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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 17 janvier 2018 - Vol. 44 N° 194

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 141, Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières


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Table des matières

Auditions (suite)

Coalition des associations de consommateurs du Québec (CACQ)

Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MEDAC)

Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ)

Chambre de l'assurance de dommages (CHAD)

Chambre de la sécurité financière (CSF)

Groupe Promutuel, fédération de sociétés mutuelles d'assurance générale

Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (Ordre des CPA du Québec)

E rnst & Young, PricewaterhouseCoopers, Deloitte SENCRL/SRL, KPMG SRL/SENCRL
et Raymond Chabot Grant Thornton

Intervenants

M. Jean-Denis Girard, président suppléant

Mme Rita Lc de Santis, présidente suppléante

M. Carlos J. Leitão

M. Nicolas Marceau

M. François Bonnardel

M. Ghislain Bolduc

M. Saul Polo 

*          Mme Rébecca Bleau, CACQ

*          M. Jacques St-Amant, idem

*          M. Daniel Thouin, MEDAC

*          M. Willie Gagnon, idem

*          Mme Nadine Lindsay, OACIQ

*          Mme Caroline Champagne, idem

*          Mme Claudie Tremblay, idem

*          Mme Diane Beaudry, CHAD

*          M. Jean-François Raymond, idem

*          Mme Maya Raic, idem

*          Mme Jannick Desforges, idem

*          Mme Marie Elaine Farley, CSF

*          M. Gino-Sebastian Savard, idem

*          M. Stéphane Rousseau, idem

*          M. Marc Beauchemin, idem

*          M. Jean-Denis Morin, Groupe Promutuel, fédération de sociétés mutuelles d'assurance générale

*          M. Sylvain Fauchon, idem

*          M. Simon Girard, idem

*          Mme France Beaudry, idem

*          Mme Geneviève Mottard, Ordre des CPA du Québec

*          Mme Christiane Brizard, idem

*          M. Alain Côté, Deloitte SENCRL/SRL

*          M. Martin Deschênes, Raymond Chabot Grant Thornton

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures vingt-deux minutes)

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la Commission des finances publiques ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Je veux prendre également quelques instants pour saluer tous les membres de la commission, saluer les travailleurs de l'Assemblée nationale, la secrétaire de la commission, les gens de l'Assemblée qui nous aident, les gens du ministère, également tous les gens qui vont nous présenter des mémoires ce matin.

Je veux en profiter pour souhaiter une bonne année à tous. C'est la première séance de la Commission des finances publiques aujourd'hui. Donc, bonne année à tous, mes collègues de l'opposition officielle, de la deuxième opposition, mes collègues du gouvernement. Donc, merci d'être avec nous ce matin.

La commission est réunie afin de procéder à des consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 141, la Loi visant principalement à améliorer l'encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d'argent et le régime de fonctionnement des institutions financières.

Mme la secrétaire, il y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, M. le Président. Il n'y a aucun remplacement.

Auditions (suite)

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Donc, ce matin, nous entendrons les organismes suivants : la Coalition des associations de consommateurs du Québec, le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires et l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec.

Les auditions de chacun des organismes est d'une durée de 45 minutes. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, le temps est réparti de la façon suivante : 16 minutes d'échange avec le gouvernement, 9 min 30 s avec l'opposition officielle et 6 min 30 s avec la deuxième opposition.

Donc, bienvenue à notre premier groupe aujourd'hui, au niveau de la Coalition des associations de consommateurs du Québec, nous avons Mme Rebecca Bleau et M. Jacques St-Amant qui sont avec nous. Donc, sans plus tarder, je vous laisse débuter avec votre 10 minutes de présentation de votre mémoire.

Coalition des associations de consommateurs du Québec (CACQ)

Mme Bleau (Rébecca) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, nous vous remercions aujourd'hui de nous permettre de vous présenter nos observations dans le cadre de l'étude du projet de loi. La Coalition des associations de consommateurs du Québec est un regroupement national d'organismes communautaires qu'on appelle les associations de consommateurs. Les associations, elles sont présentes dans toutes les régions du Québec. La CACQ en compte actuellement 21 membres et elles sont... on a beaucoup de membres dans des régions éloignées des grands centres urbains.

Donc, les associations sont des organismes communautaires qui interviennent dans la défense collective des droits et des intérêts des consommateurs et elles le font depuis maintenant plus de 50 ans. Au quotidien, les associations rencontrent des consommateurs pour leur offrir des services d'aide et d'information en matière budgétaire. Donc, elles sont bien au fait des défis que doivent relever les consommateurs en termes de services financiers, que ce soit des activités à caractère bancaire, de l'assurance ou même de l'obtention de crédit.

Le projet de loi propose une importante réforme de l'encadrement du secteur financier québécois. Par contre, la coalition s'inquiète de plusieurs dispositions prévues au projet de loi. Pour vous en parler, je cède maintenant la parole à M. Jacques St-Amant qui enseigne le droit de la consommation au Département des sciences juridiques de l'UQAM et qui agit à titre d'analyste pour la coalition.

M. St-Amant (Jacques) : M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, nous sommes généralement heureux de venir vous rencontrer à Québec et nous sommes particulièrement privilégiés, puisque nous avons l'occasion d'ouvrir vos travaux ce matin, mais cette fois-ci, nous sommes un peu tristes. Quand nous avons lu l'article premier du projet de loi, nous avons été ravis. Nous avons dévoré ce texte passionnant, à la recherche de toutes les innovations qu'on nous y promettait et qui allaient mieux protéger les consommateurs québécois. Et nous en avons trouvé, ma foi, fort peu. Par contre, beaucoup d'éléments nous ont considérablement inquiétés. En somme, nous avons été déçus.

Nous avons cherché à comprendre pourquoi afin de rendre justice aux efforts quand même considérables consentis pour rédiger ce projet et afin de vous en proposer une critique aussi précise que faire se peut. Et nous avons voulu fonder cette critique sur un certain nombre de principes, de règles, qui sont établies en économie, en droit, de façon à nous outiller, de façon à avoir une critique aussi claire, précise que possible. Et nous avons aussi procédé, en décembre dernier, à une petite enquête auprès des associations de consommateurs québécoises — nous en avons rejoint quand même une bonne proportion — pour avoir aussi un aperçu de comment elles perçoivent, elles réagissent à certaines questions.

Alors, voici quelques-uns de nos constats.

Il arrive que des agents économiques prennent des décisions qui les arrangent, mais qui ont des conséquences négatives pour d'autres. Les économistes parlent alors d'externalité négative. Quand un réseau comme celui des Caisses Desjardins refuse d'ouvrir un compte à une personne à faibles revenus à cause de son faible revenu ou ferme un point de service, il génère des externalités négatives. Il est extrêmement difficile pour une personne de s'intégrer à la société, de nos jours, si on ne parvient même pas à ouvrir un compte dans une institution de dépôt. Or, la Commission des droits de la personne nous disait, il y a quelques années, qu'il y a peut-être 8 % des personnes à faibles revenus au Québec qui n'ont pas de compte. Et la quasi-totalité des 17 associations de consommateurs qui ont répondu à notre petite enquête en décembre nous ont dit qu'elles reçoivent à l'occasion, parfois souvent, des plaintes de consommateurs à qui Desjardins a dit non, a refusé d'ouvrir un compte.

C'est que rien n'oblige Desjardins à offrir ce genre de service de base. La Loi sur les banques exige, depuis le début des années 2000, qu'une banque ouvre un compte à toute personne qui peut s'identifier, sous réserve de quelques exceptions, cas de fraude manifeste, etc. Le droit européen a pris la même direction. Mais Desjardins, qui se vante d'être la seule institution présente dans plusieurs communautés au Québec, persiste à exclure des consommateurs. Et nous sommes un peu chagrinés de voir qu'un projet de loi visant la réforme du secteur financier et touchant notamment Desjardins ne contient aucune mesure à l'égard des questions comme l'accès aux services bancaires de base ni rien qui touche, par exemple, l'accès aux services d'assurance. Les externalités négatives, elles, continueront à s'accroître.

Dans des marchés parfaits, l'information circule parfaitement. Mais les marchés, bien sûr, ne sont pas parfaits, et certains détiennent beaucoup plus d'informations et d'expertise que d'autres. C'est notamment manifeste en matière d'assurances, où les consommateurs doivent se fier à des experts compétents et intègres. Le cadre de la Loi sur la distribution de produits et services financiers a été mis en place pour garantir notamment cette compétence.

Il nous paraît toutefois que le projet de loi n° 141 affaiblit considérablement les obligations du représentant en assurances et il ouvre la porte à ce que des personnes qui ne sont pas des représentants dûment certifiés puissent donner des conseils en assurances. Il éviscère le régime actuel de la distribution sans représentant, qui aurait pu être amélioré en tenant compte des recommandations formulées, il y a quelques années, par l'Autorité des marchés financiers. En matière d'offre d'assurances en ligne, il n'offre aucune orientation claire, à notre avis, et aucune protection notable aux consommateurs, se bornant essentiellement à consacrer la liberté des fournisseurs de faire ce que bon leur semble. Les asymétries d'information vont donc continuer à s'amplifier de plus en plus, et cela au moment où, par exemple, l'Union européenne, avec sa directive sur la distribution d'assurances, fait le contraire et vient imposer de plus en plus d'obligations aux concepteurs, aux distributeurs d'assurance.

N'en déplaise aux économistes et aux juristes, les humains ne se comportent pas toujours de manière parfaitement rationnelle, en tout cas classiquement rationnelle. Des recherches nombreuses, au cours des 30 dernières années, dans le monde de l'économie comportementale, et dont plusieurs ont été récompensées par des prix Nobel, ont démontré pourquoi nous utilisons le plus souvent des méthodes de prise de décision simplifiées. Par exemple, nous sommes souvent tentés par ce qui coûte moins cher immédiatement, même si ce sera moins rentable à terme.

• (10 h 30) •

Le régime d'assurance de frais funéraires proposé dans le projet de loi n° 141 paraît calculé pour exploiter ces tendances. Il rétablirait une formule de financement de ce genre de service abolie par l'Assemblée nationale en 1974 et il instaurerait des règles à certains égards moins avantageuses qu'elles l'étaient en matière d'assurance funéraire, en 1916, quand le régime a été instauré. Nous revenons en arrière d'un siècle. Ça nous inquiète légèrement. Et il nous paraît que rien dans ce régime ne serait bénéfique au consommateur.

Les lois encadrant les institutions financières, d'autre part, les obligent à mettre en place des mécanismes de traitement des plaintes. L'expérience des associations de consommateurs, que nous avons mesurée avec la petite enquête dont je vous parlais, indique que les associations, en général, ont des expériences qui vont de bonnes à franchement mauvaises avec les mécanismes actuels. Il nous paraît qu'il serait utile de faire d'abord une évaluation en profondeur des régimes qui existent actuellement, avant de songer à les améliorer. Mais on ne paraît pas avoir fait cette évaluation et on nous propose, dans le projet de loi, un certain nombre de réformes qui vont, par exemple, donner aux institutions financières le pouvoir de déterminer elles-mêmes les types de plaintes contre elles qui seraient recevables. On ouvre également la porte à l'imposition de frais qui seraient imposés aux consommateurs qui voudraient s'engager dans un processus de traitement des plaintes. Et cette mesure est contraire à l'esprit et, dans certains cas même, à la lettre des recommandations du G20 et de l'OCDE en matière de traitement des plaintes des consommateurs.

Là encore, l'Union européenne a adopté un régime, il y a quelques années, qui est également plus intéressant que ce qu'on envisage au Québec. Et les éléments du projet de loi n° 141 vont également nettement moins loin, sont moins avantageux pour les consommateurs que les processus actuellement appliqués au niveau canadien par la commission des plaintes relatives aux services de télécom/télévision ou l'ombudsman des services bancaires.

Mais, pour encadrer tout ça, bien sûr, il y a un organisme, l'Autorité des marchés financiers, créé en 2002, à l'époque où il y avait un peu partout dans le monde un grand engouement à l'égard de la mise en place d'organismes réglementaires intégrés. Et puis il y a eu la crise de 2008. Et puis, depuis, un peu partout dans le monde, on se dit : La structure intégrée, ça ne fonctionne peut-être pas très bien, et on s'oriente de plus en plus vers des structures bicéphales avec un régulateur prudentiel et un régulateur des pratiques de marché. C'est le cas en Australie, au Royaume-Uni, en France, aux Pays-Bas, en Afrique du Sud. Même en Chine, on envisage actuellement de se diriger dans ce sens.

Au Québec, non seulement ne semble-t-on pas avoir entamé de réflexion à ce sujet, mais on veut ajouter à la centralisation actuelle en abolissant la Chambre d'assurance de dommages et la Chambre de la sécurité financière. Incidemment, nous ne voyons aucun avantage à cette abolition. Contrairement à ce qui est parfois colporté, il n'existe pas actuellement de confusion importante, de la part des consommateurs ou des associations, à l'égard des structures réglementaires.

Les chambres sont dotées d'une expertise utile. Elles contribuent à la pluralité des débats menant à l'élaboration des normes en matière d'assurance. Elles nous paraissent jouer un rôle qui est important et elles ont, à l'égard de la réalisation de leur seule mission, une motivation que n'aurait peut-être pas l'assemblée pour qui ce serait une mission peu familière parmi bien d'autres.

Ce ne sont là que certains exemples des difficultés que comporte le projet de loi. Notre court mémoire en évoque aussi quelques autres. Par conséquent...

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. St-Amant, juste vous mentionner...

M. St-Amant (Jacques) : Juste une minute?

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : O.K. Excellent. Parfait.

M. St-Amant (Jacques) : Merci, M. le Président. Par conséquent, la conclusion s'impose, dans l'ensemble, le projet de loi n° 141 ne contribue pas à mieux protéger les consommateurs québécois. Dans certains cas, il entraînera même une dégradation de cette protection.

Dans ce contexte, nous sommes... Mais nous sommes conscients également qu'il y a des éléments importants, dans le projet de loi, notamment ceux qui ont trait à la résolution en cas de difficultés financières. Et donc, nous sommes tentés de recommander à l'Assemblée d'envisager de scinder le projet de loi de façon à ce qu'on adopte, par exemple, la loi sur les institutions de dépôt et la protection des dépôts, quelques autres éléments relatifs au régime de dénonciation, à la création d'un comité consultatif des consommateurs, et qu'on procède à une étude en profondeur pour vraiment évaluer ce que sont les besoins des consommateurs en matière de services financiers au XXIe siècle, et qu'on puisse nous revenir avec une réforme qui répondrait vraiment aux besoins que nous constatons.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Merci beaucoup.

M. St-Amant (Jacques) : Nous formulons aussi 40 quelques recommandations. Et nous serons heureux d'échanger sur tout ça avec vous.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Excellent. Justement, nous allons passer à la période d'échange, et cette période va débuter avec le gouvernement. Donc, M. le ministre, la parole est à vous pour un échange avec notre organisme pour une période de 14 minutes.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour, M. St-Amant et Mme Bleau. Merci. Merci d'être là, merci d'être venus nous présenter votre point de vue et de nous avoir aussi — je veux vous féliciter — déposé votre court mémoire, comme vous avez dit.

Des voix : ...

M. Leitão : Mais je veux vous féliciter parce que ce sont 158 pages basées sur l'allégorie de la toile d'araignée, c'est très... Ça fait un peu différent de ce qu'on voit ici. Alors, je vous remercie pour ça. Mais ça va nous prendre aussi un peu de temps maintenant pour bien l'analyser, bien le digérer. Mon équipe va s'occuper de faire ça, et, s'il y a lieu, on vous contactera pour échanger davantage.

Mais j'aimerais aborder un peu avec vous, en fin de compte, deux aspects. Vous en avez mentionné plusieurs. On pourrait en discuter longuement, des externalités négatives. Fascinant, je trouve. Mais, bon, ça sera peut-être pour une autre fois. Mais j'aimerais vous parler un peu plus de deux aspects de votre mémoire : la distribution par Internet d'assurances et l'intégration des deux chambres à l'AMF.

Alors, vous partagez l'opinion aussi d'Option Consommateurs et d'autres groupes à l'effet que ce regroupement de responsabilités et l'encadrement, donc, à l'intérieur d'un seul organisme pourraient conduire à un affaiblissement de l'encadrement, et cela, selon vous, au profit de l'encadrement des cabinets. Moi, je trouve ça quand même une conclusion assez sévère, que vous sembliez dire qu'on change les choses au profit des cabinets.

Bon, alors j'aimerais si vous pouviez nous expliquer un peu comment vous arrivez à une telle conclusion. Pourquoi est-ce que l'intégration des chambres à l'AMF... Parce qu'on ne parle pas d'abolition. On n'abolit pas les chambres. Les fonctions qui sont exercées par les chambres maintenant vont continuer d'être exercées. Les personnes qui font ce travail à l'intérieur des chambres, les personnes vont faire le même travail à l'AMF. Donc, je ne vois pas pourquoi une personne, soudainement, perdrait son expertise parce qu'elle... maintenant travaille à l'AMF, plutôt que dans la chambre. Si, en effet, on éliminait les chambres et personne d'autre ne s'occupait de ce que les chambres font, alors là, oui, ce serait bien sûr un problème. Mais ces fonctions-là, cette mission-là va être exercée par les mêmes personnes à l'AMF.

Et d'ailleurs il ne faut pas non plus oublier que c'est l'AMF qui délègue ses pouvoirs aux deux chambres. Donc, ça revient maintenant à l'AMF. J'aimerais que vous nous expliquiez un peu pourquoi vous voyez cela comme un affaiblissement de l'encadrement.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. St-Amant.

• (10 h 40) •

M. St-Amant (Jacques) : Je serais tenté, d'abord, d'avoir l'insolence de vous retourner la question : Pourquoi, au fait, abolir les chambres? Où est la justification? Mais c'est un débat qu'on pourra avoir ailleurs.

Mais, si on fait un changement, c'est qu'on veut produire des effets, et il nous paraît que... Deux choses. D'une part, le régime actuel de l'autorité, est un organisme intégré, ça nous paraît en soi une question qui est digne de discussion. On le voit, un peu partout dans le monde actuellement on se dirige de plus en plus vers des régimes bicéphales. L'OCDE a déjà écrit que c'était le benchmark. Alors, il y a là, au départ, une question. Il y a déjà beaucoup de fonctions dans cet organisme, c'est remis en cause ici et là. Est-ce qu'on veut en ajouter? Ça, c'est un élément.

Le deuxième, c'est que les chambres, depuis une vingtaine d'années, jouent un rôle important de plusieurs manières, et notamment elles assurent l'implication active des représentants dans les processus d'élaboration des normes et d'application des normes. Les représentants sont les membres. Ils sont représentés au conseil d'administration. Ils peuvent participer à des comités de travail. Ils sont membres des comités de discipline. Ils peuvent jouer un rôle actif, concret dans la fabrication des normes. Et, en principe, c'est le propre d'un régime quasi professionnel, ils le font parce qu'ils y ont un intérêt collectif. Le professionnel a un intérêt particulier à ce que sa profession soit bien protégée parce que c'est la réputation de tout le groupe et donc sa réputation comme professionnel qui est également en jeu.

Si on transfère ces attributions à l'autorité, bien, on perd tout cet apport démocratique, si on veut, toute cette participation des représentants et des acteurs de la société civile. Parce que nous interagissons avec les chambres, tout ça s'en va à l'AMF, avec des gens qui sont très certainement pleins de bonne volonté mais qui auront de très nombreux mandats, parfois divergents, à gérer ensemble. Et on se dirige aussi possiblement... et on sait qu'il y a des entreprises qui le souhaitent, on se dirige possiblement vers une situation, à terme, dans cinq ans, dans 10 ans, où l'autorité se dirait : Oui, on a repris ces attributions, mais c'est un peu compliqué à gérer, c'est un peu lourd.

Alors, pourquoi on ne déléguerait pas tout ça à un organisme d'autoréglementation qui, si on regarde les modèles qui existent actuellement dans les secteurs analogues, sont très souvent dominés non par les représentants, mais par les grandes entreprises et sont généralement des organismes pancanadiens? Ça a l'avantage, pour ces grandes entreprises, qu'il y a des normes uniformes, mais souvent moins élevées que ce qu'on voit au Québec. Et, pour des secteurs de la société civile québécoise, bien, c'est un obstacle de plus à la possibilité de jouer un rôle actif dans l'élaboration des normes.

Alors, de un, on n'y voit pas d'avantage, de deux, on y voit des inconvénients à court terme et, de trois, on y voit un risque hypothétique, nous en convenons, à long terme. Alors, nous sommes sceptiques.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le ministre.

M. Leitão : Très bien. Bon, ça ne vous ne surprendra pas que je vous dise que je ne suis pas de cet avis-là. Je pense que, bon, d'abord, on a procédé à d'importantes consultations, cela n'a pas été fait rapidement sur un coin de table. En fin de compte, le projet de loi n° 141 fait suite à sept, je pense... six rapports d'application de différentes lois. L'industrie du secteur a été consultée abondamment. Et, comme vous avez constaté, c'est un projet de loi quand même majeur. Donc, ça n'a pas été improvisé. Alors, on a réfléchi tout ça.

Le coeur de la question, à mon avis, et vous l'avez touché, concerne l'AMF, donc concerne l'expertise de l'AMF, concerne la mission de l'AMF. Vous avez mentionné qu'il y a maintenant, dans le monde post-2008... qu'il y a une tendance maintenant à s'éloigner des régulateurs intégrés, plus ou moins. Moi, je pense que le modèle que nous avons au Québec, le modèle de l'AMF, d'un régulateur intégré, je pense que ce modèle a fait ses preuves, justement, suite à 2008. Et ce que nous, on voit, quand on parle à nos homologues des autres provinces canadiennes, c'est que, justement, le modèle québécois semble bien fonctionner et semble d'ailleurs être supérieur à ce qui existe ailleurs au Canada. Alors, moi, je pense que ce que nous avons comme modèle fonctionne bien.

Et la raison pour laquelle on a procédé à cette intégration des chambres à l'AMF — encore une fois, on n'abolit pas les chambres, on transfère sa mission à l'AMF — c'est justement pour mettre fin a une certaine ambiguïté qui existait souvent et qui se manifestait souvent quand il y avait, malheureusement, des choses qui fonctionnaient moins bien, quand il fallait se plaindre à quelqu'un, quand il fallait chercher un redressement parce qu'il y aurait eu un mauvais service, ou une malversation, ou quoi que ce soit. À ce moment-là, il y avait confusion de qui fait quoi, qui réglemente quoi. Est-ce que c'est la chambre? Est-ce que c'est l'AMF? Est-ce qu'on avertit la chambre? Mais, si on avertit la chambre, on risque de dérailler un procès que l'AMF pourrait faire. Donc, je pense qu'on était arrivé à un point où il fallait procéder à cette intégration des...

D'ailleurs, lors de la création de l'AMF, je pense que l'intention du législateur était d'arriver là où on est aujourd'hui, d'arriver à cette étape. Ça n'a pas été fait tout de suite, la création de l'AMF. Ça aurait été trop de changements, peut-être, d'un coup. Mais l'intention était là, à mon avis, de procéder à cette étape où nous allons maintenant.

Mais j'aimerais vous amener maintenant, parce que je vois que le temps file quand même, à l'autre aspect que je trouve très important, et ça a été mentionné par d'autres groupes, quand on s'est réunis en décembre, la distribution d'assurances surtout par Internet. Donc, si j'ai bien compris, vous trouvez que c'est quelque chose qui n'est pas dans l'intérêt du consommateur, donc, de permettre la distribution par Internet. Pouvez-vous nous expliquer un peu votre point de vue à cet égard?

M. St-Amant (Jacques) : On va expliquer, mais d'abord deux toutes petites choses à l'égard de votre dernière intervention. Nous ne constatons pas sur le terrain qu'il y ait de confusion à l'égard des organismes réglementaires. Les associations à qui nous avons parlé savent très bien qui fait quoi. Nous parlions aux gens d'Option Consommateurs, hier, qui nous disaient : Nous, nous rencontrons des consommateurs sur le terrain régulièrement qui ne perçoivent pas cette confusion. Alors, je ne sais pas où elle existe.

À l'égard des consultations qui ont eu lieu, notamment, en 2015, simplement un exemple. Dans le rapport du ministre sur la Loi sur la distribution de produits et services financiers, à la page 14, si j'ai bonne mémoire, on a un passage où on dit : La distribution de biens en ligne, ça ne pose aucun problème particulier. Un paragraphe comme ça reflète une méconnaissance, en toute déférence, profonde, du droit de la consommation. Simplement dans la loi québécoise sur la protection du consommateur, il y a 16 articles visant spécifiquement le commerce en ligne. En Europe, il y a quelques directives. Il y a des problèmes particuliers reliés à la distribution de produits en ligne. Et il y a également des problèmes ou des risques particuliers reliés à la distribution de produits financiers en ligne. Nous ne sommes absolument pas contre la distribution d'assurance en ligne, nous ne sommes pas... Mais il nous paraît que c'est un type d'activité qui peut comporter des risques.

Il faut s'assurer de bien informer les consommateurs. Il faut s'assurer qu'ils ont accès à des personnes compétentes qui peuvent leur donner de l'information s'ils en ont besoin. Il faut peut-être se demander si tous les produits d'assurance devraient pouvoir être diffusés, ou mis en ligne, ou mis en vente sur Internet. Il y a peut-être des produits trop complexes qui n'ont pas leur place, tout simplement. Alors, il nous paraît qu'il y a une réflexion à terminer, une réflexion qui est inachevée. Nous avons l'impression, en toute déférence, que le projet de loi dit un peu à l'industrie : Vous pourrez prélever des renseignements comme vous le voulez, vous mettez tout ça en ligne, et nous avons entièrement foi en vous, chers assureurs, que tout se passera bien. Nous avons, l'expérience aidant, un petit peu de difficultés à être aussi optimistes.

M. Leitão : O.K. Si...

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le ministre, il vous reste 30 secondes.

M. Leitão : Ah! 30 secondes. Écoutez, ça ne se passe pas comme ça, je vous rassure. La vente par Internet, la distribution, se fait, maintenant, ça se fait. Donc, il ne faut pas non plus être naïf. Ça se fait. Nous, avec notre projet de loi, ce qu'on fait, c'est qu'on va l'encadrer pour justement protéger les consommateurs. Parce que sinon, si on ne faisait rien, on ne peut pas l'interdire, ça ne marcherait pas, et, si on ne l'encadrait pas, on pourrait se trouver alors là, oui, dans une situation où on pourrait avoir une espèce d'ubérisation du marché de l'assurance.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Désolé de vous interrompre, M. le ministre...

M. Leitão : Il fallait l'encadrer.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : ...le temps est terminé. Nous allons maintenant passer avec le premier groupe d'opposition. Donc, on laisse la parole à M. le député de Rousseau.

• (10 h 50) •

M. Marceau : Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonne année à tous les collègues. Je vous en souhaite une fructueuse et en santé. Et bonjour, Mme Bleau, M. St-Amant. Merci pour votre mémoire. J'ai quelques questions... enfin, j'ai beaucoup de questions, mais je vais restreindre les questions avec le temps que j'ai. Peut-être commencer par un énoncé que vous faites qui m'apparaît important, puis j'aimerais juste avoir quelques précisions.

Vous dites, en 9.1, là, dans la liste de vos recommandations, que vous aimeriez avoir un encadrement qui favorise la concurrence. Et moi, je suis très préoccupé, là, de concurrence, puis on sait qu'en Occident puis en particulier en Amérique du Nord, il y a des preuves de plus en plus importantes que la concurrence ne joue plus autant son rôle qu'elle le faisait dans le passé. Avez-vous, pour le secteur financier, vous... puis vous qui avez l'expérience du terrain en particulier, là, avez-vous identifié des secteurs dans lesquels la concurrence laisse à désirer, dans lesquels les prix sont trop élevés, dans lesquels les consommateurs paient trop? Est-ce que vous avez ce genre... avez-vous été en mesure d'identifier des secteurs comme ceux-là, des produits? Voilà.

M. St-Amant (Jacques) : À l'égard du marché de services bancaires, entre guillemets, la situation est assez claire, Desjardins occupe, grosso modo, 40 % du marché; dans certaines régions, davantage. Alors, il y a là un défi. Je serais étonné que la concurrence augmente beaucoup dans un avenir prévisible, avec des points de service terrain, et donc il faut peut-être encadrer un peu mieux pour s'assurer que Desjardins s'acquitte de ses responsabilités sociales.

Mais, de façon plus large... parce que, malheureusement, nous n'avons pas les ressources pour avoir fait le genre d'étude que nous aimerions faire et dont nous aimerions partager les résultats. Mais je regarde par exemple, justement, tout ce qui est distribution de produits financiers en ligne et je tiens à assurer, notamment le ministre, que nous sommes en faveur de distribution de produits en ligne. Notre appréhension, à l'égard du projet de loi actuel, c'est qu'il n'encadre pas suffisamment.

Et, en matière de concurrence, ce que nous constatons, c'est fort peu d'arrimage, par exemple, avec la réflexion qui a été faite par le Bureau de la concurrence et publiée en décembre dernier sur les «fintech». Qu'y a-t-il comme mécanisme dans la loi qui viendrait faciliter l'arrivée sur le marché d'entreprises qui ont des modèles d'affaires totalement différents et des modèles de distribution en ligne?

Autre secteur où ça bouge énormément, c'est celui des paiements. On sait déjà qu'au niveau fédéral le ministère des Finances a annoncé son intention de légiférer, une consultation qui a eu lieu l'été dernier. On croit savoir qu'il pourrait y avoir un projet de loi sur l'encadrement des paiements de détail en 2018. Comment ce secteur-là, qui est extrêmement important au niveau des services financiers, qui est extrêmement important pour des fournisseurs comme Desjardins... comment l'arrivée de nouveaux joueurs va-t-elle, par exemple, être facilitée par le régime?

Et je regarde la loi actuelle sur les entreprises de services monétaires, c'est essentiellement une loi de police, et on sait pourquoi elle a été adoptée. Mais je pense à des situations comme la consommatrice qui fait appel aux services de PayPal : Je vais vous envoyer des fonds par PayPal. Il va y avoir un intervalle de temps où les fonds qui transitent entre mon compte et le vôtre sont détenus par PayPal. Il n'y a actuellement aucune protection juridique à l'égard de ces fonds-là. Si PayPal fait faillite, dommage, il y a un de nous deux... enfin, on va devoir se parler. Ça aurait été intéressant, dans un contexte où ce genre de modèle d'affaires se diversifie, qui devient de plus en plus important dans le marché, que les services en ligne de ce genre deviennent de plus en plus importants, ça aurait été intéressant qu'on voie, dans le projet de loi, des traces qui viendraient poser des balises, qui viendraient commencer à poser un cadre.

Et ça me ramène à ce que je disais tantôt à l'égard du processus des consultations qui a été entamé en 2015. Il nous paraît, en tout respect, que ce qui aurait été intéressant, c'est qu'une fois que le ministre ait eu ramassé toute cette information il ait publié quelque chose comme un livre blanc qui aurait pu nous dire : Voici nos grandes orientations en matière notamment de protection des consommateurs. Et ça nous aurait permis d'avoir des discussions fascinantes en économie et en droit, sans avoir à s'accrocher constamment dans les virgules d'un projet de loi. Pour toutes sortes de raisons, cette étape-là n'a pas eu lieu, mais il nous paraît que, si on veut bien protéger des consommateurs, si on veut avoir un régime vraiment du XXIe siècle, il faudrait faire cet exercice.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le député.

M. Marceau : Bien, écoutez, merci pour votre réponse. Effectivement, dans le secteur bancaire, moi, je constate comme vous, on a quelques grandes banques à charte, on a Desjardins, on a... Ici, évidemment, au Québec, on a le pouvoir d'agir sur un de ces joueurs-là, pas sur tous. Alors, c'est une situation qui est complexe. Maintenant, le fait est que les... enfin, certains indicateurs de concurrence tendent à montrer qu'il n'y en a pas autant qu'on le désirerait, dans le secteur bancaire, mettons qu'on va dire ça gentiment comme ça.

Puis j'entends ce que vous dites aussi sur le fait que les services en ligne, en principe, devraient favoriser les consommateurs. Mais encore faut-il que l'encadrement soit adéquat et encore faut-il aussi prévoir les mécanismes d'arrivée de nouveaux joueurs dans ça.

Il y a — d'ailleurs, vous mentionnez la question des unions réciproques, là, l'assurance pair à pair — d'autres joueurs, des gros joueurs du secteur des assurances, là, disons, classiques et traditionnelles... s'inquiètent de la façon dont c'est introduit dans le projet de loi. Est-ce que vous avez les mêmes inquiétudes?

M. St-Amant (Jacques) : À l'égard de l'assurance pair à pair, je suis tenté de vous ramener deux ou trois jours en arrière, où, après un cours que je donnais, une étudiante est venue me voir, et elle m'a dit : J'ai des amis qui participent à un cercle de partage d'épargne; chaque mois, on met 300 $, et, à tous les x mois, il y a quelqu'un qui retire la cagnotte. Et elle me demandait : Est-ce que c'est légal? Et j'ai frémi, ai-je besoin de vous dire. Je n'ai même pas essayé de faire l'inventaire de tout ce qui n'est pas légal dans ça.

Mais on voit actuellement — parce qu'elle me disait qu'elle a plusieurs amis qui sont dans des trucs comme ça — dans le marché des pratiques de partage d'épargne, d'assurance pair à pair, qui se développent, qui, personnellement, me posent une question. Comment se fait-il que les grandes entreprises ne desservent pas ce marché? S'il y a des services comme ça qui émergent, c'est qu'il y a un vide dans le marché, il y a un vide dans l'offre, là. Mais ça émerge, ça n'est pas encadré. Il y a peut-être de ces choses-là qu'il faudrait carrément interdire.

À l'égard de l'assurance pair à pair, pour revenir plus précisément à votre question, le sentiment que nous avons, sans l'avoir étudié outre mesure, c'est que c'est un régime qui peut sans doute être intéressant pour des grandes entreprises, par exemple, pour certains joueurs importants qui ont les ressources pour évaluer le risque juridique, le risque financier, etc. Mais, pour les consommateurs, c'est tout simplement... ce genre de services disponibles, ça risque de nous ramener à ce qui se faisait en assurances à la fin du XVIIIe siècle. On a appris, depuis, on a mis des règles en place, depuis. Mais là on a l'air de revenir 200 ans en arrière et de réinventer la roue.

Et, dans son rapport, pour revenir à la question précédente, le Bureau de la concurrence concernant les «fintech» disait : Écoutez, nous voyons des traces de pratiques de certaines institutions qui limitent, qui briment la concurrence, qui briment l'entrée dans le marché notamment. Alors, il y a des choses à explorer, en étant conscient, bien entendu, des compétences constitutionnelles partagées entre Québec et Ottawa. Mais il nous paraît — et on n'a pas fait un inventaire, ça serait un autre 200 pages — qu'il y aurait lieu de se pencher sérieusement sur ces questions-là pour mettre en place un cadre vraiment, vraiment...

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Désolé, M. St-Amant, je dois vous interrompre. Ceci met fin au bloc avec la première opposition. Si on veut laisser une chance égale à tous nos groupes ce matin, donc, on doit être très stricts au niveau du temps. Donc, je passe la parole au député de Granby pour son bloc d'intervention de six minutes.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. Mme Bleau, M. St-Amand, votre mémoire, c'est une pièce d'anthologie. Bravo! C'est tout un travail que vous avez fait.

Je veux commencer rapidement au 3.1, sur la notion de représentant. Pour moi, ça m'interpelle. Je lis ici... Bon, Option Consommateurs, j'imagine que vous avez lu les problèmes qu'eux amènent aussi, qui sont pas mal les mêmes que vous. Vous dites, à la page 84 de votre mémoire, puis je prends le temps de lire quand même, là : «Par conséquent, toute personne pourrait, moyennant rémunération, formuler des conseils dans le domaine de l'assurance. L'activité de conseiller ne serait plus réservée. Aucune exigence particulière de compétence ne pourrait être exigée. On serait conseiller en assurance comme on est conseiller en électroménagers ou en matelas. Il ne faut pas, d'autre part, se faire d'illusions, une fois les conseils donnés, s'ils semblent crédibles, la décision de conclure le contrat sera vite prise. Cette évolution législative nous paraît, avec le plus grand respect, indéfendable.»

Quels sont les points, pour vous, pour convaincre le ministre? Parce que moi aussi, dans une certaine mesure, j'ai des craintes énormes, qu'il ne faudrait pas, comme vous le dites, appliquer ou altérer la notion de représentant.

• (11 heures) •

M. St-Amant (Jacques) : Le projet de loi n° 141 modifie quelques dispositions de la loi sur la distribution en retirant le conseil du champ d'activité attribué aux représentants certifiés. Et c'est ce qui génère notre inquiétude à cet égard-là... enfin, c'est un des éléments.

Il est manifeste que l'assurance, c'est un secteur complexe. Il y a eu un certain nombre de sondages. Il y en a un par la Chambre de l'assurance de dommages, il y a quelques années, dont on reprend quelques chiffres, d'ailleurs — et il y a un sondage du CEFRIO également — qui indique que les consommateurs trouvent que l'assurance, c'est complexe, et ça n'ira pas en se simplifiant.

Si on offre de l'assurance simplement en disant : Voici un produit, il est moins cher, signez ici, on risque fort de créer des situations où les consommateurs vont se retrouver avec beaucoup moins de protection d'assurance, avec des produits de mauvaise qualité parce qu'on a, d'une part, cette modification à la loi dont je vous parlais, à l'égard de la notion de conseil, et il y a une autre modification qui serait apportée à l'article 27 de la loi sur la distribution, qui, actuellement, oblige le représentant à vous proposer le meilleur produit qui correspond à vos besoins. On vient modifier l'article 27 pour dire aux représentants : Vous n'avez qu'à donner un avis adéquat. Pourquoi, diantre, vient-on, 20 ans après l'adoption de la loi, nous dire : On passe de l'argumentation du meilleur produit à la proposition de quelque chose de correct? Je n'ai pas vu d'étude. Je n'ai pas vu de plainte manifeste de l'industrie nous disant qu'il y a un problème. Et là, si on informe moins, si on conseille moins, on met les gens en danger.

M. Bonnardel : Pour ce qui est de la distribution en ligne, vous dites : On n'est pas contre le fait qu'un citoyen peut aller acheter assurance automobile, habitation. Option Consommateurs parle d'un modèle hybride qu'on devrait mettre en place. Moi, je trouve aussi que m'assurer pour une maison sur Internet, ça peut peut-être être compliqué. On peut oublier certaines choses. Bon, mon humble opinion. Quelle sorte de produit vous souhaiteriez retirer un peu? Est-ce qu'on devrait obligatoirement... Au-delà, peut-être, de l'assurance automobile ou cliquer «send» pour dire : O.K., je pense que j'ai l'assurance qui me convient, pour ce qui est du reste, est-ce qu'on devrait, comme Option Consommateurs le propose, avoir un modèle hybride où on devrait parler à un représentant avant que soit entérinée l'assurance qu'on...

M. St-Amant (Jacques) : Il y a, me semble-t-il, beaucoup de produits d'assurance de personnes qui sont assez complexes merci, assurance vie, tout ça. Il faudrait très certainement encadrer plus précisément qu'est-ce qu'on nous propose. En assurance de dommages, il faut voir. Il y a des choses relativement simples. Il faut voir aussi si vous voulez simplement renouveler votre assurance habitation avec le même assureur, mais vous voulez voir les prix. Ce n'est peut-être pas trop problématique. Il serait bien qu'on ait un régime hybride et qu'il y ait un conseiller qui puisse venir s'assurer que vous n'avez rien oublié, qu'au fait vous avez acheté quelque chose de neuf, il faut en tenir compte, etc. Mais ça, ça peut sans doute se faire.

Il y a par contre des secteurs spécialisés même en assurance de dommages. Je pense à l'assurance de certains biens de haute valeur, des assurances de produits de collection. Il y a des marchés très, très spécifiques où là il serait pratiquement essentiel qu'on puisse peut-être magasiner, bien sûr, sur Internet, qu'on puisse entamer une démarche, mais qu'il y ait une intervention humaine quelque part d'un représentant certifié qui viendra s'assurer que vous avez donné toutes les informations pertinentes, que vous avez bien compris tous les éléments de la proposition qu'on vous fait et qui nous permettra d'arriver à un accord, là, des consentements véritablement éclairés.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Il vous reste 35 secondes, M. le député.

M. Bonnardel : Rapidement. Vous dites que les modifications proposées au fonds d'indemnisation soient adoptées, mais qu'on étende davantage le champ d'application du fonds. L'étendre à qui?

M. St-Amant (Jacques) : Oui, bien, il y a un élargissement, un premier élargissement. C'est une bonne chose. Il y a encore, cependant, beaucoup de types de situations qui ne seraient pas couvertes. Je pense à tout ce qui est distribution sans représentant. La distribution en ligne ne serait pas couverte par le fonds d'indemnisation. Alors, il y a des choses, encore là, à retravailler, à être révisées sérieusement.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Merci beaucoup, Mme Bleau, M. St-Amant. Merci beaucoup de votre contribution aux travaux de la commission.

Donc, je vais suspendre les travaux quelques instants pour permettre aux représentants du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires de prendre place pour continuer cette séance. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 4)

(Reprise à 11 h 6)

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Donc, nous allons reprendre nos travaux. Nous recevons maintenant le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires : M. Daniel Thouin, président du conseil d'administration, et M. Willie Gagnon, coordonnateur. Bienvenue à la Commission des finances publiques. Donc, vous allez avoir 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous allons procéder à des échanges avec chacun des groupes parlementaires. Donc, sans plus tarder, je vous laisse nous présenter votre mémoire.

Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MEDAC)

M. Thouin (Daniel) : Merci, M. le Président. M. le ministre, messieurs et dames députés de la commission, mon nom est Daniel Thouin. Je suis président du MEDAC depuis maintenant cinq ans. Je succède à des présidents célèbres comme M. Michaud, qui a été notre fondateur, en 1995, et aussi M. Daoust, qui a été président pendant plusieurs années avant moi. Il y a eu aussi M. Béland, qui a précédé immédiatement ma présidence, et, bien sûr, le conseil absolument avisé de M. Parizeau, pendant quelques années avant son décès.

Donc, c'est une longue tradition que je viens vous présenter ce matin, une tradition d'une vingtaine d'années de débats, d'engagement, et beaucoup de volontariat parce que notre petit groupe compte uniquement une personne à temps plein, qui est M. Gagnon, à côté de moi, et tous les autres collaborateurs du MEDAC sont des bénévoles ou des consultants, selon nos besoins.

Donc, le MEDAC a été constitué en 1995 dans le but de faire valoir au gouvernement le point de vue de ses membres sur le fonctionnement des marchés financiers, promouvoir une meilleure représentation des actionnaires aux conseils d'administration des entreprises, ce que l'on fait annuellement avec des propositions, favoriser une plus grande transparence dans la gestion des sociétés par actions, constituer un espace de débat et d'échange, et, enfin, assurer une formation de ses membres et, plus généralement, de la population sur les marchés financiers.

Notre conseil d'administration est constitué actuellement de 10 personnes. Il y a un poste vacant. Et les neuf personnes qui constituent notre conseil : il y a moi-même, il y a Mme Beaudoin, ancienne présidente-directrice générale de l'Association des femmes d'affaires du Québec, M. Jules Gilbert, qui est trésorier et qui est un administrateur d'une petite entreprise de gestion, il y a aussi M. Michaud, qui reste toujours comme fondateur, Mme Julie Biron, qui est professeure à l'Université de Montréal en droit, Mme Nicole Laveau, qui est ici avec nous aujourd'hui, qui est présidente du comité des citoyens de Vanier et aussi représentante de plusieurs associations de retraités, M. Jean Dorion, qui est un ancien représentant du Québec dans des missions internationales, M. Mathieu Dupuis, qui est un professeur de la TELUQ en relations industrielles, M. Léo Marcotte, qui est un président de comité de retraités.

Il y a aussi trois conseillers spéciaux qui nous secondent : M. Daoust est toujours présent, M. Frédéric Grotino, qui est un spécialiste en rémunération de dirigeants d'autres entreprises, et Mme Labrèche, qui vient de se joindre à nous récemment.

• (11 h 10) •

M. Gagnon (Willie) : M. le Président, bonjour. Bonne année, M. le ministre, pareillement. Je m'appelle Willie Gagnon. Vous devez savoir que je suis aussi président du conseil d'administration d'Option Consommateurs et que ce n'est pas à ce titre que je suis ici aujourd'hui. C'est demain qu'Option Consommateurs sera là. Je ne répondrai pas aux questions relatives au mémoire d'Option. Je suis le seul employé du MEDAC.

Notre mémoire ne comporte pas 158 pages. On a tenté de se concentrer sur l'essentiel. En résumé, nous allons vous parler du Fonds d'indemnisation des services financiers. Nous allons vous parler de la distribution par Internet des produits d'assurance — mais on ne va pas s'étendre là-dessus étant donné que ce qu'on représente, c'est les actionnaires et non pas les consommateurs en général — le Fonds pour l'éducation en saine gouvernance, le Comité consultatif des consommateurs de produits et utilisateurs de services financiers, l'abolition ou l'intégration des chambres et puis un commentaire général. Je vous invite, si vous avez le document de notre mémoire, à nous suivre à la page 9, où on a regroupé l'essentiel de nos recommandations. On va s'échanger la balle, moi et M. Thouin, au cours de la présentation.

Premièrement, nous recommandons que le fonds d'indemnisation soit géré et piloté par un conseil d'administration indépendant composé de représentants du public, au nombre de quatre, de représentants inscrits auprès de l'AMF, au nombre de trois, d'un administrateur provenant du milieu de l'enseignement et d'un représentant de l'AMF.

Deuxièmement, nous recommandons de développer le rôle de prévention et d'information du fonds d'indemnisation. L'essentiel de nos recommandations vise la représentation des consommateurs et des utilisateurs de produits financiers au sein des instances. Le plus gros problème qu'on voit dans la consommation de produits financiers, c'est bien l'information. Il faut qu'elle circule. Il faut que l'éducation puisse se faire. Et, si l'État ne s'en charge pas, il va falloir que ça soit les entreprises qui le fassent. On ne veut pas ça. On préférerait que ça se passe autrement. Et puis on pense que ça pourrait être un des rôles du fonds d'indemnisation de s'occuper d'éducation, comme ça devrait aussi être le mandat d'autres organismes, mais on y reviendra plus tard.

Pour ce qui est des assurances, je vous laisse aller.

M. Thouin (Daniel) : O.K. En ce qui concerne la distribution d'assurance par Internet, on a beaucoup d'éléments qui viennent comme mettre en questionnement cette possibilité-là. À la page 5 de notre mémoire, on vous dit ceci. Les contrats d'assurance qui seraient distribués par Internet auraient les capacités d'être avec ces défauts suivants. Ça pourrait être des contrats invalides. Ça pourrait être aussi des assurances qui sont inadéquates. Ça pourrait être des assurances qui seraient trop coûteuses pour le consommateur. Ça pourrait être des assurances qui seraient multiples. Déjà, les gens seraient déjà couverts par d'autres types d'assurance. Le consommateur choisit une assurance uniquement pour le prix sur Internet, donc il ne considère pas nécessairement la qualité de l'offre. Les conseils prodigués via les médias sociaux sont toujours comme aléatoires et non nécessairement de bonne qualité. Les médias virtuels s'empareraient de ça et feraient en sorte que les contrats d'assurance pourraient être très vulnérables. La fuite de renseignements personnels aussi est un élément important qu'il faudrait considérer. Et enfin les mégadonnées qui seraient générées par ce genre de travail là vont aussi possiblement être des dangers de vol d'identité.

Donc, la partie assurance, ce que l'on vous recommande, c'est de la reporter carrément à la fin, lorsqu'on aura la réglementation qui va s'attacher à la distribution par Internet des produits d'assurance.

M. Gagnon (Willie) : Le fonds d'éducation à la saine gouvernance, ça a été notre mamelle pendant plusieurs années. Ce fonds-là nous a permis de nous financer et d'enseigner les rudiments des produits financiers et des affaires touchant à l'argent auprès de nos membres, auprès de la population en général. C'est un fonds très important, qui est doté de 43 millions de dollars. Ça se trouve à la page 47 des derniers états financiers de l'AMF. On veut que ce fonds-là soit maintenu. Il est question qu'il soit aboli. En fait, l'article dans lequel il a été créé, il n'en est plus question maintenant. Et puis non seulement ça, mais le robinet auquel s'abreuvait ce fonds-là a été changé de place, donc est passé, en partie, là, des mains de l'AMF aux mains du ministre. On le déplore, évidemment. On veut la survie de ce fonds-là. On est parfaitement conscients que le mandat d'éducation de l'AMF demeure, mais on voudrait que le fonds y demeure attaché. C'est un montant important qui est absolument essentiel dans l'écosystème dans lequel on vit.

M. Thouin (Daniel) : On vous mentionne immédiatement qu'on utilise actuellement le fonds d'éducation à la saine gouvernance, là, pour un de nos produits-phares qui est distribué auprès des retraités, avec, entre autres, la FADOQ et Éducaloi. Donc, on a déjà un produit de formation, là, en collaboration avec le fonds.

Le quatrième point. La création d'un comité consultatif des consommateurs. Là, ici, on se réjouit qu'effectivement il y ait à l'intérieur de l'AMF ce genre de comité et on veut tout simplement lui donner une certaine crédibilité en tant que constitution. On ne voudrait pas que ce soit un comité qui est constitué uniquement de personnes nommées par la direction de l'AMF, mais on voudrait qu'il y ait aussi des postes dédiés dans ce comité. Donc, on vous propose effectivement une représentation des organismes qui sont déjà sur le terrain pour être présents sur le comité en question. On vous mentionne, entre autres, que le MEDAC pourrait être effectivement un des membres de ce comité-là.

Et je veux juste vous souligner en aparté que le MEDAC a été le seul organisme canadien à être reconnu comme représentant des actionnaires auprès d'une poursuite qui a été faite à la Cour suprême du Canada. Donc, pour nous et pour le Québec, le MEDAC est un actif très important.

On voudrait aussi que... Dans le cas de l'abolition des chambres, on ne s'oppose pas à cette abolition. On pense, un peu comme le ministre, qu'il y aurait correspondance entre les demandes des consommateurs et les différentes montées des dossiers de réclamation. Si vous voyez le dossier de la Chambre de sécurité financière, on a dénombré, en 2016, uniquement 27 dossiers qui relevaient strictement d'une poursuite contre des vols ou des utilisations mal appropriées des argents des consommateurs.

Oui, vas-y.

M. Gagnon (Willie) : De manière générale, on a un commentaire sur l'ensemble du projet de loi. Pour ce qui est des mesures qui touchent aux consommateurs de produits financiers et non pas de produits d'assurance, on trouve qu'il y a une très forte augmentation du pouvoir de l'AMF et on trouve que cette augmentation de pouvoir là devrait être encadrée. Non seulement elle devrait être encadrée, mais la participation des consommateurs de produits financiers devrait être inscrite dans la loi, comme on le suggère dans plusieurs de nos recommandations.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Merci beaucoup. Donc, nous allons immédiatement passer à la période d'échange, et je passe la parole à M. le ministre des Finances.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup. Alors, M. Thouin et M. Gagnon, bonjour. Merci d'être là. Merci de nous avoir fait part de vos commentaires. Je sais que c'est un peu... C'est rapide, hein? C'est juste 10 minutes. Ce n'est pas assez. C'est un vaste sujet. Mais j'apprécie vos commentaires et j'apprécie aussi que votre mémoire soit bref, mais quand même assez détaillé. Et vous allez droit au but, et c'est très utile pour nous.

Maintenant, quelques choses, quelques petits points que j'aimerais discuter un peu avec vous. Peut-être, pour commencer, M. Gagnon, je pense, vous aviez commencé à parler de l'intégration des chambres à l'AMF, puis on a dû vous arrêter parce que le temps pressait. Est-ce que vous pouvez continuer dans cette voie-là?

M. Gagnon (Willie) : Bien, d'emblée, je suis dans une position très difficile parce que je travaille pour le MEDAC, qui n'a pas la même position que l'organisme que je préside. Donc, j'aimerais me garder un droit de réserve là-dessus. J'ai une opinion qui n'est pas nécessairement celle exactement du MEDAC. Je suis d'accord avec certains aspects de la position, mais je me garde une réserve. Si vous permettez, je vais laisser parler mon président.

M. Thouin (Daniel) : M. le ministre, on a été consultés, effectivement, comme bien d'autres, dans le cadre de la préparation de cette immense loi de changements importants de services financiers. Et un des éléments qui nous apparaissait fondamental de votre réforme, c'est le fait qu'on continue dans l'AMF les mêmes services que ce que les chambres accordent actuellement auprès des consommateurs, des utilisateurs des services financiers. Dans cette démarche-là, ce qui nous a préoccupés lors de la consultation, ça a été le fait... Est-ce qu'il y a un gain quelque part dans cette intégration? Et le gain que je voudrais que vous puissiez constater éventuellement, et surtout que vous allez mettre en place un comité de suivi consommateurs et épargnants, c'est qu'on soit capables de voir ce qui se passait maintenant et ce qui va se passer par la suite, donc d'identifier clairement dans le projet de loi qu'il pourrait y avoir une comptabilité distincte des activités que les chambres faisaient versus ce que l'AMF va mettre en place. Mon inquiétude, et comme probablement bien d'autres, là, c'est que l'AMF a déjà une structure assez importante. Ils sont plus de 700 employés avec sept directions générales et quasiment une quinzaine de directions particulières.

Donc, pour nous, là, il ne faut pas qu'on noie le poisson dans l'aquarium, là. Et, si on veut donner un mandat spécifique, plus clair et plus novateur, au comité de consultation consommateurs et épargnants, bien, il faut lui donner des outils pour pouvoir travailler, et un des outils, c'est le maintien d'une comptabilité distincte avec des résultats pour qu'on soit capables de voir, avec les années, quel est le gain qu'on va pouvoir faire de l'intégration.

• (11 h 20) •

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le ministre.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup. Vous avez aussi mentionné, entre autres choses, le fonds d'indemnisation. Alors, le fonds d'indemnisation, comme toute la politique autour de l'indemnisation, a été critiqué par plusieurs, à commencer par le Vérificateur général, qui avait émis certaines critiques, et, je pense, avec raison. Et, avec les changements que nous faisons, il me semble que nous répondons un peu à ces questions-là. Et surtout, à mon avis, et c'est que j'aimerais avoir votre opinion là-dessus, je pense qu'on met fin à un certain nombre d'ambiguïtés qui existaient, où on mettait sur le dos de l'épargnant ou du consommateur beaucoup trop de demandes, beaucoup trop d'exigences parce qu'il fallait qu'il soit au courant de quel type de permis avait vendu quel type de produit. Et donc, à la fin, bien, personne n'était indemnisé, là. C'était vraiment une grande confusion. Là, maintenant, il me semble que ça va être beaucoup plus clair. Un certifié qui vend un produit, quel que soit le produit, bon, il va être couvert. Alors, si vous pouvez me donner votre opinion sur ça.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. Gagnon, allez-y.

M. Gagnon (Willie) : Bien, vous comprenez, on a souligné dans notre mémoire les conclusions de la vérificatrice. Puis vous avez remarqué que, sur les moyens que vous avez entrepris pour régler la question, on s'est tus parce qu'on est d'accord jusqu'à un certain point. Nous, ce qui nous importe, c'est que les consommateurs soient représentés sur ce comité-là. Donc, on veut être certains d'avoir une voix au chapitre. On ne veut pas être à l'écart de comment ça fonctionne, comment ça va s'incarner au bout du compte, parce qu'au bout du compte, si on laisse tout ça seulement à l'AMF, bien, le consommateur se trouve où là-dedans? C'est ça, tout l'enjeu de ce qu'on fait, nous, dans la vie, c'est d'essayer de représenter un intérêt qui n'est pas ni celui de l'industrie ni celui de l'État, mais celui de la population en général. C'est pour ça que la société civile existe, hein, puis qu'elle a ses représentants. Donc, on veut avoir des sièges là, pas nécessairement le MEDAC en tant que tel, mais on veut que les organisations de la société civile puissent être représentées. On ne se prononce pas sur le fond de l'élargissement des devoirs du fonds d'indemnisation. On est essentiellement d'accord avec la Vérificatrice générale puis on conçoit que le projet de loi a été conçu pour essayer d'améliorer les choses.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. Thouin, avez-vous quelque chose à ajouter? M. Thouin, allez-y.

M. Thouin (Daniel) : Oui, juste pour, dans le fond, renforcer un peu la question du ministre, là, on a relevé un certain nombre de professions ou de cadres professoraux qui sont actuellement sous la gestion des chambres, là. Je veux juste vous les nommer vite, vite, vite, puis ce n'est pas exhaustif, là. Il y a des conseillers en placements, des conseillers en épargne, des conseillers en épargne collective, des courtiers de plein exercice, des courtiers à escompte, des conseillers en services financiers, des représentants d'assurance de personnes, des représentants d'assurance collective de personnes et des conseillers en sécurité financière. Le consommateur ne peut pas s'y retrouver là-dedans. Donc, l'amélioration que vous avez faite de la gestion du fonds d'indemnisation en élaguant jusqu'à un certain point ce genre de problème, pour nous, c'est un avantage extraordinaire puis ça va être un avantage aussi de tout le système. On va pouvoir rationaliser un peu le coût des cotisations que ces gens-là doivent payer pour pouvoir vendre un, deux, trois, quatre produits.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Merci. M. le ministre.

M. Leitão : Oui, absolument, vous avez tout à fait raison. Alors, si on peut parler un peu du comité consultatif des consommateurs, donc, qu'on met en place, donc vous nous recommandez, si j'ai bien compris, que la nomination des membres de ce comité ne relève pas exclusivement de l'AMF. Donc, quel serait le mécanisme que vous voyez pour rendre ça plus représentatif?

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Willie) : Le choix de mécanisme, c'est compliqué. Ça peut être toutes sortes de choses. Ce qui nous inquiète, c'est que ça relève d'une seule personne pour le moment. On aimerait qu'il y ait en place au moins un comité duquel relèveraient des recommandations faites au président de l'autorité. C'est certain qu'ultimement il va lui appartenir de déterminer qui va être au comité, mais l'idée est de faire en sorte qu'il ne soit pas seul là-dedans. Ce qu'on déplore, c'est l'augmentation encore une fois de son pouvoir. Et puis ce qu'on voudrait aussi, c'est que certains sièges soient réservés à la société civile, à certaines organisations.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le ministre.

M. Leitão : Oui, mais vous savez aussi qu'il y a le... Donc, le conseil consultatif de l'AMF va conseiller le président de l'AMF dans ce processus-là de nomination, et, bon, le ministre... On va aussi avoir notre mot à dire dans ce processus-là.

La vente par Internet, là, si j'ai bien compris, vous êtes très préoccupés par un tel processus. Et, d'entrée de jeu, oui, je comprends très bien et je partage un peu vos préoccupations. Mais c'est un peu pour ça que nous avons décidé d'encadrer cela, parce que ça se fait déjà, la vente par Internet se fait déjà. On peut l'aimer ou ne pas l'aimer, mais ça se fait et ce n'est pas encadré du tout. Donc, il fallait, à notre avis, mettre ne serait-ce qu'un minimum d'encadrement en place pour éviter justement des histoires qui pourraient être bien malheureuses plus tard.

La question que vous avez soulevée, et le groupe précédent aussi, c'est qu'en effet il y a certains produits... Bon, l'assurance, c'est complexe. C'est aussi très simple, mais ça peut devenir très complexe. Et donc certains produits ne sont pas tout à fait appropriés pour être distribués de cette façon-là. Alors, la question est comment est-ce qu'on adresse ça. Est-ce qu'on adresse ça à l'intérieur d'un projet de loi, qui est, à mon avis, un instrument quand même assez lourd pour déterminer qu'est-ce qui est éligible ou qu'est-ce qui ne l'est pas? La route que nous avons choisie, c'est que ça sera à l'AMF, un peu plus tard, à élaborer les règlements, élaborer l'encadrement par règlement, et donc qui peut répondre très rapidement aux changements dans le marché parce que, vous le savez très bien, c'est un marché qui va évoluer assez rapidement. Et donc, si on essaie de figer dans un projet de loi des règles très lourdes, on sera toujours à un mois de rattrapage. Donc, en permettant à l'AMF, à l'autorité, d'émettre ces règlements au fur et à mesure, moi, je pense qu'on va sortir gagnants. Je suis tout à fait d'accord avec vous que certains produits, surtout dans l'assurance vie...

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. Thouin.

M. Thouin (Daniel) : Entre-temps, avant qu'on reçoive directement l'ensemble des règles que l'AMF va mettre ensemble, est-ce qu'on pourrait tout simplement reporter spécifiquement les règles de vente d'assurance Internet tout simplement à plus tard, lorsqu'on connaîtra les règles que l'AMF va se donner, tout simplement scinder ça du projet de loi, tout simplement, juste ça?

M. Leitão : Enfin, non, je ne suis pas d'accord avec ça parce que ce phénomène se passe déjà. Ça existe déjà, là. La vente se fait déjà par Internet. Et donc il y a quand même une certaine urgence à ce qu'on l'encadre, comme par exemple le fait qu'on va dire qu'un consommateur aura 10 jours pour annuler son contrat s'il trouve qu'après réflexion ce n'était pas la bonne chose à faire, l'obligation que l'entreprise qui offre le service en ligne d'avoir un représentant certifié qui peut répondre aux questions. Donc, il y a déjà un certain nombre de choses qui se font, et ça va être raffiné au fur et à mesure que ça progresse parce qu'en effet c'est un domaine qui évolue rapidement.

Vous avez mentionné une chose. C'est un peu lié, mais ça m'a un peu intrigué. Vous avez mentionné, je me rappelle plus lequel des deux, qu'à votre avis l'AMF va avoir trop de pouvoirs. Je ne sais pas s'il y a beaucoup de temps ou malheureusement pas.

• (11 h 30) •

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : 30 secondes.

M. Leitão : Qu'est-ce que vous voulez dire par que l'AMF a trop de pouvoirs, grosse concentration de pouvoirs?

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Willie) : Ce qu'on déplore, c'est l'augmentation du pouvoir, de la puissance de l'AMF sans contrepartie pour nous. Vous comprenez? Donc, l'AMF pourrait avoir beaucoup de pouvoirs. Si le nôtre augmente au sein des instances, on va être contents. Ce qu'on trouve, c'est que c'est déséquilibré. Donc, la plupart de nos recommandations visent l'intégration des représentants de la société civile au sein des instances de l'AMF, hein? Essentiellement, c'est ça, le sens de notre intervention.

M. Leitão : ...comité consultatif, bon, mais je pense qu'on en traitera...

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Malheureusement, ça met fin à cette période d'échange. Nous allons donc passer du côté de la première opposition avec le député de Rousseau.

M. Marceau : Oui, merci. Merci, M. le Président. Bonjour, M. Thouin, M. Gagnon.

Peut-être juste pour aller sur ce dernier point, effectivement, avec le pouvoir, avec la capacité d'agir devrait apparaître aussi la reddition de comptes et, en tout cas, un mécanisme de «checks and balances» comme disent nos amis ailleurs. Effectivement, tout n'est pas présent. Moi, je partage votre analyse. Cela étant, moi, je suis pour une autorité qui soit capable d'agir et puis qu'elle ait les moyens des responsabilités qui lui incombent. Mais je constate comme vous qu'il n'y a pas tous les mécanismes de reddition de comptes qu'on pourrait désirer, mais je vais changer de sujet.

Sur l'abolition des chambres, les intervenants avant vous puis d'autres, là, sont venus nous dire que l'autoréglementation, c'était une façon de faire qui fonctionnait bien. Puis effectivement les organismes d'autoréglementation sont présents dans plusieurs secteurs, évidemment pour plusieurs professions, hein, au Québec. Ils sont présents aussi dans même certains sous-secteurs du secteur financier. Qu'est-ce qui fait, pour vous, que, dans le secteur de l'assurance, l'autoréglementation, c'est moins bien puis que c'est préférable de laisser de côté l'autoréglementation pour confier le mécanisme d'encadrement des assureurs à l'autorité?

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. Thouin ou M. Gagnon.

M. Thouin (Daniel) : M. Gagnon va répondre.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. Gagnon, allez-y.

M. Gagnon (Willie) : On n'est pas nécessairement contre l'autoréglementation, mais, dans l'état actuel des choses, on n'a pas grand-chose à dire sur l'administration des chambres. Jusqu'à un certain point, il a été évalué, au MEDAC — là, je ne parle pas pour Option Consommateurs, je le répète, là — il a été évalué, au MEDAC, qu'il y avait l'occasion, avec l'intégration des chambres, d'augmenter le pouvoir que pourraient avoir les consommateurs sur ce que va faire l'AMF dans ce domaine-là. Présentement, ce n'est pas possible, là. On ne peut pas siéger à la chambre. Il n'y a pas de représentant du public à la chambre. Là, il y a un comité consultatif qui a été habilement conçu par le ministre jusqu'à un certain point. On a nos critiques, mais, au MEDAC, il y a des gens qui ont vu là l'occasion d'augmenter le pouvoir que pouvaient avoir les citoyens sur leur devenir.

Tout ça est dit, on a quelques réserves aussi, là. Il y en a qui, chez nous, craignent que l'intégration des activités de la chambre à l'AMF puisse permettre plus facilement à l'AMF de déléguer certaines responsabilités à l'OCRCVM, comme c'est déjà le cas pour certaines choses. Par exemple, présentement, la Chambre de la sécurité financière s'occupe des représentants en épargne collective, et puis partout ailleurs au Canada, sauf à Terre-Neuve, bien, ils sont tous regroupés. Il serait facile pour l'Autorité des marchés financiers de déléguer ça à une autorité pancanadienne, tandis que, si la Chambre de la sécurité financière continue d'exister, ça serait plus compliqué. Bref, il y a des réserves. Il y a des réserves, sauf qu'on ne s'oppose pas a priori à l'intégration.

M. Marceau : Non, je comprends. Je comprends.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le député de Rousseau.

M. Marceau : Puis merci pour votre réponse, là, puis je...

Une voix : ...

M. Marceau : Oui, oui, je pense que je comprends. En même temps, le fond de ma question, c'est : Est-ce qu'il y a des particularités dans le secteur financier qui font que, justement, les consommateurs devraient avoir plus leur mot à dire que dans le cas des médecins ou d'autres professions, là? J'essaie de voir quelle est la particularité qui fait que l'autoréglementation, qui est utilisée, là, pour la déontologie, la discipline, dans plein de professions au Québec... qu'est-ce qui fait que, quand on arrive au secteur financier, c'est différent?

Mais je comprends qu'il y a quelque chose de bénéfice au... d'avantageux au fait que les consommateurs puissent participer, à travers l'AMF, là, comme vous le suggérez. Puis en même temps, je comprends qu'il y a les bénéfices de l'autoréglementation, du fait que les pairs s'assurent que leur profession est une profession exemplaire. Il y a aussi des avantages là puis il y a quelque chose qui se passe, quand on pense au secteur financier, là, il y a quelque chose qui arrive quand on pense au secteur financier, qui semble disparaître, puis j'essaie de voir quels sont ces facteurs-là, là.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. Thouin.

M. Thouin (Daniel) : M. le Président, un des premiers facteurs qui fait qu'il y a une distinction très importante, c'est qu'on sait ce que c'est, un ingénieur, on sait ce que c'est, un médecin, on sait ce que c'est, une infirmière. Mais, dans l'énumération que je vous ai donnée tantôt, chacune des catégories de personnes que je vous ai nommées est attachée à un produit à vendre, à un produit qui est distribué par un manufacturier financier. Et, dans ce cadre-là, la notion de professionnel qui est unique et qui est capable de faire tout, dans la même personne, est impossible à gérer. Si vous regardez la composition des comités déontologiques de la chambre, ils sont composés d'à peu près une cinquantaine de personnes, si ce n'est pas plus. Donc, chaque petit groupe de conseillers a son propre comité déontologique. Ça devient extrêmement ardu à gérer.

Donc, je pense qu'effectivement l'intégration à l'intérieur de l'AMF, où les manufacturiers vont être présents et où les vendeurs ou les représentants de ces manufacturiers-là vont être présents sur une même table, va faciliter la compréhension de l'un et de l'autre et va surtout bien enligner les consommateurs, les utilisateurs de plans d'épargne dans les mêmes règles. Parce qu'actuellement, là, je... En tout cas, moi, je suis un consommateur de services financiers, et je ne suis pas le dernier venu, là, j'ai travaillé au gouvernement pendant plusieurs années, et j'aurais beaucoup de difficulté, si j'avais un problème financier, à retracer quelles règles, quel fonctionnement je vais être obligé de faire pour remonter à une plainte.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le député.

M. Marceau : Parfait. Merci pour votre réponse. Autre sujet, qui n'est pas abordé dans votre mémoire, mais honnêtement, je croyais que ça viendrait, c'est toute la question de la gouvernance, hein? Parce qu'évidemment le projet de loi, là, met en place un nouveau fonctionnement, une nouvelle gouvernance pour les assureurs, les institutions de dépôt et autres, là, et il y a des gens qui sont sortis sur la place publique pour dire qu'il y avait des problèmes. Entre autres, là, j'y vais rapidement, mais la création... enfin, les comités du conseil d'administration, comités d'audit, comités d'éthique, qui vont avoir des pouvoirs qu'ils n'auraient pas aujourd'hui, qui vont être en conflit avec le conseil d'administration, avec les liens de loyauté. En tout cas, il y a plein d'enjeux. Le régime de dénonciation aussi, qui est prévu dans le... Moi, il me semble que le MEDAC est une organisation qui est capable de nous fournir une opinion là-dessus. Est-ce que vous avez eu le temps de réfléchir à ça?

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. Thouin.

M. Thouin (Daniel) : On va vous donner une opinion, mais on ne le mettra pas dans notre mémoire. Je pense qu'au fil...

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : ...mais ça va être enregistré, de toute façon.

M. Thouin (Daniel) : Au fil des années, le MEDAC a effectivement fait énormément de propositions aux assemblées annuelles de sociétés publiques afin d'améliorer leur gouvernance. Et, la plupart du temps, on s'est butés... dans le cas de l'information qu'on voulait obtenir ou dans le cas des changements qu'on voulait obtenir, on s'est butés à l'autorité des conseils d'administration.

Maintenant, je pense que le remplacement d'une autre forme de gestion dans les conseils d'administration ne sera pas nécessairement bienvenu parce qu'on n'aura plus le même interlocuteur. Si on est deux ou trois interlocuteurs sur un même conseil d'administration, comme, bon, un comité de déontologie, qui pourraient dénoncer les autres membres du conseil, je pense que les commentaires que l'IGOPP a faits là-dessus sont assez pertinents pour nous. On aime mieux avoir un représentant, une responsabilité légale qui doit répondre de tous les gestes de la société. Il me semble que c'est plus simple au niveau de la gestion et au niveau de l'organisation des propositions dans la société.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Il vous reste 10 secondes, M. le député.

M. Marceau : O.K. Dans le cas du fonds d'indemnisation, certains pensent qu'on pourrait regarder les cas où les gens n'ont pas été indemnisés dans le passé, remonter un peu dans le passé pour aider les épargnants qui ont été floués.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Ceci met fin à votre bloc.

M. Marceau : Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée puis que ce travail-là devrait se faire, une évaluation, au ministère des Finances?

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Désolé, on n'a plus de temps, M. le député. Nous allons passer du côté de la deuxième opposition.

M. Marceau : ...

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : O.K. On va continuer du côté du... temps du groupe de la deuxième opposition. Allez-y.

M. Bonnardel : ...voulez-vous répondre...

• (11 h 40) •

M. Thouin (Daniel) : Bien, deux secondes. Je pense qu'effectivement remonter dans le temps, on... Nous, on a déjà déposé des mémoires dans le cas de Norbourg, on a eu des dossiers de recours collectif avec CINARS, avec Nortel. Je pense que les mécanismes ont déjà été mis en place pour récupérer le maximum d'argent possible. Remonter encore plus loin en arrière, je ne suis pas certain. Je ne suis pas certain.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le député de Granby, allez-y.

M. Bonnardel : Bonjour, messieurs. Une question rapide : Vous n'êtes pas contre la fusion des deux chambres, mais vous dites souhaiter une comptabilité distincte.

M. Gagnon (Willie) : On a des réserves aussi...

M. Bonnardel : Bien, j'imagine que ma question est facile, là. Vous doutez qu'il y ait des gains d'efficience avec la fusion?

M. Gagnon (Willie) : Bien, on a refusé de nous dire que c'était un argument, hein?

M. Bonnardel : Qui a refusé de vous le dire?

M. Gagnon (Willie) : On a posé la question à beaucoup de monde, là. On a eu des entretiens avec le ministère avant de venir ici, on a eu des entretiens avec les gens autour de nous, des gens de l'industrie, des gens de l'AMF. C'est sûr que ça ne fait pas chic de dire : On veut sauver de l'argent, parce que c'est comme si on accusait la chambre d'en perdre alors que c'est difficile à prouver, là. Mais je ne sais pas, M. Thouin, vous avez peut-être quelque chose de plus intelligent que moi à dire là-dessus.

M. Thouin (Daniel) : Bien, écoutez, c'est clair que le coût des services financiers actuellement au Canada, et particulièrement au Québec, est très élevé par rapport aux frais de gestion de nos fonds mutuels, par rapport aux frais de gestion de tout ce qui entoure le monde du marché financier. Et on a fait plusieurs recommandations à cet effet-là, entre autres en 2013, là, sur l'abolition des frais de suivi pour les fonds communs de placement. Le maintien de deux organisations comme c'est le cas actuellement, la Chambre de la sécurité financière avec un budget de 12 millions puis, bon, l'AMF avec un budget de plusieurs millions aussi, là, avec des dossiers qui sont très, très, très similaires...

Je vous disais tantôt qu'il y a 27 dossiers qui ont fait l'objet d'une demande au fonds d'indemnisation, donc pour 5 % des dossiers, l'exécution... de mauvaise exécution de mandats pour 48 % des demandes, c'est 9 % des dossiers à la chambre; la falsification et des contrefaçons des signatures, c'est 52 % des demandes qui sont faites à la chambre, c'est 9 %. Ensuite, globalement, 236 demandes d'enquête visant le non-respect des procédures et de remplacement des dossiers pour 48 % des demandes. Ça, c'est facilement gérable à même une même organisation. L'AMF a à peu près le même nombre de demandes de réclamation, et tout, par année, à peu près 500, puis je suis absolument certain que les 27 qui sont faites par la sécurité financière, de mauvaise utilisation d'argent, c'est les mêmes qui sont à l'AMF, là. Ça ne peut pas faire autrement. Donc, une cohésion plus grande des deux activités va permettre des économies dans le temps, on l'espère, des services financiers.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le député.

M. Bonnardel : Vous énumérez certaines situations indésirables que vous citez avec la vente par Internet. Vous avez demandé de retirer tous ces articles. Le ministre vous a répondu non.

J'ai une question fort simple, que j'ai posée à d'autres aussi. Est-ce qu'on devrait avoir certains produits où un représentant certifié devrait donner son aval à une transaction que, moi, comme consommateur que ce soit l'assurance automobile, l'assurance maison, l'assurance pour la vie? Est-ce que, pour vous, parce que tout indique qu'on va aller de l'avant, là, est-ce qu'on devrait choisir certains produits puis qu'un représentant certifié puisse donner son aval à une transaction?

M. Gagnon (Willie) : Bien, M. le Président, premièrement, d'emblée, là, la question des assurances, ça ne nous touche pas directement. On est le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires, hein? Donc, ce n'est pas des consommateurs d'assurance qu'on représente.

Deuxièmement, on trouve ça éminemment complexe, puis la raison pour laquelle le ministre vient de nous dire qu'il ne veut pas scinder le projet de loi, c'est qu'il dit que la chose est urgente. Mais on conçoit que c'est possible de scinder le projet de loi de manière urgente. Je pense que c'est possible d'envoyer ça ailleurs puis de la faire rapidement quand même. Puis, bien, troisièmement, eh bien, la liste qu'on a dressée là m'apparaît éloquente à sa face même. Je pense qu'on ne veut pas aller plus loin sur cette question-là.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Merci. M. le député.

M. Bonnardel : Dernière petite question. Vous parlez...

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Une minute.

M. Bonnardel : ...que le fonds d'indemnisation soit géré et piloté par un conseil d'administration indépendant composé de représentants du public. Trop de pouvoir encore à l'AMF, c'est un peu ça que vous dites, puis vous souhaitez que votre... vous, comme tel, soyez...

M. Gagnon (Willie) : Encore une fois, on pense que l'augmentation du pouvoir de l'AMF devrait s'accompagner d'une contrepartie, de notre pouvoir à nous, à titre de citoyens.

M. Thouin (Daniel) : Et d'utilisateurs des services surtout aussi. Donc, avoir quelqu'un à l'interne qui est capable de voir comment ça se passe, quelles sont les grandes règles qui sont mises en place, et si ces règles-là vont avoir un impact, et quelle sorte d'impact ça peut avoir. Donc, d'avoir un témoin à l'interne qui est capable de répondre des gestes que l'AMF va poser, particulièrement dans le fonds d'indemnisation.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Merci beaucoup, M. Thouin, M. Gagnon. Merci beaucoup. Merci de votre contribution à la Commission des finances publiques.

Donc, j'ajourne les travaux quelques minutes pour permettre à notre autre groupe, l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec, de pouvoir s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 45)

(Reprise à 11 h 47)

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Donc, nous allons reprendre nos travaux. Nous recevons présentement l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec. Nous avons Mme Nadine Lindsay, Mme Claudie Tremblay et Me Caroline Champagne qui sont présentes avec nous aujourd'hui. Donc, vous allez disposer de 10 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Par la suite, nous allons procéder à des échanges avec chacun des groupes parlementaires. Donc, sans plus tarder, je vous laisse nous présenter votre mémoire.

Organisme d'autoréglementation du courtage
immobilier du Québec (OACIQ)

Mme Lindsay (Nadine) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. membres de la commission, je suis Nadine Lindsay, vice-présidente... présidente et chef de la direction de l'OACIQ. Je suis accompagnée de Me Claudie Tremblay, vice-présidente exécutive, Affaires corporatives, ainsi que de Me Caroline Champagne, vice-présidente, Encadrement, toutes deux de l'OACIQ.

D'entrée de jeu, j'aimerais remercier les membres du cabinet du ministre pour leur grande disponibilité, ce qui nous a permis d'avoir plusieurs rencontres et conversations en regard du projet de loi. C'est un plaisir pour nous d'être ici aujourd'hui.

L'OACIQ est le régulateur, qui est institué par le législateur, qui doit veiller à l'application des dispositions de la Loi sur le courtage immobilier. Il a pour unique et exclusive mission la protection du public dans les domaines du courtage immobilier résidentiel et commercial et du courtage hypothécaire. Ces domaines sont réservés aux quelque 16 000 titulaires de permis qui sont assujettis à la compétence de l'OACIQ. Nous exerçons également la fonction d'assureur responsabilité pour les courtiers et les agences. L'OACIQ compte 168 employés et gère un budget de 22 millions annuellement.

Le projet de loi n° 141 interpelle l'OACIQ dans sa mission de protection du public. Tout d'abord, nous saluons la reconnaissance par le gouvernement de l'importance de rehausser les amendes en matière disciplinaire et pénale, puisque celle-ci permettra de mieux exercer notre mission en ayant un effet plus dissuasif en regard des contrevenants de la loi. L'intervention de l'État a été requise il y a déjà plusieurs années en regard du marché immobilier car il y avait un besoin de resserrer les règles en regard de cette complexe activité qu'est la transaction immobilière et qui est souvent la transaction la plus importante d'une vie.

• (11 h 50) •

Aujourd'hui, les transactions immobilières et hypothécaires sont encore plus complexes, que l'on pense au vieillissement du parc immobilier, aux inondations, à la pyrite, à la pyrrhotite, à la mérule pleureuse, etc. En ayant adopté la Loi sur le courtage immobilier, on précise les responsabilités et les obligations des courtiers immobiliers et hypothécaires qui ont comme rôle de réduire en amont les risques inhérents à la transaction immobilière pour les acheteurs et les vendeurs. À titre de régulateurs, nous aimerions proposer principalement quatre recommandations d'amélioration au projet de loi.

La première recommandation, qui est la plus importante, est de définir clairement l'opération de courtage. Vous savez, il y a trois façons de vendre un immeuble : par soi-même, par l'entremise d'une entreprise d'assistance ou par l'entremise d'un courtier immobilier. D'entrée de jeu, l'OACIQ souhaite d'emblée préciser qu'elle respecte le choix du public d'effectuer ces transactions immobilières de la façon dont elle l'entend. L'OACIQ souhaite toutefois que le public puisse faire un choix éclairé à cet égard. Nous voyons une difficulté importante dans ce qui est proposé au projet de loi, notamment en regard du libellé proposé aux articles 1 et 4, qui crée un flou.

Il y a un flou dans la définition des activités précises que seul un courtier immobilier peut effectuer, soit l'opération de courtage, et celle où les activités effectuées par quelqu'un qui n'est pas inscrit comme tel. Par conséquent, ces non-inscrits qui offrent des services similaires n'ont aucune obligation et responsabilité spécifiques dédiées à leur activité, ce qui crée un système inégal, deux poids deux mesures, dirait-on, que nous aimerions voir adresser. Ce flou engendre une confusion qui serait maintenue dans le projet de loi auprès du public. Ceci crée un sentiment de protection en regard des dispositions de la Loi sur le courtage immobilier lorsque le public fait affaire avec une organisation offrant des services de façon similaire à une agence immobilière sans être toutefois inscrite auprès du régulateur. Plusieurs croient donc, à tort, qu'ils sont protégés par la Loi sur le courtage immobilier.

Un sondage indépendant effectué dernièrement, en novembre, démontre que 71 % des répondants ont précisé qu'ils croient bénéficier des protections de la Loi sur le courtage immobilier ou ne savent pas s'ils en bénéficient lorsqu'ils font affaire avec une entreprise d'assistance. C'est révélateur. Cette impression est confirmée également par les recours intentés auprès des tribunaux civils ainsi que par le nombre des demandes effectuées auprès du centre d'information OACIQ. Effectivement, en 2017 seulement, 183 personnes ont demandé l'aide de l'OACIQ parce qu'elles avaient fait affaire avec des entreprises d'assistance et qu'elles pensaient à tort que nous pouvions intervenir dans leur transaction.

La définition du contrat de courtage proposée au projet de loi n° 141 est compliquée et contribue à augmenter la confusion et le faux sentiment de protection du public. La difficulté réside dans le fait que l'opération de courtage proposée n'est pas incluse dans la définition de contrat de courtage.

L'OACIQ propose donc que la loi prévoie les trois éléments suivants. Premièrement, définir l'opération de courtage comme étant les faits et gestes posés dans l'exécution des obligations qui incombent au titulaire de permis tel qu'il est déjà prévu dans le projet de loi. Deuxièmement, exiger que seuls les titulaires de permis puissent effectuer une opération de courtage. Le ministre Leitão a été très clair le 7 décembre dernier, lorsqu'il a précisé ses attentes, en fait, que les opérations de courtage doivent être effectuées par un courtier. Nous avons le même positionnement, alors définissons-le clairement dans la loi. Et finalement, obliger les entreprises d'assistance d'indiquer dans leurs communications que le public n'est pas protégé par la Loi sur le courtage immobilier.

Deuxième recommandation, maintenir l'encadrement et moderniser le courtage immobilier locatif. L'OACIQ est convaincu que l'encadrement du courtage locatif doit être maintenu pour contrer l'évasion fiscale et assurer une harmonisation avec les autres provinces canadiennes qui exigent toutes la détention d'un permis. Ce retrait aurait des conséquences quant au respect des obligations découlant des ententes conclues par le Québec avec les autres provinces en matière de mobilité de la main-d'oeuvre tel qu'il est prévu dans l'Accord de libre-échange canadien. De plus, l'État québécois abdiquerait les pouvoirs d'encadrement de ce secteur d'affaires complexe, non pas seulement en s'empêchant d'encadrer ces professionnels du Québec en la matière, mais en laissant également les autres régulateurs canadiens régir le marché locatif québécois.

L'OACIQ propose également une modernisation de l'encadrement du courtage locatif par deux éléments. Le premier, un allègement réglementaire pour les gestionnaires immobiliers sophistiqués, proposition qui a été développée en collaboration avec l'IDU, et qui a été présentée au cabinet du ministre en janvier 2017, et qui est jointe au mémoire. Et deuxièmement, une exclusion en regard des personnes ou sociétés qui agissent pour le compte de personnes âgées ou vulnérables sur le plan physique ou mental, disposition qui est prévue à la loi actuelle, mais qui n'a jamais été mise en vigueur.

Troisième recommandation, maintenir la compétence de l'OACIQ quant à l'encadrement du courtage hypothécaire. Si l'objectif ici est d'avoir un meilleur encadrement au niveau du courtage hypothécaire, l'OACIQ propose plutôt de modifier la Loi sur le courtage immobilier actuelle afin de lui octroyer les pouvoirs nécessaires. En effet, le public doit pouvoir continuer de bénéficier d'un régime de protection unique et uniforme relevant d'un même régulateur, d'accéder à un guichet unique pour traiter chacun des aspects de sa transaction immobilière et hypothécaire et finalement afin d'éviter le dédoublement réglementaire. Ce transfert à l'AMF ne viserait pas seulement les 759 titulaires de permis en courtage immobilier, mais il affecterait également plus de 11 000 courtiers immobiliers qui détiennent actuellement les deux droits d'exercice. Ça représente deux tiers de l'ensemble des courtiers inscrits auprès de l'OACIQ.

Actuellement, ces courtiers ne détiennent qu'un seul permis et ne sont soumis qu'à un seul cadre réglementaire. L'hypothèque, qu'elle soit considérée ou non comme un produit financier, est intrinsèquement liée à la transaction immobilière et à l'immeuble. D'ailleurs, plus de 95 % des promesses d'achat dans le secteur résidentiel sont conditionnelles à une approbation hypothécaire. Le guichet unique permet de faciliter les démarches des consommateurs en cas de plainte et d'éviter à ces derniers de devoir témoigner à deux reprises devant des comités de discipline ou d'être à la merci de litiges entre assureurs quant à la responsabilité du courtier immobilier ou du courtier hypothécaire en regard des fautes commises. Il est parfois difficile de départager la responsabilité des deux courtiers dans les enquêtes du syndic, notamment en lien avec la fabrication de faux documents ou l'utilisation de prête-noms. De plus, on évite le risque de jugements contradictoires.

Et, finalement, notre quatrième recommandation est d'assurer une gouvernance de l'OACIQ crédible et cohérente. L'OACIQ est favorable à l'amélioration de sa gouvernance. Plusieurs initiatives ont d'ailleurs été implantées à l'OACIQ en 2017. Notons principalement l'établissement de profils de compétence.

Nous avons toutefois les trois recommandations suivantes. La première, afin de maintenir le principe d'autoréglementation souhaité, nous proposons un nombre de supérieur de titulaires de permis dans sa composition, soit 7-6. Deuxièmement, les administrateurs doivent pouvoir choisir le président en fonction de ses compétences à travers l'ensemble des administrateurs. Et, finalement, conserver la représentativité régionale afin d'assurer la complémentarité des compétences. Ceci termine notre présentation initiale.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Directement dans les temps. Bravo! Merci beaucoup. Donc, le premier bloc d'échange aura lieu avec M. le ministre et les représentants du gouvernement. Donc, à vous, M. le ministre, la parole pour une période de 16 minutes.

• (12 heures) •

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup. Alors, mesdames, bonjour. Merci. Merci d'être là, de venir nous parler de votre opinion sur le projet de loi et les changements que vous souhaiteriez qu'on y accorde. Plusieurs choses.

J'aimerais commencer par une question fondamentale, à mon avis, c'est la notion même de courtage. Donc, si j'ai bien compris, vous prétendez que l'opération de courtage comprend, en fin de compte, tous les gestes posés dans l'exécution d'un contrat immobilier. Il me semble que cela, c'est extrêmement large. À la limite, ça voudrait dire que je ne pourrais pas... si je décide de vendre ma maison, je ne pourrais pas demander à quelqu'un de m'aider à, je ne sais pas, moi, prendre des photos, faire un «staging», parce que ce sont des choses que les courtiers font, donc ça devrait être réservé aux courtiers.

J'ai un peu de difficulté à suivre votre notion de courtage qui, à mon avis, me semble être très large et qui donc exclurait, si on le porte jusqu'à l'extrême, exclurait beaucoup d'autres personnes. Donc, c'est cette différence entre courtage et conseil, parce que ce n'est pas tout à fait la même chose. Je comprends très bien quel est le processus de courtage, l'intermédiation, mais le conseil, on ne peut pas réserver le conseil, là. Tout le monde peut donner des conseils. Le voisin de mon beau-frère peut me donner des conseils, même si ses conseils, des fois, ce n'est pas... Mais, c'est-à-dire, je ne pense pas qu'on doive restreindre la notion de conseil. Qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus?

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Mme Lindsay, allez-y.

Mme Lindsay (Nadine) : Merci. Alors, il y a plusieurs éléments à votre question. Premièrement, le but n'est pas d'interdire à qui que ce soit d'oeuvrer... le but est de délimiter précisément qu'est-ce qu'un courtier peut faire, quelles sont les obligations que seul un courtier peut faire, et ça nous permet de pouvoir exercer notre rôle en tant que régulateur.

Dans ce qui est proposé au niveau du projet de loi, le contrat de courtage, la façon dont il est précisé, n'est pas uniquement la mise en relation des parties ou de faire accorder les parties. Et l'activité de courtage ou l'opération de courtage doit être effectuée uniquement par un courtier, on en convient, mais ce n'est pas ça que la loi précise en ce moment. Alors, la proposition est de définir clairement qu'est-ce qu'une opération de courtage pour déterminer les obligations qui incombent aux courtiers. Et, de par cette définition, qui est déjà dans le projet de loi, c'est-à-dire, on l'entend, là, par les faits et gestes posés par les titulaires de permis dans l'exécution de leurs obligations, alors ça, c'est ce que vous proposez, pour lequel on est entièrement d'accord avec ça. Le seul bout qui manque, dans cette définition, est de le rattacher en disant que seul le courtier peut faire l'opération de courtage.

Et, si nous avons cette définition d'opération de courtage, qui constitue en fait l'élément de base, hein, pour nous, en tant que régulateur, parce que, vous savez, une fois qu'on a délimité les obligations du courtier, il est possible pour nous, en tant que régulateur, de pouvoir former adéquatement le courtier en fonction de ses obligations spécifiques, il est possible de pouvoir surveiller ses activités, l'inspecter afin de s'assurer qu'il respecte ses obligations, de l'enquêter et de le poursuivre, le cas échéant, advenant qu'il y aurait manquement à ses obligations... Alors, c'est cette précision que nous voulons voir apparaître au niveau de la loi.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le ministre.

M. Leitão : Je comprends votre point, en même temps, nous, ce qu'on souhaite, c'est que cette précision-là ne pas devienne une barrière, ne devienne pas un moyen d'empêcher d'autres personnes ou d'autres entreprises d'opérer, de fonctionner dans ce marché-là, donc... et ça, c'est quelque chose que plus la technologie évolue, et elle évolue très rapidement, c'est quelque chose à laquelle on va devoir réfléchir comme il faut parce qu'il y a... le nerf de la guerre, c'est l'information, donc d'avoir accès à l'information, et ça, il y a encore des choses qui... Mais, en tout cas, je comprends votre point.

L'autre question où on n'est pas d'accord, j'aimerais peut-être que vous nous expliquiez un peu mieux, là, pourquoi vous ne pensez pas que ce soit une bonne idée que le courtage hypothécaire soit transféré à l'AMF. Moi, il me semble que le courtage hypothécaire est devenu une opération financière. Les compagnies de courtier hypothécaire sont de plus en plus présentes dans le marché et de plus en plus importantes, et leurs responsabilités et leurs activités, à mon avis, sont différentes du courtage immobilier. Puisqu'ils sont de plus en plus présents dans le marché, raison de plus pour, à mon avis, pour que leurs activités, leurs fonctions, leur fonctionnement soient supervisés par une autre organisation — dans ce cas-ci, l'AMF, qui, elle, supervise les marchés financiers.

Alors, pourquoi vous insistez pour dire que le courtage hypothécaire devrait continuer d'être supervisé par votre organisation? Quelle est la logique de cela?

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Mme Lindsay.

Mme Lindsay (Nadine) : Il y a trois raisons principalement. La première, vous savez, toute activité a une connotation économique et financière, alors, ça, on en convient. L'activité hypothécaire, elle est intiment liée à l'opération de courtage, à un immeuble, à une transaction immobilière. On le voit, là, c'est une des deux conditions les plus essentielles lorsqu'on achète un immeuble. Il est certain qu'actuellement il est difficile de départager la responsabilité du courtier hypothécaire et du courtier immobilier dans les enquêtes du syndic. Alors, le fait de transférer les responsabilités ferait en sorte qu'il y aura un dédoublement réglementaire. On pense que le gouvernement, dans toutes les initiatives, est plutôt à simplifier la réglementation. Ici, il y aurait donc deux régulateurs. Et l'ensemble des courtiers... Là on parle des deux tiers des courtiers immobiliers qui ont actuellement les deux permis. Et ça, c'est un élément très important, là. Ce n'est pas seulement les 759 courtiers hypothécaires, actuellement, mais c'est vraiment les deux tiers de l'ensemble des courtiers, c'est plus de 11 000 courtiers qui auraient à faire le choix de décider de maintenir deux permis auprès de deux régulateurs différents, avec deux programmes de formation, avec deux systèmes d'encadrement. Pour nous, en tant que régulateurs, la protection du public ne serait pas améliorée, au contraire. Parce qu'actuellement, lorsqu'il y a une transaction, une problématique qui arrive dans une transaction immobilière, le consommateur doit être capable de se retourner auprès d'un seul régulateur, qui pourra déterminer quelle est la responsabilité de l'un ou de l'autre. Et c'est l'avantage qu'on voie à maintenir notamment le courtage hypothécaire auprès de l'OACIQ.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le ministre.

M. Leitão : Si je voulais être un peu méchant, je vous dirais que vous êtes en train de donner des arguments à transférer l'OACIQ à l'AMF. Mais, écoutez, non, ce n'est pas ça.

Mme Lindsay (Nadine) : Bien, on pourrait tout transférer le Québec à l'AMF aussi, là, si on veut.

M. Leitão : Je sais, c'est ça. Mais, dans le cas du courtage hypothécaire et particulièrement pour prévenir des potentiels conflits d'intérêts, et on a vu ce que ça a donné dans d'autres juridictions quand il y a eu une proximité trop proche entre les courtiers hypothécaires, les prêteurs, les agents immobiliers, on a vu ce que ça a donné, donc, moi, je pense que, d'un point de vue prudentiel, d'un point de vue de maintenir des marchés efficaces, c'est utile qu'une activité qui est essentiellement financière, comme un courtage hypothécaire, soit supervisée par un organisme qui est habitué à superviser les transactions financières et les institutions financières. Parce qu'un courtier hypothécaire ressemble de plus en plus à une institution financière.

Une question un peu plus rapide, en termes de gouvernance : Est-ce que vous pouvez m'expliquer pourquoi le conseil d'administration qui serait présidé par un élu, comme par un courtier, serait mieux préparé à assumer sa mission que quelqu'un qui serait nommé par le ministre, par exemple? C'est quoi, la logique?

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Mme Lindsay.

Mme Lindsay (Nadine) : Merci. En fait, c'est qu'on croit qu'en regard des saines pratiques de gouvernement... qu'il est vraiment souhaitable que les membres du conseil d'administration, et c'est une élection qui se fait à chaque année, puissent déterminer eux-mêmes qui est la personne la mieux compétente. Et c'est ce qu'on propose dans notre mémoire, que ce soit la personne la plus compétente. Et, à titre d'exemple, il vient d'y avoir, là, la nomination, l'élection du trésorier. Et il était possible d'élire quelqu'un qui venait du public, nommé par le gouvernement, ou bien un courtier. Et puis, en fonction des compétences spécifiques, cette année, la meilleure personne à occuper ce poste a été une personne nommée par le gouvernement. Et ça a été le choix des administrateurs présents. Donc, on croit que cette façon de procéder, de déterminer la meilleure personne — qu'elle vienne de n'importe quel milieu — qui soit présente au conseil d'administration, on veut laisser l'autorité et le choix au conseil d'administration de faire ce choix éclairé.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le ministre.

M. Leitão : O.K. Maintenant, peut-être une chose un peu plus pratique, mais je pense que c'est important qu'on ait un peu vos lumières : Quels sont les cas les plus fréquents que vous traitez, que votre comité de discipline traite? Quels sont les problèmes qui vous sont adressés le plus fréquemment?

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Mme Lindsay.

• (12 h 10) •

Mme Lindsay (Nadine) : Oui. Vous savez, le comité de discipline, c'est un des comités, c'est un des paramètres de l'OACIQ. Tout à l'heure, je parlais du risque inhérent, qui est diminué lorsqu'on a un encadrement comme celui de l'OACIQ, en regard du courtage immobilier, puis je pense que c'est un élément sur lequel il est important de revenir. Parce que, vous savez, on s'est doté, au Québec, là, d'un système. On s'est dit : Une transaction immobilière, là, c'est extrêmement compliqué. On parle d'un fonds commun de placement, hein, on fait un pacte ou un achat de 1 000 $, 500 $ par mois. Là, on parle d'une seule transaction des fois d'un demi-million, 1 million et plus, etc., c'est vraiment une transaction extrêmement importante. On s'est dit : Le Québec a besoin de professionnels compétents qui sont formés adéquatement pour pouvoir conseiller M., Mme Tout-le-monde dans cette activité, afin de s'assurer, là, qu'ils prennent une bonne décision en la matière. Alors, toutes les démarches qui sont faites précisément pour former les courtiers en fonction de leurs obligations et de leurs responsabilités... Puis j'aimerais ici peut-être en ramener seulement que trois, qui sont déjà prévues dans la réglementation et qui apportent une valeur. On voit qu'ils doivent informer avec objectivité, en regard des faits pertinents à la transaction, ils doivent vérifier les renseignements et démontrer l'exactitude des renseignements qui sont présentés, ils doivent entreprendre également des démarches pour découvrir les facteurs pouvant affecter défavorablement les parties.

Et nous, le régulateur, on est là pour s'assurer que ces obligations qui apportent une valeur ajoutée sont bien respectées, et donc on les inspecte, on les forme, on les encadre. Et, advenant le cas d'une problématique, on a la possibilité de les poursuivre. Il y a...

M. Leitão : Excusez-moi.

Mme Lindsay (Nadine) : Oui?

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le ministre.

M. Leitão : Ce que j'avais demandé, c'est quels sont les cas qui sont traités par le comité de discipline? Ce serait des... quel est le plus fréquent, donc... des courtiers qui ne collaborent pas entre eux quand il y a une...

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Me Champagne.

Mme Champagne (Caroline) : Oui, alors donc j'ai la réponse pour vous, M. le ministre. Donc les cas les plus fréquents portent sur des matières relatives aux informations, aux vérifications qui n'auraient pas été complètes. On a aussi des cas de fraude, d'appropriation, alors c'est plus des cas qui opposent le courtier lui-même avec le client et, dans ces matières-là, on peut agir rapidement, comme le démontrent tous nos dossiers d'enquête, de même que les décisions qui sont prises par les comités de discipline. Alors, c'est une façon rapide d'encadrer.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le ministre.

M. Leitão : En effet, c'est important qu'on puisse agir rapidement dans ces cas-là. Question qui est un peu connexe à celle-là, bon, présentement, la loi est telle qu'il y a certaines activités qui sont illégales, donc il y a un exercice illégal de l'activité de courtage. Alors, quelle est votre approche à cet égard-là? Comment est-ce que vous surveillez cela, quand c'est porté à votre attention, qu'un tel, un tel, un tel pratique illégalement l'activité de courtage? Comment vous adressez cette question?

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Me Champagne.

Mme Champagne (Caroline) : Effectivement, c'est une partie de notre compétence que de poursuivre les personnes ou les entreprises qui exercent illégalement les opérations de courtage. Alors, c'est pour ça que c'est bien important de clairement définir ce que c'est qu'une opération de courtage, pour bien établir quelles sont les balises qui ne peuvent pas être franchies par une personne ou une entreprise qui viendrait jouer dans le carré de sable des courtiers immobiliers. Nous, on n'a pas de problème avec le fait que les consommateurs fassent appel à des entreprises d'assistance. Toutefois, ils doivent vraiment savoir qu'ils ne sont pas protégés, ils ne sont pas protégés par la loi sur le courtage et ils ne font pas affaire avec des professionnels dans le domaine, ils ne font pas affaire avec des professionnels qui ont eu une formation, qui sont inspectés à chaque année, qui sont poursuivis, qui sont enquêtés dans le cas où est-ce qu'il y a des manquements qui...

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Malheureusement, Me Champagne, je dois vous arrêter. Ceci met fin au premier bloc avec le gouvernement. Nous allons continuer les échanges avec le premier groupe d'opposition... avec l'opposition officielle, plutôt, et le député de Rousseau.

M. Marceau : Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, mesdames, merci pour votre présence, merci pour votre mémoire. Question de clarification, puis, bien sincèrement, là, je sais l'effort que vous avez fait pour clarifier les choses, mais, même maintenant, je pense que c'est encore nécessaire, là, de clarifier ce que vous avez en tête quand on parle d'opérations de courtage. Et puis, bon, l'éléphant dans la pièce, évidemment, c'est DuProprio. DuProprio, j'ai ici... ils sont passés, déjà, ils nous disent essentiellement qu'ils offrent des services d'affichage de propriété sur un site Web qui s'appelle duproprio.com, qu'ils fournissent à leurs clients des renseignements généraux sur le marché immobilier — leurs clients, qui ne sont que des vendeurs, il n'y a pas d'acheteur, là — donc fourniture de renseignements généraux sur le marché immobilier et les meilleures pratiques de mise en marché, l'accès aussi à des professionnels compétents, les notaires, les évaluateurs, et l'accès à différents outils de mise en marché, des pancartes, des brochures, et ainsi de suite. Bon. Lesquels des gestes que je viens d'énumérer constituent, selon vous, du courtage, et donc ne devraient pas être permis pour quelqu'un qui n'a pas le permis de courtier?

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Mme Lindsay.

Mme Lindsay (Nadine) : Oui, merci. Alors, nous aussi, nous avons l'inventaire des offres. Les offres des entreprises d'assistance comme DuProprio fluctuent, hein, donc, on a fait des suivis, puis il y en avait certaines qui étaient là à l'été 2017 qui ne sont plus là au mois de décembre, comme des garanties, hein, si jamais le courtier immobilier fait mieux qu'eux, de rembourser deux fois la somme payée au client. Alors, des choses comme ça, là, ça n'apparaît plus sur le site en ce moment, mais c'était déjà là.

Donc, ça, il faut faire attention pour avoir une loi qui ne représente pas juste ce qui est disponible aujourd'hui, mais ce qui peut se produire dans les prochaines années. Vous dites qu'ils ne représentent que le vendeur ou que l'acheteur. Il y a des informations sur leur site qui le sont également pour l'acheteur. Donc, il y a des informations qui sont disponibles pour les acheteurs également, et il y a des mécanismes aussi de notification, là, quant à la disponibilité. Donc, il peut y avoir également des informations, là, qui toucheraient autant l'acheteur que le vendeur.

Pour répondre spécifiquement à votre question, que ce soient des photos, que ce soit de référer à des professionnels comme un notaire ou donner une liste d'évaluateurs ou d'inspecteurs, que ce soit de mettre une pancarte sur le terrain, que ce soit de donner des formulaires types au consommateur, c'est-à-dire les activités qui étaient, à la base, faites par des entreprises d'assistance, il n'y a aucun problème.

La problématique qui survient... et ce qu'on propose n'empêche pas cette façon de faire... la problématique, c'est lorsqu'on rentre dans des éléments de coaching où, pour nous, quand on parle de coaching, ça nécessite, vous savez, une valeur ajoutée. On doit apporter une valeur ajoutée sur les informations qu'on va donner au consommateur quant à la vente ou l'achat de sa maison. Et pour donner de l'information, une valeur ajoutée, il faut qu'il y ait quelqu'un qui soit formé. On ne peut pas prendre n'importe quelle personne et dire : On veut que notre société, nous, là, se gère, là, avec des conseils qui viennent de n'importe qui. On veut des gens qui sont compétents, qui sont formés de façon adéquate, qui sont surveillés également et qui ne peuvent pas faire n'importe quoi, et qu'ils ont des responsabilités.

Si vous me permettez, j'aimerais apporter quelques informations en regard des recours intentés. On a fait une analyse des recours intentés au niveau des tribunaux civils, là, la Cour du Québec, Cour supérieure. Depuis 2010, il y a eu 41 recours intentés par des consommateurs qui ont fait affaire avec l'entreprise DuProprio, O.K., mais qui ne peuvent pas poursuivre DuProprio parce qu'ils n'ont aucune responsabilité. Vous comprenez? La Loi sur la protection du consommateur va régir le lien entre le contrat de DuProprio avec le consommateur pour dire est-ce qu'il est écrit lisiblement, est-ce qu'il est en français, en avez-vous obtenu une copie, mais ça ne règle pas le reste de la transaction du consommateur. Donc, le seul recours que ces consommateurs-là... c'est aller devant les tribunaux civils. Ce qu'ils ont fait : 41 recours depuis 2010.

Je vais juste vous faire référence à deux éléments : un élément où est-ce qu'un vendeur a dû payer une somme de 106 782 $ — ce n'est pas rien, ça — sur sa maison parce que, justement, il a fait défaut d'informer que la maison avait fait l'objet d'une perquisition en regard du cannabis, obligation qui est prévue au niveau des courtiers. Le courtier a l'obligation de faire en sorte que ces déclarations ne soient pas cachées. Voyez-vous? C'est difficile des fois d'apporter la valeur ajoutée de la conformité ou d'un système réglementaire, parce que le fait est que ça évite les recours en regard des tribunaux civils. Malheureusement, on ne peut pas le quantifier, on ne peut pas savoir combien de recours ont été évités grâce à cet encadrement qui existe actuellement au Québec. Mais on peut croire qu'il y en a beaucoup, et ceci en est un exemple qui aurait pu être évité.

Juste un deuxième, rapidement : Un montant de 78 000 $, où là, il a été caché un vice apparent, où est-ce qu'il y avait justement l'affaissement des fondations. Encore une fois, un élément qui est lié spécifiquement à l'obligation d'un courtier de vérifier l'exactitude des informations qui sont données, de s'assurer qu'il fait les démarches nécessaires pour vérifier qu'il n'y a pas des éléments défavorables à une transaction. Et ceci aurait également pu être évité.

• (12 h 20) •

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le député de Rousseau.

M. Marceau : Oui, merci. Alors, pour résumer, donc, c'est le volet coaching, le conseil pour la mise en marché, le marketing, là, qui pose problème, d'après vous, dans les gestes qui sont posés chez DuProprio. Si je résume, c'est ça?

Mme Lindsay (Nadine) : Le coaching, définitivement.

M. Marceau : Puis, oui, juste une petite parenthèse, vous avez raison de dire qu'évidemment les acheteurs et les vendeurs vont se l'approprier, mais ceux qui paient pour les services, c'est les vendeurs, ce n'est pas les acheteurs. Enfin, j'arrête là. Ce n'est pas important. Juste sur le courtage locatif, pouvez-vous juste reformuler? Parce que vous ne l'avez pas dit clairement. Bon, évidemment, on sait que le projet de loi prévoit qu'il ne sera plus nécessaire de détenir un permis, là, pour le courtage locatif. Maintenant, il y a des gens qui apportent des nuances, entre autres les acteurs sophistiqués du marché, qui aimeraient bien, justement, pouvoir ne pas avoir à utiliser des courtiers. Juste vous laisser vous exprimer là-dessus, si vous voulez.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Me Tremblay.

Mme Tremblay (Claudie) : Merci. Alors, effectivement, en matière de location, location résidentielle et surtout de location commerciale, on sait que, si on allait de l'avant avec le projet de loi n° 141, on viendrait déréglementer cette location, hein, ce champ d'activité, et, ce faisant, toute personne provenant des autres juridictions pourrait venir faire du courtage locatif ici au Québec sans détenir de permis. C'est ce que prévoit le projet de loi. Nous, on maintient que la protection du public doit être maintenue, et on doit maintenir cet encadrement-là également, si ce n'est pour s'harmoniser avec les autres juridictions et éviter l'évasion fiscale, puisque, par le passé, ce n'était pas réglementé et on avait beaucoup de travail au noir qui se faisait.

Par ailleurs, pour répondre plus spécifiquement à votre question concernant des allègements qu'il pourrait y avoir, effectivement, il y a des gestionnaires sophistiqués qui, dans le cadre de leur contrat de gestion, de façon accessoire, vont faire une opération visant la location. Et, lorsque ces gestionnaires-là opèrent, on considère qu'ils ont les compétences, les connaissances et la conformité nécessaires. Alors, ce que nous prévoyons, c'est qu'il y ait des allègements, dont une exclusion pour ces gestionnaires-là, dans le cadre de ces opérations-là, évidemment, à partir du moment d'un certain seuil où il y aurait une valeur d'actifs, par exemple, à déterminer par règlement, qu'ils détiennent une assurance responsabilité, et pour des clients qui, eux aussi, sont sophistiqués, et je m'explique : Pour des clients qui aussi ont un certain encadrement, que ce soit le gouvernement, que ce soit des entreprises du gouvernement ou bien des banques, ou bien des sociétés cotées à la bourse avec un certain seuil.

M. Marceau : Donc, les seuils s'appliqueraient à la fois aux locataires et puis à celui qui va louer, là...

Mme Tremblay (Claudie) : ...un seuil pour le gestionnaire...

M. Marceau : Pour chacun des deux acteurs du marché.

Mme Tremblay (Claudie) : Les deux doivent être sophistiqués, appelons ça comme ça, par un seuil de la valeur.

M. Marceau : C'est ça. O.K., on se comprend. Parce qu'autrement, effectivement, il y a un déséquilibre.

Mme Tremblay (Claudie) : Voilà.

M. Marceau : Alors, on s'entend là-dessus.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : 30 secondes.

M. Marceau : O.K. Puis juste sur le.. Bien, sur la perte de revenus qui pourraient en découler, là, pour les acteurs du marché québécois, les courtiers actuels, est-ce que vous avez une idée du volume dont il est question?

Mme Tremblay (Claudie) : Au point de vue du volume? Écoutez, pas au niveau du commercial. Le nombre de... le volume que ça peut représenter fait exclusivement par des courtiers. Toutefois, nous avons une donnée qui est à l'effet que c'est plus de 14,2 milliards de dollars en commercial, en location commerciale qui ont été faits... en commercial, pardon, qui ont été faits au Québec dans les dernières années. Alors, c'est un acteur majeur et effectivement une économie qui est importante.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Merci beaucoup, Me Tremblay. Nous allons maintenant passer au deuxième groupe d'opposition, avec M. le député de Granby.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Content de vous revoir. Pas le choix de revenir sur le courtage. J'ai déjà dit, quand DuProprio était ici, j'ai déjà utilisé dans ma vie les services d'un courtier et DuProprio. Comme mon collègue l'a mentionné, l'éléphant dans la pièce, c'est DuProprio. On ne peut pas se cacher que DuProprio, dans une certaine mesure, a un certain succès. Comment on définit, demain matin, l'opération de courtage? Vous l'avez énuméré, puis vous semblez dire que le consommateur est un peu mal informé. Est-ce que je me trompe? Parce que, quand je vais chercher sur la plateforme de DuProprio les éléments pour m'accompagner, que ce soit le «home staging», le coaching, peu importe, je sais grosso modo ce que je vais avoir pour un prix x. Maintenant, moi, je suis assez informé pour savoir que je n'ai peut-être pas les protections qu'un courtier en bonne et due forme me donne. Est-ce que j'ai tort?

Mme Lindsay (Nadine) : Pas du tout.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Mme Lindsay.

Mme Lindsay (Nadine) : Merci. Il y a effectivement de la confusion, on le voit, et puis c'est pour ça qu'on est d'avis, là, qu'il devrait y avoir une mention, là, auprès des entreprises d'assistance, de préciser qu'ils ne sont... le public n'est pas protégé par la Loi sur le courtage immobilier et, par conséquent, par l'OACIQ. On le voit notamment... juste les appels qu'on a reçus en 2017, et, à chaque année, ça augmente, ce nombre. On en a eu 183, personnes, qui ont fait affaire avec des entreprises d'assistance — dans ce cas-ci, c'était avec DuProprio — et pour lesquelles ils pensaient qu'on pouvait intervenir. Ils avaient des problèmes, ils voulaient résilier le contrat, ils n'étaient pas contents de l'affichage qui avait été fait, etc. Donc, ils avaient différentes problématiques, même en regard de la transaction. Alors, oui, il y a une confusion, parce que ces gens-là croyaient qu'on pouvait intervenir. On l'a vu également dans le sondage, hein? On n'a pas posé 5 000 questions, on s'est inspirés du gouvernement, on n'a posé qu'une seule question, et elle était claire. C'est : Est-ce que, lorsque vous faites affaire avec... Vous êtes... excusez-moi : Est-ce que vous êtes protégé par la Loi sur le courtage immobilier lorsque, un, vous faites affaire avec un courtier, deux, vous faites affaire avec une entreprise d'assistance — et il y avait une énumération — et, trois, seul? Et les chiffres le démontrent : 71 % sont mêlés. Alors, il y a vraiment un besoin de clarifier cet élément-là afin de s'assurer que le consommateur fasse un choix éclairé et sache qu'il n'est pas protégé, qu'il n'a pas les protections offertes ni par la loi ni par le support de l'OACIQ.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. le député.

M. Bonnardel : Donc, on le clarifie de façon simple, dans le contrat qu'un client va signer avec DuProprio, en lui disant : Bien, voici l'offre que vous avez acceptée, à la fin...

Mme Lindsay (Nadine) : Il faudrait le mettre plus large, parce que, vous savez, le contrat intervient seulement entre deux parties. Il y a une troisième partie, qui va être l'acquéreur, etc. Donc, on croit qu'il est important de le mettre dans l'ensemble des communications. Nous avons proposé une disposition à notre mémoire pour qu'une disposition législative soit ajoutée à la Loi sur la protection des consommateurs pour, bien sûr, exiger, là, cette communication dans l'ensemble des communications; de façon simple, là, mais c'est important que ce soit précisé dans l'ensemble des communications.

M. Bonnardel : Donc, ce serait satisfaisant pour vous que, dans le contrat que je vais signer avec DuProprio, on m'informe en me disant que je n'ai pas les protections x, y reliées à votre emploi, ce qu'un courtier me donne quand j'utilise ses services.

Mme Lindsay (Nadine) : Cet élément, joint à la définition d'opération de courtage, de façon simple — on a essayé de travailler avec ce que le ministre avait commencé à travailler — donc, joint avec cette clarification de l'opération courtage, qui constitue les faits et gestes du courtier en fonction de ses obligations, et la précision que seul un courtier peut effectuer une opération de courtage; la réponse est oui.

M. Bonnardel : Et le ministre vous posait une question tantôt, à savoir : Bon, la gouvernance de l'OACIQ, crédible et cohérente? Il vous posait la question à savoir pourquoi on devrait avoir un courtier. Je lui réponds dans une certaine mesure, puis c'est une question un peu «passe sur la palette» que je vous fais, là. Le Barreau, les médecins, d'habitude, on met un avocat ou on met un médecin. Loin de moi de dire qu'une personne ne serait pas qualifiée — nommée par le gouvernement — mais je persiste et signe qu'un courtier en bonne et due forme qui connaît son métier serait la personne la plus crédible pour piloter un conseil comme ça. Non?

Mme Lindsay (Nadine) : Absolument. On est pour que ce soit la personne la plus compétente. Vous savez, c'est une élection qui se fait à chaque année, et ça, ça peut varier à travers le moment. Donc, définitivement que plus on a des gens qui comprennent les enjeux du marché, c'est encore plus efficace, puis on a un système plus vigoureux.

M. Bonnardel : Rapidement, peut-être une dernière petite question.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : 1 min 30 s.

M. Bonnardel : Prévoir les... Vous dites : «Maintenir et moderniser l'encadrement du courtage immobilier locatif, prévoir les exceptions en matière de location pour le compte de personnes âgées ou vulnérables.»

Mme Lindsay (Nadine) : Oui. C'est une disposition pour laquelle... Elle est déjà dans la loi, puis on aimerait qu'elle soit mise en vigueur. Il y a différents spécialistes qui sont là, comme des travailleurs sociaux qui travaillent avec les personnes âgées, qui peuvent apporter les services de façon, des fois, plus... conseiller les personnes âgées, puis on considère qu'on n'aurait pas besoin de gérer, qu'ils pourraient être exclus de la loi actuelle.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Mme Lindsay, Me Champagne, Me Tremblay, merci beaucoup, merci pour votre contribution à la commission.

Donc, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 14 heures, où nous allons recevoir cet après-midi la Chambre de l'assurance de dommages, la Chambre de la sécurité financière, le Groupe Promutuel, l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec et le Regroupement de cabinets de comptables. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise à 14 h 2)

La Présidente (Mme de Santis) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des finances publiques reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 141, la Loi visant principalement à améliorer l'encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d'argent et le régime de fonctionnement des institutions financières.

Nous entendrons cet après-midi les organismes suivants : la Chambre d'assurance de dommages, la Chambre de sécurité financière, Promutuel, l'Ordre des comptables professionnels agréés et le Regroupement des cabinets comptables, M. Alain Côté, associé, Deloitte, et M. Raymond Deschênes, associé directeur, Conseils financiers, Raymond Chabot Grant Thornton.

Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Chambre d'assurance de dommages. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et ensuite à commencer votre exposé. Vous avez 10 minutes. Bienvenue.

Chambre de l'assurance de dommages (CHAD)

Mme Beaudry (Diane) : Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, membres de la commission, bonjour et merci de nous recevoir.

Je me présente, Diane Beaudry, comptable professionnelle agréée et membre de l'Institut des administrateurs de sociétés. Je suis présidente du conseil d'administration de la Chambre de l'assurance de dommages, comme administratrice indépendante nommée par le ministre des Finances. Je suis accompagnée de Maya Raic, membre de l'Ordre des administrateurs agréés du Québec et présidente-directrice générale de la CHAD, elle siège aussi aux organismes canadiens de réglementation en assurances; de M. Jean-François Raymond, certifié en gestion de risques, membre de l'Institut des administrateurs de sociétés et vice-président du conseil d'administration de la CHAD, élu par les membres de l'industrie, il est également courtier et dirigeant de cabinet d'assurance; et de Me Jannick Desforges, directrice du service des affaires institutionnelles et de conformité de la CHAD.

Nous représentons bien les divers pans qui composent l'industrie et sommes ici au nom de la CHAD, dont la seule et unique mission est la protection du public. La CHAD est un organisme d'autoréglementation qui encadre plus de 15 000 professionnels de l'industrie de l'assurance de dommages.

D'entrée de jeu, sachez que nous sommes heureux que les lois qui encadrent le secteur financier soient modernisées. L'évolution de l'industrie depuis les 20 dernières années imposait une telle adaptation.

Plusieurs articles du projet de loi n° 141 sont adéquats, justes et nécessaires. Toutefois, d'autres nous préoccupent grandement. Étant donné le temps qui nous est réservé, nous souhaitons vous parler de trois éléments qui nous interpellent davantage, soit le retrait de l'exclusivité de l'acte de conseil aux professionnels, la distribution de produits par Internet et le modèle d'encadrement des services financiers. Nous espérons que nos commentaires vous permettront d'amender le projet de loi afin d'assurer une meilleure protection du public.

Commençons avec le retrait de l'exclusivité de l'acte de conseil aux professionnels. Le projet de loi propose de retirer l'acte de conseil actuellement réservé aux représentants certifiés. Cela signifie que toute personne n'ayant ni certification ni obligation déontologique pourrait offrir des services-conseils aux consommateurs. Il s'agirait d'un énorme recul pour la protection du public.

Imaginez quelques scénarios plausibles. Par exemple, cela signifierait qu'un concessionnaire automobile pourrait comparer différents produits d'assurance et donner des conseils à ses clients ou encore que les courtiers immobiliers pourraient offrir des conseils en assurance habitation à leurs clients.

Rappelons qu'actuellement l'exercice des activités de courtier immobilier ou de concessionnaire automobile est jugé incompatible avec les activités du représentant en assurance de dommages pour cause d'apparence de conflit d'intérêts. Alors, pourquoi retirer l'exclusivité de l'acte de conseil aux professionnels? Veut-on vraiment laisser des personnes n'ayant aucune obligation déontologique de conseiller le client en matière d'assurance de dommages?

Pour la CHAD, la ligne doit demeurer claire : aucun conseil ne devrait être prodigué à des consommateurs, si la personne n'est pas certifiée, encadrée, et, ce faisant, non imputable de ses gestes. Il nous apparaît primordial de maintenir l'exclusivité de l'acte de conseil aux représentants. Autrement, il s'agirait d'une réelle perte pour la protection du public.

M. Raymond (Jean-François) : L'importance du conseil nous amène à parler du deuxième élément, soit la distribution de produits d'assurance en ligne.

L'Internet est un excellent moyen de communication pour moderniser la collecte d'information, pour renseigner et pour faciliter les échanges avec les clients. Nous saluons la volonté d'encadrer la distribution en ligne. Toutefois, Internet ne peut remplacer le conseil d'un professionnel certifié.

L'assurance de dommages demeure un sujet difficile à comprendre. Un sondage Léger révélait que 76 % des Québécois trouvent l'assurance de dommages complexe. C'est trois personnes sur quatre. Cela comprend tant l'assurance auto, dont le contrat fait 35 pages et compte 42 avenants, que l'assurance des entreprises de multiples PME qui sont le moteur de l'économie du Québec.

Il est évident qu'Internet ne peut qu'amplifier les risques d'être sous-assuré ou mal assuré, en plus de transférer la responsabilité actuelle du professionnel sur les épaules du consommateur.

De plus, le projet de loi propose un régime d'encadrement fort différent pour les assureurs et pour les cabinets. Par exemple, l'obligation de rendre disponible une personne physique pour conseiller les consommateurs s'appliquerait aux assureurs, mais pas aux cabinets. Par exemple, l'assureur n'a aucune obligation d'avoir une personne certifiée à son emploi, alors que le cabinet doit en avoir au moins une, peu importe la taille de son cabinet. Par exemple, l'assureur n'a pas le devoir de conseil, contrairement au cabinet. D'ailleurs, comment se traduira ce devoir de conseil si un représentant n'est pas impliqué dans le processus?

Bref, peu importe le canal choisi pour souscrire à un produit d'assurance, le consommateur doit avoir les mêmes droits, les mêmes protections, les mêmes recours.

• (14 h 10) •

Mme Raic (Maya) : Je prends la parole pour parler du troisième et dernier élément, soit le modèle d'encadrement des services financiers au Québec.

Ce modèle est composé d'un organisme public ayant un pouvoir de surveillance, d'analyse et de contrainte, soit l'AMF, et d'organismes d'autoréglementation de première ligne spécialisés, telles les chambres. Et ce modèle, le modèle québécois, est précurseur. Certaines provinces le regardent avec intérêt, et l'International Association of Insurance Supervisors, qui regroupe les régulateurs à travers le monde, soutient que les organismes d'autoréglementation sont un moyen efficace d'assurer les plus hauts standards de professionnalisme. Il est donc curieux de constater que le Québec fait fi de cette reconnaissance canadienne et internationale en envisageant d'abolir les chambres.

Revenons dans le passé. Il y a près de 20 ans, devant la complexité des produits d'assurance et de leur importance tant pour la protection du patrimoine des consommateurs et des entreprises que pour l'économie du Québec, le législateur s'était assuré que des professionnels certifiés, formés et encadrés interviennent entre l'assuré profane et l'assureur qui distribue des produits. Ce sont aussi ces professionnels, les agents, les courtiers et les experts en sinistres, qui ont incarné, au fil des ans, le point d'ancrage qui maintient la confiance du public envers l'industrie. La CHAD s'assure donc que ces professionnels respectent leurs obligations déontologiques, suivent des formations en continu pertinentes et maintiennent les meilleurs standards de professionnalisme.

Voilà les éléments essentiels à la protection du public, mais aussi à sa confiance envers l'industrie, laquelle, vous le savez tous, peut facilement être fragilisée.

La protection du public passe donc par une approche préventive que seule la CHAD peut incarner. Pourquoi? Parce que sa proximité avec l'industrie et sa fine connaissance des enjeux en assurance de dommages lui permettent de créer des outils pratiques que les professionnels, les assureurs, les cabinets et l'AMF consultent près de 2 000 fois par mois.

Par exemple, nous avons produit un guide qui a permis de clarifier le partage des rôles et des responsabilités entre les experts en sinistres et les multiples intervenants impliqués dans la gestion d'un sinistre. Ce travail collaboratif a été fort utile pour l'industrie. D'ailleurs, l'AMF l'a traduit sous forme de directives.

Avec seulement 30 employés, la CHAD est agile et représente les antennes sur le terrain. Je m'explique mal pourquoi on souhaite l'abolir. La CHAD est le premier rempart de protection pour le public. Et de toute façon nous sommes d'avis que ce n'est pas en divisant les forces en présence ni en les éliminant qu'on protégera mieux le public. C'est plutôt en les additionnant qu'on continuera de faire la différence auprès des consommateurs.

Tous s'entendent pour dire qu'il reste beaucoup de travail à faire pour améliorer la littératie financière des Québécois. Il ne faut donc pas que le projet de loi transfère la responsabilité actuelle des professionnels sur les épaules des consommateurs ni qu'il leur retire une protection de première ligne. Ce serait perdant-perdant.

On doit donc remettre au coeur de la législation la protection du public. Les organismes d'autoréglementation spécialisés, les actions préventives et les hauts standards de professionnalisme doivent aussi s'y retrouver. Ce sont les remparts mêmes qui permettent d'atténuer le déséquilibre informationnel qui existe entre les professionnels certifiés et les consommateurs profanes.

Merci de votre attention.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période de questions. M. le ministre, la parole est à vous pour 16 minutes.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour, mesdames monsieur. Merci. Merci d'être là pour discuter d'un sujet qui est très important, évidemment, du projet de loi.

Mais, avant de commencer, j'aimerais que ce soit clair, là, que tout le monde comprenne que l'idée que nous avons d'intégrer, donc, les chambres à l'AMF ne découle pas d'un quelconque constat d'échec ou quoi que ce soit. Donc, ça ne reflète pas un point de vue négatif sur le travail de la chambre, des chambres. Ce n'est pas ça du tout. Il y a toujours des choses à améliorer, bien sûr, mais ce n'est pas ça, notre motivation. En fin de compte, notre motivation, c'est essentiellement que le régime d'encadrement soit plus efficace. Qu'il soit davantage centralisé, à notre avis, va le rendre plus efficace qu'il ne l'est actuellement. Donc, c'est ça qui a motivé notre approche à ce sujet-là.

Maintenant, pour ce qui est de ce que vous avez mentionné dans votre présentation, il y a quelque chose qui... puis je pense qu'on n'a pas la même compréhension des enjeux. Nous, on ne retire pas l'obligation que les personnes qui fournissent les conseils soient certifiées. Au contraire, elles doivent être certifiées, elles doivent avoir des représentants certifiés. Donc, il y a peut-être une mauvaise compréhension des articles du projet de loi.

Et, oui, pour la protection du public, encore une fois, si on abolissait les chambres, si c'était de l'abolition pure et simple des chambres, ça, oui, je serais d'accord avec vous que, oui, on serait en train d'affaiblir la protection du public. Mais ce n'est pas ça, ce qu'on fait. Nous, on va les intégrer, les chambres, aux activités de l'AMF. Donc, on va centraliser, on va additionner plutôt que diminuer. Et d'ailleurs, même les employés, les personnes, les 30 personnes qui travaillent dans la chambre vont migrer aussi vers l'AMF.

En tout cas, moi, j'arrêterais ici. Je sais que mes collègues ont quelques questions à vous poser, alors vous pouvez... Allez-y.

Mme Raic (Maya) : ...

M. Leitão : Oui, certainement.

Mme Raic (Maya) : ...répondre aux questions que vous avez soulevées à juste titre. Quand vous parlez de la notion de conseil qui serait encore présente chez le représentant certifié, vous avez parfaitement raison, sauf qu'elle ne lui est plus réservée. Dans le projet de loi qui est présenté actuellement, ce n'est plus un acte réservé au professionnel. Donc, quiconque veut offrir un conseil pourra l'offrir, il ne sera pas obligé d'être certifié. C'est ce que nous mettons en relief. Ce n'est pas le fait que le représentant certifié ne doive plus donner de conseil. Oui, il doit donner conseil, mais il y a d'autres personnes qui ne sont pas des représentants certifiés qui vont aussi pouvoir le faire. Ça, c'est clair dans le projet de loi.

Au niveau de la centralisation, ou ce que vous évoquez en matière de centralisation ou d'addition, j'admire... ou j'apprécie que vous dites que les 30 employés de la chambre vont être intégrés à l'Autorité des marchés financiers. Mais, le projet de loi, ce n'est pas ce qu'il dit. À l'article 559, il est absolument clair, on parle d'abolition et on parle strictement de transfert de deux responsabilités, soit le Règlement sur la formation continue obligatoire ainsi que le règlement sur la déontologie et les règles de pratique.

Là-dessus, je vous dirais que c'est très important que les organismes d'autoréglementation demeurent parce que c'est un ajout, c'est une addition, c'est un premier rempart de protection du public par rapport à l'Autorité des marchés financiers, dont on ne questionne pas du tout ni l'opportunité, ni la présence, ni les devoirs. C'est important que l'Autorité des marchés financiers demeure. Mais qu'elle soit accompagnée d'organismes d'autoréglementation de première ligne, je pense que c'est clé, d'autant que l'OCRCVM demeure.

Alors, la question se pose : Pourquoi, en assurance, il n'y a pas d'organisme où on veut intégrer, entre guillemets, comme vous dites, les organismes tels les chambres? Parce que, comme je vous le répète, ce n'est pas ce que le projet de loi prévoit. On parle carrément d'abolition.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci.

M. Leitão : O.K. Bon, peut-être une question de sémantique. Nous, on parle d'intégration. Mais, les collègues, vous avez des questions.

La Présidente (Mme de Santis) : M. le député de Trois-Rivières.

M. Girard (Trois-Rivières) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, salutations aux gens de la CHAD. J'ai eu l'occasion de rencontrer certains d'entre vous à quelques reprises.

Ma première question va aller au niveau de l'inspection, l'inspection des cabinets. Dans votre mémoire, on mentionne que 75 % des cabinets de l'industrie sont des cabinets de 24 représentants et moins, ce qui représente combien de cabinets, environ?

Mme Raic (Maya) : Environ 1 200 au Québec qui sont inscrits à l'Autorité des marchés financiers. En assurance dommages, plus spécifiquement, c'est une multitude de petits cabinets. Le gros des cabinets ont sept certifiés et moins. Alors, quand je dis «le gros», je parle d'au-delà de 85 %, 87 % des cabinets se composent de sept certifiés et moins et sont répartis partout au Québec. Facilement, on pense à des cabinets tels Desjardins ou encore La Capitale parce que ce sont des gros cabinets, mais, dans l'assurance de dommages, l'univers est composé principalement de petits cabinets.

M. Girard (Trois-Rivières) : Vous avez un mandat d'inspection de ces cabinets-là, de s'assurer qu'ils soient conformes, et tout. Comment vous procédez, au niveau des inspections des différents cabinets? Vous avez une équipe d'inspecteurs qui procèdent aux inspections?

Mme Raic (Maya) : En fait, c'est un mandat confié par l'Autorité des marchés financiers, alors on travaille de façon très étroite avec l'Autorité des marchés financiers. L'avantage qu'on a, c'est que notre programme d'inspection est évidemment bâti et adopté aussi par l'Autorité des marchés financiers, mais il est bâti en fonction des réalités du monde de l'assurance de dommages. Alors, on s'assure effectivement que les cabinets et les individus qui y travaillent se conforment à leurs obligations.

C'est une démarche de prévention. On ne fait pas d'enquête, quand on est en inspection, on est en mode préventif. On veut s'assurer effectivement que les gens se conforment à leurs obligations et on bâtit aussi, on en profite, c'est une façon de tirer bénéfice des informations que nous avons en inspection pour bâtir des outils destinés aux individus qui travaillent dans un cabinet et destinés aussi aux dirigeants de cabinets pour qu'ils puissent mieux se conformer à leurs obligations.

M. Girard (Trois-Rivières) : Et tout ceci se fait en collaboration avec l'AMF, bien entendu.

Mme Raic (Maya) : Bien sûr, comme toutes les activités de la chambre par ailleurs.

M. Girard (Trois-Rivières) : Dans votre mémoire, vous parlez, au niveau de l'inspection des cabinets, de 1 300 inspections depuis 2005. Donc, ce qui représente, grosso modo, bon... on arrive en 2018, j'arrête en 2017, ça fait 108 inspections par année. Vous me dites qu'il y a 1 200 cabinets, donc ça veut dire que ça va prendre environ 12 ans avant qu'on réinspecte un cabinet une deuxième fois.

Mme Raic (Maya) : Je vais vous corriger sur quelque chose. Parce que nous, nous n'inspectons que les cabinets de 24 représentants et moins. Et ce n'est pas les 1 200. On a un bassin à peu près de 900 cabinets.

• (14 h 20) •

M. Girard (Trois-Rivières) : Donc, grosso modo, ça peut prendre peut-être un sept, huit ans avant de revenir dans un même cabinet. Et est-ce que vous considérez que vous avez suffisamment d'effectifs et que vous êtes en mesure de bien faire le travail, au niveau de la CHAD, à ce niveau-là? Est-ce que vous considérez que c'est suffisant au niveau des inspections?

Mme Raic (Maya) : Ça sera toujours mieux d'en avoir plus, c'est évident. Mais, chose certaine, on fonctionne par gestion de risques. C'est l'Autorité des marchés financiers, de toute façon, qui nous désigne les cabinets qui doivent être inspectés. Par exemple, je vous donne un exemple bien banal, un nouveau cabinet qui part en affaires, on va peut-être avoir plus intérêt à aller le visiter une première fois pour s'assurer qu'il parte bien, qu'un cabinet qui est plus établi. Aussi, on a... dans la gestion des risques, suite à des fusions de cabinets ou des achats de cabinets, il y a là un moment d'incertitude qui requiert des fois un exercice d'inspection. Alors, c'est comme ça qu'on procède. On ne fait pas tous les cabinets et ensuite on refait tous les cabinets. On cible les cabinets en fonction de la gestion des risques.

M. Girard (Trois-Rivières) : Donc, les nouveaux cabinets vont recevoir l'autorisation de l'AMF d'opérer, et vous, vous allez aller faire, entre guillemets, une inspection. Je regarde tout ça, je me dis : Il me semble, pour moi, c'est beaucoup plus simple de fonctionner avec l'AMF ensemble, dans une même opération, plutôt qu'une portion à vous, une portion à l'AMF, l'AMF fait un bout, vous faites un bout. Et ils ont peut-être des moyens plus importants pour peut-être faire plus d'inspections, travailler ensemble. De cette façon-là, moi, je vois l'intégration de la CHAD avec l'AMF pour vraiment améliorer les processus de suivi, améliorer les inspections, de le faire de façon efficace et qu'on puisse avoir, entre guillemets, des gens qui sont beaucoup plus près pour émettre l'autorisation, faire les vérifications et faire la suite logique de A à Z. Vous ne trouvez pas que c'est une bonne chose de pouvoir travailler ensemble en intégrant la CHAD à l'AMF?

Mme Raic (Maya) : Non. Je ne peux pas être plus claire que ça. L'intégration, ce n'est pas nécessairement toujours la solution à tout. La spécialisation de la Chambre de l'assurance de dommages est importante dans l'équation. Et on est 30 employés. Rentrer dans une organisation de 780 dont un bureau est à Québec, l'autre à Montréal... Vous avez été confrontés, je pense, dans vos vies, à des institutions qui en achètent d'autres ou qui se fusionnent avec d'autres. Ce n'est pas le 30 qui influence le 780. C'est l'inverse, d'ordinaire, dans la vie.

Alors, à cet égard-là, je pense que la spécialisation que nous avons développée et l'expertise que nous avons développée se perdraient dans l'immensité, si on peut s'exprimer, de l'organisation qu'est l'Autorité des marchés financiers et qui se veut une organisation généraliste.

C'est tout à fait correct, mais c'est pour ça que le modèle qui avait été pensé par le législateur ou lorsqu'on a institué l'Autorité des marchés financiers, c'était d'être aussi accompagné d'OAR. OAR, ce n'est pas une maladie, c'est un organisme d'autoréglementation. Et ça permet justement à l'industrie de s'investir dans les règles qu'ils mettent de l'avant et aussi à cette organisation-là spécialisée d'intervenir en proaction plutôt qu'en réaction. Et nous sommes là comme partenaires de l'AMF.

Vous gardez les organismes d'autoréglementation en valeurs mobilières, mais vous les éliminez en assurances. Pourquoi? C'est la question qui se pose. Et ça se fait en valeurs mobilières. Pourquoi ça ne peut pas se faire en assurances?

M. Girard (Trois-Rivières) : Et, dans d'autres juridictions, on procède comment au niveau des assurances? Est-ce que c'est le même principe, si on regarde dans d'autres provinces, dans d'autres pays, en Europe ou ailleurs?

Mme Raic (Maya) : Je peux vous... Bien, je vous ai dit, dans le mémo de début, le mémo de présentation, qu'au niveau international les OAR existent. Elles sont reconnues comme étant une valeur ajoutée pour augmenter le niveau de professionnalisme des gens de l'industrie. Alors, c'est un choix que l'on fait, c'est évident.

Au niveau du reste du Canada, je peux vous expliquer longuement qu'est-ce qui se fait dans le reste du Canada. Il n'y a pas une province qui est pareille. Vous avez des inspecteurs généraux des institutions financières, complètement dans l'Ouest canadien, avec des «insurance councils», qui sont des organismes qui sont apparentés à la chambre. Vous avez en Ontario le FSCO, qui est l'organisme... la commission ontarienne des services financiers, accompagnée par ailleurs de RIBO, qui est le Registered Insurance Brokers Association of Ontario, qui est un organisme d'encadrement qui encadre tous les courtiers en assurance de dommages. Alors, c'est un OAR. Vous avez, dans les provinces de l'Est... parce que les provinces sont beaucoup plus petites, vous avez l'équivalent d'un inspecteur général des institutions financières.

Alors, vous n'avez pas des modèles identiques partout au Canada, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'on nous regarde et qu'on nous envie notre modèle. Pour siéger moi-même à OCRA, qui est un organisme de régulateurs d'assurances, c'est un fait. On nous demande comment est-ce qu'on agit et même qu'on utilise nos outils. On nous demande de traduire nos outils pour les utiliser localement. Alors, ça doit avoir du bon.

M. Girard (Trois-Rivières) : Merci, madame. Je passe la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Maintenant, c'est le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames monsieur. Dans votre annexe C, vous nous parlez de la distribution par Internet et de l'encadrement entre les assurés et les cabinets. Ce que vous nous dites ici, bon, vous nous faites la comparaison entre les deux, mais vous ne nous dites pas est-ce qu'on devrait prendre une position ou l'autre, ou vous maintenez le statut que les cabinets actuellement devraient rester exactement où est-ce qu'ils en sont. Puis qu'est-ce qu'on fait avec, finalement, la distribution par Internet? Vous n'en voulez pas ou bien il faudrait l'encadrer autrement? C'est un peu sur ça que je voudrais vous entendre.

M. Raymond (Jean-François) : ...nous, ce qu'on dit à l'annexe C, c'est que le problème vient dans la disparité entre les principaux intervenants du marché. Ça, ce n'est pas acceptable. Il faut que tout le monde travaille avec les mêmes balises. C'est un peu la base de la comparaison.

En termes de distribution par Internet, on n'arrive pas à quelque chose de nouveau, là, ça fait longtemps que ça existe, ça fait longtemps que c'est utilisé, au-dessus de 10 ans qu'on peut déjà magasiner sur Internet. Le problème, c'est qu'avec le projet de loi on s'en va vers... il n'y aura plus de révisions qui seront faites par un professionnel certifié. Ce qui est le cas présentement.

Une personne qui est néophyte, qui va sur Internet, qui remplit, complète des informations, va chercher sa soumission, il n'y a aucun problème avec ça. Présentement, elle va être rappelée, après, que ce soit par un courtier ou un agent, mais elle va être rappelée par un professionnel certifié. C'est ce bout-là qu'on dit qu'il faut absolument qu'il demeure pour ne pas ouvrir la porte à des personnes qui vont penser être assurées, mais elles ne le sont pas. Finalement, c'est de prendre le fardeau, de l'enlever du professionnel pour le mettre sur le consommateur. Et c'est vraiment ça qu'on veut éviter. ...les mêmes balises et après ça avoir une révision par un professionnel.

La Présidente (Mme de Santis) : Le ministre aimerait poser une question. M. le ministre.

M. Leitão : Oui, merci beaucoup. Rapidement, pour revenir à la question...

La Présidente (Mme de Santis) : Il vous reste 1 min 25 s.

M. Leitão : O.K. Il faut que je parle très vite. Non, non! Si je parle très vite, on ne comprend rien. Trouvez-vous qu'il y a un avantage... Je pense, votre réponse, je peux la deviner, mais est-ce qu'il n'y a pas un avantage important à avoir un organisme de réglementation comme l'AMF, qui a une vue d'ensemble de l'industrie, une vue à 360 degrés de l'industrie? Parce que l'industrie est devenue extrêmement complexe, et donc, si nous avons un organisme qui réglemente une partie de l'industrie et un autre qui réglemente une autre partie de l'industrie, les cabinets, les représentants, les grands cabinets, les petits cabinets dans le monde d'aujourd'hui, au XXIe siècle, que... ça devient tellement complexe. À notre avis, d'avoir un réglementeur intégré qui peut tout voir en même temps, je pense, c'est important.

D'ailleurs, on mentionnait ce matin que l'AMF a trop de pouvoirs, mais je pense que c'est nécessaire d'avoir ces moyens-là aujourd'hui pour bien protéger le public. C'était juste ça ce que je voulais mentionner.

Mme Raic (Maya) : Je vous dirais là-dessus, M. le ministre, que le projet de loi n° 141, je trouve, ampute certains pouvoirs de l'AMF. C'est particulier de ma part de dire ça, là, mais je vous dirais qu'en distribution sans représentant, par exemple, ce serait quelque chose qu'il faudrait revisiter. L'AMF avait certains pouvoirs qui disparaissent avec le projet de loi, y compris la partie du permis restreint qui pourrait être dédiée à des produits plus spécifiques...

La Présidente (Mme de Santis) : Je m'excuse, mais...

Mme Raic (Maya) : ...comme l'assurance de dommages. C'est terminé.

La Présidente (Mme de Santis) : C'est terminé. Maintenant, la parole est au représentant de l'opposition officielle, député de Rousseau.

M. Marceau : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, mesdames, bonjour, monsieur. Je veux revenir sur l'autoréglementation... enfin, sur le fait que, donc, le projet de loi prévoit de faire disparaître l'organisme d'autoréglementation que vous êtes.

Puis j'ai posé la question ce matin, je pense que vous connaissez la question, c'est : Y a-t-il des caractéristiques du secteur financier qui font en sorte que l'autoréglementation est moins appropriée dans ce secteur-là que dans d'autres? Parce qu'effectivement il y a une asymétrie dans ce qu'on constate. C'est-à-dire qu'on fait disparaître l'autoréglementation pour l'assurance, mais on la maintient pour les valeurs mobilières ou on maintient l'autoréglementation dans d'autres secteurs. Y a-t-il une caractéristique particulière du secteur financier qui fait en sorte que c'est moins approprié, selon vous?

• (14 h 30) •

Mme Raic (Maya) : Surtout pas. L'assurance de dommages, c'est un produit complexe, on l'a bien dit tout à l'heure, et même le Groupement des assureurs automobiles en convient, même juste pour l'assurance automobile, que c'est un produit complexe, puisqu'ils disaient récemment, suite à une étude, que ça prenait 16 ans de scolarité pour comprendre un contrat d'assurance automobile. 16 ans de scolarité, c'est quand même un niveau universitaire. Il y a 18 % des Québécois qui ont ce niveau-là à leur actif. Qu'est-ce qu'on fait des 82 autres pour cent? Alors, c'est important effectivement qu'il y ait un conseil qui ait cours à ce niveau-là.

Donc, ça prend des organismes d'autoréglementation qui puissent incarner la déontologie nécessaire pour exercer la profession. Et ça, c'est un peu comme la moralité de l'industrie, si on peut s'exprimer ainsi, que la déontologie. Alors, c'est de se doter de pratiques qui vont faire qu'on a un contact avec le client où on est imputables, et on fait son travail correctement, et qu'on puisse accompagner le client dans ses protections de son patrimoine, que ce soit son patrimoine personnel, auto, habitation, ou patrimoine économique. Il y a des entreprises au Québec. Les PME, c'est la force économique du Québec. Il faut qu'elles soient bien protégées pour poursuivre leurs opérations quand c'est requis suite à un sinistre.

Alors, c'est important, le rôle du professionnel est important, ce faisant. Puis le déséquilibre informationnel qui existe entre le consommateur et le professionnel mérite... Parce qu'on a carrément le profil qu'il faut même pour devenir un ordre dans les critères d'un ordre professionnel, alors ça mérite quelqu'un qui est un professionnel et ça mérite un organisme qui porte ou qui incarne ce professionnalisme-là.

M. Marceau : Et donc la complexité qui a été évoquée par d'autres, effectivement, on retrouve cette même... En fait, on retrouve au moins autant de complexité quand on s'adresse à un avocat ou bien à un médecin, hein? Les gens, évidemment, ils souffrent d'un désavantage informationnel lorsqu'ils parlent à leur médecin, généralement, là.

Mme Raic (Maya) : Je vais renchérir.

M. Marceau : O.K., allez-y.

Mme Raic (Maya) : Le Bureau d'assurance du Canada reçoit, bon an, mal an, 25 000 appels de consommateurs par année en assurance de dommages. 61 % de ces appels concernent l'assurance automobile. Ça fait toujours bien 15 000 par année, c'est beaucoup. L'Autorité des marchés financiers reçoit de son côté 21 000 appels par année tous secteurs confondus : assurance de dommages, assurance de personnes, valeurs mobilières, et etc. C'est pour ça que nous croyons que la recherche d'un organisme intégré pour être un organisme intégré n'est pas requise. C'est l'addition des forces en présence qui va faire toute la différence en matière de protection du public.

M. Marceau : O.K. D'autres ont évoqué l'efficacité des enquêtes en disant : Dans le fond, l'autorité mène ses enquêtes sur les cabinets, la chambre, sur les courtiers eux-mêmes, et il y aurait avantage à ce que, donc, je ne sais pas, ces enquêtes-là soient menées simultanément. Faites juste commenter là-dessus parce que c'est quelque chose, je pense, qu'ici on aurait tous intérêt à mieux comprendre et à mieux savoir.

Mme Raic (Maya) : Au niveau des enquêtes, les demandes d'enquête ou les... Les consommateurs s'adressent généralement à l'autorité, très généralement à l'Autorité des marchés financiers, qui reçoit les plaintes et qui nous les achemine si elles ont une fonction ou un caractère déontologique. L'Autorité des marchés financiers sait parfaitement, parce que nous devons faire rapport de façon très, très régulière — très, très régulier, un rapport très régulier — mensuellement, de toutes les enquêtes que nous menons et du statut de ces enquêtes. Et il y a des rencontres, en plus, régulières qui se font pour s'assurer qu'effectivement il n'y a pas de plage, ou de perte de temps, ou etc. Ça se fait, et ça peut se faire, et ça peut s'améliorer, mais c'est purement administratif. Ça n'a rien à voir avec la structure. Ça a à voir avec la fluidité des opérations.

Et là-dessus, comme je vous dis, non seulement avec les rapports que nous faisons, non seulement avec les réunions que nous avons de façon statutaire, régulièrement entre le bureau du syndic et les autorités compétentes à l'Autorité des marchés financiers... Ça roule assez bien, merci. Et d'ailleurs, même au niveau des inspections, s'il faut donner suite à des inspections, les inspecteurs de la chambre peuvent se présenter devant le TMF pour présenter la situation devant le TMF lorsque requis, accompagnés des gens de l'autorité. On travaille de concert. C'est juste que le fait d'être un organisme d'autoréglementation va assurer les hauts standards de professionnalisme et aussi va assurer la spécialisation en assurance de dommages, parce que l'assurance de dommages, dans les services financiers, c'est tout petit, là, dans la mer des services financiers, là. Alors, c'est important d'avoir des organismes d'autoréglementation pour ça.

M. Marceau : Je vais changer de sujet même si on pourrait continuer là-dessus longtemps. Sur la distribution en ligne, bon, vous recommandez, j'ai compris, donc, le maintien de l'exigence qui est, à quelque part dans la transaction, un représentant certifié qui intervienne. Bon, si le modèle suggéré par le ministre, le gouvernement dans le projet de loi était celui qui était retenu à la fin, est-ce que vous plaidez quand même pour qu'on restreigne l'univers des produits qui peuvent faire l'objet de transactions sur Internet? Ça a été déjà évoqué par le ministre, et par moi, puis par mon collègue de Granby dans le passé. Est-ce que vous pensez que ce serait un compromis... disons, peut-être pas l'idéal de votre point de vue, mais est-ce que ce serait un compromis meilleur que ce qui est présenté dans le projet de loi?

M. Raymond (Jean-François) : Mais là je pense que c'est une fausse perception, qu'il y a des produits vraiment plus simples que d'autres. On parle toujours de l'automobile parce que le produit est quand même standardisé, mais ça reste quand même un très gros document légal. C'est un contrat d'assurance. Et avec 35 pages, 42 avenants, on est loin de parler de la simplicité. Puis le réflexe serait aussi d'aller vers l'habitation parce que l'assurance des particuliers, c'est la masse. Mais comment que quelqu'un peut comprendre qu'une inondation, ce n'est pas un dommage par eau? C'est pas mal de l'eau qui rentre dans sa maison, et pourtant c'est complètement différent. Ça n'a pas de lien puis la police d'assurance ne va pas le traiter de la même façon.

Donc, la perception qu'il y a des produits d'assurance qui sont... c'est banal puis pourraient facilement passer par Internet, c'est une fausse perception. Le contrat d'assurance, ça a été rédigé par des avocats. Les professionnels d'assurance sont formés pour en expliquer les tenants et aboutissants. Et d'apprendre ce que le contrat dit après coup, après avoir reçu la réclamation, ça va toujours être négatif. Donc, je pense qu'ouvrir une porte à certains produits en disant que ces produits-là sont simples, c'est mal voir venir la vague qui va suivre.

M. Marceau : O.K. Puis, par rapport au statu quo, là, au fonctionnement actuel, y a-t-il des allègements dans la façon dont les produits d'assurance sont vendus en ligne? Parce que ça existe déjà, là. Y a-t-il des allègements que vous croyez possibles, qui permettraient quand même de s'assurer d'une bonne protection du public? Y a-t-il des avenues qui ne sont pas explorées? Parce que, bon, on comprend qu'il y a... Évidemment, on a toujours les deux mêmes considérations en tête lorsque, hein, on réfléchit à ce projet de loi là, la protection du public, d'une part, mais aussi s'assurer que nos entreprises peuvent prospérer puis réussir à faire encore plus de nouveaux produits, puis ainsi de suite. Donc, y a-t-il quelque chose que je rate ou que nous ratons, un endroit où on pourrait alléger sans qu'il y ait de risque pour les consommateurs?

M. Raymond (Jean-François) : Là, on rentre déjà dans un monde qui est excessivement simple avec Internet, là. Les derniers sites transactionnels, là, qui ont été faits par certains assureurs, là, ça se limite pratiquement à cinq questions pour assurer une maison. La différence, c'est qu'après...

La Présidente (Mme de Santis) : ...secondes.

M. Raymond (Jean-François) : Parfait. Tout de suite après, par contre, il va être appelé par un professionnel qui va réviser le dossier : Est-ce que c'est bien les informations que vous avez dites, vous êtes assuré de ci, de ça? Et, si la personne est d'accord, on va aller de l'avant avec la police. L'étape d'après, ça serait d'éliminer le professionnel pour sauver quoi? Pour sauver cet appel-là qui est pour valider les informations, expliquer les tenants et aboutissants, puis, après ça, bien, que l'assureur ait besoin de moins d'employés? C'est le seul gain. C'est déjà fait dans un système d'efficacité absolu. C'est le conseil qui est le dernier... à la fin. La personne peut aller sur Internet tout faire, jusqu'à avoir sa révision de dossier, présentement. Donc, ça va comme ça.

M. Marceau : O.K., très bien. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Il reste trois secondes. Maintenant, la parole est au représentant du deuxième groupe d'opposition, le député de Granby.

M. Bonnardel : Merci, Mme la Présidente. Messieurs dames, bonjour. Je vais continuer moi aussi...

Vous dites donc qu'il n'y a aucun produit en ligne qui devrait être vendu, au final, sans qu'un représentant certifié puisse parler à un consommateur. C'est ce que vous dites. Qu'on soit automobile, habitation, pour vous, c'est la protection totale d'avoir au minimum un représentant qui va confirmer... Puis je le sais, là, je pense que tout le monde s'est déjà assuré, là, l'automobile, certains considèrent que c'est peut-être plus facile, mieux encadré. Mais je sais que, pour l'habitation, d'innombrables oublis ou d'avenants qu'on pourrait... Pour vous, c'est sûr que...

M. Raymond (Jean-François) : Bon, c'est certain. Mais la révision, elle ne prend pas énormément de temps, là. Faire une révision d'une police automobile, demander si la personne a une remorque, est-ce qu'elle porte des chargements, lui expliquer les différentes franchises, ce n'est pas un appel qui dure longtemps, mais c'est l'appel qui va faire toute la différence. Quand il va y avoir une déclaration, la personne, elle sait parfaitement dans quoi qu'elle s'est embarquée, elle n'a pas juste cliqué, sauté une section. Donc, encore là, en habitation, il a parfaitement raison, c'est complexe, très complexe. En automobile, on se dit que c'est standardisé, mais une mauvaise assurance, ça peut aller très loin, là. Donc, ce n'est pas parce qu'il y a une énorme perte de temps, là. L'appel peut se faire en dedans de deux minutes.

M. Bonnardel : Qu'est-ce que vous... Vous dites, à la page 21 de votre mémoire, là : L'encadrement de la vente en ligne devrait s'inspirer des expériences internationales, par exemple en France et en Grande-Bretagne. Avez-vous regardé un peu ce qui se fait? Vous dites : Par des mesures de protection du public à cet égard-là... Élaborez, peut-être, en une ou deux minutes?

• (14 h 40) •

Mme Desforges (Jannick) : Oui, effectivement. Alors, rapidement, quand on regarde ce qui se passe en Grande-Bretagne et en France, ils sont beaucoup plus avancés que nous, ici, au niveau de la distribution en ligne. Et ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont basculé une responsabilité qu'ont les consommateurs québécois, c'est-à-dire de déclarer le risque, sur les épaules de l'assureur. Alors, l'assureur en France et en Grande-Bretagne, il doit avoir un questionnaire fermé, et le consommateur doit répondre à ces questions-là, et on ne peut pas, par la suite, invoquer, par exemple, un refus de couverture parce que le consommateur aurait omis de divulguer une information importante.

Alors, ça, actuellement, le Code civil du Québec, au Québec, naturellement, prévoit que la déclaration de risque repose sur les épaules du consommateur. Donc, c'est à lui de tout divulguer. Alors, prenons, par exemple, si un assureur ne pose pas la question sur les antécédents criminels, bien, en Europe, il ne peut pas invoquer le dossier criminel pour refuser de couvrir la réclamation.

M. Bonnardel : Merci. Autre question. À l'article 562, on parle que le projet de loi pourrait abroger les codes de déontologie. On dit, là : «...jusqu'à ce qu'ils soient abrogés ou remplacés par un règlement pris par l'autorité en vertu de l'article 202.1.» Quelles en seront les conséquences si, demain matin, c'est un règlement, au-delà d'un code de déontologie?

Mme Desforges (Jannick) : Bien, actuellement, le code de déontologie de la chambre est un règlement. Donc, celui-ci doit être approuvé par le ministre des Finances. Alors, naturellement, l'autorité a plusieurs pouvoirs réglementaires. Il peut décider de modifier des règlements. Il peut décider par la suite d'abroger des règlements, mais toujours, généralement, suite à l'approbation du ministre ou du gouvernement. Donc, ça ne change pas grand-chose, là.

Mme Raic (Maya) : Je peux peut-être ajouter quelque chose. Évidemment, je rappelle que le code de déontologie a été bâti via des comités composés de professionnels. Donc, ce sont des gens de l'industrie qui participent à la création de ce code même s'il devient un règlement en tant que tel. Évidemment, si tout est transféré à l'Autorité des marchés financiers, les comités comme nous en avons à la chambre, ça n'existera plus. Alors, ce n'est plus la même nature de composition dans la réflexion et dans le travail d'élaboration, forcément.

M. Bonnardel : Pouvez-vous juste spécifier... À la page 26, vous dites : Abolition de certains pouvoirs réglementaires de l'AMF. Vous parlez de certains pouvoirs qui disparaissent. En deux ou trois exemples, pouvez-vous spécifier un peu quels sont ces... À la page 26.

Mme Desforges (Jannick) : Oui, effectivement, c'est concernant tout l'encadrement de la distribution sans représentant. On trouve là aussi qu'il y a des failles parce qu'actuellement il y a une obligation d'avoir un guide, et le projet de loi abolit cette obligation-là plutôt que d'améliorer les choses. C'est sûr que le guide, il était complexe, écrit dans un jargon juridique difficile à comprendre, mais on aurait pu l'améliorer.

L'autre élément aussi que le projet de loi modifie, c'est qu'actuellement l'Autorité des marchés financiers reçoit les plaintes des consommateurs concernant les distributeurs. Eh bien, là, le projet de loi enlève cette responsabilité-là à l'AMF. Donc, on ne comprend pas pourquoi on déleste, dans le fond, l'encadrement de la distribution sans représentant parce que celle-ci est problématique. Même l'autorité l'a constaté, avec le fameux produit d'assurance de remplacement, et a listé toute une panoplie de problèmes aujourd'hui. Donc, on aurait aimé voir les choses s'améliorer en distribution sans représentant plutôt que de voir diminuer la protection du public.

M. Bonnardel : Dernière petite question, Mme la Présidente. Le projet de loi pourrait être adopté dans les prochains 90 jours, 120 jours. Avez-vous discuté avec l'AMF dernièrement de cette possible fusion ou vous n'avez eu aucune discussion avec eux? Zéro?

Mme Raic (Maya) : Non.

M. Bonnardel : Pas un coup de fil?

Mme Raic (Maya) : Non.

M. Bonnardel : Processus d'intégration, zéro?

Mme Raic (Maya) : Non. Je peux le dire autrement, mais c'est n‑o‑n, dans un sens ou dans l'autre.

M. Bonnardel : Voilà. C'est ça que je voulais savoir.

Mme Raic (Maya) : D'accord.

M. Bonnardel : Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, Mme Beaudry, M. Raymond, Mme Raic et Me Desforges, merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de la Chambre de sécurité financière de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 44)

(Reprise à 14 h 47)

La Présidente (Mme de Santis) : Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Chambre de la sécurité financière. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et ensuite nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et ensuite commencer votre exposé. Bienvenue.

Chambre de la sécurité financière (CSF)

Mme Farley (Marie Elaine) : Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs, bonjour. Alors, au nom du conseil d'administration, nous vous remercions de vous recevoir. Mon nom est Marie Elaine Farley. Je suis présidente et chef de la direction de la Chambre de la sécurité financière. Je suis accompagnée de Me Stéphane Rousseau, administrateur indépendant de la chambre et vice-doyen à la Faculté de droit de l'Université de Montréal, de M. Gino-Sebastian Savard, premier vice-président de la Chambre de la sécurité financière et président d'un cabinet de services financiers, et ainsi que Me Marc Beauchemin, avocat à la chambre.

La Chambre de la sécurité financière est un organisme d'autoréglementation qui encadre plus de 32 000 professionnels qui conseillent le public en matière d'épargne collective, d'assurance de personnes, d'assurance collective de personnes, en plan de bourses d'études ainsi qu'en planification financière. Notre mission est d'assurer la protection du public par la formation, la déontologie et la discipline de nos membres. Notre modèle s'apparente à celui d'un ordre professionnel et notre approche en est une de prévention et de protection, comme l'a décidé le législateur lors de notre création en 1998.

L'adoption du projet de loi n° 141 bouleversera le paysage financier québécois, notamment dans le secteur très complexe qu'est l'assurance. Cela mettra fin à un encadrement d'autoréglementation multidisciplinaire fondé sur la contribution et la participation des membres. C'est en lien avec notre mission que nous vous présenterons notre point de vue, en nous demandant si le consommateur est bien protégé avec le projet de loi n° 141.

Je cède maintenant la parole à M. Gino Savard.

• (14 h 50) •

M. Savard (Gino-Sebastian) : Merci, Mme Farley. Mesdames et messieurs, à mon tour de vous saluer. Je suis un administrateur de la chambre et, en plus, je suis un conseiller qui, tous les jours, guide des Québécois en matière de finances personnelles. Par conséquent, je suis bien placé pour voir comment le projet de loi n° 141 affectera négativement les consommateurs. Je prendrais quelques minutes pour vous exposer nos inquiétudes parce que ce projet laissera le consommateur à lui-même dans cette jungle très complexe des services financiers.

Moderniser la loi était nécessaire. Toutefois, permettre à n'importe qui de donner des conseils en assurance, abandonner l'encadrement professionnel et abolir un organisme professionnel voué à la protection du public serait une décision risquée et imprudente. C'est la première fois en 20 ans qu'on modifie des règles au profit des institutions financières et au détriment des consommateurs. N'importe qui, sans obligation déontologique et sans imputabilité professionnelle, pourrait conseiller les consommateurs sur leurs besoins ou fournir des conseils en assurance pour faciliter la vente sur Internet. On déréglemente donc pour que le conseil en assurance ne soit plus l'exclusivité des spécialistes certifiés. Est-ce que ceci veut dire que quelqu'un comme Earl Jones, accusé et condamné pour fraude, pourrait donner des conseils en assurance en toute impunité?

Dans le régime actuel, le consommateur peut compter sur l'expertise d'un conseiller, encadré par la Chambre de la sécurité financière, qui peut perdre son droit de pratique s'il ne respecte pas ses nombreuses obligations légales et déontologiques, parmi celles-ci, celle de veiller aux meilleurs intérêts de son client. Le projet de loi n° 141 banalise l'importance de cette obligation fondamentale. Dorénavant, n'importe qui, un assistant non certifié ou encore un téléphoniste dans un centre d'appel outre-mer, pourrait conseiller sans être un professionnel, et qui sera le grand perdant? Le consommateur. En fait, la conséquence du projet de loi n° 141 est de transférer sur les épaules du consommateur le fardeau de connaître lui-même ses besoins financiers en matière d'assurance, de faire les bons choix et de prendre les bonnes décisions, dans un contexte où la sollicitation en ligne ou autre sera considérablement accrue.

La Chambre de la sécurité financière n'est pas contre l'utilisation des nouvelles technologies, au contraire, mais l'assurance est un produit complexe, difficile à comprendre, qui comporte d'importantes clauses. Les professionnels certifiés ont le devoir d'expliquer à leurs clients toutes les nuances d'un contrat. Une mauvaise réponse à une question, une omission involontaire ou une interprétation erronée d'une phrase par le consommateur peut entraîner de lourdes conséquences pour une famille, qu'elle constatera uniquement lorsque le drame surviendra, parfois plusieurs années plus tard. Je peux vous confirmer que c'est la relation de confiance et les nombreux échanges entre le conseiller certifié et son client qui permettent au professionnel d'identifier le véritable besoin pour lui recommander le produit qui lui convient le mieux.

De plus, qui d'entre nous peut prétendre avoir lu la totalité de son contrat d'assurance vie? Qui peut prétendre avoir compris par lui-même toutes les clauses qu'il comporte? Pouvons-nous vraiment prétendre que les consommateurs ont les connaissances financières requises pour interpréter un tel contrat? En fait, c'est comme si on permettait au patient de s'autodiagnostiquer, de magasiner sur Internet un traitement et de se procurer auprès d'une pharmaceutique le médicament qui le guérira sans l'aide d'un professionnel.

En abolissant la Chambre de sécurité financière, on abolirait la structure de surveillance et de formation des professionnels. Allons-nous faire de même avec le Barreau, le Collège des médecins, l'Ordre des pharmaciens? Priver le public d'un organisme de protection de première ligne correspond tout simplement à livrer le consommateur à lui-même, à le priver d'un filet de sécurité et à ouvrir la porte à toutes sortes d'abus.

Plusieurs raisons ont été invoquées pour justifier la disparition de la Chambre de la sécurité financière, confusion, dédoublement, réduction des coûts, autant d'allégations qui restent à être démontrées. Aucune donnée probante, analyse ou étude n'a été fournie pour établir leur véracité. En fait, ceci ressemble davantage à des prétextes qui évitent de dire que le contexte actuel complique la vie réglementaire de certaines institutions financières.

A-t-on mesuré l'impact de l'abolition de la Chambre de la sécurité financière sur l'industrie et, surtout, sur les consommateurs? A-t-on demandé l'avis des consommateurs, des conseillers? Avons-nous fait une étude d'impact dans l'éventualité où le projet de loi n° 141 devienne force de loi? Pourquoi tourner le dos au modèle de fonctionnement actuel? En fait, les seules questions qui demeurent sont les suivantes. Qui a intérêt à déréglementer ce secteur important de la santé financière des consommateurs? Qui l'a demandé? Qui a intérêt à ce que le consommateur soit livré à lui-même, alors que le système actuel le protège?

Nous nous opposons à une déréglementation dont les conséquences seront sans commune mesure pour les consommateurs. La protection du public est une condition sine qua non à toute réforme et doit guider le législateur. Est-ce que vous voulez risquer que les consommateurs procèdent seuls, sans être compétents et certifiés, à l'autodiagnostic de leur situation financière, au magasinage et à l'achat, à leur guise, sans soutien professionnel, d'un produit aussi complexe et aussi important qu'est l'assurance? Comme société, voulons-nous vraiment ouvrir cette brèche?

Nous vous remercions pour votre attention et nous sommes prêts à répondre aux questions, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Vous avez 16 minutes.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup. Alors, bonjour, madame messieurs... d'être là.

Écoutez, ce n'est pas une surprise pour vous d'apprendre que je suis en désaccord total avec ce que vous venez de dire, M. Savard, parce que je trouve que vous allez un peu loin, là. Comme j'avais dit, d'entrée de jeu, à la CHAD, nous, notre motivation pour procéder à ces changements-là, proposer ces changements-là, ce n'est pas qu'on a quelque chose contre la CSF ou la CHAD. Vous faites un travail correct, là. Ce n'est pas ça, le problème. Mais c'est que nous pensons que d'intégrer des activités des chambres à l'AMF, c'est une façon plus efficace de réglementer l'industrie. Donc, quand vous dites qu'on laisse le consommateur abandonné à lui-même, et l'AMF, dans tout ça, ils sont là juste pour décorer la chose, mais non, l'AMF joue un rôle très important dans la réglementation de votre industrie. Et ça, c'est quelque chose qui avait déjà été mentionné par la CHAD. Et je pense que c'est important de revenir sur ça parce qu'il y a un peu de confusion là-dessus.

Vous avez mentionné, comme eux ils avaient mentionné aussi, que, dorénavant, si le projet de loi est approuvé, que n'importe qui peut faire n'importe quoi. Là, on n'a pas vraiment la même lecture de notre projet de loi. Nous, ce qu'on dit, c'est que nous ne... D'abord, nous ne modifions pas l'article 12 de la loi, qui dit que «nul ne peut agir comme représentant, ni se présenter comme tel, à moins d'être titulaire d'un certificat délivré à cette fin par l'autorité». Donc, on ne laisse pas les consommateurs livrés à eux-mêmes, là. Les personnes qui parlent au nom d'une compagnie d'assurance doivent continuer d'être certifiées. Donc, ce n'est pas Jean-Jacques n'importe qui qui peut faire n'importe quoi, là. Je pense, c'est important de préciser cela.

L'autre chose, c'est la notion de conseil. La CHAD aussi et vous, vous venez beaucoup sur la notion de conseil, l'exclusivité du conseil. Alors, nous, nous pensons que donner un conseil, c'est une activité qui ne doit pas être exclusive. De prétendre que seulement les courtiers peuvent donner des conseils, je pense que c'est très limitatif. Mais, quand on passe à l'acte suivant, donc, de contracter une assurance, de faire un contrat, donc, quand quelqu'un parle au nom d'une compagnie d'assurance, alors là, on n'est pas dans le conseil, là on est dans le contractuel, et là il faut un représentant certifié. Donc, je pense que d'empêcher le conseil ou de vouloir restreindre le conseil, au contraire, ça serait de priver les consommateurs d'une source d'information qui peut leur être très utile.

Alors, je pense, c'était important de faire ces précisions-là. Et encore une fois on n'abolit pas les chambres, on les intègre à l'AMF. Et les activités de déontologie et de discipline seront maintenant, si le projet de loi est approuvé, exercées par l'AMF avec les mêmes personnes qui travaillent présentement à la chambre et qui vont migrer vers l'AMF.

C'est un peu ce que j'avais à dire. Je ne sais pas si, les collègues, vous avez des questions que vous voulez poser.

• (15 heures) •

M. Savard (Gino-Sebastian) : Mme la Présidente, est-ce que je peux réagir à ce que M. le ministre vient de mentionner?

La Présidente (Mme de Santis) : Oui, allez-y.

M. Savard (Gino-Sebastian) : Alors, ce n'est pas nous qui avons inventé ou planté le mot «abolition» dans le discours, M. le ministre, ce sont vos mots. Les chambres vont être abolies et certaines des occupations, certaines des tâches qui étaient dévolues aux chambres n'y seront plus et ne se retrouveront pas à l'Autorité des marchés financiers. Si on incorpore gentiment les chambres à l'autorité pour tout conserver, mais pourquoi se donner la peine de faire cet exercice? Moi, si je tombe d'un précipice, j'aime pas mal mieux qu'il y ait deux filets en dessous de moi que juste un, surtout si le deuxième filet a la charge de surveiller le premier et de s'assurer qu'il est toujours en bon état et dans le meilleur état pour faire son travail.

M. Leitão : ...excusez-moi d'être en désaccord, parce que le... en fin de compte, il y a un filet. C'est l'AMF qui est le filet. L'AMF délègue une partie de sa mission, elle la délègue aux chambres, aux deux chambres, mais ultimement, c'est l'AMF qui est responsable de fournir ce filet-là.

M. Savard (Gino-Sebastian) : M. le ministre, l'AMF est responsable, sauf que le consommateur peut s'adresser aux deux endroits. Il peut avoir un premier filet, un OAR de proximité auquel il peut s'adresser d'entrée de jeu et ensuite, en plus, bénéficier de l'autorité. Alors, pourquoi? Qu'est-ce que ça peut donner d'abolir un OA? Et, en complément d'information, j'aimerais laisser la parole à mon collègue Me Rousseau.

M. Rousseau (Stéphane) : Oui. M. le ministre, moi, j'aimerais peut-être recentrer notre discussion sur l'idée que ce qu'on met sur la table, c'est la disparition de l'autoréglementation. Et l'autoréglementation, elle a fait ses preuves et elle est largement reconnue, à la fois dans la sphère académique, à la fois par les organismes internationaux, dont l'Organisation internationale des commissions de valeurs, dont le Fonds monétaire international qui fait ses enquêtes et ses évaluations des cadres nationaux.

Largement reconnue pourquoi? Parce qu'elle génère des bénéfices : meilleure compréhension de l'environnement des pratiques, meilleure adhésion des professionnels réglementés aux normes qui sont mises de l'avant par leurs pairs et une agilité, une capacité de répondre aux mouvements, aux changements dans l'industrie. Donc, ça, on le met sur la table. Avec la proposition qui est dans le projet de loi, on va perdre l'autoréglementation, autoréglementation donc qui se traduit effectivement par des pouvoirs à des chambres, pouvoirs qui sont dévolus par la loi. Et je pense qu'il ne faut pas perdre de vue cet enjeu-là.

Et l'autre élément que l'on va perdre, c'est la justice par les pairs. Et ça aussi, il y a un élément sain et souhaitable d'avoir une justice par les pairs. On le voit pour les ordres professionnels, et je pense que c'est préoccupant également de voir une transformation de la discipline vers une autre forme d'encadrement qui ne sera plus une justice par les pairs.

M. Leitão : Bien, nous sommes... Encore une fois, nous sommes en désaccord, mais je pense que mes collègues voulaient poser des questions.

La Présidente (Mme de Santis) : Est-ce que c'est le député de Trois-Rivières? Non, c'est le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, messieurs et madame, pour votre présentation et vos arguments.

Ceci dit, bon, vous comprenez, ma position est la même que celle du ministre, mais en tant qu'ancien membre... parce qu'en fait vous avez ici... Moi, je ne suis plus membre, mais je ne sais pas si mon collègue... O.K. Bon. Mais en tant qu'ancien membre de la CSF, j'ai une question parce que je comprends votre argumentaire, votre position, ce que vous plaidez, et je pense que vous le plaidez depuis déjà quelque temps également, de multiples façons également, mais je suis quand même curieux de savoir combien de ressources, combien d'efforts vous y mettez puis quelle est la proportion de ces ressources-là que vous mettez non seulement à défendre votre point, mais en faire la promotion. Parce qu'une des choses qui... j'ai été sur votre site Web, vous êtes très présent au niveau des médias sociaux, bien sûr, pour plaider votre cause également, mais là vous êtes allés encore plus loin dans des campagnes publicitaires télévisées. Je regardais tantôt, là, celle de la dame qui, justement, est spécialiste en chirurgie pédiatrique, et vous avez celle de l'ophtalmologue également, et je me demande dans l'intérêt de vos membres qui cotisent, qui font des cotisations... Je pourrais vous le présenter...

Une voix : ...

M. Polo : Oui, oui. Mon, effectivement, mais vous pourrez le trouver... Regardez, le site Web, c'est bien simple, là, c'est la CSF... chambresf.com, puis vous allez le retrouver.

Quelle est la dimension des ressources? Parce que je me mets à la place d'un membre, à savoir... Je comprends, vous... Ils donnent tous des cotisations, mais quelle est la dimension de ces ressources-là? Juste pour bien comprendre, là, sur, justement, les budgets accordés à la publicité puis au lobbying. Juste pour savoir, juste... parce que je comprends que vous n'avez pas ce genre de campagne là à toutes les années non plus, là, parce que vous en avez eu en 2015, après ça en 2014, en 2006. Ce n'est pas à chaque année non plus, mais cette année, c'est une année exceptionnelle, j'imagine. Mais juste pour bien comprendre.

M. Savard (Gino-Sebastian) : Ça revient périodiquement. Les communications et la publicité, qui sont un des postes des communications à la Chambre de sécurité financière, cette année, c'est 6 % du budget total de la chambre. Ça revient périodiquement. Il peut y avoir eu un peu moins de publicité en 2016, mais ça fait partie de notre mission de protection du public, d'informer le public sur l'importance de faire affaire avec un conseiller certifié, l'importance de la chambre... l'importance d'avoir, justement, un filet de sécurité à laquelle ils peuvent s'adresser.

Alors, ça fait tout à fait partie de notre mission que d'informer les consommateurs sur leurs droits et en créant des images les plus efficaces possible pour qu'ils puissent faire des parallèles par rapport à leur situation financière.

M. Polo : Et ça, c'est à même les contributions des membres, à même le budget d'opération et perçu à travers...

M. Savard (Gino-Sebastian) : Tout à fait.

M. Polo : Intéressant. Ceci dit, vous présentez votre perception du projet de loi en question, puis c'est comprenable. Bon, bien, merci beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Il reste 5 min 25 s. Le député de Trois-Rivières.

M. Girard (Trois-Rivières) : Un petit cas d'espèce... Merci d'être là, bienvenu. Si moi, j'ai rencontré un conseiller qui n'est peut-être pas conseiller... Quelqu'un est venu me voir chez nous, veut me vendre des produits financiers. Finalement, j'accepte puis là j'entends dire que, woups! ce n'est peut-être pas un vrai conseiller, c'était quelqu'un qui fait de la fraude. J'appelle la Chambre de la sécurité financière pour porter une plainte officielle. Comment ça fonctionne? Comment la plainte est traitée à ce moment-là?

M. Savard (Gino-Sebastian) : En partant, si ce n'est pas un conseiller, je crois bien que la plainte va être orientée à l'Autorité des marchés financiers, parce que nous ne gérons, nous ne supervisons... et travaillons uniquement avec les conseillers financiers. Donc, un fraudeur de la sorte serait dirigé vers l'Autorité des marchés financiers.

M. Girard (Trois-Rivières) : Est-ce que vous le dirigez? Comment...

M. Savard (Gino-Sebastian) : Naturellement, il y a... Autant l'Autorité des marchés financiers dirige les plaintes ou appel des consommateurs qui est fait directement à eux et qui s'adresse à la chambre. Ils vont le faire, et c'est majoritairement ce qui arrive. Et, dans l'autre sens, ça va, il y a une très bonne collaboration entre les deux organisations.

M. Girard (Trois-Rivières) : Et donc il y a deux endroits où on peut porter plainte?

M. Savard (Gino-Sebastian) : Il y a deux endroits. Il vaut toujours mieux deux que un.

M. Girard (Trois-Rivières) : O.K. C'est votre opinion. S'il a un permis, mais que je juge avoir été lésé, c'est quoi, le fonctionnement? J'ai fait un chèque, supposément, c'est un investissement très payant, puis, woups! l'argent... l'intérêt ne rentre pas. J'essaie de ravoir mon argent, je ne suis pas capable de ravoir l'argent. Mais il a un certificat.

M. Savard (Gino-Sebastian) : Je peux laisser peut-être maître...

Mme Farley (Marie Elaine) : Merci, mais, en fait, vous pouvez porter plainte. Dans la loi, actuellement, vous avez un mécanisme qui prévoit que vous pouvez vous adresser à l'Autorité des marchés financiers, puis la plainte est transférée à la Chambre de la sécurité financière et vice versa. Ce qu'il faut comprendre, c'est que nos obligations de supervision, on divulgue mensuellement toutes les plaintes qui nous reçoivent avec l'Autorité des marchés financiers.

M. Girard (Trois-Rivières) : Mais peut-être plus dans... excusez, mais dans le système... Je vous appelle, je porte plainte. Monsieur XYZ, je soupçonne qu'il est parti avec mon argent parce que l'intérêt ne vient pas, il ne retourne pas mes appels, etc. Quel est votre rôle? Vous faites quoi? Vous appelez la police? Vous appelez le conseiller? Comment ça fonctionne techniquement?

Mme Farley (Marie Elaine) : Écoutez, ça fonctionne comme dans les autres ordres professionnels, c'est-à-dire que vous pouvez porter... Nous, on enquête sur la déontologie du conseiller, du professionnel. Donc, si...

M. Girard (Trois-Rivières) : Donc, vous envoyez une lettre au conseiller, vous appelez le conseiller, vous communiquez avec le conseiller?

Mme Farley (Marie Elaine) : En fait, c'est qu'on enquête sur la conduite du professionnel. Donc, le consommateur peut s'adresser directement à nous ou il peut s'adresser à l'Autorité des marchés financiers. Alors, c'est suite... Puis nous, on enquête sur la conduite professionnelle, comme le Collège des médecins pourrait le faire sur un médecin qui aurait soit commis une allégation qui est à la fois professionnelle ou de d'autres types, comme criminelle aussi. Ça peut arriver, hein, avec des...

Donc, ce qu'il faut regarder, c'est que nous, notre mission, c'est la protection du public, la protection du public par l'encadrement transparent des conduites professionnelles. Donc, il y a un syndic qui enquête. Après ça, il rend une décision et, en plus, il doit communiquer sa décision au consommateur pour lui dire qu'est-ce qu'il fera avec la plainte. Et le consommateur a un droit d'appel, de révision de sa décision au comité de révision qui est à l'Autorité des marchés financiers. Avec le projet de loi, on enlève ça.

• (15 h 10) •

La Présidente (Mme de Santis) : Le ministre aimerait poser une question.

M. Leitão : Oui, parce qu'on arrive à la fin. J'aimerais juste, encore une fois, mentionner que cette histoire d'abolir ou de ne pas abolir les chambres... la mission, les missions des chambres, la déontologie et la discipline, cette mission-là ne disparaît pas. La mission est transférée à l'AMF, avec les personnes qui y sont maintenant aussi, qui s'occupent de faire ce suivi. Ces personnes aussi migrent vers l'AMF. Donc, il n'y a pas d'affaiblissement de l'encadrement ou de la protection des consommateurs, parce que, si ces missions-là étaient abolies, alors là, oui, bien sûr, mais la mission demeure. C'est le régulateur principal qui va s'occuper de faire ça. Donc, c'est là où on est en désaccord profond. Voilà.

M. Girard (Trois-Rivières) : ...où je voulais en venir après, c'est que, si je veux être dédommagé, moi, comme client, là il va y avoir une déontologie pour le conseiller, il va y avoir un jugement, il va perdre son permis d'exercer, etc. Mais là je veux avoir mon argent. Je fais quoi? Est-ce que vous me remboursez mon argent ou, à ce moment-là, il faut que j'aille porter une autre plainte à l'AMF pour essayer d'être remboursé à ce moment-là?

Mme Farley (Marie Elaine) : Bien, écoutez, vous avez des mécanismes du fonds d'indemnisation. Vous pouvez vous adresser au fonds d'indemnisation. C'est un fonds d'indemnisation qui existe depuis nombre d'années, puis d'ailleurs vous en avez élargi la couverture. Alors, vous pouvez vous adresser au fonds d'indemnisation.

M. Savard (Gino-Sebastian) : Mais la grande différence, c'est que ce professionnel-là qui a commis une faute, il va être porté aux nues devant le public, il va perdre son droit d'exercer, tandis que, si la plainte avait été faite auprès de la compagnie d'assurance ou du cabinet, on peut en douter fortement. Parce que c'est ce que dit le projet de loi n° 141 présentement.

M. Girard (Trois-Rivières) : Mais, à l'heure actuelle, on a deux endroits, un endroit qui nous indemnise et un endroit qui gère le conseiller. Ça ne serait pas plus simple de mettre tout ça au même endroit que le citoyen... Moi aussi, j'ai à coeur le citoyen...

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup.

M. Girard (Trois-Rivières) : ...qu'il y a un endroit à porter plainte et tout va se faire au même endroit.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Maintenant, la parole est au représentant de l'opposition officielle, le député de Rousseau.

M. Marceau : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, madame, bonjour, messieurs. Merci de votre présence, merci de vos commentaires. Bon, moi, je pense que l'essentiel du projet de loi, donc, quant à vous, c'est le fait qu'on fait disparaître l'autoréglementation, là.

M. Savard (Gino-Sebastian) : Bien, on fait disparaître l'autoréglementation, mais on amène aussi le processus de plainte directement auprès du cabinet ou de l'assureur, en premier lieu. Il y a quand même des... On n'est pas en train de prendre les chambres et de les transférer à l'Autorité des marchés financiers. On abolit les chambres et on transfère certains rôles à l'Autorité des marchés financiers. C'est très différent. Alors, il n'y a pas juste l'autoréglementation, il y a aussi le processus de plainte qui va être différent. Il y a beaucoup de choses qui partent.

M. Marceau : Non, non, ça, je comprends. Et puis je vais vous poser la même question. Vous avez le bénéfice de passer après la Chambre de l'assurance dommages, là. Y a-t-il quelque chose qu'on doit comprendre, là, quant aux caractéristiques des produits financiers qui font en sorte que l'autoréglementation serait moins appropriée dans le cas des produits financiers?

M. Savard (Gino-Sebastian) : Absolument pas.

M. Marceau : Parce que la complexité... Puis j'ai bien entendu la réponse des représentants de la Chambre d'assurance dommages. Eux prétendent que la complexité milite en faveur de l'autoréglementation, alors que le ministre, lui, prétend que la complexité, ça va contre l'autoréglementation. Alors, moi, j'aimerais bien départager puis vous entendre là-dessus.

M. Savard (Gino-Sebastian) : Je n'y comprends rien moi non plus. Puis je vous ai amené ici, là... Le contrat le plus simple qui existe en assurance vie, c'est un temporaire 10 ans, sans aucun avenant, sans aucune garantie, hyperniaiseux, le contrat le plus «basic». Ça a 60 pages, écrit tout petit, puis je peux vous dire qu'il y a plein, plein de choses très importantes à comprendre là-dedans. Et c'est le contrat le plus simple.

Je peux vous montrer un contrat complexe qui, présentement, pourrait être vendu aussi, et proposé, et expliqué par quelqu'un qui n'a pas de permis. O.K.? Et c'est ça, là. Peut-être qu'un règlement... parce qu'on parle qu'il pourrait y avoir des règlements par la suite, mais là, à l'heure actuelle, on est en train d'étudier le projet de loi n° 141, là. C'est ça, là, un contrat compliqué puis un contrat simple. Ça n'existe pas, des contrats simples, en assurance de personnes.

M. Marceau : C'est ça. Donc, quand on entend dire qu'en assurance dommages, puis plus particulièrement dans le cas de l'assurance automobile, il y a une certaine standardisation qui est survenue, on ne peut pas dire l'équivalent pour l'assurance vie, là.

M. Savard (Gino-Sebastian) : Il n'y a pas beaucoup de standardisation en assurance de personnes.

M. Marceau : O.K. L'argument voulant que ça soit désormais plus simple en abolissant, parce que moi, je n'ai pas de misère à utiliser le terme là, en abolissant la Chambre de la sécurité financière puis en envoyant une partie de ses fonctions à l'Autorité des marchés financiers, donc l'argument que ce serait plus simple pour le consommateur de s'y retrouver et de savoir comment déposer une plainte, vous trouvez que c'est un bon argument ou un mauvais argument?

M. Savard (Gino-Sebastian) : Je trouve qu'il n'y a aucun argument là, parce que c'est facile, le consommateur a deux places plutôt qu'une à qui s'adresser, puis inévitablement sa plainte va être prise en charge par un organisme indépendant. Au lieu de devoir se plaindre auprès du cabinet ou auprès de l'assureur, donc se plaindre auprès de son bourreau pour espérer avoir réparation et ensuite, si ça ne fonctionne pas, peut-être avoir de l'arbitrage avec l'Autorité des marchés financiers, moi, je ne vois pas en quoi on protège mieux le consommateur avec ça. On protège mieux peut-être la réputation des assureurs, là, il n'y a aucun doute là-dessus, parce qu'ils auront tout avantage, à ce moment-là, à étouffer l'affaire, à faire le règlement avec le consommateur, et la brebis galeuse demeurera dans l'industrie au lieu d'avoir été radiée et publicisée dans les journaux comme c'est le cas avec un organisme indépendant qui a uniquement comme objectif de protéger le consommateur.

M. Marceau : Oui, puis là vous soulevez un point. D'après vous, la justice par les pairs est-elle plus efficace ou, en tout cas, les sanctions imposées par les pairs sont-elles plus dissuasives pour ceux qui envisageraient d'enfreindre des règles de base de déontologie? Est-ce que, d'après vous, donc, cette discipline par les pairs, elle est plus dissuasive?

M. Savard (Gino-Sebastian) : La discipline par les pairs, au départ, elle est plus juste parce qu'elle est dispensée par quelqu'un qui connaît l'industrie. Être condamné avec une radiation de cinq ans de son droit de pratique par des pairs ou par un tribunal indépendant, tu as une suspension de cinq ans, est-ce que c'est plus ou moins dissuasif? Pas nécessairement. Mais le fait d'avoir un règlement juste et équitable pour toutes les parties lorsque la justice est apportée par les pairs, je pense que c'est un «no-brainer» de penser qu'on y arrive pas mal plus. Peut-être que Me Rousseau voudrait ajouter là-dessus.

M. Rousseau (Stéphane) : Bien, je souhaiterais ajouter quelques commentaires, parce qu'en plus d'être professeur de droit des marchés financiers, j'agis également comme membre du comité de discipline de la Bourse de Montréal et membre du comité de discipline de l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières dont vous entendrez le président demain.

Évidemment, comme membre indépendant du public travaillant avec des membres de l'industrie... et, moi, il y a deux mots que je retiens de mon expérience dans les comités de discipline, c'est rigueur et intégrité, c'est-à-dire que les professionnels qui siègent sont là pour s'assurer que les plus hauts standards de la profession soient respectés, et je pense que, ça, c'est un message très important. Et ils apportent en plus une compréhension fine de la réalité de l'industrie qui est très précieuse pour un membre comme moi qui arrive, qui a une connaissance, bien sûr, des règles à un niveau à la fois concret et abstrait. Mais là le regard de l'industrie et cette rigueur pour s'assurer que l'on a les plus hauts standards, je la constate. Et après on pourrait aller sur les études empiriques, M. Marceau, qui sont quand même assez concluantes sur la rigueur au niveau des sanctions par les comités de discipline. Alors, je pense que c'est important de ne pas perdre de vue cet élément-là.

M. Savard (Gino-Sebastian) : Et j'ajouterais, Mme la Présidente, si vous me permettez, que le principe d'OAR est universellement accepté et il est là dans les autres... On n'est pas en train de dire : On va abandonner, on va abolir l'ordre des médecins, on va envoyer tout à la RAMQ, ça va être plus simple. On va abolir le Barreau du Québec, on va envoyer ça au ministère de la Justice, ça va être plus simple, on va avoir un guichet unique. Pourquoi juste nous? Pourquoi? Pourquoi nous quand ça ne s'y prête pas plus? On se la pose.

M. Marceau : C'est une bonne question, puis moi, je vous renvoie la question. Moi, je l'ai posée à plusieurs personnes et puis je cherche encore les caractéristiques du secteur financier qui font en sorte que l'autoréglementation serait moins appropriée. Et peut-être qu'on aura l'occasion de trouver des réponses à un moment donné. Pour l'instant, on la cherche encore.

Sur le déroulement des enquêtes, bon, il est envisageable de penser que l'information, si elle était collectée par une seule personne qui est l'Autorité des marchés financiers plutôt que... l'information nécessaire à l'enquête, là, plutôt que par deux acteurs que sont vous et l'Autorité des marchés financiers, certains pourraient prétendre que c'est mieux que ça soit une personne qui récolte l'information. Je vous laisse commenter.

• (15 h 20) •

M. Savard (Gino-Sebastian) : Oui. Bien, j'ai rarement vu, dans ma carrière jusqu'à maintenant et dans ma vie, une grosse organisation être plus efficace que quelques petites. Alors, je ne crois pas à plus d'efficacité dans un monstre que serait l'AMF après qu'avec des petits organismes versatiles d'autoréglementation comme on vit présentement.

Donc, je ne crois pas, je ne pense pas qu'avec les fusions municipales, les citoyens des arrondissements de Montréal ont gagné en efficacité beaucoup. Je n'ai jamais vu, dans aucun exercice du type, des gains d'efficacité. Je n'en ai jamais vu. Et on ne parle pas non plus de gains financiers parce qu'on dit : On va garder le staff, on va garder... On abandonne certaines affaires, là, mais on va garder... donc, il n'y a pas d'économie, puis, de toute façon, ce n'est pas les consommateurs qui paient pour l'autorité des... c'est-à-dire pour la Chambre de la sécurité financière, c'est les conseillers financiers eux-mêmes qui paient pour ça. Donc, je ne vois pas vraiment... je ne vois pas pourquoi on procède à cet exercice-là présentement.

La Présidente (Mme de Santis) : Une minute.

M. Marceau : Rapidement, M. Rousseau. Me Rousseau, vous avez évoqué la meilleure adhésion des membres assujettis aux règles que se donnent des pairs. Pouvez-vous juste élaborer un petit plus là-dessus, là, parce que je... évidemment, car c'est un tribunal qui vient sanctionner les mauvais comportements, on peut peut-être ne pas adhérer, mais respecter malgré tout les règles, là. Donc, peut-être juste nous en dire un peu plus là-dessus.

M. Rousseau (Stéphane) : Oui. Bien, sur l'adhésion, c'est que, d'une part, la construction des normes se fait avec un dialogue des membres de l'industrie. Donc, de cette façon-là, on a déjà une conversation qui fait en sorte que petit à petit on comprend les enjeux et on est à même d'adhérer aux règles que l'on met de l'avant.

En même temps, on participe aussi, dans ce dialogue-là, à une prise de conscience de l'importance de la réputation, la réputation des professionnels et la raison pour laquelle justement on met de l'avant des normes de cette nature-là. Donc, tout ça s'ajoute pour justement susciter une adhésion plutôt que d'avoir des règles imposées du haut à une industrie qui parfois se sent en décalage de ne pas avoir été consultée.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au représentant du deuxième groupe de l'opposition, M. le député de Granby.

M. Bonnardel : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue.

Je veux revenir sur le processus disciplinaire. Dans votre mémoire, à la page 45, vous dites donc, bon : Le processus disciplinaire, avec l'abolition, va disparaître, mais vous mentionnez, au quatrième paragraphe, le TMF, le tribunal des marchés financiers. Expliquez-moi en quoi le TMF... c'est un peu ce que mon collègue vous a posé, là, mais je vais un peu plus loin. En quoi le TMF ne pourra pas faire le travail, vous parlez d'assesseurs, là, vis-à-vis ce que vous étiez comme tribunal dans une certaine mesure, là, avec le processus disciplinaire que vous appliquiez?

M. Savard (Gino-Sebastian) : Là-dessus, Mme la Présidente, je laisserais la parole à Me Beauchemin pour répondre à la question, s'il vous plaît.

M. Beauchemin (Marc) : Merci. Écoutez, c'est complètement quelque chose de différent, le tribunal des marchés financiers, versus ce qu'on a chez nous avec le comité de discipline. C'est un organisme qui est intégré dans l'AMF. Et, si la question est au niveau des assesseurs, il faut comprendre que les assesseurs, là, c'est tous des conseillers. Ce ne sont pas vraiment des juges ou des... Ils sont là pour assister. Ça peut paraître comme étant quelque chose comme effectivement justice par les pairs, mais ce n'est pas le cas.

Et il y a certains organismes qui ont ce type de chose là, mais nous, ce qu'on a constaté, en faisant l'analyse, ce n'est pas du tout la même chose que le comité de discipline qu'on a en tant que tel. Ces gens-là ne doivent pas nécessairement venir. C'est à la discrétion du président du tribunal et sont seulement consultés dans ces cas-là. Donc, ce n'est pas du tout ça, là, en tant que tel. Ça fait que c'est un petit peu, là... nous, quand on a vu ça, oui, c'est une annonce, mais ça n'a rien à voir, et c'est pour ça qu'il y a beaucoup... quand on parle d'intégration, ce n'est pas ça, là. On part d'un système à un autre système, mais là complètement différent, qui va peut-être avoir des adaptations, mais ce n'est pas du tout le même genre de justice. Donc, c'est le constat qu'on essayait de faire dans le mémoire en tant que tel.

M. Bonnardel : O.K. Merci. À la page 10 de votre mémoire, vous parlez du fonds d'indemnisation. Vous dites qu'en raison de l'abolition de l'exclusivité du conseil, des personnes non certifiées pourront offrir et dispenser des services et des conseils en assurance pour faciliter l'achat d'un produit en ligne et que le fonds pourrait ne pas dédommager ces victimes s'ils n'ont pas nécessairement une certification. Pouvez-vous élaborer, là, puis nous... C'est un oubli. C'est un oubli dans la loi qui...

M. Savard (Gino-Sebastian) : C'est ça, on pourrait dédommager, pourrait ou ne pourrait pas, mais d'une façon ou d'une autre, si les uniques contribuants à ce fonds d'indemnisation là sont les conseillers certifiés, on va se retrouver, nous, à contribuer à quelque chose qui va être vidé périodiquement par des gens qui ne sont pas certifiés, qui ne sont pas formés et qui ont la moeurs légère pour procurer des conseils. Et ils pourraient très bien dire : On embarque dans un projet, puis, de toute façon, tu vas pouvoir réclamer au fonds d'indemnisation, si ça ne fonctionne pas, quand ils n'ont jamais cotisé à ça, là.

Ça fait que c'est... et je pense qu'en complément de réponse Me Farley veut intervenir.

Mme Farley (Marie Elaine) : Oui. En fait, c'est qu'aussi... un complément, mais j'aimerais préciser que, puisque toute personne pourra donner des conseils sans être certifiée aux consommateurs, ça ouvre peut-être... on pose la question, on ne fait pas d'affirmation, on pose la question, peut-être qu'il y aurait lieu de se questionner, vu que ce ne seront plus uniquement des spécialistes, les personnes qui sont formées, encadrées, qui sont imputables de leurs gestes, de leurs actes, qui pourront conseiller. Alors, c'est ça qu'on est venu... c'est un recul de 20 ans au niveau de l'encadrement du conseil, là, qui est venu dans la loi, et c'est à ce niveau-là qu'on pose la question.

Alors, c'est une invitation à pouvoir, dans la protection du public, être vigilant en termes de déréglementation au niveau des activités du conseil, parce que toute personne physique pourra donner des conseils, notamment pour faciliter la vente en ligne. Alors, c'est poser la question dans ce contexte-là, vu que le Fonds d'indemnisation des services financiers ne concerne que les personnes qui sont soumises à la loi ou les cabinets. Donc, voilà. Alors, c'était le point qu'on voulait faire.

M. Bonnardel : Mme la présidente, vous dites encore moins de protection dans la distribution sans représentant. Le p.l. n° 141 prévoit malheureusement d'importants changements, notamment l'abolition complète du régime de certificat restreint, qui donne à l'AMF le pouvoir d'exiger d'un distributeur d'avoir un certificat restreint pour certains produits. Vous parlez donc pour la vente... d'offre d'assurance, accessoires, la vente d'un bien. Pouvez-vous élaborer, expliquer?

M. Savard (Gino-Sebastian) : Me Beauchemin veut intervenir.

M. Beauchemin (Marc) : Je veux intervenir. Écoutez, ce n'est pas... la distribution sans représentant, ce n'est pas quelque chose sur lequel on a été souvent appelés à intervenir parce que ça n'implique pas de représentant certifié, sauf que ce qu'on constate de par l'abolition du projet, c'est qu'il y avait peut-être des problèmes.

Premièrement, l'abolition du guide de distribution, O.K., c'est beau, c'est aboli, mais c'est remplacé par quoi? Une espèce d'obligation générale d'assureur, pas prévue spécifiquement. Ça fait qu'on part quand même d'un régime qui avait vraiment... qui était peut-être lourd un peu, mais qui avait des exigences spécifiques, à quelque chose qui n'est pas encore prévu, qu'on ne sait pas. Ça fait que là, nous, on trouve que c'est un recul. Au moins, actuellement, vous étiez obligés, si vous vouliez offrir quelque chose par une distribution sans représentant, de préparer un guide de distribution, que le distributeur le remette au client. Donc, au moins, la personne pouvait lire certaines clauses, les principales clauses. Ça, c'est le premier point.

Le deuxième point, l'abolition du régime...

La Présidente (Mme de Santis) : Une minute.

M. Beauchemin (Marc) : ...de certificat restreint, écoutez, le seul point, c'est que, nous, on avait toujours prétendu que les distributeurs, surtout dans certains cas, devraient eux-mêmes être certifiés, peut-être pas avec la même chose. Et là, en abolissant ce régime-là, il n'y a même plus cette possibilité-là en tant que telle. Donc, c'est pour ça qu'on disait que ça a baissé.

M. Savard (Gino-Sebastian) : Alors donc, pour l'achat par Internet, ça sera comme quand vous tous, comme moi, achetez par Internet. Donc, on va aller acheter notre produit, on va donner notre numéro de carte de crédit. Après ça, on va balayer huit pages de petits caractères, gros de même, on va cliquer «j'accepte», puis ça va être parti, mais on va se rendre compte, une fois décédé ou malade, qu'on aurait dû lire les petits caractères.

M. Bonnardel : Puis rapidement... puis, vous, là, c'est un problème, à la page 31, vous dites que, bon, selon la taille des activités, aussi des différents cabinets, un seul représentant... mais un conseiller certifié nécessairement...

M. Savard (Gino-Sebastian) : Avoir accès à un seul conseiller...

M. Bonnardel : Sur la taille d'un bureau, là.

M. Savard (Gino-Sebastian) : ...ça veut dire que Google ou Facebook pourrait s'ouvrir un cabinet au Canada, avec un cabinet, puis 200, 300 personnes en Inde qui conseillent les produits financiers aux Québécois.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, Me Farley, M. Savard, Me Rousseau, Me Beauchemin, on vous remercie d'avoir participé et contribué aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants du Groupe Promutuel de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 29)

(Reprise à 15 h 31)

La Présidente (Mme de Santis) : Je souhaite la bienvenue aux représentants du Groupe Promutuel. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, ensuite nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et commencer votre exposé. Bienvenue.

Groupe Promutuel, fédération de sociétés
mutuelles d'assurance générale

M. Morin (Jean-Denis) : Jean-Denis Morin, vice-président du Groupe Promutuel.

M. Fauchon (Sylvain) : Sylvain Fauchon, chef de la direction au Groupe Promutuel Assurance.

M. Girard (Simon) : Simon Girard, vice-président, Affaires corporatives et gouvernance, chez Promutuel Assurance également.

Mme Beaudry (France) : France Beaudry, notaire, coordonnatrice des services juridiques chez Promutuel.

M. Morin (Jean-Denis) : Mme la Présidente, M. le ministre, messieurs membres de la commission, et membres de la fonction publique, bonjour. Sont également présents avec moi aujourd'hui, derrière, M. Michel Gauthier, président de Promutuel Portneuf-Champlain et Martin Paquette, président de Vallée-Saint-Laurent.

D'entrée de jeu, nous désirons vous remercier de nous avoir fait place pour nous permettre d'exprimer notre point de vue — de Promutuel Assurance — sur le projet de loi n° 141. Notre présence cet après-midi, en commission parlementaire, nous permet de parler au nom de nos 640 000 membres. Nos assurés, qui ont fait le choix du modèle mutualiste, l'ont fait au nom de l'économie locale. Ils ont choisi ainsi de se regrouper, de faire valoir leurs particularités régionales. Ils encouragent par le fait même le maintien, et la présence, et la création d'emplois de qualité en région, et aussi, également, le financement d'activités locales et régionales par les mutuelles des régions. Un fort sentiment d'appartenance existe chez eux, ce qui fait la force du service à nos membres.

Ceci étant dit, aujourd'hui, dans un premier temps, M. Simon Girard, vice-président, Affaires corporatives et gouvernance, fera un retour sur le contenu de notre mémoire. Il mettra l'emphase sur l'importance de ne pas dénaturer le modèle mutualiste par des lois corporatives, sur les difficultés d'interprétation qui marqueront sans doute, si le projet de loi est adopté tel que proposé, la nécessité d'adapter la loi sur les assureurs au modèle mutualiste. Ensuite, M. Fauchon, notre chef de direction viendra conclure notre présentation.

Je vous remercie de votre écoute et, dès maintenant, je cède la parole à M. Girard.

M. Girard (Simon) : Merci, M. Morin. Madame et messieurs, j'aimerais tout de suite informer la commission que nous aurons l'opportunité de rencontrer le bureau du ministre des Finances le lundi 22 janvier 2018, pour discuter d'aspects plus techniques du projet de loi n° 141, et nous serons heureux d'informer ultérieurement la commission du résultat de cette rencontre. Au-delà des aspects plus techniques, nous souhaitons vous présenter un sommaire de notre mémoire et mettre l'emphase sur nos observations, commentaires et préoccupations, notamment en ce qui a trait à l'application de la Loi sur les sociétés par actions à des assureurs mutualistes.

Puisque nous sommes le seul groupement mutualiste dont la gouvernance ne peut se comparer à celle des sociétés par actions, nous souhaitions avoir la chance de vous faire part de nos inquiétudes afin que vous compreniez les impacts importants que le projet de loi n° 141 aurait sur le Groupe Promutuel, s'il était adopté tel que proposé. Nous croyons d'ailleurs que ces impacts sont plus importants pour Promutuel que pour tout autre assureur ou groupement d'assureurs au Québec.

Le Groupe Promutuel regroupe 17 sociétés mutuelles, un réassureur, Promutuel Réassurance, un fonds de garantie et un fonds de placement, le tout tel que plus amplement démontré à l'organigramme produit en annexe de notre mémoire. Le Groupe Promutuel est présent dans le paysage québécois depuis plus de 165 ans. Il emploie plus de 1 925 personnes réparties dans les mutuelles et leurs centaines de points de service partout en région, mais également dans la grande région de Québec et de Montréal. Notre volume-primes de plus de 815 millions et nos actifs de plus de 1 milliard de dollars font de Promutuel un des plus grands assureurs de dommages au Québec. Aussi, le Fonds de placement Promutuel gère un actif de 450 millions de dollars au bénéfice de ses membres. Ce montant, qui était de 100 millions en 2007, a plus que quadruplé au cours des 10 dernières années et représente maintenant plus de 75 % des placements de toutes les sociétés mutuelles.

Bien que Promutuel soit ancré dans la communauté et qu'il soit reconnu dans chacune des régions comme étant un partenaire important, il fait face à de grands défis liés aux lois actuelles, en raison de son modèle mutualiste. Plus précisément, alors que l'actuelle Loi sur les assurances consacre une section distincte aux dispositions visant à encadrer la vie démocratique et la gouvernance des sociétés mutuelles, le projet de loi n° 141 viendrait plutôt fournir un tel encadrement par l'application de la Loi sur les sociétés par actions, une loi corporative, aux sociétés mutuelles. L'application de cette loi rendra le cadre législatif du Groupe Promutuel complexe et ambigu et donnera une ouverture à de multiples interprétations. Cette application ne fera qu'alourdir la vie démocratique des sociétés mutuelles, sans réel bénéfice pour nos membres assurés.

D'emblée, le texte proposé crée deux catégories d'assureurs : les sociétés par actions et les sociétés mutuelles. Il est normal d'assujettir les assureurs constitués en corporation sur la Loi sur les sociétés par actions, puisque ce sont, à la base, des corporations auxquelles les dispositions de la Loi sur les sociétés par actions sont adaptées et ont tout son sens. Pensons, par exemple, au concept d'actionnariat, de capital-actions ou de partage du reliquat. Il en va autrement des sociétés mutuelles, auxquelles la philosophie et les notions de la Loi sur les sociétés par actions créent, par leur application, des distorsions. Notons d'ailleurs que plus de 10 % des dispositions du texte proposé de la Loi sur les assureurs fait état de particularités, d'exceptions, de précision ou autres distinctions qui sont propres aux sociétés mutuelles et qui sont nécessaires pour les distinguer des autres assureurs constitués en société par actions. Ceci démontre bien, à notre avis, la difficulté d'assimiler les sociétés mutuelles à des sociétés par actions.

Prenons un exemple concret : nos 17 sociétés mutuelles doivent convoquer leurs membres en assemblée générale au moins annuellement. Les mécanismes en place dans l'actuelle Loi sur les assurances ne créent par d'enjeu quant à la convocation, le déroulement et, en général, la gouvernance de ces assemblées. La vie démocratique des sociétés mutuelles ne bénéficierait pas d'un nouvel encadrement qui, nécessairement, alourdirait cette gouvernance qui est basée sur le principe d'un membre, un vote. Donc, nul besoin de protéger certains au détriment de d'autres. Cet alourdissement de la gouvernance, qui vise, selon nous, davantage la protection des actionnaires minoritaires, se traduirait ultimement par des contraintes financières dont les membres en subiraient le contrecoup.

D'ailleurs, de par leur nature et leur gouvernance, les sociétés mutuelles se rapprochent davantage des coopératives de services financiers. Ces dernières voient leur encadrement corporatif et leur vie démocratique régis par une loi distincte, la Loi sur les coopératives de services financiers. Nous n'avons pas de connaissance qu'il serait de l'intention du législateur de prévoir que la Loi sur les sociétés par actions supplée aux dispositions de la Loi sur les coopératives de services financiers pour régir la vie corporative et la gouvernance des coopératives de services financiers. Pourquoi en serait-il autrement des sociétés mutuelles?

Promutuel recommande donc de continuer de traiter les sociétés mutuelles dans une section distincte de la Loi sur les assureurs en incorporant explicitement les dispositions de la Loi sur les sociétés par actions qui devraient leur être applicables. En effet, plutôt que d'inclure par référence, comme le préconise le projet de loi n° 141, des dispositions de la Loi sur les sociétés par actions qui ne seraient pas applicables ou en contradiction avec les principes mutualistes et qui, par conséquent, obligent à prévoir de nombreuses exceptions, particularités, précisions ou distinctions propres aux sociétés mutuelles, nous croyons qu'il serait plus approprié de répertorier et d'incorporer dans le projet de loi sur les assureurs les dispositions de la Loi sur les sociétés par actions qui sont compatibles avec ces principes et qui favorisent la démocratie et la gouvernance des sociétés mutuelles. Ainsi, nous réduisons les risques de se trouver devant des difficultés d'interprétation qui ne manqueront pas de survenir, et nous éviterons de dénaturer le modèle mutualiste.

En terminant, avant de passer la parole à M. Fauchon, j'aimerais attirer l'attention des membres de la commission sur d'autres éléments importants abordés dans notre mémoire. Comme je le mentionnais précédemment, le Fonds de placement Promutuel, gérant un actif de plus de 450 millions de dollars, représente une activité économique importante. Afin de lui permettre de gérer ces placements de la manière la plus efficace possible, Promutuel souhaite que la Loi sur les assureurs prévoie que le fonds de placement puisse prendre diverses formes corporatives. Cette précision permettrait d'éviter que la structure du Fonds de placement Promutuel soit désavantagée par rapport à d'autres assureurs, ce qui entraînerait des opérations de placement moins performantes.

Promutuel souhaite également que le nombre de membres requis pour créer une fédération, qui est de 12 membres selon les termes de la loi actuelle, soit maintenu et que le fait, pour une fédération, de compter moins de 12 membres ne crée pas un cas de défaut permettant au ministre d'ordonner sa dissolution ou sa liquidation.

Notre mémoire aborde aussi la question particulière de Promutuel Réassurance, le réassureur faisant partie du Groupe Promutuel, qui est régi par une loi privée. Promutuel recommande que la loi privée de Promutuel Réassurance continue de prévaloir et que Promutuel Réassurance ne soit pas soumise aux dispositions de la Loi sur les sociétés par actions. Pour conclure, je passe la parole à Sylvain Fauchon.

• (15 h 40) •

M. Fauchon (Sylvain) : Merci, M. Girard. Madame, messieurs, je vous résumerais notre position comme suit : D'entrée de jeu, nous saluons l'exercice de vouloir moderniser l'actuelle Loi sur les assurances, l'exercice qui est nécessaire, qui est attendu de l'industrie, qui est attendu également de nous. Notre enjeu, il vient de la façon dont le projet de loi n° 141 est rédigé. Concrètement, l'application de la Loi sur les sociétés par actions, à titre supplétif, on estime que c'est incompatible avec la nature et le caractère unique de ce que nous sommes, c'est-à-dire un groupe mutualiste. Une fédération, un fonds de garantie, un membre, un vote, ce sont tous des exemples concrets. Ce sont des réalités qui n'existent pas dans l'univers des sociétés par actions. Dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 141, on estime qu'il va amener des problèmes d'interprétation et de l'insécurité au sein de notre groupe. Nous sommes conscients que notre réalité appose un défi supplémentaire au législateur. Notre objectif, ce n'est surtout pas de retarder la mise en vigueur du projet de loi n° 141, et encore moins d'obtenir un avantage compétitif à l'intérieur de celui-ci. Notre objectif, c'est plutôt d'améliorer le projet de loi n° 141 afin qu'il reconnaisse le modèle mutualiste, un modèle qui a fait ses preuves, un modèle qui a déjà été reconnu par le gouvernement en d'autres occasions.

La Présidente (Mme de Santis) : Alors, merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter avec la période d'échange, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Leitão : Merci, Mme la Présidente. Alors, madame et messieurs, bonjour, merci, merci d'être là. Je ne sais pas si vous vouliez conclure, on vous a comme arrêté un peu, parce que... mais allez-y, si vous avez d'autres choses à... Allez-y.

M. Fauchon (Sylvain) : Oui, j'apprécie, merci beaucoup. Donc, effectivement, notre objectif, c'est vraiment de faire reconnaître le modèle mutualiste, un modèle qui a fait ses preuves, un modèle qui est résilient, un modèle aussi, on se rend compte, qui a de plus en plus de de popularité auprès de la jeune génération, et un modèle aussi que le gouvernement a déjà reconnu en d'autres occasions. Et, dans le fond, notre volonté également... s'il y a une ouverture de la part de la commission, soyez assuré de la pleine collaboration de nos gens pour faire en sorte qu'on fasse ça rapidement et de façon diligente. Merci.

M. Leitão : Très bien, merci. Et vous aviez mentionné aux collaborateurs que, le 22 janvier, il va y avoir une réunion avec les membres du ministère pour traiter de ces questions plus techniques, plus précises, et on est ouverts à essayer de vous accommoder. Je comprends très bien que le modèle mutualiste est différent des sociétés par actions, donc on va essayer de trouver un moyen d'accommoder votre organisation. Parce qu'en effet, c'est quand même un succès intéressant au Québec, Promutuel, et donc ce n'est surtout pas notre intention de nuire à votre croissance, à votre activité. Très bien, donc, on va essayer d'adresser ces questions un peu plus techniques.

Maintenant, vous êtes dans le domaine de l'assurance, bien sûr, on a entendu beaucoup de choses ce matin, cet après-midi, sur l'assurance générale, la réglementation. J'aimerais avoir votre opinion sur l'AMF, sur la capacité de l'AMF... pas la capacité, mais l'outillage que l'AMF a pour réglementer l'industrie et pour... avec comme objectif de protéger le public. Donc, vous faites affaire avec l'AMF, comment vous voyez ça? Est-ce que vous pensez qu'avec les provisions dans notre projet de loi, où on transfère à l'AMF les activités qui sont maintenant exercées par les deux chambres... On a entendu que ce transfert-là va affaiblir la protection des consommateurs. Vous êtes dans le domaine, qu'est-ce que vous pensez de cet enjeu-là?

M. Fauchon (Sylvain) : Je vais ajuster mon chapeau. Je pense que je n'étais pas préparé à des questions de cette nature-là. D'entrée de jeu, je pense que c'est important que je mentionne que nous étions signataires, dans le fond, d'un mémoire qui a été déposé par la CADD, donc la corporation des assureurs de dommages directs. Donc, je pense que les gens ont eu l'occasion de venir exprimer le contenu de ce mémoire-là. Donc, étant signataires de ce dernier, je pense que nous sommes confortables avec les modifications qui sont proposées à l'intérieur du projet de loi n° 141, donc qui ajusteraient, dans le fond, certains pouvoirs, responsabilités, en faveur de l'AMF.

M. Leitão : Ce que j'ai un peu... c'est peut-être dommage, mais la discussion a un peu, à mon avis, peut-être dérapé, dans le sens où on semblait imputer des idées un peu malveillantes aux assureurs directs. Donc, quand on vend de l'assurance directement, c'est comme... que, oups! faites attention, c'est une façon peut-être de ne pas bien servir le consommateur. Mais vous travaillez dans ce domaine depuis longtemps et, en tout cas, je ne pense pas que ce soit un enjeu. Je pense que vous le faites très bien, que l'industrie le fait très correctement au Québec. Quel est votre...

M. Fauchon (Sylvain) : ...une particularité que nous avons au sein de notre organisation, donc on fait également... nous distribuons au direct et par courtage. Donc, comme on dit, on entend, dans le fond, les commentaires des deux côtés. Mais je réitère, dans le fond, que, bien, un, vous y faites allusion, la distribution directe, je pense, nous avons également à coeur la protection du consommateur. Et si je reviens à votre question précédente, effectivement, dans les échanges, nous, comme assureurs que nous avons avec l'Autorité des marchés financiers, présentement on sent, dans le fond, cette sensibilité-là, justement, à l'égard du consommateur.

M. Leitão : C'est ça. Et donc, vous, vous pouvez faire la distribution directe et tout ça. Mais une personne qui travaille chez vous et qui fait ce travail-là, et qui, donc, est en contact avec les consommateurs, cette personne doit être certifiée. Donc, vous ne pouvez pas faire faire ce travail-là par quelqu'un qui n'est pas certifié.

M. Fauchon (Sylvain) : Exactement. Il doit détenir les permis en bonne et due forme.

M. Leitão : Alors donc, ce n'est pas n'importe qui qui peut faire n'importe quoi. C'est une activité qui est très encadrée, qui doit demeurer très encadrée. Et sur ça, nous sommes d'accord.

Je ne sais pas si vous utilisez ou non la distribution par Internet, mais, en tous les cas, c'est quelque chose qui va certainement prendre de l'élan. Pouvez-vous nous dire un peu comment vous faites ça? Est-ce que vous utilisez la distribution en ligne ou vous n'êtes pas encore rendus là? Est-ce que ce n'est pas pertinent dans votre modèle d'affaires?

M. Fauchon (Sylvain) : Aujourd'hui, notre utilisation d'Internet, je vais utiliser des anglicismes, là, je m'en excuse, donc on va chercher des soumissions. Mais, chez Promutuel assurance, nous ne sommes pas encore, justement, là, on n'a pas franchi le pas de «binder», de...

Une voix : De conclure.

M. Fauchon (Sylvain) : ... de conclure, excusez, merci la traduction, en ligne. Donc, justement, on attend, là, l'évolution des travaux, là, qui se font dans le cadre du projet de loi. Par contre, c'est clair qu'à notre avis c'est une réalité, donc, la distribution par Internet, et les gens sont rendus là. Il faut s'assurer, dans le fond, de rendre ça faisable tout en étant conscient justement, là, qu'il y a un équilibre, dans le fond, de connaissances différentes entre nous, manufacturier, et le consommateur. Donc, il faut l'encadrer. Mais j'ai déjà entendu, je ne sais plus trop c'était quel moment... je pense que ça serait de se mettre la tête dans le sable, là, de dire que ça n'arrivera pas, la distribution par Internet de produits simples en assurance de dommage.

M. Leitão : C'est ça. Parce que la distribution par Internet se fait déjà. Et elle se fait de façon non encadrée. Donc, c'est pour ça que c'est important pour nous de l'encadrer pour qu'on puisse mieux protéger les consommateurs. Vous n'êtes pas encore rendus au point d'avoir un site transactionnel, mais ça viendra. Ce qu'on a entendu d'autres participants, c'est que les produits d'assurance sont tellement complexes que ça ne serait pas viable de faire ça. Et puis il faut absolument avoir un contact direct avec un courtier, parce que c'est beaucoup trop complexe. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

• (15 h 50) •

M. Fauchon (Sylvain) : Je vous dirais, la complexité des couvertures est différente selon le secteur d'affaires. Deux exemples qui me viennent à l'esprit : l'assurance automobile, je pense que les formulaires sont déjà, dans le fond, connus, uniformes, donc, pour moi, il y a un niveau de simplicité qui, d'entrée de jeu, se prête bien, si on peut dire, là. C'est beaucoup plus simple pour procéder à la distribution en ligne. À l'inverse, totalement à l'autre bout du spectre, si on pense de couverture responsabilité civile pour des choses archicomplexes, là, mon opinion personnelle, là-dessus, je pense que ça ne serait pas compatible du tout.

M. Leitão : Très bien, merci. Écoutez, moi, je n'ai pas d'autres questions. Je ne sais pas si, les collègues, vous avez quelque chose. Mais encore une fois, je réitère notre ouverture à en discuter avec vous, d'un point de vue technique, des changements qu'il y aurait à faire ou pas, avec les membres du ministère. Je pense que le collègue a une question.

M. Bolduc : Oui.

La Présidente (Mme de Santis) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame, bonjour, messieurs. Dans votre organigramme, que vous nous avez envoyé, juste pour une question de clarification, puis, souvent les gens qui nous écoutent, il y en a des millions, ils veulent comprendre un peu plus de quoi on parle, est-ce que vous pourriez nous donner un peu une espèce de survol? Parce que la mutuelle est une organisation qui, elle, via ses membres, se finance et prend le risque, puis... Mais vous avez des commanditaires, des commandités, et vous avez toutes sortes de sociétés en commandite. Vous pourriez juste nous donner une brève explication de comment tout ça s'intègre et génère la caractéristique de mutuelle?

M. Girard (Simon) : Le Groupe Promutuel, à la base, est constitué de 17 sociétés mutuelles. Ce à quoi vous faites référence, c'est des corporations ou des entités autour du Groupe Promutuel qui ont été mises en place pour offrir des services aux membres, donc, aux sociétés mutuelles, donc, indirectement, aux membres assurés. Les sociétés en commandite auxquelles vous faites référence, c'est pour le fonds de placement. Donc, à la fédération, à Québec, on gère les placements, plus de 75 % des placements des sociétés mutuelles, et ces sociétés en commandite là ont été mises en place pour faciliter, avec l'économie d'échelle... donc, c'est plus facile de gérer 430 millions de volume conjointement, par les mêmes gestionnaires, que 17 fois séparément, pour chacune des sociétés.

Et un des éléments qu'on a fait valoir dans notre mémoire, c'est que c'est important que la future loi sur les assureurs puisse nous permettre que ces fonds ou ce fonds de placement là puisse prendre une forme juridique qui nous permet d'avoir la même performance que si c'était fait dans une corporation individuelle.

M. Bolduc : Globale.

M. Girard (Simon) : Exactement.

M. Bolduc : O.K., merci beaucoup. C'est beau.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté du gouvernement? Non? Donc, maintenant, nous allons procéder avec le représentant de l'opposition officielle, le député de Rousseau. La parole est à vous.

M. Marceau : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, madame, bonjour, messieurs. Bon, l'essentiel de votre mémoire concerne la gouvernance de Promutuel. Bon, je ne suis pas un avocat versé dans ces questions-là, je ne suis pas avocat pantoute, puis encore moins un avocat... encore moins versé. Ça fait que j'aimerais que vous me simplifiiez ça, si c'est possible. Ce que je comprends, puis peut-être que souvent c'est une façon pour moi de mieux comprendre, c'est de l'exprimer. C'est que, donc, il y a présentement une loi privée qui a été rédigée pour vous. Vous êtes aussi gouverné par les chapitres 3.1, 3.2, 3.3 de la Loi sur les assurances du Québec, et là, ce qui est prévu, si j'ai bien compris, c'est de faire disparaître le bout de la Loi sur les assurances du Québec puis que ça soit la Loi sur les sociétés par actions qui vous gouverne. Puis là, il y a plein de problèmes concrets qui découlent de ça. C'est-u correct jusqu'à maintenant?

M. Girard (Simon) : Moi non plus, je ne suis pas avocat, donc, je vais essayer de vous résumer ça...

M. Marceau : O.K., on est dans le même club.

M. Girard (Simon) : ...puis je vais laisser Me Beaudry compléter. Actuellement, il y a la Loi sur les assurances, qui est divisée en trois. Le premier tiers, qui concerne tous les assureurs au Québec, le deuxième tiers, qui concerne les sociétés mutuelles, et le dernier tiers, qui concerne la fédération. Donc, les deux tiers de la loi concernent uniquement Promutuel assurance. Et, par-dessus ça, il y a Promutuel Réassurance qui est régi par une loi privée. S'il n'y a pas de dispositions, dans la Loi sur les assurances, pour nous, il n'y a pas de loi supplétive qui vient nous aider dans la régie ou dans la gouvernance des différentes entités. Donc, un des objectifs que le ministre avait en intégrant la Loi sur les sociétés par actions, c'est de donner une loi supplétive au Groupe Promutuel. Ça nous règle certains problèmes, mais ça amène beaucoup de difficultés d'interprétation parce qu'on se trouve à appliquer des dispositions de la Loi sur les sociétés par actions qui visent notamment la protection des actionnaires minoritaires, etc., à un mouvement mutualiste qui est basé sur un membre, un vote. Donc, moi, je n'ai pas à défendre l'intérêt de minorités qui ont une différence de pouvoirs... par rapport à des actionnaires minoritaires. Tous mes membres ont le même pouvoir dans l'organisation. Donc, c'est cet élément-là. On a voulu amener une loi supplétive, mais la façon dont c'est appliqué, ça amène beaucoup de difficultés d'interprétation, et, nous, ça fait depuis 2015 qu'on travaille sur le premier projet de texte, et on trouve encore des dispositions qui sont difficilement applicables pour nous. Donc, c'est vraiment une gymnastique intellectuelle assez ardue à compléter, puis je ne sais pas si, Me Beaudry, vous voulez ajouter des spécificités?

Mme Beaudry (France) : Bien, je pourrais peut-être mentionner que, moi non plus, je ne suis pas avocate, je suis notaire. Ça fait que j'ai plus de qualités que d'aucuns...

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Beaudry (France) : Je ne ferai pas de politique, ceci dit. J'ai une expérience de la vie corporative assez... de plusieurs années, sans révéler mon âge, et quand je suis arrivée chez Promutuel, j'étais vraiment perdue, parce que je cherchais dans les lois corporatives qu'est-ce qui gérait Promutuel, et il fallait se rabattre sur la section de la Loi sur les assurances qui gère la vie corporative de Promutuel Assurance pour savoir qu'est-ce qui s'appliquait à elle. Et, au terme de ces années-là puis au terme de nos analyses, on arrive à la conclusion que tout ce qui était nécessaire pour encadrer la vie corporative, la gouvernance de Promutuel, se trouvait dans cette section-là de la loi. L'exercice est ardu, de vouloir intégrer ça dans la loi sur les assureurs, de nous assimiler à un autre assureur puis, par la suite, d'essayer de dire : Bien, ça, ça ne s'applique pas parce que ce n'est pas vraiment applicable ou on fait une exception, ou... Alors, j'ai fait l'exercice de relever le nombre d'exceptions, et il y en a plus de 10 %, d'exceptions, de particularités, puis on dit, dans le projet de loi : Bien, pour les sociétés mutuelles, c'est telle chose, quand on parle de tel article, bien on devrait annuler tel article. Donc, il y a beaucoup d'exceptions, c'est très, très, très difficile à lire. La vie corporative, la gouvernance, dans la loi actuelle ne posait pas d'enjeu. Je salue l'exercice, mais, en même temps, quand on le gratte et on le gratte, je n'arrive pas à trouver une façon de le faciliter la lecture ou l'interprétation.

M. Girard (Simon) : C'est pour cette raison qu'on préférerait qu'on aille chercher les dispositions de la Loi sur les sociétés par actions qui peuvent nous permettre de bénéficier de la modernisation de la loi, parce que la Loi sur les sociétés par actions, c'est quand même un exercice de passer la loi sur les compagnies pour moderniser la loi, donc, pour bénéficier de cette modernité-là, sans nécessairement assujettir l'entièreté de la loi. Je vous donne un autre exemple...

M. Marceau : Juste pour être clair, là, avant... Puis après ça, je vais... Donc, ce que vous proposez, c'est que dans 141, dans le fond, on vous enlève de là, là, on vous sorte de la Loi sur les assureurs, dans 141, puis qu'on apporte des changements à la loi qui vous régit ou à la Loi sur les sociétés par actions?

M. Girard (Simon) : Pas tout à fait. Ce qu'on préférerait, c'est, plutôt que de dire : La Loi sur les sociétés par actions s'applique de façon supplétive, sauf pour telle, telle, telle chose, de dire : Les dispositions suivantes de la Loi sur les sociétés par actions devraient s'appliquer aux sociétés mutuelles. Donc, pour être certain qu'on identifie tous les éléments qui sont applicables et pertinents, plutôt que d'y aller a contrario et de...

M. Marceau : Mettons qu'on vous laisse dans le 141...

M. Girard (Simon) : Oui, tout à fait.

M. Marceau : ...mais de la façon dont vous... Donc, une liste positive plutôt qu'une liste négative.

M. Girard (Simon) : Exact.

M. Marceau : O.K. Je comprends. O.K. Très bon. Bon, bien écoutez, là, rendu là, vous allez avoir une rencontre. Moi, je compte sur vous, vous avez dit que vous alliez nous revenir, puis évidemment, il y a une étude détaillée, alors... puis, bon, on va vouloir aller promptement, mais, même si on y va promptement, ça va prendre un certain temps, c'est certain. Ça fait qu'on aura l'occasion, je suis certain, de recevoir vos commentaires sur l'allure de la rencontre que vous avez eue.

Juste sur la... puis je sais que vous n'étiez peut-être pas préparé à ça, mais, sur la vente par Internet, le fait que l'exigence d'un représentant certifié dans une transaction par Internet ne soit pas présente, là, est-ce que vous, vous êtes favorable à ça? Est-ce que vous êtes à l'aise avec ça?

• (16 heures) •

M. Girard (Simon) : Bien, nous, ce qu'on a toujours dit, en plus de supporter les positions de la CADD, la Corporation des assureurs directs, il faut assurément trouver un équilibre entre les désirs des consommateurs de faire des transactions de façon autonome sur Internet et l'information qui doit leur être donnée s'ils ont besoin de conseils. Parce qu'on ne se cachera pas, on a eu des exemples tout à l'heure, qu'il y a des produits d'assurance qui peuvent être complexes. L'équilibre est difficile à trouver, mais je pense qu'il va falloir se rendre là pour mettre à la disposition des consommateurs l'information dont ils ont besoin au moment où ils en ont besoin. Est-ce que ça veut dire que ça prend nécessairement quelqu'un qui parle à la personne avant de conclure un contrat? Peut-être pas, mais il faut absolument qu'il y ait des mécanismes qui permettent de protéger les consommateurs.

M. Marceau : Ça va pour moi. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au représentant du deuxième groupe de l'opposition, le député de Granby.

M. Bonnardel : Merci, Mme la Présidente. Messieurs dames, bonjour.

Petite question aussi sur un peu ce que mon collègue vous a posé. À la page 4, le point 4. Je veux juste comprendre un peu ce qui a été les négos avec le gouvernement. Vous dites : Promutuel a eu la possibilité de formuler ses observations auprès du bureau du ministre des Finances dans le cadre de la révision de la Loi sur les assurances du Québec et a été placé devant l'obligation d'identifier, à la demande du bureau du ministre, les dispositions de la loi de la société par actions. Vous dites un petit peu plus loin, à l'autre paragraphe : Promutuel arrive à la conclusion que l'application de la loi sur les sociétés par actions ou sociétés mutuelles représenterait un changement majeur qui rendrait le cadre législatif de Promutuel complexe et ambigu, pouvant donner ouverture à de multiples interprétations.

Comment on est arrivés à ce qu'on ne soit pas capables de vous satisfaire dans cette loi? Pour répondre un peu à ce qu'on mon collègue vous a posé, là... Donc, vous dites, en octobre 2016, on rencontre le gouvernement, on rencontre le ministère : Voici les dispositions d'une future loi n° 141, vous êtes une mutuelle. Comment ça se fait qu'on en arrive à ça aujourd'hui?

M. Girard (Simon) : Je vais commencer puis je vais vous laisser compléter.

On a commencé les travaux avec le bureau du ministre justement, comme vous le disiez, pour identifier les éléments qui ne s'appliquaient pas et qui ne trouvaient pas application pour le Groupe Promutuel. C'est des travaux que le bureau du ministre nous avait demandé de faire. On a commencé nos travaux. On a fait une première série d'identifications. Et, au fur et à mesure qu'on faisait nos travaux, on trouvait toujours des nouveaux éléments qui faisaient en sorte que ça ne s'appliquait pas chez Promutuel et on arrivait même à des situations où on avait des difficultés d'interprétation. On parlait avec des représentants du bureau du ministre, qui nous disaient : Oui, ça, c'est l'intention du légiste, c'est comme ça, on a la même interprétation de la loi. Nous, dans les travaux à l'interne, on en discute puis on dit : O.K., tout le monde est à la même place aujourd'hui. Mais vous savez ce que c'est, des juristes, ça peut interpréter des lois de façons différentes. Quelle sera l'interprétation de la loi dans cinq ans par différents juristes? C'est là où avait un inconfort. Donc, on en est venus à la conclusion que ça serait beaucoup plus sécurisant pour Promutuel que des dispositions soient exclues, comme on le disait tantôt, ou ajoutées par une liste positive plutôt que par référence avec des exclusions.

M. Bonnardel : O.K.

Mme Beaudry (France) : Voulez-vous que je complète?

M. Bonnardel : Oui, si vous avez une minute, là, oui.

Mme Beaudry (France) : Puis, dans nos échanges, qui étaient toujours très constructifs, puis on avait une excellente collaboration... Évidemment, ça ne nous donnait pas le texte final. Ça fait que parfois on nous disait : Oui, ça, ça va être réglé, ça, ça va être réglé, ça, ça va être réglé. Ça fait que, quand on a relu le projet de loi n° 141, certains aspects étaient réglés, suscitaient d'autres questions parce qu'on n'avait pas lu le texte final, et d'autres, on se disait : Ah non! Ça n'a pas de sens, de la façon dont c'est réglé, parce que ça peut amener une autre problématique qu'on n'avait pas anticipée. Alors, tout ça fait en sorte qu'on se retrouve aujourd'hui à encore se questionner sur plusieurs dispositions.

M. Bonnardel : Vous dites, au point c, à la page 3 : Promutuel recommande que le nombre de membres requis actuellement pour créer une fédération aux termes de la Loi sur les assurances... 12 membres soit maintenus, et que le fait, pour une fédération, de compter moins de 12 membres ne crée un cas de défaut permettant au ministre d'ordonner sa dissolution et sa liquidation. Je sais qu'on en parle un petit peu plus loin. Pouvez-vous élaborer et préciser un petit peu la problématique?

M. Girard (Simon) : Tout à fait. Alors, on ne se cachera pas que le nombre de sociétés mutuelles dans notre groupe a diminué de façon importante au cours des dernières années. Dans les 10 dernières, on est passés de 32 sociétés à 17 aujourd'hui. Donc, le nombre se réduit de façon considérable.

M. Bonnardel : Ah! excusez-moi, des fusions, c'est ça, des regroupements, là...

M. Girard (Simon) : Oui, tout à fait, des regroupements pour différentes raisons : efficacité opérationnelle, etc.

Par contre, ce qui nous préoccupe avec le nombre de six membres, c'est... Ce qu'on souhaite... C'est que la réduction, en atteignant un certain seuil, peut devenir problématique. Donc, ça peut affaiblir le mouvement mutualiste. Et on préférerait que le statu quo à 12 membres soit maintenu et que ça demeure la prérogative du ministre et de l'autorité d'accepter que le nombre diminue en bas de 12 dépendamment du contexte dans lequel ça se fera quand on sera rendus là. Donc, on préférerait le statu quo à cet égard.

M. Bonnardel : Ça me va. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, M. Morin, M. Fauchon, M. Girard et Me Beaudry, merci d'avoir contribué aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

(Reprise à 16 h 11)

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à ensuite présenter votre exposé. Bienvenue.

Ordre des comptables professionnels agréés
du Québec (Ordre des CPA du Québec)

Mme Mottard (Geneviève) : Merci, Mme la Présidente. Donc, bonjour. M. le ministre, membres de la commission, c'est avec grand plaisir que je viens vous parler aujourd'hui. Alors, mon nom est Geneviève Mottard. Je suis présidente et chef de la direction de l'Ordre des CPA du Québec. M'accompagne Me Christiane Brizard, qui est secrétaire de l'ordre et aussi conseillère stratégique en matière de législation et réglementation de la profession.

Alors, je vous dis encore une fois merci de l'invitation que vous nous avez tendue de participer aux consultations du projet de loi n° 141. C'est clair que le projet de loi n° 141, c'est une pièce de législation majeure. Il propose une actualisation que nous jugions essentielle, de mettre à jour l'encadrement du système financier, qui permettra au Québec de s'adapter à l'ère numérique et aux nouvelles réalités d'une économie qui change sans cesse.

Depuis la création de l'AMF, et à chaque fois que le législateur a voulu modifier le rôle de l'auditeur ou modifier les pouvoirs de surveillance ou d'enquête de l'AMF, la démarche a toujours été menée dans un esprit de collaboration avec l'ordre des CPA. C'est donc par hasard, et avec une certaine stupéfaction, qu'en lisant le projet de loi on a fait la découverte de dispositions qui touchent aux fondements mêmes de la profession comptable. On a eu plusieurs discussions avec l'AMF en amont du dépôt du projet de loi, ainsi qu'avec le ministère des Finances, concernant l'aspect dénonciation au projet de loi. Mais malheureusement aucune des dispositions qui modifient de façon importante le rôle du CPA n'a fait objet de consultations avec l'ordre. Évidemment, c'est ce qui nous amène devant vous aujourd'hui. Je pense qu'une solution simple et qui ferait gagner du temps à l'appareil gouvernemental, à l'AMF et à vous, les parlementaires, ce serait à l'avenir de consulter l'ordre en amont des dépôts du projet de loi chaque fois que ceux-ci modifient de façon si importante la profession de CPA. Et, M. le ministre, je vais avoir besoin que vous nous rassuriez à ce sujet-là et que vous nous rassuriez que le travail qu'on fait avec l'AMF ne sera pas en vain à ce sujet.

Le projet de loi propose une série de dispositions qui traduisent malheureusement d'une méconnaissance des règles d'audit et du rôle du CPA. C'est à croire que le législateur a entrepris de modifier le rôle de l'auditeur en lui imposant des responsabilités qui ne relèvent ni de ses fonctions ni de son expertise. Le CPA est un professionnel qui optimise la performance, la rentabilité et la saine gouvernance des entreprises. Il contribue à la fiabilité de l'information financière, un gage essentiel pour gagner et maintenir la confiance du public et des diverses parties prenantes à la gouvernance des marchés financiers. C'est donc un acteur clé du bon fonctionnement de ces marchés financiers et de la protection des investisseurs. Alors qu'il agit comme auditeur externe, il a la responsabilité de certifier la conformité des états financiers. Il intervient donc en ligne de défense supplémentaire, en aval des processus de contrôle du conseil d'administration et du comité d'audit.

Et c'est ici, Mme la Présidente, que le projet de loi introduit une véritable confusion des genres. En tentant de décrire dans des dispositions législatives les normes d'audit généralement reconnues, auxquelles les CPA sont assujettis, le législateur crée de la confusion et impose un double standard aux CPA du Québec. Je vous le dis très clairement. Il n'y a aucune valeur ajoutée d'aller réécrire les normes d'audit dans un vocabulaire différent, sans les précisions et les nuances qu'elles contiennent, au lieu d'y faire tout simplement référence. J'ai dans mes mains ici une partie du manuel des normes d'audit d'un CPA. Il est malheureusement déconcertant de constater qu'aucune disposition du projet de loi n° 141 ne prévoit que l'auditeur doit respecter ces normes d'audit qui sont généralement reconnues, alors qu'elles font partie du corpus législatif actuel, et je peux vous en donner quelques exemples.

Les dispositions du projet de loi prévoient que l'auditeur qui détecte une erreur ou un renseignement inexact, et, selon lui, importante dans les états financiers... qu'il peut les modifier s'il le juge nécessaire. On n'a pas besoin d'être très familier avec les normes d'audit pour savoir qu'un auditeur n'est pas propriétaire des états financiers et, non, ne peut pas lui-même les modifier puisque, ce faisant, il contrevient à sa règle d'indépendance. La responsabilité est la propriété de la direction. La responsabilité des états financiers incombe à la direction et aux responsables de gouvernance de l'entité.

Autre exemple, où, cette fois, les rôles de l'auditeur et de l'actuaire ont été confondus, les dispositions prévoyant la rédaction par l'auditeur d'un rapport détaillé lorsqu'il a pris connaissance, dans le cadre de ses fonctions, d'une situation qui entraîne une détérioration de la situation financière de l'entité. Cette obligation constitue pour l'auditeur une reddition de comptes qui dépasse de très loin la portée de son mandat.

Enfin, l'introduction par le législateur d'une nouvelle responsabilité du CPA de s'assurer du respect par l'entité des pratiques de saine gestion et des saines pratiques commerciales... Encore là, le législateur porte à l'auditeur une responsabilité qui ne relève pas de sa mission, mais qui relève du conseil d'administration et du comité d'audit.

J'aimerais vous parler maintenant de notre deuxième sujet, qui est celui de la dénonciation. Le projet de loi prévoit la levée du secret professionnel du CPA afin d'autoriser, sinon d'encourager, celui-ci à dénoncer auprès de l'AMF, ou son employeur, ou son client, et ce, sans préciser les situations où il est justifié de le faire ni les démarches qu'il doit effectuer à l'interne avant d'arriver à une solution aussi extrême. Nous y voyons là, et nous ne sommes pas les seuls, un sérieux risque de dérapage dont toutes les conséquences n'ont pas été réfléchies ni mesurées. L'ordre reconnaît l'importance d'emblée d'instaurer des mécanismes de dénonciation. Il reconnaît également la nécessité de lever le secret professionnel pour dénoncer des infractions graves qui sont susceptibles d'entraîner un préjudice financier pour des investisseurs et le grand public.

Toutefois, la qualité de l'audit, sur laquelle plusieurs fondent leur jugement d'une entreprise, dépend en grande partie de la relation de confiance de l'auditeur avec cette entreprise. Cette relation de confiance assure le libre accès à l'auditeur à toute l'information qu'il a besoin pour réaliser sa mission. Un encadrement judicieux de la dénonciation est donc, dans cet exercice, essentiel. Le projet de loi fait malheureusement fausse route à cet égard en proposant de généraliser la levée du secret professionnel du CPA pour tout manquement d'une entreprise à une loi que l'AMF est chargée d'appliquer, et ce, sans égard à la gravité de ce manquement ou du préjudice.

Pour éviter d'affaiblir la position des entreprises assujetties au contrôle de l'AMF, une dénonciation par un CPA à une autorité externe devrait être limitée à des manquements dont la gravité est susceptible d'avoir un impact sur les états financiers ou sur la continuité de l'exploitation de l'entreprise, c'est-à-dire lorsque ça cause un préjudice financier important. Nous sommes persuadés que l'intention du législateur n'est pas d'ouvrir la porte à l'arbitraire, mais de s'assurer d'avoir une dénonciation de qualité, et je vais mettre l'emphase là-dessus.

• (16 h 20) •

Pour parvenir à avoir des dénonciations de qualité, on suggère une démarche qui devrait reposer donc sur sept conditions : un, consulter l'ensemble des parties prenantes, au premier chef, l'ordre des CPA; deuxièmement, respecter les règles de gouvernance et le rôle fondamental du conseil d'administration de l'entreprise, comme le réclament, d'ailleurs, l'IGOPP, l'IAIS et le CCRC dans leurs mémoires et lettres déposés à cette commission; troisièmement, ne pas court-circuiter et substituer les normes d'audit, qui sont maintenant internationales et auxquelles adhèrent 130 pays, dont le Canada; quatrièmement, favoriser la dénonciation préalable par des canaux internes comme notamment le prévoit la norme NOCLAR, qui est «non-compliance with laws and regulations», qui a été adoptée par l'IFAC, dont le Canada est membre, et 130 pays, dont ceux de l'Union européenne et du Commonwealth, à la demande même des autorités de réglementation et des investisseurs; cinquièmement, de définir le processus à suivre par le dénonciateur; sixièmement, définir la gravité des manquements; et enfin assurer l'immunité dont doit bénéficier le CPA.

Nous sommes d'avis que ne pas respecter les normes NOCLAR, qui sont déjà prévues dans les normes... de prendre effet l'an prochain, va vraiment désavantager économiquement le Québec sur un plan non seulement canadien, mais international.

La réflexion qui a été faite ici est un juste équilibre entre les préoccupations qu'on vous a présentées. Alors, je vous remercie et il me fera plaisir de prendre vos questions, évidemment.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup. Alors, mesdames, bonjour. Merci d'être là, de partager vos enjeux, vos préoccupations.

Peut-être, en commençant, je vous dirais que ce serait un peu difficile pour nous de vous consulter de façon très précise avant le dépôt du projet de loi parce que ce serait un peu un outrage au Parlement. On vous a consultés de façon générale, oui. Mais, pour ce qui est des détails du projet de loi, c'est après l'avoir déposé qu'on peut avoir ces échanges-là. Je comprends qu'il y a certains enjeux qui vous préoccupent. On va certainement y réfléchir pour voir s'il y a une façon de les adresser.

La question de la dénonciation, et donc de la levée du secret professionnel, ça a été longuement discuté entre nous, et surtout ça a été longuement discuté dans le contexte... On avait aussi parlé de ces choses-là lors d'une discussion du projet de loi n° 87. C'est ça, 87? Je n'ai pas le numéro. Le n° 87, donc, le projet de loi sur les lanceurs d'alerte, nous, on avait déjà parlé de la nécessité de lever le secret professionnel pour, en fin de compte, protéger les délateurs, protéger les lanceurs d'alerte.

Alors, ici, dans ce projet de loi, ce qu'on fait à cet égard-là, c'est par souci d'harmonisation ou de continuité avec ce qui a déjà été fait. Alors, je comprends que c'est... C'est ça, vous n'êtes pas nécessairement à l'aise avec ça, mais vous n'étiez déjà pas très à l'aise avec la levée du secret quand on a parlé du projet de loi n° 87. Donc, on a une certaine cohérence entre les différents projets de loi et c'est pour ça qu'on a fait ça ici aussi. Bon, on va voir si on peut amener certaines précisions. C'est clair que nous, on ne va pas... on n'est pas intéressés... On ne veut pas avoir une situation où il y aurait toutes sortes de dénonciations frivoles. Ce n'est pas ça du tout, là... Donc, en effet, nous, ce qu'on a en tête, c'est que ce qui devrait être dénoncé, ce sont des infractions graves ou susceptibles d'entraîner un préjudice important. Ce n'est pas dans notre intention d'ouvrir la porte à un peu tout et n'importe quoi.

Donc, c'est ça, on va continuer d'analyser les questions à la lumière de votre mémoire pour voir s'il y a des ajustements qu'on doit faire. On travaillera sur ça. Mais là où j'aimerais vous entendre un peu, c'est... Vous parliez tantôt que ça créerait, si on ne change pas ce qu'on a ici, une espèce de... une situation où les comptables au Québec seraient dans une situation beaucoup plus problématique vis-à-vis vos confrères dans les autres provinces canadiennes. Pouvez-vous nous expliquer un peu plus qu'est-ce que... plus concrètement?

Mme Mottard (Geneviève) : Certainement. D'abord, je suis très heureuse d'apprendre que ce n'était pas l'intention du législateur d'ouvrir à des dénonciations que je vais dire mineures. Donc, nous, notre recommandation, ça va être de préciser dans le projet de loi les conditions sous lesquelles un CPA devrait faire une dénonciation, c'est-à-dire qu'il y a un préjudice financier important, une fraude, bon. Alors, là-dessus, on s'entend totalement. Je dois vous dire d'emblée qu'on n'est pas contre, hein, la levée du secret professionnel du tout, mais c'est dans des situations qui le justifient, d'où l'importance, je pense, d'apporter les précisions que vous mentionnez, M. le ministre, à ce sujet-là.

Sur la question de la cohérence législative, je pense qu'il faut mesurer, et ça va répondre à votre deuxième préoccupation, le risque d'avoir une incohérence entre deux lois du Québec et une incohérence du Québec versus le Canada et versus l'international. Et les réflexions... Le commentaire que je vous faisais tantôt, c'est que le restant du monde, dont l'Ontario maintenant, a balisé les circonstances dans lesquelles une dénonciation doit être faite, menant à la levée du secret professionnel.

Et il y a deux, je vais dire, grandes conditions. Un, c'est qu'il y a un degré de gravité. Alors, ça reprend vos propos où il y a un degré de gravité, donc que ça va avoir un impact important au niveau des états financiers, ça va avoir un impact important au niveau d'un préjudice financier aux investisseurs. Ça, c'est les premières conditions. Les deuxièmes, c'est que ce processus-là doit se faire premièrement à l'interne, et pour ne pas court-circuiter les mécanismes de gouvernance qui existent déjà à ce sujet-là, notamment par le rôle du comité d'audit et par le rôle du conseil d'administration. Et ça, je vous invite à lire le mémoire de l'Institut des administrateurs de sociétés du Québec, qui explique très bien cette problématique-là.

Donc, la dénonciation doit, en premier, passer par un processus externe... et que, si celui-là n'aboutit pas, oui, on est d'accord à ce qu'il y ait à ce moment-là dénonciation à l'externe, mais toujours en respectant la première prémisse de base qu'il y a un préjudice important, grave, ou un impact important sur les états financiers.

M. Leitão : Pour bien comprendre, donc, vous, vous suggérez que la dénonciation se fasse d'abord à l'interne. C'est ça?

Mme Mottard (Geneviève) : Oui, tout à fait.

M. Leitão : O.K., parce que vous avez dit...

Mme Mottard (Geneviève) : Et, c'est ça, la réflexion qui a été faite, à laquelle les normes canadiennes vont s'harmoniser cette année, prévoit ce mécanisme à l'interne et ensuite à l'externe si ces mécanismes-là n'ont pas abouti.

M. Leitão : Excusez-moi, mais, dans le cas, donc, d'un événement grave, dans un souci d'agir rapidement, pourquoi est-ce que le comptable, le CPA, ne pourrait pas s'adresser directement à l'AMF avant de passer par le mécanisme interne?

Mme Mottard (Geneviève) : Parce qu'en fait vous court-circuitez les mécanismes de gouvernance et les normes professionnelles qui existent à ce sujet-là. Et c'est exactement ça, la réflexion, après cinq ans d'efforts qui ont été faits, à l'international. Si un CPA voit un acte, un préjudice financier grave et une faute grave, je peux vous garantir qu'un conseil d'administration ne devrait pas rester assis là-dessus très, très longtemps. Et un CPA, je pense, est un professionnel qui va porter un jugement, de dire : Si, après 24 heures que je rapporte une faute majeure, rien ne s'est passé... Peut-être, à ce moment-là, qu'il prendra la décision d'aller à l'externe, mais il ne faut pas court-circuiter les rôles qu'on donne aux personnes qui sont responsables de la gouvernance. La différence ici, M. le ministre, par rapport à 87, c'est qu'on parle de sociétés publiques, alors c'est majeur. Ce n'est pas nécessairement dans le cas de malversations, où là on fait affaire à l'État. Vous avez un public investisseur ici.

Donc, la cohérence législation... Je le comprends très bien, votre point, mais, je pense, c'est plus important d'être cohérent économiquement parlant pour ne pas désavantager les CPA du Québec, qui auront un peu toujours cette épée de Damoclès là sur la tête. Est-ce que les sociétés, à ce moment-là, vont être moins transparentes envers leur CPA parce qu'il va toujours y avoir le risque que le CPA pourrait aller dénoncer?

• (16 h 30) •

M. Leitão : Je comprends votre point. Mais vous ne pensez pas que ça serait plus simple pour le CPA d'avoir cette possibilité d'aller directement? Parce que, là, il ou elle peut se trouver dans une situation un peu complexe où il se rend compte qu'il y a un manquement très grave, il ne peut pas aller directement à l'autorité réglementaire, il doit attendre que ça se fasse à l'interne d'abord. On peut le lui reprocher plus tard : Bien, tu aurais dû, tu étais au courant, tu aurais dû. Vous ne voyez pas là un risque aussi?

Mme Mottard (Geneviève) : J'aimerais vous rappeler que le CPA ici, dans le projet de loi, n'a pas l'obligation de dénoncer, hein? On l'encourage à dénoncer. Alors, ça amène l'effet pervers que vous venez exactement d'exposer, M. le ministre, c'est-à-dire qu'un CPA pourrait, parce qu'on ne lui a pas demandé de faire... cette obligation-là de ne pas dénoncer. Et, s'il ne dénonce pas, il ne bénéficie d'aucune immunité. Alors, si le CPA découvre une fraude grave et, pour des raisons... parce qu'il a peur de représailles, parce qu'il a peur de perdre son travail, ne dénonce pas et qu'un jour cette fraude-là, par exemple, est divulguée, le CPA ne bénéficie d'aucune immunité. Alors que, s'il va dénoncer, bien là, il aura une immunité. Alors, vous pouvez imaginer l'inconfort dans lequel vous allez mettre nos membres.

Encore une fois, on a des mécanismes de gouvernance. Il y a des normes qui légifèrent, si vous voulez, les comportements qu'un CPA doit faire devant une situation comme ça, et je pense qu'on ne doit pas les court-circuiter, à défaut de se camper un peu dans notre coin, tout seuls, au Québec.

M. Leitão : O.K., très bien.

Mme Brizard (Christiane) : M. le ministre, si vous me permettez...

M. Leitão : Oui, certainement.

Mme Brizard (Christiane) : Il y a aussi des exemples américains et le NOCLAR où, dans les situations telles que vous décrivez, il y a urgence à dénoncer. Parce qu'on parle d'une situation grave, il y a des mécanismes prévus, dans ces dispositions-là, où il y a des délais à respecter, c'est-à-dire qu'on tente de le régler à l'interne, mais il y a des délais très, très courts où, quand ça devient évident qu'à l'interne ça ne se réglera pas, à ce moment-là, on autorise immédiatement la dénonciation à l'externe. Mais tout ça, comme dit Mme Mottard, c'est balisé, et à ce moment-là le professionnel sait ce qu'il doit faire, quand, comment, pourquoi. On ne laisse pas place à l'arbitraire, on ne laisse pas place à une incertitude pour le professionnel.

M. Leitão : Très bien. Merci. Je voudrais vous amener maintenant sur un autre enjeu qui vous concerne, je pense, directement, mais vous ne l'avez pas abordé dans votre mémoire, mais ça a été abordé ici, dans un autre contexte, c'est la notion de conseil. Et on a entendu, soit de la part des groupes qui représentent les courtiers en immobilier comme aussi les courtiers en assurance, que la notion de courtage devrait être assez large pour inclure aussi la notion de conseil et que, donc, seulement les courtiers certifiés seraient autorisés à fournir des conseils. Moi, il me semble que, justement, les comptables, c'est un peu votre ADN de donner des conseils. Alors, comment est-ce que vous voyez ça? Est-ce que ça serait une... Ça rendrait, il me semble, votre vie assez complexe.

Mme Mottard (Geneviève) : Je vais demander à Me Brizard de répondre.

Mme Brizard (Christiane) : On a déjà fait valoir notre point de vue au ministre des Finances, dans le cadre de la première consultation en matière de loi sur le courtage puis de description de la définition d'activité de courtage, et on le mettait en garde justement de vouloir réserver l'activité de conseil dans l'activité de courtage. Au niveau des ordres professionnels, dans les 46 ordres professionnels, plusieurs des ordres avaient fait... ont déjà fait des démarches pour se faire réserver l'activité de conseil, et, dans aucun de ces ordres-là, l'activité de conseil n'est-elle réservée, justement à cause des difficultés, de l'arbitraire, du flou artistique que peut amener de définir ce qu'est l'activité de conseil.

On va prendre comme exemple la Loi sur les CPA. L'article 4 définit le champ d'exercice ainsi que l'activité réservée. Le champ d'exercice, c'est très large, et on prévoit, dans le champ d'exercice, qu'il y a une activité de conseil. Pourquoi on prévoit ça? Pour permettre d'appliquer le code de déontologie, tous les règlements d'encadrement qui nous permettent de réguler à la fois l'activité de services particuliers et l'activité de conseil. Mais, dans l'activité qui nous est réservée, qui est la certification, l'activité de conseil n'apparaît pas, et c'est la même chose pour les 45 autres ordres professionnels.

M. Leitão : Très bien. Merci. Écoutez, pour moi, c'est tout. Je ne sais pas si vous avez des questions, les collègues. Non? Alors, ce serait tout pour moi. Merci beaucoup de votre participation.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. le ministre. Maintenant, la parole est au représentant de l'opposition officielle, député de Rousseau.

M. Marceau : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour... ou bonsoir, mesdames — à cette heure-ci. Bien, merci pour votre mémoire. Peut-être des questions... juste revenir sur la question du seuil de gravité pour la... enfin, pour qu'on se mette à dénoncer. Comment c'est formulé ailleurs? Parce que vous nous disiez que ça existe ailleurs, là. Comment on le formule, le seuil de gravité? C'est un impact sur, je ne sais pas, moi, la valeur des actions d'entreprises? Ou, enfin, je vous laisse développer là-dessus, s'il vous plaît, pour qu'on en sache plus.

Mme Mottard (Geneviève) : Les deux grandes lignes qui sont utilisées dans la définition internationale sont au niveau d'avoir un impact important en vertu des normes d'audit et de comptabilité sur les états financiers. Donc, c'est-à-dire qu'un auditeur fait le constat que l'état financier qui lui est présenté par la direction ne représente pas de façon juste les chiffres ou les divulgations qu'il devrait y avoir et que ce manquement-là, cette erreur-là est importante au jugement que porterait quelqu'un en lisant les états financiers. Ça, c'est le premier constat, le premier critère.

Le deuxième, c'est quand ça met en péril la continuité d'exploitation de la société. C'est-à-dire que l'auditeur fait un constat que, dans un délai à l'intérieur d'un an — et, encore une fois, ça aussi, c'est balisé dans les normes — la société va visiblement avoir de la difficulté à continuer ses opérations, payer ses créanciers et payer ses employés.

Alors, c'est à l'intérieur de ces grandes lignes là. Et le CPA, à ce moment-là, dit : Bien, s'il y a une erreur majeure dans les états financiers, et les gens s'appuient sur cet état financier là pour faire une décision, investir, et qu'il y a... et/ou, surtout ou, il y a un doute important quant à la continuité d'exploitation de cette société-là, eh bien, là, ça, ça devient, donc, des éléments qui créent un préjudice financier important au public investisseur. Et c'est dans ces cas-là que la norme dit qu'il devrait y avoir dénonciation.

M. Marceau : Puis ça, ça existe, mettons, en Ontario?

Mme Mottard (Geneviève) : Oui, ça existe en Ontario et ça va exister au Canada aussi une fois que le Canada se sera harmonisé aux normes internationales qui ont été réfléchies à ce sujet-là.

M. Marceau : O.K.

Mme Brizard (Christiane) : En fait, en Ontario, on utilise le critère «serious violation», donc on a la gravité. Dans le reste du monde, on va dans beaucoup plus de détails sur la précision, sur le critère de gravité. Mais, si vous voulez, on pourra vous fournir l'information.

M. Marceau : Surtout à l'équipe du ministre, pour qu'ils puissent...

Mme Mottard (Geneviève) : Mais ça respecte essentiellement les deux grands principes que je vous explique, oui.

M. Marceau : Oui. Bien je comprends le principe, là. O.K. O.K. Sur la question que vous abordiez aussi avec le ministre, sur la question de la dénonciation puis de l'urgence, là, qu'il pouvait y avoir, on peut... Vous disiez qu'il y avait des balises qui faisaient en sorte que, bon, dans des situations extrêmement urgentes ou extrêmement graves, là, il y a moyen peut-être de passer outre le mécanisme interne. Quand, par exemple, il y a une fraude qui a été concoctée par, je ne sais pas, la moitié des membres du conseil d'administration, mettons, là, on s'entend que... j'imagine qu'il va y avoir des balises aussi concernant l'identité des personnes autour de la table, puis qui a concocté la fraude, puis qui l'a... Est-ce que ça existe, ça?

Mme Mottard (Geneviève) : Oui, tout à fait, c'est aussi réfléchi dans la norme internationale, où le CPA doit se poser la question : Qui est à la source de la problématique qu'il a relevée? Et, dans le cas où c'est le conseil d'administration, là, il y a des dispositions pour aller envers les régulateurs.

M. Marceau : On s'entend.

Mme Mottard (Geneviève) : Tout à fait.

M. Marceau : Parce qu'il y a des fois où on ne veut pas que le responsable de la fraude sache qu'on sait qu'il a commis une fraude.

Mme Mottard (Geneviève) : Certainement. Bien sûr.

M. Marceau : O.K. O.K. Bon. Puis je vais revenir aussi à votre commentaire sur les responsabilités de l'auditeur. Vous nous disiez que, donc, il est prévu présentement que l'auditeur modifie les états financiers, s'il constate une irrégularité, alors qu'évidemment... vous le disiez, ça n'appartient pas... Est-ce que ça existe ailleurs, ça, des auditeurs qui doivent modifier des états financiers?

Mme Mottard (Geneviève) : Non, parce que les lois... les normes internationales en matière d'audit demandent une indépendance de l'auditeur. Donc, l'auditeur ne peut pas modifier les états financiers et ensuite émettre une opinion. Donc, non, ça n'existe nulle part ailleurs.

• (16 h 40) •

M. Marceau : O.K. Donc, ça, je pense que ça... j'imagine que c'est clair et bien compris. Vous avez évoqué, dans votre discussion aussi, la lettre des administrateurs de sociétés, puis, bon, ils ne sont pas présents. Alors, peut-être vous donner la parole, puis peut-être parler aussi en leur nom sur les comités des conseils d'administration, puis la responsabilité des comités, puis l'imputabilité, dans le fond, fondamentale du conseil d'administration. Est-ce que vous voulez peut-être nous dire en deux minutes ce qu'il en est?

Mme Mottard (Geneviève) : Oui, très brièvement. Le point que l'Institut des administrateurs amène, c'est que le projet de loi, dans la façon dont il est rédigé maintenant, créerait essentiellement deux catégories d'administrateurs, où on mandaterait un sous-groupe du conseil d'administration de devenir un peu, je vais appeler... l'organisme de chien de garde, à qui on irait confier les fraudes, les malversations, et ces administrateurs-là n'auraient pas la possibilité d'interagir avec l'ensemble du conseil. Alors, on va créer deux camps, mais, surtout, on va briser la confiance entre les membres du conseil d'administration, qui doit exister pour exercer la bonne gouvernance sur une société.

Donc, on questionnait la légitimité de vouloir aller créer deux catégories d'administrateurs, alors que la responsabilité de voir à la bonne gouvernance d'une société, de s'assurer que ce qu'on fait, c'est dans les lois, qu'il n'y a pas de fraude majeure, incombe à l'ensemble du conseil d'administration et non pas un groupe en particulier. Et j'essaie de me mettre dans les pieds d'un administrateur qui siège autour de cette table-là, ne pas savoir tout ce qui se passe à l'intérieur de ma société, je pense que ça causerait un inconfort, et là on va briser la confiance entre les membres du comité, qui est essentielle dans l'exercice de leurs fonctions.

M. Marceau : Puis il y avait aussi la question, mettons, du code de déontologie qui pourrait être adopté par le comité, plutôt que simplement suggéré au conseil, là. Je vous laisse commenter.

Mme Mottard (Geneviève) : Bien, encore une fois, la bonne gouvernance d'une société passe par un code de déontologie qui doit être entériné par l'ensemble des administrateurs du conseil d'administration. Alors, encore une fois, pourquoi camper ça dans un sous-groupe versus l'ensemble du conseil? On n'y voyait pas la pertinence.

M. Marceau : Bien. Merci pour vos commentaires. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au représentant du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Granby.

M. Bonnardel : Merci, Mme la Présidente. Mesdames, bienvenue. À la page 10 de votre mémoire, moi aussi, j'y vais un petit peu sur la dénonciation dans le secteur financier, là, vous parlez, puis je vous cite, là : «Suivant la tendance lourde observée à l'extérieur du Québec et partout ailleurs dans le monde, l'ouverture à la dénonciation par un CPA à une autorité externe est limitée à des manquements dont la gravité est susceptible d'avoir un impact sur les états financiers ou sur la continuité de l'exploitation de l'entreprise, et elle est clairement balisée.» Vous dites : On doit s'arrimer aux pratiques chez nos voisins. En quoi une dénonciation non balisée va avoir des effets qui vont être susceptibles... ou pervers face à ce que quelqu'un souhaite dénoncer, une malversation, là?

Mme Mottard (Geneviève) : Bien, nous, on est partis de la prémisse que ce que le législateur veut, c'est une dénonciation de qualité. Ce qu'on veut, c'est de s'assurer que ce qu'on va aller dénoncer a un impact important. Si on ne balise pas cet exercice-là, on va mettre le CPA dans une position où on va l'encourager à aller dénoncer tout et n'importe quoi. Et il peut y avoir, dans le cadre d'une opération d'une entreprise, toutes sortes d'exigences en matière de conformité à des lois de l'AMF qui sont administratives.

Puis je peux prendre l'exemple, par exemple, là, si vous êtes une société d'équité privée, vous devez, trimestriellement, soumettre un formulaire qui vous demande de faire état de votre fonds de roulement excessif... c'est-à-dire en excédance. Alors, est-ce qu'on va demander aux CPA d'appeler l'AMF à chaque fois qu'une société va être en retard de deux jours, d'envoyer ce formulaire-là? Alors, sans baliser, ça devient... où l'AMF va être, à notre avis, submergée de dénonciations qui sont, certaines, probablement importantes et d'autres qui ne le seront pas. Et, à ce moment-là, comment faire la part des choses?

Nous, on partait de la prémisse que ce que M. le ministre cherchait, ce que le législateur cherchait, c'est d'avoir des dénonciations de qualité et pas toutes sortes de dénonciations que je vais appeler sur des modalités administratives. Vous pouvez demander... imaginer le temps et l'argent que ça va prendre à l'AMF de gérer toutes ces dénonciations-là et ensuite aux sociétés de devoir répondre aux interrogations de l'AMF sur toutes sortes de processus administratifs, par exemple.

M. Bonnardel : Donc, on se base déjà sur des normes nord-américaines, internationales, on balise, on met ça en place. Ça prend combien de temps?

Mme Mottard (Geneviève) : Bien, au Canada... Comme je vous dis, il y a eu déjà cinq ans de réflexion qui a été faite à l'international pour tous les pays qui sont membres de l'Institut... the International Federation of Accountants, dont fait partie le Canada. La réflexion, elle est faite, et le Canada a déjà accepté d'entériner les principes de ces normes-là dès cette année, en décembre 2018. Alors, moi, je vous dis, d'ici, là, 12 mois, 18 mois, c'est déjà mis en place ici.

Mme Brizard (Christiane) : Mais ça prendra une modification législative si on veut passer outre au secret professionnel. Donc, il va falloir quand même avoir une modification législative.

M. Bonnardel : Puis ça avez-vous déjà eu ces discussions avec l'AMF?

Mme Mottard (Geneviève) : Oui. Ça a fait partie des discussions qu'on a eues avec l'AMF sur le balisage de la dénonciation, effectivement.

M. Bonnardel : Et eux reçoivent ça? Ou il y a un canal de communication qui va bien?

Mme Mottard (Geneviève) : Je peux vous dire qu'on travaille très bien avec l'AMF lorsqu'on nous consulte. Quand on a des dossiers communs, c'est un travail qui est productif. Et je comprends aujourd'hui qu'il y a déjà un travail qui est fait avec l'AMF avec notre consultation, d'où mon commentaire à M. le ministre qu'on espère que ça ne sera pas en vain et qu'on sera entendus sur ces points-là.

M. Bonnardel : O.K. Une dernière petite question. À la page 17, vous dites, à l'article 28.70 : «L'auditeur qui prend connaissance ou est informé d'une erreur ou d'un renseignement inexact et, selon lui, important dans les états financiers qu'il a audités, doit en informer le conseil d'administration. Il peut — on en a déjà parlé, là — modifier l'état financier s'il le juge nécessaire.» Vous dites que ça va à l'encontre des normes et du code de déontologie des CPA.

Mme Mottard (Geneviève) : Oui.

M. Bonnardel : Je ne sais pas, là... C'est extrêmement grave, ce que vous... ce que le gouvernement demande aux jurisconsultes, juricomptables, peu importe, là, aux CPA, de dire : Je vois un manquement puis je peux modifier l'état financier, qui, logiquement, appartient à la société «first».

Mme Mottard (Geneviève) : En fait, l'état financier n'appartient qu'à la société, il n'appartient absolument pas à l'auditeur, vous avez tout à fait raison. Et ce n'est pas dans le mandat d'un auditeur, ni en vertu de ses normes ni en vertu de son code de déontologie, de pouvoir modifier les états financiers. Ce que je comprends, ici, c'est qu'il y a potentiellement eu confusion des rôles ou des genres où, dans certains cas, un actuaire, pour une opinion qui est autre qu'un état financier, peut faire certaines modifications. Mais ce n'est totalement pas le rôle d'un auditeur dans un état financier. Et ça irait à l'encontre de ses normes et à l'encontre des règlements de l'ordre de pouvoir les modifier.

M. Bonnardel : Puis ça ne se fait pas ailleurs nulle part dans le monde?

Mme Mottard (Geneviève) : Nulle part dans le monde.

M. Bonnardel : On serait les seuls à dire : Toi, le juri, tu fais ta vérification, tu avises le C.A., puis, si le CPA s'est trompé, ou peu importe, là, ça va...

La Présidente (Mme de Santis) : Une minute.

M. Bonnardel : Ça revient sur lui aussi, là.

Mme Mottard (Geneviève) : Oui, on serait effectivement les seuls dans le monde. Encore une fois, ça va contre les normes qui sont adoptées à l'international. Alors, oui, on serait les seuls à avoir cette disposition-là.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Merci, Mme Mottard et Me Brizard, d'avoir contribué aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux Représentants du regroupement de cabinets de comptables de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 48)

(Reprise à 16 h 50)

La Présidente (Mme de Santis) : Alors, nous allons reprendre nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Regroupement de cabinets de comptables. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, ensuite nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et ensuite commencer votre exposé. Bienvenue.

Ernst & Young, PricewaterhouseCoopers, Deloitte SENCRL/SRL,
KPMG SRL/SENCRL et Raymond Chabot Grant Thornton

M. Côté (Alain) : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à tous. Alors, on se présente : Martin Deschênes, mon collègue de Raymond Chabot Grant Thornton, et moi, Alain Côté, de chez Deloitte. Et nous sommes ici pour représenter les cinq cabinets de services professionnels qui sont nommés dans notre mémoire. Alors, on remercie la commission de nous donner l'opportunité de présenter les éléments clés de notre mémoire.

Et, compte tenu du temps qui nous est accordé, nous couvrirons essentiellement un sujet, soit la possibilité de dénonciation, à 17.0.1. On vient d'en discuter il y a quelques minutes, mais on peut encore prendre un peu de temps.

Ceci dit, en ce qui a trait aux dispositions visant le rôle des auditeurs des sociétés d'assurance, de fiducie et de dépôt, nous faisons nôtres les commentaires qui ont été émis par l'ordre, il y a quelques minutes, dans leur... et ce qui est compris dans leur mémoire. Les questions sont aussi importantes que celles qu'on va couvrir maintenant, soit celles de la dénonciation.

Alors, Martin et moi, on est ici pour apporter des critiques constructives sur le sujet de la dénonciation, réalisant premièrement que nous sommes directement visés par le sujet, mais surtout que nous sommes les mieux placés pour commenter. D'entrée de jeu, sachez que nous ne sommes pas contre le principe de la dénonciation. En fait, nous comprenons et acceptons le principe de la dénonciation, à condition qu'il soit encadré correctement.

La problématique que nous voyons avec 17.0.1 est que le CPA est relevé de toutes ses obligations professionnelles de confidentialité et de loyauté ainsi que du secret professionnel afin de l'encourager à dénoncer tout manquement — on dit «tout manquement» — commis ou sur le point de l'être, à une loi sous l'administration de l'AMF. Il n'y a donc aucun encadrement sur une série d'éléments. Par exemple, aucun encadrement sur la gravité du manquement. Est-ce qu'on parle des choses importantes ou pas? J'ai entendu le ministre mentionner que l'objectif, c'est des choses importantes, mais il n'y a rien de balisé. Donc, je pense qu'on peut essayer d'améliorer à ce niveau-là.

Aucun encadrement sur la gravité du préjudice. Est-ce qu'il y a des conséquences ou non pour un tiers? Est-ce que c'est simplement un manquement théorique ou il y a véritablement des conséquences? Aucun encadrement sur les manquements corrigés. Donc, une compagnie qui dénote un manquement, prend la peine de corriger, est-ce qu'on s'attend à ce que tous ces manquements, corrigés ou non, soient dénoncés?

Il n'y a aucun encadrement sur la nécessité d'escalader la question de non-conformité potentielle auprès de la direction, de dire : On by-passe la direction, on by-passe les normes de gouvernance qui existent déjà dans les règles des... Commission des valeurs mobilières. Et, selon nous, il n'y a aucun encadrement sur comment cette information sera utilisée ou serait utilisée une fois qu'elle aura été communiquée. Est-ce qu'on perd la protection du secret professionnel... du secret de l'information, une fois qu'elle est utilisée? Ce n'est pas clair. Je ne suis pas juriste non plus, mais les juristes consultés m'ont dit que ce n'est pas évident.

Alors, je prévois déjà votre première question. Et vous allez me dire : Mais oui, mais le C.A. n'est pas obligé de dénoncer, on utilise le mot «peut». C'est vrai, mais il y a un danger ici. Certains pourraient voir dans l'article 17.0.1 un standard de conduite pour le professionnel prudent et diligent pour dénoncer toute non-conformité. Donc, un professionnel pourrait juger prudent de tout dénoncer, vu qu'il n'y a plus de secret professionnel à respecter, afin d'éviter toute possibilité de responsabilité et de chercher une protection contre les recours civils, ou autres.

Pour nous, il est nécessaire de baliser la dénonciation à l'externe pour un CPA, et c'est pour ça que nous vous demandons de retirer de l'article 17.0.1 la levée du secret professionnel et des autres obligations de déontologie des C.A., mais simplement le temps d'apporter les balises appropriées. Sinon, sans balise, la notion de dénonciation perd tout son sens.

Ceci dit, on veut faire partie de la solution, et nous vous offrons notre collaboration pour en arriver avec une solution qui va rencontrer vos attentes et celles de la profession. Étant la contrepartie visée par ces mesures, nous, les cabinets, par l'intermédiaire de notre ordre professionnel, on aurait apprécié être consultés sur ces questions. Nous avons des solutions à proposer, puisque la profession, comme l'a indiqué Mme Mottard, s'est déjà penchée sur ce sujet-là depuis déjà quelques années. En fait, cette question a été étudiée, comme l'a mentionné Mme Mottard, par l'IFAC. L'IFAC regroupe 175 membres, dont CPA Canada. Et je peux témoigner personnellement du rôle joué par la profession canadienne dans cet organisme. On a un poids énorme en termes d'influence.

Alors, de façon pratique, les paramètres sont proposés aux pays membres de l'IFAC pour encadrer la dénonciation. On ne peut donc pas dénoncer n'importe quoi, dénoncer n'importe quand ou dénoncer n'importe comment. On parle ici de dénonciation de qualité, pertinente et qui mérite des suivis.

Nous avons remarqué que l'article 17.0.1 reprend presque intégralement des dispositions sur la dénonciation que vous avez récemment adoptées dans d'autres lois. Par contre, je vous rappelle que ces lois portaient principalement sur la dénonciation d'organismes gouvernementaux ou reliés au gouvernement. On parle ici non pas de dénonciation de villes ou d'organismes du gouvernement, mais de sociétés cotées, notamment, avec toutes les conséquences qu'une dénonciation peut avoir sur les marchés financiers.

Alors, c'est de ça dont on parle ici et c'est exactement la réflexion qui est engagée avec CPA Canada sur ces normes. Alors, pourquoi ne pas simplement travailler avec nous et faire un examen de ces normes pour en arriver à des propositions d'amendements à la loi qui instaureraient un régime clair : Encadrement à la dénonciation à un professionnel externe? C'est l'invitation qu'on vous fait. Martin.

M. Deschênes (Martin) : En pratique, nous travaillons de concert avec nos clients afin de corriger des situations de non-conformité. On fait ça à tous les jours, à toutes les semaines. On est formés, on est outillés pour aider nos clients dans le respect des normes et des règlements, quand on prend le rôle de CPA auditeur, particulièrement, qui est un rôle aussi extrêmement important, un rôle de protéger le public, protéger les utilisateurs des états financiers qui sont notamment les actionnaires, les investisseurs potentiels, les créanciers et même le gouvernement.

Mais, pour que le CPA auditeur puisse jouer son rôle adéquatement, réaliser sa mission, c'est extrêmement important qu'il puisse compter sur une collaboration de son client, une communication transparente. Il doit en fait avoir accès à toute l'information.

Nous croyons fermement que la levée du secret professionnel telle que stipulée à l'article 17.0.1 serait un frein majeur à la transparence des communications entre le client et son auditeur, viendrait également réduire la capacité de l'auditeur à réaliser un audit des états financiers d'une façon adéquate et ultimement pourrait avoir un effet néfaste sur la protection du public.

Si on demande aux CPA de dénoncer toute forme de non-conformité, comme le dit mon collègue, que ce soit des non-conformités pour lesquelles il n'y a aucune gravité ou des non-conformités qui ont été corrigées, il peut y avoir des conséquences importantes pour les entreprises, et, pire encore, ces entreprises pourraient être découragées à maintenir la relation de confiance, une communication continue avec son auditeur, ce qui serait extrêmement néfaste.

Mettre en place l'article 17.0.1, nous croyons qu'il peut y avoir d'autres effets pervers. Isoler le Québec, notamment. Je ne veux pas faire peur à personne, mais effectivement on pourrait se retrouver dans une situation où on s'isole complètement du reste du monde et des autres provinces canadiennes.

On sait que, d'un point de vue économique, c'est extrêmement important d'avoir des normes harmonisées. Alors, cet aspect-là nous inquiète beaucoup. Ça pourrait inciter des entreprises québécoises à mettre des stratégies en place pour détourner l'application de ce règlement. Pire, ça pourrait mettre... en fait, ça pourrait décourager des entreprises québécoises privées qui sont en très forte croissance à ne pas utiliser des sources de financement, le capital public, comme l'ont fait les Alimentation Couche-Tard, les CGI, un paquet de... des Transcontinental, les Dollarama, qu'ils ont fait pour justement supporter leur croissance.

En lien avec la question du ministre, tout à l'heure, j'aimerais mentionner rapidement qu'il y a des normes qui existent déjà et qui dictent quoi faire à l'auditeur dans des cas de non-conformité graves. Donc, l'auditeur doit soit mettre une réserve à son rapport de l'auditeur, soit émettre une opinion défavorable sur les états financiers ou, dans des cas très graves, mettons de fraude, se retirer du mandat. Mais, dans les trois cas, c'est une information qui est publique, et tant l'AMF que le public seraient informés de cette situation-là. Donc, oui, il faut quand même suivre les normes et escalader à l'interne, mais, pour répondre plus spécifiquement à la question du ministre, l'AMF et le public se retrouveraient quand même informés.

Comme mon collègue l'a dit, nous comprenons tout à fait que, dans des situations particulières de non-conformité graves avec des conséquences financières, il serait pertinent de lever le secret professionnel. Il faut baliser, il faut encadrer la dénonciation, il faut le faire pour que ce soit...

La Présidente (Mme de Santis) : Une minute.

• (17 heures) •

M. Deschênes (Martin) : ... efficace et qu'on atteint l'objectif qui est recherché. Mon collègue l'a dit, nous sommes prêts à participer à cette réflexion. Il n'y a pas de vide réglementaire, comme je vous l'ai dit. Il y a déjà des normes qui adressent des non-conformités importantes. Prenons le temps d'avoir cette réflexion.

En conclusion, si vous permettez, j'aimerais mentionner que le Conseil canadien de la reddition des comptes, qui est un organisme complètement indépendant, extrêmement important pour les marchés financiers, qui a été créé d'ailleurs en 2002 ou en 2003, qui avait comme mission et qui a encore la mission de rehausser la confiance du public envers les marchés financiers, alors cet organisme-là, son rôle principal, c'est de surveiller les auditeurs. C'est la police de la police, et cet organisme-là est tout à fait d'accord avec les conclusions auxquelles nous arrivons, que, pour l'instant, on ne devrait pas lever le secret professionnel. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. La parole est à vous, M. le ministre.

M. Leitão : Très bien. Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Côté, M. Deschênes, bonjour. Merci d'être là, de nous avoir fait part de votre problématique en ce qui concerne la levée du secret professionnel, comme on avait discuté avec l'ordre des comptables juste avant.

Évidemment, notre objectif n'est pas de promouvoir la dénonciation de toutes sortes d'événements mineurs. Nous, on veut vraiment favoriser un processus où le professionnel, dans son propre intérêt, pourrait dénoncer rapidement des situations graves, des infractions graves entraînant un préjudice important pour les investisseurs. Donc, s'il faut mieux préciser ça, on va le faire, on travaillera avec vous pour mieux préciser ça. Bien sûr, nous, on ne veut pas... je comprends très bien la problématique. Si on s'éloigne beaucoup trop de ce qui se fait, ailleurs au Canada et aux États-Unis, ce ne serait pas tout à fait souhaitable que cela arrive.

Mais, en même temps, nous vivons dans des temps un peu complexes, où il y a beaucoup de cynisme ambiant, et chaque fois qu'on... on n'a qu'à mentionner le terme «secret professionnel», on voit toutes sortes de complots qui se cachent derrière ça, et donc vous comprenez un peu notre position où, d'un côté, on comprend la nécessité d'être harmonisé avec la réglementation internationale, ce qui est... les pratiques courantes internationales, mais, en même temps, on veut renforcer la confiance du public dans nos institutions. Et, si maintenant on est capables de lever le secret bancaire, beaucoup de personnes se posent la question : Mais pourquoi est-ce qu'on continue de se cacher derrière le secret professionnel?

Je fais tout ce détour-là pour... peut-être que vous pourriez expliquer, à la commission et à ceux qui nous écoutent, pourquoi c'est nécessaire de maintenir le secret professionnel. Pourquoi est-ce que cette relation-là de confiance qui doit exister entre vous et vos clients, pourquoi est-ce que c'est important de la maintenir? Parce que, comme j'ai dit tantôt, il y a ce cynisme ambiant qui doute un peu de tout, alors est-ce que vous pourriez peut-être nous rassurer un peu?

M. Deschênes (Martin) : Je peux débuter. Vous avez raison pour l'harmonisation des normes entre les provinces puis ailleurs dans le monde, mais le secret professionnel est la base de la communication entre l'auditeur, notamment, l'auditeur et son client. Et ça lui permet effectivement d'avoir accès à toute l'information et à toute la communication et de corriger des cas de non-conformité s'il y a lieu, et ces corrections-là viennent protéger en même temps le public.

La chose qu'on veut éviter, si ce n'est pas suffisamment balisé puis encadré comme dénonciation, c'est de venir réduire cette communication-là, et ainsi de suite, et avoir un effet néfaste sur la qualité de l'audit, donc la protection du public. C'est pour ça que nous, on pense vraiment qu'un encadrement au niveau de la dénonciation ne serait pas un frein au travail de l'auditeur, mais... c'est fait actuellement, nous croyons que c'est un frein.

M. Leitão : Merci. Aussi, bon, la nécessité de maintenir ce secret professionnel là, comment l'interpréter dans le contexte où l'AMF, ou n'importe quelle autre autorité réglementaire, l'AMF, puisque c'est de ça qu'il s'agit ici, ne peut pas évidemment être présente partout. Déjà, il y a 700 personnes qui travaillent, et certains pensent que c'est déjà beaucoup trop. On ne va pas commenter là-dessus, mais évidemment l'AMF ne peut pas être partout, ne peut pas avoir des yeux partout, ne peut pas tout faire.

Donc, l'AMF et tout autre organisme réglementaire doit pouvoir compter sur des professionnels qui opèrent dans les entreprises, qu'ils soient un peu les yeux et les oreilles du régulateur. Comment vous voyez cette question-là?

M. Côté (Alain) : ...mais la question est fort pertinente, et la relation entre les auditeurs et l'AMF ne sera pas différente de celle entre les auditeurs et les autres organismes de réglementation à travers le monde, dans laquelle la levée du secret professionnel est permise dans des cas qui sont significatifs. En fait, vous avez mentionné que vous ne voulez pas avoir tout des dénonciations... parce qu'on est deux jours en retard dans la livraison d'un document ou parce qu'un document a été légèrement incomplet mais sans aucune conséquence, et on supporte ça.

Ce qu'on demande, c'est : Pourquoi ne pas le baliser avec le travail qui existe déjà, de... Si l'IFAC a été capable de s'entendre avec 175 juridictions sur la façon d'opérer, je suis pas mal convaincu que nous, on devrait être capable de s'entendre avec l'ordre professionnel, les instituts de réglementation au Canada, parce qu'on les a dans chacune des provinces, sur la façon d'opérer. Et on vous encourage à utiliser le travail qui existe déjà. Il existe et il est en place dans plusieurs pays. Le nôtre, ça va être en vigueur à la fin de décembre. Il y a des pays qui sont en vigueur depuis déjà juillet dernier. Donc, ça existe déjà.

Alors, ce qu'on dit, c'est : Balisons-le de la bonne façon. Et on n'est pas contre la dénonciation. Et, lorsqu'on aura quelque chose de très grave, si c'est grave pour nous quand on va le voir, ça veut dire que ça sera grave pour le management, ça va être grave pour le conseil. Il n'y aura pas beaucoup de temps à perdre jusqu'au moment où on dénoncera à l'AMF, dans la mesure où la société, par exemple, déciderait de ne rien faire. Alors, on est déjà dans une situation où on n'a jamais eu autant de matériel mis à la disposition des réglementaires canadiens, parce que le travail a été fait à l'international depuis déjà quatre ans. Alors, pourquoi ne pas avoir un effet de levier avec ce matériel et ainsi on va s'harmoniser? Je ne sais pas si ça répond bien à votre question, M. le ministre, mais...

M. Leitão : Oui.

M. Deschênes (Martin) : Si vous permettez, je peux ajouter, nous sommes d'accord de lever le secret professionnel pour faire des dénonciations de non-conformité importantes décelées dans le cadre de notre audit. Je vais reprendre votre expression, les yeux et les oreilles. Nous ne sommes pas des enquêteurs de l'AMF. Nous n'avons pas cette formation-là non plus, nous n'avons pas de normes et de règles à suivre pour agir avec le chapeau de l'AMF. Toutefois, effectivement, comme mon collègue le mentionne, si on fait face à des non-conformités qui sont majeures et que c'est balisé, nous ne sommes pas contre le fait d'avoir une dénonciation.

M. Leitão : O.K. Merci. Comme j'ai fait avec l'ordre qui était là avant vous, j'aimerais avoir un peu votre opinion, même si je n'en doute pas beaucoup, mais, juste pour que ce soit «on the record». Quelle est votre opinion quant à la prétention de certains groupes qu'il faut réserver l'activité de conseil, la réserver seulement à des courtiers certifiés et donc de ne pas permettre à d'autres professionnels, dans le cadre normal de leurs activités, de fournir des conseils? Je pense, pour un comptable, ça serait un peu compliqué de faire ça.

M. Côté (Alain) : Bien, écoutez, j'ai participé très, très étroitement à la fusion des trois ordres professionnels, et, à ce moment-là, vous savez qu'on a eu d'énormes discussions sur les travaux réservés ou les services réservés versus ceux qui ne sont pas réservés. On aurait adoré que vous permettiez aux CPA seulement de faire du conseil à travers le pays. On aurait adoré. Malheureusement, ce n'est pas ce qui a été décidé, et honnêtement je ne suis pas sûr que c'est un service à rendre au public en général de donner à un seul groupe la lumière sur la capacité de donner un bon conseil.

Alors, je n'ai pas lu, naturellement, tous les autres règlements, là, à l'intérieur de ce que projette 141, donc au niveau de cette particularité, mais ça a déjà été balisé. Nous, on donne déjà des conseils, et les conseils qu'on donne vont être régis par notre code de déontologie si on ne le fait pas comme il faut. Maintenant, laissons un petit peu le marché décider s'il décide d'utiliser nos services à nous ou les services de quelqu'un d'autre qui a un conseil. À ce moment-là... Mais, si vous voulez changer la loi et nous la redonner, on va être plus qu'heureux et on va s'en occuper très bien.

• (17 h 10) •

M. Leitão : J'en suis sûr. Écoutez, merci beaucoup. Moi, je n'ai pas d'autres questions. Je ne sais pas si, vous, les collègues, vous avez quelque chose. Sinon, merci beaucoup de vos propos.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. le ministre. La parole maintenant est au représentant de l'opposition officielle, le député de Rousseau.

M. Marceau : Oui, merci. Bonsoir, messieurs. Merci pour votre présence. Donc, vous êtes favorables, vous, d'accord, en tout cas, avec l'idée de lever le secret professionnel dans la mesure où c'est balisé. Je pense avoir bien compris ce que vous avez dit.

Il y a deux points sur lesquels je veux aller, que vous n'avez pas développés autant. Un, vous avez évoqué le fait qu'on devrait, je pense, en tout cas, là, ne pas lever le secret professionnel dans le cas d'un manquement qui a été corrigé. Puis effectivement il y a quelque chose de raisonnable là-dedans, là, mais j'aimerais quand même que vous développiez là-dessus, parce que, bon, on peut imaginer un manquement très grave, mais qui a été corrigé à la satisfaction entière de l'auditeur, mais, des fois, il est à moitié corrigé. En tout cas, bref, j'aimerais ça vous entendre un peu plus sur ce bout-là.

M. Côté (Alain) : Effectivement, dans tous les éléments d'encadrement, on parle naturellement «d'important», on parle «qui a des conséquences», on parle «corrigé, non corrigé». Ils ne sont pas nécessairement exclusifs.

Nous, ce qu'on dit, c'est que... et on en voit régulièrement dans notre travail d'audit. On arrive au conseil d'administration et on leur dit : Nous, on considère qu'il y a eu tel, tel manquement. Le client disait : Tu as raison, on n'a peut-être pas le même point de vue, mais je pense que tu as raison, on va le corriger, et finalement on passe à autre chose. Si c'était un manquement, même corrigé, qui est une fraude ou une collusion, je pense qu'on ne parle pas de la même chose.

M. Marceau : On s'entend.

M. Côté (Alain) : Alors, c'est pour ça que quand nous, on parle des quatre, cinq types d'encadrement à encadrer, ils ne sont pas nécessairement mutuellement exclusifs. Ça peut être tous ensemble. Ça fait que c'est dans ce contexte-là, quand je dis : Il est corrigé versus non corrigé, parce que, dans le cadre de notre audit, si les manquements sont importants, ils sont non corrigés, ils vont aussi être divulgués jusqu'au conseil d'administration et probablement plus haut.

M. Marceau : O.K. Je comprends bien. C'est parfait. Ça correspond à ce que j'espérais entendre aussi.

Aussi, vous parlez de l'utilisation de l'information, le cas échéant, là, mettons que vous avez fait une dénonciation, vous la communiquez à l'Autorité des marchés financiers. Évidemment, l'Autorité des marchés financiers hérite d'une information qui, jusqu'avant, était un secret professionnel. Là, vous vous inquiétez, puis je pense, à juste titre, de ce qui va advenir de l'information. Peut-être juste développer un peu. Vous dites qu'il y a des mécanismes prévus présentement dans la Loi sur l'Autorité des marchés financiers, 15.1 à 15.7. Peut-être juste développer un peu plus, là, qu'est-ce que vous voyez.

M. Côté (Alain) : En fait, ce qu'on suggère... Et j'ai le privilège d'avoir notre avocate qui a travaillé avec nous là-dessus, mais, en fait, ce qu'on dit, c'est qu'on s'est déjà assis avec l'AMF et l'ordre professionnel. Quand je dis nous, disons, je porte mon grand chapeau de professionnel. On a déjà une entente avec l'AMF sur la façon d'utiliser des documents dans le cadre d'une enquête et la façon, donc, d'en préserver le secret. Ce qu'on dit, c'est : Pourquoi ne pas utiliser ces mêmes normes dans ce qui nous préoccupe ici? Présentement, on ne l'a pas.

Alors, ce qu'on dit, c'est : Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'avoir une certaine consistance ou constance là-dessus pour être capable de dire : Bien, l'information qu'on va donner, il faut qu'elle, quand même, garde son secret professionnel, compte tenu des conséquences que ça peut avoir sur le marché?

M. Marceau : ...pas transmise, mettons, à une tierce partie sans...

M. Côté (Alain) : Exactement.

M. Marceau : Bon, enfin. O.K., ce genre de considération là, c'est ce dont il est question.

M. Côté (Alain) : En fait, ce que je demanderais, c'est : Si 15.0 à 15.7, là, pour reprendre, est bon dans le cadre d'un élément très particulier de l'AMF, pourquoi ne pas l'utiliser aussi pour cet élément-là?

M. Marceau : Dans le cas d'une dénonciation.

M. Côté (Alain) : Est-ce que c'est le bon point, maître? Parce que je ne suis pas avocat, alors je prêche l'ignorance de...

M. Marceau : On est tous dans le même club.

Une voix : Il n'y a pas beaucoup d'avocats ici aujourd'hui.

M. Leitão : ...

M. Marceau : Oui, qui est avocate spécialiste même de ces questions-là, je pense, en plus. O.K. Bien, merci pour ça.

Peut-être une dernière question pour moi. Il y a l'Institut des administrateurs de sociétés qui s'est inquiété de pouvoirs particuliers qui sont donnés, par exemple, au comité d'audit puis au comité d'éthique dans... puis dans le fait que ça va créer de la confusion dans la gouvernance des grandes entreprises. Vous êtes évidemment des spécialistes, des conseillers de ça. Pouvez-vous juste nous dire ce que vous en pensez?

M. Côté (Alain) : Honnêtement, j'étais un peu surpris de voir qu'on croit que c'est un besoin, parce qu'avec tout ce qui a été instauré au niveau des commissions des valeurs mobilières et des règles d'éthique qu'on a demandé aux entreprises de suivre et de divulguer dans leur rapport et leur notice annuelle, cette escalade de... on passe par le conseil, ensuite on passe par les comités puis, s'il y a lieu, on ira jusqu'aux actionnaires, selon moi, couvre déjà tous ces besoins-là. Alors, d'avoir ce comité d'éthique qui est un peu en parallèle, qui ne travaille pas nécessairement dans le même objectif que le conseil, ça me semble aller contre toute règle de gouvernance que je vois ici, au Canada, ou même dans d'autres pays.

J'ai été un peu surpris. J'aurais voulu creuser un peu plus sur qu'est-ce qui a amené, parce que personne ne s'est levé un matin, il a décidé de mettre ça dans la loi, qu'est-ce qui a amené ça, et je ne le saisis pas bien, pour être bien honnête. Martin, je ne sais pas si tu avais d'autres commentaires là-dessus.

M. Deschênes (Martin) : Je suis d'accord avec ce commentaire-là, effectivement.

M. Côté (Alain) : Je pense que les règles actuelles de gouvernance pour les sociétés... Et vous avez vu tout ce qu'une société doit suivre maintenant, depuis les 20 dernières années, en termes de divulgation dans la notice, dans le rapport annuel, quand ils ne sont pas en conformité avec telle ou telle règle, toutes les 52, 108, 109, 110. Je pense que c'est suffisant pour atteindre cet objectif d'éthique là. On n'a pas besoin de ce comité indépendant et en parallèle, selon moi.

M. Marceau : O.K., parfait, excellent. Merci, messieurs. Merci beaucoup.

M. Côté (Alain) : Plaisir, M. le député.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au représentant du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Granby.

M. Bonnardel : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonsoir. Vous êtes les derniers, puis le sujet de la dénonciation semble être extrêmement important.

M. Côté (Alain) : ...pas d'autres engagements après, donc on peut rester aussi longtemps que vous voulez.

M. Bonnardel : Dites-moi, là, je veux juste comprendre, vous expliquez dans votre mémoire que, bon, l'IFAC, l'International Federation of Accountants, travaille déjà sur des balises. Un petit peu plus bas, vous dites que le Canada aussi, avec les provinces, travaille aussi là-dessus. À la base, est-ce que le Canada travaille avec l'IFAC précisément? Je veux juste être capable de comprendre. C'est l'IFAC qui est la...

M. Côté (Alain) : L'IFAC est l'organisme qui regroupe les 175 pays. Naturellement, l'IFAC doit, dans ses comités, se composer d'un certain nombre de membres qui viennent de ces 175 pays. CPA Canada, qui est notre profession, à laquelle se rattachent CPA Ontario, CPA Québec et l'ensemble des provinces, parce que notre système de profession est géré provincialement, alors participe activement à tous les comités importants de l'IFAC, que ce soient les comités au niveau des normes comptables, des normes d'audit ou des normes d'éthique. Les normes dont on parle ici, c'est les normes du comité d'éthique de l'IFAC, et on fait partie de ce groupe-là.

Donc, quand on les a acceptées à l'IFAC pour les 175 pays, on savait très bien qu'il fallait maintenant les mettre dans notre juridiction à nous, avec notre langage, avec les modifications au Code des professions ou toutes modifications requises. On le savait déjà, et maintenant chacune des provinces travaille à y insérer ces éléments-là. Donc, on est d'accord avec le principe.

M. Bonnardel : Vous avez dit tantôt que ça fait quatre ans ou à peu près quatre ans.

M. Côté (Alain) : Ça a pris quatre ans à entendre... à s'assurer que les 175 pays étaient d'accord, oui.

M. Bonnardel : O.K. Tout le monde est sur la même ligne de pensée.

M. Côté (Alain) : Oui.

M. Bonnardel : Vous avez dit tantôt aussi qu'il y a des pays qui ont déjà adopté. Quels sont ces pays, vite, vite, que vous avez vus...

M. Côté (Alain) : Bien, en fait, la norme de l'IFAC était requise... je ne sais pas si tu as le détail, mais était requise à partir de juillet...

Une voix : ...

M. Côté (Alain) : L'Australie l'a fait? Alors, l'Australie, du Commonwealth, l'a fait, mais tous les pays se sont donné une période très courte d'adoption. Alors, nous, on a attendu en décembre 2018 parce qu'on a des choses à modifier ici, là, au Canada, mais chacune des provinces va y travailler. Donc, le délai ne sera pas très long entre le moment où le premier pays, si c'est l'Australie, là, de ce que Christiane me dit, et tous les autres pays vont s'harmoniser.

M. Bonnardel : Donc, vous dites que les provinces canadiennes sont déjà en train d'étudier aussi. Ça pourrait prendre combien de temps? Vous dites...

M. Côté (Alain) : Bien, tout à l'heure, Geneviève a mentionné entre 12 et 18 mois, je trouve qu'elle est assez conservatrice. Moi, je pense qu'avec tout ce qu'on a sur la table, si on a la collaboration de l'AMF et le ministère, et on s'assoit, et on le fait arriver, il n'y a pas de raison que ça prenne plus qu'un an. Mais nous, on est prêts à commencer à travailler demain matin.

M. Bonnardel : Donc, selon vous, là, tout le monde est dans la même ligne de pensée, là. On s'en va pour se dire que ça prend des balises claires puis que logiquement, avec la loi que le ministre a déposée déjà, on devrait attendre d'avoir des dispositions précises, les balises pour être capables de rencontrer les mêmes...

M. Deschênes (Martin) : Et puis j'aimerais juste préciser aussi que le choix des normes internationales, c'est fait d'une façon très, très rigoureuse. C'est fait par... on n'a pas le temps ici, là, mais c'est fait par le comité national de certification. Et au-dessus du comité national de certification qui, eux... ce comité-là fait les recommandations d'adopter les normes internationales, il y a le comité supérieur et sur lequel siègent des représentants de l'AMF.

Donc, tout est connecté, là. Tout est enligné pour effectivement adopter les normes internationales, profiter du quatre ans de réflexion qu'ils ont fait pour l'appliquer correctement ici, au Canada.

M. Bonnardel : Est-ce que la Chambre des communes pourrait demander de légiférer aux provinces ou c'est vraiment chaque province spécifiquement qui va adopter ces balises en lien avec l'IFAC?

M. Côté (Alain) : C'est parce qu'au niveau du code de déontologie on essaie d'avoir un code de déontologie harmonisé au Canada. Alors, il faut tous s'entendre, dans chacune des provinces. Donc, il faut les discuter dans chacune des provinces pour ensuite les harmoniser à l'intérieur du code, mais chaque province a souvent un point de vue qui peut être un peu différent.

Donc, c'est pour ça que, dans ces comités-là, il y a des représentants du Québec, de l'Ontario, de la Colombie-Britannique, pour s'assurer est-ce qu'on comprend tous la même chose, et on modifie ça, et ça va être la même interprétation pour tout le monde. C'est pour ça que ça nécessite une discussion un petit peu plus large, parce que, si on avait une profession gérée nationalement, ça serait différent, ce qui n'est pas le cas au Canada.

M. Bonnardel : Est-ce que les Américains sont dans le même courant de pensée que nous là-dessus?

• (17 h 20) •

M. Côté (Alain) : Bien, les Américains ont déjà... quand on parle des IFRS, par l'IFAC, les Américains, eux, sont plutôt encore dans les normes... ce qu'on appelle les US GAAP. Donc, les États-Unis sont un petit peu indépendants au niveau des règles. Par contre, ils veulent être sur à peu près tous les comités de l'IFAC parce qu'ils aiment les influencer afin qu'on se rapproche un peu de l'approche américaine. Alors, eux aussi ont des choses. La SEC a déjà des règles de dénonciation qui sont un petit peu plus avancées que ce qu'on a maintenant. Donc, ça veut dire qu'ils ont déjà, eux autres, vu des choses qui étaient à accélérer, si on veut.

M. Bonnardel : Vous dites que la SEC est plus avancée déjà que l'IFAC?

M. Côté (Alain) : Bien, la SEC, dans le... si vous regardez dans le mémoire de l'Ordre des CPA, et peut-être que tu peux en parler, Christiane, mais, dans le mémoire de l'ordre, il y a des références sur les règles de la SEC, ce qui se passe en Ontario, ce qui se passe aux États-Unis, où ils ont déjà des règles de dénonciation qui sont balisées, et nous, on ne les a pas encore. Donc, c'est ce qu'on discute aujourd'hui.

M. Bonnardel : O.K. Excellent. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, M. Côté, M. Deschênes, merci pour votre contribution aux travaux de la commission. Je lève la séance.

La commission ajourne ses travaux au jeudi 18 janvier 2018, où elle poursuivra ce mandat. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 17 h 21)

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