(Dix heures deux minutes)
Le
Président (M. Bernier) : Donc, à l'ordre, s'il vous
plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
des finances publiques ouverte et, bien sûr, je demande à toutes les personnes
dans la salle d'éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le rapport de
la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Bolduc (Mégantic) est remplacé par M. Fortin (Pontiac).
Auditions (suite)
Le Président (M. Bernier) :
Voici l'ordre du jour, journée très chargée. Ce matin, nous entendrons
l'Association de la planification fiscale et financière et la Centrale des
syndicats démocratiques. Cet après-midi, nous recevrons Desjardins Capital
régional et coopératif et le Conseil du patronat. Ce soir, nous accueillerons
le Centre interuniversitaire de recherche en
analyse des organisations, la Fédération des femmes du Québec
et le Collectif pour un Québec sans pauvreté.
Donc, sans
plus tarder, nous avons l'occasion, ce matin, de rencontrer l'Association de la planification fiscale et financière. Bienvenue, messieurs. On est heureux
de vous recevoir, M. Stéphane Leblanc, M. Maurice Mongrain. Vous avez 10
minutes pour votre présentation, la parole est à vous.
Association de
planification fiscale et financière (APFF)
M.
Mongrain (Maurice) : Merci beaucoup. Bonjour à tout le monde. Je suis Maurice Mongrain. Je suis avocat.
J'ai pratiqué en fiscalité pendant plus de
30 ans, puis maintenant, depuis sept ans, je suis le président général de l'APFF, l'Association
de planification fiscale et financière. Pour vous situer, on représente à peu
près tous les fiscalistes du Québec. On a
environ 2 500 membres : 60 %, des comptables agréés, puis
35 %, des juristes, avocats, notaires, puis le reste, c'est des
économistes essentiellement.
Donc, on vous
parle ce matin au nom de nos membres. On a eu des réunions pour faire des
représentations. Il est important de
souligner, en partant, qu'on ne fait pas de politique fiscale, donc on ne se
mêle jamais... Si un gouvernement propose
des mesures fiscales, d'augmenter tel impôt, ou baisser tel autre, ou
autrement, on n'intervient jamais là-dedans. Nous, on s'intéresse, par contre, à l'administration des lois fiscales
parce qu'on interagit, évidemment, beaucoup avec autant Revenu Canada que Revenu Québec — dans ce cas-ci, Revenu Québec — puis, donc, l'objet de nos
représentations, essentiellement, ce matin, ça va tourner autour de
l'administration des lois fiscales.
Mais, quand même, il y a des choses aussi... La
première intervention qu'on fait à propos du rapport de la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise,
que j'appelle le rapport Godbout... Il propose notamment à la recommandation n° 10 de hausser le taux de la
TVQ de 9,975 % à 11 %, ce qui représenterait un taux combiné de
16 %. Essentiellement, la décision de
percevoir moins d'impôts, plus de taxes, on ne s'en mêle pas. Le seul souci qu'on a, qu'on constate sur le terrain, c'est le risque avec le
commerce électronique, on constate... On a des membres qui sont
impliqués, puis on en voit beaucoup,
puis on a eu un symposium sur les taxes, puis on constate qu'à une vitesse
assez fulgurante le commerce électronique prend de l'ampleur, y compris
au Québec, puis souvent c'est des achats qui sont effectués sur Internet à l'extérieur du Québec.
Donc, on perd non seulement la TVQ, mais également l'impôt sur le
revenu parce que ces entreprises-là qui vendent au Québec
ne paient pas leurs impôts au Québec parce
que les sites sont tous situés
dans des paradis fiscaux. Mais on constate une augmentation... D'ailleurs, il y
a plusieurs commerces de détail à Montréal ou sûrement ici, à Québec, aussi qui ferment leurs portes presque à chaque
semaine à cause de la concurrence du commerce électronique.
Puis, si vous
allez sur le Web, il y a même des entreprises des autres provinces
canadiennes qui annoncent des produits
en vente au Québec en disant : Vous allez éviter la TVQ, donc
vous allez sauver à ce moment-ci 9,975 %...
bien, c'est-à-dire la TVQ est de... oui,
c'est ça. Mais là, si on augmente puis on augmente encore l'incitation à
acheter sur le Web en augmentant la
taxe, ça va être encore plus intéressant pour les contribuables d'acheter sur
le Web. Puis déjà les autres provinces canadiennes qui s'en servent pour
faire de la publicité ici, ça fait qu'on se demande... On n'est pas nécessairement contre, mais on incite à la
prudence, à faire peut-être des études plus poussées pour qu'on s'assure
qu'on n'amplifie pas ce problème-là, qui est tout à fait réel. Probablement que
vous avez eu d'autres représentations par les associations de commerce de
détail, mais nous, de notre point de vue, on constate que c'est un problème
sérieux.
Une autre
proposition qui est dans le rapport Godbout, c'est la recommandation
n° 55, c'est la mise en place d'un mécanisme de règlement de
conflit qui serait, ce qu'on comprend, une espèce d'arbitrage dans le processus
auprès de Revenu
Québec. Mais, auprès de Revenu Québec, il faut comprendre que tu as,
premièrement, une vérification avec des vérificateurs, puis, généralement, ce sont des comptables, après quoi,
si tu n'es pas satisfait, tu as un mécanisme déjà qui existe d'opposition où, là, tu loges une
opposition, tu t'adresses à un autre niveau de fonctionnaires où tu peux
échanger, puis, finalement, tu as l'appel aux tribunaux.
Pour être précis, à mon époque, quand j'ai
commencé à pratiquer, il y a 30 ans, on avait des vérificateurs qui venaient... Parce qu'on est dans un système d'autocotisation, puis le
vérificateur se présentait à l'entreprise pour s'assurer que les lois
étaient appliquées correctement puis qu'il n'y avait pas de fraude. Donc, il
vérifiait l'application des lois. Maintenant,
ce qu'on constate depuis quelques années, c'est des cotiseurs, ce n'est plus
des vérificateurs, ils se pointent dans l'entreprise avec le mandat assez clair de cotiser. Puis on a même été
cotisés à l'APFF, je l'ai vécu. Parce qu'avant ça tu représentes des
clients, c'est autre chose. Là, on l'a vécu, ce n'est plus des vérificateurs,
c'est des cotiseurs. Puis, généralement, tu essaies de discuter avec eux, puis,
le plus souvent, ils vont te répondre : Bien, si tu n'es pas content, tu
iras en opposition. Ça, c'est la réalité.
Sauf qu'il
faut distinguer... Des impôts sur le revenu, tu n'es pas obligé de les payer
immédiatement. Ça fait que, si tu te
fais cotiser, tu peux contester, mais tu n'as pas l'obligation de payer
immédiatement, donc tu peux vivre avec ça. Mais, en taxe de vente, c'est très important d'être conscient que, dès
que tu es cotisé, tu as l'obligation immédiate de payer. Ça fait que, quand c'est des PME, tu as beau avoir
raison... Parce qu'en plus, en taxe de vente, à la fin de la journée, si
tu as raison, tu vas avoir ton CTI qui va
venir éliminer la taxe, parce que c'est du «in and out» en bon français, de
sorte qu'il va rester rien que les pénalités.
Mais l'impact
financier sur les clients — puis on le voit, on est 2 500 fiscalistes, on en représente à
peu près tout ce qu'il y a de PME au
Québec — l'impact
est sérieux. Ça fait que, donc, le mécanisme existe au niveau de la
vérification. S'il était comme auparavant,
on pouvait discuter avec les vérificateurs, s'entendre sur des montants. Puis,
sinon, on allait en opposition, puis
les agents d'opposition avaient une marge de manoeuvre aussi. Puis là on
arrivait avec des arguments différents,
souvent de nature juridique, puis on pouvait régler ces dossiers au niveau des
oppositions, puis sinon, bien, il y
avait l'appel au tribunal. Mais on sent, avec les commandes qu'il y a eu
d'augmenter les recettes fiscales, une pression qu'on ne connaissait pas avant. La commande qui avait été donnée,
c'était supposément pour éliminer l'évasion fiscale de travail au noir, mais ça a l'air qu'en pratique
c'est pas mal plus facile de s'adresser à une PME qui a les moyens
financiers, puis de la cotiser, puis... Mais
ça a un impact à la longue, on sent une grosse différence. Je ne veux pas faire
de politique, je vous fais des commentaires, mais, depuis quelques années,
on sent une pression.
Puis là on se
dit : Si on ajoute un niveau de médiation, bien, c'est sûr que tout le
monde va vouloir s'en prévaloir, mais
tu vas allonger les délais, puis on n'est pas sûrs que ça serait une
amélioration du système. Nous, on se dit : Remettons le système comme il était auparavant, avec des
vrais vérificateurs qui sont là pour aider les contribuables à se
conformer à la loi plutôt que de les cotiser
à tout prix. Redonnons au service des oppositions le pouvoir qu'il avait avant de poser un jugement de valeur
puis de corriger les erreurs qui ont pu être faites par les vérificateurs, puis
le système serait déjà efficace. Je pense qu'on a déjà en place ce qu'il faut
comme mécanismes, mais que ces mécanismes-là ont été un peu dénaturés sous la
pression des commandes des dernières années.
Je prends trop de temps, je vais accélérer, il
faut je laisse du temps à mon ami Stéphane.
• (10 h 10) •
Le Président (M. Bernier) :
...M. Mongrain.
M.
Mongrain (Maurice) : Trois
minutes? O.K. Il y a une autre recommandation dans le rapport Godbout
qui porte sur la publication des
statistiques par Revenu Québec. Essentiellement, on a un comité de liaison avec le ministère
du Revenu du Québec, puis, il y a
deux ans, on a obtenu qu'il publie des statistiques, c'est quoi, le nombre de
cotisations émises en fonction de l'impôt
sur le revenu, les taxes de vente, les retenues à la source, quel pourcentage
de ces cotisations-là font l'objet
d'une opposition, quel pourcentage des oppositions sont maintenues en fonction de chacune des lois,
combien est-ce qui vont en appel, combien qui sont réglées hors cour
avant que ça se pointe au tribunal, combien qui sont réglées au tribunal, etc. Ça a été difficile de les
obtenir. Ce qu'on a obtenu, c'est en nombre, on ne l'a pas en valeur. On
demanderait même d'aller plus loin puis d'avoir en valeur pour avoir un
meilleur jugement parce qu'il y a une différence si tu as
10 000 cotisations à 1 000 $ puis 1 000 à 1 million,
tu sais, ça peut fausser considérablement la perception.
Mais on est d'accord avec le rapport Godbout,
puis c'est important d'obtenir ces statistiques-là parce qu'on représente des
contribuables, puis, avant d'encourir des frais pour loger des avis
d'opposition ou des appels, si tu es conscient
que 80 %, 90 % du temps, c'est Revenu Québec qui obtient gain de
cause, bien là tu vas modérer tes ardeurs puis tu vas peut-être réussir à convaincre ton client de régler. Donc, ces
statistiques-là, au niveau pratique, sont importantes. Le rapport Godbout les propose, puis nous, on propose
d'aller plus loin peut-être non seulement en nombre, mais également en
valeur, tout ça pour aider les contribuables à avoir une meilleure vision des
choses. Mon temps est complété, je passe la parole à Stéphane. Merci.
M.
Leblanc (Stéphane) : Il me reste quelques minutes, j'imagine. Juste un
ou deux sujets au niveau de... Je suis Stéphane Leblanc, président du
conseil d'administration de l'APFF et associé chez Ernst & Young. À propos
de la recommandation de toujours tenter de maintenir le taux marginal
d'imposition en deçà des 50 %, juste pour renchérir sur cette recommandation-là qui est dans le
rapport, on a vécu par le passé, où il y avait eu des annonces qu'on
tentait d'augmenter le taux marginal au-dessus
des 50 %... Quand je parle du taux, Québec, fédéral, les deux ensemble.
C'est réel, là, nos membres, là, fiscalistes
ont vécu... les contribuables faisaient de la consultation pour déménager, pour
trouver des façons de quitter le Québec ou
d'aller juste l'autre bord de la frontière, en Ontario. Donc, c'est un seuil
psychologique, le taux de 50 %, qu'il
ne faut pas dépasser, et on l'a vécu en pratique pour le vrai, là, il y avait
vraiment des gens qui nous consultaient, et j'ai
des clients qui ont même fait le déménagement comme tel, ils ont acheté la
maison et ils ont quitté le Québec. Bien, il y en avait beaucoup, là. Ça fait
que c'est vraiment quelque chose qui est à considérer dans les recommandations
de la commission.
Et,
l'autre point, il y a plusieurs des recommandations qui suggèrent d'avoir des
consultations avec le fédéral. Et c'est
important, donc, tout ce qui a trait aux recommandations sur le gain en
capital, sur les transferts d'entreprises, ces recommandations-là ne
peuvent pas se faire en vase clos au niveau du Québec. Et, dans le dernier
budget, il y a une mesure qui a été proposée
pour le transfert des entreprises, et cette mesure-là est en consultation
présentement. Et la mesure, bien,
elle va être difficile à appliquer en pratique quand... Nous, on l'a regardée
de notre côté, et c'est difficile à mettre en pratique parce qu'au fédéral je vais vouloir faire un type de
transaction, et, pour qualifier au Québec, il faut je fasse un autre type. Donc, ces choses-là, c'est important
que les consultations aient lieu puis que ça se fasse conjointement avec
les autres provinces, toutes ces mesures-là.
Le Président (M.
Bernier) : Merci, M. Leblanc. Merci, M. Mongrain. M. le
ministre, la parole est à vous.
M.
Leitão : Très bien. Alors, merci, M. le Président. MM. Mongrain et
Leblanc, bienvenue. Au plaisir de vous revoir.
On s'était rencontré avant et dans le cadre des consultations prébudgétaires,
et toutes sortes d'autres événements. Donc, merci d'être là.
Je
ne vais pas prendre beaucoup de temps, je vais laisser à mes collègues assez de
temps pour qu'ils posent des questions. Vous avez soulevé, M. Mongrain,
la question du commerce électronique. En effet, c'est une question, une problématique très sérieuse. Maintenant, moi, je
pense que la problématique est déjà là. Que la TVQ soit à 10 % ou à
11 %, je ne pense pas que ce soit ça,
l'élément principal. Mais elle est déjà là, et c'est un phénomène qui augmente
à chaque année, et qu'il faut qu'on trouve, justement, des moyens de contrecarrer
ça.
Alors,
je me demande si vous avez des suggestions concrètes de comment est-ce qu'on pourrait faire ça. C'est une question qui a été soulevée par,
comme vous avez mentionné, d'autres groupes avant vous, mais les suggestions concrètes... Parce qu'à mon avis il y a deux enjeux. Il y a le commerce électronique
transfrontalier, donc international, comment
est-ce qu'on pourrait, nous, ici, d'une façon pratique, s'assurer qu'on
collecte toutes les taxes qui nous sont dues. Et il y a aussi la problématique pancanadienne, où vous avez dit avec
raison que, dans plusieurs provinces, des fois, on fait cette publicité, que vous voulez économiser
la TVQ, commandez ça chez nous. Donc, avez-vous des recommandations
concrètes pour adresser ces deux questions-là, transfrontalier et pancanadien?
Le Président (M.
Bernier) : M. Mongrain.
M.
Mongrain (Maurice) :
Transfrontalier, là, je sais qu'en Europe — j'étais à un congrès, il y a
deux semaines, à IFA, en Suisse, qui regroupe 140 quelques pays de l'OCDE — jusqu'à maintenant, les taxes sont perçues
en fonction, le plus souvent, du lieu
de résidence du fournisseur. Mais, quand il s'agit de commerce électronique,
c'est souvent des serveurs qui sont
localisés dans des paradis fiscaux, de sorte que les taxes échappaient
complètement, de même que les impôts.
La Communauté économique européenne est en train de changer les règles pour
imposer la taxe en fonction du lieu de
résidence de l'acheteur, du consommateur. Donc, ça, ça va éliminer une embûche
au niveau fiscal, au niveau légal.
Puis
je sais qu'il y a des discussions en cours, parce que la façon la plus sûre de
percevoir les taxes... Quand vous achetez
sur Internet, le plus souvent vous payez par carte de crédit ou par PayPal.
C'est les deux façons les plus répandues de payer. Si on pouvait imposer aux institutions financières de
percevoir les taxes... Parce qu'il n'y a pas... tout le monde... Moi, j'en ai déjà acheté, quelques biens par
commerce électronique. Comme je vous dis, essentiellement, c'est carte
de crédit, PayPal. Ça fait que, si on réussissait à forcer les institutions
financières à percevoir les taxes, je pense que la meilleure solution serait
celle-là. Évidemment, les institutions financières relèvent du gouvernement
fédéral, donc ça prendrait une concertation
avec le fédéral pour arriver à cette fin-là, puis, en même temps, avec les
autres provinces pour régler le
problème interprovincial. Mais je pense que la clé... il n'y a pas vraiment
d'autre façon d'y arriver que de forcer les institutions financières,
les émetteurs de cartes de crédit à percevoir les taxes.
Le Président (M.
Bernier) : Merci, M. Mongrain. M. le ministre.
M.
Leitão : Alors, M. Leblanc, je prends note du point que vous avez
fait. Et, en effet, un taux d'impôt sur le revenu qui dépasse les
50 %, c'est problématique. C'est vraiment un seuil qu'on ne peut pas
dépasser et que la commission nous recommande de ne pas le dépasser.
Voilà. Moi, j'arrête
ici. Les collègues, si vous avez des questions.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Pontiac.
M.
Fortin (Pontiac) : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Mongrain, M.
Leblanc. C'est un plaisir de vous recevoir ici. Je dois revenir,
d'ailleurs, sur le dernier point, là, auquel le ministre a fait référence,
c'est-à-dire le taux marginal d'imposition
et le seuil maximal proposé par le rapport de M. Godbout, qui est de 50 %.
Vous avez dit, M. Leblanc, que c'était
quelque chose de réel, quand on parlait d'augmentation au-dessus de ce
seuil-là, qu'il y avait des gens qui voulaient quitter le Québec, et, évidemment, moi, je suis député de l'Outaouais,
donc c'est quelque chose qui peut être un petit peu plus simple, par chez nous, à faire qu'ailleurs.
Mais je veux savoir, est-ce que c'est encore un problème aujourd'hui?
Est-ce qu'il y a des gens qui viennent vous
voir pour consulter à savoir comment est-ce qu'on peut faire pour quitter la
région, que ce soit sur papier ou en réalité?
Le
Président (M. Bernier) : M. Leblanc.
M.
Leblanc (Stéphane) : Présentement, non, les gens, ça s'est calmé.
Donc, dès que l'annonce des nouveaux taux
avait été faite et que le taux ne passait pas à 54 %, je pense, là, qui
avait annoncé, les choses se sont calmées, et les gens... Tu sais, parce que ça demeure quand même
complexe, les gens ne veulent pas nécessairement... C'est sûr que les gens, s'ils s'en vont dans l'Outaouais, en
Ontario, ils peuvent continuer à travailler à Montréal, mais ça fait beaucoup
de déplacements. Donc, il y a quand même une
complexité à faire ça. Mais, si le jeu en vaut la chandelle, donc juste un
4 % d'écart de taux, l'économie d'impôt
vaut la peine de se faire, et là c'est dans ces cas-là que les gens consultent,
et viennent nous voir, et
disent : Bon, avez-vous des façons, là? Nous, on veut quitter, là, puis on
va déménager. Ou là ils pensent à des
stratagèmes pour... Est-ce que je peux faire taxer mes impôts dans une autre
province au lieu de les taxer au Québec parce que, là, ça n'a pas de bon
sens, le taux d'impôt que je paie au Québec, là?
Le Président (M.
Bernier) : Paradis fiscaux, est-ce qu'ils vous en parlent?
M. Leblanc
(Stéphane) : Comment?
Le Président (M.
Bernier) : Les paradis fiscaux, est-ce qu'ils vous en parlent?
• (10 h 20) •
M.
Leblanc (Stéphane) : Les paradis fiscaux, habituellement, moi, ce
n'est pas quelque chose que moi, je touche, là, habituellement, les gens... Souvent, les paradis fiscaux, ce qu'on
voit en pratique, c'est des choses qui ont été faites voilà plusieurs
années, et là, tout à coup, le client, il s'en va à la confesse, là, puis il
vient nous voir, il dit : Regarde, j'ai hérité
d'un mononcle, là, et j'ai laissé l'argent dans les paradis fiscaux, est-ce que
tu peux m'aider à ramener ça sur le droit chemin? Habituellement, c'est
ça qu'on voit, c'est souvent des vieux gagnés qui ont été là. Il n'y a pas de
clients qui m'approchent présentement pour
dire : Bien, je veux mettre ça dans un paradis fiscal. En ce moment, là,
on n'en voit pas, de ça, et c'est très peu couru, là, dans notre
pratique.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Pontiac.
M.
Fortin (Pontiac) : Oui. Est-ce que c'est vraiment le seuil du
50 % qui fait ça, d'après vous, là? Vous parliez de 54 %, mais
est-ce que vous le sentez habituellement, avec le temps, dès qu'on parle
d'au-dessus de 50 %, c'est un seuil psychologique?
M.
Leblanc (Stéphane) : Oui, c'est un seuil psychologique. C'est ce qu'on
a vu, là, en pratique dans le passé, puis je pense qu'il y a d'autres pays aussi que c'est également pareil, là.
Ça devient à dire : Bien là, je travaille plus pour l'État que je
travaille pour moi quand on dépasse ce seuil-là, puis c'est un peu ce qui
devient problématique.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme
de Santis : Merci, M. le Président. J'aimerais
poser une question sur ce taux marginal d'imposition de 50 %. Qu'est-ce qui se passe si, au fédéral, on va
augmenter le taux marginal d'imposition? Est-ce que vous êtes en train de
dire que le Québec devrait réduire son taux
marginal d'imposition pour que ça reste à moins de 50 %? Parce qu'on a
aussi un problème de revenus.
M. Leblanc
(Stéphane) : Oui. Et c'est effectivement...
Le Président (M.
Bernier) : M. Leblanc.
M. Leblanc
(Stéphane) : Oui, merci. Ça doit rester compétitif à travers le
Canada. Donc, c'est facile de déménager au
Québec. À l'intérieur du Canada, là, il n'y a pas de frontières, je peux
décider d'aller vivre en Ontario, en Alberta
n'importe quand, demain matin. Donc, il faut que notre taux d'impôt demeure
compétitif à travers le Canada. Et c'est
sûr qu'il faut qu'il demeure compétitif vis-à-vis nos voisins de l'Ontario
parce que la proximité fait en sorte que les gens vont être capables de rester proche de leur famille. Mais, si
toutes les provinces haussent... le taux d'impôt est haussé par le Canada, donc tout le monde hausse au deçà
du 50 % ou près du 50 %, bien, on va devoir vivre avec ce constat-là,
et les gens n'auront pas la marge de
manoeuvre pour dire : Bien, je vais aller en Ontario, je vais le sauver,
ce 3 % là, ils ne le sauveront
pas. Donc, c'est une question de compétitivité fiscale entre le Québec et les
autres provinces qu'il faut s'assurer, mais
on ne peut pas contrôler le fait que les gens disent : O.K. Bien, je vais
déménager à l'étranger ou je vais aller aux États-Unis parce que le taux
d'impôt est moins élevé. Ça, on ne peut pas se protéger de ça.
Le Président (M. Bernier) :
Mme la députée, une autre question?
Mme de Santis :
J'ai une autre question, mais...
Le Président (M.
Bernier) : ...je vais revenir au député de Pontiac par la
suite.
Mme de Santis :
O.K. J'aimerais avoir votre opinion quant à la nouvelle façon qu'on propose de
taxer les gains en capital. Est-ce
que vous avez une opinion là-dessus? Est-ce que ça va vous faciliter la tâche
ou rendre la tâche plus compliquée? Parce que vous dites que vous ne
voulez pas rendre des commentaires politiques.
M.
Leblanc (Stéphane) : ...au niveau du gain en capital, premièrement, ça
prend une harmonisation avec le fédéral. On ne peut pas être la seule
province à jouer sur le gain en capital toute seule, puis faire chambre à part.
Ça, il faut absolument qu'on soit harmonisés
avec les autres provinces, sinon ça va être la catastrophe dans le marché, là.
Les gens vont changer leur
portefeuille de placement, puis on va s'arranger pour aller faire nos gains en
capital à l'étranger, là, ou à l'extérieur
du Québec, tout simplement. Et le gain en capital, il faut faire attention
parce qu'il y a des gens qui ont bâti leur retraite sur le fait que le
gain en capital est taxable à 50 %. Donc, ils ont bâti leur portefeuille
de placement de cette façon-là. Donc, il faut faire des études d'impact pour
s'assurer que ça ne vient pas mettre en péril, des fois, les retraites ou les
portefeuilles des gens.
Et
l'autre chose qu'il faut regarder, c'est le marché des capitaux. Le marché des
capitaux fait en sorte que les gens vont
investir en actions parce que le taux est avantageux. Et, souvent, les gens
vont investir en actions pour conserver leurs placements à long terme, donc ça donne du financement à nos entreprises
canadiennes et québécoises à travers le marché des capitaux. Donc, l'impact du taux d'impôt sur le gain en capital, si
on haussait au même taux d'impôt que de gagner un revenu d'intérêts, bon, bien quelle va être l'incidence de ça sur le
marché des capitaux? Donc, ça, c'est quelque chose qui doit être regardé
comme incidence avant de faire un «move» en ce sens-là au niveau de gain en
capital.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Pontiac.
M.
Fortin (Pontiac) : Merci, M. le Président. Je veux revenir sur quelque
chose que j'ai entendu de l'association par le passé. Vous avez souvent parlé, si je m'en souviens bien, de
simplification du régime fiscal, que ce soit pour les entreprises, pour les particuliers surtout, et que
ça peut être extrêmement difficile par rapport aux crédits d'impôt
parfois. J'aimerais, en fait, utiliser votre
expertise aujourd'hui, peut-être nous dire est-ce qu'il y en a qui sont
particulièrement problématiques, est-ce
qu'il y en a sur lesquels il faut vraiment travailler pour les améliorer, pour
les rendre plus simples, pour les rendre plus efficaces pour... que ce
soit l'entrepreneur ou le particulier.
Le Président (M.
Bernier) : M. Leblanc.
M.
Leblanc (Stéphane) : Merci. Les crédits d'impôt, ce qui est arrivé
avec le temps, c'est que chaque gouvernement
qui passe va introduire des nouveaux crédits d'impôt, et ce qui manque dans
notre appareil, c'est que souvent on
a de la difficulté à les enlever une fois qu'ils ont été introduits. Et un
crédit d'impôt devrait être là pour encourager certaines mesures, il
devrait avoir une durée, il devrait avoir un début et une fin, donc. Puis ce
qu'on regarde, c'est : Est-ce qu'on a
un mécanisme qui s'assure de mesurer le retour sur l'investissement de ce
crédit d'impôt là? L'État dépense des
sommes pour donner le crédit d'impôt, mais est-ce qu'on mesure ce que ça nous
rapporte en termes d'investissement?
Il
y a des cas classiques où c'est facile. On a vu, le crédit d'impôt au
multimédia qui a encouragé l'industrie du jeu vidéo à Montréal a fait, avec les années, que Montréal est devenue
une plateforme de talents en termes de développement de jeux vidéo, et toutes les grandes firmes de
développement de jeux vidéo sont venues s'installer à Montréal. Donc, le
retour sur l'investissement est là, mais, en
même temps, il faut voir est-ce que ce crédit-là devrait avoir une fin un jour
ou on devrait l'arrêter.
Mais
il y a des crédits que c'est difficile de voir ça a été quoi, le retour sur
l'investissement pour le gouvernement, et
est-ce qu'on devrait avoir un système, une mécanique pour mesurer ce retour sur
l'investissement là et, annuellement, faire
le ménage dans les crédits en disant : Bien, peut-être qu'il y a des
nouveaux crédits qui devraient voir le jour, puis il y en a d'autres qui
ne devraient pas voir le jour, et s'assurer toujours que le crédit est
facilement quantifiable pour l'entrepreneur? Ça veut dire que, quand je mets en
place un crédit, il faut que j'aie l'impression comme entrepreneur, quand je prends la décision de faire le projet qui
me donne le crédit, bien, que, ce crédit-là, je vais l'avoir puis que ce
n'est pas un crédit que je vais me battre
avec le gouvernement, comme c'est le cas présentement avec les crédits de
recherche et développement, où on a l'impression que, des fois, on se bat pour
gagner notre crédit, là. Ça fait qu'il ne faut pas que ça soit un frein puis que ça devienne des crédits où on n'est pas sûr
qu'on va avoir le crédit. Donc, ça aussi, c'est important, là, dans tout
le système de crédits d'impôt qu'on a.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. D'autres questions?
M. Fortin
(Pontiac) : Oui, j'ai une dernière question, M. le Président.
Le Président (M.
Bernier) : Allez-y, M. le député de Pontiac.
M. Fortin
(Pontiac) : Vous avez commencé votre présentation tantôt en parlant de
la prémisse générale du rapport de la
commission : essentiellement, augmentation de la taxe à la consommation,
diminution de l'impôt. Mais vous avez
dit : Mais il y a un problème quand même qui demeure, et ça, c'est toute
la question du commerce électronique. Mais, si on règle la question du commerce électronique... Parce que vous avez
proposé des solutions qui sont quand même assez concrètes à cette problématique-là. Donc, si cette question-là de la
perte de la TVQ et, en tant que contribuables, de la perte de la TPS également, est
mise de côté, la prémisse générale du rapport de M. Godbout par rapport à
l'impôt versus la taxe à la consommation, ça vous convient?
Le Président (M.
Bernier) : M. Leblanc.
M.
Leblanc (Stéphane) : ...la prémisse des vases communicants, je pense
qu'il y a eu des études là-dessus. Ce qui
inquiétait nos membres lorsqu'on a fait nos différentes réunions, c'est est-ce
qu'on s'est assuré de l'élasticité de notre hausse de TPS? Est-ce qu'il y a une étude qui a été faite pour s'assurer
que la hausse de 1 % dans notre environnement à nous, là, avec les autres provinces alentour, les
États-Unis, est-ce qu'on s'est assuré que ce 1 % là, on était vraiment
pour le récupérer? Parce que, si on hausse la
taxe de vente de 1 %, mais, que de l'autre côté, on a donné les économies
d'impôt à la classe moyenne, bien, ces
économies-là sont parties, on les a données, le gouvernement n'a plus ces
sous-là. Il faut s'assurer que le
1 % va vraiment nous rapporter les recettes. Et ça, on n'était pas
certains si ces études-là avaient été faites, puis les études... On comprend que les études ont été
faites en fonction de l'Europe et d'autres marchés, mais est-ce qu'on a
regardé, dans notre environnement à nous, si je hausse de 1 %, puis là
peut-être, après ça, de 2 % ou de 3 %...
Le
Président (M. Bernier) : Merci, M. Leblanc. On va passer du
côté de l'opposition officielle. M. le député de Rousseau.
M.
Marceau : Oui. Merci, M. le Président. C'était fort
intéressant. Donc, bonjour, MM. Mongrain et Leblanc. Oui, c'est ça, la réaction de l'assiette fiscale des
taxes de vente à une hausse du taux de taxe est quelque chose qui est mal
connu présentement. Les dernières hausses n'ont pas permis d'engranger les
montants souhaités. Je rappelais que, lorsque M. Bachand avait augmenté la TVQ,
il prévoyait des revenus qui ne se sont pas réalisés puis qui étaient à
l'époque supérieurs à ceux que notre
ministre d'aujourd'hui prévoit pour 2015-2016. Donc, il s'est passé quelque
chose. Cela étant, les phénomènes qui sont en jeu, ce n'est pas clair,
là, il y a... Comme vous disiez, il y a le commerce électronique et puis le
fait que les gens peuvent mener des transactions ailleurs.
Donc,
votre recommandation, si je la comprends bien, ce serait qu'on éclaircisse la
situation puis qu'on s'informe un peu mieux de l'élasticité des taxes de
vente à une hausse du taux... Est-ce que c'est correct de conclure ça, ça va?
• (10 h 30) •
Une voix :
...
M.
Marceau : Oui, plutôt d'accord,
moi aussi. Je pense qu'avant de procéder... Le ministre dit... Je
comprends qu'il veut se garder les portes
ouvertes, mais il dit : Le problème est déjà là, et ce n'est pas en... et donc il n'y a pas d'enjeu avec le fait d'augmenter ou pas la TVQ. Je ne suis
pas d'accord. Moi, je pense qu'on a un problème qui est en train de s'aggraver. On sait qu'il y a un problème, et
d'aller ajouter à l'incitation à éviter la TVQ, moi, je trouve que ce n'est
pas sage. Enfin, moi, je m'arrangerais pour bien comprendre, pour bien
documenter, pour voir quelles sont les solutions possibles, puis, surtout, je m'assurerais que des solutions sont mises
en place avant d'agir. Enfin, de toute façon, je pense qu'on s'entend sur le fait qu'il faut mieux
comprendre le phénomène. Je pense que c'est ce que vous nous dites, on
est d'accord là-dessus. O.K.
Tout
simplement, un deuxième point, et c'est sur le fameux 50 % dont vous avez
parlé. Vous savez, il y a déjà beaucoup,
beaucoup d'évasion fiscale, beaucoup, beaucoup, puis le taux marginal n'est pas
à 50 %, là. Puis ce n'est pas un phénomène
récent non plus, là, ça fait que je veux bien... J'entends des affaires que
vous avez dites, c'est clair que plus ça augmente, hein, quel que soit
l'impôt, quelle que soit la taxe, plus les taux augmentent, c'est évident, ça
augmente l'incitation, ça encourage, si on
veut, à adopter des comportements déviants pour certains contribuables. Pas
pour tous, heureusement. Mais je vous
signale, là... Puis, bon, vous êtes une firme qui avez contribué, d'une
certaine façon, à la mise en place de
stratagèmes qui ont permis de l'évasion fiscale. Là, je sais bien que ce n'est
pas vous particulièrement, là, mais c'est
arrivé ailleurs dans le passé que des firmes de fiscalistes ont fait ça. Alors,
je veux juste qu'on s'entende sur le fait que, hein, il y a de l'évasion
fiscale beaucoup — d'ailleurs,
on a un mandat là-dessus avec cette commission — et puis, pour
l'instant, on n'est pas à 50 %.
Donc, je retiens ce
que vous dites, là, qu'il faut faire attention, puis c'est vrai et pour l'impôt
sur les revenus des particuliers et pour la TVQ. C'est ça que je retiens. Cela
étant, il y a déjà beaucoup d'évasion fiscale, il y a déjà beaucoup de clients
qui font affaire avec des firmes de tout acabit puis qui font de l'évasion
fiscale. Alors, il faut être prudent. Moi, je suis d'accord avec ça.
Le Président (M.
Bernier) : Merci, M. le député de Rousseau. M. Leblanc,
vous avez un commentaire ou...
M. Leblanc (Stéphane) :
On a juste un commentaire, c'est que ce qu'on voyait lorsque le taux avait été annoncé pour être augmenté à 54 %, ce n'était
pas juste de l'évasion fiscale, c'était de l'exode fiscal, et donc c'est
des gens qui voulaient déménager, tout
simplement, et en toute légalité, là, décider d'aller payer leurs impôts
ailleurs. C'est ça qu'on a vu beaucoup, là, et non pas de... ce n'était
pas de l'évasion comme telle, là.
M.
Marceau : Et on risque d'entendre la même affaire si le Parti
libéral du Canada est élu puis va de l'avant avec sa proposition d'augmenter à 53 %, tell que
disait la députée de Bourassa-Sauvé. Alors, on ne tirera pas de conclusion
de vos propos, sur ce que vous suggérez. Je vais laisser la parole à mon
collègue de Sanguinet.
Le
Président (M. Bernier) : M. le député de Sanguinet.
M.
Therrien :
Merci, M. le Président. Alors, bien, merci pour nous avoir exprimé vos visions
sur le rapport Godbout. Je voulais saluer
tout le monde, là, M. le Président, M. le ministre, le député de la deuxième
opposition, mon collègue, évidemment, estimé collègue.
Vous
savez, quand on analyse l'évolution de la taxation, il y a différentes façons
de le voir. Il y a par rapport à la croissance
économique, là, dire que c'est une politique économique qui va stimuler
l'économie soit par la consommation, par l'augmentation du nombre de travailleurs ou de l'effort de travail. Le
rapport Godbout insiste là-dessus, c'est intéressant...
Une voix :
...
M.
Therrien : Bien là, vous avez dit d'entrée de jeu que vous,
vous n'étudiez pas cette question-là, c'était plus au niveau de la perception puis au niveau des
stratégies, pour voir quels sont les effets de la fiscalité sur la ponction
fiscale que le gouvernement fait. Donc, on va y aller sur ce deuxième aspect,
malgré que le premier est très intéressant aussi.
Là,
il y a deux possibilités, soit qu'on taxe la consommation, soit qu'on taxe le
travail ou qu'on impose le travail. C'est
ce qu'on a actuellement. Là, on dit : On va taxer la consommation... En
tout cas, ce qu'on suggère, on taxe davantage la consommation et un peu moins l'impôt sur le revenu, on va faire un
transfert. Il faut regarder la sensibilité de chacun. Pour le
consommateur, si on taxe davantage, sa sensibilité ou l'élasticité va faire en
sorte qu'il peut acheter sur le commerce
électronique ou acheter ailleurs. Possibilité. Donc, il peut se sauver. On se
sauve toujours... en tout cas, on essaie toujours de se sauver le plus
possible des taxes. Donc, ça serait ces possibilités-là. Vous m'arrêtez si je
fais erreur, là.
De
l'autre côté, si on impose davantage le travailleur, il y a deux possibilités.
Soit qu'il travaille moins, il va dire tout
simplement... On va regarder le taux marginal de taxation, puis il dit :
Bien, écoute, moi, je vais travailler plus pour l'État que pour moi si vous êtes à plus que 50 %...
Ça veut dire que les gens vont peut-être mettre un peu moins d'effort de
travail ou ils vont quitter. Vous avez parlé d'exode des cerveaux.
Moi,
je vous pose la question, là. Dans une situation où on arrive et qu'on augmente
la taxe sur la consommation, mettons, d'un montant pour récupérer...
bien, en tout cas, pour compenser la baisse qu'on va obtenir de l'impôt sur le revenu, moi, je vous pose la question :
Qu'est-ce qui est le plus facile d'éviter, la taxe à la consommation ou l'impôt
sur le revenu actuellement, avec le commerce qu'on a actuellement?
Le Président (M.
Bernier) : M. Leblanc... ou M. Mongrain.
M.
Mongrain (Maurice) : L'impôt
sur le revenu, il y a différentes façons... Il y en a notamment
qui ont constitué des fiducies dans
des provinces canadiennes où le taux d'imposition est beaucoup
plus faible. Donc, il y a des façons qui ne sont pas toujours... C'est sûr qu'il y a l'économie au noir puis
la fraude où des personnes omettent de déclarer leurs revenus, puis là
c'est illégal. Donc, tu évites l'impôt, mais de façon illégale. Mais il y en a
qui le font légalement en transférant l'imposition de leurs sources de revenus
dans d'autres provinces canadiennes. Mais il faut distinguer entre les deux.
Mais
sinon, pour la majorité des travailleurs, ils sont retenus à la source. Tu ne
peux pas vraiment l'éviter, l'impôt sur
le revenu, c'est parce qu'il est perçu à la source. Les taxes, normalement...
Si tu fais faire des travaux de rénovation, souvent ton travailleur va te demander d'être payé comptant, tu vas
éviter des taxes. Si tu achètes sur Internet, la plupart du temps tu vas
éviter les taxes aussi. Ça fait que c'est difficile d'établir lequel des deux
serait prédominant.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Sanguinet.
M.
Therrien :
Merci. Écoutez, si on regarde pour la classe moyenne, mettons, si on regarde
pour la classe moyenne, qu'est-ce qui est le plus facile à éviter?
Le Président (M.
Bernier) : M. Mongrain.
M.
Mongrain (Maurice) : Vous ne verrez pas vraiment de différence parce
que la classe moyenne qui fait faire des travaux de rénovation, souvent, va éviter des taxes avec son
fournisseur, son travailleur. Puis, l'impôt sur le revenu, par contre, elle va être obligée de le payer parce
qu'il va être retenu à la source. Par contre, si c'est un entrepreneur, un
plombier ou autrement qui travaille au noir,
bien, lui, il va éviter l'impôt sur le revenu, évidemment, parce qu'il ne
déclarera pas ses revenus. Ça fait
que je ne pense pas qu'on puisse... Et, à ma connaissance, la majorité des
travailleurs sont salariés, puis ils sont retenus à la source pour les
fins de l'impôt. Ça fait que je ne pense pas qu'il y en ait tant que ça qui
l'évitent.
Le Président (M.
Bernier) : Oui, M. Leblanc.
M.
Leblanc (Stéphane) : Donc, grosso modo, c'est que la facilité d'éviter
la taxe de vente, elle est là, mais, en même temps, ça veut dire qu'il y a eu une transaction au noir. De
l'autre côté, il faut que l'entrepreneur ne déclare pas son impôt pour
que ça fonctionne. Donc, on cause, les deux côtés, là...
Le Président (M.
Bernier) : Merci.
M.
Therrien : Oui...
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Beauce-Nord.
M.
Therrien : C'est
terminé déjà?
M.
Spénard : Merci, M.
le Président. Merci, M. Leblanc et M. Mongrain. Fort intéressant. On a parlé de
beaucoup de choses. On a parlé, évidemment,
du commerce électronique, mais moi, je veux attirer l'attention... Vous
avez beaucoup parlé de Revenu Québec, et on
en entend parler à toutes les semaines, de Revenu Québec, dans le sens de
dire, comme vous disiez : Ce ne sont
plus des vérificateurs à Revenu Québec, ce sont des cotisateurs. Alors, des
cotiseurs ou cotisateurs, je ne le sais pas, là.
Vous êtes au courant aussi de l'article de
Richter, de la maison Richter, qui est sorti à Montréal où est-ce qu'il y a à peu près deux entreprises sur les
20 qu'il y avait qui ont été cotisées à leur juste part selon ce qu'ils
demandaient, il y en a 50 % qui n'avaient rien à payer à Revenu Québec.
Pourtant, Revenu Québec s'acharnait sur eux autres.
Et vous
parliez aussi de remettre le système comme avant, avec des vrais vérificateurs.
Moi, j'ai deux questions là-dessus
qu'on a posées au ministre des Finances d'avant, le député de Rousseau, et au
ministre des Finances actuel aussi, puis
qu'on n'a jamais de réponse. Avez-vous l'impression qu'il y a un système de
quotas à atteindre pour ceux qui s'en vont dans les entreprises et qui
cotisent?
Le Président (M. Bernier) :
M. Mongrain.
• (10 h 40) •
M. Mongrain (Maurice) : C'est une
bonne question, la réponse est délicate. Je ne sais pas à quel point c'est systématisé, mais il y a une pression qui
m'apparaît évidente à cotiser davantage pour atteindre notamment des
commandes qui ont été données de je ne sais
plus combien de milliards par exercice financier. À l'origine, à ma
connaissance, c'était destiné à mettre une pression sur Revenu Québec
pour s'attaquer davantage au marché au noir, à la fraude fiscale, puis ils ont
réussi, dans certains égards, de... Le module d'enregistrement des ventes dans
la restauration a permis de récupérer des
centaines de millions, l'objectif était bon. Mais, ceci étant fait, pour la suite
des choses, pour atteindre ces objectifs-là, on sent qu'effectivement il
y a une pression sur le vérificateur pour cotiser davantage.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Le mot
est poli, vous appelez ça «pression». D'après vous, est-ce qu'il y a une
récompense à la pression?
M.
Mongrain (Maurice) : J'ai
été fonctionnaire à Revenu Québec, mais ça fait près de 40 ans, je ne pourrais pas
dire.
M.
Spénard : Puis est-ce
qu'il y avait des récompenses à la pression?
M. Mongrain (Maurice) : Non, pas à
l'époque.
M.
Spénard : Non, pas à l'époque. O.K.
L'autre chose que vous avez parlé, vous avez parlé... Vous arrivez d'un voyage en Suisse, je crois, où est-ce qu'ils parlaient du commerce électronique. Alors, le commerce électronique,
vous avez dit deux choses, le lieu de
résidence ou les maisons de carte de crédit... les maisons... D'après vous,
c'est quoi, là? Parce que le lieu de
résidence pour le commerce électronique, ça peut se faire... Est-ce que
ça demande plus de vérifications? Ou simplement
est-ce qu'il y en a, des pays qui imposent... Je pense
que le Brésil a une taxe de 6 %
uniforme pour le commerce électronique sur les cartes de crédit. Est-ce
qu'il y a d'autres pays de la communauté européenne qui ont une taxe sur les
cartes de crédit?
M.
Mongrain (Maurice) : Pas encore, mais c'est en discussion parce que ça
prend une uniformité. Ça se fait au niveau
de la Communauté économique européenne, là, mais c'est à l'étude, puis la
tendance serait vers ça parce que ce serait, définitivement, le moyen le
plus efficace.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député.
M.
Spénard :
Il me reste du temps. D'après vous, là... Puis je reviens à Revenu Québec, on
s'aperçoit que Revenu Québec... En
tout cas, je ne sais pas si... Ils ont plus d'avocats que le ministre des
Finances, ça, c'est sûr, là, dans leurs plates-bandes. Ils sont toujours en cour, de toute façon. Avec les
statistiques que vous avez sorties de Revenu Québec, est-ce que vous avez l'impression que ce qu'ils déploient
comme effort lorsqu'il y a une cotisation d'émise et que, bien souvent,
à 50 % des cas, la cotisation n'est pas
valide... est-ce que vous avez l'impression que les efforts mis par Revenu
Québec pour essayer de répondre à la
pression du ministère des Finances ou du président du conseil
d'administration... est-ce que ça en vaut la chandelle? Est-ce que c'est
rentable?
Le Président (M. Bernier) :
M. Mongrain.
M. Mongrain (Maurice) : Bien, les
chiffres... je pense qu'à court terme il y a eu des revenus additionnels de
générés. Mais moi, je me place dans une perspective à long terme parce qu'on
est dans un système d'autocotisation où les
contribuables, sur une base volontaire, doivent déclarer leurs revenus. Puis,
moi, à l'époque, au début de ma pratique,
s'il y avait une nouvelle entreprise, le vérificateur se pointait, il examinait
si tu avais respecté la loi. Puis, si tu t'étais trompé dans l'application des lois fiscales, parce que ce n'est
pas toujours simple, il te disait : Bon, bien, là-dessus, tu n'es
pas correct, tu n'es pas conforme à la loi, puis, souvent, il te laissait
passer pour la période antérieure, mais il t'avertissait — puis
c'était documenté — que,
dorénavant, tu devais percevoir des taxes sur tel élément, puis donc
l'entreprise se corrigeait. Donc, le vérificateur, en même temps, il vérifiait
l'application de la loi puis il incitait les contribuables à se conformer.
Tandis
qu'aujourd'hui ce qu'on constate le plus, c'est qu'il arrive sur place pour
cotiser. Puis, moi, on l'a vécu, on est une association sans but
lucratif de fiscalistes qui connaissons les lois fiscales, puis on a été
vérifiés il y a bientôt deux ans, puis,
manifestement, l'objectif, c'était de cotiser. On l'a vécu, moi, je l'ai...
Parce que j'ai conseillé des clients...
M.
Spénard : Est-ce
qu'ils ont réussi? Moi, c'est ça qui m'intéresse.
M. Mongrain (Maurice) : Oui. Oui,
oui, ils nous ont cotisés.
M.
Spénard : Ah! ils
ont réussi à vous cotiser.
M. Mongrain (Maurice) : Puis je suis
allé en opposition.
M.
Spénard : Avez-vous
gagné?
M.
Mongrain (Maurice) : Oui, en partie. Parce que les lois fiscales, ce
n'est pas toujours clair, hein? Il y a des bouts que c'est gris, tu
sais. Puis on a fait des représentations au cotiseur, mais, malgré tout, il
nous a cotisés.
Le
Président (M. Bernier) : Merci, M. Mongrain. On va passer du
côté de M. le député de Mercier. Il reste le temps d'environ trois
minutes.
M. Khadir :
Merci, M. le Président. Je salue tous mes collègues. Je leur souhaite une bonne
rentrée parlementaire. Donc, M.
Leblanc, M. Mongrain, juste pour répondre à mon collègue de la CAQ en partie,
d'après ce que je me souviens, parce
que ça m'intéresse beaucoup, ce sujet-là, un ministre libéral des Finances, en
2003, M. Séguin, avait investi à l'époque 17 millions de dollars supplémentaires dans une série de mesures
pour améliorer les rentrées fiscales, faire de la lutte à l'évasion fiscale. 150 millions de dollars
supplémentaires étaient revenus dans les caisses de l'État, principalement
en provenance de certaines entreprises, et
M. Séguin avait voulu dans le
prochain budget d'allouer ces sommes encore au ministère
pour augmenter le travail du ministère, augmenter les inspections, augmenter aussi le
travail d'accompagnement, chose qui
lui a été refusée, suivant une entrevue qu'il a accordée au Journal de Montréal lorsqu'il a quitté ses fonctions. Donc,
bon, il y a une décision politique, à l'époque, qui a été prise de ne pas aller
dans ces terrains-là.
Maintenant,
je voudrais vous poser deux questions précises. Un, est-ce que... Parce que, là, quand
vous dites : Trop d'impôt, les gens vont partir, l'exil, hein, ça,
on l'entend partout, dans tous les pays. Ça suppose une rationalité économique parfaite, que ce soit uniquement en
fonction d'une rationalité économique que les gens prennent des
décisions de partir ou de rester et juste,
uniquement, en fonction de l'impôt, mais je pose la question très simple :
Est-ce que même un riche qui applique
cette rationalité économique va partir quelque part où le coût de la vie est
supérieur à l'impôt qu'il va sauver en déménageant, mettons, du Québec?
Première question.
Deuxième
question. Il se trouve que, lorsqu'on regarde au niveau international, les pays
où l'impôt est le plus élevé, souvent
en Europe du Nord, c'est aussi les pays qui ont le moins de problèmes de
violence sociale, d'inégalités, qui ont les systèmes publics habituellement de meilleure qualité, qui ont des
économies relativement fortes et robustes, qui résistent mieux aux grosses crises économiques que nous
vivons ailleurs, et, en même temps, c'est des pays qui, dans les
enquêtes d'opinion sur comment ils perçoivent leur bonheur, c'est des pays,
entre guillemets, où les gens sont les plus heureux d'y vivre, même si les impôts sont élevés. Alors, selon vous, est-ce que
c'est un hasard qu'une telle chose se produise?
Le Président (M. Bernier) :
M. Leblanc, vous avez trentaine de secondes pour répondre.
M. Leblanc
(Stéphane) : Oui. Bien, pour
la première question, c'est sûr la personne, d'un point de vue économique, va quand même regarder les autres aspects avant de prendre sa
décision. Donc, elle va considérer le niveau de vie, et tout ça. Ça, je
suis d'accord avec vous.
Au niveau de... on n'a pas fait d'étude, nous, à
la l'APFF, à savoir si les pays riches sont plus...
Une voix : ...
M. Leblanc
(Stéphane) : Oui, c'est ça.
Bien, on n'a pas regardé nécessairement ces études-là à l'APFF. La seule chose, par
contre, c'est que c'est certain que
le Québec... Il faut faire attention
parce que le Québec est pauvre en riches, hein, on n'en a pas beaucoup.
Ça fait que, quand on compare avec ces pays-là, lorsque j'ai une grande partie
de la population... le nombre de personnes, de riches, est plus élevé, c'est
sûr que, là, des fois, on peut faire, là, ces...
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Leblanc (Stéphane) :
...on peut hausser... peut-être plus élever le taux d'impôt...
Le Président (M. Bernier) :
Merci, M. Leblanc et M. Mongrain, de votre participation à la Commission des
finances publiques.
Je vais
suspendre quelques instants afin de permettre à la Centrale des syndicats
démocratiques de prendre place.
(Suspension de la séance à 10 h 48)
(Reprise à 10 h 50)
Le
Président (M. Bernier) : Donc, nous reprenons nos travaux. Donc, nous avons le plaisir de
recevoir ce matin la Centrale des syndicats démocratiques représentée
par M. François Vaudreuil, son président, et M. Martin Labbé, vice-président. Donc, bienvenue à la Commission
des finances publiques. Vous avez 10 minutes pour votre présentation. La
parole est à vous.
Centrale des syndicats
démocratiques (CSD)
M.
Vaudreuil (François) : C'est
bien. Merci beaucoup. Alors, dans un premier temps, je voudrais vous
remercier de l'invitation qui nous a été
faite, de l'opportunité que nous avons de présenter nos préoccupations à
l'égard d'un enjeu qui est très important, qui est capital pour l'avenir
de la société québécoise.
Je voudrais
saluer le travail colossal qui a été abattu par la Commission d'examen sur la
fiscalité, présidée par Luc Godbout, qui a réussi, dans un temps record,
à faire des études qui étaient pertinentes à son mandat, de tenir des audiences publiques un peu partout, aux quatre
coins du Québec, et enfin de pondre un rapport unanime qui se retrouve
en six volumes, alors, qui propose un ménage aussi dans quelque 300 mesures fiscales
qui existent.
Alors, le rapport contient des recommandations
fort surprenantes, pour nous, pour lesquelles nous sommes favorables, et d'autres que nous ne partageons
pas. Nous sommes favorables, par exemple, à la majoration du montant personnel de base au-dessus du seuil de faibles
revenus pour une personne seule. Nous sommes d'accord avec l'ajout de paliers d'imposition afin d'accroître la
progressivité de l'impôt sur les particuliers, ce qui est complètement
contraire à la tendance des dernières
années. Nous sommes aussi très satisfaits de l'initiative qui a été prise par
le ministre des Finances de ne pas
tenter de concocter une telle réforme en vase clos, à l'intérieur d'un cénacle,
mais d'avoir plutôt ouvert des lieux de réflexion où nous avons participé, entre autres, au mois de juin
dernier, en fait d'ouvrir un dialogue social, parce que le dialogue social, c'est la participation de la
société civile à l'élaboration des différentes politiques sociales et
économiques dans une société.
Alors, là-dessus,
je voudrais aussi saluer cette initiative, cette ouverture du ministre. Et, si
on vient ici aujourd'hui, c'est pour apporter un éclairage qui est
différent. Parce que je pense qu'au terme de l'exercice il est très important
qu'on dégage au Québec un consensus sur cette question-là, on ne peut pas
envisager une réforme avec des divisions profondes. Mais, malgré le travail qui
a été accompli, nous avons de nombreuses inquiétudes à ce moment-ci.
Dans un premier temps, je voudrais rappeler que,
pour nous, l'impôt, c'est un formidable outil de solidarité sociale. Et tout ce qu'on entend depuis des années
qui discrédite l'impôt nous horripile parce que la société dans laquelle
nous vivons, une société de droit, une société démocratique, une société où il
existe une cohésion sociale, c'est ce qu'il
y a de plus cher. Et les Québécoises et les Québécois sont très attachés à
cette cohésion-là, et l'impôt est en quelque sorte, la fiscalité, le
socle qui permet de maintenir notre contrat social. Nous y reviendrons, sur
notre contrat social.
Quelques
éléments. Je voudrais, par exemple vous soumettre une étude qui a été faite par
l'IREC récemment et qui rappelle que
le ménage médian québécois reçoit, en valeur de services publics, environ
37 300 $ par année, soit 68 % du revenu gagné. Or, ça, on ne le dit pas, on ne le rappelle pas. On tente
de faire la démonstration que l'impôt, c'est quelque chose de mauvais,
c'est quelque chose qui vous enlève de l'argent, alors que ça joue un rôle qui
est hyper important.
Dans le
rapport Godbout, il y a certaines balises qu'on considère contestables. La
première, c'est que la réforme s'effectue
à coût nul pour les contribuables. On pense qu'on ne peut pas s'engager dans
une telle voie parce que
ce serait de se priver d'un moyen
d'action d'obtenir des revenus additionnels. Si on appliquait, par exemple, à 2013 les paramètres fiscaux
de 1997 pour la société québécoise, on dégagerait environ 8 400 000 000 $ de surplus. C'est une étude de l'IREC qui date de mars 2015.
Alors, vous comprendrez que, si le gouvernement avait 8,4 milliards de
plus, on ne serait pas à faire les choix malheureux qu'on fait actuellement au
niveau de l'éducation, au niveau de la santé et au niveau de certains services
publics.
L'autre
élément qui nous paraît contestable, c'est que les contribuables à revenus plus
élevés peuvent contribuer davantage. Alors, le 50 % n'est pas un
dogme, et il ne faudrait surtout pas le mettre comme dogme.
L'autre truc
sur lequel on est en désaccord, c'est que les barèmes d'imposition passent de
quatre à neuf paliers, mais le taux
marginal demeure inchangé pour le maximum à 25,75 %, mais s'applique à un
revenu plus élevé, à compter de 150 000 $ en place et lieu de
102 400 $ aujourd'hui. Alors, ça, on est en désaccord avec cette
orientation-là. Le taux d'imposition maximal à 50 %, on veut l'établir
parce qu'on invoque, entre autres, que ça peut avoir des impacts sur
l'incitation au travail. On pourra y revenir pendant la période d'échange,
mais, ça aussi, on est en désaccord avec ça.
L'autre
élément, c'est qu'on nous demande de nous fier à un modèle d'équilibre général
calculable qui est le coeur, dans le
fond, qui est le coeur de l'hypothèse qui soutient le fait qu'on doit baisser
les impôts et augmenter les taxes. Or, ce que ça nous démontre, c'est que les impôts directs... c'est-à-dire le
modèle d'équilibre général veut démontrer que les impôts directs ont des incidences plus
dommageables que les impôts indirects et que l'argumentaire des taxes ou
tarifs nuit moins à la croissance de
l'économie qu'une augmentation équivalente des autres formes de prélèvement.
Nous n'en savons pas suffisamment sur
les hypothèses de cette boîte noire, alors, parce que, pour nous, le modèle
d'équilibre général calculable, c'est une boîte noire dans laquelle on
ne sait pas exactement ce qu'il y a dedans, et puis c'est carrément
hypothétique. Alors donc, nous ne pouvons pas faire preuve de confiance aveugle
face aux résultats de l'application de ce modèle.
Alors, le
rapport admet que les tarifs et les taxes ont un caractère régressif et il
propose des mesures de compensation pour les plus démunis. Une hausse du
crédit d'impôt de 75 $ du montant de base du crédit d'impôt actuellement de 278 $, alors ça devrait
servir... Il faut se rappeler que, quand le crédit a été mis sur pied, il
devait servir à la lutte contre la
pauvreté, et il n'a pas servi à la lutte contre la pauvreté, il a servi à
amoindrir partiellement les hausses de TVQ. Alors, on demande un
engagement très formel du gouvernement que ce crédit d'impôt sera partagé
encore plus substantiellement.
L'autre élément, c'est que, dans le modèle de la
réforme, la classe moyenne n'obtient pas ses crédits d'impôt. Il n'y a rien de prévu de progressif pour atténuer
ça au niveau de la classe moyenne, ceux qui ne peuvent pas actuellement recevoir le crédit d'impôt. Et l'autre inquiétude
que nous avons, c'est que les mécanismes de compensation, au cas où les
revenus anticipés des différentes taxes de vente ne soient pas au rendez-vous,
alors qu'est-ce qu'on peut faire?
Autre
élément, dans le rapport Godbout, il y en a très peu qui en ont parlé, il y a
des mesures qui sont prévues au niveau du transfert d'entreprises pour
qu'on puisse transférer de génération en génération. Nous, ce qu'on pense, à la
CSD, c'est que, cette logique-là, on devrait
aussi l'appliquer aux travailleuses et aux travailleurs qui veulent
constituer une coopérative de
travailleurs-actionnaires et puis qui veulent assurer la continuité, la
pérennité des opérations de l'entreprise.
En guise de conclusion, je vous dirais que, pour nous, à la
CSD, le rapport Godbout met une emphase beaucoup trop grande à l'égard de l'économie au détriment de la dimension sociale. Notre
régime fiscal doit avoir comme priorité de combattre les inégalités
sociales, ce fléau des temps modernes qui gangrène les sociétés occidentales.
Les mises en garde de l'OCDE, du FMI
témoignent de l'importance d'éradiquer cette tendance qui menace la cohésion
sociale si chère aux Québécois. La fiscalité doit servir, bien sûr, à
financer adéquatement les services publics, mais elle doit viser à réduire les
inégalités. Le parent pauvre du rapport, pour nous, l'impôt, est un formidable
outil de solidarité sociale.
Ce qui est le
plus cher pour nous, à la CSD, c'est de conserver notre contrat social
construit au cours des dernières années.
Alors, c'est dans cette perspective que nous nous présentons ici, à la commission parlementaire, pour vous faire part de nos préoccupations et puis pour qu'on puisse travailler à la
construction d'un nouveau régime fiscal ou de modification du régime
fiscal qui va avoir pour objectif premier d'assurer qu'on fait une lutte aux
inégalités sociales et qu'on ne limite pas ça uniquement à la croissance, mais,
par exemple...
• (11 heures) •
Le Président (M. Bernier) :
On va avoir l'occasion...
M. Vaudreuil (François) : ...que le
coefficient de Gini devienne un élément important sur lequel on fait des
débats. Merci.
Le
Président (M. Bernier) : Merci, M. Vaudreuil. On va avoir
l'occasion d'en discuter. M. le ministre, la parole est à vous.
M.
Leitão : Très bien. Merci, M. le Président. Alors, MM. Vaudreuil et
Pépin, merci beaucoup d'être là, d'avoir pris le temps d'être venus nous présenter vos réactions au rapport
Godbout. Je pense que vous aviez aussi participé avant à la préparation même du rapport et puis, par la
suite, à la table ronde qu'il y a eu. Et puis, maintenant, vous êtes là,
alors merci de votre implication et de votre
souhait de, quoi qu'on fasse, qu'on dégage un certain consensus pour qu'on
puisse avancer. Moi aussi, je partage ce
point de vue. D'ailleurs, je l'ai dit depuis le tout début, que l'objectif de
ces consultations... enfin, de tout le processus, c'est de dégager le
plus grand consensus possible.
Maintenant,
j'aimerais juste peut-être rappeler un peu à tout le monde qu'il y a plusieurs
choses qui devraient être considérées
séparément. D'abord, il y a le travail de la commission, comme vous avez dit,
un travail colossal, en effet, et qui
nous propose un redosage entre les impôts et les taxes à coût nul pour l'État
parce que c'était ça, le paramètre qu'on leur avait soumis. Donc, il ne s'agissait pas d'une commission qui allait
proposer une hausse ni une baisse du fardeau fiscal, mais, à l'intérieur, je pense, des
80 milliards de dollars que l'État québécois, présentement, va chercher
dans les poches des contribuables,
est-ce qu'il y aurait une façon plus efficace de le faire que ce qu'on fait
maintenant? Ça, c'était le mandat de la commission, et je pense qu'ils
ont accompli ce mandat de façon remarquable.
Une deuxième
chose qui est séparée, c'est notre engagement en tant que gouvernement de
baisser le fardeau fiscal des
contribuables. Là, on n'est pas sur la même longueur d'onde que vous,
M. Vaudreuil, nous pensons que le fardeau fiscal que subissent les Québécois maintenant est très
élevé, est trop élevé, et donc nous cherchons des moyens de baisser ce
fardeau fiscal total. Mais ça, c'est séparé des travaux de la commission. Donc,
la commission, elle, travaille à rendre le système actuel plus efficace.
Maintenant,
dans cette recherche d'efficacité, si vous voulez, il y a le redosage impôt sur
le revenu versus taxes, tarifs et
autres choses. Alors, si j'ai bien compris de vos propos, vous pensez que ce
redosage-là n'est pas pertinent, que le système, comme il est aujourd'hui, avec un focus très élevé sur l'impôt
sur le revenu, c'est bien comme ça. Parce que n'oublions pas que — encore
une fois, un chiffre rond — l'État
québécois, actuellement, va chercher 28 milliards de dollars, à peu près, en impôt sur le revenu et
18 milliards en taxes à la consommation. Donc, la commission propose
un certain redosage, on va encore avoir beaucoup d'impôt sur le revenu à payer.
Donc, ma question est... Donc, dans
cet effort de redosage, vous pensez que c'est quelque chose qu'on doit
regarder ou plutôt qu'on devrait rester avec l'impôt sur le revenu et ne pas
toucher aux taxes et tarifs?
Le Président (M.
Bernier) : M. Vaudreuil ou...
M. Vaudreuil
(François) : Merci. Bien, écoutez, un commentaire général. D'une part,
les échanges, les travaux qu'on a eus
ensemble, j'ai beaucoup de respect pour l'écoute que vous avez à notre égard,
mais je voudrais rappeler ici à la
commission que moi, je suis président de la Centrale des syndicats
démocratiques depuis 1997. Depuis 40 ans, je suis un militant syndical. Je suis un élu pareil comme vous qui doit
avoir la confiance de son congrès pour y être et je me suis toujours
donné dans la vie comme mandat de ne jamais oublier d'où je venais, d'un milieu
modeste. Et puis mes membres, à la CSD... Et c'est malheureux que M. Godbout
n'y soit pas aujourd'hui parce qu'il était venu faire une présentation au
congrès lors du rapport D'Amours. Et, si M. Godbout revenait devant mon même
congrès, il y aurait plusieurs dizaines de
congressistes qui n'y seraient pas pour une raison fort simple, c'est qu'ils
ont perdu leur emploi, que leur entreprise est fermée, qu'ils se sont
trouvés dans une situation d'appauvrissement.
Ce
que je veux vous expliquer, c'est que 95 % de notre membership est dans le
secteur privé. Or, moi, j'ai vu des milliers
de personnes qui provenaient de la chaussure, du textile, le vêtement, de la
métallurgie, des mines, de l'agroalimentaire,
de la forêt, de différents secteurs qui ont perdu leur emploi, qui ont retrouvé
des emplois qui n'étaient pas de la
même qualité, qui se sont retrouvées dans des situations de précarité. Et,
quand on accompagne ces gens-là dans les
difficultés qu'ils ont au cours... puis qu'on subit la transformation de
l'économie, il est très important qu'on ait des politiques publiques pour accompagner... pour permettre à ces gens-là de
rebondir, etc. Bon, au Québec, on s'est bien outillés, mais, avec la précarisation, la transformation du travail, on
s'aperçoit aussi qu'il y a des milliers et des milliers de personnes qui
se retrouvent dans des situations plus difficiles, qui s'appauvrissent. Alors,
c'est à ces personnes-là qui sont mes membres, qui sont des anciens membres que
je pense aujourd'hui et d'eux que j'ai eu un mandat.
Alors,
ce qu'on vous dit, c'est que la solidarité sociale, ce n'est pas uniquement un
concept, c'est excessivement important.
Et puis moi, je dis toujours, parce que j'ai fait un peu de relations
internationales dans ma vie, j'ai été dans différents pays : Quand je reviens au Québec, ce que j'apprécie le
plus, c'est justement cette cohésion sociale qu'on a. Et c'est en raison de notre contrat social, et ce contrat
social là, qui repose sur des éléments comme l'égalité des chances,
comme la redistribution de la richesse,
comme le maintien de programmes sociaux, qui fait en sorte que la qualité de
vie est bonne.
Alors,
voyez-vous, l'orientation de base de M. Godbout, c'est de dire, comme vous
l'avez très bien décrit : On va diminuer
les impôts puis on va augmenter les taxes. Mais ça, chez nous, en termes de
besoins que la société a en termes d'argent pour, justement, combattre
les inégalités sociales, pour faire en sorte qu'on maintienne notre contrat
social... Puis je ne parle pas, là... je
parle de millions de personnes à travers le Québec qui sont dans cette
situation-là, et notre raison d'être
ici à matin — en tout
cas, pour moi — ce sont
eux avant tout, et c'est d'édifier cette société. Donc, on veut apporter
dans le débat notre contribution pour
dire : Il y a des dangers, il y a des dangers à faire ce passage de moins
d'impôt, de plus de taxes pour
différentes raisons, que ce soit le modèle qui est retenu, qui a été défini par
le ministère des Finances, pour lequel on pense qu'il est plus théorique
que concret. En tout cas, il n'y a pas d'application concrète à cet égard-là,
que ce soit au niveau de...
En
fait, ce qui est important, il ne faut pas se limiter au potentiel d'entrées
d'argent qu'on peut avoir, tu sais. Puis, quand je vous disais tantôt : On aurait 8 milliards de plus si
on n'avait pas fait des coupes depuis 1997, je ne vous dis pas, en vous disant ça, qu'il faut retourner au modèle de
1997, mon propos n'est pas là, M. le ministre. Mais il y a des choses
qui ont été faites qui sont bien, il y en a
d'autres que, bon... Mais il faut se garder une capacité de taxation pour
pouvoir venir en aide au monde, pour
être capable de combattre les inégalités sociales. Puis on réussit assez au
Québec, on devrait être fiers de ça, là. On devrait être fiers de ça,
c'est une de nos richesses. Alors, voyez-vous, on a beaucoup d'inquiétude, M.
le ministre, sur ce virage-là.
Puis,
comprenez-vous, ce n'est pas un blocage, ce n'est pas une attitude
corporatiste, c'est qu'on ne nous a pas convaincus de la justesse, et on prétend que, potentiellement, de se
limiter, c'est dangereux pour la société. Puis on pense que les hauts salariés peuvent contribuer plus.
Puis, moi, le truc d'exode des cerveaux que j'ai entendu tantôt, là, ça,
ça ne me fait pas peur pantoute, puis on pourra en discuter parce qu'il y a
d'autres éléments là-dessus.
• (11 h 10) •
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le ministre.
M. Leitão :
Écoutez, un dernier commentaire. Dans cette recherche de cohésion sociale, qui
est importante... Et je comprends votre
point de vue, mais il y a aussi l'autre point de vue qui nous suggère que les
contribuables québécois sont déjà à
leur limite, sinon même au-delà de la limite. Et donc, pour maintenir la
cohésion sociale, il faut trouver une façon
de donner un peu plus d'oxygène à la classe moyenne parce que le fardeau fiscal
est déjà très élevé tel qu'il est.
La
réforme qui est proposée, d'ailleurs, en termes d'impôt sur le revenu, bon,
c'est de le rendre plus progressif qu'il est maintenant. Comme vous avez d'ailleurs mentionné, avec
l'augmentation de l'exemption personnelle de base, avec l'introduction de différents paliers, si ça se
fait, ça rendrait l'impôt sur le revenu actuellement plus progressif. Mais,
bon, je vais m'arrêter ici. Je ne sais pas si, les collègues, vous avez des
questions que vous voulez aborder.
Le Président (M.
Bernier) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre mémoire, j'ai lu cela avec
énormément d'intérêt. Il y a quelque chose
qui m'a frappée. Je suis tout à fait d'accord que la fiscalité doit jouer un
rôle important pour combattre l'inégalité sociale. Je suis d'accord,
mais je crois que ça a aussi d'autres rôles à jouer.
Maintenant, à la page 7 de
votre mémoire, vous dites que des études récentes ont démontré que les ménages
médians canadiens profitent des services publics d'une valeur d'environ
41 000 $, qui représentent 63 % du revenu gagné — ça,
c'est au niveau canadien — et
qu'au niveau du Québec le ménage médian reçoit des services publics d'une valeur de plus que 37 300 $, qui
est moins de 41 000 $, et que cela représente 68 % du revenu
gagné. Et ensuite vous venez à la conclusion que ce n'est pas scandaleux
qu'au Québec les particuliers paient en impôt sur le revenu 6,5 milliards de plus que si on leur
appliquait la structure d'imposition en Ontario. Mon problème avec tous ces
chiffres-là, c'est que moi, j'aimerais voir
au Québec un salaire médian où 41 % représente 63 % du revenu gagné.
Je ne suis pas du tout heureuse que
37 300 $ ça représente 68 % du revenu médian et que... Il faut
faire quelque chose pour élever ces chiffres-là parce que je veux voir beaucoup plus de riches au Québec, beaucoup plus
de gens qui gagnent un bon salaire et qui incluent les gens que vous
représentez. Je viens d'un milieu qui était très humble parce que...
Le Président (M. Bernier) :
Il reste 1 min 30 s. Si on veut donner la chance à M. Vaudreuil
de répondre...
Mme de Santis :
Oh! je m'excuse.
Le Président (M. Bernier) :
...je vais lui laisser... Vous avez 1 min 30 s pour...
M.
Vaudreuil (François) : Bien,
écoutez, je suis d'accord avec vous, ça renvoie à un autre questionnement
qui est toute la question du développement
économique, qui me préoccupe beaucoup, mais il faut être bien conscient qu'à
travers le Canada il y a des structures
industrielles qui sont complètement différentes du Québec, et qui font en sorte
que le taux de productivité est plus
élevé, et qui font en sorte que les revenus sont plus élevés. Je veux dire, si
vous avez, je ne sais pas, 40 000,
50 000 emplois dans le secteur de l'automobile puis vous en avez
40 000, 50 000 dans le vêtement, bien, c'est sûr que vous
allez avoir des revenus moins élevés. Alors, c'est aussi une raison de la
structure économique de notre société.
Je suis
d'accord avec vous. Tu sais, on aimerait bien, là, que, de façon globale, ça
augmente. Mais ce qu'il faut se rappeler,
c'est que travailler à la prospérité, oui, c'est important, mais cette
prospérité-là ne se redistribue pas automatiquement. C'est juste ça. Et, pour que la redistribution
soit, selon nous, efficace, c'est qu'il faut combattre les inégalités sociales.
Voilà.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour, messieurs. Merci pour votre mémoire. Peut-être une question très simple, puis qui a quand même une
portée très large, je pense. Les auteurs de la commission ont choisi de
volontairement séparer, d'une certaine façon, les questions de croissance
économique, et les questions d'équité, et les questions
de justice sociale, et, dans le fond, l'exercice qu'ils ont fait, c'est
essayer... Moi, je n'ai pas été parfaitement convaincu, mais ils ont essayé, en tout cas, je pense, de trouver un
nouveau dosage des impôts qui accélérerait la croissance économique tout en n'endommageant pas trop le
niveau de justice sociale dans la société. Bon, on peut débattre de ce
côté-là, là, est-ce qu'ils sont parvenus ou
pas à faire ce qu'ils voulaient faire, mais, évidemment, une approche
alternative, ça aurait été de
dire : Il faut combattre simultanément les inégalités et trouver moyen de
stimuler la croissance économique. Et ces
deux choses-là ne sont pas séparées. Au contraire, elles sont associées. Alors,
simplement, quelle approche croyez-vous qu'on devrait utiliser?
Qu'est-ce que vous suggérez qu'on fasse comme exercice?
Le Président (M. Bernier) :
M. Vaudreuil.
M.
Vaudreuil (François) :
Merci. Alors, je pense que le mandat qui a été confié la commission et puis les
travaux que la commission a tenus
s'inscrivent dans une dynamique majoritaire, qu'on retrouve dans la majorité
des gouvernements actuellement, pour laquelle on met trop d'emphase sur
l'économie, puis on n'en met pas assez sur le monde.
Je vais vous
vous conter une anecdote. Je reçois du fédéral, de la ministre du Travail, une
lettre pour me dire qu'il faut
entreprendre une lutte contre la santé mentale parce que ça coûte des milliards
à l'économie canadienne, et ça finit à la fin avec un paragraphe pour
dire que les gens souffrent, alors qu'on aurait dû reprendre le contraire,
dire : On a une situation où il y a de la souffrance humaine, tout ça,
puis terminer... Alors, on met une emphase importante... C'est comme si tout
était économique, alors que ce sont deux choses qui sont conciliables. Ce sont
deux choses qui sont conciliables, mais la lutte aux inégalités sociales, tu
sais, quand on regarde les rapports du FMI, quand on regarde les rapports de
l'OCDE, dans toutes les sociétés occidentales ça gangrène les sociétés. Les
écarts entre les pauvres et les riches
augmentent, et puis ce qu'on dit, nous, c'est qu'il faut faire une veille
là-dessus puis s'assurer que les politiciens, que les programmes qu'on a vont véritablement lutter
contre la pauvreté, puis vont faire en sorte que les inégalités vont...
en tout cas, ne seront pas plus grandes qu'elles le sont actuellement, puis
qu'on va pouvoir conserver nos programmes.
Ce n'est pas
incompatible. Ce n'est pas incompatible à cet égard-là, puis on peut les jouer
ensemble. Puis, moi, qui représente
des gens, comme je vous disais, depuis 40 ans dans le secteur privé, vous
pouvez être sûrs que le développement économique,
on l'a à coeur. Puis, d'ailleurs, les gens ici, autour le savent, dans des
circonstances concrètes, on travaille pour conserver des emplois, puis
développer les emplois.
Alors, la
fiscalité, la fiscalité, ce qu'on dit, c'est qu'il doit y avoir un redosage. Le
redosage, il ne doit pas être entre moins
d'impôt puis plus de taxes, il doit être un équilibre entre l'économie et,
justement, la lutte aux inégalités sociales pour ne pas que ça devienne accessoire, mais ça devienne une majeure, ça
devienne une majeure au même titre... Puis ce qui nous fatigue
énormément, c'est ce discours dominant qu'on dans la société pour dire qu'on
paie trop d'impôt, alors qu'on devrait reprendre les
éléments, comme on a mis dans notre mémoire, pour dire que, dans le cas du
revenu médian québécois, c'est 68 % du
revenu gagné qui est donné en services publics. Ce n'est pas rien, là, ce n'est
pas rien en termes d'inégalités sociales.
Alors, il y a
une pédagogie, il y a une éducation à faire, et, dans le redosage, il faut
jouer ces éléments-là aussi. On est
tout à l'économie, là. Tu sais, c'est la valeur dominante, il n'y a plus rien
pour le monde, et puis, pendant ce temps-là, il y a des trucs... on
glisse, on glisse, puis notre contrat social est «shaké» à toutes les fois, là,
tu sais. Ça fait que...
• (11 h 20) •
Le Président (M. Bernier) : M.
le député de Rousseau.
M. Marceau : Merci pour votre
réponse. Je vais céder la parole à...
Le Président (M. Bernier) : M.
le député de Sanguinet.
M.
Therrien : Merci,
M. le Président. Alors, je vous
souhaite la bienvenue. Merci pour votre intervention. Écoutez, je suis nouveau dans la commission,
je suis arrivé ce matin, mais je suis la commission quand même,
là, depuis qu'elle a commencé. Alors donc, c'est très intéressant, ce
qui se passe ici.
Moi, il y a quelque chose, je vais vous dire,
qui me chicote, qui me fatigue. Parce que, d'abord, il faut arriver à des évidences. Ce qu'on a vu, d'après le modèle,
là, qui est utilisé, c'est qu'il y a des imprécisions quant à
l'évaluation des impacts que ça va avoir,
là, les changements de taxation. Il va y avoir des conséquences, puis on n'est
pas capable de cibler exactement ces
conséquences-là. Quand on dit : On va avoir une perte là puis un gain là,
avec les modèles de prévision économétriques
qu'on utilise, bien, les élasticités, qui ne sont pas nécessairement précises,
ça nous amène des imprécisions. C'est
un gouvernement qui lutte pour avoir le déficit zéro. C'est un gouvernement qui
coupe dans ses dépenses de façon sauvage. C'est un gouvernement qui taxe
plus, qui augmente ses tarifs pour y arriver. C'est ce qu'on voit.
Là, on a deux possibilités. On n'arrivera pas
sur la pine, là, il y a deux possibilités. Moi, j'ai peur soit qu'on sous-estime la rentabilité des revenus, donc qu'on
se dise : On va faire des mutations de taxes, mais on va s'arranger
pour en mettre plus pour en récolter plus
parce qu'à quelque part c'est bon pour le gouvernement de taxer plus... Bien,
en tout cas, pour ce gouvernement-là, ils nous l'ont prouvé depuis un
an. Deuxième possibilité, c'est de dire : On va faire une mutation de
notre taxation, mais on va s'arranger pour qu'il nous en reste moins. Puis ça,
c'est le profond désir du président du
Conseil du trésor, c'est de ratatiner l'État. Ça fait qu'ils vont dire :
Ah! bien, étant donné que les revenus sont plus faibles qu'on aurait pensé, bien, à ce moment-là, on va gruger
davantage nos dépenses, on va toucher davantage notre monde, les gens qui sont dépendants de l'État.
Puis on le sait que ceux qui sont dépendants de l'État, ceux qui ont
besoin de l'État, c'est ceux qui sont en péril, qui ont une situation
dramatique au niveau économique et social.
Vous n'avez
pas l'impression que ce qui se passe ici va avoir des conséquences qu'on n'a
pas encore soulevées, mais des
conséquences pratiques? Parce qu'on risque de soit augmenter les taxes des gens
ou d'augmenter les coupures sauvages qu'on a présentement. Moi, c'est
l'impression que j'ai, on est devant un prétexte.
Le Président (M. Bernier) :
M. Vaudreuil.
M. Vaudreuil (François) : Merci.
Bien, écoutez, pour nous, les... je l'ai mentionné, je n'ai peut-être pas été suffisamment clair, sur le modèle d'analyse qui
nous est proposé, on a beaucoup d'inquiétude parce qu'on n'a pas, à ce
jour, des résultats concrets, tangibles sur
le modèle qui est... puis d'autant plus que, ce modèle-là, on ne le connaît pas
vraiment. Pour nous, c'est une boîte noire,
là, tu sais. On sait qu'il y a une boîte noire, mais on ne sait pas où ça peut
nous amener. Ça fait qu'à cet égard-là, oui, il y a des inquiétudes
puis... il y a des inquiétudes, bon.
À savoir
est-ce que ça peut avoir comme conséquence que l'État récolte plus de revenus,
si c'était ça, on serait bien heureux
parce qu'on prétend qu'au moment où on se parle l'État a besoin de plus de
revenus. On n'est pas contre, au contraire,
que les argents soient bien dépensés puis qu'on agisse de façon rigoureuse,
puis qu'on développe des modèles qui sont meilleurs. Ce qu'on est
contre, c'est des mesures d'austérité qui viennent, par exemple, occasionner
toutes les difficultés qu'on retrouve dans
le système d'éducation au moment où on se parle, puis, bon, parce qu'on est à
la période de la rentrée scolaire. Et
notre inquiétude, c'est qu'il en reste moins, qu'il en reste moins. Et puis ça,
il ne faudrait pas que ça arrive. Il
ne faudrait pas que ça arrive parce que, si on veut conserver notre contrat
social, si on veut conserver notre société, on ne doit pas s'attacher les mains, on ne doit pas se peinturer dans le
coin puis dire : Je refuse d'avoir tout autre revenu. Nous pensons
que les personnes qui ont les revenus les plus élevés dans la société sont
encore capables de faire un effort. Ici, dans cette salle, là, je ne penserais
pas qu'il y a personne en bas du revenu médian, moyen, et puis, moi, personnellement, je suis capable de faire un
effort, ma contribution à la société quand je vois puis j'observe ce qui se
passe.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Granby.
M.
Bonnardel :
Merci, M. le Président. M. Vaudreuil et M. Pépin, bienvenue.
Rapidement, je n'ai pas beaucoup de temps,
il y a un sujet qui m'interpelle, c'est le transfert d'entreprise dans votre
mémoire. Puis je pense que le ministre des Finances devrait être attentif à ça parce que c'est une problématique
qui risque d'arriver de plus en plus avec des fermetures à gauche et à droite. Il y en a une chez nous, à
Granby, qui s'appelle Polyone, et c'est une des discussions qu'on aura
dans les prochaines semaines. On suit le
dossier de près avec le syndicat de l'entreprise à savoir comment on va être
capable d'assurer la pérennité de l'usine
parce que, bon, c'est une restructuration comme des centaines d'entreprises le
font dans le monde quand ils ont des positions un peu partout en
Amérique du Nord.
Puis j'aimerais ça que vous puissiez
peut-être peaufiner un peu plus, là, votre sujet, à savoir est-ce qu'il y a
des règles fiscales qui ont été appliquées
dans d'autres provinces. Vous dites qu'il y a eu des exemples. J'imagine que
oui, là, vous pourriez peut-être en nommer,
là, ailleurs au Québec, là. Mais est-ce qu'il y a des règles fiscales ailleurs
au Canada qui ont été appliquées pour, justement, soutenir ces travailleurs qui voudraient,
par la création d'une coopérative ou autre, là, par des actions, peu
importe, là... Parce que je pense que c'est un sujet qui mérite qu'on s'y
attarde, là, surtout avec la situation économique et le désarroi pour certains, là. On
voit que cette mondialisation amène beaucoup de PME de 50... Je viens juste de lire, là, voilà quelques minutes, Velan, là, qui vient de
mettre à la porte 110 employés. C'est 20 % chez nous, c'est 80 % à Montréal. Donc, c'est un
contexte pas évident, puis ça, c'est peut-être une avenue que le ministre des
Finances, en tout cas, pourrait se pencher, là.
Le Président (M.
Bernier) : M. Vaudreuil.
M. Vaudreuil
(François) : Oui, merci. On avait fait la proposition au rendez-vous
de Lévis voilà une couple d'années, là,
deux, trois ans, là. Je pense, c'est en 2011, en tout cas, si ma mémoire
m'est fidèle. Le Chantier de l'économie sociale, qui était présidé par
Nancy Neamtan, l'avait fait aussi, puis on ne s'était pas parlé ni un ni
l'autre, mais on avait la même
plateforme de revendications. À la CSD, on a vécu des expériences intéressantes
avec des coopératives de travailleurs actionnaires. On en a une, entre autres,
bien, pas très loin de chez vous — ce n'est pas dans votre circonscription,
là, c'est à Sherbrooke — où ça fait une dizaine d'années, dans le secteur
du textile, où on a autour de 150 emplois et pour lesquels on a développé un modèle de gouvernance
qui trouve les équilibres, qui procure à cette PME-là des expertises d'une multinationale et puis des salariés qui ont développé un nouveau modèle, et ça va très...
tellement mal que l'entreprise en a
acheté une autre en Caroline du Nord pour être capable de vendre encore plus,
et puis au moment où le dollar canadien valait plus encore que le dollar
américain, et c'est dans le textile.
Alors,
ce que je veux dire, c'est qu'on est capables de... Les entreprises où il y a
une coopérative... Et, dans le cadre des...
Quand on aura le temps, on pourra s'en parler si vous voulez, les coopératives de travailleurs actionnaires ne sont pas majoritaires,
hein, ce qu'on connaît, au niveau de l'actionnariat. Ça fait qu'il y a
toujours une dynamique, un débat dans l'entreprise qui fait qu'on est capable de créer les meilleures innovations, et non seulement les innovations économiques, mais
sociales aussi. Vous rentrez dans cette usine-là puis vous avez l'impression
que les gens s'amusent tellement
qu'ils sont heureux, tu sais. Il y a eu des développements fort intéressants,
il y a là un potentiel, mais il faut, au niveau de la fiscalité, pour l'entrepreneur qui possède... Parce que ça s'applique principalement dans les PME. Les actionnaires de la PME, il faut qu'il y ait un
intérêt fiscal, et c'est pour ça qu'on interpelle le gouvernement à ce
moment-ci, pour dire... Surtout dans le contexte démographique qu'on a au Québec
en 2015, ça devient intéressant. On en aura seulement 15, 20, 50, 100 entreprises,
au moins on aura sauvé quelques milliers additionnels d'entreprises par le...
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Granby, il vous reste deux minutes.
M.
Bonnardel : Rapidement,
là, ces travailleurs, hommes et
femmes, là, concrètement, là, c'est par l'accumulation de REER ou de
fonds de retraite qu'ils sont capables de prendre l'argent, à moins qu'ils
aient mis de l'argent de côté, j'imagine,
là, puis il n'y a pas de règles présentement au Québec qui vont aider,
j'imagine, ces travailleurs à dire : Écoute, j'ai accumulé 15 000 $ dans mon fonds de
retraite, dans mon REER, l'employeur en a mis autant la plupart du
temps, ou peu importe, là, puis là, si je
prends cet argent, qui a été durement gagné, là, je le mets dans un pote, là,
avec mes collègues, là... Il n'y a rien présentement, là, à ma
connaissance, là, qui...
Le Président (M.
Bernier) : M. Vaudreuil.
M. Vaudreuil (François) : Oui. Je suis d'accord avec vous, cette partie-là
est à développer. Mais, dans le cas que je vous parle, on a fait le
montage avec Desjardins Capital de risque voilà une dizaine d'années, et puis
Desjardins avait même pris des actions dans l'entreprise. Alors, on l'avait
fait, et, la contribution des salariés, Desjardins a fait un prêt aux salariés. Ça fait qu'on... C'est un truc,
entre guillemets, là, qui était intelligent. Mais oui, il faut que le ministre des Finances développe à cet égard-là d'autres outils. Puis, je veux dire, en tout cas, si l'idée est intéressante, on est prêts à apporter notre contribution pour, à partir de
notre expérience, vous expliquer ce qui pourrait être intéressant à cet
égard-là.
• (11 h 30) •
Le Président (M.
Bernier) : Dernière question, M. le député de Granby.
M.
Bonnardel :
Ça va.
Le Président (M.
Bernier) : Ça va? M. le député de Mercier.
M.
Khadir : Merci, M. le Président. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Très rapidement.
Vous avez mis le doigt dans votre
présentation et dans votre mémoire sur un élément central du rapport Godbout et des
travaux de M. Godbout au cours des dernières années qui, je pense,
principalement, viennent des contraintes ou du carcan imposés par les mandats qui sont donnés par le politique,
par exemple, dans le cas de cette commission.
L'essentiel, finalement, de ce que M. Godbout dit dans son rapport, c'est qu'on ne peut pas augmenter les
impôts parce que ça nuit à la productivité, ça nuit au revenu, ça nuit à la croissance, on doit plutôt
augmenter les taxes, qui nuisent moins. Puis son argument repose sur un modèle d'équilibre général. Vous avez raison, nous
non plus, nous n'avons pas trouvé les hypothèses de base sur quoi est bâti
ce modèle d'équilibre général. Peut-être
que le ministre des Finances pourrait nous aider lors des prochaines
interventions.
Cependant, ce que moi, je
comprends, c'est que la première prémisse, que ça peut nuire à l'économie,
est défaillante au moins à un égard.
C'est que ça tient le gouvernement comme étant uniquement une entité qui perçoit
des revenus, alors que nous savons que le gouvernement, qui perçoit des revenus, de l'autre côté, les dépense
majoritairement dans un certain nombre d'activités,
que ça soit en infrastructures, que ça soit en payant des employés pour des
services qui contribuent énormément à l'activité économique. Et ça, ce n'est
pas calculé dans ce modèle-là. Parce que nous avons posé la question à l'équipe Godbout. Donc, il y a
une faille majeure, hein? En faisant ces hypothèses, on omet de dire
que le gouvernement, qui retire de l'argent, bien, il réinvestit dans l'État.
C'est une contribution qui n'est pas calculée dans ce modèle.
Mais
j'aimerais vous entendre sur le coefficient de Gini. Parce que
votre intervention, qui met l'accent sur le contrat social, part du fait qu'il faut rappeler aux
élites économiques et aux élites politiques qui, depuis 20 ans
présentent l'impôt comme une espèce d'ogre, de monstre qu'il faut
combattre, comme étant plutôt le contraire. C'est-à-dire qu'il y a un énorme problème rattaché à ça parce qu'en fait, comme nous l'avons dit, moi, je l'ai présenté, et on
peut aller voir dans tous les pays les indices, là où il y a le moins
d'inégalités de revenus...
Le
Président (M. Bernier) : M. le député de Mercier, si on veut
avoir une réponse de M. Vaudreuil, il faudrait passer à lui.
M.
Khadir : Alors, pourriez-vous nous parler du coefficient de
Gini et le rapport avec la qualité de vie dans les sociétés où les
inégalités sont les plus basses?
Le Président (M.
Bernier) : Vous avez une minute, M. Vaudreuil, pour répondre.
M. Vaudreuil (François) : Bon. Alors, le coefficient de Gini, je pense que
tout le monde le sait, ça vient d'un économiste, là, qui a mis un
instrument de mesure, un indicateur concernant l'évaluation qu'on fait des
inégalités sociales, zéro étant parfait et puis
un étant ce qu'il y avait de pire comme situation. Nous, ce qu'on pense à la
CSD, c'est que le coefficient de Gini, il est aussi important que le PIB
quand on parle de fiscalité.
Le
Président (M. Bernier) : Merci. M. Vaudreuil, M. Labbé, merci de
votre participation à la Commission des finances publiques.
Donc, compte tenu de
l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'après les affaires
courantes.
(Suspension de la séance à
11 h 34)
(Reprise à 16 h 26)
Le
Président (M. Bernier) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît!
Donc, la commission va reprendre ses travaux, et nous avons le plaisir de recevoir, en cette fin d'après-midi, Desjardins
Capital régional et coopératif. Bienvenue. Ça nous fait grand plaisir.
Donc, Mme Marie-Claude Boisvert, qui est ici présente, et monsieur...
Une voix :
Morin.
Le
Président (M. Bernier) : Bruno. Merci beaucoup. Vous avez
10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite suivront les
échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.
Desjardins Capital régional et coopératif
M.
Morin (Bruno) : Merci, M. le Président. Alors, d'abord, M. le
président de la commission, M. le ministre, membres de la commission, d'abord, merci de nous recevoir et de nous
donner l'occasion de parler de CRCD, répondre à vos questions. Tel que mentionné, je suis Bruno Morin. Je suis
administrateur de CRCD et directeur général depuis 2005. Je suis accompagné de Mme Boisvert, Marie-Claude
Boisvert, qui, elle, est chef de la direction de Desjardins Capital de
risque, qui est, en fait, notre gestionnaire.
Historique rapide.
CRCD, société publique créée par le gouvernement du Québec en 2001 avec le
concours du Mouvement Desjardins, avec comme
mission de mobiliser des capitaux par appels publics à l'épargne en vue
d'investir dans les entreprises et les
coopératives dans toutes les régions du Québec, dont notamment l'obligation
d'investir 35 % de son capital dans les régions ressources et
dans les coopératives.
Le
fonds, à date, a émis des souscriptions pour 150 millions par année de
2001 à 2013 avec un crédit d'impôt de 50 %, à l'exception de 2007, alors que le crédit d'impôt était à
35 %. Nous n'avons alors réussi à vendre que 70 millions de l'émission totale du 150. Le solde de
80 millions a été reporté à l'année 2008 et a été vendu avec 50 % de
crédit d'impôt.
Pour
2014, l'émission fut seulement de 63 millions. C'est le maximum qui est
prévu par la loi à ce moment-ci. Notre
capital maximum étant de 1,25 milliard, on ne pouvait dépasser le
63 millions de vente, et donc ce fut émis à 45 % de crédit
d'impôt.
Pour 2015, une
autorisation exceptionnelle du ministère des Finances... D'ailleurs, je tiens à
remercier ici le ministre Leitão pour nous avoir permis d'émettre
150 millions de dollars à 45 % de crédit d'impôt. Le capital-actions
du fonds, actuellement, se situe à 1,35 milliard.
Une particularité de CRCD, c'est qu'il
ne compte aucun employé. Il opère par l'entremise d'un mandat de gestion
qui est donné à Desjardins Capital de risque
pour gérer l'ensemble des affaires de la société en fonction des
orientations qui sont données, bien sûr, par le conseil d'administration de
CRCD.
J'aimerais
donc, à ce moment-ci, introduire Mme Boisvert, qui pourra vous entretenir sur
les réalisations, les défis et les enjeux de notre société.
Le Président (M.
Bernier) : Mme Boisvert.
• (16 h 30) •
Mme Boisvert
(Marie-Claude) : Oui, bonjour. Alors, nous avons choisi de vous parler
spécifiquement des éléments qui touchent
CRCD dans le rapport Godbout. Ainsi, le premier élément positif, c'est qu'on a
constaté que la commission reconnaît toute la pertinence des fonds
fiscalisés, on en était très heureux.
Aussi,
à la recommandation 37, la commission recommande d'augmenter de 60 % à
70 % la portion minimale des investissements dans les PME. CRCD
accueille très bien cette recommandation-là. D'ailleurs, dans sa dernière planification stratégique, le conseil
d'administration avait donné comme commande aux gestionnaires de même
dépasser la norme, voire d'arriver à un 65 %
de dollars déboursés, alors que la norme, c'est sur les dollars engagés envers
les sociétés, et ce, malgré le fait que, depuis 2010, Capital régional
utilise un levier extrêmement important.
Avec la confiance de
la Caisse de dépôt et placement du Québec, on gère également aujourd'hui plus
de 220 millions de dollars. Donc,
chaque dollar investi... Bien, pour les investissements de 5 millions et moins, chaque dollar investi depuis 2010 par CRCD est accompagné d'un
dollar de la Caisse de dépôt et
placement du Québec,
et ce, avec les mêmes normes pour
l'argent qu'on utilise de la Caisse
de dépôt que Capital régional. M.
Morin vous mentionnait qu'au-delà de la norme du 60 % CRCD doit investir 35 % dans les régions ressources et les
coopératives. Alors, la même règle est demandée, même si l'argent ne
compte pas, mais avec l'argent de la Caisse de dépôt.
On
a aussi été chercher un autre levier, de l'argent de Crédit Mutuel, France, qui
a parti un fonds ici, au Québec, nommé
Émérillon. Alors, un autre effet de levier pour financer l'innovation
technologique au Québec. En fait, au cours des trois dernières années,
c'est 200 millions de dollars qui ont été investis avec l'écosystème — par
année — créé
par CRCD. En vrais termes, par exemple, en
2014, l'obligation réglementaire pour CRCD était d'investir 90 millions
dans les PME du Québec. Avec l'écosystème
créé, le réel a été de 193 millions de dollars. Cette année, en 2015, avec
les chiffres au 30 juin, M. Morin
mentionnait qu'on a levé 63 millions de dollars en 2014, donc l'obligation
serait d'investir 38 millions de dollars. Mais, après six mois,
c'est 61 millions de dollars investis dans 52 entreprises.
Aussi, à la
recommandation n° 37, la commission recommande l'abolition du plafond pour
que CRCD puisse émettre 150 millions de
dollars par année. Évidemment, on accueille très bien cette recommandation-là
parce que, je vous dirais, comme
gestionnaire, avec une équipe qui est mobilisée à travers le Québec et qui est
capable d'investir 200 millions par année, vous comprendrez que, si
je lève 60 millions, il y a un problème pour planifier les années
subséquentes.
Également,
chaque matin, on se lève, et puis, oui, il y a les actionnaires de CRCD, mais
l'autre partie, il y a le contribuable qui fournit le crédit d'impôt.
Alors, dans nos stratégies d'investissement, on cherche toujours à arriver à l'équilibre entre le rendement et le développement
économique. Pour nous, c'est extrêmement important. Donc, au-delà de l'argent, CRCD s'est engagé à garder et valoriser
le meilleur de l'entrepreneuriat d'ici. Comment on l'exprime? Bien, je pourrais vous en parler pendant une semaine, mais
je vais vous énoncer au moins deux particularités. En fait, on est très actifs dans le transfert d'entreprise parce qu'on
veut préserver le patrimoine au Québec. Donc, on fait des choses que le privé ne ferait pas. Par exemple, en région
éloignée, quand une épicerie, le propriétaire, l'épicier n'a pas une relève
qui a les moyens de racheter son entreprise,
mais qu'il a besoin, lui, de l'argent pour sa retraite, bien, nous, on a
développé des produits financiers
pour accompagner la relève dans des secteurs qui, normalement, ne sont pas
couverts par le capital de développement.
Autre
élément, il y a de belles moyennes entreprises. En fait, on n'a pas assez de
moyennes entreprises au Québec. Donc,
les quelques-unes qu'il nous reste, il faut les garder ici. Donc, on a élargi
la politique d'investissement, puis on a accepté, depuis quelques années, de devenir, si nécessaire, actionnaire
majoritaire. Au-delà de ça, dans le transfert, on a entouré nos entreprises. On a un club
d'administrateurs externes, des administrateurs externes choisis pour leurs
qualités de coach, pour accompagner les
nouveaux entrepreneurs qui, effectivement, prennent la relève de l'entreprise.
On favorise également la participation des employés à l'actionnariat.
Et, quand on peut le faire, on met en place une coopérative de travailleurs
actionnaires.
Notre
deuxième ambition, 75 % des entreprises au Québec ont moins de 10 employés,
alors nous, on souhaite contribuer à augmenter le nombre de moyennes
entreprises. Comment on le fait? Bien, on permet aux entrepreneurs d'avoir le privilège... Le CRCD, c'est un fonds
pérenne. Donc, on est devenu un investisseur patient, prêt à accompagner
l'entrepreneur à chaque étape de sa croissance. On développe des nouvelles
façons de faire. On est très actifs dans le maillage
d'entreprises. Donc, on veut créer de la consolidation, on veut que les gens,
aussi, créent des pôles fournisseurs-clients, puis aussi on veut mettre
ensemble des entreprises qui, ensemble, peuvent aller chercher des mandats à
l'international.
Encore
récemment, le conseil d'administration de CRCD a autorisé une nouvelle façon de
faire. Un problème dans la croissance
des entreprises aujourd'hui, c'est qu'elles sont trop endettées. Vous savez,
avec les taux d'intérêt très petits,
les entrepreneurs n'ont pas tendance à capitaliser leurs entreprises. Alors, on
sort un tout nouveau produit — en tout cas, je pense que c'est le plus démocratique
produit de capital qu'on n'a jamais mis en place — pour convaincre les entrepreneurs de capitaliser leurs entreprises,
puis là avoir des rêves d'acquisition, de développement puis
d'investissement dans l'innovation et la productivité.
Ça, c'étaient les éléments positifs. Évidemment,
il y a des éléments qui nous préoccupent dans le rapport de la commission
Godbout. Et, à ce stade, je passerais la parole à M. Morin.
M. Morin (Bruno) : Merci.
Merci beaucoup. Je vais maintenant aborder les recommandations 36 et 38 du
rapport Godbout, qui sont, en fait, la réduction du crédit d'impôt de 45 %
à 25 %... (panne de son) ... il faut se rappeler qu'il était de 50 % jusqu'en... Et également
l'autre volet, la durée minimale de détention, qui passerait de sept ans à
10 ans.
Je poserais la
question en parlant d'abord du profil de nos actionnaires. Notre actionnaire
type est un jeune retraité, moyenne d'âge, en fait, 59 ans, qui recherche
un véhicule de placement intéressant tout en contribuant au développement économique du Québec. Notre action
n'est pas éligible aux REER et doit être détenue pour un minimum de sept
ans. Avec la recommandation du rapport Godbout, ça passe à 10 ans. Par
contre, après cette période, dès que l'actionnaire
rachète un montant, peu importe lequel, il n'est plus éligible à cotiser pour
les autres émissions. Notre modèle d'affaires,
compte tenu de notre mission, des règles à respecter, on parle du 35 % en
région, etc., prévoit un rendement pour
la société entre 1,5 % et 2 % par année seulement. C'est le rendement
qu'on génère, puis on regarde les dernières années, c'est ce qu'on a fait. Donc, sans crédit d'impôt intéressant, il
devient très peu attrayant pour un actionnaire d'investir dans du capital de risque. 25 % de crédit d'impôt
pour une durée de 10 ans, le rapport Godbout le mentionne, on parle
d'un rendement de 2,9 %. Pour du capital de risque, vous conviendrez que
c'est assez faible.
Suite à des sondages
effectués auprès de nos actionnaires, il nous apparaît qu'un crédit d'impôt de
40 % serait suffisamment attrayant pour
continuer d'émettre 150 millions par année, nous permettant, entre autres,
de faire face au retrait potentiel
parce que, très important ici, il faut mentionner qu'on a actuellement un
capital de 477 millions, soit le tiers de notre fonds...
Le Président (M.
Bernier) : Il faudrait conclure parce qu'on...
M. Morin
(Bruno) : ... — je
conclus — le
tiers de notre fonds qui est éligible au rachat et qui le serait sûrement,
advenant un crédit d'impôt moins intéressant. Donc, l'allongement de la période
de détention pourrait être acceptable, mais
il faudrait que ça soit assorti d'un crédit d'impôt qui soit suffisamment
intéressant pour être en mesure de retenir
nos actionnaires et de continuer, finalement, à faire en sorte que ces gens-là
puissent investir pour qu'on puisse respecter, finalement, notre
obligation d'investir 35 % dans les régions ressources, ce qui est très
dispendieux en termes de ressources.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le ministre, la parole est à vous.
M.
Leitão : Très bien. Merci, M. le Président. Alors, Mme Boisvert, M.
Morin, bonjour. Merci d'être là et de nous parler, donc, de votre réaction à la commission Godbout. Je sais aussi
que vous aviez présenté un mémoire au début de la commission, donc,
quand ils faisaient leur tournée. Donc, vous avez participé au processus, et
c'est très apprécié. Évidemment, nous sommes bien au courant de l'utilité et du
rôle que votre organisation joue dans le développement économique régional du
Québec et le développement économique tout court.
Plusieurs choses que
vous avez mentionnées que je trouve intéressantes, mais, puisque nous n'avons
pas beaucoup de temps et je veux laisser aux collègues un peu de temps aussi
pour parler, la question, qui a été soulevée, d'ailleurs,
par d'autres personnes avant vous, du transfert d'entreprise, évidemment, dans
le budget, nous avons mis des mesures — dans le dernier budget — pour les entreprises agricoles surtout et
pour le transfert entre personnes liées, donc de la même famille. Maintenant, sur le terrain, comment vous voyez la
problématique pour ce qui est du transfert d'entreprise entre personnes non liées, donc le transfert
d'entreprise, que ce soit vers les employés qui forment une coop ou
quoi... ou vers d'autres personnes? Comment vous voyez cette question-là?
Le Président (M.
Bernier) : Oui, allez-y, madame.
• (16 h 40) •
Mme Boisvert
(Marie-Claude) : En fait, on n'est, à mon avis, qu'au début de la
vague de transferts. Les entrepreneurs, ce n'est pas des gens qui parlent
beaucoup, hein, et puis qui sont dans leur milieu. Alors, ce n'est pas des sujets qui... Ils ne vont pas nécessairement
s'ouvrir à tous. Donc, on a besoin de faire beaucoup, beaucoup
d'éducation, donner de l'information. C'est
pour ça qu'au cours des deux dernières années on a fait une très grande tournée
du Québec, on la continue, pour, justement, essayer d'aborder... surtout
de convaincre les cédants de céder au bon moment et de planifier la relève.
Je
vous dirais qu'en termes de repreneurs, sincèrement, on a des téléphones chaque
semaine de jeunes — c'est une
très bonne nouvelle — qui
souhaitent se porter acquéreurs d'entreprises. Mais maintenant il faut, avec
nos produits financiers, convaincre,
rassurer les entrepreneurs cédants puis leur dire : Vous savez, vous
pouvez commencer. Avant, on ne le faisait pas. Avant, jamais on
n'aurait, par exemple, matérialisé une portion de l'actionnariat d'un individu
avant qu'il quitte.
Exemple, un
entrepreneur a 100 % de son entreprise, il veut quitter dans les sept
prochaines années. Bien, aujourd'hui, on va
accepter d'investir pour lui permettre de matérialiser une partie de son
patrimoine. Donc, avec le rachat d'actions,
on va lui mettre un peu d'argent dans les poches. Mais, comme ça, en ouvrant
son capital, il va pouvoir aller chercher
une relève. Et souvent, aujourd'hui, la relève est constituée de rarement une
seule personne, on voit souvent des équipes
de trois à cinq personnes. Donc, beaucoup d'éducation encore, beaucoup
d'information, convaincre les entrepreneurs qu'on a des outils. On
utilise beaucoup le programme Relève Québec, qui sert à financer une partie...
à doubler, en fait, l'investissement d'un
entrepreneur au moment qu'il investit dans une entreprise. Alors, il y a
beaucoup de produits, mais il faut se rendre jusqu'au cédant.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le ministre.
M.
Leitão : Très bien. Et, sans vouloir vous forcer à révéler quoi que ce
soit, mais je suis aussi intéressé à avoir plus d'information sur les relations, donc, de votre organisation avec
le Mouvement Desjardins. Vous avez dit que, bon, il y a une complémentarité avec les prêteurs
commerciaux. Encore une fois, sur le terrain, comment ça se passe entre
votre organisation et vos cousins de Desjardins?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Boisvert.
Mme
Boisvert (Marie-Claude) : En fait, c'est sûr qu'on est capables
d'investir 200 millions par année parce que le Mouvement Desjardins est près du milieu. Donc, évidemment, mes
employés sont installés dans des endroits — la plupart, les centres financiers
aux entreprises — répartis
dans 24 places d'affaires au Québec. Alors, ils peuvent faire du développement d'affaires conjoint. Par ailleurs,
du moment qu'il y a un intérêt de financement, il y a vraiment un mur de
Chine qui s'installe. Alors, tout ce qui se
fait au crédit, je ne le vois pas — en fait, le directeur de comptes peut le
faire de son côté — et puis tout le processus décisionnel est
dans une unité propre avec des représentants externes, dont, en fait,
les membres nommés par le conseil d'administration de CRCD, et on a trois
comités d'investissement.
Par la suite,
bien, évidemment, dans notre portefeuille, je vous dirais qu'il y a une partie
de nos entreprises qui font affaire avec Desjardins, mais une très
grande partie font affaire également avec d'autres institutions financières
parce que, nous, ce qu'on fait, c'est que...
J'utilise souvent l'expression : On n'est pas chauffeurs d'autobus. Donc,
on n'opère pas les entreprises. C'est pour ça que, dans notre philosophie,
quand on investit en capital-actions dans les entreprises, on demande à l'entrepreneur de mettre en place un
conseil d'administration, mais ce ne sont pas nos employés qui siègent même au conseil d'administration, ce sont des
gens, des administrateurs externes qu'on a qualifiés, qu'on a nommés et qu'on forme régulièrement, qu'on forme pour que,
justement, ils puissent aider les jeunes entrepreneurs à se développer
puis les accompagner pour faire des acquisitions puis pouvoir penser plus
grand.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M.
Leitão : Très bien. Merci beaucoup. Alors, je comprends bien l'enjeu
du crédit d'impôt. Bien sûr, c'est très important. Vous avez des
questions, les collègues? Allez-y.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Pontiac.
M. Fortin (Pontiac) : Merci, M. le
Président. Bonjour. Bienvenue. Vous savez, les gouvernements, souvent,
cherchent par plusieurs moyens d'encourager l'épargne, et je me demande de... À
votre avis, selon votre perception, est-ce
qu'une réforme dans sa globalité... Parce que, là, vous avez touché à des
enjeux spécifiques, des recommandations spécifiques. Mais, si on regarde la prémisse de base, qui est
essentiellement de réduire les impôts et de laisser des choix de consommation à faire ou d'épargne à faire aux
consommateurs, est-ce que la réduction de l'impôt pour laisser à des
choix de consommation peut encourager l'épargne de façon significative?
Le Président (M. Bernier) :
M. Morin.
M. Morin (Bruno) : Bien, si je peux
répondre, c'est que vous avez raison, dans le sens qu'en ce qui nous concerne notre actionnaire, en fait, c'est un
véhicule de placement qu'il utilise lorsqu'il vient chez nous. O.K.? Ce
n'est pas un fonds de retraite. Je ne pense
pas, là, honnêtement, là, qu'on favorise l'épargne de façon importante ou que
les gens vont épargner plus parce qu'ils achètent des actions de CRCD.
Ils utilisent ce véhicule-là, qui apparaît intéressant, et, par le fait
même — puis
on les sensibilise à ça, puis les gens sont sensibilisés à ça — ils
contribuent au développement économique du
Québec. Les gens sont sensibles à ça.
O.K.? Et c'est pour ça qu'ils vont placer une petite partie de leurs
avoirs dans le CRCD.
Donc, je ne
pourrais pas vous dire que... Parce que ce n'est pas un fonds de retraite non
plus. Notre profil, je l'ai mentionné
tout à l'heure, ce sont des gens qui sont déjà retraités. 70 % ont entre 50 et 71 ans, mais c'est
vraiment un choix de placement qu'ils font et une contribution qu'ils
font aussi au développement économique. C'est ça que je peux vous dire.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député, avez-vous...
M. Morin (Bruno) : Avec le modèle
qu'on a actuellement, bien sûr.
Le Président (M. Bernier) : O.K.
M. Fortin (Pontiac) : Peut-être une
autre question si vous permettez, M. le Président.
Le Président (M. Bernier) :
Oui, allez-y, M. le député.
M. Fortin
(Pontiac) : Vous avez touché
à des recommandations spécifiques, là, certaines que vous étiez en faveur,
certaines qui vous étaient moins favorables.
Quand vous parlez de la réduction du taux pour le crédit d'impôt applicable aux achats d'actions de CRCD, vous avez dit que vous
seriez prêts à accepter une réduction, mais seulement à 40 % environ sur 10 ans. 5 %, c'est tout ce qu'on peut
faire, c'est tout ce qui est acceptable. Pourquoi une de 5 %? Pourquoi pas
10 %? Qu'est-ce qui vous amène à ce chiffre-là?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Boisvert.
Mme
Boisvert (Marie-Claude) : C'est parce que, quand le fonds a été mis en
place, il y avait... D'abord, il a été mis
en place pour une période de temps limitée, 10 émissions. Quand le fonds est
devenu pérenne, les caractéristiques sont demeurées les mêmes. C'est-à-dire que, comme le mentionnait M. Morin,
c'est qu'un actionnaire va acheter son action, a l'obligation de la
garder sept ans pour conserver le crédit d'impôt, mais, la journée qu'il
demande le rachat, il ne peut plus en
acheter. Ce qui fait qu'avec le temps s'est construite une bulle. Or, on l'a
mentionné tout à l'heure, CRCD a choisi, puisque ce n'est pas un fonds
de pension, de vraiment faire du capital de risque, puis c'est pour ça qu'on
est prêts à avoir une plus grande tarte dans les PME.
Le reste, on doit le garder pour racheter nos
actionnaires. Mais gérer avec 467 millions de dollars potentiels de rachat en 24 heures, je peux vous dire que ça
demande à utiliser des instruments financiers aussi très «low
profile»... très liquides...
Une voix : Sécuritaires,
sécuritaires.
Mme
Boisvert (Marie-Claude) : Très sécuritaires, puis ça amène même la
pression à la baisse sur le rendement. Ça
fait qu'un changement drastique du crédit d'impôt, un, pourrait amener une
sortie massive des actionnaires qui nous inquiéterait. Puis, par ailleurs, pour le long terme, comme le
mentionnait si bien M. Morin, c'est que, là, le plan de match serait
différent. Quand on dit qu'on investit dans les régions ressources, bien,
évidemment, ça augmente le risque de portefeuille.
M. Morin
(Bruno) : Donc, dans le fond, il y a deux, trois éléments.
Premièrement, notre rendement, notre profit qu'on fait annuellement
n'est pas très élevé pour les raisons qu'on vient d'expliquer. Nous, en 2007,
on a fait une émission de 150 millions
à 35 % de crédit d'impôt, on n'a réussi à en vendre pendant 16 mois que
70 millions sur le 150. La balance,
on l'a vendue... réussi à le vendre à 50 %. On a fait une enquête, il y a
deux ans, auprès de nos actionnaires, qui nous ont clairement dit, parce qu'on avait des tableaux avec des tables,
et la réponse était claire : Aller jusqu'à 40, ça peut aller, mais, en bas de 40, je pense qu'on va avoir
des problèmes si on ne change pas notre modèle d'affaires pour réussir à
générer une profitabilité plus grande. Ça, ça veut dire faire moins de petits
dossiers qui nous coûtent plus cher.
Le Président (M. Bernier) :
Oui, il reste une minute.
M. Fortin
(Pontiac) : Oui, rapidement, il y a deux recommandations auxquelles
vous vous opposez, là, la réduction du taux et l'augmentation de la
période de détente. Lequel est le plus acceptable des deux?
M. Morin
(Bruno) : La période est plus acceptable que le taux, mais c'est une
combinaison des deux, tu sais, parce que
période, taux, c'est ça qui génère, finalement, l'économie annuelle. Donc,
évidemment... Mais, personnellement, je crois que c'est plus facile de
vivre avec la période qu'avec le taux.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau : Oui. Merci, M. le Président. Alors,
Mme Boisvert, M. Morin, bonjour. Merci pour votre intervention, puis vos réponses. Peut-être pour m'éclairer puis
éclairer peut-être les autres collègues, vous parliez de petites
interventions, là, il y a une minute. Pouvez-vous
juste développer un peu là-dessus, quels types d'interventions vous faites
majoritairement? Quelle taille d'intervention?
Mme Boisvert (Marie-Claude) : Les
entreprises?
M. Marceau : Oui.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Boisvert.
Mme Boisvert (Marie-Claude) : Les
investissements?
M. Marceau : Oui, oui, oui.
Le Président (M. Bernier) :
Oui, allez-y.
• (16 h 50) •
Mme
Boisvert (Marie-Claude) : En fait, le très gros de notre activité...
Voyez-vous, là, il y a au moins 75 millions de dollars d'investissement par année qui est dans les petites sociétés
en bas de 1 million. O.K.? Puis, l'autre portion, on fait généralement
un ou deux rachats par année puis beaucoup de réinvestissement. Tantôt, je vous
mentionnais qu'on travaille beaucoup
à l'intérieur même de notre portefeuille, on a à peu près
400 entreprises dans notre portefeuille. Alors, on essaie de générer le plus
de réinvestissement possible parce
que... Je vous mentionnais que notre
rêve, c'est de voir grandir ces entreprises-là, puis on fait vraiment
des exercices de maillage... Alors, notre objectif, ce n'est pas que le premier
investissement, c'est comment on peut amener l'entrepreneur à vouloir se développer
puis, dans le fond, semer l'allergie, là, de devenir gros.
Puis on met ensemble surtout nos jeunes entrepreneurs, puis ils s'aident entre
eux.
Un exemple typique,
on a une société dans notre portefeuille où on a pris le président, le P.D.G.,
puis on lui a demandé de siéger au conseil d'administration d'une autre entreprise. Bien, ces deux entreprises-là
se développent mieux, puis les entrepreneurs se développent mieux. Ça
fait qu'en moyenne, là, je me répète, mais le gros de notre activité, c'est vraiment dans les petits dossiers. Puis, le
reste, on va peut-être faire, je ne sais pas, moi, cinq, six dossiers à
10 millions environ.
M.
Marceau : Donc, pour simplifier, là, si, donc, le gouvernement
s'aventurait à réduire de façon trop importante le crédit d'impôt ou allonger trop... à une trop longue période la durée
de détention minimale, vous allez devoir sacrifier des petits dossiers
puis vous concentrer pour faire plus de rendement sur les plus gros dossiers,
et donc c'est ces petites entreprises qui
sont en éclosion présentement ou bien que vous avez commencé à suivre, là, dans
le temps qui vont souffrir de ça. C'est ce que vous nous dites?
Mme
Boisvert (Marie-Claude) : Puis même plus, même les plus gros dossiers.
Aujourd'hui, avec la capitalisation limitée,
on a, par exemple, fait un rachat d'entreprise il y a trois, quatre ans, et
puis l'entreprise a fait quelques acquisitions, on a réinvesti deux
fois, mais là on est déjà à la limite de la capitalisation, la proportion, la
taille de l'entreprise par rapport à notre
fonds. C'est pour ça qu'on travaille au quotidien à aller chercher même
d'autres capitaux à l'extérieur, parce qu'on n'est pas suffisants.
M. Marceau :
Vous avez deviné où je... Je voulais vous demander aussi comment vous vous
placez dans l'écosystème du financement
d'entreprises au Québec. Est-ce que vous êtes en collaboration avec plusieurs
autres acteurs?
Mme
Boisvert (Marie-Claude) : On est obligés. En fait, moi, je pense
que... Au niveau du marché, évidemment, on est très, très près du milieu... D'après moi, on est dans les
premiers, là, dans les petits dossiers en termes de nombre de dossiers
parce qu'on est vraiment sur le terrain partout.
Et
puis, après ça, on travaille en collaboration. Comme je le mentionnais, c'est
qu'après deux, trois investissements il
faut qu'on aille chercher des partenaires parce que la taille du fonds ne nous
permet pas à dépasser un certain montant d'argent dans une même société.
D'ailleurs, en 2014, on a dû matérialiser quelques dossiers parce que, comme on
n'avait levé que 63 millions, là, moi,
il faut que je sois capable de dire oui aux entrepreneurs. Ça fait qu'on a été
obligés de matérialiser des dossiers, bon, qui... Ça faisait longtemps qu'on
était dedans, mais il faut avoir une gestion assez équilibrée du portefeuille.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député.
M.
Marceau : O.K. Oui. Puis, dans le rapport de la commission
Godbout, la composante régionale est à 35 %, ils proposent de la laisser inchangée. Avez-vous des
commentaires à formuler sur cette proportion régionale? Vous n'avez pas
abordé cette question véritablement.
Le Président (M.
Bernier) : Mme Boisvert ou M. Morin? M. Morin.
M. Morin
(Bruno) : Moi, je pense qu'on peut vivre avec... Je pense que le
gouvernement se priverait d'un facteur
important ou un avantage important qu'on a. Il y a un réseau Desjardins un peu
partout qui peut nous faire des références,
nous référer des dossiers pour qu'on puisse faire des petits dossiers, puis ça
nous permet une présence également dans
toutes les régions du Québec. C'est un gros avantage. On réussit à le faire à
un coût élevé, mais à moindre coût qu'à peu près tout le monde pourrait
le faire. Donc, je pense qu'on devrait maintenir le 35 % pour nous forcer
à le faire. C'est porteur et ça vaut la peine.
Par contre, si on
nous limite tellement au niveau du crédit d'impôt que, pour réussir à lever des
fonds, il faut générer un rendement, par
exemple, de 6 %, 7 %, 8 %, bien là, à ce moment-là, on n'aura
pas le choix de demander de réduire cette obligation-là parce que,
sinon, on n'y arrivera pas.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député.
M.
Marceau : Ou bien, si on le voyait autrement puis si on
disait : On va maintenir le crédit d'impôt, mais on va vous
demander un peu plus du côté de la composante régionale, comment est-ce que
vous réagiriez à ça?
Le Président (M.
Bernier) : Mme Boisvert.
Mme Boisvert
(Marie-Claude) : Bien, je vous dirais que le 35 % de 70 %
serait déjà très...
M. Marceau :
Ça commence à être beaucoup.
Mme Boisvert (Marie-Claude) :
Mais il faut que vous sachiez que, dans les faits, on le fait. Mais, comme
on a un partenaire qui est la Caisse de dépôt puis on a convenu de prendre un
dollar et un dollar... En fait, si vous comptez l'impact de notre investissement avec la Caisse de dépôt, on est
capables de le faire, puis on est capables de faire mieux, même. Parce
qu'on le fait déjà en double, mais il n'est pas calculé dans notre 35. Ça fait
que, dans le fond, il est fait deux fois.
Le Président (M.
Bernier) : Merci.
M. Marceau :
Parfait. Je vais peut-être laisser mon collègue...
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Sanguinet, il vous reste environ
2 min 30 s.
M.
Therrien : Merci, M. le Président. Écoutez, très
intéressant. C'est là qu'on voit que les crédits d'impôt peuvent faire
en sorte, là, d'amener un dynamisme, surtout dans les régions qui en auraient
bien besoin.
Moi,
j'aurais une question simple à vous poser, mais c'est par rapport à la relève
agricole parce qu'on sait qu'il y a
des problèmes, là, que le prix des propriétés est très élevé, puis souvent les
jeunes n'ont pas les reins assez solides pour prendre la relève. Est-ce que vous, là, avec le crédit actuel, vous
intervenez beaucoup dans ce domaine-là? Et, avec les changements
apportés ou qui pourraient être apportés suite au rapport Godbout, qu'est-ce
que ça changerait?
Le Président (M.
Bernier) : Mme Boisvert.
Mme
Boisvert (Marie-Claude) : Oui, merci. En fait, on a déjà participé à
la création de l'initiative qui est le fonds FIRA pour, justement, le financement de la relève agricole. On est en
train de réviser la façon de l'aborder parce que, très sincèrement, au début, il avait été créé pour les
gens qui étaient non apparentés. On pensait que le marché était
important. Finalement, ils n'ont pas eu vraiment besoin de nous parce que le
milieu financier couvrait l'espace.
Là,
on est en train de revoir la politique d'investissement pour voir si on peut
l'élargir. Le conseil d'administration du
CRCD est très ouvert à être actif. Évidemment, on n'a pas l'expertise chez
nous, mais on travaille avec La Financière agricole puis on est des
participants, en tout cas, très ouverts. Si on peut faire plus, on veut bien le
faire.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député.
M.
Therrien : Avec les changements qu'on propose dans le
rapport Godbout, est-ce que ça change quelque chose dans votre approche?
Le Président (M.
Bernier) : Mme Boisvert.
Mme
Boisvert (Marie-Claude) : Ah! bien, c'est sûr que... Nous autres,
c'est une question d'avoir du capital. Si je ne suis pas capable de lever de capital, évidemment toutes ces
initiatives-là... On a beaucoup d'initiatives. Je n'avais, tout simplement, pas le temps, mais beaucoup
d'initiatives, d'activités faites pour, justement, accompagner la relève,
mais, si je n'ai pas de capital... Comme vous voyez, déjà j'ai besoin du
capital de la Caisse de dépôt parce que je suis capable d'en faire plus.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Boisvert et monsieur...
M. Morin
(Bruno) : Morin.
M.
Spénard : ...Morin. Je trouve très intéressant votre exposé,
surtout en ce qui concerne la complémentarité que vous avez avec la Caisse de dépôt. Vous nous dites
que la Caisse de dépôt investit un dollar en même temps que vous
investissez un dollar dans les PME du Québec, dans un capital de risque. Est-ce
que les mécanismes d'analyse — ma première
question là-dessus — sont les
mêmes pour vous que pour la Caisse de dépôt en ce qui concerne l'investissement?
Mme Boisvert
(Marie-Claude) : En fait, on a créé un fonds...
Le Président (M.
Bernier) : Mme Boisvert.
Mme
Boisvert (Marie-Claude) : Merci. On a créé... En fait, on est au
deuxième fonds. On a créé deux fois un fonds
de 220 millions de dollars où la Caisse de dépôt a mis 110, CRCD a mis
110, et le gestionnaire, c'est nous. Alors, on fait 100 % du
démarchage, etc., puis on fait rapport à la Caisse de dépôt à chaque semestre.
M.
Morin (Bruno) : Et la décision est prise par le comité
d'investissement de CRCD. La Caisse de dépôt nous mandate totalement, et
on leur fait un rapport seulement deux fois par année sur le résultat.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député.
M. Morin (Bruno) :
Il n'y a pas de duplication, autrement dit.
M.
Spénard : O.K.
Suite à ça, en ce qui concerne le rapport Godbout, qui dit de passer de
45 % à 25 %, les crédits d'impôt,
de même que de sept ans à 10 ans en ce qui concerne Capital régional et
coopératif Desjardins, est-ce que...
C'est parce qu'on n'a pas eu de mémoire de la Caisse de dépôt et placement sur
le rapport Godbout. En tout cas, je ne pense pas qu'on en ait. Mais
est-ce que la caisse a les mêmes préoccupations que vous en ce qui concerne
cette réduction de 45 % à 25 % et
de passer de sept ans à 10 ans? En avez-vous discuté avec la Caisse de dépôt et
placement?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Boisvert.
• (17 heures) •
Mme
Boisvert (Marie-Claude) : Non, parce qu'en fait, eux, leur demande,
c'est que CRCD investisse 50 %, donc
un dollar, un dollar, pour créer un fonds 50-50. Et puis la demande de CRCD à
la caisse, c'est d'avoir une politique d'investissement miroir pour que
Capital régional puisse réaliser pleinement sa mission. Ça fait que l'ensemble
de la discussion est là.
Évidemment,
pour la Caisse de dépôt, la mise en place de ces deux fonds... Bien, on est
rendus au fonds 2, puis ça va très,
très bien encore cette année. Alors, la mise en place de ces fonds-là,
éventuellement, on souhaite que ça soit la Caisse de dépôt, compte tenu de sa taille, qui puisse poursuivre
l'accompagnement de nos PME, puis là, bien, qu'on dise qu'on a un Québec
avec plus de moyennes et de grandes entreprises.
M. Morin
(Bruno) : Mais eux, ils n'ont pas la préoccupation de savoir comment
on va se procurer, ni plus ni moins, les fonds nécessaires pour pouvoir
aller là. Eux autres, leur préoccupation, c'est : Est-ce que vous êtes
prêts à mettre 110 millions? On va
mettre 110 millions, puis on va faire ça, on dit oui. Mais ils ne se
préoccupent pas comment on va se procurer le 110 millions. Ça,
c'est notre problème actuellement.
Mme Boisvert (Marie-Claude) : Ils
reconnaissent la qualité de notre réseau.
M.
Spénard : ...
Mme Boisvert (Marie-Claude) : Oui,
tout à fait.
M. Morin (Bruno) : Absolument.
M.
Spénard : Parce que
c'est le fonds de retraite des employés publics, là.
M. Morin
(Bruno) : Vous avez raison. Vous avez raison, et on a un rapport...
D'ailleurs, on se rencontre la semaine prochaine,
là. Pour le semestre en cours, on a un rendement intéressant. Mais c'est
évident que ça ne peut pas se faire, là, au même coût que des dossiers
importants.
M.
Spénard :
O.K. Et ma dernière question concernant ça, M. le Président, c'est : Si ça
baissait de 45 % à 25 %, est-ce
que la caisse mettrait une fin à ça, étant donné le rendement anticipé, si ça
baissait de 45 % à 25 %, les crédits d'impôt?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Boisvert.
Mme
Boisvert (Marie-Claude) : Si je peux me permettre, la Caisse de dépôt
ne fait pas de rendement sur CRCD, c'est
vraiment un fonds... Eux autres, ils font du rendement sur leurs dollars
investis dans le fonds. Dans la vraie vie, là, même les entrepreneurs ne voient pas la différence, là. On a un fonds de
220 millions deux fois. Parce que le premier est entièrement
investi avec un taux de rendement très acceptable. Je suis très fière de dire
qu'en termes de productivité on est assez
efficaces parce qu'on est partout au Québec. 35 % des dollars investis
dans ce fonds-là — et dans
le premier et dans le deuxième, autant en nombre qu'en dollars — sont
investis même dans les régions ressources.
Donc, la Caisse de dépôt bénéficie, dans le
fond, d'une économie en termes de coûts d'opération puis de rendements intéressants sur ses dollars investis,
mais elle n'investit pas dans le CRCD. Alors, le fonds créé, c'est
vraiment : on prend un dollar de la
Caisse de dépôt, puis on prend un dollar de CRCD. Mais si, demain matin, le
CRCD n'a pas le capital pour mettre
le dollar, là, si jamais on n'est pas capables de lever le 150 millions,
puis que j'en mets déjà 60... j'en mets,
en tout cas, pas mal, là, bien, on ne pourra pas être actifs avec nos dossiers
plus importants. Ça va déséquilibrer, dans le fond, l'activité de CRCD,
mais pas la Caisse de dépôt.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M.
Spénard : Est-ce
qu'il me reste encore un peu de temps?
Le Président (M. Bernier) :
Oui, bien, 20 secondes.
M.
Spénard :
J'ai de la misère à vous saisir. La Caisse de dépôt ne subventionne pas, là, la
Caisse de dépôt attend un rendement. Puis, écoutez, on a discuté...
Une voix :
...
M.
Spénard : Bien,
c'est ça que j'ai de la misère à saisir. Autrement dit, vous allez faire moins
de capital de risque. Si ça passe de 45 % à 25 %, vous allez faire
plus de capital qui va rapporter des profits.
Mme
Boisvert (Marie-Claude) : Bien, en fait, la Caisse de dépôt n'aura pas
le privilège d'utiliser notre réseau parce que nous, on ne pourra pas
mettre l'argent...
M. Morin (Bruno) : Exactement.
Le Président (M. Bernier) :
Merci de votre participation à la Commission des finances publiques.
Nous allons
suspendre quelques instants afin de permettre au Conseil du patronat du Québec
de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 17 h 5)
Le Président (M. Bernier) :
Alors, nous reprenons nos travaux. Donc, nous avons le plaisir de recevoir les
représentants du Conseil du patronat. M. Yves-Thomas Dorval, président-directeur
général, bienvenue, M. Dorval. Mme Norma Kozhaya, bienvenue. Donc, vous avez 10
minutes pour votre présentation. Par la suite vont suivre les échanges avec les
parlementaires. La parole est à vous.
Conseil du patronat du
Québec (CPQ)
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir... à Mme Kozhaya et
moi, d'un peu résumer les propos du CPQ, du Conseil du patronat, par
rapport aux recommandations de la Commission d'examen sur la fiscalité
québécoise. Je voudrais juste préciser que les fonctions de Mme Kozhaya au CPQ,
c'est d'être vice-présidente à la recherche
et économiste en chef au CPQ. Alors, nous tenons à remercier, bien sûr, la
commission de cette invitation à présenter nos commentaires.
Nous avions
eu l'occasion de les présenter à la commission, qu'on va appeler en résumé la
commission Godbout, lors de ses
travaux. Et j'ai eu aussi la chance de participer à deux reprises, puisque j'ai
coprésidé un comité sur l'écofiscalité dans le cadre d'une alliance qui
s'appelle SWITCH sur les questions de l'écofiscalité.
On veut,
d'entrée de jeu, au CPQ, souligner la qualité et la rigueur du travail effectué
par la commission Godbout dans le
cadre de son mandat. Son rapport, dans le fond comme dans la forme, répond aux
attentes dans la mesure où les recommandations sont fondées sur des
analyses bien documentées et concrètes. Cependant, la commission, on tient à le souligner, avait reçu un mandat limitant la
portée de ses recommandations à un impact neutre quant aux revenus
fiscaux du gouvernement.
Or, les
enjeux concernant le régime fiscal ne se limitent pas seulement à trouver le
bon dosage entre les différentes sources
de revenus, même s'il s'agit d'un facteur important et on le reconnaît. La
réduction du fardeau fiscal combiné des trois paliers gouvernementaux
pour les particuliers et les entreprises du Québec devrait aussi retenir
l'attention et mobiliser les efforts tant du
gouvernement que des parlementaires. Rappelons à ce sujet que, du côté des
entreprises, même en mettant en application les recommandations
principales de la commission Godbout, le Québec, malheureusement, demeurera un des endroits les plus lourdement
taxés en Amérique du Nord. Le rapport de cette commission rappelle à
juste titre que la fiscalité accapare
37 % du PIB québécois comparativement à 29 % dans le reste du Canada,
et 24 % seulement aux États-Unis,
et 34 % en moyenne dans les pays membres de l'OCDE. De tels écarts sont
quand même préoccupants.
Alors,
revenons maintenant au rapport, puisque c'est de cela dont il s'agit. Pour le
CPQ, la commission propose une réforme
fiscale susceptible d'améliorer la prospérité et la compétitivité de l'économie
québécoise en incitant au travail, à l'épargne et à l'investissement
tout en garantissant une redistribution de la richesse collective et un soutien
adéquat aux plus démunis. En ce sens-là, nous nous réjouissons de retrouver
également dans le rapport de la commission des préoccupations à l'égard
d'éléments que nous avions ciblés dans notre mémoire l'automne dernier,
notamment en ce qui concerne l'écofiscalité,
le transfert des entreprises, le poids des taxes sur la masse salariale ou
encore la collecte des taxes sur le commerce électronique et
l'évaluation des dépenses fiscales existantes.
Par rapport à ces sujets-là, permettez-moi
d'attirer votre attention sur certains éléments dans le mémoire, notamment la question de la taxe sur la masse
salariale. Le CPQ salue également la recommandation de la commission de réduire de 2,7 % à 1,6 %... On a vu que, dans le
dernier budget, il y a eu un petit effort, mais on n'est pas rendu à
l'objectif proposé de réduire le taux de la taxe sur la masse salariale, en
fait la contribution au Fonds de services de santé. Dans notre mémoire d'octobre 2014, nous avions
insisté sur la nécessité de réduire le fardeau de cette taxe, qui nuit
beaucoup à la compétitivité fiscale du Québec. La commission note également que
cette diminution de la taxe — et c'est ça qui est intéressant — sur la masse salariale permettrait de
favoriser la création d'emplois et de rendre plus de 200 000
entreprises québécoises mieux en mesure d'affronter la concurrence des
entreprises du reste du Canada ou des pays étrangers.
En ce qui concerne l'élément écofiscalité et
marché du carbone, on note avec intérêt les constats et les recommandations du rapport de la commission ayant
trait à l'écofiscalité, où le principe pollueur-payeur, utilisateur-payeur,
que nous avions
fortement appuyés sont reconnus. L'objectif, selon nous, est de faciliter
l'atteinte d'objectifs économiques, environnementaux
et sociaux tout en stimulant l'innovation et la compétitivité des entreprises
en tenant compte de leur contexte
fiscal régional, continental et international. Et ça, c'est important. Et il
est possible d'arriver avec des différences, mais il faut toujours tenir
compte quand même de notre environnement, particulièrement continental.
• (17 h 10) •
À ce sujet-là, j'aimerais quand même, en matière
d'éducation et de sensibilisation, souligner que, si la hausse proposée de 0,01 $ le litre par an pendant
cinq ans va dans le sens de l'écofiscalité, il faut quand même regarder
l'ensemble du portrait. Et l'ensemble du
portrait, rappelons que la hausse s'ajouterait aux différentes taxes
existantes. Et ça, c'est important à
souligner, taxe d'accise fédérale de 0,10 $ par litre; taxe québécoise sur
les carburants de 0,192 $ par litre; dans la région du Grand
Montréal, taxe sur l'essence du Grand Montréal de 0,03 $ par litre; taxes
de vente, TPS et TVQ, représentant, avant
l'augmentation de 1 %, 15 % du prix de base des taxes d'accise. Le
Québec est la province canadienne imposant
déjà le plus de taxes sur l'essence. Comprenez-moi bien, étant favorables à
l'écofiscalité, il y a des choses sur lesquelles on n'est pas en
désaccord, mais c'est important de bien comprendre le portrait. C'est beau
d'être en faveur d'un principe, mais il faut comprendre, à la fin, le payeur,
qu'est-ce qu'il paie quand il achète un produit, et, dans ce cas-ci, l'essence.
Et ça, ça se rajoute aux hausses à venir
probables dues au système de plafonnement et d'échange des droits d'émission. Processus ou système que nous appuyons
par ailleurs, mais il faut comprendre qu'en fonction des objectifs que nous avons au Québec il y a de fortes chances que
le principe amène une augmentation encore aussi du coût. Alors, ça fait beaucoup d'éléments à prendre en considération. Et
ça, c'est important, non seulement d'arriver avec la théorie, puis
l'idée, puis le principe, mais de bien comprendre l'ampleur du système qui
touche ces éléments-là.
Un autre élément que, d'ailleurs, vous avez
abordé avec les intervenants précédents, mais qu'on est heureux que la
commission ait souligné, c'est la question relative au transfert d'entreprise,
en particulier aux personnes liées. Actuellement,
il est plus avantageux pour un propriétaire d'entreprise de vendre à un
étranger qu'à un membre de sa famille. Et la firme RCGT, Raymond Chabot
Grant Thornton, le mentionne, étant donné que la Loi sur l'impôt sur le revenu considère le gain en capital comme un dividende
présumé en présence d'un lien de dépendance lors de la transaction, elle
fait perdre au vendeur le bénéfice de la
déduction pour gains en capital et rend donc la transition moins intéressante.
Or, à un moment où un grand nombre d'entreprises du Québec sont appelées à
changer de main à cause de la relève et du vieillissement, il est important de
régler cette question pour la prospérité de notre société.
Pour un des éléments, finalement, qui a fait
l'objet de plusieurs représentations d'ailleurs devant vous, mais aussi auprès de nous, parce que nous sommes, je le
répète, au CPQ, une confédération d'associations sectorielles où il y a plusieurs intervenants qui jouent, on a fait une
petite consultation interne auprès de nos membres avant la commission Godbout, et la plus grande proportion, dans les
questions qu'on a eues auprès de nos membres, visait quand même un
environnement fiscal où l'augmentation des taxes à la consommation était vue
préférable à l'impôt sur le revenu. Cependant,
il y a quand même des associations parmi nos membres qui sont plus touchées que
d'autres parce que, pour eux, ça représente un impact plus grand, et on
tient à le souligner. D'ailleurs, selon plusieurs des associations directement
concernées qui sont membres du Conseil du patronat comme celles du commerce de
détail et de la restauration, il est susceptible de produire, avec une
augmentation de taxes, des incidences.
C'est pour ça
que, pour nous, il est crucial que le gouvernement priorise notamment
l'application efficace de la TVQ aux achats effectués en ligne auprès
d'entreprises situées à l'extérieur du Québec, particulièrement à l'intérieur du Canada. Parce qu'on pense beaucoup au commerce
externe, mais, dans le fond, il faut rappeler que, dans le rapport, on s'aperçoit qu'une grande proportion des achats
sont faits dans d'autres provinces, et pas nécessairement à l'étranger.
Donc, on a quand même des éléments où on devrait trouver une solution au moins
canadienne pour ce qui concerne les engagements.
Dans notre mémoire, on parle d'une proposition du Business and Industry
Advisory Committee à l'OCDE. Le
mémoire du Conseil québécois du commerce de détail fait également une
proposition intéressante qui est en application au Brésil. Alors, il y a
des possibilités.
Nous, ce
qu'on dit, c'est qu'au-delà du discours et des bonnes intentions il faut
y aller, c'est-à-dire qu'il faut que ce soit un engagement du gouvernement de régler cette situation-là. Même si on sait que
le gouvernement du Québec n'a
pas tous les outils entre les mains, on n'a
pas le choix. Je l'ai dit d'entrée de
jeu, hein, quand on est dans un
environnement continental puis qu'il y a des niveaux de taxes importants, puis
qu'on arrive en plus de ça sur le commerce en ligne, où, là, il n'y a plus, pratiquement, de frontières, il faut
trouver des solutions. Il y a des solutions qui existent, puis il faut les trouver, puis c'est un engagement
obligatoire.
Alors, de ce
côté-ci, je dirais, l'ampleur du fardeau fiscal global au Québec,
en résumé, exige du gouvernement qu'il se préoccupe aussi non seulement
de ses propres gestes budgétaires et fiscaux, mais qu'il tienne compte également
de ceux des autres paliers de gouvernement, fédéral, provincial, municipal. D'ailleurs,
dans le passé, le gouvernement du Québec a été assez prompt à saisir les occasions
offertes par certains allégements à la fiscalité fédérale. Ce faisant, nous croyons qu'il devrait aussi se
soucier de conserver un équilibre adéquat entre ses besoins fiscaux et
ceux des municipalités en ayant pour objectif
ultime d'alléger l'ensemble du fardeau
fiscal pour les entreprises et les
particuliers.
Et ça, c'est
particulier parce que, dans les prochaines semaines, prochains mois, on
va beaucoup entendre parler du pacte fiscal avec les
municipalités. Et de plus en plus, de plus en plus, les services de proximité,
le citoyen s'attend à avoir des services de
proximité par les municipalités, et elles ont besoin, les municipalités,
d'avoir une fiscalité adéquate pour
être en mesure de financer ça. Bien là, on est dans les trois paliers, fédéral, provincial et municipal. Comment
on fait pour faire en sorte qu'à la fin c'est toujours le même contribuable qui
paie de ses poches dans...
Le Président (M. Bernier) :
Je vous invite à conclure, M. Dorval, s'il vous plaît.
M.
Dorval (Yves-Thomas) : Alors, en conclusion, M. le Président, je pense
qu'il est important de signaler ici que le rapport était extrêmement bien fait,
très bien documenté et qu'il faut traiter le résultat avec cohérence, en accordant toute l'attention aux différents aspects
qui risquent de poser problème, le risque étant qu'en choisissant certaines mesures politiquement plus acceptables
on risque de briser un équilibre entre les différents modes de revenus
fiscaux proposés dans la commission. Alors,
c'est un équilibre délicat, et je pense qu'il faut prendre tout cela en
considération.
Le Président (M.
Bernier) : Merci, M. Dorval. M. le ministre.
M. Leitão :
Merci, M. le Président. Alors, Mme Kozhaya, M. Dorval, merci beaucoup d'être
là. Vous aviez participé aux travaux de la
commission. Vous avez aussi participé à la table ronde qu'on a eue avant, et
puis maintenant ici, en commission parlementaire. Alors, merci de votre
participation.
J'aurais
plusieurs questions, mais je pense que mes collègues veulent aussi participer,
alors je vais essayer de me discipliner. Premier constat, première
question, vous aviez mentionné que, donc, le mandat de la commission était un petit peu limité. Je pense que c'était ça, le mot
que vous avez utilisé. Donc, la commission proposait un redosage fiscal,
mais en gardant le fardeau fiscal inchangé,
mais que vous seriez plutôt favorables à une réduction du fardeau fiscal.
Pourriez-vous peut-être élaborer un peu là-dessus, pourquoi est-ce que
ça serait utile de baisser le fardeau fiscal des Québécois?
Le Président (M.
Bernier) : M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci,
M. le Président. De façon générale,
la commission le reconnaît, le ministère des Finances a
publié aussi certains documents dans le cadre de la consultation de la commission
sur la fiscalité, et essentiellement, au Québec, le fardeau fiscal, que ce soit
pour les entreprises ou les particuliers, est plus important qu'ailleurs. Alors, là-dessus, ça peut être un
choix de société. Je comprends qu'on peut financer des programmes
qu'on peut juger plus importants ou plus intéressants, mais il reste qu'à quelque
part, lorsqu'on veut parler de prospérité puis d'environnement compétitif et
concurrentiel, on ne peut pas faire abstraction de l'environnement fiscal à côté de chez nous. Alors,
si on est la province où le fardeau
fiscal est le plus lourd, bien, il
faut trouver des moyens pour faire en sorte que ça puisse s'équilibrer. Et, à notre point de vue, je pense qu'on a souvent signalé la question du fardeau fiscal qui est plus lourd, notamment à cause des taxes sur la masse
salariale. C'est pour ça que c'est un des endroits qu'on vise de façon plus
particulière.
Bien sûr,
il y a des taxes sur la masse salariale qui financent directement les programmes, hein, qu'on pense à la Régie des rentes, qu'on pense à la CSST. Nous, du
côté des employeurs, on travaille très fort à faire en sorte que le
coût, par exemple — parce
qu'on siège au conseil d'administration de la CSST — des cotisations sur la
masse salariale pour la CSST soit limité, et
on est très fiers de dire qu'on a réduit, depuis les quatre dernières années,
le coût total des cotisations du côté
de la CSST par une gestion efficace tout en ayant une réduction du nombre
d'accidents et de décès. Donc, il y a moyen de faire à la fois un
programme social plus efficace tout en réduisant le coût des cotisations.
Quand
on arrive sur le fonds de santé, bien, évidemment, excusez-moi, mais c'est une
taxe indirecte, là, parce que, dans
les faits... Et là, à ce moment-là, qu'est-ce qu'on fait? On taxe le travail,
on taxe directement le travail. Donc, qu'est-ce que c'est, l'intérêt d'engager plus de monde ou de favoriser l'emploi
si, à chaque fois qu'on le fait, on est plus taxé ici qu'ailleurs,
45 %, en moyenne, de plus au Québec que dans le reste du Canada?
Alors,
quand on arrive, comme je vous ai dit, sur des programmes spécifiques, c'est
une chose, quand on arrive sur le
fonds de santé, c'en est une autre. Alors, nous, on pense que, dans un contexte
de concurrence, de compétition, on veut valoriser la prospérité. Je pense qu'il faut faire en sorte de
s'attaquer à ça. Ce n'était pas le mandat de la commission, et la commission a fait un mandat qui nous apparaît,
encore là, très rigoureux, très bien fait, pour essayer de rendre le système,
à tout le moins, plus productif, plus efficace en termes de système de
fiscalité. Par contre, nous, on est préoccupés par l'ensemble du fardeau
fiscal.
• (17 h 20) •
M. Leitão :
Juste un petit commentaire. Les travaux de la commission... enfin, le redosage
proposé par la commission n'a pas d'impact sur la redistribution de la
richesse. On a vu que le coefficient de Gini ne change presque pas du
tout, donc.
Mais,
là où j'aimerais avoir un peu votre commentaire, vous avez mentionné le commerce électronique. En effet, le commerce électronique, c'est
un enjeu. Quoi qu'on fasse avec la TVQ, le commerce électronique, aujourd'hui,
est déjà un enjeu très important. Vous avez aussi mentionné très justement
que la composante interprovinciale est peut-être
plus importante que la composante transfrontalière. Alors, dans ce contexte-là,
interprovincial, auriez-vous des suggestions comment essayer d'adresser cette question-là? Encore une fois, quoi qu'on fasse avec la TVQ, là, mais aujourd'hui même pour cette question-là.
Le Président (M.
Bernier) : Mme Kozhaya.
Mme Kozhaya
(Norma) : Merci, M. le Président. Au fait, parmi les propositions qui
sont avancées, c'est d'avoir une certaine obligation pour les entreprises qui
vendent en ligne de s'inscrire auprès de Revenu Québec et de collecter les
taxes tout en ayant un processus simplifié pour ces entreprises-là parce qu'on
comprend aussi qu'il peut y avoir une complexité. C'est qu'en théorie, en ce
moment, les entreprises qui vendent en ligne à des Québécois sont supposées percevoir la taxe et la verser. Mais
apparemment que, dans la pratique, ce n'est pas ce qui arrive, et donc
on se dit : Peut-être
que... Évidemment, au Québec, c'est Revenu Québec qui administre les deux
taxes de vente, TPS, TVQ, donc trouver un moyen. C'est sûr que ça prend
une collaboration avec les autres provinces et avec le fédéral.
Il y a
d'autres propositions qui ont été faites, comme M. Dorval l'a
mentionné, mettons, par les gens du commerce de détail, sur une possibilité que les compagnies de cartes de crédit ou les entreprises
qui sont responsables des paiements, qu'elles
collectent les taxes. Je crois qu'il faut examiner ces propositions-là de façon sérieuse et travailler fort avec les autres partenaires. C'est un problème qui est, évidemment, international, mais c'est quand même étonnant de voir
qu'une bonne partie des pertes fiscales qui
sont estimées dans le rapport, et par d'autres groupes, et par le ministère des Finances, et Revenu Québec,
proviennent quand même des autres provinces. Donc, on peut commencer par ça au
moins.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. Dorval.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Et, si je
peux me permettre, la tendance est à l'effet que le commerce électronique
va en croissance. Alors, si on ne règle pas
ce problème-là, indépendamment de hausser la taxe de 1 %, le gouvernement
du Québec va voir une partie de ses revenus
fiscaux de taxes à la consommation disparaître, et, ma foi, ça va surtout...
Là, je pense aux intérêts des membres, les employeurs, les entreprises membres
du CPQ, à travers leurs associations ou directement,
vont se retrouver avec un désavantage concurrentiel de plus en plus grand.
Alors, évidemment, ça ne touche pas
tout le monde, ça, le commerce, là... parce que le commerce en ligne, là, ce
n'est pas tout le monde. Quand on parle au problème du tourisme ou de la restauration, là, on ne parle pas de
commerce en ligne à ce moment-là. Mais, au moins pour le commerce au détail, il y a quelque chose là
d'important auquel il faut, de toute façon, trouver une solution. On n'a
pas le choix parce que ça va juste en croissance.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le ministre.
M. Leitão : Les collègues, si vous
avez des questions...
Le Président (M. Bernier) :
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présentation et d'être ici
aujourd'hui. Ma question va être très
courte, mais peut-être très longue à répondre. Tout le monde, on est d'accord
que, depuis des années maintenant, le
Québec traîne la patte quant à la prospérité, et une des raisons principales,
c'est le fait que notre productivité soit
aussi basse. La fiscalité peut être utilisée pour augmenter la productivité.
Est-ce que vous croyez, dans les recommandations que nous retrouvons
dans le rapport Godbout, il y a une piste là pour nous aider à augmenter la
productivité utilisant la fiscalité?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Kozhaya.
Mme
Kozhaya (Norma) : Bien sûr.
Tout d'abord, toutes les propositions qui concernent
l'impôt des sociétés, pour nous,
c'est quelque chose qui va dans le sens d'augmenter la productivité parce que
ça va rendre l'investissement
plus payant, plus rentable, donc il va y avoir plus d'investissements qui risquent
d'être faits. Mais c'est sûr qu'il y a des bouts qui ne sont pas
directement reliés à la fiscalité, comme en ce qui concerne la formation des
travailleurs, une meilleure adéquation entre
la formation, les investissements en technologie. Mais c'est sûr qu'il y a
plusieurs propositions, même en ce qui concerne les incitations au
travail, qui peuvent aussi aller dans le sens de l'amélioration de la
productivité.
L'évaluation
des mesures fiscales qui est proposée dans le rapport... Parce qu'on sait qu'il
y a une grande panoplie de mesures fiscales pour les entreprises et pour
les individus. Il y en a beaucoup pour les entreprises, et nous-mêmes, comme représentant des entreprises, on a dit qu'il faut évaluer ces
mesures fiscales là, est-ce que ça donne les résultats escomptés, est-ce que, par exemple, quand on parle de crédits, même pour la recherche et développement...
donc, comment ça se traduit en
innovation et, donc, éventuellement en plus de productivité. Donc, les
propositions qui font qu'on évalue ces
mesures fiscales là sont que la commission... le rapport propose de maintenir certains crédits d'impôt qui contribuent à des investissements, à des emplois à haute valeur ajoutée et qui, donc, donnent un
avantage compétitif pour le Québec. C'est pour nous des mesures qui vont
dans le sens d'améliorer la productivité.
Le Président (M. Bernier) : M.
le député de Pontiac, vous avez deux minutes.
M. Fortin
(Pontiac) : Oui, M. le Président. Je vais essayer de faire ça vite. Bienvenue à M. Dorval, Mme
Kozhaya. Et bonne rentrée parlementaire, puisque vous êtes des habitués des commissions
parlementaires.
J'aimerais
m'adresser à Mme Kozhaya et peut-être parler un
petit peu plus intellectuellement parlant, disons. Je sais que vos membres peuvent avoir certaines réticences
par rapport à la prémisse de base, là, du rapport de M. Godbout, mais vous, en tant qu'économiste... Et on a parlé un
petit peu de la position de différents économistes au Québec sur la
question de l'impôt sur le revenu étant quelque
chose de plus néfaste que la taxe à la consommation, mais vous, en tant
qu'une économiste respectée, réputée au Québec, c'est quoi, votre point de vue
là-dessus?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Kozhaya.
Mme
Kozhaya (Norma) : Merci,
tout d'abord, pour les compliments. Effectivement, dans nos cours de finances publiques, une des premières choses qu'on
apprend, c'est que la fiscalité, la façon de prélever l'impôt n'est pas
neutre. Il y a des façons qui peuvent être plus efficaces que d'autres parce
qu'il y a un effet sur le comportement des individus.
Pour
ce qui est de l'impôt sur le revenu, effectivement, il y a l'offre et la
demande de travail qui détermine un peu la quantité de travail, donc la
demande par les entreprises. Mais, l'offre par les individus, cette offre-là
dépend, d'une certaine façon, du revenu
après impôt, de leurs revenus disponibles, donc leur chèque de paie,
finalement, et, à la marge, comme
disent les économistes, il y a des décisions qui se font et des questions qui
se posent : Est-ce que c'est payant pour moi de travailler plus, de travailler davantage ou je suis mieux de me
reposer et de consacrer plus de temps aux loisirs? Donc, en ce sens-là, à un moment donné, l'impôt
sur le revenu peut être moins efficace et plus contreproductif, et
réduire l'impôt sur le revenu et améliorer
les incitations à travailler plus fort, plus dur... Et c'est aussi vrai pour
les travailleurs à hauts revenus que pour les travailleurs à bas revenus
parce que les travailleurs à hauts revenus sont plus mobiles, ils peuvent aussi, dans leur façon d'allouer leur
déclaration d'impôt par rapport... entre travail, dividendes, autres
allocations et avantages non imposables.
Donc, ça a aussi un impact sur même les revenus imposables qui sont déclarés et
sur l'offre de travail. Pour les
travailleurs à plus bas revenus, donc, d'un côté, ils paient plus d'impôt. De
l'autre, ils perdent certaines prestations.
Donc, à la
marge, la question se pose, et c'est pour ça... Évidemment, ce n'est pas tout
le monde qui va commencer à
travailler 50 heures par semaine et 60 heures par semaine, mais c'est beaucoup
de gens... beaucoup de décisions qui se font à la marge. Et, d'ailleurs, c'est pour ça aussi, les résultats du
rapport qui parlent d'environ 2 milliards de PIB, ce n'est pas
énorme non plus. Et, selon moi, c'est quand même assez conservateur parce que,
justement, c'est des décisions qui se font à
la marge et qui ont un impact. À un moment donné, quand on parle aussi du seuil
psychologique de 50 %, c'est que
les gens peuvent décider, à un moment donné, de ne plus travailler parce que ce
n'est plus payant de le faire. Et donc on veut, au contraire, les inciter, et cette question est aussi plus
importante dans le contexte de vieillissement démographique, où on veut que les gens travaillent plus,
travaillent plus longtemps. Donc, en ce sens-là, c'est plus, beaucoup plus
efficace de réduire l'impôt sur le revenu des particuliers.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Rousseau, oui, allez-y.
M. Marceau :
O.K. Je vais y aller tout de suite. Merci, M. le Président. Alors, M. Dorval,
Mme Kozhaya, merci pour votre mémoire. Merci pour votre présentation,
vos réponses.
Peut-être, je
vais aborder des sujets que vous n'avez pas encore abordés. Vous parlez, entre
autres, des taxes de vente à l'achat
de maisons neuves à la page 9. Peut-être, nous dire comment vous voyez les
choses. Moi, je peux vous dire, en tout cas, qu'évidemment je suis
préoccupé du retard du Québec en matière d'accès à la propriété. Et c'est de
cette manière-là que je vous lis, mais je vais vous laisser la parole. Voilà.
• (17 h 30) •
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Je vais
faire juste une petite partie, puis, après ça, Mme Kozhaya pourra
terminer là-dessus, M. le Président.
La première des choses, c'est que, vous savez,
on a déjà un enjeu de construction au Québec actuellement. Quand on dit : La construction va, tout va ou
l'économie va, actuellement on a un problème de ce côté-là. Alors, si j'avais une préoccupation, c'est que, si on change le contexte fiscal
entourant l'acquisition de propriétés, ça n'aidera pas nécessairement ce
secteur-là. Et ça, c'est important.
Il faut faire attention, par contre, quand on
parle d'acquisition d'une première propriété. Même si c'est une chaîne, l'acquisition de propriété, il y a quelqu'un
en quelque part qui va acheter une maison neuve ou un
appartement neuf, puis il y a
une chaîne, je veux dire, l'acquisition, à la première propriété, généralement
on ne va pas dans la maison neuve, on
est dans la maison usagée ou même dans le condo, probablement, au niveau des
plus jeunes. Alors, tout est relatif, mais
je suis préoccupé aussi par l'impact que pourrait avoir une modification de l'environnement fiscal sur l'acquisition de maisons
neuves. Cela dit, on est toujours aux prises avec tout ça, là, avec le portrait
global. Et le rapport, il se tient dans sa
globalité. Et puis, quand on veut changer quelque chose, là, qu'est-ce
qui va arriver au reste? C'est où qu'on va aller changer? Alors, la commission
a fait un travail vaste de consultation, d'étude, de recherche, fait des propositions,
et je suis toujours un petit peu mal à l'aise de dire : Oui, mais pas ça
parce que, là, tu commences à jouer là-dedans, etc. Mais peut-être que...
Le Président (M. Bernier) :
Mme Kozhaya.
Mme
Kozhaya (Norma) : Oui, peut-être
en complément, effectivement, c'est que, pour nous, aussi l'achat d'une
maison, c'est plus comme un investissement, c'est aussi une forme d'épargne pour la retraite. Et, à l'origine, la
raison pour laquelle il y avait
cette exemption, c'était à l'origine avec la TPS, ensuite le Québec a
également... et les autres provinces, à ma
connaissance... Je ne sais pas si toutes ont le même programme, mais elles ont
des exemptions plus ou moins similaires
parce qu'elles considèrent l'achat d'une maison davantage comme un investissement et pour faciliter l'accès à
la propriété, effectivement.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Rousseau.
M. Marceau :
Merci. Bien, écoutez, je suis d'accord avec vous. Effectivement, on est à
environ 35 000 unités, là, par
année présentement, et, pendant un certain temps, on avait vu le ralentissement
dans la construction en se disant : Bon, bien, désormais, ça va
correspondre au rythme de formation des ménages, mais là on est forcé
d'admettre qu'on est maintenant un peu en
dessous. Il y a beaucoup de phénomènes qui sont à l'oeuvre. En tout cas,
certainement que d'en rajouter à ce
stade-ci, ce ne serait peut-être pas la meilleure des idées. Je pense que c'est
à peu près ce que vous nous avez dit.
Écoutez, ça, c'est un peu
plus tôt dans votre mémoire, vous parlez de hausse prudente des tarifs
d'électricité, et j'aimerais ça, vous entendre sur le concept de hausse
prudente, s'il vous plaît.
Le Président (M. Bernier) :
M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas) : En fait,
d'abord, il y a une chose qu'on ne fait pas suffisamment en matière d'éducation et d'information sur les tarifs
d'électricité, là. Contrairement à la perception populaire, le tarif
domestique, là, est financé et il est
subventionné par, surtout, les commerces et les institutions. Pas
nécessairement la grande entreprise, grande consommatrice, là, mais par
plutôt la grande majorité des entreprises au Québec. Pourquoi? Parce qu'il y a un
coût de distribution qui n'est pas tenu en compte dans le calcul final du tarif
domestique. Donc, autrement dit, le tarif domestique, il est subventionné.
Alors, quand
on parle de tarifs d'électricité, là, on comprend que c'est un bien quasiment
essentiel, là, au Québec, surtout qu'on a 50 % de notre
consommation énergétique ou près, c'est de l'électricité, donc on vient toucher
pas mal de choses. Donc, c'est sûr que,
quand on touche à ces questions-là, ça devient hautement... je veux dire, c'est
un sujet qui devient, en tout cas, très politique, hautement émotif et
social aussi. Mais, en même temps, on ne fait pas assez, hein, l'éducation, l'information pour comprendre que le
tarif domestique, il est subventionné. La perception populaire, c'est
que les entreprises sont chanceuses, alors
que, dans le fond, le vrai coût, parce qu'on inclut la distribution... Puis,
quand on rentre dans la distribution maison par maison, le total du coût
de livraison devient plus grand, et, à ce moment-là, on n'en fait peut-être pas
assez.
Deuxièmement, vous savez, à la fois, on veut
avoir de l'écologie, de l'environnement, donc une utilisation prudente des
sources énergétiques, on voudrait que les gens fassent plus attention à leur
consommation ou leur surconsommation, etc.,
puis, quand on parle tout à coup de tarifs d'électricité, bien, ça, ça ne tient
pas. Alors, c'est une deuxième préoccupation qu'on a, ça, en matière de
tarifs d'électricité, à un moment donné il faut aussi que ça relève. Nous, on a dit : Utilisateur-payeur, quand on
parle d'écofiscalité, c'est vrai pas juste pour le pétrole, c'est vrai pour
toutes les sources énergétiques.
Cela dit, on
comprend également que ça peut avoir un choc important. Puis là, comme j'ai
dit, il n'y a pas juste les individus, il y a les entreprises qui
paient. Il y a une utilisation, on pense, qui peut être très efficace de par la
position privilégiée du Québec en matière
hydroélectricité ou une électricité renouvelable parce que c'est vrai aussi
avec l'éolienne et compagnie. On
pense qu'on devrait l'utiliser, effectivement, comme un moteur de développement
économique. Donc, c'est important de voir ça comme un avantage, un
stimulateur, un levier pour faire plus de prospérité.
Cela dit,
quand on fait un changement, il y a toujours des chocs à quelque part,
puis il faut bien voir, là, quels vont être
les impacts. On le voit, on l'a vu dans certains grands utilisateurs
d'électricité, ça pourrait avoir des impacts importants. Je pense qu'on
est pris avec ça actuellement. Est-ce que Mme Kozhaya voudrait compléter
là-dessus?
Le Président (M. Bernier) :
Ça va. Il vous reste 1 min 30 s, monsieur.
1 min 30 s, oui.
M.
Therrien :
Bien, écoutez, très, très, très rapidement. Vous parliez de neutralité tantôt.
Pour faire du pouce sur ce que vous
avez dit, vous avez parlé de la loi de l'offre, là, quand le prix augmente, la
quantité offerte augmente. Je vais faire du pouce sur ce que vous avez dit, dans le cas de l'offre de travail, ce
n'est pas nécessairement vrai parce que tu as l'effet de substitution qui va à l'encontre de l'effet de
revenu, puis ceux qui ont des revenus élevés vont avoir tendance peut-être
à travailler moins si leur salaire est plus
élevé. On pense aux médecins, c'est ce qu'on a vu, certains médecins
travaillent moins en ayant un salaire plus élevé. Puis je vous dis ça, je suis
sûr que vous auriez dit aussi la même chose, là, si vous aviez plus de temps. Mais moi, je veux juste vous insister
là-dessus, sur la prévisibilité. Si on veut que l'effet soit neutre sur
la taxation, c'est le désir, comment on fonctionne, étant donné qu'il y a
beaucoup de problèmes liés à la prévision
qu'on peut faire d'un bord sur ce qu'on laisse dans les poches des gens et, de
l'autre, ce qu'on prend de la poche des gens? Comment on devrait
fonctionner pour nous assurer de cette neutralité-là de façon macroéconomique?
Le Président (M. Bernier) :
Vous avez 30 secondes, Mme Kozhaya.
Mme
Kozhaya (Norma) :
Effectivement, c'est un enjeu, cette neutralité-là, et, excusez l'anglicisme,
le timing et les... Parce qu'on dit
qu'encore là, d'un point de vue strictement économique, c'est plein de bon
sens, et, effectivement, il y a plusieurs expériences, plusieurs études
qui montrent que c'est plus efficace à atteindre des résultats en termes de PIB. Il faut rassurer les gens d'un côté sur le
fait... Parce que, des fois, les gens entendent juste qu'on va augmenter
la TVQ, mais ne réalisent pas que, quand même, ils vont avoir plus d'argent
disponible dans leurs poches, et donc c'est important, il y a aussi un exercice
de pédagogie à faire. Mais comment assurer, je vais laisser ça aux experts, aux
fonctionnaires du ministère des Finances pour vraiment avoir le bon dosage.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Beauce-Nord. Vous aurez l'occasion avec le député de
Beauce-Nord.
M.
Spénard :
Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Dorval ainsi que Mme Kozhaya. Très bon
mémoire présenté à la commission.
Moi, j'ai
deux, trois affaires qui me chicotent. Ça fait plusieurs groupes qui viennent
nous parler du commerce électronique.
M. le ministre commence à réagir un peu parce qu'à force d'en entendre parler,
à force d'en entendre parler, à un moment donné, il commence à réagir puis il
commence à se dire : Pour moi, c'est important. Vous, vous dites
que c'est important aussi, et on le conçoit.
Et, si on alourdit les taxes, évidemment, bien, ça va encourager le commerce
électronique. Puis non seulement ça, c'est
que ça va encourager le commerce électronique parce que le monde vont vouloir
sauver les taxes, mais ça déstabilise
aussi nos commerçants qui ont pignon sur rue parce qu'eux autres ça leur crée
une concurrence déloyale. Alors, ça a un double impact.
Il y en a qui nous proposent des mesures. Vous,
quelles mesures... Vous en parlez, vous dites qu'il faut faire quelque chose, mais avez-vous des mesures en tête
à nous proposer pour contrer la non-taxation du commerce électronique, comme
c'est là?
Le Président (M. Bernier) :
M. Dorval.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Bien, c'est
un phénomène mondial, première des choses, donc ce n'est pas unique au Québec. C'est peut-être plus visible au Québec
parce que nos voisins immédiats n'ont pas nécessairement des taxes à la consommation aussi élevées. Il y a même un pays
qui s'est battu contre l'imposition de taxe à la consommation, qui en
fait une question fondamentale dans leurs libertés.
Cela dit, on
a fait deux... Une dans notre mémoire, qu'on fait, on regarde la proposition
qui est faite notamment du côté de
l'association que j'ai mentionnée tout à l'heure. Au niveau international, il y
a une problématique, puis c'est vrai aussi
en Europe, hein, le commerce frontalier est là aussi. On a parlé aussi du
commerce de détail, qui a fait une référence à ce qui est appliqué au Brésil au niveau de la perception de la taxe via
les cartes de crédit. Donc, il y a des pistes de solution. L'idée ici, c'est qu'on n'a pas la prétention
d'avoir toutes les solutions. Mais la seule chose qu'on dit, c'est qu'on n'a
pas le choix, il faut trouver et mettre en
place des initiatives dans ce sens-là. Et je pense que c'est vrai dans ce
cas-ci, là, on parle de commerce
électronique, c'est vrai aussi dans le cas des paradis fiscaux. Je suis certain
qu'un de vos collègues va vouloir
nous en toucher, il faut trouver des solutions. Il faut arrêter d'en parler, il
faut trouver des solutions. Puis je pense que, de ce côté-là, le Canada
au complet est perdant, de toute façon, et donc il faut agir.
Cela dit, il
faut toujours aussi mettre ça dans son contexte. Vous savez, on a parlé du
tourisme, mais il y a eu un dollar américain qui a pris une envolée par
rapport au dollar canadien, ce qui fait en sorte que beaucoup plus de gens consomment du tourisme à l'interne pour d'autres
raisons. Puis c'est vrai aussi dans les achats en ligne, c'est vrai
aussi dans les achats transfrontaliers aux États-Unis.
Je veux dire, allez acheter quelque chose aux États-Unis
aujourd'hui. Avec le taux
de change, je ne pense pas que c'est avantageux, puis ce n'est pas 1 %
de taxe qui va faire la différence. Par
contre, sur le commerce électronique au Canada,
on est sur le même dollar canadien, on pourrait peut-être s'attaquer à ça, et il me semble que, dans la fédération canadienne,
on devrait être en mesure de régler au moins cette question-là au Canada.
• (17 h 40) •
Le Président (M. Bernier) :
Il vous reste 1 min 30 s, M. le député.
M.
Spénard :
Écoutez, ça n'a pas d'importance avec
les États-Unis, le taux de change, mais ça a de l'importance
avec l'Ontario, étant donné le taux de taxation qui est plus faible en Ontario,
par exemple, tu sais, puis ça, on est collés.
Moi, l'autre
chose, vous parlez aussi du rapport Godbout, et puis il y a plusieurs
groupes aussi qui sont arrivés ici puis
qui ont dit : Il ne faudrait pas en faire un buffet, prendre ce qui nous intéresse et laisser les autres là. J'en ai
d'ailleurs parlé avec le ministre la semaine
dernière. Vous, vous le voyez comme un tout indissociable, même si le ministre
a déjà commencé avec les garderies, puis, avec le taux d'imposition, au
lieu de le ramener à 10 %, tel que suggéré, le taux d'imposition des PME,
il le laisse à 11,5 %. Comment vous voyez ça comme un tout, vous,
vitement?
Le Président (M. Bernier) :
M. Dorval, vous avez 30 secondes.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Peut-être
que Norma pourrait...
Mme
Kozhaya (Norma) : La
réponse, c'est oui et non. C'est-à-dire que oui, c'est un tout, mais, en même temps, on n'est pas nécessairement obligé d'aller jusqu'au bout tout de suite, il peut y avoir peut-être une première étape qui peut être faite.
Et, mettons, au niveau des sociétés, c'est sûr que, par exemple, le rapport
Godbout avait recommandé de réduire l'impôt
à 10 %. Le gouvernement a fait le choix de le réduire à 11,5 % seulement,
mais peut-être que, dans quelques années, on peut décider d'aller plus loin, de le réduire à 10 %,
quitte à réviser d'autres dépenses fiscales. Parce qu'il y a aussi que les
particuliers, c'est autofinancé, les entreprises, c'est autofinancé. Donc, même
pour les particuliers, on peut, par exemple,
décider de réduire un peu moins l'impôt et d'augmenter un peu moins la taxe.
Donc, c'est un tout, dans le sens qu'il
y a plusieurs mesures qui sont reliées et qu'on ne peut pas juste choisir une
qui n'aura pas d'impact neutre ou qui aura un impact sur certaines
clientèles.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Je dois donner la parole au député de Mercier.
M. Khadir : Merci, M. le Président. Mme Kozhaya, M. Dorval, bienvenue.
Vous appuyez, en quelque sorte,
quand même pour l'essentiel certaines recommandations du rapport Godbout. Vous applaudissez le fait
que le rapport Godbout met l'accent
sur la taxe à la consommation puis veut emmener la société
à faire ces choix-là plutôt que taxer davantage, imposer l'impôt
sur le revenu des entreprises
et des particuliers. D'accord? La
prémisse, d'ailleurs, repose là-dessus, la prémisse essentielle. Il y a
bien des vertus, certaines choses qu'on peut questionner dans le rapport
Godbout, mais l'essentiel, le coeur,
c'est : Diminuons la charge fiscale via les impôts, balançons ça avec plus
de taxes à la consommation. D'accord? Puis vous
demandez encore une diminution de la charge fiscale des entreprises. Je vous
comprends, vous représentez les patrons.
Pouvez-vous
me dire en quoi M. Flaherty se trompe, alors? Hein, M. Flaherty, ce
n'est pas un solidaire généreux et
admirable, là, c'est un capitaliste qui est convaincu des vertus du
capitalisme, d'accord, des bienfaits du capitalisme, et il avait
constaté que les baisses d'impôt accordées aux entreprises avaient eu comme
conséquence que les entreprises dormaient sur 600 milliards de dollars
d'argent dans leurs coffres qu'ils n'investissaient pas dans l'économie. Alors,
expliquez-nous... Ça, c'est
100 milliards pour le Québec... c'est 100 milliards d'argent des
entreprises du Québec qu'ils n'ont
pas réinvesti dans l'économie alors qu'on leur a donné des baisses d'impôt dans
le but qu'ils investissent. À quoi ça aura servi pour le Québec?
Le Président (M. Bernier) :
Vous avez une minute, M. Dorval.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Première des
choses, on n'a pas dit qu'on était favorables à l'augmentation de la fiscalité
et des taxes, on est en faveur d'une réduction du fardeau global fiscal, mais
que l'impôt sur le revenu est plus négatif que les taxes à la
consommation au plan économique. Mais, encore là, ça dépend du contexte
continental, l'environnement, etc. Et, si j'utilise le mot «environnement», c'est particulièrement pour répondre à votre question sur la question de l'investissement
des entreprises. Pour investir, il faut que le climat et l'environnement soient
incitatifs pour qu'une entreprise
dise : Je vais décider d'investir. On a un problème de ce côté-ci — quand je dis de ce côté-ci, je parle du Canada et du Québec — puis de façon mondiale, on n'est pas encore
dans un contexte où, vraiment, celui qui va investir voit une rentabilité
à son investissement parce qu'il y a trop de volatilité. Il y a un
environnement actuellement qui n'est pas, je
dirais, encourageant. Mais, cela dit,
plus on a un environnement fiscal concurrentiel, lorsque l'environnement international sera
là, on va probablement voir une plus grande prospérité au Canada et au Québec.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Merci de votre participation, M. Dorval, Mme Kozhaya.
Je vais suspendre nos travaux jusqu'à
19 h 30. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 45)
(Reprise à 19 h 33)
Le Président (M. Bernier) :
Nous reprenons nos travaux. À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la commission a
le plaisir de recevoir le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des
organisations, représenté par M. Claude Montmarquette, président-directeur
général et vice-président, Politiques publiques — bonsoir, M.
Montmarquette...
M. Montmarquette (Claude) : Bonsoir,
monsieur.
Le Président (M. Bernier) : — ...M.
Bernard Decaluwé également, qui vous accompagne. Donc, vous avez 10 minutes pour votre présentation. Par la suite, nous allons procéder aux échanges avec les parlementaires. La parole est à vous, M. Montmarquette.
Centre
interuniversitaire de recherche en
analyse des organisations (CIRANO)
M. Montmarquette (Claude) : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, d'abord, il s'agit pour moi d'un excellent
rapport, ce rapport Godbout, dont le souci a été de trouver une fiscalité plus
efficace tout en conservant une certaine équité envers les contribuables et en
assurant... des rentrées fiscales. Alors, il y a un consensus largement partagé, il faut stimuler l'offre de travail, particulièrement face à la baisse de la population active, et les investissements privés, qui sont aussi une situation
anémique récurrente au Québec, d'où l'idée de moins taxer les revenus de
travail, de capital en lui substituant une TPS plus élevée et des tarifs
pour conserver les mêmes rentrées fiscales.
Alors, ce
n'est pas une question nouvelle. Je me rappelle très bien, moi, il y a
environ une dizaine d'années, peut-être même plus, d'avoir participé à une conférence
avec le ministère des Finances, et le CIRANO, et d'autres centres de recherche où on avait discuté de cette question,
où on avait trouvé un terme sur le paradoxe québécois. C'est-à-dire que, le paradoxe
québécois, on avait un filet social très élevé avec une fiscalité de nature
américaine. Alors, quand on se comparait à l'Europe, on avait plutôt des impôts indirects, mais un niveau de
filet social élevé. Et, quand on se comparait avec les États-Unis, le filet social était beaucoup
moins important, et on avait, à ce
moment-là, des impôts directs. Donc,
on avait vraiment un peu ce qu'on pourrait appeler le pire des deux
mondes dans une certaine situation. Donc, ça, je pense que c'est un correctif
qui devait être mis en place, et la commission a validé pour le Québec toutes
ces relations, notamment entre la baisse des impôts des particuliers et la
hausse de l'offre de travail, à l'aide d'un modèle d'équilibre général
calculable, et mon collègue Bernard Decaluwé, ici, est un expert sur ces questions
s'il y a des questions relativement à ce type de modèle.
Donc, cette discussion n'est pas nouvelle au
Québec, le rapport Godbout a amené cette problématique vers une réalité pratique et, encore une fois, la
préoccupation de préserver la progressivité du système. En pratique, évidemment, il est difficile de hausser de plus
de 11 % la TPS, compte tenu de
notre environnement nord-américain, notamment avec notre proximité géographique avec l'Ontario. Donc, il
y a des réserves sur ce qu'on peut
faire entre baisser les impôts et hausser
les taxes sur la consommation, qui non
seulement, en plus, offre un plus
grand effort de travail, mais permet aussi d'accroître l'épargne, qui
était aussi un des objectifs rencontrés par le rapport.
Il faut donc
compenser la baisse des impôts par le recours à des tarifs si on ne peut pas
aller très loin avec la TPS, et le
tarif est une façon équitable, efficace de financer les services publics. Et je
vous renvoie à une commission que j'ai moi-même présidée en 2008 sur la tarification,
elle demande à celui qui utilise davantage de services que d'autres de contribuer davantage. Donc, c'est à la fois
efficace parce que les gens se demandent, s'ils ont à payer... lorsqu'ils
ont à payer un prix pour un service,
ils se demandent s'ils veulent vraiment ce service. Et il est équitable dans le sens que
celui qui utilise le service devrait payer un peu plus que les autres qui y
contribuent.
Alors, ce
n'est pas nécessairement au plein prix. On a bien vu ça avec les services de
garde, la tarification des services de garde, on a vraiment
modulé en fonction des revenus. Et
ça, ça se justifie lorsqu'il y a des externalités positives, comme c'était le cas dans les personnes à faibles
revenus, qui, à ce moment-là, étaient incitées à retourner sur le marché
du travail avec une tarification
relativement moins élevée, et ces gens-là, bien, au lieu d'être à la solde de
l'État à peu près pour l'ensemble de
leur activité, bien, devenaient un peu indépendants et même contribuaient
auprès de l'État, en fait, essentiellement. Donc, c'est quelque chose
d'important, et on a aussi modulé en fonction des revenus plus élevés, où eux avaient une contribution plus élevée parce
qu'il n'y a pas d'externalités pour eux, ils ne se posent pas la question
si on va rester sur le marché du travail ou
non. Donc, les tarifs, c'est quelque chose d'intéressant à cet égard, et je
vous rappelle que les deux
commissions, la commission sur la fiscalité et le rapport Robillard, la
commission Robillard, recommandaient exactement
la même chose, ce qui, malheureusement, n'a pas été retenu par le gouvernement.
En partie, en tous les cas.
Alors, s'il y
a d'autres questions sur les tarifs, je peux y revenir, mais mentionnons qu'en
2014 la proportion des revenus de
tarification en fonction du coût de l'ensemble des services publics était
environ de 12 %, moins de 12 %. Donc, il y a de la marge si on
veut vraiment aller dans cette direction, et je pense qu'on devrait aller dans
cette direction pour diminuer éventuellement les impôts sur le revenu et les
impôts sur les sociétés.
Alors, pour
assurer la progressivité et contrer le caractère régressif d'une hausse de la
TPS, le rapport Godbout propose neuf
paliers fiscaux avec un bouclier fiscal pour éviter des ajustements trop
brusques. Alors là, je suis moins à l'aise avec cette idée d'introduire des paliers fiscaux et je pense que neuf,
c'est beaucoup trop. Et il faut bien se rendre compte que, pour évaluer le caractère régressif ou
progressif d'un système, il ne faut pas seulement examiner le côté des
recettes fiscales, mais également examiner
les dépenses des gouvernements. À qui profitent ces dépenses? C'est la question
qu'il faut se poser. On sait qui paie et on
sait la nature des revenus de ceux qui paient, mais il faut se demander qui
reçoit ces services. Les dépenses en
santé, par exemple, semblent de nature progressive parce qu'elles seraient
davantage utilisées par les gens
moins fortunés, alors que les dépenses en éducation supérieure seraient plutôt
de nature régressive parce que ce sont les personnes des milieux plus
fortunés qui s'inscrivent dans les institutions postsecondaires. Donc, il faut vraiment regarder, si on veut maintenir la
progressivité du système, regarder les deux côtés, et je pense que ça, ça a
été... malheureusement, n'était pas nécessairement dans le radar de la
commission. Il faut dire qu'ils n'ont eu que huit mois pour faire un travail
assez considérable qu'ils avaient à faire.
Alors, une
remarque aussi importante, c'est que redistribuer... il faut faire attention de
ne pas utiliser les prix qui sont les
tarifs, entre autres, et les taxes sur la consommation pour redistribuer les
ressources. Les prix ou les tarifs entraînent une efficacité du système. C'est-à-dire, on se décide
de consommer ou non le service, et on doit payer quelque chose pour le faire. Si on veut redistribuer les
ressources — et ça,
ça fait partie du rôle majeur de l'État — bien, on peut faire des transferts,
on peut le faire autrement. Donc, il ne faut
pas mélanger les choses, c'est des... Je m'en tiens à l'essentiel dans le
rapport parce que c'est, au fond, des principes économiques de base qui sont
sans contestation à bien des égards.
Alors, j'aurais
souhaité, donc, que la commission explore davantage cette question de paliers
d'impôt. Voire même, moi, je les
aurais peut-être réduits dans certaines circonstances. Et rappelez-vous que
moins vous avez de paliers, moins vous avez cette nécessité de bouclier,
qui ne sera pas, à mon avis, une question très facile à résoudre, et vous avez
aussi moins d'évasion fiscale à bien des égards.
• (19 h 40) •
Alors, le
rapport Godbout s'est longuement penché également sur les crédits d'impôt aux
entreprises, mettant en question leur
efficacité. Je vous rappelle que la commission Robillard, dont j'ai fait
partie, a fait de même pour les aides budgétaires. L'ensemble est très généreux envers les entreprises
québécoises. Alors, pour les deux commissions,
il s'agit d'une réponse à un fardeau
fiscal plus élevé, et c'est peut-être ici que le bât blesse. Le fardeau fiscal crée une
distorsion, comme toute forme de taxe, de toute façon, et, pour corriger cette distorsion, on en a introduit une autre avec
des crédits d'impôt ou des aides budgétaires. Je pense
qu'il faut revenir sur cette question et se demander si, effectivement, c'est la
bonne façon, d'avoir un niveau d'imposition aussi élevé pour les entreprises. S'il
y a des questions là-dessus, je pourrais y
revenir, mais je pense qu'on ne peut pas contrer une distorsion par une
autre distorsion. Ça fait deux distorsions, ça réduit l'efficacité de l'économie
et ce n'est certainement pas la bonne façon de faire les choses.
En résumé, la
commission propose une solution minimale à un problème réel.
C'est certainement un pas dans la bonne direction. Je suis bien conscient, comme tous les économistes d'ailleurs, que la réalité est plus
complexe que les modèles relativement
abstraits, quelquefois, des économistes, mais il faut guider nos actions selon
certains principes, et la rigueur économique, sans être la seule
approche possible, est certainement éclairante à cet égard. Et je pense, encore
une fois, que je me suis contenté de
regarder sur des principes très, très simples. Vous voulez un peu plus d'heures
de travail, il le faut au Québec. Il y aura
une pression constante sur les finances publiques, et ce n'est pas en deux ans,
là, que ça va se résorber, c'est...
probablement besoin de cinq à 10 ans avant qu'il y aura un retour démographique
dans la situation. Il y a besoin
d'investissements privés, il faut les stimuler. Il faut trouver une façon,
donc, plus efficace et aussi plus équitable, à bien des égards, de
financer l'ensemble des dépenses publiques. Alors, je vous remercie.
Le
Président (M. Bernier) : Merci, M. Montmarquette. Merci de
votre exposé. M. le ministre, la parole est à vous.
M.
Leitão : Merci, M. le Président. Alors, MM. Montmarquette et Decaluwé,
merci beaucoup d'être là. Vous aviez participé aux travaux de la
commission, pendant laquelle vous... plusieurs consultations, et maintenant
vous venez aussi nous faire part de vos
commentaires sur les recommandations de la commission. Nous avons eu
plusieurs autres groupes qui sont venus
avant, ceux surtout du monde syndical nous ont dit qu'ils n'étaient pas
nécessairement très emballés par les
travaux de la commission parce que les travaux de la commission étaient basés
sur un modèle économétrique, modèle
d'équilibre général qui, selon eux, ne vaut pas grand-chose. Je caricature un
petit peu, mais c'était un peu dans
cet ordre d'idées là, on ne peut pas faire confiance à ces modèles-là. Alors,
je vous demanderais — surtout M. Decaluwé, vous connaissez très
bien ce modèle — si
vous pouvez nous parler un petit peu, enfin, à deux niveaux, d'abord, donc, l'utilité d'un modèle pour arriver
à des conclusions de politique publique, et puis, dans un deuxième lieu,
le modèle particulier qui est utilisé au ministère des Finances.
Le Président (M. Bernier) :
Alors, M. Decaluwé ou M. Montmarquette?
M. Decaluwé (Bernard) : O.K.
Le Président (M. Bernier) :
M. Decaluwé.
M.
Decaluwé (Bernard) : Bon,
bien, merci, M. le ministre. Je pourrais parler sur ce sujet pendant plusieurs heures. Donc, je sais que...
Le Président (M. Bernier) :
... pardonnez-moi.
M. Decaluwé (Bernard) : ...nous
n'avons pas beaucoup de temps, mais ce que je voudrais d'abord dire sur l'utilité, c'est qu'il me semble que, dans tout ministère des Finances, il y a essentiellement deux grands instruments qui sont nécessaires. Un instrument qui permet de faire la prévision
à relativement court terme, que va-t-il se passer dans
les trois prochains mois, dans les six prochains mois, quel va être le niveau d'activité
et ainsi de suite, et, compte tenu de chocs
externes qu'on peut imaginer comme la baisse du pétrole, ou, au contraire, son augmentation, ou son niveau stagnant, on peut essayer de savoir quelles vont
être les conséquences sur les recettes fiscales, et ainsi de suite.
L'autre
instrument qui est absolument, absolument indispensable, c'est un modèle... des instruments
qui permettent de faire des
simulations, et donc que se passerait-il si nous faisions a, b, c ou d. Et
l'essentiel de la modélisation en équilibre général, c'est de fournir ce type d'instruments et ce type de réponse et
donner une réponse quantitative. O.K.? Vous pourriez argumenter que, si on augmente les taxes, ça va augmenter le revenu des
ménages, mais la question, ce sera de combien. Et quelqu'un d'autre
pourra dire, argumenter de nouveau : Si vous augmentez les taxes, vous
allez réduire le revenu des ménages, et l'argument entre économistes peut durer
pendant des heures. La seule façon de se distinguer, c'est de se dire : Essayons
de le mesurer concrètement. Et, pour le mesurer, j'ai besoin d'un instrument
parce que la réalité est extrêmement complexe.
Donc, j'ai
besoin d'un instrument qui m'aide à la prise de décision et, surtout, d'un
instrument qui m'aide à la réflexion :
Comment notre économie fonctionne-t-elle? Quelles sont les relations entre les
différents secteurs? O.K.? Quel est
le comportement des ménages? Comment se comportent les firmes? Qui investit?
Qui n'investit pas? Qui consomme? Qu'est-ce
qu'on consomme? Donc, quelqu'un qui fait un modèle d'équilibre général, c'est
quelqu'un qui réfléchit les problèmes
économiques dans leur globalité, qui voit tout de suite le système économique
comme un système. Et donc ce n'est
pas une question de finances publiques d'un côté, de dépenses publiques de
l'autre, de santé d'un côté, d'éducation de l'autre. Non, c'est : Je dois voir l'économie comme un système
complet dans lequel tous les éléments interagissent les uns avec les autres. Et donc ce que fait la main
droite va influencer très fortement ce que pourra faire la main gauche. Et,
si vous vous mettez sur un pied, bien vous savez qu'en vous mettant sur un pied
votre tête va éventuellement devoir rétablir l'équilibre,
et vous ferez des mouvements pour garder l'équilibre, et votre main droite et
votre main gauche vont interagir.
Donc,
qu'est-ce que nous faisons lorsqu'on essaie de développer un instrument de
cette nature-là? On essaie de se dire :
Devant un système économique qui est extrêmement complexe et dans lequel il y a
des milliers d'interactions entre les
agents économiques, comment pouvons-nous capter les caractéristiques
essentielles de cette économie-là et quantifier les comportements? Bien, avec des élasticités. Probablement que certains
qui ont critiqué le modèle ont dit : Bon, bien, d'où viennent vos élasticités? Si on change
l'élasticité, on obtient un autre résultat, et ainsi de suite. Bien sûr. Bien
sûr, nous le savons. Ce qui n'empêche que
l'instrument peut être particulièrement utile pour réfléchir. Et, en réfléchissant,
on s'aperçoit qu'il y a certaines politiques dont on pense qu'elles sont
extraordinaires, et, lorsqu'on fait les calculs, on s'aperçoit : Ah oui!
Mais il y a des effets secondaires qu'on n'avait pas imaginés et qui sont
relativement importants.
Un
exemple que nous avons fait lorsque nous avons travaillé le modèle, il y a
quelques années, là, hein, vous vous souviendrez,
mes amis qui sont à l'arrière, là, c'était la fameuse question de la règle des
15 ans pour les produits pharmaceutiques,
hein? Le ministère de la Santé nous disait : Si on enlève la règle des
15 ans, les coûts des médicaments vont
se réduire sensiblement, et, le budget de la santé, O.K., on gagnait je ne sais
plus combien... 250 millions, je pense, par année grâce à ça. Quel était le vrai problème? Le vrai problème n'était
pas de savoir si on allait gagner du côté des... moins de dépenses du côté de la santé, mais il y avait
la menace que l'ensemble des pharmaceutiques allaient s'installer en
Ontario si elles n'étaient pas protégées
comme avant. Alors, qu'est-ce que ça veut dire, ça? Ça veut dire que, d'un côté, vous avez un effet positif qui est la baisse des dépenses, mais, de
l'autre côté, si, effectivement, il y a déplacement d'activités vers l'Ontario au détriment de Montréal, hein, vous perdez
des emplois bien rémunérés, vous perdez des taxes, vous perdez, évidemment,
autre chose.
Qu'est-ce que nous avons pu faire avec le modèle à l'époque, c'est qu'on a simulé
cette politique particulière.
Et ce qu'on a montré, c'est que ce qu'on
gagnait d'un côté, on le perdait de l'autre. Quelle a été la décision du
gouvernement? Bien, ne touchons à rien, là. O.K.? Ne
prenons pas le risque de déplacer des travailleurs très qualifiés de Montréal pour aller à Toronto, O.K., et on
ne fait rien d'autre. Le modèle, peut-être qu'on se trompait dans l'évaluation
qu'on a faite des bénéfices et des pertes, mais ça a permis de capter un
phénomène d'interaction qui existe en économie qu'on aurait peut-être argumenté dans les journaux, quelques
journalistes auraient pu sortir quelques arguments pour dire : Oui,
mais attention, on va perdre des bons emplois à Montréal, mais il fallait le
quantifier. Et donc je pense que l'exercice qui a été fait ici... Et je suis très fier de ça, là, je suis très fier que le
modèle que nous avons bâti pendant trois ans, quatre ans, là, avec toute
l'équipe du ministère, et surtout de l'Institut de statistique, soit encore
opérationnel aujourd'hui et qu'il ait été développé dans différentes
directions.
Et,
de nouveau, je pense que, pour une commission comme celle-ci, s'ils avaient
essayé de faire des recommandations sans utiliser un modèle rigoureux,
précis, dans lequel toutes les hypothèses de comportement sont explicites, hein... Ça, c'est l'avantage de cette approche, vous êtes obligé de
formuler toutes vos hypothèses, et n'importe quel économiste peut vous dire : Je ne suis pas d'accord avec cette
hypothèse-là ou je ne suis pas d'accord avec telle autre hypothèse. Donc, la modélisation doit être
explicite, et toutes les hypothèses sont mises sur la table. Avec ces
hypothèses-là et avec les valeurs des paramètres, bon, on arrive à certaines
évaluations.
Et
donc moi, je suis très, très, très flatté, d'une certaine façon, de voir que, 10 ans
presque plus tard, ce modèle reste toujours extrêmement opérationnel, il
a été utilisé pour faire des estimations dans plusieurs budgets en 2006, 2007,
et ainsi de suite, et je pense que c'est quelque chose qui doit être maintenu. C'est absolument indispensable. Faire le contraire, c'est-à-dire faire des calculs de coins de table, là, en disant : Bon, on va
faire une règle de trois, puis on va augmenter les taxes de x, et puis ça va faire y de revenus,
hein, c'est aberrant. O.K.? On peut faire aujourd'hui beaucoup
mieux, et le ministère a fait beaucoup mieux.
• (19 h 50) •
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le ministre.
M.
Leitão : Très bien,
merci beaucoup. Je trouve ça très éclairant, merci. Écoutez,
je ne veux pas, moi, prendre beaucoup de temps, alors, les collègues, si vous avez des
questions que vous voulez soulever. Sinon, je peux revenir...
Le Président (M.
Bernier) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme
de Santis :
J'ai une très courte question. Merci
beaucoup d'être là. C'est fort
intéressant, votre présentation. J'ai
une question quant à l'écofiscalité. On a parlé de ça ici, et je me posais la
question parce qu'une personne en
particulier a fait mention de cela. Si je
veux vraiment réduire les gaz à effet de serre, est-ce que c'est mieux
augmenter la taxe sur les carburants ou procéder par péage?
Une voix :
...
Le Président (M.
Bernier) : M. Montmarquette ou... Oui.
M.
Decaluwé (Bernard) : Quand
il aura répondu, je vais vous ajouter une toute petite chose pour dire que,
ce genre d'analyses, on les a faites avec le
modèle du ministère des Finances à l'époque, lorsque le gouvernement fédéral prévoyait de vendre des permis de pollution, O.K., en
disant : Bien, vous avez un certain permis de pollution, et je vais
vous le donner si vous êtes un pollueur. Par contre,
ces permis de pollution, comme je ne les ai pas, je vais les acheter sur
le marché international. Et donc la demande de permis de pollution excédait de beaucoup
l'offre, et cela voulait dire que l'État...
enfin, le gouvernement fédéral devait acheter des permis sur le marché
international pour les redistribuer aux firmes qui étaient polluantes.
À
l'époque, on a fait un superbe rapport qui n'a jamais pu être publié, malheureusement, parce qu'il était
trop politiquement sensible dans lequel on
montrait qu'il y aurait des transferts implicites extrêmement importants vers
les provinces polluantes au détriment du
Québec par ce mécanisme de subvention des permis. Alors, comment sommes-nous
arrivés à cette chose-là? C'est qu'on s'est dit : Bien, il y a différents
degrés de pollution. Il y a les entreprises qui polluent, il y a les consommateurs qui polluent et il y a un certain
niveau de pollution. Et donc, si l'activité économique reste au même niveau, il y a un certain degré de
pollution. Si elle augmente, le degré de pollution va augmenter. Donc, maintenant, les firmes qui polluent peu, elles,
elles ne sont pas intéressées par les permis. Si elles en reçoivent, elles
vont les revendre à des firmes qui, elles,
polluent énormément. Et donc les firmes qui polluent extrêmement peu vont tirer
un bénéfice du fait qu'elles reçoivent des
permis dont elles n'ont pas besoin, puisqu'elles ne polluent pas, et les firmes
qui polluent énormément et qui ne veulent pas mettre en oeuvre des mesures de
réduction des pollutions, bien, vont devoir payer pour acheter les permis.
Évidemment,
l'idée implicite de ce marché des permis de pollution, c'est de dire : Bien,
les firmes qui, maintenant, vont devoir payer pour acheter les permis
vont faire le calcul : ne vaut-il pas mieux investir pour réduire le
niveau de pollution? Vous voyez le genre de problématique...
Le Président (M. Bernier) :
M. Montmarquette.
M. Montmarquette
(Claude) : Oui. Bien, ça, c'est le marché du carbone, là, qui...
M. Decaluwé (Bernard) : C'est ça.
M.
Montmarquette (Claude) :
...c'est tellement quelque chose de bénéfique que ce qui est meilleur, hein,
ce qui serait une solution de premier ordre,
ce serait la taxe, la taxation, en fait, simplement des pollueurs. Parce que,
là, vous avez une taxation, mais là
il faut s'entendre que la taxation existe partout parce que, sinon, vous avez
des difficultés. Alors, le marché, je
pense, c'est un «second best» qui est très, très intéressant, là, puis je suis
certainement heureux de voir le Québec dans cette situation.
Maintenant, quand dites : Est-ce qu'il y a
un péage?, vous savez, il faut faire très attention. Souvent, les gens
confondent le péage comme une source de financement. Le péage sur une
autoroute, ce n'est pas pour financer, c'est pour
régler la circulation, contrôler la circulation parce que le péage, ça peut
être fait... C'est surtout pour ça, le péage essentiellement, parce que,
les infrastructures routières, bien, il faut que ce soit financé par
l'ensemble. Et ceux qui l'utilisent, bien là
ils pourraient, effectivement, l'utiliser et y avoir un paiement pour le faire,
mais c'est beaucoup pour réglementer
la circulation, en fait, essentiellement. Alors, si vous avez des pollueurs,
bien là il faut les taxer. Et là, à ce moment-là,
c'est le tarif. C'est ce que je mentionnais tantôt, s'il y a des externalités
négatives, bien, c'est tout à fait juste que, quelquefois, un service coûte plus cher pour le consommer parce qu'il
crée des externalités négatives sur les autres qui doivent être prises en compte. Donc, encore une
fois, le système de prix, bien, joue un certain nombre de rôles, et puis
le marché, dans la question du marché du carbone,
bien, vient faire en sorte qu'on peut vraiment essayer d'avoir un
objectif de couper la pollution d'un certain
niveau et là, bien, laisser le marché simplement faire en sorte que les firmes
qui sont moins efficaces vont avoir
un incitatif majeur à l'être, et donc on améliore l'ensemble de la situation
tout en réduisant la pollution globale.
Donc, encore
une fois, le système des prix est là pour faire des allocations efficaces de
ressources et ne doit pas être là
pour refaire de la distribution des ressources, et c'est pour ça que le modèle
d'aller vers davantage de taxes sur la consommation,
de tarifs et de réduire l'impôt sur le revenu est certainement quelque chose de
bénéfique pour le Québec à bien des
égards. Et surtout, encore une fois, dans le contexte actuel d'un changement
démographique, d'une diminution démographique
qui va être maintenue pendant plusieurs années et qui va garder des pressions
énormes sur la fiscalité du Québec, et on n'est pas sortis encore de
cette situation.
Mme de Santis :
Merci.
Le Président (M. Bernier) :
C'est bien? Une minute.
Mme de Santis :
Ça va, M. le Président.
M. Fortin (Pontiac) : Ça va.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Rousseau.
M. Marceau :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Montmarquette. Bonjour,
M. Decaluwé. Alors, encore une fois, des vieilles connaissances, si
on peut dire. M. Decaluwé...
Le Président (M. Bernier) :
...en pays de connaissance.
M. Marceau :
M. Decaluwé était mon collègue lorsque je suis arrivé à l'Université Laval
en 1992 — alors,
je révèle mon âge — et
on a travaillé ensemble à bien des choses à l'époque.
Mais, tout
d'abord, merci, donc, pour votre présentation. J'ai quelques questions.
Peut-être une, M. Montmarquette, vous
venez de dire, donc, que de diminuer les impôts puis d'augmenter les taxes pour
compenser, là, donc de faire un redosage
des impôts, c'est favorable pour le Québec, entre autres parce que ça va
permettre d'accroître l'offre de travail dans un contexte de vieillissement démographique. Bon, je comprends
votre argument, mais il y a le contexte, là, qui a été documenté, si on veut, récemment, qui est celui du
commerce électronique, qui a tendance à éroder l'assiette fiscale de la taxe de vente. C'est suffisant pour que les pertes
fiscales de l'État soient de plusieurs centaines de millions. C'est
aussi suffisant pour qu'on puisse dire
aujourd'hui que le rendement de la TVQ a posteriori a été beaucoup plus faible
qu'anticipé lorsqu'on a augmenté la TVQ la dernière fois.
On pourrait se chicaner sur la hauteur des
chiffres, je pense, parce qu'on n'a pas nécessairement les mêmes concepts. Mais, en gros, M. Bachand, à la
suite de la hausse de la TVQ en 2012, avait prévu des revenus de TVQ qui
ne se sont pas réalisés, en tout cas qui
étaient bien supérieurs à ceux qui se sont réalisés puis qui sont encore
aujourd'hui bien supérieurs à ceux
qui sont prévus par le ministre actuel des Finances. Alors, moi, ça me dit
qu'il se passe quelque chose du côté de l'assiette de la consommation
taxable, il se passe quelque chose. Quant à moi, ce n'est pas bien documenté, mais j'aimerais mieux juste avoir votre opinion,
avez-vous l'impression, vous aussi, qu'il se passe quelque chose de ce côté-là? Avez-vous l'impression qu'il faut en
tenir compte? Est-ce que vous avez l'impression qu'on devrait pousser un
peu plus loin l'analyse?
Le Président (M. Bernier) :
M. Montmarquette.
M. Montmarquette (Claude) : Très certainement, absolument. Et c'est un défi
pour pas seulement au Québec en passant,
hein, c'est un défi pour l'ensemble des communautés de régulariser, en fait, ce
genre de commerce et comment on parvient
à le faire. Et je pense qu'on va y arriver éventuellement, il va falloir qu'il
y ait des accords en quelque part à un niveau plus national
essentiellement.
Mais,
vous savez, de l'autre côté, ce n'est pas mieux non plus parce que toute cette
question d'évasion fiscale, de fraude
fiscale, bien, vient aussi d'une pression sur... Alors, si vous avez des
réductions de taxes et que vous gardez les mêmes services, bien, il va falloir que vous dites : Bien, c'est
moins rentable, on va... Qu'est-ce que vous allez faire? Vous allez hausser l'impôt sur le revenu ou hausser
l'impôt sur les sociétés, et là, bien, vous allez avoir, en fait, d'autres
types de problèmes qui sont, effectivement,
l'évasion fiscale, et c'est pour ça qu'il faut recourir à un modèle. Alors,
évidemment, peut-être que le commerce électronique n'est pas introduit pour le
moment, mais c'est comme ça qu'on va avancer tranquillement
sur les choses et voir plus clair. Parce que, si on n'a pas ce modèle-là,
qu'est-ce que les autres personnes ont
comme alternative? Sur quelle base est-ce qu'on peut les voir, est-ce qu'on
peut les évaluer? Alors, M. Marceau, vous aviez raison de dire
qu'il y a toutes sortes de défis qui restent, mais ça ne change rien à la
problématique de base, essentiellement.
• (20 heures) •
Le Président (M.
Bernier) : M. le député.
M.
Marceau : En tout respect, je suis un peu en désaccord. Dans le
fond, on était dans un monde dans lequel, jusqu'à récemment, on savait que taxer du côté des revenus, imposer les
revenus, ça... il y avait des fuites. Il y avait des fuites, il y avait des gens qui évitaient, il y
avait des gens qui cachaient leurs revenus puis qui ne les déclaraient pas,
alors que, bon, moi, j'ai appris la même
affaire que vous, là, la TVA, les TVA, dans tous les pays en voie de
développement, on a dit à tous ces pays-là:
Mettez en place des taxes sur la valeur ajoutée parce que, bon, c'est difficile
d'éviter l'impôt, c'est facile de
collecter. Avec un système de remboursement des intrants, on est capables de
s'assurer que les comptes balancent.
Bon, moi, j'ai appris ça, vous avez appris ça, je suis certain, vous
l'enseignez peut-être encore. L'affaire, c'est juste que ça, c'était vrai jusqu'à récemment, mais là il se passe
quelque chose du côté de la consommation taxable, et donc il me semble
qu'on devrait ajouter ce morceau d'information là.
Puis, quand je
regarde les résultats qu'on a, que ce soit avec le modèle ou avec d'autres
méthodes, avec, par exemple, les estimations
économétriques du coût marginal des fonds publics, on arrive toujours aux mêmes
conclusions, qui reposent sur des données
qui ne tiennent pas compte du commerce électronique, des changements dans les
patterns de consommation qu'on observe
récemment. Alors, moi, tout ce que je vous dis, c'est : Peut-être que ce
qu'on est en train de prôner puis
prêcher, ce sont des politiques qui s'appuient sur des façons de comprendre la
réalité qui n'ont pas été modifiées pour tenir compte, justement, des
changements.
Le Président (M.
Bernier) : M. Montmarquette.
M. Montmarquette (Claude) : Peut-être, à ce moment-là, il faut aller vers les
tarifs parce que c'est le service qu'il faut taxer, essentiellement, ou
c'est le service... Puis là vous dites que vous allez chercher des
rémunérations sur des consommations qui ne
sont pas nécessairement offertes par l'État. Moi, je parle du financement de
l'État, là, d'accord? Donc, le
financement de l'État peut peut-être être plus associé aux tarifs. Je ne vous
contredis pas, M. Marceau, sur cette question que, ça, tout n'est
pas très bien intégré encore dans la réalité économique, et c'est un problème
majeur...
M. Marceau :
C'est un phénomène récent aussi.
M. Montmarquette (Claude) : Mais c'est que c'est un phénomène récent qui
reste encore assez marginal, somme toute.
Il y aura des façons, probablement, de faire, mais ça reste un défi,
effectivement, de... Mais je pense qu'au stade où on en est il vaut
mieux prendre ce qu'on connaît que ce qu'on ne connaît pas, et le tarif est une
alternative.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Rousseau.
M.
Marceau : Oui, peut-être changer de sujet, je pense qu'on
pourrait en débattre longtemps. Puis je pense que vous avez des
arguments intelligents, j'ose croire que les miens le sont aussi.
Je
veux vous parler de la neutralité dans le temps de la réforme, puis juste avoir
votre opinion, là, sur ce qui est proposé. Évidemment, là, la réforme
qui est proposée fait en sorte que le fardeau fiscal des sociétés est constant
au moment de l'introduction de la réforme,
le fardeau fiscal des particuliers est constant au moment de la réforme, mais
là ça va évoluer, là, ça va avancer. Vous,
comment vous voyez la suite des choses? D'après vous, l'État, dans cinq ans,
dans 10 ans, dans 20 ans, va-t-il
être plus riche, moins riche? Enfin, vous comprenez ce que je veux dire, est-ce
qu'il va avoir plus de revenus, moins de revenus ou est-ce que, d'après
vous, ça va rester à peu près stable?
Le Président (M.
Bernier) : M. Montmarquette.
M. Montmarquette
(Claude) : Il va y avoir plus de revenus s'il y a plus de travail puis
s'il y a plus d'investissement, c'est les deux facteurs de production majeurs
pour la croissance économique. Et là il y aurait une croissance de revenus, à l'évidence même, il n'y a pas autre chose... Il
y a, évidemment, les innovations technologiques qui vont entrer en jeu aussi. Ça, ça va rester parce
qu'il y a... Mais les deux facteurs majeurs de croissance économique,
c'est l'investissement et le travail, et c'est ce vers quoi on veut essayer de
stimuler.
Le
Président (M. Bernier) : Merci. M. le député de Rousseau.
M.
Marceau : O.K. Sur la question de la progressivité, je vous ai
bien entendu, là, quand vous avez dit qu'il fallait mesurer la
progressivité et la régressivité à la fois en regardant le côté des revenus
puis des dépenses. Simplement sur le côté
des revenus, vous savez comme moi que, les impôts, il y a le fardeau légal,
mais les impôts sont relayés, sont reportés sur d'autres contribuables,
là. Que ce soit, par exemple, l'impôt des sociétés, c'est soit les
actionnaires, soit les travailleurs, soit les consommateurs qui les paient. Même chose pour, par exemple, les impôts fonciers, qui sont en partie reportés sur les locataires. Dans ce contexte-là, vous n'avez pas
d'inquiétude par rapport à la réforme qui est proposée? Est-ce que vous trouvez que ça tient la
route?
Le Président (M.
Bernier) : M. Montmarquette.
M. Montmarquette
(Claude) : C'est quoi, votre question, exactement, là?
M.
Marceau : Bien, je
vous demande... Parce que vous nous dites qu'il faut tenir compte de deux
ingrédients.
M. Montmarquette
(Claude) : Oui, tout à fait.
M.
Marceau : Donc, je
vous dis : Ajoutez-en même un troisième, si vous voulez, là, pour
l'ensemble de l'oeuvre, là. Est-ce que vous trouvez que ça tient la
route?
M. Montmarquette (Claude) : Oui. Ce que vous dites, c'est : Qui paie finalement, en bout de compte? Bien sûr, c'est ça qu'il faut regarder, mais c'est...
Prenons, par exemple, l'impôt sur les sociétés, hein, vous savez comme moi,
aussi bien que moi d'ailleurs, que...
théorie économique dit maintenant que c'est les travailleurs qui en souffrent.
Parce que ce n'est pas nécessairement
le consommateur qui reçoit le prix de l'impôt parce que, là, il y a une
concurrence forte dans plusieurs
marchés, et, finalement, les nouvelles... en fait, résultats sur ça, ce sont
les travailleurs qui en souffrent parce qu'ils ont moins de salaire, il
y a des... Qu'est-ce que vous voulez, il y a des... Je n'ai pas à vous
expliquer ça, Nicolas, là...
M. Marceau :
Non, non, mais c'est à vous à l'expliquer à la commission.
M. Montmarquette (Claude) : ...les principes économiques de base, là. Puis il
n'y a rien qui se crée, il n'y a rien qui
se perd dans ça, là, effectivement, il y a des... Mais ce que j'ai voulu dire,
c'est que je pense qu'il faut regarder aussi le côté des recettes pour
examiner la progressivité de l'ensemble du système, et c'est...
M.
Marceau : Mais votre jugement — c'était ça, ma question, ultimement,
là — votre
jugement sur l'actuelle progressivité du système...
M. Montmarquette (Claude) : Moi, je pense que le système, au Québec, est plus
neutre que ce qu'on aimerait le croire.
Ça, c'est mon jugement, mais je ne peux pas vous dire que j'ai une preuve
rigoureuse de ça, là. Parce que je pense que, dans tout système, que ce soit en France, que ce soit... partout,
il y a des contrôles qui se font à l'aide, par complément, d'un modèle
d'équilibre général, pas nécessairement calculable, celui-là, et qui fait qu'en
somme, bien, ici, par exemple,
on a des propriétés qui coûtent moins cher
qu'ailleurs parce qu'il y a aussi une progressivité des impôts qui est
plus élevée, qui fait que les gens restent ici parce qu'il y a des
avantages. Donc, à un moment donné, le système devient assez neutre, à mon avis,
dans son ensemble, et c'est difficile de faire autrement, je pense.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Granby.
M.
Bonnardel : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. Je veux vous amener sur un
point qui m'interpelle. Vous semblez,
grosso modo, d'accord avec le rapport Godbout. Je pourrais vous
questionner sur les paliers fiscaux, là, que vous dites qu'il y en a peut-être
trop, il faudrait peut-être les réduire, mais, vous savez, là, vous avez parlé
d'un petit point important
tantôt, le vieillissement de la population. Je me souviens, en 2010, M. Bachand était ministre des Finances, le ministère nous avait donné des chiffres qui, pour moi,
étaient préoccupants. On disait que le Québec était la deuxième nation au monde la plus
vieillissante après le Japon. On disait qu'en 1976, voilà 40 ans, il y
avait neuf travailleurs pour un retraité; à partir de 2016, il y aura trois
travailleurs pour un retraité; et 2030, deux pour un.
La pression fiscale
sera énorme, selon moi, sur ces gens qui seront sur le marché du travail, qui
le sont présentement, les jeunes qui nous écoutent, qui vont être au travail
dans les prochaines années. Quand on regarde nos dépenses, que ce soit la santé, qui coûte presque la moitié de nos
impôts, l'éducation, le quart, le service de la dette à 12 %, 13 %, les trois principaux postes budgétaires
coûtent au-dessus de 80 % de toutes nos dépenses. Pensez-vous — question
large — que
ce rapport répond à cette problématique? Est-ce qu'on a tort de ne pas assez en
parler? Est-ce que ce vieillissement va vraiment nous toucher? À savoir, la
fiscalité, comme on la connaît présentement, les Québécois sont les plus taxés, imposés. Est-ce qu'on va
vraiment sur le bon chemin? Est-ce qu'on répond à cette problématique,
selon vous, à savoir que, quand on se
regarde, là, quand on regarde nos compétiteurs, les provinces, le nord-est des
États-Unis, on a une situation qui
est assez particulière avec ce baby-boom, qui, aujourd'hui, nous frappe de
plein fouet? Puis les gens s'en vont à la retraite, ils méritent cette
retraite, mais les jeunes qui arrivent sur le marché du travail, ceux qui sont
dans l'âge de travailler extrêmement fort, là, je... C'est une situation qui me
préoccupe énormément, là.
Le
Président (M. Bernier) : M. Montmarquette.
M. Montmarquette (Claude) : C'est extrêmement préoccupant parce
qu'effectivement les jeunes, aujourd'hui, c'est la génération la plus éduquée que le Québec a connu. Ce sont des
gens qui sont mobiles, qui voyagent très jeunes, qui sont assez habiles avec deux à trois langues. Si
ces gens-là ne sont pas capables de s'épanouir et si on les écrase,
bien, ils vont quitter. Je suis désolé, mais
ça va être la situation. Et ça, c'est très préoccupant quand vous perdez les
jeunes les plus actifs sur le marché
du travail parce qu'on n'a pas pensé, ex post, qu'il y avait une situation
qu'il fallait régler, là, pour la génération future, là.
On est toujours dans
ce contexte-là, hein? Que ce soit sous une forme ou sous une autre,
l'endettement qu'on a connu au Québec — parce que ça, c'est l'autre
morceau — dont
une partie extrêmement importante reste encore une mauvaise dette, bien, ça va
se faire sur le dos des générations futures, et c'est là que l'équité intergénérationnelle
intervient. Et ça, c'est majeur parce que ce n'est pas seulement une question
d'équité, c'est une question de survie comme nation. En ce qui me concerne, en
tous les cas, je partage complètement votre inquiétude sur cette question.
• (20 h 10) •
Le Président (M.
Bernier) : M. le député
.
Une voix :
Tu poses ta question, André, tout de suite?
M.
Spénard :
Oui.
Le Président (M.
Bernier) : Oui, oui, allez-y, M. le député.
M.
Spénard : O.K.
Bonsoir, messieurs. J'ai trouvé très intéressant votre exposé. Moi, j'ai une question
fort simple. On a des hypothèses
dans le rapport Godbout, des hypothèses que ça
va... Je prends les hypothèses :
impact sur le marché du travail,
20 505 emplois; zéro, le coût de la réforme pour le gouvernement — il
ne parle pas de zéro pour le contribuable, par exemple, mais ça, c'est
une autre paire de manches; impact sur le PIB, quasiment 2 milliards de
dollars; impact sur l'investissement, 584 millions. Est-ce que vous pouvez
affirmer que ces hypothèses-là, parce que ce ne sont que des hypothèses
faites par des économistes... c'est-u
plausible ou s'il y a une marge d'erreur plus grande que le dernier
sondage Nanos au fédéral?
Le Président (M.
Bernier) : Bon, M. Decaluwé, j'imagine que vous avez envie de
répondre.
M. Decaluwé
(Bernard) : Pour vous faire plaisir, je vais vous dire non. Je ne peux
pas vous garantir que ces chiffres-là sont
corrects, je ne peux pas. Je vous mentirais si je dis oui. Pourquoi? Parce que,
justement, c'est la mise en oeuvre
d'un certain nombre d'éléments, O.K., au mieux de notre connaissance, avec le
plus de précision possible sur les poids
relatifs, qu'est-ce que ça représente, l'agriculture, qu'est-ce que ça
représente, les ressources naturelles, qu'est-ce que ça représente, l'industrie, qu'est-ce que ça représente, les
services. On met tout ça ensemble et puis on essaie de voir si... On a les catégories de ménages, on a 125
catégories de ménages. Donc, un ménage avec deux enfants ne se comporte
pas de la même façon qu'un ménage
célibataire. O.K.? Un retraité, ce n'est pas le même comportement qu'un jeune
de moins de 25 ans non marié. Donc, on prend toutes ces informations-là
et on essaie de les mettre ensemble.
Donc, de nouveau, le
modèle, à quoi sert-il? Il nous sert essentiellement à dire : Il y a
quelque chose de très complexe où il y a énormément d'interaction, est-ce que
je parviens quand même à dire quelque chose sur comment l'économie pourrait
éventuellement évoluer si on fait une mesure a par rapport à une mesure b ou
par rapport à une mesure c? Et, de nouveau,
je peux me tromper sur a. Je veux utiliser le même modèle, les mêmes données,
mais, si je me trompe sur a, je vais
aussi me tromper sur b, entre guillemets, dans la même proportion et je vais
aussi me tromper sur c dans la même
proportion, puisque les données que j'ai sont imparfaites, et le modèle est
imparfait parce que tout n'est pas vérifié.
Donc, je vais me tromper sur a, je vais me tromper sur b, je vais me tromper
sur c. Mais, malgré tout, est-ce que je peux comparer a, b, et c? Est-ce que ça a du sens de faire l'exercice, de
dire : Tiens, si je fais a, c'est plus positif que si je fais b, et je parviens à comprendre en plus pourquoi
éventuellement a pourrait être plus bénéfique que b? Je peux l'expliquer
à ma femme quand je vais rentrer ce soir, là, je vais lui dire : Regarde,
tu sais, telle mesure, là, j'ai simulé, et c'est parce qu'au Québec c'est telle
et telle chose, que a est mieux que b, mais je n'ai pas raison.
M.
Spénard :
Aviez-vous quelque chose à rajouter, monsieur?
Le Président (M.
Bernier) : Oui, M. Montmarquette, quelques secondes.
M. Montmarquette (Claude) : Oui, mais la direction est bonne. Peut-être que
le chiffre n'est pas exact, mais la direction est bonne. C'est au moins
quelque chose d'important. Sinon, vous, vous avez d'autres chiffres?
M.
Spénard :
Non, mais moi, je...
M. Montmarquette
(Claude) : D'accord, mais la direction est bonne.
M.
Spénard :
Une dernière petite question qui va prendre deux secondes, M. le
Président : Avez-vous l'impression que le rapport Godbout a fait le
tour de toutes les hypothèses plausibles puis qu'ils ont sorti la meilleure?
M. Montmarquette (Claude) : Bien, écoutez, en huit mois, ils ont réussi à
faire un travail considérable. Quand je
compare ça à la commission Charbonneau, qui prend trois ans pour nous expliquer
d'où vient la corruption, bien, quand même, hein, il faut quand même
respecter les délais, et le travail qui a été fait là-dedans, si vous lisez
attentivement, il y a un énorme travail qui a été fait dans ça. Moi, je n'en
reviens pas de la quantité de travail qui a été faite.
Le Président (M.
Bernier) : Merci, M. Montmarquette, merci, M. Decaluwé, de
votre participation à la Commission des finances publiques.
Je
vais suspendre quelques instants afin de permettre à la Fédération des femmes
du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à
20 h 15)
(Reprise à 20 h 18)
Le Président (M.
Bernier) : Alors, nous reprenons nos travaux. Donc, nous avons
le plaisir de recevoir la Fédération des femmes du Québec, représentée par Mme
France Lavigne et Mme Élisabeth Germain. Bienvenue, mesdames. Merci de votre
participation à la Commission des finances publiques. Vous avez 10 minutes pour
votre présentation. Par la suite, vont suivre les échanges avec les
parlementaires. La parole est à vous.
Fédération des femmes du Québec (FFQ)
Mme Germain
(Élisabeth) : Merci. Alors, je suis Élisabeth Germain. Je suis
vice-présidente aux membres individuels à la fédération.
Mme Lavigne (France) : Et moi, France Lavigne, je suis vice-présidente
aux membres associatifs. Alors, M. le Président, Mmes et MM. membres de la
commission, merci de nous avoir invitées. D'abord, rappeler que la
Fédération des femmes du Québec est un
carrefour de solidarité féministe réunissant 645 membres individuels et 223
membres associatifs d'une grande diversité autour de la volonté de créer
une société sans oppression. Ce carrefour se veut représentatif du pluralisme de la société québécoise et de la
diversité du mouvement des femmes, particulièrement des femmes marginalisées
ou vivant des oppressions.
Dans notre optique de
justice sociale, de justice envers les femmes et d'égalité entre toutes les
femmes, notre mémoire insiste sur les
conséquences sociopolitiques de la fiscalité, qui, pour nous, est indissociable
des programmes sociaux, afin que la
fiscalité joue vraiment le rôle qu'on lui souhaite, soit de réduire les
inégalités socioéconomiques, qui, du coup, stimulera la croissance
économique.
Notre
mémoire repose sur quatre principes. Soit, premièrement, la nécessité d'établir
une analyse différentiée selon les
sexes, puisque, tout au long du rapport, les contribuables sont exclusivement
considérés comme un tout indifférencié. Une telle analyse permettrait d'éviter que des propositions puissent
s'avérer particulièrement négatives pour les femmes, par exemple la
hausse des tarifs en service de garde, ou celle des taxes à la consommation, ou
même les questions touchant la retraite.
Notre
deuxième principe est l'utilisation du modèle d'équilibre général calculable,
qui n'est pas, selon nous, la méthode
la plus adéquate pour évaluer les changements des politiques fiscales, car il
implique que les agents économiques ne
sont jamais considérés du point de vue des femmes. Par exemple, ils ne tiennent pas compte des barrières systémiques
d'accès à l'emploi, des occupations
professionnelles différenciées selon les sexes, des réalités familiales
changeantes ou encore le vieillissement au féminin.
Notre
troisième principe, c'est d'augmenter la proportion de l'impôt sur le revenu
par rapport à celle de la taxation et
de la tarification afin d'assurer une plus grande équité. On doit renoncer à
des hausses de tarifs et de taxes qu'aucun crédit à la solidarité, d'ailleurs, ne viendra pleinement
compenser, car la part payée par les gens les plus pauvres est
disproportionnellement beaucoup plus élevée que chez les plus nantis. Cela ne
pourrait pas être non plus un incitatif à l'emploi, puisque ça prive les gens
dans l'immédiat d'un argent disponible.
Et
finalement notre quatrième principe, celui d'augmenter la proportion de l'impôt
des sociétés par rapport à celle des
individus, proportion d'ailleurs qui n'a pas cessé de diminuer depuis 40 ans.
Nous souhaitons donc que leur contribution soit, d'une part, plus équitable par rapport à celle des particuliers
et, d'autre part, par rapport à leur contribution au bien commun. Alors,
je laisse ma consoeur, Mme Germain, poursuivre.
• (20 h 20) •
Le Président (M.
Bernier) : Alors, Mme Germain.
Mme Germain
(Élisabeth) : Alors, on va regarder successivement les mesures qui
touchent la fiscalité des particuliers et
celles qui touchent la fiscalité des sociétés. Et, par rapport à la fiscalité
des particuliers, je vous rappelle d'abord
que notre objectif n'est absolument pas de réduire le total des impôts, mais
bien de mieux étaler les contributions fiscales,
et cela, afin de conserver une structure fiscale qui finance les services
publics adéquats sans être obligé d'augmenter les taxes et les tarifs.
On va donc regarder
successivement quatre points, le premier étant qu'on vise une meilleure
progressivité dans un but de justice
générale et dans un but de justice entre les femmes. On sait que la pauvreté
affecte plus les femmes et qu'elle
les met dans une situation de dépendance. Leur niveau de revenus est moins
élevé, d'où l'importance d'augmenter l'impôt des couches supérieures de
revenus pour diminuer les inégalités hommes-femmes.
La
structure des revenus des femmes diffère aussi de celle des hommes. Elle
comporte beaucoup moins de gains de capital
et de dividendes, d'où l'importance d'imposer ce genre de gains à 100 %,
comme le sont les salaires, principale source de revenus des femmes.
Enfin, les
femmes sont dans des niveaux de revenus où les TEMI, les fameux taux effectifs
marginaux d'impôt, frappent le plus
durement. Plutôt que de parler de bouclier fiscal servant, une année, à
préserver des gains exceptionnels, il vaut mieux prévoir la réduction
des taux marginaux d'imposition pour tenir compte de la récupération des
transferts gouvernementaux.
Nous préconisons donc l'adoption de l'échelle
d'imposition qui est partagée par la Coalition opposée à la tarification et la
privatisation des services publics. 10 milliards de solutions, ce n'est
pas rien.
En second
lieu, on réclame des outils fiscaux pour soutenir les personnes en situation de
pauvreté. Deux remarques à ce propos. D'abord, la prime au travail
devrait être bonifiée, et surtout cela devrait s'accompagner d'une hausse
substantielle du salaire minimum, qui est la seule à garantir que le travail
contribue à faire sortir de la pauvreté.
Ensuite,
l'aide aux personnes avec limitations et le soutien aux proches aidants
devraient être augmentés, mais surtout les ressources publiques,
notamment les services à domicile, doivent être développées pour prendre soin
des personnes qui en ont besoin. Par
ailleurs, on voudrait bien que le crédit d'impôt remboursable aux aidantes
naturelles — pas
si naturelles que ça — change
de nom pour s'appeler plus justement crédit d'impôt pour proches aidantes.
Troisième
point, il est urgent de sécuriser la retraite des femmes. Nous avons déjà
plaidé cette cause. Nous optons pour
une bonification des régimes publics de retraite, RRQ, RPC, les seuls à même
d'assurer une retraite dans la dignité à un grand nombre de femmes
dépourvues d'avoirs propres quand vient l'âge de la retraite et dotées d'une
bien plus grande longévité qui les expose encore plus au risque de pauvreté.
Plafonner les CELI et les REER, c'est une
question de justice quand on considère qu'ils permettent surtout
l'enrichissement des plus riches, ceux, justement, qui ont les moyens de sauter
au plafond.
De plus, nous
voulons que la simple exclusion des années passées à la maison avec des enfants
lors du calcul de la rente... que,
plutôt que de faire simplement une exclusion, nous voulons l'octroi de crédits
de rente pour ces années-là.
Finalement,
nous nous opposons à la tarification des services de garde. Il est urgent de procéder à une analyse approfondie de l'impact de tout changement dans
les services de garde sur les conditions de vie et de travail des
femmes, qu'elles soient travailleuses dans ces services ou utilisatrices
des services. La modulation des tarifs et la fiscalisation du soutien sont de mauvaises options, et encore plus quand
on considère qu'elles sont calculées sur la base du revenu familial plutôt que du revenu personnel des femmes. C'est,
encore une fois, une façon de faire primer les considérations
strictement économiques sur une vision des
trajectoires de vie et des besoins de développement et de réalisation des
personnes. Des femmes plus fortunées,
par-dessus le marché, engagent plutôt par le biais du programme des aides
familiales résidentes. Le statut de ces aides les rend complètement
dépendantes de leurs employeurs, et l'expérience montre que c'est la porte
ouverte à tous les abus, que ce soit du point de vue des conditions de travail
ou en termes de violence sexuelle.
Pour ce qui
de la fiscalité des sociétés, ma consoeur l'a dit au début, nous visons à
augmenter la part fiscale des entreprises,
qui est une contribution au bien commun. Cette contribution doit être plus
juste. Outre l'augmentation des taux d'imposition,
l'abolition de crédits et le rétablissement de la taxe sur le capital, nous
souhaitons le rejet de la prime à la croissance
provoquée par la commission d'examen de la fiscalité. Celle-ci, sous le couvert
d'une incitation à se développer, consiste,
en fait, à faire passer une partie de la part fiscale des grandes entreprises
vers les petites entreprises. Signalons à ce propos que les femmes entrepreneures se retrouvent surtout dans le
créneau des petites et très petites entreprises. Elles sont reconnues comme de bonnes gestionnaires et elles
ont un taux supérieur de persévérance. Elles seraient les plus atteintes
par ce genre de distorsion.
Lutter contre
l'évasion et l'évitement fiscal. Il n'y a pas besoin d'insister sur ce point,
la projection récente du documentaire
Le prix à payer montre bien l'urgence de cette lutte, et nous prions le
gouvernement du Québec de participer aux efforts internationaux pour
mettre fin aux paradis fiscaux et à l'énorme fuite de ressources qu'ils
favorisent.
Et,
finalement, promouvoir un développement économique, écologique et solidaire. Ce
matin même, on voyait la publication
du manifeste Un grand bond vers l'avant. Nous nous y sommes reconnues
d'emblée. Cette transition vers des énergies
propres, nous y souscrivons. Sortir de l'industrie extractiviste, respecter les
communautés et leurs territoires, respecter scrupuleusement le droit des
peuples autochtones à refuser sur leurs territoires les activités qu'ils jugent
nuisibles, créer des emplois dans les secteurs verts, c'est une urgence
collective et c'est aussi une voie de croissance économique viable. Nous
voulons une économie respectueuse de l'environnement, des communautés et des
gens, une économie axée sur le bien-vivre.
Le Président (M. Bernier) :
Merci, Mme Germain.
Mme Lavigne (France) : ...
Le Président (M. Bernier) :
Une petite minute?
Mme Lavigne (France) : Oui.
Le Président (M. Bernier) :
On va vous donner la petite minute sur le temps du gouvernement. Allez-y.
Mme
Lavigne (France) : Merci.
Alors, en conclusion, à la fédération, nous tenons, comme le suggère le titre de
notre mémoire, à une réforme fiscale
juste envers les femmes et génératrice d'égalité dans la société. Durant les 30
dernières années, les
femmes ont investi le marché du travail rémunéré afin d'acquérir une plus
grande autonomie économique, mais, pour
plusieurs, cela ne s'est pas traduit par une meilleure qualité de vie. Pour
beaucoup, elles occupent des emplois précaires et elles occupent près des deux tiers des emplois au salaire minimum.
Elles comptent aussi largement dans les services publics et forment 80 % des proches aidantes. Ainsi, la meilleure
façon de réduire les inégalités économiques n'est pas, selon nous, d'instaurer des mesures de
redistribution après coup, mais de mettre en place une politique de
développement économique qui distribue
correctement les revenus au départ. Et, présentement conjugués, les rapports de
M. Godbout sur la fiscalité et de Mme
Robillard sur la révision des programmes reconfigurent l'ensemble des finances
publiques, ils dessinent, pour nous, de façon inquiétante un projet qui
n'a plus rien à voir avec le bien commun, le développement humain, la réduction
des inégalités et l'exercice de la citoyenneté. Merci de votre attention.
Le Président (M. Bernier) :
Merci, Mme Lavigne et Mme Germain, de votre présentation. Nous allons donc
passer aux échanges avec M. le ministre.
• (20 h 30) •
M.
Leitão : Très bien. Merci, M. le Président. Alors, mesdames, Mme
Lavigne et Mme Germain, bonsoir. Merci d'être
là. Merci de nous faire part de vos préoccupations en ce qui concerne le rapport
Godbout, la commission de
révision de la fiscalité.
On aurait pu
avoir plusieurs choses, mais je veux juste me concentrer peut-être
sur... Vous avez mentionné vers la fin,
donc, une transition vers une économie plus verte, enfin moins intense en carbone.
Comment est-ce que vous voyez cette transition-là? Ça
n'arrivera pas tout seul, bien sûr. Quels moyens est-ce que vous... moyens au
pluriel, là, quels moyens vous suggérez qu'on utilise pour accélérer ce
processus de transformation?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Lavigne ou Mme Germain?
Mme
Germain (Élisabeth) : Alors, c'est sûr qu'on est plus spécialisés dans
les questions à propos des femmes qu'à propos d'une transition
écologique comme telle et que, là-dessus, on se fie plus aux mouvements
auxquels on est associées et qui, eux,
prônent de façon plus détaillée cette transition écologique. Ce qui est clair,
ce qu'on sait, c'est que l'industrie
extractiviste, par exemple, l'usage très, très, très développé de l'automobile,
un certain type d'alimentation sont tous des sources de pollution, de
changements climatiques et, finalement, conjugués, nous mènent vers le désastre
écologique annoncé
Donc, je ne
saurais pas vous dire exactement quels sont les moyens, mais c'est sûr qu'on
entrevoit et on met déjà en oeuvre
des changements dans les modes de vie et... Alors, il faut à la fois que ça
parte de la base par des changements dans la vie quotidienne et aussi
que ça soit prôné dans une politique économique, dans une politique
industrielle, que les gouvernements s'y
mettent, que les entreprises s'y mettent, et, là-dessus, on vous renvoie à vos
responsabilités d'acteur économique majeur.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le ministre.
M.
Leitão : Très bien. Vous avez mentionné les industries extractives,
bien sûr, mais il ne faut pas non plus oublier que, dans beaucoup de régions du Québec, ces industries-là emploient
beaucoup de personnes, des hommes et des femmes, que ce soit sur la Côte-Nord, en Gaspésie, en Abitibi, etc. Donc, je
comprends bien la transition écologique, mais il faut aussi penser qu'il y a des êtres humains qui
travaillent dans ces industries-là aussi, il ne faut pas les abandonner... les
oublier, plutôt, c'est ce que je voulais dire.
Écoutez, je ne sais si, les collègues, vous avez
des questions.
Le Président (M. Bernier) :
Mme la députée de Bourassa-Sauvé, la parole est à vous.
Mme de Santis :
Merci beaucoup, M. le Président. Bonsoir. J'ai trouvé votre mémoire très
intéressant, je l'ai lu avec
énormément d'intérêt. J'aimerais aller à la page 14 où vous faites
référence aux pays scandinaves. Vous savez, les impôts sont très élevés dans les pays scandinaves, sauf que quelque
chose que vous ne mentionnez pas dans votre mémoire, c'est que les taux d'imposition sur les
entreprises sont beaucoup plus bas qu'au Canada ou aux États-Unis, ce que...
pour ces pays-là, est une bonne chose. Mais leur VAT ou taxe sur les ventes est
assez élevée, 23 % à 25 %. Ce que je trouve intéressant dans votre
mémoire, c'est que vous dites au gouvernement : Pensez à moduler la taxe à la
consommation. J'aimerais que vous parliez un
peu plus là-dessus parce que vous semblez être d'accord avec une augmentation
de la taxe à la consommation, mais vous dites : Modulez-le. Est-ce
que, quand vous dites ça, on regarde une modulation qui peut aller de 9 %
à 25 % ou autrement?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Germain.
Mme
Germain (Élisabeth) : Alors — si tu veux rajouter quelque chose, tu rajouteras — notre idée de moduler la taxe à la consommation, c'est selon la nécessité
des biens. Alors, les biens de grande nécessité... On a déjà une
certaine modulation ici. D'ailleurs, la
nourriture n'est pas taxée. Alors, d'autres biens de première nécessité
devraient aussi être détaxés. Des
biens d'usage plus courant pourraient avoir un taux de taxation moyen. Et, quand on arrive aux biens de luxe, là on aurait un troisième palier de taxes plus
élevées. D'ailleurs, c'est ça, on a déjà des taxes supérieures pour
le tabac, l'alcool, l'essence. Ces
niveaux de taxation là peuvent servir, d'une part, à établir un peu
plus de justice sociale et, d'autre part, aussi à orienter les comportements des
consommateurs vers des domaines moins nuisibles pour le total de la société.
Alors là, je ne peux pas vous faire le
détail des biens, mais notre idée de moduler, c'est vraiment
en fonction des biens de première nécessité, des biens plus courants et
un troisième palier pour les biens de luxe.
Le Président (M.
Bernier) : En fonction des produits.
Mme Germain
(Élisabeth) : Pardon?
Le
Président (M. Bernier) : Ce que vous voulez dire, c'est en fonction des produits, en fonction
des produits et services.
Mme Germain
(Élisabeth) : Oui, c'est ça.
Le Président (M.
Bernier) : Oui, Mme la députée...
Mme Germain
(Élisabeth) : Mais peut-être que je... vous avez parlé des pays...
Mme
de Santis :
Oui, parce que vous, à. 2.1.3, vous faites référence aux pays scandinaves, et
c'est là que vous faites cette recommandation que la taxe à la consommation soit modulée. Mais je voulais aussi
mentionner qu'avec une taxe à la
consommation à 25 % ils ont aussi des taxes sur les impôts qui sont très
élevées, sauf pour les entreprises, où, là, c'est moins élevé que le Canada ou les États-Unis.
Et il y a une raison pour ça aussi, mais on ne va pas aller là-dedans,
j'ai une question qui touche maintenant les gains en capital. Vous
avez...
Mme Germain
(Élisabeth) : Est-ce que je peux, d'abord, répondre par rapport aux
entreprises scandinaves?
Mme de Santis :
Oui, absolument.
Le Président (M.
Bernier) : Oui, allez-y, Mme Germain.
Mme Germain
(Élisabeth) : C'est que oui, leur taux d'imposition est plus bas. Par
contre, elles versent passablement de
cotisations sociales et, surtout, elles versent des salaires qui sont
proportionnellement supérieurs aux salaires
qui sont versés ici. Alors, il y a des vases communicants là-dedans
qui font que peut-être les gens, les travailleurs s'en sortent
mieux, même si les entreprises sont moins imposées.
Le Président (M.
Bernier) : Mme la députée.
Mme de Santis :
Ma deuxième question touche les taxes sur les gains en capital. Vous savez, beaucoup
de personnes de la classe moyenne — il
y a au moins un certain nombre — font
des investissements dans des duplex ou des triplex, et, de cette façon-là, ils mettent de l'argent
de côté pour leur vieillesse. Vous faites une recommandation que le gouvernement impose à 100 % le gain en capital, complètement. Qu'est-ce que
vous dites à ces gens qui ont trouvé cette façon qui les aide à faire
des épargnes pour leurs vieux jours?
Le Président (M.
Bernier) : Mme Germain.
Mme
Germain (Élisabeth) : C'est
une excellente question. D'abord, je tiens à dire que la résidence
principale aussi est non taxée, le gain de
capital sur la résidence principale n'est pas taxé. On n'a pas pris la peine de
le mentionner, mais on est tout à fait d'accord avec ça. Je pense qu'il y a moyen de trouver des solutions que moi,
techniquement, je ne suis pas capable de vous proposer. Mais, là où vraiment le gain de capital
est en fonction d'un pécule à ramasser pour la retraite, je suis sûre
qu'il y a moyen de trouver des technicalités qui font qu'on ne pénalisera pas
un futur revenu de retraite. Encore faut-il
voir à quel niveau il se situe, mais je
pense qu'il y a moyen de préserver le
cas, effectivement, de ces gens qui constituent leurs biens de retraite à partir de certains immeubles à
revenus. Je pense que, de
façon générale, on parlait surtout
des gens dont c'est presque le métier que d'accumuler des gains de capital par
des ventes successives, etc.
Le Président (M.
Bernier) : Merci.
Mme de Santis :
Merci.
Le Président (M.
Bernier) : Alors, M. le député de Pontiac, avez-vous une
question?
M. Fortin
(Pontiac) : Oui. Merci, M. le Président. Bonsoir.
Mme Germain
(Élisabeth) : Bonsoir.
M. Fortin
(Pontiac) : C'est un plaisir de vous avoir ici, mesdames. Et je veux,
d'abord, vous féliciter pour votre rapport
exhaustif, la quarantaine de recommandations, tout autant de préoccupations, bien évidemment.
Je veux aller à
la recommandation 3, qui est au coeur de votre rapport, et je vais
la lire simplement pour que tout
le monde sache où on en est : «Recommandation 3 : «Que le gouvernement remanie la part des recettes fiscales en
augmentant la proportion de l'impôt
sur le revenu par rapport à celle de la taxe à la consommation et celle de
la tarification afin d'assurer une plus grande équité fiscale entre les citoyens,
citoyennes.»
Donc, si je comprends
bien, ce que vous proposez, c'est exactement l'inverse de la prémisse de base
du rapport Godbout.
• (20 h 40) •
Le Président (M.
Bernier) : Madame...
M. Fortin
(Pontiac) : Donc...
Le Président (M.
Bernier) : Continuez.
M. Fortin
(Pontiac) : Mais il y a des recommandations à l'intérieur de votre
rapport qui vont cependant à réduire le
fardeau fiscal basé à partir de l'impôt sur le revenu, soit l'abolition de la contribution santé, entre autres, et des mesures comme ça. Alors,
j'aimerais comprendre, à l'intérieur de cette recommandation-là, quand on parle
de taxe à la consommation... Le Conseil du statut de la femme était ici un petit peu plus tôt, la semaine
dernière, et ils nous disaient que
c'est extrêmement difficile de prédire la façon qu'un couple
organise ses revenus, ses dépenses. Donc, je veux entendre de votre part
pourquoi les taxes à la consommation sont si nocives dans votre optique.
Le Président (M.
Bernier) : Mme Germain ou Mme Lavigne?
Mme Lavigne (France) : Bien, comme on l'a dit en introduction, ça
affecte le revenu disponible dès maintenant pour les gens les moins nantis de
façon disproportionnelle par rapport aux plus nantis pour le même pourcentage de taxe à la consommation sur un même
bien. C'est d'abord ça.
M. Fortin
(Pontiac) : Vous savez, on... Si je peux, M. le Président...
Le Président (M.
Bernier) : Oui, il vous reste une minute.
M. Fortin
(Pontiac) : ...on a posé la question à M. Godbout et aux
commissaires, qui étaient ici lors de l'introduction,
et ils nous ont dit que, le 20 % de la population à plus faibles revenus,
50 % de leurs dépenses n'étaient pas nécessairement taxables, donc qu'il y avait une partie, là, de la taxe à
la consommation qui ne s'appliquait pas. Est-ce que vous tenez compte de
ça dans votre analyse à vous?
Le Président (M.
Bernier) : Mme Lavigne.
Mme Lavigne (France) : Bien, par exemple, si on prend l'exemple du coût
du logement, bien sûr qu'il n'y a pas de taxe là pour les gens les moins nantis, mais on sait très bien qu'une
augmentation va faire en sorte que les propriétaires vont... Dans le fond, toutes les augmentations de
taxes, pas nécessairement à la consommation, mais vont refiler un peu
les augmentations aux locataires, par exemple.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. Nous allons donc aller du côté de
l'opposition officielle. M. le député de Rousseau.
M.
Marceau : Merci, M. le Président. Alors, bonjour Mmes Lavigne
et Germain. Merci pour votre mémoire, qui, effectivement, contient beaucoup, beaucoup de recommandations et est
fort intéressant. Peut-être, sur les services de garde. Vous, votre recommandation, ça serait qu'on
retourne à ce qu'il y avait comme tarification auparavant ou que...
Enfin, c'est quoi que vous proposez exactement?
Le Président (M.
Bernier) : Mme Germain.
Mme Germain
(Élisabeth) : On propose, oui, de retourner...
M. Marceau :
À un tarif universel?
Mme
Germain (Élisabeth) : ...au tarif égal pour tout le monde, on ne veut
pas de modulation de la tarification selon
le revenu. Les services de garde devraient être un service universel. La
modulation selon le revenu, elle se fait par le biais de l'impôt sur le
revenu, on ne veut pas qu'elle se fasse par la tarification. Quand ça se fait
par la tarification, il y a toujours la
nécessité d'exposer exactement son revenu. Plus tu es pauvre, plus on t'aide,
etc., il y a vraiment des atteintes à
dignité, que ce soit pour les services de garde ou autre chose. Tandis qu'en
mettant un tarif uniforme on a vraiment, à ce moment-là, un service universel, un service public universel, puis la
répartition, la redistribution, elle se fait par le biais de l'impôt sur le revenu. Alors, c'est une des
raisons, d'ailleurs, pour lesquelles on propose d'augmenter les taux
marginaux des classes supérieures pour aller
chercher cette récupération par le biais de l'impôt plutôt que de l'imposer par
le biais des tarifs, qui créent toujours des situations odieuses.
Le
Président (M. Bernier) : O.K. Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau : Puis, à la suite de l'introduction de la nouvelle
tarification, là, qui est plutôt récente, là, convenons-en, est-ce que vous avez déjà observé des effets
pervers, des effets néfastes de cette nouvelle tarification? Vous, vous
êtes certainement en contact avec, enfin, des femmes qui pourraient en avoir
témoigné. Simple question, donc.
Le Président (M.
Bernier) : Mme Germain.
Mme
Germain (Élisabeth) : On est surtout témoins d'appréhension à ce point
de vue là parce que, d'abord, c'est un système qui est un peu compliqué,
hein? Alors, tout de suite, les gens ne savent pas trop qu'est-ce qu'ils vont
être obligés de débourser, comment ils vont
aller le récupérer, comment ça va se passer. D'ailleurs, on a déjà fait
l'expérience, il y a une vingtaine d'années,
là, au tout début des services de garde, il y avait aussi tout un système où il
fallait réclamer après, puis le
crédit d'impôt s'en venait plus tard,
et les gens, souvent, ne vont pas chercher tout ce à quoi ils ont droit
à cause de la complexité des systèmes. Puis,
aujourd'hui, c'est la même chose, les gens trouvent ça extrêmement compliqué et ils se demandent
comment ils vont s'en sortir. Alors, à un moment donné, bien, plutôt que de
mettre le pied là-dedans puis d'être obligé
de payer, puis qu'on ne sait pas quand est-ce qu'on va être remboursé... Puis déjà ce
n'est pas toujours facile d'avoir les salaires adéquats, il y a beaucoup de femmes qui ne sont pas certaines d'avance du
nombre d'heures qu'elles vont faire, alors les gens se découragent, tout
simplement, à ce moment-là. C'est les appréhensions qu'on entend.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Sanguinet.
M.
Therrien : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue. Merci de votre présence. Disons que vous êtes un
peu à contre-courant de ce qu'on a lu dans
le rapport Godbout à bien des égards. On dit souvent que c'est une façon de
bien réfléchir et peut-être d'apporter des solutions qui peuvent être intéressantes.
Écoutez, il y a beaucoup de choses qui m'ont accroché, là, évidemment, dans
votre présentation, j'en aurais peut-être deux, là. D'abord, le salaire minimum
qui augmenterait, je ne sais pas si vous avez chiffré l'augmentation du salaire
minimum que vous aimeriez.
Mme
Germain (Élisabeth) : Dans
notre rapport, on parle de 13,37 $ de l'heure pour une semaine de
35 heures pour permettre la sortie au-dessus du seuil de pauvreté. C'est
une revendication qui est largement partagée par les mouvements citoyens depuis
de nombreuses années.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député.
M.
Therrien : Il y a beaucoup
d'études qui ont été faites suite à l'augmentation du salaire minimum dans
une portion assez importante.
C'est sûr, quand c'est une indexation de plus 1 % ou 2 %, ça n'a pas vraiment
d'impact sur le chômage, mais moi, je
vous dirais, j'ai lu beaucoup de recherches qui faisaient un lien entre l'augmentation du salaire minimum puis l'augmentation du chômage. Donc, les gens que tu voulais aider, dans le fond, tu les
poussais dans une situation de chômage. Il y a juste une étude, je
pense, qui a été faite au New Jersey, là, qui montrait l'effet contraire,
puis on n'a pas trop compris pourquoi.
Mais
est-ce que, quand vous parlez du 13,37 $, vous avez regardé, là,
techniquement, les impacts que ça pourrait avoir sur la clientèle qu'on veut un peu protéger? Est-ce que ça ne
risque pas d'amener une certaine forme de chômage chez ces gens-là,
d'après vous? Vous vous êtes basés sur une étude ou...
Le Président (M.
Bernier) : Mme Germain.
Mme
Germain (Élisabeth) : Alors,
ça fait plusieurs années que l'organisme Au bas de l'échelle mène
des études approfondies sur la question du salaire minimum. Elles ont très
bien documenté ça. Je dis «elles» parce que c'est des femmes qui sont là. Vous
pouvez aller sur leur site Internet, vous allez avoir accès à toutes ces
recherches-là, et, oui, il y a des recherches qui disent que ça provoque le
chômage. Par contre, il y a plusieurs autres recherches très sérieuses qui montrent que ça dynamise l'économie
locale. Et ça, les études macroéconomiques négligent parfois ce point de
vue des économies locales. Entre autres, au niveau des services, les commerces, etc., ils ne peuvent pas se
délocaliser, ils ne peuvent pas aller
ailleurs. Quand leurs employés sont mieux payés, bien, leurs employés ont les
moyens aussi d'acheter localement et
de demander des services, des biens, etc. Alors, c'est ça, on trouve souvent
des études qui disent une chose et le
contraire, mais on a assez d'études qui montrent que l'augmentation... une forte augmentation du salaire minimum est plausible, et
viable économiquement, et même profitable pour la population.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député.
M.
Therrien : O.K. Donc, vous spécifiez que, si c'est dans un
domaine où est-ce que tu n'as pas de concurrence internationale ou un domaine où est-ce que la concurrence n'est pas très
farouche, il y a possibilité que ça soit créateur d'emplois par
l'augmentation de la richesse des gens qui travaillent. En quelque part, ça
ressemblerait à ça. C'est une vision un peu
keynésienne de ce qu'on voit, là, ça stimule la demande agrégée, ça fait en
sorte qu'on crée des emplois de cette façon-là. C'est ce que je
comprends, là.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Lavigne, oui. Mme Lavigne.
Mme
Lavigne (France) : Merci. Je le rappelle, hein, c'est quand même...
les deux tiers des personnes qui travaillent
au salaire minimum sont des femmes, et très rarement elles travaillent à temps
plein. Donc, elles font un petit nombre
d'heures hebdomadairement à petit salaire. Donc, c'est aussi, pour nous, un
moyen très concret d'augmenter le revenu annuel des femmes, alors, par
conséquent, les revenus...
M.
Therrien : Non, mais moi, je n'en ai pas contre ça, hein? Je
vous pose des questions parce que vous arrivez avec des propositions,
moi, je veux juste voir c'est quoi, les conséquences, si vous les avez
évaluées, et, bon, ce que j'entends, c'est intéressant.
Vous
parlez de taux variable par rapport à la TVQ, taux variable selon les biens de première nécessité, et
ainsi de suite. C'est ce que j'ai compris tantôt.
• (20 h 50) •
Mme Lavigne
(France) : Sur la taxe, oui.
M.
Therrien : Oui, c'est ça, la taxe, mettons, puis les biens
de première nécessité, ce serait, par exemple, zéro, et les biens de luxe, ce serait, mettons, deux fois
la mise ou je ne sais pas quoi. Mais comment vous feriez pour
catégoriser les biens, pour dire : Bon,
ça, c'est considéré première nécessité ou ça, c'est considéré bien normal ou
bien de luxe? Qu'est-ce que vous allez évaluer pour classifier ces
biens-là?
Le Président (M.
Bernier) : Merci. Mme Germain, allez-y.
Mme
Germain (Élisabeth) : Alors, il y a une méthode qui est très
intéressante pour ça, c'est d'étudier les budgets des familles à
différents niveaux de revenu. Alors, quand on voit ce que les familles qui
gagnent à peine 25 000 $ dépensent,
quand on voit ce que dépensent les familles qui ont un revenu autour de
50 000 $, quand on compare au revenu des personnes qui ont plutôt 150 000 $ de revenus, ça dégage
des structures de biens nécessaires, moins nécessaires ou luxueux qui
sont assez claires.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Granby.
M.
Bonnardel : Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. Vous
n'êtes pas sans savoir que ce rapport essaie de répondre à une situation
qui touche le Québec depuis un certain nombre d'années, le fait que les
Québécois sont les plus taxés et les plus
imposés en Amérique du Nord. Vous n'êtes pas sans savoir que 40 % des
salariés ne paient à peu près pas
d'impôt au Québec, que 2 % des plus hauts salariés paient à peu près
38 % de tous les impôts du Québec. Si on fait un calcul assez rapide, la différence entre tout ça,
c'est la classe moyenne ou à peu près qui paie énormément, énormément
cher pour protéger les acquis sociaux que nos parents et grands-parents ont
payés, qu'ils continuent de payer. Tantôt, je
pense que vous étiez là quand je parlais de vieillissement de la population.
Est-ce que, pour vous, là, la prémisse, la première chose... De répondre et de dire : Oui, on est conscients
que les Québécois sont les plus taxés, les plus imposés, êtes-vous
d'accord avec ça?
Le Président (M.
Bernier) : Mme Germain.
Mme
Germain (Élisabeth) : Je pense que, ça, on ne peut pas faire une
affirmation, plus taxés ou moins taxés, il faut regarder ce qu'on a en
retour de ces taxes-là. Quand vous dites qu'il y a des familles, par exemple,
en Colombie-Britannique qui ont décidé de déménager au Québec parce qu'elles
sont rendues à trois enfants puis qu'elles sont complètement étouffées à la fois par les prix du logement puis par les
prix des services de garde en Colombie-Britannique, puis qu'elles sont prêtes à payer tout l'impôt qu'on
va vouloir au Québec parce que, même en payant un impôt supérieur, elles
ont un bien meilleur train de vie ici, je pense que ça parle par soi-même.
Il
faut arrêter de dire qu'on est trop imposés, trop taxés, il faut regarder ce
qu'on a en retour de ces impôts et de ces
taxes-là. Et, malheureusement, la tendance, qui est à la baisse, des impôts et
des taxes depuis plusieurs années fait que, là, bien, on est rendus à grignoter dans les services, à les rendre de
moins en moins intéressants. On le sait, c'est un cercle vicieux. On baisse les impôts, ce qui fait qu'on
est obligé de couper dans les services, puis on continue. Du moment
qu'on réussit à retrouver un certain
équilibre budgétaire, bien là, ah! ah! on peut encore couper dans les impôts,
donc on est obligé de couper dans les services. L'exemple de ce qui
s'est passé au fédéral, bien, il ne faudrait pas qu'on le répète ici.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Granby.
M.
Bonnardel :
Pour vous, les services en santé correspondent aux impôts que les Québécois
paient? Si le Québécois moyen gagne 44 000 $, la moitié de ses impôts
va au système de santé, vous lui dites à lui : Tu as assez de services, tu
attends 12 heures, 15 heures dans les urgences du Québec, il y a un quart de la
population qui n'a pas de médecin de
famille. On a demandé une contribution santé additionnelle aux Québécois en
2010, une contribution santé en plus.
Je ne dis pas que vous avez absolument tort. Sauf que les Québécois, c'est vrai
qu'ils sont prêts à payer si les services suivaient, et moi, je ne pense
pas que les services suivent.
Je ne dis pas que la
famille de la Colombie-Britannique qui avait un logement pour trois enfants ou
une maison à 800 000 $,
900 000 $ n'est pas heureuse d'arriver au Québec puis d'en trouver
une dans une région, peut-être, à 200 000 $,
250 000 $, vous avez absolument raison. Mais je pense que les
Québécois, moi, sont les plus taxés et les plus imposés, puis cette
situation amène un contexte économique extrêmement difficile.
Puis je suis surpris de voir, à votre
recommandation 23, vous dites que le gouvernement devrait réduire les
coûts d'électricité pour les particuliers et
même promulguer un gel de ces coûts. Vous n'êtes même pas d'accord avec le
fait qu'on puisse imposer, là, à l'inflation
les tarifs d'électricité? Il faut toujours bien, à ma connaissance, que... Je
pense que les Québécois sont prêts à
payer l'inflation de ces tarifs et je suis surpris de voir jusqu'à quel point
c'est difficile, là, quand je lis votre
mémoire, de comprendre que la classe moyenne, depuis 2010... Imaginez, là,
Raymond Bachand était ministre, on ne balançait
pas le budget, on est allé chercher pour 20 milliards de revenus
additionnels, 20 milliards de revenus additionnels. On a essayé, là, TVQ, contribution santé,
indexation de tous les tarifs,
essence, tout ce que vous voulez. On a taxé tout ce qu'on pouvait, puis on ne balançait toujours
pas le budget aujourd'hui. Moi, je veux bien, je veux bien, je veux bien
qu'on puisse aider le Québec en entier, mais l'argent ne tombe pas des érables,
là, au printemps, là.
Le Président (M.
Bernier) : Mme Germain.
Mme Germain
(Élisabeth) : Peut-être qu'on pourrait aller couper à certains
endroits où on n'a pas pensé à couper aussi.
M.
Bonnardel :
Comme quoi?
Mme
Germain (Élisabeth) : Bien, par exemple, un certain nombre de dépenses fiscales, de dépenses à l'égard des entreprises, les médicaments qui coûtent extrêmement cher. On pourrait, comme le propose la coalition opposée à la tarification, s'organiser un système
pour que les médicaments nous coûtent moins cher en étant... Je ne me rappelle
pas exactement, là, avec la fatigue, comment elle propose, mais, en tout cas, il y a plusieurs centaines de millions de dollars à aller chercher là.
Et
aussi je pense qu'il faut arrêter de dévaloriser ce qu'on reçoit comme système
public. Oui, il y a des heures d'attente
ici. Oui, il y a des trous là, oui, etc. Mais on a un bon système de santé, un
bon système d'éducation. On a des routes
qui ont des trous dedans, mais on a des routes. On a un service de garde qui
est un joyau puis qu'il ne faudrait pas qu'on se mette à effriter. Je pense qu'il faut valoriser ça, il faut retrouver
la fierté de ce qu'on a puis arrêter de se plaindre. D'un côté, on a un trop gros fardeau fiscal. Puis, d'un
autre côté, on n'en a pas pour notre argent. C'est ça, je parle de
fierté. On a déjà eu cette fierté-là avec un
élan de développement, de valorisation de ce que nous sommes, puis, à ce
moment-là, la charge fiscale, elle apparaît plus comme une contribution au bien
commun que comme un fardeau dont il faut absolument se défaire.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Mercier.
M. Khadir :
J'ai une question à poser aux porte-parole de la Fédération des femmes sur le
fait que ce rapport Godbout, malheureusement,
malgré un travail quand même très colossal, n'a pas abordé la question des
pensions alimentaires calculées
encore dans le revenu des femmes monoparentales. J'aimerais vous entendre
là-dessus, ce que vous en pensez et combien de gens ça touche.
Mais
avant il y a des chiffres qui ont été avancés, très rapidement... Mon
cellulaire a fait défaut. J'étais en train de vous envoyer un article, que le secrétaire de la commission va vous
envoyer plus tard, sur le modèle suédois. Je veux quand même rappeler certains chiffres. Le modèle
suédois, qui était invoqué pour augmenter nos tarifs puis nos taxes, là, à
la vente, dans ce modèle-là la taxe sur le
capital, les revenus de capitaux, il y a un tarif forfaitaire de 30 % en
bas desquels on ne descend pas. Au
Québec, actuellement, combinés impôt fédéral et provincial, quand on calcule la
taxe sur le capital, c'est 11 %,
11 % que ceux qui tirent des revenus de leur capital paient à l'État.
Donc, ça fait un manque à gagner énorme pour l'État. En Suède, ceux qui
sont détenteurs de ces capitaux sont plus responsables, contribuent 30 %,
et c'est énormément d'argent.
Ensuite,
le taux marginal d'imposition, oui, a été baissé en Suède après une réforme,
mais a été baissé de 87 % à 57 %.
Le taux marginal combiné aujourd'hui au Québec est de 49 %. Alors, on se
plaint de quelque chose, puis on prend une
référence, alors que, si la réforme aboutissait à ce qu'il y a en Suède, on
serait très avancé aujourd'hui puis on n'aurait pas les problèmes de
dette, on n'aurait pas les problèmes de sous-financement de nos services
publics.
Et,
pour corriger une information qui a été... Puis je ne le sais pas, mon collègue
de Granby, d'où il tire ça, il a dit que 2 % des plus riches paient
30 quelque pour cent de l'impôt. Je m'excuse, moi, j'ai les chiffres, ceux qui
sont au-dessus de 150 000 $ de
revenu au Québec constituent au total 2,7 % de la population. Combinées,
leurs contributions à l'impôt
représentent moins de 20 % : 12,9 % plus 3,2 %, plus
5,7 %. Ça, c'est des chiffres du rapport fiscal des particuliers.
Alors, je pense qu'il ne faut pas exagérer les chiffres et noircir le tableau.
Le
Président (M. Bernier) : Merci. Une courte réaction? Vous avez
une trentaine de secondes, voulez-vous réagir aux énoncés? Mme Lavigne,
mot de la fin?
M. Khadir :
...pension alimentaire.
Mme
Germain (Élisabeth) : Pension alimentaire. Ah! c'est ça, c'était la
question, bien oui. Vous avez bien dit que
la pension alimentaire était encore calculée dans le revenu des femmes à l'aide
sociale pour couper l'aide sociale, effectivement
c'est comme ça. La commission n'en a pas parlé, mais ça fait des années qu'on
demande que ce revenu de pension
alimentaire, qui est pour les enfants, ne soit pas compté comme un revenu de la
femme qui est à l'aide sociale, de la mère qui est à l'aide sociale ou
du père, d'ailleurs.
Le
Président (M. Bernier) : Merci, Mme Lavigne. Merci, Mme Germain
de votre participation à la Commission des finances publiques.
Je vais
suspendre quelques instants afin de permettre au Collectif pour un Québec sans
pauvreté de prendre place.
(Suspension de la séance à 21 heures)
(Reprise à 21 h 3)
Le
Président (M. Bernier) : Donc, nous allons reprendre nos délibérations. Nous avons le plaisir de
rencontrer le Collectif pour un Québec
sans pauvreté. M. François Fournier, Mme Virginie Larivière, M. Serge
Petitclerc, bienvenue à la Commission des finances publiques. On est heureux de vous accueillir ce soir. Donc,
la parole est à vous pour une dizaine de minutes. Par la suite, les
échanges vont avoir lieu avec les parlementaires. Donc, allez-y, M. Petitclerc.
Collectif pour un Québec sans pauvreté
M.
Petitclerc (Serge) :
Bonjour. Serge Petitclerc du Collectif pour un Québec sans pauvreté. Écoutez,
vous venez de recevoir notre mémoire
officiel, qu'on a complété cet après-midi, qu'on va envoyer à la commission officiellement demain par courriel, mais vous êtes supposés avoir
reçu aussi une copie du mémoire qu'on avait déposé à la Commission
d'examen sur la fiscalité, que vous avez probablement pu consulter un peu.
Alors, dans le fond, pour débuter, je vous dirais que, depuis sa fondation, le collectif
participe activement aux
débats portant sur la fiscalité et les
politiques budgétaires en général. Dans ce type de débat, le collectif plaide
toujours pour que l'action gouvernementale
repose sur des grands principes, trois principes de base, c'est-à-dire d'abord
que la lutte à la pauvreté doit être
une priorité tant qu'on ne sera pas dans un Québec sans pauvreté, ensuite que
l'amélioration du revenu du cinquième
le plus pauvre de la population devrait primer sur l'amélioration du revenu du
cinquième le plus riche et enfin que
les personnes en situation de pauvreté et les organisations qui les
représentent devraient être associées à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des mesures qui
concernent les personnes qui vivent la pauvreté. C'est une approche qui
repose sur l'idée que la pauvreté, c'est un déni des droits humains et que
l'État a un rôle pour combattre la pauvreté et les inégalités.
C'est dans
cet esprit que le collectif a participé à la Commission d'examen sur la
fiscalité québécoise. On n'a pas l'intention
de répéter tout ce qui a été dit, vous l'avez dans les mémoires, celui
d'aujourd'hui et celui d'octobre dernier. Nous, on veut surtout insister sur trois choses, sur l'état de la
pauvreté, le rôle de l'État dans la redistribution de la richesse, les mécanismes de compensation pour les plus
pauvres. Mais, pour commencer, pour introduire le tout, je vais laisser
la parole à Virginie, qui va vous lire un petit extrait du mémoire que vous
retrouvez en page 7, Jeanne, travailleuse au salaire minimum.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Larivière.
Mme
Larivière (Virginie) : Oui. Alors, Jeanne vit seule et travaille 30
heures par semaine au salaire minimum. Après
avoir payé ses impôts et ses cotisations sociales puis reçu certains transferts
gouvernementaux, elle se retrouve avec un
revenu mensuel d'à peine 1 400 $. Avec ce revenu, elle doit payer son
loyer, les factures d'électricité, de téléphone, d'Internet et de câble. Ça, c'est sans compter l'assurance contre le feu
et le vol, son laissez-passer pour l'autobus. Il ne lui reste alors que quelques centaines de dollars pour
se nourrir, se vêtir, s'acheter des médicaments, parer aux imprévus. Sa
situation financière, vous l'aurez compris, est précaire.
Le rapport de
la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise
propose de hausser la taxe de vente
du Québec, les taxes sur l'alcool,
l'essence et le tabac ainsi que les tarifs d'électricité. En échange, il
propose de baisser les impôts, d'abolir
la contribution santé, de bonifier le crédit
d'impôt pour solidarité
et mettre en place un bouclier fiscal. Mais Jeanne profiterait assez peu des baisses d'impôt, puisqu'elle n'en paie déjà pas beaucoup. Elle ne
profiterait pas vraiment plus du bouclier
fiscal. L'abolition de la contribution santé ne la concernerait pas, son revenu
étant insuffisant pour qu'elle ait à la payer. Elle n'aurait donc probablement droit qu'à la bonification du
crédit d'impôt pour solidarité. Cela pourrait certes compenser la hausse
de la TVQ, mais sûrement pas le reste. Juste avec la hausse des tarifs
d'électricité, elle s'attend à payer entre 50 $ et 100 $ de plus par
année.
M.
Petitclerc (Serge) : C'est un exemple qui est patent. Il nous parle
d'un des problèmes les plus criants du rapport Godbout, c'est-à-dire la quasi-absence de préoccupations pour le revenu
des plus pauvres. Au Québec, il faut se le rappeler, il y a à peu près
une personne sur 10 qui ne couvre pas ses besoins de base. Là, on parle ici, en
2013, on évaluait 842 000 personnes
qui n'ont pas le minimum adéquat pour se nourrir, se loger, se vêtir, se
déplacer, des personnes qui voient
leur santé se dégrader jour après jour, des gens dont la dignité et les droits
sont bafoués. Soyons clairs, ces personnes paient peu ou pas d'impôt.
Toutefois, elles paient des taxes et elles paient des tarifs comme tout le
monde.
Le rapport
Godbout a la prétention de proposer une réforme fiscale à coût nul pour les
contribuables. Mais est-ce vraiment à
coût nul pour tout le monde, pour Jeanne qui travaille au salaire minimum, par
exemple? Lorsqu'on ne paie pas
d'impôt ou si peu, changer les paliers d'impôt ou mettre en place un bouclier
fiscal, ça ne change pas grand-chose, surtout
si ça se fait de pair avec une hausse générale des taxes et des tarifs. Parce
que, si les plus pauvres ne profitent pas des baisses d'impôt, ils subissent de plein fouet les hausses de taxes et de
tarifs. En fait, la seule mesure intéressante du rapport Godbout, de notre point
de vue, c'est la bonification du crédit d'impôt pour solidarité.
Malheureusement, la bonification ne servira au mieux qu'à compenser la
hausse de la taxe de vente du Québec.
Le
collectif est d'avis que toute hausse de taxes ou de tarifs devrait être
complètement compensée par la fiscalité ou autrement. C'était d'ailleurs l'idée de l'ancien ministre Bachand
lorsqu'il a créé le crédit d'impôt pour solidarité, justement. Il disait alors que ce crédit devait servir à
limiter les effets des augmentations de taxes pour protéger le pouvoir
d'achat des ménages à faibles revenus. Et,
tout aussi important, il affirmait aussi que ce nouveau crédit d'impôt allait
être utilisé pour contrecarrer l'effet de hausse de tarifs comme celle
des tarifs d'électricité, ce qui n'est, pour ainsi dire, jamais arrivé.
Le
collectif est donc étonné de constater que le rapport Godbout affirme, d'une
part, qu'il veut protéger le revenu des
plus pauvres et que, d'autre part, il ignore l'impact des hausses de tarifs et de
taxes sur le revenu, justement, des plus pauvres. Et, si ce n'était pas suffisant, ces hausses de taxes, ces
hausses de tarifs se combinent avec des coupes dans les programmes
sociaux et dans les services publics.
Je vais redonner la
parole à Virginie, qui va vous parler d'Alexandre et Maude, un couple avec un
enfant à l'aide sociale.
Le Président (M.
Bernier) : Mme Larivière.
Mme
Larivière (Virginie) : Le couple est à l'aide sociale, pas l'enfant,
on s'entend. Alexandre et Maude sont parents
d'une petite fille d'un an et vivent de l'aide sociale. Leur enfant ayant moins
de cinq ans et restant à la maison, ils se retrouvent avec un revenu
familial d'environ 1 800 $ par mois. Comme ils sont jeunes et que les
listes d'attente sont longues, il n'y a
pas de place pour un HLM. Un quatre et demi, ça fait 800 $ dans un budget,
c'est tout un trou dans le budget. Et, après avoir payé l'électricité, le téléphone, et tout le reste, combien reste-t-il d'argent?
Pas beaucoup. Or, les couches, le linge pour bébé, le
lait, tout ça, ça coûte cher.
Cela
étant dit, que propose maintenant la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise
à cette famille? Pas grand-chose, à
part augmenter leur crédit d'impôt pour solidarité. Toutefois, comme cette augmentation viendrait seulement
compenser la hausse de la TVQ, leur situation
risque d'empirer, notamment avec la hausse du prix de l'électricité et la réintroduction de la taxation des couches pour enfants et
des articles d'allaitement.
Les
deux parents sont pourtant bien déterminés à retourner aux études et,
éventuellement, sur le marché du travail, mais ce n'est pas évident. On vient d'abolir le programme Alternative
jeunesse, qui aurait pu les aider, et le centre local d'emploi, par
manque de ressources, n'est pas en mesure d'assurer ni à l'un, ni à l'autre un
retour à l'école pour leur permettre de
finir leurs études secondaires. Les places en garderie sont limitées, et la
combinaison de tout ça rend leur situation vraiment difficile.
Le Président (M.
Bernier) : Merci.
• (21 h 10) •
M.
Petitclerc (Serge) : C'est un exemple qui est tout aussi parlant. Puis
ce que ça nous dit, dans le fond, c'est que ce qui est donné d'une main ne doit pas être repris de l'autre.
Parce qu'en ce sens-là le collectif est d'avis qu'il faut voir beaucoup
plus loin que la question de la fiscalité, même si on parle, évidemment, de la
fiscalité, parce que la réforme actuelle,
elle s'inscrit dans une remise en question beaucoup plus globale du rôle de
l'État. En effet, s'il faut s'attaquer aux revenus trop bas des
personnes en situation de pauvreté par la fiscalité, il faut aussi s'assurer
que ces personnes aient accès aux programmes sociaux et à des services publics
gratuits et de qualité.
Depuis
très longtemps, depuis trop longtemps,
notre filet de sécurité sociale est troué. L'éducation gratuite est
de plus en plus un mythe, on pourrait en parler aux parents lorsqu'il y a la rentrée scolaire. Il y a eu
beaucoup de frais qui s'installent dans les cliniques médicales. Les
services de garde coûtent de plus en plus cher, on l'a vu récemment. Le logement social est difficilement accessible. Les
services à l'emploi sont coupés année après année. Bref, l'État
québécois se désengage. Pourtant, comme
l'ont dit d'autres intervenants, d'autres intervenantes avant nous, l'accès à
des programmes, l'accès à des
services publics, c'est d'une importance capitale pour le bien-être de la
population, surtout pour les plus pauvres.
Pour compléter, je
vais redonner la parole à Virginie et je vais faire une conclusion générale.
Le Président (M.
Bernier) : Il vous reste deux minutes.
Mme Larivière
(Virginie) : Une personne sur cinq au Québec, on parle ici du quintile
le plus pauvre de la population. Dans son
dernier état de la situation en 2013, le Centre d'étude sur la pauvreté et
l'exclusion dresse un portrait des
inégalités socioéconomiques au Québec. Il présente notamment les ratios
interquintiles, soit une comparaison entre le revenu moyen du quintile le plus riche et le revenu moyen du quintile le
plus pauvre de la population. On peut y constater que, de 1990 à 2011, en dollars constants, le
revenu après transferts et impôts des ménages du quintile le plus riche
est passé de 56 000 $ à
74 400 $, soit une progression de 33 %. De son côté, le revenu
du quintile le plus pauvre, lui, est passé de 13 400 $ à 16 300 $, une progression de
22 %. En 2011, le revenu après transferts et impôts des plus riches était
donc 4,6 fois plus élevé que celui des plus
pauvres. Cet écart était de 4,2 en 1990. Cela valide le constat de plusieurs
personnes et organisations, les politiques
publiques des deux dernières décennies ont accru les inégalités entre les plus
riches et le reste de la population. Autrement dit, les différentes
réformes de la fiscalité, des programmes sociaux, des services publics
profitent surtout aux riches.
Le Président (M.
Bernier) : Merci.
M. Petitclerc
(Serge) : Pour conclure, comme on l'a dit en introduction, le
collectif est d'avis que la mission première
de l'État, c'est de redistribuer la richesse produite afin de combattre la
pauvreté et les inégalités qui sont, elles, produites, évidemment, par le libre marché. Force est de constater que,
depuis de nombreuses années, ce n'est pas ça qui arrive, c'est plutôt
l'inverse. Les recommandations du rapport Godbout risquent encore d'aggraver
cette situation-là, d'accentuer cette tendance : appauvrissement,
accroissement des inégalités. On considère qu'on doit inverser cette tendance. Pour ce faire, la solution est, somme
toute, assez simple, il faut améliorer le revenu des plus pauvres et stopper l'appauvrissement
de la classe moyenne, que ce soit par la fiscalité, que ce soit par les
programmes sociaux, que ce soit par
les services publics. Ce qui signifie, entre autres, de mettre fin aux mesures
régressives comme les hausses de taxes et de tarifs. Ce qui signifie aussi d'avoir le courage politique d'aller
chercher des nouvelles sources de revenus pour l'État.
Mmes, MM. les
parlementaires, on considère qu'il est temps de recommencer à parler
sérieusement de lutte à la pauvreté
et de lutte aux inégalités au Québec et qu'il est nécessaire de le faire avec
les personnes qui la vivent, la pauvreté, avec les organisations qui
représentent ces personnes. Alors, merci beaucoup pour votre attention.
Le
Président (M. Bernier) : Merci de votre présentation. Nous
allons donc débuter les échanges avec les parlementaires. M. le
ministre, la parole est à vous.
M.
Leitão : Merci, M. le Président. Alors, Mme Larivière, MM. Fournier et
Petitclerc, merci beaucoup d'être là. Vous
êtes les derniers d'une longue journée, mais non pas les moindres. Vous avez
certainement un point de vue qui est un
peu, disons-le, différent de ce qu'on a entendu jusqu'ici, et tant mieux, cette
commission est là pour entendre toute une diversité d'opinions et de
points de vue.
Je ne sais
pas si... beaucoup de questions, mais, quand on parlait de la réforme Godbout,
elle est à coût nul pour l'État. Disons
qu'il ne s'agissait pas d'un exercice de hausse ou de baisse du fardeau fiscal,
c'était un exercice de redosage du
fardeau fiscal de façon à ce que l'État, après réforme, si jamais on la
faisait, aurait les mêmes revenus. Maintenant, ça ne veut pas nécessairement dire que c'est à coût nul
pour les individus. Certains individus sortiraient probablement
gagnants, d'autres, perdants.
Pour ce qui
est des inégalités, bon, l'étude de M. Godbout a aussi bien mentionné que le
coefficient de Gini, qui est, enfin, la mesure la plus commune pour
mesurer les inégalités, est très peu affecté par cette réforme. Un peu oui,
mais on est vraiment dans les décimales, c'est très peu. Donc, la réforme en
tant que telle ne semble pas trop accentuer les inégalités sociales.
Maintenant,
là où vous avez mis le doigt sur une question qui, à mon avis, est extrêmement
importante, donc c'est la question de
la pauvreté et quelle est la
meilleure façon de combattre la pauvreté, et vous avez raison, vous avez
tout à fait raison que c'est un phénomène
qui ne va pas s'améliorer. Étant
donné les changements technologiques, les changements économiques dans nos sociétés, ça va être de plus
en plus complexe pour les personnes de se sortir de cette situation-là. Alors, la question devient : Quel est le
meilleur moyen d'aider les personnes en question à sortir de cette chose-là?
Ce que la réforme Godbout a mentionné et
plusieurs autres participants à cette commission ont aussi dit, c'est que la
meilleure façon, c'est à travers des
transferts aux individus, et pas nécessairement par le biais du système fiscal.
Quelle est votre opinion là-dessus? Est-ce que vous pensez que c'est en
jouant sur les taux, les crédits, etc., qu'on va contribuer à diminuer la
pauvreté ou c'est carrément par transferts?
M. Petitclerc (Serge) : Je vous
dirais...
Le Président (M. Bernier) :
M. Petitclerc.
M. Petitclerc (Serge) : ... — merci — de
façon globale, la préoccupation du collectif, ce n'est pas tant de déterminer les moyens précis qui doivent être utilisés
pour améliorer le revenu des gens, mais de faire en sorte qu'au total le revenu des gens soit amélioré, qu'on parle des
personnes seules, qu'on parle des familles, qu'on parle des couples,
qu'on parle des familles monoparentales. Et ce qu'on constate depuis les
dernières années, c'est que la combinaison de modifications au sein des
services publics, des programmes sociaux et de la fiscalité fait en sorte que
la situation des personnes s'est dégradée,
en tout cas dans la majorité des types de ménages. Et ce que propose
l'éventuelle réforme mise de l'avant pas le rapport Godbout nous donne
l'impression que ça va continuer, cette aggravation-là de la situation.
Alors, c'est
évident qu'un des éléments qu'on met de l'avant dans le rapport, c'est qu'au minimum
des crédits d'impôt comme le crédit d'impôt pour solidarité devraient
faire en sorte d'améliorer le revenu des personnes pour compenser les hausses de taxes et de tarifs, mais, même si ça, ça
arrivait, ça ne ferait pas en sorte que les gens sortiraient de la pauvreté. Pour que les gens sortent de la
pauvreté, il y a toutes sortes de manières qui peuvent être utilisées, des
choses que met de l'avant le collectif,
évidemment augmenter l'ensemble des protections publiques pour faire en sorte
que les gens se retrouvent avec un
revenu équivalent à ce qui est reconnu comme le minimum vital au Québec. Le
gouvernement utilise la mesure du
panier de consommation comme évaluation. On considère qu'une personne qui vit
seule dans une région comme Montréal devrait avoir autour de
17 000 $ pour couvrir ses besoins de base.
Le salaire
minimum n'est pas assez élevé. Nos collègues de la FFQ en ont parlé tout à
l'heure, je veux dire, un salaire
minimum actuellement autour de 10 $ de l'heure, ça fait en sorte que des gens
qui travaillent à temps plein ne sortent pas de la pauvreté. Améliorer
les revenus des personnes, c'est essentiel, mais les gens aussi doivent avoir
accès à des services publics universels de qualité. Ça, ça fait en sorte que
les gens peuvent aussi améliorer... Dans le fond, il y a tout un ensemble de moyens. Et peut-être le plus
important, c'est de s'attaquer aux préjugés envers les personnes qui
vivent la pauvreté et à l'ensemble des mythes qu'on a sur la pauvreté. Une des
choses qu'on ne parle jamais... C'est qu'on dit : Combattre la pauvreté, ça va coûter
cher, on n'a pas les moyens. Mais est-ce qu'on a déjà évalué c'est quoi, le
coût de la pauvreté, qu'est-ce que ça coûte
à l'État, qu'est-ce que ça coûte en services de santé, en système d'éducation
au niveau de la lutte à la pauvreté?
Écoutez, il y a des rapports qui sont sortis, entre autres du centre d'étude
sur la pauvreté et d'exclusion, où on
évaluait que les coûts sociaux et les coûts publics de la santé, c'était autour
de 5 à 6 milliards de dollars par année qu'on se prive, qu'on
pourrait investir ailleurs. Alors, tu sais, c'est tout ça qui se mélange
ensemble.
Le Président (M. Bernier) :
M. le ministre.
M. Leitão : Oui. Par exemple,
maintenant, au Québec, nos dépenses de programmes, toutes les dépenses
publiques, excluant le service de la dette, nos dépenses de programme, on est
aux alentours de 23 % du PIB. On est légèrement au-dessus, mais on n'est
pas loin de notre moyenne historique. Donc, on dépense beaucoup au Québec en programmes
sociaux. Et pourtant, comme vous l'avez mentionné, et avec raison, la
problématique de la pauvreté, elle est toujours là. Alors, moi, je vous soumets qu'un
moyen plus efficace de combattre cette problématique-là, ça serait de
mieux cibler toute notre intervention sociale pour s'assurer que les personnes
vraiment en besoin perçoivent l'aide nécessaire, et ça veut dire changer le
modèle québécois actuel, qui est un modèle d'universalité, la même chose pour
tout le monde.
Et nous...
moi, pas nous — je
vais parler en mon nom personnel — moi,
je prétends que cette approche-là n'est pas efficace, on a essayé depuis 40 ans. Et une autre approche qui
ciblerait... on prend le même pot, le même montant, et on le cible vers les personnes qui sont vraiment en besoin, et on
obtiendrait de meilleurs résultats. Évidemment, c'est un changement
majeur. Qu'est-ce que vous dites de ça?
• (21 h 20) •
Le Président (M. Bernier) :
M. Petitclerc.
M.
Petitclerc (Serge) : Merci.
Ce que je constate surtout, si on parle, par exemple, de l'aide
sociale, c'est que les gens ne sont pas traités de la même manière, justement.
Une personne qui se retrouve sans contraintes à l'emploi, supposément sans contraintes à l'emploi, et ça,
c'est déterminé par un médecin, et non pas par la situation
générale de la personne... les personnes qui sont sans contraintes à
l'emploi se retrouvent avec un chèque d'aide sociale qui est de 300 $
à 400 $ inférieur à ceux des gens qui sont considérés comme ayant une
contrainte sévère. Donc, les gens ne sont pas traités de la même manière, et ça, ça fait en sorte que ces gens-là ont
de la difficulté à se nourrir, à se vêtir, à se loger, à se déplacer, leur santé diminue, leur capacité à
rebondir et à retourner sur le marché du travail... devient de plus en plus
compliqué
On entend
souvent qu'on doit avoir des interventions particulières pour aider les gens à
retourner sur le marché du travail.
C'est qu'en même temps qu'on met de l'avant ce discours-là on coupe dans les
mesures d'emploi, il y a des centres locaux
d'emploi qui ferment, il y a des programmes spécifiques qui allaient venir en
aide, entre autres, par exemple, aux jeunes,
qui disparaissent. Alors, nous, on veut bien essayer d'autre chose, on est les
premiers à dénoncer, exemple, le régime de l'aide sociale, qui fonctionne mal, qui ne fonctionne pas pour une
très grande majorité de personnes assistées sociales, mais ce n'est pas
en haussant les taxes, en haussant les tarifs, en ne tenant pas compte de la
situation spécifique des personnes qui vivent la pauvreté qu'on va améliorer la
situation.
Écoutez, on
veut bien croire... par exemple, vous mettiez de l'avant l'idée qu'au Québec on
a investi beaucoup dans les services
publics, dans les programmes sociaux. C'est vrai, on n'est pas les pires dans
le monde, mais il y a encore une personne
sur 10 au Québec qui ne couvre pas ses besoins de base, il y a plus de
1 million de personnes au Québec qui vivent en situation de pauvreté. C'est sûr qu'il y a des choses qu'on ne fait
pas bien, et peut-être une des choses qu'on ne fait pas bien, c'est de refuser de s'attaquer au problème
de base des gens qui vivent la pauvreté, c'est-à-dire leurs revenus.
Tant que les gens vont avoir un revenu aussi
bas, les gens ne pourront pas s'en sortir et ils vont continuer à caler, et ça
va faire en sorte que ces gens-là se
retrouvent comme dans une trappe, dans un piège, dans une prison de pauvreté et
qu'ils ne peuvent pas en sortir.
Le Président (M. Bernier) : M.
Fournier, vous voulez ajouter?
M.
Fournier (François) : Je vais attirer votre attention sur la page 3 de
notre mémoire. Il y a quatre petites lignes... presque trois petites lignes qui, en fait, cherchent à dire tout ce
qu'on veut vous dire aujourd'hui. Je vais me permettre de la lire : «La pauvreté est un déni des droits
humains. C'est pourquoi la lutte à la pauvreté doit être une priorité de
l'action gouvernementale, une priorité telle
qu'elle ne devrait pas être subordonnée à d'autres enjeux. La Commission des
finances publiques devrait baser ses travaux sur ce grand principe.»
Ça me semble être l'inverse de cibler chaque
personne qui a besoin d'un peu plus ou d'un peu moins. Nous, on pense que, vivre en couvrant ses besoins de
base au Québec, tout le monde devrait y avoir droit, puis, à l'aide
sociale présentement, une personne seule est
à la moitié de ce que ça lui prend. Moi, quand j'entends dire qu'on dépense
beaucoup dans les programmes, je le
reconnais, puis ce que j'ai envie de dire, c'est : Bien, il en manque
encore parce qu'il y a encore du monde qui vivent avec juste la moitié
de ce que ça prend pour couvrir ses besoins de base au Québec.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le ministre.
M. Leitão : Très bien. Est-ce que
vous avez des questions, les collègues?
Le Président (M. Bernier) : M.
le député de Sainte-Rose, vous avez levé la main.
M. Habel :
Oui. Merci, M. le Président. Premièrement, je salue les invités, M. Fournier,
Mme Larivière et M. Petitclerc. La prémisse
de base du rapport Godbout, c'est, premièrement, d'être à coût nul, c'est-à-dire d'augmenter légèrement la TVQ pour diminuer les impôts,
pour augmenter un peu le pouvoir d'achat des Québécois. Et la
prémisse, aussi, implique que le dollar additionnel
est plus négatif lorsqu'il est perçu au
niveau de l'impôt
qu'au niveau des taxes ou de la tarification. Beaucoup de fiscalistes,
de comptables, d'économistes ont abordé dans ce sens-là, et vous me direz peut-être
ultérieurement si vous êtes d'accord avec cette prémisse-là.
Il y a beaucoup de nouveautés. C'est-à-dire il y
a le bouclier fiscal, l'incitation au travail, l'application du multipalier,
qui passerait de quatre à neuf paliers d'imposition. Et, dans votre mémoire, à
la page 14, vous établissez 11 paliers
d'imposition, premièrement, mais j'aimerais savoir pourquoi vous voulez
imposer le premier dollar. Parce que la première portion, c'est 15 %,
donc, de zéro dollar à 24 999 $. Pourquoi voulez-vous imposer le
premier dollar à l'imposition?
Le Président (M. Bernier) :
M. Petitclerc ou...
M.
Petitclerc (Serge) : Écoutez, c'est évident que, malgré une
transformation des paliers d'impôt, les personnes qui ont des revenus plus bas ne seraient pas
imposées normalement, là, il y a peut-être eu une petite erreur dans le tableau. Mais ce qui est certain, c'est qu'actuellement les projets comme le bouclier fiscal ou de
changer les tables d'impôt, c'est quelque
chose qu'on peut trouver intéressant,
mais il n'en demeure pas moins que nous, si on prend la lorgnette des
plus pauvres, les plus pauvres ne paient pas
d'impôt actuellement au Québec. Alors, modifier la fiscalité, baisser les
impôts, mettre en place un bouclier fiscal,
changer les tables, ça ne change pas grand-chose dans la vie des gens. Et c'est
pour ça, lorsqu'en 2010 le gouvernement du
Québec a mis en place le crédit d'impôt pour solidarité, on avait vu ça comme quelque chose
d'intéressant, de favorable si c'était bien utilisé, pour la simple et bonne
raison que ça mettait de l'argent
directement dans les poches des personnes, et c'est ça que les gens ont besoin.
Et, quand on parle, on ne parle pas nécessairement
de personnes qui sont à l'aide sociale ou qui reçoivent le supplément de revenu garanti ou la pension de
vieillesse, on parle souvent de travailleurs et de travailleuses. Dans l'exemple de Jeanne, lorsqu'on utilise la calculette du ministère des Finances, ce qu'on se rend compte, cette personne-là, au
Québec, elle paie quelques centaines de dollars d'impôt.
Le Président (M. Bernier) :
Je vais vous arrêter...
M. Petitclerc (Serge) : Donc, on a
beau modifier la fiscalité, cette personne-là n'en aura pas beaucoup plus dans
ses poches.
Le
Président (M. Bernier) : Je vais vous arrêter quelques secondes, M. Petitclerc, le député a une
question à vous poser encore. Parce qu'il lui reste seulement qu'une
minute.
M. Petitclerc (Serge) : Excusez-moi.
Le Président (M. Bernier) :
Posez votre question, M. le député.
M.
Habel : Parfait. Merci beaucoup, M. le Président. J'ai été un peu surpris de la réponse parce que
le rapport Godbout veut augmenter de 14 281 $ à
18 000 $ le palier du premier dollar imposé. Donc, c'est au-dessus du
seuil de la pauvreté, qui est établi à 17 000 $. Donc, j'ai été un
peu surpris de la proposition.
J'ai une
autre question au niveau de l'égalité parce que votre slogan, c'est Pour un
Québec sans pauvreté, égalitaire et riche de tout son monde. Ça
implique aussi une égalité entre les générations futures. Est-ce que vous ne
trouvez pas qu'avec l'accroissement de la dette, dans une perspective où on veut maintenir un panier de
services à long terme et que le vieillissement de la population
est devant nous... est-ce que vous ne trouvez pas ça inquiétant d'accroître toujours les revenus sans contrôler la
dette et d'équilibrer aussi le budget?
M.
Petitclerc (Serge) : Bien,
je vous dirais, nous, ce qui nous préoccupe le plus, c'est la dette humaine que
vivent les gens à tous les jours en vivant
dans une situation de pauvreté et le déséquilibre à cause... On nous
parle beaucoup de l'équilibre
budgétaire de l'État, mais l'équilibre budgétaire des individus, des familles,
ça nous préoccupe beaucoup aussi. Je veux
dire, la coalition opposée à la tarification en propose, des amorces pour aller
chercher des nouveaux revenus, mais
il n'en demeure pas moins qu'on aura beau aller chercher des nouveaux revenus,
si on ne s'attaque pas aux revenus des personnes qui vivent la pauvreté,
la situation ne va pas changer.
Le
Président (M. Bernier) : Merci, M. Petitclerc. On va passer du côté de l'opposition officielle. M. le
député de Rousseau.
M. Marceau : Oui. Merci,
M. le Président. Alors, bonjour,
messieurs. Bonjour, madame. Tout
d'abord, sur la question de... Enfin, le cas que vous avez décrit
de Jeanne, puis l'autre, d'Alexandre et Maude, là, ces deux cas-là, en tout cas, moi, je les ai trouvés bien intéressants, puis
ils montrent bien, je pense, que c'est important, dans notre évaluation
des impacts sur l'équité puis sur la distribution des revenus, de tenir compte
de l'ensemble des hausses de taxes qui sont annoncées
dans la réforme parce
qu'effectivement ce dont parlait M. le ministre, il y a quelques minutes, quand
il disait, là, que, quand on utilise
le coefficient de Gini pour évaluer l'impact de la réforme, de mémoire, là, ça
ne tient pas compte de précisément ce dont vous parlez dans le cas de Jeanne, là,
c'est-à-dire... En fait, ce que vous nous dites, c'est que le crédit d'impôt à la solidarité va venir compenser
peut-être pour la TVQ, mais pas pour les autres augmentations de taxes et
de tarifs, n'est-ce pas? C'est ça?
M. Petitclerc (Serge) : Oui.
M. Marceau : Et je pense
qu'effectivement elles ne sont pas prises en compte, là, dans le calcul dont
parlait M. le ministre.
Mais
j'aimerais ça, moi, que vous disiez un peu plus, là... En pratique, là, vous
pensez, donc, que les hausses de taxes sur l'essence, sur l'assurance,
les hausses des tarifs d'électricité, ces choses-là, ça va directement se
répercuter sur le niveau de vie des gens les plus pauvres?
M. Petitclerc (Serge) : Bien, évidemment,
parce que...
Le Président (M. Bernier) :
M. Petitclerc.
M. Petitclerc (Serge) : Oui, merci.
Le Président (M. Bernier) :
...parce que je dois vous identifier.
M. Petitclerc (Serge) : Pardon?
Le Président (M. Bernier) :
C'est parce que je dois vous identifier pour fins d'enregistrement.
M.
Petitclerc (Serge) : Ah!
oui, oui, excusez-moi. Écoutez, oui, pour la simple et bonne raison qu'on
pourrait parler pratiquement de services essentiels. Je veux dire,
l'électricité, pour donner un seul exemple, les gens doivent, évidemment,
se chauffer l'hiver. Les gens ont des laveuses. Les gens ont des sécheuses.
Alors, que ce soit une hausse du bloc
patrimonial ou que ce soit une hausse générale des tarifs réguliers d'Hydro-Québec, ça a un impact directement dans les poches des familles, et ça, ça fait en sorte que les gens
s'appauvrissent malgré une hausse éventuelle du crédit d'impôt pour solidarité.
De la même manière, à chaque année, il y a une augmentation,
par exemple, du salaire minimum ou des régies des rentes, tout ça. Bien, ça fait en sorte que, comme le coût de la
vie, souvent, pour les produits de base, entre autres, augmente plus
vite, les gens s'appauvrissent année après année. Je pense qu'il y a mon
collègue qui voulait...
• (21 h 30) •
Le Président (M. Bernier) :
Vous voulez ajouter?
M.
Fournier (François) : Oui. Je voudrais juste attirer votre attention
sur... Quand je disais tantôt que les gens ont la moitié de ce que ça prend pour vivre au Québec, nécessairement les
gens ne meurent pas par centaines de milliers dans la rue présentement. Donc, ils vont chercher
quelque part les ressources qu'ils ont besoin. Puis je trouve que l'idée
de la livre de chair est plutôt intéressante
pour expliquer comment les gens font pour vivre avec moins que ce que ça
prend, ils sacrifient leur santé, ils
sacrifient leur vie sociale. En fait, ils deviennent des sous-citoyens pour
réussir à survivre dans les conditions
qu'on leur impose. Ces conséquences-là, ça laisse des traces sur leur corps, on
va dire, sur leur esprit. En enlever plus, ça va nécessairement avoir
des conséquences sur les personnes, elles sont déjà en situation de déficit.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau :
Très clair. Peut-être vous demander d'en dire un peu plus, là, sur la question
de l'écofiscalité. Au bas de la page
9, vous avez des réserves, là. Enfin, écoutez, je ne veux pas vous attribuer de
position ou de point de vue, je vous demande simplement de m'expliquer
ce que vous avez en tête parce que je peux très bien comprendre que les principes d'utilisateur-payeur ou de
pollueur-payeur, c'est bien beau dans la pratique, mais là vous dites :
C'est une mesure qui a un impact
négatif sur les individus. Puis, effectivement, je comprends bien que, si on
augmente les tarifs d'électricité, les
taxes sur l'essence, évidemment, ça va avoir un impact surtout sur les ménages
à plus faibles revenus, il n'y a aucun doute. Mais je vais vous laisser
développer la suite, tiens.
Le Président (M. Bernier) :
M. Petitclerc? M. Fournier? M. Petitclerc.
M.
Petitclerc (Serge) : Bien, voilà pas si longtemps que ça, on a eu la
chance de participer à une commission sur l'environnement où on parlait
de développement durable, et un des facteurs importants du développement
durable, c'est toutes les questions
sociales. Alors, c'est évident que, si l'écofiscalité fait en sorte d'appauvrir
les personnes, je veux dire, on n'est pas dans une situation gagnante et
on n'est surtout pas dans une perspective de développement durable. Écoutez, j'ai jeté un coup d'oeil sur le rapport
des gens d'Équiterre qui disait qu'au contraire on devrait diminuer la
taxe de vente du Québec pour faire en sorte
d'améliorer les revenus des gens, mais taxer certains produits de luxe. Alors,
je pense que c'est des choses qui
seraient beaucoup plus intéressantes, mais j'avoue que je ne peux pas aller
beaucoup plus loin là-dessus, cette question-là.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Rousseau.
M. Marceau :
C'est parfait. Donc, je comprends très bien votre point de vue, c'est parfait,
c'était très clair. Je vais laisser la parole à mon collègue de
Sanguinet.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Sanguinet.
M.
Therrien :
Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue. Écoutez, je vais
vous dire d'entrée de jeu, là, il y
en a qui tirent le mauvais numéro dans la vie, puis il y en a qui tirent le bon
numéro. Moi, j'ai tiré le bon numéro, j'ai
été chanceux. Puis, quand tu tires le bon numéro, des fois tu ne t'aperçois pas
que tu as tiré le bon numéro. Et moi, dans mon comté, bien, j'ai des gens qui sont pauvres, puis qui ont de la
misère à arriver, puis, pour eux autres, subvenir à leurs besoins puis à ceux de leurs enfants, c'est
extrêmement difficile. Et, à cause de mon métier de député, bien, j'ai
appris, justement, à apprécier le fait que j'ai tiré le bon numéro, mais aussi
prendre conscience qu'il y a des gens qui n'ont, malheureusement, pas tiré le bon numéro, puis ce n'est pas de leur
faute. Puis j'apprécie beaucoup le travail que vous faites parce que vous venez nous rappeler, nous dire
qu'il y a des gens qu'on doit protéger parce qu'ils n'ont pas demandé
d'être dans cette situation-là ils ont
besoin d'aide, puis ils demandent juste à s'en sortir. Donc, j'apprécie
beaucoup votre présence. Et ce n'est pas la première fois que je vous
vois, d'ailleurs, là, mais je trouve ça important, ce que vous faites.
Et puis vous
parlez de la neutralité, là. Ils disent que la réforme fait en sorte que ce
soit neutre en termes fiscaux, là, pour
l'ensemble des... En tout cas, il faut faire attention aux termes, là, mais
moi, j'ai déjà de la difficulté à croire que c'est neutre parce que ce
que je vois, là, ce n'est pas concluant. Mais vous avez raison de dire que,
quand on regarde par tranches de revenus, là ça ne l'est pas du tout, qu'il y a
des gens qui vont payer la note et qui vont payer beaucoup plus fortement que
d'autres, il y en a qui vont se retrouver avantagés par cette réforme-là.
J'apprécie
aussi le fait que, dans vos exemples typiques, là, vous prenez les effets de ce
rapport-là et vous le mettez dans
l'ensemble du contexte des coupures libérales. Et ce qu'on s'aperçoit, c'est
que tout ça mis ensemble fait en sorte d'avoir
des situations qui sont encore plus insoutenables. Alors, il faut faire quelque
chose pour aider ces gens-là. C'est sûr que ça passe par l'éducation, puis ça passe, justement, par un soutien
au niveau du revenu, mais moi, je voudrais vous entretenir... Je voulais juste, au départ, là, vous dire ça, ce que je pensais, là, tu sais. Bon, dans le fond, je suis content que vous soyez là, ça fait que...
La dernière
page, il y a juste... Dans la dernière page, je regarde des
chiffres, là, puis il y en a qui... Je ne sais pas si je sors un peu, là, de ce que vous vouliez parler,
là, mais, quand vous parlez de lutte contre l'évasion fiscale et
l'évitement fiscal, vous arrivez avec un
montant de 740 millions, qui est quand
même un montant important. Est-ce que
vous êtes capable de me dire, à quelque part, sur quoi vous vous êtes
basés pour écrire ce chiffre-là?
Le
Président (M. Bernier) : Vous avez une minute, M. Petitclerc, parce que je dois passer par
la suite au député de Granby.
Mme Larivière (Virginie) : Je vais
répondre pour M. Petitclerc.
Le Président (M. Bernier) :
Bon, allez-y, Mme Larivière.
Mme
Larivière (Virginie) : Le tableau qui est ici, en fait, a été produit
par la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics. C'est des membres de toutes sortes d'organisations
qui se réunissent autour des questions
de tarification, de privatisation des
services pour la défense des services publics et des programmes sociaux.
C'est fait sur la base des informations
qu'on est capables de trouver. Ce n'est donc pas des informations de première
main où on... Il n'y a pas
d'économistes et de grands fiscalistes, par exemple, au sein de la coalition.
Donc, c'est des données qui sont quand même trouvables et qui sont
vérifiées et contre-vérifiées.
M.
Therrien : O.K.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Granby.
M.
Bonnardel : Merci,
M. le Président. Bonsoir, messieurs dames. Je suis en train de regarder vos
paliers d'imposition, là. Puis je regardais, à partir de 70 000 $,
vous êtes à 26 %, vous êtes presque à 48... Bien, vous êtes à 48 quand on regarde le taux marginal
fédéral-provincial. Je trouve ça beaucoup. Je trouve ça beaucoup, mais, ayant
un peu de temps, première chose, je voudrais
vous demander, moduler les taxes à la consommation en fonction des biens
achetés... Vous dites 745 millions de dollars. J'imagine, c'est les biens
luxueux que vous voulez aller taxer. Où est-ce que vous le prenez? Puis
qu'est-ce que vous taxez pour arriver à aller chercher... Si on ne va pas,
comme le rapport Godbout le mentionne, aller chercher le point de pourcentage
additionnel, là, de plus, vous allez chercher où cet argent?
Le Président (M. Bernier) :
M. Fournier.
M.
Fournier (François) : On aimerait ça, répondre très précisément à
cette question-là, mais on ne peut pas parce que le travail qui est fait avec la coalition... La raison pour laquelle
ce tableau-là est là, c'est pour indiquer qu'on appuie les propositions
de la coalition, que ces propositions-là sont peu discutées dans les enceintes
publiques, et donc on pense que c'est important que les
parlementaires soient au courant qu'il y a des mouvements sociaux, des
organismes au Québec qui ont d'autres types de propositions. Nous ne sommes pas
les possesseurs de l'expertise de chacun de ces points-là, c'est l'ensemble des mouvements qui ont réussi à établir ça.
Nous, on ne pourrait pas vous répondre pour chacune de ces affaires-là, tout comme le 15 % pour
le zéro à 24 000 $ qui était mentionné tantôt, le collectif défend la
position que quelqu'un qui est pauvre ne devrait pas payer d'impôt, tout court.
Si tu ne couvres pas tes besoins, tu ne devrais pas payer d'impôt, commencer
par survivre avant.
Ça fait que probablement qu'il y a d'autre chose
en arrière de ça que je ne suis pas capable de vous expliquer aujourd'hui. Traitons-le comme un exemple, comme
des propositions que nous, on peut vous diriger vers les personnes qui possèdent ça. Mais ce n'est pas nous, c'est les
experts. C'est une démonstration qu'il est possible de voir autrement
les façons d'aller chercher de l'argent au Québec.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Granby.
M.
Bonnardel :
Ça fait que vous n'êtes pas plus à l'aise, là, sur tout ce qui est indiqué
comme chiffres là-dessus, là, que ce
soit le taux provincial d'imposition des entreprises à 15 % ou le
410 millions d'augmenter les redevances sur les ressources naturelles. Juste en passant, là,
l'année la plus triste qu'on eue, là, l'année passée, ou à peu près, c'est
35 millions qu'on est allés chercher en
redevances. L'année la plus forte, il y a trois ans, si je ne me trompe pas,
310 millions. C'est les bonnes années, c'est un cycle, là, mais,
bon, juste pour votre information... Donc, vous ne pouvez pas répondre plus sur
les chiffres de ce tableau, tout ça?
M. Fournier (François) : C'est ça.
Le Président (M. Bernier) :
M. Fournier.
M. Fournier (François) : Disons ça
comme ça.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Granby.
M.
Bonnardel : Je n'ai
pas d'autre question, M. le Président.
M. Petitclerc (Serge) : Peut-être un
autre élément de...
Le Président (M. Bernier) :
M. Petitclerc.
M.
Petitclerc (Serge) : Peut-être un autre élément de réponse par rapport
à ça, c'est que la raison pour laquelle on a mis le tableau aussi, c'est pour remettre un peu en question, j'oserais
dire, un des dogmes du travail de la commission d'examen sur la fiscalité où on refusait de regarder d'autres
alternatives pour financer l'État. Alors, c'est la raison pour laquelle des organisations comme la coalition et d'autres
ont mis de l'avant des pistes de solution pour augmenter les revenus,
parce que, si on veut équilibrer les budgets, il faut regarder du côté des
revenus et du côté des dépenses inévitablement.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Beauce-Nord, comment ça va?
• (21 h 40) •
M.
Spénard :
Bien, j'ai peut-être une... Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, madame et
messieurs. Moi, vous avez en partie
raison parce que je me souviens très bien, le premier mémoire qu'on a eu ce
soir, de M. Montmarquette, qui disait :
Les personnes les plus pauvres, c'est ceux-là qui consomment le plus en termes
de soins de santé, et les personnes les
plus riches, c'est ceux-là qui
s'inscrivent le plus aux études postsecondaires. Il a sorti ça comme statistique. Puis ça, ce n'est pas le
collectif pour la pauvreté qui l'a sorti, c'est des économistes. Alors, je suis assez d'accord avec
vous autres.
Par contre,
où que je suis moins d'accord, c'est qu'est-ce c'est qu'on fait pour, d'après
vous, préserver le peu de richesse qu'on a. On n'en a pas beaucoup, là.
Je suis peut-être en partie d'accord avec vous que la richesse est mal distribuée, mais il faut continuer à en créer, de
la richesse. Et comment qu'on fait pour créer de la richesse lorsqu'on
veut taxer les entreprises à 15 %?
Elles sont déjà à 11,9 %, et puis l'Ontario est à 10 %, je crois,
9 %, 10 %. Qu'est-ce c'est qu'on fait pour rester compétitifs
si on veut créer de la richesse supplémentaire, et de la partager, et peut-être
de mieux la redistribuer? Parce que, si on appauvrit tout le monde, on ne se sortira
jamais du trou.
Le Président (M. Bernier) :
M. Petitclerc, vous avez une minute.
M.
Petitclerc (Serge) : Écoutez, c'est un discours qu'on entend souvent,
on se croirait en campagne électorale. C'est
un discours qu'on entend souvent, justement, la question de la création de la
richesse, il faut créer de la richesse pour
mieux la partager. De tous partis confondus ou presque, on l'a toujours
entendue, celle-là. Il n'y a jamais eu autant de richesses qui ont été créées au Québec et au Canada depuis les 25, 30
dernières années, on a eu des périodes de croissance ininterrompue, et
les inégalités ont été aussi en croissance ininterrompue. Alors, moi, je veux
bien croire qu'on ne dispose — théoriquement, on l'entend souvent — de pas toute la richesse nécessaire pour
mieux la répartir, mais moi, je pense
plutôt qu'il faut faire le choix de la répartir, la richesse qui est
disponible, et on va améliorer la qualité de vie de tout le monde. Je veux dire, les pays les plus
égalitaires sont les pays où tout le monde est le plus à l'aise, tout le monde
est le plus heureux,
les taux de mortalité infantile sont les plus bas pour les riches et pour les
pauvres. Alors, une société plus égalitaire, c'est une société où tout
le monde est plus heureux.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Mercier.
M. Khadir : Ce qui nous amène au modèle
suédois. Ce qui nous amène au modèle suédois, qui est référé... et le
rapport Godbout y fait mention pour justifier l'augmentation de la taxe sur la
consommation. Moi, je veux bien, mais d'abord
il faut des revenus plus élevés comme en Suède pour pouvoir les rencontrer, et
ensuite il faut ne pas oublier que c'est
un ensemble. Et, dans cet ensemble-là, je vous ai envoyé, heureusement... Je
remercie le secrétaire de la commission, vous avez maintenant en courriel un article de Le Monde qui
résume... En Suède, la taxe sur le capital, le gain en capital de 30 % forfaitaire est 19 points de pourcentage
supérieur à ce que paie le quintile le plus riche au Québec. Cette
différence-là, là, le 19 %, juste cette
différence-là, si on l'appliquait, nous, au Québec, si le ministre des Finances
daignait faire la même chose que la
Suède, d'accord, puis il augmentera ses taxes sur la vente après... Sur les
7 milliards de dollars de revenus en dividendes et de revenus en
gains de capitaux qui ne sont imposés qu'à moitié, ça représente un manque à
gagner de 1 430 000 000 $.
D'accord? C'est beaucoup. Et ça, le rapport Godbout n'en parle pas, et je
n'entends pas mes collègues se saisir de ça.
Vous demandez
à nos amis d'expliquer la lutte contre l'évasion fiscale, 740 millions de
dollars de revenus, sur quoi c'est basé. Agence du revenu du Canada
estimait en 2012 à 4 milliards de dollars le montant d'impôts non perçus
sur l'argent caché dans les paradis fiscaux. Le Québec représente environ
20 % de l'économie canadienne. Ça veut dire, une estimation de ça, c'est 800 millions de dollars. En fait, ici,
on sous-estime un peu parce qu'on a réajusté les chiffres pour
2013-2014, je suppose.
Donc, je
m'engage, moi, en leur nom, à fournir toutes les informations qui sont ici
parce qu'elles sont documentées dans
le rapport. Sauf qu'on ne se penche pas assez là-dessus, on entend les... Là,
je m'excuse, je n'ai pas de question à vous poser parce que j'ai été convaincu par vos arguments. Il y a
des milliards de dollars de solutions alternatives, mais c'est un choix de société. C'est le choix de savoir est-ce
qu'on encourage l'économie pour l'économie, puis là on crée de plus en
plus de richesse avec une croissance
soutenue, mais, à la fin, les inégalités augmentent ou on fait le choix que ce
qu'on produit, on la distribue mieux,
puis tout le monde va vivre mieux, il y a moins d'inégalités, il y a moins de
conflits, il y a moins de violence,
et les gens sont plus heureux, ce que la Fédération des femmes appelait
mieux-vivre, hein? C'est le mieux-vivre qu'on doit fixer. Pas plus de
croissance, mieux-vivre.
Le
Président (M. Bernier) : Merci, M. le député de Mercier. Donc,
merci, M. Petitclerc, Mme Larivière, M.
Fournier, de votre participation à la Commission des finances publiques. Et je
remercie également les collègues qui ont
participé à cette journée de travail. Je remercie le personnel de l'Assemblée
nationale et le secrétariat de la commission qui nous assistent dans nos
travaux. Je veux saluer également les gens à la maison qui regardent nos
délibérations.
Et, sans plus
tarder, je lève la séance, et la commission ajourne ses travaux à demain, après
les affaires courantes.
(Fin de la séance à 21 h 45)