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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 26 septembre 2017 - Vol. 44 N° 174

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 135, Loi renforçant la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et des entreprises du gouvernement


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Pierre Moreau

Mme Mireille Jean

M. Éric Caire

Auditions

Mouvement des caisses Desjardins

MM. Alain April et Alain Abran

Autres intervenants

M. Raymond Bernier, président

M. Michel Matte, président suppléant

M. Patrick Huot

M. Robert Poëti

M. Pierre Reid

*          M. Chadi Habib, Mouvement des caisses Desjardins

*          Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats

(Quinze heures vingt-trois minutes)

Le Président (M. Bernier) : Alors, bon après-midi à tous. Bienvenue à la Commission des finances publiques. Donc, nous aurons l'occasion, durant nos travaux, de recevoir des groupes, là, qui viendront nous déposer leurs mémoires concernant les consultations particulières et auditions sur le projet de loi n° 135, Loi renforçant la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et des entreprises du gouvernement.

Donc, je souhaite la bienvenue à tous les députés qui vont participer à ces travaux. M. le ministre, Mme la députée de Chicoutimi, bienvenue. M. le député de La Peltrie également, je vous souhaite la bienvenue. Mes collègues de l'Assemblée nationale qui sont ici, du gouvernement, bienvenue à vous tous. Je suis très heureux de vous accueillir cet après-midi.

Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte. Et je demande, bien sûr, d'éteindre la sonnerie des téléphones cellulaires.

La commission, comme je l'ai mentionné, est réunie pour procéder à des auditions publiques sur le projet de loi n° 135.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Polo (Laval-des-Rapides) est remplacé par M. Huot (Vanier-Les Rivières); M. Bonnardel (Granby) est remplacé par M. Caire (La Peltrie).

Le Président (M. Bernier) : Merci beaucoup. Voici l'ordre du jour pour cet après-midi : nous allons débuter par les remarques préliminaires du ministre et des oppositions, et nous aurons le plaisir d'entendre le Mouvement des caisses Desjardins ainsi que M. Alain April, professeur à l'École de technologie supérieure.

Remarques préliminaires

Donc, sans plus tarder, M. le ministre, président du Conseil du trésor, je vous cède la parole. Vous avez six minutes pour votre présentation.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : Six minutes.

Le Président (M. Bernier) : C'est très court, mais...

M. Moreau : Oui, c'est court, alors je vais essayer de rentrer dans le temps.

D'abord, permettez-moi de saluer Mme la députée de Chicoutimi, qui est la nouvelle porte-parole. En fait, c'est la première fois que nous allons travailler ensemble dans cette commission parlementaire. Je veux l'assurer de toute ma collaboration, saluer les représentants du deuxième groupe d'opposition.

M. le Président, je soumets aujourd'hui aux parlementaires pour consultations le projet de loi n° 135, Loi renforçant la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et des entreprises du gouvernement. Ce projet de loi s'inscrit dans la stratégie gouvernementale en technologies de l'information Rénover l'État par les technologies de l'information. Il atteste de la volonté du gouvernement du Québec d'améliorer la gouvernance de ses ressources informationnelles et d'instaurer un véritable changement de culture dans notre façon de gouverner, de gérer et d'investir dans le domaine des technologies de l'information.

Le projet de loi vise en particulier à rendre plus efficaces la planification des investissements et le suivi des projets en ressources informationnelles et ultimement de générer des économies.

M. le Président, un État moderne ne peut fonctionner sans les technologies de l'information. C'est pourquoi nous souhaitons mettre en place les conditions qui permettront à ces technologies de jouer pleinement leur rôle, mais également d'être un outil de transformation.

Ce projet de loi poursuit plusieurs objectifs. Il vise d'abord à modifier le mandat du dirigeant principal de l'information pour renforcer sa capacité d'influence, de contrôle et d'évaluation des activités gouvernementales en matière de technologies de l'information dans l'administration publique québécoise. Ainsi, le dirigeant principal de l'information sera chargé de s'assurer que les ressources informationnelles soient bien utilisées conformément aux priorités du gouvernement et des organismes publics, y compris en ce qui touche les projets de transformation et les activités courantes.

Ensuite, le projet de loi viendra renforcer le rôle des dirigeants de l'information en les regroupant autour des portefeuilles ministériels. Les dirigeants responsables d'un regroupement seront nommés dans leur ministère par le ministre responsable après consultation du dirigeant principal de l'information. En facilitant la coordination entre le dirigeant principal de l'information et les dirigeants de l'information, cette nouvelle structure de gouvernance rendra leurs actions plus efficientes. Je précise que le projet de loi prévoit que certains organismes puissent avoir leur propre dirigeant de l'information.

Le projet de loi prévoit aussi la création d'un comité de gouvernance en ressources informationnelles présidé par le dirigeant principal de l'information et composé de l'ensemble des dirigeants de l'information. Son mandat sera d'élaborer des orientations et des stratégies à proposer au Conseil du trésor, d'assurer la cohérence dans leur mise en oeuvre et d'identifier des opportunités d'optimisation, de partage et de mise en commun de services et d'infrastructures.

L'une des modifications majeures prévues à la loi est la mise en place d'une planification des investissements des dépenses et de la main-d'oeuvre en ressources informationnelles qui sera arrimée au cycle d'attribution des crédits budgétaires, ce qui est très important. À l'heure actuelle, les ministères et organismes publics doivent préciser l'utilisation des sommes consacrées aux ressources informationnelles en fonction des budgets et crédits qui leur ont été attribués. Le projet de loi prévoit désormais que les organismes publics seront tenus de présenter, pendant le processus budgétaire, leurs prévisions en termes d'investissements et de dépenses. Cette façon de faire permettra au dirigeant principal de l'information d'obtenir les renseignements de gestion nécessaires à la formulation de ses recommandations au Conseil du trésor au moment de l'exercice annuel de planification des dépenses. Il est aussi prévu que les ministères et organismes publics transmettent périodiquement au dirigeant principal de l'information un portrait de l'état de leurs actifs informationnels afin de mieux prioriser les investissements.

Dans un souci de transparence et pour que la population soit bien informée, le projet de loi prévoit la publication annuelle d'un plan des investissements et des dépenses en matière de ressources informationnelles des organismes publics.

En ce qui touche la gestion des projets, le projet de loi propose des modifications pour rendre plus efficaces les autorisations de projets. Selon la loi actuelle, l'autorité responsable d'approuver les projets est le Conseil du trésor pour les ministères et les organismes budgétaires, le conseil d'administration ou le plus haut dirigeant pour les organismes autres que budgétaires et le ministre pour les organismes des réseaux santé et éducation.

Plutôt qu'être inscrites dans la loi, les autorités chargées d'approuver les projets seraient plutôt déterminées par le Conseil du trésor et inscrites dans les règles. Cette modification permettrait de réduire les lourdeurs administratives engendrées par une application uniforme des autorisations sans tenir compte, par exemple, des risques du projet, des investissements en cause ou du degré de maîtrise des organismes publics. Ainsi, le Conseil du trésor pourrait décider de conserver le contrôle sur l'ensemble des projets d'envergure des organismes qui représentent une grande part des investissements, tout en permettant aux organismes publics d'autoriser leurs projets de moindre envergure.

Un autre objectif du projet de loi est d'accroître la capacité de suivi des projets. En plus du suivi de l'état des projets, le dirigeant principal de l'information pourra exiger qu'un organisme lui transmette sur demande une reddition de comptes ad hoc pour un projet. Si l'information transmise est insatisfaisante ou si le dirigeant principal de l'information juge la situation inquiétante, il doit alors en référer au Conseil du trésor, qui pourra exiger des mesures d'accompagnement et de conseil, ou au président du Conseil du trésor, qui pourra procéder à une vérification en bonne et due forme pour corriger la situation.

Le Conseil du trésor sera désormais en mesure de recommander au gouvernement d'imposer aux organismes de recourir à certains services en ressources informationnelles. Le Conseil du trésor pourra aussi recommander au gouvernement de décréter le transfert d'actifs informationnels d'un organisme public à un autre afin de faciliter la mise en oeuvre de services obligatoires.

M. le Président, l'Agence du revenu du Québec dispose d'un précieux savoir-faire et d'une grande expertise en matière de ressources informationnelles qui pourraient être mis à profit à l'échelle gouvernementale. L'État doit absolument bénéficier de la compétence et de l'expérience d'un partenaire aussi important. C'est ce que nous faisons par le projet de loi.

Pour le reste des remarques introductives, je comprends que mon temps est écoulé, et donc je m'en remettrai aux représentants des organismes qui viendront nous parler pour les mettre en lumière. Merci beaucoup.

• (15 h 30) •

Le Président (M. Matte) : Merci, M. le ministre. J'invite la porte-parole de l'opposition officielle, la députée de Chicoutimi, pour un maximum de 3 min 30 s.

Mme Mireille Jean

Mme Jean : Merci, M. le Président. Donc, bonjour à tous. Bonjour au président du Conseil du trésor, M. le ministre et votre équipe. Je suis heureuse de travailler avec vous sur ce projet de loi. Bonjour à la deuxième opposition, avec monsieur de La Peltrie, le représentant de La Peltrie et son équipe. Et aussi je suis heureuse de travailler avec mon attaché ici, qui est Marc Bouchard. Avec lui, on va travailler, justement, à faire en sorte que ce projet de loi soit le meilleur possible et le plus efficace possible.

Juste un petit mot d'introduction. On sait que les technologies de l'information évoluent, depuis les 30 dernières années, qu'on les retrouve partout dans la machine gouvernementale, dans l'appareil gouvernemental, que c'est très important. On sait aussi que les technologies de l'information évoluent à la vitesse grand V. C'était vrai il y a 30 ans, c'est encore plus vrai aujourd'hui. C'est à une vitesse exponentielle, on ne peut pas renier ça, et c'est important de considérer ça aujourd'hui dans les outils que le gouvernement doit se doter. Cette évolution des technologies est importante et comporte des belles améliorations au niveau du fonctionnement de l'appareil gouvernemental, de la qualité des services qu'on peut dispenser aux citoyens, de la productivité et de l'efficacité de l'État, de la sécurité des informations, l'archivage des informations et bien d'autres domaines aussi.

Donc, cette évolution-là, naturellement, a aussi son lot de difficultés, qui est, justement, parce que ça varie beaucoup, ça évolue rapidement, c'est difficile à tout le monde de suivre la cadence. Et, dans l'appareil gouvernemental, ça se traduit par des dépassements de coûts, par des délais, des dédoublements de projets, bref, une certaine perte de contrôle. Le gouvernement a besoin d'un grand coup. L'implantation des technologies de l'information a besoin de connaître un grand coup en 2017 et pour, justement, faire en sorte que les nouvelles technologies soient implantées de façon efficace et évolutive dans les meilleurs coûts possible. Et là-dessus on se rejoint, justement, par rapport à vos commentaires préliminaires.

Ici, au Parti québécois, j'accueille positivement le projet de loi n° 135, qui est dans la bonne direction vers le coup de barre qui est nécessaire pour la gestion des ressources informationnelles du gouvernement, mais il demeure, à notre avis, un peu timide face aux changements nécessaires qui requièrent plus d'envergure et d'audace, à notre avis. J'y reviendrai à l'étude détaillée du projet de loi.

Lors de cette étude, j'aborderai aussi les risques que ce projet de loi a de favoriser, peut-être, l'embauche des grands fournisseurs de services au détriment, possiblement, des PME innovatrices du Québec. Donc, on va porter une attention là-dessus lors de l'étude détaillée.

On va aborder aussi le sujet de la reddition de comptes, et des organismes qui sont impliqués, et de la transparence qui va être nécessaire, justement, aux informations qui seront transférées par rapport à l'évolution, les coûts des projets qui vont être en cours.

Pour conclure, je veux déjà remercier et féliciter les groupes qui partageront avec nous, aujourd'hui et dans les prochains jours, leurs points de vue sur ce projet de loi. Je veux qu'ils sachent que vous êtes importants, ils sont importants pour nous, et que les commentaires seront écoutés avec grande attention, soyez-en assurés.

Et je terminerai en assurant le président du Conseil du trésor de toute ma collaboration afin que ce projet de loi soit le meilleur possible pour le gouvernement et la population du Québec. Merci.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe de l'opposition et député de La Peltrie, pour un maximum de 2 min 30 s.

M. Éric Caire

M. Caire : Merci, M. le Président. De toute façon, je serai bref. Simplement saluer le président du Conseil du trésor, mes collègues députés ministériels, ma collègue de l'opposition officielle et vous-même, M. le Président, dans ce début de consultations concernant le projet de loi n° 135.

Il est évident, M. le Président, que le domaine des technologies de l'information au gouvernement du Québec, dans les dernières années, ont été mises à mal. Il est évident qu'il est nécessaire de faire quelque chose, d'avoir des actions musclées. Je pense qu'il faut avoir en tête ce rapport extrêmement troublant du commissaire Lafrenière sur les technologies de l'information et l'ensemble des vérifications, des constats qui ont été faits, mais aussi, M. le Président, avoir en tête les recommandations qui ont été faites. Consultations qui vont permettre à différents organismes de donner leur point de vue, oui, sur le projet de loi n° 135, très certainement, mais aussi sur ce qui doit être fait.

Et j'écoutais le président du Conseil du trésor nous faire la nomenclature des objectifs, objectifs que je partage. Ceci étant, je ne suis pas sûr qu'on prévoie atteindre ces objectifs-là en utilisant les mêmes moyens. Mais, d'entrée de jeu, je veux assurer tous mes collègues de ma collaboration. Et surtout, surtout, pour l'instant, je veux me mettre dans la position de celui qui écoute ce que nos visiteurs auront à nous dire sur le sujet. Et évidemment je ferai connaître la position de ma formation politique au moment des débats en Chambre.

Auditions

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Maintenant, je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour fins d'enregistrement, je vais vous demander de vous présenter. Je vous informe que vous avez 10 minutes maximum pour faire une présentation, puis par la suite il y a une période d'échange. C'est à vous, la présentation.

Mouvement des caisses Desjardins

M. Habib (Chadi) : Bonjour. D'abord, M. le Président, merci pour l'invitation. Nous sommes très contents de faire partie de cette consultation du projet de loi n° 135.

Si vous permettez, ce qu'on aimerait faire aujourd'hui, c'est de prendre quelques minutes, de vous partager nos expériences, essentiellement, parce qu'on a fait une démarche qui rassemble certains éléments que vous êtes en train de faire. On est allés plus loin dans certains aspects. Et après ça on va accueillir vos questions, si vous permettez.

Je m'appelle Chadi Habib. Je suis premier vice-président, Technologies de l'information, pour Desjardins, et je fais partie de l'équipe de M. Cormier, évidemment, notre président et chef de la direction.

Et nous, selon nous, chez Desjardins, le projet de loi prend des bonnes étapes dans les bonnes directions, des premiers pas, mais quand même des bonnes étapes dans la première direction, soit sur le volet d'efficacité, mais aussi surtout, pour nous, rehausser l'expérience pour les citoyens et les entreprises.

Peut-être pour partager un peu qu'est-ce que nous avons fait chez Desjardins, en 2011 nous avons décidé de regrouper toutes les capacités technologiques de Desjardins en une seule entité légale. Pour vous donner un ordre de grandeur, c'est quoi, les technologies Desjardins — c'est très important, je crois, de partager le contexte avec vous — on parle de 4 000 employés qui oeuvrent dans les technologies chez Desjardins, on parle d'une dépense de 1,2 milliard de dollars annuellement chez Desjardins, à peu près, on parle de 1 000 projets par année et 400 projets qui roulent en parallèle tout le temps à travers nos différents secteurs d'affaires. Vous savez que Desjardins est dans plusieurs secteurs : secteur de dépôts et d'épargne, mais on est aussi dans les assurances, assurance vie, assurance de dommages à travers le Canada et au Québec.

Ça fait que ça, ça vous donne une petite idée des technologies. Et, pour nous, la technologie fait partie intégrante de la chaîne de valeur d'une institution financière. D'ailleurs, ça devient de plus en plus un incontournable dans pas mal tous les services privés, si on peut le dire, publics aussi. Je vous donne comme exemple, pendant qu'on parle aujourd'hui, il y a entre 500 et 1 000 transactions par seconde qui sont traitées à travers tous les secteurs d'affaires chez Desjardins, et c'est les interactions avec nos membres et clients à travers le Québec et le Canada.

Au niveau gouvernance, en 2011, une fois qu'on a rassemblé la capacité technologique en une seule entité légale, on a aussi attaché la gouvernance des technologies directement au plus haut niveau. D'ailleurs, récemment, on a fait une modification où est-ce que le conseil d'administration du Mouvement Desjardins devient le conseil d'administration de ce Groupe Technologies Desjardins à cause de l'importance des opportunités mais également les menaces que, potentiellement, présentent les technologies d'information. Ça fait que, quatre fois par année, les Technologies de l'information ont quatre heures avec le conseil d'administration du Mouvement Desjardins, globalement, pour revoir à la fois la performance, les opportunités, mais aussi les menaces. Ça donne une idée de la gouvernance.

Il y a des comités centralisés qui décident les orientations des investissements en technologie, pas faits par les technologies seulement, c'est semblable à votre proposition de comité de gouvernance, ce qu'on décide selon les priorités d'affaires à l'avantage de nos membres et clients, où on veut mettre notre argent, notre énergie au niveau investissements technologiques, mais surtout aussi les décisions défensives pour assurer que les enjeux de désuétude ou augmenter l'efficacité sont bien adressées, pas seulement embarquer sur les nouvelles technologies. On va aborder ce sujet-là dans quelques minutes.

Les trois missions importantes qu'on croit pour un groupe technologies ou un comité de gouvernance transverse technologique, vous allez voir, on ne commence pas par l'efficacité, on commence d'abord par la cohérence de l'expérience de nos membres et clients. L'équivalent pour vous, ce sera l'expérience que les citoyens vont vivre à travers les organismes et les ministères, via les canons technologiques et les canons physiques directs ou des lieux physiques. C'est notre priorité numéro un parce que, quand on était fragmentés, avant 2011, tout le monde travaillait très fort mais pas nécessairement dans les bonnes directions, de façon cohérente, pour les consommateurs de nos services.

• (15 h 40) •

Le deuxième objectif de ce groupe, c'est effectivement l'optimisation de coûts. On trouvait qu'à travers 11 départements informatiques avant on avait des duplications, des stratégies d'approvisionnement différentes, des négociations de contrats qui n'étaient pas toujours efficaces et dédoublements des efforts. Et honnêtement, dans certains domaines comme la cybersécurité, tous les secteurs avec certaines capacités de cybersécurité n'est pas à la hauteur qu'on souhaitait. Aujourd'hui, avec ce genre de centralisation, oui, on est capables de dégager des productivités et des coûts, mais aussi on est capables de renforcer notre capacité d'attirer les bons talents aux bonnes places et créer une masse critique pour les fonctions technologiques qui sont non négociables, franchement, dans notre industrie.

Le troisième élément qui est très important, parce qu'il y a des gens dans nos industries qui font trop de centralisation, c'est qu'on a pris la décision de garder une proximité très importante de nos secteurs particuliers, assurances. Pourquoi c'est très important, cet élément-là? Oui, on veut une cohérence de l'expérience avec nos membres et clients, une cohérence de comment on utilise la technologie, mais il faut quand même tenir compte des différences de nos secteurs. Entre le particulier et l'assurance générale, il y a des différences importantes. Il faut trouver cette saine tension, si je peux me permettre, entre centraliser, optimiser, mais garder la pertinence. Si je peux faire un équivalent chez vous, ce sera les différences entre l'Agence de revenu du Québec et le système de santé, leurs besoins technologiques, où il y a des choses qui peuvent être en commun, mais il y a certains éléments qui doivent demeurer très spécifiques à ces deux organismes, aux ministres.

Il me reste à peu près quatre minutes. Ce que ça me tente de faire pour la dernière partie, c'est de vous souligner les quatre ou cinq éléments qu'on a changés, depuis cinq ans, de façon importante. D'abord, on s'est doté d'une architecture, une vision globale de comment la technologie va être concentrée ou centrée sur nos membres et clients, et pas sur nos produits, nos secteurs et nos groupes ou nos départements internes. C'est un changement assez important.

Le deuxième élément, l'évolution technologique fait en sorte que les architectures technologiques et les architectures des processus doivent être beaucoup plus ouvertes que ce qu'on a vu dans le passé. C'est une deuxième chose qu'on a changée.

La troisième chose, c'est effectivement la gestion de portefeuille, gestion de projet. C'est un grand risque et une grande opportunité parce que ce n'est pas seulement au gouvernement qu'on a potentiellement des dépassements des coûts et des risques dans les projets. Ça fait qu'on a évalué significativement nos méthodes de projet, méthodes classiques, des méthodologies classiques de projet, mais aussi on a introduit quelques méthodes beaucoup plus avancées qui sont en mode itératif et escouade qui viennent briser les paradigmes anciens de livraison de projet.

Quatrième élément que je vais souligner, c'est la vigie et la compréhension des leviers technologiques. Effectivement, la technologie bouge très rapidement, mais on trouve que certaines sociétés, certains concurrents, même certains départements à l'intérieur de Desjardins embarquaient trop vite dans la frénésie des fournisseurs et des vendeurs et aussi de certaines solutions qui ne sont pas nécessairement matures. Ça fait qu'on a créé des équipes spécialisées que leur objectif, c'est de comprendre l'évolution technologique, les leviers technologiques, pas pour déployer la technologie, mais pour combler un besoin d'affaires au bon moment quand la technologie, elle est mature.

Je terminerai sur la notion d'approvisionnement. Quand on a commencé cette transformation, on avait des milliers de fournisseurs à travers le Québec et à l'international, on avait des grands intégrateurs. Aujourd'hui, nous sommes dans les centaines et on va continuer à consolider, on ne va pas consolider beaucoup plus. Et notre stratégie ici, c'est de favoriser à la fois les partenaires, les fournisseurs québécois qui émergent. On veut beaucoup plus de concurrence ici, au Québec, mais on a une condition importante. C'est la raison pour laquelle on réduit le nombre de partenaires et fournisseurs qu'on travaille avec ici, au Québec. On veut qu'ils amènent une valeur ajoutée, une propriété intellectuelle et pas seulement des éléments de commodité. On croit que c'est notre devoir d'encourager nos partenaires d'amener une propriété intellectuelle et pas simplement travailler un maximum de volume de fournisseurs. Et on engage les grandes sociétés aussi parce qu'ils ont vu sur l'international que, de temps en temps, on ne l'a pas localement, et on veut s'approprier ces éléments-là.

Je terminerai sur le fait qu'aussi on a changé nos modèles d'approvisionnement. Oui, on a des méthodes classiques avec les appels d'offres et les cycles très longs, mais on a aussi créé des modèles où est-ce qu'on prend plus de risques, on fait des itérations. On accepte d'avoir quelques dépenses qui peut-être ne vont pas aboutir à la bonne place, mais ça nous permet de sauver beaucoup plus d'argent plus tard dans nos projets et nos façons de livrer les programmes.

M. le Président, ça me tente d'arrêter là et prendre vos questions. Ce sera notre introduction d'aujourd'hui.

Le Président (M. Matte) : Eh bien, je vous remercie pour cette présentation. J'invite le président du Conseil du trésor à la période d'échange.

M. Moreau : Bien, d'abord, merci. Merci, M. le Président. Merci aux gens de Desjardins d'être avec nous. Il est évident qu'on a pris connaissance de votre mémoire avec beaucoup d'intérêt.

Vous voyez donc une... Je reprends vos paroles d'introduction, vous voyez que ce sont les bonnes étapes et la bonne direction. Alors, déjà, on part du bon pied.

Mais j'ai retenu les trois éléments les plus importants où... lorsque vous vous situez rétrospectivement au même point que nous sommes dans la question des technologies de l'information puis vous établissez trois éléments ou trois chapitres très importants. Et ça, ça m'a frappé. D'abord, la cohérence de l'expérience, mais là en relation avec votre clientèle. Nous, on est en interaction avec les contribuables. Le deuxième point, c'est l'optimisation des ressources tant au niveau de l'acquisition des meilleurs talents et de la sécurité, parce que je pense qu'on doit saisir l'opportunité que ce projet de loi va nous donner pour discuter aussi des éléments entourant la sécurité, ce qui est extrêmement important. Et, le troisième élément, la proximité des divers secteurs, qui tiennent compte des différents secteurs d'activité, en ce qui concerne Desjardins. Et, en ce qui concerne le gouvernement, c'est aussi différents secteurs, mais qui se regroupent.

Bon, alors, prenons ce dernier point là. Nous, on a dit : Dans certaines situations... D'abord, on crée un comité de gouvernance qui est présidé par le dirigeant principal de l'information et les dirigeants de l'information, dont on réduit le nombre pour se rattacher à l'architecture du Conseil des ministres et de certains organismes qui ont des besoins très importants, donc, pour avoir une meilleure fluidité des connaissances. Donc, à l'égard du premier point, sur la cohérence de l'expérience, ça facilite, ce comité de direction là, la cohérence de l'interaction entre le contribuable... qu'il transige avec Revenu Québec ou qu'il transige avec la Société d'assurance automobile ou le ministère, par exemple, de l'Environnement.

Sur la question de la proximité des divers éléments ou des diverses composantes, on a fait comme trois blocs, on dit : Il y a les ministères, il y a les organismes et il y a les réseaux santé et éducation. Et la raison pour laquelle on a fait ces trois blocs-là précisément, c'est qu'on y voit deux éléments, d'abord pour les réseaux, la spécificité très grande du réseau de la santé, la spécificité aussi avec des particularités liées notamment à des compositions électives dans le cas des commissions scolaires dans le réseau de l'éducation. Puis, pour les autres, on dit : Les ministères et organismes, les organismes ayant des objectifs spécifiques.

Je ne sais pas si vous avez eu le temps d'examiner en détail les dispositions qui s'appliquent. Est-ce qu'à votre avis on est dans le bon coche sur la cohérence de l'expérience? L'optimisation des ressources, on a l'article 22 du projet de loi, qu'on va étudier beaucoup plus tard, qui vient dire : Le dirigeant principal de l'information, en cohésion avec le Conseil du trésor, pourra dire : Bien, oui, on va diriger ça, par exemple, au Centre des services partagés ou, dans des situations particulières, à d'autres organismes pour assurer l'optimisation de l'utilisation des ressources.

Sur ces trois éléments-là, pour lesquels vous avez fait un exposé très intéressant, est-ce qu'il y a des éléments où il vous apparaît y avoir des incohérences, à l'heure actuelle, dans le projet qui est soumis?

M. Habib (Chadi) : M. le Président, sur la cohérence de l'expérience avec les contribuables, notre recommandation, suggestion, ça sera potentiellement d'aller un peu plus loin, et je m'explique. Dans le futur des interactions avec les contribuables et n'importe quel consommateur d'un service privé et un service public, le rôle des technologies de l'information et ressources informationnelles, ce n'est pas simplement d'attendre les orientations, mais de contribuer, challenger et cocréer ces orientations. Je ne maîtrise pas tous les organismes et ministères du gouvernement, mais, si on regarde un endroit comme Services Québec, moi, je dirais : Ce comité de gouvernance ou soit le DPI doit avoir une opportunité de coconstruire comment ça va être, ce genre d'interactions avec le contribuable, pas seulement attendre les orientations, parce qu'aujourd'hui ces interactions ont beaucoup une nature numérique et digitale.

• (15 h 50) •

M. Moreau : Et, dans ce contexte-là, si on en vient à la conclusion que le comité de gouvernance peut donner des orientations après avoir consulté, exemple, Services Québec, dans la réponse que vous me donnez, et recevoir de Services Québec un input sur les gestes à poser, on serait dans la bonne direction.

Je veux laisser le temps à mon collègue, qui a travaillé très fort sur le dossier, le député de Vanier-Les Rivières, d'intervenir. Je vous poserai donc une dernière question, en ce qui me concerne, sur la question des appels d'offres, qui est le dernier élément. Il y a mon collègue, également, de Marguerite-Bourgeoys, qui a travaillé très fort sur, outre le Passeport Entreprises, l'interaction qu'on doit avoir avec les petites entreprises, et je comprends que la députée de Chicoutimi a émis un... a allumé une lumière pour dire : Moi, je veux m'assurer de ça, je veux qu'il y ait un biais favorable.

Justement, au niveau des appels d'offres, si on se distance du plus bas soumissionnaire conforme et qu'on va plutôt chercher un appel d'offres qui nous donnerait la forme de : Voici notre problème, est-ce que vous avez des solutions à apporter? Est-ce que, là, on se dirige un peu dans la même philosophie que celle qu'a utilisée Desjardins pour les technologies de l'information?

M. Habib (Chadi) : Absolument. M. le Président, absolument. La réponse, elle est oui. Nous sommes allés un peu plus loin, c'est-à-dire on a changé un peu certains processus où est-ce qu'on a dit : Dans certains cas, comme vous le dites, on va inviter deux, trois personnes, on va exposer très clairement notre problème d'affaires. On va faire ce qu'on appelle un pilote avec ces gens-là, très circonscrit, pour qu'on ne dépense pas des sommes importantes, sachant complètement que ça se peut que ces sommes-là, deux sur trois ou trois sur trois même, ne sont pas concluantes. Mais nous, on croit que ça nous aide beaucoup plus à éviter de détruire la valeur plus tard avec un appel d'offres, qu'on va choisir un partenaire qui ne va pas, finalement, nous livrer... Ça fait que la réponse, elle est oui. Dans notre cas, on est allés un peu plus loin dans nos modus operandi.

M. Moreau : O.K., parfait. M. le Président, comme je suis aussi président mais je ne veux pas faire votre travail, je céderais mon droit de parole au député de Vanier-Les Rivières.

Le Président (M. Matte) : J'apprécie. Puis on ne partagera pas notre allocation non plus, non. M. le député de Vanier-Les Rivières.

M. Huot : Merci. Merci, M. le Président. Merci de m'accueillir à la Commission des finances publiques, ce n'est pas une habitude pour moi. M. Habib, M. Grimard, c'est un plaisir de vous recevoir. M. Habib, on se côtoie un petit peu dans le comité consultatif TI, je connais un peu vos discours. Vous apportez souvent une certaine fraîcheur, on peut dire, autour de la table. Vous avez des propos qui sont souvent très, très pertinents.

J'avais un sujet que je voulais aborder, mais je vais continuer à faire du pouce sur la question du président du Conseil du trésor sur la question... parce que j'entends la députée de Chicoutimi, au départ, dire qu'elle avait une certaine crainte qu'on allait peut-être favoriser les gros joueurs dans notre... avec le projet de loi qui était déposé. Je pense qu'on a toujours été clairs qu'on voulait rehausser l'expertise interne. On a embauché beaucoup, près de 500 personnes, je pense, dans les derniers mois. On a toujours dit qu'on ne pouvait pas être experts en tout non plus. Je pense que Desjardins a un peu la même approche.

Vous nous parlez souvent aussi de tout le processus d'acquisition qui a été revu, vous abordez souvent la question. Mais j'aimerais ça peut-être vous entendre sur les approches, c'est un débat qu'on a eu aussi dans le passé, les forfaits versus les taux horaires, donc, parce que vous, vous avez des recours à l'externe. Bon, on connaît des gens qui se sont fait engager même après quelques années, après avoir fait des contrats chez Desjardins. Donc, peut-être un petit mot là-dessus, sur l'approche que Desjardins a sur ces questions-là.

M. Habib (Chadi) : Très bien. Merci pour la question. Au sujet des forfaits versus tout ce qui est temps matériel, ou à l'heure, ou par jour, ou par mois, essentiellement deux, trois choses qu'on a évaluées. Je vais commencer avec la notion de quel pourcentage de nos projets on va acheter en mode forfaitaire. Très important ici pour nous, on n'a pas décidé de simplement se donner un objectif d'aller en forfaitaire. En passant, j'ai passé la moitié de ma carrière en étant la personne qui proposait les solutions forfaitaires, ça fait que je peux parler clairement de comment ça marche. Si la clarté des besoins et les projets ne sont pas là, le client, le consommateur, l'acheteur va payer trop cher s'il s'en va en forfaitaire. Ça fait qu'il y a certains projets et certaines phases de projet qui sont plus propices d'être achetés en mode forfaitaire quand la portée est très claire. Quand on sait exactement la technologie qu'on veut acheter, quand on sait comment on va procéder, c'est beaucoup plus propice de mettre ça en mode forfaitaire. Ça fait qu'il ne faut pas simplement essayer de bouger tout en mode forfaitaire.

L'autre mode, c'est effectivement temps matériel et en mode consultation, mais nous, dans notre cas, même en mode consultation, on a décidé de mettre une certaine portion des taux de consultation, soit mensuels, horaires ou journaliers, basés sur les résultats des projets et le succès des projets, même en mode temps matériel. Et je peux vous dire que ce n'est pas très populaire avec nos fournisseurs, mais, de plus en plus, la majorité commence d'embarquer. On a mis un certain pourcentage, même, du taux horaire parce que c'est souvent un peu plus compliqué de dire, le succès du projet, est-ce que c'est à cause de consultants ou est-ce que c'est l'interne. Nous, on fait abstraction de tout ça. Est-ce que le projet a réussi ou non? Peu importe qui est imputable. Et la portion à risque de taux de consultants, elle est payée ou pas payée.

Le troisième mode, si je peux me permettre, c'est des risques partagés où est-ce qu'on dit basé sur notre capacité de déployer. Je vous donne un exemple : dans l'assurance générale, on a acheté une solution marché, mais le fournisseur ne sera pas payé, il sera payé simplement par le nombre de polices d'assurance déployé sur son système. Ça fait qu'il y a un alignement d'incitatifs entre les deux qui est très intéressant. Nous, on veut que ça se déploie, on réussit. Le fournisseur n'est pas payé si nos 4 millions de polices ne sont pas dans le système, et ça crée un alignement.

Le principe le plus important pour toutes les solutions d'approvisionnement — on n'a pas tout maîtrisé, je vais vous dire, on a toujours des défis — c'est l'alignement des intérêts basé sur les différents contextes de projet, de maximiser l'alignement d'intérêts, parce que souvent on a vu, avant cette évolution-là, un manque d'alignement d'intérêts où est-ce que le plus compliqué, le plus de risques de projet, le plus que le partenaire était payé, mais le moins... le plus de discussions de valeur qui est arrivé chez nous. Ça fait que c'est cet alignement de valeur, on a passé beaucoup de temps à revoir nos processus. On n'a pas tout maîtrisé, mais on y arrive.

M. Huot : Merci de la réponse très claire. Je vais revenir au premier sujet que je voulais aborder. Vous l'avez mentionné, les TI, c'est avant tout... Même si le projet de loi s'appelle gouvernance des TI, l'objectif ultime, c'est une meilleure prestation de services aux citoyens, aux entreprises. Ce que vous avez fait, chez Desjardins, c'est ça, c'était l'objectif ultime aussi. Et vous voyez, bon, c'est né de la stratégie TI qu'on avait. On parlait... On insistait sur un changement de culture dans la stratégie TI, et là vous voyez qu'il y a toutes sortes de changements qui sont proposés dans la gouvernance des TI, que ça soit au niveau du rôle du DPI, des DI aussi, le comité de gouvernance, qui est nouveau, on a tout le cycle budgétaire qu'on revoie. Il y a un volet particulier sur les projets d'envergure aussi qui a une nouvelle gouvernance pour les projets d'envergure, le suivi de projets, la vérification, certains services obligatoires.

Vous me voyez probablement venir avec ma question. Dans le mandat que vous dites du GDT, le Groupe Technologies Desjardins, il y a d'accompagner l'organisation dans la gestion du changement. Et qui dit technologies de l'information, qui dit projet de développement, qui dit réorganisation dit gestion du changement, c'est fondamental. Donc, peut-être quelques mots... Je sais que je veux laisser une minute ou deux à mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, mais je pense que c'est... qu'on ne peut pas passer à côté de la question de la gestion du changement. Vous avez certainement des choses à nous dire là-dessus.

M. Habib (Chadi) : M. le Président, au sujet de la gestion de changement, je l'aborderais dans deux mentions. En technologie, j'aime dire que la technologie est très simple. Ce n'est pas très simple, mais je vais le décrire de façon simple. Il y a deux fonctions majeures en technologie, pour nous, chez Desjardins. Il y a une notion de ce qu'on appelle le gardien de services technologiques, ça, c'est les gens... la plomberie technologique, l'infrastructure, tous ces éléments-là où est-ce que c'est la technologie qui modifie la technologie, et là on se permet d'être beaucoup plus unilatéral. On n'a pas besoin d'embarquer tout le monde. On dit : La meilleure solution de messagerie, on ne va pas en débattre 12 ans en pensant, là, il y en a un seul sur le marché; les autres, si vous acceptez de mettre vos données à l'extérieur du Canada, vous pouvez les considérer, mais nous, on ne les considère pas parce que ça enlève ces critères-là. Ça fait qu'on passe... là, on est très unilatéral.

Où est-ce que je vous rejoins à 100 %, c'est toutes les transformations technologiques qui ont un impact sur la prestation de services aux contribuables dans votre cas, aux membres et clients dans notre cas, et c'est là... La fusion entre le métier et les technologies fait en sorte, aujourd'hui, que c'est impossible de faire un programme de transformation d'évolution des services sans gérer de façon très importante le changement à l'interne mais aussi les interactions.

Ça fait que j'appuie à 100 % votre propos de dire, quand on a des projets de technologie de cette nature... je ne parle pas de la plomberie, l'infra, la transversalité, où est-ce que c'est plus unilatéral, mais la gestion de changement, bien, c'est plus à l'intérieur de la maison de techno. Mais tous les autres projets, pour nous, c'est majeur. J'appuie à 100 % votre propos. On a beaucoup, beaucoup de gestion de changement.

• (16 heures) •

M. Huot : Oui. Merci. Et je ne sais pas si vous avez documenté tout ça, mais il y a certainement des leçons, depuis, là... Ça fait six ans, peut-être, là, le groupe. L'évolution, la résistance au changement toujours présente dans une organisation. Je ne sais pas si vous avez documenté ça, s'il y a des leçons apprises de ça qui pourraient être partagées éventuellement avec le gouvernement.

M. Habib (Chadi) : Avec plaisir. On n'a pas complètement enlevé toute la résistance au changement, ça va continuer. Je peux vous dire, il y a plusieurs choses qu'on a faites. Je vous donne un exemple, un projet de technologie, mettons une mise à jour du service AccèsD, c'est notre service mobile bancaire, ce n'est pas un projet de technologie, c'est un projet conjoint affaires et techno, les deux sont imputables, les deux sont mesurés de la même façon. Ça fait que, tout ce qui est régime d'intéressement, en mesure suivi, un élément.

Les méthodes doivent privilégier nos meilleurs projets. Je vais vous dire quelque chose, quand vous allez rentrer dans la salle, vous n'allez pas pouvoir dire qui est techno, qui est affaires et qui est fournisseur. Pour moi, ça, c'est mon critère le plus important quand je visite les équipes dans les projets. Si je rentre dans la salle et je vois un camp de techno, et le camp d'affaires, et le camp de fournisseur, je peux vous dire, le risque d'échec, il va être très élevé. Ou il y a d'autres leçons apprises qu'on peut vous fournir dans les suivis.

Le Président (M. Matte) : Merci. Maintenant, j'invite le député de Marguerite-Bourgeoys pour les quatre minutes qu'il vous reste.

M. Poëti : Merci, M. le Président. Écoutez, je serai rapide. En fait, ma préoccupation est celle que le ministre a soulevée tantôt. Une entreprise comme la vôtre, avec l'ensemble des... vous avez parlé de plomberie, mais évidemment il y a plus que ça sur la gestion globale de votre entreprise. Un premier volet, le pourcentage qui est à l'interne, qui gère votre système de technologies de l'information par rapport à ce que vous donnez à l'externe, est-ce que vous avez une idée, à peu près, du pourcentage, comment on le répartit?

M. Habib (Chadi) : Question de qu'est-ce qui se fait à l'interne versus l'externe, pour répondre à la question, juste pour vous donner le bon contexte pour que vous puissiez comparer, on sépare la technologie, encore une fois, à deux : opérer et développer. Opérer, c'est gérer les choses qui sont déjà déployées par les programmes et les projets. Dans ce domaine-là, on parle de 40 % où est-ce qu'on travaille avec multiples partenaires, on donne à l'externe. Pourquoi? Aussi, on a un critère très clair de qu'est-ce qu'on veut garder à l'interne, qu'est-ce qu'on va garder à l'externe. Je m'explique, les concepts d'architecture, d'orientation, de stratégie, jamais on ne va les sortir à l'externe, même si c'est opérationnel au projet. C'est notre futur, il faut garder ça. La cohérence de l'expérience de nos membres et clients, la cybersécurité et l'orientation de cybersécurité, on ne sort pas à l'externe. L'exécution de certains éléments comme ça, on le donne à l'externe, c'est très public comme information. Tirer la fibre à travers le Québec sur 1 500 sites, je ne suis pas dans le domaine, la capacité d'aller faire de la fibre optique à travers le Québec, ça fait que Bell fait ça pour nous.

Ça fait que, dans l'opération, on est dans les 40 % à 50 %, et ça varie. Ce n'est pas un seul fournisseur, on aime une saine tension entre nos fournisseurs. Dans le développement, on est plus dans les 60 % où est-ce qu'on fait affaire avec les externes en mode consultation et forfaitaire.

Le Président (M. Matte) : M. le ministre.

M. Moreau : C'est l'inverse, donc. En développement, vous êtes à 60 % à l'externe, 40 % à l'interne, alors que, dans ce qu'on appellerait l'opération, ce que vous estimez être stratégique, vous êtes à 60 % à l'interne, 40 % à l'externe.

M. Habib (Chadi) : Exact.

M. Moreau : O.K.

M. Poëti : Et le pourcentage de jeunes entrepreneurs, ou de jeunes boîtes, de start-up, ou de jeunes que j'appelle des brillants des technologies qui vous amèneraient une solution différente que celle que vous êtes habitués, est-ce que vous avez de la place pour ces gens-là? J'ai entendu tantôt qu'à l'occasion... Mais est-ce que vous les considérez vraiment ou, parce que votre boîte est tellement grosse, que vous vous dites : C'est un peu, peut-être, délicat de le faire? Est-ce qu'ils ont une place chez vous, ces jeunes-là?

M. Habib (Chadi) : Une des missions les plus importantes chez Desjardins, c'est d'être un leader socioéconomique. On a un devoir de faire émerger le leadership numérique au Québec. Je le dis souvent sur la scène publique, il y a zéro raison pour lesquelles, au Québec, on ne peut pas mener et non subir la transformation numérique, et on ne va pas le faire seulement en favorisant les compétences à l'extérieur du Québec.

Ça fait que, depuis plusieurs années, on a lancé quelques programmes. Desjardins Lab, c'est un programme où est-ce qu'on invite des petits entrepreneurs, en passant. On met un cadre qui est sécure, si on peut dire ça, qui n'amène pas trop de risques à nos membres et clients parce qu'avant qu'on les mette à toucher 5 millions, 7 millions de membres et clients à 1 000 transactions par seconde on veut s'assurer que leurs services, leur offre va tenir, va tenir les niveaux de service qu'on a là. On fait ça depuis plusieurs années maintenant. Et, oui, les start-up, les entrepreneurs ont une place chez Desjardins.

Ceci dit, je vais vous dire que, plus souvent, avant on encourageait des personnes qui amenaient des commodités. Et là, depuis quelques années, on dit beaucoup plus non à des commodités et on veut... on se donne le devoir d'encourager ceux qui amènent des idées et des propriétés intellectuelles qui vont aider le leadership du Québec et pas simplement revendre la commodité parce qu'on ne croit pas que c'est pérenne à long terme pour notre société.

M. Poëti : Vous ne demandez pas nécessairement de garder le... voyons, les droits intellectuels du logiciel, en fait.

M. Habib (Chadi) : Pas du tout. Il y a plusieurs configurations. Il y a certaines configurations, certains de ces entrepreneurs viennent nous voir pour dire : Est-ce que vous pouvez investir dans notre société?, et là on a notre portion de l'équité, mais, dans plusieurs cas, c'est leur propriété intellectuelle, on achète leurs services.

M. Poëti : Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Maintenant, j'invite la députée de Chicoutimi à poursuivre la période d'échange.

Mme Jean : Parfait. Merci. D'abord, bienvenue, M. Habib et M. Grimard, à l'Assemblée nationale. Très heureuse de vous voir aujourd'hui. Merci aussi d'accepter de partager votre expérience avec nous tous. Je pense que ça va être très aidant. Votre mémoire est aidant et vos commentaires, extrêmement aidants aussi. Merci beaucoup.

Très intéressant, ce que vous avez dit. Je suis allée... Il y a un détail... J'ai plusieurs petites questions. Vous avez émis, dans votre présentation, que vous aviez plusieurs items qui avaient été changés avec le temps, bien, après l'implantation de 2011 du nouveau modèle de développement numérique que vous aviez adopté, et vous avez mentionné que vous adoptiez de plus en plus... enfin, vous adoptiez maintenant des architectures ouvertes. Lorsque vous parlez d'architectures ouvertes, est-ce que vous parlez de logiciels libres ou de logiciels propriétaires? Qu'est-ce que vous entendez par «architectures ouvertes» dans ce contexte-là?

M. Habib (Chadi) : Au sujet des architectures ouvertes, globalement — je vais revenir au logiciel libre dans deux secondes — je vais vous donner un exemple très tangible. Peut-être vous avez entendu parler de notre offre Ajusto. Ajusto, c'est la capacité de vous suivre votre comportement de conduite, et, basé sur vos comportements de conduite, nous sommes capables de réduire votre assurance auto. Non, je ne fais pas une annonce publicitaire. Il y a trois, quatre ans, quand on a lancé ce produit-là, on travaillait avec, effectivement — monsieur est parti — une start-up, un entrepreneur qui avait une solution. On a décidé de bâtir notre architecture avec l'hypothèse que cette start-up ne sera pas là dans deux ans. Et ça, c'est une architecture ouverte. C'est de se donner une certaine architecture technique où est-ce qu'on peut remplacer des composantes. Pourquoi on a fait ça? Ce n'est pas parce qu'on n'est pas loyaux face à nos fournisseurs. Il y a tellement des start-up et de frénésie dans le domaine technologique que, statistiquement, 90 % des fournisseurs, des petits fournisseurs aux États-Unis, au Canada, au Québec, ne seront plus là dans trois, quatre ans. Ça, c'est une raison pour laquelle on fait une architecture ouverte, c'est-à-dire on est capables de brancher un fournisseur versus autres et on garde les services face à nos membres et clients le maximum pas perturbés par ce changement en arrière. C'est la première raison.

La deuxième raison, on voit venir, dans notre industrie, des écosystèmes, des interactions entre les concurrents des fournisseurs de services qui ne sont pas dans notre domaine où est-ce que les standards technologiques ont besoin d'être là pour qu'on puisse maximiser le bénéfice à nos membres et clients. Une architecture ouverte nous permet d'échanger avec ces autres parties de façon beaucoup plus fluide. Et on pense, nous, on croit que ces genres d'architectures ouvertes, c'est très important pour s'assurer que la techno ne soit pas en contrainte pour des futurs modèles d'affaires mais un facilitateur. Et c'est ça qu'on a fait, notre industrie, depuis 30 ans, on a créé un peu trop de contraintes, ça fait qu'aujourd'hui on essaie d'ouvrir ça.

Ceci dit, je termine là-dessus, il faut quand même traiter la conformité, il faut quand même traiter la cybersécurité. La cybersécurité, «anyways», les frontières ont changé complètement, ça fait qu'il faut gérer la cybersécurité dans l'infonuagique, à l'extérieur de nos périmètres, à l'intérieur. Ça fait qu'il faut quand même tenir compte de ces éléments quand on déploie ça. Ce n'est pas un défi centre, mais c'est notre orientation. On n'est pas là à 100 % aujourd'hui.

Mme Jean : D'accord. On reviendra tout à l'heure, j'aurai peut-être une question complémentaire à ce que vous venez de dire. Vous allez nous dire des commentaires sur le logiciel libre aussi. Est-ce que, quand vous parlez d'architecture ouverte, donc, c'est une architecture qui va permettre, dans le fond, aux différentes applications de pouvoir communiquer ensemble, c'est bien ce que je comprends, ce qu'on appelle, nous, l'interopérabilité entre les différents secteurs et les différents logiciels qui pourraient arriver à se joindre à un système qui est déjà en place? C'est bien ça que vous avez adopté? Et ce n'était pas prévu initialement, vous avez comme adopté ça au fur et à mesure de l'implantation de la nouvelle façon de procéder.

• (16 h 10) •

M. Habib (Chadi) : Pour clarifier pourquoi ce n'était pas là avant, c'est parce que notre industrie, et pas seulement Desjardins, historiquement, fonctionnait par secteur, par département. Ils n'avaient pas, à ce moment... et ce n'est pas un jugement du passé, l'industrie, elle était comme ça, elle n'avait pas une conception de dire : Éventuellement, pour bien servir le membre et client, on a besoin d'autres modèles qui vont venir amener plusieurs intervenants à l'intérieur du périmètre de l'entreprise mais aussi à l'extérieur. Ça fait qu'aujourd'hui on ouvre ces dimensions-là. Et, si on regarde les tendances en Europe, c'est les tendances très fortes aujourd'hui, où est-ce que les gouvernements et les régulateurs forcent les institutions comme la nôtre de travailler beaucoup plus ensemble à l'avantage du consommateur.

Mme Jean : Puis le logiciel libre dans tout ça?

M. Habib (Chadi) : On utilise beaucoup de logiciels libres chez Desjardins. Trois critères très importants. Un, on demande que le logiciel libre ait des capacités canadiennes, on ne veut pas... c'est une préférence d'affaires, ce n'est pas un enjeu légal ni de sécurité, ait des capacités au Canada; deux, soit encadré par un fournisseur qui va nous garantir les niveaux de service, parce qu'on a certains niveaux de service, exigences de service très élevées. Quand vous passez votre carte de crédit dans un marchand, il faut qu'en quatre secondes la transaction complète. Dans les logiciels libres, à cause de la nature des logiciels libres, qui sont très crédibles, en passant, il n'y a pas toujours des garanties et des imputabilités claires, ça fait qu'il faut bien encadrer. Et il y a pas mal des fournisseurs qui sont capables d'encadrer ces éléments-là. Et, pour certaines solutions névralgiques, nous n'allons pas utiliser les logiciels libres. Ça dépend des contextes. Ça fait qu'on a une liste de critères où est-ce qu'on l'utilise, où est-ce qu'on ne l'utilise pas. Mais on a beaucoup de logiciels libres chez Desjardins.

Mme Jean : Parfait. Merci. Donc, vous avez, en 2011, pris une décision de faire un grand changement dans la structure de fonctionnement, justement, en ce qui a trait à comment le développement des technologies de l'information va s'implanter ou va se développer au sein de l'organisation au complet. Donc, c'est une grande décision qui a été prise.

Deux questions rapides. On a cinq minutes. Deux questions, peut-être, rapides. Donc, on a pris cette décision-là... Ma question, c'était quoi? Bien, une des questions, c'est... C'est faire un grand changement majeur. De faire ce changement-là, quelle résistance vous avez eue de l'ensemble des personnes qui étaient concernées et qui se retrouvaient dans une entité, avec le confort de tout comprendre son environnement et, tout d'un coup, de se retrouver dans une autre entité? Vous semblez avoir réussi à faire ce grand changement là. Quel serait l'élément secret qui a permis de faire en sorte que ce changement-là soit une réussite?

M. Habib (Chadi) : Pour être très transparent, ça a pris un bon trois ans à passer à travers la turbulence, hein? Ça fait qu'il ne faut pas penser que ça se fait comme ça avec 4 000 employés, surtout dans un mouvement comme Desjardins. Les deux aspects les plus importants : les niveaux de service et l'excellence opérationnelle. Tout le monde doit s'attendre à ça après le changement. Il ne faut pas baliser vers le secteur qui était le moins performant, baliser vers le secteur le plus performant parce que, la réalité, quand on a 11 ou 12 secteurs différents, tu as des niveaux de performance différents. Ingrédient un.

Ingrédient deux, et c'est le piège de beaucoup de nos pairs qui ont fait ça — en passant, plusieurs de nos pairs ont fait ça avant nous, ça fait qu'on a pu apprendre — c'est de trop centraliser et ne pas garder la proximité avec les besoins des secteurs spécifiques. L'équivalent pour vous : les organismes et les ministres. Si on se distance trop dans les concepts centralisés et on ne garde pas une proximité de ce qu'est-ce qui arrive réellement sur le terrain, ça devient un problème. D'ailleurs, la première année, c'était le défi le plus important pour nous. On a changé la formule et aujourd'hui on a une saine tension — j'aime beaucoup cette expression — entre ceux qui poussent la technologie vers le besoin local et proche et ceux qui tirent bénéfice des opportunités transverses. Et c'est une saine tension intentionnelle, tant qu'elle est saine.

Mme Jean : Ma deuxième question était : Pourquoi vous l'avez fait? Mais vous l'avez déjà mentionné dans votre introduction. Donc, je vais vous poser la question... Il y a des problématiques à peu près dans toutes les organisations, et surtout les majeures, au niveau des ressources informationnelles. Chez Desjardins, quel a été l'élément marquant qui a fait en sorte que, oui, cette année, en 2011, on fait ce changement-là, malgré les difficultés envisagées, malgré les coûts engendrés par ça? Est-ce qu'il y a un événement qui a fait en sorte qu'on l'a fait cette année?

M. Habib (Chadi) : Pour vous donner le contexte, moi, j'arrivais, en 2011, pour faire arriver le changement, la décision était prise. Mais je peux vous dire qu'est-ce que j'ai appris de la décision : 130 millions de dollars de synergie et des opportunités et des risques qui n'étaient pas bien adressés dans l'ancien modèle. C'est les deux facteurs.

Mme Jean : Parfait, merci. Vous avez parlé de l'approvisionnement puis vous semblez vouloir équilibrer, justement, avec qui vous faites affaire pour le développement et l'évolution de vos technologies de l'information entre des grands intégrateurs pour certains projets, j'imagine, particuliers. Et vous avez parlé aussi, tout à l'heure, des fournisseurs québécois, qui peuvent être des grands intégrateurs aussi. Mais j'imagine qu'à ce moment-là vous faisiez référence aux plus petites et moyennes entreprises, qui sont dans les catégories des innovateurs d'aujourd'hui.

Donc, vous avez parlé aussi de propriété intellectuelle. Est-ce que dans les projets que vous... Et aussi j'ai compris que, dans vos appels d'offres, vous avez mis une catégorie où vous acceptiez de supporter un certain risque que le projet ne fonctionnerait pas. Donc, je comprends que, dans votre façon de fonctionner avec vos sous-traitants en informatique, en technologies de l'information vous pouvez avoir une partie où vous avez une problématique, mais vous ne savez pas encore comment ça va se solutionner. Donc, on met un groupe, on met un budget à ce niveau-là. Et qu'arrive-t-il... Et j'imagine qu'à ce moment-là ça peut être avec des petites et moyennes entreprises, avec qui vous faites affaire. Et je comprends très bien la situation, ayant été à la tête d'une petite et moyenne entreprise innovatrice permettant de faire de l'innovation rapide, et tout. Donc, je comprends qu'on puisse faire affaire avec elles, et c'est très bien. Maintenant, lorsque ça arrive... la propriété intellectuelle dont vous parliez, il peut arriver qu'émerge la propriété intellectuelle dans un projet. Est-ce qu'à ce moment-là Desjardins la conserve ou vos fournisseurs peuvent, justement, la récupérer ou la conserver de manière à ce que ça puisse devenir un levier de prospérité et de développement de l'entreprise elle-même qui pourra, à la limite, l'offrir à d'autres entreprises et même peut-être des compétiteurs? Comment vous gérez ça, cette partie-là?

M. Habib (Chadi) : Je dirais, aujourd'hui on travaille nos muscles à ce sujet-là, et j'aurais des exemples où est-ce que les deux situations sont arrivées. On a une situation, sans nommer des entreprises spécifiques, où est-ce qu'on a cocréé leur solution avec eux. Dans ce cas-là, on a insisté, un peu plus par équité, qu'on ait une certaine propriété de la propriété intellectuelle. Ils peuvent le revendre à des tierces parties. D'ailleurs, ils vont le revendre à des petites entreprises ici, au Québec.

Dans d'autres cas, la société arrivait pas mal avec leur solution, et, dans ces cas-là, la seule façon qu'on a une autre interaction, outre qu'acheter le service, c'est s'ils nous demandent d'investir dans leur société pour leur aider, excusez l'anglicisme, le «scale-up» de la société, leur capacité de croissance.

Ça fait qu'on a les deux scénarios. Et ce qu'on est super, super, superclairs, sur nos critères, on y travaille, je ne vous dirai pas que c'est 100 % clair. Si vous avez des suggestions, je suis à l'écoute.

Mme Jean : On pourra en reparler. Est-ce qu'on a encore du temps?

Le Président (M. Matte) : Rapidement. Il vous reste...

Mme Jean : 30 secondes, environ?

Le Président (M. Matte) : 40.

Mme Jean : 40 secondes. Ma question était trop compliquée. Juste une petite question, à ce moment-là, par rapport, justement, aux PME avec lesquelles vous faites affaire. Vous dites que le nombre est limité. Est-ce que vous vous assurez qu'il y ait un changement dans les types de fournisseurs pour que, justement, les start-up, les nouveaux qui arrivent disponibles puissent aussi venir aider l'entreprise dans ses projets?

M. Habib (Chadi) : Oui. Aujourd'hui, ça devient une nécessité, honnêtement, dans notre domaine parce que, comme vous l'avez mentionné, il y a certaines technologies qui avancent très, très rapidement aujourd'hui, et on ne peut pas ignorer ceux qui émergent qu'on ne fait pas affaire avec aujourd'hui. Ça fait que, oui, le volume est important. Par contre, je peux vous dire, ce n'est pas un processus facile. Je ne peux pas vous dire une journée où est-ce qu'il y n'a pas quelqu'un qui nous sollicite pour nous dire qu'ils ont l'idée du siècle pour résoudre plein de problèmes. Ça fait qu'on a mis en place une petite machine, maintenant, qui va analyser ces éléments et y répondre.

Le Président (M. Matte) : Très bien. Je vous remercie. Le temps étant écoulé, j'invite le député de La Peltrie à poursuivre les échanges.

M. Caire : Merci, M. le Président. M. Grimard, M. Habib, bonjour. Dans votre mémoire, M. Habib, vous dites que Desjardins a réorganisé, en fait, la gouvernance de ses besoins technologiques. Vous avez centralisé ça, vous avez créé, si je comprends bien, une espèce de boîte interne dédiée aux technologies de l'information. Puis j'aimerais savoir d'abord comment vous avez fait cette transition-là, comment vous l'avez implantée. Puis ce que j'aimerais savoir aussi, c'est comment vous répartissez la responsabilité entre la maîtrise d'oeuvre, la maîtrise d'ouvrage par rapport à cette boîte-là versus les différentes entités de Desjardins et donc qui ont des besoins spécifiques.

• (16 h 20) •

M. Habib (Chadi) : Très bien. Très rapidement, Groupe Technologies Desjardins, c'est une entité légale à l'intérieur du Mouvement Desjardins où est-ce que tous les employés technologies ont été basculés dans cette entité légale. Cette entité légale, à cause de notre réglementation, elle a des ententes spécifiques avec chaque secteur d'affaires sur les services qu'elle doit fournir et son imputabilité vis-à-vis l'imputabilité du secteur d'affaires. Ça, c'est ce qui est sur papier, contractuel, aussi pour être conformes.

Dans la réalité, qu'est-ce qu'on commence à voir dans nos modèles de travail, c'est que, quand on a un projet, on fait abstraction de l'imputabilité techno, imputabilité affaires, dans un projet. Aujourd'hui, on se concentre... Je donne l'exemple, un renouvellement hypothécaire. On ne se concentre pas sur la responsabilité techno, responsabilité affaires, c'est une équipe. Une ou plusieurs escouades, on les appelle, sont mesurées toutes de la même façon, la solution, est-ce qu'elle livre... qu'est-ce qu'elle est supposée de livrer à nos membres et clients, au bon coût, avec les bonnes stabilités opérationnelles. De plus en plus, on fait cette notion de propriétaire de services du côté affaires avec un «lead» de côté techno, on leur met des escouades. Moi, je peux vous donner une petite prévision : D'ici de 10 ans, dans les sociétés comme la nôtre, la notion de TI versus affaires, ou non-TI, ou métier, maîtrise d'ouvrage versus maîtrise d'oeuvre va disparaître, à mon opinion, la majorité.

M. Caire : Et donc, essentiellement, on peut penser que c'est ce regroupement-là qui est la pierre angulaire de vos stratégies de développement techno.

Maintenant, vous avez dit tantôt, puis ça, j'aimerais vous entendre là-dessus, il ne demeure pas moins que chacune de vos entités ont des besoins spécifiques, et la base d'un bon développement, c'est qu'il y ait une bonne compréhension mutuelle entre celui qui a le besoin et celui qui a à y répondre. Je comprends que la boîte techno va répondre aux besoins, mais celui qui doit définir le besoin, ça reste l'entité. Donc, comment vous pouvez concilier... Quelle est, comment je dirais... quelle est la part de responsabilité de l'entité versus la boîte techno et la responsabilité de la boîte techno versus l'entité?

M. Habib (Chadi) : Dans notre cas, on se donne trois responsabilités très claires. La première, c'est gardien de services technologiques. Ça, on ne peut pas diluer cet aspect-là parce que, peu importent les rôles et responsabilités dans le développement, une fois qu'on tombe en opération, stabilité, cybersécurité, excellence opérationnelle, on a besoin d'une entité qui est imputable de bout en bout, qu'elle voit tous les leviers qu'elle est capable de le faire. Ça fait que ça, ce qu'on appelle gardien de services technologiques, une fois que les choses sont déployées, sont plus en opération, ça, c'est vraiment non négociable. L'imputabilité est 100 % claire, elle n'est pas divisée nulle part.

Dans les équipes de développement des solutions, ce qu'on privilégie — on n'a pas atteint la perfection encore — qu'est-ce qu'on privilégie, ce que je vous disais tout à l'heure, ce n'est pas commencer avec la notion de qui est imputable. Commençons, dans notre cas, par le membre et client, je me permets, dans votre cas par les contribuables, et de dire : Qu'est-ce qu'ils cherchent? Qu'est-ce qu'on cherche à accomplir pour eux autres? Quel genre d'expérience qu'ils veulent vivre? Et, basé sur ça, c'est qui, les meilleures équipes qu'on va mettre en place pour développer cette solution-là? Et ce n'est pas... De temps en temps, on a une situation où est-ce que la personne techno va amener la solution la plus propice pour le membre et client... ou la personne d'affaires va challenger la solution techno pour dire : «You know what», peut-être on doit l'ajuster parce que ça va amener une meilleure expérience. Mais on travaille tout ça. Mais ça, c'est les méthodes qu'on a commencé à évaluer depuis 24 mois, à peu près, et ça porte beaucoup de fruits, en passant. Si jamais vous voulez avoir une étude de cas sur quelques sujets, ça nous fera plaisir de partager.

M. Caire : J'aimerais bien, oui. Merci de l'offre. Maintenant, vous rajoutez une dimension à ça qui est la consultation externe. Ce que je comprends de l'objectif du regroupement, c'est de développer quand même une expertise interne, donc créer une espèce de masse critique des besoins pour développer une expertise à l'interne. Comment vous conciliez l'utilisation des ressources externes? Et sur quels critères vous allez dire : Bon, bien, ça, je n'ai pas besoin de développer cette expertise-là, je peux aller à l'externe? Puis quel est aussi le gain économique? Parce que j'imagine que vous avez évalué que c'était plus économique de laisser cette expertise-là à l'externe plutôt que de la développer à l'interne. Comment vous conciliez tout ça?

M. Habib (Chadi) : Trois raisons de travailler avec l'externe. La première, je vais commencer avec ce qu'on appelle l'impartition ou l'«outsourcing». Ça, c'est surtout s'il y a un métier opérationnel qu'on ne veut pas faire à l'interne. Gérer les fibres optiques à travers le Québec, ce n'est pas notre métier...

M. Caire : Est-ce qu'on peut parler, à ce moment-là, d'un besoin ponctuel?

M. Habib (Chadi) : Dans ce cas-là, c'est un besoin récurrent indéfini. On va avoir ce besoin-là indéfinitivement. On va avoir des partenaires télécommunications qui vont faire ça, on ne va pas rentrer ça à l'interne. Ça, c'est opération.

Quand on tombe dans les modes de projet de développement, notre intention, juste pour donner une idée, ça ressemble à votre parcours, on était à 40 % de consultation il y a cinq, six ans — le nombre de personnes, en passant, pas les dépenses, je vais revenir aux dépenses parce qu'il y a des forfaitaires, il y a d'autres modes — aujourd'hui on va être à... on est à 20 % et on va rester là. C'est-à-dire, 20 % des effectifs qui travaillent sur les projets, c'est des consultants de l'externe. Pourquoi? Deux raisons principales. Il y a une variabilité des besoins à chaque année, et de continuellement bouger notre staff, nos employés internes, ce n'est pas viable. Et le deuxième élément, c'est d'injecter des gens qui ont vu autre chose, qui ont eu d'autres expériences, qui ont des compétences, qui viennent contaminer nos propres ressources avec d'autres connaissances d'ailleurs. C'est intentionnel. On veut maximiser ces éléments-là parce qu'au fur et à mesure du temps, si on ne se garde pas à jour, si on ne se fait pas challenger par quelqu'un en externe, on a peur de perdre un peu de momentum.

M. Caire : Je veux juste comprendre sur le 20 %. Quand vous dites «20 % de ressources externes», c'est tous besoins confondus ou... Parce que tantôt vous avez fait allusion aux questions de sécurité, on garde ça à l'interne. Mais est-ce que, là aussi, vous avez 20 % de consultations externes ou, cette espèce de «knowledge» là, vous avez vraiment 100 % à l'interne, tu sais, il y a des secteurs pour lesquels il n'y aura rien, rien, rien de donné à l'externe? J'essaie de voir, le 20 %, comment vous le distribuez, là, dans vos besoins.

M. Habib (Chadi) : C'est spécifique aux métiers, effectivement, comme vous le dites. Il y a certains métiers qu'on garde toujours le contrôle. En cybersécurité, la majorité des gens qui analysent, qui font les investigations, qui suivent toutes nos interactions, qui travaillent avec le gouvernement québécois et fédéral pour toutes les attaques, c'est des gens de Desjardins. Ceci dit, même dans ce domaine-là, quatre fois par année, on va inviter quelqu'un de venir nous challenger de l'externe parce qu'on veut rester à jour, de nous attaquer de façon raisonnable de l'externe pour s'assurer qu'on est à jour, pour s'assurer que notre périmètre est bien protégé. Mais ça, c'est un métier qu'on veut absolument garder à l'interne. Nos orientations, nos architectures, c'est des métiers qu'on garde à l'interne. Mais même ceux qu'on garde à l'interne, on demande des challenges régulièrement de l'externe pour se garder à jour.

M. Caire : Tantôt, vous avez dit quelque chose d'extrêmement intéressant sur votre capacité à développer des technologies, comment je dirais ça... Vous avez parlé qu'on avait une espèce de... vous aviez un groupe de veille qui avait pour mandat de voir venir les nouvelles technologies, évaluer, effectivement, s'il y avait une applicabilité, s'il y avait une pertinence d'aller vers ça, et, si oui, avec quel timing. J'aimerais, un, vous entendre là-dessus, mais j'aimerais aussi vous entendre sur le fait... Est-ce que ce groupe-là a aussi le mandat de réfléchir à des nouvelles technologies? Donc, est-ce qu'ils ont le mandat d'être un peu un laboratoire pour Desjardins et développer des nouvelles technologies pour Desjardins?

Le Président (M. Bernier) : Écoutez, il ne reste plus de temps, mais je vais permettre à nos invités de répondre à votre question.

M. Caire : Merci.

Le Président (M. Bernier) : Je vous en prie. Si vous voulez répondre, M. Habib.

M. Habib (Chadi) : Merci, M. le Président. Effectivement, il y a deux genres de capacités qu'on s'est dotés, parce que, quand on a vu l'accélération des tendances, et un peu de frénésie, là, et un peu de choses valides, on a dit : Il faut s'équiper avec deux choses. La première chose : une équipe qui fait... s'assurer qu'on comprenne qu'est-ce qui se passe sur le marché, c'est quoi, les différents leviers technologiques, et c'est quoi, leur impact potentiel, effectivement, à quel timing, quelle cadence qu'on va les déployer. Et l'autre équipe que je faisais référence, Desjardins Lab, leur mandat, c'est d'explorer et jouer avec ces technologies-là et inviter nos secteurs d'affaires à voir comment on joue avec ça, est-ce que ça fait du sens, jeter ce que ça ne marche pas : Ah! ça, c'est plus porteur, on va procéder avec ces éléments-là.

Ça fait que, ces deux équipes-là, ça fait deux ans que ça roule, et honnêtement je ne peux pas vous dire aujourd'hui comment on peut suivre la cadence si on n'avait pas ces deux équipes-là. Et ces deux équipes-là agissent comme éducateurs pour notre C.A., nos leaders à travers l'organisation.

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. Habib, merci, M. Grimard, du Mouvement des caisses Desjardins, de votre participation à la Commission des finances publiques.

Je vais suspendre quelques instants afin de permettre à M. April et M. Abran de prendre place. Je suspends.

(Suspension de la séance à 16 h 28)

(Reprise à 16 h 33)

Le Président (M. Bernier) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous reprenons nos travaux. Nous avons le plaisir de recevoir M. Alain April, professeur à l'École de technologie supérieure. Bienvenue, M. April. On vous accorde 10 minutes pour faire votre présentation, par la suite vont suivre les échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

MM. Alain April et Alain Abran

M. April (Alain) : Merci beaucoup. Merci de m'avoir accordé cette période pour vous parler de mon expérience en tant que spécialiste du domaine des technologies de l'information. Le Pr Abran, qui devait m'accompagner, arrive de la Chine, actuellement, et quitte pour les États-Unis aujourd'hui, où il a travaillé sur des projets d'amélioration de logiciels pour l'estimation de projets, autant en Chine qu'aux États-Unis, et ne peut pas se joindre à moi aujourd'hui, donc je vais parler pour lui dans ma conférence d'aujourd'hui.

Donc, avant d'être professeur en génie logiciel à l'École de technologie supérieure, j'ai travaillé comme gestionnaire en information, en gestion de l'information et en informatique au Québec, dont chez Desjardins, dont vous avez entendu parler tantôt, et d'autres d'entreprises. Et ça m'a permis aussi de travailler à l'étranger et de prendre le chemin de devenir professeur et chercheur dans le domaine du génie logiciel et d'écrire avec Alain Abran, là, une série d'ouvrages qui ont comme objectif de proposer et d'aider les entreprises et les gouvernements avec les meilleures pratiques en logiciel.

Et donc, moi, ma spécialité, c'est la maintenance du logiciel et aussi l'assurance qualité logicielle, et, pour le Dr Abran, c'est surtout l'estimation de projet qui est un problème, l'estimation logicielle qui est un problème récurrent, et qu'on connaît assez bien. Et donc le Pr Abran, aussi, de son côté, a travaillé dans les banques pendant plusieurs années, à Montréal, et est devenu professeur un peu plus tard dans sa carrière. Il a aussi publié des ouvrages qui sont connus et qu'il utilise aussi depuis des années à l'extérieur et quelquefois au Québec.

Donc, aussi, on a toujours travaillé... En tant que professeurs, on a la chance, à l'ETS, de faire des mandats d'expert-conseil au travers de l'école, hein, c'est l'école qui nous permet de le faire, et donc on a aussi offert des services-conseils et on offre des services-conseils à l'industrie. Et curieusement on travaille beaucoup plus à l'étranger, depuis cinq à 10 ans, qu'ici même, au Québec.

Évidemment, la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles concernent la direction des opérations, hein, les infrastructures, les structures de l'organisation, les processus pour mettre en oeuvre tout ça, le développement de logiciel, la mise à niveau, la maintenance et bien d'autres pratiques de logiciels. On comprend tous ici que ce n'est pas de la recherche et développement. Et donc, dans mon rôle de recherche, je ne fais pas état de ce qu'on va parler ici. La recherche mène à des pratiques éprouvées qui sont publiées et qui peuvent être utilisées par l'industrie. Donc, on utilise la recherche comme une activité séparée de ce qu'on va parler aujourd'hui ensemble.

Mon intervention aujourd'hui et pourquoi on a demandé de vous parler, c'est surtout pour la nécessité de clarifier et renforcer le rôle des intervenants en général, le dirigeant principal de l'information et les dirigeants de l'information, dans le cas de ce projet de loi là, concernant l'amélioration continue et la nécessité de faire de l'amélioration continue mais de manière un petit peu plus formelle. C'est dans cette optique-là que je viens vous rencontrer pour parler de l'importance de l'amélioration continue dans notre domaine, et qu'il y a de disponible énormément de bonnes pratiques, et que c'est à portée de main jusqu'à un certain point. C'est une question de se pencher sur le sujet mais d'une manière continue et contrôlée pour pouvoir y arriver.

Personnellement, je suis un ingénieur, un ingénieur logiciel. Ma formation d'ingénieur logiciel, je l'ai faite en Allemagne. Et l'ingénieur logiciel, c'est une spécialité du génie industriel. L'objectif d'un ingénieur logiciel, c'est donc d'améliorer les pratiques des ingénieurs qui font du logiciel dans tous les aspects, hein, que ce soit l'infrastructure, le développement, la maintenance et bien d'autres activités.

On a eu la chance, par le passé, de travailler avec l'IEEE, aux États-Unis, pour développer le cursus de génie logiciel ou, si vous voulez, l'ensemble des pratiques de génie logiciel, avec les États-Unis, qu'on a implantées à l'ETS dans notre programme de formation. Mais, étant donné la jeunesse relative de notre domaine qu'est le logiciel... Donc, vous connaissez bien les difficultés du domaine. Vous savez que les lois n'ont pas progressé à la vitesse qu'on s'attendrait pour que les ingénieurs puissent avoir des activités réservées en logiciel, ce qui permettrait de s'assurer, pour certains domaines, qu'on rencontre les coûts, la qualité soit là et que l'ensemble des standards soient respectés. Si on regarde dans d'autres pays, c'est sûr qu'aux États-Unis, en Floride et au Texas, ils ont pris un pas d'avance et ils ont fait cette étape de pouvoir forcer un peu plus la loi de l'ingénieur auprès du domaine du logiciel, ce qu'on n'a pas encore franchi ni au Québec ni au Canada en ce moment.

Bien sûr, étant donné qu'on n'a pas cet outil au Québec, ce qui nous reste, en fait, c'est de s'assurer de l'utilisation des meilleures pratiques, hein? Et donc comment on fait ça? Bien, on peut l'enseigner, on peut former nos gens, on peut diffuser ces pratiques-là, on peut les conseiller, on peut les proposer et les recommander, ces meilleures pratiques là, auprès des gens qui sont soit nos subordonnés ou pour lesquels on fait du conseil. C'est précisément les termes qui sont employés dans la section I du chapitre G-1.03 de la Loi de la gouvernance et de la gestion des ressources informationnelles des organismes publics aujourd'hui. C'est donc ce que vous avez aujourd'hui dans la loi.

Le Dr Abran enseigne et offre des conseils en amélioration du processus d'estimation de logiciel depuis beaucoup d'années. Il a été un des pionniers, en 1996, où il a travaillé à mettre en place ces meilleures pratiques là d'estimation dans l'État de Victoria, en Australie, pour la gouvernance des projets logiciels. À cette époque-là, donc on parle de 1996, ça lui avait permis de réduire les dépassements des coûts de projets, qui étaient alors de 80 %, de les réduire à seulement 10 %. Un effet secondaire d'avoir installé ces pratiques-là a fait une réduction de coûts des fournisseurs externes sur les travaux de développement logiciel de 60 %, qui ont été observés et publiés par le gouvernement australien dès 1996 jusqu'à 1998. Donc, on parle de pratiques qui ne sont quand même pas récentes, hein, ce sont des bonnes pratiques qui sont là depuis plusieurs années.

• (16 h 40) •

De mon côté, depuis 1998, grâce à des contrats spécifiques qui ont été développés avec l'aide des Anglais, des Américains et aussi des Canadiens, on a été capables de s'assurer qu'il n'y ait aucun dépassement logiciel lors de l'acquisition de grands progiciels dans des entreprises, un problème qui était cyclique et qui arrivait souvent, de dépassement de coûts, et pour lequel on a des pratiques qui peuvent être appliquées pour pouvoir arriver à résoudre ce genre de problème là. Donc, ce sont deux exemples que je sors de plein d'exemples possibles de bonnes pratiques qui sont publiées et disponibles au marché actuellement.

Donc, je suis donc à constater que, bien que les meilleures pratiques soient disponibles, connues puis utilisées par certaines organisations, il ne semble pas facile de les rendre appliquées, et pratiques, et suivies, et soutenues dans nos organisations ici, au Québec, en général.

Comment on peut expliquer cette observation-là? Bon, premièrement, dans le cas des organismes gouvernementaux, il n'y a pas de loi ou de règlement qui force les organisations à se comparer à d'autres organisations gouvernementales similaires et pouvoir voir quelles sont les pratiques qui sont utilisées ailleurs qu'on devrait peut-être implanter chez nous. Donc, de manière systématique, ce n'est pas quelque chose qui est obligatoire. Il y a sûrement des gens qui le font, mais c'est sur une base volontaire. Deuxièmement, la loi n'a pas non plus un article qui précise la nécessité d'avoir un plan formel d'amélioration qui serait suivi année après année pour les organisations de logiciels.

Malheureusement, comme on le sait tous, on est très occupés, et ce qui arrive, c'est que le travail quotidien, hein, le changement de personnel et tous les changements technologiques font que l'amélioration fait partie de nos plans ou notre plan de jeu mais n'est pas nécessairement quelque chose qui est au centre des préoccupations ou qui est suivi de manière serrée d'année en année dans nos organisations et dans nos gouvernements. Je ne veux pas dire ici qu'il n'y a pas d'activité d'amélioration, il y en a. C'est certain qu'il y a des activités d'amélioration et que le Conseil du trésor et aussi les organismes gouvernementaux font de l'amélioration des pratiques logicielles quotidiennement. C'est juste qu'il n'y a pas de recommandation, aujourd'hui, d'avoir un plan d'amélioration formel qui serait suivi d'année en année. Donc, on a l'occasion ici de s'assurer de formaliser ou de structurer cet aspect-là dans votre projet de loi.

Donc, merci d'avoir écouté ma présentation, c'est, en résumé, ce que je voulais vous dire. Dr Abran et moi-même, on aimerait faire des amendements simples qui nous amèneraient à obliger, si vous voulez, une activité d'amélioration continue d'être faite autant au niveau des ressources informationnelles auprès des organismes publics, pour l'article 7, paragraphe 7° — puis je vous ai fourni un texte dans mon mémoire — puis aussi... puis ça, c'est le dirigeant principal, et aussi une petite modification aussi du côté de dirigeant de l'information pour opérationnaliser peut-être un peu plus cet aspect-là.

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. April. Merci de votre présentation. Donc, sans plus tarder, nous allons débuter les échanges avec les parlementaires en donnant la parole au président du Conseil du trésor, au ministre.

M. Moreau : Oui, merci, M. le Président. Dr April, bienvenue. Merci d'être avec nous. Je comprends que votre collègue, qui voyage pas mal, serait peut-être un peu jet-lag pour nous expliquer les meilleures pratiques aujourd'hui. En tout cas, la meilleure pratique, ce n'est certainement pas de prendre l'avion de la Chine vers le Québec pour retourner aux États-Unis. Ça, on est sûrs que ce n'est pas ça.

On a reçu votre mémoire... puis prenez-le pas comme un reproche, là, c'est simplement factuel, moi, je l'ai reçu en après-midi, je pense que c'est la même chose pour tous les membres de la commission, alors... Mais soyez assuré qu'on va le passer au peigne fin, on va le lire, surtout si vous avez des recommandations.

J'écoutais votre présentation, vous parlez beaucoup des meilleures pratiques. Je ne sais pas si vous le détaillez dans le mémoire. Si vous ne le faites pas, peut-être pourriez-vous le faire maintenant. Avec qui devrait-on se comparer pour s'assurer que nous avons les meilleures pratiques? Je vais vous poser quelques questions en rafale, je veux laisser aussi la parole à mes collègues.

Et surtout vous avez pris connaissance de l'architecture du projet de loi, vous savez qu'on y prévoit une gouvernance centrale, un comité de gouvernance. Est-ce que ça devrait être le comité de gouvernance qui établit un plan formel d'amélioration? Quels pourraient être les grands pans de ce plan formel d'amélioration?

Vous me dites que vous suggérez aussi des amendements à certaines dispositions, vous parlez de l'article 7 du projet de loi, qui est précisément le rôle ou la fonction du dirigeant principal de l'information. Peut-être pourriez-vous me résumer, là, succinctement, en quoi est-ce que l'amendement que vous proposez vient ajouter aux fonctions ou encore au renforcement du rôle du dirigeant principal de l'information.

Alors, essentiellement, c'est peut-être les trois points que j'aimerais vous voir développer, en vous réitérant que je vais prendre au sérieux votre mémoire, qu'on va le lire pour avoir les meilleures pratiques et surtout le meilleur projet de loi.

Le Président (M. Bernier) : M. April.

M. April (Alain) : Merci. Alors, pour la première question, concernant à qui on devrait se comparer, évidemment, on peut se comparer à plusieurs niveaux. Quand on regarde une comparaison d'ensemble, on a des référentiels de meilleures pratiques qui sont très généraux, dont... Le corpus de connaissances en génie logiciel contient l'ensemble des pratiques de logiciel qu'un ingénieur diligent devrait appliquer dans son travail. Et donc, si on veut faire un inventaire général de pratiques qui devraient être présentes dans une organisation ou, du moins, qui peuvent être sélectionnées, on pourrait passer par ce chemin-là.

Évidemment, la comparaison, ça va à un niveau extrêmement détaillé. Et donc on peut tomber dans une activité de comparaison technologique très, très... une pratique très précise qui est recherchée, et c'est souvent, au Conseil du trésor, des choses qui sont questionnées ou qui nous sont envoyées, comme professeurs, là, on cherche quelque chose d'extrêmement précis : Auriez-vous une réponse à cette question? Donc, c'est extrêmement large, la notion de comparaison. L'importance, à mon avis, c'est d'avoir une activité d'amélioration où un organisme émet ses activités promises d'amélioration, il voit des opportunités, et qu'on puisse faire un suivi là-dessus d'une manière cohérente, de manière à ce qu'il n'y ait pas trop de «roller coaster», hein, d'activité...

M. Moreau : Alors, sur ce point-là, diriez-vous, par exemple : L'idée de centraliser au sein d'un comité de gouvernance qui est plus restreint, ça permet de voir venir les «roller coasters», ce que vous appelez les «roller coasters», et ça permet aussi de tirer bénéfice des meilleures pratiques? On parlait de l'expertise, j'en disais un mot dans les notes d'ouverture, l'expertise exceptionnelle de Revenu Québec. Donc, d'avoir une horizontalité de pratique en allant chercher chez les ministères et organismes déjà ce qui se fait de mieux, là. On parle d'Hydro-Québec, qui a une expertise de réseau extraordinaire. Alors, ça, est-ce que, selon vous, c'est le lieu idéal pour y effectuer les comparaisons, demander des expertises pour obtenir ces comparaisons-là et prévenir ceux qui ont tendance à aller... à tirer dans toutes les directions?

M. April (Alain) : La proposition qu'on a faite ou qu'on a comprise de l'organisation actuelle, c'est qu'au niveau du dirigeant principal ce serait plutôt une notion de coordonner, et on donnerait un petit peu plus d'activités au niveau des dirigeants de l'information, de mettre en oeuvre des plans d'amélioration et, là, d'aller chercher... de prendre vers le bas et le remonter.

M. Moreau : Mais ce que je vous posais, donc, tantôt, quand je vous disais... L'amendement que vous proposez à l'article 7, qui est, finalement, l'article sur lequel s'assoient les pouvoirs qu'on souhaite conférer au dirigeant principal de l'information, viserait quoi? Quelle serait la nature de la modification que vous suggérez?

M. April (Alain) : Une modification un peu mineure, je vais vous la lire, c'est «de coordonner la mise en oeuvre des plans d'amélioration continus auprès des organismes publics et des entreprises du gouvernement pour s'assurer de la mise en oeuvre progressive des pratiques exemplaires en matière de ressources informationnelles». Donc, c'est une précision. Plutôt que de... L'article actuel, ce qu'il dit, c'est qu'il suggère ou il propose des bonnes pratiques à leurs organisations. Moi, ce que je dis, c'est que proposer, comme je vous disais dans mon discours, c'est intéressant, mais ça devrait peut-être avoir un peu plus de mordant, en disant : Ah! tiens, plutôt que de proposer, on va coordonner les plans.

M. Moreau : ...le coordonner. Alors, c'est l'article 9, là, qui est, en fait, la reprise de la situation actuelle.

M. April (Alain) : Je pourrais vous préciser...

M. Moreau : Oui... Non, mais je ne veux pas vous faire perdre de temps là-dessus, là. C'est parce que vous dites : Proposer des guides, c'est un peu passif, on veut qu'il y ait un rôle plus actif. C'est exact?

M. April (Alain) : C'est ça. L'article 7 dit : «...de diffuser auprès des organismes publics et des entreprises du gouvernement les pratiques exemplaires», hein, c'est ce qu'il y a dans la loi, juste de diffuser. Moi, ce que je dis, c'est : On va coordonner les plans d'amélioration.

Maintenant, pour ne pas mettre trop d'obligations au niveau de...

• (16 h 50) •

M. Moreau : Du dirigeant principal.

M. April (Alain) : ...oui, c'est ça, de cette organisation-là, je déléguerais... C'est pour ça, c'est une deuxième petite modification qui dit qu'au niveau des dirigeants de l'information il y aurait plus un rôle d'exécution, en disant de veiller à ce que les organismes qui lui sont rattachés développent un plan d'amélioration continue visant à mettre en oeuvre des bonnes pratiques et d'informer le dirigeant principal des résultats observés. Et là on fait la chaîne arrière puis on sait déjà que votre dirigeant principal, lui, fait le relais vers le Conseil du trésor, et donc la chaîne est complète.

M. Moreau : Et, en faisant ça, on s'assure d'une proximité de suivi par les dirigeants de l'information et un retour au dirigeant, au coordonnateur, finalement, qu'est le dirigeant principal. Est-ce que je suis bien votre idée?

M. April (Alain) : C'est l'essence un peu de notre... C'est de mettre du mordant un peu dans l'aspect amélioration continue des bonnes pratiques, plutôt que juste des suggestions.

M. Moreau : Parfait. Merci. Je pense que mon collègue de Vanier...

Le Président (M. Bernier) : M. le député de Vanier, la parole est à vous.

M. Huot : Merci, M. le Président. Je lisais en même temps que j'écoutais, là, je veux bien comprendre quelque chose. Parce que vous avez une approche très ingénieur, vous parlez beaucoup de génie logiciel, de certaines normes, des exigences que le Texas, la Floride ont commencé à regarder. Je veux juste bien comprendre. Dans ce que vous proposez comme amendements, il y a plusieurs... appelons ça plusieurs corps de métier, on a des... Oui, il y a quelques... des ingénieurs. On me dit que des ingénieurs logiciels, il y en a très peu au gouvernement, même... puis il doit y en avoir très peu, point, au Québec, là. Mais évidemment on a des architectes, on a des programmeurs, on a des techniciens, on a tout ça. Donc, je veux bien comprendre comment vous voyez tout ça, comment ça s'applique dans un contexte où les ressources sont déjà exploitées, souvent, au maximum. Où est-ce qu'on va chercher des consultants? On avait des questions beaucoup avec Desjardins tantôt. Donc, comment on peut bien mettre ça tout ensemble, la question des consultants, la question de différents corps de métier, la question de la disponibilité de temps, etc.? Donc, peut-être un mot sur cette question-là.

Le Président (M. Bernier) : M. April.

M. April (Alain) : C'est bien. Non, comme je vous disais, on ne propose pas ici des choses aussi importantes que de dire : Bon, l'ingénieur logiciel a des droits de regard sur quelque chose de précis. On n'a pas cet outil-là au Québec, et je pense qu'on n'est pas près de l'avoir non plus. On dit ici qu'il va y avoir un plan d'amélioration continue, tous métiers confondus, toutes activités confondues. On vous demande seulement, dans un plan d'amélioration continue, et c'est à votre guise, de mettre en oeuvre une proposition d'amélioration que vous allez suivre et que vous allez pouvoir apporter les bénéfices escomptés de ces améliorations-là au cours du temps. Ça ne précise pas lesquelles ni la source, ça veut juste dire que... Je vous ai donné quelques exemples de bénéfices importants qui ont été réalisés, qu'on peut en tirer des bénéfices, mais c'est cette continuité-là à faire une promesse d'amélioration et de faire un suivi par la suite qui permet à cette longévité-là de se faire et de se réaliser, parce qu'il y a beaucoup de roulement de personnel et il y a beaucoup de différences, justement, dans les projets.

Donc, il n'y a rien dans nos propositions qui vous force à prendre une avenue ou une autre, c'est tous métiers confondus, toutes pratiques confondues. Ce qu'on aimerait, c'est voir un petit peu plus de soutenu dans une activité d'amélioration continue qui est attachée d'un bout à l'autre.

M. Huot : ...vous en parliez un peu avec le président du Conseil du trésor, mais, de formaliser le comité de gouvernance comme il est proposé dans le projet de loi, les gens se parlent... Actuellement, là, on a peut-être 125 dirigeants de l'information. Disons que, pour échanger sur les meilleures pratiques, ce n'est peut-être pas ce qu'il y a de plus simple, à 125, on s'entend là-dessus. Là, avec ce qui est proposé, la loi, si elle est adoptée telle quelle, on parle de peut-être 25 personnes qu'on peut asseoir autour de la table, on formalise dans la loi un comité de gouvernance qui devra se réunir, dirigé par le dirigeant principal de l'information. Est-ce qu'on n'est pas dans une forme d'amélioration continue, avec un comité comme ça, avec les dirigeants des grands portefeuilles ministériels qui vont mettre en commun... Prenons juste l'Agence du revenu, qui est quand même assez avancée dans ses processus de développement. Une nouvelle approche de mettre à profit toute l'expertise développée à l'Agence du revenu, de la mettre à profit auprès des autres dirigeants de l'information des différents ministères et organismes, on est dans une forme, un peu, d'amélioration continue, de partage d'information, de partage des meilleures pratiques, donc il y a déjà quand même un bout important qui est fait là. Mais vous, vous dites : Il faudrait aller peut-être un peu plus loin.

M. April (Alain) : Vous avez bien raison, j'ai bien dit : On fait beaucoup d'amélioration déjà, les activités sont là. Ce qu'il n'y a pas, c'est ce fil conducteur là qui mène à un plan, de remettre un plan qui dit : Voici ce qu'on pense améliorer cette année, voici les opportunités qu'on voit, et, par la suite, de pouvoir tenir compte des résultats de ça.

Donc, il y a, oui, beaucoup d'amélioration, mais c'est plutôt une vision volontaire, aujourd'hui, où est-ce que les gens viennent et présentent leurs meilleures pratiques, et, si on est intéressé, on peut les prendre ou pas, mais il n'y a pas vraiment l'activité d'avoir un petit plan qui serait déposé pour pouvoir dire : Cette année, notre intention est d'améliorer ces aspects-là, et qui pourrait maintenant vous tenir à tenter de vous améliorer et de vous suivre au travers du temps.

M. Huot : Dans votre mémoire, vous faites référence à... Je ne suis pas quelqu'un du génie, je suis quelqu'un de la politique et de l'économie, je ne suis pas... et je ne suis même pas quelqu'un de TI, mais je m'intéresse aux questions... Vous faites référence à plusieurs normes dans... annexe 2, chapitre 5, entre autres. À ma connaissance, il y a plusieurs de ces normes-là qui sont appliquées dans la... Notamment en acquisition, c'est déjà au gouvernement. Ça, là-dessus, avez-vos des choses à dire? Est-ce qu'il y aurait des améliorations à apporter de la part du gouvernement du Québec sur ces questions-là?

M. April (Alain) : Bon, l'activité normative, elle est sélective, et c'est quelque chose qu'il faut qui soit pensé par ceux qui vont l'utiliser, ça a une conséquence sur les activités. Et donc je pense qu'il y a énormément de références pour des normes. Déjà, le gouvernement a entamé l'utilisation des normes en sécurité, hein, qui sont de meilleures pratiques. On voit aussi les normes ITIL pour les infrastructures, et il y en a beaucoup d'autres qui sont adoptées.

Donc, les meilleures pratiques ou les normes sont disponibles, et on doit les choisir. Donc, vous pouvez faire les choix qui sont adéquats. L'important, c'est de mettre ça dans une planification qui dit : Voici ma visée de planification d'amélioration, à mon avis. Donc, pas de norme spécifique que je peux vous apporter aujourd'hui.

M. Huot : Une dernière question, je sais que le député d'Orford avait une couple de questions aussi. Peut-être réagir... Parce que vous étiez là quand les gens de Desjardins... quand M. Habib nous parlait. Je voyais ça un peu comme une forme de formation continue aussi, quand il nous disait, je pense, le terme qu'il a utilisé : On va chercher des ressources externes pour challenger nos propres ressources, pour amener une autre vision, amener d'autre chose. J'aimerais ça peut-être vous entendre sur cette question-là, je ne sais pas si vous avez quelque chose à dire. Parce qu'on est, encore là, dans une forme de formation continue, de défi de toujours... de remise en question des approches, des nouvelles façons de faire. Quelqu'un qui arrive de l'extérieur arrivait avec une nouvelle façon de faire, donc c'est, à quelque part, une forme de formation continue. Donc, peut-être une réaction là-dessus.

M. April (Alain) : Oui, une réaction là-dessus. Moi, je suis en logiciels et je dois m'adapter continuellement aux nouvelles technologies parce que je les enseigne et même je fais de la recherche dans le domaine. Le nombre de nouvelles technologies est effarant, actuellement. On doit donc bien les gérer, parce que, si on continue à en introduire, et en introduire, et en introduire, et jamais n'en mettre à la retraite, les coûts augmentent, et on se demande pourquoi.

Donc, à mon avis, toutes ces pratiques-là que vous avez, que ce soient des individus de l'extérieur qui vous les amènent, des consultants, ou que vous les voyiez dans de la littérature, à l'enseignement, c'est toutes des choses qui vont vous parvenir, qui doivent être absorbées par l'entreprise, le gouvernement et décider lesquelles qu'on va mettre en oeuvre. L'orchestration de ça est une question importante. Et, à mon avis, l'amélioration, c'est la place où dire : On a 5 000 choses qui nous frappent à notre porte, cette semaine, lesquelles on pense utiliser ou essayer cette année?, et mettre ça dans un plan, plutôt que de laisser ça un petit peu à la discrétion de chacun.

C'est un domaine extrêmement complexe, hein, vous vous faites solliciter de toutes parts, je le sais parce que je suis dans le domaine. Et donc de mettre un petit peu d'ordre dans ça, c'est un petit peu la vision qu'on en avait.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le député d'Orford.

M. Huot : Je peux-tu... Une dernière petite. Mais la mise à jour d'un plan comme ça, c'est tout un défi aussi, là, de tenir une... On a beau dire : Voici notre plan de match, disons, pour les cinq prochaines années, comme vous avez dit, ou pour quelques années, mais en même temps, quand on dit qu'il y en a 5 000 cette semaine qui ont cogné à la porte, c'est tout un défi, ça, cette mise à jour là, et de s'adapter à la vitesse du développement des nouveaux logiciels puis des nouvelles technologies.

M. April (Alain) : Absolument. Vous avez raison. Et ils le font sans plan aujourd'hui.

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. le député de Vanier. Là, je vous enlève la parole et je la donne au député d'Orford.

• (17 heures) •

M. Reid : Merci, M. le Président. Ce n'est pas une question qui sera très longue. Vous avez parlé, jusqu'à un certain point, si on avait des normes qui soient appliquées par un ingénieur ou qui soient appliquées par différentes formules, que... Moi, ce que je comprends de ça, c'est que ça permet de nous assurer qu'on sort un peu les équipes éventuellement de leurs roulières, de leurs habitudes, de leur zone de confort pour les obliger à regarder puis à se remettre en question un petit peu plus dans le développement d'un projet.

Et ça me rappelle qu'il y a plus de 10 ans j'avais participé, moi, à un projet gouvernemental dans lequel, dans le comité de gouvernance, on avait mis deux universitaires de deux universités différentes, et donc c'est des gens qui n'avaient aucun intérêt personnel ni en termes de business ni en termes d'amitié avec les uns ou les autres dans les équipes, et on s'était aperçus qu'effectivement, dans les grandes décisions du projet, du développement du projet, ça avait eu un impact assez important et ça avait obligé, souvent, les dirigeants du projet à retourner à leur table de travail et de revenir avec des meilleures réponses aux questions et, effectivement, d'avoir un meilleur projet, puis le projet, finalement, a respecté ses échéanciers puis a respecté ses budgets, plusieurs centaines de millions de dollars.

Et je voudrais avoir votre opinion là-dessus. En attendant qu'on ait peut-être des normes plus claires, plus... ça va prendre encore, probablement, pas mal d'années, là, pour qu'on ait quelque chose qui ressemble à la construction parce que ça évolue trop vite, beaucoup plus vite que la construction, mais, en attendant, est-ce que c'est une pratique qui existe, qui est une bonne pratique, et pas forcément les universitaires, mais d'essayer de mettre dans les équipes de gouvernance des personnes qui sont un peu... disons, qui ne sont pas partie prenante dans les projets, comme tel?

M. April (Alain) : Ah! c'est un très bon commentaire. À mon avis... Une des difficultés que moi, je rencontre assez souvent quand je travaille avec... Je vous donne un exemple. Avec une entité municipale, récemment, dans mon comité il y avait des grands consultants, et donc c'était difficile d'amener des propositions que c'était un peu contraire à leur objectif. Donc, c'est certain que d'aller chercher des personnes indépendantes, et les universitaires, c'en est un, exemple, ça permet d'avoir une vision indépendante de tout ça. Et c'est un petit peu l'intérêt de nos recherches et de nos travaux. C'est aussi vrai à l'Université Laval. Il y en a à Sherbrooke, il y en a au CEFRIO, vous les connaissez peut-être, il y a énormément de personnes-ressources, là, qui peuvent donner des points de vue. Mais, oui, l'indépendance, dans tout ça, c'est extrêmement important, parce que vous savez qu'il y a énormément d'argent dans ce jeu-là, qui est le jeu des technologies de l'information, il y a énormément d'influence, et il y a peu de joueurs. Et donc, les meilleures pratiques qui sont indépendantes, c'est intéressant de tenter de les obtenir. Je peux vous dire, personnellement, que j'ai de la difficulté avec certaines pratiques, à les faire instaurer parce que justement il y a de la résistance de la part de ceux qui font la gouvernance de ces projets-là aujourd'hui.

Donc, je comprends vos enjeux, c'est difficile. Ce que je pense que j'aimerais, avec le Dr Abran, vous véhiculer, c'est juste qu'aujourd'hui on conseille des meilleures pratiques, et je trouve ça doux pour un dossier aussi important. Et donc d'avoir juste l'obligation de faire un plan et de rendre compte de notre plan... Et un plan, ça peut être très simple, hein? De toute façon, ils en ont des plans. C'est juste qu'on voudrait peut-être les attraper, ces plans-là, et de voir par où ils vont, où est-ce qu'ils s'en vont avec leurs améliorations et quels bénéfices escomptés et observés on peut obtenir.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le député, avez-vous une autre question?

M. Reid : Merci. Ça répond à ma question.

Le Président (M. Bernier) : Ça répond à votre question?

M. Reid : Je ne sais pas s'il restait du temps ou... M. le député de Vanier peut-être a d'autres...

Le Président (M. Bernier) : Il reste environ une minute. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a une question?

M. Moreau : Bien, moi, je vous dirais, je retiens beaucoup votre appellation, là. Je ne sais pas si vous avez un droit d'auteur sur le mot «plan formel d'amélioration», là, mais, si vous n'avez pas de droit d'auteur là-dessus... En fait, l'objectif derrière ce qui se dessine dans le projet de loi, c'est ça, et ce que vous dites, c'est : Nommez-le, si c'est ça.

M. April (Alain) : Oui. Je pense que vous l'aviez déjà dans la clause 7, qui disait «de diffuser auprès des organismes publics et des entreprises [des] pratiques exemplaires». Moi, ce que je vous dis : Plutôt que de les diffuser, on va leur demander de faire un plan.

M. Moreau : Un plan. Et d'en assurer le suivi.

M. April (Alain) : Oui. Et voilà. Et on va passer à l'autre étape en bas, plus une petite responsabilité de mettre ça en oeuvre, coordonner, de s'assurer que les pratiques circulent, et on va essayer de suivre ça au travers du temps pour voir que les bénéfices parviennent... Parce que le danger de l'amélioration ou le danger des technologies, c'est qu'on cherche la nouvelle technologie miracle qui, elle, est supposée de donner des bénéfices, mais il y en a une autre qui rentre la semaine d'après, et les bénéfices ne sont jamais matérialisés. Donc, ce qu'on veut faire, ce n'est pas ralentir nécessairement la roue, mais c'est de pouvoir rendre les gens responsables des décisions qu'ils prennent concernant l'amélioration.

M. Moreau : Et se donner le temps de prendre une mesure d'une technologie choisie, même si l'évolution fait qu'il y en a d'autres aussi dans le même domaine. C'est ce que vous dites. En d'autres termes, on n'est pas obligé d'avoir la dernière, dernière, dernière, mais, celle qu'on choisit, il faut être capable de la suivre puis éventuellement de la changer si elle ne donne pas les résultats mesurables.

M. April (Alain) : Oui. Mettre en place un processus aussi de gestion de la technologie, ce qu'on appelle, nous, des «sandbox», là, des boîtes de sable, pour lesquelles on dit : Ces technologies-là sont encouragées, sont supportées, on veut que vous les utilisiez. Celles-ci que vous nous avez proposées sont en étude, mais vous ne pouvez pas les utiliser. Et, celles-ci, on veut s'en débarrasser...

Le Président (M. Bernier) : Je vous remercie, M. April, mais moi, je dois passer du côté de l'opposition officielle. Je vais passer à Mme la députée de Chicoutimi...

Une voix : ...

Le Président (M. Bernier) : Non, je suis... Oui, c'est ça, je suis équitable, voyez-vous? Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci, M. le Président. Alors, M. April, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci de nous apporter votre éclairage sur certains points pour le projet de loi n° 135.

Il y a eu beaucoup d'échanges très intéressants que j'ai entendus. J'ai quand même des questions de base. Lorsque vous parlez... On parle beaucoup de bonnes pratiques. Normalement, des bonnes pratiques d'affaires, des bonnes pratiques de fonctionnement... J'ai de la misère à cerner qu'est-ce qu'on entend ici par bonnes pratiques lorsqu'on parle aussi, en même temps, d'adoption de nouvelles technologies qui... Moi, dans ma tête, c'est deux choses complètement différentes. D'avoir un comité qui va étudier la possibilité d'intégrer ou d'adopter des nouvelles technologies, c'est une chose. D'avoir une équipe qui fait de l'amélioration continue sur ses pratiques d'affaires ou ses pratiques de gérer un projet, pour moi, c'en est une autre. Est-ce que vous pouvez m'éclairer, justement, sur ces deux choses-là que j'ai entendues?

Le Président (M. Bernier) : M. April.

M. April (Alain) : Bien sûr. Merci. En fait, c'est très lié, hein? Si on parle... Je vais vous donner un exemple pratique. On parle de gestion de projet logiciel et on dit : On va implanter une meilleure pratique que ce qu'on fait aujourd'hui. Si vous supposez que les gens dans vos projets aujourd'hui utilisent MS Project, qui est un outil de planification de projet connu, puis qu'on veut passer à quelque chose de plus technologique et plus rapide, plus agile, hein, on va utiliser Slack, mettons, c'est très à la mode en ce moment, c'est une nouvelle technologie. Et donc, dans la pratique, il y a le support à cette pratique-là qui va être technologique ou pas, et donc c'est assez connecté, aujourd'hui.

Donc, une meilleure pratique, ça inclut l'utilisation d'une technologie ou pas, c'est peut-être même une façon de faire. Et souvent ce qui va arriver, c'est que, dans des groupes d'experts ou des comités qui peuvent se tenir ici, à Québec ou à Montréal, qui sont des groupes d'utilisateurs, les gens vont aller voir une nouvelle pratique en gestion de projet, ils vont dire : Ah! c'est merveilleux, on sauve énormément de temps, c'est plus pratique, l'outil est plus intéressant, et donc on pense à l'expérimenter chez nous.

Donc, pour moi, je ne m'arrête pas à un processus papier ou à... Tu sais, la notion de pratiques exemplaires, c'est très large, en technologies, incluant les outils, libres ou pas, oui.

Mme Jean : Donc, je comprends que, dans la conversation qu'on a aujourd'hui, lorsqu'on parle d'adoption de... de vigie, de diligence sur les technologies qui existent et la possibilité de les adopter, on parle d'outils de gestion de projet, donc ce n'est pas tout l'ensemble des technologies potentielles dans les technologies de l'information.

M. April (Alain) : Bien sûr. Puis on peut aussi parler de processus de gestion de projet. Si vous avez défini les rôles et responsabilités des intervenants dans un projet, si vous faites un appel d'offres et vous dites que le fournisseur va faire de la gestion de projet... La clarification des rôles et responsabilités dans une cartographie de processus, c'est une bonne pratique. Et ça, ce n'est pas une technologie, c'est une approche, mais, bon...

Le Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée.

Mme Jean : Merci. Question de base. Vous êtes un expert en qualité de projet?

M. April (Alain) : Je suis un expert en maintenance et en assurance qualité de logiciel.

Mme Jean : En assurance de qualité de projet. Est-ce que vous êtes capable de m'identifier quelles sont les principales caractéristiques qui fait qu'un projet est bon, un projet informatique ou un projet logiciel est un bon projet?

M. April (Alain) : C'est assez bien publié. C'est plusieurs perspectives, hein, un projet se joue sur cinq perspectives : le délai, le coût, les ressources, la qualité, les fonctionnalités. Et donc on doit faire un jeu sur ça. On ne peut pas tout avoir, hein? Souvent, on va dire ça, on va négocier les perspectives ou les cinq perspectives d'un projet. Et donc, dans la négociation des cinq perspectives, il va falloir que ce soit raisonnable pour le budget, l'échéance et la sévérité ou la qualité nécessaire. Un exemple, une machine médicale, une modification à un logiciel sur une machine médicale, on ne peut pas jouer sur la dimension qualité, c'est dangereux pour les patients. Donc, ce point de vue complexe là de la gestion de projet, c'est la gestion de ces perspectives-là. Et donc, pour moi, il faut bien gérer toutes ces perspectives-là dans le contexte spécifique du projet. Donc, une réponse difficile à une question facile.

• (17 h 10) •

Mme Jean : Votre réponse est quand même assez claire. Peut-être juste une chose que j'aimerais vous faire éclairer rapidement. Vous faites référence à cinq perspectives. Pouvez-vous me les énumérer pour que... n'étant pas une experte là-dedans?

M. April (Alain) : Oui, bien sûr. L'effort en est une; la durée, les ressources humaines qui doivent y être appliquées, la fonctionnalité et le coût. Ces cinq dimensions-là sont interreliées. Donc, il faut jouer avec ces cinq dimensions-là pour les maîtriser totalement, pour gérer le risque, hein, pour gérer l'ensemble du projet.

Mme Jean : ...lorsqu'on parle de fonction, on parle du besoin initial auquel on voulait apporter une solution.

M. April (Alain) : Et pourquoi on peut jouer avec la fonction, c'est que, si on a peu de temps ou on commence à avoir des difficultés, on peut peut-être livrer un petit peu moins, hein? Donc, est-ce qu'on a un degré de liberté sur cet axe-là ou pas? Est-ce qu'on a un degré de liberté sur la qualité? Comme je vous disais, dans les machines médicales, le degré de liberté sur la qualité est très, très faible. Dans d'autres projets, peut-être qu'on peut soutenir une qualité moindre si on des enjeux de délais plus rapides. Donc, jouer avec ces cinq dimensions-là, c'est...

Donc, dans mon livre d'assurance qualité, on parle de ça, comment négocier ça, comment jouer sur ces cinq dimensions-là, quoi faire pour la gestion du risque, etc. Il y a des bonnes pratiques pour ça. C'est disponible, c'est publié et c'est essayé.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée.

Mme Jean : Effectivement, vous parlez de bonnes pratiques. En général, moi, je parle de bonnes pratiques d'affaires. Là, c'est des bonnes pratiques de gestion, j'imagine, dans la gestion de projet logiciel.

M. April (Alain) : Ici, on est dans le cadre de... On est ici dans le cadre de la gestion des ressources informationnelles. Et on parle autant des opérations, de l'infrastructure, de la maintenance que du projet de développement. Donc, les bonnes pratiques en génie logiciel ou en logiciel en général sont décrites pour l'ensemble des activités logicielles du groupe. Donc, les bonnes pratiques s'appliquent autant aux activités de gestion que de programmation, que de maintenance, que d'opération.

Mme Jean : Et, lorsqu'on parle de bonnes pratiques dans le domaine logiciel, comme on parle aujourd'hui, vous nous mentionnez qu'elles existent déjà, qu'elles sont documentées. J'imagine qu'il y a plusieurs livres, et plusieurs études, et peut-être des mémoires là-dessus qui existent pour nous orienter. Et en plus ces bonnes pratiques là peuvent changer. Ce qui était vrai il y a cinq ans n'est peut-être plus vrai aujourd'hui.

Une organisation, comment peut-elle faire, si elle n'est pas spécialisée là-dedans, pour suivre cette évolution-là, pour savoir est-ce que les bonnes pratiques qui sont présentées dans un document, c'est vraiment des bonnes pratiques ou ce n'est pas des bonnes pratiques. Comment on fait pour les évaluer, savoir que c'est des bonnes pratiques ou non?

M. April (Alain) : Je faisais référence tantôt au référentiel de génie logiciel, le SWEBOK, qui est l'inventaire de l'ensemble des bonnes pratiques en logiciel et qui va pointer à l'ensemble des normes les plus stables.

Mme Jean : ...l'inventaire?

M. April (Alain) : Oui, l'inventaire des bonnes pratiques en logiciel, en génie logiciel mais en logiciel en général, et qui va pointer aux référentiels les plus connus et les plus stables.

La plupart des normes, dans le domaine, sont stables pour environ trois à cinq ans. Et elles sont très connues par vos intervenants, hein? En infrastructure, tout le monde connaît ITIL ou ISO 20000. En développement, tout le monde connaît la gestion de projet avec le PMBOK, hein, il y a même une certification dans ce domaine-là.

Et donc ce n'est pas très changeant, en général. Ce qui change, ce sont les activités très techniques, ça, ça change plus rapidement, les langages de programmation, les cadriciels, les architectures, tout ça. Mais, pour ce qui est de la gouvernance, la gestion, la saine gestion, là, je pense que c'est quand même assez stable. L'ensemble des référentiels sont connus, et documentés, et accessibles.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée.

Mme Jean : Merci. Jusqu'à maintenant, j'entends parler des bonnes pratiques et j'entends parler de normes. Ce que moi, je connais, c'est deux choses différentes. Lorsqu'on parle de bonnes pratiques, c'est des façons de faire généralement acceptées par les gens étant les plus efficaces possible, et les normes vont être déterminées officiellement par un groupe qui va avoir réfléchi à quelque chose et qui va conclure : Ça, on en fait une norme, avec une référence, avec un numéro. Et le groupe qui a déterminé la norme est un groupe déjà reconnu.

Est-ce que vous, dans votre présentation, vous faites une différence entre les deux? Puis quelle est-elle?

M. April (Alain) : Oui, je fais une différence. Bien, premièrement, moi, j'ai eu la chance d'avoir un prix d'ISO, de l'organisme international, et une bourse, en fait, d'eux, un prix très prestigieux. Je développe des normes depuis plusieurs années, le Dr Abran aussi. C'est un consensus d'experts, hein, les normes, et contient les bonnes pratiques.

Un exemple, les normes de sécurité logicielles que vous utilisez au gouvernement aujourd'hui, ce sont les normes ISO, et vous allez chercher les pratiques dans la norme et vous les appliquez pratiquement. Et donc ce sont les bonnes pratiques pour la sécurité.

Pourquoi ce ne sont pas que les normes, c'est qu'il y a des guides additionnels qui proviennent d'autres domaines, comme la finance, hein, on appelle le COBIT, ça vient de la loi Sarbanes-Oxley, aux États-Unis. Ce référentiel-là de gouvernance TI vient du domaine financier, des comptables et des financiers. Donc, c'est pour ça que, pour moi, il n'y a pas que les normes, il y a aussi d'autres guides qui proviennent d'autres domaines qui sont applicables et qu'on considère bonnes pratiques applicables au domaine du logiciel.

Mme Jean : Vous parlez, au niveau du projet de loi n° 135, de le bonifier en précisant que le comité de gouvernance... ou en tout cas que quelque part dans l'organisation il puisse y avoir non pas seulement qu'une obligation de diffuser les bonnes pratiques qui existent, mais aussi d'imposer l'adoption d'un plan d'amélioration dans la gestion de projet.

M. April (Alain) : ...de demander aux gens qu'ils soumettent un plan, donc de ne pas imposer des meilleures pratiques et un plan à tout le monde, de leur demander eux-mêmes de venir avec leur proposition de plan, parce que chacun a des particularités et peut-être des pratiques intéressantes à proposer. Dans l'ensemble, le cadre général de l'amélioration est le même, mais le plan de chacun sera à sa couleur.

Mme Jean : Vous parlez de chacun des groupes qui sont impliqués dans l'élaboration d'un projet logiciel, informationnel, en ressources informationnelles?

M. April (Alain) : C'est ça, c'est ça. Donc, c'est pour ça que je demande à chacun des deux intervenants de, un, coordonner le fait qu'il y en a et, l'autre, d'en mettre en oeuvre et de demander à ses collaborateurs d'en mettre un en oeuvre.

Mme Jean : Merci. Donc, je vais continuer. Un plan d'amélioration, amélioration puis... là, j'aimerais ça que vous me précisiez... On peut améliorer plusieurs choses. Donc, il faut savoir qu'est-ce qu'on a à évaluer. Puis moi, j'ai fait une liste de choses qui pourraient rentrer, j'aimerais ça que vous me disiez si ça rentre là-dedans. Par exemple, est-ce qu'on parle d'améliorer des procédures? Est-ce qu'on parle d'améliorer des processus, d'améliorer des résultats? Est-ce qu'on parle d'améliorer l'équipe? Est-ce qu'on parle d'améliorer la gestion en général? Comment on fait pour cibler qu'est-ce qu'on a à améliorer dans un plan d'amélioration tel que vous le proposez dans votre mémoire?

M. April (Alain) : Bon, à mon avis, aujourd'hui, chacune de ces organisations-là qui ont un gros groupe d'informatique ont des enjeux au niveau du personnel, des processus, des technologies et de l'ensemble. Dans les référentiels d'amélioration de processus et en logiciel en général, tous ces aspects-là sont sur la table. Et donc, l'amélioration des connaissances, l'amélioration du rendement, on peut se donner des objectifs de performance, des objectifs de coût. Donc, ces objectifs-là d'amélioration qu'on se donnerait se découleraient en activités qu'on aurait choisi de faire cette année. Et c'est tout sur la table, les processus, les procédures, les technologies, les individus, les connaissances.

Mme Jean : Toutes les réponses sont bonnes.

M. April (Alain) : Oui. Dans ce domaine-là, c'est l'ensemble des acteurs qui jouent un rôle dans les groupes de logiciels.

Mme Jean : Merci. Encore une question, oui, dans la continuité. Vous mentionnez que vous recommandez aussi que le plan soit proposé et qu'il y ait un suivi de contrôle. Est-ce qu'à ce moment-là vous recommandez aussi que le plan comporte des objectifs quantifiables de manière à ce que, lorsqu'on évalue le résultat de l'implantation du plan, il y a vraiment une amélioration? Est-ce que ça doit être, à ce moment-là, quantifiable ou c'est variable?

M. April (Alain) : C'est intéressant, mais une étape difficile, à cette étape-ci, de mettre en oeuvre. Je pense qu'on part d'une étape, dans l'ancienne loi, de seulement suggérée. Je pense que de forcer un plan, c'est un pas en avant. On pourrait faire plein de pas en avant, j'avais plein d'idées, hein, mais ça devient extrêmement contraignant, et on ne voulait pas vous faire des propositions contraignantes. Celle-ci, c'est un tout petit pas en avant, pas trop difficile, sérieux, sans trop d'encadrement difficile. On va laisser les joueurs se...

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. April.

Mme Jean : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bernier) : M. le député de La Peltrie, la parole est à vous.

M. Caire : Merci, M. le Président. Merci. M. April, bonjour. Je vous ai entendu, en fait, depuis tout à l'heure, dire à quel point l'implantation des meilleures pratiques pouvait amener une plus-value dans la gestion de nos processus. Vous avez parlé aussi de solution pour les dépassements de coûts. J'aimerais vous entendre là-dessus, mais j'aimerais aussi vous entendre... Puis ça, je ne l'ai pas entendu de votre part puis j'aimerais vous entendre aussi... non seulement sur l'implantation des meilleures pratiques, mais la définition de l'expertise et jusqu'à quel point un peut aller sans l'autre.

• (17 h 20) •

M. April (Alain) : Donc, sur l'implantation des meilleures pratiques, aujourd'hui, dans les activités quotidiennes de tous ces groupes-là, il doit y avoir cette activité-là déjà d'implantation, d'amélioration, de meilleures pratiques. Donc, chacun prend une façon de le faire dans son groupe, j'imagine. Et il y a des enjeux de gestion du changement et de résistance au changement qui sont normaux, et on s'y attendrait.

Donc, pour moi, l'implantation des meilleures pratiques, c'est quelque chose qui se fait aujourd'hui. Comme je vous dis, il y a des améliorations qui se fait dans tous ces organismes gouvernementaux là. C'est juste qu'ils ne sont pas documentés dans un plan. Ça, c'est la première réponse.

Votre deuxième question, encore?

M. Caire : Bien, en fait, qu'est-ce que vous avez identifié dans l'implantation des... Parce que vous avez parlé des dépassements de coûts puis vous sembliez dire que c'était essentiellement dû à, mettons, une implantation des meilleures pratiques qui n'était pas optimale, je vais le dire comme ça, et que ça, ça entraînait les dépassements de coûts. Donc, j'aurais voulu vous entendre sur qu'est-ce que vous avez identifié, là, qui pourrait amener ce résultat-là.

Et je ne vous ai pas entendu sur l'expertise, là. Vous êtes quand même ingénieur logiciel. Donc, jusqu'à quel point, oui, l'implantation des meilleures pratiques peut amener une augmentation de la performance, mais jusqu'à quel point aussi on a besoin d'un niveau d'expertise pour être capable de faire ça?

M. April (Alain) : Bon, sur les dépassements de coûts, je pense que c'est toujours un enjeu extrêmement important. C'est quelque chose qu'on veut, comme gestionnaire, contrôler toujours.

Les deux exemples que je vous ai donnés dans le mémoire, c'est deux exemples précis où est-ce que les dépassements de coûts ont été contrôlés grâce à la mise en oeuvre de pratiques qui sont connues et qui sont disponibles. O.K.? Donc, gérer les dépassements de coûts, c'est possible, il y a des pratiques. Les autres ont les mêmes enjeux et donc ont tenté de les résoudre. Et donc observer ce qu'ils font et peut-être le mettre en oeuvre.

Ça demande de l'expertise, oui, ça demande de l'expertise, mais c'est relativement disponible. Je pense que l'idée, là-dedans, c'est de pouvoir tenter, à l'intérieur d'organisations qui veulent faire des améliorations, de polliniser les bonnes idées d'une à l'autre grâce à ces plans qui circuleraient ou à ces activités-là de collaboration, dans lesquelles il y aurait un forum de discussion, qui probablement existe déjà aussi. Comme vous disiez, certains ministères ou certaines organisations viennent présenter leurs meilleures pratiques une fois de temps en temps. Et donc c'est de tenter d'animer tout ça.

Le fait d'avoir dans la loi la notion où il va y avoir un plan d'amélioration qui va être fait par une organisation va attirer, si vous voulez, l'attention des gens, l'attention de ces organisations-là pour pouvoir formaliser ça et aller peut-être chercher un petit peu plus d'expertise, que ce soit dans des groupes locaux ou chez les consultants.

M. Caire : Je ne sais pas si vous êtes d'accord, mais, bon, l'implantation des meilleures pratiques, c'est l'implantation des meilleures façons de faire. L'implantation de l'expertise, c'est le savoir-faire.

Jusqu'à quel point... Puis c'est parce que je vous entends beaucoup sur les meilleures pratiques mais pas sur l'expertise. Donc, jusqu'à quel point on ne devrait pas, justement, réunir, regrouper non seulement les meilleures pratiques, mais surtout le savoir-faire? Et vous ne pensez pas qu'une des raisons qui amènent des dépassements de coûts ou des projets dont l'aboutissement n'est pas celui qu'on voudrait, c'est peut-être la résultante, oui, d'une non-application des meilleures pratiques, mais c'est aussi, très certainement, un manque d'expertise?

M. April (Alain) : Oui, l'expertise ou la connaissance des meilleures pratiques ou son applicabilité, c'est certain que c'est une des barrières à la mise en oeuvre de ces pratiques-là. Et donc comment faire pour faire pénétrer ces bonnes pratiques là à l'intérieur d'une organisation? Bien, c'est par la promotion que l'amélioration continue est une activité qui doit rentrer dans la culture et qui fait partie du projet de loi, si vous voulez, ou qui fait partie d'un des éléments centraux de la discussion dès le départ.

Mais cette difficulté-là d'avoir des gens qui vont appliquer les meilleures pratiques, c'est un problème de toute industrie et de tout domaine, d'avoir les meilleures personnes avec les meilleures pratiques. Et, comme vous le faites... vous avez dit, tantôt, et Yves Desjardins le disait, on va aller chercher des personnes de l'extérieur, on va avoir des nouvelles ressources qui vont venir nous rejoindre, on va peut-être prendre des consultants, on va envoyer nos gens en formation particulière. Un enjeu de l'ensemble du domaine.

Le Président (M. Bernier) : Ça va?

M. Caire : Oui, merci.

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. le député. Donc, M. April, je vous remercie de votre participation à la Commission des finances publiques.

Donc, je lève la séance, et la commission ajourne ses travaux à demain, 15 heures, où elle poursuivra ce mandat. J'ajourne.

(Fin de la séance à 17 h 25)

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