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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mercredi 10 juin 2020 - Vol. 45 N° 69

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 61, Loi visant la relance de l’économie du Québec et l’atténuation des conséquences de l’état d’urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19


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Table des matières

Auditions (suite)

Barreau du Québec

Vérificateur général

Mémoires déposés

Intervenants

M. Jean-François Simard, président

M. Christian Dubé

M. Gaétan Barrette

Mme Marie-Claude Nichols

M. Vincent Marissal

M. Martin Ouellet

M. Guy Ouellette

Mme Lise Thériault

*          M. Paul-Matthieu Grondin, Barreau du Québec

*          Mme Sylvie Champagne, idem

*          Mme Guylaine Leclerc, Vérificatrice générale

*          M. Serge Giguère, bureau du Vérificateur général

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente et une minutes)

Le Président (M. Simard) : Bienvenue à toutes et à tous. Je constate que nous avons quorum, nous pouvons donc débuter nos travaux.

Comme vous le savez, la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 61, Loi visant la relance de l'économie du Québec et l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19.

Mme la secrétaire, bonjour. Y a-t-il des remplacements aujourd'hui?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Alors, M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel) et M. Fortin (Pontiac) est remplacé par Mme Nichols (Vaudreuil).

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Barrette : ...

Le Président (M. Simard) : Il n'y a pas de quoi, M. le député de La Pinière.

Auditions (suite)

Ce matin, nous entendrons le Barreau du Québec. Nous avons l'honneur ce matin de recevoir Me Paul-Matthieu Grondin, bâtonnier — bienvenue, monsieur — accompagné de Me Sylvie Champagne, secrétaire et directrice.

Bienvenue à vous deux. Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes. Nous vous écoutons.

Barreau du Québec

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Alors, M. le ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés, je vous remercie pour votre invitation.

Alors, je m'appelle Paul-Matthieu Grondin. Je suis bâtonnier du Québec. Je suis accompagné de Me Sylvie Champagne, qui est secrétaire de l'ordre et directrice du Secrétariat de l'ordre et des Affaires juridiques du Barreau du Québec.

J'aimerais commencer en disant que le Barreau appuie la volonté du gouvernement de vouloir relancer l'économie mais considère qu'elle devrait notamment être mise en équilibre avec diverses préoccupations en regard des nouveaux pouvoirs octroyés au gouvernement par le prolongement indéfini de l'état d'urgence sanitaire, l'adoption de nombreuses mesures d'atténuation par décret et l'immunité de poursuite conférée au gouvernement. Alors, je m'explique.

Tout d'abord, le projet de loi propose que l'état d'urgence sanitaire qui a été déclaré par le gouvernement le 13 mars soit prolongé indéfiniment, jusqu'à ce que le gouvernement décide d'y mettre fin.

Cet article est au coeur de nos préoccupations. Cette mesure va en effet directement à l'encontre de ce qui est normalement prévu par la Loi sur la santé publique, qui précise que le gouvernement ne peut déclarer l'état d'urgence sanitaire que par période de 10 jours.

Le Barreau du Québec comprend que les règles mises en place dans la Loi sur la santé publique visent à atteindre l'objectif de la loi. Or, les pouvoirs octroyés au gouvernement par la Loi sur la santé publique sont larges. Ils incluent notamment le pouvoir de faire des dépenses et de conclure des contrats que le gouvernement juge nécessaires de même que d'ordonner toute autre mesure nécessaire pour protéger la santé de la population. Ces larges pouvoirs doivent avoir un contrepoids qui permet de mettre en balance les règles habituelles prévues aux lois avec les mesures exceptionnelles que le gouvernement pourrait imposer en temps de pandémie.

L'inconvénient pour le gouvernement de devoir renouveler l'état d'urgence aux 10 jours est relativement faible, et je dirais même insignifiant, comparativement aux risques d'affaiblissement significatif des contre-pouvoirs d'un État de droit tel que nous le voyons dans le présent projet de loi. Cela est d'autant plus vrai dans le contexte actuel du déconfinement où les activités habituelles de la population reprennent progressivement.

D'ailleurs, une vérification des lois applicables dans les autres juridictions canadiennes nous indique que les déclarations d'urgence sanitaire qui octroient de tels pouvoirs au gouvernement sont toutes limitées dans le temps, et, pour le moment, nous n'y avons constaté aucune exception.

De plus, le projet de loi accorde d'importants pouvoirs à l'exécutif, qui peut notamment déterminer que toutes les règles prévues dans les lois ou les règlements ne s'appliquent pas afin de prévenir ou d'atténuer toutes conséquences découlant de la pandémie de la COVID-19. Le gouvernement peut également soustraire certains contrats aux normes prévues par la LCOP.

Ces mesures devraient faire l'objet d'un contrôle accru par l'Assemblée nationale. Si un règlement permet normalement de préciser les modalités d'application d'une loi, il ne devrait pas avoir pour objet de définir les concepts fondamentaux en vertu desquels elle sera appliquée ou bien en exclure tout simplement l'application.

Nous sommes préoccupés par le fait que la pandémie de la COVID-19 puisse être invoquée pour permettre d'outrepasser ces règles qui constituent maintenant l'un des piliers de la lutte contre la corruption et la collusion.

 Par ailleurs, le projet de loi confère une immunité de poursuite au gouvernement, ministres, organismes publics et toute autre personne pour des actes accomplis de bonne foi dans l'exercice des pouvoirs qui leur sont conférés.

On retrouve une immunité similaire dans la Loi sur la santé publique, elle qui octroie de larges pouvoirs, mais uniquement relativement à des enjeux de santé publique, et les décisions qui pourraient être attaquées sont normalement prises rapidement dans le cadre d'une déclaration d'urgence sanitaire de 10 jours.

Le présent projet de loi a un champ d'application beaucoup plus large, beaucoup plus étendu et propose que l'état d'urgence sanitaire soit prolongé indéfiniment. Nous n'avons pu identifier aucune exigence temporelle à ce qu'une telle immunité soit octroyée.

On trouve effectivement au projet de loi une panoplie de pouvoirs attribués au gouvernement ou à d'autres organismes afin de favoriser la relance de l'économie, objectif avoué du projet de loi. L'on n'a qu'à penser aux 202 grands chantiers d'infrastructures qui feront l'objet de mesures d'accélération.

Ainsi, les entreprises qui participeront aux travaux de ces grands chantiers bénéficient-elles de cette immunité? Quelles sont les réelles limites d'une immunité de poursuite mise en place dans un projet de loi qui ratisse si large et qui donne de si grands pouvoirs à l'exécutif?

Si l'immunité de poursuite doit absolument se retrouver dans ce projet de loi, elle devrait être rédigée de la même façon que celle prévue à l'article 123 de la Loi sur la santé publique. En effet, le changement de termes dans le libellé laisse croire qu'il existe une intention de modifier la portée de l'immunité puisque, l'adage le dit, le législateur ne parle pas pour ne rien dire.

M. le Président, voilà qui fait le tour des enjeux principaux que le Barreau voulait aborder avec vous dans le cadre des consultations sur le projet de loi n° 61. Je tiens à vous remercier de l'invitation, et, puisqu'il me reste quelques secondes, probablement, j'aimerais féliciter la secrétaire de l'ordre pour son travail dans la production de ce mémoire ainsi que Nicolas, Réa et Anna, qui nous écoutent probablement en ce moment. Merci beaucoup à vous.

Le Président (M. Simard) : Alors, M. le bâtonnier, vos bons mots sont très certainement déjà rendus. Merci de l'avoir fait, cela vous honore.

Je cède maintenant la parole au président du Conseil du trésor.

M. Dubé : Merci, M. le Président. Alors, M. Grondin, Mme Champagne, merci de vous être, premièrement, libérés sur un avis, sur un délai aussi court. Alors, merci d'être là, parce que votre opinion et cette consultation-là est très importante pour nous. Vous connaissez très bien ce qu'on vit au Québec depuis plusieurs mois, et ce projet de loi là est excessivement important pour notre gouvernement, pour l'ensemble des Québécois, parce qu'on doit trouver rapidement des solutions, et, justement, l'accélération de nos infrastructures est un élément clé de notre plan de relance. Alors, j'apprécie votre présence.

Et je vous dirais, d'entrée de jeu, qu'après avoir déjà eu quelques consultations et du travail avec l'opposition, où on a commencé par un... deux briefings techniques la semaine dernière, je vous dirais que je n'ai pas vraiment de grande surprise de vos commentaires, mais je voudrais quand même en discuter ou peut-être expliquer certains éléments pour obtenir peut-être un peu de précision sur ce que vous suggérez comme changements. Parce que, je l'ai bien mentionné puis je l'ai dit plusieurs fois, ce projet de loi là, il est perfectible parce que, dans un état de crise, il ne faut pas attendre d'avoir la perfection pour prendre une décision. Il faut mettre quelque chose sur la table, être capable d'obtenir les commentaires de ceux avec qui on travaille. C'est comme ça qu'on a travaillé dans cette crise-là depuis le début. Alors, aujourd'hui, d'avoir la chance de... d'entendre vos commentaires, pour moi, je vais prendre tout le temps nécessaire pour vous écouter.

• (11 h 40) •

Bon, sur la question de la prolongation indéfinie, bon, je pourrais vous donner un ensemble de raisons, mais il y en a une qui nous avait, je dirais, guidés vers cette... de garder la période ouverte, on peut dire «indéterminée», «indéfinie», il y avait une question de prévisibilité, ce qu'on a trouvé difficile pour plusieurs des décisions qu'on a eues à prendre dans les premiers mois, puis je vous donne un exemple.

Prenons, par exemple, l'éducation, l'école. Vous savez, quand on tombe en période de pandémie, une des premières choses qu'on a réalisées avec la Santé publique, c'est qu'on regarde le bassin de population qui peut bouger, qui doit être distancé, puis on tombe rapidement, lorsqu'on prend le domaine des affaires, à 1,5 million de travailleurs, qu'ils soient dans le commerce, etc. Mais, quand on y rajoutait les enfants, on tombe déjà à un autre million de personnes. Ça... Le nombre de personnes qui étaient impliquées dans les décisions qu'on prenait était immense, hein? On se comprend?

Puis, lorsqu'on avait à prendre des décisions sur la distanciation, comment on pouvait minimiser des infections, il fallait toujours avoir en tête pour qui on le faisait pour être capables de prendre les bonnes décisions. Est-ce qu'on rouvre les écoles plus tôt? Est-ce qu'on ferme? Est-ce qu'on laisse les commerces fermés? Vous me suivez, là? C'était toujours de... C'est facile de confiner, mais le déconfinement est beaucoup plus difficile que le confinement. Ça, je pense que tout le monde comprend ça aujourd'hui.

Le point que je veux faire, c'est qu'on a essayé, avec cet élément du projet de loi là, de se donner un peu de prévisibilité, avec l'élément dont vous parlez, là, pour fixer la période. J'aimerais vous entendre. Parce que c'est sûr qu'on a un petit peu plus d'expérience, là, de comment on a vécu la pandémie de cette première phase là, mais je dois vous dire... puis je pense qu'on ne doit pas se le cacher, je pense qu'il faut bien gérer ce qui s'en vient. On aura probablement une deuxième phase. On le voit un peu partout, que ce soit en Europe, en Asie, que ce soit en Australie, on voit qu'il n'y a rien encore de stabilisé. Puis ceux qui l'ont connu avant nous vont probablement nous indiquer un peu ce qu'on va vivre dans les prochains mois. Je ne veux pas être le prophète de malheur, mais je pense qu'il faut être réaliste.

Donc, cette notion-là de prévisibilité nous a guidés de la façon dont on voulait se garder une réserve d'avoir le plus de flexibilité possible sur la période de crise sanitaire pour être capable de dire... Le ministre de l'Éducation, quand il prend une décision, bien, il se dit : O.K., je vais être encore en période sanitaire, donc comment je peux prendre mes décisions par rapport aux écoles, par exemple? Vous me suivez?

Alors, aujourd'hui, quand... J'entends et je vois vos commentaires. Vous me dites : On devrait... ce n'est pas ça que vous dites, mais on devrait l'enlever, on devrait revenir à la règle de... Mais comment vous pouvez nous aider, comme gouvernement, à s'assurer qu'on a un minimum de prévisibilité par rapport à ces décisions-là où est l'existence de la crise sanitaire?

Je vous donne un exemple. Je donne un exemple. Hier, par le Protecteur du citoyen, on nous a suggéré de dire que ça serait pour un maximum de six mois. Bon, j'aimerais vous entendre sur cette suggestion-là parce que ça sera probablement une de nos étapes. Je ne veux pas présupposer de ce que nos collègues de l'opposition... parce qu'on n'est pas rendus, justement, à faire cette discussion-là, mais j'aimerais vous entendre sur cette suggestion-là par rapport au fait de revenir... ce n'est pas ça que vous avez dit, mais à l'existentiel, en ce moment, qui est de 10 jours ou de 30 jours, là, dépendamment. Est-ce que je peux vous demander une réponse là-dessus, s'il vous plaît?

Le Président (M. Simard) : Me Grondin.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Absolument. Donc, voici. La Loi sur la santé publique et la déclaration de l'État d'urgence sanitaire est supposée être inconfortable pour le gouvernement. Donc, ce qui se passe, c'est que, quand on demande de très, très larges pouvoirs, et c'est ça — vous permettrez l'anglais, là — le deal dans la Loi sur la santé publique, quand on demande de très, très larges pouvoirs, il faut qu'il y ait un rempart à ces très larges pouvoirs, le rempart étant les 10 jours ou les 30 jours à l'Assemblée nationale. Donc, c'est supposé être inconfortable, c'est supposé être tannant, c'est supposé être plate pour le gouvernement de se justifier à chaque 10 jours ou à chaque 30 jours avec l'Assemblée nationale. Ce temps-là est inné à la loi. Ce n'est pas une simple particularité.

Donc, en échange des pouvoirs, il y a le temps. Donc, on comprend que c'est inconvenant, le 10 jours. Par contre, est-ce que c'est 10? Est-ce que c'est 14 comme dans d'autres provinces? Puis il n'y a pas de définition constitutionnelle à ça, on s'entend. Cela dit, ce délai-là est aussi important que les pouvoirs qu'on octroie. Donc, il est très important et capital. C'est la condition à la déclaration de l'état d'urgence sanitaire.

Donc, nous, on est vraiment sur la question de principe et, bon, évidemment, on ne donne pas de conseils sur la relance de l'économie, ce n'est pas notre force. Par contre, sur ce principe fondamental là, je pense que c'est important qu'on n'y déroge pas, parce que, la prochaine fois, bien, après ça... à chaque fois qu'on l'utilise, bien, après, ça devient l'appendice, ça devient une deuxième pensée ou ça devient plutôt un détail.

Donc, c'est pour ça qu'il faut être ferme sur certains principes comme celui-là. Mais je conçois très bien que, pour le gouvernement, ça ne soit pas pratique, mais ce n'est pas supposé l'être. En fait, c'est supposé être inconvenant.

M. Dubé : Est-ce que je peux vous demander... puis, si vous ne voulez pas le faire, c'est correct, là, mais, la suggestion de ce qu'on a entendu de la Protectrice du citoyen, vous n'êtes pas plus confortable avec cette proposition-là?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Donc, évidemment, l'objectif de tout le monde, je pense, c'est de ramener cette période-là au moins de temps possible. Je pense que c'est l'objectif de tout le monde. Donc, je pense que le principe, ici, est important, là, pour ça. Je ne me prononcerai pas sur un objectif de temps. Je pense que le 10 jours a été pensé, je pense que le 30 jours a été pensé, puis c'était prévu comme étant inconvenant.

Donc, voilà, je ne sais pas. Me Champagne, vous aviez quelque chose?

Mme Champagne (Sylvie) : Oui, si vous regardez dans l'annexe, M. le ministre, vous allez voir que, partout, toutes les provinces canadiennes...

Une voix : ...

Mme Champagne (Sylvie) : Oui, de l'annexe I. C'est un délai de 14 jours, souvent c'est renouvelable 28 jours. Ça fait qu'on comprend que c'est le double.

Il n'y a pas de province où on a donné une période indéterminée. Ce qu'on a vu le plus large, c'est l'Alberta et le Yukon. Vous allez voir que, pour une pandémie reliée à l'influenza qui pourrait s'apparenter avec le coronavirus, c'est une période maximale de 90 jours. Donc, on est encore à la moitié du délai de six mois proposé par la Protectrice du citoyen. Alors, on invite les parlementaires à ne pas aller trop loin. C'est une première pandémie que nous vivons, puis on pense qu'effectivement, comme le dit le bâtonnier, donner de larges pouvoirs, ça doit être limité dans le temps.

M. Dubé : Alors, écoutez, je vous ai expliqué un petit peu le principe qu'on avait en tête, prévisibilité, et tout ça, puis je prends bien votre commentaire en note, puis j'apprécie que vous soyez aussi clairs.

Alors, j'irais sur votre deuxième recommandation, je n'ai pas besoin de vous la répéter, mais comment elle est importante pour vous, là, de... si vous me... Je veux entendre quelques-uns de vos arguments pour justifier...

M. Grondin (Paul-Matthieu) : ...proposition... Vous êtes juste... En titre, vous êtes sur...

M. Dubé : Bien, moi, je prenais... bien, je prenais toute la question de l'immunité. Je ne sais pas dans quel ordre vous... Je veux juste regarder... Parce que je regarde présentement dans votre... Ne bougez pas. Vous êtes...

Bon, parlons de 50. Parlons de 50 puis on reviendra sur l'immunité, si vous permettez. Parce que j'interprète, là, puis c'est pour ça que je vous disais : Dans votre deuxième, vous avez fait la référence de dire qu'est-ce qu'on peut faire par règlement versus par loi. Je pensais que vous faisiez référence spécifiquement à 50, mais peut-être que... C'est ça? Je comprends bien?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui. Donc là, on parle de l'adoption par règlement de certaines choses?

M. Dubé : Oui. Bien, alors donc?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : O.K. Donc, il y a une espèce de structure interne aux lois, hein? Donc, souvent... Puis, pour essayer de mettre ça le plus clair possible, l'Assemblée nationale adopte une loi, ensuite on peut en adopter, des règlements.

Ici, par règlement, on pourrait venir modifier l'objectif d'une loi. C'est un peu contre nature dans le processus parlementaire, je vous dirais. Pour le mettre le plus clair possible, là, d'habitude, on a une loi habilitante qui permet des règlements. Là, par contre, un règlement pourrait venir modifier ou atténuer la loi. Pour le dire le plus simplement possible, ce n'est pas dans l'ordre naturel des choses parce qu'évidemment ça transfère un certain pouvoir de l'Assemblée nationale au gouvernement. Donc, c'est ça. En gros, c'est ça qu'on trouvait, je dirais, au moins particulier.

• (11 h 50) •

Mme Champagne (Sylvie) : Et peut-être aussi pour vous dire que, s'il y a des modifications que vous aimeriez apporter aux lois, que ce soit la Loi sur la santé publique pour le délai ou la Loi sur les contrats des organismes publics, on pense qu'une bonne façon de le faire ça serait de modifier ces lois-là et pas de mettre une loi particulière, parce que, pour les citoyens, ça devient complexe de se retrouver. Puis je peux vous dire qu'en temps de pandémie les citoyens, ils ont beaucoup d'anxiété, ils ont beaucoup de choses à gérer, et de commencer à chercher quelles sont les règles applicables, quelles sont leurs obligations, de les mettre dans des lois différentes, ça n'aide pas les citoyens à s'y retrouver.

M. Dubé : O.K. Je vous entends, comme principe, puis je pense qu'il n'y avait pas de... en tout cas, je laisserai les autres commenter, il n'y avait vraiment pas d'objectif négatif sur cette approche-là. Je pense que c'est une correction qui est assez facile à apporter puis j'apprécie très bien, là, le grand principe que vous amenez.

Troisièmement, sur la question de l'immunité, bon, je dois vous dire, en toute candeur, que, lorsque moi, j'ai regardé la première version de ce projet de loi, l'immunité, pour moi, était standard dans quelques projets de loi que j'ai eu la chance de voir depuis que je suis ici, là, dans mon rôle. Puis, honnêtement, quand je vous entends... puis là je pense que vous le précisez très bien, vous dites... il y a du langage, dans cette version-là, qui vous inquiète. Alors, je dois vous dire, puis je le dis en toute candeur, là, que j'apprécie votre commentaire. Puis là j'aimerais vous entendre parce que, s'il a été... Puis j'ai énormément confiance dans nos légistes parce qu'on a du monde, je peux vous dire, depuis quelques mois, qui travaillent... bien, depuis plusieurs années, mais particulièrement dans les derniers mois, qui ont travaillé jour et nuit sur plusieurs projets. Je vous demande de peut-être nous aider à identifier qu'est-ce qui vous pousse à faire le commentaire qu'il y a peut-être une terminologie que vous ne retrouvez pas dans la formule standard de l'immunité. Est-ce que je pose bien ma question? Vous me comprenez?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui, absolument. Premièrement, je voudrais faire écho à vos commentaires sur la qualité des gens qui travaillent au gouvernement général, là...

M. Dubé : Merci.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : ...pour avoir à travailler avec eux souvent, puis on sait que tout le monde travaille de longues heures ces temps-ci. Donc, ça, je salue cet effort-là, là, évidemment.

Sur la question de l'immunité, donc, l'immunité qui est dans la Loi sur la santé publique, sur lequel la disposition que vous avez dans le projet de loi n° 61, elle est calquée un peu, là... un peu, d'ailleurs, pas parfaitement, puis c'est là qu'on a quelques soucis, elle est calquée un peu sur la disposition d'immunité dans la Loi sur la santé publique.

Or, la disposition... l'immunité, dans la Loi sur la santé publique, s'explique très facilement. Donc, quand on a l'urgence sanitaire pendant 10 jours, bien, évidemment, le gouvernement, il faut qu'il prenne des décisions extrêmement rapidement, il ne peut pas passer par ses processus usuels, et donc il y a cette explication-là. Vous savez, dans le tournant des premières journées, évidemment, vous prenez des décisions très, très, très rapides, donc il est important qu'il y ait une immunité. À mesure que les choses progressent, évidemment, cette balance-là entre l'immunité qu'on donne et aux décisions qui peuvent être prises de plus en plus lentement ou de plus en plus conformes à tous les processus, bien, l'argument s'atténue un peu.

Et ici, dans le projet de loi n° 61, on a vu une disposition semblable mais qui n'était pas tout à fait pareille que celle dans la Loi sur la santé publique. Or, il y a peut-être deux problèmes là-dedans. Donc, premièrement, il y a l'argument : Est-ce que cette immunité-là est nécessaire? Bon, puis c'est une question qu'on laisse souvent aux parlementaires. Il y a des plus et des moins à tout ça. Mais le fait qu'elle ne soit pas pareille veut dire qu'elle a...

M. Dubé : ...pareille que dans celle de la...

M. Grondin (Paul-Matthieu) : ...que la Loi sur la santé publique, donc, veut dire qu'elle est différente, évidemment. Et il y a un principe qui dit que le législateur ne parle pas...

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : ...oui, ne parle pas pour ne rien dire. Et donc il y a une différence entre les deux qui laisse place à interprétation.

M. Dubé : On pourra peut-être continuer. Merci beaucoup...

Le Président (M. Simard) : Bien sûr. Je cède maintenant la parole au député de Lotbinière pour une période de 10 min 20 s.

Une voix : ...

Le Président (M. Simard) : Lotbinière! Je m'excuse. La Pinière.

M. Barrette : O.K. Parfait. Non, je...

Le Président (M. Simard) : C'est que ça sonne quand même...

M. Barrette : C'est bon. Bon, écoutez... Bien, d'abord, merci, Me Grondin, Me Champagne, d'être ici aujourd'hui. C'est sûr que, de notre côté, on reçoit très favorablement votre mémoire. Et je vais, essentiellement, vous citer. Vous nous présentez un mémoire qui est dans l'optique du citoyen, c'est-à-dire que ce que l'on fait, ce sont pour les citoyens. Les citoyens doivent comprendre, et c'est leur intérêt en premier qui doit primer et non celui du gouvernement. Est-ce que je peux dire que je fais une bonne lecture?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Évidemment, le gouvernement prend les décisions qu'il a à prendre en mesure d'urgence sanitaire. Et le 10 jours, le 30 jours, par exemple, est clairement...

M. Barrette : Je ne faisais pas référence aux 10 jours. Globalement, là, vous, là, on est dans une société de droit : le citoyen ne peut pas être lésé par des mesures d'exception, là.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui. Donc, la mission du Barreau, c'est la protection du public, effectivement.

M. Barrette : Voilà. C'est important parce que... Vous l'avez exprimé dans des mots... Puis je vous écoutais puis je prenais des notes, puis vous avez utilisé des mots que j'ai notés, c'est assez intéressant. Vous ne l'avez pas dit comme ça, là, mais le ministre, lui, il l'a dit comme ça. Quand il parle des prévisibilités, là, il se sert de l'immunité comme étant un outil gouvernemental de travail. Et, quand vous dites... Puis c'est comme ça que c'est, hein? Le gouvernement, il trouve ça inconfortable de devoir revenir puis justifier une reconduction de telle période de temps de l'immunité, il voudrait avoir quelque chose de prévisible : Laissez-moi faire ce que je veux. Alors, vous, vous avez bien dit, puis je le reprends à dessein, là : C'est vrai que c'est inconfortable pour le gouvernement, mais, dans une démocratie, à un moment donné, le gouvernement doit se justifier lorsqu'il prend des mesures d'exception. Moi, j'ai bien apprécié le mot que vous avez utilisé, là : C'est vrai que c'est inconfortable pour le gouvernement. Et ça l'est.

Moi, j'aimerais aller... parce qu'on a moins de temps, là, nous autres, là, puis ma collègue la députée de Vaudreuil aura sûrement une ou deux questions à vous poser, je veux aller sur l'expropriation. L'immunité, là, on comprend bien ce que vous dites. Je pense que j'ai résumé les enjeux de ça, ce n'est pas un outil, ce n'est pas quelque chose que le gouvernement peut utiliser comme ça, comme bon lui semble. Quand on rentre dans le détail du projet de loi, il y a des articles qui traitent de l'expropriation. Là, est-ce que vous trouvez que, dans la rédaction actuelle, ça va trop loin?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : On pense que oui. Donc, bon, l'expropriation, évidemment, c'est quelque chose d'important, là, pour les gens. Donc, ce n'est évidemment pas plaisant de se faire exproprier, là. Dans la Loi sur l'expropriation, il y a des remparts. Et, un des éléments, donc, à l'article 53.13, cette modification-là qu'on vient faire, disant que le ministre, bon, fixe l'indemnité provisionnelle, là, si vous voulez, j'y vais très techniquement, habituellement, c'est le tribunal, tout ça peut être jugé d'urgence.

Donc, oui, dans le mémoire, il y a un certain détail, puis on s'attarde à l'expropriation. C'est évident que plus les citoyens conservent des droits, mieux c'est. Puis ensuite, bon, on comprend qu'il y a une volonté d'accélérer les choses. À un certain moment donné, le Barreau, bon, ne veut pas être trop dans les choix politiques, là, mais c'est certain qu'on retire certains droits qui existent à la Loi sur l'expropriation.

M. Barrette : Très bien. Je vais vous demander une question qui relève de l'expérience, peut-être, de vous deux comme praticiens du droit. Actuellement, là, le gouvernement nous présente ça, cette attaque aux droits des gens, comme étant une manière d'accélérer des procédures. Qu'est-ce qui fait, aujourd'hui dans le droit, que c'est si lent que ça, l'expropriation?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Il y a certaines choses, dans l'expropriation, qui peuvent être jugées d'urgence. Il y a aussi certains paliers décisionnels, donc, évidemment, on peut faire appel de certaines décisions. Donc, ça, il faut être parfaitement honnête là-dessus.

C'est un processus qui existe quand même depuis un certain bout de temps, hein, puis les choses se passent quand même. Donc, la réalité, c'est que, peu importe l'expropriation ou d'autres choses, plus vous avez de paliers, plus vous avez de remparts, plus vous assurez que tous les droits sont respectés. À chaque fois que vous enlevez un de ces paliers, à chaque fois que vous passez outre une certaine mesure, il y a un potentiel à ce que des gens perdent certains droits.

M. Barrette : Je vous arrête, Me Grondin. Je comprends très bien ce que vous me dites. Je suis d'accord avec vous. Moi, ce que j'essaie d'établir, là, c'est que dans la procédure d'expropriation, dans le vécu de la chose, aujourd'hui au Québec, il y a des étapes dans une expropriation. Elles ne vont pas toutes vites, et les étapes, elles sont la responsabilité des deux parties. Les deux parties, il y a l'exproprié, il y a l'expropriant. Est-ce que c'est raisonnable de dire que l'expropriant, qui est l'État, le ministère des Transports la plupart du temps, ils ne vont pas toujours, un, à la vitesse de la lumière, deux, les indemnités provisionnelles ne sont peut-être pas toujours généreuses, ce qui amène à des contestations?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Pour répondre très honnêtement, à tout moment, il peut y avoir des délais qui sont occasionnés des deux côtés, là. C'est difficile de tirer une règle générale là-dessus, je vous dirais.

M. Barrette : Je ne souhaite pas que vous tiriez une règle générale, mais est-ce que je peux dire que, si une des deux parties se traîne les pieds, là, volontairement ou non, ça ralentit la procédure?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Comme dans toute chose.

• (12 heures) •

M. Barrette : Exactement. Je suis convaincu que vous êtes bien au fait du droit à l'extérieur du Québec, là, dans le Canada, vous faites ce genre de comparaison là. À l'extérieur du Québec, je constate que, dans toutes les provinces, les frais juridiques à la charge de l'exproprié sont à la charge... de l'expropriant. L'État, quand c'est l'État — bien, c'est toujours l'État ou la ville, là — a la responsabilité d'assumer les frais de l'exproprié, et, ce faisant, ça devient un incitatif pour qu'il ne se traîne pas les pieds, justement, parce que sa facture, son coût augmente. Est-ce que c'est raisonnable de penser comme ça, puis est-ce que vous voyez ça, vous aussi?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : C'est un peu le cas déjà au Québec, mais je laisserais peut-être Me Champagne répondre à la question.

Mme Champagne (Sylvie) : J'ai écouté les travaux hier, M. le député, puis je vous ai entendu puis je me suis préparée. J'ai vérifié, mais je n'ai pas eu le temps de vérifier toutes les provinces. Donc, je vous dirais qu'en Ontario puis en Colombie-Britannique il y a effectivement des dispositions qui permettent au tribunal, si l'exproprié reçoit, dans le fond, plus que ce que l'expropriant lui offrait, d'avoir une certaine compensation pour les frais légaux, mais il faut ajouter le terme «raisonnable». Donc, ce n'est pas on présente la facture puis on paie. Donc, c'est des frais légaux raisonnables.

Et c'est la même chose au niveau du droit fédéral, il y a un pouvoir discrétionnaire d'adjuger les frais. Puis, quand on parle des frais légaux, on parle aussi, là, des expertises, hein? Souvent, ça entraîne des coûts importants pour des expertises. Et donc, oui, ça existe dans les autres provinces.

M. Barrette : Donc, dans ce régime-là, il y a intérêt pour l'État, en tout cas, pour les parties certainement, mais aussi pour l'État, d'agir avec diligence. Est-ce que je peux dire ça?

Mme Champagne (Sylvie) : Bien, la question de la diligence, je pense que c'est important dans toutes les procédures. C'est un principe de notre procédure au Québec, la célérité des débats. C'est important pour tous les justiciables, que ce soit pour le gouvernement ou pour les citoyens. Les frais, c'est plus par rapport, je vous dirais, à la valeur de l'indemnité qui est offerte. C'est là où il y a comme un équilibre. Si l'expropriant va trop au bas des pâquerettes, bien, il va se faire rattraper à la fin parce qu'il risque de payer les frais légaux raisonnables, là.

M. Barrette : Mais ce que l'on voit dans... puis là je ne vous demande pas nécessairement de commenter là-dessus, mais ce qu'on constate dans bien des cas, c'est que l'expropriant non seulement il ne va pas extrêmement vite, mais il y a des dossiers qui, actuellement, sont en cour, vous m'avez écouté hier, ils sont en cour dans les expropriations de la ligne bleue, et les expropriés sont obligés d'aller en cour pour que l'expropriant bouge, juste bouge, vienne à la table. Et là, aujourd'hui, on se retrouve avec un projet de loi qui vient leur enlever leur droit, alors qu'eux tout ce qu'ils demandent, c'est que le gouvernement fasse son travail avec diligence.

Alors, est-ce que, quand on regarde, encore une fois, les régimes des autres provinces, là, il n'y a pas lieu, là, de constater qu'ailleurs ça va mieux qu'ici?

Mme Champagne (Sylvie) : Je ne commenterai pas une procédure qui est pendante, là, devant le tribunal...

M. Barrette : Non, non, je ne vous le demande pas non plus, là.

Mme Champagne (Sylvie) : ...notre code de déontologie nous l'interdit.

M. Barrette : Je le savais.

Mme Champagne (Sylvie) : Et, au niveau, par contre, des autres provinces, je ne pourrais pas faire... on n'a pas fait une étude, là, au Barreau du Québec, pour vous dire que le meilleur modèle, par exemple, c'est la Colombie-Britannique ou l'Ontario. Parce que, si on avait eu plus de temps puis si on était en train de modifier la Loi sur l'expropriation, bien, peut-être que, justement, on serait allé voir dans les autres provinces puis essayer de s'inspirer si jamais il y a des juridictions où ils ont fait des réformes récemment, parce que les lois sont toujours perfectibles, on peut toujours s'améliorer. Mais on n'a pas fait cette étude-là.

M. Barrette : Parfait.

Le Président (M. Simard) : Mme la députée de Vaudreuil, souhaitiez-vous intervenir, vous qui êtes membre du Barreau?

Mme Nichols : Merci, c'est gentil, M. le Président, mais, si mon collègue veut continuer avec sa question...

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Barrette : Il me reste moins de 30 secondes, je pense, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : À peu près... un peu plus, 40.

M. Barrette : Un peu plus?

Le Président (M. Simard) : Oui.

M. Barrette : Vous avez suivi les travaux parlementaires, je pense, en tout cas, vous les avez suivis hier soir. Merci, c'est gentil. Est-ce qu'on peut dire, là, que vous, là, vu du Barreau, ce que vous avez entendu, il était possible de faire ce que le gouvernement souhaite en passant par des articles spécifiques plutôt que de passer par des dispositions qui sont extrêmement générales et imprécises, qui incluent ce qu'ils veulent faire, mais on aurait pu le faire nominativement par des articles nominatifs?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : C'est sûr qu'au Barreau on préfère que les lois soient amendées suite à des débats sur la loi spécifique.

Le Président (M. Simard) : Merci, maître. Je passe maintenant la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, Me Grondin et Champagne. Merci d'être là. Je vous salue rapidement, ce n'est pas que je suis impoli, c'est que je suis pressé, je n'ai pas de temps. Je veux quand même vous remercier de nous avoir rappelé que des mesures exceptionnelles, ça devrait, être — moi, je vais employer un autre terme que mes emplois disent souvent — ça devrait être gossant pour le gouvernement. Je suis d'accord avec vous, vous n'avez pas dit «gossant», mais moi, je le dis, ça ne doit pas être une lettre à la poste. Alors, merci de nous rappeler ça, c'est un principe qui avait un peu pris l'eau, là, ces derniers jours.

Moi, j'aimerais vous parler de l'immunité. Ça a l'air de vous gosser aussi ça, ça a l'air de vous déranger un peu les provisions qui sont dans la loi, les articles sur l'immunité. Vous dites : Ça a été calqué, mais seulement en partie, de la Loi sur la santé. En quoi, ce qui est dans 61, c'est différent de l'immunité standard qu'on retrouve ailleurs, notamment en santé?

Mme Champagne (Sylvie) : Alors, on a fait une comparaison avec l'article 123 de la Loi sur la santé publique, c'est le dernier paragraphe, où on donne l'immunité pour les actes accomplis de bonne foi et dans l'exercice aussi des pouvoirs. Quand vous regardez l'article 51 du projet de loi n° 61, il y a un bout de phrase qui est ajouté qu'on ne retrouve pas dans l'article 123, c'est : «...ou dans l'exécution [des] mesures prises en vertu de ceux-ci.» Et là, quand on voit que les mesures prises peuvent être des mesures d'atténuation qui sont faites par décret ou autrement, on se demande : La portée de l'immunité, ça va aller jusqu'où? Est-ce que ça va viser, comme l'a dit le bâtonnier tout à l'heure, des entrepreneurs qui vont exécuter les mesures prises en vertu de ces pouvoirs? C'est ça qui nous trouble, qui nous préoccupe. On aimerait ça que, s'il y a une immunité, parce qu'on n'est pas convaincus qu'une immunité devrait se retrouver dans le projet de loi n° 61, je dis bien, sous réserve de l'opportunité de le mettre, on ne se prononcera pas là-dessus, on pense qu'on devrait rédiger l'immunité comme l'article 123 de la Loi sur la santé publique.

M. Marissal : Donc, c'est plus large. La portée est nécessairement plus large que ce que l'on voit normalement.

Mme Champagne (Sylvie) : On risque... Oui, il pourrait y avoir des débats et une interprétation qui fasse en sorte qu'on arrive à la conclusion que l'immunité a une portée beaucoup plus grande.

M. Marissal : Merci.

Le Président (M. Simard) : Ça va? Merci. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous disposez de 2 min 35 s.

M. Ouellet : Merci. À mon tour de vous saluer — j'ai à peu près le même temps que le collègue de Rosemont — merci de nous éclairer. Je ne suis pas juriste, mais j'attends toujours avec appétit votre lecture de la situation, et vous nous permettez nous-mêmes de jauger ce qu'il faut faire pour protéger le citoyen, et après ça le politique décide de prendre les décisions nécessaires face à l'avis juridique que vous nous donnez.

L'article 36, je veux vous amener là-dessus. Plusieurs citoyens, citoyennes l'ont dit, avec l'article 36, ils peuvent changer toutes les lois. J'aimerais avoir votre interprétation, parce que, pour changer certaines lois au règlement, il faut que ça prévoie cinq alinéas, le 1°, le 2°, le 3°, le 4°, le 5°. Le 1° est assez clair, on parle de changer quelque chose qui toucherait à un permis ou à une autorisation de même nature. Quand j'arrive au deuxième alinéa, on parle d'un délai ou d'une date, c'est assez circonscrit. Quand j'arrive à 3°, «le paiement d'une somme due à l'État, y compris l'intérêt [...] ou l'indexation», pour moi, c'est assez clair. Mais 4° et 5° nous posent problème : «4° une aide fournie par un organisme public, qu'elle soit financière ou d'autre nature; mais surtout

«5° une règle dont l'application est difficilement réalisable ou trop onéreuse dans les circonstances découlant de la pandémie.»

Donc, l'article 36 est circonscrit un peu, avec le point 1°, 2°, 3°, en partie avec 4° et très peu avec 5°, puisqu'on devra interpréter... ou les tribunaux devront interpréter, pardon, qu'est-ce qui est difficilement réalisable ou trop onéreux dans les circonstances découlant de la pandémie. Est-ce que je me trompe?

Mme Champagne (Sylvie) : C'est sûr que la rédaction, elle est très généreuse, je vous dirais, elle n'est pas restrictive. Et donc, encore une fois, ça donne de très larges pouvoirs au gouvernement, le paragraphe 4° et le paragraphe 5°, alors que, vous avez raison, les paragraphes 1°, 2° et 3° sont très circonscrits, et évidemment on conçoit mieux quels sont les objectifs qui sont visés par l'article 36.

M. Ouellet : Pour ce qui est de l'urgence sanitaire, le directeur de la santé publique nous a dit, pendant le confinement, qu'il prenait des décisions en connaissant la situation qu'il constatait, mais il ne faisait pas des projections de semaines et de mois, il gardait ses décisions en fonction de la réalité. Ce que vous nous dites, là, avec l'urgence sanitaire : Faites attention aussi si vous voulez vous donner une prévisibilité. Qui peut prédire la santé publique dans le prochain mois, dans le prochain six mois? Donc, vous nous ramenez, oui, à cet équilibre entre pouvoir et contrepouvoir, mais je pense que vous nous indiquez aussi que, pour prendre les décrets, il faut avoir une lecture juste. Et la façon d'avoir cette lecture juste, c'est avoir un délai le plus court collé à la situation, c'est ce que je comprends.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup. Je vous sauve, hein? Alors, je cède la parole au député de Chomedey. Vous disposez de deux minutes, cher collègue.

• (12 h 10) •

M. Ouellette : Oui. J'aimerais bien ça lui donner de mon temps pour qu'il réponde, là, mais, si... Il pourrait peut-être répondre en répondant à ma question. Si la loi était adoptée telle quelle, le Barreau la contesterait-tu?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : On n'a pas fait ce débat-là, honnêtement. Écoutez, je pense que c'est important pour le Barreau de dire qu'il y a possibilité de contestation, là. Donc, ça, il faut être très clair là-dessus, peu importe le groupe, les intéressés, etc. On le dit souvent, hein, dans certains projets de loi. Donc, je pense, c'est important pour nous de dire qu'il y a possibilité de contester, il y a des chances que ce soit contesté. On n'est pas devins là-dedans, mais évidemment il y a des chances. Donc, ça, oui.

M. Ouellette : Je veux aussi vous entendre dans le petit bout de temps qui me reste. Il y a eu des amendements déposés quelques heures après le dépôt du projet de loi. À l'article 53, je ne sais pas si vous l'avez regardé, mais l'article 53, l'amendement, ça dit que «le président du Conseil du trésor est responsable de l'application de la présente loi». Dans la mouture originale, à l'alinéa 6°, on y voyait : «[La] ministre de la Justice», qui a disparu comme par enchantement à l'amendement. Avez-vous une opinion là-dessus?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Non.

M. Ouellette : Merci, M. le Président. Ah! peut-être... 15 secondes pour répondre à sa question.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Il faudrait que je m'en rappelle, là. Désolé. Écoutez... Non, mais je comprends ce que vous vouliez dire. Je rappelle le principe qu'il faut que ce soit inconvenant à la loi. Donc, je suis désolé, là, je ne voulais pas rien dire, là... La question était bien posée, évidemment, mais... C'est ça. Je ne pense pas que l'objectif de la Loi sur la santé publique, à son article d'état d'urgence sanitaire, je ne pense pas que le but soit la prévisibilité. Je pense que le but, probablement, que ce soit inconvenant, là...

Le Président (M. Simard) : Alors, Me Grondin, Me Champagne, merci beaucoup de votre présence parmi nous aujourd'hui.

Sur ce, je suspends nos travaux et je nous donne rendez-vous à 15 heures. À plus tard.

(Suspension de la séance à 12 h 12)

(Reprise à 15 h 04)

Le Président (M. Simard) : Alors, bienvenue à tous.

Comme vous le savez, la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 61, Loi visant la relance de l'économie du Québec et l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19.

Cet après-midi, nous entendrons le Vérificateur général du Québec. Nous avons l'honneur de recevoir Mme Guylaine Leclerc, Vérificatrice générale — bonjour, madame — accompagnée de M. Serge Giguère, sous-vérificateur général. Alors, bienvenue à vous deux, merci d'avoir répondu à notre appel. Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre intervention.

Vérificateur général

Mme Leclerc (Guylaine) : Merci. M. le Président, Mme, MM. les membres de la commission, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre invitation et me permettre de faire part des principaux éléments que j'aimerais porter à votre attention en lien avec le projet de loi n° 61. Pour l'occasion, je suis accompagnée de Serge Giguère, sous-vérificateur général.

Je n'ai pas l'intention de remettre en question la volonté du gouvernement de relancer le plus rapidement possible une économie qui a grandement souffert au cours des derniers mois. Il est de mon devoir, cependant, de mettre en garde le gouvernement et les parlementaires contre les risques liés à un assouplissement des façons de faire qui s'éloigneraient trop des critères de saine gestion des fonds publics, surtout pour une durée aussi longue que deux ans. En ce sens, certains principes généraux doivent continuer en tout temps de guider les actions qui seront menées si le projet de loi est adopté. Ces principes ont d'ailleurs orienté mon analyse.

D'abord, je crois qu'accélérer les procédures et assouplir les règles ne doivent pas se traduire par une diminution des contrôles essentiels qui ont pour but de minimiser les risques d'une mauvaise gestion. En vertu de la Loi sur les contrats des organismes publics, la LCOP, et comme le mentionne le ministre, nous devons protéger les valeurs fondamentales que sont l'éthique, la transparence, la rigueur et l'intégrité car s'en éloigner ne ferait que ramener des risques importants de collusion et de corruption dans les contrats publics.

Dans le cadre de différents audits, nous avons démontré que certaines entités gouvernementales qui auront un rôle majeur à jouer si le projet de loi est adopté n'ont pas toujours été à la hauteur pour la gestion des grands projets de développement. Il ne faudrait pas suppléer à un manque de rigueur et de performance des organisations publiques par une diminution des règles. Au contraire, une telle orientation serait propice à l'intensification de lacunes que nous avons relevées dans le passé.

Ce que nous comprenons, c'est que le projet de loi donne de grands pouvoirs au gouvernement pour assouplir l'application des règles édictées par la LCOP, la Loi sur les contrats des organismes publics. L'entrée en vigueur de cette loi, dans la foulée de la commission Charbonneau, a déjà modifié de manière importante la façon d'encadrer la gestion contractuelle dans le secteur public.

Ces dernières années, je me suis intéressée à la gestion contractuelle lors de plusieurs missions d'audit. Il suffit de mentionner un audit particulier au ministère des Transports, la question des bâtiments scolaires au ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur ou encore l'enjeu des contrats en technologie de l'information dans plusieurs ministères et organismes. Dans nos rapports d'audit sur ces sujets, nous avons soulevé des problèmes liés à la détermination des besoins, à l'estimation des coûts des travaux, à l'évaluation des soumissions, au suivi des clauses contractuelles ou à l'encadrement des firmes sous contrat.

L'impact du projet de loi au niveau municipal me paraît aussi fort préoccupant. D'une part, malgré l'entrée en vigueur récente de nouvelles dispositions législatives, la réalisation d'audits de performance dans les municipalités de moins de 100 000 habitants demeure grandement limitée. D'autre part, la commission Charbonneau a soulevé plusieurs problèmes liés à la gestion contractuelle dans les municipalités. D'ailleurs, dans son rapport, la commission a recommandé d'ajouter les municipalités de moins de 100 000 habitants au champ de compétence du Vérificateur général afin qu'il puisse y mener des vérifications, et le comité public de suivi de la commission Charbonneau considère que cette recommandation n'a pas été mise en oeuvre. Ainsi, je me demande qui pourra assurer que les principes de la Loi sur les contrats des organismes publics soient respectés, et ce, particulièrement dans le cadre d'un processus allégé, alors que des risques se sont concrétisés dans le secteur municipal par le passé.

Les pouvoirs importants que veut se donner le gouvernement avec le projet de loi n° 61 doivent également s'accompagner d'une reddition de comptes de qualité faite en temps opportun sur les diverses conséquences des décisions qui seront prises, tant en ce qui a trait à la reprise économique qu'aux autres conséquences, ce que le ministre a appelé les mesures de contrepoids. Et, sur ce point, je suis grandement inquiète.

Nous faisons régulièrement référence, dans nos rapports d'audit, à l'insuffisance de la reddition de comptes ainsi qu'à son manque de fiabilité et de pertinence. Il suffit de mentionner l'information inexacte fournie par le ministère des Transports à propos de sa gestion contractuelle et du renforcement de son expertise, les lacunes dans la déclaration de la rémunération des hauts dirigeants des sociétés d'État ou encore la reddition de comptes qui n'est pas toujours fiable ni pertinente dans le réseau de la santé et des services sociaux. Le défi sera d'autant plus grand sur des éléments complexes tels que l'évaluation des effets économiques pour le Québec. Je peux prendre à témoin la façon dont Investissement Québec a rendu compte dans le passé des retombées économiques de ses activités, reddition de comptes qui souffrait alors de lacunes importantes. La reddition de comptes devra être faite de manière rigoureuse et devra être soumise à un audit indépendant.

• (15 h 10) •

De plus, l'accès à toute l'information liée aux décisions qui seront prises par le gouvernement aura beaucoup d'importance. À cet effet, l'expérience que j'ai vécue l'an dernier dans le cadre d'une mission d'audit sur l'aide financière accordée par le ministère de l'Économie et de l'Innovation pour le développement économique me laisse craindre de grandes difficultés quant à ma capacité d'éclairer les parlementaires et les citoyens sur les décisions qui seront prises. En effet, je me suis vu refuser, et ce, pour la première fois, l'accès aux avis et aux analyses des fonctionnaires du Conseil exécutif et du Secrétariat du Conseil du trésor au motif que ces documents étaient protégés par le secret des délibérations du Conseil des ministres. Ce refus a eu pour conséquence que nous n'avons pas été en mesure de procéder à l'analyse complète des éléments justifiant l'octroi de certaines subventions fort importantes. Vous comprendrez mes craintes et mes doutes quant à la façon dont nous pourrons nous assurer de la fiabilité des résultats qui seront présentés à l'Assemblée nationale par suite de l'adoption de ce projet de loi.

Au-delà de la reddition de comptes sur les résultats liés à la reprise économique, les parlementaires devront pouvoir obtenir toute l'information nécessaire, et ce, en temps opportun afin d'apprécier l'impact des mesures temporaires sur la gestion contractuelle ainsi que sur la procédure d'expropriation et la protection de l'environnement en raison des pouvoirs exceptionnels qui seront dévolus au gouvernement.

En conclusion, je souscris à la volonté gouvernementale de remettre le Québec en marche rapidement d'un point de vue économique, mais je souhaite qu'on s'assure de le faire dans le respect des objectifs essentiels et fort louables des lois qui régissent actuellement les façons de faire. C'est pour cette raison que je suggère, pour ma part, une solution pérenne qui passe plutôt par une révision de la réglementation en vigueur afin d'éliminer, le cas échéant, ce qui s'est avéré superflu au fil des ans et qui peut entraîner des délais indus.

Mais je comprends que le temps presse et qu'il faut agir rapidement. Ainsi, dans le but de diminuer les risques liés à l'adoption du projet de loi n° 61, je vous invite à considérer la mise en place des mesures suivantes pour atteindre les objectifs visés sans accroître les risques indûment : diminuer la durée d'application des mesures temporaires, car deux ans constituent une période longue, et les risques augmentent au fil du temps, bonifier la reddition de comptes en termes de contenu et de fréquence pour permettre une véritable imputabilité, donner aux organismes de contrôle, notamment le Vérificateur général, l'accès à toute l'information pouvant permettre de bien comprendre les décisions prises et de s'assurer que les principes fondamentaux de la réglementation actuelle sont respectés en tout temps, mieux encadrer la portée des projets assujettis pour se limiter à ceux qui sont strictement nécessaires, mettre en place des mécanismes de surveillance des activités a priori et a posteriori, incluant les activités menées dans le secteur municipal, où le Vérificateur général pourrait jouer un rôle important, et, enfin, surveiller les signes de surchauffe du marché et d'essoufflement des organismes publics afin de réajuster le tir au besoin.

Je vous remercie de votre attention, et c'est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, chère madame. Je cède maintenant la parole au président du Conseil du trésor. M. le ministre, vous disposez de 15 min 30 s

M. Dubé : Alors, Mme Leclerc, bonjour, M. Giguère, vous pouvez voir, votre présentation était très attendue, et je vous dis d'entrée de jeu que non seulement j'apprécie l'essentiel de vos commentaires, mais je vous... Je pense qu'on se connaît depuis un certain temps, je suis moi-même un CPA, et toutes les notions de valeur que vous amenez et qui sont la base du Vérificateur général, je l'ai fait moi-même, pendant plusieurs années, professionnellement. Donc, c'est quelque chose que je respecte, toutes ces notions de rigueur, de transparence. Je pense que c'est important de vous dire comment, pour moi, ce sont des valeurs qui sont primordiales, alors je vais être difficilement en désaccord avec plusieurs des points que vous amenez aujourd'hui, et c'est pour ça que je trouve important de vous le mentionner au début. Puis je n'ai pas vraiment de grande surprise dans ce que vous dites aujourd'hui. Ça, c'est... je veux être très clair là-dessus.

Sur la question... Puis je vais les prendre un par un, si vous permettez, pour vous permettre de compléter. Je le répète, ce n'est pas parce qu'on veut accélérer les projets qu'on doit mettre en danger les valeurs fondamentales dont je parlais tout à l'heure. Avec ce premier point là, je suis d'accord avec vous. Il faut se rappeler notre objectif. Notre objectif, on a une crise majeure, et plus on est capable de repartir l'économie rapidement, on va avoir un V, on n'aura pas un U. Et, nous, notre objectif, c'est d'être capables de repartir l'économie dans tous les secteurs, que ce soit le manufacturier, que ce soit le tourisme, que ce soit... Tous les secteurs sont différents, mais les infrastructures sont une pièce clé, et c'est pour ça qu'il faut être capable de sélectionner des projets et de les réaliser rapidement, mais ça peut se faire dans le respect de nos valeurs.

Bon, maintenant, vous l'avez dit, puis je souscris à votre point, les vérifications que vous avez faites puis que vous allez continuer à faire, moi j'en ai vu encore tout récemment au Conseil du trésor, où maintenant, pour les grands projets, ce qu'on appelle des projets majeurs, on demande la reddition de comptes pour comment on s'est... comme on avait dit quelle est l'estimation des besoins, quels étaient les estimés de coûts et comment ça finit. Je vous donne l'exemple de l'hôpital McGill, qui vient de passer au Conseil du trésor il y a quelques semaines. C'est des histoires d'horreur, des histoires d'horreur où les surcoûts sont de 600, 700 millions. C'est inexplicable. Alors, il va falloir trouver des solutions et qui n'ont rien à voir avec la relance et qui n'ont rien à voir avec la situation que l'on vit aujourd'hui.

Bon, sur la question des grands pouvoirs à la LCOP, moi, si j'ai un mea culpa à faire, puis je le fais depuis quelques jours, je vais le refaire aujourd'hui, pour qu'on soit très clairs, dans la question de... dans l'objectif, puis je le dis, là, notamment de respecter la recommandation 15 de la commission Charbonneau, avec nos légistes, avec notre équipe au Trésor, on avait amené l'article 50, qui nous permettait notamment — je le répète, là, qui nous permettait — de pouvoir répondre à la commission Charbonneau sur la recommandation 15 de donner des liquidités aux entreprises. Et j'en prends 100 % du blâme s'il a été écrit d'une façon qui a permis à des gens de penser qu'on mettait en doute la façon de faire et les recommandations de la commission Charbonneau. C'est le contraire, on voulait répondre à ce point-là. Je suis transparent aussi, est-ce qu'on se gardait le droit d'avoir des aménagements sur d'autres éléments plus tard? Peut-être, mais, à la réaction que nous avons aujourd'hui, je vais être très clair, puis c'est pour ça que je voulais vous entendre avant de finaliser nos amendements, on va clarifier cette situation-là parce que je ne veux pas, je ne veux pas, que les citoyens n'aient aucun doute sur notre objectif, qui était de répondre à un des enjeux qui a été soulevé par la commission Charbonneau. Jamais je n'accepterai qu'on remette ça en doute, jamais. Et ça, pour moi, on va le clarifier. J'attendais vos commentaires.

Sur la question du municipal, je dois vous avouer, je ne connais pas votre agenda, je ne connais pas la portée de ce que vous pouvez ajouter à votre mandat, honnêtement, je n'ai jamais eu cette discussion-là avec vous, mais, avec ce que j'ai entendu hier, notamment comment le BIG est structuré et comment la présentation... Je ne sais pas si vous avez eu la chance de voir M. Duchesneau, qui est venu expliquer ce qu'ils font à Saint-Jérôme. Je vais vous avouer que j'aimerais avoir cette discussion-là avec vous pour voir quelle est la meilleure façon de le faire avec le municipal, parce que, pour moi, il y a énormément de contrats qui viennent avoir un impact au niveau municipal. Alors, je ne peux pas dire que je suis d'accord, pas d'accord. J'aimerais vous entendre là-dessus plus en détail. Je ne sais pas si c'est le bon forum pour le faire aujourd'hui, mais je vous entends puis je dois vous dire que, dans les deux derniers jours, j'ai eu un... en tout cas, j'ai eu une meilleure compréhension de ce qui se passe avec les deux présentations que j'ai eues et du BIG et de M. Duchesneau.

Par contre, par contre, je vous dirais, puis je l'ai mentionné clairement, que ce qu'on veut faire avec l'AMP... L'AMP, elle n'est pas à l'endroit où on voudrait qu'elle soit aujourd'hui. Je l'ai dit souvent, c'est un organisme qui est jeune, qui a eu un mandat x, qui venait du précédent gouvernement, qui était normal, probablement, dans les circonstances, mais, au fur et à mesure qu'on évolue, avec l'expérience qu'on a, est-ce que c'est un mandat qui pourrait être agrandi? Moi, je pense qu'il faut faire les choses correctement puis en temps et lieu mais rapidement. On va venir avec des améliorations ou une plus grande étendue, et j'aimerais pouvoir le faire rapidement.

• (15 h 20) •

Bon, sur la question de reddition de comptes, s'il y en a un qui est bien partisan de la reddition de comptes, c'est moi. Je l'ai montré que l'un des premiers projets qu'on a faits au Conseil du trésor, c'est de refaire tous les plans stratégiques, de faire des... j'allais dire un «report card», mais d'être capable de suivre comment les gens vont livrer la marchandise dans les engagements qu'ils ont pris, ce qui n'était pas le cas dans la plupart des ministères avant. Alors, aujourd'hui, quand on parle d'un projet si important pour la relance économique, je peux vous dire que la reddition de comptes, pour moi, est une pièce majeure. Ce qu'on n'avait peut-être pas fait puis qui... et c'est à ça que servent des consultations qu'on fait en ce moment. J'ai trouvé très intéressantes deux des trois consultations qu'on a eues en environnement, qui sont venues même... sont allées jusqu'à assez loin pour nous donner des suggestions, comment le facteur environnemental pourrait faire partie de la reddition de comptes. Je trouve ça excessivement important, puis ça, je peux vous dire qu'on va en tenir compte.

Bon, je ne veux pas faire de... d'aller dans les ministères, mais, comme vous me dites que l'information qui vient du ministère de la Santé, elle est déficiente, je suis plus que d'accord avec vous, mais ce n'est pas uniquement là, mais c'est vraiment déficient, on n'est pas capables d'avoir de l'information opérationnelle, et, lorsque vous dites qu'on veut regarder les données de la gestion contractuelle, il faut être capable d'avoir de l'information, ce qu'on n'a pas.

Quant aux informations, vous dites, qui vous ont été refusées, j'ai bien compris, dans le cadre des audits qui ont été faits sur le MEI, je me souviens qu'il y avait une période qui était quand même avant notre période puis je pense qu'il y a une période qui chevauchait notre arrivée. Moi, je voudrais bien comprendre parce que ça, pour moi, avec ce que vous nous demandez, donc, quand vous arrivez avec vos six recommandations, je voudrais bien comprendre comment on peut faire, parce que j'en ai déjà discuté avec le secrétaire du Conseil du trésor, comment on peut faire pour vous donner ce que vous avez besoin sans aller dans le fameux secret ministériel qui est au Conseil des ministres, mais j'aimerais trouver une solution parce qu'on ne peut pas accepter cette situation-là si on vous refuse des documents que vous croyez nécessaires à votre analyse. Mais je nous donne le défi, votre organisme et moi, comment on peut trouver la façon...

Parce que c'est trop facile de dire : C'est des décisions du Conseil des ministres qui doivent être gardées secrètes. Je pense qu'il y a beaucoup ça que vous vous êtes fait répondre, puis, pour moi, si on veut faire un «reporting» important, il faut trouver une solution à ça.

Et moi, je le sais parce que, quand je faisais de la vérification, j'avais accès, vous vous souvenez, aux procès-verbaux des compagnies, et je devais le faire sur une base visuelle. J'étais surveillé par quelqu'un, je n'avais pas le droit de partir aux documents, mais j'avais quand même accès à des documents qui sont très confidentiels.

Alors, je ne peux pas croire qu'on ne peut pas nous trouver une façon, pour quelqu'un qui est aussi professionnelle et toute votre équipe, de vous donner accès à ces documents-là. Alors, je veux vous dire que j'ai de l'ouverture de pouvoir le faire. Bon, vous me direz : En temps opportun. Mais moi, j'aimerais que, dans nos discussions des prochaines semaines, prochains mois, ce soit à notre ordre du jour pour qu'on trouve la façon de le faire.

Quand vous dites «pérenne», vous dites que les... Cette façon-là de faire, pour moi, elle est importante, on ne peut pas... on ne peut pas continuer d'avoir — puis je nous inclus, là, Mme Leclerc — des estimations où les gens ne sont pas imputables des projets. On ne peut plus continuer de faire ça, parce qu'il y en a qui font bien leur travail, mais qu'il y en a qui avaient, pour toutes sortes de raisons, des pressions politiques, ou peu importe, d'amener des coûts qui étaient très bas, de dire : On va partir le projet puis... avec tout ce que ça amène. On ne peut pas continuer de travailler comme ça, ce n'est pas possible.

Alors, vous avez vos cinq... les six recommandations. Je vais arrêter là parce que je ne veux pas vous nommer vos recommandations, vous les connaissez mieux que moi. J'aimerais avoir une première réaction à ce que je vous dis en termes de notre façon de faire parce que je pense qu'il faut changer les choses. Je vous répète que je souscris à ce que vous dites aujourd'hui et je vais faire tous les arrangements possibles pour que le VG puisse faire partie de la solution et non d'être vu comme un problème. Alors, je vous laisse commenter.

Mme Leclerc (Guylaine) : Bon, vous avez dit beaucoup de choses, alors je trouve ça intéressant. C'est certain qu'il y a des choses à changer. Lorsque je parlais de pérennité, on a fait un audit sur la construction des bâtiments scolaires, entre le moment où on a identifié le besoin et le moment où on décide de construire, ça prend entre trois et quatre ans. Et, une fois qu'on a décidé de construire, là, que le ministère a donné l'autorisation de construire, bien, il peut la donner... souvent, il la donne au mois de juin, alors on comprend que, là, il faut aller en appel d'offres, propositions, mais, tu sais, bien là on oublie ça, là. Alors, c'est ça que...

Je comprends qu'il y a du ménage à faire, il y a du ménage à faire au MSSS. On a fait un audit sur la reddition de comptes, il y a 1 000 systèmes informatiques au MSSS qui ne se parlent pas, et on demande beaucoup d'information qui est souvent inutile, non pertinente, et on est obligés de colliger cette information-là souvent manuellement, même si on a 1 000 systèmes informatiques qui ne se parlent pas.

Une voix : Incluant les fax.

Mme Leclerc (Guylaine) : Incluant les fax. Alors, c'est certain qu'il y a un ménage à faire, et je le comprends que ça ne fait pas de sens actuellement. Le PQI, par exemple, lorsqu'on regarde le PQI, bien que ces sommes-là soient... on ne peut pas les exécuter parce qu'on manque de planification, ce n'est pas planifié adéquatement. Alors, on ne dépense pas l'argent. Alors, on a beau avoir 202 projets, s'il y a 202 projets, mais qu'ils ne peuvent pas partir parce que c'est trop long, identifier le besoin, puis qu'une fois qu'on... Alors, je le comprends.. Alors, c'est pour ça que je dis : Il y a un ménage à faire. Il y a un ménage à faire dans la structure, mais je trouve aussi que de dire : Bon, bien, ah! bien, on ne fera pas le ménage tout de suite puis, pendant deux ans de temps, on va avoir carte blanche... Mais là ce que je comprends des modifications que vous voulez apporter, ce n'est peut-être plus tout à fait ça, mais c'était comme ça qu'on le comprenait à l'origine, bien là c'était préoccupant. Mais on sait que, si on veut repartir rapidement, il ne faut pas que ça prenne trois à quatre ans avant d'avoir l'autorisation pour bâtir une école puis il faut s'assurer qu'elle se fait adéquatement. Donc, c'est pour ça que, pour nous, c'était... on disait que c'est pour une période de temps, mais, à ce moment-là, une excellente reddition de comptes... Et lorsqu'on a fait le dossier du MEI, et qu'on voit l'analyse des fonctionnaires, puis qu'on voit que ça... il n'y a pas de justification adéquate, dans certains cas, on n'a même pas les états financiers pour démontrer qu'on verse l'argent, puis là qu'on nous dit : Bien non, on ne peut pas vous le donner, c'est au Conseil des ministres qu'ils ont pris la décision parce que c'est des hors programme, bien, ce n'est pas acceptable.

Et là je voyais, dans votre projet de loi, que la reddition de comptes serait faite par la ministre, mettons, du MSSS, mais là je me disais : Bien, voyons! On n'arrive pas à avoir... L'information qu'on a, qui est publiée par le MSSS, n'est pas adéquate, et là on aurait l'information qui serait fournie par la ministre du MSSS, bien, je n'appelle pas ça une reddition de comptes. Et là, si on va chercher l'information...

M. Dubé : Est-ce que je peux vous interrompre?

Mme Leclerc (Guylaine) : Oui, allez-y.

M. Dubé : Donc, sur ce point précis là, ce que vous voulez vous assurer, c'est que c'est une reddition de comptes globale sur les projets, peu importe dans quel ministère ils ont été faits. C'est ça qui est votre point, là.

Mme Leclerc (Guylaine) : Peu importe, et que j'aie accès à cette information-là.

M. Dubé : O.K. Non, ça, je peux vous dire que j'ai compris.

Mme Leclerc (Guylaine) : Oui. Oui.

M. Dubé : Ça, j'ai très bien compris.

Mme Leclerc (Guylaine) : O.K. C'est bon.

M. Dubé : J'ai très bien compris ça. Est-ce que... Parce que, moi, il ne me reste pas grand temps, mais...

Le Président (M. Simard) : 30 secondes.

M. Dubé : 30 secondes. Bien, qu'est-ce que vous voulez me dire dans 30 secondes avant qu'on se revoie, là, dans les prochaines semaines?

Mme Leclerc (Guylaine) : Je vous dirais que la reddition de comptes dans les municipalités me préoccupe au plus haut point.

M. Dubé : Très bien, très bien. Puis est-ce que vous... Bien, écoutez, je ne veux pas ambitionner sur le temps, mais, sur les municipalités, j'aimerais vraiment qu'on se reparle, parce que, pour moi, j'ai cette préoccupation-là suite à ce que j'ai entendu dans les derniers jours. Merci beaucoup à vous deux. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de La Pinière. Vous disposez d'une période de 10 min 20 s

M. Barrette : Merci, M. le Président. Mme la vérificatrice, M. Giguère. Vous êtes CPA, vous aussi, hein, Mme la vérificatrice?

Mme Leclerc (Guylaine) : Oui.

M. Barrette : Bon, ça, c'est assez intéressant de voir le ministre invoquer son statut de CPA pour justifier la qualité de ses travaux quand vous, qui, manifestement, êtes tout aussi experte, critiquez le travail du ministre. Et je ne me souviens pas, Mme la vérificatrice, avoir vu qui que ce soit vous demander de refaire vos rapports. Ça, je dis ça comme ça. Et je trouve ça assez intéressant de voir le ministre aujourd'hui faire un mea culpa, lui qui est rigoureux par sa formation, et nous dire que, quand il a écrit l'article 50, il ne s'est pas rendu compte que ça allait être un article ouvert sur toutes les possibilités et que, dans les faits, il n'avait l'intention que de ne faire qu'une chose : donner suite à l'article 15 du rapport de la commission Charbonneau. On doutera, parce qu'il a dit : Ne doutez pas, mais nous doutons parce que, par la rigueur évoquée par le ministre, je pense qu'il voulait faire bien des affaires, puis il ne nous l'a pas dit, puis on l'a vu, puis c'est de même.

Alors, Mme la vérificatrice, je veux aller... Je veux faire un commentaire sur le ministère de la Santé et des Services sociaux. J'avais commencé une révision et une uniformisation complètes des systèmes d'information qui a été cessée par le président du Conseil du trésor, parce que c'est arrêté aujourd'hui, malheureusement, et, comme vous, je souhaite que ça continue, mais ça n'a pas été le cas.

Alors, Mme la vérificatrice, là, vous nous dites une affaire qui est bien simple, là. C'est un peu comme une fable, hein? C'est le lapin, là, la fable de La Fontaine, la tortue, le lapin, mais, vous, dans cette fable-là, c'est pire, là, parce que ce que vous nous dites, là, c'est qu'au point de départ de l'application du projet de loi n° 61, là, l'État et tout ce qui l'entoure au moment où on se parle ne part pas au bloc de départ, là. Il part en arrière parce que vous nous dites : Ils ne sont pas bons dans trop de secteurs, pour ce qui est de la vérification, pour ce qui est de l'estimation, pour ce qui est de tout ce qui est reddition de comptes. À la case départ, là, il y a une lacune, particulièrement dans les secteurs visés par le ministre. Est-ce que c'est correct, ce que je dis là?

• (15 h 30) •

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, je n'aime pas beaucoup les analogies, mais...

15 397 M. Barrette : J'aime ça, moi.

Mme Leclerc (Guylaine) : ...mais ce que je dis, c'est que, dans nos rapports, on a effectivement... que ce soit au ministère des Transports, que ce soit dans la technologie de l'information, on a constaté plusieurs problèmes, que ce soit au niveau des estimations, que ce soit au niveau du contrôle des coûts, que ce soit au niveau du livrable, que ce soit dans le processus d'octroi de contrats. Alors, si c'est ça, pour vous, de partir en arrière de la ligne de départ, bien, c'est mon interprétation.

15 397 M. Barrette : Très bien, et on se comprend. Vous avez fait référence, Mme la vérificatrice, à la problématique qui vous inquiète énormément, qui est celle des municipalités. Est-ce que le fait d'avoir une entité comme une AMP qui a des pouvoirs équivalents au BIG, à Montréal, serait quelque chose qui est un ajout significatif et positif?

Mme Leclerc (Guylaine) : C'est certain que c'est un ajout. Par contre... Oui, oui, je vous dirais, définitivement, qu'on puisse aller dans les municipalités, partout dans les municipalités, puis aller voir la gestion des contrats, définitivement.

15 397 M. Barrette : Parfait, parce que moi, je parle d'avoir... Et ça a été refusé, là, à deux reprises. Hier, j'ai posé la question, je l'ai posée encore aujourd'hui, ça a été non, la réponse du président du Conseil du trésor. Et moi, je pense qu'on doit avoir quelque chose comme ça pour répondre à votre question : Qui fera respecter les bonnes pratiques, essentiellement, dans le municipal? Qui? Si on a ça, je pense que c'est quelque chose qui va alléger certaines préoccupations que vous avez exprimées.

Je vais vous poser une dernière question avant de passer la parole à ma collègue. Mme la vérificatrice, est-ce qu'il y a quelque chose, dans le projet de loi n° 61, qui vous aide, qui vient améliorer votre situation de... votre fonction de vérificatrice? Est-ce que, dans le projet de loi n° 61, là, il y a quelque chose qui vient améliorer les choses en termes de reddition de comptes?

Mme Leclerc (Guylaine) : Je ne vous dirais pas en termes de reddition de comptes, mais, c'est certain, ce que je comprends du projet de loi n° 61, c'est qu'il y a un problème, comme... Puis je vous donnais l'exemple, tout à l'heure, des écoles, là, que ça prend entre trois et quatre ans. Il y a un problème à régler. Et ce que j'ai compris, là, bien humblement, comme CPA, ce que j'ai compris à la lecture du projet de loi, c'est qu'on voulait régler en partie ce problème-là. Donc, je vous dirais, c'est l'aspect positif. Ce que je dis, c'est que c'est beaucoup trop long, deux ans, puis il faut qu'on s'engage à corriger la situation de l'inefficacité, l'inefficience du gouvernement dans son ensemble.

15 397 M. Barrette : Et vous ne voyez pas ça dans 61, là?

Mme Leclerc (Guylaine) : Pardon?

15 397 M. Barrette : 61 ne vient pas régler ça, là?

Mme Leclerc (Guylaine) : Ah! peut-être pas, là.

15 397 M. Barrette : Bon, très bien, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Mme la députée, à vous la parole.

Mme Thériault : Combien de temps que j'ai?

Le Président (M. Simard) : Il vous reste 5 min 15 s.

Mme Thériault : Parfait, merci, M. le Président. Mme Leclerc, M. Giguère, bonjour, bienvenue. Bien, merci d'être avec nous. Je ne peux que constater que vous faites exactement la même chose que le Barreau du Québec et le comité de suivi de la commission Charbonneau. Vous venez d'allumer une très grosse lumière rouge, pas juste sur le tableau du président du Conseil du trésor, mais sur le tableau de tous les parlementaires. Remarquez qu'on avait déjà des grosses lumières allumées quand on a... À la lecture du projet de loi, on s'est rendu compte de la quantité de pouvoirs que ce projet de loi là touchait.

Et, honnêtement... Moi, je suis porte-parole des affaires municipales puis j'adhère à 100 % à ce que vous dites, où on doit faire en sorte que les municipalités en bas de 100 000 habitants soient soumises à une certaine forme de contrôle. Puis ce n'est pas une question de ne pas faire confiance aux municipalités, loin de là, loin de là. Je pense qu'avec ce que le gouvernement s'apprête à faire, lorsqu'on regarde dans le projet de loi, on extend... par extension, les municipalités, les organismes municipaux, etc., où très souvent... une municipalité peut très bien prendre des responsabilités, les envoyer avec un budget, on le sort du giron comptable, mais on ne sait pas ce qui se passe là. Il y a des municipalités qui se sont donné le loisir d'avoir des bureaux de vérification. Bien grand leur fasse, puis je pense que c'est tout à fait correct de l'avoir fait. Il y a tellement de municipalités... et ce n'est pas nécessairement les élus dans tous les cas, là, où les municipalités, les citoyens se sont fait avoir, puis ils ont perdu beaucoup d'argent. On se souvient tous de ça.

Ça fait que, moi, c'est sûr que, quand vous me dites ça, je vous dirais : Bien, ce serait une maudite bonne idée, mais, si le président du Conseil du trésor juge que la 15e recommandation du comité de suivi de la commission Charbonneau peut être ajoutée dans le projet de loi n° 61, je ne vois pas pourquoi l'autre recommandation, qui demande d'assujettir les municipalités en bas de 100 000 habitants, ne pourrait pas y être aussi. D'autant plus que, là-dedans, on est en train de donner la possibilité aux municipalités de bénéficier de tout ce que le gouvernement veut se donner comme marge de manoeuvre, je vais dire ça comme ça, marge de manoeuvre. Je vais être gentille.

Mais n'empêche que, lorsque je lis votre mémoire, vous dites aussi, à votre dernière page, c'est votre dernière recommandation, elle m'a fait sourire un petit peu : «Et enfin, surveiller les [lignes] de surchauffe du marché et d'essoufflement des organismes publics afin de réajuster le tir au besoin.» J'aimerais ça que vous nous en parliez plus parce que, moi, que le président du Conseil du trésor devance des projets qu'il y a au PQI, je comprends. Qu'on dise que ça va aider à la relance économique, O.K. Ça ne peut pas être basé juste là-dessus, la relance économique, là, on le sait tous. Ça, c'est un pourcentage du PIB, ce n'est pas juste la construction.

Qu'est-ce que vous voulez dire par «les risques de surchauffe»? Parce que c'est sûr que, si on devance tous les projets, il y a de forts risques de surchauffe. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Leclerc (Guylaine) : Oui, et ça, il va falloir le suivre pas juste une fois par année comme il est mentionné là. Parce que je n'étais pas certaine si j'avais bien interprété, mais, si je comprends bien, là, la première reddition de comptes serait en novembre 2021. Ça fait que c'est tard.

Alors, ce que je suggérais, c'est qu'on puisse faire le suivi, faire une reddition de comptes régulière de manière à voir jusqu'à quel point il y a une incohérence dans la valeur des contrats, combien qu'il y a eu de soumissionnaires, combien qu'il y a eu de... quelles sont les évaluations de l'exécution du...

Donc, avoir une reddition de comptes régulière, quitte à ce que ça soit sur le site Web du ministère, mais c'est important de le suivre très, très régulièrement, parce que, si on attend juste en novembre 2021, bien là, je veux dire, il va peut-être y avoir eu surchauffe, puis là il est trop tard. Alors, c'était ça, mon point.

Mme Thériault : On parle des grands projets... Oui.

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, c'est ça. Et là il y a la capacité des entités, effectivement, aussi, parce que, là, on le sait que les entités, certaines, ne sont même pas capables... suivre les travaux.

Mme Thériault : C'est là que j'arrivais. Je vais exactement là, à la page n° 3, votre paragraphe : «Dans le cadre des différents audits, nous avons démontré que certaines entités gouvernementales qui auront un rôle majeur à jouer si le projet de loi est adopté n'ont pas toujours été à la hauteur de la gestion [des] grands projets de développement.» On parle en construction, mais on peut parler du reste. On peut parler de l'informatique. On peut parler des tablettes au ministère de l'Éducation. On ne sait même pas comment les tablettes ont été achetées présentement.

Mme Leclerc (Guylaine) : Construction des écoles.

Mme Thériault : La construction des écoles.

Mme Leclerc (Guylaine) : Les hôpitaux.

Mme Thériault : On peut parler de l'informatique. On peut parler de beaucoup d'octrois de contrats pour favoriser l'achat local québécois, pas nécessairement au meilleur prix ni nécessairement la meilleure qualité. Comment on fait pour régler ce que vous avez marqué à la page n° 3 si on veut vraiment faire une relance économique des activités au Québec sans faire en sorte qu'il y en a qui s'en mettent plein les poches puis que le monde qui sont liés et qui donnent les contrats soient obligés de faire de la reddition de comptes puis ils soient imputables? Moi, quand je vois dans le projet de loi...

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

Mme Thériault : ...qu'il n'y a plus personne qui est imputable puis qu'on ne peut pas le poursuivre, j'ai un problème avec ça. Pas vous?

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, c'est ce qu'on vous...

Le Président (M. Simard) : Alors, notre temps est révolu pour ce bloc d'échange. Je passe maintenant la parole au député de Rosemont. Cher collègue, vous disposez de 2 min 35 s.

17 867 M. Marissal : Merci, M. le Président. Mme Leclerc, bonjour. Toujours un plaisir de vous voir, même si, généralement, vous êtes porteuse de mauvaises nouvelles en ce qui concerne la gestion publique, mais j'apprécie énormément la rigueur de vos travaux. Et je vous connais depuis assez longtemps maintenant, dans ma précédente vie et celle-ci maintenant, pour être capable de vous lire. Et quand je lis dans votre mémoire, cette fois-ci, que vous êtes, par exemple, grandement inquiète, je suis capable de comprendre puis je pense que tous les gens qui vous fréquentent ici à l'occasion sont capables de comprendre que vous n'écrivez pas ça pour la beauté de la prose, qu'il y a effectivement une grande inquiétude, que nous partageons.

Dans les projets en ce moment, les 202, la liste des 202 en annexe du projet de loi n° 61, il y en a 34, projets routiers. Je peux ajouter les 16 de transport collectif qui seront éventuellement, d'une façon ou d'une autre, dans le giron du MTQ, MTQ qui était malheureusement la vedette de votre dernier rapport, une des nombreuses vedettes de votre dernier rapport, notamment pour les difficultés d'estimations justes. Je présume que ça aussi, si nous devions accélérer, ça devrait vous inquiéter aussi.

• (15 h 40) •

Mme Leclerc (Guylaine) : Absolument.

17 867 M. Marissal : Qu'est-ce qui vous inquiète particulièrement?

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, je vous dirais que c'est l'ensemble de l'oeuvre, donc c'est... on tend... Premièrement, il y a l'expertise, s'assurer qu'on a l'expertise au sein que ce soit du MTQ ou que ce soit dans les commissions scolaires, si ce sont des commissions scolaires qu'ils bâtissent. Donc, s'assurer qu'on a l'expertise. Ensuite, de faire une estimation adéquate, ce qui n'est pas le cas actuellement. Très souvent, on n'estime pas adéquatement, mais ça va aussi avec la qualité de l'expertise qu'on a et la quantité d'expertise qu'on a. Et ensuite, il y a ce qu'on donne à des firmes aussi à l'extérieur. Donc, lorsqu'on fait faire une estimation par les firmes, bien, souvent, on ne vérifie pas ce qui est fait par la firme ou, si on le vérifie, on ne l'a pas documenté pour démontrer qu'on l'avait vérifié.

17 867 M. Marissal : Je vous arrête parce qu'il me reste 15 secondes. Dans son état actuel, est-ce que le MTQ est capable de prendre un tel volume en si peu de temps?

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, je vous dirais qu'il n'a pas atteint le niveau d'expertise qu'il s'était promis d'atteindre. Alors, jusqu'à maintenant, on a encore identifié plusieurs lacunes, tant au niveau des estimations des projets qu'au niveau de la qualité... de la quantité d'expertise.

17 867 M. Marissal : D'accord. Je présume que ça vaut aussi pour certains autres ministères.

Le Président (M. Simard) : Très bien.

Mme Leclerc (Guylaine) : Effectivement, c'est la même... On a fait d'autres travaux au niveau des technologies de l'information.

Le Président (M. Simard) : Très bien.

Mme Leclerc (Guylaine) : Encore une fois, beaucoup de difficultés au niveau des bâtiments scolaires à... Effectivement.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, madame. Je cède la parole au député de René-Lévesque pour le même temps.

16 495 M. Ouellet : Merci. À mon tour de vous saluer. J'ai l'impression, en lisant votre mémoire, de relire une époque passée, le projet de loi n° 122 déposé par l'ancien gouvernement, le ministre Martin Coiteux des Affaires municipales. On avait eu la discussion, moi et le député de Blainville. M. le président du Conseil du trésor, vous pourrez aller vérifier avec le député de Blainville, nous avions eu cette discussion d'inclure les municipalités de moins de 100 000 sous votre juridiction. Ça n'avait pas été accepté. Donc, je comprends que vous revenez à la charge en disant : Minimalement, si, dans ce projet de loi là, on donne des pouvoirs, et les municipalités pourront, lorsqu'on lit le projet de loi, avoir aussi des dispositions dans ce projet de loi là, on devrait minimalement aussi donner le pouvoir à la VG d'aller vérifier. C'est ce que vous dites?

Mme Leclerc (Guylaine) : Absolument.

16 495 M. Ouellet : Dans le cas des pouvoirs, et on connaît très bien votre travail, seriez-vous à l'aise, ou disponible, ou outillée pour que, dans les 202 projets qui sont présentés ici, qui font l'objet d'un décret... On va avoir différentes dispositions, là, qui vont les amener à être adoptés. Est-ce que vous seriez... Est-ce que ça serait dans votre mandat d'aller auditer ça, ces 202 projets-là? On vous dit : Demain matin, la Vérificatrice générale, elle regarde les 202 projets selon les dispositions, qu'est-ce qui a été fait. Est-ce que les règles ont été contournées ou ça a été bien fait? Est-ce que ce serait le genre de mandat qui serait possible? Est-ce que votre équipe serait outillée pour le faire?

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, dans... Premièrement, dans un premier temps, il faudrait que les ministères soient eux-mêmes outillés. Les ministères et organismes, c'est eux-mêmes qui se doivent d'être outillés pour bien faire les estimés, hein, pour faire tout le travail adéquatement. Il faut les outiller. Il faut s'assurer qu'ils soient outillés. D'autre part, il faut qu'il y ait une reddition de comptes qui soit adéquate et que j'aie toute l'information, ce qui n'est pas toujours le cas. Alors, que j'aie toute l'information. Et après ça peut-être ne pas faire les 202, parce qu'on y va sur une base de risque, généralement. Alors, identifier certains qui sont à risque et... Les identifier, mais, effectivement, si j'ai les coudées franches, autant pour avoir l'information en temps opportun et d'être en mesure d'aller où cet argent-là est allé, si c'est dans les municipalités, avoir les coudées franches pour pouvoir y aller, bien, à ce moment-là, oui, on pourrait y aller sur une base de risque, comme on le fait dans tous nos mandats.

16 495 M. Ouellet : Donc, au lieu d'avoir, à l'Assemblée nationale, la reddition de comptes des ministres responsables qui auront signé le décret, on pourrait avoir, à l'Assemblée nationale, un rapport de la Vérificatrice générale selon l'audit sélectionné de certains projets sur la conformité des projets en question selon les règles qui sont...

Mme Leclerc (Guylaine) : Je vous dirais que ce n'est pas mutuellement exclusif. Les deux se doivent et ils se doivent de faire une reddition de comptes adéquate, O.K.? Alors, c'est la première chose. Et nous, on va aller vérifier la reddition de comptes, si elle est adéquate.

16 495 M. Ouellet : O.K. Parfait. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : Merci. Donc, j'ai bien aimé votre mémoire, merci encore. Vous êtes un incontournable dans les prochains amendements du président du Conseil du trésor qu'il devra, à un moment donné, nous soumettre sur... Il va falloir que ça soit écrit dans le projet de loi, par rapport à la reddition de comptes, le choix des projets, tout l'accès aux documents, etc. C'est quand la dernière année que vous êtes allée faire un audit de gestion contractuelle au MTQ?

Mme Leclerc (Guylaine) : Ah! ça a été un mandat qui nous a été demandé par le gouvernement, c'était en 2017, et on a fait un suivi cette année, en 2019.

M. Ouellette : Ça, c'est suite à la comparution de Mme Savoie en 2016, là.

Mme Leclerc (Guylaine) : Absolument, oui.

M. Ouellette : O.K. J'ai été surpris de voir à l'AMP hier que le gouvernement, le 13 novembre 2019, là, le gouvernement actuel a donné un mandat d'aller vérifier, en 2020, la gestion contractuelle du MTQ, alors que vous étiez au MTQ dans vos recherches, là, pour... qui a emmené le rapport la semaine passée. J'ai trouvé ça assez particulier, et là, bien, je pense qu'on a raison d'être préoccupés sur la reddition de comptes. Puis vous me dites, à la page 7, que le MTQ vous fournit de l'information inexacte par rapport à sa gestion contractuelle.

On a toutes les raisons du monde de se questionner sur la capacité, surtout qu'on part en arrière du plan de relance, là, au niveau gouvernemental, on a toutes les raisons du monde de se questionner sur cette capacité-là. Si j'ai compris, de l'AMP, ils sont encore au MTQ, là, parce qu'on ne nous a pas donné une date de péremption. J'ai l'impression que vous vous êtes croisés tous les deux en 2019 dans le cadre de vos mandats respectifs. Êtes-vous capable de me confirmer cette information?

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, je vous dirais, pour la relation avec l'AMP, c'est... Serge, si tu veux...

M. Giguère (Serge) : Oui, effectivement, on s'est croisés. Quand on terminait notre mandat, l'AMP rentrait au ministère, puis on a eu à discuter ensemble, là, pour ne pas faire... C'est pour ça, d'ailleurs, qu'il y a une couple de recommandations qu'on a décidé de ne pas suivre, et on l'a marqué dans le rapport, parce que l'AMP était directement dans ce sujet-là. Ça fait qu'on ne voulait pas multiplier... dupliquer le travail et les efforts.

M. Ouellette : Donc, il y a un rapport de l'AMP qui s'en vient sur la gestion contractuelle du MTQ étant donné que vous n'en avez pas parlé dans votre rapport. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Bien. Merci à vous deux pour votre présentation. Ce fut un honneur que de vous recevoir.

Mémoires déposés

Sur ce, avant de conclure nos auditions, je dépose les mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus.

Et, comme notre commission vient de terminer ses travaux, j'ajourne de manière sine die. Au plaisir de vous revoir.

(Fin de la séance à 15 h 48)

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