent pas d'hier. Nous nous impliquons en faveur des nouveaux modes d'adjudication et en particulier de la valeur depuis près d'une dizaine d'années. Nous l'avions déjà exprimé lors des consultations relatives au projet de loi n° 37 sur le Centre d'acquisitions gouvernementales. Nous l'avions également évoqué lors de l'étude du projet de loi n° 108 sur l'AMP. On le dit à chaque budget du Québec.

En fait, nous nous permettons de vous le rappeler, Mme la ministre, ce constat était déjà clair en 2018, lors de l'élection du présent gouvernement. C'est d'ailleurs pour cela que le parti qui allait accéder au gouvernement avait pris l'engagement formel et écrit d'abolir la règle du plus bas soumissionnaire conforme à ce moment. D'ailleurs, on a annexé cet engagement à notre mémoire.

Les faits sont là. Les organismes de santé n'utilisent pas autre chose que le prix plus bas conforme, malgré certaines possibilités que leur offre le cadre légal. Depuis plusieurs années, le gouvernement et de nombreux partis envisagent d'aller dans cette voie, mais sans jamais poser les gestes nécessaires. Nous estimons, devant un projet de loi qui souhaite clairement aller dans cette direction, qu'il est temps enfin d'agir, parce que l'approche incitative a des limites.

On ne peut pas espérer une évolution dans les pratiques si les objectifs et les outils ne sont pas bien adaptés. Si on veut que l'État puisse aller plus loin en privilégiant l'acquisition de biens fondée sur la qualité, l'innovation, l'achat <local...

M. Larose (Benoit) : ...aller plus loin en privilégiant l'acquisition de biens fondée sur la qualité, l'innovation, l'achat >local et le développement économique, on doit permettre des alternatives au prix plus bas conforme. Il faut que les contribuables québécois bénéficient pleinement de chaque dollar investi. C'est une occasion qui nous est offerte aujourd'hui.

Rapidement, récapitulons nos principales recommandations : modifier l'article 2 de la Loi sur les contrats des organismes publics pour inclure l'innovation et la valeur pour les contribuables; ajouter au règlement un mode d'adjudication fondé sur l'évaluation de l'offre soumise en fonction de critères pondérés, incluant le prix, c'est-à-dire la valeur, dans notre jargon; l'obligation, lors de l'utilisation d'un mode d'adjudication fondé uniquement sur le prix plus bas conforme, d'inclure une justification à cet effet; modifier la Loi sur le CAG pour intégrer les objectifs de la stratégie à sa mission; et enfin modifier la Loi sur l'Autorité des marchés publics pour améliorer le processus de traitement des plaintes des fournisseurs et leur offrir des recours efficaces. Merci pour votre écoute.

Le Président (M. Simard) : Merci. Merci à vous, M. Larose. Mme la ministre.

Mme LeBel : Merci, M. Larose. Merci, M. Verrault. Contente qu'on ait pu vous inviter parce que je trouvais important que votre secteur soit également représenté, secteur qui… je le comprends très bien, pour lequel la règle du plus bas soumissionnaire n'est pas la meilleure règle pour faire valoir les avantages, disons, pour la population de ce que vous avez à offrir. Et je le comprends très bien.

Et c'est pour ça que je suis très satisfaite aussi que vous ayez conclu en disant : Fournir des alternatives. Parce que je pense qu'on est capables, vous puis moi, de stipuler d'entrée de jeu que la règle du plus bas soumissionnaire n'est pas adéquatement utilisée, au moment où on se parle, mais qu'elle n'est pas une règle qu'il faut abolir. Elle doit demeurer dans le coffre à outils. Et il y a des produits pour lesquels le critère de qualité est minimal et le prix devient essentiel pour le gouvernement, puis je pense qu'on peut le comprendre, mais je comprends très bien votre argumentaire à l'effet que malheureusement, puis c'est un constat qu'on fait, elle est peut-être utilisée beaucoup trop fréquemment systématiquement et surtout dans des domaines qui demanderaient à ce qu'on ouvre nos horizons et qu'on parle plus peut-être de valeur ou... plus avantageuse plutôt que moins cher, disons-le comme ça. Je le comprends très bien.

Je suis contente aussi de constater que vous ayez mentionné, à la fin, dans votre recommandation, qu'on devra modifier le règlement. Parce que c'est important de le préciser, hein, la loi sur les contrats publics ne précise pas les modes d'adjudication. Puis je pense qu'il y a une bonne raison à ça. Il y a plusieurs années, la règle du plus bas soumissionnaire semblait pour tous la meilleure. On évolue, les marchés évoluent, les règles d'adjudication évoluent. Je suis partisane du fait qu'on doit en avoir le plus possible dans notre coffre à outils pour une tonne de raisons, ne serait-ce aussi pour ne pas toujours télégraphier nos intentions aux marchés, être capable d'avoir des marchés publics plus intègres, mais c'est dans la réglementation qu'on pourra faire la suite des choses, les ajustements.

Mais je le comprends très bien qu'il y a ce qui est dans le p.l. n° 12 et dans la stratégie, et ce qu'il y a… il y a ce qui va se passer sur le terrain. Donc, c'est pour ça que peut-être… je voulais peut-être en parler un peu plus avec vous. Comment, quand on... Souvent, dans la règle du plus bas soumissionnaire ou dans n'importe quel mode d'adjudication, un des enjeux, c'est une bonne définition des besoins au départ. Et dans, souvent, dans les exemples qui nous sont donnés, où on veut démontrer que la règle du plus bas soumissionnaire n'était pas adaptée ou adéquate, je pourrais répondre dans plusieurs cas de figure : Oui, mais c'est probablement parce que les besoins, au départ, avaient été mal définis, donc l'appel d'offres a été mal construit, comme ça.

Donc, comment vous voyez... Parce qu'on... je pense qu'il faut mieux définir ces enjeux-là au départ. Quand on parle de la valeur réelle de l'achat, comment vous voyez ça, cette relation-là avec le gouvernement, tout en maintenant l'intégrité des marchés publics? Comment on peut mieux travailler ensemble pour s'assurer à la fois d'avoir des marchés publics intègres et à la fois être capable d'avoir cette meilleure définition des besoins là? Comment vous envisagez ça au pratico-pratique, là, au-delà des recommandations, pour pousser? Si je comprends vos objectifs, on trouvera les solutions, là, si c'est possible de le faire.

M. Larose (Benoit) : Merci pour la question. J'inviterais mon collègue à parler peut-être de l'exemple qu'on discutait ce matin.

M. Verrault (Marc-Sébastien) : Merci. En fait, Mme la ministre, je me permettrais peut-être de vous offrir, à titre d'exemple, quelque chose qui se produit dans une juridiction voisine où le dialogue compétitif est utilisé, à titre d'exemple, là, comme moyen de communication entre le donneur d'ordres et l'industrie. C'est dans le contexte de cet échange-là qu'on est capable de mieux comprendre le besoin, et on donne l'odieux de soulever les différents enjeux qu'on souhaite adresser avec notre appel d'offres ou notre appel aux solutions, plutôt, à travers ce dialogue-là. Je citerais... À titre d'exemple, excusez-moi, donc, cette juridiction-là, qui est juste à côté, ont fait un appel aux solutions où on a décelé… c'est l'établissement qui a décelé 14 indicateurs...


 
 

12 h (version révisée)

M. Verrault (Marc-Sébastien) : ...on fait un appel aux solutions où on a décelé... C'est l'établissement qui a décelé 14 indicateurs de performance qui vont de, par exemple, le nombre de cas cancellés, le nombre de réadmissions, le nombre d'erreurs médicales. Et tous ces indicateurs de performance là ont été pondérés dans la mesure de l'appel aux solutions, et le prix ne recommandait... ne représentait, excusez-moi, que 30 % de la décision d'approvisionnement. Ce qu'on constate, c'est que cet appel aux solutions là a été adjugé. Le fournisseur qui est en place réalise les objectifs auxquels il s'était engagé. Il y a une notion de partage de risques. Et tout ça, c'est arrivé parce qu'à la base il y avait dialogue compétitif, un échange ouvert entre l'établissement, le donneur d'ordres et l'industrie en général, pas juste une compagnie, là, plusieurs.

Mme LeBel : Je sais que ce dialogue compétitif là, cette notion existe déjà. Ici, au gouvernement, en matière de technologies de l'information, on est beaucoup plus dans la... j'allais dire dans la mentalité d'aller avec des appels de solutions, de discuter avec les fournisseurs, de voir qui peut offrir, bon, des solutions. Donc, ce que vous nous dites, c'est que vous le préconisez également dans d'autres secteurs. Je vous dirais, moi, que c'est ce qui est... c'est un des objectifs de l'Espace d'innovation. Parce qu'il ne faut pas comprendre, l'espace... J'aime bien placer les choses un peu dans nos intentions. Après ça, on verra si elles sont bien... elles sont bien remplies ou véhiculées par ce qui est écrit. Mais l'idée, c'est vraiment d'avoir cet Espace d'innovation là, qui ne se traduit pas en termes de proportion de marchés, mais en termes de possibilités, justement, dans certains secteurs, pour certains domaines, de donner place à... une meilleure place à l'innovation, que le gouvernement soit le premier acheteur de certaines innovations, que le gouvernement puisse discuter d'ailleurs avec le marché, de dire : Voici quels seront mes besoins futurs. Toi, l'industrie, comment penses-tu pouvoir y répondre? Je qualifie un peu le... Donc, c'est un peu ça, l'idée de l'Espace d'innovation, et c'est ce qu'on veut se permettre de faire.

Mais vous comprendrez qu'il y a toujours l'espèce d'équilibre aussi qu'on doit avoir pour s'assurer qu'entre dialogue compétitif, et conflit d'intérêts, et influence indue... Et, bon, je le sais que ce n'est pas ça que vous nous préconisez, pas du tout, et je le comprends, mais c'est — puis je pense qu'il faut le dire clairement — mais c'est l'équilibre à atteindre entre tout ça, parce que ce sont des marchés publics. Dans le domaine privé, ça va bien, hein? C'est... On a... On a la... Chacun des partenaires a la libre latitude des sommes d'argent qu'il investit, et des mouvements qu'il fait, et des erreurs potentielles qu'il pourrait faire, même si elles sont toujours nécessaires, des fois, dans l'apprentissage. Donc, vous ne pensez pas que cet Espace d'innovation là peut nous permettre, justement, d'atteindre ça, d'atteindre — quelqu'un avant vous parlait de maturité — donc d'atteindre une certaine maturité et d'accepter qu'il y ait un dialogue ouvert, et ensuite, si ça fonctionne bien, de l'intégrer dans l'ensemble de nos marchés publics parce qu'on aura, je dirais, peut-être que c'est un peu gros, là, mais une certaine sécurité ou paix de l'esprit qu'on est dans la bonne zone, la bonne façon de faire?

M. Larose (Benoit) : Je peux me permettre la réponse. En fait, l'Espace innovation, c'est certainement une bonne idée, mais c'est très comparable au pouvoir de dérogation qui existe déjà dans les pratiques actuelles. Parce qu'il y a des dérogations qui sont données assez fréquemment, là, par le Conseil du trésor aux organismes publics qui veulent déroger, là, de certains paramètres du cadre normatif. En fait, l'Espace innovation, c'est une bonne idée. Évidemment, on a hâte de voir comment ça va s'appliquer dans la pratique, mais ça reste ad hoc. Nous, on vous dit : Le jour 1 où l'Espace innovation va être ouvert, on parie que vous allez avoir des établissements qui vont dire : On a besoin de pouvoir faire un appel d'offres, comme M. Verrault l'a décrit, donc avec plusieurs critères pondérés. C'est la norme au Canada, puis même en Europe, là, le prix, c'est souvent 10 %, 20 %, peut-être 30 % de la note, ce n'est jamais 100 % de la note comme ici. Ce n'est pas du tout la même approche. Donc, le jour 1, là, de l'Espace innovation, là, on va vous dire : Ça prend un règlement qui nous permet de le faire.

Donc, on vous dit : Pourquoi? Pourquoi attendre davantage, alors que vous avez créé huit nouveaux règlements si vous voulez? Je veux dire, ce n'est pas... Ce n'est pas... En fait, on ne vous dit pas de remplacer le règlement sur le prix le plus bas conforme. C'est sûr que, comme vous le disiez dans certaines présentations, les crayons HB, puis les «pads» de papier de notes, oui, le prix plus bas conforme, ça peut être la bonne façon. Pas question de remplacer ça par un autre mode. Mais donnez plus d'outils. Puis là vous ouvrez déjà le règlement sur des contrats avec le p.l. no° 12. Alors, tant qu'à le réouvrir, profitez-en pour ajouter un mode. Vous pourriez même mettre des balises pour que les gens ne l'utilisent pas avant d'avoir Espace innovation qui va peut-être permettre de l'utiliser. Mais au moins, le message que vous allez donner aux organismes publics, c'est que si vous avez une initiative intéressante que vous êtes capables de justifier... Parce que vous êtes redevables des résultats que vous obtenez avec les budgets qui vous sont répartis, n'est-ce pas? Je veux dire, les organismes publics sont normalement imputables pour leurs actions. Bien là, vous allez encourager en fait un établissement universitaire, par exemple, qui <voudrait aller de l'avant...

M. Larose (Benoit) : ...vous allez encourager en fait un établissement universitaire, par exemple, qui >voudrait aller de l'avant avec un projet d'approvisionnement mieux adapté à ses besoins en utilisant un mode qui est déjà possible. Aujourd'hui, ce n'est pas possible. Il va être obligé d'aller à Espace innovation. C'est les gens au Conseil du trésor qui vont décider si ça a du sens ou pas. Ça ne sera même pas réglé au niveau du ministère de la Santé. C'est un peu singulier quand même, là. On parle de produits, de technologies médicales, mais c'est le Conseil du trésor qui a le pouvoir de déterminer c'est quoi la meilleure façon de procéder à l'acquisition.

Donc on aimerait ça que vous... Évidemment, vous voulez mettre tous les contrats... les contrôles possibles en place. On est tous d'accord là-dessus. Mais pourquoi, en Ontario puis dans les autres provinces canadiennes, puis en Europe, qui sont nos partenaires commerciaux, qui sont des économies de marché avec les mêmes préoccupations puis les mêmes enjeux sur la probité, puis la façon de... l'éthique et tout ça, pourquoi eux se donnent cette latitude-là dans leurs contrats publics puis, nous, on est probablement la seule juridiction, parmi tout notre espace commercial, qui... à qui on contraint autant les organismes publics? Je peux vous le dire, là, on ne fait quand même pas des analyses comparatives, là, c'est remarquable. O.K. Donc, on a un projet de loi aujourd'hui qui veut... qui a des... qui sert à mettre en... qui sert à... On a une belle stratégie, un projet de loi qui va la mettre en application. Le fait de ne pas s'attaquer à la mécanique des contrats publics, c'est une occasion manquée pour nous. Donc, on a l'occasion de le faire. Allez-y, mettez toutes les balises que vous voulez, mais créez-le, le mode d'adjudication.

M. Verrault (Marc-Sébastien) : Puis, si je peux me permettre, Mme la ministre, dans le concret, l'emploi que j'ai le jour quand je ne supporte pas les activités de Medtech Canada, ça arrive très fréquemment, M. Larose faisait référence à neuf contrats sur 10, là, très, très fréquemment que la réponse de l'organisme public, c'est : J'aimerais vraiment ça, mais je ne peux pas. L'article 10 dicte que je dois... je dois procéder par le prix le plus bas conforme, puis il n'y a pas d'éléments de justification qui viennent supporter cette décision-là. Alors, l'industrie doit se conformer à ça, puis c'est là qu'on rentre dans une discussion, là, qui est... qu'on souhaiterait en fait aujourd'hui recommander, là, une modification au niveau du règlement également.

Mme LeBel : À l'article10.

M. Verrault (Marc-Sébastien) : Oui.

• (12 h 10) •

Mme LeBel : C'est très bien compris. Bien, merci. Écoutez, M. le Président, c'est vraiment... à moins que mes collègues aient d'autres questions, votre point est assez... est très clair et très compris. Merci.

Le Président (M. Simard) : D'autres interventions? Sans quoi nous cédons la parole au député de Mont-Royal—Outremont.

M. Arcand : Merci. Merci, M. le Président. Alors bienvenue, M. Larose, bienvenue, M. Verrault. C'est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui.

Ma première question porte sur justement le secteur de la santé. Ce que je comprends, c'est qu'il y a des contrats qui sont donnés par le gouvernement, oui. Il y a des contrats qui viennent des CIUSSS, etc. Pouvez-vous m'expliquer un peu comment... votre expérience dans ce domaine? Parce que les CIUSSS, on me dit, ne suivent pas toujours les critères du gouvernement ou, enfin, il y a comme un peu de confusion dans ce domaine-là.

M. Larose (Benoit) : Bien, peut-être que je peux prendre cette question au bond. En réalité, là, dans le quotidien du réseau de la santé, l'organisme qui regroupe la majorité des achats dans notre secteur, c'est le Centre d'acquisitions gouvernementales. Les établissements, en fait, ont relativement peu de latitude pour aller au marché directement lorsque les produits dont elles ont besoin sont... figurent à des listes, là, puis à l'arrêté ministériel. Donc, il y a une mécanique en place pour obliger les établissements à aller au marché à travers les contrats d'achats regroupés gérés par le CAG. Sinon, ils peuvent aller au marché individuellement, mais ils doivent respecter les mêmes règles. Bien, en fait, ils sont tous assujettis à la Loi sur les contrats des organismes publics. Donc, c'est des processus standards, là, d'approvisionnement avec les caractéristiques dont on a parlé, là. Donc, oui.

M. Arcand : O.K. Si vous pouvez m'expliquer, parce que j'ai lu avec attention l'annexe 2 que vous avez dans votre document et dont une des conclusions est assez spectaculaire, c'est-à-dire que vous dites essentiellement que, pour 110 dossiers d'appels d'offres, il y a 88 % dont on n'a pas tenu compte de la qualité dans le domaine des appels d'offres. C'est quand même assez, assez impressionnant.

M. Verrault (Marc-Sébastien) : En fait, M. le député, c'est effectivement ce qui se produit. En lien avec l'article 10 qui prévoit une adjudication au prix le plus bas conforme, on ignore d'autres... d'autres éléments de qualité qui, par exemple, raccourcissent la trajectoire de soins, qui réduisent des taux de réinfection ou de <réadmission à l'hôpital...

M. Verrault (Marc-Sébastien) : ...qui réduisent des taux de réinfection ou de >réadmission à l'hôpital, et c'est ces critères-là qui font qu'en bout de piste un programme clinique pourrait être moins coûteux, même si l'achat de l'équipement au départ, lui, est plus coûteux. Alors, ce qu'on constate ici, c'est des statistiques où l'adjudication s'est faite sur le prix uniquement sans prendre en ligne de compte les éléments de qualité qui auraient pu contribuer à un meilleur résultat clinique pour le contribuable, pour le patient.

M. Arcand : C'est parce que j'ai fait des consultations un petit peu quand le projet de loi a été déposé puis, à un moment donné, j'ai reçu un appel d'un fabricant de couches pour adultes qui n'avait pas eu le contrat, qui... mais dont plusieurs des éléments étaient fabriqués en Chine, mais c'était un fabricant québécois, etc. Donc, il a eu le contrat, mais avec le prix le plus bas, mais ça prenait deux fois plus de ce produit-là puisque, bon, etc., là, vous voyez où je m'en vais. C'est ça, directement, à quoi vous faites allusion, c'est vraiment la notion de qualité qui doit prévaloir.

M. Verrault (Marc-Sébastien) : Tout à fait. Surtout dans un domaine comme la santé où on touche... le geste qu'on pose sur un individu, sur un contribuable, sur un patient va avoir un impact sur sa qualité de vie, plus souvent qu'autrement.

M. Larose (Benoit) : On simplifie beaucoup les processus, on essaie de... Tu sais, la tendance, là, on a un budget à boucler, alors c'est sûr qu'on veut montrer, là, qu'on réalise des bonnes affaires, mais ce n'est pas parce qu'on achète au prix plus bas qu'on réalise nécessairement des bonnes affaires. Dans notre vie à tous, c'est ce qu'on... on le vit dans le quotidien. Alors, c'est la même chose pour les établissements, mais le système pousse vers ça, puis la façon qu'on finance nos services pousse vers ça. Donc, c'est des silos budgétaires. Les gains qui sont réalisés dans un département ne sont pas valorisés pour un autre. Puis là pourquoi je prendrais un produit qui coûte plus cher si c'est un autre département qui va avoir les gains? Même si, au total, c'est plus intéressant de faire ça, c'est mon budget qui va être obligé d'absorber l'excédent. Donc, tu sais, il y a beaucoup de problèmes, mais ici, dans la loi, on pense que de proposer un nouveau mode d'adjudication va permettre de régler ce problème-là en grande partie.

M. Arcand : Et est-ce que vous avez un cas en tête où, vraiment, ça s'est fait correctement, c'est-à-dire que ce n'est pas le prix le plus bas qui a nécessairement gagné? Y a-tu... Y a-tu un... Parce que là vous me donnez des listes de tout ce qui est... tout ce qui a mal été, mais est-ce qu'il y a quelque chose qui a été, par exemple, je ne le sais pas, moi, un appel d'offres et, finalement, ce n'était pas nécessairement le prix le plus bas, mais c'était vraiment un investissement dans la qualité? Tout à l'heure, quand j'étais avec la chambre de commerce, on me disait : Bon, bien, quand on fait un appel d'offres pour des autos électriques plutôt que des autos à l'essence, on sait que ça coûte plus cher, les autos électriques, mais ça a été un bon investissement parce qu'on réduit les GES et tout ça. Est-ce que vous avez, dans le domaine de la santé, un cas qui a été positif à votre connaissance, là? Puis si vous n'en avez pas, vous me le dites.

M. Larose (Benoit) : Bien, c'est un peu... En fait, il ne faut pas penser que tout se fait mal dans le réseau, là, les gens font du mieux qu'ils peuvent avec les règles qu'ils doivent suivre, mais notre point, c'est qu'ils pourraient faire beaucoup mieux si les règles leur permettraient, comme ailleurs au Canada, de choisir des produits en fonction de la valeur globale que ça procure au système de santé ou aux patients. Mais notre système pousse vers le prix le plus bas à l'achat.

M. Arcand : Vous avez parlé d'appels de solutions, d'un système d'appels de solutions. Alors, quand je vois qu'il y a, par exemple, aux États-Unis, certains modèles qui existent où, disons, un tel organisme lance un appel de solutions. Et là il dit essentiellement : Voici le bon montant qu'on propose, voici l'appel de solutions. Et là on sélectionne la meilleure... la meilleure offre, qui n'est pas nécessairement basée sur le prix uniquement. Est-ce que c'est un modèle, dans ce que vous connaissez, qui est un modèle qui pourrait être proposé? Est-ce que ... Est-ce que c'est valable?

M. Verrault (Marc-Sébastien) : Tout à fait, tout à fait, M. le député. En fait, si on commence... Fondamentalement, un appel aux solutions, ça démarre avec l'énoncé, un énoncé d'un problème. Et on laisse l'industrie avec toute la créativité, la recherche et le développement qu'ils peuvent amener à la table, démontrer comment, eux, ils se proposent de supporter cet enjeu-là. Par exemple, un appel aux solutions pour réduire les listes d'attente dans les blocs opératoires. C'est très simple comme énoncé, mais très complexe à régler. On peut lancer cet appel-là aux solutions à l'industrie et attendre de voir ce qu'ils vont proposer. Et ce que vous allez pouvoir remarquer, c'est que, oui, il va y avoir de la <technologie médicale...

M. Verrault (Marc-Sébastien) : ...ce que vous allez pouvoir remarquer, c'est que, oui, il va y avoir de la >technologie médicale, mais il va y avoir aussi un échange des meilleures pratiques de ce que nos organisations voient à travers le monde. Et on va pouvoir amener ces meilleures pratiques-là ici au Québec, faire avancer la cause de la santé pour les patients localement en faisant autre chose que juste en achetant un item médical.

M. Arcand : Et à votre connaissance, est-ce qu'il y a beaucoup d'entreprises québécoises dans votre secteur qui n'ont pas pu évoluer parce que... qui auraient, si elles obtenaient des contrats, pourraient certainement faire profiter de son innovation certains de ces éléments-là, mais qui sont littéralement bloqués, actuellement, par ce qui se passe?

M. Larose (Benoit) : On a deux cas de figure classiques. La PME innovante qui frappe à plusieurs portes pour entrer son innovation dans le réseau de la santé au Québec puis qui a beaucoup de difficulté. Des fois, ils vont réussir dans un projet de recherche ou dans le cadre d'un projet pilote, qui perd patience, qui va en Ontario ou dans d'autres juridictions, qui est capable d'avoir un succès commercial puis que, dans le fond, qui mettent une croix sur le Québec pour se concentrer ailleurs. Ça, malheureusement, là, je peux en nommer plusieurs. Je ne pense pas que c'est l'objectif ici, mais on en connaît plusieurs.

• (12 h 20) •

Puis l'autre cas de figure, c'est l'entreprise du Québec qui fabrique au Québec, O.K., puis qui se trouve à devoir faire une offre au prix le plus bas conforme contre, parfois, des distributeurs ou des entreprises qui fabriquent à l'extérieur, puis c'est les règles du jeu, mais on ne valorise pas du tout le fait qu'elles fabriquent localement. Et, encore là, c'est... ça devrait être tenu en compte dans l'équation. En Europe, ils le font, là. Par exemple, la France a une politique d'approvisionnement pour ses EPI qui tient compte... En fait, le prix, c'est 20 % de la note. Donc, ils veulent vraiment appuyer leurs entreprises locales.

On n'a pas parlé beaucoup de ça dans notre allocution, mais on a quand même pas mal d'entreprises qui fabriquent ici, là, tout récemment avec les EPI, mais toutes sortes de produits aussi. Mais présentement, parce qu'on se limite au prix comme facteur de comparaison, bien, on ne leur donne pas de chance parce que, je veux dire, ils sont en concurrence avec des joueurs qui parfois fabriquent en Asie, puis des entreprises qui ont des économies d'échelle appréciables. La situation actuelle, en fait, nuit aux PME, nuit aux entreprises innovantes puis nuit encore plus aux PME innovantes. Puis, dans notre secteur, il y en a beaucoup, de PME innovantes. Donc, c'est pour ça qu'on pense que les règles du jeu doivent être changées.

M. Arcand : Il me reste...

Le Président (M. Simard) : 1 min 10 s.

M. Arcand : 1 min 10 s. Alors, écoutez, j'avais une question, moi, sur... Puis j'aimerais que vous me répondiez au fait qu'il y a beaucoup de gens qui me disent que c'est un peu compliqué de définir, des fois, ce qui est québécois. C'est-à-dire que, compte tenu que, dans le domaine, il y a des pièces qui sont faites à l'extérieur, les fournisseurs sont québécois, mais avec des pièces faites à l'extérieur. Il y a même des fournisseurs canadiens qui nous ont dit qu'écoutez, il y a des pièces qui sont faites au Québec et on est un fournisseur basé en Ontario, mais on devrait être capable aussi d'appliquer, parce que notre produit, il est québécois, etc. Est-ce que ça représente, pour vous, un enjeu de bien définir ce qui est québécois?

M. Larose (Benoit) : C'est clairement un enjeu. Vous avez raison, c'est complexe. Les chaînes d'approvisionnement sont globales dans notre secteur, ne sont pas régionales. Écoutez, quand on.... Si on est capable de faire des critères d'appel d'offres qui tiennent compte de la robustesse de la chaîne d'approvisionnement, de la proximité de la source, des matières premières puis, etc., si on valorise ça dans l'équation, on va automatiquement donner plus de chances aux entreprises qui sont proches de chez nous. Puis ça peut être des entreprises de propriété étrangère qui sont actives au Québec. Je veux dire, on a plein d'entreprises, là, par exemplecelle qui emploie M. Verrault, qui a 650 employés à Montréal, là, qui n'est pas de propriété québécoise, mais qui emploie bien du monde. On a d'autres cas dans notre membership. On représente tout ce genre d'entreprises-là, là, qui ont des... soit d'origine québécoise, ou canadienne, ou étrangère, mais qui sont très impliquées ici.

Le Président (M. Simard) : Merci. Alors, j'ai cru comprendre durant la pause qu'il y avait un consentement afin que notre collègue de Jonquière, ici présent, puisse récupérer le temps qui était initialement dévolu à notre collègue de Mercier. J'avais bien compris?

Une voix : Oui.

Le Président (M. Simard) : Ah bien! Formidable! M. le député de Jonquière, vous voyez comment vous faites l'unanimité cet avant-midi.

M. Gaudreault : Vous avez très, très bien compris, M. le Président. Merci beaucoup d'être là. J'ai trouvé votre mémoire et vos propositions très, très intéressants. Et vous avez dit, tout à <l'heure, un mot, une expression...

M. Gaudreault : ...votre mémoire et vos propositions très, très intéressants. Et vous avez dit, tout à >l'heure, un mot, une expression, là, bien importante : C'est une occasion manquée. Puis là je ne veux pas vous mettre mal à l'aise, mais c'est une grosse critique, quand même, envers le projet de loi n° 12. Je veux dire, on est tous pour la vertu, puis on est tous pour les orientations, pour les objectifs poursuivis par le projet de loi. Mais c'est comme si vous disiez : Bien, il ne va pas au bout de ses ambitions. Et puis là je reprends une autre de vos expressions, là, le projet de loi ne touche pas à la mécanique, il ne touche pas aux règles. Il devrait toucher aux règles du jeu. Alors, c'est quand même... c'est quand même une critique importante. Il faut qu'on en tienne compte, parce que c'est bien beau d'avoir des objectifs, mais il faut se donner les moyens de les atteindre.

Je veux vous amener sur des éléments dont on a moins discuté avec les collègues précédemment. Vous dites que, quand le gouvernement doit quand même faire une adjudication au plus bas prix, bien là, vous dites : Il devrait quand même le justifier. Alors, j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus là-dessus.

M. Larose (Benoit) : En fait, on veut renverser, je dirais, la position par défaut. Aujourd'hui, par défaut, c'est le prix le plus bas conforme qui l'emporte. L'organisme public sollicite uniquement un prix, puis on adjuge au prix le plus bas conforme. C'est ça par défaut. Nous, on dit : Ça ne devrait pas être la règle par défaut, en tout cas, certainement pas dans notre domaine. Par défaut, ça devrait être la valeur, puis on tient compte de plusieurs critères, puis on fait une adjudication au mérite dans le fond. Mais si on veut quand même faire une adjudication sur le prix... Parce qu'on est d'accord avec la ministre, là, cette façon de faire a sa place encore, dépendant des... Parce que, là, il ne faut pas oublier que ce projet de loi là s'adresse à tous les achats gouvernementaux. Donc, dans certains secteurs autres que notre domaine, ça peut s'appliquer plus souvent, que ça soit légitime d'utiliser le prix plus bas. Bien, à ce moment-là, qu'on oblige l'organisme public au moins à l'expliquer, pourquoi il a choisi ce mode d'adjudication là plutôt qu'un mode plus, je dirais, plus adéquat pour ce qu'on achète.

M. Gaudreault : Donc, que la règle du plus bas prix devienne l'exception plutôt que la règle.

M. Larose (Benoit) : Absolument.

M. Gaudreault : O.K. Vous parlez aussi de l'importance d'améliorer le traitement des plaintes, je pense que c'est via l'AMP, et vous dites également que l'AMP devrait se doter de spécialistes par secteur. Alors, quid?

M. Larose (Benoit) : Nous, on a salué l'arrivée sur la scène de l'AMP parce qu'effectivement il y a besoin, pour les fournisseurs qui se sentent lésés dans les processus d'adjudication de contrat, de pouvoir aller chercher un peu l'équivalent d'un ombudsman. Nous, on aurait aimé ça, que ça soit un rôle d'ombudsman un peu plus affirmé. Bon, on comprend qu'il y a un mandat de surveillance, s'assurer que les règles du jeu sont suivies, mais on aimerait ça que l'AMP soit plus ouverte à recevoir des plaintes de fournisseurs qui disent : Écoute... Écoutez, ce processus-là n'est pas adéquat, il est contre l'intérêt public. Si l'organisme public avait fait ses devoirs mieux, bien, il y aurait une meilleure décision d'acquisition de prix. Mais là, ce n'est pas le cas. Alors, on vous demande de regarder ça pour juger si l'organisme public s'est vraiment... a fait ses devoirs pour aller au marché. Mais, pour ça, ça prend une certaine expertise pour comprendre le domaine de la santé.

M. Gaudreault : O.K. Et vous sentez qu'à l'AMP, présentement, il manque un peu de cette expertise. En tout respect de l'AMP, là. De toute façon, on n'est pas là pour ça, là, mais je veux dire... Donc, dans des secteurs plus spécifiques, comme les vôtres, là.

M. Larose (Benoit) : Ils la développent rapidement, parce que le domaine de la santé génère une bonne partie des dossiers à l'AMP. Pas pour des questions de malversations, hein, c'est souvent des affaires de cadres normatifs qui ne sont pas respectés. Puis, des fois, on se demande pourquoi les organismes publics ne pensent pas... En fait, des fois, on trouve qu'ils sont un peu brouillons, là, tu sais. Ils pourraient être un peu plus rigoureux dans certains cas. D'ailleurs, c'est pour ça que l'AMP intervient.

Mais nous, on voit ça d'un bon oeil, là, d'avoir un organisme public neutre, tu sais, qui peut recevoir, comme l'AMP, qui peut recevoir les doléances des fournisseurs qui s'estiment lésés. Écoutez, on génère des milliers de contrats par année, notre secteur. Donc, tu sais, c'est du quotidien, là, avoir des... transiger avec les établissements ou avec le Centre d'acquisitions gouvernementales. Tu sais, moi, comme représentant de l'association, j'ai beaucoup d'entreprises qui m'appellent, qui me disent : Voyons! On ne comprend pas pourquoi ils font ça comme ça. Ça ne fonctionne pas, on n'a pas de réponse. Le contrat arrive à échéance, on n'est pas encore... Bon.

M. Gaudreault : Bien, je peux vous dire que, comme député, je l'entends beaucoup aussi. Il y a des entrepreneurs dans ma région qui cognent à ma porte pour dire : Bien là, je veux dire, c'est la maison des fous, là. Et il y a beaucoup de difficulté à percer le marché.

On a eu une discussion, tout à l'heure, avec les... Propulsion Québec puis la chambre de commerce de Montréal sur l'enjeu du <cycle de vie

M. Gaudreault : ...Propulsion Québec puis la chambre de commerce de Montréal sur l'enjeu du >cycle de vie. On pourrait même aller jusqu'à l'économie circulaire. Puis je pense que, dans votre domaine, ça sera un bel exemple. Votre analyse là-dessus par rapport au projet de loi?

M. Larose (Benoit) : Bien, c'est parce qu'il n'y a rien de contraignant. C'est ça. On aimerait ça que ce soit plus...

M. Gaudreault : On revient... On revient au point de départ.

M. Larose (Benoit) : Absolument. Je pense qu'encore une fois la stratégie, la vision de la ministre, elle est superbe, là. On est enthousiastes, là, dans l'idée de la soutenir pour le mettre en place. Ce qu'on trouve, c'est que, puisqu'il y a des règles du jeu qui sont limitantes, bien, changeons-les pour permettre d'aller... de concrétiser plus vite. C'est ça qu'on vous demande.

Le Président (M. Simard) : Alors, sur cette note positive, M. Larose, M. Verrault, merci pour votre présence parmi nous aujourd'hui. Sur ce, nous allons suspendre nos travaux pour l'heure du repas. On se donne rendez-vous tout de suite après les affaires courantes. À plus tard.

(Suspension de la séance à 12 h 29)


 
 

15 h 30 (version révisée)

(Reprise à 15 h 59)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, bienvenue à tous après cette période des questions. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi visant principalement à promouvoir l'achat québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime d'intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l'Autorité des marchés publics.

Alors, nous sommes maintenant en présence de représentants du Conseil du patronat du Québec. Nous sommes en distance, bien sûr. Alors, auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter, s'il vous plaît?

M. Blackburn (Karl) : Karl Blackburn, président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec.

Mme Kozhaya (Norma) :Et Norma Kozhaya, vice-présidente à la recherche et économiste en chef au Conseil du patronat.

Le Président (M. Simard) : ...à vous deux et vous disposez de 10 minutes.

• (16 heures) •

M. Blackburn (Karl) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, de manière générale, le Conseil du patronat du Québec accueille favorablement le projet de loi n° 12 et la stratégie gouvernementale des marchés publics dont fait partie le projet de loi.

Les marchés publics constituent des leviers considérables pour encourager le développement durable ainsi que l'innovation et la croissance de nos entreprises en vue de bâtir une économie plus innovante, plus prospère, plus verte et plus solidaire. C'est pourquoi le CPQ invite le gouvernement du Québec depuis plusieurs années, et encore davantage dans le contexte de la COVID, à utiliser les marchés publics de façon plus stratégique en vue d'encourager l'atteinte de différents objectifs. L'achat québécois peut répondre à des objectifs comme le développement de filières industrielles, de régions et de bénéfices environnementaux ou sociaux. Aussi, un rapprochement régional des chaînes de valeur est souhaitable dans des domaines stratégiques ou dans des domaines où le rapprochement de la productivité est devenu économiquement efficient, surtout lorsqu'on tient compte de l'utilisation des ressources et des émissions de gaz à effet de serre à toutes les étapes de production et de distribution.

Évidemment, les achats publics doivent toujours se faire dans le respect des règles de libre-échange. C'est dans cet esprit que le CPQ a prôné à plusieurs reprises le recours à un mode d'octroi des contrats publics qui prenne en compte adéquatement des notions de qualité, de valeur et de durabilité de performance environnementale, qui soit ouvert à l'innovation et qui évite de favoriser quasi systématiquement le plus bas soumissionnaire. La règle du plus bas soumissionnaire accorde une prépondérance aux coûts comme critère de sélection qui peut se faire malheureusement au détriment d'autres retombées positives potentielles, notamment au niveau de la qualité de l'environnement et du développement régional. Dans cette logique du plus bas prix, les solutions les moins dispendieuses ne sont pas nécessairement les plus durables.

Le p.l. 12 amène un changement de paradigme bienvenu, et représente une belle ouverture allant dans le sens des contrats et des constats et impératifs que je viens de soulever précédemment. Il permettrait notamment aux gouvernements de déroger aux règles d'adjudication et d'attribution traditionnelles, que ce soit afin de lutter contre les changements climatiques, d'améliorer la représentativité des entreprises et travailleurs autochtones ou encore de promouvoir l'innovation. Le p.l. 12 favorise aussi l'achat québécois et régional, la participation des petites entreprises et le développement durable. Le CPQ note que plusieurs des avancées proposées par le projet de loi s'inscrivent dans le cadre d'arrêtés, de directives, de programmes établis par le Conseil du trésor ou font partie du cadre de l'Espace innovation des marchés publics...


 
 

16 h (version révisée)

M. Blackburn (Karl) : ...de directives, de programmes établis par le Conseil du trésor, ou font partie du cadre de l'Espace innovation des marchés publics.

En résumé, ces avancées relèvent essentiellement d'un pouvoir discrétionnaire de la présidente du Conseil du trésor. Des règlements viendraient également préciser certains éléments. À ce sujet, le CPQ reconnaît que modifier les façons de faire ne se fait pas en claquant des doigts et peut requérir d'expérimenter et d'y aller de façon graduelle. Il faudrait toutefois garder à l'esprit l'importance de pouvoir normaliser, dans un horizon relativement rapproché, les mesures qui s'avéreraient porteuses selon les contrats et qui apporteraient une certaine prévisibilité. Le p.l. 12 représente donc un premier pas fort pertinent qui pourrait toutefois être amélioré pour augmenter nos ambitions tout en demeurant réalistes. De plus, l'élaboration des directives et des règlements gagnerait à être faite en collaboration avec les acteurs économiques concernés pour refléter la réalité du terrain.

Permettez-moi maintenant d'aborder quelques éléments plus en détail. Au niveau du développement durable, le projet de loi prescrit aux organismes publics de tenir compte, lors de l'évaluation de leurs besoins, des objectifs qu'ils se sont fixés en vertu de la Loi sur le développement durable et de ceux déterminés par le gouvernement dans la stratégie de développement durable adoptée en vertu de cette loi. Il s'agit d'une avancée intéressante par rapport à la situation actuelle. Dans la pratique, au-delà de l'évaluation des besoins, qui est un bon point de départ, il faut que les organismes publics donneurs d'ouvrage valorisent, dans leurs appels d'offres, la recherche d'un développement durable et l'intégration de critères sociaux et environnementaux. Cela implique également une plus grande cohérence dans les actions des différents ministères et organismes et des règles qui favorisent plus souvent le recours à d'autres modes d'octroi des contrats publics que le plus bas soumissionnaire conforme, tout en reconnaissant que différents types d'adjudication de contrats sont pertinents selon les circonstances propres au projet.

Le CPQ recommande donc de systématiser l'utilisation de critères sociaux et environnementaux par les ministères et organismes et les rendre obligatoires dans l'adjudication ou l'attribution des contrats publics, bien évidemment, dans le respect des ententes internationales et lorsque c'est applicable, afin que l'octroi des contrats publics mise désormais sur des critères de valeur plutôt que principalement le choix du plus bas soumissionnaire conforme.

Je le souligne également, le fait que l'Espace innovation des marchés publics proposé dans le projet de loi va rendre possible l'intégration d'autres considérations en lien avec le développement durable. À cet effet, le CPQ s'est souvent prononcé en faveur de la prise en compte et la valorisation dans les contrats publics des notions de qualité, de performance environnementale, de valeur et de durabilité des ouvrages. On réfère, par exemple, à l'évaluation à l'échelle du cycle de vie ou au coût total de possession.

Toujours en lien avec l'Espace d'innovation des marchés publics, le projet de loi précise que le but est de favoriser l'évolution des règles contractuelles pour permettre aux organismes publics de mieux contribuer à l'atteinte d'objectifs gouvernementaux par le biais des marchés publics, soit, notamment, l'accroissement des acquisitions responsables et une meilleure intégration du développement durable et de l'innovation dans le processus contractuel. Pour le CPQ, il s'agit sûrement d'une avancée. La présidente du Conseil du trésor aura ainsi le pouvoir d'obliger un organisme public à recourir à certaines mesures, adopter et intégrer certains critères, entre autres, en lien avec le développement durable.

Aussi bien que la règle du plus bas soumissionnaire demeure, ce qui peut être justifié dans certains cas, la mise en place de modes de réalisation de projets alternatifs plus collaboratifs, au-delà du plus bas soumissionnaire, pourra ainsi être encouragée. Il est espéré que la présidente du Conseil du trésor fera large usage de sa discrétion établie dans le nouvel article 14.9. Pour l'atteinte des objectifs, il faudrait que l'expérimentation et l'apprentissage puissent se faire relativement rapidement, et avec un nombre adéquat de contrats ou de projets pour pouvoir aboutir à un cadre qui soit applicable de façon plus généralisée et prévisible aux différents types de contrats. Un engagement clair et concret en ce sens est extrêmement important.

Pour tenir compte de la diversité des contrats publics et de la réalité du terrain, la collaboration entre les différentes parties prenantes de l'industrie est nécessaire pour identifier les mesures les plus pertinentes selon les différentes situations et les divers <contrats...

M. Blackburn (Karl) : ...est nécessaire pour identifier les mesures les plus pertinentes selon les différentes situations et les divers >contrats. Ce dialogue tôt dans le processus, qui fait partie d'ailleurs des principes prônés par l'OCDE, pourrait contribuer de mettre en évidence tout potentiel d'amélioration ou de signaler des problèmes.

Maintenant, au niveau de la régionalisation et des appels d'offres. Pour le CPQ, l'utilisation des marchés publics pour dynamiser les régions est sûrement souhaitable. Une attention devrait toutefois être portée à ce que l'obligation du recours à la procédure d'appel d'offres régionalisée, dont l'objectif est louable, n'ait pas de conséquences indésirables, par exemple, d'exclure des fournisseurs de régions voisines, qui ont bien souvent des activités qui dépassent les frontières administratives de leur région. Une conséquence pourrait alors être de réduire la concurrence, ce qui n'est pas souhaitable.

Par ailleurs, le gouvernement doit s'assurer, à travers ses appels d'offres et acquisitions, d'appuyer le développement de chaînes de valeur régionales, en particulier dans le domaine des énergies renouvelables, qui représentent un fort potentiel de développement dans de nombreuses régions, tout en encourageant l'économie circulaire.

Je termine en abordant les conditions de succès nécessaires, selon le CPQ, pour atteindre les objectifs du projet de loi n° 12. On observe depuis plusieurs années une diminution de la capacité des fournisseurs à répondre à la demande et aux appels d'offres publics, surtout dans le secteur de la construction. Cela est dû à plusieurs raisons interdépendantes : problèmes de disponibilité de main-d'oeuvre, formules contractuelles décourageantes, besoins et conditions souvent irréalistes, tarifications désincitatives, réglementations improductives et enjeux répétés en matière de contestations et de retards de paiement ne sont là que quelques exemples. Pour augmenter le nombre de soumissionnaires et améliorer la participation des PME et la concurrence dans les marchés publics, il faut adopter rapidement les solutions requises à ces sujets.

• (16 h 10) •

Les délais pour recevoir son paiement, qui demeurent longs, représentent un irritant important pour les fournisseurs de l'État. Certaines entreprises, notamment en construction, ont abandonné l'idée de participer aux appels d'offres du gouvernement, entre autres, parce que les délais de paiement sont trop longs. Pour le CPQ, le p.l. 12 devrait être l'occasion de régler la problématique des délais de paiement une fois pour toutes.

Je termine rapidement en mentionnant que la formation et l'expertise des fonctionnaires seront décisives pour permettre de prendre le virage souhaité. En ce sens, je souligne qu'il est intéressant de voir que la stratégie prévoit des mesures de formation...

Le Président (M. Simard) : En conclusion, s'il vous plaît.

M. Blackburn (Karl) : ...tout en rappelant qu'une mise en manoeuvre efficace de ces éléments sera cruciale pour répondre et atteindre ces objectifs. Merci de votre attention.

Le Président (M. Simard) : Merci. Merci, M. Blackburn. Je cède maintenant la parole à la présidente du Conseil du trésor.

Mme LeBel : Merci. Merci, M. Blackburn, de votre présence. On a d'ailleurs eu l'occasion de discuter, là, de ce type de questions là sur d'autres projets de loi. Je vais peut-être commencer par la fin de votre commentaire. Je suis... Vous parlez des retards de paiement qui ne sont pas nécessairement directement visés par le projet de loi n° 12, mais je comprends très bien que vous souhaitez, à tout le moins, qu'on réfléchisse à une façon d'agir rapidement suite au... j'allais dire projet de loi, suite au projet pilote qui vient de se terminer et de voir si on peut évaluer les possibilités d'agir dans le présent projet de loi.

Je peux vous rassurer sur une chose, je suis très satisfaite des conclusions du projet pilote. Je pense que ça démontre tant dans l'établissement d'un calendrier de paiement que d'avoir des mécanismes de règlement des différends, je pense que c'est important d'agir. Et d'ailleurs quelques-uns se posaient la question ce matin en disant : Pourquoi on doit... on a besoin d'un projet de loi? Le gouvernement devrait payer, point final, dans les délais. Bon, c'est sûr qu'on... Personne n'est contre la vertu, mais on sait que, des fois, c'est plus compliqué dans la réalité. Donc, si on peut avoir des mécanismes et instaurer des choses qui nous aident à aller de l'avant, je pense que c'est souhaité et souhaitable.

Peut-être, juste là-dessus, je me suis déclarée satisfaite, mais je ne voulais pas vous mettre des mots dans la bouche. Est-ce que vous pensez que les conclusions du projet pilote sont quand même somme toute positives? J'ai peut-être donné mon opinion trop rapidement là-dessus, là, mais je pense qu'on va être d'accord, à tout le moins, sur cet aspect-là.

M. Blackburn (Karl) : Je vous rassure tout de suite, Mme la ministre, nous sommes d'accord effectivement sur les conclusions. Et, comme nous l'avons mentionné dans notre présentation de mémoire, vous avez une belle occasion de pouvoir légiférer en lien avec ces délais de paiement, entre autres, qui, malheureusement, malgré la bonne vertu qu'on peut avoir, dans certains cas, peuvent décourager des entreprises de participer à des appels d'offres parce que celles-ci n'ont pas nécessairement les capacités financières de supporter des longs délais de paiement. Si les montants sont plus élevés, bien évidemment que ça devient un peu fragilisant pour leur structure. Alors, si les conclusions de votre test sont <positives...

M. Blackburn (Karl) : ...bien évidemment que ça devient un peu fragilisant pour leur structure. Alors, si les conclusions de votre test sont >positives et si vous avez l'occasion de faire des modifications dans votre projet de loi, nous vous invitons effectivement à les apporter pour les inclure dans le projet de loi.

Mme LeBel : Je peux vous garantir, en tout cas, vous assurer que notre gouvernement a l'intention d'agir dans cet aspect-là. D'ailleurs, dans le projet de loi n° 66, on a, outre le projet pilote, on a quand même étendu le même mécanisme, si vous voulez, à tous les projets de loi de l'annexe, qui est devenue une loi maintenant puis un projet de loi, mais on le connaît sous le nom de 66, donc je me permets de continuer à le citer sous cet aspect-là. On a déjà étendu ces mécanismes-là à tous les contrats et sous-contrats d'ailleurs du... qui sont à l'annexe, qui sont pour les projets à l'annexe du projet de loi. Donc, je voulais juste vous rassurer que je suis... que j'en prends bonne note. Qu'on va d'ailleurs recevoir ici la Coalition sur les retards de paiement également. Donc, c'est un enjeu pour lequel on est très sensible. Et on est à la recherche, avec les équipes et les gens concernés... D'ailleurs, vous faites... Certaines des entreprises qui font partie de votre groupe sont en discussion aussi avec nous, à la recherche d'une solution la plus rapide possible et aussi la plus complète possible. Donc, je voulais juste clore là-dessus, compte tenu que ce n'est pas nécessairement l'objet du projet de loi, mais je comprends la préoccupation. Puis vous avez raison, des fois, tout est dans tout, hein, donc, comme on parle de saine concurrence, d'augmenter les bassins d'entreprises capables de soumissionner aux contrats publics, c'est un aspect qui est un frein, alors je pense qu'il faut le comprendre. Maintenant, on verra dans quelle... de quelle façon et dans quelle séquence on pourra adresser cet enjeu.

Donc, peut-être aller sur l'autre frein, qui a été mentionné d'ailleurs dans la consultation qui a été menée entre autres par mon collègue de Maskinongé, député de Maskinongé, qui est l'adjoint parlementaire, mon adjoint parlementaire également, sur l'accès des entreprises, c'est-à-dire aux appels d'offres, la capacité de soumissionner. Est-ce que vous pouvez nous en parler un peu plus, des préoccupations de certaines entreprises? Vous l'avez mentionné en fin de parcours dans votre allocution, sur, des fois, la complexité des appels d'offres, des fois, bon... Disons qu'on va mettre de côté ce qui est intrinsèque aux entreprises, là, le manque de main-d'œuvre, des choses comme ça, parce que je la comprends très bien. Mais au niveau des appels d'offres, il y a plusieurs aspects qui sont proposés dans le projet de loi qui doit se lire avec la stratégie naturellement : le tremplin, l'accompagnement, donner un meilleur accès aux entreprises, la formation, tant pour les fonctionnaires, et ministères, et organismes, mais aux entreprises aussi, pour un peu les prendre par la main et leur donner accès à leurs premiers contrats publics, qui, après ça, peut leur donner une expérience, des équipes multidisciplinaires pour le faire, peut-être des appels d'offres plus standardisés dans les cas où c'est possible de le faire. Quel est votre positionnement là-dessus?

M. Blackburn (Karl) : Je vais demander à ma collègue Norma de répondre à votre question précisément. Mais avant, j'aimerais quand même ajouter quelques éléments.

D'abord sur la stratégie qui accompagnait le projet de loi, nous avons démontré que nous étions très ouverts à cette stratégie-là pour favoriser le développement régional, pour permettre aux entreprises dans toutes les régions du Québec, avec les moyens qu'elles avaient, de pouvoir participer à des contrats publics et ainsi permettre de créer des activités économiques dans les régions.

Mais plus précisément, pour répondre vraiment à la question, je demanderais à Norma, qui est en contact étroit avec nos membres, de peut-être apporter certains éléments de réponse.

Mme Kozhaya (Norma) :Effectivement. Merci, Mme la ministre, M. le Président. Effectivement, il y a plusieurs éléments qui ont été soulevés. Et les irritants, mettons, entre guillemets, dépendent aussi des entreprises. Il y a des éléments, par exemple, comme les garanties personnelles, c'est un enjeu, les clauses, des fois, contractuelles. On l'a vu beaucoup aussi avec la COVID. Des fois, s'il y a un retard, c'est qui... la responsabilité. On comprend que le gestionnaire public veut réduire son risque en même temps, mais il y a des clauses qui ne permettaient pas un bon partage de risque et mettaient, mettons, tout le fardeau du risque sur l'entrepreneur. Des éléments aussi comme par exemple la possibilité de porter plainte des fournisseurs, pas juste des cocontractants. Donc, encore là, c'est tous des éléments qui ont été soulevés.

Bien sûr, les retards de paiement, c'est quand même important, parce que c'est le nerf de la guerre et ça pénalise notamment les PME. Et peut-être aussi, comme vous l'avez mentionné, la complexité ou du moins la perception de complexité, parce qu'ils se disent : Dans quoi je m'embarque? Je commence, mais je ne sais pas comment ça va aboutir. Donc, tous ces volets-là. Et c'est pour cela... Et l'utilisation... tout ce qui est aussi technologique, électronique, c'est quelque chose sur lequel le gouvernement peut également travailler.

Donc, ces éléments-là, qui étaient peut-être mentionnés le plus souvent, les clauses contractuelles dans certains cas, donc, les garanties personnelles, les retards et puis les... un peu le risque que, des fois, ces entrepreneurs <prennent...

Mme Kozhaya (Norma) : ...les retards et puis les... un peu le risque que, des fois, ces entrepreneurs >prennent. C'est sûr que, surtout dans un contexte où ça va plutôt bien, elles vont choisir peut-être quelque chose de plus sécuritaire avec le secteur privé plutôt que le secteur public.

• (16 h 20) •

Mme LeBel : Merci. Vous avez mentionné, M. Blackburn, une phrase qui m'a beaucoup plu, parce que c'est la philosophie derrière l'espace d'innovation qui est créé dans le projet de loi, c'est-à-dire je comprends qu'il faut le faire quand même de façon soutenue, mais vous parlez d'expérimenter, y aller de façon graduelle, et pour ensuite se donner l'occasion de normaliser les pratiques ou les bonnes pratiques, je vais le dire de façon générale, là, les bonnes idées ou les bonnes... les choses positives qui ressortent de cet espace d'innovation là où on a pu expérimenter différents critères, d'ailleurs, de cycle de vie, de valeur ajoutée, de valeur globale, là, qui comprennent aussi les coûts de possession. Et j'en passe, là, on pourrait en discuter longtemps. Si vous aviez à me proposer des premiers types d'appels d'offres, des premiers types d'expérimentation à faire dans cet appel... dans cet espace d'innovation, au lendemain de l'adoption du projet de loi, disons, vous comment seriez par quoi?

Les objectifs sont clairs dans la loi, là, mais naturellement. L'idée, c'est de se garder une agilité aussi puis ne pas revenir en commission parlementaire à tous les deux ans pour modifier la loi. Donc, il fallait trouver un équilibre entre un encadrement suffisant pour que l'intégrité des marchés publics soit respectée, c'est-à-dire qu'il y ait des balises à l'espace d'innovation, mais y avoir, je dirais, un flou, dans le sens positif, suffisant également pour se permettre d'expérimenter, parce que c'est l'objectif, là, et des fois c'est contre-intuitif, quand on parle de contrats publics, de se laisser un espace. Alors, vous prendriez ça... si vous étiez président du Conseil du trésor au lendemain de l'adoption du projet de loi, vous commenceriez par quoi, là, pour commencer à expérimenter, de façon graduelle toujours, là? Parce qu'il faut aussi renverser la vapeur dans plusieurs domaines, puis, des fois, il faut le faire graduellement. Rondement, mais graduellement.

M. Blackburn (Karl) : D'abord, votre question, elle est excellente. D'abord, on souligne la sagesse que vous démontrez en lien, justement, avec la capacité que vous avez d'adapter au fur et à mesure de l'évolution des résultats, de l'atteinte des résultats, vous faites preuve de sagesse, parce que c'est vrai que le gouvernement, du jour au lendemain, n'a pas la science infuse et n'a pas nécessairement toute l'expertise pour être capable d'aller de l'avant avec : Voici de quelle façon ça devrait fonctionner puis respectez ces règles. Alors, vous avez la sagesse de vous donner cette capacité d'ajuster puis d'adapter. Et on souhaite que ça soit le plus court possible pour, justement, apporter aux entreprises cette certaine... cette prévisibilité qui est importante en termes d'investissement puis de mobilisation.

Maintenant, pour répondre plus précisément à la question que vous poser, il faudra aussi identifier quelles seraient les priorités du gouvernement. Et je m'explique. Chacune des régions du Québec n'ont pas les mêmes outils entre les mains pour être capables... ou les entreprises de chacune des régions du Québec n'ont pas les mêmes outils en main pour être capables de relier ou de réaliser l'ensemble des contrats unifiés à travers le Québec. Alors, vous pourriez certainement, comme gouvernement, identifier quelles sont les forces du Saguenay—Lac-Saint-Jean, quelles sont les forces de la Côte-Nord, quelles sont les forces du Centre-du-Québec pour être capables de développer des secteurs qui permettraient à des entreprises, dans ces régions, qui ont développé une expertise, qui ont développé un savoir, qui ont développé une capacité en lien avec leur empreinte régionale, vous seriez en mesure de pouvoir identifier des secteurs qui permettraient, justement, à ces entreprises de pouvoir participer à des appels d'offres. Dans certains cas, ça pourrait être lié avec la technologie vidéo, lié avec le développement technologique, dans le Bas-Saint-Laurent, dans la Gaspésie, il y a des secteurs extrêmement importants reliés à ça. Dans le Centre-du-Québec, ça pourrait être des éléments reliés avec l'énergie, l'énergie renouvelable. Je pense, entre autres, à des entreprises qui sont dans ces régions-là. Donc, vous auriez la capacité, tout en étant agiles, d'identifier les forces de chacune des régions et de tenter de prioriser des appels d'offres qui mettraient en valeur les entreprises dans ces régions. Et je pense que ça pourrait être un choix extrêmement judicieux et intelligent de la part du gouvernement.

Mme LeBel : Merci. On a parlé beaucoup aussi, ce matin, dans un autre domaine en particulier, je pense, c'est Medtech, mais d'autres, sur cette espèce de dialogue compétitif dans certains secteurs qui devrait... qui devait se mettre en place. Souvent, on l'a par contre, ce principe-là est déjà intégré, au gouvernement, en matière de technologies de l'information où on se donne le loisir d'être capable de discuter. On parle d'appels de solutions souvent pour... Je dois vous dire, quand on prend un pas de recul, que, souvent, cette notion de dialoguer avec les entreprises, quand on parle du secteur public, de l'argent des Québécois, des contrats publics et de dialoguer avec le secteur privé peut souvent être perçu comme étant dangereux, hein, dans le sens de <l'intégrité...

Mme LeBel : ...dialoguer avec le secteur privé peut souvent être perçu comme étant dangereux, hein, dans le sens de >l'intégrité. Puis je le dis parce que c'est un peu la raison de la zone d'espace d'innovation, c'est de se permettre de le faire dans certains cas de figure, en annonçant nos couleurs et en disant qu'on allait le faire, mais est-ce que vous ne pensez pas qu'effectivement, dans le cadre de l'espace d'innovation, ce sont des pratiques qu'on peut expérimenter ou, à tout le moins, mettre de l'avant et, au moins... Il y a aussi se donner la chance de démontrer aux Québécois que ça fonctionne, là. Moi, je le vois dans les deux sens, cette zone d'innovation là, prendre de l'expérience, pour le gouvernement, aider à identifier nos besoins, permettre aux entreprises de s'adapter aux besoins du gouvernement, et vice versa, donner au gouvernement l'occasion de connaître l'innovation pour pouvoir l'acquérir en temps opportun, mais aussi rassurer le public qu'on fait les choses correctement avant de normaliser les pratiques dans l'ensemble des marchés publics. Est-ce que vous avez un peu... Est-ce que vous pensez que c'est une vision qui peut se défendre ou...

M. Blackburn (Karl) : D'abord, les préoccupations que vous avez, Mme la ministre, sont justifiées et justifiables. Il est clair que, dans le domaine public, on se doit d'être respectueux des plus hauts standards et on se doit de rassurer la population en lien avec la gestion des sommes publiques.

Mais j'aimerais me baser sur un exercice ou un exemple qui s'est produit dans les deux dernières années. Prenez l'exemple de la participation des entreprises dans la campagne de vaccination. Alors, cette campagne a été orchestrée en grande partie par le gouvernement du Québec, par le ministère de la Santé, entre autres, avec M. Dubé, mais il y a eu des rencontres au préalable qui ont été amorcées avec des entreprises qui avaient des outils entre les mains ou des équipements qui pouvaient aider ou faciliter la vaccination. Alors, l'expertise des entreprises a été mise à contribution avec l'objectif gouvernemental. Le tout s'est fait dans le respect des règles, mais ça a permis d'aller chercher une efficience que, n'eût été de cette collaboration en amont, n'aurait pas été capable. Alors, on le voit, ça, ça a été l'exemple de la vaccination, mais on a vu d'autres exemples, en lien, par exemple, avec la fabrication d'équipements aidant à la respiration des malades qui étaient plus affectés. Des entreprises, avec leur expertise, leurs équipements, leur savoir, ont collaboré à établir des grands objectifs gouvernementaux en lien avec la protection de la santé, et sincèrement, ça a donné des résultats positifs. De cette façon, si on s'en inspire, on est capables de réaliser des éléments, tout en assurant que le respect des règles est fait de la façon la plus stricte possible.

Mme LeBel : Mais merci. Puis, écoutez, j'ai vu qu'il y avait des recommandations plus précises, là, sur des amendements à certains articles, donc on va en prendre connaissance avec beaucoup de sérieux. Merci de votre participation.

M. Blackburn (Karl) : Merci à vous.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, Mme la ministre. D'autres interventions de la part des collègues du côté ministériel? Alors, M. le député de Mont-Royal—Outremont, à vous la parole.

M. Arcand : Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, d'abord, M. Blackburn, c'est un plaisir de vous revoir, et également Mme Kozhaya, et ce n'est pas la première fois qu'on participe comme ça dans une commission parlementaire.

Alors, ma première question. Il y avait un groupe patronal qui est venu, ce matin, également, et qui a mis un peu en doute, malgré les bonnes intentions de ce projet de loi, la capacité, si on veut, organisationnelle du gouvernement, la culture, je dirais, organisationnelle du gouvernement, de vraiment faire des offres, des appels d'offres qui sont basés sur autre chose que le bas prix. Et je voulais savoir si les membres du Conseil du patronat perçoivent ça également de la même façon.

M. Blackburn (Karl) : D'abord, c'est un plaisir partagé de vous retrouver, M. le député. Mais sachez que les préoccupations que nous avons concernant l'agilité de l'État à s'adapter, à réagir, à avoir une certaine flexibilité, c'est toujours dans notre esprit, mais je dirais que les deux dernières années ont démontré que lorsqu'on veut, c'est possible. Alors, je pense que, dans ce contexte, on peut effectivement s'améliorer. La volonté du gouvernement, dans le projet de loi, c'est de faire en sorte que des expériences vont nous permettre d'aller chercher, d'aller soutirer le meilleur du fonctionnement, et ça va nous permettre d'adapter des critères qui vont assurer cette flexibilité et cette agilité-là.

Je donnais quelques exemples, tantôt, à la ministre concernant une régionalisation encore plus grande, en fonction peut-être de certains critères en lien avec les capacités régionales de se forger leur propre photo économique. Donc, ça, c'est des éléments qui sont concrets, qui peuvent faire partie de la différence.

Maintenant, ceci étant dit, on ne peut plus faire comme avant et exclure des critères d'évaluation, des soumissions, les critères environnementaux, des critères de durabilité dans le <temps...

M. Blackburn (Karl) : ...des soumissions, les critères environnementaux, des critères de durabilité dans le >temps. On ne peut plus faire comme si ça n'existait pas. Alors, le CPQ... d'ailleurs participe de façon très étroite avec le G15, et on aura l'occasion d'en parler tout à l'heure avec les représentants du G15, mais il est clair qu'on se doit maintenant de continuer de jouer un rôle de leader et de faire que ces critères environnementaux de durabilité puissent être partie prenante pour le gouvernement dans son processus de réflexion et d'appels d'offres, parce qu'à long terme nous sommes convaincus que ça va être bon pour les finances publiques, ça va être bon pour notre société, et les retombées vont être également bonnes dans l'ensemble des régions du Québec.

M. Arcand : Peut être une question à Mme Kozhaya qui étudie plusieurs, peut-être, formules parfois : Est-ce qu'il y a des pays, un peu, dans le monde, qui ont adopté des formules? On parlait des États-Unis, entre autres, là, où certains États ne regardaient pas la question du bas prix seulement. Est-ce qu'il y a d'autres endroits que vous connaissez, dans le monde, où on est quand même pas mal plus avancé qu'au Québec par rapport à l'inclusion de ces différents critères-là actuellement?

Mme Kozhaya (Norma) :Oui, tout à fait. Il y a plusieurs pays de l'OCDE et les États unis, bien sûr, mais aussi en Europe, le Royaume-Uni, l'Allemagne, et même plus près de chez nous, même l'Ontario, ils ont dans certains cas des formules qui sont plus innovantes, mettons, qu'on parle de propositions non sollicitées ou d'autres appels de solutions où ce n'est pas nécessairement strictement par rapport à l'inclusion de critères environnementaux, mais c'est dans un cadre qui est plus flexible par rapport à répondre à des besoins, donc, de marchés publics tout en répondant à un ensemble de questions et qui évite, dans ce cas, simplement le plus bas soumissionnaire, parce qu'on vient avec une solution à un problème. Donc, on compare des projets globalement, pas juste sur la base de prix.

• (16 h 30) •

M. Arcand : D'accord, en tout cas, si jamais vous avez certains... certaines informations à donner au ministère en ce sens là, je pense qu'au Conseil du trésor ça serait très apprécié parce que ça va... Les règlements vont suivre après le projet de loi, ce serait donc important de savoir exactement s'il y a une formule qui est un peu plus consensuelle qu'une autre, là. De ce côté-là, est-ce qu'il y a quelque chose qui... Évidemment, on le disait ce matin, quand on parle par exemple d'un produit de base, c'est évidemment le plus bas prix qui est nécessaire, mais dans plusieurs cas, ce n'est pas la même... on ne doit pas voir ça de la même façon, et, en ce sens là, je pense que c'est important.

La ministre a aimé des choses. Moi aussi, j'ai aimé des choses dans votre mémoire dont, entre autres, M. Blackburn, la préoccupation que vous avez pour les régions et évidemment pour la question énergétique. Il me semble qu'au Québec on pourrait avancer plus vite en matière de biocarburants, on pourrait avancer plus vite en matière d'hydrogène. Notre formation politique a des projets, entre autres projet ÉCO qui est un projet important dans ce domaine-là. Et il y a une foule de possibilités régionales qui ne se feront pas, à moins que le gouvernement, à moins que l'État, soit un joueur de premier plan. Et je voulais que vous me donniez un peu votre vision des choses, dans la mesure où est-ce... qu'elles sont les opportunités actuellement qui font qu'on n'en profite pas au Québec?

M. Blackburn (Karl) : Mais d'abord, vous le savez que je suis un fervent régionaliste. J'ai l'eau du lac Saint-Jean qui circule dans mes veines, alors c'est clair que j'ai à coeur le développement économique des régions. Et comme je l'ai mentionné tout à l'heure, les régions, elles sont différentes les unes des autres. Dans le Bas-Saint-Laurent, il y a des avantages qui leur sont propres. Le Saguenay—Lac-Saint-Jean, la Côte-Nord, la Gaspésie, l'Abitibi ont toutes et tous des avantages qui leur sont propres. Et l'énergie est indéniablement un point porteur pour les entreprises et l'économie du Québec.

Nous avons la capacité d'avoir une énergie qui est propre, qui est renouvelable. Nous avons un territoire qui est immense. Nous avons accès à des ressources qui sont, ma foi, quasiment illimitées, mais qui peuvent générer des retombées extrêmement positives pour le Québec et les régions du Québec. Et il est clair que la situation dans laquelle on évolue, et malheureusement on voit que la fragilité dans laquelle on est, avec la mondialisation, et cette fragilité dépend bien évidemment des combats ou des situations géopolitiques qui se produisent actuellement et qui ont des répercussions et des conséquences sur nous. Alors nous avons la capacité d'avoir accès, comme je le mentionnais, à un territoire qui est vaste, qui est riche. On a accès à des hommes et des femmes qui détiennent de l'expertise, des capacités et des qualités...


 
 

16 h 30 (version révisée)

M. Blackburn (Karl) : ...accès à des hommes et des femmes qui détiennent de l'expertise, des capacités et des qualités extrêmement importantes, tout ce qu'on a besoin d'être capables de faire, c'est de les accompagner. L'État a un rôle clé à jouer en lien avec ces nouveaux secteurs-là qui, souvent, demandent beaucoup plus d'efforts, de recherche, de positionnement, avant d'être capable de commercialiser, par exemple, certains produits, ou certains biocarburants, ou certaines nouvelles sources d'énergie. L'État doit pouvoir contribuer de façon significative à supporter le développement de ces filières parce qu'elles sont porteuses, et elles sont porteuses pour les régions, pour l'économie du Québec dans son ensemble et pour le futur. Et moi, je suis convaincu qu'on peut jouer un rôle extrêmement important et beaucoup plus grand que ce qu'on peut faire actuellement avec les entreprises au Québec

M. Arcand : Très bien. Merci. Et vous avez parlé évidemment des contrats publics en construction. C'est rendu à un point tel, moi, j'entends des contracteurs qui nous disent, par exemple, que, si, dans le prochain budget, de la semaine prochaine, on augmente le Plan québécois des infrastructures, pas sûr que ça va nécessairement nous aider, parce que les... plusieurs trouvent, d'abord, que les appels d'offres du gouvernement sont trop compliqués, sont... les retards de paiement, c'est une chose, etc. Entre autres, on m'a parlé des maisons des aînés, dans lesquelles il y a des retards importants qui... Et donc comment se fait-il... Est-ce qu'il y a des... Est-ce qu'on est les plus mauvais payeurs en Amérique du Nord ou est ce que c'est... C'est quoi, le problème, d'après vous?

M. Blackburn (Karl) : Bien, peut-être que je vais demander à Norma de répondre plus précisément à la question que vous posez, M. le député, mais il est clair que, comme la ministre en a parlé tout à l'heure avec le projet de loi n° 66, qu'on appelle 66… le projet de loi n° 66, il y a eu des exemples concrets de projets qui ont été identifiés pour être capables de les amener à bon terme de façon plus rapide, plus efficace, avec justement certains critères de durabilité et de qualité dans le temps. Ça donne des résultats. Alors, ça, j'espère que ça sera porteur pour la suite, mais, plus précisément, Norma, j'aimerais ça que tu puisses ajouter des éléments beaucoup plus concrets, là, à la question du ministre... du député.

Mme Kozhaya (Norma) :Oui, effectivement, je crois qu'un élément important est celui aussi de la main-d'œuvre et des travailleurs, et, ça, nous avons plusieurs propositions au CPQ pour s'adresser à cette question-là, entre autres à travers l'immigration, par exemple, que ça soit les travailleurs temporaires ou permanents. Et on sait que le secteur de la construction, c'est un domaine, quand même, que j'aimerais… qu'on mentionne dans notre mémoire, c'est que, oui, il y a toute la loi et les règlements sur les contrats publics, et il ne faut pas oublier aussi toutes les lois et les réglementations qui entourent spécifiquement le secteur de la construction, la loi R-20, etc.

Donc, comment on fait, un, pour amener plus de travailleurs, idéalement, et, deux, pour s'assurer que tous les travailleurs puissent travailler? Et donc le recours aux nouvelles technologies, on sait que ça commence. Il y a le BIM. Il y a des projets pilotes aussi et des projets en collaboration avec l'industrie pour tout le volet qui est plus technologique, qui peut aider aussi. À l'origine, le BIM, c'était juste les grandes entreprises. Là, on voit des petites entreprises qui l'intègrent de plus en plus. Donc, ces deux éléments-là… Et on sait que le gouvernement veut travailler pour l'intégration du numérique, là, attirer des gens.

Donc, c'est un ensemble. Il faut s'attaquer à la question de la main-d'œuvre, à la question technologique et à la question de la réglementation où est-ce qu'il y a des bouts qu'on peut peut-être alléger et qu'on peut encourager une utilisation plus optimale de toutes les ressources. Et d'ailleurs, dans le... Aussi, on dit : Oui, il faut intégrer les personnes éloignées du marché du travail, mais il faut que la réglementation le permette d'une certaine façon. Et donc comment encourager, soutenir les entreprises et puis s'assurer que la réglementation puisse permettre cette intégration-là?

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, madame, monsieur, contente de vous revoir dans cette commission.

Moi, j'aurais une question par rapport à vos recommandations 1 et 2 où vous parlez qu'il faut renforcer, il faut rendre obligatoire la tenue en compte de critères environnementaux et sociaux. Donc, je comprends que vous trouvez que le projet de loi n'en fait pas assez. Vous faites partie du G15. Vous en avez parlé. J'ai envie de poser une question qui peut paraître naïve. Pourquoi est-ce que c'est important que le patronat puis que les entreprises privées… que le gouvernement rende ces critères-là obligatoires? On pourrait penser que c'est un fardeau supplémentaire. Pourquoi est-ce que c'est profitable? On ne vous entend pas.

M. Blackburn (Karl) : C'est profitable dans la mesure où le signal qui est envoyé de la part du gouvernement, il est clair. Et, dans ce contexte, bien évidemment, ceux et celles qui vont devoir appliquer les orientations gouvernementales devraient ou <devront...

M. Blackburn (Karl) : ...devraient ou >devront en tenir compte. Mais ce qu'on mentionne également dans notre mémoire, et je pense que c'est important de le réitérer, nous sommes favorables au libre-échange, au respect des règles de commerce international, et ce qu'on mentionne, c'est que ça puisse être obligatoire dans la mesure où c'est possible de le faire, là où c'est applicable. Donc, ça donne encore quand même cette flexibilité au gouvernement et aux organisations publiques de le faire, mais je pense que ça serait vraiment un élément porteur, un message fort que pourrait envoyer le gouvernement pour inciter les donneurs d'ordre, inciter la machine gouvernementale, les ministères, les organismes publics de prendre en priorité ces volontés d'ajouter des critères de durabilité et de qualité en lien avec le développement durable.

Mme Ghazal : Pour vous, les accords internationaux ne nuisent pas du tout ni à l'économie locale ni au respect des objectifs environnementaux pour le Québec?

M. Blackburn (Karl) : Bien, pas du tout. Alors, comme on le mentionnait, nous, on favorise le respect des règles internationales de commerce et on est favorables à l'ouverture des marchés, mais, dans ce contexte, comment pouvons-nous faire en sorte que l'économie du Québec puisse, dans ce contexte d'ouverture, mettre à profit ces avantages qui sont ici, au Québec?

Mme Ghazal : Ça peut rester juste des vœux pieux.

M. Blackburn (Karl) : Non, mais, si c'est indiqué de la part du gouvernement, dans un contexte vraiment de vision à long terme, bien, je pense que c'est plus que des voeux pieux.

• (16 h 40) •

Mme Ghazal : Je ne sais pas si j'ai quelques secondes. J'ai une question par rapport aux dispositions relatives au régime d'intégrité des entreprises de l'AMP. Vous êtes inquiet de ne pas trop alourdir le fardeau administratif, etc. Vous ne pensez pas que ce qui a été mis dans le projet de loi permet un équilibre entre... justement, en prolongeant la période, là, d'autorisation, là, par l'AMP pour les entreprises… un équilibre entre la confiance du public et s'assurer de l'intégrité des marchés.

M. Blackburn (Karl) : Je vais demander à ma collègue…

Mme Ghazal : Vous ne pensez pas : On devrait alléger plus?

M. Blackburn (Karl) : Je vais demander à ma collègue Norma de répondre à votre question, Mme la députée.

Mme Kozhaya (Norma) :Oui. On voulait effectivement surtout souligner l'importance de faire attention à ce volet-là, parce qu'effectivement l'objectif d'assurer l'intégrité, on souscrit à 100 %. Il faut s'assurer que chaque mesure ou chaque exigence, est-ce qu'elle va vraiment dans cet objectif-là? Est-ce qu'elle est.. Est-ce qu'elle va aider à l'atteinte de cet objectif? Effectivement, le prolongement de trois à cinq ans, on pense que c'est bienvenu. On nous a dit qu'a priori les exigences, quand même, annuelles vont demander plus de ressources.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci.

Mme Kozhaya (Norma) :...de travailler pour ne pas alourdir indûment.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup de votre présence. Bonjour. Alors, si l'eau du lac coule dans vos veines, après ça, il coule dans le Saguenay, qui, lui, coule dans mes veines. Donc, je pense qu'on devrait bien s'entendre.

J'ai remarqué, à la page 5 de votre mémoire, la volonté de réaliser une reddition de comptes annuelle sur l'application du chapitre II.1 du projet de loi, qui est le chapitre sur le développement durable et sur les espaces d'innovation. J'aimerais ça vous entendre un petit peu plus sur cette reddition de comptes annuelle. Je trouve ça intéressant. Vous êtes les premiers à l'amener. En passant, je salue vraiment, là, le virage du Conseil du patronat vers les critères de développement durable, l'évaluation, systématiser les critères de développement durable. Donc, sur la reddition de comptes, comment vous voyez ça?

M. Blackburn (Karl) : D'abord, avant de céder la parole à ma collègue, je veux vous remercier, M. le député, et surtout vous féliciter pour votre carrière parce que j'ai vu récemment que vous alliez prendre une certaine retraite de la carrière politique. Alors, je veux vous féliciter pour le travail que vous avez fait. On a été des fervents opposants, des collaborateurs, et je tiens vraiment à vous féliciter pour la carrière que vous avez faite au cours de vos années en politique.

Mais le développement durable, avant de demander à Norma de répondre à votre question, il faut le voir comme étant des opportunités pour le Québec. Les entreprises du Québec en font déjà beaucoup, mais le développement durable, tout le développement de la filière énergétique, de la filière de… énergétique peut permettre au Québec de faire vraiment une bonne croissance économique. On en est tout à fait convaincus.

Et, Norma, pour répondre plus précisément à la question de M. Gaudreault, je te laisserais la parole.

Mme Kozhaya (Norma) :Effectivement, nous ne l'élaborons pas beaucoup dans notre mémoire, puis vous aurez l'occasion d'entendre le G15 plus tard aujourd'hui, qui s'attaque davantage à cette question-là. C'est sûr que, là, on introduit de nouvelles possibilités de… une expérimentation. Donc, c'est important de voir qu'est-ce que ça donne. Donc, cette évaluation-là, elle est prioritaire surtout si on veut, comme on le souhaite, que ça soit normalisé et que ça devienne plus généralisé, donc, pas que ça reste à l'étape de l'expérimentation lorsque les mesures sont concluantes et sont positives, ce qu'on ne pense pas être le cas. Et également c'est sûr qu'il y a aussi d'autres indicateurs qui peuvent être considérés. Bien, nous, évidemment, le <volet...

Mme Kozhaya (Norma) : ...bien, nous, évidemment, le >volet économique, c'est important, l'efficience, l'efficacité, mais également d'autres indicateurs, comme sur le développement durable.

M. Gaudreault : Mais, dans… par oui ou non, là, parce que j'ai peu de temps, est-ce que le Commissaire au développement durable pourrait être l'instance qui fait cette reddition de comptes?

Mme Kozhaya (Norma) :C'est ce qu'on va défendre. C'est ce que… On est à l'aise avec, effectivement, que ce soit en même temps… c'est sûr que la présidente du Conseil du trésor, elle va avoir son rapport, et qu'elle s'adjoigne également le Commissaire au développement durable.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci à vous, M. le député de Jonquière.

Alors, sur ce, Mme Khozaya, M. Blackburn, merci beaucoup pour votre présentation cet après-midi, votre contribution à nos travaux. Au plaisir de vous retrouver parce que vous êtes, en quelque sorte, des habitués, là, de la Commission des finances publiques.

Alors, nous allons suspendre momentanément nos travaux afin de faire place à nos prochains invités.

(Suspension de la séance à 16 h 44)

(Reprise à 16 h 48)

Le Président (M. Simard) : Alors, nous sommes en mesure de poursuivre nos travaux et nous sommes maintenant en présence de représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Messieurs, bonjour. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter?

(Visioconférence)

M. Milliard (Charles) : Alors, Charles Milliard, P.D.G., FCCQ.

M. Noël (Philippe) :Philippe Noël, vice-président, Affaires publiques et économiques.

Le Président (M. Simard) : Vous disposez de 10 minutes.

M. Milliard (Charles) : Alors, merci, M. le Président. Bonne rentrée parlementaire à tous. Alors, comme vous le savez, la FCCQ est un organisme qui regroupe 130 chambres de commerce, 1 200 membres corporatifs, plus de 50 000 entreprises sur l'ensemble du territoire québécois et dans tous les secteurs d'activité de l'économie <québécoise…

M. Milliard (Charles) : ...de l'économie >québécoise.

Depuis janvier 2020, j'ai eu le privilège de diriger cette belle organisation et, si je devais faire un palmarès des trois dossiers dont les membres ont le plus parlé depuis mon arrivée, je dirais sans hésiter la pandémie de COVID-19, la pénurie de main-d'oeuvre et l'accès aux marchés publics. Alors, Philippe et moi sommes très heureux d'être avec vous et d'avoir cette période d'échange. Et je suis convaincu, d'ailleurs, que plusieurs membres nous écoutent aujourd'hui.

Si je devais résumer notre pensée en une phrase, je dirais que le p.l. n° 12 contient enfin de nombreux signes positifs pour les entrepreneurs québécois, mais constitue aussi un rendez-vous manqué sur certains points. Heureusement, il n'est pas trop tard pour corriger le tir dans le cadre des présentes consultations. Alors, débutons par les bonnes nouvelles, si vous voulez bien.

Donc, d'entrée de jeu, il est évident, pour la FCCQ et la communauté d'affaires, qu'on supporte toute orientation gouvernementale qui vise à favoriser l'achat local, l'innovation, l'harmonisation et la simplification des appels d'offres. Plus nos entreprises remportent des contrats publics québécois, plus les retombées économiques et fiscales pour l'État sont importantes, et, quand l'État québécois bénéficie de l'expertise des entreprises d'ici, bien, c'est tout le Québec qui en sort gagnant, mais, voilà, dans l'état actuel des choses, percer le mur de l'accès aux marchés publics demeure, pour plusieurs entreprises, un projet ardu, rigide, déroutant et, au final, souvent frustrant. La perception que les appels d'offres québécois sont inaccessibles et réservés à certaines entreprises est trop régulièrement entendue chez les PME québécoises, et donc à la Fédération des chambres de commerce.

• (16 h 50) •

Il est donc salutaire que le gouvernement cherche à changer ces perceptions avec le présent projet de loi. Ce n'est pas seulement un changement législatif qui fera de la stratégie gouvernementale un succès, c'est aussi un important changement de culture au sein de l'appareil gouvernemental et la mise en place d'indicateurs de performance et de contraintes pour être condamnés à réussir. Donc, oui à uniformiser autant que possible les documents d'appel d'offres, améliorer la communication gouvernementale avec les entreprises, accroître la diffusion et l'échange d'information entre le secteur privé et le secteur public via des ateliers thématiques, notamment régionaux. Alors, ce sont toutes des orientations en adéquation avec la volonté de la communauté d'affaires québécoise.

Parlons maintenant innovation. La valorisation de l'innovation et de l'exemplarité de l'État à la mettre en valeur est cruciale pour nos membres. Dans ce dossier, la prudence excessive doit rapidement faire place à plus d'audace. Conséquemment, la mise en place d'un espace d'innovation des marchés publics représente, selon nous, une approche très intéressante où le gouvernement peut manifestement penser en dehors de la boîte. Alors, pour réussir ce projet, évidemment, les ressources et l'expertise nécessaires devront, par contre, rapidement être au rendez-vous.

Par ailleurs, les matériaux non traditionnels sont très souvent écartés des appels d'offres actuels, alors que, pourtant, certaines technologies ou certains matériaux novateurs, je pense, entre autres, au secteur des conduites, de la construction, du pavage, ont été développés, inventés, créés par des entrepreneurs québécois, et souvent ces matériaux sont davantage vendus et utilisés ailleurs au Canada et aux États-Unis qu'ici. C'est vraiment regrettable.

Alors, en valorisant rapidement les innovations d'ici, l'État envoie un signal positif et engageant aux inventeurs et aux développeurs québécois, et on évite ainsi ce que j'appelle affectueusement le syndrome Céline Dion, Cirque du Soleil ou Moment Factory, c'est-à-dire de prendre pleinement conscience que quelque chose de chez nous est exceptionnel seulement quand ce sont les autres ailleurs dans le monde qui nous disent que c'est effectivement exceptionnel. Alors, aimons et valorisons ce qu'on fait de bien ici maintenant et aidons nos entreprises à conquérir le monde, pas l'inverse.

Je passerais maintenant aux écueils du projet de loi n° 12 selon la fédération. Donc, pour parvenir à stimuler la participation des entreprises québécoises à nos marchés publics en leur permettant d'être une vitrine technologique pour notre savoir-faire, il importe de changer rapidement et résolument la pondération des contrats publics au Québec. Certains vous l'ont dit ce matin. Je me joins à eux. Alors, le grand absent du projet de loi n° 12, selon nous, et de la stratégie gouvernementale, c'est la véritable révision des critères d'octroi des contrats publics au Québec, en misant désormais sur la valeur plutôt que sur le plus bas prix.

En cette même commission parlementaire, en octobre 2019, lors du projet de loi n° 37 visant à instituer le Centre d'acquisitions gouvernementales, le précédent président du Conseil du trésor et actuel ministre de la Santé nous laissait entendre qu'il irait de l'avant plus tard avec les changements attendus, reconnaissant ainsi que, et je le cite, «souvent, on n'atteint pas nos objectifs avec le plus bas soumissionnaire conforme». Fin de la citation.

Depuis le 3 février dernier, à la suite du dépôt du projet de loi n° 12 et de la stratégie gouvernementale, au sein de nos nombreux comités de travail à la fédération, on en a 18, le mot qui ressort est quand même «déception», et cette déception, elle est palpable tellement que je vous avoue que je m'étonne de l'enthousiasme de certains intervenants dans le cadre de ces consultations-là qui ont débuté ce matin.

Il faut <dire…

M. Milliard (Charles) : ...il faut >dire qu'il est difficilement compréhensible que le gouvernement fasse le choix de continuer de faire bande à part en Amérique du Nord en octroyant principalement ses contrats publics sur la base du plus bas soumissionnaire conforme. Alors, je me permets ici, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, de vous illustrer ce que nos membres estiment être les conséquences d'un système basé sur le plus bas soumissionnaire conforme.

Alors, le plus bas soumissionnaire conforme, c'est mettre au premier plan le prix, dans le choix des contrats publics, plutôt que la valeur, la qualité, l'expertise, l'innovation et la durabilité, ce qui est d'ailleurs contraire à la recommandation n° 2 de la commission Charbonneau. Le plus bas soumissionnaire conforme, c'est forcer les entreprises à réduire autant que possible leurs coûts, souvent au détriment de tout le reste. Le plus bas soumissionnaire conforme, c'est préférer les économies à court terme aux bénéfices globaux à moyen et à long terme pour le contribuable. Le plus bas soumissionnaire conforme, c'est opter pour des projets qui, souvent, sont à refaire plus rapidement plutôt que de privilégier des projets qui ont un cycle de vie plus long. Le plus bas soumissionnaire conforme, c'est nier l'opportunité pour nos entrepreneurs de proposer des solutions plus durables, plus sécuritaires et plus audacieuses s'ils veulent avoir une chance de remporter le contrat. Le plus bas soumissionnaire conforme, c'est augmenter le risque de dépassements de coûts car, la littérature le démontre très clairement, la facture s'avère trop souvent plus élevée qu'estimée. Le plus bas soumissionnaire conforme, c'est se priver d'une expertise québécoise car bon nombre d'entreprises préfèrent soumissionner sur des projets dans d'autres juridictions au Canada ou ailleurs dans le monde qui, eux, fondent l'adjudication de leurs contrats sur la qualité plutôt que sur le plus bas prix. Le plus bas soumissionnaire conforme, c'est aussi assister à des situations désolantes, trop nombreuses, comme par exemple celle d'un fournisseur dont l'expertise et la qualité sont reconnues depuis longtemps et qui a perdu un contrat après 15 ans de service auprès du gouvernement. La raison? Une différence de 4,5 % dans le prix, tout bêtement. Le plus bas soumissionnaire conforme, c'est, sans nécessairement le vouloir, préférer les solutions plus traditionnelles aux solutions d'aujourd'hui, et surtout aux solutions de demain.

Donc, bref, le plus bas soumissionnaire conforme, c'est un frein au développement économique du Québec. Alors, en terminant, si le gouvernement souhaite réellement rencontrer l'objectif 3.1 de sa stratégie, soit d'augmenter le nombre de soumissionnaires provenant du Québec, il doit privilégier des critères de qualité, d'innovation, d'expertise, de développement durable, de durabilité, de performance environnementale dans l'octroi de ses contrats plutôt que simplement le plus bas soumissionnaire conforme.

Avec les présentes consultations, mais aussi avec les règlements à venir, nous espérons toujours que le projet de loi n° 12 représente l'évolution, peut-être même la révolution, tant attendue par les entrepreneurs québécois. La pandémie aura réussi à faire prendre conscience aux Québécois de l'importance de prendre soin de leur tissu entrepreneurial, de leur tissu économique en région. Alors, profitons de ce momentum pour propulser nos entreprises vers les plus hauts sommets en participant concrètement à leur développement. Alors, ce sera un plaisir d'échanger avec vous. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. Mme la ministre.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci, M. Milliard. Merci de votre participation.

Je pense que je vais prendre tout de suite le taureau par les cornes. Après avoir abondamment démonisé la règle du plus bas soumissionnaire, je pense qu'on va pouvoir peut-être remettre un peu les choses en perspective ensemble, et, vous l'avez bien dit, après avoir fait les adaptations nécessaires dans les règlements, parce que, comme vous le savez, vos membres le savent, ce n'est pas dans la loi sur les contrats publics que les modes d'adjudication sont prévus, mais bien dans la réglementation.

Donc, il y aura effectivement, et, ça, j'en suis très consciente, des ajustements à faire dans la réglementation pour s'assurer d'ouvrir le coffre à outils de façon adéquate et s'assurer que la règle du plus bas soumissionnaire n'est plus comme c'est le cas. On pourrait parler de plusieurs cas de figure. On pourrait en discuter ensemble. Je pourrais dire : Oui, bien, on pourrait être d'accord sur certains, d'autres non, mais je pense que sur ce… La base de discussion sur laquelle on va se mettre d'accord, c'est que la règle du plus bas soumissionnaire n'est certainement pas la règle adaptée dans tous les cas de figure, et elle l'a démontré par le passé. Elle est utilisée, quant à moi, de façon beaucoup trop systématique.

Toutefois, je pense qu'on peut aussi être honnête en disant que ce n'est pas une règle qu'on doit abolir. C'est une règle qui doit demeurer dans le coffre d'outils. Il y a encore des cas de figure. Je vois votre collègue hocher de la tête. Il y a encore des cas de figure, peut-être des cas plus simples, des cas très simples, où cette règle doit demeurer à la disposition du gouvernement dans certains appels d'offres. Est-ce qu'on peut au moins, d'entrée de jeu, placer la table avec cette admission dans la discussion?

M. Milliard (Charles) : Je suis très, très heureux d'entendre vos commentaires, Mme la ministre. Puis effectivement il y a une différence entre acheter des crayons et acheter des équipements de radiologie. Alors, on s'entend là-dessus.

Mme LeBel : ...pour la suite des événements, puis je suis très contente, mais, quand on me parle de rendez-vous manqué, de déception, je suis capable de comprendre la crainte ou, si vous voulez, le fait que vos membres sont peut-être un peu dubitatifs face aux intentions, mais l'intention est bien de faire en sorte, entre autres, dans la zone d'innovation, et vous en avez parlé de façon positive, donc, on pourrait peut-être l'explorer un peu… entre autres, dans cet espace d'innovation là, de venir <effectivement...

Mme LeBel : ...de venir >effectivement... comment on peut faire pour bénéficier concrètement, là, du savoir québécois, de la mise en valeur, mais aussi d'avoir toutes ces notions dans nos appels d'offres.

C'est particulièrement criant dans le domaine de la santé, quand on parle d'innovation, entre autres, de cycle de vie, de juste valeur, de coût de possession, de dire que, bon, si on augmente notre niveau de qualité, peut-être qu'il coûte plus cher à l'achat, mais, compte tenu des bénéfices pour la société, que ce soit en matière de développement durable, environnemental... Et là je fais une liste qui est non exhaustive. Vous me le... voyons, vous me le permettrez. Mon Dieu! Je commence à «laguer», comme dirait mon fils. Et le Conseil du patronat est venu le dire, comme… de venir en parler comme une zone pour expérimenter, y aller de façon graduelle, tant et aussi longtemps que le gouvernement avait la possibilité de normaliser par la suite dans le reste des marchés publics ce genre de chose là.

Donc, ne pensez-vous pas que ça peut être aussi, cet espace d'innovation là, une occasion de prendre peut-être un gouvernement qui, traditionnellement, est plus frileux ou plus rigide dans ses façons d'avancer et de nous permettre d'évoluer dans un espace qui se veut transparent et sécuritaire, dans le sens où on avoue, là, que, dans un espace donné, pour des contrats donnés, on va y aller de l'avant?

Puis vous parliez de votre déception, là, de voir que… l'objectif de la stratégie d'avoir, à terme, 52 organismes. Bon, ça, c'est vraiment l'objectif dans la stratégie, ce qui ne veut pas dire qu'on ne peut pas aller plus loin puis pousser plus loin dans tout ça. L'espace d'innovation ne se terminera pas à la fin de la stratégie de cinq ans. Il est de façon… inclus de façon pérenne dans le projet de loi. Donc, peut-on en parler, de cet espace? Puis comment vous et vos membres envisagez qu'on pourrait l'utiliser et, pour ne pas manquer notre rendez-vous, le pousser au maximum?

M. Milliard (Charles) : Alors, je comprends que les mots «rendez-vous manqué» et «déception» vous déçoivent, mais en fait...

Mme LeBel : Ah! je n'aime pas ça. Je ne suis pas dans le négatif.

• (17 heures) •

M. Milliard (Charles) : Bien, moi non plus. Je suis dans le constructif, mais il reste qu'on utilise les forums qu'on a, et honnêtement il y a quand même une certaine unanimité dans nos membres que tant qu'on ne verra pas les projets de règlement... Ça fait tellement longtemps qu'on en parle. Vous n'étiez pas ministre à l'époque, puis on en parlait encore. Alors, c'est un projet de longue haleine.

Alors, on sent qu'il y a une impulsion intéressante. Donc, c'est pour ça qu'on insiste sur la zone. Je voudrais laisser Philippe parler d'espace innovation, mais moi, je vous garantis… Puis j'ai un passé dans le secteur pharmaceutique, la santé, sciences de la vie, c'est le meilleur banc d'essai pour valoriser l'innovation au Québec. On a vu à quel point... Dans les deux dernières années, on a vu l'importance d'avoir un secteur de santé et sciences de la vie qui est fort, ne serait-ce que pour avoir une certaine souveraineté médicale. Alors, s'il y a quelque... s'il y a des gens à valoriser, c'est exactement ce secteur-là, je pense, dans un premier temps.

Et, Philippe, je te laisse poursuivre.

Mme LeBel : D'ailleurs, avant de laisser votre collègue poursuivre, parce que je vais le laisser poursuivre, vous avez constaté également, dans la stratégie, deux secteurs que nous avons identifiés comme étant des secteurs prioritaires ou stratégiques pour pouvoir mener ça, c'est dans le secteur de la santé et de l'alimentation, que vous avez pris la peine de souligner également. Donc, je pense qu'on est en adéquation de pensée sur cet objectif-là ou, à tout le moins, sur ces secteurs.

M. Milliard (Charles) : Alors, la sélection de ces secteurs n'est pas un rendez-vous manqué. Alors, Philippe.

Mme LeBel : J'aurai obtenu au moins ça.

M. Noël (Philippe) :Oui. Bien, d'abord, bonjour, tout le monde. En fait, nous, on est vraiment le porte-voix de nos membres, de nos entreprises. Charles mentionnait tout à l'heure qu'il y a 18 comités de travail, chez nous, mais il y a quand même des comités infrastructure, technologies de l'information, communication, santé, sciences de la vie, chaîne de valeur du médicament, entrepreneuriat, économie verte, environnement, transport logistique, manufacturier, innovation, exportation et même une entreprise en l'approvisionnement scolaire. Ils nous ont tous interpelés pour nous dire un peu le mot qui ressortait beaucoup, qui était «déception». Donc, on est un peu le porte-voix aussi des chambres de commerce, également des 17 régions au Québec.

Pour ce qui est de l'espace innovation, nous, on trouve intéressant, en fait, le concept. Il faut le dire, là, penser en dehors de la boîte, ça répond à ce qu'on disait aussi par le passé, contrer la prudence excessive aussi, parfois, qu'on peut retrouver dans les marchés publics, utiliser les marchés publics comme une vitrine technologique, un levier de développement économique. Des fois, des fournisseurs peuvent solliciter des clients aussi, des organismes publics, mais, dans les innovations qui sont mises de l'avant, en fait, ils peuvent des fois aussi mettre de l'avant qu'ils ont obtenu un contrat aussi avec le gouvernement du Québec quand ils vont du côté du secteur privé. Et donc ça stimule la demande intérieure, ultimement, mais on est en retard sur d'autres juridictions autour de nous.

Donc, c'est un peu notre point d'interrogation, et le retard est expliqué principalement à cause des critères d'octroi des contrats publics qui misent principalement sur le critère du plus bas prix conforme. Donc, si les critères des contrats publics ne sont pas modifiés dans des projets de règlement, on est d'accord, c'est dans des règlements qu'on verra ça, bien, votre… vos objectifs à atteindre via l'espace innovation, bien, vont mettre beaucoup plus de...


 
 

17 h (version révisée)

M. Noël (Philippe) :...via l'espace d'innovation, bien, vont mettre beaucoup plus de temps pour pouvoir y parvenir. Ça va être plus compliqué pour pouvoir y parvenir.

Mme LeBel : Non, mais je suis très, très consciente. Je faisais, quand même, une farce, au départ, mais je suis très consciente qu'il y a une suite à donner à tout ça pour aller au bout de la logique de nos objectifs, là, et j'en prends bonne note. Je prends le commentaire comme étant sur cet aspect-là, surtout dans la modification des règlements, parce qu'effectivement, l'article 10 du règlement, jusqu'à présent, met toujours de l'avant la question du prix, de la règle du plus bas soumissionnaire. J'en suis tout à fait consciente, qu'il va falloir compléter l'exercice, disons.

Disons qu'on est à un possible rendez-vous manqué, on pourra l'affirmer dans un autre espace, mais j'allais vous poser la question, en tout sérieux, cette fois-ci, sur la question du dialogue compétitif. On en a aussi beaucoup entendu parler, précédemment, ça se passe... c'est une possibilité qui existe en matière de technologies de l'information. C'est un peu aussi comment le gouvernement peut avoir une conversation, je ne dirais pas une conversation continue, mais une conversation, justement, avec les entreprises, le milieu du développement, probablement, surtout en matière de santé, également. C'est un bel endroit pour savoir, à l'inverse, quelles sont les technologies ou les innovations qui sont en train de se développer.

Et, d'un autre côté, que le gouvernement soit capable aussi de télégraphier, bon, toujours dans un cadre qui est rigoureux, mais de télégraphier ses futurs besoins pour que l'industrie puisse, peut-être, répondre par des solutions innovantes à des besoins identifiés par le gouvernement. Donc, je pense qu'il y a un avantage à avoir ce dialogue-là. Il a été mentionné à deux reprises, je pense, par des gens qui sont venus ici en consultation, dont le Conseil du patronat. Donc, je pense que l'espace d'innovation pourrait permettre de le faire, mais qu'est-ce que vous pensez de cette avenue-là?

M. Noël (Philippe) :Bien, c'est certain, en fait, que nous, on souhaiterait participer aussi, évidemment, à ce genre de consultation-là. Je pense qu'on est des bons porte-voix à ce niveau-là. Les entreprises... nous, on entend beaucoup des entreprises qui font bénéficier de leurs propres innovations, dans d'autres juridictions autour du Québec, dans d'autres juridictions... dans d'autres pays de l'OCDE, mais pas au Québec, parce que les critères d'octroi, en fait... étant donné que c'est le plus bas prix, bien, c'est trop compliqué d'être compétitif par rapport à des solutions plus traditionnelles. Donc, déjà là, s'il y a une prise de conscience, du côté des ministères et organismes, par rapport à ce qui existe sur le marché et ce qui pourrait être à leur portée si les contrats publics étaient modifiés, je pense que ça pourrait être un très bon dialogue, effectivement.

Mme LeBel : Écoutez, merci. Vous avez aussi certains commentaires sur l'achat québécois, miser sur des critères de qualité, d'innovation, etc., mais un des objectifs de la stratégie, qui est, naturellement, complétée dans certaines modifications qu'on fait dans le projet de loi, c'est-à-dire d'obliger les organismes... les ministères et organismes qui sont soumis à la loi sur les contrats publics d'exploiter les marges de manoeuvre qui se trouvent déjà dans les accords de libéralisation du marché mais qui sont... Présentement, je vous dirais que c'est une possibilité de les exploiter. Ce qu'on veut faire, c'est renverser la vapeur et donner aux entreprises l'obligation, à tout le moins, d'exploiter ces marges de manoeuvre, et que, bon... de renverser un peu le fardeau, si on veut. Qu'en pensez-vous?

Et parce qu'on a déjà abordé la question aussi, est-ce que vous pensez que c'est une bonne chose de maintenir ces accords-là? Bon. Je comprends que c'est au niveau canadien, là, mais, philosophiquement, je pense qu'il faut garder nos marchés ouverts. Il y a un prix à payer, c'est-à-dire de permettre qu'une portion de nos marchés soit accessible à d'autres entreprises que québécoises, mais le corollaire positif de ça, c'est que nos entreprises ont accès à d'autres marchés. Donc, qu'est-ce que vous pensez de cette solution-là, d'exploiter les marges de manoeuvre, entre autres, là?

M. Milliard (Charles) : Bien, je pense, c'est la solution. Avec le changement des critères de sélection, c'est d'exploiter les marges de manoeuvre, c'est la solution. On a des accords de libre-échange canadiens qui sont souvent méconnus, mais aussi internationaux, et il y a beaucoup de marge de manoeuvre. Et souvent j'entends dans le discours, et ça, c'est typiquement canadien, comme personnalité, là, puis peut-être que moi-même, je suis comme ça, mais, des fois, on est un peu trop poli, je trouve, dans notre façon d'aborder le commerce international, alors que les autres ne se gênent jamais pour exploiter, au fond, les zones grises, puis aller creuser dans les craques le plus possible, au nom du patriotisme, au nom du développement économique de leurs juridictions.

Alors, moi, des fois, j'ai envie de nous dire : Soyons un peu plus audacieux et explorons les zones grises, sans jamais dépasser la ligne, bien sûr, parce que ça fait partie aussi de la réputation du Québec et du Canada, mais de le faire comme ça et de le faire au bénéfice des régions. Évidemment, nous, on n'embarquera pas dans une guerre de : est-ce que c'est plus les régions, Montréal ou Québec?, bien évidemment, ce qui est important, c'est que les entreprises québécoises aient une meilleure chance, mais c'est une chance, hein, ce n'est pas.... Il n'y a personne qui veut faire pitié non plus puis il n'y a personne qui veut des choses par dépit. Les gens veulent avoir une chance, mais veulent aussi sentir qu'ils ont... que ça vaut la peine d'appliquer, de participer à un processus. Et ce changement que je parlais tantôt, législatif mais aussi de culture, on le souhaite, va permettre ça à terme.

Mme LeBel : Bien, merci beaucoup. Vos commentaires sont toujours très pertinents, comme d'habitude. Merci, on va travailler avec ça. Merci beaucoup.

Le Président (M. Simard) : D'autres interventions? Sans quoi nous allons céder la parole au <député...

Mme LeBel : ...on va travailler avec ça. Merci beaucoup.

Le Président (M. Simard) : D'autres interventions? Sans quoi nous allons céder la parole au >député d'Outremont—Mont-Royal... toujours un doute, c'est Mont-Royal—Outremont.

M. Arcand : C'est Mont-Royal—Outremont.

Le Président (M. Simard) : Bien. C'est ça.

M. Arcand : Très bien. Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Milliard, et bonjour, M. Noël. Grand plaisir de vous retrouver aujourd'hui. D'abord, j'admire la franchise de votre mémoire, qui est très clair, très direct de ce côté-là. Vous savez, toute l'obtention des contrats... J'ai encore, moi, en mémoire un événement qui s'était passé en 2010, où on se promenait à travers le monde en disant qu'on était en faveur du libre-échange, et puis, à un moment donné, il y avait eu un contrat de 3 milliards pour le métro, pour les wagons de métro, et on avait passé, en quelques heures, tous les partis politiques... on avait passé un projet de loi pour donner, finalement, le contrat à Bombardier, alors que c'était à peu près 3 millions par wagon, puis c'était 2,4 pour une entreprise espagnole, qui promettait d'ailleurs d'investir à peu près 60 % du contrat dans une usine québécoise, etc., mais... Et, par la suite, Bombardier était retourné en Europe, et inutile de vous dire qu'ils n'ont jamais eu les contrats auxquels ils s'attendaient. C'était toujours Siemens qui avait le contrat ou un autre joueur. C'est pour ça que toutes ces questions-là, c'est souvent des lames à deux tranchants.

Et moi la question... C'est que vous êtes quand même très précis, dans votre mémoire, quand vous parlez... entre autres, là, j'ai vu quelque chose qui m'a fait un peu sursauter, vous avez dit... écoutez, dans les grilles de pondération, vous donnez l'exemple du gouvernement fédéral puis vous dites : Écoute, là, ça devrait être 90 % pour la qualité et 10 % pour le prix. Je pense qu'au Conseil du trésor, on est pas mal loin de ça, et j'aimerais que vous me disiez ce qui vous guide à travers tout ça.

• (17 h 10) •

M. Noël (Philippe) :Je peux y aller, Charles?

M. Milliard (Charles) : Vas-y, vas-y.

M. Noël (Philippe) :Oui, absolument. En fait, du côté du gouvernement fédéral, on a des contrats, évidemment, qui sont octroyés à 10 %. Des fois, ça peut aller à 20 %, à 30 %, dépendamment du domaine, mais c'est ce qui est réservé pour le critère prix. Donc, ça mise énormément sur la qualité. Et nous, on observe qu'autour de nous, dans les provinces canadiennes, au gouvernement fédéral, aux États-Unis, en France, au Royaume-Uni, ils utilisent, en fait, des pondérations où est-ce qu'ils misent, dans une proportion extrêmement importante, sur des critères de qualité.

Et peut-être qu'on pourrait vous soumettre, peut-être, l'idée d'avoir le prix médian, qui est un modèle qui est observé en Nouvelle-Écosse, qu'on trouve très intéressant, où, lorsque vous vous trouvez à l'intérieur même du prix estimé d'un 5 %, vous avez la totalité du 10 %, par exemple, pour ce qui est du critère qualité-prix, si le critère est à 10 % et si c'est à 5 %, à 15 % d'écart par la suite, par rapport au prix médian, bien là, il y a une proportion plus faible de la pondération pour ce qui est du critère prix. Donc, ça, le prix médian, pour nous, c'est un modèle, je pense, qui pourrait être très intéressant. Et aussi d'avoir des entrevues de sélection, pour ce qui est des entreprises qui obtiennent, en fait, les soumissions, qui obtiennent, en fait, les meilleures notes en termes de qualité et de valeur, qui pourraient être envisagées, je pense, du côté du Conseil du trésor.

Donc, 10 %, ça se fait autour, dans des juridictions autour de nous, alors pourquoi ne pas chercher à atteindre un critère... le prix doit être un critère, pour nous, mais ne devrait pas être le critère majeur et... majoritaire, en fait, je devrais dire, pour octroyer des contrats.

M. Milliard (Charles) : C'est le principal élément de notre... cette section-là de notre mémoire, c'est de montrer qu'il y a des exemples qui fonctionnent à côté. Donc, on ne parle pas de cas ésotériques dans d'autres civilisations qui n'ont rien à voir avec nous, là, c'est vraiment des exemples qui fonctionnent bien.

Puis un autre exemple que j'aime bien, c'est que, pour des gros dossiers, même les trois, quatre finalistes sont convoqués en entrevue. Alors, écoutez, on est loin de remplir un fichier Excel, puis d'obtenir une réponse, là. D'être convoqué en entrevue pour expliquer pourquoi, pour tel dossier, vous devriez être choisi, ça fait entrer la notion de qualité et d'innovation par la grande porte, je dirais.

M. Arcand : Très bien. Merci infiniment pour cette réponse. J'aimerais vous poser une question, également, parce que depuis... Je me rappelle, l'époque de Mme Jérôme-Forget, où on parlait des PPP... Et ce que vous dites, vous, aujourd'hui, c'est qu'on a abandonné ça pas mal, au Québec, il y en a pas mal moins qu'il y en avait déjà eu. Et vous dites : On fait une erreur en ne faisant pas un peu plus affaire dans un partenariat public privé. Est-ce que vous avez des exemples ou est-ce que vous avez... Si vous pouviez me préciser un peu votre opinion par rapport à ça.

M. Noël (Philippe) :Bien, nous, historiquement, dans les dernières années, on avait publié même un <document...

M. Arcand : ...si vous pouviez me préciser un peu votre opinion par rapport à ça.

M. Noël (Philippe) : Bien, nous, historiquement, dans les dernières années, on avait publié même un >document qui s'appelle Accélérer le rythme et qui soumet toutes sortes d'idées, en fait, pour favoriser le développement économique du Québec et de ses régions. Et, parmi les idées, c'est de faire davantage confiance aux partenariats publics privés, pour la conception, notamment, de projets d'infrastructures, mais pour la conception aussi, peut-être, de certains projets de services, également.

Ça se fait beaucoup, ça se voit beaucoup en Ontario, dans une proportion... je n'ai pas de chiffre, de mémoire, mais je pense que c'était 10 fois plus de projets en PPP du côté de l'Ontario. C'est à vérifier, là, mais qui étaient réalisés en mode PPP, versus au Québec. Donc, il y a des opportunités, peut-être, que le gouvernement et l'État québécois, peut-être, ignorent, via le PPP. Donc, c'est ce qu'on a dit beaucoup par le passé et on est cohérent à ce niveau-là ici.

M. Arcand : O.K. Et ce serait bénéfique pour le Québec si on avait plus de contrats en PPP, à ce moment-là?

M. Noël (Philippe) : Bien, nous, c'est ce qu'on croit, c'est ce qu'on croit, et c'est ce que les membres nous disent aussi, également, de différents secteurs, comme je le mentionnais plus tôt, donc, oui.

M. Milliard (Charles) : On croit entendre dans le discours du ministre de la Santé que ça fait partie des options sur la table pour la refondation ou, en tout cas, la réforme du système de santé. Il y aura beaucoup d'éducation à faire parce qu'il y a beaucoup de préjugés, là, sur cette appellation-là. Donc, je pense qu'il faudrait refonder aussi la définition de ce terme-là, mais, à terme, nous, on pense que ça peut être bénéfique dans plusieurs secteurs d'activités, assurément.

M. Arcand : O.K. Vous aviez parlé du dossier... il y a un dossier, vous avez parlé de... dossier en éducation, là, où une entreprise ontarienne avait, littéralement, pour 7 000$... Il y a également la question du transport aérien régional que vous mentionnez comme étant un autre exemple où... Qu'est-ce qui s'est passé dans ce dossier-là?

M. Noël (Philippe) :En fait, après 15 ans de contrat avec la même firme québécoise, qui est une division, en fait, de l'AQTA, bien, ça a été remporté aux mains d'une entreprise ontarienne, pour un écart minime de 4,5 %, alors que ça faisait 15 ans qu'ils avaient les mêmes services, qu'ils connaissent le territoire, qu'ils offrent les mêmes services. Donc, il y avait de la qualité et de l'expertise qui étaient offertes, et là c'est une entreprise québécoise qui perd les déplacements gouvernementaux par transport aérien aux mains d'une entreprise de Toronto. Je peux vous dire que ça a été très, très mal reçu chez bon nombre de membres transport et logistique, mais aussi du côté de notre comité entrepreneurial. Ça a été un cas type qu'on a... et c'est pour ça qu'on le mentionne dans notre mémoire, également.

M. Arcand : O.K., oui. L'entreprise québécoise avait-elle un problème?

M. Noël (Philippe) : Non, pas du tout, en fait, ils ont soumissionné... en fait, ils ont soumissionné 4 % plus cher, mais ils n'ont pas accès, évidemment, au prix d'une autre organisation qui a soumissionné. Et souvent ce qu'on observe aussi avec le plus bas soumissionnaire conforme, c'est qu'il y a des entreprises qui vont sous-évaluer leurs propres coûts et qui se retrouvent, après, à déclarer des avenants et des dépassements de coûts parce que ce n'étaient pas les coûts qui étaient estimés. Donc, l'entreprise a fait... l'entreprise québécoise a fait une proposition en fonction de ses coûts et elle n'a pas... elle a perdu son contrat après 15 ans de loyaux services. Et c'était reconnu, là, même du côté du ministère des Transports, on nous disait que c'était une entreprise qui était... qui offrait des bons services, là.

M. Milliard (Charles) : Ça fait que c'est une aberration administrative. Puis on ne veut pas tomber dans la valse des anecdotes, il va toujours y en avoir, des aberrations, mais c'est une façon d'illustrer que, pour 4,5 %, le Québec se prive d'encourager une entreprise qui l'a très bien servi durant 15 ans, justement.

M. Arcand : Oui, je comprends très bien. Dites-moi, on a parlé d'innovation, et moi, ce qui me semble important, c'est qu'on dit toujours : Il faut trouver l'équilibre entre souplesse, prévisibilité, en cette matière d'innovation. Pour vous, c'est quoi, dans ce domaine-là, les éléments les plus importants pour pouvoir réussir ce que la ministre prône actuellement?

M. Noël (Philippe) : Bien, en fait, des critères de cycle de vie, de modernité, des critères qui font appel, dans le fond, aux solutions les plus innovantes. Peut-être que même de tester avec... des bancs d'essai peuvent être des opportunités à saisir pour pouvoir faire une place davantage aux innovations. Dans les critères, évidemment, nous, on a beaucoup poussé pour la qualité, l'expertise, l'innovation, la durabilité et la performance environnementale. Donc, si ces pondérations-là, dans les contrats publics, sont mises de l'avant, bien, ça devrait faire son bout de chemin pour l'espace d'innovation, là, ça, c'est sûr et certain.

M. Arcand : Et, à part la question du prix, si j'avais à vous demander, dans le travail qu'il y a à faire dans le projet de loi n° 12, quelle est la deuxième priorité, selon vous, une fois qu'on a parlé du prix et qu'on comprend que ça ne <doit...

M. Arcand : ...projet de loi n° 12, quelle est la deuxième priorité, selon vous, une fois qu'on a parlé du prix et qu'on comprend que ça ne >doit pas être le seul critère, là?

M. Milliard (Charles) : Je dirais que la deuxième priorité, ça devrait être de réussir la première.

M. Arcand : Donc, c'est une grosse priorité, si j'ai bien compris.

M. Milliard (Charles) : ...consacrer tous mes jetons sur réaliser les critères d'octroi des contrats.

M. Arcand : O.K., mais il n'y a pas d'autre chose, à part de ça, dans le projet de loi, qui vous préoccupe?

M. Noël (Philippe) :Bien oui, bien, absolument. Bien, en fait, dans notre mémoire, on aborde différents sujets. Tantôt, on a parlé de l'aspect... en fait, augmenter les achats alimentaires québécois. Et, de ce côté-là, nous, on trouve intéressant... mais, en fait, c'est comme si on visait strictement l'intermédiaire, plutôt que de s'assurer d'avoir davantage d'aliments québécois. Donc, l'intermédiaire, le distributeur, est avantagé versus d'avoir plus d'aliments québécois, de viser à avoir plus d'aliments québécois. Il faudrait peut-être un peu plus clarifier cette notion-là, d'un côté, sur le produit québécois.

Puis d'ailleurs, via des appels d'offres spécifiquement dédiés, que ce soit notamment la performance environnementale, que ce soit peut-être même des innovations dans le milieu agricole, on pense qu'il y aura plus d'entreprises québécoises qui vont pouvoir avoir les contrats, disons, publics liés à l'alimentaire, mais la notion «produit québécois» n'est pas assez mise de l'avant dans la stratégie, selon ce qu'on entend.

M. Arcand : Je souhaite que vous interveniez quand il sera question du règlement, là. Je compte sur vous pour intervenir.

Une voix : ...sûr.

Une voix : Merci, M. le député.

• (17 h 20) •

Le Président (M. Simard) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre présentation et votre mémoire. Vous avez dit qu'on est trop timides par rapport à d'autres États. On pense beaucoup aux États-Unis, là, au sud de la frontière, avec Biden aussi, récemment, qui a affirmé à quel point c'était important de favoriser l'achat américain. Donc, vous dites qu'on est trop timides à exploiter les zones grises des accords internationaux qu'on a signés. Je vous ai même entendu parler de souveraineté pharmaceutique. C'est ce que j'ai compris? J'avais l'impression d'entendre Amir Khadir nous parler de Pharma-Québec, hein, on a cette proposition-là. Et je comprends que vous êtes, donc, en accord avec Québec solidaire, que les accords internationaux qu'on a votés nuisent à notre économie locale. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Milliard (Charles) : Non.

Mme Ghazal : Ah!

M. Milliard (Charles) : En fait, sur la question de la souveraineté pharmaceutique, effectivement, la question, c'est d'avoir une certaine indépendance pharmaceutique, parce qu'on a vu, justement, la difficulté d'obtenir des approvisionnements au début de la pandémie. Alors, moi, je pense que c'est critique, on dépense 50 % de notre budget en santé, ça serait bien qu'on puisse soigner notre monde.

Mme Ghazal : Exactement, oui.

M. Milliard (Charles) : Alors, ça, on est d'accord. Maintenant, sur les fins et moyens, on pourra en rediscuter. Sur la question des accords internationaux, écoutez, on est clairement libre-échangiste, à la FCCQ, on croit à la valeur du libre marché, et tout ça.

Mme Ghazal : Bien, j'étais étonnée.

M. Milliard (Charles) : Bien oui, mais, écoutez, là, permettez-moi de rétablir les ponts. Ceci étant dit, en même temps, je me permets de le mentionner, il est temps, là, de changer l'impression qu'on a que les chambres de commerce sont des organisations qui ne se préoccupent pas du développement social, du développement communautaire, du développement environnemental. On participe au G15+, on participe à une tournée avec Fondaction, en ce moment, sur les milieux de vie durables. Ça n'a pas de lien avec l'environnement, mais...

Mme Ghazal : Une question peut-être plus précise. Oui, oui, je comprends les intentions, et tout ça, mais il y a, par exemple, certains secteurs, alimentation, santé, vous en avez parlé... est-ce que ces secteurs-là, on ne de devrait pas... on n'aurait pas dû les ouvrir à ce point-là aux marchés internationaux puis être aussi dépendants? On l'a vu, au début de la pandémie, comment les gens vidaient les épiceries parce qu'on avait peur, on est trop dépendants des marchés extérieurs. Est-ce que ça, vous... Est-ce qu'il y aurait quelque chose à faire avec ça? Je sais que c'est en dehors du projet de loi, là.

M. Milliard (Charles) : Oui, mais je ne pense pas que c'est en mettant des barrières dans ces secteurs-là qu'on va y arriver, c'est en valorisant ce qui se fait ici. On est des champions de la production alimentaire. On est des champions en santé, sciences de la vie. Ça fait des années qu'on dépasse la moyenne de l'OCDE sur les investissements en matière de santé, sciences de la vie. Donc, il faut juste laisser les gens d'ici avoir une chance de subvenir aux besoins de l'État et leur donner une chance équitable de réussir chez eux avant de réussir ailleurs. Donc, ce n'est pas en mettant des barrières.

Mme Ghazal : Et ça, ça se fait, par exemple... et ça, je comprends que ça se fait avec plus de PPP, ça se fait en mettant de côté la notion du plus bas soumissionnaire. C'est ce que je comprends de ce que vous dites.

M. Milliard (Charles) : Bien, principalement, en ayant une meilleure diversité des critères pour sélectionner, entre autres, sur la question du développement durable, c'est une façon de respecter les accords internationaux et d'encourager, nécessairement, des entreprises qui produisent plus près et donc qui sont moins <polluantes...

M. Milliard (Charles) : ...et d'encourager, nécessairement, des entreprises qui produisent plus près et donc qui sont moins >polluantes, au niveau du transport, par exemple.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup pour votre mémoire. Je sais que la ministre n'aime pas ça, mais vous avez quand même des mots très forts, là. : C'est un rendez-vous manqué. Vous parlez de déception. Je pense qu'il faut insister là-dessus. Et moi, je voudrais ajouter un élément à votre litanie, là, sur le plus bas soumissionnaire. En disant le plus bas soumissionnaire conforme, c'est aussi un frein à l'atteinte des cibles de réduction des gaz à effet de serre, qui sont quand même un projet puis un plan très importants pour le Québec, d'autant plus qu'on est dans une crise climatique très forte.

Mais j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus là-dessus. Vous venez de répondre à ma collègue, mais on dirait que vous avez le goût d'aller plus loin, là, sur les critères de développement durable, d'analyse de cycle de vie. Est-ce qu'on parle également d'économie circulaire? Puis là il ne faut pas faire un ragoût avec tout ça, là, parce qu'il y a quand même différents éléments là-dedans. Comment vous voyez qu'on... Est-ce que le projet de loi va assez loin? Sinon, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour aller encore plus loin, pour inclure ça dans la loi?

M. Noël (Philippe) :Oui. En fait, le plus bas soumissionnaire conforme, là, c'est de favoriser, en fait, la solution qui est la moins chère, la moins dispendieuse. Donc, des éléments importants sont souvent négligés, escamotés, et donc des innovations, et, quand on parle de performance environnementale, nous, ce qu'on veut dire, là, c'est d'avoir des soumissions qui permettent d'avoir des technologies vertes, des solutions d'économie circulaire, l'emplacement, même, pour limiter les déplacements et réduire les émissions de gaz à effet de serre. C'est sûr que ça touche moins, peut-être, un secteur comme les services, les critères de performance environnementale, mais, dans un bon nombre de critères ou de contrats publics, je devrais dire, ça peut être des solutions qui sont intéressantes, mais tant qu'on reste avec le plus bas prix comme principal critère d'octroi dans les contrats publics, on n'atteindra jamais, jamais, jamais cet objectif-là de notre côté.

M. Gaudreault : Mais vos membres, comment qu'ils reçoivent ça? Parce que c'est... quand même, d'inclure des critères d'ESG, par exemple, ou de développement durable, ça peut changer les pratiques. Est-ce que vous sentez qu'il y a vraiment un virage qui est prêt à être fait à cet égard?

Une voix : Absolument

M. Gaudreault : Et j'ai vu, à quelque part dans votre mémoire, là, vous dites... dans le fond, ce que vous voulez, c'est que ça devienne des critères aussi qui sont permanents, pour savoir où on s'en va, tu sais.

M. Noël (Philippe) :Absolument. Il y a beaucoup d'ouverture, vraiment, chez nos membres, à contribuer. Je pense notamment à des entreprises qui sont expertes en bâtiments verts, donc qui veulent, pour des contrats d'infrastructures, amener des solutions avec des toits qui répondent aux meilleures normes écoénergétiques, mais qui sont privées parce qu'ils doivent... s'ils veulent obtenir le contrat, ils doivent faire des soumissions qui va amener des matériaux qui ne seront pas performants, avec des matériaux plus traditionnels qui coûtent beaucoup moins cher et qui durent moins longtemps. Donc, le cycle de vie est affecté, et ça, ça a un impact aussi pour l'environnement, mais nous, ce qu'on dit... principalement pour le contribuable parce que les projets sont à refaire plus rapidement, à moyen, long terme, qu'à court terme... où est-ce qu'on a des économies à court terme, là.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci beaucoup, M. Milliard, M. Noël, de votre présence parmi nous cet après-midi et de votre contribution à notre réflexion collective. Au plaisir de vous retrouver.

Sur ce, nous allons suspendre momentanément nos travaux, histoire de faire place à nos prochains invités.

(Suspension de la séance à 17 h 27)


 
 

17 h 30 (version révisée)

(Reprise à 17 h 36)

Le Président (M. Simard) : Donc, nous sommes de retour et nous sommes en présence de représentants de la Coalition contre les retards de paiement dans la construction. Madame, monsieur, soyez les bienvenus. Auriez-vous d'abord l'amabilité, s'il vous plaît, de vous présenter?

M. Bilodeau (Marc) : Bonjour. Mon nom est Marc Bilodeau, président de la Fédération québécoise des associations d'entrepreneurs spécialisés dans la construction et porte-parole de la Coalition contre les retards de paiement dans l'industrie de la construction.

Mme Amireault (Caroline) : Bonjour. Mon nom est Caroline Amireault. Je suis avocate et directrice générale de l'AQEI, l'Association québécoise des entrepreneurs en infrastructure, qui est une association membre de la coalition. Je suis ici aujourd'hui en tant que porte-parole, en remplacement de Steve Boulanger. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci. Alors, vous disposez de 10 minutes.

M. Bilodeau (Marc) : Merci. M. le Président, Mme la ministre, chers membres de la commission, merci à la Commission des finances publiques de nous donner l'opportunité de présenter nos commentaires en regard du projet de loi n° 12. La Coalition contre les retards de paiement dans la construction, c'est un regroupement d'associations d'entrepreneurs en construction qui a vu le jour à l'automne 2013 et dont l'objectif est de mettre un terme à l'augmentation injustifiée des délais de paiement dans ce secteur. Notre intervention dans le cadre du projet de loi n° 12 se limitera donc à cet unique aspect.

La coalition représente l'ensemble des entrepreneurs généraux et spécialisés. Ce sont des dizaines de milliers d'entreprises qui sont pour la plupart constituées de cinq salariés ou moins et qui embauchent plus de 175 000 travailleurs et travailleuses sur les chantiers, sans compter des dizaines de milliers d'autres qui oeuvrent dans les bureaux de ces entreprises. C'est une action collective et historique puisque c'est la première fois que tous les entrepreneurs généraux et spécialisés du Québec se regroupent ensemble pour une même cause, celle de mettre un terme aux délais de paiement.

J'ai été moi-même entrepreneur pendant plus de 30 ans, puis je peux en témoigner, puis ça va me faire plaisir d'échanger avec vous à ce sujet-là lors de la période de questions, car les impacts des retards de paiement, où la moyenne s'établit à près de 80 jours, sont très, très nombreux.

En premier lieu, on va parler de la gestion des liquidités, qui représente un défi quotidien pour la majorité des entrepreneurs. On a été témoins d'entreprises qui ont attendu pendant plus de trois ans avant de recevoir leurs retenues contractuelles de 10 % ou le paiement d'un extra d'un projet. On a des entrepreneurs qui rentrent tous les lundis puis se <posent la question...

M. Bilodeau (Marc) : ...rentrent tous les lundis puis se >posent la question : Comment on va faire nos paies jeudi? Pendant ce temps-là, les entrepreneurs doivent continuer à payer leurs employés, les DAS, les remises de taxes, l'équipement, les matériaux. Tout ça augmente la pression sur la liquidité des entreprises. Il y a plusieurs facteurs qui sont attribuables aux paiements, tu sais, aux retards de paiement, entre autres et sans s'y limiter, là, il y a le non-respect des clauses contractuelles, il y a la lourdeur des procédures administratives, les retards dans l'approbation des changements, l'autorisation des paiements par les professionnels, sans oublier l'absence de prise de décision.

Selon une étude d'impact qui a été réalisée par Raymond Chabot Grant Thornton en 2015, et qui a été mise à jour en 2019, il y a présentement 7,2 milliards de dollars d'immobilisés dans les comptes à recevoir des entrepreneurs en construction, qui sont de plus de 30 jours. Dans le contexte économique actuel qui est très difficile, là, tu sais, pour plusieurs entreprises en raison de la pandémie, de la pénurie de la main-d'œuvre puis de la volatilité des coûts des matériaux, toute réduction des délais de paiement aux entrepreneurs constituerait en quelque sorte une forme d'aide. C'est de l'oxygène qu'on pourrait donner aux entreprises sans qu'il n'en coûte un sou de plus au gouvernement. Un autre chiffre, là, qui est tout aussi sinon plus significatif, c'est que 77 % des entrepreneurs ont mentionné lors de l'étude d'impact avoir refusé de soumissionner un projet en raison des retards de paiement. C'est... En payant les entrepreneurs dans un délai de 30 jours, le gouvernement donnerait la chance à un plus grand nombre d'entrepreneurs généraux et spécialisés d'avoir accès aux marchés publics. Les entrepreneurs, ils pourraient mettre, à ce moment-là, leur savoir et leur créativité au service de la réalisation des projets et non au service de leurs banquiers, tu sais.

• (17 h 40) •

Puis il est généralement admis qu'une diminution du nombre de soumissionnaires a une influence à la hausse sur le coût du projet. Des données qui ont été citées par Raymond Chabot dans l'étude démontrent que lorsqu'il y a moins de neuf entreprises qui soumissionnent sur un projet, chaque soumissionnaire de moins représente un coût supplémentaire qui varie entre 1 % et 6 %. Or, selon les données du SEAO, il y a 3,6... en moyenne 3,6 soumissionnaires par appel d'offres. Raymond Chabot Grant Thornton conclut que le prix des contrats publics de construction pourrait diminuer de 6 % à 13 % sur le nombre de... si le nombre de soumissionnaires augmentait. À l'échelle des contrats de l'État, c'est énorme, tu sais.

Je terminerai simplement en résumant la position de la coalition. Les entrepreneurs souhaitent être payés pour les travaux dûment exécutés et acceptés dans un délai raisonnable. C'est une solution gagnante pour l'ensemble de la société québécoise. Puis on ne l'oublie pas, c'est à coût nul pour l'État. On ne demande pas au gouvernement de payer les entrepreneurs d'avance ou à un prix supérieur, mais simplement de les payer à temps. Je laisserais ma collègue, Me Caroline Amireault, vous entretenir sur les développements récents puis les raisons pour lesquelles un article concernant le paiement rapide devrait être ajouté au p.l. no° 12. Merci de votre attention.

Mme Amireault (Caroline) : Alors, merci, Marc. M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, merci de nous recevoir aujourd'hui, on l'apprécie. Alors, comme le rappelait mon collègue Marc, la coalition a été mise sur pied en 2013. Ça fera bientôt 10 ans que les membres de la coalition rencontrent plusieurs instances afin de les sensibiliser à cette problématique vitale de nos entreprises québécoises.

Je veux vous donner des dates importantes en rafale, puis ça va mettre en contexte et expliquer notre propos aussi. 2013, création de la coalition. 2015, rapport de Raymond Chabot Grant Thornton sur les retards de paiements, Marc vous a donné quelques statistiques. 2015, aussi, une date charnière qui a été la recommandation 15 du rapport de la commission Charbonneau. Alors, ça fait sept ans qu'on attend que cette recommandation-là soit mise en place. En 2016, ça s'est conclu le 1er décembre 2017, évidemment, il y a eu le projet de loi n° 108 qui parlait de l'Autorité des marchés financiers à l'époque, mais il y a un article tout simple qui a été ajouté dans ce projet de loi là, qui est l'article 24.3 et suivants jusqu'à 24.7, pour faire en sorte que le Conseil du trésor puisse, par arrêté, autoriser la mise en œuvre de projets pilotes. Et ce petit ajout là, tout simple, a permis de faire avancer, dans les cinq dernières années, le dossier des retards de paiement de façon considérable.

Je me permets aussi de préciser, par exemple, un élément important dans le projet de loi n° 108. Ça faisait l'unanimité à l'époque. Ça a été d'ailleurs adopté à l'unanimité au niveau du gouvernement. Le projet d'encadrement législatif ne faisait aucun doute, sauf qu'on voulait... Le projet pilote servait à vérifier si c'était... Il ne servait pas à vérifier si c'était bon ou pas d'aller de l'avant. Le projet pilote a été mis en place pour évaluer les modalités d'un cadre réglementaire qui cherche à établir des mesures destinées à faciliter le paiement. C'est ce qui a été fait. 2018, comme on disait, à l'été, l'arrêté ministériel a cadré 52 projets, et 47 ont été réalisés sur une période de trois ans. Et à la toute fin de ça, il devait y avoir la production d'un bilan. Le bilan est arrivé un petit peu plus tard, mais en 2020, les parlementaires, plusieurs d'entre vous qui sont assis autour de la table aujourd'hui, étaient là, sur le projet de loi n° 61, sur le projet de loi n° 66. Ce qui est différent avec notre présentation aujourd'hui, c'est qu'à l'époque, c'était difficile pour le Conseil du trésor et le gouvernement d'aller de l'avant avec une loi alors que le <projet pilote...

Mme Amireault (Caroline) : ...pour le Conseil du trésor et le gouvernement d'aller de l'avant avec une loi alors que le >projet pilote n'était pas terminé. Aujourd'hui, bien, le 3 mars dernier justement, le Conseil du trésor a émis son rapport final, et je reprends les mots, c'était de la musique à nos oreilles. Pour la coalition, ça a été un franc succès. J'ai entendu Mme LeBel en parler toute la journée. Aujourd'hui, elle l'a soulevée à plusieurs occasions, elle est très satisfaite du rapport. Elle parle de pistes de solutions qui sont concluantes. Et quand on lit les conclusions du rapport, on voit que la faisabilité et la pertinence d'établir une solution pérenne et globale relativement à la problématique des délais ont été démontrées par ce projet pilote là. Alors, nos devoirs sont faits.

Il y a des commentaires. Les deux mécanismes ont été testés, le calendrier de paiement et le mécanisme des règlements de différends, évidemment, qui ont été testés. Il y a des points positifs qui sont sortis de ça et il y a des éléments, soyons transparents, qui restent à peaufiner, mais rien qui empêcherait d'aller de l'avant avec des modifications au projet de loi n° 12. Et les derniers correctifs pourraient être apportés par la suite au niveau de la réglementation. Il va y avoir des éléments à préciser. On pourra peut-être revenir pendant les échanges, les questions, notamment sur les heures de changement, les quittances, les cautionnements et les libérations des retenues contractuelles, mais ça, c'est du travail qui peut se faire ultérieurement.

Rapidement, sur les autres législations, on sait qu'à travers le Canada, presque toutes les provinces canadiennes ont adopté une loi sur les retards de paiement. Vous avez justement, dans le rapport du Conseil du trésor auquel je faisais allusion tout à l'heure, l'annexe 3. Il y a une liste, un portrait complet, très exhaustif de tout ce qui se fait dans les autres provinces canadiennes et les autres législatures. À notre connaissance, on pense que le Québec est la seule province qui ait d'abord procédé par un projet pilote. Les autres provinces ont tout de suite procédé par une loi. Mais qu'à cela ne tienne, on est rendus, le projet pilote est fait. Alors, voilà!

Pourquoi passer par le projet de loi n° 12? La coalition est convaincue que le projet constitue une occasion incontournable de régler la problématique des retards de paiement. J'entendais aussi aujourd'hui des propos à l'effet que la loi, la LCOP, on ne l'ouvre pas souvent. On ne veut pas l'ouvrir aux deux ans. On veut l'ouvrir et le faire correctement. Alors, de notre côté, le projet pilote est terminé, le rapport est émis, les conclusions sont concluantes, c'est positif, puis il y a eu quand même 10 ans d'attente pour y arriver. Alors, on salue évidemment le désir du gouvernement de vouloir favoriser l'approvisionnement local par les ministères et les organismes du gouvernement, mais encore faudrait-il que ce dernier paie les entreprises québécoises dans des délais raisonnables. C'est ce qu'on demande. Alors, voilà une véritable mesure d'aide directe aux entreprises, à coût nul pour le gouvernement, comme Marc le mentionnait tout à l'heure.

On pense ici qu'un pas dans la bonne direction a été fait avec le projet de loi n° 66 parce qu'évidemment il y a eu 180 projets qui ont été visés, ça a été un bon élément, où des mesures de paiement sans retard ont été introduites, mais il est nécessaire de faire un pas de plus, d'aller plus loin, et maintenant d'instaurer des mesures pérennes, et définitives, et globales pour l'industrie de la construction. Depuis plusieurs années déjà, les mesures proposées par la coalition pour que... corriger, pardon, la situation sont simples et connues. Deux choses, un calendrier de paiement, un mécanisme de règlement des différends, tout ça qui a été testé dans le projet pilote.

Dans ce contexte-là, et tel qu'on le précisait précédemment à la coalition, on invite les parlementaires membres de la Commission des finances publiques à profiter du projet de loi n° 12 pour régler définitivement la problématique des délais de paiement dans la construction pour le volet des marchés publics. Par conséquent, on effectue la recommandation suivante à l'effet qu'un amendement soit apporté à la LCOP pour qu'il y ait un article qui soit intégré dans le même principe que celui qui a été fait en 2018, l'article 24.3 qui permettrait à la présidente du Conseil du trésor d'imposer par règlement un calendrier de paiement et un mécanisme de règlement rapide des différends afin de faciliter le paiement aux entreprises parties aux contrats publics et sous-traitances publiques — n'oublions pas les sous-traitants parce que c'est une démarche commune — selon des conditions et des modalités qu'elle édicterait, lesquelles peuvent différer de celles prévues par la présente loi et ses règlements. Alors, je vous remercie de votre écoute, M. le Président. Et Marc et moi demeurons disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous deux. Mme la ministre.

Mme LeBel : Bonjour. Bonjour, ça me fait vraiment plaisir de vous reparler à nouveau, parce qu'on a eu l'occasion d'en discuter et que ce soit dans le cadre du projet de loi n° 66 où, merci de l'avoir souligné, on a fait un pas supplémentaire qui était quand même un grand pas dans les circonstances de l'époque, là, quand on était encore dans le projet de... le projet pilote était encore en vigueur ou, à tout le moins, on attendait aussi le dépôt du rapport, minimalement. On a donc décidé d'introduire et d'étendre la notion de calendrier de paiement et de mécanisme de règlement des différends à l'ensemble des projets du PQI, du Plan québécois des infrastructures. C'est quand même un grand morceau des contrats au Québec. Je le réitère parce que je vais vous dire que, dans le fond, notre conversation risque d'être courte parce que vous prêchez à une convertie sur les bienfaits de mettre en place des mécanismes qui favorisent les <paiements le plus rapidement possible...

Mme LeBel : ...sur les bienfaits de mettre en place des mécanismes qui favorisent les >paiements le plus rapidement possible, disons, dans des délais qui sont... qui sont acceptables, et c'est le cas de ce que le projet pilote a voulu mettre de l'avant. D'ailleurs, il serait difficile pour moi de renier aussi le fait que c'était une des recommandations de la commission Charbonneau à l'époque où j'y étais. Donc, il n'y avait pas d'époque où je n'y étais pas, là, genre, je ne sais pas pourquoi j'ai rajouté ça. Donc, à l'époque de la commission, et non à l'époque où je n'y étais pas.

Mais je veux discuter avec vous plutôt des solutions. Parce que maintenant qu'on se met d'accord sur les conclusions du rapport, sur le fait qu'on doit faire... qu'on doit donner suite au projet pilote, sur le fait qu'il y a... qu'on doit avoir une solution pérenne et globale, bien, c'est le quoi faire, comment le faire et quand le faire. Donc, c'est... Et je suis contente de voir votre proposition qu'on devra étudier avec beaucoup de sérieux, là, voir si c'est pertinent ou on a... ou, en tout cas, si on peut l'introduire dans le projet de loi n° 12, pour toutes sortes de raisons, mais je comprends que, pour vous, ce n'est pas nécessairement la solution globale, qu'il restera un bout de chemin à faire par la suite, que ça répond à un aspect et donc que je peux le qualifier, cet amendement-là, de solution intérimaire, mais qu'il demeurera quand même quelques bouts de chemin à faire pour avoir une solution véritablement globale. Est-ce que je peux comprendre ça?

• (17 h 50) •

Mme Amireault (Caroline) : Bien, vous avez tout à fait raison, Mme LeBel, c'est exactement ça, parce que notre demande est d'avoir une solution globale. Quand on parle de global, c'est les sociétés d'État, c'est les organismes publics, c'est le privé et le municipal. C'est un gros éléphant à manger, mais le projet pilote nous a permis de régler la problématique, en tout cas, de travailler avec les organismes publics. Si la commission en venait à la conclusion de dire on apporte des amendements, vous pourriez aller dans la LCOP, voir le 24.3, le changer, retirer les modalités qui touchent au projet pilote, remplacer ça par un règlement. On ne demande pas à la commission, aujourd'hui, d'amender la LCOP et de mettre tous les paramètres du projet pilote dans la LCOP. Ce serait suicidaire de faire ça de cette façon-là, je crois. Allons-y avec un article général qui permettrait au Conseil du trésor de travailler par la suite les règlements sur les contrats des organismes publics d'abord. On pense aussi que de le faire de cette façon-là, tu sais, c'est une opportunité qu'il ne faut pas manquer, là. On demeure convaincus à la coalition qu'il faut vraiment passer par le projet de loi n° 12 pour, à tout le moins, faire ce premier pas qui va être décisif. Ça fait 10 ans, je ne le répète plus après, mais ça fait 10 ans quand même qu'on travaille ce dossier-là. Alors, on souhaite le faire.

Et ultimement on pense aussi que... Ça avait d'ailleurs été une question qui avait été posée sur le p.l. no° 66, de mémoire, par M. Gaudreault, on pense que, si l'État donne l'exemple comme organisme public, bien, ça va permettre aux autres donneurs d'ouvrage de suivre la parade puis de dire : Bien, il faut s'organiser, se structurer pour avoir des délais de paiement respectables parce que, sinon, l'industrie va se concentrer au niveau des organismes publics. Alors, c'est une opportunité à ne pas manquer de notre côté. Puis je pense que pour avoir entendu les... Depuis le matin, presque tous les intervenants qui ont parlé des retards de paiement, j'applaudissais silencieusement dans mon bureau toute la journée, mais je trouvais ça intéressant de voir que cette problématique-là, elle est soulevée par plusieurs instances. Et vous avez une belle opportunité. On pense que tous les parlementaires ont une très belle opportunité de le faire présentement.

Mme LeBel : Oui. Bien, merci. Puis je voulais simplement être capable d'asseoir ma compréhension correctement, parce qu'effectivement on a eu l'occasion d'en discuter, vous et moi, dans une autre rencontre, de cette demande d'avoir une solution pérenne et globale. Mais je pense que c'est important de bien cadrer la situation et de dire que, si on attend pour avoir cette solution pérenne et globale, là, bien, il y a des niveaux de difficulté peut-être... Bon, pour ne pas parler du domaine, pour ne pas nommer le domaine municipal, à titre d'exemple où, si on attend de tout faire dans une seule solution où on règle tout, bien, naturellement, les délais, là, dans lesquels on est pour le projet de loi n° 12, on n'est pas dans des délais qui nous permettent de tout faire et, je pense, c'est vraiment le fait que je voulais cadrer que, donc, vous n'abandonnez pas l'objectif d'une solution pérenne et globale, mais vous admettez, vous comprenez qu'on ne peut pas le faire nécessairement dans une... dans une seule étape.

Donc, je comprends bien, quand je vois que la solution que vous proposez, on verra, bon, si on peut le faire, puis on va l'étudier avec beaucoup de sérieux parce que la volonté de procéder, elle est présente. Maintenant, je dis toujours, c'est quoi faire, comment le faire et quand le faire. Donc, il faut quand même se poser, nous, ces questions-là avant de prendre la décision, mais je comprends que votre proposition est quand même une proposition par étapes, là, mais c'est une bonne étape, mais par étapes.

Mme Amireault (Caroline) : Exactement.

Mme LeBel : Bien, écoutez, ce n'est pas parce que je ne suis pas d'accord avec vous, c'est parce que votre point est très clair.

Mme Amireault (Caroline) : Tant mieux.

M. Bilodeau (Marc) : Tant mieux.

Mme LeBel : Alors, je n'avais pas d'autre question, M. le Président, à moins que mes collègues, mais...

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci à vous. M. le député de Vanier, ça vous va? M. le député de Mont-Royal—Outremont.

M. Arcand : Merci. Alors, bonjour. Encore une fois, de votre présence, merci infiniment, M. Bilodeau, Mme Amireault. Évidemment, on était là, nous, au gouvernement en 2017 lorsqu'on a établi le <projet pilote...

M. Arcand : ...présence, merci infiniment, M. Bilodeau, Mme Amireault. Évidemment, on était là, nous, au gouvernement en 2017 lorsqu'on a établi le >projet pilote. Et on voit, et vous l'avez bien indiqué, qu'il y a d'autres gouvernements qui semblent avoir des méthodes un peu plus... un peu plus précises et surtout des paiements plus rapides. J'aimerais que vous m'expliquiez, d'après vous, cette espèce de... Il semble y avoir parfois une relation un peu toxique entre l'État et les entrepreneurs en construction au niveau des appels d'offres. Surtout, entre vous et moi, dans le domaine de la construction, les prix ont augmenté beaucoup. On nous dit que les matériaux sont plus chers, mais en même temps, vous savez, il y a une relation où on ne sait jamais tout à fait le prix qu'on va payer. Ce n'est pas toujours... Ce n'est pas toujours clair et ainsi de suite. Est-ce qu'il y aurait des façons, je dirais, de sécuriser davantage les personnes qui ont des décisions à prendre, de donner le contrat avec un certain prix? Est-ce qu'il y a des façons, selon vous, qui existent, qui pourraient rassurer les gens qui, souvent, veulent évidemment que le contrat qu'ils donnent soit fait au juste prix?

M. Bilodeau (Marc) : Il y a beaucoup de façons de procéder. À travers la planète, il y a quand même un... Il y a un retour de son, là.

M. Arcand : Bien, nous, on...

M. Bilodeau (Marc) : Excusez-moi. Bon. Il y a beaucoup de façons de procéder. À travers la planète, il y a beaucoup de gens qui ont expérimenté des systèmes différents. C'est bien entendu, nous, dans le cadre... Notre raison d'être, aujourd'hui, c'est les délais de paiement. Mais je peux vous dire une chose certaine, c'est que plus il y aura de soumissionnaires, plus on s'assurera d'avoir un prix juste. Parce qu'un soumissionnaire unique... J'ai été entrepreneur pendant 30 ans. Le soumissionnaire unique, il sait qu'il est unique. S'ils sont deux joueurs, les gars se connaissent, ils savent qui... qu'est-ce que l'autre a en main puis ils savent... Ils ne se parlent pas, mais tout le monde sait que ça va avoir une pression vers le haut sur les prix.

Lorsqu'on est six, sept, huit joueurs qui soumissionnent sur un même projet, les entrepreneurs doivent faire preuve d'innovation, doivent faire preuve de... Ils doivent se réinventer pour réussir à être le plus bas soumissionnaire, parce qu'ils ne peuvent pas contrôler ce qui se passe dans huit entreprises. Donc, ça va avoir nécessairement une pression sur les prix vers le bas.

Maintenant, le processus pour choisir l'entrepreneur, le plus bas soumissionnaire, le meilleur prix, ça, il y a d'autres associations qui vont venir vous rencontrer dans les prochains jours qui sauront vous aider avec cette question-là. Mais nous, ce qui est vraiment important pour nous, c'est de s'assurer d'ouvrir le marché public. Puis pour ouvrir le marché public, pour qu'il y ait plus de joueurs qui puissent venir jouer dans la cour du marché public, il faut que les entrepreneurs n'aient plus le fardeau du financement à supporter.

Moi, j'étais... Comme je vous ai dit, j'ai été entrepreneur 30 ans puis j'ai... Pendant 20 ans, je n'ai pas fait de projets publics uniquement à cause qu'on n'était pas... On n'était pas bien payés. J'avais deux choix? Je choisissais un projet public ou un projet privé? J'allais vers le privé parce que je le savais, que la paie serait meilleure, que mes travaux supplémentaires rentreraient plus vite et que ma retenue contractuelle n'arriverait pas au bout de trois ans.

M. Arcand : O.K. Mais moi, la question, la question fondamentale derrière ça aussi, c'est que c'est quand même, pour les gens au gouvernement, là, puis je n'essaie pas de défendre les gens au gouvernement nécessairement, mais c'est quand même... On parle souvent de beaucoup d'argent. On fait des évaluations. Le milieu de la construction est un milieu qui est toujours très mouvant à cause du prix, à cause de tout ce qui se passe de ce côté-là. J'essaie juste de voir au-delà de la question du paiement si, pour... Parce qu'il faut essayer de trouver une solution. À mon avis, pour pouvoir sécuriser des paiements dans l'avenir, il faut qu'il y ait un lien de confiance qui soit un peu meilleur par rapport à ce qu'il est actuellement. C'est pour ça, le sens de ma question.

M. Bilodeau (Marc) : Je comprends très bien. Je pense qu'il faut peut-être s'asseoir et revoir un peu le processus d'octroi de contrats. On parle des appels d'offres, on parle des documents d'appel d'offres, des professionnels qui sont préparés. Ça, je pense qu'il faut que, un, on ait peut-être plus de temps. Il faut qu'il y ait... Il faut que ça soit revu. Souvent, on a des dossiers qui arrivent en appel d'offres, qui ne sont pas... qui ne sont pas complets. C'est sûr que ça va être dur de vous donner le juste prix si on n'a pas les documents complets qui changent avec des addendas et toutes sortes de choses. Donc, je pense que c'est important de commencer à avoir un processus d'appel d'offres où les documents que des entrepreneurs reçoivent soient clairs. Ensuite de ça, on établit un <processus d'appel d'offres, plus bas soumissionnaire, peu importe la façon...

M. Bilodeau (Marc) : ...Ensuite de ça, on établit un >processus d'appel d'offres, plus bas soumissionnaire, peu importe la façon, et on paie bien les entrepreneurs. On les intéresse au marché. Les entrepreneurs vont arriver plus nombreux avec des documents clairs. Donc, ça va nous aider à avoir des prix plus précis. On a vu des appels d'offres où on nous rajoutait une salle d'opération dans un hôpital, tu sais, en addenda. Donc, on est rendu à l'étape où on présente un projet aux entrepreneurs, puis après ça on vient en addenda demander des travaux additionnels majeurs. Ça a une influence sur les prix. Donc, il faut régler ce cas-là en partant pour avoir des prix encore plus justes. Puis, en payant bien les entrepreneurs, on va intéresser les gens.

M. Arcand : Écoutez, depuis le début, les gens qui viennent, puis je comprends que votre objectif de la coalition, c'est d'abord et avant tout de se faire payer, là, d'abord et avant tout. Ça, je comprends très bien ça. Mais est-ce que vous avez une opinion sur l'idée qui... dont on n'arrête pas de parler depuis le début de la journée, sur le fait qu'on ne peut pas juste regarder le prix? Il faut... Il y a... La qualité est un élément important, et l'innovation, etc. Est-ce que vous avez une opinion par rapport à ça?

• (18 heures) •

M. Bilodeau (Marc) : Bien, bien sûr. Bien sûr qu'on a une opinion par rapport à ça. C'est... Je ne veux pas mettre personne en... Je ne veux pas peinturer personne dans le coin, mais c'est sûr et certain qu'il y a peut-être une révision du mode à avoir. Le prix, est-ce qu'il doit être... Uniquement le prix qui est à considérer, l'expérience de l'entrepreneur? Beaucoup de choses. Mais comme je vous ai expliqué tantôt, j'ai des collègues qui vont venir vous rencontrer qui, eux, ont vraiment planché sur cet aspect-là. Et puis, nous, on va vraiment essayer de se concentrer uniquement sur vraiment l'aspect de paiement.

M. Arcand : Vous avez dit que, pour régulariser les retards de paiement, vous avez dit : Bien, si on fait ça au municipal, etc., c'est un gros éléphant à manger, là, si j'ai bien compris ce que vous avez dit. Selon vous, où on devrait intervenir plus rapidement? Et surtout combien de temps vous pensez qu'on peut prendre pour vraiment régulariser les problèmes? Est-ce que vous voyez des délais possibles, là? Je sais que le projet pilote a duré longtemps, là, mais est-ce que vous voyez certains délais de ce côté-là?

Mme Amireault (Caroline) : Bien, à cette question-là, c'est une excellente question, je pense que le projet pilote, quand on nous l'a présenté en 2018, on était... 2017, on était un peu déçu, la coalition, parce qu'on souhaitait que la loi soit changée tout de suite, puis que des dispositions d'ordre public arrivent dans la loi. On s'est plié au projet pilote. Puis avec du recul, bien, on peut dire que ça nous a permis de tester les mécanismes. Puis je crois que, rapidement, si un amendement est apporté au projet de loi n° 12 pour permettre au Conseil du trésor de prévoir les règlements adjacents, ces règlements-là, il ne reste pas beaucoup de choses à corriger dans les paramètres. Parce qu'on avait plusieurs pages, là, dans les paramètres des dispositions sur le calendrier des paiements, l'intervenant, etc. Mais ce sont des petites choses qui restent à... du «fine tuning.» Je n'aime pas l'expression en anglais, là, mais vous comprenez ce que je veux dire. Ce sont des petits éléments qui ne sont pas contradictoires dans le... Puis même ça ressort du rapport du Conseil du trésor, là, ce sont des petits éléments qui peuvent se mettre en place. Je pense que le projet pilote nous a permis d'acquérir une maturité au niveau de l'industrie de la construction. Les entrepreneurs qui ont participé à ces projets de loi là ont... avaient le goût de faire ces projets... pas des projets de loi, pardon, mais des projets pilotes, avaient le goût de participer à ces projets de construction là. Ça leur a montré comment ça fonctionnerait. Puis ça a été vraiment une réussite, là, sur toute la ligne pour faire en sorte que les... Mais pour répondre à votre question, est-ce qu'il y aurait des délais? Ça pourrait quand même se faire assez rapidement, à tout le moins au niveau des organismes publics, si on a cet article-là dans le p.l. no° 12.

M. Arcand : D'accord. Si j'avais à vous demander, simplement, parce qu'il nous reste à peu près deux minutes, là, le calendrier de paiement, pour les gens qui écoutent, est-ce que vous pourriez nous expliquer de façon simple, ce que vous voyez? Et en quoi c'est différent de l'Ontario ou du fédéral de ce côté-là? Est-ce que c'est une formule qui est déjà employée ailleurs, ce que vous proposez? Et si vous vouliez juste nous l'expliquer de façon simple.

M. Bilodeau (Marc) : D'accord. J'ai... En fait, ce calendrier de paiement là, c'est un calendrier qui est prévu dans la plupart des contrats de construction. C'est-à-dire qu'un décompte progressif est présenté le 25 aux entrepreneurs généraux. On s'entend sur un décompte au 1er du mois. Les factures s'envoient. Le 1er du mois, l'entrepreneur envoie la photo... la facture au client. Le client reçoit la facture, a jusqu'au 20... le 21 pour prendre action, recevoir la facture et dire : Bon, bien, écoute, vous m'avez facturé 100 000 $. Moi, je reconnais les travaux à 90 000 $ et il présente... Je vais vous payer...


 
 

18 h (version révisée)

M. Bilodeau (Marc) : ...90 000 $. Et il présente, il dit : Je vais vous payer 90 000 $ le 30 du mois parce que je considère qu'il y a 10 000 $ qui n'a pas d'affaire, mais c'est justifié. Donc, l'entrepreneur reçoit son paiement à la fin du mois, a cinq jours pour payer le sous-traitant et cinq jours le sous sous-traitant. Donc, c'est un calendrier qui est assez clair.

Aujourd'hui, ce qui se passe, c'est que lorsqu'on reçoit une demande de paiement, si, souvent, le montant ne balance pas ou on n'est pas d'accord avec le décompte, le montant... la facture s'en va sur le côté. Là, ça prend du temps à le régler, d'où la moyenne qui est rendue à 80 jours. Dans... Au niveau des retenues contractuelles, il y a aussi un mécanisme qui fait en sorte qu'on peut recevoir nos retenues plus rapidement, qu'on les facture à la fin de nos travaux. En ce moment, les retenues, quand on parle d'entrepreneurs qui attendent leurs retenues pendant trois ans, ça commence à être beaucoup d'argent. C'est 10 %, les... Ce n'est pas le profit, c'est plus que le profit que les entrepreneurs font. Donc, l'entrepreneur, il a soumissionné sur des projets publics, puis son cash-flow diminue, ses liquidités diminuent. C'est... C'est... C'est ça qu'il faut changer. Il faut que les entrepreneurs aient accès à ces liquidités-là pour continuer à pouvoir dépenser de l'argent, pour pouvoir commencer à investir dans leur entreprise, dans de l'équipement neuf, dans de la modernisation et dans la formation de sa main-d'œuvre.

M. Arcand : Est-ce qu'il y a beaucoup d'extras, parfois, dans les contrats avec le gouvernement actuellement?

M. Bilodeau (Marc) : Il y a beaucoup d'extras, notamment dans... au ministère des Transports, hein, Caro pourra... Caroline pourra le justifier, mais il y en a aussi dans le bâtiment, il y en a un peu partout. C'est des travaux supplémentaires. Puis ces travaux supplémentaires là, souvent, dans bien des cas, vont être faits à temps matériel. Et puis là, on envoie des factures, et puis là, la guerre... pas «la guerre» mais la valse des échanges commence. C'est-à-dire que, là, tu ...(panne de son)... trop cher, pas assez cher...

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, M. Bilodeau. Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : ...M. le Président. Merci pour votre présentation.

Écoutez, c'est très, très clair, là, votre recommandation est claire, nette et précise, puis vous l'avez déjà mentionné aussi dans l'espace public. Et, de ce que je comprends de la ministre, c'est qu'il y a quelque chose qui va être fait, il y a une ouverture, peut-être pas dans un amendement dans le projet de loi, mais par un autre mécanisme. Je suis quand même curieuse. Je me dis, c'est qui, d'abord, qui soumissionne pour le gouvernement, si c'est si compliqué d'être... d'être payé? C'est les plus gros. C'est ça que je comprends?

Mme Amireault (Caroline) : Bien, moi, je veux juste répondre à une portion, Marc, s'il te plaît.

M. Bilodeau (Marc) : Oui.

Mme Amireault (Caroline) : Avant, de dire que nous, on souhaite que ce soit par amendement dans le projet de loi n° 12. Puis vous auriez même l'opportunité, comme législature, de voir à peut-être modifier aussi certains articles. Parce que, quand il y a eu le projet de loi n° 108, il y a des articles 24.3 à 24.7 qui ont été ajoutés dans la LCOP, mais certains de ces articles-là sont devenus désuets maintenant parce que le projet pilote est terminé. Alors, en faisant l'amendement qu'on vous propose, vous pourriez aussi également profiter de l'occasion puis retirer certains articles. Et, comme on le disait tout à l'heure, ce n'est pas à tous les deux ans, trois ans qu'on ouvre la LCOP. C'est une belle opportunité. Je voulais juste faire cette parenthèse-là parce qu'on demande qu'il y ait un amendement.

Mme Ghazal : Vous faites bien. La ministre écoute.

Mme Amireault (Caroline) : Oui. Je suis convaincue.

M. Bilodeau (Marc) : Et pour répondre... Et pour répondre à votre question, c'est...

Mme Ghazal : Oui, oui, allez-y.

M. Bilodeau (Marc) : Ce sont des plus gros entrepreneurs qui sont capables de soumissionner. Il faut être capables. Ça prend des reins solides pour travailler pour l'État. Ça prend quelqu'un qui est capable de supporter du crédit, qui est capable de payer ses employés à toutes les semaines, ses équipements et attendre son paiement 80 jours et sa retenue 300 jours.

Mme Ghazal : Dans le fond, vos membres, là, de la coalition, je ne sais pas, pour avoir un ordre de grandeur, c'est des gens qui ont des, je ne sais pas, des chiffres d'affaires de combien? Est-ce que...

M. Bilodeau (Marc) : Bien, ça dépend, il y a de toutes les grosseurs. On a...

Mme Ghazal : O.K. C'est diversifié.

M. Bilodeau (Marc) : On représente entièreté de l'industrie de la construction.

Mme Ghazal : Sauf les plus gros, qui ont les reins solides. C'est ce que je comprends?

M. Bilodeau (Marc) : Non, non, non, ils sont membres également, ils sont membres également.

Mme Ghazal : O.K. Parce qu'eux aussi ils veulent être payés vite, quand même, là, hein?

M. Bilodeau (Marc) : Bien, certainement. C'est... C'est légitime.

Mme Ghazal : Puis...

Mme Amireault (Caroline) : En fait, ça a été un... Excusez. Excusez-moi, je vous ai interrompue.

Mme Ghazal : Oui, oui. Non, allez-y, allez-y.

Mme Amireault (Caroline) : Ça a été une constatation qui a été faite au début, parce que les entrepreneurs pensaient que c'étaient les généraux qui retenaient les sommes des sous-traitants. À un moment donné, on s'est parlé, puis on a fait comme : Bien, nous aussi, les généraux, on a des problématiques, c'est le donneur d'ouvrage, l'argent ne vient pas, ça fait qu'on n'était pas capables de payer les... les sous-traitants, pardon. C'est pour ça que la solution pérenne qu'on souhaite englobe autant les généraux que les sous-traitants. On travaille en collaboration.

Mme Ghazal : O.K. Je comprends. Puis là je ne sais pas il me reste combien de temps.

Le Président (M. Simard) : ...secondes.

Mme Ghazal : Oui. Bien, en fait, écoutez, je voulais savoir si, par exemple, il y avait d'autres éléments que vous vouliez ajouter, autre que ce problème-là, quoique c'est le sujet qui vous occupe, c'est le nom aussi de votre coalition, donc l'inflation, tout ça.

M. Bilodeau (Marc) : Tout à fait.

Mme Ghazal : Bien, on pourra en parler une autre fois. De toute façon, on n'a plus le temps. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup pour votre présence. Ce n'est pas la première fois qu'on se rencontre. Je vous écoutais puis je me disais : Quand ils ont créé la coalition contre les retards de paiement, en 2013, ils ne devaient pas penser de se retrouver en 2022 encore à plaider ça. Tu sais, c'est le genre de... J'avais un de mes oncles qui avait un chalet quand j'étais jeune. Puis il faisait des travaux qui étaient temporaires. Puis, au bout de 10 ans, la rallonge était toujours là, qui était <temporaire...

M. Gaudreault : ...2013, ils ne devaient pas penser de se retrouver en 2022 encore à plaider ça. Tu sais, c'est le genre de... J'avais un de mes oncles qui avait un chalet quand j'étais jeune. Puis il faisait des travaux qui étaient temporaires. Puis, au bout de 10 ans, la rallonge était toujours là, qui était >temporaire, puis ça devenait permanent, tu sais. Ça fait que c'est un peu... c'est un peu ça. C'est... Je ris, mais ce n'est pas drôle, dans le sens que vous continuez votre votre travail. Heureusement que vous êtes là.

Moi, j'aimerais ça vous amenez sur le privé. Moi, je viens d'une région qui est très dépendante de la grande industrie, où, on le sait, il y a eu aussi des délais de paiement plus longs. Et ça affecte toute la chaîne, hein, en aval, là. Donc, l'entrepreneur général, le sous-traitant, le sous sous-traitant, puis moi, il y a des entrepreneurs qui cognent à ma porte de député pour dire : Écoutez, là, ça n'a plus de bon sens, je ne suis plus capable de payer mes employés. C'est ça, la réalité. Alors, j'aimerais ça que vous nous disiez ce qui en est présentement avec le privé et comment on peut agir également à cet égard.

M. Bilodeau (Marc) : Bien, le privé ne fait pas... Au niveau du paiement normal, le privé est en moyenne aussi à 80 jours. Où le privé fait beaucoup mieux, c'est sur le règlement des extras et le règlement de la retenue contractuelle. C'est là que le privé se démarque et c'est là que c'est... ça devient plus intéressant de faire affaire avec le privé. Parce qu'en dedans de 90 jours grosso modo après la fin d'un contrat, on le sait qu'on va avoir notre argent complet et on pourra passer à un autre projet, et puis c'est vraiment là que ça se démarque. Ça fait que, quand qu'on a le choix entre aller à un projet public ou un projet privé, on va au privé, c'est plus simple, l'argent est là.

M. Gaudreault : Mais ce que je ...(panne de son)... aussi des plus longs délais de paiement. Je voudrais... Ce que je veux dire, c'est que les délais de paiement s'allongent, entre guillemets, au privé. Est-ce que c'est encore ça?

M. Bilodeau (Marc) : Ah! bien oui.

M. Gaudreault : Oui. Bien, c'est ça, donc comment on peut agir sur...

• (18 h 10) •

Mme Amireault (Caroline) : Oui. Les chiffres... Les chiffres de notre étude ont été mis à jour puis... en 2019, puis on voit que l'écart continue à s'accentuer au privé et au public, là. Ce n'est pas... Ça ne s'est pas amélioré. Puis, même en 2021, on a fait une autre étude économique avec Raymond Chabot Grant Thornton dans un autre regroupement, bien, il y a encore la problématique des délais de paiement qui ressort, là. Et deux des... deux des quatre solutions qui ont été présentées dans cette étude-là, c'est le calendrier de paiement encore et l'intervenant expert. Alors, ça vient reconfirmer, en 2021, la portée du propos qu'on traîne depuis 2013. Je sais que, M. Gaudreault, vous allez prendre... vous allez laisser bientôt vos fonctions, j'aimerais ça ne pas me rendre à cette situation. J'aimerais ça que ça se fasse avant que nous-mêmes prenions notre retraite.

M. Gaudreault : Avant que je parte. O.K. On va essayer.

M. Bilodeau (Marc) : Bien, en fait, ce qu'on chercherait, c'est une loi d'ordre public qui encadre l'ensemble des travaux de construction publics, privés. C'est ça... C'est ça qu'on recherche. Comme il s'est... Comme il s'est fait en Ontario.

M. Gaudreault : Merci.

Le Président (M. Simard) : Alors, M. Bilodeau, Mme Amireault, merci beaucoup pour la contribution à cette commission.

Sur ce, nous allons suspendre momentanément, le temps de faire place à nos prochains invités. Et, à vous deux, au plaisir de vous retrouver. À nouveau merci.

(Suspension de la séance à 18 h 11)

(Reprise à 18 h 15)

Le Président (M. Simard) : Alors, nous sommes de retour. Et nous sommes... nous allons finir en beauté avec une présentation du groupe G15+. Madame, monsieur, bienvenue parmi nous. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter?

(Visioconférence)

M. Blackburn (Karl) : Karl Blackburn, président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec.

Le Président (M. Simard) : Rebienvenue parmi nous, M. Blackburn.

M. Blackburn (Karl) : Merci.

(Visioconférence)

Mme Alain (Béatrice) : Béatrice Alain, directrice générale du Chantier de l'économie sociale.

Le Président (M. Simard) : Nous vous écoutons. Et vous disposez d'une période de 10 minutes.

M. Blackburn (Karl) : Alors, merci. Mme la ministre, encore une fois, bonjour. MM., Mmes les députés. Alors, c'est toujours un plaisir de vous... de vous... de vous rencontrer de nouveau, et cette fois-ci, c'est dans le contexte de notre partenariat, de notre collaboration avec le G15.

Le G15+ s'appuie sur le dialogue social pour favoriser la transformation de l'économie québécoise vers une société plus solidaire, prospère et verte et placer le bien-être de la population au cœur des politiques publiques. Fondé en mars 2020, il est composé de leaders économiques, syndicaux, sociaux et environnementaux du Québec. En janvier 2022, le G15+ a dévoilé les indicateurs du bien-être au Québec, visant à mettre le bien-être au cœur de nos politiques publiques.

C'est avec un grand intérêt que nous avons pris connaissance du projet de loi n° 12, d'ailleurs c'est ma deuxième participation à votre commission, mais nous remercions les membres de la Commission des finances publiques de nous donner l'occasion de nous présenter et de présenter nos commentaires et recommandations. Les leaders économiques, sociaux, syndicaux et environnementaux du G15 saluent le dépôt de la Stratégie gouvernementale des marchés publics et du présent projet de loi n° 12. Cette stratégie était attendue depuis longtemps. Le collectif apprécie l'écoute de la présidente du Conseil du trésor à l'égard de plusieurs propositions ayant inspiré le gouvernement du Québec.

Tout d'abord, le G15+ tient à souligner les mesures prévues par le projet de loi au sein du volet achat québécois, qui envoient un signal clair aux fournisseurs de l'État québécois et aux gestionnaires des organismes publics à cet égard. Concernant le volet achat responsable, le collectif qualifie son contenu de bon premier pas pour revoir la règle du plus bas soumissionnaire, mais qui devra aller beaucoup plus loin si l'État québécois souhaite contribuer à l'atteinte de l'immense défi de construire une société durable.

En 2022, le signal doit être clair. Au même titre que l'intégrité constitue le prérequis normal pour se qualifier au processus d'appel d'offres, les projets devraient être sélectionnés selon les plus hauts standards d'efficacité économique, de progrès social et de protection de l'environnement. Prendre cette décision constituerait un levier considérable pour rendre tangibles le développement durable, l'innovation et la croissance de nos entreprises et accélérer le virage vers une société plus solidaire, prospère et verte. Le G15+ formule plusieurs recommandations à l'égard du projet de loi n° 12.

La recommandation qui est de satisfaire aux plus hauts standards sociaux et environnementaux par l'utilisation de critères obligatoires. Pour favoriser justement l'achat responsable, la présidente du Conseil du trésor se donne le pouvoir de fixer aux conditions qu'elle déterminerait les acquisitions gouvernementales pour lesquelles un organisme public devrait mettre en place certaines mesures avantageuses. Or, un pouvoir discrétionnaire n'est pas une obligation. Si le pouvoir accordé à la présidente du Conseil du trésor lui permettant de favoriser les achats <responsables...

M. Blackburn (Karl) : ...pour lesquelles un organisme public devrait mettre en place certaines mesures avantageuses. Or, un pouvoir discrétionnaire n'est pas une obligation. Si le pouvoir accordé à la présidente du Conseil du trésor lui permettant de favoriser les achats >responsables constituait un gain, son application resterait encore volontaire. Ce pouvoir d'agir de la présidente du Conseil du trésor repose sur l'hypothèse d'un niveau d'exemplarité des organismes publics. Or, la commission au développement durable note depuis plus de 10 ans que l'un des motifs d'échec de l'intégration du développement durable dans l'administration publique repose sur une faible volonté des organismes publics. Le paradoxe du projet de loi n° 12 est qu'il recourt à des dispositions prescriptives, par exemple pour privilégier l'intégrité des marchés publics et l'achat québécois, alors qu'il se retient d'agir avant... avec la même détermination à l'égard de l'achat responsable.

Le G15+ souhaiterait que le même niveau d'engagement soit exigé des organismes publics à l'égard des achats responsables. Et la première recommandation que nous vous faisons à cet égard-là : systématiser l'utilisation de critères sociaux et environnementaux par les ministères et organismes et les rendre obligatoires dans l'adjudication ou l'attribution des contrats publics, toujours dans le respect des ententes internationales et lorsque c'est applicable, afin que l'octroi des contrats publics mise désormais sur des critères de valeur plutôt que principalement le choix du plus bas soumissionnaire.

• (18 h 20) •

Le G15+ constate que, si le concept d'achat québécois est défini dans la stratégie, permettant de mieux apprécier le périmètre visé par les actions du législateur, aucune définition du concept d'achat responsable n'est prévue au projet de loi n° 12. Pourtant, des définitions pourraient inspirer le législateur — voir à la page 7 de notre mémoire. Le législateur recommande de réduire la discrétion accordée à l'administration publique et d'augmenter plutôt la prévisibilité à l'endroit des fournisseurs de biens, services et travaux de construction.

Notre deuxième recommandation : intégrer une définition d'une acquisition responsable favorisant l'adéquation entre la Loi sur les contrats des organismes publics et la Loi sur le développement durable. Cette définition devrait mettre en lumière le caractère indissociable des piliers économiques, sociaux et environnementaux et la prise en compte des impacts tout au long du cycle de vie des produits et services. Cette absence de définition des achats responsables au projet de loi n° 12 est d'autant plus problématique que l'article 14.7, proposé à la loi sur les contrats d'organisations publiques, délègue aux gestionnaires des organismes publics le soin de déterminer, au gré de l'objet du contrat, ce qui constitue une acquisition responsable.

Notre troisième recommandation : amender le nouvel article 14.7, proposé à la Loi sur les contrats des organismes publics, en balisant le caractère responsable d'une acquisition grâce à un renvoi à la définition proposée à la recommandation n° 2. Enfin, la définition de «biens, services ou travaux de construction innovants» proposée au nouvel article 14.9-5 ne reflète pas l'amélioration de la concordance entre la LDD et la LCOP, un objectif poursuivi par la Stratégie gouvernementale des marchés publics.

Notre quatrième recommandation : amender le nouvel article 14.9,5 proposé à la LCOP, pour apporter une clause interprétative venant préciser la définition de «biens, services et travaux de construction innovants» qui tiendra compte des principes juridiques du développement durable et de la définition proposée à la recommandation n° 2, reconnaître l'économie sociale.

Maintenant, je cède la parole à ma collègue Béatrice.

Mme Alain (Béatrice) : Merci, Karl. Bonjour, tout le monde. Députés, Mme la ministre. Le Chantier de l'économie sociale est heureux de présenter les principales recommandations du G15+ aux côtés du Conseil du patronat.

Sur la question de l'économie sociale, comme vous le savez sans doute, j'espère, les entreprises d'économie sociale, elles appartiennent à leurs membres ou à la communauté, elles sont donc de propriété collective et 100 % québécoises. La vaste majorité, 76 %, dessert une communauté locale ou... clientèle locale ou régionale, et leur redevabilité envers leurs membres et la communauté garantit leur impact social. Donc, il n'y a pas plus local que l'économie sociale.

Et c'est pourquoi le G15 s'étonne que les entreprises d'économie sociale ne se trouvent pas dans les pratiques d'adjudication de contrats de l'article 14.1 ni dans l'article 14.9, c'est des dispositions qui visent justement à favoriser l'achat québécois ou favoriser l'achat responsable. Donc, le G15 propose que les entreprises d'économie sociale soient considérées pour contribuer à l'atteinte des objectifs du projet de loi. C'est ici, les recommandations n° 6 et 7 du mémoire du <G15...

Mme Alain (Béatrice) : ...justement à favoriser l'achat québécois ou favoriser l'achat responsable. Donc, le G15 propose que les entreprises d'économie sociale soient considérées pour contribuer à l'atteinte des objectifs du projet de loi. C'est ici, les recommandations n° 6 et 7 du mémoire du >G15.

Autre point, parler de... Donc, on nomme l'atteinte de la croissance du PIB et la création d'emplois pour évaluer les impacts. En fait, le G15+ dresse plusieurs constats à l'égard des indicateurs et méthodes d'analyse qui sont utilisés pour mesurer les effets de la stratégie et du projet de loi.

D'abord, on déplore que seuls le PIB réel et la création d'emplois à temps plein fassent l'objet d'une modélisation d'impact. On questionne aussi que le seul indicateur de la Stratégie gouvernementale de développement durable qui est utilisée, soit le taux d'acquisitions écoresponsables des ministères et organismes. Les parlementaires conviendront qu'il s'agit ici d'un problème au regard des importants objectifs que se donne le projet de loi.

Aucun suivi des coûts et gains économiques, sociaux ou environnementaux n'est prévu, pourtant ce n'est pas les indicateurs qui manquent. Le G15+, qui regroupe des groupes variés et présents sur le terrain, s'est mis d'accord sur une série de 51 indicateurs économiques, sociaux et environnementaux qui permettent de mesurer le niveau de bien-être au Québec. On propose au législateur d'arrimer ces indicateurs à la planification budgétaire et stratégique de l'État. On propose donc qu'ils soient utilisés pour mesurer l'impact du projet de loi. Il s'agit des recommandations n° 8 et 10 de notre mémoire.

Sur la question de la reddition de comptes, le G15 salue la volonté de la stratégie de réaffirmer, et je cite, «que le développement durable est une priorité gouvernementale et qu'elle vise à améliorer l'adéquation entre la LCOP et la LDD.» Le législateur a une occasion de démontrer concrètement l'application de cette volonté en mandatant le Commissaire au développement durable de faire les suivis de l'application du chapitre II.1 dédié... XI.1 dédié à l'Espace d'innovation des marchés publics. La présidente du Conseil du trésor est présentement la seule instance mandatée pour faire ce suivi. Pour éviter qu'elle soit juge et partie, on propose donc qu'elle s'adjoigne les services du commissaire, dont l'évaluation du respect de la Loi du développement durable est de son ressort. Il s'agit ici de la recommandation n° 13 de notre mémoire.

En conclusion, je pense qu'on a devant nous un projet de loi qui vise juste, mais qui doit se donner des meilleurs outils. On partage ses objectifs, le G15 partage aussi la volonté de la présidente du Conseil du trésor de rendre nos marchés publics plus québécois et plus responsables, et nous partageons avec l'ensemble des parlementaires l'urgence de se doter de meilleures pratiques possibles.

On est donc prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Simard) : Merci. Et votre chat va bien, toujours?

Mme Alain (Béatrice) : Oui! Constamment dans les mauvais moments. Désolée.

Le Président (M. Simard) : C'est des choses qui arrivent. Mme la ministre.

Mme LeBel : Oui. Bien, je tiens à vous rassurer, j'ai reconnu le geste, parce que j'ai à le faire fréquemment quand je suis en Teams, et elle m'ignore le reste du temps. Donc, allez savoir, allez savoir.

Écoutez, beaucoup de choses, beaucoup de recommandations très précises, là, sur des articles, donc peut-être que je vais me permettre d'aller peut-être à plus haut niveau avec vous. Parce que vos recommandations sont, comme je le disais, très précises, là, sur des amendements, des mots à ajouter, des choses comme ça, donc on va en prendre connaissance, naturellement, mais allons-y plus à... à plus haut niveau.

Puis je vais peut-être faire... pour continuer dans ma sensation de déjà-vu, M. Blackburn, peut-être faire un lien avec notre conversation précédente. Quand on parlait d'expérimenter, d'y aller de façon graduelle et d'ensuite normaliser nos façons de faire, je pense que ça peut s'appliquer ici aussi quand on parle de développement durable. Et, tout ça, ce n'est pas de vouloir ralentir les objectifs mais de vouloir bien faire les choses. Parce que je pense qu'il y a... je pense ne pas me tromper puis ne pas dire d'insanités en disant qu'il y a une expertise à développer, disons, au sein des ministères et organismes. Certains en ont une meilleure que d'autres, puis c'est normal, mais je pense que, quand on veut aller dans une direction ou en amont dans les... dans la réflexion et la définition des besoins, qu'on prenne en compte les critères de développement durable, environnementaux, d'impact économique, d'économie sociale, entre autres, d'économie circulaire, et tout ça, je pense qu'il y a aussi de l'apprentissage à faire. Parce que ce n'est pas évident, autant pour tout le monde que pour vous, qui baignez là-dedans constamment. Donc, peut-être me donner des exemples, puis aussi pour le bénéfice des gens, de critères qu'on peut intégrer, de critères environnementaux que les organismes pourraient utiliser, de questions que les organismes doivent se poser dans la définition de leurs besoins quand on vient... vient le temps de faire l'utilisation et de faire des acquisitions plus <responsables...

Mme LeBel : ...intégrer, de critères environnementaux que les organismes pourraient utiliser, de questions que les organismes doivent se poser dans la définition de leurs besoins quand on vient... vient le temps de faire l'utilisation et de faire des acquisitions plus >responsables. Bon, vous avez parlé des entreprises d'économie sociale, il y a des choses qui sont plus évidentes, mais j'aimerais qu'on l'illustre, et que vous nous en parliez pour qu'on puisse avoir une meilleure compréhension. Des gens qui sont plus initiés au langage, on comprend de quoi on parle, là, mais pour nous donner une idée, qu'est-ce que ça veut dire concrètement, dans un exemple donné à titre... que vous pourriez m'illustrer, d'avoir en tête des critères sociaux et des critères environnementaux, et quels pourraient être des types de critères qu'on pourrait intégrer, là.

Mme Alain (Béatrice) : Bien, je vais me lancer, puis, Karl, tu compléteras.

Je pense qu'en fait il existe plein d'exemples au Québec d'instances, de ministères comme d'acteurs municipaux qui ont mis en place des critères intéressants pour regarder, par exemple, sur les questions environnementales, le coût du cycle de vie, les mesures, à quel point ça favorise ou renforce la biodiversité, sur les questions sociales, sur évidemment l'achat en économie sociale par des marges préférentielles ou des marchés réservés, on les voit, là, à Montréal, à Longueuil, mais aussi des questions comme la place des femmes dans les entreprises, sur les conseils d'administration, comme propriétaires de ces entreprises quand elles sont privées. Il y a une série de mesures. Puis il faut savoir que, partout au monde, de plus en plus de gouvernements s'efforcent de trouver des leviers qui vont répondre à la fois à leurs... à leurs objectifs gouvernementaux plus larges. Donc, je pense qu'on ne manque pas d'exemples, mais on manque peut-être d'incitatifs pour que les gens le fassent plus systématiquement. C'est pourquoi on pense que...

• (18 h 30) •

Mme LeBel : Bien, excusez-moi, je ne voulais pas vous interrompre. Il y a un petit... des fois, il y a un petit décalage. Mais, dans le fond, c'est un peu l'objet de la... Je vais résumer de façon très succincte, mais l'ensemble de vos recommandations, entre autres, sont pour modifier les articles de loi pour aller un peu plus loin, là, dans l'incitatif, là, si je peux... si je peux le résumer de cette façon-là. Est-ce que je comprends bien votre... Votre position générale pourrait être celle-là, là?

Mme Alain (Béatrice) : Bien, ça fait 15 ans que la Loi sur le développement durable existe puis la loi sur les contrats des organismes a été adoptée, je pense qu'on est capables d'aller un brin plus engagés. Oui.

M. Blackburn (Karl) : Si je pouvais me permettre d'ajouter, Mme la ministre, aussi. Suite à la discussion que nous avons eue tout à l'heure, d'autres critères, comme en lien par exemple avec les coûts de transport ou les méthodes de transport utilisées pour les marchandises ou les matières entrant dans la fabrication, c'est des éléments qui peuvent permettre d'avoir une certaine conscientisation par rapport, justement, à des coûts sur l'environnement, dépendamment du type de transport utilisé. La source d'énergie utilisée également peut faire une grosse différence.

Alors, vous voyez, comme on faisait tout à l'heure référence aux avantages que le Québec a en termes entre autres d'énergie, bien, ces sources d'énergie peuvent certainement être des critères qui peuvent guider les orientations d'achats ou de contrats publics en lien avec des impacts environnementaux.

Mme LeBel : O.K. Il y a ... puis je lance la question, il y a... il y a toujours la préoccupation aussi, quand on fait les achats gouvernementaux, d'avoir... j'allais dire le meilleur prix, mais ce n'est pas ça, c'était... c'était... c'est la... actuelle, on veut évoluer vers la juste valeur. Je vais vous demander de le réitérer, M. Blackburn, si c'est le cas, parce que vous avez parlé au nom du Conseil du patronat, maintenant vous parlez plus au nom du G15 : Est-ce que vous pensez... Puis probablement, peut-être, vous allez vous répéter, peut-être que vous allez nuancer votre position, mais je vais quand même la répéter, même si on a eu cette discussion-là. Moi, ce qu'on a voulu mettre en place, c'est vraiment cet espace d'innovation là, puis, dans toute la question du développement durable, des critères responsables, d'économie, des retombées plus sociales et environnementales qu'on pourrait avoir, bien, c'est une approche graduelle. Et on a eu l'occasion d'en discuter, puis je sais que c'est comme une répétition, mais on va se placer avec votre nouveau... votre nouvelle présentation. Est-ce que vous pensez... Puis l'engagement qui est pris, dans le projet de loi, c'est aussi d'être capables de faire évoluer, puis je le disais tantôt, quand ça fonctionne, et que c'est avéré, et que c'est une bonne idée, et qu'on peut le démontrer aussi. Parce que ça peut être un enjeu gouvernemental de pouvoir avoir du discours pour justifier d'aller dans une direction ou une autre, puis on le comprend. Est-ce que vous pensez que ça peut être... c'est aussi favorable, quand on parle de ces critères-là et de la position du G15, d'avoir cette approche graduelle là? Puis, est-ce que ce n'est pas une bonne façon, justement, de permettre le développement de l'expertise nécessaire au sein des organismes publics? Il y en a qui l'ont déjà, cette expertise, je ne le... je ne le nie pas, mais, quand on parle de l'expertise de tous les organismes, ministères et organismes qui sont... qui vont... qui sont sous le coup de la Loi sur les contrats publics, on n'est pas... on n'est pas partout au même niveau, puis c'est normal, ce n'est pas toujours le quotidien ou la même préoccupation. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Blackburn (Karl) : Alors, ma... Alors, ma réponse va être la même que celle de tout à l'heure. Et je soupçonne que vous me demandez de la refaire parce que j'ai parlé de la sagesse que vous avez évoquée dans le projet de loi...


 
 

18 h 30 (version révisée)

M. Blackburn (Karl) : ...et je soupçonne que vous me demandez de la refaire, parce que j'ai parlé de la sagesse que vous avez évoquée dans le projet de loi.

Mme LeBel : Vos mots... le choix des mots vous appartient, M. Blackburn.

M. Blackburn (Karl) : Mais effectivement j'ai mentionné, puis je le répète, que c'était sage de la part du gouvernement, de votre part, de, justement... de pouvoir se permettre de s'améliorer et de bâtir notre positionnement sur des expériences concrètes basées sur les meilleures pratiques connues ou sur les meilleures sciences connues, mais pour nous permettre d'améliorer le processus. Et cette sagesse-là que vous amenez dans le projet de loi, je le répète, je pense que c'est sain. Mais ce qui est surtout important, c'est que ça puisse aussi nous servir d'exemple concret rapidement.

Et pourquoi rapidement? Parce que cette rapidité va permettre d'apporter cette stabilité ou cette prévisibilité qui est importante au monde économique, au monde social ou au monde environnemental. Alors, on se rejoint tous à ces endroits-là. Des fois, ça peut paraître moins vite, des fois, ça peut paraître plus vite, dépendamment de quel côté on regarde l'objectif. Mais ce que vous présentez dans le projet de loi va rechercher les positions qu'on souhaite voir retrouver en termes de qualité d'achat, de durabilité dans le temps, d'impacts environnementaux, de maximisation sur le côté social, également, sur les communautés, et de vous donner cette capacité d'ajuster le tir en cours de route, je pense que c'est sage, encore une fois.

Mme LeBel : Et puis je vais juste...

Mme Alain (Béatrice) : Si je peux...

Mme LeBel : Oui, allez-y. Absolument.

Mme Alain (Béatrice) : Je veux juste renchérir sur les propos de Karl. Je pense qu'il faut, oui, tu sais, se donner du temps pour faire des bonnes choses, pour les faire correctement, mais en même temps, l'intérêt, c'est d'amener pas juste ceux qui sont disposés à le faire ou intéressés à le faire, mais lancer un signal que tout le monde doit aller par là.

Et, sur la lignée de qu'est-ce qui marche ou faire les bonnes choses, d'où l'intérêt de faire une évaluation à la fois des pratiques d'achat. Puis ça, c'est vraiment le ressort du Conseil du trésor qui peut évaluer qu'est-ce qui marche, qu'est-ce qui ne marche pas, qu'est-ce qui bogue, mais aussi l'impact, qu'est-ce que ça donne de changer les pratiques, pourquoi on le fait. Et ça, c'est pourquoi on recommande que ce soit évalué par le Commissaire au développement durable, qui a toute l'expertise de voir pourquoi et quel impact on fait sur notre tissu économique, social et environnemental.

Mme LeBel : O.K. Et votre opinion, c'est qu'il aurait un regard, à ce moment-là, plus sur ces aspects-là pour nous permettre de nous éclairer, savoir si, effectivement, ça remplit les promesses, là, qu'on semble donner à ce type d'acquisitions là?

Mme Alain (Béatrice) : Est-ce qu'on bouge dans la bonne direction, oui ou non.

Mme LeBel : Direction. O.K. Bien, parfait. Mais, écoutez, si vous avez quoi que ce soit d'autre à ajouter, je vous donne le bénéfice de mon temps, mais... et si mes collègues ont des questions, mais, pour moi, c'est très clair, puis on avait déjà eu l'occasion de l'explorer un peu, là, précédemment. Donc, merci, merci de votre présentation.

M. Blackburn (Karl) : Merci à vous.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. M. le député de Mont-Royal—Outremont.

M. Arcand : Merci, M. le Président. Rebonjour, M. Blackburn, bonjour, Mme Alain. Est-ce que je comprends, dans la lecture de votre mémoire, que la politique d'approvisionnement responsable de la ville de Montréal, c'est un peu le critère que vous voudriez voir adopter, essentiellement, au niveau du gouvernement du Québec?

Mme Alain (Béatrice) : Je pense que la politique est citée comme un exemple de ce qui est possible, donc, pour dire qu'on n'est pas ici à demander d'inventer des nouvelles choses farfelues, mais montrer que plusieurs villes, ou même ministères, ou programmes mettent en oeuvre des politiques d'achats responsables. On a plein d'exemples au Québec puis on a aussi des exemples à l'international pour nous inspirer.

M. Arcand : ...la politique d'approvisionnement responsable de la ville de Montréal vous apparaît plus progressiste, si on veut, que ce qui existe actuellement au gouvernement du Québec?

Mme Alain (Béatrice) : La politique d'achats responsables de la ville de Montréal a identifié certains leviers qui m'apparaissent intéressants pour le gouvernement du... pour inspirer la politique nationale du Québec.

M. Arcand : Vous seriez bonne en politique, je pense. J'aimerais qu'on parle d'économie sociale. D'une part, actuellement, vous dites : Il devrait y avoir une marge préférentielle dans les méthodes d'analyse au niveau de l'économie sociale. Est-ce que vous pourriez me donner les exemples des... si je me permets l'expression, des plus grands succès en matière d'économie sociale, actuellement, des contrats qui ont été très gagnants en matière d'économie sociale, qui ont été donnés par le passé par le gouvernement du Québec ou par d'autres gouvernements également?

Mme Alain (Béatrice) : Et je peux vous parler en long et en large d'économie sociale. À cet effet, d'ailleurs, le chantier va déposer un mémoire spécifique sur... en détail sur l'économie <sociale, puis...

Mme Alain (Béatrice) : ... chantier va déposer un mémoire spécifique sur... en détail sur l'économie >sociale, puis on est toujours prêt à collaborer. Je pense que les points, surtout du G15, sont qu'alors qu'on donne certaines... on identifie la possibilité de donner des marges préférentielles à certains types d'entreprises, par exemple, qui sont particulièrement dans une logique de développement local ou régional, c'est absurde de ne pas nommer spécifiquement l'économie sociale comme un des véhicules très possibles. Parce qu'effectivement ce sont 11 200 entreprises qui sont partout au Québec, ça fait partie de notre histoire économique, de notre tissu économique dans toutes les régions, il faut valoriser ce levier de développement régional. Puis les exemples... tu sais, il y a des exemples de politiques préférentielles dans plusieurs municipalités, il y a des politiques préférentielles dans plusieurs ministères et sous tous les gouvernements du Québec depuis plusieurs, plusieurs années. C'est une chose dont on peut être fiers au Québec.

M. Arcand : Je sais que le gouvernement donne certains contrats en matière d'économie sociale, mais, sur l'ensemble des contrats que le gouvernement donne sur une base annuelle, l'économie sociale doit représenter une très petite proportion, j'imagine.

Mme Alain (Béatrice) : Malheureusement, ce n'est pas chiffré systématiquement. Ça serait intéressant de le faire. Mais je peux vous dire qu'il y a des mesures spécifiques dans plusieurs ministères qui font des ententes de services avec des entreprises d'économie sociale. Mais je m'en voudrais de prendre trop de temps sur ce sujet, alors que je suis ici pour représenter le G15. Mais je réitère que c'est toujours un plaisir de parler en long et large de ces cas de réseaux et ententes. Ça fait qu'à un autre moment, quand vous voulez.

• (18 h 40) •

M. Arcand : O.K., mais une marge préférentielle, la question que je vous posais, est ce que vous voyez une certaine quantité, une taille quelconque? Au niveau de... est-ce que vous parlez de doubler ce qui existe actuellement? Est-ce que... de tripler ce qui existe actuellement? Qu'est-ce que vous avez en tête, au moment où on se parle?

Mme Alain (Béatrice) : Bien, la marge préférentielle est un des leviers qui est identifié dans le projet de loi. On parle aussi, des fois, de marchés réservés ou de d'autres mesures. Ce qu'on dit, c'est qu'aux côtés de d'autres entreprises, favoriser l'économie sociale devrait être nommé. On parlait de... jusqu'à 10 % qui correspond à des marges qu'on donne, par exemple, pour des pratiques environnementales dans certains cas. Mais je pense que c'est un levier parmi plusieurs qu'on doit explorer en fonction du ministère, de la taille du contrat, de la capacité des entreprises, etc. Donc, je m'en voudrais de donner une balise pour l'ensemble des entreprises et l'ensemble des ministères. Je pense que l'important, c'est de multiplier les leviers pour que les instances gouvernementales puissent répondre à des besoins économiques, sociaux et environnementaux, avec un même contrat.

M. Arcand : Et est-ce que vous pensez qu'il y a des... je dirais, des actions qui pourraient être prises immédiatement pour qu'il y ait plus d'économie sociale dans les contrats? Est-ce qu'il y a des besoins qui sont évidents et immédiats?

Mme Alain (Béatrice) : Oui, puis j'ai plein de choses à dire là-dessus, mais c'est, je ne pense pas, le bon contexte pour ça, mais n'importe quand, bon, ça me ferait plaisir d'en reparler. Mais, dans le cadre du G15, je pense, c'est d'identifier très clairement l'économie sociale. Malheureusement, on n'est pas assez connus du commun du mortel ou acheteurs publics comme un levier intéressant aux côtés de d'autres PME qui œuvrent au développement territorial.

M. Arcand : Et, M. Blackburn, est-ce que les entreprises, de façon générale, adhèrent à 100 % ou elles disent qu'elles adhèrent, mais, dans la pratique, c'est plus difficile? Comment vous évaluez, actuellement, chez vos membres, je dirais, l'adhésion comme telle? Est-ce qu'elle est sur papier ou si elle est vraiment très pratique?

M. Blackburn (Karl) : Quand vous parlez d'adhésion, M. le député, par rapport à aux achats aux contrats publics?

M. Arcand : Est-ce que... oui. Est-ce qu'actuellement la façon dont ils opèrent, de façon générale, est-ce qu'ils suivent les règles? Ils sont d'accord avec les règles environnementales, mais est-ce que, dans les faits, on en arrive à avoir des solutions innovantes, différentes, qui respectent encore davantage l'environnement? C'est un peu ça, le sens de ma question.

M. Blackburn (Karl) : Bien, tout à fait. D'abord, la science étant, la technologie étant au rendez-vous, il est clair que, de plus en plus d'organisations font référence, entre autres, à des éléments d'équité, diversité, inclusion mais à des éléments aussi en lien avec le développement durable. Ça fait partie maintenant de notre réalité, je dirais, économique et sociale. Et les entreprises adhèrent à ces concepts-là, qui ne sont pas dépourvus de tout sens, au <contraire...

M. Blackburn (Karl) : ... entreprises adhèrent à ces concepts-là, qui ne sont pas dépourvus de tout sens, au >contraire, et qui suivent le courant de la population de notre société. Et malheureusement, si une entreprise devait faire abstraction de ces éléments qui sont maintenant partie quotidienne de nos réflexions, ces entreprises risqueraient d'être, malheureusement, au banc des pénalités parce que les citoyens, les clients, les consommateurs, c'est eux, ultimement, qui décident d'investir là où ils le veulent, et elles choisissent davantage des entreprises qui ont des sensibilités par rapport à ces réalités qui sont extrêmement importantes pour le commun des mortels et pour l'ensemble des sociétés. Alors, je vous dirais, oui, les entreprises y adhèrent, y adhèrent fortement.

On a eu l'occasion, il y a quelques semaines, de rendre public notre livre vert, au CPQ, qui parle vraiment de développement durable, et d'adhésion au développement durable, et de priorité en termes de société mais en termes d'organisation, pour faire de ce développement durable là non un défi de société, mais une opportunité pour nous propulser dans le 21e siècle comme société québécoise. Et les éléments qui ressortaient, par contre, en lien avec cette volonté des entreprises de participer davantage à tout ce qui concerne le développement durable et ces nouvelles orientations, c'étaient soit les méconnaissances des programmes qui existent, par exemple, pour venir supporter des entreprises soit la méconnaissance des gens en général d'être capables d'avoir accès aux programmes qui nous permettent d'aller plus loin mais également d'avoir la formation qui vont également permettre aux gestionnaires de faire cette transition, dans certains cas, qui est un peu moins amorcée que dans d'autres. Mais ça fait partie maintenant de la réalité, je dirais, au quotidien.

M. Arcand : J'ai une question, un peu, qui va peut-être vous apparaître un peu bizarre, mais qui est la suivante. C'est que l'impression que ça donne, c'est que les grandes entreprises, d'une part, on plus les moyens de respecter les critères environnementaux, et, d'autre part, en matière d'économie sociale, l'économie sociale a plus de possibilités, probablement, de respecter le plus bas prix. Est-ce que je me trompe en disant ça?

M. Blackburn (Karl) : Je peux amorcer un début de réponse et je suis convaincu que Béatrice saura certainement la compléter. Vous avez raison en partie par rapport aux grandes entreprises, avec les moyens qu'elles ont en lien avec le développement durable. Ceci étant dit, il est clair que le gouvernement, les gouvernements ont des outils de disponibles, mais malheureusement, par méconnaissance, ils ne sont pas utilisés à leur pleine valeur. Et c'est pour ça qu'on s'est engagés, comme organisation, entre autres avec le dévoilement de notre livre vert, de faire en sorte d'accompagner de meilleure façon et les entreprises, en lien avec le développement durable tout spécialement, mais également de faire en sorte que les programmes gouvernementaux puissent venir, justement, aider les plus petites organisations qui n'ont pas nécessairement les mêmes moyens que les plus grandes de pouvoir grandir à l'intérieur de ces concepts, à l'intérieur de ces réalités, avec les outils nécessaires pour leur permettre d'atteindre les objectifs qu'on souhaite comme société, mais qu'elles souhaitent également comme organisations.

Et je suis convaincu, Béatrice, que tu peux ajouter des éléments concrets à la question qui vient d'être posée.

Mme Alain (Béatrice) : Je veux juste revenir sur la... Tu sais, je pense que les marchés publics constituent une occasion d'affaires pour les entreprises. Alors, avoir des marchés publics qui s'affichent comme ayant une volonté d'être responsables, sont une occasion d'affaires pour les entreprises du Québec et vont être un incitatif à faire ce pas de plus, avoir confiance et intérêt de faire ce pas de plus, que ce soit une entreprise familiale, une entreprise privée ou une entreprise d'économie sociale. Et je pense que c'est un des rôles du gouvernement de nous tirer tous vers là, d'amener, de soutenir ce mouvement de notre économie vers ça.

Ensuite, sur la question du plus bas prix, non, l'économie sociale, elle est dans tous les secteurs, pour tous les publics, à tous les points de prix. Je pense que la distinction entre... enfin, la valeur ajoutée et la redevabilité à ses membres ou à la communauté. Mais, de toute façon, je dirais qu'aucun individu ou même entreprise ne gouverne l'ensemble de ces activités, selon l'achat, sur le plus bas prix. Il y a des choses qu'on est prêts à payer plus parce qu'on veut une qualité sur le long terme, parce que...

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci. Merci beaucoup. C'est fort intéressant, mais malheureusement j'ai la tâche ingrate de devoir vous couper, Mme Alain. Je cède maintenant la parole à la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Oui. Merci, M. le Président. Alors, rebonjour, M. Blackburn. Bonjour, Mme Alain. Vous parlez... vous dites que, dans le fond, l'économie sociale, puis c'est vrai, c'est le cas, ne se trouve pas dans le projet de loi, que ce soit à l'article 14.1 ou 14.2. Vous dites que le G15+, le collectif, s'étonne qu'on ne fasse pas mention des entreprises d'économie sociale. Comment est-ce que vous expliquez cette absence? Est-ce que c'est un simple oubli de la part du gouvernement? Est-ce que c'est parce qu'on pense que les entreprises d'économie sociale ne seraient pas capables de répondre à tout ça? Comment est-ce <que vous...

Mme Ghazal : ... d'économie sociale ne seraient pas capables de répondre à tout ça? Comment est-ce >que vous expliquez qu'il n'y ait pas ce réflexe du gouvernement d'inclure des entreprises d'économie sociale, quand on parle d'environnement, d'impacts sociaux, etc.?

Mme Alain (Béatrice) : Bien, encore une fois, c'est toujours un plaisir de parler en détail d'économie sociale, mais, je dirais, la position ou la vision du G15, que j'appuie, c'est de dire : L'intention de ce projet de loi d'accroître l'achat qui soutient un développement régional, qui soutient un développement économique, oui, mais social et environnemental doit avoir les moyens de ses ambitions puis doit être capable de juger la pertinence de ses moyens. Et l'économie sociale est un levier formidable dont on dispose, au Québec, parce que c'est une réalité dans notre économie puis dans toutes les régions. Pourquoi ne pas le nommer puis le mettre en valeur? Parce qu'effectivement certains acheteurs manquent de connaissances sur quels leviers utiliser, comment y aller. Ça fait que pourquoi ne pas mentionner ça?

• (18 h 50) •

Mme Ghazal : Il y en a qui vont faire appel à l'économie sociale, aux entreprises d'économie sociale, mais il faut le mentionner pour que ce ne soit pas oublié. Et donc je vois que vous devez faire du travail, peut-être pas le G15+, mais, en tout cas, le Chantier d'économie sociale, auprès du gouvernement, pour ne pas que ce soit oublié.

Par rapport aux critères, on parle des critères environnementaux, sociaux, etc., je vais en nommer quelques-uns. Que pensez-vous, par exemple, d'ajouter des critères pour faire le choix, là, des contrats, des critères de réparabilité, par exemple, pour les biens qui sont achetés par le gouvernement? On sait qu'il y a le projet de loi sur l'obsolescence programmée, on a adopté le principe ici, à l'Assemblée nationale, mais malheureusement on ne s'est pas rendus plus loin, et ça, c'est regrettable. Il y a aussi un autre critère, le critère de participation des travailleurs à la gouvernance. Que pensez-vous de ces deux critères que je viens d'ajouter? Est-ce qu'ils sont pertinents pour donner les contrats publics?

Mme Alain (Béatrice) : Je me lance, Karl, puis tu complètes?

M. Blackburn (Karl) : Lance-toi, puis je compléterai.

Le Président (M. Simard) : ...15 secondes.

Mme Alain (Béatrice) : Je pense que la position du G15 est qu'il faut innover puis il faut se donner des façons de mesurer ces innovations pour dire : Celle-là, elle marche, celle-là, elle marche moins bien, au regard des pratiques d'achat mais aussi à l'impact qu'elles ont. Et je pense qu'on a plein d'exemples, ici et ailleurs, sur lesquels se baser.

Mme Ghazal : Le G15+, je veux que la ministre entende, est-ce que vous êtes d'accord, par exemple, avec des critères de réparabilité, là, des biens? Peut-être pas les crayons, là, mais d'autres...

Le Président (M. Simard) : Très succinctement, s'il vous plaît.

Mme Alain (Béatrice) : C'est à dire que le G15 n'a pas nommé une série de mesures spécifiques, mais appelle à une prise en charge de celles-ci.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Nous sommes vraiment dans une autre ère, par rapport à il y a quelques années, parce que, ce matin, on a eu la Chambre de commerce de Montréal avec Propulsion Québec, là, on a le Conseil du patronat avec l'économie sociale. Moi, je veux saluer ça, c'est vraiment... J'espère que le gouvernement entend ce message, quand même, qui est très, très clair.

J'ai juste 2 min 45 s, c'est tellement ingrat. Parce que, quand je vois votre mémoire, dans le fond, vous partez... vous prenez le gouvernement aux mots en disant : Il y a trois volets : la stratégie gouvernementale des marchés publics, le projet de loi n° 12, l'engagement de prendre des mesures au-delà de la LCOP. Et là vous dites : Nous, en plus, on ajoute 51 critères, 51 indicateurs pour aller au-delà du PIB. Ce que je trouve génial.

Bon, là, comment on mélange tout ça pour avoir quelque chose de cohérent? Là, vous nous dites : Le Commissaire au développement durable doit faire une reddition de compte. Je suis entièrement d'accord avec ça. Mais comment bien intégrer... Puis il y a votre tableau, là, à la page 7 et 8, que je trouve génial aussi, qui fait la concordance entre la Loi sur les contrats des organismes publics et les 16 principes de la Loi sur le développement durable. Là, je veux dire, ça nous prendrait plus que ce projet de loi là. Comment on est capables d'ordonnancer ça pour que ça aille bien? Grosse question. Vous avez une minute pour répondre.

M. Blackburn (Karl) : Bien, je vais commencer, et, Béatrice, tu compléteras, si je te laisse du temps, parce que tu ne m'en as pas laissé, à la question précédente. Non, non, je te taquine. Mais, M. le député, ça fait partie du dialogue social. C'est la réponse vraiment la plus spontanée qui me vient en tête. Depuis maintenant deux ans, 15 organisations de tous niveaux, vous l'avez très bien mentionné, tant du côté environnemental que social, qu'économique, que syndicaux, avec des discussions, on a réussi à dégager des consensus qui, selon nous, selon nos milieux respectifs, nous permettent de relancer notre société postpandémie dans une meilleure situation, avec des meilleurs paramètres.

Le projet de loi qui est déposé par la ministre est un bon projet de loi qui va dans la bonne direction. Bien humblement, on y apporte des recommandations qui, selon la vision du G15, mais qui a fait un large consensus de nos organisations, peut permettre d'améliorer ce projet de loi en fonction de ce qu'on souhaite avoir <comme société...

M. Blackburn (Karl) : ... d'améliorer ce projet de loi en fonction de ce qu'on souhaite avoir >comme société et le reflet de la société. On n'est pas désincarnés de nos organisations, ou de nos voisins, ou du milieu dans lequel on est. Tout à l'heure, le député faisait référence à des entreprises qui ne respecteraient pas certains critères, par exemple. Bien, si elles ne respectent pas, malheureusement, elles seront pénalisées. Alors, nous sommes d'avis que nous sommes rendus là. Et le dialogue social nous a amenés jusqu'ici puis le dialogue social va nous permettre de continuer d'avancer. Et je laisse les dernières secondes à Béatrice.

Mme Alain (Béatrice) : C'est très bien dit. Je pense qu'on a des forces, au Québec, sur lesquelles miser, que ce soit la Loi du développement durable, comme des organisations sur le terrain qui veulent mettre main à la pâte.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, à vous deux, merci énormément pour votre contribution à nos travaux. Ce fut fort enrichissant.

Et sur ce, nous allons ajourner. Nous nous retrouvons demain, le 16 mars, après les affaires courantes. Alors, belle fin de soirée et merci à nouveau à vous pour votre précieuse collaboration. Merci en particulier à vous deux.

(Fin de la séance à 18 h 54)


 
 

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