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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le jeudi 21 février 2019 - Vol. 45 N° 7

Étude détaillée du projet de loi n° 3, Loi visant l’instauration d’un taux unique de taxation scolaire


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Intervenants

M. Jean-François Simard, président

M. Eric Girard

M. Carlos J. Leitão

Mme Marwah Rizqy

*          M. Marc Grandisson, ministère des Finances

*          Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers amis, à l'ordre, s'il vous plaît! Je constate que nous avons quorum. Je vous souhaite la bienvenue, hein? Nous pouvons donc reprendre nos travaux.

Comme vous le savez, la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 3, Loi visant l'instauration d'un taux unique de taxation scolaire.

Mme la secrétaire, il me faut savoir, je suis impatient de connaître votre réponse : Y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Alors, M. Fortin (Pontiac) est remplacé par Mme Rizqy (Saint-Laurent) et M. Ouellet (René-Lévesque) est remplacé par Mme Hivon (Joliette).

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Alors, je tenais à faire une mise au point parce qu'avant-hier le ministre des Finances nous a dit que son père écoutait religieusement nos travaux.

M. Leitão : Aujourd'hui, il peut nous voir, en plus.

Le Président (M. Simard) : Eh bien, il peut nous voir, en plus. Mais ma mère m'a appelé pour me dire que votre père, cher collègue, n'était pas le seul à suivre nos travaux, puis elle trouve qu'on travaille très fort, puis elle me demande de vous saluer tous et toutes, là. Alors, voilà, le message est transmis. J'ai fait mes devoirs de fils, et là de président.

Étude détaillée (suite)

Bien, alors, au moment d'ajourner nos travaux, hier, les discussions portaient sur un amendement à l'article 3, proposé par M. le député de Robert-Baldwin. Je crois comprendre que nous voulions poursuivre ces travaux. Et je tenais à vous rappeler, M. le député, qu'il vous restait, de mémoire, 14 minutes. À vous la parole, cher collègue.

M. Leitão : Très bien, merci beaucoup, M. le Président. Donc, on revient sur l'amendement. Peut-être nous rappeler un peu tous qu'est-ce qu'on... pourquoi... d'abord, c'était quoi, l'amendement, et pourquoi on le présente ici. L'amendement, c'était à préciser, dans le projet de loi, donc, la définition d'un non-résident. On dit : «Toute personne résidant moins de six mois par année au Québec est considérée comme étant non-résidente.» Pourquoi on fait ça ici? Parce qu'il y a un enjeu qui a été soulevé par plusieurs collègues et par plusieurs groupes qui se sont présentés en commission parlementaire que, dans certains endroits, particulièrement à Montréal, on commence à constater une augmentation rapide de l'achat de propriétés, surtout des condominiums, mais aussi d'autres propriétés, par des non-résidents.

Ici, on parle vraiment de non-résidents, donc on ne parle pas de nationalité, on ne parle surtout pas d'immigration. Même, je pourrais en parler beaucoup, sur l'immigration, mais ce n'est pas le sujet du jour, disons. Enfin, c'est le sujet du jour, mais ce n'est pas le sujet de cette commission. Donc, on parle vraiment des personnes qui peuvent très bien être des Canadiens ou des Québécois, mais qui ne sont pas résidents. Et il n'y a pas de problème à être non-résident, ce n'est pas un crime contre personne, mais ce que nous disons, c'est que les personnes, qu'elles soient canadiennes ou d'autres nationalités, qui ne sont pas résidentes, mais qui possèdent des propriétés au Québec, puissent aussi participer au financement de nos services publics, dans ce cas-ci en particulier on parle donc de la taxe scolaire, donc qu'ils puissent faire aussi leur contribution aux taxes scolaires. Ici, à ce moment-ci, tout ce qu'on fait dans ce projet de loi, à cette étape du projet de loi, c'est juste, donc, d'indiquer, définir la non-résidence. Un peu plus tard, on verra, on aura d'autres suggestions à apporter

Nous jugeons que c'est important quand même, même si l'ampleur de ce phénomène n'est pas nécessairement très vaste, mais, comme ce qu'on a vu dans d'autres juridictions canadiennes, notamment à Toronto et à Vancouver, disons que la tendance nous fait croire que cela va s'accentuer davantage. Et donc pourquoi ne pas le faire maintenant puisque nous sommes ici, nous sommes en train d'analyser un projet de loi? Donc, le moment serait tout à fait approprié pour introduire cette notion de non-résidence dans le but... Le but, ce n'est pas d'empêcher qui que ce soit d'acheter quoi que ce soit, c'est seulement de nous assurer que ces personnes qui ne résident pas au Québec ne bénéficient pas d'un allègement fiscal que le gouvernement s'apprête à faire, une réduction de la taxe scolaire. Nous jugeons que ces personnes-là, ce n'est pas pertinent que les non-résidents bénéficient aussi de cet allègement-là.

Donc, ce n'est pas pour punir quelqu'un, ce n'est pas pour empêcher quelqu'un d'acheter quoi que ce soit, c'est tout simplement dans un souci de pouvoir maintenir un financement adéquat de nos services publics, dans ce cas-ci en éducation. Et d'ailleurs ça coûterait un peu moins cher au gouvernement, parce que, si les non-résidents, aussi minime soit leur proportion de propriété... bon, et ça va quand même... et, s'ils ne subissent pas... ou s'ils ne bénéficient pas d'un allègement fiscal, donc, ça va sauver quelques sous au gouvernement. C'est donc de l'argent de plus que les commissions scolaires pourraient avoir.

Donc, ça, c'est l'esprit de notre amendement. C'est la raison pour laquelle nous posons ce geste, nous déposons cet amendement. Maintenant, le gouvernement a mentionné que cet article serait inopérable, et c'est là où on avait un peu de difficulté à comprendre exactement pourquoi. Et je pense que c'est à ce moment-là que M. Grandisson, je pense, allait venir à la rescousse et allait nous expliquer un peu pourquoi est-ce que cela serait inopérable. Je pense qu'on était rendus là ou, M. le ministre, si vous...

Le Président (M. Simard) : Oui, je crois comprendre, M. le député, que M. le ministre souhaitait d'abord intervenir. Au besoin, son adjoint pourra le faire.

M. Girard (Groulx) : ...

Le Président (M. Simard) : Avec grand plaisir, M. le ministre.

M. Girard (Groulx) : ...puis je vais passer la parole ensuite à M. Grandisson...

Le Président (M. Simard) : Avec grand plaisir.

M. Girard (Groulx) : ...qui a manqué une réunion extrêmement importante pour être ici avec nous. Ça démontre toute l'importance du processus de cette commission. Et je voudrais aussi, d'entrée de jeu, corriger un de mes énoncés. Hier, lorsqu'on a parlé des statistiques au niveau de la spéculation sur les condos neufs à Montréal, j'ai référé aux consultations de cette commission, mais c'était erroné. J'avais entendu cette donnée dans le cadre des consultations prébudgétaires. Et c'était une donnée qui m'avait été fournie par un économiste de banque, que... nous rencontrons tous les économistes des banques et même de non-banques dans le cadre des consultations prébudgétaires. Et je ne pourrais pas dire, à ce stade-ci, si cette information, il l'a déposée dans le cadre de son mémoire, qui serait sur le site du ministère, mais, de toute façon, je veux corriger que ça n'avait pas été dit ici, mais bien dans le cadre des consultations prébudgétaires.

• (11 h 40) •

Alors, ce qu'on a discuté hier, c'est deux choses très importantes. On a discuté, d'une part, d'évasion fiscale et on a aussi parlé d'un phénomène de spéculation au niveau d'un segment du marché, les acheteurs étrangers. Et c'est des préoccupations que nous partageons. Et d'ailleurs je tiens à dire, au niveau de l'évasion fiscale, nous poursuivons la stratégie du précédent gouvernement. Et les efforts sont nécessaires. Et on continue dans cette optique-là.

Au niveau de la spéculation des acheteurs étrangers, nous avons adopté, au Conseil des ministres, maintenant, c'est rendu en...

Une voix : Prépublication.

M. Girard (Groulx) : ...prépublication sur la Gazette officielle, la collection d'informations pour documenter, mieux documenter le phénomène des acheteurs étrangers. Alors, ça, c'est en cours. Et donc le projet de loi visant l'uniformisation de la taxe scolaire n'est tout simplement pas l'endroit pour faire ça. Et en plus il y a... Et souvent, lorsqu'on a parlé de ce projet de loi là, on a mis l'emphase sur le fait que les commissions scolaires allaient être pleinement compensées. Et on a entendu, en commission parlementaire, que certains éléments qui sont proportionnellement nettement inférieurs, mais qui sont néanmoins importants parce qu'ils visent les milieux défavorisés, eux ne pourraient ne pas être compensés. Et c'est là, je pense, qu'on doit... je souhaiterais qu'on puisse améliorer le projet de loi.

Et un des objectifs... Il y avait corriger l'iniquité entre les régions, réduire le fardeau fiscal, maintenir le financement en éducation, mais il y avait aussi l'objectif de simplifier la gestion de la taxe scolaire. Et c'est là que je donne la parole à M. Grandisson.

Le Président (M. Simard) : Et ça ne sera pas possible pour l'instant.

Nous allons suspendre nos travaux, les affaires courantes n'étant pas terminées. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 42)

(Reprise à 12 h 36)

Le Président (M. Simard) : Alors, à l'ordre, chers collègues! Donc, nous avons suspendu brièvement nos travaux, le temps que les affaires courantes se terminent, ce qui vient d'être fait. Nous étions en train de discuter d'un amendement proposé hier soir par le député de Robert-Baldwin. Alors, M. le député, histoire peut-être de reprendre le filon de nos discussions, je vous laisse la parole.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Donc, l'amendement à l'article 3 que nous avions proposé, c'était tout simplement pour indiquer, à ce stade-ci dans le projet de loi, la notion de «non-résident». C'est juste ça. Un peu plus tard, on aura d'autres choses à dire à ce sujet-là.

Et pourquoi on faisait ça? On faisait ça pour nous donner la possibilité de s'assurer que les non-résidents, qui peuvent être des citoyens canadiens, québécois ou des étrangers, mais que les non-résidents, éventuellement, ne bénéficient pas de la baisse de la taxe scolaire prévue par le projet de loi n° 3 parce que nous jugeons que les non-résidents doivent aussi ou devraient aussi contribuer au financement de nos services publics.

Donc, c'était un peu rendu là. Et je pense que maintenant monsieur... en tout cas, M. Grandisson allait nous expliquer pourquoi cet amendement-là serait inopérable, parce que c'était... on s'était laissés là-dessus hier, que c'était inopérable. Donc, on aimerait comprendre un peu pourquoi.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. le député. J'aurais toutefois encore une fois besoin du consentement des membres de cette commission afin que notre invité puisse s'adresser à nous.

M. Leitão : ...

Le Président (M. Simard) : Merci. Le consentement est accordé. Monsieur, à vous la parole.

M. Grandisson (Marc) : Merci.

M. Leitão : Peut-être, excusez-moi, avant de commencer, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, M. Grandisson pourrait nous parler un peu, donc, de son parcours, puisqu'il est quand même depuis un certain temps au ministère des Finances, donc, que tout le monde soit au courant de...

M. Grandisson (Marc) : Donc, oui, Marc Grandisson, je suis sous-ministre adjoint au ministère des Finances. Je m'occupe de la fiscalité, et du secteur local, et des politiques fiscales locales, y compris les taxes foncières, municipales et scolaires, depuis plusieurs années.

Donc, pour ce qui est de l'applicabilité de l'amendement, l'enjeu est pratique plus que légal ou constitutionnel. C'est... la question de... Les commissions scolaires gèrent la taxe foncière scolaire présentement. Et un des objectifs qui a toujours été mis en place avec cette taxe-là, c'est de la garder le plus simple possible parce que les commissions scolaires n'ont pas beaucoup de ressources et ne consacrent pas... et, parce que c'est simple, n'ont pas besoin de consacrer beaucoup de ressources à l'administration. Elles reçoivent... c'est les municipalités qui établissent les rôles d'évaluation, qui envoient toute l'information à la commission scolaire. Donc, la commission scolaire dispose, pour gérer la taxe, de l'information sur qui est le propriétaire, la valeur au rôle, le type d'immeuble, etc. La commission scolaire applique la Loi sur l'instruction publique, qui prévoit : O.K., tu fais un taux de taxation pour toutes les catégories d'immeubles, tu calcules... tu regardes : O.K., toi, c'est quoi, ton besoin en financement des besoins locaux, tu appliques ça à la richesse foncière, ça te donne un taux, c'est ça que tu appliques. Tu envoies les avis de cotisation ou les factures de taxe scolaire et tu reçois l'argent. Donc, c'est très, très basique. À ce niveau-là, dès qu'on ajoute un niveau de complexité, par exemple avoir deux taux, un taux pour soit le résidentiel, non résidentiel ou pour résident, non résident, ça ajoute un niveau de complexité pour leur système présentement. Comme on dit, ce n'est pas insurmontable. C'est juste que leur capacité... ce n'est peut-être pas souhaitable non plus, pour ce qui est de... leur capacité de gérer et de consacrer pas trop de ressources est remise en cause.

• (12 h 40) •

Quand on parle de choses qui sont déjà dans... parce que... par exemple, le type d'immeuble. Ça, c'est déjà dans l'information qu'elles reçoivent des villes avec le rôle d'évaluation. Donc, ça, c'est de l'information qui existe, qu'elles ont présentement. Donc, si on disait : Il faut que vous fassiez la distinction, probablement qu'ils ne pourraient pas le faire l'été prochain, parce qu'il faudrait qu'ils changent les systèmes, mais c'est quelque chose... c'est de l'information existante. Et aussi, c'est... donc, ils ont juste... l'information est déjà préfournie par la ville, ils n'ont pas besoin de la chercher, ils n'ont pas besoin... Donc, il y a une information claire.

Pour ce qui est de la résidence, ou de la citoyenneté, ou peu importe, c'est de l'information que les municipalités n'ont pas. C'est de l'information que... Donc, il faudrait trouver une source d'information pour les commissions scolaires. Ensuite, il faudrait s'assurer du suivi. On a mentionné la RAMQ comme étant une chose potentielle. Le régime avec 183 jours de résidence au Québec, ça ressemble à la résidence fiscale de l'impôt. Mais l'impôt, il y a cette résidence-là qui est présumée, mais tu as aussi... tu peux aussi être de fait. Donc, il faudrait...

Si on dit qu'il faut que les commissions scolaires commencent à établir ce critère-là, est-ce qu'il est rencontré ou non, ça pose des difficultés. Si on dit qu'il faut que ce soit la Régie de l'assurance maladie qui leur fournisse de l'information, là, il va falloir voir... parce que, comme l'information fiscale de Revenu Québec, l'information de la Régie de l'assurance maladie, il y a des critères de qu'est-ce qui peut être transféré ou non à d'autres organismes, compte tenu de la confidentialité des renseignements personnels. Donc, tout ça, c'est... peut-être, à la fin, on aurait quelque chose, mais on a des chances que ça vienne alourdir grandement le fardeau administratif des commissions scolaires.

Présentement, ce n'est pas applicable, parce qu'on ne pourrait pas l'appliquer là. L'information, ils ne l'ont pas, ils n'ont pas les systèmes pour puis ils n'ont pas... Donc, ce n'est pas applicable en pratique. Et on dit que ce n'est peut-être pas souhaitable non plus, compte tenu de l'objectif du projet de loi de baisser le fardeau fiscal et de baisser le... d'uniformiser les taux. Et là, donc, on regarde la simplicité du régime actuel, où il y a juste un taux à gérer et envoyer les comptes de taxe.

Donc, on veut éviter de complexifier les choses et on se dit que les deux objectifs qui avaient été soulevés hier en commission, soit la spéculation, qui fait monter artificiellement le prix de l'habitation, comme on a vu à Toronto et à Vancouver... Là, on a vu qu'il y a un règlement qui a été publié cette semaine. On cherche l'information. Et, quand on voit les autres provinces qui ont agi là-dedans, c'était basé sur... ça s'applique à ceux qui sont ni citoyens canadiens ni résidents permanents. Donc, ce n'est pas la résidence fiscale ou la résidence RAMQ, c'est le critère plus précis de : Est-ce que tu as une résidence permanente au Canada, donc selon Immigration Canada, ou est-ce que tu es citoyen? Et ce n'est pas les municipalités ni les commissions scolaires qui gèrent ça, c'est les provinces. Et donc c'est une autre différence.

L'autre différence, c'est que le test est appliqué au moment de l'acquisition de la propriété et non pas, à chaque année, de voir est-ce que la personne, cette année-là, a passé tant de temps au Canada ou non. Donc, le test de résidence, tout ça, est appliqué, dans les autres provinces, seulement sur les transactions. Donc, ce n'est pas un test en continu qu'à chaque année... qui est renouvelé. Donc, c'est les différences, un peu.

Mais on voit que, justement, parce qu'il faut vérifier beaucoup de choses... et les types d'immeubles aussi. Ce n'est pas tous les immeubles qui sont gérés... Ça n'a pas été donné aux municipalités ni aux commissions scolaires à gérer. Ça a été donné aux gouvernements provinciaux. Donc, c'est dans ce contexte-là qu'on dit que, pour ce qui est de l'applicabilité puis de l'objectif visé, que ça serait préférable de maintenir un taux unique au niveau des commissions scolaires et de les laisser administrer ça de manière plus facile ou plus administrativement efficace. En gros, c'est ça, l'explication de l'applicabilité.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Leitão : Très bien. Avant de passer la parole à ma collègue, je pense qu'elle a quelques questions, mais, nous, ici, cet amendement, qui est très simple, vise tout simplement à introduire la notion de non-résident. Ce qu'on fera avec ça plus tard, on en discutera, et vous avez apporté certains points, mais ici c'est tout simplement de présenter cette notion de non-résidence. Et puis, donc, je pense que, pour cela, il ne devrait pas y avoir de grand obstacle, mais je ne sais pas si tu...

Le Président (M. Simard) : Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Bonjour, merci beaucoup. Juste pour mon bénéfice, vous êtes aussi avocat?

M. Grandisson (Marc) : Oui.

Mme Rizqy : Parfait. Quand on regarde une loi, est-ce que l'objectif du législateur, c'est quelque chose qui vous interpelle?

M. Grandisson (Marc) : ...

Mme Rizqy : Parfait. Dans l'objectif du législateur, est-ce que vous convenez que c'était de remettre de l'argent dans les poches des contribuables québécois, qui a été maintes fois martelé par le premier ministre?

M. Grandisson (Marc) : Il y a une ligne, parce qu'il y a des questions de politique que je vais laisser mon ministre répondre. Mais ce que je pourrais vous dire du côté de politique fiscale, que, toutes les décisions des gouvernements, il y a toujours un équilibre à y avoir entre la simplicité, l'intégrité puis l'équité des régimes. Donc, des fois, pour avoir plus de simplicité, il faut faire des choix d'avoir peut-être un peu moins de précision, et tout ça. Donc, c'est toujours des équilibres à avoir. Donc, les objectifs ne sont jamais purs, et tout ça, en général. Mais c'est juste ça que je vais dire là-dessus, là.

Mme Rizqy : Les objectifs ne sont jamais... pouvez-vous répéter? Purs?

M. Grandisson (Marc) : Non, c'est qu'il n'y a jamais une... c'est que le mieux... finalement, le mieux est l'ennemi du bien en politique fiscale dans le sens où, si une mesure pourrait être parfaite, de dire : Je vais aller chercher exactement les gens que je vais... l'objectif initial, mais ça va coûter plus cher d'administrer que de... je ne dis pas que c'est l'exemple de ça, mais donc la simplicité va peut-être te dire : Bon, je vais le faire un petit peu moins parfait, mais ça va être comme ça. Ou est-ce que, si je fais ça comme ça, ça va... oui, j'ai été à l'objectif initial, mais je risque d'avoir de l'évasion fiscale ou il y a un trou béant. Alors, je vais peut-être mettre des choses qui vont... des remparts qui vont peut-être amoindrir l'objectif d'équité, disons, mais pour en mettre un peu plus dans l'intégrité. Donc, c'est toujours un exercice d'équilibre là-dedans. Donc, c'est pour ça que le fait qu'il y ait un objectif visé ne veut pas dire qu'il n'y a pas de l'équilibre à atteindre avec les autres objectifs en politique fiscale.

Mme Rizqy : Non, c'est parce qu'il y a un petit peu de brouillard entre la...

Le Président (M. Simard) : ...s'adresse à la présidence, merci.

Mme Rizqy : ...ah! un petit peu de brouillard entre l'objectif versus le moyen, parce que ma compréhension, c'est que l'objectif était, du ministre des Finances, de remettre de l'argent dans les poches des contribuables québécois, et le moyen pour y parvenir était d'uniformiser le taux. Alors, c'est pour ça que j'avais une petite distinction pour le ministre.

Lorsque j'entends Me Grandisson dire que c'est plus un problème d'ordre pratique plus que légal ou constitutionnel, pour le bénéfice de cette commission, pouvez-vous... est-ce que vous voyez quoi que ce soit au niveau légal ou constitutionnel? Parce que, quand vous dites «plus que légal», ça laisse sous-entendre que peut-être qu'il y a une petite partie légale ou constitutionnelle.

Le Président (M. Simard) : M. Grandisson, à vous la parole.

M. Grandisson (Marc) : Merci. C'est comme dans tout, c'est : Dépendamment comment tu vas le faire, il faut que tu t'assures de le... et c'est certain que c'est... parce que, si on ne le fait pas comme il faut, bien, le contenu de la charte dit qu'il ne faut pas discriminer, par exemple, sur la nationalité, ou l'origine, ou une chose comme ça, que, si tu ne l'écris pas de la bonne manière, ta mesure, tu risques ça. Mais je pense que ce n'est pas un enjeu insurmontable, mais c'est quelque chose à quoi il faut penser.

Mme Rizqy : Est-ce que vous pouvez nous éclairer à savoir, si nous utilisons les critères suivants, de non-résidence légale, et non de fait, légale, est-ce qu'il y aurait un problème de charte en vertu de l'article 15?

M. Grandisson (Marc) : Là aussi, je ne ferais pas de... je ne pense pas que...

Le Président (M. Simard) : M. Grandisson, je me permets de le redire, hein...

M. Grandisson (Marc) : Oui, excusez, vous avez raison, merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : ...mais ce n'est pas simplement pour notre bénéfice à nous, mais c'est surtout pour les personnes qui font la rédaction du Journal des débats, pour qu'ils puissent bien savoir qui dit quoi. C'est une question très pratique, je m'excuse.

M. Grandisson (Marc) : Mais là-dessus aussi peut-être que je pourrais dire : Je suis avocat de formation, mais je viens ici à titre de sous-ministre adjoint au ministère des Finances, donc je ne suis pas en position d'émettre une opinion juridique à la commission. Donc, ce serait ça que... ça serait ça, ma réponse, je ne pourrais pas m'avancer comme ça.

Mme Rizqy : Ah! d'accord. Juste pour ma gouverne, est-ce que... Me Grandisson, est-ce que vous êtes toujours inscrit à l'ordre du Barreau?

M. Grandisson (Marc) : Oui.

Mme Rizqy : O.K. Non, mais c'est que, vu que, d'emblée, vous avez mentionné que vous étiez aussi avocat...

M. Grandisson (Marc) : Oui, oui, c'est ça, je suis avocat, mais mon rôle ici n'est pas celui de...

Mme Rizqy : ...c'est pour ça que je voulais soumettre ça puis que... d'accord. Mais c'est juste qu'on a parlé de plus que légal que constitutionnel, sauf que moi, je voulais dissiper tout doute qu'il n'y avait pas de problème au niveau légal ou constitutionnel d'ajouter le critère de résidence légale, c'est-à-dire le six mois que nous, on aimerait ajouter.

Est-ce que, lorsque vous mentionnez que l'info est existante, voyez-vous des obstacles insurmontables à... que de transmettre l'information au niveau des municipalités et des commissions scolaires pour qu'on puisse voir sur le relevé est-ce que la personne est non résidente?

Le Président (M. Simard) : M. Grandisson.

• (12 h 50) •

M. Grandisson (Marc) : Encore là, ça dépend par où on passe pour le faire. Qui va décider ça? Surtout si c'est une présence, comme on disait tantôt, de 180 jours en une ou plusieurs périodes pendant l'année. Vous avez raison que la RAMQ suit ça, mais, encore là, ce n'est pas exactement comme en impôt, ce n'est pas clair qui va fournir l'information en continu. Est-ce que, là, avec le projet de règlement, on va avoir le niveau de citoyenneté... le statut citoyenneté par des personnes, leur intention d'habiter la maison, et tout ça? Ça, c'est le genre de chose que peut-être que, quand ça va être capté au Registre foncier, ça va être facile de faire du croisement des données. Le croisement de données entre Revenu ou la RAMQ et les municipalités ou les commissions scolaires pose plus d'enjeux, d'après moi, pour ce qui est... mais c'est plus une opinion, là, de voir, en pratique, comment gérer ça, là, au jour le jour quand les commissions scolaires vont préparer leurs comptes de taxe, là.

Mme Rizqy : Vous avez utilisé le terme «citoyenneté». Juste pour notre bénéfice, parce que, pour moi, il y a vraiment une distinction assez importante, au niveau légal, de citoyenneté versus de résidence, est-ce que, là, juste... est-ce que, pour mon bénéfice et celui de la commission, pouvons-nous clarifier qu'ici on parle de résidence en termes légaux? Et je ne parle pas de résidence de fait, je parle vraiment la résidence légale statutaire, qu'on appelle en droit.

Le Président (M. Simard) : M. Grandisson.

M. Grandisson (Marc) : Merci, M. le Président. Bien, je dirais que j'ai donné l'exemple parce que, dans le règlement sur... qu'est-ce qui va être capté quand les gens vont faire les transactions, là, d'après le règlement, c'est la citoyenneté, c'est pour ça que j'ai donné l'exemple. Ça, c'est une donnée qui va être disponible, théoriquement, facilement une fois que ça va être inscrit au registre. La résidence légale, ça, c'est plus diffus comme concept et c'est plus de l'interprétation de fait à chaque... même... parce qu'en fiscalité vous savez qu'il y a de fait d'avoir... qu'il y ait des intentions et il y a le 182 jours. Mais, encore là, 182 jours, qui va décider, à la commission scolaire, si quelqu'un a passé trois périodes de tant de jours pendant l'année ou non au Québec? C'est compliqué. À la Régie de l'assurance maladie, ils font leurs choses pour leurs propres fins qui ne sont peut-être pas les mêmes exactement qu'on veut atteindre ici. Revenu Québec...

Donc, on dit : Si, à la fin... est-ce que c'est possible, théoriquement, d'avoir... si on réussit à franchir les obstacles du côté de la confidentialité des renseignements de la RAMQ, ce dont je ne suis pas certain, je ne suis pas spécialiste de ce côté-là, que la RAMQ enverrait en continu qui, dans la municipalité, ou qui, dans la commission scolaire, a une carte d'assurance maladie, je ne sais pas comment ça fonctionnerait, là, puis que la commission scolaire devrait filtrer deux taux de taxe à cause de ça, ça serait des coûts de système et des coûts d'administration au jour le jour importants, qui viendraient complexifier beaucoup le régime de la taxe foncière scolaire.

Le Président (M. Simard) : Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Vous faites référence, dans votre réponse, à un règlement. Nous, présentement, on étudie un projet de loi. Est-ce que vous avez un règlement qu'on n'a pas vu, qu'on aurait dû voir?

M. Grandisson (Marc) : Le ministre... Excusez-moi, M. le Président. Le ministre l'a mentionné, dans sa réponse d'hier, que, sur... à la question de la spéculation, que le gouvernement donne suite à un règlement qui avait été annoncé dans le budget de l'année passée pour aller chercher de l'information justement sur les acquéreurs d'immeubles au Québec pour voir justement s'il y avait un phénomène qui s'en venait comme on avait vu à Vancouver et à Toronto. Donc, le règlement qui a été publié indique qu'il va y avoir une obligation de fournir au Registre foncier les renseignements sur la citoyenneté et différents autres dans le futur pour qu'à l'avenir le gouvernement ait une indication de : Est-ce que le marché de l'immobilier fait une surchauffe causée par des achats d'étrangers non résidents?

Mme Rizqy : Je comprends, mais, dans ce cas-ci...

Le Président (M. Simard) : Mme la députée, le ministre souhaite intervenir. M. le ministre.

M. Girard (Groulx) : La deuxième question, dans le règlement, qui est posée, c'est l'occupation comme résidence principale ou non. C'était l'esprit du règlement, qui est publié pour consultation dans la Gazette officielle.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. le ministre. Mme la députée.

Mme Rizqy : Si je comprends bien, cet objectif de règlement, c'est pour vérifier, un, s'il y a une surchauffe et, deux, si, advenant une surchauffe, est-ce que vous irez de l'avant pour légiférer, par exemple, ce que la Colombie-Britannique où l'Ontario ont fait avec une taxe sur les non-résidents, alors qu'ici l'objectif de cette loi c'est de remettre l'argent dans les poches des contribuables par l'uniformisation des taux au Québec. Et, par conséquent, nous, notre amendement qu'on dépose, c'est qu'on vise des non-résidents. On a deux objectifs qui peuvent, en apparence, être connectés, mais ils ne sont pas similaires. Ici, on veut donner, en quelque sorte, un congé de taxe à quelqu'un, dans l'autre cas, on veut imposer une taxe.

Alors, si on veut donner un bénéfice aux résidents québécois, encore faut-il bien préciser à l'article 3, paragraphe 2°, le terme «personne». Et c'est ça, mon objectif, et je crois que vous aussi, votre gouvernement, parce que vous l'avez répété à plusieurs reprises, M. le ministre des Finances. Et maintenant je comprends que le ministre des Finances et son sous-ministre... Il y a une affaire qui m'échappe. Est-ce qu'on a déjà des lois, au Québec, qui ont un terme de résidence qui est différent?

Le Président (M. Simard) : M. le ministre.

M. Girard (Groulx) : C'est simplement pour préciser, là, parce qu'il y a eu plusieurs interventions sur ce sujet hier, là, puis, justement, on vogue d'un objectif à l'autre, M. le Président : d'une part, l'évasion fiscale, d'autre part, la spéculation. Et tout ce qu'on dit, c'est que, pour ce qui concerne l'aspect spéculatif relié aux acheteurs étrangers, qui a été un phénomène observé extrêmement significatif — je sais que mon... certains de nos collègues aiment les termes précis — qui a été désigné comme statistiquement significatif dans le cadre des villes de Toronto et Vancouver, pour savoir si nous avons un tel phénomène à Montréal, donc, bonnes données... permettra d'avoir des meilleures politiques. Et ça, sans faire une passe dans un filet ouvert à un autre membre de cette commission, ça avait été amorcé dans le budget 2018‑2019 de mon collègue de Robert-Baldwin. Et, comme nous supportons cet esprit, bien, on y va avec la suite, le règlement la publication, bon.

Pour ce qui est de l'évasion fiscale, qui est l'autre objectif, là, dont on... on vogue entre ces deux objectifs, bien, c'est aussi un objectif qui est très noble, de contrer l'évasion fiscale, et avec aussi des politiques des précédents gouvernements qui ont été amorcées. Là-dessus, ces politiques-là se poursuivent, on partage les objectifs. Puis là je ne veux pas rentrer dans les détails, mais il y a certaines évolutions, notamment dans un dossier qui est très public puis qui a même été, je crois... Est-ce qu'il a été référé en Chambre? Non, il a été référé dans les journaux.

Alors, l'objectif, le premier objectif de ce projet de loi, c'est l'uniformisation de la taxe scolaire entre les régions, le deuxième objectif est la réduction du fardeau fiscal des Québécois, le troisième objectif, c'est de maintenir un financement stable en éducation, et ça, c'est l'article 24.34 qui assure que, quand la taxe baisse, la subvention augmente, et bien sûr la simplification de la taxe scolaire.

Et là, lorsqu'on... votre l'amendement qui a été proposé, M. le Président, nous avons des experts ici qui ont déjà... qui sont impliqués. On a parlé de l'inopérabilité de cette proposition, et c'est pour ça que M. Grandisson a pris la parole aujourd'hui.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. le ministre. M. Grandisson, souhaitiez-vous ajouter quelque chose?

M. Grandisson (Marc) : M. le Président, juste pour dire que, c'est ça, je comprends que le concept est différent, de citoyenneté et résidence, c'est juste que, quand on regardait quelles sont les sources potentielles d'information pour avoir un concept de ce type-là disponible aux commissions scolaires, à un moment donné, dans quelques années, il va y avoir, pour les municipalités aussi... ils vont avoir accès à l'information du Registre foncier pour la citoyenneté.

Pour l'information sur la résidence, si on prend, par exemple, la Régie de l'assurance maladie, là il faudrait voir le concept, est-ce qu'il est adéquat puis aussi de voir comment qu'on transfère l'information aux commissions scolaires de manière efficace.

Donc, est-ce que l'ensemble des citoyens, est-ce que... si tu as un chalet dans la municipalité, est-ce que la commission scolaire va pouvoir avoir accès à ton numéro d'assurance maladie? Il y a plein d'enjeux. Mais présentement ça n'existe pas puis c'est sûr que ça va ajouter de la complexité. Donc, c'est juste que, si on fait ce phénomène-là, si on fait cette approche-là, ça ne se peut pas que ça soit la commission scolaire qui décide à chaque fois est-ce que quelqu'un a passé 182 jours au Québec. Il faut que l'information vienne d'ailleurs, puis ce n'est pas clair d'où elle pourrait venir. C'est pour ça qu'on parle de difficultés pratiques.

Le Président (M. Simard) : Merci, monsieur.

Alors, il est 13 heures, j'ajourne donc nos travaux sine die. Bon repas à tous!

(Fin de la séance à 13 heures)

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