(Neuf heures trente-six minutes)
Le
Président (M. Spénard) :
Alors, à l'ordre s'il
vous plaît! Ayant constaté le quorum,
je déclare la séance de la Commission
des finances publiques ouverte. Je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de procéder à des consultations particulières et des auditions
publiques sur le projet de loi
n° 28, Loi concernant principalement la mise en oeuvre de certaines
dispositions du discours sur le budget du 4 juin 2014 et visant le retour à
l'équilibre budgétaire en 2015‑2016.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Drainville (Marie-Victorin) est remplacé par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve) et Mme Samson (Iberville)
est remplacée par M. Bonnardel (Granby).
Le Président (M. Spénard) : Merci,
M. le secrétaire. Voici l'ordre du jour pour cet avant-midi. Nous allons débuter par les remarques préliminaires. Par la
suite, nous entendrons l'Association canadienne du médicament générique,
l'Association québécoise des pharmaciens
propriétaires et le Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec.
Remarques préliminaires
Je cède,
donc, la parole au ministre des Finances. M. le ministre, vous disposez de six
minutes pour vos remarques préliminaires.
M. Carlos J Leitão
M. Leitão : Très bien. Merci
beaucoup. Six. Pas cinq, pas sept?
Une voix : ...
M.
Leitão : Six. O.K., très bien. Merci beaucoup. Bonjour, tout le monde.
Bonjour aux collègues. Je pense que c'est
un processus très utile, les commissions parlementaires. Nous avons un projet
de loi qui est assez important, nous allons
passer, donc, quelque temps ensemble pour les prochaines semaines. Je veux
aussi remercier les personnes qui se présentent
pour nous faire part de leurs opinions, leurs points de vue sur les sujets en
question, donc, c'est toujours très utile pour nous d'entendre vos
points de vue.
Alors, le projet de loi contient les
modifications législatives nécessaires à la mise en oeuvre des mesures du discours du budget de juin 2014. Le budget a été adopté
en juin dernier, et ce projet de loi, qui en découle, vise à permettre la mise en oeuvre des mesures qui permettront le
redressement des finances publiques et le retour à l'équilibre budgétaire
en 2015‑2016 comme le gouvernement s'y est
engagé. Pour nous, cet objectif demeure incontournable, et nous avons fait
les choix qui nous permettront de
l'atteindre. La mise à jour économique que j'ai présentée en décembre dernier a
d'ailleurs permis de confirmer que nous sommes sur la bonne voie.
Permettez-moi
de vous rappeler qu'à notre arrivée au gouvernement nous avons constaté que le
retour à l'équilibre budgétaire
nécessiterait un effort de quelque 7 milliards de dollars pour
l'accomplir. Nous avons, donc, parcouru presque 85 % de ce chemin-là, et la dernière portion, qui représente à peu
près 1 milliard de dollars, sera franchie, sera identifiée d'ici le dépôt du budget 2015‑2016. Nous nous
sommes engagés à assainir les finances publiques et à relancer l'économie.
Cet objectif va nous donner une marge de manoeuvre
pour réduire le poids de la fiscalité et de celui de la dette et nous permettra d'assurer la pérennité des services à la
population. Nous allons redonner au Québec une marge de manoeuvre et une liberté de choix. Ce projet de loi va y
contribuer. Il constitue une étape importante pour remettre le Québec sur la
voie de la prospérité.
De façon concrète, le projet de loi n° 28
vient modifier plusieurs lois et règlements touchant notamment les finances publiques, l'énergie, les ressources
naturelles, la santé, les services de garde et la gouvernance municipale afin
que les efforts pour assainir les finances
publiques puissent se réaliser. Nous aurons l'occasion de discuter de
l'ensemble de ces mesures au cours
des prochaines semaines, mais je tiens tout de même à souligner ici quelques
éléments importants.
• (9 h 40) •
Sur un aspect
qui m'interpelle particulièrement, l'adoption du projet de loi fera en sorte
que le ministre des Finances soit
tenu de produire et de rendre public un rapport électoral sur l'état des
finances publiques au plus tard trois mois avant la date prévue des élections. Parallèlement, la Loi sur le vérificateur
général sera modifiée afin que ce dernier procède à un examen de ce rapport. Nous voulons ainsi
améliorer la transparence entourant la situation budgétaire économique du
Québec au moment des élections. Des
modifications législatives sont aussi proposées à la Loi sur la réduction de la
dette et instituant le Fonds des
générations afin d'affecter à ce fonds, à compter de 2016‑2017, des versements
additionnels pour réduire le poids de
notre dette. D'ailleurs, je suis très fier du Fonds des générations, c'est un
élément très particulier au Québec et qui est regardé de façon très
attentive par nos voisins comme un outil très utile.
De plus, pour lutter contre l'évasion fiscale,
le projet de loi n° 28 contient des dispositions qui obligeront les
fournisseurs à obtenir une attestation de Revenu Québec et à la fournir aux
donneurs d'ouvrage notamment lorsque deux
parties auront conclu des contrats totalisant plus de 25 000 $ au
cours de la même année civile. Toujours du côté de Revenu Québec, l'adoption du projet de loi permettrait d'officialiser
l'implantation des modules d'enregistrement des ventes dans les bars et les restobars à compter du 1er juin. Nous
voulons aussi officialiser la création du fonds Capital Mines Hydrocarbures, consacré aux investissements
du gouvernement dans les ressources naturelles non renouvelables. Dans la même veine, dans un souci d'efficience et
de simplification des relations avec les sociétés minières, les responsabilités
relatives à l'application de la Loi sur l'impôt minier seraient transférées à
Revenu Québec.
Toutes ces
mesures ont été annoncées dans le dépôt du budget de 2014‑2015, le 4 juin dernier.
Dans ce même budget, nous nous engagions à poursuivre nos efforts pour
assainir les finances publiques et retourner à l'équilibre budgétaire. Ce
projet de loi vise également la mise en oeuvre de ces mesures additionnelles.
En matière de santé, le projet de loi n° 28
permet l'exercice de nouvelles activités professionnelles par les pharmaciens. Le ministre de la Santé et des
Services sociaux pourra ainsi conclure une entente d'inscription afin qu'un
médicament soit inscrit sur la liste des médicaments couverts par le régime
général.
En terminant,
je tiens à remercier encore une fois tous les groupes et toutes les personnes
qui nous feront part de leurs réflexions dans le cadre de ces
consultations. Je veux les assurer que nous abordons cet exercice dans un
esprit d'ouverture et de collaboration et je
souhaite que nos discussions et échanges soient respectueux et constructifs.
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Spénard) : Merci beaucoup, M. le ministre. J'invite
maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et député de
Rousseau à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de
3 min 30 s.
M. Nicolas Marceau
M. Marceau : O.K. Merci, M.
le Président. Alors, permettez-moi tout d'abord de vous saluer, vous, et M. le secrétaire, et tout le personnel de la commission.
Permettez-moi aussi, évidemment, de saluer les collègues du groupe
parlementaire formant le gouvernement, et évidemment ma collègue, et puis le
député de...
Une voix : Granby.
M. Marceau :
...Granby — écoutez,
ça fait un mois, hein? — et évidemment, aussi, tout le personnel du ministère des Finances qui, j'imagine, va nous accompagner
tout au long de nos travaux et puis pour lequel j'ai le plus grand respect
et même de l'admiration.
Donc, nous
entamons l'étude du projet de loi n° 28, projet de loi qui porte à la fois...
enfin, qui met en oeuvre les dispositions qui étaient contenues dans le
budget de juin dernier mais qui aussi contient des dispositions qui n'étaient pas incluses dans le budget
de juin dernier, et ces nouvelles dispositions, qui ont été annoncées, ne sont pas les moindres,
hein? Ces dispositions qui ont été
ajoutées dans le projet de loi ne sont pas les moindres, elles concernent, entre autres, les centres de la petite
enfance, le développement régional, les CLD, et les CRE, et aussi différentes
dispositions en matière de santé pour les services pharmaceutiques, les
nouvelles inscriptions de médicaments. Et, s'il y a des choses à dire sur
fond, je les dirai une autre fois. Pour l'instant je veux surtout m'intéresser
à la forme.
Je crois que la pratique qui consiste à étudier
des projets de loi omnibus de la façon dont nous le faisons aujourd'hui est une pratique qui est avantageuse et qui peut être intéressante. Cependant, la pratique qui consiste à ajouter des éléments
qui n'étaient pas au budget pose problème, quant à moi, quant à nous. Nous avons qualifié le
projet de loi de petit mammouth parce que ça s'inspire des projets de loi mammouths du gouvernement Harper à Ottawa, qui, à
l'intérieur d'un projet de loi, incorpore des dispositions qui n'ont
rien à voir avec le budget, et cette pratique semble vouloir s'étendre ici, à Québec. Et, quant à nous en tout cas, ça constitue une dérive, une dérive parlementaire avec laquelle
nous ne sommes pas d'accord.
Nous ne sommes pas d'accord sur la forme. Évidemment, il y a
le fond, là, mais, sur la forme, l'idée
d'introduire des dispositions CPE, santé et des dispositions développement régional qui n'avaient pas été
présentées dans le cadre du budget, ça nous pose problème.
Évidemment, le gouvernement invoquera l'idée
qu'il faut retourner à l'équilibre budgétaire et puis que, sur la base de ce principe-là, on peut incorporer les
dispositions qui sont prévues. Moi, je vous dirais que, si on accepte cette
façon de voir le monde, on pourra incorporer toute disposition qu'un gouvernement
envisage, puisque toutes les dispositions qu'un gouvernement envisage ont des conséquences financières. Alors,
si on accepte cette façon de faire, le
gouvernement, à la limite, pourra présenter un projet de loi par année qui incorpore tous les sujets, et évidemment
ça n'a pas de sens et ça ne devrait
pas être. Alors, je reviendrai sur cette question, mais je veux simplement
rappeler à la commission que
nous sommes en profond désaccord avec l'idée d'incorporer des dispositions qui
n'avaient pas été présentées au budget.
Cela étant,
et malgré tout, et malgré le caractère mammouth de ce projet de loi, nous abordons évidemment l'étude
détaillée de... enfin, l'étude, pardon, de ce projet de loi dans un esprit
constructif et, en particulier, cette portion de l'étude, des consultations particulières, nous l'abordons évidemment avec un grand
intérêt. On est convaincus que ces consultations seront
intéressantes et nous permettront de mieux comprendre les
réalités. Et je remercie à l'avance les groupes qui sont là aujourd'hui,
mais aussi les groupes qui viendront dans les prochaines semaines. Merci, M. le
Président.
Le
Président (M. Spénard) : Merci, M. le député de Rousseau. Maintenant, j'invite le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député de
Granby à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de
2 min 30 s.
M. François Bonnardel
M.
Bonnardel : Alors, merci,
M. le Président. Je serai bref. Les
salutations d'usage, premièrement, à la présidence, M. le ministre, les collègues
ministériels, ceux qui l'accompagnent du côté du gouvernement, mon collègue
aussi, mes collègues de l'opposition officielle. Ceux qui sont ici
présents ce matin, bienvenue à cette commission.
Je suis très
heureux d'être de retour à la Commission
des finances publiques. C'est ma
première présence, là, dans cette
nouvelle législation. J'essaierai d'être constructif et de bien
apporter des points importants sur ce projet
de loi n° 28, ma foi, où,
M. le ministre, vous avez une plume prolifique vis-à-vis ces notes et ces...
oui, comme le disait bien mon collègue, là, ces ajouts que nous n'avions pas
vus lors du dernier budget.
Donc, je ne ferai pas de politique ici ce matin,
le but est de vous entendre et d'essayer d'améliorer cette loi. Donc,
commençons nos travaux. Merci, M. le Président.
Auditions
Le Président (M. Spénard) : Merci,
M. le député. Alors, je souhaite maintenant la bienvenue à nos invités.
Pour les fins d'enregistrement, je vous demande
de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la
suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
Alors, messieurs, la parole est à vous.
Association canadienne
du médicament
générique (ACMG)
M. Keon (Jim) : Merci. Bonjour, M.
le ministre, M. le Président, mesdames et messieurs...
Le
Président (M. Spénard) :
Monsieur, pourriez-vous vous nommer, s'il
vous plaît, pour les fins d'enregistrement?
M. Keon (Jim) : O.K. Je suis Jim
Keon, président de l'Association canadienne du médicament générique. Permettez-moi également de vous présenter
les personnes qui m'accompagnent : à ma droite, M. Daniel Charron,
directeur pour le Québec
de notre association; à nos côtés se trouvent Christian Ouellet, de
Sandoz Canada, dont le siège social est situé à Boucherville et qui emploie près de
900 personnes, ainsi que Christian Blouin, de Pharmascience, principale entreprise
pharmaceutique au Québec avec 1 300
employés. Également, dans cette salle, représentant quelques-uns de nos
membres de notre association, on a Diane Bigras, de Mylan, et Elie Betito,
d'Apotex.
J'aimerais
inviter Daniel Charron à poursuivre cette présentation, qui s'inspire largement
du mémoire que nous avons fait parvenir au secrétariat de la commission
plus tôt cette semaine. Merci, monsieur.
M. Charron (Daniel) : Bonjour, M. le
ministre. M. le Président, messieurs dames...
Le Président (M. Spénard) : Bien,
vous pourriez vous nommer, s'il vous plaît?
M.
Charron (Daniel) : Daniel
Charron. Je suis directeur pour le Québec de l'Association canadienne du médicament
générique.
Le Président (M. Spénard) : Merci.
• (9 h 50) •
M. Charron
(Daniel) : M. le ministre, M. le Président, Mmes, MM. les députés, bonjour. Au Québec seulement,
notre industrie représente 4 000 emplois directs, selon les
derniers chiffres disponibles et fournis par le gouvernement du Québec, et ça,
c'est sans compter les emplois indirects que nous soutenons en ingénierie, en
recherche, en services administratifs et financiers, en sécurité, en
transport, en enseignement, en formation, etc.
Chaque année,
notre industrie consacre une part importante de son chiffre d'affaires à
l'innovation. En fait, nous nous
distinguons comme l'une des industries manufacturières les plus intenses en
matière de recherche et de développement. Le secteur pharmaceutique générique est sans aucun doute l'exemple type
d'un secteur manufacturier fondé sur l'innovation et la valeur ajoutée,
ce type de secteur manufacturier qu'on souhaite voir se développer ici, au
Québec, secteur très exportateur :
40 % de notre production est exportée dans plus de 120 pays, ce qui fait
du secteur du médicament générique un des secteurs les plus diversifiés
à l'international. Et certainement notre secteur contribue positivement, grâce
à ses exportations, à la balance commerciale du Québec et du Canada.
Je conclus cette brève présentation de notre
association et de notre industrie en vous rappelant une donnée essentielle : en offrant des médicaments
moins chers et de qualité équivalente à leurs équivalents d'origine, les
médicaments génériques
ont permis, l'an dernier, aux Québécois d'économiser plus de 3 milliards
de dollars en coût de médicaments. Les
chiffres de 2014 ne sont pas encore disponibles, mais on s'attend à ce qu'elles
soient encore plus grandes, ces économies,
puisqu'il y a eu encore des baisses de prix importantes sur les molécules les
plus vendues. Nous sommes fiers de cette
contribution et nous souhaitons non seulement la poursuivre, mais l'accroître
dans les années à venir. M. le Président, vous le savez, l'orientation de notre association est de collaborer avec
le gouvernement et à tous les niveaux, que ce soit avec les
gouvernements provinciaux comme le gouvernement fédéral. Bien entendu, nous
suivons de près toutes les discussions
relatives aux médicaments et à leur prescription, à leur couverture et à leur
encadrement législatif et réglementaire.
Nous
avons étudié avec soin le projet de loi n° 28 et nous aimerions vous
partager plusieurs réflexions autour de quatre grands points : la pratique des pharmaciens; les ententes
d'inscription de nouveaux
médicaments; la modification de la Loi sur l'assurance médicaments; et, de
façon globale, des sources d'économie additionnelles facilement accessibles pour le système
de santé québécois. Puis, dans le cours de la période d'échange, j'imagine qu'on aura le
temps de discuter de ces sources d'économie potentielles.
D'abord,
la pratique des pharmaciens. Pour être clairs dès le départ :
l'Association canadienne du médicament générique
est favorable à l'extension du champ de pratique des
pharmaciens. Il ne fait aucun doute à
notre esprit que les pharmaciens
disposent des connaissances nécessaires pour offrir aux Québécois un soutien
accru à la première ligne en santé.
D'ailleurs, l'association a participé activement à une initiative pancanadienne
appelée 9 000 Points de prestation de services, dans laquelle est mis en valeur le rôle accru des
pharmaciens. Et on parle d'un potentiel de diminution des temps
d'attente en transférant des rendez-vous et même de l'éviter, de 300 000 à
600 000 visites dans les urgences à l'échelle
canadienne. Évidemment, il n'appartient pas à l'ACMG de se mêler des modalités
de la rémunération des actes des
pharmaciens, mais il semble juste de considérer la valeur de leur contribution
aux patients ou à un système de santé.
Les
ententes d'inscription de nouveaux médicaments. Ce volet du projet de loi
n° 28 autorise le ministère de la Santé
et des Services sociaux à conclure une entente financière avec un fabricant de
médicaments de marque avant que celui-ci
ne soit inscrit sur la liste des médicaments remboursés par la Régie de
l'assurance maladie du Québec, la RAMQ. En d'autres termes, le gouvernement pourrait négocier le prix de vente
net de nouveaux médicaments avant de les rendre disponibles.
Ce
projet de loi ne concerne pas les médicaments génériques, à première vue,
pourrait-on croire. Or, pour que ce type d'entente génère véritablement
des économies sur le long terme, il importe de la réserver exclusivement aux
médicaments qui sont encore couverts par un brevet et dont le fabricant détient
un monopole. Cela signifie, en clair, d'ajouter
une clause de résiliation automatique au moment où une version générique du
médicament devient disponible. Il s'agit
d'une recommandation spécifique qu'on a faite dans notre mémoire. Dans le cas
contraire, le fabricant de médicaments de
marque profiterait d'un avantage commercial indu qui dépasse le privilège de
protection des brevets, qui brouillerait les conditions normales de concurrence et qui limiterait la capacité
d'économies offertes par les alternatives génériques.
Au-delà des
commentaires liés au projet de loi n° 28, nous aimerions attirer votre
attention également sur des éléments qu'il est possible de modifier pour tirer
le meilleur potentiel d'économies des médicaments génériques.
Modification
à la Loi sur l'assurance médicaments. L'ouverture de la Loi sur l'assurance
médicaments dans le cadre du projet de loi n° 28 nous donne la possibilité
de corriger une anomalie québécoise : une règle devenue désuète. En effet, une disposition de l'article 28.2 de Loi
sur l'assurance médicaments s'applique de façon différente au régime d'assurance privée versus le régime d'assurance
publique : l'assurance médicaments. Selon cette disposition, les assureurs
privés sont soumis à un plafonnement de la
coassurance — ça,
c'est le montant qui est payé par l'assuré — un plafonnement à 32 %. Cette
disposition, à laquelle le régime public d'assurance médicaments, qui est géré
par la RAMQ, n'est pas assujetti, limite la capacité des assureurs privés à
tirer le meilleur parti des économies offertes par les médicaments génériques. C'est expliqué de façon détaillée dans
notre mémoire, mais permettez-moi de prendre une minute pour vous le
résumer.
Aujourd'hui,
le prix d'un médicament générique pour les molécules les plus vendues est fixé
à 18 % du prix du médicament
d'origine. La RAMQ applique une politique de remboursement du médicament au
prix le plus bas. Donc, le patient assuré par la RAMQ est incité à
privilégier la version générique moins chère, mais est libre de payer la différence s'il choisit la version d'origine,
beaucoup plus chère. Cette mesure répond à la fois aux besoins du patient, mais
également permet un meilleur contrôle des dépenses des médicaments. Toutefois,
les assureurs privés sont obligés de rembourser
au minimum de 68 % d'un médicament pour respecter le plafonnement du
copaiement dont on parlait tout à
l'heure, de 32 %. Pour faire un calcul simple, pour une prescription dont
la valeur en médicament d'origine serait 100 $, la RAMQ est en droit d'imposer le droit des
génériques à 18 $, mais l'assureur privé est obligé de payer au moins
68 $ pour la même prescription.
Qui paie le 50 $ d'écart? Les employeurs et les employés du Québec. Et là,
quand on parle de régime privé
d'assurance médicaments, on aurait tendance à dire : Ça ne concerne pas le
gouvernement. Puis c'est là que je
dis : Au contraire, l'ensemble des employés du secteur public,
gouvernement, municipalités, commissions scolaires, hôpitaux, sont
assurés par un régime privé d'assurance... donc ont droit à un régime collectif
d'assurances collectives privées. Donc, il y
a des économies importantes à faire pour le gouvernement, et ses employés, et
les employés du secteur... en général.
Le
taux d'utilisation des médicaments génériques, puis on en parlait encore hier
dans Le Soleil, est plus bas au Québec qu'ailleurs dans le secteur privé, il y a un écart qui s'est
fait, et il est surtout beaucoup plus bas dans le secteur privé par rapport au secteur public, et des
changements, donc, à la clause du 28.2 de la Loi sur l'assurance médicaments
nous permettraient de corriger ces écarts-là. Puis, nous, ce qu'on fait, on
fait le calcul que, si le Québec rejoignait la moyenne canadienne...
Le Président (M. Spénard) : Il vous
reste une minute.
M.
Charron (Daniel) : Si le Québec rejoignait la moyenne canadienne en
matière d'utilisation des médicaments génériques
dans le secteur privé, on parle d'économies de 449 millions de dollars
annuelles et récurrentes pour ce secteur-là, dont bénéficieraient beaucoup le gouvernement et ses employés. Donc,
notre mémoire est clair à ce sujet-là, beaucoup de travail reste à faire
au niveau de l'utilisation des médicaments génériques.
Le
prix des médicaments génériques a réduit de 80 % depuis 2006. Le Québec a
décidé récemment, et c'était une bonne
nouvelle, de joindre l'alliance pharmaceutique pancanadienne, qui travaille à
mettre les provinces ensemble pour travailler
avec l'industrie... d'identifier des mesures de réduction de prix. Certaines
baisses de prix sont déjà programmées. Donc,
pour contrôler le coût des médicaments — et c'est un sujet d'actualité, comme je le
disais, c'était dans les journaux encore
hier, et le ministre de la Santé et des Services sociaux en a parlé encore la
semaine dernière — on a
intérêt à favoriser l'utilisation des médicaments génériques et on a
plusieurs mesures concrètes dont on pourra parler dans la période d'échange. Je
vous remercie beaucoup, M. le Président.
Le Président
(M. Spénard) : Merci beaucoup de votre présentation, messieurs. Alors,
nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la
parole est à vous pour un temps d'échange de 25 minutes.
M.
Leitão : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je vais
commencer avec juste quelques questions pas très longues et après je
céderai la parole à mes collègues aussi.
Mais, pour
commencer, j'aimerais savoir si vous pouvez nous expliquer un peu pourquoi au
Canada, d'une façon générale... pas
seulement au Québec, mais il semblerait qu'au Canada, d'une façon générale, les
médicaments génériques, malgré
l'évolution très importante et l'augmentation de parts du marché, qui est
notable et qui est souhaitable en tous les cas, à mon avis, mais pourquoi quand
même les médicaments génériques au Canada sont plus élevés... les prix sont
plus élevés qu'ailleurs, dans les pays du G7 par exemple.
Le Président (M. Spénard) : M.
Charron.
M.
Charron (Daniel) : Les prix
des médicaments génériques qui sont offerts au Canada sont à prix très
concurrentiel.
Je comprends qu'il y a beaucoup d'études, là, qui sont rendues publiques, dont
une récente, là, qui parlait encore d'écart
de prix entre les prix au Canada et les prix ailleurs dans le monde. Il faut
comprendre que beaucoup de ces études-là sont basées sur des chiffres passés et, depuis les deux dernières
années, comme je le disais, grâce notamment aux efforts du Conseil de la fédération,
de l'alliance pharmaceutique pancanadienne, qui a travaillé, en fait, qui s'est
assise avec l'Association canadienne du médicament générique et ses membres, il
y a eu de nouvelles réductions de prix puis des réductions de prix appliquées
aux produits les plus vendeurs, donc les produis les plus vendus, des
réductions de prix importantes qui permettent des économies importantes et
surtout de faire en sorte que peut-être les comparaisons internationales, si on se servait de ces nouveaux
prix là, seraient différentes. Puis aussi beaucoup d'études sont basées
sur des comparaisons internationales à une
époque où le dollar était au pair... le dollar canadien versus le dollar
américain. Aujourd'hui, je ne sais pas où il est rendu, mais il est...
vous le savez mieux que moi, il est probablement autour de 0,80 $, 0,81 $.
Donc, ces éléments-là font en sorte que, le
niveau des comparaisons des prix, si on le refaisait aujourd'hui, le portrait
changerait beaucoup.
• (10 heures) •
M. Leitão : Bon. La raison que je
posais la question, c'était pour savoir si, à votre avis, il y a des entraves institutionnelles ou ce n'est qu'une... bon, une
question d'évolution normale des choses et donc que ces prix-là vont finir
par rejoindre la moyenne de l'OCDE.
M. Charron
(Daniel) : Mais en fait... puis c'est pour ça que c'était une bonne
chose pour les provinces de pouvoir travailler
ensemble sur ça, parce que, pour une industrie, la prévisibilité, la cohérence
et la rationalité dans un élément qui est
aussi important que la fixation du prix des médicaments... pour nous, c'était
essentiel. Puis c'est important d'avoir une approche équilibrée là-dessus, parce que l'important dans toute
politique du gouvernement, c'est de faire en sorte que les conditions de développement puis de
commercialisation des produits génériques soient au rendez-vous. Parce qu'il
ne faudrait pas en arriver à une situation
paradoxale où, en voulant faire des économies, on fait en sorte que des
médicaments génériques ne se
développent pas, ne se commercialisent pas puis qu'on soit coincé pour
rembourser des médicaments qui sont vendus quatre à cinq fois plus cher,
les médicaments de marque.
Donc, il faut
travailler à une approche équilibrée qui nous permet de la prévisibilité tant
pour le payeur que pour les
fabricants, et c'est dans ce sens-là que le travail qui est fait au Conseil de
la fédération... Puis, je le mentionnais rapidement dans ma
présentation, non seulement il y a eu des négociations puis il y a eu des
ententes sur des réductions de prix pour les
plus gros vendeurs, mais il y a déjà des réductions de prix programmées pour
cette année, l'année prochaine, donc
jusqu'en 2016‑2017. Donc, c'est, à notre avis, donc, un message important qu'on
a à passer, c'est que les prix ont réduit beaucoup. Et c'est déjà programmé,
les nouvelles réductions de prix. C'est pour ça qu'on dit : Si on veut travailler à contrôler puis à réduire le coût
de nos médicaments, bien on a intérêt à travailler, à pousser davantage au niveau de l'utilisation, puisqu'il faut en
tirer avantage, de ces baisses de prix passées et celles qui sont programmées
dans les prochaines années.
M.
Leitão : Très bien. Merci. Bon, j'avais posé seulement une question,
mais ça commence mal, j'ai une autre question. J'aimerais, si vous
pouviez... Excusez-moi, les collègues. Le dernier sujet que vous avez abordé
dans votre présentation,
là, cette histoire du prix plus bas et la différence qu'il y a entre
l'assurance publique et l'assurance privée, pourriez-vous peut-être élaborer un peu là-dessus et nous proposer des
solutions? Parce que je trouve qu'en effet il y a quelque chose qui ne
semble pas être très normal, là.
M. Charron
(Daniel) : Bien, en fait, il y a clairement une règle inéquitable
entre le secteur public puis le secteur privé. Il y a des gens qui représentent le secteur des assurances, qui,
je crois, seront devant vous un peu plus tard, puis ils pourront peut-être vous
expliquer les raisons pour lesquelles c'était là, ça a été mis sur pied il y a
une vingtaine d'années.
Mais il reste
qu'à partir du moment où le prix du médicament générique a diminué beaucoup la
différence entre le prix le plus bas,
donc celui du médicament générique, puis le médicament d'origine s'est accrue.
Et donc, à partir de ce moment-là, le
potentiel d'économies dont les régimes privés d'assurance médicaments ne
peuvent pas tirer profit, bien il
s'est accru. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui on en entend davantage parler, même si la règle a été mise sur pied en fait au moment
du la création du régime général d'assurance médicaments puis du régime public
d'assurance médicaments. Si aujourd'hui on en entend beaucoup parler,
c'est que l'écart de prix a augmenté. Puis donc les payeurs ne peuvent pas profiter des réductions de prix des médicaments
génériques, et c'est pour ça que c'est important d'en faire le changement.
Dans notre mémoire, on précise, dans la Loi sur
l'assurance médicaments, où ces changements-là pourraient être appliqués. C'est un changement assez simple,
là, c'est un libellé d'un article qui, donc, permettrait aux assureurs privés
de faire bénéficier les payeurs, c'est-à-dire les employeurs, dont le
gouvernement, les municipalités, les commissions scolaires, les hôpitaux, et
leurs employés, de ces économies-là.
M. Leitão : Très bien. Merci. Les
collègues, si vous avez...
Le Président (M. Spénard) : Mme la
députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis :
Merci beaucoup. J'aimerais continuer avec cela, s'il vous plaît. Les
pharmaciens sont quand même des
petites entreprises, et on est dans un monde où on veut permettre qu'il y ait
une certaine liberté de commercialisation. Il y a une certaine concurrence entre les pharmaciens, et on me dit
aussi qu'il y a une pression de la part des assureurs privés sur leurs
assurés à magasiner leurs pharmaciens.
Est-ce que vous croyez que, si on devait publier
les honoraires des pharmaciens ainsi que les bénéfices... bénéficiaires, ça
pourrait être une solution au problème?
M. Charron
(Daniel) : Les pharmaciens, je crois, sont prévus passer après nous,
puis il y a des gens d'assurances qui
seront certainement plus en mesure de répondre à ces questions-là. Nous, ce qui
est clair, c'est que le prix auquel on vend
aux pharmaciens est le même pour tous les pharmaciens. Le prix est fixé par le
gouvernement du Québec, donc le prix
que le fabricant offre ou vend son produit est le même d'un pharmacien à
l'autre. À partir du moment où on rentre dans les questions qui touchent la rémunération des pharmaciens, leurs
relations avec les assurés et les assureurs, je pense qu'il vaudrait mieux leur poser directement la
question, parce que, nous, ce n'est pas un sujet dans lequel on peut se mêler...
Mme de Santis :
Mais vous, vous voulez que le gouvernement impose la même règle au privé qu'au
public. Moi, je vous dis : Si on
assure une plus grande transparence... Parce que vous... pas vous, mais les
assureurs vont demander que les
assurés cherchent les meilleurs prix.
Si les prix étaient publiés, le prix de la molécule, l'honoraire et bénéfices...
est-ce que cela ne vous aiderait pas, vous?
M. Keon
(Jim) : Le prix de la
molécule est publié dans le formulaire du Québec, alors c'est public, et
tout le monde peut les voir,
les prix des médicaments.
Mme de Santis : Je comprends. Mais l'assuré, quand il va à une
pharmacie, ne connaît pas le prix de la molécule ou le prix, ou les honoraires ou la marge bénéficiaire. Si le
consommateur, l'assuré, savait cela, est-ce
que ça pourrait aider la concurrence? Et donc, au lieu que l'État
impose, il y aurait la transparence, et l'assuré pourrait déterminer où mieux aller
acheter ses médicaments.
M. Keon
(Jim) : Je pense
que c'est une question pour le gouvernement. Nous nous occupons de notre prix, de notre
production. Et, comme j'ai dit, nos prix maintenant sont publiés, ils
sont très bas à cause de la concurrence et de l'entente qu'on a signée avec l'alliance pharmaceutique pancanadienne et
la règle au Québec. Et alors je pense que nous
contribuons au meilleur prix pour les Québécois.
Mme de Santis :
Merci. Je laisse la place à mon collègue.
Le Président (M. Spénard) : Alors, M.
le député de Sainte-Rose.
M.
Habel : Exactement.
Merci. Premièrement, je souhaite à tout le monde une bonne année
2015. Je salue les gens de l'opposition officielle, de la deuxième opposition,
M. le ministre, et les gens de la banquette, et nos invités.
Tout d'abord, j'aimerais quand même expliquer à la population ce qu'est un
générique, là. Je pense que c'est quand même important de le mentionner, que c'est les mêmes
ingrédients actifs, la même force de dosage, la même
forme de dosage et aussi la même
manière d'administration, que ce soit oral ou topique — donc,
j'aimerais juste le mentionner à la population qui est ici — et que chaque générique doit prouver sa même
bioéquivalence pour être accepté par les Santé Canada de ce monde.
Au niveau du prix du médicament générique, la
moyenne se tourne autour de 22,11 $, si j'ai pu voir dans votre mémoire, alors que les médicaments de marque se
situent autour de 80,80 $. Ma question, ce serait de savoir : Avec ce
que vous avez mentionné ultérieurement sur
le taux d'utilisation des médicaments génériques par rapport au secteur privé,
par rapport au secteur public, vous avez
mentionné l'article 28.2; est-ce que vous pouvez élaborer sur l'article 28.2,
qui fait qu'il y a une différence entre le secteur privé et le secteur public?
• (10 h 10) •
M. Charron
(Daniel) : Merci. Puis bonne
année 2015 à vous aussi! Puis je vous remercie de cette précision sur qu'est-ce que c'est, un médicament générique. Puis je pense que vous en avez fait
une description, là, qui était très collée à la réalité. Puis j'ajouterais que... puis au bénéfice de la population en général, que la grande majorité des médicaments qui sont utilisés dans
notre système hospitalier, dans nos hôpitaux sont des médicaments génériques,
donc, c'est des médicaments dont la qualité,
la sûreté, l'efficacité a été prouvée et reconnue par les autorités de même que
par les professionnels de la santé.
La question
que vous soulevez, au fait c'est que la Loi sur l'assurance médicaments
plafonne à 32 % — là, je fais un chiffre rond — le copaiement que l'assuré doit payer. Or, la clause 28.2 permet à
la Régie de l'assurance maladie, donc à
l'assureur public, de déroger un peu à cette règle-là en disant : Tu peux
appliquer une règle dans laquelle, bien, si le patient, si l'assuré souhaite avoir un médicament à
100 $, bien, tu ne lui rembourses que 18 $, puis, la différence, bien
ça sera à lui de l'assumer. Pour les
privés, on ne lui accorde pas ce privilège-là, à l'assureur privé, parce qu'on
dit : Le maximum que le patient
peut payer ou l'assuré peut payer, c'est 32 $, dans l'exemple que
j'utilise. Donc, la différence... le 50 $ de différence entre le 68 $ et le 18 $,
c'est au payeur, en fait, de le prendre. Donc, c'est : la clause 28.2
permet au régime public, entre
guillemets, de déroger à la règle du plafond de copaiement, ce qui n'est pas
permis aux assureurs privés. Puis, dans
le fond, tout ce qu'on dit, c'est : Rendez cette dérogation possible aux
deux, puis faire en sorte que, bien, l'assureur privé, comme l'assureur public, la Régie de l'assurance maladie du
Québec, bien puisse ne rembourser que le prix le plus bas, et ça sera à l'assuré de rembourser la
différence plutôt que, bien, de faire assumer cette différence-là par
l'employeur et par ses collègues de travail.
M.
Habel : Parfait. On a vu qu'il y a une utilisation du générique qui
est un peu moins importante au Québec que partout dans la moyenne canadienne. Je voulais savoir : Est-ce que
vous avez profité des gains de parts de marché suite à la fin,
l'abolition de la règle des 15 ans?
M. Charron (Daniel) : Vous avez
raison de le souligner, parce qu'il y a quelques années encore le Québec avait une règle des 15 ans par laquelle il se
forçait lui-même à rembourser plus cher des médicaments de marque alors
que la version générique était disponible.
Depuis l'abolition de la règle des 15 ans,
les taux d'utilisation des médicaments génériques ont augmenté remarquablement dans le secteur public, les
économies pour le gouvernement du Québec ont été très importantes. Là, on parlait, à ce moment-là, de 150 à
200 millions d'économie par
année. Ces économies-là ont permis... donc, ce changement-là a
permis une utilisation accrue des
génériques dans le secteur public, et ça a permis au Québec
de rattraper la moyenne, voire même
un peu de dépasser... au niveau de l'utilisation des génériques dans le secteur public par rapport aux provinces canadiennes, puis ça, c'était tout un retour, tout un
changement, parce qu'historiquement
le Québec avait toujours été le dernier en matière d'utilisation des
génériques.
Dans le
secteur privé, le Québec se retrouve en queue de peloton par rapport aux autres
provinces canadiennes en matière
d'utilisation des médicaments génériques. Il y aurait sûrement plusieurs
mesures à mettre en place pour changer ça,
mais une des plus importantes consiste à faire cette modification à l'article
28.2 de la Loi sur l'assurance médicaments, comme on le stipulait, parce que c'est une règle propre au Québec, c'est
une règle qui est unique ici et qui, justement, freine l'utilisation des médicaments génériques. Puis, encore une fois,
suite aux baisses de prix importantes, toute hausse d'utilisation des médicaments génériques apporte
des économies importantes, puis il est injuste que le secteur privé ne
puisse pas profiter pleinement de ces économies-là.
Chaque pour
cent d'augmentation d'utilisation des médicaments génériques au Québec génère
des économies de 103 millions de dollars annuellement divisées à
peu près 50-50 entre le secteur public puis le secteur privé dans le domaine des assurances, donc c'est des économies
majeures. 1 % d'augmentation, 103 millions d'économie additionnels.
Le Président (M. Spénard) : Merci.
M. le député de Laval-des-Rapides.
M.
Polo : Merci beaucoup, M. le Président. Bonne année, effectivement, à
tous mes collègues. Bienvenue à tous nos invités.
M. le
Président, on constate régulièrement qu'il y a des ruptures de stock au niveau
des médicaments. Est-ce que les prix
et l'approvisionnement sont liés à ce niveau-là? Et comment s'assurer que la
population québécoise reçoive les médicaments dont ils ont besoin?
M. Charron (Daniel) : C'est une
bonne question, puis je l'avais abordée un petit peu dans ma présentation.
C'est
important de s'assurer d'avoir une approche qui soit équilibrée dans le domaine
du prix des médicaments pour faire en
sorte que les conditions de développement et de commercialisation sont
présentes, pour faire en sorte que, bien,
des versions génériques des produits de marque apparaissent, parce qu'encore
une fois on veut éviter une situation où les conditions de prix fassent en sorte que les
fabricants disent : Je préfère ne même pas me lancer dans le développement
ou la commercialisation de ce produit-là
parce que je n'arriverai pas à couvrir mes frais de développement étant donné
les coûts de production. Vous savez, d'une
molécule à l'autre, les coûts de production peuvent varier, les ingrédients
actifs, la matière première peuvent changer, et donc c'est dans ce
sens-là où il faut avoir une approche équilibrée.
Puis vous
posez la question : Est-ce
qu'il y a un lien entre le prix,
l'offre et la demande? Puis, je veux
dire, s'il y a bien une chose sur laquelle tous les économistes
s'entendent, là, qu'ils soient libéraux, néolibéraux, keynésiens, néokeynésiens, néomarxistes... probablement
beaucoup de marxistes... c'est qu'il y a un lien entre prix, et offre, et
demande, et c'est dans ce sens-là
qu'il faut avoir une approche équilibrée dans ce sens-là. Vous posiez la
question : Au niveau des pénuries
actuelles, est-ce que ça peut être lié à ça? Je n'ai pas connaissance de cas où
c'est à cause du prix. À partir du moment
où le médicament est commercialisé, le médicament est déjà disponible, le
fabricant est soucieux également de la poursuite
du traitement par son patient. Mais là où ça peut avoir un impact, puis c'est
là qu'il faut être prudent puis il faut avoir une approche équilibrée, c'est de faire en sorte que les
politiques de prix actuelles ne freinent pas et ne fassent pas obstacle au développement et à la
commercialisation des produits génériques futurs, parce que, là, on se
retrouverait dans une situation où il
n'y aurait pas de concurrence puis on se retrouverait à continuer à payer des
prix de monopole, alors que la protection du brevet serait tombée. Et
ça, bien, ça nous coûterait cher, collectivement, comme choix.
Le Président (M. Spénard) : M. le
député de Sainte-Rose.
M.
Habel : Permettez-moi aussi de vous poser une question qui est un peu
de l'autre côté de la médaille. J'aimerais savoir si vous avez une statistique sur les brevets, par exemple, des
entreprises qui, elles, font le médicament de marque, qui viennent à échéance et qui n'atteignent pas le
point de rentabilité au moment du début du générique. Est-ce que vous
avez une statistique par rapport à ce pourcentage de médicaments là?
M. Charron
(Daniel) : Malheureusement, je n'ai pas cette information-là. Puis ce
n'est pas le genre d'information qu'ils nous partagent, en général.
Donc, malheureusement, non, je n'ai pas cette information-là au niveau du point
de rentabilité pour les médicaments de
marque. Par contre, quand on regarde les informations financières de ces
entreprises-là, en général le taux de
rentabilité est assez intéressant. Donc, les entreprises pharmaceutiques de
marque pourront sûrement vous répondre mieux que moi. Mais, quand on
regarde l'information qui est publique...
M. Ouellet
(Christian) : Je pourrais peut-être, en complément, si vous permettez...
Votre question est intéressante, parce
qu'un lancement d'une nouvelle molécule par une compagnie innovatrice, c'est un
lancement qui est mondial ou qui est
prévu dans... On ne lance pas un produit pour un seul pays. Alors, il y a
énormément de variables qui rentrent en ligne de jeu dans le
développement, et les exigences réglementaires amènent aussi un coût à chacune
des étapes du développement du médicament,
et l'enregistrement de son brevet, et toutes les études cliniques qui en
découlent. Alors, ultimement, c'est
très multivariable. Alors, même si vous établissez un prix x... Et c'est pour
ça que d'ailleurs qu'il y a parfois quelques écarts de prix entre un
pays à l'autre.
Le contexte
réglementaire peut jouer d'un pays à l'autre, d'une autorité à l'autre. Ça fait
aussi partie de l'équation. Cette
disposition-là touche davantage plus les médicaments innovateurs que les
médicaments génériques, mais, pour le bénéfice... là, en complément à la
question, je... que c'était pertinent de l'aborder.
Le Président (M. Spénard) : Mme la
députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis :
Merci, M. le Président. Vous avez répondu à la question de mon collègue,
à : Est-ce que peut-être le prix
d'un médicament pourrait être une raison pour la pénurie?, mais il y a trop
souvent des pénuries de médicaments. Quelles sont les raisons? Ou est-ce
que c'est la seule raison?
M. Charron
(Daniel) : Les causes liées aux pénuries, aux problèmes
d'approvisionnement, elles sont multiples et sont liées à beaucoup de variables qui touchent l'approvisionnement en
matières premières, les changements au niveau des réglementations liés à la production, aux éléments de production. Il
y a énormément de facteurs qui entrent en ligne de compte. Puis, il faut comprendre, là, le phénomène des difficultés
d'approvisionnement, ce n'est pas une problématique québécoise, ce n'est pas une problématique canadocanadienne,
c'est une problématique mondiale. Donc, l'ensemble de ces facteurs-là jouent partout dans le monde, et
ce n'est, donc, pas lié à des facteurs strictement québécois ou canadiens.
Et, depuis quelques années, il y a eu beaucoup de travail qui a été fait par
notre association mais également au niveau canadien
avec différents groupes qui touchent, disons, la chaîne pharmaceutique, avec
des représentants des pharmaciens, avec nos homologues du côté des
médicaments de marque, des gens au niveau des représentants de médecins, avec Santé Canada, de trouver des façons de prévenir
les pénuries, prévenir les problèmes d'approvisionnement, d'une part,
puis de gérer les situations actuelles puis les situations qui surviennent.
Il y a eu
beaucoup de travail qui a été fait. Au départ, ce qu'on disait : La clé,
c'est l'information. Il y avait beaucoup de problèmes d'approvisionnement qui étaient, si on veut, aggravés par
des problèmes au niveau des flux d'information. Beaucoup de travail qui a été fait pour rendre disponible l'information
sur des sites Web, donc du travail, de concert, qui a été fait pour faire en sorte de pouvoir bien les
gérer... Puis je suis content d'avoir l'opportunité d'en parler aujourd'hui
parce que c'est le genre de travaux qui ne sont
pas souvent très connus mais qui aident beaucoup aujourd'hui les professionnels de la santé. Est-ce qu'il y a
encore du travail à faire? Oui, certainement. L'information est de plus en plus
utile. On travaille toujours à la rendre la
plus pertinente, la plus utile possible aux utilisateurs pour faire en sorte de
gérer les situations et également prévenir... Puis
là, bien, c'est des facteurs plus de fond sur lesquels on travaille tant avec
Santé Canada que l'ensemble des groupes qui interviennent dans le domaine du
médicament.
• (10 h 20) •
Mme
de Santis : Je suis toujours préoccupée par la
transparence dans n'importe quoi et je crois beaucoup que, si les choses sont faites d'une façon plus
transparente, on s'en sortirait mieux. Maintenant, avec la pénurie, moi, je
crois que c'est important d'aviser,
d'être transparent là-dessus. Mais je veux parler de transparence aussi quant
aux ententes d'inscription. Vous
faites une recommandation, et c'est les ententes d'inscription avec les
fabricants de médicaments, vous
recommandez «que toute entente d'inscription prenne automatiquement fin
lorsqu'une version générique du médicament concerné devient disponible».
Est-ce
qu'une solution ne serait-elle qu'à la fin de ces 15 ans, s'il y a des ententes
avec les autres manufacturiers, ces
ententes soient publiques pour que vous sachiez c'est quoi, la concurrence et,
si vous êtes capables de faire mieux, vous le faites? Parce que nous, du
côté du gouvernement, on recherche toujours le meilleur prix pour les citoyens.
Le Président (M.
Spénard) : 30 secondes, là.
M.
Charron (Daniel) : Il semble que l'intention du gouvernement, en tout
cas à lecture du projet de loi n° 28, soit que tout ce qui concerne puis qui touche ces ententes-là ne soit
pas de nature publique. C'est dans ce sens-là que, dans ce contexte-là,
nous, ce qu'on dit, c'est que tout ce que contiennent ces ententes-là ne doit
pas prévenir l'arrivée des génériques sur le
marché. Nous, on croit à la concurrence. Évidemment, quand un médicament est tout
seul sur le marché, parce qu'il
bénéficie d'un monopole, la concurrence n'est pas là, mais, lorsque la
concurrence arrive, on ne peut pas avoir ce genre d'ententes qui...
secrètes... brouillent complètement les règles, les conditions de concurrence.
Et ça, ça serait inéquitable puis ça ferait
en sorte qu'on ne puisse pas maximiser... tirer avantage à 100 % des
économies qui sont liées à l'arrivée de versions génériques beaucoup
moins chères sur le marché.
Le
Président (M. Spénard) : Merci beaucoup, le parti gouvernemental. Je
cède maintenant la parole à l'opposition officielle pour une série
d'échanges d'une durée maximum de 15 minutes. Alors, M. le député de Rousseau.
M.
Marceau : O.K. Merci, M. le Président. Tout d'abord, permettez-moi
de vous remercier d'être là, M. Keon, M. Charron, Daniel, M. Ouellet, M.
Blouin. Donc, merci. J'ai quelques questions, ma collègue aussi en aura.
Je
vais commencer par une question très simple. Vous présentez dans votre mémoire
un portrait de l'utilisation des médicaments génériques et novateurs ou
d'origine. Dans votre mémoire, vous le faites pour les régimes privés puis
pour le régime public, puis vous faites une comparaison de l'utilisation des
génériques, dans les différentes provinces canadiennes, pour les régimes privés. Si on prend le
global, là, si on... Parce
qu'évidemment, un régime public d'assurance médicaments, il n'y en a seulement qu'un au Québec. Si on combine le
régime québécois d'assurance médicaments avec les régimes privés, est-ce
qu'au Québec on utilise plus les génériques qu'ailleurs au Canada ou moins?
M.
Keon (Jim) : Au Canada, le Québec maintenant est plus près de
l'utilisation moyenne avec les autres provinces, mais, si on compare l'utilisation des génériques d'ordonnances aux
États-Unis, c'est beaucoup plus faible au Canada et au Québec. Aux États-Unis, maintenant on utilise les
génériques dans 85 % des ordonnances. Et c'est aussi dans les autres
grands pays, comme l'Allemagne et le
Royaume-Uni... on utilise les génériques beaucoup plus qu'au Canada. Alors, au
Canada, maintenant, l'utilisation est à peu
près de... deux tiers de toutes les ordonnances sont remplis avec les
génériques, mais on a beaucoup plus d'espace pour augmenter
l'utilisation et les économies au Canada.
M.
Marceau : O.K. Merci. Deuxième question, celle-là plus
difficile, peut-être. Bon. Vous avez évoqué la question de l'article 28.2, qui ne s'applique pas aux
régimes privés, et M. Charron a évoqué le fait qu'à l'époque ça a été conçu,
comme tel, ça a été conçu... À l'origine,
là, lorsqu'a été créé le régime d'assurance médicaments, on a prévu des
dispositions différentes pour le
régime public et puis pour les régimes d'assurance privés. Une question assez
large, là. La première, c'est :
Quelles étaient les motivations à l'époque? Je n'y étais pas. Et j'aimerais
bien vous entendre là-dessus : Quelles étaient les motivations du législateur à l'époque? Pourquoi avoir fait
ça de cette façon-là à l'époque? Ça, c'est une première question.
La
deuxième. Les circonstances qui prévalaient à l'époque ne sont certainement
plus les mêmes que celles qui prévalent
aujourd'hui. Et est-ce que vous croyez que les circonstances ont suffisamment
changé pour que les motivations qui animaient le législateur à l'époque
ne soient plus valables et puis amènent à des changements aujourd'hui? Voilà.
M.
Charron (Daniel) : C'est une bonne question. Puis je n'y étais pas non
plus, Donc, les motivations du législateur, je ne les connaissais pas à l'époque. J'imagine qu'on voulait s'assurer
que les patients n'aient pas à payer trop cher pour leurs médicaments, donc, on plafonnait le
copaiement de cette façon-là. Pourquoi on n'a pas mis les mêmes règles pour
les deux régimes? Je ne le sais pas. Mais vous
posez la question sur : Les circonstances ont-elles évolué?, qui fait en
sorte qu'aujourd'hui, bien, on
devrait revoir ça. Et j'y ai répondu un petit peu, en partie, à votre question,
durant ma présentation.
Les circonstances ont
énormément changé, parce qu'avec les baisses de prix des médicaments génériques
des dernières années l'impact de cette
différence-là est très grand aujourd'hui, alors qu'à une époque où le prix des
médicaments génériques était différent,
bien, l'impact de cette clause-là, de ce différentiel-là touchait beaucoup
moins les assureurs privés. Donc,
comme je le disais, si on entend davantage d'appels puis si on est ici
aujourd'hui puis on en parle, c'est que le contexte des prix fait en sorte
que le coût de cette différence-là entre le public et le privé était important
pour les régimes privés plus que jamais.
M.
Ouellet (Christian) : Un élément, peut-être, de mémoire
collective : n'oubliez pas dans le contexte que ça a été une des premières... le Québec a été une des premières
provinces à instaurer un régime d'assurance universel où il faisait cohabiter une assurance publique avec
l'assurance privée. Alors là, j'y vais vraiment de mémoire, mais il y avait
eu une négociation qui avait été entamée
avec des regroupements d'assureurs privés et de groupes d'employeurs avec
le secteur public pour mettre ça en commun.
Mais après ça le fruit de cette négociation-là, je présume, a donné... Et je n'ai pas l'hypothèse qui a sous-tendu les chiffres
et la clause qui a été évoquée. Mais juste pour conceptualiser : ça a été
le fruit d'une négociation.
M.
Marceau : O.K. Ce que j'essaie de voir, c'est quels étaient les
avantages, parce que, dans le fond, je comprends, il y a des... Vous nous soulignez le coût qu'il y
a à avoir cette mesure-là à la fois pour les assureurs privés, les employés,
et les employeurs, et puis pour vous, parce
que ça implique pour vous un usage moins grand des médicaments que vous produisez. J'essaie de voir quelle était la contrepartie
avantageuse de l'opération, et c'est, dans le fond, ce que je cherche.
Mais, si vous ne le savez pas...
M. Charron
(Daniel) : Puis à cette époque-là, comme je le disais, les prix
faisaient en sorte que...
M. Marceau :
C'était moins dommageable.
M.
Charron (Daniel) : ...on n'a pas vu ce différentiel-là comme un enjeu
pouvant freiner ou créer un différentiel du taux d'utilisation entre le
privé et le public. C'est aujourd'hui qu'il apparaît.
M. Blouin
(Christian) : Je voudrais juste ajouter un complément de réponse.
Le Président (M.
Spénard) : Pourriez-vous vous nommer, s'il vous plaît?
M. Blouin
(Christian) : Christian Blouin, avec Pharmascience.
Le Président (M.
Spénard) : Merci.
M.
Blouin (Christian) : Je voulais juste ajouter un élément de réponse,
M. Marceau. Je n'ai pas l'historique, mais une chose est certaine, c'est que pour les employeurs, à l'heure
actuelle, le coût et la pression sur les régimes de remboursement des bénéfices au niveau des employés
ont quadruplé, quintuplé. Beaucoup plus de pression. Il y a 15, 20 ans,
il n'y avait pas la même pression qui
existait. Aujourd'hui, il y a beaucoup de médicaments qui coûtent beaucoup plus
cher dans des niches, et puis c'est correct
comme ça. Il y a quand même un besoin de rembourser ces médicaments-là,
mais, en même temps, ils ne peuvent pas maximiser les économies sur d'autres
molécules.
Et
c'est important de le faire pour assurer la pérennité des systèmes. Parce que
les employeurs se battent, à l'heure actuelle,
pour savoir comment ils peuvent économiser sur les régimes de bénéfices au
niveau des employés, et une façon d'assurer la pérennité de ces
systèmes-là, c'est d'assurer une plus grande utilisation des génériques, de
sorte qu'on va pouvoir continuer au moins à
payer les médicaments qui seront possiblement
les médicaments novateurs à un moment
donné.
• (10 h 30) •
M.
Marceau : O.K.
Merci. Peut-être, pour le bénéfice de ceux qui suivront, je vous
poserai la même question.
Alors, ceux qui sont dans la salle, ils peuvent se préparer.
Une
autre question, c'est... Vous savez que présentement il y a beaucoup de médecins qui écrivent sur les ordonnances «ne pas substituer». C'est un
phénomène qui inquiétait mon ancien collègue Réjean Hébert, qui le préoccupait. Et, selon
vous, est-ce que le gouvernement devrait agir sur ça? Et, s'il veut le faire,
comment doit-il le faire? Faut-il modifier la loi?
M. Charron
(Daniel) : C'est une excellente question, puis ça rejoint un peu ce
que je disais dans la période d'échange. On
peut peut-être discuter d'éléments qui apporteraient des économies
et à... Vous n'êtes pas le seul à être préoccupé
par cet élément-là. D'ailleurs, ça avait fait l'état d'articles de journaux, une
augmentation de la proportion des ordonnances sur lesquelles il y avait
une mention «ne pas substituer», qui fait en sorte, bien, que le régime
d'assurance de la RAMQ est obligé de rembourser plus cher. Il y a certainement
quelque chose à faire pour le gouvernement puis qui n'entraînerait, à mon avis, pas un changement important aux niveaux législatif et réglementaire, c'est d'encadrer la pratique comme toutes les provinces le font, comme
le gouvernement fédéral le fait pour les assurés comme les
anciens combattants, les Premières
Nations, d'exiger du médecin qu'il justifie l'utilisation du «ne pas
substituer». Donc, un meilleur encadrement
ferait probablement en sorte que l'augmentation serait freinée et que le Québec
serait ramené à des niveaux d'ordonnances «ne pas substituer» équivalant
à ce qui se fait ailleurs.
On
a fait des calculs. Si on arrivait à ramener à la moyenne canadienne au
niveau... ou à ce que c'était au Québec, dans le fond... Entre 2008 et 2012, le nombre d'ordonnances «ne pas
substituer» a doublé au Québec. Si on ramenait ça au niveau de 2008, ça ferait des économies de 35 à
40 millions annuellement pour le gouvernement. Et la solution, dans le
fond, passe certainement par un encadrement
comme ça se fait partout ailleurs. C'est certainement un élément qui devrait
être attentivement regardé.
M.
Marceau : Très bien. Y a-t-il d'autres facteurs que le 38.2, le
«ne pas substituer» qui expliquent la sous-utilisation, si on veut, des
génériques dans les régimes privés?
M. Charron (Daniel) : Sans
doute. Il y a des enjeux liés, par exemple... hein, on a vu l'apparition des
cartes de fidélité lancées par des
compagnies de marque, qui fait en sorte que, bien, on offre un avantage payé
par les assureurs, par ailleurs, à
des patients pour qu'ils utilisent un produit de marque plus cher alors qu'un
médicament générique beaucoup moins
cher est disponible sur le marché. Donc, des facteurs comme ceux-là viennent
expliquer... mais surtout cette règle-là, qui est propre au Québec, est sans
doute un des facteurs les plus importants pour expliquer cette différence-là.
M. Marceau :
O.K.
M.
Charron (Daniel) : Un autre élément, aussi, qui nous concerne puis qui
serait au bénéfice tant du gouvernement, du coût du régime public d'assurance médicaments que des assurances
privées puis qui augmenterait le taux d'utilisation, c'est la fréquence de renouvellement de la liste
des médicaments. Le Québec, on renouvelle notre liste de médicaments sept fois par année, alors qu'à peu près partout
ailleurs c'est une fois par mois. Bien, ça fait en sorte que, quand un
médicament générique est autorisé par
Santé Canada pour sa commercialisation, bien, des fois, il doit attendre la
mise à jour du gouvernement du
Québec. Alors qu'il commence à se vendre partout ailleurs au pays, il doit
attendre la mise à jour du Québec.
Ce
délai-là, parce qu'on est obligé... Pendant plusieurs semaines, voire même, tu
sais, jusqu'à un à deux mois, on est
obligé de continuer à rembourser un médicament de marque quatre à cinq fois
plus cher, ce coût-là... On l'a faite, l'évaluation.
Sur cinq molécules, dans les 12 derniers mois, le Québec s'est privé
d'économies de 13 millions de dollars... le régime de la RAMQ, et de même pour les régimes privés, parce que les
régimes privés attendent la mise à jour de la liste de la RAMQ pour procéder à ses propres mises à jour là. Donc, ces
délais-là sont également un facteur qui fait en sorte que le Québec a un taux d'utilisation plus faible, même dans le
secteur privé, parce qu'ailleurs plus rapidement on peut passer au
générique qu'au Québec.
M.
Marceau : Effectivement, le dernier point que vous avez soulevé
est... enfin, c'est à notre portée, M. le ministre, j'imagine, de faire
en sorte qu'on puisse renouveler plus rapidement les listes de médicaments
permis.
J'ai
une dernière question avant de passer la parole à ma collègue, s'il reste du temps, et elle est un peu moins plaisante peut-être. Il y a des analystes qui prétendent que les prix des
génériques ne sont pas aussi bas qu'ils devraient l'être au Québec, au Canada. Pouvez-vous tenter de me convaincre que j'ai
tort quand je dis ça ou que ces gens-là ont tort? Y a-t-il des comparaisons internationales, là, des prix des
médicaments génériques qui permettraient d'arriver à la conclusion qu'effectivement
au Québec, au Canada on paie les bons prix?
M.
Keon (Jim) : La meilleure
étude, pour nous, c'est une étude du conseil du médicament breveté, un conseil
fédéral qui a fait une étude l'année passée.
Et, avec cette étude, les provinces ont négocié une entente avec notre
association pour les prix des
médicaments, et, avec les bases de prix qui sont dans l'entente et qui
continuent cette année et jusqu'à 2016-2017,
on aura, au Canada, à peu
près le même prix que dans le G7, que
les autres pays pour les génériques. Alors, je pense qu'au Québec, au
Canada maintenant les prix des génériques, c'est équitable et qu'ils
sont équitables et concurrentiels avec les autres pays.
Le
Président (M. Spénard) : Il
vous reste 1 min 30 s. Mme
la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, pour 1 min 30 s.
Mme
Poirier : Bien, une
courte réponse. Vous dites qu'entre 2008,
2012 l'utilisation du médicament original a doublé. Pourquoi?
M.
Charron (Daniel) : Non. Entre 2008 et 2012, c'était... En fait, c'est
des données qui viennent de la RAMQ, qui avaient été envoyées... en
fait, qui avaient été utilisées dans un article publié dans LeJournal
de Montréal à l'automne 2013, en fait,
qui disait que, le nombre d'ordonnances sur lequel on marquait «ne pas
substituer», la proportion avait doublé entre 2008 et 2012 et, dans le
fond, aux dépens du régime d'assurance. Donc, ce n'est pas le nombre de
prescriptions, c'est le nombre d'ordonnances marquées d'une mention «ne pas
substituer».
Mme
Poirier : Mais est-ce qu'on connaît la cause du pourquoi que,
dans cette période-là spécifiquement, il y a eu justement un impact
important, là?
M.
Charron (Daniel) : ...ne la connait pas. Peut-être que d'autres la
connaissent. Mais c'est pour ça que nous, on dit : Pour la connaître, pour mieux comprendre, encadrer avec un
formulaire comme... puis on n'invente rien, là... qui est utilisé par tous les régimes publics qui
existent ailleurs au Canada, par également le gouvernement fédéral pour les
citoyens qu'il assure, donc, d'encadrer cette pratique et de demander, donc, à
celui qui écrit «ne pas substituer» de le justifier et d'expliquer pourquoi il
utilise cette mention-là.
Le Président (M.
Spénard) : Il vous reste 10 secondes.
Mme
Poirier : Vous avez parlé de la carte fidélité. Quelles autres
mesures, là, à part le «ne pas substituer», que vous voyez qui seraient
intéressantes à mettre en place actuellement?
M. Charron
(Daniel) : ...d'augmenter la fréquence de mise à jour de la liste des
médicaments, puis ça, c'est à notre portée. On est en 2015, là. Mettre à
jour une liste des médicaments une fois par mois, ça ne me semble pas être
impossible, alors que tout le monde, d'ailleurs, le fait.
Le Président (M.
Spénard) : Merci, messieurs. Alors, je cède maintenant la parole au
deuxième groupe de l'opposition pour une période maximale d'échange de
10 minutes. M. le député de Granby.
M.
Bonnardel : Merci,
M. le Président. Bienvenue, messieurs. Voilà une dizaine ou une quinzaine
d'années, l'industrie biopharmaceutique,
l'industrie de la santé étaient très florissantes. À Montréal, on parlait de
230 entreprises, 20 000 emplois
directs, 6 000 chercheurs. Puis je ne pense pas me tromper en disant
que la règle du 15 ans amenait, donc, beaucoup d'industries à venir développer l'innovation, recherche et
développement à Montréal même. Avec l'abolition de cette règle, ça a changé nécessairement la donne. Je pense que tout
le monde peut convenir aussi que, cette industrie, on peut dire qu'elle
est sûrement moins florissante qu'avant.
Ma question.
Si je me fais un arbitre aujourd'hui... Vous disiez tantôt, M. Keon, je pense,
que le générique est utilisé aux États-Unis à hauteur de 85 %,
75 % au Canada...
M. Charron (Daniel) : 66 % au
Canada.
M.
Bonnardel :
...66 %... et j'imagine que vous pouvez peut-être répondre à cette
première question en me disant... si
cette industrie pharmaceutique présentement est moins florissante au Québec,
vous dites, vous : Il faut amener plus de génériques, parce qu'on
va sauver plus d'argent. Quel est le modèle qui fonctionnerait le mieux si,
demain matin, le gouvernement disait :
Bien, on va ouvrir un peu plus de place aux génériques versus ce que vous ne
faites pas en réalité, c'est cette innovation, cette recherche et
développement, cette molécule, ce brevet qu'on amène?
Vous dites, vous : Bien, moi, après le brevet, là,
«let's go», j'embarque sur le marché. Puis c'est normal. Alors, pouvez-vous un peu m'amener là-dessus?
Puis peut-être une parenthèse en me disant : Aux États-Unis,
là, ce 85 % de générique qui est
vendu, l'industrie du brevet, elle va comment? C'est peut-être ça qui va nous
aider, je pense, comme parlementaires,
à statuer ou à se faire une tête à savoir comment, bon, ceux qui innovent, qui
font la recherche versus vous...
• (10 h 40) •
M. Charron
(Daniel) : C'est intéressant que vous mentionniez la règle des 15 ans,
son abolition. Puis, comme association,
on avait fait beaucoup de représentations pour son abolition. Puis, dans le
fond, nous, ce qu'on disait, c'est qu'elle
était devenue injustifiable parce que le secteur pharmaceutique de marque avait
commencé à désinvestir le Québec : fermeture après fermeture
d'usines, d'abord, ensuite de ça, de centres de recherche, ce qui fait que le
processus était amorcé bien avant
l'abolition de la règle des 15 ans. D'ailleurs, depuis l'abolition de la règle
des 15 ans, il ne doit pas y avoir eu beaucoup d'annonces de fermeture,
parce que le secteur avait été vraiment affecté.
Ce qui change
la donne, et ça, c'est important de le constater, c'est que, dans le secteur
pharmaceutique global, c'est
l'industrie du médicament générique qui en ce moment est le moteur de
croissance. Puis on a deux représentants d'entreprise. La principale entreprise pharmaceutique au Québec, avec
près de 1 300 employés, c'est Pharmascience. Sandoz, c'est près de 900 employés sur la Rive-Sud de Montréal,
le deuxième employeur en haute technologie après Pratt & Whitney
sur la Rive-Sud. Donc, partout dans le
monde, les gouvernements sont aux prises avec des défis au niveau de leurs
finances publiques, donc ils
cherchent des manières d'économiser, notamment dans le secteur santé. Et c'est
le seul secteur, le coût des
médicaments, où on peut faire des changements qui n'ont pas d'impact sur la
qualité des soins sur le patient, sur la qualité des services. C'est de
favoriser l'utilisation du médicament générique. Donc, la demande pour le
médicament générique est en forte croissance dans les pays occidentaux. Dans
les régimes privés, les employeurs, de plus en plus, cherchent à chercher des économies là-dedans. Donc, au Québec, au
Canada, mais partout dans le monde... Et également les pays émergents, qui deviennent de plus en plus
demandeurs de médicaments, demandent beaucoup de médicaments. Puis, comme je le disais, l'industrie du médicament
générique au Québec, c'est l'exemple type du secteur manufacturier — valeur
ajoutée, intensif en recherche et développement — exportateur qu'on
veut.
Donc, il faudra trouver, dans nos appuis au
secteur pharmaceutique, des mesures de retenir les entreprises pharmaceutiques génériques qui sont déjà ici, puis
d'attirer davantage de mandats, puis de les aider à investir, parce qu'il
est là, le secteur de croissance dans
l'industrie pharmaceutique mondiale. En tout cas, il y a un secteur important
là. Puis le Québec, comme le Canada,
d'ailleurs, a la chance d'avoir un «hub» de ces entreprises-là, qui ont grandi
énormément au cours des dernières
années. Quand je faisais état de 4 000 emplois aujourd'hui, c'est une
croissance exceptionnelle, ça, sur une quinzaine d'années. Donc, on a
intérêt à poursuivre le développement de ce secteur-là dans une politique
industrielle.
M.
Bonnardel :
Il y a un chiffre qui m'a échappé. Au Québec, vous disiez... c'était quoi, le
pourcentage d'utilisation du générique présentement?
M. Keon (Jim) : 69 %.
M.
Bonnardel : Au
Québec?
Une voix : Oui.
M.
Bonnardel : Donc,
pour vous, ce modèle devrait jouer entre ça, 70 %, 85 %? J'imagine
que l'industrie du brevet, comme je le
disais tantôt, aux États-Unis... si les Américains sont à 85 %,
l'industrie du brevet doit fonctionner quand même correctement. Donc, pour
vous, c'est une braquette intéressante, de peut-être... De l'amener à
85 %, est-ce que c'est ça qui serait le pourcentage idéal, là, de...
M.
Keon (Jim) : Oui. Pour nous autres, notre position pour toutes les
politiques est... Il y a des brevets au Canada. Et, après la fin du brevet, il faut avoir la concurrence. Et nous, nous
demandons les changements de toute la législation qui entoure l'utilisation des
génériques. Après le brevet, c'est la concurrence. Même si une compagnie de
marque veut faire la concurrence,
c'est bon pour nous autres, mais il n'y a aucune raison de ne pas utiliser le
même médicament, la même qualité et à chercher le meilleur prix. Et ça,
c'est notre point de vue.
M.
Bonnardel :
Donc, pour vous, là, de recommander... Vous dites à la page 2 de votre mémoire,
là, que «toute entente d'inscription prenne automatiquement fin
lorsqu'une version générique du médicament concerné devient disponible». C'est l'élaboration que vous faites,
là, le constat que vous faites, de dire : Il faut absolument que cette
entente d'inscription prenne fin. Pouvez-vous élaborer rapidement?
M. Charron
(Daniel) : L'alliance
pharmaceutique pancanadienne, qui est issue du Conseil de la fédération, est d'accord avec nous là-dessus. Donc, les ententes
d'inscription qui se font ailleurs parce
qu'il y a les... Ailleurs
au Canada, ce
type d'entente là, ça existe. Ils sont d'accord
avec nous pour dire : Elles ne doivent pas prévenir l'arrivée, sur le
marché, des génériques et la concurrence générique, ces ententes-là.
Donc, c'est important, pour nous, qu'une fois la version générique du produit arrivée sur le marché... il
est important que cette entente-là n'arrive pas... Puis, à partir du moment où
également les données ne sont pas publiques, ça brouille un peu les conditions
de concurrence. Et donc, à partir du moment
où il y a de la concurrence, bien il faut que les conditions de concurrence
soient le moins brouillées possible. Et,
en plus de ça, bien ça permet de pouvoir profiter des économies liées à
l'arrivée des génériques plutôt que d'être coincé dans une situation où
on rembourse un médicament plus cher.
M.
Bonnardel :
...de quantifier plus précisément... encore, à la page 10, là... la page 2, là,
vous dites... bon, le changement à la
Loi sur l'assurance médicaments, là, à l'article 28.2, là, combien d'argent le
public pourrait sauver face à ce changement, là, que vous indiquez, là,
de modifier la disposition de l'article 28.2.
M. Charron
(Daniel) : C'est un frein à l'utilisation des génériques dans le
secteur privé. Puis nous, on dit que, si
le Québec rejoignait la moyenne canadienne en termes d'utilisation des
médicaments génériques dans le secteur privé, c'est des économies de près de 450 millions de dollars par année
annuellement qui seraient à notre portée. Comment ça serait distribué entre les différents types
d'employeur? Nous, ce qu'on dit, c'est que beaucoup d'employés sont couverts
par un régime privé, travaillent dans le
secteur public, là, les municipalités et le gouvernement, hôpitaux, commissions
scolaires, donc c'est des économies
importantes pour le gouvernement et le secteur public comme employeurs
également. Difficile à chiffrer, mais certainement une part importante
du 450 millions de dollars dont je parlais plus tôt.
M.
Bonnardel :
Vous avez dit tantôt que le prix que la RAMQ donne concernant la molécule comme
telle, c'est 18 % du prix de la
molécule qui est octroyé. Est-ce que c'est un pourcentage qui est équivalent
aux autres législations canadiennes, ça?
M. Charron (Daniel) : C'est ce qui
arrive aujourd'hui grâce aux efforts du Conseil de la fédération puis de
l'alliance pharmaceutique pancanadienne.
L'idée était
de s'assurer d'avoir une certaine cohérence, parce qu'à une certaine époque le
Canada, c'était comme 10 pays en matière d'inscription et de prix des
médicaments. Donc, ça fait en sorte que les prix sont négociés pour l'ensemble des provinces — le Québec, maintenant, a annoncé qu'il en
ferait partie, donc le Québec y inclus — fait en sorte qu'on fixe le prix en fonction
de paramètres comme la concurrence. Parce que les provinces... Puis, je veux
dire, le ministère de la Santé et des
Services sociaux le reconnaît lui-même, ce n'est pas... toutes choses étant
égales par ailleurs, il y a des
produits où il y a des gros volumes de ventes, où il y a beaucoup de
concurrence, sur lesquels les prix peuvent être plus bas que les produits plus nichés pour lesquels il y a un ou
deux fabricants seulement parce que complexes à faire. On parle de produits injectables, par exemple. Il
est normal que pour ces produits-là, parce qu'il y a moins de concurrents,
parce que les coûts de production sont plus
élevés, parce que la complexité de la fabrication est plus grande, on permette
d'avoir des... plus grands. Donc, le 18 %, c'est le prix, à terme, pour
les 18 produits les plus vendus au Canada.
M.
Bonnardel :
Ce 18 %, bon, là, on dit donc que c'est un pourcentage pancanadien, là.
Vis-à-vis l'Europe et les États-Unis, est-ce que c'est similaire?
M. Charron
(Daniel) : Bien, comme on le disait tout à l'heure, ces discussions-là
avec les provinces se sont faites sur
la base d'une étude qui a été produite par le Conseil d'examen du prix des
médicaments brevetés, qui est une agence du gouvernement fédéral, qui a
fait des comparaisons internationales, et les provinces, dans le travail de...
Le Président (M. Spénard) : Alors,
en terminant, messieurs.
M. Charron
(Daniel) : ...des prix, ont regardé les comparaisons internationales
qui sont dans cette étude-là pour arriver à fixer des prix qui soient
dans la moyenne du G7.
Le
Président (M. Spénard) : Alors, merci beaucoup aux représentants de
l'Association canadienne du médicament générique.
Alors,
je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe
de prendre position. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 49)
(Reprise à 10 h 54)
Le
Président (M. Spénard) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je remarque qu'il y a beaucoup
de personnes debout. S'il n'y avait plus de place ici, à
l'intérieur de cette salle, il y a
une autre salle où la télédiffusion des débats est en direct et où il y
a des places assises. Alors, je vous remercie.
Alors, nous
reprenons la séance en accueillant l'Association québécoise des pharmaciens
propriétaires. Alors, messieurs, la parole est à vous pour une durée de
10 minutes.
Association québécoise
des pharmaciens
propriétaires (AQPP)
M.
Thiffault (Jean) : Merci, M.
le Président. Mon nom est Jean Thiffault, je suis le président de l'Association
québécoise des pharmaciens propriétaires. Je
suis accompagné de M. Jean Bourcier, qui est le vice-président et le directeur
général de l'association, ainsi que de
Me Marie-Josée Crête, qui est directrice à la négociation et aux affaires
publiques, et plusieurs de mes collègues sont dans la salle, ici, en
support à l'association.
Donc, l'AQPP représente les 2 007
pharmaciens propriétaires des 1 854 pharmacies du Québec, qui ont la
responsabilité professionnelle d'assurer la réussite de la pharmacie, une
rentabilité sérieusement compromise par les compressions d'honoraires de
177 millions résultant du projet de loi n° 28. C'est donc au nom de
tous mes collègues pharmaciens propriétaires, inquiets comme moi de la survie
financière de leur PME, que je m'adresse à vous aujourd'hui.
D'entrée de jeu, je vais vous présenter les
répercussions concrètes du projet de loi n° 28 sur les pharmacies communautaires. Ces compressions moyennes de 100 000 $ par pharmacie déstabiliseront des
PME présentes partout sur le
territoire québécois en plus d'avoir des incidences financières,
opérationnelles et professionnelles. Pour certains pharmaciens avec une
clientèle majoritairement couverte par le régime public, la perte pourrait
représenter près de la moitié de leur
profitabilité. Vous comprendrez qu'avec ces pertes nettes, qui correspondent à
environ 20 % de la masse salariale
des pharmacies... obligeront les pharmaciens à poser des gestes
difficiles : réduire les heures d'ouverture; éliminer le service de livraison à domicile; abolir des postes
d'assistant technique ou de pharmacien, ce qui est contraire aux engagements
du Parti libéral en campagne
électorale : de créer des nouveaux emplois; ou de réduire les services
offerts aux patients.
Le projet de
loi n° 28 vient couper les honoraires des pharmaciens de
177 millions. Cette perte s'ajouterait aux 223 millions de dollars qu'ils ont déjà perdus depuis quatre ans,
suite aux importantes baisses de prix des médicaments génériques décrétées par le gouvernement. Bien que
le gouvernement essaie par tous les moyens, depuis 10 ans, d'améliorer l'accès aux soins de première ligne, le projet de
loi n° 28 fera exactement le contraire. Alors que la population demande
aux pharmaciens d'en faire plus, l'État leur
enlève des ressources significatives pour jouer leur rôle de façon optimale.
L'AQPP
constate que l'article 168 s'immisce dans une relation commerciale entre un
pharmacien et sa clientèle privée et
que cette relation n'a aucune incidence budgétaire sur les finances publiques.
Son apparition dans un texte de loi présenté à des fins d'équilibre
budgétaire est pour le moins étonnante, du moins contestable. Une telle mesure
n'est nullement nécessaire pour atteindre
les objectifs budgétaires du gouvernement. Par cet article, le gouvernement
annonce son intention de décréter l'existence de services assurés à zéro
dollar. Cette façon de faire ne vise qu'à camoufler à la population la volonté du gouvernement de ne pas
assurer les services pharmaceutiques tout en obligeant le pharmacien à les rendre, et ça, sans rétribution, autant dans
le secteur privé que dans le secteur public. Ainsi, ils mettent en doute la
valeur même de ces services et soulèvent un
questionnement quant à la pertinence de les offrir. Pourquoi un pharmacien
engagerait-il sa responsabilité
professionnelle et son temps si ses services ne sont aucunement valorisés? Un
libre marché concurrentiel permet
d'innover en matière de services professionnels et une facilité à s'adapter aux
besoins de chaque région du Québec.
Les articles
180 à 184 donnent au ministre de la Santé et des Services sociaux le pouvoir
absolu de déterminer les modalités de
rémunération des services assurés et dispensés par les pharmaciens. Cette mesure
nie le principe de la libre
négociation et de la bonne foi, qui en découle. Par le dépôt du projet de loi
n° 28, le gouvernement souhaite imposer des coupures drastiques de 177 millions sans aucune négociation
préalable. Rien ne justifie de conférer au ministre de la Santé de tels
pouvoirs.
Preuve de la bonne foi des pharmaciens
propriétaires : dès l'été 2014, l'AQPP a proposé des réductions de 60 millions de dollars directement dans nos
honoraires en plus de suggérer 100 millions de dollars d'économies de
système très facilement réalisables. Nos recommandations sont restées
lettre morte.
En ce qui
concerne les nouveaux services prévus au projet de loi n° 41,
rappelons-le, votés ici même, à l'Assemblée nationale, à l'unanimité il y a trois ans, l'AQPP a toujours reconnu le
droit du ministre de déterminer leur assurabilité. De plus, l'AQPP est d'avis qu'en exigeant une
contribution financière de ces assurés pour ces services, qui sont ailleurs
disponibles pour tous les Québécois dans le
réseau de la santé, et ce, sans aucuns frais auprès des médecins, le
gouvernement va à l'encontre de son éternel objectif d'améliorer l'accès aux
soins de santé de première ligne, historiquement un des moins bons au
Canada.
L'AQPP
propose donc que la couverture de ces services soit prise en charge par le
régime de l'assurance maladie du
Québec et non par le régime général d'assurance médicaments. C'est une question
de cohérence dans le système de santé. Exiger une contribution pour ces services
constitue un frein majeur à leur utilisation, plus particulièrement pour
les populations vulnérables. En ce qui
concerne les honoraires professionnels associés à ces services, l'AQPP a immédiatement accepté la proposition faite par le
MSSS le 5 novembre dernier. Le problème n'a donc jamais été monétaire,
mais plutôt politique.
• (11 heures) •
Le
deuxième paragraphe de l'article 180 soulève des enjeux importants, notamment
les médicaments à volumes élevés et le service de mise en pilulier.
Parlons d'abord des
médicaments à volumes de prescription élevés. Le modèle actuel de rémunération
des pharmaciens, qui date de 1972, prévoit
que les honoraires sont indépendants de la substance prescrite. Cette façon de
faire permet une mutualisation des coûts associés à l'exécution d'une
ordonnance. En ce sens, le pharmacien reçoit un honoraire de moins de 9 $, peu importe que le médicament coûte
20 $, 2 000 $ ou même 10 000 $. Par la présente
proposition, le gouvernement souhaite couper 40 millions de dollars
directement dans les honoraires associés à ces produits à volumes élevés. L'AQPP est ouverte à la révision du principe
de l'honoraire fixe à condition de tenir compte de l'ensemble des médicaments. Si certaines molécules méritent une
baisse d'honoraires, d'autres méritent des honoraires plus élevés en
raison de leur complexité thérapeutique ou des coûts associés à leur
manipulation.
Maintenant,
en ce qui concerne l'enjeu du pilulier, l'AQPP constatait, dès 2010, une
croissance importante de ses coûts et
une forte augmentation de la demande reliée aux besoins d'une clientèle
vieillissante et vulnérable. L'association a alors proposé des solutions à long terme pour mieux encadrer les
coûts, mais le gouvernement n'a pas cru bon de pousser la démarche plus
loin. En 2014, l'AQPP a de nouveau proposé d'autres solutions qui permettaient
de contrôler la croissance des dépenses de ce
service. Ses offres avaient le mérite de cibler directement l'enjeu de répondre
aux problématiques et d'envisager des
solutions permanentes. Encore une fois, le gouvernement a refusé ces pistes de
solution pour s'en tenir à un
scénario simpliste de coupures aveugles de 177 millions qui impacteront
directement nos patients les plus
vulnérables, principalement des personnes de plus de 80 ans et des gens
souffrant de problèmes de santé mentale.
En conclusion, les
mesures proposées par le projet de loi n° 28 entraîneront des compressions
moyennes de 100 000 $ par
pharmacie et déstabiliseront des PME qui offrent des services indispensables
aux Québécois. Elles auront, sans
l'ombre d'un doute, d'importantes incidences financières, opérationnelles et
cliniques. Lors des récentes négociations, cet automne, les représentants du MSSS nous ont avoué ne pas avoir
analysé l'impact des propositions sur l'économie de la pharmacie, sur les obligations professionnelles des pharmaciens
et, surtout, sur l'impact sur les patients vulnérables. Il s'agit bien d'une démonstration concrète du peu
de sérieux derrière les présentes demandes et du peu de considération envers les pharmaciens. Les Québécois, eux, sont
par contre inquiets des répercussions de ces compressions aveugles. En ce sens, l'AQPP dépose en complément du mémoire
une pétition signée par plus de 67 000 citoyens qui demandent que les pharmaciens puissent continuer à offrir
les services actuels en préservant les ressources nécessaires pour le faire.
L'AQPP est disposée à négocier, avec
diligence et surtout intelligence, l'évolution de notre entente et convie le
gouvernement à avoir une ouverture à un tel exercice.
Au
cours des dernières années, le monde de la santé a évolué, la profession de
pharmacien a significativement progressé,
et les attentes de la population envers les pharmaciens sont beaucoup plus
élevées. Il est maintenant, plus que jamais,
urgent que le gouvernement le réalise et cesse de confiner le pharmacien dans
un rôle de loin suboptimal. Pratiquement
toujours disponibles et sans aucune subvention publique, les pharmaciens sont
les professionnels de la santé de
première ligne les plus accessibles présents partout, partout sur le territoire
québécois — en
ville, en région — les
jours, les soirs et même les fins de semaine.
Enfin, par leurs
investissements, leur implication communautaire et leur capacité à innover, les
pharmaciens propriétaires mettent tout en place pour répondre efficacement aux
besoins de la population. La question : Quel autre professionnel peut en dire autant? Je vous remercie tous de votre
écoute, et nous serons disposés à répondre à vos questions. Merci, M. le
Président.
Le
Président (M. Spénard) : Merci, M. Thiffault. Je cède maintenant la
parole du côté gouvernemental pour une période d'échange maximale de 25
minutes. Alors, M. le ministre.
M.
Leitão : Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être venus nous
faire parvenir votre mémoire et d'être ici présents pour répondre à nos
questions.
D'entrée
de jeu, je vous dirais que le projet de loi n° 28, en ce qui concerne les
pharmacies, va tout simplement encadrer
le pouvoir de négociation du ministère de la Santé et des Services sociaux,
donc ce n'est pas le projet de loi n° 28 qui va déterminer si c'est 100 et quelques millions, ce n'est pas ici
qu'on va déterminer ces montants-là. La négociation se poursuit, d'ailleurs, comme vous le savez sans
doute, avec le ministère de la Santé et des Services sociaux. Donc, je
pense qu'on ne soit pas arrivé déjà à un montant final.
Il
y a une question... et puis après ça mes collègues pourront continuer, il y a
une question qui m'intéresse, et c'est que,
depuis quelques années, disons, de 2007 à 2013, par exemple, la croissance
moyenne annuelle des coûts des médicaments a été de moins de 1 % à cause des génériques, et tout ça, donc moins
de 1 % de croissance annuelle des coûts des médicaments. Par contre, les coûts des honoraires des pharmaciens ont
augmenté de 7,6 %, donc de 785 millions à 1,2 milliard,
en honoraires.
Deux
questions. Pouvez-vous m'expliquer ou enfin me suggérer les raisons pourquoi il
y a cet écart dans les taux de croissance? Et puis quelles mesures ou
quelles avenues proposez-vous pour qu'on puisse réduire la cadence de la
croissance des honoraires?
M.
Thiffault (Jean) : En fait,
les honoraires des pharmaciens, sur les derniers 10 ans, l'augmentation est
inférieure à l'indice des prix à la
consommation, donc il faudrait mettre ça en perspective. Je pense que ce n'est
pas le cas de tous les professionnels dans les dernières années. C'est
le moins qu'on puisse dire.
Dans les
années que vous citez, le volume de prescriptions a beaucoup augmenté. Vous
savez qu'au Québec il se prescrit
beaucoup de médicaments. Vous savez, comme pharmaciens, aussi on n'est pas à
l'origine de la demande. Les gens
viennent pour les prescriptions. Donc, beaucoup de nouveaux médicaments,
beaucoup de nouvelles thérapies, beaucoup d'augmentation de la demande.
Et ces honoraires-là ont augmenté en volume et ils sont travaillés. Ils ne sont
pas plus payants à chaque acte, c'est qu'il se fait plus d'actes dans le
système. Donc, je crois qu'au niveau des honoraires des pharmaciens et, de façon plutôt générale, au niveau de l'assurance
médicaments, M. le Président... Et, depuis deux ans, les coûts du régime général d'assurance
médicaments sont à la baisse. Et j'aimerais bien que quelqu'un me dise, me
nomme un autre volet du domaine de la santé où les coûts sont à la
baisse depuis deux ans.
Donc, je
pense que les pharmaciens, si on dit que le budget de l'assurance médicaments
est sous contrôle, nos honoraires ont
moins augmenté que l'inflation, c'est-à-dire, donc, que les pharmaciens
s'appauvrissent un peu à chaque année par rapport au pouvoir d'achat...
je pense qu'on a fait notre part. On a fait notre part aussi avec la baisse des
médicaments génériques. Je crois que les
honoraires des pharmaciens ne sont pas un problème dans l'augmentation des
coûts du système de santé.
M.
Leitão : Mais c'est quand même 1,2 milliard. Quelles avenues,
quelles propositions avez-vous pour qu'on puisse réduire la cadence de
cette augmentation-là?
M.
Thiffault (Jean) : Bien, la
façon la plus optimale, ce serait de jouer sur le nombre de prescriptions
aussi. Vous comprenez qu'on n'est pas
à l'origine de la demande. On n'est pas à l'origine de la demande. Chaque acte
qu'on fait, les coûts sont sous
contrôle, et je pense que les Québécois en ont pour leur argent avec les
honoraires des pharmaciens. Et, dans
le dernier dépôt qu'on a fait à la table de négociation, il y avait des
solutions concrètes pour répondre aux préoccupations du gouvernement sur
les piluliers, sur certaines molécules à haut volume. L'association a fait des propositions concrètes qui réglaient des problèmes
structuraux dans l'application de l'entente et qui débouchaient sur des économies
très importantes pour le gouvernement, des économies de 60 millions. Et je
vous dirais que l'effort qui est demandé aux pharmaciens, il n'est pas demandé
à personne d'autre. Donc, M. le Président, on se questionne, comme
association : Qu'est-ce que nous avons fait pour mériter un tel traitement
de... C'est ça.
Donc, comme je vous dis, le budget de
l'assurance médicaments est sous contrôle, les honoraires ont moins augmenté que l'indice des prix à la consommation
sur 10 ans. Je pense que c'est un peu facile de blâmer les pharmaciens
pour l'augmentation des coûts de santé.
M.
Leitão : Je ne pense pas que ce soit une question de blâmer qui que ce
soit, mais, comme je vous l'ai dit tout de suite en commençant, les
négociations, les discussions se poursuivent avec le ministère de la Santé et
des Services sociaux, on n'est pas à la fin du processus.
M. Thiffault (Jean) : Non, on n'est
pas à la fin.
• (11 h 10) •
M. Leitão : Nous, ce que nous
faisons ici, c'est d'établir les paramètres qui vont permettre au ministre de
la Santé de poursuivre et de finaliser ces négociations-là.
Maintenant,
une question que j'ai aussi, avant de passer la parole à mes collègues. Je suis
un néophyte complet dans ce domaine-ci, et, dans ma vie précédente, tout
était très différent. La question que j'ai, c'est : Où est la ligne de séparation entre, donc, un acte médical qui doit
être remboursé par l'État et le service à la clientèle que n'importe quelle PME doit aussi fournir à
ses clients? Quel est l'équilibre dans ça?
M. Thiffault (Jean) : L'équilibre?
Je ne suis pas sûr de saisir la question. L'équilibre, au sens monétaire? L'équilibre...
M. Leitão : C'est ça.
M.
Thiffault (Jean) : En fait,
le fait d'être une PME... vous avez raison, hein, une PME, pour se distinguer,
doit offrir un service à la
clientèle, et je crois que les pharmaciens, de par leurs heures d'ouverture, de
par leur constante priorité d'améliorer
leur productivité puis les services qu'ils offrent, offrent un service à la
clientèle et qui est démontré année après année dans les sondages à la population
sur les professionnels les plus respectés. En santé, on est pratiquement toujours
dans les premiers.
Donc, les
pharmaciens offrent des services publics dans un environnement privé, un environnement privé qui doit faire des
profits, hein? On s'entend qu'on ne peut pas faire des déficits comme un hôpital ou
une autre structure gouvernementale. Et c'est ce qui démarque probablement
une pharmacie d'une autre, le service à la clientèle, et qui fait que certaines pharmacies fonctionnent très bien
puis d'autres fonctionnent peut-être un
petit peu moins bien. Mais, la
ligne entre les deux, il y a un service à la clientèle, mais avant tout il y a
un service professionnel, des obligations déontologiques
qui ne cessent d'être augmentées par l'Ordre des pharmaciens. La profession a beaucoup
changé, hein, dans... Il y a 20 ans, on était... Les pharmaciens
étaient, il y a 25 ans, des distributeurs de médicaments. Ensuite, on a commencé à être un peu cliniques. Là, maintenant,
on fait du suivi de thérapie. Les gens ont besoin de ce service-là. Les gens n'ont pas accès à
ces services-là ailleurs. Et là, présentement,
l'entente qu'on a ne répond plus... ne nous permet pas de jouer notre
rôle de façon optimale.
Donc,
il y a le service à la clientèle, mais il y a le service professionnel, où, là,
on est à une étape charnière, et on a besoin
que le gouvernement reconnaisse ce fait-là, comme partout ailleurs au Canada,
partout ailleurs dans le monde, hein?
M. Leitão :
Je vais passer la parole à mes collègues et je reviendrai.
Le Président (M.
Spénard) : Alors, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme
de Santis : Merci, M. le Président. Et merci d'être
présents, c'est beaucoup apprécié. J'aimerais regarder un peu le projet de loi n° 41, O.K.? On va
permettre maintenant aux pharmaciens d'ajuster une ordonnance d'un médecin
en modifiant la forme, la dose et la
quantité ou la posologie. Je crois que vous faites déjà ça, sauf qu'avant de le
faire vous communiquez avec le médecin.
M. Thiffault
(Jean) : Oui. On n'a pas d'autonomie, pour le moment, dans ces actes.
Mme de Santis :
O.K. Donc, oui, vous faites ça, mais vous n'êtes pas rémunérés, présentement?
M. Thiffault (Jean) : On ne le fait pas de façon aussi complète que le projet de loi va nous
permettre de le faire. Il y a
beaucoup de choses qu'on fait. En fait, il y a plusieurs choses qu'on ne fait
pas, évidemment, parce que, si on les faisait déjà, il n'y aurait pas eu
besoin d'aller faire une loi puis...
Mme
de Santis : Exactement. Donc, c'est quelque chose
que vous faites présentement ou vous faisiez avant et que vous le faisez seulement après avoir
communiqué avec le médecin. C'est un peu la même chose sur la substitution
d'un médicament prescrit en cas de rupture
d'approvisionnement complet au Québec... par un autre médicament d'une
même sous-classe thérapeutique, n'est-ce pas? Vous le faites...
M. Thiffault
(Jean) : On le fait.
Mme
de Santis : ...vous le faisez, mais vous ne le
faisez pas sans avoir communiqué avec le médecin. Et ça, ça faisait partie du service à la clientèle que vous
offriez sans rémunération. Et il y a aussi la prolongation d'une ordonnance
de médecin afin que ne soit pas interrompu le
traitement prescrit. Donc, vous faites déjà ces actes-là avec une communication au médecin parce que ça fait partie
du service à la clientèle, mais vous demandez maintenant que vous soyez
payés pour ça. Est-ce que vous pouvez m'expliquer pourquoi?
M. Thiffault (Jean) : Premièrement, vous savez, en pharmacie, c'est le dernier point de
contact avant le patient, c'est là
que les problèmes arrêtent, c'est là que les problèmes doivent être réglés.
Quand il manque un médicament, c'est le
pharmacien qui doit faire toutes les démarches. Donc, ça, c'est effectivement
quelque chose qu'on faisait. Présentement, maintenant, avec la loi n° 41, c'est le pharmacien qui est
responsable du choix de produit et, s'il y a un problème, c'est le
pharmacien qui va subir les foudres de son ordre professionnel.
Je
trouve un peu facile l'utilisation du terme «service à la clientèle». Je vous
dirais qu'on pourrait dire la même chose
de n'importe quel autre professionnel. On pourrait dire : Pourquoi les
notaires ne feraient pas ci? Pourquoi les avocats ne feraient pas ça? C'est du service à la
clientèle, mais c'est un commerce aussi, mais vous comprenez que la ligne, elle
est facile, de dire : Parce que
c'est une profession qui s'exerce dans un milieu commercial, il y a des
obligations professionnelles qui
doivent être faites par service à la clientèle. Il y en a énormément, de choses
qui sont faites en pharmacie sans frais, mais, celles qui ont un impact, où je mets ma responsabilité
professionnelle comme pharmacien, je ne vois pas comment on peut appeler
ça du service à la clientèle. Ce n'est pas ce que le code professionnel
prévoit.
Donc, quand on prend
du temps avec un client, quand on pose un geste puis on engage notre
responsabilité professionnelle, n'importe
quel professionnel va demander une rémunération, et, cette notion-là, de
service à la clientèle, on ne l'entend
pas pour aucun autre professionnel, sauf en pharmacie. Il y a beaucoup de
compétition en pharmacie, les pharmaciens
se démarquent par un bon service à la clientèle, mais je pense qu'ils doivent
être rémunérés pour leur travail professionnel.
M. Bourcier
(Jean) : D'ailleurs, si je peux ajouter...
Le Président (M.
Spénard) : ...vous identifier, s'il vous plaît?
M. Bourcier
(Jean) : Pardon. Jean Bourcier, vice-président exécutif, directeur
général de l'AQPP.
Ce
qui différencie d'ailleurs le pharmacien de beaucoup d'autres professionnels,
c'est qu'il a pignon sur rue, donc, il y
a une compétitivité directe qui se fait. Le service à la clientèle et le
service professionnel, c'est deux notions différentes. La compétitivité se joue sur le service d'abord à
la clientèle, mais le service professionnel, M. le Président, est celui qui
implique la responsabilité professionnelle
et déontologique du pharmacien. Donc, la notion, il faut qu'elle soit
clairement établie.
M. Thiffault (Jean) : Donc, le service
à la clientèle, c'est une valeur ajoutée au service professionnel.
Mme de Santis :
J'ai une deuxième question, si vous permettez. Je vois que vous parlez et vous
réclamez plus de transparence quant aux ententes d'inscription avec les
fabricants. Et je reviens sur cette notion de transparence.
J'aimerais
savoir quelles sont les composantes constitutives d'un prix d'un médicament,
O.K.? Il y a la molécule, il y a des
honoraires, il y a des frais. Maintenant, est-ce que vous seriez prêts à être
plus transparents quant aux honoraires et
aux frais pour que le consommateur, comme moi... que je sache vraiment combien
je paie pour un médicament dans une
pharmacie ou une autre? J'ai des parents qui sont âgés et je vois que, dans ma
communauté, on va tous à la même pharmacie sans se poser de question.
Alors,
quand vous parlez de concurrence, c'est... peut-être, il y a la concurrence sur
certaines rues de Montréal et il y a la concurrence sur certaines rues à
Québec, mais la concurrence dans les régions, la concurrence dans les petites villes, dans des endroits où il y a les
hébergements pour des aînés, ce n'est pas nécessairement là. Comment on
pourrait s'assurer qu'il y ait plus de transparence vis-à-vis les prix?
M. Thiffault (Jean) : Je dois vous dire que, pour le régime public, c'est plutôt difficile
d'être plus transparent, parce que
les prix coûtants des médicaments sont connus, c'est public. On tape «la liste
de la RAMQ», et l'honoraire, il est à
9 $, donc... à peu près 9 $. Je trouve, dans une entreprise privée,
difficilement... Ça fait qu'on ne peut pas être transparent que ça.
Pour
le régime privé, on a décidé de mutualiser des services, donc il y a plusieurs
services qu'on ne charge pas, qui
sont inclus dans le prix du médicament. On n'a pas une structure pour
décortiquer l'honoraire professionnel, des frais d'administration. Ce n'est pas comme ça que les frais sont décortiqués.
Ici, par contre, le prix total du médicament, nous, on rappelle à nos membres qu'ils ont l'obligation
de le donner, ce n'est pas une information secrète. Et c'est ce que le client va demander à connaître en premier lieu. Il
ne va pas demander l'honoraire à un endroit, les frais professionnels à l'autre endroit. C'est le prix total du
médicament. Il est sur toutes les factures. Le patient peut appeler sa
pharmacie ou aller voir une pharmacie, demander : Combien vendez-vous tel
médicament? Et nous, comme association, on ne défendra pas un pharmacien
qui refuse de donner ce prix-là. On croit à la transparence. Mais, comme je
vous dis, le modèle, actuellement, il ne décortique pas les choses, parce qu'on
mutualise différents frais dans une marge de profit.
Mme de Santis :
Je remarque...
M. Thiffault
(Jean) : Monsieur...
Mme de Santis :
Pardon.
M. Thiffault
(Jean) : Excusez-moi.
M. Bourcier (Jean) : Si vous me permettez. Jean Bourcier. Si vous me permettez, en
complément d'information; il y a un rapport qui a été demandé par
l'Ordre des pharmaciens du Québec à M. Montmarquette qui n'est pas encore
publié mais qui est en finalisation, qui devrait être émis plus tard dans le
courant de l'hiver et qui va venir faire des recommandations
quant à la transparence au niveau des prix dans un premier temps. Et ce
travail-là, M. le Président, s'est fait
avec la collaboration de l'association québécoise des chaînes et bannières de
pharmacie, également l'AQPP, l'Association québécoise des pharmaciens
propriétaires. Donc, ce rapport-là sera publié sous peu.
Le Président (M.
Spénard) : Mme la députée.
Mme
de Santis : Mais pourquoi on est la seule province
où les honoraires ne sont pas publiés? Parce que, d'après ce que j'ai lu...
je ne suis pas experte là-dedans, mais j'ai lu que dans les autres provinces
les honoraires sont publiés.
• (11 h 20) •
M. Thiffault
(Jean) : Ils sont publiés avec... Il y a 10 différents modèles, hein,
effectivement. Dans plusieurs provinces, les
honoraires sont publiés, les frais d'administration des fois le sont, des fois
ne le sont pas, et ça devient plus compliqué
à un patient, dans certains endroits, à estimer combien va coûter son
médicament que connaître le prix total.
Une
autre complexité pour les assurés, c'est qu'une fois que le pharmacien transmet
à l'assurance... Nous, on ne connaît
pas d'avance le pourcentage qui va être remboursé au patient. Est-ce que
ça va être 20 %, 25 %,
complètement? Donc, le patient a le
montant total, mais il ne saura pas quel montant va être sa partie à lui. Donc,
c'est une autre complexité. Mais la
transparence des prix... Comme je vous dis, sachant que le coûtant du
médicament, il est connu, c'est assez facile de comprendre quelle est la marge de profit du pharmacien. Ce qui est
plus compliqué, c'est de déterminer dans cette marge de profit là
qu'est-ce qui est honoraire, qu'est-ce qui est frais de service.
Le
modèle qui a été choisi, c'est le modèle de mutualisation, parce qu'il y a
plusieurs services que les pharmaciens ne chargent pas à leurs patients,
qu'ils incluent dans le prix des médicaments vendus au privé.
Mme de Santis :
Merci. Je laisse la parole à mon collègue.
Le Président (M.
Spénard) : M. le député de Sainte-Rose.
M.
Habel : Parfait. Merci beaucoup. À mon tour de vous saluer, vous tous.
J'ai une question. Parce que, selon votre
mémoire, il y a 425 à 475 pharmacies qui connaîtraient une rentabilité qui
serait négative ou insatisfaisante. Mais comment on explique le fait que
de plus en plus de pharmacies continuent de croître d'année en année?
M. Thiffault
(Jean) : En termes de nombre, vous voulez dire? En termes de nombre?
M. Habel : En termes de nombre,
exactement.
M.
Thiffault (Jean) : Il y a des
enjeux commerciaux, hein, il y a un environnement compétitif. Il n'y a pas
beaucoup de pharmacies qui ferment, parce que beaucoup de pharmacies se
fusionnent, par exemple, aussi il y a les quartiers
qui se développent. Donc, il faut aller chercher la clientèle là où elle se
trouve. Mais c'est un environnement privé.
Donc, c'est ça, la compétition, il y en a qui survivent difficilement, puis
d'autres qui fonctionnent très bien. Donc, c'est le marché qui fait que
les pharmacies se développent là où les quartiers se développent aussi.
M.
Habel : Mais est-ce que le fait qu'il y a de plus en plus de
pharmacies n'affecte pas votre chiffre d'affaires? C'est-à-dire que vous
créez une nouvelle immobilisation, vous avez un terrain à payer, etc.
M.
Thiffault (Jean) : Sauf
qu'effectivement, quand on est propriétaire d'une pharmacie puis qu'il y a une
compétition qui s'ouvre en face, ça nous affecte directement, mais c'est
le prix à payer pour évoluer dans un système capitaliste, commercial, donc. Et
la compétition, c'est juste bon pour le consommateur aussi. M. Bourcier?
M.
Bourcier (Jean) : Oui,
peut-être en complément d'information. Par rapport à la moyenne canadienne, il
y a moins de pharmacies au Québec que
dans la... que la moyenne canadienne. Si on ramenait le Québec, en termes de
nombre de pharmacies, à la moyenne
canadienne, il manquerait au Québec autour de 270 pharmacies. Ça
s'explique en partie par le fait que
le Québec est géographiquement très étendu, est une des plus grandes provinces
en grandeur au Canada. Donc, on peut avoir l'impression qu'il y a une
très forte compétitivité dans les milieux urbains, ce qui est le cas. Par
contre, en région, il y a encore place à
l'ouverture de pharmacies. Et, comme on vous dit, si on regarde par rapport à
la moyenne canadienne, ça peut
expliquer... j'essaie de vous donner un complément de réponse, M. le Président,
ça peut expliquer en partie la raison pour laquelle il y a des
pharmacies qui s'ouvrent encore au Québec.
M.
Habel : Parfait. Merci. Puis on a noté à travers les années aussi
que... puis vous parliez tantôt qu'il y a une augmentation du volume d'ordonnances. Est-ce que ça, ça ne vous permet
pas non plus de réaliser une économie d'échelle?
M.
Thiffault (Jean) : Les
pharmaciens, pour avoir été capables d'absorber les pertes occasionnées par la
baisse de prix des médicaments génériques,
ont dû constamment travailler leurs performances opérationnelles, ont dû s'informatiser.
Vous savez, les pharmaciens sont
informatisés depuis 1978, hein? Donc, quand on parle d'informatisation du
réseau de la santé, on est ailleurs. Et donc c'est difficile d'être
encore plus efficaces. Écoutez, il y a peut-être des économies d'échelle, c'est pourquoi aussi, dans notre
rémunération, il y a des plafonds : au-dessus d'un certain montant,
l'honoraire baisse, justement parce qu'avec le volume il peut y avoir
peut-être un gain d'efficience.
Le Président (M. Spénard) : Oui, M.
le député de...
M. Polo : Laval-des-Rapides.
Le Président (M. Spénard) :
...Laval-des-Rapides.
M. Polo : Merci beaucoup, M. le
Président. Les nouvelles activités que pourront réaliser les pharmacies
augmenteront sans aucun doute l'achalandage en pharmacie. Avez-vous quantifié l'augmentation
d'activités qui en découlera et les revenus additionnels que les pharmaciens
pourront en obtenir?
M.
Thiffault (Jean) : Les
revenus additionnels? Premièrement, c'est difficile... ce sont des nouveaux services,
hein, c'est difficile de faire une
projection exacte de combien de services vont se faire. Mais on s'entend que ces
services-là doivent être travaillés.
Le pharmacien qui va être dans le bureau à rencontrer le patient, il n'est pas
sur son poste régulier, donc il faut
rajouter des employés, il faut ajouter de la masse salariale, donc. Le ministre
parle d'entre 14 et 17 millions de dollars d'entrées d'honoraires. Mais ces honoraires-là doivent être
travaillés. Donc, s'il reste 1 ou 2 millions, à vue de nez,
c'est très peu pour éponger les 177 millions de coupures qui nous sont demandés. Donc, l'un est loin de compenser
l'autre.
M.
Polo : Nous sommes au fait
qu'il existe des écarts entre le montant des honoraires facturés aux assurés
des régimes publics et aux assurés
des régimes privés. Vous en avez fait mention. Certains médias ont abordé la question
au cours des dernières années. Et pourriez-nous expliquer comment, de
façon générale, les pharmaciens propriétaires s'y prennent pour établir le
montant des honoraires facturés?
M.
Thiffault (Jean) : Pour les
régimes privés, c'est selon la réalité économique du marché. Un pharmacien qui travaille à la Place Ville‑Marie, à Montréal,
où les loyers sont très élevés, et le pharmacien qui est à Val-d'Or
puis celui qui est à Laval... on
s'entend que la réalité économique est différente. Avoir de la main-d'oeuvre dans le Grand Nord, ça
coûte cher. Les salaires ont beaucoup augmenté, mais là-bas on s'entend que c'est
très dispendieux. Donc, selon sa réalité
d'affaires, selon sa compétition, hein... On parlait de la compétition, que
c'est bon pour les patients. Donc, plus il y a de compétition, plus les
tarifs vont être contrôlés.
Et,
pour ce qui est de la différence de prix entre les régimes publics et privés, il
y a des choses qui font que structurellement
cet écart-là va continuer à augmenter. L'arrivée des nouveaux médicaments
dispendieux, des médicaments, on le
voit, là... Des traitements, pour l'hépatite C, à 120 000 $, en pharmacie communautaire, le
pharmacien, à coût de 9 $ d'honoraires
à chaque service... on comprend que l'écart entre le public et le prix que ce
traitement-là serait facturé au privé
va fausser un peu... va faire augmenter l'écart, naturellement. Il y a aussi un
fait : que les tarifs publics n'ont pas augmenté beaucoup depuis plusieurs années. La baisse de prix des
médicaments génériques a impacté les pharmaciens beaucoup. Et, comme, contrairement à ce qui se fait dans d'autres
provinces, les économies des médicaments génériques réalisées par le gouvernement par la baisse de prix
des médicaments génériques n'ont pas été réinvesties chez le pharmacien en services professionnels, le pharmacien, il se
retrouve du jour au lendemain avec une perte nette. Une décision gouvernementale amène une perte nette, là, de 10,
15, 20, 1 000, 30 $ pour une décision, là, qui a été annoncée
subitement. Donc, effectivement, il y
a peut-être eu une pression à la hausse des prix des médicaments du côté du
régime privé pour compenser, mais c'est un peu, comme je vous dis, à
cause du régime, en partie à cause du régime public.
M. Polo :
Merci.
Le Président (M.
Spénard) : M. le ministre.
M.
Leitão : Merci, M. le Président. Peut-être avant de passer la parole à
nos collègues de l'autre côté, je veux encore
revenir sur deux choses. D'abord, vous remarquez encore que les discussions,
les négociations se poursuivent entre le
ministère de la Santé et votre association. Donc, je ne pense pas qu'on soit
ici déjà en train de déterminer quels sont les montants exacts... 100 et
quelques millions ou pas. Ces montants-là ne sont pas déterminés ici.
Deuxièmement,
personnellement, je n'ai absolument aucun problème avec la notion de profit.
Une PME, une pharmacie, évidemment, doit
être rentable. Ça, il n'y a pas de problème là-dessus. Et, dernièrement,
rapidement peut-être : Quel est votre avis et votre opinion sur cette
question, qu'on a discutée avant avec le groupe qui était ici avant, de
«ne pas substituer»? Parce que souvent les médecins mettent «ne pas
substituer».
M. Thiffault (Jean) : En fait, cet été, on a présenté au Dr Barrette, au ministre de la
Santé, une liste de propositions d'économies qui totalisaient
100 millions de dollars d'économies, et, parmi ces mesures-là, se trouvait
la mesure du «ne pas substituer», qui est
effectivement beaucoup plus présente ici, au Québec, qu'ailleurs au Canada. La
réglementation permettait plus
facilement à un médecin d'écrire «ne pas substituer». Vous parlez de
l'augmentation du nombre de «ne pas substituer»,
probablement à cause de l'arrivée, sur le marché, de grosses molécules comme le
Lipitor, dans les années que vous
mentionniez. Parmi les autres mesures qu'on avait proposées, il y en avait des
toutes simples, le groupe précédent en a parlé, l'inscription plus
rapide dans la liste des médicaments...
Le Président (M.
Spénard) : Alors, en terminant.
M. Thiffault
(Jean) : Oui. En Ontario, une ou deux journées après, le médicament
est sur la liste. Ici, c'est souvent un mois
ou deux. Donc, il y avait 100 millions de dollars d'économies possibles
qui n'ont jamais été mises de l'avant par le gouvernement.
Une voix :
...
Le Président (M.
Spénard) : Alors, merci beaucoup. Alors, je cède la parole maintenant
au groupe formant l'opposition officielle, pour une durée maximale de 15
minutes d'échange. Alors, M. le député de Rousseau.
• (11 h 30) •
M.
Marceau : Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous.
Merci d'être là, donc, M. Thiffault, M. Bourcier et Me Crête. Bon.
Alors, encore une fois, merci. Quelques questions.
Tout d'abord, le 26
novembre au matin, quand vous avez vu que le gouvernement déposait un projet de
loi, avez-vous été surpris?
M. Thiffault (Jean) : Ce n'était pas le mot que...
J'emploierais... «estomaqué», «soufflé». En fait, vous savez, ces négociations-là ont été... On s'est impliqués beaucoup
dans les négociations, on avait fait des propositions concrètes qui
répondaient au besoin du gouvernement d'aller chercher des pistes d'économies.
On nous avait invités à la table fortement,
là, puis on avait travaillé. Même la fin de semaine, il y avait
des communications pour retourner à la table de façon urgente. On a négocié jusqu'à 0 h 30, 1 heure du
matin, et, le lendemain matin, le projet
de loi a été déposé. J'imagine
qu'il n'a pas été écrit dans la nuit. Donc, effectivement, on a trouvé ça
surprenant, pour dire le moins.
Mme Crête (Marie-Josée) :
Si je peux me permettre.
Le Président (M.
Spénard) : Est-ce que vous pourriez vous identifier, s'il vous plaît?
Mme Crête
(Marie-Josée) : Marie-Josée Crête. Si je peux ajouter, M. le
Président : on admet qu'on était en négociation, on continue de prétendre
qu'on est encore en négociation.
L'AQPP estime
que, dans le fond, le projet de loi
n° 28 est inutile pour atteindre
cette fin-là. On s'est toujours
engagés dans un exercice à la recherche de
solutions, à la recherche d'économies. Les pharmaciens sont conscients qu'il
leur est demandé, comme aux autres citoyens, de faire un
effort, mais, sur le poids d'une menace comme le projet de loi n° 28, ça dénature l'essence même d'une négociation. C'est une première, en
ce qui concerne l'AQPP et sûrement pour d'autres syndicats
professionnels, de mettre de côté l'article 19 de la Loi sur l'assurance
maladie, qui reconnaît culturellement et
historiquement le pouvoir de négociation des deux parties. 28 est une première,
est un sans précédent, et c'est ça
qu'on dénonce : de se faire imposer ultimement des tarifs, une entente, et
même que le pouvoir du ministre soit tel qu'il décide unilatéralement
que les négociations n'aboutiront pas.
Alors, oui,
le 26 au matin, on était surpris et on l'est encore plus que, selon ce qu'on
dit et selon ce qu'on adopte comme attitude, c'est encore une ouverture
à la négociation.
M. Thiffault (Jean) : Et, pour
compléter ce que M. Leitão disait, que ce projet de loi là était pour
rencontrer, encadrer le pouvoir de négociation : je pense plutôt que ça
enlève le sens de la négociation, comme disait Me Crête.
M. Marceau : O.K. Est-ce que vous croyez qu'il y avait urgence de déposer le projet
de loi n° 28? Est-ce qu'il y avait une raison pour laquelle... Est-ce que vous trouvez que les
négociations allaient bien puis que donc on aurait pu poursuivre sur la
voie dans laquelle on était engagé à ce moment-là?
Mme Crête
(Marie-Josée) : C'est
d'autant plus surprenant, M. le
Président, que, la veille de la présentation
du projet de loi n° 28, on recevait une autre proposition de réduction
de tarifs mais à laquelle on n'avait pas dit non; on avait tout simplement demandé qu'on puisse retourner à
nos mandants, l'évaluer et revenir. Alors, 28... il n'y avait pas urgence,
à notre avis, de prendre les articles qui dénaturent un processus de
négociation, pour en arriver à une solution, là, équitable pour tous.
M. Marceau : O.K.
M.
Thiffault (Jean) : Si je
peux rajouter une petite chose. Aussi, de se retrouver dans un projet de loi du ministère des Finances alors qu'on parle clairement, là, des ressources en pharmacie dans le
domaine de la santé, ça a été aussi une surprise.
M. Marceau : Très bien. Il y a aussi, dans le projet de loi, des dispositions comme l'article 168, qui, d'une certaine façon, n'a rien à voir avec l'équilibre
budgétaire, là. Ça vient régir les relations que vous avez avec les gens à qui
vous vendez des médicaments. Vous
suggérez simplement qu'il soit retiré. Est-ce que ce genre d'article
là a été discuté à la table de négociation ou c'est arrivé comme un
cheveu dans la soupe?
Mme Crête
(Marie-Josée) : Bien, évidemment,
à la table de négociation, non, cet article-là n'a pas été négocié, n'a pas été discuté parce que la prérogative du
pharmacien de transiger avec un assuré du privé ne relève pas du gouvernement. L'entente AQPP-MSSS régit la relation contractuelle et la
rémunération des services qui sont rendus aux assurés du public dans le cadre du régime d'assurance
médicaments ou de la Loi sur l'assurance maladie, mis à part les programmes
universels, là, j'en conviens. Mais, pour le reste, non, c'est une relation de
nature privée.
M. Marceau : Très bien. Un
peu à la suite de ce que disait le ministre tout à l'heure; il y a quand même
des articles qui sont très, très concrètement autre chose qu'un cadre de
négociation dans le projet de loi, là. Je pense à 180, qui évoque la question des piluliers. Pouvez-vous,
peut-être, simplement nous dire c'est quoi, les conséquences,
là, de cet article-là, là, sur la santé des Québécois?
M. Thiffault (Jean) : Bien, je
commencerais puis je passerais la parole après à M. Bourcier. Les piluliers, évidemment,
il s'en fait beaucoup au Québec, hein, c'est une façon que le gouvernement a trouvée pour permettre aux
gens de rester à la maison un petit peu plus
longtemps possible en gérant leur pharmacothérapie, qui devient de plus en
plus complexe. Les Dispill, c'est une
procédure technique mais qui est complexe, mais qui ne soustrait pas le
pharmacien à ses obligations professionnelles d'analyse de dossier, de
supervision et même de vérification. Ces services-là sont particulièrement nécessaires aux clientèles les
plus vulnérables, les clientèles âgées, comme on disait, les clientèles en
santé mentale, et les demandes sur le
pilulier, de la façon qu'elles ont été faites, au lieu d'être modulées pour
s'assurer que les gens qui en ont
vraiment besoin puissent continuer à le recevoir puis que le reste de la
population qui, peut-être... certaines
personnes qui ne bénéficieraient pas absolument... et qui n'auraient pas
nécessairement besoin du pilulier, bon, le reçoivent... Il n'y a pas eu rien de mis en place pour s'assurer que
les bonnes personnes reçoivent le pilulier. Donc, ça, c'est quelque
chose qu'on déplore.
On a proposé
concrètement de jouer sur les tarifs, de mieux cerner les critères
d'éligibilité puis on a même imposé un plafond pour contrôler les coûts,
mais c'est un service qui est essentiel, surtout pour les personnes âgées.
M.
Bourcier (Jean) : Oui. Jean
Bourcier, M. le Président. Je vais rajouter à ça. Vous savez, le pilulier,
c'est une mesure de maintien à domicile. À la base, le pilulier couvre
des clientèles qui reçoivent des médications complexes, plusieurs médicaments, dans l'optique d'une meilleure adhésion au
traitement et, de ce fait, de rester à domicile le plus longtemps
possible et ne pas avoir accès... ne pas avoir accès; ne pas devoir utiliser
d'autres services.
Dans un
premier temps, le pourcentage d'utilisateurs de pilulier qui sont des 65 ans et
plus, c'est en haut de 70 %. La
moyenne d'âge des gens de 65 ans et plus qui utilisent le pilulier, c'est 80
ans, et, en moyenne, il y a huit médicaments en pilules, et en capsules, et en caplets, et en
comprimés qui sont mis en pilulier pour ce groupe d'âge là. Donc, on s'adresse
à une population âgée et vulnérable, M. le Président.
Dans un
deuxième temps, en résidence pour personnes âgées au Québec, il y a à peu près
110 000, 112 000 personnes. Afin d'assurer une utilisation
sécuritaire des médicaments en résidence pour personnes âgées, les pharmaciens et les médecins ont eu beaucoup de
pressions pour que les patients en résidence pour personnes âgées utilisent
le pilulier, soient sur l'utilisation du pilulier, donc ce qui explique
également une croissance du pilulier au cours des dernières années, toujours dans l'optique, et je le répète, du maintien
à domicile le plus longtemps possible. Une coupure dans le pilulier aurait des conséquences assez
importantes qui iraient à l'encontre du maintien à domicile, donc de diminuer
l'adhérence au traitement et de faire en sorte que certains patients qui ne
sont pas capables de consommer facilement à cause d'une multiple thérapie
pourraient se ramasser dans les hôpitaux, dans les CHSLD. Donc, cette mesure-là
de maintien, là, moi, je vous le dis, c'est une mesure qui est essentielle dans
l'optique du type de population qu'elle sert.
Le Président (M. Spénard) : Mme la
députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Poirier :
Bien, je vais poursuivre sur ce même sujet, M. le Président. Ce matin, la FADOQ
réagit, justement, à la crainte de
voir le service de pilulier diminuer. Mais je voudrais juste qu'on se parle au
niveau des honoraires. L'entente qui
a été signée en 2012 prévoit un plafond à 25 %. Selon vous, quel est le
coût réel de ce service de mise en pilulier?
M.
Thiffault (Jean) :
Présentement, sur les 1,2 milliard d'honoraires versés aux pharmaciens, le
tiers serait dédié aux piluliers.
Mme Poirier : Donc, ce que
vous nous dites, c'est que le coût réel est autour de 33 %.
M.
Thiffault (Jean) : 33 %
de tous les dollars dépensés ou investis en honoraires professionnels de
pharmacien le sont pour les piluliers.
Mme Poirier : Donc, ça
représente quand même un volume important, et je vois qu'en parallèle... Parce
que, souvent, le pilulier, il est livré à la
maison, et ça, c'est un service que vous ne pouvez pas facturer, et on vient le
reconfirmer ici encore en
disant : Vous ne pouvez pas facturer ce genre de services là. Dans la
pratique, là, ça veut dire quoi, le fait de ne pas pouvoir facturer le
service de livraison? Parce qu'on sait que des fois il y a des changements à
l'intérieur du pilulier. J'aimerais ça que vous puissiez nous exposer, là, ce que
ça veut dire, dans la pratique.
• (11 h 40) •
M. Thiffault (Jean) : Le pilulier...
tout ce qui est dans le pilulier, effectivement, doit être absolument exact, évidemment...
peut causer des problèmes. Donc, quand il y a des changements... par exemple,
les gens qui sont sous Coumadin, là, en
anticoagulothérapie, quand il y a des changements assez réguliers, des fois aux
deux, trois semaines, il faut effectivement aller chercher le Dispill, faire les modifications, retourner porter le Dispill. Le coût de livraison, c'est 3 $
ou 4 $ à la fois, donc, c'est le pharmacien qui absorbe cette dépense-là.
Et le livreur qui va à chaque semaine chez le patient ou la patiente connaît bien la patiente. Ça arrive souvent aussi
qu'il y a une interaction, puis le livreur va nous dire : Ah! Mme
Unetelle, ça semble aller moins bien, puis là le pharmacien l'appelle.
Donc, il y a
une lourdeur à préparer ce... il y a une lourdeur aussi à le livrer qui
explique effectivement que ça revient probablement pour l'État un petit
peu plus cher qu'un service... sauf que, les économies, ce sont d'autres qui les reçoivent, ce sont les résidences pour
personnes âgées. Ça, c'est le gouvernement, en gardant les gens à la maison le
plus longtemps possible. Donc, c'est les
pharmaciens qui auraient à assumer la facture, la coupure directement, mais les
bénéfices seraient pour autrui, là.
M.
Bourcier (Jean) : ...M. le
Président, je voulais juste ajouter que la lettre d'entente dit qu'il y a un
comité qui sera formé à partir du
moment où la tendance de croissance du pilulier sera plus élevée que la
tendance escomptée, et on a fixé le
moment de discussion à 25 %. Donc, en tant que tel, ce n'est pas un
plafond, ce n'est pas défini comme étant un plafond, ce n'est pas rédigé
comme étant un plafond. Je voulais juste préciser.
Mme
Poirier : Je veux juste comprendre pourquoi on ne favorise pas,
justement, le pilulier. Parce que, lorsqu'une personne prend une
douzaine de médicaments et soit le matin, soit le midi, soit le soir, juste la
gestion... et vous nous dites que c'est une clientèle âgée, 80 ans, juste la
gestion de prendre une douzaine de médicaments me semble assez complexe. Même moi, j'en ai peut-être un ou deux à
prendre par jour, je les oublie. Alors, la valeur ajoutée au niveau... puis vous nous dites que c'est en lien avec le
maintien à domicile mais aussi en lien avec la certification des résidences,
en tant que tel.
Alors,
pourquoi on vient remettre en question ce service-là quand ce service-là
permet, justement, d'avoir une meilleure gestion de la santé auprès des
citoyens?
M.
Thiffault (Jean) : ...les critères ont été élargis, parce qu'on ne peut
pas mettre n'importe qui en piluliers. Je veux dire, il y a des
critères, là, de perte d'autonomie, qu'il n'y ait personne qui peut aider le
patient à prendre les médicaments, pour
l'aider à administrer les médicaments. Mais, en 2007, il y a eu une ouverture
des critères. C'est sûr qu'à ce
moment-là la demande a été beaucoup plus grande. La population vieillit, les
thérapies sont de plus en plus complexes. Donc, effectivement, les coûts ont augmenté plus rapidement peut-être
qu'escompté. Et là, aujourd'hui, plusieurs années plus
tard, on veut, par un coup de baguette magique, revenir à 25 %, passer de
33 % à 25 % mais avec des solutions simplistes, en essayant de... en
refusant, peut-être, là, un effort de trouver une solution mieux adaptée.
Mme Poirier :
Est-ce qu'il y a des analyses économiques qui ont été faites sur... bien,
plutôt des analyses même sociales et
médicales qui ont été faites sur l'impact, justement, de ce retour en arrière
du pilulier sur les citoyens, en tant que tel? Est-ce qu'il y a une
analyse de ça qui a été faite?
M. Thiffault
(Jean) : Si les services étaient coupés?
Mme Poirier :
Oui.
M. Thiffault (Jean) : Non, il n'y a pas eu... Puis c'est assez surprenant effectivement qu'on
demande 177... au début c'était
200 millions... aux pharmaciens, donc, principalement sur les piluliers,
sans aucune étude d'impact sur la pratique
du pharmacien, mais surtout sur les impacts des populations vulnérables. C'est
200 millions, donc. Puis ce serait instantané, là. Je veux dire, le
jour où ça... Donc, là, les effets seraient drastiques. Une minute?
Le Président (M.
Spénard) : Une minute.
M. Thiffault (Jean) : Bon, il y a le volet sur la santé, il y a le volet économique aussi. Il
n'y a pas eu, je pense... Je
m'interroge s'il y a eu des études, aussi, d'impact sur l'économie de la
pharmacie et sur les sommes qui sont nécessaires pour dégager les
nouveaux services en pharmacie aussi, qui seraient inexistantes.
Mme Poirier :
Parce que vous dites que c'est un impact de 60 millions, seulement que
cette mesure-là.
M. Thiffault (Jean) : 60 millions, c'est nous, ce qu'on a fait comme proposition au
gouvernement. On a dit : On est prêts
à couper... un, on va vous donner des façons de contrôler, mais on vous
coupe... on coupe nos honoraires de... millions. Vous nous demandez de participer, on vous donne 60 millions. C'est
de l'argent réel qui serait de coupures d'honoraires, donc.
Mme Poirier :
...il est sur le 177?
M. Thiffault
(Jean) : Il est...
M. Bourcier
(Jean) : Le 60 millions, M. le Président...
Le Président (M.
Spénard) : ...
M. Bourcier (Jean) : Oui. Le 60 millions, c'est la dernière proposition qu'on a faite
de réduction d'honoraires en relation avec le pilulier.
Le
Président (M. Spénard) :
Alors, merci beaucoup. Le temps étant écoulé pour l'opposition officielle, alors, je
cède maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition
pour un temps maximal de 10 minutes. M.
le député de Granby.
M.
Bonnardel : Merci, M. le Président. Messieurs dames, bienvenue. Je suis sensible à
la situation, à votre situation
avec l'association et vos discussions avec le gouvernement et je souhaite juste
que, si on réussit à s'entendre, vous réussissiez
à vous entendre, peut-être à votre avantage, dans une certaine mesure, mais
à l'avantage aussi du public, donc, pour réduire les coûts et être
capables de retrouver l'équilibre budgétaire. Que le patient ne soit pas
pénalisé, c'est la première chose.
Je
suis conscient aussi que ça prend un équilibre entre la rémunération des pharmaciens et les soins qu'ils peuvent offrir. Je suis sensible aussi à votre 100 000 $. Vous dites que les pharmaciens
propriétaires pourraient perdre, par pharmacie, à peu près 100 000 $. Moi, comme entrepreneur, à la base,
j'aimerais ça bien comprendre vos chiffres. Je propose un point, je pense, qui pourrait nous aider comme
parlementaires. Quand vous dites à la page 10, là, qu'il y a 4,5 millions
de ventes, donc 90 % en médicaments d'ordonnance... On fait un
calcul rapide : c'est à peu près 4 millions, donc, de ventes en médicaments d'ordonnance, 4,05. Quelles sont les
charges? Ou est-ce que vous pourriez nous donner un état de résultats moyen des pharmacies au Québec pour être capables
de dire : Bien, O.K., oui, le 100 000 $, il est vraiment là, la
perte pourrait être plus grande
ailleurs, dans les autres pharmacies? Comme parlementaire, moi, avoir un état,
un bilan de la pharmacie moyenne au
Québec pourrait peut-être m'aider à me dire : Ah! ils n'ont pas tort de
dire ça, puis voilà la raison pourquoi le gouvernement veut peut-être
couper et les résultats qu'il pourrait aussi... face à ça.
M. Thiffault (Jean) : Il faut réaliser que ce sont des PME, ce sont des entreprises privées.
Donc, on n'a pas accès aux bilans
financiers de nos membres, hein? Ça, c'est une réalité. Et, sur votre
introduction, je vous dirais que nous aussi, on souhaite plutôt la
négociation que la confrontation, au bénéfice des patients. Donc, Jean.
M. Bourcier
(Jean) : Oui. Je vais renchérir. En tant que pharmaciens, on aimerait,
nous aussi, avoir les états financiers de
plusieurs de nos collègues, confrères et compétiteurs. Excusez la boutade, M.
le Président. Mais en soi c'est des
entreprises privées qui oeuvrent de façon concurrentielle, donc, à partir de ce
moment-là, la disponibilité des états des résultats... Mais c'est une
bonne question tout de même
Je vous
dirais que — pour
essayer de vous donner certains éléments de précision — la très grande majorité des frais
d'opération d'une pharmacie, ce sont des frais fixes. Il y a très, très peu de
frais variables à l'intérieur d'une pharmacie.
La masse salariale à l'intérieur d'une pharmacie représente un pourcentage
important. Les salaires des pharmaciens ont augmenté de façon sensible
au cours des 10 dernières années, ce qui fait en sorte qu'il y a eu une pression assez forte à la performance et à la
rentabilité des pharmacies au cours de ces années-là. La réduction des
allocations professionnelles également, au cours de dernières années,
est venue rajouter à cette pression-là.
Donc, quand
on parle de profitabilité, de perte moyenne de 100 000 $ de profit
par pharmacie, dépendamment des
pharmacies, ça peut représenter un pourcentage très important de leur
profitabilité. Mais j'insiste sur le fait que la majorité, M. le Président, la majorité des coûts à l'intérieur d'une
pharmacie, ce sont des coûts fixes ou semi-variables... mais, la plupart
du temps, fixes.
M.
Thiffault (Jean) : C'est ça.
Et, une petite précision, c'est que, dépendant de la clientèle du pharmacien...
Dans les quartiers, comme, plus vieux
ou plus âgés, plus pauvres, c'est 95 % de clientèle publique, donc ces
pharmaciens-là sont impactés totalement.
M.
Bonnardel :
Vous dites que la compétitivité, c'est bon pour les Québécois. Présentement,
considérez-vous que les Québécois paient le juste prix pour leurs
médicaments?
M. Thiffault (Jean) : Je pense que
oui. Je pense que la compétition fait que les prix sont dans la moyenne
canadienne. Je pense que, pour les services qui sont offerts à la population,
les prix, effectivement, sont compétitifs.
M.
Bonnardel :
Je vais vous donner un exemple. La plupart des Québécois ne le savent pas.
Vous, vous dites : Bon, la
transparence. La question avait été posée par ma collègue de Bourassa, je
pense, tantôt dans un autre contexte. Moi,
j'arrive à la pharmacie, j'ai le choix entre un médicament générique ou j'ai le
choix entre un médicament qui a un brevet.
Quand on parle de transparence, quand je vous parlais : Est-ce que les
Québécois paient le juste prix?, vous ne considérez pas que cette transparence serait importante pour favoriser
la compétitivité puis d'être capable de dire : Bien, moi, quand j'arrive, je sais que le médicament
vaut tel prix... ou, sur la facture ou sur la facture du consommateur ou du
patient, d'être capable d'avoir cette
transparence et de dire : Tiens, j'ai droit à un médicament qui vaut un
chiffre, 20 $, générique, puis, de l'autre côté, j'ai droit à
80 $, c'est à vous maintenant de me vendre pourquoi je devrais prendre le
médicament qui est breveté ou non.
Or, je pense
que ça va peut-être un peu en lien avec ce que ma collègue du gouvernement
posait tantôt. Mais, pour moi ou pour
le consommateur, la plupart des gens qui nous écoutent aujourd'hui ne le savent
pas, qu'ils peuvent magasiner, dans une certaine mesure, leurs
médicaments.
• (11 h 50) •
M.
Thiffault (Jean) : Quand le
patient arrive en pharmacie avec sa prescription, la première question qui va
lui être posée, c'est : Est-ce
que vous voulez le médicament original ou le générique, là? Les prix vont lui
être donnés. C'est effectivement plus
complexe de comparer d'une pharmacie à l'autre, mais, comme je vous dis, le
chiffre important, c'est le montant total sur la facture, qu'il soit
ventilé en deux ou trois, c'est le montant total.
Si on achète
un bien de consommation, on veut savoir le total. Et ce montant-là, il est toujours
écrit sur la facture, toujours, toujours écrit. Il doit être donné s'il est demandé. Le
pharmacien, comme je vous dis, légalement, il doit donner ce chiffre-là, c'est dans sa déontologie. Ce n'est
pas une information secrète. Et ce qui est complexe, ce qui rend encore plus complexe la comparaison, c'est ce que le plan
d'assurance au privé va rembourser, les modalités. Est-ce que
c'est un plan différé ou c'est plutôt un plan... le patient se fait
rembourser 25 %, 20 %; moins si j'ai l'original. Il y a plusieurs facteurs après qui rendent difficile... le
pharmacien de donner un chiffre avant de faire toute, toute la procédure. Mais
le prix du médicament, pour comparer d'une pharmacie à l'autre, il est
public.
M.
Bonnardel :
Vous dites à la page 7 de votre mémoire, là, bon : «Changements au
mode de rémunération.» On parlait du
pilulier tantôt. Bon, le système de rémunération a été établi en 1972, c'était
9 $ par honoraire, peu importe le médicament.
J'ai une question qui peut paraître banale, là. Mais vous dites dans le dernier
paragraphe : «...d'autres méritent des honoraires plus élevés en raison de leur coût et de leur gestion
complexe.» Entre un médicament qui coûte 20 $, 50 $, 5 000 $ ou 10 000 $, en quoi
le pharmacien doit se dire : Oh! j'ai une pilule de 5 000 $ dans
mes mains, cette gestion doit être plus... Regardez, là, si vous parlez
à un...
M.
Thiffault (Jean) : Souvent
les médicaments qui ont une manipulation plus complexe, c'est les médicaments
réfrigérés, donc, c'est les médicaments à la
chaîne de froid. Il y a des coûts pour stocker ces médicaments-là, hein, il y a
des coûts à... C'est des thérapies plus complexes, souvent il y a plus de
suivis. Et, comme je vous dis, les nouveaux traitements
qui arrivent en pharmacie sont tellement dispendieux que les systèmes de la
régie ne sont pas capables de les accepter.
Ils sont plafonnés à 9 999,99 $, il faut appeler la régie pour une
dérogation. Donc, on n'est plus faits, là, à ce système-là. En 1972, le
prix moyen d'un médicament, c'était 1,75 $. Là, aujourd'hui, on n'est plus
là, là, donc. Et les prochaines années vont
juste voir ces médicaments-là arriver de plus en plus, là. Donc, il y a sur le
volet médicament... il y a aussi, sur le volet d'utilisation des services cognitifs du
pharmacien, là, pour les suivis, l'implication dans la thérapie du
patient, qui n'est pas toujours rattachée au médicament.
Il faut être
capable de rémunérer ces services-là, que la population ait accès à ces
services-là. Donc, c'est le défi de la nouvelle entente, de s'occuper du
problème des médicaments mais aussi des services cognitifs, des nouvelles
activités du pharmacien.
M.
Bonnardel :
Dernière question, M. le Président. Suite à la question de ma collègue du Parti
québécois, là... On parlait, donc, à
titre d'exemple : En ce qui concerne le service de pilulier, au cours des
négociations, à l'automne 2014, l'association
a fait des propositions pour économiser 60 millions. Je ne pense pas que
vous avez été plus loin, donc, à la question de ma collègue. Ces
propositions, vous pouvez nous les énumérer?
M.
Thiffault (Jean) : Bien, en
fait, ça visait surtout le pilulier, parce que l'essentiel des demandes faites
à l'AQPP portait sur le pilulier. On
a proposé des coupes d'honoraires, un plafond à partir duquel les honoraires
baissaient et aussi des modulations
des critères d'éligibilité pour être sûrs que les bonnes personnes qui doivent
recevoir le Dispill le reçoivent. Et,
au bout de tout ça, on dégage 60 millions, on fait notre part, alors qu'on
avait déjà quand même participé avec la baisse de prix des médicaments génériques. On rajoute 60 millions d'argent
neuf pour le gouvernement. Donc, je pense qu'on peut dire qu'on a été un
bon citoyen.
M.
Bonnardel : Est-ce
que ça a été refusé?
M. Thiffault (Jean) : Ça n'a pas été
considéré.
M.
Bonnardel :
Différent. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Spénard) : Alors, merci, monsieur... Merci. Je remercie
les représentants de l'association des pharmaciens
propriétaires du Québec de leur dépôt et je suspends la séance quelques
instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 54)
(Reprise à 12 heures)
Le
Président (M. Spénard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, avant d'accueillir le Regroupement des
assureurs de personnes à charte du
Québec, je demanderais le consentement de cette Chambre pour pouvoir continuer
un peu plus que qu'est-ce qui avait
été prévu. On était supposés de finir à 12 h 42, donc, on va finir à
13 heures. Alors, j'ai le consentement de cette Chambre?
Alors,
bienvenue au Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec. Alors,
messieurs, la parole est à vous pour un exposé de 10 minutes.
Regroupement des
assureurs de personnes
à charte du Québec (RACQ)
M. Gagnon
(Richard)
: Alors, bonjour, je suis Richard Gagnon, président
et chef de la direction, d'Humania Assurance,
et accompagné de M. Denis Berthiaume, à ma droite, qui est président et chef de
l'exploitation, de Desjardins Sécurité
financière; de Robert Dumas, également à ma droite, président de Sun Life,
Québec; et, à ma gauche, M. René Hamel, qui est P.D.G. de SSQ Groupe
financier.
Alors, on
vous remercie de votre invitation. Il est bon de savoir qu'environ 60 %
des Québécois bénéficient d'une couverture d'assurance médicaments avec l'une ou l'autre des compagnies
qui est membre des deux... une ou l'autre des deux associations qu'on
représente. Ces compagnies supportent 24 500 contrats privés d'assurance
collective, ce qui représente annuellement 2,8 milliards de dollars en
réclamations à titre de médicaments.
Notre
intervention sur le projet de loi
n° 28 s'inscrit dans le cadre
d'une démarche qui vise à rendre le coût du régime d'assurance médicaments équitable pour tous les Québécois, ce qui n'est malheureusement pas le cas
actuellement. Pour que ces coûts
deviennent équitables, les administrateurs du volet privé du régime d'assurance
médicaments doivent disposer des
mêmes outils pour gérer leurs coûts que ceux que le gouvernement dispose. Nous
sommes ici pour représenter les
intérêts de nos assurés, lesquels sont actuellement victimes d'une situation
qui est inéquitable et qui pourrait, à long terme, menacer, très honnêtement, la pérennité du régime. Alors,
permettez-nous de préciser que, si les solutions qu'on vous propose
aujourd'hui pour diminuer le coût des médicaments pour nos assurés étaient
appliquées, nous n'en retirerions, comme assureurs, aucun bénéfice financier,
et on pourra en discuter tout à l'heure, si vous le souhaitez.
Nous sommes
conscients que le projet de loi n° 28 n'a pas pour objet de réviser en
profondeur les mécanismes du régime
d'assurance médicaments du Québec, mais certaines dispositions auront pour
conséquence d'en élargir la portée. Et
rappelons que les citoyens qui n'ont pas accès à un régime privé d'assurance
médicaments doivent adhérer au régime public.
Donc, dans les faits, l'accessibilité au régime public n'est pas directement
liée aux revenus de l'individu. Des gens sans emploi, oui, mais aussi des travailleurs autonomes qui gagnent très
bien leur vie ou des retraités aisés sont également couverts
par le régime public. Vous avez d'ailleurs été à même de lire, dans notre
mémoire, des citations du premier ministre
actuel, M. Couillard, ou du ministre de la Santé précédent, M. Hébert, qui
expriment clairement la complémentarité des deux volets — privé
et public — du
régime d'assurance médicaments.
Malheureusement,
l'équilibre entre les volets privé et public du régime d'assurance est
aujourd'hui sérieusement rompu. Une étude indépendante réalisée en 2013
le confirme clairement, les Québécois assurés avec un régime privé paient en moyenne 17 % de plus pour leurs
médicaments que les citoyens couverts par le régime public. Ce que cela veut
dire, c'est qu'un employé qui gagne
45 000 $, qui est assuré... 45 000 $, qui travaille dans
une imprimerie, qui travaille dans
une industrie quelconque, cet employé va devoir débourser 17 % plus cher
pour le même médicament à la même pharmacie
au même moment qu'un travailleur autonome qui est assuré au régime public et
qui gagne 150 000 $. Cette situation est profondément
inéquitable pour nos assurés et doit absolument être corrigée. On note
également que les montants moyens réclamés
aux assureurs privés sont 12 % plus élevés au Québec qu'en Ontario, et,
malheureusement, le projet de loi
n° 28 contient des dispositions qui pourraient accentuer encore plus
l'iniquité actuelle, et ce, parce que, dans
les faits, le gouvernement dispose de certains éléments, certains outils pour
contrôler le coût des médicaments, outils auxquels les gestionnaires des
régimes privés n'ont pas accès. Lesquels?
Premièrement, le
gouvernement négocie la tarification des frais et des honoraires des
pharmaciens pour les Québécois assurés avec le régime public seulement. Les
honoraires que les pharmaciens appliquent à leurs clientèles assurées par les régimes privés ne sont encadrés
aucunement par cette entente, et il n'existe aucune balise, et différentes
dispositions empêchent les assureurs de
négocier les honoraires des pharmaciens. Ainsi, des honoraires payés par le
régime public qui sont jugés
inadéquats par les pharmaciens sont récupérés bien sûr sur le dos des assurés
des régimes privés, et c'est ainsi
qu'on se retrouve avec un écart de 17 % entre deux citoyens au même
comptoir pour le même médicament.
Deuxièmement,
l'encadrement législatif et réglementaire actuel empêche qu'une saine
concurrence entre les pharmacies ne s'instaure et que le prix s'établisse à un
niveau équitable. On en a parlé tout à l'heure, il n'y a aucune obligation pour le pharmacien de distinguer sur sa
facture le prix du médicament, de la molécule, de celui de ses honoraires
et de ses frais. Ce manque de transparence rend difficile, d'une pharmacie à
l'autre, pour le consommateur la comparaison des prix, ce qui empêche la
recherche du meilleur prix pour le client.
Troisièmement, le remboursement des médicaments est effectué pour le régime
public en fonction du prix le plus bas — on en a parlé tout à l'heure également — mais pas pour les régimes privés. La loi ne
permet pas aux assureurs privés de
rembourser le coût du médicament le moins cher. Donc, il y a peu d'incitation
pour les assurés de recourir au médicament le moins cher, et ce, au bénéfice de l'ensemble des assurés du régime. À
elle seule, cette correction pourrait amener une diminution des primes
de l'ordre de 5 % pour nos membres.
Si
on revient plus précisément aux dispositions actuelles du projet de loi
n° 28, nous comprenons du projet que les honoraires reliés aux nouveaux actes facturables délégués aux
pharmaciens, donc issus du projet de loi n° 41, seraient soumis au même mécanisme que celui en vigueur pour
le remboursement des médicaments. En élargissant ainsi la portée du régime d'assurance médicaments à ces nouveaux
actes, le projet de loi n° 28 fait totalement abstraction des problèmes
d'iniquité qui existent déjà entre les deux régimes et risque, bien sûr, même
de les accentuer. En fait, il n'y a aucune disposition,
dans le projet de loi, qui prévoit que les honoraires des pharmaciens pour les
nouveaux actes découlant de 41 devront
être les mêmes pour tous les Québécois. On risque de se retrouver dans la même
situation pour les médicaments avec des Québécois qui vont pour le même
acte payer beaucoup plus cher. Aucune disposition non plus ne balise la tentation pour les pharmaciens de récupérer
l'impact des nouvelles mesures qu'impose ce projet de loi sur leurs honoraires
sur le régime privé. Les coupures de
177 millions de dollars risquent de se retrouver dans les honoraires des
assurés des régimes privés et gonfler
l'écart de 17 % actuel à peut-être 25 %. Malgré les travaux récents
réalisés avec la RAMQ et le ministère
de la Santé, le projet ne prévoit aucune disposition permettant, comme je le
disais, au gouvernement d'appliquer... pour les assureurs privés de
faire comme le gouvernement et d'appliquer le prix du médicament le plus bas.
Alors,
de manière générale, nous souhaitons que les nouveaux actes facturables
délégués aux pharmaciens en vertu de
la loi n° 41 soient l'occasion pour le gouvernement d'apporter des
ajustements qui vont progressivement mener vers une équité pour les assurés des régimes privés et ceux du régime public
d'assurance médicaments. Nous suggérons donc que les ententes intervenues ou à intervenir entre l'AQPP et le gouvernement relativement aux montants et aux paramètres de couverture de ces nouveaux actes s'appliquent à
tous les Québécois, à tous les citoyens, qu'ils soient assurés par le gouvernement ou des régimes privés. D'ailleurs,
dans nos discussions, que ce soit avec l'ordre professionnel, l'Association
des bannières, l'AQPP, tout
le monde convient que ces actes, ces
nouveaux actes pharmaceutiques devraient être facturés aux mêmes
montants pour tous les Québécois.
Un
autre aspect — rapidement — du
projet de loi qui a retenu particulièrement notre
attention, c'est la volonté du gouvernement de négocier des ristournes dont le montant ne serait pas divulgué.
Comme on l'a vu dans les minutes qui
précèdent, il existe déjà une asymétrie entre le volet privé et le volet
public du régime en ce qui concerne les outils disponibles pour contrôler le coût des médicaments. Il nous apparaît un petit peu incongru que le gouvernement s'octroie, dans ce contexte-là, à lui seul
un autre mécanisme qui lui permettrait de négocier des ristournes, avec les
compagnies pharmaceutiques, dont les
bénéfices ne profiteront pas à 60 % des Québécois, ceux qui sont dans les
régimes privés. Les économies sur le
coût des médicaments négocié par le ministre de la Santé auprès des
pharmaceutiques doivent profiter à tous les Québécois et non seulement à
ceux du régime public.
En conclusion, il est
demandé au gouvernement de reconnaître que le régime d'assurance médicaments
est constitué de deux volets complémentaires, qu'ils doivent être équitables
pour tous et disposer des mêmes outils pour contrôler
les coûts. Or, on observe une tendance générale du gouvernement à négocier
uniquement pour le régime public, au détriment de la majorité de la
population, qui est couverte par les régimes privés.
Compte tenu de l'écart de coût important qui s'est creusé, cette approche n'est plus
soutenable, et c'est pourquoi
nous faisons les recommandations suivantes : un, que les nouveaux actes
découlant de la loi n° 41, les honoraires en découlant soient les mêmes
pour tous les Québécois; deuxièmement, pour permettre une meilleure gestion des coûts,
qu'une modification soit apportée à la Loi sur l'assurance médicaments pour introduire une clause précisant que les
assureurs privés sont autorisés,
comme l'assureur public, à rembourser
le prix du médicament le moins cher;
troisièmement, que le projet de loi n° 28 prévoie des mécanismes
permettant que les honoraires des pharmaciens soient graduellement harmonisés
entre le payeur public et les payeurs privés et, au besoin, par réglementation
du gouvernement.
Quatrièmement,
de façon à assurer une saine transparence à un accès légitime à l'information
pour leurs clients, les pharmaciens
devraient être tenus de divulguer
clairement sur leurs factures les honoraires et les frais qu'ils chargent
à leurs clients, en sus du coût des médicaments
• (12 h 10) •
Le Président (M.
Spénard) : En terminant, monsieur.
M. Gagnon (Richard) : En terminant. Alors, tel
qu'il fonctionne aujourd'hui, M. le
Président, le régime d'assurance
médicaments, selon nous, doit vraiment être
corrigé. En plus d'imposer une charge financière toujours plus lourde au volet
privé du régime, il génère une situation qui
est profondément injuste, en créant deux catégories de citoyens face à un bien
essentiel : leurs médicaments.
Le projet de loi n° 28
doit être une occasion de commencer à corriger le tir et surtout éviter, M. le
ministre, d'amplifier l'iniquité qui existe déjà. Je vous remercie.
Le
Président (M. Spénard) :
Merci, M. Gagnon, pour cet exposé. Alors, je cède la parole au gouvernement. Je
vous cède la parole, M. le ministre, pour une période maximale de
25 minutes.
M.
Leitão : Très bien. Merci beaucoup,
M. le Président. Merci beaucoup d'être venus et de nous avoir fait part de
vos questionnements et de vos suggestions.
Comme
vous avez mentionné aussi, moi aussi, je suis très sensible au fait qu'il va
falloir s'assurer que, s'il y a un manque
à gagner de la part des pharmaciens avec les négociations avec le ministère de
la Santé, la facture ne se refile pas au
secteur privé. Donc, il va falloir qu'on regarde ça de façon très, très proche,
très efficace. J'en suis sûr, que ma collègue aura des questions sur la transparence que je trouve aussi très
intéressantes, très utiles, mais moi, je veux vous poser une question sur la question du prix le plus
bas : Est-ce que vous pourriez chiffrer quelle serait l'économie, donc,
pour vos membres, pour la population si vous pouviez effectivement,
aussi, avoir recours aux prix plus bas?
M. Gagnon (Richard) : Tout à fait, M. le ministre, et j'inviterai mes collègues à compléter, là, mais on a travaillé
activement dans le cadre d'un travail de
collaboration avec la RAMQ, le ministère
de la Santé, les assureurs pour
essayer d'évaluer cet impact et on a
été, honnêtement, très, très conservateurs. On entendait tantôt les
représentants des médicaments génériques qui parlaient d'autour de 400
millions. Nous, on a été très conservateurs et on arrive à un minimum de 125 millions, par année, d'économies pour nos
assurés si cette disposition était mise de l'avant. Et, honnêtement, dans
les discussions qu'on a eues autant avec la
RAMQ que les autres intervenants, il n'y a pas vraiment d'obstacle à la mise en
place de cette disposition. Et on a été,
honnêtement, un peu étonnés de voir qu'elle ne se retrouvait pas dans ce projet de
loi là, parce que, s'il y a un
élément sur lequel on peut agir rapidement, M. le ministre, pour corriger
l'iniquité grandissante qui est en
train de s'installer, c'est cette disposition-là. Et là on parle, quant à nous,
minimalement, de 125 millions par année.
M.
Leitão : Très bien Merci. Et
l'autre élément qui m'a beaucoup intrigué depuis le début de la journée, cette
histoire de «ne pas substituer»... donc, ça aussi, je pense que, de votre côté,
vous avez des opinions très, très fortes là-dessus, sur la pertinence de
continuer à maintenir cet anachronisme presque, de «ne pas substituer».
M. Gagnon (Richard)
:
Oui, absolument. Je ne sais pas si un collègue veut préciser sur cette
question-là... mais tout à fait, là. Et cette disposition de la Loi sur
l'assurance médicaments, actuellement... En fait, on parlait, tout à l'heure,
d'une disposition qui est là depuis
l'origine du régime. Ce n'est pas tout
à fait exact. C'est une disposition
qui est apparue en 2005. Alors que
l'écart entre le coût des médicaments d'origine et le coût des génériques est
apparu de plus en plus important, le
gouvernement, donc, pour le régime public, a cru bon d'introduire cette disposition,
lui permettant de substituer un médicament équivalent au prix le plus
bas. Malheureusement, cette disposition n'a été induite que pour le régime public et non pour le régime privé. On se demande
encore pourquoi, pour être honnête. Et, depuis ce temps-là, on réclame que la correction soit faite. Alors, on pense effectivement qu'il n'y a pas d'effet pervers, là. On peut induire, des fois, des
modifications pour lesquelles il y aurait
des effets pervers. Mais, honnêtement, cette correction à la loi ne fait que du
sens.
M. Leitão :
...provinces canadiennes, est-ce que de tels obstacles existent?
M. Berthiaume (Denis) : Effectivement, dans les autres provinces, normalement, la
pratique est de rembourser au prix le plus bas. Alors, c'est vraiment
une dynamique particulière vis-à-vis du Québec qui empêche...
M. Leitão :
Très bien. Merci.
Le Président (M.
Spénard) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci d'être présents. J'apprécie énormément
votre participation.
J'aimerais bien
comprendre. Si, un produit générique, la molécule coûte le plus bas prix,
est-ce que, dans une pharmacie, le prix qui
serait payable par l'assureur public vis-à-vis le prix payable par l'assureur
privé peut être différent ou est-ce
que c'est le même? Parce que ce que je viens de comprendre, c'est qu'à cause
des honoraires et des frais le même médicament,
même si c'est le moins coûteux, peut avoir un prix différent si c'est payé par
l'assureur public ou l'assureur privé.
Le Président (M. Spénard) : M.
Hamel.
M. Hamel
(René) : Oui. René Hamel, P.D.G. de SSQ. Tout à fait. En fait, la
molécule, le produit de base, il est... son prix, pour un médicament donné, générique, d'origine unique, il est
le même pour tout le monde, et donc l'écart dont on parle sur le prix total chargé en pharmacie, il provient de
l'honoraire, puisque la molécule, elle, qu'elle soit vendue ou... qu'elle soit vendue à un Québécois qui
détient un régime privé ou régime public, à la base, elle est payée le même
prix en pharmacie. Donc, c'est vraiment...
la différence dans le prix total que l'on constate, le prix total, une
différence de 17 %, vient des honoraires.
M.
Berthiaume (Denis) : Si je peux me permettre, René; un point très,
très clair : dans le fond, il y a deux
phénomènes : un, il y a effectivement ce que René explique, et, en plus de
ça, la différence entre le régime privé et le régime public. Si quelqu'un se présente en pharmacie, dans un cas, au
niveau du régime public, le remboursement va se faire sur la base du prix le plus bas, ce qui n'est pas permis auprès
d'un assureur privé où on doit rembourser strictement l'ensemble,
l'entièreté de l'ordonnance. Alors, c'est la différence. Donc, il y a deux
volets.
Mme de Santis :
Je vois que, dans votre mémoire... et c'est à la page 4, je crois, un instant...
vous parlez... oui, à la page 4, vous
dites clairement : «[La] diversité [des] régimes d'assurance a permis
depuis près de 20 ans de garantir un
accès efficace aux médicaments dont les citoyens ont besoin...» O.K., vous
dites ça. Vous venez ici et vous nous dites : Mais on veut que les régimes d'assurance privée
soient traités exactement comme le régime public. Alors, où est la diversité?
M. Hamel
(René) : En fait, il faut comprendre que le régime public a une
connotation différente chez nous, en ce qui a trait aux médicaments, par rapport à d'autres provinces. Le régime
public ne couvre pas seulement les clientèles vulnérables du gouvernement, les clientèles traditionnelles, mais couvre
une bonne partie des Québécois, soit des travailleurs autonomes soit des employés, des gens salariés,
mais qui n'ont pas accès à un régime d'assurance collective. Et elle est là,
fondamentalement, cette iniquité-là :
des gens, des salariés... deux salariés ou un travailleur autonome et un
salarié vont payer des prix différents pour le même médicament. Donc,
c'est un régime d'assurance qui couvre l'ensemble des Québécois, mais sa composante publique couvre pas mal plus largement que
les clientèles traditionnelles, plus vulnérables de notre société.
M. Gagnon
(Richard)
: Et ajoutons à ça que, oui, le régime a permis un
bon accès aux médicaments et à d'autres composantes de produits de santé — on pourrait en parler aussi — mais, honnêtement, on est très préoccupés
actuellement. En 1996, oui, la
situation, quand le régime a été mis en place, était intéressante. Elle a
continué d'être intéressante. On a greffé
des services. Mais là l'écart de coût du médicament pour nos assurés au privé
versus ceux du public commence à être
drôlement préoccupant. À 17 %, on commence à atteindre un point de rupture
extrêmement dangereux qui fait que, si
on laisse aller les choses, Mme la députée, je ne suis pas sûr qu'on va être
capables de récrire la même chose dans cinq ans.
• (12 h 20) •
Mme de Santis :
Je veux maintenant adresser la question de transparence. Quelle est la différence pour l'assuré entre connaître le prix total et connaître les
composantes? Est-ce que la transparence ne serait pas plus quel est le prix pour
l'assureur privé et pour l'assureur public? Je pose la question.
M. Dumas
(Robert) : ...l'assuré, il
n'a pas un choix, à savoir s'il va dans le régime public ou dans le régime
privé. Si l'employeur offre un régime, il va essentiellement aller dans
le régime privé, sans aucune option. Or, information intéressante mais qui ne
s'applique pas par contre dans son cas. Ce qui est plus important,
c'est de savoir quel est l'honoraire chargé par un pharmacien en
particulier par rapport au pharmacien qui opère de l'autre côté de la rue.
Mme de Santis :
Ce que je ne comprends pas, c'est... si je suis l'assurée, le prix total va
m'indiquer qu'un pharmacien me fait payer pour la même molécule 2 $, et
l'autre, 2,50 $. Est-ce que c'est important de connaître les composantes?
Parce que le prix total, déjà c'est public.
M. Gagnon
(Richard)
: C'est exact, sauf que, vous savez, quand on
reçoit une facture, là, elle a beau être globale, qu'est-ce qui a varié
par rapport à la pharmacie voisine? C'est-u qu'il paie son médicament plus
cher, moins cher?
Nous, ce
qu'on sait, c'est que l'assuré, il paie le même prix pour tous les médicaments.
Alors, le médicament de la pharmacie
x est vendu au même prix que le médicament de la pharmacie y. Le seul paramètre
qui varie, c'est l'honoraire et les
frais. Alors, si on veut permettre au citoyen de savoir quels sont les
paramètres qui influencent son coût, il faut qu'il soit en mesure de savoir que tel pharmacien va lui
charger des frais et des honoraires deux fois plus chers que son collègue.
Parce que l'autre phénomène qu'on sait
également, c'est que la variabilité, elle est très importante. Si la
variabilité des honoraires était marginale, l'impact d'une mesure comme
celle-là serait secondaire. Mais la variabilité, elle est très importante. Comme elle est très importante, on
pense qu'une mesure comme celle-ci risque de ramener les écarts un peu plus, améliorer la
compétitivité au niveau du paramètre qui varie dans la facture du client — l'honoraire, et les frais — et contribuer
à diminuer l'iniquité entre le payeur privé et le payeur public. Ce n'est pas
une solution miracle, Mme la députée, ça
ne règle pas tous les problèmes. Mais on essaie de trouver des solutions qui
vont améliorer progressivement les choses et on pense qu'il est tout à fait raisonnable qu'un professionnel qui
offre ses services annonce également le prix de ses services, surtout
que ceux-ci ne sont aucunement balisés par aucune entente.
Le pharmacien
a la totale liberté de fixer l'honoraire qu'il veut. Nous n'avons pas la
possibilité de négocier cet honoraire
avec le pharmacien, nous n'avons pas la possibilité de diriger notre client à
une pharmacie ou à une autre, donc il faut lui donner un minimum
d'outils pour que la concurrence se joue.
Mme de Santis :
Ma dernière question est la suivante. Alors, à la page 8, vous indiquez que
«les montants moyens réclamés aux assureurs
privés sont 12 % plus élevés au Québec qu'en Ontario pour les gens âgés de
moins de 65 ans». Quelle est la
situation pour ceux qui sont âgés de 65 ans et plus? En plus, j'ai appris dans
d'autres mémoires que, dans les
régimes privés, 57 % des médicaments sont génériques en Ontario, et
53 %, au Québec. Donc, il y a cet écart déjà entre les génériques qui sont vendus. Quelles seraient les autres
raisons que c'est une différence de 12 % pour ce moins de 65 ans?
M. Dumas
(Robert) : Alors, je vais commencer avec les moins de 65 ans. C'est
une analyse qui a été faite par Telus,
division santé, et qui ont essentiellement comparé le coût des réclamations au
Québec à celui de l'Ontario, mais ils ont
ajusté leurs données pour tenir compte de l'âge des gens, parce que, d'une
population à l'autre, l'âge peut changer, la durée des prescriptions et
également la substitution vers le générique, qui est plus forte vers l'Ontario.
Alors, ces
éléments-là n'expliquent pas l'écart de 12 %. L'écart de 12 % vient
plutôt du montant des honoraires, qui
est beaucoup plus élevé au Québec qu'il l'est en Ontario. Alors, ça, ça
explique la différence. Il faut voir aussi qu'en Ontario il y a beaucoup plus de transparence pour ce qui est des
honoraires. Pourquoi on a fait cette analyse-là ou pourquoi cette
analyse-là a été faite uniquement pour les 65 ans et moins? C'est parce que
pour les 65 ans et plus il y a une juxtaposition
de régimes. Alors, ici, ce sont des régimes publics qui vont couvrir les gens
de 65 ans et plus. En Ontario, ça peut être du public et du privé, alors
la comparaison ne se fait pas aussi bien.
Mme de Santis :
Dans votre réponse, vous dites que la seule raison, c'est les honoraires, mais
moi, je dis que déjà il y a plus de génériques qui sont vendus en
Ontario. Alors, il y a 4 % de différence, là, qui...
M. Dumas
(Robert) : Vous avez raison, il y a plusieurs éléments. Dans
l'analyse, l'impact du générique avait été
retranché. Maintenant, je ne voudrais pas dire que le 12 % vient
uniquement de la transparence. La transparence, c'est un élément qui contribue à rétrécir les
inégalités, mais il y a beaucoup d'autres mesures qu'il faut voir pour arriver
à une équité.
Le Président (M. Spénard) : M. le
député de Sainte-Rose.
M.
Habel : Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais regarder,
vis-à-vis les recommandations que vous avez faites à la commission, la 2
et la 4, qui s'imbriquent un peu dans la question que je vais vous poser.
J'aimerais
qu'on analyse le coût de revient, un peu, du médicament. Il y a plusieurs
composantes dans le coût de revient d'un médicament, comme par exemple
les honoraires, comme par exemple les frais des molécules. J'aimerais savoir : Le coût d'un médicament générique,
est-ce qu'il affecte, bonifie ou ne change rien, vis-à-vis un médicament de
marque, pour la rémunération d'un
pharmacien? C'est-à-dire que est-ce que, dans la majorité des cas, le
pharmacien qui utilise le générique,
est-ce qu'il doit compenser par des honoraires supplémentaires pour arriver à
la même rémunération qu'un médicament de marque?
M. Gagnon
(Richard)
: Bien, ce que nos études démontrent, c'est que,
l'honoraire du pharmacien, dépendamment du produit, qu'il soit un médicament d'origine, un médicament unique ou
un médicament de substitution, l'écart entre le privé et le public est encore plus important. L'écart est de
11 % sur les médicaments d'origine, donc les pharmaciens vont
charger aux assurés privés, sur un médicament unique, 11 % plus cher
d'honoraires que sur...
Une voix : Le médicament
total.
M. Gagnon (Richard)
: ...sur
le médicament total, 11 % par rapport au régime public, mais c'est
37 % sur le générique.
Donc, l'écart
moyen d'honoraires, c'est... du coût du médicament pour un assuré des régimes
privés est 17 %, mais ce
17 % là découle d'un écart de 37 % sur les médicaments génériques et
de 11 % sur les médicaments d'origine. Donc, pour le médicament générique, le Québécois assuré par un régime
privé paie jusqu'à 37 % plus cher qu'un Québécois assuré par le
régime public, même si ce citoyen pourrait avoir des revenus beaucoup plus
élevés que le premier.
M. Habel :
Je voulais juste, par rapport à ma question, savoir : Si, par exemple, il
utilise un médicament générique, est-ce
qu'il doit compenser par des honoraires? C'est-à-dire, pour avoir le même prix
pour un médicament qui est de marque par
rapport à un médicament générique, est-ce qu'il doit compenser par des
honoraires supplémentaires sur le générique pour avoir la même
rentabilité que celui d'un médicament de marque?
M.
Hamel (René) : ...de répondre pour nous. Ce qu'on a en main et ce que
M. Gagnon vient de mentionner, c'est : on voit, nous... ce qu'on peut lire, ce sont les écarts de prix entre le
public et le privé. Maintenant, quant à la composition en pharmacie, c'est difficile pour nous, là,
d'avoir ces données-là. Alors, ce qu'on a en main, c'est ce qu'on vient de vous
livrer, donc cet écart-là global de 17 %, qu'on peut décortiquer en deux
grandes catégories de médicaments, soit les génériques et les autres, et la
lecture, c'est : 11 % et 37 % qui, en moyenne, sur l'ensemble,
donnent 17 %.
M.
Habel : O.K. Donc, peut-être que, dans le fond, relié à votre
recommandation n° 4, on pourrait savoir dans le futur la question que je pose, à savoir :
Est-ce qu'ils doivent compenser par des honoraires s'ils utilisent un
médicament qui est générique par rapport au médicament de marque?
M.
Berthiaume (Denis) : ...bien comprendre la question, là. Évidemment la
base de faits, le prix de la molécule, que
ce soit du générique ou d'origine, c'est le même prix de la molécule. Ce qui
vient faire varier le prix, c'est l'honoraire, la marge bénéficiaire qui est ajoutée. Et ce qu'on voit, dans le fond,
c'est le résultat final du coût total pour la personne et ce sont les paramètres que M. Gagnon vous a
donnés, donc, dans un cas, plus 11 %; dans l'autre cas, c'est 37 %.
Mais, la source d'écart, c'est l'honoraire du pharmacien et la marge
bénéficiaire qui l'expliquent.
M. Gagnon
(Richard)
: Parce que le prix de la molécule est le même pour
le régime privé que le régime public.
M. Berthiaume (Denis) : Donc, ce qu'on
observe, c'est la différence de tarification au point de vente.
• (12 h 30) •
M. Hamel
(René) : Je pense que c'est
difficile pour nous de voir si les pharmaciens ont plus de marge bénéficiaire
sur les génériques ou sur les médicaments d'origine. Ce qu'on lit ne donne pas nécessairement
cette réponse-là.
M.
Habel : Puis, mon collègue
le ministre des Finances en parlait, là, la mention «ne pas substituer»...
Est-ce que ça
constitue un assez large pourcentage des médicaments qui sont prescrits au Québec, la mention «ne pas substituer»?
M. Gagnon
(Richard)
: Nous, on l'a mesuré surtout en valeur. On sait
que ça vaut à peu près 5 %, environ, là, de la prime pour l'assuré. Le
nombre d'assurés ou le nombre de médicaments concernés, c'est plus difficile,
là, d'arriver dans ce détail. Mais
cette non-substitution coûte à peu près 5 % de primes. On parle, nous, de
125 millions par année aux assurés.
M. Hamel
(René) : Et, évidemment, c'est dans la mesure... et on l'a fait avec
des paramètres assez conservateurs. La
réponse finale va être dans quelle mesure les assurés font l'utilisation de
médicaments génériques, dans l'optique où on aurait également accès à
cette clause-là.
Le Président (M. Spénard) : M. le
ministre.
M. Leitão :
...une question, parce que ça me travaille un peu, là : Selon vous,
pourquoi est-ce que les honoraires des pharmaciens sont différents d'un
régime à l'autre?
M. Gagnon
(Richard)
: Bien, écoutez — c'est une bonne question, M. le
ministre — il faut
bien comprendre que nous, on n'est pas préoccupés, là, par les
honoraires des pharmaciens, on pense que les pharmaciens, c'est des professionnels qui doivent être traités
équitablement et aussi équitablement qu'ils doivent traiter leur clientèle en
tout cas, tout au moins. Et, de toute
évidence, on a, d'un côté, un régime dans le public qui négocie les honoraires,
qui les encadre et on a, de l'autre côté, un régime qui ne les négocie
pas et qui n'a aucune capacité de les négocier.
Nous, on ne peut pas négocier avec les
pharmaciens les honoraires. Il y a différentes dispositions qui nous empêchent de le faire, que ce soient des
dispositions liées aux lois sur la concurrence tant pour les pharmaciens que
pour nous, que ce soient des
dispositions liées au fait que l'adhésion à l'association des pharmaciens...
pour un pharmacien, son adhésion à
l'AQPP l'empêche de négocier avec les assureurs, lui interdit. On ne peut pas
non plus forcer nos clients, qui sont
captifs, à aller à une pharmacie plus qu'une autre, on ne peut pas créer nos
propres pharmacies, donc on n'a pas de
levier pour négocier les honoraires des pharmaciens. Et, naturellement, comme
le soulignaient les gens de l'AQPP tantôt à juste titre, ce sont des entrepreneurs, et, dans la mesure où les honoraires
sont jugés inadéquats par un des deux volets du régime, bien, inévitablement, ils se reprennent sur l'autre volet du
régime pour arriver ou pour générer leurs bénéfices. Et donc ce deuxième
volet du régime, qui est le volet privé et qui regroupe 60 % des
Québécois, se retrouve avec des honoraires
beaucoup plus importants. Ce qui est embêtant, c'est que ces honoraires sont
différents pour un service qui est
identique, pour un médicament, un produit qui est le même et, en plus, pour des
personnes qui ne sont pas nécessairement
plus favorisées financièrement que celles de l'autre régime, et c'est là que ça
crée une iniquité qu'on trouvait importante de souligner aujourd'hui,
parce que cette iniquité, en plus elle s'accroît et elle va continuer de s'accroître.
Prenons le
177 millions de coupures dont on parlait tout à l'heure. Quelle est la
portion de ce 177 millions qui va glisser
dans les honoraires des pharmaciens sur le régime privé? Et, si c'est le cas,
on ne parlera plus de 17 % d'écart tantôt, là, on va parler de 20 %, 22 %, 25 %. Qui sait? Et à
quand le point de rupture pour que les employeurs, qui trouvent déjà la note salée, se mettent à dire : Wo! Wo! Les
régimes collectifs sont beaucoup trop coûteux, nous sommes de moins en moins
intéressés à offrir à nos employés tout ce qui vient avec le régime collectif,
au-delà du médicament : les assurances dentaires,
les soins de la vue, l'assurance invalidité, qui sont dans les régimes
collectifs, qui risquent d'être hypothéqués parce que le volet médicaments
va coûter beaucoup trop cher?
M.
Leitão : Je ne comprends toujours pas — et ce n'est pas de votre faute — pourquoi l'honoraire d'un service
dépendrait selon le payeur. Et ça, je vais m'informer pourquoi cela est le cas.
Merci.
Le Président (M. Spénard) : Mme la
députée de Bourassa-Sauvé, il vous reste une minute.
Mme de Santis :
Merci. La molécule pourrait être moins chère dans le privé... dans le public,
excusez-moi, à cause des ententes
d'inscription. Maintenant, vous savez que les ententes d'inscription vont être confidentielles. Alors, si vous voulez que les mêmes règles s'appliquent au privé, qu'est-ce que vous proposez pour que les prix soient... ou que vous bénéficiiez
des ententes? Parce que, si ce n'est pas confidentiel, il n'y en aura pas,
d'entente d'inscription.
M. Gagnon
(Richard)
: Comme on l'exprime dans notre mémoire, dans nos
recommandations, nous, on pense vraiment
que, s'il y a des négociations qui permettent à l'État de réduire le coût des
médicaments, ces ententes-là doivent contribuer à tous et non qu'à une
partie des assurés, sinon il y a une iniquité qui n'est pas acceptable.
Maintenant,
vous allez plus loin en disant : Si elles ne sont pas confidentielles, il
n'y aura pas d'entente. Nous, on ne peut pas faire ce raisonnement-là.
Nous, on dit, là : Les citoyens au Québec sont tous égaux, alors, s'il y a
des avantages qui sont négociés par le gouvernement sur le prix des
médicaments, tous les Québécois doivent en profiter.
Une voix : Merci.
Le
Président (M. Spénard) : Merci. Alors, sans tarder, je céderais la
parole à l'opposition officielle pour une durée maximale de
15 minutes. M. le député de Rousseau.
M. Marceau :
Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, MM. Berthiaume, Dumas, Gagnon, et
Hamel. Bonjour. Merci d'être là.
Première
question. Le 17 % dont vous parlez, vous dites : Ça coûte 17 %
plus cher dans les régimes privés qu'avec le régime public. Et vous avez mentionné au début, mais on n'a pas eu
l'occasion de revenir jusqu'à maintenant, que, si on mettait en oeuvre les mesures que vous suggérez, on
pourrait, donc, économiser ce 17 % puis que ce ne serait pas un bénéfice pour vous, ce serait un bénéfice donc
pour les employeurs, les employés. Pouvez-vous élaborer, développer?
Moi, ma
compréhension, c'est que ça veut dire que les primes d'assurance des employés,
travailleurs et les primes de nos employeurs diminueraient de façon
équivalente. Est-ce que je comprends bien?
M.
Berthiaume (Denis) : Dans le fond, pour bien expliquer le mécanisme...
Parce qu'on peut se poser la question : Est-ce que les assureurs prennent les économies et se les gardent,
finalement? Moi, je peux vous dire, ici, vous voyez des amis à la table qui viennent parler d'une voix,
mais, lorsqu'on sort d'ici, ce sont des amis compétiteurs. Alors, je peux
vous dire que, si nous, par ailleurs, on ne
refile pas aux employeurs et aux assurés les économies, bien il y a des
compétiteurs qui vont être présents dans le portrait et qui vont vouloir
le bien de nos assurés puis qui vont l'obtenir.
Je pense que ce qu'il est important d'expliquer,
c'est la mécanique. Dans le fond, quand on parle des contrats d'assurance collective, ce sont des contrats qui
se renouvellent annuellement. Les employeurs s'adjoignent des experts qui négocient les modalités financières. Donc, un
contrat qui se renouvelle annuellement, pour lequel la consommation de médicaments pour fins de renouvellement est
prise en compte, la consommation réelle du groupe est prise en compte...
donc, qui dit consommation plus basse, ça
force à avoir des conditions de renouvellement, donc, qui sont retournées aux
assurés et à l'employeur, le cas échéant. Et donc c'est un premier mécanisme qui
existe.
Le deuxième
mécanisme qui existe, qui est aussi fort important : pour plusieurs grands
employeurs... en fait, la grande
majorité des employeurs de taille intermédiaire, des grands employeurs, il y a
déjà ce qu'on appelle des ententes de
ristourne. Or, c'est quoi, une entente de ristourne? C'est qu'il y a une
comptabilité annuelle qui se fait, où, la consommation réelle des médicaments dépensée par le régime, on
ajoute des frais administratifs prénégociés, différentes marges, des taxes, ainsi de suite, et l'excédent, s'il y a
lieu, est retourné au groupe, soit à l'employeur, soit aux assurés. Alors,
vraiment, un, des mécanismes de
compétition; deux, des mécanismes de renouvellement annuel; et, troisième
élément, des ententes financières qui prévoient le remboursement des
excédents, le cas échéant.
M. Marceau : O.K. Est-ce
que ça s'est déjà
produit dans le passé qu'un événement heureux
a fait baisser le coût pour vous puis ça a été retourné clairement comme
ça à vos assureurs assurés... à vos assurés? Pardon.
M.
Berthiaume (Denis) : Oui, oui, tout à fait, parce qu'évidemment,
lorsqu'on fait un renouvellement, on fait une prévision pour la
prochaine année selon l'inflation, l'utilisation du groupe, O.K.? Mais, si vous
demandiez à des employeurs privés, ils vous
diraient qu'ils ont des ristournes qui sont versables... normalement, qui sont
comptabilisées et versables.
• (12 h 40) •
M. Marceau :
Impeccable. O.K. Merci. Une deuxième question. Vous avez... ça a été abordé,
mais pas encore complètement
directement, en tout cas certainement pas à ma satisfaction, vous avez évoqué
des asymétries qu'il y a entre le
régime public puis les régimes privés, bon, les honoraires réglementés, le prix
le plus bas et puis, peut-être prochainement, puis j'y reviendrai, les
inscriptions... enfin, les ententes d'inscription pour des médicaments
novateurs.
Et moi, je
repose la question — je l'ai
posée plus tôt : Pourquoi est-ce qu'on a ça? Qu'est-ce qui a mené à ça?
Pourquoi, dans les années 90, quand on a
introduit le régime d'assurance médicaments, on avait prévu des dispositions
qui, d'une certaine
façon, défavorisaient les régimes
privés? Et pourquoi est-ce que ça n'a pas été corrigé entre-temps? Et
pourquoi aujourd'hui les circonstances ont changé et on devrait le corriger?
Plein de questions en même temps.
Mais, essentiellement, il n'y a, à ce jour,
personne dans cette salle qui m'a dit : Les avantages qu'il y avait à introduire des dispositions différentes sont les
suivants. Je n'ai pas entendu ces mots-là. Peut-être qu'il n'y en avait
pas puis qu'on était juste bêtes. Mais
j'imagine qu'il devait y avoir quelque chose de pas pire là-dedans. Alors, je vous demande... donc, peut-être qu'il avait un
bénéfice à l'époque, puis aujourd'hui ce bénéfice n'est plus présent, et
j'aimerais savoir un peu de quoi il en retourne. Voilà.
M. Hamel
(René) : Bien, à l'époque de
l'introduction du régime général d'assurance médicaments, effectivement les négociations ont eu lieu
entre les différentes parties, il a même été question que ça soit le même prix
pour tous les Québécois. Ça ne s'est pas avéré dans la législation. Je ne faisais pas partie du groupe, mais on m'a parlé de minuit moins deux.
Alors, fort possiblement que c'est arrivé comme ça.
Cependant, on
fait référence, là, à l'article du prix le plus bas. Ce n'était pas dans la
législation au moment où ça a été
introduit. Donc, au moment où ce partenariat-là privé-public s'est instauré,
c'est vraiment dans l'esprit d'un partenariat, et ça a démarré dans l'esprit d'un partenariat pour assurer une
couverture complète des médicaments. Et un à-côté non négligeable du
régime d'assurance médicaments a amené beaucoup d'employeurs sans régime
d'assurance collective à introduire des régimes d'assurance collective avec
l'assurance invalidité, et ça, il ne faut pas oublier ça, c'est un élément très important. Et donc les premières
années ont démontré sa pertinence. On parlait d'écarts de 1 %, 2 %,
3 % qui, somme toute, peuvent se
justifier. Alors, la pertinence de ce partenariat-là s'est donc matérialisée
dans les premières années. C'est par
après qu'on a vu cet écart-là grandir de façon importante et, principalement
dans les dernières années, de façon spectaculaire, l'écart entre le
régime public et le régime privé.
D'autre part,
bien, la législation, l'article qui autorise le régime public à payer selon le
médicament le plus bas... je pense, c'est 2000...
Une voix : 2005.
M. Hamel (René) : ...au
milieu des années 2000 qu'elle a été introduite. Et là on n'a pas été
consultés, il n'y a pas eu de négociation, est arrivé cet article-là.
M. Marceau : Je comprends.
Bref, au départ, c'était plutôt équilibré, puis vous, vous gagniez des nouveaux
adhérents, dans le fond, de nouveaux clients et...
Une voix : ...qui se
matérialisait.
M. Marceau :
Je comprends. O.K. Très bien. C'est très clair. Merci beaucoup pour votre
réponse. Je comprends un peu mieux la dynamique puis comment on en est
rendus là où on en est rendus.
Je veux
revenir sur la question de ma collègue de Bourassa-Sauvé : Est-ce qu'il y
a moyen, donc, d'une certaine façon,
d'avoir des ententes d'inscription entre vous et, donc, des fabricants de
médicaments novateurs? Dans le reste du Canada, en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique, il y a déjà des
ententes de cette nature qui ont été signées. Ce que je ne sais pas, c'est la nature de ces ententes-là, puis j'imagine
que ce sont les établissements de santé, les hôpitaux, qui ont ce type
d'ententes là. Je ne sais pas si c'est le cas pour les assureurs comme vous.
M.
Berthiaume (Denis) : Évidemment, ce que je peux vous confirmer, nous,
on n'est pas partie prenante à des ententes
avec des compagnies pharmaceutiques puis — je pense, je peux parler au nom de mes
collègues ici — on n'a
aucune entente avec des...
Une voix : ...
M. Berthiaume (Denis) : Non, on ne
peut pas...
M. Marceau :
Parce que, bon, effectivement, c'est une question qui se pose, puis nous
trouverons les réponses à ces questions éventuellement.
Je veux
revenir maintenant à la question de l'impact des dispositions du projet de loi
n° 28 sur vous... en fait, sur les
honoraires des pharmaciens qui pourraient, donc, vous être refilés en
contrepartie, en compensation des coûts subis par les pharmaciens. Comment y a-t-il moyen d'arrêter cela autrement que
par une législation qui obligerait d'avoir des honoraires identiques?
Est-ce qu'il y a d'autre chose comme solution que ça?
M. Gagnon
(Richard)
: Bien, probablement que ça va passer par
différentes mesures. C'est clair que, si on revient à 28, une première
mesure, c'est de s'assurer qu'on n'accentue pas le problème en ajoutant au
panier de services de nouveaux actes, comme
ceux de 41, qui pourraient tomber dans le même paramètre que le régime général,
à savoir qu'ils seront tarifés pour l'État, pour le régime public, mais
ils ne le seront pas pour le privé, et là on va voir deux types de rémunération
différente pour les mêmes actes.
C'est la
première chose : si on ajoute des éléments dans le panier de services, il
faut absolument que le tarif soit le même pour tous les Québécois.
Deuxième élément. En ce
qui concerne les honoraires des pharmaciens et l'écart actuel, nous, on a fait
des propositions, on a eu plusieurs discussions avec les gens de l'industrie de la pharmacie, qui sont tous de bonne foi, pour être honnête, là. On ne veut pas donner
l'impression du tout qu'on est en chicane ou en rivalité. C'est des
professionnels également, mais là il
y a une situation
problématique : l'économie de la pharmacie s'est constituée sur la base
d'écarts de tarifs pour des services
entre deux clientèles différentes. Comment ramener ça aujourd'hui? Nous, on veut être raisonnables, on pense qu'il faut y aller progressivement, mais, chose certaine, il
faut commencer à travailler. Et d'entendre que l'écart ne va que s'accentuer encore, là, là, nous, c'est
aller exactement dans l'inverse du bon sens. Alors, il va falloir
qu'on s'assoie, très certainement, avec un arbitre qui a la capacité de trancher et de fixer des règles du
jeu, parce que nous, on n'a pas cette capacité-là, les pharmaciens non plus. En tout cas, pour le moment, ça n'a pas fonctionné. Donc, il est clair que, si le
gouvernement n'encadre pas, par une façon ou une autre, les paramètres de
rémunération des pharmaciens pour les assurés du privé, nous, on n'y
arrivera pas, là, c'est impossible, tout seuls.
Alors, on pense qu'il faut qu'au plan
réglementaire il commence à y avoir des dispositions qui vont ramener
progressivement les écarts à des niveaux qui sont équitables, ce qui n'est pas
le cas actuellement.
M. Marceau : O.K. Oui. Merci. Peut-être en lien avec ça,
vous avez tantôt parlé de cela, mais je n'ai pas... peut-être que
je vais vous demander d'élaborer encore un peu plus, là, vous nous disiez que
ce n'était pas possible pour vous de négocier directement avec les
pharmaciens puis que le cadre législatif vous en empêchait. Peut-être nous dire
quelle modification législative vous permettrait de faire peut-être
indirectement ce que le gouvernement ne veut pas faire, là, en supposant qu'il ne veuille pas le faire. Est-ce qu'il y aurait moyen de négocier, selon vous, si... Avec quelques petits
changements législatifs, est-ce qu'il y aurait quelque chose qu'on peut faire
dans...
M. Gagnon
(Richard)
: Bien, ce qui nous empêche actuellement de négocier, c'est deux choses, essentiellement. Premièrement, le gouvernement reconnaît un
groupe pour négocier les honoraires des pharmaciens pour le régime public, qui est l'AQPP, qui est le syndicat
professionnel des pharmaciens, là, comme c'est le cas pour les autres
professionnels. Pour bénéficier de
ces ententes, un pharmacien doit être membre de l'AQPP. À partir du moment où
le pharmacien est membre de l'AQPP, il ne peut plus négocier avec un assureur
en particulier. Alors, déjà là, il y
a un frein. Donc, ça fait en
sorte que, nous, notre négociateur unique, c'est l'AQPP. On ne peut pas
s'entendre avec des pharmaciens.
Deuxième
élément, il y a les lois de la concurrence, qui empêchent qu'on
s'entende sur des honoraires établis à l'avance,
comme l'État le fait avec les pharmaciens. L'État, par réglementation... ou par législation,
je devrais plutôt dire, s'est dégagé
de cette obligation de respecter la loi de la concurrence, compte tenu du type
de produit probablement, compte tenu
de la réalité, dit : Bon, on doit être capable de négocier des tarifs avec
le groupe au complet. Donc, la seule façon de se dégager, c'est que
l'État permette qu'il y ait une négociation avec un groupe sur ce produit
qu'est le médicament, finalement.
Donc, ce qui nous empêche actuellement, c'est
principalement ces deux paramètres-là.
M. Marceau : O.K. Entre une
solution par laquelle on vous permettrait de négocier, donc des modifications législatives qui vous permettraient de rencontrer
l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires puis de discuter directement avec eux en tant que deux groupes qui
discutent l'un et l'autre... entre ça puis une solution plus imposée, si on
veut, par laquelle on s'assurerait
d'égaliser les honoraires entre le régime public puis les régimes privés,
qu'est-ce que vous préférez?
M. Hamel
(René) : Comme industrie, on a un objectif, c'est celui de ramener
l'équité entre les prix du privé et du public le plus tôt possible.
Laquelle des
deux solutions nous conduirait à un résultat le plus rapidement et le plus
équitable? Je ne sais pas s'il y a
des... on n'a pas évalué... Je ne sais pas s'il y a des collègues, là, qui
l'ont fait. Moi personnellement, je ne suis pas en mesure de vous répondre, sauf qu'on sait que les deux solutions vont
dans la bonne direction. C'est tout ce qu'on peut dire. Difficile
d'évaluer, là, quelle solution.
M. Gagnon
(Richard)
: Mais il est sûr que d'amorcer une négociation ou
d'avoir cette capacité de s'entendre avec
les pharmaciens devrait s'accompagner de leviers pour être capables de
négocier, parce qu'il faut bien comprendre que les assurés qu'on représente ne peuvent pas aller ailleurs qu'à la
pharmacie pour avoir un produit essentiel qu'est le médicament.
Alors, s'il
n'y a pas de levier qui nous permet de négocier réellement avec les
pharmaciens, on ne s'entendrait jamais,
parce qu'on n'a pas de pouvoir de dire à nos clients : Allez ailleurs qu'à la pharmacie. Alors, s'il y a un élément
de réponse là-dedans, ce que je viens de vous dire...
• (12 h 50) •
M. Marceau : C'est très bien,
puis je comprends, là, que...
Le Président (M. Spénard) : ...M. le
député.
M. Marceau : Bien, écoutez, en fait, vous avez dit tout à
l'heure qu'on était arrivé à un point de rupture, quasiment, là, que, là, si les écarts grandissaient,
carrément, là, des employeurs allaient envisager de ne maintenir que
l'assurance médicaments puis, dans le
fond, d'élaguer leurs régimes d'assurance collective des autres éléments.
Est-ce que c'est déjà commencé ou c'est quelque chose que vous voyez,
que vous craignez? Ça va peut-être être plus clair comme ça.
M. Dumas (Robert) : En
fait, ce qu'on voit actuellement à travers les négociations, c'est extrêmement de
pressions pour essayer de faire
baisser le prix des médicaments, parce que c'est là où on a vu le plus
d'écarts. Alors, on le sent dans les
négociations, avec le discours qu'on a avec nos assurés. Alors, c'est là.
Évidemment, la loi dit que, si vous avez un programme d'assurance collective, vous devez offrir l'assurance
médicaments. Alors, si on veut se débarrasser de l'assurance médicaments,
il faut se débarrasser de tout, là, et c'est ça, le danger, là.
Le
Président (M. Spénard) :
Alors, merci beaucoup. Votre temps étant écoulé, MM. les membres de
l'opposition, alors, je cède
maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition. Alors, M. le député de Granby, à vous la parole.
M.
Bonnardel :
Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Une première question assez
simple — je
l'ai posée tantôt : Est-ce qu'actuellement les Québécois paient le juste
prix pour leurs médicaments? Oui ou non?
M. Gagnon (Richard)
:
Écoutez, le premier réflexe quand on se compare, c'est de dire qu'ils paient un
peu cher, pour être honnête, parce
que, lorsqu'on se compare avec le reste du Canada, ils paient plus cher que le
reste du Canada. Donc, déjà là, il y
a une indication de réponse. En ce qui concerne nos propres assurés, parce que
c'est eux qu'on représente, on pense
qu'ils paient cher si on compare à leurs collègues du régime public qui sont au
même comptoir. Ils paient jusqu'à 37 % plus cher pour les
génériques. Alors, la réponse est assez simple : ils paient trop cher.
M.
Bonnardel :
Je devinais votre réponse, mais je voulais quand même que vous la répétiez.
On
va élaborer un peu sur le 17 %. On dit dans votre mémoire, à la
page 8, bon, que ce programme existe depuis 1997. Vous disiez tantôt : Le programme a commencé, on était à
2 %, 3 % de différence. Pouvez-vous me dire spécifiquement... Le programme a presque
20 ans, là. Si on se dit : On est en 2015 aujourd'hui, là, on est
arrivés à 14 %... à 17 %,
pardon, depuis deux ans, trois ans... Est-ce que c'est exponentiel? Ça a monté
de 1 % par année. Pouvez-vous élaborer rapidement sur ce...
M. Hamel (René) : O.K. Bien, rapidement. Sans avoir les années précisément en tête, là,
vous allez comprendre, grosso modo,
je dirais : Dans la première dizaine d'années, la première moitié... ou
peu plus, une évolution lente. C'est peut-être rendu à du 3 %,
4 %, sans avoir les chiffres précis. Mais c'est par la suite que ça a été
une progression qui s'approche de la
géométrie, là. C'est une progression assez rapide et que nous, on a vue
arriver. Évidemment, avant de réaliser
qu'elle était vraiment en place, qu'il n'y avait pas un accident de parcours,
ça a pris un an ou deux. Et là, depuis quelques
années, là, on s'est vus dans une... Vous parlez : Depuis quand c'est
14 %? Je pense qu'on a eu ça il y a trois, quatre ans à peu près, le 14 %. Et c'est certain que dès ce moment-là,
et bien avant, on a discuté avec l'AQPP, sensibilisée à la situation,
et, d'autre part, aussi, commencé à sensibiliser les instances
gouvernementales.
M.
Bonnardel : O.K. J'ai plusieurs questions On va essayer d'y
aller... Est-ce qu'il y a juste au Québec qu'on voit cette différence de 17 %? Dans les autres législations, vous
disiez aussi, là, que, bon, du côté de l'Ontario, on paie plus cher, plus élevé que 12 %. Pouvez-vous
nous donner un portrait pancanadien — c'est-u possible de le faire, ça? — où on dit : Encore une fois, il
y a juste au Québec où cette société distincte nous fait payer plus cher nos
médicaments?
M. Dumas (Robert) : Alors, l'écart de 12 % avec l'Ontario... Il
est beaucoup moindre avec les autres provinces du Canada, mais c'est quand même
un écart. Ce qu'il faut voir, c'est qu'au Québec on a une proportion des gens
qui sont assurés au public qui est
beaucoup plus élevée qu'ailleurs au Canada. Alors, il y a un transfert qui se
fait vers le privé, qui est beaucoup plus important, et ça explique
pourquoi au Québec on paie plus cher.
M.
Hamel (René) : Si je peux ajouter, rapidement. Ailleurs, dans
l'ensemble... En fait, le régime public est pour les clientèles plus vulnérables; donc, que le gouvernement, à la limite,
impose des mesures sur les prix, c'est dédié à ces clientèles vulnérables. Dans ce sens-là, le Québec
est unique parce que dans sa composante publique il n'y a pas que les
clientèles vulnérables.
M.
Bonnardel : Est-ce que ce 37 %, là, du générique, là,
que vous disiez tantôt, là... la statistique était bonne, entre la molécule et le générique, là, ce
37 %, est-ce que ça a explosé aussi fortement dans les cinq,
10 dernières années? Comment on a pu arriver à un pourcentage aussi
important aussi rapidement, peut-être?
M. Gagnon (Richard)
:
Écoutez, nous, on a fait des repères progressifs. Comme le disait René, l'écart
est plus évident depuis quelques
années. Et, quand on pose la question à nos collègues, c'est sûr que ce qu'ils
considèrent comme étant le
sous-financement de leurs actes professionnels pour certains médicaments très
coûteux maintenant les force à équilibrer
leur budget. Donc, quand on regarde d'où vient cet écart, bien, inévitablement...
il vient probablement de coûts plus
élevés pour le pharmacien qui ne sont pas couverts par le régime public et
qu'il doit refiler au privé, inévitablement.
Alors,
c'est comme ça que la croissance s'est accélérée. Et c'est facile à comprendre.
Prenez le 177 millions dont on
parlait tantôt; c'est clair que, s'il s'exécute, bien il y en a une partie qui
va se retrouver au privé. Alors, dans trois ans, si on ne fait rien,
vous allez nous poser la question : Comment s'est construit le 20 %
ou le 25 %? Il va s'être construit comme ça.
M.
Bonnardel :
Si je fais un calcul rapide... Est-ce que je me trompe si je vous dis que ce
coût de 17 % qui vous est
refilé, en réalité, dans une certaine mesure, là, équivaut à près de
500 millions de dollars?
M. Gagnon
(Richard)
: Vous savez compter.
Une voix : ...assurés.
M.
Bonnardel : Aux assurés, oui, aux employeurs, employés,
500 millions de dollars. Donc, on peut imaginer que, si on ne fait
rien là-dessus, ça va augmenter. Puis, malheureusement — on se
questionne comme vous le faites aujourd'hui, nous aussi, comme législateurs — s'il
fallait que ce 177 millions soit refilé en termes d'honoraire, bien vous allez avoir... puis les... vont
avoir à débourser plus.
O.K. Bien,
écoutez, ça met fin un petit peu à mes questions, là. C'est ça qui me
questionnait, qui me titillait sur ce
17 %. Puis j'ose croire qu'on va être capables d'y voir encore plus clair
sur ce point précis, parce qu'encore une fois je pense que c'est le
patient qui en fait les frais. Merci.
Le Président (M. Spénard) : Alors,
merci, M. le député de Granby. Alors, je remercie le Regroupement des assureurs
de personnes à charte du Québec d'avoir déposé leur mémoire et d'avoir échangé.
Je lève la séance, et la commission ajourne ses
travaux au mercredi 28 janvier, 9 h 30. Merci.
(Fin de la séance à 12 h 57)