(Quinze heures dix minutes)
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte. Je rappelle à toutes les personnes présentes dans la salle de bien s'assurer d'avoir éteint la sonnerie de leurs téléphones cellulaires afin de ne pas perturber nos travaux. Nous sommes réunis afin de tenir des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 77, Loi sur les instruments dérivés.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Paquet): Merci. Alors donc, je vais faire lecture de l'ordre du jour de la séance de cet après-midi et de ce soir. Nous entendrons d'abord M. Luc Bertrand, président et chef de la direction de la Bourse de Montréal, et M. Robillard, qui l'accompagne; la Caisse de dépôt et placement du Québec suivra; ensuite, l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières. Il y aura alors suspension.
Par la suite, à 20 heures, nous recevrons la Financière Banque Nationale; suivie du BMO Groupe financier; de M. Jean-François Guimond, professeur de finances à l'Université Laval; et enfin des représentants du Mouvement des caisses Desjardins.
Étant donné l'heure à laquelle nous recommençons nos travaux, est-ce qu'il y a consentement que nous allons poursuivre un peu passé 17 h 15 afin de bien compléter les auditions de cet après-midi?
Des voix: Consentement.
Le Président (M. Paquet): Consentement. Je vous remercie. Donc, juste avant de commencer les auditions, juste pour vous rappeler la procédure où chaque intervenant aura une période de 10 minutes pour faire sa présentation, sera suivie ensuite de périodes d'échange en pourcentage, évidemment, là, des représentations à la commission, soit 13 minutes pour le groupe formant le gouvernement, 12 minutes pour l'opposition officielle et 10 minutes pour le deuxième groupe d'opposition.
Auditions
Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue à M. Luc Bertrand, président et chef de la direction de la Bourse de Montréal, et à M. Jean Charles Robillard, directeur des relations avec les investisseurs et communications. Merci.
MM. Luc Bertrand et
Jean Charles Robillard
M. Bertrand (Luc): Bonjour. Merci. Merci, M. le Président, mesdames et messieurs. Évidemment, pour nous, c'est un plaisir d'être ici aujourd'hui parce qu'il s'agit d'un projet de loi qui nous tient évidemment à coeur. Vous allez voir d'ailleurs que mes commentaires sont très succincts et très brefs parce qu'on n'a vraiment aucune critique à faire en ce qui concerne le projet de loi, en fait tout le fondement de ce projet, mais je vais quand même vous donner nos impressions générales, là. Mais, comme je dis, vous allez voir, mes commentaires sont très au point.
Le choix de la Bourse de Montréal d'axer son développement exclusivement dans le secteur des instruments dérivés a mené l'Autorité des marchés financiers du Québec à réexaminer la loi et la réglementation afin de s'assurer d'un encadrement législatif adéquat. C'est dans cette optique que l'AMF a envisagé de proposer au gouvernement un nouveau cadre réglementaire pour les instruments dérivés.
La Bourse de Montréal a participé activement aux travaux en vue du dépôt du projet d'encadrement des dérivés au Québec, le 10 août dernier, et d'ailleurs nous avons participé sur une période de quelques années. Certains de mes collègues à la Bourse de Montréal ont passé plusieurs heures avec leurs homologues de l'Autorité des marchés financiers pour développer le fondement de ce projet de loi.
La Corporation canadienne de compensation de produits dérivés, qu'on appelle, nous, la RCDCC, qui est une filiale à part entière de la Bourse, a également participé activement à ces travaux, et plusieurs représentants du domaine des produits dérivés également, que vous allez... quelques-uns qui vont se présenter ici aujourd'hui.
Le but des travaux initiés par l'AMF était de trouver les meilleures idées possible pour établir un encadrement propre aux instruments dérivés qui soit pratique, transparent, rigoureux et harmonisé avec la réglementation du reste du monde ? évidemment, dans la mesure du possible, pour le Québec.
Il est à noter que le comité formé par l'AMF a échangé avec un comité ministériel ontarien pour faire en sorte que les deux législations soient semblables. Les travaux du comité de l'AMF ont donné lieu au projet d'encadrement des dérivés, publié le 10 août 2007, comme je le disais précédemment. La Bourse et CDCC ont soumis leurs commentaires sur ce projet en date du 7 novembre 2007.
Maintenant, c'est le projet de loi lui-même, publié le 9 avril 2008, que nous sommes appelés à commenter aujourd'hui. Et d'abord je tiens à remercier l'AMF d'avoir tenu compte de plusieurs recommandations de la Bourse et de CDCC.
L'approche retenue par l'AMF consiste à privilégier l'établissement de grands principes dans la législation et à compléter l'encadrement des dispositions réglementaires ou des instructions générales. Le but est de donner la flexibilité nécessaire pour réagir rapidement et adapter l'encadrement à l'évolution des marchés, ce qui évidemment est essentiel à l'encadrement des marchés de dérivés.
C'est un modèle d'encadrement qui peut favoriser l'innovation et évidemment la concurrence. C'est d'ailleurs un modèle qui a été adopté par la Commodity Futures Trading Commission, aux États-Unis, où la Bourse de Montréal a obtenu, en 2001, une reconnaissance pour qu'on puisse installer nos écrans sur le territoire américain. Le modèle fonctionne très bien et il fait de cette autorité réglementaire, la CFTC, l'une des plus progressistes en Amérique du Nord.
Le projet de loi reflète l'approche retenue par l'AMF. Nous espérons que la réglementation et les instructions générales seront inspirées de la même approche. Il sera nécessaire que l'AMF mette en place tous les mécanismes nécessaires pour assurer des délais aussi courts que possible lorsque viendra le temps d'adopter des modifications aux règlements de la Bourse. Nous avons commenté les projets déjà publiés et nous examinerons tout autre document à venir en tenant compte évidemment de cette optique.
Les principes, règlements et instructions générales devraient être énoncés de façon à s'adapter au gré de l'évolution des marchés. Je pense que c'est le principe important pour nous. C'est ainsi que la définition de «dérivés» pourra évoluer selon les critères déterminés par règlement.
En ce qui a trait à certains produits dérivés hors cote offerts aux petits investisseurs, l'AMF recommande le maintien de l'encadrement réglementaire présentement en vigueur concernant le placement de ces produits et le respect des exigences en matière de prospectus. Cependant, la législation ne devrait pas s'appliquer aux acquéreurs avertis, et d'ailleurs la Bourse prône cette approche.
La réglementation sur les instruments dérivés prévoit un régime d'autocertification qui exige de la Bourse qu'elle démontre que tout nouveau produit respecte les grands principes. Le principe d'autocertification pour les Bourses, qui seraient soumises à une série de grands principes, serait un élément du processus relatif aux nouveaux produits. Ce processus devra être fonction d'une analyse basée sur les éléments de risque que représentent évidemment les transactions sur instruments dérivés pour les investisseurs ou pour les marchés financiers en général. Nous comptons beaucoup sur cette nouvelle procédure pour expédier l'approbation rapide de nouveaux produits, ce qui peut donner un avantage évidemment concurrentiel à la Bourse de Montréal.
Enfin, nous croyons que cette législation moderne en matière d'instruments dérivés fera de l'AMF l'autorité principale au Canada dans ce domaine, ce qui ne peut que favoriser l'expansion de la place financière montréalaise. Merci beaucoup.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Bertrand. Je vais laisser la parole à Mme la...
Mme Jérôme-Forget: Comment ça fonctionne, M. le...
Le Président (M. Paquet): Vous avez une période... le gouvernement dispose d'une période de 13 minutes pour poser des questions et échanger avec nos invités.
Mme Jérôme-Forget: O.K. D'accord.
M. Taillon: On y va à tour de rôle: 13, 12, 10.
Le Président (M. Paquet): Effectivement.
Mme Jérôme-Forget: O.K. Bon, merci.
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre des Finances.
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(15 h 20)
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Mme Jérôme-Forget: Alors, d'abord, bienvenue, M. Bertrand, M. Robillard également. Merci de vous déplacer comme ça, à la dernière minute, et de nous accommoder dans la démarche que l'on fait cet après-midi pour assurer les parlementaires que le processus a été suivi de façon rigoureuse. D'accord?
M. le Président, je pense que M. Bertrand a été clair: il y a eu une longue consultation, longue consultation, échanges répétés entre l'AMF et le milieu, pas simplement une consultation une fois, là, des échanges qui ont eu lieu ponctuellement, selon les besoins, et donc, aujourd'hui, on est face à un résultat où les gens ont été largement consultés. Il n'en demeure pas moins, il n'en demeure pas moins, M. le Président, que c'est toujours bon de revoir et donc de vous entendre aujourd'hui.
Ce que je souhaitais, M. le Président, c'est que nous soyons la première législation au Canada à arriver avec cette législation au niveau des produits dérivés, non seulement étant les premiers au Canada avec une législation pour bien, bien, bien enraciner l'idée que c'est le Québec qui est responsable des produits dérivés via l'Autorité des marchés financiers, mais également arriver avec une approche moderne, nouvelle, vous l'avez soulevé, M. Bertrand, basée sur des principes, plutôt que d'arriver avec des lois qui donnent en détail les produits dérivés d'aujourd'hui, qui, à ce moment-là, freinent la Bourse et freinent tous les organismes, dès qu'arrive un nouveau produit, de pouvoir s'adapter rapidement. C'est la tendance actuelle, c'est l'approche qui se développe de plus en plus dans les commissions des valeurs mobilières, et donc je pense que ce dont vous parlez, peut-être... ce dont vous parlez, c'est quelque chose qui se parle beaucoup dans le milieu.
Mais, je vous dirais, la raison pour laquelle... je suis sûre, M. Bertrand, que vous allez être d'accord avec moi: plus on plante de clous pour l'Autorité des marchés financiers, plus on s'installe tôt, plus on arrive avec des produits, une législation de qualité, innovante, c'est clair qu'on fait notre lit, et, non seulement ça, on gagne des crédits auprès de l'opinion, parce que les gens savent que le Québec est moderne et à l'avant-garde.
D'ailleurs, j'étais, hier, à la Conférence de Montréal, et les gens nous parlaient beaucoup, beaucoup de l'Autorité des marchés financiers et de la Bourse de Montréal, le terrain qu'elle a fait, et bien sûr, M. le Président, de dire comment est-ce que le Québec est à l'avant-garde dans le moment, là, et donc ça, nous en sommes très fiers.
Maintenant, peut-être pour rassurer les gens, les collègues qui ont demandé de vous rencontrer, puis je suis très sympathique à leur demande, parce qu'autant où le travail avait été fait avec l'Autorité des marchés financiers et les différents organismes, autant les parlementaires, eux, n'avaient pas entendu le discours. Alors, je pense que c'était tout à fait légitime, la demande qui a été exprimée à la commission parlementaire d'entendre les parties, parce que, là, vous venez confirmer.
J'aimerais entendre peut-être l'autocertification, parce que, bien sûr, à ce moment-là, un produit, une entreprise va devoir, je dirais, confirmer, témoigner, assurer que les principes... le contenu d'un produit répond à des principes fondamentaux et de base. Peut-être que vous pourriez nous expliquer comment ça pourrait fonctionner et comment ça fonctionne en Angleterre, parce qu'il y a eu des critiques également à l'effet que la réglementation... la loi est peut-être légère, mais la réglementation, elle, elle est beaucoup plus importante. Alors, est-ce que vous voyez un danger à cet égard-là?
Le Président (M. Paquet): M. Bertrand.
M. Bertrand (Luc): Merci, Mme la ministre, et puis merci pour vos commentaires.
D'abord, pour nous, le principe de l'autocertification, c'est où on exerce déjà une très grand rigueur à l'interne en fonction évidemment... Là, ça va être encore plus clair pour nous, parce qu'il y a des dispositions qui vont être précises par les énoncés qu'évidemment l'AMF va pouvoir développer à partir de ce projet de loi. Mais essentiellement je vais vous donner un exemple classique, là: nous sommes à repenser notre contrat de cinq ans sur les obligations du Canada en tenant compte de la réalité du marché, puis là on va apporter des changements assez importants au niveau de la structure du contrat, la façon que le contrat est monté.
Alors, tout le travail qu'on fait évidemment pour développer ces modifications puis ces nuances, et tout ça, bien là ça va être encore plus rapide que qu'est-ce qu'on a connu dans le passé. Puis là, là, c'est urgent pour nous, parce que, le cinq ans, bien il y a des choses qui se passent, dans la courbe des taux d'intérêt, qui affectent cette section-là, puis on aimerait pouvoir réagir plus rapidement.
Donc, pour nous, l'utilité d'une autocertification de ce genre-là... Évidemment, on va avoir comme toile de fond les exigences de l'AMF quand même et on va toujours avoir cette responsabilité à déposer auprès des personnes responsables à l'AMF les activités qu'on va faire. Mais présentement ça peut prendre des mois et des mois, et c'est compréhensible, parce que tout le travail qu'on fait, bien il y a quelqu'un d'autre qui le refait ailleurs, et puis tout ce qu'on demande et qu'on croit que ce projet de loi va nous permettre, c'est que, bon, bien, voici la structure, l'encadrement sur quoi on s'entend. Maintenant, dans le contexte de cet encadrement-là, bien allez-y, modifiez vos contrats ou développez des nouveaux contrats, mais vous devez quand même demeurer selon la toile qu'on vous a donnée. Mais vous pouvez voir quand même que c'est un processus qu'on va pouvoir faire beaucoup plus rapidement que de développer la chose puis après ça redéposer à l'AMF. Et puis, comme vous pouvez voir, tout se fait en dédoublement, donc ça va être plutôt du travail qui va se faire en parallèle.
L'expérience, je connais moins celle du Financial Services Authority, à laquelle... dont vous faites allusion, au Royaume-Uni. Nous sommes reconnus par le FSA, donc on connaît plus le côté de l'encadrement des Bourses du FSA, des Bourses étrangères, parce que nous avons cette reconnaissance-là, mais le parallèle pour nous, c'est The Commodity Futures Trading Commission, aux États-Unis, on connaît mieux le CFTC. Et on voit le comportement du CFTC vis-à-vis l'encadrement des marchés à terme américains, et je suis convaincu que ça a été un des éléments importants qui a permis aux marchés à terme américains de connaître le développement extraordinaire qu'ils ont connu dans les 10 dernières années.
Regardons le Chicago Mercantile, regardons le Chicago Board of Trade, NYMEX, etc., International Continental Exchange, où vraiment les Bourses comprennent très bien les exigences de l'encadrement, mais elles sont capables de réagir très rapidement pour évoluer les produits, les nuances des produits ou lancer des nouveaux produits en fonction de l'évolution des marchés. Donc, je pense, la preuve est là. Je pense que le point de référence, du moins pour nous, c'est... Puis il faut faire la distinction avec le Securities and Exchange Commission, ce n'est pas du tout la même chose.
Le Securities and Exchange Commission, pour nous, c'est, comme on dit en anglais, «is rules-based», c'est basé sur des règles. On fait, comme vous le savez, affaire avec le SEC sur une base quasi journalière. C'est très lourd, c'est long, c'est très, très complexe. Et d'ailleurs M. Paulson, qui est le secrétaire américain du Trésor, souhaite des gros changements au niveau de la façon que le Securities and Exchange Commission exerce ses fonctions et s'approche plus vers les pratiques du CFTC.
Donc, qu'est-ce qu'on vous demande aujourd'hui par ce projet de loi là ou indirectement par le travail qu'on a fait avec l'AMF? C'est tout simplement d'être un pas en avant de cette évolution, comme vous l'avez mentionné, et de structurer notre encadrement selon les pratiques les plus modernes et les plus évoluées.
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: Une autre question. Vous comprendrez que notre préoccupation, nous, en tant que parlementaires, bien sûr c'est d'aller protéger les investisseurs principalement. On veut que le marché fonctionne bien, bien sûr, mais la mission quand même de l'Autorité des marchés financiers, c'est de protéger les épargnants.
Est-ce qu'en allant vers une approche basée sur les principes ? plus de flexibilité, vous avez donné l'innovation, etc. ? voyant ce qui s'est passé ? je vous donne l'occasion de parler de ce qui s'est passé sur le marché avec les produits complexes récemment, hein, les produits structurés, qu'on appelle ? est-ce que la loi, aujourd'hui, qui est présentée à l'Assemblée nationale peut faciliter des erreurs comme ça s'est passé dans les produits structurés dans le passé et donc permettre encore qu'une chose comme ça arrive? Évidemment, ça peut toujours probablement arriver, mais, d'envergure comme ça s'est passé, est-ce que le «principle-based», là, comme appellent les Anglais et les Américains, est-ce que c'est une approche qui risque d'empêcher une telle approche, plutôt que d'aller vers des règles spécifiques?
M. Bertrand (Luc): D'abord, au niveau de la protection de...
Le Président (M. Paquet): M. Bertrand.
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(15 h 30)
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M. Bertrand (Luc): Pardon. Est-ce que je peux répondre? Il faut que j'attende mon tour.
Au niveau de la protection des investisseurs, il est demandé qu'on garde quand même le prospectus pour les non-initiés ou les non avertis, et nous sommes d'accord avec ça. Nous croyons qu'en ce qui concerne l'épargnant il devrait absolument toujours y avoir des prospectus, quel que soit le produit, et donc ça, ça ne change pas dans cette nouvelle loi.
Maintenant, en ce qui concerne les produits structurés, ces produits-là, c'est des produits au comptoir en général, ce n'est pas des produits standardisés qui se transigent en Bourse. En ce qui concerne évidemment une Bourse, bien, nous, nous ne traitons que des produits standardisés, des produits qui sont non seulement traités dans un marché organisé où il y a une découverte de prix, mais où également il y a une compensation avec une gestion de la contrepartie. Donc, il y a tout un mécanisme. Et donc qu'est-ce qui s'est produit dans le papier commercial, par exemple, ou dans les produits structurés, qui semblent être une des raisons de la crise du crédit qu'on connaît aujourd'hui? C'était précisément ce manque de transparence au niveau de la découverte de prix et de la difficulté évidemment pour la contrepartie du crédit. Les banquiers ne savaient pas si l'autre banquier, il pouvait honorer ses obligations. Donc, ça sort vraiment des frontières d'un marché organisé, et donc ce projet de loi, pour moi, ce n'est pas une solution au problème du marché structuré.
Par contre, ce projet de loi va nous permettre de pouvoir être beaucoup plus proactifs à créer des produits qui vont pouvoir faire concurrence à ces produits qu'on retrouve au comptoir. Je pense d'ailleurs que ça va être le débat que vous allez entendre, dans les mois et les années à venir, des autorités réglementaires, c'est que ces produits au comptoir deviennent standardisés et qu'on les retrouve dans les marchés organisés comme celui de la Bourse de Montréal.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Je suis prêt à reconnaître M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Bertrand, M. Robillard, bienvenue. C'est un peu à notre initiative que vous êtes ici, donc je vous remercie beaucoup de votre présence. Quelques inquiétudes. On a peu de temps, mais je suis assuré que vous saurez nous rassurer.
La première inquiétude. Évidemment, lors de notre comparution devant l'AMF, au moment où il y avait rumeur et même certitude de fusion des Bourses, nous étions inquiets de la protection du parquet de Montréal au chapitre des dérivés, particulièrement pour tout ce qui touche le secteur de l'énergie. Nos appréhensions aussi touchaient bien sûr la composition du conseil, au choix des gestionnaires. Les événements, et je ne veux pas vous mettre dans l'embarras, je ne veux pas que vous répondiez à cette question-là, nous ont un peu donné raison d'avoir des inquiétudes. Mais, quant à la place de Montréal, ça, là-dessus, j'aimerais que vous me rassuriez, quant à la place de Montréal sur le marché des produits dérivés. Comment un projet comme celui-là peut assurer qu'on va être de bien meilleurs compétiteurs vis-à-vis des Bourses étrangères et particulièrement celle de Calgary, ou le parquet de Calgary, eu égard à l'énergie? Est-ce que ça nous positionne bien? Parce que c'est un des objectifs de la ministre, de bien positionner, compte tenu de notre autorité réglementaire propre, bien positionner le parquet de Montréal. Est-ce qu'on a l'assurance, avec ce qu'on a là, que ça va se faire?
Le Président (M. Paquet): M. Bertrand.
M. Bertrand (Luc): Merci. Écoutez, je vais être candide. Ce projet de loi n'est pas seulement pour la Bourse de Montréal, il peut facilement y avoir une autre Bourse qui vienne s'installer à Montréal ou ailleurs au Canada de ce fait et entreprenne une activité qui ferait compétition à la Bourse de Montréal. Puis ce projet de loi n'est pas un projet qui donne un monopole à la Bourse de Montréal, ce n'est pas du tout, à mon point de vue personnel, là, l'idée. L'idée, c'est que ce projet de loi nous donne un encadrement moderne, et il est évident que, pour la Bourse de Montréal, qui est déjà bien positionnée dans le créneau des produits dérivés au Canada, bien ça va nous permettre d'être encore plus concurrentiels, mais ça ne donne pas un monopole. Et ce n'est pas du tout ce qu'on vous demande non plus, parce qu'on le sait très bien qu'on vit dans un univers où il y a beaucoup de compétition. Il va toujours y en avoir beaucoup, de compétition, et d'ailleurs c'est bon, parce que je pense que ça nous garde réveillés. Peut-être que ça, c'est moins bon, mais ça nous garde novateurs et puis proactifs.
Mais, moi, je situe ça dans le contexte nord-américain, pour notre compétition immédiate, et même un peu plus large que ça vis-à-vis les Européens, qui dans certains, comme Mme la ministre le disait, dans certains pays l'ont déjà. Donc, tout qu'est-ce qu'on vous demande par ce projet de loi, c'est que ça nous donne plus un ? en anglais, je m'excuse ? un «level playing field» par rapport aux autres juridictions qui ont des Bourses qui sont très concurrentielles à la nôtre parce qu'ils ont un encadrement plus moderne que le nôtre. Alors, c'est dans ce sens-là, c'est l'esprit de la chose pour nous autres, c'est pour qu'on puisse évoluer dans un contexte où on voit d'autres grands compétiteurs aux États-Unis ou en Europe et où ils ont ce genre de structure d'encadrement et de réglementation.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Taillon: C'est vrai que ça ne vous donne pas nécessairement un avantage concurrentiel, mais ça vous évite des enfarges à une bonne concurrence.
Le Président (M. Paquet): M. Bertrand.
M. Bertrand (Luc): Ça peut nous donner un avantage concurrentiel, dépendant comment que les choses évoluent dans l'avenir, mais au moins, par rapport aux parquets très, très compétitifs, comme le Chicago Mercantile, par exemple, qui ont ce genre de structure, bien, au moins, on est, à ce niveau-là, sur le même pied d'égalité.
Je vais vous donner un autre exemple. Quand on a obtenu un changement à la loi fédérale sur... la loi sur les paiements, parce que les produits dérivés étaient à ce moment-là... n'étaient pas exclus de saisie dans l'éventualité de l'insolvabilité d'un membre compensateur, on était le seul pays du G8 qui avait ça, ça nous mettait un énorme désavantage concurrentiel au niveau de notre Chambre de compensation lorsqu'on se présentait dans d'autres pays. M. Dodge, à ce moment-là, était le gouverneur de la Banque du Canada, il nous a énormément aidés. Finalement, c'est le sénateur Kirby qui a écrit le projet de loi. C'était une technicalité, là, mais c'était très, très critique puis c'est ça qui nous a permis d'obtenir notre cote de crédit. Bon.
Le point que je mentionne ça, c'est tous ces petits morceaux là qui font... ce n'est pas un petit morceau, c'est un gros projet de loi, mais qui font qu'ultimement on peut se mettre sur un pied de guerre égal aux grands joueurs qu'on retrouve dans d'autres pays, et c'est ça, pour moi, qui est important par ce projet de loi. Mais il faut bien comprendre que ce n'est pas juste pour la Bourse de Montréal, ça, il peut y avoir d'autres intervenants.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Taillon: Merci beaucoup, M. le Président. Vous avez fait état du régime d'autocertification basé sur des principes, et tout ça. Quels seraient les principaux critères qui nous éviteraient d'avoir ? et la ministre l'a un peu abordé ? affaire à des produits à risque? Comment vous allez faire l'analyse? Quels sont les critères qui vont faire en sorte d'écarter les produits à risque d'arriver sur le marché, à partir de principes comme celui-là?
Le Président (M. Paquet): M. Bertrand.
M. Bertrand (Luc): D'abord, la Bourse de Montréal développe des produits dérivés, maintenant, depuis 1976. Nous avons au fil des années évidemment développé une expertise qui est unique au Canada, une des rares qu'on retrouve dans le monde, parce que ? il y en a d'autres qui vont s'inspirer de qu'est-ce qu'on fait ? on était la deuxième bourse d'options sur actions après le Chicago Board of Options. Donc, c'est quelque chose qu'on connaît bien. Et je pense qu'une chose qu'on peut dire pour que les parlementaires soient confortables ou à l'aise avec cette notion, c'est qu'il y a une profondeur d'expertise à la Bourse de Montréal, pas seulement au niveau opérationnel puis au niveau de développer des produits, mais aussi au niveau de l'autoréglementation. Et, nous, qu'est-ce qui nous motive d'être certains que, lorsqu'on développe un produit, on ne fasse pas une erreur qui puisse créer un risque indu aux usagers, c'est notre réputation. On ne veut pas lancer un produit qui, pour une raison ou pour une autre, ne fonctionne pas, où, à un moment donné, il y a un pépin important, et crée des pertes importantes à nos participants, et qu'on ouvre le Financial Times de Londres un bon lundi matin, puis on réalise en grande page, là, qu'on est critiqués fortement.
Donc, c'est un principe d'ailleurs que M. Newsome, qui était le chairman du Commodity Futures Trading Commission, a souvent énoncé. Il dit: L'autoréglementation, ça fonctionne parce que c'est dans l'intérêt commercial des Bourses que ça fonctionne. Alors, nous, on peut dire ça aujourd'hui parce qu'on a les assises nécessaires, on a développé le capital intellectuel, qui est très important, on continue à le faire, on investit énormément dedans. Par exemple, notre bourse de carbone, c'est quatre ans de travail, hein, ce n'est pas: Il y a un mois, là, on a décidé qu'on va mettre une affiche puis on va s'appeler la bourse de carbone. Il y a une équipe qui s'est dédiée à ça, qui a développé les concepts, les nuances, qui s'est promenée un peu partout dans le monde pour savoir qu'est-ce qui se passait ailleurs, puis, en fin de compte, on est la première, dans le contexte nord-américain, à lancer un marché standardisé, réglementé pour les produits d'environnement, et puis je pense qu'on est la quatrième au monde de la même dimension.
Alors, pour répondre à votre question, c'est qu'il y a tout un engrenage, là, tant commercial que réglementaire, qu'autoréglementaire, puis c'est ce jeu-là qui fait qu'une Bourse se donne un comportement, et puis je pense que l'antécédent de la Bourse de Montréal parle par soi-même.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Oui. Vous nous avez dit d'entrée de jeu que plusieurs de vos commentaires avaient été pris en compte par l'AMF entre la version originale et la version finale. Quels sont les commentaires qui n'ont pas été pris en compte et qui vous apparaissaient essentiels?
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(15 h 40)
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M. Bertrand (Luc): Je vais vous dire, il y en a un qui... Maintenant que vous soulevez la question et que j'ai la chance d'en parler, ce qu'on aurait souhaité voir dans ce projet de loi, ça aurait été une disposition ou un article qui exigerait que tous les courtiers en valeurs mobilières... ou les nouveaux courtiers en valeurs mobilières évidemment inscrits au Québec doivent nécessairement avoir passé le cours sur le marché des options pour obtenir une licence, comme est la pratique aux États-Unis. Maintenant, lorsque vous devenez courtier en valeurs mobilières aux États-Unis, vous écrivez quelque chose qui s'appelle le Series 7, là, c'est la désignation du cours, et, dans le Series 7 ? je peux en parler parce que je l'ai écrit moi-même il y a bien des années de ça ? il y a cette composante, le produit dérivé, qui est spécifique au marché des options sur actions, et ça a été un gros facteur au développement du marché des options aux États-Unis.
La philosophie ou le raisonnement de ça, c'est que, surtout aujourd'hui, nous, à la Bourse de Montréal, on s'explique mal qu'un courtier en valeurs mobilières n'ait pas une formation pointue en gestion de risques. Ça, ça forcerait évidemment le courtier à aller chercher cette formation-là ou que l'industrie, qui serait l'Institut canadien des valeurs mobilières, soit obligée d'inclure ce volet-là dans le... Maintenant, ces cours-là existent, mais c'est des licences additionnelles que le courtier en valeurs mobilières doit aller chercher.
Alors, on a demandé ça. Il se peut toujours que l'AMF l'impose. Je pense qu'elle aurait le pouvoir de le faire si elle le voulait. Et puis notre suggestion d'ailleurs, même si vous m'avez demandé, là, d'ouvrir cette parenthèse, ce serait de ne rien modifier au projet de loi, parce que je pense qu'il serait vraiment bien qu'il avance rapidement, avant la fin de cette session, pour qu'on soit là immédiatement, les premiers au Canada avec ce nouveau projet-là. Mais c'est peut-être une observation qui peut passer de votre office, ici, à l'AMF en disant: Écoutez, ce volet-là, ce serait quelque chose qui serait intéressant, sur lequel l'AMF se pencherait, parce qu'on s'explique mal qu'aujourd'hui un courtier en valeurs mobilières au Canada ne soit pas... qu'on n'exige pas de ce courtier-là une compréhension de la gestion du risque.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Taillon: Donc, on pourrait certainement demander à l'AMF de réglementer à ce titre-là, hein?
Mme Jérôme-Forget: Je ne sais pas si j'ai le droit de répondre, M. le Président.
Le Président (M. Paquet): S'il y a consentement. Est-ce qu'il y a consentement? Oui, consentement. Mme la ministre.
M. Taillon: En autant que la réponse est courte.
Mme Jérôme-Forget: Sincèrement, là, le président de la Bourse soulève un volet important. Je ne sais pas si ça appartient à la loi même, ou à la réglementation qui va accompagner la loi, ou à un règlement au niveau de l'Autorité des marchés financiers, mais manifestement, et on le disait d'ailleurs, ce ne sont pas tous les courtiers qui transigent des produits dérivés, mais effectivement ceux qui décident d'aller là-dedans devraient manifestement avoir une formation.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Merci beaucoup. C'est une formation, M. Bertrand, qui peut durer combien de temps, qui demande combien d'heures? Est-ce que c'est une formation lourde ou...
Le Président (M. Paquet): M. Bertrand.
M. Bertrand (Luc): Écoutez, le modèle américain, ça fait partie du cours global, là, si vous voulez, qui est quand même exigeant aujourd'hui, parce qu'il y a eu tellement de développements dans les marchés qu'obtenir un permis ou une licence comme individu pour exercer le métier de courtier, ça devient de plus en plus... puis c'est compréhensible, d'ailleurs. Moi, je pense que tout courtier en valeurs mobilières qui fait du marché obligataire et qui fait du marché sur les actions devrait avoir également au minimum une licence pour faire les options sur actions.
Le Président (M. Paquet): Merci. Ça termine ce bloc de temps. Je suis prêt à reconnaître M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui, merci. Donc, M. Bertrand, M. Robillard, ça me fait plaisir de vous rencontrer cet après-midi. Je voudrais évidemment profiter de l'occasion peut-être pour faire une mise au point avec M. Bertrand. D'abord, peut-être prendre quelques minutes pour parler de la position que j'ai défendue concernant la Bourse de Montréal.
Je continue à penser que, dans la transaction de la vente de la Bourse de Montréal à la Bourse de Toronto, il y avait une différence entre les intérêts personnels des actionnaires, dont vous faites partie, vous faisiez partie, et les intérêts supérieurs du Québec. Et ce n'est pas seulement moi qui le dis, là, Jean-Paul Gagné, qui a été longtemps l'éditorialiste en chef du journal Les Affaires, a écrit deux articles sur la Bourse de Montréal et a parlé du fait qu'on ait voulu vider Montréal. Il disait, le 13 octobre dernier: «Le vrai mobile de l'offensive torontoise est de contrer la perte de poids de la place financière locale» suite à la perte de grandes entreprises qui étaient inscrites à la Bourse de Toronto, comme Falconbridge, INCO et les autres. Et il disait que la Bourse de Montréal devait résister à Toronto, que c'était important pour son développement, plutôt que de se replier.
Et M. Gagné, le 15 décembre dernier, disait ? c'est juste pour dire que ce n'est pas moi, là, c'est M. Gagné qui le disait: «...même si Montréal occupera cinq des 18 sièges du conseil d'administration de la Bourse de Toronto, il est clair que les décisions stratégiques concernant la Bourse de Montréal et le développement [des] produits dérivés seront désormais [...] à Toronto.» Et il ajoutait, et je le cite, Jean-Paul Gagné: «Cette transaction est une mauvaise nouvelle pour le Québec, car elle confirme à nouveau le déclin de Montréal comme centre financier.» Il ajoutait en terminant, et c'est là que je veux parler des intérêts personnels, il disait qu'à 50 fois les bénéfices de 2006, c'était un bon prix pour les actionnaires et que, bon, effectivement il y avait un risque pour les actionnaires qu'éventuellement, si la Bourse de Toronto entrait sur les produits dérivés, que la valeur de la Bourse de Montréal diminue. Donc, je voulais juste un peu revenir rapidement... Et M. Gagné concluait son article en disant: «La Bourse de Toronto se croit à l'abri d'un prédateur étant donné qu'un actionnaire ne peut détenir plus de 10 % de ses actions. Or, cette restriction pourrait bien ne pas tenir face à une offre mirobolante que déposerait une consolidateur international.»
Ce que je voulais répéter, c'est que, à mon avis, le gouvernement libéral a manqué de leadership, parce qu'il y avait, dans la loi et les règlements de la Bourse de Montréal, l'interdiction pour tout actionnaire de posséder plus de 10 % des actions de la Bourse de Montréal. Donc, on aurait pu, avec du leadership, avoir un groupe d'actionnaires qui auraient représenté plus de 50 %, qui auraient protégé le contrôle de Montréal, et je pense ? en tout cas c'est aussi mon opinion personnelle ? qu'à l'avenir...
M. Bergman: ...
Le Président (M. Paquet): M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Bergman: Oui. Un point de règlement, M. le Président. On est ici pour recevoir M. Bertrand sur le mémoire qui est déposé devant cette commission parlementaire, mais la question que le député demande, il n'y a aucune relation avec, vraiment, le projet de loi n° 77. Deuxièmement, avec un mémoire qui est vraiment bien écrit, une présentation qui était faite par M. Bertrand et M. Robillard, M. le Président, ce n'est pas le sujet des questions qu'on attend du député de Rousseau.
M. Lelièvre: ...
Le Président (M. Paquet): Vous avez une question de règlement, vous aussi, M. le député de Gaspé?
M. Lelièvre: Non, non.
Le Président (M. Paquet): Alors, sur cette question de règlement, je rappelle que la pertinence est interprétée généralement de façon relativement large en faveur du député. Mais je rappelle bien sûr que nous sommes réunis... au projet de loi n° 77, Loi sur les instruments dérivés, et j'invite tous les membres bien sûr à se rattacher le plus possible au projet de loi qui est devant nous. Nous sommes à l'étape de l'étude détaillée suite à la motion préliminaire qui a été adoptée, donc nous sommes à discuter du projet de loi n° 77. Donc, j'invite l'ensemble des parlementaires à se référer le plus possible au projet de loi. M. le député de Rousseau.
M. Legault: Je pense qu'on va tous avoir compris, là, que le député est mal à l'aise, là, face au manque de leadership de son gouvernement, mais, bon, je veux compléter ce que j'avais à dire...
Le Président (M. Paquet): M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Bergman: Il y a un sens du respect. Quand on invite quelqu'un à présenter un mémoire devant l'Assemblée nationale, devant une commission parlementaire, il y a un sens du respect. Et je suis certain que nos invités ont fait un sens de préparation pour être ici, devant nous. En ce qui concerne le sujet en question, c'est le projet de loi n° 77, et je pense que c'est un manque de respect pour ceux qui sont invités devant nous, qui font un voyage d'une autre ville, qui font une préparation. Ils ne viennent pas ici juste comme ça, ils écrivent un mémoire, et seulement ils ont des questions pas sur le sujet qui est devant nous, M. le Président.
Alors, je vous demande d'être certain que le député de Rousseau reste sur les questions en ce qui concerne le projet de loi n° 77 et le mémoire que M. Bertrand a eu la gentillesse et la politesse pour écrire, pour étudier, pour le présenter devant nous et pour faire la préparation qui a dû être faite pour avoir un mémoire de cette qualité.
Le Président (M. Paquet): Encore une fois, nous sommes à l'étape d'une consultation. J'invite l'ensemble des membres de la commission... Évidemment, il y a des moments où il y a des débats, c'est un moment d'échange avec les invités. Alors, j'invite tous les membres de la commission à se rattacher au projet de loi n° 77 et à poursuivre. M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui. Bien, je continue à comprendre la frustration du député, mais je pense qu'il ne devrait pas... Je pense que, s'il y a quelqu'un qui fait perdre notre temps actuellement, c'est bien lui. Mais, écoutez...
Le Président (M. Paquet): Ne pas prêter de motif à personne, s'il vous plaît, M. le député, tout le monde. On continue de se passer bien, M. le député, pour la bonne marche des travaux.
n(15 h 50)nM. Legault: Je continue. Ce que je concluais et ce que je voulais dire, c'est que donc à mon avis, à l'avenir, la vente de la Bourse de Montréal à la Bourse de Toronto va limiter le nombre de décisions importantes qui seront prises à Montréal, que ce soit lors de décisions difficiles, qu'on appelle souvent synergie, quand il viendra le temps de faire la fusion des deux Bourses, ou lors du développement...
Le Président (M. Paquet): M. le député de D'Arcy-McGee, une question de règlement?
M. Bergman: Il me semble que vous avez émis une décision sur le point que j'ai soulevé, et je pense qu'à ce moment non seulement le député de Rousseau montre un très grand manque de respect envers notre invité ici, mais envers vous, M. le Président, le titre que vous occupez comme président de cette commission parlementaire. Et on a des règles ici, à cette institution, des règles qui doivent être suivies, et le député de Rousseau fait son meilleur pour ne pas suivre les règles, et c'est un manque de respect envers vous et certainement envers notre invité ici, aujourd'hui. Et, moi, je suis mal à l'aise du manque de respect qu'on montre envers notre invité.
Le Président (M. Paquet): M. le député, j'ai rendu une décision effectivement: la pertinence doit être interprétée à l'avantage du député. Je rappelle à tout le monde que nous sommes sur le projet de loi n° 77, Loi sur les instruments dérivés; il y a différentes dispositions législatives là-dedans. Donc, nous sommes à une période d'échange là-dessus, et j'invite l'ensemble des parlementaires, dans leurs interventions, à se concentrer bien sûr aux interrogations relatives au projet de loi n° 77. M. le député de Rousseau.
M. Legault: Bien, M. le Président, là, j'invite le député de D'Arcy-McGee à respecter votre décision, que vous avez rendue trois fois. Je suis en train de parler de la Bourse de Montréal avec le président de la Bourse de Montréal. Je ne vois pas c'est quoi, là, la non-pertinence. M. le Président, ce que je voulais dire, c'est qu'en vendant la Bourse de Montréal à la Bourse de Toronto, à l'avenir les décisions importantes concernant le développement, la rationalisation, le choix des hauts dirigeants, bien c'est à Toronto que ça va se prendre. Donc, je voulais juste apporter cette précision.
Maintenant, on est en train d'ouvrir la loi concernant les produits dérivés au moment où tout le monde au Québec parle du prix du carburant. Et on a vu, bon, au cours des dernières années effectivement les produits dérivés se développer beaucoup. Et je me rappelle, lorsque j'étais président d'Air Transat, c'était plutôt par conservatisme qu'on achetait des contrats à terme sur le carburant ou sur la valeur du dollar américain. Or, aujourd'hui, il y a beaucoup de spéculateurs qui viennent sur les marchés et qui sont peut-être responsables d'une partie de la hausse du prix du baril de pétrole.
Et, aux États-Unis, actuellement il y a la CFTC, l'agence de régulation des marchés des matières premières, qui a annoncé une enquête, et il y a le Congrès américain aussi qui est en train de faire des auditions, qui se pose des questions, si l'on ne devrait pas légiférer pour limiter la spéculation. Et il y avait un article, au cours des derniers jours, où on disait que Goldman Sachs et Morgan Stanley, en prédisant des hausses du prix du baril de pétrole, bien avaient eu une influence mais avaient fait aussi des profits importants. On disait qu'en 2005 Goldman Sachs et Morgan Stanley avaient fait 1,5 milliard de profits nets seulement sur les activités de spéculation énergétique. Puis, bon, M. Bertrand, vous avez sûrement entendu parler aussi du trader, là, M. Pickens, qui, dans son fonds BP Capital, a fait entre 1 milliard et 1,5 milliard de profits, juste lui, en spéculant sur le prix de l'énergie.
Donc, moi, ce que je voudrais savoir, là, c'est... On a vu dans les derniers jours une grande fluctuation du prix du baril de pétrole. Les données fondamentales n'ont pas tellement changé Donc, ce que je voudrais savoir de votre part, c'est: Est-ce que vous pensez qu'il y aurait des mesures qu'on pourrait prendre, au niveau législatif, pour limiter la spéculation de joueurs qui arrivent avec des moyens très importants pour artificiellement venir gonfler, par exemple, le prix du baril de pétrole?
Le Président (M. Paquet): M. Bertrand, vous avez environ trois minutes.
M. Bertrand (Luc): Bon, bien, écoutez, d'abord, un patron de Bourse, par définition, ne peut pas faire aucun commentaire sur le comportement ou sur une conjoncture de prix. Ce n'est pas notre rôle. Notre rôle, c'est d'être un opérateur de marchés et de s'assurer que nos marchés sont intègres, ont de la profondeur. Et donc, s'il y a une spéculation artificielle, illégale ? parce que je présume que c'est de ça dont vous faites mention ? bien, à ce moment-là, c'est à un département de justice de faire enquête. Nous, comme Bourse, nous avons un encadrement, nous avons une autoréglementation, nous suivons de très près nos positions de limites, personne ne peut détenir plus que tant de contrats dans un contrat à terme donné. Alors, on a des mécanismes pour vérifier la concentration, dépendant du contrat et dépendant de l'usager, et nous faisons notre travail. Donc ça, si quelqu'un juge qu'il y a quelque chose d'illégal présentement dans une fièvre spéculative ou dans une bulle, je peux vous dire une chose... Je pense que l'histoire vous dirait par contre que, lorsqu'il y a des débats politiques qui commencent à s'activer alentour d'une spéculation, c'est normalement le bout de la spéculation, c'est probablement fini. Et d'ailleurs c'étaient les commentaires de George Soros, c'étaient les commentaires de Jarislowsky dans les derniers jours.
Mais, que voulez-vous, c'est le marché libre, et, s'il y a eu des choses illégales, mais c'est au département de la justice américaine, si c'est sur une Bourse américaine que ça s'est produit... qu'ils le fassent. Mais je doute que c'est la faute des Bourses elles-mêmes. Les Bourses ont leur structure, ont leur autoréglementation, ont leur encadrement, et puis je penserais d'ailleurs que c'est plus au niveau du marché au comptoir que ces choses-là se sont produites, parce que, comme je vous explique, toutes les Bourses ont des limites de position. Personne ne peut détenir plus qu'un certain montant de contrats à terme dans un contrat donné. Ça, c'est universel dans les marchés standardisés.
Le Président (M. Paquet): En 40 secondes environ.
M. Legault: Oui. Est-ce que vous pouvez nous donner un ordre de grandeur de ces limites, là, de positions qui peuvent être prises par un organisme, par exemple, sur des contrats sur le carburant?
M. Bertrand (Luc): Mais là, écoutez, nous, nous ne sommes...
M. Legault: Vous n'êtes pas là.
Le Président (M. Paquet): M. Bertrand.
M. Bertrand (Luc): La Bourse de Montréal n'a pas de contrat dans le secteur... En fait, il y a le Natural Gas Exchange, le NGX, mais c'est uniquement de la compensation physique de gaz naturel, donc ce n'est pas des contrats à terme proprement dits. Donc, la Bourse de Montréal n'a pas à sa cote des contrats à terme sur le secteur énergétique présentement, donc je ne pourrai pas répondre à votre question.
M. Legault: O.K. Mais, sur l'ensemble, là, des...
Le Président (M. Paquet): Cinq secondes.
M. Legault: ...produits dérivés, comment vous fixez ces limites-là?
Le Président (M. Paquet): M. Bertrand.
M. Bertrand (Luc): Écoutez, c'est en fonction du sous-jacent, ça dépend comment gros évidemment... Pour nous, le sous-jacent, c'est, disons, l'obligation de 10 ans du gouvernement du Canada, mais c'est l'ensemble de ces obligations-là au Canada. Donc, ça forme le sous-jacent, donc on calcule des pourcentages sur ça pour être certain de ne pas y avoir des concentrations de positions.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors donc, au nom de la commission, je remercie M. Bertrand et M. Robillard pour leur participation à nos travaux.
Je suspends très brièvement les travaux pour permettre aux prochains intervenants, de la Caisse de dépôt et placement du Québec, de se joindre à nous.
(Suspension de la séance à 15 h 58)
(Reprise à 15 h 59)
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant les représentants de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Je salue bien sûr M. Claude Bergeron, vice-président principal des affaires juridiques et secrétariat de la caisse. Si vous voulez vous présenter mais présenter les collègues qui vous accompagnent, s'il vous plaît, et je vous cède la parole pour 10 minutes.
Caisse de dépôt et placement
du Québec (CDPQ)
M. Bergeron (Claude): Merci, M. le Président. Donc, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, au nom de la Caisse de dépôt et placement du Québec et en notre nom personnel, nous vous remercions de l'opportunité et du privilège qui nous est donné de participer aujourd'hui aux travaux de la Commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 77.
n(16 heures)n L'équipe que nous vous proposons est composée de, à ma droite, Mark Boutet, vice-président aux affaires corporatives, et, à ma gauche, Ernest Bastien, qui est chef du Service des risques et qui est également vice-président à la caisse. Je suis quant à moi vice-président aux affaires juridiques et secrétariat de la Caisse de dépôt.
En tant qu'investisseur, la caisse tient à saluer l'initiative de la ministre et de l'Autorité des marchés financiers de doter le Québec d'un cadre réglementaire qui apporte une plus grande transparence en matière d'instruments dérivés et va contribuer à faire du Québec un chef de file en la matière.
Puisque la caisse n'exerce aucune fonction d'intermédiaire de marché, elle n'est pas visée par de nombreuses obligations du projet de loi, notamment celle d'inscription. La caisse ne distribue pas ? et je crois que c'est bien important qu'on comprenne ce fait; la caisse ne distribue pas ? de produits dérivés au public, ce que le projet de loi vise à encadrer.
En 1992, l'Assemblée nationale a adressé la question du pouvoir de la caisse de faire des opérations d'instruments dérivés, à la suite d'une décision anglaise dans l'affaire Hammersmith. Les pouvoirs du gouvernement du Québec et de certaines autres entités publiques de recourir à des instruments dérivés avaient d'ailleurs été clarifiés à la même époque. Suivant l'article 33.1 de sa loi constitutive, la caisse peut exécuter des transactions d'instruments dérivés. Cette loi est complétée par un règlement qui énonce le cadre à l'intérieur duquel cette dernière peut utiliser des instruments dérivés. Ce règlement prévoit également qu'il revient au conseil d'administration de la caisse de déterminer annuellement une ou plusieurs limites de risque relatives à l'utilisation des instruments dérivés.
Dans ce cadre, il nous apparaît que nous pouvons contribuer aujourd'hui aux travaux de la commission en traitant sommairement de l'univers des instruments dérivés et de leur utilisation par la caisse et en vous décrivant, dans un deuxième temps, la gouvernance mise en place pour encadrer une telle utilisation à la caisse.
Je commencerai donc par l'univers... et leur utilisation par la caisse. L'industrie des instruments dérivés connaît un essor extraordinaire, comme vous le savez tous, et leur popularité auprès des investisseurs ne fait aucun doute. Déjà, en 2003, plus de 90 % des 500 plus grandes entreprises à travers le monde utilisaient les instruments dérivés comme outils de gestion du risque. À l'instar de la caisse, d'autres institutions, telles que Teachers, OMERS, PSP Investment, ont recours à des instruments dérivés dans le cadre de leur stratégie d'investissement. Les instruments dérivés sont utilisés par ces institutions, et comme la caisse, notamment afin de gérer les risques de l'ensemble de leurs portefeuilles et d'accroître leurs rendements.
Les produits dérivés peuvent être catégorisés en deux grands groupes suivant le type de marché. Le premier groupe, qui nous concerne encore plus à la caisse, le marché de gré à gré, aussi connu sous le nom de marché des OTC. Le deuxième est le marché organisé, qui a fait l'objet de la présentation préalable de M. Bertrand.
Dans un marché dit de gré à gré, les opérations se font directement entre les deux parties impliquées, et les parties doivent se protéger elles-mêmes contre le risque de crédit et de contrepartie. Les principaux participants à ce marché se sont volontairement dotés de certaines mesures d'encadrement avec la création, en 1985, de l'International Swaps and Derivatives Association, une association créée dans le but de favoriser l'efficacité du marché des OTC, qui communique régulièrement des documents à être pris en considération par les parties qui participent au marché des OTC.
Quant aux instruments dérivés dits standardisés, ils se négocient sur un marché organisé, c'est-à-dire une Bourse ou un système de négociation parallèle. La documentation utilisée est standard et ne peut être négociée, contrairement aux OTC. Les parties ne sont pas assujetties aux risques de crédit ou de solvabilité de la contrepartie, les transactions étant réglées directement avec la Chambre de compensation. Donc, c'est bien important à comprendre, dans le cas des OTC, nous devons prendre garde nous-mêmes de s'occuper du risque de contrepartie. Dans le cadre des produits dits standardisés, on s'attend à ce que le système, le produit procure une garantie de risque de contrepartie.
La caisse utilise à la fois les instruments dérivés de gré à gré et ceux négociés en Bourse, tels que les contrats à terme, les swaps ou options, plus particulièrement dans l'optique de gestion des risques de taux d'intérêt et de marché de l'ensemble du portefeuille de placement. Au 31 décembre 2007, le rapport annuel de la caisse le mentionne, le montant net de la juste valeur marchande du total des contrats sur instruments dérivés utilisés par la caisse était de 1,8 milliard de dollars canadiens.
À titre d'exemple, la caisse utilise des instruments dérivés pour la protection contre le risque de change très fréquemment. Je tenterais de vous expliquer cet exemple en présumant... Présumons que la caisse détient l'équivalent de 1 milliard en immeubles au Japon, 1 milliard de dollars canadiens en yens, et que la caisse ne veut pas prendre le risque de variations, dont la volatilité qui pourrait provenir du yen. La caisse peut utiliser des produits dérivés pour se protéger contre ce risque, soit en utilisant des OTC ou soit encore en utilisant des produits en Bourse. Cette démarche lui permettra d'acheter, de souscrire ou de convenir une assurance contre ce risque.
Passons maintenant aux règles de gouvernance qui encadrent les activités de la caisse en matière de produits dérivés. La gestion du risque, à la caisse, est encadrée par la politique de gestion intégrée des risques adoptée par son conseil d'administration. La politique établit des mesures d'encadrement afin de contrôler l'utilisation des instruments dérivés. En vertu de la politique, les responsables des différents groupes d'investissement délèguent aux gestionnaires de leur choix une partie de leur autorité au moyen d'un mandat de gestion. Ces mandats de gestion établissent l'univers des instruments dérivés pouvant être utilisés par les gestionnaires et prévoient les limites de valeurs à risque.
Ces mandats de gestion eux-mêmes sont regroupés dans un portefeuille spécialisé régi par une politique d'investissement. Et des limites d'investissement sont aussi prévues dans les politiques d'investissement auxquelles sont rattachés les mandats de gestion. Par ailleurs, une équipe chargée d'accompagner les gestionnaires dans la gestion des risques revoit les opérations, calcule le risque et vérifie le respect des différentes politiques. Une équipe de politique et conformité est responsable d'attester du respect des mandats de gestion et des politiques d'investissement. Afin de mesurer le risque lié à l'utilisation des produits dérivés, la caisse procède à l'évaluation quotidienne de la juste valeur de ses produits sur instruments dérivés et obtient, sur une base périodique, une validation indépendante de ses évaluations.
Enfin, la politique prévoit des mesures de contrôle spécifiques visant à atténuer le risque lié à la contrepartie. Ces mesures sont les suivantes: premièrement, l'évaluation du crédit de chaque nouvelle contrepartie, laquelle doit bénéficier d'une cote de crédit de qualité supérieure; deuxièmement, le suivi par l'équipe de gestion du risque de l'exposition au risque de chacune des contreparties; troisièmement, la signature d'une entente-cadre résidant avec chaque contrepartie afin de prévoir un mécanisme de compensation des paiements, un élément essentiel en cas de faillite, et la terminaison de toutes les transactions dans l'éventualité d'une diminution importante de la cote de crédit d'une contrepartie désignée; quatrièmement, la signature d'une entente supplémentaire concernant le soutien de crédit et prévoyant l'échange de biens en garantie, pour ainsi limiter le risque, et la possibilité de demander des biens en collatéral selon la variation de la juste valeur de la transaction. Les biens donnés en collatéral sont des obligations gouvernementales canadiennes et américaines.
Au nom de la caisse, nous tenons à vous remercier pour cette invitation et de nous donner la chance de participer à votre analyse du projet de loi n° 77. Et nous sommes maintenant disposés à répondre à toutes vos questions. Merci beaucoup.
n(16 h 10)nLe Président (M. Paquet): Merci, M. Bergeron. Mme la ministre des Finances.
Mme Jérôme-Forget: Alors, merci, M. le Président. Alors, bienvenue, MM. Bergeron, Bastien et Boutet. Je vous remercie particulièrement de vous être déplacés à la dernière minute, comme ça, et de venir rencontrer les parlementaires. Comme je le disais, vous avez entendu mes propos plus tôt, je sais que vous avez longuement participé au projet de loi qui est devant vous. La caisse, elle a été consultée, ma foi, au sujet de ce projet de loi. Peut-être que vous pourriez nous dire justement jusqu'à quel point vous avez été impliqués dans ce projet de loi et si vous l'avez été tout court. Et, si vous l'avez été, est-ce qu'il y a des volets de ce projet de loi qui vous apparaissent importants? Est-ce que ce projet de loi a des failles? Est-ce que ce projet de loi devrait être modifié pour répondre à d'autres exigences? Peut-être que vous pourriez nous éclairer à ce sujet-là.
Le Président (M. Paquet): M. Bergeron.
Mme Bergeron (Claude): M. le Président, oui, la caisse, dans le cadre des consultations sur le projet de loi et sur l'ensemble de la réglementation, dans le cadre des documents transmis par l'Autorité des marchés financiers, la caisse a pris connaissance des développements qui s'en venaient. La caisse a suivi. La caisse n'a pas par contre produit de commentaire auprès de l'Autorité. Comme je le disais auparavant, la caisse n'est pas la partie la plus visée par cette obligation. La caisse ne distribue pas, ne manufacture pas, comme tel, de produits dérivés. La caisse s'intéresse à la question à titre d'investisseur, et, à titre d'investisseur, nous avons examiné le projet de loi et nous n'avons pas vu de trou ou de question particulière qui à notre avis manquait. C'est, comme on l'a dit précédemment, une réglementation, plutôt une loi qui adresse des grands principes, une loi qui sera suivie par de nombreux règlements. Donc, les modifications, plutôt les informations ou les règles détaillées sont à venir, elles ne sont pas encore toutes connues aujourd'hui.
Pour répondre bien à la question de Mme la ministre, il y a un aspect du projet de loi pour lequel nous nous sommes convaincus, après discussion, qu'il serait sûrement... qui nous préoccupait mais qui serait sûrement couvert par les règlements, on s'est convaincus que ce serait le cas, c'est tout l'aspect du domaine des courtiers internationaux. En ce sens qu'il ne faudrait pas ? et je suis convaincu que l'autorité a conscience de ce problème et l'adresse dans d'autres réglementations qu'elle fait; il ne faudrait pas ? que dans le futur un investisseur québécois soit privé de l'opportunité, en raison de cette réglementation, d'acheter des instruments financiers à l'étranger.
Donc, je vous donne l'exemple encore puis je reviens au Japon. Dans la mesure où la caisse voudrait se prémunir contre le risque du yen et voulait acheter un produit au Japon, nous comprenons qu'il y aura des règlements prochainement qui adresseront et qui devraient adresser cette question pour faire en sorte qu'un courtier international, un courtier qui distribue des produits de façon internationale n'ait pas à s'enregistrer au Québec, puisqu'il ne fait pas, comme tel, affaire au Québec. C'est l'essence même de cette législation. S'il ne s'agit pas d'un produit québécois, il y a une réglementation, 31-103, si je ne m'abuse, là, qui adresse déjà cette question pour d'autres matières en valeurs mobilières, qui devraient à notre avis, là, suivre la même logique.
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: Si vous permettez, M. le Président, je vais demander à l'adjoint parlementaire, M. le député de Mont-Royal, de poser une question.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Mont-Royal.
M. Arcand: Merci, M. le Président. Une de mes questions, c'est de savoir: Est-ce que, premièrement, la caisse, obligatoirement, peut effectuer et pourrait faire son travail sans nécessairement avoir besoin d'instruments dérivés? Est-ce que c'est quelque chose de possible ou, dans le contexte actuel, c'est fondamental?
Le Président (M. Paquet): M. Bergeron.
M. Bergeron (Claude): M. le Président, dans le contexte des marchés d'aujourd'hui, à notre avis, si la caisse était privée d'utiliser des instruments, produits dérivés, la caisse ne respecterait pas ses obligations envers ses déposants de maximiser son rendement et de donner aux déposants la plus grande protection sur les investissements qu'elle réalise. Les produits dérivés sont aujourd'hui utilisés, comme je le disais précédemment, par tous les grands groupes d'investissement. Que ce soit Teachers, que ce soit PSP Investments, tous les grands groupes d'investissement utilisent les produits dérivés, et c'est nécessaire dans la gestion du placement, c'est un outil indispensable que chaque investisseur doit considérer.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Mont-Royal.
M. Arcand: Vous avez parlé tout à l'heure d'investissements dans les produits dérivés d'environ 1,8 milliard. Est-ce que c'est ça que j'ai compris? Comment vous entrevoyez... Évidemment, c'est toujours difficile de faire des prédictions, mais est-ce que vous croyez que ça va augmenter de façon sensible, disons, d'ici les cinq prochaines années?
Le Président (M. Paquet): M. Bergeron.
M. Bergeron (Claude): Disons que c'est... comme vous le dites, c'est une question très difficile.
M. Arcand: Oui, oui. Oui, je comprends. Mais enfin je ne veux pas avoir de pourcentage précis, je ne veux pas avoir nécessairement, là... Mais est-ce que vous voyez ce marché-là... Parce qu'on dit évidemment qu'à Montréal c'est un marché qui sera en forte croissance. Est-ce que vous voyez ça également pour la caisse?
M. Bergeron (Claude): Je reviendrais premièrement sur le 1,8 milliard. Lorsque que nous référons, dans le rapport annuel, au 1,8 milliard, le 1,8 milliard représente la valeur nette, la valeur marchande nette de l'ensemble des produits dérivés que la caisse utilise. Donc, c'est un outil utilisé à la caisse, un outil de protection pour plusieurs fins, mais, comme je disais précédemment, cet outil-là est utilisé en fonction de mandats de gestion spécifiques qui sont donnés aux gestionnaires. Donc, un gestionnaire reçoit un mandat de gestion, et un produit spécifique, un produit dérivé spécifique ou plus est autorisé, un montant de risque, de valeur à risque est à attribué à ce produit-là, et l'ensemble de ces produits se retrouvent dans une politique de placement qui est offerte au déposant, qui choisit, de concert avec la caisse, d'investir dans la politique de placement ou, devrais-je dire, dans la politique d'investissement relative à ce produit. Est-ce que ça va augmenter dans les cinq ans? Ça m'apparaît difficile. Nous ne prévoyons sûrement pas que ça va diminuer. Peut-être que mon collègue, M. Bastien, peut ajouter là-dessus, mais on ne voit pas de possibilité de diminution.
Le Président (M. Paquet): M. Bastien.
M. Bastien (Ernest): Donc, la caisse a utilisé de plus en plus de produits dérivés dans les cinq dernières années. C'est très difficile de prévoir quel sera le futur quant à l'utilisation de produits, comme tel. Il est certain par ailleurs que plusieurs de nos gestionnaires y voient des opportunités d'ajouter de la valeur en utilisant ces produits-là, et donc il est probable qu'on continue à utiliser d'une façon aussi intense les produits dans l'avenir.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Mont-Royal.
M. Arcand: Donc, si je comprends bien, pour vous, c'est une flexibilité, si on veut, absolument essentielle.
Le Président (M. Paquet): M. Bergeron.
M. Bergeron (Claude): Je dirais, M. le Président, en réponse à cette question, pour nous, c'est une espèce de régime d'assurance. C'est une assurance, dans bien des cas, dont on peut bénéficier, dont la caisse peut bénéficier pour protéger ses investissements contre certains risques qu'elle ne veut pas prendre. C'est également une possibilité d'augmenter le placement ou d'augmenter le rendement relativement à certains produits.Le Président (M. Paquet): M. le député de Viau.
M. Dubourg: Merci, M. le Président. M. Bergeron, bon après-midi. Écoutez, tout à l'heure, M. Bertrand, de la Bourse de Montréal, a parlé d'un modèle d'encadrement, ce projet de loi, un modèle d'encadrement où l'innovation et la concurrence, là, sont présentes. J'aimerais savoir: Vous, de votre côté, de quelle façon voyez-vous que ce projet de loi va favoriser le développement du secteur financier au Québec?
Le Président (M. Paquet): M. Bergeron.
M. Bergeron (Claude): M. le Président, en donnant la chance à ce marché d'être réglementé, de faire l'objet d'une série d'obligations claires, on donne aux investisseurs l'assurance que les problèmes qui peuvent se produire dans ce type de produits sont adressés et encadrés. Donc, à notre avis ? et nous saluons l'initiative encore une fois de l'autorité et de la ministre d'avoir présenté ce projet de loi ? nous croyons et nous sommes d'avis que le projet de loi assistera et aidera la communauté montréalaise plus particulièrement et la communauté du Québec en présentant des produits qui sont structurés au meilleur bénéfice des investisseurs et en leur donnant toute l'assurance que les produits sont bien encadrés et qu'ils sont révisés.n(16 h 20)nLe Président (M. Paquet): M. le député, ça va?
M. Dubourg: Merci, M. le Président. C'est bien, oui.
Mme Jérôme-Forget: Est-ce qu'il nous reste du temps, monsieur...
Le Président (M. Paquet): Il reste encore quelques minutes, si vous avez d'autres questions.
Mme Jérôme-Forget: Combien? Trois, quatre minutes? Ah, bien, je peux... je vais le donner à mon collègue. Ils ont voulu les entendre, alors je vais leur donner le privilège.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Bergeron, bienvenue, messieurs...
Une voix: ...
M. Taillon: Député de Chauveau.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Paquet): Alors, M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Messieurs ? oublions cette chicane entre les deux vieux partis ? ça me fait plaisir de...
Une voix: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Taillon: Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de vous accueillir. Merci beaucoup. Par rapport à la caisse, j'ai compris que vous n'étiez pas directement concernés par la législation, la réglementation à venir, mais vous êtes... Moi, je tenais à ce que vous soyez là parce que vous êtes dans le fond des investisseurs importants, au Québec, et des experts là-dessus, et j'aimerais un peu comprendre. Parce que ce projet de loi là, sous certains aspects, bien sûr veut protéger le marché des produits dérivés, veut le réglementer, l'encadrer, mais je ne suis pas sûr que les papiers commerciaux sont des produits dérivés ou des instruments dérivés. Alors, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus, parce que je sais qu'il y a différentes thèses sur le marché, là, à l'effet que ça en est ou ça n'en est pas. Alors, vous autres, vous pensez quoi de ça? Puis ensuite me faire la distinction entre ce que vous appelez des produits du marché gré à gré puis du marché plus encadré, là, plus organisé.
Le Président (M. Paquet): M. Bergeron.
M. Bergeron (Claude): M. le Président, pour répondre à la question du député de Chauveau, notre interprétation du projet de loi est la suivante. Si vous examinez la définition de «dérivé», on mentionne qu'un dérivé est «une option, un swap, un contrat à terme ou tout autre contrat ou instrument dont le cours, la valeur ou les obligations de livraison ou de paiement sont fonction d'un élément sous-jacent, ainsi que tout autre contrat ou instrument prévu par règlement ou assimilable à un dérivé suivant des critères déterminés par règlement». Bien sûr, il pourra y avoir des règlements, encore une fois, et, comme je le disais précédemment, cette législation est à venir, donc une quantité de règlements qui devront être promulgués et qui apporteront des précisions sur des questions comme celles que vous soulevez aujourd'hui.
Mais, à ma lecture de cette définition, à mon sens les PCAA ne seraient pas couverts par ce projet de loi. Et pourquoi? Si vous... Et les PCAA, c'est un domaine qui m'a occupé beaucoup de mon temps dans la dernière année, ça, je peux vous le dire ? s'il y a un aveu que je peux vous faire, c'est celui-là ? énormément de mon temps, presque tout mon temps. Les PCAA, si on regarde les structures sous-jacentes, généralement et dans tous les cas, nous avons une émission d'un papier commercial, dont un papier à terme, une dette qui va fixer un taux d'intérêt, un taux d'intérêt qui pouvait être soit à escompte ou encore un taux d'intérêt payable à la terminaison, à l'arrivée du terme. Mais, comme tel, la rémunération n'est aucunement liée au produit sous-jacent. La rémunération est fonction uniquement du taux qui a été fixé au moment où le produit a été émis à l'investisseur. Donc, on a un produit émis à un investisseur, le produit fixe BA plus, 10 points de base, le rendement, c'est BA plus, 10 points de base, et ce rendement-là ne variera pas en fonction de quelque transaction que ce soit, sous-jacente, qui pourrait être incluse dans le conduit.
Nous savons que, dans le domaine des PCAA... Premièrement, il y a plusieurs types de PCAA ? et vous m'arrêterez, M. le Président, si je dépasse le sens de la question, s'il vous plaît. Il y a des produits traditionnels et il y a des produits qu'on appelle hybrides ou encore de type LSS. C'est produits-là ont une composante produits dérivés. Les produits traditionnels n'ont pas de composante produits dérivés, comme tel. On peut dire que c'est des produits de titrisation, mais il n'y a pas de swap ou d'option en dessous. Donc, dépendamment du type de produit, il est formé plus ou moins de produits dérivés, mais, comme tel, encore une fois, le rendement qui est payé ne varie pas en fonction de l'actif sous-jacent.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Oui. Là, on a un véritable problème dans le fond, parce qu'en fait, dépendamment de la définition qu'on retient au projet de loi, et tout ça, moi, je serais d'opinion contraire à votre thèse, là. Mais vous me dites dans le fond que selon vous ce projet de loi là ne permet pas de protéger les investisseurs dans le cadre des PCAA, des papiers commerciaux adossés à des actifs. Vous me dites ça. Comment on pourrait les protéger, si ce n'est pas le bon véhicule, ici? Même si je vous dis: Je ne suis pas sûr, là, que je suis totalement d'accord avec vous, mais, si c'était la thèse retenue, si c'était l'interprétation de la ministre ? je lui poserai la question plus tard ? comment on pourrait protéger les investisseurs vis-à-vis les papiers commerciaux?
Le Président (M. Paquet): M. Bergeron.
M. Bergeron (Claude): M. le Président, au risque de me répéter, j'aimerais préciser ma réponse que j'ai donnée à la question précédente. J'ai bien dit que la définition du mot «dérivé» se termine en disant: «...ainsi que tout autre contrat ou instrument prévu par règlement ou assimilable à un dérivé suivant des critères déterminés par règlement.» Donc, que ma thèse soit retenue ou pas retenue, rien n'empêchera l'Autorité des marchés financiers de promulguer ou de faire des règlements sur le sujet qui feront en sorte que les PCAA seront clairement couverts par réglementation et clairement assujettis au projet de loi.
Ce que je dis, c'est qu'aujourd'hui, dans le projet de loi, ma lecture, ma compréhension est à l'effet que les PCAA ne sont pas couverts, comme tel. Mais rien n'empêcherait l'autorité de promulguer ou de présenter des règlements qui feraient en sorte qu'un tel produit soit couvert.
Maintenant, le deuxième... ou plutôt le volet de votre question concernant comment adresser le problème des PCAA, écoutez, là-dessus, je vous référerais... C'est une question internationale que vous soulevez, c'est une question qui m'a passionné et continue de me passionner. Je vous référerais à un rapport, le rapport du Financial Stability Forum, que vous avez peut-être regardé, un groupe sous l'égide du G7 ou G8, qui a été rendu en avril 2008. Ce rapport fait l'étude de toute la problématique du PCAA. Je ne vous en ferai pas un résumé exhaustif, là, il y a des centaines de recommandations, mais j'insisterais avec vous, là, sur quelques-unes d'entre elles.
Le rôle que les banques centrales ont joué. Est-ce que les banques centrales auraient dû, au début de la crise, être plus actives, accepter tout de suite de prendre en pension des titres dont la liquidité était boudée par les investisseurs? Je vous le rappelle, comme vous le savez, le problème canadien du PCAA est avant tout un problème de liquidités et non un problème de crédit. Ça, ça a été dit par J.P. Morgan, ça a été dit par DBRS, ça a été dit par tous les experts qui se sont prononcés sur la question. Donc, on faisait face à un problème de liquidités. Un, est-ce que les banques centrales n'auraient pas dû se prononcer avant et accepter de prendre en pension les titres avant?
Deuxièmement, est-ce que les organismes réglementaires chargés de réglementer les institutions financières canadiennes n'auraient pas dû être plus proactives lorsque la bulle de liquidités était connue, était au su de tous, lorsque les ententes de liquidités étaient au su et connues de tous, tu sais, de ces agences de réglementation? Est-ce que des agences de réglementation n'auraient-elles pas dû être plus claires par rapport aux investisseurs dans leurs communications? Est-ce que les agences... Une des recommandations que ce rapport fait, c'est de dire: Est-ce que les agences de réglementation ne devraient-elles pas séparer les notations qu'elles donnent en fonction de deux catégories: première catégorie, les produits obligataires traditionnels, deuxième catégorie, les produits structurés? Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une notation particulière pour les produits structurés et expliquer clairement aux investisseurs qu'un AAA, produit structuré, n'a pas la même signification, le même sens qu'un AAA pour une dette corporative ou encore une dette gouvernementale?
Tous ces aspects-là sont contenus dans le rapport auquel je fais référence et qui à mon sens aurait beaucoup... qui conduira à ? et ce n'est pas un problème québécois, c'est un problème international; qui conduira à ? de nombreuses législations à travers le monde, qui affecteront grandement l'ensemble des institutions financières internationales sur le sujet et qui, j'espère, amélioreront ce marché.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Chauveau.
n(16 h 30)nM. Taillon: Est-ce que, M. Bergeron, votre opinion irait jusqu'à souhaiter que cette proactivité-là s'exprime dans une réglementation qui inclurait les PCAA dans la définition de «dérivé»? Est-ce que je comprends que c'est ce que vous souhaitez?
Le Président (M. Paquet): M. Bergeron.
M. Bergeron (Claude): Comme je le disais dans la présentation précédemment, il y a deux grands types de produits dérivés. Les OTC, pour lesquels nous assumons les responsabilités de structuration, excusez l'expression, du produit. Donc, on négocie avec une contrepartie, on s'assure du risque de la contrepartie, on fait le suivi ponctuel du produit. Donc, comme tel, on est du un sur un. On a une contrepartie à laquelle on fait face, et nous réagissons à cette contrepartie-là. Lorsqu'on nous présente un produit standardisé, dit standardisé, bien entendu on va lire ? et d'ailleurs M. Rousseau l'avait bien mentionné au moment de sa comparution sur le sujet en commission parlementaire ? bien entendu on va regarder la documentation qui nous est soumise, bien entendu on va étudier le produit. Mais, comme tel, on s'attend à ce qu'il y ait eu un... avant qu'on se penche sur le produit, un examen attentif du produit, une révision attentive, et, dans la mesure où... si ce projet de loi faisait en sorte, ou encore la réglementation future... à venir sur ce projet de loi faisait en sorte que les PCAA ou des produits semblables aux PCAA qui seraient offerts dans le public soient réglementés, soient révisés, soient mieux encadrés qu'ils l'étaient à l'époque, c'est quelque chose qu'on accepterait bien volontiers et pour lequel on se prononcerait favorablement.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Taillon: ...la réponse, c'est oui.
Le Président (M. Paquet): M. Bergeron.
M. Bergeron (Claude): Avec toutes les nuances que j'y ai mises, M. le Président, à la question du député de Chauveau, je répondrais la même chose que j'ai répondu mais qui aboutit inévitablement à quelque chose qui ressemble à un oui.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Vous aviez du talent en politique, vous! Au niveau de vos dérivés, vous en avez... quel est le pourcentage de vos investissements dans le gré à gré puis dans le standardisé, à la caisse?
Le Président (M. Paquet): M. Bergeron.
M. Bergeron (Claude): Notre estimation est d'environ plus du deux tiers, plus du deux tiers des produits dérivés que nous effectuons sont des OTC, donc couverts par des ententes privées, comme je l'expliquais, des ententes ISDA, donc un encadrement international qui est toutefois négocié pour chacune des contreparties en fonction du risque de crédit de la contrepartie et pour lequel est attribué un montant de collatéral. Donc, ce que je disais préalablement, c'est qu'on adresse le risque de la contrepartie, on considère le montant de collatéral qui est nécessaire en fonction du risque qu'on perçoit, et il y a une gestion à tous les jours.
J'ajouterais, M. le Président: cette question est très importante pour bien comprendre et un peu, j'oserais dire, démoniser, moins... enlever un peu d'aspect démoniaque aux produits dérivés. La structure des produits dérivés OTC fait en sorte que c'est une gestion ponctuelle, c'est une gestion quotidienne. Donc, il y a une entente qui est faite avec une contrepartie et, dans le cadre de cette entente, il y a une remise à jour permanente qui se fait. Et cette remise à jour permet même, dans la mesure où une partie perd son crédit, de terminer l'entente. Donc, on peut terminer l'entente. Cette opération permet également... cette entente permet également de faire en sorte de gérer le collatéral. Donc, selon que la partie devient plus ou moins risquée, on va demander plus ou moins de collatéral en réponse. Et le dernier point là-dessus, c'est qu'on pourra même, à la terminaison, on pourrait même faire ce qu'on appelle, en langage du métier, faire du «netting», c'est-à-dire que les obligations de l'un par rapport aux obligations de l'autre soient «nettées», pour qu'on garde simplement l'obligation résiduaire des deux transactions qui ont été faites par chacune des contreparties.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui. D'abord, merci. Bonjour, M. Bergeron, M. Bastien, M. Boutet, merci d'être ici avec nous aujourd'hui. Je voudrais revenir un peu sur les positions de la Caisse de dépôt. Vous nous avez parlé tantôt, là, de 1,8 milliard de dollars, bon, puis je veux reprendre votre exemple, là, de l'immobilier et de l'achat du yen ou de la vente à l'avance de yens sur des placements immobiliers en yens. Je voudrais savoir, est-ce qu'il y a une partie qui n'est pas de la couverture, qui est de la spéculation? Est-ce que la Caisse de dépôt peut arriver avec des positions de spéculation sur des produits dérivés?
Le Président (M. Paquet): M. Bergeron.
M. Bergeron (Claude): M. le Président, je vais commencer la réponse à cette question-là et je vais demander à mon collègue, M. Bastien, de terminer, là, puisque c'est une question très intéressante.
Je vous dirais que, d'entrée de jeu, le terme «spéculation», ce n'est pas un terme qu'on apprécie et qu'on aime. Par contre, je me permettrais, M. le Président, je me permettrais de transformer la question de M. le député comme suit: Est-ce que vous croyez... ou est-ce que vous prenez des positions sur les matières premières ou encore sur le pétrole, à titre d'exemple, qui pourraient être interprétées comme des positions spéculatives? La réponse à cette question est oui. Oui. Et je vous dirais que... Je répondrais à cette question en vous disant: Pourquoi il y a des positions dites spéculatives qui sont des positions d'investissement qui sont prises? Il y a un de nos portefeuilles, qu'on appelle le portefeuille de matières premières, en vertu duquel il est offert à nos déposants une protection contre l'inflation. Il n'y a pas de meilleur produit dans le marché, et l'ensemble des grandes caisses pratiquent cette méthode pour se protéger, que des investissements dans le domaine du pétrole, à titre d'exemple. Qu'arrivera-t-il... ou quel produit va causer ou va faire en sorte qu'il y aurait de l'inflation? Le pétrole. Comment pouvez-vous vous prémunir contre l'inflation, qui pourrait causer des dommages considérables sur vos autres investissements? En investissant dans le pétrole, comme en investissant dans d'autres produits, d'autres matières premières.
Je vais demander, à ce moment-ci, à M. Bastien, si vous me le permettez, M. le Président, d'ajouter quelques mots à cette explication.
M. Bastien (Ernest): Donc, en plus de faire la couverture donc de l'assurance, comme M. Bergeron l'a expliqué plus tôt, donc couverture, entre autres, de nos risques de devises, qui sont une activité assez importante et qui ont été très profitables l'an dernier, où on a généré pour les déposants 3,5 milliards, on a également deux portefeuilles qu'on pourrait qualifier de portefeuilles hybrides, donc qui sont des portefeuilles qui sont un mélange de produits au comptant et de produits dérivés.
Donc, le premier, c'est le portefeuille de produits de base, qui se veut effectivement une protection partielle, je dirais, pour les déposants contre des risques inflationnistes. Ce portefeuille-là est composé d'une série de contrats à terme ou de contrats sur produits de base très diversifiés et également des obligations du gouvernement américain à rendement réel et du marché monétaire.
L'autre produit, qui est également hybride, qu'on a appelé Québec Mondial, qui est bien décrit au rapport annuel, a un peu une structure similaire, et ce qu'il veut permettre aux déposants, c'est d'investir en actions internationales avec un rendement plus élevé que les actions internationales standard et à un risque généralement moindre. Le portefeuille est composé d'un panier d'indices boursiers tout en produits dérivés, d'obligations du Québec et de marché monétaire canadien. C'est un portefeuille qui depuis sa création, en 1999, a surperformé un indice comparatif de marchés boursiers, d'actions internationales, sauf une année. Donc, on parle de sept ou huit années de surperformance. Une estimation rapide permet d'évaluer une plus-value pour les déposants de 1,5 milliard depuis le début du portefeuille.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
n(16 h 40)nM. Legault: Oui. Évidemment, là, quand on est à découvert, là, quand ce n'est pas pour des opérations de couverture, le risque est multiplié, hein, je pense qu'on va tous s'entendre, là, c'est comme, par exemple, si on vend à découvert des actions, bien c'est très différent. Si j'achète une action à 1 $, le plus que je peux perdre, c'est 1 $. Si je vends à découvert une action à 1 $, je peux être obligé de la racheter à 10 $ puis perdre 9 $. Donc, tout est multiplié quand on tombe dans les positions. Puis je me dis: Actuellement, avec tout ce qu'on voit, entre autres sur le pétrole, il y a des fonds qui ont beaucoup d'argent ? on parle des fonds souverains ? puis, comme je le disais tantôt, aux États-Unis, bon, il y a le Congrès, il y a un comité sénatorial qui se penche sur le problème. Est-ce que vous, comme investisseur... Là, je ne pense pas qu'on ait à s'inquiéter de la caisse, là, mais est-ce que la caisse est inquiète de voir peut-être des fonds importants spéculer, prendre des positions très importantes sur certains produits dérivés, qui pourraient avoir un impact sur la valeur intrinsèque, là, des produits? Est-ce que c'est une inquiétude que vous avez de votre côté de voir l'évolution, là, des placements, l'importance que ça prend, les produits dérivés? Je parle de la partie spéculation.
Le Président (M. Paquet): M. Bergeron.
M. Bergeron (Claude): M. le Président, c'est certain que la préoccupation de M. le député en est une très, très intéressante, c'est une préoccupation de marché. On sait que certains «hedge funds», à titre d'exemple, se sont adonnés dans les dernières années, là, pour ne pas dire la dernière année, à des positions spéculatives qui peuvent faire varier grandement les produits de base. Mais, ceci étant dit, comme on le mentionnait préalablement, nous croyons que les produits dérivés sont là pour rester, sont là pour être mieux connus, mieux compris et sont des outils, aujourd'hui, indispensables pour gérer le risque, qui devront être utilisés par des organismes ou des institutions comme la caisse dans le futur.
Est-ce que les produits dérivés ne devraient pas être plus réglementés ou mieux encadrés? Écoutez, pas plus tard qu'hier, aux États-Unis, il y avait eu une réunion où on annonçait certaines initiatives pour faire en sorte de réduire le risque au niveau de la compensation entre les différentes contreparties, et ce n'est pas plus tard qu'hier. Donc, c'est sûrement un domaine où la réglementation, le suivi va devenir, être de plus en plus intense dans le futur, et je ne pense pas que ce soit là pour diminuer. Donc, il faut s'attendre à ce que la réglementation et le suivi des produits dérivés augmentent et qu'on adresse le genre de questions ou le genre de préoccupations que M. le député mentionne aujourd'hui.
M. Bastien, est-ce que vous avez autre chose à ajouter?
Le Président (M. Paquet): M. Bastien.
M. Bastien (Ernest): Non. C'est beau.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui. Bien, étant donné justement qu'on est en train d'ouvrir la loi et de se poser des questions sur les produits dérivés, est-ce que vous pensez qu'actuellement... Parce que, bon, je me dis: Si on arrive, dans deux mois ou dans six mois, aux États-Unis, avec une nouvelle réglementation concernant justement l'encadrement des limites que des joueurs, des institutionnels peuvent prendre comme positions spéculatives, est-ce que vous pensez que, nous, ce serait approprié qu'on se penche actuellement sur justement un meilleur encadrement des produits dérivés pour éviter la spéculation?
M. Bergeron (Claude): M. le Président...
Le Président (M. Paquet): M. Bergeron.
M. Bergeron (Claude): ...je comprends très bien la préoccupation de M. le député. Par ailleurs, dans le domaine des valeurs mobilières actuellement, que ce soit à l'échelle canadienne, surtout... on avance de plus en plus, et à notre avis c'est ce qu'il faut faire, avec des législations par principes, donc des lois qui établissent des grands principes, et qui devront être suivies par différentes réglementations, et qui donnent toutes la capacité... Parce que le domaine de la finance réagit tellement rapidement, il faut donner toute la capacité aux législateurs, aux autorités de réagir.
Donc, en ce qui concerne notre projet de loi, il faut donner à notre avis toute la capacité à l'Autorité des marchés financiers de réagir rapidement et de faire un règlement, de le présenter, de faire les consultations appropriées et de le faire adopter, à défaut de quoi, comme vous le savez ? et ça, vous le savez mieux que moi ? le temps pour modifier une loi, le temps pour présenter une loi, le temps pour adapter une loi, en fonction de l'économie d'un marché, c'est long, c'est très long. Dans le domaine de la finance aujourd'hui, je ne crois pas, pour arriver ou atteindre une meilleure réglementation, que c'est un luxe que nous pouvons se payer en termes de participants au marché. Je crois que nous devons le plus possible déléguer aux autorités réglementaires et faire en sorte que ces autorités-là puissent faire son travail le plus efficacement et le plus rapidement possible.
Le Président (M. Paquet): Il reste 10 secondes.
M. Legault: Bien, écoutez, c'est ça. Je pense qu'il y a des intentions dans le projet de loi, mais, c'est ça, j'aurais souhaité peut-être avoir vos recommandations, là, mais malheureusement on n'a plus de temps. Donc, on aura une autre occasion de se reparler.
Le Président (M. Paquet): Alors, merci, M. Bergeron, M. Bastien, M. Boutet, de votre participation à nos travaux. Je suspends très brièvement et j'inviterais les représentants de l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières à se joindre à nous.
(Suspension de la séance à 16 h 46)
(Reprise à 16 h 48)
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à Mme Carmen Crépin, vice-présidente, Québec, de l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières, M. Sylvain Perreault, président du Conseil de la section du Québec, et M. Marc-André Lacaille, vice-président du Conseil de la section du Québec. Alors, bienvenue à notre commission. Je vous cède la parole pour une période de 10 minutes.
Organisme canadien de réglementation
du commerce des valeurs
mobilières (OCRCVM)
M. Perreault (Sylvain): M. le Président, M. le vice-président, Mme la ministre, membres de la commission, merci de nous recevoir aujourd'hui. Je voudrais souligner aussi que je suis premier vice-président chez Valeurs mobilières Desjardins, et mes collègues du Mouvement sont ici, ils feront une présentation un peu plus tard. Alors, mes commentaires ne sont qu'en tant que président du Conseil de la section Québec de l'OCRCVM. J'ai aussi participé dans les travaux à l'AMF avec un groupe de personnes consultées pour appuyer l'AMF dans l'élaboration de sa stratégie quant aux dérivés. Alors, je tenais à le souligner. Et je suis aussi un ancien négociateur du parquet de la Bourse de Montréal et j'ai travaillé pendant 10 ans à la Bourse de Montréal.
Alors, au nom de l'organisme canadien du commerce des valeurs mobilières, c'est le nouveau nom, l'OCRCVM, vous verrez que c'est six lettres assez faciles à apprendre, alors ça remplace ce qu'on appelait avant l'ACCOVAM... Alors, il y a des spécialistes média qui ont trouvé ce nom-là pour remplacer l'ACCOVAM, alors maintenant il va falloir s'habituer à ces lettres-là.
Alors, il nous fait plaisir d'être ici aujourd'hui pour commenter et appuyer l'adoption du projet de loi n° 77 sur les instruments dérivés. Le Conseil de section du Québec de l'OCRCVM s'est intéressé à ce projet depuis les étapes initiales de consultation par l'Autorité des marchés financiers et a participé à plusieurs discussions et réflexions de l'AMF.
n(16 h 50)n Alors, j'aimerais d'abord aborder la question du cadre législatif et de son approche dans l'optique d'un organisme d'autoréglementation. D'abord, j'aimerais souligner le caractère novateur de l'approche législative-réglementaire proposée par ce projet de loi, et ce, sous deux aspects. D'abord, l'approche de réglementation fondée sur les principes, alors le «principle-based», et aussi sur le mécanisme d'autocertification. L'encadrement réglementaire et le processus d'approbation des règles de fonctionnement soit des marchés ou des sociétés de courtage constituent ce qu'on appelle, en anglais, un «check-and-balance» directement en lien avec la protection du public investisseur.
L'approche de réglementation fondée sur les principes conserve cet avantage tout en donnant plus de souplesse et de flexibilité dans l'application par rapport au processus normatif actuel. La souplesse et la flexibilité sont au coeur du développement de nos marchés et de leur compétitivité ainsi que de leur capacité à répondre aux besoins de plus en plus variés des investisseurs. Nous devons continuer de nous adapter aux marchés et aux besoins grandissants de nos investisseurs. Tout en étant en apparence plus simple parce que plus large, l'approche de réglementation par principes requiert une tout aussi grande rigueur dans la détermination des principes à retenir que dans leur application. Son avantage réside avant tout dans un allégement de la réglementation, objectif poursuivi par le gouvernement du Québec dans bien d'autres initiatives, et aussi dans une adaptabilité à plusieurs situations différentes, ce que ne permet pas l'approche normative. Le jugement et la rigueur constituent deux axes importants de cette approche par rapport à la seule rencontre d'une obligation prescriptive ou, a contrario, à son absence.
L'approche de réglementation par principes est donc un atout au développement des marchés, tout en desservant les intérêts des investisseurs. Dans le document de consultation de l'AMF, nous avons appuyé cette approche en indiquant que, si elle était valable pour la réglementation en matière d'instruments dérivés, elle l'était tout autant pour la réglementation des autres OAR, incluant l'OCRCVM. C'est d'ailleurs vers cette réglementation d'approche par principes vers laquelle se dirige notre organisme.
En effet, la réglementation de l'OAR touche une panoplie de facettes du fonctionnement des sociétés de courtage, qui sont en lien direct avec la protection des investisseurs. On peut penser ici au capital régularisé en fonction du risque, dont l'objectif est de couvrir les positions des comptes clients aux règles de convenance des placements, aux documents d'information à remettre aux clients, aux règles régissant les conflits d'intérêts, aux états de compte ou aux obligations de traitement des plaintes.
Deuxième aspect, l'autocertification par l'OAR concerné. Encore une fois, par rapport au régime actuel du processus d'approbation des règles OAR, l'autocertification a comme avantage de faciliter et d'accélérer le processus. Comme nous l'avons déjà indiqué, l'autocertification des règles OAR ne signifie pas que les régulateurs publics abandonnent leurs responsabilités. Ils peuvent à tout moment dénoncer et invalider les règlements autocertifiés, même après que ceux-ci aient été mis en vigueur par l'OAR. Quel OAR prendra le risque de voir un règlement rejeté? Alors, tout ça pour vous dire la prudence à laquelle ils vont exercer... qu'ils vont exercer en autocertifiant leurs règles.
Ils peuvent en outre imposer une modification des règles en vigueur d'un OAR sous leur juridiction. L'autocertification par les OAR implique donc nécessairement des discussions et des échanges entre OAR et autorités de réglementation avant la présentation et l'approbation de leurs règles. L'impact public d'une invalidation des règles de l'OAR est une atteinte directe à sa crédibilité. Les échanges se faisant ainsi a priori plutôt qu'a posteriori, une fois la règle définie et écrite, les échanges entre OAR et autorités de réglementation seront donc concentrés sur les contenus, se concentrant aussi sur l'essence même du rôle d'approbation qu'a l'AMF.
Tel que souligné précédemment, cette nouvelle approche réglementaire repose sur l'expertise des ressources impliquées de part et d'autre. À cet égard, l'AMF a concrétisé son intention de constituer une équipe spécialement affectée, puisque c'est avec cette équipe que l'OCRCVM échange régulièrement. Nous l'en remercions publiquement. Ce développement d'expertise appuie également le rôle de l'AMF en matière de dérivés à titre d'autorité principale d'encadrement de la Bourse.
À titre d'OAR, l'OCRCVM est donc directement interpellé par la nouvelle approche de réglementation proposée par le projet de loi. Les éléments clés et significatifs de la réglementation et de la structure de gouvernance d'OAR sont ceux qui portent sur la vérification diligente des produits, leur compréhension par le courtier qui l'offre à ses clients, la compréhension du client, les objectifs de placement de ce dernier et toutes les obligations de divulgation liées à l'existence ou aux perceptions de conflit d'intérêts. Ce sont là également autant de sujets qui sont régulièrement examinés par l'AMF à l'occasion de la reconnaissance ou de la supervision d'un OAR.
Depuis 2005, avec la séparation des fonctions d'OAR des activités de représentation du secteur et, plus récemment, avec la fusion de l'ACCOVAM et de RS, RS qui était l'organisme chargé de la supervision des marchés, l'OCRCVM ? moi aussi, je vais m'y habituer ? est déjà partant dans l'approche présentée par le projet de loi eu égard à ces questions. En 2006, nous appuyions déjà l'idée de proposer cette approche dans un projet de loi distinct de la Loi sur les valeurs mobilières. En effet, l'intégration de cette approche appliquée aux instruments dérivés dans une loi hybride n'aurait pu que créer de la confusion.
D'autre part, une législation séparée, versus une législation intégrée, existait déjà en Ontario, qui avait aussi pour projet de moderniser sa loi. Nous avions alors souligné l'importance de l'harmonisation des lois régissant les dérivés tout autant que celles régissant le secteur des valeurs mobilières. Nous réitérons l'importance de cette harmonisation tout en soulignant que le Québec, avec le projet de loi n° 77, se positionne comme chef de file quant au cadre législatif, tout en donnant une assise à l'AMF comme autorité de réglementation principale. En référence au cadre législatif, il est important de noter encore une fois la nécessité de retenir le même souci d'écoute et la consultation pour la préparation des outils complémentaires. La réglementation qui complétera cette loi devrait donc incorporer des étapes de consultation du public et de l'industrie en général.
Je m'en voudrais de ne pas mentionner... de ne pas revenir sur les propos de M. Luc Bertrand quant à la formation concernant ceux qui font... donnent des conseils en matière de produits dérivés. Et je comprends M. Bertrand de vouloir faire la promotion de ses produits, des produits de la Bourse de Montréal, mais je ne voudrais pas non plus que les parlementaires soient sous l'impression qu'au Canada et qu'au Québec en particulier des conseillers en placement puissent donner des conseils sur des options, des contrats à terme, des produits dérivés en général sans avoir la formation nécessaire. C'est tout à fait le contraire: tout courtier en valeurs mobilières qui donne des conseils sur les produits dérivés doit posséder les cours, les qualifications à cet effet-là.
Alors, ce que M. Bertrand... à quoi il faisait allusion, c'est qu'aux États-Unis ils ont une formation qui inclut les options. La formation canadienne est de beaucoup supérieure, ce qui veut dire que les Canadiens, les Québécois en particulier, sont desservis beaucoup mieux que les Américains en matière de qualité de conseils pour les produits dérivés. Alors, il faudrait faire attention encore une fois de ne pas confondre promotion et réglementation.
Je comprends, M. le Président, que mon temps est terminé. Je vous remercie de m'avoir écouté.
Le Président (M. Lévesque): Merci, M. Perreault. Maintenant, Mme la ministre.
n(17 heures)nMme Jérôme-Forget: Alors, merci, M. Perreault, Mme Crépin et M. Lacaille. Vous me permettrez de souligner en particulier Mme Crépin. Vous me pardonnerez ça, M. le Président, parce que Mme Crépin, elle a été présidente de la Commission des valeurs mobilières, elle le fut un certain temps. Et j'ai eu le plaisir de travailler avec elle et de pouvoir bénéficier de ses conseils, de ses judicieux conseils, M. le Président. Alors, je veux vous remercier de la présentation que vous avez faite aujourd'hui. Ce que je voudrais savoir de vous... Ce projet de loi est basé sur une approche différente, traditionnelle, où les règles sont déterminées et écrites, à savoir une approche basée sur des principes, principes qui forcent tous les gens qui vont arriver avec de nouveaux produits de s'autoréglementer, autrement dit, d'aller plaider devant l'Autorité des marchés financiers pour obtenir l'approbation que leur produit est correct et suit les règles imposées au niveau des principes, à savoir la rigueur, la transparence et l'intégrité de la démarche.
Maintenant, est-ce qu'il y a des volets dans ce projet de loi qui devraient être améliorés? Est-ce qu'il y a des projets... Parce qu'il y a eu une longue consultation, et non seulement une consultation qui a été auprès de plusieurs organismes... J'avais une liste exhaustive, là, de... il y a certainement une trentaine, je pense, de groupes qui ont été rencontrés, et non seulement ces groupes ont été rencontrés, mais il y a eu des dialogues entre l'Autorité des marchés financiers et votre organisme notamment pour amener le projet de loi que nous avons actuellement.
Évidemment, l'Autorité des marchés financiers a tiré une ligne, à un moment donné, puis a dit: On arrive avec ce projet de loi. Et je pense que généralement le projet de loi est très bien reçu, très bien reçu. Mais est-ce qu'il y a des volets... Bien sûr, vous avez dit que M. Bertrand évidemment voulait vendre... accélérer la vente de ces produits dérivés. C'est de bonne guerre, c'est de bonne guerre, et justement on veut que la Bourse de Montréal... qu'il y ait une croissance à la Bourse de Montréal. Alors, également, c'est de bonne guerre, M. le Président, mais est-ce qu'il y a des volets de cette loi-là que vous estimez devraient être renforcés, des articles qui devraient être ajoutés ou corrigés, dans le projet de loi, même si vous avez collaboré longuement, je le sais, avec l'Autorité des marchés financiers?
Le Président (M. Lévesque): Merci, Mme la ministre. M. Perreault.
M. Perreault (Sylvain): Merci, M. le Président. Alors, écoutez, nous appuyons le projet de loi sans réserve. Évidemment, lorsqu'il y aura l'étape de la réglementation, évidemment, où on rentre dans la partie plus technique, nous aurons sûrement des commentaires à faire, mais, quant à la loi elle-même, nous l'appuyons.
Je voudrais aussi souligner que c'est une occasion unique, encore une fois, pour le Québec de marquer son leadership dans les dérivés. Ce leadership-là ne date pas de quelques années, c'est vraiment une culture des dérivés qu'on a su développer à la Bourse de Montréal. Dans les années soixante-dix, rappelez-vous, la Bourse de Montréal a été le premier marché canadien à lancer le marché des options. Nous avons aussi lancé, dans les années... je dis encore «nous», mais je n'y suis plus, mais c'est nous collectivement, les Québécois, on a créé ce marché-là des instruments, des contrats à terme sur instruments financiers, qui sont devenus les instruments vedettes de la Bourse de Montréal.
Encore une fois, moi, je me souviens, parce que j'étais là à ce moment-là, à la Bourse, les gens nous reprochaient le changement, nous reprochaient d'être innovateurs, et je crois que l'innovation a payé. Et, encore une fois, on est capables maintenant de démontrer notre expertise, notre leadership dans les dérivés, en adoptant cette Loi sur les instruments dérivés.
Le Président (M. Lévesque): Merci beaucoup. Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: Oui. Justement, vous le soulevez de par vos propos, à l'effet qu'en arrivant avec cette loi-là le Québec est à l'avant-garde et dans le fond est à la tête du peloton. Et, nous autres, on le souhaite beaucoup, arriver avant tout le monde, parce que très souvent c'est l'Ontario qui arrive en premier, dans le secteur financier, et là, parce que l'Autorité des marchés financiers se préoccupe davantage des produits dérivés à Montréal à cause de la Bourse de Montréal, bien sûr qu'on aimerait bien être en avant de la parade. D'accord? C'est la raison pour laquelle j'ai proposé ce projet de loi là, et je souhaitais qu'on l'adopte le plus rapidement possible. C'est peut-être un souci de fierté, M. le Président, de dire qu'on arrive les premiers, évidemment, parce qu'on sait que l'Ontario travaille actuellement sur un projet de loi sur les produits dérivés également.
Alors, évidemment, ils vont s'inspirer, si on arrive maintenant, beaucoup de notre projet de loi, et on entend de telles rumeurs. Alors, quelle est l'importance pour Montréal d'arriver avec ce projet de loi là maintenant, au niveau des produits dérivés? Vous y avez fait mention, mais j'aimerais vous entendre plus longuement.
M. Perreault (Sylvain): Bien...
Le Président (M. Lévesque): M. Perreault.
M. Perreault (Sylvain): Merci, M. le Président. D'abord... d'abord, ça marque de façon très évidente le leadership de Montréal dans les produits dérivés. Je voudrais aussi souligner que l'OCRCVM, la section Québec, aussi entend appuyer les efforts du Québec dans ce secteur des dérivés. Plusieurs de nos nouveaux membres du conseil de section sont des experts en produits dérivés et qui se sont joints à l'OCRCMV, section Québec. Alors, la section Québec entend bien jouer un rôle de leader auprès des autres sections des autres provinces canadiennes. Et de plus en plus on le sent sur le terrain, que notre leadership se vit au jour le jour, qu'on est vraiment là, en avant de la parade, pour proposer les nouveaux produits, pour les appuyer et pour en faire la promotion à travers le pays.
On peut faire...
Le Président (M. Lévesque): Mme Crépin...
Mme Crépin (Carmen): ...
M. Perreault (Sylvain): Oui, allez-y, Mme Crépin... Vas-y...
Le Président (M. Lévesque): Mme Crépin.
Mme Crépin (Carmen): Bien, pour répondre à votre approche, j'ai participé, moi aussi, à des travaux de consultation sur la loi des dérivés en Ontario, et je pense que la première législation qui va être adoptée va être celle qui va servir de référence aux autres. Et une des raisons principales pour laquelle je pense que le projet de loi n° 77, ici, aujourd'hui, est important, c'est que c'est la loi du Québec qui va devenir la référence, et, la loi du Québec devenant la référence, ça permet aussi, également, à l'Autorité des marchés financiers de devenir l'autorité principale de réglementation et également l'expertise et la référence en matière de dérivés. Donc, on prend la tête de file sur le contenu de la réglementation.
Le Président (M. Lévesque): Merci, Mme Crépin. M. Perreault, c'était complété?
M. Perreault (Sylvain): Ça va.
Le Président (M. Lévesque): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: Bon. Alors, si je comprends bien, notre collègue le député de Chauveau a posé une question, plus tôt, au niveau de la réglementation qui va accompagner cette loi, et j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, même au niveau de la réglementation, je ne sais pas si la réglementation sera beaucoup, je dirais, décrite en détail pour permettre justement, là aussi, l'innovation. Parce qu'on ne change pas des règlements... Changer un règlement, là, au gouvernement... une loi, c'est difficile, mais, changer un règlement, ce n'est également pas si facile que ça.
Une voix: C'est vous qui allez les approuver.
Mme Jérôme-Forget: C'est moi qui vais les approuver. Bon, je vais les approuver rapidement.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Jérôme-Forget: Mais disons que, même en voulant modifier un règlement, ça prend quand même un certain temps. Alors, est-ce que vous croyez qu'avec cette loi la réglementation va être très, je dirais, tatillonne pour entrer dans la description des produits, ce qui est permis, ce qui n'est pas permis, en plus bien sûr de mettre en évidence les principes de base, je dirais, de transparence, de rigueur, d'honnêteté, là? Autrement dit, ce qu'on veut, c'est de donner à l'Autorité des marchés financiers les outils pour être capable de dire: Ça, ça ne sent pas bon. Ce n'est pas écrit, là, dans un règlement, il n'y a pas... l'article 35 du règlement, mais: Il y a quelque chose qui cloche dans votre démarche. Est-ce que vous croyez que les règlements devraient être très, très, très articulés, très définis?
Le Président (M. Lévesque): Merci, Mme la ministre. M. Perreault.
M. Perreault (Sylvain): Alors, M. le Président, d'abord, j'aimerais rappeler l'inspiration aussi de la Loi sur les instruments dérivés, qui provient de la loi de modernisation du CFTC, en 2000, et M. Luc Bertrand y a fait allusion. Il faut rappeler pourquoi cette loi-là aussi a été adoptée. Rappelez-vous aussi les produits hybrides ou les nouveaux produits qui ont été créés dans le cadre de la célèbre faillite d'Enron, ce sont des produits qui tombaient entre deux chaises. Avec la Loi sur les instruments dérivés, on va être capables d'aller attraper ces nouveaux produits là, ces nouveaux marchés là ? parce que des produits dérivés, il s'en crée de façon quotidienne à travers le monde. Avec cette loi-là, on va être capables de le faire.
Pour en revenir plus précisément à la question de la réglementation, je ne crois pas que l'objectif soit d'avoir une réglementation tatillonne. Mais, pour avoir participé aux travaux, le danger qui nous guette, c'est d'avoir une réglementation justement trop contraignante et de sortir les marchés hors du Québec. Et je ne crois absolument pas... il n'y a rien dans la loi, rien dans les discussions qu'on a eues avec les gens de l'AMF qui transpire à cet effet-là. Au contraire, on veut s'assurer que les gens vont continuer de faire des affaires au Québec comme ils le faisaient avant, et, encore là, ici, on parle plus des marchés, ce qu'on appelle «OTC», «over the counter», les marchés de gré à gré entre institutions financières, entre grands joueurs de ce marché-là, on ne parle pas évidemment du petit investisseur. Le petit investisseur, celui qui est desservi par les courtiers en valeurs mobilières, il est déjà bien protégé par le cadre réglementaire et il continuera de l'être, notamment, encore une fois, par la formation qui est dispensée aux conseillers et le régime d'inscription, qui fait en sorte que ceux qui reçoivent des conseils, le public investisseur, en matière de dérivés le font par des gens qualifiés.
Le Président (M. Lévesque): Merci, M. Perreault. Il reste deux minutes, Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: Si vous me permettez, je ne veux pas vous mettre de côté, mais j'aimerais ça demander à Mme Crépin, si c'est possible, comme elle a présidé la Commission des valeurs mobilières, justement l'idée, là, de ces principes versus la réglementation. Monsieur vient de dire que justement il ne faut absolument pas que ce soit tatillon. M. Taillon... pardon, pardon, le député de Chauveau, je m'excuse, le député de Chauveau ? ça, c'est bien fatigant, mais en tout cas ? ...
n(17 h 10)nDes voix: Ha, ha, ha!
M. Taillon: Ce n'est pas moi, le fatigant, là!
Mme Jérôme-Forget: Je le sais.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Jérôme-Forget: Le député de Chauveau soulevait justement ce volet au niveau de la réglementation, l'importance d'avoir une réglementation plus rigoureuse suite à une loi qui, elle, est plus ouverte, je dirais.
Le Président (M. Lévesque): Mme Crépin.
Mme Crépin (Carmen): Le fait que la loi soit basée sur des grands principes, le fait même que de la réglementation, à certains égards, comme la nôtre puisse vouloir évaluer et être basée vers des principes, ce n'est pas ça qui cause le problème. Ce qu'il faut, c'est de dire: Si le cadre est suffisamment clair, les sociétés de courtage sont capables de s'adapter à l'intérieur de ça.
Votre préoccupation pour les investisseurs, c'est plus au niveau des dispenses puis au niveau de la définition de ce qu'est un investisseur averti ou une contrepartie qui peut passer à côté des règles. Sinon, ça veut dire qu'il faut qu'il entre dans le régime avec toute la protection de: objectif de placement, convenance, connaissance du client. C'est la partie des dispenses, en matière de dérivés pour le petit investisseur, qui est probablement l'étape charnière, et c'est ça que la loi n° 77 permet d'aller chercher par voie réglementaire.
Le Président (M. Lévesque): Merci beaucoup, Mme Crépin. Il vous reste environ 20 secondes, Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: Je vais le donner encore à mon collègue par gentillesse et générosité.
Le Président (M. Lévesque): Merci beaucoup. Alors, M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Merci, M. le Président. Je remercie la ministre. Alors, bienvenue, merci beaucoup d'être là pour nous éclairer. Dans votre mémoire, vous partez dans le fond... je comprends que c'est une loi dans le fond qui vise à procéder par a priori. On se base sur des principes. On se base sur la rigueur. Pourriez-vous me donner des exemples? Ce serait quoi, le corpus de principes qui sont importants pour les gens qui vont agir, de telle sorte que je puisse voir, là, comment les investisseurs vont être protégés par ces principes-là? Exemples de principe, pas tous les principes, mais c'est quoi, des exemples? Puis, qui va exercer la rigueur nécessaire pour que cette loi-là s'applique? Je parle a priori, là; a posteriori, on reviendra. Je sais que c'est l'AMF, mais, au départ, là, qui fait ça? Ça a l'air de quoi?
Le Président (M. Lévesque): Merci, M. le député. M. Perreault.
M. Perreault (Sylvain): Alors, par exemple, pour le public investisseur, encore une fois, je ne pense pas que la loi y change quoi que ce soit. En tout cas, pour ce qui est de ceux qui sont desservis par les courtiers en valeurs mobilières, la réglementation de l'OCRCVM-l'ACCOVAM est déjà suffisamment englobante.
Mais je vais vous donner un autre exemple de ce que c'est que la réglementation...
M. Taillon: Dans les dérivés, là.
M. Perreault (Sylvain): Dans les dérivés. Par exemple, on va dire: Tout courtier voulant offrir des dérivés ou toute institution voulant offrir des dérivés doit avoir en place des mécanismes de suivi et de contrôle des transactions qui y sont faites. Voici une réglementation par principes. Le travail incombe donc au participant d'élaborer ses procédures, d'élaborer ses mécanismes de contrôle avec des «checks-and-balances», des méthodes de suivi, d'échantillonnage et simplement de les avoir, de les établir et de les appliquer.
L'AMF par la suite peut venir faire une inspection et constater qu'effectivement ils ont respecté ce principe. L'approche normative va dire: Vous devrez faire un échantillonnage de 50 transactions par 150 «trades» effectués sur tel produit, vous devrez rapporter ça à chaque 15 du mois. Ça, c'est l'approche normative, c'est un peu le fardeau réglementaire auquel on est habitués de vivre présentement. Et cette approche normative là est extrêmement lourde pour faire des affaires, pour continuer de se développer, pour bien servir nos clients. Alors, tranquillement, on s'en va vers cette approche par principes. Je ne sais pas si je vous donne un exemple qui illustre assez bien dans les faits.
M. Taillon: Vous me donnez un exemple sur le...
Le Président (M. Lévesque): Merci, M. Perreault. M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Merci, M. le Président. Vous me donnez un exemple sur le processus, que je comprends bien, là. Mais en pratique, là, donnez-moi donc un ou deux principes, là, fondamentaux, qu'on va retrouver dans un prospectus, par exemple.
Le Président (M. Lévesque): M. Perreault.
M. Perreault (Sylvain): Bien, la divulgation, par exemple, la divulgation des conflits d'intérêts possibles, elle doit être là, dans le prospectus. Alors, vous allez avoir des normes de divulgation, on va vous dire: Vous devez divulguer toute participation que vous pourriez avoir dans ce produit. Alors, il va incomber au participant de monter son prospectus en faisant toutes les divulgations nécessaires. Il n'y a pas de norme qui prescrit précisément ce qui doit être divulgué ou pas. C'est donc à vous d'être le plus ouvert, le plus candide possible dans votre divulgation, au risque de subir les foudres de l'AMF.
Le Président (M. Lévesque): Merci, M. Perreault. M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Merci, M. le Président. Alors, l'AMF, elle va intervenir a posteriori. Elle va intervenir en contrôle après coup. Vous dites dans votre mémoire, vers la fin, qu'il y a plusieurs préoccupations qui sont exprimées en regard de l'approche... ou de la capacité de l'AMF de faire le travail. Je vous avoue que, quand on a vu le dossier Norbourg, on a les mêmes préoccupations que vous, là; on est inquiets de l'approche. Est-ce que vous pensez que l'AMF va être en mesure rapidement de pouvoir jouer, si on adopte la loi, le rôle qui lui incombe dans cette loi-là?
Le Président (M. Lévesque): M. Perreault.
M. Taillon: Puis un petit complément: Qu'est-ce que vous pensez des sanctions pénales qui apparaissent au chapitre III? C'est suffisant, pas assez, etc.? Vous en pensez quoi?
Le Président (M. Lévesque): Merci. M. Perreault.
M. Perreault (Sylvain): Alors, dans l'affaire Norbourg, évidemment ce n'était pas vraiment une notion de produit dérivé, mais je pense que ce qu'on voulait exprimer ici, c'est de s'assurer que l'AMF ait les dents suffisamment acérées pour être capable d'agir et de réagir et de poursuivre lorsque le moment est venu.
Quant aux sanctions, quelles sont les bonnes sanctions?, c'est difficile pour nous de se prononcer là-dessus. Mais d'avoir des sanctions suffisamment dissuasives, voici que... ça, c'est l'objectif. Mais je ne peux pas vous répondre en vous disant: Il aurait mieux valu avoir telle sanction plutôt que telle autre. Mais l'important, le principe général, c'est que l'AMF ait les dents suffisamment fortes pour être capable de sévir, ce qu'elle n'avait pas nécessairement avant.
Le Président (M. Lévesque): Merci, M. Perreault. M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Merci, M. le Président. Vous avez parlé tantôt du CFTC américain en disant que notre loi s'apparenterait ? la question peut être à vous ou à Mme Crépin, là ? que ce projet de loi là s'apparenterait à la loi qui encadre le CFTC. C'est ça? Je comprends bien?
Le Président (M. Lévesque): M. Perreault.
M. Perreault (Sylvain): M. le Président, ce que je faisais... je faisais référence pas à la loi sur le CFTC, je faisais affaire au Modernization Act, qui a été adopté pour justement moderniser la loi du CFTC. Et le principe qui était derrière ça, c'est là qu'ils ont adopté cette approche d'autocertification et de réglementation par principes, pour être justement capables d'aller chercher les produits ou les situations pour lesquels ils ne pouvaient pas le faire avant. Et ça, je pense que c'est la même approche que l'AMF a reproduite.
Le Président (M. Lévesque): Merci beaucoup. M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Merci beaucoup, M. le Président. Vous avez parlé tantôt d'une harmonisation ? je veux juste être sûr que j'ai bien compris, là ? avec le reste du Canada. Mais nous allons être les premiers, là; donc, le reste du Canada va plutôt s'harmoniser à nous autres que l'inverse, là. O.K.
M. Perreault (Sylvain): C'est tout à fait ça.
Mme Crépin (Carmen): C'est ça.
M. Taillon: Donc, il est important de légiférer pour être les premiers. L'harmonisation est davantage avec la réglementation américaine, si je comprends bien.
Le Président (M. Lévesque): M. Perreault.
M. Perreault (Sylvain): C'est-à-dire qu'on...
M. Taillon: La méthode.
M. Perreault (Sylvain): C'est-à-dire qu'on a une loi qui va être d'inspiration américaine, comme il peut être aussi d'inspiration de ce qui peut se faire en Europe. Pour l'harmonisation, à l'OCRCVM, on prône l'harmonisation. Si on est les premiers, bien c'est sûr qu'on ne souhaite pas que l'Ontario adopte une loi sur les dérivés qui soit différente de celle du Québec. Alors, on est les premiers, bien on pense qu'on devrait être récompensés pour ces efforts-là et que les autres juridictions harmonisent les leurs, si elles adoptent des lois sur les dérivés qui seront similaires ou harmonisées à la nôtre.
Le Président (M. Lévesque): Merci, M. Perreault. Le député de Chauveau.
M. Taillon: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Vous parlez de l'autorité, qui a manifesté son intention de concrétiser une équipe pour agir spécialement de ce côté-là. Pouvez-vous nous en dire un petit peu plus là-dessus?
Le Président (M. Lévesque): M. Perreault.
M. Perreault (Sylvain): Bien, écoutez...
M. Taillon: Comme l'AMF n'est pas présente aujourd'hui ici, là, juste nous donner un petit peu, là, ce que vous en savez.
M. Perreault (Sylvain): Bien, écoutez, moi, encore une fois, personnellement, moi, j'ai vu les efforts de l'AMF au cours des années pour bâtir cette équipe-là. Il y a eu plusieurs initiatives qui ont été faites, soit par l'AMF, parrainées par l'AMF. On a créé des instituts de formation spécialisés; on a participé, avec les HEC, avec les universités, pour qu'on ait ici un bassin de ressources, de jeunes qui soient formés et qui soient des spécialistes dans les marchés des dérivés. Et ça a pris du temps et ça a pris des efforts colossaux, et, à chaque fois que l'AMF commençait à se développer un petit noyau, une petite équipe, elle se faisait voler soit par des courtiers, soit par des banques, soit par d'autres joueurs, soit par l'étranger. Ça a été un gros combat, et là, maintenant on commence vraiment à avoir une expertise ici qui est reconnue, au Québec. Alors, l'AMF en bénéficie parce qu'ils ont des gens qui s'occupent de réglementation, qui sont des experts en réglementation des dérivés, et c'est des gens qu'on a eu à côtoyer dans le cadre de la rédaction de ce projet de loi là.
Le Président (M. Lévesque): Merci beaucoup. Maintenant, pour environ quatre minutes, M. le député de Chauveau.
n(17 h 20)nM. Taillon: Oui. Ça va être ma dernière question. Vous parlez d'une réglementation qui va venir compléter la loi, c'est évident. Vous dites qu'il devrait y avoir une consultation du public là-dessus, la ministre y a fait référence tantôt. Est-ce que dans le fond vous souhaitez que le corpus de la réglementation, là, que tout ça, ça arrive ensemble, que ce soit fait tout d'un coup, puis qu'il y ait une consultation, donc que la réglementation qui va suivre la loi habilitante soit faite tout d'un coup, qu'il y ait une consultation puis qu'on parte en grande, ou si c'est quelque chose qui va devoir être évolutif, avec une consultation? Et, si vous me répondez oui à la consultation, quel type de consultation vous souhaitez? Qui devrait être consulté?
Le Président (M. Lévesque): M. Perreault.
M. Perreault (Sylvain): Bien, généralement, ceux qui sont ? merci, M. le Président ? consultés sont évidemment les courtiers, les joueurs dans le marché, les organismes d'autoréglementation, les parties intéressées: la Caisse de dépôt, les grands fonds de retraite. Ce sont généralement les mêmes joueurs qui se proposent là-dessus.
Nous, le plus important dans la réglementation, c'est d'être fixés le plus rapidement possible, puis les joueurs dans le marché, c'est leur souci, ils veulent connaître les règles du jeu le plus rapidement possible. Évidemment, à ce moment-là, s'il y a une approche évolutive, si on a une réglementation souple... parce que ce n'est pas une recette qui marche à 100 %, à tous les coups, il y a des ajustements à faire. Et, pour les participants dans le marché, ce qui est le plus important, c'est d'avoir un organisme de réglementation qui est à l'écoute, qui est capable d'échanger avec eux et capable de s'adapter, qui est capable des fois de reconnaître que l'approche n'est peut-être pas la meilleure, qu'elle n'est peut-être pas au bénéfice des investisseurs, qu'ils soient les petits investisseurs, les investisseurs de détail, les grands joueurs dans le marché, et c'est ce qu'on souhaite, et, jusqu'à date, c'est le feedback qu'on a reçu des gens de l'AMF, c'est cette ouverture-là.
M. Taillon: Si je comprends...
Le Président (M. Lévesque): Merci beaucoup, M. Perreault. M. le député de Chauveau, il vous reste deux minutes.
M. Taillon: Alors, c'est juste pour la conclusion. Si je comprends, dans le fond, là, vous êtes ceux qui êtes les principaux intéressés par la mise en application de cette loi-là. Si je recherchais une organisation qui a poussé pour que le gouvernement agisse, là, c'est vous autres, dans le cadre de ce projet de loi là. Puis ce n'est pas péjoratif quand je dis ça, là; j'essaie de comprendre qui sont les joueurs intéressés par une telle réglementation.
Le Président (M. Lévesque): M. Perreault.
M. Perreault (Sylvain): Je vais répondre brièvement puis je vais passer la parole à Mme Crépin, si vous le permettez, M. le Président. Je ne peux pas vous dire qu'on est ceux, mais on a l'assurance raisonnable que les joueurs ont été bien consultés et que ça répond aux besoins des joueurs. Madame.
Le Président (M. Lévesque): Merci. Mme Crépin.
Mme Crépin (Carmen): Pour vous donner un exemple plus précis: on est déjà en discussion avec l'AMF sur la question de la formation des représentants. Tout le monde est d'accord que la formation de base des représentants, les conseillers en placement, doit être poussée. Ce que nous souhaitons, et les échanges à l'heure actuelle autant avec le ministère des Finances qu'avec l'AMF, c'est que les nouvelles dispositions, on va être consultés et que ça va entrer en vigueur en même temps que la réforme du régime de l'inscription et le déploiement du passeport, que la ministre... dont elle a fait la promotion partout au Canada. Ça, c'est une excellente initiative.
M. Taillon: Donc, vous dites... la réponse...
Le Président (M. Lévesque): Merci. M. le député de Chauveau.
M. Taillon: ...le marché souhaite cette réglementation-là.
Mme Crépin (Carmen): Oui.
M. Taillon: C'est ce que je comprends.
Mme Crépin (Carmen): Oui.
Le Président (M. Lévesque): Alors, merci beaucoup. Nous passons maintenant à la deuxième opposition, le député de Rousseau.
M. Legault: Oui, merci. D'abord, M. Perreault, Mme Crépin et M. Lacaille, merci d'être ici, discuter du projet de loi, qui est important.
Je voudrais revenir sur toute la question de la spéculation. On en parle beaucoup, là. Je pense qu'il s'agit d'ouvrir les bulletins de nouvelles, de regarder les bulletins de nouvelles pour voir que c'est ouvert, là, avec la question du prix du pétrole, bon. Il y a beaucoup de travail qui est fait actuellement aux États-Unis pour voir s'il y a eu spéculation, et j'essayais de voir...
Bon. Le projet de loi se fixe des objectifs, O.K., puis je vais vous donner, par exemple, quelques articles du projet de loi, là, qui sont à mon avis importants. D'abord, l'article 1, on dit:
«1. La présente loi vise à favoriser l'intégrité, l'équité, l'efficacité et la transparence des marchés de dérivés [...] à assurer la protection du public contre les pratiques déloyales, abusives ou frauduleuses en matière de dérivés, et les manipulations de marché.» Donc, le mot qui est utilisé ici, c'est «manipulations de marché».
Quand on va un peu plus loin, à l'article 185, qu'on donne des pouvoirs à l'autorité, on dit:
«185. L'autorité peut, par règlement...» Et, au 17e, là, on dit:
«17° subordonner à des conditions ou interdire toute opération visant à fixer, influencer ou manipuler le cours d'un dérivé.»
Donc, le mot «manipuler» revient deux fois.
Peut-être un dernier article, à l'article 64, pour ce qui est des courtiers, on dit:
«64. Le courtier, le conseiller ou le représentant refuse d'agir pour un client s'il a des motifs raisonnables de croire que l'opération concernée est illicite ? bon, ça, c'est normal ? ou susceptible de jeter le discrédit sur le marché des dérivés.»
Donc, ça veut dire, dans la formulation actuelle, on parle de «manipulations» et de «discrédit sur le marché des dérivés». Moi, je voulais savoir, selon votre définition à vous, là, de ces mots-là, est-ce que ça englobe «spéculation»? Est-ce que, s'il y a une grande spéculation par certains fonds, certains joueurs institutionnels, est-ce que vous pensez que les définitions qui sont proposées pour l'instant de «manipulations», «jeter le discrédit», est-ce que c'est suffisant, est-ce que ça englobe la spéculation?
Le Président (M. Lévesque): M. Perreault.
M. Perreault (Sylvain): Oui. Alors, d'abord, la spéculation, en soi, c'est un... ce n'est... je pourrais peut-être même dire, c'est un mal nécessaire dans les marchés. Pour qu'un marché puisse fonctionner, ça prend des spéculateurs, comme ça prend des contrepartistes. Sur tous les marchés, il y a toujours cet échange entre les deux; donc, il n'y a pas de marché s'il n'y a pas de spéculateur. Alors, ici, il faut bien faire la distinction entre ce qui est marché standardisé, donc les marchés boursiers, comme l'expliquait M. Bertrand.
Les marchés boursiers standardisés ont déjà ces règles, depuis plus de 100 ans, sur la manipulation de marché, sur comment contrôler les joueurs dans le marché. On a parlé tantôt des positions de limite, les règles de marge. Il y a tout un ensemble de règles qui fait en sorte qu'on est capables d'identifier les joueurs dans le marché et ceux qui font des opérations de manipulation. En plus de ça, vous le savez, maintenant ces marchés-là sont informatisés. Il y a des détecteurs, des programmes, des logiciels informatiques qui sont capables d'aller déceler ces joueurs-là.
Là où vraiment, je pense, si je peux me permettre, vous avez cette perception-là, c'est sur les marchés OTC, des marchés qui ne sont pas des marchés en Bourse. Alors, par exemple, vous parlez peut-être de la spéculation sur le pétrole. Alors, encore une fois, je vous répéterai ce que M. Bertrand un peu vous disait tantôt: les États ont les moyens, ont les polices, ce sont des actes criminels, c'est de la fraude: s'il y a des manipulations, s'il y a de la collusion entre des joueurs pour faire monter artificiellement les titres ou n'importe quel produit financier, il y a des moyens pour les autorités policières d'intervenir dans ces marchés-là.
L'AMF, de son côté aussi, avec cette loi-là, se donne le moyen d'intervenir et de poser des questions et d'aller, par exemple, immédiatement demander, par exemple à la banque ou à un autre participant dans le marché, quels sont les joueurs qui sont derrière ces transactions-là: on veut connaître ça et on veut le rapport cet après-midi. Ça, c'est une façon concrète pour l'AMF d'être capable de jouer son rôle de chien de garde de ce côté-là.
Le Président (M. Lévesque): Merci, M. Perreault. M. le député de Rousseau.
M. Legault: Mais justement, là, quels sont les joueurs derrière cette spéculation-là? On nous dit que la CFTC, aux États-Unis, est en train de faire une vaste enquête, puis là ils suspectent les compagnies pétrolières et les traders derrière ces joueurs-là, puis...
Bon. C'est ça. Ce que j'essaie de voir avec vous, là, c'est, quand passe-t-on de la spéculation à la manipulation? Quand je vois des entreprises, là, qui font, je ne pense pas, là, des choses illicites, là, comme Goldman Sachs puis Morgan Stanley, qui chacune ont réalisé des profits nets d'environ 1,5 milliard de dollars pour une seule année juste sur les activités de spéculation sur l'énergie, est-ce que ça commence à se rapprocher de la manipulation de marché, ou s'il n'y a pas de limite à la spéculation?
Le Président (M. Lévesque): Merci beaucoup. M. Perreault.
M. Perreault (Sylvain): Bien, d'abord, les chiffres que vous donnez, ils sont symptomatiques de ce qui se passe dans le marché de la finance. Ce n'est pas relié à Montréal ou même au Canada, c'est la finance internationale. Il y a une concentration de plus en plus grande entre les mains de grands joueurs. Quand vous pensez qu'un courtier comme Bear Stearns, qui est un des plus grands courtiers au monde, a été, en l'espace de quelques semaines, a été menacé, et il a dû y avoir le recours du gouvernement des États-Unis pour sauver ce joueur-là...
Oui, il y a des gros chiffres, il y a des gains de 1,6 milliard, mais il y a aussi des pertes qui se font pour d'autres joueurs. On pense à Amaranth, qui faisait de la spéculation, comme vous le dites, et qui ont perdu, je ne sais pas, 1,8 milliard. Ce sont des gros joueurs qui ont perdu. Ça n'a pas touché les petits investisseurs en tant que tels. Il y a peut-être des conséquences à ça qui peuvent toucher les joueurs et qui peuvent toucher les plus petits investisseurs, et c'est normal que l'on en discute puis qu'on se questionne là-dessus. Mais faire de la spéculation et gagner sur la spéculation, ça fait partie du marché.
Manipuler un titre, manipuler un produit, c'est donner une apparence fausse ou trompeuse d'activité sur ce titre, c'est-à-dire qu'il n'y a pas vraiment un achat, il n'y a pas vraiment des fonds qui sont mis au soutien de cet achat-là. Si j'achète pour spéculer sur le pétrole et que je mets mes fonds propres, bien je peux les perdre, mais... et je peux gagner aussi. Mais, si je fais des opérations qui font en sorte que mes opérations, mes transactions sont factices, que je n'ai pas commis de fonds à ça, là vous commencez à parler de manipulation. Et c'est là que je vous dis que ce n'est pas nécessairement facile à déceler, mais c'est là le travail des autorités, c'est de déceler quel est le vrai du faux.
n(17 h 30)nLe Président (M. Lévesque): Merci beaucoup. M. le député de Rousseau.
M. Legault: Donc, ce que je vois dans le projet de loi, c'est effectivement qu'on veut contrer la manipulation. Ma question, c'est de savoir: Est-ce que vous pensez qu'on devrait songer à avoir des limites à la spéculation? Parce que... Bon, je comprends, là, vous nous dites: Les petits clients, il y a des appels de marge. Donc, à un moment donné, quand ça commence à mal aller, il y a un drapeau rouge qui se lève. Par contre, quand ce sont des grosses firmes, bon... Puis effectivement ça peut faire des grosses pertes, mais est-ce qu'il n'y a pas, à un moment donné, une limite à poser à la taille de la spéculation? Puis, je ne parle pas juste au Québec, là, je parle évidemment aussi de ce qui se passe aux États-Unis. Mais, étant donné qu'on a une Bourse de produits dérivés à Montréal, est-ce qu'on ne doit pas se poser cette question-là de mieux encadrer la spéculation dans le projet de loi n° 77?
Le Président (M. Lévesque): Alors, M. Perreault, il nous reste 1 min 30 s.
M. Perreault (Sylvain): Alors, rapidement. Ces outils-là existent déjà, on peut déjà contrôler les positions des joueurs, les grands joueurs institutionnels. Ce qu'on veut éviter, c'est les accaparements, en anglais, ce qu'on appelle, c'est «corner». Alors, on ne veut pas qu'un joueur puisse s'accaparer la marchandise qui est sous-jacente au produit. Par exemple, les contrats à terme sur obligations canadiennes, la Bourse de Montréal a les moyens de savoir: Où est le panier d'obligations livrables? Quelle banque en détient? Quelles sont les intentions? Ils ont tous les moyens pour aller poser ces questions-là et savoir qui détient quoi. Et ça, ça répond à votre question, à votre préoccupation sur les limites à la spéculation. Donc, ces outils-là existent dans les grands marchés organisés. Le problème, c'est les marchés OTC, et c'est là où il n'y a pas ces outils-là. Et c'est pour ça qu'il faut toujours tendre à essayer de standardiser, de plus en plus, les produits pour les mettre en Bourse plutôt que de les laisser ouverts comme ça.
Le Président (M. Lévesque): Merci beaucoup...
Mme Crépin (Carmen): ...je peux me permettre?
Le Président (M. Lévesque): Mme Crépin.
Mme Crépin (Carmen): Vous avez soulevé quelque chose qui est intéressant, avec l'article 67, 64, puisqu'on vient de cristalliser dans la loi le devoir d'un courtier ou un conseiller en fait de refuser d'agir même si un client le demande. Alors donc ça, ça veut dire que tantôt autant l'AMF que nous, comme organisme d'autoréglementation, allons pouvoir sévir contre le courtier qui aurait manqué à ce devoir. C'est une nouveauté intéressante, plus claire, dans ce projet de loi là, et qui va beaucoup nous aider en matière d'«enforcement».
Le Président (M. Lévesque): Merci beaucoup. On aimerait remercier l'OCRCVM. C'est comme il faut?
Des voix: ...c'est ça...
Le Président (M. Lévesque): Alors, Mme Crépin, M. Perreault et M. Lacaille, merci de votre présence.
Et, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 33)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare ouverte la séance de la Commission des finances publiques. Je rappelle à toutes les personnes dans la salle de bien s'assurer d'éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires pour ne pas perturber nos travaux.
Nous sommes réunis pour poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 77, Loi sur les instruments dérivés.
On va faire un petit changement par rapport à l'ordre du jour ? je pense qu'il va y avoir consentement pour cela ? étant donné que nos prochains invités sont un petit peu en retard. Alors donc, comme les gens du groupe BMO, Banque de Montréal, sont déjà parmi nous, donc nous allons commencer par leur... permettre d'entendre leur mémoire. Alors, je salue bien sûr et souhaite la bienvenue à M. Filip Papich, directeur général, Ventes, Groupe services d'investissement, Marchés des capitaux. Et je vous cède la parole pour 10 minutes. Si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
BMO Groupe financier
M. Papich (Filip): Absolument. Merci. M. le Président, M. le vice-président, Mme la ministre, membres de la commission, nous vous remercions de l'invitation à participer à la commission ce soir, dans le cadre des consultations sur cet important projet de loi relatif à la Loi sur les instruments dérivés. Comme mentionné, je suis Filip Papich, directeur général, produits financiers. Avec moi, j'ai quelques collègues et j'aimerais vous les présenter. À ma droite se trouve Rena Shadowitz, conseillère juridique principale. Complètement à votre droite se trouve Kevin Fine, conseiller juridique principal, et, immédiatement à ma gauche, Pascale Elharrar, administratrice déléguée et chef adjointe des services juridiques.
Les commentaires que je ferai porteront uniquement sur les aspects du projet de la loi n° 77 qui touchent la vente de dérivés de gré à gré par BMO Groupe financier. Je n'aborderai aujourd'hui donc que trois points importants qui feront écho aux présentations de quelques autres présentations devant nous, qu'on a entendues aujourd'hui:
N° 1: Prévoir dans la loi que les banques et les courtiers pourront se fier aux déclarations de contreparties à des transactions portant sur des instruments dérivés, affirmant qu'elles sont des contreparties qualifiées;
N° 2: Énoncer clairement que la Loi sur les instruments dérivés ne s'applique pas aux produits de dépôt de banques canadiennes tels les billets à capital protégé et les certificats de placement garanti; et
N° 3: Énoncer clairement que la Loi sur les instruments dérivés ne s'applique pas aux opérations de change à court terme.
N° 1: Déclarations de contreparties qualifiées. Une partie essentielle de la Loi sur les instruments dérivés prévoit qu'afin de se prévaloir de certaines dispenses que renferme la loi les institutions qui vendent des dérivés doivent déterminer si leurs clients sont des contreparties qualifiées au sens de la loi. Plus particulièrement, l'article 7 prévoit que des articles importants de la loi ne s'appliquent pas aux dérivés négociés hors cote ou, comme la loi les définit, les dérivés de gré à gré, qui impliquent des contreparties qualifiées.
La définition de «contrepartie qualifiée» est constituée d'une longue liste de types de contreparties qui sont réputées ne pas requérir les protections accordées par la Loi sur les instruments dérivés, en raison de leur taille ou de leur expérience ou parce que ces contreparties mènent des opérations de couverture. Ainsi, si une personne ou une société conclut une opération sur dérivés afin de couvrir une obligation existante, elle répond à la définition de «contrepartie qualifiée», et ses opérations par conséquent ne sont pas touchées par l'applicabilité de la plupart des articles de la Loi sur les instruments dérivés.
Nous souhaitons qu'il y ait une disposition particulière qui soit ajoutée à la Loi sur les instruments dérivés qui énonce que toute personne qui négocie des dérivés peut se fier aux déclarations verbales ou écrites de leurs contreparties à des transactions portant sur des instruments dérivés, stipulant qu'elles sont des contreparties qualifiées en vertu de la Loi sur les instruments dérivés. En d'autres termes, si une société ou une personne déclare à une banque qu'elle répond à la définition de «contrepartie qualifiée», la banque devrait être en mesure de se fier de cette déclaration et de ne pas être en violation de la Loi sur les instruments dérivés dans l'éventualité où le client aurait fait une déclaration fausse relativement à son statut.
n(20 h 10)n De fait, nous remarquons que l'ordonnance générale prévoyant la dispense, dans le cas de négociations de dérivés de gré à gré avec des contreparties qualifiées en vertu de la loi intitulée Securities Act, de la Colombie-Britannique, renferme une telle disposition.
Nous jugeons cet ajout nécessaire, car, par exemple, une banque ou un courtier n'est pas habituellement en mesure de vérifier de façon indépendante si sa contrepartie mène réellement des opérations de couverture relativement à une obligation. Par conséquent, dans un tel cas, si nous sommes incapables de nous fier aux déclarations de nos clients quant à l'objet de leurs opérations de couverture, nous ne serons plus en mesure d'offrir ces services à certains de nos clients du Québec pour des raisons de conformité à la Loi sur les instruments dérivés.
N° 2: Billets à capital protégé et certificats de placement garanti. De plus, nous souhaitons qu'il y ait une modification de la Loi sur les instruments dérivés afin qu'il y soit énoncé clairement que la loi ne s'applique pas aux billets à capital protégé, et aux certificats de placement garanti, et autres produits de dépôt. Bien que l'article 4 de la Loi sur les instruments dérivés semble soustraire les billets à capital protégé, et les certificats de placement garanti, et autres produits de dépôt de l'applicabilité de la Loi sur les instruments dérivés, puisqu'en vertu de la législation du Québec ces produits sont considérés comme des valeurs mobilières et sont traités en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières du Québec, nous sommes d'avis qu'il est important d'apporter une précision particulière sur cette question par l'entremise d'une modification de la Loi sur les instruments dérivés.
Il nous semble que cette précision est d'autant plus nécessaire que la définition de «dérivé», dans la loi, est rédigée en des termes si larges que l'on peut même soutenir qu'un simple certificat de placement garanti assorti d'un taux d'intérêt fixe pourrait être visé par la définition de «dérivé», en vertu de la Loi sur les instruments dérivés. En pareil cas, si la dispense prévue à l'article 4 de la loi ne s'applique pas et compte tenu du fait que les certificats de placement garanti sont en grande partie vendus aux clients au détail, lesquels ne seraient pas considérés comme des contreparties qualifiées, la Loi sur les instruments dérivés empêcherait les banques de vendre des simples certificats de placement garanti à des taux d'intérêt fixes à la plupart des clients au détail sans qu'elles ne soient inscrites en vertu de la Loi sur les instruments dérivés. Nous sommes convaincus que ce n'est pas là l'objet de la loi. Voilà une autre raison pour laquelle nous estimons qu'il est nécessaire de prévoir une dispense particulière applicable aux produits de dépôt offerts par les banques.
N° 3: Opérations de change à court terme. Enfin, nous souhaitons qu'il y ait eu une modification de la Loi sur les instruments dérivés afin de préciser que celle-ci ne s'applique pas aux opérations de change à court terme. La définition de «dérivé», dans la loi, est rédigée en des termes si larges que l'on peut même soutenir que des opérations de change de base ? par exemple, un résident de Québec échange des dollars canadiens en dollars américains à des fins de voyage personnel ? constituent des dérivés, ce qui voudrait dire que toutes les banques seraient dans l'incapacité d'exercer cette fonction sans être inscrites en vertu de la loi. Encore une fois, nous sommes convaincus que ce n'est pas là l'objet de la loi.
Nous remarquons que la loi intitulée Securities Act, de la Colombie-Britannique, renferme une ordonnance générale qui soustrait les opérations de change à court terme à la définition du «futures contract», contrat à terme, en vertu de la Securities Act. Les opérations de change à court terme sont soustraites à l'application des dispositions de la Securities Act, de la Colombie-Britannique, qui régissent les dérivés de gré à gré. Nous souhaitons que la Loi sur les instruments dérivés projetée prévoie une telle disposition dans le cas des opérations de change. Par conséquent, nous sommes d'avis qu'il est important d'apporter une précision particulière sur cette question par l'entremise d'une modification de la Loi sur les instruments dérivés applicable aux opérations de change à court terme.
Permettez-nous de vous remercier encore une fois de nous avoir donné cette occasion de vous présenter nos points de vue sur la Loi sur les instruments dérivés. Compte tenu du peu de temps dont nous avons bénéficié pour passer en revue les dernières modifications apportées à la Loi sur les instruments dérivés, nous souhaitons pouvoir présenter des commentaires plus élaborés à la Commission des finances publiques au cours des 10 prochains jours, sur ces questions et d'autres questions qui touchent les banques et les courtiers. Nous aimerions aussi avoir l'occasion de passer en revue toute modification qui serait apportée par la suite de ces consultations avant que ces modifications ne deviennent loi.
Nous réitérons notre appui au travail réalisé par l'AMF aux fins de réglementation des marchés des valeurs mobilières au Québec. Précisément, l'AMF a rencontré BMO Nesbitt Burns ainsi que d'autres participants dans l'industrie à quelques reprises, et on vous remercie beaucoup. Merci.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Papich. Alors, je cède la parole à Mme la ministre des Finances.
Mme Jérôme-Forget: Alors, bienvenue, monsieur... attendez. Alors, vous êtes plus que... M. Bourassa?
Une voix: ...
Mme Jérôme-Forget: Ah, pardon, pardon, pardon! M. Papich, Mme Shadowitz, M. Kevin Fine et Pascale Elharrar, bienvenue. Ça nous fait plaisir de vous accueillir ce soir. Merci de vous déplacer. On est d'autant plus reconnaissants qu'on vous a invités à la dernière minute. Alors, merci de votre déplacement.
Je dois vous avouer très candidement qu'en lisant, quand j'entendais vos remarques, je me disais qu'à plusieurs égards c'est évident que la loi ne veut pas faire ça. D'accord? Par exemple, votre point 2, les instruments dérivés ne s'appliquent pas aux produits de dépôt des banques canadiennes, je présume que ça ne s'applique pas à ça. Je présume également que la loi ne s'applique pas sur les opérations de change à court terme. Changer des dollars canadiens en dollars américains, manifestement ça ne s'applique pas à ça. Des produits dérivés, si je comprends bien, ce sont des produits complexes. Je ne suis pas une experte. Je veux que vous sachiez, là, que je ne suis vraiment pas une experte dans ça. Mais j'ai quand même été rencontrer plusieurs personnes, et personne ne nous a soulevé ces volets du projet de loi.
Quant au volet n° 1: «Prévoir dans la loi que les banques et les courtiers pourront se fier aux déclarations de contreparties à des transactions portant sur les instruments dérivés affirmant qu'elles sont des contreparties qualifiées», je pense que ça a été pris en considération, ce volet-là. Je pense que nous avons pris en considération... Mais peut-être que vous pourriez qualifier vos propos au sujet du 2 et 3, parce que vous indiquez que la Colombie-Britannique, ils ont exclu ça de leur projet de loi, alors que la Colombie-Britannique, si je comprends bien, dans les commissions des valeurs mobilières, elle est basée sur les principes aussi. Est-ce que je me trompe?
Le Président (M. Paquet): M. Papich.
M. Papich (Filip): Non, vous ne vous trompez pas. Allez-y.
Mme Jérôme-Forget: Bon. Elle est basée sur des principes, et vous me dites... Parce que, quand on va avec des principes, ce qu'on m'a expliqué, c'est que justement on est plus vague pour forcer les gens presque à s'autoréglementer, parce que ça donne toujours une poignée à l'Autorité des marchés financiers pour intervenir. Bon, peut-être que vous pouvez craindre que l'Autorité des marchés financiers pourrait intervenir de façon exagérée et vous empêcher de faire ces transactions dont vous parlez. Mais peut-être que vous pourriez clarifier votre position, là, en particulier le point 2 et le point 3, en page 3, là, le résumé des points que vous avez soulevés.
M. Papich (Filip): O.K. Bien, pour commencer, nous aimerions saluer la collaboration et l'appui que l'AMF fournit au secteur en proposant de régler ces questions par voie d'instructions générales ou des lignes directrices. Toutefois, nous sommes d'avis qu'il est préférable que ces questions soient intégrées dans la loi.
Mme Jérôme-Forget: Alors...
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: Bien, M. le Président, on va certainement le considérer, là. Je vais le regarder. On va voir avec l'Autorité des marchés financiers si quelque chose... Mais justement, quand on va... Ça m'a frappée, les demandes, en particulier la 2 et 3. Ça m'apparaissait évident que la loi s'adressait à des produits dérivés. Des gens qui veulent échanger des dollars canadiens en dollars américains, manifestement ça ne s'applique pas. Je pense qu'il n'y a pas une personne dans cette salle qui va croire un instant que changer de l'argent, ça pourrait se qualifier en produit dérivé. L'Autorité des marchés financiers n'a pas de temps à perdre, là, O.K.?
Le deuxième volet, bien vous parlez des dépôts dans les banques canadiennes, tels les billets à capital protégé. Donc, c'est un placement ? c'est de ça que vous parlez?
M. Papich (Filip): Oui.
Mme Jérôme-Forget: ... ? à tant pour cent d'intérêt. Est-ce que c'est de ça que vous parlez?
M. Papich (Filip): Bien, c'est un...
Mme Jérôme-Forget: Madame peut répondre, là, si elle...
Le Président (M. Paquet): M. Papich.
M. Papich (Filip): ...«principal-protected note», en anglais.
Mme Jérôme-Forget: Pardon?
n(20 h 20)nM. Papich (Filip): C'est un «principal-protected note». Ce sont des notes qui sont structurées pour «mimiquer» des autres actifs avec un taux d'intérêt attaché à la note.
Une voix: ...
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre... M. Papich.
M. Papich (Filip): Le point qu'on aimerait faire vraiment, c'est que, écoutez, on est d'accord à ce que vous dites, mais on trouve que la définition de «produit dérivé», ça se peut bien que ce soit un peu nébuleux, et on aimerait juste avoir une clarification sur ça.
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: Bon, alors, écoutez, j'ai un peu de mal, là, à m'expliquer ce volet, parce qu'évidemment les produits bancaires que vous avez sont soumis aux commissions des valeurs mobilières. Si vous êtes à Toronto, vous êtes soumis à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, n'est-ce pas?
M. Papich (Filip): À Toronto? Oui.
Mme Jérôme-Forget: À Toronto. Donc, les produits au Québec sont soumis à la Commission des valeurs mobilières, l'Autorité des marchés financiers, au Québec. Écoutez, tout ce que je peux vous dire comme critique, c'est que c'est clair qu'on va regarder ça, M. le Président, mais ça m'apparaît évident. Je veux que vous sachiez que le projet de loi ne veut pas faire ça, là, O.K.? C'est clair que les gens qui veulent changer des dollars canadiens en dollars américains ou en euros, ce n'est pas l'intention, d'accord? Pour nous, là, ce n'est vraiment pas un produit dérivé. C'est clair comme de l'eau de roche.
M. Papich (Filip): On est d'accord avec vous sur ça.
Mme Jérôme-Forget: Bon, écoutez, là, O.K., c'est clair. Parce que ça... le projet de loi s'intitule justement pour des produits dérivés, là, sur les instruments dérivés. Alors, les instruments dérivés, ce sont des instruments qui sont plus complexes. Ce n'est pas un placement à taux d'intérêt, ce n'est pas un dépôt, ce n'est pas changer de l'argent. C'est clair, là, que... Je ne sais pas si on va pouvoir l'inscrire dans le projet de loi pour... Parce qu'il y a peut-être bien d'autres choses qu'il faudrait exclure. Et, vous savez, justement on est allés avec un projet de loi qui a suscité... qui vient, qui émane essentiellement d'à peu près une trentaine d'organismes qui ont été rencontrés, dont la Banque de Montréal à deux reprises. C'était justement de demeurer quand même suffisamment global pour s'en tenir à une approche basée sur des principes, pour permettre justement à l'Autorité des marchés financiers d'être capable d'intervenir. Alors, peut-être que vous pouvez commenter, là, mes propos. Je comprends, là, que vous ayez des craintes, mais il faut quand même que les craintes soient légitimes, là.
Mme Elharrar (Pascale): Si vous permettez, s'il vous plaît.
Le Président (M. Paquet): Mme Elharrar.
Mme Jérôme-Forget: Bien oui. Bien, madame, bien sûr, vous pouvez parler.
Mme Elharrar (Pascale): Nous sommes convaincus également que le projet de loi ne vise pas à incorporer les instruments dont on vient de discuter. Cependant, ce qu'on considère également, c'est que la définition de «produit dérivé», dans la loi, est suffisamment large pour les comprendre. Donc, c'est une clarification qui quant à nous devrait se contenir dans le projet de loi.
On comprend et on apprécie énormément la volonté de l'AMF de faire des corrections au besoin dans le cadre d'amendements ou plutôt dans le cadre de lignes directrices ou même de réglementations. Cependant, encore une fois, nous croyons que l'endroit approprié pour faire ces corrections est vraiment le projet de loi lui-même.
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: Bon, bien, M. le Président, je lis, en page 7 ? ah, bien, ce n'est peut-être pas la page 7, là; je lis l'article 3: «"Dérivé" ou "instrument dérivé": une option, un swap [...] à terme ou tout ordre contrat ou instrument dont le cours, la valeur ou les obligations de livraison ou de paiement sont fonction d'un élément sous-jacent, ainsi que tout autre contrat ou instrument prévu par règlement ou assimilable à un dérivé suivant des critères déterminés par règlement.» Alors, on parle d'un swap, contrat à terme ou de «tout autre contrat ou instrument dont le cours, la valeur ou les obligations de livraison ou de paiement sont fonction d'un élément sous-jacent». Alors, expliquez-moi comment un placement pourrait avoir un élément sous-jacent.
M. Papich (Filip): Donnez-nous quelques minutes.
Le Président (M. Paquet): Certainement.
M. Papich (Filip): Merci.
(Consultation)
Le Président (M. Paquet): Mme Elharrar.
Mme Elharrar (Pascale): Merci. Avec égard, Mme la ministre, je pense qu'on ne vise pas à décortiquer avec vous la définition. Par contre, nous voyons dans la définition même des composantes qui font en sorte que les deux instruments dont on a discuté avec vous risquent de trouver application en vertu d'une définition qui quant à nous est très large.
Ceci dit, encore une fois, nous avons eu l'occasion d'échanger avec l'AMF et avons partagé avec eux notre préoccupation à cet égard, et il semblerait que nous ne sommes pas les seuls membres de l'industrie à avoir fait ce commentaire. Et l'AMF a donc proposé que, dans le cadre de réglementations subséquentes, une clarification pourrait être faite. Je ne veux pas répéter davantage notre commentaire, mais il n'en reste pas moins que quant à nous l'endroit approprié pour le faire serait la loi elle-même.
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: Merci. M. le Président, tout ce que je peux dire, c'est que je vais communiquer avec l'AMF. Vous m'indiquez qu'il y a eu d'autres entreprises qui ont exprimé les mêmes réserves. Est-ce que c'est l'article 3 ou si c'est l'article 4, avec le produit hybride? Qu'est-ce qui vous préoccupe, là?
Mme Elharrar (Pascale): Alors, pour le billet...
Le Président (M. Paquet): Mme Elharrar.
Mme Elharrar (Pascale): Excusez-moi. Merci. Pour le billet à capital protégé, on parle de la définition à l'article 4, et, pour les échanges à court terme, on parle de la définition de «derivative»... ou plutôt de «produit dérivé», à l'article 3.
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: Bon, effectivement, on a des papillons, M. le Président, à proposer aux oppositions, mais je ne sais pas si ça va répondre aux craintes, là, des... Mais je vais certainement vérifier avec l'Autorité des marchés financiers. Alors, peut-être, je laisse mon temps à... Est-ce que des collègues ont des questions?
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, bonjour. Ou bonsoir. Bienvenue. Merci beaucoup d'avoir répondu à notre invitation.
Juste pour être sûr que j'ai bien compris votre dernière remarque, là... En fait, est-ce que vous avez participé à la consultation de l'AMF sur la rédaction du projet? Puis, leur avez-vous fait part de vos trois réserves, celles que vous nous apportez ce soir, clairement?
M. Papich (Filip): On a participé...
Le Président (M. Paquet): M. Papich.
M. Papich (Filip): Merci. En effet, comme j'ai mentionné auparavant, on s'est rencontrés quelques fois. C'était un processus génial, mais à la fin on a deux ou trois choses qui nous gênent un peu, et puis on voulait mettre ça sur la table. Mais effectivement on est... le processus était très fort. Un instant.
Mme Elharrar (Pascale): J'ajouterais également que selon ma...
Le Président (M. Paquet): Mme Elharrar.
Mme Elharrar (Pascale): Oh, excusez-moi! Merci. J'ajouterais également que, lors de la dernière rédaction du projet de loi, il y avait une exemption pour les instruments financiers, de sorte que les préoccupations qu'on vous a soulignées, aux points 2 et 3, n'existaient pas. Depuis les derniers amendements, la rédaction de certaines définitions est suffisamment large, encore une fois, pour créer une préoccupation au niveau des instruments qu'elle engloberait.
M. Taillon: Est-ce que, dans votre...
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Taillon: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Est-ce que, dans votre définition, là, de votre troisièmement, là, est-ce que vous excluez des contrats à terme sur devises ou des options sur devises? Est-ce que ça fait partie des exclusions que vous souhaitez aux opérations de change à court terme?
Mme Elharrar (Pascale): Des contrats à terme sur devises et...
M. Taillon: Et des options sur devises.
Mme Elharrar (Pascale): Permettez-moi un instant, s'il vous plaît.
M. Taillon: Oui, allez-y, allez-y.
(Consultation)
Le Président (M. Paquet): ...forward contracts would be, according to your understanding and your representation... Is... Your point is that forward contracts shouldn't be taken into account in the bill that is proposed right now, or you're talking about short-term spot market exchanges? Talking about spot exchanges, aren't you?
n(20 h 30)nM. Papich (Filip): We were talking about cash spots, you know, one or two days settlement. That's all we're talking about.
Le Président (M. Paquet): Forward contracts and options on exchange rates would be... You understand and you agree to the fact that it's in the bill?
M. Papich (Filip): Yes... Oui, oui. Oui.
Mme Elharrar (Pascale): We believe them to be captured, yes.
Mme Jérôme-Forget: M. le Président, est-ce que vous voulez qu'on parle anglais? On va parler anglais, là, pas de problème. On peut parler...
Le Président (M. Paquet): Bien, c'est... vous avez l'option, pour les invités, on peut parler anglais. Le point, je pense, pour le bénéfice des parlementaires, puis je pense que vous parlez tous anglais, là, mais, pour les gens qui nous écoutent, c'est que leur questionnement était à savoir: est-ce que les contrats au comptant, quand on parle en français, les contrats de change au comptant, pour les gens de la Banque de Montréal, ne devraient pas faire partie du projet de loi?, et je crois que la compréhension qu'on a du projet de loi, ça ne couvre pas ça, justement. Par contre, des contrats à terme ou des contrats de type option sur un taux de change, eux bien sûr font l'objet du projet de loi qui est là, et ce que je comprends, les gens de la Banque de Montréal n'ont pas de problème avec cet aspect-là. Leur crainte, c'est la réglementation qu'il pourrait y avoir sur des contrats comptant, par exemple, ou des...
M. Papich (Filip): C'est ça.
Le Président (M. Paquet): M. le député, oui.
M. Taillon: M. le Président, on a eu un débat cet après-midi concernant le papier commercial. Est-ce que vous considérez, vous, que le papier commercial, c'est un produit dérivé?
Le Président (M. Paquet): M. Papich?
Mme Elharrar (Pascale): Nous considérons que c'est une valeur mobilière au sens de la Loi sur la valeurs mobilières.
M. Taillon: J'ai compris. Est-ce qu'il y a des éléments dans la présente loi qui permettraient d'éviter la crise du papier commercial qu'on a connue puis qui protégeraient dans le fond vos clients contre cette crise-là? Parce que je sais que BMO a été impliquée dans la crise, comme plusieurs autres institutions financières. Est-ce qu'il y a des éléments dans cette loi-là qui permettraient d'éviter cela? Ou sinon comment pourrait-on l'éviter, au niveau d'une législation ou d'une réglementation?
Mme Elharrar (Pascale): Vous permettez un instant, s'il vous plaît?
M. Taillon: Oui, avec plaisir.
(Consultation)
Le Président (M. Paquet): Si vous souhaitez répondre en anglais, sentez-vous bien à l'aise de le faire. M. Papich.
M. Papich (Filip): Non. Écoutez, nous sommes ici pour adresser la loi n° 77 et les trois points qu'on voulait soulever, et je pense qu'on a entendu les autres parler de ces mêmes questions, ce sont des questions très importantes, mais je pense que nous aimerions avoir plus de temps pour réfléchir sur une réponse propre, parce que c'est quelque chose d'un peu compliqué, pour être honnête.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Taillon: If we say yes to your three requests, is this law will change your way to do business in any way?
(Consultation)
M. Papich (Filip): La façon dont vous allez répondre à ces questions va... Excusez-moi.
(Consultation)
M. Papich (Filip): Ça ne va pas changer la façon dont on fait notre métier, mais ça va adresser des questions que nous avons sur la loi. Par contre, on trouve que cette loi est une bonne démarche pour le marché en général.
M. Taillon: C'est beau.
Le Président (M. Paquet): M. le député, Mr. MNA.
M. Taillon: Je n'ai plus de questions, merci beaucoup.
Le Président (M. Paquet): Ça va. Alors, M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui, merci. M. Papich, Mme Shadowitz, M. Fine, Mme Elharrar, merci d'être ici. Je voudrais savoir, est-ce que BMO Nesbitt Burns investit dans les produits dérivés pour son propre compte?
(Consultation)
Le Président (M. Paquet): M. Papich, oui.
M. Papich (Filip): Je vais essayer de répondre. Pour répondre à votre question, je dirais oui, et je pense que toutes les institutions financières sont grosses, et puis elles sont impliquées dans toutes sortes d'activités: dans les marchés cash, dans les marchés dérivés, pour ou prendre du risque ou pour diminuer le risque, pour faire du «hedging». So...
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: Est-ce que vous êtes inquiet de voir justement des grandes institutions financières comme Goldman Sachs ou comme Morgan Stanley compter sur des bénéfices de milliards de dollars en spéculant sur les produits dérivés, entre autres, sur l'énergie? Est-ce que vous pensez que ça devrait être davantage réglementé, la spéculation sur les produits dérivés par les grandes firmes comme la vôtre mais aussi comme les grandes firmes américaines?
Le Président (M. Paquet): M. Papich.
M. Papich (Filip): Je peux vous donner mon opinion personnelle, mais je ne peux pas vous donner une opinion pour la Banque de Montréal, en réalité. So... Je ne sais pas comment répondre.
M. Legault: Avec votre expérience, est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qu'il faudra éventuellement réglementer davantage?
M. Papich (Filip): Ça, c'est une question pour Filip Papich et non pour BMO?
M. Legault: O.K., oui.
M. Papich (Filip): Oui, je pense que la réglementation, c'est une bonne chose. C'est... «It's irresponsible» de laisser des gens se comporter dans un marché tellement gros sans des «goal posts», comme on dit en anglais. So... Absolument, la réglementation, c'est quelque chose de bon dans tous les métiers.
M. Legault: Qu'est-ce que vous pensez que ce serait, les grands paramètres, là? Si on essayait de réglementer pour essayer d'éviter ce qu'on vit actuellement, par exemple, sur le prix du pétrole, il faudrait que les législateurs, là... puis évidemment il va probablement y avoir des choses qui seront faites éventuellement aux États-Unis, mais, si on essayait de se pencher sur les paramètres qu'il faudrait mettre, il faudrait commencer où? Comment vous voyez ça?
M. Papich (Filip): Je ne suis pas vraiment qualifié pour donner une réponse intelligente à cette question, pour être honnête.
M. Legault: O.K.
M. Papich (Filip): O.K.?
M. Legault: O.K.
M. Papich (Filip): Mais, si vous voulez, on peut essayer d'avoir ces discussions avec des gens à l'interne et revenir avec quelque chose. Mais on a un département de risque, ça, c'est leur métier, comme à chaque institution financière, mais il n'y a personne ici vraiment qui peut donner cette réponse.
Le Président (M. Paquet): Merci, M. le député. Alors donc, je vous remercie, M. Papich, Mme Shadowitz, M. Fine, Mme Elharrar, merci beaucoup de votre participation à nos travaux.
Je suspends les travaux quelques instants pour permettre aux prochains invités, de la Banque Nationale, de la Financière Banque Nationale, de se joindre à nous.
(Suspension de la séance à 20 h 39)
(Reprise à 20 h 42)
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à M. François Bourassa, premier vice-président, Produits structurés et transactions, de Financière Banque Nationale, et à M. Éric Laflamme, président et chef de la direction du Trust Banque Nationale. Merci de votre participation à nos travaux. Alors, je reconnais... je ne sais pas, c'est M. Bourassa?
M. Laflamme (Éric): Laflamme.
Le Président (M. Paquet): M. Laflamme. Pardon. Donc, je vous reconnais.
Financière Banque Nationale inc. (FBN)
M. Laflamme (Éric): Bonjour. Je voudrais commencer par m'excuser auprès de la commission. Vous travaillez fort le soir, mais, sortir de Montréal, c'était du sport. Je pense que ça a pris trois heures pour sortir de l'île, ça fait que... Deux heures ici. Ça fait que ça fait un petit bout de temps qu'on est partis. Je sais que vous comprendrez.
Le Président (M. Paquet): Vous êtes tout excusé. On comprend ça.
M. Laflamme (Éric): Donc, je vais laisser mon collègue, François Bourassa, faire un bref exposé d'une quinzaine de minutes, et évidemment, par la suite, si vous avez des questions, et tout ça... C'est beau?
Le Président (M. Paquet): Donc, vous avez environ... vous disposez d'environ 10 minutes...
M. Laflamme (Éric): 10.
Le Président (M. Paquet): ...pour faire votre présentation...
M. Laflamme (Éric): 12.
Le Président (M. Paquet): ...suivie des échanges.
M. Laflamme (Éric): C'est bon.
M. Bourassa (François): Alors, bonsoir. D'abord, un gros merci pour nous fournir l'opportunité de commenter le projet de loi n° 77 sur les produits dérivés. Alors, les produits dérivés, comme vous le savez, sont des instruments indispensables pour le fonctionnement de toute économie, particulièrement celle du Québec, avec nos exportateurs qui exportent beaucoup aux États-Unis. Particulièrement les produits dérivés de gré à gré, qui sont des contrats bilatéraux de gestion de risques. Alors, quelques exemples très, très simples juste pour donner un aperçu de cette gestion de risques. C'est qu'un exportateur qui produit, aujourd'hui, en dollars canadiens... un exportateur québécois qui doit vendre à terme aux États-Unis et qui recevra des dollars US à terme doit absolument gérer son risque de taux de change et, pour ça, il doit absolument passer par un produit dérivé, qui sera maintenant couvert par cette législation. Une compagnie qui a besoin de denrées pour... qui produit des denrées et qui les vend à terme, par exemple, du gaz naturel ou toute denrée qu'elle produit maintenant, qu'elle va mettre dans un entrepôt en attendant la vente l'hiver, et tout ça, doit pouvoir fixer son prix à terme pour s'assurer d'une marge bénéficiaire. Donc, le produit dérivé est l'instrument tout indiqué. Une compagnie d'aviation qui fixe son prix de billet maintenant mais qui doit avoir besoin de pétrole à l'avenir doit, encore là, fixer son taux de prix immédiatement. Donc, c'est indispensable dans le fonctionnement d'une économie, et plus particulièrement pour nos entreprises québécoises, et dans ce sens-là il faut que ce soit flexible et accessible au départ.
Maintenant, en ce qui concerne le projet de loi, nous avons été, à la Banque Nationale, impliqués depuis le début de ce projet à l'invitation de l'AMF, avec qui nous avons eu une excellente collaboration. Nous avons participé aux deux consultations publiques, en 2006 et en 2007, via l'ISDA. Alors, l'ISDA, qu'est-ce que c'est? International Swaps and Derivatives Association, c'est l'organisation mondiale qui regroupe les grands joueurs des produits dérivés de gré à gré, soit 825 membres répartis dans 56 pays. Ça inclut les six grandes banques canadiennes, et j'ai le plaisir d'être le président de la section canadienne et, à ce titre, être très impliqué avec l'AMF dans les travaux de ce projet, notamment lors des deux consultations publiques.
Le projet de loi n° 77 est une première canadienne en ce qu'il regroupe les produits dérivés de gré à gré et standardisés, donc cotés en Bourse, sous une même loi. Alors donc, c'est toute une initiative. Au Canada, il existe certaines bribes de réglementation des produits dérivés. En Ontario, on a une loi, qui date de 25 ans, qui est uniquement pour les produits standardisés, mais de 25 ans, qui a sûrement besoin d'être rafraîchie. Dans les autres provinces, en ce qui concerne les produits dérivés de gré à gré, il y a eu des tentatives de réglementation via des «blanket exemptions», des exemptions générales. On retrouve ça en Alberta, où il y a une «blanket exemption» qui vient dire que les produits dérivés entre contreparties qualifiées sont exemptés, donc ça existe. Ça existe également en Colombie-Britannique. L'Ontario a tenté de le faire en l'an 2000, mais ça a été mis sur les tablettes, pour toutes sortes de raisons. Mais, nulle part au Canada on n'avait une loi qui regroupait les produits dérivés, et, en ce sens-là, c'est une très bonne initiative.
Alors, quand l'AMF nous a contactés pour participer à ça, évidemment, nous, toute réglementation, on est toujours un peu réticents quand quelque chose fonctionne déjà bien. Par contre, on s'est dit: Bon, quels sont vos objectifs? Et, si on s'entend sur les objectifs, on serait très heureux de participer, d'apporter notre valeur ajoutée. Alors, les objectifs qu'on a compris, qu'on a convenus, premièrement, c'est de réglementer la vente des produits dérivés au détail. Et ça, c'est très louable, parce que présentement, dans la réglementation actuelle, il y a un vide, où c'est gris, où ce n'est pas clair, autant au Québec que dans le reste du Canada, et on constate ces jours-ci qu'il y aurait des tentatives de vendre des produits dérivés à du «retail», ce qui est très... ce qui est correct, là, mais qui a besoin d'être encadré, et ça ne l'est pas. Alors donc, cette loi-là vient le faire et très correctement. Alors ça, c'est un très bon objectif. L'autre objectif qu'on nous a indiqué, qu'on a convenu que c'était bien, c'était que les produits dérivés, on doit s'assurer qu'ils ne sont pas utilisés pour manipuler le marché ou pour frauder le marché. Alors, toute utilisation de ces produits-là pour manipuler ou frauder, ça doit être réglementé et interdit. Et, nous, nous sommes d'accord également avec cet objectif-là, autant à la Banque Nationale qu'à l'ISDA.
Dans cette optique-là, lors de la première consultation publique, l'AMF a publié, en 2006, un document intitulé Encadrement des marchés dérivés au Québec, qui est devenu le document de référence au Canada sur les produits dérivés. Alors, c'est, entre guillemets, la bible des produits dérivés au Canada, alors c'est une référence qu'il faut bien lire. D'ailleurs, l'ISDA en a profité pour louer le travail de l'AMF. Le pot s'en vient dans quelques instants, mais disons que... Où ça va bien, nous le disons, et on va commencer par ça.
Donc, les objectifs, nous étions d'accord, nous sommes d'accord. L'approche, également, nous sommes d'accord, et qui est la suivante, c'est qu'on exempte les produits dérivés de gré à gré entre contreparties qualifiées, comme c'est présentement. Alors ça, on est d'accord. Et pour les autres, pour le détail, on vient dire: Bien, écoutez, ça, il faut réglementer ça, puis la façon qu'on s'y prend, c'est que ces personnes-là, les clients, vont devoir passer par un intermédiaire inscrit, et il va se voir émettre un document d'information sur les risques qu'il encourt en faisant l'investissement. Et c'est la deuxième partie de l'approche dans laquelle nous sommes tout à fait d'accord, dans ces deux portions de l'approche.
Nous sommes également d'accord avec l'aspect innovateur de la loi, qui est basée sur des principes. Alors ça, c'est très innovateur au Canada. Quant à nous, c'est la voie de l'avenir pour la réglementation des marchés financiers partout dans le monde. Ça l'est déjà, le cas, en Grande-Bretagne, fortement considéré aux États-Unis. Alors, encore une fois, c'est innovateur et la bonne direction.
En ce qui concerne les produits standardisés, on est d'accord avec le principe de l'autocertification, sujet au mécanisme qui est indiqué, 30 jours de consultation. L'AMF peut évidemment résilier ça au besoin. Alors, nous sommes d'accord avec ça.
n(20 h 50)n C'est donc une bonne loi, mais qui serait excellente si on y incorporait les commentaires que je vais vous faire part, qui font part de notre préoccupation, dans l'industrie. Premièrement, très techniquement, là, dans la liste des contreparties qualifiées, une, celle qui porte sur les personnes physiques, on dit que c'est une personne qui doit avoir un minimum d'actifs, fixé par règlement. On comprend que ce sera 5 millions. Je note que c'est le même montant qui est indiqué en Alberta, en Colombie-Britannique et dans la règle de l'Ontario, donc c'est quelque chose qui est haut mais quand même qui est très défendable. On dit par contre que la personne doit prouver ça à la satisfaction de son courtier, qu'elle a les ressources nécessaires pour faire le contrat. Or, le principe de l'approche de la contrepartie qualifiée, c'est que justement ce soit en dehors du cadre réglementaire, où il faut un intermédiaire inscrit et un prospectus, alors c'est justement que ça reste comme là, présentement, en dehors. Donc, de rentrer ça dans cette condition-là dans les produits exemptés, c'est un contresens et c'est pratiquement difficile.
Alors, quelqu'un qui fait une monétisation en haut de 5 millions a les ressources nécessaires pour avoir ses propres conseillers. Il n'a pas besoin que l'AMF vienne lui dire: Bien, là, il faut que tu ailles voir un courtier qui va te remettre un document, parce que, bon, il faut que tu te protèges. Ce n'est pas nécessaire, donc ça, ça devrait être enlevé. Et également on dit que cette personne-là doit avoir cet actif-là, on semble indiquer, en tout temps. Alors donc, on peut faire la transaction à une personne qui a 5 millions aujourd'hui, puis, la semaine prochaine, à 4,9 millions, on ne peut pas résilier la transaction. Donc, il faut que ce soit la transaction au moment... que le montant soit au moment de la transaction et non pas en tout temps. Premier commentaire.
Le deuxième, qui est encore plus important, c'est que, lorsqu'on a une... à savoir si la personne a une contrepartie qualifiée, on voudrait qu'on puisse se fier à une attestation de la personne, à moins qu'on ait des raisons de croire que c'est faux. Et d'ailleurs ça, c'est l'approche qui est prise dans le règlement 45-106, qui est les dispenses de prospectus et d'inscription, qui a été adopté par l'AMF, par le gouvernement et à travers le Canada, pour les investisseurs qualifiés, où ceux qui offrent le produit peuvent se fier sur une déclaration du client en disant qu'il est un investisseur qualifié. C'est d'ailleurs l'approche qui a été prise en Colombie-Britannique, celle qui a été proposée en Ontario. Elle n'a pas été mentionnée en Alberta, je dois dire, mais l'Alberta a approuvé le 45-106, qui établit ce principe-là, donc c'est sûrement un oubli de leur part, qu'on devrait leur rappeler. Mais ça, c'est fondamental, parce que, lorsque les gens appellent pour faire des transactions au téléphone, on doit pouvoir se fier à leur représentation, à leur dossier qu'on a, et non pas à vérifier à chaque fois s'ils sont un... on devrait se qualifier, et que c'est pour du «hedging», une couverture. Ce serait impraticable. Et on vous demande de suivre ce qui a déjà été fait dans d'autres lois, au Québec et ailleurs dans d'autres provinces, tout simplement.
Notre troisième point, c'est sur les billets à capital protégé. Nous sommes arrivés en retard, comme Éric le disait, parce qu'on était pris dans une bourrasque montréalaise, mais j'ai cru comprendre qu'il y avait un petit débat aussi avec les gens de BMO, là. Alors, nous... Comme vous savez, le gouvernement fédéral va publier sa révision de la réglementation des billets à capital protégé le 1er juillet, qui prévoit la divulgation requise dans un genre de prospectus, document d'information. Nous comprenons que les commissions des valeurs mobilières, dont l'Ontario et l'AMF, ont participé à ça, et c'est bien, et je veux juste noter ici, malgré qu'on prend du confort dans la loi, que ça ne touche pas les billets à capital protégé.
Et je dois reconnaître que, dans la loi actuelle, lorsqu'on regarde l'interprétation technique de «produit hybride», à l'article 4, qui en fait une valeur mobilière, et après ça, lorsqu'on tombe sur la valeur mobilière, bien il y a une exemption dans la Loi sur les valeurs mobilières qui vient dire: Bien, ils sont exemptés, les produits garantis par une banque.
Or, par ces jeux techniques là, on arrive au résultat qu'on ne vient pas accrocher quelque chose qui est déjà réglementé par une autre réglementation. Alors, je suis confortable qu'on y arrive, mais j'espère que... je veux juste m'assurer que c'est la compréhension de tous ici, qu'au-delà de ces points, de ce petit jeu technique là, qu'on ne tente pas de couvrir les billets à capital protégé.
Notre troisième point... ou le quatrième point, plutôt, c'est les fameuses transactions au comptant. Alors, lorsqu'on regarde l'intention de la loi, l'esprit de la loi, on est pas mal convaincus que les transactions au comptant ne sont pas couvertes. On parle, par exemple, aux transactions de change au comptant, au FX spot. Alors, par exemple, quelqu'un qui a besoin... qui achète une machinerie en dollars US, il demande à son banquier de convertir ça dans son compte, ou quelqu'un s'en va en vacances, il a besoin de dollars US, alors on comprend, lorsqu'on regarde la mécanique de la loi, l'intention, que ce n'est pas couvert. Mais ce n'est pas dit vraiment explicitement: les transactions au comptant ne sont pas couvertes, et le petit côté avocat nous rappelle toujours à l'ordre. Alors, ce ne serait pas mauvais, dans l'instruction qui accompagnerait la loi, qu'on vienne préciser ce qui nous semble être l'évidence mais qui n'est quand même pas par écrit.
Notre cinquième point, dans l'approche fondamentale que nous disions, c'est que les contreparties qualifiées sont exemptées, et l'article 7 vient dire ça, vient dire ça essentiellement. Sauf que l'article 7 ne parle pas de l'article 185, qui est le pouvoir réglementaire de l'AMF. Et, par voie de réglementation, l'AMF pourrait venir déterminer ou changer les règles du jeu pour les contreparties qualifiées ? et je pense au paragraphe 7° de l'article 185. Alors, on comprend bien que ce n'est pas l'intention, à ce moment-ci, de nuire à notre futur, mais...
Le Président (M. Paquet): ...
M. Bourassa (François): Oui.
Le Président (M. Paquet): Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.
M. Bourassa (François): Pardon?
Le Président (M. Paquet): Je vous inviterais à conclure. Oui, allez-y.
M. Bourassa (François): Ah! O.K. Deux minutes. Alors donc, c'est ça, donc on aimerait que ce pouvoir réglementaire soit révisé en conséquence de l'exemption fondamentale, qui est à la base de la loi.
Finalement, dans la loi, dans l'approche, on dit que les gens doivent passer par des intermédiaires inscrits, recevoir un document d'information, mais nulle part on ne nous dit quels cours doivent suivre les intermédiaires inscrits pour pouvoir offrir des produits dérivés. Nous comprenons que c'est peut-être plus de la juridiction de l'ACCOVAM que plutôt de l'Organisme canadien de réglementation du commerce... l'ACCOVAM, qui est maintenant l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières, plutôt que de l'AMF. Alors, je ne sais pas qui a juridiction, là, mais il faut combler ça par... le temps que la loi est mise en vigueur, quels sont les cours requis, pour que les gens qui ne sont pas exemptés puissent aller voir leurs courtiers et que ceux-ci aient les permis.
Alors donc, somme toute, c'est une bonne loi, mais, si on y incluait nos commentaires, ce serait, je pense, une excellente loi. Alors, on est ouverts à vos commentaires. Je m'excuse, j'ai...
Le Président (M. Paquet): Merci, M. Bourassa. Alors, Mme la ministre des Finances.
Mme Jérôme-Forget: Alors, merci. Merci, messieurs, de vous présenter ? c'est gentil ? à la dernière minute, de vous présenter comme ça, surtout le soir, et d'accepter de venir nous révéler finalement vos félicitations et vos craintes. Si je comprends bien, vous êtes fondamentalement d'accord avec l'idée d'avoir un projet de loi basé sur des principes. Ça correspond un peu à l'approche qui se fait de plus en plus, là, qui se fait certainement en Angleterre et qui se parle beaucoup aux États-Unis.
D'autre part, vous avez mentionné tout un historique ? il y a des volets que j'ignorais, d'ailleurs ? à l'effet que l'Ontario avait déjà essayé de rédiger une loi, en l'an 2000, sur les produits dérivés, et ils n'ont pas réussi, si je comprends bien. Peut-être que vous pourrez nous revenir sur ça, nous expliquer qu'est-ce qui s'est passé.
Et je dois vous dire que... Vous avez communiqué probablement vos propos à l'AMF, mais je vois que déjà l'AMF a pris en considération plusieurs de vos critiques. Donc, je pense que, M. le Président, la majorité des points qui ont été soulevés par la Banque Nationale finalement sont pris en considération par l'Autorité des marchés financiers.
Maintenant, je voudrais savoir de votre part... peut-être nous expliquer justement... Il y a eu des tentatives. Je n'étais pas au courant que l'Ontario avait fait une tentative de rédiger une telle loi en l'an 2000.
M. Bourassa (François): C'est qu'en l'an 2000 il y a eu une tentative, bon, il y a eu une tentative par l'OSC de rédiger ça, et ils avaient proposé finalement à peu près la même chose que l'Alberta et la Colombie-Britannique ont adopté. En fait, l'Alberta et la Colombie-Britannique se sont fortement inspirés de ce que l'OSC avait fait en l'an 2000. Et, bon, nous, à ISDA, à ce moment-là, on avait beaucoup contesté ça parce qu'on était d'avis que les contrats sont des contrats bilatéraux, qui ne sont pas des valeurs mobilières, ne sont pas de juridiction de la Loi sur les valeurs mobilières, parce qu'on y allait via la Loi sur les valeurs mobilières, donc on trouvait qu'il y avait un problème. Ensuite, on disait: Ce ne sont pas des valeurs mobilières, ce n'est pas votre juridiction, concentrez-vous sur le détail.
Alors donc, ce qu'on a compris, puis là... en fait ce qui est écrit dans la réponse que l'OSC a publiée suite à sa mise sur tablette, là ? je ne sais pas ce qui s'est passé ? ce qu'ils disent dans ce document-là, c'est que le ministère des Finances de l'époque a dit que c'était trop large, ce qu'ils visaient, et qu'ils devaient revenir sur des cas plus précis. Alors, pourquoi qu'ils voulaient faire ça? Et quel genre de produits dérivés ils voulaient viser? Quel genre de classe d'investisseurs ils voulaient viser? Et puis, suite à ça et suite aux pressions évidemment que l'industrie a faites ? j'imagine, là ? ils ont retourné l'OSC à leurs devoirs, puis l'OSC n'est jamais revenue.
Mme Jérôme-Forget: O.K.
n(21 heures)nM. Bourassa (François): Alors, c'est ça. Mais par contre, dans... En même temps que l'AMF faisait ses travaux, le gouvernement a mandaté un comité, qui n'est pas l'OSC mais le... je ne sais pas de quel ministère, là, de revoir cette problématique-là, et il y a un rapport qui a été déposé en même temps à peu près que le rapport de l'AMF, en 2006, et on n'a pas eu de suites de ça, mais je pense que... dans ce rapport-là, je pense qu'ils citaient le rapport de l'AMF à peu près 26 fois ou... 50 fois ou 26 fois, je ne me souviens plus du chiffre, au moins 26 fois. Donc, tout au long du rapport, ils citaient l'AMF pour dire: On est d'accord avec l'AMF, on est d'accord avec l'AMF, on est d'accord avec l'AMF, et puis, là, bon, on se disait: Bon, c'est bien, on s'en vient vers une uniformité, et puis finalement, bien, bon, je ne sais pas, ça a bloqué. Pourquoi? Je ne sais pas. Alors, où ça en est? Donc, il y a comme un désir de revoir ça en Ontario, pas via l'OSC mais via un autre mécanisme, et puis ça semble vouloir s'inspirer beaucoup de l'AMF, ça, en tout cas.
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: M. le Président, je pense que l'explication, c'est qu'il y a quelques années l'Ontario était contre l'approche basée sur les principes, et par conséquent d'où le souhait du ministère des Finances d'aller dans le mode traditionnel, de définir de façon claire ses... Le virage de l'Ontario au niveau d'une approche par principes, dans le projet qu'elle voulait supporter avec le gouvernement fédéral, c'était basé sur les principes. C'est quand même nouveau, ça. Ils ont fait un virage à 180 degrés, parce que l'Ontario s'était même opposée à la démarche de la Colombie-Britannique, qui, elle, était basée sur des principes. Alors, l'Ontario, au départ, était... Donc, il y a eu un virage important.
Maintenant, vous savez, dans les produits dérivés, les clients très souvent ne sont pas au courant... On ne va pas, dans le fond, revenir sur les PCAA, mais les clients ne sont pas toujours au courant dans le fond de ce qu'ils sont en train de transiger. Est-ce que la Banque Nationale, justement parce qu'on parle des produits dérivés, là, est-ce que la Banque Nationale, au niveau de la transparence des produits, estime que le projet de loi va aider dans cette direction, pour être sûrs qu'on est davantage transparents quant au contenu?
M. Bourassa (François): Oui, parce que, lorsque le client veut acheter des produits d'investissement, la façon que la structure est faite au Canada et au Québec, c'est qu'il doit aller voir son conseiller inscrit. Celui-ci doit avoir la formation nécessaire pour conseiller son client et doit remettre un document d'information à son client qui explique le produit mais surtout qui divulgue les risques. Alors, via ce projet de loi ici, il y a deux choses: que les conseillers inscrits savent de quoi ils parlent, hein ? pour ça, il faut une formation ? et qu'ils puissent remettre un document au client, qui dit: Regarde, ça, c'est les risques. Veux-tu les prendre? Veux-tu ne pas les prendre? Puis en même temps le conseiller peut dire: Bien, compte tenu de ma connaissance de ton portefeuille, de ma connaissance de tes objectifs de placement, oui, ça peut être bon. Maintenant, c'est bon, mais voici des risques, ou, non, ce n'est pas bon, puis on ne va pas plus loin.
Donc, tout est en place pour que ce soit fait correctement via cette loi-là. Ce qui manque, comme je disais tantôt, c'est quels cours ces conseillers-là vont devoir avoir. Est-ce que c'est... Présentement, on a des cours sur les «futures», les «options», on a du CFA. Est-ce que c'est ça ou est-ce qu'il va falloir que l'industrie développe un cours sur les produits dérivés en général qui dise: Maintenant, si vous voulez conseiller ça à votre... vous devez en plus avoir ce permis-là, et voici le curriculum de ce cours-là. Vous devez suivre ça. Mais cette loi-là vient faire ça. Le petit détail qui manque, c'est les cours, puis je pense qu'effectivement ce n'est pas dans la loi que ça doit aller, ça doit aller dans la loi sur les intermédiaires inscrits qui doit venir préciser que c'est ça. Mais cette loi-là effectivement vient faire ça.
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: Évidemment, M. le Président, une approche basée sur les principes, ça dit que quelqu'un doit avoir la formation, mais justement ça ne dit pas quelle sorte de formation ça doit avoir, parce que la formation que ça doit avoir va changer avec le temps, parce que les produits vont être modifiés avec le temps. D'accord? Dans cinq ans, là, probablement que les produits qui vont être sur le marché vont être notablement différents des produits qui sont sur le marché ? peut-être pas autant, là, dans cinq ans ? d'où la nécessité de ne pas définir quel genre de formation. Mais tout ce qu'on sait: il faut qu'ils soient au courant de ce que c'est qu'un produit dérivé.
M. Bourassa (François): Puis d'ailleurs le règlement fédéral qui s'en vient prend aussi l'approche basée sur les principes. Le règlement fédéral sur les billets à capital protégé va également dans la même approche qui est prise par ce projet de loi ici, basée sur les principes. C'est vraiment l'avenir. C'est vraiment l'avenir.
Mme Jérôme-Forget: Il ne faut pas trop parler...
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: ...du gouvernement fédéral, là. On connaît leur velléité d'avoir une commission des valeurs mobilières unique. Comme vous savez, c'est une position avec laquelle nous ne sommes pas en accord. Nous l'avons dit à maintes reprises et nous maintenons le cap.
Maintenant, je voulais savoir, vous desservez une clientèle institutionnelle, là, quand même importante et vous accordez... Qu'est-ce que vous pensez de la dispense accordée aux contreparties qualifiées?
M. Bourassa (François): Nous, nous pensons qu'elle est... avec conditions et avec modifications que nous avons demandées, je comprends, ont reçu oreille à l'AMF et avec le ministère des Finances. Cette définition-là fait beaucoup de sens parce qu'elle ajoute le concept de ? je le dis en anglais, je ne me souviens plus c'est quoi, c'est «hedger», là, je ne sais pas comment on dit en français, là ? de couverture, là, pour «hedger». Alors donc, la personne qui veut couvrir son risque est automatiquement dispensée, qui veut couvrir un risque de change, un risque de commodité, un risque de haut intérêt.
Donc, la définition qui est là, avec ce qu'on apporte, va satisfaire le marché, et puis les autres qui ne rentrent pas dans les définitions, bien ils iront voir leurs conseillers inscrits et se verront conseiller, via ce conseiller inscrit... ils pourront quand même y accéder, aux produits. Ils pourront quand même y accéder, mais ils prendront la voie réglementaire.
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: D'accord. Peut-être que j'ai des collègues qui ont des questions. Est-ce que j'ai des collègues qui ont des questions? Non. Monsieur? Non.
Le Président (M. Paquet): Ça va, merci. M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Laflamme, M. Bourassa, bonsoir. Merci d'être là. Les commentaires que vous avez faits, certains ressemblent à ceux qui ont été faits par vos collègues de la Banque de Montréal, quant aux exclusions. Aviez-vous eu l'occasion de faire ces commentaires-là à l'AMF ou si c'est la première fois que vous le faites? La ministre dit: On va en tenir compte un peu dans les papillons, dans l'étude détaillée, mais vous nous assurez que vous avez fait ces commentaires-là déjà et que l'AMF les a pris en compte?
M. Bourassa (François): Comme vous dites: Nous avons été impliqués depuis le début des consultations. En fait, depuis 2005, la Banque Nationale, via l'ISDA, a été très impliquée dans le processus. Depuis le début, on fait part de nos préoccupations, et, dans ce processus d'ouverture là qu'on a eu à l'AMF, on en a eu plusieurs; plusieurs sont réglées, mais c'étaient celles qui restaient que je réitère ce soir, que je constate que ça a été pris en bonne note, là.
M. Taillon: Ça a été pris en considération.
M. Bourassa (François): Oui.
M. Taillon: Est-ce que c'est...
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Taillon: Merci beaucoup, M. le Président. Est-ce que cette nouvelle réglementation... législation-là, cette réglementation, va changer quelque chose dans vos pratiques? Est-ce que ça alourdit vos pratiques, cette loi-là? Est-ce que ça change quelque chose ou pas du tout?
Le Président (M. Paquet): M.Bourassa.
M. Bourassa (François): Oui. Ce que ça vient changer, c'est deux choses qui viennent alourdir mais qui sont très vivables, parce que l'objectif recherché est beaucoup plus louable que le trouble que ça va nous donner. Au niveau surtout du risque réputationnel, c'est de s'assurer que les gens qui ne sont pas des contreparties qualifiées passent par des gens inscrits. Alors, nous, à la banque, c'est ça, on aurait requis ça, qu'une personne passe par un inscrit, mais ce n'est pas tous les intervenants du marché qui auraient eu autant de rigueur volontaire. Alors donc, ça protège cette industrie des produits dérivés en s'assurant que tous les joueurs sont au même niveau. Alors donc, dans ce sens-là, c'est bien. Il va falloir que... Ça va être plus de lourdeur pour ceux qui ne voulaient pas jouer ce jeu-là. Nous, on le jouait déjà.
Pour nos contreparties qualifiées, bien, dans la mesure où on se peut se fier sur une déclaration qu'ils sont contreparties qualifiées ? puis, nous, on connaît quand même notre client ? et puis dans la mesure qu'on n'a pas de doute raisonnable de croire que ce n'est pas faux au moment où on fait la transaction, bien ça, ça se gère très bien. On fera remplir une déclaration, au début, avec le contrat de produits dérivés, on mettra ça au dossier. Nos gens de «compliance» réviseront de temps en temps le dossier, mais à chaque fois les transactions. Alors, c'est un petit peu plus de lourdeur, mais, pour la protection que ça amène à l'industrie, ça vaut définitivement le coup.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Taillon: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Est-ce que cette loi-là à votre avis permettrait d'éviter la crise qu'on a eue sur le papier commercial?
Le Président (M. Paquet): M. Bourassa.
M. Bourassa (François): Bien, cette loi-là à mon avis ne vise pas la...
M. Taillon: Je pose la question un peu différemment de la ministre, là, mais...
M. Bourassa (François): Cette loi-là à mon avis ne vise pas les produits... ne vise pas... ne vise pas les produits de placement. Le papier commercial est un produit de placement. Il tombe en conséquence sous la Loi des valeurs mobilières. Alors, maintenant, je pense qu'il y a des exemptions sur la Loi des valeurs mobilières: lorsque le titre a moins d'un an, plus de 50 000 $, les gens pouvaient émettre du papier commercial. Puis ça, pas juste au Canada... pas juste au Québec, partout au Canada, c'est une exemption qui est partout. Ma compréhension, c'est que ça a passé via cette exemption-là. Alors, c'est pour ça que ce n'est pas passé dans la loupe des commissions des valeurs mobilières, mais ce n'est pas cette loi-là qui peut adresser ça puis qui doit adresser ça, c'est vraiment la Loi sur les valeurs mobilières.
M. Laflamme (Éric): En éliminant l'exemption qui est donnée, mais pas dans le cadre de cette loi-là.
M. Taillon: Parce qu'on sait qu'il y a des avis divergents dans le monde des finances là-dessus. Il y en a plusieurs qui disent: Le papier commercial, c'est un dérivé.
M. Bourassa (François): Non.
M. Laflamme (Éric): Non, je pense que c'est assez unanime.
M. Bourassa (François): C'est assez unanime de notre côté, là. Ceux que nous consultons chez ISDA, chez nos collègues... Moi, je suis dans le manufacturier, Éric est dans la distribution, je pense qu'on est assez unanimes que c'est un placement, ce n'est pas un produit dérivé.
M. Laflamme (Éric): Donc, ce serait une autre législation qui couvrirait cette problématique-là en enlevant l'exemption, mais pas dans le cadre de l'étude de ce projet de loi.
M. Taillon: O.K. Quand vous avez parlé de la formation, c'est revenu aussi, le président du parquet de Montréal, maintenant de la Bourse, ou le vice-président a parlé de cette nécessité de formation là. Comment vous la situeriez? Même si on la situe dans le cadre de la réglementation, là, vous voyez quoi comme formation, comme contenu de formation?
M. Bourassa (François): Je pense que c'est une formation qui doit couvrir les produits standardisés, donc les options les plus sûres, et une formation qui doit couvrir les produits de gré à gré, comment qu'ils peuvent être utilisés comme gestion de risques d'un portefeuille. Alors, je pense que c'est à développer, ça, parce que ce que je comprends des cours actuellement: ils sont ciblés sur des produits spécifiques à options sûrs. Je pense, c'est quelque chose à développer pour que ça couvre tous les produits dérivés, mais en s'inspirant de la loi, là, puis d'avoir...
Et tout est dans l'éducation, parce que, si on veut remettre ? puis on doit remettre ? la responsabilité au conseiller financier de conseiller proprement ses clients, il faut qu'il reçoive la formation, peut-être une formation continue, parce qu'effectivement ça évolue, alors peut-être un cours à chaque cinq ans, renouvelé à chaque cinq ans, des choses comme ça. Mais ça, c'était vraiment à développer. Mais il n'y a rien présentement, mais il y a sûrement de la littérature pour que quelqu'un puisse monter un cours qui a trait sur ça.
n(21 h 10)nM. Taillon: Merci beaucoup.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui. M. Laflamme, M. Bourassa ? merci ? bonsoir. Je voudrais savoir d'abord: Est-ce que la Financière Banque nationale investit dans des produits dérivés pour son propre compte?
M. Laflamme (Éric): La banque... La Financière, dans le cadre des opérations courantes, va utiliser des produits dérivés effectivement, soit pour se couvrir ou...
M. Legault: Bien, c'est ça que je voulais savoir, là. Disons qu'il y a deux... Comme on disait tantôt, il y a comme deux utilisations possibles pour se couvrir, donc du «hedging» ou pour spéculer. Est-ce que la Financière Banque Nationale va investir dans des produits dérivés sans que ce soit pour une couverture? Le mot «spéculer», c'est un mot qui...
M. Laflamme (Éric): Pour son capital propre.
M. Legault: ...parfois a une connotation négative, mais est-ce que la Financière...
M. Laflamme (Éric): Pour le capital de la banque, leur propre «trading», le capital de la banque, oui.
M. Bourassa (François): La réponse, c'est oui. Comme toutes les banques, on a, comme Éric dit, du propre «trading», ça peut être du propre «trading», c'est du montant en capital qu'on a des traders qui reçoivent le montant et qui doivent prendre des positions d'investissement. Et souvent ça va se faire en tranchant des «futures». C'est surtout les «futures» qui transigent sur les Bourses, le pétrole, sur le gaz, qu'un produit dérivé de gré à gré. Alors, ça va être surtout via... Les produits dérivés de gré à gré vont généralement, même exclusivement, servir à gérer nos risques qu'on a avec nos clients. Alors, on vend de la protection à nos clients, on se vire de bord, on achète la même protection. Alors ça, on fait ça de gré à gré.
Pour les produits dérivés, les spéculations sur le pétrole... des prises d'investissement, puis, comme tout investissement d'ailleurs est de la spéculation, que ce soit, là-dessus, des actions ou des obligations, on spécule pour faire plus d'argent, nous en faisons, et toutes les banques en font.
M. Laflamme (Éric): D'ailleurs, il y a des programmes pour le capital de la banque. Dans le cas de la Banque Nationale, le «hedge fund», c'est parti pour ça, avec des gestionnaires internes, des fois il y a des gestionnaires externes. Ils prennent des positions comme ça journalièrement, souvent importantes.
M. Legault: Quand la Financière Banque Nationale dépose une recommandation sur un titre, là, sur une action, dans le document qu'on nous envoie tous les mois, à ceux qui investissent, là, la Financière Banque Nationale est obligée de déclarer ses positions sur les titres qui sont recommandés. Est-ce que, si la Banque Nationale recommande... Même, bon, quand M. Gignac, l'économiste de la Financière Banque Nationale, fait des projections sur le prix du pétrole, sur les taux d'intérêt, bon, sur différents estimés qui peuvent être objet de «futures», est-ce qu'il y a une déclaration qui est faite? Est-ce que la Financière Banque Nationale déclare ses intérêts sur les options, à ce moment-là?
M. Bourassa (François): La Financière transige des options de façon journalière, des «futures» de façon journalière, et ça, ce n'est pas fait en fait par la Financière, c'est fait par la banque, par la trésorerie. Donc, le capital est géré par la banque. On s'assure, dans notre gestion, dans notre gouvernance interne, qu'il n'y a aucune utilisation d'informations privilégiées. Comme dans toutes les banques, on a tous des murs de Chine, qu'on appelle, qui séparent les divisions. On a des listes qui sont circulées à travers la banque, on appelle ça des «restricted lists», là. Alors, c'est des actions, des obligations sur lesquelles on travaille présentement, et les gens disent: Ça, là, tu ne peux pas savoir pourquoi, mais tu ne peux pas acheter ça dans ton portefeuille, le propre «trading».
Alors ça, c'est mis à jour plusieurs fois par jour, et les gens qui transigent doivent consulter ça et ne peuvent en aucune façon transiger. C'est pour ça qu'ils n'ont aucune idée pourquoi on a mis ça là, on les met là. Alors ça, ce sont les titres qu'on a, sur lesquels on est en train de travailler et qu'il pourrait peut-être se passer quelque chose, ou rien, peut-être pas, mais c'est ça. Et c'est comme ça dans toutes les banques.
Donc, comme les banques sont rendues intégrées, les groupes financiers intégrés de financières, de banques, et tout ça, c'est très important qu'il y ait, pour la confiance de l'investisseur, un régime de conformité très solide et très étanche, de sorte que l'information ne transige pas d'une équipe à l'autre. Donc, les gens sont sur différents étages, différents locaux. Les «regulators» viennent voir fréquemment nos systèmes de «compliance», de conformité. Et puis, au-delà de la responsabilité réglementaire, il y va de la réputation de la banque de s'assurer qu'en aucun cas il y ait une apparence qu'on ait pu profiter d'informations, quelles qu'elles soient, ou qu'on n'ait pas déclaré des intérêts lorsqu'on fait de la promotion d'un site ou d'une autre façon.
M. Laflamme (Éric): Je rajouterais peut-être un point. On agit aussi comme gestionnaires d'argent d'autrui, et il y a des traders qui transigent, et eux-mêmes sont à distance, et l'information ne peut pas circuler. De la même façon, les différents dirigeants des différents groupes ont les mêmes restrictions pour transactions, là. Un peu comme quand vous avez un «blind trust» ici, comme ministre, et tout ça, bien le même genre de règles s'appliquent, où il ne peut pas y avoir beaucoup de transactions, donc.
M. Legault: La raison pour quoi je vous demande ça, c'est parce que, quand vous dites: Quand on achète des actions, dans le fond on spécule aussi, pour moi il y a une différence entre acheter une action d'une entreprise et spéculer sur des produits dérivés. Puis, je reviens à ce que je disais un peu plus tôt, tantôt, il y a un comité sénatorial américain qui a regardé la spéculation sur le prix du pétrole, puis ils ont conclu que des grandes firmes comme Goldman Sachs ou Morgan Stanley faisaient des profits annuels d'à peu près 1,5 milliard juste sur la spéculation des prix de l'énergie. Bon. Évidemment, quand on spécule, s'il y a quelqu'un qui gagne, il y a quelqu'un qui perd de l'autre côté. Mais est-ce que les grandes institutions, là, bon... évidemment, là, qu'on pourrait parler aussi de la Financière Banque Nationale, mais est-ce que les grandes institutions qui comptent sur des bénéfices très importants sur la spéculation sur des produits dérivés, est-ce qu'il n'y a pas un risque à un moment donné qu'à cause de la taille de ces institutions ils puissent avoir une influence sur le marché sans que ça ne s'appelle de la manipulation?
Parce que, dans le projet de loi qu'on discute, on y va sur les principes, puis le principe, là, qui est affirmé dès l'article 1, puis ça revient à plusieurs endroits, c'est qu'on dit: «La présente loi vise à [...] assurer la protection du public contre [...] les manipulations du marché.» Mais on ne définit pas «manipulations du marché», puis c'est évident qu'il y a une différence entre «manipulation du marché» et «spéculation». Mais est-ce que la Financière Banque Nationale, bon, qui a une certaine taille, mais les grandes institutions financières américaines, qui ont des bénéfices, là, de milliards de dollars sur la spéculation, est-ce qu'il n'y pas, à un moment donné, un risque, sans que ça ne soit de la manipulation, que quand même ils aient une influence sur le marché au détriment des petits?
M. Bourassa (François): Là-dessus, d'abord...
Le Président (M. Paquet): M. Bourassa.
M. Bourassa (François): Je ne sais pas si vous étiez là quand M. Greenspan est venu à Montréal, il y a deux semaines, là. Alors, lui, il faisait la différence entre les «investment banks», les Goldman Sachs de ce monde, qui sont devenus un peu des «hedge funds», là, finalement, et les «commercial banks» que nous sommes. Alors, nous, notre mission de modèle d'affaires n'est pas le même des Goldman Sachs de ce monde, qui sont là pour prendre des positions dans le marché. Donc, les actionnaires de Goldman Sachs savent à quoi s'attendre, qu'il y a du risque ou un risque différent, alors que, nous, nous sommes plus une institution de dépôt, qui prend des dépôts, qui fait des produits bancaires, et une partie minime fait du propre «trading». Alors, notre modèle d'affaires est complètement différent, puis la part des profits reliée à ça est minime par rapport à nos profits totaux et puis par rapport à Goldman Sachs, où c'est quasiment rendu une mission. Maintenant, est-ce que ça, ça crée de la spéculation? Effectivement, là, je ne suis pas au courant du rapport ou qu'est-ce que vous concluez, mais je sais par contre que le CFTC présentement, suite à cette commission sénatoriale là, émet des interrogations à savoir si cette spéculation-là n'a pas amené les prix des denrées à un certain point, de sorte que ceux qui en ont vraiment besoin paient plus cher. C'est la question qui se pose suite à des pressions des gens qui doivent acheter ces denrées-là, et ils sont en train de regarder ça, à savoir si on ne devrait pas, là ? ce que je crois comprendre ? imposer des limites, des quotas à chacun des joueurs, puis dire: Bien, là, tu ne pourras pas faire tant de plus pour telle chose. Là, ils sont en train de regarder ça, mais, comme vous dites, la ligne entre...
La manipulation, c'est une chose; la spéculation, c'est une autre. On ne peut pas empêcher les gens de spéculer avec leur propre argent. Ce qu'on doit empêcher, c'est que les gens manipulent des marchés à leur profit puis au détriment des autres. C'est sûr que la spéculation, quelqu'un gagne, quelqu'un perd, c'est sûr.
M. Legault: Mais est-ce qu'il n'y a pas une différence entre acheter ou vendre des actions et puis aller dans des options ou des contrats à terme, dans des produits dérivés, où là il y a un effet multiplicateur, où avec, par exemple, le même million d'investissement on peut faire des ravages, là, beaucoup importants?
Une voix: Avec le «leverage».
M. Legault: Avec le «leverage», c'est ça.
n(21 h 20)n M. Bourassa (François): Avec le levier, c'est ça. C'est sûr que prendre une action, normalement, pour des gens comme vous et moi, on est là pour le long terme puis on ne va «trader» tous les jours. Pour les grandes institutions, ils vont peut-être le faire plus souvent. C'est sûr qu'un produit dérivé, encore une fois, ça peut être aussi tenu à long terme ou à court terme. Par contre, un produit dérivé, il y a le mécanisme du levier. Alors, tu mets 10 % et puis tu as un «exposure» à 100 $. Alors, en mettant 10 % de collatéral, tu arrives à avoir une «exposure», là, de 100 $ de notionnel. Alors ça, c'est ça. À cela s'amène, et ce qui se passe vraiment aux États-Unis dans ce débat-là... Est-ce que, dans un contexte de liberté d'entreprise, on doit commencer à dire aux gens: Bien là, ce n'est de la manipulation, mais c'est de la spéculation, puis je n'aime pas ça, donc je te limite, je te mets des quotas? Je pense que c'est ce débat-là qu'ils sont en train de ravoir aux États-Unis puis qu'il faut...
M. Legault: Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que vous pensez que le législateur devrait intervenir pour limiter cette spéculation? Puis là, bon, le Congrès américain est en train de se pencher sur le sujet, mais est-ce qu'on devrait y penser, là? Non?
M. Bourassa (François): Non, pas au législateur, tant qu'il n'y a pas de preuve empirique qu'il y a vraiment spéculation et que ça équivaut à une manipulation. Et ça, tant qu'il n'y a pas ça de preuve, faut pas commencer à réglementer des choses pour se créer des problèmes quand il n'y en a pas ou qu'il n'y en a peut-être pas. Il faudrait s'assurer qu'il y en a vraiment un, et puis, s'il y en a un, bien là il faudrait voir si c'est via cette loi-là, ou une autre, ou une intervention. Il pourrait peut-être y avoir une approche commune avec vos collègues de la CFTC, de dire: Bien, c'est quoi, vos résultats, comment vous voyez ça, puis on va peut-être travailler ensemble pour s'assurer que...
Parce qu'en même temps il ne faut pas freiner le développement des produits, il ne faut pas freiner le dynamisme, mais en même temps il faut aussi éviter les fraudeurs, la manipulation. Alors, c'est ce compromis-là. Puis il n'y a sûrement pas assez d'information pour l'instant pour commencer à légiférer, là, pour tenter de...
M. Laflamme (Éric): Parce que, si on rentre dans ça... Si vous permettez, rapidement.
Le Président (M. Paquet): Rapidement, M. Laflamme.
M. Laflamme (Éric): Là, on va entrer dans la législation autour des «hedge funds», après ça le «private equity», qui utilise le levier, et là ça va déborder le cadre. Donc, oui, pour la fraude, la manipulation, et tout ça, mais ça pourrait devenir excessif, puis cette industrie-là va aller ailleurs, va faire ses opérations ailleurs. C'est le risque, là. Mais c'est louable comme...
Le Président (M. Paquet): Merci. Peut-être juste une question sur le temps de la ministre, il restait un peu de temps gouvernemental.
Mme Jérôme-Forget: ...revenir en arrière, toi. C'est quoi, le problème, là?
Le Président (M. Paquet): Alors donc, sur le temps de la présidence, dans ce cas-là, que j'emprunte sur le temps gouvernemental! Vous faisiez référence tout à l'heure aux États-Unis, au fait qu'il y a une distinction entre les banques d'investissement et les banques commerciales, ou les banques d'affaires, alors qu'au Canada, si on regarde... de la législation au Canada versus les États-Unis, il n'y a jamais eu de distinction ferme entre les deux. Les banques commerciales font à la fois une partie d'un mandat de ce que font les banques d'investissement aux États-Unis, alors qu'aux États-Unis, jusqu'à récemment, il y a quelques années, il y avait une séparation très ferme entre les deux types d'institutions. Donc, dans ce cas-ci, il faut faire attention peut-être un peu dans la comparaison, parce que vous êtes vous-mêmes à la fois une banque commerciale et une banque d'investissement à certains égards.
M. Bourassa (François): C'est un très bon point, mais on est plus une banque commerciale qu'une banque d'investissement, et tout ce qu'on fait est sujet à notre «regulator», qui est ASFFI, alors que l'«investment bank», ils n'ont pas vraiment de «regulator». Alors, nous, même si on s'aventure dans de l'«investment banking» ou dans n'importe quelle activité, nos amis d'ASFFI sont toujours là à nous regarder puis dire: Un instant! Est-ce que vous respectez vos capitaux ou gestion de risques, et tout ça? Ce que les «investment banks» n'ont pas du tout, elles sont complètement «on their own», là, si vous voulez. Mais le point est bon, la comparaison est bonne.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors donc, je remercie M. Laflamme et M. Bourassa pour votre participation à nos travaux. Je suspends brièvement la commission pour permettre à notre prochain invité, le Pr Guimond, de se joindre à nous.
(Suspension de la séance à 21 h 23)
(Reprise à 21 h 27)
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît. Alors, je souhaite la bienvenue au Pr Jean-François Guimond, professeur de finances à l'Université Laval. Alors, M. Guimond, je vous cède la parole pour 10 minutes.
M. Jean-François Guimond
M. Guimond (Jean-François): Alors, merci, M. le Président. J'ai imprimé une copie d'une petite présentation de ce que je vais faire. Donc, vous avez normalement des acétates de ce que je vais dire. Donc, si je n'ai pas le temps de tout dire, vous aurez une petite idée de ce que je voulais dire.
Alors, afin de bien situer mes commentaires, je rappelle que je n'ai eu qu'une semaine pour prendre connaissance du projet de loi, de ses amendements, des notes explicatives, un beau document de 600 pages, ainsi que des documents déposés lors des deux consultations faites par l'Autorité des marchés financiers. Alors, je n'ai pas participé aux consultations de l'AMF, donc j'ai peu de recul sur ce sujet-là, et il se peut qu'il y ait des éléments importants qui aient échappé à mon analyse, et ça pourrait affecter la pertinence de certains de mes commentaires, d'autant plus que je ne suis pas un spécialiste de tout ce qui touche les produits dérivés. Alors, je vous rappelle également que l'avis de convocation ne précisait en rien le type de commentaires qu'on attendait de moi, alors je me suis trouvé des objectifs.
Et, au risque de vendre mon punch, voici ma conclusion, si jamais je n'ai pas le temps de me rendre jusqu'à la fin. Alors, je suis d'accord avec les objectifs qui sont poursuivis par la loi et sur le choix du type de loi choisi pour faire l'encadrement du secteur des instruments financiers. Par contre, je pense qu'il est important de faire certaines mises en garde au niveau des règlements qui seront mis en place. Alors, c'est le type de commentaires que je vais vous faire, donc des mises en garde sur comment faire en sorte que la loi soit appliquée de façon à respecter ses objectifs.
Alors, ma compréhension du projet de loi, là, en quelques mots. Alors, ma compréhension, c'est qu'on a décidé de créer une loi basée davantage sur des principes que sur des normes précises, et ça implique donc une loi distincte de la Loi sur les valeurs mobilières. Ça implique aussi de définir un produit dérivé pour distinguer le champ d'application des deux lois. On a voulu établir des définitions au sens le plus large possible de façon à éviter une désuétude trop rapide de la loi et ainsi nuire à une flexibilité de réaction tant souhaitée que souhaitable. On vise essentiellement à protéger les investisseurs non sophistiqués, et peu importe comment ils transigent et avec qui, c'est-à-dire soit sur les marchés standardisés mais aussi sur les marchés de gré à gré, pour ce qui est des investisseurs non sophistiqués, et cette protection repose principalement sur la divulgation d'informations au client et sur les qualifications nécessaires pour conseiller un investisseur non sophistiqué. Pour le reste, bien les pouvoirs de surveillance sur le fonctionnement des marchés sont pour la plupart délégués à des organismes d'autoréglementation, mais la loi donne aussi des pouvoirs à l'AMF pour intervenir auprès de n'importe quel intervenant si la situation l'exige.
n(21 h 30)n Donc, afin de comprendre la différence entre un produit dérivé et un sous-jacent, et surtout comment les deux sont liés, je vais vous faire une petite analogie. Alors, je vais jouer au professeur, et, avec un peu de chance, cette analogie-là va fonctionner mieux que mon analogie de golf, la dernière fois. On ne sait jamais avec moi! Alors, vous voulez faire un dessin et vous avez besoin de crayons de couleur. Et vous pouvez acheter vos crayons auprès de deux types de vendeur. Donc, vous avez un vendeur qui ne peut vendre que trois couleurs, le bleu, le jaune et le rouge, qu'on appellera des couleurs sous-jacentes, et vous avez aussi un vendeur qui peut vendre des crayons de 200 couleurs, et n'importe quelle couleur peut être obtenue à partir des couleurs sous-jacentes. Donc, vous savez, j'imagine, c'est quoi, le cercle chromatique, donc qui permet de recréer l'ensemble des couleurs qui existent avec les trois couleurs de base. Alors, on pourrait se demander qu'est-ce qui arriverait si on limitait l'accès au deuxième vendeur et/ou si on réglementait la taille des crayons qu'il peut vendre et aussi qui peut se servir d'un crayon de couleur différente, autre que celle sous-jacente. Donc, essentiellement, c'est ça qu'on est un petit peu en train d'établir, et cette analogie-là, bien ça va me permettre de vous parler un peu du rôle des produits dérivés sur les marchés.
Alors, ce sont des produits qu'on dit redondants, qui permettent de compléter le marché de façon efficace. Qu'est-ce que ça veut dire, compléter le marché? Bien, pensez au cercle chromatique, vous avez trois couleurs de base, et avec celles-là vous pouvez compléter le cercle, donc l'ensemble des autres couleurs. Donc, les produits dérivés, ça sert essentiellement à ça, quand on dit «compléter le marché». Ça vous permet de mieux segmenter les risques sur les marchés en vous permettant de ne choisir que les risques souhaités. Vous voulez le vert d'une telle teinte qui s'harmonise mieux avec vos yeux, vous pouvez choisir que celle-là. O.K.?
Donc, les produits dérivés, ça vous permet aussi de choisir les niveaux de risque que vous voulez et le type de risque que vous voulez. Alors, ça permet aussi de transférer certains risques, et là partiellement ou complètement, puis là on parle souvent de réduire votre niveau de risque, on parle de couverture. Je reviendrai là-dessus dans quelques instants. Ça vous permet aussi d'augmenter l'exposition à certains risques. Ça vous permet aussi d'atteindre certains objectifs à un coût qui est plus faible. Si vous avez un portefeuille d'actions et que, pour une raison quelconque, temporairement vous aimeriez diminuer l'exposition au risque de votre portefeuille, vous pouvez décider de vendre une partie de vos actions et les envoyer en obligations, mais vous pouvez aussi décider de faire des transactions sur des produits dérivés, notamment sur des contrats à terme sur indice boursier, ce qui va vous permettre de modifier le risque de votre portefeuille sans avoir à faire des transactions, sans être obligé de vendre vos actions et de les racheter dans un mois ou deux semaines, peu importe.
Donc, cette possibilité-là, ça vous permet de gérer vos portefeuilles ou vos actifs risqués à plus faible coût, donc ça a aussi ce rôle-là. Donc, ça a plusieurs rôles, et ça vous permet probablement de réconcilier certains commentaires que vous avez entendus soit aujourd'hui ou que j'ai lus dans des documents. Alors, c'est ça.
Donc, ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'une position dans un produit dérivé, ça doit toujours être analysé en considérant l'ensemble des positions risquées dans un portefeuille, et ça inclut aussi les risques opérationnels. Si vous êtes une entreprise dont les opérations se font un peu à l'étranger, vous allez avoir un risque de change, mais il faut considérer... ça provient de vos risques opérationnels, donc il faut tenir compte de ça. Il ne faut pas juste regarder les actifs financiers qu'on a dans un portefeuille.
Donc, ce qui ressortait aussi de mon analogie, c'est qu'un produit dérivé, ça se distingue aussi souvent par le fait que ça représente une stratégie. Donc, on peut décider de mélanger nos trois couleurs ou on peut aussi décider de l'acheter directement, mais, mélanger nos trois couleurs, c'est comme une stratégie. Donc, tous les produits dérivés... pour chaque produit dérivé qui existe, on peut trouver une stratégie équivalente, qu'on appelle une stratégie réplique, et donc on peut répliquer une action avec une combinaison d'options. On peut aussi répliquer une option avec une combinaison d'actions et d'obligations, O.K., donc on peut se promener des deux côtés. C'est d'ailleurs ça qui nous permet d'établir un prix pour les produits dérivés, O.K.?
Donc, sachant cela, si le coût réglementaire est différent selon les deux façons d'obtenir les mêmes flux monétaires, bien alors il va y avoir un arbitrage, c'est-à-dire qu'on utilisera la stratégie qui va être soumise à la loi la moins contraignante. Et, si ça, ça se produit, il va y avoir des conséquences à un arbitrage, s'il est possible, puis là je ne suis pas en train de vous dire que les arbitrages vont exister, mais il y a un danger, il faut faire attention pour pas que ça arrive. Alors, les conséquences non désirables de l'arbitrage, bien il y a certains produits qui pourraient disparaître. Si le coût est trop élevé, les gens vont arrêter d'offrir ce produit-là et on va être obligés d'utiliser une stratégie équivalente qui est potentiellement plus coûteuse.
Il y a aussi le fait que, s'il y a un arbitrage, bien, à ce moment-là, il se peut que les investisseurs non sophistiqués soient désavantagés s'ils ne sont pas capables, eux, de changer de stratégie ou de la répliquer, alors qu'on peut penser que des investisseurs plus sophistiqués vont peut-être être capables de le faire, donc ce sont des conséquences non désirables. Alors ça, c'est ma première mise en garde sur l'application: faire en sorte qu'il n'y ait pas d'arbitrage réglementaire dans la façon dont vous allez vraiment définir les produits dérivés et comment vous allez gérer l'équivalent des stratégies répliques.
L'autre mise en garde que j'aimerais faire, ça concerne l'inscription. Alors, au Québec, il y a différentes personnes qui peuvent distribuer des produits financiers et/ou conseiller des investisseurs. Puis là je ne les nommerai pas tous, là, mais il y a les conseillers en placements, les conseillers en épargne collective et les planificateurs financiers. Il y en a là-dedans qui ne peuvent que conseiller mais pas distribuer de produits, alors qu'il y en a qui peuvent distribuer mais pas faire de transactions, etc. Vous connaissez ça probablement mieux que moi.
Mais, dans la mesure où la protection que la loi donne aux investisseurs dépend de la qualification des personnes qui conseillent, ces qualifications-là doivent être semblables pour des produits de complexité similaire, c'est-à-dire que, si vous êtes capable de vendre un produit dérivé, vous devez être capable de comprendre la stratégie équivalente. Il ne faudrait pas faire en sorte que, si vous vendez le produit dérivé, c'est tel type de règlement, tel type d'inscription ou de qualification qui est requise, alors que, si vous passez par un autre chemin qui ne requiert pas de produits dérivés, à ce moment-là on n'exige pas de vous les mêmes qualifications. Donc, là aussi, il pourrait y avoir un arbitrage possible que je vous invite à éviter.
Et là je vais vous présenter un exemple d'un sujet dont on n'a pas vraiment beaucoup parlé, je vais vous parler des billets à capital protégé, dont vous avez peut-être déjà entendu parler. Essentiellement, ce sont des produits qui garantissent le capital. Donc, on vous permet souvent d'investir à la Bourse, d'une façon quelconque, tout en protégeant votre capital. Alors, ces produits-là sont souvent basés sur l'utilisation de produits dérivés ou sur des stratégies, là, ayant le même effet. Là, c'est relativement vaste, là, ce qui rentre dans cette catégorie-là.
Ce qu'il faut savoir, c'est que ces produits-là peuvent être distribués par des conseillers en épargne collective. Comme vous le savez, les conseillers en épargne collective, ce ne sont pas des gens qui sont habilités à transiger des actions, des obligations ou même des produits dérivés. Par contre, on leur permet de distribuer ? en tout cas à ce qu'on m'a dit; on leur permet de distribuer ? des billets à capital protégé, qui, eux, sont dans le fond l'équivalent de stratégies qui sont basées souvent sur des produits dérivés et qui reproduisent souvent le même effet. O.K.? Donc, ici, il y a un petit problème, parce que, si vous avez des gens qui ne sont pas... Ces gens-là ne sont probablement pas suffisamment qualifiés pour offrir ce type de produits là. En fait, pas probablement, ils ne sont pas suffisamment qualifiés pour offrir ces produits-là, et il faudrait faire attention à ça. Je veux dire, l'ACCOVAM ? bon, qui a changé de nom, puis pardonnez-moi de ne pas avoir appris l'acronyme déjà par coeur ? a un document de «due diligence» sur justement les billets à capital protégé. C'est un document qui a à peu près 80 pages, et à mon avis, si vous n'avez pas un diplôme en finances ou en ingénierie financière, il est extrêmement difficile de faire l'exercice au complet, O.K.? Donc, je serais très étonné que les qualifications requises actuellement pour même être conseiller en placements soient suffisantes pour faire ce genre d'analyse là.
Juste pour le plaisir, je me suis amusé à aller voir sur le site Web de l'organisme CSI, là, qui est dans le fond l'ancien Institut canadien des valeurs mobilières, si je ne me trompe pas. Si vous allez voir le contenu des examens et le type d'examens pour obtenir ces qualifications-là, c'est loin d'être évident que ces personnes-là sont vraiment qualifiées. Pour votre information, ce sont des cours à distance, et les examens sont, la plupart du temps, des examens à choix multiples qui durent à peu près deux heures, et ça prend 60 % pour passer, O.K.? Bon.
Le Président (M. Paquet): Peut-être, si vous pouvez conclure, s'il vous plaît, là.
M. Guimond (Jean-François): Oui, oui, je vais conclure. Alors, concluons. Bon. Je vais juste finir avec ma suggestion sur l'inscription. Alors, je pense que ce qui est important... Alors, pour assurer que les produits financiers pertinents soient transigés et pour protéger un investisseur, il est important que l'information sur l'ensemble des facteurs qui influencent les flux monétaires d'un produit soit disponible et surtout comprise. Ce n'est pas tout d'avoir un document, il faut aussi comprendre ce qu'il y a dedans. Alors, ainsi, un produit qui sera mal conçu ou qui va avantager indûment un émetteur ou qui sera complètement inutile ne trouvera pas preneur sur le marché, mais la seule façon que ça va arriver, c'est si les gens sont capables de faire une analyse de ce produit-là. Alors, ce que je vous suggérerais comme critère pour déterminer la qualification, c'est que, si vous avez un intervenant qui conseille un investisseur ou qui transige en son nom, si cet intervenant-là ne comprend pas comment le prix d'un produit dérivé ou la valeur de cette stratégie-là est déterminée et ce qui influence son évolution dans le temps, alors il n'est pas qualifié et/ou suffisamment sophistiqué pour utiliser ces produits ou stratégies. Alors, je pense que je vous ai donné suffisamment de matière pour m'interroger.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Pr Guimond. On voit comment un professeur de finances peut effectivement, en une semaine, comprendre quand même les éléments, là, de réflexion sur des choses qui sont complexes et amener au moins des discussions qui, je crois, vont être intéressantes. Mme la ministre.
n(21 h 40)nMme Jérôme-Forget: Alors, merci, M. le Président. M. Guimond, bienvenue. On trouve formidable que vous vous déplaciez comme ça, ce soir, avec un intervalle très court puis venir nous donner votre réflexion... vos réflexions, plutôt, sur le projet de loi. Si j'ai bien compris vos propos, vous êtes d'accord avec l'approche de principes, vous avez des réserves d'une part quant à l'arbitrage, à savoir la réglementation au niveau de l'arbitrage potentiel.
Moi, je veux vous poser la question suivante: Quand on a un projet de loi basé sur des principes, bien sûr il va y avoir de la réglementation. Mais justement on veut donner à l'Autorité des marchés financiers quand même un pouvoir de pouvoir regarder les fondements d'un produit, si je comprends bien. Et, si on retrouve dans le détail, même dans la réglementation, est-ce qu'on ne s'en vient pas faire le contraire de ce qu'on voulait faire avec le projet de loi actuel, à savoir de développer des principes de base de transparence, d'intégrité et de rigueur, etc., là, je veux dire, pour être sûrs, là, que l'Autorité des marchés financiers a quand même... il y a des principes fondamentaux?
Est-ce que vous pensez que c'est donner trop de pouvoir à l'Autorité des marchés financiers que lui donner le pouvoir justement d'analyser un produit basé sur la justification que va faire la personne qui arrive avec un produit dérivé pour dire: Oui, je réponds aux critères de transparence, de rigueur, pour telle et telle raison, et donc, à chaque fois, l'Autorité va devoir passer un jugement, un jugement, j'imagine... Comment est-ce que vous vous situez là-dedans, là? Parce qu'évidemment, si on vient tout réglementer, c'est un peu inutile d'arriver basé sur les principes.
M. Guimond (Jean-François): Bien, en fait...
Le Président (M. Paquet): Pr Guimond.
M. Guimond (Jean-François): Oui, Je veux juste être certain que je comprends bien votre question. En fait, de toute façon, les règlements vont devoir... Ce que vous me dites, c'est que vous êtes davantage préoccupée que l'AMF approuve des produits comme tels, et que c'est ça dans le fond qui va assurer la protection des investisseurs non sophistiqués?
Mme Jérôme-Forget: Le point que je veux faire, c'est qu'on a fait une loi basée sur des principes. Donc, on veut permettre à quelqu'un qui arrive avec un produit dérivé de devoir justifier son produit comme répondant aux principes. On arrivera bien sûr avec une réglementation, notamment au niveau de la formation, par exemple, qui va varier à travers les ans. Mais le point que je soulève est le suivant: Est-ce qu'en allant trop loin dans la réglementation... Est-ce qu'on ne s'en vient pas défaire l'intention du législateur avec une loi basée sur des principes?
Le Président (M. Paquet): M. Guimond.
M. Guimond (Jean-François): Bien, en fait, je vais essayer de... en tout cas, j'espère que... je vais tenter une réponse.
Le Président (M. Paquet): ...peut-être une autre façon de poser la question peut-être, pour le bénéfice des membres. Est-ce que le point que vous faites n'est pas le cas que la crainte théorique que vous émettez, c'est que, la loi étant de principes, lorsque la réglementation va être définie sur les produits dérivés, il y ait une réglementation bien sûr qui correspond à la Loi sur les valeurs mobilières... Ce que vous suggérez, je crois, vous me corrigerez, c'est qu'il faut que la réglementation soit bien arrimée pour les produits sous-jacents... que pour les produits dérivés. Donc, s'ils sont bien arrimés, il n'y aura pas de risque d'arbitrage imprévu ou non voulu. Je pense que c'était le sens de votre question. Et peut-être pour éclaircir peut-être le point que soulève la ministre, est-ce que je m'exprime correctement?
M. Guimond (Jean-François): Bien, vous pourriez prendre ma place.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Guimond (Jean-François): J'aurais dit essentiellement la même... En fait, ce que je dis, je ne dis pas qu'il faut réglementer davantage plus un que l'autre, je dis que, dans la mesure où... Écoutez, là, s'il y a des différences, c'est la façon dont l'AMF va décider qu'un produit est approuvé ou pas en vertu d'une des deux lois, parce que forcément ça va être ça, et, s'il y a une des deux façons ou des réglementations qui avantage davantage une autre, il risque d'y avoir un arbitrage, et les gens vont faire en sorte de choisir un produit qui va entrer sur cette réglementation-là.
Moi, ce que je vous dis, c'est: Arrangez-vous ? et là, comment, ça, c'est votre mandat ? pour que ça ne soit pas possible. Donc, effectivement, il va falloir harmoniser. Donc, quand vous allez analyser un produit dérivé, ce que vous devriez faire, c'est aussi regarder la stratégie réplique, O.K.? Ou, dans le fond, ce que vous... Je l'ai mis en quelque part, là, je pense, dans mon document. Une suggestion, là, ça pourrait être, puis je vais le citer de mémoire, là, de dire qu'un produit dérivé et toute stratégie recréant exactement les mêmes flux monétaires, ça devrait être soumis au même type de règlement. Puis, à ce moment-là, sous réserve, là, d'y penser davantage, peut-être que ça réglerait une partie du problème. Mais là, je pense avoir...
Mme Jérôme-Forget: Non...
Le Président (M. Paquet): Une autre façon de dire qu'il pourrait y avoir, par exemple, tout comme on prend un exemple, en finances, on pourrait, avec deux options différentes, répliquer, reproduire la même chose qu'une action qui existe déjà sur le marché. Et donc, s'ils sont similaires et ils ont les mêmes caractéristiques de risques, il faut qu'ils aient les mêmes rendements, sinon les gens vont changer leur comportement et leur choix de portefeuille.
M. Guimond (Jean-François): C'est ça.
Le Président (M. Paquet): Donc, il ne faut pas faire ça de façon... par une distorsion, par un écart de réglementation entre les deux, c'est ça?
M. Guimond (Jean-François): Parce que de toute façon le marché va aller chercher ces écarts-là, ça, c'est certain...
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: Maintenant, vous parlez de l'inscription, là, finalement la formation à donner aux courtiers qui vont vendre de ces produits, vous parlez de la formation et vous estimez que les gens qui vendent ces produits-là actuellement souvent n'ont pas la formation, si j'ai bien compris? Bien, peut-être...
M. Guimond (Jean-François): Bien, je considère qu'il y a certains intervenants dont la formation est probablement déficiente.
Mme Jérôme-Forget: Bien, en tout cas, vous dites qu'il faudrait...
M. Guimond (Jean-François): Oui, oui.
Mme Jérôme-Forget: ...qu'il y ait beaucoup plus de formation.
M. Guimond (Jean-François): Oui, oui. Oui.
Mme Jérôme-Forget: D'accord, si j'ai bien compris, là.
M. Guimond (Jean-François): Ça ne serait pas un luxe.
Mme Jérôme-Forget: On ne s'accrochera pas dans les fleurs du tapis, c'est à peu près ça que vous avez dit, hein?
M. Guimond (Jean-François): Oui.
Mme Jérôme-Forget: Bon. Maintenant, au niveau de la formation, justement. Bien sûr, les produits dérivés, ce sont des produits qui évoluent avec le temps, qui sont modifiés et qui... ils arrivent sur le marché, et même, je ne veux pas être méchante, là, mais probablement que les gens qui sont à l'école ou dans les universités ne suivent pas totalement tous les produits dérivés qui peuvent exister, parce que ça arrive sur le marché constamment, un peu partout. Comment est-ce que vous... qu'est-ce que vous pensez, à ce moment-là, au sujet d'une formation?
Le Président (M. Paquet): M. Guimond.
M. Guimond (Jean-François): Une formation pour qui, là?
Mme Jérôme-Forget: Bien, parce que, mettons qu'on va à l'école, là...
M. Guimond (Jean-François): Une formation pour qui?
Mme Jérôme-Forget: ...dans les produits dérivés, puis arrivent des nouveaux produits, c'est clair que les produits que j'ai appris, là, il y a six mois, ça ne sert pas à grand-chose, là.
M. Guimond (Jean-François): Mais une formation pour qui?
Mme Jérôme-Forget: Bien, pour les gens qui...
M. Guimond (Jean-François): Pour les investisseurs sophistiqués ou non sophistiqués?
Mme Jérôme-Forget: Non sophistiqués.
M. Guimond (Jean-François): Ou pour ceux qui... parce que dans le fond, là, les produits extrêmement complexes, là, ce n'est pas... ce n'est pas... ce sont des investisseurs sophistiqués qui vont s'intéresser à ça. Ils sont d'ailleurs conçus généralement avec ces investisseurs-là en tête. Ce ne sont pas des petits investisseurs, la plupart du temps, qui vont embarquer... qui vont pouvoir prendre des positions là-dedans. De toute façon, probablement que ces produits-là sont souvent d'ailleurs de gré à gré, et les montants pour embarquer dans ces marchés-là sont probablement beaucoup trop importants pour que des petits investisseurs puissent jouer dans ce marché-là.
Donc, à ce niveau-là, pour ce qui est des produits extrêmement complexes puis qui ont beaucoup, beaucoup de nouveautés, je ne suis pas convaincu que ça s'adresse toujours aux petits investisseurs. Pour le reste, la plupart des stratégies que les gens vont utiliser avec des produits dérivés vont être relativement simples, là, il ne faut pas... Oui, oui, ça peut être extrêmement compliqué, mais le gros des transactions ne seront probablement pas avec des stratégies extrêmement complexes ni même avec des produits dérivés très complexes. Ça va se faire avec des options de base, des contrats à terme, des «futures», des swaps peut-être, mais l'individu qui prend des swaps, c'est extrêmement rare. À ma connaissance, je n'en connais pas. Ça va être essentiellement des institutions financières et/ou des entreprises qui en ont besoin pour gérer leurs risques de taux d'intérêt ou de taux de change. Donc, à ce niveau-là, je ne suis pas très inquiet par la difficulté.
Là où j'ai des inquiétudes quant aux compétences des gens, c'est est-ce que... Bon. Je vais me reprendre. Il y a des produits complexes qui semblent être sur le marché maintenant puis qui sont dans la catégorie des biens à capital protégé ou... en tout cas, ou des stratégies dynamiques qui sont de même type, et ça, je crois que les gens qui devraient être habilités à conseiller les gens là-dessus devraient avoir davantage de connaissances.
Ce que vous devez savoir, c'est que les gens qui conçoivent ces produits-là, ce sont souvent des gens qui ont des diplômes en ingénierie financière. Donc, ce sont des gens très quantitatifs qui sont capables de jouer sur les mots et qui comprennent les différents types de rendement qu'on peut offrir aux gens ou les différents types de moyennes qu'on peut faire. Et, dans le marketing de ces produits-là, il y a beaucoup, beaucoup de petites lignes qui font en sorte que les gens s'embarquent souvent dans des produits pour lesquels, oui, leur capital va être protégé mais pour lesquels ils ne feront peut-être pas de rendement ou même... voire parfois même des rendements négatifs, même si... Oui, je sais qu'on les met en garde contre ça. Il reste que ce n'est pas évident d'évaluer la structure de coût de ces produits-là, ce n'est pas à la portée de tout le monde.
Là, je vous avoue que ça fait très peu de temps que j'ai de l'information sur les qualifications requises pour tout le monde qui joue là-dedans. Je me suis quand même renseigné à des gens qui font ça, des gens qui ont tous ces permis-là. On pourrait peut-être penser éventuellement à ce que ça requière une formation universitaire de pouvoir travailler dans ce domaine-là.
Là, probablement que je ne me rendrai pas chez moi vivant ce soir, mais... mais... mais, cela dit, c'est une question de quels objectifs vous voulez atteindre. Si vous voulez réellement protéger les gens puis qu'on veut prétendre que les gens comprennent ça, il faut comprendre comment un produit dérivé est évalué. Si vous n'êtes pas capable de comprendre les différents facteurs qui influencent le prix d'une option, vous ne devriez pas transiger là-dedans. Moi, les étudiants à qui j'enseigne au bac et à qui je fais faire une simulation avec des données réelles aux salles de marché, vous devriez voir: en trois semaines, ils deviennent très humbles sur leur capacité de réaliser leurs anticipations et de faire de l'argent avec des options. Donc, il faut... il faut... Je pense que c'est important. Évidemment, je suis biaisé, je suis professeur, là, mais...
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: Bien, les billets à capital protégé, est-ce que ce sont des produits dérivés? Est-ce que c'est de ça que vous parlez?
n(21 h 50)nM. Guimond (Jean-François): Bien, c'est qu'il y a beaucoup de ces produits-là qui vont être basés sur des produits dérivés. Soit qu'ils vont en utiliser, donc ils vont être partie du billet ou de la structure de flux monétaire qui va utiliser des produits dérivés, ou ça va être une autre façon qui va dans le fond répliquer l'équivalent d'une assurance. Donc, si on vous dit: C'est une stratégie dynamique où, tout dépendant de l'évolution des rendements, des indices, on va transférer une partie de votre portefeuille en actions, une portion un petit peu plus grande en obligations, etc., au fur et à mesure, c'est une stratégie dynamique qui a pour but dans le fond de vous offrir une assurance. Ce n'est pas exactement la même chose que d'acheter une option de vente qui vous donne une assurance, mais c'est très semblable.
Donc, dans la mesure où ces produits-là, même s'ils n'utilisent pas nécessairement explicitement des produits dérivés, mais les stratégies sont de même nature et ont des flux monétaires semblables. C'est pour ça que comprendre la structure des flux monétaires, c'est-à-dire: quelles sont les conditions dans lesquelles je vais vraiment faire de l'argent avec ce produit-là... et ça, ce n'est pas facile à analyser. Il y en a qui sont simples, là, mais il y en a un certain nombre qui sont relativement complexes. Et je vous rappelle qu'en 2007 il s'est vendu pour 22 milliards de dollars de ces produits-là au Canada et qu'en 2008 il s'en est probablement encore vendu davantage compte tenu de l'année qu'on a connue en 2007 sur les marchés. O.K.? Et il y a de ces produits-là qui à mon avis ne devraient pas exister, et, si les gens avaient une meilleure connaissance, ces produits-là ne trouveraient pas preneur, point. Et c'est ça, la solution, c'est que les gens comprennent les produits.
Mme Jérôme-Forget: Peut-être que vous pouvez m'expliquer...
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: ...mais je lis bien «à capital protégé», ça, ça veut dire que je ne ferai peut-être pas autant d'argent que je pensais en faire, mais je ne vais pas perdre mon capital. Est-ce que c'est ça que ça veut dire?
M. Guimond (Jean-François): C'est supposé dire ça.
Mme Jérôme-Forget: Ce n'est pas bête de faire ça aujourd'hui, là.
M. Guimond (Jean-François): C'est supposé dire ça.
Mme Jérôme-Forget: Ceux qui ont fait ça, là, ce n'était pas bête, cette année, là, parce qu'il y en a pas mal qui ont perdu de l'argent cette année.
M. Guimond (Jean-François): Bien...
Le Président (M. Paquet): M. Guimond, en 30 secondes.
M. Guimond (Jean-François): ...si vous voulez que je vous réponde là-dessus: il y a plusieurs façons d'obtenir le même résultat, et je suis loin d'être convaincu que la structure de coût des billets à capital protégé, c'est la façon la moins chère pour justement protéger son capital.
Mme Jérôme-Forget: J'ai terminé, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Merci beaucoup, M. le Président. Bonsoir, M. Guimond, merci beaucoup d'être là. Vous amenez un regard un peu extérieur à l'industrie, c'est intéressant, aux gens du marché...
Moi, je vais essayer de résumer. Je me trompe peut-être, là, mais ce que j'ai compris de votre message, dans le fond, vous nous dites: C'est une bonne loi, mais il y a peut-être trois garde-fous ou trois mises en garde, trois éléments à surveiller de près. La première, c'est la capacité de l'organisme de réglementation d'intervenir après coup pour assurer... d'avoir donc des bonnes ressources pour assurer qu'on est en mesure de punir les délinquants. Donc, vous parlez de l'autoréglementation, mais vous dites: C'est important qu'a posteriori il y ait un organisme qui ait les ressources suffisantes. Vous en avez peu parlé, mais je l'ai lu dans votre texte.
Deuxième, vous dites: C'est la capacité d'éliminer l'arbitrage réglementaire. Le président vous a amené à... J'aimerais ça que vous me disiez, là, comment ça se fait dans la pratique.
Puis, troisièmement, vous nous dites, troisième garde-fou: Il faut avoir une qualité des intervenants, au niveau de la formation, puis qualité de l'information aux investisseurs, dans ce troisième garde-fou là. Est-ce que j'ai bien compris votre message?
Le Président (M. Paquet): M. Guimond.
M. Guimond (Jean-François): Ça résume ce que je voulais dire.
M. Taillon: O.K. Comment est-ce qu'on élimine l'arbitrage réglementaire, comment est-ce qu'on peut faire ça?
M. Guimond (Jean-François): Bien, comme je le disais tout à l'heure, si vous avez... essentiellement, ce qui va arriver, c'est des produits ou des stratégies qui vont tomber soit sous la juridiction de la Loi sur les instruments dérivés ou soit sous la juridiction de la Loi sur les valeurs mobilières.
M. Taillon: Valeurs mobilières.
M. Guimond (Jean-François): Et ce qu'il faudrait éviter, c'est qu'on puisse jouer... donc, en répliquant une stratégie qui normalement serait un produit dérivé, mais, parce que la Loi sur les valeurs mobilières est moins contraignante... et là je ne sais pas en quoi elle serait moins contraignante...
M. Taillon: Oui...
M. Guimond (Jean-François): La seule chose... Ce que je fais, c'est une mise en garde. Je ne vous dis pas que ces problèmes-là vont se réaliser, mais je vous suggère de vérifier que ça n'existe pas et que ces arbitrages-là ne seront pas possibles. Parce que les règlements, moi, je ne les connais pas encore ? s'ils sont connus, là.
M. Taillon: O.K. Est-ce que c'est l'Autorité des marchés financiers qui devrait s'assurer qu'on élimine cette possibilité d'arbitrage entre les produits?
M. Guimond (Jean-François): En fait, ce n'est pas l'arbitrage entre les produits, c'est l'arbitrage réglementaire.
M. Taillon: Réglementaire.
M. Guimond (Jean-François): Et, dans la mesure où... en tout cas, à ma connaissance, c'est l'AMF qui est en charge d'établir ces règlements-là, je pense. En tout cas, je ne vois pas qui d'autre pourrait le faire, là.
M. Taillon: O.K. O.K. C'est beau... merci...
Le Président (M. Paquet): C'est beau?
M. Taillon: Non, ce n'est pas fini, là. Non, non, je m'excuse.
Le Président (M. Paquet): Ah! excusez.
M. Taillon: Mais on se comprend. Donc, j'ai bien compris vos trois mises en garde, c'est ça, puis dans le fond vous les adressez à l'autorité réglementaire, à l'AMF, dans les trois cas, hein...
M. Guimond (Jean-François): Oui.
M. Taillon: ...d'intervenir, avoir les bonnes ressources, de s'assurer qu'on élimine et, trois, d'avoir une assurance qu'on forme les intervenants correctement et qu'on informe bien les investisseurs. Donc, c'est un message qui est passé là. Je pense que la ministre l'a entendu, nous aussi.
On a eu des débats importants sur la question de la crise du papier commercial, on en jase beaucoup. À votre point de vue ? parce qu'il y a des thèses là-dessus ? est-ce que le papier commercial, c'est un produit dérivé?
Le Président (M. Paquet): M. Guimond.
M. Guimond (Jean-François): Je ne répondrai peut-être pas directement à votre question. En fait, je ne suis pas convaincu que c'est vraiment... que c'est vraiment la bonne question. Le papier commercial, d'abord, c'est extrêmement vaste, là. C'est un produit risqué, comme d'autres produits risqués sur le marché. Les gens ont fait beaucoup d'argent, pendant plusieurs années, avec ces produits-là. Quand ça va bien, on est content de dire qu'on a fait des bons rendements, et, woups! quand tout d'un coup il arrive quelque chose, là, ça devient un problème qu'on ait investi dans ces produits-là.
Le fait que ces produits-là aient perdu de la valeur, en soi, ce n'est pas... c'est... tu sais, s'il fallait... En fait, ce que je veux vous dire, c'est d'essayer de proscrire des produits dans lesquels on devrait investir ? parce que je pense que c'est là où vous voulez m'amener ? je ne pense pas que ce soit la bonne façon de procéder, parce qu'avec cette logique-là on devrait interdire les billets de loterie puis le fait d'aller au casino, parce que la probabilité de perdre votre argent, elle est plus grande avec un billet de loterie et en allant au casino que pour n'importe quel produit financier que je connaisse. Or, les gens jouent à la loterie pareil. Vous allez me dire: Bien, 10 $, ce n'est pas la fin du monde.
C'est ça qui est important. Dans votre portefeuille puis de la façon dont vous gérez votre argent, les billets de loterie ou aller au casino, ça représente une fraction de votre portefeuille. Bien, c'est la même chose pour le PCAA ou n'importe quel produit dans lesquels on pouvait investir, et c'est pour ça qu'il faut considérer l'ensemble du portefeuille. Donc, dans un portefeuille, tout dépendant de vos objectifs, de votre aversion au risque, la plupart des produits financiers peuvent avoir une place. Donc, proscrire des produits, je ne pense pas que c'est la bonne façon de procéder.
Là où on peut gérer le fait qu'on peut penser que des gens n'auraient peut-être pas dû investir dans certains types de produits... en fait, le commentaire qu'on fait, ce n'est pas tellement de dire: Est-ce qu'ils auraient dû investir dans ces produits-là ou pas, c'est: Est-ce que leur niveau de risque était conséquent avec les objectifs qu'on leur a donnés? Et je pense que la façon de gérer ça, pour ce qui est des organismes publics en tout cas, ça va être davantage au niveau des règles de gouvernance, O.K.? Donc, ces organismes-là, on leur confie un mandat: ils ont des objectifs, ils ont un niveau de risque à respecter, et il y a des mesures de gouvernance qui existent pour faire en sorte que ces objectifs-là et ces niveaux de risque là soient atteints et respectés, et ça va être beaucoup plus facile comme ça. Parce que vous ne pouvez pas...
Le fait d'acheter un produit, vous ne pouvez pas déduire quel est le niveau de risque ou quel est l'objectif de placement ou quel est l'horizon de placement de quelqu'un. Il se peut très bien que, dans cinq ans ou dans 10 ans, on trouve que dans le fond ces PCAA, ça n'a pas été un investissement qui a été autant à perte qu'on le pensait. On verra, mais il se peut, si c'est vraiment juste une crise de liquidités, en tout cas au Canada, bien peut-être que ces produits-là, oui, pour l'instant, on a pris des pertes, mais, si ces pertes-là ne se concrétisent pas, ça va devenir des gains, puis là, à ce moment-là, bien on va être content. O.K.?
Non, mais mon point, c'est que proscrire des produits, que ce soit un produit dérivé comme... que ce soient les PCAA ou n'importe quoi, je ne pense pas que ce soit une bonne approche, parce que de toute façon les gens vont trouver une façon de contourner ça. Si vous éliminez un produit, les gens, s'ils en ont vraiment besoin dans leur stratégie, ils vont trouver une autre façon de répliquer ce produit-là, puis ça va être une chasse continuelle à essayer de déterminer qui est le plus intelligent, puis, à ce jeu-là, je ne pense pas que ça va être facile de battre l'ensemble des ingénieurs financiers qu'il y a dans le marché.
M. Taillon: Vous dites: Dans le fond, c'est une question de dosage, d'équilibre.
M. Guimond (Jean-François): Ce n'est pas juste une question d'équilibre, c'est une question de respecter le profil rendement-risque que vous voulez atteindre.
M. Taillon: O.K.
M. Guimond (Jean-François): O.K.? On a tous une aversion au risque différente qui fait en sorte que, moi, je peux investir davantage en actions que vous. C'est la même chose pour les organismes publics. La Caisse de dépôt gère différents mandats, tous ses dépositaires n'ont pas nécessairement les mêmes objectifs. Évidemment, on présente juste un rendement total pour la caisse, mais, je veux dire, elle a des objectifs différents à atteindre. Quand on a un régime de retraite, c'est différent aussi. Il ne faut pas juste tenir compte du risque, il faut s'assurer que vous allez avoir de l'argent à chaque période pour payer vos contributions, etc. C'est relativement complexe et ça va être beaucoup plus facile de gérer ces problèmes-là par des mécanismes de gouvernance, et je pense que c'est là où ça doit se gérer parce que c'est là où on connaît les objectifs et le niveau de risque à respecter.
M. Taillon: Quand Warren Buffett disait que le papier commercial, c'étaient des armes de destruction massive financières, vous ne partagez pas son point de vue?
M. Guimond (Jean-François): Bien... pas forcément, non.
M. Taillon: O.K. C'est beau. Le type de ressources, vous dites: Ça prend des ressources ? c'est ma dernière question, M. le Président; vous dites: Ça prend des ressources de qualité à l'AMF. Quel genre de profil de ressources ça prendrait, à l'AMF, pour faire une bonne application a posteriori de cette loi-là sur les produits dérivés? Ce serait quoi, le profil de formation?
Le Président (M. Paquet): M. Guimond.
n(22 heures)nM. Guimond (Jean-François): D'abord, je vais commencer par vous dire que le profil des ressources humaines de l'AMF actuellement, je ne le connais pas intimement. Ma connaissance des gens qui travaillent à l'AMF est extrêmement fragmentaire. Il serait très prétentieux de ma part et peut-être... aussi inapproprié de commenter sur leurs compétences.
Par contre, c'est certain que, si vous voulez analyser des produits dérivés complexes, ça vous prend une formation qui est au moins similaire aux gens qui font ça dans le marché, mais ça vous prend aussi une expérience parce que ça vous prend un recul. Il ne faut pas juste comprendre ce que les gens font, il faut être capable de dire: O.K., je comprends ce qu'ils font. Est-ce que ça a de l'allure? Et pour ça il faut avoir une certaine expérience, il faut avoir du vécu. On ne peut pas faire ça en sortant de l'école, aussi intelligent qu'on puisse être. Donc, ça vous prend des ? en tout cas, je dis «vous», là ? ça prend à l'AMF des ressources. Elle les a peut-être. Je ne le sais juste pas, O.K.? Mais elle en a besoin, O.K.? Donc, ça vous prend des gens qui sont capables d'accoter les connaissances des gens qui conçoivent ces produits-là, au minimum. C'est tout.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui. M. Guimond, merci d'être ici ce soir. Je voudrais revenir sur un commentaire que vous faites dans votre document, à la page 6, sur la notion d'opérateur en couverture. Vous nous dites que selon vous, là, ce ne serait pas nécessaire d'introduire «la raison pour transiger comme critère d'exemption». Vous dites: La raison de la transaction, ça ne devrait pas être utile. Vous dites d'ailleurs qu'on ne devrait pas encadrer davantage la spéculation que les opérations de couverture. Et vous dites: «La spéculation, c'est tout simplement une prise de risque.» Bon, pour moi il y a toute une différence entre acheter des contrats à terme pour couvrir un risque, pour réduire un risque, et acheter des produits dérivés pour spéculer, pour vraiment prendre un risque. Bon, tantôt, il y a quelqu'un qui donnait l'exemple, que j'ai bien connu, de quelqu'un qui veut vendre des billets d'avion, une compagnie aérienne qui veut vendre des billets d'avion, a des dépenses de carburant, des dépenses en dollars américains, veut être certain que ses revenus, qui sont en canadiens, ne soient pas trop à risque, ou en tout cas pas à risque sur le taux de change, par exemple, bon, va prendre des contrats à terme.
Par contre, ce qu'on voit, là... Puis, moi, en tout cas, ça m'inquiète de voir, là, qu'il y a des institutionnels importants ? même, on parle, là, de la présence de plus en plus grande dans les marchés des fonds souverains ? qu'il y a des gens qui puissent arriver tellement avec un gros volume qu'ils viennent réaliser des bénéfices continuels en spéculant, sans qu'il y ait une opération de couverture. Moi, j'aimerais ça vous entendre, là, sur... Est-ce que, vous, c'est une inquiétude que vous avez qu'il y ait des joueurs institutionnels qui deviennent tellement importants au niveau du volume d'opérations sur les marchés qu'ils puissent avoir un certain contrôle sur l'évolution des prix au moins à court terme? Vous, vous ne semblez pas inquiet, là. Pourquoi vous ne semblez pas inquiet par la spéculation?
Le Président (M. Paquet): M. Guimond.
M. Guimond (Jean-François): Bien, il va y avoir deux volets à ma réponse. La première raison pour laquelle je ne suis pas inquiet, c'est que j'enseigne à mes étudiants que la spéculation, ce n'est justement pas mauvais en soi. C'est-à-dire que, pour qu'on puisse transférer le risque à quelqu'un, ça prend quelqu'un qui accepte de le prendre. Donc, une compagnie d'assurance, c'est un spéculateur. Donc, la spéculation en soi, ce n'est pas négatif. C'est comme le mot «discrimination». Discriminer, ça veut dire faire une différence. La discrimination injuste, ça peut être un problème. Mais la spéculation, en soi, c'est prendre un risque. Le risque, que vous le preniez avec un produit dérivé ou avec des actions, en fait n'importe quel produit financier, vous spéculez. Donc, pour moi c'est juste: l'un ne va pas sans l'autre. Vous ne pouvez pas transférer votre risque s'il n'y a pas quelqu'un qui accepte de le prendre. Si tout le monde dans le marché veut se protéger puis qu'il n'y ait pas d'assureur, il n'y a personne qui arrive à se protéger, O.K.? Donc, ça vous prend des gens qui sont prêts à prendre un risque au moment où les autres ne sont pas prêts à le prendre. Donc ça, c'est de la spéculation, en tout cas au moins en économie. En termes économiques, c'est ce qu'on appelle de la spéculation.
Pour revenir à vos gros investisseurs, et là j'ai vraiment une connaissance extrêmement limitée de comment ça se passe à ce niveau-là, mais j'arrive mal à comprendre comment de gros investisseurs pourraient... C'est parce qu'ils peuvent faire des transactions sur les produits dérivés soit sur des marchés de gré à gré ou sur des marchés standardisés. Sur les marchés standardisés, que je sache, vous ne pouvez pas prendre des positions illimitées de sorte que vous pouvez manipuler un marché si facilement que ça, sans que personne ne s'en rende compte. Pour ce qui est des marchés gré à gré, bien là vous parlez avec des gens extrêmement sophistiqués. Si vous réussissez à flouer l'ensemble de la planète... Je ne sais pas si c'est si facile que ça.
Donc, c'est pour ça que ce risque-là, je ne suis pas capable de vous dire qu'il est aussi réel que... On en parle. On parle de ces choses-là. Après coup, on parle souvent de bulle spéculative, ce genre de chose là. Mais, empiriquement, quand on teste ça, c'est loin d'être aussi évident qu'on peut expliquer ça. Il ne faut pas oublier que, quand les prix augmentent... pour qu'un prix change, ça prend juste deux personnes, hein, qui transigent. Ce n'est pas l'ensemble du monde dans le marché qui aurait transigé à ce prix-là, nécessairement. Donc, c'est... Je réponds mal à votre question, je le sais, mais c'est parce que pour moi, cette notion-là de spéculation, il n'y a rien de négatif. Ça vient avec le fait de prendre du risque ou de ne pas en prendre.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: Oui. Je pense que ce qu'on a vu, là, puis ce que les comités qui se sont penchés sur le sujet ont constaté, c'est que des gros joueurs, mettons, comme Goldman Sachs ou comme Morgan Stanley, vont faire des bénéfices très importants. On parle de plus de 1,5 milliard par année. Et évidemment, comme vous le dites, là, quand il y a spéculation, il y a un gagnant et il y a un perdant. Si les gros joueurs, année après année, sont gagnants, ça veut dire que les plus petits joueurs sont perdants. Ça veut dire que peut-être que les gros joueurs ont un avantage à cause du volume, à cause qu'ils voient venir justement leurs propres recommandations, ils ont des clients... Est-ce qu'il n'y a pas un encadrement qui devrait être fait pour éviter que les joueurs qui ont des volumes importants sur les transactions de produits dérivés... qu'il y ait une certaine réglementation?
M. Guimond (Jean-François): Là-dessus, vous dites que les gros joueurs font toujours de l'argent. Il y a des gros noms, là, qui ont perdu beaucoup d'argent au cours des derrières années, là, que je sache. Bear Stearns en tout cas a eu des gros problèmes récemment. Donc, ce n'est pas vrai que tous les gros joueurs font de l'argent. Et vous dites qu'ils font de l'argent par rapport aux petits joueurs. Mais ces petits joueurs là, par rapport à l'investisseur, l'individu, ils sont quand même très gros, là. Ce n'est pas des gens qui font de l'argent en flouant des individus, là. Ils vont flouer des grandes entreprises ou... Il y a probablement des gens qui n'ont pas toujours intérêt à dévoiler qu'ils se sont fait avoir, il faut être honnête, surtout si ça se passe sur le marché de gré à gré. Donc, ce n'est pas évident. Donc, c'est...
Et l'autre commentaire que je ferais, c'est: Est-ce que les marchés canadiens sont si importants que ça, que c'est un grand risque dont on doit se préoccuper, là, à notre échelle, pour ce qui est de la Loi sur les produits dérivés, au Québec ou au Canada? Je ne suis pas convaincu. Je ne pense pas que ces gros joueurs là aient fait leur fortune en faisant des transactions pour essayer de manipuler le marché au Canada, que je sache, là.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: Mais je comprends, là, que les papiers commerciaux, les PCAA, ne sont pas des produits dérivés, mais on a noté qu'une proportion très importante de ce qui s'est négocié au Canada a été faite au Québec, en grande partie par la Banque Nationale, la Caisse de dépôt. Donc, à un moment donné, il peut y avoir concentration. Même ici, au Québec, même au Canada, il peut y avoir concentration, à un moment donné, surtout dans les produits dérivés, où il y a l'effet de «leverage» qui fait qu'on peut prendre des risques énormes avec des montants relativement moyens. Mais, vous, vous ne voyez pas, là, l'inquiétude que plusieurs manifestent, là, à l'égard des variations incroyables sur le prix des matières premières en quelques jours, là, sans qu'il n'y ait rien de changé au niveau du fondamental. Vous, vous ne pensez pas, là, que ça crée un problème dans le marché, puisque, bon, il y a toujours un acheteur puis un vendeur, puis, à un moment donné, on finit toujours par retomber sur nos pattes. C'est ce que vous dites, là.
M. Guimond (Jean-François): Bien là, vous venez de parler de trois choses qui à mon avis sont complètement différentes. Vous avez parlé des PCAA, vous êtes arrivés sur les produits dérivés, sur l'effet de levier, puis ensuite, là, vous me parlez des matières premières. Ce sont trois choses complètement différentes.
M. Legault: Je suis d'accord.
M. Guimond (Jean-François): Donc, moi, je vais vous parler des produits dérivés, O.K.? Donc, les produits dérivés, oui, c'est vrai qu'il y a un effet de levier. Mais, si vous perdez de l'argent à cause d'un effet de levier, le problème, ce n'est pas que le produit dérivé existait, c'est votre choix de stratégie de gestion de risques. Vous avez décidé de prendre plus de risques. Et, là-dessus, à ce que je sache, si vous prenez une position courte où vous pouvez effectivement perdre beaucoup d'argent, vous êtes obligé de laisser de l'argent... de faire un dépôt sur marge, laisser une marge auprès de la Chambre de compensation, et ce n'est pas vrai que la Chambre de compensation ne fera pas un appel de marge si le prix... Elle n'attendra pas que le prix descende de 200 % avant d'avoir un appel de marge.
Donc, il y a des mécanismes de protection. Et ce qui... La personne à risque là-dedans, c'est la Chambre de compensation, qui garantit à la contrepartie dans le produit dérivé qu'effectivement ce qu'on lui doit va être honoré. Donc, dans la mesure où, la Chambre de compensation ? en tout cas c'est ma compréhension ? c'est elle qui est au risque, elle a tout intérêt à avoir des mesures de protection pour faire en sorte que ça n'arrive pas, et c'est pour ça qu'il y a des dépôts sur marge et qu'il y a des appels de marge quand la variation de prix est trop grande dans une journée. Donc, cette crainte sur l'effet de levier, là, je ne pense pas qu'elle puisse se concrétiser telle que vous me l'avez présentée.
n(22 h 10)nLe Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: En fait, la question que je vous pose, là, c'est de dire: Que ce soit le papier commercial ou que ce soient les produits dérivés, est-ce que, quand il y a concentration d'un volume important avec quelques joueurs, quelques institutionnels, là, majeurs, est-ce qu'il n'y a pas un risque, d'une certaine façon, d'avoir un certain contrôle du marché, en particulier dans les produits dérivés? Vous, vous me dites que non.
M. Guimond (Jean-François): Bien, écoutez, je ne connais pas la dynamique de ce marché-là. Ce que je vous dirais, c'est que, si vous êtes tout seul dans votre marché, vous risquez d'avoir des problèmes de liquidités, c'est-à-dire que la valeur de votre portefeuille, elle n'est pas liquide, vous n'avez pas un portefeuille liquide, et il y a un coût à payer pour ça. Donc, ce n'est pas toujours avantageux de détenir un marché au complet, parce qu'il faut, si vous voulez transiger et réaliser la valeur de votre actif, il faut qu'il soit minimalement liquide. Or, si le marché n'est pas liquide, c'est un coût pour vous, dans votre portefeuille. Et ça ne s'analyse pas comme les produits dérivés.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Legault: Mais je ne parle pas, là, d'avoir 90 % d'un marché. Je parle peut-être d'avoir un 10 %, quelque chose comme ça, mais un bloc important.
M. Guimond (Jean-François): Je ne suis pas en mesure de répondre.
M. Legault: Vous ne voyez pas le problème.
M. Guimond (Jean-François): Bien non, ce n'est pas tellement que je ne vois pas le problème. Je n'ai pas assez de connaissance de cette problématique-là à l'heure actuelle pour vous donner une réponse honnête.
Le Président (M. Paquet): Je regrette, votre temps maintenant est terminé. Je vous remercie beaucoup. Alors, M. Guimond, merci beaucoup de votre participation à nos travaux. Je suspends quelques instants pour permettre au Mouvement Desjardins de se joindre à nous.
(Suspension de la séance à 22 h 11)
(Reprise à 22 h 13)
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à M. Jacques Descôteaux, premier vice-président, Trésorerie, Caisse centrale Desjardins; M. Yves Morency, vice-président, Relations gouvernementales, de la Fédération des caisses Desjardins; et M. Yvan-Pierre Grimard, conseiller, Relations gouvernementales, du même mouvement. Alors donc, M. Descôteaux, vous avez la parole pour 10 minutes.
Mouvement des caisses Desjardins
M. Descôteaux (Jacques): Merci. M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs membres de la commission, c'est avec un grand intérêt que le Mouvement des caisses Desjardins collabore à l'étude du projet de loi menée par les membres de la commission. Le marché des dérivés est complexe, il évolue rapidement, et l'exercice auquel nous avons été conviés aujourd'hui contribuera à mieux faire connaître ce secteur d'activité alors que le Québec y occupe une place prépondérante à l'échelle nationale. Nous avons suivi avec intérêt les travaux de l'Autorité des marchés financiers qui ont mené à l'élaboration du projet de la loi n° 77, Loi sur les instruments dérivés. Nous avons d'ailleurs participé aux consultations qui ont eu lieu en 2006 et 2007.
Au Québec, les dérivés sont actuellement régis par la réglementation des valeurs mobilières. Dans le contexte de l'évolution rapide de ce secteur d'activité, il est devenu nécessaire de mettre en place une approche plus ciblée notamment en raison de la nature même des dérivés et de leurs modes de mise en marché, lesquels sont fondamentalement différents de ceux qui prévalent en valeurs mobilières. Contrairement à une valeur mobilière, un dérivé n'est ni un titre de participation dans le capital d'une entreprise ni un titre d'emprunt. C'est avant tout un instrument de gestion des risques, et il est structuré sous forme de contrat. Il s'ensuit que l'utilisation des concepts et règles empruntés aux valeurs mobilières pour réglementer les dérivés occasionne des problèmes d'application et d'interprétation. Par exemple, le concept d'émetteur ou d'émetteur assujetti, étroitement associé au secteur des valeurs mobilières, n'est d'aucune utilité dans le secteur des dérivés.
Dans ce contexte, la seule option pour permettre à l'autorité et au Québec d'accroître le développement de l'expertise acquise depuis près de 10 ans est de procéder à une mise à jour de l'encadrement des dérivés. En effet, le nouvel environnement nécessite l'introduction d'une loi distincte, inspirée des meilleures pratiques à l'échelle mondiale.
Considérant la place prépondérante du Québec dans ce secteur au Canada, nous croyons que le projet de loi doit établir un nouveau standard dont les gouvernements, régulateurs de marché et entités réglementés des autres provinces, territoires et pays pourront s'inspirer. Le regroupement récent des Bourses de Montréal et de Toronto représente un élément de premier plan à prendre en considération et qui milite en faveur de l'adoption rapide d'une législation de haut calibre. À cet égard, il est important de souligner que l'autorité a fait un travail remarquable, qui a été reconnu par de nombreux joueurs de l'industrie. Dans un contexte où la Bourse de Montréal est reconnue comme la bourse canadienne des produits dérivés, le projet de loi n° 77 affirme le leadership du Québec dans un créneau d'avenir et innove en matière de politique, de réglementation et de surveillance des marchés de dérivés au pays.
L'approche retenue par l'autorité, qui consiste en l'établissement des grands principes, s'inscrit dans la tendance que l'on observe de plus en plus aux niveaux nord-américain et international. Cette approche procure une grande flexibilité et permet de réagir promptement en s'adaptant efficacement à l'évolution des marchés. Au Royaume-Uni, par exemple, la Financial Services Authority applique 11 principes de réglementation à l'intention des entreprises, selon lesquels elles doivent notamment agir avec prudence, intégrité, compétence, soin et diligence.
Contrairement à l'approche fondée sur les règles, l'approche fondée sur les principes insiste sur le résultat de la réglementation souhaitée plutôt que sur les moyens pour l'obtenir. Ainsi, il appartient donc aux entreprises d'établir leurs propres contrôles internes de conformité pour atteindre les objectifs. Une telle approche favorise un encadrement plus efficace car les entreprises sont en meilleure position que les organismes de réglementation pour obtenir des résultats concrets sur des marchés de plus en plus complexes.
Un autre des éléments judicieux introduits par la loi concerne l'autocertification des règles et des produits dérivés par les entités. Dans ce nouvel encadrement, les projets de nouvelles règles, leur modification ou l'introduction des produits novateurs devront être déposés à l'autorité, accompagnés d'une démonstration que le projet respecte les principes de la loi. Les projets entreraient en vigueur le jour de leur dépôt à l'autorité ou à la date déterminée par l'entité. L'introduction d'un tel mécanisme contribuera à soutenir la compétitivité de la Bourse de Montréal et à accroître l'efficacité de la Corporation canadienne de compensation de produits dérivés.
Cette approche d'autocertification s'inscrit dans la logique de souplesse et de flexibilité que nous avons favorisée depuis 2006, et nous en sommes très satisfaits. Le Mouvement des caisses Desjardins estime que le projet de loi à l'étude atteint les objectifs fixés et permettra au Québec et à l'autorité de consolider leur leadership en matière d'encadrement des produits dérivés et de compensation. Il est particulièrement intéressant de constater que le modèle proposé s'inspire des meilleures pratiques au niveau international et réaffirme que le Québec continue d'être à l'avant-garde dans l'encadrement de son secteur financier.
Nous apprécions particulièrement que la souplesse et la flexibilité, dont nous avons vanté les mérites pour encadrer le secteur financier en général et le secteur des dérivés en particulier, soient au rendez-vous. Cet encadrement est fondé sur les grands principes, il prévoit l'autocertification ainsi qu'un pouvoir réglementaire élargi, il commande une communication soutenue entre le régulateur et les entités pour assurer l'équilibre entre l'intégrité du marché et la protection des investisseurs. À cet égard, l'Autorité des marchés financiers peut compter sur la collaboration du Mouvement des caisses Desjardins. Je vous remercie de votre attention, et nous sommes disposés à répondre à vos questions.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Descôteaux. Mme la ministre des Finances.
n(22 h 20)nMme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à vous trois de prendre le temps, ce soir, de venir nous rencontrer, MM. Descôteaux, Morency et M. Grimard. M. Morency est un habitué des commissions parlementaires, alors on le voit, on le connaît depuis longtemps. Maintenant, j'apprécie beaucoup, parce que je pense que, moi, ce qui me rassure en vous écoutant, c'est de voir le professionnalisme avec lequel M. St-Gelais, qui est le président de l'Autorité des marchés financiers, a géré ce dossier. Il a consulté à deux reprises, il a consulté plus de 30 groupes différents. Il a pris beaucoup de soin d'écouter, M. le Président, et je pense, aujourd'hui, si on arrive avec un projet qui suscite, je dirais, l'approbation d'à peu près tout le monde, je pense que c'est parce que le travail a été fait de façon extrêmement rigoureuse, et le travail a été fait en étant à l'écoute des gens qui sont dans ce métier... et donc de donner au Québec une place, je dirais, à l'avant-garde dans ce dénouement qui va permettre à l'Autorité des marchés financiers encore de consolider ses assises comme étant l'endroit où les produits dérivés, ça se passe, au Canada. Je pense que ça, c'est bien important.
Je voudrais savoir de votre part... Il y a plusieurs personnes... Vous mentionnez justement l'importance au niveau de la flexibilité, la capacité justement, avec cette approche basée sur des principes, de pouvoir s'ajuster à travers le temps et de pouvoir réagir promptement, rapidement pour permettre justement à la Bourse de Montréal notamment de pouvoir être à l'avant-garde, parce que ça va beaucoup aider la Bourse de Montréal en particulier, cette législation. Moi, je voulais savoir de votre part si vous avez des réserves justement par rapport à l'idée d'avoir une loi basée sur les principes et quel est le type de réglementation que vous envisagez avec une loi comme celle que nous proposons ici, à l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Paquet): M. Descôteaux.
M. Descôteaux (Jacques): M. le Président, en fait nous avons été consultés, comme je le disais, depuis deux ans, et on vante la souplesse du projet de loi. Parce que, nous aussi, au départ, nous avions certaines réserves, entre autres sur nos certificats de placement garanti, ce qui est un produit analogue à ce que les banques offrent, et, suite à nos discussions avec l'AMF, nous avons été rassurés quant à la façon que ces produits seront encadrés et réglementés. Et nous sommes persuadés que le projet de loi d'aucune façon ne vient ajouter des contraintes additionnelles sur ce type de produit. Donc, c'est un des exemples qui démontrent la souplesse du projet de loi et qui nous rassurent.
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: Comme question, je voudrais savoir: Est-ce que le secteur financier devrait permettre justement l'achat de produits dérivés pour le commerce de détail, pour le petit investisseur?
Le Président (M. Paquet): M. Descôteaux.
M. Descôteaux (Jacques): En fait, les sociétés de valeurs mobilières offrent déjà des produits dérivés aux particuliers, lesquels sont commercés par des gens qui ont la formation pour pouvoir en faire le commerce. Donc, c'est des produits qui existent déjà. Lorsqu'on se retrouve avec des certificats de placement garanti, lesquels, dans leur confection, nécessitent des produits dérivés... n'ont pas à notre sens à être encadrés ou vendus par le même type de représentant, étant donné que le capital est non seulement garanti par l'institution financière, mais l'est aussi par l'assurance-dépôts du Québec. Donc, nous croyons que les pratiques actuelles ainsi que ce qui est prévu à la loi et les règlements qui seront apportés par l'Autorité des marchés financiers conviennent parfaitement pour encadrer le marché des produits dérivés.
Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.
Mme Jérôme-Forget: M. le Président, vous allez me permettre... vous allez m'excuser, mais je veux réagir aux propos de mon collègue le député de Rousseau qui, à chaque fois qu'il y a eu quelqu'un qui venait se présenter, parlait de spéculation au niveau du pétrole. Et je vais lui donner l'opportunité, M. le Président, de lire deux articles notamment, un dans l'Economist, du mai 31, 2008, où il y a un spécialiste de ça... «Jeffrey Harris, the chief economist of the Commodity Futures Trading Commission, which regulates NYMEX and other American commodities exchanges, does not see any evidence that the growth of speculation in oil has caused the price to rise.» Je vais lui donner une autre information, M. le Président. Ça, c'est dans Le Monde du 5 juin, jeudi dernier, par le président de l'Institut français du pétrole. Et que dit le président de l'institut français? Parce qu'il va vous poser la question, alors je vais vous donner des munitions tout de suite. Le président de l'Institut français de pétrole parle... Il fait un long article sur les variations du prix du pétrole. Il arrive à ceci: «Reste la spéculation...» Que dit-il de la spéculation? «C'est le bouc émissaire idéal! Certes, elle accentue la volatilité des cours, mais elle ne détermine ni les tendances ni les niveaux de prix. C'est l'écume au-dessus des vagues: elle est d'autant plus forte que la vague est forte, mais ce n'est pas l'écume qui crée la vague.» Alors, vous comprendrez, M. le Président, que voilà deux articles...
Mais je veux simplement dire encore, à Montréal, Dominique Strauss-Kahn, du Fonds monétaire international, qui a été professeur d'économie, qui a une longue histoire bien sûr en économie, qui a été ministre des Finances en France. Et que dit Dominique Strauss-Kahn justement, également? Que le prix du pétrole actuellement, ce n'était pas dû à de la spéculation. L'a répété également M. Carney, qui est le gouverneur de la Banque du Canada. L'a répété également l'ancien gouverneur de la Banque du Canada, M. David Dodge.
Alors, il y a beaucoup de témoignages actuellement où on s'inquiète... Tous s'inquiètent du prix du baril de pétrole. Puis ce que ça semble indiquer, c'est que ça ne va pas disparaître, parce que ça semble beaucoup plus structurel que spéculatif. Et justement M. Dominique Strauss-Kahn disait, M. le Président, que, si on voulait justement... Peut-être qu'il y a des gens qui ont fait bien de l'argent, mais il y a Lehman Brothers qui est en misère, là, hein, Lehman Brothers, là. Il y en a qui ont fait de l'argent, M. le Président, mais il y en a qui en ont beaucoup perdu. Alors ça, là, ça arrive, là. Des fois, on fait de l'argent, mais des fois on en perd, hein? Bear Stearns, là, eux autres, ils ont été rescapés justement par le gouvernement américain. Vous avez eu également... Il y a des gens qui ont fait bien de l'argent, M. le Président, en investissant dans des secteurs à risque. George Soros, c'en est un exemple. George Soros, c'en est un exemple. Peter Munk, avec l'or, c'en est un exemple. Mais il y en a qui ont perdu beaucoup. Il y en a qui ont perdu leur chemise en faisant ça, également.
Évidemment, c'est ça. Est-ce que c'est de la manipulation de marché ou si c'est de la spéculation tout court? Je pense que c'est de la spéculation comme on fait sur les marchés quand on achète des produits, puis que tout à coup on a acheté un produit à tel prix, puis on se ramasse, puis tout à coup ça vaut 0,05 $, là. Ça aussi, il y a du monde qui ont connu ça.
Alors, je voulais juste vous donner des munitions parce qu'il va vous poser la question. Alors, M. le Président, je vais laisser à mon collègue le soin de poser les autres questions, à moins que mes collègues aient des questions?
Le Président (M. Paquet): Alors, vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Arcand: J'en aurais peut-être une, M. le Président.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Mont-Royal.
M. Arcand: Merci, M. le Président. Le Mouvement Desjardins est probablement, par rapport à toutes les banques, là, ceux qui sont possiblement le plus près évidemment du petit épargnant comme tel. Est-ce que vous ne voyez pas actuellement, dans l'état très faible des taux d'intérêt... Les taux d'intérêt, je pense, ils ont encore baissé ou...
Mme Jérôme-Forget: Ils ont été stables.
M. Arcand: Ils ont été stables, là, mais les gens s'attendaient même à ce que ça baisse. Finalement, ça a été stable, mais quand même les taux sont quand même relativement bas. Est-ce qu'il n'y a pas actuellement une multitude justement de produits financiers qui s'offrent aux petits épargnants, des produits pour essayer de jouer un peu avec le marché et faire en sorte, là, qu'on peut vous offrir du 5 %, du 6 %, du 7 %, là, et... Est-ce qu'il n'y a pas une demande plus forte à ce niveau-là?
Le Président (M. Paquet): M. Descôteaux.
M. Descôteaux (Jacques): En fait, depuis le début de la crise de l'été dernier, on a vu un retour à l'épargne plus traditionnelle, en fait à l'épargne bilan, au Mouvement Desjardins. Et les produits à capital garanti ont encore une fois connu un fort engouement, alors qu'on peut, par ces produits, profiter de la hausse de la Bourse, si elle devait arriver, mais tout en préservant son capital. Mais il y a d'autres produits, qui vont varier ou dont le rendement va varier avec le cours des matières premières, qui ont connu, eux aussi, un certain engouement. Mais, non, on n'a pas réussi à offrir 7 % lorsque les taux sont au niveau actuel.
M. Arcand: O.K. Merci.
Le Président (M. Paquet): Merci. Alors, M. le député de Chauveau.
n(22 h 30)nM. Taillon: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci beaucoup, messieurs, de votre présence à une heure aussi tardive. Vous êtes bien gentils d'être là.
Vous avez parlé... puis vous avez bien concilié, M. Descôteaux, nos deux grandes préoccupations, dans le fond. Puis c'est un peu pour ça qu'on tient la commission: souplesse et flexibilité pour les intervenants du marché, mais aussi protection du public et des investisseurs contre les manipulateurs. Qu'est-ce qui, dans le projet, pour vous, là, va assurer cette protection-là? Du côté souplesse, tout ça, donc c'est assez clair pour moi, mais, du côté de la protection du public contre les manipulateurs, qu'est-ce qui vous apparaît excellent dans ce projet de loi là? Qu'est-ce que vous feriez ressortir comme caractéristique principale?
Le Président (M. Paquet): M. Descôteaux.
M. Descôteaux (Jacques): On est persuadés que les pouvoirs qui seront dévolus à l'Autorité des marchés financiers feront en sorte qu'ils auront les moyens de contrer la manipulation de marchés si tel devait être le cas. Et la souplesse fait en sorte que l'Autorité des marchés va pouvoir adapter ses règlements en fonction des nouveaux contextes qui prévaudront dans le marché.
M. Morency (Yves): Si vous me permettez.
Le Président (M. Paquet): Oui, M. Morency.
M. Morency (Yves): J'ajouterais également qu'ici, au Québec, on est choyés, parce que l'Autorité des marchés financiers couvre l'ensemble des produits et services financiers, de sorte qu'elle peut appliquer une réglementation ou ajuster la réglementation qui fait en sorte quand même qu'à la fois le consommateur ou l'épargnant est bien protégé, que le marché tire son épingle du jeu, que la Bourse de Montréal puisse offrir une capacité par rapport aux produits dérivés. Je pense qu'on a atteint un bel équilibre dans lequel l'autorité, encore plus ici, on vient de lui donner des pouvoirs d'intervention. Et, avec la rapidité avec laquelle les marchés évoluent, et notamment les produits dérivés, l'Autorité des marchés financiers, par le type de réglementation, le type de pouvoir qu'on lui donne, va pouvoir s'ajuster rapidement et non pas attendre un an, six mois ou un an et demi avant de réagir. Et ça, je pense quand même que c'est un élément assez novateur et promoteur qui va faire en sorte qu'ici quand même on a les garanties nécessaires pour que le marché puisse se développer, tout en protégeant adéquatement l'ensemble des investisseurs et des consommateurs.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Chauveau.
M. Taillon: Oui, merci, M. le Président. Vous avez parlé, M. Descôteaux, et ça, c'est intéressant, je pense que la ministre l'avait souligné, mais vous avez insisté à deux ou trois reprises dans votre présentation, vous dites dans le fond que ce projet de loi là est à l'aune, là, des meilleures pratiques internationales. Vous avez parlé du Royaume-Uni comme «benchmark», tu sais. Avez-vous d'autres exemples, là, de pays qui ont pu nous inspirer ou qui ont inspiré l'AMF dans la préparation de ce projet de loi là, après vous avoir consultés?
Le Président (M. Paquet): M. Descôteaux.
M. Descôteaux (Jacques): Non, je n'ai pas la liste des pays avec moi, mais ça me fera plaisir de vous l'envoyer...
M. Taillon: Non, mais ceux qui sont le plus...
M. Descôteaux (Jacques): Mis à part évidemment les États-Unis. Mais, si vous me permettez, j'aimerais revenir sur les produits dérivés et l'usage qu'on en fait au Mouvement Desjardins. En fait, au Mouvement Desjardins, on se sert des produits dérivés avant tout pour diminuer nos risques, nos risques de marché. On en a pour plus de 100 milliards qu'on gère sur une base quotidienne, et ce n'est pas pour augmenter le risque. Souvent, on fait une adéquation entre les produits dérivés, la spéculation et une augmentation du risque, alors que l'utilisation dont on fait des produits dérivés, c'est pour stabiliser la marge bénéficiaire du Mouvement et protéger le capital de nos membres, et c'est avant tout pour diminuer les risques et non pas pour les augmenter. Au fil des ans, lorsqu'on a évoqué le mot «produits dérivés», d'emblée on lui a attaché le mot «spéculation», alors que ce n'est pas du tout le cas. C'est vraiment pour la gestion rigoureuse de nos risques de marché qu'on se sert des produits dérivés.
J'aimerais, si vous permettez, vous donner un exemple que j'ai vécu au mois de janvier dernier, en pleine tourmente financière, où, le Mouvement Desjardins, on a dû aller emprunter 750 millions d'euros sur le marché en Europe parce que les marchés étaient fermés. On ne pouvait pas emprunter sur les marchés et on voulait s'assurer d'avoir un approvisionnement à terme, donc pour un terme de trois ans. Si on n'avait pas eu l'usage des produits dérivés, on aurait eu 750 millions d'euros qui auraient porté un taux d'intérêt dicté par la Banque centrale européenne.
Donc, ce qu'on a fait, c'est: on a fait des produits dérivés pour convertir le spot. Le 750 millions d'euros, on l'a converti immédiatement en dollars canadiens, mais on s'est assurés aussi par les produits dérivés de le convertir dans trois ans et de déterminer, aujourd'hui, le taux auquel il devait être converti. On a aussi échangé les taux d'intérêt qui sont européens contre des taux d'intérêt canadiens. On s'est retrouvés ultimement avec un risque de contrepartie, un risque qui, lui aussi, est encadré par l'ISDA, dont mes collègues banquiers ont parlé, ainsi que du Credit Support Annex, qui fait en sorte qu'à tous les jours on calcule la valeur marchande de tous nos produits dérivés avec nos contreparties, et on échange des capitaux afin de diminuer le risque de contrepartie. Donc, je voudrais juste réitérer le fait que, les produits dérivés, on ne s'en sert pas pour augmenter le risque mais vraiment pour diminuer le risque et s'assurer de stabiliser la marge et l'état des résultats du Mouvement Desjardins.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Taillon: Est-ce que, M. le Président, vous avez les mêmes commentaires que vos collègues banquiers? Je sais que vous n'êtes pas une banque, là, mais, disons, vos collègues apparentés...
Une voix: ...
M. Taillon: ... ? oui, c'est ça ? par rapport aux commentaires qu'ils ont faits? Est-ce que vous partagez ces commentaires-là ou si pour vous c'est moins important?
Le Président (M. Paquet): M. Descôteaux.
M. Descôteaux (Jacques): En fait, pour le Mouvement Desjardins, on est tout à fait rassurés suite aux discussions qu'on a eues avec l'Autorité des marchés financiers et on est très à l'aise avec le projet de loi.
M. Taillon: Le projet de loi tel qu'il est. Vous avez mentionné, le Pr Guimond l'a fait aussi... Merci, M. le Président, il me reste encore un petit peu de temps? Oui.
Le Président (M. Paquet): Oui.
M. Taillon: Oui. Vous avez mentionné dans le fond que le succès ou la réussite de cette loi-là tient beaucoup à la qualité puis à la capacité de l'AMF, dans le fond, hein? Vous dites que c'est là que réside, dans le fond, l'assurance que cette loi-là va fonctionner. Est-ce que vous croyez que l'AMF actuellement, vous qui transigez avec eux souvent, a les ressources suffisantes en quantité puis en qualité pour faire en sorte que cette loi-là s'applique correctement dans un mois ou deux?
Le Président (M. Paquet): M. Descôteaux.
M. Descôteaux (Jacques): Nous sommes persuadés de la qualité des ressources de l'AMF. À savoir s'ils devraient en avoir davantage, ce serait peut-être à eux de leur demander.
Le Président (M. Paquet): M. le député.
M. Taillon: Mais votre perception à vous, là...
M. Descôteaux (Jacques): Que c'est des gens de qualité.
M. Taillon: O.K. Et qu'ils sont en mesure de faire leur travail.
M. Descôteaux (Jacques): Tout à fait.
M. Taillon: O.K. Merci.
Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Rousseau.
M. Legault: Oui, merci, M. le Président. Bien, je voudrais à mon tour répondre à la ministre des Finances. D'abord, je me joins à elle pour féliciter, moi aussi, M. St-Gelais, le président de l'Autorité des marchés financiers, qui a fait un très bon travail. Je voudrais saluer les gens chez Desjardins: M. Descôteaux, M. Morency, M. Grimard. Merci d'être ici.
Donc, oui, la ministre des Finances me lit bien en vous disant que je veux vous parler de spéculation, et elle me donnait deux articles... Je pourrais lui en donner plusieurs, mais je vais lui en donner deux puis, en même temps, peut-être lire quelques passages. D'abord, un article de RFI, donc publié le 4 juin 2008, où on dit: «En un an, le prix du baril de pétrole a doublé. [...]La spéculation aurait [...] joué un rôle important dans cette flambée. Les autorités américaines soupçonnent même qu'il y [a] eu manipulation des cours du pétrole par certains spéculateurs.» Et on dit: «Les traders ne sont décidément pas en odeur de sainteté en ce moment aux États-Unis.
«La CFTC, [donc l'équivalent de] l'agence de régulation des marchés des matières premières, annonce avoir lancé ? donc on parle du 4 juin, il y a quelques jours ? une vaste enquête sur les marchés de l'énergie.
«Une enquête dont l'agence n'a pas révélé les détails mais qui vise à déterminer s'il y a eu manipulations des prix sur les marchés américains.» Et on dit: «La CFTC suspecte certaines compagnies pétrolières ainsi que des traders de s'être servis du système de cotation pour s'enrichir.» Et là on dit aussi que «de son côté, le Congrès américain annonce lui aussi avoir entamé une série d'auditions [...] des responsables des grands groupes pétroliers».
Deuxième article ? puisque la ministre en citait deux, moi aussi, je vais lui en citer un deuxième ? sur le site de Radio-Canada, aujourd'hui, le titre: Le pétrole fait la fortune des spéculateurs. Et on dit: «Il est intéressant de noter que les grandes banques d'affaires telles [que] Goldman Sachs [et] Morgan Stanley, en prédisant des hausses fulgurantes à court terme du prix du pétrole, contribuent justement, en raison de leurs influences sur les marchés, à faire grimper ces mêmes prix.
«Et il est encore plus intéressant de noter, sachant cela, que ces mêmes banques d'affaires ne sont pas que des observateurs neutres du secteur pétrolier mais des joueurs majeurs qui engrangent des millions à chaque fois que le baril franchit un nouveau record.» Et c'est là ce que je disais tantôt, on dit: «...un comité sénatorial américain chargé de se pencher sur l'impact de la spéculation sur le prix du brut a estimé que Goldman Sachs et Morgan Stanley ont chacune d'entre elles réalisé [...] des profits d'environ 1,5 milliard de dollars pour leurs seules activités de spéculation énergétique.»n(22 h 40)n Et, bon, ensuite, on parle d'un trader qui, lui, a fait 700 %, là, qui est M. Pickens. Il a fait 1,5 milliard, lui seul, dans un fonds d'investissement qui s'appelle BP Capital. Donc, mon inquiétude, c'est... Effectivement, là, il y a des articles, il y en avait un autre qu'on voyait tantôt, aussi sur Radio-Canada, où les producteurs des pays exportateurs de pétrole disent: Non, non, non, c'est faux qu'il y a un problème d'offre, puisqu'il n'y a pas de file d'attente dans les stations-services, c'est vraiment de la spéculation.
Tout ça pour dire qu'effectivement actuellement il y a, via les produits dérivés, possiblement... Moi aussi, là, je ne suis pas assez spécialiste. Il y a des gens qui nous disent: Oui, il y a de la spéculation; il y en a d'autres qui nous disent: Non, il n'y a pas de spéculation; mais, à partir du moment où il y a un risque qu'il y ait spéculation, bon, quand on voit un comité sénatorial, quand on voit le Congrès américain se pencher là-dessus, je pense que c'est normal que, nous aussi, on se dise: Est-ce qu'actuellement le marché des produits dérivés n'est pas, à certaines places, un peu contrôlé par certaines grandes institutions?
Donc, je voudrais vous entendre sur le fait que, bon, ces produits dérivés, qui étaient à l'origine surtout utilisés pour réduire les risques avec des opérations de couverture, se transforment peut-être en instruments de spéculation. Est-ce qu'il n'y a pas un risque? Est-ce que vous voyez un risque de ce côté-là?
Le Président (M. Paquet): M. Descôteaux.
M. Descôteaux (Jacques): En fait, ce qu'on réprouve, c'est la manipulation. En ce qui a trait à la spéculation, on croit, nous aussi, tout comme le professeur qui nous précédait, que ce sont des intervenants nécessaires à la liquidité des marchés. Il est vrai qu'il y a des grandes banques qui ont fait beaucoup de profits sur les cours du pétrole, mais je peux vous dire que, dans la dernière année, ils ont perdu beaucoup d'argent sur les produits dérivés aussi.
Desjardins, on a 100 milliards, plus de 100 milliards de produits dérivés dans nos livres. On considère qu'on est un petit joueur sur l'échelle planétaire et néanmoins on ne croit pas jamais avoir souffert de manipulation de cours de marché sur les produits dérivés. Donc, on n'a pas une inquiétude particulière à l'égard de la spéculation, mais on réitère qu'on réprouve la manipulation.
M. Legault: Mais j'aimerais vous entendre, et c'est ma dernière question, là: Est-ce que vous croyez, puis je ne veux pas que vous engagiez Desjardins là-dedans, juste à titre personnel, est-ce que vous croyez qu'aujourd'hui le prix du baril de pétrole, il y a une partie du prix qui vient de la spéculation ou vous pensez que c'est vraiment un prix, là, qui est fondé sur l'offre et la demande et puis sur un calcul fondamental?
M. Descôteaux (Jacques): Je ne le sais pas puis je ne le sais pas, s'il n'y a pas autant de spéculateurs qui aujourd'hui sont en train de perdre de l'argent comme certaines banques canadiennes en ont perdu en spéculant sur d'autres produits dérivés liés à l'énergie. Je ne sais pas si en ce moment les spéculateurs ne perdent pas plus que ce que qu'autres gagnent. Donc, je n'ai malheureusement pas la réponse à votre question.
Le Président (M. Paquet): M. Morency.
M. Morency (Yves): J'aimerais juste compléter, qu'on entend aussi des gens nous dire, puis parmi même nos amis banquiers, que le cours du pétrole pourrait être ramené à 100 $, d'autres, 80 $. Donc, il y a quand même des fluctuations qui peuvent jouer dans un côté ou comme de l'autre. Donc, les gagnants, peut-être, d'aujourd'hui seront les grands perdants demain. Alors, ce n'est pas évident de parler qu'il y a une spéculation à outrance dans le marché actuel. Mais il y a beaucoup de monde aussi que ça les inquiète, c'est certain, hein? Ça nous touche tous et chacun.
Je ne sais pas si vous avez vu, ce matin, dans La Presse, on parlait comment est-ce que ça va coûter de plus à une personne qui réside à Brossard, à l'île... pas à l'île, mais du côté de Laval versus Repentigny. C'est quand même important. Ça ne touche pas uniquement à ma pensée philosophique, mais ça touche à mon portefeuille. Donc, je pense quand même qu'il y a un petit peu de tout ça.
Mais, tout à l'heure, vous mentionniez que déjà il y a des mécanismes dans les marchés. Si... Aux États-Unis, pour des raisons x, y, il y a quand même des organismes qui s'en occupent, ce qui veut dire, hein, qu'on ne laisse pas aller à tout crin une situation qui pourrait être néfaste. Donc, il y a des mécanismes, et la loi qu'on se donne ici fait partie des ces mécanismes-là qui vont faire en sorte qu'à tout le moins on aura une réglementation sur les produits dérivés, alors qu'on n'en avait pas à venir jusqu'à date. Je prends, encore là... Tout à l'heure, je parlais que le Québec est novateur, mais ce n'est pas la première fois qu'au Canada le Québec fait preuve d'innovation dans son secteur financier, ne serait-ce qu'en ayant permis la déréglementation, la déréglementation de la distribution, ce que même, au Canada, ils n'ont pas, hein? On est un des rares pays maintenant à ne pas offrir de banque-assurance.
Nous, chez nous, on est nobles, on dit «de la caisse-assurance», mais on est à peu près la seule province... une autorité réglementaire qui couvre l'ensemble des produits et services financiers. Et, aujourd'hui, avec les produits dérivés, je pense quand même que, là-dessus, la malversation, on ne pourra pas quand même y échapper. Il y a toujours des gens qui peuvent le faire, mais, à tout le moins, quand même, je pense qu'on s'est donné des morceaux pour éviter, dans la mesure du possible, ces écarts-là ou ces écarts de conduite que pourraient avoir certaines institutions.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, je remercie M. Descôteaux, M. Morency et M. Grimard pour votre participation.
J'ajourne les travaux sine die.
(Fin de la séance à 22 h 46)