(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare ouverte la séance de la Commission des finances publiques. Je rappelle à toutes les personnes présentes dans la salle de bien s'assurer d'avoir éteint la sonnerie de leurs téléphones cellulaires afin de ne pas perturber nos travaux.
Nous sommes réunis afin de tenir des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi n° 63, Loi sur les sociétés par actions.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ratthé (Blainville) remplace M. Pelletier (Rimouski).
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, permettez-moi de faire lecture de l'ordre du jour d'aujourd'hui, 3 novembre. Alors, ce matin, après des remarques préliminaires, nous entendrons un comité d'experts, que je vous présenterai tout à l'heure, chacune des personnes ? je vous souhaite la bienvenue ? qui ont travaillé à la préparation, à la réflexion pour préparer le projet de loi que nous discutons aujourd'hui, préparé par le ministère des Finances; cet après-midi, à 15 heures, nous rencontrerons les représentants du Barreau du Québec, de l'Association du Barreau canadien, ainsi que de la Chambre des notaires du Québec; finalement, ce soir, nous entendrons des représentants du Conseil du patronat.
Remarques préliminaires
Alors, sans plus tarder, je reconnais maintenant M. le ministre des Finances pour ses remarques préliminaires. M. le ministre.
M. Raymond Bachand
M. Bachand (Outremont): Merci, M. le Président. Chers collègues, membres du comité aviseur, je pense que ça a été une belle journée aujourd'hui, où on entreprend l'étude de ce projet de loi n° 63 qui est une refonte totale de la Loi des compagnies, pour le Québec ? vous me permettrez encore pendant quelques jours ou quelques mois d'utiliser le mot «Loi des compagnies» ? mais donc la Loi des sociétés par actions, qui est une loi fondamentale qui touche presque 300 000 PME au Québec, plus de 300 000 entreprises. Alors, dans le débat que nous aurons, il faut penser à ces 300 000 PME.
Bien sûr, cette loi touche aussi les sociétés publiques, les compagnies publiques, les émetteurs assujettis, qui, eux, donc sont couverts par cette loi-là mais qui ont d'autres dispositions dans les Lois des valeurs mobilières, dans les réglementations de valeurs mobilières qui les touchent.
Il y a deux ans, le ministère des Finances a lancé une vaste consultation sur ce projet de loi, sur cette Loi des compagnies, qui n'avait pas été refaite depuis 1981 et qui datait d'une... de plusieurs années auparavant. Donc, au fond, le Québec est une des juridictions qui étaient le plus en retard.
On a reçu beaucoup de représentations, 25 mémoires, de groupes, d'ordres professionnels, de cabinets d'avocats, d'organismes voués à la protection des actionnaires; nous en entendrons un certain nombre au cours des deux prochains jours. Je pense que c'est un aboutissement de plusieurs années d'efforts qu'on tente de faire avec ce projet de loi n° 63, c'est vraiment de procurer à nos entreprises québécoises un cadre moderne, efficace et un des meilleurs au Canada, au fond. Et on s'est donc inspirés des meilleures dispositions qui existaient au Canada, en Alberta, parfois aux États-Unis et en Colombie-Britannique, mais en tenant compte des spécificités québécoises, de notre Code civil aussi.
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(10 h 10)
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Je voudrais remercier ma collègue Monique Jérôme-Forget, qui d'ailleurs a lancé ce processus-là. Parce que ce n'est pas tous les jours que les ministres ont, je dirais même, le courage de lancer ces processus qui sont très longs et très complexes, qui prennent beaucoup d'énergie, beaucoup de temps, parce qu'on a un projet de loi, quoi, qui a plus de 700 articles devant nous. Alors, bien évidemment, il faut lire, comprendre et mener ce processus-là. J'en profite pour remercier aussi tous les fonctionnaires du ministère. Il y a Me Richard Boivin, qui est à côté de moi, qui est notre sous-ministre responsable de toutes ces questions, que je vous présente, et il y aura d'autres experts ici, évidemment, qui sont à la disposition de la commission au cours de l'ensemble des prochains jours.
Alors, c'est une loi, au fond, qui vise une meilleure protection des actionnaires, qui vise des allégements administratifs majeurs et qui amène une touche de modernité, parce que l'ère électronique n'existait pas lorsqu'on était dans notre ancienne loi.
Je vais rester bref, M. le Président, pour qu'on puisse entendre nos experts, j'aurai le temps de faire des commentaires plus approfondis par la suite. Mais permettez-moi quand même de remercier profondément l'ensemble des membres du comité aviseur, qui ont travaillé pendant deux ans, presque tous, il y en a un qui est un consultant du ministère, Me Paul Martel, qui est un des meilleurs experts au Québec ? merci beaucoup, Paul ? et qui est d'une belle cuvée de la promotion de droit, d'ailleurs, aussi, puisque nous sommes de la même promotion, il y a quelques années. M. Bannon, qui est le Registraire des entreprises du Québec, mais tous les autres qui ont donné beaucoup de temps et qui nous accompagnent encore aujourd'hui; et, à tout seigneur tout honneur, c'est pour ça qu'on voulait commencer avec vous, à la fois pour vous remercier au nom de tous les députés de l'Assemblée nationale puis au nom peut-être des 300 000 PME du Québec qui, grâce à votre travail... on va, dans un certain nombre de semaines, être capable de procurer à nos entreprises un cadre législatif beaucoup plus moderne. Alors, M. Authier, Jacques Authier, qui est comptable; Me Barbeau, qui est associé et chef du secteur du droit des affaires chez Stikeman Elliott; Mme Raymonde Crête, qui est professeur titulaire de droit à l'Université Laval, à M. Stéphane Rousseau, qui est professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université de Montréal.
Donc, on a un mélange de praticiens, d'universitaires, notre registraire, et c'est ce qui fait qu'avec, évidemment, les experts du ministère, et toute l'équipe du ministère des Finances, la section Institutions financières, je pense qu'on a un projet de loi qui est moderne, qui est bien reçu. On aura l'occasion d'en examiner les dispositions article par article, ou bloc par bloc, au cours des prochaines semaines. Alors, merci, merci encore, et on vous entendra avec beaucoup de plaisir. On aura des questions pour vous en anticipant peut-être les interrogations qui peuvent rester, parce qu'il y a toujours des choix qui sont faits quand on fait un projet de loi comme ça, et en vous demandant pourquoi on a écrit des articles d'une façon plutôt que d'une autre. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup M. le ministre. Je reconnais maintenant M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Nicolet-Yamaska. M. le député.
M. Jean-Martin Aussant
M. Aussant: Merci beaucoup. Merci à tous les experts. Et je suis content de voir que Me Martel... il y en a au moins un de la cuvée qui a bien tourné, donc c'est très bien. Donc, bien comme le ministre l'a dit, c'est un...
Une voix: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Aussant: Oui, il y a juste 700 articles, donc on va bien s'entendre. Mais, c'est ça, c'est un projet de loi qui est très important et qui était dû, aussi, comme le ministre l'a dit. Il s'agit de moderniser toute la structure financière au Québec, et on est évidemment toujours d'accord avec le fait de moderniser nos structures, donc c'est un projet de loi qui va réviser des structures qui étaient là avant l'ère d'Internet et du courrier électronique, donc, déjà là, on voit qu'il y a des choses qui vont être à ajuster. Et, comme on l'a mentionné aussi à l'étape de l'adoption de principe en Chambre, il va aussi falloir faire attention à corriger certains excès qu'il y avait peut-être par le passé, sans en ajouter d'autres, donc tout ce qui est actionnaires minoritaires, majoritaires, etc., mais, bref, je pense que le terrain est à vous ce matin, donc on va vous écouter. Moi, je voulais être très, très bref là-dessus. Je suis bien heureux de vous entendre, et bienvenue à tout le monde.
Auditions
Le Président (M. Paquet): Merci, M. le député. Alors donc, sans plus tarder, nous procéderions à l'audition du groupe, le comité d'experts. Je crois que... Mme Raymonde Crête, M. Jacques Authier, M. Bannon, M. Barbeau, M. Martel, M. Rousseau, bienvenue à la commission. Alors, vous disposez d'environ 20 minutes. J'ai cru comprendre, si je ne m'abuse, que Me Martel peut-être commencerait, et les autres membres ajouteraient peut-être des éléments particuliers à leur travail sur le comité. Alors, si vous pouviez rester autour de 20 minutes ? je suppose qu'il y aura consentement si jamais on dépasse d'une minute ou deux ? ...mais, dans la mesure du possible, pour permettre le maximum d'échanges, je vous demanderais de rester autour de 20 minutes, s'il vous plaît.
Alors, Me Crête... Me Martel, pardon, excusez-moi.
Comité d'experts
M. Martel (Paul):Alors, merci beaucoup. Et c'est tout un honneur et en fait un plaisir d'être ici, devant vous, pour vous présenter en fait le fuit d'un travail pas mal assidu. Comme vous savez, le processus de la réforme a été amorcé en 2005. C'est là que le ministère des Finances a décidé de lancer le processus, et ça a débouché éventuellement dans un document de consultation qui a été publié en décembre 2007. À la suite de ça, il y a eu 25 mémoires qui ont été déposés, et c'est à partir de tous ces mémoires-là que ça a été possible d'établir les grandes orientations du projet.
À ce moment-là ? on est rendus en août 2008, c'est la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, qui constitue le comité aviseur dont les membres sont présents aujourd'hui. Donc, on a déjà entendu leurs noms, mais je vais juste vous répéter un petit peu les présentations par ordre alphabétique.
D'abord, il y a M. Jacques Authier, qui est comptable agréé puis qui était nouvellement retraité de Ernst & Young et qui maintenant est associé chez Jacques Authier, CA inc.; il y a M. Yves Bannon, qui est le Registraire des entreprises; Marc Barbeau, qui est un avocat associé de Stikeman Elliott et qui aussi, pour ajouter au côté académique du groupe, est chargé de cours à l'Université McGill depuis une dizaine d'années, enseigne le financement de l'entreprise; Raymonde Crête, qui est professeure titulaire à la Faculté de droit de l'Université Laval; et puis il y a Stéphane Rousseau, qui, lui, est professeur titulaire responsable de la Chaire en droit des affaires et du commerce international à la Faculté de droit de l'Université de Montréal; donc, et puis, moi-même, bien je suis conseiller spécial chez Blake, Cassels & Graydon et je suis professeur associé à l'UQAM, donc j'ai enseigné pendant une vingtaine d'années à la faculté de droit là-bas.
Ce qui veut dire que la ministre avait constitué un comité qui était composé à la fois de praticiens chevronnés et aussi de théoriciens. Puis, en fait, je devrais dire, là-dessus, les principales de doctrine en droit des compagnies au Québec... elle a réussi à réunir quasiment tous les auteurs dans ce comité-là. Et c'est grâce à ce comité-là que la ministre a pu donner le coup d'envoi au projet. Et, à ce moment-là, le comité s'est réuni à six reprises sous l'égide de la ministre. On a commencé en fait... Dès la première réunion, la ministre nous a fait part de son projet de sortir une nouvelle loi sur les compagnies, mais on était, à ce moment-là, au mois d'août, et son projet, c'était d'avoir ce projet-là à temps pour les fêtes, donc ça nous donnait un délai d'à peu près deux mois et demi pour sortir un projet.
Ce qui fait naturellement qu'avec un échéancier comme ça il a fallu que toute une équipe de légistes soit mise en branle. Ça a été quelque chose d'assez, je pense, inusité de la part du ministère de mettre tant de monde que ça à contribution. Il faut dire évidemment qu'après ça les délais ont été étendus par les circonstances politiques, il y a des élections qui ont été déclenchées. Après ça, bien, là, on se pensait bons, puis là la ministre a démissionné. Ça fait que, là, le projet devenait orphelin, et heureusement on a eu un nouveau ministre visionnaire qui, lui, a décidé de reprendre la balle et qui est maintenant devant nous aujourd'hui, et, grâce à lui, on peut enfin vous présenter ce projet-là.
Ça nous a aussi donné le temps, évidemment... On travaillait constamment sous pression, mais ça nous a donné le temps de le bonifier vraiment d'une façon, je pense, remarquable. On a même eu le temps de faire des consultations particulières auprès des intervenants comme le Barreau du Québec et de l'Association du Barreau canadien, donc on a eu leur input dans le processus. Ce qui fait qu'aujourd'hui vous avez devant vous un projet qui est absolument, je dirais, considérable, et personnellement je pense que c'est quelque chose dont on peut être fiers. On a mis vraiment tout notre coeur là-dedans. Notre idée, c'était... En fait, l'idée de la ministre, c'était de faire de la loi du Québec d'abord une loi qui serait au moins comparable à celle du fédéral et des autres provinces, parce qu'on accusait un retard considérable là-dessus depuis un bon bout de temps, depuis 30 ans.
Mais, même à ça, on a aussi eu pour mission, à chaque fois que c'était possible, de bonifier notre régime, de sorte que, si on était capable de faire ça mieux qu'ailleurs, alors on pouvait le faire. C'est ce qu'on a appelé la loi plus-plus. Les plus, ça, c'est tout ce qui manquait à notre loi pour être à niveau avec la législation comparable fédérale, et les plus-plus, c'est ce qu'on va avoir qu'ils n'ont pas au niveau de la législation fédérale. Et je me suis amusé, moi, à les compter, les plus et les plus-plus et je suis arrivé à un total de 245 plus, donc, juste au niveau, là, des choses qui nous manquaient, on a ajouté ça, et on a 115 plus-plus.
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(10 h 20)
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Alors ça, ça veut dire qu'il y a des sacrées bonnes raisons maintenant pour préférer la loi de notre province à celle, en fait, de n'importe quel autre régime. Et c'était essentiel d'arriver à ça, parce que, comme vous le savez, on vient d'ouvrir les portes, avec cette loi-là, à la continuation interjuridictionnelle. Ça, ça veut dire que les compagnies, maintenant, peuvent décider d'aller dans d'autres juridictions, autant qu'on peut admettre des compagnies d'autres juridictions. Alors, c'était absolument essentiel que notre loi soit assez attractive et même, je dirais, magnétique pour que les gens se sentent quand même confortables de rester ici. Et maintenant ce serait fort possible qu'on va réussir à attirer d'autres compagnies d'autres juridictions sous notre juridiction.
La loi a été donc non seulement harmonisée avec la loi fédérale, mais il fallait tenir compte aussi des réalités québécoises. Le fait, ici, qu'on est une province de droit civil, donc il fallait tenir compte de la présence, comme toile de fond, du Code civil, le fait qu'on ait la Loi sur la publicité légale, qui est particulière, la façon dont elle est construite... Alors, il fallait aussi que ces choses-là s'harmonisent. Et on a à ce moment-là combiné tous ces éléments-là, tenant compte finalement du fait que la clientèle des compagnies, des sociétés par actions au Québec, ce sont en particulier des PME. Et donc il ne fallait pas perdre de vue cette particularité-là, qui justement n'était pas respectée dans la loi fédérale et les autres modèles.
Et c'est pour ça donc, au terme de ce processus-là, que vous avez maintenant un projet qui est, je pense, bien... c'est le fruit en fait de beaucoup de réflexion, c'est une question d'équilibre, d'ailleurs, qui a été fait entre les droits des actionnaires et aussi le fonctionnement efficace des entreprises, la protection, aussi, des administrateurs.
Alors, maintenant, sans plus tarder, je vais permettre à mes collègues de parler, parce que, 20 minutes pour tout le monde, ce n'est pas beaucoup. Et... alors, immédiatement, je vais donner la parole à... puis là, là, j'ai mon ordre ici. Alors, le premier, c'est Stéphane, Stéphane Rousseau.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Stéphane): Merci, M. le Président. Alors, d'abord permettez-moi de vous dire à quel point c'est un honneur pour moi d'être ici ce matin pour accompagner la présentation de ce projet de loi. Et il est certain qu'à titre de professeur de droit des sociétés c'est un événement unique que d'accompagner l'élaboration d'une nouvelle loi, et c'est un événement unique d'autant plus réjouissant lorsqu'on arrive avec un projet de loi de cette qualité-là, qui vient moderniser la législation québécoise et qui vient améliorer, à mon sens, de manière significative l'environnement juridique qu'on va offrir aux entreprises. Alors, on doit, à mon sens, tout à fait se réjouir de cette initiative qui est l'aboutissement de travaux dont Me Martel vient de faire état.
Au cours des dernières années, dans le cadre de mes travaux, j'ai eu l'occasion de me pencher davantage sur les enjeux de gouvernance d'entreprises. Et, dans ce contexte-là, il est certain que les travaux que nous avons menés m'ont amené à m'intéresser davantage à ce volet-là. Et essentiellement ma préoccupation fondamentale dans l'élaboration du projet de loi, dans le cadre des travaux, c'est de faire en sorte qu'on ait un environnement juridique qui favorise une saine gouvernance pour les entreprises, et une saine gouvernance pour les entreprises qui va favoriser la création de valeur. Parce qu'au final c'est ce qu'on veut: on veut avoir un environnement juridique qui sera favorable à la création de valeur, qui va bénéficier à l'ensemble de la communauté.
Parler de gouvernance et de création de valeur, bien c'est essentiellement parler d'un équilibre entre deux pôles, et je pense que cet équilibre-là nous a guidé dans la réflexion et dans les travaux en matière de gouvernance pour le projet de loi. Un premier pôle qui est de s'assurer que les gens qui prennent des décisions au sein des entreprises, les administrateurs, les dirigeants, aient les pouvoirs, aient la marge de manoeuvre pour gérer l'entreprise. Alors, il est important d'avoir ce souci-là de bien accompagner nos entrepreneurs et de faire en sorte qu'ils aient les pouvoirs et les leviers requis pour prendre des décisions. En même temps, c'est l'autre pôle, avec lequel on doit jouer pour faire l'équilibre, c'est de s'assurer d'une responsabilisation des personnes auxquelles on confie ces pouvoirs-là, de s'assurer qu'on ait en place des mécanismes qui vont faire en sorte que les pouvoirs qu'ils exercent, bien, se fassent dans le meilleur intérêt de la société, dans cet esprit de créer de la valeur.
Et je pense que, dans le cadre de nos travaux, en regardant les modèles nord-américains, que ce soit au Canada, que ce soit aux États-Unis, en tenant compte de la diversité des entreprises québécoises que la loi va régir, de la PME jusqu'à l'émetteur assujetti coté en Bourse, on en est arrivés à élaborer un cadre de gouvernance qui va établir un équilibre entre ces deux pôles-là et faire en sorte qu'on ait des entreprises où la création de valeur sera au rendez-vous.
Concrètement, et je ne veux pas entrer dans le détail à ce stade-ci des dispositions du projet de loi, mais ça se manifeste dans toutes les dispositions qui viennent encadrer le rôle et les responsabilités du conseil d'administration. On vient asseoir concrètement les devoirs des administrateurs avec, je pense, beaucoup plus de précision qu'on ne le faisait auparavant et on vient en même temps leur donner la protection voulue lorsqu'ils s'acquittent raisonnablement de leurs fonctions... contre des responsabilités qui ne seraient pas souhaitables lorsqu'ils font preuve de prudence et de diligence. Et d'autre part, peut-être le dernier volet à signaler en matière de gouvernance, les actionnaires, à qui on vient, je pense, donner, par l'entreprise de leur droit de vote, un meilleur droit de regard dans la prise de décision importante au sein des sociétés, notamment en pouvant se prononcer sur des changements importants qui vont affecter leurs droits, et ainsi se protéger, chose qui n'existait pas avec autant d'efficacité sous la loi actuelle.
Et finalement les actionnaires qui pourront à l'avenir prendre la parole dans les assemblées d'actionnaires de grandes sociétés et soumettre des propositions de manière à engager un dialogue avec les dirigeants et les administrateurs qui sont en place pour gérer les affaires de la société. Alors, je pense que ce sont des exemples de cette poursuite d'équilibre entre les pouvoirs des administrateurs et cette responsabilisation qui nous a guidés dans le volet gouvernance du projet de loi. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à Me Martel.
M. Martel (Paul): Oui. Et le prochain à notre liste, c'est Marc Barbeau.
Le Président (M. Paquet): M. Barbeau.
M. Barbeau (Marc B.): Merci. M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs les députés, comme mes collègues, il me fait plaisir d'être ici ce matin, et puis c'est un privilège pour moi aussi d'avoir été invité à contribuer à l'élaboration du projet. Un privilège qui est rarement donné à des praticiens, qui normalement sont des clients, dans la clientèle juridique, si vous voulez; on utilise les lois plutôt que de participer à leur préparation, à leur conception.
J'ai une pensée ce matin pour mon ancien professeur Durnford, à McGill, qui m'enseignait le droit fiscal, un cousin, peut-être lointain, mais un cousin néanmoins du droit des sociétés. J'ai une pensée pour lui parce que le professeur Durnford était très apprécié par la simplicité de ses propos, sa capacité de traiter de questions complexes, mais surtout pour son humour. M. Durnford nous disait à l'occasion que de temps à autre un ancien étudiant lui disait fièrement: Pr Durnford, votre cours était tellement bon que j'utilise encore vos notes. Et le Pr Durnford nous confiait alors qu'en fait il trouvait cela très troublant, puisque le droit évolue et qu'il faut évoluer avec lui. Or, notre Loi des compagnies n'a pas sensiblement changé depuis que j'étais moi-même aux études. Et c'est pourquoi vous avez entendu un cri du coeur de tous les praticiens quand la perspective d'une réforme a été annoncée.
J'ai dit à quelqu'un récemment que, dans le projet de loi que vous étudiez, ce ne sont pas des démons, mais ce sont des anges qui sont dans les détails. Alors, je vais souligner au passage quelques-uns des éléments qui, moi, comme praticien en droit des affaires, m'intéressent particulièrement. Il y a des chapitres qui concernent les arrangements, et les arrangements, c'est une procédure où les compagnies font faire des transactions et les amènent devant un tribunal plutôt que de les faire par simple fusion, par simple achat via une OPA. Les arrangements sont une technique qui, dans les... les 15 ou 20 dernières années, sont devenus essentiellement la norme dans les transactions, les grandes transactions comme les petites, qui sont faites au Canada. Et c'était un mécanisme qui était absent, à toutes fins utiles, de la loi québécoise. Il y avait un mécanisme d'arrangement, mais ce mécanisme-là n'avait pas la même portée, la même souplesse que le mécanisme que d'autres lois offraient. Maintenant, dans ce nouveau projet de loi, il va y avoir un mécanisme d'arrangement qui va être disponible pour les compagnies québécoises, comme elles le sont pour toutes les autres compagnies dans les autres lois principales du Canada.
La loi a aussi aménagé le régime de dissolution et de liquidation, la loi a aussi aménagé et clarifié les questions de... en fait introduit la notion de cessation d'une part importante des activités, une notion qui existe dans la loi fédérale et d'autres lois au Canada. Ce sont tous des moyens par lesquels la loi, ici, québécoise va tirer profit des leçons apprises d'autres juridictions ou innover par elle-même.
En terminant, je dis à mes propres étudiants maintenant que le droit, ce n'est pas un tableau impressionniste qu'on peut apprécier en regardant de loin, mais, dans ce cas-ci, je ferai exception. Je pense que c'est légitime de prendre un peu de recul par rapport à cette loi-là et de regarder l'oeuvre dans son ensemble. C'est une loi moderne qui va être offerte aux praticiens du Québec, et dont on peut se réjouir et être fiers. Les praticiens ont hâte d'avoir ce nouvel outil. Merci de votre attention.
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(10 h 30)
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Le Président (M. Paquet): Merci. Me Martel.
M. Martel (Paul): Maintenant, c'est Me Raymonde Crête.
Mme Crête (Raymonde): Merci.
Le Président (M. Paquet): Me Crête.
Mme Crête (Raymonde): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je vous remercie également de nous donner l'occasion de participer à cette audition et d'échanger avec les membres de la commission sur cette réforme importante du droit québécois des sociétés par actions.
Dans les quelques minutes qui suivent, j'aimerais attirer votre attention sur l'un des aspects importants de cette réforme, plus particulièrement sur les recours judiciaires. L'objectif de mon propos, c'est de faire ressortir certains traits marquants des recours judiciaires tout en mettant en relief l'utilité de ces recours. Tout d'abord, le projet de loi va permettre de combler des lacunes importantes de la loi actuelle sur les sociétés par actions. la Loi des compagnies du Québec, dans la mesure où la loi actuelle oblige les personnes lésées à se tourner vers les recours de droit commun, lesquels sont vraiment inadaptés à la réalité commerciale des sociétés par actions.
Le projet de loi se démarque par la mise en place de recours flexibles qui ont pour but d'accroître la protection des personnes, tels les actionnaires, qui peuvent être affectées par le comportement illégal, abusif ou injuste soit de la société ou des membres de la direction des sociétés. Un des traits particulièrement marquants et positifs, à mon avis, de cette réforme apparaît dans le recours en cas d'iniquité, en cas d'abus de pouvoir et d'iniquité, que l'on appelle communément, dans le langage courant, le recours pour oppression. C'est un recours qui est très connu au Canada, qui a été adopté dans la loi fédérale sur les sociétés par actions au milieu des années soixante-dix, de même que, par la suite, dans toutes les lois des provinces et des territoires canadiens, à l'exception de deux provinces, le Québec et l'Île-du-Prince-Édouard. C'est un recours qui est fondé sur le concept flexible de l'équité et qui va permettre aux tribunaux d'intervenir lorsqu'une société ou ses administrateurs agissent de manière abusive ou injuste à l'égard notamment des actionnaires.
Ce recours va être particulièrement utile pour les sociétés à capital fermé, qui sont habituellement des PME caractérisées par un nombre restreint d'actionnaires et par la participation des actionnaires à l'administration de l'entreprise. Dans le cas où il va y avoir des conflits entre, par exemple, la majorité et la minorité, le tribunal va, par exemple, pouvoir intervenir pour ordonner le rachat des actions de l'actionnaire minoritaire qui s'estime lésé en raison du comportement abusif ou injuste de la majorité. Et donc le tribunal va bénéficier d'une grande discrétion pour rendre toute ordonnance qu'il estime appropriée. Actuellement, lorsqu'un conflit survient dans un contexte semblable, la loi actuelle, la Loi des compagnies, ne permet pas au tribunal de remédier... ou en tout cas permet difficilement au tribunal de remédier à une telle situation d'injustice.
En somme, et je termine là-dessus, si elle est adoptée, la nouvelle loi québécoise sur les sociétés par actions va offrir des voies de solution adaptées et utiles qui vont faciliter le règlement des conflits et vont contribuer à assurer une gestion efficace des affaires et la pérennité des sociétés par actions. Je vous remercie.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Me Martel.
M. Martel (Paul): Alors, Jacques, Jacques Authier.
M. Authier (Jacques): Merci.
Le Président (M. Paquet): M. Authier.
M. Authier (Jacques): M. le Président, M. le ministre, chers députés, je suis très fier d'avoir participé à ce comité, et j'ai été aussi choyé d'être en contact avec des experts chevronnés en droit; je pense que j'ai fait mon cours de droit 101 pendant ces réunions-là. Et je remercie les gens d'avoir pu poser des questions qui paraissent profanes pour un comptable, mais j'ai apprécié leur collaboration.
Comme expérience, j'ai été associé chez Ernst & Young pendant 21 ans. Je viens tout juste de quitter pour prendre une retraite selon nos normes de contrat de société. Mais j'ai oeuvré surtout dans les entreprises privées. J'étais associé en vérification et consultation aux entreprises, puis la clientèle était formée de ce qu'on appelle souvent du marché intermédiaire et de certaines PME. Et, non, je n'étais pas pratiquant dans les compagnies publiques.
Et mon focus, sur le comité aviseur, en tant que représentant de la profession comptable et de l'Ordre des comptables agréés a été sur certains points qui sont un peu plus précis et particuliers, que j'aimerais vous mentionner et qui amènent, je pense, une amélioration importante à la Loi des compagnies, ou la loi de la société par actions, pour les PME et la clientèle importante qu'on a au Québec, sans négliger pour autant les grandes entreprises qui voudraient recourir à la loi. Je cite surtout certaines mesures, principalement les mesures d'allégement administratif qui visent les actionnaires uniques, où ces gens-là ne seront plus obligés de maintenir le même style de procès-verbaux annuels ainsi que la nomination des vérificateurs. C'était une plaie pour les petites, petites entreprises; leurs livres de minutes, comme on disait, n'étaient jamais en ordre. Ça va faciliter les choses.
Aussi, les règles de maintien de capital, qui est un grand allégement, je pense, à notre système, qui visent principalement les tests comptables. Pour ceux qui ne sont pas tellement familiers, lorsque les entreprises déclarent des dividendes ou voulaient déclarer des dividendes ou voulaient racheter des actions, il y a deux tests qui étaient... que les administrateurs devaient rencontrer pour éviter d'être responsables personnellement, et il y en a un qui était très difficile à se conformer, et celui-là a été enlevé, qui est le test comptable, qui impliquait des calculs de valeur marchande, puis personne des experts ne voulait se prononcer. C'était comme un cul-de-sac qui a été enlevé, c'est une très grande amélioration.
Et aussi tous les tests qui visent... et les octrois d'aide financière pour les entreprises pour... ça nuisait énormément au financement des entreprises, lorsque les banques nous demandaient des garanties conjointes entre les compagnies mères et les filiales. C'était un problème pratique qui était rencontré lors des financements. Et la loi va donner de l'ouverture à ce financement-là.
Certaines autres mesures qui sont importantes, qui sont un peu pointues, au niveau du capital-actions, qui vont aider beaucoup l'organisation fiscale et les financements d'entreprises. Je vous fais mention, par exemple, à ce qu'on continue de permettre, dans la Loi des compagnies, à avoir des actions à valeur nominale, lorsque ce sera choisi. C'est très important au niveau planification fiscale.
Le principe d'avoir des actions impayées, je pense que c'est la seule loi qui le permet, au Canada ? je n'en suis pas certain, mais ? ça permet certains financements, en particulier dans les biotech. C'est une mesure, je penserais, innovatrice qui va être très utile pour les compagnies.
Puis aussi, lorsqu'il y avait des réorganisations de compagnies, certaines fois, des filiales devenaient actionnaires de la compagnie mère temporairement. Ça créait un problème administratif important lors des réorganisations. Cette mesure-là a été permise pour une période de temps courte de 30 jours.
Ce sont des points très, très pratiques dans l'utilité de la nouvelle Loi des compagnies pour les praticiens. Et c'est sûr aussi que, personnellement et l'ordre, on a appuyé fortement toutes les mesures de modernisation pour l'utilisation de la technologie de l'information. Et les mesures, dont mes confrères ont parlé, au sujet de la protection des administrateurs, des actionnaires et de la gouvernance des entreprises, on pense que c'est une très bonne évolution pour notre société québécoise. Ça m'a fait plaisir d'y participer.
Le Président (M. Paquet): Merci. Je suppose, c'est maintenant M. Bannon qui...
M. Martel (Paul): Le dernier et non le moindre.
Le Président (M. Paquet): M. Bannon.
M. Bannon (Yves): Merci, M. le Président, membres de la commission, de me donner l'occasion de présenter les commentaires de l'administration relativement à la charge de Registraire des entreprises. Je rappelle que l'officier public au Registraire des entreprises est désigné par le ministre du Revenu depuis un certain temps.
D'abord, je pense qu'il est utile de préciser qu'est-ce qu'est la fonction de Registraire des entreprises et d'indiquer qu'en somme c'est la personne qui est responsable d'établir l'existence ou de prouver l'existence des personnes morales qui sont constituées en vertu des lois du Québec, outre celles qui sont constituées, évidemment, par l'Assemblée nationale, dans certains cas par des lois spéciales. Le registraire est présent à l'origine mais aussi à chacun des événements du cycle de vie de l'entreprise; par exemple, lors d'une fusion, d'une dissolution ou d'une liquidation. Le Registraire des entreprises est aussi conservateur des documents officiels constitutifs d'une entreprise en vertu des lois du Québec. Ça, c'est une particularité de notre régime. Il y a la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales qui, adoptée en 1994, de pair avec la réforme du Code civil, donne aussi une charge au Registraire des entreprises de maintenir un registre, qu'on appelle le registre des entreprises et qui est bien connu pour être utilisé et consulté par la voie d'Internet. C'est une des grandes particularités de notre administration. Les entreprises qui font affaire au Québec sont généralement inscrites audit registre, soit par obligation soit par choix. L'information qui les concerne est régulièrement mise à jour dans le dessein de protéger les intérêts de ceux et de celles qui sont en lien avec les entreprises, qu'il s'agisse d'entreprises entre elles ou de personnes qui font affaire avec les entreprises à titre de consommateur.
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(10 h 40)
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Donc, que ce soit lors de la constitution ou de l'immatriculation, le registraire s'assure de disposer de toute l'information requise par la loi, comme les adresses, les noms des administrateurs, les places d'affaires, et procède au contrôle de la conformité des noms d'entreprises. Donc, dans l'application de lois plus anciennes, il rédige aussi des actes ou des lettres patentes qui créent l'entité, personne morale. Enfin, lors d'un conflit ou de litige au regard d'un nom d'entreprise ou des données qui sont publiées au registre, le registraire entend et rend décision pour régulariser la situation. Sa décision peut être portée en appel devant un tribunal.
Donc, pour ces raisons, le Registraire des entreprises et le personnel qui l'assiste sont concernés par la loi qui est présentée, ou le projet qui est présenté. Il s'agissait donc, au registraire, de porter une assistance au ministre des Finances afin de lui permettre de disposer de toute l'information nécessaire à garantir la réalisation efficace de la charge d'un officier public, le registraire. Donc, aujourd'hui, devant la commission, le registraire peut témoigner que le projet de loi rédigé est conforme à sa charge et à ses orientations d'affaires, lesquelles ont été établies en fonction du marché et d'une réflexion sur le mandat d'un registraire moderne.
Donc, mentionnons la capacité de mettre en place des moyens de communication électroniques avec la clientèle, la prestation électronique de services, tout ça de manière à réduire le temps de communication et d'exécution des actes, accroître l'accès aux services, assurer la compétitivité de l'administration. Mentionnons aussi la révision des dispositions qui permettent notamment au registraire de nommer des inspecteurs pour examiner les affaires d'une compagnie, et ça, dans le but de transférer ce rôle aux tribunaux, ainsi assurer l'indépendance de l'administration à l'égard des affaires privées de l'entreprise.
Donc, le registraire est confirmé dans un rôle de soutien auprès de l'administration... auprès du public, excusez-moi, par opposition à l'Autorité des marchés financiers, qui assume des responsabilités plus larges. Je mentionne aussi que le projet comporte une mesure de transition sans écueil vers le nouveau régime ? c'est un point important ? sous la forme d'une continuation automatique dans le nouveau régime proposé. Donc, cette mesure assure ainsi une facilité de mise en place de la loi, tant pour les entreprises que pour l'administration et les tiers.
Mentionnons aussi l'abolition de certaines formalités, telle l'abolition de déclarer, de déposer... l'obligation de déposer un rapport de recherche de nom à l'appui des démarches accomplies pour présenter un nom retenu pour désigner l'entreprise. Le projet abolit aussi l'obligation de déclarer le district judiciaire du siège social. Soulignons enfin l'introduction de nouvelles possibilités, telle la continuation d'une société québécoise sous l'égide d'une loi d'une autre juridiction, et vice versa, qui permettra à des sociétés de poursuivre leurs activités sans devoir conduire des opérations complexes de transformation légale auprès de l'administration.
Donc, en conclusion, M. le Président, l'équipe du registraire est fière d'avoir pu assister à la rédaction de ce projet de loi de sorte à garantir le succès du volet administratif. Merci.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, je remercie les membres du comité pour votre présentation, alors... Enfin, on a dépassé un petit peu le 20 minutes, mais, je pense, c'était important pour éclairer les travaux de la commission. Il n'y a pas eu de protestation d'aucun membre de la commission. Sans plus tarder, maintenant nous passons aux échanges. Alors, M. le ministre des Finances, je vous propose d'avoir un premier bloc d'environ 16 à 17 minutes, ça fera à peu près deux blocs à peu près équivalents, des deux côtés. M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Merci, M. le Président. Et je vais laisser beaucoup de temps à mes collègues, aussi. Encore une fois, merci à tous les membres du comité aviseur. Je vais peut-être poser une ou deux questions, mais sur... par anticipation de remarques que nous aurons au cours des prochains jours, et de remarques que j'ai eues et qui sont des débats et des choix que nous avons faits au niveau de cette loi-là. Il y a évidemment tous les nouveaux chapitres qui donnent des droits aux actionnaires en cas d'abus. Il y en a un certain nombre, droit de demander au juge de faire enquête.
Mais, à l'article 447... des questions qui vont nous être posées, j'aimerais ça vous entendre, qui est le redressement en cas d'abus de pouvoir ou d'iniquité, où «un demandeur peut s'adresser au tribunal en vue d'obtenir une ordonnance visant à redresser la situation provoquée par la société ou par une personne morale du même groupe qui, de l'avis du tribunal, agit abusivement ou risque d'agir abusivement», et ainsi de suite.
Cette notion de risque d'abus est évidemment une notion préventive, qui n'existe pas dans tous les systèmes. Évidemment, quand on regarde la loi, et c'est la remarque qu'on m'a faite, il y a les sociétés publiques, là, les émetteurs assujettis, qui sont un certain nombre de compagnies, on peut très bien voir pourquoi c'est essentiel, et ce sera encadré, mais il y a les 300 000 PME. Alors, la façon dont c'est rédigé, donc on laisse au tribunal le soin de calibrer, de baliser. Maintenant, il y a 300 000 PME, ce sont les droits de tous les actionnaires minoritaires. La question qui va nous être posée au cours des prochains jours par d'autres groupes, c'est: Pourquoi vous ne considérez pas ça comme trop large? Est-ce que ça ouvre trop la porte pour les actionnaires minoritaires ? et concentrons-nous aux PME privées ? et que ça engorgerait les tribunaux? Et je voudrais vous entendre sur cette question, s'il vous plaît, vous ou les membres du groupe, Me Martel et vos collègues.
Le Président (M. Paquet): Mme Crête.
Mme Crête (Raymonde): D'accord. Alors, si effectivement l'utilisation du mot «risque» que l'on retrouve à l'article 447 est similaire à ce que l'on retrouve, entre autres, dans la loi ontarienne sur les sociétés par actions. Et en fait l'intention du législateur, c'est de prévoir non seulement des mesures, ou une mesure, ou un recours curatif, le fait de vouloir redresser une situation d'injustice, mais aussi de prévenir la situation d'injustice. Ce qu'il faut considérer, c'est que, dans une société par actions, il peut arriver que le conseil d'administration envisage d'adopter un changement important, que ce soit une acquisition, une vente d'actif, une fusion, une acquisition, et, dans ces circonstances-là, il ne faut pas attendre que la transaction soit conclue, que les résolutions soient adoptées pour donner un recours aux actionnaires qui pourraient être lésés par la transaction. Parce qu'une fois que la transaction va avoir été complétée on ne pourra pas revenir en arrière si, par exemple, des tiers sont impliqués dans la transaction. Donc, il y a un élément de prévention qui est prévu dans la loi.
Et ce qu'il faut souligner, c'est que ces mesures préventives là... ou cette mesure préventive là existe actuellement en vertu des lois actuelles, dans le sens que les tribunaux peuvent, en vertu, par exemple, de la loi fédérale, intervenir de manière provisoire lorsqu'ils appréhendent un préjudice causé à l'égard des actionnaires minoritaires. Alors, je pourrais laisser la parole à Me Martel, qui s'intéresse également beaucoup aux recours.
M. Martel (Paul): Bien, je pourrais peut-être...
Le Président (M. Paquet): M. le ministre, juste auparavant.
M. Bachand (Outremont): Pour que vous complétiez la réponse, c'est donc... avec l'expérience ontarienne, on s'est inspirés, entre autres, de la loi ontarienne, la pratique en Ontario, c'est que les tribunaux n'ont pas été engorgés, ou ont balisé la définition de «risque», je suppose.
Le Président (M. Paquet): M. Martel.
M. Martel (Paul): Ils ont l'air de très bien se débrouiller. Non, ils ne sont pas engorgés. Et, de toute façon, il n'y a pas juste l'Ontario, la Colombie-Britannique aussi qui fait la même chose. Évidemment, l'idée, c'est: mieux vaut prévenir que guérir. L'idée, c'est, si je vois, comme actionnaire, qu'il y a quelque chose qui se prépare, qui va... oubliez pas, là, ce n'est pas: Je ne suis pas content, on va perdre de l'argent dans la compagnie, il faut que ca m'affecte, moi, que ce soit injuste ou abusif à mon endroit. Dans ce cas-là, il n'a pas besoin d'attendre que ça se produise. Quand je suis capable de démontrer que ça s'en vient... Mettons, il y a une assemblée qui est convoquée, là, puis, à cette assemblée-là, il va se passer telle chose puis ça va nous léser. Alors, pourquoi il faudrait que j'attende que l'assemblée soit tenue? Alors, tu sais, c'est le même principe qu'on a, nous autres, avec l'injonction.
Le Président (M. Paquet): M. le ministre.
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(10 h 50)
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M. Bachand (Outremont): Merci. Il y a une deuxième question qui va nous être soulevée au cours des deux prochains jours et qui a trait à l'accès aux états financiers des filiales. On sait qu'il y a eu une cause célèbre récemment, là, MEDAC contre Power Corp, pour avoir accès aux états financiers de Gesca, au fond, de La Presse et des autres filiales, et les tribunaux ont tranché, et il y a d'autres procédures possibles. Alors, on ne rentrera pas dans cette cause-là.
Et donc, ce que nous avons choisi de faire, bien sûr, ici, c'est de permettre aux actionnaires d'avoir accès aux états financiers des filiales, comme dans la loi canadienne. Ce qui va nous être soulevé par un certain nombre de mémoires et de groupes, c'est que cet accès devrait être balisé, Entre autres, et encore là on pense aux PME, on pense aux PME privées, balisé par un test de matérialité, comme dans lois de valeurs mobilières, dans certaines réglementations, il faut qu'il représente 10 % des... 20 % des activités commerciales de la compagnie, quel que soit le test, pour que ce soit vraiment un intérêt financier réel et non pas une curiosité de... et vous achetez une action et... de relations de travail, entre autres, hein, on sait que ça peut être le cas, ou dans beaucoup d'autres cas. Alors, j'aimerais ça... Mais, malgré tout, nous avons fait le choix de transparence totale et donc de cet accès aux états financiers des filiales, donc le droit aux actionnaires d'avoir accès aux états financiers des filiales, alors qu'ils n'ont pas le droit aux accès financiers des divisions d'une entreprise. Donc, une filiale est traitée différemment d'une division, même des divisions qui sont très importantes. Alors, j'aimerais vous entendre sur pourquoi ce choix-là est un bon choix, et les complexités. Peut-être l'ensemble du groupe?
Le Président (M. Paquet): Oui, M. Martel.
M. Martel (Paul): Je vais commencer par donner le premier type de réponse. C'est qu'étant donné que la mission qui avait été donnée au comité c'était d'harmoniser notre loi avec celle du fédéral et que cette disposition-là était dans la loi fédérale, bien la question, c'était... Et, à part de ça, ce n'est pas juste dans la loi fédérale, c'est déjà aussi dans les juridictions de toutes les autres provinces, alors là, la question, c'est: nous, maintenant, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on harmonise, comme c'était prévu, ou est-ce qu'on va se signaler en étant peut-être la seule province qui ne voudra pas donner ce droit-là aux actionnaires, ajoutant à ça l'idée que le «spotlight» est en plein là-dessus, ça s'adonne, au moment où on veut le faire, à cause de la décision de la Cour d'appel? Alors, c'est difficile de répondre. C'est peut-être vrai qu'on pourrait essayer de baliser, mais le fait est qu'ils n'ont pas fait ça ailleurs. N'oubliez pas que ça se fait par... Ça se fait judiciairement, l'idée de baliser ça, l'idée étant que, même si c'est vrai qu'il faut que la compagnie donne accès, elle peut aller voir le juge pour lui demander de la dispenser en démontrant que ça lui porterait préjudice. Alors, c'est là que ça se passe.
Évidemment, de dire qu'on va engorger les tribunaux, le fait est que ça fait, je ne sais pas, moi, 30 ans que la disposition est là, puis la première cause qu'on vient de voir, c'est celle qui vient de sortir, là, alors il n'y a pas tellement d'engorgement là-dedans. Et le tribunal est à même... Évidemment, c'est une question individuelle. Il va se demander: C'est qui, l'actionnaire? Pourquoi il veut ça? Tu sais, c'est ce genre de choses là qui va se poser à chaque fois. Mais ça devient... Moi, je pense que ça ne sera pas évident, là, de trouver des critères généraux d'application continue. Ce sera bien plus simple de demander justement l'application ponctuelle de la deuxième section de cette disposition-là. Il y a-tu quelqu'un qui a autre chose à dire?
Le Président (M. Paquet): Ça va? Merci. Donc, M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Ça va. Je vais passer... laisser la parole à mes collègues.
Le Président (M. Paquet): Alors, M. le député de Viau.
M. Dubourg: Merci, M. le Président. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue, à tout le comité d'experts. Merci de... enfin d'avoir travaillé autant, là, sur ce projet de loi. Je voudrais continuer sur la question du ministre. Ce que je comprends, c'est qu'on sait que, bon, ce qui est disponible, en ce qui concerne les états financiers, dans un groupe, c'est les états financiers consolidés. Et là, on dit que, oui, on pourra permettre d'aller voir les états financiers d'une filiale, par exemple. Est-ce que c'est n'importe quel actionnaire qui peut faire cette demande-là, c'est-à-dire que, si la personne est actionnaire de la compagnie mère, par exemple, est-ce que c'est via cette structure-là qu'elle peut demander d'avoir les états financiers de la filiale pour consulter, consultation?
M. Martel (Paul): Oui. C'est ça.
M. Dubourg: Même si cette personne-là n'est pas actionnaire elle-même de cette filiale-là directement?
M. Martel (Paul): Oui. Exactement.
M. Dubourg: D'accord. Merci. O.K. Donc, on sait que... Je voudrais adresser une question aussi à M. Authier. On sait que le projet de loi, tel qu'il a été présenté, dans ses buts, on cherche à moderniser et à alléger le fonctionnement interne des sociétés par actions. Vous nous avez fait mention de votre expérience en ce qui touche surtout les petites entreprises. J'aimerais savoir: Est-ce qu'au niveau de l'incorporation des petites entreprises, sociétés à actionnaire unique par exemple, est-ce qu'il y a simplification aussi des procédures pour permettre à un individu de s'incorporer plus facilement?
M. Authier (Jacques): Il y en a de prévue dans la loi, mais ça va être lorsque le registraire va être capable d'avoir adapté ses systèmes informatiques. On croit qu'il va y avoir une simplification importante, qu'il y a des choses qui vont pouvoir se faire d'une façon... en ligne. La simplification, comme M. Bannon disait, pour les noms de compagnie, il y a une grande simplification là-dedans. Il y a certaines mesures qui sont enlevées, des choses légales, là, que les actionnaires fondateurs... il y a certaines particularités là-dessus qui simplifient le processus un peu pour les petites entreprises. Mais ça va être surtout sur le maintien, aussi, des entreprises... de la société par après; pour un actionnaire unique, il y a une grande simplification, je crois.
M. Dubourg: Merci.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Viau.
M. Dubourg: Donc, oui, on sait, en ce qui touche le Registraire des entreprises, effectivement ? c'est M. Bannon: vous avez parlé, oui, de cette simplification-là, mais surtout de l'aspect informatisation. Est-ce que vous pouvez nous énumérer quelques actes que ces entreprises auront à poser et qui seront simplifiés, ou bien qui seront informatisés, ou bien... pour faciliter le travail avec le registraire, s'il vous plaît?
Le Président (M. Paquet): M. Bannon.
M. Bannon (Yves): Ce qui facilitera nettement le travail des entreprises et des gens aussi qui les constituent, ces entreprises-là, c'est la capacité, par exemple, de soumettre leurs demandes en ligne sans avoir à produire des documents papier, comme l'exige actuellement la législation. Donc, c'est une contrainte qu'on ne trouve plus ailleurs, qui est propre à notre régime, et, même si on avait voulu le moderniser par voie d'instauration de mécanismes électroniques sophistiqués, on ne pouvait pas à l'heure actuelle en raison du régime. Donc ça, ce sera à changer. Évidemment, dans le cours de la vie de l'entreprise, aussi, il y a des événements qui surviennent qui sont des transformations de ces éléments constitutifs, de ces règles de constitution. On appelle ça des modifications de statut. C'est le document le plus fréquemment délivré auprès du registraire. Et, dans ce cas-là, oui, il y a certains événements qui peuvent faire en sorte que l'achalandage va être facilité dans son traitement par la voie des médiums électroniques, encore davantage que les constitutions mêmes.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député.
M. Dubourg: Et, toujours en ce qui concerne ces médiums électroniques là, est-ce qu'il y a un problème en ce qui a trait à la signature électronique? Parce qu'il y a certains documents, comme vous dites, vous allez les recevoir sur support électronique. Est-ce que vous voyez des problèmes légaux en ce qui concerne ces documents-là?
M. Bannon (Yves): Il aurait pu y en avoir, effectivement. C'est une question qui nous a préoccupés fortement. On a travaillé le dossier, les deux équipes, le ministère des Finances, ministère du Revenu, pour arriver à trouver un mode d'authentification et de signature, et la solution qui est campée dans le projet de loi rencontre tous ces besoins-là. Donc, c'est une solution qui est très simple, de reconnaissance de fait de cette signature-là, qui, soit dit en passant, est présente aussi dans un document papier, puisque la signature d'une personne, on ne la connaît pas avant de la voir apparaître. Donc, le problème... c'est un problème et ça n'en est pas un, on le dit souvent. Il s'agit plutôt de s'adapter au mode électronique et de se rassurer dans cette règle-là, et la loi comporte les assurances qui suffisent à ça.
M. Dubourg: Oui, une dernière question.
Le Président (M. Paquet): Environ deux minutes, oui.
M. Dubourg: Bon, d'accord. On sait aussi qu'en ce qui concerne les réorganisations d'entreprises souvent on se retrouve avec, comment dirais-je, des relations qu'on appelle des relations incestueuses, c'est-à-dire la filiale qui détient des actions de la mère, et vice-versa, dans toutes ces structures-là. Est-ce qu'au point de vue planification fiscale, tout ça, est-ce que vous avez eu à regarder cette loi-là, le projet de loi n° 63, avec la loi de l'impôt, par exemple, quand on parle de réorganisation d'entreprise, de transactions papillon, tout ça?
Le Président (M. Paquet): M. Martel.
M. Martel (Paul): Oui, effectivement, c'était une préoccupation. Sachant d'ailleurs que ce sont souvent les fiscalistes qui dirigent leurs clients vers la juridiction d'incorporation, en fonction justement des dispositions particulières, notamment la question de l'inceste corporatif, auquel vous faites allusion, c'est vrai que, quand on veut faire des réorganisations fiscales, ça peut impliquer qu'à un moment donné il y ait des actions de la compagnie mère qui sont détenues par la filiale pendant peut-être cinq minutes, mais ce cinq minutes là, c'est assez pour dire que toute la transaction pourrait être contestée. Et là, on s'est aperçu, dans ce cas-ci, qu'en Alberta, eux, ils ont changé leur loi récemment puis ils permettent l'inceste pendant une période de 30 jours. On a trouvé que c'était une bonne idée et on mis ça aussi dans notre projet, ce qui fait que ça, c'est un plus-plus par rapport à la loi fédérale, l'Ontario, etc.
Mais évidemment on n'a pas arrêté là, on a regardé l'ensemble des choses qui pouvaient attirer les fiscalistes. Et vous allez voir que, dans le projet, toutes ces choses-là et plus se retrouvent dans notre projet, ce qui fait que, pour un fiscaliste, là, les bonbons, là, ils sont tous là. Et évidemment ça ne porte pas préjudice à personne.
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(11 heures)
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M. Dubourg: Je vous remercie.
Le Président (M. Paquet): Merci. Alors, je reconnaîtrais maintenant M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Aussant: Merci. Bien, je débuterai peut-être avec une question globale, puisqu'on va profiter de l'occasion. On a la crème de la crème sur plusieurs plans ici, là, que ce soit légal, comptable, administratif, etc. Dans un projet de loi comme celui-là, l'élément de modernisation va faire consensus, j'imagine, tout le monde va être d'accord qu'il faut évoluer sur une plateforme plus adaptée à ce qu'on a aujourd'hui, mais il y a peut-être des éléments de la loi aussi qui ne sont pas consensuels. Les avantages d'un actionnaire majoritaire ne sont pas toujours les avantages d'un actionnaire minoritaire, par exemple. Et j'aimerais peut-être, chacun dans vos domaines, s'il y en a qui vous viennent à l'idée, que vous nous énumériez les points sur lesquels vous voudriez nous mettre en garde ou sur lesquels on devrait être plus vigilants, sur des points qui ne seront pas consensuels et sur lesquels on va peut-être entendre des groupes ici qui vont dire des choses différentes, et avoir votre opinion d'experts là-dessus. S'il y en a, s'il y a des points.
Le Président (M. Paquet): Il y a des experts. Il y a des experts. Ça, on s'entend tous là-dessus.
M. Aussant: Non. Des experts, il y en a. Mais, s'il y a des points sur lesquels vous voudriez nous mettre en garde, d'être peut-être plus vigilants, parce qu'il n'y a pas consensus ou unanimité sur une interprétation ou un avantage d'un des aspects de cette loi-là qui a 700 articles, là. Je sais que c'est très gros, mais...
Le Président (M. Paquet): Me Martel.
M. Martel (Paul): C'est sûr que le but de la loi, c'était quand même de créer un certain équilibre entre les droits des minoritaires et évidemment ceux des majoritaires. Alors, à chaque bout du spectre, là, les gens qui représentent des majoritaires et ceux qui représentent des groupes de minoritaires, c'est sûr qu'eux vont peut-être trouver qu'on n'a pas encore tiré la couverture suffisamment loin de leur côté. Mais on a vraiment tenu compte de ces deux choses-là, il me semble, en concevant ça. Donc, ça se peut qu'on entende des «ouais, mais là, vous êtes allés trop loin de ce côté-là, puis, là, vous auriez dû faire telle chose de plus de ce côté-là». C'est probablement ce genre de choses là que vous allez entendre.
En tout cas, moi, personnellement, puis, je pense, autour d'ici, je ne vous mettrai pas en garde contre quoi que ce soit. On trouve que, ce projet-là, tout est là. Mais justement on ne représente peut-être pas des cas plus extrêmes. Qu'est-ce qu'on peut prévoir? Certainement, vous allez avoir des gens des grandes entreprises qui vont vous dire qu'ils ne veulent pas montrer leurs états financiers, les états financiers de leurs filiales. Par contre, vous allez avoir des groupes d'actionnaires minoritaires ? c'est justement ceux qui viennent de gagner le procès ? qui vont vous dire qu'eux autres, ils y tiennent absolument. Alors, ça devient bien plus un choix politique que d'autre chose. Qu'est-ce qu'il y aurait, à part de ça..
Une voix: ...
M. Martel (Paul): Ah bien! Là, ça se pourrait. Évidemment, il y a des innovations qu'on a faites dans le projet où, là, on est allés puiser dans des sources. Comme, par exemple, Jacques y fait allusion, toute la question de la vente des actifs d'une compagnie, ce qui, dans la loi fédérale, s'appelle la vente de la totalité ou de la quasi totalité des biens. Et on s'est aperçu que cette notion-là était très difficile à comprendre, la jurisprudence était pas mal confuse là-dessus. Aux États-Unis, ils sont arrivés avec une nouvelle façon, c'est le Model Business Corporation Act, ça, c'est la loi modèle faite par les grands experts de droit corporatif de l'American Bar Association, et on a puisé là-dedans, et ça a fait évidemment une notion qui est nouvelle pour tout le monde. Alors, c'est sûr qu'il peut y avoir de la résistance de la part des gens qui sont habitués de travailler avec leurs vieux réflexes, mais ce qu'on pense, c'est que ce qui est présenté, donc c'est présenté par les plus grands experts, qui nous disent: L'autre formule, celle sur laquelle on s'était fondés, ne fonctionne pas. Là, on a quelque chose, quelque chose de nouveau.
L'idée, ce n'est plus de regarder les biens que vous cédez, dans ce cas-ci, la quasi-totalité, c'est de regarder qu'est-ce qui reste. Qu'est-ce qui reste, est-ce que c'est une activité significative? On considère que c'est plus facile de regarder ce qui reste que de quantifier puis d'essayer de qualifier ce qui s'en va. Il va peut-être y avoir un petit peu de grincements de dents là-dessus, mais on pense qu'au bout de la ligne la solution qui est proposée va probablement finir par être celle qui va être copiée par tout le monde.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. Rousseau.
M. Rousseau (Stéphane): Pour compléter la réponse de Me Martel, je nous mettrai en garde contre la chose suivante, c'est de lire les dispositions de ce projet de loi de manière trop désincarnée, c'est-à-dire de les tirer hors de leur contexte, pour parfois voir des difficultés qui, lorsqu'on apprécie le projet dans son ensemble, n'existent pas. Me Martel mentionnait tout à l'heure qu'il y avait ce spectre entre les majoritaires et minoritaires. Lorsqu'on examine l'ensemble du projet de loi, qui vient donner des outils préventifs, par exemple, aux actionnaires, bien on vient peut-être d'éliminer certaines des préoccupations qu'on pourrait voir par ailleurs.
Donc, il faut être conscients qu'un projet de loi en droit des sociétés, c'est quelque chose qui doit s'apprécier dans son ensemble. C'est un ensemble de régimes qui vont interagir pour créer la nouvelle dynamique. Donc, peut-être première observation. Deuxième observation, nous avons innové, mais nous nous sommes inspirés de l'expérience nord-américaine, ce qui fait en sorte que la lecture de ces dispositions-là, dans la plupart des cas, doit se faire au regard de la jurisprudence, de commentaires d'auteurs qui ont déjà eu l'occasion de se prononcer sur des dispositions similaires. Alors ça, je pense que ça va éviter qu'il y ait des dérapages, à mon sens, dans l'interprétation de certaines dispositions. Alors, je pense que ça, c'est important de le mentionner.
Il y a tout un bagage de connaissances qui culminent dans ce projet de loi là et qui vont, à mon sens, venir atténuer peut-être une période qu'on pourrait appeler «d'années folles», là, de cette loi-là une fois en vigueur. Il y a déjà un bagage de jurisprudence et de doctrine qui va venir tracer, je pense, la ligne sur notre interprétation de la loi. Alors ça, je pense que c'est important de l'avoir à l'esprit.
M. Barbeau (Marc B.): Si je peux me permettre de suivre le commentaire qui vient d'être fait...
Le Président (M. Paquet): Me Barbeau.
M. Barbeau (Marc B.): ...le bagage de doctrine et de jurisprudence auquel Stéphane Rousseau fait référence, c'est un bagage qui est, oui, nord-américain mais qui est aussi québécois, parce qu'au Québec on a des compagnies incorporées au fédéral à l'égard desquelles il y a eu de la doctrine, de la jurisprudence. Et donc, quand on innove par rapport à la loi québécoise sur les compagnies, c'est vrai, mais c'est un bagage de doctrine et de jurisprudence qui est aussi québécois, en ce sens que les tribunaux québécois ont regardé des dispositions semblables à celles qui vont être introduites dans la loi québécoise. Donc, ce n'est pas simplement d'aller voir au Delaware ou en Alberta des choses qui se sont passées là-bas, parfois ça va être de regarder ce qui s'est passé concrètement ici, à Montréal ou à Québec, etc.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. Authier.
M. Authier (Jacques): Il y a un point qui va probablement être soulevé par l'Ordre des comptables agréés, ou la profession comptable, au niveau du... je ne veux pas rentrer dans le débat, là, c'est hors de mes compétences, mais au niveau du secret professionnel, vis-à-vis la profession comptable. Les gens du comité sont au courant et le légiste aussi, là, ça fait que c'est un point qui va probablement être soulevé, que je ne soulève pas mais qui va être probablement être soulevé.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Aussant: Oui. Me Martel, vous parliez, en introduction, d'une loi plus-plus, là, qui avait plus de 200 articles de rattrapage et plus d'une centaine d'articles qui étaient nouveaux. Vous parliez de ces articles-là qui étaient nouveaux par rapport à nos voisins de proximité nord-américains ou dans le monde, dans les pays qui sont comparables au Québec?
M. Martel (Paul): Bien, je parlais par rapport à la loi fédérale, parce que c'est toujours ça qui est le point de référence, là.
M. Aussant: Ces points-là qui n'existent pas au fédéral mais qui sont dans notre loi, les nouveaux points, est-ce qu'ils existent quelque part, ou il y a des points sur lesquels on se lance, on s'essaie, puis on va peut-être réaliser...
M. Martel (Paul): ...on n'a rien sorti de notre chapeau.
Le Président (M. Paquet): M. Martel.
M. Martel (Paul): On allait chercher des choses qui étaient déjà dans d'autres juridictions mais qui étaient plus progressistes, plus en avance que... Alors, c'est pour ça que c'était soit en Ontario, parce qu'ils ont des bonnes dispositions de plus que le fédéral, l'Alberta aussi a fait des choses, et la Colombie-Britannique. Ici, au Canada, ce sont les trois principales juridictions où il y avait des choses de mieux que dans la loi fédérale. Et, une couple de fois, le droit américain.
Le Président (M. Paquet): M. le député...
M. Barbeau (Marc B.): Si je peux me permettre...
Le Président (M. Paquet): Oui, pardon. Allez-y, Me Barbeau.
M. Barbeau (Marc B.): La loi fédérale a parti le bal, si vous voulez, au Canada, et mes collègues le savent mieux que moi, là, mais a parti le bal dans les années soixante-dix et puis a innové, et puis ça a créé toutes sortes de préoccupations, d'études et ensuite de jurisprudences. Et ensuite c'est cette loi fédérale là qui a été reprise dans différentes provinces et graduellement améliorée. Alors en fait ce qu'on a maintenant, c'est comme une version 10.1 ou 1.11 de la loi fédérale à l'origine, qui a été modifiée et ensuite reprise en Ontario, reprise en Alberta, reprise ailleurs au Canada. Et, nous, maintenant, on a le bénéfice de regarder toutes ces lois-là, qui viennent toutes sensiblement d'une source originale, si vous voulez, et qui sont toutes allées chercher ce qu'il y a de mieux, puis, nous, maintenant, on prend ce qu'il y a de mieux dans cette loi-là puis on améliore là-dessus. Alors, c'est dans ce sens-là que la loi du Québec est plus, est plus-plus.
M. Aussant: O.K. Parfait. Et j'aurais un question qui est...
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Aussant: ...encore une fois peut-être globale puis qui n'est peut-être pas spécifiée dans un des articles de ce projet de loi là, mais, puisqu'on a, encore une fois, comme je le disais, les experts, la crème de la crème, j'aimerais vous poser la question: Dans vos lectures ou dans votre connaissance des systèmes mondiaux...
Premièrement, il y a des éléments très techniques dans cette loi-là, qui ne sont pas vraiment grand public, je dirais, là, puis, même moi, je parle personnellement, je ne suis pas un expert de la législation de ce point de vue là, mais il y a d'autres éléments qui entourent les compagnies qui ont frappé l'imaginaire collectif récemment, et je parle de la rémunération des administrateurs. Et, surtout dans le contexte de crise actuelle, on voyait certains exemples où une compagnie était en faillite, mais les administrateurs partaient avec des cagnottes assez spectaculaires. Donc, j'aimerais savoir: Dans le monde, est-ce qu'il y a une tendance à légiférer là-dessus, que ce soit de façon quantitative ou qualitative? Est-ce qu'il y a une vraie vague là-dessus? Ou c'est juste des cris qu'on entend de temps en temps sur certains abus, ou s'il y a vraiment une vague de correction de certains abus là-dessus?
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(11 h 10)
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Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Stéphane): Alors, écoutez, je pense qu'il est certain que la crise financière récente a ébranlé grandement la confiance des investisseurs et du public en général à cet égard-là. Elle l'a ébranlée, bon, par l'effet incitatif que les régimes ont pu avoir sur la conduite de dirigeants d'institutions financières américaines, parce qu'il faut placer davantage la problématique de ce côté-là, et ça, je pense qu'on doit le reconnaître.
En même temps, la problématique de la rémunération, à bien des égards, s'est manifestée récemment par l'arrivée et l'injection de fonds publics très importantes dans les entreprises, et de là tout à fait naturellement cette volonté de venir demander des comptes davantage. Est-ce que, dans des sociétés cotées canadiennes, québécoises, cette problématique-là est présente? Je vous dirais d'abord qu'on ne peut pas parler de situations comparables à la situation américaine, et la réflexion sur une réponse canadienne ou québécoise dans un projet de loi doit se faire en tenant compte de la réalité avec laquelle on vit, c'est-à-dire qu'il ne faut pas transposer des solutions qui répondent à des problèmes qui sont différents de ceux que nous vivons. Et en ce sens-là je pense qu'il fallait faire preuve de prudence, tout comme on avait fait preuve de prudence lorsque les États-Unis avaient adopté la loi Sarbanes-Oxley. On nous disait, au Canada: Allez-y, faites un copier-coller de Sarbanes-Oxley, alors que la réalité canadienne et québécoise des sociétés cotées était tout à fait différente.
Alors, je pense qu'il y a un mouvement américain très fort, on le voit. En Europe continentale, il y a certainement des interventions ponctuelles pour les sociétés cotées, de venir, par exemple, autoriser un vote consultatif des actionnaires sur la rémunération, mais ce mouvement-là est grandement, je pense, influencé par la crise récente. Et je nous mettrais en garde encore là contre une transposition sans réflexion sur notre réalité.
Cela étant, et je pense c'est important de le signaler, le projet de loi, par le régime de proposition qu'il vient intégrer et proposer, qui s'inspire de la loi fédérale, permettra aux actionnaires de prendre la parole lors des assemblées d'actionnaires et, s'ils le souhaitent, de demander aux administrateurs de mettre en place un vote consultatif sur les régimes de rémunération, de manière à ce qu'ils puissent avoir leur mot à dire. Et je pense que ça, ça offre le mérite d'une flexibilité et d'une adaptation de... selon les entreprises. Il y a des entreprises où ça ne se posera pas, cette problématique de rémunération excessive, il y a des entreprises où ça pourrait se poser, mais je pense qu'à ce moment-là les actionnaires disposent d'un mécanisme, qui est celui de la proposition, qui leur permettra, je pense, de faire entendre leur voix.
Au-delà de cela, peut-être en terminant, il faut aussi se rappeler que ce régime, là... enfin ce projet de loi nous propose un régime de devoirs des administrateurs qui remet encore le fardeau sur leurs épaules, de prendre des décisions dans l'intérêt de la société. Et difficile de croire qu'un régime de rémunération déraisonnable, c'est dans l'intérêt de la société. Donc, il y a une balise importante là qui est de dire aux administrateurs: Vous devez mettre en place un régime de rémunération qui va tenir compte de l'intérêt de la société dans son ensemble, c'est-à-dire favoriser la création de valeur, mais sûrement pas récompenser l'échec, etc., comme on l'a vu. Alors, je pense qu'il y a deux leviers dans la loi: proposition, devoirs des administrateurs, mais qu'au-delà de cela je pense que la prudence était de mise, là, compte tenu des particularités de notre contexte, afin d'éviter d'importer des solutions qui ne sont pas adaptées.
Le Président (M. Paquet): Oui, M. le député.
M. Martel (Paul): Mais je voudrais juste rajouter quelque chose. On a quand même fait une petite chose dans la loi concernant la rémunération des dirigeants, c'est dans l'article qui parle de délégation de pouvoirs du conseil. Alors, on a marqué dans le projet de loi que le conseil ne peut pas déléguer certains pouvoirs, il y a une liste, et, dans un de ces pouvoirs-là, le paragraphe 3°, ça dit: Nommer les hauts dirigeants, alors le président du conseil, là, le CEO, le CFO, etc., et fixer leur rémunération.
Ça, c'est quelque chose qui est particulier à notre projet, qui n'était pas dans les autres projets. Et ce que ça veut dire, c'est que, quand ça va être le temps de fixer la rémunération des hauts dirigeants, c'est de ça qu'on parle, là, le conseil d'administration va être obligé de prendre lui-même la décision, il ne pourra pas déléguer ça à un comité puis dire: C'est vous qui décidez, puis, nous, on va être liés par ça. Alors, là, ça se rattache à ce que Stéphane vient de dire, le conseil d'administration a des devoirs d'agir dans l'intérêt de la société, avec prudence, diligence, mais c'est lui qui va falloir qu'il prenne la décision, puis il ne pourra pas aller s'abrier sur le fait que: Ah! on a remis ça entre les mains d'un comité, puis c'est eux qui ont tout décidé.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député.
M. Aussant: Oui, peut-être juste une dernière question rapide avant de laisser la parole à mes collègues. Je voudrais profiter de la présence des M. Bannon pour poser une question spécifique sur la base de données du Registraire des entreprises. Est-ce que l'AMF a accès total à cette base de données là et peut faire des recherches assez pointues et poussées pour voir les liens entres les compagnies? C'est souvent des structures qui sont vraiment comme une toile d'araignée, là. Aller faire non seulement une...
Une voix: ...
M. Aussant: ...une recherche ? c'est ça ? non seulement une recherche par nom de compagnie, mais par nom d'administrateur, et qui siège où, et qui est relié à quelle compagnie?
Le Président (M. Paquet): M. Bannon.
M. Bannon (Yves): L'AMF a accès à la base de données. Et évidemment, par contre, l'accès en recherche est limité par la loi. Donc, la recherche est limitée pour des enquêtes d'ordre... policières, par exemple. Donc, ce n'est pas autorisé, même pour le registraire, de faire ce genre d'analyse là. Donc, s'il y a une enquête, oui, de menée, ça peut être fait. L'AMF, comme d'autres administrations du Québec, ont accès à une copie, qui est diffusée, du registre. Donc, c'est rendu disponible. Donc, il faut voir dans quelles circonstances effectivement ils font ou réalisent un travail. Donc, est-ce qu'il s'agit d'une enquête ou non?
M. Aussant: Et j'imagine que les capacités de recherche sont plus élevées que celles du Web, celle du site Internet?
M. Bannon (Yves): Ah oui! Ça, il n'y a que de limites à l'outil dont dispose la personne qui a entre ses mains la copie du fichier...
Le Président (M. Paquet): Merci. Alors, ça va conclure ce bloc-ci. Nous entreprenons un nouveau bloc, et je vais... J'aurais peut-être deux questions à poser. D'une part, par rapport justement à la question du secret professionnel, qui va être très certainement un des éléments qui va être discuté. On sait que le Parlement, l'Assemblée nationale, a adopté, il y a... l'an dernier, il y a un an et demi, un projet de loi, une loi, la loi n° 64, sur les valeurs mobilières, qui faisait en sorte qu'on encadrait la possibilité que le secret professionnel puisse être, entre guillemets, levé, mais sous conditions, après... après évidemment l'autorisation par un juge, dans un cadre très précis, et, je pense, parmi les questionnements parfois que certaines gens ont, en tout cas qui m'ont abordé à cet égard en tant que député, c'est de savoir en quelle mesure est-ce que le projet de loi, et je voudrais avoir votre opinion là-dessus comme experts, le projet de loi qui est là, correspond essentiellement, vraiment, là, à ce qui est dans le projet de loi... la loi n° 64, qui modifiait la Loi sur les valeurs mobilières. Est-ce que vous y voyez des différences à cet égard-là, ou c'est vraiment plus que dans le même esprit, là, c'est vraiment, là, assez conforme? M. Rousseau.
M. Rousseau (Stéphane): En ce qui concerne la Loi sur l'Autorité des marchés financiers et les dispositions sur le secret professionnel, ce sont celles qui concernent la profession comptable, je pense qu'on a reconduit les dispositions qu'on trouve dans la Loi sur l'AMF à cet égard-là. Je pense que c'était la volonté, et c'est ce qui s'y retrouve, là. L'autre dimension, c'est celle qui est liée aux recours, alors, qui est, elle, différente et qu'on ne retrouve pas dans la Loi sur l'Autorité des marchés financiers. Donc, dans le cadre du recours à... de la nature d'une action dérivée ou d'une action oblique, bien, à ce moment-là, il y a une disposition dans le projet de loi qui prévoit que le demandeur, qui deviendra à toutes fins pratiques la personne agissant au nom et pour le compte de la société, après avoir été autorisé à cette fin-là, bien, puisqu'il agit au nom et pour le compte de la société, bien il devra... pourra avoir accès à l'information que la société avait. Et ça se fait avec une procédure qui est prévue, là, aux dispositions 446 du projet de loi. Et là, on vient baliser, je pense, l'accès à ces renseignements-là avec une supervision judiciaire.
M. Martel (Paul): Oui. En fait, ça, c'est vrai que, quand vous nous demandiez, là, des points, j'aurais... c'est sûr que la question du secret professionnel, c'en était une, c'était prévisible qu'il y aurait des... peut-être des protestations en ce qui concerne les comptables et en ce qui concerne les avocats, parce que les comptables, eux, c'est dans le cas de l'enquête, puis les avocats, c'est dans le cas de l'action dérivée... Bon, alors, comme vient de dire Stéphane, en ce qui concerne l'enquête, c'est suivant le modèle de ce qu'on a déjà fait dans la Loi sur l'AMF.
Par contre, en ce qui concerne l'action dérivée, ça, je pense que l'idée, ce n'est pas, justement, qu'on est en train de lever le secret professionnel. L'avocat, son client, c'est la compagnie, et il faut qu'il parle au représentant de son client. Si le président de la compagnie qui dit: Je veux voir le dossier, il faut qu'il lui montre. Puis, s'ils changent de président, puis le nouveau président lui demande, bien il faut qu'il lui montre. Et là, maintenant, ce qu'on dit, c'est que, si j'ai un actionnaire qui, lui, est autorisé à prendre un recours au nom de la compagnie, bien c'est encore son client. Alors, on n'est pas en train de lui faire trahir le secret vis-à-vis son client, c'est son client lui-même qui demande à voir son dossier. Alors, j'ai hâte de voir comment tout ça va tourner, mais je ne vois pas vraiment qu'on est en train de violer ou d'enlever le secret professionnel en faisant ça.
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(11 h 20)
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Le Président (M. Paquet): Une question complémentaire sur le même sujet. Si je comprends bien, il y a quand même... la terminologie ou le vocabulaire n'est pas exactement identique dans la Loi sur l'Autorité des marchés financiers que dans le projet de loi qui est en consultation, mais est-ce que je me trompe, que ça découle du fait essentiellement que l'Autorité des marchés financiers, évidemment, est un organisme public, et donc la loi d'accès à l'information assujettit l'AMF dans ce contexte-là, alors que, dans le contexte d'une entreprise, par exemple, là, il y a des différences, la loi ne s'applique pas de la même façon, et que peut-être la différence de vocabulaire, peut-être, à la marge, est beaucoup plus pour refléter cet état de fait que l'esprit de ce qu'est un encadrement pour tenir compte du secret professionnel, mais tout en permettant les enquêtes de procéder? Me Martel.
M. Martel (Paul): Bien, non, pas particulièrement, parce que c'est vraiment limité au cas de l'action dérivée, là, ce dont on parle, l'idée du secret, là. Et ce n'est pas dans ce contexte-là que ça se fait, ça, dans les... dans les lois sur l'AMF.
Le Président (M. Paquet): Il y a deux éléments par rapport à ce que vous signalez, celui de, effectivement, d'affiliation, ce dont vous parlez, mais le contexte, le contexte d'une enquête, dans le contexte où il y aurait une enquête...
M. Martel (Paul): Ah! O.K., là, on revient à l'enquête, O.K.
Le Président (M. Paquet): Je parlais de cet aspect-là.
M. Martel (Paul): Oui, en ce qui concerne l'enquête... là, on parle juste des chiffres qui doivent être fournis par le comptable. C'est sûr que, si vous voulez avoir la moindre chance de succès dans votre enquête, si vous n'êtes pas capables de voir les chiffres, bien ça ne sert à rien, finalement votre enquête va tomber à l'eau. Et le but de ça, c'est exactement la même affaire qu'ils ont fait dans la Loi de l'AMF, c'est de permettre à l'inspecteur, qui est nommé par le tribunal... et qui va remettre ces renseignements-là seulement au tribunal ou aux personnes à qui il va ordonner, les renseignements précis qui sont liés à cette enquête-là.
Le Président (M. Paquet): D'accord. Une deuxième question qui a été portée à mon attention, c'est la question que, dans le projet de loi, on permettrait à la localisation des minutes, du livre des minutes, d'être chez l'entreprise, alors que la pratique peut-être plus usuelle était qu'auparavant, en tout cas jusqu'à maintenant, là, parce que le projet de loi n'est pas encore adopté, jusqu'à maintenant, les minutes pouvaient se retrouver essentiellement entre les mains des avocats, les avocats de l'entreprise. Dans quelle mesure est-ce que quelque chose comme ça, d'après vous, là... quelle a été l'expérience ailleurs à cet égard-là? Qu'est-ce qui amène cette proposition de faire un changement à cet égard?
M. Martel (Paul): Bien, d'abord, il n'y a pas de changement, parce que c'est ça qu'est l'état de la loi aujourd'hui, ça a toujours été comme ça. La loi dit qu'il faut que les procès-verbaux soient au siège social. En pratique, c'est vrai que la plupart des entreprises remettent ça à leur avocat, mais ce n'est pas ça que dit la loi. Alors, on a tout simplement continué à dire ce qu'ils disaient, puis la pratique va continuer à se faire aussi comme avant.
Le Président (M. Paquet): D'accord. Merci. M. le ministre des Finances.
M. Bachand (Outremont): Oui, merci. J'aimerais revenir... tout à l'heure, vous avez parlé, là, au fond, de l'article 271, qui était une inspiration qui vient du droit américain, sur l'aliénation des biens, et qu'on dit: «La société ne peut procéder à une aliénation de ses biens susceptible d'entraîner la cessation d'une part significative de ses activités que si elle y est autorisée par ses actionnaires.» On va nous représenter dans les prochaines heures et demain qu'on n'a pas tout à fait pris le même «wording» que la loi américaine et qu'il y a des nuances qu'ils n'ont pas utilisées. Voulez-vous expliquer pourquoi vous en êtes venus, avec les gens du ministère, à cette rédaction? Et aussi, dans le droit américain, là, on va me dire qu'il y a une disposition refuge, là, un «safe harbor», qu'on n'a pas retenue nous non plus.
Le Président (M. Paquet): M. Martel.
M. Martel (Paul): Moi, j'avais l'impression qu'on avait exactement suivi, en fait, traduit, si vous voulez, la réalité américaine. On est partis du même article du Model Business Corporation Act, sauf qu'il fallait le mettre en français, parce que c'était en anglais, et je pense qu'on a exactement traduit ce que dit cette disposition-là. Ça m'étonne que ça soit perçu autrement, là, parce que c'est... une fois qu'on a pris ce modèle-là, on s'est dit: On ne jouera pas avec, parce qu'eux, ils savent exactement ce qu'ils font, ils l'ont soigneusement calibré, donc on va reprendre exactement la même notion, puis c'est ça qu'on a voulu faire. Maintenant, si on a manqué quelque chose, bien ils pourront nous indiquer où on l'a manqué, mais, jusqu'à maintenant, on n'a pas l'impression que c'est le cas.
M. Bachand (Outremont): Donc, l'intention était de non seulement de s'inspirer, mais, étant donné qu'il y a une jurisprudence autour, de prendre les mêmes dispositions.
M. Martel (Paul): Oui.
M. Bachand (Outremont): O.K., merci beaucoup.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Viau.
M. Dubourg: Merci, M. le Président. Nous savons que dans le projet de loi il y a le chapitre 6 qui traite vraiment du conseil d'administration. Le lien que je veux faire, c'est que, vous vous rappelez, bon, on a beaucoup parlé de faillites aux États-Unis, d'Enron, tout ça, et par la suite, les Américains, enfin il y a eu la loi SOX, de Sarbanes-Oxley, et, dans cette loi-là, on sait qu'on fait beaucoup mention des administrateurs, du conseil d'administration, des rôles, des prêts, des transactions, il y a même des rapports aussi qu'ils doivent émettre.
Est-ce que le projet de loi actuel aussi en tient compte, là, des devoirs et responsabilités des administrateurs en ce qui concerne, là... si je veux faire le lien avec la loi SOX, par exemple?
Le Président (M. Paquet): Me Barbeau.
M. Barbeau (Marc B.):Rapidement. Il faut se souvenir qu'on a deux régimes, finalement, de droit, là, qui sont pertinents à votre question. Le premier régime, c'est le droit purement de... le droit des sociétés. Quel est le droit qui s'applique aux administrateurs et dirigeants en vertu du droit des sociétés? Et, ce régime-là, il s'applique, sauf quelques exceptions, tant aux sociétés fermées, les compagnies privées, tant aux sociétés publiques. Ce régime-là, il faut qu'il soit d'adaptation générale pour toutes les entreprises.
Le SOX américain auquel vous faites référence, c'est leur droit des valeurs mobilières finalement qui vient s'imposer, qui vient s'ajouter au droit des sociétés, pour ce qui concerne les émetteurs assujettis américains et... Et donc, tout le régime auquel vous faites référence, c'est un régime qui se retrouve, dans notre cas, comme le disait Stéphane Rousseau, on n'a pas vraiment adopté SOX exactement, mais notre parallèle de SOX, c'est un régime qui se trouve dans notre droit des valeurs mobilières, dans les lois, dans les règlements qui sont adoptés en vertu de cette loi-là, pour les émetteurs publics.
M. Dubourg: D'accord. Merci. Et...
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Dubourg: ...aussi, toujours en ce qui concerne les devoirs et responsabilités des... des administrateurs, dis-je bien, il y a un terme qui intervient, on parle de défense de diligence raisonnable, en ce sens que, bon, un administrateur pourra être exempté s'il arrive à prouver qu'il a agi de bonne foi, qu'il a, comment dirais-je, qu'il s'est appuyé sur des rapports pour prendre ses décisions.
En quoi est-ce que ça peut être attrayant pour un entrepreneur québécois, par exemple, d'entendre que les administrateurs peuvent avoir cette défense-là de diligence raisonnable?
Le Président (M. Paquet): Me Barbeau.
M. Barbeau (Marc B.): Merci. La défense de diligence raisonnable, c'est une défense qui existe dans les autres lois canadiennes et c'est une défense qui permet essentiellement à la personne qui, de bonne foi, se fie à un rapport, à un expert, etc., pour prendre une décision raisonnable. Cette défense-là, elle est introduite dans notre loi dans un contexte où justement on amène d'autres modalités dans la loi. On amène des recours des actionnaires, etc. Alors, ça fait partie de ce qu'on a... ce à quoi on a fait référence, l'équilibre qu'il faut faire entre tous les intervenants dans une entreprise. On amène des recours pour les actionnaires, mais par la même occasion il faut être en mesure de dire aux administrateurs: Oui, des recours sont créés, mais vous avez les mêmes défenses de diligence raisonnable, etc., qui sont disponibles dans les autres régimes au Canada qui prévoient des recours. Alors, c'est l'équilibre qu'on fait entre les deux intérêts.
M. Dubourg: Une dernière intervention...
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Dubourg: ...s'il vous plaît. C'est que, bon, si on prend... on laisse les entreprises publiques de côté, mais prenons le cas, par exemple, d'un individu qui a une entreprise qui jusqu'alors était enregistrée et qui décide de transformer son entreprise en incorporation. Est-ce que ce projet de loi aussi va faciliter ce transfert-là, en pensant au fait que la personne, en détenant cette entreprise enregistrée là, possède un certain nombre d'actifs, de biens que l'individu souhaite transférer à son entreprise incorporée? Est-ce que le projet de loi facilite les choses?
M. Martel (Paul): Bien, en fait, c'était déjà facile dans le système actuel, parce que vous avez tout simplement à créer une compagnie, ce qui est très simple. C'est un dépôt d'une feuille, les statuts, là, dans laquelle vous n'avez pas besoin de mettre grand-chose, et ensuite vous faites le transfert des actifs à votre entreprise. Ça n'a pas changé. Ça reste encore la même chose.
Ce qui a changé, c'est le fonctionnement intérieur ou interne de l'entreprise incorporée que cet actionnaire unique là va avoir. Parce que, comme quelqu'un a dit, on était pris avec toutes sortes de formalités: de faire une assemblée annuelle, d'avoir un conseil d'administration, d'avoir des règlements. Toutes ces choses-là se justifient aussitôt qu'il y a plus qu'une personne dans l'entreprise, parce que, là, il faut gérer c'est quoi les relations entre elles. Mais, s'il y a juste un individu, bien on a constaté que toutes ces formalités-là devenaient totalement inutiles, et c'est ça qu'on a dit dans le projet.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le ministre des Finances aurait une question.
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(11 h 30)
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M. Bachand (Outremont): Oui, merci, M. le Président. Vous savez, j'ai été longtemps président du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec et chef de l'investissement, donc j'ai travaillé avec beaucoup de conventions d'actionnaires. À l'article 32 du projet de loi, on donne aux créanciers le droit d'accès aux conventions d'actionnaires, pas à l'ensemble des autres documents, mais aux conventions d'actionnaires, entre autres pour leur permettre, si je comprends bien, de savoir effectivement s'il y a des responsabilités que les actionnaires ont prises eux-mêmes. Ça ouvre peut-être un recours aux créanciers envers ces actionnaires, comme ils en auraient envers des administrateurs.
Par ailleurs, ce qu'on m'a soulevé, c'est que les conventions d'actionnaires ont quand même beaucoup de dispositions sur les relations entre les actionnaires, les droits de premier refus, les «come-along», «bring-along» et l'ensemble de ces clauses-là. Est-ce qu'il est vraiment d'intérêt public que... ? les créanciers, les banquiers vont avoir accès de toute façon parce qu'ils vont demander d'avoir accès avant de prêter, mais ? que les créanciers ordinaires d'une compagnie, un fournisseur, aient accès à toutes ces informations?
Le Président (M. Paquet): M. Martel.
M. Bachand (Outremont): Et je pense aux PME, là.
M. Martel (Paul): Oui, oui. Bien, de toute façon, si on parle de conventions d'actionnaires, on parle d'une PME, là, d'habitude, dans les compagnies publiques.
M. Bachand (Outremont): Oui, oui, tout à fait. Bien, quoique c'est rare de...
M. Martel (Paul): Mais donc l'idée de donner accès aux créanciers, ce n'est pas quelque chose qu'on a inventé, ça faisait partie de l'harmonisation avec la loi fédérale. C'est comme ça que ça fonctionne là-bas.
Maintenant, en pratique, ce que vous dites, c'est vrai. Ça se pourrait que dans le même document le praticien ait mis des dispositions, qu'on appelle, de convention unanime qui sont celles qui restreignent le pouvoir des administrateurs, puis ils ont peut-être mis ça dans le même document que les conventions d'achat-vente, mettons, entre les actionnaires, qui, elles, ne sont pas la convention unanime. Ça, ça a toujours été le problème d'avoir mélangé ces deux types de convention là. Et c'est peut-être aujourd'hui que là ça va plus paraître, justement par le fait qu'il y a quelqu'un d'autre qui va pouvoir avoir accès à ce document-là. Ça va peut-être changer la pratique. Et les clauses de convention unanime vont rester dans un document distinct qui va être le seul qui va être accessible.
Le Président (M. Paquet): M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Me Barbeau voulait ajouter un commentaire?
Le Président (M. Paquet): Me Barbeau.
M. Barbeau (Marc B.): J'abonde dans le sens de Me Martel. La pratique va peut-être changer à cause de cette clause-là. Mais il va y avoir un moyen pratique pour satisfaire les demandes, les exigences de la loi, puis par ailleurs satisfaire aux intérêts commerciaux légitimes des parties à ces conventions-là.
M. Bachand (Outremont): ...un peu déçu parce que je pensais que la loi...
Le Président (M. Paquet): M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): ...avec sa simplification, enlevait beaucoup de travail aux avocats. Mais voilà une clause où vous allez être obligés de détricoter les conventions d'actionnaires. Ça va vous donner un peu de travail.
M. Martel (Paul): Ah! bien là, vous nous avez pris!
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Ça termine ce bloc.
M. Martel (Paul): La main dans le sac.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Paquet): Je reconnais maintenant M. le député de Blainville.
M. Ratthé: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Deux questions portant sur des articles spécifiques... en fait plus des questions d'éclaircissement, peut-être d'avoir davantage de commentaires. D'abord, sur l'article 61, qui, à mon sens, en tout cas à première lecture, mais je ne suis pas un expert, semble un article intéressant pour les PME. L'article concerne, maintenant, le droit d'émettre des actions sans certificat ou encore, même si on a des actions en certificat, d'en émettre également. Alors, peut-être vous entendre un peu là-dessus pour peut-être nous éclairer davantage sur l'objectif de cet article-là.
Le Président (M. Paquet): M. Martel.
M. Martel (Paul): Bien, en fait, c'est en vertu de la Loi sur le transfert des valeurs mobilières, qui vient d'être adoptée, qui permet donc l'émission d'actions sans certificat. Et le problème à l'heure actuelle dans la Loi des compagnies, puis c'est comme ça aussi dans la loi fédérale, c'est que les actions sans certificat ne sont pas vraiment possibles, parce qu'il y a un article qui dit que tout actionnaire a droit à un certificat. Donc, ça prenait, si on voulait ouvrir le champ aux actions sans certificat, un article spécifique qui dirait que c'est possible de le faire, ce qui a été fait.
Maintenant, les gens qui s'y connaissent un peu là-dedans, parce que la LTVM ? ce n'est pas évident, là, tu sais, je ne sais pas si vous avez essayé de lire ça, cette loi-là, mais ce n'est pas un cadeau, là ? nous disait qu'il y a un problème pratique entre l'action sans certificat au sens de la LTVM et une action avec certificat pour laquelle la personne n'a pas reçu de certificat, en pratique. Et là il y avait un mélange possible. Alors, le but de 61, c'est justement de clarifier ça. Et ça dit: Ce n'est pas juste que tu n'as pas de certificat, ça prend une résolution expresse du conseil qui confirme que ça, c'est ces actions sans certificat.
Et, tant qu'à avoir fait ça... Il faut vous dire qu'il y a eu des grosses discussions au sein du comité, tout ça, avant que finalement on décide de les mettre. Puis on se demandait jusqu'à quel point c'était vraiment nécessaire. Mais là on s'est dit: On va faire un plus-plus. Alors, on va mettre ça, ça va être une flexibilité possible. Et, tant qu'à ça, on a dit: Bien, on va même permettre, à l'intérieur de la même catégorie, qu'il y en ait avec et d'autres sans-certificat, que ça puisse peut-être changer. Et c'est pour ça que l'article a l'air un petit peu plus compliqué, là, mais c'est ça qu'il prévoit, et c'est une flexibilité absolument fantastique.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Ratthé: ...l'avantage.
M. Martel (Paul): Bien sûr.
M. Ratthé: Pardon... avantage. Mais ce que vous nous dites, c'est qu'effectivement c'est le conseil d'administration qui vient maintenant confirmer cette disposition-là. Merci.
Ma deuxième question, toujours en termes d'éclaircissement ou d'explication, là, dans... cette fois-ci, concerne l'article 437, qui en fait donne l'autorisation à un administrateur, à une personne, en fait qui peut même être, à la limite, déterminée par le tribunal, de s'adresser au tribunal pour obtenir la permission d'agir au nom de la société. Là, on ouvre, à mon sens, très large, là. Donc, une personne peut demander d'agir au nom de la société, évidemment, elle devrait avoir... ou d'intervenir au nom de la société, et on y inscrit, là, une série de personnes qui peuvent être admissibles. Alors, je voulais savoir si, de votre point de vue, nous allions avoir une certaine objection par rapport à cet article-là?
M. Martel (Paul): Bien, je ne pense pas, étant donné que, là aussi...
Le Président (M. Paquet): Me Martel.
M. Martel (Paul): ...c'est tout simplement de l'harmonisation avec toutes les autres juridictions.
M. Ratthé: O.K.
M. Martel (Paul): C'est ce qu'on appelle la notion... Eux autres, ils appellent ça le plaignant, mais, ici, au Québec, en vertu du Code de procédure, on appelle ça un demandeur. Et ce n'est pas juste pour l'action dérivée, c'est aussi pour la copropriation, ce sont les personnes qui peuvent intenter ces recours-là. Alors, non, moi, je ne prévois de problèmes à ça.
M. Ratthé: O.K.
Le Président (M. Paquet): Ça va, M. le député? Merci. Je reconnais maintenant M. le député de Rousseau.
M. Marceau: Oui, merci.
Le Président (M. Paquet): À qui je souhaite la bienvenue à notre commission, d'ailleurs.
M. Marceau: Merci. Merci à vous. Bonjour, tout le monde. Et merci à vous, à tous les experts, pour vos lumières et pour tout le travail abattu avant cette comparution.
J'ai quelques questions. La première porte sur l'inclusion du vote cumulatif, là, l'article 111, bien, enfin, les, les... L'article 111. Ma question est très simple, là, premièrement: Est-ce que c'était dans la loi fédérale, ça, déjà? Puis, est-ce que c'est utilisé, le vote cumulatif, à ce stade-ci? Et, dans les endroits où c'est utilisé, est-ce que ça a effectivement eu un impact, là, sur la composition des conseils d'administration?
M. Martel (Paul): Bien, oui, c'est... On n'aurait pas inventé quelque chose comme ça, là, vraiment, c'était dans le modèle fédéral, on l'a tout simplement mis. Comme vous le savez, ce n'est pas un droit qui est accordé automatiquement, il faut qu'il soit prévu dans les statuts pour qu'il le soit.
Et la réponse à votre deuxième question, c'est non, c'est... on ne voit jamais ça dans les compagnies. Même s'il y a beaucoup d'actionnaires activistes qui demandent que ça soit mis, mais, pour ça, ça prendrait les 2/3 des voix des actionnaires, et, jusqu'à maintenant, ça ne s'est pas produit. Alors, je ne peux pas dire ? Stéphane, je ne sais pas si tu as vu des exemples? ? mais vraiment... en pratique, là... C'est très beau en théorie, mais il faut voir qu'historiquement le rapport Dickerson, qui avait dit... qui avait inventé ça, lui, ce qu'il recommandait, c'est que ça soit automatique, à moins qu'on l'enlève. Mais, à la dernière minute, il y aurait eu un papillon ou quelque chose qui... ils ont inversé ça, ce qui fait que ce beau mécanisme là finalement n'a jamais vraiment servi.
M. Marceau: O.K.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Marceau: Merci. Deuxième question, c'est sur la question du prix de rachat. Bon. Les mêmes questions que je viens de vous poser pour la question du vote cumulatif, je vous les repose, c'est-à-dire: d'où ça vient, où est-ce que c'est utilisé, et, si c'est utilisé, est-ce que ça a un impact? Puis j'ajouterais un autre élément à la question, qui est: Moi, en lisant ça, étant économiste, là, ce qui m'a frappé, c'est l'ordre dans lequel se déroulent les événements dans le cas où un actionnaire, se sentant lésé, voudrait exercer son droit de rachat. Donc, l'ordre, là, si j'ai bien compris, c'est que le... Enfin, le prix auquel le rachat sera effectué, c'est le prix qui était en vigueur la veille de l'assemblée où la résolution a été adoptée, quelque chose du genre. Or, évidemment, le prix, la juste valeur du prix peut... Pardon. Le prix d'une action peut avoir dégringolé parce qu'on a annoncé, six mois auparavant, que la... je ne sais pas, une décision quelconque, là. Alors, ma question, c'est ça, c'est: Le moment où... le moment qui a été choisi, là, dans la loi, pour l'évaluation de la juste valeur de l'action, est-ce que ça, ça vient directement aussi du droit fédéral? Est-ce qu'on a innové là-dedans ou pas du tout? Voilà.
Le Président (M. Paquet): Me Barbeau.
M. Barbeau (Marc B.): Généralement, là, la notion de rachat puis d'établir une juste valeur, ça vient effectivement du droit fédéral. Il y a des ajustements, des améliorations, là, de textes, là, qui ont été faites. Mais l'idée, c'est... Et il y a une jurisprudence qui existe maintenant depuis plus de 30 ans. D'ailleurs, un des premiers arrêts, je pense que c'était un arrêt qui avait été donné, rendu à Montréal par la Cour supérieure de Montréal. Donc, il y a un bassin de jurisprudence qui entoure la notion de juste valeur puis essentiellement qui nous dit que ce n'est pas nécessairement le prix qui est la juste valeur. La juste valeur, c'est une notion qui a.. qui n'est pas simplement temporelle et éphémère, là, puis, on prend un moment le prix à la Bourse, et puis ça, c'est la juste valeur. La juste valeur, c'est quelque chose qui s'entend... qu'il faut fixer à un moment, mais qui s'entend de toutes sortes de composantes qui vont au-delà de tout simplement un prix ponctuel à la Bourse. Alors, il faut la fixer à un moment donné, il faut dire: Bon, bien, on va prendre le prix moment, ou la juste valeur à tel moment, mais ce n'est pas simplement le prix à la Bourse, là.
Le deuxième commentaire que je ferais, c'est sur le moment où on fixe la juste valeur. C'est clair qu'on veut le fixer à un moment où la personne qui exerce son droit de demander la juste valeur n'a pas encore... ou la compagnie n'a pas encore subi, si vous voulez, l'influence ou la conséquence dont la personne justement fait dissidence. Alors, de fixer la juste valeur avant que le geste soit posé, c'est tout à fait logique, parce que la fixer après que le geste soit posé, effectivement ce serait de fixer la valeur en fonction d'un acte dont une personne veut se faire dissidence.
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(11 h 40)
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Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Marceau: M. le Président, j'allais dire que le prix aurait pu être... enfin la juste valeur aurait pu être déterminée avant l'annonce de... qu'on va entreprendre un changement dans la société. Et ma question ultime, c'est: Est-ce que c'est un compromis d'avoir choisi la veille de l'Assemblée? Est-ce que, selon vous, c'est un compromis, est-ce que ça équilibre un peu les avantages et les désavantages qu'il y a pour les gens qui vont exercer leur droit de rachat ou bien...
Le Président (M. Paquet): Me Barbeau.
M. Barbeau (Marc B.): Non, je n'ai pas vu... enfin il n'y a pas eu de compromis. Il fallait fixer un moment, et puis effectivement, je pense, la loi fédérale parle du jour avant l'assemblée. Donc...
M. Martel (Paul): Oui. Oui. En fait, il faut réaliser que même notre modèle, qui est le modèle fédéral, lui-même était pigé dans la loi des valeurs mobilières américaines, parce que c'est de là que ça vient, le «dissent right», le «appraisal remedy», et c'est comme ça que c'est fait là. Maintenant, je ne suis jamais allé creuser, à savoir, eux, quand ils ont fait ça, si c'était un compromis, mais ce qu'on sait, c'est que c'est la façon dont c'est établi. Et on n'a pas vu de raison, nous, de changer ça lorsqu'on a décidé de suivre finalement ce modèle-là et de prendre ce droit-là.
M. Marceau: Une dernière petite question.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Marceau: Ça porte sur l'obligation du conseil d'administration de fixer la rémunération. Donc, le conseil d'administration fixe la rémunération des administrateurs et des dirigeants. Or, souvent, sur les conseils d'administration il y a des dirigeants. Une façon de se sortir de cette difficulté, c'était de déléguer, dans le passé. Comment doit-on interpréter cette difficulté? Là, on va obliger des gens à voter leur rémunération, là.
Le Président (M. Paquet): Me Barbeau.
M. Barbeau (Marc B.): Le conseil d'administration ne peut pas déléguer le pouvoir de fixer la rémunération, comme tel. Il y a une pratique, il y a une pratique, que vous connaissez sans doute, dans les grandes entreprises, d'avoir un comité de rémunération. Je doute énormément... en fait je suis convaincu que cette pratique-là ne va pas changer. Les comités de rémunération vont continuer à exister, vont faire du travail. Les membres du comité sont des membres indépendants qui vont faire le travail de fond, si vous voulez, pour baliser, pour comprendre, pour chercher l'information.
Et, une fois que ce travail-là aura été fait, ce à quoi je m'attends pour une compagnie québécoise, c'est que ce comité-là n'aura pas le pouvoir de fixer la rémunération mais devra revenir devant le conseil, et là, devant le conseil, expliquer ce qui se passe puis faire une recommandation. Puis le conseil d'administration, lui, va prendre sa responsabilité et va décider quels choix il veut faire au niveau de la fixation de la rémunération.
Le Président (M. Paquet): Merci.
M. Martel (Paul): Je voudrais ajouter une petite chose. Vous pouvez regarder l'article 127, paragraphes 1° et 2°; ça, ça adresse un petit peu au problème auquel vous faites allusion qu'est-ce qui arrive quand vous avez quelqu'un qui est sur le conseil, ou d'un dirigeant, puis on prend la décision. Alors, 127, ça, c'est l'article qui dit qu'est-ce qui arrive quand un administrateur est en conflit ou a un intérêt personnel dans un contrat. Alors, évidemment, là, c'est un contrat entre la compagnie et son dirigeant, c'est un contrat avec la rémunération. Et ce que ça dit, c'est qu'en ce qui concerne la rémunération comme administrateur, la personne peut voter sur sa propre rémunération. Mais vous allez voir le deuxième paragraphe, quand c'est la rémunération en tant que dirigeant, et là vous allez voir qu'il y a des exceptions.
Le Président (M. Paquet):C'était Me Martel, bien sûr, je m'excuse. S'il y a consentement, on pourrait poursuivre un peu au-delà de 11 h 45, quelques minutes, afin de permettre à l'opposition officielle d'avoir le même temps que le gouvernement. Il y a consentement? Est-ce qu'il y a des questions? Alors, oui.
M. Marceau: Moi, j'étais au bout de mes questions pour l'instant. Ça fait le tour pour moi. Excusez-nous.
Le Président (M. Paquet): Alors, M. le député de Rousseau...
M. Marceau: Merci. Ça va pour moi. Merci.
Le Président (M. Paquet): Ça va.
M. Ratthé: Ce qu'on soulève en fait, M. le Président...
Le Président (M. Paquet): M. le député de Blainville.
M. Ratthé: Excusez-moi. Ce qui nous apparaissait peut-être un peu en contradiction, c'était effectivement, je pense qu'on a fait bien comprendre, là, c'est le fait qu'on n'a plus le droit de déléguer à l'extérieur. On a des administrateurs, qui sont des dirigeants, qui sont sur le conseil d'administration. Je vous entends bien quand ils disent que la pratique usuelle veut qu'on va nommer un comité, mais c'est une pratique usuelle qui n'est pas nécessairement une obligation. Maintenant, ce que vous nous dites, si je comprends bien, c'est que l'article 127 vient prévenir ça. C'est ce que je comprends bien dans votre...
Le Président (M. Paquet): Me Martel.
M. Martel (Paul): C'est parce que ça s'adresse à une autre chose. Là, on ne parle pas de délégation, on parle tout simplement: lorsque le conseil d'administration va décider de la rémunération de quelqu'un, qui est-ce qui a le droit de voter là-dessus? Est-ce que je peux voter sur ma propre rémunération? C'est ça, la question, là. Et vous allez voir que, dans certains cas, la personne qui est un dirigeant ne pourra pas. Maintenant, le fait qu'on puisse donner ça à un comité, ça, c'est d'autre chose, ça, c'est l'histoire de la délégation.
Le Président (M. Paquet): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions? M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Aussant: Ce comité-là est quand même nommé par le dirigeant en question. Donc, ultimement... Oui?
M. Barbeau (Marc B.): Les comités du conseil sont nommés par le conseil.
M. Martel (Paul): Par le conseil, oui.
M. Aussant: Oui, c'est ça, donc, il n'y a pas vraiment moyen finalement d'échapper au fait qu'un dirigeant, directement ou indirectement, va déterminer son propre salaire.
M. Martel (Paul): Bien, disons que, si on est dans une compagnie publique et que vous créez ce comité-là, il me semble que, dans les règles de gouvernance, il n'est pas supposé être là, lui, hein?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Stéphane): Bien, si je peux me permettre. Les pratiques exemplaires de gouvernance recommandent qu'un comité de rémunération soit composé uniquement d'administrateurs indépendants. Et de là, bien on cherche à faire en sorte que ces administrateurs-là statuent sur le régime d'une manière objective, avec détachement, par rapport aux dirigeants, avec l'aide éventuellement d'un conseiller en rémunération. Une fois ce travail-là fait, comme on l'expliquait tout à l'heure, bien le régime que l'on aura conçu, bien on l'amènera au conseil, et c'est le conseil qui adoptera d'un point de vue formel le régime.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors donc, je veux remercier, au nom des membres de la commission, je veux remercier pour votre participation non seulement nos travaux, mais aussi pour la préparation, là, qui a aidé à préparer le projet de loi qui est devant nous, alors je veux remercier le comité d'experts: Mme Crête, M. Authier, Me Bannon, Me Barbeau, Me Martel et Me Rousseau. Merci beaucoup pour votre participation à nos travaux.
Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la Commission des finances publiques jusqu'après la période des affaires courantes. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 47)
(Reprise à 15 h 27)
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte. Je rappelle à toutes les personnes présentes dans la salle de bien s'assurer d'éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires afin de ne pas perturber nos travaux.
Cet après-midi, nous poursuivons les auditions publiques sur le projet de loi n° 63, Loi sur les sociétés par actions. Alors, j'ai le plaisir, au nom des membres de la commission, de souhaiter la bienvenue aux représentants du Barreau du Québec, Me Marc Sauvé, directeur du Service de recherche et de législation du Barreau, Me Charles Denis et Me Raymond Doray. Bienvenue à la commission. Et, sans plus tarder, je vous reconnais pour faire votre exposition... votre exposé, pardon, excusez, pour une période de 10 minutes.
Barreau du Québec
M. Sauvé (Marc): Alors, M. le Président, je vous remercie. M. le ministre, messieurs les députés. Mon nom est Marc Sauvé, je suis directeur du Service de recherche et législation au Barreau du Québec. Et, pour la présentation du Barreau, je suis accompagné, à ma gauche, de Me Charles Denis, qui est avocat et membre du Comité du Barreau sur les sociétés et personnes morales; à ma droite, je suis accompagné donc de Me Raymond Doray, un spécialiste des questions d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, et plus particulièrement des problématiques entourant le secret professionnel.
Alors, le projet de loi n° 63 comporte plus de 700 articles. Il a été présenté à l'Assemblée nationale le 7 octobre. Alors, nos comités d'experts, qui sont constitués de bénévoles, essentiellement de bénévoles, n'ont pas eu l'occasion d'analyser dans le détail la portée de chacune des dispositions proposées, compte tenu du peu de temps qui leur a été alloué. Malgré ces contraintes majeures, le Barreau estime important de faire part au législateur de ses commentaires et observations.
Alors, ces commentaires sont consignés dans la lettre du bâtonnier du Québec, Pierre Chagnon, qui vous a été acheminée ce jour même. En premier lieu, le Barreau félicite le ministre pour le dépôt de ce projet de loi qui vise à remplacer les parties 1 et 1A de la Loi sur les compagnies. La loi actuelle accuse un sérieux retard, un retard important de compétitivité par rapport aux autres lois canadiennes et étrangères, et en particulier par rapport à la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Les particularités du Québec ont aussi été prises en compte, notamment le Code civil est pris en compte, l'existence d'un droit civil au Québec et l'importance des PME dans notre entreprise.
Alors, le Barreau du Québec appuie les dispositions qui visent à protéger les actionnaires, à augmenter la compétitivité de nos entreprises, à moderniser et à alléger le droit des compagnies et à imposer certaines règles sur les devoirs de prudence et de diligence des administrateurs.
Toutefois, le Barreau tient à exprimer certaines réserves, certaines inquiétudes en ce qui concerne plus particulièrement le secret professionnel. Il s'agit ici plus particulièrement du chapitre XVII, portant sur les mesures de surveillance et de contrôle. Et, sur cette question, je céderai tout simplement la parole à Me Doray.
Le Président (M. Paquet): Me Doray.
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(15 h 30)
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M. Doray (Raymond): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. Il y a deux, j'allais dire, problématiques qui ont intéressé le Barreau au regard de la question du secret professionnel, on les retrouve à l'article 433 et à l'article 446 du projet de loi.
Pour ce qui est de l'article 433, qui ne vise pas le secret professionnel de l'avocat de façon spécifique, là, qui vise plus le secret professionnel du comptable, simplement une remarque pour noter que le libellé de 433 pourrait peut-être être reformulé de manière à ce que les renseignements pour lesquels le secret professionnel des comptables est mis de côté sont ceux qui sont nécessaires pour les fins de l'enquête, là, de façon à ce que ce ne soit pas un droit absolu de prendre connaissance de tout document ou de tout renseignement protégé par le secret professionnel, dans le contexte, comme vous le savez, où le secret professionnel est un droit fondamental, est un droit reconnu, consacré dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.
Mais la préoccupation prioritaire du Barreau du Québec a trait à l'article 446 du projet de loi. Je vous remets dans le contexte. L'article 446 est au chapitre des recours, et plus particulièrement de l'autorisation d'agir au nom d'une société, ce qui est communément appelé, là, l'action dérivée. C'est cette possibilité qui est donnée soit au détenteur inscrit, administrateur dirigeant, ancien administrateur, ancien dirigeant d'une société ou même toute personne autorisée par le tribunal, ce qui pourrait inclure un représentant de l'AMF, par exemple, de s'adresser à la cour et de demander de pouvoir agir au nom de la société pour instituer des procédures, pour continuer des procédures, pour mettre fin à des procédures judiciaires, pour intervenir dans des procédures judiciaires, dans le but de défendre les intérêts de la société.
D'un point de vue conceptuel, je pense qu'on peut de prime abord dire: Bien, il n'y a pas de problème de secret professionnel, puisque ces personnes qui remplacent les dirigeants et administrateurs de la société qui ne fait pas, peut-être, son travail correctement, du moins selon le point de vue de ceux qui le contestent, devraient avoir le droit de remplacer l'entreprise et de prendre connaissance des documents qui lui appartiennent, auquel cas, d'un point de vue conceptuel toujours, il n'y a pas de violation du secret professionnel. Là où le bât blesse, c'est que la réalité n'est pas toujours en noir et en blanc, elle est très souvent en gris, et on peut se retrouver, dans le cadre de ces autorisations d'agir ou de recours dérivé, dans un contexte où un groupe minoritaire d'actionnaires va contester une restructuration de l'entreprise, par exemple, ou des décisions qui ont été prises par les administrateurs et aurait accès, par le biais de l'article 446, à des renseignements et à des documents qui ont été préparés dans cette relation privilégiée entre la société, les dirigeants, les administrateurs et leurs avocats, bien sûr.
Et cette relation privilégiée, elle n'est pas seulement protégée par la charte québécoise comme étant un droit quasi constitutionnel, elle est protégée, la Cour suprême nous l'a dit, par des principes constitutionnels qu'on retrouve dans le préambule de la Constitution, parce que, sans secret professionnel, il n'y a pas de règle de droit qui vaille, dans l'article 7, dans l'article 8, dans l'article 11 de la charte canadienne. Et la préoccupation du Barreau, essentiellement, c'est qu'il faudrait baliser cet article 446 de manière à ce que l'on puisse s'assurer qu'un groupe minoritaire n'obtienne pas indirectement des renseignements qui ont été dans une certaine mesure soit des avis, des confidences qui ont été donnés dans cette relation privilégiée antérieure aux dirigeants et administrateurs qui se sont vu remplacer pour les fins d'un recours, là, pour ce recours dérivé, de manière à ce qu'il y ait au moins une certaine protection de leurs droits, puisqu'il est vraisemblable que, suite à cette intervention du tribunal, il y aura probablement des litiges, dans lesquels les anciens administrateurs auront à se défendre, les anciens dirigeants de l'entreprise auront à se défendre, et il ne faudrait pas que les confidences qu'ils ont échangées sur des questions qui étaient tout à fait légitimes... On sait bien que le secret professionnel n'est pas un sauf-conduit qui permet de violer la loi. Il y a une exception, bien reconnue, en droit, selon laquelle on ne peut pas se réfugier derrière le secret professionnel pour commettre des actes illégaux, que ce soit à la connaissance ou à l'insu de l'avocat ou du notaire. Mais, dans des cas tout à fait légitimes, il ne faudrait pas que ces personnes, qui auront des litiges éventuellement avec des gens qui deviendront peut-être administrateurs provisoires de l'entreprise ou qui seront poursuivis par les actionnaires dans un recours collectif ou par un groupe d'actionnaires minoritaires, perdent le bénéfice du secret professionnel, en autant que ces avis ou ces confidences les concernent plus directement.
Et, dans cette perspective, nous avons, dans le dernier document que le Barreau a fait parvenir à la commission parlementaire, pris la peine non pas de simplement critiquer l'article 446, mais de soumettre des pistes de solution, c'est-à-dire certains principes qui pourraient être inscrits dans la loi de manière à permettre au juge de déterminer qu'est-ce qui doit être transmis à la personne qui se voit autorisée à exercer un recours en une action dérivée pour la société et qu'est-ce qui devrait être, à l'inverse, là, gardé confidentiel pour protéger le secret professionnel des anciens administrateurs et dirigeants. Et n'oublions pas que cette exception vise l'exercice d'un recours. Ce n'est pas une administration provisoire. Il ne faudrait pas non plus, et je terminerai là-dessus, M. le Président, il ne faudrait pas non plus que, si la personne autorisée par le tribunal a à agir dans le cadre d'un recours dérivé... ? et une personne qui est proche d'un organisme de surveillance et de contrôle, tel que l'AMF, parce que, dans la réalité des choses, ce ne sont pas toujours les actionnaires qui ont les moyens d'instituer ce type de procédure, ça pourrait très bien être un organisme de surveillance et de contrôle auquel le tribunal reconnaît l'intérêt d'agir ? il ne faudrait pas qu'ils profitent de cette dérogation au principe du secret professionnel pour aller mettre la main sur des documents et des renseignements qui par ailleurs ne leur seraient pas accessibles.
On sait qu'un organisme de surveillance et de contrôle ne peut pas forcer, ni par une perquisition ni par une ordonnance, une société à lui livrer des documents qui sont protégés par le secret professionnel de l'avocat. Donc, c'est l'essentiel de la préoccupation du Barreau et pour laquelle nous avons suggéré des pistes de solution qui, on en est conscients, ne sont peut-être pas parfaites, là, mais qui aident à la réflexion. Merci.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Merci, Me Doray. Alors, M. le ministre des Finances.
M. Bachand (Outremont): Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup aux représentants du Barreau, qui ont d'ailleurs... Merci aussi d'avoir participé, parce que, dans le processus, depuis le début, je pense que non seulement les honorables membres de la profession, qu'ils soient professeurs, spécialistes, avocats pratiquants, ont participé, mais le Barreau lui-même a été appelé à soumettre un mémoire, il y a eu des rencontres avec le Barreau. Je note rapidement que dans votre mémoire, là ? il faut toujours commencer par les bonnes nouvelles, là ? sur la protection des actionnaires et des administrateurs, vous faites des commentaires. Le Barreau appuie ces dispositions. Même chose pour la compétitivité et le pouvoir d'attraction de la loi, la modernisation, l'allégement, les exigences en matière de gouvernance. Donc, voilà tous des segments globaux sur lesquels vous êtes d'accord. Vous faites ? avant d'arriver au secret professionnel ? vous faites un commentaire sur le règlement, qui est en préparation, pour mettre dans en dispositions certaines... oeuvres. Il aurait été trop lourd, en un sens, pour incorporer dans le texte de la loi. Bien sûr, il sera prépublié pour une période de 45 jours, ce qui permettra à tous les gens de faire des commentaires et d'avoir des ajustements. Alors, je voudrais vous rassurer sur cette question.
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(15 h 40)
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Sur le secret professionnel, et j'ai moi-même, étant avocat, eu des bons débats avec les gens du ministère, qui sont aussi des avocats par ailleurs, sur cette question. Il y a celui du comptable dans le cas d'une enquête; ça, c'est une série de dispositions, mais ce n'est pas celles-là dont vous me parlez, parce que ça ne touche pas les avocats dans ce cas-là. Et celui, au fond, de l'action dérivée, où on assiste à une substitution de clients. Sur le principe... Puis, après ça, il y a des modalités, là. Juste pour bien vous comprendre, sur le principe, au fond... Parce qu'au début c'était: Personne d'autre que mon ancien client n'a le droit de voir les documents juridiques. Évidemment, quand un tribunal décide que la compagnie fait défaut de ses responsabilités, elle dit: Parfait. Alors, c'est M. Untel qui va maintenant représenter la compagnie pour exercer tel recours, la compagnie ayant fait défaut, au fond il exerce au nom de la compagnie, c'est une substitution de client. Et, corrigez-moi, donc, étant une substitution de client, c'est presque comme si le vice-président affaires juridiques ou le CEO d'une compagnie se fait mettre dehors et se fait remplacer par un nouveau président, le nouveau président a accès à tous les dossiers de l'entreprise, bien sûr, y compris les dossiers juridiques de l'entreprise, y compris donc les opinions des avocats qui sont dans ces dossiers-là.
Donc, sur le principe, est-ce que je vous comprends bien, que, oui, sur le principe, vous ne vous opposez pas à cette substitution de client, un recours d'ailleurs qui existe dans le loi canadienne, parce qu'en pratique le secret professionnel est protégé, c'est juste le client qui a changé, les informations sont divulguées au nouveau client? Et par ailleurs que votre inquiétude est que peut-être que, dans le dossier client du bureau d'avocat, il y a un spaghetti d'informations ? excusez la façon d'exprimer les choses, juste pour bien les imager ? dont certaines ne sont pas pertinentes à la cause, et celles-là, à ce moment-là, ne devraient pas être divulguées.
Mais je me demande si, par ailleurs, ce qui est... si le texte de la loi ne protège pas ça, parce qu'au fond c'est les documents, là, 446.2... Il va falloir revenir au juge, hein, parce que ce n'est pas automatiquement. Il faut que celui qui exerce l'action dérivée, bien, 446, s'il veut avoir accès à des documents auxquels il ne peut pas avoir accès, dans le cas de l'avocat, il doit se réadresser au tribunal pour dire: M. le juge, j'ai besoin de ces documents-là pour exercer mon recours. Donc, là, il y a une protection pour les avocats, de plaider que... Et, deuxièmement, le juge, normalement, ne devrait l'autoriser que pour les renseignements ou documents nécessaires dans le cadre de l'action ou de l'intervention qu'il a autorisée. Et ça ne peut être utilisé, aussi, que pour cette fin-là. Mais présumons de la bonne foi de celui qui l'utilise, mais présumons-le de la mauvaise foi de celui qui utiliserait les documents et voudrait les divulguer autrement. Mais, avec le deuxième paragraphe, est-ce que ça ne permettrait pas à l'avocat de dire au juge: C'est parfait. Voici, j'ai une boîte de documents, et il y a une partie de ces documents-là qui sont pertinents à la cause, vous pouvez tous les voir, M. le juge ? des fois, un peu comme quand il y a une perquisition de la GRC, et il y a un juge qui trie les documents ? vous pouvez tous les voir, et voici ce qui, pour nous, est pertinent à la cause que le client, le nouveau client, peut prendre, voici ce qui n'est pas pertinent à la cause, voici pourquoi ? ça reste avec le juge ? et vous ne pouvez pas les voir?
Alors, juste voir si on se comprend bien. Peut-être que les textes peuvent être améliorés, mais, sur le principe... Donc, le nouveau client, il a accès, mais il n'a accès qu'à ce qui est pertinent à la cause. Au fond, c'est ça qu'on essaie d'écrire, si je comprends bien.
Le Président (M. Paquet): Me Doray.
M. Doray (Raymond): Merci, M. le Président. M. le ministre, je pense que vous nous avez bien compris, que, sur le principe ? et d'ailleurs j'ai commencé ma présentation en disant que, d'un point de vue conceptuel, effectivement c'était tout à fait acceptable que le substitut... dans ce cas-ci, ce n'est pas un administrateur provisoire ? ...mais la personne qui va exercer pour et au nom de la compagnie un recours puisse avoir accès aux documents de cette compagnie qui sont pertinents.
Au niveau des modalités, je pense qu'il y a quand même un certain nombre de problèmes. Le premier alinéa de l'article 446 est presque déclaratoire. Il nous dit que cette personne a accès à tous les renseignements ou documents pertinents que détient la société ainsi qu'aux documents qui sont détenus ou qui ont été préparés pour elle par un mandataire. Et ce n'est qu'à un deuxième niveau, dans le deuxième alinéa, qu'on nous dit: «Le tribunal peut, sur demande, ordonner la communication...» Si tant est qu'il y a un véritable risque que, lorsque ces personnes-là demanderont aux personnes qui sont en place dans la société, là, qui n'ont pas... il n'y a pas eu de remplacement, mais qu'on soit enclin à penser qu'ils ont droit d'accès à peu près à tout, le deuxième alinéa semble viser les documents qui sont détenus par des tiers, auquel cas il faudrait s'adresser au tribunal pour aller chercher ces documents et ces renseignements. Et là, à ce moment-là, il y aurait une possibilité de faire valoir que soit qu'ils ne sont pas nécessaires, soit qu'ils ont été rédigés plus au bénéfice des anciens administrateurs et dirigeants et que ce serait faire une entorse au secret professionnel que de permettre à ceux qui sont les substitués d'en prendre connaissance.
Alors, c'est peut-être plus un problème d'articulation. Et aussi, le Barreau pense qu'il faudrait peut-être donner certains... certains, j'allais dire, pas garde-fous, mais paramètres aux tribunaux, de façon à ce que cette dérogation ou ce qui pourrait dans certaines circonstances devenir une dérogation au secret professionnel de l'avocat ne soit pas... n'aille pas plus loin que nécessaire. Alors, c'est un peu dans cette perspective-là qu'on a suggéré certains critères.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Moi, je vais laisser mes collègues peut-être...
Le Président (M. Paquet): D'accord. M. le député de Viau.
M. Dubourg: Merci, M. le Président. Mais je voudrais continuer dans cette même optique là. Je voudrais tout d'abord saluer les représentants du Barreau, les trois avocats ici présents.
Oui, c'est vrai qu'on parle de... moi, je voudrais surtout faire référence de l'article 433. Et je voudrais... comment dirais-je, enfin vous poser, présenter une situation, et puis j'aimerais savoir, de votre côté, ce que vous en pensez, en ce qui a trait au secret professionnel. Je crois que c'est Me Doray tout à l'heure qui a parlé que, bon, effectivement on rencontre des situations de restructuration d'entreprise. On sait que, dans la réalité, quand on parle de restructuration d'entreprise, la compagnie peut aussi bien engager ou bien demander à ses représentants légaux, ses avocats, de prévoir ou bien de faire une planification, par exemple, dans le cadre de cette restructuration-là et on sait que de plus en plus il y a des fiscalistes ou surtout des comptables aussi qui font ce genre de mandat là.
Est-ce que... quand on dit que, oui, le tribunal peut rendre un certain nombre d'ordonnances, par exemple, ces documents-là de travail que vous avez préparés, advenant le cas que c'est dans un cabinet d'avocat et que vous avez tout fait votre travail concernant la restructuration de cette entreprise-là, et je présume que ces documents-là font partie des documents... enfin du secret professionnel de l'avocat, donc les gens ne peuvent pas avoir accès à ces documents-là... J'aimerais... Et alors que, quand c'est dans le cas d'un comptable agréé, par exemple, est-ce que c'est la même situation pour ces documents-là? C'est-à-dire que... Est-ce que le tribunal peut ordonner, à ce moment-là, que le comptable ou bien le cabinet de comptables agréés donne accès à ces documents de planification fiscale, dans le cadre d'une restructuration d'une entreprise, par exemple?
Le Président (M. Paquet): Me Doray.
M. Doray (Raymond): M. le Président, M. le député, écoutez, pour ce qui est de l'article 433, je pense que le problème qu'on peut envisager, c'est le cas de la pratique en multidisciplinarité. Maintenant, le législateur, il y a quelques années, a permis à plusieurs membres de professions différentes de travailler conjointement, même d'avoir des cabinets où ils oeuvrent conjointement. Et le domaine de la fiscalité est effectivement un domaine de prédilection où les avocats et les notaires sont fréquemment appelés à travailler ensemble. 433 permet au tribunal de mettre de côté le secret professionnel des comptables, mais quand même avec certaines balises, là. On parle des documents obtenus ou préparés dans le cadre d'une vérification ou dans le cadre de la préparation de l'examen des états financiers. Il pourrait s'y retrouver des avis juridiques, mais il me semble que l'article 435 donne au tribunal une indication très claire qu'il doit faire en sorte que ce qui est protégé par le secret professionnel d'une autre profession que celle des trois ordres de comptables que l'on connaît doit être élagué. J'ose penser que c'est la volonté du législateur et qu'elle serait respectée par les tribunaux, que, si, dans certains cas, là, il y avait imbrication de renseignements protégés par le secret professionnel de l'avocat et celui du comptable, que le tribunal essaierait de faire la part des choses et de protéger les avis juridiques. C'est surtout les avocats qui sont visés par 435. J'ai peine à croire que ce soient des podiatres qui travaillent de concert avec les comptables pour préparer des états financiers.
M. Dubourg: Ça va. D'accord. Merci. Donc...
Le Président (M. Paquet): M. le député de Viau.
M. Dubourg: D'accord. Donc, je comprends que... parce que tout à l'heure vous avez parlé d'un certain nombre de balises. Vous avez dit que vous souhaitez effectivement que, dans le cadre de ce projet de loi là... Donc, ce que je voulais aussi clarifier, c'était de dire que les comptables, dans le cadre effectivement de leurs vérifications, soit qu'eux, ils ont fait cette planification fiscale là ou bien des avocats l'ont faite, et ça se retrouve dans le dossier de vérification. Donc, de la façon dont c'est identifié, ça vous convient pour... c'est-à-dire que, dans la tête du législateur, que ces documents-là ne devraient pas être, enfin, enlevés, quoi, du secret professionnel, ça devrait être protégé, quoi?
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(15 h 50)
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M. Doray (Raymond): Bien, je pense que le Barreau n'a pas l'intention de se prononcer au nom des ordres de comptables agréés, qui viendront vous rencontrer, je pense, demain ou... et qui auront certainement des éléments à porter à votre attention. Mais, du moins par rapport au secret professionnel de l'avocat, il semble y avoir une protection prévue dans 435. La seule, je dirais, la seule réserve, c'est que, dans le mémoire du Barreau, on mentionne que peut-être faudrait-il reproduire le critère de nécessité, dans l'article 433, dire que ce ne sont que les renseignements qui sont nécessaires à la poursuite de l'enquête que le tribunal peut transmettre, malgré le secret professionnel des comptables agréés. Il y a peut-être un petit ajout qui serait utile, mais 435 semble assez bien conçu, je pense, pour protéger le secret professionnel des avocats.
M. Dubourg: Merci. M. le Président, une dernière intervention, s'il vous plaît.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Dubourg: C'est que vous savez que, bon, dans le cadre de ce projet de loi qu'on veut... bon, le ministre veut moderniser, il y a un certain nombre de transactions électroniques, je pourrais dire, on en a parlé ce matin avec le Registraire des entreprises, et il est aussi question de vote électronique, de transmission de documents électronique. Est-ce que, dans tout cet aspect d'avènements technologiques, est-ce que le Barreau a des réserves, par exemple, concernant tout cet avènement-là ou bien tout ce qui est prévu dans le cadre du projet de loi n° 63?
M. Denis (Charles): Des réserves, non. Je pense que le projet de loi s'adresse à une situation qui se veut plus contemporaine que la loi qu'on a actuellement. Si on en réforme une par siècle, loi des compagnies, ce n'est déjà pas si mal! Alors, à ce rythme-là, la technologie devrait aussi évoluer, mais c'est ce qu'on retrouve sensiblement dans les autres juridictions, ça ne pose pas de problème.
M. Dubourg: Merci.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le ministre, vous aviez une question, puis après, s'il reste du temps, il y a M. le député de Huntingdon.
M. Bachand (Outremont): Merci. O.K., ça va être très court parce que je pense qu'on n'aura pas l'occasion de revenir, dans l'allocation du temps. Simplement vous dire que j'apprécie aussi les commentaires que vous faites et... mais je suis en train de regarder précisément ce que vous voulez dire, parce que 446.2, quand même, limite l'accès aux documents, aux renseignements, à ce qui lui apparaît nécessaire dans le cadre de l'action ou de l'intervention qui est autorisée, et non pas... en d'autres mots, ce n'est pas une partie de pêche, c'est vraiment pertinent à l'action autorisée. Mais on va prendre connaissance des suggestions précises que vous avez faites et les regarder.
M. Doray (Raymond): M. le Président, si vous permettez.
Le Président (M. Paquet): Me Doray.
M. Doray (Raymond): Merci, M. le Président. Effectivement, le critère de nécessité se retrouve dans le deuxième alinéa, mais, M. le ministre, quelque chose peut être nécessaire et violer le secret professionnel des anciens administrateurs et dirigeants. Un n'exclut pas l'autre, ce n'est pas mutuellement exclusif, d'où, selon le Barreau, la nécessité d'avoir certaines balises. On en suggère, «it's food for thought», mais je pense que celles qu'on a suggérées permettent de comprendre les craintes du Barreau, dans quels cas il pourrait y avoir effectivement, là, une divulgation qui poserait problème, en dépit du fait que le principe de base selon lequel ceux qui se substituent à l'entreprise devraient avoir accès à ces documents.
Juste un petit élément, M. le Président, M. le ministre, on a noté dans notre mémoire, et on ignore s'il s'agit... si c'est volontaire ou si c'est par mégarde, mais on fait référence à la notion de mandataire, tant dans le premier alinéa de 446 que dans le deuxième alinéa de 446, en disant que les documents qui ont été préparés pour la société par un mandataire sont accessibles à celui qui institue ou qui est autorisé par le tribunal à instituer les procédures, ou encore que le tribunal peut ordonner que les documents qui sont entre les mains d'un mandataire de la société soient remis à la personne qui instituera les procédures ou les poursuivra. Cette notion de mandataire, depuis le nouveau Code civil, en 1994, elle a un sens beaucoup plus réduit qu'elle ne l'avait auparavant et qu'elle ne l'a dans le sens courant des mots. L'avocat n'est pas toujours un mandataire. L'avocat n'est mandataire que lorsqu'il représente son client devant une instance, mais, quand un avocat rédige un avis juridique, il est un prestataire d'un contrat de services, il n'est pas un mandataire.
Donc, je pense que c'est le devoir du Barreau de vous mettre en garde. Si votre objectif, c'est que certains avis qui ont été faits pour la société soient accessibles à la personne qui est autorisée à agir devant les tribunaux au nom de la société et dans son intérêt, j'ose comprendre que vous vouliez viser également les avis, pas seulement les procédures qui ont été préparées à cette occasion-là. Donc, si c'est le cas, il y a peut-être un correctif qui devra être apporté.
Le Président (M. Paquet): M. le ministre.M. Bachand (Outremont): Je vous remercie de votre précision. On va valider la pertinence de la rédaction. Je vais laisser la parole à mon collègue parce que je pense qu'il reste peu de temps.
Le Président (M. Paquet): Il ne reste plus de temps à ce moment-ci, pratiquement, alors il y aura d'autres occasions. Merci. M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Aussant: Merci. Bienvenue à tous. Merci de prendre le temps de venir nous faire part de votre vision du projet de loi. Juste pour être certain, dans l'interprétation de tout ce qui est... de ce qu'on vient de discuter, là, les secrets professionnels et l'ouverture du secret professionnel, est-ce qu'on doit comprendre que le Barreau est à l'aise avec le libellé ou la façon de rédiger la loi actuelle, que c'est assez clair que ça n'ouvrira pas la porte à des abus ou à trop de demandes, quand ce n'est pas vraiment nécessaire, donc que le Barreau est à l'aise avec la forme actuelle des articles?
Le Président (M. Paquet): Me Doray.
M. Doray (Raymond): Merci, M. le Président. Merci, M. le député de l'opposition. En fait, non, on est d'accord avec le principe, mais... Je ne sais pas si vous avez eu le bénéfice de lire le texte que le Barreau, malheureusement, n'a été en mesure que de transmettre ce matin, mais je suis persuadé que vous pourrez en obtenir copie soit de notre part, soit de la part du gouvernement, mais on suggère quelques aménagements qui sont des pistes pour, selon nous, améliorer le texte de façon à baliser l'intervention du tribunal et aussi la transmission de documents qui seraient autrement protégés par le secret professionnel.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député.
M. Aussant: Et juste quelques questions techniques, disons. Le député, tout à l'heure, a fait mention de tout ce qui est correspondance électronique. Est-ce qu'un courriel a la même force légale qu'un document signé, aujourd'hui, en 2009? Parce que c'est assez facile de modifier un courriel dans un série de «forward», en bon français, et de «reply», c'est facile d'aller modifier ce qui était dans le courriel d'avant. Est-ce que la force légale d'un courriel a été établie?
M. Doray (Raymond): En fait, M. le Président, en fait c'est une question qui pourrait requérir de nombreux commentaires, puisque, dans la Loi sur le cadre juridique des technologies de l'information, on nous dit que les documents technologiques ont la même valeur qu'un document papier ou qu'un document sur n'importe quel autre support. Ça, c'est dans une loi qui a été adoptée, maintenant, il y a presque 10 ans par l'Assemblée nationale. Mais il y a quand même des règles dans cette loi-là qui requièrent que, pour établir la valeur d'un document technologique, encore faut-il en démontrer, quoiqu'il y a certaines présomptions, mais qu'il y a intégrité du document, que le support n'a pas été altéré, il y a des normes auxquelles renvoie la loi, à des normes internationales, donc c'est assez complexe.
Mais vous avez raison de dire que c'est facile, dans une certaine mesure, de falsifier un courriel, d'où justement ces règles très pertinentes qu'on retrouve dans la Loi sur le cadre juridique des technologies de l'information pour permettre de bien établir, là, que le document a été transmis à telle heure, qu'il provient de l'ordinateur de telle personne, qu'il n'a pas été modifié ou que les copies qui ont été faites ont été faites devant témoin, avec des attestations, et ainsi de suite. Donc, à cet égard-là, je pense que les lois du Québec sont à l'avant-garde ou du moins sont au diapason de la réalité technologique.
M. Aussant: O.K.
Le Président (M. Paquet): Juste pour les fins minimums de la commission, la secrétaire de la commission a transmis, ce matin, à 11 heures, la lettre. Dès qu'on l'a reçue, elle est transmise. Dès que je reçois un document, une lettre, parfois la secrétaire le reçoit, si c'est moi qui le reçois, automatiquement je le transmets à la secrétaire pour distribution aux membres. Je peux comprendre que ça se peut qu'on ne l'ait pas vue passer, là.
M. Aussant: O.K. On en prendra connaissance très rapidement. Et j'ai peut-être une dernière question aussi, sur l'élément actionnaire majoritaire-minoritaire. Je ferais peut-être appel à votre expérience de ce que c'était avant. Donc, je ne connais pas l'ampleur des causes qui étaient amenées devant les tribunaux entre actionnaires minoritaires et une compagnie quand il y avait conflit, mais est-ce que le projet de loi actuel, selon vous, va réduire ces causes-là ou donner encore plus de droits aux actionnaires minoritaires pour faire des litiges ou des appels d'une certaine décision? Est-ce que ça va diminuer ou augmenter vos honoraires?
n(16 heures)nDes voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Paquet): Alors, cette question, maître?
M. Denis (Charles): Les miens, non. Je pense qu'au moins le projet de loi a le mérite de venir clarifier une situation qui était, disons, ambiguë, en ce sens que l'interprétation qu'on a faite de la protection des actionnaires minoritaires, en droit québécois, avec les compagnies québécoises, demeurait... ou il y avait un certain flou. Alors, ce que 447 vient faire ici, c'est de bien baliser, si vous voulez, le recours en oppression, là, dont on parle tant, là, au niveau de la protection des actionnaires minoritaires, entre autres.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Aussant: Donc, on ne peut pas dire que ça va augmenter ou diminuer les causes, on ne le sait pas?
M. Denis (Charles): En fait, c'est de savoir: Est-ce qu'il va y avoir plus de gens ou moins de gens qui sont floués par d'autres... par les majoritaires? Ça, c'est une question qui dépend de la gestion de chacune de ces compagnies-là.
Le Président (M. Paquet): M. le député, ça va?
M. Aussant: Moi, je n'ai pas d'autre question.
Le Président (M. Paquet): Est-ce qu'il y a d'autres questions?
Une voix: Ça va.
Le Président (M. Paquet): Ça va. Alors donc, sur ce, je remercie cordialement les représentants du Barreau du Québec pour leur présentation à la commission. Et je suspends temporairement nos travaux et j'inviterais les prochains invités à se joindre à la table, de l'Association du Barreau canadien.
(Suspension de la séance à 16 h 1)
(Reprise à 16 h 3)
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons maintenant... et je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association du Barreau canadien, division Québec: Me Chantal Perreault, Me Patric Besner, Me André Vautour et Me Marie-Andrée Latreille. Alors, bienvenue à la commission. J'imagine que c'est Me Perreault qui... effectivement, qui commence d'abord par vos remarques, votre présentation. Vous avez 10 minutes à votre disposition.
Association du Barreau canadien,
division Québec (ABC-Québec)
Mme Perreault (Chantal): Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre Bachand et tous les membres, tous les députés de cette commission, de nous recevoir. Mon nom est Chantal Perreault. Donc, je suis présidente du comité d'étude qui a été formé par la section Affaires de l'Association du Barreau canadien, division Québec, et présidente sortante de la section Affaires. Comme vous l'avez souligné, je suis accompagnée aujourd'hui, à ma gauche, de Me Marie-Andrée Latreille, qui est membre de l'étude de Davies Ward Phillips & Vineberg et qui est membre du comité d'étude sur la réforme de la Loi sur les sociétés par actions; et, à ma gauche, j'ai Me André Vautour, de la firme Lavery, qui est également membre de notre comité d'étude; et, à l'extrême-droite ? excusez, je ne sais pas si j'ai dit «gauche», en tout cas, à l'extrême-droite ? j'ai Me Patrick Besner, de Besner & Avocats, qui est membre du comité d'étude qui est responsable de la législation au sein de l'exécutif de la section Affaires du Barreau canadien et... et membre du comité exécutif. Il me semblait qu'il manquait un petit rôle.
Alors donc, c'est un privilège, et on est très heureux de pouvoir participer à cet exercice fort important de s'assurer... en fait de contribuer du mieux qu'on peut à ce que nous ayons la meilleure loi possible sur les sociétés par actions, pour les compagnies québécoises. Et nous avions produit un mémoire, en avril 2008, je crois, qui a été transmis aux membres de la commission et qui donnait, si vous voulez, des orientations et des suggestions ou désirs. C'était notre liste du père Noël, ou notre «wish list», là, pour les avocats en droit des affaires. Alors, nous avions également fait des commentaires, là, en 2009, sur la première mouture, et nous avons eu donc le projet de loi. Malheureusement, à cause des délais très courts, nous n'avons pas pu faire une étude article par article. Donc, aujourd'hui, nous allons vous livrer, si vous voulez, les grandes lignes, les grandes orientations que nous saluons, appuyons, et aussi peut-être vous donner encore une petite liste de choses que nous pensons qui seraient à l'avantage de tous les entrepreneurs, et de toutes les entreprises du Québec, et de ceux qui voudraient choisir la loi québécoise.
Donc, dans un premier temps, on aimerait saluer la volonté du législateur de moderniser le droit des affaires et le droit des sociétés par actions. Le comité juridique et d'affaire espérait de façon très, très forte ce... On le désirait ardemment, cette nouvelle loi, et donc le modernisme qui y est inclus. Et nos commentaires vont suivre certains principes directeurs qui d'ailleurs sont énumérés aux pages 4 et 5 du mémoire que nous avions soumis en avril 2008. Je pense que c'est toujours bon d'avoir des principes directeurs, parce que, quand on a ces principes-là, on garde le cap vers les choses importantes. Et donc, les principes étaient ceux d'efficacité, de prévisibilité ? le monde des affaires est un monde qui a besoin de prévisibilité ? de flexibilité, d'ouverture sur le monde, de justice et aussi, naturellement, d'économie des ressources financières. Et il y a une question qui a été posée tantôt aux membres du Barreau du Québec, j'aurai peut-être l'occasion de vous donner ma vision sur les économies à ce niveau-là.
Nous aimerions saluer dans un premier temps des choses que nous sommes heureux de voir dans le projet de loi et qui, je crois, vont beaucoup favoriser la vie, et les transactions, et la façon de faire les affaires, et donc je pense que c'est une bonne nouvelle pour les clients en droit des affaires. Donc, l'abolition des tests financiers pour l'aide financière, vraiment c'est très, très, très... Bravo! Toutes les dispositions qui permettent la continuation, permettant l'importation et l'exportation des sociétés, ça aussi, ça va être quelque chose qui va rendre la Loi des compagnies du Québec très attrayante et attirer, d'après moi... à cause de la flexibilité, justement, qui va attirer des entreprises. Les allégements prévus pour les actionnaires uniques, je pense que c'est des belles choses qui sont apportées pour simplifier la vie des très petites... plus petites ou très petites entreprises. D'avoir un code, au fond, au niveau de la Loi des compagnies, qui est plus complet que l'ancienne Loi sur les compagnies, et on aura peut-être, dans l'autre partie, un petit commentaire cependant à faire sur cela.
Mais c'est très, très souhaitable que quelqu'un qui veut savoir c'est quoi, le droit, pour une compagnie qui s'installe au Québec ou qui prend une constitution sous la loi du Québec, que tout soit là. Parce qu'à ce moment-là il y a justement cette certitude, cette prévisibilité qui permet de dire: O.K., en consultant cette loi-là, là, je connais tous les droits et obligations qui concernent le droit des compagnies. Alors ça, c'est quelque chose qui est très, très, très souhaitable et très, je dirais, attrayant pour attirer des investisseurs étrangers de s'incorporer sous la loi québécoise.
C'est très bien aussi qu'on ait plusieurs dispositions qui s'apparentent à la loi fédérale. Je pense que c'est une loi qui a déjà eu l'épreuve du temps devant les tribunaux, et ça, c'est une richesse sur laquelle on peut tabler. Et donc, nous saluons beaucoup les importations qui ont pu être faites des dispositions de la loi fédérale, dont, entre autres... Donc, pour moi, je fais une grosse, grosse main d'applaudissements, je vais faire la vague si on me le permet! pour l'introduction des recours en oppression et de l'action dérivée dans le droit des sociétés par actions, parce que ce qui créait le problème, c'est que les tribunaux ne pouvaient pas tolérer que les actionnaires du Québec aient moins de droits que les actionnaires de compagnies fédérales. Ça heurtait, je pense, le bon sens et les principes directeurs du Code civil, qu'on ne peut pas... que tout le monde doit agir raisonnablement et de bonne foi et ne pas causer préjudice à autrui.
n(16 h 10)n Donc, avec... Donc, le recours a été créé par les articles du Code de procédure civile, du Code civil, mais ce qui était la difficulté, c'est que, n'étant pas balisé au niveau des pouvoirs, ça créait énormément de jurisprudence et de contestation, Cour supérieure, Cour d'appel, et énormément d'énergie, énormément d'argent de dépensé pour savoir jusque... est-ce que le juge peut ordonner un rachat d'actions ou ne peut pas.
Alors donc, toute cette incertitude-là sur les pouvoirs des juges, c'est réglé avec le projet de loi, et ça, on ne peut que saluer, parce que justement, la prévisibilité, on met fin à l'incertitude. Et, là-dessus, dans notre comité, il y avait autant des avocats, des représentants de grands bureaux que de plus petits bureaux, et tous les clients d'affaires préfèrent la certitude à l'incertitude. Donc, cette certitude-là est salutaire pour... et rejoint de toute façon ce qui est déjà prévu dans la juridiction fédérale et dans plusieurs autres juridictions provinciales. Donc, ça vient corriger cette inéquité-là.
Donc, un salut également d'avoir inclus des dispositions sur les arrangements. Je pense, ça va faciliter... Oui. L'émission non entièrement payée, aussi, on salue. Avec ou sans valeur nominale, on salue. Non-résidence des administrateurs, on salue. Proposition d'actionnaire, on salue. Divulgation des intérêts des administrateurs, le fait d'avoir mis le devoir de se retirer, de ne pas voter, d'après moi, va augmenter aussi la bonne gouvernance, et c'est excellent. Devoirs des administrateurs, en partie. Droit de dissidence; règles d'appréciation commerciale; nouvelles technologies. Alors, tout ça, c'est vraiment très, très bien.
Les points à améliorer. On a les propositions d'actionnaires. On a de la difficulté à comprendre pourquoi ce ne serait pas accessible aux compagnies, même, de 50 actionnaires et moins. Pourquoi qu'il y a... Alors ça, c'est un questionnement qu'on a.
Le libellé du recours en oppression, le petit bémol qu'on avait, c'est qu'il y a des mots qui manquent: «en ne tenant pas compte de leurs intérêts». Ce serait important, parce qu'il faut savoir que, chaque fois qu'on diverge d'un libellé d'une autre loi, ça crée des débats d'interprétation: Pourquoi que le législateur ne l'a pas pris, ça veut dire différemment? Et donc, ça fait en sorte qu'on peut moins se servir de toute la jurisprudence et la doctrine des autres provinces, qui sont là depuis 25 ans, et ça va justement créer des litiges, créer des débats d'interprétation. Alors, j'aimerais bien revoir ces mots-là, «ou en ne tenant pas compte de leurs intérêts», aux articles pertinents.
Mettre toutes les obligations des administrateurs dans la loi au lieu de référer au Code civil, justement pour avoir une loi complète, donc de ne pas dire: en référant au Code civil. Ce serait bien que tout soit là.
Les conventions d'actionnaires. Ce serait bien d'améliorer aussi, d'avoir une certaine certitude quant au contenu des conventions unanimes et d'avoir un plus grand souci du... un plan grand souci, au niveau du Registraire des entreprises, d'avoir une vision du service à la clientèle, une plus grande vision du service à la clientèle.
On n'a pas eu le temps de vérifier la version anglaise, et ça, c'est aussi une chose très importante, de s'assurer qu'elle soit très bien faite et d'avoir une cohérence du vocabulaire au niveau des changements, parce que les... il y a des changements qui doivent être faits. On a vu, même en allant très rapidement, des incohérences qui peuvent créer justement des débats d'interprétation, et ça, ce n'est pas souhaitable, justement. Donc, la justesse du vocabulaire utilisé pour... quand on utilise un mot dans un article puis un autre mot dans un autre article, nécessairement, si on veut couvrir la même réalité, ça pose des difficultés, parce que là on va dire: Ce n'est pas le même mot puis ce n'est pas la même réalité, et là ça peut devenir un problème.
Donc, pour nous, pour le Barreau canadien, s'il y avait un message à retenir, c'est que ça fait 30 ans qu'on attendait cette belle loi là, pour qu'elle soit plus attrayante. C'est un excellent projet, qui est avant-gardiste, qui amène beaucoup d'intégrité et d'équité, mais il y a encore du travail à faire. Et j'aimerais saluer le ministre Bachand qui, dans son allocution du 21 octobre, disait qu'on prendrait le temps de faire les choses comme il faut. Et donc, pour éviter que ce soit justement... Pour nous, le devoir du législateur, c'est de faire une bonne loi, qui est claire, qui ne prête pas à interprétation. Et on aimerait, si on peut, avoir l'opportunité de contribuer pour que justement il y ait le moins d'endroits où il y aurait matière à interprétation. Et, si on veut que les entreprises choisissent la loi du Québec, il faut qu'on soit sûr qu'elle fonctionne bien, qu'elle se comprend bien et qu'elle rejoint justement les besoins d'efficacité, de prévisibilité et d'économie.
Donc, nous aimerions pouvoir, dans les prochains... je sais qu'on veut faire les travaux rapidement, mais on aimerait pouvoir vous faire des suggestions sur les libellés qui nous semblent présentement poser problème, on aimerait avoir l'opportunité de vous faire suivre ces suggestions-là.
Le Président (M. Paquet): Merci, Me Perreault, et je comprends que vous souhaitez qu'on ait une loi qui n'est pas sujette à interprétation. Vous comprenez qu'il y aura des conséquences pour le travail des avocats, mais on en prend bonne note.
Mme Perreault (Chantal): Effectivement! D'ailleurs, je m'étais mis une note: Au risque de nous priver de travail, nous sommes...
Le Président (M. Paquet): D'accord. Alors, ce sera l'intention du législateur, peut-être.
Mme Perreault (Chantal): Alors, voyez-vous, c'est pour augmenter justement la bonne presse des avocats, de dire: Les avocats préfèrent être privés de travail et d'avoir une loi que leurs clients vont être heureux de travailler, et, nous, c'est sûr qu'on aime mieux travailler avec des bons outils, aussi.
Le Président (M. Paquet): Merci, Me Perreault. M. le ministre des Finances.
M. Bachand (Outremont): Merci beaucoup, M. le Président, merci beaucoup à Me Perreault et aux gens du Barreau canadien.
Il est clair que c'est un projet de loi qui est en préparation, comme vous le savez, depuis presque deux ans, et il y a plusieurs moutures du projet de loi qui ont été soumises au va-et-vient des différents groupes comme le vôtre qui s'intéressent à ça, et donc le «work-in-progress»... et évidemment, à la fin, là, la mouture finale, ne fut-ce que par nos règles de l'Assemblée nationale, doit être réservée à l'Assemblée nationale, mais il est clair que toutes les suggestions que vous pourrez faire au cours des prochains jours, comme le Barreau du Québec l'a fait tantôt... spécifiquement sur un article, il a suggéré une nouvelle rédaction, et nos experts vont être en communication avec eux pour voir comment on pourrait améliorer cet article-là.
Dans la... Vous m'intriguez, avec la proposition d'actionnaire, qui est introduite, là, dans notre loi pour les émetteurs assujettis ou les 50 actionnaires et plus, et ça, je pense, sous toutes réserves, que c'est une importation de la loi canadienne. Est-ce que la loi canadienne permet à toutes les PME privées, y compris de cinq actionnaires? Parce que, là, on touche, au fond, l'objectif de la loi, là, on touche deux clientèles, toujours, hein. Il y a un certain nombre d'éléments qu'on réserve à la Loi des valeurs mobilières, parce que ça aurait compliqué ça, comme le... là... qui ne sont pas ici, mais on essaie quand même d'avoir un cadre uniforme. Il y a par ailleurs quand même quelques principes qui s'appliquent aux émetteurs assujettis, mais vous voulez vraiment que les 300 000 PME du Québec, les sociétés privées, etc., aient une... sans restriction du nombre d'actionnaires, là, des initiatives de proposition d'actionnaire? C'est ça? Est-ce que c'est ce que je comprends de votre intervention?
Le Président (M. Paquet): Me Besner.
M. Besner (Patric): Oui. Effectivement, pour la loi fédérale, il n'y a pas de limitation à cet égard-là, tout actionnaire peut, dans la mesure où il respecte les critères, peut faire une proposition d'actionnaire, et on croit que c'est souhaitable pour les compagnies de régime québécois d'avoir cette même disposition là. En fait, on s'interroge plus à la question: Qu'est-ce qu'il serait problématique d'avoir ça pour l'ensemble des entreprises et non limité uniquement aux émetteurs assujettis ou les compagnies qui ont plus de 50 actionnaires. On ne voit pas le mal. D'ailleurs, ça peut aider, dans certaines corporations où il y a plusieurs minoritaires, enfin il n'y a pas de bloc majoritaire, et ça peut permettre justement, par la proposition d'actionnaire, de réunir un certain nombre pour s'organiser au niveau des compagnies.
Le Président (M. Paquet): M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Juste deux... Oui, deux questions.
Le Président (M. Paquet): Oui, juste un moment, M. le ministre, je crois que Me Vautour voudrait ajouter un élément de réponse.
M. Vautour (André): Je voudrais seulement ajouter que l'article 194 du projet de loi semble limiter les propositions d'actionnaire aux sociétés qui sont soit un émetteur assujetti ou qui comptent 50 actionnaires ou plus. Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on s'interrogeait sur la nécessité de restreindre à ce type de société la possibilité d'avoir des propositions d'actionnaire.
Le Président (M. Paquet): M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Oui, c'est un choix qui a été fait, effectivement, parce qu'on essaie d'avoir une loi moderne et qui lise aussi, pour les 300 000 PME québécoises, auxquelles les actionnaires minoritaires ont beaucoup de nouveaux droits qui leur sont donnés, qui n'était pas le cas avant, mais quand même de permettre de réduire, on appelle ça l'allégement réglementaire... De notre côté, là, c'est nous qui, par analogie... de réduire les coûts aussi pour les sociétés privées de peu d'actionnaires. Parce que ou bien il y a un actionnaire majoritaire ou bien ils sont plusieurs actionnaires, mais en général ils vont être au conseil.
Est-ce que, dans votre pratique au niveau de la loi fédérale, puisque beaucoup de compagnies sont incorporées en vertu de la loi canadienne, est-ce que c'est... vous avez souvent à rédiger des propositions d'actionnaire, dans votre expérience, pour des PME, là, de cinq, 10, 15, 20 actionnaires? Est-ce que ça vous est déjà arrivé dans votre pratique, de façon fréquente, et... Est-ce que c'est, d'introduire ça pour les 300 000 PME du Québec qui sont couverts par ça, est-ce qu'il n'y a pas plus d'inconvénients, là? C'est toujours une balance d'inconvénients et d'avantages, hein, un article de loi.
n(16 h 20)nLe Président (M. Paquet): Me Besner, et Me Vautour.
M. Besner (Patric): Ça arrive, et ça permet notamment, dans de petites sociétés, de faire une négociation afin que l'ensemble des actionnaires puissent être entendus. Évidemment, un actionnaire majoritaire... minoritaire a de la difficulté à passer une proposition parce qu'il n'aura pas de secondeur, ou peu importe, au niveau de l'assemblée. Donc, on croit que ce serait utile. Ça ne sera pas nécessairement utilisé dans toutes les corporations, mais, celles qui le désiraient, on ne voyait pas que ça enlevait quoi que ce soit, là, sur l'ensemble des sociétés.
Le Président (M. Paquet): M. Vautour.
M. Vautour (André): Et si je peux rajouter. Les situations où on peut voir ce genre de cas, moi, dans ma pratique, c'est là où je l'ai vu, c'est dans, par exemple, dans des groupements d'achat, où on a des groupements d'achat de quelques entreprises où il n'y a pas d'actionnaire majoritaire, ou ce sont plusieurs entreprises qui sont membres d'une compagnie à but lucratif ? on ne parle pas ici de corporation à but non lucratif ? une compagnie à but lucratif, et qui, compte tenu... justement où il n'y a pas d'actionnaire majoritaire, ça va souvent être la direction qui va se trouver à contrôler l'entreprise, et, dans des circonstances comme celles-là, il peut arriver qu'un groupement d'actionnaires, deux, trois actionnaires, qui peuvent représenter ensemble un 10, 15, 20 % des actions, sont insatisfaits de la gestion telle qu'elle se fait par la direction, et ça permet donc de contrôler davantage et de mettre en question certaines pratiques qui peuvent avoir été prises par la gestion.
Alors, dans les petites entreprises, ça va être surtout dans des situations où il n'y a pas d'actionnaire majoritaire. S'il y a un actionnaire majoritaire, la situation peut être effectivement un peu différente.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Donc, pour bien vous comprendre, les groupements d'achat, il n'y a pas des... J'y vais de mon vieux temps de Metro-Richelieu et de Culinar, il n'y a pas des conventions d'actionnaires, d'habitude, dans les groupements d'achat?
M. Vautour (André): Dans certains cas, mais pas toujours.
M. Bachand (Outremont): À travers le Canada? Non? Pas toujours? Mais, au fond, vous convenez donc que, quand il y a un actionnaire majoritaire dans une PME, ça serait plus, j'allais utiliser «un embêtement important», là, parce que ça peut être aussi un... je cherche le mot français, là, pour «harassment», là, qu'un actionnaire minoritaire peut faire dans certains cas. Comme avocat, vous pouvez toujours aussi expliquer à vos clients qu'ils peuvent s'incorporer dans une loi ou l'autre. Et on ne voulait pas que la loi du Québec soit à 100 % un copier-coller de la loi fédérale. Il y a des disposions qui sont spécifiques. On est un pays de PME. On en a importé de l'Ontario, de l'Alberta. Mais c'est un choix qui a été fait. Mais je retiens votre... votre suggestion. J'essaie de voir la balance des avantages et des inconvénients.
Le Président (M. Paquet): M. Vautour.
M. Vautour (André): Il nous semblait... Il nous semblait que c'était aussi une façon de ne pas judiciariser les différents différends... les différends qui peuvent exister entre, par exemple, divers actionnaires ou entre la direction d'une entreprise et ses actionnaires dans le contexte, parce... principalement où il n'y a pas d'actionnaire majoritaire.
M. Bachand (Outremont): Merci.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Viau.
M. Dubourg: Merci, M. le Président. Écoutez, je voudrais tout d'abord vous saluer et vous souhaiter la bienvenue. Je dois dire que j'ai été très impressionné de votre présentation. Ça m'a beaucoup plu de voir comment est-ce que ce projet de loi vous emballe. Vous voulez même faire la vague. Ça fait vraiment plaisir! Et, nous, en tant que législateurs, d'entendre ça, on souhaite que, tout au cours de cette consultation, les gens vont être tout aussi emballés. Et je vous ai écouté aussi parler des principes, là, qui vous ont guidés, et vous avez très clairement indiqué, que ce soit au niveau de prévisibilité pour baisser l'incertitude, d'ouverture sur le monde. Et, par le temps qui court, aussi, je pense que c'est important, je ne voudrais pas, comment dirais-je, trop, trop faire de politique, M. le ministre, mais par contre, quand on entend nos actions en ce qui concerne l'Europe, ou bien récemment avec Nouveau-Brunswick, un peu partout, donc c'est intéressant de voir que vous dites que, bon, l'ouverture sur le monde, c'est un principe directeur et que, dans ce projet de loi, tout y est, et ça va être même, vous l'avez dit, attrayant pour les investisseurs étrangers aussi de voir, dans cette loi-là, que tout y est et que d'un coup ils peuvent se retrouver.
Et la question que je voulais vous poser, c'est que vous avez dit: Toutefois, les références qui ont été faites au Code civil, par contre, vous aimeriez que ça soit... qu'on en tienne compte, ou bien que, plutôt que de référer, bien, qu'on les retrouve ici. Est-ce que, à votre avis, est-ce que ce ne serait pas trop volumineux, ou bien est-ce que, je ne sais pas, qu'en pensez-vous?
Mme Perreault (Chantal): M. le Président...
Le Président (M. Paquet): Oui. Me Perreault.
Mme Perreault (Chantal): ...j'aimerais que Me Vautour adresse cette question de M. le député.
M. Vautour (André): Bien, merci, M. le député.
Le Président (M. Paquet): Alors, Me Vautour.
M. Vautour (André): Oui. Alors, le point qu'on voulait faire, c'est qu'on retrouve au Code civil... Et, si on fait un peu d'historique, alors, lorsque le Code civil a été adopté, le Code civil a été adopté avant que cette réforme du droit des sociétés soit... enfin était discutée, mais pas de façon aussi importante qu'il l'est aujourd'hui, de telle sorte qu'on a profité des modifications au Code civil pour introduire un certain nombre de dispositions dans le Code civil qui introduisaient des principes qui existaient déjà, par exemple, dans la loi fédérale.
Ce qu'on a fait ici, c'est qu'on a essayé, en ce qui concerne principalement les administrateurs ? et c'est le point sur lequel on insistait tantôt, lorsqu'on parlait de ce code complet ? en ce qui concerne les administrateurs et les devoirs des administrateurs, on se réfère d'abord au Code civil. Dans l'article 119 du projet de loi, on indique... on fait référence au Code civil et on dit qu'en application des principes qu'on retrouve au Code civil ils ont notamment tels devoirs et telles responsabilités. Ce qu'on aurait apprécié, c'est que la loi soit... en ce qui concerne les relations internes de l'entreprise, que la loi soit un code complet et qu'on n'ait pas à se référer au Code civil... «on» et également les personnes qui vont agir comme administrateurs n'aient pas à se référer à la fois au Code civil et à la Loi sur les compagnies ou la Loi sur les sociétés par actions et qu'ils soient capables de retrouver dans un seul endroit l'ensemble du code qui les régit comme administrateurs. Alors, c'est ce point-là auquel on faisait référence principalement.
Il y a quelques autres aspects, mais, particulièrement en ce qui concerne les administrateurs, on aurait aimé qu'on importe dans la Loi sur les sociétés par actions, en ce qui concerne les sociétés par actions, ce qu'on retrouve au Code civil concernant les administrateurs, et que la loi devienne, à ce moment-là, un code complet pour les administrateurs de sociétés par actions.
M. Dubourg: O.K., merci. Ah oui! Allez-y.
Le Président (M. Paquet): Oui, Me Perreault.
Mme Perreault (Chantal): Oui. J'aimerais passer la parole à Me Latreille également sur le...
Mme Latreille (Marie-Andrée): Juste un petit peu d'historique. C'est qu'avant, pour les praticiens, quand on avait la Loi sur les compagnies du Québec, on avait la partie I, la partie IA, il fallait aller référer... Il avait sorti certaines dispositions à la partie I qui s'appliquaient aux parties IA. Alors, c'était assez compliqué d'aller... Il fallait toujours aller vérifier, partie I, partie IA, et en plus il fallait aller voir le Code civil. Alors, un des souhaits qu'on avait, et on l'a dit à quelques reprises, c'est qu'on voulait aller voir une place, c'est-à-dire dans la loi, et c'était tout. Alors, c'était un souhait qu'on avait, tout simplement. Il faut comprendre l'historique à tout ça.
M. Dubourg: Merci. Allez-y.
Le Président (M. Paquet): Merci, M. le député. Oui, Me Besner.
M. Besner (Patric): Un autre ajout également, c'est que, dans le Code civil, lorsqu'on parle des administrateurs, on fait référence au concept de mandataire, et c'est important, au niveau des compagnies, de se tenir loin de ce concept-là pour l'analyse des devoirs, responsabilités des administrateurs de compagnie. Donc, évidemment, dans le Code civil, on traite en général et on doit faire certains ajustements, et la situation pour l'administrateur est fort différente, compte tenu qu'il y ait un contexte de compagnie.
Le Président (M. Paquet): Merci.
M. Dubourg: Merci. Je pense que les gens en prennent bonne note. Merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Paquet): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté ministériel? M. le ministre des Finances.
M. Bachand (Outremont): Un commentaire sur la question du Code civil. Ce qu'on m'indique, c'est que les légistes du gouvernement, en général, sont... devant le Code civil, c'est un code complet qui est un droit supplétif, et ils sont en général très, très réticents à ce qu'on importe des articles du Code civil dans toute loi, y compris dans celle-ci. On l'a quand même fait, il y en a quand même un certain nombre qui ont été importées, et je comprends effectivement, pour faciliter la tâche des praticiens, que tout se retrouve dans une loi. Mais le Québec est particulier, avec son Code civil, effectivement. Alors, il y a quand même une réticence, probablement partagée par les Barreaux de façon générale aussi, hein, parce que, quand on importe des articles du Code civil, on en laisse de côté aussi. Alors, il y a un danger de ce côté-là.
Le Président (M. Paquet): Me Besner.
M. Besner (Patric): Il faut penser également qu'il y a des avocats, il y a des clients, des clients, aussi, étrangers ou des avocats à l'étranger, lorsqu'on leur donne une copie de la loi, ça devient excessivement difficile de leur donner le Code civil et de leur expliquer l'obligation... En tous les cas, ça devient difficile à ce moment-là, et c'est pour ça qu'on souhaite d'avoir dans une loi toute la mécanique au niveau des administrateurs de compagnie. C'est sûr et certain que le Code civil va s'appliquer... Je prends par exemple, au niveau des conventions d'actionnaires, le Code civil est supplétif, le consentement des parties, et tout ça, le Code civil existe. On ne demande pas de migrer tout le Code civil dans la présente loi, mais la partie au niveau des administrateurs est l'essence même de la loi, et on croit qu'il devrait être traité spécifiquement dans la loi, pour s'assurer qu'il n'y ait pas de difficultés d'interprétation avec le Code civil.
n(16 h 30)nLe Président (M. Paquet): M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): ...commentaire. On essayait de garder des éléments complexes pour que les clients... vos avocats des autres provinces soient toujours obligés de vous consulter, évidemment quand ils travaillent avec les lois du Québec!
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, M. le député de Nicolet-Yamaska et porte-parole de l'opposition officielle.
M. Aussant: Oui. Bien, d'abord, j'aime bien entendre le ministre dire que le Québec est particulier. Nous, on le trouve distinct et capable de bien des choses, mais ça, c'est un autre débat.
J'ai une question. Me Perreault, tout à l'heure, vous avez fait allusion à une question qu'il y avait eu avant, sur les économies possibles, et je pense que vous n'aviez pas eu le temps de détailler ce point-là. J'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus, sur les économies possibles avec un projet comme ça.
Mme Perreault (Chantal): En fait, en ce moment...
Le Président (M. Paquet): Me Perreault.
Mme Perreault (Chantal): ...moi, je peux vous le dire, ça fait 10 ans que je fais du litige entre actionnaires, beaucoup d'actionnaires dans des compagnies du Québec, et les... tout est toujours une question de débat, parce que l'article du Code de procédure qui est le pouvoir de surveillance de la Cour supérieure ne dit pas, comme l'article de la loi fédérale, tous les pouvoirs que le juge peut exercer. Est-ce qu'il peut obliger à racheter des actions, est-ce qu'il peut modifier des conventions d'actionnaires? Alors, les juges disent: Oui, j'ai le pouvoir d'intervenir, mais jusqu'où j'ai le pouvoir d'intervenir? Alors donc, au début, c'était même... le débat était même: Est-ce que le juge peut intervenir dans les affaires internes des compagnies et sanctionner une oppression d'actionnaire? Là, on est passé cette étape-là, mais là, en ce moment, il y a beaucoup d'énergie et beaucoup d'argent qui est dépensé par toutes les parties, et beaucoup de ressources judiciaires qui sont engagées et donc non disponibles pour d'autres causes, pour justement faire ce débat-là, ces débats-là, savoir qu'est-ce que le juge a le droit de faire.
Donc, il y a des panoplies de requêtes en irrecevabilité sur certaines conclusions qui sont demandées, le juge ne pourrait pas faire ça, le juge... Alors, ça crée beaucoup de coûts, beaucoup de débats judiciaires, et c'est pour ça que le fait d'avoir enchâssé le recours en oppression dans la loi, avec tous les pouvoirs, tout ce que le juge peut faire, en utilisant le mot «notamment», comme au fédéral, ce qui est excellent aussi, c'est que ça donne tout le confort, au fond, pour le juge de trouver la bonne solution. Puis là, il y a comme de l'espace pour travailler sans se poser la... Parce que les juges, c'est sûr qu'il y en a qui sont plus audacieux, il y en a qui sont plus conservateurs, alors là, ça donne un degré de confort qui fait que, là, on n'a pas à faire de débats judiciaires sur les pouvoirs du juge, c'est clair.
Alors, moi, je salue ça, parce que ça fait des grosses économies. Donc, il y a certains litiges qui n'auront pas lieu au niveau de cette sémantique-là, ou de ces débats juridictionnels, ou ces débats de pouvoirs, et je pense que ça, c'est saluable. De même que l'action dérivée, je pense que c'est aussi un recours qui était nécessaire. Même s'il existait en droit québécois, il n'y avait pas d'autorisation préalable, et donc l'actionnaire... c'était très difficile pour la personne de faire valoir le recours dérivé, parce que, jusqu'à la fin du procès, tant qu'il n'y avait pas eu le jugement final qui l'autorisait à agir pour la compagnie, il était comme entre deux chaises. Alors là, le fait d'enchâsser l'action dérivée dans le projet de loi, d'après moi, va aussi amener des économies, parce que, chaque fois qu'on évite un débat parce que c'est clair, ça fait des économies pour tout le monde.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député.
M. Aussant: Merci.
Le Président (M. Paquet): Ça va? M. le député de Blainville.
M. Ratthé: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue. Et je remarquais, dans votre mémoire, que vous avez... en 4.5, vous soulevez le point de conflit d'intérêts. Et, ce matin, nous avions justement une question qui portait sur les dispositions de la loi qui disent que maintenant le conseil d'administration ne peut plus déléguer à une tierce partie la rémunération des dirigeants. Et nous soulevions le fait que dans plusieurs cas les dirigeants font partie du conseil d'administration. Et je notais, dans votre mémoire, que vous étiez effectivement concernés dans certaines dispositions de la loi où on parle de potentiels conflits d'intérêts. J'aimerais vous entendre là-dessus. Surtout, je pense, en matière, je pense, de droit de se retirer ou de l'obligation de se retirer...
Mme Perreault (Chantal): En fait, les préoccupations...
Le Président (M. Paquet): Me Perreault.
Mme Perreault (Chantal): ...que nous avions dans notre mémoire sont effectivement... ont été traitées dans le projet de loi, parce que, là, on prévoit nommément non seulement qu'on doit divulguer un conflit d'intérêts, mais on doit aussi donc se retirer des délibérations et s'abstenir de voter. Donc ça, on favorisait cette option-là, et c'est celle qui a été retenue, alors on...
M. Ratthé: ...redressé, là, dans...
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Ratthé: Également, au niveau du droit de dissidence: Est-ce que les recommandations que vous avez faites ont été, à votre sens, suivies dans le projet de loi?
Le Président (M. Paquet): Me Besner?
M. Ratthé: En fait, ce que ça veut dire, c'est que vous disiez que la loi ne prévoyait pas un droit de dissidence au niveau des actionnaires et que plusieurs lois corporatives canadiennes le prévoyaient, et vous recommandiez qu'on en tienne compte. Est-ce que c'est...
Le Président (M. Paquet): Me Besner, oui?
M. Besner (Patric): Oui, ça a été traité, sauf pour un point qu'on a fait comme recommandation, qui était un aspect plus spécifique. D'ailleurs, il reste encore plusieurs points techniques au niveau de la loi qui doivent à notre sens être ajustés. C'est un excellent projet de loi, et on croit que ça doit être adopté le plus rapidement possible, mais il y a encore des éléments, puis un des éléments au niveau technique, au niveau du droit de rachat, c'est dans le cas où une entreprise se départit de ses actifs, et l'actionnaire minoritaire demande, à ce moment-là, de faire le rachat de ses actions. Lorsqu'une compagnie dispose de ses actifs, à ce moment-là elle devra être taxée sur... se départit 100 % de ses actifs, elle reçoit un prix de vente, et après ça elle devrait faire une distribution de ce prix de vente là au niveau des actionnaires. L'actionnaire qui a fait la dissidence, on va évaluer la juste valeur de ses actions la journée avant la décision. La problématique, c'est que la compagnie va être taxée, et c'est loin d'être évident dans le texte de loi actuel que le tribunal ou la personne qui devra faire l'évaluation va tenir compte de l'aspect fiscal, et un actionnaire minoritaire pourrait se retrouver dans une situation de recevoir plus d'argent. Donc ça, c'est un aspect technique, là, qui a été suggéré et qui n'apparaît pas dans la loi actuellement.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Blainville.
M. Ratthé: Mon collègue de Rousseau, ce matin, faisait remarquer que ça pourrait effectivement changer ce qu'on pourrait appeler le prix juste, je crois, hein, c'est ça? Est-ce que vous avez fait des recommandations ou des suggestions? Je suis sûr que le ministre serait intéressé à... en termes de formulation ou de choses dans ce sens-là, est-ce qu'il y a...
Le Président (M. Paquet): Me Besner.
M. Besner (Patric): Ça faisait... On proposait quelque chose, à l'époque, dans notre... pas un texte de loi, mais, comme tel, comment régler la problématique.
Le Président (M. Paquet): Me Perreault.
Mme Perreault (Chantal): À la page 19 de notre mémoire, M. le Président, on traitait du droit à la dissidence en rapport avec l'article 190 de la loi fédérale.
Le Président (M. Paquet): Oui, Me Vautour.
M. Vautour (André): Si je pouvais rajouter... Oui, dans le cadre de la consultation qui a également précédé le dépôt du projet de loi, auprès de certains organismes, l'Association du Barreau canadien avait été un des organismes consultés. Oui, on avait aussi suggéré un texte à cet effet-là, dans le sens de l'intervention de Me Besner.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Ratthé: Excusez-moi. Ce que vous souhaiteriez, c'est qu'on regarde en fait d'un peu plus près ce qui s'est fait ailleurs puis peut-être de considérer davantage ce droit de dissidence là. Ça complète pour moi, M. le Président.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau: Oui, bonjour à vous. Première question, très simple, c'est: Des invités qui vous ont précédés nous ont parlé de l'article 446, et vous ne vous êtes pas exprimés à ce sujet. Est-ce qu'on pourrait avoir votre opinion à ce sujet-là, s'il vous plaît?
Mme Perreault (Chantal): J'aimerais vous dire que, compte tenu des délais, notre comité n'a pas pu se réunir et se prononcer spécifiquement sur le nouveau libellé de 446. Ce que je peux vous dire, c'est que, naturellement, comme, l'Association du Barreau canadien, on est... tout le monde est pour la vertu, donc tout le monde est pour s'assurer du respect du secret professionnel. C'est une problématique particulière, parce qu'on sait que le secret professionnel appartient au bénéficiaire. Donc, qui peut parler pour le bénéficiaire? Et donc, je comprends la problématique particulière dans l'action dérivée, où le tribunal choisit quelqu'un pour agir pour et au nom de la compagnie. Je comprends du Barreau du Québec qu'il soulève la possibilité que plusieurs puissent invoquer le droit au secret professionnel avec l'avocat corporatif. Et donc, c'est dans ce contexte-là qu'il pourrait y avoir un conflit de qui peut l'invoquer. Alors, ce que je... c'est une question complexe et sérieuse. C'est sûr, hein, toujours, les questions de secret professionnel, c'est toujours complexe et sérieux. On a intérêt à s'assurer que les droits de chacun soient préservés s'il y a un conflit, c'est certain.
Donc, nous, ce qu'on entend faire dans les prochains jours, en tout cas le plus rapidement possible, je crois qu'on va nécessairement essayer de vous faire bénéficier de notre éclairage ou de nos suggestions à cet effet-là, et on fera suivre, là... vous nous direz à qui, là, mais on va faire suivre par la filière, probablement, des légistes, etc., pour que vous puissiez bénéficier de notre apport là-dessus, parce que tout le monde a intérêt à ce que ça fasse le moins possible l'objet, là, de débats devant les tribunaux, c'est sûr.
n(16 h 40)nLe Président (M. Paquet): Sentez-vous toujours à l'aise de les soumettre au secrétariat de la commission, qui va les faire cheminer auprès de chacun des membres.
Mme Perreault (Chantal): Oui? Parfait. Donc, on va acheminer à Mme Turcot tout ce qu'on aura. Parfait, excellent.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député.
M. Marceau: O.K. Merci pour cette réponse, et puis nous vous lirons lorsque vous nous enverrez vos suggestions.
Deuxième question, de nature très générale en fait. Le projet de loi introduit un certain nombre de dispositions pour protéger les actionnaires minoritaires: le droit au rachat, les recours en cas d'abus, le vote cumulatif, et puis ma question est très simple, là: Vous êtes donc à l'aise avec l'équilibre qui a été trouvé? Parce qu'évidemment plus de protection pour les actionnaires minoritaires ça peut... ça pourrait introduire des réticences pour les majoritaires, enfin ça pourrait dissuader les gens de s'incorporer sous le régime québécois. Donc, vous êtes à l'aise avec l'équilibre qui a été trouvé? D'autres que vous qui ne sont pas présentement ici ne sont pas... certains d'entre eux pensent que c'est... qu'il y a trop de protection pour les actionnaires minoritaires, d'autres trouvent que ce n'est pas suffisant. Enfin, c'est là-dessus que je voudrais vous entendre, s'il vous plaît.
Mme Perreault (Chantal): Me Besner veut intervenir, M. le Président. Je pourrai compléter.
Le Président (M. Paquet): ...Me Perreault. Alors, Me Besner.
M. Besner (Patric): Oui. Au niveau de... ce qui était intéressant au niveau du comité qu'on a formé, c'est qu'on avait des gens de grands bureaux, petits bureaux, des gens en litige, des gens en transactionnel, et on était tous d'accord que c'était une nécessité, au niveau du Québec, d'avoir dans la législation des recours pour actionnaires minoritaires.
Ce que ça permet de faire, c'est d'avoir de la clarté. L'ancien régime, il y avait certaines dispositions qui permettaient aux tribunaux de pouvoir faire une intervention au niveau de situations, mais c'était très inégal, il n'y avait pas de clarté à cet égard-là. La doctrine prenait certaines positions, et on croit, autant... peu importe qui a été l'intervenant, on croit que la clarté, avoir des règles du jeu claires est vraiment la clé. On ne voit pas de perte, on ne voit pas de difficulté pour les entreprises, surtout où, au niveau social, actuellement, les entreprises, on leur demande d'avoir de la transparence, de la clarté. Et ça va dans le même sens également au niveau de la législation des valeurs mobilières ou au niveau corporatif. Donc, je crois que c'était nécessaire et c'était important.
Un des points, au niveau de l'aspect des actionnaires minoritaires, qui est une problématique encore au niveau du projet de loi, c'est au niveau des conventions d'actionnaires. Les conventions d'actionnaires visent principalement les PME, et actuellement, tel que ça a été rédigé, à cause d'une problématique doctrinale, dans le projet de loi, on a établi qu'uniquement les clauses qui retirent le pouvoir des administrateurs et la convention unanime des actionnaires... et on se retrouverait, à ce moment-là, avec deux conventions pour les compagnies, ce qui veut dire que, pour les PME, ça devient très difficile à gérer et surtout ça apporte une difficulté importante au niveau de l'opposabilité, parce que toute la mécanique de la loi fait qu'un nouvel actionnaire qui obtient des actions va être automatiquement lié par la convention d'actionnaires.
Il y a des mesures qui sont inscrites au niveau de la loi, là, au niveau des articles 66 et 218. La problématique, c'est que, tel que c'est rédigé, plusieurs clauses comme, par exemple, de confidentialité, clause de non-concurrence, droit de premier refus, pourraient ne pas être vues comme opposables au nouvel actionnaire, et on croit que ça, ça doit être corrigé, d'autant plus que ça donnerait la nécessité d'avoir deux conventions: une unanime qui lierait l'ensemble des actionnaires et une deuxième qui lierait uniquement les actionnaires signataires du point de départ, et on trouve que, pour les PME, ça devient excessivement lourd. C'est difficile déjà pour les entreprises d'avoir une convention d'actionnaires, si on doit exiger d'avoir deux conventions, on trouve que ça devient, là, très ingérable à cet égard-là. Et il y a également, au niveau de l'article 32, où on demande... où tout créancier peut obtenir une copie de la convention d'actionnaires, on croit qu'il serait utile d'avoir simplement les extraits, les extraits au niveau des pouvoirs qui ont été retirés ou limités, au niveau des administrateurs.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau: Non, ça va. Merci. Merci pour votre réponse.
Le Président (M. Paquet): Ça va? Merci. Alors, M. le ministre des Finances, il restait du temps du côté gouvernemental. M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Merci. C'est ça, c'est une continuité sur les questions de mes collègues du Parti québécois sur la juste valeur. Juste valeur, évidemment, c'est une notion que j'ai vue toute ma vie au Fonds de solidarité, parce qu'on évaluait à la juste valeur et non pas «mark to market», qui est rendue la règle absolue pour à peu près tout. Mais je suis un peu perplexe de votre commentaire, là, Me Besner, fiscal, parce que, quand on dit, à 378, que le prix de rachat est évalué à leur juste valeur au jour précédant celui de l'adoption de la résolution conférant le droit au rachat à l'heure de fermeture des bureaux de la société, c'est littéralement, à peu près, un copie-coller de l'article 190.3 de la loi canadienne, qui parle de la juste valeur des actions en cause fixée à l'heure de fermeture des bureaux la veille de la date de la résolution ou de l'ordonnance. Est-ce que ça... est-ce que c'est une importation qu'on n'aurait pas dû faire parce que ça a créé des problèmes importants de façon générale ou... On n'invente pas du droit nouveau, là.
M. Besner (Patric): Non, l'article...
Le Président (M. Paquet): M. Besner.
M. Besner (Patric): ...l'article 190 est correct. L'importation est adéquate. Ce qu'on croit, c'est qu'on doit améliorer l'article 190 en y ajoutant un cas plus particulier, c'est, lorsque l'entreprise vend l'ensemble de ses actifs, de tenir compte du produit net dans l'évaluation de la valeur de l'actionnaire dissident, à défaut de quoi, et je donne un exemple: c'est, si on vend 10 millions les actifs, l'actionnaire dissident pourrait dire: d'accord. Disons, il y a un impôt qui est à payer, il en reste 8 millions, l'actionnaire dissident pourrait partager sur une base d'une valeur de 10 millions, et les actionnaires restants, majoritaires, se partageraient l'après-impôt. Et on considère que ça ne fait aucun sens.
M. Bachand (Outremont): Je...
Le Président (M. Paquet): M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): ...je comprends très bien votre commentaire, votre exemple. Je comprends mal qu'un juge évaluerait la juste valeur sans tenir compte... parce que c'est la juste valeur de la veille, mais il faut... il doit tenir compte de la transaction et non pas de tous les événements postérieurs à la transaction. Est-ce qu'il y a eu des causes de jurisprudence qui ont lésé, en apparence, là, un actionnaire...
M. Besner (Patric): À ma connaissance...
M. Bachand (Outremont): ...ou c'est un exemple imaginatif, théorique, qui peut... Mais est-ce que les juges, en pratique, ont jugé ça en tenant compte, là, de l'écrit? Bon, bien, c'est... les bureaux ont fermé à 4 h 55, donc je ne tiens pas compte de l'aspect fiscal de l'ensemble de la transaction?
M. Besner (Patric): On a une situation...
Le Président (M. Paquet): M. Besner.
M. Besner (Patric): On a une situation, là, directement sur ce point-là. Et j'ai fait des vérifications à cet égard-là, et il ne semble pas avoir de jurisprudence québécoise. J'ai regardé au niveau canadien, je n'ai pas trouvé, là, d'exemple qui traitait de cette situation-là. Mais le texte de loi parle de l'évaluation la journée d'avant, donc, en principe, on devra... L'esprit de cette disposition-là, c'est ne pas tenir compte de la décision des administrateurs. C'est pour ça qu'on dit «la journée d'avant». Et c'est ça, la problématique à cet égard-là.
Le Président (M. Paquet): Merci.
M. Bachand (Outremont): O.K. Merci.
Le Président (M. Paquet): M. le ministre, ça va? S'il n'y a pas d'autres demandes d'intervention, alors je remercie, au nom de la commission, les représentants de l'Association du Barreau canadien, division Québec, Me Perreault, Me Besner, Me Vautour et Me Latreille, pour votre participation à nos travaux. Merci beaucoup.
Vous vouliez peut-être ajouter un petit mot...
Mme Perreault (Chantal): Oui.
Le Président (M. Paquet): Excusez, Me Perreault. Oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Perreault (Chantal): Vous sentiez que j'étais sur le bout de ma chaise puis...
Le Président (M. Paquet): J'avais l'impression, oui. Alors donc, allez-y.
Mme Perreault (Chantal): Vous êtes gentil, vous savez lire le «body language», c'est... le langage corporel, c'est bon.
Non, c'est que, naturellement, on a à... on a à coeur, comme avocats du Québec, aussi de rendre notre loi la plus attrayante possible et de vous aider au maximum là-dedans. Et il y a des aspects collatéraux aussi à l'attrait qu'on veut exercer pour attirer plus d'entreprises à s'incorporer sous la loi québécoise. Et j'aurais peut-être aimé que Me Latreille vous partage certaines choses qui pourraient, je crois, être... en fait ce ne sera pas long, mais juste quelques points qui, je crois, pourraient vraiment être utiles. Quand on n'en est pas conscients, c'est peut-être que... à ce moment-là... En tout cas, je pense, ça peut être utile.
Le Président (M. Paquet): Alors, Me Latreille, nous vous... nous vous invitons à le faire.
Mme Latreille (Marie-Andrée): Ce ne sera vraiment pas long. Tout ce qu'on voulait dire, c'est que, même si on avait la loi la plus moderne, et d'ailleurs on a eu plusieurs... il y a eu des tables rondes, il y a eu beaucoup de consultations qui ont été faites pour venir à ce beau projet de loi là, mais une chose qui était... qui est sortie souvent, c'était que, même si on avait la loi la plus moderne qu'on pouvait avoir, si l'administration de cette loi-là n'était pas bien faite, à ce moment-là, bien ça poserait encore des problèmes, même si on avait la meilleure loi du monde.
Et on fait référence aux services qu'on a, du REQ. Ce n'est peut-être pas le bon endroit pour en parler, mais on voulait juste quand même vous noter que... il y a... on voit qu'il y a eu une amélioration au niveau du service du registraire, mais c'est... il reste que, quand même, c'est là... la pratique est là. Nous, on doit faire d'une façon... On fait affaire avec le REQ d'une façon quotidienne, journalière, et on a des... Je ne peux pas dire que ça va toujours doucement, rondement. Alors, on voulait juste vous dire que, même si on avait la loi la plus moderne, puis tous nos efforts seront... vont être pas vraiment... récompensés, si finalement on n'a pas le service qu'on devrait avoir du Registraire des entreprises.
n(16 h 50)nLe Président (M. Paquet): C'est Me Besner. Je sais que M. le ministre veut ajouter quelque chose. Me Besner.
M. Besner (Patric): Ce qui est important aussi, au niveau du REQ, c'est... Notre compréhension, c'est qu'ils doivent modifier certaines choses, notamment leur système informatique pour de nouveaux formulaires. Une des suggestions qu'on ferait fortement, c'est que, s'ils n'arrivent pas rapidement à être organisés, c'est quand même d'adopter la loi et de faire le... et ne pas attendre, parce que l'ensemble de la loi fonctionne. Ils auront à modifier, notamment au niveau des formulaires, au niveau de la publicité des conventions d'actionnaires, où on a encore également des problématiques à cet égard-là, mais la loi pourrait être adoptée sans nécessairement que toutes les dispositions au niveau du registraire soient mises en place, et je pense que c'est excessivement souhaitable, là, de ce côté-là.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Merci de votre commentaire. C'est vrai qu'on veut se doter d'une des lois les plus modernes en Amérique, au fond. Même, c'est ce que je pense qu'on... nos spécialistes ont réussi à faire ici. Mais par ailleurs le registrariat doit suivre. Il y a des... et c'est pour ça qu'on avait prévu, ici... vous avez vu que la loi n'entre pas en vigueur le jour de sa sanction, mais le jour où... aux dates fixées par le gouvernement, donc dans un décret. C'est parce que, normalement, même si on adoptait cette loi-là cet automne, on... mes gens au ministère m'indiquent qu'ils ne recommanderaient pas qu'elle rentre en fonction avant janvier 2011, le temps de donner au registraire, qui fait des investissements de plus de 10 millions de dollars sur l'ensemble des formulaires et l'ensemble du système informatique, qui est désuet, pour permettre d'avoir un service aux entreprises.
Évidemment, j'ai posé la même question, pour laquelle je n'ai pas encore vraiment de réponse: Est-ce qu'il serait possible, est-ce que cette loi-là est un tout indissociable ou est-ce qu'on est capable de le séparer, puis de rentrer en vigueur le droit substantif, en ne rentrant pas en vigueur les clauses, les autres clauses? Je retiens votre commentaire que votre souhait, c'est que rentre en vigueur le plus rapidement possible. Mais il juste s'assurer que ça rentre en vigueur, que ce n'est pas bancal, parce qu'il y a votre commentaire que... qu'on... qu'une entreprise soit gérée par une loi, là, il y aurait... elle serait gérée par une loi, cette loi-ci, mais elle serait gérée par des dispositions de l'autre loi, parce que les statuts, les modifications de statuts, tout ce qui est électronique, là, on ne peut pas mettre ça en vigueur tant que les systèmes ne sont pas faits. Alors, il y a des avantages et des inconvénients, mais je comprends que plus vite c'est fait, mieux c'est.
Le Président (M. Paquet): Me Vautour.
M. Vautour (André): En fait, on peut seulement espérer que ça ne sera... On constatait, par exemple, que des modifications qui permettaient le dépôt électronique de certains documents en vertu de la Loi sur la publicité légale ont été adoptés en 1994, et ce n'est que depuis le printemps 2009 que maintenant on peut le faire. Espérons que le délai sera plus court que ce que ça a été, de 1994 à 2009.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Paquet): M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Bien. vous voyez qu'on a un débat pas partisan, parce que tous les partis qui étaient évidemment au pouvoir pendant cette...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors donc, merci beaucoup aux représentants de l'Association du Barreau canadien, division Québec. Merci de votre présentation et de votre participation à nos travaux. Je suspends nos travaux quelques instants pour permettre aux prochains invités, de la Chambre des notaires du Québec, de prendre place à la table des témoins.
(Suspension de la séance à 16 h 54)
(Reprise à 17 h 1)
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des finances publiques reprend ses travaux, et nous accueillons maintenant... et je souhaite la bienvenue aux représentants de la Chambre des notaires du Québec, Me Maurice Piette, vice-président et président par intérim de la Chambre des notaires, et Me Michel Perreault, notaire, bien sûr.
Alors, Me Piette, vous disposez d'environ 10 minutes pour votre présentation.
Chambre des notaires du Québec (CNQ)
M. Piette (Maurice): Alors, M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés, mesdames messieurs les membres de la commission, comme vous l'avez dit, je suis accompagné de Me Michel Perreault, qui est l'expert en la matière, qui m'accompagne et qui pourra répondre à vos questions par la suite, après ma courte présentation.
Alors, c'est avec plaisir que la Chambre des notaires s'adresse aux membres de cette commission. D'emblée, nous voulons féliciter le ministre et son équipe pour l'ensemble du projet. Nous constatons que la réforme proposée par le ministre semble répondre à la plupart des commentaires et des demandes qu'ont adressés les organismes et les personnes qui lui ont soumis des mémoires ou des commentaires. Le projet de loi révèle avec clarté l'ensemble de ces préoccupations.
Le souci de la chambre de veiller à la protection du public l'a amenée à s'interroger sur les effets précis des dispositions de ce projet de loi, sur l'utilisation qu'en feront les notaires, qu'ils agissent comme rédacteurs de documents juridiques ou conseillers juridiques. Ces derniers doivent pouvoir compter sur une loi claire, d'expression simple, tenant compte des contextes visés, et qui présente un maximum de garanties de facilité d'application. Toutefois, comme la chambre a eu l'occasion de le rappeler au ministre, l'apport d'une technologie de pointe pleinement sécuritaire est une condition essentielle au succès de cette nouvelle loi. Aucune loi, aussi parfaite soit-elle, n'aura d'utilité si la clientèle qu'elle doit desservir ne peut compter sur des moyens efficaces et rapides. Les délais inexcusables que nous avons connus au niveau du registre des entreprises ne doivent plus se reproduire, selon nous. Compte tenu du temps imparti pour cette présentation, vous me permettrez de faire un survol très rapide de notre mémoire. La période de questions pourra servir à approfondir nos commentaires.
La première partie du mémoire soumis pour notre présentation d'aujourd'hui présente nos commentaires généraux quant au projet de loi. Dans l'ensemble, nous sommes d'accord avec les objectifs poursuivis et les correctifs apportés pour permettre à la loi d'y répondre. J'attire cependant votre attention sur la section de notre rapport traitant de l'harmonisation. En effet, s'il est souhaitable que la loi regroupe sous une même loi les règles que l'on retrouve aujourd'hui dans plusieurs instruments législatifs, la chambre croit qu'il faut se questionner sur l'utilisation de plus en plus fréquente de la réglementation développée sous l'autorité de la Loi sur les valeurs mobilières. Certains considèrent que ces instruments répondent mieux aux besoins des sociétés qui sont cotées en Bourse et que les règles qu'elles promulguent cadrent mieux dans une telle législation. Nous profitons de cette occasion pour demander au ministre de clarifier leur application à l'égard des petites entreprises. Fort heureusement, dans cette veine, le présent projet de loi énonce clairement les dispositions qui ne sont applicables qu'aux émetteurs assujettis ou qui les excluent. Nous l'encourageons à refondre la réglementation en cette matière afin de la rendre la plus simple pour la clientèle qui n'est pas visée dans les faits par l'Autorité des marchés financiers.
Nous attirons également votre attention sur la partie de notre mémoire traitant des assemblées générales annuelles. Le message des petites entreprises quant à la tenue des assemblées annuelles a été entendu. En effet, le projet de loi permet aux sociétés à un seul actionnaire de réduire leur structure décisionnelle à sa plus simple expression. Le ministre innove à cet égard en précisant qu'un acte posé par un administrateur unique au nom de la société est réputé autorisé. Il suffira qu'il en fasse référence dans l'acte qu'il conclut et en alléguant la structure et la société jusqu'à la seule existence de la personne juridique. Nous croyons cependant qu'il aurait été préférable que ces dispositions fassent l'objet d'une sous-section particulière de la section Convention unanime des actionnaires, identifiée à la société à actionnaire unique, plutôt que d'être intégrées parmi celles de la convention unanime.
Nous soumettons également qu'un mécanisme similaire pourrait prévaloir pour les sociétés où les actionnaires détenant un nombre égal d'actions votantes et participantes en sont aussi les seuls administrateurs. Ces personnes se perçoivent en général comme étant les seuls décideurs, et les décisions importantes qu'elles prennent le sont informellement et généralement sans qu'elles soient reprises sur support papier. Une telle procédure devrait être disponible lorsque le nombre des administrateurs actionnaires est peu nombreux, au maximum trois par exemple. Ces situations visent de très nombreuses entreprises familiales où le mode de prise de décision est essentiellement verbal et basé sur le consentement. De telles procédures ne mettent pas en danger les actes posés à l'égard des tiers de bonne foi ni ceux des membres de la société. Par ailleurs, elles pourraient être écartées à la demande d'un seul actionnaire, ce qu'on appelle l'opting out. La convention unanime des actionnaires remplit certains de ces aspects mais ne permet pas d'éliminer autant de structure.
Nous soulignons que le projet de loi élimine un irritant majeur de la LCQ: les tests financiers tels qu'ils existent actuellement. La protection des créanciers est restée au coeur des préoccupations législatives, mais le ministre a simplifié le calcul pour l'assurer. Il est à noter toutefois que ce qui rend difficile l'application de ces tests, c'est le nombre de variables qui doivent entrer dans le calcul du passif. À cet égard, il est important de se rappeler que les comptables agréés n'émettent pas d'opinion sur ces textes... sur ces tests, pardon. Nous ne sommes pas convaincus que la nouvelle proposition aura pour effet de changer cette position, mais il reste que la mesure est plus compréhensible pour tous.
Finalement, pour conclure cette partie sur les commentaires généraux, la Chambre des notaires souhaite sensibiliser les membres de cette commission au phénomène de l'insertion de règles de la common law dans des textes de loi à vocation économique adoptés par le gouvernement québécois. Bien que le droit des compagnies du Québec ait émergé d'une longue tradition anglaise, en 1980, par l'adoption de la partie 1A de la Loi sur les compagnies du Québec, il a été remodelé sur une base propre au droit québécois en y affirmant la référence à des règles du Code civil. En quatre-vingt-quatorze, le nouveau Code civil du Québec a raffermi cette position en intégrant le droit civil à titre de droit supplétif au droit corporatif. Le document préliminaire de mars 2009 qui nous a été soumis indiquait les sources des dispositions qui font l'objet du projet de loi. Plusieurs de ces sources sont des lois issues de systèmes juridiques différents du système québécois, d'inspiration civiliste. Plusieurs proviennent de la loi canadienne des sociétés par action, des lois des compagnies d'autres provinces du Canada et même de certains États des États-Unis d'Amérique. Plusieurs de ces lois sont d'inspiration de la common law ou font référence à des situations nécessitant l'application parallèle des règles de la common law.
D'autre part, le projet de loi prévoit que les règles relatives au transfert des valeurs mobilières sont régies par la Loi sur les transferts des valeurs mobilières et l'obtention de titres intermédiés. Cette loi intégrée dans le cadre québécois... dans le droit québécois, pardon... dans une large mesure d'inspiration de la common law et contient des mécanismes qui en sont aussi inspirés. L'intégration de ces mécanismes dans un système de droit civil pose des problèmes d'incompréhension et d'adaptation qui parfois nécessitent un certain apprentissage juridique. Ces textes nous forcent à nous adapter à un mode qui ne nous est pas familier, d'une part, mais qui, notamment au chapitre de la publicité des droits, va à l'encontre des principes qui sont à la base d'un système de publicité bâti à partir des règles du Code civil du Québec.
n(17 h 10)n Nous nous permettons de mettre le ministre en garde contre l'intégration de plus en plus présente et souvent insidieuse dans les lois à vocation économique de règles provenant de systèmes juridiques d'inspiration différente de celui du Québec. Nous lui soumettons que les juristes du Québec ne sont en général pas formés pour appliquer de telles règles et que cela risque de mettre en danger la sécurité juridique à laquelle sont en droit de s'attendre les justiciables. La Chambre des notaires, tributaire d'un droit d'inspiration civiliste et responsable de la formation de ses membres notamment pour assurer la protection du public, doit faire preuve de vigilance à cet égard et elle invite respectueusement le ministre des Finances de même que le gouvernement du Québec à faire en sorte que les situations mises de l'avant par d'autres juridictions soient adaptées à notre système juridique avant d'être adoptées.
J'en arrive maintenant à la deuxième partie de notre mémoire, qui soumet des commentaires spécifiques concernant quelques dispositions du projet de loi. Même si la réforme rendra la loi plus conviviale, notamment à l'égard des PME, nous croyons important de souligner au ministre que des corrections ou des précisions s'imposent pour certains aspects du projet de loi.
D'abord, concernant la nature contractuelle des statuts, pour les raisons mentionnées dans notre mémoire, nous croyons que le projet de loi est une occasion de clarifier le droit à ce sujet et de faciliter l'utilisation des dispositions des statuts, leur interprétation et l'exécution des obligations qui en découlent.
Quant à la tenue des livres, compte tenu que plusieurs études notariales concluent avec des sociétés des contrats de service de mise à jour et de conservation des livres des sociétés dans un local à l'épreuve du feu et que ce service est très populaire et utile pour lesdites sociétés, nous demandons au ministre de donner le pouvoir aux administrateurs de transporter ailleurs les livres décrits à l'article 31, quitte à obliger les sociétés à conserver des copies de ces documents dont l'authenticité peut être confirmée.
Quant à l'opposabilité de la convention unanime des actionnaires, la disposition de l'alinéa 3 de l'article 66 du projet de loi semble entrer en conflit avec la présomption irréfragable de l'article 218 du projet de loi, qui prévoit que celui qui devient actionnaire après la conclusion d'une convention unanime est réputé partie à la convention. À défaut de correction, nous souhaitons que des précisions soient apportées à ces textes, qui nous semblent en apparence contradictoires. À cet égard, la formulation de l'article 204 du document préliminaire au projet de loi de mars 2009 nous apparaît plus heureuse.
Concernant l'avis d'achat de gré à gré, pour les raisons énoncées à notre mémoire, nous croyons que les dispositions prévues au projet de loi risquent de constituer un irritant. En effet, elles accroissent inutilement les procédures lors des transactions, très fréquentes, dans les sociétés qui ne sont pas des émetteurs assujettis.
Quant à l'acquisition d'actions par achat ou rachat, nous suggérons une nouvelle formulation afin d'éviter les problèmes d'interprétation que connaît la loi canadienne sur les sociétés par actions.
Concernant l'inhabilité d'un administrateur, nous recommandons que les termes de l'article 328 du Code civil du Québec soient repris dans la Loi sur les sociétés par actions.
En ce qui concerne l'intérêt de la société et la convention unanime des actionnaires, nous proposons que le ministre clarifie la situation et qu'il prévoie que les actionnaires agissant dans le cadre d'une convention unanime doivent continuer d'agir dans l'intérêt de la société dans la mesure des pouvoirs qu'ils exercent.
De façon générale, donc, nous croyons que le ministre devrait réviser le projet de loi de façon à s'assurer que, chaque fois où une communication est autorisée ou ordonnée par un tribunal, le secret professionnel ne soit pas mis en péril. Vous comprendrez que j'ai sauté beaucoup de choses pour parler essentiellement du secret professionnel. À cet égard, nous croyons qu'il n'est pas suffisant que des dispositions prévoient qu'un document soit présumé confidentiel pour assurer que le secret professionnel soit respecté.
Alors, je vais laisser mon confrère, Me Perreault, répondre à vos questions.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, merci de votre présentation. M. le ministre des Finances.
M. Bachand (Outremont): Merci beaucoup et merci aussi de votre collaboration tout au long du processus de presque deux ans, maintenant, qui vient avec un mémoire qui... et les différentes versions qui ont été faites, y compris celle du printemps 2009.
Je veux surtout vous parler du secret professionnel, parce que les commentaires dans votre mémoire soulèvent, là, des questions. Mais, peut-être juste avant, votre commentaire sur la réglementation des valeurs mobilières. C'est vrai qu'au niveau des valeurs mobilières il y a beaucoup de réglementation. Mais, quand on regarde l'objectif des lois de valeurs mobilières et de comment, comment on s'harmonise non seulement entre provinces, mais avec ce qui se fait aux États-Unis, parfois avec ce qui se fait mondialement, et les changements fréquents qui arrivent à cause de ce qui se passe dans le marché, c'est probablement la seule méthodologie. D'ailleurs, même au niveau législatif, on se voit contraint presque, et il y aura peut-être même une autre loi cette session-ci, et il y en a eu une au printemps, presque deux fois par année, maintenant, de retoucher nos lois de valeurs mobilières simplement parce que... disons que ça va vite, sur la planète, à ce niveau-là.
Ceci étant, votre... mais les réglementations adoptées en vertu des lois des valeurs mobilières ne touchent que les sociétés... des émetteurs assujettis, ne touchent pas les PME. Donc, il n'y a pas de confusion de ce côté-là, et on a pris bien soin... on essaie de prendre bien soin, dans cette loi-ci, justement, quand ça touche des émetteurs assujettis, de bien le spécifier, et un certain nombre dispositions, on les mettra plutôt, avec d'autres débats, on les fera plutôt dans la Loi des valeurs mobilières, comme ça, pour ne pas trop semer la confusion.
Puis c'est clair que, quand on est dans une matière commerciale, par ailleurs, on est dans un monde de commerce international et on doit, heureusement ou malheureusement, mais importer un certain nombre de dispositions, d'ailleurs, de la loi canadienne des sociétés par actions, on en a importé, l'autre jour, dans la planification fiscale agressive, on a importé des idées qui nous venaient de l'Australie, de Nouvelle-Zélande, d'Irlande. Alors, on regarde ce qui se fait sur la planète pour tenter d'offrir à nos entreprises le meilleur, le meilleur des mondes, au fond, mais dans un cadre qui respecte le cadre civiliste québécois, et, bien sûr, je pense que c'est ce qu'on fait ici.
J'en viens directement, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, à votre commentaire sur le secret professionnel, à votre commentaire, parce qu'il y a deux éléments dans cette loi qui touchent le secret professionnel: il y a les... qui sont, dans les deux cas, les nouveaux recours, au fond, pour les actionnaires: le recours en cas d'enquête, où là, littéralement, et je suis sûr que les gens, les comptables, demain, nous diront qu'ils ont des hésitations à cela, mais, dans les cas d'enquête où effectivement il y a possibilité... l'enquête est ordonnée par un juge, et, si l'enquêteur veut avoir accès à un certain nombre de dossiers qui seraient autrement couverts par le secret professionnel, il doit retourner voir le juge, et le juge peut le faire dans ce cas-ci; et il y a les dispositions, évidemment, de l'action dérivée, là, dont on a discuté avec vos collègues du Barreau tout à l'heure, où là, le secret professionnel des avocats et notaires, au fond, sont protégés, dans ce cas-là.
Mais, dans le cas de l'enquête, vous dites dans votre mémoire que vous êtes... parfois, les opinions, les travaux des notaires sont intimement liés aux travaux des comptables, et donc c'est difficile à séparer. Je serais ouvert à des suggestions, parce que, sur le principe même de l'enquête, c'est des enquêtes pour des cas de fraude puis des cas d'abus. Alors, moi, je n'ai pas grand pitié quand c'est des cas de fraude puis des cas d'abus, je pense qu'il faut... on voit ce qui se passe dans notre société. Alors, c'est vraiment des cas de fraude ou d'abus, et la personne intéressée va devant le tribunal, le tribunal juge que c'est suffisamment sérieux et déclenche une enquête. S'il n'est pas capable d'avoir accès aux documents comptables, l'enquêteur n'ira pas bien loin, en termes simples, et donc voilà pourquoi on a distingué le secret professionnel de l'avocat, qui, lui, dans ce cas-ci, est totalement protégé, de celui du comptable. Ça n'empêche pas qu'il faut retourner voir le juge pour s'assurer que c'est nécessaire pour l'enquête ? et donc le secret professionnel du comptable est levé pour les fins de l'enquête ? et d'avoir la documentation. L'objectif de toute cette section-là, c'est de combattre les fraudes et les abus. Alors... mais ça ne capte pas le secret professionnel des avocats et des notaires, la profession juridique.
Alors, je... et donc probablement qu'il y a moyen, devant le juge, de ? je vais prendre le même exemple que tantôt ? de séparer le spaghetti de ce qui est comptable et de ce qui est notarié. Mais j'aimerais ça vous entendre sur ça. Je vous exprime notre intention, qui n'est pas de lever le secret professionnel du notaire dans ce cadre-là, qui est vraiment d'aller chercher les chiffres et les livres comptables pour prévenir la fraude.
Le Président (M. Paquet): Me Perreault.
n(17 h 20)nM. Perreault (Michel): Oui. En fait, c'est que c'est sûr que, bon, le tribunal n'a pas le choix, il doit, il doit respecter toutes les exigences que le secret professionnel exige comme respect. Le problème qu'on a soulevé, et je pense que ça avait été soulevé aussi, je me demande si ce n'est pas le Barreau qui avait soulevé ça, c'est qu'il arrive très fréquemment, vous en faisiez référence tantôt, aux renseignements partagés entre les différents professionnels qui interviennent dans des transactions... c'est là où on pense qu'il peut y avoir une certaine forme de coulage, là. On est bien d'accord avec... L'outil comme tel est nécessaire. Bon, c'est un outil qui a été... qui est dans la loi canadienne sur les sociétés par actions depuis plusieurs années, puis, bon, je n'ai pas connaissance de scandales que ça ait provoqués, là. Il reste que ce que le comptable peut donner comme information peut résulter de transactions ou de communications qui ont été transmises par un notaire ou par un autre professionnel du droit, et c'est cette partie-là qu'on juge difficile de contrôler.
Évidemment qu'il faut que le ministre se dote d'outils, là, pour les cas de fraude. On est bien d'accord avec ça. Je veux dire, tout le monde souhaite avoir des preuves, là, quand il y a des cas problématiques comme ceux qu'on a connus. Mais il y a cet aspect-là qui nous semble problématique. Il y a probablement des façons de... Je pense qu'on suggère quelque chose dans le mémoire, puis c'est à titre... c'est à explorer, là, mais ce n'est pas contre le principe qu'on en a, mais on sait très bien qu'il y a des informations qui ne sont peut-être pas nécessaires à la preuve d'abus ou de fraude mais qui peuvent... qui risquent de couler quand même du fait d'un dévoilement plus large, si on veut.
Le Président (M. Paquet): M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Parfait. Je comprends votre commentaire. Ce qu'on a fait ici, c'est, au fond... C'est le juge, ce sont des juristes qui auront la tâche de ? parce que les loi sont souvent des principes ? de départager effectivement et de s'assurer du respect du secret professionnel du notaire.
M. Perreault (Michel): ...parce qu'on sait que ce n'est pas le comptable qui va le soulever pour le... Ce n'est pas le comptable qui va soulever le secret professionnel pour le notaire ou l'avocat, là. Alors, il faut qu'il y ait quelqu'un qui ait cette préoccupation-là avant d'ordonner la communication.
Le Président (M. Paquet): M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Merci, ça va. C'est un... Mais je ne le vois pas dans votre mémoire, ceci étant dit, le «wording», là, ou de suggestion concrète sur ça. Je l'ai parcouru rapidement. La problématique est bien soulevée, mais... Je vais laisser la parole à mes collègues, M. le Président.
Le Président (M. Paquet): Maître... pardon! M. le député d'Huntingdon... On a eu beaucoup de maîtres cet après-midi, ça fait que ça...
M. Billette: Ha! Ha! Ha! Maître d'Huntingdon?
Le Président (M. Paquet): Mais vous êtes maître en fait mais pas en droit, n'est-ce pas?
M. Billette: Maître du micro pour quelques secondes! Merci beaucoup. Bienvenue. Merci, M. le Président, du nouveau titre.
Je pense que vous avez soulevé, la loi qui est présentée ici, je pense, était attendue depuis fort longtemps. Plusieurs groupes qu'on a rencontrés auparavant avaient le même souhait. Je pense que c'est un cadeau qui était fort attendu, depuis de nombreuses années, d'autant plus que dans vos commentaires vous avez fait état de la loi canadienne sur la société... des actions, qui ne s'adonnait pas toujours aux petites entreprises, ou des entreprises à propriétaire unique, à ce moment-là. C'est une loi, que vous avez mentionné, qui est beaucoup plus fait... qui a un modèle qui est axé beaucoup plus sur la grande entreprise, au moment où on se parle.
Le questionnement que j'ai, c'est surtout au niveau de la disposition particulière pour l'actionnaire unique, qui permet, à ce moment-là, d'éviter de tenir des assemblées ou de nommer un vérificateur. J'adhère à vos propos, via mon expérience auparavant où, oui, c'est devenu une problématique ou une lourdeur administrative, souvent, pour une très petite entreprise d'avoir à tenir ces registres-là. Mon questionnement se tient beaucoup plus dans les propos que vous avez tenus. C'est un point également qu'on retrouve à la page 11 de votre mémoire: «Nous croyons cependant qu'il aurait été préférable que ces dispositions fassent l'objet d'une sous-section particulière de la convention unanime des actionnaires.» J'aimerais savoir le pourquoi, ou quel but vous poursuivez, à ce moment-là?
M. Perreault (Michel): C'est tout simplement pour mieux l'identifier. C'est évident que, si on... quand on le regarde dans le contexte de la convention unanime, on comprend l'objectif qui est visé, là, dans une section comme celle-là. La première question que je me suis posée, puis ça a une importance relative, c'est, bon: Est-ce que, pour bénéficier de cette disposition-là, il va falloir que l'actionnaire fasse une déclaration écrite? Est-ce qu'on va devoir la retrouver dans le... parce que, dans la loi actuelle comme dans la loi fédérale, on indique qu'une déclaration écrite de l'actionnaire unique équivaut à une convention unanime. Alors, on exige un document écrit, ce qui est probablement pas essentiel et ce qui n'était probablement pas visé par cette disposition-là. Le fait de l'existence de l'actionnaire unique, je pense, là, en tout cas je... suffit pour rendre ces dispositions-là applicables. Ça fait que je ne voyais pas pourquoi on l'insérait nécessairement dans cette section-là. Ce n'est pas un problème bien grave, mais il me semble que le fait de prévoir... Parce que je sais que ça a été soulevé à l'occasion. Il y en a qui se sont demandé s'il ne serait pas plus avantageux de prévoir un régime spécifique pour les entreprises à actionnaire unique. Bon, ce n'est pas tout le monde qui était favorable à agir de cette façon-là. Il reste que ça représente un intérêt pratique considérable. Et je me disais que de l'isoler comme tel, d'en faire une section particulière, quitte à ce qu'elle comporte deux articles, rendrait le mécanisme plus... pas nécessairement plus facile d'application, mais plus accessible, disons, plus invitant, ou je ne sais pas, là, mais...
Une voix: ...
M. Perreault (Michel): Pardon?
Une voix: Convivial.
M. Perreault (Michel): Convivial, si on veut, oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Huntingdon.
M. Billette: J'irais peut-être sur le même sujet, à ce moment-là, au niveau de la petite entreprise. Vous, les notaires, êtes souvent appelés lorsqu'il y a une transaction de petite et moyenne entreprise. Je pense qu'on se réfère souvent à notre notaire. Nos livres de compagnie se retrouvent souvent dans leurs bureaux, à ce moment-là. Est-ce que vous croyez que ça va être quelque chose qui va quand même faciliter, au niveau des transactions d'entreprise, d'avoir des dispositions qui font... à l'égard d'avoir une... tu sais, de ne pas tenir d'assemblée générale, de...
M. Perreault (Michel): Oui, ça, c'est clair.
Le Président (M. Paquet): Me Perreault.
M. Perreault (Michel): Ça fait... En général, les gens nous posent... quand je vous disais, là, on le disait dans notre mémoire, là, que les notaires font souvent signer des contrats de services avec les clients, et puis, bon, bien, à chaque année, ils nous disent: Veux-tu bien me dire pourquoi que je signe ça, ces documents-là? Dans le fond, c'est une formalité. Le problème, eux autres, s'est réglé quand ils ont rencontré le comptable. Ils ont adopté les états financiers, ils ont discuté de tout ce qu'il y avait à faire comme planification au cours de l'année, la situation est réglée. Là, ils savent qu'ils doivent passer chez le notaire pour compléter les assemblées annuelles. Mais dans le fond, là, quand on regarde... quand on regarde les décisions qui sont prises dans les documents comme ça, c'est strictement formel puis c'est répétitif. Dans les sociétés, dans les entreprises où il n'y a pas de changement, on se demande si c'est un régime qui est vraiment nécessaire. Pour la protection des actionnaires en tout cas, les outils qui sont dans la loi sont suffisants, que ce soit... Ce n'est pas nécessaire que ça apparaisse... ce n'est pas nécessaire qu'il y ait des résolutions écrites qui soient signées pour qu'ils puissent bénéficier de la protection que la loi leur donne. Donc, à titre d'actionnaires, ils ont la même protection.
Alors, dans la mesure où c'est possible... et on a trouvé très intéressant... parce qu'honnêtement je n'aurais jamais pensé à la disposition qui prévoit, à l'article 217: «Tout acte posé par l'actionnaire unique au nom de la société est réputé autorisé», c'est une innovation très heureuse dans ce... On ne voit pas ça nulle part. C'est la première fois que je le voyais. Bon. Alors... alors, je me dis: Bon, bien, tant qu'à faire, essayons d'aller plus loin si on peut. Si on comprend le principe, là, quand on élimine toutes les parties structurelles que le troisième alinéa... dont le troisième alinéa parle, c'est clair que, là, on satisfait une grande partie de cette clientèle-là. Il y a des coûts aussi reliés à ça, il ne faut pas...
Le Président (M. Paquet): M. le député de Viau.
M. Dubourg: Merci, M. le Président. Et très rapidement je veux saluer les représentants de la Chambre des notaires du Québec. Bienvenue.
J'ai... pour poursuivre avec ce que mon collègue de Huntingdon disait, il a parlé des livres, des différents livres qu'on retrouve dans l'entreprise, mais je sais que tout à l'heure, Me Piette, vous avez fait allusion à deux ensembles de livres, étant donné qu'on peut les garder dans des coffres-forts ou... Pourriez-vous nous en dire plus? Parce que j'ai comme l'impression... vous nous dites qu'il pourrait y avoir une partie dans l'entreprise et une partie chez le notaire, par exemple. Est-ce que c'est de ça que vous voulez parler?
Une voix: ...
Le Président (M. Paquet): Me Piette.
Une voix: ...
Le Président (M. Paquet): Ou Me Perreault. Me Perreault.
Une voix: ...
n(17 h 30)nM. Perreault (Michel): En fait, ce qui arrive, c'est que... bon, tantôt, je vous parlais des contrats de services. Bon. Alors, ce qui est très populaire dans les bureaux de notaire, c'est un contrat où l'entreprise nous confie le livre de la compagnie dans son... le livre entier de la compagnie. Ces documents-là sont déposés. Le livre est déposé dans une pièce à l'épreuve du feu. Et ce contrat-là permet également, en plus du dépôt du livre, que ces documents annuels, entre autres les assemblées annuelles, soient rédigés suivant des instructions. Bon, alors, actuellement, techniquement, quand les entreprises font ça, elles contreviennent aux dispositions de la loi, parce que ce n'est pas... ce ne sont pas tous les livres qui peuvent sortir du siège social, O.K.? Alors, nous, ce qu'on demande, étant donné ce phénomène-là, que je vous le dis, là, qui est très populaire, là, en région, à tout le moins, dans les grands centres, je ne le sais pas...
Une voix: ...
M. Perreault (Michel): ...donc... Et il y a un intérêt pour l'entreprise. Évidemment, il ne faut pas se cacher qu'il y a un intérêt pour le notaire, c'est plus facile pour les juristes, quand on a à faire des transactions, d'avoir à notre disposition le livre de la compagnie, mais, lui, il sait que ce livre-là est en sécurité, il sait que juridiquement ses documents sont en ordre, à cause du suivi qui est fait. Donc, ce qu'on voudrait, c'est que ce régime-là soit facilité en permettant que tous les livres, et quand je parle de «livres», là, c'est au sens de la loi, là, les registres, en fait, là, qu'on retrouve dans les livres de la compagnie, incluant le registre des valeurs mobilières et la liste des actionnaires, soit... puissent être transmises, ou puissent sortir, si on veut, du siège social.
Il ne faut pas oublier, là, qu'on est dans un contexte de petite entreprise. On comprend que, pour des émetteurs assujettis, c'est autre chose, mais, dans ce milieu-là, c'est très pratique, c'est très sécuritaire, ils ne le cherchent pas, il est facile à retrouver, et on voudrait juste éviter qu'on soit en contravention à chaque fois qu'on fait signer des documents comme ça.
Le Président (M. Paquet): M. le ministre des Finances.
M. Bachand (Outremont): Oui. J'aurais une question sur cet aspect-là, parce que... a priori sympathique au fait que les notaires ou que les avocats puissent garder, mettons, que les notaires puissent garder dans leur coffre-fort les registres originaux. Maintenant, ça, c'est... c'est la même disposition que la loi des compagnies, de la loi canadienne, sauf qu'on ajoute le registre des valeurs mobilières. Mais, où est l'original, où est la copie? Parce que... Et qu'est-ce que vous faites si l'original est chez le notaire puis la copie est au siège social? Qu'est-ce que vous faites chez... les créanciers, à qui on donne droit d'aller consulter la convention unanime des actionnaires, il faut que ce soit acompagnés qu'ils puissent frapper à la porte. Et qu'est-ce que vous faites en cas de saisie? Il faut saisir les originaux, que ce soit une saisie policière ou une saisie par huissier, etc., comment vous... Parce qu'au fond les compagnies incorporées en vertu de la loi canadienne qui gardent leurs originaux chez vous contreviennent à leur loi, au fond.
M. Perreault (Michel): Toutes les compagnies contreviennent.
Le Président (M. Paquet): Me Perreault.
M. Bachand (Outremont): Mais tout le monde fait ça. C'est ce que vous dites.
M. Perreault (Michel): Ça, c'est clair, c'est clair.
M. Bachand (Outremont): Alors, quelle est votre suggestion pratique par rapport à l'accès aux originaux, ou à une copie conforme ou par rapport, entre autres, au registre des valeurs mobilières ou à la convention unanime d'actionnaires?
Le Président (M. Paquet): Me Perreault.
M. Perreault (Michel): Ce qu'on propose, c'est qu'on puisse authentifier ou certifier conformes ces documents-là. Quand on les reçoit, on peut en émettre des copies sous l'authentification de la signature authentique du notaire ou d'un juriste, en fait, là, ça dépendra de la position du ministre là-dessus, mais de façon à ce que ces documents-là puissent être disponibles pour ceux qui s'y intéressent.
De toute façon, de toute façon, ils n'y sont pas, au siège, en général. Ce que les gens font de temps à autre pour ne pas contrevenir à la loi, c'est qu'ils nous donnent des copies de ces documents-là. Le problème, c'est que, là, ils ne sont souvent pas en sécurité chez eux.
Le Président (M. Paquet): M. le ministre. 30 secondes.
M. Bachand (Outremont): ...100 000 PME au Québec, je comprends le problème pratique. D'une part, tu peux donner aux créanciers, aux actionnaires, à d'autres, le registre d'accès. Et ça, c'est au siège social de l'entreprise qu'il faut que vous ayez accès, parce que vos bureaux ne sont pas toujours ouverts aux mêmes heures, etc. Et par ailleurs il faut protéger les originaux, dans le cas de PME, qui, fondamentalement, la tenue de livres est chez leur comptable, et puis leur document juridique qui est chez leur notaire.
Alors, si vous avez une suggestion... pas aujourd'hui, mais dans les prochains jours, imaginative et concrète, on peut regarder, mais ça me semble compliqué.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Aussant: Merci de vous être déplacés pour nous voir. Je suis un peu déçu que Pierre Légaré ne soit pas avec vous, mais...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Aussant: Je voulais revenir... vers la moitié de votre mémoire, vous parliez du fait que le texte, à l'occasion, s'éloignait des principes qui sont à la base du Code civil du Québec. Est-ce que vous suggérez de revoir le libellé des articles ou de revoir même le principe de ces articles-là? Est-ce que vous... ou allez-vous faire les suggestions de réécriture de ces articles-là?
M. Perreault (Michel): En fait, c'est qu'on pense... on soumet que... Et ça, on est parfaitement conscients, là, de l'effet de la globalisation, de l'effet des besoins d'harmonisation en matière économique. Ça, on est d'accord avec ça. On pense toutefois que le Québec ? et puis je pense que ça a été chanté sous toutes ses formes ? se distingue, entre autres, au niveau du droit civil. Il y a eu un virage qui a été pris en 1980, et je me souviens très bien des discours à cette époque-là parce que je pratiquais le droit des compagnies, et puis on se félicitait d'avoir un droit des compagnies qui soit plus proche du droit civil. Et là, depuis justement que tous les scandales aux États-Unis ont éclaté, on sent que ça descend... ou en fait ça monte vers le nord, si on veut. C'est une tendance apparemment continentale, mais on pense qu'il y aurait probablement moyen de faire en sorte que ces mécanismes-là ou que ces modes d'harmonisation là soient davantage examinés à la lueur du droit civil. Puis je donne un exemple dans mon texte. Par exemple, l'article 273. À moins que je ne comprenne strictement rien à ce qui est écrit là, là, on dit... puis là, écoutez, pour un juriste, là, c'est pour un juriste que ça jure, là: «Une société est tenue d'empêcher sa filiale de procéder à une aliénation des biens de celle-ci chaque fois que l'aliénation, dans l'hypothèse où les biens de la filiale seraient ceux de la société...» Quand un juriste lit ça, il se demande: C'est les biens de qui, là? On parle-tu des biens de la filiale ou si on parle des biens de la société?
Si on parle d'utilisation, là je peux comprendre le contexte, et c'est probablement ça qu'on vise, mais ce n'est pas une notion de droit civil, ça. Donc, il y a à l'intérieur de la loi des phénomènes comme ça, puis on faisait référence plus en détail de la Loi sur le transfert des valeurs mobilières, parce que je me souviens d'avoir assisté à une conférence de Me Michel Deschamps, qui, je pense, était assez proche du contenu de la loi, qui avait dit... qui avait dit lui-même qu'il y avait une partie des dispositions, entre autres, qui avaient été ajoutées dans le Code civil suite à l'adoption de cette loi-là, qui venaient carrément du common law, qui fait qu'il avait fait sauter, excusez l'expression, mais tout le système de publicité auquel on est habitués depuis 1994. Et c'est un phénomène qui est, je comprends, qui est poussé par un élan assez fort. On s'étonne un peu qu'il n'y ait pas davantage d'attention qui soit portée à la tradition civiliste et aux notions particulières que le droit civil porte. Quand on parle de propriété, par exemple, en droit civil, on parle d'une chose, c'est défini dans le code. Quand on parle de propriété en common law, on... il faut qu'on fasse des distinctions. Est-ce qu'on parle de «title ownership»? Est-ce qu'on parle de «beneficial ownership»?
Je souligne également dans mon... dans le mémoire une disposition en quelque part où on parle d'illégalité, où on essaie... en fait on attribue à l'illégalité une espèce de test suggestif qui là aussi se rapproche d'une notion qu'on retrouve en common law quant à... on doit faire une distinction entre ce qui est «unlawful» ou «illegal».
Nous, quand on cherche une définition de ce qu'est que l'illégalité, là, ce n'est pas défini nulle part. On va dans le dictionnaire juridique, puis on dit que c'est contraire à une règle de droit. C'est clair.
n(17 h 40)n Quand on incorpore des notions comme celles-là, là, on se cherche un peu. Et, si, nous, on cherche puis qu'on n'est pas capables d'identifier clairement le droit de l'entreprise parce que la notion n'est pas conforme à ce qu'on connaît comme... comme principe de base parce qu'on est... on vit à l'intérieur d'un régime de droit civil, là, on pense que ça peut faire naître des insécurités, ou en tout cas ça fait en sorte qu'on se pose des questions parfois inutilement. Et on pense qu'il y a sûrement moyen d'utiliser tout ce que les juridictions étrangères nous amènent comme mécanismes intéressants pour protéger les investisseurs. D'un autre côté, on vit dans une province de droit civil et on pense que ça, ça mérite que ces instruments-là soient examinés à la lueur du droit civil. Je sais qu'il y a eu une... qu'on a... Dans une partie de la Loi sur le transfert des valeurs mobilières, entre autres, on s'y est efforcé. Je sais aussi qu'il y a une partie où on a dû laisser aller parce qu'au niveau de tout ce qui concerne le marché, le transfert des valeurs mobilières cotées en Bourse, c'est clair, là, qu'il y avait des mécanismes qui juraient un peu, au Québec, qui évitaient que le commerce soit aussi fluide qu'il devrait l'être. Bon, ça présente une difficulté effectivement, mais, bon, on est au Québec.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Aussant: Et un autre point aussi, sur le secret professionnel. D'un point de vue philosophique ou de justice, est-ce que, si on oblige un ordre ou une corporation ou une profession en particulier à lever son secret, est-ce qu'on ne devrait pas exiger ça de toutes les professions, tous les ordres, toutes les corporations? Je sais que c'est une question difficile, mais, si, sur le plan comptable, on peut l'exiger, pourquoi, sur le plan légal, notarial, etc., on ne pourrait pas?
Le Président (M. Paquet): Me Perreault.
M. Perreault (Michel): Oui. C'est effectivement une question difficile. Il y a... Évidemment, il y a faire la balance entre les droits d'un certain groupe d'investisseurs qui sont largement floués par les temps qui courent; il y a à faire la balance entre ça et effectivement ce que d'autres valeurs fondamentales doivent préserver. Je pense qu'il y a une réflexion à faire là-dessus, là, ce n'est pas... On voit qu'il y a un malaise, là. En écrivant ces dispositions-là, on sent qu'il y a un malaise d'un peu tout le monde. Tout le monde risque d'être un peu écorché par la bande, et je pense qu'il n'y a personne qui peut confirmer de façon absolue que les notaires ou les avocats ne seront pas touchés par des dispositions comme celle-là. Il faut chercher le mécanisme. Je sais que... je prenais connaissance d'un document qui est parvenu au ministre probablement hier, qui vient du Conseil interprofessionnel du Québec, où on fait des suggestions concernant des mécanismes qui pourraient être utilisés là-dessus. C'est un effort qui est très louable, mais on voit qu'on ne peut pas facilement régler la question d'une seule occasion. Mais je ne peux pas vous...
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Aussant: Merci. Ça va.
Le Président (M. Paquet): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Ça va. Alors donc, au nom des membres de la commission, je remercie les représentants de la Chambre des notaires du Québec, Me Piette et Me Perreault, pour votre participation à nos travaux. Alors, étant donné là où nous sommes rendus, je nous invite à... Je suspends les travaux jusqu'à 19 h 30, où nous recevrons alors les représentants du Conseil du patronat du Québec. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 44)
(Reprise à 19 h 37)
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des finances publiques reprend donc ses travaux. Nous sommes réunis afin de poursuivre les auditions publiques sur le projet de loi n° 63, Loi sur les sociétés par actions. Alors, ce soir, nous avons le privilège d'entendre les gens du Conseil du patronat, représenté par Me Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du patronat; Mme Norma Kozhaya, économiste en chef; Me Paul Raymond, Me Louis Vaillancourt et Me Jean-Pierre Colpron. Merci beaucoup de vous joindre à nos travaux. Alors, je vois qu'il y en a trois à la table, mais disons que vous allez pouvoir vous... ça fait que j'imagine... ils ont travaillé sur le mémoire. Alors donc, maître... pardon, M. Dorval, sans plus tarder, je vous reconnais pour votre intervention.
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
M. Dorval (Yves-Thomas): Merci, M. le Président. Effectivement, je ne suis pas maître et je ne voudrais pas être poursuivi par l'ordre!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dorval (Yves-Thomas): Alors, je voudrais d'abord remercier la commission et ses membres pour nous avoir invités à soumettre nos commentaires. Nous avons remis un mémoire, d'ailleurs que vous pouvez prendre connaissance, et je ne lirai pas ce mémoire-là de façon intégrale, je vais juste attirer votre attention sur certains points particuliers.
Alors, dans notre compréhension, la Loi sur les compagnies du Québec accuse un retard considérable par rapport aux autres lois similaires au Canada, et nous voulons ici féliciter l'initiative du gouvernement, du ministre des Finances ainsi que bien sûr sa prédécesseur d'avoir procédé à cet exercice, entre autres, par une consultation préalable. Ce projet de loi fait une mise à niveau et apporte un modernisme souhaitable et nécessaire au droit des sociétés québécoises.
Au Conseil du patronat, notre mission c'est d'assurer les meilleures conditions possibles pour permettre aux entreprises de se développer au Québec de façon durable et faire face à la concurrence. Alors, chaque fois qu'on analyse une question, on l'analyse à travers ce prisme, on le regarde à travers cette... et c'est cette grille d'analyse qui nous fait intervenir. Et, si on a pris la peine de venir ce soir, c'est parce que, d'un côté, ce projet de loi contenait de très bonnes mesures, et on voudrait en citer quelques-unes, et également quelques mesures pour lesquelles on suggère d'apporter certaines modifications, toujours dans un esprit d'avoir dans le fond ici un droit corporatif qui soit concurrentiel et qui permette à nos entreprises de se développer ici, au Québec.
n(19 h 40)n Alors, nous voulons donc mettre l'accent sur l'importance pour la nouvelle loi d'être compétitive, et en ce sens elle doit demeurer attractive pour que les entreprises puissent continuer de faire le choix du Québec et de son système de droit corporatif et ainsi favoriser le maintien de sièges sociaux ici, au Québec. En effet, il faut attirer les investissements au Québec, et par conséquent notre législation doit être adaptée à la réalité des entreprises québécoises. Mais on ne se contera pas d'histoires, on est en concurrence, il existe d'autres régimes législatifs. Il y a une loi, au fédéral, qui a été adoptée, modifiée, et celle du Québec a besoin de l'être, et a besoin de l'être pour être compétitive, ni plus ni moins.
Parmi les mesures que nous avons particulièrement appréciées et qui ont fait l'objet de nos commentaires et de nos recommandations lors des consultations qui ont précédé le dépôt du présent projet de loi, nous pouvons citer notamment, un, l'assouplissement des règles en matière de maintien du capital et l'élimination des contraintes applicables en matière d'octroi d'aide financière d'une société à ses actionnaires; également l'introduction de dispositions en matière de prorogation qui faciliteront particulièrement les activités d'expansion, de fusion et d'acquisition des entreprises québécoises avec d'autres entreprises canadiennes; et l'introduction de mesures qui visent à simplifier grandement la régie interne des petites entreprises; et également les questions d'utilisation de l'informatisation, et ainsi de suite.
Nous avons des préoccupations toutefois par rapport à certaines dispositions et on aimerait... et c'est la raison pour laquelle nous croyons important de nous présenter ici ce soir. Certains changements risquent d'être perçus comme un pas en arrière pour certains entrepreneurs, en particulier dans un contexte où des milliers d'entreprises familiales sont appelées à changer de mains au cours des prochaines années dans le cadre notamment de transferts intergénérationnels. Il faut être conscients que de nombreuses entreprises ont choisi d'être incorporées sous la loi québécoise plutôt que sous la loi fédérale pour des raisons en lien avec un contexte qui est en train d'être modifié. Donc, quand on regarde les modifications, il faut se poser la question: Et si les décisions qui ont été prises... Parce qu'à chaque fois qu'une entreprise prend une décision de s'incorporer au fédéral ou ici elle se pose la question: Qu'est-ce qui est le plus avantageux pour moi? Donc, il faut s'assurer que les avantages qu'on y voyait se perpétuent et qu'il n'y ait pas des inconvénients supplémentaires.
Le premier point qu'on voudrait souligner, c'est un point d'ailleurs que vous avez probablement entendu par d'autres, c'est la notion de risque d'abus qui est introduite dans le projet de loi. En fait, tout le monde est d'accord, la notion d'abus, et c'est d'ailleurs ce qu'on retrouve dans le projet de loi fédéral, c'est particulièrement important. Et, lorsqu'on parle de risque d'abus, la question, c'est: Est-ce qu'on devrait être encore plus préventifs pour ne pas trop être réactifs s'il arrive un abus? Et nous pensons qu'il existe déjà des possibilités en vertu d'autres articles, en vertu d'autres dispositions, pour les tribunaux d'agir dans ce sens-là lorsqu'il y a vraiment quelque chose qui risque, comme on dit, mais très sévèrement, d'être un abus.
La notion de risque, ici, c'est une notion qui est dans le fond subjective. Est-ce qu'une personne est plus, comment je pourrais dire ça?... a de l'appréhension au risque ou elle est plus favorable au risque? Si on demande de commencer à juger de ces questions de risque sur des critères qui sont assez subjectifs, on risque de se trouver justement dans une situation qui devient beaucoup moins intéressante pour les entreprises. Ce que les entreprises veulent éviter, c'est l'inconnu, c'est le risque justement d'être dans une situation qu'ils ne désirent pas. Alors, pour nous, la notion de risque, c'est important, et, en proposant de donner ouverture à un recours en utilisant ça, le législateur québécois va plus loin que le recours en oppression prévu dans la loi canadienne sur les sociétés par actions et introduit davantage d'incertitude. Et sincèrement, pour avoir vu différents types de causes, ça peut être très différent d'une personne à l'autre, le risque. Et, dans certaines législations ou dans certains environnements culturels, même au Canada, on peut voir que le risque est une notion qui peut différer énormément. Alors, nous comprenons mal cette proposition-là, mais on suggère donc de garder la notion d'abus et d'éliminer la notion du risque.
En matière d'accès à l'information financière, c'est notre deuxième préoccupation, c'est l'accès aux états financiers d'une filiale et évidemment c'est l'obligation pour une société de conserver des états financiers de chacune de ses filiales, incluant les filiales de ses filiales, et de permettre aux actionnaires de les consulter et d'en tirer gratuitement des extraits. Nous trouvons que ça s'applique de façon un peu trop générale. Pourquoi?
En fait, il faut savoir que plusieurs entreprises ont choisi une structure corporative notamment en créant des filiales. Et je pense qu'au Québec le plus bel exemple, c'est dans le domaine du commerce au détail. Beaucoup d'entreprises, dont plusieurs de nos membres, qui se sont incorporées en vertu du droit québécois se sont incorporées et ont créé des filiales par magasins, par exemple. Or, si on arrive avec une possibilité d'offrir les résultats financiers de chaque magasin ou des magasins qui intéressent des concurrents, on s'aperçoit ici qu'à travers une mesure qui se veut équitable pour certains actionnaires on crée une situation inéquitable pour plusieurs entreprises, et c'est là où le bât blesse. Et en ce sens-là nous croyons qu'au plan du principe les actionnaires ne devraient avoir accès qu'aux états financiers de la société dans laquelle ils investissent. Un concurrent pourrait peut-être avoir accès aux états financiers d'une filiale créée pour exploiter un commerce au détail, comme je le disais tout à l'heure, et n'oublions qu'au Québec cela pose un enjeu particulier.
Dans la mesure où le législateur souhaiterait néanmoins permettre l'accès aux états financiers des filiales et des sociétés publiques, nous croyons que, par exemple, comme le projet de loi n° 63 le prévoit déjà pour les sociétés publiques, que l'Autorité des marchés financiers pourrait être, à ce moment-là, une voie pour assurer à la fois une décision, je dirais, équitable, tout en gardant également la confidentialité des données. À ce sujet-là, à notre avis, l'accès aux états financiers des filiales ne devrait être applicable qu'aux sociétés non publiques et, dans ce cas, s'appliquer sous réserve des conventions entre actionnaires, qui pourraient restreindre les droits d'accès. Donc, on pense que les sociétés publiques ont déjà, à travers ces mécanismes, des possibilités de fournir de l'information aux actionnaires qui investissent dans les sociétés en question et on croit que, dans le cas des sociétés qui sont non publiques... et qu'il faudrait envisager, parce que je comprends que le principe, c'est d'essayer de s'assurer qu'un actionnaire minoritaire, dans ces cas-là, puisse avoir accès à certaines informations, bien, que ça puisse se faire à ce moment-là, sauf si, évidemment, il y avait une convention d'actionnaires qui ne le permettrait pas. On pense qu'à ce moment-là on pourrait facilement avoir un projet de loi qui est à la fois équitable et qui pourrait répondre peut-être l'objectif qui est visé.
Troisième point: la notion de cessation d'une part significative des activités de la société. En fait, le mot «significatif», nous croyons que l'intention qui était là était intéressante et probablement basée sur d'autres lois dans d'autres juridictions. Mais, si on prend celle du Canada, par exemple, la loi fédérale et les autres lois provinciales requièrent le consentement des actionnaires lorsqu'il s'agit d'une aliénation de la totalité ou quasi-totalité des biens de la société, concept dont l'interprétation peut s'appuyer sur une jurisprudence bien établie. Nous recommandons qu'une similarité avec de telles dispositions... parce que le mot «significatif» peut prendre différents sens. Est-ce que «significatif», c'est 5 %, c'est 10 %? C'est quoi, «significatif»? Et là, il n'y a pas encore de jurisprudence à cet effet-là.
Si l'intention du législateur était d'introduire une règle semblable à celle suggérée aux États-Unis dans le Model Business Corporation Act, nous sommes d'avis que, tout simplement, il faudrait changer le libellé de l'article 271, qui gagnerait à être modifié pour écarter toute confusion, parce que la façon dont il est rédigé ici, c'est un peu comme s'il disait une chose et son contraire.
Bref, en conclusion, puisque le temps file, nous pensons que, si les modifications appropriées sont apportées à ces dispositions, le projet de loi répondra plus efficacement aux objectifs poursuivis, dont celui de faire de cette loi un outil moderne de développement économique, d'améliorer la compétitivité du Québec comme lieu d'incorporation des entreprises, ainsi que des investissements. Bref, un excellent projet de loi pour lequel nous apportons... nous attirons votre attention seulement sur certains détails qui, pour nous, rendraient cette loi plus... plus intéressante pour les entreprises afin de... de les intéresser à rester ou de devenir et s'inscrire dans le droit québécois.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Dorval. Alors, je reconnais M. le ministre des Finances.
n(19 h 50)nM. Bachand (Outremont): Merci beaucoup. Merci beaucoup de vos commentaires, et des félicitations. D'ailleurs, vous avez aussi travaillé avec tous les gens, contribué. Ce projet de loi est en partie votre projet de loi, avec tous ceux que nous entendons, les 25 groupes qui ont contribué.
Je vais concentrer mes questions sur deux aspects. Le premier qui est le risque d'abus. Le risque d'abus n'existe pas dans la loi fédérale, mais il existe dans la loi de l'Ontario. Et je posais la même question ce matin, parce que je savais que ce serait sujet à critique, et un des exemples qu'on donnait risque bien sûr... ? moi, je fais confiance aux tribunaux dans la façon de baliser les choses ? mais risque... ça peut nous faire peur. Par ailleurs, l'exemple que les membres de notre conseil consultatif nous donnaient ce matin, c'est: il y a quand même... la prévention est quand même importante. Donc, si une entreprise est en train de poser un geste, a convoqué son assemblée d'actionnaires, l'assemblée va avoir lieu dans trois semaines, et donc c'est connu, là, ce n'est pas un actionnaire qui est en train d'imaginer, avec la théorie du complot, des choses qui sont en train d'arriver, que c'est à son avis vraiment abusif, est-ce qu'il n'est pas sage d'avoir une notion de prévention, si vraiment c'est pour être abusif, plutôt que, par la suite, des réparations, et que là le tort a été commis?
Le Président (M. Paquet): M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas): Merci de votre question, et je vais demander à mon collègue ici d'aborder les aspects peut-être un petit peu plus pointus, ou l'aspect juridique. Moi, je vais l'aborder d'un sens purement chef d'entreprise, qui n'est pas un juriste, qui regarde les choses à sa face même, et je dis tout simplement que, pour moi, la notion de risque, c'est absolument subjectif à ce moment-ci, et ça me placerait, comme chef d'entreprise, dans une incertitude.
Je ne voudrais pas faire trop d'allusion à des choses spécifiques, mais je vais donner un exemple. Il est de commune nature de voir que, par exemple en Ontario, lorsqu'on veut faire certains processus d'appel juridique, notamment des appels, les décisions se font d'une façon culturellement différente que certaines décisions qui se font ici, où est-ce qu'on voit, par exemple, des appels beaucoup plus fréquents et accorder beaucoup plus fréquemment... en laissant les cours commencer à décider à la fin si c'est le risque ou si ce n'est pas le risque.
À ce moment-là, ça nous amène tout simplement dans des débats juridiques. C'est peut-être très intéressant pour les avocats qui sont des plaideurs au niveau du litige. À mon avis, pour l'entreprise, ce n'est pas payant, ce n'est pas intéressant, surtout que le droit, quand même ? et les notions de droit que mon collègue à ma droite pourra énoncer ? il y a quand même une protection, il y a des possibilités. On parle d'injonction également en Ontario, c'est une notion qui est importante. Alors, je vais laisser mon collègue en parler.
Le Président (M. Paquet): Me Raymond. Est-ce que c'est Me Raymond?
M. Colpron (Jean-Pierre): Non. C'est M. Colpron.
Le Président (M. Paquet): Me Colpron. Alors, Me Colpron.
M. Colpron (Jean-Pierre): Alors, ce qu'on soumet respectueusement, c'est que les tribunaux, en droit québécois, ont déjà des pouvoirs d'intervention, notamment en matière d'injonction, qui sont bien balisés de par l'état du droit au Québec. Et puis, en fait, qu'un tribunal puisse émettre une injonction, il y a des critères qui doivent être rencontrés. Il y a trois critères: il y a la preuve d'un droit clair ou une apparence sérieuse de droit; ça prend aussi un préjudice sérieux qui soit appréhendé; et il faut aussi qu'il y ait une balance des inconvénients en faveur du requérant. Alors... Et ça, la loi encadre, en fait bien baliser les pouvoirs d'intervention des tribunaux, et ce qu'on pense, c'est que les tribunaux ont les outils qui leur permettent d'intervenir dans un contexte où ils doivent faire cesser une situation qui est appréhendée, par exemple.
Alors, il y a certaines jurisprudences... Il y a une décision comme... Sabex, qui me vient à l'esprit, où un conseil d'administration avait décidé d'adopter un régime de droit de souscription, mais dont l'effet était de diluer la valeur des actions d'actionnaires. Le régime n'avait pas été encore mis en place, et les tribunaux sont intervenus pour empêcher justement la mise en place du régime. Alors, ce qu'on dit, c'est qu'il y a déjà des mécanismes dans la loi, qui sont des mécanismes qui sont balisés, qui donnent des pouvoirs d'intervention importants aux tribunaux, et que l'ajout, dans l'article 447, d'une notion d'intervention pour prévenir un risque d'abus n'est peut-être pas nécessaire, dans le contexte où il y a déjà des pouvoirs d'intervention des tribunaux.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Merci. Je vais aller, parce que je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps.
Le Président (M. Paquet): Il reste 15 minutes.
M. Bachand (Outremont): Il me reste 15 minutes. On reviendra à celui-là parce que je veux aussi couvrir l'autre point, puis on pourra alterner entre les deux points, mais mes collègues auront peut-être des questions.
L'accès aux états financiers d'une filiale. Et je comprends, étant anciennement de l'alimentation, de Metro Richelieu, vous avez trouvé un exemple qui me touche. Entre le principe, par ailleurs de la transparence, d'accessibilité de l'information, qui est un principe de plus en plus important en droit des compagnies, particulièrement pour des actionnaires minoritaires, et là, on doit le voir dans le cadre aussi des PME, parce que c'est une loi qui est faite pour les 300 000 PME, où souvent l'actionnaire n'a pas beaucoup accès à l'information... Par ailleurs, et certains le soulèvent comme vous, l'accès illimité, pour toutes sortes d'autres raisons d'intérêt financier, à des états financiers de filiales: Est-ce que, entre les deux, aux extrêmes, pour le faire, parce que c'est déjà dans la loi fédérale, il n'y a pas eu beaucoup de cas de jurisprudence, il y en a un célèbre, récent, et ce qui est écrit là vous suggérez, là, balisé par l'AMF ? je ne suis sûr que c'est une bonne suggestion, parce que l'AMF s'occupe des compagnies publiques ? l'AMF n'a pas comme rôle d'intervenir et porter ce jugement-là? Moi, je vous soumets respectueusement que les tribunaux sont peut-être mieux placés pour faire ça. Mais avez-vous comme un test de matérialité, parce qu'au fond c'est clair que les états financiers de divisions d'entreprise ne sont pas accessibles? Une division, ce n'est pas accessible, sauf si elle a une importance relative, puis on regarde les règles des valeurs mobilières, au niveau géographique, au niveau sectoriel, elles doivent être divulguées à ce moment-là. Les filiales, par ailleurs, peuvent être importantes.
Il y avait le groupe des épiciers unis Metro Richelieu puis il y avait Metro... Metro Richelieu à compagnie opérante. C'étaient les états financiers de Metro qui étaient intéressants, ce n'étaient pas celui de groupe. Par ailleurs, effectivement, il y a un certain nombre de magasins individuellement incorporés. Il y a toutes sortes d'intérêts... de gens qui pourraient être intéressés à avoir accès à ces états-là. Par ailleurs, l'entreprise a quand même des recours pour l'empêcher si ça peut lui nuire commercialement. Mais est-ce que vous avez des suggestions, si vous ne voulez pas cet article-là, pour le baliser? Je vois que vous faites 10 % des revenus comme suggestion? Est-ce que ce serait un test de matérialité, au fond?
Le Président (M. Paquet): M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas): Merci, M. le Président. En fait, encore une fois, je pense que c'est un... Il y a des possibilités de regarder à travers un test, et ainsi de suite. Ce qu'on se dit toutefois, c'est: Est-ce que réellement le problème, puis je peux me tromper, mais... lorsqu'on arrive dans le cas d'un actionnaire minoritaire d'une entreprise privée, je pense qu'il y a, pour certains actionnaires minoritaires, un besoin de protection pour lui permettre d'avoir accès à des informations, notamment, je parle d'une entreprise non publique.
Je pense que c'est important. Pour prendre un exemple bébête, si une famille est actionnaire dans une entreprise, puis vous avez le P.D.G. qui a la majorité des actions, puis vous avez quelques frères ou soeurs qui font partie, qui sont actionnaires, je pense que c'est raisonnable d'accorder aux actionnaires minoritaires la possibilité de savoir ce qui se passe avec des actions d'une compagnie dans laquelle ils ont des parts et donc d'avoir droit de regard... Et ça, c'est une situation tout à fait différente. C'est pour ça qu'on dit: Dans ces cas-là, je pense que, à moins qu'il y ait une convention d'actionnaires qui laissent aller les choses, je pense que ça, c'est une solution assez pratique pour ces entreprises-là.
Dans le cadre des entreprises publiques, évidemment, nous croyons qu'il y a déjà des mécanismes, mais...
M. Bachand (Outremont): Une seconde, parce que je n'ai pas saisi quelque chose. C'est quoi, la solution pratique? On parle de PME, là, des frères minoritaires...
M. Dorval (Yves-Thomas): De le baliser à ces entreprises-là. Ça, ce serait une solution. O.K. Parce que, là, à ce moment-là, les actionnaires minoritaires, ce n'est pas les mêmes intérêts... On ne peut pas devenir actionnaire minoritaire d'une société par ailleurs publique pour avoir accès indirectement aux états financiers. Alors...
M. Bachand (Outremont): Grosse PME. Oui.
M. Dorval (Yves-Thomas): Exactement. Et ça, ça protégerait, je crois, un des objectifs. Quant aux sociétés publiques, je vais laisser mon collègue dire quelques mots là-dessus...
Le Président (M. Paquet): Me Colpron.
n(20 heures)nM. Colpron (Jean-Pierre): Au niveau des sociétés publiques, il y a déjà des mécanismes de divulgation d'information qui sont prévus par la législation et la réglementation en matière de valeurs mobilières. À cet égard-là, l'accès aux états financiers donne le droit à de l'information qui n'est pas diffusée nécessairement, en matière de valeurs mobilières, à tous les actionnaires. À cet égard-là, les gens sont d'avis que régime déjà mis en place en matière de valeurs mobilières est suffisant pour donner de l'information, et donner la même information et au même moment à tout le monde. Alors, et puis accessoirement, en matière de valeurs mobilières, il y a ce concept de filiales importantes, filiales qui peuvent représenter plus que 10 % de la contribution à... d'une société, et c'est un critère qui pourrait être retenu également dans un contexte où on permettrait l'accès aux états financiers pour obtenir de l'information importante.
Le Président (M. Paquet): M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Est-ce que vous utiliseriez la même balise dans le cas des PME?
Le Président (M. Paquet): M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas): Non.
Le Président (M. Paquet): M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Merci, ça va, je vais laisser du temps à mes collègues.
Le Président (M. Paquet): Il reste à peu près neuf minutes en fait au bloc... plus que neuf, on a jusqu'à 25, donc il reste encore 15 minutes au bloc... 14 minutes, oui. Alors, M. le député de Huntingdon.
M. Billette: Merci beaucoup, M. le Président. Madame, messieurs, bonsoir et bienvenue. J'ai une petite question rapide quand même au niveau de l'article 120. Vous avez plusieurs de vos membres qui ont des conseils d'administration avec des administrateurs nommés de l'externe, à ce moment-là, des gens qui sont là pour siéger, apporter une contribution professionnelle et personnelle au bien-être de l'entreprise. L'article 120, qui est un ajout qui s'harmonise, à ce moment-là, au niveau des lois fédérales, apporte beaucoup de choses, entre autres, le droit d'interdire à tout administrateur de s'exonérer des responsabilités ou des décisions qu'il prendra, à ce moment-là, relativement à l'entreprise.
C'est sûr et certain que ça a un bénéfice important principalement au niveau des investisseurs, ça va les sécuriser, ça risque d'apporter des décisions qui sont beaucoup plus rationnelles pour l'entreprise, à ce moment-là, parce que l'administrateur va devoir vivre avec ses décisions, donc il y a un bien-être corporatif qui est très important, à ce moment-là.
On sait que l'expertise, c'est souvent difficile à aller chercher. Est-ce que vous pensez que ça pourrait, ou s'il y aurait une limitation, à ce moment-là, dans la difficulté de recruter des administrateurs? Est-ce que vous percevez ça comme une menace? Je sais qu'il y a un bien-être pour l'entreprise, à ce moment-là, mais, dans le recrutement, est-ce que ça pourrait vous empêcher ou donner des craintes, à ce moment-là, à certains administrateurs de siéger sur des conseils d'administration? J'aimerais vous entendre sur ce sujet-là et au niveau du recrutement également.
Le Président (M. Paquet): M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas): Oui. Écoutez, moi, c'est le gros bon sens, tout simplement, de dire qu'un administrateur qui décide de s'embarquer doit avoir effectivement des responsabilités et doit les assumer, également. S'il ne veut pas le faire, il a juste à ne pas s'embarquer. Recruter des administrateurs, est-ce que c'est si difficile que ça? Probablement que, pour des petites entreprises, il y a plus de difficultés parce qu'ils ont peut-être moins de pouvoir d'attraction que certaines grandes entreprises. Mais, à la fin du compte, je ne crois pas personnellement qu'on doit se dégager de nos responsabilités. Alors, pour moi, la question du recrutement, ce n'est pas... ça ne m'apparaît pas être... ça peut devenir un enjeu, mais ce n'est pas un empêchement d'avoir une modification comme ça.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Huntingdon.
M. Billette: C'est beau pour moi, je pense, ça répond bien à mes préoccupations à ce moment-ci. Je ne sais pas s'il y avait un collègue, à ce moment-là...
Le Président (M. Paquet): M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): J'en aurais une, parce qu'il y a une... je suis en train de vérifier si c'est une innovation, dans leur cas, sur le rôle des conseils d'administration et des notions de gouvernance qu'en général on limite à la Loi des valeurs mobilières mais qu'on introduit ici au niveau de la rémunération des dirigeants, à l'article 118, et qui dit que c'est le conseil d'administration qui doit fixer la rémunération du P.D.G., du CFO et des trois dirigeants clés, et que ça, ça ne peut pas être délégué. On peut bien sûr avoir un comité de ressources humaines qui fait tout le travail, mais que le salaire du président doit être décidé en tout état de cause par le conseil d'administration. Je voudrais savoir si vous avez un commentaire sur ça.
Le Président (M. Paquet): M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas): Nous sommes en accord avec les dispositions prévues dans le projet de loi. On considère que ce sont de bonnes dispositions.
Le Président (M. Paquet): Ça va? Du côté de l'opposition, M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Aussant: Merci, bienvenue à tous. Juste pour revenir sur le... quand vous disiez que ça allait peut-être trop loin dans la voie de la protection contre les risques d'abus, des choses comme ça. S'il y a des cas où ça pourrait s'apparenter à une injonction, ou quand on sait qu'il va se passer quelque chose à une prochaine assemblée, ou qu'il y a un cas précis où on sait exactement ce qui pourrait porter atteinte et qu'on veut le bloquer avant, vous ne trouvez pas que la disposition peut quand même être utile dans certains cas, ou trouvez-vous qu'il faut simplement enlever les articles qui font référence à ça?
Le Président (M. Paquet): M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas): En fait, je reviens... Et c'est une excellente question. En fait, le problème, c'est la notion de risque. Et ce n'est pas le risque d'abus, c'est l'abus de la notion du risque qui me fait peur!
Le Président (M. Paquet): M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Aussant: Oui. Dans l'article 271 que vous avez mentionné, vous disiez que c'était peut-être un peu flou, mais est-ce que vous avez, selon vos membres ou... avez-vous déjà eu des commentaires sur un pourcentage qui pourrait être indiqué pour préciser l'article ou pour faire... pour rendre l'article encore plus clair, sur un pourcentage qui pourrait être inscrit dans le texte même de la loi?
Le Président (M. Paquet): Me Colpron.
M. Colpron (Jean-Pierre): Oui, je vais me permettre de répondre. L'intention du législateur, c'est probablement d'importer le concept du Model Business Corporation Act, qui est non pas de regarder si les biens vendus entraînent... en fait, qu'est-ce que les biens vendus entraînent? Est-ce que ça entraîne une cessation significative d'une partie des activités de la société? On pense que l'intention du législateur, c'est de regarder les biens qui restent après l'aliénation pour savoir si ces biens-là représentent une partie significative des activités commerciales de la société.
Et ce qui nous laisse croire que le législateur veut regarder l'impact de l'aliénation sous l'angle des biens qui restent, c'est l'article 274, qui est une disposition refuge, «safe harbor», qui est très louable et qui donne une certitude quant aux... quant aux actifs qui, s'ils restent dans la compagnie, permettent de considérer que la compagnie ou la société continue d'exploiter une partie significative de ses activités commerciales. C'est plus dans le langage de l'article 271, qui a l'air... qui semble antinomique avec 274. Parce que, quand on lit 271, c'est comme s'il fallait regarder les biens... l'impact des biens que l'on vend et qu'il fallait conclure que, si ces biens-là constituent une cessation d'une partie significative des activités, le consentement des actionnaires est requis. Alors que 274, lui, regarde, dans le fond, l'aliénation des biens, mais du côté des biens qui demeurent dans l'entreprise.
Alors, nous, ce qu'on pense, c'est que peut-être une précision de texte pourrait être apportée à l'article 271 en fait pour exprimer, dans le fond... un peu, 271, comme l'article 12.02 du Model Business Corporation Act qui dit que le consentement des actionnaires est requis si, suite à l'aliénation, le... si, suite à l'aliénation, la compagnie ou la société n'a plus d'activités commerciales significatives. Et ce n'est malheureusement pas ce qu'une lecture littérale de 271 semble nous indiquer.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Aussant: O.K. Et, dans votre mémoire, l'article 274, vous mentionnez qu'il y a quand même un seuil de 25 %.
M. Colpron (Jean-Pierre): Oui. En fait, 274 est très louable, et à cet égard-là on suit la règle du Model Business Corporation Act, où on vient dire que, puis c'est le but... bien, en fait c'est la certitude que la disposition refuge nous apporte, c'est de dire que, s'il y a des... bien, en fait, si les activités qui restent représentent des biens qui représentent au moins 25 % en valeur des biens de la société et qui représentent au moins 25 % des produits ou bénéfices de la société pour son exercice financier précédent, bien on a la disposition refuge qui vous donne la certitude qu'on n'est pas en présence, si vous voulez, d'une cessation d'activités, qui requiert le consentement des actionnaires.
M. Aussant: Donc, seriez-vous en faveur que «significatif» signifie 25 %, dans l'interprétation générale de tous les articles qui ont trait à ça?
n(20 h 10)nM. Colpron (Jean-Pierre): Bien, en fait... Bien, en fait, ce qu'on dit, c'est que, quand on lit le mot «significatif» à 271, étant donné que 271 nous dit qu'on doit regarder les biens dont on dispose, et, si ces biens-là constituent une cessation... bien, en fait, des activités significatives, c'est antinomique avec 274. Nous, ce qu'on pense, c'est qu'il y a essentiellement un besoin de clarifier la rédaction au niveau de l'article 271.
Le Président (M. Paquet): Il y aurait M. le ministre, sur le même sujet. Une question complémentaire.
M. Bachand (Outremont): Est-ce que mon collègue permettrait, juste 5 secondes, une question?
Le Président (M. Paquet): M. le ministre.
M. Bachand (Outremont): Parce que j'essaie de... Je comprends ce que vous dites, mais j'essaie de... en regardant la rédaction, 271 dit: Si c'est la cessation d'une part significative, il faut que vous consultiez les actionnaires; mais 274 vient préciser 271 et dit: En passant, si les activités continuées nécessitent l'utilisation d'au moins 25 % de la valeur de l'actif de la société, ce n'est pas une aliénation significative. Ça fait un texte assez complet et... Est-ce que ça s'éloigne vraiment de ce qui se passe aux États-Unis?
M. Colpron (Jean-Pierre): Si vous regardez l'article 12.02 de la loi américaine, le texte de la loi américaine est plus clair en ce qu'il réfère au... le pendant de 271, il réfère aux activités qui demeurent dans la société, alors que 271, quand on le lit, réfère à l'impact des... bien, en fait, des biens qui sont vendus.
Le Président (M. Paquet): M. Thomas, vous vouliez ajouter... M. Dorval, je veux dire, vous vouliez ajouter quelque chose? Non?
M. Dorval (Yves-Thomas): Non.
Le Président (M. Paquet): Ça va?
M. Bachand (Outremont): Nos experts se parleront pour voir, parce que l'intention est la même. Et on verra si...
Le Président (M. Paquet): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Rousseau.
M. Marceau: Oui. Bien, bonsoir, tout d'abord. Une question très, très générale que j'ai déjà posée aujourd'hui. Donc, le projet de loi n° 63 a pour objet de moderniser la loi, ce qui devrait rendre la loi plus attrayante, devrait attirer... devrait inciter des entreprises à s'incorporer sous la loi québécoise. Par ailleurs, il y a des dispositions plus nombreuses pour protéger les actionnaires minoritaires: il y a l'introduction du droit au rachat, des recours en cas d'abus, il y a même la question du vote cumulatif, là, qui a été introduite dans la loi.
Ma question, c'est: Dans l'état actuel du projet de loi, puis, en seconde partie de la même question, c'est, si la loi était modifiée selon vos préoccupations, c'est-à-dire si vos préoccupations étaient prises en compte, est-ce que vous considérez, là, que, dans l'état actuel ou bien dans une loi modifiée pour tenir compte de vos préoccupations, est-ce que vous considérez qu'il y a un équilibre adéquat qui a été trouvé quant à la protection des minoritaires? Autrement dit, croyez-vous qu'il y aura plus d'entreprises qui vont venir s'incorporer sous la loi québécoise étant donné ses dispositions pour protéger les actionnaires minoritaires?
Le Président (M. Paquet): M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas): Bien, en fait, la loi va être plus concurrentielle. Elle va non seulement... En fait, c'est toujours une question... Et je ne suis pas avocat, mais, comme chef d'entreprise, qu'est-ce qui se passe? Essentiellement, on va avoir des avocats qui vont venir nous aider à prendre une décision à un moment donné à savoir qu'est-ce qui est le plus avantageux quand on a à s'incorporer: est-ce que ça va être sous le chapitre de la loi fédérale ou la loi québécoise?
Ce que la modernisation de la loi fait, c'est de rendre plus attrayante par rapport aux modifications qui ont été apportées dans d'autres lois. Donc, ça nous intéresserait donc davantage de s'incorporer au Québec. Ça, c'est le premier point. Et, pour celles qui sont incorporées, il y a aussi beaucoup de mesures qui allègent l'administration. Alors ça, ça permet aussi de fournir un cadre législatif aux entreprises qui est plus souple, donc plus concurrentiel. Non seulement ça peut attirer des gens à s'incorporer au Québec, mais aussi ça peut permettre aux gens de rester au Québec, de ne pas avoir l'envie d'aller s'incorporer ailleurs.
Et c'est ça que je mentionnais au tout début, lorsque je parlais de modifications: lorsqu'on fait une modification, il faut juste s'assurer que les gens qui se sont inscrits à ce moment-là en fonction des décisions... Et puis on a parlé justement notamment du commerce au détail, c'est un exemple, mais en fait il y a plusieurs entreprises québécoises qui pourraient se poser la même question: Est-ce que c'est encore avantageux pour moi ou est-ce que l'avenir représente un risque maintenant? Et je vais préférer un autre cadre législatif. C'est simplement ça. Et on pense sincèrement que cette loi-là est bonne.
M. Marceau: Même dans l'état actuel?
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Dorval (Yves-Thomas): Avec les modifications apportées.
M. Marceau: Avec les modifications apportées?
M. Dorval (Yves-Thomas): Proposées, pardon.
M. Marceau: Suggérées. Merci.
Le Président (M. Paquet): Ça va? Merci. M. le député de Blainville.
M. Ratthé: Merci, M. le Président. Messieurs, madame, bienvenue. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Je vais nous ramener sur des notions qui ont été explorées, j'allais dire, oui, des questions qui ont été posées un petit peu au cours de la journée, mais on les a posées à des avocats, à des notaires, et je trouve intéressant qu'on ait des entrepreneurs devant nous, le Conseil du patronat. On a beaucoup parlé aujourd'hui du droit de rachat des actions, à l'article qui dit qu'un actionnaire peut exiger qu'on lui rachète ses actions au juste prix, et justement c'est la notion de juste prix qui nous a un peu préoccupés ici, tous les gens autour de la table, puisqu'on dit que «le prix de rachat de l'action proposé par la société doit correspondre à leur juste valeur, évaluée le jour précédent l'adoption de la résolution».
Et je voulais vous entendre là-dessus, si vous pensiez qu'avec cette disposition-là justement on attendrait le juste prix. Parce qu'on s'est beaucoup questionné autour de la table sur cette notion de juste prix et du moment à laquelle on devait évaluer cette action-là.
Le Président (M. Paquet): M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas): Oui, bien, en fait vous parlez, à ce moment-là... vous ne voulez pas entrer dans les détails juridiques, qui n'est pas de ma spécialité... Je vous dirais qu'en fait c'est le moyen idéal pour protéger justement l'actionnaire à ce moment-là. Et, le juste prix, c'est une notion, c'est une notion qui, je dirais, par son vocabulaire même, réfère au prix le plus juste, dans le fond, pour l'actionnaire, donc ce qui est le plus... Est-ce qu'il y a des moyens de raffermir ça ou d'améliorer ça? Je ne le sais pas. Moi, à ma connaissance, ça m'apparaît suffisant, mais peut-être que je peux demander, encore-là, à mon collègue s'il a des exemples plus précis.
M. Colpron (Jean-Pierre): Bien, en fait...
Le Président (M. Paquet): Me Colpron.
M. Colpron (Jean-Pierre):Je peux commenter sur la notion de juste valeur marchande. Est-ce que c'est parce que... Votre question c'est parce que la juste valeur marchande est évaluée avant...
Une voix: ...
M. Ratthé: Avant l'adoption, oui, effectivement.
M. Colpron (Jean-Pierre): Je n'ai pas regardé le point particulier sur l'évaluation la veille, par contre je pense que c'est probablement l'intention du législateur de vouloir qu'il y ait un juste prix ou une juste valeur qui soit déterminée sans tenir compte de l'impact qui résulte de la décision corporative qui donne ouverture au droit au rachat. Alors, c'est peut-être une précision utile à apporter dans le contexte où l'actionnaire ? puis là, bien M. Dorval pourra me corriger ? mais dans le contexte où l'actionnaire qui veut recevoir la juste valeur veut être certain que, dans l'appréciation de la juste valeur, il ne sera pas affecté par le geste corporatif qui donne l'ouverture au droit au rachat. Puis je pose la question sans l'avoir étudié particulièrement, c'est: S'il y a un droit au rachat qui est enclenché, il y a des obligations de la part de la société de payer les actionnaires, ça vient en soi affecter peut-être la valeur globale de l'entreprise. Alors, peut-être que le législateur voulait exclure ce... l'effet, justement, de l'ouverture au droit au rachat.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Ratthé: Si je comprends bien ce que vous dites, est-ce que, selon vous, nous devrions préciser d'avantage sur ce que vous venez de dire? Ou...
Le Président (M. Paquet): Me Colpron.
M. Colpron (Jean-Pierre): Non. Je pense que, pour être capable de, en fait, de commenter adéquatement, il faudrait que je lise l'article, que je compare avec la jurisprudence en vertu de la loi fédérale et les autres provinces. Tout ce que je vous dis, c'est mon appréciation, en fait... mon appréciation, là, en fait, de la question que vous me posez, mais sans avoir recherché le point.
Le Président (M. Paquet): Oui, il reste encore, environ huit minutes.
M. Ratthé: O.K. Je n'aurais pas besoin de huit minutes. Dans «Autres considérations», dans le dépôt de votre mémoire, j'aimerais peut-être que vous élaboriez un peu sur... dans le premier paragraphe, vous me dites que vous espériez que le processus législatif permette une révision détaillée des dispositions de la loi, compte tenu, là, qu'on parle d'introduction de nouvelles mesures, d'une certaine... d'incertitudes.
J'aimerais peut-être, pour notre bénéfice, que peut-être vous élaboriez d'avantage sur cette recommandation, si on peut l'appeler ainsi, là, où vous souhaitez en fait que le processus législatif permette une révision détaillée des dispositions de la loi.
Le Président (M. Paquet): Mme Kozhaya.
Mme Kozhaya (Norma): Merci. Au fait, c'est un projet de loi qui est très élaboré et qui a un très grand nombre d'articles, qui fait beaucoup de révisions. C'est une réforme fondamentale de la loi qu'on est en train de faire. Il faut dire quand même que ça a été fait en un laps de temps qui est relativement court, donc juste permettre, par exemple, comme on a vu l'exemple des articles 271 à 274, que ça ne semblait pas... tous les avocats ne semblaient pas avoir la même compréhension, donc que ça soit vraiment étudié dans les détails et révisé dans les détails. J'imagine que c'est l'intention du gouvernement. Et puis aussi qu'il y ait des commentaires et de la vulgarisation qui soit faite parce que c'est quand même des notions qui sont très complexes et qui peuvent porter à des interprétations qui sont différentes, donc s'assurer que tout le monde ait plus ou moins la même compréhension.
M. Ratthé: Donc, vous souhaitez évidemment...
Le Président (M. Paquet): M. le député de Blainville.
M. Ratthé: ...qu'on étudie en détail le projet de loi, si je comprends bien, là, vraiment avant de le mettre en application. Si je comprends bien votre... Qu'on, vraiment, prenne le temps que la... En fait, les gens autour de la table, ici, prennent le temps de regarder...
n(20 h 20)nLe Président (M. Paquet): M. Kozhaya.
Mme Kozhaya (Norma): Qu'il y ait des experts qui puissent prendre le temps de regarder le détail.
M. Ratthé: O.K.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Blainville.
M. Ratthé: Et dernière question en ce qui me concerne, M. le Président. Je vais revenir à la notion que M. le ministre a abordée tout à tout à l'heure, puis je veux juste revalider avec vous. Le projet de loi amène la notion que le conseil d'administration ? bon, vous le savez, et je pense avoir compris que vous étiez confortable avec cette notion-là ? que le conseil d'administration doit fixer la rémunération des dirigeants, qu'il ne peut pas confier cette tâche à une tierce partie. Et nous avons soulevé aujourd'hui la potentielle... ou le potentiel risque de conflit d'intérêts. Et vous semblez dire que vous êtes... en fait que vous semblez être d'accord avec la disposition de la loi. Vous ne voyez pas un potentiel de conflit d'intérêts dans une telle disposition?
Une voix: Non.
Le Président (M. Paquet): M. Dorval, je crois que vous vouliez ajouter quelque chose à la question précédente? M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas): Oui. Bien, en fait peut-être juste de rappeler que, lorsque les modifications ont été apportées à la loi fédérale, il y a eu quand même une vaste consultation par rapport au projet de loi qui était annoncé. Alors, quand on parle d'information, d'étudier en détail, on fait toujours référence que ces notions... c'est très délicat, jouer avec le droit corporatif, parce que les décisions qui ont été prises par des entreprises ont été prises dans un contexte, et ça vient modifier ce contexte-là. Alors, pour nous, c'est pour ça qu'on dit que c'est extrêmement important toujours de s'assurer que ces choses-là sont faites. Mais, grosso modo, lorsqu'on regarde en général le projet de loi, on dit: Nous, on est satisfaits avec le projet de loi. Et on le dit... parce qu'il faut être capable de dire ça aussi, mais on s'essaie de proposer certains amendements spécifiques.
Pour la notion que vous avez mentionnée, de conflit d'intérêts, il y a toujours, il y aura toujours des possibilités, à un moment donné ou l'autre, de conflit d'intérêts à quelque part, dans n'importe quelle organisation, dans n'importe quel domaine. Je pense qu'il y a aussi des notions de gouvernance, il y a différentes mesures qui doivent être prises, mais, à notre avis, la question... en fait je crois que c'est bien balisé comme c'est actuellement. C'est la réponse que je pourrais apporter la plus éloquente.
M. Ratthé: Merci.
Le Président (M. Paquet): Merci.
M. Ratthé: Ça apporte, je pense, un éclaire. Pour nous, c'est important de bien comprendre, hein, ce que vous en pensez, autant au niveau légal qu'au niveau du patronat. Alors, ça satisfait pour l'instant ma question. Je vous remercie.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Je reconnais maintenant M. le député de Shefford.
M. Bonnardel: Merci, M. le Président. Bonsoir à vous, messieurs dames. Écoutez, vous semblez être d'accord en gros sur la plupart des articles de ce projet de loi. Mais j'ai relu tranquillement le deuxième paragraphe, où vous dites: «Cependant, à ce moment, contrairement aux autres juridictions, le Québec n'en a pas profité pour refondre et moderniser complètement sa loi.» Est-ce que vous considérez ? puis là j'ouvre large, là, la question, vous la voyez peut-être venir ? mais est-ce que vous considérez qu'on aurait pu pousser encore plus loin?
M. Bachand (Outremont): ...
M. Bonnardel: C'est ça, là, en 1981.
M. Bachand (Outremont): ...en 1981.
M. Bonnardel: En 1981, là. C'est ça, là.
M. Dorval (Yves-Thomas): ...à 1981.
Une voix: ...
M. Dorval (Yves-Thomas): Il n'y a pas de quoi. On parlait de 1981, les modifications qui ont été apportées.
M. Bonnardel: Sur quel aspect vous vous basez pour dire que... M. le Président, favoriser le maintien de sièges sociaux ici, au Québec? Est-ce que certains de vos membres vous ont déjà mentionné que le fait que la loi n'ait pas été améliorée, qu'ils aient quitté le Québec pour ces raisons particulières?
Le Président (M. Paquet): M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas): Merci, M. le Président. Il ne faut pas exagérer la situation. La seule problématique qu'on y voit, c'est que... en tout cas, si on veut s'incorporer au Québec, il faut être au Québec, et que, lorsqu'on s'incorpore ailleurs, bien on n'a plus cette obligation-là. Alors, si on a choisi le droit corporatif du Québec, c'est juste un incitatif additionnel.
Moi, ça me fait peur de voir que le nombre de sièges sociaux peut être affecté dans le futur, comme il l'est peut-être actuellement un petit peu. Alors, ce qui nous préoccupe ici, c'est de garder le maximum de centres de décision au Québec. Et je vois que de toute façon, peu importe le côté de la Chambre, je suis certain que c'est la volonté aussi de l'ensemble des politiciens. Et, là-dessus, je n'ai pas de crainte à avoir. Mais, quand on regarde une modification législative, encore une fois, est-ce qu'on s'est assuré d'avoir l'environnement le plus concurrentiel et le plus intéressant pour que nos entreprises fassent le choix du Québec? Et c'est juste ça qu'on regarde et c'est à travers cette loupe-là. Et on salue l'initiative qui permet justement d'aller dans cette direction-là et on met les bémols sur les éléments qui nous apparaissent moins intéressants à ce sujet-là.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. M. le député.
M. Bonnardel: Merci, M. le Président. Je vais y aller avec une dernière question, M. Dorval. Un sujet important, le ministre en parlait tantôt, sur le fait qu'on puisse donner accès aux états financiers de filiales et de sous-filiales. Vous vous souvenez peut-être, il y a un article dans Le Journal de Montréal, de François Pouliot, qui expliquait donc que Power Corporation, encore quelques semaines, on en parle parce que, bon, c'est dans les journaux, l'arrêt entre MEDAC et M. Michaud et Gesca. On dit dans l'article que Power Corp aurait encore quelques semaines pour porter ce jugement en appel devant la Cour suprême du Canada, et, si elle s'abstient de le faire ou si elle perd en dernière instance, l'affaire reviendra en Cour supérieure, où l'on débattra cette fois-ci de l'alinéa 3 de l'article 157 qui stipule... celui-ci stipule que le tribunal peut interdire l'examen des états financiers s'il est convaincu qu'il serait préjudiciable à la société ou à une filiale.
J'en conviens que, dans vos propositions, et le ministre le disait tantôt, que ça peut être très problématique, sur des personnes qui pourraient utiliser des prête-noms, ou peu importe, des concurrents qui pourraient avoir accès à ces documents-là. Je pense que l'exercice mérite que vous poussiez peut-être encore plus loin le fait que... M. le ministre disait tantôt: Est-ce qu'il y a un compromis? Il y a-tu... Est-ce qu'on peut baliser entre le fait de ne pas donner... d'un côté, certains veulent l'avoir, qu'on puisse baliser l'exercice encore plus fortement, de votre part, pour être capables d'en arriver à être capables de dire: Oui, on veut une transparence, mais on ne veut pas non plus affaiblir les entreprises, les entreprises qui pourraient être obligées de donner accès à leurs états financiers?
M. Dorval (Yves-Thomas): Bien, pour être totalement...
Le Président (M. Paquet): M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas): M. le Président. Merci. Pour être totalement honnête avec vous, quand vous citez l'article de journal et vous parlez de l'affaire justement de la récente décision de la Cour d'appel du Québec dans l'affaire de Power Corporation, en fait c'est justement pour ça qu'on dit qu'il faut être extrêmement prudent, éviter les inefficacités et les incertitudes qui peuvent en découler, c'est la situation présentement, particulièrement pour les sociétés publiques.
En fait, notre compréhension ici, c'est qu'on croit que le système peut bien opérer d'une façon qui n'oblige pas les entreprises tout à coup à se déshabiller totalement sur la place publique. Je crois que l'objectif, c'est de protéger l'intérêt des actionnaires, et c'est dans ce sens-là qu'il faut regarder à la fois l'aspect concurrentiel et à la fois la protection des actionnaires sans créer une situation qui désavantage, à ce moment-là, les entreprises au Québec.
Mais vous avez raison de dire... et c'est pour ça qu'on a suggéré certaines choses, notamment pour les entreprises privées à capital, où on croit qu'effectivement les actionnaires minoritaires pourraient bénéficier peut-être d'une plus grande protection à cet effet-là.
Pour les sociétés publiques, encore une fois, on pense qu'il y a des mécanismes en vue. Et, si on a mentionné à un moment donné l'Autorité des marchés financiers, bien sûr que ça peut avoir de l'air un petit peu bizarre d'aller dans les entreprises privées, mais en fait c'est parce qu'on ne veut pas non plus nécessairement que, si on commence à considérer des autorités quelconques pour regarder ça, que ce ne soit pas nécessairement sous l'aspect des tribunaux, bien de créer de nouvelles structures, des nouveaux... Alors, c'est dans ce sens-là, simplement. Gardons les choses simples, s'il vous plaît.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, ça met fin au bloc d'échange. Alors, au nom de la commission, je veux remercier le Conseil du patronat du Québec, représenté par M. Yves-Thomas Dorval, leur président donc, Me Colpron, ainsi que Mme Kozhaya pour votre participation à nos travaux.
Nous ajournons donc nos travaux à demain, mercredi 4 novembre, après la périodes des affaires courantes, où nous poursuivrons à ce moment-là les auditions publiques sur le projet de loi n° 63. Bonne soirée. Merci.
(Fin de la séance à 20 h 28)