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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mercredi 9 juin 2021 - Vol. 45 N° 137

Entendre les intéressés et procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 219, Loi concernant un immeuble situé sur la rue University à Montréal


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Table des matières

Journal des débats

(Dix-neuf heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Simard) : Chers collègues, bonsoir à toutes et à tous. Je constate que nous avons quorum, nous pouvons donc entreprendre nos travaux.

Comme vous le savez, la commission est réunie afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 219, Loi concernant un immeuble situé sur la rue University à Montréal.

Mme la secrétaire, bonsoir. Y aurait-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Alors, M. Asselin (Vanier-Les Rivières) est remplacé par M. Lemieux (Saint-Jean) et M. Barrette (La Pinière) est remplacé par M. Arcand (Mont-Royal—Outremont).

Le Président (M. Simard) : Merci, et bienvenue à ces nouveaux collègues.

Avant de commencer, je vous informe qu'en vertu de la motion adoptée par l'Assemblée le 25 mai dernier les votes pour ce mandat devront se tenir par appel nominal, et ce, jusqu'au 11 juin.

Remarques préliminaires

Dans un premier temps, nous allons, bien sûr, aborder cette étude d'un projet de loi privé. C'est un peu atypique comme démarche, mais donc nous allons entreprendre cette soirée par nos remarques préliminaires. Chaque intervenant autour de la table pourra intervenir à sa guise, mais nous allons d'abord céder la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis afin qu'elle puisse nous présenter brièvement le projet de loi et faire, donc, ses remarques préliminaires. Chère collègue, soyez la bienvenue. C'est rare qu'on vous a avec nous, à la Commission de la fonction publique, c'est un privilège. Donc, je vous cède la parole.

Mme Jennifer Maccarone

Mme Maccarone : C'est un privilège pour moi également. Merci, M. le Président. C'est un plaisir aussi d'être parmi vous ce soir pour discuter du projet de loi concernant un immeuble situé sur la rue University à Montréal, le projet de loi d'intérêt privé, le 219.

Alors, d'emblée, je voulais partager avec les collègues que ce projet de loi, c'est le fruit d'un travail de terrain depuis un an. C'est le résultat de beaucoup de rencontres avec plusieurs parties prenantes, incluant les requérants, le Centre universitaire de santé McGill, le CUSM, l'université de McGill, plusieurs membres et groupes de la communauté, Les Amis de la montagne, c'est sûr, mes collègues qui m'accompagnent ce soir aussi, ainsi que notre équipe.

J'avais aussi quand même des préoccupations, surtout de conserver une vocation publique du site, parce que, on se comprend, à Westmount—Saint-Louis, nous avons aussi des enjeux, alors, pour la valorisation du site, et moi et mon équipe, nous avons travaillé ardemment sur des propositions qui figurent à l'intérieur de ce projet de loi, et je dois remercier tous ceux qui en ont cru, à ces sujets et ces ajouts.

Alors, un petit survol en ce qui concerne le projet de loi d'intérêt privé. Le Centre universitaire de santé McGill, le CSUM, est aujourd'hui propriétaire de l'ancien hôpital du Royal Victoria à Montréal. En 2015, avec l'ouverture du nouveau complexe hospitalier, les activités hospitalières du Royal Victoria ont été transférées. Depuis 2015, le site du Royal Victoria ainsi que les bâtiments qui s'y retrouvent ne servent plus à soigner des personnes malades ou blessées puisque cette activité est dorénavant exercée dans le nouveau complexe hospitalier du CSUM. Ces immeubles étant excédentaires, le CSUM souhaite donc s'en départir, en collaboration — excusez-moi — avec le ministère de la Santé et Services sociaux et la Société québécoise des infrastructures. Le CSUM collabore, donc, à la démarche gouvernementale à ce sujet.

Le 22 juin 2018, le gouvernement a autorisé le CSUM à développer le site du Royal Victoria et à confier la requalification à la SQI. La SQI entreprend des démarches permettant que les titres de propriété du site du Royal Victoria lui soient transférés de manière à ce qu'elle soit gestionnaire de l'ensemble du site, et ce, jusqu'au moment où une partie du site sera transférée à l'Université McGill. La SQI a donc fait réaliser un examen des titres de propriété. Cet examen a relevé qu'une partie du site était la propriété du CSUM en vertu d'une donation qui remonte à 1891. L'acte de donation prévoit que les immeubles font l'objet des restrictions suivantes : restriction d'usage ou charge, stipulation d'inaliénabilité et d'insaisissabilité. C'est des mots qu'on va répéter souvent, M. le Président, ça fait qu'on va pratiquer. Ces restrictions empêchent tout transfert de propriété et ne permettent pas de requalifier le site. Puisque ces restrictions ont été imposées par le donateur dans les titres de la propriété, la seule façon d'y remédier adéquatement consiste en l'adoption d'une loi à ce sujet.

La requalification entraîne un changement de vocation et un réaménagement de tout le site du Royal Victoria et le transfert de celui-ci par le CSUM à la SQI. La SQI a l'intention de réaliser la requalification du site en fonction des orientations gouvernementales et en priorisant les usages publics. C'est important, M. le Président. Je précise que les usages qui seront développés sur le site ne sont pas encore connus. Des consultations publiques auront lieu avant de déterminer ces usages. L'Université McGill occupera une partie du site à des fins d'enseignement, d'apprentissage et de recherche, axées sur le développement durable et la lutte aux changements climatiques. Dans le cadre de la requalification du site et du transfert à la SQI, il est nécessaire de valider l'acte de transfert par Royal Victoria en faveur du CUSM.

Alors, le projet de loi d'intérêt privé n° 219 contient, donc, des dispositions pour abolir les restrictions d'usage ou charges ainsi que toute stipulation d'inaliénabilité et d'incessibilité apparaissant dans l'acte de donation, valider le transfert de propriété entre l'Hôpital Royal Victoria et le CUSM et de prévoir de nouvelles restrictions d'usage afin de s'assurer que les parties de lots visées ne soient pas utilisées pour des usages résidentiels de type copropriété ou d'établissement hôtelier commercial, à moins que ces usages ne soient accessoires ou ne fassent partie d'un projet institutionnel ou public.

Alors, au plaisir d'avoir des échanges avec les collègues. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci à vous, chère collègue.

Avant d'aller plus loin, il me faut officialiser la présence d'un député qui me tient beaucoup à coeur. Mme la secrétaire.

La Secrétaire : Alors, dans le fond, M. Bérubé (Matane-Matapédia) remplacerait M. Ouellet (René-Lévesque).

• (19 h 50) •

Le Président (M. Simard) : Très bien. Donc, j'en profite pour souhaiter la bienvenue également à mon collègue de Matane-Matapédia.

Mme la présidente du Conseil du trésor, nous pouvons poursuivre avec les remarques préliminaires.

Mme Sonia LeBel

Mme LeBel : Oui. Bien, alors, ça me fait plaisir, M. le Président, de revenir devant cette commission. On a eu l'occasion de faire quelques projets de loi de façon plus traditionnelle. Effectivement, c'est mon projet de... mon premier projet de loi d'intérêt privé. Ça me fait plaisir d'être avec ma collègue et mes deux autres collègues également, là, tous mes collègues ici, pour pouvoir travailler sur ce projet de loi qui est, effectivement, également important pour le gouvernement.

Mais je ne referai pas tout l'historique du site de la donation, qui part de 1891, où il y avait un usage pour des soins de santé très spécifiques, usage qui est maintenant assuré par le CUSM, donc les bâtiments deviennent excédentaires, vous l'avez bien dit. Et je pense que ce qui est important de dire, c'est que, pour nous, ce projet de loi là, qui permet, donc, de rectifier les usages, les restrictions d'usage qui grèvent présentement les titres de propriété, pour nous permettre d'en faire d'autres usages, est très important et va permettre, justement, à la Société québécoise des infrastructures, la SQI, d'acquérir dans son entièreté le site de l'Hôpital Royal Victoria. Je pense que c'est une manière... Ce projet de loi constitue une manière adéquate, là, de corriger les problématiques des restrictions qui le font... et je pense que c'est la bonne façon de s'assurer que le transfert dans les titres de propriété de certaines parties du site... sont affectés... les restrictions d'usage sont bien corrigés.

Donc, ça s'inscrit, M. le Président, dans la démarche gouvernementale de requalification du site qui a été entreprise en 2018. En effet, l'adoption de ce projet de loi, donc, est requise pour permettre que les immeubles qui sont actuellement inutilisés et excédentaires par le CUSM soient donc transférés à la SQI et qu'on puisse en faire certains usages. Mais, encore là, les valves ne sont pas ouvertes entièrement. Nous sommes très conscients et soucieux du fait que ce site fait partie du Site patrimonial du Mont-Royal.

Donc, on a... Et, bien que... La SQI a la responsabilité gouvernementale de requalifier le site, mais il y aura effectivement certaines restrictions qui seront discutées. Entre autres, il est à noter que, dans la partie de l'acte de cessation entre... qui se fera ultérieurement entre McGill et la SQI, il est précisé que McGill n'utilisera qu'une seule partie du site. Je pense qu'il faut le préciser, McGill n'utilisera pas... Il restera quand même une dizaine de bâtiments qui devront trouver usage ultérieur après consultation, effectivement, comme ma collègue l'a mentionné, par la SQI.

Et la partie du site qui va être confiée à l'Université McGill devra... c'est notre souhait, là, qu'elle soit utilisée exclusivement à des fins d'enseignement ou de recherche, qui inclut les usages complémentaires qui peuvent être associés, dont, notamment, des résidences pour étudiants, mais de façon très restreinte, justement, pour usage universitaire simplement. Donc, il restera encore à déterminer les autres usages, il est trop tôt pour le faire, mais tout ça dans le respect de notre patrimoine. Et c'est très important que ce site-là, M. le Président, trouve un second souffle, une autre vie, dans le respect, justement, du fait qu'il fait partie du Site patrimonial du Mont-Royal. Alors, ça nous fait très plaisir.

Je vais terminer mes remarques, parce qu'on aura le temps d'en discuter abondamment, mais, dans l'essence, là, c'est l'intention gouvernementale. Et on va, naturellement, voter pour, mais on va discuter, là, de l'article par article en temps et lieu. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Matane-Matapédia et chef de son groupe parlementaire.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Un projet de loi fort important, fort controversé, proprement scandaleux, si vous voulez mon opinion, appuyé à la fois par le Parti libéral du Québec et la Coalition avenir Québec, qui l'aurait cru? Déjà, dans le titre, Loi concernant un immeuble situé sur la rue University à Montréal, pas d'adresse, pas de nom. On utilise cette portion de l'avenue Robert-Bourassa que la communauté anglophone n'a pas voulu qui s'appelle Robert-Bourassa. Ça s'appelle University, et ça va être ça. Dans un projet de loi privé, on va faire un changement majeur qui aura un impact considérable sur Montréal, et on va faire ça dans une loi privée, en fin de session, comme en 2018, avec le Parti libéral, c'était arrivé. Je me suis dit : On va changer de gouvernement et puis on va abandonner ce projet. Oh que non! La Coalition avenir Québec, soucieuse de poursuivre l'oeuvre du Parti libéral, non seulement y souscrit, mais l'accélère avec le projet de loi n° 61 et le projet de loi n° 66, qui est adopté.

Ma formation politique est profondément contre ce projet avec une conviction très sincère. Ce que nous nous apprêtons à faire est considérable, et j'ai l'impression que le fait qu'il n'y a pas eu de consultation suffisante sur cet enjeu-là nous prive d'un débat nécessaire et éclairant. On ne peut pas disposer d'un tel enjeu aussi simplement dans un projet de loi privé. Ça m'attriste au plus haut point, M. le Président, et le projet de loi n° 219, loi concernant un immeuble quelconque situé sur la rue University à Montréal, ne rend pas justice à l'enjeu.

Vous savez, M. le Président, le site de l'ancien Hôpital Royal Victoria, il doit poursuivre sa vocation initiale d'offrir des services sociaux. Nous demandons, comme bien des gens, que son usage futur et sa propriété soient décidés et gérés de façon démocratique et écologique, et ce, au service du bien commun, et ce n'est pas ce qui va se passer avec ce projet de loi, M. le Président. Trois ans après le déménagement des services de santé de l'ancien Hôpital Royal Victoria en 2015, un peu plus que ça, le gouvernement du Québec autorisait l'Université McGill à se doter d'un nouveau campus sur une portion du site et lui accordait un soutien financier en plus de 37 millions de dollars pour l'accompagner, quand même.

Cette décision majeure à propos d'un site public offrant un énorme potentiel pour continuer à servir la population montréalaise fut prise sans aucune consultation de la société civile ni des résidents et résidentes du quartier et sans débat à l'Assemblée nationale du Québec. Nous ne sommes pas foncièrement opposés à ce qu'une section du site puisse être utilisée comme campus par l'Université McGill, qui a aussi pour vocation de servir l'intérêt public en matière d'éducation, mais il faut s'assurer de la pérennité de cette dernière et éviter que l'Université McGill soit un jour tentée de privatiser certains de ses immeubles, à l'exemple de d'autres institutions aux abords du mont Royal.

Ce gouvernement, celui de la Coalition avenir Québec, a une propension, qui est la même que le gouvernement précédent, de, d'abord, servir les grandes institutions anglophones. C'est le cas avec le collège Dawson, on en a parlé abondamment. C'est le cas avec l'Université McGill, l'université la plus riche au Canada, qui dispose de fonds importants à travers sa fondation. Alors, ce cadeau de près de 1 million de dollars, on ne le fait pas à l'Université de Montréal, on ne le fait pas à l'UQAM, on ne le fait pas à Concordia, on le fait à l'Université McGill.

Alors, je veux saluer les gens qui ont fait du lobby à l'Université McGill parce qu'ils ont réussi à convaincre deux formations politiques, deux gouvernements différents du bien-fondé, pour leur institution, de céder le Royal Victoria, des terrains importants, une partie du mont Royal. Ce n'est pas rien. Puis le Royal Victoria, il a été financé par des fonds de tout le monde au Québec, M. le Président, ça fait partie de notre patrimoine. Mais, pour trouver la meilleure vocation possible, il faut certainement, certainement un débat beaucoup plus large que celui que nous aurons aujourd'hui.

Moi, je m'interroge sur la méthode choisie pour discuter de l'opportunité d'un projet de donation d'une telle ampleur, 700 millions de dollars au bas mot, qui aura des répercussions majeures sur le plan de la langue française. J'aimerais que le gouvernement du Québec note qu'il a déposé un projet de loi, le projet de loi n° 96, dont le principal objectif, c'est de faire croire qu'il s'intéresse à l'avenir du français au Québec. Déjà, avec Dawson... et en plus, avec celui-là, c'est déjà plombé d'avance, M. le Président. Il n'y a pas un acteur sérieux de la langue qui croit que le gouvernement est sérieux s'il s'enligne dans ces projets-là. Je le rappelle, non seulement ils adhèrent à ce que le gouvernement libéral avait mis sur la table, en plus ils l'accélèrent, imaginez. L'enjeu de l'urbanisme et de l'occupation d'un site colossal en plein coeur du centre-ville de Montréal aussi, c'est un enjeu.

Des dizaines d'organismes de la société civile, notre formation politique, plusieurs acteurs, des intellectuels ont demandé au gouvernement s'il entendait poursuivre la politique de laisser-aller linguistique du gouvernement précédent, le gouvernement du premier ministre Couillard. Parmi plusieurs bévues monumentales de son mandat, bien, il avait décidé de donner, juste après la session parlementaire du printemps 2018, très précisément le vendredi 22 juin, l'ancien Hôpital Royal Victoria à McGill.

Aujourd'hui, on a notre réponse par l'entremise de la présidente du Conseil du trésor, qui a fait adopter le projet de loi n° 66. On a attendu, avant, de savoir quelle était l'intention du gouvernement de la CAQ là-dessus. Bien, c'est à travers un projet de loi privé que la CAQ entend régler pour de bon cette saga, plutôt discrètement, vous en conviendrez, pas avec toute l'attention médiatique nécessaire, avec le travail fait par le Parti libéral, comme quoi la différence en cette matière n'est pas si grande entre le Parti libéral du Québec et la CAQ.

D'abord, la méthode, elle est légitime au plan parlementaire. À l'inverse, elle souffre d'un grand manque de légitimité au plan de l'opinion publique. Déposé en novembre 2020, il faut s'en souvenir, ce projet de loi, dont le titre est de nature à ne pas éveiller les soupçons, Loi concernant un immeuble situé sur la rue University à Montréal — alors, on pourrait se promener ce soir puis... de quel immeuble il s'agit, pas le courage de le nommer, M. le Président, pas rien — qui sera lourd de conséquences s'il était adopté par l'Assemblée nationale, constitue un affront, rien de moins qu'un affront, à la cinquantaine d'organismes qui s'y opposent, un puissant affront aux universités francophones, comme l'Université de Montréal et l'UQAM, un affront enfin à tous les Montréalais et à tous les Québécois, qui méritent, comme citoyens et comme contribuables, d'être informés sur les retombées de ce projet.

Alors, c'est la question du moment, M. le Président : Pourquoi le gouvernement de la CAQ refuse de dire clairement qu'il est favorable à ce projet sur la place publique, pleinement et sans la moindre hésitation, plutôt que de faire faire le travail par une autre formation politique? Ça passe en dessous du radar. Ça ne m'apparaît pas acceptable. On devrait cesser de poursuivre une politique de laisser-aller linguistique à Montréal, parce qu'il y aura un impact là-dessus. On envoie le message que le prestige, c'est dans une université anglophone, l'Université McGill. C'est plus qu'un symbole, c'est du financement. C'est la même chose que Dawson. Montréal, c'est le coeur du Québec, et ça ne doit pas être à l'écart du Québec français. Le message qu'on envoie aujourd'hui, il est épouvantable. Et je sais, M. le Président, que le ministre responsable de la Langue française est totalement d'accord avec moi, et il ne va jamais le nier. C'est ça pour Dawson, c'est ça pour McGill. Je regrette qu'il ait perdu toutes ses batailles au Conseil des ministres, mais le destin du Québec se poursuit. Et, s'il ne peut pas parler de cela, je le ferai, M. le Président, et je vais continuer de le faire longtemps.

• (20 heures) •

J'invite le gouvernement, qui est axé sur les communications, comme l'a reconnu ce matin la vice-première ministre avec la candeur qu'on lui connaît, à commander un sondage sur ce que pensent les Montréalais de l'est de l'île et les Québécois de donner sans vergogne, sans sourciller, sans l'assumer publiquement, plus de 700 millions à une corporation privée à charte royale, bien qu'elle reçoive des fonds publics tant du gouvernement du Québec que celui du Canada. L'Université McGill est privée et, vous savez quoi, elle va le demeurer.

Je serais très étonné que les Québécois soient heureux de la réalisation de ce projet s'ils connaissaient toutes ses implications. Et comment pourraient-ils les connaître, les sous-peser, les jauger si le gouvernement adhère à la méthode du Parti libéral, si le gouvernement ne décrète pas un moratoire sur le projet de donation — possibilité — et s'il n'y a pas une commission parlementaire réelle à ce sujet? On pourrait entendre de nombreux acteurs crédibles qui sont intervenus à travers de lettres ouvertes, notamment, sur cet enjeu, des gens qui connaissent ça, des gens qui n'ont pas d'intérêt direct, des gens qui souhaitent préserver la montagne, préserver ce site public.

La méthode, aujourd'hui, c'est d'utiliser une loi privée pour expédier un projet de donation d'une telle ampleur. Je tiens à le dire, c'est inapproprié non pas sur le plan législatif, mais quant au nécessaire débat démocratique qui exige du temps et de réelles consultations.

Pourquoi qu'il n'y a pas eu de réelles consultations? Parce que le gouvernement a inclus le Royal V dans le projet de loi n° 66 en le soustrayant à plusieurs exigences — c'est astucieux — dont celle de consultation... de l'Office des consultations publiques de Montréal. Symbolique, tellement symbolique. L'agrandissement de McGill figure parmi les quelque 200 projets visés par le projet de loi n° 66 et pour lequel le gouvernement souhaite une accélération. Ce n'est pas beau, ça, M. le Président?

Il y a 100 ans, lorsque ces terrains se donnaient en servitude, le tout était conditionnel à ce que la vocation, service à prodiguer des soins, soit celle qui était permanente. Si cette clause n'était pas respectée, les terrains devraient revenir au propriétaire. Est-ce que j'en comprends, et en suivant cette logique, que ces servitudes seraient donc la propriété de la ville de Montréal? Si on continue l'exercice, pourquoi la ville de Montréal n'est-elle pas ici pour nous en parler? Ah! on n'a pas voulu les inviter. Alors, c'est le Parti libéral qui va parler pour la ville de Montréal. Ce que je veux, c'est de démontrer que cet enjeu est d'ordre public avant tout et que tout cela doit être débattu plus en profondeur. Le parti gouvernemental, ce soir, comprendra qu'on n'entend pas à rire sur cet enjeu-là.

Dans le projet de loi n° 66, adopté en décembre 2020, le gouvernement de la CAQ est venu contredire tout effort de protéger le français, notre langue commune et officielle. Ça doit se savoir. En effet, dans le projet de loi n° 66, le projet n° 120, on spécifie que l'aménagement sur une partie du site de l'hôpital Royal Victoria du Centre universitaire de santé McGill bénéficiera des mesures permettant l'accélération de projets d'infrastructure. Le gouvernement cède donc à l'Université McGill l'ancien Hôpital Royal Victoria au complet et des terrains qui font partie du mont Royal. Il s'agit là de la cession d'un énorme patrimoine public québécois francophone au profit d'intérêts particuliers anglophones. Là, ce n'est plus juste des transferts linguistiques, c'est le transfert d'actifs publics à une fondation privée. Et nous, on accepte ça, ici, en fait une partie des parlementaires de l'Assemblée nationale? Je n'ose pas le croire. C'est pourtant une réalité.

Pourquoi sans frais? Pourquoi à titre gratuit? Qui le gouvernement a-t-il consulté avant de décider que c'était une bonne idée? Qui? Ce n'est pas banal, c'est pas mal, même, consternant. Au Parti québécois, on s'y oppose fermement, à ce projet, M. le Président. C'est sans équivoque pour nous, le gouvernement aurait dû renoncer à ces investissements et les investir dans les institutions francophones, qui en ont bien besoin, qui n'ont pas la richesse de l'Université McGill qui, manifestement, comme pour le Parti libéral, a la cote pour la Coalition avenir Québec.

Je me ferai un plaisir, M. le Président, d'indiquer à chacun des députés de la Coalition avenir Québec qui ont des cégeps sur leurs territoires, des universités... leur rappeler le choix que le Conseil des ministres a fait pour eux. Aujourd'hui, sous ce projet de loi, le gouvernement vient se donner des moyens importants pour concrétiser le projet, parce que, la ministre l'a indiqué tout à l'heure, elle est en faveur du projet, comme le Parti libéral. C'est incroyable. Une pensée pour mes anciens collègues du Parti québécois qui doivent vivre avec ça.

Recommençons depuis le début de cette saga McGill-Dawson, parce qu'on a encore du temps. D'une part, la CAQ investit 50 millions pour l'agrandissement du collège Dawson, un cégep anglophone qui est aussi le plus populeux au Québec. Je ne parle pas du cégep de Matane avec 700 élèves, ici, M. le Président. En janvier 2021, Dawson a mentionné que le projet d'agrandissement coûtera 100 millions. Ça monte. Qui va financer le 100 millions supplémentaire? Le gouvernement? D'autre part, l'Université McGill pourra profiter d'un investissement majeur de 700 millions en plus de se voir donner une majeure partie de l'ancien Hôpital Royal Victoria, un précieux morceau du patrimoine public montréalais. C'est Noël en juin, M. le Président.

Aux crédits 2021‑2022, on a été attentifs. La ministre de l'Enseignement supérieur a refusé de répondre à savoir combien le gouvernement allait injecter dans cette cession et cette réfection. Elle ne voulait pas le dire. On parle de fonds publics, et cette absence de réponse est inacceptable pour les parlementaires que nous sommes tous.

Ces deux projets ont plusieurs choses en commun. Ils ont tous les deux été initiés par l'ancien gouvernement libéral quelques semaines avant les dernières élections, celles de 2018, et aussi, et pire, ils vont tous les deux contribuer au recul de la langue française à Montréal ainsi qu'à l'anglicisation du Québec. Il y a ça en commun. Pour notre langue, ces deux projets, c'est une catastrophe. En bref, la CAQ et les libéraux, leur souhait, c'est financer et accélérer l'anglicisation du Québec. En tout cas, si ce n'est pas leur souhait, c'est le résultat.

Petit comparatif des dernières actions de la CAQ en matière de langue française : en tout, Dawson et McGill, c'est 750 millions pour financer l'anglicisation et le recul du français; septembre 2020, la CAQ annonce un maigre 5 millions à l'OQLF pour financer la francisation par l'embauche de 50 employés. En comparaison, ces investissements en francisation sont 150 fois moins importants que les investissements à Dawson et McGill. S'il y a des directeurs généraux de cégeps francophones du Québec, j'espère que ce message se rend à vous. Mais, pour m'en assurer, je vais envoyer moi-même cet extrait et ces chiffres à tous les directeurs généraux des cégeps du Québec, M. le Président.

Les actions de la CAQ en matière de langue française, en général, sont décevantes. Ce n'est pas pour rien que j'en parle, parce que ça va conditionner tout le reste. On ne peut pas annoncer qu'on a un plan costaud et brader le patrimoine populaire montréalais, je veux dire, ça n'a pas de sens.

Après avoir attendu deux ans avant de déposer un projet de loi, force est d'admettre que celui-ci ne s'attaque pas aux véritables enjeux pour freiner le déclin marqué du français au Québec. Oui, nous abordons cet enjeu au plan linguistique. On parle de modifications de façade. Enseignement supérieur continuera de créer une dynamique linguistique inéquitable. On va financer le plus grand cégep au Québec, encore 50 millions, pour accueillir encore plus d'étudiants, plus de francophones, choisir les meilleurs. Une demi-mesure pour interdire l'exigence indue de l'anglais dans les milieux de travail, aucune mesure pour imposer une immigration francophone au Québec, demi-mesure pour les entreprises, aucune mesure pour retirer le statut bilingue des villes où le nombre de francophones est de bien loin majoritaire de celui des anglophones, aucune mesure pour valoriser la culture, le français écrit, etc.

Concernant Dawson, sur les 48 cégeps publics du Québec, un seul, un seul reçoit le privilège de voir son agrandissement priorisé et accéléré : Dawson, un collège privé et anglophone. Il s'agit déjà du cégep le plus populeux, avec 8 000 étudiants, 11 000 avec la formation continue, et c'est un cégep anglophone qui contribue à l'anglicisation de la société québécoise ainsi qu'au recul de la langue française à Montréal et dans les régions avoisinantes. Si on fait un comparatif, à l'Université McGill, un investissement de 700 millions pour 40 000 étudiants, c'est un investissement par étudiant de 17 500 $ par tête, par étudiant; Dawson, 50 millions, environ 8 000 étudiants, c'est 6 250 $. Je connais plusieurs cégeps qui rêveraient d'être le chouchou du gouvernement de la Coalition avenir Québec, au même titre qu'ils l'ont été de celui du Parti libéral du Québec.

• (20 h 10) •

Fonds d'immobilisations, très important. Avec 19 % du total, en 2020, McGill touche la plus importante des sommes en immobilisations de toutes les universités au Québec. Je connais ça un peu, M. le Président, j'ai été vice-président de la FEUQ quand j'étais plus jeune. Les fonds d'immobilisations investis dans les universités francophones et anglophones de Montréal sont à quasi-égalité sur toute la période 2001 à 2020. Cela est tout de même étonnant étant donné qu'en 2001, 38 % d'effectifs universitaires seulement est inscrit dans les universités anglophones sur l'île de Montréal, puis c'est 39,5 % en 2019. Sur l'île de Montréal, un étudiant pondéré qui étudie en anglais bénéficie de 56 % de plus de fonds d'immobilisations qu'un étudiant qui étudie en français, 56 % de plus. Il y a des gens qui devraient regarder à terre. McGill récolte 68,6 % plus d'argent par étudiant effectif à temps plein pondéré que sa plus proche concurrente, la grande Université de Montréal. McGill est donc l'université hégémonique qui est en train, comme un trou noir, de satelliser et d'aspirer les autres universités dans son orbite.

Ça me fait penser qu'à la fois pour les libéraux et la CAQ il y a deux systèmes d'éducation supérieure au Québec : les universités dans les régions puis les universités à charte. Mais, encore là, il n'y en a qu'une seule qui se démarque autant, c'est l'Université McGill. Un...où les établissements se débattent pour être mieux financés, avoir des meilleures infrastructures et, par le fait même, pour avoir de meilleurs profs et de meilleurs étudiants, on parle ici, bien sûr, des universités francophones de Montréal, mais aussi de celles en région, qui est notre réseau d'Universités du Québec puis les cégeps qui gravitent autour d'elles. Le second réseau est celui de l'opulence, et des dons à 1 milliard, et des agrandissements mirobolants. Je parle ici de McGill et de Dawson.

Patrimoine. Je renchérirais sur la valeur patrimoniale importante de cet établissement. On parle ici d'un des emblèmes de la ville de Montréal. C'est un lieu historique et charnière qui a eu pour mission le mieux-être des Montréalais et Montréalaises. Le changement de vocation de cet établissement se doit donc d'être pris avec un sérieux à la hauteur de son histoire. Il serait clairement plus utile de pérenniser la vocation initiale de cet établissement en maintenant le giron public.

Les nombreux groupes qui ont fait des lettres ouvertes depuis plusieurs mois — je les ai avec moi — ont d'ailleurs plusieurs bonnes idées, mais on ne pourra pas les entendre ce soir. Pourquoi ne pas réutiliser ces locaux pour aider les organismes communautaires ou le céder au réseau de l'Université du Québec, qui est présent à Montréal? Il reste qu'il y a quelque chose d'indécent de faire un don d'une valeur de plus de 1 milliard de dollars à une organisation qui n'en a pas vraiment besoin, considérant toutes celles qui pourraient l'utiliser à meilleur escient, M. le Président.

Bien, c'est ça, le projet qui nous est présenté ce soir, projet de loi privé sur un bâtiment sur la rue University à Montréal. C'est un déplacement majeur, majeur d'infrastructure pour la communauté francophone...

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Bérubé : ...qui vont venir s'ajouter à une ghettoïsation accélérée, une hégémonie de l'Université McGill qui a trouvé une oreille chez le Parti libéral et aussi à la CAQ.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Merci à vous, cher collègue. Y aurait-il d'autres députés qui souhaitent intervenir dans le cadre de ces remarques préliminaires? Je cède maintenant la parole au député de Mont-Royal—Outremont.

M. Pierre Arcand

M. Arcand : Merci, M. le Président. Simplement vous dire, on aura l'occasion, j'imagine, article par article, de pouvoir répondre à certaines des interventions, mais je voulais simplement vous souligner, à ce stade-ci, qu'on a déposé des amendements, qui, je crois, se retrouvent, à ce moment-ci, dans le Greffier.

Le Président (M. Simard) : En effet, l'un pour le préambule et l'autre pour l'article 3, si mes informations sont bonnes.

M. Arcand : C'est ça.

Le Président (M. Simard) : Y aurait-il d'autres remarques dans le cadre de la section portant dans sur les remarques préliminaires?

Auditions

Sans quoi nous allons procéder à la seconde étape, en fait, à la deuxième étape, nous allons entreprendre les auditions des intéressés. J'invite maintenant le représentant du requérant, le Centre universitaire de santé McGill, à se présenter et à nous exposer les grandes lignes de ce projet de loi.

Alors, mesdames messieurs, vous disposez de cinq minutes pour cette présentation, après quoi nous aurons une période d'échange, avec les députés ici présents, de cinq minutes. M. Gfeller, auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter?

Exposé des requérants

M. Gfeller (Pierre) : Oui. Bonsoir, tout le monde. Merci, M. le Président. Mmes et MM. les membres de la commission, mon nom est Pierre Gfeller, je suis le président directeur général du Centre universitaire de santé McGill, et je suis accompagné de Mme Sophie Mayes, qui est la directrice générale responsable de la requalification du site de l'Hôpital Royal Victoria à la SQI, et de ma collègue du ministère de la Santé et des Services sociaux, Mme Carole Arbour, qui est responsable des dossiers spéciaux et des transactions immobilières au ministère.

Alors, si vous me le permettez, M. le Président, le Centre universitaire de santé McGill sollicite l'Assemblée nationale afin que celle-ci adopte le projet de loi d'intérêt privé n° 219.

J'aimerais rappeler à tous, pour éviter toute équivoque, que le Centre universitaire de santé McGill est une institution du réseau public de santé et des services sociaux du Québec et que, malgré son nom, c'est une entité complètement distincte de l'Université McGill.

Le CUSM est le requérant de ce projet de loi donnant ainsi suite aux intentions exprimées par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Je désire remercier la députée de Westmount—Saint-Louis, Mme Jennifer Maccarone, d'avoir accepté de le parrainer. Le CUSM a travaillé sur ce dossier avec la Société québécoise des infrastructures, la SQI, jusqu'à sa présentation aujourd'hui.

L'ancien site de l'Hôpital Royal Victoria dont il est question dans le projet de loi aujourd'hui est actuellement la propriété du CUSM. Il s'agit, dans notre jargon, d'un immeuble dit excédentaire, ce site n'étant plus utilisé depuis la construction et la mise en service en 2015, il y a six ans déjà, du nouveau site Glen, où est situé le nouveau complexe hospitalier du CUSM et où ont été relocalisés tous les services qui étaient offerts au Royal Victoria.

Conformément aux orientations ministérielles du MSSS, du ministère de la Santé et des Services sociaux, le Centre universitaire de santé McGill souhaite donc s'en départir en faveur de la Société québécoise des infrastructures, laquelle procéderait ensuite à sa requalification.

Une partie du site fait actuellement l'objet de restrictions d'usage et de stipulations imposées par les donateurs dans l'acte de 1891, lesquelles imposent des conditions au transfert de propriété. La seule façon de remédier à cet état de situation adéquatement consiste en l'adoption d'une loi à ce sujet.

Il me fera plaisir de répondre à vos questions ou, pour les aspects plus techniques, de référer à Mme Mayes ou à Mme Arbour. Au nom du Centre universitaire de santé McGill, je vous remercie d'avance pour votre intérêt envers l'adoption de ce projet de loi d'intérêt privé. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci à vous, M. Gfeller. Y aurait-il consentement afin que le temps dévolu à la formation Québec solidaire soit reporté dans sa totalité à celle du Parti québécois? Consentement?

Alors, très bien, nous commençons par Mme la présidente du Conseil du trésor, qui dispose de 2 min 30 s pour son intervention.

Mme LeBel : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Gfeller. Donc, dans le fond, ce que je comprends bien de l'introduction puis ce qu'il faut bien comprendre, c'est que, quand on parle, bon, de bâtiment excédentaire, c'est que tous les usages traditionnels ou les usages antérieurs ont été transférés, là, dans le nouveau bâtiment du CSUM. Donc, les gens... l'esprit de la donation, à l'origine, qui était d'apporter des soins aux gens sans discrimination, là, je résume, naturellement, et je simplifie à outrance, là, est continu, cette mission continue dans le nouveau bâtiment, là?

M. Gfeller (Pierre) : Oui, Mme la ministre. En effet, tous les services qu'on retrouvait sur le site du Royal Victoria, qui est situé sur la rue University et sur l'avenue des Pins, se retrouvent maintenant au site Glen, sur la rue Décarie, près de l'autoroute 720. Il y a même une partie de cet édifice-là, ce nouvel édifice, qui s'appelle encore l'Hôpital Royal Victoria. Donc, tous les services ont été relocalisés dans des installations modernes, avec des chambres privées, le nec plus ultra des structures hospitalières, à l'heure actuelle, comme le CHUM. Donc, c'est un hôpital nouveau, depuis 2015, où on offre tous les services qui étaient offerts au Royal Victoria.

Mme LeBel : Excusez-moi, je pensais que vous m'aviez adressé la parole. Non?

Le Président (M. Simard) : Il y a un peu d'écho.

Mme LeBel : Oui, je m'excuse. Donc, je comprends que, compte tenu de l'acte de donation d'origine, qui prévoit, là, que les immeubles font l'objet de restrictions d'usage, de charges, d'aliénabilité, incessabilité, il est indispensable pour le CSUM, justement, ou le Centre universitaire de santé McGill, d'avoir ce genre de projet de loi pour pouvoir requalifier le site, le transférer, là, parce que, sinon, le seul usage possible, c'est l'usage d'origine, c'est-à-dire de donner des soins, là?

M. Gfeller (Pierre) : Oui. Peut-être que je laisserai Mme Mayes, de la SQI, répondre en partie à la question, mais la mission originale d'offrir des soins sans aucune discrimination aux gens de toute religion, de toute couleur, de toute race... (panne de son) ...sur le site Glen, à l'heure actuelle.

Mme LeBel : ...de faire tout autre usage, à moins d'avoir ce projet de loi?

• (20 h 20) •

M. Gfeller (Pierre) : C'est que nous, nous n'avons plus besoin de cet immeuble, à l'heure actuelle, puisque nous avons le site Glen qui remplit de façon très supérieure les usages qu'on avait au Royal Victoria, et nous n'avons plus besoin de cet édifice.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. Gfeller. Je cède maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci, M. le Président. Bonsoir, Dr Gfeller, Me Bégin, Mme Mayes et Mme Arbour, un plaisir de vous voir. Tel que Dr Gfeller avait mentionné, moi, je vais céder mon temps à Mme Mayes pour qu'elle complète la réponse de la ministre qui a été posée à Dr Gfeller, si elle souhaite répondre puis compléter, certainement.

Mme Mayes (Sophie) : Bien, je peux juste... (panne de son) ...je remercie Mme la députée. Je pourrais compléter en indiquant que le mandat de la SQI, c'est vraiment de piloter la requalification du site dans le respect de ses valeurs patrimoniales, en fonction des priorités gouvernementales, bien sûr, et dans le respect de la gestion responsable des finances publiques, mais le tout, là, afin de redonner vie à cet ancien complexe hospitalier, en créant une valeur d'usage pour les pavillons et pour le site.

Donc, je pense que, comme le Dr Gfeller l'a dit tout à l'heure, le site ne peut plus servir à sa vocation d'origine, donc ne répond plus aux besoins de la médecine moderne et des façons de faire pour les soins des patients, donc on veut trouver une nouvelle vocation, redonner vie au site en trouvant des nouveaux usages.

Le Président (M. Simard) : Il vous reste 15 secondes, chère collègue.

Mme Maccarone : C'est complet pour moi, merci beaucoup.

Le Président (M. Simard) : Ça passe très rapidement. M. le député, vous avez 50 secondes.

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Bonsoir. Si votre projet s'est retrouvé dans le projet de loi n° 61 et le projet de loi n° 66, c'est que vous avez dû convaincre des membres du Conseil exécutif. J'aimerais savoir quels ministres vous avez rencontrés dans vos représentations.

M. Gfeller (Pierre) : Est-ce que la question s'adresse à moi, M. le député?

M. Bérubé : Aux personnes qui ont fait les représentations pour que votre projet se retrouve dans un projet de loi du gouvernement.

M. Gfeller (Pierre) : En fait, le Centre universitaire de santé McGill n'a pas de projet sur ce site-là, à l'heure actuelle. Nous, nous sommes déménagés en 2015, cet immeuble-là est excédentaire. Donc, pour répondre à votre question, je n'ai rencontré aucun ministre par rapport à ce projet de loi.

M. Bérubé : D'accord. Il n'y a eu aucune représentation faite auprès d'un ministre du gouvernement actuel?

M. Gfeller (Pierre) : Aucune. En fait, on a eu une commande du ministère de la Santé et des Services sociaux, en disant : Il y a lieu de céder cet immeuble-là, il est excédentaire, vous n'en avez plus besoin, et pour ça, bien, ça doit aller à la SQI.

M. Bérubé : Merci. Ça m'éclaire beaucoup.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Alors, 50 secondes, c'est vite passé. Vous en avez même eu 55, donc, en bonus.

Alors, voilà qui met un terme à notre première audition. Mesdames messieurs, merci pour votre contribution à nos travaux. Vous n'allez pas trop loin parce qu'on se retrouve plus tard dans l'étude de ce projet de loi.

Mais, pour l'instant, nous allons suspendre momentanément, le temps de faire place à nos prochains invités.

(Suspension de la séance à 20 h 23)

(Reprise à 20 h 31)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous sommes en mesure de reprendre nos travaux.

Et nous sommes en présence de représentantes de la Coalition Royal Vic pour le bien public. Alors, mesdames, bienvenue. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter, s'il vous plaît?

Exposé des opposants

Mme Smith-Kingston (Christa) : Bien, bonsoir. Moi, c'est Christa Smith-Kingston.

Le Président (M. Simard) : Mme Constantin?

Mme Constantin (Louise) : Bonsoir. Louise Constantin.

Le Président (M. Simard) : Alors, nous vous écoutons.

Mme Smith-Kingston (Christa) : Bien, bonsoir, M. le Président, Mmes, MM. les députés. On est les membres de la Coalition Royal Vic pour le bien public, et la Coalition Royal Vic pour le bien public a été créée afin d'assurer que la voix des citoyens et des citoyennes ainsi que des groupes communautaires soit prise en compte dans le projet de requalification du site de l'ancien Hôpital Royal Victoria. Par le mémoire que nous présentons ce soir, nous souhaitons faire valoir que son usage futur et la gestion de la propriété soient décidés et gérés de façon démocratique et écologique, et ce, au service du bien commun.

Mme Constantin (Louise) : Le projet de loi n° 219 représente une excellente opportunité pour le gouvernement de réaliser un projet novateur sur un grand site hospitalier. Cette requalification représente également une chance inouïe pour la ville de Montréal et la communauté de contribuer à la mise sur pied d'un projet élaboré par et pour les citoyennes et citoyens de la métropole. La coalition souhaite apporter certaines recommandations quant au processus de requalification, processus qui, selon nous, aurait un impact majeur sur la finalité du projet proposé à la communauté.

Tout d'abord, et tel que mentionné dans le projet de loi n° 219, le Royal Victoria est incorporé avec la mission d'offrir des services de santé à toute personne malade ou blessée, et ce, sans distinction, exclusion ou préférence fondées sur la race, la couleur, le sexe ou la religion. La coalition croit que c'est cette vision qui doit perdurer et guider le projet de requalification mené par la SQI. Elle considère plutôt fondamental que le site maintienne sa mission historique d'offrir des services de santé et que c'est cette définition de la santé qui doit être mise à jour afin d'inclure les enjeux de santé publique et de comorbidité comme la santé mentale, l'itinérance, l'insécurité alimentaire, la violence conjugale, les besoins en logements sociaux, etc. Il s'agit donc d'une vision qui prend en compte l'aspect préventif et non seulement curatif de la santé.

Mme Smith-Kingston (Christa) : Ensuite, la coalition considère que les principes de base du développement durable doivent être explicitement inscrits comme condition sine qua non du projet de requalification. Le développement durable doit ainsi inclure la composante sociale, notamment une véritable participation citoyenne.

Dans cette optique, la coalition s'oppose à la vente partielle ou complète, au morcellement, à la division ou subdivision des lots rénovés, incluant la portion dédiée au projet de l'Université McGill. La privatisation du site serait contraire à cette vision de pérennité d'un site requalifié par et pour la communauté.

La coalition est d'accord avec le point 3 du projet de loi n° 219, qui stipule que «les parties de lots visées par les restrictions ne pourront être utilisées aux fins de l'exercice d'un usage d'hébergement de type copropriété divise ou d'établissement hôtelier commercial à moins que ces usages ne soient accessoires ou ne fassent partie d'un projet institutionnel ou public». Cela étant, nous souhaiterions que la définition de «public» comprenne explicitement des initiatives communautaires et d'économie sociale.

Par ailleurs, la coalition remet en question le processus menant à l'inclusion du projet de l'Université McGill sur le site. Cette décision a été prise derrière des portes closes, sans avis ou consultation publique, sans appel d'offres, sans débat à l'Assemblée nationale, en plus d'être assortie d'une subvention de 37 millions de dollars accordée par le gouvernement à l'université pour que cette dernière réalise une étude de faisabilité.

L'investissement d'argent public doit être assorti de conditions et de garanties. Tout d'abord, l'Université McGill doit garantir la pérennité de son engagement. D'autre part, elle doit inclure du logement social pour les étudiants et étudiantes de son institution. Les grandes institutions d'enseignement doivent s'intégrer à la communauté où elles se trouvent et non venir troubler la qualité de vie des gens qui y résident.

Mme Constantin (Louise) : En conclusion, notre mémoire porte sur le projet de loi n° 219, qui concerne la section du site visée par l'Université McGill. La coalition... (panne de son) ...et les recommandations que nous faisons aujourd'hui s'y appliquent également. Nous souhaiterions la tenue d'un véritable débat public sur l'avenir du site du Royal Victoria qui permette de faire valoir tout le potentiel qu'il offre pour répondre aux besoins de l'ensemble de la population.

Le Président (M. Simard) : Merci...

Mme Constantin (Louise) : En effet, nombreux...

Le Président (M. Simard) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Constantin (Louise) : ...oui, nombreux sont les besoins exprimés par les résidentes et résidents du secteur, mais également par divers groupes communautaires. Mais il semblerait que le plan directeur soit sur le point d'être déposé. Nous nous interrogeons sur la prise en compte des préoccupations citoyennes dans le plan directeur. Nous précisons que nous avons eu très peu de communications, malgré nos demandes répétées, avec la SQI. Nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Simard) : Merci, Mme Constantin. Peut-être que, pour la suite de nos échanges, vous pourriez éteindre le retour du son, si c'était possible.

Alors, je cède maintenant la parole à la présidente du Conseil du trésor.

Mme LeBel : Oui. Merci, Mme Constantin, merci, Mme Smith-Kingston, de vos remarques. D'ailleurs, je tiens à préciser que... Bon, je pense que, juridiquement parlant, même les usages que vous proposez pour le site de l'Hôpital Royal Victoria demanderaient, là, une requalification des titres parce que l'usage, présentement, qui a été fait par le biais de la donation est extrêmement restreint, et l'élargir comme vous le souhaitez demanderait qu'on passe par le processus par lequel on passe présentement.

Je tiens à... Dans le fond, je vais prendre mon temps pour peut-être vous faire plus un commentaire d'ordre général. Je tiens à vous rassurer, il y aura effectivement un plan directeur, mais ce plan directeur fera l'objet de consultations, parce qu'une très grande partie du site demeure encore à requalifier ou... auquel trouver des usages. Et rien n'est exclu à ce stade, naturellement, sauf les usages commerciaux, je tiens à vous rassurer, ce n'est pas l'objectif, mais pas du tout, et là vous allez le voir dans le projet de loi actuel.

Mais toutes les idées dont vous avez fait part, les potentiels usages pourront faire l'objet de la consultation, et ça va très certainement être tenu en compte par la société... par la SQI par le futur. Il reste encore, je vous dirais, plus des deux tiers ou près des deux tiers des bâtiments à requalifier. Donc, je pense qu'on aura des belles discussions sur le plan directeur.

Je vais vous laisser les quelques secondes qui me restent, si vous voulez ajouter quelque chose, mais ça sera extrêmement pertinent de vous entendre lors de la consultation sur l'usage du site en question.

Le Président (M. Simard) : Éventuellement, Mme Constantin, en 30 secondes, s'il vous plaît.

Mme Constantin (Louise) : Oui. En fait, nous, ce qu'on considère, c'est de ne pas attendre les consultations. Nos demandes, dès la publication d'une lettre ouverte, étaient que nous participions en amont à l'élaboration du plan directeur également. Quand il y a une consultation, c'est que, déjà, tout est défini à l'avance, alors que nous, nous voulions nous insérer dans le processus dès le début de l'élaboration.

• (20 h 40) •

Le Président (M. Simard) : Merci, Mme Constantin. Je cède maintenant la parole à députée de Westmount—Saint-Louis pour 1 min 40 s.

Mme Maccarone : 1 min 40 s, ce n'est pas très long. Bonsoir, Mme Constantin, Mme Smith-Kingston. C'est sûr, c'est un plaisir de vous voir ce soir et de vous accueillir avec nous en ce qui concerne le projet de loi n° 219.

Vous savez, nous avons travaillé quand même ensemble en ce qui concerne quelques modifications à l'intérieur du projet de loi n° 219, surtout pour protéger le transfert du bâtiment, pour éviter la privatisation dont vous avez évoqué dans vos remarques préliminaires. Alors, je voulais quand même le soulever puis vous remercier pour votre contribution, parce que c'est très cher, pour nous, d'entendre surtout des citoyens, surtout des citoyens de mon comté. C'est clair, c'est très important pour moi d'entendre votre voix et aussi de vous assurer qu'évidemment je reflète le sentiment de la ministre, et je remercie la ministre de l'avoir dit, que ça ne fait pas partie, quand même, de ce qui est souhaité par le gouvernement d'aller vers l'avant avec un développement commercial.

Alors, peut-être, dans les quelques secondes qu'il nous reste, peut-être vous pouvez parler de ce qui est souhaité de votre part en ce qui concerne la consultation. Je sais que ça s'en vient, mais qu'est-ce que vous souhaitez puis qu'est-ce que vous aimerez voir à l'intérieur de ceci?

Le Président (M. Simard) : ...30 secondes, s'il vous plaît. Mme Smith.

Mme Smith-Kingston (Christa) : Oui. Donc, je crois qu'à la base on n'est peut-être pas d'accord sur qu'est-ce qui est une véritable participation citoyenne. Comme Louise Constantin a mentionné, lorsqu'un plan est développé, puis ensuite livré, puis là on donne de la vie, ce n'est pas ce qu'on a en tête quand on parle de participation citoyenne. On veut faire partie du processus du début jusqu'à la fin pour que la voix de la citoyenne et du citoyen soit prise en compte en écrivant le plan.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, Mme Smith. Je cède maintenant la parole au député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. Alors, vous recevez des félicitations à la fois de la Coalition avenir Québec et du Parti libéral, mais ça ne change pas votre position. Moi, je l'ai lu, votre lettre, vous vous opposez au projet, et on est entièrement d'accord, pour les mêmes raisons, au Parti québécois. C'est un projet, quant à nous, qui est scandaleux au plan environnemental, au plan de l'urbanisme, au plan de la consultation démocratique. Alors, qu'est-ce que vous pouvez ajouter pour essayer de convaincre le parti au pouvoir et le Parti libéral de renoncer à ce projet?

Le Président (M. Simard) : Mme Constantin.

Mme Constantin (Louise) : Oui. Bien, en fait, on a déjà fait état, là, de plusieurs éléments à prendre en compte. On sait qu'on vit actuellement une grave crise du logement, de problèmes de gentrification, une crise d'itinérance, une crise de santé publique, et là on a un site qui est exceptionnel au centre-ville et qui pourrait servir à résoudre une partie des problèmes qu'on vit actuellement à Montréal. On a un projet, une vision d'ensemble qui tient compte non seulement du logement, mais également de toute une vision d'un vivre-ensemble, que ce soit de l'agriculture urbaine, des services d'économie sociale, un milieu de vie...

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup...

Mme Constantin (Louise) : ...et ça, ça n'a pas été entendu ou, en tout cas, on n'a pas entendu cette préoccupation-là beaucoup.

Le Président (M. Simard) : Merci.

M. Bérubé : Nous vous avons entendu, au Parti québécois. Merci.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, mesdames, désolé, on disposait de très peu de temps. On aurait été à votre écoute beaucoup plus longtemps, mais on est contraints, là, par nos travaux. Alors, merci beaucoup de votre précieuse contribution.

Et, sur ce, nous allons suspendre à nouveau avant de procéder à la prochaine étape.

(Suspension de la séance à 20 h 43)

(Reprise à 20 h 49)

Le Président (M. Simard) : Bien. Chers collègues, merci pour ce retour et votre ponctualité.

Donc, avant d'entreprendre l'étude détaillée, comme le veulent nos règlements, je dois vous demander s'il y a des motions préliminaires. M. le député de Matapédia-Matane, à vous la parole.

Motion proposant d'entendre M. Gilles Paquin

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, je fais motion afin que «la Commission des finances publiques tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 219, Loi concernant un immeuble situé sur la rue University à Montréal, des consultations particulières et qu'à cette fin, elle entende M. Gilles Paquin, journaliste à la retraite [de La Presse]».

Le Président (M. Simard) : Chers collègues, on va suspendre quelques instants, le temps de pouvoir transmettre cette motion à notre secrétariat pour qu'on puisse la mettre sur Greffier. Ça vous va? On suspend.

(Suspension de la séance à 20 h 50)

(Reprise à 20 h 53)

Le Président (M. Simard) : Bien. À l'ordre, s'il vous plaît! Nous sommes en mesure de reprendre nos travaux.

La motion se retrouve maintenant sur le site Greffier, vous pouvez tous la consulter. Sans plus tarder, cher collègue, à vous la parole.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Vous avez entendu les intervenants, tout à l'heure, indiquer que ça prend une consultation, une démocratie, une contribution de plusieurs acteurs, et c'est le cas de cet ex-journaliste de La Presse qui s'est beaucoup intéressé à la question avec un de ses amis avocats, je parle de M. Gilles Paquin.

Je pense que c'est important d'inviter M. Paquin, qui a beaucoup écrit là-dessus, beaucoup fait de recherches sur les implications que ça représente. J'aimerais qu'il soit ici et j'aimerais qu'on puisse l'entendre. Alors, ce que je vais faire, c'est que je vais utiliser mon temps pour vous lire ce qu'il pense du dossier. Et j'ai un texte devant moi que je pourrai déposer par la suite pour le bénéfice de la commission. Alors ça s'appelle comme suit : Non au don de l'Hôpital Royal Victoria de plusieurs immeubles et d'une vaste partie du mont Royal, soit plus de 1 milliard de dollars, à l'Université McGill. C'est le titre, puis des fois je vais commenter le texte.

«Le moment est venu pour le gouvernement québécois de la CAQ d'agir selon les principes qu'il [dit] défendre et qu'il a le devoir de défendre dans l'intérêt de la nation québécoise — beau mot, "nation", pas mal mieux que "province". Ce gouvernement doit renoncer à exécuter la promesse abusive faite par le dernier gouvernement libéral de donner à l'Université McGill plus de 1 milliard de dollars en subventions et en immeubles publics, dont une bonne partie du mont Royal, la faisant passer ainsi de "ghetto McGill" à "forteresse McGill" qu'il lui sera impossible de contrôler. Le gouvernement doit tout simplement et immédiatement renoncer à exécuter ce projet de donation scandaleusement abusive et illégale et socialement injuste et inacceptable.

«Depuis l'annonce de ce projet, dans les derniers jours du gouvernement libéral — on est en 2018 à ce moment-là, d'ailleurs il y a eu quelques projets de loi privés, moi, j'avais fait celui sur le journal La Presse, projet de loi n° 400, pour ceux qui s'en souviennent — de nombreux intéressés, dont plus d'une cinquantaine d'organismes de toutes sortes — notamment les organismes de l'Université McGill — l'ont dénoncé comme étant, encore une fois, un traitement [privilégié] accordé [à l'élite] de McGill à l'encontre de l'intérêt commun des Québécois et des Montréalais, fait à l'insu de la population et de ses institutions et contraire à leurs besoins et à la justice.

«Devant ces protestations, le gouvernement [du premier ministre actuel] a semblé avoir un moment d'hésitation [au départ] et il a [décidé de procéder] à des "consultations" au sujet de la décision [du gouvernement libéral]. Dans les faits, ces "consultations" ont été des réunions privées, sur invitation seulement, où n'étaient invités que des intervenants ne présentant aucun risque de contestation du projet déjà décidé — ça, ça semble un trait de caractère gouvernemental, M. le Président. Ces fausses consultations ont été dénoncées comme elles devaient l'être — vous l'avez entendu encore tantôt — mais le gouvernement n'a pas encore osé arrêter le projet dans lequel il semble se croire piégé par la promesse des libéraux.» Il n'en est rien, il est libre d'arrêter ce projet s'il le souhaite. D'ailleurs, le premier ministre dit souvent : Quand on se trompe, on le dit puis on corrige. Alors, voici un bel exemple. Je vais applaudir, moi, s'il décide de l'abandonner.

«Il est grand temps de le faire — pas mal là, même. À l'heure de la loi n° 96, qui confirme le danger [...] d'extinction imminente des francophones, et à l'heure où le gouvernement sent le besoin de se doter d'une loi constitutionnelle, il est urgent qu'il mette fin au traitement [abusivement] et injustement favorable des universités et des cégeps anglophones, au premier chef de l'université McGill, fondée, faut-il le rappeler, avec l'argent et les biens donnés ou confiés — vous qui vous intéressez à l'histoire, ça va vous intéresser — aux Jésuites et aux Sulpiciens par des francophones [et dont ils] ont été dépouillés par le gouverneur anglais.» Notre argent rendu à McGill, mais ce n'est pas assez, on en envoie encore. On leur en doit, semblerait-il.

«Comme le montre éloquemment Frédéric Lacroix dans [le présent] texte Québec préfère les universités anglaises et dans son livre Pourquoi la loi 101est un échec, il est grand temps d'accorder aux institutions francophones le traitement que justifie leur nombre et de mettre fin au traitement [...] injustement privilégié des établissements anglophones, au premier chef [de] l'Université McGill. Ce n'est pas en lui donnant [...] 1 milliard de dollars [de plus] qu'on atteindra cet objectif. Cette énorme injustice a trop duré. C'est maintenant que la justice doit [commencer].

«M. Lacroix parle très clairement — puis ça, c'est cité dans le texte de M. Gilles :

«"Au Québec, les universités anglophones bénéficient d'un net avantage (d'un facteur quatre en proportion au poids démographique) pour ce qui est des fonds d'immobilisations investis par le gouvernement du Québec. Sur l'île de Montréal, un étudiant "pondéré" qui étudie en anglais bénéficie de 56 % de plus de fonds d'immobilisations qu'un étudiant qui étudie en français.

«"Rappelons que McGill dispose annuellement de revenus de quelque 1,44 milliard de dollars, [...]possède 1,7 milliard de dollars dans sa fondation et des biens évalués à 4,9 milliards de dollars. Alors que l'Université du Québec dépend à 90 % des fonds versés par le gouvernement et les étudiants du Québec, moins de la moitié du budget de McGill est dépendant de ces deux sources de revenus. McGill est un véritable empire financier."»

Vous qui avez enseigné à l'UQO, M. le Président, vous savez très bien que cette université située en Outaouais ne dispose pas des moyens de McGill. Et, si vous étiez dans d'autres circonstances, je suis pas mal sûr que vous me donneriez raison.

«"McGill est également un important propriétaire foncier — et ça, il faut le savoir; elle dispose de 730 000 mètres carrés d'espace dont 613 000 mètres carrés reconnus par le ministère de [...] l'Enseignement supérieur. Même si McGill n'accueille pas le plus important effectif étudiant, elle est l'université possédant le plus vaste campus au Québec[...] — déjà."

«À toutes fins utiles, rappelons aussi que :

«1. Une administration publique n'aliène jamais son domaine public — c'est une règle cardinale.

«L'Hôpital Royal Victoria, ses divers immeubles et les parties du mont Royal en question font partie du domaine public du Québec et appartiennent à tous les Québécois. Le gouvernement québécois [...] a le devoir impérieux de respecter l'intégrité de ce domaine public et de ne pas l'aliéner.

«Il existe ailleurs de nombreux exemples de solutions au problème que peut poser l'intégrité du domaine public. Un cas récent[...] : l'Hôtel-Dieu de Paris avait [des] graves problèmes de financement; il fallait à la fois assurer des rénovations très coûteuses et un financement de roulement tout aussi onéreux.» Alors, qu'est-ce qu'ils ont fait? «L'administration a donc décidé de mettre en location le tiers de l'immeuble pour 80 millions d'euros. Ainsi, on peut rénover tout l'immeuble et obtenir un financement de roulement. Mais on ne vend pas le domaine public puis on ne l'aliène pas [non plus]. Et surtout on ne le donne pas à des intérêts privés comme le gouvernement du Québec veut maintenant le faire avec le mont Royal et l'Hôpital Royal Vic.» Ça, j'aimerais ça que le gouvernement note ça, parce que c'est une alternative qui existe, réelle, en France. Et, si on allait vers ça, on n'aurait pas besoin de faire ce qu'on fait présentement, et il n'est pas trop tard. En tout cas, je l'aurai dit.

• (21 heures) •

«2. Le don de plus de 1 milliard de dollars à McGill n'est pas justifié.

«Avant que les libéraux s'engagent à lui céder l'ancien hôpital et une partie du mont Royal — quand même, une partie du mont Royal — McGill avait déjà indiqué qu'elle souhaitait acheter une partie de ce domaine — ça, c'est le boutte — et prévoyait [...] de dépenser plus de 700 millions pour [aménager] ce qui pourrait devenir un nouvel institut.

«Mais depuis que le gouvernement libéral du Québec a déclaré qu'il allait lui en faire cadeau[...] — gardez votre 700 millions, c'est un cadeau — la chancelière de McGill a déclaré qu'elle voulait maintenant en plus recevoir l'aide de Québec [...] pour accompagner ce cadeau — 37 millions, ce n'est pas croyable.

«McGill estime maintenant que son projet va coûter au Québec plus de 1 milliard de dollars et qu'il faut sûrement ajouter des coûts cachés considérables. McGill a, par exemple, déclaré prévoir la construction d'un auditorium de 2 000 places — avec des stationnements, peut-être — sur le mont Royal.» Saviez-vous ça?

«3. La Société québécoise des infrastructures a fait un examen [partiel]»... partial, plutôt, ce n'est pas pareil.

«La Société québécoise des infrastructures, chargée d'examiner ce qu'il faudrait faire des immeubles et terrains de l'Hôpital Royal Victoria, n'a examiné aucune autre possibilité que le don à l'Université McGill.» C'était ça ou rien. Pourtant, il y a d'autres options. «Elle semble ainsi ignorer les servitudes inscrites aux donations créant l'Hôpital Royal Victoria. Ne [serait-ce] pas normal qu'elle examine d'autres possibilités, par exemple la mise en location d'une part du domaine pour financer la restauration d'une grande partie de l'ensemble comme [on] l'a fait [pour] l'Hôtel-Dieu de Paris?» Si on avait eu une vraie consultation, on serait arrivés à un autre modèle, à moins que ce soit si important de faire comme ça parce que McGill veut ça, puis il y a au moins deux formations politiques qui veulent absolument leur donner tout ce qu'ils veulent.

«4. La nouvelle forteresse McGill.

«Il faut aussi savoir que ce projet de McGill s'inscrit dans un projet beaucoup plus vaste d'investissement et de revalorisation de son immense domaine immobilier [...] dans le centre-ville de Montréal, ce qu'on appelle déjà — c'est l'appellation populaire — le "ghetto McGill", en gros de la rue Peel jusqu'à [la rue] du Parc et du boulevard [...] Maisonneuve jusqu'à l'intérieur du mont Royal. McGill étudie déjà depuis plusieurs années des projets pour transformer ces énormes biens immeubles en tours d'appartements et [de tours] de bureaux. On va passer du "ghetto McGill" à la "forteresse McGill", qui, dans les faits, sera fermée aux Québécois francophones sauf aux professeurs, aux étudiants et au personnel. Les francophones se trouveront dépossédés pour toujours d'une partie très importante du centre-ville de Montréal[...]. On reviendra aux beaux jours du "Mille-Carré-Doré" — le "Golden Square Mile", M. le Président — où les seuls francophones qui étaient admis étaient les manoeuvres et les domestiques. C'est ce qu'on appelle maintenant la "requalification" de McGill.

«5. Le nouveau projet de McGill — vous allez en apprendre, des choses, ce soir.

«Il faut dire un mot du projet que McGill prétend réaliser sur le site des immeubles de l'Hôpital Royal Victoria : il s'agirait d'un important projet international, qui est déjà présenté comme un projet "canadian" et qui vise à attirer encore plus de professeurs et d'étudiants anglophones. De plus, il est évident que les fonds publics que le Québec et le Canada vont mettre dans ce projet n'iront pas aux universités et aux institutions francophones — oh que non! — ce qui ne fera qu'accentuer l'écart encore une fois déjà énorme entre le financement des institutions anglophones et francophones à l'avantage scandaleux de la minorité anglophone, [ce] que Frédéric Lacroix décrit éloquemment.

«Et bien entendu [...] la réalisation d'un [...] projet à McGill [empêcherait] la réalisation de tout autre projet du même genre [...] par un établissement francophone — c'est évident. Pourquoi ne pourrait-on pas faire un institut regroupant les meilleurs talents des universités québécoises et de la francophonie? Ou faire le même projet, [avec] McGill [...] en français? [Nous n'aurions] pas [...] intérêt à financer un véritable projet international francophone avec l'appui de la francophonie? En encourageant ainsi aveuglément la réalisation d'un tel projet à McGill, on anéantit la possibilité de réaliser tout projet d'importance équivalente en français.

«6. Le respect des servitudes inscrites dans les donations.

«Par ailleurs, il est important de soulever [...] un obstacle juridique d'importance. Les donations [...] (deux [sommes] de 500 000 $ en 1886 et 1887) ont été faites spécifiquement et exclusivement pour la création de l'hôpital, et la ville de Montréal a ensuite loué à cet hôpital les terrains nécessaires "à perpétuité" (en français dans le texte de la donation).

«[...]Pour ce qui est des terrains, on sait déjà que, dans la donation de 1887, il est écrit expressément que, si le Royal Vic cesse d'exister comme hôpital, les terrains qui lui ont été loués à perpétuité doivent retourner — à qui? — à la ville de Montréal», qui n'est pas avec nous ce soir.

Qu'est-ce qu'on dit? «"In such case the said city of Montréal shall reinter into possession of the above described property." Cela constitue une servitude, qui ne peut être ignorée», modifiée ou effacée. S'il y a transmission de propriété, les servitudes doivent être transmises aussi et elles doivent être respectées absolument. «Il convient de se demander si le gouvernement du Québec — représenté ici par la présidente du Conseil du trésor — a [...] la propriété [légale] de ces terrains» et si les servitudes ont été respectées. Bonjour les surprises.

«On le voit : il est absolument illégitime et contraire à l'intérêt des Québécois, des francophones en particulier, de continuer d'insister pour donner plus de 1 milliard de dollars [du] domaine public et en fonds publics à l'Université McGill. Le gouvernement du Québec doit agir dans l'intérêt des Québécois, de tous les Québécois, et non seulement de la minorité anglophone traditionnelle privilégiée.»

Gilles Paquin, journaliste retraité de La Presse.

Combien de temps il me reste, M. le Président?

Le Président (M. Simard) : 17 minutes, cher collègue.

M. Bérubé : Cet enjeu est tellement important, M. le ministre, là. Il l'est au plan urbanistique, il l'est au plan du patrimoine, il l'est au plan de la langue, il l'est au plan de l'équité entre les institutions postsecondaires. Je ne blâme pas l'Université McGill de vouloir le Royal Victoria, de vouloir les bâtiments, parce qu'il y en a plusieurs autres dont on n'a pas parlé encore, de vouloir une partie du mont Royal. Je me demande où réside l'intérêt de deux gouvernements, le gouvernement précédent du premier ministre Philippe Couillard et le gouvernement actuel de la très nationaliste Coalition avenir Québec — c'est de l'ironie — à céder une partie de notre patrimoine à une communauté qui a déjà passablement d'institutions qui fonctionnent bien. Je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas qui a convaincu ces gouvernements et à quelle fin. Je sais ce que ça va rapporter à McGill. Je sais que les universités francophones de l'île de Montréal sont témoins de ce qui se passe, je sais que les cégeps également, j'ai parlé de la saga de Dawson. Il y a un enjeu d'équité.

Ma responsabilité comme député de Matane-Matapédia, où j'ai deux collèges, très petits, cégep de Matane, centre d'études collégiales de la Matapédia, et où 100 % des étudiants qui doivent quitter pour l'université le font à l'extérieur de ma région, notamment à Rimouski, où vous et moi, M. le Président, nous avons étudié, on était beaucoup plus jeunes à l'époque... Bien, ailleurs aussi on a besoin d'équité, d'équité pour chacun des étudiants, pour la recherche, pour les infrastructures, mais ce n'est pas ça qu'on a. On augmente l'écart entre McGill et les autres universités, et je ne peux pas accepter ça.

Je suis aussi un ancien leader étudiant. Je suis l'ancien vice-président de la Fédération étudiante universitaire du Québec à l'époque où Nicolas Ducharme, maintenant sous-ministre, était mon président, certains s'en souviendront. Et il y avait bien d'autres personnes qui sont dans certains cabinets, d'ailleurs, aujourd'hui, qui m'accompagnaient à l'époque. Ces enjeux-là, on les connaît très bien et on souhaitait l'équité pour tous, mais là on augmente, on augmente, les disparités entre les institutions.

L'Université McGill est riche. Elle a l'avantage d'avoir une philanthropie forte, et tant mieux. Ses étudiants sont attachés à l'institution, ses anciens étudiants, et sont plutôt fortunés, plus qu'ailleurs, puis ils ont des immobilisations importantes et ils dégagent des revenus importants. Ce n'est pas le cas de tout le monde. Et ce cadeau — parce que c'est un cadeau qu'on leur fait, on ne leur demande rien, on leur donne même 37 millions pour les accompagner — ça vient envoyer plusieurs messages. D'abord : Continuez de vous développer avant tout le monde. Le gouvernement du Québec actuel, il va plus loin que les libéraux, il dit : C'est correct, mais en plus, avec nous autres, ça va plus vite, on fonce plus vite dans l'anglicisation, ça vous va-tu? Réponse : Ça va être correct. Quand j'ai parlé de ce projet de loi cet après-midi, il fallait savoir qui s'inquiétait, «usual suspects», comme on dit, ceux qui... tu es toujours suspect de vouloir défendre les francophones au Québec.

Donc, il y a un problème d'équité. Il y a le symbole que ça envoie aussi, que la langue de prestige pour l'enseignement, c'est l'anglais. C'est ça, le symbole que ça envoie. Aïe! Qu'est-ce que vous faites à l'Université du Québec à Montréal? Faites quelques kilomètres vers l'ouest, c'est à McGill que ça se passe. Les universités à charte, c'est pour, bon, les deuxièmes tours, les troisièmes tours. Ce n'est pas vrai, mais c'est ça qui se dit.

L'UQAM aurait pu bénéficier d'un tel legs, un tel cadeau, mais non. L'UQAM est à Montréal, l'Université de Montréal est encore plus près. Ça aurait pu être le cas, mais non plus. Alors, qui sont ces lobbyistes si puissants qu'ils sont capables de convaincre successivement deux gouvernements de céder un ancien hôpital, des terrains situés avantageusement à Montréal, une partie du mont Royal puis de se le faire financer en plus avec 37 millions? Ces gens-là sont certainement très doués pour avoir réussi un tel coup. C'est un coup de force, M. le Président, ce projet de loi. C'est regrettable qu'il ne soit pas plus suivi, c'est un projet de loi privé. Même le titre semble tout destiné à ce qu'il ne suscite pas beaucoup de discussion, hein, «un édifice sur la rue University», quelque part, devinez où. Ah! c'est un ancien hôpital.

• (21 h 10) •

Trop tard, on a adopté le projet de loi, mais on va avoir le temps d'en parler. Puis on va regarder des cartes aussi pendant ce projet de loi. J'ai des cartes avec moi, M. le Président. J'ai aussi quelques surprises que les législateurs n'ont pas pensées. Ça va être compliqué, de voter pour ça, pas mal plus qu'on le pense. Quelqu'un, tantôt, en arrivant, a dit : Ah! ça devrait être assez facile. Non, ça ne sera pas facile parce qu'il y a beaucoup d'intérêts en jeu. Il y a des intérêts puissants, mais il y a des intérêts démocratiques, écologiques, d'équité, l'enseignement supérieur. Tout ça, ça a de la valeur au Québec, et moi, comme parlementaire, ça m'importe, et je suis fier de faire partie d'une formation politique qui a ça à coeur, et, l'enseignement supérieur, on en a fait un enjeu d'importance.

Je me souviens très bien, à l'époque où je travaillais pour le premier ministre actuel, on avait développé le collège Gérald-Godin dans l'ouest de Montréal, ça a été une belle réussite. Pour la première fois de l'histoire, il y avait un collège francophone dans l'ouest de Montréal, alors que les jeunes de Sainte-Anne-de-Bellevue, ou de Senneville, ou de Roxboro, Dollard-des-Ormeaux, Pierrefonds devaient se rendre au centre-ville de Montréal, bien souvent, ou à André-Laurendeau. On a développé le cégep Gérald-Godin. C'est une réussite, puis je suis fier de ça, moi. Humble conseiller politique que j'étais, à l'époque, dans le cabinet du premier ministre, qui était ministre de l'Éducation, c'était une immense source de fierté, pour moi, qu'on ait développé, avec le premier ministre Bouchard, le collège Gérald-Godin.

Mais là on est ailleurs, là. Là, on revient à des années qu'on croyait révolues, où c'est les grandes universités anglophones qui... le haut du pavé, puis le gouvernement leur fait des cadeaux en plus. Ça ne marche pas, M. le Président. On ne peut pas faire ça. Tu sais, je ne blâme pas McGill. Je ne blâme pas Dawson. Ils font des demandes... Tu sais, c'est... comme rêve d'université ou rêve de cégep, c'est quoi, votre rêve le plus fou? Bien, ils l'ont fait. Bien, câline! ils l'ont eu. Ils n'y croyaient pas. Ils l'ont eu parce qu'on leur donne. Si c'était nous, on ne leur donnerait pas, il y aurait de l'équité avant d'en remettre à McGill puis Dawson. On leur en donne.

Alors, je ne sais pas comment se sentent les gens de Concordia ce soir, ou l'Université de Montréal, ou de l'ETS, ou de l'UQAM, ou de l'Université de Sherbrooke, l'UQO, l'Université du Québec à Chicoutimi, l'Université du Québec à Rimouski. Toutes ces universités, ces centres universitaires de recherche, ils se disent : Comment on va faire, nous, pour être aussi puissants dans la communication pour rejoindre le gouvernement puis les convaincre d'investir chez nous? Parce que McGill, ils sont trop forts. Je ne sais pas comment qu'ils font, mais ils sont forts pas à peu près... convaincu le premier ministre Couillard, convaincu le premier ministre actuel. Ils ont mis ça dans un projet de loi puis ils ont dit : En plus, nous autres... les libéraux ont mis la barre là, mais, avec la CAQ, nous autres, on le fait aussi puis on l'accélère.

C'est quelque chose, ce n'est pas rien. Depuis tout à l'heure, il y a des gens qui suivent la commission qui n'ont jamais entendu parler du projet de loi avant. Je peux-tu vous dire qu'ils sont en train de regarder les dossiers, les documents? Puis il y a quelques cabinets d'avocats à Montréal qui font la même chose présentement, M. le Président, qui se sont mis à regarder ça pour le plaisir. Ils m'ont écrit tout à l'heure, ils disent : C'est-tu sérieux, vous faites vraiment ça? Pas les moindres.

Alors, moi, je pense qu'on devrait suspendre cette étude-là. Évidemment, le Parti libéral, qui propose le projet de loi, ne voudra pas. Il est habité d'une certaine urgence. Puis la CAQ est déjà allée bien trop loin avec le projet de loi n° 66. Mais ça n'a aucun sens, ce projet de loi, à sa face même. On l'a dit combien de fois? Puis ce ne sont pas des exaltés qui ont dit ça, des gens qui en ont parlé avec professionnalisme.

Alors, le message du Parti québécois est toujours le même : défendre nos institutions, défendre l'équité. Et ça, ça ne peut pas marcher. Et je me serais attendu à ce que le gouvernement soit critique, mais en même temps, comme il avait placé ça dans le projet de loi n° 66, je n'avais jamais eu la réponse pourquoi c'était là, bien, je me suis dit : Ça doit être bien important pour eux autres. Ils doivent miser beaucoup sur les étudiants de McGill, pour ce gouvernement-là, ça doit être très important. J'imagine, ça a beaucoup voté pour la CAQ à McGill. Ça doit être ça, quelque chose du genre. Il doit y avoir une cellule de la CAQ, là, des jeunes de la CAQ. Ça doit marcher du feu de Dieu, M. le Président, bien important. Bien non, au bar Gerts, là, à McGill, là, tu sais, il n'y avait pas le comité de la CAQ qui regardait l'élection, là, en 2018, là, à côté du Keg House, là, il n'y avait pas ça.

Trêve de plaisanteries, on a une responsabilité. Ici, c'est la Commission des finances, une commission très importante à l'Assemblée nationale. On regarde des chiffres, puis on compare, puis on s'assure de l'équité pour les régions du Québec, pour nos circonscriptions, pour les gens qui en ont besoin. C'est important. On ne peut pas faire l'économie de faire les comptes et de faire aussi l'économie de ce que ça représente comme symbole pour le Québec d'accorder autant d'argent, autant de valeurs mobilières à McGill.

Puis là on a parlé tantôt de certains bâtiments, le Royal Victoria, mais il y a d'autres bâtiments, puis, moi, il n'y a rien qui m'indique que ça ne pourrait pas passer dans le domaine du privé, éventuellement, vendu au profit de McGill, des tours. Je veux dire, il y a un potentiel exceptionnel à Montréal, là. Chaque mètre carré est important. On a vu, pas plus tard que samedi dernier, je crois, les statistiques sur le prix de la construction à Montréal. Quelqu'un qui voudrait s'acheter une maison à Montréal, je veux dire, combien ça coûte? C'est énorme. Alors, bien sûr que ça intéresse des promoteurs. C'est sûr que ça intéresse des promoteurs au centre-ville de Montréal. Ce n'est pas rien, le centre-ville de Montréal.

Donc, moi, je suis d'avis, comme M. Gilles Paquin à travers la lettre que je vous ai lue, qu'il y a plusieurs écueils. Tu sais, tous les désavantages, je peux vous les démontrer. Les avantages, c'est pour qui? La chancelière de McGill? Les anciens? Tu sais, on récupère le Golden Square Mile «like the good old days». C'est ça, le plan pour Montréal, le même jour où la mairesse de Montréal annonce l'arrivée d'un commissaire à la langue française, qu'on va créer une enclave à Montréal où ça va se passer en anglais essentiellement? Ça ne marche pas, ça, M. le Président.

Moi, je sais que l'enjeu de la langue, ce n'est pas gagné d'avance, et, si on perd Montréal, comme le disait Pierre Bourgault, on perd tout. Et je vous sais sensible à l'enjeu de la langue française depuis le temps que je vous suis, du Mouton noir jusqu'à aujourd'hui. La langue, c'est quelque chose d'important parce que ça conditionne beaucoup de choses. C'est la culture, c'est cette originalité, mais en même temps c'est stratégique, la langue, c'est démographique, c'est politique. Si on n'occupe pas l'île de Montréal avec la langue, bien, l'anglais est présent.

Et d'ailleurs, avec les transferts linguistiques qui ne se font pas suffisamment, malheureusement, encore trop de nouveaux arrivants à Montréal vont se tourner vers l'anglais tôt ou tard. Alors, c'est compliqué, c'est difficile. Alors, la moindre des choses qu'on peut faire, comme gouvernement, comme Assemblée nationale, c'est d'envoyer les bons signaux. Alors, si je suis un nouvel arrivant, étudiant universitaire qui arrive à Montréal cette année et que je suis les débats de l'Assemblée nationale, je me dis : Il y a plein d'universités, il y a l'UQAM qui est près de chez moi, qui est l'université francophone où je vais, j'ai un programme qui m'intéresse, je vais être là pour trois ans, puis je sais qu'il y en a d'autres, j'ai des amis qui sont dans d'autres universités... Et là j'apprends que, bon, à l'UQAM, c'est compliqué, il y a des enjeux de financement, il y a des projets de développement qui sont sur la glace, qu'on aimerait faire depuis longtemps. Je connais très bien l'UQAM, M. le Président, j'y ai étudié, j'y ai travaillé aussi. Bon, il n'y a pas tant d'argent que ça, je peux comprendre, mais là McGill, ils vont bien, presque Ivy League, ils vont recevoir un don de 700 millions. Ça vaut 700 millions. Mais pourquoi on ferait ça? Pourquoi ce ne seraient pas celles qui en ont le plus besoin présentement, comme cette chère UQAM ou l'Université de Montréal? C'est ça qui ne me rentre pas dans la tête. C'est ça que le gouvernement va faire avec le Parti libéral du Québec.

C'est dommage. Bien, plus que ça, moi, ça me fâche, et je vais résister, moi, M. le Président. Je vais le redire à chaque fois, que c'est un non-sens qu'on en soit rendus là. Puis, en fin de session, j'apprends ça ce matin, mon équipe, ils sont derrière moi ici, qui me disent : Bien, il faut se préparer pour ça, c'est là, sans avertissement, il n'y aura pas de débat au bleu, il n'y aura pas de point de presse là-dessus. Je n'ai pas entendu ni la présidente du Conseil du trésor, ni la ministre de l'Enseignement supérieur, ni le ministre de la Santé convoquer la presse pour dire : On fait quelque chose de majeur, on va donner le Royal Victoria, des terrains puis une partie du mont Royal à McGill, puis ça se fait bientôt, là, vous devriez suivre ça. Pantoute. En dessous du radar.

Bien, ce n'est pas rien. Comme parlementaire, je me sens bousculé par ça et je sens que je suis la seule voix de toute cette commission qui va parler pour ceux qui ont envie de parler là-dessus, puis d'échanger, puis de proposer une vision moderne, puis préserver le patrimoine. C'est autant des francophones que des anglophones, M. le Président, des deux côtés. Il n'y a pas de solitude là-dessus. Les amants du patrimoine, là, des francophones, des anglophones... La montagne est importante, puis l'urbanisme, puis l'aménagement, là, sensé du centre-ville de Montréal. Puis là on arrive avec un projet digne de l'époque coloniale, où on va céder des actifs importants à la puissante Université McGill. Moi, je ne peux pas accepter ça, puis ma formation politique n'acceptera pas ça non plus.

Combien me reste-t-il de temps, M. le Président?

• (21 h 20) •

Le Président (M. Simard) : 2 min 12 s.

M. Bérubé : 2 min 12 s. En conclusion, ça fait longtemps que je suis ce dossier-là parce que je connais bien McGill, et je connais bien le réseau universitaire, et je sais très bien qu'il y a eu un moment donné où McGill est passée en avance sur sa capacité de proposer des projets. Tantôt, ce n'est pas pour rien que je posais la question sur qui approchait qui. Bon, j'ai peut-être mal compris, mais je comprends que c'est le réseau de la santé qui avait un excédent, qui avait un bâtiment excédentaire puis qui a fait une offre. Il a pris le premier qui était à côté puis il a dit : C'est McGill. Un fou dans une poche, comme on dit, McGill a accepté. Ça, ça serait intéressant, pour le bénéfice des parlementaires, de savoir qui a approché qui, hein, au bal, c'est qui qui est allé voir qui, parce que ça change l'histoire pas mal.

Si le ministère de la Santé a dit : J'ai des bâtiments excédentaires puis j'en parle à un groupe, McGill, bien, McGill, il regarde ça puis dit : Bien, certain, que ça m'intéresse... J'aimerais ça savoir s'ils en ont parlé à l'UQAM. Y a-tu quelqu'un qui peut me dire ça? Je vois les collaborateurs de la ministre. Je vois son directeur de cabinet. Il y a quelqu'un qui a l'information en quelque part. Moi, j'aimerais ça le savoir. Peut-être que l'UQAM se l'est fait proposer puis ils ont dit : Ça ne nous intéresse pas. J'aimerais ça le vérifier juste pour être sûr. Même affaire avec l'Université de Montréal, encore plus proche.

Ça, c'est des informations qui sont pertinentes pour légiférer, pas passer un projet de loi rapidement, là, espérer, là, passer un projet de loi rapidement pour une telle incidence, là. Ça va nous survivre, ça, ce don-là à McGill, là. Ça va être là bien après nous. Moi, je ne veux pas participer à ça. Moi, je ne veux pas voter pour ça. Je veux voter contre ça et je sens que je vais porter la voix de pas mal de monde, pas mal d'organismes, pas mal de citoyens. Puis ça va être encore pire quand les gens vont découvrir c'est quoi.

Alors, il n'est pas trop tard pour ne pas être associé à ça. Le Parti libéral y tient, manifestement. Ils se sont essayés en 2018, ils reviennent. La CAQ, je ne sais pas d'où ça vient. Je ne sais pas ce qu'ils cherchent à prouver à McGill ou à la communauté anglophone, mais je leur dis : Reculez, ne soyez pas là.

Le Président (M. Simard) : Merci. Merci à vous, cher collègue. Je cède maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis. Souhaitez-vous intervenir à ce stade-ci?

Mme Maccarone : Non. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Pas de commentaire. Mme la ministre?

Mme LeBel : Non. Merci.

Le Président (M. Simard) : Pas de commentaire. Y aurait-il d'autres remarques que quelqu'un souhaite formuler sur cette motion?

Mise aux voix

Sans quoi nous allons procéder à la mise aux voix. Mme la secrétaire.

La Secrétaire : Oui. M. Bérubé (Matane-Matapédia)?

M. Bérubé : Pour.

La Secrétaire : Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis)?

Mme Maccarone : Contre.

La Secrétaire : Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?

Mme Foster : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Arcand (Mont-Royal—Outremont)?

M. Arcand : Contre.

La Secrétaire : M. Simard (Montmorency)?

Le Président (M. Simard) : Abstention. Cette motion est donc rejetée.

M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : M. le Président, si vous le permettez, j'ai une deuxième motion préliminaire.

Le Président (M. Simard) : Tout à fait. Alors, nous allons suspendre momentanément.

(Suspension de la séance à 21 h 24)

(Reprise à 21 h 27)

Le Président (M. Simard) : Bien, chers collègues, nous sommes en mesure de reprendre nos travaux.

Et, au moment de suspendre, le député de Matane-Matapédia nous avisait de son intention de déposer une motion préliminaire. Cher collègue, à vous la parole.

Motion proposant d'entendre M. Frédéric Lacroix

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, je fais motion afin que «la Commission des finances publiques tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 219, Loi concernant un immeuble situé sur la rue University à Montréal, des consultations particulières et qu'à cette fin, elle entende M. Frédéric Lacroix, scientifique et auteur.»

Le Président (M. Simard) : Alors, votre motion se retrouve sur Greffier.

Mémoire déposé

Mais, avant de vous céder la parole, je m'excuse, je dois simplement vous aviser officiellement du dépôt du mémoire qui nous a été soumis par la Coalition Royal Vic tout à l'heure. Voilà, c'est officiellement déposé. Cher collègue, merci.

Motion proposant d'entendre M. Frédéric Lacroix (suite)

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : À la bonne heure.

M. le Président, qui est Frédéric Lacroix? Frédéric Lacroix est un auteur, un homme de science, et il est l'auteur du livre politique de l'année à l'Assemblée nationale du Québec, prix qu'il a reçu il y a quelques semaines — pour l'auteur que vous êtes vous-même, ça va certainement vous intéresser — Pourquoi la loi 101 est un échec. Frédéric Lacroix est une des sommités en matière linguistique au Québec. Il s'est attardé au dossier de McGill, au dossier de Dawson. Et malheureusement, pour le projet de loi n° 96, dans sa mansuétude, le ministre responsable de la Langue française n'a pas cru bon l'inviter. Il a probablement plus important à inviter, mais il n'a pas cru bon l'inviter. D'ailleurs, j'en parlerai dans une autre forme. Donc, Frédéric Lacroix, auteur du livre politique de l'année avec l'Assemblée nationale, a étudié ça, et je vous partage quelques-unes de ses réflexions sur le dossier.

Je cite Frédéric Lacroix : «Dans mon livre Pourquoi la loi 101 est un échec, je démontre que les universités anglophones jouissent d'une surcomplétude institutionnelle d'un facteur trois en faisant le rapport des effectifs étudiants sur le poids démographique. Elles reçoivent environ 3,7 fois plus d'argent globalement qu'il y a d'anglophones (langue maternelle) au Québec.» Ça veut dire quoi? «Ce qui signifie que les universités francophones sont sous-financées relativement au poids démographique des francophones au Québec.

«Quand on fait le rapport entre les fonds d'immobilisation et le poids démographique des anglophones, on constate que les universités anglophones bénéficient de quatre fois plus d'argent relativement au poids démographique des anglophones sur la période 2001‑2020, soit un ratio encore plus élevé que celui calculé pour le revenu global (à 3,7 fois). La part attribuée aux immobilisations pour les universités anglophones (32,3 %) dépasse nettement la part de leur effectif universitaire et aussi la part des revenus globaux que recueillent ces universités. Ces données renforcent la thèse de "l'incomplétude institutionnelle" qui mine les universités de langue française au Québec.»

• (21 h 30) •

Réalité désagréable pour certains : les universités anglophones sont surfinancées, les universités francophones sont sous-financées. Cette réalité est connue du gouvernement, et du gouvernement précédent. Et malgré ça on rajoute 700 milliards de dollars, 700 millions de dollars, dans la corbeille de McGill. Ça, c'est une réalité.

Si j'étais ministre de l'Enseignement supérieur, je peux-tu vous dire que je m'intéresserais à rétablir l'équité entre les réseaux, au même titre que certaines régions, parfois, nous font signe en disant : Dans notre région, en matière de santé, on est sous-financés. C'est le cas de Lanaudière, par exemple, qui, régulièrement, depuis des années, arrive avec ce thème.

Alors, qui va défendre le sous-financement des institutions francophones au Québec? Est-ce que ça va être le Parti libéral du Québec? Est-ce que ça va être la Coalition avenir Québec? Est-ce que ça va être Québec solidaire, que je n'ai pas vu encore? Bien, je peux vous dire que moi, j'en parle ici, nous, on en parle. Si les gens s'intéressent à l'équité dans les réseaux, ils peuvent compter sur le Parti québécois. Puis, manifestement, ça va être les seuls envers qui ils vont pouvoir se tourner parce qu'on est les seuls qui en parlent et que ça semble intéresser.

Mais ce n'est pas fini sur McGill. Je cite Frédéric Lacroix, encore, il est intéressant : «Avec 19 % du total en 2020, McGill touche la part la plus importante des sommes en immobilisation de toutes les universités au Québec — c'est les champions. L'Université de Montréal [...] recueille 16,3 % [puis] Laval 16,9 %. Les sommes affectées aux immobilisations reflètent bien le rang des universités dans l'écosystème universitaire à Montréal : McGill d'abord, l'Université de Montréal, Concordia [puis, bien après,] l'UQAM. À Montréal, McGill est l'université hégémonique qui est en train, comme un trou noir, de "satelliser" et d'aspirer les autres universités dans son orbite. L'Université de Montréal, par exemple, a maintenant un recteur issu du sérail de McGill. [Ce] n'est pas anodin.

«[...]On constate [...] que les fonds d'immobilisations investis dans les universités francophones et anglophones de Montréal sont à quasi-égalité sur toute la période 2001-2020. Cela est tout de même étonnant étant donné qu'en 2001, 38 % de l'effectif universitaire seulement était inscrit dans les universités anglophones [de] l'île de Montréal (39,5 % en 2019). Pour les anglophones, la moitié des fonds d'immobilisations est attribuée à seulement 39,5 % des effectifs.

«[...]Au Québec, les universités anglophones bénéficient d'un net avantage (d'un facteur quatre — je l'ai dit tout à l'heure — en proportion au poids démographique) pour ce qui est des fonds d'immobilisations investis par le gouvernement du Québec. Sur l'île de Montréal, un étudiant "pondéré" qui étudie en anglais bénéficie de 56 % de plus de fonds d'immobilisations qu'un étudiant qui étudie en français.

«Un tel écart laisse songeur : pour reprendre une terminologie à la mode, serions-nous en présence d'une discrimination "systémique" envers les universités de langue française au Québec? Les juristes qui traitent de discrimination concluent à l'existence d'une telle chose dès lors que des effets indirects, même involontaires, entraînent une différence de traitement constante et incapacitante sur la base d'une distinction comme la langue. Ce qui semble [...] le cas ici.»

Les institutions francophones d'enseignement supérieur sont victimes de discrimination, et ça n'a pas l'air parti pour que les deux autres partis qui sont présents avec moi dénoncent ça à soir.

«Cette iniquité de répartition des fonds s'ajoute aux iniquités d'attribution des fonds de recherche qui favorisent aussi les universités anglophones ainsi qu'à la politique de déréglementation des droits de scolarité pour les étudiants internationaux, qui bénéficie presque exclusivement aux universités anglaises. Celles-ci récoltaient 65 % des fonds versés par les étudiants internationaux, en 2018-2019, soit 68,6 millions pour Concordia et 89 millions pour McGill...» Combien à l'Université de Montréal? J'ai dit 68,6 à Concordia, 89 millions à McGill, 13 millions à l'Université de Montréal.

«McGill, l'aristocrate de notre réseau universitaire, récolte la somme la plus importante en investissements d'immobilisations de tout le réseau, et ce, depuis au moins 20 ans (les données antérieures n'étant pas accessibles). McGill [c'est] 68,6 % plus d'argent [...] pondéré que sa plus proche concurrente, l'Université de Montréal.

«Voilà le contexte dans lequel il faut analyser le don que le gouvernement du Québec s'apprête à faire de l'ancien Hôpital Royal Victoria à McGill, un projet gargantuesque qui augmenterait de façon très importante la surface et les étudiants à temps plein reconnus à McGill (ce qui augmentera ensuite de façon permanente les investissements en immobilisations — ensuite, ça suit le financement — pour McGill, la propulsant encore plus haut dans le classement). Le gouvernement du Québec s'apprête à consolider la position dominante de l'université la plus riche au Québec.

«Rappelons que McGill dispose annuellement de revenus de quelque 1,44 milliard de dollars (dont 236 millions [...] d'Ottawa et 365 millions provenant des frais de scolarité), possède 1,7 milliard de dollars dans sa fondation, et des biens évalués à 4,9 milliards de dollars. Alors que l'Université du Québec dépend à 90 % des fonds versés par le gouvernement et les étudiants du Québec, moins de la moitié du budget de McGill est dépendant de ces deux sources de revenus. McGill est [devenu un] empire financier.

«McGill est également un important propriétaire foncier; [...]730 000 mètres carrés d'espaces dont 613 000 mètres carrés reconnus par le ministère de [l'Enseignement supérieur]. Même si McGill n'accueille pas le plus important effectif étudiant, elle est l'université possédant le plus vaste campus au Québec», et on a envie de l'augmenter. Ce qui a fait dire à Frédéric Lacroix dans un ouvrage : «Québec préfère les universités anglaises.»

Et là je peux vous parler du revenu global des universités. Vous me dites quand il... il me reste moins de temps, mais je commence : «Les universités québécoises tirent des revenus de plusieurs sources. Par ordre d'importance, il s'agit, en moyenne et pour l'ensemble du réseau : un, du gouvernement québécois (49,9 % des revenus totaux), deux, d'Ottawa (20,9 %), trois, de droits de scolarité payés par les étudiants québécois, canadiens et internationaux (16,4 %), et, quatre, d'autres sources — comme par exemple dons, fondations, secteur privé — (12,9 %).

«Les subventions versées par le gouvernement du Québec sont majoritairement normées selon certains critères objectifs (surfaces d'enseignement en mètres carrés, personnel, effectif étudiant) et devraient donc être équitablement distribuées entre chaque institution. [...]cela n'est [cependant] pas le cas pour les autres sources de revenus des universités. Ottawa, par exemple, investit dans les universités surtout par le biais de subventions de recherche attribuées par concours. Ce mécanisme d'attribution a tendance à favoriser les institutions qui ont déjà obtenu des subventions "d'excellence" par le passé — il s'agit d'un cercle vertueux pour ces universités, et vicieux pour les autres. On notera, par exemple, que McGill University, à elle seule, obtient le tiers des fonds versés au Québec par Ottawa, sous prétexte de "l'excellence" de ses demandes et de ses chercheurs.» Mais qu'est-ce que cette "excellence"? Bien, «McGill, la première université fondée au Québec, a toujours bénéficié de l'appui de l'élite financière anglophone». Le gouverneur anglais du Québec a fait don à McGill, «à sa naissance, comme une bonne fée, de généreux capitaux de départ puisés à même les biens confisqués aux Sulpiciens et aux Jésuites — en plus du capital légué par James McGill, riche marchand écossais esclavagiste. Son "excellence" est due — en bonne partie — à sa richesse, richesse due à une iniquité historique, iniquité due à la Conquête anglaise, injustice jamais redressée ou corrigée.»

Alors, ça, c'est l'histoire du Québec, M. le Président. C'est ça, l'histoire de McGill. McGill, là, ce n'était pas un chercheur ou un intellectuel, c'était un riche marchand, esclavagiste en plus. Une université qui, à bien des égards, n'a pas de leçons à donner, mais a fait de l'argent avec ses fondations, et tout ça, et réussit très bien. Puis c'est une grande université, l'enjeu n'est pas là. Notre rôle, ce n'est pas de n'en supporter qu'une, c'est de les supporter toutes également, de toutes les supporter, dans les régions du Québec, dans leur diversité, dans leurs missions.

Et, quand on fait ça, on a beau dire : Bien, McGill, c'est un joyau qui mérite d'être financé, mais vous dites quoi aux autres? Combien de personnes dans cette salle sont diplômées de l'Université Laval, ou de l'UQAM, ou de l'Université de Sherbrooke? Plusieurs. Est-ce que ces universités ont le droit à ce traitement? La réponse, c'est non. Mais, si vous gagnez la loterie, que vous êtes allé à McGill dans les dernières années, ou que vos enfants puissent y aller, bien, ils ont un avantage sur les autres jeunes, les autres étudiants, et ça, ce n'est pas acceptable.

Alors, je vous ai prouvé qu'en termes de parc immobilier, en termes de mètres carrés de campus, en termes de fondations, de revenus, de capacité d'aller chercher des soutiens internationaux, dans tous les cas McGill est premier. Et on choisit et on retiendra de ce projet de loi que le Parti libéral, qui propose pour une deuxième fois un projet de loi privé, et la Coalition avenir Québec qui dit : O.K., mais nous, on va faire plus, on va même l'accélérer... Bien, c'est ça qu'ils font. Avec tout ce que je dis là, c'est sûr que ça s'est rendu à eux, mais ils veulent quand même le faire. Qui qui les a convaincus et pourquoi? Qui a une telle influence sur le gouvernement national des Québécois et Québécoises? Il y a quelqu'un à quelque part qui a l'oreille des premiers ministres. Je ne sais pas c'est qui, mais je connais l'impact. Ça me sidère.

Des fois, je pense au recteur de l'Université du Québec à Rimouski, qui vient d'arriver, le nouveau, puis j'ai envie de lui dire : Il faudrait trouver une façon, là, de se faire entendre comme McGill, je vais donner un coup de main avec d'autres, tu sais, des anciens diplômés, essayer quelque chose, tu sais. L'enjeu est trop important, l'enjeu est trop important. Puis le Québec, ça ne peut pas juste être McGill comme université, ça prend de l'équité. C'est l'argent durement gagné des Québécois, et des Québécoises, et puis des étudiants qui travaillent pour payer leurs frais de scolarité, des gens qui ont économisé, pour qui c'est important. Mais il ne peut pas y en avoir juste pour McGill. C'est une erreur d'avoir proposé à McGill.

• (21 h 40) •

Puis évidemment que l'université est intéressée, je ne la blâme pas. Si mon message se rend dans le Montreal Gazette, ou dans le Suburban, ou dans Le Délit français, qu'on me cite correctement. Je suis plus qu'étonné, je suis scandalisé que deux gouvernements successifs disent exactement la même chose sur un même enjeu, surtout que le précédent n'est plus là parce que l'autre l'a remplacé, et celui qui l'a remplacé a réussi à le remplacer en disant qu'il ne serait pas comme le précédent. Bien, pas dans ce domaine-là, M. le Président.

Pour ce qui est de l'enseignement supérieur, la même chose, continuité, il n'y a personne qui va être perdu dans le dossier. Résumé des épisodes précédents : un gouvernement voulait faire un cadeau énorme à McGill. Épisode suivant : il est raccord avec le premier, ils vont procéder puis ils vont même l'accélérer pour passer à autre chose. Je crains l'autre chose, qu'est-ce qu'il va y avoir après. Ils font la même chose avec Dawson.

Le malaise, M. le Président, quand je parle de ça au ministre responsable de la Langue, du genre : Tu le sais bien, que je suis d'accord avec vous autres, mais le reste de mon groupe, il ne veut pas. Il me l'a déjà dit, puis moi, je me fais un plaisir de le rappeler, c'est la vérité. J'aurais aimé ça qu'il ne soit pas le seul nationaliste à la CAQ à plaider ça. Puis, bon Dieu, j'aimerais ça que les gens... Les gens qui ont quitté ma formation politique pour aller à la CAQ, j'en connais, j'en vois même un devant moi là-bas, j'aurais aimé ça qu'ils amènent avec eux cette force d'influence, j'aimerais ça que ça paraisse. Je me réjouis, moi, pour le Québec, quand on avance au plan nationaliste. Mais ceux qui décident, manifestement, ce n'est pas quelque chose qui est considéré.

Ce n'est pas nationaliste, faire ce qu'on fait là aujourd'hui, là, pas du tout. Au contraire, c'est une capitulation très claire à l'égard de McGill, qui est la seule bénéficiaire de ça. Ça ne me rend pas fier, ça ne me rend pas fier du tout. Puis jamais on ne pourra se faire faire des leçons de nationalisme après avoir voté ce projet de loi là. Moi, je vais le garder dans ma poche, je pense, je vais le sortir au besoin : Quand ça compte, là, quand il y a de la grosse argent d'impliquée puis il y a des décisions qui ont un impact sur des décennies, là, bien, le gouvernement était présent puis il était là au projet de loi en juin 2021, un mercredi soir, jusqu'à 22 h 30.

Ça n'a pas d'allure. Moi, j'aimerais ça qu'après, là, quand on va avoir fini, ce soir, là, les formations politiques qui sont en faveur retournent voir leur groupe puis disent : Non, non, ça ne marche pas, comme gestionnaires, on ne prend pas la bonne décision, comme parlementaires, on ne prend pas la bonne décision, on n'a pas le souci du bien commun quand on fait ça, on n'a pas le souci de s'assurer de l'équité. Qu'est-ce qu'on va dire aux autres universités? Qu'est-ce qu'on va dire à l'Université de Montréal puis à l'UQAM? On va vous trouver un autre terrain à quelque part puis on va vous le vendre? Bien non, on ne leur dira pas ça. Il y en a pour McGill seulement.

Moi, je suis... j'aimerais ça que ces signaux-là se rendent au caucus de la CAQ. Je sais certainement qu'il y a des gens qui pensent comme moi qu'il va falloir commencer par bien financer tous nos petits cégeps en région, qui sont fantastiques, qui font des belles choses, qui n'ont pas beaucoup de moyens, mais qui ont de la créativité. C'est un beau réseau, le réseau collégial du Québec puis le réseau des universités du Québec aussi, en Abitibi-Témiscamingue, au Lac-Saint-Jean, au Bas-Saint-Laurent, c'est un beau réseau, ça mérite d'être encouragé. Mais c'est décourageant pour les administrateurs de voir ça : encore McGill. Ce n'est pas juste une classe d'université, là, il faut aider tout le monde. Moi, ça me fait de la peine, même, ça, pour les autres universités.

Ça me fait penser, une fois, j'avais visité une école qui a eu vraiment, là, énormément de moyens, ils avaient 10 millions pour à peu près 100 quelques élèves dans mon comté. Je l'avais visitée, puis j'étais heureux pour les enfants puis triste en même temps, parce que je savais que les autres enfants des autres écoles allaient finir par découvrir cette école-là, ils n'auraient pas accès aux mêmes choses que cette école-là. Alors, j'étais heureux pour ces enfants-là, mais triste pour les autres. Puis je n'ai jamais eu d'école qui ressemble à celle que j'ai vue.

Les étudiants universitaires, pour qui la valeur du diplôme a de l'importance... Finalement, c'est le diplôme, qui, au bout du compte, a une valeur. Bien, la valeur de McGill va augmenter, puis celle des autres universités ne va pas augmenter. Mais on peut faire différemment. Vous pouvez décider qu'on ne fait pas ça. On peut faire d'autres choses à Montréal, on peut faire du logement social. Ça, c'est bon, même pour des étudiants universitaires. La créativité au plan écologique, au plan de l'urbanisme, au plan du design... Les étudiants de McGill sont fantastiques, ils sont créatifs, ils font des choses, là, incroyables. Donnez-leur, là, un an, là, pour étudier ce terrain-là puis ces bâtiments-là, là, vous allez voir qu'ils vont arriver avec quelque chose, là, qui va faire la fierté du Québec et du monde aussi.

Donnons-nous du temps, il n'y a rien qui presse, là. Y a-tu quelqu'un qui veut construire un centre d'achats là? Quelqu'un qui veut passer une route là? Y a-tu quelqu'un qui veut monter un «outlet» sur le campus de McGill? Je ne pense pas, moi. Bien, pourquoi ça presse comme ça? Pourquoi ça pressait avant la fin de la législature précédente puis là ça presse là, là? Ils ne nous ont pas parlé de l'urgence.

Puis ceux qui plaident ça, là, les vrais, là, ceux qui sont derrière ça, probablement qu'ils nous écoutent ou qu'ils ne nous écoutent même pas puis qu'ils sont convaincus que ça va passer, bien, aïe! on a un deal, là, les libéraux sont pour, la CAQ est pour, on est corrects. PQ, on sait bien... Mais la CAQ, on est surpris, on ne pensait pas... on pensait qu'ils étaient nationalistes un peu. Ah! ils sont avec nous autres aussi? Correct. C'est étonnant, c'est étonnant. J'ai pris beaucoup de notes, depuis tantôt, là, de ça.

Combien me reste-t-il de minutes, M. le Président?

Le Président (M. Simard) : 11 min 45 s.

M. Bérubé : J'ai discuté de cette question-là avec mes collègues, dont certains ont les mêmes enjeux au plan collégiaux, au plan du financement. J'ai parlé du cégep de Matane, on a parlé du cégep de Baie-Comeau, mon cousin s'occupe des finances. On a parlé de plusieurs cégeps où j'ai des amis qui sont administrateurs. Le D.G. du cégep de Chicoutimi est un ami, celui qui était à Victoriaville aussi, et ils me parlent de l'état des finances. Ils ne savent pas comment ils vont pouvoir maintenir leurs collèges pour l'avenir, ça va être compliqué. Il n'y a pas énormément de monde puis il y a de la concurrence. Il y a même le privé qui est autorisé, de plus en plus, à donner des formations courtes. Ce n'est pas évident.

Au Québec, on a construit des universités, beaucoup avec le monde religieux, l'Université de Montréal, l'Université Laval, l'Université de Sherbrooke, une université à charte, mais on s'est aussi donné, sous le premier ministre Daniel Johnson père, le réseau de l'Université du Québec pour démocratiser l'accès partout sur le territoire. Et à un moment donné j'avais entendu un député qui voulait se faire élire chef de sa formation politique qui disait qu'il devrait y avoir deux réseaux, il devrait y avoir le premier réseau, là, des universités à charte, puis ceux qui font la formation de base, là, le réseau UQ. Ça m'avait tellement choqué quand il avait dit ça. Il n'avait pas été choisi chef de son parti. Ce n'est pas dans mon parti, c'était dans un autre. Et il avait séparé ça comme ça, lui. J'avais trouvé ça épouvantable.

Un étudiant universitaire, là, qu'il soit à McGill ou qu'il soit à Rimouski, s'engage autant. Il est fier d'aller dans ses cours, puis il y a des renoncements qu'il doit faire, puis il met de l'effort, puis il vit les fins de session comme les autres, puis il espère que son diplôme va lui permettre de réaliser ses ambitions comme étudiant. Mais là je crains que, quand on va se comparer, on va lever le nez sur d'autres diplômes, on va dire : Bien, tu aurais bien dû aller à McGill, tu sais, ou tu avais juste à parler anglais.

Ça, c'est une autre affaire. Ça, on en reparlera, du projet de loi sur la langue, éventuellement, ce que ça veut dire, l'abdication de l'enjeu linguistique, qu'on en est rendus à penser que, pour sauver l'avenir du Québec, pour l'avenir de la langue, ça prend, là, une astuce, là, qu'on va placer dans la Constitution, tellement épeurante et tellement contraignante que le Parti libéral du Québec, Justin Trudeau puis Stéphane Dion seront en faveur. Ça doit être terriblement, là, engageant comme astuce.

Ça ne vaut rien, M. le Président. Moi, je crois aux gestes. Tu as de l'argent? Ça parle, ça. Où tu la mets? Tu la mets-tu aux plus riches ou tu la mets à ceux qui en ont besoin pour se développer? Ça, ça parle. Une loi, ça parle. Un plan costaud, il est costaud à partir du moment où les autres trouvent qu'il est costaud. On l'a sondé cette semaine, il n'est pas très costaud, c'est service minimum. C'est gênant. Le ministre le premier, il trouve ça gênant. Parlez avec, il va vous le dire, puis il est dans votre caucus, là, il va vous en dire bien plus à vous qu'à moi. C'est ça, la réalité.

Puis là il se joue des gros enjeux, présentement, au Québec. L'enjeu de la langue en est un. L'enjeu de McGill, c'en est un majeur. L'enjeu du transport, aussi. Comment on va desservir Montréal, il y a des enjeux importants qui sont liés avec ça : la ligne bleue, le REM, le SRB Pie-IX, tout ça. Tout ça est politique, et l'idée, c'est : Desservir qui en priorité? C'est ça, l'enjeu.

Alors, moi, comme parlementaire, je vais toujours contribuer à adopter les meilleures pièces législatives possible, même si le projet de loi est voté, puis je ne suis pas en accord. Mais je veux avoir dit tout ce qui est nécessaire avant qu'on prenne une décision et je crois parfois au miracle que ça peut faire changer d'idée des partis qui ont décidé peut-être en caucus, ou que quelqu'un en haut a dit : Bien, c'est ça qu'on va faire.

Donc, c'est pour ça que je vous ai lu Frédéric Lacroix. J'ai bien plus long que ça de ce qu'il a dit là-dessus. C'est de valeur qu'on n'ait pas pu l'entendre ici. C'est de valeur qu'il n'est même pas invité, même pas invité à aller parler sur le projet de loi n° 96. Il n'est pas assez important, lui. Il a remporté le Prix du livre politique, mais ça ne vaut rien parce qu'il est critique parfois sur le gouvernement, puis semblerait-il que ça, ce n'est pas acceptable. Dommage.

• (21 h 50) •

Il y en a d'autres, personnes, qui vont dire qu'ils ne sont pas d'accord avec le projet de loi du gouvernement. Tu sais, quand le premier ministre nous dit que, si on fait la promotion du cégep en français, qui est une mesure essentielle parmi d'autres, puis qu'on est des extrémistes — c'est les mots du premier ministre — puis qu'on découvre dans un sondage qu'il y a une majorité de francophones qui sont en faveur de la motion, ça fait de l'extrémisme, ça, M. le Président. Est-ce que le ministre responsable de la Langue aura le courage de dire au grand Guy Rocher, qui est un nonagénaire et qui était là avec le grand Dr Camille Laurin lorsque la loi 101 a été écrite et adoptée... de lui dire : M. Rocher, j'ai lu sur vous, vous êtes un homme qui m'inspire, mais le premier ministre pense que vous êtes un extrémiste, et j'ai l'impression qu'il va falloir que je pense comme ça aussi? Je n'ai pas hâte de voir ce moment-là, M. le Président. Moi, je veux le regarder, Guy Rocher, puis je veux dire : Quand tu as Guy Rocher dans ton camp et que tu as la jeunesse qui est en faveur de la mesure, tu es en bonne compagnie.

Et, sur le dossier de la langue, parce que ça fait partie du dossier de la langue, fiez-vous, M. le Président, à des gens qui ont toujours... pour qui ça a toujours été un enjeu fondamental, qui n'ont pas commencé à penser à ça avant une élection, qui n'en font pas un enjeu électoral, un enjeu qui les habite pour vrai, qui est à la base de leur engagement politique, qui les fait, là, frémir, cet enjeu-là, tellement il est important, celui de la promotion de la langue, celui de la défense de la langue française, et ça, c'est nous.

Vous savez, j'ai tout entendu sur ma formation politique. Il y a une chose qu'on a, on a beaucoup de coeur, M. le Président, puis on a des convictions inébranlables. Puis on a encore beaucoup de monde qui ont de l'affection, puis qui ont du respect pour nous, et qui savent que, dans le domaine de la langue, on a une certaine expertise puis on les mène, les combats. Puis il y a des gens qui ne nous aimeront pas. Pensez-vous que le Dr Laurin, quand il a fait adopter la loi 101, ça a été facile? Il s'est fait traiter de tous les mots possibles, il a même déjà été frappé devant l'Assemblée nationale, Dr Laurin. Ce n'était pas unanime, à l'Assemblée nationale. Maintenant, tous les partis se réclament de la loi 101, une grande loi canadienne, même, semblerait-il, selon Stéphane Dion et Justin Trudeau. En 1977, l'opposition officielle a voté contre la loi 101, contre la loi 101, imaginez. Bien, on l'a fait.

Puis, quand, en 2012, j'ai eu l'immense privilège d'être nommé au Conseil des ministres et que la première ministre Mme Marois a proposé le projet de loi n° 14, avec la ministre Diane De Courcy, un projet de loi pour améliorer la loi 101, bien, je pensais que c'était là, le moment. Bien, les deux formations politiques, ce soir, qui appuient le don de 700 millions de dollars à McGill étaient contre notre projet de loi pour améliorer la loi 101. C'est les deux mêmes formations politiques qui étaient contre notre projet de charte et qui pouvaient se dire, après, dans le cas d'une : Nous, on va être capables de le faire — oui, ils sont majoritaires, c'est ça, la différence — mais avec bien moins d'intensité ou bien moins de cohérence. Toujours mieux de se fier à l'original, M. le Président, c'est de meilleure qualité puis c'est plus durable. Alors, sur l'enjeu du français, on est en plein dedans.

Le signal qu'on envoie de prestige puis de la langue anglaise à l'Université McGill, c'est épouvantable. Je ne sais pas qui a eu l'idée, mais ce n'était pas une bonne idée. J'aimerais savoir c'est qui. J'aimerais savoir s'il est toujours dans l'orbite du premier ministre. Comment on a pu convaincre une telle affaire dans un projet de loi privé où le titre est un affront même de notre démocratie : Loi concernant un immeuble situé sur la rue University à Montréal? Je suis franchement déçu qu'une telle pièce législative nous soit présentée, et qu'elle survive dans nos annales, et qu'elle va permettre à des gens qui attendent juste ça, de dire : Enfin, on a le Royal Vic, on a un terrain. C'est une grosse game de Monopoly où le banquier puis l'acheteur, c'est la même personne. Voilà, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, cher collègue. Y aurait-il d'autres interventions. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis?

Mme Maccarone : Non, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Simard) : Pas d'autres... Mme la ministre.

Mme Sonia LeBel

Mme LeBel : Oui. Peut-être juste recadrer quelques petites choses, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Je vous en prie.

Mme LeBel : Je pense que c'est important de préciser, pour les gens qui nous écoutent, que le projet de loi ne cède rien à personne. Le projet de loi vient lever les restrictions d'usage, qui étaient très précises, qui avaient été faites dans le cadre de la donation. Et le projet de loi permettra donc de pouvoir valoriser des installations patrimoniales de ce site-là, qui ne cessent de se détériorer depuis qu'on a cessé de les utiliser. Je pense que c'est important de le dire, le projet de loi actuel ne cède rien à personne, il vient lever les restrictions d'usage.

Ceci étant dit, sur la motion pour consultations particulières, je n'ai pas d'autre commentaire.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Y aurait-il d'autres remarques? En fait, M. le député de...

M. Pierre Arcand

M. Arcand : ...simplement pour rappeler... parce que, depuis maintenant près de deux heures, on entend le député de Matane expliquer que les universités francophones n'ont rien. Or, moi, je viens d'un comté, qui est Mont-Royal—Outremont, dans lequel il y a un campus absolument fabuleux de l'Université de Montréal, sur des anciens terrains, entre autres, qui s'appelle le campus MIL, et vous avez là un complexe des sciences à l'avant-garde et qui avait été initié par notre gouvernement, à l'époque, et c'est une contribution, évidemment, majeure et une expansion formidable de l'Université de Montréal. Voilà. Merci.

Mise aux voix

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. Alors, Mme la secrétaire, pour la mise aux voix, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Oui. M. Bérubé (Matane-Matapédia)?

M. Bérubé : Pour.

La Secrétaire : Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis)?

Mme Maccarone : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Arcand (Mont-Royal—Outremont)?

M. Arcand : Contre.

La Secrétaire : Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?

Mme Foster : Contre.

La Secrétaire : Et M. Simard (Montmorency)?

Le Président (M. Simard) : Abstention. Cette motion est donc refusée. Y aurait-il d'autres motions préliminaires? M. le député de Matane-Matapédia.

Motion proposant d'entendre M. André Sirois

M. Bérubé : M. le Président, conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, je fais motion afin que «la Commission des finances publiques tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 219, Loi concernant un immeuble situé sur la rue University à Montréal, des consultations particulières et qu'à cette fin, elle entende Me André Sirois, avocat auprès des Nations unies.»

Le Président (M. Simard) : Très bien. Nous allons suspendre momentanément, le temps d'acheminer le tout au secrétariat.

(Suspension de la séance à 21 h 58)

(Reprise à 22 h 05)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous sommes en mesure de reprendre nos travaux.

La motion est maintenant acheminée sur le site Greffier. La parole appartient maintenant au député de Matane-Matapédia.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : À la bonne heure, M. le Président.

Conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, je fais motion afin que la Commission des finances publiques tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 219, Loi concernant un immeuble situé sur la rue University à Montréal, des consultations particulières et qu'à cette fin elle n'entende nul autre que Me André Sirois, avocat auprès des Nations unies.

Le Président (M. Simard) : ...

M. Bérubé : Juste avant, vous me permettrez de répondre à une affirmation que la ministre, la présidente du Conseil du trésor, a eue tout à l'heure en indiquant que ce n'était pas tout à fait ce que je disais. En fait, on fait sauter les verrous, mais après ça permet de céder. C'est juste une question d'ordre. Donc, c'est la première démarche, puis après ça va être possible de céder. On revient au même point que je disais.

Alors, Me Sirois, qui est un éminent juriste, nous a transmis une traduction de l'acte de servitude initial. Ça, ça va éclairer toute la commission. Alors, je l'ai en anglais. Je ne suis pas tellement bon pour lire en anglais. Je vais vous le lire en français, mais je pourrais fournir à la commission le texte exact en anglais. Alors, la traduction de Me Sirois, ça, c'est traduction de l'acte de servitude initial

J'ouvre les guillemets : «Et, comme il est stipulé dans ledit bail que celui-ci deviendra nul et non avenu si l'Hôpital Royal Victoria omet d'y ériger et d'y maintenir en bon état les bâtiments nécessaires et utiles pour un hôpital ou si des bâtiments qui doivent être érigés sur ledit lot servent à d'autres fins que celle d'hôpital pour les malades et les souffrants de toutes les croyances et origines, la ville de Montréal reprendra possession de la propriété décrite ci-dessous.» C'est ce que je croyais qui se passerait, mais ce n'est pas le cas. En tout cas, la ville de Montréal ne semble pas trop impliquée là-dedans, là. Ça se passe avec l'Assemblée nationale, c'est particulier.

Donc, selon Me Sirois, cela veut dire que, un, la donation concerne les terrains, et ceux-ci restent propriété de la ville de Montréal, qui les loue par bail emphytéotique; deux, si l'hôpital ne construit pas de bâtiment sur ces terrains ou si les bâtiments qui auront été construits sur ces terrains ne servent plus d'hôpital, la ville de Montréal reprend possession de ces terrains. J'ajouterai que la ville de Montréal pourrait ensuite décider de donner ces terrains au gouvernement du Québec, mais les bons avocats de la ville de Montréal devraient alors mettre une nouvelle servitude stipulant que, si le gouvernement du Québec ne les veut plus, il n'en a plus besoin, il devra les retourner à la ville de Montréal. André Sirois, avocat.

Je ne sais pas pourquoi la ville de Montréal n'est pas plus engagée dans ce débat. Peut-être qu'un expert présent ici, à travers mon temps, pourrait me l'expliquer sur mon temps de 30 minutes, peut-être vous, Mme la présidente?

Mme LeBel : Parce qu'il y a eu un projet de loi...

Le Président (M. Simard) : Non, s'il vous plaît! Non, il n'y a pas de débats qui sont permis à ce stade-ci, M. le député.

Mme LeBel : Ah! sur son temps. J'irai à la fin, à la fin de votre temps.

Le Président (M. Simard) : Non, mais...

M. Bérubé : C'était tentant, elle était là...

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup.

M. Bérubé : Bon, alors, je me parle à moi-même. Je me demande pourquoi la ville de Montréal n'est pas plus présente dans cet enjeu. Donc, la vocation initiale du site ne me semble pas garantie par ce qu'on veut y faire présentement. Il y a une très grande latitude à McGill. Il y a une possibilité d'activités commerciales, de développement immobilier, voire même de spéculation dans un endroit très prisé de Montréal, où chaque mètre carré vaut une fortune. C'est facile à vérifier. Il faut regarder la valeur locative de plusieurs édifices avoisinants, plusieurs transactions qui ont eu lieu, également, autour de cet endroit récemment, dans les dernières années. C'est une mine d'or. Ça vaut beaucoup d'argent, et c'est franchement quelque chose d'important.

Puis aussi, bien, vous avez entendu tantôt le groupe Royal Vic qui parlait de d'autres alternatives. Par exemple, la crise du logement, il y a une opportunité, le communautaire, des initiatives écologiques. Tu sais, eux, ils veulent faire ça puis ils ne savent pas vraiment ce que McGill veut faire. Si la chancelière de McGill était ici, elle pourrait nous présenter c'est quoi, le plan, parce qu'eux, ils s'attendent, au cours des prochains jours, à ce que la loi soit votée, puis là c'est le permis pour faire... Tu sais, je vous ai parlé du rêve tantôt, le rêve de l'université, là, ils le réalisent, eux autres. Ils l'ont eu. Ils ont tiré la capsule puis ils l'ont eu, donc ils vont pouvoir le faire. J'aimerais ça qu'ils nous le précisent davantage. Ça a toujours été flou. En tout cas, ça a toujours été flou, pourquoi le gouvernement appuyait ça, le gouvernement libéral, le gouvernement de la CAQ. Je ne sais pas, de tous les projets au Québec en postsecondaire, c'est lui qui est prioritaire. Ça presse, il ne faut pas trop poser de questions, laissez-les faire. Moi, je me méfie dans ce temps-là, M. le Président, je me méfie. Alors là, je pose des questions, je m'exprime. J'espère que quelqu'un prend des notes. Sinon, ça tend à donner l'impression qu'il n'y a pas trop de chances que ça change.

Donc, c'est ce que je voulais dire, et ça met fin à ma troisième motion, M. le Président. Je vous l'avais dit, qu'elle était plus courte.

• (22 h 10) •

Le Président (M. Simard) : Très bien. Y aurait-il des commentaires? Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci, M. le Président. Je vais céder la parole, avec votre permission, à la ministre. Je crois qu'elle a une intervention à faire.

Le Président (M. Simard) : Merci. Mme la présidente.

Mme LeBel : ...d'information, la ville de Montréal a cédé tous ses droits en 1988 dans un projet de loi n° 224. Donc, ça répond à la question de mon collègue. Je n'ai pas d'autre commentaire sur sa motion.

Le Président (M. Simard) : Très bien. D'autres remarques?

M. Bérubé : ...motion? On va voter avant.

Mise aux voix

Le Président (M. Simard) : Malheureusement, oui, il faut voter, tout à fait. D'autres remarques? Sans quoi nous allons procéder à la mise aux voix. Mme la secrétaire.

La Secrétaire : Oui. M. Bérubé (Matane-Matapédia)?

M. Bérubé : Pour.

La Secrétaire : Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis)?

Mme Maccarone : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Arcand (Mont-Royal—Outremont)?

M. Arcand : Contre.

La Secrétaire : Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?

Mme Foster : Contre.

La Secrétaire : M. Simard (Montmorency)?

Le Président (M. Simard) : Abstention. Cette motion est donc rejetée.

M. le député de Matane, je crois comprendre que vous souhaiteriez déposer une autre motion?

M. Bérubé : Oui, comme le veut notre règlement.

Le Président (M. Simard) : Alors, nous allons suspendre momentanément nos travaux.

(Suspension de la séance à 22 h 11)

(Reprise à 22 h 13)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, merci à vous. Nous pouvons reprendre nos travaux.

La parole appartient maintenant au député de Matane-Matapédia.

Motion proposant d'entendre M. Robert Laplante

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, je fais motion afin que «la Commission des finances publiques tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 219, Loi concernant un immeuble situé sur la rue University à Montréal, des consultations particulières et qu'à cette fin, elle entende M. Robert Laplante, directeur de L'Action nationale

Le Président (M. Simard) : ...

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Robert Laplante, qui est-il? Un des hommes les plus fascinants que j'aie rencontrés en matière d'identité québécoise, de langue, d'innovation. C'est le directeur de L'Action nationale, une magnifique publication où... Je suis abonné depuis plusieurs années à L'Action nationale. C'est une vénérable institution. Et Robert Laplante aurait bien aimé se faire entendre, tout comme sur le projet de loi n° 96, mais ça lui a aussi été refusé. Alors, votre collègue le ministre responsable de la Langue française n'a pas cru bon d'entendre ni Frédéric Lacroix ni Robert Laplante, mais je vais leur rendre justice en faisant lecture ici du témoignage qu'il aurait aimé livrer à la commission. Alors, Robert, si tu es à quelque part et tu nous écoutes, je vais lire tes mots.

Le Président (M. Simard) : On continue de s'adresser à la présidence. Merci, cher collègue.

M. Bérubé : Alors, à travers vous, je parle à Robert.

Le Président (M. Simard) : Très bien, mais c'est difficile de parler à Robert à travers moi. Allez, poursuivez.

M. Bérubé : Oui. Alors, Robert Laplante, sur cet enjeu, a écrit, dans la page Idées... les pages Idées du journal Le Devoir le 16 février 2021, et ça va comme suit : «S'il faut en croire Mme Suzanne Fortier, la rectrice surpayée de McGill, le Québec aurait tout à gagner de donner le site du Royal Victoria pour planter sur la montagne un grand pôle d'excellence en développement durable, comme le rapportait La Presse. Qui pourrait trouver à redire? L'environnement est une préoccupation mondiale et il ne serait que justice qu'une université de réputation mondiale comme McGill apporte sa contribution. L'élite scientifique qu'elle rassemble déjà n'en serait que plus forte encore si elle pouvait compter sur une injection de fonds publics pour en soutenir les prétentions. Après tout, la vénérable institution draine déjà plus de la moitié des fonds de recherche consacrés aux universités québécoises, elle accueille, avec son club fermé de Concordia, plus des trois quarts des étudiants étrangers qui viennent en anglais s'encanailler rue Prince-Arthur entre deux séminaires de "classe mondiale".

«Quiconque a déjà pu constater ce que donne en Asie ou ailleurs ce rayonnement auquel McGill contribue pourrait aisément en témoigner : la référence québécoise y est insignifiante, si ce n'est pour évoquer les charmes de la "latin atmosphere" qui rend le séjour si agréable. De fait, sans l'apport des étudiants étrangers, cette université ne pourrait maintenir aucun de ses programmes clés. La raison est facile à comprendre : la démographie n'en justifie ni n'en soutient la viabilité. Elle ne peut le faire qu'en usant et en abusant de la faiblesse du gouvernement du Québec et de l'ensemble des dirigeants universitaires qui n'osent pas reconnaître que la reine est nue.

«Chaque mardi, Le Devoir offre un espace aux artisans d'un périodique. Cette semaine, nous vous proposons une version abrégée d'un texte paru dans la revue L'Action nationale, janvier 2021, volume CXI.»

Je continue : «On ne [reproche] pas tant à la rectrice de jouer son jeu qu'au monde universitaire francophone son esprit démissionnaire. Cela fait des siècles que les dirigeants de l'UQAM se plaignent du sous-financement et une éternité que les constituantes du réseau n'en finissent plus de quémander. Et que dire du silence des syndicats de professeurs et de chargés de cours qui restent silencieux et résignés devant les projets qui consacrent leur marginalisation et, pire encore, leur déclassement professionnel.

«Il faut être singulièrement candide pour s'imaginer que le grand projet de McGill ne signerait pas le déclin rapide de l'UQAM, déjà en passe de se faire damner le pion par Concordia. Le devenir des universités et de la recherche en français sera définitivement scellé. On connaît trop bien les réflexes de colonisé à la base du silence coupable de notre élite de gestionnaires universitaires. Un grand projet en anglais les fera baver d'envie. Le mimétisme leur dictera leurs plus lubriques pulsions, et ils ne tarderont pas à tenter de se convaincre que la meilleure façon de composer avec l'ogre de la montagne sera de s'angliciser encore davantage et d'offrir des programmes en anglais.

«Ils se perdront trop tard en lamentations. Ils ne se rendront pas compte que ce qu'ils tiennent pour de la grandeur [ce qui] est en réalité [un] manque d'ambition. [...]c'est bien de ça qu'il s'agit : McGill manque d'ambition. Si tant est que sa rectrice dise vrai et que cette université soit réellement soucieuse de faire rayonner le Québec, elle ferait de ce projet un puissant levier pour l'ensemble du monde universitaire montréalais, voire québécois. On s'étonne sans trop s'en surprendre que les recteurs de l'Université de Montréal, de Polytechnique, de l'UQAM et de l'École de technologie supérieure n'y aient pas songé. Si un projet comme celui du Royal Victoria doit avoir de l'envergure, il doit précisément l'être [de] dimension nationale. Il devrait être l'occasion de former une grande institution de convergence qui démultiplierait la force de frappe de ce mégacentre. Le gouvernement du premier ministre ne comprend franchement pas grand-chose à ce que la construction et la défense de la nation peuvent bien signifier. C'est franchement scandaleux de voir renforcer la logique du développement séparé.

«Si le gouvernement du Québec avait le sens de l'intérêt national, il cesserait de financer l'apartheid universitaire et assortirait son soutien d'une obligation d'inscrire les ambitions de McGill dans une architecture institutionnelle au service du français et du développement d'un système universitaire national.

«Si McGill avait de l'ambition et si son attachement au Québec était autre chose qu'une formule rhétorique, c'est l'idée d'une institution d'envergure nationale qu'on devrait charpenter en projet.

«Si McGill était aussi vertueuse et inclusive comme nous le répètent à l'envi ses thuriféraires, le projet du Royal Victoria inclurait les universités françaises.

«Si McGill était soucieuse de partager le destin du Québec, un destin français, elle accepterait de fonctionner dans une structure où elle serait ce que la démographie et l'histoire en ont fait et devraient en faire : un partenaire majoritaire, méritoire certes, mais néanmoins poussé par son statut à s'inscrire dans la dynamique nationale du Québec.

«Si McGill était soucieuse de l'avenir du français au Québec, elle accepterait que ce projet s'incarne dans une institution française. Une institution qui consacrerait le statut de notre langue au centre-ville.

«Non, décidément McGill manque d'envergure. À moins que se ne dégagent d'un de ses réflexes les plus primaires des relents de la vieille maxime orangiste : Never under French rules!»

C'était le commentaire de Robert Laplante, que je vous partage. C'est terminé.

Le Président (M. Simard) : C'est tout? Je vous remercie. Y aurait-il d'autres remarques? Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.

Mme Maccarone : Non, j'aurais juste hâte que, s'il y a une autre motion... que ça serait plus lié au sujet du projet de loi d'intérêt privé.

• (22 h 20) •

Le Président (M. Simard) : Merci. Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme LeBel : Non, je n'ai pas d'autre commentaire sur la motion pour une consultation particulière.

Mise aux voix

Le Président (M. Simard) : Merci. Y aurait-il d'autres remarques? Sans quoi nous allons procéder à la mise aux voix. Mme la secrétaire.

La Secrétaire : Oui. M. Bérubé (Matane-Matapédia)?

M. Bérubé : Pour.

La Secrétaire : Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis)?

Mme Maccarone : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Arcand (Mont-Royal—Outremont)?

M. Arcand : Contre.

La Secrétaire : Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?

Mme Foster : Contre.

La Secrétaire : M. Simard (Montmorency)?

Le Président (M. Simard) : Abstention. Cette motion est donc rejetée.

À ce stade-ci, M. le député de Matane-Matapédia, souhaitez-vous déposer une motion préliminaire?

Très bien, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 22 h 21)

(Reprise à 22 h 22)

Le Président (M. Simard) : Bien, chers collègues, au moment de suspendre nos travaux, le député de Matane-Matapédia nous annonçait, dis-je, son intention de déposer une motion. Alors, cher collègue, à vous la parole.

Motion proposant d'entendre M. Jean-Denis Archambault

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, je fais motion afin que «la Commission des finances publiques tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 219, Loi concernant un immeuble situé sur la rue University à Montréal, des consultations particulières et qu'à cette fin, elle entende M. Jean-Denis Archambault, professeur de droit à la retraite de l'Université d'Ottawa.»

Le Président (M. Simard) : Nous vous écoutons.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Jean-Denis Archambault, un observateur attentif, un juriste de talent, un contributeur à l'espace public, un homme que j'aurais aimé entendre aujourd'hui. C'était sa présentation. Il nous gratifie de son analyse du projet de loi, qu'on a reçue aujourd'hui, et je vous partage cette analyse. Le Pr Archambault nous dit la chose suivante, il parle de son collègue Me André Sirois : «André Sirois comprend parfaitement, sur la foi de la restriction aux servitudes imposées expressément lors de la donation ou cessation en 1891 des fonds immobiliers en question au Royal Vic, que la transaction survenue en mai 2020 entre le Royal Vic et CUSM, en faveur de ce dernier, viole directement cette clause restrictive, violation que reconnaît implicitement l'article 2 du projet de loi privé, qui aurait pour effet explicite de valider la transaction de mai 2020.» Prenez des notes, tout le monde, là, ça, c'est sérieux.

«À cet égard, les notes introductives du projet de loi démontrent une audace, une fourberie inqualifiable.» Ce n'est pas mes mots, là, c'est les siens, mais il nous invite à aller voir ce qui... il y a quelque chose là. «Les premières notes introductives affirment, en effet, et je souligne : "Attendu que le Centre universitaire de santé McGill, ci-après appelé le ‘CUSM', est propriétaire — il l'a souligné — des lots rénovés 1 341 182 et 1 354 912 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Montréal, ci-après appelés l''immeuble', acquis avec d'autres lots de [...] Royal Victoria, ci-après appelé ‘Royal Victoria', aux termes — il le souligne — d'un acte de cession, ci-après appelé l''acte de transfert', reçu par Angelo Febbraio, notaire, le 26 mai 2020, sous sa minute 1627, et publié au Bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière de Montréal, le 26 mai 2020, sous le numéro 25 401 715;".»

Ses commentaires : «Outre l'arnaque sur laquelle repose cette allégation de propriété, leurs auteurs en reconnaissent tacitement l'irrégularité puisqu'ils veulent, par la loi, valider d'aujourd'hui la transaction de mai 2020. Or, de deux choses l'une, ou bien la transaction de mai 2020 est légale et valide, auquel cas nul besoin de la valider par la loi, ou bien la transaction de mai 2020 n'est ni valide ni légale, auquel cas le législateur devrait savoir, un, de quelle illégalité ou invalidité il s'agit, puis, deux, qui a intérêt à la camoufler, et cela sans faire état des sophismes et mascarades que contiennent par ailleurs les notes préliminaires, particulièrement l'article 3 du projet lui-même.»

Autrement dit, avec ce que je viens de vous révéler, si on continue dans la même voie, il va falloir que je découvre qui a intérêt à ce que ça soit écrit comme ça et, croyez-moi, je vais le trouver. Alors, j'invite fortement la députée qui a fait la rédaction du projet de loi et les personnes qui l'ont conseillée à se pencher sur ce que je viens de dire, qui va apparaître dans l'espace public demain matin. Ça, c'est un enjeu important puis il y a quelqu'un qui va devoir répondre à ça. Et j'invite le gouvernement du Québec à se dépêcher de s'en dissocier. C'est le conseil que je donne aux parlementaires. Et j'aurais d'autres commentaires de cette nature-là à faire sur les intérêts qui soutiennent ce projet de loi, M. le Président. Ce sera la fin pour cette proposition.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, collègue. Y aurait-il des remarques? Mme la députée de Westmount—Saint-Louis?

Mme Maccarone : Non, M. le Président, merci.

Le Président (M. Simard) : Merci. Mme la présidente du Conseil du trésor?

Mme LeBel : Non, aucun commentaire.

Mise aux voix

Le Président (M. Simard) : Y aurait-il d'autres remarques? Sans quoi nous allons procéder à la mise aux voix.

La Secrétaire : Oui. M. Bérubé (Matane-Matapédia)?

M. Bérubé : Pour.

La Secrétaire : Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis)?

Mme Maccarone : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Arcand (Mont-Royal—Outremont)?

M. Arcand : Contre.

La Secrétaire : Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?

Mme Foster : Contre.

La Secrétaire : Et M. Simard (Montmorency)?

Le Président (M. Simard) : Abstention. Cette motion est donc rejetée.

Nous pouvons poursuivre nos travaux. Cher collègue, je présume que vous auriez une motion?

M. Bérubé : Je terminerais là-dessus.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors nous allons suspendre momentanément.

(Suspension de la séance à 22 h 27)

(Reprise à 22 h 29)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous sommes en mesure de reprendre nos travaux. M. le député de Matane-Matapédia, à vous la parole.

Motion proposant d'entendre la Société Saint-Jean-Baptiste

M. Bérubé : M. le Président, conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, je fais motion afin que «la Commission des finances publiques tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 219, Loi concernant un immeuble situé sur la rue University à Montréal, des consultations particulières et qu'à cette fin, elle entende la Société Saint‑Jean‑Baptiste».

Vous me devez un verre de gin.

Le Président (M. Simard) : Voilà. Nous vous écoutons.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : M. le Président, il me reste une minute. Que retenir de nos échanges, sinon que nous abordons ce soir un projet de loi d'envergure sous forme d'un projet de loi privé, où le véritable enjeu n'est pas dans le titre, mais se trouve dans les détails et se trouve dans l'intérêt public qui n'est pas bien servi par ce projet de loi là. Et vous voyez bien que, depuis le début de nos échanges, je donne des chiffres, je donne des interprétations de la loi. Je rends service au gouvernement en lui disant de se dépêcher de se décoller de ce projet de loi là pour son propre intérêt, surtout dans les prochaines heures. Je l'aurai dit ici. Alors, je pense que tout n'a pas été dit sur ce projet de loi là, et, si j'avais plus de temps, j'en dirais plus. Mais on n'a pas besoin de l'adopter maintenant, ça ne presse pas, et je compte beaucoup sur le gouvernement de la CAQ pour changer d'idée là-dessus.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup, cher collègue.

Compte tenu de l'heure, nous allons ajourner nos travaux sine die. Et merci à nouveau pour votre précieuse collaboration de fin de soirée.

(Fin de la séance à 22 h 30)

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