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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mardi 13 avril 2021 - Vol. 45 N° 122

Poursuite du débat sur le discours du budget


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Table des matières

Discussion générale

Autres intervenants

M. Jean-François Simard, président

M. Eric Girard

M. André Fortin 

M. Vincent Marissal

M. Gaétan Barrette

Journal des débats

(Dix-huit heures trois minutes)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Je constate que nous avons quorum. Nous pouvons donc commencer nos travaux.

La commission est réunie afin de poursuivre le débat sur le discours du budget, conformément à l'article 275 de nos règlements.

Mme la secrétaire, à cette heure-ci, je peux vous dire bonsoir?

Une voix : ...

Le Président (M. Simard) : Alors, bonsoir. Y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Donc, avant d'entreprendre nos travaux, je vous informe de la façon dont se déroulera ce mandat.

D'abord, la répartition des temps de parole de ce débat d'une durée totale de 10 heures sera la suivante. Le gouvernement dispose d'environ cinq heures. L'opposition officielle dispose d'environ 3 h 20 min. Le deuxième groupe d'opposition dispose d'environ 50 minutes. Il en va de même pour le troisième groupe d'opposition.

À noter que ces temps ne tiennent pas compte du temps que prendra la présidence, qui sera proportionnellement soustrait de ceux-ci selon les groupes parlementaires.

Nous débuterons donc par les remarques préliminaires de M. le ministre, ensuite, du porte-parole de l'opposition officielle, du porte-parole du deuxième groupe d'opposition et ensuite du troisième groupe d'opposition.

Chacun disposera d'un maximum de 20 minutes pris à même l'enveloppe de temps de son groupe parlementaire. Si le ministre ou les porte-parole des groupes d'opposition n'utilisent pas l'ensemble de leurs 20 minutes, le temps restant sera reporté pour leurs échanges.

Une fois les remarques préliminaires terminées, nous passerons aux échanges, qui se dérouleront, dans la mesure du possible, par blocs d'environ 20 minutes, incluant les questions et les réponses du ministre.

Ces blocs de temps seront en alternance entre les députés du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés de l'opposition.

Conformément à nos usages, nous débuterons par une intervention du porte-parole de l'opposition officielle et député de Pontiac.

Alors, ces explications étant faites, sont-elles claires? Nous pouvons poursuivre?

M. le ministre, conformément à la tradition, je vous cède donc la parole. Vous disposez d'une période maximale de 20 minutes.

Discussion générale

M. Girard (Groulx) : Bien, merci. Puis merci à tout le monde qui est avec nous aujourd'hui. C'est un plaisir de travailler avec vous. Et mon seul regret, c'est qu'on ne pourra pas travailler plus longtemps, parce que c'est vraiment agréable de travailler avec vous. Alors, on va... On est tous... On a un couvre-feu à respecter, alors on va terminer relativement tôt.

Alors, je rappelle qu'il y a toujours une pandémie. Et c'est certain que mon expertise à moi est plus sur les deux aspects suivants, que je vais mentionner, c'est-à-dire, la pandémie a provoqué une récession mondiale, la pire récession depuis la Deuxième Guerre mondiale. Et les gouvernements, les banques centrales ont voulu tempérer l'impact économique et donc ont dû, d'une part, répondre de façon importante à la crise sanitaire et à la récession avec des mesures de soutien, des mesures d'aide et maintenant des mesures de relance. Et donc il y a des impacts sur les finances publiques qui sont extrêmement importants. Et c'est notamment un sujet que je suis convaincu que nous aurons l'occasion d'aborder. Je rappelle qu'au niveau des finances publiques nous avons prévu un déficit de l'ordre de 15 milliards de dollars pour l'année qui est terminée. Ceci inclut la contribution au Fonds des générations que, pour fins de discussion, on arrondira à 3 milliards de dollars, et une provision de 1,2 milliard de dollars. On descend à... je crois que c'est 12,3 milliards le chiffre exact pour l'année courante aussi après contribution au Fonds des générations et aussi avec une provision de 1,3 milliard.

Alors, peut-être dire que le budget repose sur des hypothèses prudentes. Je peux vous donner... peut-être vous faire une liste des éléments qu'on pourrait qualifier d'hypothèses prudentes. D'une part, nous n'avons inclus, dans le cadre financier, aucune somme du gouvernement fédéral qui n'était pas annoncée, confirmée. Et donc, bien que nous avons comme tous les gouvernements qui ont procédé des revendications au niveau des transferts fédéraux, il n'y a pas d'argent, dans le cadre financier, d'anticipé. C'est quand même une hypothèse fort plausible qu'il y aura de l'argent pour un régime national de services de garde auquel nous pourrions nous soustraire et avoir une compensation financière, mais rien de ça n'est confirmé et rien de ça n'est dans le cadre financier. Alors, première chose, il n'y a pas d'argent qui n'est pas confirmé avec projet de loi passé, adopté au fédéral.

Ensuite, il faut dire que la reprise économique est amorcée, mais elle est définitivement ralentie par la troisième vague. Et il y a, il faut le dire, un optimisme quand même très élevé pour la deuxième moitié de l'année 2021, particulièrement aux États-Unis, mais aussi au Canada. Et nous anticipons pour l'année... dans le budget, nous avons l'hypothèse d'un taux de croissance de 4,2 % pour 2021. Les économistes du secteur privé allaient jusqu'à 5 %, 5,1 % pour être précis. On a... on est à l'aise avec notre prédiction de 4,2 %, d'autant plus que la troisième vague est probablement plus forte que les économistes du secteur privé avaient pu l'anticiper.

Ensuite, une autre hypothèse qui est prudente, la prédiction de retrouver le plein-emploi en 2022. Je vous dirais que les deux derniers chiffres ou statistiques de l'emploi ont montré quand même une récupération un peu plus rapide que j'aurais personnellement anticipé. Donc, lorsqu'on dit : Fin 2022, plein-emploi, c'est possible qu'on fasse mieux.

• (18 h 10) •

J'ai mentionné les provisions. Et nous, on a prévu que tout le monde aurait — puis c'est toujours tout le monde qui veut bien recevoir une dose de vaccin, là — mais aurait reçu une dose de vaccin à l'automne, et l'objectif du gouvernement, clairement, c'est la Saint-Jean-Baptiste.

Alors, ça, c'est au niveau de ce que je voudrais dire qu'il y a des hypothèses prudentes. Je rappelle que nous prévoyons 4 % de croissance aussi en 2022. Alors, puisque le rebond s'amorce vraiment, on peut dire au deuxième trimestre pour les États-Unis, mais au Canada, au troisième trimestre, il va se poursuivre en 2022. Et donc le rebond... on attend une croissance élevée 2021, mais aussi 2022.

J'ai mentionné que 2022 devrait marquer le retour du plein-emploi. Je rappelle qu'en février 2020, nous avons touché 4,5 % de chômage. C'est... On peut presque dire, puis il y a un débat là-dessus, qu'avant que la pandémie arrive, l'économie du Québec était en surchauffe, c'est-à-dire qu'on voyait que les salaires augmentaient plus vite ici que dans le reste du Canada, et on pensait que la limite du plein-emploi au Québec était autour de 5 %, mais on avait atteint 4,5 %.

Je vous rappelle qu'au mois d'avril, on a touché 17,6 %, que 820 000 personnes ont perdu leur emploi et que nous sommes présentement à 6,6 %, qu'on a à peu près, je vais faire des chiffres ronds, de ces 820 000 emplois, on a à peu près 100 000 personnes qui ne travaillent pas présentement, et ces gens-là sont majoritairement hébergement, restauration, loisirs, culture, services comme gym, par exemple physio ou services avec absence de distanciation ou de moins de distanciation physique. Alors, on est à 6,6 % de chômage.

Alors, le budget, c'est quoi? Le budget, c'est 15 milliards d'initiatives, puis «initiatives», c'est un mot de politicien, on pourrait dire 15 milliards d'investissements, c'est 15 milliards de dépenses au sens comptable. C'est à peu près la même taille que les deux budgets précédents. Par contre, il y a beaucoup plus de ce 15 milliards qui est dans les premières années, étant donné l'effort sanitaire. Alors, c'est la même ampleur d'efforts, d'initiatives, mais un budget plus standard, ce serait cinq fois 3 milliards, par exemple. Là, ici, on a beaucoup plus de dépenses concentrées dans le début du plan budgétaire.

Alors, là-dedans, 10,3 milliards pour renforcer le système de santé. M. le Président, renforcer le système de santé, c'est combattre la pandémie. Alors, c'est des primes salariales, c'est du temps supplémentaire, c'est des effectifs supplémentaires, c'est des équipements, c'est la vaccination, c'est du dépistage, c'est des efforts pour vaincre la pandémie. Et là, j'utilise toujours le vocable «santé», mais on parle ici santé et services sociaux.

1,5 milliard pour la réussite des jeunes, éducation, enseignement supérieur, mais aussi des mesures... Merci, c'est un peu ce que je cherchais. Merci. Il y a aussi des mesures au niveau des centres jeunesse. Et je pense que... je suis convaincu, voyant les membres de la première opposition ici, là, qu'on va parler de rareté de main-d'oeuvre, de pénurie de main-d'oeuvre dans les prochains... peut-être ce soir, dans les prochains jours. Mais, au niveau de la réussite des jeunes, là, on a tout le volet des jeunes qui ne sont ni aux études, ni en emploi, là, qui sont un défi pour nous tous.

4 milliards pour accélérer la croissance dans... 4 milliards, c'est un chiffre extrêmement important, mais là-dedans il y a 1,2 milliard pour l'Internet haute vitesse, une discussion qu'on avait eue d'ailleurs, je pense, je me souviens, 1 milliard pour soutenir les Québécois — j'aurai l'occasion de vous donner ce qu'il y a derrière tout ça — et puis moins... des revenus de 1,8 milliard qu'on a mis sur le vocable «équité fiscale». Il y a trois aspects à ça. Je pense que celui qui est le plus intéressant, c'est qu'on va finalement charger la TVQ et la TPS sur les biens étrangers au Canada, à partir, normalement, de juin 2021.

Alors, peut-être mentionner que le financement des principales missions de l'État est là. Santé, si on fait exclues les mesures pour lutter contre la pandémie, on est à 5,8 %, et puis on aura 5,2 % de croissance en moyenne d'ici 2022‑2023. Éducation est à 4,6 %, 5 % en moyenne d'ici 2022‑2023. Enseignement supérieur est 8,2 % cette année, 4,7 % en 2022‑2023. J'explique le 8,2 % parce que c'est quand même rare qu'on a un chiffre de cette ampleur. D'une part, il y a la base, il y a 2020‑2021 qui n'a pas réalisé ses dépenses, donc ça fait un effet de niveau.

Ensuite, la modification à la norme comptable fait que les dépenses d'infrastructures hors périmètre comptable, municipalités et universités, créent de la volatilité. Ça va devenir de plus en plus... il va falloir être de plus en plus un observateur chevronné pour suivre les taux de croissance parce que la volatilité dans la réalisation des dépenses d'infrastructures dans les universités, par exemple, en dehors de l'Université du Québec, vont amener de la volatilité parce que les dépenses vont passer beaucoup...ne seront plus amorties sur la... en fonction du financement, mais bien en fonction de la réalisation. Donc, qui dit plus d'infrastructures, dit taux de croissance plus élevé. Il y a néanmoins des gestes extrêmement importants en Enseignement supérieur. Ça me tient à coeur, c'est important pour le gouvernement. C'est vraiment bien qu'ils aient leur propre ministère, et on leur accorde 8,2 % cette année. Puis il y a des belles initiatives, puis on pourra en parler.

L'équilibre budgétaire, bon, il y a eu des questions. J'ai longtemps dit qu'on devait respecter la loi et revenir à l'équilibre budgétaire en cinq ans. C'était la loi, c'était l'objectif. Je vous dirais que ça aurait été possible, ça aurait été difficile. Puisqu'on estime que, puis là je veux vulgariser ça le plus possible pour nos auditeurs et les gens qui s'intéressent aux finances publiques puisqu'on dit que le déficit structurel est de l'ordre de 6,5 milliards, et que cette année c'est la lutte à la pandémie, l'an prochain, le retour au plein emploi, on commence l'année suivante, mais 6 milliards sur trois ans, si on avait voulu respecter le cinq ans, ça fait un effort de 2 milliards par année, c'est beaucoup, et tandis qu'en le répartissant sur cinq ans, bien on est à moins de 1 % des dépenses ou des revenus du gouvernement du Québec, et c'est donc plutôt plus réaliste, gérable et... Donc, c'est ce qui a... c'est ce choix-là entre faire 6,5 milliards sur trois ans versus 6,5 milliards sur cinq ans qui a été le guide et qui a amené à la décision que j'ai prise avec le premier ministre en début d'année, c'est-à-dire autour du mois de janvier. On a regardé les options et puis, à partir de ce moment-là, on travaillait avec les deux scénarios, et puis lorsqu'est venu le temps de fermer le cadre financier, au budget, au moins de mars, on a décidé que ce serait 2027‑2028.

• (18 h 20) •

La dette, bon, alors, le Québec, cinq ans de surplus, trajectoire qui s'améliorait énormément au niveau des finances publiques. On était même en avance sur la cible dette brute, et là arrive le déficit important. Et je pense que c'est important de dire, aussi, que nous avons révisé les finances publiques de 2019‑2020, là, parce que la situation qui s'est détériorée rapidement au mois de mars a amené des évaluations sur nos placements dans le fonds de développement économique qui ont fait que le surplus de 2019‑2020 a fondu de façon importante, et le changement de la norme comptable a, évidemment, augmenté la dette nette, mais pas la dette brute. C'est assez technique, M. le Président, mais tenons-nous-en à ça : 12 milliards de plus de dette nette, 2,6 % du PIB. 11 milliards du 12 milliards ont précédé notre arrivée au pouvoir, mais c'était la chose à faire. Je pense que la Vérificatrice... l'argument que nous avions maintenu, collectivement, depuis plusieurs années dans le débat avec la Vérificatrice générale était de moins en moins solide.

Alors, donc, dette brute par rapport au PIB, 49,5 % en 2021, c'est un bond de 43 % à 49 %, donc un bond de 6,5 %. La dette brute sera stable. Puis là, pour nos auditeurs, je rappelle qu'on parle souvent d'équilibre budgétaire, mais, pour la gestion de la dette, c'est important de comprendre que les dépenses en infrastructures impliquent une augmentation de la dette. Donc, on peut être : revenus moins dépenses, zéro, et la dette peut augmenter quand même parce qu'on a des immobilisations nettes qui s'ajoutent, d'où l'importance du Fonds des générations pour réduire la dette ou contrer l'augmentation de la dette qui est liée aux infrastructures. On peut le voir de plusieurs façons. Mais je pense qu'ici on a un auditoire qui connaît les finances publiques. Lorsque le Québec est à l'équilibre revenus-dépenses avant contribution au Fonds des générations, la dette augmente en vertu des dépenses d'infrastructures. C'est un peu... Les comptables diraient : Dépenses d'opération, dépenses de capitalisation.

Alors, déficit structurel de 6,5 milliards. On a donné les principes comment nous allions revenir à l'équilibre budgétaire. Le premier, c'est qu'on veut pousser la croissance du Québec, la pousser de... On estime maintenant le PIB potentiel du Québec autour de 1,5 %. On veut réussir à le pousser à 2%, faire des gains de croissance, des gains... plus de croissance, plus de revenus. On a une demande légitime, tant d'une manière prospective que... rétrospective et prospective au niveau des transferts en santé. Et ensuite il faudra arrimer les revenus et les dépenses et... pour retrouver le 6,5 milliards d'équilibre à 1 % par année.

Je voudrais... Il me reste un deux minutes. Je voudrais résumer le budget pour tout le monde, pour l'ensemble des citoyens. Les priorités du gouvernement pour 2021, c'est vaincre la pandémie. Alors, il faut voir 2021... Et puis on le sait, là, on est dedans, présentement, c'est la troisième vague, et puis... bon, la course relative variants, vaccins. 2021 : vaincre la pandémie. 2022 : retrouver le plein emploi. 2025 : fermer l'écart de production.

 L'écart de production, ça, c'est un terme d'économistes, là, c'est l'«output gap». Ça veut dire la capacité de production qu'on a perdue durant la récession, l'année, le fait qu'on a chuté en 2020, qu'on rebondit en 2021. On a perdu ce qu'on a... le 2 % de croissance qu'on avait prévu en 2020 et 2021 au dernier budget. Ça prend jusqu'à cinq ans pour revenir sur la trajectoire et rattraper ça. 2025, fermer l'écart de production. Et l'équilibre budgétaire, 2027. Et puis, là, je m'exprime...

Le Président (M. Simard) : 30 secondes.

M. Girard (Groulx) : 30 secondes. Merci. Et quand je dis 2027, je dis... je veux vraiment dire l'année 2027‑2028. Et donc... Et dans le fond ce que je voudrais vous dire, c'est que j'ai confiance qu'on peut y arriver. Ça ne sera pas facile...

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Girard (Groulx) : On va y arriver.

Des voix : ...

Le Président (M. Simard) : Très bien. Je cède maintenant la parole au leader de l'opposition officielle et député de Pontiac.

M. Fortin : Bonsoir, M. le Président. Merci. Merci de votre gentille introduction. Je salue le ministre des Finances. Je le remercie d'être avec nous et de ses gentils mots d'ouverture pour nous dire qu'il apprécie tant nos échanges. Dans quelques instants, malheureusement, M. le Président, puisque j'ai le droit de parler de ma propre absence, je vais devoir le laisser aux bons soins et à l'hospitalité du député de La Pinière. Alors, j'espère qui appréciera toujours sa compagnie après ces échanges.

M. le Président, je l'ai déjà dit, le budget que le ministre des Finances nous a présenté, c'est un budget de la vieille école. C'est un budget qui présente des solutions qui sont inadaptées à plusieurs niveaux. Ils sont inadaptés à l'époque dans laquelle on vit, ils sont inadaptés à la récession que plusieurs de nos citoyens vivent «first hand», comme on le dit par chez nous, des solutions qui sont inadaptées à la pandémie, des solutions qui sont inadaptées à l'incertitude. Et je sens... Je sens dans le discours du ministre des Finances, et c'était vrai dans son budget de mars 2020, c'était vrai dans sa mise à jour économique de novembre... Novembre? Octobre? Novembre? Novembre 2020, un certain optimisme. Mais optimisme ne doit pas vouloir dire aveuglement non plus.

Il faut voir les choses comme elles sont. En novembre, le ministre, dans tout son optimisme, mettait d'avant un scénario qui, aujourd'hui, nous semble plutôt invraisemblable en matière de relance économique en 2021. Aujourd'hui, le ministre nous met sur la table un scénario qui ne fait nullement référence, ou presque pas référence, ou certainement pas référence à l'ampleur qu'elle a, mais à la troisième vague. Et de toute évidence, les choses évoluent. Je n'en veux pas au ministre pour ça, mais il faut être capable, c'est un peu son travail, de prévoir ce qui s'en vient. Et malheureusement ça nous semble évident que déjà certaines des prévisions qui, le ministre nous dit, étaient plus prudentes que d'autres, que celles avancées par d'autres, mais déjà elles nous semblent peut-être un peu difficiles à réaliser dans le contexte que l'on vit tous en ce moment.

L'endroit qui nous a frappés ou le secteur qui nous a frappés davantage quant à l'inadaptabilité des solutions qui sont présentées, c'est au niveau de femmes. Je vous rends ça, M. le Président, le plus simple possible, les femmes ont perdu leur emploi, puis on choisit d'investir pour relancer l'économie dans un secteur à majorité d'hommes, ce n'est pas plus compliqué que ça. Est-ce qu'il y aura des femmes qui vont se replacer dans ces secteurs-là? Oui. Est-ce que toutes les femmes vont pouvoir se replacer dans ces secteurs-là? Bien non, M. le Président. Alors, déjà là ça nous semblait un budget qui est inadapté à la récession que l'on vit, à la réalité que vivent les Québécois, mais surtout les Québécoises. Et, à ce niveau-là, malheureusement, les femmes se sont retrouvées grandes perdantes.

Et, quand le ministre nous dit : Notre objectif cette année, c'est de vaincre la pandémie, j'en conviens, il y a énormément d'efforts de la part du gouvernement, de la part de tout le monde dans la société pour en arriver à cet objectif très louable là. Mais une des façons d'y arriver, c'est justement d'investir dans des secteurs qui peuvent nous permettre d'y arriver.

La main-d'oeuvre... Et le ministre nous dit qu'on va parler de pénurie de main-d'oeuvre. Oui, je le confirme, on va en parler, on va en parler longuement. Mais la main-d'oeuvre dans des secteurs qui peuvent aider à nous sortir de la pandémie. Aujourd'hui, moi, j'entendais, dans ma région, le CISSS de l'Outaouais dire : Si vous êtes une infirmière, venez nous voir. Si vous êtes inhalothérapeute, venez nous voir, on a besoin de vous. Ils sont... Essentiellement, là, ce qu'ils ont fait, c'est ils sont montés sur le plafond, sur le toit de l'hôpital et ils ont crié à tout le monde en Outaouais : Si vous connaissez des infirmières, envoyez-nous-les.

Mais le ministre a choisi d'investir, plutôt que d'investir dans la formation des infirmières, d'investir dans le secteur de la construction. C'est un choix. C'est un choix traditionnel. C'est un choix qu'un gouvernement aurait fait en 1950, c'est un choix que l'Union nationale aurait fait, c'est un choix que des gouvernements plus conservateurs dans leur approche font probablement. Mais malheureusement, cette fois-ci, ce n'est pas un choix adapté à la réalité du moment.

• (18 h 30) •

Au niveau des finances publiques, pures et simples, les finances publiques que le ministre apprécie grandement, je l'ai rapidement compris à entendre son mot d'ouverture — il n'y a personne qui l'accusera de ne pas être un gars de chiffres, en tout cas — sur le Fonds des générations, on est d'accord. On est d'accord sur le principe, on est d'accord sur ce que le ministre a fait. On va vouloir des... Je vous le dis tout de suite, on va vouloir des engagements ou, du moins, une vision à plus long terme sur la chose. Mais il y a quelque chose qui malheureusement, dans le discours du ministre, ne ressort pas, et je lui souhaite de se l'approprier, c'est que, le Fonds des générations, ce n'est pas juste un outil contre la dette, c'est un outil d'équité intergénérationnelle. C'est un outil pour la plus jeune génération, celle de mes enfants, celle de vos enfants et, un jour, de vos petits-enfants, celle de mes enfants. C'est un outil qu'on ne doit pas uniquement percevoir d'un niveau comptable, mais qu'on doit percevoir d'un niveau sociétal.

Sur le retour à l'équilibre budgétaire, on avait demandé au ministre de ne pas se menotter en restant dans ce qu'il avait avancé jusqu'au dépôt du budget, c'est-à-dire la possibilité de revenir à l'équilibre budgétaire en cinq ans. On est contents qu'il ait pris un pas dans cette direction-là, mais les menottes demeurent encore bien enchaînées aux poignets du ministre, malheureusement, parce que ce qu'il a fait, essentiellement, c'est qu'il a pris les efforts qu'il aurait dû faire initialement, les a reportés de deux ans, et on se retrouve avec des taux de croissance dans les dépenses de moins 1,2 % dans tout ce qui est autres ministères. Le ministre nous a parlé de la santé et de l'éducation, mais, pour tout ce qui est des autres ministères, taux de croissance négatif. M. le Président, ça veut dire des coupures, ça. Pas juste une diminution du taux de croissance, ça veut dire une diminution totale du budget pour l'année qui suit l'année électorale. On aura l'occasion d'en débattre, je vois le ministre sourire, c'est très bien, on aura l'occasion d'en débattre. Notamment, je suis certain qu'il va ramener l'enjeu d'Internet haute vitesse pour expliquer ça en partie, mais on aura une très longue discussion sur l'Internet haute vitesse et on reviendra sur la façon qu'on a abordé l'enjeu par le passé au gouvernement.

Deux dernières choses, M. le Président. En fait, trois autres choses. Souvent, le ministre nous a parlé de 2022 comme étant le moment où on revenait au plein-emploi, mais, quand je regarde ses documents, le plein-emploi, c'est le même nombre d'emplois occupés au Québec qu'avant la pandémie. Mais le plein-emploi, ce n'est pas ça. Le plein-emploi, ce n'est pas le même nombre d'emplois qu'on occupait avant. Selon les prévisions mêmes du ministre, le plein-emploi commence à partir de 6 % de taux de chômage. Alors, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans son calcul qu'il devra nous expliquer en cours de route.

Deux derniers points. Sur l'environnement, j'ai beau fouiller, M. le Président, je n'ai rien trouvé là-dedans au niveau des changements climatiques. Un climatosceptique n'aurait pas écrit un meilleur budget. Alors, on demandera une explication très claire au ministre des Finances, à savoir pourquoi il a choisi d'ignorer, pourquoi il a fait le choix et son gouvernement a fait le choix d'ignorer l'enjeu des changements climatiques dans les centaines de pages du budget.

Dernière chose, M. le Président — et là, vous allez voir, je suis plein de contradictions — j'ai dit plus tôt que c'est un budget qui aurait pu être écrit par l'Union nationale, c'est un budget qui aurait pu être écrit dans les années 50, sauf pour une chose, M. le Président, pour l'agriculture. Parce qu'il y a eu un moment, au Québec, où on pensait, à travers le budget, pouvoir acheter des votes en faisant des investissements en agriculture. Mais il n'y a personne qui va pouvoir accuser le ministre des Finances de faire ça parce qu'il a à peine mentionné l'agriculture dans son budget, qui est pourtant un secteur névralgique, un secteur mis de l'avant de façon prioritaire au cours de cette pandémie. On a énormément parlé de souveraineté, d'indépendance alimentaire, utilisez le terme que vous voulez, je viens d'utiliser deux termes qui font plaisir aux amis qui sont assis derrière moi, mais d'aucune façon, dans ce budget-là, on ne retrouve la notion d'aider en agriculture. Pourtant, c'est un secteur qui a plusieurs défis ces jours-ci.

Alors, M. le Président, on a des questions. On a énormément de questions. Et, bien qu'on va se pencher, entre autres avec le collègue de Robert-Baldwin, qui sera ici demain, sur les prévisions économiques, les revenus du gouvernement, on va également se pencher sur l'ensemble des programmes qui sont présentés parce que ce sont ceux-là qui ont le potentiel de toucher le quotidien des Québécois au cours des prochaines années.

Alors, je m'en tiens à ça pour l'instant. J'ai déjà dévoilé au ministre une bonne partie de mes orientations pour les prochaines heures qu'on passera ensemble, alors je suis certain qu'il pourra être bien préparé pour répondre à nos questions. Alors, M. le Président, je vous remercie. C'est... Ce sera tout pour nos remarques d'ouverture.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci à vous, M. le leader de l'opposition. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont et porte-parole, donc, de la deuxième opposition.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Heureux de vous revoir. Vous m'avez manqué, M. le ministre aussi, ainsi que les collègues. C'est curieux un peu parce qu'il y a eu comme plusieurs jours depuis le dépôt du budget, qui a comme vécu, et puis, dans cette ère de cycle de nouvelles infernales, on dirait que c'est soluble dans l'air puis que ce budget-là a été déposé il y a...

(Interruption) Merci. Excusez-moi. Je fais tout le temps ça, sinon je l'accroche avec mes grands bras. Alors, je disais donc, on dirait que le budget, il est presque soluble dans l'air parce qu'on dirait que ça fait des mois que ça a été déposé, et pourtant c'est la pièce maîtresse fiscalement, économiquement, financièrement du gouvernement, et ça ne fait pas trois mois que ça a été déposé.

Au lendemain du huis clos, je commentais le budget devant la presse parlementaire ici, puis il y a un journaliste qui me demandait : Est-ce que vous trouvez que c'est trop rapide, la façon dont on avale un budget? Je dirais que oui. En fait, c'est le proverbial, l'éléphant qu'on mange en une journée, là, en une bouchée pendant quelques heures de huis clos. Puis c'est malheureux parce qu'après ça on en perd des bouts.

Moi, je rêve d'un mécanisme de suivi en temps réel. Et je sais qu'il y en a. Je sais que ça existe. Je sais que le ministère des Finances a de nombreux indicateurs auxquels je n'ai pas toujours évidemment accès. Mais malheureusement, et je l'ai vu tellement souvent dans, quoi, la cinquantaine de budgets que j'ai couverts entre Ottawa et Québec, là, dans ma précédente carrière, on oublie vite, puis ça passe vite. C'est un gros, gros, gros morceau qu'on prend, là, comme une poignée de sable, là, puis on essaie de tenir les doigts serrés, mais on finit par en échapper des bouts. Puis c'est malheureux parce que c'est la pièce maîtresse. Puis on sort, dans les premières heures, à chaud. Après ça, on découvre des choses, et puis la vie continue, puis on passe à autre chose. C'est malheureux. C'est comme ça que ça fonctionne.

Mais il y a quand même des morceaux de ce budget-là dont on se souvient, dont on va se souvenir. Le collègue de Pontiac disait : Un budget conservateur ou même de l'Union nationale. J'ai employé le terme «conservateur» aussi dans ma critique du budget, je l'emploierais encore, mais, conservateur, pas seulement dans le sens de ses choix, mais plutôt dans le sens de ses absences de choix.

Moi, c'est un budget que j'attendais parce qu'il répond à une époque extraordinaire, extraordinaire dans le sens de hors de l'ordinaire, et puis c'est là que ça tombe à plat, ça tombe à plat. Ce budget-là, bon, à part l'évidence qu'il faut investir en santé puis soigner notre monde... Bien oui, ça, je veux dire, évidemment, le premier rôle d'un gouvernement, c'est prendre soin de son monde puis protéger sa population. Ça, c'est l'évidence, ça. C'est comme dire qu'il faut se mettre à l'abri dans un orage. Bien oui, on va soigner notre monde. Puis on essaie fort, puis on travaille fort, puis on va continuer la vaccination. Puis, si on peut finir par y arriver, à un seuil critique, je vais être aussi heureux que tout le monde ici. Mais il n'y a aucune audace dans la fiscalité de ce budget-là.

Puis ça m'a frappé, ces derniers temps, parce que, je dis, le budget a été déposé il y a peut-être, quoi, deux semaines déjà... ça m'a frappé parce que j'ai gardé mes vieilles habitudes de journaliste, et je tiens une revue de presse rigoureuse et variée, et, en ce moment, à travers le monde, il y a une effervescence de tout ce qui réfléchit, grouille, et pense, et grenouille, même, dans le monde de la haute finance et de la gouvernance de l'État. Il y a le FMI qui arrive avec des solutions; il y a un autre député, aujourd'hui, qui a déposé un nouveau livre, qui a présenté un nouveau livre en France aujourd'hui; il y a l'Observatoire des inégalités, ici et ailleurs en France, et ici aussi; il y a les fiscalistes qu'on connaît bien au Québec, les Luc Godbout, et Brigitte Alepin, et autres, et tellement d'autres, qui réfléchissent puis qui amènent des idées. Bon, à ma modeste mesure, j'en ai apporté aussi avec ma formation politique : rejetées du revers de la main comme futiles, frivoles ou que sais-je encore. C'est malheureux parce qu'on manque le bateau. Ça bouge, là. Même Biden, aux États-Unis, est en train de brasser la barque pas à peu près. Les États-Unis, la dernière fois que j'ai vérifié, ce n'était pas un satellite de l'URSS, là, ils ne sont pas socialistes, là. Biden, dans l'échelle au Québec, est même pas mal à droite, là. Ça bouge. Ça brasse. Ils réfléchissent. Ils veulent... Bien oui parce que, c'est qu'on n'a pas le choix, il nous est tombé une calamité sur la tête.

• (18 h 40) •

Puis le ministre, que je respecte et que j'apprécie, puis je prends toujours l'occasion de le dire parce que c'est vrai qu'on travaille bien ensemble, il me semble qu'il a ressorti son livre du temps où il était à l'école. Puis ça manque furieusement d'audace, cette affaire-là. Ça... Bon, je ne suis pas en train de dire que ça fait 100 ans qu'il était à l'école, là, mais, tout de même, il me semble que nous manquons le bateau, ici, de revoir notamment nos sources de revenus. Oui, les dépenses, ça va de soi, mais notamment nos sources de revenus.

Tu sais, quand Jeff Bezos, là, sent la soupe chaude puis il dit : Oui, c'est vrai que je ne paie pas beaucoup d'impôts — puis c'est un euphémisme parce qu'il n'en paie pas — peut-être qu'il faudrait... oui, peut-être qu'il faudrait que je fasse un chèque au fisc américain. Tu sais, quand Jeff Bezos dit ça, bien, il me semble qu'il se passe quelque chose. Avant lui, il y a eu Bill Gates, il y a eu Warren Buffett, et tant d'autres, tant d'autres. Ici, il y a une coalition de jeunes qui sont assis sur des fortunes familiales et qui disent : O.K., moi, j'en ai assez, là, j'en ai assez dans mon compte de banque, là, je suis assis sur les millions et les millions de la fortune familiale, je veux contribuer davantage. Ça a zéro résonance, zéro.

Puis là je ne fais pas de la philosophie, là, je parle de chiffres, là. On pourrait parler de chiffres, et on parlera de chiffres au cours des deux prochains jours qu'on disposera ici, les 10 heures de l'étude, mais je trouve ça navrant, je trouve décevant. Je trouve ça décevant qu'on ne soit pas capable de saisir une occasion comme celle-là parce que, je veux dire, à moment extraordinaire, réponse extraordinaire. Puis là on va se retrouver vraiment en retard.

Québec a déjà été avant-gardiste, a déjà été à l'avant-garde. Bon, sur la fiscalité des entreprises, on a régressé, là, depuis 20 ans, là, de façon spectaculaire, mais on a déjà été à l'avant-garde sur plein de choses. Là, on va être à la traîne, là, on va être à la traîne des démocrates aux États-Unis. Je ne mettrai pas ça dans mon C.V., ça ne fait pas chic. Puis, pendant ce temps-là, en Europe, notamment, ce bloc immense réfléchit : Oui, O.K., oui, imposer les plus riches, bien oui, bien oui, parce que c'est là qu'est l'argent. Les paradis fiscaux, oui, puis je sais que le ministre veut faire quelque chose là-dessus, puis je l'y encourage, puis on en reparlera parce que ça fait longtemps qu'on parle de ça ici, j'y reviendrai, M. le Président, plus en détail sur certaines mesures, là, notamment dans les services sociaux, mais le grand ensemble de l'oeuvre, moi, me déçoit.

Puis on parle tout le temps d'équité intergénérationnelle, puis il faut être responsables. Je ne crois pas que ce soit responsable de tenter de résoudre nos problèmes actuels avec les vieilles solutions. Je pense qu'on fait juste pelleter par en avant. Je pense qu'on fait juste pelleter par en avant. Puis, en refusant systématiquement de réimaginer notre fiscalité, je ne pense pas qu'on est responsables envers les futures générations.

Voilà. Je vais m'arrêter là pour le moment, M. le Président, mais j'aurai l'occasion de revenir plus en détail sur des éléments beaucoup plus précis du budget. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci. Alors, sur ce, nous venons de clore l'étape des remarques préliminaires.

Nous entamons la période du débat, à proprement parler, et je vais céder la parole, d'entrée de jeu, au député de La Pinière pour une période d'environ 17 minutes.

M. Barrette : Au total, qui se terminera là.

Le Président (M. Simard) : Oui, tout à fait.

M. Barrette : Et je n'aurai pas trois minutes de plus. Parfait.

Alors, M. le Président, M. le ministre, à tout le monde et collègues, salutations. Alors, je vais aller directement à divers points. Parmi les fonctions et les qualités d'un ministre des Finances, il y a celle d'avoir un certain talent de prévision. D'ailleurs, le ministre lui-même, lorsqu'il a fait ses remarques préliminaires, a abondamment pris des exemples qui nous amènent dans le futur. Et les interventions et les questions que je vais poser, M. le Président, sont d'abord et avant tout dans cet esprit-là, la vision du ministre pour le futur.

Je vais commencer par un sujet qui est brûlant d'actualité, du moins dans l'intérêt pour certaines personnes, qui est celui des maisons des aînées. On va aller à B.37, B.38. Mais ce n'est peut-être pas nécessaire, je le dis pour référence, là, mais, ces données-là, le ministre les connaît certainement. Quand il nous dit, à B.37, qu'il y aura un ajout, là, de 500 lits, ce sont des ajouts nets par rapport au nombre de lits d'hébergement qu'il y a actuellement en service, n'est-ce pas, M. le Président?

Le Président (M. Simard) : M. le ministre.

M. Girard (Groulx) : Puisque le député m'a donné la page exacte...

M. Barrette : B.37, deuxième alinéa, première phrase.

M. Girard (Groulx) : Ah! excusez-moi. J'étais dans D.37.

M. Barrette : Ah! bien, il doit le savoir de mémoire, là.

M. Girard (Groulx) : Ça commence mal. B.37.

M. Barrette : Oui, deuxième alinéa, 500 lits additionnels.

M. Girard (Groulx) : Oui.

M. Barrette : Bon. Ce sont des ajouts nets. Le 334 millions qui est au quatrième alinéa... cinquième alinéa, pardon, est-ce qu'il inclut la construction et le fonctionnement? Il fait référence à quoi, le 330 millions?

M. Girard (Groulx) : O.K. Alors là, on va trouver exactement... 334 millions, renforcer les soins, services en hébergement pour les personnes âgées en perte d'autonomie, attendez, je vais essayer de vous trouver les détails.

M. Barrette : M. le Président, si le ministre est d'accord, il pourrait laisser ses collègues chercher et revenir avec la réponse plus tard, ça me permettrait d'aller plus vite, là.

M. Girard (Groulx) : Mais, en tout cas, je peux répondre partiellement.

M. Barrette : Non, non. J'aimerais mieux, pendant que vous cherchez, là, de me donner la réponse complète en temps et lieu.

M. Girard (Groulx) : D'accord. O.K.

M. Barrette : Maintenant, dans la vision du ministre, là, est-ce que le ministre considère que, dans l'accélération du vieillissement de la population que l'on vit actuellement... le pic du vieillissement était en 2031, est-ce qu'il prévoit augmenter périodiquement le nombre de lits net en hébergement? Dans sa vision, là. Ce n'est pas dans le budget, je lui demande sa vision.

M. Girard (Groulx) : La réponse à la question précédente, c'étaient les dépenses de fonctionnement pour les 500 lits.

M. Barrette : Pour les 500 lits. Très bien.

M. Girard (Groulx) : D'accord?

M. Barrette : Parfait. Merci.

M. Girard (Groulx) : Alors, dans ma vision, est-ce que je pense qu'on va avoir plus de lits? Bien, c'est indéniable qu'on va avoir plus de lits puisqu'il y aura plus de personnes âgées. Et puis on a le désir d'augmenter les soins à domicile, mais...

M. Barrette : L'un ne remplace pas l'autre.

M. Girard (Groulx) : Mais c'est-à-dire que le total augmente, là.

M. Barrette : Très bien.

M. Girard (Groulx) : Les proportions peuvent changer, mais le total va augmenter.

M. Barrette : Très bien. Je comprends également que les 2 500 places, qui sont les maisons des aînés, là, ce sont des remplacements de places existantes. Alors, à la page B.38, là, un plan de transformation de 2 500 places en maisons des aînés, ça, ce n'est pas un ajout net, c'est un remplacement.

Des voix : ...

M. Barrette : Bien, l'équipe peut chercher, là, on me le dira, mais c'est ça qui est écrit dans le texte. M. le Président, le ministre nous dit que ça, là, ces 2 500 places là, qui sont du remplacement, vont coûter 2,6 milliards de dollars. Est-ce que c'est dans la vision du ministre, dans sa vision à long terme, de remplacer les 43 000 places qui existent actuellement en maisons des aînés? Si, oui, je souhaite que ça soit oui, en combien de temps pense-t-il le faire?

M. Girard (Groulx) : M. le Président, je vais... pour répondre à une question que je ne... comment je pourrais dire, donc, je ne remets d'aucune façon la légitimité de cette question qui est extrêmement importante, je vais devoir étudier le PQI. Le rôle du ministre des Finances n'est pas les détails du PQI, mais bien l'enveloppe du PQI. Alors...

M. Barrette : Et c'est la raison, M. le Président, pour laquelle je pose une question de vision. Alors, pour le public, là, et, dans les faits, les maisons des aînées, c'est le grand luxe. Alors, ou bien le gouvernement, le ministre des Finances a une vision à long terme, qui est celle de l'équité par rapport aux meilleurs équipements pour tout le monde, auquel cas la réponse à ma question, c'est oui, le ministre vise dans... a comme vision d'avoir une transformation progressive sur x années de toutes les places en hébergement en maison des aînés. Si c'est non, la réponse à ça, c'est que le ministre a comme vision d'avoir deux classes de maisons des aînés, les grand luxe et les ordinaires.

Alors, ma question est simple... Ce n'est pas dans le budget! C'est une question de budget, de vision. Mais, un budget, ça sert à ça, le ministre nous le dit lui-même. Il nous le dit lui-même, il regarde à moyen, long terme, court, moyen, long terme. Est-ce que la vision du ministre est d'avoir un remplacement du parc d'hébergement en maison des aînés, peu importe la période de temps que ça prendra?

• (18 h 50) •

M. Girard (Groulx) : Alors, votre question c'est : Est-ce que... à mesure que les CHSLD existants terminent leur vie utile, est-ce qu'ils seront remplacés par les maisons des aînés? Oui.

M. Barrette : La réponse est oui. Parfait. M. le Président, à 2,6 milliards de dollars pour 2 500 places pour un parc de 43 000, M. le Président, là, même si on met ça sur 40 ans en dollars constants, M. le Président, il faudrait avoir, au PQI, 1 milliard de dollars, sur 20 ans, 2 milliards de dollars, en dollars constants.

Est-ce que le ministre considère, là, que, dans sa vision, là, que c'est quelque chose qui est faisable? Je ne lui demande pas s'il va le faire, je lui demande s'il considère que c'est faisable. M. le Président, je précise ma question, là. Sur 40 ans, sur 40 ans, ça coûterait 1 milliard par année en dollars constants. Donc plus, là, mais mettons qu'on va parler en dollars constants, tout simplement. Ça, c'est 1 000 places par année. 1 000 fois deux, ça fait 2 000, là. Est-ce que le ministre prévoit, dans les deux, trois budgets qui s'en viennent, de dépenser encore 2,6 milliards de dollars pour transformer de nouvelles maisons... places d'hébergement en maisons des aînés? Parce que, ça, M. le Président, là, ce n'est pas dans le budget.

Le ministre, là, il fait des projections jusqu'en 2025‑2026, là. Je n'en ai pas vu, de prévisions, là, pour les maisons des aînés pour cette période-là. Y en a-t-il que je n'ai pas vu? Y en a-t-il dans son esprit? Y a-t-il un prochain 2,6 milliards de dollars dans les deux années subséquentes? Parce qu'ici, là, le 2,6 milliards, ça se termine en 2022‑2023. Est-ce qu'en 2023‑2024, 2024‑2025, il y a un autre 2,6? Parce que, je le répète, M. le Président, sur 40 ans, sur 40 ans, c'est 1 milliard de dollars constants qu'il va falloir faire. Alors, quelle est la vision du gouvernement?

M. Girard (Groulx) : Pouvez-vous me... Je ne veux pas prendre de votre temps, là, mais pouvez-vous me refaire votre calcul du...

M. Barrette : Bien, il y a 43 000 places, là, puis là on remplace 2 500 places pour 2,6 milliards. Là, c'est des règles de trois, là.

M. Girard (Groulx) : Ça fait que, là, 40 000 places, 40 milliards, amortissement sur 40 ans, 1 milliard par année?

M. Barrette : Je ne parle même pas de l'impact sur la dette.

M. Girard (Groulx) : Non, non, mais... Non, mais je veux juste être sûr, là, qu'on...

M. Barrette : Oui.

M. Girard (Groulx) : C'est grosso modo, là? C'est ça, le...

M. Barrette : Oui. Oui.

M. Girard (Groulx) : Parfait. O.K.

M. Barrette : Puis pour en arriver à ça, là, pendant 40 ans, là, il faudrait que, de 2023 à 2025, là, il y ait un autre 2,6 milliards. Est-ce qu'on s'en va vers ça?

M. Girard (Groulx) : Est-ce que, pour faire un autre 2 500 places de 2022‑2023 à 2025‑2026, ça prendra un autre 2,5 milliards? Oui.

M. Barrette : Alors, est-ce que, le ministre, c'est dans sa vision d'avoir un investissement constant annuel pendant 40 ans... pendant 20 ans, c'est le double, là. Mais mettons 40 ans, on ne va pas défaire ce qui vient d'être construit 10 ans plus tard, là, mettons ça sur 40 ans. Alors, est-ce que le ministre a, dans sa vision, un investissement annuel en dollars constants de 1 milliard de dollars pour les maisons des aînés, ce qui serait l'équité pour tout le monde? Le ministre nous a dit tantôt que, oui, c'est ce qu'il voyait pour les 43 000 places. Mais c'est parce que ça coûte de l'argent, là. Et moi, je vais vous dire une chose, M. le Président, quand j'étais ministre de la Santé, là, il n'y a aucun PQI en Santé, pendant les quatre ans et demi où j'ai été ministre de la Santé, où une seule année avait la capacité d'investir plus de 850 millions en ajouts nets. Alors, il va prendre l'argent où, dans sa vision?

Le Président (M. Simard) : M. le ministre.

M. Girard (Groulx) : Mais, dans le PQI 2021‑2031, il y a 21 milliards, O.K., dont 45 % va au maintien.

M. Barrette : En maintien d'actifs.

M. Girard (Groulx) : Alors, faisons... puisqu'on est partis sur des chiffres ronds... mais c'est bon, d'être sur les chiffres ronds, là, il y a à peu près 10 milliards en nouvelle capacité. Mais évidemment tout ça ne va pas aux maisons des aînés, là.

M. Barrette : Évidemment, puisqu'il devrait y avoir certains hôpitaux à reconstruire, comme, je ne sais pas, un par hasard, l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, juste par hasard comme ça.

M. Girard (Groulx) : Il y a Saint-Jérôme aussi.

M. Barrette : Saint-Jérôme aussi.

M. Girard (Groulx) : Saint-Jérôme aussi, là.

M. Barrette : Mais mon point, là, c'est que ça ne tient pas la route, là. Alors, là, on a 500 lits...

M. Girard (Groulx) : Mais ce que vous dites, c'est qu'il devra...

M. Barrette : Je vais juste... Je vais juste poser ma question parce que, malheureusement, le temps passe. Vous m'avez dit qu'il y a 500 lits habituels et il y en aura de plus... additionnels, pardon, et il y en aura de plus. C'est 338 millions... 334 millions, opérationnel ou construction?

Une voix : ...

M. Barrette : Fonctionnement. On n'a pas mis la construction, là. Ces 500 places là additionnelles, là, déjà, en partant, là, ça ne sera pas des maisons des aînés puisque c'est... c'est clair que ça n'en sera pas.

Ça fait que, là, il y a déjà un bris. Il y a déjà un bris, là. Il y a 500 places additionnelles. On dit, d'un côté : Oui, toutes les places, on devra les remplacer. Et déjà, en partant, on en construit 500 nouvelles qui n'en seront pas. Mais ces 500 là, là, puis il va en falloir d'autres par après, vont coûter des sous. À 400 000 $ la place, grosso modo, là, aujourd'hui, probablement plus vers 500 000 $, ça fait beaucoup de... ça fait beaucoup de sous, là. Alors, il y a un enjeu. Est-ce que le ministre est d'accord pour me dire qu'il y a un enjeu?

M. Girard (Groulx) : Mais, en fait, là où je suis vraiment d'accord avec vous, c'est que le vieillissement de la population que nous vivons, c'est la principale raison pourquoi il faut maîtriser notre dette. Parce que ça nous prend de la capacité à long terme pour offrir des services aux citoyens en éducation, bien sûr, mais en santé. Et, en santé, il y aura les soins des aînés. C'est indéniable. Et c'est pour ça qu'on doit avoir une capacité fiscale extrêmement solide.

M. Barrette : M. le Président, je comprends tout ça. Je pense avoir fait mon point. Ceux qui nous écoutent l'ont compris. Il y a quelque chose qui ne tient pas la route à long terme ici.

Il me reste six minutes... quatre minutes, M. le Président?

Le Président (M. Simard) : En fait, 3 min 7 s.

M. Barrette : Trois minutes. Je vais inviter le ministre à aller à la page B.8. Projections du ministre, O.K.? C'est un tableau à B.8. En bas, la dernière ligne... avant-dernière ligne du tableau, pas le total, celle au-dessus, là, le ministre ne prévoit aucune dépense additionnelle de 2022 à 2025, alors qu'il écrit clairement, dans son document, qu'il y a 3 milliards... 1 milliard de délestages. Ça, c'est ses dépenses qui n'ont pas eu lieu qu'il va falloir rattraper. Il va falloir les rattraper, ces dépenses-là, alors ces... je m'excuse, ces procédures-là, et ça va entraîner des dépenses.

Alors, si le zéro qui est inscrit sur cette ligne-là veut dire : On revient à la normale, bien, ça veut dire qu'on ne rattrapera pas. Si on revient à la normale, c'est le coût que ça coûtait plus l'inflation, et ainsi de suite. Alors là, il n'y a pas de montant additionnel. Comment ça se fait?

Maintenant, je vais aller un pas plus loin, même chose pour tout ce qui au-dessus. Ça ne va pas disparaître, là, les effets de la pandémie, là. La pandémie amène de nouveaux us et coutumes dans le réseau qui vont avoir des coûts additionnels. Je vais prendre l'item... la référence n° 2 en bas, je vais même aussi lui poser la question : Est-ce qu'on a vraiment acheté, à date, 25 % de nos EPI au Québec? Et, si on le fait dans le futur, ils vont être à un prix supérieur à celui de la Chine.

Alors, comment, quand on additionne le rattrapage et le coût de certaines fournitures inhabituelles, ça peut être zéro à toutes les lignes, de 2022 à 2026?

M. Girard (Groulx) : Je ne suis pas sûr de la question. La question, c'est?

M. Barrette : La question, ce n'est pas compliqué, il n'y a pas un montant de provisionné de 2022 à 2025 pour le rattrapage et le coût additionnel des fournitures parce que, ne serait-ce que par définition, si on achète au Québec, qui est une bonne chose, je n'ai pas de problème, s'il y a un coût additionnel. Et là il n'y en a pas, là.

M. Girard (Groulx) : O.K., je vais vous parler de la structure de la section B, O.K.? Ici, on a voulu donner les coûts de la pandémie, transparence, on donne les dates, on dit où on a montré l'impact du délestage, on dit : La pandémie nous a coûté, à date, selon ces hypothèses-là, 12 milliards, mais c'est 16 milliards...

M. Barrette : ...cette réponse-là quand même, là. Le rattrapage est un résultat de la pandémie. Comment ça se fait qu'il n'y a pas de coûts additionnels liés au rattrapage?

M. Girard (Groulx) : Parce que le plan de rattrapage, M. le Président, n'a pas été annoncé par mon collègue parce que nous sommes toujours en pleine crise. Nous sommes dans la troisième vague.

• (19 heures) •

M. Barrette : Le rôle du ministre des Finances n'est-il pas de prévoir?

M. Girard (Groulx) : Nous sommes dans la troisième vague. Lorsque...

Le Président (M. Simard) : Chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Girard (Groulx) : Est-ce que je peux...

Le Président (M. Simard) : Compte tenu... Cher collègue, il est 19 heures. Vous pourrez répondre subséquemment, vous pourrez répondre subséquemment.

Compte tenu de l'heure, nous allons ajourner nos travaux. Et on reprend... Mais gardez tout ça pour demain, M. le ministre, puisqu'on reprend demain après les affaires courantes. Bonne soirée à toutes et à tous.

(Fin de la séance à 19 h 01)

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