(Dix-huit heures trois minutes)
Le Président (M. Simard) :
Alors, chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Je constate que nous avons
quorum. Nous pouvons donc commencer nos travaux.
La commission est réunie afin de poursuivre le
débat sur le discours du budget, conformément à l'article 275 de nos règlements.
Mme la secrétaire, à cette heure-ci, je peux
vous dire bonsoir?
Une voix : ...
Le Président (M. Simard) :
Alors, bonsoir. Y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Non, M. le
Président.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Donc, avant d'entreprendre nos travaux, je vous informe de la façon dont
se déroulera ce mandat.
D'abord, la répartition des temps de parole de
ce débat d'une durée totale de 10 heures sera la suivante. Le gouvernement
dispose d'environ cinq heures. L'opposition officielle dispose d'environ
3 h 20 min. Le deuxième groupe d'opposition dispose d'environ
50 minutes. Il en va de même pour le troisième groupe d'opposition.
À noter que
ces temps ne tiennent pas compte du temps que prendra la présidence, qui sera
proportionnellement soustrait de ceux-ci selon les groupes parlementaires.
Nous débuterons donc par les remarques
préliminaires de M. le ministre, ensuite, du porte-parole de l'opposition
officielle, du porte-parole du deuxième groupe d'opposition et ensuite du troisième
groupe d'opposition.
Chacun
disposera d'un maximum de 20 minutes pris à même l'enveloppe de temps de son groupe
parlementaire. Si le ministre ou les porte-parole des groupes d'opposition
n'utilisent pas l'ensemble de leurs 20 minutes, le temps restant sera
reporté pour leurs échanges.
Une fois les remarques préliminaires terminées,
nous passerons aux échanges, qui se dérouleront, dans la mesure du possible,
par blocs d'environ 20 minutes, incluant les questions et les réponses du ministre.
Ces blocs de temps seront en alternance entre
les députés du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés de l'opposition.
Conformément à nos usages, nous débuterons par
une intervention du porte-parole de l'opposition officielle et député de Pontiac.
Alors, ces explications étant faites, sont-elles
claires? Nous pouvons poursuivre?
M. le ministre, conformément à la tradition, je
vous cède donc la parole. Vous disposez d'une période maximale de
20 minutes.
Discussion générale
M. Girard (Groulx) : Bien,
merci. Puis merci à tout le monde qui est avec nous aujourd'hui. C'est un
plaisir de travailler avec vous. Et mon seul
regret, c'est qu'on ne pourra pas travailler plus longtemps,
parce que c'est vraiment agréable de travailler avec
vous. Alors, on va... On est tous... On a un couvre-feu à respecter, alors on
va terminer relativement tôt.
Alors, je rappelle qu'il y a toujours une
pandémie. Et c'est certain que mon expertise à moi est plus sur les deux
aspects suivants, que je vais mentionner, c'est-à-dire, la pandémie a provoqué
une récession mondiale, la pire récession depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Et les gouvernements, les banques centrales ont voulu tempérer l'impact économique
et donc ont dû, d'une part, répondre de façon importante à la crise sanitaire
et à la récession avec des mesures de soutien, des mesures d'aide et maintenant
des mesures de relance. Et donc il y a des impacts sur les finances publiques
qui sont extrêmement importants. Et c'est notamment un sujet que je suis
convaincu que nous aurons l'occasion d'aborder. Je rappelle qu'au niveau des
finances publiques nous avons prévu un déficit de l'ordre de 15 milliards de dollars pour l'année qui
est terminée. Ceci inclut la contribution au Fonds des générations que,
pour fins de discussion, on arrondira à 3 milliards de dollars, et une
provision de 1,2 milliard de dollars. On descend à... je crois que c'est
12,3 milliards le chiffre exact pour l'année courante aussi après
contribution au Fonds des générations et aussi avec une provision de
1,3 milliard.
Alors, peut-être dire que le budget repose sur
des hypothèses prudentes. Je peux vous donner... peut-être vous faire une liste
des éléments qu'on pourrait qualifier d'hypothèses prudentes. D'une part, nous
n'avons inclus, dans le cadre financier, aucune somme du gouvernement fédéral
qui n'était pas annoncée, confirmée. Et donc, bien que nous avons comme tous
les gouvernements qui ont procédé des revendications au niveau des transferts
fédéraux, il n'y a pas d'argent, dans le cadre financier, d'anticipé. C'est
quand même une hypothèse fort plausible qu'il y aura de l'argent pour un régime national de services de
garde auquel nous pourrions nous soustraire et avoir une compensation
financière, mais rien de ça n'est confirmé et rien de ça n'est dans le cadre
financier. Alors, première chose, il n'y a pas d'argent qui n'est pas confirmé
avec projet de loi passé, adopté au fédéral.
Ensuite, il faut dire que la reprise économique
est amorcée, mais elle est définitivement ralentie par la troisième vague. Et il y a, il faut le dire, un
optimisme quand même très élevé pour la deuxième moitié de
l'année 2021, particulièrement aux États-Unis, mais aussi au Canada. Et
nous anticipons pour l'année... dans le budget, nous avons l'hypothèse d'un taux de croissance de 4,2 % pour 2021. Les économistes du secteur privé allaient jusqu'à
5 %, 5,1 % pour être précis. On a... on est à l'aise avec
notre prédiction de 4,2 %, d'autant plus que la troisième vague est
probablement plus forte que les économistes du secteur privé avaient pu
l'anticiper.
Ensuite, une autre hypothèse qui est prudente,
la prédiction de retrouver le plein-emploi en 2022. Je vous dirais que les deux derniers chiffres ou
statistiques de l'emploi ont montré quand même une récupération un peu plus
rapide que j'aurais personnellement
anticipé. Donc, lorsqu'on dit : Fin 2022, plein-emploi, c'est
possible qu'on fasse mieux.
• (18 h 10) •
J'ai mentionné les provisions. Et nous, on a
prévu que tout le monde aurait — puis c'est toujours tout le monde qui
veut bien recevoir une dose de vaccin, là — mais aurait reçu une dose de
vaccin à l'automne, et l'objectif du gouvernement, clairement, c'est la
Saint-Jean-Baptiste.
Alors, ça, c'est au niveau de ce que je voudrais
dire qu'il y a des hypothèses prudentes. Je rappelle que nous prévoyons
4 % de croissance aussi en 2022. Alors, puisque le rebond s'amorce
vraiment, on peut dire au deuxième trimestre
pour les États-Unis, mais au Canada, au troisième trimestre, il va se
poursuivre en 2022. Et donc le rebond... on attend une croissance
élevée 2021, mais aussi 2022.
J'ai mentionné que 2022 devrait marquer le
retour du plein-emploi. Je rappelle qu'en février 2020, nous avons touché 4,5 % de chômage. C'est... On
peut presque dire, puis il y a un débat là-dessus, qu'avant que la
pandémie arrive, l'économie du Québec était
en surchauffe, c'est-à-dire qu'on voyait que les salaires augmentaient plus
vite ici que dans le reste du Canada,
et on pensait que la limite du plein-emploi au Québec était autour de 5 %,
mais on avait atteint 4,5 %.
Je vous rappelle qu'au mois d'avril, on a touché
17,6 %, que 820 000 personnes ont perdu leur emploi et que nous
sommes présentement à 6,6 %, qu'on a à peu près, je vais faire des
chiffres ronds, de ces 820 000 emplois, on a à peu près
100 000 personnes qui ne travaillent pas présentement, et ces gens-là
sont majoritairement hébergement, restauration, loisirs, culture, services comme
gym, par exemple physio ou services avec absence de distanciation ou de moins
de distanciation physique. Alors, on est à 6,6 % de chômage.
Alors, le budget, c'est quoi? Le budget, c'est
15 milliards d'initiatives, puis «initiatives», c'est un mot de politicien, on pourrait dire 15 milliards
d'investissements, c'est 15 milliards de dépenses au sens comptable. C'est
à peu près la même taille que les deux budgets précédents. Par contre,
il y a beaucoup plus de ce 15 milliards qui est dans les premières années, étant donné l'effort
sanitaire. Alors, c'est la même ampleur d'efforts, d'initiatives, mais un
budget plus standard, ce serait cinq fois 3 milliards, par exemple. Là,
ici, on a beaucoup plus de dépenses concentrées dans le début du plan
budgétaire.
Alors, là-dedans, 10,3 milliards pour
renforcer le système de santé. M. le Président, renforcer le système de santé, c'est combattre la pandémie. Alors, c'est
des primes salariales, c'est du temps supplémentaire, c'est des
effectifs supplémentaires, c'est des équipements, c'est la vaccination, c'est
du dépistage, c'est des efforts pour vaincre la pandémie. Et là, j'utilise
toujours le vocable «santé», mais on parle ici santé et services sociaux.
1,5 milliard pour la réussite des jeunes,
éducation, enseignement supérieur, mais aussi des mesures... Merci, c'est un peu ce que je cherchais. Merci. Il y a
aussi des mesures au niveau des centres jeunesse. Et je pense que... je
suis convaincu, voyant les membres de la première opposition ici, là, qu'on va
parler de rareté de main-d'oeuvre, de pénurie
de main-d'oeuvre dans les prochains... peut-être ce soir, dans les prochains
jours. Mais, au niveau de la réussite des
jeunes, là, on a tout le volet des jeunes qui ne sont ni aux études, ni en
emploi, là, qui sont un défi pour nous tous.
4 milliards
pour accélérer la croissance dans... 4 milliards, c'est un chiffre
extrêmement important, mais là-dedans il y a 1,2 milliard pour
l'Internet haute vitesse, une discussion qu'on avait eue d'ailleurs, je pense,
je me souviens, 1 milliard pour soutenir les Québécois — j'aurai
l'occasion de vous donner ce qu'il y a derrière tout ça — et
puis moins... des revenus de 1,8 milliard qu'on a mis sur le vocable
«équité fiscale». Il y a trois aspects à ça. Je pense que celui qui est le plus
intéressant, c'est qu'on va finalement charger la TVQ et la TPS sur les biens
étrangers au Canada, à partir, normalement, de juin 2021.
Alors, peut-être mentionner que le financement
des principales missions de l'État est là. Santé, si on fait exclues les
mesures pour lutter contre la pandémie, on est à 5,8 %, et puis on aura
5,2 % de croissance en moyenne d'ici 2022‑2023. Éducation est à
4,6 %, 5 % en moyenne d'ici 2022‑2023. Enseignement supérieur est
8,2 % cette année, 4,7 % en 2022‑2023. J'explique le 8,2 % parce
que c'est quand même rare qu'on a un chiffre de cette ampleur. D'une part, il y
a la base, il y a 2020‑2021 qui n'a pas réalisé ses dépenses, donc ça fait un
effet de niveau.
Ensuite, la modification à la norme comptable
fait que les dépenses d'infrastructures hors périmètre comptable, municipalités
et universités, créent de la volatilité. Ça va devenir de plus en plus... il va
falloir être de plus en plus un observateur chevronné pour suivre les taux de
croissance parce que la volatilité dans la réalisation des dépenses
d'infrastructures dans les universités, par exemple, en dehors de l'Université
du Québec, vont amener de la volatilité parce que les dépenses vont passer
beaucoup...ne seront plus amorties sur la... en fonction du financement, mais
bien en fonction de la réalisation. Donc, qui dit plus d'infrastructures, dit
taux de croissance plus élevé. Il y a néanmoins des gestes extrêmement
importants en Enseignement supérieur. Ça me tient à coeur, c'est important pour
le gouvernement. C'est vraiment bien qu'ils aient leur propre ministère, et on
leur accorde 8,2 % cette année. Puis il y a des belles initiatives, puis
on pourra en parler.
L'équilibre budgétaire,
bon, il y a eu des questions. J'ai longtemps dit qu'on devait respecter la loi
et revenir à l'équilibre budgétaire en cinq ans. C'était la loi, c'était
l'objectif. Je vous dirais que ça aurait été possible, ça aurait été difficile.
Puisqu'on estime que, puis là je veux vulgariser ça le plus possible pour nos
auditeurs et les gens qui s'intéressent aux finances publiques puisqu'on dit
que le déficit structurel est de l'ordre de 6,5 milliards, et que cette
année c'est la lutte à la pandémie, l'an prochain, le retour au plein emploi,
on commence l'année suivante, mais 6 milliards sur trois ans, si on
avait voulu respecter le cinq ans, ça fait un effort de 2 milliards
par année, c'est beaucoup, et tandis qu'en le répartissant sur cinq ans,
bien on est à moins de 1 % des dépenses ou des revenus du gouvernement du
Québec, et c'est donc plutôt plus réaliste, gérable et... Donc, c'est ce qui
a... c'est ce choix-là entre faire 6,5 milliards sur trois ans versus
6,5 milliards sur cinq ans qui a été le guide et qui a amené à la
décision que j'ai prise avec le premier ministre en début d'année, c'est-à-dire
autour du mois de janvier. On a regardé les options et puis, à partir de ce
moment-là, on travaillait avec les deux scénarios, et puis lorsqu'est venu le
temps de fermer le cadre financier, au budget, au moins de mars, on a décidé
que ce serait 2027‑2028.
• (18 h 20) •
La dette,
bon, alors, le Québec, cinq ans de surplus, trajectoire qui s'améliorait
énormément au niveau des finances publiques. On était même en avance sur
la cible dette brute, et là arrive le déficit important. Et je pense que c'est important de dire, aussi, que nous avons révisé
les finances publiques de 2019‑2020, là, parce que la situation qui
s'est détériorée rapidement au mois de mars a amené des évaluations sur nos
placements dans le fonds de développement économique qui ont fait que le surplus
de 2019‑2020 a fondu de façon importante, et le changement de la norme comptable a, évidemment, augmenté la dette
nette, mais pas la dette brute. C'est assez technique, M. le Président, mais tenons-nous-en à ça : 12 milliards de plus de dette
nette, 2,6 % du PIB. 11 milliards du 12 milliards ont précédé
notre arrivée au pouvoir, mais c'était la chose à faire. Je pense que la
Vérificatrice... l'argument que nous avions maintenu, collectivement, depuis
plusieurs années dans le débat avec la Vérificatrice générale était de moins en
moins solide.
Alors, donc, dette brute par rapport au PIB,
49,5 % en 2021, c'est un bond de 43 % à 49 %, donc un bond de
6,5 %. La dette brute sera stable. Puis là, pour nos auditeurs, je
rappelle qu'on parle souvent d'équilibre budgétaire, mais, pour la gestion de
la dette, c'est important de comprendre que les dépenses en infrastructures
impliquent une augmentation de la dette. Donc, on peut être : revenus
moins dépenses, zéro, et la dette peut augmenter quand même parce qu'on a des
immobilisations nettes qui s'ajoutent, d'où l'importance du Fonds des
générations pour réduire la dette ou contrer l'augmentation de la dette qui est
liée aux infrastructures. On peut le voir de plusieurs façons. Mais je pense qu'ici on a un auditoire qui connaît les
finances publiques. Lorsque le Québec est à l'équilibre revenus-dépenses avant
contribution au Fonds des générations, la dette augmente en vertu des dépenses
d'infrastructures. C'est un peu... Les comptables diraient : Dépenses d'opération,
dépenses de capitalisation.
Alors, déficit structurel de 6,5 milliards.
On a donné les principes comment nous allions revenir à l'équilibre budgétaire.
Le premier, c'est qu'on veut pousser la croissance du Québec, la pousser de...
On estime maintenant le PIB potentiel du Québec autour de 1,5 %. On veut
réussir à le pousser à 2%, faire des gains de croissance, des gains... plus de
croissance, plus de revenus. On a une demande légitime, tant d'une manière
prospective que... rétrospective et prospective au niveau des transferts en
santé. Et ensuite il faudra arrimer les revenus et les dépenses et... pour
retrouver le 6,5 milliards d'équilibre à 1 % par année.
Je voudrais... Il me reste un deux minutes. Je
voudrais résumer le budget pour tout le monde, pour l'ensemble des citoyens.
Les priorités du gouvernement pour 2021, c'est vaincre la pandémie. Alors, il
faut voir 2021... Et puis on le sait, là, on est dedans, présentement, c'est la
troisième vague, et puis... bon, la course relative variants, vaccins.
2021 : vaincre la pandémie. 2022 : retrouver le plein emploi.
2025 : fermer l'écart de production.
L'écart de production, ça, c'est un terme
d'économistes, là, c'est l'«output gap». Ça veut dire la capacité de production
qu'on a perdue durant la récession, l'année, le fait qu'on a chuté en 2020,
qu'on rebondit en 2021. On a perdu ce qu'on a... le 2 % de croissance
qu'on avait prévu en 2020 et 2021 au dernier budget. Ça prend jusqu'à cinq ans
pour revenir sur la trajectoire et rattraper ça. 2025, fermer l'écart de
production. Et l'équilibre budgétaire, 2027. Et puis, là, je m'exprime...
Le Président (M. Simard) :
30 secondes.
M. Girard
(Groulx) : 30 secondes. Merci. Et quand je dis 2027, je dis... je
veux vraiment dire l'année 2027‑2028. Et donc... Et dans le fond ce que je voudrais vous dire, c'est que j'ai
confiance qu'on peut y arriver. Ça ne sera pas facile...
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Girard (Groulx) : On va y
arriver.
Des voix : ...
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Je cède maintenant la parole au leader de l'opposition officielle et
député de Pontiac.
M. Fortin :
Bonsoir, M. le Président. Merci. Merci de votre gentille introduction. Je salue
le ministre des Finances. Je le remercie d'être avec nous et de ses gentils
mots d'ouverture pour nous dire qu'il apprécie tant nos échanges. Dans quelques
instants, malheureusement, M. le Président, puisque j'ai le droit de parler de
ma propre absence, je vais devoir le laisser aux bons
soins et à l'hospitalité du député de La Pinière. Alors, j'espère qui
appréciera toujours sa compagnie après ces échanges.
M. le Président, je l'ai déjà dit, le budget que
le ministre des Finances nous a présenté, c'est un budget de la vieille école.
C'est un budget qui présente des solutions qui sont inadaptées à plusieurs
niveaux. Ils sont inadaptés à l'époque dans laquelle on vit, ils sont inadaptés
à la récession que plusieurs de nos citoyens vivent «first hand», comme on le
dit par chez nous, des solutions qui sont inadaptées à la pandémie, des
solutions qui sont inadaptées à l'incertitude. Et je sens... Je sens dans le
discours du ministre des Finances, et c'était vrai dans son budget de
mars 2020, c'était vrai dans sa mise à jour économique de novembre...
Novembre? Octobre? Novembre? Novembre 2020, un certain optimisme. Mais
optimisme ne doit pas vouloir dire aveuglement non plus.
Il faut voir les choses comme elles sont. En
novembre, le ministre, dans tout son optimisme, mettait d'avant un scénario
qui, aujourd'hui, nous semble plutôt invraisemblable en matière de relance
économique en 2021. Aujourd'hui, le ministre nous met sur la table un scénario
qui ne fait nullement référence, ou presque pas référence, ou certainement pas
référence à l'ampleur qu'elle a, mais à la troisième vague. Et de toute
évidence, les choses évoluent. Je n'en veux pas au ministre pour ça, mais il
faut être capable, c'est un peu son travail, de prévoir ce qui s'en vient. Et malheureusement
ça nous semble évident que déjà certaines des prévisions qui, le ministre nous
dit, étaient plus prudentes que d'autres, que celles avancées par d'autres,
mais déjà elles nous semblent peut-être un peu difficiles à réaliser dans le
contexte que l'on vit tous en ce moment.
L'endroit qui nous a frappés ou le secteur qui
nous a frappés davantage quant à l'inadaptabilité des solutions qui sont
présentées, c'est au niveau de femmes. Je vous rends ça, M. le Président, le
plus simple possible, les femmes ont perdu leur emploi, puis on choisit
d'investir pour relancer l'économie dans un secteur à majorité d'hommes, ce n'est
pas plus compliqué que ça. Est-ce
qu'il y aura des femmes qui vont se replacer dans ces secteurs-là? Oui. Est-ce
que toutes les femmes vont pouvoir se replacer dans ces secteurs-là? Bien non,
M. le Président. Alors, déjà là ça nous semblait un budget qui est inadapté à
la récession que l'on vit, à la réalité que vivent les Québécois, mais surtout
les Québécoises. Et, à ce niveau-là, malheureusement, les femmes se sont
retrouvées grandes perdantes.
Et, quand le ministre nous dit : Notre
objectif cette année, c'est de vaincre la pandémie, j'en conviens, il y a
énormément d'efforts de la part du gouvernement, de la part de tout le monde
dans la société pour en arriver à cet objectif très louable là. Mais une des
façons d'y arriver, c'est justement d'investir dans des secteurs qui peuvent
nous permettre d'y arriver.
La main-d'oeuvre... Et le ministre nous dit
qu'on va parler de pénurie de main-d'oeuvre. Oui, je le confirme, on va en
parler, on va en parler longuement. Mais la main-d'oeuvre dans des secteurs qui
peuvent aider à nous sortir de la pandémie. Aujourd'hui, moi, j'entendais, dans
ma région, le CISSS de l'Outaouais dire : Si vous êtes une infirmière,
venez nous voir. Si vous êtes inhalothérapeute, venez nous voir, on a besoin de
vous. Ils sont... Essentiellement, là, ce qu'ils ont fait, c'est ils sont
montés sur le plafond, sur le toit de l'hôpital et ils ont crié à tout le monde
en Outaouais : Si vous connaissez des infirmières, envoyez-nous-les.
Mais le ministre a choisi d'investir, plutôt que
d'investir dans la formation des infirmières, d'investir dans le secteur de la
construction. C'est un choix. C'est un choix traditionnel. C'est un choix qu'un
gouvernement aurait fait en 1950, c'est
un choix que l'Union nationale aurait fait, c'est un choix que des
gouvernements plus conservateurs dans leur approche font probablement. Mais malheureusement, cette fois-ci, ce
n'est pas un choix adapté à la réalité du moment.
• (18 h 30) •
Au niveau des
finances publiques, pures et simples,
les finances publiques que le ministre apprécie grandement, je l'ai rapidement
compris à entendre son mot d'ouverture — il n'y a personne qui
l'accusera de ne pas être un gars de chiffres, en tout cas — sur
le Fonds des générations, on est d'accord. On est d'accord sur le principe, on
est d'accord sur ce que le ministre a fait. On va vouloir des... Je vous le dis
tout de suite, on va vouloir des engagements ou, du moins, une vision à plus
long terme sur la chose. Mais il y a quelque chose qui malheureusement, dans le
discours du ministre, ne ressort pas, et je lui souhaite de se l'approprier,
c'est que, le Fonds des générations, ce n'est pas
juste un outil contre la dette, c'est un outil d'équité intergénérationnelle.
C'est un outil pour la plus jeune génération, celle de mes enfants,
celle de vos enfants et, un jour, de vos petits-enfants, celle de mes enfants.
C'est un outil qu'on ne doit pas uniquement percevoir d'un niveau comptable,
mais qu'on doit percevoir d'un niveau sociétal.
Sur le retour à l'équilibre budgétaire, on avait
demandé au ministre de ne pas se menotter en restant dans ce qu'il avait avancé
jusqu'au dépôt du budget, c'est-à-dire la possibilité de revenir à l'équilibre
budgétaire en cinq ans. On est contents qu'il ait pris un pas dans cette
direction-là, mais les menottes demeurent encore bien enchaînées aux poignets
du ministre, malheureusement, parce que ce qu'il a fait, essentiellement, c'est
qu'il a pris les efforts qu'il aurait dû faire initialement, les a reportés de
deux ans, et on se retrouve avec des taux de croissance dans les dépenses de
moins 1,2 % dans tout ce qui est autres ministères. Le ministre nous a
parlé de la santé et de l'éducation, mais, pour tout ce qui est des autres
ministères, taux de croissance négatif. M. le Président, ça veut dire des
coupures, ça. Pas juste une diminution du taux de croissance, ça veut dire une
diminution totale du budget pour l'année qui suit l'année électorale. On aura
l'occasion d'en débattre, je vois le ministre sourire, c'est très bien, on aura
l'occasion d'en débattre. Notamment, je suis certain qu'il va ramener l'enjeu
d'Internet haute vitesse pour expliquer ça en partie, mais on aura une très
longue discussion sur l'Internet haute vitesse et on reviendra sur la façon
qu'on a abordé l'enjeu par le passé au gouvernement.
Deux dernières choses, M. le Président. En fait,
trois autres choses. Souvent, le ministre nous a parlé de 2022 comme étant le
moment où on revenait au plein-emploi, mais, quand je regarde ses documents, le
plein-emploi, c'est le même nombre d'emplois occupés au Québec qu'avant la pandémie.
Mais le plein-emploi, ce n'est pas ça. Le plein-emploi, ce n'est pas le même
nombre d'emplois qu'on occupait avant. Selon les prévisions mêmes du ministre, le plein-emploi commence à partir de 6 % de taux de
chômage. Alors, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans son calcul
qu'il devra nous expliquer en cours de route.
Deux derniers points. Sur l'environnement, j'ai
beau fouiller, M. le Président, je n'ai rien trouvé là-dedans au niveau des
changements climatiques. Un climatosceptique n'aurait pas écrit un meilleur
budget. Alors, on demandera une explication
très claire au ministre des Finances, à savoir pourquoi il a choisi d'ignorer,
pourquoi il a fait le choix et son
gouvernement a fait le choix d'ignorer l'enjeu des changements climatiques dans
les centaines de pages du budget.
Dernière chose, M. le Président — et
là, vous allez voir, je suis plein de contradictions — j'ai
dit plus tôt que c'est un budget qui aurait pu être écrit par l'Union
nationale, c'est un budget qui aurait pu être écrit dans les années 50,
sauf pour une chose, M. le Président, pour l'agriculture. Parce qu'il y a eu un
moment, au Québec, où on pensait, à travers
le budget, pouvoir acheter des votes en faisant des investissements en
agriculture. Mais il n'y a personne qui va pouvoir accuser le ministre
des Finances de faire ça parce qu'il a à peine mentionné l'agriculture dans son
budget, qui est pourtant un secteur névralgique, un secteur mis de l'avant de
façon prioritaire au cours de cette pandémie. On a énormément parlé de
souveraineté, d'indépendance alimentaire, utilisez le terme que vous voulez, je
viens d'utiliser deux termes qui font plaisir aux amis qui sont assis derrière
moi, mais d'aucune façon, dans ce budget-là, on ne retrouve la notion d'aider
en agriculture. Pourtant, c'est un secteur qui a plusieurs défis ces jours-ci.
Alors, M. le Président, on a des questions. On a
énormément de questions. Et, bien qu'on va se pencher, entre autres avec le
collègue de Robert-Baldwin, qui sera ici demain, sur les prévisions
économiques, les revenus du gouvernement, on va également se pencher sur
l'ensemble des programmes qui sont présentés parce que ce sont ceux-là qui ont
le potentiel de toucher le quotidien des Québécois au cours des prochaines
années.
Alors, je m'en tiens à ça pour l'instant. J'ai
déjà dévoilé au ministre une bonne partie de mes orientations pour les
prochaines heures qu'on passera ensemble, alors je suis certain qu'il pourra
être bien préparé pour répondre à nos questions. Alors, M. le Président, je vous
remercie. C'est... Ce sera tout pour nos remarques d'ouverture.
Le Président (M. Simard) :
Alors, merci à vous, M. le leader de l'opposition. Je cède maintenant la parole
au député de Rosemont et porte-parole, donc, de la deuxième opposition.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Heureux de vous revoir. Vous m'avez manqué, M. le ministre aussi,
ainsi que les collègues. C'est curieux un peu parce qu'il y a eu comme
plusieurs jours depuis le dépôt du budget, qui a comme vécu, et puis, dans cette
ère de cycle de nouvelles infernales, on dirait que c'est soluble dans l'air
puis que ce budget-là a été déposé il y a...
(Interruption) Merci. Excusez-moi. Je fais tout
le temps ça, sinon je l'accroche avec mes grands bras. Alors, je disais donc,
on dirait que le budget, il est presque soluble dans l'air parce qu'on dirait
que ça fait des mois que ça a été déposé, et pourtant c'est la pièce maîtresse
fiscalement, économiquement, financièrement du gouvernement, et ça ne fait pas
trois mois que ça a été déposé.
Au lendemain du huis clos, je commentais le
budget devant la presse parlementaire ici, puis il y a un journaliste qui me
demandait : Est-ce que vous trouvez que c'est trop rapide, la façon dont
on avale un budget? Je dirais que oui. En fait, c'est le proverbial, l'éléphant
qu'on mange en une journée, là, en une bouchée pendant quelques heures de huis
clos. Puis c'est malheureux parce qu'après ça on en perd des bouts.
Moi, je rêve d'un mécanisme de suivi en temps
réel. Et je sais qu'il y en a. Je sais que ça existe. Je sais que le ministère
des Finances a de nombreux indicateurs auxquels je n'ai pas toujours évidemment
accès. Mais malheureusement, et je l'ai vu tellement souvent dans, quoi, la
cinquantaine de budgets que j'ai couverts entre Ottawa et Québec, là, dans ma précédente carrière, on oublie vite, puis
ça passe vite. C'est un gros, gros, gros morceau qu'on prend, là, comme une poignée de sable, là, puis on essaie de tenir
les doigts serrés, mais on finit par en échapper des bouts. Puis c'est
malheureux parce que c'est la pièce maîtresse. Puis on sort, dans les premières
heures, à chaud. Après ça, on découvre des choses, et puis la vie continue,
puis on passe à autre chose. C'est malheureux. C'est comme ça que ça
fonctionne.
Mais il y a quand même des morceaux de ce
budget-là dont on se souvient, dont on va se souvenir. Le collègue de Pontiac disait : Un budget
conservateur ou même de l'Union nationale. J'ai employé le terme
«conservateur» aussi dans ma critique du budget, je l'emploierais encore, mais,
conservateur, pas seulement dans le sens de ses choix, mais plutôt dans le sens
de ses absences de choix.
Moi, c'est un budget que j'attendais parce qu'il
répond à une époque extraordinaire, extraordinaire dans le sens de hors de
l'ordinaire, et puis c'est là que ça tombe à plat, ça tombe à plat. Ce
budget-là, bon, à part l'évidence qu'il faut investir en santé puis soigner
notre monde... Bien oui, ça, je veux dire, évidemment, le premier rôle d'un
gouvernement, c'est prendre soin de son monde puis protéger sa population. Ça,
c'est l'évidence, ça. C'est comme dire qu'il faut se mettre à l'abri dans un
orage. Bien oui, on va soigner notre monde. Puis on essaie fort, puis on
travaille fort, puis on va continuer la vaccination. Puis, si on peut finir par
y arriver, à un seuil critique, je vais être aussi heureux que tout le monde
ici. Mais il n'y a aucune audace dans la fiscalité de ce budget-là.
Puis ça m'a frappé,
ces derniers temps, parce que, je dis, le budget a été déposé il y a peut-être,
quoi, deux semaines déjà... ça m'a frappé parce que j'ai gardé mes
vieilles habitudes de journaliste, et je tiens une revue de presse rigoureuse
et variée, et, en ce moment, à travers le monde, il y a une effervescence de
tout ce qui réfléchit, grouille, et pense, et grenouille, même, dans le monde
de la haute finance et de la gouvernance de l'État. Il y a le FMI qui arrive
avec des solutions; il y a un autre député, aujourd'hui, qui a déposé un
nouveau livre, qui a présenté un nouveau
livre en France aujourd'hui; il y a l'Observatoire des inégalités, ici et
ailleurs en France, et ici aussi; il y a les fiscalistes qu'on connaît
bien au Québec, les Luc Godbout, et Brigitte Alepin, et autres, et tellement
d'autres, qui réfléchissent puis qui amènent des idées. Bon,
à ma modeste mesure, j'en ai apporté aussi avec ma formation politique :
rejetées du revers de la main comme futiles, frivoles ou que sais-je encore.
C'est malheureux parce qu'on manque le bateau. Ça bouge, là. Même Biden, aux
États-Unis, est en train de brasser la barque pas à peu près. Les États-Unis,
la dernière fois que j'ai vérifié, ce n'était pas un satellite de l'URSS, là,
ils ne sont pas socialistes, là. Biden, dans l'échelle au Québec, est même pas
mal à droite, là. Ça bouge. Ça brasse. Ils réfléchissent. Ils veulent... Bien
oui parce que, c'est qu'on n'a pas le choix, il nous est tombé une calamité sur
la tête.
• (18 h 40) •
Puis le ministre, que
je respecte et que j'apprécie, puis je prends toujours l'occasion de le dire
parce que c'est vrai qu'on travaille bien ensemble, il me semble qu'il a
ressorti son livre du temps où il était à l'école. Puis ça manque furieusement
d'audace, cette affaire-là. Ça... Bon, je ne suis pas en train de dire que ça
fait 100 ans qu'il était à l'école, là, mais, tout de même, il me semble
que nous manquons le bateau, ici, de revoir notamment nos sources de revenus.
Oui, les dépenses, ça va de soi, mais notamment nos sources de revenus.
Tu sais, quand Jeff
Bezos, là, sent la soupe chaude puis il dit : Oui, c'est vrai que je ne
paie pas beaucoup d'impôts — puis
c'est un euphémisme parce qu'il n'en paie pas — peut-être qu'il faudrait...
oui, peut-être qu'il faudrait que je fasse un chèque au fisc américain. Tu
sais, quand Jeff Bezos dit ça, bien, il me semble qu'il se passe quelque chose.
Avant lui, il y a eu Bill Gates, il y a eu Warren Buffett, et tant d'autres,
tant d'autres. Ici, il y a une coalition de jeunes qui sont assis sur des
fortunes familiales et qui disent : O.K., moi, j'en ai assez, là, j'en ai
assez dans mon compte de banque, là, je suis assis sur les millions et les
millions de la fortune familiale, je veux contribuer davantage. Ça a zéro
résonance, zéro.
Puis là je ne fais
pas de la philosophie, là, je parle de chiffres, là. On pourrait parler de chiffres,
et on parlera de chiffres au cours des deux prochains jours qu'on disposera
ici, les 10 heures de l'étude, mais je trouve ça navrant, je trouve
décevant. Je trouve ça décevant qu'on ne soit pas capable de saisir une
occasion comme celle-là parce que, je veux dire, à moment extraordinaire,
réponse extraordinaire. Puis là on va se retrouver vraiment en retard.
Québec a déjà été
avant-gardiste, a déjà été à l'avant-garde. Bon, sur la fiscalité des entreprises,
on a régressé, là, depuis 20 ans, là, de façon spectaculaire, mais on a
déjà été à l'avant-garde sur plein de choses. Là, on va être à la traîne, là,
on va être à la traîne des démocrates aux États-Unis. Je ne mettrai pas ça dans
mon C.V., ça ne fait pas chic. Puis, pendant ce temps-là, en Europe, notamment,
ce bloc immense réfléchit : Oui, O.K., oui, imposer les plus riches, bien
oui, bien oui, parce que c'est là qu'est l'argent. Les paradis fiscaux, oui,
puis je sais que le ministre veut faire quelque chose là-dessus, puis je l'y
encourage, puis on en reparlera parce que ça fait longtemps qu'on parle de ça
ici, j'y reviendrai, M. le Président, plus en détail sur certaines mesures, là,
notamment dans les services sociaux, mais le grand ensemble de l'oeuvre, moi,
me déçoit.
Puis on parle tout le
temps d'équité intergénérationnelle, puis il faut être responsables. Je ne
crois pas que ce soit responsable de tenter de résoudre nos problèmes actuels
avec les vieilles solutions. Je pense qu'on fait juste pelleter par en avant.
Je pense qu'on fait juste pelleter par en avant. Puis, en refusant
systématiquement de réimaginer notre fiscalité, je ne pense pas qu'on est
responsables envers les futures générations.
Voilà. Je vais
m'arrêter là pour le moment, M. le Président, mais j'aurai l'occasion de
revenir plus en détail sur des éléments beaucoup plus précis du budget. Merci.
Le Président
(M. Simard) : Merci. Alors, sur ce, nous venons de clore l'étape
des remarques préliminaires.
Nous entamons la
période du débat, à proprement parler, et je vais céder la parole, d'entrée de
jeu, au député de La Pinière pour une période d'environ 17 minutes.
M. Barrette :
Au total, qui se terminera là.
Le Président
(M. Simard) : Oui, tout à fait.
M. Barrette :
Et je n'aurai pas trois minutes de plus. Parfait.
Alors,
M. le Président, M. le
ministre, à tout le monde et
collègues, salutations. Alors, je vais aller directement à divers
points. Parmi les fonctions et les qualités d'un ministre des Finances, il y a
celle d'avoir un certain talent de prévision. D'ailleurs, le ministre lui-même,
lorsqu'il a fait ses remarques préliminaires, a abondamment pris des exemples
qui nous amènent dans le futur. Et les interventions et les questions que je
vais poser, M. le Président, sont d'abord et avant tout dans cet esprit-là, la
vision du ministre pour le futur.
Je vais commencer par
un sujet qui est brûlant d'actualité, du moins dans l'intérêt pour certaines
personnes, qui est celui des maisons des aînées. On va aller à B.37, B.38. Mais
ce n'est peut-être pas nécessaire, je le dis pour référence, là, mais, ces
données-là, le ministre les connaît certainement. Quand il nous dit, à B.37,
qu'il y aura un ajout, là, de 500 lits, ce sont des ajouts nets par
rapport au nombre de lits d'hébergement qu'il y a actuellement en service,
n'est-ce pas, M. le Président?
Le Président
(M. Simard) : M. le ministre.
M. Girard
(Groulx) : Puisque le député m'a donné la page exacte...
M. Barrette :
B.37, deuxième alinéa, première phrase.
M. Girard (Groulx) : Ah!
excusez-moi. J'étais dans D.37.
M. Barrette :
Ah! bien, il doit le savoir de mémoire, là.
M. Girard (Groulx) : Ça
commence mal. B.37.
M. Barrette : Oui, deuxième
alinéa, 500 lits additionnels.
M. Girard (Groulx) : Oui.
M. Barrette : Bon. Ce sont des
ajouts nets. Le 334 millions qui est au quatrième alinéa... cinquième
alinéa, pardon, est-ce qu'il inclut la construction et le fonctionnement? Il
fait référence à quoi, le 330 millions?
M. Girard (Groulx) : O.K. Alors là,
on va trouver exactement... 334 millions, renforcer les soins, services en
hébergement pour les personnes âgées en perte d'autonomie, attendez, je vais essayer
de vous trouver les détails.
M. Barrette : M. le Président,
si le ministre est d'accord, il pourrait laisser ses collègues chercher et
revenir avec la réponse plus tard, ça me permettrait d'aller plus vite, là.
M. Girard (Groulx) : Mais, en
tout cas, je peux répondre partiellement.
M. Barrette : Non, non.
J'aimerais mieux, pendant que vous cherchez, là, de me donner la réponse
complète en temps et lieu.
M. Girard
(Groulx) : D'accord. O.K.
M. Barrette : Maintenant, dans
la vision du ministre, là, est-ce que le ministre considère que, dans
l'accélération du vieillissement de la population que l'on vit actuellement...
le pic du vieillissement était en 2031, est-ce qu'il prévoit augmenter
périodiquement le nombre de lits net en hébergement? Dans sa vision, là. Ce
n'est pas dans le budget, je lui demande sa vision.
M. Girard (Groulx) : La réponse
à la question précédente, c'étaient les dépenses de fonctionnement pour les
500 lits.
M. Barrette : Pour les
500 lits. Très bien.
M. Girard (Groulx) : D'accord?
M. Barrette : Parfait. Merci.
M. Girard (Groulx) : Alors,
dans ma vision, est-ce que je pense qu'on va avoir plus de lits? Bien, c'est
indéniable qu'on va avoir plus de lits puisqu'il y aura plus de personnes
âgées. Et puis on a le désir d'augmenter les soins à domicile, mais...
M. Barrette : L'un ne remplace
pas l'autre.
M. Girard (Groulx) : Mais c'est-à-dire
que le total augmente, là.
M. Barrette : Très bien.
M. Girard (Groulx) : Les
proportions peuvent changer, mais le total va augmenter.
M. Barrette : Très bien. Je
comprends également que les 2 500 places, qui sont les maisons des
aînés, là, ce sont des remplacements de places existantes. Alors, à la
page B.38, là, un plan de transformation de 2 500 places en
maisons des aînés, ça, ce n'est pas un ajout net, c'est un remplacement.
Des voix :
...
M. Barrette : Bien, l'équipe
peut chercher, là, on me le dira, mais c'est ça qui est écrit dans le texte. M.
le Président, le ministre nous dit que ça, là, ces 2 500 places là,
qui sont du remplacement, vont coûter 2,6 milliards de dollars. Est-ce que
c'est dans la vision du ministre, dans sa vision à long terme, de remplacer les
43 000 places qui existent actuellement en maisons des aînés? Si, oui, je souhaite que ça soit oui, en combien
de temps pense-t-il le faire?
M. Girard
(Groulx) : M. le Président, je vais... pour répondre à une question que je ne... comment je
pourrais dire, donc, je ne remets d'aucune façon la légitimité de cette
question qui est extrêmement importante, je vais devoir étudier le PQI. Le rôle
du ministre des Finances n'est pas les détails du PQI, mais bien l'enveloppe du
PQI. Alors...
M. Barrette :
Et c'est la raison, M. le Président, pour laquelle je pose une question de
vision. Alors, pour le public, là, et, dans les faits, les maisons des aînées,
c'est le grand luxe. Alors, ou bien le gouvernement, le ministre des Finances a une vision à long terme, qui est celle de l'équité par rapport aux
meilleurs équipements pour tout le monde, auquel cas la réponse à ma
question, c'est oui, le ministre vise dans... a comme vision d'avoir une
transformation progressive sur x années de toutes les places en hébergement en
maison des aînés. Si c'est non, la réponse à ça, c'est que le ministre a comme
vision d'avoir deux classes de maisons des aînés, les grand luxe et les
ordinaires.
Alors, ma question est simple... Ce n'est pas
dans le budget! C'est une question de budget, de vision. Mais, un budget, ça
sert à ça, le ministre nous le dit lui-même. Il nous le dit lui-même, il
regarde à moyen, long terme, court, moyen, long terme. Est-ce que la vision du
ministre est d'avoir un remplacement du parc d'hébergement en maison des aînés,
peu importe la période de temps que ça prendra?
• (18 h 50) •
M. Girard (Groulx) : Alors,
votre question c'est : Est-ce que... à mesure que les CHSLD existants
terminent leur vie utile, est-ce qu'ils seront remplacés par les maisons des
aînés? Oui.
M. Barrette : La réponse est
oui. Parfait. M. le Président, à 2,6 milliards de dollars pour
2 500 places pour un parc de 43 000, M. le Président, là, même
si on met ça sur 40 ans en dollars constants, M. le Président, il faudrait
avoir, au PQI, 1 milliard de dollars, sur 20 ans, 2 milliards de
dollars, en dollars constants.
Est-ce que le ministre considère, là, que, dans
sa vision, là, que c'est quelque chose qui est faisable? Je ne lui demande pas
s'il va le faire, je lui demande s'il considère que c'est faisable. M. le
Président, je précise ma question, là. Sur 40 ans, sur 40 ans, ça
coûterait 1 milliard par année en dollars constants. Donc plus, là, mais
mettons qu'on va parler en dollars
constants, tout simplement. Ça, c'est 1 000 places par année.
1 000 fois deux, ça fait 2 000, là. Est-ce que le ministre
prévoit, dans les deux, trois budgets qui s'en viennent, de dépenser encore
2,6 milliards de dollars pour transformer de nouvelles maisons... places
d'hébergement en maisons des aînés? Parce que, ça, M. le Président, là, ce
n'est pas dans le budget.
Le ministre, là, il fait des projections
jusqu'en 2025‑2026, là. Je n'en ai pas vu, de prévisions, là, pour les maisons
des aînés pour cette période-là. Y en a-t-il que je n'ai pas vu? Y en a-t-il
dans son esprit? Y a-t-il un prochain 2,6 milliards de dollars dans
les deux années subséquentes? Parce qu'ici, là, le 2,6 milliards, ça se
termine en 2022‑2023. Est-ce qu'en 2023‑2024, 2024‑2025, il y a un
autre 2,6? Parce que, je le répète, M. le Président, sur 40 ans, sur 40 ans, c'est
1 milliard de dollars constants qu'il va falloir faire. Alors, quelle est
la vision du gouvernement?
M. Girard (Groulx) :
Pouvez-vous me... Je ne veux pas prendre de votre temps, là, mais pouvez-vous
me refaire votre calcul du...
M. Barrette : Bien, il y a
43 000 places, là, puis là on remplace 2 500 places pour
2,6 milliards. Là, c'est des règles de trois, là.
M. Girard
(Groulx) : Ça fait que, là, 40 000 places,
40 milliards, amortissement sur 40 ans, 1 milliard par
année?
M. Barrette : Je ne parle même
pas de l'impact sur la dette.
M. Girard (Groulx) : Non, non,
mais... Non, mais je veux juste être sûr, là, qu'on...
M. Barrette : Oui.
M. Girard (Groulx) : C'est
grosso modo, là? C'est ça, le...
M. Barrette : Oui. Oui.
M. Girard (Groulx) : Parfait.
O.K.
M. Barrette : Puis pour en
arriver à ça, là, pendant 40 ans, là, il faudrait que, de 2023 à 2025, là,
il y ait un autre 2,6 milliards. Est-ce qu'on s'en va vers ça?
M. Girard (Groulx) : Est-ce
que, pour faire un autre 2 500 places de 2022‑2023 à 2025‑2026, ça
prendra un autre 2,5 milliards? Oui.
M. Barrette : Alors, est-ce
que, le ministre, c'est dans sa vision d'avoir un investissement constant
annuel pendant 40 ans... pendant 20 ans, c'est le double, là. Mais
mettons 40 ans, on ne va pas défaire ce qui vient d'être construit
10 ans plus tard, là, mettons ça sur 40 ans. Alors, est-ce que le
ministre a, dans sa vision, un investissement annuel en dollars constants de
1 milliard de dollars pour les maisons des aînés, ce qui serait l'équité
pour tout le monde? Le ministre nous a dit tantôt que, oui, c'est ce qu'il
voyait pour les 43 000 places. Mais c'est parce que ça coûte de l'argent, là. Et moi, je vais vous dire une
chose, M. le Président, quand j'étais ministre
de la Santé, là, il n'y a
aucun PQI en Santé, pendant les quatre ans et demi où j'ai été ministre de la
Santé, où une seule année avait la capacité d'investir plus de
850 millions en ajouts nets. Alors, il va prendre l'argent où, dans sa
vision?
Le
Président (M. Simard) : M. le ministre.
M. Girard
(Groulx) : Mais, dans le PQI 2021‑2031, il y a 21 milliards,
O.K., dont 45 % va au maintien.
M. Barrette :
En maintien d'actifs.
M. Girard
(Groulx) : Alors, faisons... puisqu'on est partis sur des chiffres
ronds... mais c'est bon, d'être sur les chiffres ronds, là, il y a à peu près
10 milliards en nouvelle capacité. Mais évidemment tout ça ne va pas aux
maisons des aînés, là.
M. Barrette :
Évidemment, puisqu'il devrait y avoir certains hôpitaux à reconstruire, comme,
je ne sais pas, un par hasard, l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, juste par hasard
comme ça.
M. Girard
(Groulx) : Il y a Saint-Jérôme aussi.
M. Barrette :
Saint-Jérôme aussi.
M. Girard
(Groulx) : Saint-Jérôme aussi, là.
M. Barrette :
Mais mon point, là, c'est que ça ne tient pas la route, là. Alors, là, on a
500 lits...
M. Girard
(Groulx) : Mais ce que vous dites, c'est qu'il devra...
M. Barrette :
Je vais juste... Je vais juste poser ma question parce que, malheureusement, le
temps passe. Vous m'avez dit qu'il y a 500 lits habituels et il y en aura
de plus... additionnels, pardon, et il y en aura de plus. C'est 338 millions...
334 millions, opérationnel ou construction?
Une voix :
...
M. Barrette :
Fonctionnement. On n'a pas mis la construction, là. Ces 500 places là
additionnelles, là, déjà, en partant, là, ça ne sera pas des maisons des aînés
puisque c'est... c'est clair que ça n'en sera pas.
Ça fait que, là, il y
a déjà un bris. Il y a déjà un bris, là. Il y a 500 places additionnelles.
On dit, d'un côté : Oui, toutes les places, on devra les remplacer. Et
déjà, en partant, on en construit 500 nouvelles qui n'en seront pas. Mais
ces 500 là, là, puis il va en falloir d'autres par après, vont coûter des sous.
À 400 000 $ la place, grosso modo, là, aujourd'hui, probablement plus
vers 500 000 $, ça fait beaucoup de... ça fait beaucoup de sous, là.
Alors, il y a un enjeu. Est-ce que le ministre est d'accord pour me dire qu'il
y a un enjeu?
M. Girard
(Groulx) : Mais, en fait, là où je suis vraiment d'accord avec vous,
c'est que le vieillissement de la population
que nous vivons, c'est la principale raison pourquoi il faut maîtriser notre
dette. Parce que ça nous prend de la
capacité à long terme pour offrir des services aux citoyens en éducation, bien
sûr, mais en santé. Et, en santé, il y aura les soins des aînés. C'est
indéniable. Et c'est pour ça qu'on doit avoir une capacité fiscale extrêmement
solide.
M. Barrette :
M. le Président, je comprends tout ça. Je pense avoir fait mon point. Ceux qui
nous écoutent l'ont compris. Il y a quelque chose qui ne tient pas la route à
long terme ici.
Il me reste six
minutes... quatre minutes, M. le Président?
Le Président
(M. Simard) : En fait, 3 min 7 s.
M. Barrette :
Trois minutes. Je vais inviter le ministre à aller à la page B.8. Projections
du ministre, O.K.? C'est un tableau à B.8. En bas, la dernière ligne...
avant-dernière ligne du tableau, pas le total, celle au-dessus, là, le ministre
ne prévoit aucune dépense additionnelle de 2022 à 2025, alors qu'il écrit
clairement, dans son document, qu'il y a 3 milliards... 1 milliard de
délestages. Ça, c'est ses dépenses qui n'ont pas eu lieu qu'il va falloir
rattraper. Il va falloir les rattraper, ces dépenses-là, alors ces... je
m'excuse, ces procédures-là, et ça va entraîner des dépenses.
Alors, si le zéro qui
est inscrit sur cette ligne-là veut dire : On revient à la normale, bien,
ça veut dire qu'on ne rattrapera pas. Si on revient à la normale, c'est le coût
que ça coûtait plus l'inflation, et ainsi de suite. Alors là, il n'y a pas de
montant additionnel. Comment ça se fait?
Maintenant, je vais
aller un pas plus loin, même chose pour tout ce qui au-dessus. Ça ne va pas
disparaître, là, les effets de la pandémie, là. La pandémie amène de nouveaux
us et coutumes dans le réseau qui vont avoir des coûts additionnels. Je vais
prendre l'item... la référence n° 2 en bas, je vais
même aussi lui poser la question : Est-ce qu'on a vraiment acheté, à date,
25 % de nos EPI au Québec? Et, si on le fait dans le futur, ils vont être
à un prix supérieur à celui de la Chine.
Alors, comment, quand
on additionne le rattrapage et le coût de certaines fournitures inhabituelles,
ça peut être zéro à toutes les lignes, de 2022 à 2026?
M. Girard (Groulx) : Je ne suis
pas sûr de la question. La question, c'est?
M. Barrette :
La question, ce n'est pas compliqué, il n'y a pas un montant de provisionné de
2022 à 2025 pour le rattrapage et le coût additionnel des fournitures parce
que, ne serait-ce que par définition, si on achète au Québec, qui est une bonne
chose, je n'ai pas de problème, s'il y a un coût additionnel. Et là il n'y en a
pas, là.
M. Girard (Groulx) : O.K., je
vais vous parler de la structure de la section B, O.K.? Ici, on a voulu donner
les coûts de la pandémie, transparence, on donne les dates, on dit où on a
montré l'impact du délestage, on dit : La pandémie nous a coûté, à date,
selon ces hypothèses-là, 12 milliards, mais c'est 16 milliards...
M. Barrette : ...cette
réponse-là quand même, là. Le rattrapage est un résultat de la pandémie. Comment
ça se fait qu'il n'y a pas de coûts additionnels liés au rattrapage?
M. Girard (Groulx) : Parce que
le plan de rattrapage, M. le Président, n'a pas été annoncé par mon collègue
parce que nous sommes toujours en pleine crise. Nous sommes dans la troisième
vague.
• (19 heures) •
M. Barrette : Le rôle du ministre
des Finances n'est-il pas de prévoir?
M. Girard (Groulx) : Nous
sommes dans la troisième vague. Lorsque...
Le Président (M. Simard) :
Chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Girard (Groulx) : Est-ce que
je peux...
Le
Président (M. Simard) :
Compte tenu... Cher collègue, il est
19 heures. Vous pourrez répondre subséquemment, vous pourrez
répondre subséquemment.
Compte tenu de l'heure, nous allons ajourner nos
travaux. Et on reprend... Mais gardez tout ça pour demain, M. le ministre, puisqu'on
reprend demain après les affaires courantes. Bonne soirée à toutes et à tous.
(Fin de la séance à 19 h 01)