(Quinze
heures vingt-sept minutes)
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance
de la Commission des finances publiques
ouverte. Je demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission est
réunie afin de procéder à des consultations particulières et des auditions
publiques sur le projet de loi n° 18, Loi modifiant la Loi sur les
impôts et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Bachand (Outremont) est remplacé par Mme de
Santis (Bourassa-Sauvé).
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) : Merci, Mme la secrétaire. À l'ordre du jour, nous
avons cet après-midi les auditions des représentants et représentantes de la Commission d'accès
à l'information. Par la suite, nous entendrons les représentants de
Barreau du Québec, et suivront les remarques finales sur ces auditions.
Remarques préliminaires
Nous
débutons, sans plus tarder, avec les remarques préliminaires. M. le
ministre, vous disposez d'un maximum de six
minutes pour vos remarques préliminaires.
M. Nicolas Marceau
M.
Marceau : O.K.
Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord saluer tous les collègues…
vous saluer, vous, tout d'abord, M. le Président, Mme la secrétaire, saluer aussi
les collègues députés qui sont ici présents. Avec nous, du côté
gouvernemental, il y a le député de Dubuc et le député de Rouyn-Noranda—Témiscamingue et, des partis de l'opposition, le député de Viau, la députée de Bourassa-Sauvé et le
député de Lévis. Je les salue tous évidemment. Je crois que le député de Jean-Lesage aussi s'ajoutera. Ah!
il vient de… le voici, le voilà. Donc, le député de Jean-Lesage aussi. Et je voudrais également dire que je suis
accompagné de plusieurs personnes de chez Revenu Québec,
Me Martineau, Me Forget,
M. Yves Trudel et Me Bolduc, qui m'accompagnent et puis qui sauront
répondre aux questions difficiles que m'adresseront éventuellement les
collègues de l'opposition.
Alors,
M. le Président, le projet de loi n° 18, intitulé Loi modifiant la
Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives, a été présenté le 21 février
2013, et son principe a été adopté le 19 mars dernier. En premier lieu, je
tiens à rappeler que ce projet de loi donne suite principalement à la
politique fiscale du précédent gouvernement, qui a été annoncée lors du discours sur le budget du 20 mars 2012, de même qu'à
certains bulletins d'information publiés en 2011 et en 2012. Le projet
de loi prévoit, entre autres mesures, la bonification du crédit d'impôt pour
maintien à domicile d'un aîné et du montant accordé à l'aidant naturel d'un
conjoint âgé incapable de vivre seul. Nous aurons l'occasion d'approfondir ultérieurement
les modalités d'application de ces mesures.
Les consultations
particulières tenues aujourd'hui concernent plus particulièrement les
articles 1 à 3 du projet de
loi n° 18. Ces dispositions visent essentiellement à permettre la
communication de renseignements contenus dans un dossier fiscal, avec l'autorisation
d'un juge, non seulement à un membre d'un corps de police, mais également à un
ministère ou à un organisme public, lorsqu'il est raisonnable de croire qu'une
infraction criminelle ou pénale a été commise ou est sur le point de l'être.
Le
contenu de ces dispositions intéresse grandement nos invités. Aussi, je n'entends
pas prolonger davantage mes remarques
préliminaires, afin que nous puissions les entendre le plus rapidement
possible. Merci, M. le Président.
• (15 h 30) •
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) : Merci, M. le ministre. J'invite maintenant, pour l'opposition officielle, M. le député de Viau à faire ses
remarques préliminaires pour une période maximale de six minutes.
M.
Emmanuel Dubourg
M.
Dubourg : Merci,
M. le Président. À mon tour de vous saluer, M. le Président, et saluer
aussi tous les collègues parlementaires qui
sont ici ainsi que les personnes qui accompagnent aussi le ministre du Revenu
du Québec et de son cabinet, saluer aussi le collègue de, j'allais dire… de la
CAQ — j'allais prononcer son nom — et aussi saluer les membres
de la Commission d'accès à l'information et les remercier aussi d'être présents
ici cet après-midi, et les autres groupes aussi que nous allons écouter.
Il
est vrai, M. le Président, que le projet de loi n° 18… je peux dire que ça
comporte deux parties. Il y a une partie qui touche le budget que mon collègue d'Outremont
avait déposé. Cette partie-là, vous comprendrez que, bon, il n'y a aucun problème parce qu'on
parle d'éléments qui étaient déjà prévus dans le budget. Et, que ce soit
question d'harmonisation, ou bien d'hébergement, ou bien des mesures
pour les personnes aînées, donc, on est tout à fait favorables. Et, le ministre
l'a dit, ce sont spécialement les articles 1 et 3 qui nous préoccupent.
Et
je ne veux pas être très long, mais je veux tout simplement dire que ces
articles-là avaient été déposés dans le cadre du projet de loi n° 5 en décembre
dernier. Et j'avais demandé au ministre effectivement de… qu'on ait le
temps d'en discuter. Et je suis très content qu'effectivement la Commission d'accès
à l'information aussi a eu le temps de retoucher le mémoire qui a été déposé. J'en
suis ravi. Et, M. le Président, l'objectif est clair, c'est qu'en tant que
parlementaires nous souhaitons que les lois adoptées répondent aux problèmes
soulevés et aux problèmes qui ont été identifiés.
Et, puisque nous ne sommes pas des spécialistes en tout, donc je remercie aussi
le ministre d'avoir accepté ces consultations-là.
Donc, on a la CAI, on a le Barreau. On a reçu aussi des mémoires, tant du
Protecteur du citoyen que de le l'Ordre des comptables professionnels
agréés, qui viennent alimenter effectivement notre étude.
Donc,
M. le Président, nous aimerions, en un mot, que, s'il y a changements au secret
fiscal, que ces changements-là soient bien
balisés. Et on propose effectivement de transmettre de l'information, il est
vrai, avec l'approbation d'un juge, à tous
les ministères et organismes publics. Pour nous, et je pense que, pour le
contribuable aussi, il est important,
comme la CAI l'a reconnu, de chercher à préserver l'équilibre entre la
protection des renseignements généraux et le besoin de l'État de se
protéger contre le crime et les infractions pénales. On sait qu'il y a deux
droits fondamentaux qui sont visés par ça, c'est-à-dire le droit à la vie
privée et le droit à l'information. Donc, il faut maintenir l'équilibre entre
ces deux éléments-là.
Donc,
je ne veux pas être plus long, M. le Président. Donc, le temps d'entendre les
experts… nous disent quelles en sont leurs
préoccupations par rapport à ce projet de loi n° 18, M. le Président.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) : Merci, M. le député. J'invite maintenant le député
de Lévis à faire ses remarques finales...
préliminaires, pardon, pour une période de trois minutes.
M. Dubé : Je vais vous surprendre, M. le Président, je vais
être encore plus rapide. Ça va être... Je pense que l'introduction, c'est de saluer tout le monde, de remercier. Et je
partage les préoccupations de mon collègue. Alors, je voudrais qu'on puisse commencer directement parce
que je pense qu'on est sur la même longueur d'onde. Merci beaucoup.
Auditions
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Merci,
M. le député de Lévis. Alors, nous allons passer à la période d'échange
entre les parlementaires et les représentants de la Commission d'accès à l'information.
Bienvenue. Et puis, M. Chartier,
président de la commission, vous avez une dizaine de minutes. Bien là, vous
avez peut-être un peu plus de temps, parce que les préliminaires étaient
plus courts, mais on va voir avec le déroulement. Vous avez en tout cas une
dizaine de minutes pour présenter les gens qui vous accompagnent et faire votre
exposé.
Commission
d'accès à l'information (CAI)
M.
Chartier (Jean) :
Merci, M. le Président. Je tenterai de toute façon de ne pas abuser. Je vous
présente les gens effectivement qui m'accompagnent.
Alors, à ma droite, Me Jean-Sébastien Desmeules, qui est directeur des
affaires juridiques et secrétaire général de la commission, et, à ma gauche,
Sophie Giroux-Blanchet, qui est membre de la Direction des affaires juridiques.
M.
le Président, j'ai décidé — bien, enfin, j'ai décidé — afin
d'être le plus clair possible et d'être le plus
éclairant possible pour cette commission, de
ne pas vous relire l'avis qui a été sollicité de la commission et qui parle par
lui-même. Ce que je voulais faire, c'était d'exposer à cette commission
les changements les plus importants qui sont apportés et évidemment ce que la commission en pense. On parle
toujours, évidemment, des trois dispositions dont le ministre a parlé, c'est-à-dire
les articles 1, 2, 3 du projet de loi n° 18.
On
comprend, et la commission l'a évidemment compris immédiatement, que ce que
recherche l'agence, c'est de pouvoir, afin de combattre des infractions qui
sont différentes comparativement à l'ancien texte, de pouvoir
communiquer des renseignements à d'autres
ministères et organismes, alors qu'avant les seuls motifs pour lesquels les
renseignements pouvaient être communiqués à
l'encontre du secret fiscal étaient des infractions graves commises par des
organisations criminelles. La première
modification qui est apportée à cette loi, c'est de dire que ces infractions
graves commises par des organisations criminelles, dorénavant, on pourra
parler d'infractions criminelles mais aussi d'infractions pénales de toute
matière, donc prévues par toutes les législations québécoises qui prévoient des
infractions à leurs lois.
On élargit également
les partenaires possibles entre qui l'information peut s'échanger. Sous l'ancien
texte, vous aviez seulement... l'agence
pouvait communiquer ce genre de renseignements là seulement à des corps de
police. Là, on vient dire : Ah! oui,
corps de police mais aussi ministères, organismes publics qui pourraient
solliciter… Dans les remarques et
dans les explications que nous avons obtenues de la Direction des affaires
juridiques de l'agence, on nous a dit que
ces communications-là pourraient aller à deux sens, c'est-à-dire qu'il pourrait
aussi s'agir d'un organisme québécois, d'un
organisme public qui sollicite de l'agence la communication de tel
renseignement parce que, dans son mandat, cet organisme public a aussi
le mandat d'appliquer des sanctions pénales. Mais, tel qu'il est libellé à 69.0.0.12,
on parle de communication d'un fonctionnaire de l'agence versus un organisme
public qui le sollicite.
Donc,
on vient élargir à la fois le spectre des infractions, pour englober l'ensemble
des infractions pénales, et on élargit
également le nombre de partenaires qui pourraient communiquer.
Maintenant, il s'agit aussi... on n'a pas changé les
renseignements qui pourraient être communiqués, la nature des renseignements. On comprend que, si ce sont des
renseignements, entre guillemets, concernant une personne morale, la CAI n'a pas un mot à dire, en ce sens qu'elle n'a
pas juridiction sur les renseignements, par exemple, qui pourraient
concerner des corporations. Mais la CAI a son mot à dire lorsqu'il s'agit, par
exemple, de renseignements personnels concernant des individus et leurs
dossiers fiscaux.
Ce
qui a amené la commission à émettre un avis que je considérerais positif à l'endroit
de ces trois dispositions, c'est qu'on a
maintenu, malgré les modifications dont je vous ai fait part, on a maintenu l'autorisation
nécessaire et préalable d'un juge de la Cour
du Québec. On maintient également, si vous regardez le texte des deuxième et
troisième alinéas de l'article 69.0.0.12, le
texte actuel et qui ne sera pas modifié… il est dit là-dessus : «Une demande
d'autorisation présentée en vertu du présent
article est confidentielle…» Ce deuxième alinéa, à 69.0.0.12, ne sera pas
touché. Donc, on maintient le
caractère confidentiel de la demande. Le troisième alinéa n'est pas non plus
touché, où on y dit : «Le juge saisi de la demande d'autorisation l'entend
ex parte et à huis clos», ce qui ajoute au caractère confidentiel et, je
dirais, au caractère exceptionnel d'une
telle mesure, d'une telle demande d'autorisation de communication. Le fait que
le législateur n'entende pas toucher ces deux alinéas et tout en
maintenant l'autorisation préalable d'un juge de la Cour du Québec, qui voudra
se faire expliquer la nécessité de transférer de tels renseignements, nous a
sécurisés.
• (15 h 40) •
On
maintient également que les renseignements, à 69.0.0.13 et 69.0.0.14, on
maintient que les renseignements qui seront ainsi communiqués devront être
communiqués aux seules personnes et aux seules fins pour lesquelles ils
ont été sollicités. C'est donc dire que la
personne qui les obtiendra, qu'on parle d'un corps de police, ou d'un
ministère, ou un organisme qui veut
appliquer sa législation, devra les utiliser seulement pour les motifs pour
lesquels elle les a sollicités. Ainsi,
si le juge l'a accordé parce que, par exemple, on prévoyait une infraction en
matière pénale électorale… Il est évident que, par exemple, le Directeur général des élections, qui obtiendrait de
tels renseignements, ne pourrait pas les utiliser à un autre escient ou
ne pourrait pas non plus les communiquer à un tiers. C'est la compréhension qu'on
en a. Donc, évidemment, ça nous sécurise
quant à l'utilisation, puisque le libellé des articles anciens, sur cet
aspect-là, n'a pas changé.
Enfin,
je vous dirais, ma dernière remarque, c'est qu'on maintient l'obligation de
destruction des renseignements communiqués après l'utilisation de ces
renseignements. Alors, c'était aussi dans la loi antérieure. C'est également,
je vous dirais, un rempart, en ce qui
concerne la commission, c'est un rempart contre une utilisation abusive des
renseignements et le fait qu'ils pourraient
traîner quelque part dans un ministère, dans un organisme public après avoir
été communiqués. Alors, on impose à l'organisme, au ministère qui l'aura
sollicité, d'en opérer la destruction aussitôt que l'utilisation des
renseignements personnels aura été complétée.
Alors,
voilà, je vous ai résumé en quelques phrases l'essentiel de l'avis de la
commission. C'est la raison pour laquelle,
compte tenu des garanties maintenues et des garanties nouvelles qui sont
incluses, la commission a émis un avis favorable.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Merci,
M. Chartier. Décidément, on n'aura pas de problème de discipline après-midi. Pour la période d'échange,
une cinquantaine de minutes. 24 minutes sont allouées à... C'est
vrai qu'on n'a pas terminé, là.
24 minutes sont allouées au parti gouvernemental, 21 minutes à l'opposition
officielle et cinq minutes aux représentants du deuxième groupe d'opposition.
Et je reconnais maintenant M. le ministre des Finances et de l'Économie.
M.
Marceau : Oui.
Merci, M. le Président. Alors, tout d'abord, je voudrais saluer
Me Chartier, Me Desmeules et
Me Giroux-Blanchet pour leur présence. Je les remercie d'être là. Je les
remercie aussi, également, puis je voudrais le
souligner, d'avoir émis un premier avis le 6 décembre dernier, moins de
24 heures après la demande, qui nous avait été transmise par les
députés de l'opposition, d'un avis, justement, de la CAI. Et donc, moins de
24 heures après cette demande qui avait été formulée à l'époque, le
6 décembre, la Commission d'accès à l'information formulait... nous présentait un avis qui a été légèrement modifié
mais qui essentiellement est… bien, enfin, sur le fond en tout cas, est le même, certainement. Et, le témoignage
et puis les propos que vient de… les propos qui ont été tenus par Me Chartier, évidemment, je ne peux m'empêcher
de les rappeler et de les réitérer, là, pour les collègues de l'opposition
puis les collègues du parti gouvernemental.
Tout d'abord, on parle
ici d'un avis positif, un avis favorable. Me Chartier nous a dit que la
commission a été sécurisée par les garanties qui ont été maintenues mais aussi
par la présence de nouvelles garanties, et je pense que c'est important de le
rappeler. Je pense qu'au centre puis au coeur de cette sécurisation il y a le
fait que désormais il y aura une demande d'autorisation
à un juge. Et je crois qu'on doit aussi avoir confiance dans le discernement
des juges qui auront à évaluer les demandes qui leur seront transmises.
On a aussi parlé d'un rempart contre l'utilisation abusive. Alors, tous ces termes-là qui ont été utilisés par
Me Chartier évidemment me plaisent et me conviennent. Et je pense
que c'est le sens dans lequel le projet de
loi a été rédigé par les juristes de chez Revenu Québec. Et je suis content de
voir que les efforts qui ont été faits sont reconnus par la CAI.
Je voudrais poser
quelques... Bien, enfin, je vais commencer par une question, puis on verra
comment ça évoluera par la suite. Je
voudrais rappeler simplement que la... il existe déjà, pour d'autres types de
renseignements que les renseignements
fiscaux, la loi sur l'accès à l'information, et puis à l'article 67... Je vais
le lire pour le bénéfice de tous. L'article 67
dit la chose suivante : «Un organisme public peut, sans le consentement de
la personne concernée, communiquer un renseignement personnel à toute
personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l'application d'une loi au Québec, que cette
communication soit ou non prévue expressément par la loi.» Alors, en
fait, ce que je vous demanderais, puis c'est une question plutôt générale,
Me Chartier, c'est de... Pouvez-vous nous faire, donc,
le parallèle qu'il y a entre les dispositions de la loi sur l'accès à l'information
et les dispositions du projet de loi n° 18
qui permettent la communication de renseignements entre les ministères et
organismes pour l'application d'une loi, s'il vous plaît?
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. Chartier.
M. Chartier
(Jean) : M. le Président, je vous
dirais qu'il est évident que l'article 69 de...
Une voix : …
M.
Chartier (Jean) :
Non, non, je ne me trompe pas. L'article 69 de la Section VIII du
projet de loi… en fait non, pas du projet de
loi, mais de la Loi sur les impôts constitue en soi une section très
particulière et un régime très particulier
que le ministre a voulu instaurer en ce qui concerne la communication des
renseignements confidentiels sous l'empire de la Loi sur les impôts. Et
je vous dirais que ce régime-là est, quant à nous — et je pense que c'est aussi la perception que le Revenu en a — est,
quant à nous, presque parfaitement autonome, en ce qu'il prévoit déjà l'ensemble des conditions et des... les conditions sous
lesquelles des renseignements confidentiels peuvent être échangés entre les
différents ministères et organismes, et l'ensemble des conditions dans
lesquelles les renseignements peuvent être échangés, et des garanties. C'est
déjà tout prévu dans ce chapitre des articles 69 et suivants de la Loi sur
les impôts.
En
ce qui concerne l'article 67, il est un peu plus, je vous dirais,
spécifique, en ce sens que lui, il ne vise que
les renseignements personnels, alors que la section de… comme je vous le disais
tout à l'heure, la section incluse dans la Loi sur les impôts pourrait viser
toute espèce de renseignement par rapport, par exemple, à des personnes
morales. L'article 67 de la loi sur l'accès, il a également tout
probablement été édicté avant la Loi sur les impôts et sa section particulière, et il visait essentiellement le même
principe. Mais la Loi sur les impôts est venue créer, et c'est pour ça
que j'insiste là-dessus, un régime très particulier en matière de secret
fiscal, est venue créer un régime particulier qui est différent de celui de 67, qui est le principe établi par la loi sur l'accès,
et puis vous l'avez lu, je ne le relirai pas, mais qui vise seulement
les renseignements personnels de nos concitoyens.
Alors,
je ne sais pas si ma réponse est claire. Je vous dirais que la distinction
entre les deux, c'est que 67 est le principe général établi par la loi sur l'accès il
y a 30 ans, en 1982, quand elle a été établie, et après ça, bien, on est
venu lui... non pas lui coller, mais lui juxtaposer un régime particulier dans
la Loi sur les impôts.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le
ministre.
M.
Marceau : Oui, c'est
exactement... Ce que vous dites, ça correspond à ma compréhension aussi, et je pense qu'on peut aussi convenir,
puis vous l'avez dit puis vous l'avez exprimé lors de vos premières remarques,
que le régime prévu à l'article 69 de la Loi sur les impôts est
beaucoup plus restrictif, encadre de façon beaucoup plus rigide, avec des barrières, des remparts, des garanties, ce qui...
puis en particulier un juge, là, évidemment, l'autorisation d'un juge, ce qui n'est
pas dans la loi sur l'accès à l'information.
M. Chartier
(Jean) : Oui, absolument. La fameuse
autorisation préalable, c'est probablement ce à quoi vous faites référence.
Évidemment, en matière d'accès, par exemple, sous 67, il n'y a pas d'autorisation
préalable à aller obtenir, ni de la CAI, ni
de l'un de ses commissaires, ni de son président, par ailleurs, ni d'un juge.
Alors, effectivement, le régime est plus protecteur, le régime des
articles 69 et suivants de la Loi sur les impôts.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le
ministre.
M. Marceau : Juste une question de procédure, M. le Président. Est-ce
que je pourrais céder la parole aux collègues,
puis revenir plus tard avec d'autres questions? Parce que j'en ai d'autres,
mais, question d'avoir quelque chose de plus dynamique et puis de...
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Ça complique…
c'est un peu plus compliqué pour notre personnel, mais on a du personnel très
compétent.
M. Marceau : O.K. Bon, bien, je reviendrai. J'aurai d'autres questions
après que les collègues en aient posé.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Alors, je
reconnaîtrai le député de Viau.
• (15 h 50) •
M.
Dubourg : Merci,
M. le Président. Donc, encore une fois, je remercie les membres de la
Commission d'accès à l'information d'être
présents ici et puis de nous avoir soumis effectivement, en décembre dernier,
cet avis-là que moi-même, par exemple,
personnellement… que j'ai reçu, là, il y a une demi-heure avant cette étude du
projet de loi n° 5. Mais il est... Je crois qu'il faut admettre
que c'était quand même bien de pouvoir reporter cette étude-là, enfin l'étude de ces trois articles-là présentement. J'avais
plaidé l'urgence… je demandais c'était quoi, l'urgence de procéder à
mettre en place ces articles-là, et, bon, la
Commission d'accès à l'information, on l'a vu… Vous avez même changé ou
modifié un peu votre avis. C'est vrai que ce
n'était pas seulement le fait de changer le projet de loi n° 5 ou
p.l. n° 18. Mais il y a plus de substance, et c'est en ce sens-là que je voudrais
vous poser quelques petites questions rapides, là, à savoir que vous, de la Commission d'accès
à l'information, vous avez pris connaissance de tout ça. Donc, le fait de
passer d'une infraction grave à une
infraction criminelle et pénale, même toujours avec l'autorisation d'un juge,
vous nous dites que l'équilibre, d'après
vous, est maintenu, c'est-à-dire protection des renseignements personnels et
droit à la vie privée. Et je veux aussi rajouter, en partie B… vous
devez aussi tenir compte en tête, comme vous le savez, que c'est à tous les
ministères et organismes publics. J'aimerais vous entendre sur ces deux
aspects-là, infraction grave versus infraction criminelle, et l'aspect, effectivement,
des ministères et organismes publics en totalité.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. Chartier.
M.
Chartier (Jean) :
Oui. Merci. M. le député, vous avez raison de soulever cet aspect-là, que d'ailleurs nous n'avons pas soulevé explicitement dans notre avis,
mais il est évident qu'en passant d'un libellé qui dit «infraction criminelle grave» à «infraction criminelle ou
pénale de toute nature»… Je crois que le texte… «infraction criminelle
ou pénale prévue à l'article[...], commise
ou sur le point d'être commise par une personne»… Alors, comme je vous l'ai
dit tout à l'heure, il est évident qu'on augmente, je dirais, les lunettes de l'agence,
on augmente son champ de vision, on augmente
son champ d'application. Et on permet ainsi à tout organisme et tout ministère — alors qu'avant ce n'était
qu'à un corps de police — à tout organisme et
tout ministère qui ont des dispositions pénales — et ils en ont presque tous, selon la connaissance que j'en ai — qui
ont des dispositions pénales et qui constatent, donc, dans l'application de leurs lois respectives,
la possible commission d'une infraction… on va leur permettre à eux de
solliciter l'agence pour obtenir des renseignements concernant les
citoyens en question.
C'est
évident, et vous avez raison de le soulever, que ça sous-entend tout
probablement une augmentation des cas de
communication de renseignements. Ça sous-entend tout probablement une
augmentation des demandes faites aux juges
de la Cour du Québec afin d'obtenir ces renseignements-là. Donc, ça augmente
tout probablement le nombre — je cherche le bon mot — de circulations et d'intrusions dans la vie privée des citoyens. C'est
vrai. Vous avez raison de le mentionner.
Mais, compte tenu qu'on a maintenu l'autorisation préalable d'un juge de la
Cour du Québec, compte tenu que l'autorisation
préalable du juge de la Cour du Québec doit s'orchestrer à la suite d'une
demande officielle et d'une requête
judiciaire faites au juge de la Cour du Québec, dans laquelle on établira les
motifs, les raisons pour lesquelles on croit
qu'une infraction est sur le point d'être commise et on aura également, tout
probablement, à motiver au juge de la Cour
du Québec quels sont exactement les renseignements qu'on veut… Est-ce qu'on
veut des dates de naissance, des adresses
personnelles, est-ce qu'on veut les derniers avis de cotisation, est-ce qu'on
veut... Bon, bref, on aura à le préciser. Et le juge aura, là aussi, à faire son travail judiciaire en... Et, vous
savez, les garanties judiciaires sous-entendent évidemment que le juge
devra s'assurer que la disposition nouvelle de la Loi sur les impôts est
respectée.
Alors,
vous avez raison quant à l'étendue du champ d'application qui s'étend, mais la
garantie demeure là en ce qui nous concerne.
Ce n'est pas la première fois évidemment qu'une législation québécoise prévoit
une autorisation judiciaire. Si nous avions
pensé que ce n'était pas un bon mécanisme, évidemment, nous l'aurions dit. Et
il ne faut pas oublier aussi que ce projet de loi là et ces amendements-là
s'inscrivent — et ça, c'est sûr que ça a
été considéré par la commission, là — ces
amendements-là s'inscrivent dans la lutte contre la fraude et la corruption,
dont évidemment la commission entend parler tout autant que les autres citoyens québécois
actuellement. Alors, voilà l'ensemble de nos raisons.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le député
de Viau.
M.
Dubourg : Oui.
Merci. Merci, Me Chartier. Vous dites bien... Vous avez parlé d'augmentation, d'augmentation et d'augmentation de nombre ou bien de
circulation de documents, et tout ça, ça peut affecter la vie privée. Et moi,
le fait d'entendre que ces renseignements-là peuvent être transmis à tous les
ministères, à tous les organismes, j'ai une préoccupation majeure parce qu'on sait,
dans un premier temps, que, Revenu Québec, on parle de... on est dans un système d'autocotisation. Revenu Québec a beaucoup
de pouvoirs pour aller chercher des informations, ce que les autres ministères et organismes publics n'ont pas. Et une
des grandes préoccupations que j'ai, Me Chartier, c'est de dire :
Une fois ces renseignements-là transmis, mais quelle assurance que j'ai que ces
renseignements-là sont bien reçus par la personne attitrée, ces
renseignements-là sont gardés dans un endroit sécuritaire, ces
renseignements-là sont utilisés et détruits
par après? Alors qu'à Revenu Québec on a une politique, on a des documents sur
ce qu'on appelle la protection des
renseignements confidentiels, à Revenu Québec, donc les gens dans le public ne
se posent aucune question. Ils disent : On est dans un système d'autocotisation. Revenu Québec veut de l'information,
on leur en donne. S'ils n'en ont pas, ils vont prendre des mesures pour
en avoir. Mais là, si ces renseignements-là doivent être rendus à tous les ministères
et organismes, j'ai une préoccupation majeure sur la confidentialité de l'information.
Qu'est-ce que vous pouvez me répondre à ça, Me Chartier?
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. Chartier.
M. Chartier (Jean) : Je vous dirai que je comprends très
bien vos préoccupations et je les respecte au plus haut point. C'est le mandat de la commission d'assurer la
protection des renseignements personnels de l'ensemble de nos concitoyens. Mais j'insiste, M. le député, pour attirer
votre attention sur l'article 64 de la Loi sur l'accès et sur l'article 62,
qui prévoit que les renseignements
personnels ne sont accessibles… et elles s'appliquent, ces dispositions-là, à
la loi, et à l'agence, et à tous les
autres organismes publics qui vont être les demandeurs ou les receveurs de ces
renseignements-là, et qui dit qu'«un renseignement personnel est accessible,
sans le consentement de la personne concernée — c'est le contexte dans lequel on parle
actuellement — à toute personne qui [en]
a la qualité pour le recevoir au sein d'un organisme public lorsque ce renseignement est
nécessaire à l'exercice de ses fonctions». Et à 64 on vient comme le
répéter d'une autre façon : «Nul ne peut, au nom d'un organisme public,
recueillir un renseignement personnel si cela n'est pas nécessaire à l'exercice
des attributions de cet organisme…»
Donc, si vous vous placez, comme je crois
comprendre que vous le faites, non pas dans la peau de l'Agence du revenu, qui les
détient déjà, les renseignements, elle, et qui a l'ensemble de ces mesures de
protection, mais vous vous placez entre les mains... non pas entre les
mains, mais à la place d'un autre ministère ou d'un organisme qui va les
solliciter et qui va les recevoir, si cette disposition-là est adoptée, bien
elle ne devra les utiliser que pour ce qui est nécessaire. Souvenez-vous qu'elle
devra les détruire après, tel que c'est prévu. Souvenez-vous également que la
CAI a des pouvoirs généraux d'inspection.
Alors, évidemment, après quelques mois, quelques années d'usage de ces
dispositions-là, si elles voient le jour évidemment et si elles sont adoptées,
la CAI pourra faire comme elle l'a fait relativement à d'autres obligations qui
sont prévues dans les lois en matière de renseignements personnels, pourrait
très bien aller faire des inspections auprès des organismes publics qui ont
sollicité de façon judiciaire et obtenu des autorisations judiciaires de
communication de renseignements, pour voir ce qu'ils en ont fait après.
M.
Dubourg : M. le Président…
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le député de Viau.
M.
Dubourg : Oui, une dernière question
avant, M. le Président, de passer le mot à ma collègue. Donc, Me Chartier,
dans ce contexte-là, l'article 69.1 de la Loi de l'administration fiscale,
par contre, on nous dit qu'«un renseignement
contenu dans un dossier fiscal peut être communiqué, sans le consentement de la
personne concernée, aux personnes
mentionnées» ci-après. On a beaucoup d'organismes et ministères, dont le
Contrôleur des finances, le Vérificateur général, le ministère des
Finances, Ressources naturelles et de la Faune, Commission des normes du travail, Protecteur du citoyen, Emploi et
Solidarité sociale. Pourquoi, alors — et je n'ai pas fini — pourquoi alors doit-on prévoir cet élément-là dans l'article 69.1,
pour ces ministères et organismes-là précis, alors que dans le projet de
loi n° 18 on veut y aller, excusez l'expression, «at large» à tous
les ministères et organismes publics?
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. Chartier.
•
(16 heures) •
M. Chartier (Jean) : Encore une fois, votre question est
très pertinente. Effectivement, quand on relit
l'article 69, si on travaille à la CAI,
on est un petit peu ébranlé, je vous dirai, parce qu'effectivement on s'aperçoit
qu'il y a beaucoup d'exceptions qui au cours des années ont été
ajoutées. Mais je répondrai à votre préoccupation que, si vous lisez chacune des dispositions, où je vois, sous mes
yeux, par exemple, la Commission des transports, la Société de l'assurance
auto, le Commissaire au lobbyisme — vous en avez nommé
également quelques-uns — l'exception qui est
créée pour chacun de ces organismes-là est toujours en fonction, je vous
dirais, du mandat très particulier de chacun de ces organismes-là, sa raison d'être et la raison pour laquelle il a été
adopté ou enfin il a été créé dans notre corpus institutionnel québécois. Ce que le... à tout le moins, ce que je
comprends de ce que le projet de loi n° 18 vient faire, c'est de
permettre bien sûr à ceux-là et à tous les
autres d'obtenir des renseignements mais seulement pour l'application de leurs
dispositions pénales, seulement pour l'application des dispositions lorsqu'ils
pensent qu'un crime ou une infraction pénale va être commise ou est sur le point d'être commise. Et les renseignements ne
sont alors obtenus que, comme je vous l'ai déjà mentionné, que pour
cette fin et devront être détruits après. Bon.
Et
il est évident que, si on regarde 69, auquel vous m'avez référé, il y a déjà un
paquet d'organismes et de ministères qui
sont mentionnés, mais, si on prend, par exemple, à l'alinéa c, le
Vérificateur général, on dit : «…y compris ses experts-conseils, à
l'égard des vérifications et enquêtes effectuées dans l'exercice de ses
fonctions et pour les fins d'un rapport qu'il
produit.» Alors, on voit que ce n'est pas nécessairement pour les fins de la
poursuite d'une infraction ou de la
sanction d'une infraction pénale. Donc, et là je vous donne… c'est presque un avis juridique que je
suis en train de vous donner, là, mais rapidement, à la première lecture que je fais, le
pouvoir donné, à 69.1, au Vérificateur général, s'il dispose de dispositions pénales dans sa loi, ne lui permettrait
pas, avec 69.1, d'obtenir les renseignements. Il devra utiliser
69.0.0.12 s'il veut sanctionner des infractions pénales dans le cadre des
vérifications qu'il est en train de faire dans un dossier particulier. Et il ne
pourrait le faire évidemment qu'après avoir obtenu l'autorisation d'un juge.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le député de Viau.
M. Dubourg : Oui, 30 secondes sur ce que
Me Chartier était en train de dire. Donc, il ne pourra pas le faire, mais il faut qu'il y ait cette infraction grave. Or, en
prenant le cas du Vérificateur général, il faut qu'il y ait cette infraction criminelle, là, effectivement, et pénale pour que
ça ait lieu. Mais, si toutefois la cause ou bien l'information est
publique, il peut toujours faire demande d'accès à Revenu Québec et obtenir
cette information-là pour compléter son travail, le Vérificateur général.
M.
Chartier (Jean) : Oui...
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. Chartier.
M.
Chartier (Jean) : Excusez, M. le
Président. Il pourrait faire une demande d'accès, oui, c'est vrai, mais il ne faut pas que vous oubliiez que, dans le régime
de la Loi sur l'accès, il y a quelques dispositions qui sont
restrictives, il y a
quelques dispositions qui permettent à l'organisme de refuser. Évidemment, l'exemple
que vous me donnez est très général,
là. C'est vrai qu'il pourrait faire une demande d'accès, et, pour me
paraphraser moi-même par rapport à ce que j'ai dit dans une commission
parlementaire ce matin, malheureusement ça risque de prendre du temps avant qu'il
les obtienne, compte tenu des ressources limitées de la commission.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : Merci, M. le Président. Dans un arrêt
clé de la Cour suprême, l'arrêt Slattery, notre plus haut tribunal a indiqué
que la confidentialité des renseignements contenus dans un dossier fiscal est
nécessaire pour promouvoir les
intérêts relatifs à la vie privée qu'ont les contribuables et le succès de la
production volontaire des déclarations d'impôt sur le revenu. Il convient de se rappeler que les régimes fiscaux
canadien et québécois ont été et sont toujours fondés sur un principe d'autocotisation et d'autodéclaration. La
confidentialité des renseignements relatifs au contribuable a toujours constitué et constitue un élément clé, un élément
de plus… importance de notre système de perception d'impôt. Donc, les
renseignements qui se trouvent dans un dossier fiscal ne sont pas des
renseignements comme on trouve ailleurs.
D'abord,
j'aimerais faire référence à votre opinion, votre lettre. Vous dites, à la
page 3 : «Selon les précisions obtenues par la commission, cette
modification législative vise à lutter contre une augmentation de la fréquence
et de l'ampleur des crimes économiques envers l'État, plus particulièrement à l'égard
de certains ministères et organismes publics…» Pourquoi vous indiquez ça, qu'on
fait référence à des crimes économiques, quand, quand on regarde les
amendements, il n'y a aucunement référence à des crimes économiques, mais on
parle de toute infraction criminelle ou pénale?
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. Chartier.
M. Chartier (Jean) : Encore une fois, c'est tout à fait
exact, ce que vous mentionnez. Il s'agit, comme nous nous en sommes
confessés dans l'avis, d'informations que nous avons obtenues en questionnant.
Parce que, je le répète et je le conçois,
il s'agit, encore une fois, d'une exception additionnelle au secret fiscal que
le ministre vient ajouter par-dessus celles
qui existent déjà. Cela nous préoccupait. Et c'est pour ça qu'on a demandé des
informations, je vous dirais, quant à l'état
d'esprit du législateur lorsqu'il a décidé d'instaurer ces dispositions-là. Et
c'est la raison qu'on nous a donnée. Et on nous souligne, on nous a
souligné à plusieurs reprises que la fraude contre l'État était de plus en plus
fréquente et se présentait dans un nombre de plus en plus grand d'organismes
publics. C'est-à-dire que, par exemple, si naguère la Régie du bâtiment, pour donner cet exemple-là, ne rencontrait pas d'événement
où elle pouvait dénoter de la fraude, les constatations du législateur sont à l'effet que maintenant il faut
absolument permettre à l'ensemble de ces organismes publics qui
recueillent des informations un peu partout de sanctionner des possibles
infractions. Maintenant, il faut aussi
considérer, Mme la députée — permettez-moi de terminer
là-dessus — que l'avis de la commission ne saurait en aucun moment
remplacer l'avis des parlementaires, qui décideront de la justesse ou pas de
cette disposition telle qu'elle a été proposée par le ministre.
Mme
de Santis : Tout à l'heure, quand
vous... Je m'excuse.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : Tout à l'heure, quand vous répondiez
aux questions de mon collègue, vous parliez des
renseignements personnels. Est-ce que ce n'est pas vrai que votre réponse
figure uniquement sur les renseignements personnels
des individus? Donc, votre réponse ne serait pas la même quant aux personnes
morales ou à des personnes qui ne sont pas des individus?
M.
Chartier (Jean) : ...
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. Chartier.
M. Chartier (Jean) : Pardon, M. le Président. Vous avez
tout à fait raison mais pas parce que je considère que les renseignements concernant les personnes morales
sont de moindre importance, mais simplement parce que, Mme la députée, ce n'est pas mon mandat. Le mandat de la
commission est de protéger et faire la promotion de la protection des
renseignements personnels. J'aurais peut-être une opinion personnelle ou à
titre de juriste sur les renseignements qui concernent les personnes morales,
mais ce n'est pas le mandat de la commission et c'est la raison pour laquelle
nous n'en avons pas traité.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Mme la députée, il reste environ 1 min 10 s.
Mme de Santis : O.K. Quand on regarde le «threshold»
que le juge doit rencontrer pour donner son
jugement, on dit : «…sur la foi d'une
déclaration faite par écrit et sous serment, [le juge doit être] convaincu qu'il
existe des motifs raisonnables de croire que ce renseignement peut
servir…» Ce «threshold» est très, très bas. En même temps que maintenant on élargit ce qui était ciblé au crime
organisé et des fautes, des offenses qui étaient graves, maintenant tout
ça, c'est élargi, et le juge peut, s'il est
convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire quelque chose… Est-ce
que vous êtes préoccupé par ce standard-là?
M.
Chartier (Jean) : C'est-à-dire qu'on
s'est...
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) :
15 secondes.
M. Chartier
(Jean) : Pardon.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Vous avez
15 secondes pour répondre, M. Chartier.
• (16 h 10) •
M.
Chartier (Jean) :
On s'est préoccupés, questionnés sur le fardeau de preuve, effectivement, qui
devra être rencontré.
Mais je vous dirai qu'il s'agit du même fardeau de preuve que l'ensemble, par
exemple, des procureurs de la couronne doivent surmonter lorsque, dans
les palais de justice, ils doivent présenter une demande d'autorisation, par exemple, pour un mandat de perquisition. Lorsqu'ils
requièrent un mandat de perquisition à un juge, qu'est-ce qu'ils doivent
démontrer? Et ça, c'est pour une intrusion,
une saisie, avant même que le demandeur ait pu rouspéter ou faire valoir
ses droits. Le fardeau de preuve du
procureur de la couronne qui veut obtenir un mandat de perquisition, ou d'un
corps de police, c'est de convaincre le juge qu'il existe des motifs
raisonnables de croire qu'un renseignement qu'il veut aller chercher va lui servir à réprimer le crime. Ça
nous est apparu exactement le même test à rencontrer. C'est la raison
pour laquelle on s'est dit : L'agence
aura quand même... l'agence ou tout autre organisme qui veut obtenir l'autorisation
auront quand même un fardeau de preuve qui
nous apparaît élevé. Il s'agit de renseignements personnels. Et je suis
convaincu que les juges de la Cour du Québec assumeront adéquatement cette
responsabilité qui pourrait leur être confiée par ce projet de loi.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) : Merci, M. Chartier. Merci. Je ne sais pas si
M. le député de Lévis est encore... Je ne
le vois pas. Oui? Bon.
M. Dubé : Je suis en grande réflexion.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) : On est installés de façon différente, dans cette
salle-ci, hein? M. le député de Lévis, je
vous laisse, je vous cède la parole pour environ cinq minutes.
M.
Dubé : En fait,
M. le Président, ce que j'aimerais demander, peut-être, à la commission, étant
donné toutes les bonnes questions qui ont été posées à date, c'est... Je ne suis pas un
juriste, donc j'aimerais que vous me preniez pour un exemple. Et pourquoi je veux demander l'exemple? J'aimerais
l'expliquer de façon très simple à des collègues, à des gens pour dire... Parce que c'est un élément important
d'informations confidentielles et d'informations personnelles. Alors, l'exemple
que j'aimerais vous demander, il y aurait deux... j'aimerais que vous me
répondiez sur deux éléments dans cinq minutes,
donc je vais arrêter assez rapidement. C'est de quelle agence vers quelle
agence? Alors, est-ce que c'est... on dit, c'est quelqu'un, par exemple…
je ne dirais pas de Revenu, mais on pourrait dire, par exemple, du ministère
des Transports, parce que… pour parler de
celui-là, où il y a beaucoup de problèmes en ce moment, qui irait voir le juge
en disant : Voici le genre d'informations
que je cherche et qui vont m'aider à prouver qu'il y a peut-être un problème.
Alors, j'aimerais ça que vous me preniez à travers
cet exemple-là pour me dire est-ce que c'est une circulation seulement
dans un sens, ou, une fois que cette
information-là a été obtenue, par exemple, du ministère des Transports, à quel
autre elle peut aller... à un autre
ministère et dans quel sens. Vous me suivez? Parce que je veux vraiment avoir l'exemple
de ce que le ministre cherche à faire
parce que je pense que c'est... Je comprends qu'il insiste beaucoup puis je
pense qu'il a raison de le faire,
mais j'aimerais que vous me donniez un exemple — il
y a toujours un défaut à l'exemple, mais je termine là — pour
m'aider à comprendre cette demande-là, qui est si importante en ce moment, si
vous permettez, M. le Président.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. Chartier.
M.
Chartier (Jean) :
Si je prends l'exemple sur lequel vous m'avez pisté, prenons pour acquis que le ministère du Transport, dans ses responsabilités, découvre
ou croit qu'un individu — parce
qu'on parle d'individus, évidemment, on a
écarté les personnes morales — pourrait avoir commis une
infraction à l'une des dispositions pénales pour
lesquelles il voit le respect…
M. Dubé : …dans son ministère ou dans un autre ministère?
M.
Chartier (Jean) : Non, dans son
ministère et pour ses responsabilités à lui. Et là il constate que... ou ses fonctionnaires aux dossiers lui disent : J'ai
absolument besoin de renseignements relatifs au dossier fiscal de cet
individu-là parce que je veux voir, par
exemple... et là j'invente, là, mais je veux voir, par exemple : Est-ce qu'il
a déclaré... est-ce qu'il a fait ses
remises de taxe de vente en matière d'utilisation de diesel? Est-ce qu'il a
fait ses remises de taxe de vente en matière
de telle chose? Et seul le Revenu pourra nous convaincre de ça. Et, s'il a fait
ça, il semble y avoir, par exemple, collusion avec une autre entreprise,
puis on pourrait peut-être sanctionner ce comportement-là, le fonctionnaire des
Transports devra communiquer avec Revenu
pour déterminer si c'est le genre de renseignements qu'ils ont, et, si les
gens au Revenu disent : Oui, mais il n'est
pas question que vous les ayez à moins que 69.0.12 soit respecté, les gens du
Transport iront à leur conseil juridique et demanderont qu'une requête soit
faite à un juge. Et, j'en viens tout de suite à votre deuxième question, s'ils obtiennent ces informations-là, ils ne pourront
les utiliser que, par exemple, pour l'infraction que j'ai inventée, là, en matière de collusion, en
matière de diesel ou peu importe, ils ne pourront les utiliser que pour
mener à bien le reste de leurs travaux sur ça. Ils devront les détruire après.
Et, quant à votre question subsidiaire,
pourraient-ils, par exemple, dire au ministère des Travaux publics : Ah! tiens, Travaux
publics, diesel, les informations que j'ai obtenues peuvent peut-être t'aider?
Non, absolument pas. Ils ne pourront absolument
pas les transférer à un quelconque autre organisme public ou agence de l'État.
Ils devront les utiliser pour les fins... seulement aux fins pour
lesquelles ils les ont obtenus et les détruire après.
M. Dubé : Alors, dans mon exemple, si vous me
permettez, M. le Président... Merci. Parce que ça aide à... Si, par exemple, il y avait eu une demande d'autorisation
préalable au juge, qui aurait fait cette demande-là pour aller voir à Revenu Québec s'il y avait telle information,
est-ce que, s'il avait eu une réponse positive à Revenu Québec, qui
donnerait une autre idée au ministère des Transports, est-ce qu'il devrait y
avoir une deuxième autorisation préalable du juge? Est-ce que, chaque fois qu'on veut aller ou on peut arriver au juge avec
cette représentation sur des éléments... Parce que tout est basé sur l'autorisation
préalable du juge, alors...
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Me Chartier.
M.
Chartier (Jean) : Oui. Oui.
Évidemment, je pense que la personne la mieux placée pour répondre à votre interrogation serait le juge lui-même, mais je
crois que le juge, constatant qu'il s'agit de renseignements différents…
ou plutôt l'agence, constatant qu'il s'agit
de renseignements différents, peut-être dans le dossier du même individu…
mais va dire par prudence : Allez chercher une autorisation additionnelle
d'un juge de la Cour du Québec. Et au pire, au pire, le juge — là, c'est l'avocat qui parle, je
m'excuse — au pire le juge vous dira : Maître, compte tenu de l'autorisation que vous avez obtenue
il y a deux mois relativement aux renseignements de ce contribuable-là, je
considère que l'autorisation que j'ai donnée il y a deux mois était
valable. Mais personnellement je préférerais qu'on aille chercher une nouvelle
autorisation d'un juge de la Cour du Québec.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski) : Merci, M. Chartier. Merci, M. le
député de Lévis. Et nous revenons du côté du
représentant gouvernemental. M. le ministre.
M.
Marceau : Merci. Il y aurait beaucoup
de choses à dire. On a eu des bonnes questions. Je voudrais revenir sur ce que
la collègue de Bourassa-Sauvé a dit et je voudrais rappeler — puis peut-être que Me Chartier pourra commenter — l'arrêt
Hunter, qui est une décision de la Cour suprême de 1984. Je vais vous lire des
extraits pour qu'on voie bien, là, les... qu'on voie bien que le droit à la vie
privée, le droit à des renseignements, ce n'est pas... Donc, en fait, ce que je vous lis, ce n'est pas texto, là,
mais c'est tiré essentiellement... c'est le sens de ce qui est dit dans l'arrêt
Hunter.
La
première des choses que ça dit, c'est que le droit à la vie privée, ce n'est
pas un droit absolu. La garantie constitutionnelle
porte plutôt sur une attente raisonnable du respect de la vie privée. Et cette
attente raisonnable de vie privée «indique qu'il faut apprécier si, dans
une situation donnée, le droit du public de ne pas être importuné par le gouvernement doit céder le pas au droit du
gouvernement de s'immiscer dans la vie privée des particuliers afin de
réaliser ses fins, notamment, d'assurer l'application
de la loi». Dans cette perspective, «le droit de l'État de déceler et de
prévenir le crime commence à l'emporter sur le droit du particulier de ne pas
être importuné lorsque les soupçons font place à la probabilité fondée sur la
crédibilité», c'est-à-dire qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'une
infraction a été commise, ce qui est le standard qui a été évoqué par la
collègue de Bourassa-Sauvé, ce qui est aussi le standard, me disait-on, lorsqu'on
fait une demande de perquisition, hein? C'est le standard qui est utilisé la
plupart du temps.
Et, pour ajouter, pour être conforme à la
garantie constitutionnelle du droit à la vie privée en matière criminelle ou pénale,
une intrusion dans la vie privée alors que le citoyen a une attente raisonnable
de vie privée, la législation prévoyant cette intrusion doit prévoir une
autorisation préalable, décernée par un juge, avec des motifs raisonnables de
croire qu'une infraction a été commise et que la preuve de cette infraction se
trouve dans l'endroit perquisitionné.
Alors ça, ça vient... essentiellement, c'est
le sens de ce qui est dans Hunter et c'est, en tout cas à notre avis, ce qu'il y a
précisément dans l'article 69.0.0.12 de la loi sur l'administration
financière. Est-ce que vous êtes à l'aise avec cette interprétation,
quand nous, on dit : On est conformes à ce qu'il y a dans Hunter?
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. Chartier.
•
(16 h 20) •
M. Chartier (Jean) : Je vous dirais que le juriste en moi
est évidemment d'accord. C'est la Cour suprême
qui parle. Mais je vous dirais que j'apporterais
une nuance. C'est-à-dire que l'extrait que vous nous avez lu parle
strictement de vie privée et que la vie
privée est peut-être un concept un peu plus, je dirais… peut-être encore plus
sensible, dans l'esprit de nos concitoyens, que leurs renseignements
personnels. Je vous dirais qu'en termes de hauteur de sensibilité la vie privée, l'intrusion chez eux, dans leur habitat,
dans leur vie privée est peut-être quelque chose d'encore plus sensible.
Mais disons que les renseignements
personnels viennent en deuxième, parce que, si vous questionnez nos concitoyens
sur la divulgation, par exemple, de leurs secrets fiscaux ou de leurs
renseignements médicaux, ils y attachent certainement autant d'importance.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le ministre.
M. Marceau : Oui. Merci. Bon, maintenant, je vais ouvrir sur un autre…
enfin, oui, un autre élément. Effectivement,
donc, le projet de loi prévoit qu'on élargisse l'actuelle loi, donc, du cas des
infractions criminelles graves au cas de toute infraction criminelle ou pénale.
Bon, je comprends que certains collègues de l'opposition trouvent que l'élargissement est trop large, donc on élargit
trop, mais ça pose, moi, il me semble, la question de comment on
pourrait baliser... quelle sorte d'infraction
on pourrait soustraire à l'univers qui est présentement couvert dans le projet
de loi n° 18. Et moi, je vous soumets humblement qu'il est très
difficile à ce jour, aujourd'hui, de prévoir les situations qui se présenteront, que, des infractions criminelles ou
pénales, il y en a de toutes sortes, de toute nature, et que de baliser,
ça serait, d'une certaine façon, d'indiquer
le chemin, à ceux qui ne veulent pas suivre la loi, à suivre pour commettre
des infractions puis de se comporter en toute impunité. Donc, de mon point de
vue, de baliser ça, de restreindre le champ d'application
de la loi, ça pourrait poser problème. Et tout à l'heure j'entendais je ne sais
plus lequel de mes collègues de l'opposition mentionner le fait que c'était
pour des crimes essentiellement économiques.
Une voix : La députée de Bourassa-Sauvé.
M.
Marceau : C'était…
Bourassa-Sauvé, oui. C'était... Pardon. C'était la collègue de député… la
collègue de Bourassa-Sauvé. Moi, je vous
soumets que ces échanges d'information, qui sont prévus puis bien encadrés dans
le projet de loi n° 18, évidemment, ça peut être dans le cas de crimes
économiques, de crimes qui ont un impact sur le gouvernement, mais ça pourrait
très bien être aussi pour la protection du public, pour la protection de nos
citoyens. Je vous donne un exemple très
simple. Une espèce de... Quelqu'un qui a un stratagème de fraude, qui met en
place un stratagème de fraude qui
va... une fraude qui est et à l'endroit de Revenu Québec et à l'endroit de
petits épargnants — et cela s'est vu et cela pourrait se revoir, là, cela
s'est vu, en tout cas, on va s'entendre là-dessus — Revenu Québec, grâce à ses enquêtes, parvient à déceler ce genre de
situation, parvient à découvrir ce genre de situation et, dans l'état actuel
de nos lois, n'est pas capable de
transmettre cette information à l'Autorité des marchés financiers, n'est pas
capable d'informer l'Autorité des
marchés financiers qu'un stratagème de fraude est en cours et pourrait léser…
ça pourrait être des centaines, des milliers de petits épargnants
québécois. Alors, dans une situation comme celle-là, ce ne sont pas... ce n'est
pas le gouvernement, là, qui pourrait
faire... qui pourrait être victime d'une infraction criminelle, dans ce cas-ci,
ou pénale, ce sont vraiment les citoyens puis les épargnants. Et moi, je
pense que le projet de loi, tel qu'il est formulé, permettrait justement à
Revenu Québec de transmettre cette information à l'Autorité des marchés
financiers et, de cette façon-là, de mieux protéger les petits épargnants
québécois. Ça, c'est un exemple. Puis je vous invite simplement aussi, aux
collègues de l'opposition, à réfléchir au fait que de baliser, là, ça ne sera
pas simple, ça ne sera pas simple.
Deuxième
exemple — et là, là, je vais aller dans le plus
cru du plus cru qu'on peut aller, là — Revenu Québec, donc, procède à
des enquêtes, des vérifications, saisit à l'occasion des disques durs. Vous
pouvez imaginer une situation où Revenu
Québec met la main sur un disque dur pour des raisons fiscales et retrouve sur
ce disque dur là de la pornographie infantile.
Et là, encore une fois, les victimes, c'est qui? C'est l'ensemble de la société
québécoise, là, puis c'est l'ensemble de
nos lois. Et, encore une fois, les dispositions actuelles de la loi font en
sorte que Revenu Québec n'est pas capable, n'est pas en mesure de
transmettre cette information-là à un corps de police ou à quiconque devrait la
recevoir.
Alors, moi, je vous...
Là, je vous ai donné des exemples où évidemment les victimes, outre le
gouvernement, n'étaient nécessairement
seulement que le gouvernement. Moi, je… Donc, la question que je vous pose, là,
Me Chartier, c'est : Est-ce que vous pensez que c'est envisageable,
de manière efficace, de baliser ou de restreindre l'étendue des infractions pour lesquelles le transfert des
informations pourrait se faire? Est-ce qu'il n'est pas plus avisé de procéder
comme nous l'avons fait dans le projet de loi n° 18 et plutôt de
mettre des remparts, de mettre des garanties, d'assurer, par exemple, la destruction des informations, lorsqu'elles
ne sont plus pertinentes, que l'information ne soit utilisée qu'aux fins
pour lesquelles elle a été transmise, que ça prend l'autorisation d'un juge?
Est-ce que vous ne croyez pas que ces mécanismes-là sont plus à même de faire
le travail puis de nous protéger?
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. Chartier.
M.
Chartier (Jean) :
M. le ministre, vous me posez une question qui me prend un peu de court, parce
que vous me demandez
si notamment la disposition est trop large quand on vient mentionner
«infraction criminelle ou pénale». Nous n'avons pas été consultés évidemment sur cet aspect-là. On s'est limités
à l'examen de la communication des renseignements personnels. C'est bien
évident que, pour avoir été moi-même procureur pour un organisme public et
avoir appliqué à plusieurs reprises, devant les tribunaux, des sanctions ou des
infractions pénales, il est bien évident qu'il y en avait qui étaient moins
pires, il y en avait qui étaient moins... qui appelaient une moins grande
sanction que d'autres. Mais je conviens avec vous que distinguer, dans un
article de loi, les différentes sanctions prévues par des dispositions pénales
est certainement un exercice sur lequel il faut se pencher longuement et qui n'est
pas évident. Mais la commission n'a pas à examiner cet aspect-là.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le
ministre.
M.
Marceau : M. le
Président, de la même façon, quand on parle d'élargissement, donc ce que nous…
ce qui est prévu,
c'est d'élargir à… donc de permettre l'échange d'information aux ministères et
organismes, d'une certaine manière, qui administrent des lois qui
prévoient des dispositions pénales, là. Donc, c'est le sens de ce que nous
faisons. De restreindre cela, c'est donc de
supposer qu'on sait à l'avance que ces organismes ou ces ministères ne pourront
pas être l'objet… ne pourront pas
être victimes. Est-ce
que vous croyez qu'il est
sage, à ce stade-ci, de prévoir, de statuer,
dans le fond, que ces organismes et
ministères ne seront jamais victimes, alors que, dans le fond, l'expérience
nous enseigne que les gens qui sont prêts à commettre des infractions
sont très imaginatifs?
M. Chartier (Jean) : Là, vous me demandez une opinion, M.
le ministre, qui, je vous dirais, qui est à la
limite du politique. Je ne suis pas certain que...
Des voix :
Ha, ha, ha!
M.
Chartier (Jean) :
Je ne suis pas certain que mon statut m'habilite à y répondre. J'ai
certainement une opinion, comme personne,
mais, si vous me le permettez, je vais réserver ma réponse.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le
ministre.
M. Marceau : Bien, c'est très bien. Merci. Merci comme ça. Regardez,
moi, ça fait pas mal le tour. Merci énormément pour toutes ces questions, ça a
été très éclairant.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) : Merci, M. le ministre. Je ne sais pas s'il y en a d'autres, parlementaires, qui auraient...
M. Chapadeau : Ça va. Merci.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Ça va? Alors,
merci. Merci beaucoup. Mme Giroux-Blanchet, M. Chartier, M. Desmeules, merci beaucoup de votre présence à
notre... pour être venus éclairer nos lanternes à ce sujet-là. Merci
beaucoup.
Et nous allons
suspendre quelques minutes pour permettre à nos autres invités de s'installer.
(Suspension de la séance à
16 h 28)
(Reprise à 16 h 33)
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Alors, nous
reprenons nos travaux en souhaitant la bienvenue aux représentants du Barreau
du Québec. Et vous avez vu un peu tout à l'heure comment ça fonctionnait.
Alors, je vous dirais, M. le bâtonnier,
M. Masson, vous avez une présentation d'une dizaine de minutes en
commençant par présenter les gens qui vous accompagnent. À vous la
parole.
Barreau du Québec
M.
Masson (Louis) :
Merci, M. le Président, M. le ministre, Mme, MM. les députés. Alors,
permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent : Me Stéphane
Eljarrat, praticien à Montréal, collaborateur du Barreau dans des dossiers qui concernent notamment le
secret professionnel et le litige fiscal, et bien sûr un expert en matière
de fiscalité; Me Marc Sauvé, directeur
du Service de recherche et de législation du Barreau du Québec; ainsi que
Me Joel Sheuerman, qui accompagne la délégation du Barreau cet après-midi.
Alors,
bien sûr, nous avons pris connaissance du projet de loi n° 18,
intitulé Loi modifiant la Loi sur les impôts
et d'autres dispositions législatives. Les observations du Barreau sont
formulées dans la lettre du bâtonnier du Québec, Me Nicolas Plourde, qui vous a été soumise hier. Nous apporterons
des précisions dans le cadre de la présente comparution.
Merci,
bien sûr, à la commission. Merci, M. le Président, pour votre invitation. Notre
propos gravite essentiellement autour de cette notion de confidentialité du
dossier fiscal dans le contexte d'un système d'imposition basé sur l'autocotisation.
Nous sommes aussi préoccupés par la
possibilité pour le fisc de communiquer des renseignements obtenus sous
contrainte, puisque c'est là l'un des effets de la loi, aux fins de poursuites
criminelles ou pénales. La mission du Barreau est la protection du public. La réalisation de cette mission passe non
seulement par le contrôle de l'exercice de la profession d'avocat, mais
aussi par la promotion de la primauté du droit et de la saine administration de
la justice.
Notre
intervention se limite essentiellement à l'article 1 du projet de loi
n° 18, qui modifie l'article 69.0.0.12
de la Loi sur l'administration fiscale. L'article 1
de ce projet de loi se lit comme suit. On prévoit le remplacement du
premier alinéa par l'alinéa suivant :
«Sous réserve des autres exceptions prévues par la présente section, un employé
de l'agence autorisé par règlement peut[...], communiquer à un membre d'un
corps de police, à un ministère ou à un organisme public[, etc.,] un
renseignement contenu dans un dossier fiscal — et je saute quelques lignes, là — [lorsqu'une infraction],
autre qu'une infraction criminelle ou pénale est prévue à l'article 69.0.0.16…»
Et, deuxièmement, ce projet de loi supprime le quatrième alinéa de ce
même article. Fin des citations.
Le libellé actuel de l'article 69.0.0.12
de la Loi sur l'administration fiscale limite les communications à un membre d'un corps de police dans les seuls cas où,
d'une part, l'Agence du revenu du Québec a des motifs raisonnables de croire que cette communication peut servir à
réprimer la commission d'infractions criminelles graves telles que
définies au quatrième alinéa de cet article,
et, d'autre part, que le contrevenant est une personne liée au crime organisé.
Ainsi, dans son état actuel, la
disposition vise des circonstances particulières et restreintes, tandis que le
libellé proposé vise toutes les infractions
criminelles ou pénales, sauf celles visées à l'article 69.0.0.16, et cela,
peu importe leur gravité objective et en toutes circonstances. On
maintient, bien sûr, la balise essentielle du contrôle judiciaire préalable à
la communication de renseignements apparaissant dans un dossier fiscal.
Ce
que nous comprenons, c'est que les amendements proposés visent à lutter contre
des crimes économiques à l'égard de certains ministères et organismes publics
qui peuvent faire l'objet de fraudes en réseau. Nous appuyons évidemment l'objectif poursuivi par le législateur,
mais nous sommes d'avis que des balises additionnelles doivent être apportées pour limiter davantage les atteintes à
la confidentialité du dossier fiscal. Ainsi, pour compléter la
présentation du Barreau, j'inviterai Me Eljarrat à préciser ces éléments.
M.
Eljarrat (Stéphane) : Alors, merci. Bonjour à tous. Donc, je pense que pour d'autres points
de vue on doit garder à l'esprit le fait que le secret fiscal est absolument essentiel
à un système fondé sur l'autocotisation des contribuables. Que ce soit en matière d'impôt sur le revenu, en
matière de taxe de vente, le processus de perception des impôts et des
taxes repose sur ce principe d'autocotisation,
qui évidemment... dont le principe est lié… à savoir l'autodéclaration. Ainsi,
la tâche d'estimer le montant d'impôt annuel
payable ou encore de taxe de vente à être remise doit se faire par le
contribuable, qui doit les estimer et en
informer les autorités fiscales dans le cadre d'une déclaration prévue et
prescrite. La franchise, l'honnêteté
et l'intégrité du contribuable, on le comprendra aisément, apparaissent comme l'un
des jalons essentiels de notre système d'autocotisation et d'imposition.
Le secret fiscal vient supporter ce processus et contribue à son efficacité.
Il
faut garder à l'esprit que la loi donne aux fonctionnaires de l'Agence du
revenu du Canada de larges pouvoirs de vérification, ce qui est tout à fait normal et
fondé, vu la mission importante que joue l'Agence du revenu du Canada
pour l'ensemble des contribuables, mais ça vient quand même avec des pouvoirs
de vérification extrêmement larges qui permettent
à l'agence et à ses fonctionnaires d'obtenir des renseignements et de les
forcer, dans certains cas, le tout sous peine de poursuites pénales. Donc, il y a cet élément de contrainte que
le ministère a, parce qu'évidemment le ministère ne fait pas qu'affaire avec des gens qui
volontairement font leurs déclarations d'impôt et soumettent toujours toutes
leurs informations sans difficulté. Évidemment, des fois, il faut les
contraindre à le faire, et évidemment c'est accompagné de sanctions pénales
lorsque la personne refuse de coopérer.
Or, avec ces
amendements, ces mêmes renseignements qui pourraient être obtenus par la
contrainte seraient susceptibles d'être
transmis à d'autres organismes d'enquête, ou à des corps policiers, ou encore
tout autre organisme ou ministère, aux fins de poursuites criminelles ou
pénales, sans limite des circonstances particulières prévues dans la loi actuelle. Nous sommes d'avis que la nouvelle
disposition devrait être ciblée davantage afin d'atteindre un juste
équilibre entre l'objectif recherché par les amendements, d'une part, et, de l'autre,
les conséquences potentiellement néfastes d'une nouvelle brèche.
Parce
qu'en fait, si on se rappelle, déjà l'article, tel qu'il est libellé aujourd'hui,
ouvrait la porte à cette brèche au secret fiscal. Mais il y avait à ce moment-là,
évidemment, cette préoccupation très particulière, évidemment, de la
lutte au crime organisé. Puis le temps
évolue, puis il y a d'autres choses, là, qui se présentent, puis il faut aussi
les adresser. Il reste que c'est une nouvelle brèche qu'on fait, et,
cette brèche, on trouve qu'elle est, à ce stade-ci, trop large, et c'est pour ça qu'on pense qu'il faut quand même faire
attention à préserver le principe fondamental du secret fiscal, qui
constitue l'un des piliers de notre système d'imposition. Je vous remercie.
• (16 h 40) •
Le Président (M. Pelletier,
Rimouski) : Merci. Et nous allons
maintenant passer... Vous avez terminé votre présentation, oui?
Une voix : Oui, M. le Président. Merci.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) : Merci. Nous allons passer maintenant à la période d'échange,
la même... Pour nos collègues ici, c'est le
même partage du temps que tout à l'heure : 24 minutes,
21 minutes et cinq minutes. Et je laisse la parole à M. le ministre.
M.
Marceau : Merci,
M. le Président. Tout d'abord, je voudrais saluer les représentants du Barreau
du Québec, donc M. le bâtonnier,
M. Masson, Me Eljarrat et Me Sauvé, de même que maître...
Une voix : Scheuerman.
M. Marceau : O.K. Excusez-moi, je n'ai pas votre nom par écrit. Alors,
je vous salue tous. Merci d'être là. C'est grandement apprécié. Merci aussi de
nous avoir transmis cette lettre dans laquelle vous nous faites part de vos
commentaires sur le projet de loi n° 18.
Je
vais commencer par la fin, en fait, des commentaires formulés par
Me Eljarrat. Vous disiez, à la fin de
votre commentaire, que vous trouviez que c'était
trop large, les dispositions du projet de loi n° 18. Par ailleurs, j'ai
senti, dans vos propos puis dans ceux
de M. le bâtonnier, que vous étiez à l'aise avec l'objectif que nous
poursuivons, ce qui laisse croire que
donc, de votre point de vue, peut-être que des aménagements pourraient être
apportés, des balises supplémentaires pourraient
être ajoutées. Cependant, dans la lettre que vous nous avez fait parvenir, vous
ne vous êtes pas aventurés sur ce terrain,
vous n'avez pas fait de suggestion. Alors, première question toute simple, y
a-t-il des suggestions que vous pourriez nous faire de manière à
restreindre l'étendue des articles que nous avons incorporés au projet de
loi n° 18?
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Me Masson.
M.
Masson (Louis) :
Oui. Merci, M. le ministre. Bien sûr, nous sommes toujours très préoccupés, au Barreau du Québec, de bien préserver l'autorité et le rôle
du législateur, de telle sorte que c'est un grand honneur que vous nous faites de nous inviter à
suggérer des textes qui pourraient peut-être préciser le texte de loi, mais c'est
un exercice auquel nous nous livrons toujours avec beaucoup de prudence
puisque notre rôle, bien souvent, est plutôt d'apporter nos contributions au projet de texte tel qu'il est
libellé. Mais bien sûr, dans le contexte actuel, ce que l'on entend et ce
que l'on doit deviner, c'est que ces
dispositions-là ont pour cible ou ont pour but de mettre fin à des crimes bien
spécifiques. Sauf que ce que l'on
entend n'est pas reflété dans la loi. Donc, notre première observation, en
guise de préambule à la réponse à votre
question, eh bien, serait de mieux cibler, dans le texte de loi, quels sont les
objectifs. Par le passé, on l'a fait afin d'identifier des crimes bien
spécifiques. Ce serait certainement là un premier pas qui nous apparaîtrait
approprié.
Mais je sais que Me
Eljarrat pourrait compléter et être peut-être plus précis à cet égard-là.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Me Eljarrat.
M.
Eljarrat (Stéphane) : Oui. Merci. Alors, bien, d'une part, ici on est... Comme je vous disais
tout à l'heure, on a raison de dire que c'est toujours difficile de catégoriser exactement
une situation. Toutefois, je pense qu'ici ce qu'il faut regarder, c'est
qu'on part du principe que c'est une infraction grave liée au crime organisé.
Je pense que le terme, l'expression «crimes
graves» existe déjà, c'est quelque chose qui est utilisé dans de nombreuses
circonstances. En général, on définit ça comme des crimes passibles de
cinq ans d'emprisonnement ou plus, donc déjà on élimine toutes sortes d'infractions moins graves. D'ailleurs, dans les
exemples qui étaient donnés un petit peu plus tôt, on parlait justement
de crimes graves. Donc, déjà, en balisant, d'une
part, la communication de l'information dans des contextes de crime
grave, on vise les situations évidemment
épouvantables de pornographie infantile, de fraude. Évidemment, la fraude
économique, là, c'est quand même un crime grave. Toutes ces choses-là sont déjà
couvertes.
Donc,
ça, c'est le premier pas. Le danger d'aller dans... Et on comprend pourquoi on
recherche à introduire le critère d'infraction pénale. Toutefois, les infractions
pénales, pour la plupart, n'ont pas un objectif poursuivi qui constitue,
de façon objective, un crime grave, sauf
certaines exceptions. On sait qu'il y a eu des amendements, récemment, dans la
loi qui ont prévu que certaines lois pénales
peuvent être passibles de cinq ans d'emprisonnement, notamment en
réaction, justement, à certaines
problématiques qui ont été observées dans le passé. Donc, déjà, ce test de cinq
ans, il existe dans les lois pénales
provinciales. C'est sûr qu'il n'y en a pas beaucoup, des lois pénales
provinciales qui permettent d'obtenir un emprisonnement de cinq ans,
mais elles existent, et, au niveau du Code criminel, on vise les infractions
criminelles.
Donc,
déjà, le concept de crime grave ou d'infraction pénale grave nous apparaît
comme une balise minimale, selon nous, afin de ne pas se retrouver dans une
situation où de l'information, dans des situations qui ne devraient pas
se faire, soit traduite. Parce qu'encore une fois il ne faut pas oublier qu'il
ne faudrait pas... Ici, le but recherché à la fin, c'est évidemment, ne l'oublions pas, d'obtenir, au bout
de ligne, pour l'organisme d'enquête en question, d'obtenir finalement
la condamnation du contrevenant. Donc, si la disposition devait être jugée
inconstitutionnelle, soit parce qu'elle ne passe
pas le test de l'article 8 ou encore n'est pas sauvegardée par l'article 1
dans l'analyse, à cause de l'objectif qui était trop largement... pas assez restrictivement défini, bien personne n'a
atteint la fin voulue puisqu'à la fin, évidemment, les personnes
pourraient, à ce moment-là, se voir acquittées.
Donc,
je pense qu'il est important justement, même dans cette analyse-là de la
constitutionnalité qui va peut-être un jour se
faire par les tribunaux… On n'a pas connaissance à ce jour, sous la disposition
actuelle, qu'il y ait eu des contestations
devant les tribunaux sur l'information qu'on a, mais il faut garder ça à l'esprit.
Et donc, en maintenant ça avec des
crimes graves, on évite des situations où de l'information qui a été obtenue
par la contrainte, soit par demande péremptoire ou par demande de
vérification… Il ne faut pas oublier que, oui, la demande péremptoire prévue à
l'article 39 de la Loi sur l'administration fiscale va prévoir un
mécanisme particulier pour forcer l'information d'être produite, mais le vérificateur,
en tout temps, de l'Agence du revenu du Canada, en vertu de l'article 38,
lui, lorsqu'il requiert de l'information, on
a une obligation également de coopérer. Elle ne se limite pas à juste une
demande péremptoire, donc il y a
quand même un élément de contrainte. Et donc, si cette information est obtenue
par contrainte, je pense qu'il faut
tenir compte de ça dans l'analyse si plus tard l'information va être utilisée
par le biais de ce système d'autorisation judiciaire pour obtenir la
condamnation d'une personne.
Donc,
je donne, je peux donner un exemple très simple, qui va refléter justement l'importance
du secret fiscal. On sait que, par exemple, l'objectif, évidemment, du ministère du Revenu, c'est
pour nous protéger, l'ensemble descontribuables.
Ça veut dire que chaque personne, individu, entreprise paie sa juste part d'impôt.
Et ça, peut-être qu'on n'aime pas
souvent se le rappeler, mais ça couvre également les activités qui peuvent être
en violation de certaines lois. Le
fait, par exemple — je vous donne un exemple — que j'opère une agence de voyages sans les permis
valides, donc je suis en violation d'une loi provinciale, là, et je fais des revenus avec
ça. Je les déclare à l'impôt, j'ai une obligation de les déclarer à l'impôt, ces revenus-là, mais en même
temps l'impôt pourrait obtenir l'information, à partir de ce moment-là,
l'Agence du revenu obtiendrait l'information que j'opère cette agence-là de
façon illégale. Et on ouvrirait la porte, on aurait des motifs de croire... Et
je ne pense pas que c'est ces sortes de situations là qu'on veut viser.
Un
dépanneur qui a deux, trois pompes d'essence, fait un petit peu d'argent avec
ça, se retrouve à faire un déversement, un petit déversement — je ne parle pas de quelque chose de grave, là — et puis, bon, encore une fois, il y a techniquement
peut-être une infraction pénale là, il a eu des frais pour nettoyer tout ça, il
ne l'a pas déclaré au ministère de l'Environnement.
Oui, le ministère de l'Environnement a les pouvoirs nécessaires pour faire
appliquer ses propres lois, et je ne pense pas qu'on a besoin de se
servir du ministère du Revenu pour atteindre ces faits-là. Moi, je pense que ce
qu'on vise ici, ce sont effectivement des situations de criminalité grave, où l'objectif
poursuivi par le gouvernement est tellement
important qu'à partir de ce moment-là on veut permettre cette brèche, encore
une fois, au secret fiscal, brèche au
secret fiscal qui n'est pas sans conséquence, parce qu'il ne faut pas oublier
que la confiance du public dans le système fiscal est essentielle. Tout
gouvernement qui veut opérer comme il faut doit gérer un système où les contribuables sentent que
l'agence agit de façon équitable et agit selon les règles. Le secret fiscal est
important justement parce qu'on contraint la personne à fournir l'information.
Donc,
en balisant cet équilibre-là, comme je disais, sans me... Évidemment, ce n'est
pas le rôle du Barreau de se prononcer sur la constitutionnalité éventuelle d'une
disposition. Toutefois, je pense que minimalement… De se prononcer, je veux dire, dans le sens que ce sera
s'il y a des contestations qui sont faites plus tard. Il reste que
minimalement la notion de crime grave ou d'infraction pénale grave est vraiment
un critère qui nous apparaît, là, minimal au niveau des balises.
Il y a d'autres accommodements qui auraient
pu aussi être vus, qui pourraient aider la situation potentiellement. C'est,
par exemple, d'exclure du régime actuel l'information obtenue par demande
péremptoire, par exemple. Pourquoi? Parce
que là on aurait... on a deux décisions de la Cour suprême, dans l'affaire
Jarvis, en 2002, qui est venue dire que le ministère du Revenu lui-même occupe deux chapeaux : un chapeau de
vérification et un chapeau d'enquêteur aux enquêtes pénales. Et par
conséquent, lorsque le ministère cesse d'agir en tant que vérificateur et
commence à agir en tant qu'enquêteur, il ne peut plus se servir de ses pouvoirs
d'impôt.
Donc, peut-être, encore une fois, pour
améliorer les chances que cette disposition-là passe le test, qu'on signale s'il y a lieu
un jour qu'il soit contesté, il y aurait peut-être là aussi une piste à
examiner au niveau d'exclure les demandes péremptoires, l'information obtenue… de ce régime-là. Ça pourrait aussi
être une des balises. Ceci n'est que des exemples, là, de balises qui
pourraient être avancées.
•
(16 h 50) •
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le ministre.
M. Marceau : Oui. Merci pour cette réponse très
complète. Deux, trois éléments. Le premier... Je vais vous faire une succession de
questions, là, mais le premier élément, c'est que vous dites : Le régime d'autocotisation
exige un secret fiscal aussi étanche que possible. Et, si ce secret
fiscal là fait l'objet de brèches, d'ouvertures, bien ça va poser une question de confiance. Je veux bien, mais vous
convenez, j'imagine, que le fait de demander à un juge d'encadrer cette brèche-là par l'exigence de l'autorisation d'un
juge, cela, il me semble en tout cas, est à même de rassurer les gens
qui participent de façon volontaire au
régime d'autocotisation. La confiance que les gens ont dans Revenu Québec,
j'imagine, elle est à peu près à la même
hauteur. Peut-être est-ce que je me berce d'espoir et puis d'illusions, mais j'ose
croire que le régime... pardon, pas
le régime, mais le système judiciaire aussi que nous avons au Québec puis au
Canada est un régime dans lequel les
contribuables ont confiance également, et il me semble que — en
tout cas, ça, c'est un commentaire que je formule, là — il
me semble que le régime d'autocotisation, le secret fiscal, tout cela, dans la
mesure où on s'assure qu'un juge soit
nécessaire pour ouvrir ce secret fiscal là, c'est de même à rassurer puis à
donner confiance à nos personnes qui font de l'autocotisation. Ça, c'était un
commentaire.
Par ailleurs, sur la question de... enfin,
sur le fait qu'on pourrait restreindre l'univers des infractions à celui des infractions
représentant des crimes graves, bien au Québec, en tout cas de façon statutaire
dans le droit pénal — puis
je ne suis pas un juriste, là — on me dit qu'on prévoit typiquement des peines maximales
de cinq ans moins un jour, ce qui fait qu'essentiellement
aucune infraction de nature pénale ne pourrait être couverte par les nouvelles
dispositions que nous avons introduites.
Puis, de façon plus... en tout cas, si j'ouvre
un peu plus, je reviens à une question que j'ai posée plus tôt à nos invités précédents, moi, il me semble que d'exclure un
certain nombre d'infractions criminelles ou pénales, quelles que soient les balises que nous utilisons, c'est, d'une
certaine façon, donner une carte, un chemin à ceux qui voudraient...
enfin c'est de dire, dans le fond : Il
y a deux types de crimes, il y a deux types d'infractions qu'on peut commettre
au Québec. Il y a celles pour lesquelles Revenu Québec collaborera avec
des ministères et organismes. Celles-là, il me semble que, si j'étais une
personne mal intentionnée, je les éviterais. Par ailleurs, il y aurait l'univers
des infractions criminelles et pénales pour lesquelles, là, il n'y aura pas de
collaboration, et là c'est plus facile d'aller dans ce sens-là. Je vous soumets
bien humblement, là, qu'il me semble qu'on fait deux poids, deux mesures et
puis que surtout on invite les gens à se
concentrer… on leur donne une carte des crimes, en disant : Ceux-là sont
plus faciles… plus facile de contourner la loi, en tout cas. Donc, trois
commentaires. Je vous laisse commenter.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Me Masson.
M. Masson (Louis) : Oui. Bon, évidemment, la question de
la confiance est probablement le critère
fondamental. C'est sur ce critère que
fonctionnent notre système démocratique, notre Parlement, notre système
judiciaire, notre système fiscal.
Donc, la confiance du public envers les institutions est un principe fondamental.
Et ce n'est pas pour rien. On n'a pas inventé ça aujourd'hui, le secret
fiscal, ce n'est pas nous qui inventons cela aujourd'hui. Pourquoi ce secret
est-il tellement ancré dans nos valeurs
démocratiques? C'est que ceux qui nous ont précédés, les anciens et le
législateur, ont établi comme principe fondamental que, pour que ce
système inspire la confiance de nos concitoyens... Parce qu'évidemment nous
savons tous qu'on ne peut pas avoir un enquêteur ou un inspecteur du Revenu
pour chaque citoyen, donc il faut que les
citoyens aient confiance dans notre système. Et, à chaque fois que nous
grugeons dans cette confidentialité, nous ébranlons en même temps cette
confiance.
Et tout est une question de mesure. Il est
évident qu'autrefois le secret était absolu. Et puis on a avancé, on a instauré l'exception de
crime grave, qui s'explique bien. Mais là on ouvre la brèche à toutes sortes d'infractions.
Et je ne veux pas dire qu'il y a des infractions moins graves que d'autres,
mais vous avez eu des exemples où là toute personne qui est susceptible d'avoir
commis une infraction à une loi qui n'a pas le même opprobre que les crimes
graves, eh bien, se verrait tout à coup...
verrait les fonctionnaires ou les responsables de l'Agence du revenu se
transformer en personnes qui communiqueraient de l'information, et là il
n'y a plus de balise.
Alors, M. le ministre, effectivement, nous commençons à
éroder cette confiance. Alors, jusqu'où doit-on
aller? Bien sûr, c'est le législateur qui est souverain, c'est à lui de mesurer
et de balancer les impératifs avec lesquels il est confronté. Pour notre part, sur le volet juridique, notre rôle est de
vous exposer, d'une part, notre expertise à cet égard-là et d'examiner
avec vous les possibles conséquences de cette érosion. Mais, une fois que nous
avons fait notre rôle, bien sûr la décision vous revient.
Notre
confiance, et je vais le réitérer publiquement, à l'égard de la magistrature,
elle est extrême. Nous croyons que nous avons l'une des meilleures magistratures au
monde, une magistrature indépendante et impartiale. Le problème ici, ce n'est pas le juge, ce sont les balises qu'on va
lui donner. Le juge, là, la juge va respecter la loi. Or, tout ce que dit la
loi, c'est que, dès qu'il y a allégation de commission
d'infraction, le juge va appliquer la loi. Mais là n'est pas le
problème. C'est que la loi elle-même n'a pas
ces balises qui nous apparaissent nécessaires pour maintenir la confiance du
public.
Maintenant,
c'est sûr que, si l'on restreint à l'exception de crimes graves, on peut sans
doute avoir l'impression que vous avez verbalisée, bon, mais, à mon avis, là n'est
pas la question. C'est qu'on s'est limité par le passé. Les anciens qui ont eu cette discussion-là ont dit : On va
ouvrir la brèche, mais on va se limiter aux crimes graves, parce qu'ils
savaient bien qu'on touchait à quelque chose de fondamental. Eh bien... Bon.
Maintenant, quant à la
règle de cinq ans, c'est l'inconvénient peut-être de lancer comme cela, un
petit peu rapidement, une réflexion, notre objectif ici n'est pas tant de fixer
un mur de cinq ans, mais plutôt d'attirer votre attention sur la notion de crime grave. Mais, une fois que nous vous
avons dit cela, ce n'est pas nous qui avons fabriqué cette situation-là
aujourd'hui. Elle existe depuis des décennies en droit québécois et en droit
canadien, d'ailleurs. Le système fiscal canadien repose sur le même principe.
Donc,
je ne pense pas que ce serait là paver la voie à… ou une permission donnée à
nos concitoyens à violer les lois, mais c'est,
encore une fois, bien recentrer les choses et les recadrer. Je ne sais pas si
Me Eljarrat veut compléter.
• (17 heures) •
M.
Eljarrat (Stéphane) : Bien, juste pour compléter, comme on le disait tout à l'heure, quand
on... en répondant à la demande, finalement, de voir, d'examiner les balises potentielles,
encore une fois, effectivement, ce n'est pas forcément leur rôle, mais
déjà, dans la loi actuelle, on définit le crime grave, donc rien n'empêcherait
le législateur, justement, conscient que, dans notre système pénal, c'est cinq
ans moins un jour, rien n'empêcherait, si c'était la décision du législateur, de le baliser. Rien n'empêche le
législateur de définir le crime grave comme il le désire. C'est
actuellement le cas, là, la définition se retrouve… Donc là, il faudrait...
elle pourrait être adaptée à la balise que le législateur juge appropriée, dans
les circonstances, suite en tout cas à nos commentaires. Donc, c'est ça que
je...
Puis,
deuxièmement, peut-être un petit commentaire rapide sur la question du deux
poids, deux mesures. Ce n'est pas... Je veux dire, au départ, il ne faut pas
oublier qu'on part d'une exception. Chaque organisme d'enquête a déjà
ses propres pouvoirs d'enquête et peut déjà effectuer des enquêtes et donc réprimer
la criminalité. Ici, on permet une exception.
Donc, c'est pour ça que, quand on permet une exception, on permet une exception
à la brèche, le secret fiscal, avec
les conséquences néfastes, selon nous, que ça a, je pense que ce n'est pas deux
poids, deux mesures de suggérer de limiter cette brèche-là au maximum
possible, tout en maintenant l'équilibre pour rechercher… atteindre l'objectif recherché. Puisque ces autres infractions qui ont
une… que le législateur a jugées moins graves, de par leur gravité
objective définie par le type de sentences
qui peuvent être obtenues… dans ce cas-là, les organismes d'enquête, ça ne les
empêche absolument pas, dans leurs mandats…
ils n'ont pas les mains liées pour ne pas pouvoir faire leur travail et
réprimer ce genre de crime. Ici, on
parle d'utiliser le ministère du Revenu pour atteindre un objectif. C'est pour
ça que ce n'est pas deux poids, deux mesures de suggérer que ça devrait
être, selon nous, plus balisé. Je vous remercie.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le
ministre. 3 min 30 s.
M.
Marceau : Oui.
3 min 30 s. O.K. Bien, j'ai bien entendu cette idée que la
magistrature puis le fait d'encadrer les dispositions prévues au projet de
loi n° 18, l'ouverture, donc, du secret fiscal, en exigeant l'autorisation
d'un juge, de votre point de vue, donc, ça ne rassurera le public que
dans la mesure où les dispositions du projet de loi sont très explicites sur les circonstances dans lesquelles
on peut justement ouvrir et donc… C'est ce que j'ai compris, en tout
cas, là. Mais en même temps, dans la mesure
où dans le projet de loi on prévoit que les informations ne seront utilisées
que pour les fins pour lesquelles elles sont
transmises, dans la mesure où elles seront détruites une fois que l'usage en
aura été fait, dans la mesure où on parle de
crimes, d'infractions, en tout cas, criminelles ou pénales pour lesquelles le
gouvernement a une responsabilité, il me
semble, de faire en sorte que les lois soient appliquées, en tout cas j'ai
encore... j'essaie encore de voir de
quelle façon la confiance du public pourrait être érodée. Moi, je conviens avec
vous que, si on ouvre purement et simplement,
sans aucun mécanisme, sans, par exemple, cette autorisation d'un juge, je
conviens avec vous que c'est à même de réduire la confiance parce qu'on
ne saurait pas les circonstances, on n'aurait pas la protection, par exemple, d'un juge. Mais, dans la mesure où il y aura la
protection d'un juge, moi, je pense qu'il y a un équilibre qui est
maintenu puis je pense qu'on est en mesure de maintenir cette confiance qui est
essentielle, comme vous le disiez.
Je
voudrais… C'était un commentaire, là, puis j'entends bien tout ce que vous
dites. J'avais un autre commentaire, qui est sur un autre type d'élargissement ou... En
fait, ce que je voulais vous demander, c'est… Là, ce que vous me dites,
c'est qu'une façon de rendre le projet de loi n° 18 plus acceptable,
selon vous, ce serait donc de restreindre l'univers des crimes, des infractions. L'autre possibilité, ça aurait été — parce que j'ai entendu le collègue de Viau mentionner ça — de restreindre l'univers
des ministères et organismes auxquels on peut transmettre de l'information.
Enfin, le collègue de Viau n'a pas dit ça
explicitement, mais j'ai senti que ça faisait partie de ses préoccupations.
Est-ce que vous trouvez que c'est une
bonne idée? Est-ce que vous trouvez... est-ce que ça vous rassurerait de
savoir, donc, que Revenu Québec ne
peut transmettre qu'à une liste choisie d'organismes et ministères et non pas à
l'ensemble des ministères et organismes?
Le Président (M. Pelletier, Rimouski) : Me Masson, à l'intérieur d'une minute, à moins que...
M.
Masson (Louis) : Oui. Il est évident
que...
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
...à moins de vous laisser continuer.
M. Masson (Louis) : Il est évident qu'en ce qui me
concerne, qu'en ce qui nous concerne nous sommes
toujours très rassurés par le
professionnalisme des organismes qui détiennent de telles informations. Sauf
que là n'est pas le test approprié.
Pour que la loi passe les tests constitutionnels, il faut que ces balises-là
soient suffisamment précisées. Or, la réponse
à votre question, c'est que plus les balises sont précises, plus il y a là une
justification et plus la loi peut ainsi être expliquée à nos concitoyens et éventuellement, dans le cadre d'une
contestation, à un juge. Donc, plus il y a de balises et de précisions,
plus la loi atteint son objectif, à nos yeux.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Merci, monsieur. Et nous passons à l'opposition officielle. M. le député de
Viau.
M.
Dubourg : Merci, M. le Président. À
mon tour de vous saluer, Me Masson, Me Eljarrat — c'est ça — et Me Sauvé, vous aussi, en arrière. Écoutez, je suis très
heureux de vous entendre.
Là, les éclaircissements ou bien les éléments
que vous apportez viennent tout à fait nous aider, effectivement, dans les décisions que
nous aurons à prendre concernant ce projet de loi là. Je dois vous dire aussi,
Me Masson… mais moi, quand… la première fois que j'ai eu ces
éléments-là, ces trois articles-là… et je l'avais bien dit au ministre que mon intention, ce n'était pas de chercher à bloquer le
projet de loi n° 5, et puis là il l'a ramené dans le projet de loi
n° 18, mais c'est que j'avais des
préoccupations importantes. Et il me semble que là vous avez présenté un
certain nombre d'éléments qui
viennent dire : Oui, il faut faire attention, et avec des exemples encore
précis. Moi, ce que je voudrais éviter, c'est que le projet de loi
n° 18 devienne, si je peux m'exprimer ainsi, un fourre-tout, et on va tout
faire à partir de ce projet de loi là. Le
ministre, aussi, a eu à prendre connaissance, Me Masson, du mémoire déposé
par l'Ordre des comptables agréés du
Québec. Et, vous étiez là tout à l'heure, vous écoutiez aussi, le ministre
parlait de protection de nos citoyens, il parlait de pornographie infantile. Donc, quand je parle de
fourre-tout, je me dis : Est-ce que c'est dans une loi d'impôt qu'on
doit avoir tous ces éléments-là? Et l'Ordre
des comptables agréés est allé encore plus loin en disant que… Est-ce qu'on
va tenir compte de la cruauté envers les
animaux, d'incendies criminels, de braconnage, de délits de fuite, d'équité
salariale, de Code du travail, de Loi sur l'instruction
publique, etc.? Donc, ça ouvre la porte à beaucoup, beaucoup, beaucoup d'éléments.
Mais il y a un élément, il y a une chose, une
question précise que je voulais vous poser, que... et savoir c'est quoi, votre point de vue. C'est que, dans le document... J'ai
obtenu, par l'accès à l'information, le document d'échange d'information entre Revenu Canada et Revenu
Québec, et dans ce document-là on nous dit — non, je vais juste... je
vais vous le lire, c'est correct — c'est de dire que, quand on communique des renseignements,
les parties conviennent de ne pas communiquer… Par exemple, le point c nous
dit, comme… Me Eljarrat parlait tout à l'heure de documents obtenus
sous contrainte ou bien demande péremptoire, mais là, aussi, on nous dit de ne
pas communiquer, par exemple, les renseignements qui permettraient d'identifier
l'auteur d'une dénonciation ou aussi d'un document contenant des renseignements
protégés par le secret fiscal qui lie un avocat à son client. Est-ce que ces
éléments-là... Croyez-vous que, dans le cadre du projet de loi n° 18, ça a
une certaine incidence?
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Me Eljarrat.
•
(17 h 10) •
M.
Eljarrat (Stéphane) : Oui. Alors,
là-dessus, bien, c'est intéressant en ce qu'il y a aussi tenir le parallèle qu'évidemment, premièrement, l'Agence du revenu du
Canada en fait administre une loi fédérale, à savoir la loi sur la TPS, en fait la Loi sur la taxe d'accise, et, ce
faisant, évidemment, l'article en question, donc, qu'on regarde aujourd'hui
ne s'appliquerait pas, évidemment, à l'administration
de cette loi-là, donc elle serait liée par la disposition fédérale. Or,
on sait que 241, qui est le pendant de 69,
au fédéral, 241 prévoit des circonstances dans lesquelles de l'information peut
être transmise à un corps policier seulement, et cela doit se faire à trois
conditions : il y a un test de nécessité de fournir l'information, il y a un test, évidemment, d'être
convaincu, comme on a là, qu'il y a un crime qui est commis, et, d'autre
part, la balise, dans le cas… Le choix que
le fédéral a fait, au niveau de la balise, c'est de limiter à des circonstances
dans lesquelles il est raisonnable de croire
que l'information en question qui était dans le dossier fiscal est liée à la
commission de cette infraction-là. Donc, il y a un lien entre l'infraction et
ce qui se retrouve dans le dossier fiscal.
Alors là, on va se retrouver dans une
situation, à cause du programme, évidemment, d'échange d'information, qui est
essentiel à l'administration fiscale, évidemment, au Québec, de pouvoir
échanger cette information-là de façon quotidienne… je me tromperais
peut-être, je ne suis pas au ministère du... l'Agence du revenu, mais de façon
très régulière le ministère... l'Agence du
revenu du Québec reçoit de l'information du fédéral et cotise en conséquence,
et le contraire est aussi vrai, ils s'échangent donc de l'information à cet
égard-là, que là il va y avoir effectivement une dichotomie au niveau des régimes et donc il pourrait y avoir des
circonstances dans lesquelles, via, par exemple, une enquête en vertu de la TVQ, par exemple, la loi de taxe de
vente provinciale, on pourrait à ce moment-là obtenir l'information, et
là, bien, rien n'empêcherait de transmettre l'information et qui aiderait
indirectement, finalement, à atteindre un but qui n'aurait pas pu être obtenu
par l'organisme fédéral, l'Agence du revenu du Canada.
Je
ne sais pas si ça répond à votre question, mais...
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le député
de Viau.
M. Dubourg : Oui. Merci. Merci beaucoup. Et aussi,
juste pour préciser aussi, Me Eljarrat, c'est que vous avez dit : Un
individu peut être contraint par un vérificateur mais peut aussi être contraint
par un enquêteur, donc quelqu'un qui travaille aux enquêtes spéciales,
par exemple.
M.
Eljarrat (Stéphane) : Si vous
permettez — je m'excuse...
M.
Dubourg : Ah non, allez-y, oui.
M. Eljarrat (Stéphane) : ...de vous interrompre, excusez — il ne peut pas… En vertu de la décision de la Cour suprême du Canada...
M.
Dubourg : Jarvis, oui.
M.
Eljarrat (Stéphane) : ...dans l'affaire
Jarvis, un enquêteur ne peut pas... S'il est en train de mener une enquête
criminelle, il ne peut plus contraindre.
M. Dubourg : D'accord. C'est ça. Et merci, parce qu'on dit que normalement l'enquêteur doit,
au début de son enquête, là, préciser à cette
personne-là qu'elle est sous enquête criminelle. D'accord. Merci.
Et,
advenant le cas que Revenu Canada ou, dans notre cas, Revenu Québec, plutôt,
obtienne une information dans une enquête, est-ce que ça pose un problème
maintenant, avec le projet de loi n° 18, si de telles informations
devaient être transmises, par exemple, à un autre organisme ou ministère?
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Me Eljarrat.
M.
Eljarrat (Stéphane) : Oui. Donc, la
question se pose à deux niveaux. Je pense que, si l'information est obtenue dans le cadre d'une enquête pénale,
fiscale, donc, déjà les droits du contribuable, théoriquement… Et
évidemment on sait que l'agence travaille
professionnellement, va respecter les règles, à ce moment-là, du processus d'enquête
pénale, et donc les balises sont là. Donc,
si on transmet l'information, je pense que l'inquiétude, elle viendrait
peut-être plutôt, au départ, en aval,
qui est qu'au départ, l'information qui est transmise par cette loi-là, on doit
présumer qu'on ne sait pas au départ,
le jour où on l'obtient, on ne sait pas qu'il y a un crime qui a été commis.
Parce que, si on savait qu'on avait des motifs raisonnables de croire qu'un
crime a été commis, le jour en question, bien là il y aurait... on aurait... n'importe
quel organisme d'enquête peut obtenir des mandats de perquisition pour faire la
preuve d'infraction. Or, ici ce qu'on
présume, ce que je comprends, c'est que le ministère tombe sur de l'information
où… qui va... en faisant son enquête… On a l'exemple, par exemple,
épouvantable, là, de disque dur de photos, de choses épouvantables, de cette nature-là. Bien, c'est sûr qu'ils ne s'attendaient
pas, lorsqu'ils font une vérification des livres et registres d'un
contribuable, de tomber sur ce genre de
choses. Puis là, bon... Ça, c'est un exemple, mais c'est dans ce cadre-là que
dans certains cas ça va poser
problème, parce que cette information va être transmise pour des fins d'enquête
criminelle et donc indirectement faire quelque
chose qui n'aurait pas pu être fait directement par le corps d'enquête policier
ou l'Agence du revenu dans ce cas-ci.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le député de Viau.
M. Dubourg : Merci. Oui. Je veux poser une autre
question, comment dirais-je, à savoir... Elle est hypothétique, là, cette question-là,
mais je veux la poser quand même, à savoir : On sait qu'au niveau de l'Agence
du revenu on peut faire des demandes d'information pour personnes non
nommément désignées. Est-ce que, dans le cadre du projet de loi n° 18, par exemple, est-ce que,
comment dirais-je, un ministère ou un organisme pourrait faire une demande à
l'Agence du revenu et que l'Agence du revenu
pourrait utiliser ce pouvoir-là pour aller chercher l'information? Est-ce que
c'est possible? Parce qu'autrement ce ne serait pas rassurant, à mon avis.
M. Eljarrat (Stéphane) : Effectivement. Alors, si je comprends
bien le cadre de votre question, vous
demandez : Si l'autorité, l'Agence du
revenu du Québec voulait utiliser le mécanisme de demande de renseignements
équivalent à ce qui existe au fédéral, à l'article 231.2,
paragraphe 3, qui est la... Non, excusez-moi, ce n'est pas... Oui, c'est
231.2(3), qui permet aux autorités fiscales, dans certains cas, d'obtenir de l'information
à l'égard de personnes innommées. Et votre... J'essaie de comprendre la
question. Donc, ça serait quoi, la préoccupation à ce niveau-là?
M. Dubourg : La préoccupation, ce serait de dire
que l'organisme souhaite obtenir une information et que cette information-là,
peut-être qu'elle est incomplète au niveau de l'Agence du revenu, et l'Agence
du revenu, dans le cadre de ses pouvoirs, exerce cette demande-là pour
une personne non nommément désignée.
M. Eljarrat (Stéphane) : Je comprends votre question. Selon ma
compréhension de ça, je pense que ça ne
poserait pas forcément un problème comme
tel, puisque dans l'article 69.0.0.12 un employé de l'agence doit
faire une déclaration sous serment à un juge qu'une personne… Et là elle devra
être nommée, cette personne-là. Alors, elle va devoir être identifiée. Donc, même si l'information... il va devoir
identifier cette personne-là. Le juge n'autorisera pas, s'il n'a pas le nom de la personne, contrairement au
niveau fiscal civil, où on peut, dans certains cas, par exemple par un
numéro de compte de banque, obtenir une
demande péremptoire pour savoir à qui appartient le compte. Donc ça, je pense
que c'est deux mécanismes, là, qui sont en parallèle.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le député de Viau.
M.
Dubourg : Oui.
Merci pour ces précisions parce que vraiment je n'y avais pas pensé. Donc, oui, Me Masson effectivement
nous parlait de la confiance. J'étais bien content d'entendre cet élément-là.
Vous avez même, à un moment, dit que
tout ça, ça repose sur la confiance, où la confiance du public est un principe
fondamental. Donc, encore une fois, comme
j'ai posé la question tout à l'heure à la Commission d'accès à l'information,
une autre des préoccupations que j'ai, c'est : une fois cette
information-là transmise à un ministère ou à un organisme quelconque, même si c'est
sous l'autorisation d'un juge… Et je me dis…
je ne sais pas quel... Comment dirais-je? Les systèmes ne sont pas identiques.
Ou bien on connaît bien le système à Revenu
Québec, étant donné que, les pouvoirs qu'ils ont, O.K., ils ont pris
toutes les mesures nécessaires pour rassurer
le public que ces renseignements-là vont demeurer confidentiels. Mais, une fois
ces renseignements-là rendus dans n'importe
quel autre ministère ou organisme public, comment dirais-je, à mon avis… est-ce
que ça peut être aussi rigide quand cette information-là va être reçue,
utilisée, détruite? Parce qu'au niveau de Revenu Québec c'est dans tout
le processus, à Revenu Québec, c'est-à-dire que les dirigeants, les employés,
les fonctionnaires de l'Agence du revenu ont
des niveaux de sécurité pour accéder ou bien pour toucher à une
information. Je ne suis pas sûr que c'est le
cas dans d'autres ministères ou d'autres organismes publics. Qu'en pensez-vous,
Me Masson?
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Me Masson.
M.
Masson (Louis) :
Ce que nous en pensons, c'est que nous devons avoir un haut degré de confiance envers notre fonction publique, qui est une fonction
publique de qualité, et que cette présomption de confiance s'applique à l'ensemble. Et nous nous devons de faire confiance
à ces organismes, de manière à ce que, lorsque les informations sont obtenues, elles soient utilisées aux seules fins
prévues à la loi et, lorsque les informations doivent être détruites, qu'elles...
La loi y pourvoit déjà. Il y a des sanctions
très graves qui peuvent toucher les personnes qui manquent à leurs
devoirs. Et, en tout cas en ce qui nous concerne, nous n'avons aucune
hésitation à réitérer notre confiance envers la qualité de la fonction publique du Québec et on n'a pas de
raison de croire que les membres de la fonction publique ne respecteront
pas leurs obligations. La plupart des lois y
pourvoient assez bien, à cet égard-là. Le problème que nous avons ici, c'est
que la loi prévoit elle-même la communication et la dissémination des
informations, et c'est là où, à nos yeux, il y a des balises qui manquent. Mais
sur ce volet-là il est certain que nos lois, dans l'ensemble, nous permettent d'avoir
confiance en notre fonction publique.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le député
de Viau.
M.
Dubourg : Merci.
Merci, Me Masson. Donc, parmi ces balises-là, Me Masson, pensez-vous,
comme vous l'avez mentionné... Par exemple,
dans votre mémoire, vous avez parlé de lutter contre des crimes économiques, au
même titre que l'Ordre des comptables professionnels agréés, qui pense qu'on
devrait maintenir l'aspect, le caractère économique
ou définir ne serait-ce... enfin c'est quoi, le crime économique. Est-ce qu'on
devrait éventuellement, si on a à amender
ou si on a à apporter quelques correctifs, là, au projet de loi, on devrait
penser à rajouter «crime économique» et définir ce qu'est un crime
économique?
• (17 h 20) •
M.
Masson (Louis) :
Les choix du législateur vous appartiennent pleinement à cet égard-là. Notre
rôle à nous, comme
nous le voyons, c'est d'attirer votre attention sur l'importance, justement, de
faire ces choix-là et de les écrire dans la loi, plutôt que d'ouvrir la loi de façon trop large, la rendant ainsi
vulnérable et à l'égard de la confiance du public envers ce système et
également envers la validité constitutionnelle de la loi.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le député
de Viau.
M. Dubourg : Merci, M. le Président. Enfin, juste vous entendre un peu.
Je sais que, bon, ça a été déposé il n'y a
pas longtemps, le mémoire de l'Ordre des CPA, vous ne l'avez peut-être pas pris
connaissance, mais, à un moment donné, l'ordre suggère, dans les
domaines d'application, de réintroduire un critère d'appréciation qui
permettrait aux tribunaux de mieux disposer des demandes d'autorisation de
communication que lui seront faites. Tout à l'heure, vous avez parlé… vous avez
dit que ce n'est pas le juge, le problème. Je ne sais pas si ça...
M. Masson
(Louis) : C'est dans la… Pardon.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Me Masson.
M.
Masson (Louis) :
C'est dans la même veine effectivement. Il importe que les balises existent, et
c'en est une parmi plusieurs possibles.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Juste pour
vous dire, Me Masson, que le rapport de l'Ordre des comptables
professionnels agréés va être déposé tout à l'heure.
M.
Dubourg : Bien,
M. le Président, en ce qui me concerne, je veux remercier Me Masson et
toute l'équipe. Et c'est les principales
questions que j'avais à poser concernant le p. l. n° 18. Merci.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski) : Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres
parlementaires du gouvernement? Non? Ça va?
M.
Dubourg : Du gouvernement?
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Pardon, de l'opposition officielle.
M.
Dubourg : Non, ça va, M. le
Président.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le député de Lévis.
M. Dubé : Oui. En fait… Merci, M. le Président.
Je vais... Il y a beaucoup de bonnes choses qui ont été dites, puis je
reconnais beaucoup l'expertise du Barreau ici, puis j'apprécie qu'il soit venu
durant cette commission-là, parce que ce n'est pas quelque chose de très facile, alors... surtout quand le député
de Viau parlait, disons, des comptables agréés, qui nous ont fait ou qui
vont faire une certaine suggestion. Je serais un peu plus confortable de ce
côté que du côté légal, ça, je peux vous dire ça.
Mais je reviens sur un point que j'ai
beaucoup apprécié puis j'espère, connaissant notre ministre puis l'équipe gouvernementale,
qu'ils sont probablement aussi à l'écoute de ce que vous avez dit, parce que...
Je résume en disant que vous
comprenez bien les objectifs du ministre, du ministère des Finances d'aller
chercher des façons d'aller épingler des gens qu'on doit épingler, si je peux utiliser cette terminologie-là.
Mais en même temps vous avez dit que ça prenait des balises soit au niveau de l'étendue des crimes, si
je peux parler comme ça, par opposition à l'étendue des partenaires. Et
je vous reposerais la question, pour nous aider dans la réflexion des... au
moment où on ira dans le détail du projet de loi
lui-même, si, de votre expérience en tant que juriste, pour essayer de ramener
ça à ce que tout le monde soitconfortable…
Est-ce qu'il est préférable d'aller du côté de l'étendue des crimes, c'est-à-dire
de dire : Bien, ce n'est plus juste
des crimes graves, mais on va paramétriser les... peut-être d'autres crimes, un
peu comme on vient de dire, ou aller du côté des partenaires... je dis «des partenaires», l'étendue des gens à qui on
peut communiquer l'information? Et je voudrais juste vous réentendre là-dessus, parce que j'essaie de
ramener ça à quelque chose de très simple puis de dire : Bien on va
en discuter durant le projet de loi. Mais
vous, comme juriste, est-ce que vous êtes aussi confortable qu'on aille du côté
un peu plus des crimes ou du côté des gens à qui on communique l'information?
Vous me suivez?
M.
Masson (Louis) : Très bien. La
réponse...
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Me Masson.
M.
Masson (Louis) : Oui. Merci.
M.
Dubé : Excusez-moi, M. le Président.
M.
Masson (Louis) : Alors, la réponse, c'est
oui. Donc...
M. Dubé : La réponse, c'est oui en termes d'aller
plus du côté des crimes ou du côté des gens à qui on communique… pour faire la balise dont vous avez parlée?
M.
Masson (Louis) : Bien, voilà, dans l'analyse
que vous vous proposez peut-être de faire, et ça...
M.
Dubé : …peut-être pas supposer
pour le ministre, mais...
M.
Masson (Louis) : C'est ça. Dans l'analyse,
en tout cas, que vous proposez...
M.
Dubé : Que je questionne.
M. Masson (Louis) : ...il est clair que toutes ces
avenues-là sont bonnes, sont valables. Que l'on cible soit les personnes à qui le secret sera communiqué ou encore la
nature du crime, cela fait partie des balises qui contribuent à préciser la
loi, et ce sont là deux avenues qui nous apparaissent tout à fait appropriées.
Mais dans ce cadre-là c'est vous qui aurez à faire ces...
M. Dubé : Mais ma question est simple. Je sais
que ce n'est pas facile pour vous de répondre à ça, mais je… si vous me permettez de
préciser, parce que je n'ai pas grand temps, donc au moins ça va être court.
Parce qu'on a à faire un choix. Est-ce que ça se peut que ça soit une
combinaison des deux aussi? C'est un peu ça que je demande…
M.
Masson (Louis) : Oui, tout à fait.
M. Dubé : …parce que je sens un certain
inconfort du Barreau de dire : Écoutez, vous allez... Vous ne dites pas : Vous allez un peu loin. Vous dites : C'est
dangereux, pour toutes sortes de raisons que vous avez expliquées. Moi, ce que je veux essayer de savoir : Est-ce qu'on
va à un, l'autre ou les deux, et vous seriez plus confortable à ce moment-là?
M.
Masson (Louis) : C'est pour ça que ma
réponse était courte. Ma réponse était oui, et ce oui signifiait que les deux avenues étaient bonnes, soit l'une, soit
l'autre, soit un mélange des deux. Tout ce qui contribue à préciser la
cible nous apparaît correct dans le but,
comme vous l'avez dit, d'épingler ce qui doit l'être. Cependant, si je peux me
permettre une réflexion un petit peu plus...
moins immédiate, c'est que souvent, dans notre société, ce qui est important, c'est
que les rôles de chacun soient bien précis.
Et, lorsqu'il y a confusion des rôles, c'est là où parfois les problèmes de
société et les problèmes juridiques
surviennent. Alors, lorsque l'on est en présence du ministère du Revenu, qui a
un mandat bien... et un rôle très
particulier à jouer dans notre société, il importe, à mes yeux, que ce rôle-là
soit bien précis. Le ministère du Revenu, ce n'est pas un enquêteur de police, ce n'est pas un enquêteur d'environnement.
Et, lorsque l'on effrite ainsi les barrières entre les institutions, on craint une certaine forme de confusion des
rôles parfois, et c'est là où les choses se compliquent, si je peux me
permettre cette réflexion également.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le député
de Lévis.
M. Dubé : Non, ça complète mon questionnement. Merci.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Ça va? Il vous
reste 28 secondes que vous pourrez garder pour la prochaine commission.
M. Dubé : Je vais le mettre en banque, si vous me permettez.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) : Voilà. Et ça termine notre rencontre avec les
représentants du Barreau du Québec. Alors, Me Sauvé, Me Eljarrat,
Me Masson et maître... lui, là, merci. Merci beaucoup de votre présence,
d'être venus enrichir nos lumières. Merci beaucoup.
Et,
avant de passer à nos... à l'étape des remarques finales, je voudrais... je
vais suspendre quelques minutes pour saluer
nos invités.
(Suspension de la séance à
17 h 27)
(Reprise à 17 h 30)
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Et nous
reprenons nos travaux.
Mémoires
déposés
Et, avant de procéder
à l'étape des remarques finales, je dépose les mémoires des groupes qui n'ont
pas été entendus lors des auditions publiques. Il s'agit des mémoires de l'Ordre
des comptables agréés du Québec et celui du Protecteur du citoyen.
Et maintenant, à l'étape
des remarques finales, j'invite le...
Une voix : …
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Pardon?
M. Dubourg : ...professionnels agréés.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : C'est quoi que
j'ai dit encore?
M. Dubourg : Des comptables agréés.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) : Ah oui! c'est vrai. Depuis quelque temps, on a inséré le
mot«professionnels».
Vous avez raison, M. le député de Viau, qui êtes vous-même comptable professionnel
agréé du Québec.
Remarques finales
J'invite le
porte-parole du deuxième groupe d'opposition à faire ses remarques finales pour
une durée de trois minutes.
M.
Christian Dubé
M. Dubé : Alors, merci, M. le Président. Et
encore une fois je voudrais souligner au ministre des Finances, puis à son équipe, que
je pense que ça a été un très bon jugement de sa part, lorsqu'on était en
décembre, de prendre un petit peu de
recul par rapport à cet élément-là du projet de loi, qui était discuté, pour se
donner tous un petit peu de recul par rapport à cet élément, je dirais,
qui est assez délicat. Parce que, lorsqu'on parle soit de vie privée, comme les
gens l'ont dit avant,
ou d'informations personnelles, je pense que c'est toujours très délicat, puis
d'avancer prudemment, une patience lente, si je peux dire, c'est très
important.
Ce
que j'aimerais, et je fais juste rapidement référence à non seulement l'information
qui a été donnée par la Commission d'accès à
l'information, mais plus particulièrement, je dirais, aux experts du Barreau du
Québec, j'aimerais souhaiter que dans
la réflexion des prochains jours, lorsqu'on discutera le projet de loi
lui-même, que le niveau d'étendue qui
a été… je
ne sais pas si j'ai le bon mot, mais suggéré par le Barreau… au moins d'avoir... essayer de baliser
peut-être un
peu plus pour être capables de quand même répondre aux objectifs du ministère
et du gouvernement, ça, je pense que tout
le monde le comprend bien, mais de voir s'il y aurait un peu de cette
ouverture. Puis moi, je voudrais dire que notre parti va vraiment collaborer à essayer de trouver la façon de mieux
baliser au besoin, autant dans un contexte des crimes comme tels ou des gens à qui l'information est
communiquée. Parce que l'objectif, je le répète, et c'est ce que le
ministre des Finances avait dit en décembre,
c'est important d'aller chercher les gens que nous voulons aller chercher
lorsqu'ils commettent des crimes. Mais l'idée,
c'est de ne pas faire des choses qu'on ne doit pas faire au niveau de la
confidentialité de l'information.
Alors, je veux juste souscrire. Et j'apprécie
les commentaires qui ont été faits par le Barreau aujourd'hui. Et j'espère qu'on aura la
sagesse de trouver les bonnes façons de se ramener vers une position peut-être
prudente, de ce côté-là. Ça termine mes commentaires, M. le Président.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski) : Merci, M. le député de Lévis.
M. le député de Viau, pour un maximum de
six minutes, vos remarques finales.
M.
Emmanuel Dubourg
M.
Dubourg : Merci, M. le Président. Et
je veux tout d'abord commencer par remercier, M. le Président, les différents groupes, d'abord, ceux qui sont venus
nous voir, la Commission d'accès à l'information et puis le Barreau du
Québec aussi, pour ces explications très à propos dans le cadre du projet de
loi n° 18 qu'on est en train d'étudier, et remercier aussi les autres
groupes, tels que le Protecteur du citoyen et l'Ordre des comptables
professionnels agréés, pour ces informations-là dans les mémoires.
Je dois dire aussi, M. le Président, tout
comme mon collègue le député de Lévis… bien je suis tout à fait d'accord avec ses
propos que… de la façon dont il les a exprimés au ministre, pour voir, pour
répondre à ce qu'on a entendu tout à l'heure,
pour que ce projet de loi là réponde à l'objectif visé, tout comme moi, je suis
d'accord, pour tout individu ou bien tout
groupe, je ne sais pas, qui essaie d'éluder des taxes ou des impôts de quelque
ministère que ce soit, qu'on doit prendre des mesures appropriées pour
aller chercher ces montants-là. Mais on sait aussi que la vie privée, la
protection des renseignements personnels
aussi, c'est un élément extrêmement important. On a beaucoup parlé de Revenu
Québec, là, étant donné que les gens ont beaucoup confiance
effectivement dans Revenu Québec.
Mais
brièvement, M. le Président, la Commission d'accès à l'information, c'est sûr
que je vais imprimer le verbatim, regarder,
mais, la Commission d'accès à l'information, à mon avis, je trouve qu'ils se
sont beaucoup appuyés sur le fait qu'il doit y avoir une autorisation du
juge dans cet échange d'information là. Pour eux, je pense que c'est un élément
extrêmement important. Et je ne dis pas que c'est le seul, mais, de la façon dont
ils se sont exprimés, c'est très important pour eux.
Et, par rapport au Barreau, on retient aussi
le fait que dans le secret fiscal, quand on parle de confiance, si là on ouvre un peu le
secret fiscal, en passant d'infractions graves à infractions criminelles et
pénales, bien, cette brèche-là, il faut faire attention parce que ce n'est
pas une brèche sans conséquence.
Donc, je veux dire au ministre que je veux l'appuyer
dans son travail, dans cette démarche-là, pour faire en sorte que le projet de loi ou bien la loi qu'on va adopter
vraiment réponde à ces exigences-là. Il faut dire tout de suite, M. le Président, que, les articles 4 et
suivants, on peut les adopter tout de suite, mais, les articles 1, 2, 3,
qui touchent les renseignements personnels, j'aimerais qu'on en débatte.
Et, en terminant, M. le Président, quand j'ai
eu à choisir effectivement les différents groupes pour être entendus en commission parlementaire ici, je ne veux pas
me lancer des fleurs, mais vraiment c'est des groupes… ce sont des experts, c'est des gens appropriés pour venir
discuter du projet de loi n° 18. Ce n'était pas choisi au hasard. Donc,
que ce soient la Commission d'accès à l'information,
le Barreau du Québec, l'Ordre des comptables professionnels agréés et le
Protecteur du citoyen, je pense que c'est les groupes vraiment les plus
concernés qu'on devrait entendre. Et on a eu des mémoires. Donc, je suis
satisfait. Donc, la balle est dans notre camp et dans le camp du ministre aussi
pour qu'on arrive à avoir une loi qui respecte des objectifs visés. Merci,
M. le Président.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Merci, M. le député de Viau. M. le ministre, vos remarques finales pour un
maximum de six minutes.
M. Nicolas Marceau
M.
Marceau : Oui. Merci, M. le
Président. Alors, je tiens d'abord à remercier nos invités pour le temps et l'énergie qu'ils ont consacrés à l'examen des
questions que soulèvent les dispositions du projet de loi n° 18 qui sont
relatives à la communication de renseignements contenus dans un dossier fiscal.
Je vous remercie également, M. le Président, pour votre collaboration, qui a
été essentielle à la bonne marche de ces consultations particulières.
J'aimerais
soulever un certain nombre de points, en guise de conclusion de ce bel
après-midi, un peu pêle-mêle, et puis je crois
que nous aurons l'occasion de poursuivre les débats par la suite et plus tard,
mais je voudrais rappeler un certain nombre d'éléments. On a abordé à plusieurs reprises la
question de la confiance cet après-midi, et je pense que c'est
important. Effectivement, le secret fiscal, cela est nécessaire dans un régime
d'autocotisation et cela exige la confiance. Ça, je suis prêt à en convenir, je
n'ai pas de problème avec ça.
Cela
étant, les mesures qui sont introduites dans le projet de loi n° 18 et l'élargissement,
en fait, des circonstances dans lesquelles on peut procéder à des échanges d'information…
cet élargissement est très balisé, circonscrit, entre autres, par le fait que cela exige dorénavant l'autorisation
de la personne qui incarne la justice au Québec, c'est-à-dire des juges,
donc la magistrature. Je pense que cet encadrement est de même à maintenir la
confiance. Même si j'entends, là, que d'élargir,
ça peut réduire la confiance, je pense que le fait de permettre à un... pas de
permettre, d'exiger qu'un juge autorise la transmission, cela est à même
de maintenir et peut-être même d'augmenter le niveau de confiance des citoyens
quant à l'usage des renseignements fiscaux.
Et
je soumets une question très simple à la commission, puis j'invite les membres
de cette commission à yréfléchir. Ultimement, la question qu'on doit se
poser, c'est : Est-ce que le public est plus rassuré, est-ce que la
confiance du public est plus grande dans un monde dans lequel les coquins, ceux
qui veulent violer nos lois, sont protégés par le secret fiscal? Est-ce que ce monde-là est un monde dans
lequel nos concitoyens ont plus confiance? Et est-ce qu'il n'y a pas une
érosion plus grande de nos institutions puis de la confiance du public lorsqu'il
y a des gens qui peuvent impunément commettre
des infractions? Cette question-là doit... se pose de façon, moi, je pense,
très aiguë. Et, même si j'ai entendu les inquiétudes, entre autres, du
Barreau, je pense que cet autre élément est très, très important quant à la
confiance du public, qui a été ébranlée, disons-le, ces dernières années.
• (17 h 40) •
Et
je vous dirais puis je vous rappellerais, en particulier au collègue de Viau,
qui était du parti gouvernemental antérieurement, je vous rappellerai qu'en 2011, à
l'occasion du projet de loi n° 15, puis en 2012, à l'occasion du
projet de loi n° 75, l'un créant l'UPAC,
puis l'autre, la commission Charbonneau, le secret fiscal a fait l'objet d'un
élargissement, d'une ouverture plus grande,
et cela était raisonnable, dans la mesure où on voulait justement maintenir
cette confiance. Donc, on diminuait la confiance, peut-être, du public à
travers un secret fiscal moins étanche, mais en contrepartie on augmentait la confiance du public dans nos
institutions en nous assurant que les bandits vont être éventuellement
identifiés, puis capturés, puis emprisonnés.
Alors,
je pense que ça fait partie de la réflexion qu'on doit avoir et je suis prêt à
convenir avec vous tous qu'on n'a pas... qu'on
n'est pas encore arrivés au bout de la réflexion. De notre côté, on va
poursuivre. J'ai bien entendu les commentaires
qui ont été formulés. Puis encore une fois je remercie tous les membres qui ont
participé à la commission. Je pense qu'on a eu de très belles questions.
Cela
étant, moi, je suis encore une fois très, très sensible au fait que la
confiance du public est aujourd'hui ébranlée et je ne crois pas que ce soit parce que le secret
fiscal est en danger. Je pense que, si aujourd'hui la confiance du
public est ébranlée, c'est parce que les gens savent fort bien qu'il y a des
gens qui ont oeuvré impunément et qui ont violé nos lois systématiquement
pendant de longues années. Alors, je pense que c'est quelque chose qu'on doit
garder en tête.
Alors,
merci encore une fois à tous, merci pour les préoccupations qui ont été
exprimées. Évidemment, de notre côté, on va
regarder la possibilité de restreindre l'univers des infractions ou l'univers
des personnes auxquelles les renseignements
pourraient être communiqués, et nous vous ferons part rapidement, là, de nos
conclusions. Et je termine en invitant les membres de cette commission à
poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 18 prochainement,
dans une séance ultérieure. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) : Merci. Merci, M. le ministre. Merci aux gens qui l'accompagnent. Merci au collègue
parlementaire et aux gens qui l'accompagnent aussi. Merci au personnel de la
commission, Mme la secrétaire.
Et, ayant accompli son
mandat, la commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à
17 h 42)