(Onze heures une minute)
Le
Président (M. Bernier) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission des finances
publiques ouverte. Et, bien sûr,
je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre
la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions
publiques dans le cadre de son mandat d'initiative portant sur le
phénomène du recours aux paradis fiscaux.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements ce
matin?
Le Secrétaire : Il n'y a pas
de remplacement, M. le Président.
Auditions (suite)
Le Président (M. Bernier) :
Donc, l'ordre du jour de ce matin, nous recevons le Mouvement des caisses
Desjardins — bienvenue — et
M. Julien Frédéric Martin, un expert dans ce domaine également. Donc, nous
avons deux groupes qui viennent nous rencontrer.
Donc, de chez Desjardins, je vais souhaiter la
bienvenue à M. Hubert Thibault. M. Thibault, bienvenue.
Mouvement des caisses
Desjardins
M. Thibault (Hubert) : M. le
Président.
Le Président (M. Bernier) :
M. André Huot. Bienvenue, M. Huot.
M. Huot (André) : Bonjour.
Le Président (M. Bernier) :
Et M. Sylvain Perreault.
M. Perreault (Sylvain) : Bonjour.
Le Président (M. Bernier) :
Merci beaucoup. Et il y a également M. Éric Lachapelle.
M. Lachapelle (Éric) : Bonjour.
Le
Président (M. Bernier) : Je profite de l'occasion parce qu'on
se doit d'enregistrer vos noms pour fins de... au niveau des
enregistrements.
Donc, sans
plus tarder, vous avez 15 minutes pour votre présentation, par la suite
suivront des échanges avec les parlementaires.
Je vous remercie au départ pour votre participation à cette commission très
spéciale en ce qui regarde les paradis fiscaux. La parole est à vous.
M.
Thibault (Hubert) : Merci,
M. le Président. Bonjour, Mmes, MM. les députés. Peut-être préciser les
fonctions de mes collaborateurs. Alors,
M. Huot est le vice-président responsable de la fiscalité pour tout le
Mouvement Desjardins, M. Perreault
est, lui, chef de la conformité globale pour le Mouvement Desjardins, et
M. Lachapelle porte l'acronyme, qui est un peu nouveau dans le monde financier, de CAMLO, c'est-à-dire de
«chief anti-money laundering officer». Alors, c'est une appellation qui,
évidemment, est assez récente dans nos organisations.
Le phénomène du recours aux paradis fiscaux et,
de façon plus large encore, toutes les tentatives de certains particuliers et
de certaines entreprises pour éviter d'assumer leur juste part du financement
des dépenses publiques constituent des
phénomènes qui, sans être nouveaux — les premiers cas d'évasion fiscale sont
certainement nés immédiatement après l'instauration des premiers
impôts — ont
toutefois atteint aujourd'hui une envergure toute particulière. Les diverses évaluations de l'ampleur de ces phénomènes,
les scandales successifs, l'attention médiatique qu'ils suscitent comme la vigilance accrue des gouvernements aux prises
avec de graves problématiques de finances publiques apportent tous un éclairage nouveau sur ces
phénomènes encore récemment plus ou moins bien connus des non-initiés.
Les impacts
financiers, budgétaires et économiques sont évidents. On ne peut non plus
négliger les impacts sociaux qu'entraîneraient, pour une société, une
tolérance ou un laxisme quant au respect par chaque personne, particulier ou entreprise de ses obligations de participer
équitablement au financement des dépenses publiques. La perception qu'il
serait permis ou toléré que certains évitent
d'assumer leurs responsabilités fiscales entraînerait une généralisation du
phénomène, au grand détriment de la cohésion sociale.
Le Mouvement Desjardins tient à
souligner la pertinence du mandat d'initiative que la commission s'est
donné. Nul doute que vos travaux apporteront un éclairage nouveau et pertinent
sur cette problématique.
Le
Mouvement Desjardins, comme tout citoyen ou toute entreprise, est un
contribuable. Le Mouvement Desjardins est
le plus important employeur privé au Québec et l'un des 10 plus grands au
Canada. Son chiffre d'affaires, résultant d'activités presque exclusivement canadiennes, dépasse les
15 milliards de dollars, et ses excédents annuels — ses profits, autrement dit — sont
de plus de 1,5 milliard de dollars.
Pour
l'année 2014, les contributions fiscales en taxes et impôts du Mouvement
Desjardins au Québec seulement se sont
élevées à 584 millions. À cela se sont ajoutées des contributions de
charges sur la masse salariale de 205 millions de dollars. Pour le Mouvement Desjardins, il ne
s'agit pas là de charges mais plutôt de contributions importantes à la
société et à l'économie du Québec comme à l'économie du Canada. Le Mouvement
Desjardins en est fier.
Le
Mouvement Desjardins n'utilise pas les paradis fiscaux ni de planification
fiscale agressive pour réduire ses impôts
ou autres charges fiscales payables au Québec ou au Canada. Comme le démontrent de nombreuses études,
les stratagèmes d'évasion ou d'évitement
fiscal agressif des entreprises par un recours aux paradis fiscaux découlent
principalement d'une stratégie — on
pourrait même utiliser le terme d'«arbitrage» — d'implantation et d'activité dans les juridictions
les plus accueillantes tant au niveau de l'impôt exigé que du secret bancaire ou encore du secret des
structures corporatives. Ainsi, les
stratégies de transfert des bénéfices par une multinationale, l'usage de
sociétés-relais, de sociétés-écrans
ou encore l'utilisation abusive des conventions fiscales exigent toutes des
activités financières et commerciales extraterritoriales,
et tout particulièrement dans les pays considérés comme des paradis fiscaux.
Les institutions financières sont
souvent interpellées dans les questions d'imposition des revenus de leurs
clients. Il est indéniable que l'existence et les opérations des paradis fiscaux reposent en partie
sur la participation de certaines institutions financières. De la même
façon que le Mouvement Desjardins s'est
interdit pour lui-même de recourir à des stratégies de planification fiscale
agressives ou abusives, et particulièrement
dans les paradis fiscaux, le Mouvement Desjardins, dans ses fonctions conseil
auprès de ses membres et clients, se
refuse à recommander tout recours à des planifications agressives et abusives,
et particulièrement, évidemment, à
tout recours aux paradis fiscaux. Lorsque le Mouvement Desjardins s'est rendu
compte, il y a quelques années, que
cette règle avait été transgressée par un nombre très restreint de courtiers,
ceux-ci ont été congédiés pour cause.
L'évasion
fiscale est l'une des infractions assujetties à la Loi sur le recyclage des
produits de la criminalité et le financement
des activités terroristes. Mon collègue, M. Perreault, tout à l'heure,
vous fera un rapide survol de la mécanique de cette loi et également,
aussi, des mesures que le Mouvement Desjardins a mises en place pour se
conformer à ces prescriptions. Il vous dira
également un mot sur FATCA, qui est le Foreign Account Tax Compliance Act, aux
États-Unis, et son pendant qui
devrait entrer en vigueur du côté de l'OCDE au niveau de la déclaration
volontaire des institutions.
L'existence
des paradis fiscaux, des secrets bancaires et des structures corporatives
opaques traduit notamment une intense
compétition entre les pays pour attirer les revenus qui autrement leur
échapperaient. Cette compétition débridée, que certains qualifient de «race to the bottom», est favorisée par
l'extrême mobilité du capital et celle des agents économiques, en particulier les conglomérats
internationaux. Toute mesure pour lutter contre ces phénomènes est vouée
à un succès mitigé, sinon à l'échec, si elle
n'est pas adoptée et mise en oeuvre de façon simultanée par un grand
nombre de pays comptant parmi eux des États de taille importante.
L'OCDE
et le G20 mènent depuis plusieurs années un programme conjoint sur l'érosion de
la base d'imposition et le transfert
des bénéfices. Une mise à jour récente du programme a permis de définir
15 mesures déterminantes pour lutter contre l'usage abusif des paradis fiscaux et des conventions fiscales.
Le G20, en fin de semaine, à Antalya, en Turquie, les chefs d'État ont approuvé un plan d'action
visant à mettre en oeuvre les mesures du projet BEPS. Les pays concernés
par cette initiative sont au nombre de 44 et représentent 90 % de
l'économie mondiale. Il s'agit là indubitablement de la proposition la plus aboutie et la plus prometteuse. Le succès réside
cependant dans la mise en oeuvre coordonnée de ces mesures par les pays qui s'y sont engagés. Dans la
mesure où de telles recommandations seraient mises en place par une masse critique de pays, une pression de plus en
plus significative sur les pays délinquants pourrait au surplus
s'exercer.
Avec
votre permission, M. le Président, je passerais la parole à mon collègue,
M. Perreault, sur la présentation.
Le Président (M.
Bernier) : M. Perreault.
• (11 h 10) •
M. Perreault (Sylvain) : Merci. Merci, M. Thibault. Alors, M. le
Président, nous avons pensé que de vous faire une présentation qui ferait un survol de la façon dont se vit la lutte
au blanchiment et par conséquent la lutte à l'évasion fiscale au
Mouvement Desjardins pourrait être utile pour les membres de la commission.
D'abord,
à la page 2, vous verrez la mention d'ACAMS. Je voudrais le souligner
parce que c'est important : Depuis 2014, nous avons fondé la
section Montréal avec un groupe d'institutions financières. Alors, ACAMS, c'est
pour Association of Certified Anti-Money
Laundering Specialists, et l'association, la section de Montréal rejoint des
gens de Montréal et, bien sûr, de
Québec, des gens... des courtiers en valeurs mobilières d'institutions
financières, notamment la Banque
Nationale, la Banque Laurentienne, le Mouvement Desjardins, ainsi que des gens
du casino qui font partie de cette lutte
au blanchiment d'argent, il y a plus d'une centaine de personnes qui
participent là-dedans. Donc, je pense que c'est une belle initiative. Ça
démontre bien l'engagement de différents groupes d'intérêts dans la lutte au
blanchiment et, par conséquent, la lutte à l'évasion fiscale.
Alors, à la page 3, vous l'avez compris, la
Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement
des activités terroristes, l'image que l'on
a généralement, c'est évidemment
le blanchiment qui est lié à l'argent de la drogue, mais le blanchiment, c'est beaucoup plus que ça,
c'est toute infraction criminelle, et notamment celle de l'évasion
fiscale. Donc, quand on parle de blanchiment, on touche directement à l'évasion
fiscale.
Mon collègue
Hubert a touché à la FATCA, qui est la loi qui est en vigueur depuis 2010, et
je vais y revenir, sur la façon dont ça se vit au Mouvement Desjardins.
Donc,
la page suivante, je vais passer, c'est au bénéfice de tous, et je vais aller rapidement
à la page 7 pour préciser qui sont les
groupes ou les entités juridiques qui sont sous la juridiction de la Loi sur le
recyclage des produits de la
criminalité, alors, évidemment, les entités financières, les sociétés
d'assurance vie, les courtiers en valeurs
mobilières, les entreprises de services monétaires, les MSB, alors... Et
puis vous voyez toute la déclinaison. Ça comprend les casinos, les comptables, les cabinets d'expertise comptable lorsqu'ils
exercent un certain mandat. Idem pour FATCA. Je pensais que ce serait intéressant.
CANAFE,
vous en avez peut-être entendu... C'est l'acronyme de FINTRAC. Tous les
pays du G20 se sont dotés de structures similaires. Aux États-Unis, ça
s'appelle FinCEN; en France, Tracfin. Alors, au Canada, c'est CANAFE ou
FINTRAC.
La
CANAFE, qu'est-ce que c'est? C'est
une gigantesque base de données qui recueille de l'information que les entités déclarantes, notamment les institutions
financières, doivent lui fournir sur une base quotidienne, et je vais y
revenir, sur le type de déclaration et le
type d'information que l'on donne à la CANAFE. La CANAFE, son rôle, c'est
ensuite de distribuer ces
informations-là, de les colliger, faire des recoupements, et de les distribuer
par la suite aux corps policiers.
Les
lois ou les réglementations qui touchent à la lutte au blanchiment et à
l'évasion fiscale sont considérables. On parle beaucoup de
l'accroissement de la réglementation et on a beaucoup de règles à suivre, vous
en voyez une idée à la page 9.
Alors,
la page 10 donne un sommaire de ce que les institutions financières
doivent mettre en place : un programme de conformité, évidemment, une tenue de documents de vérification de
l'identité de chacun de ses clients, et évidemment une surveillance
continue, ainsi qu'une qualification et des déclarations en matière de FATCA.
Je vais y revenir tout à l'heure, sur la façon dont ça se fait.
Sur
le sujet de FATCA en particulier, vous vous rappelez tous que FATCA, qui a été
adoptée en 2010, faisait suite au scandale d'UBS, où l'Union des banques
suisses avait sciemment pris de l'information, ouvert des comptes de citoyens
américains pour qu'ils puissent éviter de payer l'impôt aux États-Unis, et
c'est pour ça que la loi FATCA a été faite.
FATCA, maintenant, est en train de se transformer en une FATCA internationale
par les mesures de l'OCDE qui vont entrer en vigueur au début de 2017,
et vous constaterez que ça va devenir de plus en plus complexe, pour les institutions financières, de s'y soumettre. On va
devoir avoir les systèmes en place pour pouvoir déclarer non seulement
les citoyens américains, mais aussi tous les
résidents fiscaux étrangers qui auront des comptes chez Desjardins,
notamment, et dans les autres institutions financières canadiennes.
Donc,
qu'est-ce que c'est qu'un programme de conformité? D'abord, il y a nomination
d'un agent de conformité, la mise en
place de politiques et procédures, et ensuite il y a une approche basée sur les
risques. Donc, pour chacune des institutions,
vous devez avoir des politiques et procédures qui s'adaptent à votre modèle
d'affaires. Dans le cas de Desjardins,
j'ai le regret de vous dire qu'on a un modèle d'affaires un peu plate. Alors,
on ne fait pas beaucoup de transactions
olé olé, on est un groupe relativement conservateur. On n'a pas d'opérations
dans plusieurs pays, notamment dans
des juridictions plus sensibles. Alors, pour nous, je ne vous dirais pas que
c'est plus facile, mais c'est plus facile de se concentrer sur nos clients, parce que notre bassin de clientèle est
essentiellement concentré au Québec. On en a un peu au Canada puis on a
certains clients dans notre petite banque en Floride, mais, par exemple, si
vous comparez à d'autres banques canadiennes
qui ont des opérations en Amérique latine, en Asie, Desjardins n'est vraiment
pas dans ce groupe-là.
Évidemment, on fait
le développement de la formation continue et à tous les deux ans on a un
programme d'examen par des vérificateurs
indépendants. Nous parlions tout à l'heure de la tenue de documents.
Évidemment, chaque client doit être
identifié, on doit faire le monitoring en continu des relations d'affaires. En
gros, ce que ça veut dire, ça veut dire
qu'on doit avoir les moyens de s'assurer qu'une personne qui nous déclare, par
exemple, être un employeur autonome puis
faire des revenus de 25 000 $... bien, si on voit des flots de
transactions pour des montants financiers importants, on doit se questionner sur ces montants-là, on peut
questionner le membre ou le client, et, si les réponses ne sont pas
satisfaisantes, on doit faire des
déclarations d'opérations douteuses à la CANAFE. On va revenir tout à l'heure
sur la mécanique de ça, mais ça veut
dire maintenant que chaque client, chaque membre qui a un compte ouvert doit
faire l'objet d'une cote de risque, et on doit analyser ce qui se fait
dans ce compte.
On doit évidemment
s'assurer que nous connaissons tous les bénéficiaires effectifs et ceux qui ont
le contrôle d'une société. Alors, ici, ça
commence... pour les banques, c'est 25 %, 20 % et plus
d'actionnariat. Dans le courtage, c'est 10 % et plus. Chaque bénéficiaire effectif de 10 % et plus, on
doit l'analyser. Ce qui veut dire, par exemple, que, quand vous aviez
les sociétés-écrans, on a l'obligation d'aller au-delà de ça et d'aller jusqu'au
détenteur ultime de ce compte-là. Quand on
n'est pas satisfaits des réponses que l'on reçoit, on ferme le compte, on ne
fait pas affaire avec les gens qui ne veulent pas nous répondre.
Nous
avons aussi le devoir de nous assurer qu'il n'y a pas de tiers qui font des
paiements ou qui font des retraits des comptes
sans que ces tiers soient correctement identifiés et pourquoi ce tiers agit, en
tant que tel. Quand il y a un tiers qui agit dans un compte, ça peut
être un indice de blanchiment, et, par conséquent, on doit faire le monitoring
de ça.
De
la même façon, nous avons des listes d'étrangers politiquement vulnérables, les
EPV, qui font affaire chez Desjardins et nous devons nous assurer que
nous faisons un monitoring des transactions qui interviennent dans ce compte-là, notamment les virements in et out qui
viennent de l'étranger. Nous sommes aussi en train d'implanter la liste
des étrangers... les gens domestiques qui sont politiquement vulnérables pour
nous assurer, là aussi, qu'il y a une surveillance de ces comptes-là.
Évidemment,
on a des relations avec le correspondant bancaire. Plus de
700 correspondants bancaires font affaire avec le Mouvement
Desjardins. Nous échangeons de façon régulière avec ces entités pour s'assurer
qu'ils aient des niveaux de conformité, en matière de lutte au blanchiment
d'argent, qui soient suffisants.
À
la page 14, vous avez les exigences de déclaration, alors les trois
premières cases, ce que nous devons faire à CANAFE, notamment les
10 000 $ et plus. Alors, l'important c'est non seulement d'être
capable de les capter, mais aussi de les envoyer à CANAFE
dans le format qui est requis par CANAFE pour que CANAFE puisse en faire une information intéressante et la croiser avec les
autres institutions financières, les firmes de courtage, les casinos, pour
être capable de faire ce qu'on appelle des
«matchs» et pouvoir envoyer ça par la suite aux services policiers à travers le
pays.
Contribuables
américains, évidemment, vous avez la dernière ligne, nous nous devons d'identifier
tous les citoyens américains. Les États-Unis sont le seul pays où l'assiette
fiscale est basée sur la citoyenneté plutôt que la résidence, donc, dès que vous êtes citoyen américain, vous devez faire
des rapports d'impôt aux États-Unis. Alors, on a fait une opération pour qu'on puisse connaître ceux qui
sont citoyens américains. Même si ce sont des gens qui ont quitté les États-Unis, qui sont nés là parce que leurs
parents étudiaient là-bas, ils sont citoyens américains et ils doivent se
mettre en conformité avec la loi. Et notre
devoir, c'est de les déclarer à travers l'Agence du revenu Canada, qui,
elle-même, va les déclarer au IRS pour se conformer à FATCA.
Tout à l'heure, à la
période de questions — je
suis à l'acétate 15 — si
vous voulez poser des questions à mon collègue
Éric Lachapelle, c'est lui qui est le maître de ces modules automatisés qui
nous permettent de faire le monitoring de
ça. Alors, WLF, c'est «watch list filtering». Ce sont des listes de ce qu'on
appelle les «bad guys». Là-dessus, il y a des personnes, effectivement, qui sont condamnées, des personnes à risque,
des étrangers politiquement vulnérables, c'est toute une liste... les listes de terroristes. Et, sur
une base quotidienne ou une base continue, on doit passer tous nos clients,
donc les 6, 7 millions de comptes, à
travers cette liste-là, faire des extractions, et, pour chacun des noms qui
sort, on doit enquêter, savoir si
cette personne-là est vraiment la personne qui était sur la liste, voir s'il y
a matière soit à expulser ce membre ou encore à appliquer des mesures de
surveillance.
• (11 h 20) •
CDD, «customer due diligence», c'est un autre
module informatisé où chacun des comptes chez Desjardins doit avoir une cote de risque, à savoir si... risque
faible, risque moyen ou risque élevé. Si vous avez un risque élevé, vous
n'avez pas nécessairement à fermer le
compte. Par exemple, un étranger politiquement vulnérable
pourrait être tout à fait
légal, conforme, sans... mais on doit quand même le coter à risque élevé.
SAM,
«suspicious activity monitoring», on a à
peu près 150 millions de transactions qui sont faites par mois dans le réseau bancaire
de Desjardins, on doit analyser ces transactions-là à travers des scénarios et
qui vont nous sortir des extractions, des
drapeaux rouges pour lesquels on doit enquêter pour voir s'il y a blanchiment,
y compris l'évasion fiscale.
Ensuite,
STR, c'est les DOD, déclarations d'opérations douteuses. Alors, vous ne devez
pas avoir la conviction qu'il y a évasion fiscale pour faire une
déclaration d'opérations douteuses; si vous avez un soupçon qu'il peut même y avoir une tentative d'évasion fiscale, vous
devez le rapporter aux autorités. Alors, où est la ligne, ce n'est pas toujours
évident, entre l'évitement fiscal et l'évasion fiscale, mais, dans le doute, on
rapporte. Évidemment, on rapporte à peu près 7 000 déclarations
d'opérations douteuses par année, donc c'est des montants importants. Et on
fait confiance que c'est CANAFE qui va
pouvoir faire les recoupements pour voir s'il n'y a pas un stratagème qui est
lié avec d'autres institutions financières pour faire de l'évasion
fiscale.
Alors,
chez Desjardins, nous avons près de 130 spécialistes dédiés à la lutte au
blanchiment et à la surveillance de FATCA et bientôt de l'OCDE. Notre
budget d'opération avoisine les 20 millions, nous avons une enveloppe de développement pour que nos systèmes soient
toujours à la fine pointe qui est approximativement de 75 millions.
Nous avons un programme complet de
formation, puisque c'est le coeur de tout, c'est d'informer les employés, les
sensibiliser, leur faire comprendre quels sont les enjeux de la lutte au
blanchiment. Nous avons 19 000 personnes dans le réseau des caisses Desjardins qui ont suivi cette formation
et qui sont donc sensibilisés à ces enjeux. Nous avons aussi développé
une culture forte de conformité au sein de
Desjardins, et, à travers les mises en place de plateformes informatiques
dédiées au respect de ces exigences réglementaires, nous arrivons à accomplir
notre mission. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bernier) : Merci. Merci, M. Perreault.
M. Perreault, avant de passer la parole à mes collègues, je veux poser la question suivante : Au niveau
du service client direct, mis à part les caisses que vous avez en Floride,
est-ce que vous avez d'autres établissements
à l'extérieur? Parce que... Si on prend au niveau des transactions, en ce qui
regarde les entreprises, qui font de plus en
plus affaire à l'international, est-ce que vous avez d'autres compagnies ou
d'autres liens par rapport à donner le service à ces entreprises-là qui font
affaire avec Desjardins mais qui doivent transiger avec l'international?
M. Perreault
(Sylvain) : Je vous dirais qu'essentiellement on a notre banque en
Floride, avec trois ou quatre succursales en
Floride. Nous avons une filiale de la caisse centrale qui fait affaire avec les
entreprises en Floride aussi. Nous avons
notre réseau de correspondants bancaires pour permettre aux membres de
Desjardins qui voyagent à travers la planète de pouvoir avoir accès à des guichets automatiques pour, évidemment,
faire ces virements-là. Nous avons un bureau de représentation à Paris avec notre parrainage ou notre cousinage, je
dirais, avec le Crédit Mutuel. Mais nous n'avons pas, en tant que tel,
d'opération internationale, donc on est vraiment un groupe local.
M. Thibault (Hubert) : Peut-être pour compléter, M. le Président, quand
vous regardez le chiffre d'affaires de Desjardins, je ne pense pas me
tromper, Me Huot, en disant qu'à 99,8 % les activités de Desjardins,
les revenus de Desjardins proviennent du Canada. Alors, c'est relativement
limité, nos activités à l'étranger.
Le
Président (M. Bernier) : Merci. Nous allons donc passer aux
collègues. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de
Santis : Merci, M. le Président. Merci beaucoup et bienvenue, nous
apprécions énormément votre participation
ici ce matin. Et moi, j'apprécie encore plus le fait que vous, vous utilisez
l'expression «paradis fiscal». Hier, on
essayait de nous passer... il fallait qu'on dise plutôt «État à faible taux
d'imposition». Alors, appelons un chat un chat.
Si
je regarde la lettre que vous avez envoyée, et ça faisait partie de votre
présentation ce matin, à la page 3 vous dites : «Les institutions financières sont souvent interpellées
dans les questions d'imposition des revenus de leurs clients. Il est
indéniable que l'existence et les opérations des paradis fiscaux reposent en
partie sur la participation de certaines institutions financières.» Est-ce que
vous pouvez élaborer, s'il vous plaît?
Le Président (M. Bernier) :
M. Thibault.
M.
Thibault (Hubert) : Peut-être
le plus simple, Mme la députée, c'est de référer à un rapport du congrès du
Sénat américain, il y a
quelques années, qui regardait un peu les mêmes éléments que vous considérez aujourd'hui. Et une des questions qui se
posaient, c'était de dire : Comment peut-on lutter contre les paradis
fiscaux? La réponse avait été assez rapide
à donner par les sénateurs, en disant : Dans le fond, il y aurait une mécanique assez simple. Si on interdisait aux banques
américaines de faire affaire avec toute juridiction ou avec des institutions
financières des juridictions qu'on qualifie de paradis fiscaux, le problème
serait, pour ainsi dire, relativement facile à régler.
Alors, dans le fond, c'est pour ça que nous, dans notre présentation, dans nos
recommandations, nous insistons beaucoup sur le fait de dire : On
doit avoir une approche globale et concertée, multilatérale avec les pays,
l'OCDE notamment et le G20 qui pour une fois posent des gestes qui
sont assez, je dirais, spectaculaires dans la mesure où ils seront effectivement
mis en oeuvre par les pays.
Donc, évidemment,
les institutions financières, pour répondre plus précisément à votre question,
ont un rôle parfois direct, parfois indirect à jouer dans la finance
internationale et donc dans les paradis fiscaux.
Mme de Santis : Parfait. C'est un
rôle que...
Le
Président (M. Bernier) : Juste une petite... Vous parlez d'un rapport du Sénat américain. Est-ce que,
si vous en avez une copie, vous pourriez nous le transmettre?
M.
Thibault (Hubert) : Bien,
c'est quelque chose que j'avais vu il y a plusieurs
années. C'était, à l'époque, dans la foulée des événements de
septembre 2001, là, le Sénat avait...
Le Président (M. Bernier) : O.K.,
merci. Mme la députée.
Mme de Santis : Merci. Il y a une
fine ligne entre ce qui est la planification fiscale et la planification
fiscale abusive ou agressive. Ce que vous
avez écrit au deuxième paragraphe, à la page 3 de votre lettre, m'intrigue, parce que vous dites que vous ne recommandez pas à vos clients de participer dans des
planifications agressives et abusives. Pouvez-vous m'expliquer comment
vous faites cette détermination? Parce que ce n'est pas toujours évident.
Le Président (M. Bernier) :
M. Thibault.
M.
Thibault (Hubert) : Non, effectivement, c'est un sujet assez subjectif, hein, quand on parle d'évitement
fiscal et d'évitement fiscal abusif. Il est
clair chez nous qu'un client qui nous demanderait de lui ouvrir un compte, puis
la fin du paragraphe réfère à ce genre de chose qui s'est produit dans
le passé, d'ouvrir un compte dans un paradis fiscal, il y a un drapeau
rouge non seulement qui s'élève chez nous, mais ce courtier sera
sanctionné ou cette personne, si c'est une autre fonction qu'un courtier, sera sévèrement sanctionnée. Desjardins ne veut
pas conseiller à ses membres et à ses clients de s'embarquer dans ce
genre de planification fiscale ou d'affaire dans les paradis fiscaux.
Je ne sais pas, André, s'il y a des éléments que
tu veux rajouter ou...
M. Huot (André) : Non, je pense que
ça va bien.
Mme de
Santis : Mais cela, c'est
une approche très blanc ou noir, parce
qu'avoir un compte dans un de ces États, ce n'est pas nécessairement...
M. Thibault (Hubert) : Illégal.
Mme de Santis : ...illégal, ce n'est
pas illégal. Et il y a aussi des raisons administratives. Le Canada Pension Plan, par exemple, a des comptes dans les paradis
fiscaux et le Canada Pension Plan ne paie pas d'impôt, et c'est pour
d'autres raisons, plutôt administratives, que le Canada Pension Plan se
retrouve dans ces États.
M. Thibault (Hubert) : Oui,
absolument.
Mme de Santis : Donc, vous utilisez
une approche très blanc et noir. Et, quand, dans votre lettre aussi, vous indiquez que vous terminez les relations avec ces
conseillers pour cause, je me disais : «Pour cause», légalement ça
veut dire quelque chose de très sérieux et
ça a une définition. Alors, qu'est-ce que vous voulez dire, «pour cause»? Parce
que ce n'est pas illégal.
Le Président (M. Bernier) :
M. Thibault.
M. Thibault
(Hubert) : Ce n'est pas illégal. Ils ont enfreint une règle interne à
Desjardins — et
Sylvain complétera — qui est universelle chez les courtiers,
d'une part. Et, d'autre part aussi, pour cause, c'est un congédiement,
comment dire, sans package de... sans «severance pay», si vous me permettez
l'expression.
Alors, c'est l'expression
«pour cause». Ils ont commis une faute qui, pour nous, pour Desjardins, comme
employeur, méritait la sanction qui leur est imposée.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. Perreault, vous voulez ajouter?
• (11 h 30) •
M.
Perreault (Sylvain) : Simplement, l'infraction n'était pas d'avoir eu un
compte offshore, c'est de ne pas avoir déclaré
le compte offshore. Et, s'ils avaient demandé la permission pour ouvrir un
compte offshore, on l'aurait probablement refusée, à moins qu'il y ait
eu des motifs légitimes de le faire.
Alors, l'infraction, la cause ici, c'était de ne
pas l'avoir déclaré à l'entreprise, ce qui faisait en sorte qu'ils se
soustrayaient à tout le système de surveillance de la firme de leurs
transactions qu'ils pouvaient faire, donc ouverture à la manipulation de marché, à des transactions d'initié et toute la
gamme des infractions qu'on ne peut plus surveiller dès lors que le
compte n'est pas déclaré. C'était ça, l'infraction.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Portneuf.
M. Matte : Merci, M. le Président.
Je voudrais faire référence aussi à la lettre que vous avez envoyée, là, au deuxième paragraphe que ma collègue a mentionné. Je crois que c'est
M. Perreault, vous avez mentionné que, l'agent de conformité pour lutter contre le blanchiment, si
vous refusez tous les comptes offshores, son travail va être d'autant
plus facilitant, parce qu'il n'y aura pas beaucoup
de travail à effectuer. Parce que, si je comprends l'objectif,
là, de l'agent de conformité, c'était
justement pour lutter contre le blanchiment d'argent. Donc,
s'il n'y a pas de comptes qui sont ouverts dans vos filiales ou à
l'étranger, son travail va être facilité.
Le Président (M. Bernier) :
M. Perreault.
M. Perreault (Sylvain) : Bien, je ne
sais pas si son travail est facile. Moi, je pense qu'il a un travail difficile quand
même.
Je ne vous
dis pas... Des comptes offshores, il
y a des clients de Desjardins qui
peuvent avoir des comptes offshores. Il
faut faire la distinction entre ce que l'entreprise fait comme
activités commerciales et puis celles de ses clients. On peut très bien
concevoir qu'un membre ait un compte aux Bahamas. Ensuite, la façon dont lui va
faire ses déclarations d'impôt, bien ça, c'est à lui de le faire. Ça peut être tout
à fait légitime, ce n'est pas une interdiction formelle.
Le
Président (M. Bernier) : Juste une petite parenthèse, M. Perreault. Cependant,
ce compte-là ne transite pas par Desjardins mais transite par une autre institution
bancaire. C'est ce que vous vouliez préciser?
M.
Perreault (Sylvain) : Par exemple, un membre Desjardins pourrait demander de faire des virements de
son compte de chez Desjardins vers son
compte d'une institution financière aux Bahamas. Bien, on va lui poser des
questions sur la taille de ces transactions-là. Est-ce que c'est en relation
avec son modèle d'affaires? Il va tout simplement peut-être nous expliquer qu'il
a une maison là-bas, et qu'il y passe tous ses hivers, puis qu'il fait
transférer des sous là-bas pour pouvoir
vivre, puis c'est tout à fait normal. S'il nous transfère des virements de
millions de dollars, bien on va encore une fois lui poser des questions
pour les raisons pour lesquelles il fait ça, puis à chaque fois le client nous
répond, puis, si l'explication tient la route, c'est correct.
Mais dès lors
que la personne... Et généralement, quand ça ne tient pas la route, on refuse de
nous répondre puis on nous dit qu'on
se mêle de choses qui ne nous regardent pas. Généralement, c'est le signal
pour une éventuelle fermeture de compte. On a le droit de poser ces questions-là.
Le Président (M. Bernier) : M.
le député.
M.
Matte : Oui. Toujours
à la page 4, votre quatrième
paragraphe, est-ce que les mesures qui sont mises de l'avant pour lutter contre l'évasion fiscale, là, selon le
conseil de l'OCDE, là... Croyez-vous que ces mesures-là, c'est un pas
vers une bonne direction? Est-ce que c'est suffisant?
Le Président (M. Bernier) :
M. Thibault.
M. Thibault (Hubert) : Elles sont
reconnues comme des mesures qui devraient être efficaces si elles sont
appliquées. La vraie question, c'est de dire : Le seront-elles? Le
seront-elles par une masse suffisante de pays?
Et prenez,
par exemple, FATCA. Les États-Unis, d'autorité, ont dit : Nous,
dorénavant, voici quelles seront les règles
du jeu, et, ceux qui ne voudront pas les jouer, il y aura des conséquences
extrêmement importantes. Tous les pays ou à peu près, même la Russie et la Chine, qui avaient exprimé des réserves
compte tenu de la pression que ça faisait, se sont conformés à ça.
Alors, c'est sûr que,
s'il y a un mouvement concerté et que la résultante est que les institutions
financières ou les autres acteurs
économiques peuvent se voir exclus du système s'ils ne respectent pas ces
règles... devrait être efficace. Est-ce que ça va arriver? Je pense qu'il faut
faire en sorte que tous les gouvernements soient invités fortement à
embarquer dans les propositions de l'OCDE et du G20.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Sainte-Rose.
M.
Habel : Merci, M. le Président. Je vais continuer sur ce que vous
parlez, là, le FATCA, là. Puis, pour les gens qui nous écoutent, c'est
une mesure législative américaine qui oblige toute institution financière à
divulguer au fisc américain, par
l'intermédiaire de l'agence du revenu locale, les comptes financiers que tout
Américain détient chez elle.
Alors,
j'ai une question : Étant donné que le Canada va entrer, le 1er juillet,
je crois, 2017, dans cette entente, est-ce que, selon vous, il serait pertinent de créer un FATCA canadien? Et, si
oui, est-ce qu'il serait applicable d'en créer un?
M. Thibault (Hubert) :
Sylvain, peut-être, peut aborder ces questions-là.
Le Président (M.
Bernier) : M. Perreault.
M. Perreault (Sylvain) : Oui. Alors, FATCA est déjà en vigueur, on a déjà
cette obligation de reporting sur les citoyens
américains. Le FATCA canadien va se faire à travers la nouvelle norme de
l'OCDE. Le Canada va y adhérer, a déjà
annoncé son intention d'y adhérer. Donc,
ça veut dire que les autres pays du G20 ou de l'OCDE vont devoir
déclarer à Revenu Canada... Les citoyens
qui ont une résidence fiscale canadienne et qui ont un compte, par exemple, à Stockholm, bien le gouvernement suédois va le déclarer au gouvernement
canadien. Donc, on va atteindre nos buts, je l'espère.
M. Thibault
(Hubert) : Pour répondre à votre question, c'est sûr que, si le Canada
avait voulu bouger unilatéralement, lui seul, avec son propre FATCA, compte tenu de la taille du Canada, compte
tenu de son importance économique,
je pense qu'il y
aurait beaucoup de pays qui
n'auraient même pas répondu à cette demande-là. Il faut bouger sur une base multilatérale quand on est plus petit
que les États-Unis.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Chapleau.
M. Carrière :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui.
Tantôt, vous avez dit
que, si vous avez des conversations douteuses ou si des transactions vous
paraissent douteuses... Vous avez parlé de si quelqu'un transfère
1 million de dollars, etc., à partir d'un compte de Desjardins,
vous dites que vous... puis on vous refuse
de vous répondre. Donc, vous faites quoi à partir de ce moment-là?
Premièrement, est-ce qu'il y a... ce
n'est plus un de vos clients? Parce qu'on a entendu ça hier de d'autres
banques, puis là je disais : Il arrive quoi si vous... Tu sais, ce million-là, vous lui mettez ça dans un sac, puis
le gars doit partir avec puis aller le déposer ailleurs? De un.
Puis
est-ce que vous êtes obligés de faire une divulgation ou... Et, lorsque vous la
faites, si cette divulgation-là est non
fondée, est-ce que ça met à risque Desjardins, dans votre cas, d'avoir...
Avez-vous déjà eu des poursuites d'abus de pouvoir ou est-ce que vous êtes protégés, lorsque vous avez un doute
raisonnable, de divulguer, là, des comportements ainsi?
Le Président (M.
Bernier) : M. Perreault.
M. Perreault
(Sylvain) : Alors, on a l'interdiction de dire à la personne visée que
l'on fait une déclaration d'opérations
douteuses à son sujet auprès de la CANAFE. Ça, c'est une interdiction formelle.
Donc, on fait ça dans une certaine forme d'anonymat face aux membres.
Sur
la question de l'expulsion des membres, on ne fait pas ça de façon cavalière.
D'abord, on demande par écrit à la personne de nous poser... de répondre
à nos questions, et généralement il y a un dialogue qui s'enchaîne. Et,
lorsqu'il y a refus de répondre, on donne un autre avis que nous allons
malheureusement... si la personne ne répond pas à nos questions, nous allons devoir terminer la relation d'affaires, et on
donne un délai raisonnable pour que la personne puisse aller dans une autre institution. Donc,
effectivement, ce n'est peut-être pas la mesure la plus efficace parce que,
d'un point de vue sociétal, je n'ai
peut-être pas réglé le problème, puis ça va être... le problème, je l'ai
déplacé dans une autre institution, mais,
si je mets fin à une relation d'affaires, ça va faire partie des déclarations
que je vais faire à CANAFE, et CANAFE est en mesure, à ce moment-là, de faire les recoupements avec les autres
institutions financières qui vont recevoir ce client-là.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. Oui, M. le député de Chapleau.
M.
Carrière : Merci. Mais un jour ou l'autre la personne va être
au courant ou va découvrir qu'elle a fait l'objet d'une plainte, d'une
dénonciation à la CANAFE. Donc, ma question : Est-ce qu'il y a une
immunité de la banque, de la caisse, de
Desjardins, ou de l'institution qui fait cette déclaration-là à l'effet que...
s'il y a un client douteux? Parce que ma question est : S'il n'y a pas cette immunité-là, est-ce que ça vous
met à risque pour des poursuites futures, si ça s'est adonné que votre
déclaration était sans fondement ou votre dénonciation était sans fondement?
Le Président (M.
Bernier) : M. Perreault.
M. Perreault
(Sylvain) : Écoutez, premièrement, on n'a pas de feed-back de CANAFE
sur nos déclarations d'opérations douteuses.
Une fois que c'est déposé, CANAFE ne nous revient pas en disant : Vous
étiez complètement à côté de la plaque, il n'y avait rien. On n'a pas ce
genre de feed-back.
M. Thibault
(Hubert) : Ou l'inverse.
M. Perreault (Sylvain) : Ou
l'inverse. On n'a pas non plus... ils nous disent : Voici, tu as pointé un
excellent criminel, là, bravo! On n'a pas ce feed-back-là.
On a
7 000 déclarations douteuses par année. On n'a jamais eu aucun
incident, aucune plainte, aucun retour. Et ce que je soupçonne, mais je ne peux pas... je n'ai pas d'expérience
pratique, mais, même s'il y a une poursuite au criminel, je ne suis même pas sûr que dans le dossier on va
révéler les sources d'information à travers les déclarations
d'opérations douteuses, je ne suis même pas sûr que ça serait quelque chose qui
ferait partie du dossier. Alors, je pense qu'on a une relative immunité.
Évidemment,
il faut agir de bonne foi. On a toute une équipe. À l'intérieur, on a des
niveaux de surveillance. Les déclarations
d'opérations douteuses ne sont pas le fait d'une seule personne, elles sont
validées par des niveaux hiérarchiques. Donc, on a tout un système pour
s'assurer qu'il n'y ait pas non plus de déclaration malveillante.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Laval-des-Rapides.
• (11 h 40) •
M.
Polo : Très rapidement. M. le Président, merci beaucoup.
Effectivement, j'ai pris connaissance, comme mes collègues, de votre
lettre, puis des dispositions qui vont entrer en vigueur au Canada à partir du
1er juillet 2017, et également de la
première déclaration de l'Agence de revenu du Canada, mais, compte tenu de
notre consultation, là, dans ce mandat
d'initiative — j'ai
posé la même question à certaines des autres institutions hier également — selon vous, selon votre expérience quotidienne, est-ce qu'il y a
d'autres mesures, d'autres actions que le Québec, compte tenu... et on
est très conscients, là, que c'est de juridiction
fédérale, mais que le Québec pourrait mettre en place soit pour faciliter la
circulation d'information, la communication,
épauler certaines institutions basées au Québec également pour, si on peut
dire, aller plus loin dans ce débat, comme tel?
Le Président (M. Bernier) :
M. Thibault.
M. Thibault (Hubert) : Je vous
dirais que l'Agence du revenu du Québec est, à notre avis... et nous ne sommes pas des spécialistes de la perception des
impôts ou de la fiscalité comme telle, mais, à notre avis, l'Agence du revenu du Québec démontre depuis des années qu'ils
sont à la fine pointe de ce qui leur est humainement possible de faire
pour récupérer les sommes qui résultent... qui leurs sont dues et qui ne sont
pas déclarées, autrement dit, au niveau de l'évasion
fiscale. Là où nous, on pense qu'il y a une intervention, on l'a mis dans la
conclusion, c'est sur ces nouvelles mesures
de l'OCDE, qui devraient faire en sorte de faire disparaître ou en tout cas de
limiter fortement ces planifications fiscales
très agressives des multinationales à travers le monde qui privent les
gouvernements de sommes faramineuses.
Alors, du côté de l'évasion fiscale qu'on
appelle domestique dans notre lettre, on pense que les choses vont relativement
bien. Là où c'est vraiment important de bouger, c'est d'appuyer, même au niveau
du gouvernement du Québec, de l'Assemblée
nationale, les mesures définies par l'OCDE, adoptées par le G20 en fin de
semaine, et qui devront être mises en
vigueur de façon ordonnée. Ce n'est pas parce que les chefs d'État du G20 ont
dit : Oui, on est d'accord que ça
va se produire, il va y avoir des lobbys assez forts qui vont se manifester
partout à travers le monde, sur leurs propres gouvernements. Alors, je pense que la meilleure chose à faire, pour
nous, pour vous, c'est de renchausser vos collègues d'Ottawa puis de
leur dire : Oui, ce sont des éléments fondamentaux et importants qu'il
faut mettre en place.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau : Oui, bonjour.
Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'être là.
Hier, on a
reçu vos concurrents, les institutions financières bancaires, et disons que la
simple phrase qui a été notée par la
députée de Bourassa-Sauvé à votre page 3, là, qui dit que les opérations
dans les paradis fiscaux reposent en partie sur la participation de certaines institutions financières, ça, ça n'a pas
été reconnu hier par vos concurrents, par les banques. En fait, leur
message, hier, c'était : Des paradis fiscaux, pas sûr que ça existe. Leur
deuxième message, c'est : Et, même si a
existait, on ne serait pas responsables du fait que d'autres personnes les
utilisent. En gros, c'était de l'aveuglement volontaire. Et je suis content de voir que, dans votre cas, on n'est pas
là-dedans du tout, au contraire, vous reconnaissez que certaines
institutions financières participent à ça. Donc, c'est tout simplement ma
petite remarque d'introduction...
Le Président (M. Bernier) :
Mise en situation.
M. Marceau : Voilà.
Maintenant, je veux vous poser une question que j'ai posée hier et à laquelle
je n'ai pas obtenu de réponse. Disons que
vous avez comme cliente, donc, une corporation québécoise ou canadienne puis
qui a décidé de se restructurer, de
revoir son organisation, sa configuration corporative, a décidé, par exemple,
d'implanter dans un paradis fiscal
une filiale, donc l'entreprise se crée une filiale dans un paradis fiscal. Ce
qu'on sait qui existe beaucoup, c'est soit
carrément du transfert de profits... ou bien on transfère de la propriété
intellectuelle, puis là, par des mouvements de capitaux puis des
écritures comptables, on est capable de réduire les factures d'impôt.
Bon
là, ce client-là, qui est un de vos clients à vous, là, veut envoyer des fonds,
évidemment pas... ça va transiter vers
une autre banque là-bas, où l'entreprise s'est créé une filiale. Cette
entreprise-là, donc, veut faire de l'évitement fiscal, hein, on s'entend. Je ne prétends pas qu'ils font
des choses qui sont carrément illégales mais qui sont à la limite, là, de la
loi. Ma question, c'est que... Vous, donc, vous nous dites que vous
allez poser des questions, vous allez interroger le client : Pourquoi tu envoies des fonds
vers ce paradis fiscal? Ma question, c'est : Est-ce que vous avez — puis vous puis n'importe quel autre de vos concurrents, là — est-ce que vous avez à porter un jugement
sur, dans le fond, la reconfiguration corporative
de l'entreprise qui veut transférer des fonds, sur les raisons pour lesquelles
ils font ces opérations-là? Est-ce que vous
avez à porter un jugement, par
exemple, est-ce que cette manoeuvre est abusive ou pas?
Est-ce que vous avez ce genre de jugement à porter ou pas?
Le Président (M.
Bernier) : M. Thibault.
M. Thibault
(Hubert) : Vous rejoignez un peu la question que Mme la députée posait
au début sur la fine distinction entre la
planification fiscale légitime puis l'évitement abusif comme tel. Je ne
pourrais pas vous répondre sur des dossiers
précis dans Desjardins, là, dans la mesure que ce n'est pas une information que
je détiens, mais il est évident, comme
l'expliquait Sylvain tout à l'heure, par exemple, que les obligations de
divulgation pour... tout transfert informatique d'un montant de
10 000 $ à l'étranger doit être déclaré.
La
responsabilité de déterminer le caractère abusif d'une planification fiscale, à
notre avis, elle relève d'abord et avant
tout de l'Agence du revenu du Canada, mais l'Agence du revenu du Canada fait
partie du même gouvernement qui en même
temps a signé des conventions fiscales parfois assez avantageuses avec d'autres
pays, alors on se retrouve dans une dynamique un peu particulière de
savoir qu'est-ce qui est abusif ou pas, qui a la responsabilité de trancher ou autrement. Alors, c'est pour ça que les fameuses
règles de l'OCDE dont je parlais tantôt, elles couvrent ces éléments-là spécifiquement sur le commerce électronique,
spécifiquement sur les «patent boxes» auxquelles vous faisiez référence,
les transferts de propriété, sur
l'achalandage, sur ces éléments-là. Alors, dès l'instant où les pays
s'entendraient sur définir des règles
claires à cet égard-là, nous, on pense que l'essentiel, en tout cas une bonne
partie du problème de l'évasion fiscale à ces niveaux internationaux
sera réglée. Il n'y a pas beaucoup d'autres façons, pensons-nous, d'y arriver.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député.
M. Marceau :
O.K. Donc, à ce stade-ci, c'est difficile pour vous de porter un jugement. Puis
même, si je comprends bien, les autorités fiscales ne vous demandent pas de
porter un tel jugement, là, il n'y a rien de ça qui est fait, c'est ça.
M. Thibault
(Hubert) : Non, absolument pas, absolument pas.
M.
Marceau : Puis ça correspond à ma compréhension aussi. La
question que je viens de vous poser, toute simple, hier je n'ai pas eu
de réponse, alors aujourd'hui je suis content d'en avoir une, je vous remercie.
Par
ailleurs, je rappelais hier — puis là je prends un exemple, là — que les Canadiens ont transféré vers la
Barbade 7 milliards de dollars entre 2013 et 2014, je pense, entre 2013 et
2014, je ne me rappelle plus si c'est 2014‑2015... je pense que c'est 2013 et 2014. Puis là la question que je me pose, là,
c'est : Par où ça passe, cet argent-là? Je veux dire, ça part d'ici, là, puis il faut que ça arrive à la
Barbade, mais là il y a des tuyaux, hein... Bon, je me doute très bien que
ça ne passe pas beaucoup par chez vous.
J'aimerais bien savoir par où ça passe, par exemple. Avez-vous une idée de la
réponse?
Le
Président (M. Bernier) : Est-ce que ça passe uniquement par les
banques? Est-ce que ça passe uniquement par des compagnies d'assurance?
Est-ce que ça passe par d'autres...
M.
Marceau : C'est ça. Y a-t-il d'autres chemins que moi, j'ai...
que nous, on rate, là? Y a-t-il moyen de transférer de l'argent
autrement que par les banques, essentiellement, ou par les autres
institutions... Bien, je vous laisse...
Le Président (M.
Bernier) : M. Lachapelle.
M. Lachapelle
(Éric) : C'est une excellente question. Comme M. Perreault disait
au début de la réunion, ce qu'on appelle les
relations de correspondants bancaires, les institutions financières transitent
les paiements de banque à banque
entre les pays en fonction des devises. Oui, un client qui est membre de
Desjardins peut envoyer de l'argent vers la Barbade. Desjardins n'a pas de place d'affaires à la Barbade, on ne
donne pas de conseil à la Barbade, mais la transaction monétaire peut
passer de Desjardins à la Barbade.
Ce
qui est important, vous vous rappelez le dessin avec les flèches et les boîtes
que M. Perreault a présenté, c'est les outils technologiques pour
suivre ces transactions-là. Une transaction à la Barbade est une transaction, à
la base, plus risquée qu'une transaction à
la Banque Nationale ici, à Montréal. Plus qu'on fait de transactions risquées,
plus que le client monte à risque,
plus qu'on le surveille. C'est ça, le rôle des institutions. Plus qu'on
surveille, plus qu'on peut trouver des choses
douteuses. Et, si on a un motif raisonnable de soupçonner, et non le hors de
tout doute mais bien le motif raisonnable de soupçonner, c'est très
faible, on le déclare à la CANAFE.
Donc, c'est comme ça
que l'argent circule du Canada à la Barbade.
M. Thibault
(Hubert) : ...si vous permettez, M. le Président, M. le député...
Le Président (M.
Bernier) : Oui, M. Thibault.
M. Thibault
(Hubert) : Dans notre lettre, une phrase que je n'ai pas mentionnée
tout à l'heure, mais, à la page 3, si
vous allez vers la fin, on indique : «Les transactions en provenance ou à
destination d'une juridiction considérée comme un paradis fiscal ne sont
pas d'emblée et nécessairement illégales. Même si l'ampleur des sommes qui y
sont transigées démontre clairement qu'une
proportion significative de ces transactions le sont sans doute pour des
raisons inavouables, déterminer qu'une
transaction donnée vers un paradis fiscal d'un de ses clients est
nécessairement fiscalement abusive
est, dans le contexte législatif actuel, complexe et pratiquement impossible
pour une institution financière. Cela relève nécessairement des
autorités fiscales.»
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député.
• (11 h 50) •
M. Marceau : Peut-être deux
petites questions courtes avant de céder la parole à mon collègue. J'ai posé
ces questions-là hier à tout le monde et je vous les repose à vous aussi, donc
pas trop, trop de surprise.
Le fait,
donc, de mettre en place des états
financiers pays par pays, tel que
suggéré dans le BEPS, puis là il y
a la nuance seulement aux autorités
fiscales ou bien disponibles pour l'ensemble
de... pour le grand public, chez
Desjardins, vous voyez ça comment?
Le Président (M. Bernier) :
M. Thibault.
M. Thibault (Hubert) : On voit ça favorablement.
C'est une des mesures qui permettraient d'y voir un peu plus clair dans toutes ces questions
notamment de transfert de propriété intellectuelle dans
des juridictions extrêmement favorables, qui font en sorte que... Par exemple,
c'est connu dans les journaux, il y a des compagnies informatiques qui font des
chiffres d'affaires spectaculaires dans certains pays européens ou aux
États-Unis et ne paient pratiquement pas d'impôt. Un reporting pays par
pays éclairerait passablement les autorités fiscales et également la
population.
Le Président (M. Bernier) :
Deux minutes.
M.
Therrien :
Écoutez...
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Sanguinet.
M.
Therrien : Bonjour.
Merci. Bonjour à tout le monde. Bonjour, chers collègues de la caisse
Desjardins.
Écoutez,
hier, les gens nous parlaient de la concurrence. Évidemment, il y a beaucoup de
concurrence sur le marché des
institutions financières, vous faites partie de ce marché-là. Et ce qu'on a
entendu comme message, quand ils parlaient, justement, là, de paradis fiscal, sans mentionner de nom, là, bien c'est
comme s'ils se disaient : Bien, si les adversaires le font, bien, nous, il faut le faire, hein, parce
qu'on n'a pas le choix. Puis, tu sais, c'est offrir les services à la
population, puis il faut garder notre créneau, il faut garder notre présence.
Moi, j'aurais
deux petites questions puis je vais les donner comme ça, puis libre à vous de
répondre, là, dans le sens que vous
voudrez. D'abord, est-ce que vous sentez de la pression de la part de certains
clients chez vous pour dire : Aïe! On peut-u faire ça, nous autres
avec, tu sais? Ça, c'est la première chose. Puis la deuxième chose,
c'est : Si vous ne le faites pas — selon ce que vous nous dites, vous ne le
faites pas — j'imagine
que vous seriez pour encourager, et je pense
que c'est clair, là, pour encourager justement l'élimination de ce fléau-là.
Qu'est-ce que vous nous suggéreriez, nous, en tant que législateurs? Qu'est-ce qu'il faut retenir? Il y a une chose
à retenir dans tous les messages que vous avez donnés, là, moi, il y a
une chose que je dois retenir. C'est quoi?
Le Président (M. Bernier) :
M. Thibault.
M. Thibault (Hubert) : C'est sûr que
Desjardins est en concurrence avec les autres grandes institutions financières.
Il y a des éléments sur lesquels on est pas mal meilleurs que les banques
commerciales, il y en a d'autres où ils sont
meilleurs que nous, sur d'autres éléments. Alors, effectivement, ils peuvent
avoir un certain avantage, compte tenu de leur modèle d'affaires, mais
Desjardins prend ses décisions stratégiques et se reprend sur d'autres
éléments.
Je vous donne
un exemple. Quand je suis rentré chez Desjardins, il y a une agence de notation
qui avait émis un commentaire mitigé sur Desjardins en disant :
Bien, Desjardins, il est dans le «retail», dans le service aux particuliers et pas dans l'«investment banking», alors il rate
des rendements intéressants. Arrive la crise au début des années 2000. Trois ans plus tard, la même agence souligne la
bonne stratégie de Desjardins d'être très fort dans le «retail», ce qui
lui amène un flot de revenus stable et important, et ils ne sont pas dans les
opérations à risque, l'«investment banking».
Alors, tout
ça est à considérer. On n'a pas de mention chez nous à l'effet que nos membres
nous disent : Comment se fait-il
que vous n'êtes pas aux îles Caïmans ou à la Barbade, comme tel? Même, non
plus, de nos entités corporatives ne nous
disent pas : Bien, si vous me permettiez de m'installer à la Barbade, bien
je paierais autant d'impôt de moins que... tel chiffre. Alors, on n'a
pas ce genre de problématique là.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Rousseau, vous aviez une dernière question à poser?
M.
Marceau : Oui, c'était sur les produits financiers que vous
offrez à vos clients, Promutuel et autres, là. Donc, il y a des entreprises, évidemment, qui sont
souvent incluses dans ces produits financiers là. Je voulais savoir si, chez
vous, il y avait une attention particulière au fait de ne
pas inclure dans vos produits des entreprises, je ne sais pas, moi, des Wal-Mart, Caterpillar Starbucks et autres dont on
sait aujourd'hui qu'elles ont opéré dans les paradis fiscaux. Est-ce que
dans le passé ou dorénavant vous avez
l'intention de vous assurer que ça n'arrive pas, que ces entreprises-là
n'appartiennent pas à vos produits financiers?
Le Président (M.
Bernier) : M. Perreault. Rapidement.
M. Perreault
(Sylvain) : On a différents fonds qu'on offre à notre clientèle, donc
les fonds Environnement... C'est sûr qu'il
peut se retrouver encore de ces entités-là. Je ne peux pas vous dire qu'il y a
une politique, là, d'éliminer toutes
ces sociétés-là parce que, premièrement, des fois c'est simplement des
soupçons, ce n'est pas nécessairement des cas avérés. Mais on a beaucoup de fonds environnementaux éthiques, des fonds
éthiques, on a beaucoup de ça chez Desjardins.
Je
voulais juste ajouter simplement qu'au niveau du conseil d'administration il
n'y a pas... c'est tolérance zéro en matière
de paradis fiscaux, ça ne fait simplement pas partie de notre façon de faire
les choses. Et, pour moi, ça, c'est ce qu'on appelle le «tone at the
top», et ça vient du conseil d'administration.
Si vous parlez des mesures pratico-pratiques, il y a, bien sûr,
des mesures législatives et tout. Moi, je vous parle des mesures sur le terrain. Les mesures sur le
terrain, c'est de former des jeunes, des jeunes professionnels, des
spécialistes en matière de lutte au blanchiment, en matière de lutte à l'évasion fiscale. C'est ce qu'on fait chez Desjardins. Au Québec,
à Montréal, à Québec, il n'y
a pas un bassin de population
de gens expérimentés dans ce domaine-là, alors on a donc, je pense,
les institutions financières, en tout cas le Mouvement
Desjardins... on a le devoir de former ces gens-là qui vont faire en
sorte qu'on va fermer le robinet.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci, M. le Président. Bienvenue, MM. Thibault, Huot, Perreault et
Lachapelle. Très intéressante, votre présentation. Beaucoup plus claire,
en tout cas, que celles-là des institutions financières qu'on a vues hier.
Moi,
j'ai juste deux, trois petites questions, là. Avez-vous... Depuis que la FATCA est en vigueur
aux États-Unis, je me pose la question,
est-ce que les banques ont déménagé? Est-ce que les banques ont fermé? Est-ce
qu'il y a eu un mouvement de banques quelconque ou d'institutions financières,
à cause de la FATCA, qui sont parties ou...
Le Président (M.
Bernier) : M. Thibault.
M. Thibault
(Hubert) : Les coûts pour pouvoir répondre et se conformer à la FATCA
étaient importants, 100 millions par banque, 100 millions.
Une voix :
...par banque?
M. Thibault
(Hubert) : Par banque. Mais les conséquences de ne pas se conformer à
FATCA ou de ne pas investir ce 100 millions-là puis se faire reprocher qu'on n'était pas suffisamment... étaient encore plus élevées, des milliards.
Alors, oui, c'est un
coût additionnel, mais, dans la mesure où ce coût est imputé à tous, on revient
à un «level playing field», si vous me
permettez l'expression. Tout le monde assume ces coûts-là, tout le monde assume les mêmes responsabilités, alors c'est équitable, il n'y a
pas personne qui essaie de passer à côté
de l'obligation. Et, dans ce sens-là, bien, nous, on considère
que c'est correct. C'est très bien, même.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député.
M.
Spénard :
Mais il doit encore se faire de l'évasion fiscale aux États-Unis.
M. Thibault
(Hubert) : Bien sûr.
M.
Spénard :
Ça, c'est sûr. Ça fait que... Que ce soient les Google, les Wal-Mart ou les...
de ce monde.
M. Thibault
(Hubert) : Oui, mais je dirais que l'évasion fiscale... Je ne connais
pas la situation précise aux États-Unis, mais l'évasion
fiscale au Québec
comme au Canada aujourd'hui, quand vous regardez toutes les mesures
qu'a prises l'Agence du revenu, le
croisement de données, les banques de
données, qu'il s'agisse de la Société de l'assurance
automobile, avec la Régie des rentes, avec
la... extrêmement difficile. Tout est informatisé, aujourd'hui, les
recoupements sont faciles. Je regarde mon
collègue de la fiscalité; à mon avis, le phénomène de pure évasion fiscale qu'on
connaissait, domestique, là, n'est plus ce qu'il était.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député.
M.
Spénard :
Autant l'argent circule très, très vite, autant l'information peut circuler
très vite aussi. O.K., je vous comprends.
À
la page 14, sur les exigences de déclaration, quand on parle de
télévirements, CANAFE, 10 000 $, ça, ça va bien, opérations importantes en espèces, ça va
bien, mais on arrive... Contribuables américains, c'est, le seuil de
déclaration, des seuils variables selon les
exigences de l'ARC. Alors, pouvez-vous un peu élaborer là-dessus, sur les
seuils variables?
Le
Président (M. Bernier) : M. Lachapelle.
M.
Lachapelle (Éric) : Oui. Je vais être simple parce que c'est quand
même très, très technique. En gros, ils ont fait des seuils pour les
individus, des corporations, et ce qu'on appelait... Il y avait une date
butoir, une photo, il y avait avant la date
et après la date. Donc, c'est une grille de... Mais globalement les comptes de
particuliers de 50 000 $ et moins sont moins sur le radar que les 50 000 $ et plus, pour des
raisons d'évasion fiscale; quand tu n'as pas beaucoup d'argent, ce n'est pas nécessairement les personnes visées.
Même chose pour le côté entreprise, qui était de 250 000 $. Puis je
vous garde ça simple, la grille, elle est
beaucoup, beaucoup plus complexe, mais ils ont mis ce qu'on appelle, là, des
provisions dans la réglementation pour éviter, justement, de qualifier
beaucoup trop de monde pour les institutions financières, lorsque ça a été
publié.
Le Président (M.
Bernier) : Merci.
M.
Spénard : Dans les seuils... Moi, je reviens toujours au
seuil de déclaration de 10 000 $, parce que, là, c'est un seuil où est-ce qu'il y a une lumière rouge qui
s'allume. Et vous faites... il y a une obligation de déclaration à
10 000 $. À 9 000 $, il n'y en a pas.
Le Président (M.
Bernier) : M. Lachapelle.
• (12 heures) •
M. Lachapelle
(Éric) : Il n'y a pas de déclaration du type... comme vous voyez ici,
déclaration d'opérations importantes en
espèces. Nous, les institutions financières comme Desjardins, on a un rôle
d'analyser ces transactions-là, parce
que 9 000 $ sur trois jours, 9, 9, 9, ça dépasse le seuil. Il y a une
terminologie, «structuring», diviser en petites parties pour passer sous le seuil. Dans ces moments-là, les institutions financières comme Desjardins vont faire une déclaration d'opérations douteuses, on change de ligne dans
les déclarations. Pour nous, c'est un motif raisonnable de soupçonner
que la compagnie ou l'individu fait ces transactions-là pour passer sous le
seuil du 10 000 $. Donc, d'une façon ou d'une autre, le 9 000 $
est capté.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député.
M. Thibault
(Hubert) : ...
Le Président (M.
Bernier) : Oui, M. Thibault.
M. Thibault (Hubert) : Si c'est un dépôt de 5 000 $ en cash,
puis qu'on a l'impression que c'est de l'évasion fiscale, du travail au
noir, pour vous donner un exemple, on va faire une déclaration, alors...
M.
Lachapelle (Éric) : ...précision. En termes d'infractions désignées
pour les déclarations d'opérations douteuses, vous voyez dans le tableau, c'est marqué «aucun» sur le seuil. Il n'y en
a pas, de seuil. Une transaction de 100 $ pourrait être déclarée à CANAFE si on a un motif
raisonnable de soupçonner que c'est une infraction désignée, dont
l'évasion fiscale. Il n'y a pas de seuil.
Le Président (M.
Bernier) : O.K. Ça, c'est une politique interne à Desjardins?
M. Lachapelle
(Éric) : Non, c'est une exigence réglementaire canadienne.
Le
Président (M. Bernier) : O.K. Mais il n'y a seulement que vous
qui l'appliquez? Est-ce qu'il y a seulement vous qui l'appliquez, selon
vos...
M.
Lachapelle (Éric) : Non. Je vous confirme... Moi, je siège sur des
tables à Ottawa avec mes pairs de l'industrie, et c'est appliqué au
Canada pour l'ensemble des institutions.
Le Président (M.
Bernier) : O.K., merci beaucoup pour la précision. M. le
député.
M.
Spénard :
Est-ce que les banques ont le choix de faire ça ou non? Elles sont obligées?
M. Lachapelle
(Éric) : Elles sont obligées.
M.
Spénard :
Elles sont obligées. Est-ce qu'elles le font toutes? Oui? Vous êtes sûr?
Le Président (M.
Bernier) : M. Lachapelle.
M.
Lachapelle (Éric) : Selon ma perception, je vous dirais oui. On n'a
pas vu de nouvelles dans les journaux de personne qui a été sanctionnée
de ne pas avoir respecté les exigences, donc la réponse est oui.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. Thibault.
M.
Thibault (Hubert) :
M. Perreault a fait référence au fait qu'à tous les deux ans on est
inspectés par un tiers externe.
Alors, ce tiers-là, il fait une inspection assez rigoureuse et décèlerait, à
notre avis, des comportements plus ou moins en ligne avec l'application
de la loi, c'est sûr.
Le Président (M. Bernier) : Merci.
M.
Lachapelle (Éric) : ...l'AMF, l'Autorité des marchés financiers, le
Bureau du Surintendant des institutions financières et le CANAFE inspectent les institutions financières de
façon périodique pour s'assurer que les déclarations sont faites. Dans la réglementation, il y a une page
sur les sanctions. Je vous le dis, les sanctions sont très salées si les
institutions ne respectent pas les exigences de déclaration.
Le Président (M. Bernier) :
...pas pour les banques.
M. Lachapelle (Éric) : Pour les
institutions québécoises comme le Mouvement Desjardins, oui.
Le Président (M. Bernier) :
O.K. M. le député.
M.
Spénard : ...ça
exclut les banques, l'AMF, de toute façon. O.K., je n'ai pas d'autre question.
Merci.
Le
Président (M. Bernier) : Vous n'avez pas d'autre question.
Merci beaucoup. Merci de votre participation, qui a été fort
intéressante. Merci à M. Thibault, M. Huot, M. Perreault,
M. Lachapelle de vos informations.
Je vais
suspendre quelques instants afin de permettre à M. Julien Frédéric Martin
de prendre place. Je suspends.
(Suspension de la séance à 12 h 3)
(Reprise à 12 h 7)
Le Président (M. Bernier) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux.
Des voix : ...
Le Président (M. Bernier) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux.
Donc, nous
avons le plaisir de recevoir M. Julien Frédéric Martin, de l'Université du Québec à Montréal, qui vient nous faire une présentation et échanger avec les parlementaires. Merci de votre participation, M. Martin. Donc, la parole
est à vous pour une période d'une quinzaine de minutes.
M. Julien Frédéric
Martin
M. Martin
(Julien Frédéric) : Merci.
Merci pour l'invitation. Donc, bonjour, M. le Président, Mmes, MM. les députés. J'ai décidé d'aborder la question du phénomène du
recours aux paradis fiscaux en lien avec ce que j'étudie. Je suis professeur d'économie à l'ESG, à l'UQAM, et
je me suis intéressé, dans certains de mes travaux, aux stratégies de
recours aux paradis fiscaux des entreprises
multinationales, d'accord? Donc, mon propos portera exclusivement sur les
entreprises multinationales. J'ai modifié quelque peu... donc les transparents
que vous avez, les documents que vous avez ont été quelque peu modifiés. C'est
des modifications mineures, rien de fondamental. Je vous indiquerai quand il y
a des modifications qui ont été faites. Donc, l'objet de
l'intervention d'aujourd'hui, je vais essayer de cibler quatre
questions dont les réponses, je pense,
permettraient une meilleure compréhension du phénomène de recours aux paradis
fiscaux, d'accord? Et, comme on va le
voir, le propos portera non seulement sur les réponses à ces questions, mais aussi sur
l'impossibilité de donner ces réponses à ces
questions du fait du manque de données, donc des outils nécessaires, des
données nécessaires qui... enfin, qu'on devrait avoir à disposition pour
répondre à ces questions.
Donc là,
j'introduis ici, chose qui n'était pas dans le document, un petit aparté sur
les termes d'«évitement fiscal» et d'«évasion fiscale». Pour moi, la
distinction est si mince entre l'évasion fiscale et l'évitement fiscal! Je ne
suis pas juriste, je suis économiste, donc j'utiliserai «évitement fiscal» et
«évasion fiscale» de la même manière dans ce... On pourra faire une distinction plus tard, mais il n'y a
pas de jugement normatif sur mes propos quand je parle d'évitement ou
d'évasion fiscale. La limite est tellement floue entre les deux que
j'utiliserai les deux termes de la même manière.
• (12 h 10) •
Donc, les
questions que, je pense, il serait intéressant d'étudier et qu'on
devrait... on a besoin d'avoir ces réponses pour avancer sur notre
compréhension du phénomène et sur les enjeux liés à ce phénomène sont les
suivantes.
La première,
c'est simplement avoir une idée des montants qui sont soustraits,
légalement ou non, à l'impôt par les entreprises multinationales grâce
aux paradis fiscaux. Pour le législateur... Enfin, il faut savoir si les
montants sont importants ou pas. Au début
des années 80 ou dans les années 60, 70, ces montants étaient très
faibles pour l'ensemble des pays, et
donc il n'y avait pas forcément d'intérêt à se pencher sur la question.
Aujourd'hui, il y a un bruit de fond,
on a l'impression que c'est quelque
chose de plus important, mais, par exemple, pour le Canada, on le verra, moi,
je ne peux pas vous dire aujourd'hui
quels sont les montants, est-ce que... je ne peux même pas vous donner une
estimation des montants qui sont soustraits par les entreprises multinationales grâce aux paradis
fiscaux. Donc, il faut qu'on développe des outils pour répondre à cette
question.
L'autre
question importante, c'est de savoir quelles sont les pratiques qui sont
utilisées pour se soustraire à l'impôt. Il y a différentes pratiques qui peuvent être mises en oeuvre. Il faut
avoir des cas concrets, des analyses systématiques des pratiques mises
en oeuvre pour pouvoir s'attaquer à ces pratiques, si on veut s'y attaquer.
Relié à cette question, il faut savoir vers
quels pays se dirigent les entreprises multinationales adoptant ces pratiques. Donc, tout à l'heure, j'ai entendu qu'à
la session d'hier il y avait le terme de «paradis fiscal» qui n'était
pas accepté, qu'on parlait de pays avec des
taxes très basses. Vous verrez plus tard qu'il y a certains pays qui ont des
taux de taxe élevés, comme le Luxembourg ou la Suisse, qui pourtant, moi, dans
mon étude, dans ce que j'ai fait, sont des paradis
fiscaux, d'accord? Donc, le niveau de taxe n'est pas le seul déterminant et
n'est pas entièrement corrélé avec le terme de «paradis fiscal».
Et enfin on peut aussi se demander quel type
d'entreprise multinationale adopte ces pratiques. Donc là, il y a vraiment très peu de travaux sur ces questions.
Est-ce que toutes les entreprises multinationales adoptent ces pratiques
ou non? C'est quelque chose qui n'est pas
étudié, on a besoin de savoir. Est-ce que c'est certains secteurs? Est-ce que
c'est certains types d'entreprise multinationale? Est-ce que c'est l'ensemble
des entreprises multinationales? C'est des questions qui sont ouvertes.
Un deuxième aparté sur les données. Donc,
aujourd'hui, on a des outils statistiques et informatiques qui nous permettent de collecter et d'analyser un grand
nombre de données. Il y a des gains énormes, je pense, pour le
législateur d'avoir des politiques qui sont informées par l'analyse de ces
données. Il y a aussi des coûts, les coûts de collecte des données, le coût d'analyse des données, il faut
mettre en balance les gains et les coûts. Moi, je suis biaisé, je pense
que les gains sont supérieurs aux coûts, mais il faut avoir une discussion
là-dessus.
Le point
important que je veux amener ici, c'est que les données relatives aux
entreprises multinationales, aussi bien au Québec qu'au Canada, c'est
des données qui sont devenues extrêmement rares, d'accord? Il y a peut-être
certaines institutions qui les ont. En tout
cas, je peux dire que, pour les chercheurs, pour les gens qui travaillent sur
ces questions, il y a vraiment très
peu de données au Canada sur les entreprises multinationales. Et d'ailleurs, si
vous regardez les études sur les
entreprises multinationales au Canada, quand vous tapez sur Google, vous
cherchez des études sur ces questions-là, les études, elles datent de 1994, 1995, 1996, il y a très peu d'études, de
travaux académiques sur les entreprises multinationales canadiennes
après le milieu des années 90.
Donc, ce que
j'ai essayé de faire pour la commission, c'est de donner une sorte d'état des
lieux de l'évitement fiscal au
Canada. Mon idée, c'était de reproduire certains faits qui ont été produits
pour les États-Unis et de voir les différences qu'il y a entre le Canada et les États-Unis, sauf que je n'ai pas pu
aller jusque-là, simplement parce que je me suis rendu compte que les
données disponibles pour les gens, les données publiques aux États-Unis,
étaient incomparables aux données canadiennes. En fait, au Canada, on a très
peu d'informations publiques à disposition des chercheurs pour répondre à ce genre de question. Par exemple, ici,
ce qu'on voit, c'est le montant des profits... le montant des taxes
payées par les entreprises rapporté au
montant des profits. Donc, vous voyez qu'il y a une baisse du taux de taxe
effectif au cours de la période, vous
voyez que la courbe descend. Et donc là, pour ce genre de travail ou ce genre
de commission, il serait intéressant
de distinguer les plus grandes entreprises des plus petites entreprises. Est-ce
que la tendance a été la même pour
les grandes et les petites entreprises? Est-ce que la tendance a été la même
pour les firmes multinationales et pour les firmes qui ne sont pas multinationales? Aujourd'hui, avec les données
qui sont à disposition des chercheurs, on ne peut pas répondre à cette question, d'accord? Donc, on ne
sait pas si c'est un mouvement commun de toutes les entreprises ou si le
mouvement de baisse de l'impôt payé par les
entreprises au Canada est tiré exclusivement par quelques grandes
entreprises, par quelques grandes
multinationales. Donc, est-ce qu'on peut dire certaines choses? Est-ce qu'on
peut avoir une idée, s'approcher de l'idée de l'importance des paradis
fiscaux pour le Canada?
Des choses pour lesquelles on a les données sont
les exportations et les importations, et donc là j'ai rapporté ici les 20 principaux partenaires commerciaux
du Canada pour le commerce de services, d'accord? Donc, le commerce de
services, ça comprend les transactions bancaires, les assurances, les
transferts de brevet, etc. Vous avez, parmi les 20 premiers partenaires à l'exportation, donc, les pays qui... les
services qui sont exportés du Canada vers les 20 principales destinations, vous trouvez bien sûr en tête
États-Unis, Royaume-Uni, Chine et France. Donc, ça, c'est des choses auxquelles on s'attendait. Ce qui est
un peu plus surprenant, c'est de trouver les Bermudes ou la Barbade dans le
top 20 des pays destinataires des
exportations de services, d'accord? La Barbade, par exemple, il y a
240 000 habitants. Donc, il
n'y a aucune évidence d'évasion fiscale ici, il y a juste, enfin... en
tout cas il n'y a pas de preuve directe d'évasion fiscale, mais il y a des
signaux indirects qui nous disent que la place de certains de ces pays, de
certains de ces pays dans le portefeuille d'exportation du Canada semble
étonnamment élevée.
De la même manière, pour les importations, vous
voyez qu'il y a... parmi les 20 principaux pays qui exportent vers le Canada des services, vous
trouvez à chaque fois des pays qui sont considérés comme des paradis
fiscaux, y compris des tout petits pays
qui... Ce n'est pas qu'ils ne devraient pas exporter vers le Canada, c'est
simplement que, si on pense au commerce international, le gros du
commerce international, ça se fait entre les plus grands pays, donc on ne
s'attend pas à ce que des pays comme Barbade, Bermudes ou même l'Irlande
figurent parmi les 20 partenaires commerciaux principaux du Canada, d'accord? Donc, ça, c'est juste des preuves
indirectes. Il faudrait ensuite aller plus loin, voir dans les données
concrètement, et je ne peux pas aller plus loin que ça avec les données
auxquelles j'ai accès aujourd'hui.
Une autre manière de regarder l'importance des
paradis fiscaux pour l'économie et pour les multinationales canadiennes, c'est le transparent suivant, donc
ici ce que j'ai rapporté, c'est, entre 2004 et 2014, la part des
investissements directs à l'étranger réalisés par des entreprises canadiennes
dans des pays hors du Canada. Et donc vous voyez que près de... Donc, si on
prend l'année 2014 — là,
j'ai mis l'ensemble des paradis fiscaux — près de 25 % des IDE,
des investissements directs à l'étranger des entreprises
canadiennes sont dirigés vers des paradis fiscaux, d'accord, 25 %, un quart des investissements directs à l'étranger
du Canada vont vers des paradis fiscaux; le reste, c'est en grande
partie les États-Unis. Mais donc là vous
voyez que des pays émergents comme le Brésil ou le... ont des tailles vraiment
mineures relativement aux paradis fiscaux. Vous voyez, en violet, la troisième
courbe en partant du bas, la troisième aire en partant du bas, c'est le
Luxembourg, on voit l'essor du Luxembourg. Ce qui est aussi intéressant, c'est
de voir que la Barbade, encore une fois, une
île de 240 000 habitants, recueille 5 % des investissements directs
à l'étranger canadiens, d'accord?
Donc, encore une fois, il n'y a aucune évidence directe, je ne peux pas aller
plus loin que ça, mais vous avez une idée
de l'importance des... ça donne une idée de l'importance des paradis fiscaux
pour les multinationales canadiennes.
Donc,
qu'est-ce qu'on peut voir à partir de ça? On voit que le poids des taxes dans
les profits des entreprises a baissé.
La part des investissements directs dans les paradis fiscaux a augmenté, elle
est majeure. Le commerce de services avec les pays, avec les paradis
fiscaux, c'est aussi quelque chose qui est important. Mais donc on a besoin de
plus de données pour calculer notamment la
part des profits des entreprises canadiennes réalisés par des filiales dans les
paradis fiscaux, d'accord?
Donc, ça,
c'est un travail qui a été réalisé par Gabriel Zucman. Je vous invite à lire
ses travaux dans le cadre de la commission, c'est un chercheur à
Berkeley qui fait des choses vraiment bien. Et donc ça, ce sont... Avec des
données publiques américaines, chose qu'on
ne peut pas faire avec les données canadiennes, il a réussi à indiquer la part
des profits des entreprises
américaines réalisés dans les paradis fiscaux. Vous voyez que c'était environ
2 % à 3 % en 1984, et la part des profits réalisés dans les paradis fiscaux par les entreprises
américaines est montée à près de 20 %, d'accord? Donc, c'est un
problème pour les États-Unis.
On ne peut
pas calculer, on ne peut pas... je ne peux pas vous fournir ce même type de
chiffres, par manque de données, pour le Canada. Il serait intéressant
d'avoir des chiffres équivalents pour le Canada, juste pour voir est-ce que c'est plus, est-ce que c'est moins, est-ce
que... Si on est à 5 %, est-ce que ça vaut le coup de légiférer? Si on est
à 40 %, là ça vaudrait sûrement
le coup de regarder un peu plus près. Mais, pour l'instant, je n'ai pas
d'indicateur qui me permette de reproduire ce genre d'étude pour le
Canada.
Donc là, on a
regardé les choses de manière abrégée. Maintenant, je vais juste vous donner les
résultats qui sont basés sur un
article que j'ai écrit récemment avec Ron Davies, Mathieu Parenti et Farid
Toubal. Donc, c'est une étude académique sur les prix de transfert
pratiqués pour les exportations de biens manufacturés exportés depuis la France
en 1999, donc c'est quelque chose de très
précis. L'idée, c'est que les données sur les prix de transfert, c'est des
choses qui sont quasiment impossibles à
avoir. On a réussi à obtenir cette information pour une année en France. Donc,
il y a des limites à cette étude qui
sont liées au fait que c'était il y a 16 ans, mais je pense que ça illustre
quand même certains points qui sont importants d'avoir en tête quand on
pense au recours aux paradis fiscaux.
• (12 h 20) •
Donc, il faut
savoir que les entreprises multinationales, elles peuvent utiliser différentes
méthodes pour transférer les profits
vers les paradis fiscaux. Elles peuvent utiliser des prêts internes, elles
peuvent utiliser des prix de transfert, on pourra revenir sur ces
choses-là.
Les administrations fiscales, elles, elles voient les prix de
transfert comme le risque principal auquel elles font face, d'accord?
Donc, ça, c'est l'impression des autorités fiscales. On a quelques cas
rapportés par des journalistes ou rapportés
par les lanceurs d'alerte, mais il y
a très peu d'études directes sur ces questions
et aucune... enfin, très peu d'études systématiques sur le type d'entreprise
qui est concerné, sur le type de pays qui est concerné, etc.
Donc là, ce qu'on a fait, c'est qu'on a travaillé
avec ces données d'entreprises françaises et on a regardé vers quels pays on observait du transfert de profit via
les prix de transfert effectués par les... bien, enfin, mis en place par
les entreprises multinationales en France. Donc, ce qu'on voit, c'est que le gros du
transfert de profit allait... en tout
cas, en fait, le transfert de profit allait uniquement vers certains pays, et tous ces pays,
c'étaient des paradis fiscaux, d'accord? Et les pays en question sont la
Suisse, l'Irlande, Singapour, Hong Kong, Luxembourg, Malte, Chypre, Bermudes,
Bahamas et les îles Caïmans, d'accord? Donc,
la situation géographique de la France et le fait que c'était du transfert de
profit qui était fait à partir de
l'échange de biens physiques implique que, forcément, les pays concernés les
plus importants sont les pays les plus proches de la France, notamment
la Suisse, l'Irlande et le Luxembourg.
Donc,
ensuite, à partir de cette étude, on a pu chiffrer la part de... la valeur des
flux de commerce qui n'était pas reportée à l'administration fiscale
française du fait de l'utilisation de prix de transfert. On est arrivés à un
chiffre d'à peu près 1,3 milliard, ce
qui correspond à 1 % des recettes fiscales en France, d'accord? Donc, il y
a 1 % des recettes fiscales en France qui a été soustrait via les
paradis fiscaux.
Donc, est-ce que c'est beaucoup ou pas? Quand
vous présentez... On a présenté ce papier dans de nombreux endroits. Donc, vous
avez une partie des chercheurs qui trouvent que ce n'est vraiment pas beaucoup.
D'un autre côté, il y a aussi une partie des
gens qui trouvent que c'est beaucoup pour la raison suivante, c'est qu'ici on
s'intéresse uniquement au transfert de
profit avec des prix de transfert appliqués sur des biens physiques, d'accord?
70 % de l'économie, ce sont des
services. Donc là, ce qu'on capte, c'est la partie émergée de l'iceberg, on
s'intéresse uniquement à ce qu'on peut
mesurer avec les données qu'on a, et ce qu'on peut mesurer avec les données
qu'on a, c'est uniquement pour les biens manufacturés. Il faut savoir que 70 %, comme je le disais, de
l'économie sont des services. Donc, on s'attend à ce que ça, ce soit
vraiment une fourchette basse des transferts de profit.
L'autre raison pour laquelle c'est une
fourchette basse, c'est qu'on s'intéressait uniquement aux stratégies de prix de transfert, alors que d'autres stratégies
peuvent être mises en oeuvre, comme par exemple les prêts à des
filiales, qu'on ne peut pas étudier avec les
données qu'on avait, d'accord? Donc, ça, c'est vraiment la fourchette basse, et
on s'attend à ce que ce soit plus
important. On est en train de faire une étude sur les services, mais on n'a pas
encore de résultat définitif pour cette étude sur les services.
Quelles
multinationales? Dans les données françaises, ce dont on se rend compte, c'est
que seules les plus grandes multinationales
transfèrent leurs profits vers les paradis fiscaux, d'accord? Ce n'est pas
l'ensemble des multinationales qui ont ces comportements, seulement les
plus grandes adoptent ce type de stratégie.
Et l'autre
chose qui est intéressante, c'est que l'économie est extrêmement granulaire. Il
y a plusieurs centaines de milliers
d'entreprises en France; 450 entreprises en France réalisent 90 % du
commerce intrafirme vers les paradis fiscaux, d'accord?
Donc, il y a une possibilité — et là
je passe à l'acétate suivant, que j'ai un petit peu modifié par rapport à ce
que vous avez reçu — il
y a une possibilité, pour l'administration fiscale, de cibler ses efforts en
ciblant certaines entreprises, on a vu qu'il y avait vraiment uniquement les
plus grandes entreprises qui participaient à cet évitement fiscal via les prix
de transfert. Et ces entreprises sont des entreprises qui non seulement sont
grandes, mais aussi sont présentes dans
certaines destinations, d'accord? Donc, seules les entreprises qui ont des
filiales dans quelques paradis fiscaux participent à ces opérations.
Et donc je pense que, pour appréhender le
phénomène de recours aux paradis fiscaux, on a besoin de mieux connaître l'activité des filiales à l'étranger.
Donc, ça fait partie de ce qui est proposé par l'OCDE, c'est l'action 13
du BEPS. Il faudrait qu'on ait l'information
pays par pays, pour chaque entreprise, des activités qui sont menées dans ces
pays, des revenus dans les pays de
destination, des profits générés dans ces destinations, du niveau de taxe, du
montant de taxe payé dans ces
destinations et, de manière importante aussi, du nombre d'employés, d'accord?
Si jamais il y a un profit énorme dans
les Bahamas, est-ce que ça correspond à une activité économique réelle? Est-ce
qu'il y a des centaines de personnes qui
travaillent dans ce pays ou est-ce que c'est une coquille dans laquelle il y a
au plus un employé? Donc, c'est vraiment important de mettre en oeuvre cette recommandation, de collecter ces
données, et je pense aussi que c'est important... Donc, une fois qu'on a collecté ces données, il va
falloir que l'administration fiscale traite ces données. Et les administrations fiscales sont extrêmement compétentes, sont
des gens extrêmement compétents, mais je pense qu'il serait vraiment utile que ces données soient aussi accessibles à d'autres personnes que les administrations
fiscales, y compris des chercheurs. Ça fait que, si vous regardez pour
les États-Unis, une partie des recommandations, ça vient de travaux de
chercheurs, pas uniquement de travaux internes aux administrations fiscales.
O.K. Donc,
je vais terminer là-dessus. Je pense que répondre à ces questions et obtenir
les données pour répondre à ces questions, c'est quelque chose qui est nécessaire
pour comprendre des questions plus larges comme les coûts et bénéfices de l'optimisation fiscale, on
pourra reparler de ça, et plus
généralement des politiques qu'on peut mettre en place pour réguler les
comportements d'évitement fiscal. Merci.
Le
Président (M. Bernier) : Merci de votre présentation. Nous
allons maintenant passer aux échanges avec les parlementaires. Mme la
députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de
Santis : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Martin,
d'avoir pris le temps d'être là avec nous aujourd'hui et de vous avoir
préparé de la façon que vous l'avez fait, nous apprécions énormément.
Quant à votre présentation PowerPoint, les
tableaux qu'on retrouve là-dedans, sauf celui de... c'est Guzman ou Zucman, ils
sont préparés par vous ou...
M. Martin (Julien Frédéric) : Oui.
Mme de Santis : O.K. Alors, ce n'est
pas des tableaux qui viennent d'autres textes.
M. Martin (Julien Frédéric) : Non,
non, c'est moi qui les ai préparés.
Mme de Santis : C'est vous qui les
avez préparés. Parfait.
J'aimerais
comprendre un peu plus comment fonctionne le prix transfert sur les biens. Je
donne un exemple, et vous me dites si
j'ai tort ou j'ai raison. J'ai une filiale au Brésil qui manufacture des
chaussures, O.K., et le coût du manufacturier, c'est 2 $.
Les chaussures sont vendues à une filiale qui est à la Barbade pour
2,10 $. Ensuite, cette entité vend les souliers aux États-Unis pour 5 $. Les souliers n'ont
pas nécessairement à se trouver à aucun moment à la Barbade, ils peuvent
aller directement du Brésil aux États-Unis. Est-ce que j'ai raison?
M. Martin (Julien Frédéric) : Oui.
Mme de
Santis : Alors, tout ça, c'est vraiment des entrées comme des entrées
comptables, il n'y a pas de vraiment de la marchandise qui va du Brésil
à la Barbade.
M. Martin (Julien Frédéric) :
Techniquement...
Le Président (M. Bernier) :
M. Martin.
M. Martin (Julien Frédéric) :
Pardon. Techniquement, les marchandises... C'est pour ça que vous voyez que, pour les paradis fiscaux... pour la France,
pour les biens manufacturés, la plupart des pays qui sont concernés,
c'est des pays qui sont limitrophes de la France, d'accord? Pour être
enregistré comme étant une exportation du Brésil vers la Barbade, il faut que
physiquement le bien aille à la Barbade.
Mme
de Santis : Il faut physiquement que le bien aille à la Barbade, ce
n'est pas possible que ça va directement du Brésil aux États-Unis.
M. Martin (Julien Frédéric) :
Légalement, non.
Mme de Santis : Légalement, non.
O.K. Alors, on ne sait pas si c'est fait ou pas fait.
M. Martin (Julien Frédéric) : Je ne
pense pas que ce soit fait, je...
Mme de Santis : Mais vous ne savez
pas.
M. Martin
(Julien Frédéric) : Ça veut
dire que la Barbade reporte à un moment des importations de biens depuis
le Brésil, et les États-Unis reportent aussi des importations de biens depuis
la Barbade.
Mme de Santis : Le problème avec le
prix transfert est plus important avec les services.
M. Martin (Julien Frédéric) :
Beaucoup plus important.
Mme de
Santis : O.K. Avec les services, c'est plus difficile à dire qu'un
service est exporté du Brésil à la Barbade et ensuite de la Barbade aux
États-Unis.
M. Martin (Julien Frédéric) : Oui.
Mme de Santis : Est-ce que vous
pouvez nous expliquer comment une entité comme Google, qui reçoit des paiements, du revenu du Canada, n'a pas à payer
aucun revenu au Canada? Sans me... Parce que vous ne connaissez pas le cas de Google, mais pouvez-vous expliquer un peu
qu'est-ce qui peut être mis en place pour qu'une multinationale comme
Google, qui reçoit de l'argent pour des services rendus au Canada, n'ait pas à
payer de l'argent?
Le Président (M. Bernier) :
M. Martin.
• (12 h 30) •
M. Martin
(Julien Frédéric) : En fait,
je ne connais pas le cas de Google au Canada spécifiquement. Il y a le
cas de Google en Europe qui a été documenté largement.
Donc, la
stratégie de Google en Europe, c'était d'avoir une entreprise, Google Holdings,
qui était dans les Bermudes et qui
détenait la technologie Google. Vous avez deux entreprises en Irlande, deux
entreprises Google en Irlande, d'accord, une qui est, du point de vue de la loi irlandaise, l'entreprise des
Bermudes, d'accord, donc qui est la même que l'entreprise des Bermudes, et une deuxième entité en Irlande.
Et vous avez une troisième entité, aux Pays-Bas, de Google. O.K.? Donc,
ça, c'est les quatre entreprises qui permettent l'évitement fiscal. Et là vous
avez, par exemple, Google France qui va devoir
payer les services Google, des royalties pour la technologie Google. Elle va
payer ses royalties à Google Irlande, qui va ensuite, elle, les facturer à Google Pays-Bas, qui va les refacturer
à Google Irlande. Et en fait ce qui se passe, c'est que toutes ces... Pourquoi est-ce qu'ils font ça, pourquoi est-ce
qu'ils utilisent ces différentes
filiales, c'est parce que tous les traités
qui existent sont des traités bilatéraux, et en fait les entreprises
multinationales, elles exploitent les incohérences dans les traités bilatéraux entre les pays. L'idée fondamentale, la raison fondamentale pour laquelle les entreprises peuvent
faire ça, c'est qu'on a décidé, dans les
années 20, de signer des traités bilatéraux, des ententes bilatérales, des
ententes fiscales bilatérales plutôt que des ententes fiscales
multilatérales, et donc on utilise les différences. Donc, par exemple, pour Google aux États-Unis, l'entreprise en Irlande, c'est une entreprise irlandaise... pour l'administration fiscale
américaine, pardon, l'entreprise en Irlande, c'est une entreprise irlandaise. Pour l'administration fiscale
irlandaise, une des entreprises en Irlande, c'est une entreprise qui est
une entreprise aux Bermudes. Pour l'administration fiscale aux Pays-Bas, les
deux entreprises irlandaises font partie de la même irlandaise et sont
indépendantes de ce qui se passe aux Bermudes, d'accord? Et donc, étant donné les différences de traité
entre chacune de ces paires de pays, étant donné les différences de
définition de ce qu'est une entreprise, est-ce que c'est une entreprise
irlandaise ou est-ce que c'est une entreprise aux Bermudes, Google joue de ça pour transférer les profits et, au final,
pour s'exonérer... Elle ne paie, au final, pas d'impôt aux Pays-Bas, pas d'impôt en Irlande, pas d'impôt
aux États-Unis et quasiment pas d'impôt pour l'activité qu'elle réalise
en France, d'accord?
Donc, pourquoi est-ce que les services, c'est
fondamentalement plus problématique que les biens? Parce que, pour les biens, on a cette notion de prix de
marché. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'une entreprise multinationale qui
échange un bien d'une filiale vers une autre
partie du groupe, elle devrait fixer un prix qui est similaire au prix qu'elle
fixerait si elle vendait ce bien-là à
une tierce entreprise, d'accord, donc le prix devrait être égal au prix de
marché. C'est facile pour une paire
de chaussures. Si jamais la paire de chaussures est vendue 10 000 $,
on peut se dire que ça fait très cher la paire de chaussures, il faut
vraiment justifier fortement le fait que la paire de chaussures vaille
10 000 $. Qu'est-ce que c'est, le prix de la technologie Google? On
n'en a aucune idée, d'accord?
Donc, cette notion
de... ce qu'on appelle le «arm's-length principle», pour les biens, qui nous
permet de dire si on a détecte quelque chose qui ressemble à de l'évitement fiscal ou non, c'est beaucoup
plus difficilement applicable pour les services, parce qu'on n'a aucune idée
de... Une entreprise qui demande à s'assurer depuis... enfin, qui prend
une assurance à une de ses filiales dans les
Bermudes, on n'a aucune idée de combien elle doit payer pour cette
assurance. Le prix des
services, c'est quelque chose qui est beaucoup moins tangible, beaucoup moins
facilement observable que le prix des
biens. Donc, c'est la raison pour laquelle, pour les services, le problème est
encore plus important, et aussi pour laquelle il y a beaucoup moins
d'études pour les services.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Chapleau, oui.
M.
Carrière : Merci, M. le Président. Merci beaucoup,
M. Martin, de votre présentation et de l'effort que vous avez mis
pour... et le temps que vous avez mis pour faire votre présentation.
Je
ne sais pas si vous avez assisté ou entendu toutes les présentations depuis hier
et je ne veux pas vous mettre dans une
drôle de position, là, par ma question, mais tous ceux qu'on a vus, toutes les
institutions financières qu'on a vues, là, depuis une journée et demie, disent ne pas participer à des paradis
fiscaux, par contre ils ont des filiales un peu partout dans le monde. Et j'ai posé une question hier, je
disais : Bien, dans le fond, on a invité les mauvaises personnes,
ou les mauvais groupes, ou les mauvaises
organisations pour venir parler de paradis fiscal. Je ne me rappelle plus par
coeur c'est quoi, là, qu'on estime, au
Canada, la somme d'argent qui est mise dans des paradis fiscaux, donc, et de
l'évitement fiscal, donc moins d'entrées d'argent pour les différents
gouvernements au Canada.
Comment vous voyez
ces affirmations-là? Et qu'est-ce que les gouvernements... Et, vous l'avez dit,
là, un gouvernement seul... non, c'est
Desjardins, avant vous, qui l'a dit, un gouvernement seul ne peut rien faire,
mais comment on peut s'organiser ou
organiser les choses pour que chacun paie sa juste part et que toute cette
question d'évitement fiscal et de paradis fiscaux puisse être enrayée?
Le Président (M.
Bernier) : M. Martin.
M. Martin (Julien Frédéric) : Pour ce qui est... La seule chose que je peux
répondre sur le comportement des entreprises canadiennes, c'est avec le
graphique que je présente ici. 25 % des investissements directs à
l'étranger des entreprises multinationales canadiennes sont en direction des
paradis fiscaux, d'accord? Donc, 25 % du stock d'investissement des
entreprises, enfin, du stock d'investissements directs à l'étranger des
entreprises canadiennes sont vers des
paradis fiscaux. Donc, il y a des entreprises canadiennes qui sont directement
impliquées dans les paradis fiscaux, qui ont des filiales dans les
paradis fiscaux. Donc, ça, c'est quelque chose d'évident.
Je
ne peux pas dire plus. Pourquoi? Parce que je n'ai pas accès... et peut-être
qu'il y a cette information au Canada, je
ne suis pas sûr qu'elle soit encore disponible même pour les autorités
fiscales, je n'ai pas accès ni aux activités, aux noms de filiales que détiennent ces entreprises
canadiennes dans chacun des pays, je ne sais pas quels sont les profits
faits dans ces pays, je n'ai aucune idée du
nombre d'employés dans ces pays. Et donc, ça, les recommandations du BEPS,
encore une fois, demandent, enfin, suggèrent
de récolter cette information pays par pays et d'avoir à disposition cette
information, et ensuite il faut des gens
pour traiter, pour analyser ces informations-là. Et je pense que ça, c'est une
chose très importante.
L'autre idée, c'est
que je pense aussi que le Canada tout seul ou le Québec tout seul ne peut rien
faire. C'est pour ça que l'initiative de
l'OCDE est particulièrement importante et intéressante, de mon point de vue.
C'est une manière forte de le faire.
L'autre
chose que je pourrais dire, c'est que, si jamais ces données, pas l'intégralité
des données, mais une partie de ces
données venaient à être publiques, ça peut aussi changer les stratégies des
entreprises. On a vu Starbucks en Angleterre. À partir du moment où on a mis en avant le fait que Starbucks, en
Angleterre, ne payait quasiment pas d'impôt, Starbucks a fait un communiqué, a changé sa stratégie et a
dit : On va donner de manière volontaire et on va maintenant
contribuer à l'impôt, d'accord, parce que
les entreprises, elles ont besoin de faire de l'optimisation fiscale, de
l'évitement fiscal, mais elles ont
aussi besoin de clients, et les consommateurs peuvent réagir aussi par rapport
à ça et par rapport à ces comportements. Donc, je pense que c'est aussi important. Il ne faut pas non plus qu'il
y ait d'accusation qui soit portée sans fondement, mais je pense que c'est important de mettre à jour
certaines pratiques qui, même si elles sont légales, ne sont pas
forcément du goût des consommateurs. Et donc
les consommateurs peuvent aussi changer les choses, quelque part, si on leur
présente les faits et les agissements des différentes entreprises.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Chapleau.
M.
Carrière : Merci. Je vais vous faire un état de figure.
Admettons que la Commission des finances publiques, ici, on est un
groupe, on a 100 millions dans une institution X canadienne et on
voudrait...
Une voix :
...
M. Carrière :
Pardon?
Une voix :
...excusez-moi, M. le député.
M. Carrière :
...et on voudrait utiliser le meilleur paradis fiscal ou évitement fiscal, etc.
Comment... Parce qu'il y a des entreprises, il y a des personnes morales ou
personnes tout court qui en utilisent. Comment ces gens-là réussissent à pouvoir mettre cet argent-là à
l'abri des différents fiscs par de l'évitement fiscal, par les paradis
fiscaux? Et ma question : L'OCDE ou les
pays, comment peuvent-ils contrecarrer cette façon-là... Moi, si j'arrive à la
banque, ou nous, la commission, arrivons à la banque avec
100 millions... Là, j'entends qu'il y a des obligations incroyables et que
c'est impossible, là, mais pourtant ça existe.
Le Président (M.
Bernier) : M. Martin.
M. Martin (Julien Frédéric) : Moi,
je ne suis vraiment pas spécialisé dans ce domaine. Je m'intéresse au...
national, mais, des particuliers qui font ça, je n'ai pas de compétence précise
là-dessus.
Ce que je
peux vous dire, c'est que... Donc, je peux vous renvoyer aux travaux de Gabriel
Zucman. Il a un livre en français sur
ces questions-là, un petit livre en français qui se lit très vite et qui est
vraiment extrêmement informatif sur les pratiques qui sont utilisées et
sur les meilleures manières de faire ces choses-là.
La deuxième
chose, c'est que quelque chose qui est crucial pour éviter ces choses-là, ça,
c'est sûr, c'est l'échange d'information,
et il faut... Donc, les États-Unis, ils ont réussi à forcer un certain nombre
de pays à échanger de l'information sur
les détenteurs américains de comptes dans ces pays-là. Et donc, cet échange
d'information, pour lutter contre ça, on a besoin d'imposer cet échange d'information et, cet échange
d'information, on peut l'imposer dans le cadre de traités. Je n'ai pas vu de... Pour le traité le Partenariat
transpacifique, je n'ai vu aucune mention d'échange d'information, mais
c'est des choses qui peuvent faire partie d'un traité commercial. Le traité
entre le Canada et l'Europe, c'est aussi la possibilité d'ajouter ce genre de chose, d'échange d'information, même si j'imagine
qu'entre le Canada et l'Europe les échanges d'information sont plus
importants. De la même manière, le traité entre les États-Unis et l'Europe,
c'est aussi des possibilités. Donc, les traités commerciaux peuvent être une
manière de s'entendre sur des échanges d'information.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Sainte-Rose.
• (12 h 40) •
M. Habel : Merci, M. le Président. À
mon tour de remercier M. Martin d'être avec nous aujourd'hui.
Vous avez parlé quelques minutes auparavant
avec ma collègue, par exemple, d'un prix de transfert pour un produit physique, comme par exemple des souliers.
Est-ce que c'est plus facile pour une multinationale lorsqu'elle a une
propriété intangible, donc, comme par exemple un brevet? Donc, est-ce que c'est beaucoup plus facile pour eux
de les stocker dans un paradis fiscal
que, par exemple, faire une procédure avec des produits physiques,
comme par exemple des marchandises comme des souliers?
Le Président (M. Bernier) :
M. Martin.
M. Martin
(Julien Frédéric) : Oui, effectivement, c'est plus simple, simplement parce qu'on a... comme je disais tout à l'heure, on a une idée du prix d'un bien,
on connaît le prix de marché d'un bien. D'ailleurs, c'est ce qu'on
utilise dans notre étude, on prend d'autres entreprises
qui vendent exactement les mêmes biens vers exactement
les mêmes pays et qui ont exactement les mêmes caractéristiques et on
dit : Est-ce que l'entreprise, elle le vend au même prix que le prix intra,
ce qui devrait être le cas, ce que la loi impose, ou est-ce qu'elle le vend à
prix différent? Est-ce que la différence de prix est systématiquement
liée au taux de taxe ou au système du pays de destination? Ça, pour les
services, c'est beaucoup plus compliqué,
puisque ce prix de marché, pour un service, c'est quelque chose qu'on ne peut
pas avoir. Je n'ai aucune idée,
encore une fois, de la marque... Quand une compagnie Facebookvend la
marque Facebookà une de ses filiales,
je n'ai aucune idée du prix auquel on doit vendre cette marque, il n'y a pas de
contrefactuel possible. Et donc, si on se
base uniquement sur ce principe, on va, je pense, avoir beaucoup de mal, enfin,
à aller... à montrer que légalement les entreprises ont commis de
l'évitement fiscal ou de l'évasion fiscale.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député.
M.
Habel : Merci, M. le Président. Le fait que le Canada, le
1er juillet 2017, va faire partie des 98 juridictions qui vont être dans la FATCA, est-ce que vous pensez
que ça va améliorer la situation canadienne au niveau de la situation de
l'évasion fiscale et de l'évitement fiscal?
Le Président (M. Bernier) :
M. Martin.
M. Martin (Julien Frédéric) :
J'imagine que ça va mieux... La question, c'est de savoir qui aura accès à ces données, quelle sera... Il faut aussi voir qu'il y
a des milliers d'entreprises, des dizaines de milliers d'entreprises. Il
faut pouvoir traiter ces données, il faut avoir les moyens de traiter ces
données, il faut avoir les compétences pour traiter ces données.
Et donc en fonction de... Donc, les accords qui
sont stipulés vont forcer les entreprises à reporter certaines informations, il
faut voir comment est-ce qu'on procède au traitement d'information par la
suite. Et donc, un, il faut s'assurer que
les entreprises reportent bien les bonnes choses et, deux, il faut s'assurer
qu'on n'aura pas trop d'information, on ne sera pas submergés par
l'information, on aura les moyens de traiter cette information nouvelle.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Habel : Est-ce que vous vous
attendez à ce que davantage de Canadiens ou de particuliers rapatrient leur
argent de paradis fiscaux vers le Canada, avec cette entente?
M. Martin
(Julien Frédéric) :
Franchement, je n'ai pas de... je ne veux pas vous... enfin, mes compétences
ne me permettent pas de répondre à cette question.
M. Habel :
O.K. Merci.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Martin. Je vais me permettre de
dire à cette commission que
M. Martin est un de mes collègues. Et puis je le remercie beaucoup pour le
temps qu'il a pris. Surtout de la part de relativement jeunes
professeurs comme lui, il n'est pas encore fréquent, pas suffisamment fréquent
que ces jeunes professeurs s'impliquent
comme il le fait dans les débats publics, et moi, je pense qu'il faut féliciter
puis souligner cette contribution, ce n'est pas tout le monde qui le
fait. Alors, merci d'être là, j'apprécie beaucoup.
Je vais
reposer une question qui vous a déjà été posée peut-être puis, enfin, que vous
adressez de façon assez claire dans
vos textes. Donc, sur la question des prix de transfert, encore une fois, dans
les cas où les biens ne sont pas transigés sur les marchés, quelles sont les possibilités qui s'offrent aux
administrations fiscales? Qu'est-ce que l'OCDE suggère d'utiliser? Puis
je vais reprendre votre exemple de Facebook, qui est un excellent exemple, là.
Donc, c'est quoi, l'alternative? Qu'est-ce
qu'on peut faire? Parce qu'on ne peut pas laisser impuni ce type de
comportement, on ne peut pas laisser les entreprises continuer leur
manège. Donc, peut-être, qu'est-ce que vous suggérez que nous fassions?
M. Martin (Julien Frédéric) : Donc,
en fait...
Le Président (M. Bernier) :
M. Martin.
M. Martin
(Julien Frédéric) : Pardon,
excusez-moi. Donc, ce prix, ce principe de prix de marché qui doit avoir
lieu au sein de l'entreprise, c'est un
principe qui a été fait pour partager le profit et pour dire : Il y a
telle part du profit de la compagnie qui est réalisée au Canada, telle
part du profit qui est réalisée aux Bermudes et telle part du profit qui est réalisée en Allemagne. Et donc l'idée, c'est que,
si jamais on n'est pas capable de connaître ces prix de marché, il faut
penser à une répartition du profit qui soit basée sur autre chose que sur ces
choses-là. Donc, une possibilité, c'est, par exemple de relier... de prendre le profit total de l'entreprise, de la multinationale sur l'ensemble des continents et ensuite de répartir le profit en fonction soit du stock de
capital de cette entreprise, soit du nombre d'employés de cette entreprise,
soit des ventes de l'entreprise, soit une combinaison de ces différents
éléments, et donc avoir simplement une autre manière de réallouer les profits
et de dire : Voilà, cette entreprise, Google, ils ont un profit de tel
montant, et, étant donné l'activité économique, qu'on mesure,
encore une fois, par différentes choses, on va dire qu'une part, une
certaine part de ces profits vient directement de la France, une certaine part
vient directement du Canada, une certaine part vient directement des Bermudes,
etc.
Et donc, là,
j'imagine que, si on fait quelque
chose qui se rapproche de ça, Google
aura beaucoup moins d'intérêt à avoir une entreprise aux Bermudes. Naturellement, enfin, il n'y
aura plus d'intérêt à posséder des filiales dans des paradis fiscaux, si c'est pour uniquement
des questions fiscales. Après, il peut y avoir plein d'autres
raisons d'avoir des filiales en Suisse,
ou au Luxembourg, ou à Singapour. Mais, pour des questions purement
d'optimisation fiscale, si jamais on réalloue les profits sur une autre base
que sur ces prix de marché, on peut y arriver.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député.
M. Marceau : O.K., oui, ça,
ça... Bien, écoutez, effectivement, je pense que ça explique entre autres aussi
l'insistance de l'OCDE pour ce qu'on appelle
le «reporting country by country», là. Donc, si je vous comprends bien, donc, le fait de pouvoir bien mesurer l'activité
économique, la véritable activité économique
d'une entreprise dans différents pays, que ce soit par le nombre d'employés, enfin, différents étalons,
différents outils pour mesurer, là, donc, le fait de le faire pays par pays, ça va permettre en tout cas d'avoir une meilleure idée de la part des profits d'une entreprise
qui est réalisée dans chacun des pays, c'est ce que vous dites.
M. Martin (Julien Frédéric) : Exactement.
M. Marceau : Puis donc vous êtes favorable à cette mesure du BEPS, là, qui était
contenue dans le BEPS de l'OCDE?
M. Martin (Julien Frédéric) : Je
suis tout à fait favorable à cette mesure.
M. Marceau : Est-ce
que vous trouvez que ça va suffisamment loin? Croyez-vous que les éléments dont on a entendu parler dans les débats sont suffisants,
vont permettre d'aller jusqu'au bout puis d'arriver à des estimés appropriés des profits? Parce que vous qui êtes dans les chiffres, vous savez comme
moi... mieux que moi que ça prend beaucoup d'information pour arriver à
imputer adéquatement...
M. Martin (Julien Frédéric) : Je
pense que ça va dans la...
Le Président (M. Bernier) : M. Martin.
M. Martin (Julien
Frédéric) : Excusez-moi. Je pense que ça va dans la bonne direction.
La seule chose, c'est que ce genre d'action,
ça ne va pas changer la concurrence fiscale entre les pays. Donc, ça va limiter
le besoin d'avoir recours à des filiales dans les paradis fiscaux. En revanche, si le taux
de taxation est 10 points plus bas aux États-Unis qu'au Canada...
ce n'est pas le cas, mais, si jamais il était 10 points plus bas aux
États-Unis qu'au Canada, l'activité économique serait réallouée du Canada vers
les États-Unis.
Donc,
de ce point de vue là, il y a encore cette limite-là, mais, honnêtement, je ne
vois pas de manière simple et crédible à mettre en oeuvre rapidement
pour pallier aux problèmes liés à la concurrence fiscale, de ce point de vue
là.
M.
Marceau : Oui, vous
avez raison. C'est toute la différence entre le déplacement de l'activité
économique réel et le
déplacement...
M. Martin (Julien
Frédéric) : Fictif.
M.
Marceau : ...oui, des
écritures comptables qui permettent de transférer les profits ou de déplacer
des coûts de manière fictive.
Merci, M. le
Président. Je vais passer la parole à mon collègue de Sanguinet, qui avait une question.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Sanguinet, la parole est à vous.
M.
Therrien :
Bonjour. Merci, M. le Président. Bonjour et bienvenue, merci pour votre visite.
Et évidemment je réitère les propos
de mon collègue par
rapport au fait que vous vous
investissiez dans la chose publique à l'aide de votre éclairage, qui est
très apprécié.
Moi, j'aurais juste, par
rapport à votre graphique, là... des questions par rapport à votre graphique Part
des taxes dans les profits — Canada. Avant ça,
oui, avant ça. Si je ne me trompe pas, ce graphique-là a pour fonction de montrer qu'il
y a une corrélation entre ce
phénomène-là et la présence de paradis fiscaux. Est-ce que c'est pour ça
que vous avez mis ce graphique-là?
Le Président (M.
Bernier) : M. Martin.
• (12 h 50) •
M. Martin (Julien Frédéric) : En fait, j'ai mis ce graphique pour dire que ce
qui serait intéressant... Donc là, on voit
qu'il y a une baisse de la part des profits dans les revenus des entreprises au
Canada. Ce qui serait intéressant, c'est d'avoir les données qui nous permettent de voir si cette baisse était
différente pour les entreprises multinationales localisées au Canada
relativement aux autres entreprises, d'accord? Et donc, si vous observez que
c'est une tendance qui est commune à toutes les entreprises au Canada, ça veut
dire que ce n'est pas lié à l'évasion... à l'évitement fiscal via les paradis
fiscaux, puisqu'une grande partie des entreprises au Canada n'ont pas de
filiale dans les paradis fiscaux. En revanche,
si vous montrez que ce phénomène, il est plus important... ou il est entièrement tiré par quelques multinationales qui ont des profits dans des filiales dans les paradis fiscaux, dans ce
cas-là, on va voir qu'il y a probablement un lien entre le recours aux paradis
fiscaux et l'érosion fiscale au Canada.
Donc, j'aimerais
faire ce graphique pour deux types d'entreprise. J'aurais pu le faire aux États-Unis,
j'ai la possibilité de le faire avec les données américaines qui sont
publiques. Il se trouve qu'au Canada on n'a pas accès à ces données-là.
Et
à chaque fois je parle du Canada; j'ai aussi, bien sûr, regardé pour le Québec. Pour
le Québec, on a encore moins d'information. Et, quand on a l'information, c'est la même que le Canada, il n'y a pas d'information supplémentaire pour les entreprises québécoises.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député.
M.
Therrien : Oui,
merci, M. le Président. Bon, écoutez, je vais vous poser la question
comme je la sens, là, parce que, quand je regarde ça, j'ai un petit problème.
J'en ai déjà parlé auparavant avec le ministère
des Finances, qui est arrivé avec, en
tout cas, une intuition semblable à
la vôtre, là, et je veux comprendre, parce
que semble-t-il que je ne
comprends pas. Non, mais c'est ça.
Si,
par exemple, moi, je suis en tête d'une multinationale, une entreprise
canadienne, je veux éviter de payer de l'impôt sur les profits, bien la meilleure façon
de procéder, c'est de transférer mes profits de chez nous vers une
filiale, c'est ce qu'on... en tout cas le paradis fiscal sert à ça. Sauf que ça veut dire que, si je regarde
le montant des taxes que je paie par rapport aux profits, ce que vous me montrez là, bien, si
j'élimine des profits vers les paradis fiscaux, ça veut dire que je ne paie pas de taxe, mais j'ai moins de profits. Ça
fait que, si tu regardes le numérateur puis le dénominateur, les deux
vont baisser, puis l'effet va s'annuler. Ça fait qu'à ce moment-là cet outil-là ne serait pas un outil qui nous prouverait l'existence
ou la non-existence de l'utilisation de paradis fiscaux.
C'est quoi, l'erreur
que je fais dans ma logique?
Le Président (M.
Bernier) : M. Martin.
M. Martin (Julien Frédéric) : Donc, en fait, ce que vous dites, c'est vrai si l'évolution des taxes était strictement proportionnelle à l'évolution des
profits, d'accord, ce qui n'est pas forcément le cas. Le niveau de taxe, ce
n'est pas strictement proportionnel au niveau des profits.
Donc, effectivement, vous allez réduire vos profits, une partie de vos profits au Canada,
mais vous allez encore plus réduire
vos taxes, d'accord? Si jamais le montant de taxe était exactement
proportionnel au montant des profits — donc
vous aviez votre image
du numérateur et du dénominateur — vous
auriez une constante en haut et en bas qui s'annulerait et vous devriez vous retrouver avec le même niveau de
taxe, la même part des taxes dans les profits avant et après le
transfert des profits vers certains pays. Donc, le fait que vous observiez une
baisse de la part des taxes dans les profits, ça veut nécessairement dire que, les
taxes, le montant des taxes payé par les entreprises a baissé plus vite
que n'ont baissé les profits. Donc,
si on arrive à faire baisser les taxes plus que les profits, ça, c'est de l'évasion
fiscale, c'est de l'évitement fiscal.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M.
Therrien : O.K., je
comprends bien ça. Il me reste du temps, monsieur...
Le Président (M. Bernier) :
Une vingtaine de secondes.
M.
Therrien : O.K. Je comprends bien ça, mais... Si le montant des
taxes était attribuable au pourcentage de profit qu'on fait puis qu'il y avait un impôt progressif sur les taxes aux entreprises,
vous auriez raison, mais là je... C'est parce que tu n'as pas un impôt progressif
sur le montant de taxation. Ça fait qu'à ce moment-là, si j'ai... Bien,
regardez, c'est sûrement parce que je n'ai pas compris. Et vous m'avez donné un
élément d'information, puis je vais continuer à mûrir ma réflexion là-dessus.
Mais vous me suivez?
Le Président (M. Bernier) :
M. Martin.
M. Martin (Julien Frédéric) : Je
pense qu'une des raisons pour lesquelles votre raisonnement, il ne va pas
jusqu'au bout, c'est que les taxes, elles ne portent pas uniquement sur les
profits, les taxes n'ont pas à être payées uniquement
sur les profits, et, comme les taxes ne sont pas payées uniquement sur les
profits, ça doit... Je vous enverrai un courriel où je montre
mathématiquement, hein, ce point-là, pour plus de clarté.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M.
Therrien : Parfait. Bien, écoutez, juste dire merci beaucoup. Puis, bon, je vais lire votre courriel avec attention, parce que
c'était une question que je me posais. Merci pour votre éclairage.
Une voix : ...
M.
Therrien : Oui,
oui, on pourrait l'envoyer à la commission...
Le Président (M. Bernier) : M.
le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci.
Alors, merci, M. Martin, d'être ici.
En passant, ESG, c'est quoi que ça veut dire,
ça?
M. Martin (Julien Frédéric) : École
des sciences de gestion.
M.
Spénard : École
quoi?
M.
Therrien : Des
sciences de gestion. La meilleure école au Québec en administration.
M.
Spénard : Ah! O.K.
Le Président (M. Bernier) :
Mais vous avez deux professeurs qui viennent de cette école-là également ici.
M.
Spénard : Je
connaissais l'UQAM. Moi, je...
M.
Therrien : Bien,
moi, je suis chargé de cours...
M.
Spénard :
Excusez-moi, M. le Président, je suis juste allé à Laval, moi.
M.
Therrien : Bien,
c'est parce que je suis chargé de cours, là, et puis on a un professeur ici,
alors vous avez l'étalage de la connaissance...
M.
Spénard : Oui, je
le sais, que c'est un professeur.
Alors,
M. Martin, vous mentionnez quelques mots sur les données, que les outils
statistiques permettent aujourd'hui de
collecter et d'analyser un grand nombre de données, il y a
des coûts, mais vous dites aussi : «Les données relatives aux entreprises multinationales au Québec
et au Canada sont (devenues) extrêmement rares?» À quoi
attribuez-vous ce fait-là?
Le Président (M. Bernier) :
M. Martin.
M.
Martin (Julien Frédéric) :
Je pense qu'il y a deux choses. La première chose, c'est que les conditions
d'accès... il y a une partie de ces données qui existent probablement encore mais auxquelles les chercheurs
n'ont pas accès. Donc, il y a ces données confidentielles qui sont
probablement collectées. Je ne sais pas ce que Statistique Canada ou ce que la Banque du Canada en fait, parce qu'il n'y a
quasiment aucun rapport sur ces questions-là, mais donc peut-être qu'il
y a une partie de ces données qu'on continue à collecter.
L'autre
raison, c'est qu'il y a eu des coupures dans la collecte et l'analyse des
données. Vu que ça a été reporté sur les
10 dernières années, au Canada, il y a eu des coupures très fortes sur la
collecte des données d'entreprise et des données individuelles. Et donc, forcément, si on arrête de collecter, si on
arrête de faire des enquêtes sur les entreprises, sur les ménages, on a moins d'information à disposition
ensuite pour informer les politiques des différentes réformes qui
peuvent être mises en place.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député.
M.
Spénard :
Merci. C'est parce que, là, vous parlez de Statistique Canada, là, qui ont
arrêté de... mais, les données relatives
aux entreprises multinationales, étant donné qu'elles s'en viennent rares,
est-ce que ce n'est pas ça qui facilite de plus en plus l'évasion
fiscale?
Le Président (M. Bernier) :
M. Martin.
M. Martin (Julien Frédéric) : Est-ce
que vous pouvez juste... Je ne suis pas sûr d'avoir compris la question.
M.
Spénard :
Le fait d'avoir des données très rares, de ne plus avoir de données sur les
multinationales, est-ce que ce n'est pas un moyen de favoriser
l'évitement fiscal ou l'évasion fiscale?
Le Président (M. Bernier) :
M. Martin.
M. Martin
(Julien Frédéric) : Bien, en
tout cas, pour limiter cette évasion fiscale, hein, on a besoin de plus
de données. Ça, c'est... Si on ne collecte pas plus de données, j'ai du mal à
comprendre...
Mais les recommandations de l'OCDE, du BEPS de
l'OCDE, vont dans cette direction, ils demandent à ce qu'il y ait une collecte plus importante de données pour chaque
entreprise multinationale, de donner des données détaillées pour ses
opérations dans chacun des pays où elle est présente, et donc, ça, ça participe
clairement à contrer les possibilités
d'évasion fiscale. Si on n'a pas ces données ou si on ne met pas... si on n'a
pas assez de... enfin, si on ne met pas d'attention sur le fait que les
données reportées soient de bonne qualité et si on ne traite pas ces données,
on ne va pas réussir, effectivement, à suivre les comportements des
multinationales.
M.
Spénard :
O.K. Vous dites aussi dans votre présentation... vous parlez de Zucman, qui est
un chercheur de la London Economics School, et c'est lui qui avait
sorti, en 2014, qu'il y avait pour 300 milliards de capitaux canadiens
dans les paradis fiscaux. Avez-vous vu cette étude-là de Zucman?
Le Président (M. Bernier) :
M. Martin.
M. Martin (Julien Frédéric) : Oui,
j'ai vu cette étude de Gabriel Zucman, oui.
M.
Spénard : Et c'est
réaliste, vous pensez?
M. Martin
(Julien Frédéric) : Son
étude, elle a été publiée dans, je crois, le Quarterly Journal of
Economics, qui est un des meilleurs
journaux en économie. Il y a eu un processus de révision par les pairs qui a
été fait. Donc, je n'ai pas de raison
de mettre en doute les chiffres qu'il avance. Et, à ma connaissance, il n'y a
pas eu d'articles académiques qui sont venus contredire ce qu'il
avançait.
• (13 heures) •
M.
Spénard : ...ce
montant-là. O.K.
Il y a plusieurs institutions financières qui...
Puis je reviens à l'exemple de mon confrère de Rousseau, sur le 7 milliards à la Barbade, et le PIB n'est pas
monté à 14 milliards, est resté à 7 milliards. Et un phénomène qui
semble... en tout cas qui est très nébuleux,
en ce qui me concerne, c'est que l'argent semble transiter toujours. Je vous
donne un exemple. La Banque Royale, à
Jersey, pour une île... c'est un paradis fiscal, là, mais une île qui a
97 000 de population, a huit
succursales à Jersey. En tout cas, on ne sait pas tout ce qu'ils font, mais là
ils nous disent que c'est pour des services internes. Mais, quand on approfondit un peu ça, l'argent a toujours l'air virtuellement
à tourner d'une succursale à l'autre,
à tourner, à tourner, à tourner, de sorte qu'on ne peut pas se saisir... Tu
sais, on peut-u arrêter, à un moment donné, puis dire : Voici, c'est là, et tout? J'aimerais ça que vous
m'expliquiez comment ça peut toujours virer comme ça, de l'argent, là.
Le Président (M. Bernier) :
M. Martin.
M. Martin (Julien Frédéric) : Je
n'ai pas de bonne réponse à ça. Donc, il y a des raisons économiques qui... enfin, il y a beaucoup d'arguments économiques
pour que l'argent circule, donc ce n'est pas quelque chose de mauvais en
soi, que l'argent
circule. Et, pour le fonctionnement de nos économies, on utilise souvent la
métaphore de cette circulation d'argent comme de l'huile dans les
rouages de l'économie. Donc, on a besoin de cette circulation d'argent.
Après,
effectivement, on veut que cette circulation de l'argent, elle se fasse au
service de l'économie et pas au service des profits de quelques
entreprises, donc...
M.
Spénard : Bien,
justement, l'argent qui tourne dans les paradis fiscaux...
M. Martin
(Julien Frédéric) : Et ça,
je n'ai pas de... je ne vois pas de manière de... Donc, la seule chose
qu'on peut faire, c'est demander aux banques
canadiennes, aux banques... de donner le nombre de succursales, de donner
les opérations qui sont là, qui sont sur
place, et ensuite d'en tirer des conclusions sur : Est-ce que ces filiales
à Jersey permettent aux banques de payer moins d'impôt au Canada ou
est-ce que ça ne permet pas à ces banques de payer moins d'impôt au Canada?
C'est la seule chose qu'on...
M.
Spénard :
O.K. Une dernière petite question. Vous avez parlé de Starbucks qui ont fait
une... en tout cas que moralement
c'était complètement... c'était immoral de faire ce qu'ils faisaient, de se
soustraire, en Angleterre, au paiement de
leurs impôts, et ils ont donné de l'argent au gouvernement anglais de manière
volontaire. Pensez-vous que ça peut être une porte de sortie, ça, une manière volontaire, pour une institution
financière, de dire : On n'a pas payé assez d'impôt, regarde, on va
vous en donner un peu plus? Moi, je ne pense pas, moi, en tout cas, là.
J'aimerais vous...
Le Président (M. Bernier) :
M. Martin.
M. Martin (Julien Frédéric) : Là, je
ne réponds pas en tant qu'économiste mais en tant que citoyen : Je trouve ça complètement inacceptable. C'est qu'on
n'a pas... L'impôt, il n'est pas choisi par le contribuable, il est fixé
par le législateur qui a été élu. Et donc je
trouve que... Donc, ça, clairement je ne suis pas... Et je ne pense pas qu'il
faille aller dans cette direction, de
dire aux entreprises multinationales : On sait que vous trichez, les
consommateurs ne sont pas contents, donc peut-être donnez-nous...
reversez-nous un peu d'argent. Ce n'est pas comme ça que ça doit fonctionner.
En revanche, ce que je pense qui est
intéressant, c'est de voir la puissance de l'image, l'image, pour ces entreprises-là, est particulièrement importante,
et donc la puissance que peut avoir l'image véhiculée sur ces
entreprises, sur leur comportement.
Donc là, ils
l'ont remis de manière volontaire. Ça ne doit pas être fait de manière
volontaire, mais, s'il y a des risques
pour l'image des entreprises, elles vont peut-être plus facilement se conformer
à certaines règles que s'il n'y avait aucun risque d'image.
Le
Président (M. Bernier) : Il est mentionné, M. Martin, dans
des... puis on a eu l'occasion lors d'une conférence, on sait que les... Vous parlez de la difficulté
d'avoir des données, d'avoir des informations. On sait que ces données-là
se retrouvent beaucoup dans les organismes de perception fiscale, pour le
Québec ou le Canada, au fédéral également. D'ailleurs, les services d'enquête
aux États-Unis, le plus gros défi qu'ils ont eu, au moment où ils ont établi ce
que Starbucks faisait ou ce que les autres
grandes entreprises... c'était d'obtenir ces informations-là. Donc, on voit,
là, qu'en tout cas il y a une
participation qui est difficile avec les organismes de perception fiscale dans
la disponibilité des informations pour
être capable de faire les études et les corrélations nécessaires par rapport
aux états. Je voulais juste vous mentionner que c'est un peu ça, la situation, actuellement, et ce sont des sujets
sur lesquels on se penche, nous, pour être capables de voir de quelle façon on peut améliorer le
processus d'information pour être capables de mieux informer, de mieux
percevoir et d'appuyer ces éléments-là de recherche sur de réelles données.
En terminant, je vous remercie, je vous remercie
de votre collaboration. Je désire vous mentionner... Vous pouvez également saluer un de nos amis avec qui on
a eu le plaisir de siéger, M. Alain Paquet, qui est un ex-collègue
ici, ex-ministre. Donc...
M. Marceau : Bien sûr. Ex-président
aussi de cette commission.
Le
Président (M. Bernier) : Et ex-président, ex-président de la
Commission des finances publiques. Donc, merci infiniment de votre
contribution, merci de votre participation.
Donc, la commission suspend... Je lève la séance
de la commission, et elle ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 13 h 5)