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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mardi 3 novembre 2020 - Vol. 45 N° 94

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 68, Loi visant principalement à permettre l’établissement de régimes de retraite à prestations cibles


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Table des matières

Auditions (suite)

Mme Marie-Hélène Noiseux

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Fédération de l'industrie manufacturière (FIM-CSN)

Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite (ACARR)

Réseau FADOQ

M. Michel Lizée

Force Jeunesse

Mémoires déposés

Autres intervenants

M. Jean-François Simard, président

M. Eric Girard

M. Youri Chassin

M. Carlos J. Leitão

M. André Fortin

M. Vincent Marissal

M. Martin Ouellet

*          M. Denis Bolduc, FTQ

*          Mme Marie-Josée Naud, idem

*          M. Michel Desbiens, FIM-CSN

*          M. Stéphane Côté, idem

*          M. Julien Ranger, ACARR

*          M. Claude Lockhead, idem

*          Mme Gisèle Tassé-Goodman, Réseau FADOQ

*          M. Danis Prud'homme, idem

*          M. Simon Telles, Force Jeunesse

*          Mme Éliane Racine, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures trois minutes)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Je constate que nous avons quorum. Conséquemment, nous pouvons reprendre nos travaux.

Comme vous le savez, la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 68, Loi visant principalement à permettre l'établissement de régimes de retraite à prestations cibles.

Mme la secrétaire, bonjour, heureux de vous retrouver parmi nous. Y a-t-il des remplacements ce matin?

La Secrétaire : Non, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Y aurait-il des votes par procuration?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Chassin (Saint-Jérôme) dispose d'un droit de vote par procuration au nom de M. Asselin (Vanier-Les Rivières); M. Fortin (Pontiac) dispose, quant à lui, d'un droit de vote par procuration au nom de M. Barrette (La Pinière).

Auditions (suite)

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, ce matin, nous allons reprendre nos consultations. Nous avons l'honneur de recevoir Mme Marie-Hélène Noiseux, professeure titulaire au Département des finances de l'UQAM et associée, donc, conséquemment, à la prestigieuse École des sciences de la gestion, n'est-ce pas, Mme Noiseux?

Mme Marie-Hélène Noiseux

(Visioconférence)

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Tout à fait. C'est l'ESG, c'est un nom qui est quand même d'actualité.

Le Président (M. Simard) : Tout à fait, en effet. Alors, merci beaucoup d'avoir répondu à notre invitation. Vous savez, vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation.

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Absolument. Merci, M. le Président. Bonjour, M. le ministre, chers députés et chers commissaires. Je suis vraiment ravie d'être avec vous pour discuter du projet de loi n° 68.

Alors, je suis professeure titulaire en finance à l'ESG, mais je siège aussi sur plusieurs comités de retraite ou comités de placement dans le secteur public et dans le secteur privé. Le mémoire est vraiment le fruit de ma réflexion personnelle, qui n'engage, évidemment, nullement les différentes entreprises et différents partis avec qui je travaille. Par ailleurs, j'ai eu le plaisir, dans la dernière semaine, d'échanger avec plusieurs actuaires et gestionnaires de portefeuille qui ont été généreux de leur temps puis qui m'ont permis de façonner ma réflexion. Je suis très reconnaissante envers eux et je les remercie.

Donc, le contexte. Alors, pour résumer, c'est certain qu'il est important qu'on s'assure que les travailleurs épargnent et qu'ils aient les bons outils à leur disposition. Le régime de retraite à prestations déterminées a fait, évidemment, fureur, malheureusement il y en a de moins en moins. C'est un régime qui est formidable pour un employé, particulièrement quand l'employeur ou le promoteur éponge les déficits. Donc, il y en a de moins en moins. Il y a, par contre, de plus en plus de régimes de retraite à cotisation déterminée, mais c'est un outil qui est bien moins performant. Alors, je fais quelques citations, là, dans mon mémoire, que vous allez recevoir par la suite.

Dans ce contexte, le projet de loi n° 68 est totalement à propos, et j'en salue l'initiative. Vous avez fait un excellent travail. Je crois que les régimes de retraite à prestations cibles répondent à un besoin puis pourront très bien coexister avec les autres régimes de retraite qui existent déjà.

Alors, commençons par les atouts du régime de retraite à prestations cibles, tel que proposé dans le projet de loi. Alors, il y a plusieurs forces qui sont à souligner : une mutualisation du risque de longévité et de placement, l'équité intergénérationnelle, l'équité entre les actifs, les non-actifs et les retraités, la stabilité, la simplicité et une bonne flexibilité.

Trois autres points que j'aimerais saluer, d'abord, le premier, l'utilisation d'un salaire de carrière indexé. Donc, ça, je trouve ça très intéressant et beaucoup plus équitable. C'est certain que le salaire final est très intéressant, particulièrement quand il y a un promoteur qui peut éponger les déficits. Donc, s'il y a une grande disparité en fin de carrière, s'il y a des personnes qui ont des promotions importantes, des changements salariaux importants, bien, écoutez, ils sont favorisés par un régime, évidemment, de salaire final. Dans le cas qui nous intéresse, dans le cas des prestations cibles, je pense que c'est important qu'on utilise, évidemment, le salaire de carrière indexé, qui va être beaucoup plus équitable.

Deuxième chose que j'apprécie, en termes de conversion et de service passé, je pense que c'est très important qu'on conserve les rentes qui sont liées au service passé des régimes à prestations déterminées. C'est une promesse entre des promoteurs et des participants, puis on ne devrait pas toucher à ça. Donc, je souscris au principe de ne pas permettre la conversion des régimes de retraite à prestations déterminées en régimes de retraite à prestations cibles.

Troisième point fort, je pense qu'on explique bien et qu'on encadre bien la politique... de financement, pardon, qui devra être simple et claire. Il faut souligner l'importance d'utiliser un taux d'actualisation conservateur pour bien estimer le passif actuariel. D'autre part, il faut aussi permettre de prendre un certain risque dans notre politique de placement, sinon ça va coûter trop cher à financer.

Allons-y maintenant avec quelques suggestions pour améliorer ce fameux projet de loi là. D'abord, au niveau des prestations accessoires — la première de trois — je suis totalement d'accord avec l'idée de proscrire la plupart des prestations accessoires, notamment celle qui est basée sur la retraite anticipée, qui est basée, elle, sur le service. Évidemment, je suis contente qu'on exclue ce type-là de prestations accessoires. Par ailleurs, j'aimerais ça qu'il y ait une certaine ouverture pour une indexation limitée des rentes après la retraite. Les gens meurent de plus en plus tard, alors il va y avoir un impact important, évidemment... ça va avoir un impact important sur leur rente, qui peut être versée pendant plusieurs années.

Deuxième suggestion, l'acquittement des droits des participants et l'achat de rentes. Écoutez, c'est très simple, on finance et on redresse les régimes sur une base de capitalisation, donc je souhaite qu'on puisse acquitter les droits et acheter des rentes sur la même base.

• (10 h 10) •

Troisième proposition, redressement et cotisation de stabilisation. Ma première proposition serait de fixer une cotisation de stabilisation. Je suggère d'utiliser un 15 %, pas un 10 %, un 15 % me semble correct. Il faut faire attention, parce qu'évidemment un régime de retraite, une caisse de retraite peut varier beaucoup, on l'a vu cette année... financiers ont beaucoup vacillé. Donc, 15 % me semble correct, c'est plus facile à expliquer, c'est plus simple. Je comprends qu'il pourrait y avoir un souhait d'harmoniser les règlements avec la matrice qui est actuellement utilisée dans le secteur privé, mais, à mon avis, elle est inutilement complexe pour les régimes à prestations cibles. Donc, on fixe la cotisation à 15 % et, deuxième chose, il faudrait permettre un rétablissement des rentes dès qu'on a accumulé 50 % de la provision de stabilisation. Donc, on a un chiffre, on essaie d'avoir 15 %, mais, dès qu'on est au milieu, on pourrait rétablir certaines rentes, ce qui permettrait d'être plus équitable envers les participants.

Quelques suivis simples pour mieux harmoniser, maintenant, les prestations cibles avec leur environnement. Alors, au niveau fiscal, il faut s'assurer qu'on ait un FE qui soit simple à calculer. Donc, pour le participant, il faut qu'il sache qu'il cotise tant à un RPC puis qu'il reste tant à investir dans son REER. Les normes comptables, il faut que ce soit simple pour que ce soit attrayant pour l'employeur, donc une simple écriture aux états financiers. Alors, il y a lieu de discuter avec les ordres comptables à ce niveau-là. Dernière chose, ce serait intéressant de faire un suivi auprès des autres provinces et du fédéral pour qu'on puisse harmoniser les juridictions.

J'ajoute maintenant quatre suggestions ou quatre recommandations qui vont toucher le régime à prestations cibles, mais qui touchent aussi les autres caisses de retraite. La première concerne la gouvernance. Alors, c'est essentiel qu'un comité de retraite ait une compétence globale tant au niveau actuariel qu'au niveau du placement. Donc, il existe différents ajouts possibles, ce serait peut-être intéressant que ce soit enchâssé dans la loi. Je sais qu'il y en a qui préconisent le fait d'ajouter un membre indépendant. Ça peut être fait comme ça, mais il pourrait très bien y avoir des conseillers aviseurs, votants ou non, qui se joignent à l'équipe. Donc, ce n'est pas nécessairement de prescrire un nombre de personnes, parce qu'on pourrait être 25 et 30, puis ça pourrait très mal fonctionner, mais s'assurer qu'il y ait une compétence puis que ce soit enchâssé dans la loi.

Deuxième chose, pour moi, qui est importante, fiducie globale. On démarre des nouvelles caisses de retraite, autant que possible, est-ce qu'on peut essayer de regrouper ces actifs-là pour réduire les frais et pour avoir accès à un plus vaste éventail — excusez-moi — de placements? Et il faut s'assurer qu'il n'y ait pas de barrière dans le projet de loi à ce niveau-là.

Troisième chose, vous avez proposé d'offrir des rentes viagères à paiements variables pour les participants des RVER et des RRCD, des régimes à cotisation déterminée, je pense que c'est un excellent principe. Est-ce qu'on peut aussi l'offrir à d'autres clientèles? Je pense que ce serait intéressant d'envisager ça. À ce moment-là, il va falloir discuter, évidemment, avec l'AMF, qui... encadrer la mise en marché et s'assurer qu'il y a une saine divulgation des frais. Évidemment, il faudra aussi coordonner le tout avec les lois de l'impôt fédéral et provincial.

Dernière suggestion qui se rapporte aussi plus aux placements, alors, on a un devoir de fiduciaire de bien analyser notre régime et de faire le meilleur choix rendement/risque. C'est notre devoir, quand on siège à un comité de retraite ou à un comité de placement. Je crois profondément que ça devrait inclure une analyse sérieuse des facteurs de risque ESG — et je ne parle pas, évidemment, de l'École des sciences de la gestion — donc des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance. Je souhaite donc vivement que les régimes de pension agréés, et là toutes natures confondues, donc, juste... pas juste les RRPC, fassent une divulgation pour tenir compte des principes ESG. On en discute beaucoup, c'est un sujet d'actualité et qui est très important.

Dernier point, au niveau des politiques de placement et de la reddition de comptes, donc, j'ai parlé des principes ESG, dans la foulée du Panier bleu et des efforts qui sont déployés pour conserver les sièges sociaux au Québec, soyons proactifs. Qu'est-ce que je veux dire par là? On parle beaucoup des produits, je trouve qu'on parle peu des services qui sont offerts au Québec. À rendement/risque équivalent, pourquoi on ne pourrait pas investir auprès de gestionnaires de portefeuille québécois? Il en est de même pour les actuaires et les autres fournisseurs de services du Québec. Alors, il serait donc utile que tous les régimes fassent une divulgation du processus décisionnel qui sont faits, en termes de services, et, évidemment, de gestion de portefeuille, et là c'est important, tout en tenant compte, évidemment, du devoir de fiduciaire. Alors, je trouvais ça intéressant d'ajouter ça.

Donc, je résume mes principales recommandations. Alors, au niveau des RRPC, la première recommandation, c'est que je trouve qu'il est opportun qu'il y ait une ouverture pour une indexation limitée des rentes après la retraite. Deuxième recommandation, il est souhaitable que l'acquittement des droits et l'achat de rentes se fassent sur une base de capitalisation, comme c'est... comme le financement est fait sur cette base-là. Troisième recommandation, il est utile de fixer une provisation... une provision, pardon, de stabilisation à 15 % dans la loi ou dans le règlement et de permettre un rétablissement des rentes dès qu'on a accumulé 50 % de cette provision-là. Quatrième suggestion, il y a un suivi à faire avec les autorités fiscales et comptables.

Quatre suggestions pour tous les régimes complémentaires de retraite. Première chose, il faut s'assurer de la compétence du comité de retraite, tant au niveau actuariel et placement. Deuxième suggestion, les promoteurs ont tout intérêt à regrouper les actifs dans la mesure du possible. Troisième suggestion ou recommandation, les rentes viagères à paiements variables sont fort intéressantes, je vous remercie d'en parler, puis j'aimerais qu'elles puissent être offertes à plusieurs groupes d'épargnants. Il faudra faire, évidemment, un lien avec l'AMF pour qu'il y ait une saine divulgation des frais. Dernière suggestion ou recommandation, je trouve qu'on devrait discuter des risques ESG et des fournisseurs québécois au niveau de la politique de placement et/ou au niveau de la reddition de comptes de toutes les caisses de retraite. C'est une mine d'or pour nous, les Québécois, puis il faut s'assurer d'en profiter. Merci beaucoup. Je suis disponible pour les questions.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci, Mme Noiseux. Je cède maintenant la parole au ministre des Finances.

M. Girard (Groulx) : Merci, M. le Président. Et permettez-moi de divulguer que j'ai eu l'occasion de siéger sur un comité de retraite d'une entreprise publique avec Mme Noiseux, et c'est d'ailleurs dans ce contexte que j'ai pu observer toute son expertise, qui est pertinente pour nous aujourd'hui.

La capitalisation versus la solvabilité dans le cas d'acquittement des droits, qu'est-ce qui justifierait ça? En quoi c'est plus équitable pour ceux qui demeurent?

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Bien, écoutez, M. le ministre, je vous remercie pour votre question. Si je finance aujourd'hui sur une base de capitalisation et qu'un participant, par exemple, quitte demain matin, pourquoi il n'aurait pas le même montant, d'accord? Donc, du jour au lendemain, on change de méthode. Alors, c'est, à mon avis, important qu'on conserve la meilleure méthode pour que ce soit équitable envers tout le monde.

Deuxième chose, ce sera beaucoup plus facile à expliquer aux participants. Imaginez-vous de recevoir votre relevé de retraite, puis dire : Bien, vous avez financé hier, ça valait telle chose; là, selon la solvabilité, si vous partez aujourd'hui, vous allez avoir telle chose, mais, si vous prenez votre retraite plus tard, vous aurez autre chose. Donc, je pense que c'est important d'harmoniser tout ça pour que ça soit plus clair et plus équitable pour tous. Voilà.

M. Girard (Groulx) : Mais, si le régime était, par exemple, en déficit, est-ce que de laisser des gens quitter avec la méthode de capitalisation, c'est juste pour ceux qui demeurent dans le régime?

• (10 h 20) •

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Bien, écoutez, on a financé sur cette base-là. Est-ce que c'est juste de financer sur cette base-là? Je pense qu'on peut se poser la question aussi, hein? Alors, c'est important que le tout soit harmonisé. S'il y a une disparité entre les deux méthodes, pour moi, je pense que ça peut... ça va causer des soucis. Il y a une façon d'en profiter d'une façon ou d'une autre.

M. Girard (Groulx) : Mais... Je vous remercie d'avoir souligné que ce serait plus simple pour les participants d'avoir la même méthode de cotisation que de sortie. Maintenant, lorsque vous quittez un régime, vous terminez vos droits avec ce régime. Alors, est-ce que vous nous dites qu'outre le fait que ce serait plus simple et plus consistant avec la méthode de contribution, je veux dire, la même méthode pour contribuer que pour quitter... mais est-ce que c'est équitable pour les participants restants ou la majorité... Prenons le cas très simple où une seule personne quitte un régime, là, est-ce que c'est équitable pour ceux qui demeurent dans le régime... est-ce que ce serait aussi équitable d'utiliser l'approche de capitalisation plutôt que l'approche de solvabilité pour les participants qui demeurent dans le régime?

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Écoutez, je pense que oui. Il ne faut pas oublier que, dans le cas de la solvabilité... vous me dites : Ça serait sur une base de solvabilité, mais on tiendrait compte aussi de la solvabilité du régime. Alors, si je calcule un montant de sortie pour un participant puis que je le multiplie par 80 %, ou 90 %, ou 70 %, bien, le montant total va être affecté, donc il ne recevra pas, évidemment, le plein montant qui est calculé sur la base de solvabilité. À ce moment-là, on se rapproche quand même du montant qu'il recevrait sur une base de capitalisation, qui... Donc, à mon avis, oui, c'est équitable, et je pense qu'il faut vraiment appliquer cette méthode-là.

M. Girard (Groulx) : O.K. Alors, on va... Vous n'êtes pas la première qui fait cette suggestion-là, mais ce n'est pas un consensus non plus. Alors, il va falloir... il va falloir y réfléchir. Non, mais c'est un point important. O.K.

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : D'accord.

M. Girard (Groulx) : Les normes comptables, là, est-ce que vous avez, par vos activités... est-ce que vous avez déjà connaissance d'enjeux dans le traitement comptable des régimes de retraite à prestations cibles pour les employeurs?

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Il y en a qui disent que c'est très clair qu'il va y avoir vraiment la cotisation de l'employeur qui va être inscrite aux états financiers puis que ça va être simple. Certains s'inquiètent toutefois dans le cas où cette prestation pourrait varier dans une fourchette. Alors, je pense, c'est important de permettre à un employeur de faire varier légèrement sa cotisation, quitte à ce qu'on inscrive aux États-Unis... voyons! pardon, aux états financiers — j'ai fait un petit lapsus, je pense que je pense aux élections — alors, quitte à ce qu'on inscrive aux états financiers le montant maximal que l'employeur pourrait contribuer.

Mais c'est important que ça soit simple, parce qu'évidemment, comme vous le savez, en ce moment, la cotisation RRPD... la cotisation et les déficits affectent les résultats de l'entreprise puis peuvent engendrer une pression au niveau des liquidités ou de la capitalisation de l'entreprise, on ne veut pas aller là. On veut que ça soit simple puis ça soit vraiment les cotisations qui soient inscrites. Donc, ça ne fait pas l'unanimité. Il y en a qui disent que ça va être plutôt simple puis que ça va être la cotisation, mais d'autres qui s'inquiètent un peu de cette variabilité-là.

M. Girard (Groulx) : O.K. Donc, il n'y aura pas d'enjeu si les cotisations sont fixes, il y a du travail à faire pour clarifier le traitement si les cotisations sont variables.

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : C'est ce que je comprends.

M. Girard (Groulx) : O.K., très bien. O.K. Bon, là, je vais rentrer dans un enjeu que le député de Robert-Baldwin connaît bien, les gestionnaires de portefeuille québécois, parce que je pense que les facteurs de risque ESG, c'est une proposition... l'industrie s'en va vers ça, de toute façon, c'est assez... Je ne sais pas si c'est approprié d'en parler dans le projet de loi, mais je pense que l'industrie évolue vers ça. De favoriser les gestionnaires de portefeuille québécois dans les régimes d'épargne des Québécois, comment est-ce qu'on justifierait ça, là? Parce que ça... les... normalement, le critère principal pour favoriser l'épargne des Québécois, c'est la maximisation des rendements sujets à une minimisation des risques, ou un «Sharpe ratio», ou... Dans tous les cas, on vise à maximiser la performance pour un degré de tolérance au risque donné. Lorsqu'on rentre des critères géographiques, nationalistes ou de favoriser l'industrie locale, comment est-ce qu'on pourrait justifier ça?

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Je vous remercie pour votre question. Je sais que c'est une question délicate, et j'ai hésité avant de le mettre dans mon rapport, c'est vraiment ma réflexion personnelle. Ce que je peux vous dire, ce qui se fait en ce moment sur les comités, particulièrement pour les entreprises privées, on a toujours cette discussion-là, alors, ce n'est pas de favoriser les gestionnaires québécois au détriment des autres, mais, capacité égale, donc à rendement/risque équivalent, pourquoi ne pas encourager un gestionnaire qui est ici? Donc, ça se fait, comme je dis, naturellement, sur plusieurs comités de placement. On pourrait le faire encore plus. Malheureusement, je le vois moins dans le cas de certains régimes de retraite publics.

Deuxième chose, il y a une vague de délégations, on appelle en anglais les «OCIO», là, les «outsourced CIO», donc une délégation des pouvoirs. Quand on délègue les pouvoirs ou qu'on délègue la gestion de la caisse, des fois on s'en va avec des grandes multinationales qui vont faire ça ailleurs, et là on oublie qu'on perd de vue nos régimes... nos gestionnaires de portefeuille québécois. Pourquoi? Parce qu'ils ne sont généralement pas dans la grande banque de données. Alors, ce que je suggère, c'est qu'à rendement/risque équivalent, et ça, ça arrive fréquemment, est-ce qu'on ne pourrait pas au moins envisager la possibilité d'utiliser soit un gestionnaire ou un fournisseur de services québécois? Je ne sais pas si ça clarifie un peu la question.

M. Girard (Groulx) : Oui, mais malheureusement le rendement/risque équivalent, il y a toujours un aspect subjectif dans l'évaluation. Et, si on restreint l'ensemble d'opportunités des véhicules de placement que les épargnants peuvent choisir, certains pourraient conclure qu'on ne les aide pas à maximiser leur risque/rendement.

Alors, il faut... on a plusieurs objectifs. Certainement, supporter l'industrie québécoise de la gestion de placement, c'est un objectif important et intéressant, mais je dirais qu'il est secondaire à maximiser l'épargne des Québécois et, dans le cas ici, offrir un véhicule d'épargne différent. Alors, j'hésite à ajouter des objectifs, mais j'en prends note, je pense que c'est important.

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Je comprends très bien.

M. Girard (Groulx) : Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Simard) : 1 min 10 s.

M. Girard (Groulx) : Est-ce que mon collègue aurait une question?

Le Président (M. Simard) : M. le député de Saint-Jérôme.

M. Chassin : Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre, aussi. Mme Noiseux, j'ai une question qui... dans le fond, peut-être que le ministre a déjà la réponse, là, mais, moi, ça m'intéressait de peut-être clarifier un élément. Quand vous parlez de regrouper les fiducies, on voit tout l'intérêt économique de le faire, vous dites, dans le fond, qu'il ne devrait pas y avoir de barrières dans le projet de loi. Est-ce qu'à votre avis il existe de telles barrières dans le projet de loi? Avez-vous vu des éléments qui, peut-être, seraient susceptibles d'être problématiques ou non?

• (10 h 30) •

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Je n'en ai pas vu. Écoutez, j'y vais de mémoire, je crois que c'est dans l'article 146, mais je pense que l'article — je crois que c'est 146 — visait à éviter de regrouper les actifs et les passifs de différents régimes de retraite à prestations cibles, et je ne crois pas que ce soit une barrière à ce niveau-là, mais j'invite les employeurs ou les promoteurs à faire une réflexion, à ce stade-ci, surtout quand on démarre le régime. Pourquoi? Bien, écoutez, on a fait ça, par la suite, donc, pour plusieurs régimes de prestations déterminées au niveau des villes et au niveau de plusieurs entreprises privées. Alors, tant qu'à mettre ça en place, réfléchissons à cet aspect-là dès le départ ­et encourageons la mise en commun de ces actifs-là.

Le Président (M. Simard) : Merci, Mme Noiseux. Je cède maintenant la parole au député de Robert-Baldwin.

M. Leitão : ...

M. Fortin : Non, ça va. Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Oh! excusez-moi. M. le député de Pontiac, désolé.

M. Leitão : Mon tour viendra.

M. Fortin : Non, il n'y a pas de faute, M. le Président. Merci, Mme Noiseux, d'être avec nous et de nous partager certaines de vos recommandations, suggestions et constats par rapport au projet de loi.

Je veux revenir sur l'enjeu de la valeur des droits d'un participant, rapidement, là, parce que le ministre a terminé, disons, cet échange-là avec vous en disant qu'il y avait beaucoup de gens qui avaient fait le même point que vous, mais qu'il n'y avait pas unanimité. En fait, je pense que ce qu'il voulait dire, c'est que tout le monde qui s'est présenté devant nous jusqu'à maintenant avait le même point de vue que vous, et donc, s'il n'y a pas unanimité, c'est-à-dire que lui n'est pas nécessairement d'accord. Alors, je vous donne peut-être une dernière occasion de le convaincre et de nous dire pourquoi c'est important de procéder comme ça.

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Merci, M. le député. Écoutez, pour moi, c'est une question de cohérence dans la loi. On finance sur cette base-là, on va faire les relevés sur cette base-là, on prend notre retraite sur cette base-là, on va redresser le régime sur cette base-là, alors je pense que l'acquittement des droits doit se faire sur cette base-là.

M. Fortin : Très bien, très bien, ça me semble aussi clair que possible. Au tout début de votre présentation, Mme Noiseux, vous avez mis quelques concepts de l'avant qui étaient importants pour vous. Vous avez parlé de celui de l'équité intergénérationnelle, là. Je veux juste peut-être vous permettre d'élaborer là-dessus parce qu'effectivement, pour un employeur qui aurait un régime à prestations déterminées et qui voudrait passer vers un régime à prestations cibles, vous avez raison de dire que c'est bien, que les rentes doivent être protégées parce que c'est essentiellement un contrat entre le promoteur et le travailleur, mais en même temps est-ce que ça ne créerait pas deux classes d'emploi? Est-ce qu'il n'y aurait pas une iniquité intergénérationnelle, quand même, entre l'employé qui est là depuis un certain temps et le nouveau? Je comprends qu'on fait tout pour protéger le contrat qui a été signé entre un employeur et son employé ou son syndicat, mais, quand même, est-ce que ça ne crée pas une certaine forme d'iniquité intergénérationnelle?

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : C'est une bonne question, M. le député. Écoutez, je pense que, d'abord, c'est important de noter que cette rente-là qui est promise, c'est un peu du salaire différé, donc il faudrait voir vraiment la rémunération globale qui est offerte à chacun des salariés. Il y a eu un contexte qui a fait... où, effectivement, il y a eu des iniquités intergénérationnelles dans le cas des PD. Ce qui est important pour moi, c'est que, si l'employeur n'a pas la capacité de payer, à un certain point il s'est engagé, il doit terminer le régime, mais il doit payer ces rentes-là. Donc, on n'est pas obligé de le terminer, là, sur une base juridique, évidemment, là, mais on cesse d'accumuler, on va payer à chaque employé qui a fourni, aussi... qui a cotisé en partie... Puis là je parle pour moi. Moi, j'ai un régime de retraite à prestations déterminées, j'en subventionne 50 %, donc j'ai quand même droit à ça, à mon avis. Alors, pour moi, il y a une forme d'équité, dans le sens que je cotise beaucoup et je sais ce que je vais recevoir. Si on termine, bien, pour les années de service qu'il me reste, si j'ai, par exemple, accès à un droit d'un régime de retraite à prestations cibles, bien, je vais cotiser en conséquence, donc ça dépend toujours ce que l'employé et l'employeur paient à travers le temps. Je vous dirais que, jadis, l'employeur assumait à peu près tout, on voit ça de moins en moins.

Donc, le prestations cibles arrive vraiment entre le régime à prestations déterminées et le cotisation déterminée, il y aura autre chose. Si l'employeur décide de le terminer, bien, écoutez, acquittez les droits, on peut faire ça sur une plus grande période sans forcer le régime à se terminer, mais on peut recommencer avec un autre régime, sur une autre base, avec d'autres ententes, mais j'ai peur qu'il y ait beaucoup de brouhaha si on change un régime sous une autre forme. Je vous donne un exemple, ça me tient beaucoup à coeur qu'on utilise... juste un instant... je reviens à mon petit paragraphe, le salaire de carrière indexé. Alors, si on change un prestations déterminées en prestations cibles, certaines personnes vont vouloir garder le salaire final. Attention, avant ça, l'employeur assumait une partie du risque. Là, ça va vraiment être sur les épaules, dans le fond, du participant, donc il faut être prudents quand on s'embarque là-dedans. Je pense que c'est plus équitable d'utiliser un salaire de carrière indexé, d'où ma réflexion sur le fait que... laissons vivre le PD. Si l'employeur veut changer sa forme de rémunération globale, et là, vraiment, ça comprend tout, les avantages sociaux, les régimes de retraite, bien, on peut refaire cette réflexion-là et partir sur une nouvelle base.

M. Fortin : Très bien. Je vous remercie, Mme Noiseux.

Le Président (M. Simard) : Merci. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Leitão : Très bien. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Noiseux, merci d'être là. Votre présentation était très, très claire, merci. Je n'ai pas beaucoup de temps, alors, j'ai quelques sujets que j'aimerais discuter avec vous. Le dernier que vous venez d'aborder, il me semble que, là, la question, c'est surtout une question de pédagogie, donc d'expliquer aux entreprises, mais aussi surtout aux employés, aux travailleurs dans quoi ils s'embarquent, parce que je pense que ce n'est pas... dans l'opinion publique en général, ce n'est pas très clair, exactement, c'est quoi, un régime de pension à prestations cibles. Ce n'est pas clair, là, et je ne critique personne, mais je trouve que c'est comme ça, alors il y a un travail de pédagogie à faire. Il devrait se faire par... Est-ce que le gouvernement devrait prendre un rôle actif dans ce travail de pédagogie ou ça devrait être d'autres groupes, les universités par exemple, qui feraient ces campagnes-là?

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Merci, M. le député, c'est une excellente question et c'est vraiment une question qui me tient à coeur. Donc, un des gros problèmes quand on a même juste les régimes à cotisation déterminée, les gens ont de la difficulté à placer leur argent puis à comprendre le contexte, alors imaginez-vous dans le contexte d'une caisse de retraite, ça devient complexe. Oui, les universités ont, évidemment, un rôle à jouer. Je pense qu'il faut aussi discuter avec les entreprises qui ont aujourd'hui des régimes à cotisation déterminée puis les inciter à aller vers un régime à prestations cibles, tout le monde va être gagnant. Alors, ça, c'est clair, mais mes suggestions sont aussi basées sur une préoccupation pédagogique. Restons simples, si on reste évidemment avec un financement sur base de capitalisation, et aussi, qu'on ajoute des principes simples comme une provision de stabilisation fixe à 15 %, ça va être beaucoup plus facile à expliquer.

M. Leitão : O.K. merci. Dans la gouvernance, donc la composition des comités de retraite, tout à fait d'accord avec vous, il faut essayer d'aller chercher un plus vaste champ d'expertise, mais comment on fait ça? Pratiquement, là, concrètement, comment est-ce qu'on va être capables... Parce que ce genre d'expertise, bon... comme relativement limité, si on a des fonds de pension qui sont... il y a beaucoup de fonds de pension relativement petits, je pense, ça aurait été mieux si on réussissait, comme vous le suggérez, à regrouper des actifs. Donc, comment vous voyez cette question de... C'est important d'avoir l'expertise nécessaire dans les comités de retraite, mais comment on va la chercher?

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Bien, écoutez, je pense que ce qui est déjà proposé pour les régimes de pension agréés dans la loi actuelle est en partie suffisant, dans le sens qu'il y a déjà une dénomination qui est faite. Ce que j'aimerais qui soit ajouté, c'est la certitude qu'on s'assure qu'elle compense au niveau actuariel et au niveau placement autour de la table, donc, si on pouvait enchâsser ça dans la loi. Comme je vous disais tantôt, ça peut être fait de toutes sortes de façons, ça peut être des membres externes, des membres votants, non votants, mais je pense qu'en l'enchâssant dans la loi ça va souligner le devoir du comité de retraite de bien se faire entourer, puis ça, c'est extrêmement important, on est personnellement responsables, on est fiduciaires de régime quand on siège autour de la table.

• (10 h 40) •

M. Leitão : Très bien. Merci. Dans ce même ordre d'idées, donc, le regroupement d'actifs, en effet, moi, je pense, ce serait très intéressant. Dans le projet de loi, ensuite, à la question de mon collègue, vous n'avez pas constaté d'obstacle concret, moi non plus. Il faut qu'on le regarde plus attentivement, mais je n'ai pas vu de contrainte claire. Mais, en abordant ça de l'autre côté, est-ce qu'on pourrait... est-ce qu'on devrait mettre en place des mesures qui vont encourager le regroupement d'actifs? Donc, il y aurait des gains, il y aurait des avantages à regrouper les actifs.

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Écoutez, vous touchez un sujet qui me tient énormément à coeur depuis très, très longtemps. Donc, si on pouvait regrouper les actifs de certaines municipalités, par exemple, ou autres, ce serait tellement intéressant pour le Québec, il y aurait une économie d'échelle au niveau des coûts. Et là je ne suis pas en train de dire que ce que la Caisse de dépôt fait n'est pas bien, au contraire, j'apprécie beaucoup ce qu'ils font. Si on pouvait avoir d'autres caisses en importance au Québec, je pense que ce serait salutaire pour tous, donc je souscris complètement à ça.

M. Leitão : Si on avait ça, les risques ESG seraient, il me semble, aussi mieux gérés parce qu'une plus grande caisse a une plus grande facilité à gérer ces risques-là.

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Absolument, absolument.

Le Président (M. Simard) : ...

M. Leitão : Bon, M. le président m'a coupé la parole, alors merci beaucoup.

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Merci, M. le député. Ça me fait plaisir de vous revoir.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. Alors, M. le député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Mme Noiseux, merci, merci d'être là. Je me sens un peu comme mes enfants, ce matin, à l'école à distance. Et votre exposé était très clair, je vous en remercie, parce que c'est vrai que ce n'est pas un dossier qui est toujours facile. Puis je souriais, tout à l'heure, quand vous disiez : Des fois, on reçoit notre feuillet, ça prend probablement quelques heures avant de comprendre, moi-même, j'ai fait des téléphones pour arriver à décrypter tout ça, dans mon cas personnel.

J'ai bien noté votre suggestion sur la capitalisation plutôt que la solvabilité, ça m'a ramené aussi à ma situation personnelle, je trouvais la suggestion intéressante, parce qu'effectivement c'est une question qui se pose beaucoup quand on a cotisé pendant des années, des années, des années, et qu'on quitte, que le régime est sous-capitalisé, notamment parce que des employeurs ont pris des congés, notamment parce que des employeurs sont venus chercher ici des amendements législatifs pour ne pas avoir à combler le déficit, et, essentiellement, ce sont les travailleurs, une fois à la retraite ou quand ils quittent, qui se trouvent pénalisés. Je ne sais pas si vous en feriez un amendement ou si vous souhaiteriez voir quelqu'un porter un tel amendement. C'est une question, c'est ma première question pour vous.

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Vous parlez vraiment au niveau de la capitalisation?

M. Marissal : Oui.

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Oui, je pense que ce serait vraiment important puis je pense que... Écoutez, moi aussi, j'ai jasé avec plusieurs professionnels, et ça fait presque l'unanimité à ce niveau-là, donc je souhaiterais vraiment qu'on fasse un amendement si vous voulez que ce soit plus simple à utiliser.

M. Marissal : Le «presque» étant moins un, c'est-à-dire le ministre des Finances, mais il nous reste plusieurs heures, Mme Noiseux, on va essayer de le convaincre. Ma moyenne au bâton n'est pas bonne avec le ministre des Finances pour le convaincre, mais je vais continuer quand même d'essayer parce que je trouve que... je trouve au moins qu'on doit avoir le débat là-dessus, je trouve que c'est une bonne idée.

Il me reste très, très peu de temps. J'aimerais ça vous entendre parler davantage du fameux ESG, vous avez ouvert la porte. Comment ça se fait, dans le concret, et est-ce qu'il y a de l'appétit pour ça dans le milieu?

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Bien, écoutez, ça se fait déjà en Ontario, alors je pense que... pourquoi ce ne serait pas fait ici? En Ontario, ça doit apparaître dans la politique de placement. Ce n'est pas d'immenses obligations, c'est : Écrivez un paragraphe sur ce que vous faites pour ces risques-là, d'accord? Alors, ça peut être très simple, ça peut être : Je les ai délégués au gestionnaire. Mais je pense qu'il faut être responsable puis qu'il faut écrire ça dans la loi, puis je pense que c'est important, ça apporterait un plus au niveau de notre crédibilité dans la gestion des caisses de retraite. Alors, c'est vraiment quelque chose qui est simple, et, dans le fond, je suis tout à fait d'accord avec les propos du ministre Girard, c'est quelque chose qui se fait de plus en plus, on doit en discuter, et ça force la discussion. Donc, ce n'est pas énorme, c'est un volet, on l'inscrit, je pense que ça permet vraiment de mettre à jour notre loi sur les régimes de retraite.

Le Président (M. Simard) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Bonjour. Merci, Mme Noiseux. À mon tour de vous saluer. J'ai titillé, tout à l'heure, lorsque vous avez fait mention de l'importance, dans le projet de loi, d'avoir une valeur plus locale ou plus nationale. Le ministre faisait référence à, peut-être, la difficulté d'avoir un esprit nationaliste dans la gestion des fonds de retraite, mais j'aimerais vous entendre. Lorsque vous avez indiqué, tout à l'heure, qu'il se fait de l'«outsourcing» et, à ce moment-là, les gestionnaires de portefeuille qui sont en dehors du réseau connu n'ont pas le réflexe de penser québécois ou n'ont pas le réflexe de penser à des entreprises québécoises, j'aimerais que vous m'en disiez un peu plus. Est-ce que c'est vraiment ce que vous avez senti ou c'est une tendance que vous avez regardée et que vous nous dites : Oh! faites attention, ça risque d'arriver encore plus fréquemment, et cette volonté-là de faire croître les régimes de retraite à travers les professionnels du Québec, on est en train de l'échapper?

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Merci pour votre question, M. le député. C'est un autre sujet qui me tient bien à coeur, alors j'ai fait plusieurs recherches à ce niveau-là, et malheureusement il y a de moins en moins de gestion de portefeuille qui se fait au Québec, c'est une tendance claire. Il y a différents facteurs qui existent... ou qui expliquent ça, pardon, alors, l'«outsourcing» en est un. Si, par exemple, pour différentes raisons, je choisis de faire gérer ma caisse de retraite ailleurs, bien, si ça s'en va à New York, je ne pense pas que les gens qui gèrent la caisse de retraite font s'affairer à regarder les plus petits gestionnaires québécois. Il y en a certains qui sont présents, mais il y en a certains qui n'ont pas le volume. Encore une fois, ce qui est vraiment... ce que je souhaite vraiment, c'est qu'à capacité égale on soit capables de regarder les gestionnaires québécois, et ça se fait dans plusieurs comités, mais c'est important de le souligner. Donc, il y a un danger là.

Il y a un autre danger aussi, c'est qu'on utilise de plus en plus de placements alternatifs, notamment en immobilier, en infrastructure et autres, donc, ça, c'est moins offert au Québec, ce qui fait qu'il y a de l'argent qui s'en va ailleurs aussi, mais ça représente des sommes colossales, pas juste pour les gestionnaires de portefeuille, tout ce qui entoure cette industrie-là. Alors, si au moins les caisses de retraite peuvent se poser la question... c'est quand même de l'argent qui est payé par les employeurs, par les payeurs de taxes et par nous-mêmes, est-ce qu'on peut se poser la question si on ne peut pas en placer ici? Alors, je suis bien d'accord avec M. le ministre quand il dit que ce n'est pas... c'est difficile, hein, d'évaluer le rendement/risque, ce n'est pas facile, ce n'est pas noir et blanc, mais je pense que, quand on gère de l'argent, on est habitués à ces situations-là, tous les ans, on fait un choix entre différents gestionnaires de portefeuille, donc il faut juste prendre conscience des choix que l'on fait, c'est très important.

M. Ouellet : Et donc une des propositions que vous nous faites, c'est d'inciter la divulgation du processus décisionnel pour les services — vous faisiez référence au Panier bleu — ça serait peut-être une indication, là, de démontrer aux gestionnaires de portefeuille qui font leur effort en quoi ils sont différents des autres.

Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Absolument. Ce que je ne veux vraiment pas dire... je comprends mon devoir de fiduciaire et je ne veux vraiment pas dire qu'on choisisse à tout prix un gestionnaire québécois. Est-ce qu'on peut au moins se donner le mal d'analyser la situation et d'écrire ce qu'on va faire? Alors, ça, je pense que c'est peu complexe et ce serait facile. On se donne tellement de mal pour les produits puis on parle rarement des services, malheureusement.

M. Ouellet : Le service bleu. Merci, Mme Noiseux.

Le Président (M. Simard) : Merci. Alors, voilà qui met un terme à cette présentation. Mme Noiseux, sachez à quel point vous faites honneur à l'École des sciences de la gestion. Merci de votre participation parmi nous ce matin, au plaisir de vous revoir.

Sur ce, nous allons suspendre momentanément nos travaux.

(Suspension de la séance à 10 h 49)

(Reprise à 10 h 54)

Le Président (M. Simard) : Très bien, chers collègues, nous allons reprendre nos travaux. À l'ordre, s'il vous plaît! Nous avons la chance de recevoir des représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la FTQ. Mme Naud, M. Bolduc, soyez les bienvenus parmi nous.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

(Visioconférence)

M. Bolduc (Denis) : Merci.

Mme Naud (Marie-Josée) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Simard) : Merci d'avoir répondu à notre invitation.

M. Bolduc (Denis) : Alors, M. le Président de la commission, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je me présente, Denis Bolduc, secrétaire général de la FTQ. Je suis accompagné pour l'occasion de Marie-Josée Naud, conseillère spécialiste à la FTQ pour les régimes de retraite et également les assurances collectives.

Alors, d'entrée de jeu, je vous remercie de nous permettre de partager notre point de vue, le point de vue de la plus grande centrale syndicale du Québec, la FTQ. On représente 600 000 travailleurs et travailleuses au Québec. On est présents dans le secteur public, dans le secteur privé également. Et, depuis des années, on a une grande préoccupation, celle de la sécurité financière des membres de la FTQ, mais aussi de la population du Québec.

Alors, nous, on dit que nos régimes publics ne sont pas suffisants pour assurer la sécurité financière à la retraite de nos membres, même s'ils ont été bonifiés, je dirais, quand même modestement il y a quelques années. Et c'est pour ça qu'on milite toujours pour qu'il y ait un nombre toujours plus grand de travailleurs et de travailleuses qui puissent bénéficier d'un régime de retraite à prestations déterminées. C'est ces régimes-là qui garantissent une rente toute la vie durant, qui prévoient certains bénéfices, même, pour le conjoint survivant. Alors, on travaille fort pour protéger puis faire la promotion des régimes à prestations déterminées, on le fait depuis plusieurs années, parce qu'on est convaincus que c'est la meilleure chose pour nos membres. C'est ce dont ils ont besoin, c'est ce qu'ils veulent, ils nous le répètent de congrès en congrès. Et, une fois rendus à la retraite, les membres ont besoin d'avoir un revenu prévisible, ils ont besoin de savoir de combien ils vont disposer pour établir leur budget, parce qu'après avoir travaillé toute une vie pour le compte d'une entreprise, ils ont le droit de vivre dans la dignité avec une certaine sécurité financière.

Alors, la retraite, c'est une période de la vie où les besoins sont quand même imprévisibles. C'est une période de la vie, aussi, où la capacité de gagner un revenu supplémentaire, un revenu additionnel diminue, habituellement, ou encore disparaît carrément. Alors, en plus, les travailleurs, les travailleuses n'ont pas aucune possibilité d'influencer les marchés financiers. Individuellement, ils n'ont pas les ressources pour gérer les risques et les conséquences des fluctuations des marchés financiers. Alors, on ne peut pas puis on ne veut pas exposer des gens à des coupures de droits, et... parce que, pour nous, c'est ce qui va arriver avec les régimes à prestations cibles. Pour nous, ce n'est pas hypothétique, ça va arriver. Les gens ont le droit à la sécurité d'un régime à prestations déterminées, d'autant plus que la couverture du régime public n'est pas si généreuse au Québec, malgré la bonification récente, je le disais il y a quelques instants. Alors, on s'oppose puis on va toujours s'opposer à tout projet politique qui va faire en sorte que les travailleurs puis les travailleuses vont, en fin de compte, devoir se débrouiller avec une rente réduite au moment de prendre la retraite, et qu'en plus que cette rente puisse varier en fonction des aléas des marchés financiers.

Les dernières années, ça n'a pas été facile sur le plan de la sécurité financière. Le législateur a multiplié les coûts envers les travailleurs et les personnes retraitées pour principalement satisfaire aux demandes des employeurs : je vous rappelle 2014, 2016, la loi n° 15, la loi n° 13, qui venaient restructurer les régimes du secteur municipal et universitaire puis qui repermettaient de remettre en question des droits qui avaient été négociés de bonne foi; en 2016, projet de loi n° 34, qui est venu réduire de façon importante le droit des participants actifs et retraités dans les régimes interentreprises; en 2016, le gouvernement a adopté la loi n° 29 sur le financement des régimes du secteur privé, c'était, encore une fois, à la demande des employeurs; puis en 2017, l'adoption du projet de loi n° 126, qui remettait en question l'indexation acquise dans le régime des cadres de la fonction publique provinciale. Alors, il me semble que la balance, elle penche toujours du même côté, puis ce n'est pas... ce n'est jamais du côté des travailleurs qu'elle penche.

Et, concernant, donc, le projet de loi n° 68, dont il est question ici, aujourd'hui, on souhaite quand même partager avec vous certains éléments de réflexion. J'ai d'abord une ou deux observations générales. D'abord, le projet de loi propose un transfert complet des risques vers les participants et participantes, et, selon nous, ce n'est pas justifié. Même le rapport D'Amours n'allait pas aussi loin dans ses recommandations. Le rapport suggérait plutôt un meilleur partage des risques — «meilleur», c'est le mot utilisé — pas un transfert à 100 % vers les travailleurs et les travailleuses. Et, pour nous, c'est quand même très clair, le projet de loi actuel va donner aux employeurs un autre outil, un outil supplémentaire pour attaquer les régimes à prestations déterminées qui existent encore.

Et j'ajouterais même que le projet de loi ne va pas permettre, comme cherche... comme le prétend le gouvernement, d'offrir un véhicule supplémentaire pour augmenter la sécurité financière à la retraite. Penser que les employeurs vont mettre en place des régimes à prestations cibles là où, actuellement, il n'y a pas de régime à prestations déterminées, pour nous, c'est une vue de l'esprit, je n'y crois pas une seule seconde.

• (11 heures) •

On a eu également une autre grande surprise à la lecture du projet de loi, on propose que les secteurs municipaux, secteurs universitaires puissent abandonner leurs régimes à prestations déterminées pour créer, pour le service futur, des régimes à prestations cibles. Honnêtement, on se demande ça sort d'où. Les lois n° 15 et n° 13 ont réduit de beaucoup les droits pour les travailleurs et les travailleuses, pour les retraités également, dans les municipalités et les universités, puis ça fait à peine cinq ans, puis, encore une fois, on vise ces travailleurs-là. Nous, on trouve qu'ils ont déjà quand même trop payé. Et il n'y a quand même pas si longtemps que les règles de financement des régimes à prestations déterminées ont été modifiées, encore une fois, pour accommoder les employeurs. Et, toujours dans le but de protéger les régimes à prestations déterminées, parce qu'on y croit fermement, à la FTQ, on avait appuyé la nouvelle approche de financement qui était proposée par le gouvernement avec la loi n° 29. Ça amenait à une plus grande stabilité, moins de volatilité dans le financement des régimes et, je le répète, ça répondait à une préoccupation historique du côté des organisations patronales.

Aujourd'hui, les règles québécoises qui encadrent le financement des régimes à prestations déterminées sont parmi les moins contraignantes au Canada. C'est les plus souples au pays. Et l'exigence de financer des déficits de solvabilité a été éliminée, je vous le rappelle, sans égard à la situation financière du régime.

Il y a des groupes qui n'ont pas accès à des régimes à prestations déterminées et où, pour une multitude de raisons, il serait difficile d'en implanter un. Ça peut dépendre de l'historique de l'organisation, des spécificités, de la taille de l'organisation. Mais nous, on dit que, pour eux, il existe déjà une solution depuis 2008, il existe déjà le régime de retraite par financement salarial, le RRFS. Pour nous, c'est une option qui est beaucoup plus intéressante que le régime à prestations cibles qu'on nous propose. On pense que le gouvernement fait fausse route en voulant réinventer un outil qui existe déjà, comme le RRFS. Habituellement, on a quelque chose comme 30 000 travailleurs et travailleuses au Québec qui bénéficient déjà d'un RRFS, puis c'est un régime à haut potentiel d'indexation, où les prestations de base sont garanties puis qui sont à coût fixe pour l'employeur, c'est important. Et, juste à la FTQ, on a plus de 16 000 participants qui bénéficient d'un régime de ce type-là.

Je vois le temps filer, dernier élément avant de conclure. Pour améliorer la situation des participants en cas de faillite ou de terminaison de régime en situation d'insolvabilité, la FTQ, on considère important de rendre plus accessible le programme de Retraite Québec, programme qui permet l'administration des droits des personnes participantes retraitées en cas de faillite. On pense que ce programme-là devrait être bonifié afin d'être aussi offert aux participants actifs des régimes à prestations déterminées où l'employeur a fait faillite, puis il devrait aussi être offert aux participants actifs et retraités des RRFS, des RRPC, régimes à cotisations négociées aussi, lors de terminaison de régime ou de retrait d'employeur lorsque le degré de solvabilité est inférieur à 100 %. On pense même... on suggère aussi que la période d'administration maximale pourrait... devrait être allongée minimalement jusqu'à 20 ans.

Alors, pour conclure, ce n'est pas d'hier qu'on s'oppose aux régimes à prestations cibles. Déjà, en 2014, on avait fait connaître notre position au palier fédéral concernant les prestations cibles. Il y avait eu consultation, une consultation qui avait été initiée par le gouvernement Harper. Puis, quand le gouvernement Trudeau, par la suite, a déposé le projet de loi C-27, en 2017, on s'est encore opposés. Heureusement, ce projet de loi là n'a pas été adopté. On a accepté l'idée des prestations cibles uniquement pour les cas... des situations exceptionnelles, comme ça a été le cas dans l'industrie du papier après 2008. Alors, on a participé aux travaux du comité entourant la mise en place éventuelle des prestations cibles récemment au Québec, et je vous fais remarquer qu'on avait d'office annoncé notre opposition à la généralisation de ce type de régime sur le sol québécois.

Notre mémoire contient certaines recommandations dans l'éventualité où, par malheur, le gouvernement décidait d'aller de l'avant avec ce projet, et vous trouverez également certaines recommandations qui pourraient améliorer le sort des travailleurs et des retraités. Je vous remercie de votre écoute, et on est disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Simard) : Bien, merci à vous, M. Bolduc. Je cède maintenant la parole au ministre des Finances.

M. Girard (Groulx) : Merci beaucoup pour la présentation et merci d'être avec nous. Salutations, également, à Mme Naud. Merci, M. Bolduc. J'aimerais revenir sur quelques points. Pouvez-vous mieux m'expliquer... lorsque vous dites qu'on ne respecte pas l'esprit du rapport D'Amours, là, pouvez-vous m'expliquer ce que vous voulez dire?

M. Bolduc (Denis) : Bien, en fait, D'Amours était quand même assez clair, hein, les meilleurs régimes de retraite sont les régimes de retraite à prestations déterminées. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut tout faire pour les protéger, et c'est comme ça qu'on comprend le rapport D'Amours. Les régimes à prestations déterminées ont fait l'objet de nombreuses attaques, là, depuis, justement, la publication du rapport D'Amours.

On essaie d'avoir les chiffres exacts concernant les régimes à prestations déterminées qui existaient il y a cinq ou 10 ans puis qui n'existent plus aujourd'hui, qui ont été convertis, toutes sortes... C'est des données qu'on a de la difficulté à obtenir, mais on aimerait bien ça, parce que ça démontre qu'à chaque fois qu'on ajoute un élément, une possibilité, une nouvelle possibilité, bien, les employeurs, ce qu'ils font, c'est qu'ils sautent sur cette occasion-là pour attaquer les régimes de retraite à prestations déterminées, s'en départir, les convertir. On a lutté contre les clauses de disparité de traitement également, parce que tout était là-dedans, cette problématique-là était là-dedans également. Alors, c'est pour ça qu'on tient beaucoup à limiter les possibilités qu'ont les employeurs, là, de se mettre dans une position où on s'en va en table de négociation puis on dit au syndicat : Bien voilà, on va changer votre régime de retraite, on va le convertir, maintenant on va avoir une occasion davantage... les prestations cibles. Alors, c'est pour ça que...

M. Girard (Groulx) : O.K., donc... O.K., mais c'est parce que, si je comprends bien, vous préférez les régimes à prestations déterminées aux régimes de retraite à prestations cibles, j'en conviens. Mais là où je ne suis pas d'accord avec votre affirmation, nous respectons l'esprit des recommandations du rapport D'Amours, et ce n'est pas un projet politique, c'est-à-dire qu'au contraire nous menons à terme une recommandation importante du rapport D'Amours, qui était l'établissement des régimes de retraite à prestations cibles.

Une autre... d'autres participants sont venus ici, ont fait des prestations et nous ont dit que, qu'il y ait ou non régime de retraite à prestations cibles, les régimes à prestations déterminées vont disparaître, que ça n'a rien à voir avec les régimes... le projet de loi qui est ici, que c'est une tendance lourde et que les employeurs veulent se retirer, refusent la volatilité. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation? En quoi est-ce que l'introduction de cet outil supplémentaire d'épargne, les régimes de retraite à prestations cibles, va accélérer le déclin des régimes à prestations déterminées?

M. Bolduc (Denis) : ...

M. Girard (Groulx) : On ne vous entend pas, M. Bolduc.

M. Bolduc (Denis) : Ah! non, O.K., je m'excuse, je ne sais pas, j'ai dû toucher au bouton, là.

Alors, il y a plusieurs éléments, quand même. Je le disais tout à l'heure, le projet de loi n° 29 est venu alléger le financement des régimes de retraite à prestations déterminées, puis là, pour nous, c'était une belle occasion de démontrer qu'on était prêts à participer à ce processus-là, de renforcer ces régimes-là à prestations déterminées, on a collaboré. Je le disais tout à l'heure, c'était à la demande des employeurs. Alors, on a travaillé deux ans, à peu près deux ans, sur cette question-là pour trouver des façons d'alléger le financement.

Et puis là, bien, pourquoi on pense que cet outil-là, cette nouvelle... les prestations cibles vont faire en sorte que ça va accélérer la disparition des régimes à prestations déterminées? Parce que ça donne, justement, un outil supplémentaire, un argument supplémentaire aux employeurs pour tenter une offensive sur les régimes à prestations déterminées. Maintenant, on a des outils pour un meilleur financement des régimes, donc les employeurs devraient être de moins en moins inquiets face aux régimes à prestations déterminées.

La tendance est : Bon, on a un régime de retraite puis on va tout faire pour transférer les risques du côté des travailleurs uniquement. Je veux bien, là, mais je pense qu'on en a fait beaucoup, là, dans les dernières années. Il y a des outils, par exemple le RRFS, j'en parlais tout à l'heure, qui sont... qui, quand même, permettent une rente... même des processus d'indexation de rente. Une fois qu'on a l'indexation qui est donnée, garantie, elle ne peut pas être supprimée par la suite. C'est un bel outil, ça, qui existe déjà, qui... pour les gens qui ne veulent pas un régime à prestations déterminées. Parce que c'est certain que les employeurs où il n'y a pas de régime à prestations déterminées, ils n'approcheront pas les travailleurs pour dire : Bon, bien, on a eu une bonne idée, on va instaurer un prestations cibles, là. Ça n'arrivera pas, ça, ça n'arrivera jamais.

Puis, pour répondre à votre première... à votre commentaire de tout à l'heure concernant le rapport D'Amours, une des suites du rapport D'Amours, ça a été la mise en place des RVER également, les RVER dans lesquels les employeurs ne sont pas obligés de cotiser. Les travailleurs peuvent décider de ne pas adhérer au RVER, ils peuvent retirer leurs cotisations RVER à tout moment avant la retraite, les frais de gestion sont plus élevés, ça gruge une partie de l'épargne, c'était voué à l'échec. C'était recommandé, c'était une suite au rapport D'Amours, c'était voué à l'échec, puis ça s'est avéré être un échec.

• (11 h 10) •

M. Girard (Groulx) : D'accord. Est-ce qu'on mon collègue a des questions?

Le Président (M. Simard) : M. le député de Saint-Jérôme.

M. Chassin : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bolduc. Bonjour, Mme Naud. Je voudrais peut-être juste éclaircir un élément, là, sur... on a parlé du rapport D'Amours, puis toute la réflexion des dernières années, vous en parlez vous-même, là, c'est le lent déclin des régimes à prestations déterminées. Puis là je comprends, dans le fond, à la lecture de votre mémoire, là, qu'il y a tout ce volet sur les lois nos 15 et 13 qui ont été déjà, là, adoptées en 2014.

Mais là je vous donne quelques chiffres, là. Le nombre de participants actifs aux régimes à prestations déterminées en 2013, on parlait de 1 390 000 participants. Ensuite, il y a eu les lois nos 13 et 15, et ensuite, en 2018, les derniers chiffres disponibles, on parle de 1 346 000 participants, donc 44 000 participants de moins que cinq ans auparavant. Autrement dit, même en ayant des outils comme ceux que vous vantez dans les projets de loi n° 13 et n° 15, le déclin se poursuit.

Est-ce que, dans un contexte où on le prend un peu comme une donnée, l'ajout d'une possibilité comme les prestations cibles ne rajoute pas quelque chose de potentiellement intéressant, même si ce n'est pas en lien avec la disparition? Parce que, on le voit, ça se produit déjà. Est-ce que ça peut ouvrir une porte de plus, selon vous?

M. Bolduc (Denis) : Projet de loi n° 13, projet de loi... la loi n° 13, la loi n° 15, secteur municipal, universitaire, je le disais tout à l'heure, on est étonnés de voir qu'il y avait possibilité, dans le projet de loi actuel, pour les municipalités et les universités de se diriger, dans le futur, vers un prestations cibles. C'est encore un indice qu'il y a une volonté... ça sous-entend qu'il y a une volonté que... d'accélérer la disparition des régimes de retraite à prestations déterminées. C'est comme ça qu'on le comprend, nous. On ajoute... on le présente comme un outil supplémentaire pour l'épargne des travailleurs et travailleuses, mais, dans le fond, c'est un outil supplémentaire pour faire, justement, disparaître les prestations déterminées. Pour nous, ça semble vraiment clair, puis c'est... on ne veut pas de ça. Les gens du secteur municipal, secteur universitaire, là, ils ont payé, ils ont payé cher, là, actuellement, avec ces deux projets de loi là, ces lois-là, dont, d'ailleurs, certains articles ont été déclarés inconstitutionnels, là, au cours de l'été. Ils ont déjà payé beaucoup : le partage obligatoire des déficits, financement à 50-50...

M. Chassin : Bien, je comprends, M. Bolduc, autrement dit, que... c'est ça, ça rejoint un peu le constat que vous faites à la page 6 de votre mémoire. Selon vous, c'est un peu une vue de l'esprit que des gens iraient vers un régime à prestations cibles s'ils n'ont pas de régime à prestations déterminées. Pourtant... en tout cas, on nous a mentionné, du côté des groupes patronaux, là, qu'il y avait des entreprises qui étaient intéressées au régime à prestations cibles et qui n'avaient pas, en ce moment, de régime à prestations déterminées. Donc, en tout cas, de leur côté, c'est plutôt positif.

Mais là j'ai envie de vous poser une question peut-être plus chargée ou... en tout cas, vous allez sentir mon opinion à travers ça. On comprend la qualité des régimes à prestations déterminées pour les travailleurs en termes de prévisibilité, en termes de stabilité des rentes. En même temps, particulièrement pour le secteur municipal ou universitaire, c'est sûr qu'il y a toujours des questions à se poser parce que le risque qui pèse sur l'employeur, on s'entend, que ce soit une municipalité ou une université, bien, ça signifie qu'éventuellement il peut y avoir, dans ce risque financier, des pressions financières, là, qui vont s'exercer sur qui, finalement? Sur les citoyens qui reçoivent un service qui risque d'être moins financé parce qu'on doit rembourser des déficits actuariels, voire des étudiants qui étudient à l'université puis qui vont voir la qualité de leur éducation amputée en partie par des pressions financières.

Ça fait que, évidemment, il y a toujours un peu un équilibre, là, à maintenir. Puis on peut comprendre, évidemment, l'intérêt pour les travailleurs, mais, dans le cadre de cet équilibre-là, quand vous donnez comme recommandation de ne pas renoncer... dans le fond, de ne pas permettre aux secteurs municipal et universitaire de mettre fin aux régimes à prestations déterminées existants, ça me semble très lourd, comme recommandation, là, dans le cadre de cet équilibre-là, est-ce que vous ne pensez pas?

M. Bolduc (Denis) : Moi, ce que je pense, c'est que les gens du secteur municipal ont déjà payé beaucoup avec la loi n° 15. Ils l'ont payée cher, cette loi-là. Elle est contestée, actuellement, devant les tribunaux. C'est sûr qu'on a un ticket pour la Cour suprême avec cette loi-là.

Pourquoi on s'attaque, encore une fois, à... et on ne l'a pas fait, il y a cinq ans, là, la job, là, pour finir les régimes de retraite, pour assurer la sécurité financière des régimes de retraite du secteur universitaire, secteur municipal? C'étaient les titres des projets de loi, pour assurer la sécurité financière de ces régimes-là. On l'a faite, la job, le gouvernement l'a faite, et on revient, encore une fois, spécifiquement sur ces gens-là. À un moment donné, on se dit : Bien, qu'est-ce qu'ils ont fait de mal dans... Parce qu'ils paient des taxes, eux autres aussi, là. Ils travaillent, ils paient des impôts, ils paient des taxes. On a de la difficulté à comprendre.

M. Chassin : Je comprends votre position, M. Bolduc, je la respecte, même si je ne la partage peut-être pas complètement. Mais, ceci étant dit, M. le Président, moi, ça fait le tour pour mes questions.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Fortin : Oui, merci. Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bolduc. Bonjour, Mme Naud. Merci de partager votre point de vue avec nous aujourd'hui. M. Bolduc, vous nous avez dit que ce véhicule supplémentaire là, disons, que seraient les régimes à prestations cibles, ne serait fort probablement pas utilisé par ceux qui ont déjà des régimes à cotisation déterminée. Qu'est-ce qui vous fait dire ça?

M. Bolduc (Denis) : À cotisation déterminée?

M. Fortin : Oui, qu'il y aurait probablement peu d'employeurs, là, qui seraient portés à passer d'un régime de cotisation déterminée à un régime à prestations cibles, si j'ai bien compris vos propos d'entrée de jeu, là.

M. Bolduc (Denis) : Bien, nous, ce qu'on pense, c'est là où il n'y a pas de régime à prestations déterminées, l'employeur ne s'avancera pas pour mettre en place un régime à prestations cibles...

M. Fortin : Mais pourquoi il ne s'avancerait pas?

M. Bolduc (Denis) : ...un régime à prestations cibles.

M. Fortin : Mais pourquoi il ne s'avancerait pas, le...

M. Bolduc (Denis) : Parce qu'on n'y croit pas, on n'y croit pas, on n'y croit pas. On pense que... Il y a actuellement les RRFS, là, qui sont disponibles, il y a des prestations cibles, il y a des prestations déterminées. Les meilleurs régimes, c'est les prestations déterminées. Là, nous, on le voit vraiment, là, comme un outil supplémentaire pour venir affaiblir... je me répète, là, mais pour venir affaiblir les régimes de retraite à prestations déterminées, le... bien, c'est ça qu'on pense.

M. Fortin : O.K., je comprends votre point de vue, là, et il est légitime, votre point de vue, qui dit : Il y a des employeurs qui voudront probablement passer d'un régime de prestations déterminées à un régime de prestations cibles avec les provisions qui sont en place dans le projet de loi pour protéger, évidemment, là, les rentes des travailleurs actuels, mais... et ça, ça, je pense qu'on peut tous le comprendre. À l'inverse, par exemple, il y a quand même beaucoup de gens... puis je vous ai entendu dire que, souvent, les modifications qui sont faites dans la législation autour des régimes de retraite, c'est pour favoriser l'employeur, mais il n'y a pas juste des employeurs ou les parties patronales qui sont venus nous dire qu'effectivement il y aurait des cotisations déterminées, qu'ils seraient peut-être intéressés à offrir des prestations cibles, que ça ne serait pas si difficile que ça pour eux de le faire. Moi, je pense que, pour des petits employeurs, ce n'est peut-être pas évident qu'ils vont le faire, mais, pour des grands employeurs, vous êtes un peu isolés dans votre camp, disons, là. Alors, je me permets de vous redemander à nouveau : Est-ce qu'il y a... Est-ce que vous avez une information particulière qui vous fait croire que c'est impossible?

• (11 h 20) •

M. Bolduc (Denis) : Bien, je ne vois pas l'intérêt. Il est où, l'intérêt de l'employeur de passer vers une prestation... d'une prestation cible vers... d'une cotisation déterminée à une prestation cible? Je ne le vois pas, l'intérêt. Oui, c'est vrai qu'actuellement, dans ce projet de loi là, on est un petit peu... mais je prends souvent l'exemple... bien, je prenais l'exemple, pour imager ça, un peu du souque à la corde, là, bien, c'est vrai qu'on est... il y a beaucoup, beaucoup plus de monde d'un côté que de l'autre bord. On est pas mal moins nombreux du côté de la corde sur laquelle on tire, nous, là, mais c'est parce qu'à la FTQ, je le disais, on représente 100 000 travailleurs au Québec, travailleurs, travailleuses. On a beaucoup de monde dans beaucoup, beaucoup de milieux de travail, des milliers de milieux de travail au Québec. On a vécu toutes sortes de choses au cours des dernières années, des attaques constantes et répétées envers nos régimes de retraite à prestations déterminées, puis c'est pour ça qu'on a mené des batailles, des affiliés de la FTQ, là, ils ont mené des batailles épiques pour protéger leurs régimes de retraite à prestations déterminées. On a subi des lock-out qui ont duré deux mois, six mois, un an, 16 mois pour, justement, réussir à garder nos régimes de retraite à prestations déterminées. Alors, quand on nous dit qu'on met en place un nouvel outil, bien, pour nous, ce nouvel outil là va être utilisé par les employeurs, puis à leur avantage à eux, pas à l'avantage des travailleurs puis des travailleuses qui subissent, de négociation en négociation, des attaques pendant lesquelles on essaie de leur retirer leurs régimes de retraite à prestations déterminées.

Puis on a participé aux discussions à la table, là, sur les régimes à prestations cibles parce qu'on ne fait pas la... on n'adopte pas la politique de la chaise vide, à la FTQ. On ne voulait pas se faire reprocher, aujourd'hui, de n'avoir pas participé puis... en tout cas.

M. Fortin : Non, mais vous faites bien, vous faites bien de le faire, puis je suis content que vous soyez là pour nous donner un point de vue, disons, vous avez raison, là, différent de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant. Et, je le reconnais, M. Bolduc, effectivement, là, vous militez pour des prestations déterminées et vous utilisez tous les moyens pour le faire depuis longtemps, et c'est tout à votre honneur, je n'ai pas d'enjeu avec ça.

Mais ça soulève une question. Si ce que vous avancez par rapport au peu d'intérêt, disons, d'une entreprise où il y a un régime à cotisation déterminée de passer à un à prestations cibles, pourquoi un syndicat serait en faveur du projet de loi? Parce qu'il y en a, des syndicats qui sont venus nous voir... il y en a un en particulier, là, mais qui est venu nous voir en nous disant : Bien, ce n'est pas si mauvais que ça, le projet de loi. Qu'est-ce qui ferait en sorte qu'un syndicat pourrait se prononcer en faveur de ce projet de loi là?

M. Bolduc (Denis) : Les raisons leur appartiennent, je ne jugerai pas. Mais nous, on est convaincus que ce n'est pas la bonne chose, sauf, je vous le disais, dans des situations vraiment exceptionnelles, là, dans le secteur du papier, notamment, là. D'ailleurs, on a certaines recommandations concernant cet aspect-là. On a aussi... On propose également, dans le mémoire, là, pour des questions d'équité, là, de rendre admissibles certaines mesures aux régimes de retraite à prestations... où le partage des risques est... où il y a un partage, certain partage des risques, à 50-50 ou à 100 %, là, que les mêmes avantages, là, soient consentis à l'un et à l'autre pour ne pas obliger, justement... pour ne pas... parce qu'on a cette crainte-là, pour ne pas obliger des groupes à convertir leurs régimes en prestations cibles, là, pour avoir les quelques avantages qui figurent dans le projet de loi.

Le Président (M. Simard) : Merci, monsieur...

M. Fortin : Je vous remercie, M. Bolduc, puis je vous remercie de faire ce point-là, que, même si le gouvernement devait aller de l'avant, il y a des choses à modifier, là. Je l'apprécie, votre esprit constructif.

M. Bolduc (Denis) : Merci.

Le Président (M. Simard) : M. le député de Robert-Baldwin.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Bolduc, Mme Naud, bonjour. Un plaisir, aussi, de vous revoir pour parler, encore une fois, de retraite, on en a déjà parlé avant.

Une chose. Donc, vous, ce que vous défendez, votre position, c'est que la création de ce nouveau régime serait une façon... une porte qui s'ouvrirait pour transformer les régimes actuels à prestations déterminées pour qu'ils soient transformés en régimes à prestations cibles — cette question a été soulevée par d'autres aussi — et la réponse du gouvernement, c'est que, dans le projet de loi, à l'article... je ne me rappelle plus quel numéro, c'est clairement indiqué que cela ne peut pas se faire. Alors, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous, vous pensez qu'en effet la création de ce nouveau régime va être une ouverture à la conversion des régimes actuels de prestations déterminées en régimes à prestations cibles?

M. Bolduc (Denis) : Je pense que...

Mme Naud (Marie-Josée) : Si je peux...

M. Bolduc (Denis) : Marie-Josée, tu veux y aller?

Mme Naud (Marie-Josée) : Bien, peut-être, oui...

M. Bolduc (Denis) : Oui, vas-y.

M. Leitão : Oui, allez-y, allez-y.

Le Président (M. Simard) : Oui, Mme Naud.

Mme Naud (Marie-Josée) : Bonjour, au plaisir de vous revoir. En fait, la prétention de la FTQ, ce n'est pas que les régimes vont pouvoir être convertis pour le service passé, c'est que, pour le futur, par exemple, dans une municipalité, on prend, par exemple, la ville de Montréal, bien, peut-être que la mairesse Laplante pourrait décider de mettre sur la table de négociation que, pour le futur, on aurait un régime de retraite à prestations cibles et non plus un régime à prestations déterminées. Chose certaine, si la mairesse forçait la note pour arriver avec quelque chose comme ça, probablement que les pantalons kaki seraient ressortis, mais pour une période indéterminée, comme vous avez déjà connu.

Mais donc on n'a pas la prétention que le projet de loi permet la conversion des régimes actuels pour le service déjà acquis, c'est pour le service à acquérir dans les années futures. On n'a pas... Donc, voilà.

M. Bolduc (Denis) : C'est ça.

M. Leitão : O.K., je comprends. Et c'est d'ailleurs un point de vue qui a été soulevé par d'autres, aussi, qui sont venus en commission parlementaire. La différence que je trouve entre votre position et celle des autres groupes qui sont venus, c'est qu'ils voient cette possible conversion pour le futur comme... bon, comment est-ce que je dirais ça, ce n'est pas nécessairement une bonne nouvelle, mais c'est peut-être une façon de pouvoir mieux gérer le risque. Vous, vous prétendez, dans votre présentation, M. Bolduc l'avait dit, qu'avec ce nouveau régime à prestations cibles on déplace le risque entièrement vers les travailleurs et que l'employeur, en fin de compte, se désengage de... Encore une fois, ce n'est pas ce que d'autres groupes nous ont dit. Pouvez-vous peut-être nous expliquer un peu mieux pourquoi vous voyez ça comme étant vraiment une espèce de «download» de risque vers les employés seulement?

Le Président (M. Simard) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Naud (Marie-Josée) : En fait, contrairement à ce que... Vous vous souvenez du rapport D'Amours? Le rapport D'Amours recommandait un meilleur partage des risques, il ne recommandait pas un transfert à 100 % du risque vers les participants. La façon que le projet de loi est écrit, puis c'était aussi la nature des discussions qui ont eu lieu au sein du comité technique autour des régimes à prestations cibles, dans un régime à prestations cibles, l'employeur n'assume aucune responsabilité financière. Dans le secteur municipal, dans le secteur universitaire, M. Bolduc l'a dit tout à l'heure, il y a déjà eu un tour de vis très serré qui a été amené pour faire en sorte de partager... de faire un peu comme dans la... comme un peu dans l'esprit du rapport D'Amours...

Le Président (M. Simard) : Très bien.

Mme Naud (Marie-Josée) : Pardon?

Le Président (M. Simard) : Très bien. En conclusion, s'il vous plaît, Mme Naud, très rapidement.

Mme Naud (Marie-Josée) : Oui. Donc, oui, dans le projet de loi, ce qui est prévu, c'est un transfert à 100 % vers les participants, les participants actifs et retraités, c'est ce qui est prévu, donc... assumeraient...

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, Mme Naud. Merci. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont.

• (11 h 30) •

M. Marissal : Merci, M. le Président. M. Bolduc, Mme Naud, merci d'être là, et bienvenue. Vous avez raison, M. Bolduc, en particulier, de dire que — là, je ne vous cite pas au texte, mais je paraphrase — les régimes de retraite sont de plus en plus vus comme un poids pour les entreprises, ce qui n'était certainement pas le cas il y a un quart de siècle et un peu plus, quand moi, je suis entré sur le marché du travail, où c'était vu comme un plus pour les employés, les salariés. Et je pense qu'on était même fiers de bénéficier de ce genre de programmes. Ça faisait partie, en tout cas, de la fibre de certaines entreprises, qui le faisaient correctement et qui retenaient leur monde.

Bon, ça a l'air qu'on a changé de monde, puis qu'il n'y a plus de loyauté, puis que les jeunes, selon le ministre, n'ont pas d'intérêt, et il n'y a pas... d'attractivité, pardon, d'un régime comme celui des prestations déterminées. Je ne suis pas sûr, je suis même pas mal sûr du contraire. Et vous avez raison, par ailleurs, de dire que ce dossier-là souffre du syndrome de la tour de Pise, ça penche toujours du même bord, et les différentes lois qui ont été déposées ici, débattues et adoptées sont toujours à l'encontre des salariés et des futurs retraités.

Mais vous avez dit qu'essentiellement vous faites contre mauvaise fortune bon coeur, que vous voulez être bon joueur et proposer des choses. Moi, je m'intéresse en particulier à votre recommandation n° 10 sur Retraite Québec, qui est effectivement, je pense, au registre de faire contre mauvaise fortune bon coeur, mais vous apportez quelque chose là. J'aimerais vous donner 1 min 30 s pour expliquer davantage ce que vous voulez faire avec ça.

M. Bolduc (Denis) : Merci. Marie-Josée, tu compléteras au besoin, là. Le gouvernement précédent était intervenu pour permettre la prise en charge par Retraite Québec de l'administration des rentes de retraités pour une période de 10 ans en cas de faillite, puis nous, on pense, c'était une bonne idée, puis on pense, ce serait judicieux d'élargir le programme aux régimes à prestations déterminées, aux RRFS, aux régimes à prestations cibles, aux régimes à cotisations négociées parce qu'avec Retraite Québec les frais d'administration sont moins élevés, meilleur rendement. Nous, on propose d'allonger la période maximale d'administration à 20 ans. Ça permettrait aux participants de choisir un bon moment, là, pour sortir du régime, choisir un moment optimal. Je ne sais pas si, Marie-Josée, tu veux ajouter quelque chose.

Mme Naud (Marie-Josée) : En fait, la gestion que fait Retraite Québec autour de ça, c'est... vous savez, les deux objectifs, c'est de bonifier la rente en cas de faillite, donc d'essayer d'avoir un rendement supérieur à ce qu'on pourrait avoir auprès d'une compagnie d'assurance, et de choisir un timing adéquat pour acheter une rente auprès d'une compagnie d'assurance. C'est sûr que cette mesure-là n'est pas suffisante à protéger les retraités en cas de faillite de l'entreprise. Ça fait partie d'un plan de match, nous, qu'on a adopté à la FTQ, c'est-à-dire que c'est une des mesures qui devrait être mises de l'avant, il y en a bien d'autres dont on va faire la promotion.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, Mme Naud. Je m'excuse, hein, je dois malheureusement gérer le temps qui m'est imparti à partager. Alors, M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Oui, merci. Donc, à mon tour de vous saluer, M. Bolduc, Mme Naud. On a, aujourd'hui, l'opportunité d'avoir l'original et non pas la copie. On n'est pas surpris de vos prises de position et on les respecte. C'est ce qui fait la force du mouvement syndical, on y va de façon très forte sur les valeurs et on est non négociable.

Cela étant dit, ce qui fait la force, aussi, du milieu syndical, c'est d'être capable d'offrir un canal de communication et de discussion. Mon collègue de Rosemont vous a demandé de préciser un peu la recommandation 10. Moi, j'aimerais, en rafale, avoir vos explications concernant la recommandation 6 et la recommandation 5.

M. Bolduc (Denis) : C'est... La recommandation 6, ça concerne...

M. Ouellet : Les régimes où les employés prennent l'entièreté des risques.

M. Bolduc (Denis) : ...rapport actuariel, le... Ah! O.K. Le cadre actuel, c'est la même chose pour le projet de loi n° 68, le projet de loi actuel, là, exige un rapport actuariel dans les cas de retrait d'un employeur. Alors, pour nous, ça n'a pas de sens, il faut alléger le processus. Dans les régimes interentreprises, à tous les jours ou presque, à tout le moins à toutes les semaines, il y a des participants qui quittent puis, quand il y a un participant qui quitte, il n'y a pas d'obligation de faire un rapport actuariel. Ça devrait être la même chose lors d'un retrait d'un employeur pour ces types de régimes, tous les types de régimes, d'ailleurs. Ça coûte cher, c'est complexe. Dans les RRFS, par exemple, on a des groupes, là, c'est trois, cinq travailleurs, 10 travailleurs, l'employeur se retire... une évaluation actuarielle. Alors, on pense que c'est coûteux pour rien, là. Quand on parle de réduire les coûts à certains endroits, bien, c'est un bel endroit pour réduire les coûts.

Concernant, vous avez dit, la recommandation n° 5, pour nous, c'est une question d'équité, une équité entre les régimes dans lesquels les risques sont partagés. L'objectif, je dirais, là, en une phrase, l'objectif qu'on cherche, c'est de ne pas obliger les groupes à convertir leurs régimes, là, en prestations cibles pour avoir les avantages, quelques avantages supplémentaires qui figurent, là, pour les prestations cibles, c'est ça. Et, je pourrais ajouter, c'est une autre recommandation, mais, quand on parle de réduire les coûts, là, il y a une règle, la règle du 50 %, dans les régimes où les risques sont partagés. Il y a une règle, qu'on appelle la règle du 50 %... n'existe pas, là, dans les régimes où les risques sont partagés.

Puis on parlait, tout à l'heure, du secteur universitaire, du secteur municipal, bien, les risques sont partagés, maintenant, dans ces deux secteurs-là, alors on ne devrait pas être tenus à cette règle-là, c'est ce qu'on présume. Ça fait en sorte que la valeur d'une rente, par exemple, elle peut être évaluée... Une rente, vous avez un bel exemple, là, dans le mémoire, elle peut être évaluée à 100 000 $, puis, tout dépendant du niveau de cotisation du travailleur, bien, comme il ne peut pas cotiser plus de 50 % de la valeur de la rente, bien, ça peut faire en sorte, dans certains cas, qu'on lui verse 110 000 $. C'est comme si on vendait... on donnait 30 000 $ pour un char qui en vaut 25 000 $, là.

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Ouellet : Merci, M. Bolduc. Merci, Mme Naud.

Le Président (M. Simard) : Alors, Mme Naud, M. Bolduc, je tiens à vous remercier pour votre précieuse contribution à l'avancement de nos travaux.

Sur ce, nous allons suspendre, et nous serons de retour après les affaires courantes. À plus tard.

(Suspension de la séance à 11 h 36)

(Reprise à 15 h 35)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, je constate que nous avons quorum, nous pouvons donc reprendre nos consultations particulières sur le projet de loi n° 68.

Cet après-midi, nous recevons des représentants de la Fédération de l'industrie manufacturière de la CSN. MM. Desbiens et Côté, soyez les bienvenus parmi nous, et merci d'avoir répondu à notre invitation. Alors, vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre présentation.

Fédération de l'industrie manufacturière (FIM-CSN)

(Visioconférence)

M. Desbiens (Michel) : Bonjour, tout le monde.

Le Président (M. Simard) : Bonjour.

M. Desbiens (Michel) : Oui, bonjour. Michel Desbiens, président du Syndicat national des employés de l'aluminium de Baie-Comeau.

Le Président (M. Simard) : M. le président, on vous écoute.

M. Desbiens (Michel) : Bon, tout d'abord, on veut remercier la commission de me permettre de m'exprimer devant vous cet après-midi. Lors de la négociation de la convention collective de 2019, l'employeur, dans son dépôt initial, nous a mentionné ne plus vouloir soutenir et gérer notre fonds de pension à prestations déterminées. Notre intention était de conserver notre régime à prestations déterminées, qui est, pour nous, le meilleur des fonds de pension. À mi-chemin des négociations, nous sommes arrivés dans une impasse. Les négociations furent mises sur pause jusqu'à ce que nos membres nous donnent le mandat de négocier un nouveau régime de retraite.

L'employeur nous proposait un RRFS, mais, pour nous, ce n'était pas une solution. Nous avons donc proposé un régime de retraite à prestations cibles, même s'il n'était pas permis par la loi, mais en espérant que ça le soit rapidement. Cette proposition nous a permis de nous entendre et d'éviter un conflit de travail. Les deux raisons majeures qui ont motivé notre choix sont une rente plus élevée à 58 ans ainsi que la possibilité de faire des achats de rente.

Depuis l'entente, nous travaillons à mettre en place un nouveau régime. Environ 90 % du travail est terminé. Ce nouveau régime est pris en charge et administré à 100 % par notre syndicat. Il est donc très important pour nous que la loi soit adoptée le plus rapidement possible, au plus tard le 1er janvier 2021. De plus, il faut que la loi s'ajuste au fait que, dans certains cas, ce sont les syndicats qui seront les promoteurs du régime et non l'employeur.

En terminant, si la loi n'est pas adoptée au 1er janvier 2021, nous devrons passer par un régime transitoire, ce qui nous occasionnerait énormément de travail et de nombreux problèmes. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. Desbiens. M. Côté souhaite-t-il faire une intervention?

M. Côté (Stéphane) : ...

Le Président (M. Simard) : Nous vous écoutons, M. Côté.

M. Côté (Stéphane) : Alors, Stéphane Côté, coordonnateur des services à la Fédération de l'industrie manufacturière-CSN.

Pour la Fédération de l'industrie manufacturière, qui représente de l'ordre de 300 syndicats et plus de 30 000 membres, le régime de retraite à prestations cibles n'est pas une nouveauté en notre matière de régimes de retraite. On représente des syndicats du papier dont... issus de la crise de 2008, où ces entreprises ont été obligées de revoir leur nouveau modèle de régime de retraite pour survivre. Ainsi, à l'époque, le législateur a permis, dans la loi, pour... certaines compagnies papetières aient droit à un régime de retraite à prestations cibles au lieu des régimes de retraite à prestations déterminées. Ainsi, depuis 2011, quatre de nos syndicats, soit l'usine d'Alma, l'usine de Kénogami et deux accréditations de Clermont, qui travaillent pour Résolu et qui représentent près de 400 travailleurs, ont un régime de retraite à prestations cibles. Tous les quatre syndicats plus la fédération siègent sur le conseil des fiduciaires, qui administre et gère le régime de retraite de façon paritaire avec l'employeur. C'est un régime dont les paramètres sont négociés également par les parties. L'employeur administre le régime, comme convenu, lors du départ en 2011.

Alors, depuis 2011, la cotisation est demeurée stable et les rentes cibles ont été respectées. Ce régime est très apprécié des travailleurs, ils y voient des similitudes avec leur ancien régime à prestations déterminées, avec, évidemment, ses caractéristiques bien à lui. Et, si le régime à prestations déterminées est le meilleur régime de retraite pour eux, le régime à prestations cibles est un compromis des plus satisfaisants en vue de la retraite pour nos travailleurs du papier.

La fédération a la même opinion que ses syndicats et considère que... le régime de retraite à prestations cibles comme une autre possibilité en matière de négociation de régimes de retraite. Plus il y a de possibilités, meilleures sont les avenues pour permettre à nos travailleuses et travailleurs d'avoir accès à un bon régime de retraite. C'est d'ailleurs ce que nos syndicats nous ont dit en novembre 2019, lors de notre journée de réflexion sur les régimes de retraite.

L'autre facteur que nous voulons souligner concerne la gouvernance. Le régime à prestations cibles permet trois types de gouvernance, qui offrent différentes possibilités à nos syndicats : il y a le régime local syndical, comme Michel Desbiens a proposé avec le syndicat d'Alma, où c'est le syndicat qui gère l'ensemble du régime et des paramètres; il y a le régime local paritaire, où l'employeur et le syndicat négocient de façon paritaire la cotisation et les paramètres, comme celui-là des quatre syndicats que je vous ai nommés tantôt et Résolu; et enfin il pourrait y avoir un régime syndical regroupé, où seule la cotisation est négociable, alors que les paramètres du régime sont communs et déterminés par un parrain du régime du départ.

Alors, ce régime, pour nous, permet donc beaucoup de flexibilité à nos syndicats dans le choix de la gouvernance, ce qui le rend encore des plus attrayants. Toutefois, nos syndicats s'entendent tous pour nous dire qu'ils doivent être accompagnés dans leurs démarches, ce que nous allons faire comme organisation syndicale.

Voilà ce que nous voulions vous transmettre en tant qu'organisation. Si le régime à prestations déterminées est le meilleur régime à nos yeux, le régime à prestations cibles est un régime très attrayant qui a fait ses preuves et qui pourrait être proposé à l'ensemble de nos syndicats lors de leurs prochaines négociations, et ce, on le souhaite, le plus rapidement possible. Merci beaucoup de votre écoute.

• (15 h 40) •

Le Président (M. Simard) : Bien, merci à vous, M. Côté. Alors, d'entrée de jeu, je souhaite... je cède, plutôt, la parole au ministre des Finances. Cher collègue.

M. Girard (Groulx) : Merci, M. le Président. Et merci, M. Côté et M. Desbiens. Et je pense que votre intervention... vos interventions sont d'autant plus pertinentes que vous avez une certaine avance sur les parlementaires, ici, là, c'est que vous avez déjà expérimenté ces régimes-là.

J'aimerais revenir sur... ce matin, nous avons entendu d'autres parties prenantes qui nous ont dit, je vais résumer grossièrement : Les régimes de retraite à prestations cibles, ce n'est pas bon, ça va accélérer le déclin des régimes à prestations déterminées. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation?

Le Président (M. Simard) : Peut-être, M. Côté ou...

M. Côté (Stéphane) : Bien, pour répondre, M. le ministre, pour nous... Nous, notre présentation... Je pense que, les organisations syndicales, chacune ont leur opinion, et, pour nous, c'est l'opinion qui est donnée par une autre organisation syndicale. Pour nous, nous, on considère que les régimes de prestations, on l'a dit dans ce que je vous ai répondu tantôt, pour nous, c'est les meilleurs, on pense... et il n'y a pas de régime qui... actuellement, les régimes à prestations, il n'y a pas de saignée, comme on pourrait dire, là, dans nos syndicats, où on perd des régimes à prestations déterminées.

Nous, ce qu'on souhaite avec un régime à prestations cibles, c'est d'offrir plus de choix à nos syndicats et de les laisser libres dans le choix d'avoir un régime supplémentaire que, actuellement, à part les syndicats du papier, à cause de la suraction de la crise... la crise papetière, dans la fin des années 2008, 2010, il y avait... les autres syndicats n'ont pas accès à ça, alors, pour nous, c'est important de leur donner cet accès. Et, quand on a fait notre journée de réflexion avec nos nombreux syndicats, tous qui avaient... la plupart... il y en a qui en ont, des régimes à prestations déterminées, ils ont dit : On veut conserver nos régimes de prestations déterminées, mais on veut que vous soyez à l'affût, et on trouve que l'idée des prestations cibles est une bonne idée, et on pense qu'elle peut être également une très bonne idée pour des régimes qui pourraient être dans d'autres types qu'ils n'ont pas, actuellement, ou qui ont des régimes comme des REER collectifs, qui ont des cotisations déterminées. On pense que prestations cibles peut très bien remplir adéquatement et que c'est un bon régime.

Et en plus, bien, moi, pour l'avoir vécu parce que je siège sur le conseil des fiduciaires du régime de PFR avec les quatre syndicats que je vous ai nommés tantôt, M. le ministre, nous... je suis là depuis six ans, sur le conseil des fiduciaires, et, pour nous, c'est un régime qui a fait ses preuves, qui fonctionne bien, et on est capables de travailler ensemble. Alors, pour moi, la question... c'est la réponse que je peux vous donner, M. le ministre.

M. Girard (Groulx) : Merci beaucoup. Je n'ai pas dit que c'était un syndicat, là, qui avait véhiculé cette position-là, mais vous avez émis cette hypothèse-là.

Je voudrais revenir sur les régimes à cotisation déterminée. Est-ce que vous pensez que les régimes à retraite prestations cibles vont être suffisamment attrayants pour encourager la migration de certains régimes à cotisation déterminée vers ce nouveau régime?

M. Côté (Stéphane) : Bien, je pense que... M. le ministre, pour répondre à votre question, je crois que ça pourrait être une avenue intéressante. Est-ce que ça va être tous les syndicats qui vont migrer vers un... d'un cotisation vers un prestations cibles? Bien, je ne le crois pas, mais il est clair que c'est une alternative qui est intéressante pour nous, et que nous, on va envisager, dans nos prochaines négociations, pour les gens qui ont des régimes à cotisation déterminée... on pense que c'est une avenue intéressante. Mais évidemment, vous savez, une négociation, ça se négocie à deux, il faut que les deux parties soient d'accord. Alors, il est clair que, dans les contextes qu'il y a des cotisations déterminées, si c'est une avenue qui est souhaitable pour nos membres, nous, on va le proposer, c'est indéniable.

Ceci étant dit, l'objectif, c'est d'avoir... et je vais me répéter, là, c'est toujours d'avoir une avenue... une autre avenue qu'on peut présenter à nos membres, alors qu'avant on n'avait pas cette avenue-là, et on voit qu'avec le p.l. n° 68 c'est une possibilité, et, nous, c'est clair, et net, et précis qu'on salue cette possibilité-là puis on la souhaite à nos syndicats, pour l'offrir. Après ça, on verra, après ça, c'est quoi que les parties voudront négocier, mais ça pourrait être une avenue. Mais on n'a pas regardé, quantitativement, combien ça pourrait être, là, ça, je vais être bien honnête envers vous. On va attendre que le projet soit adopté puis on verra pour la suite des choses, mais il est clair que c'est un régime, quant à nous, qui peut être attrayant.

M. Girard (Groulx) : Merci. Et puis j'aurais une dernière question, peut-être, M. Côté. Vous savez, lorsqu'on est parlementaire, on se fait souvent dire que c'est urgent, que la loi doit être changée pour telle date, et que, si ce n'est pas fait, ça va être la fin du monde, et puis ça presse, et puis, écoutez, on... puis je dirais que la COVID n'a pas diminué cet aspect de notre travail. Jusqu'à quel point, là, la date du 1er janvier 2021, là, c'est essentiel, là? Est-ce qu'on parle d'une urgence? Est-ce qu'on parle d'un accommodement? Pouvez-vous nous dire, là, sincèrement, là, jusqu'à quel point c'est important pour vous que la loi soit adoptée avant le 1er janvier 2021?

M. Desbiens (Michel) : Je vais commencer. Vous savez, lorsqu'on a négocié ça en 2019, on a pris une chance, là, on va dire ça de même, ce n'était pas permis par la loi, puis on ne voulait pas... on ne voulait absolument pas avoir de RRFS, là, ça ne nous convenait pas du tout. Puis le lot de travail que ça a amené depuis qu'on a commencé à préparer ça, là, on a travaillé à plusieurs journées, là, je suis presque affecté, ça, avec un autre représentant syndical à ça, là... on a pratiquement tout le travail de fait, 90 %. Nos actuaires sont choisis, le conseiller en gestion est choisi, le gardien de valeur est choisi, les documents officiels du régime sont presque tous complétés, il ne reste qu'à l'ajuster avec la loi, là, quand ça sera terminé. Puis recommencer ça, ça serait un travail énorme, pour passer dans un régime transitoire de quelques mois, puis en plus ça nous occasionnerait des frais additionnels à nous puis à l'employeur aussi parce que, dans notre négo, on s'est arrangés pour que, si jamais il fallait passer par un régime transitoire, l'employeur devait donner d'autres sommes pour la transition. Donc, ce n'est pas que c'est la fin du monde, M. le ministre, mais ça nous occasionnerait un paquet de problèmes puis encore beaucoup de travail à faire avec nos actuaires, là, qui a déjà été complété, à ce moment-ci, puis... C'est à peu près ça que je voulais dire, là. Ça serait très important pour nous parce que, je vous le dis, là, le travail qu'on a fait, là, moi, puis un autre représentant syndical, puis avec nos actuaires de la CSN, là, ça a été un travail assez énorme, là, pour se préparer, pour être prêts pour le 1er janvier, là.

M. Girard (Groulx) : En fait, là, juste pour préciser ma question : Est-ce qu'il y a juste des inconvénients administratifs ou il y a des conséquences financières et... des conséquences financières puis des conséquences qui nuiraient à la continuité des affaires, par exemple?

• (15 h 50) •

M. Desbiens (Michel) : Il y a des conséquences financières... la direction d'Alcoa, je vous le dis, là, on a négocié... ils devraient payer des sommes additionnelles, là, puis pas des petites sommes, là, pour qu'on passe par un régime transitoire parce qu'il y aurait des travails qu'on a comme payés, présentement, pour faire le travail puis qu'il faudrait refaire le travail, là. Puis donc il faudrait encore de l'argent à notre syndicat aussi puis aussi à l'employeur, là, pour les prochains mois, pour peut-être un régime transitoire qui passerait de je ne sais pas combien de mois. On serait obligés d'aller vers un RRFS, puis après ça de refaire des transferts vers un prestations cibles, là, ça fait que ça serait... qu'il y aurait des conséquences monétaires aussi.

M. Girard (Groulx) : O.K. Je passe la parole à mon collègue.

Le Président (M. Simard) : M. le député de Saint-Jérôme.

M. Chassin : Bonjour, messieurs. Merci de votre présentation. Permettez-moi peut-être, M. Desbiens, là, de revenir sur un élément qui m'apparaît quand même intéressant, puisque, comme le ministre le soulignait, vous avez une expérience que nous, comme parlementaires, nous n'avons pas. Vous précisez, dans le fond, qu'un RRFS ne vous convenait pas, que vous avez préféré les prestations cibles. Pouvez-vous nous donner la ou les raisons pour lesquelles ce n'était pas un régime qui vous convenait puis que prestations cibles, ça vous convenait mieux, à vos membres?

M. Desbiens (Michel) : Oui. Quand on a fait l'analyse, puis on était rendus dans une impasse aux négos, on a analysé différents régimes, dont le RRFS, puis le prestations cibles, pour nous... la cible, au départ, à 58 ans est plus élevée. On ne se le cachera pas, là, on travaille dans une aluminerie, c'est assez dur, physiquement, puis je ne pense pas qu'il y ait grand monde qui s'inscrivent dans un marathon à 65 ans, là. Donc, c'était important, pour nous, d'avoir une plus grosse rente à partir de 58 ans, pendant qu'on est très en forme.

Puis l'autre raison, c'est que l'employeur, il ne voulait plus gérer la balloune, là — je vais appeler ça la balloune — qui se gonfle puis qui se gonfle, ça fait que, dans le passé, il a fait des achats de rentes pour ne plus avoir à supporter ceux qui étaient déjà sortis à la retraite. Donc, en nous transférant ce problème-là, bien, nous, on veut pouvoir faire la même chose, ce qu'on ne peut pas faire avec un RRFS puis ce qu'on peut faire avec un prestations cibles. Si les conditions le permettent, on va regarder, faire des achats de rentes pour sortir nos retraités au fur et à mesure du régime puis ne pas avoir à les absorber au fil du temps.

M. Chassin : Dans le projet de loi actuel, qui permet, justement, là, des rentes, ça, c'est un élément qui, pour vous, est important dans le projet de loi n° 68 actuel.

M. Desbiens (Michel) : Très important. Comme je vous le dis, là, on est en forme, à 58 ans, à travailler dans une aluminerie; à 65, on ne sait pas comment est-ce qu'on va fonctionner. Donc, c'est très important. Puis les achats de rentes, c'est d'autant plus important, aussi, pour ne pas supporter les retraités dans notre régime, là, trop longtemps.

M. Chassin : Bien, à tout le moins, je trouve très intéressante votre présentation non seulement à cause du côté pratique, mais aussi parce que vous soulevez peut-être ce que d'autres intervenants n'ont pas aussi clairement établi, c'est-à-dire la flexibilité des régimes de retraite à prestations cibles, tant pour, par exemple, refléter la réalité de travailleurs qui ont besoin, à 58 ans, d'une meilleure cible de prestations que, par exemple, pour ce qui concerne la gouvernance.

Donc, je comprends que le rôle des syndicats va être important aussi dans l'adoption de régimes à prestations cibles, vous en avez parlé. Est-ce que, dans l'industrie forestière, où, suite à 2008, là, on s'est tourné un peu vers ces régimes-là... est-ce que... Je pense qu'on parlait, M. Côté, là, que les travailleurs étaient satisfaits. Est-ce qu'il y a eu des moments où les rendements des régimes qui ont été instaurés se sont retrouvés, là, à devoir être ajustés par des mesures de redressement?

M. Côté (Stéphane) : Depuis 2011, comme j'ai dit tantôt, il n'y a pas eu de correction qui a eu à être faite par rapport aux régimes à prestations cibles, là. On a toujours maintenu les mêmes degrés de cotisation, la rente cible a toujours été stable. C'est sûr, évidemment, qu'avec... il y a toujours... comme, un régime de retraite, il y a certaines similitudes avec les prestations déterminées, il y a de la solvabilité, il y a de la capitalisation, mais, de façon générale, là, au cours des neuf années du régime, ça s'est bien maintenu, et c'est pour ça que les travailleurs sont satisfaits, parce qu'ils y voient une plus-value, ils voient vraiment que c'est un vrai régime de retraite, ils sont partie prenante, ils peuvent prendre des décisions par rapport aux politiques de placement et autres. Alors, ils ont... et même les quatre syndicats que je vous nommais tantôt, on l'a fait pour la première fois l'année passée, où il y a eu un... en 2019, une négo regroupée où on a négocié, les quatre tables communes, sur le régime à prestations cibles, où on a établi les paramètres, alors, pour les trois, quatre prochaines années. Alors, c'est avantageux pour les syndicats, ils sont très contents de ça.

M. Chassin : Et donc, autrement dit, puis je vous pose la question peut-être plus précise, en début d'année 2020, on a eu quand même une variation... une volatilité sur les marchés financiers qui était assez importante. J'imagine qu'il y a des règles pour établir la viabilité du régime de temps en temps. Cette variabilité en début d'année 2020 n'a pas causé, finalement, là, de maux de tête ou de craintes pour les régimes qui étaient établis?

M. Côté (Stéphane) : Il n'y en a pas eu parce que ça a respecté des règles, au niveau des régimes de retraite, au niveau de la capitalisation. Il y a une réserve, actuellement, au niveau des régimes à prestations cibles, il y avait cette réserve, alors ça respectait les réserves, alors il n'y avait pas à avoir des augmentations de cotisation, ou des baisses de cotisation, ou des baisses de rentes, au niveau des travailleurs... plus qu'au niveau de la capitalisation... ça respectait les règles. Évidemment, là-dessus, ça a été... Alors, c'est comme n'importe quoi, on écoute nos actuaires qui nous conseillent, et tout ça, puis évidemment on regarde... puis on regarde si... Effectivement, ça nous rend nerveux, mais il est clair que c'est un régime qui permet d'avoir une stabilité, puis, quand même, de pouvoir voir à l'horizon, puis de pouvoir prendre aussi des décisions par rapport aux placements qu'on va faire. Mais il est clair qu'au niveau de la capitalisation, puisque c'est l'élément clé, il y a une réserve de 10 %, elle a toujours été respectée, même dans les critères qu'on... où il y a eu la crise de la COVID, avec les difficultés qu'il y a eues, on s'en... là, mars, avril, mai, où il y a eu des grosses chutes.

M. Chassin : Puis là, évidemment, je ne veux pas nécessairement vous mettre dans les souliers de l'employeur, mais, s'il y a eu ces négociations-là, est-ce que vous sentez que les régimes à prestations cibles ont permis, finalement, de sauver la mise pour des employeurs qui, autrement, en demeurant dans des régimes à prestations déterminées, auraient assumé un poids de plus? Est-ce que cet outil-là, finalement... pour un employeur, de ne pas avoir le poids dans un régime assez prévisible, pensez-vous que ça peut être intéressant de son point de vue?

M. Côté (Stéphane) : Moi, je crois que oui, effectivement, par rapport... Tantôt, mon collègue Michel parlait en termes... balloune, là, mais il est clair et net que, vous comprendrez, du côté des employeurs, bien, le fait de ne pas avoir à payer la fameuse dette, là, lors de la terminaison du régime... alors, il y a... c'est un avantage pour lui et... indéniable. Et c'est sûr qu'on pense... Quand il y a eu des modifications dans l'industrie du papier pour sauver les entreprises qui étaient sur le bord, il faut s'en rappeler, de la faillite, là, ils étaient très sur le bord, il est clair que, si on avait resté avec les mêmes régimes, à l'époque, pas sûr qu'effectivement ces entreprises-là... les gens travailleraient encore aujourd'hui. Alors, ça aura permis à nos travailleurs de conserver un régime de retraite satisfaisant puis de continuer à travailler. Puis, regardez, on est rendus en 2020, puis ça fait déjà neuf ans, alors, moi, je pense que c'est très bien.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, M. Côté. Je dois maintenant céder la parole au chef... en fait, au leader de l'opposition officielle.

M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Desbiens, M. Côté, merci d'être avec nous. J'ai trois questions toutes simples pour vous. D'abord, je vous dis, je ne sais pas qui le ministre essayait de ménager tantôt, là, c'est la FTQ qui est venue nous dire qu'ils avaient un avis contraire. Je ne pense pas que c'est un grand secret, je pense qu'ils sont même très fiers des propos qu'ils ont tenus.

Alors, j'ai entendu votre discussion sur les RRFS avec le député de Saint-Jérôme, mais je veux vous lire quelque chose que la FTQ nous a dit : «Grâce aux RRFS, des milliers de travailleurs et travailleuses [du] Québec bénéficient déjà d'un régime où les prestations de base sont garanties comparativement à celles d'un RRPC.» Pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec ça? Pourquoi vous considérez que le RRPC est tellement meilleur que le RRFS?

• (16 heures) •

M. Desbiens (Michel) : Ce que j'ai mentionné tantôt, M. le député, c'est que, premièrement, moi, je crois que c'est... ça devrait... ça revient au syndicat de décider lesquels des régimes qu'ils veulent avoir, là. Nous autres, on avait un choix à faire, puis, comme je vous dis, on travaille dans une aluminerie... peut-être qu'un autre syndicat travaillant dans un autre milieu de travail aurait fait autrement, mais travailler dans une aluminerie, là, je vous le redis, mais c'est assez difficile, physiquement, puis les chances qu'on soit en forme bien, bien longtemps dans les capacités physiques, ça va être difficile. Ça fait que nous autres, on veut avoir plus de rentes en partant, puis le RRPC nous le permet, ce que le RRFS... tu as une somme en partant, puis elle peut monter en s'en allant dans le temps, mais, en s'en allant dans le temps, là, pour nos membres, ça ne faisait pas de sens, c'était en partant à la retraite qu'ils veulent avoir plus. Puis moi, je crois que c'est aux syndicats... c'est pour ça qu'on va avoir d'autres choses dans le coffre à outils, je pense que c'est aux membres puis aux syndicats à décider quel régime ils veulent avoir. Puis nous autres, on a fait le choix en comparant les deux, avec notre place où est-ce que nous autres, on travaillait, puis on a fait le meilleur choix, j'en suis certain.

M. Fortin : O.K. Mais, si je reviens, justement, sur votre expérience à vous dans votre négociation, vous nous dites que, essentiellement, en 2019, l'employeur est venu vous voir puis il vous a dit : Bien, nous, ça ne nous tente plus de soutenir le fonds de pension à prestations déterminées. Vous vouliez le conserver, mais vous vous êtes rendu compte que ça ne marchait plus, à un moment donné, là, que l'employeur, disons, était convaincu qu'il fallait terminer le régime à prestations déterminées. Si cette option-là n'avait pas été sur la table, si vous aviez devant vous, par exemple, un ministre des Finances qui aurait dit : Impossible, ça n'arrivera jamais, on ne va pas là, comment pensez-vous que ça se serait terminé, votre négociation? Pensez-vous que vous auriez fini avec une cotisation déterminée? Pensez-vous que vous auriez fini, je ne sais pas, moi, par des moyens de pression importants puis des pertes financières pour tout le monde? Comment ça se serait terminé, d'après vous?

M. Desbiens (Michel) : Il faut se rappeler qu'à l'époque, pendant qu'on négociait, il y avait le conflit de travail chez ABI, qui appartient aussi à Alcoa. Donc, on avait vu le jeu de cartes, là, on savait d'avance qu'est-ce qui s'en venait. Puis, malgré qu'à l'époque, la prestation cible n'était pas permise, l'employeur voulait quand même... Puis, tu sais, j'ai mentionné, là, que les négos étaient mises sur pause, là, mais les négos étaient arrêtées, là. Si les membres ne nous donnaient pas d'autre mandat, on s'en allait droit dans un mur puis avec un autre conflit de travail comme chez ABI. Donc, même si une prestation cible n'était pas disponible, ils auraient voulu qu'on se revire vers d'autre chose, même à ce moment-là.

M. Fortin : O.K. Donc, d'après vous, là, c'est la seule option qui était acceptable des deux côtés.

M. Desbiens (Michel) : À ce moment-là, oui.

M. Fortin : O.K. Là, je vais... J'ai entendu le ministre des Finances, tantôt, vous demander, là : C'est-tu bien, bien, bien important que, le 1er janvier 2021, ce soit fini? Je vous ai entendu dire que ce l'est. Avez-vous associé une valeur monétaire à ça? Combien vous allez perdre si ce n'est pas adopté le 1er janvier 2021?

M. Desbiens (Michel) : C'est très dur à quantifier, M. le député. Tous les travaux qu'on a fait, vous savez, les libérations syndicales pour que nous autres, on travaille là-dessus, l'employeur a d'autres choses à payer après, c'est très dur à quantifier, mais on parle... je ne vous parle pas de 10 000 $, puis 30 000 $, puis 40 000 $, là, on vous parle de beaucoup plus que ça, là, que ça va coûter à l'employeur et à nous.

M. Fortin : O.K., mais on essaie...

M. Desbiens (Michel) : C'est pas mal de sous.

M. Fortin : Bien, je vous remercie pour cette honnêteté-là. On essaie d'aider le ministre des Finances dans sa priorisation des projets de loi. On sait qu'il y a le 66, aussi, qu'il va falloir adopter rapidement, alors là, il va falloir qu'il en priorise un des deux, peut-être que vous avez aidé avec votre dernière réponse. C'est tout pour moi, M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. le député. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Leitão : Merci, M. le Président...

M. Girard (Groulx) : ...

Le Président (M. Simard) : Votre tour viendra assez rapidement, M. le ministre.

M. Girard (Groulx) : O.K. Mais c'était pour vanter l'efficacité de cette commission, ça peut attendre.

Le Président (M. Simard) : Oui, très bien.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Girard (Groulx) : Ça peut attendre, vous avez raison.

Le Président (M. Simard) : M. le député de Robert-Baldwin.

M. Leitão : Très bien. Merci, M. le Président. Messieurs, merci d'être là. En effet, c'est une question, de prioriser les travaux parlementaires, parce qu'il y en a deux, projets de loi qui circulent en même temps dans la même commission, donc il va falloir faire un après l'autre. Je comprends l'enjeu que vous avez mentionné, donc la nécessité pour vous que cela se fasse le plus rapidement possible. Les enjeux sont réels, on comprend ça.

Maintenant, une question qui me... On a déjà parlé de ça ici, tant mon collègue de Saint-Jérôme que notre collègue de Pontiac, qui sont revenus sur les RRFS. Je comprends ce que vous avez mentionné, donc, pour vous, c'était une option plus intéressante. Donc, ce qui est le plus intéressant pour vous, si j'ai bien compris, c'est la possibilité, avec le régime de pension à prestations cibles, la possibilité de prendre une retraite un peu plus tôt, à 58 ans, et donc d'avoir un peu plus plus tôt... comparativement à un RRFS, qui est calculé différemment. C'est ça, un peu, le... donc, cette flexibilité-là qui vous a, donc, vendu le régime à prestations cibles?

M. Desbiens (Michel) : En effet, M. le député, puis l'autre chose que j'ai dite aussi, c'est la possibilité de faire des achats de rentes. L'employeur nous a passé le paquet, puis, nous autres, il faut... on veut vivre avec ça. Il faut penser à nos retraités qui vont être sortis, plus les plus jeunes qui rentrent, qui vont avoir une partie de... une partie dans les prestations déterminées puis une partie dans le nouveau prestations cibles si la loi, elle passe. On veut pouvoir... que nos retraités, quand ils sont à la retraite, regarder la possibilité de faire des achats de rentes, puis les retraités soient payés par une compagnie d'assurance, avec les sommes qui vont avec. Donc, ce que ça fait, c'est que, ceux qui restent à l'usine, il y a beaucoup moins de sorties d'argent que les... c'est payé par les rentes, puis eux autres, ils sont assurés de... leurs cibles, d'être respectées pendant leur retraite. Ça fait qu'on évite deux problèmes en même temps, puis c'est ces deux choses-là qui nous ont convaincus d'aller vers là.

M. Leitão : Merci. Je comprends l'enjeu et je suis d'accord avec vous. Il va falloir seulement, comme on avait discuté, ce matin, avec une autre... une experte de l'Université du Québec à Montréal, il va falloir que cela soit bien expliqué à tout le monde. Je pense qu'il y a un peu de travail de pédagogie à faire. Et, à la CSN, on avait aussi entendu plus tôt, la semaine dernière... et je pense que vous avez des personnes, Mmes Senneville et Joncas, qui sont capables de faire ce travail de pédagogie, mais il va falloir que ce travail-là se fasse.

Une chose que, bon, vous avez mentionnée en début d'intervention et vous l'avez mentionnée aussi en réponse à une des questions de mes collègues, donc, selon vous, la négociation que vous avez faite avec Alcoa vous a permis d'éviter un conflit de travail qui aurait pu être important, surtout, quand on y pense, qu'à peu près en même temps il y avait, à côté... enfin, pas tout à fait à côté, mais il y avait le conflit d'ABI, qui a beaucoup dérapé ou qui a pris beaucoup de temps. Donc, vous pensez qu'avec... ce n'est pas la seule raison, mais qu'un tel régime de pension, c'est un des éléments qui a évité une situation qui aurait pu dégénérer comme c'est le cas avec ABI?

M. Desbiens (Michel) : Tout à fait. Lorsque... C'est nous... après qu'il nous ait présenté un RRFS, on a dit qu'on ne voulait rien savoir, c'est nous qui a apporté une prestation cible, puis l'employeur a pris une pause de deux jours pour comprendre c'était quoi qu'on lui apportait. Il n'était aucunement au courant que ça existait puis comment que ça fonctionnait, ça fait qu'il a demandé de se retirer de la table puis d'aller regarder ça. Quand il est revenu après s'avoir informé, il dit : O.K., si on va par là, est-ce qu'il y a une avenue? J'ai dit : Oui, avec ça, on peut regarder une avenue, ce qui n'aurait pas été possible avec l'autre, ce n'est pas ça qu'on voulait. Puis vous comprendrez que la cotisation... bien, on n'aurait pas écouté très longtemps, là.

M. Leitão : Très bien. Donc, je pense que je... Mon temps est presque fini, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : ...plus d'une minute, cher collègue.

M. Leitão : Ah! plus d'une minute, quelle générosité, M. le Président. Mais juste, enfin, pas vraiment une question, mais plutôt un commentaire éditorial. C'est dommage que ces conversations, négociations que vous avez eues n'aient pas filtré jusqu'à vos collègues d'ABI, ça aurait été... ça aurait pu éviter, peut-être, des problèmes... les problèmes qu'on a vus à Bécancour.

Écoutez, pour moi, c'est tout, et j'ai bien pris note de la raison pour laquelle vous voulez que cela se fasse vite. Vous pouvez compter sur notre collaboration pour avancer le plus vite possible, mais toujours en faisant le travail qu'on doit faire d'étudier le projet de loi convenablement. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. M. le député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Bonjour, MM. Desbiens et Côté. Vous avez insisté, tout à l'heure, pour dire qu'en fait vous aviez fait ce choix-là après avoir reçu le mandat de vos membres, mais, dans le fond, si on regarde bien la séquence que vous nous présentez puis la réalité, notamment chez Alcoa et ailleurs, vous n'aviez pas tant le choix que ça, finalement.

M. Desbiens (Michel) : M. le député, on a toujours le choix, mais ce que je mentionne, c'est que, nous, les autres régimes qui existaient, ça ne nous intéressait pas. C'est certain qu'à partir du moment qu'il fallait que je retourne voir nos membres pour leur demander : Est-ce que vous nous donnez un autre mandat ou si on garde le mandat?, si nos membres nous auraient resté avec le mandat de garder notre prestations cibles, c'est certain qu'on s'en allait vers un conflit de travail, là, surtout avec ce qui se passait chez ABI. Par contre, il y avait des différences entre les deux négociations. Notre négociation, c'était le fonds de pension, la problématique, et ABI n'avait pas seulement le fonds de pension, là, qui est... de quoi ils discutaient, là.

• (16 h 10) •

M. Marissal : ...vers un conflit de travail ou vers, éventuellement, même, une fermeture ou des mises à pied massives?

M. Desbiens (Michel) : On comprend, M. le député, que, quand tu tombes en conflit de travail, que ça soit un lock-out ou une grève, il faut que tu vives avec tes décisions, là, on est tout à fait au courant de ça, mais ce n'est pas ça qui est arrivé, on s'est trouvé une solution gagnant-gagnant pour les deux parties.

M. Marissal : Ce qui fait que, là, vous êtes allés de l'avant de façon, je dirais, innovante, parce que ça n'existait pas vraiment. Vous aviez eu des indications de la part du gouvernement que vous aviez une bonne occasion d'aller dans cette avenue-là ou vous avez lancé l'idée en disant : Pourvu que ça passe?

M. Desbiens (Michel) : Honnêtement, on a lancé les dés. On savait que ça se faisait dans le papier, on a dit : On va négocier ça. Puis il y a eu aussi, dans l'entente, un régime transitoire si jamais on ne pouvait pas le faire. Au départ, notre idée, c'était de regarder s'il y avait possibilité d'offrir un peu comme le papier pour sauver un conflit de travail, là, mais on a négocié quand même, dans notre entente, un autre régime, si jamais le RRPC ne serait pas disponible.

M. Marissal : Je comprends. Dernière question : À la FIM-CSN, vous avez combien de membres? Et combien sont encore sous un régime de prestations déterminées? Pour M. Côté.

M. Côté (Stéphane) : Oui, bien, on représente 30 000 membres, à la Fédération de l'industrie manufacturière. Au niveau des syndicats que nous avons qui ont à prestations déterminées, on a une trentaine de syndicats qui ont un régime à prestations déterminées, qui peuvent regrouper aux environs d'à peu près... on parle de peut-être 5 000 membres, à peu près.

M. Marissal : Vous avez dit 130 000 membres ou 30 000 membres?

M. Côté (Stéphane) : Non, 30 000, 30 000 membres, M. le député, et on représente à peu près une trentaine de...

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Côté (Stéphane) : ...comme j'ai dit tantôt...

Le Président (M. Simard) : Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, M. Côté, M. Desbiens. Vous ne serez pas surpris, le syndicat d'Alcoa est dans ma circonscription, et je trouve un peu particulier que le syndicat de Baie-Comeau minimise l'impact qu'il a eu sur la commission, présentement, puisque, oui, ils ont lancé les dés, mais ils nous ont amenés, comme législateurs, à avoir une réflexion sur les régimes de prestations cibles, ont eu des rencontres avec Retraite Québec, avec le ministère des Finances, j'ai fait des représentations aussi. Donc, tout ce beau monde là, au-delà du fait qu'ils avaient une situation qui les amenait peut-être dans un mur, ont eu une réflexion de trouver une solution gagnant-gagnant, et cette solution-là est offerte aujourd'hui à d'autres travailleurs et travailleuses, donc c'est pour ça que je suis en accord avec leur démarche. Mais surtout, je suis en accord avec le fait qu'avec tout le travail qu'ils ont mis, il y aura un impact financier si on n'adopte pas le projet de loi avant le 1er janvier 2021, et donc j'invite, effectivement, la commission à trouver toutes les solutions possibles pour être capable de reconnaître les efforts qui ont été faits, mais surtout d'éviter un impact supplémentaire dans une industrie qui, aujourd'hui, en temps de pandémie, n'est pas encore en haut de la ligne comme étant une industrie qui est à grand succès.

Cela étant dit, il existe encore beaucoup de défis. Et, M. Desbiens, vous nous avez indiqué, dans votre présentation, qu'il y avait quelque chose qui était important aussi pour vous, c'est que le syndicat demeure le promoteur du régime. Pourquoi? Pourquoi, selon vous, il faut qu'on adopte des modifications législatives qui amènerait à être le promoteur du régime le syndicat qui est porteur?

M. Desbiens (Michel) : M. le député, pourquoi? Bien, les travaux qu'on a faits jusqu'à maintenant, il y a 90 % du travail... puis de la façon que le régime est «designé» puis que tout est fait, présentement, on a embauché un actuaire, on a embauché un conseiller en gestion, le travail est tout fait dans ce sens-là, que c'est nous autres, le promoteur du régime, puis on va prendre les décisions nous autres mêmes. Notre structure est déjà toute montée, notre comité de retraite est monté, on est prêts à faire face au jour 1, là, pour commencer dès maintenant, puis on veut que le promoteur...

Vous savez, quand on veut... à partir du moment que la compagnie ne voulait plus administrer le régime et le gérer puis ils voulaient nous l'envoyer à nous, on a dit : On y va dans ce sens-là, mais on va s'occuper nous-mêmes de nos affaires puis on va s'en occuper à 100 % et non à moitié. Donc, on veut absolument aussi... dans la loi, là, je pense qu'il y a de quoi à changer, on veut être le promoteur du régime. On a tout ce qu'il faut, à la CSN, en aide d'actuaires puis de conseillers, pour s'occuper du régime nous autres mêmes, puis on veut absolument que ça fonctionne comme ça. C'est comme ça qu'on a fait nos travaux, d'ailleurs.

M. Ouellet : Dites-moi, sur le plancher de l'usine, est-ce qu'il y a un stress par rapport à l'adoption tardive du projet de loi ou est-ce qu'il y a un stress par rapport au fait qu'il y aurait un régime transitoire qui pourrait avoir un impact sur des futurs retraités? Est-ce que vous sentez un peu de questionnements par rapport à la situation, ou vos membres sont quand même assez conscients de l'opportunité qu'ils ont d'avoir un nouveau régime, mais que, de façon parlementaire, il y a des choses qu'ils ne contrôlent pas?

M. Desbiens (Michel) : C'est certain, M. le député, que nos membres sont un petit peu inquiets, quand même, puis ils ont hâte de voir le dénouement. Puis ils nous posent des questions à tous les jours, d'ailleurs, surtout qu'on est dans une vague de retraites, présentement. Dans les trois prochaines années, même deux années et demie, on a pratiquement 250 de nos 700 membres d'éligibles à la retraite, puis là ils ont des décisions à prendre : Est-ce que je quitte à la fin de l'année? Est-ce que j'attends l'année prochaine? Est-ce que je vais faire un bout dans un régime RRPC? Est-ce que je vais être dans un régime transitoire pour la partie qu'il va me rester, d'un an, peut-être? Donc, ça bouscule un peu leur décision. Puis à tous les jours on essaie de répondre à leurs questions, on a dit : Les gars, on... Ça avance, mais ils ont hâte de voir si ça peut être passé le plus rapidement possible, prendre une décision éclairée à quel moment prendre leur retraite.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, bien, MM. Desbiens et Côté, merci beaucoup, hein, pour votre très belle présentation et contribution à nos travaux.

Ceci dit, nous allons momentanément suspendre afin de faire place à nos prochains invités. Au plaisir.

(Suspension de la séance à 16 h 16)

(Reprise à 16 h 20)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous sommes en mesure de reprendre nos travaux, les connexions ayant été effectuées. Puis je tiens à remercier, d'ailleurs, au passage, tous nos techniciens qui, dans l'ombre, travaillent d'arrache-pied pour toujours arranger correctement les choses, alors, par les temps qui courent, c'est bien précieux.

MM. Ranger et Lockhead, nous sommes honorés de vous recevoir parmi nous aujourd'hui. Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes. Alors, nous vous écoutons.

Association canadienne des administrateurs
de régimes de retraite (ACARR)

(Visioconférence)

M. Ranger (Julien) : Merci. Julien Ranger, je suis membre du conseil d'administration de l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite, connue sous le nom de l'ACARR. Je suis accompagné de Claude Lockhead, qui est aussi membre du conseil régional de l'ACARR et associé... actuaire et associé exécutif chez Aon.

Alors, merci, M. le Président. Nous tenons à remercier la commission d'avoir invité l'ACARR à participer à ses travaux concernant le projet de loi n° 68. L'ACARR est un organisme sans but lucratif qui agit à titre de porte-parole des administrateurs de régimes de retraite et de leurs fournisseurs de services, incluant les actuaires, les avocats et les gestionnaires de placements. Nous représentons plus de 400 régimes de retraite et organismes à travers le Canada, incluant au Québec. Notre mission est de participer au développement de politiques qui visent à établir un système de retraite équilibré, efficace et viable. Nous avons donc étudié le nouveau cadre proposé pour les régimes à prestations cibles avec un très grand intérêt.

L'ACARR tient, dans un premier temps, à saluer l'introduction du projet de loi n° 68. Nous sommes, comme association, favorables à une plus grande ouverture au concept des prestations cibles au Québec, et le projet de loi constitue, à notre avis, une avancée importante pour la préservation et l'amélioration du système de retraite au Québec.

Ce commentaire général là étant fait, je vais céder la parole à mon collègue Claude Lockhead, qui partagera avec vous certaines suggestions qui visent à améliorer certains aspects du projet de loi.

M. Lockhead (Claude) : Merci, Julien. Mentionnons d'emblée que l'ACARR appuie les principes de financement mis de l'avant par le projet de loi et tient à souligner la qualité du projet de loi et sa relative simplicité. Dans son mémoire, l'ACARR formule quelques suggestions afin d'améliorer certains éléments de ce projet de loi. Plus précisément, je vais aborder les sujets suivants : l'équité, le rétablissement des prestations, l'achat de rentes en cours d'existence.

Commençons par l'équité. Il faut réaliser que les régimes à prestations cibles opèrent dans un paradigme différent des régimes de retraite à prestations déterminées. Pour ces derniers, il est important que le législateur prévoie des règles pour protéger les droits des participants afin que ceux-ci puissent recevoir les promesses qui leur sont faites. Pour les régimes à prestations cibles, le risque est partagé par les participants entre eux. La préoccupation du législateur doit être de s'assurer que ces régimes soient élaborés de la façon la plus équitable possible entre les participants et entre les générations de participants. L'objectif d'équité entre les participants ne peut être atteint qu'en acceptant que la cible des prestations puisse être variable.

Le projet de loi prévoit des principes afin de faire respecter l'équité entre les retraités et les participants actifs, notamment lors de l'application de mesures de redressement pour les services reconnus à la date de l'évaluation actuarielle et lors de l'affectation de l'excédent d'actif. Nous appuyons que le projet de loi contienne des contraintes à cet effet. Les mesures de redressement pour les services reconnus à la date de l'évaluation actuarielle peuvent être multiples : hausse des cotisations salariales et/ou patronales ou réduction des prestations liées au service reconnu. Le principe d'équité énoncé dans le projet de loi ne concerne que les possibles réductions des prestations et ne semble pas tenir compte que les participants actifs puissent assumer leur part d'insuffisance au moyen de hausses de cotisations.

Le même constat s'applique lors de l'affectation d'excédents d'actif. Le principe d'équité s'établit sur les augmentations de passif des retraités par rapport aux participants actifs et ne tient pas compte que les excédents d'actif affectés aux participants actifs pourraient résulter en une réduction de leurs cotisations salariales. L'ACARR suggère, dans son mémoire, des ajustements au principe d'équité énoncé dans le projet de loi.

Deuxième sujet, le rétablissement des prestations. Le projet de loi prévoit que le rétablissement des prestations qui ont fait l'objet d'une réduction ne peut se faire avant que le régime n'ait capitalisé la provision de stabilisation. Cette contrainte peut prendre de nombreuses années avant d'être respectée, et plusieurs retraités qui auront vu leur rente réduite auront le temps de décéder avant que leur rente ne soit rétablie. Pour cette raison, l'ACARR suggère que le rétablissement des prestations puisse être fait lorsque le degré de capitalisation excède un seuil entre 105 % et 110 %.

Également, les modalités de rétablissement n'obligent pas la compensation des retraités pour les sommes qu'ils n'ont pas reçues en raison de l'application des mesures de redressement. Les montants non versés représentent donc une vraie perte pour les retraités, alors que les participants actifs ne subissent pas de perte réelle une fois que leurs prestations sont rétablies. L'ACARR suggère que, lors d'une affectation d'excédents d'actif subséquente, il devrait être possible de compenser les montants non versés en raison des rentes réduites avant d'appliquer les principes d'équité prévus au projet de loi.

Troisième sujet que je vais aborder, l'achat des rentes en cours d'existence du régime. En vertu de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, les rentes en cours de versement peuvent faire l'objet d'un achat de rentes par le comité de retraite en vertu d'une politique d'achat de rentes. Dans un régime de retraite à prestations cibles, il y a plusieurs questions à se poser, étant donné que l'achat d'une rente cristallise le montant de la rente achetée. Nous sommes conscients que les achats de rentes représentent un outil de gestion de risques intéressant, mais cela ne doit pas se faire au détriment de l'équité dans un régime de retraite à prestations cibles, où ce sont les participants qui ont à assumer les risques. L'ACARR suggère que l'achat de rentes en cours d'existence du régime soit effectué en fonction de la valeur des droits du retraité au moment de l'achat, comme c'est le cas lors de la terminaison du régime. L'ACARR suggère aussi que le consentement individuel du retraité devrait être requis et que le retraité devrait aussi avoir l'option de demander le transfert de la valeur de ses droits dans un véhicule autorisé au lieu de voir sa rente achetée.

Je vais laisser Julien présenter les autres éléments du mémoire de l'ACARR.

M. Ranger (Julien) : Le projet de loi prévoit une interdiction de modifier ou terminer le régime à prestations cibles de façon unilatérale. Nous comprenons les raisons qui ont mené à ce choix en particulier, mais nous croyons qu'il y a une certaine ambiguïté quant au processus de consultation nécessaire pour que l'on puisse conclure que la modification... la terminaison n'est pas unilatérale. Nous avons fourni plus de détails à cet égard-là dans notre mémoire et nous vous encourageons simplement à clarifier le processus de consultation nécessaire en cas de modification ou de terminaison.

Nous voulons également mentionner que la possibilité de créer des régimes à prestations cibles multijuridictionnels est importante, selon nous, pour favoriser l'essor des régimes à prestations cibles. Nous constatons que la création de régimes multijuridictionnels pourrait être permise dans la mesure prévue par le règlement. Nous sommes toutefois assez préoccupés par l'absence d'un cadre plus clair concernant les régimes multijuridictionnels. Nous aimerions donc voir, dans le projet de loi et dans le règlement à venir, des règles souples favorisant l'établissement de régimes multijuridictionnels.

Nous avons aussi une préoccupation concernant l'impossibilité d'avoir un régime de retraite composé d'un volet à prestations déterminées et d'un volet à prestations cibles. Cette interdiction-là soulève des problèmes d'application et certainement un dédoublement de l'administration à l'égard des mêmes participants. Nous pourrons y revenir, là, durant la période de questions, si vous le désirez. Mais, comme commentaire général, nous vous invitons à reconsidérer cette interdiction de régime à double volet.

En ce qui concerne la transformation de régimes à prestations déterminées en régimes à prestations cibles, l'ACARR vous encourage à adopter un cadre qui permettrait la conversion des droits accumulés dans un régime à prestations déterminées. Par contre, je tiens immédiatement à préciser que nous ne cherchons pas à ce que de telles conversions puissent être forcées ou imposées, nous favorisons simplement une grande flexibilité dans la conception des régimes. Dans les cas, par exemple, où les parties sont d'accord avec une conversion totale ou partielle, nous ne croyons pas que la conversion devrait être interdite, dans la mesure où il y a des balises appropriées à respecter. Ceci étant dit, l'ACARR est pleinement consciente des préoccupations, là, qui ont été exprimées par plusieurs intervenants. Nous comprenons et respectons l'orientation qui a été retenue dans le projet de loi. Nous voulons simplement noter qu'on sacrifie, à notre avis, une partie de l'attrait des régimes à prestations cibles en ne permettant pas les conversions.

En terminant, sur une note qui n'est pas liée aux régimes à prestations cibles, nous sommes heureux de voir l'ajout des rentes viagères à paiements variables comme option de décaissement pour les régimes à cotisation déterminée. C'était une demande de l'ACARR depuis un certain temps. Nous aurons probablement des commentaires additionnels à fournir lorsque le règlement sera disponible, mais nous saluons l'introduction de l'option dans le projet de loi.

Et je vous remercie pour votre attention, et il nous fera plaisir d'échanger avec vous durant la période de questions.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. Ranger. Je cède la parole au ministre des Finances.

• (16 h 30) •

M. Girard (Groulx) : Merci beaucoup. Merci pour votre intérêt dans le projet de loi. Ma question sera pour M. Lockhead. Vous avez mentionné que, lorsqu'il y a insuffisance, lorsqu'il y aura nécessité de mesures de redressement et pour les services passés, vous voudriez que les participants actifs puissent combler cette insuffisance avec une augmentation des cotisations. Est-ce que c'est ce que vous avez suggéré?

M. Lockhead (Claude) : M. le ministre, ce qu'on a suggéré, c'est un test... c'est que le test d'équité ou le principe d'équité qui est énoncé dans la loi, il soit un petit peu plus flexible. Ce qu'on comprend du projet de loi, c'est déjà permis parmi les mesures de redressement d'avoir des hausses de cotisations salariales, ou hausses de cotisations patronales, ou réductions des prestations. Donc, les trois mesures sont déjà permises dans le projet de loi, donc on n'a pas de demande à cet effet-là.

Le test d'équité concerne la troisième mesure, les réductions de prestations, et de la façon que l'on comprend le test d'équité, c'est qu'il faut s'assurer que les retraités ne soient pas coupés plus que les participants actifs. Par contre, les participants actifs, les parties prenantes pourraient prévoir d'emblée, dans le texte du régime, qu'une partie ou la totalité de leur insuffisance soit comblée par une hausse de cotisations, c'est une option prévue par le projet de loi. Alors, ce qu'on mentionne, c'est que, dans le test d'équité, on semble ne pas tenir compte de cette mesure-là, et, si on veut s'assurer que chacun des groupes assume leur part, leur juste part de l'insuffisance, il faudrait un petit peu plus de flexibilité dans le test d'équité.

M. Girard (Groulx) : Bon, O.K., alors, c'est assez technique, mais on va faire nos devoirs pour s'assurer que cette flexibilité-là est présente. Vous ne vous êtes pas prononcé, mais je vais vous poser la question parce que, M. Ranger, je ne vous connais pas, mais, M. Lockhead, je sais que vous êtes dans ce domaine-là depuis plus d'une dizaine d'années, vous êtes très respecté et très expérimenté : Lorsqu'il y aura des participants qui vont quitter le régime, on a eu des avis comme quoi l'approche de capitalisation serait préférable à l'approche de solvabilité qui a été choisie dans le projet de loi, est-ce que vous avez une opinion là-dessus?

M. Lockhead (Claude) : Oui, M. le ministre. Tout d'abord, merci, vous êtes gentil de mentionner seulement une dizaine d'années.

M. Girard (Groulx) : Diplomate.

M. Lockhead (Claude) : Diplomate. L'ACARR mentionne dans son mémoire que l'approche privilégiée est l'approche de capitalisation pour l'acquittement des droits. Peut-être un petit peu de contexte : évidemment, dans un régime à prestations cibles, ce qu'on souhaiterait, lors d'un acquittement, que ce soit suite à une cession de participation ou même suite à l'achat d'une rente, ce qu'on souhaiterait, c'est que le participant obtienne sa juste part de l'actif, puis sa juste part de l'actif doit tenir compte de la valeur de ses droits et aussi du degré de capitalisation du régime. Donc, ce n'est pas seulement la valeur des droits en utilisant les hypothèses de capitalisation, il faut tenir compte, également, du degré de capitalisation.

Pourquoi la capitalisation est favorisée par rapport à la solvabilité? Je vous dirais, il y a plusieurs raisons, mais je vais en mentionner deux. Un, évidemment, le financement se fait sur cette base-là, la capitalisation. Deuxième raison, quand on acquitte les droits sur une base de solvabilité en tenant compte du degré de solvabilité, on introduit tout un autre concept, puis avec les bas taux d'intérêt qu'on connaît aujourd'hui, on dit aux participants : Tu as droit à une valeur sur base de solvabilité qui est beaucoup plus haute que la capitalisation, mais on va te la couper à 75 % ou à 80 %. Le participant ne comprend pas ce qui arrive, puis c'est un frein à choisir un acquittement sur une base de valeur de transfert. Alors, ce qu'on dit, c'est que, si on acquitte sur une base de terminaison avec le degré de... une base de capitalisation avec le degré de capitalisation, on arrive aux mêmes fins de remettre aux participants sa juste part de l'actif. Donc, c'est pour cette raison-là que l'ACARR a mentionné, dans son mémoire, favoriser, là, la base de capitalisation.

M. Girard (Groulx) : O.K., mais avec les ajustements nécessaires pour que les... c'est-à-dire, c'est l'approche de capitalisation, mais modifiée pour s'assurer qu'il n'y a pas d'impact sur ceux qui restent dans le régime, là.

M. Lockhead (Claude) : Absolument.

M. Girard (Groulx) : Ce n'est pas la... O.K. Ça fait que ce n'est pas exactement l'approche de capitalisation au sens simplifié, mais... O.K. Merci pour cette précision, c'est important.

Le Président (M. Simard) : M. le député de Saint-Jérôme, vous avez encore 10 minutes, cher collègue.

M. Chassin : Merci. 10 minutes? Formidable. Bien, écoutez, en tout cas, j'ai, à tout le moins, trois questions; deux questions rapides puis une peut-être plus de fond. Merci, messieurs, de votre présentation, puis je profite de votre expertise pour peut-être, là, parler de deux points qui sont moins souvent mentionnés, qui sont peut-être... qui paraissent peut-être accessoires ou, à tout le moins, secondaires par rapport à certains grands enjeux, mais afin de m'éclairer, là, j'en profite.

D'abord, pour la provision de stabilisation, vous recommandez un seuil fixe qui soit entre 105 % et 110 %. Je voudrais savoir, selon vous... Puis on a entendu des réflexions de ce type-là de plusieurs intervenants, vous le savez sans doute, Conseil du patronat et Fédération des chambres de commerce. La CSN, elle, parle plutôt d'un seuil de 50 % de la provision de stabilisation, ce qui paraît un peu équivalent, là, si on parle d'une provision de 15 %, 7,5 %, c'est pas mal entre cinq et 10. Est-ce qu'il y a une différence, selon vous, entre ce 50 % ou un seuil fixe à 105 %, ou à 110 %, ou à 108 %?

M. Lockhead (Claude) : Non, il n'y a pas de différence, l'idée, c'était de suggérer un seuil qui est plus rapide à atteindre parce qu'évidemment, comme on le mentionne dans le mémoire, le retraité qui se fait couper, c'est une vraie perte pour lui, puis, si on veut lui rétablir sa cible avant qu'il ne décède, bien, il faut abaisser un petit peu le seuil sur lequel on va... à compter duquel on peut rétablir la prestation. Alors, on n'a pas fait de travaux pour établir c'est quoi, le chiffre magique. Vous avez raison, quelque part entre 105 % et 110 %, ça équivaut à 105 % de la provision de stabilisation. Il faut savoir que la provision de stabilisation, dans la loi puis le règlement, est fonction de la politique de placement, puis, avec une politique typique, là, on est plus autour de 116... on est plus autour de 16 % à 17 %, donc la moitié, effectivement, on est dans la fourchette du 105 % à 110 %.

M. Chassin : Je voulais être certain, dans le fond, de ne pas manquer un élément, là, mais vous me dites que les deux façons de compter, finalement, là, sont bien équivalentes. Est-ce que le fait de rétablir des prestations plus tôt, sans atteindre, dans le fond, là, le 100 % de provision de stabilisation, évidemment... est-ce que ça peut avoir un impact sur l'équité entre les retraités puis les participants actifs? Est-ce que ça peut même avoir un impact, par exemple, sur le délai avant qu'on recapitalise complètement la provision?

M. Lockhead (Claude) : Ça a tout à fait un impact, vous avez raison, et, dans le fond, là, quand on y pense, plus on rétablit rapidement, ne serait-ce qu'à 101 % même, plus on rétablit rapidement, plus on est équitable. Par contre, plus on rétablit rapidement, plus on introduit de la volatilité dans le niveau des prestations. Et c'est là l'équilibre qu'il faut... que le législateur doit rechercher. C'est pour ça qu'on n'a pas suggéré un seuil aussi bas que 101 %, mais on pense que quelque part entre 105 % et 110 %, on atteint un certain équilibre entre la volatilité de la prestation et l'équité, parce qu'il faut rétablir le retraité le plus rapidement possible parce que c'est une vraie perte pour lui.

M. Chassin : Je suis sûr que Retraite Québec aura des analyses pertinentes en la matière. J'ai une autre question très précise, là. Quand on parle... puis permettez-moi, là, c'est en toute naïveté, je ne connais pas ce volet-là, quand on parle de terminaison forcée par Revenu Québec à partir du moment où il n'y a plus d'accumulation de nouveau droit dans un régime à prestations déterminées, je voudrais juste que vous m'expliquiez simplement qu'est-ce que ça comporte comme... bien, enfin, comme risques, ou comme dommages, là, ou comme poids pour l'entreprise et pourquoi est-ce que Revenu Québec pourrait prendre cette décision si, par exemple, en entreprise, on ne souhaite pas la terminaison du régime tout de suite.

• (16 h 40) •

M. Lockhead (Claude) : Julien, est-ce que tu veux la prendre, celle-là?

M. Chassin : En espérant que ma question soit bien claire, là.

M. Ranger (Julien) : Oui, non, la question est très claire. La réalité pratique, c'est que Retraite Québec ne prendrait probablement pas la décision de terminer le régime si l'employeur continue à cotiser et si la situation suit son cours normal. Par contre, il y a quand même... ce n'est que, en bout de ligne, une pratique administrative, et avant qu'un employeur décide de faire le saut et de passer à un régime à prestations cibles, l'employeur voudra avoir une certaine... un peu plus de certitude par rapport à cette position administrative là. Et, pour l'instant, il n'y a rien qui nous laisse croire que Retraite Québec exercerait son pouvoir en dehors d'une situation financière difficile pour l'employeur, mais ça serait utile pour... ça serait utile de fournir une certaine sécurité d'esprit, là, aux employeurs pour les convaincre que ce n'est pas une situation où le régime pourrait être terminé par Retraite Québec, et à un moment où il pourrait y avoir un déficit quand même significatif, et que ça pourrait entraîner, là, une obligation pour l'employeur de combler la dette à ce moment-là.

M. Chassin : O.K. Parce que, là, dans le fond, ce que j'essaie de réconcilier, là, c'est de préciser, dans la loi, quelque chose d'aussi pointu que le processus de Revenu Québec. Est-ce qu'il n'y a pas d'autres façons de dire : Bon, bien, on va, oui, donner davantage de flexibilité, puis, finalement, adresser un message à Revenu Québec, là, pour dire : Bien, soyez compréhensifs, là?

M. Ranger (Julien) : C'est un point... C'est peut-être pointu, mais en même temps c'est un point important, parce que les conséquences financières pour l'employeur sont quand même... peuvent être potentiellement très significatives. Et la loi, en ce moment, donne le pouvoir à Retraite Québec de terminer le régime, alors il pourrait y avoir un changement de cap au niveau administratif, et là, à ce moment-là, il n'y a pas de protection pour l'employeur.

M. Chassin : D'accord. Puis permettez, donc, une question peut-être presque plus philosophique, là, mais vous proposez d'incarner le principe d'équité, par exemple, lorsqu'il y a insuffisance, là, en proportion de la valeur des droits des participants actifs versus des bénéficiaires retraités par rapport à la valeur des droits de tous les participants. Ça m'apparaît un peu, comme, mécanique, là, comme formule. On prend, dans le fond, deux groupes, on regarde la proportion de leurs droits en fonction du total, puis on se dit : Bien, tel groupe va supporter tant, puis tel autre groupe va supporter cette proportion-là aussi. Est-ce que c'est une pratique commune ou présente ailleurs dans d'autres régimes que cette notion d'équité très mécanique? Évidemment, on aura l'occasion d'en reparler avec d'autres groupes, dont Force Jeunesse, là, plus tard ce soir, mais je voulais voir si, pour vous, il y a un... permettez-moi l'anglicisme, il y a du «wiggle room», là, il y a la latitude pour définir l'équité ou si ça doit être très précis comme ça.

M. Lockhead (Claude) : En fait, ce qu'on propose ou ce qui pourrait être proposé... Présentement, le principe d'équité est sur la valeur des réductions. Ce qu'on propose plutôt, c'est que la réduction des retraités ne puisse pas dépasser leur proportion de valeur de droits ou de passif, donc ça pourrait être moindre, là, selon ce que les mesures de redressement sont prévues par le régime, mais ça ne pourrait pas dépasser cette proportion-là. Et la raison pourquoi on veut parler de proportion de valeurs des droits plutôt que réduction des droits, c'est que les parties prenantes pourraient faire des choix, en termes de mesures de redressement, qui ne sont pas seulement des réductions pour les participants actifs, il pourrait y avoir des hausses de cotisations salariales ou patronales. Donc, la façon de tenir compte de tous ces éléments-là ou la combinaison des mesures, c'est d'y aller en proportion de la valeur des droits et dire que, les retraités, on ne peut pas les réduire d'un montant plus grand que la proportion que représente leur passif, si vous voulez. Alors, c'est tout simplement pour donner toute la flexibilité qu'il faut aux parties de choisir toutes les mesures qui sont déjà dans le projet de loi, tout en respectant l'équité entre les deux groupes.

M. Chassin : Et donc... oui, donc, finalement, ce n'est pas nécessairement aussi prescriptif que je le voyais, là, c'est peut-être plus des balises. Est-ce que la liberté de le définir dans la convention de départ, ces différents éléments-là, finalement, donne ce choix aux parties, là, tant à l'employeur qu'aux travailleurs? Est-ce qu'à votre avis... parce que j'essaie de voir... encore là, est-ce que c'est nécessaire de le préciser dans la loi, de fixer cette balise-là dans la loi ou est-ce que, dans le fond, ça pourrait être une bonne pratique à suivre pour l'établissement des régimes à prestations cibles?

M. Lockhead (Claude) : D'après nous, c'est au-delà d'une bonne pratique, c'est même... c'est la mesure qui doit être ajustée. Par exemple, si on arrive à la conclusion que chacun des deux groupes doit assumer la moitié de l'insuffisance, par exemple, parce qu'ils sont... ils ont des poids égaux, d'après le libellé actuel, ce qu'on comprend, les actifs ne pourraient pas dire : Moi, je supporte... on supporte notre insuffisance avec une hausse de cotisations, alors que les retraités, on n'a pas le choix, c'est une baisse de prestations. La façon que le test est écrit ne nous permet pas d'arriver à cette solution-là, même si, dans les mesures qui sont établies ou permises par le projet de loi, on a clairement les trois mesures : hausse de cotisations salariales, patronales et diminution des prestations.

M. Chassin : D'accord. Bien, merci beaucoup de cette expertise et d'avoir pris le temps de m'éclairer dans mes questions peut-être un peu plus naïves, mais nécessaires, j'apprécie beaucoup.

Le Président (M. Simard) : Merci. Merci à vous. M. le leader de l'opposition.

M. Fortin : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, M. Lockhead, M. Ranger, merci d'être avec nous et de partager votre expertise. Il y a un point sur lequel je voulais revenir, là, vous... et je vous cite, là, vous encouragez «l'Assemblée [...] à permettre la modification de régimes prestations déterminées pour y ajouter un volet à prestations cibles plutôt que d'exiger la création d'un régime distinct». Alors là, je... vous n'avez pas peur que de faire ça, ça pourrait permettre des excès qui ne sont pas nécessairement la volonté du législateur, là? La volonté, elle semble plutôt claire de dire qu'on ne veut pas créer ce qui est connu comme des clauses de disparité, c'est-à-dire qu'un type de travailleur ou un travailleur d'une certaine expérience ait accès à... pour l'entièreté de son temps passé en entreprise, ait accès à un type de prestations tandis qu'un nouveau travailleur aurait accès à un autre. Est-ce qu'il y aurait... Je ne pense pas que c'est ce que vous voulez à travers votre proposition, si je ne me trompe pas, là.

M. Ranger (Julien) : Oui. Puis, si je peux peut-être clarifier l'intention, on voit ça comme étant deux choses distinctes. De la conversion des droits, ça, c'est une question. La deuxième question, c'est : Est-ce qu'on peut avoir un régime qui a deux volets, mais deux volets distincts à l'intérieur d'un seul régime? Donc, de la même façon qu'en ce moment il existe des régimes à prestations déterminées avec un volet à cotisation déterminée, puis il n'y a aucune question de conversion de régimes à prestations déterminées en cotisation déterminée sans le consentement des participants, donc, on peut très facilement utiliser le même concept dans le cadre des régimes à prestations cibles, là.

M. Fortin : O.K. Donc, vous n'êtes pas... O.K., je comprends ce que vous êtes en train de dire, là, c'est trouver une façon qui est plus simple que le simple arrêt, disons, d'un prestations déterminées pour les raisons que vous avez mentionnées, là — les exigences administratives, les contraintes quant au partage des coûts, etc. — puis l'enjeu de Retraite Québec, mais vous nous suggérez de trouver une façon, dans le projet de loi, de le permettre, mais de l'encadrer, c'est ça?

M. Ranger (Julien) : Oui, exactement. Et, de la même... comme je disais, de la même façon que c'est permis, en ce moment, pour les régimes à prestations déterminées et cotisation déterminée, il pourrait même y avoir, éventuellement, des régimes où il y aurait trois volets, dans le fond, ça pourrait être possible aussi.

M. Fortin : O.K., parfait. La question des rentes viagères à paiements variables, si je comprends bien votre proposition, essentiellement, là, vous nous dites : Il y a des modifications à la Loi sur l'impôt sur le revenu du Canada... tu sais, vous nous dites, essentiellement : Bonne affaire, mais assurez-vous d'être cohérents avec ce que le fédéral est en train de faire. Là, je vous avoue que je n'ai pas suivi exactement où est rendu le fédéral sur les modifications proposées à la loi. Alors, quand vous nous dites de faire preuve de prudence, là, est-ce que c'est juste de s'assurer que les dates d'entrée en vigueur sont les mêmes, à peu près, c'est ça?

M. Ranger (Julien) : Bien, c'est s'assurer que les deux concepts sont bien arrimés, là, parce qu'il va y avoir une réglementation... il faut s'attendre à une réglementation au niveau fédéral et il faut simplement s'assurer que les deux régimes vont bien s'arrimer, là. Essentiellement, notre position est que nous sommes satisfaits de voir l'ouverture qui est faite dans le projet de loi. Il faut juste s'assurer de le ficeler comme il faut, avec les règlements, là, des deux côtés.

M. Fortin : O.K. En fait, M. le Président, ça va pour moi. L'enjeu que j'avais, c'était celui de la capitalisation versus de la solvabilité, mais je pense que ça a été quand même bien expliqué par M. Lockhead lors des questions posées par le ministre, alors je n'ai plus rien pour l'instant.

• (16 h 50) •

Le Président (M. Simard) : Merci. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Leitão : Merci, M. le Président. Alors, messieurs, à mon tour aussi de vous souhaiter la bienvenue. Je dispose de combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Simard) : 6 min 30 s.

M. Leitão : Très bien.

Le Président (M. Simard) : Mais peut-être davantage, on verra la répartition du temps, puisque le député de René-Lévesque vient de nous quitter.

M. Leitão : Très bien.

Le Président (M. Simard) : Alors, à vous la parole, cher collègue.

M. Leitão : Très bien. Merci. Alors, messieurs, bonjour. Quelques questions sur vos propositions, et puis j'aimerais demander aussi votre opinion sur une autre chose. En ce qui concerne la question de l'équité, oui, en effet, à votre point n° 1, et je pense que c'est important de s'assurer... la question que j'ai, c'est : Qui décide? À un moment donné, ça va... quelles sont les règles? Qui a... Est-ce que quelqu'un a plus d'influence que quelqu'un d'autre? Est-ce que c'est les retraités? Est-ce que c'est les cotisants? Comment est-ce qu'on s'assure qu'on maintient cette équité-là, c'est-à-dire comment est-ce qu'on s'assure que les employés actuels ne forcent les retraités à assumer la plus grosse partie du poids de l'ajustement, si ajustement doit être fait?

M. Lockhead (Claude) : Le projet de loi, sur cet aspect, est clair, et il faut le saluer. Le projet de loi prévoit que le texte du régime, dès sa création, doit prévoir les mesures de redressement, les mesures de rétablissement de prestations et comment on va affecter les excédents d'actif. Donc, le projet de loi a été prudent à cet égard-là, puis, les règles du jeu, on doit les établir, lorsqu'on établit le régime, d'emblée. Donc, les parties prenantes.... On va beaucoup retrouver ce genre de régime-là dans les milieux syndiqués, donc les parties prenantes devront élaborer les mesures, et je suis certain, convaincu que les meilleures pratiques de l'industrie, dans ce genre de régime là, vont s'assurer que les mesures qui vont être prévues à l'avance vont tendre vers l'équité entre les participants le plus possible. C'est la clé numéro un du succès de ces régimes-là, puis c'est de s'assurer qu'ils sont équitables.

M. Leitão : Très bien. Oui, en effet, il faut s'assurer de ça. Pour ce qui est du rétablissement, je comprends aussi, bon, votre fourchette cible, 105 %, 110 %. Plus tôt aujourd'hui, on parlait de 50 %, on est dans les mêmes zones. La question que j'ai : Est-ce que... mais ne pensez-vous pas qu'il y a un risque, donc, de pouvoir permettre le rétablissement avant d'avoir atteint l'idéal, ce n'est pas risqué aussi? Ça veut dire, est-ce qu'on ne met pas la maison à risque? Je donne l'impression, peut-être, d'être trop conservateur, peut-être, mais, de l'autre côté, est-ce qu'en permettant ça, de commencer le redressement avant d'avoir gagné à la bataille, pensez-vous que ça aussi, ça comporte un risque ou...

M. Lockhead (Claude) : C'est un compromis nécessaire, à notre avis. Un, c'est vrai, puis on ne peut pas le nier, là, si on rétablit plus rapidement les prestations, on n'augmente que si ça va mal par la suite, on doive redresser de nouveau pour réduire la cible. Ça, c'est vrai que c'est un risque, il faut que ça soit bien compris, puis le minimum, là... en fait, ce qu'on suggère, c'est le minimum de la loi. Ça ne veut pas dire que des groupes... par exemple, si le législateur revient à 105 %, ça ne veut pas dire qu'un certain groupe ou certaines parties prenantes qui sont plus conservateurs, peut-être, comme vous, un peu, disent : Bien, nous, on veut rétablir seulement à 110 % ou à 115 %. Le minimum de la loi, il faut qu'il soit le plus bas possible, tout en assurant que ça ne joue pas trop au yoyo. Il faudrait qu'il soit le plus bas possible pour permettre aux parties prenantes, à ceux qui vont élaborer ces régimes-là, d'adapter les règles à leur propre tolérance au risque. Donc, il y a des groupes qui vont être plus tolérants au risque puis ils vont mettre un minimum plus bas pour rétablir les prestations, il y a des groupes qui vont être moins tolérants au risque puis ils mettront des seuils plus hauts pour rétablir les prestations. Ce qui va être prévu dans la loi, c'est un minimum, puis, quant à moi, il faut permettre le plus de flexibilité possible de ce côté-là.

M. Leitão : Très bien, merci. Et ça m'amène à ma prochaine question, ça a été soulevé aussi ce matin, vous ne le mentionnez pas, mais j'aimerais connaître votre avis là-dessus, en ce qui concerne la gouvernance, surtout la nécessité de s'assurer que les comités de retraite disposent des expertises nécessaires pour, justement, pouvoir bien expliquer ces questions-là, entre autres choses. Comment est-ce que vous voyez ça? Vous voyez ça... Est-ce qu'il y a un problème, au Québec, d'avoir des comités de retraite pleinement staffés, si je peux le dire ainsi, ou est-ce qu'il y a véritablement un enjeu et qu'il faut qu'on essaie de trouver des moyens d'avoir les bonnes personnes à la bonne place?

M. Lockhead (Claude) : Julien, si tu veux, je peux continuer à répondre, tu pourras compléter. Je vois beaucoup de comités de retraite dans ma pratique, puis ça fait longtemps que... depuis que les comités de retraite existent, au début des années 90, que je pratique dans cette... dans l'industrie, je peux vous dire que c'est... je ne le vois pas vraiment comme un problème assez important pour que le législateur exige des compétences particulières pour les membres de comité de retraite. Je pense que les comités de retraite où il y a peut-être des compétences un peu moins élevées, ils savent s'entourer de conseillers pour les conseiller adéquatement, là. Donc, moi, je ne vois pas le problème de compétences comme étant un problème sur lequel il faut légiférer. Par contre, dans les régimes à prestations cibles, ce qu'il faut s'assurer, c'est que les participants aient un rôle à jouer important dans ces comités-là.

M. Leitão : Merci. Peut-être une dernière question, si j'ai encore le temps.

Le Président (M. Simard) : ...cher collègue.

M. Leitão : Pardon?

Le Président (M. Simard) : Je vous en prie.

M. Leitão : Ah! très bien, merci. Ça a aussi été mentionné ce matin, si on pouvait peut-être donner certains incitatifs pour encourager le regroupement d'actif. Vous voyez ça comme étant une bonne piste, là, pour s'assurer qu'on a des régimes un peu plus solides?

M. Ranger (Julien) : Oui, absolument. Une grande partie de la force de ces régimes-là réside dans la capacité de collectiviser l'actif. D'avoir plus d'actif, aussi, ça donne une certaine stabilité qui va, à son tour, assurer une certaine sécurité des prestations, donc c'est un peu... Puis ça rejoint aussi le point qu'on faisait plus tôt par rapport aux régimes multijuridictionnels, ça, c'est une des mesures qui va permettre d'avoir plus d'actif, plus de participants et donc d'avoir plus de stabilité.

Le Président (M. Simard) : Collègues, étant donné l'absence du député de René-Lévesque, nous avons 2 min 40 s à partager. Bon, la pratique veut que, généralement, c'est le parti restant, je mets ça entre guillemets, là, qui reprendre l'entièreté du temps, mais... Ça vous irait? Très bien. M. le député de Rosemont, vous disposez de deux fois 2 min 40 s.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Merci au député de René-Lévesque aussi. MM. Ranger et Lockhead, merci d'être là, merci pour les explications.

Je veux revenir très rapidement sur le comité de retraite. Vous avez dit, M. Lockhead, textuellement qu'il faut s'assurer que les participants jouent un rôle important. Donc, je crois comprendre de votre évaluation du projet de loi actuel, là, qui est devant nous, là, qui est perfectible, que ce n'est pas le cas, les participants ne jouent pas un rôle aussi important que vous le souhaiteriez, ou c'est une figure de style générale que vous avez employée?

M. Lockhead (Claude) : Je peux compléter le fond de ma pensée. Les règles de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite ont des exigences minimales sur la représentativité au sein du comité, et on prévoit des représentants de participants au minimum, mais il n'y a pas de minimum ni de maximum pour les représentants de l'employeur. Et, pour les régimes à prestations cibles, il n'y a aucune exigence particulière pour la formation ou la composition des comités de retraite, alors ce que... et là, ce n'est pas dans le mémoire de l'ACARR, donc c'est peut-être plus sur... je vais le prendre sur mon... personnellement, moi, dans ce genre de régimes là, les comités de retraite, à mon avis, devraient être, à tout le moins, conjoints, c'est-à-dire un nombre égal entre les représentants des participants et de l'employeur ou un nombre plus important de représentants de participants que de l'employeur.

M. Marissal : Bien, vous souhaiteriez voir ça écrit dans la loi pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'arbitraire ou... Vous avez peut-être entendu, là, les intervenants, juste avant vous, là, qui ont... je ne le dis pas de façon péjorative, mais qui ont bricolé leur PC, là, puis, tant mieux pour eux, ils semblent vouloir s'en sortir comme ça, puis ils vont garder leur job et leur retraite, mais ils ont fait ça pas mal entre eux avec les moyens du bord. Vous souhaiteriez que ce soit un peu plus clair, notamment pour les régimes... pour les comités de retraite?

• (17 heures) •

M. Lockhead (Claude) : Je ne dis pas que le législateur doit aller jusque-là, ou peut-être que, oui, il devrait, mais, à tout le moins, les bonnes pratiques de l'industrie... et, les syndicats, je suis sûr qu'ils vont revendiquer d'avoir mainmise sur la gouverne des comités de retraite. Mais là où il n'y a pas de syndicat, où c'est dans des régimes non syndiqués, il y a peut-être lieu de prévoir des règles minimales de composition de comités de retraite.

M. Marissal : Mais ces cas-là sont beaucoup moins fréquents, on s'entend?

M. Lockhead (Claude) : Tout à fait.

M. Marissal : Oui, d'accord. Nous avions cru comprendre, là, de notre côté, après analyse du projet de loi n° 68... mais vous comprendrez mieux que quiconque ici que c'est extrêmement technique, là, puis qu'on n'a pas eu le briefing non plus avant, alors peut-être qu'on a mal compris, mais on avait compris que, dans le cas d'un régime PC, la cotisation patronale était fixe. Vous semblez dire, vous, qu'il y a une avenue pour que la partie patronale, en fait, hausse les cotisations. En fait, vous avez mis trois cas de figure, là : hausse de cotisations patronales, hausse de cotisations salariées ou, bien évidemment, baisse des prestations. C'est bien ça, je comprends bien?

M. Lockhead (Claude) : Notre lecture du projet de loi n° 68, c'est que la cotisation patronale peut être fixe ou elle peut également varier à l'intérieur d'une fourchette, notamment pour financer des mesures de redressement.

M. Marissal : Peut varier.

M. Lockhead (Claude) : Oui, «peut», ce n'est pas une obligation, notre compréhension.

M. Marissal : D'accord, très bien. Et, bon, vous êtes revenus — et on en a parlé un peu ce matin, ça a fait sourire le ministre à un certain moment, là — sur le calcul par capitalisation plutôt que solvabilité. Ou, en fait, je ne sais si ça lui a fait sourire ou ça... ça a créé un petit débat, ici, silencieux autour de la table. Vous ajoutez votre voix aux gens qui pensent que ce serait préférable et plus équitable, en tout cas, que de procéder par un mode de calcul par capitalisation plutôt que par solvabilité, comme ça se fait, en ce moment, trop souvent.

M. Lockhead (Claude) : Ce n'est pas nécessairement plus équitable, c'est une façon de mieux répartir l'actif entre les participants, la juste part de l'actif, et c'est une façon de ne pas, comment je pourrais dire, mettre plus d'incompréhension dans les régimes de retraite à prestations cibles en introduisant une deuxième base.

Alors, comme je l'ai mentionné dans mon exemple tantôt, là, si on dit à un participant qui quitte le régime : Tu as droit à une valeur x parce qu'on est avec des taux d'intérêt qui sont au plancher, donc une valeur très élevée, mais, comme notre degré de solvabilité est à 80 %, tu as le droit à 80 % de cette valeur-là, est-ce qu'on n'est pas mieux de lui dire : Tu as le droit à une valeur qui est un peu plus basse, qui est la base de capitalisation, mais, comme notre régime est 105 % capitalisé, on va te payer 105 % de ce montant-là? C'est beaucoup plus clair pour les participants, et en même temps c'est la base de financement du régime. Et c'est une façon... puis j'invite Retraite Québec à discuter peut-être avec l'Institut canadien des actuaires pour trouver la meilleure base de capitalisation, mais c'est une façon de répartir la juste part de l'actif à chacun des participants dans un régime à prestations cibles.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, M. Ranger, M. Lockhead, merci mille fois pour votre précieuse contribution à nos travaux.

Sur ce, nous allons suspendre momentanément afin de faire place à nos prochains invités.

(Suspension de la séance à 17 h 04)

(Reprise à 17 h 09)

Le Président (M. Simard) : Chers amis, donc, nous sommes prêts à reprendre nos délibérations. Nous sommes en compagnie de Mme Tassé-Goodman ainsi que de M. Prud'homme. Madame, monsieur, bonsoir. Merci de nous faire l'honneur de votre présence parmi nous. Vous êtes les représentants de la FADOQ. Vous savez que vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation. Alors, nous sommes à votre écoute.

Réseau FADOQ

(Visioconférence)

Mme Tassé-Goodman (Gisèle) : M. le Président, je vous remercie. M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je me nomme Gisèle Tassé-Goodman, présidente du Réseau FADOQ. Je suis accompagnée de M. Danis Prud'homme, directeur général de notre organisation. J'aimerais remercier les membres de la commission pour cette invitation à exprimer le point de vue du Réseau FADOQ sur le projet de loi n° 68.

 (17 h 10)

Le Réseau FADOQ est un regroupement de personnes de 50 ans et plus qui compte au-delà de 550 000 membres. Dans chacune de nos représentations politiques, nous souhaitons contribuer à l'amélioration de la qualité de vie des aînés d'aujourd'hui et de demain. Le projet de loi n° 68 aborde un sujet qui est fort peu discuté, la question de la sécurité financière à la retraite. Les projets de loi sur la retraite constituent des occasions de faire oeuvre pédagogique afin que la population s'approprie des notions relatives à la fin de la vie active au travail.

Pour le Réseau FADOQ, il est clair qu'il s'agit d'une occasion ratée afin de développer un dialogue social sur la retraite. Alors que ce projet de loi introduit de nouvelles notions, il est inexplicable que Retraite Québec n'ait pas élaboré un document de présentation sur les régimes de retraite à prestations cibles. Il aurait également été pertinent que Retraite Québec puisse effectuer des séances d'information sur ce projet de loi. Par ailleurs, il est incompréhensible que seulement deux journées soient prévues afin d'entendre différentes organisations en commission parlementaire, lesquelles ont été annoncées avec un très court préavis.

Le Réseau FADOQ aurait souhaité comprendre les réflexions ayant mené le gouvernement du Québec au dépôt de ce projet de loi. En quoi, selon le gouvernement, le projet de loi n° 68 est-il une avancée pour les travailleurs et retraités du Québec? Quel manque cherche-t-il à combler que les autres pièces législatives ne couvraient pas déjà? En ce qui concerne la retraite, il nous apparaît évident qu'un dialogue social doit constamment s'opérer au Québec. Il importe de déposer l'approche par laquelle un débat s'opère ponctuellement sur une réforme particulière.

À ce sujet, la table des partenaires, une récente initiative de Retraite Québec, a attiré l'attention du Réseau FADOQ. Son mandat est de favoriser la collaboration entre Retraite Québec et les parties prenantes de la retraite. Les membres de la table des partenaires comptent, entre autres, des chaires de recherche, des représentants syndicaux ainsi que des actuaires. Toutefois, le Réseau FADOQ se permet de souligner qu'aucune organisation représentant les retraités ne siège à cette table. Ainsi, le Réseau FADOQ encourage le gouvernement du Québec à sensibiliser Retraite Québec à la pertinence d'ajouter une perspective qui enrichira les échanges à la table des partenaires.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous souhaitons aborder plus largement la question de la retraite au Québec. Par sa nature universelle, le programme fédéral de la Sécurité de la vieillesse procure un revenu à la plus grande proportion d'aînés. Toutefois, ce filet social demeure bien mince. En date d'octobre 2020, un individu recevant strictement sa pension de la Sécurité de la vieillesse ainsi que le montant maximal du supplément de revenu garanti aura un revenu annuel de moins de 19 000 $ par année. Un aîné dans cette situation obtient des revenus atteignant à peine les seuils fixés par la Mesure du panier de consommation.

De surcroît, la pension de la Sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti augmentent chaque année en fonction de l'inflation, alors que les salaires s'accroissent généralement à un rythme supérieur. En raison de cet écart, les prestations du fédéral joueront, dans l'avenir, un rôle de plus en plus réduit dans le niveau de remplacement du revenu à la retraite. Ainsi, la bonification de 2018 du Régime des rentes du Québec permettra surtout de pallier la diminution du rôle du fédéral dans le remplacement du revenu et n'apportera pas une amélioration substantielle pour les futurs retraités.

Il est nécessaire que le gouvernement du Québec se mobilise avec l'ensemble des provinces et territoires du Canada afin de signifier au gouvernement fédéral qu'il importe que les prestations dédiées aux aînés soient rehaussées. Par ailleurs, en l'absence d'une amélioration provenant du fédéral, le gouvernement du Québec pourrait envisager de rehausser la bonification du Régime de rentes du Québec adoptée en 2018.

Puisque nous abordons les améliorations à apporter au Régime des rentes du Québec, notre organisation recommande également au gouvernement du Québec que les bénéficiaires de la rente d'invalidité du Régime des rentes du Québec recevant un versement de 60 à 65 ans ne soient pas pénalisés sur leur rente de retraite parce qu'ils atteindront 65 ans.

Pour le Réseau FADOQ, les meilleurs régimes complémentaires de retraite demeurent les régimes de retraite à prestations déterminées. Comme son nom l'indique, ce type de régime versera aux retraités des prestations de retraite fixées par ces dispositions. Une prévisibilité est donc assurée pour le travailleur. Ces régimes s'avèrent un outil d'attraction et de rétention de la main-d'oeuvre. De surcroît, les règles québécoises encadrant le financement des régimes à prestations déterminées sont dorénavant parmi les moins contraignantes au Canada.

Ainsi, les préoccupations des employeurs à l'égard de ces régimes ont donc été prises en compte au Québec. Néanmoins, la situation vécue par les retraites de Groupe Capitales Médias nous rappelle à quel point les régimes de pension privés sont mal protégés au Québec et au Canada. Le Réseau FADOQ a effectué des représentations auprès du gouvernement fédéral afin de modifier les lois pour que les caisses de retraite soient élevées au rang de créances prioritaires. Toutefois, des gestes peuvent également être posés par le gouvernement du Québec par le biais de la création de régimes d'assurance fonds de pension.

Si ces avenues ne sont pas possibles, le Réseau FADOQ souhaite à tout le moins aborder la question de la gestion des fonds de pension de compagnies en faillite. Actuellement, par l'entremise d'un programme, Retraite Québec peut administrer les droits des personnes participantes retraitées pendant 10 ans à la suite d'une faillite d'entreprise. Notre organisation estime que ce programme pourrait être élargi afin d'inclure les participants actifs à des régimes à prestations déterminées dont l'employeur a fait faillite. Ce programme pourrait également être accessible aux participants actifs et retraités provenant des autres types de régimes lors d'une terminaison de régime ou du retrait de l'employeur alors que le degré de solvabilité est inférieur à 100 %.

À propos des régimes à prestations cibles, le Réseau FADOQ est mitigé. D'abord, les prestations de retraite déterminées par les dispositions du régime ne sont pas fixes. Il s'agit d'une cible, et la situation financière du régime déterminera si cette dernière pourra être atteinte ou non. Dans le cas où ces régimes ont des difficultés financières, les cotisations des participants pourront être augmentées et les prestations des retraités réduites. Tout risque est exclusivement absorbé par les participants, les bénéficiaires du régime.

Le Réseau FADOQ s'oppose à l'introduction des régimes à prestations cibles au Québec, puisqu'il existe déjà un régime de retraite similaire : les retraites... les régimes de retraite à financement salarial. Dans ce régime, les participants actifs assument le risque financier sur une base collective, puisque les déficits sont à leur charge. Toutefois, les retraités sont épargnés quant aux risques, puisque leurs prestations ne peuvent être réduites. Il s'agit d'un détail important. Dans un régime à prestations cibles, les retraités pourraient subir des réductions de rentes, puisque cette option est permise par le projet de loi. D'abord, ne pas garantir un niveau de rente pour les travailleurs actifs n'atteint pas l'objectif de prévisibilité de la retraite. Ensuite, il est inadmissible qu'il soit possible de pousser les retraités vers la précarité financière en réduisant leurs prestations.

J'aimerais remercier les membres de la commission de nous avoir écoutés. M. Prud'homme répondra à vos questions.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, Mme Tassé-Goodman. Je cède la parole au ministre des Finances pour une période de 16 minutes.

• (17 h 20) •

M. Girard (Groulx) : Merci beaucoup pour votre intervention. Et je vais me permettre de répondre à certaines critiques.

Le gouvernement a évoqué la possibilité de présenter un projet de loi sur les régimes à prestations cibles dans le cadre du point 2019, et c'est donc il y a plus d'un an. Et, à cette occasion, il y avait, comme vous le souhaitez, une didactique de retraite extrêmement importante, c'est-à-dire que tout un chapitre du point concernait les régimes de retraite au Québec, et notamment l'importance d'atteindre des niveaux d'épargne correspondant, selon différentes estimations, à 60 % des revenus durant la vie active, et l'élaboration des piliers, c'est-à-dire le niveau un, avec la pension de Sécurité de vieillesse offerte par le gouvernement fédéral, le deuxième pilier, le Régime des rentes du Québec, et le troisième pilier, qui est, finalement, l'épargne privée, l'épargne collective, et ce qui nous amène à offrir une alternative pour cette épargne, c'est-à-dire les régimes de retraite à prestations cibles.

Et je tiens à souligner aussi que ce que nous faisons ici, les parlementaires, c'est réaliser une des recommandations du rapport D'Amours, qui, lui, date de 2012‑2013. Donc, c'est un débat qui a quand même cours au Québec depuis plusieurs années. Et d'ailleurs les régimes de retraite à prestations cibles sont un outil qui a été utilisé dans le secteur des pâtes et papiers, et nous avons des syndicats qui nous demandent d'introduire ces régimes de retraite.

Donc, la motivation du gouvernement, c'est d'offrir un outil d'épargne alternatif. Nous sommes conscients que, d'un point de vue de la sécurité des prestations, les régimes à prestations déterminées ont des caractéristiques supérieures. Néanmoins, nous sommes convaincus que les régimes de retraite à prestations cibles ont des caractéristiques qui sont, elles, meilleures que l'alternative aux régimes à prestations déterminées, qui sont les régimes à cotisation déterminée. Alors, le gouvernement vise à faire des politiques publiques dans l'intérêt supérieur du Québec, c'est-à-dire les travailleurs, les retraités, les entreprises et le gouvernement, qui est le fiduciaire des finances publiques pour l'ensemble du gouvernement... des citoyens, excusez-moi. Alors...

Par contre, je prends note qu'évidemment ce n'est pas parce que nous avons publié une didactique sur les régimes de retraite il y a un an qu'elle a été lue et diffusée, et je suis bien conscient, là, qu'elle n'a pas soulevé énormément d'intérêt du côté des médias, et donc on a un travail à faire sur ce, et nous le ferons. Dans le cadre de ce projet de loi, je pense que c'est une critique qui est très pertinente, on doit faire plus.

En fait, je dirais que j'ai pris note de vos critiques. Je ne suis pas convaincu que j'ai une question, là. C'était quand même assez clair, pourquoi vous ne supportez pas l'introduction de ces régimes. Mais en fait je vais vous poser une question générale : Vous ne croyez pas... Est-ce que vous n'envisagiez pas la possibilité que des régimes à cotisation déterminée migrent vers des régimes à prestations cibles, et donc que les retraités et les participants actifs soient gagnants?

Le Président (M. Simard) : M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis) : En fait, si je peux me permettre de répondre, si c'était assurément le fait que les cotisations déterminées se transformaient en prestations cibles, ce serait déjà ça de gagné, parce qu'effectivement, vous l'avez mentionné, puis on le reconnaît, ça se situe entre les deux régimes, actuellement. Par contre, il y a certaines parties, dans la loi actuelle, par rapport à ces régimes-là de prestations cibles, comme a fait état la présidente, au niveau de la protection des rentes des retraités.

Ceci étant dit, malheureusement, ce n'est pas ce qui se produit lorsqu'on introduit, souvent, par des lois, différents programmes ou différentes politiques, c'est plutôt l'inverse, dans ce sens que c'est des prestations déterminées qui vont se transformer de différentes façons. On sait que, dans le projet de loi, c'est tel quel, on ne prévoit pas ou on ne... ce n'est pas ce qui est envisagé, mais on sait fort bien que ça ne pourrait pas empêcher une compagnie de le faire quand même de différentes façons, comme on l'a élaboré dans notre mémoire.

Donc, pour nous, il y a quand même des craintes. Parce que vous parliez du rapport D'Amours, le rapport D'Amours disait que les prestations déterminées étaient les meilleurs régimes et que ceux-là devraient être encouragés. D'ailleurs, le gouvernement du Québec a modifié des lois en ce sens, ce qui fait qu'on est les moins sévères au Canada en ce sens.

Et je... personnellement, on doit mettre la responsabilité sur les employeurs, si on veut. Les employés, on veut les fidéliser, on veut les recruter, bien, il ne faut pas juste les utiliser puis les jeter quand ils tombent à la retraite. Donc, ça fait partie du package social que le Québec s'est donné, et là on commence à trouver qu'on dilue beaucoup. Et, les gens, c'est très... La littératie, au niveau de la retraite, vous perdez beaucoup de gens quand vous faites différentes choses comme ça, et c'est pour ça qu'on dit qu'il doit y avoir de plus en plus d'information, et Retraite Québec doit jouer son rôle à cet effet-là.

M. Girard (Groulx) : O.K. Mais est-ce que vous considérez que l'introduction des régimes de retraite à prestations cibles va accélérer le déclin des régimes à prestations déterminées? Parce que nous, on ajoute un outil, là. On ne favorise pas le... On est très favorables aux régimes à prestations déterminées, mais on constate que l'alternative aux régimes à prestations déterminées, les régimes à cotisation déterminée, est inférieure. Donc, est-ce que vous pensez que l'introduction des régimes de retraite à prestations cibles va avoir un effet néfaste sur le déclin, qui est déjà amorcé, des régimes à prestations déterminées?

M. Prud'homme (Danis) : En fait, oui, il y a possibilité, parce qu'à chaque fois qu'on ouvre la porte avec des allègements ou des possibilités autres pour que les employeurs se sortent de ce qu'on appelle la pesanteur des prestations déterminées, qui... En passant, il y a des compagnies qui maintiennent des prestations déterminées qui sont capables d'y arriver. Donc, si on prend ses responsabilités, on est capables. On est un employeur qui a un tel régime, et on prend nos responsabilités, puis on n'est pas en déficit. Puis on n'est pas une compagnie qui fait de l'argent, on est un organisme sans but lucratif.

Donc, ceci étant dit, oui, on pense... Parce qu'à chaque fois que le gouvernement a allégé les lois par rapport à ces régimes-là, on les a vus disparaître. On a moins de, à peu près, de mémoire, des chiffres, là, 35 % des gens qui ont maintenant des régimes de retraite complémentaires, dont prestations déterminées, et c'était beaucoup plus que ça avant. Donc, on voit que la tendance est là, et ce qu'on dit, c'est : Il faut bien les protéger, les encadrer. C'est pour ça qu'on dit que la Loi sur la faillite et les créanciers avec les compagnies doivent être rehaussées, et vous avez un rôle à jouer là-dedans pour faire pression sur le fédéral, et vous avez un rôle, comme province, à mettre une assurance fonds de pension, comme l'Ontario l'a fait, comme, même, les Américains ont fait, qui n'est pas du tout une société sociale-démocrate autant qu'on l'est, par contre ils l'ont fait. Donc, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas bien protéger, justement, pour s'assurer que nos travailleurs aient une retraite digne de ce nom.

M. Girard (Groulx) : O.K. Mais je veux juste être clair, là, on n'allège d'aucune façon les règles des régimes à prestations déterminées dans ce projet de loi.

M. Prud'homme (Danis) : J'ai bien compris ça, je n'ai pas dit que ce projet-là le faisait. J'ai dit que ça pouvait donner des chances à ce genre de... transformer.

M. Girard (Groulx) : Ça va être tout pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jérôme.

M. Chassin : Merci, M. le Président. Merci, Mme Tassé-Goodman, de votre présentation. Merci, M. Prud'homme, de vos réponses. J'essaie de voir, là... En fait, il y a plusieurs éléments dans votre mémoire qui piquent un peu ma curiosité, puis il y a un élément dont vous avez fait mention dans votre présentation, c'est-à-dire que, pour vous, un RRFS répond déjà à la demande, déjà au besoin, en quelque sorte, là, par financement salarial, de garantir une autre forme que prestations déterminées ou cotisation déterminée.

Ceci étant, on a eu des invités qui nous expliquaient... puis pour ne pas les citer, là, un régime de retraite dans le secteur de l'aluminium, donc, on a eu des invités, déjà, qui nous expliquaient que, pour eux, pour les syndiqués, le RRFS était moins flexible, ne permettait pas d'avoir une cible de rentes suffisamment élevée à 58 ans, qui était un petit peu leur préoccupation, et qui avait aussi une bonne flexibilité en matière de gouvernance pour que, par exemple, le syndicat puisse être le promoteur du régime de retraite à prestations cibles. Donc, vraiment, de leur côté, ils établissaient des distinctions entre le RRFS et le prestations cibles. Est-ce que vous comprenez, dans le fond, ces distinctions-là de la même façon qu'eux?

• (17 h 30) •

M. Prud'homme (Danis) : En fait, comme on a dit dans notre mémoire, on est conscients que ce n'est pas totalement pareil. Une des choses qu'on mentionne, par contre, c'est que, dans un régime qui est quand même similaire, à certains égards, à bien des égards, dans ce cas-là, au niveau... du côté du RRFS, si on veut simplifier, il y a une protection au niveau des rentes des retraités, ce que le prestations cibles n'offre pas. Alors, est-ce que c'est... Et c'est aussi une raison pourquoi on dit : Deux jours pour un tel sujet, ce n'est pas assez, c'est... il doit y avoir plus d'éducation, on doit en faire un débat de société.

On change plein de lois en silo depuis plusieurs années, auxquelles j'ai assisté aux commissions parlementaires, et on a déposé des mémoires. Et, en faisant les choses en silo, les gens en perdent déjà leur latin, incluant nous, qui... on se débat quand même assez bien dans ce niveau-là. Et là on fait des choses qui... On ne sait pas si c'est ça qui va maximiser, on ne sait pas, c'est... les différentes actions auparavant. C'est un tout, la retraite, alors, c'est un débat de société. Et, en faisant des projets de loi en silo, qui n'a pas nécessairement le paysage au complet, ce n'est pas nécessairement positif, ce qui en ressort à la fin, malheureusement.

M. Chassin : Bien, puis je comprends votre... M. Prud'homme, en même temps, j'ai effectivement l'impression que ce débat de société a quand même eu lieu. Puis je me rappelle de la mobilisation puis des consultations assez élargies, là, qui avaient lieu par le comité D'Amours, puis toute la conversation publique, disons, qui avait été déclenchée avec le rapport. C'est pour ça que je trouve que ce n'est pas tant en silo, là, ça fait plutôt partie, de mon point de vue, je vous dirais, d'un tout cohérent. Mais évidemment c'est sûr que... puis je peux comprendre, puis je pense qu'on est tous des parlementaires sensibles à votre préoccupation, de préserver le pouvoir d'achat des retraités, d'avoir un régime qui est moins intéressant sur ce plan que les prestations déterminées, on peut le comprendre, puis en même temps je pense que vous le reconnaissez, même si, pour certains employeurs — puis je comprends que la FADOQ est un de ces employeurs exemplaires — même si, pour certains employeurs qui prennent la responsabilité, le régime à prestations déterminées fonctionne très bien, pour d'autres entreprises, effectivement, ça représentait un poids qui faisait même, là, partie de préoccupations quant à leur survie ou leur viabilité à long terme en tant qu'entreprises.

Dans la perspective où on reconnaît, je pense, tant vous que nous, là, le déclin des régimes à prestations déterminées, est-ce que ce n'est pas plus intéressant que l'alternative soit, par exemple, un régime à prestations cibles plutôt que simplement des régimes à cotisation déterminée? Parce qu'en ce moment on peut très bien, comme employeur, dire : Bon, on va passer d'un régime à prestations déterminées à un régime à cotisation déterminée.

M. Prud'homme (Danis) : Oui, vous avez raison, et c'est ce qu'on dit, dans la majorité des cas où il y a eu des allégements à la loi, on a vu beaucoup de régimes se transformer, ce qui n'est pas souhaitable et ce qui n'était pas non plus souhaitable dans le rapport D'Amours, quand on le lisait et, comme vous avez mentionné, là, qu'il y a eu les consultations à cet effet-là. On ne dit pas que... Comme j'ai dit, si c'était que toutes les cotisations déterminées se transformaient en prestations cibles, déjà, on aurait gagné pour les travailleurs. Mais on sait, malheureusement, que ce n'est pas souvent ça qui arrive, c'est plutôt l'inverse, on part du plus haut et on l'amène vers le bas, donc on égalise vers le bas, malheureusement. Donc, pour nous, c'est ça, la crainte qu'on a, puis on ne voit pas, actuellement, dans le projet de loi, comme on dit, des mesures qui vont nécessairement empêcher une telle chose, comme ça n'a pas eu lieu quand il y a eu des allègements.

M. Chassin : D'accord. Puis est-ce que je pourrais vous demander... Dans votre recommandation 9, vous dites que les régimes à prestations cibles ne soient pas introduits, sauf exception. Est-ce qu'il y a quand même des exceptions où vous jugez que c'est pertinent, donc?

M. Prud'homme (Danis) : Oui. En fait, c'est ce qu'on dit, il y a certains... possiblement certains secteurs qui... vous l'avez mentionné vous-même, que, pour certains cas, des régimes... ce ne serait pas viable, d'avoir des RRPD. Bon, est-ce qu'il y a eu des analyses, à ce niveau-là, de faites? Est-ce que... Pourquoi certaines compagnies y arrivent, d'autres n'y arrivent pas? C'est peut-être le secteur, mais ça, on n'est pas des experts à ce niveau-là. Donc, oui, possiblement qu'il pourrait y avoir des secteurs où, ça, c'est mieux, effectivement, où ça pourrait s'appliquer, et on parle de compagnies qui n'en ont pas. Mais, quand on prend certains secteurs d'activité, actuellement, il y a des secteurs qui se sont transformés, malgré tout, à ce niveau-là.

M. Chassin : Merci beaucoup, M. Prud'homme.

Le Président (M. Simard) : M. le leader de l'opposition.

M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour, Mme Tassé-Goodman. Bonjour, M. Prud'homme. Merci, merci, d'être avec nous cet après-midi.

Je prends bonne note de plusieurs de vos commentaires et de vos recommandations, là, notamment la table des partenaires de Retraite Québec, vous y faites référence, le fait qu'il n'y ait aucune organisation représentant les retraités. Je pense que la plupart des gens sensés pourront comprendre votre représentation puis votre inquiétude à ce niveau-là. La question de l'amélioration du RRQ, des rentes d'invalidité, je comprends votre point de vue.

Je vous entends aussi quand vous me dites... quand vous nous dites : Bien, le meilleur régime de retraite pour le travailleur, c'est un régime à prestations déterminées, mais... Et, à ce niveau-là, quand je le regarde simplement, objectivement, froidement, bien, je peux comprendre votre recommandation 9, qui dit : N'introduisez pas de régimes à prestations cibles, on aime mieux les régimes à prestations déterminées, sauf que le ministre vous dirait qu'en introduisant ce projet de loi là, le ministre a pas mal pris sa décision, puis, à mon grand dam et à ma grande frustration, il a une majorité autour de la table. Alors, je reconnais l'exercice démocratique de 2018, et comme, j'espère, tous les leaders à travers le monde vont reconnaître les résultats des exercices démocratiques en cours, mais, à partir de ce moment-là, à partir du moment où le gouvernement introduit un projet de loi comme celui-là, qu'il a la majorité pour le faire adopter, et, comme c'est le cas dans tous les projets de loi qu'il présente, nous, ce qu'on peut faire, c'est travailler à l'améliorer, le bonifier, et je me demande, là, dans vos recommandations, là, je les regarde, je vois difficilement comment le ministre va changer l'objectif principal de son projet de loi, qui est d'introduire des régimes à prestations cibles. Alors, est-ce qu'il y a quelque chose dans le projet de loi, selon vous, qui mérite d'être amélioré pour faire en sorte que c'est plus acceptable pour vous, disons?

M. Prud'homme (Danis) : En fait, oui, dans un premier temps, de vraiment s'assurer que des employeurs en prestations déterminées ne transformeront pas tous azimuts en prestations cibles. Il y a déjà des choses dans le projet, mais ça n'empêche pas, quand on le lit comme il faut, que ça pourrait quand même se faire, à titre d'exemple, au niveau des universités et des municipalités. Donc, ça, c'est la première chose, s'assurer qu'on ne peut pas transférer pour transférer, là, parce que ça n'arrête pas de transférer en d'autres sortes de régimes, puis on est en train, en fait, de détruire la retraite des futures personnes, première chose.

Limiter et éviter l'impact sur les retraités, parce que, présentement, c'est ce qu'on dit, les prestations cibles par rapport aux RFS, c'est : ils ne protègent pas les retraités, donc les rentes peuvent diminuer. Donc, on ne veut pas revivre ce qu'on a vécu avec les prestations déterminées, où il y avait question d'enlever à peu près tout ce qui existait de... En plus, quand il y a des faillites au niveau des RPD, les retraités en sont affectés. Donc, est-ce qu'on peut penser à, justement, mieux protéger ou s'assurer de protéger les rentes des retraités, ce qui n'est pas le cas, actuellement, dans un RPC? Donc, ça, c'est une chose.

L'autre chose, c'est, comment je dirais ça... tu sais, on sait que les prestations déterminées sont bonnes, on dit que les prestations cibles sont mieux que les cotisations déterminées, si c'était que les cotisations déterminées se transformaient toutes en PC, on vient de gagner, assurément, pour tout le monde qui en bénéficie. L'autre côté, je pense qu'une commission parlementaire est aussi de profiter pour dire au gouvernement ce qui pourrait être fait... seulement s'assurer qu'on ne va pas tous finir là. Dans le sens des prestations déterminées, il y a une pression à faire sur Ottawa pour changer avec les autres provinces, et la province a à prendre ses responsabilités pour une assurance fonds de pension, chose qu'on a maintes fois amenée au gouvernement. Je comprends qu'il est majoritaire, je comprends que le projet de loi... La commission, ça peut être, on pourrait dire, entre guillemets, bidon, parce que déjà l'idée est faite, mais je pense qu'on peut se permettre d'intervenir avec des choses pour que le gouvernement finisse par voir clair dans d'autres secteurs.

M. Fortin : C'est un peu ça, l'idée de la commission, c'est de vous entendre, justement, sur ce qui peut être amélioré, ce qui doit être fait, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du projet de loi, là, moi, je n'ai pas d'enjeu avec ça.

Le premier point que vous avez fait en réponse à ma question, c'était de trouver une façon qu'on ne transforme pas tous azimuts, disons, tous les PD en... tous les régimes à prestations déterminées en régimes à prestations cibles. Là, juste avant vous, en fait... oui, bien, un peu avant vous, là, il y avait les gens de la CSN, qui sont venus nous expliquer comment ça s'est passé dans leur négociation, c'est-à-dire l'employeur a fait ce que vous avez souligné, a dit : Bien, moi, mon régime à prestations déterminées, soit il ne m'intéresse plus ou soit je ne pense plus que c'est l'avenue, je pense que ce n'est plus... ça ne me permet plus d'être profitable, a demandé une modification à ses travailleurs en proposant le RRFS, qui était inacceptable pour eux. Alors là, ce que les gens de la CSN nous ont essentiellement dit, c'est : S'il n'y avait pas eu... ou si on ne pouvait pas envisager que les régimes à prestations cibles, c'était une possibilité, bien, on aurait probablement été en lock-out. Je paraphrase, là, mais ça ressemblait à ça.

Est-ce que vous pensez que, dans des scénarios comme celui-là, parce que ça, c'en est un que personne ne veut voir, là, quand il y a un lock-out, je pense que les employés y perdent autant que les employeurs souvent, souvent, pas toujours, souvent... est-ce que vous pouvez voir le bénéfice d'un RPC dans une situation comme celle qui a été décrite par la CSN?

• (17 h 40) •

M. Prud'homme (Danis) : En fait, je l'ai dit tout à l'heure, il y a peut-être certains secteurs... dont l'aluminerie, notamment, pourrait être un secteur. On sait que, dans les pâtes et papiers, ça s'est fait à la pièce, quand je parlais qu'il y avait des secteurs qui l'avaient déjà fait. Donc, oui, on l'a dit, sauf exception. Et les exceptions, il y en a quelques-unes, on ne les pas nommées, mais, oui, il y pourrait y avoir des exceptions pour certains secteurs pour que ça soit plus rentable pour tout le monde. Et c'est bien entendu qu'on ne veut pas qu'une compagnie ferme puis que les employés perdent leur job.

M. Fortin : C'est parce que vous dites : À un moment donné, il y a des... vous dites : À un moment donné, il y a déjà un RRFS qui fait un peu la même affaire, pourquoi vous introduisez une nouvelle façon de faire? Mais, dans certains cas, effectivement, il y a des employés ou des syndicats qui vont nous dire : Bien, le RPC est mieux adapté que le RRFS. Alors, tu sais, quand j'essaie de marier ça avec votre recommandation 9, que les régimes à prestations cibles ne soient pas introduits au Québec, sauf exception, là, ce que... si je comprends bien, ce que vous nous dites, c'est : Faites du à la pièce, comme ça a été fait dans le cas du forestier, plutôt que de l'introduire comme c'est le cas avec le projet de loi, c'est ça?

M. Prud'homme (Danis) : Non, en fait, sauf exception, c'est qu'il peut y avoir des choses de déterminées à l'avance, comme on l'a déjà fait quand on a allongé les périodes de déficit, c'était pour certains secteurs, à ce moment-là. Donc, c'est des choses comme ça et non pas à la pièce, dans ce cas-là.

L'autre chose, c'est... on s'entend qu'il y a déjà... et c'est un peu pourquoi je disais... c'est que, là, on a des bribes de... des pièces, en fait, différentes organisations, si on parle, à titre d'exemple, ceux qui négocient, et ce n'est pas clair pour tout le monde qu'il y en ait un par rapport à l'autre, le RFS, on l'a dit... nous, ce qu'on dit, c'est : Si vous voulez faire ça, c'est sauf exception. Puis en plus il y a des mesures qu'on dit : Protéger les retraités, s'assurer qu'on ne peut pas changer un PD en PC tous azimuts. Donc, à la base, on n'aimerait mieux pas, mais, si oui, bien, on vous a donné, comme on dit, plusieurs recommandations pour s'assurer que ce soit suivi, à ce niveau-là.

M. Fortin : Dernière chose, M. le Président, vous avez fait référence à la nécessité... et là je pense que vous avez parlé de l'organisation de la commission, de la rapidité avec laquelle les gens ont été conviés, etc., mais vous avez fait mention de la nécessité d'un dialogue social sur la retraite. Qu'est-ce que vous avez en tête, exactement? Qu'est-ce que vous aimeriez voir de la part du gouvernement pour engager quelque chose qui est plus large, là, qu'une commission parlementaire sur un projet de loi bien précis?

M. Prud'homme (Danis) : Bien, enfin, on va donner quelques exemples. Quand on a mis ce qu'on a en place aujourd'hui comme système de santé, ça s'est fait sur six ans, non pas sur trois, quatre commissions parlementaires sur différentes années, comme on fait, actuellement, dans le milieu de la santé, pour changer bien des choses puis qui ne sont peut-être pas nécessairement ce qui devrait être changé.

La deuxième chose, au niveau de la retraite, c'est un peu ça, c'est-à-dire ce qu'on a eu sur pied avec le Régime des rentes, et tout ce qui s'est produit avant, et quand les fameux régimes de retraite, dans les années 70, ont été mis en place, les RCR, ça n'a quand même pas été fait sur le coin d'une table. Aujourd'hui, on fait différents projets de loi qui modifient tous azimuts plein de choses par rapport à cet aspect des trois niveaux de retraite. Et nous, on pense que... à la base, c'est qui qui en bénéficie quand ça arrive ou c'est qui qui, malheureusement, est infligé par les contrecoups? C'est les gens qui sont à la retraite. Parlez-en à nos 40 % de Québécois qui ont moins de 22 000 $ par année. Ce n'est pas tous des gens qui n'ont pas travaillé, ça, là, tu sais. Il ne faut pas penser qu'ils se sont... qu'ils avaient les deux pieds dans la même bottine, là, ce n'est pas du tout ça, là.

Donc, quand je dis, là, «d'avoir un débat public généralisé», c'est : amenons les gens à la table qui devraient être amenés. Quand on parle de Retraite Québec, il n'y a pas de retraités à la table. Quand on a changé plusieurs projets de loi, les retraités étaient... n'avaient pas nécessairement de voix et étaient légèrement écoutés, je le sais parce qu'on l'a vécu, on était là. Donc, c'est ce qu'on dit, c'est : Arrêtons de faire des choses sans consulter les bonnes personnes qui vont en subir les contrecoups.

M. Fortin : Très bien. Je vous remercie, M. Prud'homme. Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Merci. M. le député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Bonsoir, Mme Tassé-Goodman, et puis bonsoir, M. Prud'homme. Je pense que votre mémoire a le mérite d'être assez clair, votre indignation aussi, je pense qu'on l'a bien compris. C'est utile, je pense, pour nous, le plus souvent possible, que d'avoir des contacts avec, dans ce cas-ci, les gens qui défendent les retraités. Ce n'est pas inutile, et je rejette votre mot de «consultation bidon» de tout à l'heure, parce que, sinon, très franchement, je ne serais pas ici en train de perdre mon temps, mais il est vrai que le gouvernement est très, très largement majoritaire, ici, et que l'idée du ministre en la matière semble faite. Mais ce n'est pas inutile, M. Prud'homme, Mme Tassé-Goodman, de continuer à faire valoir vos revendications, et je le sais, que vous le faites avec passion puis avec la plus grande honnêteté. J'ai eu moi-même le plaisir et l'honneur de porter une des pétitions qui étaient parrainées par vous et qui émanaient de votre organisation, et je vais continuer à le faire parce que je me situe pas mal à la même place que vous dans ce dont il est question, ici.

Puis, pour le reste, bien, souvenez-vous de Solange Denis et son fameux «Goodbye Charlie Brown», les électeurs, y compris les retraités, ont des pouvoirs quand vient le temps de voter. On le verra peut-être ce soir au sud de la frontière, justement, si la mobilisation a été bien faite, et que, finalement, on prendra un bon sens chez nos voisins du Sud. Je vous dis ça parce qu'en fait vos recommandations, les six premières, sont en dehors du projet de loi, ou enfin le projet de loi est en dehors de vos recommandations. C'est quelque chose qu'on a noté au tout début, quand on a commencé à étudier ce projet-là, on n'est pas là-dedans. C'est malheureux, mais on en prend note et on continuera le combat.

Vous avez dit, tout à l'heure, au ministre qu'il travaille en silo. Je lui ai déjà fait la remarque dans un autre projet de loi, puis il m'avait dit : Merci pour le compliment. Je pense que le ministre veut travailler comme ça. Moi, je trouve ça un peu malheureux, dans ce cas-ci, parce qu'on perd, effectivement, et vous avez raison, un peu la vue d'ensemble de la situation des retraités, situation qui n'est pas rose pour une grande proportion d'entre eux et d'entre elles.

Alors, je prends vos six premières recommandations, qui ne cadrent pas dans ce qu'on a devant nous, la neuvième, qui dit carrément : Il ne faut pas qu'il y ait de prestations cibles, je pense que ma question la plus simple que je peux vous poser : Sachant cela, est-ce que le projet de loi n° 68 est réchappable d'une façon ou d'une autre, à vos yeux?

M. Prud'homme (Danis) : Bien, en fait, je dirais qu'on ne veut pas que les prestations cibles deviennent la règle. Si on part avec cette base-là pour protéger ceux qui sont mieux, c'est-à-dire les prestations déterminées, et on en fait plutôt une exception, soit par secteurs d'activité, parce que ça se pourrait, je l'ai mentionné... Et deuxièmement, si on veut, parce qu'on l'a dit, les prestations cibles, c'est mieux qu'une cotisation déterminée. Si c'était pour tout transformer les cotisations déterminées en prestations cibles, je l'ai dit, les travailleurs auraient déjà gagné quelque chose. Donc, c'est ça qu'on amène.

L'autre chose qu'on dit, c'est : Au niveau des prestations cibles, bien, le RRFS fait similaire et, en plus, protège les retraités, ce qui n'est pas le cas, ici, dans un RRPC. Donc, si on change les clauses pour protéger les retraités, si on met des clauses pour s'assurer que les prestations déterminées ne sont pas changées automatiquement en prestations cibles, si on va de l'avant par secteurs d'activité qui sont plus rentables avec ce type de régime là, et donc ça ne devient pas la règle... On ne veut pas que ça devienne la règle, parce que même le gouvernement du Canada s'apprêtait à changer ses fonds de pension en prestations cibles il n'y a pas longtemps, mais là il ne peut pas le faire parce qu'il est minoritaire, mais c'était sur la planche à dessin au début, et on était aussi contre ça. Donc, ce n'est pas parce que c'est le gouvernement du Québec, c'est tout simplement des régimes qui amènent moins de ce qu'on a ou ce qu'on avait, au Québec, en majorité et qu'on n'a plus, malheureusement, parce qu'on les dilapide tranquillement, et ça, c'est possiblement une possibilité de le faire encore.

M. Marissal : Oui, on voit bien le mouvement, effectivement, puis le fait que les régimes à prestations déterminées semblent avoir été condamnés à une mort plus ou moins lente, je suis d'accord avec vous là-dessus.

Dernier point, vous avez mentionné, puis Mme Tassé-Goodman l'a dit aussi, que vous n'êtes pas représentés ou aucun retraité n'est représenté à la table de Retraite Québec. En avez-vous fait la demande formelle? Autrement dit, êtes-vous parlables ou vous êtes trop fâchés pour parler maintenant?

M. Prud'homme (Danis) : Non, on n'est jamais trop fâchés pour collaborer et faire avancer les dossiers de la bonne façon en mettant des balises pour s'assurer qu'on ne pénalise pas nos futurs retraités et surtout nos retraités actuels. Donc, non, on n'en a pas fait la demande. Par contre, comme on dit, on est ouverts, mais je pense que... d'emblée, on l'a toujours dit dans à peu près tous les projets de loi, il faut passer ces choses-là par la lorgnette d'aînés, donc les retraités, dans ce cas-ci.

Le Président (M. Simard) : Parfait. Merci, M. Prud'homme. Merci à vous également, Mme Tassé-Goodman, pour votre contribution à nos travaux.

Sur ce, je suspends jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 50)

(Reprise à 19 h 31)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous sommes de retour afin de terminer, donc, cette série d'auditions dans le cadre de nos consultations particulières. Nous sommes en présence de M. Lizée, expert en matière de retraite. M. Lizée, merci de nous faire l'honneur de vous joindre à nous ce soir.

M. Michel Lizée

(Visioconférence)

M. Lizée (Michel) : C'est plutôt moi qui vous remercie de l'invitation.

Le Président (M. Simard) : Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation.

M. Lizée (Michel) : Oui.

Le Président (M. Simard) : Nous vous écoutons.

M. Lizée (Michel) : Alors, je suis dans la situation peu enviable, dans un sens, où mon rôle vient, ce soir, plutôt de vous faire part de mes préoccupations quant aux implications potentielles du projet de loi, dans la mesure où il introduit la notion de réduire les rentes des personnes à la retraite. Alors, évidemment, il est plus avantageux qu'un régime à cotisation déterminée. D'ailleurs, en Europe, le régime à prestations cibles est davantage connu sous l'expression «régime à cotisation déterminée collectif», ce qui, à la fois, indique que c'est d'abord un régime à cotisation déterminée où, en d'autres mots, la cotisation est essentiellement fixe, et ce sont les participants et les retraités qui supportent le risque, principalement sous forme d'une réduction de prestations, ou de la rente servie, ou de la rente acquise, selon le cas. Mais c'est aussi un régime collectif, dans la mesure où... Deux avantages majeurs de ce régime-là sur le régime à cotisation déterminée individuel classique, c'est la gestion collective des fonds qui le rend plus efficace, mais c'est... en commun... longévité, ce qui en fait, donc, à ces deux égards-là...

L'enjeu demeure toutefois : dans le système québécois de retraite, le régime à prestations déterminées, est-ce qu'il va remplacer le régime à cotisation déterminée, auquel cas il serait un progrès? Moi, j'en doute beaucoup. D'ailleurs, j'ai été frappé, le porte-parole du Conseil du patronat a également dit qu'il n'y avait pas nécessairement un appétit élevé chez les employeurs pour ce type de régime là, là où il n'y avait pas de régime. Là où il y a, évidemment, un intérêt de l'employeur manifeste, c'est là où, actuellement, il a un régime à prestations déterminées classique, et là il veut se débarrasser, et je le comprends, et du risque de cotisation mais surtout tout le poids que représente la charge comptable du régime sur le passif du promoteur.

Et donc, dans ce contexte-là, il y a un risque. Quand on va regarder la situation dans cinq ou 10 ans, ce qu'on va constater, c'est que les régimes à prestations cibles ont d'abord été développés chez des employeurs où le régime antérieur était un régime à prestations déterminées. Et donc, pour ces participants-là et ces retraités-là... parce que je vais vouloir me concentrer sur la situation du retraité, il va donc être plus à risque de subir des baisses de revenus qu'il ne l'était avant. Par ailleurs, évidemment, pour les personnes qui, eux, étaient dans des CD, ce sera, pour eux, un progrès.

Et au fond, en même temps, je voudrais rappeler qu'il y a deux études qui ont été dites qu'il n'y avait pas nécessairement une demande pour ce type de régime parmi les travailleurs et les travailleuses. Il y a deux enquêtes canadiennes dont j'aimerais vous faire part comme matière à réflexion, parce qu'il faut bien réfléchir avant de mettre en place un régime dont une bonne partie de l'avenir va être d'être mise sur pied, un peu comme c'est possible avec les RRFS, en conservant le régime existant pour le service passé, et en mettant en place un régime à prestations cibles pour le service futur, et en liant les deux.

Alors, dans l'une des premières études, qui a été inspirée par une enquête réalisée par le Canadian Public Pension Leadership Council, qui regroupe des grandes caisses de retraite, c'était assez frappant de constater que... le sondage pancanadien demandait : Qu'est-ce que vous préférez comme caractéristiques pour un régime de retraite?, l'idée étant de voir si la formule du régime à prestations cibles apparaît a priori attrayante dans les caractéristiques. Puis il faut se rappeler que, dans plusieurs provinces canadiennes, ce type de régime là existe déjà et est déjà connu. Pourtant, quand on regardait la note accordée et combien de participants l'avaient mis dans leurs trois premières caractéristiques, bien, ce qui venait en premier, c'est le revenu garanti à vie, 74 % des participants les avaient mis dans les trois premières caractéristiques, avec une note moyenne de 8,4 sur 10. Il y avait 73 %, en deuxième, des participants qui l'avaient mis dans leurs trois premières, avec une note moyenne de 8,2, c'était fournir un revenu prévisible. Il y avait 71 % qui l'avaient mis avec une note moyenne de 8,2, parce que le revenu augmentait avec l'inflation. Il y en avait 62 % qui, eux, avec une note moyenne de 7,7, pouvaient... faire que ce soit possible d'avoir une retraite anticipée. Et, pour nos fins du projet de loi, 60 %, donc un taux plus bas, avec une moyenne... (panne de son) ...qui disaient : le revenu ne fluctue pas en fonction des rendements obtenus.

Donc, en d'autres mots, les régimes à prestations déterminées... Et, comme... Je dois dire, parce que je ne l'ai pas souligné lors de ma présentation, qu'en plus d'avoir été formateur puis avoir une expertise en retraite, je suis actuellement membre indépendant du comité de retraite du RRFS des groupes communautaires et de femmes. Donc, vous allez voir, dans ma présentation, je vais avoir un intérêt à comparer les RRFS et les régimes à prestations cibles, mais le RRFS est bien positionné, puisqu'en plus il offre une certaine forme de protection contre l'inflation.

Enfin, une autre étude qui avait été faite en... un peu plus tard et qui avait été commanditée par le régime de la santé en Ontario, c'est qu'il y en avait 80 % qui se préoccupent du... des régimes de travail, mais surtout plus de 80 % étaient préoccupés que le régime de retraite leur offre une rente garantie. Et donc, en ce sens-là, le pourcentage exact, c'était 86 %. Donc, comme on voit, la nette préférence des Canadiens, quand on leur demande, ce serait pour avoir accès à un régime qui garantit une rente à vie, dont le revenu ne varie pas en fonction des résultats financiers de la caisse, et qui, si possible, contient une forme d'indexation. Ça, c'est beaucoup plus près des régimes à prestations déterminées existants.

Je comprends, par ailleurs, que les employeurs disent que ça les expose à un risque qu'ils ne peuvent pas et ne veulent plus soutenir, mais je ferai remarquer que les RRFS ont déjà réglé, en 2007, toute la question du risque de l'employeur, puisqu'un régime à cotisation déterminée, un RRFS et un régime à prestations cibles, pour l'employeur, c'est trois formes équivalentes où leur engagement se limite à la cotisation versée. Le RRFS, cependant, lui, assure un revenu garanti à vie, qui était la première caractéristique recherchée, et prévoit même une certaine forme d'indexation. Donc, en ce sens-là, le régime soulève tout l'enjeu de la sécurité de revenus à la retraite pour les personnes visées.

• (19 h 40) •

Maintenant, si on revient au contexte, prenons le cas d'un retraité éventuel d'un régime à prestations cibles. Alors, on va d'abord s'entendre, ce qui me préoccupe, ce ne sont pas les retraités qui sont déjà dans ce qu'on pourrait appeler les gagnants, c'est-à-dire ceux qui vont être dans des régimes généreux, y inclut potentiellement des régimes à prestations cibles, qui disposent d'épargnes personnelles élevées et qui, donc, ont des marges ou des ressources à la retraite pour ne pas être en difficulté. Ce qui me préoccupe, ce sont davantage les retraités, et ils risquent d'être très nombreux, des gens qui partent à la retraite et dont le niveau de vie à la retraite... le niveau initial de vie est inférieur à ce qu'ils recevaient pendant qu'ils travaillaient. Ça s'explique en particulier parce que le taux de couverture des régimes de retraite est faible. Et je comprends qu'en ce sens-là la volonté de recherche d'options vise à élargir les options pour élargir le taux de couverture. Notre taux d'épargne est faible, et donc il est dans une situation où il a un budget fixe. Il a un budget fixe, possiblement, même avec une certaine forme d'endettement, parce que plusieurs études indiquent que, lorsque les gens partent à leur retraite, ils subissent une baisse de revenus, la tendance est de tendre à maintenir le niveau de consommation qu'ils avaient, de le réduire peut-être de 10 % ou 15 % et d'essayer de s'en tenir là puis, au besoin, de recourir aux différents instruments de crédit à la consommation, que ce soit de faire un emprunt à la consommation, que ce soit d'utiliser les cartes de crédit. Et en plus, dans un contexte où un régime à prestations cibles ne serait pas indexé pour faire face au pouvoir d'achat, la tendance assez grande à court terme va déjà être de songer parfois à s'endetter un peu pour parvenir à se maintenir à flot. Et on sait que, ces années-ci, les taux d'endettement à la retraite et le niveau de l'endettement pour les personnes retraitées est beaucoup plus élevé qu'il ne l'était auparavant et qu'il y a aussi eu une résurgence des cas de faillite.

Donc, dans ce contexte-là... alors, et donc, dans ce contexte-là, on se ramasse dans une situation où, s'il devait arriver par-dessus ça, alors que le budget des personnes est déjà serré, qu'il reçoit un avis du régime de retraite qu'en raison du déficit de son régime sa rente de retraite va être réduite, pour une période indéterminée, de, disons, 150 $ par mois... 150 $, pour plusieurs d'entre nous, on se reprendrait ailleurs, mais beaucoup de retraités vivent sur un budget fixe, mettons, de 2 500 $ par mois, et, dans ce contexte-là, les retraités n'ont pas la tolérance pour supporter le risque d'une baisse de revenus à la retraite de, disons, 150 $. Par conséquent, ça va nécessairement se traduire par une baisse de leur niveau de consommation, potentiellement combinée à une certaine augmentation de leur endettement pour tenter de minimiser le problème. Mais on est déjà dans une période où on est préoccupés d'éviter une augmentation des écarts de revenus, parmi les retraités, qui sont déjà importants. Là, on va renforcer l'écart, parce que les membres des régimes à prestations cibles, tout comme, d'ailleurs, les membres des régimes à cotisation déterminée, eux, vont voir leur niveau de revenus augmenter et, probablement, leur endettement... leur niveau de revenus, dis-je, diminuer, mais surtout leur niveau d'endettement augmenter ou alors le niveau de consommation réduit. Donc, ça, c'est de loin la préoccupation la plus importante si on se préoccupe de justice sociale. Et évidemment...

Le Président (M. Simard) : En conclusion, s'il vous plaît, M. Lizée.

M. Lizée (Michel) : Oui. Je voudrais peut-être, à ce moment-là, vous faire part d'un enjeu très particulier...

Le Président (M. Simard) : Très rapidement, s'il vous plaît.

M. Lizée (Michel) : ...oui, d'un enjeu très particulier qui vise les RRFS mais qui est visé par le projet de loi, c'est... notre régime est en discussion avec Retraite Québec depuis plus de 10 ans sur ce qui arrive lors d'un retrait d'employeur. Et, à ce moment-ci, la position de Retraite Québec, sur la base de la loi existante, est le fait qu'il faut que nous sortions les retraités orphelins pour les transférer vers des assureurs et qu'ils cessent d'avoir droit à toute indexation. Donc, leur rente initiale est sur la base du taux de solvabilité, et par la suite ils ne sont plus indexés, alors qu'il est financé. Et, dans le projet de loi, le projet de loi a une disposition qui s'adresse aux régimes à prestations cibles et à cotisation déterminée et qui, lui, prévoit précisément, pour un régime, de pouvoir prévoir le choix d'un régime entre les deux options, donc pouvoir garder ses retraités ou les transférer. Compte tenu que ça représente un écart de revenus à vie qui peut être de 20 % à 40 %, selon les cas, on souhaiterait vraiment que le projet de loi offre l'option à un RRFS.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci, M. Liziée. Je cède... M. Lizée, dis-je, désolé. Je cède la parole au ministre des Finances.

M. Girard (Groulx) : Bon, vous nous avez dit : On veut des régimes garantis à vie, indexés, pas de fluctuation, donc les régimes à prestations déterminées. Fantastique! On est d'accord avec vous. J'étais moi-même dans une entreprise privée où je me suis battu à chaque jour pour améliorer la performance du régime à prestations déterminées, et le problème, c'est que les retraités l'appréciaient, mais les participants, non, c'est-à-dire que les nouveaux employés, ils n'y attachaient pas la même valeur que les retraités. Et en fait ce qui avait été conçu, à la base, comme un outil d'attraction de talents par rapport à d'autres institutions financières qui avaient depuis longtemps abandonné leurs régimes à prestations déterminées vers un régime à cotisation déterminée, n'était d'aucune façon apprécié par les participants.

Alors, la raison que je vous raconte ça, c'est que ce n'est pas juste les compagnies qui ont des enjeux avec les régimes à prestations déterminées, il y a aussi une évolution de la société où les participants aux régimes n'ont pas nécessairement la même perspective de longévité avec leur employeur, c'est beaucoup plus une main-d'oeuvre flexible. Je vous dirais que la pondération du revenu courant versus le revenu futur s'est déplacée dans le temps.

Alors, ma question est la suivante : Excluant les régimes publics et quasi publics, et... excluons les municipalités, les universités, les régimes publics, dans 10 ans, qu'on introduise les régimes de retraite à prestations cibles ou non, est-ce qu'il restera, selon vous, beaucoup de régimes à prestations déterminées?

M. Lizée (Michel) : L'une des raisons pour lesquelles j'ai fait les rapprochements entre les RRFS et les régimes PD, c'est qu'il y a des raisons qui s'expliquent pourquoi les régimes PD ne se sont pas avérés soutenables, c'est que, financièrement, ils étaient un trou sans fond pour certains employeurs parce que ces régimes-là n'étaient pas suffisamment provisionnés. Dans le cas d'un RRFS, l'intérêt, c'est que, d'une part, quand l'indexation est accordée, elle est accordée à la fois aux actifs et aux retraités. Donc, si je prends l'expérience du régime où je suis...

M. Girard (Groulx) : Mais vous ne répondez pas à ma question, là.

• (19 h 50) •

M. Lizée (Michel) : Oui, bien, je vais y répondre, parce qu'il y a un intérêt pour l'indexation et pour les actifs et pour les retraités, parce que, dans un régime comme le RRFS, l'indexation, quand elle est accordée, elle est accordée si la situation financière du régime... mais elle est accordée simultanément aux actifs et aux retraités, donc les deux catégories voient leur rente garantie augmenter au fil des ans avec l'inflation. Et l'expérience même de notre régime, où nous sommes partis avec zéro groupe et zéro membre et que nous sommes rendus à 8 000 participants et 800 groupes, c'est parce qu'au contraire il y a un intérêt des participants pour une sécurité de revenus à la retraite, parce que personne ne veut vivre pauvre à leur retraite.

Et les deux enquêtes que je viens de vous dire indiquaient que c'est ce que, en général, les travailleurs canadiens pensent, et ils étaient intéressés non seulement à y participer, mais ils étaient prêts à payer pour pouvoir adhérer à un tel régime, et j'étais un peu sur le dos quant au montant de cotisation qu'ils étaient prêts à payer pour ça. Mais je pense que ces deux études-là, dont je pourrais vous envoyer copie, si vous le souhaitez, donnaient l'évidence contraire à la vôtre : les gens qui n'ont pas de régime de retraite souhaiteraient beaucoup en avoir un qui leur donne une rente qui est garantie à vie parce qu'ils sentent qu'ils vont être... se ramasser sur le carreau s'ils n'ont pas ça. Et, dans un contexte de rareté croissante de la main-d'oeuvre, plus une partie de la main-d'oeuvre va penser ça, plus l'avantage concurrentiel va être ce que vous disiez au début, aux employeurs qui offrent un tel régime. Encore faut-il s'assurer que les employeurs offrent un régime qui correspond à leurs capacités de payer et qui est gérable pour eux.

M. Girard (Groulx) : Je reviens sur les régimes à prestations déterminées, parce que vous m'avez répondu à propos des RRFS. Dans 10 ans, que nous introduisions ou non des régimes de retraite à prestations cibles, selon vous, quelle sera l'évolution des régimes à prestations déterminées dans le secteur privé?

M. Lizée (Michel) : Il va probablement baisser, ça, j'en suis conscient. Et c'est pour ça que moi, je pense qu'il fallait des réformes pour que ces régimes-là soient davantage soutenables à long terme. Et les marges de sécurité... la provision de stabilisation qui a été ajoutée en 2015, de l'ordre de 17 %, là, arrondissons, me semble un niveau de marge qui est insuffisant pour que les employeurs s'accrochent à ce régime-là, compte tenu des risques de financement qu'il leur pose. Il leur faut des marges plus élevées, et c'est l'une des raisons pour lesquelles, pour moi, le RRFS a été une innovation pour s'attaquer à ce problème-là.

M. Girard (Groulx) : O.K. Un autre des enjeux, en fait, c'est que les régimes sont corrélés avec les affaires, alors, c'est : lorsque l'économie ralentit, le volume d'affaires ralentit puis la capitalisation du régime faiblit. Et... O.K., donc, vous nous... clairement, vous avez une préférence pour les régimes de retraite, les RRFS, je vous remercie de nous la partager. Et, quant à votre enjeu particulier, il est non seulement connu chez Retraite Québec, mais il est connu au ministère des Finances également. Une fois que vous avez dit ça, que les régimes de retraite financements salariaux sont vertueux, est-ce que vous... est-ce que les régimes de retraite à prestations cibles sont une contribution positive ou non?

M. Lizée (Michel) : Dans 10 ans, je pourrais vous répondre selon que les régimes à prestations cibles qu'on verra sont le résultat de nouveaux régimes ou de régimes à cotisation déterminée qui deviennent des régimes à prestations cibles, auquel cas on aura eu un progrès, et donc ce sera un outil utile. S'il devait s'avérer que la quasi-totalité des régimes à prestations cibles sont le régime à service futur d'anciens régimes PD, bien là, je dirai qu'on a augmenté l'insécurité de revenus à la retraite pour les personnes retraitées. Alors, si...

M. Girard (Groulx) : Mais, M. Lizée, pas si ces régimes-là auraient convergé vers des régimes à cotisation déterminée, là, parce que ce n'est pas l'introduction du régime de retraite à prestations cibles qui témoigne des difficultés de maintenir un régime à prestations déterminées, là. En fait, si, dans 10 ans, certains régimes ont convergé, là, puis je pense qu'il faut le dire de la bonne façon, là, seulement pour les services futurs, il n'y aura pas de transition, mais ce ne serait même pas une conclusion, parce que c'est possible que ces PD là convergent de toute façon vers des CD.

M. Lizée (Michel) : Oui, sauf que je continue à penser qu'avec les raretés croissantes de main-d'oeuvre beaucoup d'employeurs vont devoir prendre diverses mesures, même dans le secteur des affaires sociales. Le gouvernement en a pris récemment, justement, à cause des programmes de recrutement puis de rétention de la main-d'oeuvre. Et beaucoup d'employeurs du secteur privé font face aux mêmes difficultés. Dans certains cas, c'est peut-être le salaire qui va s'avérer la variable clé, mais peut-être que, dans d'autres cas, ils vont réaliser qu'un régime de retraite s'avère un outil d'attraction puis de rétention. Mais encore faut-il que ce soit un outil qui soit valorisé par les employés et qui constitue un outil effectif pour faire ça.

M. Girard (Groulx) : Ça complète pour moi. Merci, M. Lizée.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. le ministre. D'autres interventions? M. le député de Saint-Jérôme.

M. Chassin : Merci, M. le Président. Merci, M. Lizée, de votre présentation. J'ai envie de vous poser, peut-être, une question un peu générale. Vous avez dit, d'entrée de jeu, dans votre présentation, que vous alliez vous concentrer sur la situation des retraités, puis on comprend donc, dans cette perspective-là, pourquoi des régimes à prestations déterminées sont aussi intéressants. En même temps, est-ce que, de votre avis, il y a, de la part, par exemple, des parlementaires ici, une recherche, aussi, d'équilibre dans les régimes de retraite puis, par exemple, dans l'offre d'une nouvelle possibilité de régime de retraite à prestations cibles, une recherche d'équilibre entre le partage des différents risques sur les différents groupes, évidemment les retraités, mais aussi les travailleurs actifs, les plus jeunes générations? Cette équité intergénérationnelle, comment vous la considérez?

M. Lizée (Michel) : Très importante. Dans... Je vais revenir sur le RRFS, parce que votre question vise... Parce que je comprends l'argument que, dans un PD classique, les retraités étant pleinement protégés de toute réduction, quand ça va mal, ce n'est pas du côté des retraités que, dans un premier temps, on peut se tourner, puisque leurs rentes ne peuvent pas être réduites. Donc, ça, c'est un enjeu que je comprends bien.

Dans un RRFS, d'une part, la constitution de marges élevées vise précisément à s'assurer que l'expérience d'une cohorte va être semblable à la cohorte précédente qui... et aussi à celle qui va suivre. Donc, l'effort, c'est, sur l'ensemble de la vie, de faire ça. Et, lorsque la situation se met à mal aller, dans un RRFS, contrairement à un PD, toutes les catégories de participants sont mises à contribution, parce que, par définition, le tiers de la cotisation va pour la réserve d'indexation, et donc ça veut dire que, si on est au point neutre, on a un taux de capitalisation de 150 %. Dès qu'on est en bas de 150 %, on doit reporter l'indexation et des retraités et des actifs. Alors, si l'inflation est de 2 %, bien, forcément, reporter un an, ça vient de réduire de 2 % le passif du régime pour l'année suivante, mais, si vous le faites pendant 15 ans, c'est 35 % du passif que vous avez évité d'augmenter.

Donc, si une situation est prolongée, le reste, supporté par les participants en termes de report de l'indexation, finit par créer un écart important, mais surtout tous le subissent ensemble. Il est exact que, si le régime devait passer à travers son 50 % de marge et tomber en bas, là, les actifs pourraient être en ligne pour une cotisation additionnelle. Mais des simulations qui avaient été faites par l'actuaire dans le cas d'un RRFS, qui n'était pas le nôtre, mais un autre, c'était qu'au bout de 20 ans, au 95e percentile, le régime est à 105 %. Donc, normalement, quand vous avez, dans le temps, votre... mais là, même à 95 %, il n'y avait toujours pas de déficit.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci. Merci, M. Lizée. M. le leader de l'opposition.

• (20 heures) •

M. Fortin : Oui, merci, M. le Président. Merci, M. Lizée, de votre participation ce soir aux travaux de notre commission. Vous allez me permettre, avant de vous poser une question, un petit commentaire en lien avec une affirmation que le ministre vient de faire par rapport à un endroit où lui-même a oeuvré. Et, si je comprends bien ses propos, là, il y avait un régime à prestations déterminées qui faisait bien l'affaire des retraités mais qui, en même temps, n'était peut-être pas l'outil d'attraction et de rétention du personnel le plus intéressant, que les gens peut-être étaient intéressés par d'autres choses qu'un régime à prestations déterminées. Je vous soumets, M. le ministre... à travers vous, M. le Président, mais je vous soumets que ça, ça fonctionne dans des endroits où les gens ont des possibilités de passer d'un employeur à l'autre, où c'est des milieux où les gens sont éduqués, où ils ont des possibilités de carrières intéressantes, où ils ont des salaires qui sont quand même intéressants qui leur permettent de faire une certaine épargne. Je pense à des endroits comme des usines de foresterie, où les gens travaillent dans des petits milieux où ils n'ont pas beaucoup de possibilités autres que de travailler à l'usine du village, entre autres, je vous dirais que, pour ces gens-là, le régime à prestations déterminées, ça demeure un outil intéressant, nécessaire, ils n'en auront pas d'autre, régime de retraite comme ça dans leur milieu, ils n'ont pas d'autres possibilités. Alors, peut-être que ce que vous avancez est vrai pour une certaine partie de la population, mais on ne peut pas juste penser, M. le ministre, aux gens qui prennent leur douche avant d'aller travailler, il faut prendre... il faut penser parfois aux gens qui prennent leur douche après être allés travailler aussi.

M. Lizée, je vous ai entendu faire référence, justement, à une enquête... à deux enquêtes, en fait, est-ce que ce serait possible de faire parvenir à la commission les résultats de ces deux enquêtes, juste pour qu'on ait l'entièreté des données? Parce que, là, vous nous avez donné beaucoup de chiffres, là, mais je veux que tout le monde comprenne ce à quoi vous faisiez référence. J'ai compris les constats généraux, mais, si vous pouvez faire parvenir ça à la commission, ce serait apprécié.

M. Lizée (Michel) : Oui, ça va me faire plaisir.

M. Fortin : Très bien. Vous aviez amorcé un point sur les RRFS, et là on était pressés dans le temps, là, vous l'avez fait de façon très rapide, et je ne suis pas certain d'avoir compris ce que vous vouliez nous dire. Très rapidement, vous nous aviez parlé d'employés où il pouvait y avoir une rente initiale basée sur la solvabilité, puis après ça se retrouvaient dans une situation où il n'y avait plus rien. J'aimerais ça vous entendre, parce que je sentais que c'était important dans votre propos puis que vous n'avez pas pu vous rendre jusqu'au bout de votre pensée.

M. Lizée (Michel) : L'enjeu est le suivant : un employeur se retire du régime, il y a une personne retraitée dont cet employeur-là, c'est le dernier employeur. Actuellement, en vertu de la législation... et, Retraite Québec, dans les discussions qu'on a avec elle depuis 2010, Retraite Québec a maintenu cette position-là, ce que nous devons faire, c'est sortir le retraité en question du régime. Comme il a déjà une rente survie, on va acheter une rente chez un assureur en fonction du taux de solvabilité du régime, ce qui a trois implications. Premièrement, si le taux de solvabilité est inférieur à 100 %, il y a une baisse immédiate de la rente. Beaucoup plus important, il n'y a aucune indexation de versée par la suite. Et, troisièmement, si le taux de solvabilité devait être inférieur à 100 %, là on réduit la rente, même si, à cette date-là, le régime a une réserve pleine, est en surplus de capitalisation, donc le retraité est dans la situation absurde où il sait qu'il a payé plus que sa part pour verser sa rente, et pourtant il va subir une perte qui, selon les cas... dans les exemples qu'on a produits, c'était une baisse à vie de 21 %, puis, dans un autre cas, c'est une baisse à vie à 41 %. Donc, le projet de loi contient une disposition qui dit très clairement que, dans le cas d'un régime à prestations cibles ou à cotisation déterminée, si la situation arrive, le régime de retraite peut prévoir soit la situation... (panne de son) ...de vous décrire, un régime qui ne veut pas garder ses retraités orphelins et qui les transfère ou le régime les garde et continue à les payer. Or, on est un régime sectoriel et il existe déjà, dans la réglementation actuelle... des régimes sectoriels qui, par définition, sont exemptés de ces mesures-là, c'est le cas... (panne de son) ...qui est un régime assez semblable à nous comme caractéristique du milieu. Et donc la loi offre le choix entre l'un et l'autre.

Donc, tout ce qu'on vous dit, c'est que la commission aurait une opportunité de régler le problème qui est en suspens depuis 10 ans d'une façon très simple et élégante, c'est de préciser que le nouvel article s'applique également à un RRFS et de laisser à chaque RRFS — parce qu'il existe deux RRFS interentreprises — le choix de dire : Je préfère les transférer... en les transférant en fonction du taux de solvabilité pour ne pas les avoir ou nous préférons les garder dans notre régime. Nous, il faut dire que les gens du communautaire ne comprennent rien aux débats qu'on a avec Retraite Québec, ils disent : Voyons donc, on est tous des retraités du communautaire, que je travaille dans un groupe ou dans un autre, on est là pour faire des missions que le gouvernement fait.

M. Fortin : Ça va, M. le Président. S'il reste du temps, je pense que mon collègue...

Le Président (M. Simard) : M. le député de Robert-Baldwin, j'ai une grande nouvelle à vous annoncer, il vous reste cinq minutes.

M. Leitão : Très bien. Merci, M. le Président. Alors, M. Lizée, bonsoir, merci d'être là. Donc, j'aimerais clarifier une chose avec vous. Donc, vous considérez que les RRFS sont des régimes qui ont beaucoup de vertus, donc des régimes intéressants pour les retraités. Un peu plus tôt ce soir, on a entendu des gens des syndicats, de la CSN, d'Alcoa, à Baie-Comeau, qui nous disaient qu'eux, ils avaient regardé la... quand ils négociaient avec l'entreprise, ils avaient regardé la possibilité d'un RRFS, mais ils ont choisi plutôt d'aller vers un... bon, un régime à prestations cibles, comme on s'apprête à faire ici, ils jugeaient que c'était plus intéressant pour les travailleurs.

Alors là, je suis un peu perdu, là. Est-ce que vous pourriez nous... essayer de clarifier cette contradiction apparente entre le RRFS, c'est meilleur que le RRPC ou le contraire?

M. Lizée (Michel) : D'abord, je vais vous répondre, mais je ne veux pas être mis... (panne de son) ...de celui qui a l'air de juger de haut des décisions prises par un syndicat dans son contexte. Je respecte le choix qu'ils ont fait, c'est leur régime de retraite, c'est leur situation.

Donc, une fois qu'on a dit ça, là, c'est sûr que, si tu compares un régime dont le tiers de la cotisation va pour l'indexation à un régime qui ne prévoit pas d'indexation, on va facilement me convaincre que la rente initiale du régime qui n'a pas d'indexation mais qui ne s'est pas donné de réserve importante va être plus élevée, initialement, certainement, que la rente d'un régime qui, pendant la carrière du travailleur ou de la travailleuse, va avoir déjà indexé au coût de la vie la promesse de rente en fonction de l'évolution du coût de la vie quand la situation le permettait et qui va continuer à le faire une fois à la retraite. Je ne suis pas certain que, sur une vie complète, le participant du RRFS ne sortira pas gagnant. Mais je suis certain d'une chose, par exemple, compte tenu que le RRFS a une marge de sécurité d'environ 50 % et que le régime à prestations cibles aura une réserve, disons, de 17 %, peut-être, de provision de stabilisation... (panne de son) ...de la capacité du RRFS à payer les rentes et l'indexer, que je suis confiant que le régime à prestations cibles ne subira pas des réductions en cours de retraite, parce que ce ne sont pas des marges élevées, et les prochaines années, avec 17 %... et les prochaines années ne seront pas tendres. On voit qu'il y a une augmentation phénoménale de l'endettement des individus, des gouvernements et des entreprises, des taux d'intérêt très bas et une croissance plus lente. Moi, je pense que les régimes à prestations cibles ne l'auront pas facile pour les prochains 10 à 15 ans.

M. Leitão : C'est un peu ce que le syndicat nous disait, c'était qu'ils avaient parlé à leurs membres et que, justement, leurs membres ont préféré le régime à prestations cibles parce que ça leur donnait une rente initiale plus élevée, surtout pour des personnes qui pensaient se retirer un peu plus tôt. D'ailleurs, il a utilisé... il a mentionné deux ou trois fois quelqu'un qui a 58 ans et qui prend sa retraite. Donc, il y a cet enjeu, et je le comprends bien, de longévité, donc le... on en a parlé assez.

M. Lizée (Michel) : Et de l'horizon de temps de son calcul.

M. Leitão : Oui, c'est ça, c'est ça.

M. Lizée (Michel) : En d'autres mots, si je calcule pour dans deux ans, trois ans, cinq ans ou je calcule en regardant l'ensemble de mon existence.

M. Leitão : Tout à fait, c'est un calcul qu'il faut faire. Donc, on avait déjà... d'autres personnes ont mentionné, en commission, que, quel que soit le choix de régime, il va falloir faire beaucoup de pédagogie, il va falloir bien, bien expliquer, parce qu'il semble que ce n'est pas...

Maintenant, une dernière question, s'il reste encore du temps, M. le Président. Vous avez mentionné des questions de main-d'oeuvre, et donc de rareté de main-d'oeuvre, et l'impact que cela peut avoir ou qui va avoir sur les régimes de retraite. Vous êtes la première personne qui nous parle de ça, et je trouve ça intéressant, quand même. Donc, ce que vous voyez venir, c'est que, d'ici trois ans, cinq ans, 10 ans, il y aura moins de personnes sur le marché du travail, donc moins de personnes qui vont cotiser aux régimes de pension, et cela peut avoir des répercussions importantes sur le long terme, c'est bien ça?

• (20 h 10) •

M. Lizée (Michel) : Oui, mais, écoutez, mettons que je vous demande de ne pas trop rire à ma première remarque, mais, au niveau du recrutement de la main-d'oeuvre, le gouvernement est un de nos compétiteurs.

Le Président (M. Simard) : ...

M. Lizée (Michel) : Hein? J'ai dit : Le gouvernement est l'un de nos compétiteurs... (panne de son) ...récente aux conditions de travail qu'il a apportées dans le secteur de la santé, ils sont en train de venir nous chercher des membres parce qu'ils ont bonifié, de leur côté.

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Lizée (Michel) : Et, nous, notre préoccupation, c'est... Je suis content pour le gouvernement, mais, nous, ça nous pose un problème.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci.

M. Lizée (Michel) : Mais en même temps...

Le Président (M. Simard) : Oui, je dois vous arrêter, malheureusement, M. Lizée.

M. Lizée (Michel) : Ah! O.K., O.K.

Le Président (M. Simard) : On va poursuivre avec le député de Rosemont, qui, lui aussi, souhaite s'adresser à vous.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Bonsoir, M. Lizée. C'est intéressant, la confrontation de perception entre vous et le ministre, notamment sur l'attractivité d'un régime PD. Par contre, je remarque que vous avez des études et des enquêtes d'opinion que vous vous êtes engagé à nous envoyer, j'ai hâte de regarder ça dans le menu détail. J'espère ou j'imagine, ou peut-être pas, que le ministre aura aussi de telles enquêtes d'opinion ou des chiffres à nous présenter sur l'état réel du milieu de la retraite basés sur autre chose que sur ces perceptions personnelles et sur son ancien milieu de travail, qui, il est vrai, comme le disait le député de Pontiac, n'est peut-être pas le milieu le plus représentatif, le milieu bancaire étant un écosystème assez particulier.

M. Girard (Groulx) : ...répondre à ça...

M. Marissal : Après moi, si possible.

Le Président (M. Simard) : Malheureusement, on ne peut pas...

M. Marissal : Je n'ai pas beaucoup de temps, M. le ministre, comme vous le savez. D'habitude, vous m'en donnez, vous ne m'en prenez pas, et j'apprécie.

Là, si je comprends bien, M. Lizée, le PC, c'est mieux que le CD, mais c'est moins bien que le RRFS, et surtout beaucoup moins bien que le PD. Sauf que le PD, nous, on nous dit que c'est condamné, il y a une date de péremption, à entendre le ministre là-dessus, ça va disparaître ou, en tout cas, c'est en voie de disparition. Le RRFS, ça existe déjà, mais c'est moins attractif que le CD pour les patrons. Est-ce qu'on n'est pas dans une espèce de course au moins pire, là, en ce moment?

M. Lizée (Michel) : C'est-à-dire qu'il faut faire attention, pour moi, le RRFS, c'est la tentative de trouver une nouvelle version des PD qui serait plus soutenable à long terme parce qu'elle enlève le fardeau financier des employeurs, mais remplace ça par des exigences de financement plus rigoureuses qui maintiennent le caractère soutenable du régime tout en offrant des rentes garanties à vie. Il demande plus d'efforts en termes de réserves, mais il est soutenable. Moi, j'hésiterais à dire : Le RRFS, c'est meilleur que le PD. Ça, ce n'est pas exact, le contraire non plus. Pour moi, le RRFS, c'était le meilleur compromis, et moi, je pense qu'il faut saluer, comme le ministre l'a dit plus tôt, le sens... la créativité que la Régie des rentes a mise, entre 2004 à 2007, à chercher une formule de financement qui réconcilierait le besoin des employeurs pour une cotisation fixe et aucune responsabilité financière pour eux, à part le financement courant, avec la recherche, pour les participants, d'une sécurité du revenu.

Je peux simplement vous répéter que, dans le cas de notre régime, où on fait beaucoup d'efforts de formation, le régime de retraite, chez nous, est perçu comme un outil d'attraction. Les gens sont fiers d'avoir un régime de retraite et de savoir qu'ils ne seront pas pauvres à leur retraite, et ça les réconcilie avec le fait qu'ils vont continuer à travailler dans le secteur communautaire, qu'ils soient dans un comptoir alimentaire ou un groupe en santé ou services sociaux, parce qu'ils peuvent faire ce qu'ils aiment, mais en même temps ils savent que leur sécurité de revenu n'a pas été oubliée.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci, M. Lizée. M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci, M. Lizée. Donc, à mon tour de vous saluer. Je vais être très bref. Si je résume, les prestations déterminées ont été créées et, malheureusement, sont à... on pourrait comprendre qu'elles seraient vouées à disparaître — en tout cas, il n'y en aurait pas des nouvelles — et celles qui existent pourraient être transformées. Il existe les cotisations déterminées, qui ne sont pas superalléchantes, en contrepartie de la prestation déterminée, et il y a le RRFS, qui existe entre les deux. Est-ce qu'il ne serait pas hasardeux, comme législateurs, qu'on laisse de côté l'apparition d'un autre régime pour permettre de bonifier une offre qui n'est peut-être pas complète dans le marché?

M. Lizée (Michel) : Le sens de ma remarque était avant tout de vous sensibiliser à l'impact, particulièrement pour les retraités, de ce que ce nouveau type de régime implique et de savoir que... alors qu'on a, par ailleurs, beaucoup de débats sur la dignité, la nécessité d'un revenu digne à la retraite, combattre les inégalités de revenus pour les plus pauvres, d'être conscients que ce régime-là offre... ce nouveau type de régime offre des risques spécifiques, présente des risques spécifiques dont il faut être conscients avant. Parce que, par exemple, on pourrait se demander : Est-ce qu'on ne devrait pas, si on met sur pied des régimes à prestations cibles, augmenter le niveau de réserve requis qui, actuellement, serait le même que pour les PD existants, mais à la nuance que, dans les PD existants, si vous êtes trop en bas de votre niveau de provision et de stabilisation, il doit y avoir des cotisations d'équilibre de versées par l'employeur, alors que, les régimes à prestations cibles, on n'offre pas ça? Donc, si je suis à 102 % et que ma cible minimale devrait être d'au moins 112 %, parce que ma provision, c'est 117 %, dans un régime à PD, actuellement, l'employeur doit financer pour essayer de s'éloigner du 100 % puis se rapprocher du 117 %, mais, dans un prestations cibles, ce mécanisme-là ne sera pas possible. Donc, si on renforçait la sécurité du régime à prestations cibles pour que lui aussi ait la provision la plus élevée possible... rappelez-vous qu'elle va être typiquement de 15 % à 17 % dans un prestations cibles, elle est de 50 % dans un RRFS, donc notre risque de tomber en déficit est infiniment plus faible. Donc, tout ce qu'on pourrait faire pour augmenter les marges et réduire le risque d'un régime à prestations cibles serait un pas dans la bonne direction, mais là ça aurait le désavantage que ça réduirait l'écart entre la rente initiale d'un régime à prestations cibles puis un RRFS, par exemple, parce que vous demandez plus de réserves, mais il y a un enjeu là qui est réel. Si on est conscients des risques de réduction des rentes des régimes à prestations cibles, on peut quand même viser à en augmenter la sécurité, et plus vous feriez ça, plus, à mes yeux... (panne de son) ...les craintes que j'ai émises.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, M. Lizée, cela termine donc le temps qui vous était dévolu pour votre présentation. Et je tenais sincèrement à vous remercier non seulement pour la qualité de cette présentation, mais également de vos réponses. Merci, donc, d'avoir participé à nos travaux.

Sur ce, nous allons suspendre temporairement, le temps de faire place à nos prochains invités.

(Suspension de la séance à 20 h 18)

(Reprise à 20 h 22)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous sommes en mesure de pouvoir reprendre nos travaux. Et nous terminons en beauté, ce soir, en recevant deux représentants de Force Jeunesse, M. Simon Telles et Mme Éliane Racine. Bienvenue à vous deux. Merci d'avoir accepté notre invitation. Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes. Nous vous écoutons.

Force Jeunesse

(Visioconférence)

M. Telles (Simon) : Merci beaucoup, M. le Président. Merci également à la commission de nous recevoir. Simon Telles, président de Force Jeunesse.

Très apprécié d'être là aujourd'hui. On a un défi particulier ce soir, à la fois d'être les derniers à s'adresser à vous, mais également de rivaliser avec la soirée électorale américaine, qui est également très, très captivante, alors on tâchera de...

Le Président (M. Simard) : Alors, vous êtes bien plus intéressants, rassurez-vous.

M. Telles (Simon) : ...on tâchera de vous communiquer toute notre énergie puis aussi la passion qu'on a de ce sujet-là, les régimes de retraite.

Dans la vie de tous les jours, je suis avocat chez Trivium. Je concentre ma pratique principalement en droit des organisations à but non lucratif et en droit du travail, et ça fait quatre ans que je m'implique à Force Jeunesse déjà. Ce qui motive, je vous dirais, mon implication à Force Jeunesse, c'est vraiment le sentiment de contribuer activement aux décisions qui sont prises parce que ce sont celles-là, évidemment, qui vont forger notre futur.

Mme Racine (Éliane) : Puis, de mon côté, je m'appelle Éliane Racine, je suis vice-présidente au contenu chez Force Jeunesse. Moi, je m'implique à Force Jeunesse pour tout ce qui concerne le contenu, là, depuis un bon trois ans. Puis je suis, dans la vie de tous les jours, doctorante en relations industrielles et j'ai fait, dans le cadre de ma maîtrise, une étude sur l'équité intergénérationnelle dans le régime des rentes du Québec, d'où mon intérêt.

M. Telles (Simon) : Alors, pour vous parler de Force Jeunesse maintenant, certains et certaines d'entre vous, certainement, ont déjà entendu parler de nous. Alors, on est un regroupement de jeunes engagés, 100 % bénévoles, qui oeuvrent dans différents milieux, que ce soit associatif, syndical, communautaire, entrepreneurial, professionnel, et ce qui nous distingue, je vous dirais, des autres groupes, c'est notre approche non partisane, d'abord, évidemment, qui est axée sur la recherche et le développement des propositions concrètes sur des enjeux qui interpellent la jeunesse. On est, je pense, également le seul groupe jeune à s'intéresser à la question des régimes de retraite, à intervenir, du moins, sur cette question-là, et donc on est particulièrement heureux d'être avec vous aujourd'hui pour vous partager nos commentaires sur le projet.

Pour vous faire un peu d'histoire, on a été fondé en 1998, donc ça fait déjà plus de 20 ans, précisément sur la lutte aux clauses de disparité de traitement, et force est de constater que c'est un enjeu qui est encore d'actualité aujourd'hui. Ce qu'on voit dans le projet de loi n° 68, c'est l'opportunité, une fois pour toutes, de mettre fin à ces clauses de disparité de traitement là dans les régimes de retraite, et c'est sous cet angle-là qu'on va s'adresser à vous, sous l'angle, bien sûr, de l'équité intergénérationnelle, qui est notre valeur fondatrice et notre pilier, et donc on va vous présenter une série de recommandations pour bonifier le projet de loi.

Mme Racine (Éliane) : Oui, puis, en ce sens, ce qui a vraiment alimenté notre réflexion par rapport à ce projet de... loi là, pardon, c'est de voir comment est-ce qu'on peut améliorer l'équité intergénérationnelle dans les régimes de retraite complémentaires, puis on a vraiment concentré notre analyse sur le partage du risque entre les générations, sur la représentation des jeunes dans les instances décisionnelles, puis finalement sur tout ce qui concerne, là, les disparités de traitement, comme Simon le mentionnait.

Dans le cadre de notre présentation, on ne s'attardera pas à toutes nos recommandations, on va principalement vous parler de la recommandation 8 sur les disparités de traitement, la recommandation 9 sur les régimes sectoriels, et finalement les recommandations 3 et 11, là, sur la représentation des jeunes.

Avant de passer la parole à Simon, j'aimerais juste rappeler que, pour Force Jeunesse, les régimes de retraite, il n'y en a aucun qui sont à risque zéro, tous les régimes de retraite comportent des risques. Puis, pour nous, les régimes à prestations cibles se situent sur un continuum entre les régimes à prestations déterminées puis les régimes à cotisation... (panne de son)

Le Président (M. Simard) : Mme Racine, m'entendez-vous?

Mme Racine (Éliane) : Oui.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, nous avons manqué les deux dernières phrases, désolé.

Mme Racine (Éliane) : Ah! O.K. Donc, ce que je mentionnais, c'était que, pour Force Jeunesse, les régimes à prestations cibles se situent sur un continuum entre les régimes à cotisation déterminée puis les régimes à prestations déterminées. Puis, d'autre part, pour nous, aucun régime de retraite ne comporte un risque zéro, ce qui veut donc dire que la question à se poser, c'est comment est-ce que le risque est reparti entre les générations.

M. Telles (Simon) : Alors, le premier élément sur lequel on va vouloir attirer l'attention de la commission, c'est, comme l'a mentionné Éliane, les clauses de disparité de traitement. Alors, sur cet enjeu-là, comme vous le savez, il y a eu une réforme de la Loi sur les normes du travail, en 2018, qui est venue interdire les clauses de disparité de traitement dans les régimes de retraite pour l'avenir. Malgré tout, il reste encore 90 régimes hybrides, à deux vitesses, si on peut dire, qui ont à la fois des régimes à prestations déterminées et des régimes à cotisation déterminée, qui sont sous la surveillance de Retraite Québec.

Ce qu'on constate, c'est que, dans sa phase actuelle, le projet ne prévoit aucun mécanisme qui permet d'éliminer les clauses de disparité de traitement, c'est-à-dire qu'on va pouvoir convertir des régimes à cotisation déterminée en régimes à prestations cibles, mais il y aura toujours quand même des régimes à deux vitesses dans le cadre de ces 97 régimes-là. Ça, pour nous, c'est problématique.

Pour faire un peu l'historique de cet enjeu-là, il y a quand même un engagement très, très clair qui a été pris par le gouvernement pour les abolir, les clauses de disparité de traitement qui étaient restantes. Il y a une motion unanime, également, de l'Assemblée nationale en 2018 qui est venue réitérer ce souhait-là. Alors, on a une opportunité, réellement, avec ce projet-là, à notre avis, de régler la question, et on pense que de transformer les régimes à deux vitesses à prestations cibles est une avenue intéressante pour abolir les CDT dans ces 97 régimes-là.

Évidemment, sur le continuum des régimes dont vous parlait ma collègue Éliane, on souhaite que les régimes à prestations cibles qui seraient mis sur pied partagent un maximum des caractéristiques des régimes à prestations déterminées, et on a confiance que les parties patronales, syndicales et que les parties... l'employeur seul, lorsque c'est le cas, arriveront à mettre en place de tels régimes avec des bonnes conditions.

• (20 h 30) •

Mme Racine (Éliane) : Ensuite, je pense qu'il y a un autre aspect important dont on vous a mentionné, c'est la caractéristique... les régimes de retraite actuels, on constate qu'il y a peu de nouveaux régimes qui ont été créés, que ce soit au niveau de prestations déterminées... puis, pour nous, les régimes à prestations cibles, bien qu'ils représentent une nouvelle avenue pour les travailleurs, il n'en demeure pas moins que les régimes de retraite ne font pas... ne couvrent pas l'ensemble des travailleurs et travailleuses au Québec, ce qui veut donc dire que... on croit qu'en mettant en place des régimes sectoriels on serait en mesure de couvrir davantage de travailleurs et de travailleuses pour avoir un régime de retraite et donc une sécurité de revenus lorsque la retraite viendra.

Finalement, au niveau de la représentation des jeunes, notre... ce qui nous pousse à faire cette recommandation-là, c'est que les régimes de retraite comprennent des stratégies d'investissement, comprennent des mécanismes de redressement dans le cas des régimes à prestations cibles, puis toutes ces mesures-là, puis toute la manière que le régime va être formé va avoir un impact sur qui est dans le régime, puis cet impact-là ne sera pas nécessairement le même pour quelqu'un qui est en début de carrière par rapport à quelqu'un qui est en fin de carrière. Et donc on croit qu'en ayant des jeunes sur les comités de retraite on soit en mesure de prendre en compte l'ensemble des risques des participants et participantes dans les régimes de retraite.

Finalement, je pense que... Pour ce qui est de la représentation des jeunes, on croit que ça va au-delà des instances décisionnelles dans les régimes de retraite propres, puis on pense que c'est pertinent d'avoir une organisation comme Force Jeunesse qui participe, par exemple, à des comités ou à des forums sur les enjeux de la retraite.

M. Telles (Simon) : Alors, pour synthétiser notre position de manière générale avant qu'on puisse commencer les échanges, a priori, notre position, c'est que le projet peut favoriser l'amélioration des conditions de travail des jeunes et l'équité intergénérationnelle dans les régimes complémentaires de retraite, à condition de s'attarder sur trois éléments : premièrement, de prendre en compte le partage du risque entre les générations, deuxièmement, d'inclure les jeunes dans les instances décisionnelles et, troisièmement, évidemment, d'éliminer les disparités de traitement dans l'ensemble des régimes de retraite.

Évidemment, pour tout ça, on vous réitère notre pleine collaboration et notre ouverture pour guider les travaux de la commission, et ça nous fera plaisir de répondre à vos questions pour la suite.

Le Président (M. Simard) : Eh bien, merci à vous deux. Je cède maintenant la parole au ministre des Finances.

M. Girard (Groulx) : Merci beaucoup pour cette présentation. Évidemment, les disparités de traitement sont un enjeu extrêmement important, et l'application des motions de l'Assemblée nationale et des souhaits qui ont été exprimés par le passé sont discutés avec la CPMT, la Commission des partenaires du marché du travail, et c'est aussi un enjeu, évidemment, qui est regardé spécifiquement par le ministre du Travail.

Mais, pour fins de simplification, là... et c'est interdit, dans le projet de loi, qu'un régime à prestations déterminées soit converti en régime à prestations cibles, mais, dans la situation où les cotisations futures... ou lorsqu'un régime à prestations déterminées existant avec les contributions passées des participants existants et des retraités... et que l'entreprise, avec ses employés, décide de mettre en place, pour les participations, cotisations futures, un régime à prestations cibles, est-ce que, pour vous, c'est là l'expression d'une disparité de traitement ou non?

Le Président (M. Simard) : M. Telles.

M. Telles (Simon) : Oui. Je ne suis pas certain d'avoir bien saisi votre question, M. le ministre. Si c'est possible, peut-être, de nous orienter un peu davantage.

M. Girard (Groulx) : Bien, c'est parce que, la notion de disparité de traitement, il y a consensus, mais en même temps ça ne veut pas dire la même chose pour tout le monde, alors c'est important de s'entendre. Et d'ailleurs il y a des discussions à la Commission des partenaires du marché du travail sur, exactement, l'application de ce principe, de ne pas avoir de disparité de traitement, et... Alors, ma question, c'est : Dans la mesure où le projet de loi interdit la conversion d'un régime existant à prestations déterminées en un régime à prestations cibles pour les cotisations passées, pour ce qui est accumulé dans un régime, mais que les nouvelles cotisations ou que... si une entreprise, avec ses employés, s'entend pour qu'un nouveau régime soit créé à côté pour les cotisations futures, l'accumulation de cotisations futures, est-ce que, pour vous, ça, c'est une disparité de traitement?

M. Telles (Simon) : Excellent. Merci, M. le ministre, pour la précision, je saisis bien votre question. Pour nous, effectivement, ça demeurerait une disparité de traitement, parce qu'en pratique il y aurait des régimes différents pour une même catégorie de travailleurs. Donc, selon nous, ça ne solutionnerait pas ce problème-là.

M. Girard (Groulx) : O.K. Alors, je vous remercie de préciser cela, parce que le principe de disparité de traitement, on l'entend, c'est véhiculé, mais ça ne veut pas dire la même chose pour tout le monde. Alors, dans votre cas, ici, ce serait une disparité de traitement.

M. Telles (Simon) : Exact.

M. Girard (Groulx) : D'accord. Je vous remercie pour cette précision. Pour moi, ce point-là, c'est fondamental, puis c'est ça qui est discuté avec les...  à la Commission des partenaires du marché du travail, et c'est un enjeu qui n'est pas facile à résoudre. Et évidemment plus le régime de retraite à prestations cibles sera généreux, moins il y aura de disparités, mais un régime de retraite à prestations cibles n'est pas un régime à prestations déterminées, évidemment, par définition. Moi, c'est l'enjeu fondamental que je voulais discuter, alors ça ferait le tour pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. M. le député de Saint-Jérôme.

M. Chassin : Merci, M. le Président. Merci, M. Telles et Mme Racine. Donc, en tant qu'ancien administrateur de Force Jeunesse, je ne peux que me réjouir de vous voir ce soir. Je vous avoue que j'étais plutôt du côté de Mme Racine, je n'étais pas président, mais plutôt au contenu.

Je trouve intéressant le mémoire que vous nous avez envoyé, puis vous faites des recommandations qui sont stimulantes, au moins au plan intellectuel, par ailleurs, parfois qui s'arriment directement avec le projet de loi. J'aimerais peut-être, là, vous poser, d'entrée de jeu, une réflexion sur le partage du risque entre générations. Donc, vous parlez, notamment à votre recommandation n° 1, de faire cet ajout, de partager... en fait, du degré de risque entre des générations dans le régime complémentaire de retraite.

Puis évidemment il y a là un enjeu de définition, notamment sur le terme «générations», parce qu'on peut comprendre le partage de risques entre les bénéficiaires, par exemple, et les membres cotisants. Est-ce que, pour vous, le partage de risques entre générations va au-delà de ces deux catégories?

Mme Racine (Éliane) : Oui, bien, en fait, je vais me permettre de répondre. Simon, si tu veux ajouter quelque chose, tu pourras. Mais je pense qu'effectivement le partage de risques entre les générations, pour nous, va au-delà de retraités par rapport aux participants actifs, notamment parce que, comme on l'a mentionné brièvement, les... à différents moments dans votre carrière... va probablement dire que vous n'allez pas favoriser les mêmes stratégies par rapport à un placement pour la retraite. Que ce soit dans un régime privé ou pour son épargne personnelle, généralement, on va conseiller aux gens de mettre des placements un peu plus risqués en début de carrière, puis plus on approche vers la retraite, de mettre des placements qui sont peut-être un peu plus conservateurs. Puis je pense que cette logique-là, elle s'applique tout autant pour un régime de retraite qui serait offert par un employeur. Donc, si le régime puis si le comité de retraite établit des mesures qui vont être davantage pour des gens qui sont vers les fins de carrière, bien, on peut se retrouver à avoir une situation où, pour les jeunes, c'est peut-être moins avantageux, dans ce cas-là, d'avoir ce type de régime là. Puis je pense que, pour conclure là-dessus, nous, notre point, c'est de dire qu'il faut donc considérer les différents intérêts des différents individus, qui ne sont pas nécessairement tous monolithiques, là, dans la catégorie des participants.

• (20 h 40) •

M. Chassin : C'est un très bon point, je pense, c'est un message important à porter. Puis évidemment il y a, j'imagine, là, la possibilité pour les comités de retraite de pondérer, justement, en fonction de l'âge, sachant les décaissements à venir puis les entrées d'argent respectives.

Vous mentionnez aussi, à la recommandation n° 5, quelque chose qui m'a un peu fait sourciller, là, quand vous dites, par exemple : «Force Jeunesse recommande de limiter les cotisations salariales à au plus 50 % du total des cotisations du régime.» Je voudrais juste voir... parce qu'évidemment il y a une certaine souplesse prévue dans un régime de retraite à prestations cibles, puis une souplesse, notamment, quand on considère, par exemple, là, la possibilité de renflouer les coffres d'un régime qui est dans une situation plus précaire. Dans ce cas-là, ça pourrait être considéré comme des cotisations aussi. Puis, comme il y a un ajustement en fonction des différentes catégories puis qu'on veut garder cette flexibilité, est-ce que ce n'est pas risqué d'imposer un barème aussi strict que 50 % s'il peut y avoir des variations qui, pendant peut-être même une période de temps très courte, fait augmenter au-delà de 50 % pour un partage équitable entre, par exemple, la diminution de certaines sommes versées aux retraités versus l'augmentation de cotisations des participants actifs? Comment vous voyez ce 50 %, comme un barème très strict ou quelque chose qui est peut-être un peu plus flexible?

Mme Racine (Éliane) : Bien, je pense que, pour le barème de 50 %, nous, on le voit vraiment dans une perspective, d'abord, d'un régime qui serait en bonne gestion, là. Pour tout ce qui est des mécanismes de redressement, encore une fois, je pense que, là, ça va vraiment être de venir évaluer... puis, de toute façon, les régimes à prestations cibles prévoient en amont les mécanismes de redressement, mais c'est d'évaluer pour s'assurer que ce risque-là est partagé équitablement, là, entre tous. Donc, je dirais qu'on pourrait être ouverts à être plus flexibles par rapport à ça, mais c'est certain que, pour nous, dans un régime qui fonctionne bien, on ne voudrait pas ajouter plus que 50 %.

M. Chassin : O.K. Autrement dit, je comprends que c'est le principe d'équité derrière qui est vraiment au coeur de... Puis peut-être une dernière question, M. le Président, si j'ai le temps. Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Simard) : Oui, il vous reste 5 min 53 s.

M. Chassin : Ah bon sang! Alors, je me permettrai peut-être plus qu'une dernière question. Mais vous parlez notamment du régime, au Nouveau-Brunswick, qui prévoit donc non seulement des... J'essaie de retrouver la recommandation où vous en parlez... numéro 6, me souffle-t-on à l'oreille, c'est ça, numéro 6? Mais donc, en fait, où vous parlez d'avantages complémentaires avec une moindre probabilité, là, en quelque sorte. Puis j'essaie de me placer dans la peau d'un participant au régime, ce n'est pas toujours simple de comprendre les régimes de retraite, puis il y a une certaine valeur à la clarté. Comment vous évaluez, dans le fond, la clarté, pour les participants puis pour les bénéficiaires, de la formule du Nouveau-Brunswick, appelons-la ainsi?

Mme Racine (Éliane) : Bien, je pense que c'est certain que, pour tout ce qui est des régimes de retraite, puis ça, c'est au-delà de celui du Nouveau-Brunswick, là, la communication, c'est vraiment la clé pour aider les participants et participantes à démystifier des régimes de retraite. Puis, sur cet aspect-là, je pense que c'est une question de savoir, la rente, dans le cas du régime du Nouveau-Brunswick, ce qui est considéré comme la prestation de base, est à un degré de probabilité de 97,5 %, ce qui veut dire que c'est... le montant que les gens peuvent s'attendre à recevoir. Donc... la prestation accessoire, qui est avec un degré de probabilité qui est quand même élevé, là, à plus de... à 75 %, bien, c'est le montant qui peut fluctuer. Mais ce que ça vient dire, pour nous, c'est de peut-être utiliser davantage des termes comme «le niveau plancher» ou «le seuil en dessous duquel on ne pourra pas descendre».

M. Telles (Simon) : Peut-être, pour ajouter, une de nos autres préoccupations dans le projet, actuellement, évidemment, qui est propre des régimes à prestations cibles en général, c'est que le régime repose sur les travailleurs, et une de nos recommandations, justement, c'est par rapport aux fiducies, et on s'inspire, encore une fois, de ce qui se fait ailleurs. Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas mettre en place ce genre de fiducie là pour gérer le régime, pour enlever, un peu, une partie du fardeau sur les épaules des travailleurs et qui faciliterait peut-être, justement, la compréhension des différents mécanismes, qui sont assez complexes? On pense que ce serait une façon de pallier à ce désavantage-là, si on peut le dire, des régimes à prestations cibles.

M. Chassin : D'accord. Puis, dans cette perspective de fiducie, vous voyez donc un avantage peut-être même pédagogique, mais surtout en termes de gestion, là, j'imagine, c'est ce que je comprends?

M. Telles (Simon) : Exact.

M. Chassin : O.K. Est-ce que... Puis là vous parlez, à votre recommandation n° 10, d'une série d'indicateurs d'équité intergénérationnelle. Encore là, permettez, là, que je vous avoue bien franchement qu'en regardant cette recommandation-là je me suis dit : Je vais aller lire, dans le mémoire, la partie qui concerne cette recommandation, mais je n'ai pas eu le temps. Donc, est-ce que vous avez des exemples d'indicateurs d'équité intergénérationnelle qui pourraient nous illustrer, là, concrètement à quoi vous faites référence?

Mme Racine (Éliane) : Bien, je pense que, dans un premier temps, puis ça, c'est quelque chose qui est vraiment à considérer d'un point de vue plus de la gestion de la surveillance, là, des régimes de retraite, c'est que, quand on parle d'équité intergénérationnelle, bien, il faut évaluer est-ce que les mécanismes qu'on met en place dans le régime favorisent davantage une génération par rapport à l'autre. Donc, pour nous, un indicateur d'équité intergénérationnelle, là, qui pourrait être développé, ce serait justement un processus à faire avec Retraite Québec, qui surveille déjà les régimes de retraite, pour aller évaluer quel mécanisme est plus équitable entre les générations. Ensuite, c'est certain qu'on peut parler aussi, là, au niveau du partage du passif puis de voir un peu, là, comment celui-ci est réparti entre... bien, en fait, pour que ce soit raisonnable, là. Puis c'est certain que, pour nous, un autre indicateur d'équité intergénérationnelle, bien, ce serait de ne pas avoir de clause de disparité de traitement dans les régimes de retraite.

M. Chassin : C'est un indicateur qu'on comprend tout à fait dans votre réflexion. J'ai envie de vous poser la question parce que vous êtes justement un groupe jeune qui s'intéressez aux régimes de retraite, puis vous voyez, dans le fond, là, les travailleurs de l'ensemble... dans l'ensemble de leur vie active et après. Et je trouve ça intéressant et, en même temps, je vous avoue qu'il y a différentes situations sur le marché du travail, puis on est parfois dans une situation où on voit qu'il y a des attitudes et des attentes, dans la jeune génération, qui ne sont pas nécessairement les mêmes qu'auparavant. Peut-être qu'il est plus rare, malgré certains cas... et le député de Pontiac en faisait mention, là, au groupe avant vous, il est plus rare, quand même, chez les jeunes générations, d'espérer travailler 40 ans d'une même carrière pour un même employeur avec cette stabilité-là. La mobilité est certainement prisée par plusieurs jeunes. Et même des jeunes qui sont peut-être formés, là, avec des diplômes d'études professionnelles ou techniques, qui n'ont pas nécessairement un niveau d'éducation si élevé, mais qui ont certainement un niveau de compétences très élevé, peuvent espérer une certaine mobilité.

Dans un contexte comme ça, est-ce que la flexibilité d'un régime de retraite à prestations cibles ne pourrait pas, justement, être plus intéressant que les solutions qui sont actuellement proposées, comme un régime à cotisation déterminée, voire peut-être même comme un régime à prestations déterminées?

Mme Racine (Éliane) : Bien, je pense que oui puis je pense que... pour répondre à cette question-là, en particulier, c'est d'ailleurs pour ça qu'on a mis dans notre mémoire la recommandation pour les régimes sectoriels, parce que, dans le cas d'un régime sectoriel, on aurait un régime qui ne dépendrait pas de l'emploi chez un employeur précis. Puis je pense que, pour le régime sectoriel en tant que tel, peut-être que l'avenue serait plus propice d'aller vers des régimes à prestations cibles que des régimes à prestations déterminées ou cotisation déterminée.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, Mme Racine. M. le leader de l'opposition.

• (20 h 50) •

M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour à vous deux, M. Telles, Mme Racine. Merci de votre présentation. Je l'apprécie parce qu'elle prend un point de vue un peu différent de beaucoup des intervenants qu'on a déjà entendus au cours des derniers jours, c'est-à-dire que vous vous basez vraiment sur le partage du risque entre les générations, ce qui est un concept qu'on a peu entendu jusqu'à maintenant, alors je suis content que vous soyez ici pour nous en parler.

Je veux revenir sur la question que le ministre a posée... bien, vous a posée, mais à laquelle M. Telles a répondu, c'est-à-dire, dans le cas où un régime à prestations déterminées... et c'est ce qui va se passer, là, à peu près tout le monde qui est venu en commission parlementaire nous a dit : Effectivement, et... les employeurs veulent se départir de leurs régimes à prestations déterminées pour passer vers autre chose. Alors, ça va se produire, les régimes à prestations déterminées vont migrer, avec ce projet de loi là... certains d'entre eux vont migrer vers des prestations cibles.

Ce que le ministre propose à travers son projet de loi, c'est que les travailleurs actuels, pour tout ce qu'ils ont déjà travaillé... bien, qu'ils gardent leurs bénéfices, c'est-à-dire leurs rentes qui ont été élaborées sur la prestation déterminée. Donc, pour tout ce qu'ils ont déjà travaillé, prestations déterminées; pour les nouveaux employés, bien, eux tombent sur un prestations cibles; puis pour tout ce qui est encore travaillé par les travailleurs qui étaient déjà là, ça aussi, c'est de la prestation cible.

Alors, ce que vous nous dites, c'est que ça, c'est une disparité de traitement, donc, dans le fond, que, si un régime qui est à... 100 % à prestations déterminées devient un certain pourcentage prestations déterminées, un certain pourcentage prestations cibles, bien, dans ce cas-là, ça augmente les disparités de traitement entre les générations, c'est ça? Donc, ça augmente la disparité intergénérationnelle.

O.K. Ça, c'est le principe de base du projet de loi, c'est ce qui va arriver, là, c'est le premier scénario qui va se produire et, on le sait, ça va se produire le 1er janvier 2021. Il y a des groupes qui sont venus nous voir en nous disant : Bien, nous, on va migrer vers ça si c'est ce que vous adoptez. Alors, dans ce contexte-là, je... ou depuis je ne sais pas combien d'années, je pense, depuis que le député de Saint-Jérôme militait chez vous, vous vous battez pour réduire l'inéquité intergénérationnelle, comment vous pouvez être en faveur d'un tel projet de loi? Vous dites que vous l'accueillez favorablement. Je comprends que vous avez toutes sortes de réticences, mais en même temps vous l'accueillez favorablement. Alors, s'il est pour augmenter l'inéquité intergénérationnelle, pourquoi vous accueillez favorablement ce projet de loi là?

M. Telles (Simon) : Je peux répondre à celle-là. On l'accueille favorablement avec toutes les recommandations puis les précisions qu'on apporte dans notre mémoire. Alors, d'une part, la création de cette nouvelle option là que sont les régimes à prestations cibles, ça devient un outil supplémentaire. Et on est pour la conversion des... ou on est pour d'utiliser ce nouveau véhicule là pour éliminer les clauses de disparité de traitement dans les 97 régimes hybrides qui sont en place et qui sont aujourd'hui inéquitables. Donc, selon nous, le projet est une opportunité pour faire ça, et c'est en ce sens-là qu'on voit le projet de loi comme une opportunité de se débarrasser de ces disparités-là.

M. Fortin : O.K., mais tout de suite, là, aujourd'hui, le projet de loi ne fait pas nécessairement ça. Alors là, je vous mets un peu sur le «hot seat», là, si je peux m'exprimer ainsi. Vous avez mon siège, je vous prête mon siège de député pendant quelques minutes — je veux le ravoir après — vous pouvez même siéger comme indépendants, si vous voulez, donc ne pensez pas à la ligne de parti, là, est-ce que vous votez pour ou vous votez contre le projet de loi? Parce que vous avez toutes sortes de réticences.

M. Telles (Simon) : Dans sa mouture... oui, dans sa mouture actuelle, c'est certain qu'on n'appuie pas le projet de loi. Il n'y a même pas d'ambiguïté qu'on ne serait pas en mesure de soutenir ce projet de loi dans sa forme actuelle, ça, c'est clair. C'est pour ça qu'on est là aujourd'hui, d'ailleurs.

M. Fortin : O.K. Donc, vous nous dites : Si vous réduisez ou si vous vous attardez à la question du partage du risque entre les générations, si vous réduisez ou si vous travaillez sur l'élimination de la clause des disparités de traitement pour l'ensemble des régimes de retraite et si vous ajoutez des jeunes dans les instances décisionnelles, à partir de ce moment-là, on pourrait... ou vous pourriez, là, dans mon siège, considérer voter pour, mais, dans sa forme actuelle, c'est non.

M. Telles (Simon) : C'est exactement ça, oui.

M. Fortin : O.K., très bien. Je veux juste, peut-être, dire une chose... Je vais laisser du temps à mon collègue, je ne sais pas combien il en reste, M. le Président, là.

Le Président (M. Simard) : 5 min 45 s.

M. Fortin : Parfait. Je veux juste... Dans certaines des recommandations, là, je reconnais l'influence de mon collègue Jean Habel, qui avait parlé de la présence aux conseils d'administration des gens âgés de moins de 35 ans. Donc, votre recommandation n° 3, moi, je la vois d'un très bon oeil, alors je tiens à vous le dire. M. le ministre, on vous en parlera rendus à l'article en question.

Mais la dernière question que j'aurais, c'est sur la recommandation n° 10. Vous voulez une série d'indicateurs d'équité intergénérationnelle, là. Je les vois, vos indicateurs. J'essaie de comprendre dans quel contexte vous voulez les inclure. Qu'est-ce que ça peut vouloir dire, spécifiquement, tous ces indicateurs-là? Je vous le dis, je les vois, je suis d'accord avec eux, mais j'essaie de comprendre comment ils peuvent s'inscrire dans le cadre de la loi.

Mme Racine (Éliane) : Bien, pour nous, les indicateurs peuvent s'inscrire vraiment pour aider, justement, comme on le mentionnait, là, Retraite Québec à effectuer une surveillance de l'équité intergénérationnelle dans les régimes. Parce que, comme on le sait, puis ça, ce n'est pas uniquement pour des régimes de retraite, ce n'est pas parce qu'une loi est votée que, nécessairement, le changement se fait sur le terrain. Puis on pense qu'en ayant des indicateurs puis en ayant une surveillance qui est faite par rapport à ces enjeux-là d'équité intergénérationnelle, bien, on va être en mesure de s'assurer que l'équité intergénérationnelle est bel et bien mise de l'avant dans les régimes de retraite au Québec.

M. Fortin : O.K., ça va. Je vous remercie de votre présence ce soir puis de vos recommandations. Mon collègue de Robert-Baldwin a des questions pour vous également. Merci.

M. Leitão : Très bien, merci beaucoup. Bonsoir, merci d'être là, bienvenue. Une question rapide, parce que ça m'intrigue un peu. Vous parlez de régimes sectoriels ou de la possibilité de mettre en place des régimes sectoriels. D'autres participants à cette commission ont mentionné la possibilité, aussi, de faire des regroupements d'actif. Ce n'est pas la même chose, mais presque. Vous, comment est-ce que vous voyez ça? Quand vous parlez des régimes sectoriels, qu'est-ce que vous voulez dire, au juste?

Mme Racine (Éliane) : Bien, je pense que, pour les régimes sectoriels, on le voyait un peu comme... on a déjà une commission des partenaires du marché du travail qui existe, dans laquelle il y a des représentants autant, là, des employeurs puis des travailleurs, puis je pense que, dans ce cas-là, ce serait un peu sous forme d'un régime qui pourrait s'apparenter, là, à de l'interentreprises puis qui pourrait permettre, justement, à un travailleur, là, de passer d'un employeur à l'autre sans perdre son régime.

M. Leitão : Très bien. Non, je comprends. La question que j'ai... le questionnement que j'ai, c'est avec la notion de «secteurs», parce que, de nos jours, c'est assez difficile de... enfin, il faudrait qu'on définisse ces secteurs-là de façon très, très large parce qu'un secteur traditionnel, c'est... enfin, de nos jours, ça n'existe presque plus, là, c'est... O.K.

Maintenant, les 90 ou 87 régimes actuels où il y a encore des clauses de disparité, donc, le «legacy» du passé, concrètement, comment est-ce que vous suggérez qu'on mette fin à ça?

M. Telles (Simon) : Je vous remercie de nous poser la question. Effectivement, c'est important d'y répondre. Ce qu'on pense qui est le meilleur mécanisme, c'est de donner un délai raisonnable aux parties syndicales et patronales pour négocier des régimes à prestations cibles qui vont donc être... sur lesquels ils vont s'entendre et qui vont permettre de les éliminer, suite à quoi on pourrait prévoir, s'il n'y a pas d'entente, un mécanisme d'arbitrage, par exemple au Tribunal administratif du travail, pour statuer sur les conditions. Mais on est confiants que les parties patronales et syndicales arriveraient à s'entendre. Les syndicats, même ceux qui ont montré certaines réticences face au projet, sont contre les clauses de disparité de traitement, et donc on ne voit pas comment, en laissant un délai aux parties patronales et syndicales, il n'y aurait pas moyen de s'entendre pour s'assurer que ces 97 régimes là où il y a des travailleurs, bien, ils soient encore coincés dans une disparité de traitement.

M. Leitão : Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Merci, cher collègue. M. le député de Rosemont.

M. Marissal : Oui, bonjour. Bonjour à vous deux. Bonsoir, je devrais dire, en fait. Merci pour le mémoire étoffé. Merci pour les recommandations, aussi, qui sont clairement rédigées et qui sont identifiées à l'article que ça vise aussi, ça aide beaucoup à suivre.

Par contre, là, j'ai peut-être une question d'ordre de vocabulaire. Là, dans votre recommandation n° 8, à la toute fin, on dit, là, «comportant des clauses de disparité de traitement puisse être conversé en régime à risques partagés». C'est une coquille ou... Pouvez-vous m'expliquer ce que vous voulez dire par là?

M. Telles (Simon) : C'est définitivement une coquille. On en discutait aujourd'hui, beaucoup de la littérature est en anglais sur cet enjeu-là, et c'est vraiment un abus de langage. Désolé pour la petite coquille.

• (21 heures) •

M. Marissal : O.K., ce n'est pas grave. Non, non, je comprends bien, ça m'arrive tout le temps.

Vous êtes, évidemment, assez opposés ou tout à fait opposés, selon ce que vous avez dit à mon collègue tout à l'heure, là, notamment aux disparités de traitement. Je ne m'étendrai pas parce que je n'ai pas le temps, mais c'est précisément ce que j'ai vécu, moi, avec mon ancien employeur il y a probablement une... bof, le temps passe vite, là, mais peut-être sept, huit, 10 ans déjà, où on a dû se fendre le coeur — «on» étant les plus vieux de l'entreprise — et se résigner à avoir deux types de régimes parce que l'entreprise n'y arrivait pas, nous disaient-ils.

Le ministre disait, tout à l'heure : Le projet de loi n° 68 ne permet pas de transfert d'un régime PD en PC, mais, un nouveau régime, on pourrait le faire lors d'une négo. Moi, d'expérience, là, de ce que j'ai couvert comme histoires puis de ce que j'ai vécu à La Presse, là, pour ne pas la nommer, il n'y a pas vraiment de négo dans ce genre d'histoire là; s'il y a une négociation, ça ressemble plus à un canon sur la tempe, parce que tu dis oui, ou tu perds ta job, ou on ferme la shop, ou on fait des licenciements massifs. Si, là, d'aventure, on devait aller vers ça, néanmoins, et créer de nouveaux régimes en PC, quelles conditions y voyez-vous ou quelles conditions pourrions-nous ajouter pour que ce ne soit pas la norme, pour que ça devienne systématiquement la norme que, dès qu'une entreprise dit : J'ai quelques problèmes financiers, je n'y arrive plus, ça coûte trop cher, ton régime coûte trop cher, c'est ça ou alors on est obligés de...

Le Président (M. Simard) : Très bien. M. Telles, rapidement, s'il vous plaît.

M. Telles (Simon) : Éliane, peut-être, là-dessus.

Mme Racine (Éliane) : Oui, bien, rapidement, je dirais que c'est simplement de mettre en place des régimes qui vont vraiment s'apparenter le plus possible à des régimes à prestations déterminées plutôt que d'aller vers des prestations cibles, qui ressemblent davantage à de la cotisation déterminée.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, madame. M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci. Merci à vous de compléter notre consultation sur le projet de loi n° 68. Force Jeunesse, en force de soirée, ça nous garde actifs.

Je voudrais aller rapidement à la recommandation n° 6, puis je veux bien comprendre, là. On a les travailleurs qui nous ont dit... qui ont plaidé en faveur du régime à prestations cibles parce qu'ils avaient entre les mains la gestion du fonds des travailleurs. Vous faites référence au régime de cotisation déterminée, qui, malheureusement, est entre les mains des travailleurs, qui, pour la plupart, ont une très faible littéracie financière. Or, c'est un petit peu ça que veut faire le régime à prestations cibles, permettre à des travailleurs d'avoir entre les mains leurs régimes de retraite, d'être outillés, accompagnés par des professionnels et de bâtir une expertise qui sera transférée à l'intérieur même de l'exécutif syndical. Donc, je comprends mal votre recommandation n° 6 sur la fiducie qui va rajouter des compétences et donc amener des gens à gérer le fonds de pension à la place des travailleurs, alors que c'est la volonté des travailleurs d'avoir entre les mains les clés de leurs régimes de retraite et de leur permettre de décider qu'est-ce qui est bon pour les travailleurs, d'en discuter, d'en débattre, de s'informer et d'échanger.

M. Telles (Simon) : C'est une préoccupation, effectivement, qui est... en fait, un argument qui est intéressant. Nous, ce qu'on craint, dans le régime à prestations cibles en général, c'est qu'il repose trop de poids sur le travailleur, et c'était, pour nous, une façon qui permettait d'équilibrer les responsabilités dans la gestion du régime. Mais votre commentaire est intéressant, puis certainement que c'est aussi une préoccupation pour nous que les travailleurs, les travailleuses puissent participer, aussi, activement au régime. Donc, c'est un des désavantages de cette façon-là de procéder, effectivement.

Mme Racine (Éliane) : Mais... puis, si je peux compléter, dans notre optique, la fiducie n'était là pas nécessairement pour mettre en place toutes les règles du régime. Ces règles-là, quant à nous, doivent être mises en place par un comité de retraite qui va être formé, justement, des participants, puis la personne est vraiment plus l'administrateur du régime, donc de s'assurer de mettre en place ces procédures-là.

M. Ouellet : Et c'est pour ça que, pour moi... si vous cherchez à faire apparaître, sur ces conseils-là, la présence d'un jeune de 35 ans, si on impartit ça à un tiers plus compétent ou plus outillé, on ne vient pas de fermer, un peu, un poste qui serait peut-être disponible, justement, au jeune pour apprendre à administrer un fonds de retraite et de lui donner un peu ses indications et son intérêt par rapport à son groupe d'âge?

M. Telles (Simon) : Selon nous, il y aurait moyen, même avec les fiducies, que les jeunes puissent continuer à s'impliquer. Mais, comme on discutait un peu plus tôt, la complexité des enjeux, des paramètres... selon nous, l'avantage est plus important de créer ce genre de fiducie, surtout dans l'optique où le poids de ce régime-là repose davantage sur les travailleurs. Mais c'est définitivement le contrecoup d'une mesure comme ça.

Le Président (M. Simard) : Merci. Alors, M. Telles, Mme Racine, un énorme merci de vous être joints à nous en cette soirée d'élections américaines, et vous étiez tout aussi intéressants que les résultats que nous pouvons constater.

Ceci étant dit, nous sommes au terme de ces consultations particulières. Je vous remercie toutes et tous pour votre précieuse collaboration.

Mémoires déposés

Je dépose officiellement l'ensemble des... mémoires, dis-je, qui nous ont été déposés. Et, sur ce, je vous remercie à nouveau, et je termine nos travaux de manière sine die. Au revoir.

(Fin de la séance à 21 h 05)

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