(Onze heures cinquante-cinq
minutes)
Le Président (M. Bernier) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte. Et, bien sûr, je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs téléphones cellulaires.
La commission est réunie afin de poursuivre les
consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 28, Loi
concernant principalement la mise en oeuvre de certaines dispositions du
discours sur le budget du 4 juin 2014 et visant le retour à
l'équilibre budgétaire en 2015‑2016.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Il n'y a
aucun remplacement, M. le Président.
Auditions (suite)
Le Président (M. Bernier) : Merci
beaucoup. Donc, l'ordre du jour pour aujourd'hui... Et on s'excuse déjà auprès
des participants de la compression que nous devons faire considérant le temps à
l'Assemblée nationale et les caucus. Ce matin, nous entendrons l'Institut
économique de Montréal et M. Camil Bouchard. Cet après-midi, nous recevrons
Mme Mélanie Bourque et l'Équipe de recherche Qualité éducative des
services de garde et petite enfance.
Donc, sans
plus tarder, j'invite l'Institut économique de Montréal à faire sa présentation. Vous avez 10 minutes pour
faire votre présentation, suivront par la suite des échanges avec les
parlementaires. La parole est à vous.
Institut économique de
Montréal (IEDM)
M.
Guénette (Jasmin) : Merci.
Bonjour à tous. Mon nom est Jasmin Guénette, je suis le vice-président de
l'Institut économique de Montréal. Je suis en compagnie de mon collègue
M. Youri Chassin, qui est directeur de la recherche et économiste chez
nous.
D'abord, je
tiens à m'excuser au nom de notre P.D.G., M. Michel Kelly-Gagnon, qui
devait faire la présentation ce matin
mais qui a eu une urgence personnelle qui a fait qu'il n'a pas pu être avec
nous ce matin, donc je le remplace pour cette présentation. Je vais
laisser la parole à mon collègue Youri, qui va faire quelques remarques, et je
reviendrai un petit peu plus tard dans la présentation.
M. Chassin
(Youri) : Merci. Bonjour à
tous. Dans le projet de loi n° 28, il y a évidemment différents
aspects. On s'est dit qu'il y avait
différents groupes qui allaient se prononcer sur tous ces aspects un peu plus sectoriels
et que nous, notre apport pour vous, en fait, était sans doute davantage
sur le corps du projet de loi, soit l'équilibre budgétaire. On essaie d'avoir une perspective un petit peu plus
large peut-être. Dans notre mémoire, on parle d'un certain nombre de
volets plus précis du projet de loi, un certain nombre d'articles plus définis,
mais somme toute on veut parler d'équilibre budgétaire, parce que ça nous
semble important.
Donc,
d'abord, on se réjouit que l'objectif de revenir à l'équilibre budgétaire l'an
prochain soit confirmé. Ça nous semble
incontournable, hein, cinq ans après la récession, après un report du
gouvernement précédent de deux ans. Donc, déjà, ça nous semble
incontournable.
Par contre,
il y a un défi plus important, disons. L'état des finances publiques est
peut-être moins bon que ce que beaucoup perçoivent sur la place
publique, ne serait-ce que parce que le déficit, il n'est plus que
conjoncturel, il est maintenant structurel,
et donc ça signifie qu'il faut avoir une réflexion à plus long terme. Le vrai
défi, finalement, des finances
publiques, c'est de conserver l'équilibre budgétaire pour les
10 prochaines années et pas seulement d'y revenir l'an prochain.
Évidemment, il y a différentes approches pour
revenir à l'équilibre budgétaire, et on pense qu'il est bon de réfléchir à ce qu'on aurait fait si on avait connu
la situation présente il y a 10 ans. On a fait cet exercice-là, à
l'Institut économique de Montréal, pour illustrer, dans le fond, qu'est-ce
qu'on aurait pu apprendre du passé. C'est un exercice tout simple, c'est une hypothèse toute bête. Si, il y a 10 ans,
donc entre 2003‑2004 et 2013‑2014, le gouvernement avait permis une hausse des dépenses publiques, donc une
hausse des dépenses publiques selon la croissance du PIB, selon la croissance économique, donc on augmente les
dépenses année après année mais à un rythme qui est soutenable à long terme, le résultat, c'est qu'en 2013‑2014 on
aurait connu un surplus de 15 milliards de dollars, et donc, sur seulement
10 ans, ça aurait fait une différence immense. On vient, dans le fond,
vous suggérer que, dans le cadre du débat des finances publiques, il faut aussi
penser à long terme pour éviter que dans 10 ans on se retrouve dans une
autre commission parlementaire à faire le même débat.
Évidemment, pour réussir à équilibrer
les finances publiques, on est, nous, d'avis qu'il n'y a plus de place
pour augmenter le fardeau fiscal et parce
qu'essentiellement, dans le fond, le problème du déficit actuel n'est pas un
problème de revenus, c'est un problème de
dépenses. Pourquoi ce n'est pas un problème de revenus? En fait, il y a déjà eu
des hausses de revenus. Donc, les recettes de l'État ont augmenté suite à des
hausses d'impôt des particuliers, à des hausses d'impôt des entreprises, à une contribution santé
additionnelle, à des droits, des tarifs qui ont augmenté, notamment les
garderies, dont vous allez entendre parler, et les dernières mesures,
hein, du budget de juin dernier aussi qui continuaient à aller en chercher
davantage.
• (12 heures) •
Par
ailleurs, quand on regarde ce qu'on
nous avait finalement établi comme plan quand on a connu, hein, le
déficit, le plan originel pour revenir à l'équilibre budgétaire,
c'était que l'État allait faire 62 % de l'effort et que, les contribuables, on allait demander leur
contribution pour 38 % de l'écart entre les revenus et les dépenses. Il y
a eu ce qui était prévu et il y a eu ce qui s'est réellement passé. Dans notre
mémoire, vous allez voir un graphique, en fait, de courbes des revenus et des
dépenses et vous allez voir qu'en pointillé on a ce qui était prévu, donc
comment on allait contrôler la hausse des dépenses, comment on allait
faire augmenter les revenus. En vert, vous voyez que les revenus, ils ont
augmenté, on a été effectivement en chercher davantage dans la poche du
contribuable. Quant aux dépenses, elles ont augmenté beaucoup plus vite que ce
qu'on anticipait. En fait, à quelques millions de dollars près, elles
ont augmenté exactement comme s'il n'y avait
pas eu de plan de redressement, c'est vraiment fascinant. Donc, il s'agit
maintenant de regarder du côté des dépenses pour faire un effort
supplémentaire.
Maintenant,
plusieurs disent : Non, mais on voit déjà des
efforts du côté des dépenses. Je
pense qu'il faut reconnaître que oui, hein, le gouvernement actuel semble
bien contrôler la croissance des dépenses, ça mérite d'être salué parce que c'est
assez rare. Donc, il semble que c'est, pour l'instant, bien engagé. L'an
prochain va être un exercice particulièrement crucial à ce regard-ci.
Donc, est-ce qu'on va pouvoir vraiment contrôler la croissance des dépenses, notamment
des dépenses de programmes, autant qu'on l'a dit, hein, d'avoir une si petite augmentation?
On le souhaite.
Certains voient même
dans la situation présente un cas d'austérité, hein? Donc, il y a un sens économique
à l'austérité, c'est des diminutions concrètes de dépenses sur un plan global,
donc c'est possible de vérifier dans les documents budgétaires si c'est le cas.
Ce n'est pas le cas. Les dépenses, elles augmentent année après année; moins rapidement
que certains le voudraient, mais ça, c'est toujours le cas. Donc, on ne peut certainement
pas décrire la situation actuelle comme de l'austérité. Il y a
certains ministères, certains organismes qui subissent des baisses de
leur financement, et d'autres, au contraire, subissent des hausses.
On appelle ça prioriser, ce n'est pas de l'austérité. En
fait, la réaction à laquelle on assiste,
c'est peut-être une réaction d'hystérité, mais il n'y a pas d'austérité dans
les finances publiques.
Évidemment,
le portrait général, je pense qu'il est relativement clair. On essaie
d'inciter aussi une réflexion à plus long
terme qui n'est peut-être pas porteuse de résultat immédiat mais qui va peut-être
changer les façons de faire, c'est ce qu'on appelle faire les
choses autrement, et mon collègue va vous donner quelques exemples de cette
approche.
Le Président (M.
Bernier) : M. Guénette.
M. Guénette (Jasmin) : Merci, Youri. En fait, oui, faire les choses
autrement, on entend souvent ça. Ce n'est pas simplement... Ce n'est pas
juste un «buzzword», comme on dit, mais nous, on a quelques exemples qu'on veut
vous présenter ici ce matin pour illustrer que c'est possible.
Actuellement dans le débat, souvent c'est soit on coupe ou ça coûte plus cher.
Alors, nous, on trouve que c'est important de maintenir les services mais de les livrer
d'une façon différente. Le ministre Leitão avait affirmé il y a quelque temps vouloir maintenir les services, mais que ceux-ci
pourraient être livrés et rendus par des entreprises privées ou encore des organismes
communautaires. À notre avis, en fait, c'est la voie à suivre. Le débat sur les finances, ce
n'est pas tant un débat gauche-droite qu'un
débat où on veut trouver des solutions pour rendre les services actuels et
obtenir les meilleurs résultats.
Trois
exemples très, très brefs. Premièrement, on a sorti en début d'année une note économique
sur les services policiers. Au Québec,
les budgets de la Sûreté du Québec et
des services policiers municipaux ont explosé, depuis 25 ans ça a doublé. Et là les réponses du législateur, c'est
souvent de vouloir couper des postes, et, bien sûr, bien ça, ça vient
avec une coupure de services. Alors, nous,
ce qu'on propose — on donne
cet exemple-là pour illustrer notre propos — ce qu'on propose notamment, c'est de complémenter le travail des policiers avec
l'ajout de civils bien formés ou encore d'entreprises privées de sécurité, c'est-à-dire de libérer les
policiers des tâches administratives qu'ils doivent accomplir à chaque
jour. On estime que c'est près de 40 %
des tâches que les policiers effectuent au quotidien qui sont des tâches
administratives qui pourraient être
données à des civils bien formés ou à des agents de sécurité privée. Ça
permettrait de sauver des coûts, notamment sur la masse salariale, et
ça, ça rendrait le service beaucoup plus efficace, puisque les policiers
seraient davantage sur le terrain à faire les tâches pour lesquelles ils ont
reçu une formation exceptionnelle.
Notamment
on pense aussi en éducation, où c'est possible de faire les choses autrement.
On le voit, les élections scolaires sont presque ignorées, les réformes
sont critiquées, le taux de décrochage des garçons est très élevé, et c'est possible de faire autrement et de rendre les
écoles plus autonomes, c'est-à-dire que, plutôt que d'avoir cette structure
qui alourdit un peu le système, les
ressources allouées à l'éducation seraient directement remises au niveau des
écoles. On voit que ça se fait en Suède notamment et on remarque que ça
a vraiment stimulé l'innovation scolaire...
Le Président (M.
Bernier) : En conclusion, s'il vous plaît, parce que le temps
est...
M. Guénette (Jasmin) : Bien, oui, en conclusion, donc, nous, ce qu'on
propose, c'est... on invite le gouvernement à faire les choses
autrement; à continuer à livrer les services, mais simplement de rendre ces
services-là avec le souci d'obtenir de meilleurs résultats dans le contexte
budgétaire actuel. Merci.
Le Président (M. Bernier) :
Merci beaucoup. M. le ministre, la parole est à vous pour un premier bloc
d'échange.
M. Leitão :
Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Messieurs, merci beaucoup d'être
là, et j'apprécie beaucoup vos commentaires, c'est un peu rafraîchissant. Nous
avons entendu beaucoup de groupes, et votre opinion diffère de ce qu'on a entendu avant, et je dois vous dire que c'est
beaucoup plus proche de ce que moi, je pense. Donc, ce côté-là, M. le
Président, on finit en beauté, on dirait.
Maintenant...
Le Président (M.
Bernier) : ...tous les groupes puissent s'exprimer en
commission.
M. Leitão :
Absolument. Maintenant, il y a... Combien de temps nous avons?
Le Président (M.
Bernier) : Vous avez 10 minutes.
M. Leitão :
10 minutes, oui, O.K.
Le Président (M.
Bernier) : ...une minute de passée.
M. Leitão : Une minute de passée. Bon, on va commencer par la fin. Vous parliez des
trois sujets, trois exemples de faire les choses différemment. Vous
n'avez pas eu le temps d'arriver à la troisième, alors si vous pouvez y aller...
M. Guénette (Jasmin) : Ça concerne la santé. En fait, c'est presque la
moitié du budget du gouvernement, santé et
services sociaux. Alors, il y a possibilité de faire les choses autrement aussi en santé. Nous, on pense, par
exemple, à l'assurance maladie
duplicative, l'assurance maladie privée duplicative qui assure les mêmes
traitements que l'assurance publique
mais qui permet d'être soigné au privé. Ça n'existe pas au Québec, et pourtant
tous les pays, à ma connaissance, de
l'OCDE ont ce genre d'assurance privée duplicative qui permet aux gens d'aller
se faire soigner au privé sans enlever aucune
ressource au réseau public, ça, c'est important de le mentionner. Et, les
effets positifs, on les aperçoit notamment dans les travaux qu'on a
faits au Danemark, il y a eu une réduction de 10 % de l'utilisation des
services hospitaliers publics. On voit bien
que ce genre de mesure là, donc, pour ceux qui le souhaitent, pour ceux qui le
souhaitent, ça leur permet d'avoir accès à des services et ça
désengorge, en quelque sorte, le réseau public. Et la présence d'assurance duplicative,
notamment au Danemark, n'a pas érodé les ressources du système public. Donc, en
fait, ça ajoute des ressources, il y a plus
de ressources en santé sans que le gouvernement ait lui-même à débourser
davantage pour financer les soins.
Alors, c'est le genre de mesure... Quand on dit : Faire les choses autrement,
on livre les mêmes services à la population, mais on les organise de
façon différente.
Le Président (M.
Bernier) : M. Chassin.
M. Chassin (Youri) : Et, si je peux me permettre un petit ajout, tous ces exemples-là,
finalement, ne sont pas des mesures
d'économie, hein, il n'y a pas d'argent que le gouvernement libère, mais, dans
une perspective de long terme, c'est drôlement intéressant d'y penser,
parce qu'on évite, finalement, en augmentant la qualité des services, l'espèce
de sempiternelle chanson qu'on entend de plusieurs, qui réclament à chaque fois
que le service public, finalement, n'est pas
de qualité ou ne donne pas de suffisamment bons résultats... on réclame
davantage de ressources. Et je pense qu'il y a cette espèce de pression constante sur les finances publiques qu'on
évite en ayant la possibilité de faire les choses autrement et d'avoir
de meilleurs résultats dans les services publics.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le ministre.
• (12 h 10) •
M. Leitão :
Merci. Maintenant, M. Chassin, j'aimerais vous amener un peu sur le... On
a parlé, bon, de l'équilibre budgétaire. Nous sommes à la veille, le budget aura lieu bientôt, donc on pourra
se rendre compte qu'en effet, en 2015‑2016, on va arriver à l'équilibre.
Et, comme nous savons tous, au Québec c'est après contribution au Fonds des
générations.
Alors,
j'aimerais vous entendre sur deux choses, d'abord la pertinence ou pas...
Quelle est votre opinion du Fonds des
générations, l'existence de ce fonds-là et des contributions qu'on y fait? Et
puis, deuxièmement, des enjeux à long terme, vous avez mentionné que, bon, O.K., très bien,
vous allez arriver à l'équilibre
budgétaire, bon, parfait, mais il
faut s'assurer qu'on le maintient, cet
équilibre-là, dans les années à venir. Alors, qu'est-ce que vous voyez comme
sujet de structurel de long terme... défis de long terme, plutôt?
Le Président (M.
Bernier) : M. Chassin.
M. Chassin
(Youri) : Merci. Pour le Fonds des générations, je pense que c'est tout
à fait pertinent comme mécanique de discipline dont le gouvernement se dote,
hein? Dans le fond, ça a commencé
modestement, le Fonds des générations, et plus ça va, plus on constate qu'il s'agit
d'un outil intéressant; qui n'empêche
pas la dette d'augmenter constamment, cependant ça donne une certaine discipline au gouvernement, qui une fois à l'équilibre
budgétaire continue de mettre de
l'argent en réserve et de dédier — je
pense que ça, c'est la clé — de dédier certains revenus à
assurer une meilleure santé financière pour l'avenir.
Donc, ça touche justement
des enjeux de long terme. Je pense qu'en termes d'enjeux de long terme le
premier auquel on pense, c'est que, là, on
n'est pas dans une croissance économique phénoménale, mais on n'est pas en
récession, il y a de la croissance économique. Est-ce qu'on est capables de
revenir à l'équilibre budgétaire quand il y a une croissance économique? Je
pense que vraiment, si on n'est pas capables, il y a vraiment un problème
particulier.
Évidemment, ça veut
dire aussi qu'on sait qu'éventuellement, parce que c'est cyclique, l'activité économique
va ralentir, voire décliner, peut-être
dans 10 ans, peut-être dans 20 ans. Souhaitons-nous qu'on ait le
temps, mais à tout le moins
commençons tout de suite à préparer ce long terme, donc, non seulement en arrivant à l'objectif du déficit zéro, mais en s'assurant de le maintenir pour longtemps, et éventuellement, je rajouterais aussi, en considérant des surplus — et là c'est le parti qui forme le gouvernement qui s'y est engagé — qui vont permettre pour moitié de diminuer
l'endettement et pour moitié de diminuer le fardeau fiscal des particuliers.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le ministre.
M.
Leitão : Très bien. Est-ce que... Vous pouvez y aller, les collègues.
Allez-y, on n'a pas beaucoup de temps.
Le
Président (M. Bernier) : Bon, Mme la députée, une question. Il
y a votre collègue, par la suite, de Laval-des-Rapides.
Mme de Santis :
O.K., j'ai une question très rapide. Merci beaucoup d'être présents, bienvenue.
Mémoire et présentation très intéressants.
Moi,
j'aimerais poser une question sur un élément qu'on retrouve à la page 9 de
votre mémoire. Vous dites que seulement
22,8 % des immigrants investisseurs arrivés de 2003 à 2012 sont encore
présents au Québec en 2014 et quand pour l'ensemble des catégories
d'immigrants ce taux de rétention s'élève plutôt à 72,3 %. Est-ce que vous
avez une explication pour cela?
Le Président (M. Bernier) :
M. Chassin.
M. Chassin (Youri) : Ce n'est pas simple. En fait, ce serait intéressant d'essayer d'en
avoir une, mais ce n'est pas simple.
Évidemment, nous, on le mentionne parce que, dans le cadre du projet de loi, on
augmente de 5 000 $, donc de 50 %
les frais d'étude des dossiers des immigrants investisseurs. Est-ce que ça
n'aura pas l'effet pervers de rendre plus difficile, finalement, l'attraction d'immigrants investisseurs qu'on a
déjà de la difficulté à conserver quand ils sont ici? On se pose la
question, mais on n'a pas de réponse, par contre, là-dessus.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Polo :
Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais inviter nos invités à peut-être
nous donner un peu leur explication, leur
vision. Ici, on a reçu différents groupes, comme vous avez pu le voir, M. le
Président, notamment hier, qui sont
venus nous expliquer pourquoi la situation économique du Québec et des finances
publiques n'était pas aussi alarmante que les chiffres le démontrent.
Notamment un groupe est venu nous expliquer que, selon la moyenne de l'OCDE, au niveau de l'endettement, quand on se
compare face à des pays comme la France, l'Angleterre, etc., le Québec n'est pas si mal placé, et que sa situation
d'endettement n'est pas si alarmiste ici que ça. Quelle est votre position ou
votre perception de la situation de l'endettement du Québec, M. Chassin?
Le Président (M.
Bernier) : M. Chassin.
M. Chassin (Youri) : Bien, c'est qu'elle est alarmante, absolument. En fait, le Mouvement
Desjardins a déjà écrit une note, hein, pour expliquer comment c'était
préoccupant.
Par
ailleurs, c'est aussi dans un
contexte particulier, donc, où on a une croissance de l'économie du Québec qui est relativement faible, une
croissance de la productivité qui est relativement faible, un vieillissement de la population aussi. Ce contexte-là rend
l'endettement plus impressionnant qu'il ne le serait dans une autre société
avec une autre structure.
Par ailleurs, la question : Est-ce que c'est vraiment intéressant de réduire l'endettement, est-ce
que c'est vraiment préoccupant, il faut y mettre des
efforts?, elle se résume à :
Veut-on continuer à payer 11, 12, 13 milliards de dollars par année
d'intérêts? Je pense qu'elle est là, la question.
Le Président (M.
Bernier) : Oui, une courte réponse.
M. Guénette (Jasmin) : Et j'ajouterais à ça... C'est que se comparer,
c'est bien, ça alimente la réflexion, mais de savoir que la France est plus ou moins endettée que nous, ça ne change
pas la réalité des choses à savoir que nous, on a un défi propre au Québec au niveau des finances
publiques. Que le Portugal ou que l'Italie soit en plus mauvais état, ça
ne change pas la donne ici, au Québec.
Et nous, notre
présentation ce matin, c'est pour montrer que, le panier de services qu'on
offre aux Québécois, on peut le rendre de
façon beaucoup plus efficace avec un meilleur contrôle des coûts et cette façon
de faire là, nous, ce qu'on appelle,
de faire les choses autrement, c'est-à-dire de compléter ces services-là avec
l'ajout d'entreprises privées, d'entreprises communautaires, de rendre
les services différemment pour que justement on ait un meilleur contrôle des
coûts et que ces services-là soient rendus de manière plus efficace.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau :
Oui, merci, M. le Président. M. Guénette, M. Chassin, merci pour
votre mémoire, votre présence. Alors,
très rapidement peut-être. On va séparer notre temps, je vais faire une
première question puis je vais demander aux collègues d'y aller par la
suite.
Sur la hausse des tarifs de garde, la
modulation, je veux juste comprendre le sens que vous donnez au mot «efficacité» quand vous dites que «l'abandon de
l'universalité insufflera un peu plus d'efficacité dans ce programme». Donc, on laisse de côté les considérations de
justice économique, là, puis d'équité, là, on se rend strictement à
l'efficacité, ce qui est plus à même d'amener de la croissance économique ou
qui est plus simple. Alors, moi, l'universalité, de mon point de vue en
tout cas, c'est plus simple que la modulation. Puis, au plan de l'efficacité économique,
il est assez clair qu'une fiscalité qui augmente avec le revenu va freiner
l'accès au marché du travail. D'ailleurs, pour prendre un langage que vous
connaissez sûrement, l'élasticité de l'offre de travail des femmes ou conjointes avec enfants est réputée être plus
importante que celle de quiconque, et donc on a vraiment une situation
où on pourrait voir des femmes quitter le marché du travail. Alors, j'essaie de
voir de quelle manière vous utilisez le mot «efficacité». Qu'est-ce que vous
voulez dire par là?
Le Président (M. Bernier) :
M. Chassin.
M. Chassin
(Youri) : Ce n'est peut-être
pas l'efficacité économique comme on l'a dans nos cours, par exemple, et
dans nos classes, et nos facultés, c'est
davantage l'efficacité en termes d'atteinte de résultat. Donc, si on cherche à
atteindre un résultat bien précis... Et on peut définir toutes sortes de
résultats, mais, dans ce cas-ci, il y a la participation des femmes sur le marché du travail et, dans le fond,
les services de garde avec programme éducatif, hein, donc, pour
notamment les gens des milieux les moins nantis. En termes d'efficacité, si on
cible l'aide, c'est plus efficace, donc ça
demande moins de ressources pour atteindre les résultats que si on donne de
l'aide, donc une subvention pour les places, à tout le monde. C'est dans
ces termes-là, finalement, que l'efficacité, elle est plus grande dans un
modèle qui n'est pas universel.
Évidemment,
en termes d'efficacité économique, je pense que ça rejoint aussi cette
conception-là, de cibler pour avoir
des résultats, cibler les ressources sur ceux où la décision est peut-être
plus sensible, plus élastique, donc, par exemple, les gens qui ont des
moins gros revenus. Évidemment, ça peut être dépareillé ou très différent entre
le conjoint et sa conjointe dans une famille
classique, mais je pense que c'est de moins en moins le cas, et il y a des
femmes qui ont de très forts salaires et qui retourneraient travailler
même avec une subvention diminuée ou pas de subvention du tout.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député.
M. Marceau :
Oui. Regardez, je vous remercie de votre réponse, mais le peu de temps m'amène
à vous demander de céder la parole à mon collègue de Gaspé. Merci.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Gaspé.
• (12 h 20) •
M.
Lelièvre : Bonjour, messieurs. J'aimerais vous entendre un
peu... J'ai regardé votre site puis lu un peu sur votre mémoire et ce
que vous nous avez présenté. Dans vos domaines de recherche, j'aimerais que
vous nous expliquiez un petit peu votre vision comme organisation, je vois très
peu de littérature, très peu d'éléments de recherche sur la question des régions. On sait que le Québec ne se
limite pas à Montréal. Donc, est-ce que vous avez une vision, comme organisme, en ce qui a trait à l'ensemble du
Québec, notamment les régions, l'occupation du territoire? Des concepts comme ça, est-ce que c'est une
préoccupation pour vous?
Puis, dans le
contexte actuel de coupures — si
vous ne voulez pas utiliser le terme «mesures d'austérité», on va parler de coupures majeures pour les régions — quels
sont, selon vous, les impacts réels ou virtuels de ces coupures-là sur
les régions? Est-ce que vous vous êtes penchés là-dessus?
Le Président (M. Bernier) :
M. Guénette.
M. Guénette (Jasmin) : Bien
candidement, non, on ne s'est pas penchés sur cette question-là. Les travaux de l'institut
touchent principalement, je dirais, quatre ou cinq grandes catégories, énergie,
ressources naturelles, santé, éducation,
fiscalité, et la question des régions n'a pas fait l'objet, chez nous, de
travaux poussés. Donc, je suis mal placé ici pour apporter des éléments
de réponse sur ce dossier-là en particulier puisque moi-même, je n'ai pas
abordé cette question-là dans le cadre de nos travaux, là.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Gaspé.
M. Lelièvre :
Oui. Dans les différents sujets que vous abordez dans vos domaines de
recherche, on voit l'environnement, on voit la politique énergétique notamment,
les services comme la santé et l'éducation qui sont des secteurs ou des domaines extrêmement importants, qui sont
intersectoriels, qui touchent l'ensemble du Québec. Dans les analyses,
je voyais entre autres un élément d'analyse qui touche le volet énergétique,
plus principalement l'éolien, vous abordez
l'éolien avec une vision, bon, qui diffère un peu, disons, de celle que je peux
avoir comme défenseur des intérêts des régions. Dans vos analyses, ne serait-il pas bon peut-être
d'ajouter ou d'inclure, dans le futur,
l'impact — je reviens
un peu à ma question de base — l'impact de vos travaux sur l'ensemble du
territoire québécois? Parce qu'on voit que c'est une vision qui est un
petit peu peut-être, je dirais... sans dire «montréalaise», peut-être dire
«urbaine», hein? Puis c'est correct, là, je pense qu'il y a des organismes qui
doivent se...
M. Guénette
(Jasmin) : Macro.
M.
Lelièvre : Macro,
oui, peut-être, à certains égards. Mais vous avez quand même
plusieurs travaux de recherche puis des éléments qui
sont relativement intéressants, mais je vous inviterais peut-être à analyser l'ensemble
de vos champs d'intérêt sous un angle plus
global, je pense que tout
le monde serait gagnant. Vous avez
une vision qui est la vôtre, et on
doit la respecter, on doit en tenir compte, mais je ne sais pas si ce serait
possible pour vous peut-être, dans le futur, d'évaluer aussi ces différents champs d'intérêt là mais avec une vision
un peu plus, disons, globale, pour couvrir l'ensemble des dimensions que
reflète le Québec, autant rural qu'urbain. Ce serait intéressant, je crois.
M. Guénette (Jasmin) : Bien, merci
beaucoup de la suggestion. En effet, ce serait très intéressant. Mon collègue a travaillé sur les enjeux
énergétiques, notamment en ce qui a trait à l'éolien, donc déjà on a abordé ces
enjeux-là de différentes façons, mais, vous avez raison, il y a un aspect
régional qui n'apparaît pas à notre catalogue, si je peux dire, et puis...
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Granby.
M.
Bonnardel :
Merci, M. le Président. Messieurs, bienvenue.
On
a peu de temps, puis il y a une statistique qui m'interpelle. À la page 9
de votre mémoire, bon, vous soulevez le danger des effets pervers que
peut illustrer, dans le cas des immigrants investisseurs, le fait que dans la
loi on augmenterait donc de
5 000 $ l'examen de leurs demandes de certificat de sélection, dans
le projet de loi n° 28. Et on le sait, bon, c'est un combat, hein, on veut attirer les immigrants à gauche et à
droite, l'indice de natalité qui est dans la moyenne de l'Occident mais
pas assez haut pour combler le choc démographique que nous vivons aujourd'hui
au Québec.
Vous
dites : «Seulement [23 %] des immigrants investisseurs arrivés
[entre] 2003 [et] 2012 sont encore présents au Québec en 2014.» C'est quand même majeur comme statistique. Vous
expliquez ça comment, que ces immigrants, à hauteur de 23 %, ils
décident de rester ici puis que le reste, bien, ait décidé de dire : Bien,
on quitte, on retourne dans notre pays ou peut-être dans les provinces
avoisinantes du Canada, là?
Le Président (M.
Bernier) : M. Chassin.
M. Chassin
(Youri) : Ça va me permettre de répondre un peu plus longuement que je
l'ai fait tantôt. Mais essentiellement,
donc, c'est des statistiques qui proviennent du ministère de l'Immigration,
hein? Donc, évidemment, nous, on a
pris ces données-là. Et c'est remarquable parce que, par rapport à l'ensemble
des catégories d'immigrant, il y a une catégorie où c'est nettement plus
bas, et c'est celle-là, c'est les immigrants investisseurs.
Évidemment, c'est une
catégorie d'immigrants très mobile, peut-être que c'est normal qu'ils soient
sous la moyenne. Aussi bas, par contre, je
pense que c'est révélateur, il y a quelque chose là. Mais de quoi? Pourquoi
bougent-ils? Il n'y a pas, à ma connaissance, de données qui ont été produites
là-dessus, donc il n'y a pas de sondages qui ont été réalisés. Est-ce que ces immigrants-là bougent beaucoup à travers le
monde? Est-ce qu'ils bougent à travers les provinces canadiennes? Est-ce qu'ils font le choix du Québec dans un premier temps pour un programme qui est accessible, puis après, finalement, se trouvent à se dire : Bien, il y a peut-être
d'autres provinces qui sont plus accueillantes pour le type d'entreprise
que j'aimerais mettre sur pied ou le type d'affaire que j'aimerais développer?
C'est des questions qu'il faudrait leur poser à eux. Et j'encourage, en fait,
le gouvernement à y penser, parce que clairement il y a là quelque chose de
symptomatique.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Granby.
M.
Bonnardel : Donc, est-ce qu'on peut imaginer que
5 000 $ de plus va les empêcher de se questionner à savoir
est-ce que le Québec est une bonne terre d'accueil, vous n'avez pas
nécessairement de statistiques.
Puis
est-ce que ce pourcentage est similaire ailleurs au Canada? Est-ce que
là-dessus vous avez des informations ou... Je n'ai pas lu le document
que vous avez énuméré, là, sur le ministère de l'Immigration, là.
Le Président (M.
Bernier) : M. Chassin.
M. Chassin
(Youri) : Je n'en ai pas. Ce que j'ai entendu... et là je ne suis pas
un expert en immigration, donc je vais être
très, très transparent, je ne suis pas un expert, mais ce que j'ai entendu,
c'est qu'au contraire les autres provinces mettent de plus en plus sur pied des programmes comparables où on essaie
d'attirer davantage les immigrants investisseurs par rapport à ce qui se fait au Québec. Donc, on avait une longueur
d'avance; on est en train de la perdre. Est-ce que, dans le fond, ce
5 000 $ là va aider? Certainement pas. Est-ce que ça va être hyper
décourageant? Peut-être pas, mais ça ne va pas dans la bonne direction.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Granby.
M.
Bonnardel :
...dans une politique d'immigration que le gouvernement est en train de
statuer, de mettre en place. J'invite le
ministre des Finances à discuter avec sa ministre de l'Immigration, je pense
que c'est une question qui se pose nécessairement.
Dernière
question. À la page 7, là, vous parlez : «Dans le cadre des
négociations de conventions collectives, il serait intéressant de lier la rémunération des employés du secteur
public à la taille des effectifs.» Pouvez-vous énumérer un peu? Puis on
termine là-dessus.
Le Président (M. Bernier) :
M. Chassin.
M. Chassin (Youri) : C'est une idée
intéressante, relativement simple. Quand on réduit les effectifs dans la fonction publique, ça veut dire qu'on demande à
ceux qui restent là soit de prendre davantage de tâches, soit d'être
plus productifs, on fait des efforts dans ce
sens-là. Dans tous les cas, ça pourrait être intéressant de dire : Bien,
on va rémunérer davantage ceux qui
restent en utilisant une partie des économies faites à même la réduction
d'effectif. Autrement dit, on intéresse
la fonction publique et éventuellement le secteur public à faire les choses de
façon plus efficace pour, finalement, avoir davantage d'augmentation de
salaire eux-mêmes à travers les réductions d'effectif.
Alors, c'est
simplement d'avoir... Idéalement, hein, comme économistes, c'est ça qu'on
cherche, les bons incitatifs aux bons endroits pour que tout le monde
soit intéressé à aller dans le même sens.
Le
Président (M. Bernier) : Merci aux représentants de l'Institut
économique de Montréal, M. Jasmin Guénette, M. Youri Chassin.
Merci de votre participation à la Commission des finances publiques.
Je suspends les travaux quelques instants afin
de permettre au groupe représenté par M. Camil Bouchard de prendre place.
(Suspension de la séance à 12 h 28)
(Reprise à 12 h 30)
Le
Président (M. Bernier) : Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous
reprenons nos travaux. Nous avons le plaisir de recevoir M. Camil Bouchard, accompagné de M. Gérard Malcuit
et Mme Andrée Pomerleau. Bienvenue à la Commission des finances
publiques, nous sommes très heureux de vous recevoir. Vous avez 10 minutes
pour votre présentation.
MM. Camil Bouchard et Gérard Malcuit
et Mme Andrée Pomerleau
M.
Bouchard (Camil) : Merci bien, M. le Président. Alors, je n'ai pas à
présenter mes collègues, puisque vous l'avez
fait. Notre mémoire porte sur la question de la modulation des services de garde et surtout sur la commercialisation des services de garde éducatifs.
Le
gouvernement actuel favorise clairement, pensons-nous, les garderies commerciales dans le développement du réseau, au détriment des CPE, et il ne s'en cache
pas. Ce n'est pas un mystère, la ministre
de la Famille a maintes fois affirmé qu'elle préférait ne pas investir dans le
béton et prendre avantage des quelque 30 % de places de garderie commerciale qui, selon une étude de son ministère,
n'ont pas trouvé preneur. Alors, les dispositions
nouvellement prises ou envisagées vont toutes dans cette
direction : limitation des actifs nets des CPE, maintien de la subvention au
niveau de 2013‑2014, exigence pour les CPE de contribuer à 50 %
du coût des immobilisations,
modulation des tarifs dans le présent
projet de loi qui, avec la combinaison des nouveaux crédits d'impôt fédéraux et
celui du Québec, a pour effet de rendre la fréquentation des CPE, de
fait, plus onéreuse que celle des garderies commerciales pour une majorité des
catégories de revenus des familles, et finalement développement de milliers de
places en CPE reporté en 2021, autant dire aux calendes grecques.
Cette
orientation gouvernementale, franchement, nous inquiète beaucoup. Nous pensons
qu'elle fait courir un gros risque aux enfants du Québec, un très gros
risque, celui de réduire notamment l'accès pour les tout-petits aux meilleurs services de garde éducatifs dont nous
disposons, avec ce que ça comporte d'impacts négatifs sur leur bien-être
et sur leur développement. Et nous nous en expliquons. M. Malcuit.
M. Malcuit
(Gérard) : La plus grande
partie de nos enfants de moins de cinq ans passent une part importante
de leur vie en service de garde
extrafamilial. Ce qu'ils acquièrent là vient compléter les acquis faits à la
maison, et quand, pour une raison ou
l'autre, le milieu familial ne leur offre pas tout ce qu'il faut de façon
adéquate, un milieu de garde de qualité peut y suppléer, ce qui serait
le cas pour bon nombre d'enfants de milieux défavorisés.
Les données scientifiques montrent à répétition
qu'il ne suffit pas de bichonner les enfants et de leur offrir un environnement sécuritaire et sain. Pour assurer
leur plein développement moteur, cognitif, langagier, social et
affectif, familles et services de garde doivent aussi leur procurer des
stimulations appropriées et variées, leur faire vivre des expériences et des
occasions d'apprentissage pertinentes. Ce sont là ce qu'on peut appeler les
ingrédients essentiels pour y parvenir. Les
recherches, tant québécoises qu'internationales, indiquent que les enfants qui
fréquentent des services de garde avec de tels ingrédients ont de
meilleurs indices de développement cognitif et langagier, réussissent mieux à l'école, sont moins nombreux à présenter des
problèmes d'adaptation sociale et d'intégration économique plus tard que
les enfants qui ne
fréquentent aucun service de garde ou des services de garde sans ces
ingrédients-là. Ceci est encore plus évident pour les tout-petits de
milieux ou de familles défavorisés, nous reviendrons là-dessus.
Au Québec,
les études sur la qualité des services de garde indiquent que la majorité des
services régis par la loi sont de qualité minimale, ce qui signifie que
la santé et la sécurité des enfants ne sont pas compromises, cependant des composantes essentielles à leur développement,
c'est-à-dire présence de programmes éducatifs, disponibilité de matériel
approprié, aménagement de l'environnement,
qualité des interactions du personnel, style de langage adressé aux
enfants, qualification et stabilité du
personnel, participation des parents, etc., sont souvent inadéquates ou
absentes. Invariablement, les
services de garde de qualité inadéquate se retrouvent surtout dans les
garderies commerciales et les services non régis. À l'inverse, la
majorité des CPE obtiennent des scores de bon à excellent.
Aussi, les plaintes recensées par le ministère
de la Famille témoignent d'un écart de qualité entre les types de service de garde. Année après année, les garderies
commerciales font l'objet du plus haut taux de plaintes. Par exemple, en 2013‑2014, ce taux par 1 000 enfants
est de sept en CPE contre 24 en garderie commerciale non subventionnée et
23 en garderie commerciale subventionnée.
Mme
Pomerleau (Andrée) : Ces données confirment qu'il y a
une différence dans la qualité des environnements éducatifs des CPE et des autres services de garde.
Cette différence n'est ni anodine ni sans effet. Ainsi, vous le savez,
selon plusieurs études menées au Québec, dont les nôtres, le pourcentage
d'enfants à risque d'éprouver des retards ou des vulnérabilités de développement
est élevé chez les enfants de milieux défavorisés, de 26 % à 45 %
dans certains quartiers de Montréal
en particulier. Toutefois, comme le montre la recherche internationale, la
fréquentation de services de garde
éducatifs de qualité aurait un effet protecteur pour ces enfants. Chez nous,
l'Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle indique que le taux
d'enfants vulnérables de milieux défavorisés est presque deux fois
inférieur lorsqu'ils ont fréquenté régulièrement un service de garde éducatif
avant la maternelle. Comme l'étude ne distingue pas le type de services de garde fréquentés, on ne peut identifier
lequel est associé à cet effet protecteur. Par contre, une étude récente
de la Direction de santé publique de Montréal portant sur
1 184 enfants indique que ceux de familles défavorisées qui ont
fréquenté uniquement un CPE sont trois fois moins susceptibles de présenter une
vulnérabilité à la maternelle que ceux qui
n'ont fréquenté aucun service de garde et 2,5 fois moins que ceux qui ont
fréquenté d'autres types de services
de garde. Bref, les services de garde éducatifs offerts en CPE présentent des
indices de qualité supérieurs aux autres types de services de garde et
sont associés à un meilleur état de préparation des enfants, notamment ceux de
familles défavorisées.
Toutefois, il
faut noter que les enfants de milieux défavorisés fréquentent moins les
services de garde que ceux de milieux
plus favorisés. Il est également important de retenir que les services qu'ils
fréquentent sont souvent de qualité inférieure.
En particulier, ils sont moins
nombreux à fréquenter des CPE, y accèdent plus tardivement et de façon
moins intense que ceux de milieux plus favorisés. Il y a là un défi important à
relever.
Alors que le
gouvernement adopte de nouvelles orientations sur le financement des services
de garde éducatifs, il devrait être obsédé par deux objectifs : un,
renforcer le développement de services de qualité et, deux, améliorer leur accessibilité à tous les enfants, surtout à ceux qui
en ont le plus besoin. Le bien-être et le développement de nos jeunes
enfants devraient primer sur toute autre considération.
Depuis
maintenant 17 ans, les CPE font la démonstration de leur compétence pour
favoriser le développement des
enfants. Des milliers d'éducatrices, de gestionnaires, de parents bénévoles et
engagés dans les C.A., de partenaires du réseau des CPE ont uni leurs efforts pour construire un réseau de
qualité qui a fait ses preuves. Le gouvernement voudrait désormais
ralentir le développement de ce réseau pour en privilégier un autre dont les
preuves restent à faire.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. Bouchard.
• (12 h 40) •
M. Bouchard (Camil) : Alors, M. le
Président, nous pensons que le gouvernement a l'obligation éthique de démontrer le bien-fondé de cette orientation, particulièrement en ce qui a trait aux impacts qu'elle aura sur le bien-être et le développement des jeunes enfants confiés aux services de garde. À notre
avis, le gouvernement doit disposer de données robustes sur ces impacts avant de renoncer à
développer un réseau qui a déjà clairement montré ses capacités à
remplir sa mission première en services de
garde éducatifs. La question ultime que doit se poser le gouvernement est la suivante : Comment une bascule vers des services de
garde commerciaux profitera-t-elle aux tout-petits? En quoi cela vient-il améliorer leur sort, leur bien-être,
leur développement, notamment en regard de leur préparation à l'école, et en
particulier pour les jeunes enfants de familles ou de milieux défavorisés? Qui
profitera le plus de cette bascule?
Des services
de garde éducatifs de qualité sont une nécessité aussi bien pour l'égalité des
chances des enfants que pour les
besoins des parents, qu'ils soient étudiants ou travailleurs. Ces services sont
indispensables au développement social
et économique du Québec. Nous sommes d'avis que le gouvernement devrait s'inspirer de la sagesse, du courage et de la créativité
des commissaires du rapport Parent qui, en 1963, alors que le Québec était
réellement pauvre, ceux-ci recommandaient la gratuité pour la fréquentation des
écoles primaires et secondaires. Résultat, le Québec compte aujourd'hui parmi
les juridictions les plus scolarisées et les plus prospères au monde.
Nous croyons
que le gouvernement, plutôt que de transformer les services de garde
éducatifs en machine à sous, devrait viser la gratuité des services de
garde éducatifs pour les 0-5 ans. À court terme, il pourrait amorcer une
telle politique tarifaire en maintenant les tarifs actuels non
indexés pour les familles dont les revenus excèdent 75 000 $ et en appliquant une
modulation dégressive pour les tranches de revenus inférieures à
75 000 $.
Nous
recommandons au gouvernement de renforcer un réseau de services de garde
éducatifs qui a fait ses preuves plutôt que de l'affaiblir, de renoncer
à ralentir la création de nouvelles places en CPE et, au contraire, de
privilégier le
développement accéléré des places en CPE, principalement dans les milieux où
les besoins des enfants sont les plus grands. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bernier) : Merci, M. Bouchard. Merci de
votre présentation, M. Malcuit, Mme Pomerleau. M. le ministre.
M.
Leitão : Merci, M. le Président. M. Bouchard, madame monsieur,
bienvenue. Merci de votre présentation. Ça ne vous surprendrait pas
d'apprendre que je ne... que j'ai plusieurs questions. Je m'interroge sur ce
que vous avez mentionné, et ça commence
depuis la première phrase, où vous dites que le gouvernement favorise
clairement les garderies commerciales.
Il y a deux mots dans cette courte phrase qui m'interpellent, et j'aimerais
avoir votre... D'abord, «favorise», je
ne pense pas que ce soit le cas. Mais surtout «commerciales», «garderies
commerciales», donc, pour vous, une garderie privée n'a pas sa place, ne
devrait pas faire partie du système? Pourquoi?
Le Président (M. Bernier) :
M. Bouchard.
M. Bouchard (Camil) : Il y a deux
questions?
M. Leitão : «Favoriser» et
«commerciales».
M. Bouchard (Camil) : Oui. En ce qui
concerne «favoriser», l'explication est contenue dans le paragraphe, c'est-à-dire qu'il y a toutes sortes d'indications
qui très clairement défavorisent désormais le choix des parents en ce
qui concerne leur capacité de choisir un CPE, et le premier paragraphe est très
clair là-dessus.
D'autre part,
ce ne serait pas nouveau non plus dans l'histoire du gouvernement dirigé par
votre parti — vous n'y
étiez pas à l'époque, M. le ministre — que ce biais soit inscrit dans la politique
puisqu'entre 2003, lors de l'arrivée du gouvernement de M. Charest, et 2012 il y a eu une accélération
exponentielle du développement des places en garderie non subventionnée, les garderies commerciales non
subventionnées, et cette tendance-là risque de se poursuivre,
évidemment.
En ce qui concerne... Voulez-vous me répéter
votre deuxième question? Parce que le...
M. Leitão : L'aspect commercial,
donc...
M. Bouchard (Camil) : Oui. Bien,
alors, écoutez, toutes les garderies sont privées, là, il y a des garderies sans but lucratif, il y a des garderies à but
lucratif. Tout ce qu'on dit, nous, là, c'est fondé sur les données que nous
avons. Nous comprenons mal, si on prend le point de vue du développement et du bien-être
des enfants... Parce qu'on se situe à ce... on prend cet angle-là, nous, parce
qu'on est des spécialistes du développement du jeune enfant dans sa communauté. Si on prend la question sous cet
angle-là, on comprend mal pourquoi on investirait dans des garderies à
but lucratif dont le réseau n'a pas fait ses preuves.
Et c'est
assez évident dans les résultats dont nous disposons, les deux grandes enquêtes
sur la qualité des garderies au Québec, une troisième qui va paraître à
l'automne, on verra bien les résultats. Le taux de plaintes annuel, le taux de
roulement... M. le Président, le ministère de la Famille a publié une étude
récemment sur les garderies privées non subventionnées, le taux du roulement de
personnel est de 50 % par année, 50 % par année. Ça veut dire qu'il y
a une instabilité qui s'installe dans la vie
des enfants qui est nocive en ce qui concerne leur sécurité affective et leur
capacité d'adaptation.
Alors, pour
nous, notre position n'est pas à l'effet qu'on est contre les garderies privées
à but lucratif. On constate que nous
avons désormais, depuis 17 ans, bâti un véhicule qui est impeccable, qui
mérite d'être amélioré évidemment tout le temps mais qui a fait ses
preuves notamment au niveau des résultats, vous l'avez entendu dans notre
mémoire, notamment au niveau des résultats, qui diminue considérablement le
risque pour les enfants vulnérables d'arriver à l'école avec un retard de
développement, alors que la fréquentation des autres services de garde
n'aboutit pas à ces résultats-là. Et ce qu'on vous dit, nous, c'est qu'il y a
là-dedans aussi une décision économique parce que... Et vous connaissez peut-être James Heckman, qui a gagné un
prix Nobel d'économie sur le sujet, qui
s'appelle l'équation Heckman et qui fait la démonstration qu'un
investissement qui est consenti dans des services de garde de qualité — on
insiste là-dessus — est
un investissement absolument fantastique pour un État. Alors, c'est ça, notre
position.
M.
Leitão : Nous sommes entièrement d'accord sur la nécessité d'avoir des
services de garde éducatifs de grande qualité. Là, il n'y a pas de
désaccord.
Cependant, je
pense que le secteur privé peut aussi apporter une piste de solution. On ne
parle pas ici de privatiser quoi que
ce soit, mais surtout dans le contexte actuel où nous voulons accélérer,
justement, la disponibilité de places parce qu'il y en a beaucoup, d'enfants qui cherchent, donc, une façon de
compléter rapidement le réseau, ça serait d'utiliser les places qui sont déjà là. Autant qu'elles soient
bien réglementées, bien supervisées, je ne vois pas quel est le
problème.
Et d'ailleurs, d'ailleurs nous avons un exemple
qui n'est pas tellement loin de la réalité avec notre système d'écoles publiques. Il y a aussi un régime
hybride, il y a des écoles qui sont privées, subventionnées partiellement
par l'État, et qui fonctionnent aussi très bien. Donc, nous avons déjà au
Québec un peu l'habitude de ce système, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait
pas aussi exister dans le réseau des garderies.
Le Président (M. Bernier) :
M. Bouchard.
M.
Bouchard (Camil) : M. le
Président, pas pour partir un débat sur les écoles privées et publiques, là,
mais là je pense que l'analogie ne
tient pas, là. Je ne veux pas m'étendre là-dessus parce que ce n'est pas
l'objet, mais accélérer le développement des places au détriment de la
qualité, ce n'est pas une solution, M. le Président, et...
M. Leitão : ...en gardant les
critères de...
M.
Bouchard (Camil) : Oui, mais
l'histoire nous fait la démonstration très claire que depuis 17 ans ce
n'est jamais arrivé. Alors, le
gouvernement nous dit : Nous allons favoriser le développement des
garderies à but lucratif ou commercial mais ne nous donne rien comme
matière pour nous rassurer sur la question de la qualité.
Et, si le ministre des Finances veut jeter un
coup d'oeil attentif à cette recherche qui a été commandée par le ministère de
la Famille, en collaboration avec l'Association des garderies privées du
Québec, sur l'état des garderies privées au
Québec, il va apprendre énormément sur la question de la qualité. Et le pas à
faire pour arriver à une qualité égale à
celui des CPE, c'est un cas d'investissement énorme, M. le Président. Et, quant
à faire, pourquoi ne pas investir dans ce qu'on connaît de mieux, plutôt que d'investir dans un véhicule qui n'a
pas fait ses preuves? Parce que, pour arriver au même niveau de qualité, là, bien il va falloir
augmenter le coût de la place en garderie privée, le coût moyen qui est
maintenant de 37 $, à peu près au même niveau que celui des CPE. Alors, à
quoi on joue?
Le Président (M. Bernier) :
M. le ministre.
M. Leitão : Bon, respectueusement,
je ne suis pas d'accord avec vos conclusions. Je passe la parole à mes
collègues.
Le Président (M. Bernier) :
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis :
Merci, monsieur... Combien de temps?
Le Président (M. Bernier) :
Deux minutes.
Mme de Santis :
Merci, M. le Président. Merci de votre présence, mémoire, présentation.
Et alors moi,
je trouve intéressante votre première recommandation. Vous savez qu'en 2007, il
y a huit ans, le revenu moyen d'une
famille au Québec ayant au moins un enfant entre zéro et quatre ans était déjà
72 500 $, et aujourd'hui c'est
plus élevé que ça. Alors, vous proposez qu'à 75 000 $ et plus on paie
7,30 $ par jour, par enfant, et que, si le revenu familial soit
moins de 75 000 $, ce soit modulé dégressivement. Est-ce que vous
trouvez équitable qu'une famille qui gagne
75 000 $, qui n'est pas tellement élevé dans le monde d'aujourd'hui,
ayant au moins un enfant ou deux enfants, paie le même montant que quelqu'un qui gagne... une famille où le revenu est
150 000 $ ou 200 000 $ par année? Moi, je regarde ça
et je trouve qu'il y a une certaine inéquité. Alors...
Le
Président (M. Bernier) : M. Bouchard. Rapidement, parce
que je dois passer du côté de l'opposition officielle.
• (12 h 50) •
M. Bouchard (Camil) : Oui. Bon, ça,
c'est tout le débat de : Est-ce que les familles qui ont un revenu qui est
plus élevé contribuent davantage déjà ou non
à payer une place de garderie, étant donné le système d'impôt que nous
avons? Vous avez déjà entendu cet argument-là, je ne vais pas le reprendre.
Mais, moi, ce
qui m'inquiète, c'est l'inéquité envers les enfants, et surtout envers les
enfants de milieux défavorisés. Dans
votre propre comté, l'Enquête québécoise sur le développement des enfants en
maternelle indique qu'il y a 32 % des enfants qui présentent un
retard lorsqu'ils se présentent en maternelle. C'est ça qui m'inquiète. Et ces
enfants-là ont besoin d'un milieu de garde éducatif de première qualité, ils
n'ont pas besoin qu'on expérimente durant encore plusieurs années l'ajustement
d'un système qui n'a pas fait ses preuves. On en a un, système, et...
Le Président (M. Bernier) :
Je dois aller du côté de l'opposition officielle.
Une voix : ...
Le Président (M. Bernier) : Mme
la députée, Mme la députée, le temps est terminé, je dois aller du côté de l'opposition
officielle. Excusez, mais les contraintes de temps sont là, je dois les
respecter.
Une voix : ...
Le Président (M. Bernier) :
Bien, j'ai fait des propositions, mais elles n'ont pas été acceptées, donc je
suis obligé de gérer le temps assez serré. M. le député de Rousseau.
M. Marceau : Alors, bonjour,
Mme Pomerleau, M. Malcuit et Camil. Bonjour. Merci d'être là.
Écoutez,
moi, je veux juste m'insérer dans la discussion que vous aviez avec le
ministre, là. Ce que les chercheurs qui sont à la table, là, puis qui
connaissent les chiffres, puis qui ont fait des études ont émis, ce n'est pas
une opinion, ce n'est pas une opinion, là,
c'est le résultat d'un travail empirique sérieux qui a été mené avec
la meilleure méthodologie
possible, sur la base de données québécoises. Et là vous opposez à ça une opinion. Alors,
j'aimerais ça que vous nous démontriez ce que vous avancez.
Puis,
par ailleurs, ce qui est démontré par les chercheurs qui sont
là, c'est l'intuition aussi qu'ont les parents, parce que,
quand on place les parents devant le choix, là, de l'endroit où envoyer leurs
enfants, il n'y a pas d'hésitation, il n'y a pas d'hésitation pour personne, en premier lieu c'est le
CPE.
Alors,
écoutez, moi, j'ai de la misère... On n'est pas dans le monde des opinions, on
est dans le monde de la science. Et je ne peux pas croire qu'ici, à l'Assemblée
nationale du Québec, on rejette la science.
Le
Président (M. Bernier) : J'aimerais que les échanges se fassent avec nos invités, M. le député.
M. Marceau :
Je vais laisser M. le député de Terrebonne...
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Terrebonne.
M.
Traversy : Merci, M. le député de Rousseau, vous avez mis la
table à nos discussions. Merci à vous, messieurs dames, d'être avec
nous. Camil, merci encore d'être toujours présent pour venir nous apporter ton
point de vue en commission parlementaire, je tenais à te le spécifier personnellement.
Merci de continuer à nous faire espérer pour le mieux pour le Québec et pour nos enfants puis de venir nous brasser
comme parlementaires, de venir nous parler d'idéal, ça nous fait du
bien, puis j'espère qu'on va pouvoir compter sur toi encore pour de nombreuses
années.
Tu
as parlé beaucoup des... Vous avez parlé beaucoup des garderies commerciales
dans le cadre de votre discours. Plusieurs intervenants sont venus avant
vous nous parler de moratoire, de mieux baliser, de mieux encadrer le développement des places en garderie privée non
subventionnée. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. J'aimerais
savoir aussi si ce serait quelque chose qui
pourrait être bien, là, pour peut-être réfléchir dans le cadre du projet de
loi, là, qui s'en vient ou le projet
de loi n° 27 aussi qui est en parallèle de celui dont nous discutons.
Est-ce que c'est un élément qui, dans le cadre de votre mémoire, là,
pourrait être aussi analysé?
Le Président (M.
Bernier) : M. Bouchard.
M. Bouchard (Camil) : Bien, dans un contexte de budget fini où on doit faire des choix, c'est
évident qu'à partir des données dont
nous disposons le choix serait de favoriser bien davantage et en termes
d'intensité puis en termes de rapidité
le développement en installation-CPE. Ça, c'est très clair. Par ailleurs, en ce
qui concerne... Pour deux raisons : d'abord à cause de la qualité puis à cause des résultats, mais aussi
parce que ce sont les communautés qui choisissent, qui définissent les besoins, qui font une cartographie
de quels enfants ont besoin de quels services dans leur communauté, avec
les CPE, alors que les services de garderie commerciale s'installent après une
analyse de marché, et soudainement on se retrouve avec 50 %...
Et là j'aimerais
avoir l'attention du ministre des Finances là-dessus. Il y a 50 % des
garderies commerciales qui déclarent ne pas
être capables de rencontrer leurs frais fixes par année. Autrement dit, on
ouvre une garderie dans un centre commercial, dans un petit centre
commercial, ou peu importe, on fait une analyse de marché, puis on se rend compte, au bout du compte, qu'il y a deux autres
ou trois autres garderies qui ont fait la même analyse de marché puis
qui s'installent. Alors, les gens déclarent,
dans cette étude du ministère de la Famille, qu'il y a une offre qui est plus
grande que la demande, dans le marché des garderies commerciales, et il y a
donc là un problème vraiment de business et ça ne fonctionne pas.
Alors,
objectivement, je suis obligé de dire que et pour des raisons concernant le
développement des enfants, et pour des
raisons concernant les processus mêmes d'accompagnement d'enfants dans leur
développement, et pour des raisons strictement commerciales ce n'est pas
vraiment un bon choix.
Le Président (M.
Bernier) : Une minute. Monsieur... Oui, Mme Pomerleau.
Mme Pomerleau
(Andrée) : J'ajouterais à ça aussi que ce qui est étonnant, c'est que
les garderies commerciales semblent avoir trop de places, finalement, en tout
cas ils n'arrivent pas à combler leurs places, et, d'un autre côté, les parents
n'arrivent pas à trouver une place dans les CPE. Parce que c'est leur premier
choix, les parents. La plupart des parents
veulent avoir leurs enfants dans un CPE, et, vous le savez, il y a des listes
d'attente, il y a des problèmes pour avoir des places. Alors, il y a
comme un débalancement, en fait,
entre ces garderies commerciales et les CPE au niveau de la demande.
Le Président (M.
Bernier) : Merci.
M. Traversy :
Bien, je vous remercie beaucoup... Oui, dernière intervention? Il reste
20 secondes.
Le Président (M.
Bernier) : M. Malcuit.
M. Malcuit (Gérard) : Tout à fait. Malcuit. Il y a un autre point aussi, c'est-à-dire que,
pour que les garderies commerciales deviennent avec tous les indices de
qualité, c'est de les transformer en CPE. Alors, pourquoi ne pas directement subventionner
les CPE? Parce que, pour arriver aux mêmes indices de qualité, il faudrait
investir beaucoup d'argent pour le personnel, la qualité, les
programmes, etc. Alors, pourquoi passer par un biais différent?
Le Président (M. Bernier) :
Merci, M. Malcuit. M. le député de Granby.
M.
Bonnardel :
Merci, M. le Président. On est tous d'accord ici qu'assurer la réussite de nos
jeunes au secondaire, c'est un énorme
défi. On parle de persévérance, je parle de décrochage scolaire. Pour moi, le
taux est encore trop élevé aujourd'hui. On souhaiterait être à zéro,
mais ce n'est pas le cas.
Aujourd'hui,
on peut évaluer qu'il y a à peu près 87 000 enfants en CPE,
43 000 en garderie privée subventionnée et 90 000 en milieu
familial, et ce réseau existe depuis 17, 18 ans, et la question que je me
pose... Mon fils est allé en milieu
familial, est allé en CPE par la suite. La question que je me pose, c'est que
la semaine passée il y a une étude qui a démontré que la réforme de
l'éducation était un échec. La question que je vous pose aujourd'hui :
Avec ce réseau qui existe... Puis tout le monde est conscient que, si l'arbre
pousse droit de zéro à cinq ans, l'arbre risque d'être droit très longtemps pour la vie adulte d'un jeune, sa
réussite. Si l'arbre pousse croche, ça va est très difficile de ramener cet
arbre très droit par la suite. Donc, le
0-5 ans, on est tous d'accord, je pense que vous l'êtes, il faut
absolument que le jeune soit bien encadré
et stimulé. Faites-vous une corrélation, faites-vous une corrélation entre la
situation que nous avons aujourd'hui pour nos jeunes, places en CPE,
milieu familial, et le fait qu'il y ait un échec dans le système d'éducation,
un échec avec cette réforme?
Le Président (M. Bernier) :
M. Malcuit.
M.
Bonnardel : Est-ce
qu'on prépare bien nos jeunes?
Le Président (M. Bernier) :
Allez-y, M. Malcuit.
M. Malcuit (Gérard) : Oui. Bien,
disons que, dans nos propres études, là, nous, on constatait qu'à partir de 20 mois...
on étudiait des enfants de 20 mois à 42 mois et on constatait que
dans beaucoup d'endroits, à Montréal en particulier
mais pas seulement à Montréal, il y avait déjà des enfants qui étaient à
risque, avec des mesures bien sévères et bien strictes, qu'ils étaient déjà à risque d'échec scolaire, donc, très
tôt dans leur vie. Alors, c'est pour ça, nous, ce qui nous stimule et qui nous fait dire qu'il faut vraiment
agir et agir vite, parce que ces enfants qu'on a étudiés, c'est ces
enfants qui actuellement sont dans le
système primaire et dans le système secondaire, et on n'a rien fait pour eux,
là, on n'a rien fait pour eux, on n'a
pas fait assez pour eux parce que le système de garderies... de CPE s'est
développé très minimalement.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. Bouchard.
M. Bouchard (Camil) : Il y a toute
une série fort intéressante d'études longitudinales sur le développement des enfants du Québec, largement subventionnées
par le ministère de l'Éducation, et dans une de ces études — je vous invite à la lire attentivement, c'est très intéressant — on voit que les enfants de milieux
défavorisés qui ont fréquenté des services
de garde de qualité ont un retard de 14 %, il y a 14 % de ces
enfants-là qui ont des difficultés scolaires à comparer à 46 % pour
les enfants qui n'ont pas fréquenté des services de qualité, ça au niveau de la
quatrième année primaire. Alors, on a des indices très clairs que, si on
investit vraiment très fort dans ce qu'on a de meilleur comme système...
Puis on l'a
bâti, ce système-là, avec des milliers de gens qui connaissent leur affaire,
là, qui ont été formés dans les
cégeps, qui ont été formés à l'université, qui occupent des postes dans les
installations de CPE maintenant, etc., et qui ont des conditions de travail qui leur permettent une stabilité auprès
des enfants puis une continuité dans leur accompagnement des enfants. On a tout ce qu'il faut. On a tout
simplement à le renchausser correctement puis on va encore améliorer le
sort de nos enfants à l'école, c'est très clair.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Mercier. Deux minutes.
• (13 heures) •
M. Khadir : Merci beaucoup.
Je pense que je n'ai pas beaucoup de temps. Bienvenue, messieurs et madame.
Ma collègue du Parti libéral se souciait de
l'équité entre les contribuables à plus hauts revenus, vous parliez de ceux de 150 000 $ ou
200 000 $, 250 000 $, et à plus faibles revenus. Je
voudrais attirer son attention et la vôtre qu'au Québec il y a à peu près 40 000 contribuables sur les
4 millions, donc 1 %, qui ont un revenu au-dessus de
250 000 $, ça inclut quelques
médecins de l'Assemblée nationale. D'accord? Ces 1 % tirent vers eux
40 % d'un abri fiscal qui s'appelle le congé sur la taxe... le congé sur le gain en capital et le gain en
dividendes, donc 40 fois plus que leur poids démographique. Ils
tirent... Ça représente 5 milliards de dollars, 125 000 $ par
contribuable, qu'ils mettent dans leurs poches à l'abri de l'impôt.
Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen — M. Bouchard,
vous avez déjà été député — de
mieux taxer ces riches-là et subventionner les services de garde de qualité?
Le Président (M. Bernier) :
Vous êtes nommé ministre des Finances. Allez-y, M. Bouchard.
M. Bouchard (Camil) :
M. le Président, lorsque le président du Conseil du trésor a annoncé la
création de la commission permanente sur la
révision des programmes, ce qu'il a déclaré, c'est que tout était sur la table,
qu'il y aurait des programmes qui allaient être éliminés, d'autres qui
allaient être transformés et d'autres qui allaient être mieux supportés, mieux enrichis. Et moi, je pense que le
gouvernement devrait s'ingénier, pour répondre à votre
question, à trouver tous les moyens
possibles pour financer plus adéquatement le développement des réseaux de garde de très haute
qualité, les centres de la petite enfance,
par tous les moyens possibles, et donner raison au président du Conseil du trésor quand il dit que tout est sur la table, parce que
ce que je vois maintenant, là, c'est qu'on parle de rationalisation,
d'optimisation, etc., mais on ne parle pas de renforcement d'aucun programme en
particulier, sauf qu'hier M. le ministre des Finances a annoncé une amélioration
de l'impôt sur... d'investissement des compagnies. Alors, M. le Président, nous
invitons le gouvernement à revoir attentivement ses choix dans cette matière-là
parce qu'il y a une génération d'enfants qui a besoin d'une décision sage,
éclairée, créative et audacieuse de la part du gouvernement.
Le Président (M.
Bernier) : Merci, M. Bouchard, Mme Pomerleau,
M. Malcuit. Merci beaucoup de votre participation à la Commission des
finances publiques.
Compte tenu de
l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à
13 h 2)
(Reprise à 15 h 3)
Le
Président (M. Bernier) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Et bien sûr
je demande, comme à l'habitude, à toutes les personnes de bien fermer
leurs téléphones cellulaires.
Nous allons
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet
de loi n° 28, Loi concernant
principalement la mise en oeuvre de certaines dispositions du discours sur le
budget du 4 juin 2014 et visant le retour à l'équilibre budgétaire
en 2015‑2016.
Alors,
bon après-midi à tous. Nous avons le plaisir de recevoir, en ce début
d'après-midi, Mme Mélanie Bourque. Mme Bourque, la parole est à
vous pour les 10 prochaines minutes.
Mme Mélanie Bourque et M.
Luc Turgeon
Mme Bourque
(Mélanie) : Merci. Bonjour. Donc, Mélanie Bourque, professeure à
l'Université du Québec en Outaouais. Mon collègue Luc Turgeon devait
m'accompagner, mais il est en congé parental, alors on l'excusera. Évidemment,
il y a des parties de ma présentation sur lesquelles il est un petit peu plus ferré que moi, mais, si jamais il y a des compléments d'information,
on m'a dit que je pouvais vous les faire parvenir par la suite.
Alors,
en fait, ma présentation va porter essentiellement sur un seul aspect du projet de loi, soit celui qui porte sur la modulation
des frais de garde, parce que c'est ma spécialité et que je n'oserais me
prononcer sur un autre aspect. En fait, pour introduire la question, hein, la politique familiale du Québec a
presque 20 ans aujourd'hui, celle de 1997, évidemment, et elle reposait sur deux politiques
principales : les congés parentaux, d'une part, et les services de garde,
d'autre part, à contribution réduite. Elle visait trois objectifs :
la participation des femmes au marché du travail, la prévention... prévenir la
trappe de la pauvreté, pardon, et combattre l'échec scolaire. Ma présentation
va porter sur trois prémisses, c'est-à-dire conserver les acquis et préserver et bonifier peut-être
le programme de services de garde, remédier à certaines failles, évidemment,
si possible, et ne pas créer de nouveaux obstacles pour les parents qui ont
besoin de places en services de garde.
En premier lieu, la politique
de services de garde à contribution réduite a été pensée comme une politique universelle. Je pense qu'il est important de
rappeler, dans le débat actuel, qu'est-ce qu'une politique universelle
quand on parle de politiques sociales. En
fait, c'est une politique qui doit s'adresser à la majorité de la population ou
un groupe très large qui a certaines
caractéristiques, ne doit pas être dispensée par un tiers, doit être disponible
à tous et ne doit pas être dispensée
non plus en fonction d'une preuve du besoin, comparativement à une politique
d'aide sociale, par exemple, où il faut montrer qu'on est en manque de
ressources.
Il
est important aussi de comprendre, et selon des chercheurs, dont Daniel Béland,
qu'une présence trop importante du secteur privé mine le caractère
universel d'une politique sociale et rendant l'accès, de façon presque
générale, toujours plus facile pour les uns
que pour les autres. Actuellement, on ne peut pas parler d'un programme
universel, au Québec, au sens strict
parce que, d'une part, tous les parents n'ont pas accès à une place, et,
d'autre part, il y a une grande présence d'un secteur privé, d'autant
plus que les... En fait, à peu près la moitié des parents ont accès à une place
à contribution réduite, mais 70 % des parents qui travaillent... 70 %
des places, pardon, appartiennent à des enfants dont les parents travaillent ou
sont aux études. Excusez-moi, la nervosité me fait bafouiller.
Le Président (M.
Bernier) : Ne soyez pas nerveuse, on est là pour...
Mme Bourque
(Mélanie) : Oui. Je vais peut-être un peu vite, là, j'essaie de garder
mon temps.
En
fait, il y a deux failles importantes qu'on peut identifier au programme
actuel : les places ne sont pas distribuées également entre toutes
les tranches des revenus et ceux qui ont le moins accès sont les enfants moins
nantis, donc ceux-là mêmes qui bénéficient le plus des programmes d'éducation
qui sont dispensés dans les services de garde à contribution réduite. Ces enfants-là, on l'a démontré, l'impact de leur
fréquentation dans une garderie à contribution réduite avec un programme
éducatif peut changer leur parcours de vie, c'est amplement démontré par la
recherche, et en fait ce sont eux qui fréquentent le moins les garderies à
7 $, toujours à... 7,30 $ maintenant.
En fait, il y a trois raisons. Une
raison institutionnelle, c'est le fait que les... il manque de places dans les
milieux défavorisés parce que le système n'a pas été construit en pensant à
développer plus de places en milieu défavorisé. Il y a aussi un obstacle culturel, c'est-à-dire que les parents, souvent, à
l'aide sociale ont tendance à ne pas envoyer leurs enfants par... d'une
part par méfiance envers l'État, c'est démontré par les recherches, mais aussi
parce que c'est une valorisation pour eux de
s'occuper de leurs enfants. Et, d'autre part, il y a une raison structurelle
qui appartient au marché du travail,
les mères qui doivent... les mères qui travaillent, donc, au salaire minimum
ont souvent des emplois qui ne leur permettent de prévoir leurs
horaires, ce qui fait que, dans des structures où il y a des horaires, par
exemple, de 7 à 6 heures le soir, elles
ne peuvent pas prévoir les moments où leurs enfants fréquenteront le service de
garde, ce qui fait que souvent elles
sont obligées soit de trouver une alternative pour faire garder leurs enfants
ou alors tout simplement ne pas aller travailler et s'occuper
elles-mêmes de leurs enfants.
C'est
important parce que beaucoup de mères monoparentales sont dans cette
situation-là, et c'est vraiment un problème
de conciliation travail-famille. C'est sûr qu'on peut adapter les services de
garde à ces réalités-là, ce n'est pas la question ici, mais on pourrait
peut-être aussi adapter le marché du travail, les normes.
Ce
n'est pas unique au Québec, de façon générale et dans tous les pays de l'OCDE
il y a une fréquentation moins importante
des enfants de milieux défavorisés dans des structures de garde. Il y a quatre
pays, dont la Suède, où on a réussi à atteindre un taux de fréquentation
équivalent pour toutes les sphères... pour toutes les tranches de revenus,
voilà.
Bon,
l'autre aspect qui mine, en fait, le caractère universel du système québécois,
c'est le fait que les garderies non subventionnées
sont en grande expansion et qu'en fait elles dispensent... et
le but ici n'est pas de taper sur les éducatrices en milieu privé, mais elles dispensent des services
éducatifs de moindre qualité et aussi qui sont beaucoup plus instables
et qui ne se développent pas non plus dans les milieux plus défavorisés.
Ce
sont les deux grandes limites, mais il ne faut pas oublier que les services de
garde en milieu... les services de garde, pardon, ont permis aux mères
de retourner sur le marché du travail à la hauteur de 8 % et que par le
fait même on a réussi à réduire le taux de pauvreté chez une part importante...
chez les enfants, pardon. Et en fait nous pensons, Luc Turgeon et moi, que la modulation qui est proposée par le
gouvernement n'est peut-être pas la meilleure solution, parce que, si on
continue de développer des places dans le secteur privé plutôt que dans le
secteur public, non seulement on n'assure pas nécessairement une place de
qualité à tous les enfants, mais on n'assure certainement pas plus de places
pour les enfants défavorisés, alors que c'est ce qui serait souhaité.
Je ne sais pas ça
fait combien de temps que je parle.
• (15 h 10) •
Le Président (M.
Bernier) : Ça fait 8 min 15 s. Il vous reste
environ 1 min 30 s.
Mme Bourque (Mélanie) : Oh! Bon, bien, j'ai presque fini. Alors, on
proposerait une logique différente. Plutôt que de moduler les frais vers le haut, on proposerait une modulation
plutôt vers le bas, un peu selon le modèle suédois, qui a un tarif... où
il y a une contribution des parents, ce n'est pas gratuit, mais la contribution
des parents est d'un maximum d'autour de...
l'équivalent, là, de 9 $ par jour, mais c'est quand on a un revenu moins
élevé qu'on commence à payer moins. Donc, c'est un nivellement, si on
veut... une modulation vers le bas.
Et
on voudrait rappeler les difficultés du développement d'un secteur privé de
moindre qualité, d'un secteur privé où
la qualité des services éducatifs est généralement moindre, qui sont beaucoup
plus instables — dans des
pays comme l'Australie, par exemple, il y a des grandes entreprises qui
se sont développées et qui, suite à la crise de 2008, ont fait faillite, le gouvernement a été obligé de
reprendre ces places-là, donc l'instabilité est beaucoup plus grande — et le fait aussi que ça ne garantit en rien le fait que des places
vont être développées dans des quartiers plus pauvres, tout simplement
parce que ce n'est pas rentable. Voilà, merci.
Le
Président (M. Bernier) : Merci beaucoup. Merci de votre
présentation, Mme Bourque. Nous allons débuter nos échanges. M. le
ministre.
M.
Leitão : Merci, M. le Président. Mme Bourque, merci beaucoup
d'être là. Vous avez fait une présentation très claire, très logique. Nous avons eu à cette commission beaucoup de
présentations, beaucoup d'intervenants à ce sujet-ci, et je dois vous dire que la vôtre est une des plus...
enfin, que j'ai trouvé une des plus claires et des plus structurées que
j'ai... Donc, je voulais dire ça au départ.
J'ai trouvé ça très
intéressant, bon, toute la problématique autour des enfants en provenance des
familles plus démunies qui ont de la
difficulté d'accès au système, le système qui n'est pas universel au moment où
on se parle, et les trois facteurs
que vous avez mentionnés, bon, le manque de places, les obstacles culturels et
un obstacle structurel aussi.
Pour ce qui est du
premier, donc, du manque de places, en effet le réseau n'est pas complet, il
manque des places. Nous aussi, en tant que
gouvernement, nous faisons face à des contraintes financières importantes.
Alors, qu'est-ce que vous pensez de
la possibilité de remplir, donc, ce manque de places en convertissant, parce
que les places qui manquent sont des places subventionnées, donc en
convertissant les places qui aujourd'hui existent, qui sont là dans des
Le Président (M.
Bernier) : Mme Bourque.
Mme
Bourque (Mélanie) : Oui.
Bien, écoutez, c'est sûr que c'est une avenue, il y a
différentes avenues. Ce qui est
clair, c'est que les places en CPE actuellement sont celles qui offrent des services qui sont le
plus de qualité et qui, quand ils
sont présents, quand les enfants y ont accès, dans des milieux défavorisés plus
particulièrement, c'est clair que les enfants en bénéficient. C'est-à-dire que si les garderies à 5 $, à l'époque, ont été implantées, c'est
aussi pour permettre un meilleur
développement de l'enfant et égaliser les chances, hein, aux portes d'entrée
des écoles, et ils le réussissent, les CPE le réussissent très bien.
Alors, s'il y avait une chose à faire, ce serait certainement de développer des places de garderie
subventionnée... ou le mieux serait des CPE,
et d'en créer en milieu défavorisé, parce que le fait qu'il n'y en ait pas, c'est le premier obstacle qui est nommé par les parents de ces milieux-là. Parce que c'est sûr
que, quand on a de jeunes enfants, se déplacer dans le quartier d'à côté avant d'aller travailler, ça
rend la vie très difficile, et, déjà que ce sont des gens qui vivent souvent
dans des conditions précaires, je pense
qu'il faut effectivement développer dans ces secteurs-là. Et parce qu'on
vise à permettre un meilleur avenir ou à investir dans l'enfance je
pense qu'il faudrait développer des CPE.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le ministre.
M. Leitão : Merci. Vous avez
mentionné, bon, l'obstacle culturel. Je pense qu'on comprend bien.
L'obstacle
structurel, bon, ça dépasse un peu, beaucoup le projet
de loi n° 28, mais ça fait
partie de la réflexion. Est-ce que
vous pourriez élaborer un peu plus là-dessus? Enfin, on voit bien quel est
l'obstacle, les horaires imprévisibles, les horaires variables et tout ça, mais comment est-ce que le système
que nous avons développé au Québec, qui, à mon avis, me semble être un peu un système qui est lourd du point de vue bureaucratique... comment est-ce qu'on pourrait le rendre plus
flexible pour justement accommoder les personnes avec les horaires atypiques?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bourque.
Mme Bourque (Mélanie) : Eh bien,
c'est vrai qu'il y a un obstacle structurel, c'est-à-dire que... bien, pour
plusieurs parents de toute façon, pas juste pour les parents qui ont un faible
revenu, mais on sait que la conciliation travail-famille
est un... qu'on pourrait la qualifier d'un problème social actuellement, parce que les parents sont épuisés. Et c'est vrai que les
garderies, les horaires des garderies ne sont pas toujours adaptés aux horaires
flexibles que le marché du travail
exige, particulièrement dans le milieu des services. Pour les parents mieux
nantis, bon, bien ces parents-là sont peut-être...
sont évidemment plus chanceux que les autres, ils ont... soit qu'ils peuvent
payer quelqu'un qui accompagne les enfants
à la maison après les heures de garderie. Pour ceux qui ont moins de sous, ils
ne peuvent pas s'acheter du temps, comme
on peut le dire, et effectivement il y aurait peut-être lieu de penser à avoir
des structures d'accueil, de garde qui permettent aux parents de
travailler dans des horaires différents.
Maintenant,
il ne faut pas non plus... il y a un problème éthique aussi à ça, c'est-à-dire
que jusqu'à quel point... Et là je ne
pourrais pas répondre directement à la question, mais jusqu'à quel point on
veut que des enfants aillent dormir dans des CPE la nuit? Il faut faire attention aussi à ne pas, je pense,
complètement asservir, si on veut, les parents... ou les enfants,
plutôt, aux règles du marché du travail, qui, oui, demandent de la flexibilité,
mais il faut faire attention aussi, dans une
certaine mesure, à ne pas non plus créer des horaires qui sont inconséquents
pour la santé des enfants mais pour leur santé mentale aussi, je pense.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, allez-y. La parole est à vous.
• (15 h 20) •
Mme de Santis :
Merci beaucoup, M. le Président. Mme Bourque, merci beaucoup. Bienvenue.
Votre présentation et votre mémoire sont très intéressants.
J'aimerais revenir à la définition
d'«universalité», O.K.? Vous citez M. Daniel Béland et ses
collègues. Pour eux, les services ne doivent
pas être dispensés par un tiers autre que le public. Alors, j'aimerais vous
poser la question suivante parce que
ça, c'est leur définition, O.K., ce n'est pas la définition qu'on retrouve
nécessairement partout. Alors, pour eux, les écoles primaires et
secondaires au Québec ne seraient pas universelles parce qu'on a des écoles
privées. Pour eux, le système de santé au Danemark, qui a une assurance
duplicative, ne serait pas universel. Est-ce que ça a du bon sens?
Le Président (M. Bernier) : Mme Bourque.
Mme
Bourque (Mélanie) : Je pense, et là je parle pour mes collègues, M. Daniel
Béland et ses collègues... je pense
que ce qu'il veut mentionner, en disant ça, c'est... je pense qu'il parle
plutôt de partenariat public-privé. Je m'avance probablement trop, parce
que je transgresse mes capacités, enfin, à répondre pour lui, mais, «dispensés
par un tiers», je pense que, là, il est vraiment question de partenariat
public-privé.
Et aussi
c'est sûr que, si on regarde le système de garde, bon, la plupart des CPE, ce
sont d'anciennes garderies communautaires,
et il y a des garderies subventionnées aussi. Moi, j'ai voulu être fidèle à sa
définition, peut-être que sur ce plan-là on peut apporter quelques
bémols.
Mais sur la question... Je n'entrerai pas sur la
question des écoles privées, parce que ça devient plus complexe, et je ne suis pas spécialiste. Mais effectivement on pourrait
soulever la question : Est-ce qu'il y a universalité du système
scolaire?
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Mme la députée.
Mme de Santis :
Je pose ces questions parce que vous faites un peu de sa définition votre
définition. Est-ce que vous faites de sa définition votre définition? Je
vous pose la question.
Mme Bourque
(Mélanie) : Sa définition est...
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bourque.
Mme
Bourque (Mélanie) : Oh!
pardon! Sa définition est tout à fait fidèle aux définitions sur l'universalité
dans la littérature en politiques publiques.
Est-ce que j'en fais ma définition? Je vous dirais que, pour l'ensemble, oui.
Peut-être que, cet aspect-là, j'y
apporterais un bémol, dans le sens où, s'il y a une garderie qui est subventionnée ou qui... peut-être qu'il faut, à ce moment-là, apporter un bémol, mais je pense que dans l'ensemble sa définition est
fidèle et, oui, je l'adopte.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Mme la députée.
Mme de Santis : J'aimerais parler de l'obstacle culturel auquel
fait face les personnes qui peut-être sont dans une classe socioéconomique moindre. Vous dites que c'est un problème
partout, qu'il y a un pays où on a été capable d'atteindre les mêmes taux de participation dans les
garderies, à tous les niveaux de revenu familial. Comment la Suède a
réussi à faire ça? Et pourquoi les autres pays ne réussissent pas et se
retrouvent un peu comme nous?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bourque.
Mme Bourque (Mélanie) : En fait, ça
a pris 30 ans à la Suède pour y arriver. Comme il est indiqué dans le
mémoire, ça a été un long processus et au départ de la même manière qu'au Québec.
Comment ils y
sont arrivés exactement? Les mesures exactes, je ne les connais pas. La
réponse que je pourrais avoir en est
une probablement aussi structurelle, c'est-à-dire que la société suédoise est une société plus égalitaire
que d'autres, et c'est aussi dans la culture
générale d'être moins méfiant — et là c'est une hypothèse, là — envers l'État. Je pourrais vous
envoyer le complément d'information, il faudrait que j'aille vérifier, là, pour
avoir une réponse fidèle...
Le Président (M. Bernier) :
Si vous désirez envoyer un complément d'information, en tout temps vous nous adressez ça au secrétariat, au secrétariat de la Commission des finances
publiques, ça nous fera plaisir de le distribuer à tous les
parlementaires.
Mme Bourque (Mélanie) : Parfait. Je
note.
Le Président (M. Bernier) :
Des questions? D'autres questions?
Mme de Santis :
Oui, je continue.
Le Président (M. Bernier) :
Mme la députée.
Mme de Santis :
Est-ce que la société suédoise est plus homogène que la nôtre? La réponse est
oui?
Mme Bourque (Mélanie) : Oui.
Le Président (M. Bernier) :
Madame... Oui, Mme Bourque.
Mme Bourque (Mélanie) : Oui,
excusez-moi, je ne respecte pas les...
Le Président (M. Bernier) :
Non, non, ce n'est pas ça. C'est parce qu'étant donné que nos délibérations
sont enregistrées il faut dire oui ou non, il faut... on attribue une voix à
quelqu'un.
Mme Bourque (Mélanie) : Vous avez
raison, mais ce qui fait que je devrais respecter...
Le Président (M. Bernier) :
Je comprends votre oui, mais...
Des voix : ...
Le Président (M. Bernier) :
C'est bien. Mme la députée.
Mme de Santis :
J'aimerais parler de l'évaluation des différents services de garde que nous
avons. Est-ce qu'il existe une
évaluation qui a été faite pour les enfants qui sont allés dans soit le CPE,
milieu familial, garderie subventionnée, garderie non subventionnée mais à plusieurs niveaux? Parce que la
réussite, ça ne se voit pas seulement aller de la garderie à la maternelle mais plus loin dans la vie, à sept
ans, 12 ans, 15 ans, 22 ans, 25 ans. Parce que, s'il y a
des études qui sont faites de cette
façon-là, pour moi c'est plus scientifique, et je pourrais avoir une meilleure
compréhension de la situation, pour
que, quand je prends mes décisions, je sais comment prendre ma décision. Alors,
est-ce que de telles études existent?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bourque.
Mme Bourque (Mélanie) : Oui, tout à fait, tout à fait. En fait, je ne
peux pas vous les citer comme ça parce que je n'ai pas les noms en tête.
Je vous renvoie au mémoire de Mme Bigras pour... je ne sais pas si vous êtes
sur cette commission-là aussi, sur le projet
de loi n° 27, et eux détaillent toutes les études qui ont été faites
sur, justement, les parcours de vie
des enfants qui ont fréquenté des CPE, sur des enfants de milieux défavorisés
qui ont fréquenté des CPE, et donc le parcours de vie, c'est-à-dire un
peu plus tard, et ces études-là démontrent qu'il y a un impact positif.
Mme de Santis :
Est-ce que vous pouvez m'envoyer cela?
Mme Bourque
(Mélanie) : Tout à fait.
Mme de Santis :
Parce que vraiment j'ai plusieurs personnes qui sont venues faire des
déclarations, mais j'ai toujours appris
qu'il faut aller aux sources et il faut toujours vérifier les recherches qui
sont faites et comment c'est fait.
Et
est-ce qu'il y a eu des études qui ont été faites aussi pour les enfants qui
viennent de milieux non défavorisés? Et
est-ce qu'il y a une différence entre le progrès qui est fait par un enfant qui
vient d'un milieu favorisé vis-à-vis un qui vient d'un milieu non favorisé à travers ses différentes étapes de sa
vie? Parce que c'est des renseignements qu'il me manque.
Le Président (M.
Bernier) : Mme Bourque.
Mme Bourque (Mélanie) : Oui, je vous enverrai ça. Et effectivement, pas
que je prône le fait que les enfants de milieux favorisés ne doivent pas
fréquenter des CPE, mais ceux qui bénéficient sur le plan du développement,
c'est vraiment les enfants de milieux défavorisés.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. Mme la députée.
Mme
de Santis : Vous dites qu'en Suède le prix maximal,
pour l'instant, c'est 9 $ par jour. Vous savez qu'avec ce projet de
loi plus que 60 % des familles avec des enfants de zéro à quatre ans vont
payer 9 $ et moins par jour.
Et est-ce que ça vous
semble être équitable que quelqu'un qui gagne 200 000 $ paie le même
montant que quelqu'un qui paie 75 000 $ pour ce service?
Le Président (M.
Bernier) : Mme Bourque.
• (15 h 30) •
Mme Bourque (Mélanie) : Est-ce qu'il faut parler d'équité? Évidemment, en
Suède, bon, ça représente à peu près
3 % du revenu. Quand on fait différentes simulations — le Conseil du statut de la femme l'a
fait — même
pour les milieux favorisés ça peut
aller jusqu'à 10 % du revenu, le coût que défraient les parents,
l'équivalent... Je me souviens entre autres
d'une simulation, là, je pense que c'était autour de 12 000 $ pour
une famille favorisée, là, ceux qui paieront 20 $ par jour. C'est quand même, me semble-t-il, un
obstacle au travail des femmes aussi. Prenons des couples où... Parce
que, souvent, on sait très bien que les
femmes ne font pas le même salaire que les hommes, dans un couple. Et prenons
plusieurs cas où un des conjoints, qui est
souvent l'homme, fait un salaire... un bon salaire et la femme fait un salaire
passablement moins élevé. Quand on sait ce
que la conciliation travail-famille a comme impacts sur la santé des parents,
je ne suis pas certaine que toutes
les mères vont faire le choix de rester sur le marché du travail. C'est sûr que
ce n'est peut-être pas une quantité de mères astronomique, mais je pense
qu'il faut quand même y penser
J'ai produit un avis
pour l'institut de la santé publique il y a deux ans avec une collègue,
Nathalie St-Amour, et on a démontré, je
pense, assez bien les impacts sur la santé mentale des parents. La conciliation
travail-famille, si en plus il faut que cet élément-là entre en ligne de
compte, moi, je pense que...
Est-ce
qu'il faut parler d'équité et que... Absolument. Dans ce sens-là, je pense
qu'il est plus juste de fixer, comme le fait la Suède, un plafond en
termes de pourcentage...
Mme
de Santis : Mais est-ce que vous réalisez que
1 600 $ par année à 7,30 $, c'est 3 % d'environ
53 000 $ et que ceux qui vont payer 9 $, c'est
71 000 $ environ qui est 3 %? Alors, on n'est pas loin des
3 %.
Et 3 % de
200 000 $, c'est combien? C'est 6 000 $, mais ils vont
payer 4 000 $ par enfant. Alors, les 3 %...
Mme Bourque
(Mélanie) : Non, mais pensons à des familles qui ont plusieurs enfants...
Le Président (M.
Bernier) : Mme Bourque. Allez-y, allez-y, c'est juste pour
fins d'enregistrement.
Mme Bourque (Mélanie) : Oui. Généralement, les familles ont un ou deux
enfants, donc, à ce moment-là, ça fait un
fardeau plus important. Et la fourchette est énorme, en fait, entre... Est-ce
qu'il n'y a pas lieu de penser à une fourchette moins... On le dit dans
le mémoire, on n'est pas contre une forme de modulation, mais ce n'est pas le
seul but, nous semble-t-il, à cette augmentation des frais. Si vous prenez le
tableau... je ne sais pas si vous avez le mémoire, mais le tableau à la page... — si moi-même, je le retrouve — à la page... non, mais c'est le dernier
tableau, le tableau 2, en fait, la page 12, on remarque qu'en
fait il semble qu'on favorise le développement de places privées quand dans
certaines tranches... dans le secteur privé,
pardon, quand dans certaines tranches de revenus il est plus avantageux
d'envoyer son enfant dans le secteur privé. Et ça, c'est le simulateur
du gouvernement, oui, donc...
Le
Président (M. Bernier) : Mme Bourque, je vous arrête
quelques instants, nous allons passer du côté de l'opposition officielle avec
M. le député de Rousseau. Allez-y, M. le député de Rousseau.
M. Marceau :
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Bourque. Merci pour votre mémoire.
Avant
l'heure du dîner, on a eu une conversation sur la qualité des services offerts
dans les différents modes de services
de garde, alors essentiellement les CPE, d'une part, puis, d'autre part, les
garderies commerciales, et, bien, j'ai vu que dans votre mémoire vous abordez cette question. Je vais vous
demander simplement de développer, mais avant je vais me permettre de faire une petite introduction. Simplement vous
rappeler que donc les chercheurs Camil Bouchard, Gérard Malcuit et Andrée Pomerleau, dans leurs travaux, en tout cas, ont
trouvé qu'il y avait un écart de qualité, qu'aussi la DSP de Montréal,
la direction de la santé publique, a récemment, là, juste avant Noël, je pense,
rendu publique une étude dans laquelle on
montre que, pour les enfants de milieux défavorisés, il y a une différence dans
la protection que... puis dans le
niveau de développement. Puis vous rappelez, vous, des études internationales
qui montrent essentiellement la même
chose, là, ça, c'est à la page 10 de votre mémoire. Entre autres, vous
parlez d'un... donc : «La plupart des études internationales ont clairement démontré que la
qualité des services de garde est moindre dans les garderies à but
lucratif que dans les garderies publiques ou
encore les garderies à but non lucratif.» Vous nous parlez d'un texte de
Preston plus ancien puis un autre de
Cleveland et Krashinsky plus récent, 2009. Peut-être vous demander qu'est-ce
que ça dit, cette étude-là.
Puis aussi vous demander de faire le lien avec le
fait que vous... puis j'ai trouvé ça intéressant, ça a été abordé un peu ce matin, mais le fait que le secteur à but
lucratif est plus instable. Et puis effectivement, évidemment, le fait que le secteur à but lucratif est plus instable, ça veut dire plus
d'instabilité pour les enfants, c'est ce que nous disait
M. Bouchard ce matin. Puis de façon
plus générale on sait que les entreprises d'économie sociale vivent plus longtemps,
survivent plus longtemps. C'est le cas des coopératives entre autres, là, on sait qu'elles sont plus stables. Vous rappelez ce qui s'est
passé en Australie puis... En Australie puis où d'autre? En Allemagne? C'est-u
ça?
Mme Bourque
(Mélanie) : En Grande-Bretagne.
M.
Marceau : En
Grande-Bretagne, pardon. Et puis vous nous dites, là, qu'il y a
eu des faillites retentissantes.
Bon,
regardez, je vous laisse aborder ces questions-là, parce
qu'effectivement, juste pour finir, la question d'instabilité, c'est une des raisons qui pourraient expliquer l'écart de
qualité, mais peut-être si vous pouvez nous dire quels sont les autres facteurs, les autres explications
pour cet écart de qualité, d'après vous, d'après vos lectures, d'après ce
que vous comprenez du monde. Merci.
Le Président (M.
Bernier) : Mme Bourque.
Mme Bourque (Mélanie) : Oui. Je dois spécifier que mon collègue Luc
Turgeon est plus spécialisé que moi sur cette question précise là, je
regrette en ce moment qu'il n'y soit pas.
Écoutez,
de manière générale, effectivement, les études le démontrent, là, il y a Camil
Bouchard, mais Marie-France Raynault
l'a démontré. Les raisons qui peuvent expliquer ça sont innombrables, bon,
l'instabilité, le fait que parfois, dans les garderies commerciales, on
peut faire le choix de ne pas engager systématiquement des gens qui sont diplômés, etc., les aides, le roulement de
personnel. Donc, il y a une variabilité de... il y a beaucoup de facteurs qui
font en sorte que les services sont de moindre qualité.
Aussi,
si on compare aux CPE, on sait qu'ils ont un programme à appliquer un peu comme
dans les écoles, ce qui est certainement moins fait dans le secteur
commercial. Donc, est-ce que... Et les CPE ont réussi à développer aussi un lien d'attachement entre l'éducatrice et
l'enfant. Et là je ne veux pas critiquer les travailleuses et les travailleurs
du secteur commercial, je suis convaincue qu'ils et elles font tout ce qu'ils
peuvent et du mieux qu'ils peuvent, mais les résultats
sont là, ce sont des services de moindre... en tout cas de moindre qualité et
qui ont un effet moins important sur le développement de l'enfant, en
fait.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député.
M. Marceau :
Bien, écoutez, on est du même avis, là. Je veux dire, moi non plus, je ne veux
pas critiquer le travail des gens qui
travaillent dans les garderies commerciales, puis, je pense, c'est plus la
nature de la bête et puis le type de
contraintes auxquelles ces gens-là font face, parce qu'il faut qu'ils
survivent, là, dans un environnement commercial, un environnement de
marché, c'est...
Mme Bourque
(Mélanie) : ...le fait que c'est à but lucratif... Excusez-moi.
M.
Marceau : Voilà, ce
n'est pas le même monde, et puis la nature de la concurrence fait
en sorte que des choix différents
sont faits. Et ça n'a rien à voir avec la qualité des... avec les personnes qui
y travaillent puis qui sont, j'en suis certain, pleines de bonne
volonté.
Je vais passer... Je
vais laisser mon collègue de Terrebonne, M. le Président...
Le Président (M.
Bernier) : Consentement pour que M. le député de Terrebonne
puisse prendre la parole? Consentement. De même que la députée de Repentigny? Consentement.
Allez-y, M. le député de Terrebonne.
M. Traversy :
Merci beaucoup, M. le Président. Je remercie mes collègues, là, pour ce consentement
et cet accommodement déraisonnable, il va sans dire. Merci beaucoup d'être avec
nous aujourd'hui.
Pour aller
plus loin au bout de la pensée, là, que vous avez entamée, on voit beaucoup
dans votre mémoire que vous avez
déposé, donc, tout ce qui a été mentionné par mon collègue de Rousseau
par rapport au secteur à but lucratif. Plusieurs
avant vous sont venus autour de cette commission pour venir nous suggérer, par exemple la CSQ... ou encore M. Bouchard nous en a parlé juste un
peu avant votre arrivée, aujourd'hui, de l'idée d'un moratoire ou de limiter le
développement des places. À l'heure
actuelle, est-ce que vous pensez que
c'est une solution, c'est une réflexion que le gouvernement devrait avoir, à l'heure actuelle, sur ce genre de situation, qui est décrié dans votre mémoire comme
étant en pleine expansion?
Mme Bourque (Mélanie) : Vous voulez
dire...
Le Président (M. Bernier) : M.
le député.
Mme Bourque (Mélanie) : Mme Bourque.
Le Président (M. Bernier) :
Allez-y, Mme Bourque.
Mme Bourque (Mélanie) : Pour une
fois que j'attendais le...
M. Traversy : Allez-y,
allez-y.
Mme
Bourque (Mélanie) : Oui. En
fait, vous voulez dire... Je veux juste bien comprendre. Vous voulez
parler de limiter le développement des places à but lucratif?
M. Traversy : Tout à fait.
• (15 h 40) •
Mme Bourque (Mélanie) : Bien, c'est
ce qu'on soutient dans notre mémoire, en fait, de réfléchir à cette possibilité-là, d'autant que toutes ces places-là ne sont pas comblées. On n'a pas
parlé aussi du choix des parents. Les parents ont tendance à avoir un...
M. Traversy : Un préjugé favorable.
Mme
Bourque (Mélanie) : ...un
préjugé, oui, favorable, merci, aux
CPE. Ils ont confiance en cette institution-là, autant, je pense, en les structures, c'est-à-dire les CPE en structure,
que les garderies en milieu familial qui sont attachées à un CPE.
Mais je pense qu'il serait aussi... il serait
peut-être, oui, intéressant de penser à avoir un moratoire et de voir comment
les choses se placent avant de progresser dans cette veine-là. Parce qu'il nous
semble, mon collègue et moi, qu'il y a ce
désir-là peut-être de développer ce secteur-là pour, dit-on, rendre plus
accessibles les services de garde; on ne croit pas que ce soit la voie à
entreprendre.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Terrebonne.
M.
Traversy : Je comprends de ce que vous avez recommandé dans
votre mémoire, du témoignage que vous nous faites aujourd'hui que vous
pensez que cette voie n'est pas nécessairement la meilleure solution pour des
raisons d'universalité, de qualité, de ce
que je comprends, c'est la... de mission éducative aussi peut-être, où j'ai
compris que vous avez des
questionnements à savoir, là, pour l'obtention d'un profit lucratif à
l'intérieur d'une garderie commerciale, des choix qui pourraient être peut-être par moments... peut-être pas
toujours à l'avantage de l'enfant. On a vu des situations par le passé qui nous ont confirmé ce genre de
situation. Il ne faut pas généraliser, par contre, évidemment, mais je
comprends que c'est là une de vos inquiétudes principales.
Donc, ce serait
de développer le réseau, qui a été déjà bien enclenché, là, depuis quelques
mois, avec les nombreuses places qui
ont été données un peu partout à travers le territoire. Elle n'est pas marquée
clairement dans votre mémoire, mais ce
que je comprends, c'est que la priorité, ce serait de développer l'octroi des
places qui ont déjà été annoncées, là, pour faciliter le plus rapidement possible l'accessibilité à des places à
contribution réduite, subventionnées, peut-être principalement dans un
modèle CPE ou garderie privée subventionnée mais du moins dans ce cadre de
réseau.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bourque.
Mme
Bourque (Mélanie) : Tout à
fait. Je rappelle d'ailleurs que 70 % des plaintes qui sont faites au
sujet des services de garde le sont à
l'endroit de garderies privées, pour des raisons majoritairement de sécurité,
là. Donc, il faut quand même rappeler ces éléments-là, même si, encore
une fois, on ne veut pas mettre la faute sur les travailleurs de ces
milieux-là.
Effectivement,
peut-être que ce n'est pas clair dans le mémoire, mais il me semble que, dans
nos recommandations, on suggère le développement de places, tout à fait,
mais avec une priorité en milieu défavorisé. Et ça, je pense qu'il ne faut pas l'oublier. Le
Vérificateur général avait déjà reproché, d'ailleurs, c'est dans le mémoire,
là, au gouvernement d'avoir permis le développement de places dans des
milieux déjà bien desservis, comme si on oubliait les milieux défavorisés un peu de façon récurrente. Donc, oui,
c'est ce qu'on souhaite parce que, si on parle d'universalité d'un
système, il faut continuer à le développer et ne pas développer un secteur
privé parallèle.
Et à ce sujet-là je rappelle la définition de
mes collègues, dont le principal auteur est Daniel Béland, sur l'universalité, où ce n'est pas... on peut
confondre accessibilité et universalité, mais l'accessibilité universelle,
c'est quand c'est un programme public ou alors fortement subventionné.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député.
M. Traversy : Merci, M. le
Président. Combien de temps environ?
Le Président (M. Bernier) :
Il vous reste encore trois minutes.
M. Traversy : Trois minutes.
Parfait. M. Bouchard est passé avant vous pour nous mentionner également
un élément — je voulais le valider avec vous — concernant la qualité mais aussi l'impact
que les garderies publiques, donc les centres de la petite enfance ou
les garderies subventionnées, peuvent avoir sur... en particulier les centres
de la petite enfance, dans le cas de M. Bouchard, peuvent avoir sur le
développement donc des jeunes, qui peuvent par la suite s'épanouir davantage et
vivre moins de difficultés. Il mentionnait que, lorsqu'un enfant passait dans
un CPE, seulement 14 % d'entre eux
vivaient des difficultés, là, par la suite, là, de développement ou
d'apprentissage versus 46 % des
enfants qui pouvaient passer par des garderies non subventionnées. Donc, à cet
égard-là, je voulais juste valider avec vous si c'est un apport que vous aviez déjà constaté ou que vous
reconnaissez, que les centres de la petite enfance ont un impact plus
significatif sur le développement de l'enfant versus les garderies privées non
subventionnées.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bourque.
Mme Bourque (Mélanie) : En fait, je
ne connais pas ces chiffres-là spécifiquement, je ferais confiance à Camil
Bouchard — c'est
d'ailleurs difficile d'intervenir après lui — mais en fait ça corrobore les
études qu'on cite dans notre mémoire et les
autres études, là, que j'enverrai, effectivement, où le CPE... pour toutes
sortes de raisons, hein, parce que
souvent il est en réseau, il est installé dans le milieu de vie, il est proche
de l'école, ils ont des liens avec les écoles, ils peuvent identifier les problématiques des enfants. Ils sont en lien
avec le CSSS aussi, avec les services sociaux. Donc, c'est un développement... on pourrait dire ça
comme ça, il fait vraiment partie du milieu de vie, le CPE,
contrairement à une garderie commerciale, et
peut-être que ce n'est pas le cas de toutes les garderies commerciales, mais
qui ont des visées peut-être différentes.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Une minute.
M. Traversy :
Bien, je vous remercie de votre intervention aujourd'hui. Puis j'ai bien pris
note des recommandations, là, que vous avez aussi mentionnées à
l'intérieur de votre mémoire. Donc, nous allons nous faire une tête à cet
égard. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Mme la députée de Repentigny.
Mme
Lavallée : Pour le bénéfice de ma collègue qui a posé des questions
tout à l'heure concernant la qualité, effectivement vous avez référé au
rapport de Mme Bigras, à son exposé, et je vous invite à écouter, dans le
projet de loi n° 27, l'échange que
j'ai eu avec Mme Bigras et à prendre connaissance de son mémoire, il y a
des réponses que je n'ai pas eues,
qui, moi, ne me satisfaisaient pas. Il y a eu le rapport du Vérificateur
général en 2011‑2012 qui... Parce que Mme Bigras
référait à un rapport sur... une enquête québécoise sur la qualité des services
de garde éducatifs qui datait de 2003. Pour ma part à moi, je trouvais
que ce n'était plus approprié parce qu'on était rendus en 2015, donc beaucoup de temps est passé, mais l'enquête, justement, de
2003, moi, ce que j'ai ici, on disait que, pour les services offerts par
les CPE, la qualité de l'ensemble est jugée bonne dans les pouponnières et
passable pour les groupes d'âge préscolaire, donc tout n'était pas parfait là
non plus.
Donc, je veux
bien entendre... je veux bien qu'on dénigre les services en garderie privée non
subventionnée, mais je ne vais pas le
faire au détriment de ces femmes-là qui ont décidé un jour d'investir de
l'argent, de se créer un emploi et de servir...
d'offrir des services en garderie pour des... Puis elles ont décidé de travailler
dans un milieu qu'elles aimaient. Et je reviens puis je reprends cette cassette-là parce que, pour moi, c'est
important : lorsqu'on est en privé non subventionné, on décide de partir en affaires, mais on décide...
Parce qu'on parle toujours des garderies commerciales, mot que je
déteste vraiment, moi, ça me hérisse.
Lorsqu'on parle de gens qui partent en affaires, oui, ils veulent faire du
profit, mais ils veulent aussi offrir
un service de qualité. Et j'ai de la misère à faire l'adéquation entre ce qui
est commercial et ce qui est non de qualité.
Et je pense qu'on a un ministère de la Famille, lorsqu'il donne un permis en
service de garde, qui a l'obligation de s'assurer que l'ensemble des garderies répondent aux critères, qu'elles
répondent à ce que la loi établit, et qui doit s'assurer que les services sont adéquats, peu importe le
service. Je n'ai rien contre les CPE, je n'ai rien contre les services de
garde en milieu familial, mais je constate que, lorsqu'on parle de ces
secteurs-là... Puis même ceux qui viennent défendre ces services-là dénigrent
constamment les garderies privées non subventionnées, qui ont leur place, et
qui répondent à des
critères, et qui font partie des choix qu'on offre à la population. Et je suis
certaine que les parents font les choix... J'ai confiance aux choix que
les parents font et je pense que nous, comme gouvernement, on n'a pas à
imposer. On doit aussi transmettre le choix aux parents, qui ont à coeur
l'intérêt de leurs enfants.
• (15 h 50) •
Donc,
je présume que le ministère de la Famille fait un excellent travail et qu'il
s'assure, par leurs inspections, qu'on répond aux normes de qualité
partout, et, pour moi, c'est le critère qui est important. Et, peu importe
lequel, comment il s'appelle, si un service de garde ne répond pas à la qualité,
que ce soit CPE, garderie en milieu familial ou garderie privée, subventionnée ou non subventionnée, je m'attends à ce
que le service aille jusqu'à retirer un droit, parce que nous, nous
avons, comme gouvernement, à nous préoccuper de la sécurité de nos enfants, de
la qualité du service éducatif et de la qualité du milieu qu'on leur offre.
Donc, ça, je voulais ramener ça.
Lorsqu'on
parle des milieux défavorisés, j'avais... Lorsque les représentants des
familles monoparentales sont venus nous parler, ils nous disaient qu'une
bonne partie de familles qui étaient défavorisées, pourquoi ils n'allaient pas... Parce que le problème qu'on constate, c'est
que beaucoup de familles défavorisées n'envoient pas les enfants dans
les services de garde à contribution réduite. Et ce que je trouvais
intéressant, justement, dans le cadre du projet de loi n° 27, lorsque je leur ai posé la question pourquoi,
qu'est-ce qui arrive, c'est qu'il y avait plusieurs familles qui se
sentent stigmatisées même dans les CPE, qui se sentent stigmatisées ou qui sont
stigmatisées même dans les CPE aussi, peu importe
le service de garde. Donc, c'est un malaise qu'il y a. Et de toute évidence le
gouvernement, le ministère n'arrive pas à amener ces gens-là vers les services
à contribution réduite, et il y a un travail à faire.
Je
pense qu'il faut voir de quelle façon on peut faire en sorte... Parce qu'on
veut que ces enfants-là arrivent au même
niveau que tous les enfants au primaire, mais de toute évidence on n'arrive pas
à accrocher une bonne partie de cette
clientèle-là. Puis on ne peut pas les forcer non plus, on ne peut pas exiger,
les imposer. Oui, peut-être qu'il manque des services de garde à contribution réduite dans leur secteur, sûrement
qu'il faudrait que le ministère évalue ça, mais est-ce qu'effectivement il n'y a pas une problématique, là, où... De
quelle façon on pourrait aller les chercher, les intéresser et qu'ils ne voient pas l'État comme étant...
s'immiscer dans leur vie, mais que, dans le fond, on veut leur offrir, à
leurs enfants, une qualité, peu importe le service de garde qu'ils
choisiraient, mais une qualité qui permettrait d'arriver au même niveau que les
autres?
Le Président (M.
Bernier) : Mme Bourque.
Mme Bourque (Mélanie) : Je voudrais rappeler que l'idée ici n'est pas de
dénigrer le secteur à but lucratif, si vous...
C'est vrai que «secteur commercial», c'est peut-être particulier comme terme,
on l'utilise parce que nos collègues le font. Les études datent de 2003, il y en a des plus récentes quand même,
malheureusement la recherche se fait toujours sur des données
antérieures, mais il faut quand même rappeler que 70 % des plaintes
concernaient ces milieux-là et il faut quand
même le prendre en compte. Et moi aussi, j'ai confiance aux instances, aux
fonctionnaires du ministère de la Famille, je suis certaine qu'ils
adressent ces plaintes-là et que ça se règle, mais elles existent quand même.
Et, bon, c'est vrai que c'est un service
offert, il faut laisser le choix aux parents, mais on pourrait aussi, à
l'inverse, se demander : Est-ce que les parents ont le choix
actuellement d'avoir une place en CPE ou non? Bon, pas toujours parce que des fois il n'y en a pas, ils sont obligés de prendre
une place privée, parce que sinon... il faut trouver une autre manière de faire garder son enfant. Et en fait
l'idée n'est pas de dénigrer, je le répète encore, là, les personnes qui
travaillent dans ce milieu-là, mais
les études sont parlantes. Et on l'attribuait à différentes raisons, mais ce
n'est certainement pas l'intention des personnes qui y travaillent, et
c'est bien de le rappeler aussi.
Maintenant, pour ce
qui est des parents de milieux défavorisés qui n'envoient pas leurs enfants...
Là, vous rappeliez un petit peu ce qu'on dit
dans notre mémoire, là, l'aspect culturel qui fait que les parents sont
méfiants envers l'État. C'est une
question très délicate parce qu'effectivement on ne peut pas les forcer, à
moins de rendre la fréquentation du
CPE obligatoire, ce qui, je pense... ou en tout cas l'école un peu plus tôt,
rendre l'école obligatoire un peu plus tôt, les maternelles quatre ans, par exemple, mais, bon, pour les poupons, je ne
pense pas que ce soit désiré. C'est une question délicate. Est-ce que
c'est une question d'éducation, donc d'arriver à les convaincre? Mais c'est
aussi une question d'éducation, je pense...
S'ils se sentent dénigrés, c'est probablement aussi de la part des gens qui les
accueillent, et encore là peut-être que c'est une question d'éducation.
Mais le fait que les gens ont l'impression qu'on leur enlève...
L'étude
qu'on cite dans... Bien, je me reprends, là. L'étude qu'on cite, c'était une
étude qualitative où les parents indiquaient clairement, en fait, qu'ils
avaient l'impression que l'État — parce que c'était l'État — leur
enlevait leurs enfants et que... Eux, c'est
une valorisation tellement importante pour eux. Si on parle de gens à l'aide
sociale, c'est ce qu'ils ont dans la
vie, leurs enfants, c'est leur statut, ils sont parents, parce qu'ils sont
dénigrés partout ailleurs dans la société,
les gens à l'aide sociale, et donc, pour eux, c'était leur enlever une part de
leur valorisation. Et là, effectivement, comment on fait pour les
convaincre? Parce qu'on connaît le bénéfice. Et c'est une mesure de prévention,
là, c'est une mesure économique aussi, l'investissement dans les CPE, parce
qu'on sait que, si les enfants réussissent à l'école, après ça coûte moins... le taux de décrochage scolaire va
se transformer. Alors, c'est vrai qu'il faudrait vraiment y réfléchir.
Et je pense que c'est aussi une question
d'éducation et que, quand c'est développé dans le secteur communautaire... On
sait que le secteur communautaire est près
de ces gens-là aussi, donc il y a moyen, je pense, d'aller transformer cette
vision-là, là, qui peut être péjorative.
Le Président (M.
Bernier) : Mme Bourque, merci beaucoup de votre
présentation. Merci de vos échanges avec les parlementaires.
Je vais suspendre quelques
instants pour permettre à l'Équipe de recherche Qualité éducative des services
de garde et petite enfance de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 57)
(Reprise à 16 h 2)
Le Président (M. Bernier) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Nous avons le plaisir maintenant de recevoir l'Équipe de recherche
Qualité éducative des services de garde et petite enfance, représentée
par Mme Nathalie Bigras, Mme Liesette Brunson et Mme Lise Lemay.
Bienvenue, mesdames, c'est un plaisir de vous recevoir cet après-midi. Vous
avez 10 minutes pour faire votre présentation. Allez-y.
Équipe de recherche
Qualité éducative
des services de garde et petite enfance
Mme Bigras
(Nathalie) : Alors, bonjour, M. le Président. Merci pour cette
occasion pour nous de venir présenter l'état
des travaux dans le domaine. Je me présente, je suis Nathalie Bigras,
professeure au Département de didactique et directrice de l'équipe scientifique Qualité éducative dans les services
de garde. Et je suis accompagnée de Mme Liesette Brunson, du Département de psychologie, également
membre de l'équipe, et de Mme Lise Lemay, du Département de
didactique, également membre de l'équipe.
Je souhaite
vous informer que nous sommes ici aujourd'hui en tant que chercheures. Donc,
nous ne visons pas à venir parler de
nos impressions ou opinions personnelles et ni de nos positions politiques mais
plutôt des éléments que nous avons recensés dans la recherche au sujet
des éléments du projet de loi.
Alors,
M. Carlos Leitão, ministre des Finances, a déposé à l'Assemblée nationale
le projet de loi n° 28 sur la mise en oeuvre de certaines
dispositions visant le retour à l'équilibre budgétaire en 2015‑2016. Ce projet
de loi soulève de nombreuses questions dont
certaines nous apparaissent très préoccupantes, notamment au regard de
l'accessibilité des enfants du Québec
aux services de garde éducatifs de qualité, en particulier pour les enfants
vulnérables. Aux fins de cette présentation
et afin de respecter le temps qui nous a été alloué, nous partagerons
brièvement certains constats de notre mémoire et conclurons par les cinq
recommandations qui en sont issues.
D'abord, un
bref rappel historique. En 1997, le Québec faisait face à déficit important, et
le premier ministre de l'époque avait
priorisé l'atteinte du retour à l'équilibre budgétaire. Malgré cela, en suivant
les recommandations basées sur les
données probantes, le gouvernement avait choisi de développer un réseau de
services de garde régis et subventionnés à coût abordable pour les
familles, le réseau des centres de la petite enfance. Cette décision s'est
imposée comme un élément essentiel à la relance de l'économie du Québec et au
bien-être des enfants et ces familles. Ce choix reflétait aussi une volonté
politique d'investir dans des secteurs névralgiques comme la petite enfance où
les investissements génèrent des retombées à court et à long terme.
Mme Brunson (Liesette) : En effet,
la recherche soutient le bien-fondé de cette décision en démontrant que l'investissement dans l'éducation à la petite
enfance génère de nombreux bénéfices sociaux, économiques et éducatifs. Au Québec, cet investissement a favorisé le retour des femmes sur le marché du
travail, il a soutenu la classe moyenne, il a stimulé une hausse du taux
de natalité, il a réduit le taux de pauvreté, surtout pour les familles
monoparentales, il a facilité l'intégration
des familles immigrantes dans la société québécoise et il a eu un impact positif sur la réussite
scolaire des enfants, particulièrement ceux des milieux défavorisés. Ce faisant, il a contribué à assurer
l'égalité des chances, femmes comme hommes, fillettes comme garçons,
nantis comme démunis, néo-Québécois comme Québécois de souche.
Mais, pour
arriver à ces retombées, trois conditions fondamentales doivent être présentes.
La première condition est la qualité.
Au-delà du fait de fréquenter ou non un service de garde, le niveau de
qualité des contextes éducatifs détermine les bénéfices développementaux chez l'enfant. Ainsi, pour que l'argent
consacré aux services de garde soit un investissement
rentable, il doit financer une place dans un
milieu de qualité où l'organisation de l'espace et des ressources, la programmation et les interactions sont
adaptées aux besoins développementaux des enfants.
La deuxième
condition est le financement public et l'universalité. La recherche indique
clairement qu'on retrouve les hauts niveaux de qualité principalement
dans les services de garde éducatifs régis, sans but lucratif, financés par l'État et dont l'accès est universel. Au Québec,
seuls les CPE ont le statut sans but lucratif. En corollaire, ils
présentent le plus haut niveau de qualité.
Cependant, l'accès à des places en service de garde de qualité en CPE est
encore loin d'être universel dans le réseau québécois.
La troisième
condition est l'accessibilité. La recherche observe les plus grands bénéfices
pour la société quand les services de
garde de qualité sont accessibles à l'ensemble de la population et en
particulier aux plus vulnérables. Il est en effet difficile d'obtenir un
impact au niveau populationnel sans accès réel pour l'ensemble de la
population.
Mme
Lemay (Lise) : Donc, je vais poursuivre. À l'encontre de ces
conditions, nous observons une tendance du gouvernement actuel à favoriser
le développement de places dans le réseau de services de garde commerciaux
privés. Initialement, en 1997, le gouvernement avait planifié que toutes les
nouvelles places en service de garde régi seraient développées dans des CPE et que les services de garde commerciaux
devaient progressivement se convertir en CPE. Or, en 2014, non seulement les deux systèmes
coexistent toujours, mais ce sont les garderies commerciales non
subventionnées qui ont
connu le plus grand essor depuis 2009 avec 71 % de toutes les nouvelles
places créées pendant cette période. Qui plus est, les mesures mises en place par le gouvernement freinent
systématiquement le développement des places dans les CPE, pensons à la
règle du cumul de fonds d'exploitation, l'avance de 50 % des immobilisations,
la suspension des projets acceptés, etc.
Ainsi, nous notons que l'essor des garderies privées ne reflète pas
nécessairement une demande des parents
pour ce type de garde mais le manque de places général, combiné au
désengagement de l'État dans le développement du réseau des CPE.
Avec
la mise en application des mesures fiscales du projet de loi n° 28,
on mine encore plus l'accès des familles aux services de garde de qualité en CPE, car il semble que, pour
plusieurs d'entre elles, il sera plus économique d'opter pour une place en garderie privée non subventionnée que
de chercher une place subventionnée. Sur cette base, nous sommes donc particulièrement préoccupés par le fait que
l'augmentation et la modulation des tarifs prônées par la loi n° 28
créeront un mouvement migratoire des
inscriptions au profit des garderies commerciales non subventionnées, services
reconnus par la recherche comme étant
généralement de moindre qualité. En nous basant sur les connaissances
empiriques, nous anticipons que le projet de loi n° 28 aura
des conséquences à court terme sur l'accès équitable à des services de garde de
qualité et à long terme sur le développement des enfants.
D'abord, au sujet de
l'accès, en particulier pour les familles vulnérables, la recherche montre que
même des petites augmentations de tarifs ont
des effets importants sur les décisions de familles en situation de précarité
et que, si les coûts sont trop
élevés, ces familles risquent de se tourner vers des modes de garde informels
de moindre qualité ou de quitter leur
emploi. La proposition actuelle de subventionner les coûts assumés par les
familles avec un crédit d'impôt ne réglera
pas le problème, car les familles très vulnérables n'auraient pas les moyens
d'accéder à ces crédits. Les experts s'entendent
à l'effet que la mesure la plus efficace est le remboursement direct aux
fournisseurs de services ou encore le très faible coût pour les parents.
• (16 h 10) •
Ce
projet de loi sera aussi défavorable à la qualité des services de garde. Déjà,
les coupures à répétition — pensons à la coupure
de la subvention pour milieu défavorisé — ont déjà fragilisé le secteur
des services de garde au Québec, diminuant
leur capacité à offrir des services de qualité aux enfants. En donnant une place plus importante
au libre marché, nous prévoyons également que cette loi exercera une
influence sur le prix du service au détriment de sa qualité. Rappelons que 70 % des plaintes, au Québec, se retrouvent dans les garderies
commerciales non subventionnées. Les causes les plus probables incluent le manque de surveillance et de contrôle
adéquat de la réglementation dans les services de garde non
subventionnés et aussi les exigences moindres de qualification de leur
personnel éducateur.
Enfin,
ce projet de loi menace un principe de base du réseau de services de garde du
Québec pas encore pleinement réalisé,
c'est-à-dire l'universalité. La loi n° 28 constitue un changement de
paradigme complet du pacte social stipulant que les services publics
sont financés par l'ensemble des individus en fonction de leurs revenus, alors
que la population québécoise soutient
largement le principe de l'universalité, notamment en petite enfance. Pourtant,
c'est par l'universalité des services
de garde qu'on s'assure de rejoindre un maximum d'enfants, d'un taux de
fréquentation plus élevé, d'une hétérogénéité des groupes de pairs,
d'une qualité plus uniforme et donc de meilleurs effets pour les enfants, leurs
familles puis la société québécoise en entier.
Or,
l'augmentation et la modulation des tarifs en fonction du revenu signifient
que, pour le gouvernement actuel, l'éducation
à la petite enfance n'est pas un service essentiel, un droit des jeunes enfants
au même titre que l'éducation primaire
et secondaire. Rappelons que l'éducation débute dès la naissance et a cours
pendant toutes les années de la petite enfance,
ce qui en fait un moment névralgique pour le développement du cerveau. Lorsque
le droit des enfants à une chance égale
dans leur éducation est reconnu, tel que stipulé dans l'article 28 de la
convention des droits de l'enfant des Nations unies, le gouvernement se doit d'inclure l'éducation à la petite enfance
dans sa réflexion. À ce sujet, les experts affirment en grand nombre que, et je cite, «l'État doit
assurer des services qui au minimum procurent un filet de sécurité pour
les plus vulnérables et qui au mieux soutiennent la cohésion, la justice et
l'inclusion sociale. Ces services aplaniront potentiellement les inégalités
sociales [...] entre les plus fortunés et les plus vulnérables.»
Mme
Bigras (Nathalie) : En somme, ce projet de loi ne mène ni à la
qualité, ni à l'universalité, ni à l'accessibilité à des services de garde éducatifs à la petite enfance. Un débat axé
exclusivement sur la source de financement des services de garde masque les enjeux
véritables qui ont motivé la création de ce réseau et qui en justifient encore aujourd'hui
l'investissement public, soit l'égalité des chances, la réussite
scolaire et la réduction des inégalités sociales. Ce projet de loi nuira à l'atteinte de ces objectifs.
Les
économies réalisées par la modulation et l'augmentation de la contribution
parentale risquent d'être minimes et ne compenseront pas les coûts
qu'elles généreront pour la société québécoise. Ainsi, nous nous opposons à ce
projet de loi et faisons les recommandations suivantes. D'abord...
Le Président (M.
Bernier) : ...une minute pour terminer.
Mme
Bigras (Nathalie) : En tout premier lieu, nous demandons au
gouvernement de retirer les articles 145 à 168 du projet de
loi n° 28 concernant l'augmentation et la modulation des tarifs. En
deuxième lieu, dans l'immédiat, nous demandons
au gouvernement de reprendre le développement des places dans les CPE prévu au
plan de développement de 2012. En
troisième lieu, nous suggérons fortement au gouvernement de s'assurer d'un
niveau de qualité élevé dans les services
de garde financés par l'État. Pour y arriver, nous prônons la mise en place
d'un suivi continu de qualité dans tous les services de garde régis par l'État ainsi qu'un moratoire sur le
développement de nouvelles places dans les services de garde à vocation commerciale d'ici à la parution, en
2015, des résultats de l'enquête Grandir en qualité 2014 qui a
examiné ces services. De plus...
Le Président (M.
Bernier) : ...Mme Bigras, allez-y sur le temps du
gouvernement, là.
Mme Bigras (Nathalie) : ...nous
suggérons au gouvernement de soutenir le financement d'études d'experts indépendants afin d'assurer un suivi régulier du
niveau de qualité des services de garde régis par le gouvernement. Et
nous invitons également le gouvernement à créer un groupe de travail non
partisan composé d'experts qui sera chargé de lui
formuler des recommandations afin de s'assurer que la société québécoise
bénéficie d'un réseau de services éducatifs à la petite enfance
universel, accessible, équitable et de haute qualité. Lorsqu'il est question de
sujets touchant le financement public, il apparaît qu'une représentativité de
points de vue dans la consultation et la prise de décision est essentielle,
comme l'a démontré le rapport Un Québec fou de ses enfants.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le ministre.
M.
Leitão : Très bien. Merci, M. le Président. Mesdames, merci d'être là.
Vous avez fait vos recommandations. Ça
ne vous surprendra pas, probablement, d'apprendre que je ne suis pas
particulièrement convaincu de vos propos. Alors, ce ne sera pas une
surprise.
Mais j'ai
quelques... On a beaucoup parlé de services de garde au cours des derniers
jours, semaines. Ça me laisse un peu perplexe à certains égards.
Beaucoup d'arguments que nous avons entendus ici me semblent... les mises en garde qui nous ont été faites par vous et puis
d'autres personnes, on avait entendu
le même genre d'arguments presque mot
à mot quand les tarifs sont passés de 5 $
à 7 $ : retrait massif des femmes du marché du travail, diminution
d'accessibilité. Pourtant, ce n'est pas ça à
quoi on a assisté. Au contraire, en faisant cette augmentation de 5 $ à
7 $ par jour, on a réussi à obtenir plus de financement pour
continuer à développer le système.
Alors, je ne vois pas pourquoi maintenant mettre
la modulation selon le revenu, et donc une hausse pour les personnes à hauts
revenus... comment cela pourrait dégénérer dans un... bon, tous les mots que vous
avez fait part. C'est-à-dire on va moduler selon le revenu. Les personnes à
faibles revenus paient la même chose qu'avant ou même légèrement moins, 60 % de toutes les familles québécoises vont
payer 9 $ ou moins. Il nous semblait, avec le gouvernement précédent, que 9 $ par jour semblait être
plus ou moins acceptable. Alors, les 40 % qui vont payer plus que 9 $
sont les 40 % qui ont des revenus plus élevés. Alors, je ne vois
pas comment ça va mettre le système en péril.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bigras.
Mme Bigras (Nathalie) : Je pense que
ce qu'il faut souligner d'abord, M. le ministre, c'est qu'au moment où le gouvernement fédéral est entré en place, en
2003, et qu'il a fait passer les tarifs de 5 $ à 7 $, on n'était pas
dans un réseau où les places en
garderie non subventionnée avaient pris autant d'espace. Donc, on l'a bien
souligné dans notre mémoire, depuis
2009 c'est 40 000 nouvelles places qui ont été créées
exclusivement... pratiquement exclusivement dans le réseau des garderies que nous, on appelle à
vocation commerciale pour les distinguer des garderies sans but lucratif,
parce qu'on sait qu'elles ont toutes un mode
privé, là, donc on utilise le terme «commercial», ce n'est pas péjoratif pour
nous.
Ce qu'on remarque, dans ce contexte-là, c'est
que la façon dont la modulation des tarifs est faite, pour nous, clairement incite les familles les plus
vulnérables à se tourner vers les tarifs non subventionnés, c'est-à-dire
35 $ par jour et plus, compte tenu de l'économie qu'ils vont faire
davantage grâce aux crédits d'impôt en allant dans les garderies commerciales. Et c'est ce qui nous inquiète. Si on
regarde les tableaux, là, de projection d'augmentation qu'on a vus sur le site du ministère de la Famille et du ministère
des Finances, ça devient moins cher, pour les familles qui ont des moins grands revenus familiaux, d'aller en
garderie privée non conventionnée parce qu'ils ont une économie au
niveau du coût, donc, par jour.
Le Président (M. Bernier) :
M. le ministre.
M. Leitão : Je m'excuse, mais ça, je
ne vous suis pas dans ce raisonnement. Je peux comprendre que les personnes à
hauts revenus puissent être tentées d'aller vers une garderie privée non
subventionnée, parce qu'ils vont chercher
des crédits d'impôt fédéral importants, mais une famille à bas revenus, qu'elle
trouve les garderies à 35 $ plus...
Mme Bigras
(Nathalie) : Ça va être
attirant d'une certaine façon parce
que le crédit d'impôt va les rembourser davantage que...
M. Leitão : Mais, si le revenu est
bas, il n'y aura pas grand remboursement.
Mme Bigras
(Nathalie) : Mais les coûts
journaliers sont plus faibles dans ces cas-là. Nous, c'est qu'on a vu
dans les tableaux.
Donc, on est
inquiets pour ces familles-là et on est inquiets aussi parce que
ça va les inciter à s'en aller du côté de la commercialisation. Et c'est ça qui nous inquiète, en fait, c'est la
commercialisation des services de
garde qu'on sent derrière ce projet de loi. Et notre argumentaire, notre mémoire est construit autour de ça,
autour du fait que la commercialisation des services de garde,
généralement, dans la littérature, n'est pas associée à une qualité
élevée et que c'est la qualité qui est le
facteur le plus déterminant pour obtenir des effets positifs sur le développement des enfants.
Le Président (M. Bernier) : M.
le ministre.
M. Leitão : ...c'est
la qualité qui est déterminante. Maintenant, moi, je ne vois pas du tout pourquoi
une garderie, qu'elle soit à but lucratif ou
à but non lucratif... Ce n'est pas ça qui va avoir un effet déterminant sur la
qualité, à mon avis, c'est son encadrement, c'est sa réglementation,
la façon dont les règlements sont appliqués et suivis par le ministère
de la Famille, c'est ça qui va faire la différence. De toute façon, je ne vois
pas la différence.
Bon, les collègues, si vous avez des questions...
• (16 h 20) •
Le Président (M. Bernier) : Mme
la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : Merci,
M. le Président. Merci, mesdames.
Bienvenue. Je lis à la page 21 de votre mémoire : «...ce projet
de loi sera défavorable à l'accessibilité aux SGEE de qualité, en particulier pour les familles
vulnérables.» Ça, c'est une déclaration que vous faites.
Les familles
vulnérables, je présume que c'est des familles dont le revenu familial est de
50 000 $ et moins...
ou est-ce que votre définition est différente que la mienne?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bigras.
Mme Bigras (Nathalie) : Les familles
vulnérables sont calculées selon les seuils de faibles revenus. Donc, dépendamment de la région dans laquelle ils se
retrouvent, dépendamment du nombre de personnes dans la famille, on a un seuil de faibles revenus qui varie. Selon les
tables de seuils de faibles revenus, dans certaines régions comme la
région de Montréal, le niveau de faibles
revenus pour deux adultes et deux enfants, c'est autour de 50 000 $, 50 000 $ à
55 000 $.
Mme de Santis :
C'est 50 000 $ à Montréal. Donc, c'est un petit moins ailleurs dans
la province.
Maintenant,
les personnes dont le revenu familial est 50 000 $ et moins, on ne change absolument pas le tarif
qui sera payé pour chaque enfant par jour
dans un CPE, ça ne change pas. Donc, quand vous faites cette déclaration que
ce projet de loi est défavorable en
particulier pour les familles vulnérables, c'est une déclaration que je ne
comprends pas, parce que c'est très
fort comme déclaration, mais, quand je regarde les faits, je ne comprends pas
comment vous arrivez à cette conclusion.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bigras.
Mme Bigras
(Nathalie) : J'y arrive de la même façon dont je viens de le dire à
M. Leitão, c'est-à-dire en regardant les tableaux puis en voyant qu'il y a un risque, pour les familles
vulnérables, de se retrouver à être attirées soit dans les garderies commerciales parce que le crédit d'impôt
va leur permettre d'avoir un coût moins élevé par jour, ou bien elles
vont simplement... De toute façon, les familles vulnérables en grande quantité,
pour l'instant, ont déjà de la difficulté à se retrouver dans les services de
garde, donc vont y être encore moins ou ne vont pas décider d'y aller parce
qu'il n'y a pas d'incitatif pour aller dans
les centres de la petite enfance. Donc, c'est pour ça que nous, on recommande
de passer à des frais de garde encore moindres pour les familles
vulnérables.
Le Président (M. Bernier) :
Mme la députée.
Mme de Santis :
Mais la phrase qui suit cette première phrase que j'ai lue, ça dit : «...même
[des] petites augmentations de tarifs
auraient une influence sur la fréquentation des services de garde, d'autant
plus si le montant à débourser n'est
pas clair.» Maintenant, même des petites augmentations de tarifs, donc,
l'explication que vous venez de donner,
je ne peux pas faire le lien entre ça et votre déclaration dans votre mémoire,
page 21, parce que vous parlez des petites augmentations de tarifs,
et ici il n'y a pas de petite augmentation de tarifs, il n'y en a pas.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bigras.
Mme Bigras
(Nathalie) : En fait, ce que je dis, c'est qu'il y a plusieurs
facteurs qui contribuent à faire que les familles vulnérables risquent de moins se retrouver dans les services de
garde en CPE de qualité, dont, entre autres, lorsque les tarifs semblent
plus élevés.
Il ne faut
pas oublier aussi que, pour certaines familles, tout ce système-là de crédit
d'impôt, d'organisation de l'information
est très compliqué à comprendre. Alors, pour certaines familles, puis ce qui
est recommandé à l'international lorsqu'on
regarde les réseaux de services de garde qui ont fait leurs preuves, c'est
plutôt d'avoir un très faible coût ou un coût gratuit lorsque les gens s'inscrivent, parce que sinon c'est trop
compliqué, et ils ont de la difficulté à saisir comment ça fonctionne, donc ils aiment mieux se retourner
vers le marché au noir ou vers les services qui vont être moins
compliqués à comprendre et où ils vont savoir combien d'argent ils doivent
retirer de leurs poches à tous les jours. Donc, il y a cet aspect-là aussi.
Donc, il y a
plusieurs aspects autour de l'accessibilité. Entre autres, il y a le coût, si
ça augmente, effectivement, c'est difficile, mais il y a aussi toute la
question du crédit d'impôt qui est difficile à comprendre pour beaucoup de familles. Puis il y a aussi la question de la
qualité des services, qui sont aussi importants et qui ne sont pas
nécessairement toujours observables pour les gens dans les milieux qu'ils
fréquentent.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Mme la députée.
Mme
de Santis : Quand on parle de qualité, je suis tout
à fait d'accord avec vous, avant tout il faut regarder la qualité des services qui sont offerts dans les
quatre différents types de services de garde. Pour moi, c'est numéro un.
Et je sais comment c'est important dans le
développement d'un enfant et quelles chances ça peut donner à un enfant que
l'enfant n'aurait pas autrement.
Mais, vous
savez, quand vous parlez du commercial, je regarde les écoles privées au
Québec, les résultats des étudiants
qui vont aux écoles privées au Québec sont meilleurs que dans le secteur
public, soit en français soit en mathématiques,
et, bon Dieu, les écoles privées, c'est aussi commercial! Donc, quand vous
dites : Commercial, moins de qualité, c'est quelque chose que Rita
comprend mal. Il faut s'assurer...
Une voix : ...
Mme de Santis :
Oh! Je n'ai pas le droit de me... O.K., parfait.
Le Président (M. Bernier) :
Je vous permets cette petite faille, étant donné qu'elle vient de vous-même.
Mme de Santis :
O.K. Alors, pouvez-vous... Et, si on fait le nécessaire — que, je présume, on fait ou on
devrait faire — pour
s'assurer que la qualité est bien partout, et on va trouver des défiances dans
toute catégorie, quel est le problème avec le commercial?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bigras.
Mme Bigras
(Nathalie) : La plupart des gens qui ne comprennent pas, justement,
cet argument-là réfèrent au système
scolaire et parlent du privé pour illustrer leur propos. Ce qu'il faut
comprendre, c'est que le réseau des services de garde éducatifs à la
petite enfance ne fonctionne pas comme un réseau scolaire et qu'on a de la
difficulté à comparer, quand on parle de
privé versus public, le système scolaire avec le système des services de garde
éducatifs à la petite enfance, premièrement,
parce que dans le réseau privé du milieu scolaire les gens qui s'y retrouvent
sont habituellement très, très favorisés.
Donc, on dit souvent que c'est un écrémage. Les gens qui vont envoyer leurs
enfants dans les écoles privées sont souvent beaucoup plus favorisés,
donc ça peut expliquer les résultats. Ça, c'est d'une part.
D'autre part,
toutes les études qu'on a consultées au sujet de la commercialisation des
services de garde éducatifs destinés
à la petite enfance vont toutes dans le même sens et nous disent toutes :
Lorsque les enfants sont petits, quand il s'agit de services de garde éducatifs, il est préférable d'utiliser un
système public subventionné, surtout parce que c'est difficile pour les parents d'évaluer le niveau de
qualité parce qu'ils ne voient pas la qualité, c'est un service qui est
reçu pour leurs enfants et pas pour eux. Donc, il y a cet aspect-là.
Et l'autre
aspect, c'est que, dans toutes les études, lorsqu'il y a des réseaux
commerciaux de services de garde qui existent, c'est associé à une
qualité plus faible, pour différentes raisons, pour différents facteurs, mais
surtout parce que ce qui est recherché, dans
un service commercial, c'est le profit et que souvent le profit est
incompatible avec la qualité. C'est-à-dire que, lorsqu'on exige une
qualité plus élevée, ça fait diminuer les profits, et il n'y a pas de
possibilité à ce moment-là, pour les
services de garde, d'offrir une qualité suffisante équivalente. Donc, c'est ce
que nous, on a trouvé, et un peu partout à travers le monde c'est ce
qu'on constate. Lorsque les services de garde sont commerciaux, la qualité est
toujours plus faible. Et ce n'est pas mon opinion personnelle, c'est ce qu'on a
vu dans les études.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Mme Lemay... Oui, M. le ministre, vous voulez ajouter quelque
chose?
• (16 h 30) •
M.
Leitão : ...évidemment je ne partage pas du tout cette approche. Moi,
je ne vois aucune contradiction entre la poursuite d'un rendement, d'un profit, comme vous l'avez dit, et la
qualité, au contraire. Moi, je pense qu'un service, quoi qu'il soit, service de garde ou n'importe quel
autre service, pour qu'il soit rentable, il faut qu'il soit de qualité, sinon
les gens ne vont pas y aller. Donc, les garderies à but lucratif, pour pouvoir
survivre, pour pouvoir être rentables, doivent nécessairement offrir un
bon service, parce que sinon elles se trouveront vides. Donc, je ne vois pas de
contradiction.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bigras.
Mme Bigras (Nathalie) : Si vous me
permettez, M. le Président, c'est sûr que ce raisonnement-là s'applique bien dans une société où les services
compétitionnent les uns avec les autres, mais, dans un système
comme celui qu'on a actuellement, où il manque de places, les gens ne vont pas
nécessairement choisir les services de garde selon leur qualité mais
selon les places qui sont disponibles. Donc, ça, c'est un des éléments.
Je pense que, Lise, tu voulais ajouter quelque
chose par rapport à ça.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Lemay.
Mme Lemay
(Lise) : Bien, je pense qu'on ne parle pas aussi de qualité... Quand
on parle de la qualité des services qui sont
offerts aux jeunes enfants, ce n'est pas nécessairement la même qualité
qu'un autre produit ou un autre service
en général. La qualité des soins qui sont offerts aux jeunes
enfants, on va parler de la qualité des lieux et du matériel qui leur sont offerts, de l'aménagement de l'espace, d'avoir de l'espace assez grand pour pouvoir bouger quand
on est tout petit. On va parler d'une belle programmation aussi qui est
équilibrée entre des activités très énergiques, des activités
où est-ce que l'enfant peut récupérer aussi. On va parler d'un adulte qui est
attentif, qui est connaissant du développement des jeunes enfants, qui va les
observer, planifier les activités qui vont être le plus appropriées à leur niveau de développement, qui va entrer en relation avec les parents
aussi. Donc, c'est des éléments, à part pour les lieux, qui ne sont pas
nécessairement perceptibles pour le parent qui s'occupe de trouver ces
services-là. C'est vraiment expérimenté par le tout-petit, qui ne va pas nécessairement
faire de retour sur le sujet.
Puis
on parlait tantôt du milieu scolaire puis du milieu de la petite enfance. Qu'est-ce qui fait la différence? Bien, au niveau des exigences, prenons seulement les
exigences de formation qui sont plus uniformes pour le milieu scolaire, hein, les enseignants ont une formation assez
similaire, de niveau baccalauréat. Quand on arrive en petite enfance,
bien là on a plus de variations, on a une
diversité de parcours qui amènent à être éducatrice. Donc, ça, là, ça influence
toutes les connaissances, puis qui amène à cette qualité-là, la capacité
d'offrir aux enfants les services de qualité qu'ils ont de besoin. Donc, si on parle de variations, qu'est-ce
qui fait la différence, bien ça peut jouer. D'ailleurs, la formation des
éducatrices, c'est un facteur associé fréquemment à la qualité, qui va faire la
différence entre le niveau dans le public et dans le privé.
Le Président (M.
Bernier) : M. le ministre.
M. Leitão :
...moi, je pense que les garderies privées doivent aussi répondre aux mêmes
critères qui leur sont imposés par le
ministère de la Famille pour avoir leur permis, et donc le personnel doit être
aussi qualifié qu'en CPE. Encore
une fois, je ne vois pas quelle est... je ne vois pas la contradiction.
Je
ne suis pas en train de dire non plus que demain matin on va tout transformer
en garderies privées, comme on va tout transformer en CPE non plus. Je
pense que notre système hybride comme nous l'avons aujourd'hui... je pense qu'il est capable d'évoluer. Et de cette façon-là on peut s'assurer qu'on va avoir une place pour tout le monde, parce qu'il ne nous manque pas de places en garderie, au Québec,
il nous manque de places subventionnées. Donc, si on peut s'assurer qu'on est capable de maximiser les places qui
existent déjà sans construire nécessairement de nouvelles, on pourrait
mettre fin aux listes d'attente. Et à ce moment-là, oui, il y aurait un
peu plus de compétition dans le système,
et je pense que ça améliorerait la qualité totale. Mais ça, ce sont mes
propos...
Le Président (M.
Bernier) : ...c'est vos pensées.
M. Leitão :
...mes pensées. Alors, je veux...
Le
Président (M. Bernier) : Une réaction? 30 secondes, Mme Bigras, avant de passer du
côté de l'opposition officielle.
Mme Bigras
(Nathalie) : Peut-être que je pourrais conclure, M. le ministre, par
une illustration.
Dans
la formation que nous, on offre en éducation à la petite enfance, on est amenés
à enseigner beaucoup à des éducatrices
qui travaillent déjà dans les services de garde à vocation commerciale, on en
a, moi, je dirais, 60 %,
parce qu'on offre un certificat qualifiant.
Donc, elles viennent suivre un certificat et elles vont être reconnues comme
qualifiées au bout de 10 cours, en ayant trois ans d'expérience.
Ces
dames-là, souvent, lorsqu'elles viennent suivre la formation, sont à leurs
premières armes d'entendre parler de ce
que c'est, la formation, parce que,
bien qu'on dise qu'il y a une formation qui est exigée, vous le savez, la
réglementation fait que c'est deux personnes sur trois qui doivent être formées
dans les services de garde. Et jusqu'en 2012, dans les garderies, c'était deux... une personne sur trois. Donc, c'est en train
de changer, ils ont dû se conformer. Ils doivent atteindre cette conformité-là depuis 2012, les derniers
rapports dont on dispose datent de cette année-là. Et ce que ces éducatrices-là
viennent nous dire, lorsqu'elles suivent la formation avec nous, c'est qu'elles découvrent ce que
c'est, la qualité, elles découvrent
ce que c'est, le développement de l'enfant. Elles découvrent qu'il y a
une réglementation, elles découvrent qu'il y a des
ratios. Et souvent elles nous disent : Bien, ce n'est pas toujours
respecté dans mon milieu, ce n'est pas toujours respecté, la réglementation. Je n'ai pas fait d'étude là-dessus,
parce qu'évidemment c'est
anecdotique, mais elles sont nombreuses à nous dire ça. Et, moi, ça
confirme ce que j'ai vu lorsqu'on a fait les études sur la qualité et lorsqu'on
a fait l'étude Grandir en qualité, c'est que la qualité dans les
services de garde à vocation commerciale était beaucoup plus faible que dans
les CPE.
Évidemment,
on ne le sait pas pour aujourd'hui. L'enquête Grandir en qualité 2014 a
eu lieu l'an dernier, on attend les
résultats. C'est un peu aussi pour ça que je demandais un moratoire sur le
développement des nouvelles places en service de garde à vocation commerciale, parce qu'en 2015 on aura les résultats
de Grandir en qualité 2014 puis on pourra dire si, oui ou non,
c'est encore le cas. Pour l'instant, on attend ces études-là.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau :
Oui, merci, M. le Président. Alors, Mmes Bigras, Brunson et Lemay,
bonjour. Merci d'être là, merci pour votre mémoire.
Bon,
le débat fait rage dans cette commission depuis ce matin. C'est un débat qu'on
a eu un peu auparavant mais qu'on a
beaucoup aujourd'hui. Et puis c'est un peu difficile parce que d'un côté on a
la science, des études, des chercheurs qui
ont documenté des phénomènes, les ont analysés, ont travaillé avec les chiffres
disponibles, puis de l'autre côté vous avez
une opinion. Alors, évidemment, la personne qui est fermée à la science puis
qui ne veut pas s'ouvrir à la connaissance, elle va être difficile à
convaincre. Je pense qu'on est là-dedans beaucoup aujourd'hui, là.
Et
puis je pense qu'on peut expliquer qu'on a tous, tous... Moi, comme député,
j'ai visité déjà des installations commerciales
qui étaient très bien, de toute évidence très, très bien, cela existe, de la
même manière qu'il existe probablement des CPE moins bons que les
autres, mais ce que les résultats montrent, c'est qu'en moyenne, sur de grands échantillons, les CPE ont un impact sur le
développement des enfants, un impact favorable, et ce n'est pas cas pour
les autres modes de garde. C'est plate, là,
peut-être, pour quelqu'un qui aime... qui voudrait favoriser le secteur
privé, mais c'est ça que les résultats
montrent. J'ai beaucoup de misère, moi, avec la conversation, je ne sais pas,
un peu bizarre, là, qu'on a depuis le début de la journée.
Le Président (M. Bernier) : ...M.
le député de Rousseau.
M. Marceau :
Mais, cela étant, je voulais vous demander quand même, là, question de tenter
de finir de convaincre mes collègues de l'autre côté : Pouvez-vous
tout simplement décrire les facteurs qui sont pris en compte pour évaluer la qualité? De quoi on parle? De quoi
on parle, là? Quels sont ces critères de qualité qui sont mesurés puis
qui permettent d'affirmer à la fin, là, des travaux que tel mode de garde est
supérieur à tel autre? Ça, c'est ma première question.
Puis ma deuxième : Pouvez-vous nous dire à
quoi on peut s'attendre? Non pas d'anticiper les résultats de ce qu'il y aura dans Grandir en qualité 2014,
mais est-ce qu'on sera capables de statuer encore mieux, disons, sur la
question de la qualité de nos services de
garde par mode de garde, par exemple? Est-ce qu'on pourra faire ça à l'aide
de l'enquête qui sera rendue publique en 2015?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bigras.
• (16 h 40) •
Mme Bigras
(Nathalie) : Merci pour votre question. En fait, la qualité, lorsqu'on
la mesure et... lorsqu'on l'a mesurée
dans l'enquête Grandir en qualité, on a utilisé un instrument qui
s'appelle l'échelle d'observation de la qualité éducative, qui a été conçu au gouvernement ici, au ministère de la
Famille, en collaboration avec l'Institut de la statistique du Québec. C'est le même instrument qui a été
utilisé en 2003, qui a été à nouveau utilisé en 2014. Et cet instrument-là,
avec une observation en présence d'une observatrice formée, entraînée, avec
accord interjuges et tout ça, allait dans le
milieu, et passait la journée dans le service de garde, et observait différents
paramètres dont on a parlé tout à l'heure, dont Lise a parlé tout à
l'heure, c'est-à-dire la structuration des lieux... Est-ce que l'aménagement
répond aux besoins développementaux des
enfants, est adapté à leur âge? Est-ce que les objets qui sont offerts aux
enfants, qui sont à leur disposition
leur permettent de développer de l'autonomie? Est-ce que les interactions qui
sont vécues dans le milieu de garde sont chaleureuses, adaptées aux
besoins des enfants, suffisantes, régulières, individualisées? Donc, tout ça,
ce sont des éléments qui sont reconnus comme
étant associés à un développement optimal du jeune enfant, surtout du très
jeune enfant, donc ce dont on parle quand on
parle des services de garde éducatifs à la petite enfance, on se rappelle que
c'est des enfants de 0-4 ans. Également, il y a toute la question des
activités, de la programmation, ce qui est offert comme activités de
stimulation aux enfants, est-ce que ça tient compte de leur niveau de développement.
Donc, il y a une série de paramètres très, très
précis qui ont été développés par l'Institut
de la statistique avec des chercheurs, à l'époque, sur ce qui doit être
présent.
Et en plus de
tout ça on sait par l'enquête Grandir
en qualité 2003 qu'il y a plusieurs facteurs qu'on dit qu'ils sont associés à cette qualité-là. Donc, cette
qualité-là qui est observée, on va l'appeler la qualité des processus,
c'est-à-dire : Comment
se passent les choses au niveau... du point
de vue de l'enfant au quotidien?
Qu'est-ce qu'il reçoit? Qu'est-ce qu'il
vit? Qu'est-ce qu'il expérimente? Et les facteurs associés à la qualité, c'est
tout ce qui concerne la réglementation, donc le ratio, le nombre d'enfants par groupe, la formation du
personnel, l'expérience, la formation de perfectionnement, donc tous des éléments qui sont plutôt liés à ce
qu'on appelle la réglementation. Et plusieurs de ceux-là ont été
identifiés comme étant associés à une
qualité plus élevée ou plus faible. Donc, quand le ratio est trop élevé, quand il y a
trop d'enfants dans un groupe, c'est associé à une qualité plus faible.
Quand la formation du personnel n'est pas suffisante, donc qu'il n'y a pas un
niveau de formation en éducation à la petite enfance, donc une qualification de
ce type-là, c'est aussi associé à une qualité plus faible et surtout à la
qualité des interactions.
Tu peux peut-être... Lise peut peut-être
compléter.
Le Président (M. Bernier) : M.
le député de Rousseau, est-ce que vous avez une question ou si on...
Mme Bigras (Nathalie) : Bien, juste
pour compléter au niveau de la qualité.
Le Président (M. Bernier) :
Ça va? Mme Lemay, allez-y.
Mme Lemay
(Lise) : Bien, en fait, ça
fait le tour, mais, oui, effectivement, il y a la qualité des processus dont Nathalie parle, toutes sortes de facteurs liés à
la réglementation, mais il y a plusieurs... Nous, on s'est intéressés à un modèle écosystémique, hein, de la qualité où on va
retrouver au centre la qualité des processus puis différents niveaux de variables qui
vont venir jouer. Donc, oui, il y a toute la réglementation. Puis après on peut
même monter jusqu'à la direction : Comment
est son leadership? Est-ce qu'elle a une mission forte dans son service de
garde? Puis après on peut monter au niveau des décisions qui se
prennent, un petit peu comme les discussions qu'on a ici, qui vont avoir une
influence sur tout ce qui se passe dans les milieux. Donc, gardez ça en tête
aussi.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Mme Brunson.
Mme
Brunson (Liesette) : O.K.
Bien, je vais juste poursuivre avec l'idée de la qualité. Au coeur de ce
concept-là, on a l'idée que l'éducatrice, la
personne qui interagit avec l'enfant est capable de répondre aux besoins
développementaux de l'enfant qui est devant
elle ou lui. Et, comme parents, par
exemple, on pense qu'on connaît bien
nos enfants, et on les connaît bien,
mais moi, je donne une anecdote personnelle : J'ai étudié la psychologie
du développement, j'ai un enfant de deux ans et demi maintenant, et mon éducatrice à la garderie est capable de
m'aider à voir que je peux aller plus loin avec mon enfant que je pense parce
qu'elle connaît quoi est possible. C'est subtil, c'est vraiment dans
l'interaction au quotidien qu'on peut
voir ça, qu'on peut aider pas juste l'enfant où il est en ce moment mais
l'aider à aller plus loin aussi. Et ça
prend de la formation, ça prend des connaissances, ça prend vraiment une belle
adaptation à chaque enfant devant nous.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
Mme Bigras
(Nathalie) : La différence aussi, j'ajouterais, entre le parent puis
l'éducatrice, c'est que l'éducatrice, elle,
est formée pour travailler avec un groupe d'enfants, elle est formée pour
travailler avec un ensemble d'enfants avec des besoins différents, et de s'y adapter, et de concevoir une structuration
des activités qui va répondre à tous ces enfants-là. Donc, elle doit être capable de les observer, de
les comprendre. On mesure ça
aussi : Est-ce qu'il y a de l'observation? Et on mesure,
finalement, quel genre d'interactions s'établissent avec les parents de ces
enfants-là, parce qu'au coeur d'un jeune enfant qui fréquente le service de
garde il y a d'abord ses parents et sa famille.
Votre
deuxième question était au niveau de : À quoi on s'attend au niveau des
résultats par rapport à la prochaine enquête Grandir en qualité...
bien les prochains résultats qui vont être publiés de l'enquête Grandir en
qualité 2014? D'abord, on va avoir des
données partielles parce que, vous savez, l'Association des garderies privées
s'est opposée à participer à cette
étude-là, donc les garderies privées subventionnées ne feront pas partie de ces
résultats-là, malheureusement. Et
également les RSG n'y seront pas non plus parce qu'elles étaient aussi en
période de renouvellement de convention et elles n'ont pas suffisamment accepté de participer pour qu'on puisse
avoir ce qu'on appelle un échantillon représentatif, parce que c'est une enquête qui était
populationnelle. Donc, l'information dont on disposera, ce sera l'information
sur les garderies commerciales, qui, bon,
sont en grand nombre de toute façon parce qu'il y a 40 000 places qui
ont été développées depuis 2009, et les CPE, pour les petits et pour les
plus âgés.
• (16 h 50) •
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau : Merci, ce sera...
Fort intéressant. Mais je veux revenir sur votre réponse très, très complète et
puis très, très utile et très informante,
là, sur les outils, sur les outils que vous utilisez pour mesurer la qualité.
On voit que c'est extrêmement
rigoureux, qu'il y a beaucoup de critères qui sont utilisés. Puis je me permets
de dire qu'on est loin d'une opinion, on parle de travail empirique
rigoureux avec des méthodologies rigoureuses.
Juste vous soumettre que, peut-être pour
réconcilier le ministre avec moi, on peut très bien imaginer que la réglementation exige, impose une qualité minimale
et insuffisante pour avoir un impact sur le développement des enfants, en tout cas un impact positif sur le développement
des enfants, donc une espèce d'endroit où on s'occupe de nos enfants
correctement mais sans plus, et puis que d'autres institutions — puis
dans ce cas-ci, en moyenne, ce serait le cas pour
les CPE — malgré
le fait que la réglementation soit à ce niveau-là, aient choisi, de par leur
histoire, parce qu'on sait que les
CPE, dans certains cas, ça origine de garderies communautaires qui existaient
dans les années 70, bon, en tout cas, pour
des raisons historiques se soient dotées de standards, disons, de
fonctionnement beaucoup plus élevés que ce qui est requis au strict
minimum, et je pense que ça expliquerait l'écart qui existe. Donc, ce n'est pas
imposé par la loi, c'est simplement que les CPE se seraient donné ce
fonctionnement-là. En tout cas, je vous laisse aller sur ma suggestion,
peut-être, je ne sais pas ce que vous en pensez.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bigras.
Mme Bigras (Nathalie) : Donc, il y a
plusieurs éléments qu'on a abordés dans notre mémoire au niveau des
caractéristiques des CPE qui généralement semblent faire unanimité autour,
effectivement, d'un intérêt plus grand autour
de la qualité, cela ne voulant pas dire que les autres ne s'y intéressent pas,
mais effectivement, quand on regarde comment fonctionnent les scores de
qualité, on peut avoir ce qu'on appelle un continuum. Donc, le niveau qui est anticipé comme étant associé à un développement de
l'enfant, c'est le niveau plus qu'un certain score, donc 2,5 et plus sur
4 était, selon les recommandations, associé au développement de l'enfant.
Il y a
plusieurs caractéristiques des CPE, comme leur vocation sans but lucratif mais
aussi le fait que les CPE se sont développés autour de la participation
très importante des parents, donc les parents qui font partie des conseils d'administration, qui soutiennent les décisions,
qui participent; l'implication des CPE dans leur communauté, les liens
que les CPE ont avec les CSSS, il y a beaucoup
plus de protocoles de collaboration entre CSSS et CPE que CSSS et
garderies. Tous ces éléments-là sont associés aussi à une qualité.
Puis, plus loin que ça, j'étais là au moment où
l'enquête Grandir en qualité 2003 a été publiée, et on a eu une demande foisonnante de la part des CPE et des
regroupements régionaux d'aller présenter les résultats pour comprendre
où ils devaient travailler pour s'améliorer. Je n'ai jamais reçu une telle
demande des garderies, sauf une fois, à peu près trois, quatre ans plus tard
après que les résultats aient été présentés, et tout le long où j'ai fait ma
présentation j'ai été interrompue
constamment, où est-ce qu'on protestait sur la véracité des résultats, donc,
alors que, lorsqu'on était en CPE, les gens nous disaient : Ah!
O.K., il y a ça, oui, c'est normal qu'on doive le travailler; on l'avait pas
tout à fait compris, on va s'y attaquer. Et,
depuis ce temps-là, il y a eu de nombreuses initiatives, notamment avec Avenir
d'enfants, notamment avec Odyssée, les projets des regroupements régionaux et de l'AQCPE qui
sont venus soutenir un accompagnement plus fort au niveau de la qualité,
qui démontre aussi un intérêt au regard de cet aspect-là pour les CPE.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. Mme Lemay. Non? C'est beau? M. le
député, il vous reste une minute.
M.
Traversy : Merci, M. le Président. Alors, tout d'abord vous
dire merci pour le travail colossal que vous nous présentez aujourd'hui
autour de la commission. C'est quelque chose qui est solide, qui est véridique,
qui n'est pas basé sur des perceptions. Et
je dois vous mentionner que plusieurs personnes avant vous, mesdames, se sont
référées à vos études et à votre mémoire notamment, là, pour étayer
leurs argumentaires. Donc, là-dessus, je vous remercie de cette contribution.
Peut-être une question éclair, étant donné les
quelques secondes que j'ai. J'ai compris qu'une de vos recommandations est d'avoir plus d'études, notamment de comités
d'experts pour assurer le suivi de la qualité dans nos réseaux de
services de garde. Est-ce que je
comprends, à la lueur de ce que vous
avez vécu avec Grandir en qualité 2014, que vous aimeriez essayer d'élargir ces études-là aux garderies
privées subventionnées, aux RSG, essayer de regrouper l'ensemble du
réseau pour être capables d'avoir un point
juste de la situation? Est-ce
que c'est dans cette optique-là que
vous nous amenez, entre autres, cette recommandation?
Le Président (M.
Bernier) : Mme Bigras.
Mme
Bigras (Nathalie) : En
partie, oui, parce que d'abord il est démontré que, lorsque l'on veut
s'assurer d'un niveau de qualité dans un réseau de services de garde
éducatifs, on doit le monitorer, on doit en assurer le contrôle, et une enquête
aux 10 ans, 11 ans, ce n'est pas suffisant, d'une part. Et, d'autre
part, une enquête qui n'exige pas la participation
des gens, lorsqu'on est un ministère qui donne autant d'argent à ces services de garde là, ce n'est pas non plus une
enquête qui peut donner autant de résultats. Donc, effectivement, oui, quand on parle d'avoir des études, c'est des études plus régulières pour assurer un
monitorage régulier, par exemple aux cinq ans, mais aussi avec une
obligation de participation à tous les
prestataires de services qui seraient sollicités, parce qu'ils reçoivent des deniers publics et
ils doivent pouvoir démontrer qu'ils rencontrent les objectifs.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. Nous allons du côté, maintenant, de la
députée de Repentigny. Mme la députée, la parole est à vous.
Mme
Lavallée : Merci beaucoup, merci. On se revoit dans le cadre du
présent projet de loi. Lorsqu'on s'était vues, au projet de loi n° 27, vous aviez référé à un rapport
qui avait été fait sur la qualité des garderies en 2003, ce que je me
rappelle, parce que je vous avais dit : Ça date de longtemps, puis on
n'était pas à jour.
Le rapport du Vérificateur général pour l'année
2011‑2012 relève ce qui avait été dit dans ce rapport-là et mentionne ceci : «Pour les services offerts par les
CPE, la qualité de l'ensemble est jugée bonne dans les pouponnières et
passable pour les groupes d'âge préscolaire. Les services satisfont aux
exigences du programme éducatif prôné par le ministère. D'une part, il y a des aspects positifs dans l'environnement[...];
[mais] il y a aussi des lacunes, lesquelles devront être corrigées.»
Donc, ce n'était pas parfait dans ce réseau-là non plus.
Un peu plus loin dans
son rapport... Parce que, dans la page 23 de votre document, vous parlez
de la... vous mettez en doute la
qualification du personnel dans les garderies privées non subventionnées en
rapport au public, qui est nettement
et beaucoup supérieur. Et, dans ce rapport-là, on apprend que, bon, «le ratio
[du] personnel qualifié constitue l'un des indicateurs pris en
considération pour évaluer la qualité structurelle d'un service de garde. Pour
faire suite notamment aux conclusions de
l'enquête Grandir en qualité 2003, le ministère a revu son exigence en
la matière pour ce qui est des
garderies, qu'elles soient subventionnées ou non.» Donc, nous avons eu... le
ministère a décidé d'avoir les mêmes exigences au niveau du ratio du
personnel qualifié. Donc, normalement, ça devrait être pareil.
Un
peu plus loin, ce qui est intéressant : «Selon les dernières données
disponibles datant du 31 mars 2010, nous avons estimé que le
pourcentage de garderies subventionnées qui respectaient le ratio était au
maximum de 42 % [pour] 2008‑2009 et [...] 54 % [pour] 2009‑2010.»
Donc,
je veux bien entendre le critère de : Au public, nous sommes parfaits, au
privé ce n'est pas parfait, mais je regarde
ça... Puis c'est le rapport du Vérificateur général du Québec qui nous dit ça.
Donc, ce n'est pas parfait dans le réseau
public non plus, là, il y a des ratios qui ne sont pas respectés, la qualité
n'est pas parfaite non plus. Et je suis sûre que les gens font un bon
travail dans les deux endroits.
Je vais vous dire une
autre chose. J'ai quelqu'un près de moi, vraiment près de moi qui... une
famille qui n'est pas à revenus élevés qui
était dans une garderie à contribution réduite et qui ont fait le choix d'aller
dans une garderie privée non
subventionnée parce qu'ils n'étaient pas satisfaits de la qualité qu'ils ont
reçue. Donc, j'imagine... Mais moi, je ne ferai pas des généralités.
L'exemple que lui a vécu, que ce couple-là a vécu, était qu'ils étaient
insatisfaits de ce qu'ils avaient au niveau de la qualité, et ils ont préféré
amener leurs enfants dans un réseau de garderies privées non subventionnées.
Ils ne veulent pas les changer d'endroit, même si ça leur coûte plus cher,
parce qu'ils ont la qualité à laquelle ils s'attendent.
Donc, on a eu un
malentendu, on ne s'entendait pas, on n'était pas en accord, la dernière fois, mais...
Mme Bigras
(Nathalie) : ...peut-être que je pourrais nuancer.
Le
Président (M. Bernier) : Allez-y, Mme Bigras. Je voulais
juste... s'assurer que la députée a terminé sa question, parce que je
dois... Est-ce que ça va, madame...
Mme Lavallée : Non, je veux
continuer.
Le Président (M. Bernier) :
Non, bien, continuez, puis après ça je vais vous donner la parole,
Mme Bigras.
Mme
Lavallée : Parfait. L'autre
chose, on revient souvent sur le 70 %
des plaintes qui sont dans les garderies privées non subventionnées, donc le fait qu'on a beaucoup plus de
plaintes de ce côté-là que dans l'ensemble du réseau. J'ai entendu dire voilà pas longtemps par des gens
qui étaient dans le réseau des garderies que la ministre était à changer
cette façon d'inscrire les plaintes parce que, dans les garderies, dans les
CPE, ce que j'ai compris, c'est que, lorsqu'il y a des plaintes — parce qu'il y en a — bien elles étaient traitées par le conseil
d'administration formé de parents, donc les plaintes arrêtent à ce niveau-là et ne s'inscrivent pas au ministère
de la Famille, alors qu'en garderie privée c'est sûr que, lorsqu'on paie cher et on n'est pas
satisfait, on va l'inscrire, ce ne sera pas long. Donc, le système actuel n'est
pas en mesure de nous dire combien de
garderies sont impliquées par les plaintes, dans quels secteurs elles sont, et
il semblerait qu'il y aura un travail
qui va être fait pour justement qu'on... Parce que moi aussi, je veux savoir,
parce que j'entends plein de choses,
des généralités, et ça m'embête parce que je veux savoir qui est concerné par
ces plaintes-là, combien de garderies.
Parce que, dans la profession que j'exerçais, il y en avait qui avaient des
plaintes, mais ça ne veut pas dire que tout
le monde n'était pas bon. Il y en a qui accumulent beaucoup de plaintes, puis
des fois c'est toujours les mêmes groupes ou les mêmes personnes qui accumulent ces plaintes-là. Et je félicite
le... J'espère que le gouvernement va aller dans ce sens-là, parce que
je veux, pour la protection de nos enfants, qu'on ait ces renseignements-là,
question qu'on s'assure de la qualité, de la
sécurité de nos enfants, mais qu'on ait vraiment le détail. Il semblerait que
les CPE seraient obligés de transmettre
un rapport sur l'ensemble des plaintes qu'ils reçoivent, donc je pense que ça
va être équitable pour l'ensemble du réseau. Je vous laisse aller.
Le Président (M. Bernier) :
Une réaction, Mme Bigras. Là, je vous donne la parole.
Mme Bigras
(Nathalie) : ...rapide avec le temps dont je dispose maintenant. Donc,
simplement revenir sur la nuance. On
n'a jamais dit : Tous les CPE sont de qualité et toutes les garderies sont
de mauvaise qualité. Ce qu'on dit, c'est qu'en proportion, généralement,
on a une proportion plus forte de CPE qui ont obtenu des scores de qualité dans
les catégories bon et très bon, alors que...
On ne parle pas de la même chose, là. Vous, vous parlez des moyennes ; moi,
je parle des proportions qui se retrouvent
dans les services de garde de qualité. Cette enquête-là, l'enquête Grandir
en qualité, en 2003, avait
un échantillon d'enfants proportionnel, représentatif de la population qui
fréquentait les services de garde, et à cette époque-là il y avait environ 60 % des enfants qui pouvaient
se retrouver dans un service de garde de meilleure qualité lorsqu'ils
étaient en CPE, contre 60 % qui pouvaient se retrouver dans un service de
garde de faible qualité lorsqu'ils étaient
dans une garderie privée. Mais, si vous utilisez les moyennes, c'est sûr qu'une
moyenne implique autre chose. On utilise un score moyen pour tout le
monde, c'est sûr qu'en score moyen on a l'impression qu'il n'y a pas de différence. Mais, quand on regarde les
proportions de la population qui se retrouvent dans les deux types de
service et les niveaux de qualité qui sont
vécus, là on a une grosse différence, et c'est de ça qu'on parle quand on parle
de la qualité et des différences de qualité.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Merci de votre présentation à l'Équipe de recherche Qualité éducative
des services de garde et petite enfance.
Mémoires déposés
Avant
d'ajourner nos travaux, je désire déposer les mémoires des personnes et des
organismes qui n'ont pas été entendus en consultation. Donc, je dépose
ces mémoires.
Je désire
également remercier tous les parlementaires qui ont participé à cette étude
durant plusieurs jours. Donc, merci à
tous les parlementaires, le député de Rousseau, M. le ministre, M. le député de
Granby et tous les autres collègues qui
y ont travaillé. Merci au personnel des recherchistes de chacun des partis
politiques qui ont participé également, qui ont travaillé très fort. Merci au personnel des ministères qui se sont
déplacés. Merci au personnel de l'Assemblée nationale, M. le secrétaire, nos gens qui prennent soin de
nous, les gens à l'enregistrement ici, sur place, et les gens à
l'enregistrement à l'extérieur.
Donc, sans plus tarder, je lève la séance, et la
commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci à
vous tous.
(Fin de la séance à 17 heures)