(Neuf heures trente-quatre minutes)
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare ouverte la séance de la Commission des finances publiques. Je rappelle à toutes les personnes présentes dans la salle de bien s'assurer d'avoir éteint la sonnerie de leurs téléphones cellulaires afin de ne pas perturber nos travaux.
Nous sommes réunis afin de poursuivre les auditions publiques relatives aux résultats de la Caisse de dépôt et placement du Québec, conformément au mandat reçu le 12 mars dernier. À cette fin, nous entendons aujourd'hui M. Henri-Paul Rousseau, ancien président et chef de direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec, à qui je souhaite la bienvenue aujourd'hui.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Legault (Rousseau) remplace M. Pelletier (Rimouski).
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. En ce qui concerne le déroulement de cette séance, je vous informe que M. Rousseau dispose d'une période de 10 minutes pour son exposé et que le reste de la séance sera consacré aux échanges avec les membres de la commission. Le temps des échanges sera réparti également entre les députés du parti ministériel et les députés de l'opposition.
Exposé de M. Henri-Paul Rousseau,
ex-président et chef de la direction
de la Caisse de dépôt et placement
Assermentation
Avant de commencer, à la suite de la demande exprimée par M. Henri-Paul Rousseau, je demanderais à la secrétaire de la commission de bien vouloir procéder à l'assermentation de M. Rousseau.
Merci beaucoup. Sans plus tarder, je cède la parole à M. Rousseau pour une période maximale de 10 minutes. M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, madame, MM. les membres de la commission, bonjour. Dans quelques minutes, vous aurez le loisir de m'interroger sur la gestion de la caisse que j'ai eu le privilège de diriger pendant plus de cinq ans. Mais auparavant j'aimerais rappeler quelques faits.
J'ai été nommé président de la caisse le 30 mai 2002 et je suis entré en fonction le 2 septembre 2002. Dans les jours qui ont suivi mon entrée en fonction, j'ai rencontré les déposants de la Caisse de dépôt. Cette rencontre fut déterminante pour la suite des choses. Les déposants voulaient être davantage impliqués dans la gestion de l'argent de leurs cotisants. Ils souhaitaient des politiques de placement qui répondent à leurs besoins spécifiques. Ils souhaitaient une offre de produits élargie ainsi que plus de transparence vis-à-vis d'eux.
Pour répondre à ces demandes, au cours des cinq années suivantes, soit de 2003 à 2007, nous sommes effectivement devenus plus transparents envers nos déposants. Un exemple parmi d'autres: les placements privés qui ont été regroupés dans un portefeuille distinct de celui des actions. De plus, pour augmenter l'offre de produits et répondre aux besoins spécifiques des déposants, nous avons accru le nombre de portefeuilles de 10 à 18 et, surtout, nous avons accentué la diversification géographique et sectorielle des portefeuilles des actions, des obligations, tout en réduisant le poids de chacun des portefeuilles dans le portefeuille global de la caisse. Vous avez à cet effet un acétate diapo n° 1 dans le document qui vous est remis, annexé à ma déclaration.
Document déposé
Le Président (M. Paquet): ...sont déposés, donc ils sont distribués à l'instant.
M. Rousseau (Henri-Paul): Cette plus grande diversification a permis de diminuer le risque global de la caisse et non de l'augmenter, comme on a prétendu à tort au cours des derniers mois. Nous avons également encadré la prise de risques en mettant en place une politique intégrée de gestion des risques qui n'existait pas auparavant. En particulier, le levier global de la caisse, c'est-à-dire le ratio de ses emprunts sur ses actifs, était, à la fin de 2007, sensiblement le même qu'à la fin de 2001, avant mon entrée.
La stratégie de diversification de la caisse a produit les résultats attendus. En 2007, pour la première fois depuis 1988, c'est-à-dire 20 ans ? et 1988 est l'année du premier classement de la performance des grandes caisses de retraite canadiennes, les données n'existaient pas auparavant sur cette base ? donc depuis 1988, la caisse s'est classée, en 2007, dans le premier quartile pour ses rendements sur cinq ans. C'était la première fois. Auparavant, sa meilleure performance sur cinq ans avait été enregistrée en 1995-1999 pour un rendement quartile de deuxième quartile. C'est comme les Olympiques. Pour les autres périodes de cinq ans, la caisse avait été un investisseur de troisième ou de quatrième quartile, comme vous pouvez le constater sur les acétates nos 2 et 3 qui vous sont distribués.
Les excellents rendements réalisés de 2003 à 2007 ont ajouté 63 milliards de dollars à l'avoir net de la caisse, le portant à 155 milliards à la fin de 2007. Ce sont les travailleurs de la construction, les accidentés du travail, les retraités et tous les Québécois qui déposent à la Caisse de dépôt du Québec qui ont profité de ces bons rendements, ce sont les Québécois sous toutes les formes. Et pourquoi c'est comme ça? C'est parce que c'est la caisse qui gère les cotisations de chacun de ces régimes.
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(9 h 40)
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Certains ont prétendu que l'excellente performance de la caisse de 2003 à 2007 avait été en bonne partie attribuable à la dépréciation excessive de certains actifs à la fin de 2002, opération qui aurait été suivie d'une réévaluation accélérée par la suite. À cet égard, M. le Président, on a donné l'exemple de Quebecor Média, alléguant qu'il avait été dévalué de façon excessive ? je demande aux membres de la commission de se référer à la diapo n° 4, à l'annexe du document que vous avez devant vous. Or, il n'en est rien. Selon les états financiers de la caisse, vérifiés par le Vérificateur général du Québec, les faits sont les suivants: la participation de la caisse à Quebecor Média, c'est-à-dire son investissement, avait déjà été dévaluée de plus de 2 milliards de dollars dans les années 2000, 2001, 2002, avant mon arrivée à la caisse. Toujours selon les états financiers vérifiés par le Vérificateur général du Québec, l'investissement de la caisse a de nouveau été dévalué de 525 millions à la fermeture des livres, le 31 décembre 2002.
Or, durant les cinq ans où j'ai dirigé la caisse, du 31 janvier 2003 au 31 décembre 2007, durant cette période-là, et j'insiste, toujours sur les états financiers vérifiés par le Vérificateur général du Québec, cet actif a récupéré une somme totale de 1,5 milliard de dollars, c'est-à-dire moins que les 2 milliards qui avaient été dévalués avant mon arrivée.
La dévaluation enregistrée après le 2 septembre 2002 n'a donc pas d'aucune façon, et j'insiste, d'aucune façon contribué aux résultats positifs des années 2003-2007. Prétendre le contraire est faux, et, tous ces documents-là, c'est connu, c'est dans les états financiers de la caisse publiés à chaque année et vérifiés par le Vérificateur général du Québec.
On a dit également que la performance de la caisse avait été obtenue au détriment de sa contribution à l'économie du Québec. C'est également faux. La valeur des placements de la caisse dans les entreprises du Québec a augmenté de 10 % par année entre 2002 et 2007, et cela, même si le capital était extrêmement abondant, disponible pour nos entreprises, pour les services de financement que la caisse offre. Évidemment, de 2003 à 2007, avec cette excellente performance, est survenue la crise de l'automne 2008 qui nous amène ici.
Premièrement, au départ, au moment où j'annonce mon départ, en mai 2008 ? et je vous réfère aux acétates nos 5 et 6 ? les marchés boursiers connaissent une belle embellie depuis le mois de mars. En mars, d'ailleurs, un fait très, très important, le gouvernement américain s'est porté à la rescousse de Bear Stearns, une société d'investissement, et les banques centrales ont cessé de baisser leurs taux, ont commencé à les stabiliser et même à les accroître dans certains cas. Plus encore, le dossier du PCAA est pratiquement réglé, puisque toutes les parties impliquées dans le dossier, toutes les parties de tous les pays, incluant ce dossier au Canada, ont réglé tous les différends, et le tribunal approuvera la restructuration quelques jours plus tard, le 5 juin. En outre, la caisse, au mois de mai, a enregistré de nouveau des résultats positifs, et vous l'avez vu sur la base des résultats mensuels que la caisse vous a déposés la semaine dernière, dans l'onglet n° 6 du document qui a été déposé par M. Perreault. À ce sujet, je vous invite donc à consulter cet onglet n° 6, à la page 2.
Puis survint la crise de l'automne 2008. Je n'étais plus président à ce moment-là, mais je veux aujourd'hui faire ma part pour comparaître devant vous et répondre à vos questions. Mais d'abord disons une chose: Ce n'est pas la crise de la caisse en 2008, à l'automne, c'est la crise de tout le monde. L'année 2008 a été la pire des 80 dernières années dans le monde entier. Et je vous réfère à l'acétate n° 7 où on vous montre que, sur les 185 ans passés, donc depuis 1825, la Bourse de New York n'a jamais connu une baisse aussi importante que celle de 2008, à l'exception de 1931. On est donc dans une crise exceptionnelle. Et c'est cette crise qui explique les mauvais résultats affichés par l'industrie financière.
Alors, pourquoi la contre-performance de 10,5 milliards de la caisse en 2008? MM. Perreault, Bergeron, Guay et D'Amours l'ont expliqué la semaine dernière par trois facteurs: la provision additionnelle de 4 milliards pour le PCAA; la politique de couverture de change pour 4 milliards; et enfin l'impact très, très important des normes comptables applicables à la caisse. Lorsqu'il y a question de crise, ça fait une grosse différence.
Mais n'eût été du PCAA, le rendement cinq ans de la caisse pour les années 2004-2008, comme l'a dit M. Perreault, serait tout près du premier quartile. Je dis cela pour démontrer que, même dans la tempête, la caisse demeure solide. Mais il y a eu le PCAA. Je le dis et je vous le redis encore: Nous avons fait une erreur avec le PCAA, une erreur dont j'ai déjà... et j'assume toujours la responsabilité puisque j'étais le premier dirigeant. Plusieurs avant moi l'ont expliqué, tout ce phénomène de ne pas avoir eu de limites sur la catégorie du PCAA, et je suis certain qu'on y reviendra.
Aujourd'hui, je suis encore extrêmement navré de ne pas avoir pu, à l'été 2007, convaincre la Banque du Canada de soutenir le marché du PCAA non bancaire comme elle l'a fait pour le marché bancaire. J'estime cependant que, malgré tout, nous sommes parvenus à une bonne solution grâce à l'entente de Montréal, à M. Purdy Crawford, à mes collègues de la caisse et ceux de l'industrie ainsi qu'au gouvernement du Québec. Je reconnais également le rôle énergique que la Banque du Canada a joué dans les amendements apportés à l'entente de Montréal en décembre 2008.
Dans le cas de la caisse, il y a 6 milliards de provisions qui sont enregistrées, mais la caisse n'a perdu jusqu'à aujourd'hui que 181 millions. C'est un gros montant, mais c'est énormément plus petit que le 6 milliards. Il reste donc 5,8 milliards de pertes sur papier, et je dois vous dire que, pour l'ensemble de la caisse, c'est un montant de 22,4 milliards de pertes sur papier qui n'ont pas encore été enregistrées. Je vous propose ceci, MM. les députés et madame, que ces provisions sont très importantes, il s'agit de plus de la moitié du 40 milliards qui n'a pas encore été enregistrée comme pertes, ce sont des moins-values, et je vous propose qu'elles devront, ces pertes sur papier, être suivies pour chacune des années à venir, parce que c'est un gros montant.
En conclusion, je veux dire aux Québécois qu'ils ont encore toutes les raisons d'être fiers de la caisse. Ils doivent être convaincus que ses employés, que j'ai côtoyés pendant plusieurs années, vont tout faire pour gérer leurs cotisations de retraite et d'assurance avec compétence et prudence et en ayant à coeur le développement économique du Québec. Je vous remercie et je suis disposé à répondre à vos questions, messieurs, madame.
Discussion générale
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. M. le député de Montmorency, pour un premier bloc de 20 minutes.
M. Bernier: Merci, M. le Président. Bon avant-midi, M. Rousseau. Merci d'être là. M. Rousseau, vous savez que votre témoignage d'aujourd'hui est attendu. On l'a vu au cours des dernière semaines, dans les médias un peu partout, on s'attend à recevoir des réponses aux questions des députés. Donc, moi, je me fais le porte-parole des députés du gouvernement. On aimerait avoir des réponses le plus concises possible, de façon à ce qu'on puisse avoir le temps de vous poser l'ensemble des questions que nous avons.
Analyse des pertes subies en 2008 (suite)
Écoutez, au cours de la fin de semaine, des journaux ont écrit sur le sujet, sur votre comparution, mais ce matin, dans Le Journal de Montréal, il y a une question que l'ensemble de la population se pose. Vous en avez fait référence dans votre présentation, mais je vous repose la question telle qu'elle est écrite dans la première page du Journal de Montréal ce matin: M. Rousseau, pourquoi avons-nous perdu 49 milliards?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
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(9 h 50)
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M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le Président. D'abord, les états financiers de la caisse, je le répète, sont vérifiés par des comptables et sont approuvés par le Vérificateur général du Québec. Donc, les données que nous avons là sont les vraies évaluations comptables, personne ne conteste ça.
Dans la comptabilité, il y a une distinction très importante: il y a ce qu'on appelle les provisions et il y a les pertes réalisées. Quand vous avez un immeuble et que vous vendez votre immeuble, les gains, le produit de la vente, si vous l'avez payé 100 000 $ et vous le vendez 150 000 $, votre comptable va vous dire: Vous avez réalisé un gain de 50 000 $. Si par contre vous êtes propriétaire d'un immeuble et c'est votre voisin qui vend, vous avez fait un gain sur papier parce que, l'immeuble, vous l'avez encore, vous ne l'avez pas vendu. Ça, c'est vrai à la hausse comme à la baisse.
Donc, dans le cas présent, la caisse a enregistré dans ses livres des moins-values totales de près de 40 milliards de dollars. Je vous rappelle que 22,4 milliards de ces moins-values sont des provisions et des moins-values non réalisées. Ça, il faut avoir ça à l'esprit très clairement. Maintenant, si on prend le 40 milliards, ça a été expliqué ici que les pairs canadiens... si la caisse avait fait comme la moyenne, la médiane en fait, des caisses de retraite canadiennes, des grandes caisses de retraite, vous l'avez dit, ça a été répété, la caisse aurait perdu non pas 40, mais moins, autour de 30 milliards, donc il y a 10,5 milliards qui est l'écart, et c'est... question.
Sur ce 10,5, il y a 4 milliards qui provient d'une augmentation des provisions moins-values non réalisées, pertes sur papier, associées au PCAA, on y reviendra. Il y a ensuite 4,1 milliards qui, lui, est une perte réalisée, qui est le coût d'assurance sur la couverture de change, comme a été expliqué par les collègues de la caisse qui se sont présentés la semaine dernière. Et il y a ensuite l'écart dû au... l'impact des règles comptables. Je pense que, sur le PCAA, on peut... on va revenir, c'est sûr, sur le sujet, mais, au niveau de pourquoi ça a impacté, c'est donc 10 % du 40 milliards et c'est une perte non réalisée. Alors, retenons ça, on a fait ce bout-là, on est d'accord avec ça. On reviendra sur pourquoi la caisse a été dans les PCAA mais, sur le plan des chiffres, on peut s'entendre que ce 4 milliards là est là.
Sur la question du change étranger, je vous réfère au document que la caisse vous a déposé la semaine dernière et qui concerne l'effet de la politique de la couverture de change. Vous avez ça à l'onglet 3 du document qui vous a été déposé. À la page 1, on vous a expliqué, et je le répète, que le manque à gagner total, et c'est à la page 1, est de 4,1 milliards. D'où vient ce chiffre? Au moment où les états financiers de la caisse sont sortis, on ne connaissait pas évidemment les politiques de change des pairs, c'est-à-dire ceux qui font le même métier que la caisse au Canada. L'association qui regroupe ces caisses-là, ça s'appelle la PIAC, et cette association-là a fourni à la caisse les politiques de change suivies par ses pairs. D'accord? Et là on peut même faire un exercice plus précis, et c'est ce qui a été fait par les spécialistes de la caisse, on a dit: Étant donné que la caisse a une politique de couverture de change plus conservatrice, tout près de 95 % de ses actifs comme on a expliqué, et que les autres ont une couverture de change moins élevée, le fait de prendre plus d'assurance ? quand vous prenez plus d'assurance, la prime coûte plus cher ? c'est ce 4 milliards là qui est là. Je peux aller dans le détail, mais fondamentalement c'est ça. O.K.
Donc, encore une fois, dans l'exercice qui est devant nous de comprendre pourquoi la caisse a perdu plus que les autres, 4 milliards sur le PCAA, 4,1 milliards sur les questions reliées à l'assurance de change, je signale que cette politique de change était en place depuis plusieurs années à la caisse, ce n'est pas moi qui l'ai mise en place ni ma direction, c'est une continuité qu'on a faite là-dessus. On a posé des questions, et les réponses qu'on nous a données sont les bonnes. Sur plusieurs années, la politique de la caisse est neutre. Vous avez cet effet-là. Dans le document qui vous a été déposé, on s'aperçoit, à la page 2, que, sur une longue période, l'impact de la politique de change, c'est tout petit. Il y a des années où c'est beaucoup. Pourquoi ça a été beaucoup en 2008? Eh bien, c'est l'élément essentiel de l'explication. Un coup que vous avez une politique d'assurance en place, et c'est des politiques qui sont faites... s'il y a une variabilité plus grande du dollar, la prime coûte plus cher. Ça marche comme ça, ces contrats-là, c'est fait pour ça. C'est vrai pour la caisse, c'est vrai pour Bombardier, c'est vrai pour toutes les compagnies, il n'y a pas d'invention.
Donc, le deuxième point, une politique de change qui a coûté plus cher parce que, dans cette période-là, de façon inattendue, le dollar canadien a perdu plus de 20 % en 20 jours. C'est la plus grande chute du dollar canadien qu'on n'a pas connue, et ça s'est fait dans cette période exceptionnelle de mouvement des devises, lors de la crise au mois d'octobre, début novembre 2008. Et ça aussi, c'est extrêmement documenté. Donc, conclusion sur le deuxième point, M. le Président, la politique de change explique un bon 4,1 milliards comme il a été documenté par les spécialistes de la caisse.
Il nous reste donc, pour l'écart avec les autres, si on additionne comme il faut, on parlait d'un écart de 4 pour les PCAA, de 4,1 pour le change, ça veut donc dire que, sur le 10 milliards, il nous reste quelques milliards à expliquer. On est toujours par rapport aux pairs, O.K., pas par rapport aux indices de la caisse, mais par rapport à ses comparables.
Le point le plus important, et plusieurs l'ont expliqué, mais je veux attirer votre attention, M. le Président et membres de la commission, sur une présentation qui a été faite, toujours dans le document que vous avez, qui parle de ce qu'on appelle le fameux «mark-to-market», qui est l'onglet 5 du document que vous avez eu, j'aimerais qu'on prenne le temps de regarder ça parce que, dans les éditoriaux et dans les commentaires qui ont été faits par beaucoup d'observateurs de la situation, c'est un des points avant que... Je m'excuse. Avant qu'on ait les données sur les pairs au niveau du change, il y avait de l'ambiguïté là-dessus, mais, maintenant qu'il y a eu les données, qu'on a fait l'enquête, que les études sont déposées, c'est clair.
Un des points qu'il reste encore à éclaircir, c'est: Quelle est l'ampleur des fameuses règles comptables? Et, si vous voulez, on va prendre le temps, M. le Président, de le regarder, c'est pour ça qu'on est là. Je voudrais vous donner des réponses courtes, mais le point central, c'est que, sur ce point-là, c'est crucial. Et je vous demande, si vous êtes d'accord, à ce qu'on prenne le document, de la page... de l'onglet qui est là et qu'on passe à travers. Ça va nous permettre de comprendre une chose essentielle qui est à la page...
M. Bernier: On aura sûrement l'occasion, là, de revenir.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Bernier: Moi, j'ai d'autres questions à vous poser, M. Rousseau, là.
M. Rousseau (Henri-Paul): O.K. Alors, je termine donc brièvement. Allez à la page 5 de l'onglet 5, dans le bas, et vous allez voir un tableau très important. Et j'invite tous ceux qui ont ce document à s'y référer. Donc, à l'onglet 5, page 5, dans le bas du tableau, on s'aperçoit que les groupes d'investissement privés ou groupes immobiliers, uniquement pour eux, quand on fait le total de leurs moins-values non réalisées, donc de provisions mises de côté mais non réalisées, il y en a pour 10,4 milliards. 10,4 milliards, c'est énorme, et M. Perreault, dans sa présentation et dans les réponses, a très, très bien indiqué les écarts importants qu'il y avait entre les valorisations du portefeuille d'immeubles, qui donne encore des bons loyers, qui donne encore des bons revenus et qui a été déprécié à hauteur de 24 %, alors que d'autres n'ont pas déprécié. C'est vraiment un écart dans l'un des traitements comptables.
Et je veux vous soumettre une proposition ou une idée pour aller plus loin: peut-être qu'il faudrait voir comment la caisse pourrait avoir des règles comptables qui seraient semblables à ses comparables. Et ça, ce serait une bonne chose.
M. Bernier: On va avoir l'occasion d'y revenir, M. Rousseau.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
Contexte de la démission de
M. Henri-Paul Rousseau de son
poste de président et chef de la direction
M. Bernier: Moi, j'ai d'autres questions sur la mise en matière de votre présentation de ce matin, de votre venue ici. Écoutez, vous aviez, en avril 2008, évoqué la possibilité d'événements extrêmes, comparables à la notion de tempête parfaite, et, lors de la comparution... de votre comparution en avril, ici, à la commission, le ministère des Finances, en avril 2008, lors de l'étude des crédits, vous aviez également évoqué une économie qui était difficile, un contexte de... des perspectives de rendement qui vont être sûrement plus faibles à l'avenir. Et, par contre, vous aviez également mentionné que, pour faire face aux années qui viennent, on pouvait avoir une certaine sérénité en regard des décisions qui avaient été prises.
Votre compétence est reconnue, M. Rousseau, et la question que les gens se posent, c'est: Comment croire que vous n'avez pas anticipé ce qui se préparait? Et d'ailleurs, dans un communiqué de ce matin, l'Association québécoise des retraité-e-s des secteurs public et parapublic se pose la question: Pourquoi avoir abandonné le navire, alors que la tempête s'en venait?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, je suis content qu'on me pose cette question. D'abord, quand est arrivé l'événement du PCAA à la caisse, vous pouvez comprendre, quand j'ai appris ça le 9 août 2002... euh, 2007, que je n'étais pas de bonne humeur. Et j'ai pris des mesures radicales, à ce moment-là, pour qu'on arrête d'en acheter, évidemment, et je me suis mis en mode solution. Ça, c'est le premier geste qu'on a posé.
Le deuxième geste qu'on a posé, c'est de dire: Qu'est-ce qui fait que ce risque de liquidité là nous arrive? Pourquoi la politique n'a pas capté cet agrégat? Deux choses qu'on a faites: j'ai demandé immédiatement qu'on retienne une des meilleures firmes au monde pour venir évaluer ? externe ? les pratiques de la caisse pour voir qu'est-ce qui... où sont les endroits qu'on puisse améliorer et, deuxièmement, j'ai demandé aux gens de la caisse de mettre en place un secteur de vigie, une vigie qui nous permettrait de suivre tout ce qui est publié par les organismes internationaux comme la BRI, la Banque des règlements internationaux, le Fonds monétaire international, tout ce qui est publié par les organismes de recherche ainsi que tout ce qui est fait par les agences de notation, les agences de crédit, donc une vigie systématique non seulement des événements, mais des courants de pensée. Et ça, ça se voulait pour améliorer la gestion de risques de la caisse.
Une des choses qui est apparue dans cette révision-là, c'est qu'effectivement la finance depuis toujours gère en fonction d'une distribution normale. Je vous fais référence à un tableau, et c'est pour ça que je le trouve important, c'est le tableau dans l'annexe ? et je vous demande de prendre l'annexe, ça va nous aider beaucoup dans la discussion que nous allons avoir pour toute la journée ? c'est le tableau VII. Et le tableau VII, M. le Président, donne la distribution des mouvements de la Bourse depuis 180 ans. Qu'est-ce que ça donne, ça, comme réponse? Ça nous dit que l'événement de 2008 est un événement qui est la deuxième force de variation dans les hauteurs de 40 %. L'événement le plus proche de ça, c'est 1931, lors de la grande crise.
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(10 heures)
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Vous pouvez comprendre que, lorsqu'on gère une organisation de placements et votre propre portefeuille, vous ne prenez pas vos décisions en fonction de cet événement-là, vous prenez vos décisions sur l'ensemble. Or, ce que ça fait, cependant, lorsqu'on se met en tête pour dire: Qu'est-ce qui peut arriver qu'on ne peut pas prévoir, un événement qui est peu probable d'arriver puis, s'il arrive, qu'est-ce que... une autre dépression... Moi, j'avais des rapports sur les grands mouvements de Bourse qu'on a connus. J'avais ces simulations-là. Tous les jours, comme vous a dit M. Guay, on avait ces rapports-là.
Mais la grande question, c'est: Quand vous avez la possibilité de ces événements-là, qu'est-ce que vous faites avec? Vous ne pouvez pas gérer le portefeuille de la caisse en disant: Bien, il va y avoir une grande dépression demain matin. Ce n'est pas ça qu'on veut faire. On se pose la question: S'il y avait un grand événement comme ça, quelles seront les conséquences de ça? Et on s'aperçoit que, dans les grands mouvements, la grande donnée, c'est la réaction des autorités publiques, des banques centrales et des politiques publiques.
Or, au mois de mars, on a eu un second test de cette affaire-là. Vous souvenez-vous quand la société Bear Stearns a été sur le point de faire faillite et que, dans cette période du mois de mars 2008, les gens étaient assez inquiets, et, dans l'espace d'une fin de semaine, le gouvernement fédéral et la banque centrale américaine, avec la conviction qu'une faillite de grande banque serait catastrophique, ont pris les mesures durant une fin de semaine pour convaincre la société J.P. Morgan d'acheter immédiatement le cas de Bear Stearns? La conclusion de ça, M. le Président, c'est que la politique publique venait de reconfirmer que, si jamais on avait d'autres événements majeurs de cette nature, il y aurait une réaction publique pour sauver les banques, les grandes banques. Jamais un gouvernement ne laisserait tomber une grande banque. Ce qui veut dire que, dans cette période-là du mois de mars, le marché financier en général... Et je vous amène ici, toujours dans le même petit tableau que je vous ai déposé, je vous amène ici à la page 5 et 6. Ils sont très importants, ces deux tableaux-là, M. le Président, ils sont très importants. Ce n'est pas par hasard si, aux mois de mars, avril et mai, le marché américain, qui avait eu la peur de sa vie aux mois de février et mars lorsqu'on a eu ces événements-là, est revenu soudainement en hausse dans cette période-là, et que, deuxièmement, le prêt interbancaire qui avait atteint, vous le voyez sur mon graphique à la page 5, un maximum, un niveau maximum... et que soudainement il y a eu détente.
Il faut comprendre une chose: c'est que la banque centrale américaine venait de restabiliser le marché. Et c'est donc dans ce contexte-là qu'aux mois de mars, avril et mai on a vu un retour du marché, une relance du marché. Et, même si vous prenez les résultats de la caisse, que vous avez en main, sur une base mensuelle ? vous les avez dans l'onglet sur la gestion du risque ? même si vous prenez ça... Allez-y, c'est important. Vous me posez une question, je vous donne la réponse. Je pense qu'il faut y aller, c'est dans les documents qui vous donnent...
M. Bernier: Ce que j'aimerais savoir, M. Rousseau, là...
Le Président (M. Paquet): M. le député de Montmorency.
M. Bernier: Ce que j'aimerais savoir, M. Rousseau, là, avec toute la passion, puis les connaissances, puis le professionnalisme que vous avez, là, moi, ce que je me pose comme question, là: Est-ce que, si vous étiez demeuré en poste comme président...
M. Rousseau (Henri-Paul): Attendez, je vous amène la réponse, là.
M. Bernier: C'est ça, ma question.
M. Rousseau (Henri-Paul): Mais vous me posez des questions fondamentales, je suis sous serment et je veux donner la réponse. Et je vais vous la donner, monsieur. M. le Président, je demande de terminer ma réponse.
Le Président (M. Paquet): Rapidement, M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): J'ai donc dit que, lorsqu'on avait été frappés par le PCAA, nous avons tiré une leçon de ça. Nous avons mis en place un système de vigie. Et ce qui est ressorti de ça: c'est des événements rares; ça peut arriver; le plus important, c'est qu'est-ce que les politiques publiques font.
Arrive un événement important, la faillite de Bear Stearns, qui n'a pas lieu parce que le gouvernement la sauve. On en conclut quoi? Que jamais un événement comme ça ne va se reproduire. Première conclusion qu'on tire, nous.
Deuxième conclusion qu'on tire: le marché confirme, il monte, les taux d'intérêt baissent. Qu'est-ce que ça vous dit? Qu'un tel événement comme ça est extrêmement rare. Mais, si jamais il arrivait, les banques centrales seraient là pour supporter le marché. C'est à cause de ça qu'au mois de mai je ne pouvais prévoir. Au contraire, j'avais été réassuré, comme le marché, tout le monde, que ça n'arriverait pas.
Et, troisième élément de ma réponse, M. le Président: imaginez-vous, si j'avais ce talent de prédire l'avenir, je ne serais pas ici, aujourd'hui, et je n'aurais pas fait l'erreur qui a été faite dans le PCAA. Je pense que c'est clair. Je suis parti au mois de mai, après cinq ans d'un mandat terminé, les dossiers étaient réglés. J'étais à la fin de mon mandat, le plan stratégique était terminé, et la fenêtre du mois de mai a été, pour les présidents avant moi, la fenêtre pour quitter, pour permettre au successeur de faire les budgets et d'enclencher la nouvelle année. Ça a toujours été comme ça à la caisse et c'est comme ça que ça s'est fait.
Donc, pour répondre à votre question: pour toutes les raisons que je vous ai énumérées, je ne connaissais pas l'avenir, et, au contraire, l'avenir... le ciel s'éclaircissait, et c'était une bonne chose. Et c'est documenté dans l'événement... et pas les événements uniquement, mais aussi par tous les écrits de cette période-là. La crise d'octobre qui est arrivée, c'est une crise d'octobre que très peu avaient prévue, et je ne suis pas de ceux-là.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Montmorency, environ une 1 min 30 s, question et réponse.
Rendement de la caisse
au cours des dernières années
M. Bernier: Oui. Vous l'avez mentionné tout à l'heure, lors de votre nomination par le gouvernement du Parti québécois en 2002, on vous accuse d'avoir fait une certaine manipulation de chiffres pour améliorer les rendements de 2003, lors de votre première année complète à la direction de la caisse. Vous avez mentionné certains éléments tout à l'heure, lors de votre présentation. J'aimerais vous entendre sur ça. Vous savez que ça fait quand même... C'est un sujet qui est abondamment diffusé.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. Rousseau, environ une minute.
M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, les choses qui ont été dites ou écrites concernant les états financiers de la caisse sont très graves. Et j'ai déjà réfuté, dans mon intervention d'ouverture, les faussetés concernant les états financiers de la caisse et les réévaluations d'actif. Et j'ai documenté ça dans l'écrit, et vous avez également un petit tableau que je vous ai fourni, qui relève des états financiers de la caisse et qui le montre bien.
Et je vous rappelle le point central: les états financiers de la caisse sont faits par le Vérificateur général et approuvés par lui. Et, deuxièmement, les réévaluations dont on a parlé et dont on a fait référence... J'ai pris un exemple, je pourrais en prendre d'autres, mais celui-là, il est connu, c'est Quebecor Media. Et j'ai répété, j'ai dit et je vous répète que les dépréciations à hauteur de 2 milliards avaient été prises avant mon arrivée à la caisse par les professionnels de la caisse et le Vérificateur général, qui ont été approuvées. Il y a eu un 533 millions pris, additionnels, lors de la fermeture des livres. Mais le 2 milliards qui était là n'a pas encore été renversé quand, moi, j'ai quitté la caisse en 2007. En d'autres mots, toutes les provisions qui ont été renversées sont inférieures à celles qui avaient été prises avant moi, ça n'a donc pas contribué aux résultats.
Et qu'on puisse dire ça, alors que ce fait est connu ? il a même été démenti publiquement par des médias ? je pense que ces allégations sont troublantes non seulement parce qu'elles sont fausses, mais parce qu'elles traitent les choses de façon injuste. Ça met en cause la fiabilité des états financiers de la caisse, l'intégrité des institutions du Québec comme la caisse ainsi que le Vérificateur général, et l'intégrité et la réputation des personnes qui oeuvrent au sein de ces organisations. Et je vais limiter mes remarques à ce point-là, mais je peux vous dire que je suis content de votre question parce que précisément elle me permet de réfuter tout ça, et je pense que, que ce soit le bureau du Vérificateur général ou la caisse... vont réagir à ça.
Le Président (M. Paquet): Merci. Je reconnais maintenant M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui. Merci, M. le Président. Je veux saluer les collègues, saluer M. Rousseau, M. Larouche qui l'accompagne. Je voudrais peut-être commencer par regarder le portrait des cinq dernières années à la Caisse de dépôt.
À la page 1 du rapport annuel, on calcule, à chaque année, ce qu'on appelle la valeur ajoutée, c'est-à-dire on compare les rendements de la caisse avec les rendements des indices de référence. On voit que, sur les cinq dernières années, la valeur ajoutée de la caisse a été de moins 7,6 milliards. Ça veut dire que la caisse a perdu 7,6 milliards de plus que les indices de référence depuis cinq ans. Je voudrais savoir: Est-ce que vous êtes d'accord, M. Rousseau, avec ces chiffres-là? C'est à la page 1 du rapport annuel.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je suis d'accord avec les états financiers de la caisse. C'est le rapport 2008, on parle, O.K.?
M. Legault: Oui.
n
(10 h 10)
n
M. Rousseau (Henri-Paul): Et ces chiffres-là sont véridiques, c'est le rapport du Vérificateur général qui sous-tend ça. C'est audité, donc... Une chose qu'on ne fera pas, c'est ne pas être d'accord avec les données du Vérificateur général.
Votre question, c'est: Sur cinq ans, il y a eu une baisse de la valeur ajoutée, donc négative, de 7,6 milliards en cinq ans. C'est ce que le tableau donne, je ne conteste pas. Ce qui nous intéresse, c'est pourquoi? D'où vient le 7,6?
Deux choses: on a déjà dit tout à l'heure que le PCAA, en 2008, correspondait à 4 milliards de provisions. Vous êtes d'accord avec ça? C'est ce qu'on a dit, M. le Président, 4 milliards. Donc, on parle de 7,6 moins 4 milliards, il nous en reste 3,6, d'accord? Ce 3,6 milliards là, on parle ici de valeur ajoutée, on est bien d'accord que ce n'est pas par rapport au marché mais par rapport aux indices. Le marché ici, on s'était entendu, est représenté par ce que font nos pairs, parce que c'est la meilleure façon de le mesurer. On parle donc par rapport aux indices.
J'aimerais ça, M. le Président, que les membres de la commission consultent toujours le document qui a été déposé par mes collègues. À l'onglet sur les portefeuilles Immobilier, je vais prendre cet exemple-là...
Le Président (M. Paquet): Oui, M. Legault...
M. Legault: Oui...
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau, pardon. Excusez.
M. Legault: Oui. Je voulais juste savoir si vous étiez d'accord avec le 7,6 milliards. Mais ce que je voudrais...
M. Rousseau (Henri-Paul): Mais je veux répondre, parce que je... Non, mais, c'est...
M. Legault: Attendez, juste un instant! Ce que je voudrais faire justement...
M. Rousseau (Henri-Paul): Oui?
M. Legault: ...c'est de prendre les portefeuilles un par un. Donc, on va peut-être le faire ensemble.
M. Rousseau (Henri-Paul): Ah! Excusez. O.K.
Gestion du portefeuille
Revenu fixe et devises
M. Legault: Donc, je voudrais qu'on prenne la page 32 du rapport annuel. On fait une analyse sur cinq ans, portefeuille par portefeuille. Donc, j'aimerais, M. Rousseau, si vous êtes d'accord, qu'on prenne ensemble les portefeuilles un par un puis qu'on les compare pour cinq ans avec les indices de référence.
Donc, si on commence avec les revenus fixes, on voit qu'au niveau des obligations, que ce soit au niveau des obligations à rendement réel ou les obligations ordinaires, depuis cinq ans, la caisse a eu, dans les obligations, des rendements qui ont été pires que les indices de référence. Est-ce que vous pourriez nous dire, M. Rousseau, pourquoi, dans le portefeuille... dans les portefeuilles d'obligations, la caisse a eu des rendements pires que le marché depuis cinq ans?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je vais commencer pour vous dire qu'est-ce que c'était jusqu'en 2007, pour qu'on ait la même base de comparaison. Le rapport annuel de 2007, où j'étais encore président de la caisse, le portefeuille du marché obligataire ? et on parle ici des obligations long terme, d'accord? ? donnait une valeur ajoutée, par rapport à l'indice, de 27 points. Ça, c'est à la page 48 du rapport annuel de 2007. D'accord?
Le rapport annuel de 2008 donne la valeur ajoutée sur le portefeuille obligataire, comme vous l'avez mentionné, un écart de 1,5, c'est-à-dire 150 points de base de moins. On ne conteste pas les chiffres. Ce que j'ai compris des exposés de MM. Perreault, Guay et Bergeron, c'est que, dans le portefeuille obligataire, il y a eu une dépréciation moins-value d'actif qui correspond à des écarts de crédit lors des évaluations de fin d'année qui ont impacté le portefeuille. Ce portefeuille-là a été donc, comme on dit, «mark-to-market», et, quand on fait cet exercice de «mark-to-market», si les écarts de crédit sont élevés, ça se traduit par des moins-values non matérialisées. Et c'est essentiellement ça que mes collègues ont dit, et ça s'est passé dans les trois mois de fin d'année. Cet écart-là, il y a une grande partie de ça qui est justement dans le 22,4 milliards de dollars de pertes non matérialisées.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui. Quand on évalue un portefeuille pour voir le niveau de risque d'un portefeuille, il faut voir comment il performe quand les marchés vont bien puis comment il performe quand les marchés vont mal. Donc, quand on regarde les cinq années terminées le 31 décembre 2008, on voit que les obligations ont moins bien performées, donc ont eu une performance pire que le marché sur l'ensemble des cinq ans terminés le 31 décembre 2008. Je comprends qu'il y a le «mark-to-market», mais c'est vrai, dans les bonnes années aussi, que ça profite, le «mark-to-market». Ça vient désavantager dans les mauvaises, mais, sur cinq ans, on est pire que le marché.
Je voudrais savoir: Selon vous, M. Rousseau, est-ce qu'une des raisons pourquoi la Caisse de dépôt a moins bien fait dans les obligations que les indices de référence depuis cinq ans, est-ce que c'est parce qu'il y a beaucoup plus de dettes corporatives, de deals privés dans les obligations de la Caisse de dépôt que dans les indices de référence?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je ne pourrais pas parler pour les transactions qui ont été faites après le 30 mai, M. le Président, d'accord? Premier point.
Le point que je peux faire, c'est que le portefeuille d'obligations a été frappé en 2008, et, quand il est dit ici, M. le Président, «depuis cinq ans», je crois que j'ai bien démontré que, jusqu'en 2007, le portefeuille était à valeur ajoutée positive, selon la page 48 du rapport annuel que je vous ai référés. On parle donc non pas de durant cinq ans, on parle de l'année 2008, et, plus précisément, on parle de l'évaluation des portefeuilles de la caisse et du portefeuille obligataire à la fin de l'année, à une période où les écarts de crédit étaient les plus élevés. D'ailleurs, ces écarts de crédit là, c'est ceux-là qui sont utilisés pour dire que vaut le portefeuille.
Je réponds à votre question spécifique: Est-ce que le portefeuille peut résister à une crise? Oui, il n'y a pas de perte dans le portefeuille. D'ailleurs, pour l'ensemble de la caisse, ses revenus courants d'intérêts, de dividendes, de loyer, de frais de gestion, ça, c'est la valeur, là, hein, c'est qu'est-ce qui rentre dans le cochon. Ça, là, c'est à hauteur de 5,8 milliards pour toute l'année 2008. Alors, c'est à peu près le même niveau qu'on avait en 2007, puis les actifs sont dépréciés de 25 %. C'est comme si vous avez le même bloc-appartements, il y a quatre logements, vos loyers rentrent à chaque mois, vous n'avez pas perdu une cent, ça rentre, c'est ça qui est important, le cash rentre, mais l'évaluation du marché est pourrie. Pourquoi? Parce qu'il y a peu de transactions parce que les marchés financiers sont en crise. C'est ça qui est arrivé, M. le Président, et ça, c'est un événement extraordinaire qui a fait en sorte que le «mark-to-market» a coûté très cher à tous les portefeuilles, aux portefeuilles obligataires comme les autres.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui. Donc, pour les cinq années terminées le 31 décembre 2008, les portefeuilles obligations ont eu une pire performance pour cinq ans que les indices de référence. Je repose ma question: Est-ce que ces pires résultats, est-ce qu'ils sont attribuables au fait qu'il y a eu plus de dettes corporatives, plus de deals privés? Et j'aimerais peut-être aussi en même temps que vous me disiez dans quel portefeuille se situe le placement dans BAA.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Trois questions. La première, c'est que la moyenne cinq ans, on vient de le dire, a été influencée par 2008 et par l'automne 2008, on est d'accord, et par un excès de situations sur les écarts de crédit, qui fait en sorte que les règles comptables s'appliquent automatiquement.
Je veux dire que les règles comptables s'appliquent autant à la hausse qu'à la baisse, et vous avez raison. La seule différence, c'est que, quand vous êtes une organisation comme la Caisse de dépôt et placement, vous êtes obligé de répondre aux règles comptables qui sont «mark-to-market» pures et dures; ce n'est pas le cas pour les autres. Ça, c'est un point important.
BAA n'est pas dans le portefeuille obligataire. Le placement de la caisse est dans le placement privé, le groupe Placements privés, au niveau de son investissement; c'est là qu'il est. Par contre, est-ce qu'il y a d'autres composantes de la caisse qui ont pu participer après que j'aie... je ne pourrais pas vous répondre, M. le Président.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui. Bien, peut-être juste rappeler à M. Rousseau qu'à l'automne 2008 tous les indices de référence ont subi la tempête parfaite. Donc, ce qu'on fait actuellement, c'est de comparer les portefeuilles pour cinq ans avec les indices de référence qui ont vécu la même situation de marché.
Gestion du portefeuille
Marchés boursiers
Mais, étant donné qu'on a beaucoup de questions, là, je veux peut-être passer au prochain portefeuille, qui est le portefeuille des marchés boursiers. Lorsqu'on regarde les placements de la caisse, depuis cinq ans, en actions, on voit que, dans tous les portefeuilles, en actions, la caisse a eu des pires résultats que les indices de référence, sauf dans les actions canadiennes. Ça veut dire que la caisse a eu des pires résultats, depuis cinq ans, que les indices de référence, dans les actions américaines, couvert, dans les actions américaines, non couvert, dans les actions étrangères, couvert, dans les actions étrangères, non couvert, dans les actions des marchés en émergence et dans le portefeuille qu'on appelle Québec Mondial, mais qui est surtout, là, des placements internationaux; il n'y a pas de placement au Québec là-dedans. Donc, ce qu'on voit là, c'est que, dans tous les portefeuilles, sur les marchés boursiers, en actions, depuis cinq ans, sauf les actions canadiennes, la caisse a eu des pires résultats que les indices de référence. Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, avec plaisir. Si les membres de la commission veulent aller à l'onglet 9 du document qui vous a été déposé par la caisse, on voit ce tableau qui compare les périodes de 2003 à 2007, où j'étais président de la caisse, 2004-2008, où malheureusement je n'étais pas président lors de la crise.
Je veux simplement que tout le monde voie une chose claire: sur la période 2003-2007, le portefeuille Actions...
M. Legault: M. le Président.
M. Rousseau (Henri-Paul): ...le portefeuille Actions...
M. Legault: M. le Président. M. le Président..
Le Président (M. Paquet): Oui, M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui. Je ne veux pas qu'on compare 2003-2007, je veux qu'on compare les cinq dernières années, et je vous explique, M. Rousseau, pourquoi. C'est certain que... en tout cas, nous, on pense que la caisse a pris plus de risques que les indices de référence. Lorsque les marchés vont bien, c'est payant; lorsque les marchés vont mal, comme en 2008, on perd ce qu'on a gagné dans les bonnes années et plus. Donc, c'est pour ça que j'insiste, là, à ce qu'on regarde les cinq années terminées le 31 décembre 2008.
Je comprends, M. Rousseau, vous n'étiez pas là pour une partie de 2008, vous avez été là quatre années et demie sur cinq, mais ce que j'ai compris, c'est que les portefeuilles n'ont pas beaucoup été modifiés pour la dernière partie de 2008, après votre départ.
Donc, je repose ma question: Pour les cinq années terminées le 31 décembre 2008, comment vous expliquez que la Caisse de dépôt a eu des pires résultats que les indices de référence dans à peu près toutes les actions, sauf les actions canadiennes?
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(10 h 20)
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M. Rousseau (Henri-Paul): Où je m'en allais, M. le Président...
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): ...c'est pour dire que ce n'est pas... cette situation-là des actions autres que les actions canadiennes, c'est une situation à la caisse depuis fort longtemps, en particulier dans les actions américaines, et j'allais vous dire que la performance de la caisse dans les actions américaines a été difficile depuis longtemps, et dans les actions étrangères.
Comment on a réagi à ça? Dans le fond, au cours des années, on a réduit le risque actif, c'est-à-dire: on s'est rapproché d'une gestion qui est de plus en plus indicielle. Et pourquoi on faisait ça? C'est justement que c'était extrêmement difficile pour la caisse de recruter, retenir, former des gestionnaires qui seraient de bons experts dans le secteur des actions internationales. On a eu énormément de difficultés de ce côté-là. C'est pour ça qu'on a réduit le risque. Quand on réduit le risque, vous prenez le risque qui vous est donné globalement et vous l'allouez dans les secteurs où on a de plus grandes compétences. C'est pour ça que nos activités dans le secteur immobilier, dans les placements privés, dans les secteurs où la caisse a une grande profondeur et beaucoup d'avantages comparés, ça a été augmenté.
Le point ici, c'est que la moyenne cinq ans, de 2004-2008, on va être d'accord, sinon la journée va être longue pour tout le monde: l'année 2008, elle s'est passée... Dans les 45 jours de la fin de l'année, il s'en est passé plus à la Caisse de dépôt et sur la planète que dans 45 ans à la caisse. Et je veux bien qu'on fasse des moyennes mathématiques, M. le Président, mais la crise, c'est là qu'elle a élargi les écarts et qu'elle a créé cet effet-là. Et, moi, je veux simplement vous dire que, jusqu'à 2007, les données sont radicalement différentes qu'avec l'année 2008 mais en particulier avec la crise qui s'est passée. Je pense que c'est important qu'on fasse plus, donc, qu'une nuance, c'est une distinction fondamentale.
M. Legault: Oui. Mais, M. le Président...
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Legault: ...pour 2008, c'était la crise pour tout le monde, là. Ce qu'on essaie de faire... Vous nous dites que la caisse a investi davantage dans les indices. Ce qu'on voit, c'est que, dans tous les portefeuilles d'actions sauf les actions canadiennes, la caisse aurait été mieux, pour les cinq ans terminés le 31 décembre 2008, d'investir dans les indices, on aurait eu des meilleurs résultats qu'en faisant de la gestion active avec des employés à la Caisse de dépôt.
Ma question, je la répète: Pourquoi, quand on compare des comparables qui ont vécu exactement les bonnes et la mauvaise année 2008, pourquoi la caisse a des pires résultats dans les actions à l'extérieur du Canada que les indices de référence?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le Président. Je voudrais qu'on s'entende sur une façon de comparer les pommes avec les pommes puis les oranges avec les oranges, je pense que c'est ça que vous voulez faire. Alors, lorsqu'on compare les pairs, on parle de comment on explique le 10,5 milliards. Ça, on peut revenir là-dessus, je n'ai pas de problème. Ça, lorsqu'on compare par rapport aux pairs, c'est ce qu'on veut faire. Ça, c'est une comparaison globale, qui n'est pas par portefeuille, qui est là. Lorsqu'on compare par rapport aux indices, ça, c'est les indices que... la caisse et les pairs ont des indices souvent semblables mais très souvent différents.
Je donne un exemple. Dans le cas Immobilier, l'indice...
M. Legault: Monsieur... M. le Président, M. le Président, je pose une question.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Legault: Je m'excuse. Je pose une question sur les actions. Je veux savoir pourquoi, selon vous, M. Rousseau... Parce que je n'ai pas eu de réponse sur les obligations, et là j'aimerais avoir une réponse sur les actions. Pourquoi, dans les actions, tous les portefeuilles d'actions, sauf les actions canadiennes, on a fait moins bien à la caisse, depuis cinq ans, que les indices de référence?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): J'essaie de vous dire que, dans le secteur des actions internationales et américaines, c'est un problème de recrutement de personnel et c'est un problème de capacité d'attirer les experts, puis j'espère que mon successeur, M. Sabia, aura la capacité d'aller recruter ces gens-là. Ça, c'est le problème fondamental. C'est tellement vrai que la caisse a utilisé, dans ces périodes-là, des fournisseurs externes, et les fournisseurs externes aussi ont des difficultés.
Point important ici, c'est que, là où on avait moins d'expertise, on diminuait le risque pour le mettre ailleurs. Et la réponse sur la question des actions, c'est qu'en 2008 la période... Vous me demandez de répondre qu'est-ce qui s'est passé à l'automne, c'est difficile pour moi de répondre à cette question-là, je n'étais pas là, M. le Président. Alors, tout ce que je peux vous dire, c'est ce que j'en connais: c'est que ça fait longtemps que la performance de la caisse, dans le secteur des actions internationales et les actions étrangères, est faible. C'est pour ça que le risque a été réduit et c'est pour ça qu'il y avait de l'impartition faite dans ces secteurs-là. C'est la réponse que je peux vous fournir.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau, deux minutes environ, 2 min 30 s.
M. Legault: Oui. Donc, ce que je comprends, c'est que la caisse avait moins d'expertise pour aller investir dans des actions américaines ou étrangères, et c'est ce qui explique qu'ils ont fait moins bien que les indices.
Gestion du portefeuille
Participations et infrastructures
Je veux passer à la question suivante. Dans le portefeuille Participations et infrastructures, la caisse, depuis cinq ans, a eu des moins bons résultats que les indices de référence. En fait, les indices ont fait plus 1,4, la caisse a fait moins 2,1, donc, un écart de 350 points de base. Comment vous expliquez que la caisse a perdu plus que les indices de référence dans le portefeuille Participations et infrastructures?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Encore une fois, M. le Président, chacune de ces affaires-là, sur la période de l'automne 2008, j'aurais souhaité que les questions soient posées par les gens qui étaient là en place. Ça m'est difficile, honnêtement.
Ce que j'en connais, jusqu'au mois de mai 2008, O.K., le portefeuille Participations et infrastructures contient trois choses. Il contient les investissements en infrastructures, donc, les investissements dans Gaz Métropolitain, dans BAA vont être là. Vous allez avoir aussi ce qu'on appelle les participations, donc, les participations dans les entreprises du Québec, où on est soit cotés ou non cotés. Plusieurs des participations sont là depuis longtemps, c'est un portefeuille important. Et vous avez aussi une partie de la dette corporative que le placement privé fait souvent avec des partenariats bancaires. C'est les trois composantes du portefeuille infrastructures. Le portefeuille infrastructures, il est relativement jeune et petit et, lui, est en développement. Les résultats de ce portefeuille-là s'expliquent encore une fois par l'allure des marchés.
Une des choses qu'il faudrait faire ici, c'est un exercice très, très simple. Si je pourrais la faire, elle va durer deux minutes.
Le Président (M. Paquet): 30 secondes, à ce moment-ci, dans ce bloc-ci. Est-ce qu'il y a consentement?
M. Rousseau (Henri-Paul): Bien, je la ferai quand quelqu'un aura du temps. Je voudrais faire un exercice avec vous dans les documents qui vous ont été déposés. Je n'ai pas de presse, on a encore plusieurs heures.
Le Président (M. Paquet): Voulez-vous qu'on... Il reste 20 secondes, M. le député.
M. Legault: Oui, bien, peut-être une question courte. Vous nous avez dit que BAA ? ici, en commission parlementaire, le 23 avril 2008 ? c'était une machine à cash. Est-ce que vous êtes toujours d'accord que BAA, c'est une machine à cash ou si BAA n'est pas une des raisons pourquoi la caisse a perdu plus que les indices de référence dans le portefeuille Participations et infrastructures?
Le Président (M. Paquet): Rapidement, sur ce bloc-ci, M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, j'aimerais pouvoir répondre à cette question-là. Je souhaite que quelqu'un d'autre me pose la question si on n'a pas assez de temps pour répondre. Dans le cas de BAA, c'est un actif qui est extrêmement résilient. Je répondrai, dans le deux minutes, un seul point: au premier trimestre de 2009, selon les données publiées par Ferrovial, qui est l'actionnaire principal, société cotée en Bourse à Madrid, BAA, dans le premier trimestre 2009, qui n'est pas le plus facile pour l'économie, là, puis pour tout le monde, incluant la grippe puis tout ce que vous voulez, les flux de trésorerie de BAA sont en hausse de 40 % sur l'année précédente. C'est toujours une bonne machine à cash.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Viau.
Acquisition de papier commercial
adossé à des actifs (PCAA) non bancaire
M. Dubourg: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Rousseau, et bonjour aussi à tous mes collègues. M. Rousseau, je voudrais vous amener... Toujours sur la piste des PCAA, vous savez qu'on est en train... on cherche à savoir c'est quoi, les causes, et faire en sorte que des résultats désastreux comme tels n'arrivent plus. Et un des éléments qui m'apparaît important, d'ailleurs on en parle dans les médias, je crois que Mme Sophie Cousineau en a parlé, c'est le lien qu'on peut faire entre l'achat des PCAA et la rémunération des dirigeants. Je voudrais vous entendre là-dessus: Est-ce qu'il y a un lien? Est-ce que ces gens-là, en achetant autant de PCAA, est-ce que c'était l'appât du gain? Est-ce qu'ils se sont enrichis par ces transactions-là?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
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(10 h 30)
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M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le Président. Les décisions à la Caisse de dépôt et de placement sont encadrées de plusieurs façons. Premièrement, et ça, c'est un point important, la réponse vite à votre question, c'est: la cause du PCAA n'est pas la rémunération, O.K.? Je vais vous expliquer pourquoi.
Les décisions sont encadrées, et il y a un système de gouvernance très clair. D'abord, la première chose que vous devez savoir, c'est que, moi, comme président de la caisse, je me suis imposé un règlement en partant, la première journée du conseil: que le président de la Caisse de dépôt et de placement n'initiera pas de transaction de son propre chef, à moins qu'il y ait... et n'approuvera pas de transaction, à moins qu'il y ait deux professionnels de la caisse, un spécialiste du domaine et son responsable, qui fassent une recommandation à un comité d'investissement, qui sera approuvée par un comité de gestion de risques de la caisse pour ensuite venir à mon bureau à savoir si je l'approuvais ou pas, pour le déposer au comité de gestion de risques du conseil. Ça, c'est le processus de décision pour toutes les décisions en haut de 150 millions, O.K.? C'est: privé et marché boursier... bien, marché immobilier. Pour les décisions dans le marché monétaire, le montant était plus élevé, la latitude du gestionnaire plus élevée, parce que c'est des engagements à court terme qui roulent à chaque mois. Donc, encadrement par une délégation.
Très souvent, dans les journaux, les médias, on dit: La caisse. La caisse, là, c'est un système de délégation, et la responsabilité du président et du conseil, c'est l'encadrement. Et c'est pour ça que j'ai dit: L'erreur qu'on a faite dans le PCAA, c'est que, l'encadrement, il manquait une chose. On avait une immense forêt de liquidités qui avaient toutes la même caractéristique, AAA. On avait le détail sur chacun des arbres. C'était détaillé, qui a émis toutes les émissions, là. Le crédit a été fouillé, et M. Guay l'a expliqué, M. Bergeron l'a expliqué. L'erreur, c'est qu'il n'y avait pas personne qui a pensé de mettre une sous-catégorie qui dise: Le chêne, là, ce qu'on appelle le AAA, PCAA, lui, là, il faudrait le regarder comme un tout. C'est ça, l'erreur, O.K.? Tout le reste en découle. Vous aurez beau fouiller, virer la caisse à l'envers, passer toutes les heures que vous voulez, c'est ça, l'erreur, puis on l'a admise. Elle n'existe plus, elle a été corrigée. Et c'est une erreur... C'était là, le PCAA, c'était la politique qui était en place. On aurait dû le voir. Ça, on l'a dit. Bon.
On verra tout à l'heure, si on a le temps d'en parler, que l'erreur n'était pas si stupide qu'elle a l'air, étant donné comment le marché fonctionnait, mais on aura du temps pour ça. Mais, par rapport à votre question, l'erreur vient de là.
Nos gestionnaires sont encadrés par une politique de rémunération, dont vous avez pris connaissance, et, la politique de rémunération, dans le cas précisément du marché monétaire, moi, une chose que j'ai faite quand je suis rentré, j'ai baissé l'objectif de la politique de 30 points de base à 25. Pourquoi j'ai fait ça? Justement en me disant: Ça ne donne rien de prendre des grands risques dans ça, d'aller faire beaucoup d'argent, ce n'est pas un endroit où on fera beaucoup d'argent et ce n'est pas le marché monétaire qui va faire la différence sur les résultats de la caisse. La gestion de la liquidité, c'est pour répondre à d'autres besoins. Ce n'est pas pour faire de l'argent qu'on gère la liquidité.
D'ailleurs, votre niveau de compte chèques, là, vous, là, puis tous les Québécois, ce n'est pas pour faire de l'argent qu'on met ça, c'est pour avoir de l'argent au cas où... Bon. Et par contre, si vous mettez de l'argent dans un compte chèques qui n'est pas bon, bien, vous allez avoir ce qu'on a eu. C'est ça, le problème. Ça, c'est comme tout le monde. Mais le fondamental, c'est que ce n'est pas pour faire de l'argent, ce n'est pas la motivation principale.
Deuxièmement, l'impact des résultats financiers du PCAA était comme le bon du Trésor, là, je vous dirais, c'est marginal dans les revenus de la caisse, on le sait bien, O.K.? Bon. La réponse donc, c'est que ce n'est pas pour des questions de rémunération, que ce soit pour l'ensemble des niveaux hiérarchiques. Et je vous rappelle que la gestion de la rémunération à la caisse était encadrée, et, malgré tout ce qui a été fait pour l'améliorer et pour retenir, attirer et former des gens, on est encore bien en bas des règles du marché, même à la fin de 2007 et 2008. Et ce qu'il faut souhaiter, c'est que la rémunération à la caisse demeure compétitive, parce que vous avez besoin, comme toutes les entreprises, de recruter et de retenir les meilleures personnes pour gérer l'argent des Québécois.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Viau.
M. Dubourg: Merci, M. le Président. Mais permettez qu'on approfondisse encore cette question, parce que, dans le document que vous nous avez remis dans votre présentation de ce matin, il est indiqué, à la page 4: «J'ai appris brutalement l'existence du problème de liquidité du PCAA lorsqu'on m'en a informé, le 9 août 2007. J'ai immédiatement ordonné l'arrêt des achats de PCAA jusqu'à la restauration d'un marché ordonné.» Or, dans les documents que nous avons eus la semaine dernière de M. Guay... M. Bergeron, à l'onglet 2, on peut lire qu'après le 9 août 2007 les dirigeants de la caisse continuaient à acheter des PCAA. D'accord?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je voudrais avoir, M. le Président, la page exacte où vous pouvez me démontrer qu'après le 9 août il y avait des achats, parce que, moi, j'ai donné l'ordre d'arrêter de l'acheter le 10 août au matin et... Quelle page?
M. Dubourg: O.K. Donc, à l'onglet 2. Et c'est à la page... Mon Dieu! Ce n'est pas identifié, mais on a la liste de tous les achats effectués depuis 2002.
M. Rousseau (Henri-Paul): À la page... À l'onglet 2, je suis à une page où on voit...
M. Dubourg: C'est la troisième avant-dernière page.
M. Rousseau (Henri-Paul): Oui, c'est ça que j'ai.
M. Dubourg: D'accord. Donc, on disait que... le 9 août 2007, voilà, et vous pouvez lire que, que ce soit le 30 septembre 2007, il y a eu des achats, le 31 octobre 2007... Est-ce que vous y êtes?
M. Rousseau (Henri-Paul): Oui, mais, moi, ce que j'ai ici devant moi, c'est le 30 du huitième mois. Vous...
M. Dubourg: Donc, est-ce que... En bas, c'est identifié, 11 mai 2009. C'est la troisième avant-dernière page de l'onglet 2. Je vous laisse le temps de chercher. Ce n'est pas indiqué, le numéro de page.
M. Rousseau (Henri-Paul): Ah! c'est parce que vous êtes sur une base mensuelle. Vous êtes du 31 juillet au 31 août, monsieur, pas quotidien. Vous dites: Du 31-07, il y a 12 milliards, et vous dites: 31-08, il y a 13,1 milliards. Mais regardez après, le 30 septembre, le même montant, 13 147 000 000 $; 31-10, 13 147 000 000 $. Alors, vous avez des données mensuelles. Ce que ça prend pour éclairer votre question, c'est quotidiennes.
Mais, moi, je peux vous assurer une chose ? puis ça peut vous être déposé ? qu'à partir du... moi, j'ai appris ça à 4 h 30, à la fin de l'après-midi du 9 août. On m'a dit: Le marché ne fonctionne pas, et j'ai pensé que c'était mondial, la situation. Pourquoi? Parce que le 9 août en question, si vous vous rappelez, la Banque centrale européenne, durant la nuit ? et les journaux du Québec et du Canada nous l'annonçaient le matin ? avait injecté 148 milliards de liquidités. Et, quand on m'a appris ça, à 4 h 30, j'ai dit: Ça ne se peut pas qu'on est pognés dans ça, le Canada n'a pas ces problèmes-là, c'est des problèmes américains. Là, les gestionnaires m'ont dit à ce moment-là: Oui. Depuis le 2 août, on a des problèmes. Depuis le 2 août, on voit des choses. Quelle sorte de problèmes vous avez? Bien, ils ont dit que c'était ambigu, il y avait toutes sortes de choses, mais il y a quelques banques qui ont refusé d'honorer, puis le marché ne va pas bien. Bien, j'ai dit: Dorénavant, là, on n'en transige pas et on n'achète pas d'un marché qui ne va pas bien.
À cause de ça, j'ai dit: Tout de suite, il faut convoquer les participants du marché, savoir ce qui se passe. J'ai appelé à la Banque du Canada, mon gestionnaire, j'ai aussi appelé des collègues de Montréal, j'ai eu une conversation avec Louis Vachon, et on a pris une décision de faire une première réunion le 10 août en après-midi à la caisse et on a invité les intervenants du marché, acheteurs, vendeurs, distributeurs. On a aussi invité la Banque du Canada.
La Banque du Canada n'est pas venue à cette rencontre, mais s'est intéressée aux résultats de la rencontre. Par contre, dans la journée en question ? et c'est une journée très importante pour comprendre les événements qui vont suivre ? dans la journée du 9 août, la Banque du Canada a émis un communiqué, un communiqué important, et je vous le lis, il est très court. Et ça, c'est le 9 août 2007. C'est donc la même période, là, où la banque centrale américaine aussi a injecté des liquidités, et là tout le monde est concerné par les marchés financiers, c'est la première fois qu'on a des indications qu'il y a un problème. Et je cite donc: «Compte tenu des conditions actuelles du marché, la Banque du Canada tient à assurer aux participants aux marchés financiers ainsi qu'au public qu'elle fournira des liquidités pour soutenir la stabilité du système financier canadien et le fonctionnement continu des marchés.» Deuxième paragraphe très court: «Les activités de la banque à cet égard relèvent des responsabilités normales dont elle s'acquitte dans le but de favoriser la stabilité et le fonctionnement efficace du système financier canadien. La banque suit de [très] près l'évolution de la situation et prendra les mesures appropriées selon les circonstances.» Ça, c'est le communiqué public, vous pouvez le trouver sur le site Internet de la banque. On est le 9 août, c'est sorti là.
À la lecture de ça, j'ai dit aux gestionnaires: C'est d'autant plus important que la banque nous dit, là, dans son communiqué, qu'elle va supporter le marché, convoquer les intervenants pour que le marché redevienne normal. Mais, tant que vous n'aurez pas la conviction que le marché redevient normal, je vous donne l'ordre de ne pas transiger, et, je vous assure, ils n'ont pas transigé à partir de ce moment-là. Et je surveille les ordres quand je les donne, je peux vous dire ça. Puis je n'étais pas de bonne humeur, puis je ne le suis encore pas très.
À partir de ce moment-là, il y a eu cette rencontre du 10 août. La rencontre a permis différentes choses. Les gens sont sortis de là en disant: Il y a des signes contradictoires. D'une part, on a un communiqué de la banque qui dit que le marché va être supporté, puis, d'autre part, les intervenants disent: Bien là ça ne roule pas, ça fait sept, huit jours que ça va mal, on a de la misère à finir les transactions. Qu'est-ce qui va se passer?
Donc, on est le week-end, c'est le vendredi. Qu'est-ce que j'ai fait durant le week-end? Le tour de la planète pour mieux savoir, mieux comprendre tout ce qui se passait. À ce moment-là, j'avais un espoir que le lundi matin les choses reviendraient, O.K., mais je ne voulais pas d'aucune façon qu'on en ajoute. Je suis rentré très tôt au bureau. Je devais effectivement, moi, partir en vacances cette fin de semaine là, je ne suis pas parti, évidemment, et je suis rentré puis j'ai dit aux gestionnaires très tôt le matin: Il n'est pas question de transiger encore aujourd'hui tant qu'on n'aura pas une certitude que le marché fonctionne de façon ordonnée, qu'il y a de la liquidité. Et j'ai dit: J'aimerais, moi, en savoir plus, et beaucoup plus. Puis il y a une agence de notation qui a noté ça AAA, convoque-les, je veux les voir aujourd'hui. Ils sont descendus de Toronto, on les a vus dans l'après-midi.
n(10 h 40)n Quand j'ai eu fini d'écouter ces gens-là et que j'avais fait, dans toute la journée, des téléphones à travers le Canada et les États-Unis, savoir ce qui se passait, j'étais convaincu qu'on avait un problème majeur. J'ai appelé la Banque du Canada une autre fois, j'ai dit: On a un problème majeur, le marché ne fonctionne pas. J'ai dit: On devrait réunir au moins ceux qui sont impliqués. Puis, à ce moment-là, il y a énormément d'ambiguïté parce que... Puis je vous invite à lire les journaux de l'époque, là, on est dans la période du 9, 10, ensuite la fin de semaine, 13, 14, 15. Le 13, là, devant la situation, puis comme je n'avais pas de réponse de personne, j'ai dit: Il y a une seule chose à faire, il faut que les intervenants du marché se responsabilisent et qu'on voie clair qu'est-ce qui se passe. On a convoqué, on s'est mis sur le téléphone, on a convoqué les banques internationales. On ne pouvait pas les avoir le lendemain, ils venaient d'Europe, ils venaient des États-Unis, ils venaient d'un peu partout. On a convoqué pour le mercredi midi, le 15, à Montréal.
Ils sont venus. Ils étaient nombreux, ils étaient une vingtaine, on avait une vingtaine de joueurs. On a aussi convoqué des joueurs canadiens, dont la banque CIBC et la Banque Nouvelle-Écosse. On n'a pas convoqué toutes les banques parce qu'à l'époque on n'avait pas l'information que toutes les banques étaient impliquées, parce qu'il y en a qui disaient que, dans le papier bancaire, il y a des banques qui ne sont pas impliquées, d'autres qui sont... Donc, on est allés avec ceux qu'on avait. On a invité DBRS, qui est venue, et on a invité également tous les joueurs du Québec évidemment, et ça s'est passé à la caisse. On a commencé la réunion à 1 heure de l'après-midi, ça s'est terminé aux petites heures du matin, et, surprise, le lendemain matin, on avait un accord pour deux choses: un moratoire sur les transactions, tout le monde s'entendait que ce que vous avez, vous le gardez, vous... pas de le vendre, et moratoire, donc, comme ils disent en anglais, un «standstill»; et, deuxièmement, qu'on était pour convertir cet instrument à court terme en long terme, mais cette conversion-là devait être négociée.
Et là on avait une discussion avec les banquiers internationaux qui, pour eux... Parce qu'il faut savoir que, dans le papier commercial, il y avait du crédit, donc un actif qui supportait ce papier-là, mais, comme il était de deux catégories, il y avait la moitié du papier qui bénéficiait de clauses de liquidités, et les clauses de liquidités dont bénéficiait le papier commercial de tiers étaient, grosso modo, les mêmes clauses de liquidités que bénéficiait le papier commercial bancaire. C'est très important, M. le Président, ce point-là. Ces clauses de liquidités, qui étaient celles du marché canadien, venaient d'une directive B5 du bureau du surintendant des finances à Ottawa, qui disait aux banques: Si vous faites du papier commercial, vous devez utiliser des clauses de liquidités qui ne sont pas de style global mais qui sont de style canadien, qui font en sorte que ça prend un arrêt généralisé du marché pour que vous soyez obligés pour fournir les liquidités. Dans ce cas-là, vous avez une demande de capital moins forte. On se comprend?
Donc, a priori, le papier commercial, durant la période qui est là, que ce soit bancaire, non bancaire, il bénéficie d'à peu près les mêmes clauses de liquidités. La différence, c'est que celles qui fournissent la liquidité sur le papier des tiers, le papier... le fameux papier commercial de tiers, qui n'est pas le papier bancaire, qui a été connu comme une distinction après coup, lui, la liquidité venait des banques internationales, et les banques internationales ne se rapportent pas à la banque centrale du Canada et ne sont pas contrôlées par le gouvernement canadien sur ces questions-là, elles sont contrôlées par leurs pays. Elles ont un permis d'opération, mais la Banque du Canada ne pouvait pas imposer ça.
Qu'est-ce qui est arrivé? Durant la semaine en question, le marché canadien du papier bancaire, à partir du 15 août, 16 août, 17 août, a fonctionné, et les banques canadiennes ont annoncé publiquement, et c'est documenté, que dorénavant elles supporteraient leurs papiers bancaires et que les Canadiens n'avaient pas à se préoccuper sur les lignes de liquidités, qu'elles seraient supportées. Donc, on s'est retrouvés après le coup dans une situation où une partie du marché n'avait pas le bénéfice de la ligne de liquidités globale, et l'autre partie l'avait parce qu'effectivement ils ont été supportés.
C'est ça, le sens de ma phrase quand je vous ai dit: J'ai été incapable de convaincre la Banque du Canada de supporter le papier des tiers. Et, à la défense de la Banque du Canada, je peux vous dire une chose: Ils devaient supporter le marché. En le supportant, ils le faisaient fonctionner. Comme trois quarts du marché fonctionnait, nous, quand on négociait avec les banques internationales, ils nous répondaient: Bien, le marché fonctionne. La preuve, c'est qu'il fonctionne.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Viau.
Diffusion de l'information quant
à l'investissement dans le PCAA
M. Dubourg: Merci, M. le Président. Vous avez expliqué toute cette chronologie-là, cette entente, cette rencontre-là que vous avez eue, les gens que vous avez convoqués. J'aimerais savoir: À quel moment avez-vous contacté, pendant cette période-là, Monique Jérôme-Forget, à l'époque ministre des Finances du gouvernement?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Bien, vous savez, quand on est président de la caisse, on a une responsabilité d'aviser les autorités du Québec et d'Ottawa quand il y a des événements comme ça. Et, le 15 août, lorsque... En fait, le 13, j'ai fait les convocations que je vous ai données, puis ma journée du 14 et du 15, avant l'arrivée de tous les autres, ça a été d'avoir une réunion du conseil d'administration, après quoi j'ai parlé à la ministre des Finances, j'ai aussi avisé le premier ministre.
Qu'est-ce que je leur ai dit? Je leur ai dit: On a une crise. On a déjà parlé à Ottawa, on a déjà parlé à la Banque du Canada. On a convoqué les gens qui sont à travers le monde. Ça va se passer demain... aujourd'hui à la caisse. Et j'ai avisé de ça, mais je n'ai pas donné de détail, de chiffre ou quoi que ce soit. De toute façon, moi, à cette époque-là, j'avais compris une chose: il y avait une crise mondiale de papier commercial, puis il y avait quelque chose de spécifique au Canada, que j'avais compris, et j'ai fait tout pour que cette chose spécifique se règle avec l'aide de toutes les parties.
Types de PCAA
Le Président (M. Paquet): J'aurais peut-être une question peut-être sur ce bloc-là, puis je reviendrai au prochain bloc. Mais, lorsque vous êtes venu en Commission parlementaire des finances publiques, à l'automne 2007, on vous a interviewé, on vous a interrogé et on a échangé avec vous sur la question des PCAA. Il me semble qu'un des éléments qui semblait ressortir de votre présentation, des échanges qu'on a eus, c'est qu'il y avait deux classes de PCAA, à ce moment-là, et que la caisse... vous me corrigerez, mais ce que j'avais compris de vos propos, c'est que la caisse avait... dans le fond, la majeure partie des PCAA dont elle détenait étaient des PCAA, dans le fond, entre guillemets, de meilleure qualité.
Or, on se ramasse maintenant, un an et demi plus tard, et après coup ça n'a pas l'air aussi clair ? en tout cas, ça ne l'est pas pour moi puis pour les gens qui nous écoutent ? ça n'a pas l'air aussi clair que c'étaient des PCAA d'aussi bonne qualité. Alors, qu'est-ce qui a changé?
M. Rousseau (Henri-Paul): Je vous remercie de votre question. Les PCAA bancaires et non bancaires, au niveau du crédit, on faisait la même analyse. Et M. Guay a très bien expliqué le détail dans lequel on allait pour encadrer l'achat au niveau du risque de crédit, et c'était limité à 2 % jusqu'à trois mois et à 5 % pour un mois. De plus, la qualité du crédit qui était là, il vous a très bien expliqué comment il y avait... Je n'ai pas changé d'idée là-dessus, la qualité du crédit est la même.
Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui le PCAA que la caisse possède a pris une décote à hauteur de 4 milliards cette année puis 1,9 l'année passée? Malgré tout ça, les pertes réelles, l'argent qu'on n'aura pas, là, à tout jamais, c'est 181 millions sur cette montagne de milliards. Pourquoi? C'est les règles de «mark-to-market» qui font qu'on évalue le papier commercial, qui est devenu un instrument sept ans, comme si on le vendait tout de suite. Il n'y a pas de marché. Donc, c'est une escompte épouvantable qui est faite, une escompte de liquidités.
Deuxièmement, à la fin du mois de décembre 2008, les scénarios entourant la valeur des actifs sont un scénario qui est influencé par effectivement le fait que les écarts de crédit sont très larges, et on doit s'attendre qu'en raison des règles comptables auxquelles la caisse est soumise la valeur du PCAA va fluctuer en fonction... la valeur marchande ? je ne parle pas de sa valeur intrinsèque ? va fluctuer en fonction des fluctuations du marché, qui, lui, on le sait, n'est pas réouvert, et ça va être comme ça.
Donc, cette valeur sur... cette perte-là sur papier de 6 milliards, ce qui est ma réponse à votre question, c'est 181 millions qui ont été perdus. Et je vous signale que j'avais donné le chiffre que... 500 millions. Est-ce que ça va maintenir? C'est pour ça que je disais dans ma déclaration: Je demande et je souhaite qu'on fasse un suivi régulier de ça, parce que c'est uniquement sur les années qu'on va savoir tout ça. Mais aujourd'hui, après pratiquement deux ans, c'est 181 millions et non pas 6 milliards qu'on a perdus.
Le Président (M. Paquet): Merci. Je reconnais maintenant M. le député de Rousseau pour un nouveau bloc.
Gestion du portefeuille
Placements privés
M. Legault: Oui. M. le Président, je voudrais revenir sur l'analyse du rendement de la caisse dans les différents portefeuilles depuis cinq ans, donc pour les cinq années, terminé le 31 décembre 2008. On a vu tantôt que, depuis cinq ans, la caisse a fait pire que le marché dans les obligations, dans les actions à l'étranger, donc, en fait, dans tous les portefeuilles d'actions, sauf les actions canadiennes, a fait pire que le marché dans les participations et infrastructures, ce qui inclut le placement de BAA.
On est rendu au portefeuille qui s'appelle Placements privés. Probablement le seul portefeuille où la caisse a vraiment, là, dépassé de beaucoup le marché, c'est dans le portefeuille Placements privés. Depuis cinq ans, le marché a perdu en moyenne 3 %. Or, la caisse a fait 10,6 %, donc l 354 points de base de mieux que le marché. Ça veut dire que, si on n'avait pas eu les placements privés, là, les résultats de la caisse, quand on les compare aux indices de référence, auraient été bien pires si on n'avait pas eu les placements privés.
Je voudrais savoir, M. Rousseau: Dans les placements privés, est-ce qu'il y a des placements dans des entreprises québécoises?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Oui.
n(10 h 50)nM. Legault: Oui? O.K.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: Vous nous avez dit ce matin que... Bon, puis il y a évidemment le placement dans Quebecor Média, Vidéotron. Vous nous avez dit que, suite à votre arrivée, entre le 1er septembre 2002 et le 31 décembre 2002, le placement dans Quebecor Média, Vidéotron, a été dévalué de 523 millions, et vous nous dites que, du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2007, il y a eu une réévaluation à la hausse de 1 540 000 000 $.
Donc, est-ce que vous pouvez nous dire: Lorsqu'on regarde les bons résultats du portefeuille Placements privés, est-ce qu'en partie ces bons placements sont dus aux placements dans Quebecor Média, Vidéotron?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): La valeur marchande de Quebecor Média à la fin de 2008, selon le document que la caisse a déposé lors de la publication de ses résultats, en février 2009, était en baisse de 634 millions, fin 2008, par rapport au début de l'année. Cette dépréciation venait d'une série de causes, mais essentiellement, encore une fois, valeur marchande, 30 % de dépréciation, d'accord, sur l'année 2008.
Dans les années subséquentes ? et je suis content que vous reveniez sur ce point-là ? deux choses. On est donc d'accord, et vous l'avez dit, ça a été dit, M. le Président, que les valorisations entre 2003 et 2007 ont été de 1,5 milliard inférieures au montant des valorisations qui avaient été prises avant que j'arrive. On est d'accord là-dessus? Je prends votre signe comme oui, merci.
Un autre exercice qu'il serait intéressant de faire, et ça a été fait... On ne le fera pas pour l'année 2008 parce que les marchés étaient en baisse. On va le faire là où les marchés allaient bien, O.K.? Supposons que, plutôt que d'investir 3 152 000 000 $, qui est le montant total investi par la caisse dans Quebecor Média, on l'avait simplement mis en Bourse canadienne et réinvesti les montants à chaque année, à la fin de 2007, on aurait un montant de 4 948 000 000 $ versus une valeur de 2 163 000 000 $, et donc un manque à gagner de 2 785 000 000 $. Vous...
M. Legault: Je vous arrête, M. Rousseau, parce que je pense que...
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: ...je ne vous suis pas. Vous nous dites... Au 31 décembre 2002, quelle était la valeur aux livres, la valeur du placement, la valeur marchande du placement dans Quebecor Média, Vidéotron, après la radiation de 2 milliards plus 500 millions... plus 523 millions? Quelle était la valeur marchande au 31 décembre 2002, selon vous?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Bien, ce n'est pas selon moi, pas du tout. C'était selon les états financiers de la caisse, c'était une valeur marchande de... Quebecor Média, le 31 décembre 2002, vérifié, 436 millions.
M. Legault: Vous nous dites que, si on place...
M. Rousseau (Henri-Paul): Et je vais vous le donner à chaque année, ça va être plus facile.
M. Legault: Peut-être juste vous poser la question. Vous nous dites que, si on place 436 millions le 31 décembre 2002...
M. Rousseau (Henri-Paul): Non, non, non. Pas du tout, pas...
M. Legault: ...ça nous donne 4,9 milliards au 31 décembre 2008.
Le Président (M. Paquet): Alors, M. Rousseau, vous avez la parole.
M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le Président. On va reprendre ça, très important.
Deux façons de regarder la chose. Une première: on a investi 3 152 000 000 $. Avant mon arrivée, on avait pris des dépréciations, dans les états de la caisse, de 2 milliards, et, durant les cinq années où j'ai été président, les renversements n'ont été que de 1,5 milliard, de sorte qu'à la fin de l'année de 2007 on avait un placement de 2 163 000 000 $ en valeur marchande, O.K.? Ça, c'est dans les états financiers de la caisse.
Ce que je dis, c'est que ce 2 163 000 000 $, O.K., est inférieur à ce qu'on y avait mis au départ, d'une part, et le montant pour lequel il est inférieur, c'est plus grand que la provision que, moi, j'ai mise. Ça, c'est le premier point que je veux établir clairement.
La deuxième chose qui est importante, c'est que vous me dites: Quelle est la valeur de... Quel serait l'alternatif à investir dans Quebecor Média? C'est un peu ça que vous me demandez. Je le prends...
M. Legault: ...
M. Rousseau (Henri-Paul): Non? Alors, quelle est votre...
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Quelle est la question?
Le Président (M. Paquet): Alors, M. le député de Rousseau.
M. Legault: Bon, vous nous dites: Si on prend la valeur initiale du placement de Quebecor Média et qu'on l'aurait investi ailleurs, entre autres dans le marché, on aurait eu 4,9 milliards. Moi, ce n'est pas ça que je vous dis, là. Vous, quand vous êtes arrivé à la caisse, au 31 décembre 2002, le placement dans Quebecor Média ne valait plus, après les radiations, que 436 millions. Si on calcule qu'on a enlevé des radiations pour 1 540 000 000 $, c'est clair que pour vous, sous votre règne, le placement dans Quebecor Média, Vidéotron a amené un écart positif par rapport aux indices de référence.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): La question ici est très importante. Elle est capitale. Lors de mon entrée en fonction, les dépréciations cumulées aux états financiers de la caisse étaient de plus de 2 milliards, qui avaient été faites selon les règles, vérifiées par le Vérificateur général. Il y a eu une dépréciation additionnelle, prise par les comptables et le Vérificateur général, de 533 millions dans la fin de l'année 2002. C'est ce qui a amené le placement à 436, d'accord?
Deux choses sur lesquelles ont doit être clair ici, c'est très important pour tout le monde: les montants d'amélioration de valeur ? c'est pour ça qu'on parle de renversement de provision ? au cours des années, je vous les donne, parce que c'est la valeur... À chaque année, on a eu une augmentation, d'accord? L'ensemble de tout ça, c'est 1,5 milliard. On est d'accord à dire que c'est inférieur aux provisions qui étaient déjà dans les livres avant. Est-ce que je suis clair là-dessus?
M. Legault: ...
M. Rousseau (Henri-Paul): Non, mais là une chose à la fois.
M. Legault: ...ma question.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Legault: Ma question, ce n'est pas de savoir si les réévaluations ont été inférieures ou supérieures aux dévaluations. Ma question, c'est de dire: Lorsque vous êtes arrivé, au 31 décembre 2002, la valeur qui restait aux livres, c'était 436 millions. Vous avez ajouté 1 540 000 000 $ jusqu'au 31 décembre 2007. Donc, ça a été, pour les résultats de 2003 jusqu'à 2007, très positif, l'investissement dans Vidéotron.
Et je ne veux pas remettre en question, là... J'ai été moi-même vérificateur dans une autre vie, puis le principe de base numéro un en vérification, c'est le conservatisme. Donc, quand, en 2002, la direction de la caisse a dit: Soyons très conservateurs et réévaluons à la baisse le placement dans Quebecor Média, c'est toujours difficile pour un vérificateur de dire: On est trop conservateur. C'est facile de dire qu'on ne l'est pas assez, mais qu'on l'est trop... En tout cas, on pourrait en discuter longtemps, de cette théorie de vérification.
Mais je veux juste revenir sur le fait que, si on regarde la valeur du placement au 31 décembre 2002 et qu'on regarde sa valeur aux livres de la Caisse de dépôt au 31 décembre 2007, on peut dire que le placement a pris de la valeur pour 1 540 000 000 $, donc ça a été payant dans le rendement de la caisse pour ces années-là. Est-ce qu'on est d'accord avec ça?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je vais vous répondre précisément. L'impact du calcul que vous faites, qui est de dire: Le renversement de 1,5 milliard qui a été fait sur les cinq ans, selon les mêmes normes comptables d'évaluation du Quebecor Média, a procuré évidemment une augmentation de la valeur, la question, c'est: Est-ce que ça a été très important? On comprend que 41 points de base sur le rendement de la caisse, c'est moins que 1/2 de 1 %. Ça, c'est l'impact en 2003. L'impact en 2004: six points de base, 0,06 %; en 2005, 35 points de base, 0,35 %, sur le rendement de la caisse. C'est de ça qu'on parle, «right»? Et...
Le Président (M. Paquet): ...Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je vais finir ma réponse: en 2006, 0,22 %, et en 2007, 0,30 %. La conclusion de ça, c'est que tout renversement a un impact, mais la vraie question, c'est la question suivante: Si j'avais investi... vous et moi, nous aurions investi le 3 milliards...
M. Legault: ...
n(11 heures)nM. Rousseau (Henri-Paul): Non, non, c'est très important. C'est très important parce que la question est la suivante, c'est... Vous me dites: Est-ce que le renversement a été positif? Évidemment. Est-ce que j'aurais pu faire mieux? Je dis simplement: Si on l'avait mis en Bourse, on aurait eu 2,5 milliards de plus. Donc, ça a été payant mais pas autant qu'on aurait pu l'être. Voilà.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Legault: M. le Président, demain matin, on se retrouve président de la Caisse de dépôt. On a un placement, dans Quebecor Média, Vidéotron, qui est évalué à 436 millions au 31 décembre 2002. On renverse des prévisions pour 1 540 000 000 $. C'est difficile d'avoir un placement plus payant que ça. Je peux comprendre que ça arrive de temps à autre.
Mais ma prochaine question: Avez-vous essayé de vendre le placement de Quebecor Média, Vidéotron, que ce soit à Rogers ou à quelqu'un d'autre? Avez-vous eu des discussions avec Pierre Karl Péladeau pour vendre le placement dans Quebecor Média, Vidéotron?
M. Rousseau (Henri-Paul): Je n'ai pas souvenir d'avoir eu de telles discussions avec qui que ce soit. Les discussions que j'ai eues avec M. Péladeau ont surtout porté sur des éventuelles acquisitions, parce qu'on était un partenaire. Je vous rappelle que le placement de Quebecor Média était géré par le groupe de placements privés et que toutes les transactions de la caisse sous ma gouverne obéissaient à la même règle que je vous ai donnée tout à l'heure: le président de la caisse, sous ma direction, n'avait pas de portefeuille, contrairement à ce que ça a été le cas, et n'initiait pas de transaction. Pourquoi? C'était pour protéger la caisse, les Québécois, les déposants contre un risque majeur.
Le risque majeur, c'est quoi? On diversifie dans 18 portefeuilles, et on encadre la gestion, et on fait de la diversification pour éviter d'être concentré. Le principal risque, c'est ce qu'on appelle le risque du gestionnaire, et, si le président de la caisse a le pouvoir d'initier des transactions et de dire à un gestionnaire: Vous faites ci, vous faites ça, il ne faut pas que ce soit comme ça. Je m'étais donné... Comme c'est vrai chez Teachers, comme c'est vrai ailleurs dans le monde, le président d'une organisation de placement en général a le pouvoir de refuser et non pas d'initier.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui. Je conclus donc que, dans le portefeuille Placements privés, il y a des entreprises québécoises, et c'est un des seuls portefeuilles qui a un écart positif avec les indices de marché. En fait, c'est celui qui, de loin, a l'écart positif le plus important.
Gestion du portefeuille Immobilier
Je veux passer au prochain portefeuille, le portefeuille Immeubles. Dans le portefeuille d'immeubles, depuis cinq ans, la Caisse de dépôt a eu des rendements pires que les indices de référence. Je comprends, là, qu'il y a le «mark-to-market», qui était mauvais en 2008 mais qui a été bon dans les bonnes années, mais, pour les cinq ans terminés le 31 décembre 2008, pouvez-vous nous expliquer, M. Rousseau, pourquoi la Caisse de dépôt a eu des rendements pires que le marché donc dans le portefeuille Immeubles?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, cette question-là me permet de faire le petit exercice que je voulais faire. D'abord, très souvent, on utilise l'expression «pire pour le marché quand on compare aux indices puis pire pour le marché quand on parle des pairs». Il faudrait s'entendre, il y a deux exercices différents, et on va prendre l'exemple des Olympiques. Le podium, aux Olympiques, c'est clair qui est le premier, deuxième, troisième. Mais les mesures que chacun des coaches ont pour chacun de leurs athlètes, c'est très spécifique, parce que ça dépend comment il veut l'entraîner. Les indices, là, c'est les mesures des coaches, puis le podium, c'est la mesure par rapport aux pairs, et donc c'est très difficile quand on me pose une question. Et on dit, dans l'énoncé, que, parce qu'on a fait moins que l'indice, on a moins bien fait que les pairs. Et je vais prendre le cas de la question qui est ici de l'immobilier pour le démontrer.
J'invite les membres de la commission à aller à l'onglet 4 du document qui vous a été déposé. À la page 6 du document, vous avez... et c'est essentiellement ce que M. Perreault, qui a dirigé le groupe immobilier pendant de nombreuses années à la caisse, a fourni comme information avec ses experts. À la page 6, on voit le portefeuille de la caisse comparé aux portefeuilles de OMERS et Teachers.
J'insiste sur le point de Teachers, c'est la page 6, si les membres de la commission veulent prendre le document. L'indice, pas de marché, M. le Président, l'indice de Teachers, c'est IPC, l'indice des prix à la consommation, plus 5 %. C'est écrit là et c'est écrit dans le rapport annuel de Teachers. Ça, c'est leur indice, ce n'est pas le marché, et ça compare, eux, leurs résultats avec cet indice-là, O.K.? Nous, la caisse, c'est un indice qui est... indice qui est Aon, qui est fait par entreprise indépendante, qui fait le survol de ce que font les pairs. C'est une autre chose.
Mais prenons juste un petit exercice, M. le Président, très simple. Vous avez le résultat à la page 7. Période cinq ans ? je vous demande de tourner la page ? si la caisse utilisait, sur la même période cinq ans, avec les mêmes marchés que tout le monde, mais... le portefeuille de la caisse évalué, il a fait son rendement sur cinq ans, on l'aurait comparé à l'indice de Teachers plutôt qu'à l'indice de la caisse: 10 %, pas 10 points, 10 % de plus de valeur ajoutée, sur le portefeuille de la caisse uniquement, alors qu'on a une valeur ajoutée négative, comme vous avez mentionné. 10 %, la différence.
Appliquez l'indice de Teachers au portefeuille de la caisse sur l'ensemble des cinq ans que vous parlez, c'est pire encore. Pour l'ensemble de la caisse, et je vous réfère à l'onglet 9 où on vous fournit les résultats de la caisse globalement, je vous invite à consulter l'onglet 9, une seule page dans cet onglet, une seule page, M. le Président, dans le bas de la page, vous voyez que la valeur ajoutée de la caisse sur l'ensemble de la période des quatre... des cinq ans, 2004-2008, est de moins 100 points de base, incluant le PCAA. Eh bien, si on avait juste donné à la caisse l'indice de Teachers pour l'immobilier, le 10 % que je vous parle effacerait ce 100 points.
C'est pour ça qu'il faut faire très attention de parler des pommes en même temps qu'on parle des pommes puis des oranges en même temps qu'on parle des oranges. Moi, j'ai été élevé comme ça, puis c'est très utile pour se démêler. Donc, sur la question des pairs, c'est la comparaison de la caisse avec les pairs, et ça, c'est le fameux 10,5 milliards qu'on essaie d'expliquer. Quand on rentre des indices, il faut comprendre une chose: les indices des marchés liquides, c'est-à-dire obligations, actions, bons du Trésor, ce qui est connu, facile, les pairs ont en général les mêmes indices que la caisse. Mais, quand vous avez des portefeuilles comme Infrastructures, Placements privés, Immobilier, Dettes immobilières, qui sont des portefeuilles spécifiques, les indices sont faits en collaboration avec nos déposants.
Et je termine là-dessus: l'indice de la caisse. L'indice de la caisse, et j'aimerais que tout le monde comprenne ça, juste l'indice de la caisse, M. le Président, si on prend uniquement l'indice, ça veut dire ce que les déposants donnent aux gestionnaires, dans l'année de 2008, l'indice seul faisait du 4,1 %, qui est très près du premier quartile.
En d'autres mots, quand on fait l'exercice puis on entraîne nos champions olympiques, on les entraîne avec des exercices...
M. Legault: M. le Président, on s'égare, on s'égare, là.
M. Rousseau (Henri-Paul): ...très difficiles parce que nos indices sont exigeants. Lorsqu'on prend ceux des pairs, on fait plus de valeur ajoutée. Mais ça, c'est moins pertinent. Et c'est ce qu'on a fait lorsqu'on a changé la façon d'opérer: d'avoir des indices exigeants.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui. M. le Président, on s'égare, là, parce que...
Le Président (M. Paquet): Une minute, environ.
M. Legault: Bon, je rappelle aux gens qui nous écoutent, là, que, pour les cinq dernières années, la caisse a eu des rendements pires que le marché dans les obligations, dans les actions; dans les participations et infrastructures, a compté sur un écart très positif dans les placements privés; dans les compagnies québécoises, a eu... Puis là je reviens sur Immeubles, parce que les indices qui ont été choisis, à moins qu'on me dise qu'ils ne sont pas bons, sont les indices les plus appropriés pour la Caisse de dépôt. Puis l'indice Aon, pour l'immobilier, ce qu'on explique à la page 73 du rapport annuel, c'est qu'on dit: Pourquoi y a-t-il un écart négatif? On nous dit: C'est parce que la Caisse de dépôt utilisait davantage l'effet de levier dans le secteur immobilier.
Est-ce que, M. Rousseau, vous êtes d'accord avec l'affirmation qui est faite à la page 73 du rapport annuel, que la Caisse de dépôt utilisait davantage l'effet de levier dans le portefeuille Immobilier que les indices de référence?
Le Président (M. Paquet): Très rapidement, M. le député... M. Rousseau, moins d'une minute.
M. Rousseau (Henri-Paul): Le levier de la Caisse de dépôt dans le portefeuille Immobilier a évolué de la façon suivante: de l'an 2000 à 2008, je vais prendre... Je n'ai pas un document à vous donner, mais voici les chiffres, M. le Président: 57,6 % en 2000, 53 % en 2001, 54 % en 2002; 2003, 52,9 %; 46,6 % en 2004, 43,3 % en 2005, 43,6 % en 2006 et 44,7 % en 2007. En d'autres mots, dans la période...
Une voix: ...
M. Rousseau (Henri-Paul): ... ? 2008, évidemment ? 2008, on remonte à 58 %. Pourquoi? Pourquoi?
M. Legault: ...
M. Rousseau (Henri-Paul): Pourquoi?
M. Legault: ...
M. Rousseau (Henri-Paul): Non, non! Pourquoi... pourquoi on remonte?
M. Legault: Vous...
Le Président (M. Paquet): ...M. le député de Rousseau... M. Rousseau...
M. Rousseau (Henri-Paul): Non, non, non! Je m'en allais là. Je m'en allais là. Je n'ai rien à cacher, M. le Président, je vais tout vous dire ce que je sais.
M. Legault: ...
n(11 h 10)nM. Rousseau (Henri-Paul): 58 %. Maintenant, il faut savoir pourquoi. Pourquoi c'est 58 %? Tout à fait comparable à 2000. C'est intéressant. Qu'est-ce qui est arrivé en 2000? Pourquoi le levier est élevé, en 2000, à 57,6 %? Il est élevé parce que la valeur des immeubles est dépréciée, parce que rappelez-vous la récession de 2000. En d'autres mots, le levier de la caisse, durant ces périodes-là, était en baisse, mais, quand la baisse des immeubles, les valeurs, fait ça, ça augmente le levier. Donc, c'est faux de dire que c'est à cause du levier, M. le Président.
Le Président (M. Paquet): D'accord, merci. Alors, M. le député de Viau, vous avez des questions aussi à ajouter. M. le député de Viau, un nouveau bloc.
Politique de rémunération des
gestionnaires de la caisse (suite)
M. Dubourg: Oui. Oui, d'accord. Merci, M. le Président. M. Rousseau, on a beaucoup entendu parler d'un certain nombre de qualificatifs tels «obsession du rendement», «frénésie du rendement», «casino», et je reviens encore à la question de rémunération. Je vous ai entendu tout à l'heure, vous m'avez parlé qu'il y a un cadre de référence, au niveau de la caisse, avant de faire tel ou tel placement, et vous avez même dit que vous avez diminué les objectifs de 30 points à 25, mais ça demeure encore complexe, je ne comprends pas très bien. Donc, j'aimerais que vous m'expliquiez en détail, là, la politique de rémunération. Parce qu'il demeure encore dans la tête des gens qu'il y a un lien entre rémunération et 13 milliards de PCAA. Donc, donnez-moi un exemple, prenez un employé fictif de la caisse et expliquez les achats du mois ou du trimestre, qu'est-ce que ça lui a apporté comme boni, je ne sais pas, à la fin de l'année.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le Président. Lorsqu'on gère l'argent qui ne nous appartient pas, c'est très important d'avoir des règles pour savoir qui est responsable de quoi. Je vais essayer de résumer ça le plus simplement possible pour que vous compreniez, et toute la population également.
Il y a 25 déposants à la caisse. Six sont les plus gros; chacun d'eux a une politique de placement dans laquelle ils choisissent entre 18 portefeuilles où ils veulent répartir leurs avoirs. Comme votre mère vous a dit: Pas tous les oeufs dans le même panier, hein? Donc, on répartit en plusieurs oeufs. Cette répartition-là, ça s'appelle la politique de placement des déposants.
Quand les déposants font ce choix, ils ont accès à une information, qu'on vous a transmise, je pense, la caisse a donnée, qui s'appelle les politiques d'investissement, comment chaque investissement est encadré. Ça, c'est la politique qui dit: Si vous mettez tant d'argent en actions canadiennes, voici ce qui va arriver avec votre argent. Mais le choix du titre et le choix de la durée et de l'échéance, ça, ça, c'est le gestionnaire, c'est son métier, O.K.? Donc, premier niveau d'encadrement à la politique de placement.
Deuxième niveau, la politique d'investissement. Dans la politique d'investissement, on va aussi donner plus d'encadrement sur quelles sont les limites, quelles sont les choses autorisées, quelles sont les choses non autorisées et les mesures de risques appropriées pour que le gestionnaire soit encadré. Ces mesures-là sont validées, surveillées par l'équipe de gestion de risques. Elles sont ensuite évaluées par l'équipe de conformité qui fait un rapport aux déposants: Voici, ça a été tel que proposé, tel qu'écrit. Ça, c'est l'encadrement général.
La rémunération vient comment? Pour chacun des portefeuilles, le déposant dit: Moi, dans le portefeuille d'actions canadiennes, dans le portefeuille d'obligations, je veux tant. Il répartit et, quand il fait sa répartition, la caisse vise, au total, un objectif entre 80 et 100 points de base de plus que les indices. Ce ne sont pas nécessairement des indices de marché, ce sont très souvent des indices négociés avec nos déposants, et nos déposants, avec les années, ont mis des indices assez... et on est d'accord avec ça, la barre est haute.
Donc, la première chose, c'est qu'il y a un indice à battre. Alors, le premier facteur de rémunération pour le déposant, c'est qu'il est encadré dans son corridor de la politique d'investissement et de la politique intégrée de risques, et, dans ça, dans cet encadrement-là, il faut qu'il réussisse à faire des transactions qui vont être à valeur ajoutée dans son portefeuille.
Deuxièmement, dans sa politique ? ça, c'est juste pour la politique de rémunération variable ? bien, même s'il est bon une année, il n'aura pas tout son boni une année. On a mis en place... Quand je suis rentré à la caisse, il y avait des bonis, même certains au trimestre; on a mis ça à l'année. Mais c'était en général à l'année, on a mis ça trois ans. Ça, c'est ce qu'on appelle la bonification court terme, puis la bonification long terme, l'autre composante, cinq ans. Pourquoi on a fait ça? Justement pour éviter cette course au rendement puis que la personne fait une belle affaire, puis, après ça, donc, ce n'est pas bon. Non. Trois ans de moyenne, il y a donc un tiers, un tiers, un tiers de sa performance. S'il a une mauvaise année, il la traîne trois ans; s'il en a une bonne, il la traîne trois ans. Mais ça a aussi un effet de rétention. Donc, le système de bonification a été distancé sur plusieurs années.
Deuxièmement, la première marche de la valeur ajoutée, savez-vous ce qu'on a fait? On l'a baissée. Pourquoi on l'a baissée? On a dit: On va vous rémunérer mieux pour la première marche pour être plus attirant pour la compétition lorsqu'on cherchait des employés. Moi, mon principal problème numéro un, messieurs, mesdames, que j'ai eu pendant les cinq ans que j'ai dirigé la caisse, c'est une seule et même chose, et je vous parie que ce sera le même problème pour mon successeur, c'est la rétention, le recrutement et la formation de personnel compétent.
La caisse est une école. Le marché de Montréal est très actif et les gens en finance sont mobiles. Donc, j'ai baissé le premier étage pour les retenir mais aussi pour qu'ils ne soient pas trop incités à prendre de risques. Parce que j'ai mis la carotte plus basse, donc, ils étaient obligés de sauter moins haut; ils se cassent moins la gueule quand ils sautent moins haut. C'est ce qu'on a fait. Donc, ce n'est pas la rémunération. Puis ce n'est pas vrai que la caisse a mis en place un système où il y avait des excès. Au net, si vous regardez les résultats de la caisse, on est encore bien en deçà de l'encadrement général de la rémunération qui a été accordée, dans un décret, par le gouvernement du Québec, dans les années quatre-vingt-dix, et qui est encore le décret sur lequel l'ensemble de la rémunération des gestionnaires et des dirigeants obéit.
Vous avez, dans votre document, à l'onglet 8, un global de ça. Je veux juste vous montrer une chose à la page 3. Vous allez voir que, que ce soit dans les secteurs administratifs ou dans les secteurs d'investissement, la caisse est encore en bas des paramètres fixés par le décret gouvernemental qui est dans le fond l'essentiel de cet encadrement. C'est le décret 1340.96 adopté en octobre 1996 par le gouvernement du Québec. Et je dis ça parce que, quand on a fait cette adoption en 1995-1996, il faut vous souvenir que, tout de suite après, il y a eu des changements à la loi pour permettre à la caisse d'aller plus dans les actions.
Moi, mon constat, quand je suis rentré à la caisse, c'est que l'encadrement du risque... il n'y avait pas de politique intégrée de risques, il n'y avait pas de service de conformité. Le nombre de personnes à la gestion du risque était de six à huit, et je l'ai monté à 25, et M. Sabia dit qu'il le monterait encore, et il a raison parce que la planète change.
Le petit graphique que je vous ai montré tantôt, si vous avez le temps de le regarder, vous aller voir que c'est plus volatile dans les années 2000 que dans les années 1990, et c'est normal. Tout ça pour vous dire qu'il est faux, il est complètement faux de dire que c'est la rémunération qui est la cause de tout ce qui est arrivé, ce n'est pas ça du tout. Et il ne faudrait surtout pas qu'on atrophie la Caisse de dépôt, qui est une organisation essentielle pour l'avenir du Québec, en disant: On va payer ces gens en bas du marché par rapport à ce qui se passe dans l'industrie.
Je dis cependant qu'il y a eu des abus dans la finance et il y a des cas qui sont abusifs. Et, lorsque j'étais président de la caisse, j'ai voté des procurations avec l'équipe de procuration pour faire en sorte que la rémunération des dirigeants soit dans l'ordre. Mais la raison pour laquelle les gestionnaires de portefeuille sont payés plus que d'autres personnes, c'est parce que c'est un métier qui est rare, et difficile, et risqué, et c'est tout à fait normal. Mais, même dans ça, on est en bas du décret, et on est encore en bas largement du marché. Il ne faudrait surtout pas que l'exercice sur 2008 atrophie l'organisation qui est si importante pour l'avenir des Québécois qui vieillissent et qui ont besoin de bonnes rentes, et de bonnes pensions, et de bonnes assurances.
M. Dubourg: Merci.
Comité de gestion des risques
Le Président (M. Paquet): Merci. J'aimerais poursuivre sur la question justement de la gestion de risques et du rôle du comité de gestion de risques. Vous avez dit qu'en 1998 la loi avait été changée pour permettre à la caisse de pouvoir diversifier davantage et de se concentrer moins dans les titres comme des obligations, etc. Donc, il y avait une plus grande diversification potentielle. En même temps, il y avait un plus grand risque aussi qui pouvait être pris, mais il y a une relation. La question, c'est d'avoir la bonne adéquation entre le rendement et le risque. Et ce qu'on a constaté, il me semble, dans les dernières années, dans les marchés financiers en général, puis c'est à l'origine d'une bonne partie de la crise qu'on connaît présentement, c'est une rupture, une cassure, littéralement, entre le risque, une bonne mesure de risque qu'on tient dans l'information qu'on connaît et le rendement qu'on peut anticiper pour un risque donné qu'on peut être capable de soutenir une fois qu'on a bien diversifié.
Or, j'essaie de comprendre comment le comité de gestion de risques fonctionne dans un contexte... a fonctionné depuis 2002, d'une part. Et, entre autres choses, j'aimerais comprendre comment les déposants... Vous avez mentionné tout à l'heure, dans votre présentation en introduction, que vous aviez souhaité, dès votre arrivée, que les déposants soient plus impliqués. Les déposants eux-mêmes le manifestaient, c'était important, cet intérêt d'être mieux impliqués.
Dans quelle mesure est-ce que les indicateurs qui étaient utilisés, l'information qui était véhiculée, permettaient aux déposants de comprendre ces questions-là, qui ne sont pas faciles à comprendre, on le conçoit, là? C'est des questions qui sont très techniques à bien des égards; même les mesures de risques ont changé à travers le temps. Dans quelle mesure est-ce que cette correction-là fait en sorte qu'on peut dire que les déposants, j'ai envie de dire, comprenaient, et je ne mets pas en doute leur intelligence, ce n'est pas ce que je veux dire, mais, dans des dossiers complexes comme ça, pouvaient être bien informés de l'ensemble des titres qui étaient achetés, incluant les PCAA? Dans quelle mesure est-ce que, sur le risque qu'ils manifestaient qu'ils étaient prêts à vouloir supporter pour un rendement donné, dans quelle mesure est-ce que leurs demandes et les besoins ont été respectés et que le comité de gestion de risques a pu faire son travail? Et quelles leçons qu'on tire de cela?
n(11 h 20)nM. Rousseau (Henri-Paul): Plusieurs choses, là, et c'est sous l'angle des déposants, je pense, que je dois répondre, M. le Président. D'abord, les déposants avaient, pour la première fois depuis 2003, une politique intégrée de gestion des risques. Dès que la loi a été changée, on a insisté pour créer ? puis on avait créé, dès 2003, mais ça a été confirmé après ? un comité du conseil de gestion des risques.
On a également mis en place un site intranet pour les déposants pour qu'ils aient accès à toute l'information sur leurs portefeuilles de façon régulière, au fur et à mesure qu'ils l'avaient, qu'elle était disponible.
Et on a mis en place un service de conformité pour que, lorsqu'on fait une représentation aux déposants... On dit: Regardez, voyez-vous, là, la politique d'investissement dans tel secteur, elle est encadrée par le portefeuille n° 18, puis, lui, son encadrement, c'est celui-là. Et, sur une base régulière, le service de la conformité, indépendant des gestionnaires, faisait le tour de toutes les transactions et émettait un rapport de conformité dans lequel on avait, s'il y avait des différences par rapport à la politique, un avis immédiat.
En plus de ça, dans nos politiques, si jamais on avait une dérogation ? pas une dérogation légale, une dérogation par rapport à nos règles ? on était obligés d'aviser les déposants. Il faudrait l'image que, dans le fond... Moi, j'avais un sentiment, quand je suis rentré à la caisse avec les pouvoirs extraordinaires qu'on avait dans le placement, avec l'encadrement qui était faible, c'est comme si j'avais une grosse voiture sur une autoroute avec peu de polices. J'en ai mis, des polices. On a mis beaucoup de points pour faire en sorte qu'il y ait des lumières jaunes; des lumières rouges s'allumaient.
Et ça, ça a fait en sorte que... Je vous donne un exemple. Lors de la crise de 2008, qui a fait en sorte que beaucoup de joueurs dans l'industrie de la finance... et la caisse est un gros joueur mondial dans la finance, elle fait des milliards de transactions par jour. Elle ne s'est pas fait prendre dans toutes les questions de contrepartie. Le fait que plusieurs joueurs ont été pris dans ça, il y a eu des faillites d'entreprise. Pourquoi? Parce que son risque opérationnel a été très, très bien géré. Donc, beaucoup de mesures, et, sur chacune de ces mesures-là, rapport aux déposants.
En plus de ça, les déposants avaient accès à un service spécifique qu'on appelle le service aux déposants. Et, de mémoire d'homme, je vous dirais qu'en 2006, qui a été une année régulière, on a eu des rencontres entre du personnel de la caisse et déposants à raison d'une rencontre à tous les deux jours ouvrables. Ça dit beaucoup sur la relation. Et c'est une chose importante que les Québécois doivent savoir: la caisse, elle est au service des déposants du Québec, qui sont les 25 organisations qui y déposent, dont les principales, on connaît. Et c'est ces déposants-là qui, avec la caisse, font en sorte qu'on gère l'ensemble de ces trucs-là. Eux décident où est-ce que l'argent va aller, et le gestionnaire choisit les titres où est-ce que ça va aller. Mais c'est pour ça qu'il fallait mettre ça ensemble et être très transparent par rapport à eux. Et ces déposants-là, je suis content que vous les entendiez, je crois, la semaine prochaine, parce que ? cette semaine ? ils sont très importants pour l'avenir de l'institution. Parce que j'ai déjà utilisé l'expression que c'est une «coopérative publique», c'est une organisation où vous avez les déposants et la caisse qui travaillent ensemble. Et je vous dirais que cette relation avec les déposants, dans le contrôle du risque, j'entends, est très importante.
Et je peux vous dire un dernier point, M. le Président: À chaque fois qu'il y a eu des dérogations où on a avisé les déposants, ils suivaient ça de très, très près. Et, moi, personnellement, ça m'aidait d'avoir des déposants aguerris. Pourquoi? Quand vous êtes président de la caisse, vous voulez avoir un vérificateur externe qui est fort, vous voulez avoir une conformité qui est forte, vous voulez avoir une gestion de risques qui est forte. Pourquoi? Parce que vous ne voulez pas qu'il y ait d'erreur comme celle qui s'est passée; c'est le principal objectif. On veut faire des rendements en gérant les risques, et c'est pour ça que ça prend énormément de services au service de la direction générale et du conseil mais aussi au service des déposants.
Le Président (M. Paquet): Donc, est-ce que vous nous dites que les déposants, à votre avis ? puis on leur posera la question bien sûr ? les déposants, l'information qu'ils avaient sur les risques, notamment au niveau des PCAA, c'est-à-dire qu'ils comprenaient ce qui se passait, vous les teniez informés suffisamment que, s'ils avaient donné une directive, dire... Écoutez, je sais bien qu'ils ne revoyaient pas leur position à tous les jours, on se comprend et c'est normal, là, mais...
M. Rousseau (Henri-Paul): Non, M. le Président...
Le Président (M. Paquet): Oui, M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): ...je veux être clair, là. Je n'ai pas dit que les déposants avaient les informations sur le PCAA que, moi-même, je n'avais pas, là.
Le Président (M. Paquet): Non. Non.
M. Rousseau (Henri-Paul): O.K. Donc, ce n'est pas qu'on... Ce que je dis ici, c'est que le niveau de granularité est le suivant... granularité, c'est-à-dire le détail, ceux qui ont le plus de détails, c'est évidemment le gestionnaire et l'équipe de gestion de risques. Après ça, ça monte au patron; ensuite, ça monte au chef de la direction des placements; ensuite, ça monte au niveau du président. Et là il y a un rapport complet, détaillé, qui est fait pour le comité de gestion de risques du conseil, qui va ensuite au conseil.
Le déposant, lui, ce qu'il a surtout, c'est: Est-ce que la politique de placement, elle a été respectée? Et donc c'est un avis de conformité qui lui est remis. Si c'est non conforme, il est avisé qu'il y a eu non-conformité, puis on explique pourquoi, puis il y a un suivi qui est fait. Mais le déposant n'a pas les rapports de gestion du gestionnaire sur chacun des placements, ce n'est pas ça qui est l'idée du tout, et je ne pense pas qu'ils voudraient ça. Ils ne font pas le choix de titres, et les déposants n'avaient pas plus d'information que moi. On a tous appris, le 9 août et les jours suivants, l'histoire du PCAA, comme tout le monde. Par contre, ils savent très bien quelles sont les activités qui sont faites dans chacun des portefeuilles.
Gestion de la couverture de change (suite)
Le Président (M. Paquet): J'aimerais revenir aux risques de change. Vous avez parlé tout à l'heure qu'effectivement, 2008, ça a coûté très cher pour s'assurer pour la volatilité qui a été beaucoup plus grande. Mais le graphique que vous avez présenté suggère, sur la base de l'évidence, là, qu'à long terme finalement, c'est relativement neutre.
Je me demande si cette analyse-là n'est pas basée un peu sur le fait aussi évidemment qu'on suppose que la distribution... oui, il y a une volatilité qui a été plus grande, donc n'est pas constante à travers le temps, d'une part, mais aussi que les événements plus extrêmes, là, peuvent arriver plus souvent peut-être qu'une distribution, on dirait, en statistiques, plutôt normale, entre guillemets, la fameuse courbe où c'est symétrique, c'est-à-dire autant d'un côté que de l'autre de la moyenne en haut ou en bas. Même votre graphique, sur la base historique, démontre ou suggère, quand on regarde le graphique, plus d'événements à droite, donc, positifs, que des événements négatifs. Mais, quand ils arrivent, ils peuvent frapper dur, et c'est clairement ce qui est arrivé.
Alors, dans quelle mesure est-ce que... Parce que la question qu'on se pose, c'est que d'avoir perdu 4,1 milliards par rapport aux pairs ? je dis bien, là, quand on se compare aux pairs ? 4,1 milliards de pertes au niveau de la gestion de risques en 2008, dans quelle mesure est-ce que c'est vraiment... on peut considérer qu'un événement aussi extrême, entre guillemets, correspond vraiment à ce que vous dites quand vous dites: Bien, à long terme, c'est neutre comme gestion de risques?
Et je prends un exemple. En 1995, par exemple, le 30 octobre 1995, il y avait beaucoup de couverture de risques qui s'était faite, à ce moment-là aussi, qui faisait que, s'il y avait eu un oui le soir du référendum, bien, on disait: On va essayer de se parer. Avec un non, finalement la caisse a même fait de l'argent cette année-là, en 1995, mais je ne suis pas convaincu... Évidemment, là, l'histoire ne nous le dira pas, là, mais je ne suis pas convaincu que, s'il y avait eu un événement aussi important à ce moment-là, la gestion de risques aurait permis d'éviter un effondrement le plus important que... Je ne sais pas convaincu que la gestion de risques aurait été très symétrique et neutre, même à long terme, avec un événement comme celui-là. De même, je suggère que, 2008, je ne suis pas convaincu qu'à long terme, c'est aussi neutre que ça puisse paraître.
M. Rousseau (Henri-Paul): Deux choses...
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le Président. Sur le change, je vous réfère à l'onglet 3 du document que la caisse a déposé, où ont a fait le point. Je pense qu'historiquement cette politique a été neutre à positive pour la caisse, et j'insiste sur le graphique 3 de l'onglet qui, j'en conviens, est un regard en arrière ? on parlera tantôt du regard en avant. Mais, pour le regard en arrière, on s'aperçoit que la couverture de change a réduit les pertes quand c'était négatif puis elle a réduit les gains quand c'était positif. Évidemment, c'est une assurance, donc elle est faite pour ça.
Votre question porte plutôt... Et je vous réfère au petit document ? puis c'est très intéressant ? à la page 7 de l'annexe, que je vous ai déposé lors de mes notes d'introduction. Vous avez raison, M. le Président, et c'est pour ça que le graphique est intéressant, puis je vous invite à le regarder parce que, même pour la gestion de nos affaires personnelles, il y a beaucoup d'informations dans ce petit graphique.
Qu'est-ce que ça dit? Ça dit que, sur 185 ans, hein, de 1825 à 2008, les variations du marché boursier américain, il y en a eu de toutes sortes, de moins 50 % à plus 60 %. Ça dit ça. Ça dit aussi, comme vous disiez, que les variations sont un peu plus positives, heureusement. C'est qu'à long terme la bourse devrait être payante, mais ce qui est frappant, c'est que, dans les années 2000 et suivantes, on voit souvent que ce sont les années 2000, les casiers en blanc qui sont en haut, donc les variations plus grandes, O.K.? Et je vous dirais que, par rapport à votre question: Sur le change, avec toute la crise qu'on n'a pas encore... qui n'est pas encore réglée... La crise financière des marchés, là, il y a encore... il y a une détente, mais on sait qu'il y a des choses à terminer. Les devises, la question se pose pour l'avenir: Comment on va gérer le risque de devises? Et, dans le cas canadien, ça devient très, très pointu parce que le dollar canadien est maintenant extrêmement corrélé avec le prix du pétrole et le prix de l'énergie et ses «commodities», de sorte que le portefeuille de la caisse se doit d'être protégé. Mais, comme la volatilité est plus grande, le coût de la protection est plus grand. Et là vous êtes pris dans cette situation-là où, si vous ne vous protégez pas, vous allez avoir des situations où vous allez perdre beaucoup d'argent parce que ça va être plus volatile. Il faut comprendre ici que, quand vous vous protégez, vous payez l'assurance, qui peut être très chère, mais vous êtes protégé; quand vous ne vous protégez pas, vous avez une position ouverte qui peut vous faire mal. Et le change étranger a cette caractéristique.
Les études des experts de la caisse... Et, moi, quand je suis rentré à la caisse, quand on m'a dit qu'on couvrait à cette hauteur-là, j'ai dit: Mon Dieu! ça me surprend, il y en a plusieurs qui couvrent moins. C'est la première question que j'ai posée. Et on m'a convaincu, avec étude à l'appui, que la politique en place depuis 15 ans était la bonne. Je ne l'ai pas changée. Je n'ai pas tout changé à la caisse, il y avait énormément de choses qui étaient à la caisse qui étaient excellentes, et je suis allé en continuité. Je vous signale que la diversification, ça faisait 25 ans que la caisse faisait ça, on a simplement été dans la même tendance.
Le point central que je veux faire, c'est que vous me posez la question: Quelle va être la politique de couverture de change? Quel devrait être pour l'avenir... C'est une bonne question, compte tenu que c'est plus volatil. Mais je signale que, si on ne protège pas, à cause de la volatilité plus grande, on va avoir des fluctuations des revenus plus grandes. Si on est pris à vie avec ça, bien, on ne protège pas. Mais ce n'est pas une question facile et c'est pour ça que, chez les déposants, par exemple, il y a des déposants, puis il y a des variations entre les déposants de la caisse, qui disent: Moi, je veux une protection moins forte ou, moi, je veux une protection plus forte. Il y a des nuances entre les déposants, puis la caisse a accepté ça. Ce n'est pas une question facile.
n(11 h 30)nLe Président (M. Paquet): Merci. Je reconnais maintenant M. le député de Shefford, pour 15 minutes.
Politique de rémunération des
gestionnaires de la caisse (suite)
M. Bonnardel: Merci, M. le Président. Salutations aux collègues. Bienvenue, M. Rousseau. Revenons rapidement, M. Rousseau, sur 2002, où vous avez imposé un changement de culture profond à la caisse, une culture qui est devenue plutôt bancaire, basée sur des rendements, sur des bonis aux performances. Puis je veux revenir sur une question sur la politique de rémunération. Je regarde la page 50 du Fonds équilibré, les rendements annuels que la caisse a eus à votre arrivée. Si on prend les trois premières années, de 2002 à 2004...
Une voix: ...
M. Bonnardel: Du Fonds équilibré, du cahier Renseignements additionnels du rapport annuel. Sur les trois premières années de votre mandat, si on regarde vis-à-vis l'indice, la Caisse de dépôt a été 2,90 points en dessous de l'indice. Si on regarde, de 2005 à 2007, encore sous votre mandat, vous avez battu les indices de 3,08 points. Si on fait le total de ces six années, qu'on exclut l'année 2008, qui est cette année qui a été un désastre pour la Caisse de dépôt, pour tous les déposants, vous avez battu l'indice de 0,18. Pouvez-vous nous expliquer, à 0,18 sur six ans, comment vous avez pu recevoir un boni basé sur des rendements de près de 2,5 millions de dollars, comme l'indique le rapport du comité des ressources humaines?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Oui. Je voudrais vous amener à l'onglet 9 du document qui a été déposé par le personnel de la caisse, la semaine dernière, où vous avez la performance de la caisse sur la période 2003-2007, sur les cinq ans. Je suis à la page... Il a une seule page, ce document-là, c'est l'onglet 9, c'est la seule page. Excusez-moi. Et nous avons ici l'ensemble des portefeuilles mais nous avons aussi les six grands groupes: revenu fixe, plus 18 points; marchés boursiers, plus 18 points; les fonds de couverture, 595 points; placements privés et infrastructures, 510 points; total de la caisse en immobilier et total de la caisse, 82 points. Ça, c'est pour la valeur ajoutée.
Deuxième chose que je veux vous permettre de constater. Dans l'annexe que je vous ai donnée, vous avez le tableau II, et ce tableau II, ce qu'il vous indique, sur la période des cinq ans, la caisse a été premier quartile pour la première fois depuis 1988. Donc, on ne peut pas me reprocher tout, là. La performance était là, et la rémunération des dirigeants a été, encore une fois, faite à chaque année, après que les états financiers aient été approuvés par le Vérificateur général, et était décidée par le conseil d'administration, et c'était sur la base de performance sur plusieurs années.
M. Bonnardel: Rapidement, M. le Président.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Shefford.
M. Bonnardel: M. Rousseau, sur ce rapport, vous enlevez 2002. Vous êtes arrivé en 2002?
M. Rousseau (Henri-Paul): Je n'enlève pas 2002 pour enlever 2002.
M. Bonnardel: Bien, 2002 n'est pas là, à ce que je vois, c'est marqué...
M. Rousseau (Henri-Paul): Je suis arrivé en septembre 2002, d'accord? Septembre 2002...
M. Bonnardel: Parce que l'indice est quand même à 9,57 et... Pardon, vous étiez à 9,57, et l'indice était à 5,69. C'est quand même... c'est près de quatre points, là.
M. Rousseau (Henri-Paul): C'est une question qui m'a déjà été posée sur 2002 et ce qu'on m'avait posé, c'était la question inverse. On m'avait reproché que... C'est la question qui a été posée tantôt, que 2002 était une mauvaise année, on y avait eu une dépréciation trop forte des actifs pour avoir des revalorisations plus tard. J'ai répondu à ça dans mon introduction dans le cas de Quebecor Média. Je peux vous répondre aussi pour l'ensemble des actifs de la caisse.
Alors, l'année 2002, quand je suis rentré en fonction, l'essentiel des provisions et de ce qui a été fait avait été fait au cours de la période, de sorte que l'année 2002 n'était pas... pourrait difficilement être une année... Pour moi, je suis entré en septembre, ça s'est fini en décembre, et je vous signale qu'à ce moment-là, par exemple dans le cas des placements privés, dans le cas de l'immobilier, l'essentiel des évaluations avait été fait en juin, comme c'est normal de le faire. Alors, la rémunération que j'ai reçue, et sur l'ensemble des années où je l'ai reçue, c'était sur la base des résultats de la caisse pour chacune des années.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Shefford.
M. Bonnardel: Oui, merci, M. le Président. C'est quand même vous...
M. Rousseau (Henri-Paul): En 2002, il n'y a eu aucun boni.
M. Bonnardel: Pardon?
M. Rousseau (Henri-Paul): En 2002, il n'y a eu aucun boni, là.
M. Bonnardel: Je le sais, mais c'est quand même vous qui avez signé les états financiers de 2002. Alors, à quelque part, c'est vous qui...
M. Rousseau (Henri-Paul): On va se comprendre, là.
M. Bonnardel: Rapidement, 30 secondes, M. Rousseau, si on veut continuer. Allez-y. Oui.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Juste 30 secondes. Quand le président et le chef des finances d'une entreprise comme la caisse signent les états financiers, c'est qu'ils font un engagement à la demande du Vérificateur général qu'à notre connaissance on ne lui a rien caché puis on a donné toutes les informations. Si vous lisez l'énoncé, c'est celui-là. Mais ce n'est pas nous qui validons les états financiers. La validation est faite par les experts du bureau du Vérificateur général, et c'est sur cette base-là. Je voulais qu'on s'entende là-dessus simplement.
M. Bonnardel: Merci, M. Rousseau.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Shefford.
Encadrement de la gestion du risque
M. Bonnardel: M. le Président... M. Rousseau, suite à la tempête parfaite d'août 2007, vous avez dit tantôt que vous avez pris... vous avez fait deux choses au mois d'août 2007, ça a été de mandater une firme externe. Est-ce que cette commande est venue de vous ou de M. D'Amours, qui était président de la commission de la gestion du risque... du comité de gestion du risque?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): La vérité, la première personne qui m'en a parlé, c'est Mme Kudzman, Mme Susan Kudzman, qui était première vice-présidente des déposants et du risque. Et la journée où cette affaire-là est arrivée, immédiatement, à l'époque, il a fallu vérifier qui étaient les bonnes institutions, mais j'ai approuvé sa proposition tout de suite. Et M. D'Amours, qui était président du Mouvement Desjardins, la même fin de semaine qu'on s'est parlé, on s'est tous dit: Qu'est-ce qui se passe, pourquoi c'est arrivé? O.K. Donc, on avait tous le même réflexe, mais je dois donner le crédit à Mme Kudzman qui... Le premier mois, j'ai ajouté une autre chose, j'ai dit: À partir de maintenant, je veux une vigie complète de tout ce qui se passe sur ces questions-là.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Shefford.
M. Bonnardel: Merci, M. le Président. Mme Kudzman, aussi qui était sur le comité de sélection du jury pour engager la firme qui est indiquée dans l'accès à l'information. Mais, M. Rousseau, quand ce rapport a été... vous l'avez eu en main, est-ce que ce rapport était positif face à votre gestion du risque des premières années de votre mandat?
M. Rousseau (Henri-Paul): Oui, parce que le rapport en question, ce qu'il disait, c'est que... Il faut comprendre le mandat qu'on avait donné. On avait fait beaucoup d'efforts, il faut le reconnaître, entre 2003, 2004, 2005, pour améliorer la gestion du risque, la conformité et tout l'encadrement de la caisse. On pourrait revenir là-dessus, si vous voulez, mais par brièveté je vais dire simplement qu'on a fait beaucoup d'efforts. Vous comprendrez ma surprise et mon aigreur quand j'ai vu ce qui s'était passé, et j'ai demandé, j'ai dit: Je veux avoir la meilleure firme et je veux qu'ils nous comparent aux meilleures pratiques sur tout ce qu'on fait. Et donc j'ai demandé que la comparaison soit parmi les meilleures. Et, quand vous faites ça, on obtient un résultat qui est de dire: Là, vous n'êtes pas si pires; là, vous êtes en bas de la moyenne; là, vous êtes au-dessus. Et ce résultat-là nous avait indiqué deux choses. On a fait... en termes de tout ce qui a été fait comme chantiers depuis trois, quatre ans, qu'on avait commencés en 2003, c'était la bonne chose, il fallait aller plus rapidement. Deuxième chose que, moi, j'ai retenue, c'est que, dans ce phénomène de gestion de risques... On se rappelle qu'à l'été 2008 il y a l'effet du PCAA. On vit la période jusqu'à la fin de l'année, et le ciel redevient bleu au mois de mai parce que les marchés se rétablissent suite aux politiques publiques, et là on a tous la conviction que le pire est passé.
Dans cette période-là, le rapport est venu et nous a dit: Voici, pour accélérer, la piste que vous devriez faire. Et je pense que c'est un excellent rapport. Je vous signale, M. le Président, que, lors de mon passage à la caisse, chaque fois que j'ai eu l'occasion de faire un exercice d'étalonnage, c'est-à-dire de comparer nos pratiques avec les meilleures de l'industrie, je l'ai fait. Et pourquoi? Parce que l'ambition que j'ai eue, ce n'est pas de faire du rendement, l'ambition que j'ai eue, que j'ai partagée avec mes employés, avec les déposants, c'est de faire de la Caisse de dépôt une organisation de référence qui, au Québec, serait là bien établie et serait capable d'attirer les meilleurs cerveaux, les meilleures personnes pour y travailler et qui demeurent là. Et cette ambition-là n'était pas une ambition de quoi que ce soit, c'était essentiellement au service de nos déposants.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
Contexte de la démission de
M. Henri-Paul Rousseau de son poste
de président et chef de la direction (suite)
M. Bonnardel: Merci, M. le Président. M. Rousseau, pour un rapport qui est si positif, vous n'auriez pas trouvé intéressant que la Commission des finances publiques puisse en avoir une copie pour être capable d'évaluer ce qui a pu se passer? Parce que je trouve surprenant que ce soit si bien puis qu'on ne conteste pas du tout votre politique de gestion du risque. Quand on demande ce qui a pu se passer, quand on regarde la situation en août 2007, on demande rapport, le comité de gestion se dit: Il y a quelque chose qui n'a pas fonctionné, il y a quelque chose qu'on n'a pas vu ? vous avez imposé des achats; Coventree était propriété de la Caisse de dépôt à 30 % ? vous demandez rapport, et là vous nous dites que tout est beau, tout va bien. J'aimerais ça que vous nous expliquiez un petit peu de quelle façon vous voyez ça.
Vous nous dites: Ça va bien. Vous êtes arrivé, suite à ça, M. Rousseau, à quitter la Caisse de dépôt le 30 mai dernier. Vous savez sûrement que ce rapport a été présenté au comité de gestion du risque le 27 mai 2008. Quelques jours après, trois jours plus tard, il y avait un conseil d'administration, le 30 mai 2008, et vous avez annoncé votre départ cette même journée, le 30 mai 2008. Le 30 mai 2008, vous quittez et vous annoncez que vous partez chez Power Corporation aussi, la journée même.
Rapidement, M. Rousseau, expliquez-nous de quelle façon on peut comprendre que ce rapport était si positif, que vous annoncez votre départ quelques jours après qu'on ait déposé ce rapport positif au comité de gestion du risque et le fait que vous annoncez déjà que vous avez une entreprise privée, Power Corporation, qui vous engage.
n(11 h 40)nLe Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le Président. On va les prendre une par une.
M. Bonnardel: Oui.
M. Rousseau (Henri-Paul): Le rapport ? pour être bien clair, j'ai dit ce que j'ai dit ? il nous disait: Là, vous avez des choses à améliorer, là, vous êtes corrects. Et c'est un rapport qui est fait comme ça par rapport aux meilleures pratiques. Je n'ai pas dit ce que vous me faites dire, là, que tout était beau; ce n'est pas ça, le point. Il y avait des améliorations à faire, et c'est normal dans une organisation.
Deuxièmement, ce rapport-là, si vous voulez avoir l'essentiel de son contenu, la caisse a donné l'essentiel du contenu dans son rapport annuel, où vous avez les points essentiels. La Caisse de dépôt a déjà expliqué pourquoi ce rapport ne pourrait pas être rendu public, et je suis d'accord avec ça ? ça, c'est une de vos questions. Pourquoi? M. Perreault a très bien répondu. Les risques, là, ce n'est pas juste des risques comme ça, il y a des risques de sécurité, des risques de toutes sortes de choses. Et ce rapport-là nuirait à la caisse au niveau de ses entités commerciales et de ses transactions. Et, je pense, c'est une bonne décision.
Deuxième question, Coventree. Coventree, je vous rappelle que la transaction de Coventree, il y en a eu deux, toutes les deux avant 2002, et c'est là que la caisse, dans le secteur privé, avait un placement de 4 millions et un prêt de 2 millions. Ce placement-là était géré par l'équipe de placements privés, qui gèrent des milliards de dollars et qui ont un système de rémunération sur cinq ans, eux, et non pas sur trois ans. De sorte que Coventree n'a d'aucune façon influencé la rémunération des gens dans le placement privé. Et Coventree, sa part dans les activités de la caisse, M. Bergeron l'a bien montré, grosso modo, on avait une part des titres de Coventree qui était semblable à celle dans le marché, comme on s'alimentait aussi au niveau des fournisseurs.
Troisième question que vous m'avez posée, c'est, quand j'ai reçu le rapport à la fin... au printemps, ce rapport-là justement était assez bien et me réconfortait dans le fait que ce qu'on avait fait, on l'avait bien fait, et que j'avais en place une bonne équipe pour continuer à faire les choses. J'ai déjà expliqué très clairement qu'en ce qui me concerne, et ce n'est pas une grande surprise... ma surprise à moi, c'est quand les gens ont été surpris d'apprendre mon départ. Je vous signale que, quand j'ai été retenu par le gouvernement du Québec au mois de mai 2002, privément, j'avais dit à la ministre que je ferais un seul mandat. Le mandat a été changé par la suite. Et, si vous voulez vérifier, on m'a même amené récemment un article de la revue L'Actualité où j'avais dit carrément qu'autour de 60 ans je ferais d'autre chose. Et, quand j'avais eu fini mon mandat de cinq ans, j'ai prévu qu'à ce moment-là c'était le bon moment de le faire. Et le printemps étant le bon moment, je l'ai fait.
Votre autre question, c'était?
M. Bonnardel: Merci, M. le Président. M. Rousseau, juste pour renchérir sur le rapport, vous êtes bien conscient qu'il y a deux paragraphes, hein, qui nous indiquent ce que le rapport a pu dévoiler et surtout mettent en évidence le retard de certaines autres... Mais bon, ce n'est pas grave, on va aller à une autre question, M. Rousseau.
Après la tempête parfaite, il y avait maintenant le temps parfait pour partir. Votre départ au mois de mai était engagé dans un sens où vous avez entrepris des discussions avec Power Corporation. Parce que j'imagine qu'on ne fait pas un deal avec une entreprise privée en l'espace de 24 heures puis on dit: Je quitte. Depuis combien de temps vous parliez avec Power? Puis est-ce que le gouvernement était au courant?
M. Rousseau (Henri-Paul): J'ai eu des premières discussions avec Power pour une embauche éventuelle au cours du mois de mai. Et on a finalisé une entente le 28 mai, le mercredi. J'ai immédiatement pris rendez-vous avec le président du conseil. Le 29 mai, nous avons convenu de rencontrer la ministre des Finances, ce qu'on a fait dans l'après-midi. Et j'ai également annoncé mon départ le 29 mai au soir au premier ministre, avec M. Pierre Brunet, à 8 heures. Et, le lendemain matin, j'avais démissionné. Donc, il s'est passé très peu de temps.
Deuxièmement, l'entreprise Power, je n'avais pas, moi, de mon côté, d'examen diligent à faire. C'est une société publique connue. Et j'imagine qu'eux aussi connaissaient qui j'étais. Et effectivement, à partir de... après l'assemblée annuelle de Power, si je me rappelle bien, c'est là qu'on a eu des discussions.
Mais, dans cette période-là, il n'y a eu aucune transaction de Power avec la caisse, et, deuxièmement, pendant les cinq ans que j'ai été à la caisse, je n'ai jamais autorisé ni initié une transaction avec le groupe Power. Pourquoi? Parce que les transactions avec Power avaient été faites avant moi et toutes les autres transactions qui ont eu lieu durant cette période-là ont été faites par les vice-présidents, sans qu'ils aient été obligés de demander mon autorisation ou celle du conseil.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Shefford.
M. Bonnardel: M. le Président. Vous êtes conscient, M. Rousseau, vous êtes en train... vous voulez quitter la caisse. Vous êtes en train de nous dire qu'en l'espace de deux, trois semaines vous avez concocté un départ. Est-ce que Power vous a appelé ou vous avez appelé Power? Vous avez reçu une prime de séparation de 405 000 $. C'est une prime qui vous est donnée pour préparer une transition dans un autre travail. Est-ce qu'il n'y a pas problème d'éthique à travailler pour la caisse, à être payé par les contribuables et déposants, préparer son départ chez Power Corporation et recevoir cet argent? Est-ce que vous allez présumer ou penser retourner ces argents aux contribuables québécois, rembourser 405 000 $? Et est-ce que vous pouvez vraiment nous dire que vous avez entrepris ce transfert chez Power Corporation en l'espace de deux semaines?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau. Il reste deux minutes...
M. Rousseau (Henri-Paul): Pour ce qui est de la prime de départ, quand j'ai été approché au mois de mai 2002, j'étais président de la Banque Laurentienne, je gagnais bien ma vie, et je n'ai pas cherché, et je n'ai pas sollicité d'être président de la caisse. On m'a approché, on m'a fait des propositions, et il y a eu une négociation. Dans la négociation, on m'a offert plusieurs choses, et, dans ça, il y avait le fait que, quand je quitterais mon poste, sans aucune condition, il y avait un montant forfaitaire égal à une année de salaire. Je ne l'ai pas demandé, c'est comme ça, les règles, et c'est comme ça dans la fonction publique, qu'on m'a dit. Bon. Ça a été fait.
Deuxièmement, quand j'ai quitté la caisse, le 30 mai, M. le Président, dans le communiqué de presse, qu'on peut vous donner, c'était très, très, très indiqué que je recevais ce montant forfaitaire suite à mon départ. Très indiqué, le 30 mai, c'était là, noir sur blanc. C'était également disponible pour tous les journalistes, pour tous les médias et pour tous les députés. À l'époque, le 30 mai, il n'y a personne d'entre vous, personne dans la communauté financière, personne dans l'opinion publique qui m'a posé quoi que ce soit. Pourquoi?
Parce que maintenant on regarde les événements rétrospectivement, on dit: Ah! il y a eu une crise financière, il devait avoir deviné ça. Tatati tatata. C'est beaucoup. Ce montant-là m'était octroyé dans un contrat spécifique entre parties consentantes, et je l'ai respecté dans toutes les composantes. Donc, pour cet élément-là, j'ai déjà répondu ce que j'avais à répondre.
M. Bonnardel: Maintenant, M. le Président, 30 secondes.
Le Président (M. Paquet): 15 secondes.
M. Bonnardel: Est-ce que, M. Rousseau, il y a un problème d'éthique à être président de la Caisse de dépôt, préparer son transfert dans une entreprise privée? Est-ce que vous accepteriez ça, que vos employés en arrière soient en train de se préparer un transfert à l'extérieur et d'être payés par la Caisse de dépôt? Est-ce qu'il y a un problème d'éthique?
M. Rousseau (Henri-Paul): Je n'ai pas préparé...
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le Président. Je n'ai pas préparé mon transfert. Vous devez savoir que, quand vous êtes dans un emploi... Moi, en ce qui me concerne, en tout cas, j'ai été approché pour plusieurs travaux, plusieurs opportunités que j'ai eues pendant les années que j'ai été dans différents travaux. Le problème d'éthique se pose à une place: lorsqu'on prend la décision, la décision qu'on accepte la proposition. Les négociations se sont faites de telle sorte que c'est le 30 mai que j'ai démissionné, et c'est le 28 mai, je suis très clair, et ma journée du 28 au 30, je m'en souviens très bien, ce que j'ai fait, je n'ai fait absolument rien d'autre que de m'assurer que le président soit au courant dès le départ, et, la journée du 29 mai, on l'a passée sur une question: Comment va se faire la suite des choses? Et c'est là qu'on a décidé des événements que je vous ai donnés.
Donc, je n'ai pas fait aucun bris d'éthique. Plus que ça, j'ai tenu à ce que mon emploi futur soit distancé de plusieurs mois, de plusieurs mois. Contrairement à certains autres qui ont occupé des postes publics et sont allés directement dans le privé, j'ai tenu à distancer les choses. J'ai quitté le 30 mai. Jusqu'à la fin d'août, je n'occupais aucune fonction à la caisse, sauf celle de conseiller pour le papier commercial, avec M. Crawford. Et, du 30 août jusqu'au mois de décembre, je n'étais pas chez Power, j'ai donc été à l'extérieur. Et ce que je voulais faire là, je voulais faire une distance. Pourquoi? Pour que toute l'information que j'avais ne soit plus valide.
Le Président (M. Paquet): Merci.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je dois vous dire qu'avec la crise financière qui a eu lieu je n'avais plus aucune connaissance de la caisse quand je suis rentré chez Power en janvier.
n(11 h 50)nLe Président (M. Paquet): Merci. Je reconnais maintenant, pour une période maximale de 10 minutes, ce matin, M. le député de Mercier.
M. Khadir: Merci, M. le Président. Bonjour à tous mes collègues. Bonjour, M. Rousseau. D'abord, je pense que, si on est ici, tout le monde, et j'espère, en fait, je crois qu'il y a la même... j'ai déjà entendu la même profession de foi de la part de tous les partis à l'Assemblée nationale sur l'importance de la caisse dans le développement économique du Québec, au-delà de ça, dans l'idée que se fait un peuple de lui-même, de ses capacités, de ce dont il a besoin pour assurer totalement sa souveraineté économique, son indépendance, sa force, d'avoir confiance en quelque sorte pour agir sur son destin, ne pas être voué... sans défense, être à la merci des puissances financières qui sont importantes, qui aujourd'hui se mesurent aux États dans les mêmes proportions, avec les mêmes capacités.
Autrement dit, si on est là, dans le fond, c'est pour faire en sorte que ce qui est arrivé à la caisse, ou le passage... votre passage à la caisse et celui de votre... de celui qui va vous remplacer, de celui qui vous remplace actuellement, M. Sabia, ne soit pas instrumental, ne soit pas responsable du démantèlement, du démembrement ou de l'affaiblissement de la caisse, mais qu'on apprenne de ces erreurs pour faire de la caisse le véritable instrument de développement économique du peuple québécois qu'on s'attend.
Je suis sûr, M. Rousseau, vous n'aimeriez pas, au bout de l'exercice, au bout éventuellement d'une enquête publique sur ce qui s'est passé à la caisse, que l'histoire retienne de vous et de M. Sabia comme ayant été les fossoyeurs de la Caisse de dépôt et de placement du Québec.
Vous étiez banquier, vous êtes maintenant au sommet ou enfin dans la direction de Power Corporation, une multinationale tentaculaire, qui a un pouvoir économique et politique considérable dans ce pays. Vous êtes donc de la race de ces élites économiques que les évangélistes du libre-marché érigent en gloire, chantent la gloire, mais qui sont devenues ces nouveaux monarques qui se croient tout permis et au-dessus de tout jugement. Et comme, malheureusement, j'imagine, M. Rousseau ne s'attend pas à un quelconque compromis de la part de nous sur ce qu'on pense vraiment, on est ici dans la Chambre du peuple et on doit dire ce qu'on pense.
Alors, je pense malheureusement que, comme souvent l'arrogance et le mépris cachent une certaine lâcheté, vous avez préféré démissionner au milieu de la tourmente, vous cacher...
Le Président (M. Paquet): Question de règlement. M. le député de Montmorency.
M. Bernier: Question de règlement, M. le Président. Écoutez, je sais qu'il y a peu de temps, je vais aller très rapidement, mais je pense qu'à un moment donné il y a une limite, là, qu'il ne faut pas franchir. Alors, je pense que de porter des accusations de ce genre-là, il y a quand même une réglementation en ce qui regarde les mots à utiliser. Il faudrait quand même que ce soit respecté. Qu'il pose sa question, je suis parfaitement d'accord avec ça, mais il y a quand même un respect à avoir.
Le Président (M. Paquet): Alors, j'invite l'ensemble des parlementaires, comme ça s'est déroulé jusqu'à maintenant, de garder la prudence. Il y a des mots qui sont non parlementaires entre parlementaires, ils ne sont pas plus parlementaires si on les utilise avec des témoins. Alors donc, on peut manifester des opinions, des différences d'opinions très fortes, c'est légitime, c'est le respect des parlementaires, mais j'inviterais l'ensemble des députés, dont le député de Mercier, à la prudence dans les termes employés, sinon je devrai vous rappeler à l'ordre si des mots non parlementaires sont employés. Alors, M. le député.
M. Khadir: J'estime que M. Rousseau est assez grand pour se défendre, mais d'accord.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Mercier, un instant!
M. Khadir: J'accepte...
Le Président (M. Paquet): M. le député de Mercier.
M. Khadir: J'accepte, alors...
Le Président (M. Paquet): M. le député, un instant, je vous donnerai la parole dans un instant. Je vous rappelle, M. le député de Mercier, comme pour tous les parlementaires, je dois, en tant que président de la commission, demander à ce que les termes qui sont employés soient parlementaires. Ça, c'est une obligation qu'on a comme député, tous et autant que nous sommes. Il faut exprimer avec la plus grande conviction, la plus grande force des visions différentes les uns des autres, mais ça peut se faire dans le respect, et je vous inviterais, par respect de l'institution, de respecter la réglementation et la règle que je me dois de faire respecter. M. le député de Mercier.
M. Khadir: Alors, vous avez donc manqué, je dirais, tout le courage nécessaire pour rester dans la tourmente. Vous avez préféré vous mettre dans la réserve du secteur privé pour vous soustraire au jugement du public et éviter de rendre des comptes à la population, à ses représentants, jusqu'à ce que finalement vous avez été forcé par les événements de vous expliquer, et alors, à ce moment-là, vous avez encore choisi le confort de vos amis de la Chambre de commerce de Montréal pour nous expliquer comment vous avez joué et perdu 40 milliards des épargnes de notre peuple.
Pour illustrer, s'il en fallait plus, ce que j'appelle quand même un mépris profond pour les intérêts de notre nation, c'est que vous avez refusé ce que plusieurs vous ont demandé gentiment, à mots couverts, plus directement, c'est-à-dire de renoncer à votre prime de départ, comme vient de le mentionner mon collègue de Shefford. Vous comprendrez alors qu'il est assez difficile pour le peuple en général, ou pour ses représentants d'ici, de ne pas mettre ça sur le compte... ce comportement sur le compte d'une certaine culture ? aux États-Unis, maintenant, on le reconnaît, c'est dit sur la place publique ? la culture de la cupidité qui a régné dans les milieux financiers américains et qui a malheureusement déteint sur aussi nos milieux financiers, nos banquiers qui, à l'exemple malheureusement des patrons américains sans vergogne, donnent tous les droits à ces chefs d'entreprise, y compris celui de donner des primes et des bonus, qu'ils soient compétents ou incompétents, qu'ils fassent fortune, la fortune du public ou qu'ils ruinent les déposants ou les petits actionnaires de leurs compagnies.
Je crois d'ailleurs que c'est assez peu rassurant, et ça m'emmène à ma question: Pour les petits actionnaires de Power Corporation, de savoir que quelqu'un qui a négligé les intérêts de ses déposants quand il était dans le secteur public...
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Khadir: ...peut avec autant de légèreté penser qu'il est au-dessus de toute responsabilité? Parce qu'à chaque fois qu'on vous en a parlé, par exemple le 9 août 2007, c'était la tempête parfaite, c'était un moment fatidique comme une calamité du ciel que personne n'aurait pu prédire. Or, vous le savez, et je suis sûr que vous le savez si, moi, je le sais, depuis des années, depuis au moins 10 ans, les exemples foisonnent à travers le monde comment cette spéculation peut mener à la ruine des déposants, des petits épargnants, du public en général.
En 1992, nul autre que Galbraith, de Harvard, a écrit un livre qui a fait école, Euphorie financière, qui explique l'histoire des crises financières successives depuis quatre siècles. Vous devez être au courant. Si un néophyte comme moi est au courant, vous devez être au courant de ça, que l'entreprise de spéculation et la recherche du profit maximum conjuguées aux bonus... En plus, vous nous dites que les bonis...
Le Président (M. Paquet): M. le député de Mercier.
M. Khadir: Juste un moment.
Le Président (M. Paquet): Excusez-moi. Non, sur le temps de la présidence. Il faut mentionner qu'il reste trois minutes.
M. Khadir: J'y arrive.
Le Président (M. Paquet): Et, selon l'entente que vous avez eue au niveau des partis d'opposition...
M. Khadir: On poursuivra dans le 10 minutes qu'il me reste. Vous m'avez amputé de quelques instants.
Le Président (M. Paquet): Non, je ne vous ai pas enlevé aucun temps, M. le député, je préserve votre 10 minutes. Les temps de questions de règlement ne sont pas sur votre temps, sur le temps de la présidence. Sauf que je vous indique qu'en conformité de l'entente que vous avez avec les autres partis de l'opposition vous disposez ce matin de 10 minutes, incluant réponses et questions.
M. Khadir: J'y arrive.
Le Président (M. Paquet): Donc, il reste présentement trois minutes maximum pour une période de questions encore ou de réponses, si vous souhaitez avoir une réponse de M. Rousseau.
M. Khadir: M. le Président, notre oeuvre est collective. Il y a des commentaires, il y a une analyse des réponses qui ont été fournies.
Le Président (M. Paquet): ...après le consentement.
M. Khadir: Je compte aussi bien sur les députés de la partie gouvernementale que de mes collègues, d'accord? Alors...
Le Président (M. Paquet): Donc, il reste moins de trois minutes. M. le député de Mercier.
M. Khadir: Très bien. Alors, vous dites que les bonus n'ont rien à faire là-dedans, que les bonis au rendement n'ont rien à faire. Alors que toute la planète, en Europe comme aux États-Unis, y compris le président américain, tous les experts s'entendent à dire que ces politiques de rémunération des patrons et les bonus au rendement sont une partie centrale qui explique la crise financière aujourd'hui, vous refusez encore de le reconnaître.
Tout ceci étant dit, vous avez, et ça, je vous rends grâce pour ça, vous avez fait une assermentation avant de témoigner. Je voudrais vous poser la question suivante: Avant de rentrer à la caisse en 2002, est-ce que vous aviez des liens d'amitié avec la famille Desmarais ou un quelconque lien d'affaires, à titre personnel ou dans vos activités, avec Power Corporation?
Le Président (M. Paquet): Il reste 1 min 30 s, M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Merci. Comme tous les dirigeants d'entreprise... La famille Desmarais est connue de tout le monde, et mes liens d'amitié ou de relations avec les Desmarais, avec les Péladeau, avec les Coutu, avec la famille Bombardier... Je suis dans le milieu des affaires depuis des années et je connais beaucoup de monde.
Je voudrais faire simplement une remarque à tous les Québécois à qui, un jour, quelqu'un va demander d'être un employé, un vice-président, un directeur ou président de la caisse, je voudrais leur dire que, s'ils ont la compétence et s'ils ont le goût, d'aller quand même le faire pour servir leurs concitoyens, malgré tout ce qui peut être dit et entendu après qu'on l'ait fait de bonne foi et de lourds sacrifices. Dans mon cas, j'ai laissé des millions de dollars, quand j'étais payé, pour venir servir les Québécois parce qu'ils m'avaient bien servi comme jeune.
Et ce n'est pas vrai qu'on va laisser attaquer les gens, les gens qui ont fait les travaux à la caisse avec moi, comme tous mes prédécesseurs. Ils étaient de bonne foi. Et, quand j'ai dit dans ma conclusion qu'ils travaillent au développement du Québec, c'est parce que chacun d'eux fait des sacrifices. Les gens à la caisse doivent accepter d'être moins rémunérés que les autres. Ils le font. Même s'ils sont bien rémunérés que beaucoup d'autres fonctionnaires, mais ils sont en bas du marché, ils le font parce qu'ils croient à ce qu'ils font et, tous les matins et tous les jours, ils le font au bénéfice des Québécois parce qu'ils savent qu'ils ont un rôle formidable que d'assurer des rentes et des assurances de qualité. Mais c'est devenu risqué de faire ce métier et ces positions parce que la chose publique est devenue plus difficile.
Et je suis conscient, M. le Président, qu'il y a une crise de la finance, qu'il y a un procès de la finance, mais il ne faudrait pas que le procès de la finance fasse en sorte que la caisse ne soit plus capable de recruter des gens de qualité.
n(12 heures)nLe Président (M. Paquet): Mme la députée de Pontiac.
Encadrement de la
gestion du risque (suite)
Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président. Bonjour, les collègues. Bonjour, M. Rousseau. Je vais revenir avec le comité de gestion des risques. On en a parlé beaucoup, M. D'amours en a parlé. M. D'Amours nous a parlé du cheminement à partir de 2002-2003, de la mise sur pied du comité. M. Guay en a parlé, vous en avez parlé tantôt. Puis j'ai quelques questions, dont la première: Tantôt, au niveau des PCAA, vous avez dit: On avait mis un encadrement, on connaissait les fonds, on avait des balises de sécurité, mais c'est comme un arbre, on a comme oublié de regarder, dans le fond, le coeur de cette opération-là. C'est comme ça que je l'ai interprété. Vous avez mis, suite à ce qui s'est passé aussi, un comité de vigie pour essayer de suivre et que ça ne se reproduise pas.
Jusqu'à votre départ au mois d'août, est-ce que vous pouvez nous donner des exemples de bons coups? Il doit y avoir eu, dans ce comité... Dans la mise sur pied du comité de gestion des risques, il doit y avoir eu des bons coups qui se sont passés. Est-ce que vous pouvez nous en parler, s'il y a eu des bonnes réalisations? Puis quelles ont été les lacunes pour qu'on arrive à cette perte faramineuse? Quelles ont été les grandes lacunes qui a fait qu'aujourd'hui on est ensemble à se questionner et à s'assurer que ça n'arrive plus?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, madame. Plusieurs choses. Sur le PCAA, je vais reprendre mon analogie, quand je vous ai dit... C'est qu'on avait toute la forêt des liquidités mais on n'avait pas, dans nos systèmes, un agrégat qui aurait dit: Vous avez tant dans le PCAA de tiers. C'était: Est-ce que c'est du AAA? Oui. Est-ce que ça a été diversifié comme sous-jacent? Est-ce qu'on a plusieurs compagnies qui supportent ça? Oui, très diversifié; donc, s'il y en a une qui fait défaut, ça n'entraîne pas le défaut de l'autre. Est-ce qu'on est protégés? Oui, il y a des points d'attachement très loin; avant qu'on soit frappés, il y a beaucoup de monde avant nous qui vont être frappés. Est-ce qu'il y a une diversification d'émetteurs? Oui. Est-ce que le marché est en croissance? Oui, c'est un marché qui est porteur. Est-ce qu'il a bien résisté aux crises d'avant? Oui. Est-ce qu'il n'y a pas eu des défauts depuis que ça existe? Non, il n'y a pas eu de défaut. Est-ce que les échéances sont longues? Non, elles sont courtes. Donc, comme j'ai dit tantôt, c'était comme ça.
Il faut comprendre que la distinction entre le papier bancaire et non bancaire, elle s'est cristallisée dans la semaine du 13 au... à la fin d'août, lorsque... Et je vais vous donner des communiqués de presse émis par les banques à cette époque. C'est en fait la période du mois d'août où elles ont annoncé que dorénavant leur façon de gérer le papier commercial serait sur la base de ce qu'on a appelé des ententes de liquidité globales. Et c'est le 21 août que les six banques canadiennes ? 21 août ? émettent un communiqué conjoint, toutes les banques ensemble ? un fait rare que les banques ensemble émettent un communiqué ? qu'elles vont supporter le papier commercial qu'elles ont émis.
Pourquoi elles disent ça, les banques? C'est très important, messieurs dames, ce point-là, majeur. Les banques font ça le 21 août. Et rappelez-vous que, le 9 août, le gouverneur de la Banque du Canada avait dit: Nous, la Banque du Canada, on va supporter la liquidité. Et, le 21, les banques disent soudainement: Oubliez le texte sur la liquidité, il n'est plus important; nous, les banques, on prend l'engagement formel, au su et au vu de la planète, qu'on va supporter ce papier-là. Ça, c'est là que la cristallisation s'est faite en papier bancaire et non bancaire, parce que, quand vous regardez les documents, les deux documents, bancaires, non bancaires, avaient les mêmes textes.
Donc, l'erreur qu'on a faite, nous, c'est de penser que, parce qu'il y avait les mêmes textes... Et ça, c'est fondamental dans la compréhension, madame... M. le Président, pardon, c'est fondamental. Parce qu'il y avait les mêmes textes légaux, les gens qui ont évalué le risque ont pensé que ce serait la même chose, parce que les contrats étaient semblables sur la partie des papiers commerciaux qui étaient traditionnels. Je ne parle pas des extensibles, qui est autre chose, mais, dans ceux-là, c'était comme ça. Donc, l'apparence que c'était, à sa vue même, la même légalité, ça ne vous dit pas que, si un jour ça va mal, il y en a un qui va fonctionner puis l'autre ne fonctionnera pas, mais c'est ce qui est arrivé. Donc ça, c'est la partie la plus précise que je peux vous donner pour la réponse pourquoi les gens ont fait cette erreur-là. Mais cette erreur étant faite, dans les systèmes de la caisse, on n'avait pas de recensement spécifique à cette sous-catégorie-là.
Deuxième question que vous m'avez posée, c'était concernant les bons coups. C'est paradoxal pour moi qui ai travaillé pendant des heures, pendant les cinq ans et demi que j'étais là, à mieux encadrer les activités de placement puis à éviter justement que ce soit mal encadré puis qu'il y ait des événements comme il arrive. Puis vous ne pouvez pas avoir un homme plus malheureux que moi de cet événement-là. Les efforts qu'on avait faits, c'était assez monstrueux. De recruter rapidement de six à 25 personnes, dans le risque, qui ont des doctorats, des maîtrises, de l'expérience, de mettre sur pied un système de conformité...
On m'a accusé d'avoir la mentalité bancaire. Dans une banque, là... Pourquoi les banques canadiennes sont bien gérées puis elles n'ont pas eu de trouble? C'est parce qu'elles sont bien réglementées, elles sont bien encadrées, puis le risque est fort. Puis honnêtement, là, je n'ai aucune honte à avoir été banquier avant d'arriver à la caisse parce que ça m'a aidé beaucoup à encadrer l'activité. Mais ce n'était pas une mentalité bancaire ? des fous de la finance, là, comme on a dit, ce n'est pas ça ? c'était de faire le métier, au service des Québécois, de façon encadrée. Donc, on a fait beaucoup d'efforts pour encadrer l'activité.
Dans le risque, la conformité, les rapports aux déposants, le comité de gestion de risques, tout ça était nécessaire parce que, d'une part, la caisse avait besoin d'encadrement, mais elle avait surtout de grands pouvoirs de placement, et il fallait rééquilibrer ça. Et le paradoxe, c'est l'endroit où on a perdu 6 milliards non matérialisés, donc les moins-values ? pas encore perdues, c'est des pertes potentielles, mais elles ne sont pas reconnues, il y a juste 180 millions de pertes. L'endroit où on se fait frapper fait la grosse différence dans le débat. Parce que, je suis convaincu, s'il n'y avait pas eu le PCAA, on ne serait pas ici. Mais l'endroit où on se fait frapper, c'est dans notre compte de chèques. C'est-y pire que ça? On ne s'attend pas à ce que, quand c'est coté AAA puis qu'on met de l'argent de côté comme on en a mis... Puis pourquoi on avait beaucoup d'argent? C'est parce qu'on a besoin de liquidités, à la caisse, pour faire face à tous les besoins et de nos déposants mais aussi de nos activités. Et on se fait frapper dans l'endroit où personne ne soupçonne où on devrait se faire frapper. C'est paradoxal. Ça, c'est le 4 milliards.
L'autre place: dans le change. Pendant des années, ça a été une politique extrêmement bonne pour la caisse. Ce n'est pas une politique de spéculation, c'est une politique de protection. Mais la journée où le dollar canadien se fait frapper comme jamais il ne l'a été pendant 20 ans, bang! 20 % sur 20 jours. C'est là que ça arrive que la prime d'assurance coûte très cher puis ça coûte un autre 4 milliards. Vous avez là l'essentiel de la différence. Le reste... Et c'est pour ça que j'ai dit que c'était l'alignement des planètes. M. D'Amours a parlé d'un mauvais sort. C'est vrai, ces affaires-là. Ce n'est pas des menteries, c'est ça qui est à... C'est pour ça qu'on a un débat, mais il faut que la population le comprenne, qu'il y a eu ces deux événements-là qui sont majeurs.
La caisse a des meilleurs processus qu'elle n'a jamais eus, elle a des bonnes équipes, et je finirais, madame, ma réponse en vous disant que ses actifs, la qualité de ses actifs... Comment vous mesurez si un actif est bon ou il n'est pas bon, finalement? Vous tous, vous avez quelques dépôts bancaires, vous avez quelques placements. Quand vous regardez si c'est bon ou pas, qu'est-ce que vous regardez? C'est comment ça rapporte, comment ça vous rapporte.
Bien, allez à l'acétate que je vous ai fourni, qui est l'avant-dernière, l'avant-dernière, M. le Président. Vous avez ici l'évolution des revenus courants. Qu'est-ce que c'est, les revenus courants de la caisse? C'est ses revenus, là, sonnants: les loyers qu'on reçoit, les intérêts sur les hypothèques et les obligations, les dividendes communs et privilégiés, les frais de gestion d'honoraires, les frais de transport qu'on ramasse dans le secteur des gazoducs, tous les frais courants. Vous en avez pour autour de 6 milliards, c'est deux fois plus que ce qu'on...
Vous savez une chose, là, il faut se comprendre: quand les Québécois arrivent à leur retraite, ils ont besoin qu'un chèque soit fait. Où est-ce qu'ils vont le prendre, l'argent? On va-t'y vendre les actifs de la caisse? Il va falloir que ce soit le cash qui rentre, c'est ça qui compte, combien d'argent rentre dans le cochon. Parce que, quand ça rentre, cet argent-là, c'est du vrai cash, ce n'est pas les normes comptables. Ce montant-là, c'est ça qui va payer nos retraites puis nos prestations. Puis c'est pour ça qu'il est important... Puis c'est pour ça que la caisse a une qualité d'actif fantastique parce qu'elle fait aujourd'hui autour de 6 milliards de revenu, alors qu'elle en faisait trois. Puis c'est pour ça qu'il fallait qu'elle soit grande et performante pour faire de l'argent, pas pour la caisse et ses dirigeants, pour les Québécois qui vieillissent, qui vont avoir besoin de prendre leurs pensions, de payer les polices d'assurance automobile et de payer en sorte que, quand le travailleur est blessé, il puisse avoir sa police d'assurance. C'est ce à quoi sert cet argent-là, ça ne sert pas à d'autres choses que ça et c'est pour ça qu'il faut que ce soit payant pour les déposants.
n(12 h 10)nLe Président (M. Paquet): Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: Ceci étant dit, vous êtes convaincu. Et il reste que je veux revenir au niveau des lacunes. Si on a connu ce résultat-là, c'est qu'il y a des lacunes. Il y a eu des lacunes, il y a eu un mandat qui a été donné à une firme pour analyser et tenter de comprendre. Sans dévoiler... Comme ce document-là est non disponible, je suis convaincue que le mandat qui a été donné a identifié certaines lacunes, a peut-être identifié ne serait-ce qu'une qui a fait qu'aujourd'hui on se retrouve ici. J'aimerais ça que vous nous en parliez. C'est quoi, les plus grandes lacunes qui ont fait que vous avez demandé à une firme de vous aider à comprendre les événements ou à saisir qu'est-ce qui a fait qu'aujourd'hui on est rendus là?
Vous avez dit que, bon, le mandat, c'était l'amélioration, la conformité, comparer les pratiques avec les meilleures. Bien, habituellement, quand on veut se comparer ou bien qu'on essaie de comprendre, on veut s'améliorer, c'est qu'il y a une faiblesse dans notre système qu'on arrive difficilement à identifier par nous-mêmes et souvent on va chercher des gens qui vont nous aider à le faire.
Ça fait que j'aimerais ça que vous puissiez nous faire part des lacunes qui ont mené à ces pertes-là. Même si vous nous dites: C'est le contexte économique mondial, tout le monde a perdu, il reste un fait, nous avons perdu plus que les autres. Et ça, c'est la réalité. Et ça, c'est ce que les gens nous demandent: Qu'est-ce qui s'est passé? Pourquoi ça s'est passé? Je suis convaincue que vous avez certaines réponses à ces questions-là pour que les gens qui aujourd'hui écoutent, les gens qui vont avoir des retraites ou qui sont des retraités, pour qu'on puisse dans le fond finir cette commission-là en les ayant rassurés, en pouvant leur dire que les mesures appropriées pour tenter que ça ne se reproduise pas sont en place.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, madame. J'aimerais préciser que, sur les 40 milliards passés aux états financiers, il y a 22,4 milliards qui sont des provisions, des moins-values non matérialisées, et je souhaite et demande qu'il y ait un suivi de ça. Ce n'est pas petit. Si 40 milliards, ce n'est pas petit, 22,4, ce n'est pas petit non plus, c'est plus que la moitié. Puis il faut qu'il y ait un suivi qu'est-ce qui va arriver à ces provisions-là, parce que c'est gros. Il faut réaliser que le montant qui est mis de côté, là, il faut savoir ce qui va lui arriver. Donc, quand on dit qu'on a perdu 40 milliards, je dis: On a eu des moins-values de 40 milliards, un montant matérialisé, 22,4 non matérialisé, dont quatre dans le papier commercial cette année, et puis le reste, beaucoup dans les portefeuilles, comme on a parlé, l'immobilier. Je veux juste préciser ce point-là.
Votre question, c'est: L'exercice du papier commercial nous a donné des leçons. En fait, aujourd'hui, on sait qu'il y a eu le papier commercial, mais aussi il y a eu la crise, qui n'est pas terminée, du secteur financier, et cette crise-là va amener des bouleversements majeurs dans l'industrie financière, c'est déjà commencé. Donc, vous pouvez tout de suite vous attendre à ce qu'il y ait une partie des choses que la caisse faisait d'une certaine façon, qui étaient les normes de l'industrie, qui ne sera plus faite de la même façon, indépendamment de qui est président de la caisse, et qui est responsable de la caisse, et qui est ministre des Finances.
Le secteur financier est en train de connaître des changements radicaux sur les produits et sur la façon dont c'est opéré. Le principal changement a trait au fait qu'avant on réglementait les marchés; après ça, on a réglementé les institutions; et là on s'en va dans une réglementation de produits. Regardez la similitude très grande. L'erreur de la caisse, c'est de ne pas avoir mis de limite sur un produit, puis toute l'industrie s'en va vers ça. Et, si vous faites le tour des travaux du G20, vous faites le tour de ce qui se fait à la Banque mondiale, ce qui se fait au Fonds monétaire international et tous les efforts qui sont faits par les organismes de réglementation, on s'en va vers un encadrement de produits.
Et un exemple concret de ça, aujourd'hui jusqu'à des années, lorsque vous faites des transactions entre deux contreparties, deux banques, par exemple, ou la caisse avec une banque, très souvent, la transaction est faite par un contrat entre les deux, et, ce contrat-là, on appelle ça des ententes de gré à gré. Bon. Il y a beaucoup de transactions, dans le monde financier, qui sont faites par produits de gré à gré comme ça. Ce monde-là, là, est en train de disparaître parce qu'on va s'en aller dans un monde où les transactions vont être sur des échanges organisés de produits, comme la Bourse de Montréal qui fait les produits dérivés, mais pour l'ensemble des produits. Je donne ça comme exemple, O.K.? Donc, première chose qui va impacter la caisse dans sa gestion de risques: l'univers dans lequel elle opère va changer les règles du jeu, les transactions vont changer.
Deuxième chose. À l'intérieur de la caisse, M. Sabia l'a déjà annoncé, il va augmenter le nombre de personnes, comme j'ai fait. Je suis passé, moi, de sept, huit à 25. Puis il a annoncé, je pense, qu'il augmenterait d'un autre 20 personnes. Heureusement que... J'espère qu'il va pouvoir les trouver le plus vite possible. C'est ça, la rareté. Pourquoi? Parce que PSP, à Montréal, Mouvement Desjardins, la Banque Nationale, la Bourse de Montréal, la Banque fédérale de développement, l'Université de Montréal, l'Université McGill dans leur fondation, tous les gens qui font de la gestion de portefeuille à Montréal cherchent tous la même chose: du personnel qualifié et d'expérience dans la gestion de risques. C'est rare. Pourquoi? Parce que là il y a une demande phénoménale. Puis là il va y avoir beaucoup de monde dans les universités qui vont étudier dans ça, mais c'est dans sept, huit ans qu'ils vont être là, mais ils n'auront pas l'expérience non plus. Donc, là, on a un problème majeur, rareté de personnel, qui est le principal problème. Ce qui est à faire ? c'est assez connu ? c'est, d'abord et avant tout, d'avoir plus de monde pour encadrer l'activité.
Troisième élément de ma réponse. Donc, le marché va changer, le nombre de personnes aussi. Troisième chose qui va changer, c'est le fait que les gestionnaires, qui sont le premier niveau de gestion de risques... parce que le gestionnaire, il a un mandat de gérer les avoirs à l'intérieur d'une politique et essayer de faire mieux que son indice, qui n'est pas nécessairement le marché, mais essayer de faire mieux. Il a un objectif. Cet encadrement-là va être le premier niveau.
On a le deuxième niveau, des gens qui suivent ces transactions-là au quotidien, puis un troisième niveau, qui les suivent après. Puis le quatrième niveau, bien, c'est rendu au conseil, au niveau du président. Ça, c'est trop tard, il faut pogner ça avant, O.K.? Il faut que ça arrive avant. Et, pour que ça arrive avant, il faut donc que les équipes qui sont dans la gestion de risques au quotidien soient assises à côté de la personne, physiquement à côté. Et ça, c'est nouveau. Ça, ça va changer, et c'est déjà le cas dans plusieurs... d'avoir l'encadrement autour de la personne. Pourquoi? Pour qu'il y ait... Au moment de la transaction, l'évaluation du risque est faite en même temps que l'opportunité que représente la transaction.
Curieusement, M. le Président, dans les activités comme le placement privé, comme l'immobilier, on ne fait pas ça comme ça. Ces activités de transaction là ne sont pas faites rapidement, c'est des dossiers ça d'épais. Je vous donne un exemple. Typiquement, dans une transaction importante dans l'immobilier, le dossier va venir au comité de gestion de risques de la caisse trois, quatre fois, deux, trois fois après avoir passé au niveau des filiales. Ensuite, il va venir à mon niveau. Je participe au comité, puis là, si jamais je suis d'accord à y aller, on va présenter ça au comité de gestion de risques, puis ensuite, on va aller au conseil, puis généralement, si c'est un gros dossier, on recommence. J'ai souvenir de transactions qui sont allées au conseil sept, huit fois parce que les transactions sont importantes, complexes et on veut s'assurer d'avoir tout vu.
Dans le secteur des marchés liquides, cette dynamique-là... parce que le marché... Et ça, vous êtes à la chasse au canard, hein? Le canard passe, si vous ne tirez pas, il est trop tard. C'est comme ça que ça se fait quotidiennement dans le marché. Donc, il faut trouver une façon pour que toutes les évaluations soient faites plus vite. Et ça, là-dessus, quand M. Sabia disait: Je vais augmenter le nombre de personnes, c'est d'abord augmenter le nombre de personnes autour de la gestion des portefeuilles quand les gens sont là, et c'est pour ça qu'il a procédé, comme plusieurs autres sont en train de le faire dans l'industrie, d'augmenter.
Vous m'avez parlé des bons coups. La gestion de risques a ceci de particulier: si on fait des bons coups, ça ne paraît pas. Pourquoi? Si vous avez bien géré votre risque, il ne se passe rien. Les rapports que vous avez, ils disent: Bien, c'est conforme; c'est conforme, puis ça fait des rapports qui ont des petits crochets. Bon. Mais tout ça fait en sorte que... Je vous donne un exemple: Il y a plusieurs institutions financières qui ont fait faillite entre le mois de septembre 2008 et mars 2009. Plusieurs. Pas au Canada, mais aux États-Unis et ailleurs en Europe. Jusqu'à maintenant ? c'est formidable ? la caisse, qui transige avec beaucoup de contreparties, n'a pas été prise dans aucun problème. Alors, ça veut dire que ce qu'on a fait autour de 2004, de commencer à recruter des gens dans ce qu'on appelle le risque opérationnel... C'est quoi, le risque opérationnel? C'est que la transaction, elle part de a à z, il faut qu'elle soit faite d'une façon; puis là, ça, il faut que ce soit encadré puis il faut que ce soit informatisé, il faut que ce soit vérifié. Alors, le risque opérationnel, on a créé ce secteur-là et c'est lui qui est un peu responsable de vérifier: Oup! telle contrepartie, quelle est l'allure de leur situation, et, quand ça arrive, est-ce qu'ils traînent dans le règlement?
n(12 h 20)n Je vous donne un exemple. La caisse fait une transaction avec une contrepartie d'une société en Europe. L'entente, c'est qu'il y a un échange d'obligations pour un échange d'un sous-produit. Ça, ça donne lieu à une transaction, et le règlement de cette transaction-là, il ne se fait pas la même journée, il se fait lorsque le dénouement du contrat se fait. Mais il y a des institutions financières qui sont lentes à faire le règlement. Alors, on a mis en place un système que, tous ceux qui étaient lents, on les recensait: après une journée, deux jours, trois jours. Puis on avait ceux qui étaient très lents. Et on escaladait, dans l'organisation, les problèmes, puis jusqu'au jour où, de temps en temps, on me disait: Vous allez appeler le président de telle compagnie pour dire que, s'ils ne font pas le règlement plus tôt, on va arrêter de faire affaire avec eux. C'est un exemple que je vous donne, madame.
Le Président (M. Paquet): Merci. Ça conclut ce bloc. Je reconnais maintenant M. le député de Nicolet-Yamaska. Étant donné que nous avions commencé à et trente-trois, je suggère, s'il y a consentement, qu'on poursuive jusqu'à et trente-trois, on aura fait nos trois heures ce matin. Consentement? Alors, M. le député de Nicolet-Yamaska.
Règles comptables appliquées par la caisse
M. Aussant: Merci. Juste avant de revenir au PCAA, j'aimerais faire un petit commentaire rapide pour peut-être préciser certaines choses. À la page 4 de la déclaration de M. Rousseau, il parle des règles comptables que la caisse utilise, que les pairs n'utilisent pas de la même façon et qui peut expliquer environ 2 milliards des pertes de cette année. Mais il faut aussi être rigoureux et cohérent que les mêmes règles comptables qui ont nui à la caisse cette année par rapport aux pairs ont bien aidé la caisse dans les bonnes années. Donc, les mêmes règles comptables qui nuisent en mauvaise période gonflent les résultats en bonne période.
M. Rousseau (Henri-Paul): Est-ce que je peux...
M. Aussant: Et donc, quand on nous ramène toujours aux cinq bonnes années de la caisse, c'est les mêmes règles comptables qui aidaient aussi la caisse. Donc, je voulais juste faire un point de cohérence là-dessus, et je passerais au PCAA.
Gestion des risques relatifs
aux PCAA (suite)
Et, en lien avec la gestion du risque des PCAA, M. Rousseau nous a mentionné qu'il y avait une certaine diversification entre les émetteurs et la provenance des PCAA et que c'était en ligne avec une gestion de risques, disons, de base. Sauf qu'on sait très bien que les actifs sous-jacents au PCAA n'étaient pas connus des investisseurs. Donc, ma question, c'est: Comment pouvait-on prétendre diversifier quelque chose dont on ne connaissait pas du tout les sous-jacents?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je vais répondre à votre dernière question parce qu'elle est plus facile. À la caisse comme dans d'autres organisations que vous avez connues, les décisions ne sont pas faites en haut, elles sont faites de façon décentralisée. Et les gestionnaires qui ont investi respectaient la politique de la caisse au niveau des contraintes qu'on imposait sur les émetteurs et sur ce qu'on a appelé les sponsors, ceux qui fournissaient.
Et la qualité des actifs sous-jacents, là vous parlez, vous, des... ou des instruments qui étaient effectivement... Dans ce cas-là, ce n'était pas le cas, mais le document de M. Bergeron montrait clairement la grande diversité. S'il y a une chose qu'on ne peut pas nous reprocher, c'est d'avoir réparti le portefeuille entre tous les émetteurs avec des dates différentes. Il y avait énormément de diversification du risque de crédit. Le problème était celui qu'on a soulevé du risque... de qualité de liquidités.
Règles comptables appliquées
par la caisse (suite)
Je revois... Je pense que votre premier commentaire est le plus important dans votre question. Vous avez tout à fait raison que les règles comptables jouent en plus et en moins. Et je suis content de la question. Dans les règles comptables qui s'appliquent à la caisse, justement parce que les évaluations sont faites... On parle ici surtout des immeubles et des biens qui sont non liquides, où ça demande une évaluation. Une des raisons pourquoi je suis à l'aise avec le commentaire qu'on fait, c'est qu'au cours des années le pourcentage de nos actifs réalisés était très élevé. Et, dans l'onglet sur le portefeuille Immobilier, on vous signale que, dans les 16 trimestres précédant l'année 2008, les derniers trimestres, là, la caisse réalisait des transactions de ventes, et on parle de revenus courants et de ventes réalisées à hauteur de 75 %, 80 %.
Justement... Parce que, moi, quand m'arrivaient du bureau du Vérificateur les états financiers à l'effet qu'on avait fait tant d'argent, je me dis: Ça, c'est l'évaluation. Puis le comité de vérification, M. Garcia, le premier, qui est un monsieur qui avait de l'expérience dans le secteur des placements parce qu'il a dirigé la Standard Life, il disait toujours: Henri-Paul, il faudrait bien s'assurer que les évaluations qui sont là sont les bonnes parce que, si un jour ça tourne, on veut savoir si c'est solide. J'ai dit: Vous avez raison; qu'est-ce qu'on va faire? On a fait deux choses. On disait aux gens de l'immobilier et de Placements privés: On est des investisseurs long terme mais on veut quand même que vous réalisiez des transactions sur une base régulière pour que votre pourcentage de revenus réalisés soit élevé. Puis on a monté ça à 75 %, 80 %.
Deuxième vérification qu'on faisait au comité de vérification: Sortez-nous, l'année suivante, les évaluations que vous aviez faites l'année précédente. Pourquoi? Justement parce qu'on ne voulait pas qu'une évaluation de l'année précédente avait gonflé les chiffres puis, l'année suivante, ils vendent ça 10 % moins cher. Un instant! On a vérifié ça, et en général on était heureux de constater que les évaluations de nos évaluateurs indépendants, sous l'observation du Vérificateur général, on avait 4 %, 5 % de nos ventes qui étaient supérieures à nos évaluations de l'année précédente. Donc, on avait une évaluation solide, conservatrice.
Troisième élément de la réponse. Pourquoi les écarts comptables sont importants? Quand vous avez un marché ordonné, vous voulez vendre votre appartement, votre condo, votre maison, puis le marché des hypothèques fonctionne bien, la valeur que vous allez obtenir reflète la valeur marchande, il n'y a pas de problème avec ça. Mais vous êtes dans un marché où le crédit est serré, les banques prêtent moins qu'avant, il y a une crise de liquidités. Si vous voulez vendre votre condo, ou votre appartement, ou votre maison à ce moment-là, tout le monde va vous dire: Tu es mieux de vendre quand le marché va être porteur. Pourquoi? Ils vont dire... bien, l'évaluateur va dire: Regarde, le marché a changé, là, tu as une perte possible de 25 %.
Alors, ce qu'il faut comprendre, c'est que, quand il y a une crise financière, que les marchés sont dysfonctionnels, les techniques comptables d'obliger l'institution à évaluer au 31 décembre, comme si elle liquidait ? c'est ça, le point, c'est comme si elle liquidait le 31 décembre ? forcent à prendre des dévaluations importantes. Je vous le rappelle, là: 22,4 milliards, là, ce n'est pas des pinottes, là, c'est de l'argent, c'est beaucoup d'argent. Et c'est ça qu'on a inscrit dans les livres de la caisse, c'est énorme. Et ce montant de 22,4 milliards là, ce sont des moins-values non réalisées et qui ont été faites dans l'ensemble des portefeuilles et qui influencent toute la performance de la caisse. Et, malgré ces pertes-là, la caisse a démontré que, si on enlevait le 4 milliards qui a été mis de côté, qui n'a pas encore été perdu, pas une cenne, ils sont encore très près du premier quartile. Il n'y a pas péril en la demeure, là, il y a une organisation qui est solide. Et on vous dit ensuite que ses revenus courants sont plus élevés en 2008 qu'ils étaient... sont aussi solides en 2008 qu'ils étaient en 2007. Et M. Perreault a démontré que, même dans le cas de ses immeubles, c'est... Donc, il faut bien s'entendre sur la qualité des actifs qui sont là; c'est fondamental.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Nicolet-Yamaska.
Plan de restructuration du PCAA
M. Aussant: Merci. Je vais essayer de poser des questions courtes pour avoir des réponses courtes, aussi pour en avoir plus. Au niveau du PCAA encore, est-il vrai qu'il y a des déposants, à la caisse, de plus petite taille, pour lesquels vous avez fait un transfert de PCAA ou de perte de PCAA vers les plus grands déposants?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le Président. En 2007, après discussion avec le Vérificateur général, il y a une décision qui a été prise par le conseil d'administration, après avoir consulté, du point de vue juridique, quelle était la meilleure chose à faire. Nous avions une situation extraordinaire où des déposants à court terme qui avaient un seul compte à la caisse, un seul compte à la caisse qui était valeur à court terme, ne pouvaient pas recevoir le fruit de la restructuration qui était une obligation long terme. Donc, il y avait un vide, là. Eux autres sont des déposants à court terme; ils ne sont pas des déposants à long terme, ils sont quelques-uns. Ce sont généralement de plus petits déposants que les grands déposants. Donc, la seule façon de régler cette situation-là, c'était de dire aux grands déposants: Vous allez être capables de recevoir le capital et les intérêts sur la restructuration et on va permettre aux petits déposants...
Une voix: ...
M. Rousseau (Henri-Paul): Je peux continuer? On va permettre aux petits déposants de ne pas être impactés, et on a fait le tour de chacun des déposants pour leur annoncer la nouvelle, et on a discuté avec le Vérificateur général. C'était un cas unique, vide, parce que ça ne s'était jamais vu que vous avez des déposants qui ne peuvent pas recevoir le fruit. Comment on règle ça? On l'a réglé de cette façon-là. Alors, en 2007, ça a été fait au su et au vu de tous ceux qui étaient concernés et c'est ce qu'on a appelé la clé de répartition, qui a été approuvée et qui est à mon avis la seule façon juste parce que les seuls... ceux qui sont là pour le long terme doivent aussi faire partie de tout ça.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Aussant: Donc, la conséquence de ça, ça a été que les déposants, qui sont globaux pour les Québécois, comme le régime des rentes... la Régie des rentes, pardon, la SAAQ, la CSST, ont reçu plus de risques qu'ils en avaient avant la crise pour aider les plus petits déposants de la caisse.
M. Rousseau (Henri-Paul): Pas plus de risques.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Ils ont...
M. Aussant: Plus de pertes.
M. Rousseau (Henri-Paul): Plus de... du fruit de la restructuration, c'est eux qui vont l'avoir. Ça, c'est tout à fait exact, je ne conteste pas ça.
M. Aussant: Donc, plus de pertes.
M. Rousseau (Henri-Paul): C'était une situation unique qui a demandé une solution unique et qui a été l'objet, je peux vous le dire, de beaucoup de discussions.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Aussant: Donc, est-ce que les sept grands déposants étaient tous unanimement d'accord avec cette clé de répartition là?
M. Rousseau (Henri-Paul): Il n'y a pas eu de nécessité qu'il y ait un vote parce que légalement le conseil avait cette capacité-là, d'une part; et, d'autre part, je pense qu'il y a eu des déposants qui auraient préféré que ce ne soit pas le cas, évidemment.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Aussant: Donc, c'est suite à une interprétation de la loi de la caisse, par la caisse, que vous avez fait ça?
M. Rousseau (Henri-Paul): Par la caisse et ses procureurs externes. Et, en 2007, encore une fois, on a eu une longue discussion avec le Vérificateur général, et la clé de répartition 2007-2008 est la même. C'est ce que je comprends du rapport annuel. Et cette situation-là est une situation, encore une fois, unique, là, qui a dû trouver une solution unique avec la collaboration de tout le monde.
n(12 h 30)nLe Président (M. Paquet): M. le député.
Gestion des risques relatifs
aux PCAA (suite)
M. Aussant: O.K. Il y a eu... bien, récemment, c'est sorti dans les journaux, en fait très récemment, que la caisse avait reçu un courriel, le 24 juillet, à l'effet que Coventree avait, dans ses papiers, dans diverses séries en fait, pas toutes les séries à la même hauteur, mais, dans diverses séries de son papier, avait des «subprimes». Malgré ça, la caisse a acquis pour plus de 1 milliard de plus de papier commercial après cet avertissement-là, ou un avertissement apparent.
Comment vous expliquez ça? Comment explique-t-on que la caisse ait continué à acheter... Je sais qu'on en a parlé auparavant, mais je voudrais vous poser la question directement: Comment expliquer qu'on ait acheté d'un papier dont on savait qu'il y avait des petits problèmes qui s'en venaient, pour 1 milliard et plus de plus?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je vous rappelle que j'ai demandé d'être assermenté pour pouvoir répondre précisément à cette question-là et vous dire d'emblée que, moi, quand je l'ai su, j'ai tout arrêté, premièrement.
Deuxièmement, le gestionnaire de portefeuille... on a dit souvent l'expression le «gestionnaire». Il faut comprendre que, quand les personnes représentant la caisse parlent du gestionnaire, ils parlent du gestionnaire de portefeuille ou les gestionnaires de portefeuille, O.K.?
Moi, les premières journées que j'ai su ça ? après coup, parce que tout ça, à partir du 9, là, l'information est venue, puis on comprend qu'on est tous dans la même situation, qu'on apprend tout ça ? je me suis demandé: Comment ça se fait que, durant cette période-là, les choses roulaient puis roulaient juste d'un bord: on vendait de l'un puis on achetait de l'autre?
L'explication qu'on m'a donnée ? puis c'est là que j'ai mis la main sur les communiqués de toute la journée ? que, dans le fond, c'était essentiellement la confusion. La confusion, c'est quoi? C'est ? puis ça, c'est mon hypothèse ? qu'il y avait des signaux contradictoires. Puis les gens qui ont participé à la réunion du 10 après-midi, du 10 août, ont résumé comme ça à la Banque du Canada et me l'ont résumée à moi que c'était la confusion totale: Clarifiez ça. Là, il y avait le communiqué de la veille que je vous ai lu, que la banque disait: On va supporter le marché, mais en même temps on voyait des banques qui rachetaient leurs papiers. Mais, quand c'était... la banque de liquidités sur le papier non bancaire ne le fournissait pas. Il y avait beaucoup de confusion.
Le gestionnaire a voulu réduire la position totale, puis il a vendu ce qu'il a pu vendre, puis je pense qu'il a été réconforté par la situation sur certains. Donc, il avait encore son esprit, je pense, qu'il jouait ça micro, alors que, quand ça été rendu au lundi matin, ce n'était plus micro, là, c'était macro. On savait que, peu importe ce que tu avais, là, il y avait un moratoire complet sur le marché. C'est ma compréhension des choses qu'on m'a dites. Mais, moi, personnellement... Et personne d'autre n'a donné l'ordre de dire: Vous allez continuer d'acheter. Au contraire, en tout cas, en ce qui me concerne, dès que je l'ai su, on a arrêté ça tout de suite puis on s'est mis en mode de restructuration.
Donc, la caisse, quand on dit, la caisse, que les gestionnaires étaient confus, je pense que, dans la période de mi-août jusqu'à la fin août, là... jusqu'à la mi-août, il y a eu beaucoup de confusion dans le marché, et je pense que c'est la seule explication logique, là. Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un qui a pensé faire un coup de génie en faisant ça, là.
Le Président (M. Paquet): Très, très rapidement, 30 secondes.
M. Aussant: Très rapidement, oui. C'est une question très courte. Dans le papier commercial, il y avait ces garanties de liquidités qui finalement n'ont pas été respectées par les grandes banques. Est-ce qu'au moins les primes qui ont été payées aux banques pour ces garanties de liquidités là ont été remboursées aux détenteurs de papiers?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau, rapidement.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je ne pourrais pas précisément vous répondre à ça parce que je n'ai pas relu, honnêtement, le détail de l'accord finalisé en décembre 2008. Je ne le sais pas. Honnêtement, je ne le sais pas.
Le Président (M. Paquet): Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la Commission des finances publiques jusqu'après la période des affaires courantes. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
(Reprise à 15 h 21)
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. Donc, la Commission des finances publiques reprend ses travaux.
Nous poursuivons les auditions publiques tel que confié comme mandat de l'Assemblée nationale sur les résultats de la commission... pardon, de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Nous poursuivons les auditions avec M. Henri-Paul Rousseau, ancien président et chef de direction de la Caisse de dépôt et placement.
Alors, nous étions rendus... D'ailleurs, peut-être pour que... Comme nous commençons à 15 h 22, je demande donc tout de suite le consentement pour poursuivre au-delà de 18 heures afin d'accomplir les trois heures qui nous sont confiées par le mandat. Il y a consentement? Consentement, merci.
Alors, nous poursuivons le bloc qui a été entamé ce matin, et je reconnais M. le député de Rousseau, en lui indiquant qu'il reste environ sept minutes à ce bloc-ci. M. le député.
Expertise du personnel par rapport
aux divers marchés boursiers
M. Legault: Oui, M. le Président. Ce matin, M. Rousseau, on a parlé des marchés boursiers depuis cinq ans et on a vu que, depuis cinq ans, c'est-à-dire pour les cinq années terminées le 31 décembre 2008, la Caisse de dépôt a eu des rendements pires que les indices de marché dans les actions américaines, dans les actions étrangères, dans les actions des marchés en émergence, en fait dans tous les marchés boursiers, sauf les actions canadiennes. Vous nous avez répondu, M. Rousseau... et là je n'ai pas le transcript encore, on devrait l'avoir dans les prochaines heures, mais ce que j'ai écrit, vous avez dit: C'est parce que la caisse a un problème de recrutement de personnel et donc a moins d'expertise aux États-Unis et à l'étranger.
Je voudrais que vous nous disiez: Quand avez-vous été conscient que la Caisse de dépôt avait un problème de recrutement de personnel puis moins d'expertise pour investir dans des actions aux États-Unis ou à l'étranger?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Écoutez, la performance de la caisse dans les actions américaines... à la défense de la caisse, c'est un marché extrêmement difficile. Alors, j'en étais conscient dès mon arrivée, parce que j'ai dit: C'est un vieux problème, et c'est un problème de marché. C'est très connu dans l'industrie que le marché américain est le marché le plus efficace, et très, très souvent l'indice du marché Standard & Poor's, M. le Président, est supérieur à 60 %, 65 % des gestionnaires.
Deuxième phénomène très connu dans l'industrie des actions américaines, c'est qu'on a souvent le phénomène où ceux qui sont premiers de classe pendant deux ans ou trois ans, dans le fond, il y a un biais de sélection parce que l'année suivante ce n'est pas les mêmes. En d'autres mots, il y a toujours quelqu'un qui réussit à battre un peu le marché, mais c'est rare de trouver la cohérence et la continuité dans ce marché-là. C'est une difficulté. C'est un marché très efficace.
C'est pour ça, comme je vous l'ai dit, que, comme on connaît la situation de l'industrie et que c'est en soi difficile, c'était encore plus difficile pour nous, donc on avait tendance, dans le secteur du marché boursier américain, à faire en sorte qu'on soit... on prenne moins de risques et qu'on soit plus près des indices. Et c'est normal. Une des tâches de la caisse, c'est de recevoir de ses déposants un mandat qui répartit les avoirs entre 18 portefeuilles, mais on va insister d'être plus près ou moins près des indices selon les compétences que nous avons à l'interne ou à l'externe. Mais, dans les marchés où on sait que c'est difficile, on ne se battra pas contre le marché, on va plutôt mettre le risque ailleurs, et c'est pour ça que, sur le marché américain, on a un historique. Mais on n'est pas les seuls. C'est très connu dans l'industrie, c'est un des marchés les plus difficiles à battre, comme on dit dans l'industrie, alors que, dans un marché comme le marché canadien, où la caisse, comme d'autres joueurs... c'est un marché plus petit, on a une expertise profonde, et c'est un marché où c'est documenté qu'on peut mieux faire.
Je vous signale aussi que, dans les actions, par exemple dans les actions des pays émergents, même si, dans ces marchés-là, c'est difficile de battre les indices, on convenait avec nos déposants que c'étaient des marchés qu'il fallait capter, dans lesquels il fallait investir. Et, quand vous voyez le tableau auquel vous référez, moi, je vous réfère à l'onglet 9 du document que la caisse vous a déposé, qui est le même tableau que vous avez, auquel vous référez: sur la moyenne cinq ans, je vous signale que, même en incluant 2008, la raison pour laquelle on fait très bien dans le marché canadien, c'est parce qu'on a là une expertise pointue et une capacité de faire mieux. Par contre, des marchés comme le marché des pays émergents, même si on avait une faible valeur ajoutée, c'est des marchés qui ont donné des rendements très élevés: 25 % jusqu'à 2007, et, incluant 2008, encore 5 %. C'est des marchés en forte croissance, qui sont très porteurs, donc on convenait avec nos déposants d'être investis dans ce secteur-là.
En d'autres mots, ce que je vous dis, M. le Président, c'est que le mandat de la caisse, c'est un mandat de valeur ajoutée, mais il y a également son mandat de service-conseil. Et le gros du rendement de la caisse, il ne faut jamais l'oublier, il vient d'abord et avant tout où est-ce qu'on répartit les oeufs dans le panier, c'est-à-dire dans quel panier, et ce mandat-là fait en sorte que ça nous donne un indice à battre, comme on a vu, qui est tout près du premier quartile. Et ça, c'est la politique de placement, et c'est pour ça que vous allez retrouver que, dans certains secteurs, on est meilleurs que d'autres, et moins bons. Et, dans ces secteurs-là, notre rôle, c'est de prendre moins de risques là où on a moins d'avantages comparés ou que le marché est plus difficile.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: Oui, bien, je pense que ce qu'il est important de noter, c'est qu'effectivement la caisse a le choix d'investir dans des indices ? dans ce cas-là, on aurait fait aussi bien que les indices ? ou d'essayer d'avoir une gestion active avec des personnes, entre autres, à l'étranger. On a vu pendant la campagne électorale qu'il y a une partie de ces personnes-là qui ont été remerciées puis qu'on a décidé de revenir aux indices.
Mais je voudrais, là... J'ai distribué une copie d'un document qui nous a été remis par la Caisse de dépôt suite à nos demandes, je ne sais pas si on peut vous en donner une copie, parce que... Quelqu'un peut lui en donner une copie?
Le Président (M. Paquet): Madame, si vous pouvez donner... Oui.
M. Legault: On voit que, de 2002 à 2008 ? puis c'est à peu près la même chose aussi de 2002 à 2007, là, mais prenons de 2002 à 2008 ? on voit que, dans les actions au Québec au 31 décembre 2002, on avait 6,8 milliards d'investis au Québec; au 31 décembre 2008, on a diminué ça à 4,4 milliards. Donc, on a eu une diminution de 34 % des investissements dans les actions au Québec.
Pendant la même période, si on fait un petit calcul, là, on a... les trois dernières colonnes, c'est le total de tous les investissements. Donc, si on fait le total moins le Québec ? on ne l'a pas, là, mais j'ai fait les calculs ? ça veut dire que, dans les actions hors Québec, on avait 31,7 milliards à la fin 2002, puis on est maintenant, à la fin 2008, à 46,4 milliards.
Ce que ça veut dire, là, puis ce que j'essaie d'expliquer, c'est qu'on a diminué de 34 % les investissements dans les actions au Québec sur six ans et on a augmenté de 46 % les actions à l'extérieur du Québec. Et puis vous nous dites ce matin: On a moins d'expertise aux États-Unis puis ailleurs qu'on en a ici. Puis, si je regarde les chiffres pour le Canada, c'est la même chose, là. On voit qu'effectivement, depuis 2002, on est passé de 16 milliards à 13 milliards. Donc, on a diminué nos investissements au Canada, on a diminué nos investissements au Québec, mais on a augmenté de façon très importante les investissements en actions à l'extérieur du Québec.
Donc, la question que je pose, c'est: Comment justifiez-vous le fait que vous avez pris la décision, au cours des dernières années, d'investir davantage à l'extérieur du Québec, d'investir, en pourcentage des actifs, beaucoup moins au Québec, alors que vous nous dites: L'expertise, c'est ici qu'on l'avait, ce n'est pas à l'extérieur?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau, il resterait... Le temps, le bloc, c'est pratiquement terminé.
M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, le rapport..
Le Président (M. Paquet): Excusez, juste pour clarifier. Est-ce que vous donnez peut-être une minute ou deux?
M. Legault: Une minute, oui.
Le Président (M. Paquet): Alors, M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Bien, là, je peux répondre?
Le Président (M. Paquet): Oui. Je voulais vérifier par rapport au temps. Alors, vous avez environ une minute.
M. Rousseau (Henri-Paul): Dans une minute, ce que je peux vous dire, c'est que tous les marchés ont été frappés, et les indices boursiers canadiens ont baissé également. On parle de 32 % sur l'année 2008, et les actions dont vous parlez ici, 34 %. Donc, les actions québécoises ont baissé plus que l'indice, O.K.?
Donc, la baisse que vous avez dit entre le 7 milliards qu'on avait à la fin 2007 à 2008, c'est essentiellement la baisse de marché. On n'a pas décidé, je ne pense pas, à la caisse, de...
n(15 h 30)nM. Legault: C'est la même chose avec les actions américaines...
M. Rousseau (Henri-Paul): On est d'accord, on est d'accord.
M. Legault: ...il y a eu une baisse partout, là, oui.
M. Rousseau (Henri-Paul): Bon. J'ai bien pris la peine de distinguer entre deux choses. Face à nos déposants... Et je vous ramène au tableau auquel je faisais référence tout à l'heure, qui vous donne l'historique sur la longue période non seulement de la valeur ajoutée... La difficulté que j'ai avec votre question, c'est que vous me donnez une conclusion sur la valeur ajoutée, alors que ce que je vous dis au départ, c'est que la principale décision avec nos déposants, ce n'est pas sur la valeur ajoutée, c'est où est-ce qu'on met l'argent.
Et je vous incite à regarder le tableau de la page 9, qui dit ceci... L'onglet 9 de votre document que vous aviez, O.K? Je vais faire un exercice très court. Les actions... Deux périodes: 2003-2007 et 2004-2008, qui sont les deux périodes pertinentes parce que ça nous permet de voir l'impact de 2008. Vous voyez, les actions canadiennes, 19,5 %, et ça, c'est... 18,5 %, ça, c'est l'indice, donc on parle du marché, et les pays émergents, 24 %, et les actions étrangères, 16 % lorsqu'elles sont... couvert, et Québec mondial, 17 %. Tout ça, c'est des rendements intéressants de façon absolue. Et cette décision-là de répartir le portefeuille entre le Canada, les États-Unis, l'Europe, l'Asie et les pays émergents, c'est une décision qui est prise par nos déposants lorsqu'ils regardent les meilleures opportunités.
Ce que je vous ai dit, c'est que cette décision-là d'aller investir dans les marchés, on peut le faire, il n'y a pas de difficulté. Où c'est difficile, c'est quand vous êtes sur le marché américain, de dire: Je vais faire mieux que l'indice. Ça, ça s'avère plus difficile, mais vous avez quand même l'indice, et c'est pour ça que je vous dis que cette décision de répartition est fondamentale. 90 % du rendement d'une caisse de retraite dépend de la répartition de l'actif et non pas de la valeur ajoutée. La valeur ajoutée, ça représente 4 %, 5 % au mieux.
Le Président (M. Paquet): Merci. Alors, probablement qu'on va poursuivre tout à l'heure, dans le prochain bloc. Alors, nous entreprenons un nouveau bloc maintenant du côté ministériel.
Information transmise
au conseil d'administration
sur la gestion de risques (suite)
J'ai une première question. Ce matin, on a fait allusion à un courriel du 24 juillet qui semblait lever un drapeau, qui disait: Woups! Il y aurait un problème avec les PCAA, les risques sont peut-être plus grands que ce qu'on avait escompté. Vous nous avez dit ce matin que, dès que vous avez eu connaissance de tout cela puis de d'autres éléments, vous dites que vous avez arrêté le tout. On était rendu, si je ne me trompe pas, au matin du 10 août.
Or, je fais référence aussi à une citation la semaine dernière. Me Bergeron, qui a témoigné devant la commission, a dit qu'«il y avait des investissements qui étaient faits au fur et à mesure de la même manière que normalement, et ce n'était pas porté à la connaissance de la haute direction de la caisse». Il faisait référence justement aux changements, aux perturbations qui se passaient sur les marchés par rapport au PCAA et aux turbulences qu'il y avait.
Or, pour le commun des mortels puis les gens qui regardent ça, il me semble qu'un des problèmes qui survient, c'est le fait que c'est long. On sait que, sur les marchés financiers, ça bouge très rapidement, il faut être aux affûts, et, dès que l'information frappe, ça a un impact sur les marchés. Mais entre le moment où quelqu'un à l'intérieur de la structure de la caisse a dit: Oups! il y a un problème... ça a pris entre le 24 juillet au, mettons, 9 août avant que ça entre, ça arrive jusqu'au conseil d'administration ou que ce soit porté à votre attention en tant que président-directeur général de la caisse.
Est-ce que ce n'est pas une leçon qu'on tire, de dire qu'il y a quelque chose qui a manqué quelque part? Lorsqu'un drapeau lève, il faudrait que ça monte vite jusqu'en haut pour que les réactions puissent se faire le plus rapidement possible. Est-ce qu'il n'y a pas un problème, il n'y a pas une déficience, là, en tout cas au moins dans cet épisode-là, qui démontre que l'information ne circule pas assez vite? Puis, on le sait, bien des problèmes de beaucoup d'organisations, c'est le fait que l'information ne monte jamais assez vite.
M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, vous avez raison, et c'est pourquoi j'ai dit que, dès que j'ai su les faits, j'ai agi en conséquence et j'ai demandé qu'il y ait une vigie plus efficace, d'être informé de haut en bas des choses qui se passaient. Donc, je ne vous donnerai pas tort là-dessus, c'est ce que j'ai dit. J'ai dit: En ce qui me concerne, dès que je l'ai su, j'ai agi en conséquence. Et ce point-là est un point important.
Par contre, à la défense des gens qui géraient les portefeuilles sur ces deux semaines, je vous ai dit et je vous répète qu'il y avait beaucoup de confusion. Et je vous rappelle que, même le 9 août, où on est à la veille de la fin de semaine où tout va geler, le 9 août, je vous relis ceci, la Banque du Canada qui nous dit: «[Dans les conditions de marché actuelles], la Banque du Canada tient à [rassurer les] participants [du marché financier] ? on ne parle pas, là, que tel marché fonctionne, c'est le marché financier ? ainsi qu'au public qu'elle fournira des liquidités pour soutenir la stabilité du système financier canadien et le fonctionnement continu des marchés.» Quand je vous dis qu'il y avait des informations contradictoires, les gens se parlent dans l'industrie, et, oui, il y avait ce mémo de Coventree, mais il y avait aussi ça de la Banque du Canada, il y avait beaucoup de choses qui circulaient, qui disaient ci, ça.
C'est ce qui a fait que j'ai pris l'exemple pour ce temps-là, avec les médias, sur le point suivant: vous vous levez le matin, vous avez mal à la tête. Dans l'après-midi, vous avez mal à la gorge. Le soir, vous êtes moins bien. Le lendemain, vous êtes fiévreux. Et finalement, quatre jours plus tard, vous avez une grosse grippe, pensez-vous, et vous vous rendez chez le médecin, qui fait des examens, et deux semaines après il vous dit: Monsieur, vous avez une pneumonie. Ça a pris deux semaines, mais ça s'est passé comme ça. Les marchés n'arrêtent pas instantanément, à moins qu'il y ait une décision d'autorité ou des participants. Ce qui est arrivé le 13 août, c'est ce qui a été... les marchés ont gelé, puis le 15 août on a eu le moratoire. Ça, c'est une décision instantanée, mais généralement les choses se font sur ces périodes-là, et c'est pour ça qu'il est arrivé...
Je ne peux pas vous en dire plus. Je veux juste dire que, moi, quand je l'ai su, j'ai agi en conséquence. Et, en ce qui concerne la circulation de l'information, c'est un élément clé de ce que j'appelle les activités de vigie.
Le Président (M. Paquet): Mais poursuivons là-dessus, si vous voulez bien, M. Rousseau. Dans le contexte où... On comprend qu'il y avait des événements particuliers à ce moment-là, mais, bon, il y a eu un délai, ça a fini par monter, vous prenez une décision. Mais, si on remontait un peu en amont de cela, avant même qu'il y ait une période d'aussi grandes turbulences, j'essaie de comprendre le fonctionnement, l'interaction, dans le fond, l'interface qu'il y avait entre les gestionnaires, le comité de gestion de risques et ensuite la haute direction, parce que, là, on parle de trois niveaux où l'information normalement devrait circuler, puis même lorsqu'il y a des choses qui arrivent rapidement.
M. Guay, la semaine dernière, lorsqu'il a témoigné, et je le cite aux galées, il nous dit: «...M. le Président. L'équipe de gestion de risques, une fois que j'ai été nommé responsable des investissements, l'équipe de gestion de risques ne relevait plus de moi, elle relevait directement du président, M. Rousseau à l'époque.» Dans les rapports annuels de 2006 et 2007, donc avant même les événements... Bien, 2007, évidemment les événements ont eu lieu. Mais 2006 même faisait référence à cela. On mentionnait dans le rapport que le comité de gestion des risques du conseil devait recevoir des rapports sur «le suivi des dossiers d'investissement dont l'autorisation ne relève pas du conseil et qui ont été autorisés par la direction de la caisse». Il y avait une référence ici, dans les rapports de 2006 et de 2007, donc avant même, là... 2007, je comprends qu'il y avait des événements spéciaux, mais même avant, qu'il devait y avoir une fluidité plus grande, là, de circulation de l'information.
Dans la mesure où est-ce qu'on essaie de voir qui gérait, qui avait la responsabilité ultime sur des informations qui étaient divulguées, on ne peut pas blâmer pour l'information qui ne s'est pas rendue, mais il faut comprendre pourquoi l'information ne s'est pas rendue, puis quelle est la nature de l'information qui devrait circuler, et à quelle vitesse elle devrait le faire. Dans ce contexte-là donc, les placements, les PCAA, à ce que je sache ? vous me corrigerez ? n'ont pas été autorisés par le conseil directement. Ils faisaient partie du niveau de gestion d'un portefeuille ? j'essaie de comprendre ? ou par un des comités? Puis, si c'est le cas, comment l'information donc... Quelle était l'interrelation, l'interface qu'il y avait? Puis qu'est-ce qu'il faudrait... Qu'est-ce qu'il a fallu changer et qu'il faut changer pour éviter que ça se reproduise?
M. Rousseau (Henri-Paul): O.K. Il y a quatre points, puis je vais essayer d'y répondre le plus rapidement possible, M. le Président.
Pour ce qui est des PCAA, je vous répète que l'erreur... Puis il faut l'admettre, l'erreur. Si on admet l'erreur, elle a des conséquences, on ne peut pas le nier. Cette erreur-là, c'est de ne pas avoir eu l'agrégat PCAA dans les politiques, pour dire: Même si c'est du AAA, même si c'est un très bon crédit, même si ça n'a jamais fait défaut, même si la liquidité fonctionne, même si... toute la liste qu'on avait, il n'y avait pas d'agrégation PCAA bancaire ou non bancaire. On avait simplement marché monétaire, catégorie AAA. C'est ça, le point, O.K.? Dans ça, il y avait plusieurs choses, mais, tant et aussi longtemps que ça obéissait à ce test-là, il n'y avait personne à la caisse qui avait un rapport indiquant: Vous avez tant en PCAA.
Par contre, nous avions des rapports détaillés pour dire chacun des émetteurs, tel trust, telle banque, telle compagnie, détaillés comme vous ne pouvez pas imaginer. On avait ça par source d'émetteur. Je répète: On avait donc une division comme ça, mais on n'avait pas eu cette agrégation comme ça qui aurait permis de voir que, oups, il y a un produit, là, sur lequel il faut attirer l'attention. Maintenant, cette chose-là, pour répondre à votre deuxième question, est corrigée.
Troisième élément de votre question: les suivis au conseil d'administration. Ils étaient faits sur la base des rapports que nous avions. Et, deuxièmement, dans le cas de l'immobilier et des placements privés tout comme dans les autres cas, lorsqu'on a des latitudes, c'est-à-dire des niveaux d'autorisation, par exemple dans le groupe Immobilier, les trois filiales pouvaient faire à l'époque des placements jusqu'à hauteur de 150 millions approuvés par leur filiale, avec un conseil administration, comité de crédit, comité de risque, là. En haut de 150 millions, ça venait au comité de la caisse, et là je devais être présent avec d'autres groupes pour évaluer la transaction. Et, en haut de 300 millions, c'était le conseil d'administration qui devait les regarder pour évaluer la transaction et l'approuver. Donc ça, cet exemple-là, je vous donne le niveau de latitude.
Pour chacun des 18 portefeuilles, la politique d'investissement donne des latitudes et dit quel est le niveau de responsabilité de chacun, et en général il y a toujours nécessité d'avoir une ou deux personnes qui autorisent la transaction. C'est comme ça que l'argent est géré, de façon, je dirais, granulaire et décentralisée. Donc, on faisait, au conseil d'administration, une chose additionnelle: non seulement il voyait toutes les transactions en haut de 300 millions, mais celles d'en bas, même si elles n'avaient pas été approuvées par eux. On faisait un rapport à chaque mois pour dire: Durant le mois passé, nous avons approuvé telle transaction, et voici telle transaction. On la détaillait et on envoyait ça aux membres du conseil d'administration, qui pouvaient la lire et pouvaient nous faire des constats s'il y avait des choses qu'on n'avait pas vues. C'est un mécanisme qu'on a mis en place dans les années... 2005, si je me rappelle bien, pour améliorer encore notre gestion de risques.
n(15 h 40)n Enfin, dans le cas du PCAA, je vous le répète, comme il y a eu erreur et que l'agrégation n'était pas faite, les rapports ne captaient pas le 13 milliards, ils captaient plusieurs fois 500 millions, 300 millions, 400 millions, qui étaient tous à l'intérieur de la politique de gestion du portefeuille de valeurs à court terme, qui est un portefeuille, encore une fois, pour un mois ou trois mois de placement. C'est pour cette raison-là que, peu importe où vous allez regarder, avant que ça ait eu lieu, cette agrégation-là, elle n'existait pas.
J'ajoute un dernier point, c'est que la distinction si claire et si limpide après le fait, c'est comme quand le médecin vous dit: Ce n'est pas une pneumonie que vous avez, mais c'est un cancer. C'est après le fait. Ça, c'est clair. Mais, dans le cas présent, la clarté est arrivée, je le regrette, pour tout le monde au Canada comme ailleurs, le 13 août. Là, on savait qu'on avait un véritable problème. Et jamais, je pense... Et on le voit par la suite. Toutes les banques canadiennes émettent un communiqué pour dire à tout le monde: Dorénavant, nous allons respecter des lignes de liquidités globales et non pas celles qu'on avait. Ils changent tous leurs systèmes. Ce n'est pas pour rien, c'est parce qu'on avait un problème.
Puis pourquoi ils l'ont fait? C'est parce que la Banque du Canada pouvait leur offrir la liquidité nécessaire, mais la Banque du Canada n'est pas la banque des banquiers internationaux qui opèrent au pays. Ce n'est pas la banque centrale et ce n'est pas elle qui devait faire ça. On s'est retrouvés dans cette situation-là, et après coup ça a été très clair: pour tous les papiers commerciaux qui avaient une ligne de liquidités ? c'était plus de la moitié du marché ? le marché s'est retrouvé sans liquidité. Et ça, c'est ça qu'il faut comprendre. La clarté, autant c'est clair aujourd'hui, autant à l'époque ce n'était pas si clair que ça.
Je ne peux pas vous en dire plus parce que, moi, je sais une chose: quand je l'ai su, le 9 au soir, le 10 j'ai dit: Arrêtez ça, et j'ai voulu tout de suite intervenir après les gens ou les intervenants de marché, puis on connaît le reste, que je vous ai déjà raconté.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Portneuf.
Membres du conseil
d'administration de la caisse
M. Matte: Merci, M. le Président. M. Rousseau, vous êtes au courant que, la semaine dernière, M. Jarislowsky, que vous connaissez sûrement, a fait des déclarations concernant les mauvais résultats de la Caisse de dépôt. Et je voudrais le citer. Alors, il disait à ce moment-là: «Il y avait là deux ou trois [...] bons administrateurs.» Il parle toujours du conseil d'administration. «Ils ne se sont pas fait entendre par le reste. Il y avait trop de gens qui étaient au conseil et qui n'avaient ni le courage, ni la curiosité, ni la compétence pour reconnaître les risques et pour vraiment connaître ce qu'il y avait autour de la caisse.» J'aimerais vous entendre. Est-ce que ça se peut, M. Rousseau, sur un conseil d'administration de 10 à 15 personnes, qu'il y avait seulement deux ou trois administrateurs de bonne qualité là-dessus?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je n'ai pas vu le commentaire auquel vous faites référence, mais je vais prendre la question dans sa substance. Je peux vous dire que le conseil d'administration était composé de gens non seulement compétents, et expérimentés, et dévoués, mais ils faisaient leur travail. Pourquoi? On avait un comité de gestion de risques très actif, un comité de vérification indépendant, et les personnes qui étaient au comité de gestion de risques, c'étaient des gens d'expérience et d'expertise qui ont... malheureusement, comme moi, n'ont pas vu cette absence d'agrégation.
Mais je peux vous dire que, n'eût été de cet événement du PCAA, il y a énormément de choses à la caisse qui ont été drôlement améliorées sous le leadership du comité. Et les personnes qu'il y a sur ce comité, des gens d'expérience, d'expertise que vous connaissez, vous les connaissez, des gens qui avaient soit dirigé des compagnies d'assurance... certains avaient été dans l'industrie, dans la finance, présidents de grandes institutions financières, donc des gens qui étaient au fait de tout ça, là, il n'y a pas de... Il n'y a pas lieu de s'inquiéter de la compétence de ces gens-là au comité de gestion de risques, même chose au comité de vérification.
Au net, le conseil d'administration a très bien géré la caisse, et le seul problème qu'il a eu, c'est le même problème que moi. On a appris en même temps cette absence d'agrégation et on a corrigé les choses après, mais cette chose-là est arrivée comme ça.
Je vous signale que l'équipe de gestion du marché monétaire était une équipe qui était en place depuis une quinzaine d'années, et ce n'étaient pas des gens qui arrivaient. Et je veux plaider simplement une chose, c'est que, durant cette période-là, il y a eu énormément d'ambiguïté, et qui s'est clarifié, oui, mais ça aurait pu totalement être autrement.
Donc, nos administrateurs, en ce qui me concerne, c'étaient des gens compétents, ça demeure des gens compétents. Et un conseil d'administration comme celui de la caisse se réunit régulièrement. Je vous donne des exemples: certaines transactions, on a eu le conseil qui pouvait se réunir sept, huit fois sur le même dossier.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Matte: J'avais une autre question, puis, à ce que je vois, le temps file.
Vous êtes un pédagogue, vous êtes un communicateur. Est-ce que ça... Quel était la dynamique au niveau du conseil d'administration? Est-ce que ça se pouvait qu'il y ait des membres qui n'osaient pas poser des questions, soit qu'ils étaient intimidés, ou par nervosité, ou par manque d'expérience?
M. Rousseau (Henri-Paul): Je dois vous dire en toute candeur que les membres du conseil d'administration n'étaient pas plus gênés que vous l'êtes. Vous me posez des questions aujourd'hui, et je réponds; ils en posaient aussi.
Deuxièmement, au conseil d'administration, à la demande du conseil, sur une base régulière, il y avait des réunions sans ma présence, et c'était normal. Dans toutes les bonnes organisations, le conseil se réunit sans son président.
Et, troisièmement, je ne crois pas que j'étais à ce point intimidant que les gens ne pouvaient pas poser des questions ni à l'interne ni à l'externe. Oui, j'ai l'habitude d'être lent quand je parle, mais je pense que les gens sont capables de faire leur métier comme ils doivent le faire, et ils le faisaient. Et c'est une autre légende avec laquelle je dois vivre.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Portneuf.
M. Matte: M. le Président. Donc, vous ne partagez pas les commentaires de M. Jarislowsky de la semaine passée, après sa conférence, là, au cercle financier international de Montréal.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je n'ai pas à répondre à ça parce que je ne les connais pas, ses commentaires. Mais j'ai répondu à vos questions.
M. Matte: C'est bien.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Chapleau.
Acquisition de PCAA non bancaire (suite)
M. Carrière: Merci, M. le Président. M. Rousseau, alors, on est ici encore aujourd'hui pour trouver les causes, là, des pertes historiques, là, de la Caisse de dépôt. Il y a un 30 milliards, là, qu'on peut expliquer; il y a un 10 milliards, là, où est-ce qu'on s'attarde depuis le début. Trois raisons qu'on parle, que vous nous parlez: les PCAA naturellement, la couverture de change puis les règles comptables «mark-to-market».
Moi, j'aimerais revenir à toute la question des PCAA parce qu'à date je n'ai pas les réponses, là, pour me faire vraiment une tête, là, puis je suis certain qu'il y en a d'autres qui ne les ont pas non plus. La semaine passée, il y a MM. Perreault, Bergeron et Guay... Tous les trois ont référé à l'absence de limite sur la quantité d'achat de PCAA, O.K.? Puis, si je regarde le tableau que la caisse a fourni la semaine dernière, à l'onglet 2, pages 12 et 13, quand j'ai vu ça, j'ai tombé... Non, excusez, j'ai tombé en bas de ma chaise. La Caisse de dépôt a 12,6 milliards. Si je compare juste à Teachers, qui en a 60 millions, si mes calculs sont bons, là, en 2007, on avait 210 fois le nombre de PCAA que Teachers pouvait avoir, à moins que je comprends mal le tableau, là. Puis, moi, ce qui me... Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi que, nous, on en achetait tant que ça.
C'était-u une vérité de... ou un miracle, les PCAA? Est-ce qu'on avait une stratégie quelconque qui nous amenait quelque part que juste au Québec il y en avait tant que ça? Quand je regarde le tableau qu'il y a là, il y en a... c'est des montants, là, vraiment minimes. Puis pourquoi qu'on en a acheté autant? Pourquoi qu'il n'y avait aucune limite? Puis pourquoi les autres n'ont pas fait ce que... ne nous ont pas suivis, n'ont pas suivi la Caisse de dépôt là-dedans?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, cette question-là est légitime, et puis j'ai les réponses à ça, mais les réponses que j'ai, je suis obligé de... que je partage en toute honnêteté avec vous, vous avez raison sur un point. Quand on fait le tour de la question, le fait qu'à la caisse il y avait quand même 250 professionnels dans le placement, un conseil d'administration, un dirigeant, il y avait énormément de fournisseurs, il y avait énormément de déposants, on avait même nos agences de notation, M. le député, M. le Président, Standard & Poor's et Moody's, qui cotent la caisse, qui font l'examen, ils savaient... ils voyaient nos livres, on avait le Vérificateur général... le nombre de personnes, ou le nombre d'institutions, ou le nombre d'occasions où ce qui vous apparaît évident aujourd'hui, si ça avait été évident, aurait dû être vu, je partage avec vous que c'est extraordinaire. Mais ce qu'il faut comprendre derrière ça, c'est que, quand on regarde les faits après coup, ils ont de l'air d'une limpidité extraordinaire, mais ce n'était pas comme ça que ça fonctionnait. Ce marché-là ne faisait pas cette distinction.
D'abord, pourquoi la caisse avait de la liquidité? On pourrait y revenir, mais, avec le montant de liquidités qu'on avait, ça a été investi dans le PCAA bancaire et non bancaire. Le marché canadien était un marché au-dessus de 125 milliards de PCAA, 80 et quelques milliards bancaire, 33 milliards non bancaire. Cette distinction-là entre les deux, là, qu'on fait très clairement aujourd'hui, là, elle vient de l'entente de Montréal. Lorsque, le 15 août, on a réuni les participants, ceux qui ont embarqué dans le PCAA bancaire, ils ont réussi à financer toute leur situation de liquidités auprès de la Banque du Canada ? c'est les banques canadiennes ? puis ceux qui n'étaient pas là, bien, ils sont devenus dans le PCAA des tiers. C'est arrivé comme ça.
Le texte de la liquidité pour chacune des émissions, quand vous le regardez, M. le Président, il bénéficiait des mêmes ententes de liquidités. Je reviens sur un point fondamental. Ce texte-là, il disait: Pour que les banques qui supportent la liquidité... Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que, quand le papier vient à échéance, si celui qui le détient décide: Je veux mon argent, je veux avoir... je veux être remboursé tout de suite, la clause disait: Il y aura quelqu'un qui va l'acheter à votre place. C'est ça, l'entente de liquidités. Cette entente de liquidités là disait: Celui qui a fourni l'assurance, là, d'acheter le papier quand il vient à échéance, celui-là il charge une prime pour ça, très petite. Pourquoi il charge une prime très petite? C'est peu possible que ça va arriver. Conséquence de quoi? L'entente de liquidités, qu'elle soit bancaire ou non bancaire, était la même. Qu'est-ce qui est arrivé? Les banques canadiennes ont été capables de se financer auprès de la Banque du Canada pour fournir la liquidité, même si elles n'étaient pas obligées, alors que les banques internationales, qui étaient forcées de le faire dans leurs propres pays, ne l'ont pas fait au Canada. C'est ça qui est arrivé. Et après ça on a fait cette grande distinction que tout le monde trouve très intelligente, très claire, mais c'est arrivé là. Les distinctions qu'il y avait n'étaient pas au niveau de la liquidité, étaient au niveau de la composition et du reste.
Donc, votre question, M. le député... M. le Président, pardon, la question qui est posée, pourquoi la caisse a eu autant de PCAA non bancaire, réponse courte: La distinction très courte, très brève et très claire après est arrivée après. Puis, deuxièmement, la caisse avait des liquidités à gérer et elle reflétait ce qui se passait dans le marché.
n(15 h 50)nLe Président (M. Paquet): M. le député, il reste une minute environ.
M. Carrière: O.K. Bien, je ne suis pas sûr que j'ai tout compris, là, mais manifestement, là, il y en a... il y a d'autres qui ont eu plus d'intuition que nous soit en rachetant... en achetant moins de PCAA ou en s'en débarrassant, là, plus vite que la caisse l'a fait.
La semaine passée, M. Bergeron disait en commission, puis je vais... j'ai pris des notes, là, qui disaient que leur complexité était telle... étant telle que ce n'est qu'après l'effondrement du marché, en août 2007, qu'on a commencé à analyser la distinction entre le bancaire et le non-bancaire. Est-ce que ça veut dire qu'on a manqué d'intuition, de compétence, de... Parce qu'encore une fois, là, je regarde la quantité, ce qu'on avait par rapport à... ce que la caisse avait comparativement à ce que les autres, Teachers ou peu importe, ont eu, là, 210 fois, là, il y a un bout, là.
M. Rousseau (Henri-Paul): Non, mais notre...
Le Président (M. Paquet): Rapidement, M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Pardon. Notre composition du total des liquidités de la caisse, sur 30 quelques milliards, il y avait une vingtaine... au mois d'août, il y avait une vingtaine de milliards, une dizaine de milliards qui était du non-papier commercial, donc des bons du Trésor et autres choses, une dizaine de milliards qui était du papier bancaire, et le reste qui était du non-bancaire, O.K.? Quand la crise est arrivée, on est restés pris avec la partie non bancaire. Donc, on n'avait pas juste du papier non bancaire. Le total était 33 milliards de liquidités, dont 13 milliards en papier bancaire.
La seule réponse que je peux vous donner, monsieur... Et c'est pour ça. Pourquoi on ne l'a pas capté? C'est encore la même définition, c'est qu'il n'y avait pas cette notion dans nos règles que le papier des tiers était différent des autres. Et pourquoi on ne l'a pas capté? Parce que c'était perçu par les gestionnaires, comme M. Bergeron a dit, les gestionnaires de portefeuille, comme étant un risque très peu probable. La preuve de ça, disait-il ? c'est ce qu'ils ont expliqué après: les coûts d'assurance étaient ridiculement faibles pour le risque, donc ça veut dire que le risque est peu probable. C'est ça qui est arrivé dans ce dossier-là, c'est ça qu'il faut comprendre. Puis c'est difficile à l'accepter, mais c'est ça que je veux dire quand il a dit... je vous dis: Il y a eu une erreur, c'est cette erreur-là.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau.
Placements effectués au Québec (suite)
M. Legault: Oui. M. le Président, je voudrais revenir sur les investissements en actions, juste pour qu'on se comprenne bien, là. De 2002 à 2008, les investissements en actions au Québec ont diminué de 34 %. Je comprends qu'il y a eu une perte de valeur, là, pour l'année 2008, mais il reste que, quand on compare 2002 à 2008, il y a une baisse de 34 %. Quand on regarde les investissements en actions à l'extérieur du Québec depuis 2002, il y a eu une augmentation de 46 %, même s'il y a eu une baisse en 2008.
Donc, qu'on le regarde comme on voudra, vous avez fait le choix depuis que vous êtes là, à la fin 2002, d'augmenter de façon très importante le pourcentage des actions qui est investi à l'extérieur du Québec et de diminuer le pourcentage d'actions qui est investi au Québec.
Vous nous avez dit ce matin, puis vous l'avez répété tantôt, vous avez dit même: Dès mon arrivée, je me suis rendu compte que la caisse avait un problème de recrutement de personnel puis moins d'expertise aux États-Unis puis à l'étranger. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est plus risqué? Parce que vous nous avez dit ce matin: Le niveau de risque n'a pas augmenté depuis 2002. Quand on investit, en pourcentage, beaucoup plus aux États-Unis puis à l'étranger qu'au Québec, où on connaît ça, où on a l'expertise, est-ce que vous pensez que ce n'est pas plus risqué?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Non, parce que la réponse à votre question est la suivante: un portefeuille de placement ? et je suis certain que les institutions financières à travers le monde fonctionnent comme ça ? un portefeuille de placement diversifié donne un meilleur rendement moins risqué qu'un portefeuille d'actions concentré. Ça, vous ne m'enlèverez pas ça, ça fait des siècles que c'est comme ça. Un portefeuille d'actions...
M. Legault: Juste pour vous répondre.
M. Rousseau (Henri-Paul): Bien...
M. Legault: Oui, mais juste pour vous répondre, M. Rousseau, là, juste là-dessus.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: Quand on regarde depuis cinq ans, O.K., on voit que, dans les actions canadiennes, on a fait plus 5,3 % en moyenne depuis cinq ans. Dans les actions américaines, on a fait moins 5,9 %. Donc, ce n'est pas juste une question qu'on bat les indices au Québec et au Canada puis on se fait battre par les indices aux États-Unis. En valeur absolue, depuis cinq ans, on a fait de l'argent au Québec puis au Canada puis on a perdu de l'argent à l'extérieur. C'est ça, la réalité depuis cinq ans.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je répète qu'aucune institution financière qui gère des caisses de retraite... D'ailleurs, l'histoire canadienne le montre très bien. Pendant un bon moment, la loi canadienne obligeait les caisses de retraite à limiter leurs placements étrangers à 10 %, ensuite à 10 % à 20 %, ensuite à 30 %, puis finalement on a laissé tomber. Pourquoi on a fait ça? Parce que toutes les caisses de retraite canadiennes... On n'est pas si différents des autres, là, et toutes les caisses de retraite canadiennes ont senti une chose: le marché canadien se concentre autour de deux secteurs, essentiellement le secteur financier ? les grandes banques et quelques compagnies d'assurance ? et le secteur de l'énergie et les ressources, très bons secteurs, mais un portefeuille diversifié doit être plus grandement diversifié, et c'est pour ça qu'on allait capter cette diversification dans d'autres pays. Et cette diversification-là, elle a été essentielle à bien performer pour l'ensemble de... de la caisse.
D'ailleurs, quand le gouvernement du Québec a décidé, en 1997, de changer la loi de la caisse pour lui permettre d'augmenter son portefeuille d'actions de 30 % à 70 %, c'était justement parce que les gestionnaires de la caisse et ses dirigeants de l'époque ont dit ici, en commission parlementaire, et au gouvernement: Il faut que la caisse puisse diversifier.
Alors, la diversification internationale des portefeuilles de la caisse, je ne l'ai pas inventée, M. le Président. C'est une tendance lourde depuis plusieurs années d'avoir un portefeuille plus diversifié, moins risqué. Et cette diversification-là, je vous amène à l'onglet 6...
M. Legault: M. le Président, M. le Président.
M. Rousseau (Henri-Paul): ...l'onglet 6, où on vous a démontré que le portefeuille de la caisse...
M. Legault: Non, attendez, attendez juste un instant.
M. Rousseau (Henri-Paul): ...était moins risqué que celui de ses pairs.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: Oui. On est tous d'accord avec la diversification, là. La réalité, là, c'est qu'au 31 décembre 2008, selon les chiffres de la caisse, il y avait seulement 4,4 milliards sur 186 milliards d'actif, ça veut dire 2,4 % de tous les actifs de la caisse, qui étaient dans des actions de compagnies québécoises. Et, dans le 4,4 milliards, il y en avait 1,5 milliard que c'était Quebecor Média, Vidéotron.
Donc, il n'y a pas personne qui va me faire croire ici que c'est pour se diversifier qu'on en a si peu au Québec. Je ne peux pas croire qu'on n'est pas capables de doubler, tripler, quadrupler ce montant-là dans des belles compagnies québécoises.
Ma question, c'est: Est-ce que vous ne pensez pas que de faire le choix d'en avoir si peu au Québec puis autant à l'étranger, ce n'était pas augmenter le risque de la caisse?
M. Rousseau (Henri-Paul): Ma réponse à ça, c'est non. Et clairement je vous réfère au document qui vous a été déposé et qui compare le portefeuille de la caisse à toutes les grandes caisses de retraite canadiennes. Et on vous a... Et ce document, il est à l'onglet 6, et on vous démontre clairement que la diversification que la caisse a faite ? et c'est à la page 11 ? ce portefeuille-là, même après l'impact de 2008, était un portefeuille moins risqué que les pairs canadiens.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
Propriété du Groupe Vidéotron ltée
M. Legault: M. le Président, on a posé une question que je voudrais peut-être reposer, très claire, ce matin, là. On dit: Le Québec... La Caisse de dépôt avait, au 31 décembre 2008, 4,4 milliards de placés dans des actions de compagnies québécoises, dont 1,5 milliard dans Quebecor Média, Vidéotron.
Question très simple, là: Est-ce que vous pouvez nous dire... Avez-vous, oui ou non, discuté de la vente de Vidéotron avec M. Péladeau ou qui que ce soit d'autre?
M. Rousseau (Henri-Paul): Moi, personnellement, je n'ai aucun souvenir de cette discussion-là. J'ai répondu sous serment et je vous le répète: Je n'ai pas de souvenir de cette discussion-là avec qui que ce soit, très honnêtement.
Deuxièmement, les investissements de la caisse au Québec sont faits essentiellement à deux endroits dans les actions: dans le portefeuille d'actions canadiennes et dans le portefeuille de placements privés. Et, au cours des années, l'histoire de la caisse a été la suivante: dans les années où il y a eu...
M. Legault: ...je posais une question toute simple, là.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: Avez-vous eu, oui ou non, des discussions avec M. Péladeau ou qui que ce soit pour vendre Vidéotron?
M. Rousseau (Henri-Paul): Je n'ai pas de souvenir d'avoir tenu de tels...
M. Legault: Pourquoi vous dites que vous n'avez pas de souvenir? Pourquoi vous ne dites pas oui ou non?
M. Rousseau (Henri-Paul): Bien, je n'ai pas de souvenir de ça. J'ai lu ça la première fois, moi, dans le Globe and Mail.
M. Legault: Mais oui ou non? Est-ce que...
Le Président (M. Paquet): Un instant, s'il vous plaît. Une personne à la fois. M. le député de Rousseau.
M. Legault: ...oui ou non, avez-vous eu des discussions pour la vente de Vidéotron? Oui ou non?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je n'ai pas de souvenir de cette discussion-là.
M. Legault: Vous n'avez pas de souvenir.
n(16 heures)nM. Rousseau (Henri-Paul): Parce que j'ai lu ça dans le Globe and Mail, comme vous. Et, dans le Globe and Mail, on dit: «de source anonyme». Alors, je n'ai jamais eu ces discussions-là. Je n'ai pas de souvenir de ça. Les seules discussions que j'ai eues avec M. Péladeau, ça a été surtout des discussions lorsqu'il s'agissait de faire des transactions d'acquisition de choses.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: Donc, vous n'avez eu aucune discussion pour vendre des actifs de Quebecor Média? Jamais. Vous n'avez eu aucune discussion, selon vous?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je vous rappelle ma déclaration, je n'ai aucun souvenir d'avoir tenu à qui que...
M. Legault: Aucun souvenir.
M. Rousseau (Henri-Paul): ...avec qui que ce soit cette discussion-là.
Gestion du portefeuille Obligations (suite)
M. Legault: O.K. Bien, écoutez, on va passer à la prochaine question, M. le Président.
Quand on regarde, on a l'annexe 1.1 qui a été déposée par la direction de la caisse, on voit que, dans les obligations...
Une voix: ...
M. Legault: ... ? 1.1, je viens de distribuer le document ? en 2002, sur 21 milliards d'obligations, il y en avait 19,6 milliards qui étaient du gouvernement du Québec, Hydro-Québec, sociétés d'État, municipales, scolaires, donc reliées au gouvernement du Québec, et seulement 1,8 milliard de titres de sociétés corporatives. En 2007, on a diminué les vraies obligations, là, à 15,6 milliards puis on a augmenté les titres de sociétés corporatives à 7,8 milliards. En 2008, on était à 16 milliards de vraies obligations et 4,5 milliards de titres de sociétés corporatives, probablement suite à la baisse de la valeur de ces titres.
Ma question est simple: Juste dans ce portefeuille-là, Obligations, est-ce que vous ne pensez pas que depuis 2002 vous avez augmenté de façon très importante le risque en diminuant les obligations du gouvernement du Québec et autres sociétés reliées et en augmentant les titres de sociétés corporatives, qui sont plus risqués par définition?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): On parle bien des titres au Québec?
M. Legault: Oui.
M. Rousseau (Henri-Paul): Moi, je peux parler jusqu'à l'année 2007, 13 milliards à 8 milliards pour le gouvernement du Québec; Hydro-Québec, 4,5 milliards, 4,3 milliards. Par contre, là, on a investi plus au Québec dans les titres des compagnies québécoises. C'est ça que vous me dites?
M. Legault: Non. Ce que vous avez fait, là, c'est que...
M. Rousseau (Henri-Paul): Oui, titres de...
M. Legault: ...dans le portefeuille Obligations...
Le Président (M. Paquet): M. le député...
M. Rousseau (Henri-Paul): Oui, mais les titres de sociétés corporatives au Québec.
M. Legault: ...vous avez investi moins dans les vraies obligations et plus dans les titres de sociétés corporatives, dans le portefeuille Obligations. Est-ce que vous pensez que c'est plus risqué? Et est-ce que les déposants le savaient?
Le Président (M. Paquet): Je vous inviterais juste, peut-être, de part et d'autre, à laisser le président se faire reconnaître pour que chacun puisse intervenir. M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le Président, ça va peut-être aider à nous démêler. Moi, j'ai un tableau ici qui s'appelle Annexe 1.1, c'est ce à quoi on réfère, je crois, et il y a une dernière ligne, c'est marqué: «Titres de sociétés corporatives», et là on parle de 7,8 milliards en 2007 versus 1,8, d'accord, et on est tous d'accord à dire que c'est des sociétés du Québec, d'accord, des sociétés du Québec dans lesquelles on croit et dans lesquelles on a fait du financement de ces sociétés-là à partir des décisions qu'on a prises à Montréal auprès de ces sociétés-là. C'est ça dont on parle.
M. Legault: Est-ce que c'est plus risqué?
M. Rousseau (Henri-Paul): Et ce qui s'est passé dans le portefeuille d'obligations ? parce qu'ici on parle uniquement du Québec ? je vous réfère au portefeuille d'obligations total, où on a eu des obligations du Canada pour l'ensemble du portefeuille, et ces obligations du Canada avaient aussi pour effet de réduire le risque. En fait, comme le gouvernement du Québec a vu sa cote s'améliorer et son déficit diminuer, il empruntait sans la caisse, et c'est une très belle chose, parce que, quand il a besoin d'emprunts, la caisse est toujours là. Mais, dans cette période-là, vous avez raison, on a financé plus les entreprises du Québec que le gouvernement, mais la raison, c'est qu'on a répondu à la demande, et c'est dans ce sens-là qu'on a contribué au financement des entreprises du Québec.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: ...une question plus simple, très simple: Est-ce que c'est plus risqué d'avoir des obligations corporatives que d'avoir des obligations du gouvernement du Québec? Je demande juste: Est-ce que le portefeuille Obligations et valeurs à court terme, est-ce qu'il était plus risqué en 2007-2008 qu'il l'était en 2002?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Non, parce que, dans le portefeuille obligataire total, nous avons augmenté substantiellement les obligations du gouvernement canadien, qui réduisaient le risque total du portefeuille, et on se rapprochait de l'indice. Et ce que nous avons fait dans cette démarche-là, c'est de réduire le risque du portefeuille pour financer davantage les entreprises du Québec, ce qui, je pense, était une très bonne chose, et on a répondu à la demande des entreprises d'avoir de la dette pour financer leurs activités. Je ne vois pas en quoi c'était un mal.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: Oui. M. le Président, ce qu'on voit clairement, c'est que, dans le portefeuille qui s'appelle Obligations et valeurs à court terme, on a diminué les obligations au Québec puis on a augmenté les titres de sociétés corporatives. Ça peut être bon pour l'économie du Québec dans ce cas-là, mais ce qu'on vous dit, là, c'est que c'est plus risqué et que, d'avoir plus de dettes corporatives dans la section Obligations, ça augmente le risque. Mais bon.
Gestion du portefeuille
Répartition de l'actif (suite)
Prochaine question. Il y avait un portefeuille, à la caisse, qui s'appelait Répartition d'actif. On a perdu 2 milliards avec... entre autres, là, 2 milliards avec les activités Répartition d'actif. Je vous amène au rapport annuel, page 43. On dit que, juste dans le portefeuille spécialisé, on a perdu, en 2008, 1,7 milliard. Et là on explique que la Caisse de dépôt prenait des stratégies, prenait des positions d'arbitrage sur les taux d'intérêt, on dit, prenait donc des positions de valeur relative du revenu fixe et avait des stratégies qui misaient sur l'écart de taux entre les swaps et les obligations à long terme. Finalement, on a perdu 2 milliards avec ça.
Est-ce que, selon vous, M. Rousseau, c'est risqué? Est-ce que c'est... ou si vous pensez que c'est gérer en bon père de famille que de prendre des positions sur l'évolution des taux d'intérêt?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
Gestion du portefeuille
Obligations (suite)
M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le Président. Je veux faire une remarque. Le portefeuille... le risque d'un portefeuille doit être regardé dans sa totalité. Et je maintiens ce que j'ai dit: le portefeuille d'obligations, lorsqu'on inclut les obligations du gouvernement canadien et qu'on regarde son ensemble, en augmentant les titres du gouvernement fédéral, qui est une cote supérieure à tous les autres dans notre portefeuille, on n'augmentait pas le risque, on le diminuait.
Et, deuxièmement, nous avons fait ça en augmentant le financement des entreprises du Québec, ce qui, je pense, est une très bonne chose. On a réussi là à faire une chose, réduire le risque du portefeuille en finançant davantage le Québec, et ça, c'était dans la logique des intérêts de notre mission.
Gestion du portefeuille
Répartition de l'actif (suite)
Sur la question du portefeuille de répartition d'actif, je vous amène à la page... à l'onglet 9 du document qui a été déposé par la caisse, pour vous amener à la situation suivante: de 2003 à 2007, le portefeuille Répartition d'actif a produit un montant de valeur ajoutée cumulatif de 385 millions. Cependant, en 2008, vous avez raison... et j'aimerais faire une citation qui dit: «Même notre programme perfectionné de diversification de l'actif n'a pas pu nous protéger, alors que pratiquement toutes les catégories d'actif et tous les marchés étaient touchés.» Ça, c'est le président de Teachers qui dit ça dans son rapport annuel. Et je dois admettre avec vous que la grande crise d'octobre 2008, c'est celle qui a fait en sorte que les marchés se sont disloqués et sont devenus totalement corrélés.
Évidemment, lorsque vous avez un portefeuille dont la mission et le mandat, c'est de diversifier les actifs sur l'hypothèse que les actifs ne sont pas dans le même panier, la journée où tous les paniers sont connectés par une crise, bien, évidemment, ça ne marche plus. Bon. Il n'y a pas de surprise là. Et ça, ça a été vrai pour tous les joueurs dans l'industrie, c'est immédiat. Et donc...
M. Legault: Je repose ma question toute simple: Est-ce que vous pensez que c'est trop risqué d'investir dans un portefeuille comme celui qu'on appelle Répartition d'actif, où on prend des positions sur l'évolution des taux d'intérêt? Est-ce que vous trouvez, là... M. Sabia nous a dit, il y a deux semaines, que lui trouvait ça trop risqué puis il n'en fera plus.
Je vous pose la question à vous, M. Rousseau. De dire, on spécule... bien, je n'aime pas le mot, là, on prend des positions sur l'évolution des taux d'intérêt, entre autres, entre les swaps puis les obligations à long terme, est-ce que, vous, M. Rousseau, vous considérez que c'est une bonne gestion de père de famille ou si vous pensez, comme M. Sabia, que c'est trop risqué puis que la caisse ne devrait pas être dans ce genre d'activité?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Jusqu'en 2008, jusqu'à septembre 2008, ce portefeuille-là était performant, était à l'intérieur des... Non, non, mais c'est parce que la chose importante ici, c'est qu'on a eu un événement qui a touché la planète et dans lequel on n'est pas encore sorti, et cet événement-là, c'est la crise de la fin de l'année 2008, qui a fait en sorte que les marchés financiers ont été disloqués. Lors de cette dislocation, il s'est passé deux choses, les stratégies de répartition d'actif ont cessé de fonctionner et les valeurs marchandes ont été détériorées de façon fantastique, et c'est vrai pour tout le monde sur la planète, c'est vrai pour la caisse.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
n(16 h 10)nM. Legault: Oui. M. le Président, M. Rousseau nous dit: Bien, c'était pour se protéger contre la volatilité. Si c'était une vraie protection contre la volatilité, là, si c'était du vrai «hedging», comme on dit en anglais, là, on ne pourrait pas avoir une perte, il y aurait une compensation, comme les transactions sur les cours de change. Parce que, je ferai remarquer à M. Rousseau, il disait ce matin qu'une des explications de l'écart, ce sont les pertes de change. Or, on voit très bien, dans le rapport annuel, que les pertes de change n'expliquent pas les écarts. Les écarts sont de trois... à trois endroits. Pour 2008, on a perdu 10 milliards de plus que le marché. Un, à cause du PCAA pour 4 milliards; l'immobilier pour 3,7 milliards; puis 2 milliards à cause de ce portefeuille-là que, moi, j'appelle de la spéculation sur les taux d'intérêt, ce n'est pas du «hedging».
Je répète ma question: Est-ce que, selon vous, M. Rousseau, c'est normal, dans une organisation comme la Caisse de dépôt qui gère des placements pour nos retraites, pour la CSST, pour le long terme, qu'on prenne des positions sur les taux d'intérêt puis qu'on perde? Dans les faits, là, on a perdu 2 milliards avec ce portefeuille-là, c'est quand même beaucoup d'argent. Est-ce que rétroactivement vous êtes prêt à nous dire aujourd'hui: C'était une erreur, c'était beaucoup trop risqué, on n'aurait pas dû être dans ce genre d'activité? C'était peut-être très bon dans les années où les marchés boursiers performaient, parce que, là, on se trouvait... Écoutez, c'est un levier de 80 fois. On mettait 90 millions, puis on plaçait pour à peu près 1,7 milliard en équivalent. Donc, je pose ma question, là. Est-ce que vous êtes capable de regarder les épargnants en pleine face aujourd'hui puis de leur dire: Moi, je suis à l'aise avec ce portefeuille-là qui a perdu 2 milliards, ce n'était pas trop risqué?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, je crois que ce dossier-là, cette question-là a été discutée la semaine dernière et je pense qu'on a fait la distinction très claire entre la mesure de risques lorsque les marchés se détériorent et la mesure de risques lorsque les marchés sont normaux. Et, lorsque M. Sabia a dit: Il y a trop de risques, il faisait exactement référence à la situation concernant la crise qu'on a connue de corrélation parfaite entre les marchés. Et c'est pour ça que ce qui a l'air correct avant une crise devient plus risqué, plus corrélé, et c'est ça qui est arrivé. Les marchés se sont disloqués, produisant les effets qu'on connaît. Je ne nierai pas ça, il y a eu une crise financière qui n'est toujours pas terminée.
M. Legault: Bien, c'est juste dire...
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Legault: Par définition, donc ce n'est pas du «hedging», ce n'est pas pour se protéger. Si on perd 2 milliards, c'est parce qu'on était à risque, puis on n'a pas d'affaire à être à risque sur des montants aussi importants. Mais, bon, je vais passer la parole au parti ministériel...
Le Président (M. Paquet): Il vous reste 30 secondes.
M. Legault: ...puis on continuera tantôt. On va le garder pour tantôt.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Montmorency.
M. Bernier: On va continuer sur ce sujet-là, on va continuer sur ce sujet-là en ce qui regarde la répartition de l'actif. Moi, M. Rousseau, j'aimerais savoir... En ce qui regarde ce portefeuille-là, on a vu qu'effectivement il y a eu des rendements à un moment donné, mais il y a quand même eu une perte de 2 milliards, comme le député de Rousseau l'a mentionné. Moi, j'aimerais savoir qui était responsable de ce portefeuille-là, qui était responsable de cette équipe-là.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Moi, quand j'ai quitté au mois de mai, le portefeuille de répartition d'actif était sous la responsabilité du chef des investissements et d'une équipe spécialisée. Et je ne crois pas que ça ait changé après. Et le portefeuille de répartition d'actif a été performant jusqu'à la fin de l'été. Vous savez, vous me posez légitimement des questions sur l'année 2008, je peux vous donner énormément de réponses de ce que je connais, mais, quand vous rentrez dans le détail de la crise du mois d'octobre, novembre, décembre, je dois malheureusement vous dire que ça faisait déjà plusieurs mois que je n'étais plus chef de la direction et que je ne participais à aucune réunion. Quand j'ai quitté le 30 mai, le 30 mai, j'avais quitté le poste de direction et je ne participais plus ni au conseil, ni au comité de direction, ni au comité de placement. Alors, vous pouvez me torturer longtemps, là, mais le fondamental... Je peux vous parler de la crise financière, mais les résultats de la caisse dans cette période-là, je n'étais plus président.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Bernier: Ma question n'est pas pour vous torturer, M. Rousseau, loin de là mon idée.
M. Rousseau (Henri-Paul): ...
M. Bernier: C'est de savoir, au moment où vous étiez là, jusqu'au moment où vous étiez en poste, c'est de savoir qui était responsable de ce portefeuille-là. C'était ça, ma question.
M. Rousseau (Henri-Paul): La réponse que je vous ai donnée est la bonne.
M. Bernier: Bon. Est-ce que vous étiez au courant de ce qui se passait par rapport aux pertes?
M. Rousseau (Henri-Paul): Oui, c'est un portefeuille qui a été performant jusqu'à la fin de l'année. Vous voyez, d'ailleurs, dans les résultats de 2007, on avait fait 385 millions avec ce portefeuille, et ce n'est pas un portefeuille qui était risqué, il était à l'intérieur de ses limites, et ces limites-là étaient autorisées par tout le monde. Ce qui s'est passé à l'automne, encore une fois: dislocation des marchés, corrélation parfaite entre tous les marchés, stratégies de diversification qui ne fonctionnent plus, avec des pertes. C'est ce qui est arrivé là comme ailleurs. Le président de Teachers dit la même chose que moi, comme plusieurs autres: C'est un événement rare, mais il est arrivé.
M. Bernier: Donc, au moment où vous étiez en poste, vous, l'information que vous aviez, c'est que ce portefeuille-là était rentable.
M. Rousseau (Henri-Paul): Selon les règles de la caisse, il était performant, et il a été frappé très durement par la crise d'octobre, ça, c'est clair.
Le Président (M. Paquet): Ça va?
M. Bernier: Oui, ça va.
Gestion des risques relatifs
aux PCAA (suite)
Le Président (M. Paquet): Je veux revenir à une question sur les PCAA, qui me chicote aussi encore, c'est la question de... On l'a dit, une bonne partie des PCAA détenus par la caisse, ceux qui étaient basés, dans le fond, sur des ex post, là, qui sont des actifs qui étaient, dans le fond, basés sur des actifs synthétiques, c'est-à-dire qui combinaient, à partir d'acquisition d'actif, de titres de crédit, de dérivés de crédit, mais qui étaient... pour ceux qui faisaient la promotion de ces titres-là, de ces PCAA là de cette nature-là, eux, en même temps, ils faisaient une correspondance en les finançant à partir de titres de plus court terme, et c'est là qu'il semble qu'il y avait une adéquation quand on avait des titres de crédit de plus long terme, relativement plus long terme, par rapport à un financement qui était plutôt court terme. Or, c'est un des éléments, en gestion bancaire, qu'on essaie d'avoir un appariement qui ne soit pas trop tordu ou qu'il n'y ait pas une trop grande asymétrie entre les deux. Or, DBRS, lorsqu'ils faisaient leur rapport de notation de crédit par rapport aux PCAA, ils n'émettaient pas d'opinion sur la question de liquidités.
Jusqu'en 2000, les PCAA à l'époque, je comprends qu'ils ont peut-être changé un peu de nature, mais, jusqu'en 2000, il y avait Moody's, il y avait Standard & Poor's et DBRS qui faisaient une notation de crédit des PCAA, des papiers commerciaux. En 2000, Moody's et Standard & Poor's se retirent de l'évaluation de ça ? il doit y avoir une raison ? alors que DBRS a continué, et la caisse et d'autres acheteurs au Québec aussi, hein, Desjardins, la Banque Nationale aussi se sont fiés à DBRS en disant: Ah! C'est du AAA, c'est donc qu'il n'y a pas trop de problèmes là, ou c'est équivalent à du AAA.
Comment se fait-il qu'on n'ait pas considéré comme un signal le fait que d'autres agences de crédit ont arrêté de s'intéresser à évaluer les PCAA sur une période quand même assez longue ? je comprends que le marché a pu évoluer ? mais pourquoi, et que ça n'ait pas allumé, ça, un phare où on dit: Oups! il faudrait peut-être s'inquiéter davantage à savoir quel genre d'information qu'on reçoit des agences de crédit? Il me semble que c'est une des questions qui... en tout cas, on peut dire après coup, mais même à l'époque, même en n'ayant pas toute l'histoire qui se déroulait devant nos yeux, on aurait pu peut-être se poser cette question-là auparavant. M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): L'explication qu'on m'a donnée, c'est que les textes sur les clauses de liquidité entre le bancaire et le non-bancaire étaient, à toutes fins pratiques, très semblables sinon identiques, de sorte que les gens qui ont évalué, les gestionnaires qui ont évalué le risque que ça pourrait arriver, quand ils voyaient qu'en plus la prime d'assurance qui était chargée pour l'assurance de liquidité était infime, ont conclu que ces deux types de papiers là étaient semblables, et, sous-entendu, ça n'arrivera jamais, et si ça arrivait, ce sera comme dans le passé, la liquidité sera là.
Vous vous rappelez que, pendant 10 ans, cette affaire-là a fonctionné sans aucun problème, ça a traversé toutes les crises sans difficulté. Donc, il y a eu sous-estimation de ce phénomène-là. C'est ce qui a fait qu'il n'y a pas eu de contraintes sur le PCAA non bancaire parce qu'il était assimilé à du PCAA bancaire, et ça s'est avéré après coup que l'un a trouvé des liquidités, puis l'autre n'en a pas trouvé, c'est aussi simple que ça.
Le Président (M. Paquet): Une dernière sous-question là-dessus. Mais comment se fait-il... En tout cas, la question qui me vient à l'esprit: Pourquoi que des gens comme la Banque TD, eux, se sont tenus loin de cela? Qu'est-ce qui... Quels sont les indicateurs? Est-ce qu'on a des indications pourquoi certaines institutions financières comme TD, elles, se sont tenues loin, alors que d'autres, comme je disais la semaine dernière, ont succombé au chant des sirènes des PCAA?
M. Rousseau (Henri-Paul): J'ai beaucoup d'admiration pour tous ceux qui l'ont évité et je vous dirais que, quand on dit: C'était une erreur, c'est parce que c'était une erreur, et l'erreur, ça arrive, et cette erreur-là, elle est arrivée.
Je vous signale cependant que l'erreur en question, elle a amené une dépréciation de l'actif de près de 6 milliards, mais que les vraies pertes passées aux livres ne sont encore que de 180 millions après pratiquement un an et demi, et on a traversé une grande partie de la crise. Donc, il y a un effet comptable là qu'on ne veut pas reconnaître mais qui est majeur.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Chapleau.
Acquisition de PCAA non bancaire (suite)
M. Carrière: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir à ma question de tantôt, là, parce qu'il y a quelque chose qui m'échappe, là, puis je reviens encore au même tableau que je parlais tantôt, là. Pourquoi la Caisse de dépôt avait... Puis je vais seulement prendre Teachers, là, parce qu'on peut peut-être faire plus de comparables, plus facile à comparer. Pourquoi il y avait 210 fois plus de PCAA, si je fais le calcul, là? Puis je ne viens pas à bout de comprendre la stratégie derrière ça, là, excusez le terme, je ne la catche pas, là.
Puis l'autre chose, l'autre sous-question également, là: la semaine passée, M. D'Amours blâmait la Banque du Canada pour l'interruption des marchés, tout le kit. Selon vous, le rôle de la Banque du Canada dans l'histoire des PCAA, est-ce que ça aurait pu être différent, est-ce que ça aurait changé les choses?
Mais ma première question, je reviens, je ne comprends pas la différence... pourquoi on a acheté autant de PCAA comparativement à... je prends l'exemple de Teachers encore une fois.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
n(16 h 20)nM. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, je vais essayer de le répéter d'une autre façon plus claire. Il n'y a pas personne à la Caisse de dépôt et placement du Québec qui a fait un chèque de 13 milliards. Il faut que tout le monde comprenne ça, ça n'a pas été fait comme ça. Il y a eu participation à une quarantaine d'émissions émises par différentes institutions financières au cours de quatre, cinq, six ans à raison d'investissements à hauteur de 300, 250 millions de dollars. Donc, le portefeuille s'est bâti au cours des années et le portefeuille... il y avait dans ce portefeuille de valeurs court terme plusieurs composantes: le PCAA dont on parle aujourd'hui, le PCAA bancaire, des bons du Trésor, des acceptations bancaires, pour un total de 30 quelques milliards. Ça, c'est ce que la caisse avait en liquidité. Donc, l'accumulation ne s'est pas faite en un chèque de 13 milliards, mais plusieurs investissements sur plusieurs années. Plus encore, ces investissements-là, lorsqu'ils arrivaient à échéance, trouvaient preneur, et ça roulait, et ça a roulé pendant 10 ans.
Quand est arrivée la crise de liquidité sur le papier commercial au mois d'août 2007, cette crise-là a frappé de façon très claire le non-bancaire pour la raison suivante: le bancaire, qui avait les mêmes clauses de liquidité, les mêmes clauses, a trouvé preneur auprès des banques canadiennes qui ont racheté leur papier auprès de leurs clients, et elles se retournaient pour se financer auprès de la Banque du Canada pour avoir de la liquidité.
Les émetteurs de papier non bancaire n'avaient pas accès à cette fenêtre de financement, ils avaient cependant des ententes de liquidité avec les banques internationales qui, elles, ont dit: Puisque le marché fonctionne, je ne suis pas obligée de répondre au contrat, le contrat dit: il faut que je réponde à la liquidité s'il y a un arrêt complet des transactions. Or, il n'y avait qu'une seule partie du marché qui était arrêtée, et, les intervenants du marché, on s'est retrouvés dans la situation où personne au Canada ne pouvait déclarer qu'il y a un arrêt général du marché. Pourquoi? Parce que trois quarts du marché fonctionnaient puis l'autre quart ne fonctionnait pas. Et donc on s'est trouvés dans une situation totalement absurde que les clauses de protection qui devaient nous donner la liquidité sur une partie importante, tout près de la moitié du papier, le tiers, n'ont pas fonctionné, parce que justement ces banques-là n'étaient pas obligées de le faire, disaient-elles, le marché fonctionne.
Et donc c'est une situation incongrue qui a eu de lourdes conséquences. Et, quand on a vu ça, on n'avait pas le choix que d'essayer de trouver une solution privée à une solution qui était très collective, parce que vous aviez là non pas deux institutions, mais la page à laquelle vous faisiez référence, là, ces deux pages d'institutions financières, vous allez retrouver dans ça... Non, c'est vrai que plusieurs institutions n'y étaient pas, mais on était en bonne compagnie, la plupart des grandes institutions du Québec, des institutions comme le gouvernement de l'Ontario, l'Alberta Treasury, l'Université de l'Alberta, la centrale d'hypothèques et de logement, NAV Canada, plusieurs autres que vous pouvez voir, et la liste est longue. Et donc ce n'est pas uniquement la caisse qui a investi dans ce secteur-là, on était plusieurs, parce qu'il y avait plusieurs canadiens, entreprises canadiennes, qui avaient la conviction que ce marché-là ? puis il avait fonctionné depuis 10 ans ? continuerait de fonctionner. Et c'est ça, le gros point, il n'y a pas rien d'autre de mystérieux.
Pourquoi on avait beaucoup de liquidités? C'est essentiellement dû au fait que la caisse, dans ses opérations, doit garder des liquidités pour un montant important, étant donné ses besoins qu'elle a dans les différents secteurs. C'est ce que je peux répondre de plus clair, M. le Président, que cette distinction qu'on fait si clairement aujourd'hui n'est apparue que durant cette semaine-là.
Oui, avant, il y a eu des gens qui ont eu des doutes, puis je les respecte beaucoup, puis j'ai beaucoup d'admiration pour eux, puis j'aurais souhaité que cette erreur-là n'arrive pas. Mais je suis navré qu'elle est arrivée et je suis désolé, mais je ne peux pas rien y faire, il y a eu une erreur. Et la seule façon qu'on peut réparer une erreur, c'est ce qu'on a fait: de faire en sorte qu'il y ait une restructuration et d'éviter les pertes. S'il n'y avait pas eu cette restructuration-là, c'est des milliards qui auraient été perdus dans l'économie canadienne et à la caisse. Aujourd'hui, on a des grandes provisions, mais nos pertes réalisées sont toutes petites.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Carrière: Juste un commentaire, je laisserai la parole à mon collègue après, là. C'est vrai qu'il y a une liste assez exhaustive, là, mais on passe de 12,6 milliards, puis le deuxième après, c'est 2 milliards quelques. Donc, il y a...
Le Président (M. Paquet): M. le député de Huntingdon.
Comité de gestion des risques (suite)
M. Billette: Merci beaucoup, M. le Président. Bonne journée, M. Rousseau. On entend beaucoup parler, depuis la semaine dernière, du comité de gestion de risques. Vous en avez parlé ce matin en préambule. On a reçu M. D'Amours, la semaine dernière, qui nous a très bien expliqué le fonctionnement du comité à partir de l'ordre du jour jusqu'aux vases communicants de ce comité-là. Vous avez dit ce matin: Lorsque je suis arrivé à la Caisse de dépôt, il était important de mettre une police en place pour s'assurer que ce soit bien suivi. Vous avez parlé de feux de signalisation, à ce moment-là: le vert, l'orange et le rouge.
On a perdu 40 milliards l'an dernier à la Caisse de dépôt et placement. Je voudrais savoir de façon très précise... À ce moment-là, je ne vous ferai pas de cachette, il y a quelqu'un qui est passé sur le feu rouge et qui a eu tout un accrochage avec 40 milliards. Je voudrais savoir, puis c'est assez direct comme question, j'espère avoir une réponse assez directe également parce que je pense que la question vous a été posée: Est-ce que vous pensez que le comité de gestion de risques a fait son travail, et ce, depuis votre départ, depuis 2008?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Oui. La réponse est directe.
M. Billette: C'est direct.
M. Rousseau (Henri-Paul): Le comité de gestion de risques de la caisse, vous parlez du comité du conseil, a fait son travail. Pourquoi? Parce que, la journée, je dirais, l'heure où tous les gens responsables à nos niveaux ont vu le problème, on n'a pas retardé, ça a été la journée même qu'on a agi.
Deuxièmement, je veux juste faire un commentaire, M. le Président. Ça me fait très mal lorsqu'on dit: La caisse a perdu 40 milliards. Je veux dire aux Québécois: Il y a 22,4 milliards d'argent qui a été mis de côté dans ces comptes-là, et je souhaite de façon ardente qu'il y ait un suivi de fait sur ce 22,4 milliards parce que, quand il y aura des renversements, il faudra tous les comprendre.
Et, ce matin, on me disait, par exemple, que Quebecor Média a été important dans les résultats de la caisse sous 2003-2007. Je vous rappelle que, même à la fin de l'année 2007, on n'avait pas encore récupéré les écritures comptables qui avaient été faites avant mon arrivée. Pour dire que, quand on me dit que ça a été payant, non, on n'a pas encore récupéré le montant initial qu'on avait mis. Ce n'est pas ça, faire de l'argent, quand on récupère.
Alors, quand, les années prochaines, on va récupérer le 22 milliards en partie pour des écritures comptables, il faudrait savoir d'où ça vient, c'est très important. Ce n'est pas petit, là. En 2002, on parlait de quelques milliards. Ici, on parle de 22,4 milliards. Il faut faire un suivi sur ça parce que c'est dû essentiellement aux écarts comptables, dû au fait que, quand ça a été évalué, on a dit: Valeur de liquidation au 31 décembre, le marché est disloqué, ça coûte tant. Et ça, c'est énorme comme montant, ce n'est pas petit, et je souhaite qu'il y ait un suivi rigoureux parce que ce n'est pas petit.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Huntingdon.
Rendement de la caisse au cours
des dernières années (suite)
M. Billette: Je demeure sur mon questionnement, M. le Président, puis je ne veux pas vous reposer la question, mais vous me dites que... Puis, si on regarde les grandes sociétés de placements également où on a un taux de perte qui est plus important, on ne se fera pas de cachettes, au niveau du pourcentage de pertes, on parle de quelques milliards supplémentaires. Vous me dites que le comité de gestion de risques a fait son travail. Si on fait des comparatifs, on a perdu plus. Je suis perplexe à ce niveau-là. Puis vous allez me dire: Il doit sûrement y avoir eu des lacunes pour qu'on ait une si grande différence que ça avec les autres grandes sociétés de placements, pour en arriver à une perte beaucoup plus importante que ce que les autres fonds ont eu à ce moment-ci.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, je crois que la raison pour laquelle il y a une commission parlementaire, c'est pour mieux comprendre les résultats de la caisse en comparaison avec ses pairs, c'est-à-dire les autres caisses de retraite. Je vais tenter rapidement de résumer ce que je pense être les réponses puis pourquoi je pense qu'à cause de ça je peux maintenir que le comité de gestion de risques a fait un bon travail, et ce n'est pas parce qu'il y avait trop de risques.
Première cause: on a dit, sur le 10,5 milliards, il y a 4 milliards qui était de l'argent mis de côté au cas où ça continue d'aller mal dans le papier commercial. C'est ça que ça veut dire. C'est une provision, on met ça de côté. On avait déjà mis 1,9 l'année précédente. On est donc rendu à tout près de 6, et jusqu'à maintenant ce 6 milliards là, là, il y a uniquement 180 millions, qui est quand même beaucoup d'argent, mais par rapport aux 6 milliards, c'est tout petit, O.K.? Première cause, donc la provision non matérialisée, pas perdue encore, de 6 milliards... de 4 milliards pour l'année 2008. Ça, c'est sur le 10,5.
Deuxième cause: la caisse s'assure et se protège contre le risque de change plus que les autres. Ça a été bon des années, moins bon d'autres années, mais on sait maintenant, par l'enquête qui a été faite auprès des autres caisses de retraite, que le chiffre exact, c'est autour de 4 milliards comme écart de politique de change. Un autre 4 milliards. La différence entre... ça fait 8, on est à 10,5.
Par rapport aux autres caisses de retraite, je vous amène à l'onglet concernant le secteur immobilier, que vous avez dans le document que la caisse vous a fourni la semaine dernière, je crois que c'est l'onglet 4, et je vais donner un seul exemple pour faire une réponse courte. Les portefeuilles... Et je vous amène à la page 6. Lorsqu'on parle des effets comptables, je vais donner un exemple concret, parce que les effets comptables, il faut s'entendre, les règles comptables jouent pour la caisse à la hausse comme à la baisse. La différence, c'est que, quand les marchés ne fonctionnent pas, les évaluations qui sont faites par les experts ne peuvent pas prendre les transactions d'à côté, il n'y en a pas, et c'est là que vous avez des écarts extraordinaires.
n(16 h 30)n Je vous amène à la page 6, si vous voulez le faire. Très honnêtement, le portefeuille Immeubles d'OMERS, qui est un comparable à la caisse, qui est la caisse de retraite des employés municipaux de l'Ontario, a affiché un rendement de 6 % pour l'année 2008. C'est un portefeuille comparable à la caisse, d'immeubles, centres commerciaux, immeubles à bureaux et du genre. La caisse: moins 21,9 %, un écart important. Même du côté de Teachers, moins 4,3 %; la caisse, moins 21 %. Et M. Perreault vous a dit qu'il y a même des immeubles où la caisse est copropriétaire avec d'autres et où l'évaluation était différente.
Ce qu'il faut que tout le monde comprenne, c'est que les normes comptables font en sorte que, lorsqu'il y a dislocation du marché, la caisse est obligée de s'imposer la règle de la liquidation, c'est ça, la différence, alors qu'OMERS et Teachers sont des caisses de retraite, et la caisse n'est pas une caisse de retraite. Mais, moi, je souhaiterais que la loi de la caisse soit changée pour qu'elle ait les mêmes règles comptables que ses pairs, pour qu'on puisse au moins comparer des pommes et des oranges en bas et en haut comme dans tout. Et aujourd'hui on a une situation très inconfortable.
Quand les marchés fonctionnent, ces écarts de règles comptables ne jouent pas. Pourquoi? Parce qu'on fait des transactions, les évaluateurs les regardent, ils regardent celles des autres, et tout converge. Et, nous, on a vérifié ça. Notre comité de vérification, M. Garcia et tout le monde m'ont demandé: Henri-Paul, je veux une vérification sur comment va l'évaluation versus les ventes. Et la conclusion, c'est que nos évaluations, elles étaient bonnes à 4 %, 5 %. On n'avait pas des écarts comme ça. Mais, quand le marché ne fonctionne pas et qu'on vous dit: Vous, Caisse de dépôt, vous êtes une société de placement et vous devez évaluer vos immeubles comme si vous alliez les vendre demain matin, alors qu'on détient des immeubles pour la pérennité de nos déposants sur de longues années, ce n'est pas égal, et c'est pour ça que vous avez cet écart-là.
Teachers et OMERS ne sont pas obligés d'évaluer leurs immeubles comme s'ils les vendaient le 31 décembre parce qu'ils disent: Nous, on les garde, et, «by the way», on a la capacité et la volonté de les garder et, sur le plan comptable, on n'est pas obligés de prendre la valeur de liquidation. La caisse n'a pas le choix, il faut que ce soit comme si elle le vendait immédiatement. Essayez donc de vendre des immeubles le 31 décembre 2008 partout à travers le monde quand il y a une crise financière; ça vous donne ces résultats-là. Et ça, c'est l'effet le plus important.
Et je vous amène à l'onglet sur la juste valeur marchande, qui est juste après, et je finis là-dessus. C'est la page 5 de l'onglet 5. Vous avez là un tableau qui montre qu'uniquement dans les portefeuilles de placements privés et d'immobilier, les écarts dans la valeur marchande entre le 30 juin, 30 juin de l'année 2008, et 31 décembre, on en a pour 10,5 milliards. Ce que je veux dire, M. le Président, si on reprend pourquoi la caisse a perdu 10 milliards de plus que les autres, on a déjà dit 4 milliards pour le PCAA, qui n'est pas encore perdu, on a déjà dit la police d'assurance sur le change pour 4 milliards, et là je vous dis: Le reste, là, c'est beaucoup des choses comptables avec énormément de provisions, c'est le 10,4. Puis tout ça, 10,4, c'est énorme. Et ce que ça dit, en un mot: Quand vous regardez les actifs de la caisse, elle rapporte encore tout près de 6 milliards de revenus courants, alors qu'on... la même chose que l'an passé plus ou moins, alors qu'on a déprécié ses actifs de 25 %. Il y a quelque chose qui ne marche pas, il y a quelque chose qui ne marche pas. Puis on a fini l'année avec des provisions de 22,4 milliards.
Ça, là, c'est fondamental. Si j'avais une situation où la caisse avait ses revenus courants en baisse et que ses actifs étaient en baisse de façon cohérente, là on devrait comprendre qu'on a un vrai problème, mais ici c'est un problème comptable. Et, si vous voulez rendre service aux caisses de retraite et à la Caisse de dépôt, faites en sorte qu'on puisse trouver une façon que les règles comptables qui s'appliquent à la caisse soient les mêmes qui s'appliquent à Teachers, OMERS et les autres. Ça, ce serait constructif et ça éviterait tous les débats que nous avons depuis six mois sur cette question-là...
Le Président (M. Paquet): Merci.
M. Rousseau (Henri-Paul): ...et qui est très dur, mais c'est des vraies choses.
Et je signale que, quand la caisse comme les autres sont dans une situation où les marchés fonctionnent, ces écarts-là ne veulent pas rien dire. Il n'y en a pas, d'écart, quand le marché fonctionne. C'est quand le marché ne fonctionne pas que les règles comptables sont asymétriques.
Le Président (M. Paquet): Merci, M. Rousseau. Alors, le prochain bloc, alors je reconnais ? je crois qu'il y a un consentement, là, qu'on va interchanger l'ordre de présentation ? le 11 minutes de M. le député de Mercier.
Responsabilité sociale de la caisse
M. Khadir: Merci, M. le Président. L'exercice d'aujourd'hui, comme celui que mon parti réclame, c'est-à-dire une enquête publique sur ce qui est arrivé à la caisse... pas pour identifier des coupables pour l'idée d'identifier des coupables, mais simplement pour comprendre ce qui s'est passé, pour comprendre une certaine vision de l'investissement, pour corriger si c'est des responsabilités individuelles et des problèmes structurels, une vision du type de développement économique qui ont fait défaut et qui nous ont amenés là.
M. Rousseau, sait mieux que moi que les PCAA sont constitués d'un regroupement de créances et d'engagements divers qui incluent des cartes de crédit, des baux de location et des hypothèques. Les «subprimes», c'est une partie de ces hypothèques. Autrement dit, les «subprimes» contaminaient, comme produit toxique, largement et beaucoup les PCAA et sont responsables d'une partie importante... à cause de leur chute, de leur fonte littérale aux États-Unis, ont donc entraîné les déboires qu'on sait avec les PCAA.
Tout au cours de la journée, et pas vous uniquement, bien d'autres gens qui oeuvraient à vos côtés ou qui sont impliqués dans ce dossier-là nous disent qu'il y a eu une tempête parfaite, une conjonction des planètes, un arrimage des différents secteurs d'activité qui ont tous chuté en même temps, que c'était imprévisible, que c'est une calamité, que ça échappe... ça serait une loi naturelle, ça échappe au contrôle de l'État, des individus, des investisseurs.
Si c'est une loi, c'est une loi du marché, ce n'est pas une loi naturelle. C'est une loi qui répond à une certaine fonction économique qui s'appelle le libre marché, laissé à lui-même, non régulé. Les références que je vous ai données ce matin dans cette même commission y faisaient référence. Je vous invite... Parce que c'est des classiques, je vous invite à les lire, et ça fait des années qu'on en parle.
Plus que ça encore, des fonds d'investissement éthiques... Parce que, là, on est à la recherche de solutions pour éviter qu'à l'avenir la caisse soit entraînée dans ce type de déboires et pour faire en sorte que la caisse joue son rôle: à la fois engranger des profits, des retours sur investissement pour assurer une retraite digne pour notre peuple, mais aussi qu'ils soient en mesure de faire en sorte que ce soit dans le développement, dans le contexte d'un développement économique qui réponde aux besoins de l'ensemble de la population, donc d'un développement responsable.
Or, les fonds d'investissement éthiques, depuis au moins 2003, mettent en garde le marché sur les «subprimes». En fait, un article récent qui a été publié là-dessus dit que, le marché des «subprimes», sa chute pouvait être vue à des «miles away», à des kilomètres, dépendamment si vous portiez les lunettes appropriées et pas les lunettes roses des spéculateurs encouragés par les bonus reçus à l'investissement dans un marché haussier où tout le monde s'emballe. Ça s'appelle l'euphorie financière. Vous n'êtes pas le seul responsable. Vous en êtes une victime; la caisse en a été une victime. Combien d'autres investisseurs à travers le monde?
Or, quand vous regardez comment aujourd'hui se sortent de la crise les fonds d'investissement responsables partout, en Amérique du Nord aussi bien qu'en Europe, ces fonds-là, de manière constante, performent mieux que le marché, qui a été à la baisse en 2008. Ce cataclysme dont vous parlez n'a pas touché aussi gravement et parfois même a complètement épargné les fonds d'investissement responsables, et on le comprend. C'est parce que ces fonds-là ont des règles de gestion qui ont un souci social, qui ont un souci environnemental, et le même souci se répercute dans le retour, dans la responsabilité vis-à-vis des actionnaires, des déposants, ce qu'on voit moins dans une culture bancaire et financière. Pas la vôtre nécessairement, mais dans l'ensemble.
Donc, dans cette optique-là, je vais vous soumettre tout à l'heure, si vous le voulez bien, un certain nombre de ça, un article, par exemple, du Wall Street Journal qui va dans cet effet. Je suis désolé d'apprendre aujourd'hui que, malgré toutes les représentations que, par exemple, le député actuel de La Prairie, M. François Rebello, a faites... Moi, j'en ai été témoin en marge des... à Lyon, là, en marge de la conférence des Entretiens Jacques-Cartier, où il a essayé d'amener votre intérêt, de vous intéresser à l'investissement, hein, dans les domaines socialement responsables, dans les fonds éthiques, dans l'économie sociale, vous avez été très, très réticents à faire quoi que ce soit qui vaille.
Mais, pour précisément... Parce que la caisse aussi est menacée. Maintenant, là, dans quelques années la caisse doit écrire des chèques à des milliers de gens. Il y a un problème: il y a moins de revenus, il y a eu des pertes. Ils vont devoir liquider un certain nombre d'intérêts.
Et là vous travaillez pour Power Corporation qui, par exemple, avec sa financière, la financière Power Corporation, avec 80 milliards de dollars de fonds d'investissement, est un de ses rivaux, qui joue dans les mêmes platebandes. Et là vous travaillez pour Power Corporation actuellement. Le gouvernement vient de déposer un projet de loi pour bannir pour deux ans aux députés et à ses ministres... enfin, à ses ministres, de travailler au service d'une compagnie qui fait affaire ou qui aurait des intérêts avec le gouvernement.
Est-ce que vous estimez que, compte tenu de tous ces questionnements éthiques et du fait qu'il y a une bonne partie de la population qui ne comprend pas que, malgré votre admission de l'erreur, que c'était une erreur, que vous regrettez ce qui est arrivé à la caisse, vous n'ayez pas renoncé aux 400 000 $ de vos primes, est-ce qu'au moins vous pourriez peut-être, dans un geste qui rétablirait la confiance du public vis-à-vis de ses institutions et vis-à-vis de vous-même, renoncer à votre emploi chez Power Corporation?
n(16 h 40)nLe Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, j'étais président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, et j'en suis très fier, jusqu'au mois de mai 2008. Durant cette période, la caisse a été un des signataires de la déclaration de l'ONU sur l'investissement socialement responsable. Et la caisse fait partie des 25 signataires de départ. Et, comme institution, cette signature est importante pour l'organisation, et j'ai déjà à plusieurs reprises dit ceci, et je le répète: Les investisseurs tels la caisse et les grands investisseurs publics ont un rôle à jouer dans l'ordre mondial, et cet ordre mondial-là demande qu'il y ait poids, contrepoids, et les investisseurs jouent ce rôle-là. D'ailleurs, tous ceux qui gèrent de l'argent ont cette capacité, quand on gère de l'argent pour des tiers, d'intervenir dans les votes sur les sociétés et des choses comme ça.
Donc, sur votre premier commentaire, je pense qu'une des contributions dont je suis très fier... Si un jour vous allez dans la salle du conseil d'administration de la caisse, et je vous le souhaite, vous allez voir un document qui porte justement sur les principes d'investissement socialement responsable, et la caisse est très, je dirais, très active dans ce domaine-là.
M. Khadir: ...socialement responsable. C'est des prêts hypothécaires qu'on dit prédateurs.
M. Rousseau (Henri-Paul): J'arrivais à votre réponse. Je veux corriger un point.
Le 7 %, les «subprimes» qui sont dans les PCAA, on a su par après, par la suite, qu'il y avait 7 %, mais il n'y a pas personne à la caisse qui a pris la décision, encore une fois, d'investir directement dans le «subprime», disant: On va faire telle chose. Ce n'est pas arrivé comme ça, c'est arrivé par la porte d'en arrière, comme vous le savez. Et, par rapport à votre question, la réponse, c'est non.
M. Khadir: Alors, bien, je vais continuer ma...
Le Président (M. Paquet): M. le député de Mercier.
Liens entre la caisse et la
Corporation financière Power
M. Khadir: Oui. Alors, regardez, durant votre mandat, et avant vous en fait, la Caisse de dépôt a des intérêts quand même dans certaines filiales de Power Corporation, directement dans Power Corporation, 200 millions dans les actions de Power lui-même, à ce que j'ai pu glaner dans les documents disponibles, et près de 350 millions dans ses filiales. Ça fait à peu près 500 millions, donc.
Par exemple, un syndiqué du secteur public qui a subi les conséquences de vos décisions, et en fait aussi des décisions du gouvernement avec la loi-bâillon qui a entraîné les changements d'orientation dans la caisse.
Et ensuite pour le fait que la caisse semble moins préoccupée maintenant, à cause de ce changement, de défendre l'idée d'un développement économique axé sur, par exemple, des soucis environnementaux ou le développement économique de nos régions ou de nos petites et moyennes entreprises, où tout partout, y compris dans tous les éléments qui ont été rapportés dans le livre sur la caisse, vous avez diminué pour investir à la recherche de rendements supérieurs ...se trouve en rivalité avec une entreprise très, très puissante, très, très influente au Québec, qui est un rival, Power financière, la financière Power. Comment allez-vous assurer le peuple québécois que votre action auprès de Power Corporation ne menace pas nos avoirs?
Par exemple, si la caisse doit liquider un certain nombre d'actifs, il y a l'Hôtel Delta ici, il y a l'édifice La Capitale, il y a plusieurs édifices ici, et Power Corporation a aussi des intérêts immobiliers importants. Comment moi, comment les députés ici pourront être rassurés, maintenant que vous êtes au service de Power Corporation, que nos intérêts ne seront pas menacés par un solde pour couvrir les pertes?
Si la caisse doit payer ses déposants, si la caisse doit payer les chèques de nos retraités, à un moment donné, à défaut de paiement, on va devoir éventuellement solder un certain nombre des avoirs, des liquidités, de ce qui est le plus solvable. L'immobilier en est un.
Quelle garantie nous devons avoir ici pour s'assurer que votre connaissance des actifs immobiliers de la Caisse de dépôt, de ses risques, de ses investissements à long terme ne profiteront pas plutôt à Power Corporation qu'aux déposants québécois?
Le Président (M. Paquet): ...minute qu'il reste, M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Une minute?
Le Président (M. Paquet): Une minute.
M. Rousseau (Henri-Paul): C'est d'ailleurs pour ça que, quand j'ai quitté la caisse, j'ai pris un temps d'arrêt, pour faire en sorte qu'il y ait cette distance.
Deuxièmement, je peux vous dire qu'après ce qui s'est passé en octobre, novembre, décembre mon disque dur de la caisse est pas mal ruiné, parce que je n'ai plus d'information, surtout que ça a changé tellement dans les trois mois, il s'est passé plus de choses que n'importe quand.
Autre chose: les activités de la caisse et de Power, de la Banque Royale, de la société Domtar, de la société Merrill Lynch, de n'importe quelle autre société qui... Ce sont tous des noms, que je vous ai nommés, qui ont eu pour soit avant ou après des présidents ou des dirigeants de la caisse.
Et j'ai de la misère à comprendre votre question parce que c'est comme si, au sortir de la caisse... Si quelqu'un vient du privé et va à la caisse, je ne sais pas quel avenir vous lui réservez, mais je pense que... Je ne comprends pas le sens de votre question. L'information que j'ai, elle n'est carrément plus bonne.
Le Président (M. Paquet): D'accord. Le bloc est maintenant terminé.
M. Khadir: ...financière Power Corporation, c'est le rival principal, au Québec, de la caisse.
Le Président (M. Paquet): Le bloc est terminé. Je reconnais maintenant M. le député de Shefford.
Diffusion de l'information quant
à l'investissement dans le PCAA (suite)
M. Bonnardel: Merci, M. le Président. Revenons rapidement, M. Rousseau, pour les gens qui nous écoutent. En août 2007, il arrive la crise des PCAA où la situation est tellement compliquée à la caisse que personne n'y comprend à peu près rien. Et là-dessus Mme Kudzman, vous l'avez dit tantôt, lève le drapeau. Elle s'en va rencontrer M. D'Amours, qui est président de la gestion du risque, puis elle lui dit: Écoute, il y a un problème, il faut aller rencontrer le patron pour qu'il y ait rapport là-dessus, rapport d'une situation qui était difficile, où personne, comme je le dis encore, n'y comprenait rien, et, vous, vous avez accepté que ce rapport soit fait par une firme externe, qui était Price Waterhouse, où personne n'en a obtenu copie.
M. Rousseau, vous êtes conscient que ce rapport a été dévoilé au comité de direction les 6 et 7 mai 2008, sur deux jours. Est-ce que vous avez pris connaissance de ce rapport avant le comité de direction?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): La firme Price Waterhouse a rencontré à la caisse, pour faire son rapport, non seulement les dirigeants et un certain nombre de gestionnaires de portefeuille, de membres du conseil... Parce qu'on leur a demandé: Donnez-nous quelle était la différence entre nous et les pairs. Donc, oui, je les ai rencontrés, et ils m'ont questionné sur les pratiques de la caisse et ils ont questionné comme... l'ensemble de mes dirigeants. Et le rapport avait été demandé par la direction. Le rapport avait été demandé par la direction, je vous rappelle; c'était normal que je le voie.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Bonnardel: M. le Président. M. Rousseau, il y a deux choses qui interpellent votre arrivée à la Caisse de dépôt, c'est le fait que vous ayez fait une purge assez incroyable au début de votre mandat, où vous avez congédié 19 dirigeants, aboli 138 postes, fermé huit, huit bureaux sur 11 à l'étranger et cinq filiales, mais aussi une politique de rémunération qui était basée sur les bonis, sur des risques.
Le rapport qui vous a été donné, vous êtes le P.D.G., est-ce que vous l'avez lu avant qu'on l'ait remis au comité de direction les 6 et 7 mai 2008?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Le comité de direction, c'est lui qui l'avait commandé, donc mes collègues du...
M. Bonnardel: De direction, c'est ça. Est-ce que, vous, vous l'avez lu, M. Rousseau, avant le comité de direction?
M. Rousseau (Henri-Paul): Je crois que j'ai reçu le rapport en même temps que mes collègues, on l'a regardé, et ensuite il a été déposé au conseil d'administration. Ce n'était pas un rapport commandé par le conseil, je vous le rappelle. Le comité de direction, c'est ceux qui travaillent avec moi. Alors, c'est normal que je l'aie lu, on fait ça ensemble.
Et je voudrais revenir sur un point important, parce que tout à l'heure vous m'avez posé des questions sur le rapport, et j'ai fait référence au rapport annuel, mais je me suis trompé de page. C'est la page 149 que je vous demanderais de regarder dans le rapport annuel, qui vous donne... Sur 18 éléments, il y en a 13 où la caisse est cotée similaire aux pratiques de l'industrie ou meilleure, puis il y en a cinq à améliorer. Vous avez un tableau, là, à la page 149, qui vous donne ça.
Donc, je veux vous dire que l'information qui vous est fournie, là, c'est l'essentiel du rapport. Je pense que ça vous donne... L'essentiel des conclusions est là. Et c'est pour ça que j'étais capable de vous dire que, ce rapport-là, il y a des choses stratégiques qu'on ne peut pas dévoiler, mais l'essentiel des conclusions sont là.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Shefford.
Comité de gestion des risques (suite)
M. Bonnardel: Alors, M. le Président, M. Sabia arrive, et il témoigne devant nous voilà déjà à peu près deux semaines, et deux choses importantes qu'il décide de faire, c'est de réengager 24 nouvelles personnes à la gestion du risque et de modifier cette politique de rémunération que vous avez mise en place. C'est un désaveu, ça, M. Rousseau, de vos politiques quand vous êtes arrivé à la Caisse de dépôt, et de se rendre compte que M. Sabia arrive et qu'il y a des choses qui n'ont pas fonctionné. Qu'est-ce que vous en pensez?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
n(16 h 50)nM. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, quand je suis rentré à la caisse, il y avait neuf personnes dans la gestion du risque. Au 31 juillet 2007, il y en avait 28, et au 31 décembre, 29. Donc, je n'ai pas diminué les gens dans la gestion du risque, je les ai augmentés, premièrement, de façon importante, de 20 personnes de plus.
Deuxièmement, les décisions de l'année 2002 sur le modèle d'affaires de la caisse concernaient les activités de la caisse à l'étranger où on avait la volonté de vendre nos services-conseils ou nos services de gestionnaire de portefeuille. La difficulté que j'avais, c'est qu'on avait une performance ? et je vous l'ai montré ce matin dans les tableaux ? d'au mieux troisième quartile, et souvent quatrième quartile. C'était difficile à vendre nos produits. D'accord? On avait à peu près 1 milliard sous gestion de tiers, alors qu'on en avait 75 et plus à gérer de nos déposants. J'ai mis l'accent sur les déposants, c'est ce que j'ai fait.
Troisième élément: M. Sabia, je n'ai pas compris de ses remarques qu'il avait changé le mode de rémunération, je n'ai pas compris ça en relisant. D'abord, il vient d'arriver, et, deuxièmement, l'inquiétude profonde qu'il va avoir, c'est la même que la mienne et la même que M. Scraire et tous ceux qui ont dirigé la caisse. Le problème numéro un de la Caisse de dépôt et de placement, je vous le répète, c'est de recruter des gens compétents qui sont capables de gérer l'ensemble des activités que nous avons, et pour ça il faut avoir une politique de rémunération qui est au moins compétitive.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
Contexte de la démission de
M. Henri-Paul Rousseau de son poste
de président et chef de la direction (suite)
M. Bonnardel: Merci, M. le Président. M. Rousseau, vous nous avez dit ce matin que vous étiez à préparer votre départ. Pouvez-vous nous confirmer à quelle date au mois d'avril ou au mois de mai vous avez senti le besoin de dire: Je vais quitter la caisse? Comme je vous l'ai mentionné ce matin, vous avez accepté une prime de 405 000 $, qui est une prime de départ qui préparait à une transition pour un autre emploi. Vous nous avez dit ce matin que vous étiez déjà en train d'y penser au début mai. Pouvez-vous me confirmer quand vous avez pensé quitter la caisse? Et est-ce que le conseil d'administration ou le gouvernement étaient au courant de vos tractations pour changer d'emploi?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): J'ai accepté de quitter la caisse le 28 mai. Pour vous dire la vérité, j'avais plusieurs opportunités qui m'étaient offertes et, parce que j'avais plusieurs opportunités, j'étais hésitant. Et j'ai, pendant un bon moment, eu à décider est-ce que je restais pour un autre cinq ans ou si je complétais ce mandat-là. Et, cette décision-là, je l'ai prise le 28 mai, je me suis entendu avec la direction de la société le 28 mai; le 29 au matin, j'étais dans le bureau de M. Brunet pour lui annoncer; et, le 30, j'ai démissionné et annoncé au conseil d'administration. Et, dans ces journées-là, je n'ai absolument rien fait que d'être avec M. Brunet pour justement préparer la transition à laquelle vous faites référence.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Bonnardel: M. le Président. M. Rousseau, vous ne trouvez pas que c'est un peu délicat? Vous dites avoir eu plusieurs offres. Moi, un homme de votre trempe, qui est P.D.G. de la Caisse de dépôt, qui décide de vouloir quitter, je pense qu'il faut en parler à certaines personnes. On en parle à nos amis, on appelle Power, on appelle Untel, Untel puis on lui dit: Écoute, je vais quitter. Il n'y a pas un problème d'éthique à quelque part de faire des tractations, de préparer son départ?
Là, vous ne me confirmez pas quand vous avez commencé ces tractations à vouloir quitter la caisse puis est-ce que le conseil d'administration était au courant, au fait que vous vouliez quitter. Vous dites que le rapport était beau, il était bien, il était bon, le rapport Price Waterhouse. Est-ce que... Quel lien vous avez préparé? Pourquoi vous ne nous dites pas: Moi, je l'ai préparé, ce départ-là, à telle date, j'ai accepté une prime. Je pense qu'il y a un problème d'éthique énorme là-dessus. Expliquez-nous la situation, M. Rousseau.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je vais vous l'expliquer de la façon la plus claire, précise que je peux le faire. Je vous rappelle que je suis sous serment et j'ai volontairement demandé d'être assermenté pour répondre correctement à ces questions-là. Et ce que je vous dis là, c'est: Lorsque j'ai pris la décision d'accepter un emploi, automatiquement, l'heure même... ça, c'est le mercredi soir, le lendemain matin, chez Pierre Brunet pour lui dire: Monsieur, je vais quitter la caisse.
Et une chose que vous devez savoir ? par la suite, le vendredi, j'ai annoncé ma démission ? vous devez savoir que, quand on dirige la Caisse de dépôt et de placement du Québec, le principal conflit d'intérêts qu'on a, il n'est pas dans la gestion de sa carrière, il est dans la gestion de ses affaires. Et, moi, j'ai été nommé à la Caisse de dépôt au mois de mai 2002 et j'ai passé l'été à liquider mon portefeuille personnel d'actions, d'obligations et de tout ce que j'avais, ainsi que de mes options dans un marché qui était pourri à l'été 2002. J'ai payé l'impôt que j'avais à payer parce que je n'ai pas fait aucune planification fiscale. J'ai demandé qu'on crée une fiducie sans droit de regard pour être à l'abri de tout soupçon. Et c'est là que j'ai personnellement décidé de servir l'État et la collectivité, en me forçant à faire ça pour ne jamais avoir une situation de conflit d'intérêts.
Et ma grande surprise, là, c'est que ce système-là de fiducie sans droit de regard que vous connaissez dans le secteur gouvernemental n'existait pas, et maintenant ça existe. Et je l'ai demandé pour chacun de mes dirigeants. Ça, c'est le point le plus important, et ce geste-là, je l'ai fait de bon gré, il n'était pas dans aucune loi, pour justement être à l'abri de tout soupçon. Pourquoi? Parce que, quand vous êtes président à la Caisse de dépôt, vous avez de l'information sur beaucoup de choses et vous ne pouvez pas en même temps gérer votre argent.
Et enfin, pour ce qui est de la question de ce qu'on m'a donné lors de mon départ, c'était un montant forfaitaire conclu dans le contrat, comme plusieurs fonctionnaires et employés de l'État ont. Ça fait partie des normes. Je vous soumets bien humblement que ce n'est peut-être pas la façon la plus efficace de rémunérer les gens, mais, dans mon cas, c'est comme ça que ça avait été fait, et ça avait été fait par décret. Voilà. Et ça a été divulgué sans aucune ambiguïté. Et encore une fois ni vous ni personne ne m'ont posé des questions lorsque j'ai remis ma démission, et j'ai communiqué ça au grand public le 30 mai.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Shefford, 1 min 30 s.
M. Bonnardel: M. le Président. Rapidement, M. Rousseau. Vous êtes resté conseiller suite à l'annonce de votre départ, le 30 mai. Vous avez reçu votre plein salaire pendant ces trois mois?
M. Rousseau (Henri-Paul): Oui. C'est pourquoi d'ailleurs ma prime n'a pas été, si vous calculez correctement... C'est une discussion que j'ai eue avec M. Brunet. J'ai dit: Je ne veux pas avoir cette question que j'aurais eu 15 mois de prime, alors que le décret prévoit 12 mois. Alors, ce que j'ai fait: on a convenu, M. Brunet et moi, que le trois mois où j'étais à l'emploi de la caisse j'aurais du salaire et que la prime qui devait être un an soit réduite à neuf mois. Et, si vous regardez le rapport annuel, le montant que j'ai reçu, c'est neuf mois sur 12 et non pas le plein montant justement, pour répondre à votre question.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Bonnardel: Merci, M. le Président. M. Rousseau, revenons à Power Corporation. Vous avez décidé d'aller travailler pour eux. Est-ce que c'est une entreprise qui voulait vous avoir? Est-ce que c'est un chasseur de têtes qui est allé vous chercher?
Et au travail qu'on vous a donné, c'était comme conseiller... pas comme conseiller, mais comme... en tout cas, pour développer le groupe financier à l'international. Suite à ça, je comprends que, dans la Caisse de dépôt et de placement, dans le livre que j'ai devant moi, on se préparait et on travaillait très fort pour développer le marché chinois. Et un bureau que vous avez ouvert pendant votre mandat, c'est un bureau en Chine. C'est exact? Vous avez accepté un travail chez Power Corp qui développe donc ce marché-là, qui... oui, il y a beaucoup de transactions entre Power et la Caisse de dépôt. Combien de rencontres vous avez eues avec Power Corporation pour accepter cet emploi quelques semaines avant de décider de quitter la caisse?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Quelques rencontres. Mais je veux revenir sur la question de la Chine, parce que c'est là l'angle de votre question, M. le Président. Tout le monde connaît au Canada et, je pense, au Québec que le groupe Power Corporation a été en Chine parmi un des premiers, et c'est plutôt l'inverse. Le groupe Power Corporation, qui est présent en Chine depuis fort longtemps, pourrait effectivement aider la caisse en Chine, et il aurait été tout à fait normal... comme ils ont aidé d'autres sociétés. Ils ont été parmi les pionniers dans l'activité en Chine. Et donc il n'y a pas là... Ce serait plutôt l'inverse, s'il y avait quelque chose. Et je pense que ça, c'est très documenté à travers le Canada, c'est une des entreprises qui a été là depuis fort longtemps.
J'ai dit ce matin à quelqu'un d'autre qui me posait la question que les discussions ont commencé après l'assemblée annuelle de la société, au cours du mois de mai, et que j'ai conclu cette entente le 28 mai, tel que je vous le disais.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Bonnardel: Merci, M. le Président. Vous dites «l'assemblée annuelle», M. Rousseau, mais le conseil d'administration a eu lieu le 30, le 30 mai. C'est le dernier vendredi du mois.
Alors, ce matin, vous m'avez dit que vous aviez entrepris des discussions avec Power trois semaines avant.
M. Rousseau (Henri-Paul): ...l'assemblée annuelle de Power.
M. Bonnardel: À l'assemblée de Power Corporation. Donc, vous étiez déjà en train de préparer un transfert avec une entreprise privée, vous étiez à l'emploi de la Caisse de dépôt, et vous ne voyez pas de problème d'éthique. Vous n'avez pas appelé le gouvernement, vous n'avez pas averti votre conseil d'administration que vous étiez en train de préparer ça.
M. Rousseau (Henri-Paul): J'ai fait deux choses. Je n'avais pas pris ma décision et je n'avais pas signé aucun engagement.
Deuxièmement, je l'ai dit ce matin: Durant toute la période où j'ai été président de la Caisse de dépôt et de placement, je n'ai initié ni autorisé aucune transaction entre la caisse et Power.
Troisièmement, si vous voulez aller au fond des choses, le seul événement qui est arrivé au mois de mai 2007 entre la caisse et Power, c'est un vote de la caisse contre la société Power, et le Journal de Montréal a rapporté ça exactement durant cette période-là, pour vous montrer que, durant cette période-là, la caisse avait encore sa parfaite autonomie, et le comité qui vote ce qu'on appelle les procurations a voté comme la caisse vote en fonction de sa politique. Et ça vous donne là un très bel exemple concret. C'était donc dans le Journal de Montréal après l'assemblée annuelle. J'avais même ma photo. Parce qu'on a dit... parce que les gens à l'extérieur pensent que toutes les décisions sont prises par le président, mais on voit très bien, à cette période du mois de mai 2008, que la caisse a conservé sa toute autonomie.
Enfin, pour être plus prudent, j'ai demandé au secrétariat de la caisse de me sortir toutes les transactions qui avaient été faites durant la période du début de mai jusqu'à la fin pour être bien certain, avant de vous répondre, que ce soit vrai, et on m'a confirmé que, durant cette période-là, il n'y avait aucune transaction qui avait été faite entre la caisse et Power demandant mon autorisation.
n(17 heures)nM. Bonnardel: Rapidement, une dernière question, je pense qu'il ne reste pas beaucoup de temps.
M. Rousseau, suite à votre départ annoncé le 30 mai, on a annoncé que M. Guay, qui était votre poulain, qui était responsable des V.P., qui était responsable de la gestion du risque, allait prendre la relève comme président par intérim, mais être nommé. Est-ce que, pour vous, ce fut une erreur de faire la promotion de M. Guay au conseil d'administration, suite à son départ ou sa maladie, qui a fait que M. Guay est resté en poste seulement six semaines?
Le Président (M. Paquet): Il reste une minute. M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Ce n'était pas une erreur. Et c'était très malheureux que M. Guay était malade. Je pense que c'était malheureux pour lui-même puis sa famille et pour les employés de la caisse et pour la caisse. On ne choisit pas le moment où on est malade dans la vie. Et je veux dire que, moi, quand j'ai démissionné comme président, je n'ai participé à aucune réunion du conseil, aucun comité du conseil, encore moins le comité de nomination, et je n'étais plus membre du comité de direction de la caisse et ni d'aucun comité de placement.
L'entente que nous avons prise, c'est que j'étais à l'extérieur des décisions de placement et d'organisation, mais on m'a dit: Tu vas continuer à travailler avec M. Crawford pour finaliser le dossier, ce que j'ai fait. Donc, c'est tout ce que je peux vous dire là-dessus, je n'ai pas été d'aucune façon associé. Oui, M. Guay était le second au moment où j'étais le premier, c'était le chef de la direction de placement, et il m'a très bien servi dans ces années-là.
Le Président (M. Paquet): Ça termine ce bloc. Je reconnais maintenant M. le député de Huntingdon.
Comité de gestion des risques (suite)
M. Billette: Merci beaucoup, M. le Président. M. Rousseau, vous allez me trouver peut-être acharné un petit peu sur... je veux revenir encore sur le comité de gestion de risques. Vous nous avez dit qu'il n'y avait aucune lacune, à vos yeux, au niveau du comité de gestion de risques. La semaine dernière, on recevait M. D'Amours, Alban D'Amours. Puis c'est un exemple concret, je pense, que je veux vous donner d'exemple un petit peu...
Parce qu'il ne faut pas oublier les buts et objectifs de la commission ici: ce n'est pas de faire le procès de personne, mais c'est de trouver des solutions pour que la perte qu'on a connue en 2008 ne se répète pas pour les générations futures et de stabiliser un petit peu, là... éviter qu'une situation similaire à cette dernière se réalise encore, que ce soit l'an prochain, dans 10 ans ou dans 15 ans. Donc, c'est vraiment sur un mode solution sur lequel on doit travailler, et mes questions se rapportent vraiment à ce niveau-là.
Jeudi dernier, M. D'Amours nous a dit qu'il y avait certaines lacunes. Il en a décelé une, entre autres, au niveau lorsqu'on a parlé des PCAA. Il nous a dit que c'était une lacune importante, au niveau du comité de gestion de risques, de se n'être basé que sur une cote de crédit. Donc, vous, vous venez nous dire, d'un côté, qu'il n'y a aucune problématique, aucune lacune au niveau du comité de gestion de risques. M. D'Amours, d'un autre côté, nous dit que c'était une erreur de ne s'être basé que sur une seule codification ou cote de risque au niveau des PCAA. Est-ce que, dans ce sens-là puis faire avancer les travaux, vous ne voyez aucune autre lacune, vous? Vous tenez vos propos à dire: Il n'y a aucune lacune au niveau du comité de gestion de risques?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je regrette que vous ayez compris ce que j'ai dit... Vous m'avez parlé du travail des membres du comité, alors que la réponse que M. D'Amours vous a donnée, c'était sur les politiques. Et ça, je suis d'accord avec lui, je l'ai dit, il y avait une erreur, c'était dans nos politiques d'investissement. Et, dans la politique d'investissement, si on avait fait l'agrégat du papier commercial de tiers, on aurait vu qu'il y avait une situation. Et donc les deux cotes de crédit, on est tous d'accord là-dessus, c'est ça qui est l'erreur; on dit la même affaire. Je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas d'erreur dans notre gestion de risques, j'ai dit que la politique de gestion de risques n'avait pas reconnu l'agrégat du papier commercial de tiers, et c'est pour ça qu'on a eu la conséquence qu'on a connue.
Votre question, tout à l'heure, concernait ? c'est ce que j'ai compris: Est-ce que le travail... les membres du comité ont fait le travail? Oui, avec l'information qu'ils avaient. Comment ça se fait qu'eux non plus n'ont pas vu ce que je n'ai pas vu puis que personne n'a vu? Ça, je vous ai expliqué que cette distinction claire qu'on fait aujourd'hui n'était pas si claire avant que les événements arrivent, c'est aussi facile que ça.
Je veux juste corriger un point. L'objectif que, moi, j'ai compris des travaux, c'est de bien comprendre les résultats, et, parmi les événements importants des résultats, je reviens sur un fait: il y a 22,4 milliards de dollars de provisions mises de côté. Je pense qu'un des éléments importants des travaux de cette commission, c'est de s'assurer qu'il y aura un suivi de fait, sur les années à venir, de ce 22,4 milliards de dollars de provisions.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Huntingdon.
Encadrement de la gestion du risque (suite)
M. Billette: Est-ce qu'il y a d'autres lacunes, au niveau de la politique de gestion de risques, que vous pourriez énumérer?
M. Rousseau (Henri-Paul): Oui, il y en a d'autres. Vous avez, à la page 149, le rapport de Pricewaterhouse qui vous dit les pratiques à améliorer, et vous avez des éléments, là. Sur 18 points, il y en a 13 qui sont...
M. Billette: ...
M. Rousseau (Henri-Paul): Le rapport annuel, j'entends. Le rapport annuel...
M. Billette: Oui, le rapport annuel...
M. Rousseau (Henri-Paul): ...excusez-moi, O.K.
M. Billette: ...c'est parce que je... vous allez nous dévoiler, à ce moment-là, qu'on pouvait avoir accès...
M. Rousseau (Henri-Paul): Bien, dans le rapport annuel par exemple, on dit: Il faudrait faire des estimations de la valeur à risque d'une façon plus fréquente. Dans le fond, ce qu'on veut dire ici, c'est de faire ça de façon quotidienne, par exemple, O.K.? Alors, vous avez les petits x, là, si vous êtes à la page 149, ça, c'est toutes des pistes d'amélioration. Je ne suis pas là pour vous dire que la caisse est parfaite puis que tout est parfait; au contraire, ce n'est pas ça que je dis. Mais il y a une question entre est-ce qu'il y a quelqu'un qui a mal fait son travail précisément? Ça, je vous ai répondu à ça. Ici, ce dont on parle, c'est: dans les politiques, oui, on aurait dû avoir une catégorie. Deux: dans les pratiques, vous voyez là des pratiques qui sont améliorées, et je pense que c'est du travail que M. Sabia et les équipes, Mme Kudzman et d'autres, vont accélérer.
M. Billette: Parfait, c'est à souhaiter. Et...
Le Président (M. Paquet): Merci, M. le député.
Impact des modifications
législatives de 2004 (suite)
M. Billette: ...changement de sujet. En 2004, je n'étais pas présent à ce moment-là, le gouvernement a adopté une nouvelle loi, la loi sur... a modifié la Loi sur la Caisse de dépôt 2004. J'aimerais savoir... Vous étiez en poste à ce moment-là, vous étiez P.D.G. de la Caisse de dépôt et placement. J'aimerais savoir... J'ai peut-être cinq points que j'aimerais que vous souleviez à ce moment-ci, savoir en quoi cette loi a modifié ou non modifié la gestion courante de la caisse, première des choses: au niveau de l'interprétation de la mission de la caisse, du développement économique du Québec, de la gestion du risque, de la gouvernance au niveau des politiques de placement que vous exerciez au niveau de la Caisse de dépôt et placement.
M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Il y a cinq points.
M. Billette: Oui, tout à fait.
M. Rousseau (Henri-Paul): La mission n'a pas été changée, elle a été clarifiée. C'est la première fois que la mission était énoncée dans la loi. Le développement économique, si on le mesure par l'importance des investissements au Québec, la caisse est plus présente que jamais. Mais plus important, vous allez le voir dans les prochaines années, c'est certain, quand le crédit est difficile... Je donne l'exemple des années soixante-dix. Tout le monde va se rappeler les années soixante-dix, le gouvernement du Québec, lorsqu'il a essayé de financer sa dette, c'était plus difficile, le marché était plus difficile. Et on a réussi, durant cette période-là, vous allez voir la part de marché de la caisse, dans le financement du gouvernement et d'Hydro-Québec, très élevée.
Dans les années quatre-vingt, après la récession, les affaires s'améliorent petit à petit. Le gouvernement du Québec a une dette qui est aussi grande, puis, quand on fait le ménage du déficit, tiens, les écarts se rétrécissent et la caisse est de moins en moins présente dans le financement du Québec. Par contre, nos entreprises se développent; dans les années quatre-vingt, ils avaient besoin d'équité. Dans les années quatre-vingt-dix, encore besoin d'équité, puis, dans les années 2000, c'est de l'endette. Pourquoi la dette? Parce qu'ils ont... le plein... les actions valent plus cher, ils veulent la dette. La caisse a pris une grande part de marché, ce qu'on me reprochait tout à l'heure, dans la dette des entreprises au Québec. Je pensais, moi, je pense toujours que c'était une bonne chose de financer nos entreprises au Québec. Ça, c'est une mesure.
Là, on arrive à une période plus difficile dans le crédit et plus difficile dans les marchés. Vous allez voir, la part de marché de la caisse va augmenter. Ce qu'il faut comprendre, c'est, quand on mesure ça, la caisse n'est pas une institution qui dit: Bang! on fait ci, bang! on fait ça. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Il y a un marché d'offre et de la demande sur lequel la caisse intervient au Québec comme ailleurs. Et prenons le capital de risque: le capital de risque aujourd'hui, le Fonds de solidarité est un beaucoup plus gros joueur que la caisse, et c'est normal. L'État, au cours des années, a donné au Fonds de solidarité, au Fondaction CSN et à d'autres, des outils fiscaux pour développer le capital de risque.
La caisse n'est pas capable, dans le développement du capital de risque, de faire les transactions avec les rendements que le Fonds de solidarité a, parce que la caisse, en capital de risque, va exiger un rendement beaucoup plus élevé parce qu'elle n'a pas de subvention qu'elle peut refiler aux déposants, alors que le Fonds de solidarité a une subvention fiscale, et ça, ça aide. Donc, il y a toutes sortes de raisons qui font que vous avez des fluctuations dans le développement économique. Deuxième point.
Troisième point, la gestion du risque. La principale contribution de la loi 2004, c'était sur la gouvernance et non pas sur la politique de placement. Les grands changements, en politique de placement, avaient eu lieu en 1997. Et, je vous le rappelle, c'était une bonne chose qui a été faite, ça donnait une participation en actions très grande. Nous, on l'a baissée, parce que c'était moins risqué d'aller dans d'autres secteurs. Mais, comme encadrement, ce n'était pas mauvais en soi mais ça avait été fait avant. La loi de 2004 ne change pas ce cadre-là. Ce qu'elle a changé, c'est la gouvernance, c'est-à-dire clarifier les responsabilités du conseil, de la direction, des comités, du gouvernement et de la gestion. Ça, ça s'est fait, et c'était sa principale contribution. Mais elle est relativement neutre, pour ne pas dire totalement neutre, sur les impacts, sur les pratiques et les investissements à la politique d'investissement.
Le grand changement qui a été fait, sous ma gouverne, avec la collaboration des déposants, c'est de fournir aux déposants une boîte transparente qu'ils peuvent voir à travers où va l'argent, au niveau de 18 portefeuilles, bien documentée, avec des rapports qui disent: C'est bien ça qu'on fait. C'est ça qu'on a fait, on a donné plus de pouvoir aux déposants, et ça, je ne m'en cache pas, c'était volontaire. Pourquoi c'était volontaire? C'était leur demande d'être plus près dans la gestion de l'argent. Quand les travailleurs de la construction sont venus me voir, au début de 2002, puis ils me disaient: Écoute, Henri-Paul, nous autres, là, on a un problème, on a des pensions à payer puis il faut qu'on puisse investir comme on veut dans notre caisse de retraite, les gens de la CSST, le comité paritaire, la même chose, la Régie des rentes, la même chose, quand vous faites ça, là, faites le tour puis ils vous disent tous le même message. J'ai dit: Comment on va faire ça? On devrait fonctionner de telle sorte que vous avez plus d'information, plus de transparence. Et c'est l'entente qu'on a eue avec eux, avec des ententes de service, où on dit: Voici les 18 portefeuilles. Voici où est-ce que vous pouvez mettre votre argent. Et c'est comme ça qu'on a... Et 90 % des rendements de la caisse résultent des décisions qui ont été prises par les déposants suite à des conseils que la caisse leur a donnés et dans les comités de placement pour dire: On répartit nos oeufs de telle façon. Le reste, c'est la contribution de la gestion active qui a été très mauvaise en 2008, ça va de soi, dans la crise financière, mais, sur le long terme, ça nous a très bien servis.
n(17 h 10)nLe Président (M. Paquet): M. le député de Huntingdon.
M. Billette: C'est beau, M. le Président. Je passerais le reste de mon bloc à mon collègue de Viau.
Le Président (M. Paquet): D'accord. Alors, je reconnais maintenant M. le député de Viau.
Contexte de la démission de
M. Henri-Paul Rousseau de son poste
de président et chef de la direction (suite)
M. Dubourg: Merci, M. le Président. M. Rousseau, je voudrais revenir un peu sur la question du député de Shefford qui parlait de votre démission. Pour vous mettre en contexte, c'est vrai que, sous votre règne, l'actif de la caisse est passé de 75 milliards à 155 milliards. On connaît aussi les résultats de 2008, les rendements ont toujours été supérieurs à 8 %. Donc, on reconnaît vos qualités de gestionnaire, votre compétence. En même temps, oui, la caisse a connu son plus mauvais rendement depuis son existence.
La question que j'aimerais vous poser: Sachant que la crise des PCAA, vous l'avez dit, a éclaté en août 2007 et que vous avez démissionné, bon, vous, le 30 mai 2008, j'aimerais savoir... et la fin de l'exercice de la caisse est le 31 décembre, est-il normal qu'un président d'une aussi grosse entreprise ait donné sa démission avant la publication des résultats de la caisse? Est-ce que c'est courant dans cette situation-là?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord demander aux membres de la commission d'aller à l'onglet 6, tableau 2, simplement pour constater avec vous que l'année 2008 avait commencé avec des rendements négatifs pour s'améliorer. Pourquoi c'est comme ça? Je vous rappelle ce qu'on disait ce matin, et je vous réfère aux tableaux 5 et 6 de l'annexe, que je vous ai déposée en même temps, où on voit que les marchés se sont détériorés, janvier et février; l'amélioration, mars, avril, mai, premièrement. Donc, quand j'ai quitté, la caisse avait recommencé, renoué, et vous le voyez très bien à la page 2, on voit que son rendement était redevenu positif au cours de cette période, et ça, jusqu'à la crise d'octobre, O.K. Premièrement. Deuxièmement, ma reddition de comptes, je venais de la faire. Je suis venu vous voir, au mois d'avril, ici, dans cette salle, dans une très longue discussion, peut-être pas aussi longue qu'aujourd'hui mais aussi agréable, où vous m'avez posé des questions sur les résultats de 2007. J'ai fait une reddition de comptes comme probablement peu de présidents de caisse ont fait, et ça me faisait plaisir de le faire.
J'avais donc fait, au mois d'avril 2008, quelques semaines avant d'annoncer mon départ ? c'est six semaines avant ? une reddition de comptes complète sur l'année 2007. Le cycle de production: l'année se termine, calendrier, 31 décembre; les vérificateurs sont là depuis la fin décembre, travaillent jusqu'à la mi-février et, autour de la mi-février, c'est là que le comité de vérification commence à voir des résultats. Février, là il y a un portrait qui se décide et le Vérificateur général entreprend son dernier mouvement, si on veut, pour revoir tout le travail. Il a été là depuis le mois de novembre mais, lui, comme personne, commence à revoir les rapports de tous ses adjoints fin janvier, février. Et, en quelque part vers le début du mois de mars, les résultats sont connus du président du comité de vérification, du président de la caisse, du président du conseil, et le conseil de mars est celui qui va... pardon, c'est à cette période-là de février que les résultats sont connus. Donc, janvier, ça se termine. Février, mi-février ? j'ai eu des années où c'était terminé le 15 février ? on sort les résultats le 23. Donc, c'est février, mars, là, les résultats. Mais ça, ce n'est pas terminé, il faut faire le rapport annuel. Et ça, ça se fait... c'est là que ça se fait pour être approuvé par le conseil à la fin mars. Je m'étais trompé, les résultats sont approuvés en février, le rapport annuel, en mars, et là il est rendu public en le donnant au ministre des Finances ou à la ministre qui, elle, le dépose à la reprise des travaux, généralement après Pâques, et c'est là qu'il y a la reddition de comptes. C'est ce qu'on a fait donc en avril.
Donc, en ce qui concerne votre première question, la caisse allait bien, le dossier du PCAA est, à toutes fins pratiques, réglé, et, Dieu merci, on avait l'entente de toutes les parties.
On avait une seule chose qu'on attendait, c'était l'autorisation du juge Campbell. Et le juge Campbell avait fait la liste de toutes ses demandes qu'il voulait avant d'approuver; elles étaient connues, et nous avions... tous les membres de l'équipe, on a dit: Regardez, le juge Campbell, qui est un expert canadien dans la restructuration, si on veut que ce soit approuvé, il faut que tout le monde réponde à ses demandes. On s'est mis à l'école puis on a répondu à toutes ses demandes. Toutes les choses qu'il a demandé de faire, on les a faites, de sorte qu'on avait une conviction profonde que c'était une question de délai mais qu'il approuverait. Donc, le deal était fait. Il nous demandait... Et c'est le 5 juin qu'il a approuvé, bon, de sorte que, quand j'ai quitté, moi, j'ai quitté dans cette fenêtre.
Je vous rappelle que M. Scraire avait quitté la caisse en mai 2002. Il l'avait annoncé un petit peu avant. Moi, j'ai été nommé le 30 mai, lui avait... suite aux résultats... M. Campeau, en fait, c'est lui qui avait fait ça, et c'est normal: le cycle de la caisse, les résultats connus, et c'est la fenêtre, si vous devez quitter, de quitter. Pourquoi? C'est là que ça donne le temps aux autorités gouvernementales et au conseil de nommer le remplaçant qui, lui, se met au travail pour faire le budget, pour faire la planification de ressources et faire le plan d'investissement, rencontrer les déposants pour que, l'année suivante, on soit comme ça. Alors, c'est tout à fait la bonne date, et je pense que, peu importe qui est président, c'est le patron qui a été fait historiquement, il n'y a pas d'inconvénient, et c'est normal de le faire comme ça.
Pour répondre donc finalement à votre question: J'avais fait une reddition de comptes complète sur l'année 2007. Aujourd'hui, ça me fait plaisir de vous parler de 2008, mais, depuis le mois de mai, je n'ai pas eu grand-chose à faire dans tout ce qui s'est passé.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Viau.
M. Dubourg: Donc, M. Rousseau, autrement dit, auriez-vous aimé qu'on renouvelle encore un autre cinq ans votre mandat, ou bien, comment dirais-je, étant donné cette situation-là au niveau de la caisse, auriez-vous souhaité... ou bien, peut-être que vous vous êtes dit: Bien, j'aurais dû rester pour le bien-être des déposants? Est-ce que vous avez des regrets, suite à tout ce que vous avez expliqué, de quitter la caisse?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): J'ai deux grands regrets, deux grands regrets. Le premier, c'est de ne pas avoir vu l'erreur du papier commercial, et j'y pense à tous les jours, monsieur. Le deuxième, c'est que la caisse, c'est une organisation extraordinaire et, on le voit, compliquée. Ici, on est dans l'arène un peu politique, mais je pense que tout le monde fait un effort d'objectivité, c'est complexe.
J'ai fait beaucoup de travaux de communication avec les déposants, et, si je regrette une chose, c'est de ne pas avoir fait de travaux de communication assez fréquemment avec le grand public et avec vous-mêmes. Nous avons installé, au début de l'année 2004, les Journées Claude-Prieur ? c'était le nom du premier président de la caisse ? où, pendant trois jours, on faisait des séances d'information et de formation sur la caisse. Je n'ai jamais réussi à convaincre beaucoup de membres des médias, francophones surtout, à venir participer. On avait une bonne participation des gens d'ailleurs ou des anglophones, mais... Ces trois jours-là ou ces deux jours-là, les déposants venaient.
Mais mon deuxième regret, donc, c'est de ne pas avoir éduqué, informé plus fréquemment sur ce que la caisse fait, et il y a une carence d'information aujourd'hui qui rend la chose difficile à comprendre, où vous avez énormément de théories, et je comprends la population d'avoir de la difficulté à comprendre tout ça. Je veux en venir, moi, à une chose la plus simple possible, qui est celle-ci: quand vous avez un logement que vous louez, si les loyers sont payés, l'actif doit être bon si les loyers ne baissent pas. Puis c'est ça qu'il faut que les Québécois reviennent: les loyers rentrent à la caisse comme ils rentraient l'année passée, même si la dépréciation était de 25 %, et c'est ça qui est sécurisant.
C'est pour ça qu'il faut que le 22,4 milliards de mis de côté, il faut savoir qu'est-ce qu'il va lui arriver, parce que... et c'est ça que là... qu'on va avoir la vraie réponse: c'était une dépréciation qui venait juste des règles comptables ou si vraiment il y a eu détérioration, et, si jamais ça arrivait, bien là, les loyers ne seraient plus les mêmes. Mais, aujourd'hui, dans une crise très forte, après un an et demi de difficultés financières dans l'industrie, on a encore une caisse qui est très solide au niveau du cash qui rentre. Moi, ça me sécurise beaucoup sur la qualité des actifs.
Troisième regret, c'est de ne pas avoir été capable de bien expliquer ? puis, encore aujourd'hui, c'est difficile ? pourquoi, si vous voulez gérer l'argent des caisses de retraite des sociétés d'assurance, il faut que la mission soit claire puis il faut que les gens n'aient pas 18 hôtels à générer. Il faut avoir une mission claire, dans la vie, pour savoir ce qu'on fait. Si vous leur donnez trop de missions, trop d'objectifs, ça fait comme dans n'importe quoi, si on court après trop de choses, on n'arrive pas en nulle part. Et, moi, j'ai été d'avis qu'il fallait clarifier les choses et les rendre transparentes avec les déposants, et, sur ce point-là, je n'ai aucun regret, M. le Président.
n(17 h 20)nLe Président (M. Paquet): D'accord. Rapidement. Sinon, on peut prendre le prochain bloc.
Encadrement de la gestion du risque (suite)
M. Dubourg: Oui, rapidement. Bien, très rapidement, M. le Président, c'est que, M. Rousseau, bon, vous avez parlé d'un certain nombre de causes que vous avez identifiées. Vous venez de parler de communication, vous avez parlé aussi qu'on doit avoir un suivi rigoureux, en ce qui concerne les 22 milliards, de façon à récupérer le plus que possible. Vous avez aussi parlé des règles comptables. Bon, dire que, de la même façon que le député de Rousseau, je suis comptable agréé. Donc, ces règles comptables là sont pour toutes les entreprises, sont de façon générale, je dirais. Mais faute admise... Vous avez parlé au niveau des PCAA, bon. Il y a un adage qui dit: L'erreur admise est à moitié pardonnée. Après tout ça, s'il y avait un conseil à donner, que ce soit concernant la gestion du risque, que ce soit la rémunération, à votre successeur, M. Sabia, qu'est-ce que vous lui direz?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau, en moins de une minute.
M. Rousseau (Henri-Paul): Vous savez, toute cette période-là vous a marqués, vous, comme membres de la commission, je suis certain. Et, moi, comme dirigeant, c'est quelque chose que je n'oublierai jamais, et ça a transformé ma vie. Où ça l'a transformée? Je suis devenu un homme plus soupçonneux. Quand je dis: Plus soupçonneux, je veux dire par là, lorsqu'on dit: Ça n'arrivera jamais... Quand j'entends cette phrase-là maintenant, je dis: Oup! PCAA. Et c'est ça qui a été l'erreur de penser que ça n'arriverait jamais. Bon.
Ceci étant dit, on voit la crise. Quand on a eu la faillite de Bear Stearns, on a eu peur, vous ne savez pas comment. Jamais, dans ma vie, je n'ai eu peur comme ça. Ça, c'est au mois de mars 2008. Et, quand c'est arrivé, c'est arrivé tellement rapidement, jeudi, vendredi, puis là on est tous rentrés chez nous, on a passé des fins de semaine d'horreur parce qu'on s'est dit: Si ça, ça fait faillite, ça va être l'enfer, on ne sait pas qu'est-ce qui arrive, et d'abord: On a-tu du Bear Stearns? On a-tu des valeurs... On a travaillé toute la fin de semaine pour savoir c'est quoi, notre «exposure». Finalement, on apprend, le dimanche, que Bear Stearns a été achetée par J.P. Morgan. Pas de problème: J.P. Morgan, on les connaît, ils sont nos conseillers dans le PCAA. Puis on connaît la boîte, comment c'est une boîte bien gérée, et tout ça.
Là, ça a fait une chose, conclusion très, très forte: Quel est le risque le plus important dans le système financier? C'est une crise financière. Quelle est la seule assurance que nous avons tous? Que, si jamais la crise a des effets domino, nos gouvernements, nos banques centrales vont l'empêcher. Il venait de poser un geste, M. Paulson, pour dire: On le laisse aller. Et, non, cette fois-là, il n'a pas fait ça, il l'a sauvée; il a sauvé Bear Stearns. Cinq, six mois plus tard, en fait au mois...
Le Président (M. Paquet): En terminant.
M. Rousseau (Henri-Paul): ... de septembre 2008, donc le 15 septembre, 16, 17, on apprend que là Lehman Brothers, qui était deux fois plus gros que Bear Stearns, là, on laisse tomber. Donc, dans un cas, on a eu la validation que jamais un gouvernement ne laisserait tomber une grande banque, puis, quelques mois plus tard, le même gouvernement dit: Je le laisse tomber. Depuis ce temps-là, on essaie de mettre la pâte à dent dans le tube, puis c'est très difficile, puis ça va l'être, parce qu'on avait une assurance, une assurance très importante, qui était celle-ci: Quand vous mettez un dépôt à la banque...
Le Président (M. Paquet): En moins de 10 secondes, s'il vous plaît.
M. Rousseau (Henri-Paul): ...quand vous mettez votre dépôt à la banque, vous avez l'assurance-dépôts du Canada ou du Québec; dépendant de l'institution, vous êtes assurés de ne pas perdre votre argent pour un bon montant. Dans la finance, l'assurance que nous avons, c'est de dire que, si jamais il y a une grande banque qui va faire faillite, le gouvernement va l'empêcher. On a perdu l'assurance, comme ça, et ça a créé la peur et la panique. On essaie de sortir de cette peur et cette panique depuis ce temps-là. C'est pour ça que je dis: Dorénavant, quand on me dit: Ça n'arrivera jamais, il faut se douter.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau.
Acquisition de PCAA non bancaire (suite)
M. Legault: Oui. Merci, M. le Président. Peut-être, avant de poursuivre, j'ai encore beaucoup de questions, on va essayer d'avoir des questions courtes et des réponses courtes, mais, avant, là, il y a quelques remarques que je veux faire sur ce que vous avez dit, M. Rousseau.
D'abord, ça fait plusieurs fois que vous dites: Sur les pertes, il y a 22,4 milliards qui sont des provisions, comme si c'étaient des pertes moins importantes parce qu'elles ne sont pas réalisées. Or, je vous donne un exemple. Si on a acheté des actions à 10 $ puis on les a vendues à 6 $, bien... ou qu'on ne les a pas vendues mais qui sont rendues à 6 $, bien, on a perdu 4 $. Puis je comprends que, si on les a gardées, on a une chance de se refaire, mais il reste qu'on a perdu 4 $. Et ce qui est surtout important, c'est que les autres, les indices de référence ont juste perdu 3 $, et c'est ça qui m'achale.
Parce que vous dites, depuis ce matin, je vous entends, là, puis là vous venez de dire: J'ai deux regrets: le papier commercial et les mauvaises communications. Comme si les deux seuls problèmes, c'étaient le papier commercial et les mauvaises communications. Or, je m'excuse, là, mais, quand on lit le rapport annuel, que ce soit pour les cinq ans ou que ce soit pour l'année 2008, le papier commercial n'explique pas tout. Pour l'année 2008, on a eu 10,5 milliards de plus de pertes que les indices de référence, et il y en a 4 sur 10,5 qui s'expliquent par le papier commercial. L'autre 6,5, ça s'explique par l'immobilier, où on a été moins bons que le marché; le portefeuille Répartition d'actif, les obligations, on a été moins bons que le marché; les actions américaines, on a été moins bons que le marché; les actions à l'étranger, on a été moins bons que le marché. Pourquoi on a été moins bons?
Puis ça, vous n'avez pas accepté de dire, depuis ce matin: Parce qu'on a pris trop de risques; parce qu'on a trop utilisé l'effet de levier; parce qu'on a mis trop de dettes privées puis de deals privés dans les obligations; et parce qu'on a, au nom de la diversification, demandé à des gestionnaires de portefeuilles d'aller investir dans des secteurs où ils n'avaient pas l'expertise; puis on aurait été mieux d'investir dans les indices; si on avait investi dans les indices, on aurait fait 10,5 milliards de mieux.
Mais j'ai fait exprès, depuis ce matin, de ne pas parler du papier commercial pour justement essayer de démontrer qu'il n'y a pas juste le papier commercial qui pose problème. Mais je ne peux pas, avec le peu de minutes qu'il reste, là, ne pas parler du papier commercial. À l'été... Bon, c'est surtout en 2006-2007 qu'on a beaucoup accumulé de papier commercial non bancaire. Vous nous dites: On ne voyait pas la différence entre le non bancaire et le bancaire. On se fiait à une agence de cotation, on ne faisait pas nos propres analyses... en tout cas, pas les analyses de crédit sur la liquidité. Les rendements, je ne sais pas, là, est-ce qu'il y avait une différence entre les A et les E? Mais je veux en venir tout de suite à la séquence de ce qui s'est passé à l'été 2007.
Le 24 juillet, la caisse reçoit... puis ça a été confirmé, là, Radio-Canada nous dit que ça a été confirmé qu'un gestionnaire a reçu le courriel de Coventree. Dans le courriel de Coventree, on dit qu'il y a des trusts, par exemple, Comet Trust ou Slate Trust, où il y a des taux de «subprime» très élevés. On nous dit que, dans Slate Trust, il y a 16 % de «subprime»; on nous dit que, dans Comet Trust, il y avait 42 % de «subprime». Ça, on sait ça le 24 juillet. Bon. Vous, vous nous dites: Moi, j'ai voulu être assermenté aujourd'hui parce que je n'ai rien su avant le 9 août en après-midi, vers 16 h 30. Est-ce que vous pensez que c'est normal que les gestionnaires qui ont reçu de telles indications le 24 juillet, ils aient continué à acheter pour 1 milliard de dollars de papier commercial non bancaire?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je vais essayer de compléter ce que j'ai déjà dit. Lorsque, le 6 août, j'ai appris les... le 9 août, j'ai appris tout ça, j'ai fait l'essentiel de ce que vous auriez fait vous-même. Puis on n'a pas perdu de temps, on s'est exécutés tout de suite. Et c'est beaucoup plus tard, et c'est dans la semaine d'après que les événements se cristallisent, comme vous expliquez.
La question que vous me posez, c'est que je trouve normal que les avertissements qui ont été faits par une société auprès du gestionnaire ne soient pas acheminés jusqu'à moi. Je vous ai dit que, quand j'ai su ça, j'ai fait deux choses: j'ai arrêté les transactions puis j'ai demandé à ce qu'un système de vigie soit mis en place immédiatement. Donc, évidemment, je n'étais pas content de ça et je ne suis pas encore content de ça.
Responsables des transactions
relatives au PCAA
M. Legault: Et qui était le gestionnaire?
M. Rousseau (Henri-Paul): Les gestionnaires du portefeuille...
M. Legault: Les gestionnaires.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je ne sais pas si c'est à moi à donner ça, parce qu'au mois de... à l'été 2007... Il faudrait que le service juridique de la caisse me conseille. Moi, je ne sais pas si je suis en droit de donner de l'information nominative sur des personnes, ici. Je ne le sais, M. le député.
M. Legault: Vous êtes protégé.
n(17 h 30)nM. Rousseau (Henri-Paul): Je ne veux pas rien cacher, c'est juste que je ne voudrais pas créer un problème pour d'autres personnes. Moi, je veux juste vous dire que cette période-là, ce que j'en comprends, quand je l'ai su le 9 août, j'ai agi. Après ça, quand j'ai compris tout ce qui se passait, effectivement j'ai constaté que... Puis c'est pour ça qu'on a fait beaucoup de changements puis qu'on a demandé à Pricewaterhouse... puis j'ai brassé la cabane pour ne plus que ça n'arrive. Ça, c'est clair.
Mais là vous me demandez d'expliquer ce que d'autres ont fait dans la période où il y avait autant de brouillard. Moi, l'analogie la plus claire que je peux vous donner, c'est le fait que le marché n'a pas cessé de fonctionner du jour au lendemain, mais s'est installée une situation au cours des deux dernières semaines, et ça a créé de l'ambiguïté.
Et j'en prends à preuve le communiqué de presse que je vous ai lu ce matin, de la Banque du Canada, qui ne fait pas cette distinction, puis on est le 9 août. C'est quand même fort. Le 9 août, la Banque du Canada elle-même ne fait pas cette distinction-là. C'est la semaine d'après qu'elle fait la distinction entre le bancaire et le non-bancaire.
Acquisition de PCAA non bancaire (suite)
M. Legault: ...question très simple à M. Rousseau: Est-ce qu'il y avait une différence de rendement entre le papier commercial bancaire et le non-bancaire?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Il y avait des différences de rendement, mais ridicules.
M. Legault: Ridicules?
M. Rousseau (Henri-Paul): Ridicules.
M. Legault: Ça veut dire quoi, «ridicules»?
M. Rousseau (Henri-Paul): Ah! un point, deux points.
M. Legault: Un ou deux points.
M. Rousseau (Henri-Paul): Ce n'est pas pour le rendement, ce n'est pas pour le rendement, parce que les deux papiers, quand vous les regardez, là, vous faites l'analyse, là, complète, là, toutes les caractéristiques, là, vous allez voir que, quand ils sont des papiers avec des extensions de liquidités, là, les deux mêmes, vous allez voir qu'ils sont semblables. Les grands écarts ont été encore une fois dans le fait que la ligne de liquidités n'a pas été exercée dans l'un puis a été exercée dans l'autre. C'est ça qui est arrivé, il n'y a pas de mystère.
Le Président (M. Paquet): M. le député
M. Legault: Vous nous avez dit ce matin: Le 9 août, à 16 h 30, j'ai appris...
M. Rousseau (Henri-Paul): En fin d'après-midi, oui.
M. Legault: ...en après-midi, j'ai appris le problème. Et je vous cite, là, vous avez dit: J'ai donné ordre d'arrêter, «et je surveille les ordres».
Comment vous expliquez que le 10 août, le lendemain, la Caisse de dépôt a acheté pour 101 millions de papier commercial non bancaire?
M. Rousseau (Henri-Paul): Ce qu'on m'a expliqué, c'est que la transaction... les transactions de la journée du 9 et les engagements pris par la caisse se sont réglés le 10. Puis, quand j'ai posé la question, c'est la réponse qu'on m'a donnée, puis on m'a dit que c'était ça. Donc, c'est tout à fait normal. Mais, si vous allez un peu plus loin, là, dans les chiffres, là, vous allez voir qu'à partir de ce moment-là c'était arrêté.
Puis, écoutez, M. le Président, cette exécution-là, là, dans les 24 heures, on se rappelle que c'est dans un marché très embrouillé. Et, à cause de ça, tout le système de règlement des transactions, ça a duré plusieurs semaines. Ernst & Young, qui a été la firme de comptables pour nous assister dans la restructuration, ont pris des semaines à dénouer les transactions de cette période-là. Donc, ce 100 millions d'écart, ce n'est pas suite à une désobéissance, c'est simplement une transaction qui avait été engagée et qui s'est dénouée le lendemain.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Legault: Est-ce que vous pensez, M. Rousseau, que, dans la série E, qui n'était pas... où il n'y avait pas de garantie de liquidités, est-ce que vous pensez que le personnel de la caisse aurait dû faire une analyse pour se rendre compte qu'il y avait un problème de liquidités potentiel dans la série E?
M. Rousseau (Henri-Paul): Lorsque M. Bergeron, qui a été devant vous et qui a répondu à plusieurs de vos questions, a donné toutes les données qu'on vous a fournies, et l'expertise qu'il a fournie, et toute l'analyse qui a été faite de ça, c'est que, dans le fond, dans la série E, qu'on appelle les extensibles, il n'y a pas d'entente de liquidités, et il y avait... ça comptait pour à peu près la moitié du portefeuille de la caisse et la moitié du marché. Ces papiers de tiers subissaient les mêmes présomptions de liquidités que l'ensemble, et, si jamais il y avait eu «disruption» du marché ? et, dans l'hypothèse que vous posez, ça veut dire que le papier bancaire est réglé par les lignes de liquidités auprès de la Banque du Canada ? le non-bancaire non extensible aurait été réglé, il n'aurait resté que celui-là. Nous aurions un an plus tard le problème, mais on aurait eu une année et non pas 24 heures pour régler le problème. C'est ça, la grosse différence, et c'est ça qui a fait que le problème est arrivé non pas sur l'extensible, il est arrivé d'abord et avant tout sur le non-extensible, parce que les lignes de liquidités ont sauté.
Le Président (M. Paquet): ...député.
M. Legault: Oui. Quand vous...
M. Rousseau (Henri-Paul): Et la distinction entre les A et les E est devenue académique après le 13 août.
Responsables des transactions
relatives au PCAA (suite)
M. Legault: Bon. Après la mi-août, je suppose que, comme président, compte tenu de l'ampleur de la situation, c'était votre devoir de faire un genre d'enquête à l'interne pour voir qui a fait quoi. Là, je comprends que vous ne voulez pas nous dire qui étaient les gestionnaires, mais avez-vous...
M. Rousseau (Henri-Paul): ...
M. Legault: ...avez-vous eu la chance d'écouter les enregistrements entre les gestionnaires de portefeuille et les courtiers qui commandaient le papier bancaire... le papier commercial non bancaire?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Non. Chez nous, chez nous, M. le Président, c'est le secteur de la conformité qui a cette autorisation de le faire, et M. Bergeron a pris le rapport de conformité pour vous répondre aux questions. Quand il vous disait, dans ses réponses, que... d'après ce qu'il a vu et entendu, il faisait référence à toute cette démarche-là.
Et, moi, j'étais essentiellement sur une chose: d'abord, de revoir les pratiques pour ne plus que ça arrive et, deuxièmement, de garder la tête froide pour procéder à la restructuration. Je ne sais pas si vous imaginez la situation, mais, quand, d'une part, dans la même semaine vous apprenez tout ça, que, d'autre part, la banque centrale s'occupe de ses banques, puis que vous avez les banques internationales qui sont devant vous, que vous perdez votre pouvoir de négociation parce que les clauses de liquidités ne peuvent pas s'appliquer, bien, vous avez, à ce moment-là, une priorité, c'est d'éviter d'autres pertes, et c'est ça que j'ai fait.
Et donc je n'ai pas écouté moi-même les bandes, ce n'était pas à moi à faire ça, c'est le service de la conformité qui a fait ça. Mais c'est sur la lecture, le rapport qu'ils m'ont fait que j'ai pu vous dire avec certitude que, moi, j'ai su cet événement-là le 9 août, parce que c'est à ce moment-là qu'on a communiqué avec moi.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: Donc, vous nous dites que ces bandes sonores existent, l'enregistrement de ces bandes sonores existe. Vous ne les avez pas écoutées vous-même, vous l'avez fait faire par quelqu'un d'autre. Ce qu'on comprend, là, c'est que, sur ces bandes sonores, il y avait des avertissements qui ont été donnés par les courtiers aux gestionnaires de portefeuille.
Moi, je voulais... Ce que j'aimerais savoir, là, c'est: Après analyse de la situation, de ce qui s'est produit, là, c'est-à-dire qu'entre autres on ait continué à acheter malgré le courriel, là, de Coventree, malgré tous les avertissements qu'on a eus des courtiers, quand vous avez apporté une conclusion, là, que ce soit à l'égard de Richard Guay ou de quelqu'un d'autre, est-ce que vous avez décidé de vous départir d'un certain nombre de personnes?
Et, parmi ce groupe, là... Parce que vous nous avez déjà dit en commission parlementaire: Il y avait trois, quatre personnes qui s'occupaient de tout ça, là. Donc, on ne parle pas de 50 personnes, on parle de trois, quatre personnes. Est-ce que ces trois, quatre personnes là ont été identifiées puis que vous les avez remerciées de la caisse?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Merci, M. le Président. Dans la période de la crise, ces personnes-là qui étaient à l'embauche de la caisse, effectivement, dans le marché monétaire, vous devez le savoir, M. le Président, que c'est généralement des équipes petites parce que c'est des montants... mais c'est des transactions qui se font sur une base court terme et ça n'a pas la complexité des autres secteurs en général. C'est ça, la surprise, d'ailleurs. D'être frappés par notre compte chèques, comme on dit, ce n'est jamais... c'est un peu surprenant.
J'ai réfléchi à cette question dès que c'est arrivé et j'ai été en pourparlers avec plusieurs joueurs de l'industrie canadienne et internationale. Et je me suis posé la question: Est-ce que je pose des gestes immédiats pour dire: Ces deux personnes-là ou ces trois personnes-là... puis je les congédie?
Quand je regarde le dossier, M. le Président, la politique qui était en place, approuvée par tous les niveaux hiérarchiques de la caisse, la politique était respectée. Comme elle était respectée, je n'avais pas là une base de congédiement sur la base de la politique.
Mais, plus encore, les personnes qui étaient impliquées ont été, vous ne savez pas comment, infiniment utiles et essentielles à restructurer, parce qu'eux autres aussi... Il n'y avait pas eu de malversation, là.
M. Legault: M. le Président...
M. Rousseau (Henri-Paul): Ce qu'il y avait eu, c'était une erreur, et, à cause de cette erreur, on a dû procéder à la restructuration. Et ces gens-là, on les a gardés, tout en leur défendant de transiger, mais pour nous aider à compléter la restructuration, puis ensuite ils ont quitté la caisse.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui. M. le Président, je rappelle que, sur 2007 et 2008, on est à 5,9 milliards de provisions pour pertes... 5,8 milliards de provisions pour pertes pour le papier commercial. Donc, vous dites: Ces personnes-là, je trouvais plus utile de les garder.
Parlons deux minutes de Richard Guay. Vous avez su comme nous, là, le vice-président aux affaires juridiques, M. Bergeron, nous a dit: Richard Guay l'a appris... Vous, vous l'avez appris le 9 août; lui l'a appris le 6 août. Du 7 au 10 août, il y a eu des achats pour 900 millions de dollars de papier commercial non bancaire problématique. Quelle est votre évaluation que vous faites de Richard Guay?
M. Rousseau (Henri-Paul): Dans cette période-là, ce que Richard m'a...
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
n(17 h 40)nM. Rousseau (Henri-Paul): Pardon, M. le Président. Dans cette période-là, ce que Richard m'a expliqué, c'est qu'il avait donné l'ordre de baisser le papier commercial dès le 6. On retombe dans cette autre histoire, qui est la même pour tout le monde, qu'à l'époque la distinction entre bancaire, non-bancaire, qui est devenue si claire aujourd'hui, était encore dans cette période d'ambivalence et de confusion. Et effectivement les chiffres démontrent que la position totale de la caisse a baissé de 3 milliards durant cette période-là, bancaire et non-bancaire, mais il y a eu une baisse de 4 milliards du bancaire et une hausse de 900 millions, comme vous dites, du non-bancaire. Voilà ce qui s'est passé.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
Acquisition de PCAA non bancaire (suite)
M. Legault: Le 28 novembre 2007, vous êtes venu ici, en commission parlementaire; j'étais là. J'avais dit à l'époque que, si on prenait une provision comparable avec les autres banques, il faudrait prendre au moins 3 milliards de provisions. Vous vous êtes un petit peu moqué de moi en disant: C'est très exagéré. Vous nous avez dit: 500 millions de «subprime», qu'il faut prendre une provision de 500 millions. Et je vous cite, là: «Le reste, 12,2 milliards, ce sont [des] actifs de très bonne qualité.» O.K.?
Ensuite, vous êtes venu à l'étude des crédits le 23 avril 2008 et, toujours en réponse à mes questions, vous avez répété: Il y a 780 millions de problèmes avec les... de «subprime» dans les papiers commerciaux, sur lesquels il faut prendre une provision de 500 millions. Et: «Pour le reste, on pense récupérer l'ensemble de nos dollars.» Comment vous expliquez ce renversement? Et est-ce que les affirmations que vous avez faites en novembre 2007 puis au mois d'avril 2008, là, qui étaient... En tout cas, moi, je le ai comprises comme très fermes, là, puis je me suis fait comme remettre à ma place, là. Comment vous expliquez que vous étiez si convaincu que ça en novembre 2007 puis en avril 2008, puis qu'aujourd'hui, bien, on est à 5,8 milliards de provisions pour pertes?
Le Président (M. Paquet): Pour deux minutes, M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): M. le Président, ça me permet de répéter, de clarifier une chose, et je pense que tout le monde va le comprendre. Quand j'ai parlé, à l'automne 2007, de 500 millions, je parlais de pertes éventuelles, pertes, qu'on perd l'argent, irrécupérable. C'est le montant que j'ai donné. J'ai dit au mois d'avril 2008 que le montant de «subprime», non pas la perte, le montant de «subprime» dans le portefeuille de la caisse était de 780 millions. Je n'ai pas parlé de perte; le montant de «subprime». O.K.?
Aujourd'hui, on est le 19 mai, soit plusieurs mois, bientôt deux ans quasiment à la crise. Au mois d'août, ça fera deux ans, cette crise-là. La caisse a mis de côté près de 6 milliards de provisions, on est d'accord, de provisions, pas des pertes, et, à 181 millions, ils n'y ont pas encore touché, le montant de pertes que je vous parlais de 500 millions.
Et c'est d'ailleurs pour ça, M. le Président, que j'insiste tellement ? puis, moi, j'insiste beaucoup là-dessus ? pour qu'il y ait un suivi rigoureux de fait, suivi rigoureux de fait sur les pertes réalisées. Et j'espère que tout le monde peut comprendre, après tant d'heures d'auditions et de discussions, qu'il y a une différence entre une écriture où on met une provision puis une perte réalisée. Et aujourd'hui la perte réalisée de la caisse est de 181 millions, alors que le 5,8 milliards, ce sont des provisions, et on n'a pas encore touché le 500 millions dont je vous parlais. C'est ça qui est la réponse à la question, et je pense que c'est très clair, ce que je dis là.
Le Président (M. Paquet): Merci. On reviendra pour un prochain bloc. Maintenant, je reconnais M. le député de Huntingdon.
Relations avec le gouvernement
M. Billette: Merci beaucoup, M. le Président. M. Rousseau, les fins de semaine, on se promène dans nos comtés, on rencontre des gens. Je pense qu'on est les yeux et les oreilles de nos concitoyens et concitoyennes du Québec, principalement de nos comtés.
Une question qui me revient régulièrement depuis, je pense, que la Caisse de dépôt est sur la sellette, depuis un bon bout de temps: les gens veulent savoir les liens. Souvent, ce qu'ils nous avancent, c'est que le gouvernement et la Caisse de dépôt ne font qu'un, à ce moment-là.
Vous avez eu la chance d'être président-directeur général pendant, là, six années, vous avez travaillé sur un gouvernement aussi bien péquiste, libéral, vous avez eu la chance de travailler avec plusieurs ministres des Finances au cours de ces six années-là. J'aimerais savoir les procédures... ou est-ce que c'est vrai que les deux, soit le gouvernement, aussi bien au niveau du bureau du premier ministre que de la ou du ministre des Finances, sont intimement liés, et le mode de fonctionnement entre la Caisse de dépôt et ces deux instances gouvernementales là, à ce moment-là.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je ne peux parler que du temps où j'ai été président, évidemment. Mes relations avec le premier ministre, dans les deux cas, que ce soit avec M. Landry ou M. Charest, pour les deux périodes, j'ai eu très peu de relations concernant la caisse. Et, à chaque fois qu'il y a eu des relations, c'est moi, comme président, qui appelais pour aviser le bureau du premier ministre, pas nécessairement le premier ministre, que tel événement arriverait. Et on avait convenu de ça dans les deux cas avec le bureau du premier ministre pour ne pas qu'il y ait d'histoire qu'il ne sache pas, si jamais, par exemple, la caisse fait une transaction importante, c'est annoncé le lendemain, on lui pose des questions, il ne le sait pas. Alors, en général, on disait: Il y a telle chose, et ce sera annoncé demain matin, de sorte qu'on faisait ça de cette façon-là pour que... Et je l'ai fait avec les deux gouvernements, et c'est arrivé rarissime.
Avec le ministère des Finances, la même chose, parce qu'avec le temps, dans le fond, on a institué une chose, c'est qu'à tous les matins, s'il y avait un événement dans lequel la caisse était impliquée, on s'assurait... au cas où, sur le radar, ça n'avait pas été connu, on s'assurait simplement de faire en sorte que les activités, les nouvelles que la caisse pouvait créer soient connues.
Mais jamais les relations avec le gouvernement n'ont dépassé cette obligation-là qu'on se donnait d'informer si jamais il y avait un événement. Et encore une fois, sur les six ans que j'ai été là, c'est arrivé très rarement. J'ai donné l'exemple tantôt du papier commercial comme exemple.
La période d'intenses relations avec le gouvernement du Québec a eu lieu à un moment bien précis: lors de la crise du PCAA. C'est le seul moment où, là... J'ai avisé d'abord le bureau du premier ministre, le premier ministre lui-même et la ministre. Et, durant cette période-là, j'ai compté sur l'appui de Mme la ministre essentiellement pour qu'à Ottawa ils nous aident au niveau de la Banque du Canada et du ministère des Finances dans nos négociations avec les banques canadiennes et avec les banques internationales. Et ça, ça a été extraordinaire. Je l'ai déjà dit ici, puis il fallait que ce soit comme ça parce qu'il fallait que les politiques parlent aux politiques pour débloquer certaines négociations. Et ça, ça a été fait.
Mais, en général, la Caisse de dépôt, ses relations avec le secteur public ne passent pas par le gouvernement; elles passent par ses déposants, et c'est là qu'est la confusion. Par exemple, le conseil d'administration de la CSST se réunit, veut avoir une reddition de comptes sur ses résultats, bien, commande, demande aux représentants de la caisse de venir faire une présentation. La Régie des rentes va faire la même chose, la Société de l'assurance automobile du Québec, la même chose, et l'ensemble des déposants vont faire ça. C'est des relations donc sur la gestion des portefeuilles avec les déposants, mais ce n'est pas avec les ministres ou avec le premier ministre que ça se fait, c'est de fonctionnaires à employés de la caisse. C'est comme ça que ça se passe.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Huntingdon.
M. Billette: Merci beaucoup. Je passerais le solde de mon temps à mon collègue de Montmorency.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Montmorency.
Contexte de la démission de
M. Henri-Paul Rousseau de son poste
de président et chef de la direction (suite)
M. Bernier: Merci. Merci, M. le Président. M. Rousseau, ce matin je vous ai posé une question en ce qui regarde votre décision de quitter, de quitter la Caisse de dépôt. Vous m'avez répondu que vous aviez accompli l'ensemble de l'oeuvre et qu'après cinq ans il était temps de passer à autre chose.
Vous avez également mentionné cet après-midi qu'il y a des événements qui se sont produits, que finalement vous n'auriez pu prévoir que ces événements-là arrivent dans votre vision de l'administration d'une caisse de dépôt, tel qu'au niveau des PCAA. Pour vous, c'était une gestion qui vous protégeait, qui protégeait la caisse au niveau des fluctuations des marchés financiers, mais c'est arrivé quand même.
Moi, ma question que j'ai, M. Rousseau, c'est que, sachant tout ce qui s'est passé au moment de votre départ, si c'était à refaire, avec l'expérience que vous aviez puis les résultats qu'on a connus dans cette tempête d'automne, auxquels on a vu qu'il y avait des dirigeants qui ont eu de la difficulté... Que ce soit à cause de problématiques au niveau de la santé ou tout autre motif, il reste que la caisse a dû voguer, à un moment donné, dans des situations très difficiles. Si c'était à refaire, là, est-ce que vous prendriez... est-ce que la décision que vous avez prise de quitter, vous remettriez ça en doute, là? Puis, à ce moment-là, est-ce que votre décision serait de dire: Bien, face à la situation... Bon, on a parlé, là, de votre prime, on a parlé de votre décision de quitter. Est-ce que la décision serait la même, de quitter au mois de mai 2008, là, sachant ce qui s'est passé, là, de façon à... Parce qu'il y a des gens, là, qui, somme toute, ont souffert de tout ça, là.
n(17 h 50)nLe Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je comprends, M. le Président. Évidemment, si on savait l'avenir, chacun de nos gestes quotidiens et de nos décisions serait différent. Je ne connaissais pas l'avenir. Et je vous ai démontré ce matin que, lorsque le gouvernement américain a intervenu pour sauver la société Bear Stearns, le marché s'est calmé, les marchés boursiers ont revenu, les banques centrales ont commencé à rehausser les taux et à les stabiliser, et même la caisse retrouvait... Donc, j'étais très rassuré qu'on n'aurait pas la crise qu'on aurait. Ça, c'est la première chose que je veux vous dire. Donc, quand je suis parti, moi, je n'avais pas en tête que trois mois après, six mois après éclaterait ça, évidemment je ne savais pas ça. Si j'avais su ça, M. le Président, je n'aurais pas fait ce que j'ai fait. C'est facile à dire, ça, vous allez me dire, mais je vais vous donner un exemple.
Au mois d'août 2007, quand la crise a éclaté, alors que personne au pays, au Canada... j'ai passé une grande partie de l'année qui a suivi à travailler jour et nuit pour qu'on n'ait pas de perte réalisée et qu'on sauve la situation. Et je n'ai pas fui le bateau, j'ai pris le leadership, et ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas un fuyard. Mais je ne pouvais d'aucune façon prédire l'avenir.
Aujourd'hui, je suis dans une situation où on me reproche à la fois les résultats puis on me reproche de ne pas avoir prédit l'avenir et d'avoir quitté. Il faudrait choisir. Je ne peux pas avoir été responsable ni de la crise financière ni des prévisions, que personne sur la planète n'avait prédit pour telle date. Et je suis à l'aise à répondre à vos questions que vous avez sur mon administration jusqu'en mai 2007, mais il y a une grande partie de la crise qui s'est passée dans les 45 jours de la fin de l'année 2008, et, à ce moment-là, il s'en est passé plus que pendant 45 ans. La caisse a été une victime de cette tempête-là, une victime qui a payé fortement.
Mais je veux vous rassurer sur un point: ça demeure vrai qu'un jour ou l'autre on saura si les revenus de la caisse sont solides ? et, à ce moment-là, on va renverser une partie du 22 milliards ? ou si les revenus de la caisse ne le sont pas. Aujourd'hui, ce qu'on sait, ce qu'on a devant nous, c'est qu'il y a une montagne de provisions, alors que les revenus sont encore solides, et ça, c'est ce qui fait qu'aujourd'hui on doit avoir confiance que la caisse est en bonne santé, elle est solide.
Deuxièmement, le fameux PCAA, où on n'a pas eu encore des pertes énormes mais bien des provisions, lorsqu'on l'enlève, la caisse est toujours très près du premier quartile après cinq ans, même malgré la crise. Et c'est pour toutes ces raisons-là qu'il faut redonner confiance.
Pourquoi aussi il faut redonner confiance? Il faut que l'équipe qui est à la caisse puisse continuer de retenir, recruter. Et la plus grande inquiétude que j'ai personnellement aujourd'hui sur la caisse, ce n'est pas les actifs financiers ni les actifs immobiliers, c'est les actifs qui s'appellent le personnel. Et je fais appel à vous tous, c'est une institution essentielle pour l'avenir du Québec, il faut qu'elle puisse retenir, embaucher, recruter et former son personnel de façon qualitative. Avec une crise financière comme on a, avec la crise médiatique qu'elle a connue, je vais vous dire une affaire: C'est tout un défi, de faire ça. Je l'ai connu dans une crise beaucoup moins grave en 2002. Ça m'a pris trois ans avant de pouvoir embaucher, même si j'avais augmenté les salaires, parce que les gens ont d'autre chose à faire. Et ça, c'est le principal défi. Et, s'il y a une chose qu'il faut faire tous ensemble, c'est de s'assurer qu'une institution qu'on a bâtie ensemble depuis 45 ans soit encore solide, et la solidité de l'organisation, ce n'est pas juste ses actifs et ses immeubles, ils ne partiront pas, mais ça prend quelqu'un de compétent pour les gérer, et ça, il faut que l'équipe en place puisse continuer de compter sur ces employés de qualité, les retenir, les motiver, et qu'ils soient fiers lorsqu'ils se promènent dans la rue, parce qu'ils n'ont rien fait au point d'être traités comme ils le sont.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Montmorency.
Politique de rémunération des
gestionnaires de la caisse (suite)
M. Bernier: M. Rousseau, vous venez de soulever un point important en ce qui regarde le personnel. Vous étiez... Vous avez quand même été président de la caisse durant... de 2002 jusqu'en 2008. Vous mentionnez une problématique en ce qui regarde le personnel, vous mentionnez votre difficulté à recruter et à conserver vos gens, O.K.? Mais, à ce moment-là, vous aviez quand même mis une politique de rémunération en place, vous aviez quand même pris des décisions de façon à permettre à des personnes d'avoir l'attrait de venir travailler à la Caisse de dépôt. C'est quand même un organisme de renommée. Quand on offre à une personne la possibilité de venir travailler à la Caisse de dépôt et placement du Québec, c'est quand même une organisation qui a une renommée nationale et internationale. Je veux dire, vous étiez là, vous, durant quatre ans, pratiquement cinq ans, là, comme président-directeur général; il y a quand même eu des décisions que vous avez eu à prendre par rapport à ça.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Oui, on a amélioré la rémunération, toujours à l'intérieur du cadre qui avait été celui qui guide la caisse depuis 1995, mais il y a une chose qu'on doit tous se rappeler: la ville de Montréal est un endroit, sur le plan de la finance, qui, dans la gestion de portefeuille, dans les activités autour de la caisse, est dynamique beaucoup plus qu'on semble le croire.
PSP n'existait pas. C'est la société fédérale qui gère les caisses de retraite des employés, c'est à Montréal. Vous allez retrouver dans l'organigramme de PSP... La plupart des gens viennent de la Caisse de dépôt et de placement. La Banque fédérale de développement est de plus en plus impliquée dans le financement des entreprises; vous allez trouver là aussi des gens. Le Mouvement Desjardins est en croissance, la Banque Nationale aussi, la Bourse de Montréal des produits dérivés. Les activités reliées aux fondations, l'Université McGill, les universités de Montréal, l'ensemble des gens qui ont des fondations à gérer, il y a la fondation Chagnon, il y a énormément d'activités autour de la finance, plus le monde du courtage, qui ont à peu près les mêmes besoins. Tout ça crée une pression, et, à chaque fois qu'on trouve...
Je vous donne un exemple. Un gestionnaire aujourd'hui qui est à la tête ? et je suis très fier de ça ? de la caisse au niveau des actions, c'est quelqu'un qu'on a recruté. Ça m'a pris un an et demi à le recruter, à le trouver, à l'identifier puis à m'assurer.
C'est extrêmement difficile parce que les personnes exceptionnelles qui doivent gérer ça sont en forte demande par toutes nos organisations, et il faut être compétitif. Ce n'est pas juste les salaires aussi. Il faut qu'il y ait une histoire, il faut les motiver sur l'avenir. Et, quand ils sont basculés, puis qu'à chaque jour on dit: La caisse ci, la caisse ça, pour les employés, c'est difficile. Et ça, c'est l'élément le plus regrettable, et je souhaite du plus profond de mon coeur que le plus rapidement les employés de la caisse puissent se dédier à une chose, gérer l'argent que les Québécois leur confient pour leurs retraites, et qu'ils puissent le faire avec le plus de prudence, en ayant au coeur le développement économique du Québec, comme ils le font, mais de façon sereine, et embaucher les postes qui ne sont pas comblés, et qu'elle cesse de perdre des personnes de bonne qualité.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui. Il reste combien de temps?
Le Président (M. Paquet): 12 minutes.
Responsables des transactions
relatives au PCAA (suite)
M. Legault: 12 minutes. Bien, M. Rousseau, un peu comme on l'avait dit tantôt, concernant les provisions pour les actions, les obligations, l'immobilier, il reste qu'il y a des pertes, là. Je comprends que ce sont des provisions pour pertes, mais, si on regarde ce que les autres établissements ont fait, Banque Nationale, Desjardins et autres, non seulement il y a un risque important de perdre du capital, mais aussi de perdre une opportunité d'avoir des revenus d'intérêts intéressants, alors qu'on devait avoir des actions... des placements qui étaient très à court terme. Donc, c'est tout ça qui fait que les experts évaluent la provision pour pertes à 5,9 milliards.
Vous avez eu beaucoup d'avertissements. D'abord, vous dites: Il y avait des petits écarts de rendement de un ou deux points. Déjà, ça devrait être un soupçon, parce qu'il n'y a rien de gratuit dans la vie. Il y a eu des avertissements de Coventree le 26 juillet, il y a eu des avertissements des courtiers qui se retrouvent sur des bobines, là, d'enregistrement. Le 6 août, Richard Guay a su. C'était quand même votre bras droit.
Je me dis, là: On est ici aujourd'hui pour représenter les Québécois, là, puis il y a des Québécois qui se demandent: Est-ce que c'est assez, une commission parlementaire, ou s'il ne faut pas avoir une commission d'enquête? Je me dis que...
D'abord, je pense, vous avez le devoir de répondre. Vous avez l'immunité. Je pense que ce serait important pour la Commission des finances publiques de savoir le nom des gestionnaires du PCAA à la fin juillet 2007, début août 2007. Donc, je vous demande officiellement de me dire le nom des trois ou quatre personnes, là, qu'il faudrait peut-être rencontrer, la Commission des finances publiques, pour aller au fond de ce dossier-là, là, qui représente quand même pour les Québécois près de 6 milliards de pertes, là. C'est énorme.
M. Rousseau (Henri-Paul): Moi, je ne suis plus le président de la caisse, et j'ai demandé publiquement voilà quelques minutes que la caisse m'avise est-ce que je... d'abord, je ne les connais pas tous par coeur là ? qu'elle m'avise sur la réponse à votre question. Je n'ai rien à cacher personnellement, mais c'est une décision qui appartient à la caisse et non pas à moi, je pense. Alors, j'aimerais qu'il y ait une demande qui soit faite à la Caisse de dépôt pour que je puisse répondre à cette question-là.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Legault: Mais je répète, là: Vous êtes sous serment, vous avez le devoir de répondre. C'est vous qui étiez le président, c'est vous qui êtes le mieux placé pour savoir quelles étaient les deux, les trois ou les quatre personnes qui étaient impliquées à la fin juillet. Donc, je vous demande à nouveau: Est-ce qu'on pourrait connaître le nom des gestionnaires du fameux papier commercial?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Moi, j'aurais besoin d'un avis ici. J'avoue mon incompétence, monsieur.
M. Legault: Là, ce que je comprends du président et de la secrétaire, c'est que vous avez l'immunité puis vous avez tout le... Vous avez même le devoir de nous donner des noms.
n(18 heures)nLe Président (M. Paquet): En vertu de l'article 51, M. le député, juste pour préciser pour les fins de tout le monde, en vertu de l'article 51: «Témoin. L'Assemblée ou une commission peut assigner et contraindre toute personne à comparaître devant elle, soit pour répondre aux questions qui lui seront posées, soit pour y produire toute pièce qu'elle juge nécessaire à ses actes, enquêtes ou délibérations.» Évidement, dans le cas ici de l'ordre de la Chambre, il y avait une convocation de M. Rousseau, mais il appartient à M. Rousseau de répondre. Alors, on a... Il n'y a pas eu de contrainte à cet égard-là, mais la question est posée, et c'est à M. Rousseau de juger de la question.
M. Khadir: M. le Président, question de procédure.
Le Président (M. Paquet): Question de règlement, M. le député de Mercier.
M. Khadir: Bien, pour comprendre la procédure, étant donné la question qui vient d'être posée. M. Rousseau a été invité non pas à titre de sa fonction actuelle, mais comme ex-président de la Caisse de dépôt, puis il y a des gens de la Caisse de dépôt qui sont dans la salle sans doute, que vous avez invités également pour lui prêter main forte pour pouvoir donner des réponses techniques. Est-ce que la commission est autorisée à leur demander de décider ça immédiatement?
Le Président (M. Paquet): Non, c'est-à-dire que l'invitation, l'ordre de la Chambre, O.K., convoquait M. Rousseau, comme on a convoqué, la semaine dernière, d'autres personnes qui étaient soit d'anciens dirigeants ou des gens encore à l'emploi de la caisse. M. Rousseau, ce matin, a demandé à être assermenté, donc effectivement il bénéficie de l'immunité, c'est un point important à mentionner. Mais la question est posée, il est tout à fait légitime aux gens de poser des questions à un membre de la commission, et la réponse appartient à M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): ...M. le Président, embêté comme ça parce que je suis invité, comme vous l'avez dit. Et je suis content d'entendre M. le député dire que je suis invité comme ancien dirigeant de la caisse et non pas à titre personnel, ça permet de comprendre plusieurs choses qui ont été dites. Et où je suis embêté, c'est que, moi, je ne représente plus la Caisse de dépôt et de placement du Québec, d'aucune façon. Je n'ai plus de représentation là. J'ai quitté depuis plusieurs mois, et je pense... puis je ne veux rien cacher à la commission, mais j'aimerais mieux que la demande soit faite à la caisse, si elle veut libérer l'information nominale sur ses employés. Pourquoi je pense que c'est plus correct comme ça? Je pense que c'est l'institution qui doit répondre et non pas l'individu que je suis. J'ai répondu à toutes vos questions dans la plus grande sincérité et la plus grande candeur et honnêteté, mais ? puis je ne veux pas le cacher, là ? mon problème, c'est que je pense qu'en toute honnêteté vous avez le loisir, comme membre de la commission, de faire cette demande-là à la caisse, et elle répondra.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui. M. le Président, les Québécois veulent savoir: Comment se fait-il qu'on a acheté du papier commercial problématique jusqu'au 9 août 2007? M. Rousseau nous a répété plusieurs fois aujourd'hui: Moi, je l'ai appris, qu'il y avait un problème, le 9 août en après-midi. Puis les actions qui ont été achetées le 10 août, c'était pour règlement, le 10 août. Dans le fond, elles ont été achetées le 9 août. C'est ça que j'ai compris. Pourtant, il y a une série d'avertissements qui ont été donnés à la direction de la caisse. L'ex-président nous dit: Moi, je ne le savais pas.
Il me semble, là, que, comme commission parlementaire, là ? je pense qu'on est tous soucieux, là, de faire toute la lumière sur le papier commercial non bancaire ? il faut avoir le nom des personnes qui ont transigé. Est-ce qu'il y en a une, il y en a deux, il y en a trois, il y en a quatre? On sait qu'il n'y en a pas plus que quatre. Donc, est-ce qu'on pourrait connaître le nom? Je vois que Mme Masson vient de passer un papier, donc peut-être que Mme la première vice-présidente vous donne la permission.
M. Rousseau (Henri-Paul): Alors...
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Le service de conformité me dit que je peux vous donner le nom d'une personne, qui était vice-président à la caisse, une des personnes. M. Verville. Luc Verville. Et c'est l'information que je peux vous donner. Pour ce qui est des autres adjoints, honnêtement, je ne l'ai pas devant moi.
M. Legault: Pourquoi pouvez-vous nous donner le nom de Luc Verville mais pas des autres personnes qui sont impliquées?
M. Rousseau (Henri-Paul): Je ne l'ai pas devant moi puis je ne le sais pas, M. le Président.
M. Legault: Vous ne vous rappelez pas? Il y avait trois, quatre personnes qui nous ont fait perdre 6 milliards, vous ne vous rappelez pas c'est qui, ces personnes-là?
M. Rousseau (Henri-Paul): Non. Je n'ai pas les noms devant moi, je regrette. Si on me les donne, je vais vous les donner, mais, moi, je ne les ai pas avec moi, là.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: Oui. Bien, écoutez, on peut peut-être passer au prochain sujet.
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau?
M. Rousseau (Henri-Paul): Je pense que ces questions-là, vous avez... Moi, j'ai été président de la caisse pendant six ans. À chaque année, les députés me posaient, lors de l'étude des crédits, un certain nombre de questions, et on répondait à toutes ces questions-là. Si vous avez d'autres questions de cette nature, vous avez autant le droit de les demander à la caisse. Et il n'y a pas de problème de ce côté-là. Moi, aujourd'hui, j'ai répondu et je continue de répondre à vos questions. Mais cette information-là... La personne, moi, qui m'a communiqué, c'était celui responsable, et je ne me souviens plus effectivement des noms précis des personnes qui travaillaient avec lui, mais ce n'est pas une information qu'on veut vous cacher. La caisse peut vous les fournir si c'est nécessaire.
M. Legault: En tout cas.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: M. le Président, je pense de toute évidence que ce qu'on est en train de voir, c'est que la commission parlementaire, malheureusement, même en ayant vu les anciens dirigeants, ne sera pas capable de savoir ce qui s'est passé jusqu'au 9 août 2007 sur le papier commercial qui va nous faire perdre 6 milliards.
Placement dans les
aéroports de Londres (suite)
Donc, prochain sujet. Vous avez fait un investissement, pendant que vous étiez président de la Caisse de dépôt, un investissement record à l'étranger. Vous avez investi plus de 2 milliards de dollars dans les aéroports de Londres, dans la compagnie BAA. À deux reprises, en commission parlementaire, pendant l'étude des crédits, je vous ai dit, bon, peut-être que c'est mon ancien chapeau de président d'Air Transat, mais qu'à mon avis les aéroports de Londres d'abord sont des aéroports qui sont réputés pour être à peu près les plus problématiques au niveau de la ponctualité, nécessitent des investissements importants autant au niveau des pistes que d'un terminal, problème d'environnement avec le bruit, problème de monopole, plusieurs problèmes. Je vous ai mentionné ça à quelques reprises. Entre autres, le 23 avril 2008, en étude des crédits, vous m'avez répondu: C'est une véritable machine à cash. «À toutes les 59 secondes, il y a 5 000 $ qui sont collectés» et etc. Et vous avez dit: La valeur a été maintenue à son coût. Est-ce que vous pensez qu'encore aujourd'hui le placement dans BAA, qui a été fait à plus de 2 milliards de dollars, il vaut toujours plus de 2 milliards de dollars?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): Oui. Merci, M. le Président. Le placement dans BAA a sûrement été déprécié comme tous les placements à la caisse durant la période de 2008. Je suis convaincu de ça mais je n'ai pas les montants.
Juste vous dire cependant que, là aussi, c'est un exemple. BAA, pourquoi ça a été acheté? Je peux vous dire que ça a été acheté après plus d'une année d'étude, sept réunions du conseil, sept réunions du comité de gestion de risques, beaucoup de travaux, parce que c'est un actif résilient. Je vais vous donner trois indicateurs pour ça.
Le premier, c'est que, même après la période très turbulente du trafic aérien au cours du trimestre, quatrième trimestre 2008, premier trimestre 2009, les revenus de trésorerie de BAIIA, comme on dit, étaient en hausse de 40 % chez BAA. Et ça, c'est dans les données de Ferrovial, qui sont publiées sur les marchés.
Deuxièmement, dans BAA, le principal actif, c'est l'aéroport de Londres, évidemment Heathrow. Je vous donne quelques chiffres. L'aéroport de Londres, au cours des derniers trimestres, si on le compare à ceux d'autres aéroports en Europe, dans le premier trimestre, et toujours selon les informations de l'industrie, le premier trimestre, alors que Madrid a une baisse de 13,4 %, Francfort, 7,7 %, Amsterdam 4,5 %, l'aéroport de Heathrow, 3,6 %. Ça, c'est dans les derniers trimestres 2008 versus 2007. Et puis, dans les derniers... Non, mais je veux dire que...
M. Legault: Je sais qu'il reste quelques secondes. Je voudrais juste savoir, là, si vous avez une idée... Le 2 milliards que les Québécois ont investi dans BAA, il vaut combien aujourd'hui?
M. Rousseau (Henri-Paul): Ça dépend des études. Mais vous avez des analyses qui ont été faites à l'extérieur. Si vous les faites en décembre, si vous les faites en mars, ça dépend des écarts de crédit, O.K., et ça va fluctuer. Mais c'est un actif qui rapporte encore. Les revenus de trésorerie: 40 % de plus que l'année passée. Et donc...
M. Legault: Mais la valeur marchande selon vous, M. Rousseau, est en bas ou au-dessus de 1 milliard?
M. Rousseau (Henri-Paul): Je ne pourrais pas vous répondre à ça parce que je n'ai pas vu les... Il y a des études. J'ai vu, par exemple, une étude de crédits suisses qui la met à 4,5 milliards, une autre à 5 milliards. Il y a plein d'études. Mais ce n'est pas de ça qu'on parle ici. La valeur d'un actif, vous le savez comme moi, M. le Président, combien qu'il rapporte de revenus. Et le débat sur BAA n'est pas différent du débat sur les immeubles, qu'on avait tout à l'heure, ou sur l'ensemble des actifs de la caisse. Dans le débat sur BAA, vous avez un actif très résilient. Après les attaques terroristes, après le ralentissement du trafic, après la grippe porcine, on a un actif qui rapporte 40 % de plus d'un trimestre sur l'autre. Cherchez-en, des actifs qui sont aussi résilients, c'est un très bon actif.
n(18 h 10)nLe Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Ça conclut ce bloc. Nous entreprenons maintenant un dernier bloc du côté ministériel pour une période de 12 minutes.
Impact des modifications
législatives de 2004 (suite)
Une première question, et ça a été touché un petit peu dans nos discussions mais pas tellement en détail. Lorsqu'on parle du rôle de la caisse par rapport au mandat qui a été établi dans la loi de 2004, d'abord, en quoi est-ce que le fonctionnement au jour le jour de la caisse a été affecté ou non par le changement de la loi?
M. Rousseau (Henri-Paul): Très peu au niveau de ses politiques de placement parce que... de ses politiques d'investissement parce que tout ça avait été fait sous l'ancienne loi, lorsque je suis arrivé, donc ce n'est pas la loi qui a changé ça. La loi a changé d'abord et avant tout l'encadrement de gouvernance et du conseil, c'était ça, le but, clarifier la mission. Mais, sur une base quotidienne, bien, il n'y a pas eu de changement majeur. Les grands changements qui ont eu lieu à la caisse sont des changements que, le conseil et la direction, on a faits ensemble pour améliorer nos processus, nos politiques, nos façons de faire et faire en sorte qu'on soit une entreprise compétente au service de l'ensemble des déposants dans l'intérêt du Québec.
Placements effectués au Québec (suite)
Le Président (M. Paquet): Un autre élément qui a été soulevé parfois, c'est le rôle que la caisse peut jouer à acheter des... à faire des placements dans les entreprises québécoises, canadiennes, mais québécoises en particulier. Or, évidemment, étant donné la taille de la Caisse de dépôt et placement du Québec, ce n'est quand même pas un petit joueur, là, qui est preneur... en tout cas complètement preneur des prix et des valeurs des actions. Dans quelle mesure où est-ce qu'on voudrait faire jouer quelqu'un... Si on décidait de leur faire jouer, à la caisse, et ça ne va pas dans le cadre du mandat actuel, mais, si on poussait la caisse à dire: Écoutez, la caisse devrait acheter davantage des actions d'une entreprise par rapport à un risque potentiel de prise de position d'achat, d'acquisition sur une entreprise québécoise, quel impact on peut imaginer de la position de la caisse dans un contexte comme celui-là où elle serait connue pour aller jouer dans ce contexte-là? Quelle conséquence pourrait-il y avoir?
M. Rousseau (Henri-Paul): Je dirais que, dans le cadre normal des activités d'une entreprise québécoise, la caisse, lorsqu'elle a la chance de participer au financement, soit en dette ou soit en équité, elle le fait. Et, dans les périodes où le capital est abondant, on est en compétition avec tout le monde en ville et tout le monde à l'extérieur de la ville. Donc, sur le plan des activités régulières de financement, il n'y a pas d'incohérence du tout entre participer à des entreprises au Québec sous forme de dette ou d'équité et faire un bon rendement.
Je vous donne un exemple. On a fait la transaction de Gaz Métropolitain quand Hydro-Québec l'a vendue, ça, on n'en parle pas, mais cette transaction-là... avec d'autres, on a pris le contrôle de Gaz Métropolitain. Et, dans ce cas-là, ça a été le résultat d'une décision d'affaires que ça avait du bon sens pour la caisse, pour les rendements à long terme, de faire en sorte qu'on soit propriétaires avec d'autres de Gaz Métropolitain. Et il n'y a pas eu d'effets négatifs pour nous, comme caisse, et c'est un cas où le résultat de la transaction a été une prise de contrôle, mais ce n'était pas le but premier. C'était le but: Est-ce que c'est un bon rendement? Oui. Et en même temps c'était très bon pour le Québec, oui.
On a financé une activité importante lorsque Bombardier a voulu se départir de BRP, les produits récréatifs. On a participé au financement pour que ça reste dans les mains... avec la famille, de l'acheter. Donc, il y a plein d'exemples comme ça. Mais le point central, c'est que, si le but recherché, c'est de participer au financement de façon régulière, je ne vois pas de difficulté, il n'y a pas d'incompatibilité entre développement économique et rendement. Ce n'est pas ça qu'est la question.
La question est: Si on annonçait que la caisse va prendre des prises de contrôle systématiques dans un certain nombre d'entreprises, là je vois tout de suite ces entreprises-là être dans une mauvaise situation. Pourquoi? Parce qu'effectivement, dès qu'on va vouloir le faire, qu'est-ce qu'il va arriver? Le marché va voir venir la caisse, et le prix va monter, et on va payer très cher. Puis, dès qu'on l'aura, bien, ils vont dire: Cet actif-là, il va être dépendant de la caisse, et donc, tant que la caisse va l'avoir, c'est correct, mais après ça c'est difficile. Donc, on se met dans une situation inconfortable. Il faut que ce soit fait avec finesse, dans l'intérêt et des déposants et du Québec, quand ça peut être fait, mais ça ne peut pas être une politique systématique. D'ailleurs, les pays qui ont fait ça n'ont pas eu de grands succès. Ce qu'il faut, c'est qu'il y ait un équilibre entre risque, rendement et développement économique, et cet équilibre-là se fait au fur et à mesure des opportunités. Mais je vous répète que, dans le cours normal des choses, la caisse peut et doit, et elle le fait, être présente au Québec.
Je vous parie que, dans les prochaines années, parce que le crédit est plus difficile, vous allez voir, les prochains présidents de la caisse vont monter l'importance de la caisse dans les investissements au Québec, pas par volonté, parce que le marché va être de ce côté-là, parce que les entreprises du Québec ont plus de difficultés dans un marché de crédit difficile qu'auparavant. Mais, dans les périodes d'abondance de crédit qu'on a eues de 2003 à 2007, je vais vous dire qu'il y a beaucoup d'entreprises qui se sont financées puis, quand elles nous voyaient venir, on était un parmi d'autres puis on a manqué plusieurs fois les transactions, parce que le taux de rendement du marché était plus faible que ce qu'on exigeait.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Viau.
Plan de restructuration du PCAA (suite)
M. Dubourg: Merci, M. le Président. M. Rousseau, une dernière question pour ma part. Depuis qu'on a commencé à parler des PCAA, on a connu les pertes de 40 milliards, je n'ai pas fait le tour de tout ce qui a été publié, mais à ma connaissance il n'a jamais été question de fraude à chaque fois qu'on parle de ce 40 milliards là. Et, d'un autre côté, vous l'avez dit, les états financiers de la caisse ont été vérifiés par des comptables agréés, donc je peux présumer effectivement que les gestionnaires ont été de bonne foi. Et le problème dont on parle, c'est plutôt un problème de gouvernance. D'accord? Et une question précise: Vous avez été... vous avez initié ou bien signé l'entente de Montréal, il y a une perte... une provision pour perte de 22 milliards, donc, pour les déposants, à combien vous estimez la partie qu'on peut récupérer grâce à cette entente de Montréal?
Le Président (M. Paquet): M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): La chose qu'il faut se rappeler, la caisse n'a pas perdu 40 milliards, il y a 22,4 milliards de provision. Deuxièmement, le PCAA n'a pas coûté 40 milliards à la caisse, il a coûté 181 millions jusqu'à ce jour.
La question que vous me posez: Dans le 5,8 milliards de provision qu'il reste encore, combien de ça risque d'être matérialisé en pertes? La réponse honnête: Je ne prédis pas l'avenir. Mon estimé personnel, c'est que ces actifs-là, qui étaient de bonne qualité et qui ont passé à travers 18 mois de crise, n'ont coûté à la caisse, après 18 mois, que... c'est plate, 181 millions, mais c'est beaucoup moins que le 6 milliards. Il reste donc 5,8.
Que réserve l'avenir? Sur l'ensemble des propriétés de la caisse qui ont été dépréciées, les immeubles que la caisse a au Québec, les immeubles qu'elle a à Calgary, les immeubles qu'elle a en Angleterre, les placements privés qu'elle a au Québec, tous les actifs qui sont dépréciés, on a 10,5 milliards de dépréciation non value, moins value, non matérialisée uniquement dans ces portefeuilles-là. Qu'est-ce qui va nous dire que ça va se matérialiser ou pas? C'est: est-ce que les revenus courants que la caisse obtient aujourd'hui, à hauteur de 6 milliards, qui rentrent toujours... M. Perreault vous a dit: Moi, mes immeubles, l'an prochain, je m'attends à ce qu'ils rapportent quand même plus que cette année, pourtant on les a dépréciés de 25 milliards. C'est lui, l'expert, j'ai plutôt confiance en ses prévisions à lui dans le secteur immobilier. Pour chacun des secteurs, c'est comme ça.
Dans le fond, quand je vous dis, depuis le matin, que je souhaite de tout coeur deux choses: que les règles comptables appliquées à la caisse soient les mêmes que les autres caisses de retraite pour éviter ces débats de sémantique qui sont extrêmement importants mais qui sont difficiles... Parce qu'on compare des caisses de retraite avec la caisse, ce n'est pas comparable. Donc, les caisses de retraite et la caisse, la caisse devrait rejoindre les mêmes règles comptables. La deuxième, c'est de vous assurer qu'il y a un suivi sur le 22,4 milliards de provisions pour savoir comment il va évoluer: dans le PCAA, 4 milliards; dans les immeubles, tout près de 3,5 milliards; dans les placements privés, un autre 2 milliards. Et vous en avez pour un total de 22,4 milliards. Ce suivi-là est important pour l'avenir parce que c'est ça qui va nous répondre à la question.
Aujourd'hui, la caisse reçoit les mêmes revenus avec des actifs dépréciés. Son bloc à logements, pour finir, est encore un bon bloc à logements parce que les quatre loyers sont payés, mais on vous dit: Si vous le vendez maintenant, force est obligée que vous allez le vendre moins cher. Mais on ne veut pas le vendre maintenant, on a des rentes à payer pour des années. C'est ça, la logique des choses.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Montmorency. Il reste deux minutes.
Responsables des transactions
relatives au PCAA (suite)
M. Bernier: Merci, M. le Président. M. le Président, je veux juste souligner, parce que tout à l'heure le député de Rousseau a posé une question quand même très pointue, là, où on demandait des noms. M. Rousseau, vous avez décidé de ne pas donner de noms... ou les dirigeants de la caisse, pour des motifs que vous avez jugés.
En ce qui nous concerne, je crois que le mandat ici de la commission était d'entendre les dirigeants de la caisse pour faire le point sur les pertes de la Caisse de dépôt. Et ce que je comprends, moi, dans votre attitude, c'est qu'en ce qui regarde ces personnes-là ce n'étaient pas des gestionnaires, mais des personnes, des employés, qui bien sûr avaient une responsabilité de transiger, une gestion de portefeuille, mais que somme toute ces gens-là n'étaient pas des gestionnaires en place, mais plutôt du personnel engagé pour faire des transactions.
Donc, moi, ce que je dis sur ce point-là, c'est ce que j'ai compris. Si j'ai mal compris, vous pouvez me corriger.
M. Rousseau (Henri-Paul): Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que vous dites, honnêtement.
n(18 h 20)nM. Bernier: O.K. Donc, moi, ce que je dis, là, sur ça, si ces gens-là... vous aviez décidé de livrer des noms qui... si ces personnes-là s'étaient appelées Pierre Legault, André Bernier ou quoi que ce soit, ces gens-là n'étaient pas nécessairement... ne font pas nécessairement l'histoire actuellement dans les journaux et...
M. Rousseau (Henri-Paul): Non. Non, ça n'a rien à voir avec les histoires dans les journaux. Il peut arriver que des personnes ont le même nom, mais ce n'est rien du tout question... ces personnes-là ne sont pas reliées d'aucune façon, là...
M. Bernier: O.K.
M. Rousseau (Henri-Paul): ...en particulier. On a parlé de M. Verville, là, ce n'est pas du tout l'autre M. Verville. C'est un employé qui avait le même nom, mais c'est tout à fait différent.
M. Bernier: Non, non, ce n'est pas ça. Ma question n'était pas dans ce sens-là.
M. Rousseau (Henri-Paul): Non?
Relations avec les déposants (suite)
M. Bernier: C'est pour vous dire que, moi, en ce qui me concerne, le but de l'opération, le but de notre travail ici, en commission parlementaire, c'était de questionner, de questionner les dirigeants et les anciens dirigeants sur les pertes de la Caisse de dépôt.
En terminant, vous savez, vous nous avez entretenus durant six heures sur... vous avez répondu à nos questions. Écoutez, malgré cela, on sait que les gens, là, sont encore inquiets. Les Québécoises et les Québécois sont encore inquiets. La Caisse de dépôt, c'est la CSST, c'est la Régie des rentes. Et ils ont été quand même surpris de voir les pertes, l'ampleur des pertes, même si on savait qu'il y avait eu une tempête en octobre, en novembre, décembre, mais ils sont quand même surpris par rapport à ça. Moi, en terminant, il reste quelques minutes...
Le Président (M. Paquet): Il reste 20 secondes.
M. Bernier: Oui. Mais j'aimerais vous entendre sur qu'est-ce que... De quelle façon, vous, comme ancien dirigeant, pouvez-vous sécuriser les gens du Québec, là, par rapport à la Caisse de dépôt dans les années à venir? De quelle façon on peut redonner confiance aux Québécois?
Le Président (M. Paquet): En 15 secondes, M. Rousseau.
M. Rousseau (Henri-Paul): La caisse a des actifs de qualité qui rapportent des revenus courants deux fois plus élevés que voilà cinq ans, qui ont été dépréciés fortement par des effets de la crise. Et je suis certain que la caisse, qui a traversé cette crise péniblement, est quand même une institution encore solide. Deux des trois agences de notation ont confirmé sa cotation AAA, et la caisse a maintenant ce qu'il faut pour faire face à cet environnement difficile.
Je veux simplement vous dire que ce qui est arrivé milite en faveur de deux choses: un suivi rigoureux des provisions, qui ne sont pas des pertes, et, deuxièmement, idéalement des règles comptables qui seraient semblables pour qu'on parle des pommes avec des pommes.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Je remercie M. Rousseau pour sa participation aux travaux et l'ensemble des membres de la commission pour le déroulement de nos travaux.
Compte tenu de l'heure, j'ajourne nos travaux à demain, mercredi 20 mai, à 9 h 30, en cette même salle, pour poursuivre les auditions relatives à la Caisse de dépôt et placement du Québec. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 18 h 23)