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Version finale

38e législature, 1re session
(8 mai 2007 au 5 novembre 2008)

Le mercredi 7 mai 2008 - Vol. 40 N° 37

Consultations particulières concernant le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme et du Code de déontologie des lobbyistes


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare ouverte la séance de la Commission des finances publiques. Je rappelle à nouveau à toutes les personnes présentes dans la salle de bien s'assurer d'avoir éteint la sonnerie de leurs téléphones cellulaires pour ne pas perturber nos travaux.

Nous sommes réunis afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le document intitulé Rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme et du Code de déontologie des lobbyistes.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. L'Écuyer (Saint-Hyacinthe) remplace M. Taillon (Chauveau) pour la durée du mandat et M. Bédard (Chicoutimi) remplace M. Legault (Rousseau) pour la durée du mandat également.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, je vous fais d'abord lecture de l'ordre du jour pour cette journée. Donc, nous recevrons d'abord les représentants du Collège des médecins du Québec, suivis par la suite du Conseil interprofessionnel du Québec et enfin de Mme Martine Hébert, présidente, Communication et affaires publiques inc., à 11 h 30; cet après-midi, après les affaires courantes, nous poursuivrons avec HKDP Communications et affaires publiques, le Barreau du Québec, et finalement la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, et le Réseau québécois de l'action communautaire autonome (RQACA), et le Groupe des 13.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, d'abord je souhaite la bienvenue au Dr Yves Lamontagne et au Dr Yves Robert, pour le Collège des médecins du Québec, pour participer à nos travaux et je vous cède la parole pour 15 minutes.

Collège des médecins du Québec (CMQ)

M. Lamontagne (Yves): Merci, M. le Président. M. le Président, Mmes, MM. les parlementaires, avec le Dr Robert, ce matin, on va discuter avec vous, et d'abord je vais vous présenter notre mémoire.

Vous savez, le 3 mars dernier, le Commissaire au lobbyisme a rendu public son rapport sur la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. En 2007, en octobre 2007, le ministre de la Justice avait, lui aussi, déposé son rapport sur cette loi devant l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, nous commenterons principalement le champ d'application de la loi et donnerons des précisions qu'il nous apparaîtrait important d'apporter dans la définition opérationnelle du terme «lobbyisme», notamment pour vérifier que la mission de protection du public qui est confiée aux ordres professionnels par le Code des professions du Québec s'inscrit bel et bien dans l'objectif poursuivi par cette loi. Nous voulons attirer votre attention sur cette concordance d'objectifs avant que les ordres professionnels où l'activité associative est inexistante, comme le nôtre, puisque ce mandat est confié aux fédérations médicales, s'assu... s'assu... oh! s'assujettissent ? il n'est pas si de bonne heure que ça, pourtant ? ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lamontagne (Yves): ...aux dispositions de la loi. Avant d'aborder ces commentaires et ces précisions, nous croyons opportun de rappeler quelques éléments historiques qui ont entouré l'adoption du projet de loi n° 80 par l'Assemblée nationale au printemps 2002.

Alors, vous le savez, dès le dépôt, en avril 2002, de ce projet de loi, les ordres professionnels se sont enquis, auprès du ministre de la Justice, de leur assujettissement à ces dispositions et à plusieurs reprises ils ont reçu l'assurance qu'ils n'y seraient pas assujettis. En mai 2002, lors de l'assemblée générale annuelle du Conseil interprofessionnel du Québec, le ministre de la Justice avait même déclaré au cours du déjeuner, et je cite: «Quant aux ordres eux-mêmes, je tiens à souligner que leurs officiers et leur personnel ne [seront] pas considérés comme lobbyistes au sens du projet de loi, malgré le fait qu'une partie importante de leurs fonctions consiste à faire des représentations auprès des autorités gouvernementales concernant la législation, la réglementation ou les politiques applicables dans leurs champs d'activité.» Bien sûr, en raison de ces représentations du ministre et des réponses obtenues eu égard à leurs inquiétudes, les ordres, à ce moment-là, n'ont pas fait de représentations lors des consultations publiques qui ont précédé l'adoption de ce projet de loi.

Au cours de mai 2002, plusieurs consultations ont eu lieu, et on a même envisagé, à ce moment-là, d'assujettir totalement les ordres professionnels à toutes ses exigences. Finalement, la loi a été adoptée un peu en catastrophe, avant le congé estival, le 13 juin 2002, sans le bénéfice bien sûr sérieux d'une évaluation de tous ses impacts, notamment sur les ordres professionnels. Notons que le législateur, reconnaissant la mission particulière des ordres professionnels, avait explicitement intégré dans la loi des exclusions qui les concernaient.

Alors, depuis l'entrée en vigueur de la loi, plusieurs ordres professionnels, dont le nôtre évidemment, compte tenu des propos du ministre de la Justice de l'époque et des dispositions d'exclusion qui étaient prévues dans la loi, sont dans une situation difficile et pour le moins ambiguë quant aux applications qu'elle impose et qu'elle soustrait en même temps. Cette ambiguïté nous met dans une situation difficile, d'autant plus que la définition de «lobbyisme», visant des intérêts particuliers, nous semble en contradiction avec le mandat de protection du public qui nous est confié et qui ne vise pas selon nous des intérêts particuliers. Si au départ le Commissaire au lobbyisme et ses collaborateurs se sont montrés compréhensifs à l'égard de la situation de flottement dans laquelle nous nous trouvions, il n'en demeure pas moins que le Commissaire a de moins en moins de raisons de ne pas porter attention au fait que plusieurs ordres professionnels ne sont toujours pas inscrits au Registre des lobbyistes. D'ailleurs, depuis 2005, le Commissaire fait état, dans ses rapports, de ses inquiétudes quant à la situation actuelle en regard de la crédibilité de la loi et des institutions que sont le Commissaire et les ordres professionnels.

n (9 h 40) n

Actuellement, aux yeux de la loi, les lobbyistes d'organisation sont compris comme les personnes dont l'emploi ou la fonction consiste à mener des activités de lobbyisme pour les organisations poursuivant des finalités financières ou professionnelles. Ainsi, les activités du principal dirigeant d'un ordre sont considérées comme du lobbyisme d'organisation si elles ont pour but d'influencer la prise de décision d'un titulaire de charge publique en ce qui a trait, entre autres, à une proposition législative ou réglementaire, à une résolution, à une orientation, à un programme ou à un plan d'action. Dans ces situations, le président d'un ordre sera tenu de déclarer ses activités au Registre des lobbyistes.

Par contre, le paragraphe 8° de l'article 5 de la loi considère que les représentations faites auprès du ministre responsable de l'application des lois professionnelles, soit le ministre de la Justice, ou de l'Office des professions et portant sur la législation et la réglementation professionnelles ne sont pas des activités visées par la loi. Concrètement, plusieurs activités des ordres professionnels sont donc exemptées de l'application de celle-ci, et je vous en donne des exemples: les représentations qui sont faites auprès du ministre de la Justice, qui est responsable des ordres professionnels; les représentations faites auprès de l'Office des professions; celles concernant le Code des professions, la loi particulière de l'ordre et ses règlements; les représentations qui sont faites dans le cadre d'une commission parlementaire; celles qui sont faites dans un cadre public; celles qui sont faites en réponse à une demande; et finalement celles qui sont faites dans le cadre d'un groupe de travail ou d'un comité avec le gouvernement.

Le Commissaire estime que de nombreux membres d'ordre professionnel ne s'identifient pas spontanément comme lobbyistes, même si certaines de leurs interventions auprès des institutions suggèrent qu'ils soient reconnus comme tels. De plus, dans un communiqué diffusé le 3 mars 2008, le Commissaire bien sûr reproche le manque d'implication des ordres professionnels et souligne que les ordres professionnels devraient se comporter ? entre guillemets ? «de façon exemplaire quant au respect de la loi, en ce qui concerne les activités de lobbyisme qu'ils font auprès des corps publics» ? fermez les guillemets.

Donc, toujours en date du 8 avril, moins de la moitié des ordres professionnels étaient inscrits au Registre des lobbyistes, et, sous chacune de ces inscriptions, on dénombre très peu de mandats. Nous vous invitons d'ailleurs à prendre connaissance des inscriptions qui sont faites au registre par les ordres professionnels, et vous allez pouvoir constater que ces inscriptions, pour la grande majorité, sont exclues de l'application de la loi. Alors, où on les inscrit si elles sont exclues? Exemple, le Barreau a marqué dedans que les représentations faites auprès du ministre de la Justice... Bien oui, c'est celui de qui on dépend. Ça ne va même pas là-dedans. Alors, dans ce sens-là, c'est un peu difficile à suivre. À titre d'illustration, on y retrouve des activités d'un ordre auprès de l'Office des professions, un autre exemple. Bien, c'est évident, on dépend de l'Office des professions. Il n'y a pas de lobbyisme là-dedans.

Le Collège des médecins donc ne peut que constater que les inscriptions et les mandats des ordres professionnels démontrent une mauvaise compréhension des dispositions applicables. Cette situation se comprend facilement, compte tenu de la nature même des ordres professionnels et de la confusion du régime d'exemption applicable aux ordres. Nous ne pouvons que déplorer que l'assujettissement de certains ordres ne se soit avéré dans les faits qu'une formalité sans réel suivi et sans aucune rigueur dans son application. Le collège n'entend pas faire illusion en s'assujettissant pour la forme tout en omettant de signaler les liens de partenariat qui l'unissent, aux fins de la protection du public, à une multitude de personnes et d'associations publiques et parapubliques.

Faire des représentations au nom de la protection du public, au sens de l'article 23 du Code des professions, c'est le quotidien du Collège des médecins du Québec. Vous comprendrez que, dans cette perspective, nos représentations gouvernementales se font, dans la très grande majorité des cas, devant le ministre de la Santé et non pas le ministre de la Justice et ont pour objet des interventions qui touchent la qualité des soins médicaux.

Alors, questions: Est-ce qu'on doit enregistrer comme une activité de lobbyisme des recommandations visant la mise en place de contrôles de la qualité dans l'application du Programme québécois de dépistage du cancer du sein? Est-ce qu'on doit enregistrer comme une activité de lobbyisme de porter à l'attention du ministre l'effet sur les soins de santé d'une population lors d'un conflit médicoadministratif dans un établissement hospitalier? Est-ce qu'on doit enregistrer comme activités de lobbyisme toutes les dispositions, qui sont prévues par les lois, qui obligent le ministre à consulter le bureau de notre ordre pour déterminer telle liste d'activités, telle liste de maladies ou telles opinions ou avis avant d'adopter une loi ou un règlement?

Dans ce dernier cas, nous n'irions pas jusqu'à dire que le ministre lui-même est tenu légalement d'effectuer une forme de lobbyisme à notre endroit. Pourquoi en serait-il différemment lorsque nous émettons, nous, des avis au ministre, comme nous sommes légalement tenus de le faire par le Code des professions et par la Loi médicale? Alors, pourquoi dans notre cas s'agirait-il de lobbyisme? Vous comprenez bien sûr notre malaise si vous concluez comme nous qu'il ne s'agit pas là d'activités de lobbyisme. Or, ce sont ces activités qui occupent la totalité de notre mission.

Le collège désire attirer votre attention sur l'article 15 de la Loi médicale. Cette disposition édicte que le bureau ? conseil d'administration à partir de maintenant ? de l'ordre «donne avis au ministre de la Santé et des Services sociaux sur la qualité des soins [...] fournis dans les centres exploités par les établissements et sur les normes à suivre pour relever le niveau de la qualité des soins» et, deuxièmement, «donne avis au ministre de la Santé et des Services sociaux, de sa propre initiative ou sur demande de celui-ci, sur la qualité et la sécurité des traitements médicaux spécialisés effectués dans un centre médical spécialisé de même que [...] les normes à suivre pour relever le niveau de qualité et de sécurité de ces traitements».

Par ailleurs, et dans le même sens, et d'une façon plus générale, il nous apparaît utile de vous souligner que l'article 36 du projet de loi n° 75, qui est la Loi modifiant le Code des professions, actuellement à l'étude à l'Assemblée nationale, prévoit que les ordres, en fait les conseils d'administration des ordres peuvent donner tout avis qu'ils jugent utile au ministre de la Justice, bien sûr, à l'Office des professions, au Conseil interdisciplinaire du Québec, le CIQ, aux établissements d'enseignement ou à toute personne ou organisme qu'ils jugent à propos.

Maintenant, les motifs d'exclusion des ordres professionnels. Évidemment, tout en reconnaissant les bénéfices qu'apporte une loi sur la transparence en matière de lobbyisme ? ça, on est d'accord avec ça ? le collège est d'avis que l'assujettissement des ordres professionnels à la loi dans leur mission de protection du public est contraire à la nature même de ces organismes. Nous reconnaissons toutefois que certains ordres puissent effectuer des activités à caractère associatif, car ils représentent parfois l'intérêt de leurs membres, ceci pouvant représenter bien sûr un caractère privé. Peut-être y aurait-il une place pour une application de la loi à géométrie variable pour couvrir ces situations à caractère associatif.

Cette position du collège n'est d'ailleurs pas nouvelle. Dès 2005, dans le cadre de l'assemblée des membres du CIQ, je manifestais personnellement mon inquiétude face à une telle législation et ma crainte que son application soit confuse. J'avais d'ailleurs proposé la résolution suivante, qui avait été adoptée à l'unanimité par les membres du CIQ, où ça disait: «Que le Conseil interprofessionnel demande au ministre de la Justice, également responsable de l'application des lois professionnelles, l'exclusion des ordres professionnels et du conseil de l'application de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. Le comité administratif du conseil développera des moyens appropriés d'intervention auprès du ministre et de mobilisation des ordres en soutien à la demande.» J'ai d'ailleurs réitéré ma position de façon très claire auprès du Commissaire au lobbyisme lors d'une rencontre qui avait été tenue à notre siège social. Et vous verrez aujourd'hui, dans le mémoire du CIQ, qu'une autre proposition avait été passée, qui avait modulé la mienne de 2005, lors de l'assemblée du 7 décembre 2007. Les gens du CIQ vous la rapporteront tantôt.

Donc, vous voyez, la fonction des ordres professionnels, qui est énoncée à l'article 23 du Code des professions, c'est d'abord et avant tout d'assurer la sécurité du public. Si l'État, d'un côté, a cru bon de créer les ordres professionnels et de leur confier des fonctions de protection du public, selon nous il ne doit pas, de l'autre côté, les assujettir aux exigences de la loi au même titre que les entités à finalité privée.

L'assujettissement complet des ordres professionnels à cette loi aurait certainement des effets pervers et enverrait le message que les interventions des ordres professionnels auprès du gouvernement sont faites dans le dessein d'avantager leurs membres. Or, vous le savez, que ce n'est pas le but des ordres professionnels, c'est d'abord et avant tout la protection du public, même si c'est les membres qui paient les gens qui travaillent dans les ordres. Si une éducation reste toujours à faire à l'égard de la perception négative que plusieurs entretiennent à l'égard du lobbyisme, je dois vous dire que c'est aussi vrai en ce qui concerne la mission des ordres professionnels. Moi-même, comme plusieurs de mes collègues qui sont présidents d'autres ordres, on doit combattre, à tous les jours, la perception que les ordres professionnels sont corporatistes. Vous conviendrez avec moi que de nous assujettir à la loi sur le lobbyisme ne serait certainement pas de nature à faciliter notre travail visant à confirmer notre mission de protection du public.

n (9 h 50) n

Le collège est convaincu que l'assujettissement à la loi est susceptible d'alimenter cette perception erronée du public à l'égard des ordres professionnels et de leur finalité et de semer une confusion encore plus grande tant parmi les membres des ordres que le grand public. Il nous apparaît donc beaucoup plus constructif de renforcer le seul bon et vrai message tant auprès des professionnels que du public, à savoir: les rapports des ordres professionnels avec l'appareil gouvernemental n'ont qu'un seul et même but: la protection du public.

Les ordres professionnels sont des créatures hybrides, à la fois délégataires de l'État eu égard au contrôle de l'exercice d'une profession mais subventionnés par la cotisation annuelle de leurs membres professionnels. Cette dualité a maintes fois causé des difficultés d'interprétation et d'application des lois. Mentionnons, pour ne citer que celles-ci, les lois d'accès et de protection des renseignements personnels. Il y a un peu moins d'une année, les ordres professionnels se voyaient assujettir à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et la protection des renseignements personnels, mais du même souffle le législateur assujettissait les ordres au régime de protection des renseignements personnels du secteur privé en raison de leur nature spécifique. Sans vouloir prétendre s'exprimer au nom des 25 ordres de la santé, le collège est informé que la très grande majorité de ces ordres, notamment l'Ordre des infirmiers et infirmières du Québec, partagent notre position relativement à l'élargissement de la liste des activités non visées par l'application de la loi.

Contrairement à d'autres ordres professionnels qui sont appelés à représenter l'ensemble de leurs membres ou de certains groupes d'entre eux dans le cadre des négociations de différentes tarifications, les ordres de la santé, et ce, de façon générale, et le Collège des médecins, d'une façon particulière, ne se sont jamais immiscés dans les divers débats ou discussions concernant les représentations des membres des fédérations de médecins ou de résidents en médecine. Au contraire, dans ce type de dossier, le collège a toujours rappelé son rôle et sa mission première en pareille matière, soit le respect des normes déontologiques auxquelles il est assujetti.

En conclusion, le Collège des médecins du Québec est d'avis, premièrement, qu'il faut élargir la liste des activités non visées par l'application de la loi pour y inclure les ordres professionnels en raison du mandat de protection du public qui requiert des ordres des représentations auprès d'une diversité de titulaires de charges publiques, dépassant le seul cadre de relations avec le ministre responsable et l'Office des professions, et, deuxièmement, qu'il faut proposer, aux fins d'élargissement de la liste des activités non visées, un amendement au Règlement relatif au champ d'application de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme afin d'exclure de l'application de la loi toutes les activités visant la protection du public et le contrôle de l'exercice d'une profession, le Collège des médecins ayant comme principale fonction d'assurer la protection du public.

Au nom du conseil d'administration du Collège des médecins du Québec, donc je vous réitère notre disponibilité pour discussion sur les avenues de solution et je vous remercie de nous avoir permis de nous faire entendre. Et Dr Robert et moi sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Dr Lamontagne. Merci, Dr Lamontagne. Vous faites référence, et les discussions qu'on a avec les... Depuis nos auditions, depuis la semaine dernière, il y a une portée parfois où les gens veulent: Bien, écoutez, oui, on est tous pour la transparence, mais, nous, dans le fond, ce n'est pas grave, ce qu'on fait, parce que c'est dans l'intérêt public, et ce débat-là, intérêt public versus intérêt privé, ça revient constamment, et je soumets respectueusement que ce n'est pas toujours évident de traduire qu'est-ce qui est l'intérêt public pour l'un et pas l'intérêt privé pour l'autre ou l'intérêt privé pour l'un et l'intérêt public pour l'autre. Lorsqu'on défend une position légitimement, indépendamment qu'elle soit partagée par la majorité, la minorité ou un groupe, ça ne veut pas dire qu'elle n'est pas légitime, puis il est certainement légitime de faire valoir ses points, ses opinions, et là-dessus, à un moment donné, le débat public doit permettre aux décideurs de trancher, on l'espère, dans le meilleur des cas, pour le meilleur de la situation pour la société, et le débat a cours par la suite.

Mais cette distinction-là entre intérêt public et privé semble ténue très souvent. Vous faites référence qu'effectivement un des premiers rôles, le rôle premier des ordres professionnels, dont le Collège des médecins, c'est la protection du public, et je ne pense pas que personne remette ça en cause. N'empêche que, lorsque vient le temps de... certains sujets, et c'est un sujet bien sûr clairement... Si vous parlez, bon, par exemple, de loto-cancer ou d'autres exemples que vous avez donnés, qui a priori semblent plutôt d'intérêt public, là, je ne pense pas qu'il y a personne qui va disputer ça trop, trop. Mais en même temps il y a un corollaire que parfois, lorsque vous avez parlé de qu'est-ce qui est encadré à l'intérieur, par exemple, du Collège des médecins, au niveau de... des médecins étrangers, par exemple, aux résidences, toutes les discussions et les débats qui ont cours présentement, il y a toujours une ligne mince, à un moment donné, que veux, veux pas, il peut y avoir une perception, à tort ou à raison, qu'il y a un peu de corporatisme. Et c'est humain, là, ce n'est pas... Je ne vous en tiens pas grief. Et là il y a des débats à faire, plus larges.

Je donne souvent cet exemple-là: on ne voudrait pas que ce soient des fonctionnaires, avec tout le respect, qui décident qui va être médecin, qui ne le sera pas, pour donner un exemple. Mais, sur la façon, le processus d'avoir un élargissement, il y a un débat qui a cours présentement, il y a des avancées qui ont été faites, il y en a encore d'autres qui seront à faire, et je ne veux pas entrer dans le vif de ce débat-là, mais je donne des exemples. Dans ce cas-ci, clairement, il me semble que, là, il y a une ligne mince entre... Je ne mets pas en cause vos positions, la position du Collège des médecins ou d'un ordre professionnel pour l'intérêt public, mais en même temps il y a quand même un élément où est-ce qu'il y a une... Il y a un élément: qui va être membre, qui ne sera pas membre. Il y a un élément de corporatisme qui est là. Puis ce n'est pas nécessairement négatif ou péjoratif, là, de le soulever, c'est un débat qui doit avoir cours.

Alors, est-ce que vous dites qu'il faudrait restreindre... qu'il faudrait élargir, pardon, la liste des activités qui sont visées par les exceptions dans la loi ou dans l'application de la loi? Quels gestes... Où mettriez-vous la ligne, par exemple? Si vous avez des exemples plus particuliers de dire: Bien... quel serait le genre de critères qui pourraient être retenus pour faire cette distinction-là?

M. Lamontagne (Yves): Je vous dirai d'abord: Quand vous vous servez des médecins étrangers pour dire que la ligne entre le privé puis le public est mince, pour moi elle n'est pas mince du tout, elle est très, très claire, elle est purement publique, elle n'est aucunement privée parce que, les pouvoirs qui sont référés par l'État à l'ordre professionnel, qui est le Collège des médecins, les pouvoirs qu'on a, on les applique, puis on ne demandera pas à personne si on peut changer les affaires. Donc, vous voyez, à mon avis ce n'est pas du tout... c'est encore public, et les positions que le collège a prises dans ce dossier-là ont été publiques, les médias ont été là tout le temps. Donc, pour moi, il n'y a pas de... on n'est pas «on the tightrope», si vous voulez, dans ce dossier-là.

Maintenant, de trouver c'est quoi, la finalité puis les écritures pour faire en sorte que ce serait correct, je vous avoue que j'ai toujours eu beaucoup de misère avec ça aussi, parce qu'à un moment donné, justement, quand on trouve une écriture entre les deux, bien, finalement, c'est un peu comme c'est là, ce n'est pas clair pour personne, puis ça, c'est exclu sur une chose, puis ce n'est pas... Bon. Écoutez, même les lobbyistes, puis j'ai ici le rapport du Commissaire, même les lobbyistes reconnus, le Commissaire lui-même a dit qu'après un certain temps ils ne rentraient même plus leurs propres activités dans le registre. Alors, si ceux qui sont obligés de les rentrer dedans ne les rentrent même pas dedans et si les ordres professionnels qui se sont déjà inscrits au registre ont mis des activités dans lesquelles ils devraient savoir qu'ils sont déjà exclus, bien vous imaginez le capharnaüm que c'est là ou que ça va être.

Moi, je ne veux pas me retrouver en solution que, s'il y a des choses qui sont écrites là-dedans, puis que finalement, nous autres, de par, pas notre position, on ne s'entêtera pas, mais parce qu'il y a des choses qu'on pense qu'on doit faire et qui ne sont pas du lobbyisme, bien, si évidemment vous vous retrouvez au bout de quatre ans, puis qu'on n'a inscrit aucune activité de lobbyisme, puis qu'on va se faire sauter dans la figure par le Commissaire en disant: Regardez, le Collège des médecins... bon, bien, moi, c'est bien de valeur, je ne veux pas me retrouver avec ça.

Et d'ailleurs, quand il parle de certains ordres professionnels dans son rapport, en quelque part, quand il parle de certains ordres professionnels qui devraient peut-être s'inscrire, bien il n'y a aucun ordre là-dedans, parmi les 25 en santé, qui a été décrit. Il parle qu'il y a des gens ici, là, comme plusieurs professionnels, souvent... identifiés comme lobbyistes, agissent de façon plus ou moins régulière à ce titre au sens de la loi, notamment les avocats, les ingénieurs, les comptables, les architectes, les urbanistes, les agronomes. Mais, si les docteurs, on était si terribles que ça, ils nous auraient mis à quelque part là-dedans, il me semble, puis les autres ordres en santé.

Alors, il y a une différence, pas pour tous les ordres en santé, je vais vous avouer aussi, qui est relativement claire comparativement à ces ordres-là, et je peux comprendre ça très bien. En santé, les gros ordres professionnels ? je pense à nous autres, puis aux infirmières et d'autres ? les gens sont payés, dans le système, avec de l'argent public, d'une part, puis, quand il s'agit de négociations, parce que ça implique des implications financières, ça, mais quand c'est les implications financières, nous autres, on ne touche pas à ça, il y a de syndicats au niveau du Collège des médecins, Fédération des médecins omnipraticiens, Fédération des médecins spécialistes, Fédération des médecins résidents, et il est bien clair qu'entre nous et les fédés on ne s'occupe pas... Nous autres, on est la morale puis on veut rester la morale. Alors, vous voyez, quand vous parlez de lobbyisme et implications financières, ça ne tient pas.

n (10 heures) n

Maintenant, quand vous parlez aussi de lobbyisme puis de professionnels, bien là non plus. Si je vais faire des représentations comme lobbyiste pour défendre un professionnel, bien, nous, on n'est pas là pour défendre le professionnel, c'est les syndicats qui sont là pour ça. On est là pour défendre le public, et comme tel on est nous-mêmes un organisme public de par la loi. On dépend, en haut, de l'Office des professions, qui est un organisme qui a été nommé par le gouvernement, puis, en haut, du ministre de la Justice. Donc, nous-mêmes, on est un organisme public. Alors, si, nous, on est obligés de s'inscrire, laissez-moi vous dire qu'il y a un paquet d'organismes publics, incluant les partis politiques, qui vont devoir s'inscrire au Registre des lobbyistes parce qu'ils viennent tous nous voir, eux autres avec. Ça fait qu'il faudrait peut-être se brancher, là. Alors, c'est un peu dans ce sens-là.

Et je ne veux pas m'arranger pour que, dans deux, trois ans, une fois que ce dossier-là va être réglé, on se retrouve encore, le Collège des médecins, l'Ordre des infirmiers et infirmières et tous les autres, à se faire dire, tu sais, que, j'allais dire «passez-moi l'expression», mais qu'on passe à côté, puis qu'on fait du lobbying, puis ces affaires-là. Je ne veux pas me faire dire ça dans quatre ans, dans le rapport du Commissaire. Alors, c'est pour ça, j'aime autant vous le dire tout de suite.

Je pense que c'est le raisonnement qu'on vous apporte ce matin et je pense qu'il est logique. Je pense qu'il se tient debout. Ou sans ça, bien, vous êtes les parlementaires, changez des affaires pour qu'on ne soit plus des ordres professionnels et qu'on ne soit plus non plus des organismes publics. C'est aussi simple que ça. Si on devient privés, laissez-moi vous dire qu'on va s'inscrire.

Je ne sais pas si, Yves, tu as quelque chose à ajouter.

Le Président (M. Paquet): Oui, Dr Robert.

M. Robert (Yves): Bien, en complément, pour répondre à votre question: Comment on tracerait la ligne entre l'intérêt privé et public?, en fait nous avons l'avantage, comme Collège des médecins, d'avoir des fédérations médicales très fortes et très présentes, ce qui fait en sorte que ça nous permet justement de nous concentrer sur notre mandat, qui est celui de délivrer des permis d'exercice, de faire des inspections professionnelles, de faire les mesures disciplinaires lorsque ça s'impose et les enquêtes auprès de nos membres lorsque c'est requis et de prendre des positions qui visent la bonne pratique médicale et le bon comportement de nos membres face à la déontologie. C'est ça, notre mandat. Et donc, si c'est ça, notre mandat ? et c'est ce que nous faisons tous les jours ? bien ça, à nos yeux à nous, ça devrait être exclu du lobbyisme puisque c'est le mandat qui nous est confié par la loi et pour lequel on rend des comptes publics là-dessus.

D'autre part, nous, si on avait à ajouter un élément, là, ce serait justement la possibilité, quand ça concerne les sujets de contenu, d'ajouter au ministre de la Justice et à l'Office des professions certains ministres qui peuvent avoir des mandats particuliers de contenu liés à la nature de la profession, entre autres, pour nous, le ministre de la Santé. On parle au ministère de la Santé et à toutes les personnes qui travaillent au nom du ministre de la Santé à tous les jours, au Collège des médecins. C'est inimaginable, sur le plan opérationnel, qu'on inscrive toutes nos interventions, qui ne sont d'ailleurs pas toujours de notre côté, c'est souvent aussi du côté du ministère, vers nous. Qu'ils soient enregistrés en quelque part, c'est aussi inutile que laborieux et coûteux inutilement.

Donc, la question qu'il faut poser là-dessus, c'est: Bien, lorsque ça concerne la nature du travail médical ou la nature de la tâche de protection du public, inspection, délivrance de permis et enquête, ça, ça devrait être exclu, et clairement exclu, du lobbyisme parce que ce n'est pas des activités de lobbyisme, c'est des activités que, je pense, tout le monde pourrait reconnaître, au sens de la loi, comme étant d'intérêt public. L'intérêt privé, c'est si le collège commençait à défendre l'intérêt de tel groupe de médecins, ou l'intérêt des revenus, ou des choses comme ça, et on est extrêmement prudents là-dessus, ce qu'on ne fait jamais, ou on essaie d'être extrêmement vigilants pour ne jamais se prononcer et retourner les gens vers les instances qui s'occupent de cela.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. M. le député de Viau.

M. Dubourg: Merci, M. le Président. Bonjour, Dr Lamontagne. Bonjour, Dr Robert. Écoutez, votre thèse, votre mémoire que vous nous avez présenté, c'est très clair. Vous nous dites que, oui, non seulement les activités que vous avez énumérées sont déjà prévues dans la loi, pour lesquelles les autres professionnels sont exemptés, mais, aujourd'hui, vous nous dites que, bon, la loi, au cours de 2002, bon, voilà, c'est arrivé et qu'on vous demande... enfin vous faites partie... Mais là, maintenant, vous nous dites que, bon, non, vous ne devriez pas l'être et vous l'expliquez très bien, pourquoi. Côté intérêt privé, intérêt public, bon, là, vous y avez répondu aussi.

Mais j'aimerais savoir: Dans le cadre des activités du Collège des médecins, est-ce qu'il y a certaines activités qui pourront être considérées, là? Je comprends, bon, de par la mission, comme vous avez dit, c'est la protection du public, mais, d'après vous, vous dites qu'il n'y a aucune activité que vous menez qui pourrait être considérée comme étant une activité de lobbyisme, hein? Non?

M. Lamontagne (Yves): Je vais être bien franc avec vous...

Le Président (M. Paquet): Dr Lamontagne.

M. Lamontagne (Yves): Merci. Je vais être bien franc avec vous, d'abord je vais vous dire que, même si la loi était passée, nous, on ne s'est pas inscrits au registre. Alors, il y a des ordres qui se sont inscrits, mais le collège, on ne s'est pas inscrits au registre. Donc, on n'est toujours pas là, nous autres, puis on ne veut pas être là.

Maintenant, je vais être bien candide avec vous, je n'en vois pas parce que, les intérêts financiers, ce n'est pas nous autres qui touchent à ça, puis, les intérêts personnels de nos membres, bon, je vous dirais, il y a peut-être des choses politiques. Puis les plus vieux d'entre vous, vous vous rappellerez peut-être que le collège a déjà été vu, par son président, qui défendait plus les membres que le public. Bien, laissez-moi vous dire que c'est fini, ce temps-là. Puis ça fait neuf ans que, moi, je suis là, puis il y a eu un autre président avant moi. C'est fini, ce temps-là, là. Alors, on est là pour la protection du public et on ne jouera pas ce phénomène de protection des membres. Ce sont des syndicats qui ont à protéger leurs membres et non pas un ordre professionnel. Nous, c'est le public et c'est ça qu'on défend. Alors, devant cette situation-là, je ne vois vraiment pas quelles activités pourraient être un peu à glisser sur le tapis, dans ce sens-là.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Dubourg: M. le Président, merci. Dr Lamontagne, donc vous avez parlé aussi des fédérations. Donc, vous, de votre point de vue, les syndicats, par exemple, quant à eux devraient être assujettis à cette loi-là.

M. Lamontagne (Yves): Bien, écoutez, je ne veux pas répondre pour eux parce que, si je dis oui puis qu'ils sont fâchés, ils vont m'appeler demain matin.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquet): S'ils s'inscrivent, c'est correct.

M. Lamontagne (Yves): Puis, s'ils ne sont pas venus faire un mémoire ici, bien c'est à eux autres de se grouiller. Ha, ha, ha! Je ne répondrai pas pour eux.

M. Robert (Yves): Je ne répondrai pas à cette question-là, moi non plus, mais par contre, quand vous posez la question: Y a-t-il des activités que vous faites, qui pourraient être assujetties à la loi sur le lobbyisme?, honnêtement, pour répondre avec Dr Lamontagne, je ne vois pas. Par contre, ce que j'aurais tendance à dire, c'est: le Commissaire à la santé, plutôt que de nous demander de mettre dans un registre une foule d'informations que personne ne va regarder, qu'il vienne nous voir, nous visiter, regarder ce qu'on fait, puis, s'il juge, lui, que nous faisons certaines activités qui tombent sous sa juridiction, je n'ai aucune objection, nous sommes ouverts à regarder ça. Donc, on est peut-être mauvais juges de ce qu'on fait, mais justement il y a un commissaire au lobbyisme qui, je crois, est là pour appliquer la loi, bien qu'il vienne nous visiter, puis on va lui faire l'étalage de nos activités, puis il pourra porter un jugement, puis il pourra même faire rapport à l'Assemblée nationale.

M. Lamontagne (Yves): Je vous avoue, pour aller dans le sens du Dr Robert, que pour nous le but, en venant ici, ce matin, là, ce n'est pas de se cacher puis dire: On ne veut pas vous montrer nos affaires, rien. Je pense qu'il y a une affaire qui est claire, et les journalistes peuvent vous le dire, alors qu'on ne les aime pas tout le temps, la transparence du Collège des médecins actuellement, là, elle est très bonne dans le public et avec les journalistes. Alors, on ne cache rien. Puis, même quand ce n'est pas drôle puis qu'ils viennent nous voir, on sort pareil. Donc, on ne cache pas grand-chose. Donc, le but de ça, ce n'est pas de nous cacher en arrière de ça.

Mais ma plus grande crainte, c'est d'être pris avec une autre bureaucratie. Je trouve qu'on a déjà assez de bureaucratie, être obligés de rentrer des affaires que... même là, qui est appliquée par des gens qui sont supposés être des professionnels du lobbyisme puis qui ne sont même pas capables de rentrer leur propres affaires eux autres mêmes, bien imaginez... Je pense qu'on pourrait avoir d'autre chose à faire, et prendre le temps de cette bureaucratie-là, puis la mettre sur des choses qui seraient plus efficaces pour la protection du public. Voilà.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. L'Écuyer: Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Dr Lamontagne. Bonjour, Dr Robert. Ça me fait plaisir de vous accueillir ici, en commission parlementaire.

Remarquez, je regardais... en fait j'ai écouté attentivement votre mémoire et j'ai eu l'occasion quand même de le parcourir et de l'analyser. Je vois que d'un côté vous... Si je peux m'exprimer ainsi, vous avez d'un côté les avis, vous émettez les avis au ministre en vertu de l'article 23 de la loi, et c'est de cette façon-là que vous vous exprimez. Votre moyen de communication, c'est d'envoyer des avis ou d'émettre des avis au ministre concerné en vertu de l'article 23. Et de l'autre côté... Moi, ce que je vois toujours dans ma pensée, je vois, d'un côté, les avis et je vois, dans l'autre côté de la balance, lobbyisme. Je vois, d'un côté de la balance, renforcer, vous dites, et vous l'avez bien ciblé, renforcer le seul et bon messa, la protection du public, et le Commissaire au lobbyisme, lui, c'est renforcer la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, et j'ai de la difficulté, à un moment donné, de faire la distinction, la limite ultime où l'avis devient du lobbyisme.

Je pense que, par vos interventions ultérieures ? et là je me fie à votre longue et grande expérience ? vous avez sûrement eu, à un moment donné, des zones que j'appelle des zones grises ou des zones où vous vous sentiez un petit peu plus comme des lobbyistes peut-être que comme un avis donné en vertu de l'article 23. Alors, j'aimerais que vous puissiez me faire un peu cette ligne-là et ce tracé si vous êtes capables, parce que c'est très difficile, je l'avoue, faire ce tracé où vous trouvez, qu'à un moment donné ça devient... ça pourrait devenir du lobbyisme, et si ça existe ou si ce n'est jamais arrivé dans la vie de l'Ordre des médecins.

n (10 h 10) n

Le Président (M. Paquet): Dr Lamontagne.

M. Lamontagne (Yves): Oui. De deux choses l'une, si vous me connaissez un peu, vous savez que je ne suis pas un homme où il y a beaucoup d'ombres. C'est blanc ou noir. Le gris, je n'aime pas ça. Donc, à mon avis, il n'y en a pas.

Maintenant, quand on fait des avis au ministre, je ne vois pas comment ça pourrait être du lobbyisme, parce que, comme on défend la population, l'avis qu'on peut faire, là, à un ministre, à n'importe qui... C'est même marqué dans le nouveau Code des professions: À toute personne ou organisme que le bureau décide. On peut, c'est vrai, se permettre de faire un avis, puis, passez-moi l'expression, de sauter dans la face du ministère, puis de sortir ça publiquement. On aurait ce droit-là. Est-ce que vous interprétez ça comme étant: Oui, c'est du lobbyisme? Moi, je vous dirais, on pourrait se servir de trucs comme ça pour faire un moyen de pression, mais je n'appelle pas ça du lobbyisme. Le lobbyisme, là, c'est qu'on s'arrange les portes fermées, puis on vient discuter ensemble, puis j'ai un deal à quelque part. Pour moi, c'est ça.

Je suis allé voir dans... Je l'ai pris au plus simple dans Le grand Robert, parce que je ne me suis pas fié au petit Robert, je l'ai avec moi, le petit Robert.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lamontagne (Yves): «Groupement, organisation ou association qui exerce une pression sur les pouvoirs publics pour faire triompher les intérêts [particuliers]...» Le Collège des médecins, des intérêts particuliers, je n'en ai qu'un seul, c'est que les gens soient mieux traités, qu'on ait une meilleure médecine de qualité, donc la protection du public. Alors, c'est un message, c'est une mission publique. Ce n'est pas privé puis ce n'est pas des intérêts particuliers. Je ne défends pas ma poche, je ne défends pas ma personnalité, si vous voulez, ou quoi que ce soit. Donc, c'est sûr qu'on est des organisations dans le sens de la définition du «lobby», mais on n'exerce pas de pression dans ce sens-là parce qu'on fait partie aussi nous-mêmes des pouvoirs publics. Alors, c'est pour ça, vous voyez, j'ai un peu de misère dans ce sens-là. Puis, les intérêts particuliers, bien, à part que d'écrire les rapports, Dr Robert et moi, puis de venir jaser avec vous ce matin, on n'a pas d'autre intérêt particulier que la protection du public, puis, pour le faire, dans le fond avoir une médecine de qualité, puis que le public soit le mieux soigné possible.

M. Robert (Yves): Pour aller dans le même sens que le Dr Lamontagne, je ne partage pas du tout votre difficulté parce que notre travail au Collège des médecins, c'est de représenter et de protéger la profession médicale, pas les médecins comme individus. C'est les fédérations qui s'occupent des médecins. Donc, quand on émet un avis au ministre de la Santé, par exemple ? puis, des avis, on en émet plusieurs ? c'est des avis qui concernent la bonne pratique médicale et le bon comportement médical.

Notre travail, nous autres, c'est de défendre et d'appliquer le Code de déontologie des médecins et les lois et règlements qui s'y appliquent. Donc, si on dit, par exemple: M. le ministre, il y a un problème d'accès à telle situation parce qu'il manque quelque chose, ou parce qu'il y a un problème d'organisation, ou ainsi de suite, c'est parce qu'au bout de la ligne ça se traduit par une meilleure qualité de service pour le patient. C'est ça, notre mission. Ce n'est pas parce que ça pourrait permettre d'avoir une meilleure organisation qui donne de meilleurs revenus à tel groupe de médecins, ou ainsi de suite. Nous autres, là, la qualité de la médecine, que ce soit dans le secteur privé, en centre médical spécialisé, en établissement, en cabinet privé, où vous voulez, il faut que ce soit la même chose partout, et cet avis-là qu'on émet au ministre, c'est pour ce but-là qu'on poursuit. Et, si ça touchait l'intérêt des membres, on dirait tout de suite: Allez voir la fédération médicale, c'est eux autres qui sont là pour l'intérêt des membres.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. L'Écuyer: Oui. Merci, M. le Président. Dans cette même lancée, si effectivement... Je vous donne un exemple. Mon hypothèse n'est peut-être pas bonne, mais, disons, si effectivement on parle des maisons de la famille, on parle des sages-femmes, est-ce qu'effectivement vous avez eu à émettre un avis concernant les établissements de ces maisons-là dans les régions et...

M. Lamontagne (Yves): Non.

M. L'Écuyer: Non?

M. Lamontagne (Yves): Non.

M. Robert (Yves): Je veux en parler, des sages-femmes. Ha, ha, ha!

M. Lamontagne (Yves): Oui. On peut-u passer l'avant-midi avec vous?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquet): Dr Lamontagne.

M. Lamontagne (Yves): Dans le dossier des maisons des sages-femmes, je vous dirai qu'on n'a jamais été consultés par le ministère pour savoir qu'est-ce qu'on en pensait, premièrement. C'était peut-être mieux de même, remarquez. On n'a jamais été consultés là-dessus. Et il faut faire attention. S'il arrive quelque chose dans une maison de sages-femmes, on n'a rien à faire là-dedans parce que c'est l'Ordre des sages-femmes qui contrôle leurs membres. Alors, voyez-vous, nous autres, on ne peut pas rentrer là-dedans, là, dans les maisons de naissance, pour prendre cet exemple-là, parce que ça appartient aux sages-femmes, c'est la pratique des sages-femmes et c'est l'Ordre des sages-femmes qui réglemente leur pratique. Alors, on n'a pas d'affaire là.

M. L'Écuyer: Si vous me permettez, M. le Président, bien, simplement pour mon complément de question, je vous aurais demandé effectivement: Est-ce que, par l'entremise d'un avis concernant la protection du public, vous auriez pu émettre un avis au ministère concernant l'implantation de ces maisons de naissance? Et j'essaie de voir si effectivement, par cet avis-là, il n'y a pas une couleur de lobbyisme.

Le Président (M. Paquet): Dr Lamontagne.

M. Lamontagne (Yves): Oui. De mémoire, on n'a jamais fait un avis au gouvernement concernant l'implantation des maisons de naissance. Je peux vous dire que le Collège des médecins a fait une enquête, un «survey», là, style Léger & Léger, sur qu'est-ce que les femmes voulaient. Ça, on a fait ça il y a deux ans à peu près, deux ans et demi, et je peux vous dire par coeur, là, pas exactement, mais qu'il y avait 90 % et plus de femmes qui disaient que le premier lieu d'accouchement le plus sécuritaire, c'était à l'hôpital, puis là ça descendait, puis tout ça. C'était un «survey» qu'on avait fait pour avoir l'opinion des femmes en ce qui a trait aux services qui sont donnés. Ça, on a été impliqués là-dedans.

Deuxième des choses dans lesquelles on est impliqués ? et je vais être bien candide avec vous, je suis très déçu des résultats ? c'est qu'on était très d'accord pour que les sages-femmes puissent s'intégrer à l'équipe d'obstétrique dans les hôpitaux. On a même fait un projet pilote avec l'Hôpital LaSalle, et le jeune gynécologue-obstétricien qui travaillait là, il avait fait le tour du monde pour aller voir tout comment le système des sages-femmes marche ailleurs puis la collaboration avec les médecins. C'était un projet quant à moi super. Bien, dans l'année qui a suivi, il y a eu juste trois femmes qui ont accouché à LaSalle avec des sages-femmes. Ça, je n'y peux rien.

Le Président (M. Paquet): Dr Robert.

M. Robert (Yves): On pourrait dire par contre en complément que, si le ministre observait qu'il y avait des problèmes qui survenaient à la maison de naissance, comme il pourrait l'observer dans des établissements de santé, il pourrait nous demander un avis pour dire: Pensez-vous que la qualité des soins médicaux qui sont offerts dans ce lieu-là, par rapport à un autre, présente certains risques ou nécessiterait un ajustement quelconque ou une sélection de clientèle particulière qui ferait en sorte que les problèmes qu'on pourrait observer ? là, je ne sais pas si on en observe ou non; qu'on pourrait observer ? pourraient être prévenus? Là, il pourrait nous demander un avis là-dessus, puis, à ce moment-là, on pourrait l'émettre.

Ou bien nous avons nous-mêmes un comité en périnatalité, au Collège des médecins, qui étudie les problèmes de morbidité-mortalité périnatale, qui peut émettre des avis à partir des données statistiques qu'on a, et, si on observe qu'il peut y avoir des problèmes à un endroit donné ? et ce n'est pas nécessairement les maisons de naissance, c'est peut-être une maison de naissance en particulier ? pour des raisons qui lui sont particulières, à ce moment-là, on pourrait émettre un avis au ministre. Mais ce n'est pas sur le principe d'avoir des maisons de naissance ou non, c'est sur la qualité des soins qui sont offerts, quel que soit le lieu où les soins sont offerts. Mais on ne serait pas seuls là-dedans, il y aurait les sages-femmes qui seraient là-dedans, c'est évident.

M. Lamontagne (Yves): Je voudrais juste, quand même, puisque...

Le Président (M. Paquet): Dr Lamontagne.

M. Lamontagne (Yves): J'essaie juste de deviner s'il n'y avait pas une question en arrière de votre question. C'est que je voudrais juste vous dire et vous assurer que le Collège des médecins du Québec veut avoir une très bonne harmonie avec l'Ordre des sages-femmes du Québec. Quand je suis arrivé il y a huit ans passés, un des premiers «moves» que j'ai faits, c'est que j'ai invité l'Ordre des sages-femmes, qui était à couteaux tirés avec le collège, à venir s'asseoir, puis je leur ai dit: Là, on passe à une autre époque. Et vous pouvez être sûrs que, quant à moi, je tiendrais... je n'ai pas gagné encore, mais je tiendrais à avoir une collaboration très étroite entre les médecins et les sages-femmes, et je peux vous assurer qu'à l'endroit où on enseigne le métier de sage-femme, à l'Université du Québec à Trois-Rivières, la directrice du programme est très ouverte à cette collaboration entre médecins et sages-femmes. Et, quant à moi, je souhaite que... Je sais que ça va venir, mais il y a une question de temps. Mais quant à nous, de notre côté, je peux vous dire que nous sommes très ouverts à ce que les médecins et les sages-femmes travaillent tous les deux main dans la main.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. L'Écuyer: Combien reste-t-il de temps?

Le Président (M. Paquet): 3 min 30 s environ.

M. L'Écuyer: 3 min 30 s. Avec votre permission, Dr Robert, Dr Lamontagne, je dois comprendre une chose, votre insécurité au niveau de la loi, c'est que vous aimeriez carrément que ce soit bien exprimé dans la loi que les ordres professionnels ne sont pas couverts par la loi des lobbyistes. C'est ça que je dois comprendre de votre conclusion.

Le Président (M. Paquet): Dr Lamontagne.

n (10 h 20) n

M. Lamontagne (Yves): Idéalement, je dois vous avouer, oui. Maintenant, je pourrais vous dire: Il pourrait y avoir une entente qui pourrait être faite avec chacun des ordres professionnels. Ce matin, je vous parle que nous, en santé, la majeure partie des ordres, c'est comme ça. Je ne suis pas prêt à dire que c'est tous les ordres en santé. Je vous prends un exemple, mettons les dentistes. Ils sont en privé. Bien, peut-être que les dentistes, eux autres, voudraient être membres, participer au registre parce qu'ils négocient des tarifs, eux autres, avec le gouvernement. On l'a vu il n'y a pas longtemps, ils ont de la misère. Nous, on n'a pas à faire ça. Mais, que les dentistes veulent rentrer, je n'ai pas de problème avec ça. Le Barreau, ils négocient eux-mêmes les tarifs pour l'aide juridique, mais là il y a des intérêts financiers. Et je pense que le Barreau est inscrit, d'ailleurs. Bon. Alors, vous voyez, qu'il y ait un partage comme ça, c'est correct, mais les ordres, vraiment on n'a pas d'affaire là-dedans.

Vous savez, on a assez d'affaires à faire, hein, puis, vous savez, c'est la même chose pour vous, sans être obligés encore d'en avoir plus sur la tête. Puis on a-tu oublié... Parce qu'on a parlé au ministre aujourd'hui, il fallait-u le rentrer dans le registre? Puis où c'est qu'est la fille qui rentre ça? Puis on a-tu vu le livre à quelque part, à matin?, Puis quand on sait qu'en bout de ligne il n'y a pas personne qui voit ça puis il n'y a pas personne qui... là-dedans... Puis même les spécialistes, ils ne sont même pas capables de le suivre eux-mêmes. Quant à moi, vous savez, j'ai bien de la misère avec la bureaucratie. Ça fait que le moins qu'on en a, hein, le mieux c'est, pour les raisons que je vous disais tantôt.

Le Président (M. Paquet): Dr Robert.

M. Robert (Yves): Pour répondre brièvement à votre question, pour nous ce n'est pas d'être assujettis ou non à la loi. Le Collège des médecins va toujours respecter les lois du Québec. Pour nous, c'est: clarifiez le lobbyisme, et, si ça concerne les activités de protection du public, nous serons assujettis à la loi. Mais c'est ça, notre question aujourd'hui, c'est: clarifiez cette notion de lobbyisme. Qu'est-ce que ça couvre? Et pour nous ça ne devrait pas couvrir les activités de protection du public. C'est ça, la question.

Le Président (M. Paquet): Rapidement.

M. L'Écuyer: ...je veux dire, pour vous, parce que vous l'avez interprété ainsi, mais le lobbyiste ne semble pas l'interpréter ainsi.

M. Robert (Yves): Et voilà pourquoi nous venons devant vous.

M. L'Écuyer: Alors, M. le Président, avec...

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Je reconnais maintenant M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci. Alors, merci de votre présentation puis de la clarification pratique de l'application de la loi dans votre cas. Puis c'est sûr que vous êtes beaucoup sur la ligne. Du fait qu'effectivement vous avez une corporation professionnelle indépendante, vous avez une représentation qui se fait à l'extérieur de votre mandat très clair.

Vous avez donné l'exemple des dentistes, mais, même le Barreau, il n'y a pas de fédération des avocats, tout est inclus dans le même mandat. Donc, il y a des moments de protection, il y a d'autres moments beaucoup plus... Alors, c'est sûr que la limite dans votre cas est dure à baliser, ça, je n'en doute pas. Mais souvent, je vous dirais, la loi a souvent peur des exceptions, en général. Et je vous dis ça, là, j'écoute vos propos, là, mais donner suite à votre demande, c'est compliqué à expliquer pour tous les autres ordres après ça. Alors, je vous dis ça seulement sur une base purement... à brûle-pourpoint, là, en vous entendant, parce que vos représentations, je pense, sont assez convaincantes.

Il y a un élément par contre sur lequel, je vous dis... où on peut différer, dans le sens qu'effectivement, Dr Lamontagne, vous avez recentré la position de ce que, je pense... votre mission en termes d'organisme, mais il peut arriver, comme il est arrivé dans le passé, vous l'avez un peu mentionné, que quelqu'un décide, lui, que la protection du public implique le fait de faire des combats de d'autres natures où la personne se sent animée de cette même protection du public et qui s'apparente beaucoup plus à une forme de lobbyisme, et là purement du corporatisme défendant des intérêts particuliers de professionnels par rapport à leurs champs de pratique et qui ne concerne pas du tout... qui sort du cadre, je vous dirais, de la protection du public. Et là on serait purement dans la situation de lobbying.

Le problème, c'est que la loi ne peut pas être tributaire de la personne qui occupe le poste, et c'est ça qui est compliqué à définir légalement. Vous comprenez un peu mon dilemme. Puis c'est dur à commenter pour vous, là. Je regardais, par contre vous me donnez des exemples pour lesquels... Je pense que c'est le Commissaire qui vous a dit: Ça, vous êtes clairement exclus de l'application, vous avez une liste assez... C'est ça quand même qui balise, de façon assez importante, le cadre de vos interventions.

Vous avez vu, le Commissaire n'a pas le bâton rapide, là. Je pense que sa façon de faire est la façon qu'il doit faire, et c'est le mandat qui lui est donné en même temps, c'est d'y aller par conviction mais aussi par faire une sorte de processus d'amélioration de la loi, d'encadrement et de vérification pour voir où sont les zones grises, les établir, les clarifier. Alors, est-ce que vous avez vraiment à craindre effectivement d'apparaître dans le prochain rapport... Plutôt, est-ce que vos craintes sont réellement fondées d'apparaître dans le prochain rapport comme étant un mauvais élève? Je vous dirais: À la lumière de ce que vous me dites, j'aurais tendance à penser que non, là.

M. Lamontagne (Yves): Bien, j'aimerais bien ça vous croire, M. Bédard, mais...

Le Président (M. Paquet): Dr Lamontagne.

M. Lamontagne (Yves): Il y a quatre points que je retiens. D'abord, c'est intéressant, vous l'avez dit vous-même, tantôt vous avez parlé de corporation, vous voyez, alors qu'on est des ordres professionnels, maintenant. Donc, vous voyez...

M. Bédard: ...

M. Lamontagne (Yves): Mais c'est parce que, dans «corporation», il y a «corporatiste». Alors, vous voyez, c'est intéressant, juste de voir ça.

Deuxième des choses, les autres ordres, quand vous dites: C'est bien sûr que, quand tu fais une loi, fort probablement il faut que ça mette la majorité, mais il y a déjà des exclusions. Au lieu d'essayer de balayer large... Puis, vous savez comme moi, vous êtes en politique ça fait assez longtemps pour savoir que, même quand vous faites une loi, il y a toujours quelqu'un qui est capable de passer à côté, pour toutes sortes de raisons. Alors, une loi parfaite, ça n'existe pas. Mais, au lieu de faire le tour de la loi de même, les ordres, une fois que ce serait clair: Si vous n'avez pas d'activité financière et personnelle, là, comme nous autres, bien pensez-vous que vous devrez être inscrits?, bien... Puis il y en a 45, ordres. Ce n'est pas le tour du monde, là, faire ça. Il faudrait juste faire ça. Puis les ordres vont vous le dire très honnêtement. Nous autres, on va vous répondre non, le Barreau va vous répondre oui. Les ingénieurs, possiblement qu'ils vont vous répondre oui, eux autres avec. Puis, une fois que ça, c'est fait, bien là vous mettez eux autres s'ils sont d'accord, puis, les autres, bien vous les avez, les restrictions qu'on vous a données.

Maintenant, vous m'avez dit «si ça change». Ça, je suis bien d'accord avec vous. Mais, vous savez, s'il faut prévoir que, si ça change, bien, je veux dire, vous allez en avoir longtemps à écrire parce que tout change tout le temps, puis on ne peut pas... Même au collège, j'en parle des fois, je me dis: Tiens, c'est comme la Loi de l'impôt, ça, à chaque année, il y a les «crooks» qui passent à côté. Ils resserrent la loi. Woups! les fiscalistes se mettent là-dedans. L'année d'après, il y a un autre trou ailleurs, ils resserrent la loi. Alors, ça ne peut pas être parfait.

Et, si jamais il y avait quelque chose puis, comme vous dites, si ça change, laissez-moi vous dire que le gouvernement, l'Office des professions, le ministère de la Justice a bien des moyens pour venir nous soincer. Le Collège des médecins, il a déjà été... passé d'être mis en tutelle. Ça fait que, moi, je veux bien faire le frais puis le faraud un peu, mais, à un moment donné, si je faisais des mauvais coups, il y a du monde en haut qui sont capables de me soincer bien comme il faut. Ça fait que, si c'était là-dessus aussi, laissez-moi vous dire que ça ne passerait pas inaperçu, ça, puis j'aurais peut-être un petit coup de fil du président de l'Office des professions en disant: Mon petit gars, je veux te rencontrer après midi. Alors ça, ça ne m'inquiète pas beaucoup dans ce sens-là.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Bédard: Bien, ce n'est pas de l'inquiétude, je vous dirais, puis je comprends ce que vous mentionnez, mais plus par rapport à ce que, nous, on souhaite couvrir par la loi, qui est celle d'assurer une grande transparence dans les activités de lobbying. Et donc quelqu'un pourrait se sentir, je dirais... qui n'est pas à côté de la coche même par rapport à ce qui... Parce que, dans le passé, ça a déjà été le cas, le Collège des médecins avait une volonté plus affirmée par rapport à... En tout cas, moi, je pense qu'il y avait une défense un peu plus accrue par rapport à des éléments...

Une voix: ...

M. Bédard: Oui. Donc, ça peut se défendre encore. Et là tu n'es pas en dehors de ton mandat, donc, et c'est là ma difficulté. On ne peut pas ajuster la loi à toutes les années, selon le présent, alors que ce qu'on veut couvrir, c'est les activités de lobbying, ce n'est pas les autres activités dans le cadre du Collège des médecins. C'est ça, cet élément-là m'inquiète. Je me dis: Est-ce qu'on n'aurait pas avantage à souhaiter une clarification peut-être particulière dans votre cas mais de façon administrative avec le Commissaire pour que vous n'ayez pas cette inquiétude, cette épée de Damoclès au-dessus de la tête: Est-ce que je suis en dehors de la loi quand je fais telle chose ou je suis... Puis ça, effectivement...

Le Président (M. Paquet): Dr Robert.

M. Robert (Yves): Moi, j'aurais deux commentaires. Le premier commentaire, quand vous faisiez allusion à la possibilité du retour éventuel d'un plus grand corporatisme, si je puis dire, je vous dirais que dans le passé il fut un temps où le Collège des médecins s'appelait, à ce moment-là, Corporation professionnelle des médecins, et c'était à la même époque, curieusement, d'une part.

D'autre part, au Collège des médecins, je pense que le problème que vous avez... que nous avons tous, c'est dans l'application de cette loi-là. Quel outil allons-nous utiliser pour s'assurer que la loi va être appliquée? Ce que je peux vous dire, c'est que, s'il y avait des activités corporatistes au collège, ce n'est probablement pas à travers le registre que vous le sauriez, c'est probablement par d'autres mécanismes. Et probablement qu'un des bons mécanismes, ce serait de donner éventuellement à ce Commissaire, s'il ne l'a pas déjà, le pouvoir de porter un jugement sur certaines activités portées par des acteurs qui influencent le décideur public. Si, à un moment donné, il y avait une activité de nature corporatiste ou associative du Collège des médecins, peut-être que le Commissaire pourrait intervenir. Et, comme le disait le Dr Lamontagne, il y a beaucoup d'autres balises et garde-fous qui existent déjà: l'Office des professions est là, le ministère de la Justice est là, et là nous en avons un nouveau depuis cinq ans, le Commissaire au lobbyisme. Donc, avec ces garde-fous-là, j'ai l'impression qu'en clarifiant la notion du «lobbyisme» et en pouvant, comme on le disait, exclure la portion protection du public des éléments d'exemption et éventuellement les ministres avec lesquels nous avons à négocier ce contenu ça pourrait permettre au Commissaire d'appliquer une grille d'analyse qui favoriserait un jugement, à savoir: S'agit-il d'une activité de lobbyisme ou non?

n (10 h 30) n

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Bédard: Mais en pratique est-ce que vous êtes en discussion avec lui? Est-ce que ça arrive? Peut-être pas le Dr Lamontagne, mais, dans votre secteur administratif, est-ce qu'il arrive qu'ils prennent le contact avec vous? Vous n'êtes pas inscrits? Pensez-vous qu'il y a eu des activités? Il n'y a pas eu...

Le Président (M. Paquet): Dr Lamontagne.

M. Lamontagne (Yves): Non. Non, on n'est pas inscrits. Je dois vous dire que, quand le Commissaire est venu me rencontrer il y a déjà quelques années, là, je ne me souviens plus, en 2005 ou je ne sais pas quoi, bon, évidemment, j'ai bien vu qu'en tant qu'ancien doyen d'une faculté de droit, au point de vue du droit, je n'étais pas capable de l'accoter, mais il a bien vu aussi que de mon côté, son affaire du registre, j'étais loin d'être chaud, et vous me connaissez, et je lui ai mis ça clairement. Bien, je le sais, quand il est parti, il n'était pas content. Mais, comme je disais à monsieur tantôt, l'ombre, moi, je n'aime pas bien ça. C'était clair. Et, depuis ce temps-là, on n'a jamais eu aucun contact.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Bédard: Et là on n'est pas à sa place parce qu'on n'est pas là pour appliquer le registre ou la loi, hein, on est là pour... Mais vous donnez des exemples effectivement où les gens n'ont pas à s'inscrire, puis, nous, on ne souhaite pas que vous inscriviez des activités qui ne doivent pas être inscrites.

M. Robert (Yves): Nous non plus.

M. Bédard: C'est ça. Non, mais... Et voilà. Mais donc est-ce qu'on n'a pas intérêt à laisser clarifier cette situation-là de façon administrative?

Le Président (M. Paquet): Dr Lamontagne.

M. Lamontagne (Yves): Bien là, je vais être bien honnête avec vous, je ne veux pas embarquer là-dedans parce que c'est plus votre travail. Mais, si ça finit que... Moi, je n'ai pas de problème avec ça. Si ça finit qu'il y a 12 pages d'exclusions pour nous autres, que finalement tout est marqué qu'on est exclus sur tout, bien je n'ai pas de problème avec ça.

M. Bédard: Oui, mais on... C'est ça.

M. Lamontagne (Yves): Mais là, quant à moi, c'est du flâsage, je vais être bien franc avec vous.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Bédard: Bien, ce n'est pas du flâsage parce que vous faites partie d'un ensemble. C'est comme hier, on avait les syndicats qui... on avait la FTQ qui souhaitait être retirée, avec des bons arguments, là, mais en même temps ils font partie d'un ensemble, puis leur ensemble, c'est quoi? C'est: d'un côté, tu as les syndicats; l'autre côté, tu as les patrons. La logique, c'est que, tu sais, il faut que tu fasses la logique de l'ensemble.

Comme vous, vous faites partie des ordres professionnels, alors il y a une logique d'ensemble. Puis, je comprends, il y a des fois où on est sur la marge, mais il reste que vous faites partie de l'ensemble quand même, et c'est ça qui est dur. On ne peut pas dire: Le Collège des médecins, lui... Là, ça commence à être compliqué, oui. Là, c'est une loi qui devient... Puis après ça on va avoir l'ordre de Dieu sait quoi, là, il y en a...

Le Président (M. Paquet): Dr Lamontagne.

M. Lamontagne (Yves): C'est ça. Mais, vous voyez, dans ce sens-là, M. Bédard, quand vous regardez ça en rétrospect, c'est qu'il y a des ordres qui se sont inscrits d'emblée.

M. Bédard: Oui, oui. Tout à fait, oui.

M. Lamontagne (Yves): Bon. Ceux qui ne sont pas inscrits comme nous, un peu comme disait le Dr Robert tantôt, il y a plein d'affaires pour nous suivre. Puis, même le Commissaire, s'il veut nous suivre puis s'il veut essayer de nous clencher là-dessus à un moment donné, qu'il nous rentre dedans à tour de bras, moi, je n'ai pas de trouble avec ça. Puis les ordres qui sont inscrits là, c'est correct. Moi, je l'avais dit au Commissaire, j'ai été bien honnête avec lui, j'ai dit: Écoutez, monsieur, c'est sûr que, tant que je n'aurai pas le bras cassé, je ne m'inscrirai pas à votre registre. Je le lui ai dit. Ça ne pouvait pas être plus clair que ça. Alors, je maintiens la même position. Et, à ce moment-là, moi, s'il pense qu'on en fait, bien qu'il vienne enquêter chez nous. Puis, s'il pense qu'on en a fait, il m'amènera en cour, puis je vais être le premier à dire: Bravo, monsieur, vous faites votre job. Mais, comme je pense que je n'en fais pas, je ne vois pas pourquoi j'irais me mettre dans un carcan puis que, dans quatre ans, il va me revenir puis il va dire: Bien, regarde donc, quand je regarde mon affaire, vous n'êtes pas inscrits. Ah! Donc, vous êtes une belle gang, vous autres, hein! Il y a une loi puis il y a des bebelles qu'il fallait que vous inscriviez. Oui, mais ça fait quatre ans que je te dis que je n'ai pas d'affaire là puis que je n'avais rien à inscrire. Puis là vous mettez ça dans les journaux, puis demain matin: Bien, c'est ça, regarde, le Collège des médecins passe en dessous, puis gna-gna. Bien, je ne veux pas que ça arrive, ça, c'est aussi simple que ça.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Bédard: Seulement pour rassurer, ce que je vois, c'est qu'en cinq ans, là, je pense qu'il y a eu sept cas qui se sont judiciarisés, là, donc tous les autres se sont faits en: Bon, on a repéré telle situation, pourriez-vous... Mais je comprends. Écoutez, vous êtes sur la marge. C'est frustrant, mais...

Le Président (M. Paquet): Dr Robert.

M. Robert (Yves): Mais, comme je vous dis, je comprends très bien le point de vue. En fait, est-ce que l'objectif, c'est que les 45 ordres soient inscrits pour justement, et je reprends les termes du Commissaire, qu'on donne l'exemple et puis qu'éventuellement, bien, on inspecte les exemptions, et puis tout ça, ou bien est-ce que c'est que, parmi tous les ordres à qui s'applique la loi, ceux qui jugent qu'effectivement ils doivent s'inscrire le font, puis les autres qui ne s'inscrivent pas, bien, ne le font pas? Bien, c'est quoi finalement, l'objectif?

Le Président (M. Paquet): Brièvement, M. le député.

M. Bédard: Je vous dirais à la blague: C'est le principe du grand frère.

Une voix: ...

M. Bédard: Le principe du grand frère.

Une voix: Le grand-père?

M. Bédard: Non, du grand frère. Dans les grandes familles, des fois...

M. Lamontagne (Yves): C'est nous autres, le grand frère? Bien, je suis tanné, pas à peu près, là. Ha, ha, ha!

M. Bédard: Bien, vous êtes un ordre quand même qui a une bonne importance. Donc, quand il y a une chicane dans la famille, c'est le grand frère qui est ciblé: Écoute, règle ça, donne l'exemple. Alors, peut-être que c'est le mandat que vous avez.

Le Président (M. Paquet): Bien, je vous remercie beaucoup. Je remercie Dr Lamontagne et Dr Robert, pour le Collège des médecins du Québec, d'avoir participé à nos travaux.

Je suspends très brièvement nos travaux pour permettre aux prochains interlocuteurs de se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 10 h 35)

 

(Reprise à 10 h 37)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant le Conseil interprofessionnel du Québec, représenté par M. Jean-François Thuot ? Thuot, pardon; je ne sais pas si je le prononce correctement; excusez-moi ? directeur général de l'organisme, et M. Richard Gagnon, président du Conseil interprofessionnel du Québec. Bienvenue à la commission. Alors, M. Gagnon.

Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ)

M. Gagnon (Richard): Écoutez, nous, on représente le Collège des médecins et tous les autres dont vous avez parlé tout à l'heure, alors on va avoir des échanges intéressants.

Écoutez, M. le...

Une voix: ...

M. Gagnon (Richard): Oui, si on veut. M. le Président de la commission, Mmes et MM. les députés, M. le Commissaire, j'ai l'honneur de vous présenter le mémoire du Conseil interprofessionnel du Québec sur la mise en oeuvre de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. Le Conseil interprofessionnel, communément appelé le CIQ, regroupe les 45 ordres professionnels, qui comptent, aujourd'hui, 326 000 professionnels exerçant 51 professions réglementées. Le CIQ est le forum d'échange et de concertation des ordres sur des sujets d'intérêt commun touchant l'organisation du système professionnel et la protection du public. Le Code des professions octroie au CIQ un mandat d'organisme-conseil auprès de l'autorité publique.

D'emblée, il m'apparaît important de mentionner que les ordres professionnels et le CIQ valorisent les finalités de transparence et d'éthique que l'Assemblée nationale a inscrites dans la loi sur le lobbyisme, mais, cinq ans après son adoption, il est temps de mener une discussion approfondie sur l'assujettissement des ordres et du conseil à cette loi. Cette discussion est nécessaire. Elle doit se faire en regard de la spécificité même des organismes concernés, c'est-à-dire les ordres et le CIQ, qui ont été créés par une autre loi de l'Assemblée nationale, le Code des professions. À cet égard, nous sommes d'avis qu'un enjeu important des travaux de cette commission parlementaire sera de parvenir à un arrimage cohérent entre deux finalités distinctes mais complémentaires: d'une part, la finalité de protection du public qui est contenue au Code des professions et, d'autre part, les finalités de transparence et d'éthique contenues dans la loi sur le lobbyisme.

Ces finalités expriment des valeurs de la société québécoise, et c'est pourquoi elles ont été consacrées dans les législations. De prime abord, rien ne devrait s'opposer à leur coexistence, voire à leur renforcement mutuel même, mais ce n'est pas le cas. Dans son état actuel, la loi sur le lobbyisme contribue à miner la confiance du public à l'endroit du système professionnel, de ses principales institutions et du Code des professions. Mais rappelons d'abord quelques faits.

n (10 h 40) n

Selon la loi du lobbyisme, les ordres professionnels et le CIQ de même que leurs principaux dirigeants sont considérés comme des lobbyistes d'organisation dans le cadre des activités qui auraient pour but d'influencer la prise de décision d'un titulaire d'une charge publique. Ce faisant, les ordres professionnels se retrouvent apparentés à des groupes à caractère privé poursuivant des intérêts économiques spécifiques, comme le font les associations professionnelles, les groupes patronaux ou les syndicats. Cette assimilation est regrettable, compte tenu de la nature des ordres et de la nature du CIQ.

Sans vouloir refaire ici la démonstration de notre mémoire, je dois rappeler que le Code des professions fait des ordres professionnels des délégateurs de l'État en regard de leur fonction principale, qui constitue en même temps leur obligation légale: protéger le public. Tout aussi clairement, le code institue le CIQ, le Conseil interprofessionnel, en tant qu'organisme-conseil auprès du gouvernement. Il en définit même le mandat.

Sur ces aspects, je me permettrai de commenter l'exposé présenté le 1er mai dernier, devant la commission, par le Commissaire au lobbyisme. Celui-ci réaffirmait son confort à l'égard des dispositions de la loi concernant les ordres professionnels. Son argument était le suivant: Quoi de plus normal de soumettre les ordres aux mêmes obligations qu'une association professionnelle, qu'un regroupement patronal ou qu'un syndicat puisque les administrateurs d'un ordre sont élus par les membres? Il est vrai que l'État a fait le choix de rendre les ordres professionnels autogérés. En ce sens, l'encadrement de la pratique professionnelle est confié aux professionnels eux-mêmes, les véritables experts pour le faire. Mais le Code des professions rappelle à quel point les ordres sont des créatures de l'État, soumis à la surveillance de celui-ci.

Le système professionnel, comme nous l'avons illustré dans notre mémoire, est indissociable d'un processus de reddition de comptes et d'imputabilité envers le gouvernement et vous-même, les parlementaires, mais surtout le code fait obligation aux ordres professionnels non pas de protéger leurs membres, mais de protéger le public. La nuance est fondamentale. Cette obligation est inscrite dans la loi, et les ordres doivent s'y tenir. L'Office des professions est là pour y veiller, le ministre responsable et l'Assemblée nationale également. Pour cette raison, tel que le prescrit le code, le rôle du bureau, c'est-à-dire du conseil d'administration d'un ordre professionnel, est de veiller à l'application des dispositions de ce même code. En clair, le conseil d'administration d'un ordre professionnel ne représente pas les membres de l'ordre comme il en est du conseil d'administration d'une association professionnelle; le conseil d'administration a la responsabilité de prendre les moyens pour appliquer la loi, c'est-à-dire pour encadrer l'exercice d'une profession.

Ainsi, la première leçon apprise par tout nouvel administrateur d'un ordre professionnel est la suivante: désormais, ton travail n'est pas de représenter ceux qui t'ont élu mais de les surveiller pour protéger le public. Il s'agit là d'une particularité importante du système professionnel que les parlementaires doivent bien comprendre pour bien supporter les dirigeants des ordres dans cette difficile et délicate mission. D'ailleurs, c'est pourquoi, toujours selon le Code des professions, il revient au bureau d'un ordre, au conseil d'administration d'un ordre, et non à l'assemblée des membres d'initier et d'adopter les règlements qui encadrent la profession. Une fois approuvés par le gouvernement, ces règlements ont force de loi. Vous admettrez avec moi qu'on est assez loin ici du mandat d'une association, d'un regroupement patronal ou d'un syndicat.

Certes, la loi sur le lobbyisme établit une exemption pour les ordres et le CIQ. Ainsi, les représentations faites auprès du ministre responsable de l'application des lois, le ministre de la Justice, ou auprès de l'Office des professions ne sont pas des activités visées lorsqu'elles portent sur la législation et la réglementation professionnelles. Cette exemption, comme nous le démontrons encore une fois dans notre mémoire, est redondante avec d'autres dispositions de la loi. Elle n'a somme toute qu'un caractère symbolique, car, pour exercer adéquatement leur mandat de protection du public, les ordres professionnels ne peuvent s'en tenir qu'à la portion limitée des relations avec le ministre responsable et l'Office des professions. Bien au contraire, la protection du public requiert des ordres de pouvoir effectuer en toute légitimité des représentations auprès d'une diversité de titulaires d'une charge publique.

Vous comprendrez facilement, et je pense que le Dr Lamontagne, pour le Collège des médecins, en a fait une démonstration éloquente tout à l'heure, mais vous comprendrez facilement que les relations de l'Ordre des infirmières ou du Collège des médecins sont beaucoup plus fréquentes et régulières avec le ministre de la Santé qu'avec le ministre de la Justice, responsable de l'application des lois professionnelles. Mais je pourrais également vous parler de l'Ordre des comptables agréés avec la ministre des Finances et de plusieurs autres ordres avec la ministre de l'Éducation ou le ministère de l'Éducation.

Une profession ne se structure pas en vase clos mais dans un environnement. Il est déraisonnable d'exiger d'un ordre professionnel, sous peine de poursuite, qu'il déclare des représentations auprès de titulaires d'une charge publique que requiert directement ou indirectement la protection du public. Par conséquent, le conseil et les ordres appellent à modifier la loi sur le lobbyisme afin que celle-ci reconnaisse les exigences de mise en oeuvre du Code des professions par les ordres professionnels.

S'agissant du CIQ, des motifs semblables doivent être évoqués au nom d'une interprétation large de son mandat d'organisme-conseil auprès des autorités publiques. Cet appel veut aussi contribuer à trouver une solution. À cet égard, la loi prévoit que le gouvernement peut, par règlement, exclure des activités de l'application de la loi. Or, ce règlement existe, il s'agit du Règlement relatif au champ d'application sur la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. Ce règlement pourrait être amendé afin d'élargir les activités non visées par la loi pour les ordres professionnels et le conseil. En effet, la protection du public requiert des ordres et du CIQ de pouvoir effectuer en toute légitimité des représentations auprès d'une diversité de titulaires d'une charge publique au-delà du cadre des relations avec le ministre responsable de l'application des lois professionnelles et l'Office des professions.

Je précise ici que cette recommandation ne vise pas à exclure les ordres professionnels et le conseil de la loi; nous demandons plutôt que cette loi soit modulée de manière à ce que les activités d'un ordre requises aux fins de la protection du public soient dorénavant considérées comme non visées par la loi. Telle est à notre avis la condition nécessaire d'un arrimage cohérent et respectueux entre ces deux finalités distinctes mais complémentaires que sont, d'un côté, la protection du public et, de l'autre, la transparence et l'éthique dans l'action publique.

Alors, je vous remercie de votre attention. M. Thuot et moi-même sommes disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Thuot, M. Gagnon. Merci, M. Gagnon, de votre présentation. Je reconnais maintenant M. le député de Viau.

M. Dubourg: Merci, M. le Président. Bien, alors, bienvenue, M. Lamontagne, M. Thuot, que j'ai rencontrés tout dernièrement dans d'autres circonstances.

Écoutez, je pense que, comme vous l'avez dit, le groupe précédent, le Dr Lamontagne en a longuement parlé, puis, étant donné que, bon, vous, du Conseil interprofessionnel, nécessairement je crois que c'est le même sujet, là, c'est le même dossier dont on va parler, moi, le parallèle que j'aimerais faire avec vous, c'est qu'au niveau du conseil vous avez parlé de, enfin, l'intérêt privé versus l'intérêt public. Vous nous dites que, bon, les ordres professionnels sont là, d'accord, pour la protection du public et que, comment dirais-je, les membres, de leur côté, paient des cotisations. Si je fais le parallèle avec les syndicats, qui, eux, par exemple, bon, ont des membres, puis les membres paient des cotisations, mais aussi bien les syndicats que vous, au niveau du Conseil interprofessionnel, vous êtes là, eux aussi peuvent dire que c'est pour la protection du public. Il n'y a aucun intérêt privé nécessairement.

Donc, c'est où tirer la ligne pour dire que les syndicats, par exemple, devraient être assujettis et les ordres professionnels, qui, eux aussi, sont là pour la protection du public, ne devraient pas l'être, en quelque sorte?

M. Gagnon (Richard): Écoutez, je ne parlerai pas pour les syndicats, vous comprendrez bien, mais il n'y a que les ordres professionnels qui ont le mandat de protection du public au Québec. Il y a une loi, c'est le Code des professions, et le Code des professions impose aux ordres professionnels une panoplie de mécanismes et de structures faisant en sorte qu'ils doivent exécuter, à l'intérieur de cette structure, leur mandat de protection du public. Ce n'est pas le cas des syndicats. L'obligation d'un syndicat, c'est de représenter son membre, premièrement. Nous, ce n'est pas du tout le cas et c'est ce qui complexifie et complique la nature du travail des dirigeants des ordres professionnels, qui effectivement vivent des cotisations de leurs membres, vivent de l'appui de leur membership, mais leur mandat, c'est d'établir des règlements et des lois qui vont encadrer la pratique et sanctionner les membres qui ne respecteront pas...

n (10 h 50) n

Alors, c'est un mandat qui est difficile, qui est complexe, et, pour bien le réaliser, les ordres ont besoin de l'appui de tout le monde, dont les parlementaires. Quand il y a une loi qui les assujettit à une... qui les associe, c'est-à-dire, à des lobbyistes, déjà c'est difficile de faire comprendre à la population que les ordres professionnels ne sont pas là pour représenter ou défendre leurs membres, ils sont là au contraire pour protéger le public. Et, moi, je peux vous dire que c'est ce qu'ils font. Et, que d'un autre côté on a une loi qui vient dire: Les ordres, ce sont des lobbyistes, là il y a une incohérence incroyable dans le discours, et on vient saper le travail que l'État québécois fait depuis des années pour construire un système professionnel qui est valable, qui est solide et qui est rigoureux. Et je peux vous dire que le système professionnel québécois, il est rigoureux.

J'ai moi-même dirigé deux ordres professionnels dans une autre vie, pendant une quinzaine d'années, et je peux vous dire que le mandat de dirigeant d'un ordre professionnel, il est loin d'être simple, surtout en plus quand tu es un ordre à titre réservé où ton membre, il n'est pas obligé d'adhérer à ton ordre pour exercer. Alors, tu dois le convaincre de s'assujettir à un code de déontologie, à des règlements sévères, à de l'inspection professionnelle, à un comité de discipline, et, s'il déroge à la réglementation, on va le sanctionner, et ce, sans qu'il soit obligé... Alors, il y a un discours qui est difficile à développer et à soutenir pour les dirigeants d'ordre. Il faut que l'État soutienne ce discours-là et évite en contrepartie de miner la crédibilité des ordres en les associant à des lobbyistes, ce qu'ils ne sont véritablement pas.

Le Président (M. Paquet): M. Gagnon, merci.

M. Dubourg: Ah! oui, allez-y, M. Thuot, oui.

M. Thuot (Jean-François): Peut-être en complément.

Le Président (M. Paquet): M. Thuot.

M. Thuot (Jean-François): On fait souvent ce parallèle, et d'ailleurs le Commissaire au lobbyisme le fait entre un ordre professionnel et des associations qui ont des finalités professionnelles, syndicales ou patronales. La différence fondamentale est celle-ci: bien sûr, le syndicat, par exemple, est à but non lucratif, bien sûr il pourra prétendre qu'il agit dans l'intérêt général, et c'est vrai dans plusieurs circonstances. La différence fondamentale entre un ordre et une association, ou un syndicat, ou une chambre de commerce, au-delà du caractère non lucratif, là, c'est tout simplement que l'ordre applique une loi. C'est l'État qui a créé l'ordre, et, dans le processus de cette création, il a décidé de confier à l'ordre le mandat de ce qu'il aurait pu faire lui-même, c'est-à-dire un mandat de protection du public, à telle enseigne que, le bureau, le conseil d'administration, comme l'a bien signalé M. Gagnon, ses membres sont élus par l'assemblée des membres, mais, si vous lisez le Code des professions, le Code des professions circonscrit les pouvoirs de l'assemblée des membres à deux choses fondamentales: élire les membres et voter la cotisation. Ça s'arrête là. L'acte fondamental du bureau, c'est d'encadrer la profession, et à cette fin il n'a pas de comptes à rendre aux membres. Il en a cependant à rendre auprès de l'Office des professions et du ministre, les deux devant veiller à ce que l'ordre s'acquitte adéquatement de son mandat de protection du public.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Dubourg: Merci. Merci, M. Thuot. Mais, M. Gagnon aussi, comment est-ce que vous réagissez à l'effet que certains ordres professionnels, comme le Dr Lamontagne l'a dit, par exemple les dentistes ou les ingénieurs, ont décidé, bon, étant donné que la loi le leur demande, ont décidé de s'inscrire et puis d'ajouter, là, certaines activités qu'ils font parce que, eux, ils considèrent ces activités-là comme étant du lobbyisme?

M. Gagnon (Richard): Bien, en fait...

Le Président (M. Paquet): M. Gagnon.

M. Gagnon (Richard): Pardon. Il peut arriver en fait que certains ordres aient des activités à caractère plus associatif. Il peut arriver. Et, que ces ordres-là déclarent leurs activités de type associatif dans le cadre de la loi sur le lobbyisme, nous, on n'a pas de problème avec ça. Finalement, ce qu'on vous dit aujourd'hui, c'est que d'exercer le mandat de protection du public par les ordres requiert des interventions auprès d'une quantité de personnes qui détiennent une charge publique.

Actuellement, l'exclusion se limite au ministre de la Justice et à l'Office des professions. Ce n'est vraiment pas suffisant pour permettre aux ordres d'exercer leur mandat de protection du public correctement. Mais, toutes les activités de certains ordres qui pourraient sortir du cadre direct de la protection du public, qu'elles soient enchâssées par la loi sur le lobbyisme, nous, on n'a pas de difficulté avec cette réalité-là. Donc, au fond, ce qu'il faudrait considérer, c'est l'exclusion de l'application de la loi pour toutes les activités des ordres touchant la protection du public, et, à partir de là, les activités...

Le Dr Lamontagne nous disait tantôt: Mon ordre professionnel ne fait pas d'activité en dehors du champ de protection du public. Parfait. Son cas serait réglé, finalement. D'autres ordres pourraient exercer certaines activités en dehors de leur champ de protection du public; bien, à ce moment-là, qu'ils les déclarent. Mais entre nous ces activités à caractère plus associatif souvent prennent la forme soit de mise en commun de services ou des choses de cette nature pour aider les ordres. Il y a très peu de liens avec des personnes en autorité, là, qui détiennent une charge publique.

M. Dubourg: O.K. D'accord. Merci.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Dubourg: Oui. Merci. Et donc, au niveau de l'assujettissement, je comprends que le terme... Bon, on parle beaucoup de protection du public. Est-ce que, bon, les ordres professionnels, qui de par nature émettent des avis au ministre... Bon, je suis d'accord, vous allez automatiquement dire que non, ils ne devraient pas être assujettis, donc c'est pour ça que je reviens. Vous me dites: Même si les activités d'ordre associatif peuvent être minimes... Mais comment est-ce que vous voyez que, bon, le Commissaire... ou bien au niveau de la loi on devrait prévoir ça? Parce que, dans la loi, il y a une série d'activités de représentation qui sont exclues pour dire que, bon, les ordres professionnels n'ont pas à être considérés comme étant des activités parce qu'ils sont exemptés, d'accord? Puis on parle aussi... Bon, on pourrait même ajouter les avis au ministre. Mais comment faire cette distinction-là de dire aux ordres professionnels: Voilà, ce type d'activités là, même si elles sont minimes... Comment est-ce qu'on pourrait l'enchâsser, là, dans la loi de façon à ce qu'elle soit respectée, quoi?

M. Gagnon (Richard): Bien, moi, je pense que...

Le Président (M. Paquet): M. Gagnon.

M. Gagnon (Richard): Oui. Merci, M. le Président. Je pense qu'on devrait y aller à l'inverse. C'est-à-dire, on devrait, pour que ce soit plus limpide et plus clair, exclure de l'application de la loi les activités des ordres touchant la protection du public. Le reste demeure enchâssé et inclus dans l'application de la loi. Et, le règlement, il y a un règlement qui existe et qui permet cette possibilité, donc on n'a pas à faire une révolution dans la loi trop grande, il y a un règlement déjà qui existe et qui permet d'indiquer les activités non visées par la loi. Alors, qu'on ajoute à ce règlement les activités de protection du public des ordres comme activités non visées par l'application de la loi, et en conséquence vous allez continuer d'avoir un certain nombre d'ordres qui vont être inscrits au registre parce qu'il peut leur arriver occasionnellement d'avoir des activités qui ne sont pas directement ou indirectement liées à la protection du public, même si, je le répète, ça peut être assez rare.

M. Thuot (Jean-François): Et, pour toujours préciser la question de la sémantique, vous utilisez l'expression «assujettir les ordres et le conseil». Notre position, ce que nous venons vous dire aujourd'hui, c'est que l'enjeu est de déterminer les activités et non pas les groupes, de déterminer les activités qui devraient être visées par la loi. Et ce que nous vous disons, c'est que, nous, ce que nous visons, ce n'est pas d'exclure les ordres et le conseil de la loi mais de mieux identifier les activités qui ne devraient pas être visées par celle-ci. Actuellement, il en a, et ce que nous souhaitons, c'est d'élargir l'assiette d'exemptions.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Dubourg: Oui. Bien, M. le Président, une dernière question. Donc, oui, je comprends cette partie-là des activités, comme vous avez dit. Mais, nonobstant les activités, bon, la protection du public versus intérêt privé, est-ce qu'il y a d'autres éléments dans cette loi-là qui vous apparaissent qu'on devrait modifier, par exemple? Mettons de côté l'aspect assujettissement, mais tous les autres aspects de cette loi-là, ça vous convient? Vous ne l'avez pas abordé du tout dans votre mémoire. Est-ce que ça veut dire que le Commissaire a libre cours?

M. Gagnon (Richard): Bien, en fait, on s'est concentrés...

Le Président (M. Paquet): M. Gagnon.

M. Gagnon (Richard): Merci, M. le Président. Je m'excuse. On s'est concentrés sur les éléments qui nous préoccupaient particulièrement, et honnêtement les ordres ont essayé de développer une position, là, de bons citoyens corporatifs parce que, pour plusieurs ordres, l'application de la loi comme telle est un irritant majeur et ne correspond tellement pas à la réalité des ordres! On en a vu une démonstration tout à l'heure. Mais on a quand même convenu, contrairement à d'autres groupes sociaux, nous, on a convenu de maintenir notre assujettissement à cette loi-là, ne pas demander d'y être désassujettis, bien que ça aurait pu être extrêmement tentant, je ne vous le cacherai pas, mais au contraire on a essayé de trouver une solution plus facile d'application et plus réaliste.

Les autres problèmes liés au registre quant à moi sont beaucoup plus liés à l'application de la loi qu'à la loi comme telle, méconnue, difficile d'application. Le registre a un fonctionnement douteux, s'inscrire au registre est extrêmement difficile. Je suis le nouveau dirigeant du Conseil interprofessionnel, j'essaie de m'y inscrire depuis un bon moment, ça ne fonctionne pas. Je pourrai vous laisser le directeur... Je pense qu'avant d'aller trop loin... Puis là ça sort du cadre de notre mémoire et c'est un peu personnel, mais, moi, je pense qu'avant d'aller trop loin dans le développement de ce registre il y a peut-être une question à se poser, si on n'a pas un pas en arrière à faire et de le rendre plus simple d'accès, plus facile à utiliser que d'essayer de l'alourdir encore et d'en faire une bureaucratie qui ne sera pas respectée parce que difficile à fonctionner.

n (11 heures) n

Le taux de consultation du registre, moi, je n'ai rien vu à ce sujet, mais un registre, ça existe pour être consulté. S'il n'est pas consulté, il ne sert absolument à rien. Que ce soit dans le mémoire du Commissaire ou ailleurs, je n'ai rien vu sur le taux de consultation de ce registre. Alors, s'il n'est pas consulté, il ne sert à rien. Donc, on a peut-être intérêt à le rendre un peu plus simple, plus facile d'accès pour en faire un outil qui aura l'utilité que l'État a souhaité lui donner, ce qui n'est pas le cas.

Et, quant aux ordres professionnels, qui est la portion qui nous concerne, nous, comme citoyens collaborateurs à la mise en place de ce registre-là, on veut bien faire notre part mais dans le cadre de paramètres qui sont réalistes. On a voulu en embrasser beaucoup trop large. Et associer les ordres à des lobbyistes, c'est une erreur vraiment importante qu'il faut, aujourd'hui, corriger. Et vous allez voir les ordres professionnels collaborer beaucoup plus facilement dans l'avenir sur les portions qui les concernent vraiment et qui sont en dehors de leur champ de protection du public.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Je reconnais maintenant M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. L'Écuyer: Merci, M. le Président. Alors, je vous salue, M. Thuot de même que M. Gagnon, et c'est un plaisir de vous accueillir ici, en commission parlementaire.

À titre d'introduction, en 2002, est-ce que vous avez eu l'occasion, au moment de l'adoption de la loi, de venir en commission parlementaire et d'expliquer votre position?

M. Gagnon (Richard): Pas vraiment, M. le député, parce que, comme vous l'avez entendu précédemment, on s'était fait dire que, compte tenu de leurs particularités, les ordres professionnels ne seraient pas inclus dans l'application de la loi. Alors, à partir de cette réalité-là, tu ne vas pas te présenter pour défendre un projet qui ne te concerne pas.

M. L'Écuyer: Est-ce qu'il y a eu une déclaration du ministre lors d'une rencontre ultérieure de l'adoption de la loi, si j'ai bien compris?

M. Thuot (Jean-François): Alors, les faits rapportés par Dr Lamontagne sont effectivement rigoureusement vrais, il y a eu cette déclaration ministérielle, et, lorsqu'on nous a appris la mauvaise nouvelle à l'époque, c'est-à-dire qu'il y avait, suite à des tractations, il y avait cette volonté d'assujettir les ordres et le conseil, nous sommes parvenus à arracher, si on veut, in extremis l'exemption que vous connaissez et que nous avons signalée dans notre mémoire, et c'était suite à une démarche du ministre de la Justice, qui comprenait très bien nos raisons. Mais c'était assorti également, et c'est aussi un fait véridique, c'était assorti d'un engagement à l'effet que le règlement que nous avons mentionné, le règlement sur le champ d'application, allait être mis en usage, si on veut, pour exclure les ordres en tant qu'organismes. Ça, c'est 2002.

Et, comme l'a signalé M. Gagnon, nous avons fait du chemin dans notre réflexion depuis cette période, et, aujourd'hui, ce que nous demandons, ce n'est pas une exclusion comme telle. Nous comprenons aussi les raisons qui peuvent rendre les parlementaires réticents à désassujettir des organismes, alors que ce que l'on entend, c'est qu'il faudrait en assujettir davantage. Nous avons écouté les commissions parlementaires et nous sentons très, très bien qu'il y a ce vent. Mais ce que nous vous demandons, c'est de tenir compte des exigences de mise en oeuvre du Code des professions et, dans ce sens-là, d'élargir le sens des exemptions.

Le Président (M. Dubourg): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. L'Écuyer: Merci, M. le Président. J'y reviendrai au niveau de la distinction ou du volet lobbyiste, là. Je dois comprendre que vous vous êtes inscrits quand même sur... et vous êtes inscrits comme lobbyistes d'organisation, et, en vertu de l'article 5.8°, huitième paragraphe, vous ne deviez pas, en fait vous ne seriez pas, vous n'auriez pas l'obligation de vous inscrire, à ce que je sache. Et je voulais simplement savoir pourquoi vous avez cru bon de vous inscrire, parce que, si je lis aussi la partie du règlement concernant l'article 11°, là... paragraphe 1, alinéa 11° du Règlement relatif au champ d'application de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, je pense qu'effectivement... Je veux simplement savoir pourquoi vous vous êtes inscrits au registre alors qu'effectivement la définition de «lobbyiste», si je prends cette petite définition là qui pourrait vous préoccuper comme organisme, là... Pourquoi vous vous êtes inscrits?

M. Thuot (Jean-François): Alors, l'exemption dont il s'agit se réduit à la portion congrue de nos représentations avec les titulaires de charges publiques, c'est-à-dire le ministère de la Justice et l'Office des professions. Bien entendu, nous avons des contacts fréquents avec ces deux entités.

Maintenant, nous nous sommes inscrits justement parce que nos représentations couvrent un champ bien plus large. Je vais vous donner un exemple très, très simple qui s'est produit il y a quelques années, et ça concerne le conseil. Il y a quelques années, nous avons fait des représentations auprès du Conseil du trésor, qui était en train de mettre en place un programme de reclassification des emplois de la fonction publique, et ce programme touchait à la nomenclature des titres d'emploi et pouvait potentiellement avoir un risque de contradiction avec l'application de la législation professionnelle en ce qui concerne les titres professionnels: le titre d'ingénieur, de chimiste, d'agronome, etc. Il y avait une friction potentielle à ce niveau. Nous avons donc fait une représentation, avec des ordres concernés, auprès du Conseil du trésor pour les prévenir qu'il y avait là un risque de contrevenir à la législation professionnelle. Nous avons donc fait cette représentation-là dans le cadre du contrôle de l'exercice d'une profession en lien avec la protection du public. Mais malheureusement il se trouve que, la classification des emplois, ce n'est pas le ministère de la Justice qui la fait, c'est le Conseil du trésor. Alors, sous ce rapport, nous devions nous déclarer puisque ce n'est pas une activité qui est exemptée.

Mais je pense que cet exemple illustre très, très bien à quel point des représentations faites dans le cadre de la protection du public requièrent des contacts avec bien davantage que le ministre de la Justice et l'Office des professions. Il faut signaler le ministre de l'Éducation, le ministre de l'Immigration. Je pense que vous êtes au fait du dossier de la reconnaissance des acquis des personnes immigrantes. Il va de soi que notre interlocuteur en la matière, ce n'est pas l'Office des professions, c'est le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, et, sous ce rapport, nous devons déclarer nos représentations faites dans ce cadre alors qu'il y a un lien direct avec la protection du public puisqu'il s'agit de la compétence et de la formation des professionnels, qui est un mandat qui revient à l'ordre, selon le Code des professions.

Et je pourrais multiplier les exemples de cette nature pour vous signaler que nos représentations, et il en est de même des ordres professionnels, requièrent un éventail large de représentations auprès de titulaires de charges publiques, et il est déraisonnable, pour reprendre l'expression de M. Gagnon, il est déraisonnable que l'on doive s'inscrire au registre sous peine de poursuite alors que c'est en lien direct avec le mandat du conseil et des ordres professionnels.

M. L'Écuyer: Merci, M. Thuot. Simplement pour ajouter un peu à ce volet-là, je sais que la... On peut dire: Dans un sens, c'est très mince comme définition ou... d'exemption. Par contre, est-ce que ça vous oblige à chaque fois de faire des amendements à votre inscription, à votre inscription initiale? C'est-à-dire que vous êtes obligés, si vous vous occupez d'un mandat particulier, de faire une modification au registre concernant tel ou tel mandat? Ça vous oblige à le faire?

M. Gagnon (Richard): Absolument. Toute intervention, exemple, avec le ministère de l'Éducation sur des règlements liés à la délivrance des permis ou autres, et on pourrait vous donner une foule d'exemples où le CIQ a à intervenir dans le cadre de l'application du Code des professions... À chaque fois, l'intervention devrait être consignée au registre, avec les motifs de l'intervention, etc., ce qui devient, à toutes fins pratiques, inapplicable.

Et, quand je répondais à la question de M. le député tout à l'heure, à savoir: Y a-t-u des choses dans la loi qui devraient être... ça, c'est un bel exemple de situation où il est presque impossible d'application, l'inscription à chaque fois d'une activité qui est un corollaire du nôtre. Finalement, ça ne finit plus, là. Alors, normalement, oui, on devrait à chaque fois modifier ces inscriptions.

Le Président (M. Dubourg): M. le député.

M. L'Écuyer: Vous avez parlé... vous avez assisté... vous avez entendu, ou, si vous ne l'avez pas entendu, je vais vous rappeler un peu... Le président de l'Ordre des médecins parlait des 25 ordres en matière de santé qui ont un caractère... et, à cause un peu de la structure de l'ordre, du Collège des médecins, où il représente la protection du public et, de l'autre côté, avec la fédération, où il représente les intérêts des professionnels, il se disait que, pour 25 ordres dans le domaine de la santé, ne serait peut-être pas nécessaire l'application de la loi au lobbyisme. Par contre, il parlait des autres ordres lorsqu'on parle d'activités financières.

Est-ce que vous êtes du même avis que votre collègue, du président du Collège des médecins, sur cette question-là? Et, si on doit clarifier le règlement, est-ce qu'il faut le clarifier avec cette notion financière plutôt que notion professionnelle, protection du public?

n (11 h 10) n

M. Gagnon (Richard): Écoutez, le Dr Lamontagne, oui, nous a parlé des 25 ordres professionnels du monde de la santé, c'est le secteur qu'il connaît bien, là. Le Collège des médecins, c'est un ordre professionnel de la santé, mais je peux vous dire que l'Ordre des comptables agréés ou d'autres auraient pu tenir le même discours que le Dr Lamontagne, à savoir que l'ordre professionnel exécute son mandat de protection du public et que les activités autres sont réalisées, ou les activités plus de représentation des membres sur des questions socioéconomiques ou autres, sont réalisées par d'autres associations, ce qui fait que l'ordre n'aurait pas du tout à être concerné par l'application de la loi.

Nous, on pense, et le Collège des médecins est d'accord avec nous d'ailleurs, que d'exclure de l'application de la loi toutes les activités liées à la protection du public réglerait le problème, finalement. Alors, tout ce qui n'est pas des activités liées à la protection du public, donc représentations touchant des questions financières pour les membres ou autres, alors ces questions-là pourraient tomber sous le régime d'une association finalement qui doit être inscrite au Registre des lobbyistes. Alors, un ordre professionnel qui ferait des interventions pour que ses membres tirent un avantage financier ou autre exécuterait des activités de lobbying.

M. L'Écuyer: Une petite question au sujet de la question des spécialistes, je veux dire, des codes de déontologie au niveau de chacun de vos organismes d'ordre professionnel: Pouvez-vous nous dire si, à l'intérieur de vos codes d'éthique et de déontologie, vous pourriez inclure à l'intérieur de vos règlements une obligation aux membres qui font partie d'un ordre ou un autre l'obligation de s'inscrire comme lobbyistes à l'intérieur et de faire l'application d'une partie de cette loi-là à l'intérieur des ordres professionnels?

M. Gagnon (Richard): Bien là, il faut faire attention, M. le député, parce que nos membres sont soumis à l'application de toutes les lois. Alors, pourquoi, dans un code de déontologie d'un ordre professionnel, on ajouterait que le membre est tenu à respecter telle loi? Si un membre d'un ordre professionnel est un lobbyiste et qu'il en fait carrière ou profession, il doit absolument être inscrit au Registre des lobbyistes. Alors ça, c'est une autre chose. Les membres, les 326 000 membres du système professionnel doivent respecter rigoureusement la loi et, dans le cadre des activités professionnelles qu'ils réalisent et qui sont en lien avec la loi sur le lobbyisme, ils doivent s'inscrire, ils doivent déclarer leur enregistrement d'activités, etc. Là, on parle des ordres professionnels qui encadrent ces membres-là. Et, les ordres professionnels, alors ce qu'on vous dit, c'est que toutes les activités de protection du public de ces ordres devraient être exclues de l'application de la loi, mais ça ne touche absolument pas nos membres. Les membres des ordres professionnels, eux, doivent continuer de respecter la loi intégralement pour ceux qui font des activités de lobbyiste.

Le Président (M. Dubourg): M. le député, encore une minute.

M. L'Écuyer: Je terminerai avec peut-être le volet... Il y a trois volets avec ce que je vois dans la loi: le volet inscription au registre, le volet éthique, le volet aussi code de déontologie ou déontologie au niveau des lobbyistes. Dans ces trois volets-là, je dois comprendre de votre intervention que le principal, c'est le volet d'enregistrement au niveau du Registre des lobbyistes, qui est le volet qui devrait être en fait beaucoup plus priorisé par le Commissaire, et aussi la simplification de l'enregistrement au registre afin qu'on puisse facilement consulter ce registre-là. Des propos que vous avez tenus, je pense qu'effectivement vous vous interrogez à savoir si effectivement ce registre-là a son utilité et je dois comprendre que c'est le premier volet que vous privilégiez par rapport aux autres volets, qui sont de l'éthique... toujours sous la juridiction du Commissaire au lobbyisme.

M. Gagnon (Richard): Oui, mais, au-delà de ce...

Le Président (M. Dubourg): Très rapidement, M. Gagnon.

M. Gagnon (Richard): Merci, M. le Président. Rapidement, au-delà de ce commentaire plus général, moi, je vous dirais que la priorité de notre intervention, elle vise à vous demander de faire en sorte que les activités de protection du public réalisées par les ordres professionnels soient exclues des activités visées par la loi. Et, dans cette recommandation, il y a une solution aux problèmes que le Dr Lamontagne a exprimés tout à l'heure et aux problèmes que vivent tous les ordres professionnels, qui quotidiennement, dans la réalisation de leur mandat de protection du public, ont à parler à plein de titulaires de charges publiques et devraient normalement s'enregistrer, ce qui n'a pas d'allure.

Le Président (M. Dubourg): Merci, M. Gagnon. Maintenant, la parole est au député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci. Alors, merci, messieurs, de votre présentation. Je vais être assez bref dans mes questions. J'ai abordé le sujet ? vous étiez présents, d'ailleurs ? avec Dr Lamontagne et son acolyte, dont j'ai oublié le nom. J'ai seulement retenu le petit Robert, Le grand Robert, alors...

Des voix: ...

M. Bédard: M. Yves Robert. Alors, j'écoute vos demandes. Sur l'alourdissement, là, honnêtement je ne vous suis pas, là, quand vous avez émis... ce n'est pas dans votre mémoire, là, mais les commentaires à l'effet que c'était lourd, difficile, pénible. Vous savez, vous êtes une bonne organisation, vous êtes des professionnels. Je vous dis honnêtement, là, je comprends que vous trouvez ça pénible, mais ça, j'ai un petit peu plus de misère à vous suivre. La difficulté pour vous que ça s'applique, c'est que l'ensemble de vos mandats s'intéressent peu justement aux activités de lobbyisme, dans le sens qu'elles s'associent peu. Mais il reste qu'il peut arriver effectivement que c'est carrément des activités de lobbyisme, pas pour vous ou pas pour quelqu'un qui pourrait invoquer une exception, comme vous dites, bon, la protection du public. Le problème de prendre un terme comme ça: c'est un terme très générique, «protection du public», hein, c'est comme...

Je donnais un exemple. C'est comme le bien commun, c'est comme le gros bon sens, l'intérêt public. Tout le monde s'arroge l'intérêt public, le gros bon sens. Je me suis toujours méfié du gros bon sens d'ailleurs parce que ce qui est le gros bon sens pour un est souvent une aberration pour l'autre. J'avais des exemples. Par exemple, est-ce que vous pensez que c'est une protection du public... Tout le litige qui existait autour de la vérification publique, là, la signature entre les CMA et les CA, là, est-ce que c'est des questions relatives à la protection du public, ça?

M. Gagnon (Richard): Moi, je vous dirais très, très probablement, sans avoir été au coeur de ce débat-là. Que les comptables agréés considèrent qu'ils requièrent tel niveau de compétence pour certifier que les états financiers d'une entreprise sont conformes ou non, ça s'appuie sur un raisonnement de protection du public...

M. Bédard: Je parle de tout le débat...

M. Gagnon (Richard): ...et un autre ordre professionnel pourrait avoir un commentaire différent.

M. Bédard: Mais je vous parle du débat... Bien, c'est ça. Je vous parle du débat de la vérification des organismes publics. Les CMA ailleurs au Canada ont le droit de signer, et là, bon, je ne sais pas si c'est terminé, tout ce débat-là.

Vous, vous allez me dire: C'est d'intérêt public. Si je parle à l'Ordre des CMA, là, lui, il va me dire: C'est du corporatisme, et, moi, je n'ai pas à juger de ça, là, mais lui... Ce que vous percevez, vous, comme la protection du public, lui va me dire: Ce n'est pas de la protection du public, nous sommes des professionnels, nous sommes... Alors, c'est quand même assez dur de départager où commencent justement ces intérêts-là, là. Et, moi, en ce qui me concerne, je vous dirais, c'est beaucoup plus assimilé à une activité qui est normale, là, qui n'est pas malsaine, parce que... Vous parlez, bon, de la confiance du public dans les ordres, que le fait de les assujettir, ça a eu un impact sur la confiance du public dans l'office... pas dans l'office mais dans l'ensemble des ordres. Honnêtement, je n'ai pas vu ça en cinq ans, là.

M. Gagnon (Richard): Mais, vous savez, M. le député...

Une voix: ...

M. Gagnon (Richard): Excusez-moi. J'ai fini par comprendre, M. le Président. Vous savez, M. le député, le mandat de protection du public réalisé par les ordres, il n'est pas simple à réaliser. Et, quand on dit que ça contribue à miner le mandat de protection du public des ordres face au public, ce qu'on veut dire, c'est que d'associer les ordres à des organismes de lobbying alors que d'un autre côté leur véritable mandat... Et ce qu'on essaie de faire valoir et faire comprendre à la population, c'est que leur mandat, ce n'est pas un mandat d'association, c'est un mandat de protection du public, et leur mandat n'est pas de représenter leurs membres mais de protéger le public. C'est difficile à faire comprendre à la population. Et je comprends que ce soit difficile parce que c'est une notion qui est assez particulière. On recrute des membres, on leur demande de payer une cotisation pour les encadrer, les discipliner, leur imposer des règlements. Les gens ont de la misère à comprendre ça. Et c'est pourtant, je vous assure, la réalité ? j'ai été directeur général de deux ordres professionnels, je l'ai vécu au quotidien pendant près de 15 ans ? alors qu'en même temps le législateur dit: Non, non, c'est des lobbyistes. C'est là qu'il y a une incohérence qui mine le système professionnel à moyen terme.

n (11 h 20) n

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Bédard: En tout respect, là, vous tournez court un petit peu, dans le sens que la loi ne dit pas que vous êtes un lobbyiste, elle vous dit: Dans le cadre de vos activités, il peut y avoir des activités, ça peut être 5 %, 1 % qui peut être assimilé à des activités de lobby au sens de la loi. Parce que, moi, je pense que, votre corpus puis votre mandat, effectivement vous les réalisez bien, c'est la protection du public, ça, je n'ai pas de doute. Il peut arriver des cas où on dépasse cette limite-là. Et il y a une forme de protection du public, mais il y a aussi une coloration très forte d'intervention auprès de charges publiques dans le cadre autre qui est prévu par la loi, qui a toute l'apparence effectivement d'une activité de lobby.

Mais, moi, je pense que le problème, c'est le lobby. Est-ce que le lobby, c'est péjoratif? Moi, honnêtement, ça a existé de tout temps, puis c'est une activité qui est normale, naturelle, noble. Quelqu'un qui veut influencer un décideur public, j'ai vécu ça toute ma vie, j'ai essayé d'en influencer, d'autres... Moi, je ne vois rien de péjoratif à vouloir influencer quelqu'un, là, c'est mon pain quotidien, ça.

M. Gagnon (Richard): Et, si je peux me permettre, M. le Président...

Le Président (M. Paquet): M. Gagnon.

M. Gagnon (Richard): ... ? merci ? et c'est pour ça, M. le député, que, pour les activités de lobbyisme, on n'a aucune réserve à ce que les ordres professionnels soient enregistrés et déclarent leurs véritables activités de lobbyiste au registre. Mais, quand vous parlez de 4 %, 5 %, on n'en est pas là. Ce qui devrait être déclaré par les ordres professionnels comme activités de lobbying, c'est beaucoup plus que ça, parce qu'on ne les exclut que pour la portion de leurs activités avec le ministre de la Justice et l'Office des professions, alors que leurs activités de protection du public débordent largement ce cadre-là. Et là on n'est plus dans le 4 %, 5 %. Mais, pour le 4 %, 5 % de véritables activités de lobbying, vous avez raison, ce n'est pas du tout une activité, là, qui est... C'est une activité qu'on peut facilement inscrire, là.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Bédard: Votre pain quotidien, c'est beaucoup, bon, des interventions avec vos membres, bien pas vous mais vos membres, si on veut, c'est beaucoup de relations avec les membres. Moi, je peux avoir des consultations avec le Barreau concernant certaines choses, participer à des comités de réflexion par rapport à la pratique. C'est ça, les activités, globalement. Il y en a beaucoup comme ça et il y en a d'autres effectivement de consultation. Il y en a d'autres... vous êtes exclus aussi, les représentations, je regardais, faites en réponse à une demande écrite d'un titulaire d'une charge publique. Si, par exemple, vous avez une demande du ministre de l'Éducation: Pourriez-vous clarifier avec nous les éléments de... Est-ce que c'est arrivé comme ça? Est-ce que ça doit se faire?, et là vous êtes exclus. Donc, est-ce que c'est une exception que vous utilisez à l'occasion, ça, celle du paragraphe 10° de l'article 5?

M. Thuot (Jean-François): Absolument.

M. Bédard: O.K.

Le Président (M. Paquet): M. Thuot.

M. Thuot (Jean-François): Cela étant dit, les ordres, comme le conseil, peuvent aussi prendre l'initiative de certaines représentations. Nous agissons parfois à la demande d'un titulaire, mais des fois nous initions cette représentation-là. Le mandat du conseil, si vous relisez l'article 19, consigne un certain nombre d'éléments où nous agissons sur demande du ministre et, sur d'autres éléments, nous avons l'initiative de la représentation, notamment lorsqu'il y a une question qui touche à la protection du public, et nous l'avons fait et nous continuons de le faire, et c'est valable, par exemple, auprès du ministre de l'Éducation.

Alors, je voudrais revenir un peu à l'élément... La question première que vous avez posée, c'est la difficulté de circonscrire ce qui relève de la protection du public. À mon avis, ce n'est pas si compliqué que ça. Il y a une réflexion à faire, j'en conviens, mais ce n'est pas si compliqué que ça parce que l'intérêt général, certes ça peut donner lieu à des grands discours, mais la protection du public, elle est déjà circonscrite dans le Code des professions. On dit déjà, entre autres, «contrôler l'exercice de la profession» et on dit: À cette fin ? par exemple ? veiller à la formation des professionnels. Ça veut dire aussi établir des normes de pratique. Ça veut dire aussi voir au respect de la législation professionnelle. Mais, tous ces éléments-là, vous comprendrez que d'emblée ça veut dire des échanges avec le ministère de l'Éducation, ça veut dire aussi des échanges avec des employeurs, l'État comme employeur s'il s'agit des normes de pratique parce que ça se traduit en termes d'organisation des services dans un établissement de la santé, par exemple.

M. Bédard: Est-ce qu'on pourrait mieux le préciser? Parce que, moi, votre terme, il est trop... En tout cas, là, je vous dis, je ne parle pas au nom de mes collègues, là. Je suis avocat, donc, moi, je trouve ça très générique, honnêtement, et ça peut être utilisé à toutes les sauces. Et là je vous le dis... Par exemple, je vous donnais l'exemple des CMA. Moi, je vous dis honnêtement, moi, c'est du lobby au sens pur du terme, ça, selon moi, selon ma perception. Puis je comprends l'idée de l'intérêt public, mais là on n'était plus là, on était face à deux ordres professionnels. Partout au Canada, c'était fait; ici, ça ne l'était pas. Et je ne vous dis pas qu'un ou l'autre a raison, mais les deux faisaient carrément du lobby. Et ils ont le droit de le faire, c'est dans leur... Moi, je trouvais ça normal, sain et correct de le faire. Je ne vous dis pas que j'ai été lobby, mais j'ai vu beaucoup de rencontres. Et c'est un exemple, on pourrait en citer plusieurs. C'est pour ça que je vous dis... Mais tous les deux invoquaient la protection du public, là, tous les deux, et tous les deux pourraient le prétendre devant n'importe quel tribunal, puis, en bout de ligne, ils risquent d'avoir raison, ou ça empêcherait cette obligation de transparence sur quelque chose qui est quand même assez important. Alors, s'il y aurait moyen...

Je le disais, je l'ai dit à quelques groupes, la commission continue ses travaux, mais vous pouvez faire des recommandations sur... Bon, il y a peut-être des éléments où vous dites: Évidemment, là, ce serait peut-être une exclusion qui pourrait être considérée. Mais, moi, j'aurais bien de la difficulté à recommander ça. Et là c'est peut-être ma profession qui me l'empêche, dans le sens que je vois tout l'impact que ça pourrait avoir. Puis je comprends votre intention, là. Ce n'est pas votre pain quotidien de... Allez-y.

Le Président (M. Paquet): M. Thuot.

M. Thuot (Jean-François): Bien entendu, la notion de protection du public n'exempte pas des frictions entre professions, dans la mesure où est-ce que chacun se voit délimiter un champ d'intervention où la préoccupation de chacun ? et là je pense qu'il faut respecter la bonne foi de chacun des intervenants ? c'est d'assurer la protection du public. Dans cette situation-là que vous évoquez, l'un dit: Pour bien protéger le public, la formation de nos membres est suffisante, et l'autre dit: Pour bien protéger le public, la formation des membres de cet ordre n'est pas suffisante. Vous conviendrez avec moi que la finalité... On ne parle pas de protéger des territoires ou des enveloppes de mandat, on parle ici: Est-ce que la personne qui va exercer cette activité a la formation pour bien protéger le public? C'est ça, la question de départ. Et, nonobstant les tensions entre les deux, je pense qu'il faut se rappeler que la finalité qui est évoquée ici, c'est celle-là. Et, si ce n'est pas le cas, nous vous répétons que l'office est là et le ministre est là pour rappeler les ordres à leurs devoirs. Est-ce qu'il l'a fait dans ce cas? Non. Le gouvernement a écouté les parties en présence, et, sur la base de la question: Les gens ont-ils la formation pour exercer cet acte?, le gouvernement a tranché, en faveur de l'un plutôt que l'autre mais sur la base de la même question de départ qui a été posée par les parties en présence.

M. Bédard: Et voilà.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Gagnon (Richard): Peut-être pour compléter...

Le Président (M. Paquet): Oui, M. Gagnon.

M. Bédard: Honnêtement, là, je comprends votre point de vue, mais vous ne m'avez pas convaincu. Ha, ha, ha!

M. Gagnon (Richard): Mais, la notion de protection du public, M. le député, on ne l'a pas inventée, là, elle découle directement de la loi. Le Code des professions nous confie le mandat de la protection du public, et la structure même du système professionnel, elle part de cette réalité-là. Alors, nous, c'est de ça qu'on vous parle. Est-ce qu'il y a beaucoup de lois au Québec qui confient à des groupes le mandat de protection du public? Moi, je n'en connais pas vraiment, et c'est pour ça qu'on vous parle de la protection du public, parce que notre loi constitutive nous confie exclusivement ce mandat-là.

Je comprends que la ligne n'est pas facile à tirer. Je comprends également que la notion de protection du public, elle est récupérée par bien des gens, un peu galvaudée, mais... Le système professionnel, c'est 45 professions, 51 activités professionnelles et 45 ordres professionnels, un tribunal des professions, l'Office des professions, un ministre. C'est toute une structure. Et la protection du public, c'est à l'intérieur de cette structure-là que l'État a prévu qu'elle se réaliserait, là. Pour nous, parler de protection du public, ça englobe plus facilement la réalité de ce qu'on fait.

Mais, vous savez, quant à la notion, là, de qu'est-ce qui est du lobbying d'un ordre, qu'est-ce qui est de la véritable protection du public, moi, je pense que les activités de type associatif doivent tomber sous le sceau du registre. Même l'exemple que vous donniez tout à l'heure, au niveau des comptables... Puis j'écoutais le Dr Lamontagne, on parlait des sages-femmes tout à l'heure.

M. Bédard: On était sur la limite. On le voyait, d'ailleurs.

M. Gagnon (Richard): Si le Dr Lamontagne ou si le Collège des médecins avait déclaré: Nous sommes opposés à ce qu'on confie ce mandat aux sages-femmes parce que nous croyons que le public est mal protégé, qu'est-ce que tout le monde aurait dit? C'est du corporatisme. Mais est-ce que le Collège des médecins n'a pas le droit de dire: Moi, je pense que la population est moins bien protégée? Je ne dis pas que c'est le cas du tout, là, ce n'est absolument pas ce que je prétends, je ne le sais pas. Mais on aurait facilement dit: C'est du corporatisme, alors que ce n'est pas ça du tout. Les ordres professionnels entre eux ont le droit d'établir des discussions qui sont parfois très vives, je suis d'accord, sur qu'est-ce qui est le mieux pour protéger le public et encadrer une profession plus qu'une autre, et honnêtement, pour 326 000 membres, 51 professions, je trouve que ça n'arrive pas si souvent que ça.

M. Bédard: D'où l'intérêt de...

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Bédard: D'où l'intérêt de le baliser, de le mettre au grand jour, tout simplement. C'est ça, le but.

Le Président (M. Paquet): M. Gagnon.

M. Gagnon (Richard): Si ce sont des activités de lobbying, oui.

M. Bédard: C'est ça.

Le Président (M. Paquet): Alors, ça clôt ce bloc d'échange. Je vous remercie beaucoup, M. Gagnon, M. Thuot, pour votre participation à nos travaux.

Je suspends très brièvement nos travaux afin de permettre aux prochains intervenants de se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 11 h 30)

 

(Reprise à 11 h 32)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous accueillons maintenant Mme Martine Hébert, présidente de Communication et affaires publiques inc., qui est accompagnée de M. André Légaré, président d'André Légaré & Associés, et de Mme Diane Leblanc, lobbyiste-conseil, Cabinet-conseil en relations publiques et gouvernementales. Bienvenue à notre commission, et je vous concède la parole pour environ 15 minutes.

Martine Hébert Communication
et affaires publiques inc.

Mme Hébert (Martine): Merci, M. le Président. Alors, distingués membres de la commission, je tiens d'emblée à vous remercier pour cette invitation à venir discuter avec vous de la loi sur le lobbying. C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup évidemment parce que je vis avec la loi quand même depuis six ans comme lobbyiste-conseil. Avec nombre de mes collègues, on a eu l'occasion, depuis six ans, de discuter de l'application de la loi, et ce, notamment aussi, comme vous le savez, à l'occasion d'une étude effectuée pour le Commissaire au lobbyisme. Je suis donc ici, aujourd'hui, pour vous livrer un témoignage personnel de l'expérience vécue sur le terrain en regard à la mise en oeuvre de cette loi.

Au fil des ans, j'ai pu constater que le lobbying est vraiment une activité noble et indispensable pour notre société. Malheureusement, on l'oublie trop souvent et, au terme de six années d'application de la loi, on constate qu'il reste beaucoup de pain sur la planche. En effet, malgré la loi, la pratique du lobbying est encore fortement méconnue et ostracisée au Québec.

C'est d'ailleurs dans cette perspective-là que le présent exercice de réflexion s'avérait plus que nécessaire. En effet, rappelons-nous, il concerne une loi qui a été adoptée à la hâte suite à un scandale isolé. Ça nous a conduits à un résultat qui comporte évidemment quelques lacunes. Rappelez-vous, le gouvernement de l'époque d'ailleurs s'était empressé de qualifier la loi de loi la plus sévère au monde. Pourtant, M. le Président, hier comme aujourd'hui, quand on compare le Québec à nombre d'autres sociétés dans le monde, on ne peut que constater à quel point on vit dans un univers politique et administratif sain et exemplaire. Et je pense qu'il faut le dire, on a de quoi être fiers de notre démocratie, de nos institutions et de nos lois au Québec. C'est pourquoi, six ans après l'adoption de la loi, je pense qu'il est temps de la revoir de façon plus sereine. Sans remettre en question sa finalité, il est temps de se demander, d'une part, si ses dispositions sont cohérentes avec l'esprit de son premier article, qui atteste de façon non équivoque de la légitimité du lobbying, et, d'autre part, si elles servent réellement la transparence recherchée.

Je me suis évidemment penchée sur certaines recommandations émises par le Commissaire au lobbyisme dans son rapport. D'ailleurs, j'en profite pour vous dire, M. le Président, que je voue un grand respect au Commissaire, M. André C. Côté, ainsi qu'à son équipe. La mise en oeuvre de cette loi n'est pas chose facile, et je pense qu'on doit souligner à la fois l'approche et le travail colossal accompli par cette institution depuis six ans. Cela étant, il importe toutefois de parcourir un autre bout de chemin pour permettre à cette loi-là d'être mieux adaptée aux réalités vécues sur le terrain, et ce, dans le meilleur intérêt de sa finalité, la transparence.

D'abord, je pense qu'il faut se pencher sur le caractère discriminatoire de la loi, qui à mon avis pose ombrage à la transparence qu'on recherche. À l'heure actuelle, vous le savez, on en a abondamment parlé ici, la loi exclut plusieurs lobbyistes d'organisation de son champ d'application. Plusieurs coalitions et organismes à but non lucratif, pourtant très actifs en matière de lobbying, n'y sont pas assujettis. Il s'agit là d'un élément fondamental du caractère discriminatoire de la loi qui, comme le soulignait lui-même le ministre de la Justice dans son rapport, et je cite, «serait de nature à renforcer la perception négative du public à l'égard du lobbyisme. Ceux qui doivent s'inscrire sont les "méchants", alors que ceux qui sont dispensés de cette obligation sont les "bons".» Fin de la citation.

On peut effectivement se demander pourquoi, en matière d'environnement ou de santé, par exemple, des organisations très actives dans les enceintes gouvernementales ne sont pas tenues de s'inscrire au registre public, alors que des lobbyistes-conseils ou d'autres organisations oeuvrant dans le même dossier, auprès des mêmes instances, sont tenus de le faire. M. le Président, la réalité nous montre tous les jours que plusieurs OBNL d'aujourd'hui sont quand même assez loin des petites oeuvres caritatives du siècle dernier.

Cette réflexion m'amène à un autre point important: on peut se demander s'il existerait un lobbying plus noble, celui mené par certains ordres professionnels ou certains groupes sans but lucratif, et un lobbying moins noble, hein, celui mené par des entreprises, la burqa de l'intérêt public, quoi. Je pense qu'il faut demeurer prudent avec ce genre de jugement. À titre d'exemple, on peut se demander si l'octroi à une entreprise d'une subvention qui lui permet de créer 100 emplois qui font vivre autant de familles dans une localité est plus ou moins noble que le financement d'une maison de jeunes dans un quartier ou que l'octroi de certains privilèges pour des travailleurs par des groupes syndicaux.

M. le Président, ce qui fait la beauté de notre société, il faut se le rappeler, c'est justement cet équilibre, perfectible j'en conviens, entre les décisions de l'État et la réponse aux besoins diversifiés, voire parfois même opposés, exprimés par des milliers de citoyens et d'organisations. Autrement dit et pour ne prendre que cet exemple, si le Québec d'aujourd'hui est doté de lois du travail relativement équilibrées, c'est justement parce que des acteurs aux visions parfois opposées ont fait valoir leurs points de vue auprès du gouvernement dans le cadre d'échanges harmonieux et constructifs. Pour l'ensemble de ces raisons, je crois que, tout en modulant quand même certains paramètres, il est nécessaire d'assurer une application uniforme de la loi. Et d'ailleurs je salue les recommandations du Commissaire à cet égard-là.

M. le Président, si le caractère discriminatoire de la loi s'exprime par l'exclusion de certains lobbyistes de son champ d'application, je pense qu'il en va de même des obligations qui sont conférées aux différents types de lobbyistes qui y sont assujettis, par lesquelles on applique une espèce de règle du deux poids, deux mesures. C'est notamment le cas pour les délais de production d'une déclaration initiale: les lobbyistes-conseils se voient imposer des délais différents des autres. Or, je pense que, si le législateur souhaite assurer une meilleure portée au principe de transparence, la loi ne doit pas créer en son sein des inéquités qui risqueraient d'imposer un fardeau discriminatoire aux lobbyistes-conseils, pas plus qu'elle ne devrait d'ailleurs privilégier ou pénaliser quelque autre catégorie de lobbyistes. En fait, le deux poids, deux mesures, ça risque de nous éloigner encore plus de la transparence recherchée tout en complexifiant davantage la loi. C'est pour ça que je pense qu'il faut être prudent avec toute proposition qui viendrait imposer des règles différentes à certains types de lobbyistes au sein de la loi. En fait, il me semble qu'en termes de délai, par exemple, d'inscription ce serait tellement plus simple si la loi prévoyait 30 jours pour tout le monde en tout temps.

M. le Président, j'aimerais aborder maintenant le fameux registre. Je pense que l'idée de l'inscription au Registre public des lobbyistes, c'est un processus fastidieux exigeant beaucoup de patience et de détermination. C'est presque devenu une lapalissade au sein de cette commission. Je m'en voudrais toutefois de ne pas souligner la bonne volonté et la courtoisie du personnel du registre. Je pense en particulier à Isabelle Pier qui nous sauve souvent de crises d'urticaire aiguës de par sa patience et l'efficacité de son travail. Il n'en demeure pas moins que l'inscription au registre représente un véritable casse-tête tant au niveau du contenu des déclarations et de la complexité de sa plateforme informatique qu'au niveau des préjudices subis par les lobbyistes qui s'inscrivent.

n (11 h 40) n

Tout d'abord, le niveau de précision exigé dans le libellé des mandats inscrits au registre est évidemment un élément important de la grogne des lobbyistes. La plupart des inscriptions qu'on fait quand on inscrit un mandat, bien que très explicites, font l'objet d'un refus ou de demandes de modification systématiques. Ça donne lieu à plusieurs échanges avec le registre pour en arriver à un libellé satisfaisant.

Par ailleurs, et d'autres sont venus vous le dire, M. le Président, on peut se questionner sur la pertinence de divulguer plusieurs des informations qui sont contenues au registre. Pensons, par exemple, aux moyens de communication qui sont utilisés par les lobbyistes pour communiquer avec les titulaires de charges publiques, aux honoraires des lobbyistes-conseils, et j'en passe. Je pense qu'il faut se rappeler que des fois vouloir faire preuve de trop de ferveur dans la recherche de transparence, ça risque de nous faire passer à côté de l'objectif recherché. On ne met pas nos énergies à la bonne place. À force de trop frotter un verre en cristal pour qu'il brille, on finit souvent par le casser. Il serait peut-être plus profitable de déployer les ressources, les efforts et les énergies à assurer une application plus uniforme de la loi.

Je crois aussi que, sans porter atteinte à la transparence, donc nous aurions intérêt à épurer et simplifier les exigences relatives au contenu des déclarations, ça éviterait de décourager plusieurs lobbyistes et ça diminuerait nombre d'irritants, ce qui favoriserait du même souffle une meilleure observance de la loi.

Évidemment, je ne vous ai pas encore parlé de la plateforme informatique du registre, hein? Ils vous l'ont dit, il faut passer chez un notaire, aller chercher des clés informatiques ? on ne comprend pas trop ce qu'on va faire chez le notaire, d'ailleurs ? quand on veut modifier une déclaration, il faut repasser par la quasi-totalité du processus, remplir 11 des 16 rubriques avec les mêmes informations à chaque fois. Bref, tout ça représente un irritant majeur. Et on aurait intérêt aussi à simplifier la procédure pour ne pas décourager les lobbyistes qui tentent de se conformer à la loi.

Mais, M. le Président, outre ces petits contretemps administratifs, je pense qu'il y a aussi des préjudices plus désolants qui sont subis par des lobbyistes qui tentent de bonne foi de se conformer à la loi. On l'a encore vu récemment, le registre est parfois utilisé comme un instrument de voyeurisme. Ça donne parfois lieu à du potinage ressemblant davantage à un Échos Lobbys qu'à de l'information d'intérêt public. Depuis 2002, plusieurs personnes inscrites au registre pour exercer légalement leurs activités de lobbyiste ont fait l'objet de manchettes dans certains médias. Plusieurs sont venus vous le dire, d'ailleurs. Et, M. le Président, à cela sont venues s'ajouter des déclarations aussi émises par certains titulaires de charges publiques qui sont venus enfoncer davantage le clou.

Et toute cette mousse-là qu'on fait autour de ces causes-là, bien ça fait apparaître, dans la croyance populaire, des monstres là où il n'y en a peut-être pas. De telles perceptions sont malheureuses. D'une part, elles accentuent les craintes que pourraient avoir certains titulaires de charges publiques à l'idée de se retrouver associés à des lobbyistes sur la place publique et d'en subir les préjugés qui en découlent. D'autre part, il faut l'avouer, plusieurs personnes pourraient être tentées de ne pas s'inscrire pour ne pas risquer de perdre un client ou de se faire lapider sur la place publique. Ce faisant, vous comprendrez, M. le Président, qu'on mine l'objectif de transparence visé par la loi.

Est-ce que tout ça est dû à une méconnaissance de la loi et de ses fondements ou à une espèce de réaction hypocondriaque à une maladie imaginaire parce qu'on ne connaît pas assez le lobbying? Peu importe la réponse, je pense qu'il y a une sérieuse mise au point qui s'impose. À cet égard, il m'apparaît impératif, et on ne saurait que trop insister là-dedans, de confier clairement au Commissaire le mandat de mettre en oeuvre des programmes éducatifs relativement non seulement aux exigences de la loi, mais également à la légitimité du lobbying dans notre démocratie. Plus le lobbying va récupérer ses lettres de noblesse, plus nous nous rapprocherons de la transparence.

Avant de terminer, M. le Président, j'aimerais aussi aborder la question de la légitimité du lobbying, je pense que c'est important. L'article 1 de la loi, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec, stipule très clairement que le lobbying est légitime. Cependant, plusieurs autres dispositions de cette loi semblent s'inscrire en porte-à-faux avec cette affirmation. En fait, on a une loi qui semble parfois parler des deux côtés de la bouche. M. le Président, permettez-moi de revenir brièvement sur les fondements des relations gouvernementales dans une démocratie.

Au cours des dernières décennies, c'est vrai qu'il y a des événements qui nous ont amenés à confondre le lobbying avec la corruption, le patronage, le copinage ou le détournement de fonds publics. Or, les lobbyistes ne sont pas tous nécessairement des suppôts de Satan, comme le veut la croyance populaire. Il faut se rappeler que le lobbying est nécessaire au maintien d'un climat social harmonieux dans toutes les nations démocratiques. Il permet aux parties de se rapprocher et de favoriser la mise en oeuvre de solutions plus équilibrées et plus efficaces. Deuxièmement, le lobbying, c'est le pouvoir que possèdent les citoyens, la société civile de faire valoir ses besoins auprès de l'État en dehors des scrutins. Troisièmement, le lobbying représente un excellent moyen, pour le gouvernement, d'obtenir de l'information qu'il n'aurait pas nécessairement, qu'il ne pourrait pas nécessairement obtenir de la part des fonctionnaires ou de sources gouvernementales.

M. le Président, ce ne sont là que de brefs éléments de réflexion qui nous permettent de mettre en lumière le rôle essentiel et indispensable joué par les relations gouvernementales dans notre démocratie, et je pense que c'est important de déployer tous les efforts possibles pour remettre les pendules à l'heure à cet égard. Ainsi, outre le mandat d'éducation à confier au Commissaire et dont j'ai parlé tantôt, je pense qu'il faudrait aussi réfléchir aux moyens à mettre de l'avant pour reconnaître et valoriser le lobbyisme dans notre système politique.

Parlant de système politique, ceci m'amène à considérer l'interdiction faite aux anciens titulaires de charges publiques d'exercer des activités de lobbyisme pendant une période donnée. À mon avis, ce purgatoire est une espèce de couteau à deux tranchants. En effet, il ne faut pas occulter qu'il peut aussi contribuer à miner la confiance de la population envers nos institutions tant publiques que privées.

M. le Président, il faut rappeler qu'en plus de leur éthique personnelle les titulaires de charges publiques québécois sont encadrés par une foule de lois et de règles déontologiques qui permettent d'assurer leur intégrité. En voulant imposer une période d'expiation à certains d'entre eux, on lance le message que le lobbying n'est qu'une affaire de copinage et qu'une fois rendus dans le secteur privé, à exercer du lobbying, les ex-titulaires de charges publiques se retrouveront dénués de toute éthique. Il est dommage qu'on prive ainsi à la fois le secteur privé d'une main-d'oeuvre compétente en même temps qu'on prive la fonction publique d'un personnel compétent qui choisit de ne pas servir l'État pour ne pas s'en voir pénalisé par la suite. Je pense qu'il y a une réflexion importante à mener sur cette question-là.

En conclusion, M. le Président, je pense que tous sont d'accord pour dire qu'il est temps de revoir la loi de façon sereine. Sans vouloir remettre en question sa finalité, le contexte de scandale qui a entouré son adoption précipitée a donné lieu à un résultat imparfait, on le sait. Six ans plus tard, on se retrouve avec une loi qui, bien qu'elle reconnaisse la légitimité du lobbying, comporte plusieurs dispositions qui viennent accréditer l'idée qu'il y aurait des bons et des méchants lobbyistes et que le lobbying est quelque chose dont on doit se méfier. Les préjudices que subissent les lobbyistes qui tentent de bonne foi de se conformer à la loi en s'inscrivant au registre public viennent ajouter aux difficultés liées à la mise en oeuvre de la loi, cela sans compter les tracasseries administratives auxquelles se heurtent les déclarants au registre et qui pourraient sans doute être simplifiées.

Je pense qu'il y a là autant d'obstacles à la transparence recherchée. Voilà aussi, M. le Président, autant d'exemples probants que ce n'est pas en durcissant la loi que nous parviendrons à atteindre les objectifs visés. En fait, j'ai la ferme conviction que cette réflexion sur la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme ne sera profitable que si elle la rend conséquente avec son article premier, et ce, premièrement, en uniformisant l'application de la loi, deuxièmement, en éliminant la discrimination entre les lobbyistes qui y sont assujettis et finalement en permettant la mise en oeuvre de moyens afin que le lobbying recouvre enfin ses lettres de noblesse dans notre démocratie. Je vous remercie.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Mme Hébert. Alors, je crois que... D'abord, merci pour votre présentation. Vous soulevez différents points qui se reflètent dans les différents témoignages que nous avons reçus depuis le début et vous donnez une expérience sur un côté pratique par l'expérience que vous vivez sur le terrain à cet égard, et ce qui me semble ressortir pour ma part depuis la semaine dernière, c'est pour...

Le défi qu'on a, je pense, comme parlementaires, comme commission, c'est de trouver l'équilibre. Les recommandations qu'on aura à faire, qu'on développera, c'est de trouver l'équilibre d'abord non pas par rapport à l'objectif de transparence, je crois qu'il est partagé par tout le monde, faire en sorte, comme vous dites, que le lobbyisme, ce n'est pas quelque chose d'impur, là, c'est quelque chose qui est légitime quand c'est fait en toute transparence. Et l'objectif, je pense, c'est partagé, je crois, assez généralement. Bon, tout le monde peut trouver des raisons pour lesquelles dire: Bien, les autres mais un peu moins moi, à tout le moins, on a entendu ça aussi, mais globalement je pense que l'objectif est partagé.

Mais, quand on parle de trouver l'équilibre, c'est l'équilibre aussi d'abord sur quel genre d'informations qui sont nécessaires pour avoir la transparence, quels sont les moyens, à cet égard-là, qui doivent être pris, et être équitable pour l'ensemble des intervenants ? vous avez mentionné ça aussi dans vos propres mots ? et éviter la lourdeur administrative qui serait excessive ou indue, et là il faut définir c'est quoi, cette lourdeur, puis s'associer un peu à l'information qui est nécessaire. C'est la façon dont l'information est colligée, la façon et la fréquence à laquelle elle est mise à jour. Et aussi vous avez fait référence à la question de la période de probation pour des ex-titulaires de charges publiques.

Dans un premier temps, première question que je vous poserais, c'est si vous avez identifié... Vous proposez dans votre mémoire: peut-être qu'il y aurait peut-être lieu de former un comité qui regarderait quelles informations devraient être sur le site Internet, en tout cas sur le registre, pour qu'il soit plus fréquenté, et éviter ? on parlait d'inéquités ? qu'il y ait des gens qui... C'est tellement lourd, on ne met pas l'information et donc contrevient, si ce n'est pas à la lettre, et souvent ça l'est, c'est à l'esprit de la loi. Donc quel genre d'informations pour vous qui seraient essentielles, qui devraient être là? J'aimerais vous entendre là-dessus, Mme Hébert.

n (11 h 50) n

Mme Hébert (Martine): Bien, en fait, sur l'objet du lobbyisme, je pense qu'effectivement ça fait partie de la transparence que de décrire l'objet du lobbyisme. Est-ce qu'on est obligés de le décrire de façon aussi pointue que ce qu'on nous demande présentement? C'est là où je me demande si on n'y va pas un petit peu fort, des fois.

Je vais vous donner un exemple. Quand on veut inscrire, par exemple, qu'une association quelconque fait une demande de subvention pour réaliser un projet quelconque, on est obligés presque de décrire le projet, de décrire le programme auquel on s'adresse, etc. Donc, il y a un paquet de détails qui nous sont exigés, qui... Peut-être que ce serait tout simplement nécessaire de... ce serait tout simplement... voyons! raisonnable de dire: Bon, bien, O.K., elle demande une subvention pour réaliser un projet, ou des trucs comme ça. On n'est pas obligés d'aller dans trop de détails.

Les honoraires qu'on exige de divulguer de la part des lobbyistes-conseils aussi, ça fait que c'est des informations qui nous mettent en infraction constamment presque à la loi parce qu'on n'est pas toujours en train de vérifier la facturation avec nos clients de mois en moisou de semaine en semaine: Est-ce que j'ai dépassé le 10 000 $ ou est-ce que j'ai dépassé le 50 000 $, là, que j'ai coché? Peut-être que c'est une information qui n'est pas nécessairement... qui n'est pas obligatoirement nécessaire.

Autre information aussi qu'on pourrait peut-être épurer, c'est la nature ou la fonction des titulaires d'une charge publique dans un dossier. Ça va tellement vite, hein! Puis, vous le savez vous-mêmes, dans les ministères, là, on rencontre un paquet de monde, on ne connaît même pas toujours la nature de la charge qui est occupée, là, par le titulaire de charge publique. Donc, c'est tous des éléments qui, dans un contexte où c'est des dossiers... Soutenir une cause auprès du gouvernement, ça commande un ensemble de rencontres, ça change constamment, tout des choses qui mettent dans le fond les lobbyistes en infraction ou qui risquent de nous mettre en infraction constamment et qui sont peut-être un petit peu inutiles. Alors, moi, je proposerais, oui, qu'on fasse un... Moi, je suis ouverte à ce qu'on fasse un comité de travail et qu'on réfléchisse à la question.

Le Président (M. Paquet): Prenez l'exemple que vous donniez, la question des honoraires, qui est compliquée. D'abord, vous dites que ça peut changer selon le contrat, la nature du contrat, etc. Je n'étais pas évidemment parlementaire au moment où la loi a été étudiée. J'ai essayé de voir quel était l'esprit qui pouvait être derrière le législateur. Je n'ai pas relu les galées de l'époque, le Journal des débats. J'essaie d'imaginer peut-être une hypothèse. Peut-être que je me trompe, peut-être que vous avez suivi ça peut-être depuis ce moment-là. C'était pour essayer d'avoir une idée d'ordre de grandeur des montants qui pouvaient être mis en cause lorsqu'une activité de lobbyisme était faite. Je peux imaginer une inéquité, dans le sens que, dans une organisation qui a un représentant d'activités gouvernementales qui, lui, est payé à temps plein pour le faire, ou elle est payée à temps plein, effectivement, là je vois qu'il y a un problème de dire: Bien, comment on compare quelqu'un qui aurait un contrat de 10 000 $, par exemple, pour faire une activité de lobbyisme contrairement à quelqu'un qui est payé à temps plein, 365 jours par année, pour faire un travail tout à fait légitime aussi au sein d'une organisation? J'imagine déjà les problèmes.

Un autre problème qui peut peut-être arriver, c'est: Ce genre d'information là, est-ce que ça pourrait être global? D'abord, est-ce qu'elle a une utilité? Je n'ai pas la réponse, là, je veux juste soulever des questions. Et, si elle en avait une, si on arrivait à cette conclusion-là, est-ce qu'on peut imaginer une information, mettons, annuelle de dire: Dans le cadre de tel type de mandat, voici les montants en cause? J'aimerais juste... Je réfléchis tout haut, là, je n'ai pas de position ferme là-dessus. Je pourrais vous entendre.

Mme Hébert (Martine): Moi, je pense que c'est carrément inutile. Est-ce que c'est utile de connaître le salaire des lobbyistes d'organisation ou d'entreprise? Je ne vois pas en quoi ça ajoute à la transparence. Je pense que pour moi vraiment il faut mettre les efforts là ou ils doivent être déployés pour garantir que nous atteignons la finalité de la loi, et ces efforts-là pour moi sont dans l'uniformisation de l'application de la loi beaucoup plus que... Je ne vois pas en quoi ça change, là, en quoi les citoyens sont plus heureux de savoir combien, moi, Martine Hébert, je gagne sur un contrat que s'ils ne le savaient pas, pas plus qu'on a d'affaire à savoir le salaire des lobbyistes d'organisation ou des lobbyistes d'entreprise. Alors, je serais pour beaucoup plus... Mettons les efforts là où ça va payer, là où ça va payer pour l'État, et mettons les efforts à assurer une application plus uniforme de la loi.

Le Président (M. Paquet): Vous faites référence à la période de, pas probation, là, mais période de carence entre le moment où un titulaire de charge publique cesse d'occuper ses fonctions et le moment où il peut agir à titre de lobbyiste. D'après vous, au lieu de deux ans, est-ce qu'il faudrait, selon vous, il faudrait revoir cette période-là? Parce qu'on peut imaginer des cas où quelqu'un était... Je donnais l'exemple hier, une personne aurait été ministre, elle travaillait sur des dossiers bien particuliers pendant sa charge publique. Après l'élection, soit elle ne se présente pas, ou elle est défaite, ou il y a un changement de ministre, et donc elle n'est plus titulaire de charge publique à ce moment-là, et là elle aurait le dossier qui serait directement relié, des informations dont elle a été mise au courant. On peut bien comprendre qu'elle devrait être capable de faire... Et je ne mets pas en cause l'éthique de la personne en question, que, là, il peut y avoir une zone où est-ce qu'en termes d'apparence, à tout le moins, ça peut être un peu questionnable. Donc, on peut imaginer une situation où il y aurait une période.

Ce n'est pas nécessairement la même chose pour un... Je prends un exemple, un député ou une députée qui a occupé la fonction de député, qui, oui, a été au courant d'informations mais pas le même niveau que celles dans un cabinet de ministre, par exemple. Est-ce que d'après vous, là, il y a une période quand même qui devrait être de carence, ou d'expiation, comme vous expliquiez tantôt? Et quelle serait cette période? Comment devrait-on baliser et quelle devrait être la durée, selon vous?

Mme Hébert (Martine): Alors, ma réponse est très simple, il ne devrait pas y avoir de période de carence, M. le Président, et je vais vous expliquer pourquoi. Je suis très contente que vous me posiez la question. Premièrement, évidemment, les titulaires de charges publiques ont des codes d'éthique, vous le savez, vous y êtes assujetti aussi, les lobbyistes aussi, et la croyance qui veut qu'un purgatoire soit nécessaire, là. Ça vient du fait qu'on pense que, quand on lobbye un dossier ou quand on rencontre un ministre, hein, puis que le ministre est intéressé par notre projet, bien c'est dans la poche. Si c'était ça, faire du lobbying, là, nous serions tous les trois arrivés en hélicoptère, aujourd'hui, avec notre hélicoptère privé, O.K., parce que nous serions très riches. Malheureusement, ça ne se passe pas comme ça. Bien, malheureusement, en fait je dis «malheureusement»...

Le Président (M. Paquet): Heureusement.

Mme Hébert (Martine): ...heureusement, dans la réalité, ça ne se passe... Malheureusement, je n'ai pas d'hélicoptère. C'est ça que je voulais dire.

Le Président (M. Paquet): D'accord.

Mme Hébert (Martine): Donc, le processus décisionnel, il faut savoir que, d'abord et avant tout, au sein des ministères, il y a tout un processus décisionnel. Un ministre ne prend pas de décision sans solliciter l'avis de ses fonctionnaires. Donc, le contact... Il faut monter un dossier, il faut trouver les arguments pour présenter... il faut s'assurer que ça cadre. On a un paquet de normes aussi, de mécanismes de reddition de comptes dans tous les ministères qui sont extrêmement rigoureux. Donc, il faut qu'une décision passe par tout ça. Alors, à la base, je ne vois pas en quoi c'est nécessaire ou qu'il faudrait... Compte tenu de tout ce système-là politique, du fonctionnement de notre système politique, je ne vois pas en quoi ça sert de faire ça. Deuxièmement, je vais rajouter quelque chose à votre question, je suis certaine que... Et j'entendais le député de Chicoutimi, hier, aussi poser la question à l'égard: Oui, mais, par exemple, si le ministre de la Santé devient lobbyiste pour une compagnie pharmaceutique... J'aurais posé la question: Si vous ou vous devenez ministre de la Santé demain matin et que... Par exemple, si le Parti québécois prend le pouvoir, et que M. le député devient ministre de la Santé demain matin, et que M. Couillard vient lui présenter un projet, est-ce qu'il va se retrouver dépourvu de tout jugement, et les deux, et de toute éthique? Je pense que la réponse est non. Je pense que, comme ministre... Et tous les ministres vont apprécier la proposition au même titre que toutes les autres propositions.

C'est comme ça que ça fonctionne dans la réalité parce que nous avons non seulement des règles déontologiques, mais nous avons aussi un ensemble de mécanismes de reddition de comptes dans les ministères québécois et une hiérarchie très imposante. Il y a un processus décisionnel qui est très complexe et qui est très normé. Donc, ma réponse est: Non, on n'a pas... Et je trouve que de vouloir imposer un purgatoire, c'est comme de dire de facto, parce qu'on connaît quelqu'un, que ça marche. Comme je vous dis, si c'était comme ça, là, on serait arrivés avec notre hélicoptère. Ce n'étaient pas des farces.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Mme Hébert. M. le député de Viau.

M. Dubourg: Merci, M. le Président. Bien, bonjour, Mme Hébert. Bonjour, Mme Leblanc. Bonjour.

Écoutez, Mme Hébert, je voudrais utiliser votre expression, là. Je voudrais que vous clarifiiez plutôt votre expression «burqa déontologique». Enfin, je sais que vous parlez de discrimination aussi dans votre mémoire, qui est, en passant, très bien étoffé, là, vous avez même écrit sur le sujet. Bravo, donc. Mais là vous étiez peut-être là, à entendre aussi les ordres professionnels parler... ou bien qui se disent, eux... Bon, enfin, c'est plutôt leurs activités qui devraient être assujetties. Mais, vous, quand vous parlez de loi discriminatoire, vous dites que tout le monde devrait être inclus, que ce soient les OBNL, les coalitions, de par votre expérience. Pourquoi? Est-ce que ça ne va pas, comment dirais-je... Vous dites: Bon, ils devraient être tous là mais par contre diminuer au niveau de l'information mais clarifier en ce qui concerne ce qui apparaît dans le registre. Donc, qu'en pensez-vous? Est-ce que les ordres professionnels aussi, là, comme vous le dites... Je voudrais vous entendre là-dessus.

Mme Hébert (Martine): Bien, écoutez, c'est...

Le Président (M. Paquet): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Merci. Excusez-moi, M. le Président, c'est un sujet qui me passionne, alors...

M. Dubourg: Oui, ça se voit.

n (12 heures) n

Mme Hébert (Martine): Je parle de burqa déontologique, oui. Je veux dire, je trouve ça un peu dommage qu'on veuille se cacher sous une burqa de l'intérêt public. À partir du moment où l'État est en cause, toute situation ou toute action est d'intérêt public. À partir du moment où on sollicite ne serait-ce qu'un sou des deniers publics ou ne serait-ce qu'une orientation ministérielle ou qu'une politique, un changement quelconque, c'est l'intérêt public qui est en cause.

Deuxièmement, je vous dirais que la protection du public, pour moi c'est aussi le droit à l'information des citoyens. Ça fait partie de l'intérêt public, le droit à l'information. Cette loi-là, qu'est-ce qu'elle vise? Ramenons-nous à son titre: la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. Donc, je pense que c'est un peu aussi même... Dans l'esprit de protection du public, là, c'est un peu paternaliste. Pourquoi on voudrait cacher alors des objets qui sont soumis par des ordres professionnels au sein du gouvernement? Parce qu'on protège soi-disant l'intérêt public. Mais en même temps, ce même public, on ne veut pas l'informer. Alors, je comprends mal. Alors, pour moi, oui, tout le monde devrait être assujetti.

Maintenant, votre question m'amène à un autre sujet qui est intéressant, qui est celui des OSBL. Est-ce qu'on doit assujettir, par exemple, je ne sais pas, moi, un centre d'hébergement pour femmes victimes de violence aux mêmes modalités, au niveau de l'application, là, que... Je pense qu'il y a une réflexion à faire là-dessus. Je pense qu'il ne faut pas non plus tomber dans l'excès de zèle, parce qu'il y a une réflexion à faire. Mais d'assujettir tout le monde... Il y a peut-être lieu d'exclure, par exemple, pour certains OBNL, les démarches qu'ils font dans le cadre de la recherche de financement pour financer leurs activités ou leur mission, mais, sur les grands dossiers, oui, c'est important de les assujettir. Mais les ordres professionnels ne sont pas différents des autres.

Le Président (M. Paquet): D'accord. Vous avez une très brève question, s'il y a lieu?

M. Dubourg: Non, ça va. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquet): O.K. Bien, merci beaucoup.

M. Dubourg: Merci. 30 secondes, non. Merci.

Le Président (M. Paquet): Je reconnais maintenant M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. L'Écuyer: Alors, merci, M. le Président. Bonjour, Mme Hébert. Bonjour, M. Légaré, Mme Leblanc. C'est une question très complexe, je pense, le lobbyisme, et puis c'est une question complexe, mais, pour celles et ceux qui y vivent, ça devient, si je comprends votre mémoire, ça devient quand même beaucoup plus harassant de se conformer à l'ensemble de la loi. Et ce que je dois comprendre: vous souhaiteriez, dans... Parce qu'on est dans un processus, dans un sens, un processus d'analyse de ce qui s'est vécu depuis les six dernières années et on est dans un processus de réflexion, aidés par M. le Commissaire, qui dans le fond nous a émis un peu le... Il nous a donné le bilan de sa vie depuis six ans. On est au moment opportun de délibérer sur ça et d'être en mesure d'apporter soit des allégements ou soit, on peut dire, des obligations, ajouter des obligations ou alléger le processus. Je dois comprendre que vous aimeriez davantage que le volet donné... ou en fait la vision donnée au Commissaire soit beaucoup plus un volet d'allégement qu'un volet d'obligations supplémentaires.

Mme Hébert (Martine): Écoutez, je ne suis pas sûre de bien comprendre votre question, dans la mesure où pour moi la question de l'allégement appartient au législateur. Le Commissaire va appliquer la loi en fonction de la loi que le législateur va lui avoir confiée. Maintenant, je pense qu'il y a moyen... Ce que je veux dire, c'est qu'il y a moyen d'améliorer cette loi-là. Il y a moyen de l'améliorer en simplifiant les procédures liées à l'inscription au registre, hein, et en épurant, là, en regardant: On a-tu vraiment besoin de tout ça? Puis c'est-u vraiment utile, ce qu'on fait et de la façon dont on le fait? Je pense qu'il y a lieu de regarder ça.

Deuxièmement, il y a lieu d'améliorer la loi en s'assurant qu'elle est cohérente avec l'esprit de son article premier, qui parle de la légitimité du lobbyisme. Et, quand on parle de légitimité du lobbyisme, ça veut dire qu'il faut qu'on s'assure qu'on n'a pas une loi qui laisse, de par ses dispositions, qui laisse à penser qu'il y a des bons et des mauvais lobbyistes, qu'il y a du bon et du mauvais lobbying, qu'il y a du lobbying plus noble et du moins noble. Je pense que c'est deux éléments fondamentaux.

Maintenant, il y a plusieurs aménagements qu'il faut apporter à la loi. Je pense, entre autres, par exemple... Je sais que M. Dufour vous a parlé des ordonnances de confidentialité qui sont très difficiles à obtenir. Ça, c'est un autre sujet d'allégement aussi qu'il faut regarder. On en a une foule. Donc, alléger la procédure, simplifier les choses, et d'un autre côté s'assurer qu'on n'a pas une loi qui parle des deux côtés de la bouche, puis s'assurer que nous avons une loi qui est cohérente avec son esprit, à savoir que le lobbyisme est une activité noble et légitime au Québec, et donc, en conséquence, on en assure une application plus uniforme.

M. L'Écuyer: M. le Président, qu'est-ce que vous pensez, Mme Hébert, au niveau du registre comme tel, au niveau du Registre des lobbyistes? Vous semblez quand même soulever qu'il est incomplet, je pense, d'où votre inconfort à la suite de ceux qui sont inscrits et ceux qui ne sont pas inscrits. Il y a une problématique majeure au niveau de l'inscription. On parle autant de lobbyistes-conseils que de lobbyistes d'entreprise et de lobbyistes d'organisation. Alors, sur cette question-là, je voudrais simplement que vous me parliez beaucoup plus au niveau des lobbyistes-conseils, ce qui est quand même votre champ d'activité, et nous dire en quoi ça vous crée des problèmes. Quels sont les problèmes que vous rencontrez lorsque vous êtes en contact avec des lobbyistes qui ne sont pas inscrits au registre? Est-ce que vous avez eu à vivre ces expériences-là?

Le Président (M. Paquet): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Pas personnellement, mais plusieurs de mes collègues m'en ont fait part, et effectivement, dans un dossier, par exemple, ça crée une espèce de déficit compétitif parce qu'il y a une partie... ou une partie de... voyons! qui soutient une cause qui est obligée, elle, de divulguer publiquement des informations et donc sa stratégie, et l'autre partie qui n'est pas tenue de le faire, et ça, effectivement on comprend bien que ça peut créer un déficit compétitif important, oui. C'est inéquitable, et c'est inéquitable aussi du point de vue public parce que le titulaire de charge publique qui va recevoir ces lobbyistes-là, il va recevoir des lobbyistes qui, eux, sont inscrits, et donc l'autre partie va avoir toute la stratégie et va pouvoir tout contrer les arguments. Alors, je trouve que ce n'est pas fair-play. Il y aurait lieu de rétablir l'équilibre par rapport à ça.

M. L'Écuyer: M. le Président, et la façon de le rétablir, ce serait de donner un volet éducatif. Est-ce que... ou bien d'exiger? Et comment, vous, si vous étiez, demain matin, Commissaire, vous accompliriez ce mandat et vous feriez en sorte que tous les lobbyistes, au Québec, soient inscrits au Registre des lobbyistes?

Mme Hébert (Martine): Écoutez...

Le Président (M. Paquet): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Merci, M. le Président. La question n'est pas... Tout ce qu'il faut, c'est d'assurer une application uniforme de la loi. C'est de dire: les mêmes règles pour tout le monde, les mêmes règles pour tous. On assujettit tout le monde, les OSBL, les ordres professionnels, tout le monde est assujetti à cette loi-là, et c'est comme ça qu'on va assurer une application plus uniforme.

M. L'Écuyer: Je parle surtout des lobbyistes-conseils. Les lobbyistes-conseils, ils se retrouvent, certains, dans les ordres professionnels, d'autres peuvent se retrouver dans des lobbyismes d'organisation. Et, il est certain, on vient de le voir quand même au niveau de certaines professions, l'ensemble des ordres professionnels ne sont pas quand même tellement axés à vouloir s'enregistrer. Par contre, au niveau des ordres, des professionnels eux-mêmes qui sont membres de certaines professions vont avoir à s'enregistrer ou certains vont s'enregistrer, j'imagine, d'autres ne s'enregistrent pas, et, je pense, c'est là le volet qui est quand même un peu interrogatif au niveau de la loi.

Mme Hébert (Martine): Écoutez, je comprends bien le sens de votre question, et ça revient à la burqa déontologique dont je vous parlais tantôt, la burqa de l'intérêt public. La loi doit être la même pour tout le monde. Et pourquoi est-ce que les gens disent, hein... J'en entends depuis le début de la commission ici, là, dire: On n'est pas des lobbyistes, nous autres, on n'est pas des lobbyistes. Moi, je pense aussi que, le jour où nous parviendrons à redonner au lobbying ses lettres de noblesse et à faire reconnaître sa nécessité et son utilité au sein de la société québécoise, peut-être que les gens, un jour, vont trouver ça au contraire prestigieux d'être inscrits au Registre des lobbyistes. C'est mon voeu, c'est un rêve que je porte. Mais je pense qu'aussi il faut que le gouvernement fasse la promotion de cette activité-là, fasse bien comprendre à l'ensemble de la population du Québec combien c'est important de pouvoir... combien on est chanceux, comme citoyens, d'avoir un système qui nous permet d'aller soutenir des causes, qui nous permet d'aller présenter des projets au gouvernement. C'est un privilège. C'est ça, une démocratie, et il faut le faire savoir, il faut le faire connaître.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. L'Écuyer: Je reste toujours dans le volet enregistrement. Le premier enregistrement en fait ou la première inscription au registre doit quand même être supportée par un certificat de bonne conduite et aussi d'un affidavit d'un notaire. Ça, vous souhaiteriez que ce soit plus allégé, que ce soit de façon beaucoup plus simple au niveau de l'inscription?

Mme Hébert (Martine): Écoutez, c'est sûr. Je vais juste, moi, faire mes transactions bancaires sur Internet, puis c'est bien plus... Pourtant, c'est plus risqué que de m'inscrire au registre du lobbying, mais c'est plus simple. Alors, je ne veux pas critiquer, je comprends que... bon, je ne veux pas critiquer le travail, là, qui a été accompli, mais il me semble qu'il y aurait moyen de simplifier ça. Comme je vous dis, inspirons-nous d'autres modèles qui existent, inspirons-nous des transactions bancaires sur Internet, comme je vous dis, qui sont beaucoup plus simples et qui me demandent... Je n'ai pas eu besoin d'aller passer chez un notaire, là, pour avoir accès. Donc, il y a peut-être lieu de penser à un système qui serait beaucoup plus convivial, oui.

Mme Leblanc (Diane): Peut-être...

Le Président (M. Paquet): Oui, Mme Blais.

n (12 h 10) n

Mme Leblanc (Diane): Si vous me permettez, j'ajouterais un point. C'est qu'on ne peut pas aller voir n'importe quel notaire non plus, il faut que ce soit un notaire qui est accrédité par le ministère de la Justice. Moi, dans mon cas, je vis à Saint-Georges de Beauce, donc dans la métropole beauceronne, et j'ai dû faire 30 milles pour aller chercher le notaire qui pouvait m'accréditer, donc l'affidavit.

Moi, je crois sincèrement qu'un commissaire à l'assermentation pourrait suffire parce qu'il est là pour authentifier notre signature et vérifier qu'on est bien la personne qu'on dit être. Alors, moi, là, je veux dire, je veux que vous sachiez qu'il y a un coût à aller voir un notaire, qui est de 200 $, alors que les commissaires à l'assermentation ne coûtent rien. Alors, c'est ça.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. L'Écuyer: J'aimerais savoir aussi quel est votre... À la suite, on va parler maintenant de la conservatrice du registre de même que le Commissaire. Est-ce que vous trouvez ce système-là acceptable ou vous trouvez qu'il y aurait peut-être un allégement qui pourrait être fait, mais, cet allégement-là, administratif?

Mme Hébert (Martine): Écoutez, c'est évident qu'à partir du moment où on a un régime bicéphale ça crée de la confusion. Et, dans le rapport que j'ai produit d'ailleurs pour le Commissaire, on le voit, il y a une grosse confusion entre quelles sont les responsabilités du Commissaire, y a-tu une différence entre le Commissaire puis le registre. Beaucoup de lobbyistes aussi ne savent pas nécessairement quelles sont les différences entre le Commissaire et le registre. Donc, c'est évident qu'à partir du moment où on multiplie les institutions bien c'est plus difficile pour nous de s'y retrouver, c'est clair.

Alors, bon, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de regarder à l'effet de donner le mandat, sans nier le travail qui a été fait par la conservatrice du registre, là, mais de donner le mandat au Commissaire, de confier ce mandat-là du registre public au Commissaire?

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. L'Écuyer: Merci, M. le Président. Dans la liste des informations que vous devez donner lors de votre inscription... En fait, c'est la représentation de l'article 9, avec les 11 points, là. Il y en a un, vous en avez parlé, en fait le neuvième point concernant les tranches de valeurs qui suivent, c'est-à-dire la rémunération qui est rattachée aux services rendus par le lobbyiste, mais aussi j'aimerais vous entendre au sujet du sixième point, c'est-à-dire l'objet de ses activités de lobbyisme ainsi que les renseignements utiles de sa détermination.

Mme Hébert (Martine): Bien, c'est un petit peu comme je disais tantôt, le problème qu'on a, ce n'est pas de dire c'est quoi, l'objet de nos activités ou les renseignements utiles à sa détermination, c'est le niveau de précision qu'on exige dans la description des mandats à l'heure actuelle, ou en tout cas il y a une espèce de tendance, là, qui est peut-être un petit peu exagérée et qui parfois, c'est ça, représente un irritant important, là, pour les lobbyistes. Je pense qu'il y a moyen d'achever la transparence, hein, sans tomber, là, dans l'excès de détails.

Je me suis même déjà fait demander... Bon, j'ai réglé mon problème avec Mme Pier, là, mais je me suis même déjà fait demander par quelqu'un au registre... C'était dans un dossier où j'inscrivais une cause contre... ou quelque chose en tout cas dans une loi sur le tabac puis les lois au ministère du Revenu, et je me suis même fait demander, au registre, de dire quels sont les articles de loi, il fallait que j'inscrive les articles de loi que je visais. Là, j'ai dit: Un instant, là. Premièrement, je ne suis pas juriste, moi, hein, puis, deuxièmement, pensez-vous que je vais aller fouiller toutes les lois du ministère du Revenu que ça va toucher? Ah! c'était sur les cautions, les cautionnements pour les distributeurs, là, aux petites surfaces alimentaires qui distribuent les produits du tabac. Ah! écoutez... Bien, j'ai dit: Bien, voyons donc! Ça n'a pas de bon sens. J'ai dit: Passez-moi Isabelle Pier, là, ça n'a pas d'allure. Donc, il y a une tendance comme ça des fois qui a semblé s'instaurer et qui représente un irritant, puis là tu te dis: Bon, bien, voyons, jusqu'où on va aller, là? Est-ce que c'est nécessaire?

Comme je vous ai dit tantôt, ramenons-nous... C'est quoi, le fondement de la loi? La transparence. Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait une application plus uniforme de la loi. Déployons tous nos efforts et nos énergies plutôt que de tomber dans le souci du détail, déployons donc plus d'efforts et nos énergies à faire connaître le lobbying, à faire connaître la loi, à redonner ses lettres de noblesse à cette profession-là, et je pense que la population du Québec va être mieux servie.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. L'Écuyer: Il reste combien de temps?

Le Président (M. Paquet): Environ 30 secondes, une minute.

M. L'Écuyer: 30 secondes? Juste un petit... Voyez-vous le Commissaire au lobbyisme comme un président d'ordre professionnel ou comme un registraire?

Mme Hébert (Martine): Le Commissaire au lobbyisme n'est pas un président...

Le Président (M. Paquet): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): ... ? excusez-moi, M. le Président ? n'est pas un président d'ordre professionnel, on ne le voit pas du tout comme ça. Le Commissaire est quelqu'un qui est chargé de faire appliquer la loi. Et je salue l'approche qu'il a adoptée d'ailleurs et dont il vous a fait mention, là, à savoir de dire: On a une approche beaucoup plus d'éduquer les lobbyistes, de les renseigner, les titulaires de charges publiques aussi. Et donc, en ce sens-là, non, il est chargé de nous surveiller, et ce n'est pas un président d'ordre professionnel, ce n'est pas la même chose.

M. L'Écuyer: Et comme registraire?

Mme Hébert (Martine): Bien, comme je l'ai dit tantôt, la gestion bicéphale, à l'heure actuelle, de la loi nous pose des problèmes, alors sème la confusion. Alors, c'est sûr que peut-être qu'il y a une réflexion à faire à ce sujet-là.

M. L'Écuyer: Merci, Mme Hébert.

Le Président (M. Paquet): Merci. Je reconnais maintenant M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci. Alors, merci, madame, de votre présentation. Mme Leblanc aussi, je vous salue aussi. Très rapidement, et je ne veux pas reprendre ce que mes collègues ont dit, donc je vais y aller précisément. Et, Mme Leblanc pourrait vous le dire, il vient un moment où on entend des choses, donc je vais essayer d'aller sur des éléments qui n'ont peut-être pas été abordés.

J'ai bien compris... Bon, sur la convivialité, de ce que je comprends, ce qui n'est pas convivial, c'est la sécurité. C'est ça? Tout l'aspect relatif à l'authentification, ce que Mme Leblanc a indiqué, donc le fait d'aller chez le notaire Bidule reconnu, ça, effectivement ce n'est pas pratique, c'est compliqué, ce n'est pas payé, en plus. Donc ça, ça mérite d'être regardé.

Le reste, en termes de l'autre forme de convivialité, donc, autrement dit, le transfert d'information, ça, ça fonctionne bien, parce que, nous, de notre côté, la consultation se passe beaucoup mieux. Honnêtement, là, au début, c'était dur de trouver des sujets, alors que maintenant, moi, je le trouve convivial, là, pour quelqu'un qui le consulte, pas quelqu'un qui l'utilise à des fins d'enregistrement. Mais, vous savez, c'est important aussi, la convivialité. C'est un des buts de la loi, c'est qu'on puisse comprendre, voir et... Mais sur l'accès, à part toute l'idée de la sécurité, qui est problématique, là, le reste c'est bien, c'est bien administré, c'est simple?

Mme Hébert (Martine): Pas du tout, au contraire. Écoutez, quand vous arrivez sur le registre... Bien, premièrement, moi, je dois vous dire que je dois toujours m'y reprendre à peu près à deux ou trois fois avant d'aller voir comment je fais, parce que, là, il faut que je modifie un dossier ? donc, où je vais voir? c'est-u code de client? c'est-u inscription du lobbyiste? ? donc de trouver comment je fais. Après ça, on me demande le chemin d'accès à mon certificat. Là, après ça, une fois que je suis rendue là, il faut que je dise: Est-ce que je veux faire une modification en récupérant ou non la dernière inscription? Est-ce qu'il s'agit d'une nouvelle déclaration, etc.? Et je suis toujours mêlée là-dedans, là. De toute façon, je vais vous avouer que l'informatique, ce n'est pas mon dada. Mais malgré tout ça, une fois que j'ai réussi à franchir cette étape-là, là je suis maintenant sur la plateforme informatique, et là il faut que je dise: Bon, bien, qu'est-ce que je veux faire? Je veux remplir un mandat pour un client, ajouter un mandat à un client que j'ai déjà. Je dois repasser par une grande partie du formulaire pour pouvoir faire ça. Et non seulement ça, mais après ça...

M. Bédard: ...vous arrêter parce que je risque de passer tout mon 10 minutes. Je le comprends, la complexité. Donc, ma question: Est-ce que ça s'est amélioré? Par rapport au début, est-ce qu'il y a une amélioration?

Mme Hébert (Martine): Bien, en fait, c'est difficile à...

M. Bédard: ...commentaires, j'imagine. Ce que vous faites en commission, vous le faites aussi... Des fois, vous appelez la personne responsable puis: Écoutez, là, moi, je ne m'y retrouve plus, là. J'imagine que ça s'est... En tout cas, je le présume. Si vous me dites que ça ne s'est pas amélioré, que ça s'est empiré, bien là on a un problème.

Mme Hébert (Martine): C'est-à-dire que c'est difficile de savoir si ça s'est amélioré ou si on devient meilleur, hein? C'est sûr qu'à force de le faire on devient meilleur.

M. Bédard: Nous aussi.

Mme Hébert (Martine): Et on a des petits trucs. On appelle au registre en disant: Sauvez-moi, sauvez-moi, ça vient de sauter, je ne comprends pas, je ne sais pas qu'est-ce que j'ai fait, ça n'a pas marché. Alors, c'est sûr qu'il y a une amélioration puis c'est sûr que, chez le personnel du registre aussi, il y a... Bon, eux autres aussi, hein, au début, quand ça a commencé, tout le monde, on ne savait pas trop comment ça fonctionnait, et tout ça. Donc, ça s'améliore, mais il y a encore des améliorations à apporter.

M. Bédard: Parfait.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Bédard: Vous avez abordé un élément que vous n'avez pas mentionné dans votre présentation verbale. Dans votre mémoire, vous mentionniez le caractère pénal. Là, je suis un peu surpris de vos commentaires, à moins que vous aviez décidé de... pas de les retirer, là, mais dire finalement que ça avait moins de pertinence. Mais associer le lobbyisme au banditisme par rapport à son caractère pénal... Vous savez, tout ordre professionnel, souvent il y a souvent un caractère pénal à ça. C'est quelque chose de naturel, normal et ça a pour effet de pénaliser ceux qui ne se conforment pas finalement à la loi. Mais, vous, vous le voyez vraiment d'une façon très péjorative. Vous associez ça au Code criminel.

Mme Hébert (Martine): En fait, comme je le dis dans mon mémoire, là, je ne suis pas juriste, mais pour moi, quand j'entends les mots «Procureur général» puis «Directeur des poursuites criminelles et pénales», hein, et dans l'esprit de... c'est à connotation négative. Et d'ailleurs, vous aussi, M. le député, hier, vous faisiez mention, hein, que c'est...

M. Bédard: Oui, oui, effectivement.

Mme Hébert (Martine): Donc, là, je me dis: Je me ramasse comme lobbyiste, si je suis en infraction, je vais me faire poursuivre par le Directeur des poursuites criminelles. Encore une fois, on vient mettre dans l'esprit de la population, on vient redire encore une fois que le lobbyisme, ce n'est pas une chose qui est bonne pour notre société et que ceux qui commettent des infractions en vertu d'une loi de nature administrative sont des criminels.

n (12 h 20) n

M. Bédard: Donc, vous êtes en faveur du fait de donner cette responsabilité-là au Commissaire, qu'il poursuive lui-même, donc comme le Commissaire au lobbyisme ? et là, sans vouloir présumer de rien, surtout pas dans votre cas ? contre Martine Hébert, par exemple. Ça, ce serait mieux, effectivement. Bien, ça répondrait plus à une idée d'ordre professionnel, comme le Barreau du Québec contre un de ses...

Le Président (M. Paquet): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Écoutez, je ne le sais pas. Pour moi, en tout cas dans ma tête, ce qui est clair... Parce que je pense que ça commande une réflexion un peu plus importante, parce que le Commissaire pourrait aussi se retrouver peut-être juge et partie, je ne sais pas. Bon, oui, je sais qu'il le souhaite, mais est-ce que ce serait souhaitable? Bon, moi, il a toute ma confiance, mais malgré tout ça, quand on regarde du point de vue de l'institution, je ne le sais pas et je dois vous avouer que je ne veux pas me prononcer là-dessus. Tout ce que je vous dis, c'est qu'en principe, dans ma tête à moi, une loi de nature administrative devrait être... en tout cas les infractions qui sont commises en vertu d'une loi de nature administrative devraient être déférées à un tribunal administratif et non pas à un directeur des poursuites en matière criminelle.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Bédard: Oui. Le problème qu'on a, c'est que vous n'êtes pas un ordre professionnel, donc il n'y a pas de... Ça prendrait, à ce moment-là, quelqu'un qui est un syndic, le syndic des lobbyistes qui poursuit. Le Commissaire agit un peu à ce titre-là. Donc, c'est pour ça.

Juge et partie, ça fait plusieurs fois que je l'entends. Je vous avouerai que... Juge et partie, c'est la personne qui décide, en bout de ligne, c'est le juge qui décide. C'est pour ça. Le Commissaire, même s'il porte des accusations, n'est pas juge et partie. Il porte des accusations, mais le juge décide, c'est le juge qui décide, en bout de ligne, si vous êtes coupable ou non. Lui, il a beau croire que sa loi va s'appliquer, puis elle s'applique dans votre cas, vous, vous faites une preuve qui est contre, bien le juge, lui, il décide entre les deux puis il dit: Non, je pense que c'est Mme Hébert qui a raison, finalement. C'est dans ce sens-là où tu as toujours les tribunaux qui garantissent cette indépendance. Mais je ne suis pas là pour vous convaincre. Je comprends, vous, ce que vous souhaitez: au moins, que ce ne soit pas le DPP parce que ça donne une connotation très... Ça, cet angle-là, je le comprends mieux.

Tantôt, je voyais, vous caressiez le rêve de ne plus être associée à des suppôts de Satan, là. Simplement, je ne pense pas que vous réalisiez ce rêve ? je m'étais pris une petite note ? de votre vivant, là. Vous avez seulement à prendre des professions... Il y a des professions bien nobles qui... dans la perception populaire, qui ne sont pas très élevées. Donc, en tout cas, tout le monde vit d'espoir, là, mais, dans votre cas, je pense que ça va prendre quelques générations, puis c'est normal. Que voulez-vous, c'est la perception populaire, et on fait partie, d'ailleurs, sans être une profession non plus, on en fait partie.

Une voix: ...

M. Bédard: Bien, voilà. On est en queue de peloton.

Complexité. Sur le niveau de précision, je comprends que c'est une difficulté pour vous. En même temps, il y a une certaine lourdeur là-dedans, mais vous avez très bien exprimé les buts de la loi, donc la transparence. Tout ça a évolué, puis vous m'avez donné l'exemple des articles. Effectivement, je ne pense pas que ce soit hyperpertinent, là, en termes de transparence, mais les gens se sont amendés. Donc, tout le monde peut se tromper dans la vie.

Mais, par rapport à la situation du début, au moins là-dessus, est-ce que ça vous semble plus clair dans la définition des mandats que vous devez faire actuellement? Les lignes directrices, est-ce que vous les connaissez bien? Puis là, vous savez, on est tous pareils, c'est comme l'impôt, des fois on dit: Ah! ça peut passer, ça peut ne pas passer. Mais là je m'essaie, d'un coup que ça passe?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bédard: Alors, c'est ça. Tout le monde est... Mais est-ce que vous comprenez bien les attentes mieux qu'au début, où, là, évidemment on instaurait un système et ce n'était pas clair, là?

Le Président (M. Paquet): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): C'est évident qu'à force d'en faire on devient des spécialistes dans la façon de... hein, dans le «wording» des libellés de mandat. Mais je pense qu'aussi, à un moment donné, il y a des ajustements, là, qui ont été apportés.

Ceci étant dit, il n'en demeure pas moins que cette précision-là, et tout ça, me ramène à la question des ordonnances de confidentialité. Le législateur a encadré ce pouvoir-là, qui est confié au Commissaire de façon très, très stricte dans la loi, et je pense qu'il y aurait peut-être lieu de regarder à assouplir ça pour permettre que le Commissaire puisse émettre dans le fond davantage d'ordonnances de confidentialité, et ça, ça réglerait aussi un autre problème.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Bédard: Oui, effectivement il y a des cas où il peut se présenter, mais en même temps il faut mettre en garde, ça ne peut pas être une panacée, dans le sens qu'il y a un prix à la transparence, et le prix de la transparence, c'est le fait parfois que l'information soit utilisée et que vous vous retrouviez, vous ou quelqu'un d'autre...

Je voyais M. Dufour. C'est M. Dufour hier qui disait bon, en première page du Soleil... Mais ce risque-là, il est réel. Où c'est plus grave, où il y a une atteinte directe à la confiance du public, et c'est ce qu'on veut éviter, c'est lorsque ça se fait de façon souterraine, pas dénoncée, et là, tout d'un coup, ça sort, et personne n'en avait entendu parler. Ça, c'est plus grave. Alors, le risque de la confidentialité, c'est justement de ramener dans l'ombre ce qui doit être public. Vous voyez? C'est pour ça que c'est... Comment ajouter un critère qui ajouterait à celui de l'impact économique, là? C'est dur à imaginer, là. Allez-y.

Le Président (M. Paquet): Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine): Oui. M. le député, entre la situation que vous décrivez et la situation présente, où je vous rappelle que le Commissaire, en six ans d'application de la loi, a émis sept ordonnances de confidentialité, je pense qu'on est loin, là, de la situation dont vous décrivez, d'une part.

Par ailleurs, à partir du moment aussi où, à tout le moins, une cause qui est soutenue auprès du gouvernement, qui est sous le joug d'une ordonnance de confidentialité, et le Commissaire en est... lui, on doit lui déclarer quand même... Alors, lui est informé, lui en est au courant. Il a du jugement quand même, le Commissaire, et, à partir du moment où on en est informé je pense qu'il y a une certaine transparence là-dedans aussi. Mais, comme je vous dis, entre la situation actuelle, où on en est à sept ordonnances de confidentialité en six ans qui ont été émises... je pense qu'il y a une marge et je pense qu'il y aurait lieu, là, vraiment d'assouplir sans tomber dans l'autre extrême.

M. Bédard: Il y a quand même peut-être la possibilité de garder pour un temps, et de façon pas temporaire ou intérimaire, mais une partie de la déclaration, par exemple, un début, un autre... Ça, il y a peut-être... De donner plus de pouvoirs au Commissaire à ce niveau-là, c'est peut-être une possibilité. Parce que je ne les ai pas vues, les 28 demandes. C'est sûr qu'à mon niveau c'est plus difficile, là. Mais il y a peut-être ça à regarder. Alors, M. Légaré, Mme Hébert, Mme Leblanc, merci de votre présentation.

Mme Hébert (Martine): Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Je vous remercie beaucoup, Mme Hébert, Mme Blais, M. Légaré, pour votre participation à nos travaux.

Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'après la période des affaires courantes, vers 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 27)

 

(Reprise à 15 h 27)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. Je rappelle à toutes les personnes présentes dans la salle de bien éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, sinon on va reconstituer un fonds qui va être une taxe spéciale de la commission. On va mettre ça dans un fonds pour la commission, pour toutes les personnes présentes dans la salle. Alors donc, on va réfléchir à cela.

Je déclare ouverte la séance de la Commission des finances publiques. Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le document intitulé Rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme et du Code de déontologie des lobbyistes.

Nous accueillons maintenant des représentants de HKDP Communications et affaires publiques, représentée par Mme Josiane Hébert, directrice, M. Gérald Belley, directeur, M. Pierre Châteauvert, directeur, et Mme Marylène Sacy Reeves, directrice. Bienvenue à la commission. C'est Mme Hébert qui va prendre la parole au départ?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Paquet): Et donc vous disposez de 15 minutes pour votre présentation.

HKDP Communications et affaires publiques

Mme Hébert (Josiane): Merci. Alors, bien, c'est ça, exactement, mon nom est Josiane Hébert. Alors, je vous présente également les collègues qui m'accompagnent: alors, tout au bout, Mme Marylène Sacy Reeves; tout juste à côté, M. Pierre Châteauvert et M. Gérald Belley. Permettez-moi également de saluer mes autres collègues qui sont derrière nous, dans la salle.

Alors, nous vous remercions, les membres de la Commission des finances publiques, de nous donner l'opportunité de participer à ces consultations particulières et auditions publiques portant sur le lobbyisme. C'est donc avec un grand intérêt que l'équipe de HKDP Communications et affaires publiques prend part à cet exercice.

Nous nous retrouvons, aujourd'hui, dans une position inhabituelle, aujourd'hui. En effet, nous sommes des habitués des commissions parlementaires, mais souvent nous y participons à titre d'invités. Toutefois, je dois dire que M. Belley et M. Châteauvert ont eu l'occasion, en 2002, de participer à la commission parlementaire menant à l'adoption de la loi sur le lobbyisme.

En affaires depuis 20 ans, l'équipe de HKDP est composée de professionnels oeuvrant notamment dans les domaines des communications, des relations publiques, du conseil stratégique ainsi que des affaires publiques et gouvernementales. La Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme ne s'applique donc qu'à une partie de notre équipe, soit les directeurs et conseillers du secteur des affaires publiques et gouvernementales.

C'est dans un esprit de collaboration que nous vous soumettons notre mémoire, fruit de notre réflexion sur le rapport mais également de notre expérience à titre de lobbyistes-conseils depuis plusieurs années. À nous quatre, nous totalisons quelque 52 ans d'expérience en la matière.

n (15 h 30) n

Tout d'abord, nous formulons des commentaires généraux sur la loi et le Registre des lobbyistes. Sur les principes de la loi, les lobbyistes-conseils de HKDP adhèrent entièrement aux principes de la loi puisque ceux-ci contribuent à accroître la légitimité du lobbyisme, qui à nos yeux est une activité essentielle dans une société démocratique et qui doit s'exercer en toute transparence. C'est pourquoi nous réitérons haut et fort que notre profession est légitime puisqu'elle sert l'intérêt commun, en ce sens qu'elle permet la communication d'information aux titulaires de charges publiques, information qui sera utile dans la prise de décision.

C'est dans cet esprit que les professionnels de HKDP qui ont à intervenir auprès des titulaires de charges publiques se sont conformés à la loi, et ce, depuis son adoption. D'ailleurs, rappelons que la profession de lobbyiste fait partie intégrante du processus décisionnel politique depuis que les sociétés modernes existent. En fait, de tous... les corps organisés, qu'ils soient privés ou publics, ont pris les moyens pour défendre les intérêts auprès des gouvernements. Si ces groupes utilisaient d'abord leurs ressources internes et leurs collaborateurs des professions libérales pour atteindre leurs objectifs, ils font maintenant de plus en plus appel à des firmes spécialisées de professionnels en affaires publiques et gouvernementales. Dans les faits, ce n'est pas parce qu'une loi sur le lobbyisme a été adoptée que nous sommes plus rigoureux dans l'exercice de notre profession. Auparavant, nous exercions notre travail avec rigueur et professionnalisme, guidés par le code de déontologie de notre cabinet-conseil.

Quelques commentaires maintenant sur la mise en oeuvre de la loi. Une fois le Registre des lobbyistes mis en place, nous devons toutefois avouer qu'une période d'apprentissage et de vulgarisation nous a été nécessaire. Nous avons dû nous familiariser rapidement avec ce nouvel outil unique en son genre. Nous avons également dû sensibiliser plusieurs de nos clients puisque ceux-ci sont souvent eux-mêmes des lobbyistes d'entreprise ou des lobbyistes d'organisation. Précisons que les démarches sous-jacentes à l'inscription au registre se sont avérées fastidieuses et ont par conséquent monopolisé beaucoup de notre temps. Il en a été de même pour l'inscription de nos activités au registre au tout début. Cinq ans plus tard, il arrive encore que le renouvellement d'une inscription, par exemple, ne soit pas accepté par les représentants de la conservatrice du Registre des lobbyistes. Quelques raisons peuvent expliquer une telle situation, dont la difficulté de définir adéquatement les activités de lobbyisme non visées par une ordonnance de confidentialité.

Quelques mots sur la situation actuelle. Cinq ans après la mise en oeuvre de la loi, force est de constater que la transparence, principe directeur de cette loi, n'a été atteinte qu'en partie. Quelque 1 200 lobbyistes, toutes catégories confondues, sont actuellement inscrits au registre. À notre avis, cela indique que la loi n'est pas respectée par tous. À l'heure du premier examen de la mise en oeuvre de la loi, nous déplorons cet état de situation, car ce manque de transparence nuit à notre profession, qui est encore malheureusement affublée de fausses perceptions. Nous en subirons les contrecoups tant et aussi longtemps que des individus et des groupes continueront d'influencer des titulaires de charges publiques sans être dûment inscrits au registre. Nous souhaitons que le Commissaire au lobbyisme s'attaque en priorité à cette problématique. Nous souhaitons également qu'il supporte les individus et groupes qui prennent le soin de se conformer à la loi et dont les activités quotidiennes se retrouvent sous la loupe du grand public et des médias.

Par ailleurs, nous demandons au Commissaire qu'il se questionne sur l'obligation exclusive des lobbyistes-conseils de divulguer au registre la contrepartie financière liée à l'exécution de chacun de leurs mandats. Nous nous permettons de l'alimenter: Pourquoi la profession de lobbyiste-conseil est une des rares, sinon la seule à être obligée de divulguer publiquement des informations contractuelles entre deux entités? Nous avons la ferme conviction que, dans une société démocratique comme la nôtre, les lobbyistes-conseils ont leur raison d'être. En plus d'être des communicateurs et des stratèges pour leurs clients, les lobbyistes-conseils agissent aussi comme des facilitateurs pour les titulaires de charges publiques. Ainsi, notre rôle est double: premièrement, conseiller nos clients dans l'élaboration des stratégies et des actions auprès des titulaires de charges publiques afin de faciliter la communication avec ces derniers et la conclusion de solutions satisfaisantes; deuxièmement, apporter un éclairage nouveau et privilégié sur des enjeux divers et ainsi permettre aux titulaires de charges publiques de prendre une décision guidée par un ensemble d'informations. Parlant des titulaires de charges publiques, nous estimons que ceux-ci ont une responsabilité à l'égard de la mise en oeuvre de la loi. Nous les invitons à jouer pleinement ce rôle.

Ceci étant dit, nous vous présenterons maintenant les commentaires spécifiques à l'égard de certaines des recommandations du Commissaire au lobbyisme.

M. Châteauvert (Pierre): Merci. Comme le temps nous est compté, je vous présenterai des commentaires sur quelques recommandations, nos commentaires sur les autres recommandations sont dans notre mémoire. Je sauterai donc immédiatement à la... j'irai donc à la deuxième recommandation, qui traite de l'assujettissement des OBNL.

D'entrée de jeu, nous citerons le rapport du Commissaire pour exprimer notre appui à cette proposition. Le Commissaire indique: «L'exclusion de certains organismes de l'application de la loi a donc pour effet de rendre inachevé l'objectif de transparence.» Fin de la citation. Étant donné l'importance et l'impact de ces groupes dans les débats de la société québécoise, nous nous réjouissons de cette intention.

En 2002, le législateur définissait la transparence dans les relations avec le gouvernement par l'inscription des activités de lobbyisme à un registre, et il est incompréhensible que des groupes soient encore exclus de cette obligation. En fait, il ne suffit pas qu'un groupe déclare ses activités publiques ou ayant un caractère public pour que leur transparence soit assurée. Le Commissaire fait d'ailleurs valoir avec pertinence que les activités menées par ces groupes d'intérêts ne font l'objet d'aucun encadrement déontologique puisqu'ils ne sont pas tenus de s'inscrire. Ainsi, comme personne ne peut garantir la transparence des activités de ces groupes, il y a lieu que le législateur corrige cette situation et inscrive dans la loi que la représentation d'intérêts, quels qu'ils soient, doit se refléter au registre.

Par ailleurs, nous ne comprenons pas pourquoi des groupes qui affirment le caractère public de leurs activités s'opposent à inscrire leurs représentations à un registre servant à informer la population, à moins que l'avis émis par le ministre de la Justice, M. Jacques Dupuis, souligne la véritable raison de ce refus. Le ministre soumet avec raison ? ouvrez les guillemets: «...l'inégalité de traitement serait de nature à renforcer la perception négative du public à l'égard du lobbyisme. Ceux qui doivent s'inscrire sont les "méchants", alors que ceux qui sont dispensés de cette obligation sont les "bons".» Fin de la citation. Il est décevant que certains continuent à colporter la mauvaise perception du lobbyisme, mais il ne s'agit pas là à nos yeux d'une raison suffisante pour que le registre demeure un outil incomplet pour la population. Afin de corriger l'anomalie et pour contribuer à améliorer la perception de l'activité légitime qu'est le lobbyisme, nous demandons à nouveau aux membres de cette Assemblée d'abolir les exemptions de la loi quant à l'inscription au registre.

Par ailleurs, afin de compléter l'outil qu'est le Registre des lobbyistes, nous sommes d'accord avec la troisième recommandation, qui amènerait toutes les coalitions à s'inscrire au registre. Celle-ci devra toutefois, à l'instar de notre position exprimée à la recommandation précédente, s'appliquer à toutes les coalitions, et ce, sans exception.

L'autre recommandation pour laquelle nous aimerions vous faire part de notre réaction porte le numéro 5 et traite des délais d'inscription au registre. Pour qu'il soit efficace, un système doit prévoir des délais réalistes. Aussi, nous ne croyons pas que 10 jours constituent un délai suffisant pour bien rendre la description d'un mandat dans le registre, et ça, c'est important. Par exemple, il arrive que des dossiers nécessitent plusieurs jours d'échange et de discussion à la fois avec nos clients et avec des titulaires de charges publiques pour bien nous approprier un problème, bien le circonscrire, le sujet lui-même, ainsi que les objectifs de notre intervention. Plusieurs viennent nous voir pour régler des problèmes parfois très complexes, et il nous faut souvent plus de 10 jours et du temps pour établir un plan et identifier la nature de notre action. Ainsi, seulement pour ces raisons, nous croyons que le délai de 30 jours demeure le plus approprié pour produire une déclaration initiale ou un renouvellement.

La sixième recommandation aborde la question du financement des activités de lobbyisme. Elle nous amène à vous rappeler que nos relations avec nos clients sont de même nature que d'autres professionnels, comme les avocats, les notaires, etc. Les professionnels de HKDP suivent en effet un code d'éthique fondé notamment sur le respect de la confidentialité de renseignements provenant de nos clients. Aussi, le plus souvent, nos clients nous transmettent seulement les informations pertinentes à notre mandat, et nous ne cherchons pas à connaître tous les détails de leurs activités. En ce sens, mettre en vigueur cette recommandation reviendrait à nous imposer des obligations impossibles à rencontrer, voire à nous transformer en policiers enquêteurs, rôle qui serait inconvenant. HKDP fait affaire avec des clients reconnus, et nous considérons qu'il n'est pas de notre rôle de poser des questions sur leur financement. Cette recommandation est donc inappropriée et inapplicable, et nous demandons aux membres de cette Assemblée de ne pas la retenir.

Notre commentaire à la septième recommandation du Commissaire sera de même nature: Pourquoi porter à 10 ans la période de déclaration obligatoire pour les titulaires de charges publiques? Le registre prévoit déjà que toute personne ayant été titulaire d'une charge publique au cours des deux dernières années le déclare. Nous considérons cela raisonnable. Pourquoi donc faire passer ce délai à 10 ans? Quel sera l'impact de cette mesure? Pour nous, cela signifierait lancer le message qu'avoir été titulaire d'une charge publique est une véritable tare. Pourquoi faudrait-il qu'une personne déclare depuis 10 ans qu'elle a été titulaire d'une charge publique? Au cas où? Nous nous élevons contre ce climat de suspicion envers ceux qui ont servi le Québec et nous invitons les membres de cette Assemblée à y mettre fin en rejetant cette recommandation.

n (15 h 40) n

Un court commentaire concernant la recommandation 14; c'est sur le mandat d'éducation. Pour nous, cette recommandation demeurera incomplète si elle ne comprend pas la nécessité d'informer les journalistes quant au rôle légitime des lobbyistes. Ayant parfois contribué à cette image négative de notre profession, ce qui malheureusement est le cas, nous demandons aux membres de cette Assemblée d'inscrire les représentants des médias dans la liste des personnes visées par ce mandat et réclamé par le Commissaire dans son rapport.

Enfin, avant de conclure, permettez-nous de vous rappeler, de rappeler aux membres de cette commission l'importance d'une bonne connaissance et d'une très bonne compréhension des titulaires de charges publiques, et ce, à tous les niveaux du gouvernement concernés par rapport à l'application de la loi. En effet, afin d'atteindre les objectifs poursuivis par le Commissaire au lobbyisme ainsi que par le gouvernement pour plus de transparence au niveau des activités de lobbyisme, il faudra aussi s'assurer d'une plus grande responsabilité des titulaires de charges publiques face à l'application de cette loi. Nous comprenons que le Commissaire a fait des démarches de sensibilisation auprès de ceux-ci, mais nous croyons qu'il y a encore du travail d'information et de communication à réaliser afin de s'assurer que tous connaissent l'existence de la loi mais aussi leur rôle face aux activités de lobbyisme.

Nous croyons sincèrement qu'il faut mettre beaucoup d'énergie afin d'accroître le respect de la loi avant d'imposer des exigences encore plus grandes à tous ceux et celles qui s'y conforment déjà. Notre plus grande préoccupation est donc de nous assurer que toutes les personnes qui font du lobbyisme s'inscrivent au registre. Ce n'est vraiment que lorsque nous aurons atteint cet objectif de transparence que la loi répondra pleinement aux intentions premières du législateur en matière de lobbyisme.

Nous souhaitons finalement, en terminant, que notre mémoire contribue au cheminement de votre réflexion et nous vous remercions.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Je reconnais Mme la députée de Laporte.

Mme Ménard: Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire.

Dans votre mémoire, il est évident qu'il existe, même après cinq ans, des difficultés dans le processus d'inscription. Alors, c'est ce que je peux comprendre. J'aimerais vous entendre concernant les ordonnances de confidentialité. Lors de la présentation du mémoire de M. Dufour, il nous mentionnait que le bureau du Commissaire, en six ans, a reçu 30 demandes d'ordonnance de confidentialité, dont 26 entre 2002 et 2003, et qu'il en avait seulement accepté sept, d'où le fait que les lobbyistes n'en demandent à peu près plus. Et M. Dufour ne blâme absolument pas le Commissaire mais plutôt la loi.

Alors, ma question. J'aimerais vous entendre sur: Devrait-on donner au Commissaire une marge de manoeuvre plus grande?

Le Président (M. Paquet): M. Châteauvert.

M. Châteauvert (Pierre): Merci. Pour nous, il est tout à fait clair effectivement, madame, que le Commissaire devrait avoir une marge de manoeuvre à ce niveau-là. Nos clients font appel à nous des fois pour les aider à régler des problèmes confidentiels, des problèmes qui peuvent avoir des impacts aussi. Le positionnement de l'entreprise... Exemple, une information qui est divulguée pourrait mettre en danger le positionnement de cette entreprise-là dans le marché. On peut s'imaginer n'importe quoi dans n'importe quel secteur d'activité, on a des clients dans tous les secteurs. Et c'est certain que l'obligation de divulguer tout cause problème. Nous aussi, on a eu nos problèmes par rapport à ça. Effectivement, ce n'est pas toujours facile.

Je peux vous donner aussi un petit exemple des choses. Des fois, on est un peu mal à l'aise. Une entreprise vient me voir, on apprend que le gouvernement, un ministère en particulier, est en train de travailler à l'élaboration d'un règlement, et on nous demande des informations puis des réactions face à ça. Donc, le gouvernement vient chercher... Et c'est normal, quand on prépare un règlement, on va voir les intervenants pour connaître le contexte et tout. Et là, bien là, on est obligés de s'inscrire. Là, la personne a très bien collaboré, mais on est obligés d'écrire quand même que ça... J'ai dit: Bien là, demandez-nous pas de divulguer les travaux, la réflexion du gouvernement avant la ministre ou le ministre lui-même. Donc, ça va aussi jusqu'à ce niveau-là. Et c'est normal des fois que le ministre ou la ministre, ou le gouvernement, ou les fonctionnaires prennent un temps de réflexion, puis avec quelques intervenants qui représentent un peu le marché ou la société en général, pour réfléchir avant de sortir ça. C'est un processus qui est tout à fait normal. Donc, je crois effectivement que le Commissaire a besoin d'une marge de manoeuvre.

Mme Ménard: Est-ce que vous avez eu beaucoup...

Le Président (M. Paquet): Mme la députée.

Mme Ménard: Merci, M. le Président. Est-ce que vous avez eu plusieurs cas que vous avez dû débattre ou tout simplement qui ont été refusés par le Commissaire?

Le Président (M. Paquet): M. Châteauvert.

M. Châteauvert (Pierre): Nous, en termes de... Ici, parce qu'on est plusieurs dans la boîte, nous, par rapport à nous, il n'y a pas eu de cas de refus, mais c'est certain que régulièrement... Nos clients, on leur demande puis on dit... Bien là, on les pousse, on dit: Oui, il faut absolument déclarer, puis ça les met mal à l'aise, puis il y a des choses... Il est certain qu'il y a des interventions puis qu'ils n'ont pas été capables d'aller, dans quelques cas, ils n'ont pas été capables d'aller jusqu'au bout de leurs démarches puis de transfert d'information, en fait que l'État a été obligé d'agir sans information qui aurait pu être privilégié dans plusieurs dossiers, ça, c'est certain. Ça, on n'a pas été jusque-là parce qu'on savait que ce n'était pas possible, dans le fond.

Mme Ménard: O.K. Merci.

M. Châteauvert (Pierre): Merci, madame.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Mont-Royal.

M. Arcand: Merci, M. le Président. Moi, j'avais une question aussi reliée à toute la question des informations confidentielles. Je pense qu'il y a eu... D'abord, je sens, plus les journées avancent... Je ne sais pas si c'est les intervenants qui... mais, hier, entre autres, la FTQ avait beaucoup de réticences par rapport à cette loi-là. Tout le monde va dire: On l'accepte parce que, bon, on est pour la transparence, mais dans le fond il y a quand même une certaine réticence. Et, quand je regarde sur la question en tout cas d'informations confidentielles et que je vois, par exemple...

Vous dites dans la recommandation 6: «Les articles 9 et 10[...] ? là, c'étaient vos commentaires sur ça en disant ? devraient être modifiés afin d'y prévoir que la déclaration d'un lobbyiste doit indiquer le nom de toute personne, entreprise ou organisation qui contribue, financièrement[...], à une activité de lobbyisme.» Vous semblez indiquer que vous avez un problème avec ça, puis je veux juste essayer de comprendre c'est quoi principalement, votre problème.

Le Président (M. Paquet): M. Châteauvert.

M. Châteauvert (Pierre): Oui. Merci, M. le Président. Dans une déclaration, M. le Président, on doit indiquer la compagnie et ses filiales, et ça, c'est ce qui est officiel. Le client, il a plusieurs filiales qui profitent de la démarche. Mais là on nous demanderait un peu d'aller enquêter et de demander... Bon, bien, O.K., il y a la compagnie ou le groupe, parce que des fois on a des clients publics et on a des clients privés, mais il y a tous ceux qui pourraient profiter... On nous demanderait quelque chose, d'aller enquêter puis de savoir exactement l'ensemble des activités. Nous, on n'a pas à savoir... Quand on fait affaire avec une compagnie ou avec un groupe, qu'il soit privé ou public, qui vient nous voir, puis on a un objectif, on fait affaire avec des clients sérieux, des clients reconnus et on répond aux exigences de la loi. Déjà, ces exigences, à travers le Canada, sont dans les plus sévères et les plus élaborées. On a des collègues, nous, à travers les autres administrations, il y a des choses qui évoluent, puis, quand on leur dit: Oui, on est obligés de faire le détail des filiales d'une seule entreprise, d'un groupe avec qui on travaille, ils ont les yeux gros comme ça, ils n'en reviennent pas. On pense que cette information-là est suffisante par rapport à une intervention, par rapport à un mandat. En fait, nous, ce qu'on peut fournir, c'est que...

On nous place, nous, dans une situation un peu... très délicate, puis, moi, je ne considère pas que c'est pour nous, par rapport à notre rôle à nous dans le système, moi, je considère que c'est impertinent par rapport à ça.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Arcand: Oui. C'est parce que, quand on parle au Commissaire au lobbyisme, lui, il a l'air à indiquer que la formule, elle est relativement simple; quand on entend les interventions, la formule semble pas mal plus compliquée que ça. Alors, moi, ma question: C'est-u la formule qui est le problème, dans laquelle il y a beaucoup trop d'information, comme vous dites, d'enquête qui est demandée? Est-ce que c'est ça qui fait problème ou si c'est le principe même de donner le nom de votre client, principalement?

Le Président (M. Paquet): M. Châteauvert.

M. Châteauvert (Pierre): Le nom du client, ce n'est pas un problème. Nous, on déclare et on n'a pas de problème avec l'existence du registre. Le législateur, on l'a indiqué, en 2002, a défini la transparence des interventions par l'établissement d'un registre et la déclaration des activités de lobbying. On souhaite que toutes les activités de lobbying qui sont de représenter des intérêts et une position devraient s'inscrire. On n'a pas de problème avec ça. Puis effectivement il faut indiquer pour qui on travaille, ça, c'est clair et net. Et là, actuellement, au Québec, on nous demande une compagnie ainsi que ses filiales ou un groupe ainsi que l'ensemble des personnes. Mais là, si on va jusqu'à nous demander, exemple, une compagnie ou un groupe privé-public ainsi que toutes les personnes qui pourraient s'associer à ça, bien là on nous demande quelque chose d'assez fantastique comme information, puis, nous, on n'est pas en mesure de demander ça, et on trouve qu'on nous confère un rôle de policier enquêteur, et on ne pense pas que c'est notre rôle.

n (15 h 50) n

À quelle autre profession dans la société on demande ce genre de rôle? La question que je me pose: Pourquoi nous? Pourquoi nous? Pourquoi? C'est la question que... J'aimerais avoir une réponse, en fait. Et, quand tu vis un peu dans le monde au niveau des affaires, tu t'aperçois que la réputation, c'est quelque chose de fondamental, et tout ça, puis, nous, on fait affaire avec des gens reconnus à ce niveau-là. Je vous dirai bien franchement que je n'aime pas beaucoup ce genre de climat là qu'on essaie d'instaurer, de renforcir, en fait. Pour nous, l'important, c'est que le registre fonctionne puis que les gens qui font du lobbyisme doivent se déclarer, doivent inscrire leurs interventions avant tout, et ça devrait être l'objectif, parce qu'à ce niveau-là il y a peut-être un manque, avant d'aller plus loin dans les autres... D'ailleurs, le registre est déjà assez élaboré au niveau des questions.

M. Arcand: Merci.

M. Châteauvert (Pierre): Merci, monsieur.

Le Président (M. Paquet): Juste avant de reconnaître mon collègue le député de D'Arcy-McGee, il reste environ trois minutes, mais il y a un point d'information qui nous a été contacté par... On a été contactés par le Commissaire au lobbyisme, par son bureau, qui nous dit que, relativement à la recommandation n° 7 dont vous faites état, à savoir que l'interprétation qui est faite par vous et par d'autres qui sont venus auparavant... la recommandation viserait à obliger un ex-détenteur d'une charge publique à faire état de ses fonctions antérieures pendant une période de 10 ans. Le sens, il semble, qu'il voulait donner, là, à ce qu'on nous avise, c'est que présentement il n'y a aucun délai de spécifié, sauf que quelqu'un qui a occupé des charges publiques deux ans auparavant de l'emploi qu'il occupe présentement...

Alors, un exemple. Un lobbyiste depuis 20 ans qui aurait été titulaire d'une charge publique il y a 22 ans aurait à déclarer qu'il n'a été titulaire d'une charge publique que deux ans avant les 20 dernières années, alors que le sens qu'il semble vouloir lui donner, c'est qu'à l'intérieur de 10 ans... la mécanique de deux ans, là, avant l'emploi actuel s'appliquerait. Il y a peut-être une confusion à cet égard-là. C'est l'information qu'on nous a transmise. C'est juste pour fins de clarification.

M. le député de D'Arcy-McGee, il reste deux minutes environ.

M. Bergman: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Hébert, M. Belley, M. Châteauvert et Mme Reeves, bienvenue et merci pour votre présentation.

Le président vous a parlé des deux ans. La question de la recommandation n° 7, le paragraphe 11° de l'article 10 et aussi l'article 28, le fait que quelqu'un qui était au Conseil des ministres ou qui était membre d'un cabinet a des prohibitions pendant une période de deux ans pour agir, je me demande... Oui, il a des connaissances des dossiers confidentiels, il a des connaissances avec les fonctionnaires dans les dossiers en question, les débats au Conseil des ministres, mais est-ce que, quelqu'un qui a été choisi pour siéger au Conseil des ministres, on doit lui donner plus ou moins de confiance quand il n'est pas au Conseil des ministres ou qu'il n'est pas dans un cabinet? Et, si on lui dit: Vous ne pouvez pas agir pendant plus de deux ans, est-ce qu'on manque ses connaissances dans un champ d'activité? Je sais que vous avez tous beaucoup d'expérience dans ce domaine, et vous avez agi, vous connaissez des personnes dans les cabinets, des anciens ministres. C'est quoi, votre position dans ce domaine, incluant la recommandation n° 7 qui a été faite par le Commissaire?

Le Président (M. Paquet): M. Châteauvert.

M. Châteauvert (Pierre): Merci de cette question. Personnellement, et là c'est personnel, en 2002, je me suis présenté devant cette commission sur ce point. J'étais chef de cabinet qui était démissionnaire depuis... j'ai démissionné quelques mois auparavant et je n'ai pas changé d'un iota ma position par rapport à ça. C'est tout à fait inconvenant parce que les interdictions... Premièrement, je déteste les interdictions, je trouve que ce n'est pas efficace. C'est comme si on dit: Quelqu'un qui a été titulaire d'une charge publique pourrait être pas correct à sa sortie, pourrait. C'est quelqu'un qui a un potentiel que... Or, cette personne-là a servi le Québec, et je trouve que c'est une façon... je trouve que c'est une façon incorrecte, et c'est inconvenant. Pour moi, la meilleure façon de contrôler quelque chose, ce n'est pas de l'interdire, c'est que tout ça soit public, de l'obliger à... d'obliger les personnes à déclarer ce qu'elles font. En ce sens, un ancien ministre, un ancien titulaire, un ancien chef de cabinet, une ancienne attachée politique, lorsqu'il inscrit dans un registre ce qu'il fait, ses démarches, pour moi ce serait la meilleure façon pour que tout ça se fasse avec le plus grand discernement possible.

Le titulaire de charge publique qui est rencontré est informé de cette réalité-là, donc... En fait, il a une réaction, normalement il doit agir avec discernement. Puis aussi la personne qui a été titulaire de charge publique aussi agirait avec discernement, c'est fait au grand jour, donc sous le jugement des gens à ce niveau-là.

Moi, je pense que les gens ont droit au travail, je pense que les gens ont droit à mettre à profit leurs compétences et que les gens qui travaillent, qui sont passés en politique, qui ont été membres de cabinet, qui ont été ministres, qui ont été députés, sont des gens d'une expérience rare dans cette société. Je pense qu'ils ont un bagage qui doit être mis à profit et que le meilleur service qu'on pourrait rendre au Québec... On est une petite société. On n'est pas 300 millions, on n'est pas 31 millions comme aux... on est 7 millions. 8 bientôt, là, mais en tout cas. Mais on ne peut pas se passer de n'importe quelle ressource.

Juste une petite chose en terminant, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Rapidement.

M. Châteauvert (Pierre): C'est qu'avec des exigences puis des interdictions comme celles-là ça va être de plus en plus difficile de recruter. Qui va vouloir venir, si on ne peut pas rien faire après, travailler dans un cabinet, des choses comme ça? Et, moi, je pense que l'occasion est belle pour revoir cette question-là et, au plein jour, que, si c'est déclaré, ce serait la meilleure façon... en fait le meilleur service que vous pourriez rendre, et ce serait correct et tout à fait éthique dans mon esprit.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. L'Écuyer: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie, Mme Hébert, Mme Sacy Reeves, M. Belley et M. Châteauvert. Remarquez, en commission, depuis l'étude de ce... pas de ce projet de loi mais depuis le rapport du Commissaire au lobbyisme, les groupes qu'on a entendus, je pourrais quand même résumer un peu que... Ça pourrait se résumer pour certains: en fait, tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir, parce qu'on a vu des gens qui disent: Non, je n'ai pas d'affaire à m'inscrire, mon organisme n'a pas d'affaire à s'inscrire. Un autre... bien, en fait, un autre groupe, les professionnels ont tendance à dire: Nous, on représente l'intérêt public et on n'a pas d'affaire à s'inscrire. Alors, il y a vous qui êtes inscrits et il y a une grande partie aussi de personnes, ce que j'appelle des lobbyistes, des lobbyistes-conseils, qui sont vos collègues et qui ne sont peut-être pas inscrits mais avec lesquels vous travaillez. Alors, ça semble un peu le topo, si on peut dire, de cette loi-là, et on est pris avec cette problématique-là, et il faut quand même donner quelque chose de clair, précis aux citoyens qui nous regardent et aussi aux citoyens qui vont avoir à travailler avec cette loi-là.

D'entrée de jeu, je regardais... En fait, j'ai lu votre mémoire avec une grande attention et puis je voudrais simplement que vous me résumiez, là... Donc, si je vous dis: Résumez-moi en une ou deux phrases qu'est-ce que vous souhaiteriez pour l'avenir au niveau d'une loi qui est applicable, une loi aussi qui est applicable pour l'ensemble des citoyens ou pour surtout... toujours en gardant ce que j'appelle le tableau ou la balance entre le titulaire de charge publique et le lobbyiste, mais là lobbyiste inscrit, lobbyiste non inscrit, le professionnel, le syndicaliste... Faites-moi un peu un résumé si vous pouvez le faire. Ça me fera un grand plaisir, et je prendrais bien note de ces propos.

Le Président (M. Paquet): M. Châteauvert.

M. Châteauvert (Pierre): Ce sera très, très court, M. le député. HKDP, les gens chez HKDP, nous sommes inscrits, nous déclarons nos activités. Les clients de HKDP, on les a formés, on les a accompagnés là-dedans, ils se sont inscrits. Tous ceux avec qui on travaille respectent la loi et s'inscrivent. Nous, tout ce qu'on souhaite, c'est que toute activité de représentation d'intérêts, ce qu'est le lobbyisme, auprès de l'État, quelle qu'elle soit, privée, publique, nommez-les, doit s'inscrire parce que c'est pour... Le législateur a décidé que c'était important d'informer la population, que les gens sachent? Bien, les gens doivent tout savoir. Donc, à ce niveau-là, c'est notre position, et, les cinq prochaines années, on devrait se concentrer là-dessus avant toute chose.

Le Président (M. Paquet): Mme Hébert.

n (16 heures) n

Mme Hébert (Josiane): Bien, si je peux me permettre, j'aimerais ajouter un point ou deux. Un point: ce que je souhaiterais, moi, c'est que les titulaires de charges publiques nous demandent si on est bien inscrits au Registre des lobbyistes. On le disait tout à l'heure, ils ont un rôle à jouer, et, moi, je dois dire, depuis l'application de la loi, je dois compter sur les doigts d'une main l'occasion que quelqu'un m'a demandé à moi: Est-ce que vous êtes inscrite, madame? Et c'est correct. Moi, ça ne m'insulte pas, au contraire, parce que pour moi c'est évident et c'est clair. Et peut-être aussi, dans le monde idéal, que, c'est ça, le processus d'inscription soit un petit peu plus convivial, plus simple, qu'on ne nous mette pas encore de nouvelles restrictions. Tout à l'heure, on parlait de demander à nos clients de faire l'enquête pour déterminer, bon, et tout ça. Maintenant, on va nous demander de faire ça dans 10 jours. Écoutez, ça n'a pas de bon sens. Ça n'a pas de bon sens. Et heureusement, quand on travaille dans une société que les choses vont bien, il arrive parfois que, dans une semaine, on a plusieurs mandats. Ça nous demande du temps, du temps, du temps, beaucoup de temps. Alors, dans un monde idéal, je compléterais ce scénario-là de cette façon-là.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. L'Écuyer: Oui. J'ai compris, M. le Président, qu'effectivement le coût de la transparence, c'est l'augmentation de la bureaucratie, et, l'augmentation de la bureaucratie, ce que vous souhaitez, c'est d'alléger un peu l'inscription et aussi les rapports que vous devez faire. Le 10 jours, on comprend bien la situation, vous êtes quand même... J'imagine par contre...

Sur cette question-là, pourquoi pensez-vous que le Commissaire veut insister sur le 10 jours au lieu du 30 jours? Est-ce qu'effectivement il n'y a pas une raison? Parce qu'habituellement, comme on dit si bien dans le domaine juridique, habituellement on ne légifère pas pour ne rien dire. Alors, s'il a fait cette demande-là, c'est qu'il doit y avoir quand même une suite, une application directe. Pourquoi faire un 10 jours alors qu'on avait 30 jours? Et, dans ce 10 jours là, est-ce que c'est, je veux dire, cette somme bureaucratique sur laquelle vous n'êtes pas d'accord?

Le Président (M. Paquet): M. Belley.

M. Belley (Gérald): M. le Président, je pense qu'au niveau du 10 jours c'est peut-être pour se conformer à la même réglementation ailleurs au Canada. Mais à part ça je ne pense pas qu'on puisse, nous, comprendre pourquoi on veut 10 jours. Et je pense que là-dessus je vais vous donner un exemple qui va peut-être vous permettre de mieux comprendre notre situation.

Il nous arrive parfois de travailler conjointement sur un même mandat. Bon, Mme Hébert s'est inscrite pour un mandat, elle a fait le travail, elle a parlé avec les représentants du bureau du Registre des lobbyistes, ils ont accepté l'inscription. Ça a pris quand même quelque temps à bien comprendre. Alors, j'ai dit: Parfait. Le lendemain, j'ai procédé à la même inscription mais en mon nom parce qu'on travaille sur le même mandat, et la représentante de la conservatrice a refusé mon inscription. Alors, on a été obligés, à ce moment-là, de lui rappeler qu'ils avaient accepté l'inscription de ma collègue pour exactement le même mandat, la même description.

Alors, quand vous nous dites que maintenant on va faire ça en 10 jours, déjà c'est assez long de comprendre le processus, de bien déterminer notre mandat qu'on a avec le client et de faire comprendre aussi au registraire, au bureau du registre, c'est quoi, le mandat, parce que, eux autres aussi, ils nous accompagnent souvent parce qu'effectivement on a de la difficulté à s'entendre parfois sur les mots et sur les objets de notre mandat. Alors, je pense que de garder 30 jours, ça va nous permettre de mieux définir notre mandat et de permettre de faire notre inscription en bonne et due forme.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. L'Écuyer: M. le Président, je dois comprendre que vous accepteriez le 30 jours de délai pour la continuité de la situation ante. Par contre, au niveau des inscriptions, il y a la question de votre rémunération ou la contrepartie qui semble vous préoccuper, et vous demanderiez un amendement concernant cette information-là.

M. Belley (Gérald): Oui. Bien, je peux...

Le Président (M. Paquet): M. Belley.

M. Belley (Gérald): Oui. Merci, M. le Président. Alors, écoutez, sur la question de la rémunération, d'abord il faut vous dire qu'on n'a jamais vraiment compris pourquoi on devait indiquer la rémunération entre... une entente entre deux parties légitimes, c'est-à-dire notre client et nous-mêmes, de déclarer ça, et nous sommes les seuls, les lobbyistes-conseils, qui devons déclarer la rémunération.

Deuxièmement, pour avoir vécu certaines situations, de la façon dont le registre est monté, on doit cocher une case, bon, un mandat, disons, entre 10 000 $ et 50 000 $. Disons qu'on a un mandat de 15 000 $, on coche entre 10 000 $ et 50 000 $. Ça dure pendant trois ans, bien trois fois 15, ça fait 45. Mais comme par hasard ça sort dans les journaux qu'on a des mandats de 150 000 $ pour ce client-là. Donc, ça donne à la limite une fausse information sur notre propre mandat.

Donc, je pense que cette question-là, pour nous, et c'est depuis le début, on croit que ça devrait être retiré. Ça ne donne pas nécessairement de l'information, plus de transparence; au contraire, ça peut créer des drôles de situations. Et nous sommes les seuls à déclarer ces sommes d'argent, les montants des contrats qu'on reçoit, dans lesquels on s'entend.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. L'Écuyer: Merci, M. Belley. Au sujet de l'ordre, les ordres professionnels, je pense que vous avez sûrement entendu les ordres professionnels se présenter ici et nous dire qu'effectivement la protection du public avant toute chose, c'est l'objet principal de leur existence. Et d'un autre côté vous semblez dire qu'effectivement il faudrait y avoir inscription des professionnels, de certains professionnels, ceux effectivement qui exercent la fonction de lobbyiste, et vous semblez...

Est-ce que vous êtes en accord avec cette affirmation-là? Et est-ce que vous souhaiteriez que tous les gens qui font du lobbying soient inscrits à un registre?

Le Président (M. Paquet): M. Belley.

M. Belley (Gérald): Merci. Merci, M. le Président. Écoutez, ça fait partie de notre premier objectif, c'est que toutes les personnes qui font du lobby soient inscrites au Registre des lobbyistes. Que ce soient des professionnels, des ingénieurs, ou des avocats, ou des notaires, s'ils réalisent des activités de lobbyisme, je pense qu'il est très important qu'ils soient inscrits au registre parce que, pour nous, on considère qu'ils font sensiblement le même travail que nous. S'ils font de la représentation pour dire... influencer les titulaires de charges publiques, donc ils font du lobbying, donc ils devraient être inscrits au registre, effectivement. Ce n'est pas parce qu'on porte un autre titre qu'on ne devrait pas être inscrit.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. L'Écuyer: Et qu'avez-vous à dire au sujet en fait de la protection du public qu'ils ont déjà à l'intérieur de leur code de déontologie et code de discipline? Et je dois comprendre que, les lobbyistes, dans un sens le code de déontologie ou le code de discipline est intégré dans la loi sur le lobbyisme.

Le Président (M. Paquet): M. Belley.

M. Belley (Gérald): En fait, M. le Président, si je comprends bien votre question, M. le député, vous voulez savoir, parce qu'ils ont la protection du public, s'ils doivent nécessairement... ils sont protégés de ne pas s'inscrire. Est-ce que c'est votre question?

M. L'Écuyer: Oui, monsieur.

M. Belley (Gérald): Bien, écoutez, je pense que, là, je ne voudrais pas parler au nom des ordres professionnels. Je sais qu'ils vont se présenter ou ils se sont présentés. Je leur laisserais le soin de défendre ce point-là.

Mais, nous, surtout, et peut-être que je me répète là-dessus, c'est surtout: chaque individu qui réalise du lobbyisme devrait s'inscrire. C'est sur ce point-là qu'on insiste beaucoup, c'est par rapport à chaque individu et non pas en fonction de leur attachement à un ordre professionnel.

Le Président (M. Paquet): Rapidement.

M. L'Écuyer: Oui, rapidement. Je pensais avoir plus d'information au sujet de la recommandation 1. Vous nous dites que vous avez de la difficulté à saisir la portée réelle de cette proposition. Alors, vu que dans un sens vous travaillez dans le champ d'activité du lobbyisme, j'aurais aimé vous entendre sur cette question-là et puis sur cette recommandation-là, mais vous me dites que vous avez de la difficulté à saisir la portée réelle de cette proposition. Je comprends quand même qu'habituellement le jeu, en fait le champ de la juridiction, le coeur, le «core» de votre juridiction, c'est d'influencer le titulaire de charge publique, et il y a des degrés d'influence, il y a des degrés moindres, des degrés plus. À ce moment-là, où est la balise entre quand ça devient lobbyisme, c'est-à-dire quand ça devient un degré d'influence, ou quand ça n'en devient pas, que ce n'est pas un degré d'influence? Alors, cet article-là, vous avez des commentaires. J'aimerais vous entendre sur cette recommandation-là, la première recommandation.

Le Président (M. Paquet): M. Châteauvert, rapidement.

M. Châteauvert (Pierre): Oui. M. le député, merci de nous donner l'occasion de commenter sur cette proposition. En fait, à la première lecture, on a dit: Oui, oui, effectivement. Ce qui nous a intéressés beaucoup, c'était l'abandon, de mettre fin à la discrimination entre les lobbyistes-conseils et les autres lobbyistes, qui est un élément qui a été développé par l'Alliance des cabinets, là, de relations publiques, et ça, nous, on partage entièrement ça.

Mais, à la lecture de la recommandation, on s'est dit: «Qui ne possède aucun pouvoir discrétionnaire»... On a une certaine expérience là-dedans, ensemble c'est plus de 50 ans de lobbyisme. On s'est mis à calculer c'est qui, ça, qui n'a aucun pouvoir discrétionnaire dans l'État et qui a un pouvoir discrétionnaire dans l'État, dans quels dossiers. Et là on a été voir Le petit Robert, puis ça indique qu'un pouvoir discrétionnaire est celui qui confère à quelqu'un la libre décision. Qui a la libre décision dans l'État? On n'arrive pas à comprendre c'est quoi exactement, comment qu'on va discerner puis qu'on va identifier les gens qui ont un pouvoir discrétionnaire et ceux qui ne l'ont pas. Nous, là, on s'est toujours dit de notre part, là, on a toujours considéré que toute personne pouvant intervenir ou influencer un processus décisionnel du gouvernement est titulaire d'une charge publique. C'est la façon qu'on se gouverne.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Gaspé.

n (16 h 10) n

M. Lelièvre: Oui. Merci. Merci, M. le Président. Évidemment, j'avais ciblé cette affirmation que vous avez dite, que les gens, d'autres personnes ne respectent pas la loi, dans votre mémoire. Donc, vous, vous nous dites que vous déclarez. Vous demandez également au Commissaire de s'attaquer en priorité à ce problème puis également vous lui demandez les raisons qui font que seuls les lobbyistes-conseils sont obligés de divulguer des informations sur la contrepartie financière.

Est-ce que vous avez des suggestions à apporter à cet égard? Est-ce qu'on devrait légiférer dans le sens que la contrepartie financière ne figurerait pas dans le registre? J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Est-ce que, dans les autres juridictions au Canada, ils le font?

Le Président (M. Paquet): M. Châteauvert.

M. Châteauvert (Pierre): Merci, M. le Président. Effectivement, comme mon collègue Gérald vous disait tout à l'heure, on est les seuls qui devons déclarer la rétribution pour des contrats, là, publiquement dans un registre, et ça mène aussi à des problèmes d'interprétation assez graves. Et, quand un journaliste écrit qu'on a 150 000 $, tu sais, pour faire un mandat puis qu'en réalité tu en as eu 15 000 $, là, tu ne peux rien faire, hein, vous le savez. Tu es fait, comme on dit, là, tu as perdu. Effectivement, je pense que ça, ça doit être changé et même abandonné, question d'équité, question d'équité pour...

Le lobbyisme est une réalité dans notre système démocratique, une activité légitime. Le Commissaire, et il le fait très bien, le répète régulièrement. Il intervient même dans les journaux, on l'a vu récemment, pour remettre les pendules à l'heure, que c'est une activité légitime. C'est une activité qui existe depuis que la démocratie existe, la représentation d'intérêts, et elle s'est organisée différemment au fil du temps. Maintenant, il y a des lobbyistes-conseils, des cabinets spécialisés là-dedans, et, moi, je considère que ça doit être une profession qui doit s'exercer avec les mêmes conditions que les autres dans la société. Donc, en ce sens-là, effectivement, on apprécierait beaucoup si l'équité...

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Lelièvre: Dans les autres juridictions, ils ne divulguent pas les honoraires qui sont versés, les montants.

À la recommandation 2, vous dites ne pas comprendre l'opposition de certains groupes à leur inscription au registre. Donc, vous souhaitez que tout le monde s'inscrive, les OBNL, tout le monde?

Mme Hébert (Josiane): Tous ceux...

Le Président (M. Paquet): Mme Hébert.

Mme Hébert (Josiane): M. le Président, effectivement tous ceux qui exercent des activités de lobbyisme devraient être inscrits.

M. Lelièvre: Mais un organisme communautaire peut faire des démarches auprès du gouvernement par le biais d'une personne, par exemple la présidente ou le président de cet organisme, et aller chercher de l'aide financière, par exemple, pour des projets spécifiques. Est-ce qu'on peut les assimiler, par exemple, à des démarcheurs?

Le Président (M. Paquet): M. Châteauvert.

M. Châteauvert (Pierre): Pour moi, c'est clair et net que oui. Le législateur a inscrit dans la loi, et je le répète, en 2002, là, que c'était un registre qui amenait la transparence, et, même dans ce domaine-là, si ça correspond, si la loi indique que c'est une démarche de lobbying, il doit le déclarer. Je vous signale qu'il y a des groupes, des OBNL dans la société qui occupent des places très importantes dans les médias, qui occupent des places très importantes au niveau des démarches au niveau de l'Assemblée nationale, au niveau du gouvernement, et, que ça, que ça se fasse en toute transparence, je ne comprends pas et je ne vois pas le problème de s'inscrire, de faire comme tout le monde.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Lelièvre: Donc, s'il y a un organisme communautaire qui demande, par exemple, au ministre, dans son budget discrétionnaire, une subvention quelconque pour réaliser un projet dans une région, est-ce que vous assimilez ça à faire en sorte que la démarche qui est faite devrait être déclarée?

Mme Sacy Reeves (Marylène): Non, parce que...

M. Lelièvre: Lorsqu'on parle, par exemple, d'un budget discrétionnaire d'un ministre, ou d'un député, ou...

Le Président (M. Paquet): Mme Sacy Reeves.

Mme Sacy Reeves (Marylène): Je pense qu'il n'a pas besoin de s'inscrire, d'autant plus que, s'il ne le fait qu'une seule fois...

M. Lelièvre: Mais s'ils le font plusieurs fois?

Mme Sacy Reeves (Marylène): La subvention, je ne pense pas qu'elle soit... De toute façon, sûrement que, si... L'application d'un programme, ça, c'est sûr que non.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Lelièvre: ...dans le cas de la subvention pour rémunérer quelqu'un.

Mme Sacy Reeves (Marylène): Oui, tout à fait. Mais ça, quand c'est une subvention, je ne crois pas. Je suis sûre qu'en cas de programme, ça, c'est sûr qu'il n'a pas à s'inscrire, mais, en cas de subvention, je ne suis pas sûre qu'il ait à s'inscrire, d'autant plus que ce n'est pas tous les jours qu'il va faire ça. Donc, est-ce que ça représente le 20 % de son temps? Il y a ça aussi qu'il faut élaborer.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Lelièvre: Mais je veux revenir sur le délai, sur le délai à la recommandation... bon, le délai à la recommandation 5, celui-là de 30 jours. Est-ce que vous avez des propositions là-dessus? Parce qu'il y a le 10 jours, et j'aimerais savoir: Quand vous parlez du 30 jours, dans le fond on ferait une règle uniforme pour tout le monde pour s'inscrire?

Le Président (M. Paquet): M. Châteauvert.

M. Châteauvert (Pierre): Oui, effectivement, nous, c'est le même traitement. On l'a dit tout à l'heure, il y a des dossiers où un client arrive la première journée du mois, et, à la fin du mois, a eu des discussions pour comprendre, bien comprendre le problème, puis aussi certaines discussions avec des titulaires de charges publiques pour bien cerner le problème et regarder à des solutions puis qu'est-ce qu'on va faire. Ça nous prend beaucoup de jours, beaucoup de journées, beaucoup de semaines pour élaborer... Donc, c'est certain que pour nous le 30 jours est un délai qui devrait s'appliquer à tout le monde. Je crois que Josiane, ma collègue Josiane veut...

Le Président (M. Paquet): Mme Hébert.

Mme Hébert (Josiane): Bien, peut-être un petit exemple. Dans 10 jours, c'est difficile. Parfois, on a l'impression que la problématique va demander une modification législative, et, en cours de parcours, on se rend compte que c'est plutôt une modification réglementaire. Alors, écoutez, en 10 jours, c'est bien difficile de circonscrire avec précision effectivement quel est l'objet, là, précis, et c'est ce qu'on nous demande dans la description du mandat au Registre des lobbyistes, d'être assez précis. Alors, c'est pour ça que le délai de 30 jours quant à moi est vraiment nécessaire.

M. Lelièvre: Mais...

Le Président (M. Paquet): M. le député... Ah! Mme Sacy Reeves.

Mme Sacy Reeves (Marylène): De toute façon, tout le monde devrait être pareil. Si les lobbyistes-conseils doivent s'inscrire en 30 jours... les lobbyistes d'organisation doivent s'inscrire en 30 jours, ont un délai de 30 jours, les lobbyistes-conseils aussi devraient avoir exactement la même équité. Alors, c'est parce que ça crée une espèce d'atmosphère de suspicion supplémentaire contre les lobbyistes-conseils, le fait de dire: Vous, vous êtes à part, vous devez marquer les montants d'argent, vous devez vous inscrire en 10 jours, les autres en 30 jours. Vous avez des règles qui sont à part parce que, vous, on vous a à l'oeil.

M. Lelièvre: Mais ça viendrait simplifier le travail de la conservatrice du registre.

Mme Sacy Reeves (Marylène): Le 30 jours?

M. Lelièvre: Oui, bien de faire les inscriptions, etc., puis...

Mme Sacy Reeves (Marylène): Bien, c'est-à-dire que nous arriverions à...

M. Lelièvre: Mais ça vous faciliterait aussi la vie.

Mme Sacy Reeves (Marylène): Ça, c'est sûr. Ça nous faciliterait la vie à nous et ça la faciliterait aussi à la conservatrice parce qu'on arriverait avec des détails beaucoup plus précis et qu'on ne serait pas tout le temps en train de dire: Oui, mais je ne sais pas, peut-être, je vous reviendrai demain ou après-demain.

Le Président (M. Paquet): M. le député, deux minutes.

M. Lelièvre: La recommandation 7 également, vous êtes en désaccord avec cette recommandation parce que ça soulève la suspicion. Et vous rejetez dans le fond, oui, sur le registre, là, qui, au cours des deux... le titulaire d'une charge publique qui aurait occupé une fonction pendant les deux dernières années, puis vous dites: Pour nous, cela signifierait à lancer un message d'avoir été titulaire d'une charge publique comme une tare. Je sais que d'abord, dans cette salle-ci, il y en a peut-être d'autres qui vont devenir des personnes qui vont faire le même métier que vous faites. Là-dessus, vous êtes catégoriques concernant le délai qui pourrait passer à 10 ans.

Le Président (M. Paquet): Alors, M. Châteauvert, en 30 secondes environ.

M. Châteauvert (Pierre): Oui. D'accord. En fait, nous, on pense que c'est un climat de suspicion. Je veux dire, il y a huit ans, tu as été titulaire de charge publique, donc peut-être qu'il pourrait faire quelque chose de pas correct, donc on t'a à l'oeil, comme disait ma collègue. On apprécierait beaucoup si...

M. Lelièvre: Qu'on l'enlèverait de la loi.

n (16 h 20) n

M. Châteauvert (Pierre): ...on enlève ça et que ce soit fait correctement, et de façon éthique, et de façon égale pour tout le monde. Tout le monde a le droit de travailler, tout le monde a droit à mettre à profit, tout le monde a droit à se valoriser avec ses compétences, mettre à profit ses compétences et aider les dossiers à avancer. À partir du moment où est-ce que tout ça est fait publiquement, dans le cadre d'un registre, je pense que, le discernement, c'est là qu'il va s'appliquer, et c'est la meilleure façon de contrôler et de s'assurer que tout se passe correctement, selon les règles, selon les codes d'éthique.

Le Président (M. Paquet): Bien, merci beaucoup. Alors, je remercie Mme Hébert, M. Belley, M. Châteauvert, Mme Reeves, de HKDP Communications et affaires publiques, pour votre participation à nos travaux.

Je suspends très brièvement nos travaux pour permettre aux prochains intervenants de s'approcher de la table.

(Suspension de la séance à 16 h 21)

(Reprise à 16 h 23)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant et souhaitons la bienvenue aux représentants du Barreau du Québec: M. Michel Doyon, bâtonnier, M. Gérald Tremblay, vice-président, Me Marc Duquette et aussi Me Marc Sauvé. Donc, évidemment, nous avons quatre maîtres. C'était inscrit «monsieur», mais vous êtes tous des messieurs et des maîtres, et nous vous souhaitons la bienvenue à la commission. Vous disposez d'une période d'environ 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Barreau du Québec

M. Doyon (J. Michel): Merci, M. le Président. Je vous dirai que nos propos seront très courts. Nous vous permettrons plus de poser les questions appropriées de façon à ce qu'on puisse répondre à vos attentes.

Vous avez une lettre que nous avons fait parvenir donc à M. Paquet le 29 avril dernier, qui représente essentiellement la position du Barreau. Je vous dirai d'emblée que le bâtonnier du Québec est inscrit au registre de façon donc à éviter toute mauvaise interprétation. Je vous dirai également que le Barreau du Québec a toujours cru qu'il s'agissait d'une loi importante au niveau de la transparence et pour le respect des institutions politiques et gouvernementales. Donc, nous avons donné des cours au Barreau du Québec, nous avons fait donc également des ateliers lors des différents congrès et nous avons fait des publications dans Le Journal du Barreau de façon à parler de cette loi et de dire son importance.

Nos propos se veulent toutefois un peu... parce que le problème que le Barreau croit, c'est que peut-être que l'article 2 de la loi couvre beaucoup trop de champs et cause problème pour son interprétation. Donc, ma grand-mère avait toujours un vieux dicton qui disait: Qui trop embrasse mal étreint. Alors, à partir de ce moment-là, je pense qu'en voulant tellement couvrir de choses c'est que les gens ne se sentent pas impliqués par la loi et ne veulent pas la couvrir.

D'une part, je vous dirai également... Parce que j'ai entendu, tout à l'heure, lors de la présentation de ceux qui nous ont précédés, certains questions, dont celle de l'intérêt public et de la protection publique. Je vous dirais que les corporations professionnelles, au Québec, les ordres professionnels, au Québec, sont régis par un code des professions, qui est une loi, et l'article 23 de la loi est très clair, il dit: «Chaque ordre a pour principale fonction d'assurer la protection du public.» Donc, un ordre professionnel, essentiellement c'est pour protéger donc le public, et les interventions qu'on demande généralement aux ordres professionnels, comme au Barreau du Québec, se situent dans le domaine de la législation et de la réglementation.

Donc, je parlerais comme Aristote le faisait un peu: Entre le bien général et le bien particulier, le Barreau croit que, lorsqu'il intervient, lui, à la demande des gouvernements, ou d'un ministre, ou de fonctionnaires de l'État en ce qui concerne l'application de la loi, en ce qui concerne de meilleures façons de procéder de façon à rendre la loi plus accessible, on se pose la question si on fait du lobbyisme. On ne défend pas un projet qui intéresse les avocats, on travaille pour faire en sorte que l'État puisse en arriver avec ses lois pour avoir une meilleure adaptation.

Donc, de ce côté-là, on n'en arrive pas pour la défense d'un intérêt particulier, mais c'est de l'intérêt général dont on discute, et, à ce moment-là, on ne croit pas qu'un ordre professionnel fasse du lobbyisme, sinon le bâtonnier du Québec serait un lobbyiste à plein temps et il ne ferait que du lobby. Pourquoi? Parce que, lorsque le gouvernement interpelle le Barreau du Québec, à titre d'exemple, au niveau de la mobilité ? on sait qu'on a comparu ici, devant cette commission, en commission parlementaire, sur la question de l'immigration, on a été interpellés par les ministères de façon à favoriser la mobilité des avocats, d'ouvrir les frontières du Barreau du Québec avec des avocats étrangers ? à ce moment-là, on ne croit pas qu'on en arrive à faire du lobby, mais c'est de répondre à un besoin d'une société québécoise qui dit: Nous avons des immigrants, nous avons des gens qui ont des compétences; est-ce que le Barreau peut faire en sorte d'ouvrir, de faire en sorte que le Barreau puisse accepter ces gens-là, qui ont des formations à l'extérieur, d'une façon plus facile? Et, lorsque nous discutons avec les autorités gouvernementales sur ces sujets, malgré tout le respect que je peux avoir au Commissaire sur le lobbyisme, je n'ai pas l'impression de faire du lobbyisme mais bien de travailler au mieux- être public à la demande de l'État et en fonction tout simplement des besoins de l'État.

Et vous avez également la dimension professionnelle, et ça, c'est une autre question qui bat, ça, c'est la question des permis. On sait que les avocats, dans tous nos travaux, on doit obtenir des permis, on doit faire... Par exemple, j'ai à faire une transaction, aujourd'hui, avec une entreprise, et on va me demander d'obtenir un certificat de régularité de façon à attester que la compagnie a bien respecté les lois du Québec de façon à ce que le contrat puisse se faire. Je m'adresse aux fonctionnaires, à ce moment-là. Je ne fais pas de lobby, je veux obtenir un document de façon à attester que l'entreprise que je représente et pour laquelle je dois signer un contrat avec un autre intervenant a bien respecté la loi, de façon à attester qu'il a en tout temps respecté... qu'il a fourni les rapports, permis, en vertu du gouvernement... et, à ce moment-là, encore une fois je ne crois pas que je fasse du lobbyisme.

Toutefois, si, en tant qu'avocat, je rencontre un fonctionnaire de l'État, qui qu'il soit, du plus simple au plus important, du ministre au subalterne, et j'essaie de lui faire valoir tout simplement, donc, des arguments en vue qu'il donne le contrat à mon client, en vue de faire en sorte d'influencer le fonctionnaire ou le représentant de l'État pour obtenir un contrat, je crois que j'entre directement dans les lignes du lobbyisme et, à ce moment-là, je crois qu'à titre de professionnel et même d'avocat je doive respecter la loi et de m'enregistrer comme lobbyiste, et ceci ne fait pas de doute à mes yeux.

Je vous dirais également que la Banque mondiale ? et j'ai à travailler sur ça avec la Chambre des notaires du Québec ? la Banque mondiale, en 2004 et 2006, a fait un rapport énorme qui s'intitule Doing Business et où on stipule qu'il est beaucoup plus difficile de faire affaire dans les pays de droit latin et les pays de droit civil que dans les pays de common law à cause de toute cette bureaucratie, de toute cette réglementation abusive qui fait que, lorsqu'on veut faire en sorte que des entreprises viennent s'y établir, la réglementation est tellement lourde pour obtenir un permis, pour obtenir une chose à faire que finalement mieux vaut faire dans les pays anglo-saxons.

Et là le gouvernement du Québec, par exemple, est en train de régir et de travailler à la libéralisation de la Loi sur les compagnies du Québec de façon à permettre... Et il va y avoir probablement une commission, je ne sais pas. On a reçu, nous, le Barreau, tout simplement ce rapport qui a été fait, où le ministère des Institutions financières dit: On est en train de réviser la Loi sur les compagnies, et il faudrait faire en sorte que le Québec soit compétitif avec les juridictions externes, les juridictions des autres provinces, les juridictions américaines de façon à ce que les compagnies étrangères qui veulent venir faire affaire au Québec ne soient pas prises dans une lourdeur telle que finalement ils vont préférer aller s'inscrire sous une juridiction fédérale ou en vertu de la juridiction d'une province qui a des lois beaucoup plus libérales. Donc, on est confrontés à ça, et je pense que, lorsqu'on en arrive dans ces conditions-là, il faut faciliter aussi les choses.

n (16 h 30) n

Et le professionnel, comme je vous l'ai dit, donc il a un double mandat. C'est-à-dire que, lorsque je représente mon client pour obtenir seulement qu'un permis ou pour demander une autorisation quelconque, je ne pense pas que je fasse du lobby. Par contre, si, comme professionnel, je demande tout simplement... donc je travaille pour que mon client ait le contrat, je fais du lobby. Donc, il y a cette distinction-là comme professionnel, et un professionnel du Barreau, un avocat doit s'inscrire comme lobbyiste. Toutefois, lorsque j'interprète à la demande du gouvernement, qu'elle soit verbale ou écrite...

Parce que, vous savez, aujourd'hui, on vit dans une ère où la rapidité des communications... Et, lorsque vous êtes souvent dans des charges publiques, vous êtes des députés, vous avez des travaux, vous avez des commissions parlementaires, vous allez prendre souvent le téléphone puis vous allez dire: J'aimerais vous rencontrer, j'aimerais parler avec vous. Si je suis obligé de dire: M. le député, je ne peux pas, je vous prie de refermer le téléphone, et plutôt écrivez-moi une lettre parce que, suivant la loi sur le lobbyisme, je ne peux pas répondre à votre question, il faudrait que je vous rencontre si vous m'écrivez une lettre pour me le demander, alors, à partir de ce moment-là, je trouve qu'on en arrive un petit peu dans le ridicule, et souvent le ridicule tue. Et, à partir de ce moment-là, je vous dirais que, si on veut être capables, il faut trouver une façon de procéder. Mais je vous dirais que, sur l'essence de la loi, sur les principes de la loi, sur la transparence qu'on doit avoir, dans nos États, avec le lobbyisme, je pense que le Barreau a souscrit à ceci, et nous y souscrivons.

Ceci étant dit, je pense que je vous ai donné donc les principaux points pour faciliter le débat, et, si vous voulez nous interpeller, je suis accompagné du vice-président du Barreau du Québec et bâtonnier élu, Me Gérald Tremblay, de Me Marc Duquette, qui est un membre donc des comités du Barreau sur les valeurs mobilières de même que sur le lobbyisme, et de Me Marc Sauvé, qui est le directeur de la recherche et de la législation au Barreau. Donc, je pense qu'avec ces gens-là on pourra trouver des réponses à vos questions. Je vous en remercie.

Le Président (M. Paquet): Merci. Merci beaucoup. Je reconnaîtrais maintenant M. le député de Mont-Royal.

M. Arcand: Merci, M. le Président. Bonjour, Me Doyon. Alors, je suis très heureux. Je suis très heureux également de revoir Me Tremblay, et également Me Duquette, et aussi Me Sauvé. Je dois tout de suite faire un commentaire: j'ai beaucoup aimé votre présentation. Vous savez, quand on parle de compétitivité et de rapidité de communication, je pense que vous avez touché une corde assez sensible de ce côté-là. Donc, je voulais vous féliciter, dans un premier temps.

Deuxièmement, si je comprime, j'essaie de comprimer un peu ce que vous avez dit, la loi est jeune, on ne peut pas être nécessairement contre la transparence, il faut évidemment avoir de la transparence. Mais ce que vous dites, c'est que, un... Il y a trois éléments que je retiens, c'est-à-dire une certaine simplification, là, des procédures, qui sont extrêmement lourdes à certains niveaux, une définition du terme «lobbyisme», et pour vous le Barreau doit être exclu, comme le Collège des médecins était, ce matin, là...

Les ordres professionnels, pour vous, est-ce que vous voyez des cas où les ordres professionnels pourraient exercer justement des...

Le Président (M. Paquet): M. Doyon.

M. Doyon (J. Michel): Le Barreau, comme je vous ai signalé d'emblée, M. le député, nous sommes inscrits, je suis moi-même inscrit au registre. Si j'interviens au niveau tout simplement de la législation, par exemple de dire: Je veux faire en sorte que le tarif des avocats soit augmenté de façon à ce que le tarif qui est là depuis peut-être 30 ans, qui n'a jamais été changé... je dis: Le tarif est désuet, les avocats sont sous-payés pour des procédures qu'ils font, c'est-à-dire, donc, parce que ça date des années soixante, il n'y a pas eu de changement, je crois que j'agis, à ce moment-là, comme lobbyiste parce que je représente une catégorie de mes membres et, à partir de ce moment-là, je ne réclame pas l'exclusion.

Je dis qu'il faut que je sois capable, moi, en tant que bâtonnier, de dire: Est-ce que je vais donc faire une représentation qui est en fonction... à la demande... pour la protection du public? La loi sur, par exemple, la procédure, hein, on me demande, on dit: Qu'est-ce que c'est, votre opinion? L'accessibilité à la justice, on me demande, on dit: On voudrait se réunir avec vous et avec les juges de la magistrature de façon à trouver une meilleure accessibilité à la justice. Je ne fais pas de lobby. Par contre, lorsque je représente l'intérêt de mes membres et je demande une modification d'une loi spécifique ou une réglementation spécifique, je pense, à ce moment-là, que je dis que je ne dois pas être exclu. C'est pour ça que le Barreau s'est inscrit, de façon à respecter ses obligations lorsqu'il arrive le cas où il défend un intérêt particulier qui est celui de ses membres.

M. Arcand: J'ai simplement une...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Mont-Royal.

M. Arcand: Merci. J'ai simplement une dernière question en ce qui me concerne: Quand vous dites qu'il faut définir ce qu'est du lobbyisme, est-ce que vous croyez qu'en tant que législateur on peut y arriver sans qu'il y ait des zones grises à profusion, disons?

M. Doyon (J. Michel): Regardez, c'est toujours difficile d'être parfait. Et, le devoir d'un législateur, je pense que c'est la sagesse, d'accord? Et je repenserai toujours... Parce que Portalis, ça a été quelqu'un que j'ai bien aimé parce que, quand... J'ai lu, à un moment donné, donc, son introduction au Code civil, et Portalis disait: À trop légiférer, on gouverne mal. Et, à vouloir faire trop de règlements, vouloir trop faire de lois, à ce moment-là, vous avez des lois qui sont contradictoires. Par exemple, il y a des choses où la loi m'oblige de garder le secret professionnel, je n'ai pas le choix que de garder le secret professionnel. Une autre loi me dit: Vous êtes obligé de déclarer ça. Donc, il faudrait travailler sur une homogénéité des lois. Il faudrait faire attention à ce que les lois ne deviennent pas contradictoires, parce que, dès qu'on fait ça, au lieu de travailler pour le bien public et que les gens croient à la loi, les gens sont déçus de la loi parce qu'ils disent, à un moment donné, donc: Il y a des contradictions constantes. Puis c'est de valeur parce que, dans tous les États où il y a le plus de lois, et de règlements, et d'arrêtés, c'est là que vous avez plus d'avocats et c'est là que ça coûte le plus cher. Donc, à partir de ce moment-là, si on veut faire l'accessibilité...

Si je dis: Woups! telle autre loi me permet de dire que ça me défend de donner mon secret professionnel, je vais contester, puis là on va faire un procès. Puis là, le pauvre client, au lieu que ça lui coûte quelques centaines de dollars, bien ça va lui en coûter souvent plusieurs milliers parce que, là, on va rentrer dans un débat entre la primauté de telle loi sur une autre, etc. Donc, c'est dans ce sens-là que ça va être difficile de le faire.

Mais je pense qu'on devrait restreindre la portée, par exemple, de l'article 2 lorsqu'on vous parle de permis, et peut-être que Me Duquette va pouvoir s'exprimer plus clairement sur ça, à votre question en ce qui concerne les permis et toutes ces demandes-là. Par contre, quand on arrive avec l'interprétation des lois, vous savez, quand un avocat, on rencontre un fonctionnaire puis on lui demande... Par exemple, si vous regardez l'article 2, «à l'élaboration, [...] la présentation, [...] la modification ou [le] rejet d'une proposition législative» ? ça, c'est l'article 1° ? dans presque toutes les juridictions à l'extérieur du Québec, c'est exclu. C'est exclu dans la loi canadienne, c'est exclu dans la loi de Terre-Neuve, c'est exclu dans la loi de l'Alberta, c'est exclu dans la loi de la Nouvelle-Écosse, c'est exclu dans la loi de la Colombie-Britannique, c'est exclu dans la loi de l'Ontario, et, nous, on a cette obligation-là.

Vous savez, à vouloir être trop pur, on favorise l'impureté souvent, vous savez, parce qu'à un moment donné on en arrive que les gens disent: Bien, c'est bien de valeur, moi, je ne fais pas de lobbyisme en faisant ça, alors que les autres juridictions... Et c'est encore une façon de dire que c'est plus facile peut-être de faire affaire dans d'autres juridictions, parce que le fait de demander...

Le rôle d'un avocat, c'est d'interpréter. Un fonctionnaire me dit, puis il n'est pas nécessairement un avocat, il dit: C'est ça que ça veut dire, monsieur. Bien, je dis: Vous savez, je suis avocat puis je ne crois pas que l'interprétation que vous donnez soit l'interprétation. C'est une question d'interprétation. Je ne suis pas en train d'essayer de lui vendre un programme pour faire en sorte qu'il me donne une subvention de 200 000 $ ou qu'il fasse que mon client puisse avoir tout le pavage de la route 20, ce n'est pas ça que je fais, là, je suis en train tout simplement, donc, d'argumenter sur l'interprétation de la loi.

M. Sauvé (Marc): Juste apporter peut-être une précision.

Le Président (M. Dubourg): Me Sauvé.

M. Sauvé (Marc): Ailleurs au Canada, ce qui est nommément exclu de l'application des lois sur le lobbyisme, et là je me réfère à la loi fédérale puis dans les diverses lois des provinces, c'est tout ce qui concerne les communications visant à appliquer... Donc, l'application, l'exécution ou l'interprétation d'une loi ou d'un règlement, ça, c'est nommément exclu de l'application des lois au niveau fédéral et dans les diverses provinces. Évidemment, ça nous interpelle beaucoup comme avocats parce que c'est justement là-dedans qu'on agit. Alors, c'était pour apporter cette précision-là.

Le Président (M. Dubourg): Merci, Me Sauvé. Donc, maintenant, je reconnais, pour une minute, deux minutes, le député de D'Arcy-McGee, s'il vous plaît.

M. Bergman: Merci beaucoup, M. le bâtonnier, Me Tremblay, Me Duquette, Me Sauvé. Oui, depuis mon arrivée ici, il y a 14 années, j'ai profité à maintes reprises de vos conseils et j'ai vu beaucoup des amendements à des projets de loi faits à cause des conseils du Barreau. Alors, vous êtes un organisme qui fait beaucoup des démarches ou des démarches sont faites par les ministres et les députés à vous pour avoir vos conseils.

n (16 h 40) n

Maintenant, vous avez parlé de la protection du public, l'article 23 du Code des professions, représentation que vous faites pour un client, les deux types de représentation, et vous dites que le Barreau estime que l'application de la loi aux ordres professionnels doit être repensée. Quel amendement est-ce que vous suggérez de faire au Code des professions pour aider cette situation, pour définir spécifiquement le lobbyisme et pour le permettre par un membre d'un ordre professionnel avec certainement la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme?

M. Doyon (J. Michel): Je vais laisser la parole à Me Duquette, là, sur cet aspect particulier.

Le Président (M. Dubourg): Me Duquette.

M. Duquette (Marc): Merci, M. le Président. M. Bergman, en fait, pour répondre à la question, nous avons travaillé, nous avons proposé déjà, d'abord au bureau du Commissaire au lobbyisme, des formulations qui viendraient préciser la portée de l'article 2, alinéa 2°, qui est celui dont on parle, celui qui parle des permis, licences et autres autorisations. C'est celui pour lequel nous avons des préoccupations majeures parce qu'au niveau de son application énormément de choses, dans l'État, font appel à des autorisations de toutes sortes, et nous cherchons à délimiter ce qui était du véritable lobbyisme de ce qui n'en est pas. Et, comme l'a bien expliqué le bâtonnier tout à l'heure, la démarche de l'avocat, dans le sens de faciliter les relations entre le justiciable et l'État, et les fonctionnaires, et les titulaires de charges publiques, ne devrait pas selon nous être du lobbyisme. C'est des choses qui sortent de l'ordinaire, c'est des choses qui font appel à des interventions politiques, à vouloir changer un règlement, à vouloir changer une loi, c'est ce genre de choses qui pour nous doivent être distinguées de ce qui est l'application normale dans le cadre de la loi, et avec les mécanismes d'autorisation que chacune des lois reconnaît.

Des exemples pratiques de ça. Moi, par exemple, comme je vous disais tout à l'heure, j'agis dans les valeurs mobilières, et l'Autorité des marchés financiers a par année de 8 000 à 10 000 demandes d'autorisation de toutes sortes, des dépôts de prospectus, des demandes de dispense, des choses comme ça, et on s'est assis tout de suite... Je dois dire: On travaille, le Barreau, beaucoup avec le bureau du Commissaire pour essayer d'avoir une meilleure adhésion, et on a vu ça comme une problématique, et, pendant plusieurs années, on a travaillé pour essayer de trouver des solutions. On a trouvé une interprétation, un statu quo au bout d'à peu près trois ans, on s'est entendus que certaines choses qui étaient faites au niveau de la loi, qui étaient en réponse, comme je vous disais tout à l'heure, à une demande d'un titulaire de charge publique, pouvaient ne pas être du lobbyisme.

Ce n'est pas encore clair, c'est un peu fragile. Puis, dans un contexte comme celui qu'on connaît, où on introduit le passeport puis on a des menaces de commission nationale de certains, nous, on aimerait bien que ces choses-là ne viennent pas handicaper le... que ce soit précisé et confirmé dans la loi que ces activités-là ne constituent pas du lobbyisme et qu'au contraire c'est l'application d'une loi qui a tout son système d'autorisation, tout son système de transparence déjà établi à certaines conditions, à certaines dates, et tout ça, donc qu'on ne vienne pas interférer avec l'application d'une loi si tant est qu'on est dans un contexte: on n'est pas en train de passer par-dessus la loi, passer par-dessus les fonctionnaires puis essayer de changer des choses en dehors de la loi.

C'est ce genre de choses en pratique qu'on essaie de délimiter. On a proposé d'ailleurs, donc, au Commissaire des textes, à une certaine époque, qui selon nous auraient pu faire l'objet d'un avis. Mais l'autre solution aussi... Parce qu'évidemment la loi permet au Commissaire d'adopter certains avis. L'autre solution, ce serait d'adopter un règlement qui viendrait préciser ces choses-là. Et j'ai donné l'exemple des valeurs mobilières, mais il y a d'autres secteurs dans lesquels il y a... Je pourrais vous faire la déclinaison. Vous n'avez peut-être pas le temps, mais je peux vous donner d'autres exemples: en environnement, en municipal, en fiscal et d'autres domaines où ces problématiques-là aussi sont très sérieuses, M. le Président.

Le Président (M. Dubourg): Merci, Me Duquette.

M. Duquette (Marc): Excusez-moi.

Le Président (M. Dubourg): Non, non, non. Parce que, je me suis dit, les autres membres de la commission vont sûrement vous amener sur cette piste-là. Donc, si vous permettez bien, je voudrais bien reconnaître maintenant le député de Saint-Hyacinthe.

M. L'Écuyer: Merci, M. le Président. Alors, je vous salue, Me Doyon, Me Tremblay, Me Duquette de même que Me Sauvé. C'est un plaisir de vous accueillir ici, en commission parlementaire.

J'ai en fait lu votre rapport, puis, d'entrée de jeu, au niveau de votre introduction, vous avez parlé que vous avez quand même travaillé beaucoup à l'information au niveau de la loi et vous avez en fait eu des ateliers. Dans Le Journal du Barreau, vous avez communiqué, informé la loi. Vous avez vu aussi, dans le mandat du Commissaire au lobbyisme, il y a un volet de formation. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Est-ce qu'effectivement vous croyez que c'est bon d'amender la loi pour donner à M. le Commissaire au lobbyisme ce mandat-là de formation et d'éducation, comme c'est indiqué?

Le Président (M. Dubourg): Me Sauvé.

M. Sauvé (Marc): Bien, évidemment, qui peut être contre la vertu? Mais la première question qu'on doit se poser, je pense, c'est: Est-ce qu'il est nécessaire d'amender la loi pour faire en sorte que le Commissaire se promène comme il fait là? Il est venu au Barreau, il a donné des cours. Bon, il donne de l'information. Est-ce qu'il faut absolument que ce soit sacralisé dans un texte législatif? On pourrait se poser la question. Peut-être que techniquement ce serait bien, mais il pourrait le faire davantage... Il le fait par les activités du Barreau, la formation permanente, et il le fait déjà. Est-ce que c'est nécessaire... C'est la question, là, au premier effet que je pourrais avoir: Est-ce que c'est nécessaire d'amender la loi pour permettre de faire ça? Voilà.

M. L'Écuyer: M. le Président, simplement pour vous dire qu'effectivement vous rejoignez certains autres groupes qui disaient que, l'information au niveau de la loi, c'était un des devoirs déjà existants, inhérents à sa fonction d'informer et d'éduquer les gens sur l'application de la loi.

J'ai en fait lu dans votre... Vous travaillez avec l'article 66 de la loi, l'article 66 de la loi, et vous nous dites qu'effectivement ce serait peut-être une façon de profiter de l'occasion pour adopter des règlements. Vous savez, en fait, moi, pour ma part, une question réglementaire ou un règlement, je préfère travailler avec la loi souvent que le règlement. Alors, en fait, pour quelle raison voulez-vous que le législateur travaille avec la réglementation plutôt qu'avec la loi même au niveau de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme?

Le Président (M. Dubourg): Me Duquette.

M. Duquette (Marc): Si je peux me permettre, M. L'Écuyer, nous avions à l'époque... Lorsque nous avions proposé ce projet de règlement, évidemment nous n'étions pas en période de révision de la loi, donc ça nous semblait une façon de répondre à un problème immédiat sans provoquer de changement législatif. C'est sûr que, dans un monde idéal, si on pouvait préciser l'article 2.2° de façon à ce qu'il ne crée pas le problème, ce serait encore la meilleure solution, je suis d'accord avec vous. Maintenant, il faut noter que, dans toutes les autres provinces, effectivement, au niveau fédéral, ce qui est prévu à l'article 2.2°, les autorisations, permis, certificats ne sont pas couverts. Il y a une exception en fait pour préciser que, lorsque c'est dans l'application d'une loi, ces choses-là ne constituent pas du lobbyisme. Si on pouvait ajouter ça à la loi, ça réglerait un très grand problème. Je suis d'accord avec vous, ce serait beaucoup plus simple peut-être que de faire un très long règlement pour essayer de distinguer les choses qui sont applicables ou qui ne le sont pas. Évidemment, on pourrait apporter le bémol important qu'en aucune façon ça ne constitue des activités de nature politique. On ne veut pas ouvrir la porte non plus.

Et je reviens à l'adhésion de base qu'on a au principe de la loi. On ne veut pas que, par un artifice, on permette aux gens, par cet artifice-là, parce qu'il s'agit d'une autorisation de demande ou de permis, de contourner l'article 1°, et ça, je pense qu'on est tous d'accord. Et, moi-même, je suis pour ces choses-là, je m'inscris comme lobbyiste. S'il s'agit de modifier la loi, je pense qu'aucun d'entre nous n'est contre le principe. C'est juste pour les choses qui ne relèvent pas à nos yeux du vrai lobbyisme, qui relèvent de l'application des lois, qu'il serait important qu'encore mieux la loi ? à défaut, un règlement ou un avis du Commissaire ? vienne le préciser de façon à ce qu'il n'y ait pas d'ambiguïté et qu'il y ait une meilleure adhésion. On souhaite tous une meilleure adhésion de la part des professionnels.

M. Tremblay (Gérald R.): M. le Président.

Le Président (M. Dubourg): M. Tremblay, oui.

M. Tremblay (Gérald R.): Oui. J'aimerais ajouter simplement ceci: moi, j'utilise souvent le test, les Anglais appellent ça «the mischief rule»: Quel était le but de la législation? Qu'est-ce qu'on voulait corriger? Et le danger, c'est que, lorsqu'on a une situation donnée, un scandale quelconque ? donc, ça ne sert à rien d'ouvrir des vieilles plaies, là ? alors lorsqu'on essaie de corriger une situation x, on va beaucoup plus loin que ce qui est requis pour corriger la situation x.

Alors, souvent, le bâtonnier Doyon et moi, on fait partie de comités, par exemple comité tripartite magistrature-Barreau-le ministère de la Justice, puis est-ce qu'à chaque fois où on travaille pour améliorer le système d'administration de la justice des citoyens il faudrait, tout de suite après le meeting, appeler M. Côté puis lui dire: Bien, écoutez, on doit vous dire qu'on vient de rencontrer le juge en chef puis on vient de rencontrer le ministre de la Justice? Le «mischief rule», là, ce n'est pas ça que la loi voulait corriger lorsqu'elle a été adoptée. Puis malheureusement ça nous met toujours dans des zones: Est-ce qu'on doit s'enregistrer? Est-ce qu'on doit appeler? Est-ce qu'on doit faire un rapport? C'est pour ça que, quand on parlait de l'intérêt public, c'est très différent de quelqu'un qui essaie d'avoir un permis pour un centre d'achats.

n (16 h 50) n

Deuxième chose, l'histoire du règlement, c'est parce que c'est plus simple à faire changer que la loi dans la période où on était. Puis c'est fait pour ça, d'ailleurs. C'est censé corriger plus rapidement une situation problématique. Mais là, évidemment, vu qu'on parle de la loi, c'est le temps de penser à l'amendement législatif.

M. Doyon (J. Michel): C'est sûr qu'on préférerait la loi que le règlement.

Le Président (M. Dubourg): M. le député.

M. L'Écuyer: Avec votre permission, M. le Président, je dois bien quand même comprendre, au niveau de la loi, si on modifie... Si jamais, à titre de parlementaires, on viendrait qu'à modifier l'article 2 de la loi pour définir davantage... il faudrait, étant donné que... spécifiquement une exclusion dans la définition du «lobbyisme», ce qui ne constitue pas du lobbyisme au niveau de l'interprétation et de l'application de la loi. C'est comme ça que je devrais voir ça.

M. Doyon (J. Michel): C'est ça. Moi, je pense que, si ça pouvait être amendé de par la loi, à l'exemple des législations dans les autres provinces... Je veux dire, vous savez, on veut avoir le plus pur des purs, vous savez, puis on veut avoir la loi la plus transparente, mais, à force de faire de la transparence, il n'y en a pas. Le Commissaire lui-même note la difficulté d'administration de sa loi. Il trouve que les gens ne respectent pas la loi. Les lois sont toujours dans... Les gens sont dans une zone grise, disent: Je ne fais pas du lobbyisme; je m'excuse, je ne fais pas du lobbyisme, j'essaie de défendre l'intérêt public.

Le ministre me dit: Qu'est-ce que le Barreau est prêt à faire pour être capable de donner une meilleure accessibilité à la justice? Il me fait comparaître pour la commission sur la procédure civile. Quand j'arrive sur ça, j'ai bien l'impression que dans le fond, quand je veux simplifier des procédures, je ne suis pas en train de travailler tout simplement pour donner plus d'ouvrage aux avocats. Je dis: Il va y en avoir moins, je voudrais que les procédures soient simplifiées. Il faudrait que, les procédures, il y ait de l'oralité au lieu d'avoir des piles de papiers, des significations, des procédures, des interrogatoires, des contre-interrogatoires. Je ne fais pas du lobbyisme, je m'en excuse.

Et, à partir de ça, bien je pense que, lorsqu'on arrivait dans les autres lois, il y a quand même une sagesse. Vous savez, les législateurs sont... Vous savez, le temps montre la sagesse du législateur. Puis il y a d'autres juridictions aussi qu'on peut... Tous les autres ne font pas... puis je pense qu'ils ont des lois sur le lobbyisme qui sont très respectées également, puis on ne voit pas des problèmes en Ontario, où on voit des problèmes également... Pourtant, ils ont exclu certaines dispositions, et je pense que ce serait peut-être une avenue à suivre, de faire ces exclusions-là, puis je pense que ça réglerait le problème des corporations professionnelles.

Ça aurait tout réglé ce problème-là puis ça spécifierait le travail, que, lorsque je fais une représentation pour un client de façon à influencer une décision, là je fais du lobbyisme. Et ça, le Barreau ne mettra jamais ça en doute. Dès que j'interviens de façon à influencer pour un changement quelconque au profit d'un individu ou d'un organisme, tel le Barreau pour ses membres, où c'est l'intérêt particulier qui domine sur l'intérêt général, on ne fait aucun doute, on dit: À ce moment-là, la loi du lobbyisme doit s'appliquer. Il doit y avoir une transparence, les gens doivent savoir que le bâtonnier s'est adressé au ministre de la Justice de façon à ce que le tarif judiciaire soit modifié. Pas de problème sur ça.

Le Président (M. Dubourg): M. le député de Saint-Hyacinthe, il vous reste une minute, hein?

M. L'Écuyer: Je pensais que vous vouliez me donner un carton jaune.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dubourg): Une minute.

M. L'Écuyer: Avec votre permission, la députée de Saint-Jean voudrait intervenir.

Le Président (M. Dubourg): Mme la députée de Saint-Jean, à vous la parole.

Mme Méthé: Bonjour, messieurs. Vous avez mentionné tantôt l'article 5, paragraphe 10° où, pour contourner... d'être assujetti... En fait, ce paragraphe-là aussi devrait être modifié, là, parce que c'est une brèche qu'il y a dans la loi. Comme vous l'avez spécifié, vous n'avez qu'à téléphoner à un titulaire de charge publique: Envoie-moi une lettre, et on est soustraits de la loi.

M. Doyon (J. Michel): Actuellement, la loi est telle que, si, par exemple, un ministre XYZ, un fonctionnaire XYZ demande de me rencontrer, il me téléphone, il dit: M. le bâtonnier, j'aimerais vous rencontrer de façon à ce qu'on puisse discuter d'un sujet xyz, je dois lui dire: Malheureusement, je ne peux pas vous répondre. Parlez-moi pas, je dois vous demander, s'il vous plaît, de raccrocher parce que je suis en train donc d'outrepasser mes fonctions, et je devrai m'enregistrer auprès du registre, dire à qui j'ai parlé, à quelle heure je vous ai parlé, de quel sujet. À ce moment-là, je serai libéré de cette obligation-là si vous m'envoyez une lettre et que je la reçois dans cinq jours. Oui, mais, il dit, on a un projet de loi qu'on doit adopter rapidement puis on voudrait avoir vos lumières sur ça. Je dis: C'est malheureux, mais, à partir de ce moment-là, si vous voulez me parler sur cette question-là et que je ne veuille pas m'enregistrer, vous allez m'écrire une lettre.

On vit dans un monde irréel, on vit dans un monde du XIXe siècle. Vous savez, il ne faut pas écrire, vous savez, vous avez, aujourd'hui, le téléphone, on fait la visioconférence. On fait des moyens technologiques pour faire en sorte de plus de productivité puis on arrive, on dit: Non, il faut une lettre. Je trouve que c'est un petit peu ridicule puis je me trouverais impoli en plus de dire au ministre: C'est bien de valeur, mais je ne réponds pas. Vous savez, c'est un peu cavalier. Je pense que, si ces gens-là, qui avaient été élus par les citoyens, dans l'ensemble des citoyens qui vous ont fait confiance... puis je vous réponds cavalièrement que je ne vous écouterai pas, bien je pense que ce n'est pas poli de la part du bâtonnier.

Le Président (M. Dubourg): Donc, M. le bâtonnier, bon, là, en effet, vous avez parfaitement raison. Merci. Et enfin, pour parler d'excuses, je voudrais maintenant passer la parole au député de Gaspé pour la dernière série de questions.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Bonjour à vous. Vous dites que la définition semble trop large au niveau des activités du lobbyisme, et, dans la juridiction fédérale, la définition d'«activité lobbyiste» serait différente qu'au Québec. Donc, à ce moment-là, à la lumière des mémoires qu'on a étudiés, hein... Puis les gens qui sont venus nous rencontrer également nous ont donné des informations à cet égard. Mais, lorsqu'on parle des ordres professionnels également, l'application de la loi fait en sorte qu'il faut que ce soit repensé pour faire que les activités de protection du public de nature strictement administrative soient considérées non pas comme des activités de lobbying, mais de la protection du public. Je pense que c'est les orientations qui émergent, là, parce que...

M. Doyon (J. Michel): Vous savez, si vous regardez la loi fédérale, par exemple, l'article (2)b dit: «La présente loi ne s'applique pas dans les cas suivants:

«b) [la] communication orale ou écrite, faite par un mandataire au titulaire d'une charge publique portant sur l'exécution, l'interprétation ou l'application par celui-ci, d'une loi fédérale ou d'un règlement d'application de celle-ci à l'égard de la personne ou de l'organisation mandante.»

Donc, c'est un peu ça. On dit: Quand c'est une question d'interprétation, ça devrait être exclu. Puis les autres, c'est exactement la même chose. C'est écrit en anglais, là. On va vous le dire: «Any oral or written submission made to a public-office holder by an individual on behalf of a person, partnership or organization with respect to

«(i) the enforcement, interpretation or application of any act or regulation made under any act by that public-office holder with respect to that person, partnership or organization, or

«(ii) the implementation or administration of any policy, program», etc.

Donc, la loi ne s'applique pas dans ces cas-là. Donc, je ne pense pas... On semble être plus catholiques que le pape. C'est dans ce sens-là qu'on dit: Lorsqu'il s'agit de l'interprétation, le rôle d'un avocat, c'est d'interpréter au nom de son client.

M. Lelièvre: Effectivement.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Gaspé.

M. Sauvé (Marc): Il y a effectivement, M. le député de Gaspé...

Le Président (M. Paquet): Ah! Excusez. Me Sauvé.

M. Sauvé (Marc): ...de nombreuses exceptions qui sont applicables aux ordres professionnels. Par contre, au niveau du statut de l'ordre professionnel, en regard de cette loi-là, on est un peu ravalés à un syndicat, à une association patronale ou syndicale, puis il nous semble que c'est faire fausse route. Il y a un mandat public qui est accordé aux ordres professionnels, un mandat de protection du public qui fait en sorte qu'on est fondamentalement différents des autres associations d'intérêts socioéconomiques qui défendent l'intérêt de leurs membres. Ce n'est pas la business des ordres professionnels, et ça, il faut que ce soit reconnu dans la loi, comme par ailleurs ça l'est dans la Loi sur l'accès. Dans la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics, il y a cette dualité-là, elle est reconnue. Le statut des ordres professionnels est reconnu. Alors, je pense qu'il y a vraiment un effort de réflexion à faire sur l'encadrement des ordres professionnels dans le cadre de cette loi-là.

M. Doyon (J. Michel): Je vous dirais, M. le député, sans prendre votre temps...

Le Président (M. Paquet): Me Doyon.

M. Doyon (J. Michel): ...vous savez, l'Office des professions nous oblige... Tout règlement adopté par le Barreau, toute demande doit passer par l'Office des professions, qui doit l'adopter et qui doit le faire. Donc, on a des obligations de fournir toute une documentation donc à l'Office des professions en fonction de nos obligations en vertu du Code des professions.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Lelièvre: Mais, quand on parle de l'inobservation de la loi par des lobbyistes qui ne s'enregistrent pas et d'autres qui s'enregistrent, donc comment on va faire... Parce que je ne pense pas qu'il y ait des sanctions très, très, très fortes, là, concernant les gens qui vont continuer à faire du lobbyisme sans s'enregistrer. Et le Commissaire nous disait que, bon, ça prend de l'éducation populaire et... informer la population. Mais on sait aussi que ça ne pénètre pas partout. On l'entend, mais ce n'est pas... C'est les initiés qui sont au courant de ça et non pas la population en général. Donc, ça va être une tâche colossale qu'aura à accomplir le Commissaire s'il veut que sa loi soit respectée.

Le Président (M. Paquet): Me Doyon.

n(17 heures)n

M. Doyon (J. Michel): Comme on vous le soulignait, je pense qu'une des problématiques du fait que cette loi-là ait difficulté d'application, c'est son étendue qui est beaucoup trop large, et, si l'étendue avait été simplifiée, je ne pense pas qu'on aurait ces problèmes-là aujourd'hui, je ne pense pas que le Commissaire dirait que sa loi est non respectée. Mais l'étendue est tellement grande que tout est presque du lobbyisme. Dès qu'il y a une discussion d'une personne quelconque avec une personne qui occupe une fonction dans l'État ou que ce soit dans une municipalité ou tout...

Vous savez, toutes les municipalités, par exemple, tout se fait par permis; par résolution et par permis. Donc, dès qu'un avocat s'adresse à une autorité municipale pour un permis quelconque, même s'il n'y a pas de discrétion puis quoi que soit, il est obligé de dire qu'il fait du lobby. Or, à ce moment-là, je ne pense pas que ça fait du lobbyisme. Moi, je m'interpelle, à ce moment-là, parce que j'ai une demande, puis on me dit: Quels sont les permis qui soient obligatoires dans la ville de XYZ? Bon, très bien, je dis, je vais m'informer auprès du greffier, je vais m'informer tout simplement donc au niveau du zonage, hein, du directeur du zonage de la municipalité, je vais dire: Quels sont les règlements applicables pour la construction d'une usine, etc.? Normalement, quand je m'adresse pour obtenir des informations, je fais du lobbyisme.

Alors, à partir de ce moment-là, on dit: Il y aurait peut-être lieu de simplifier ça, de viser, tantôt comme le soulignait le bâtonnier élu, Me Tremblay, le «mischief rule». Qu'est-ce qu'on voulait contrevenir? On voulait empêcher que des gens puissent illégalement, tout simplement, ou de façon détournée obtenir des privilèges ou obtenir des contrats de façon indue sans que la population... On voulait dire qu'il y ait une transparence, on voulait dire: donc, à ce moment-là, il faut qu'il y ait une probité dans nos relations entre l'État et les citoyens de façon à ce que ceux-ci puissent avoir confiance. C'est ça qu'on voulait faire, et éviter tout simplement que quelqu'un...

Disons, je vais recevoir une commission de 300 000 $, puis je vais essayer d'aller voir le ministre parce que c'est un de mes amis, puis je vais lui dire: Regarde, le contrat, là, tu devrais le donner à, tu sais... Il a toujours bien travaillé pour toi, tu sais, je veux dire, il a toujours fait ci, et puis, la meilleure machinerie, c'est lui qui l'a. C'est ça qu'on voulait faire en sorte, on voulait éviter que ces abus-là dans nos États... nos États, on ne devienne pas des États de corruption. C'est ça qu'on voulait couvrir. On ne voulait pas couvrir des actes légitimes qui sont faits par des gens qui, dans leur rôle, dans leur travail, disent: J'ai à discuter avec un fonctionnaire pour obtenir un renseignement; je ne veux pas qu'il change la loi, je ne veux pas qu'il change son règlement municipal; je veux lui dire quels sont les règlements que je dois respecter, etc. Il me dit: Je vais faire le permis, parce que vous devez avoir un permis de construction, vous devez avoir un permis parce qu'à un moment donné vous allez faire le raccordement avec la municipalité pour les eaux et les égouts, etc., Hydro-Québec. Non. En tout cas, je vais vous laisser aller, mais c'est un peu ça.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Gaspé, environ deux minutes.

M. Lelièvre: Il reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Paquet): Deux minutes environ.

M. Lelièvre: Bien, vous savez que la loi fédérale est en train de se faire modifier. Semble-t-il qu'ils vont prendre certains exemples au Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...savoir lesquels.

M. Lelièvre: C'est ça. Mais, dans les autres juridictions partout au Canada, est-ce qu'on retrouve des dispositions qui sont similaires? Par exemple, quand ils s'inscrivent au registre, bon, il y a des périodes de temps pour s'inscrire, déclarer le montant des honoraires, puis ça, ça fait problématique, là, parce que dans le fond... Et il faut cocher une case, une autre case, de zéro à 150 000 $ ou à 200 000 $, tu sais. C'est quoi, le niveau de rémunération réelle? On ne le sait pas.

Le Président (M. Paquet): Me Duquette.

M. Duquette (Marc): Merci, M. le Président. En réponse à votre question, M. le député de Gaspé, il y a des différences évidemment d'une province à l'autre. La principale en ce qui nous concerne est que le champ de pratique... l'assiette de la loi est différente et beaucoup plus large au Québec, notamment à cause de l'interprétation de l'article 2.2°. Au niveau des détails, je ne suis pas un spécialiste de toutes ces lois-là, mais, pour les avoir regardées, je ne crois pas qu'on exige ailleurs ou ce n'est pas la majorité des cas que l'on exige de déclaration de la rémunération. Pour moi, ça me paraît unique au Québec.

Ceci dit, il y a peut-être d'autres particularités, là, mais notre loi à nous est la plus exigeante à la plupart des égards. C'est vrai que la loi fédérale est en train d'être modifiée, mais je note, par exemple, que, malgré le resserrement de plusieurs dispositions sur cette loi-là, on n'a toujours pas ajouté... On a eu deux fois l'occasion de le faire, ça fait deux fois que cette loi-là est modifiée depuis que notre loi existe, et on n'a toujours pas jugé bon d'assujettir les permis, licences et autres autorisations à cette loi-là, bien que par ailleurs elle soit plus exigeante à d'autres égards. Il y a des dispositions qui sont introduites dans la loi fédérale, qui sont particulières à cette loi-là pour des raisons qui ont trait plus à l'État fédéral. Mais, ceci dit, ils ont eu l'occasion de revenir encore et ils se sont sûrement posé la question: Est-ce qu'on ajoute à notre loi les dispositions qui prévalent au Québec? Ils ont choisi de ne pas le faire à deux reprises.

Et d'autres provinces aussi ont soit modifié ou ajouté des lois. Je sais que l'Alberta est en train d'en ajouter une, je sais que la municipalité de Vancouver et celle de Toronto se sont maintenant dotées de codes d'éthique en matière de lobbyisme. Dans aucun cas l'assiette de ces lois-là ne s'étend à ce chapitre-là en particulier, et je pense que ça nous dit quelque chose déjà, le fait que plusieurs autres législateurs se sont penchés sur la même question puis ont résolu de ne pas faire ce que nous avons fait sur ce point-là précis. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Tremblay (Gérald R.): M. le Président, est-ce que vous me permettriez un commentaire?

Le Président (M. Paquet): Rapidement, oui, Me Tremblay.

M. Tremblay (Gérald R.): Très, très court. Vous savez, il ne faut pas que le champ des activités humaines soit, disons, surgéré. Quand vous parliez d'information massive, là... Parce que vous êtes des politiciens, vous allez dans des noces, dans des funérailles, dans des... Les gens: Oups! de quoi je peux vous parler? La température seulement parce qu'autrement tu vas être obligé de m'envoyer une lettre. Il y a de l'humain puis il y a du naturel.

La deuxième chose que je voulais vous dire aussi là-dessus, c'est qu'il est essentiel qu'on résiste à la tentation normale. On dit même ça, nous autres, à nos juges en chef: Faites attention de vouloir étendre votre territoire puis d'essayer de rentrer dans le territoire de chacun de vos juges. Chacun qui a une fonction quelconque a tendance à vouloir élargir son territoire. Je suis convaincu que le Commissaire, il veut absolument faire du bon travail, mais il faut que ce soit utile. Donc, si c'est juste pour savoir, je veux juste savoir, bien ça ne donne rien. Il faut savoir pour prévenir quelque chose ou pour atteindre un but. Ce n'est pas juste un exercice de curiosité. Les honoraires de 50 000 $, 60 700 $, ça ne change rien. Alors, il faut que ce soit utile à quelque chose. Alors, quand vous allez réviser cette loi-là, je vous demande de regarder attentivement: Est-ce que ça remplit l'objectif du législateur quand ça a été adopté ou bien si c'est simplement une tendance naturelle bureaucratique à élargir le territoire de chacun?

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors donc, je remercie le Barreau du Québec, représenté par Me Doyon, Me Tremblay, Me Duquette et Me Sauvé, pour leur participation à nos travaux.

Je suspends brièvement nos travaux pour permettre aux prochains invités de se joindre à nous.

Une voix: On vous remercie beaucoup, M. le Président.

(Suspension de la séance à 17 h 8)

(Reprise à 17 h 12)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant les représentants des tables des... pardon, de la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, le Réseau québécois de l'action communautaire autonome ainsi que... représentant le Groupe des 13. Alors, je souhaite la bienvenue à Mme Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles et membre du conseil exécutif du Réseau québécois de l'action communautaire autonome, et Mme Sylvie Lévesque, représentante pour le Groupe des 13 et directrice de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec. Bienvenue à la commission. Sans plus tarder, je vous cède la parole.

Table des regroupements provinciaux d'organismes
communautaires et bénévoles (TRPOCB),
Réseau québécois de l'action communautaire (RQACA) et Groupe des 13 (G13)

Mme Roberge (Mercédez): Merci.

Le Président (M. Paquet): Mme Roberge.

Mme Roberge (Mercédez): Merci beaucoup de nous recevoir. Alors, d'entrée de jeu, j'aimerais simplement vous présenter rapidement qui sont les deux organismes que je représente et qui cosignent le mémoire qui est déposé.

Donc, la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles est un OSBL qui est né depuis 1995, qui réunit 32 regroupements provinciaux liés au secteur de la santé et aux services sociaux. On rejoint, par nos regroupements, 3 000 organisations locales et régionales. Ensuite, le Réseau québécois de l'action communautaire autonome, également un OSBL, est né en 1996, sous le nom original du Comité aviseur de l'action communautaire autonome. Il regroupe, par 16 secteurs et quatre regroupements multisectoriels, dont la TRPOCB que je représente, tous les secteurs de l'action communautaire autonome et il est l'interlocuteur privilégié du Secrétariat à l'action communautaire autonome pour tout ce qui touche à la mise en oeuvre de la Politique gouvernementale de l'action communautaire.

Donc, nous sommes ici, aujourd'hui, mais nous avons failli ne pas y être et on a trouvé un peu... on déplore quand même la difficulté qu'on a eue à se faire entendre parce qu'il y avait quand même peu de places réservées... peu de places étaient prévues pour les OSBL, alors que nous considérons que quand même cinq des 17 recommandations du Commissaire nous interpellaient directement. On savait qu'il y avait évidemment une consultation en ligne, mais ça ne remplace pas une conversation en présence comme aujourd'hui.

On tient, premièrement, à assurer la Commission des finances publiques de notre entière adhésion aux principes de la loi. On constate cependant que les modifications qui sont proposées occasionneront davantage de problèmes qu'elles n'en résoudront, quant à notre point de vue.

Comme organisations, nous faisons des activités de lobbyisme, notamment lorsque nous tentons d'influencer le contenu d'un projet de loi, d'un programme ou d'un plan d'action. Cependant, ça ne fait pas de nous des lobbyistes au sens de la loi. L'esprit de la loi selon nous implique une nécessité de distinguer clairement entre le lobby exercé à des fins financières et particulières de celui qui est exercé à des fins sociales et collectives. Pour nous, c'est une distinction primordiale, et l'exercice de maintenant, d'évaluation de la loi après cinq ans, doit tenir ça en tête, comme ça l'a été lors de son adoption, en 2002.

L'exclusion de bon nombre d'OBNL du champ d'application de la loi est souvent présentée comme étant établie, en 2003, par un règlement, le paragraphe 11° du règlement. On aimerait vous rappeler que ce règlement-là, ce paragraphe-là en fait reprend l'article 72 de la loi donc adoptée, en 2002, à l'unanimité et que c'est dans le fond le même libellé qui est repris, là. L'article 72 prévoyait la description, la définition du «lobbyisme d'organisation» de façon transitoire, Donc, dans l'esprit même de la loi, il y avait déjà une distinction qui était faite entre la promotion des intérêts communs susceptibles de profiter à la collectivité par opposition aux intérêts économiques de quelques personnes ou groupes de personnes.

Nos façons de faire, comme organisations, n'ont pas changé depuis 2002. Alors, posons la question: Qu'est-ce qui justifie que le législateur revienne sur une décision unanime d'il y a cinq ans? On croit qu'inclure les OBNL, les organismes communautaires et les coalitions sans tenir compte du fait qu'ils ont des finalités différentes du lobby d'affaires ne serait pas davantage conforme aujourd'hui à l'esprit de la loi que ça ne l'était en 2002. Nous croyons que leur assujettissement à la loi n'apportera rien de plus à la société puisque leurs pratiques assurent déjà la transparence visée par la même loi. Selon nous, ça ne ferait qu'inonder le registre en y reproduisant des informations déjà accessibles aux titulaires de charges publiques et à la population. Une surcharge administrative en découlerait autant pour les organismes communautaires que pour le Commissaire.

Nous nous opposons à la vision du Commissaire, dans plusieurs de ses recommandations, qui suggère l'assujettissement de toutes les organisations, quelle que soit la finalité poursuivie. Pour nous, la finalité est importante, on l'a dit, c'est au coeur même de la loi. Les communications que nous faisons ne conduisent ni à un enrichissement individuel ni à l'enrichissement des organismes. Par exemple, lorsqu'un regroupement de maisons de jeunes intervient auprès d'un ministère, c'est pour défendre les droits des jeunes. C'est encore pour défendre les droits des jeunes que le même regroupement fait des représentations concernant le financement des maisons de jeunes ou le financement des regroupements de maisons de jeunes.

À la lecture du rapport, nous avons par moments eu l'impression que l'intention du Commissaire au lobbyisme n'était pas d'assujettir tous les OBNL. Cela dit, les pistes envisagées à ce propos manquent de cohérence et ne règlent rien. Ils vont faire en sorte qu'en bout de ligne les OBNL, les organismes communautaires et les coalitions seront encore assujettis en grand nombre ou alors selon des critères qui seraient discutables.

Des manifestations d'influence que nous... Nos pratiques sont d'intervenir publiquement: manifestations, pétitions, auditions en commission parlementaire comme ici. Par le fait même, ces manifestations-là sont exclues de la loi. Par le fait même, parce qu'elles sont faites en public, elles sont donc dévoilées, ce qui correspond à l'objectif de la loi: rendre public ce qui ne l'est pas. Pourquoi donc nous assujettir alors que ce que nous faisons est d'ordre public et est notoire?

Historiquement, nos pratiques comprennent la divulgation des interventions justement pour faire connaître au public la justesse de nos revendications. Même si elles débutent en privé, les activités d'influence sont rapidement des activités notoires parce qu'elles sont souvent accompagnées de campagnes d'appui populaire. Nos organismes se sont dotés eux-mêmes de mécanismes et d'encadrement internes pour assurer la transparence et le respect des valeurs démocratiques. Ce sont des décisions prises par les groupes eux-mêmes et par les membres eux-mêmes. Rappelons que les organismes ne naissent pas comme ça tout seuls, ce sont des gens qui se réunissent parce qu'ils sont touchés par une problématique sociale commune et qui se donnent une structure collective expressément pour répondre à ce besoin commun.

n(17 h 20)n

Les règlements généraux, les assemblées générales, les rapports d'activité de l'année écoulée, le plan d'action de l'activité à venir, les états financiers, tous ces documents sont remis aux membres lors des assemblées générales et lors des différentes instances, ce qui peut représenter au total beaucoup de personnes. Les regroupements, moi, que je vous nommais tout à l'heure regroupent des centaines de milliers de personnes, lorsqu'on regarde les membres, de chacun des membres. En plus d'être transmis à l'origine des organisations pour obtenir un premier financement, donc aux titulaires de charges publiques, tous ces documents-là sont redistribués, à chaque année, auprès des titulaires de charges publiques. Le processus de reddition de comptes est balisé en fonction de la source de financement. C'est donc en toute connaissance de cause que l'État finance des organismes qui ont justement comme mission première de défendre une problématique particulière. Donc, si quelqu'un est au courant, c'est bien l'État.

Cette chaîne de transmission là a des effets jusque dans la population. Les organismes communautaires ont souvent des bulletins de liaison, des bulletins d'information qui diffusent les résultats de leurs démarches d'influence. En bout de ligne, encore une fois, des centaines de milliers de personnes sont informées des activités des OBNL, des organismes communautaires et des coalitions. Donc, la TRPOCB et le RQACA ? ce sont des acronymes; je vous fais grâce de les dire au long ? s'opposent à la recommandation n° 3 du Commissaire sur l'assujettissement des coalitions parce qu'ils sont des OBNL et qu'ils n'ont pas... d'avantages à être assujettis que les autres OBNL.

Par une recommandation distincte, le Commissaire impose une obligation supplémentaire: l'obligation de fournir la liste de leurs membres, ce qui présentement n'est pas exigé des autres lobbyistes d'organisation. C'est un traitement distinct qui semble traduire une présomption que les membres des coalitions retireraient des avantages indus de leur statut de membre, ce qui n'est pas le cas. Ni les membres d'une coalition ni ceux de quelque organisme communautaire et OBNL ne retirent d'avantages commerciaux des activités de lobbyisme de l'organisation qui les réunit. C'est plutôt la population dans son ensemble qui bénéficie de telles activités. C'est le cas, par exemple, lorsqu'une coalition se porte à la défense de la qualité de l'environnement.

Les coalitions sont un mode d'organisation légitime et nécessaire qui démontre la capacité d'une communauté à s'unir pour faire face à un enjeu commun. Lorsqu'elles sont formées d'autres organisations, elles sont surveillées non seulement par leurs propres membres, mais par les membres de leurs membres. En bout de ligne, encore énormément de personnes sont au courant de ce que les coalitions font, débuté peut-être en privé mais qui ne le demeure vraiment pas longtemps.

La TRPOCB et le RQACA s'opposent à l'obligation de déclarer l'appel au grand public, car il s'agit d'une activité notoire. Donc, dans la recommandation 8, l'appel au grand public contrevient selon nous à l'esprit de la loi. De telles campagnes étant volontairement rendues visibles, leur déclaration au registre n'est soutenue par aucune logique. En lançant des appels publics, les organismes sensibilisent la population au bien-fondé de leurs interventions. Ils exercent tout simplement leur rôle citoyen et font souvent évoluer les mentalités. Ni la citoyenne ni l'organisme initiateur d'un appel public ne retire un quelconque bénéfice direct d'une communication d'influence qui est l'appel public.

La TRPOCB et le RQACA s'opposent au raccourcissement des délais d'inscription et à l'identification de la provenance du financement d'une activité de lobbyisme social, les recommandations 5 et 6. En raccourcissant à 10 jours, par exemple, le délai pour modifier une inscription... signifie, dans notre quotidien, une course contre la montre. L'actualité, notamment l'actualité politique, décide souvent du calendrier de nos interventions, et on doit s'activer très rapidement. Les mandats changent, en cours d'année, selon cette actualité-là, et autant les personnes qui les font que les mandats changent, alors on pourrait se retrouver soit à être, à tout bout de champ, en train de mettre à jour notre fiche ou alors l'inscrire de façon si générale que personne ne serait servi. Ça pourrait donc compromettre la liberté d'action, la capacité d'action et d'intervention des organismes communautaires. Ce n'est évidemment pas l'intention du Commissaire au lobbyisme, nous le savons.

Nous nous opposons à l'obligation de dévoiler la provenance du financement; pas du financement global, c'est une donnée très, très, très publique. Par contre, de fractionner en précisant quelle est la part de ce financement global là qui est attribuée à chacun des mandats est selon nous totalement irréconciliable avec la Politique gouvernementale sur l'action communautaire parce que c'est la mission globale de nos organisations qui est financée. En plus, imaginez l'exercice comptable qu'il faudrait faire pour que la délégation d'un regroupement, qui est composée de membres qui peuvent provenir de plusieurs équipes de travail, de plusieurs regroupements et même de plusieurs organisations membres... Imaginez l'exercice comptable en bout de ligne. Même chose pour l'exercice comptable lors d'une coalition. Nous appuyons cependant le Commissaire à accroître l'éducation de toutes les instances concernées par la loi.

On considère que le législateur a eu raison, en 2002, de ne pas assujettir tous les OBNL à la loi sur le lobbyisme. Exercées au grand jour, les actions de nos organisations se situent bien loin de l'image qu'on se fait du lobby secret derrière les portes closes. Une avalanche d'informations redondantes ne servirait pas l'objectif de la loi. En leur imposant une surcharge administrative, on risque d'empêcher les OBNL, les organismes communautaires et les coalitions de jouer un rôle actif dans la société. Ce n'est sûrement pas l'objectif visé.

On croit que la méconnaissance de notre fonctionnement est en partie responsable de la demande de nous assujettir de même que de la demande d'assujettir l'appel au grand public, et ce qu'on considère, c'est que l'objectif de la transparence serait mieux servi par un encadrement efficace du lobby réalisé à des fins commerciales, financières ou marchandes en raison des intérêts privés que ce type de lobby sous-tend. Pour cadrer avec l'esprit de la loi en regard des finalités, l'article 3 devrait en fait clairement mentionner notre exclusion et devrait mentionner que la catégorie de lobbyiste d'organisation intègre les organismes constitués à des fins commerciales, financières ou marchandes.

Dans le même esprit, on croit qu'en plus des organismes dont les membres sont majoritairement des entreprises à but lucratif on devrait ajouter «dont les membres sont des personnes pouvant retirer un avantage financier pour eux-mêmes, une entreprise ou un secteur d'entreprises». Cinq années d'application de la loi selon nous ne suffisent pas pour remettre en question l'esprit même de la loi, et c'est ce qui se passe selon nous lorsqu'on assujettit les OBNL. On considère qu'une remise en question est prématurée et injustifiée. Je vous remercie. Je passe maintenant la parole rapidement à ma collègue.

Le Président (M. Paquet): Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie): Oui, bonjour. D'abord, nous tenons à remercier nos amis de la table et du réseau d'avoir accepté de nous laisser une petite place pour venir présenter notre mémoire. Étant donné qu'on a fait des démarches mais que ça a été difficile, bien on remercie quand même Mme Turcot d'avoir réussi quand même, aujourd'hui, à nous trouver un espace pour venir présenter notre mémoire. Mais en même temps, comme disait Mercédez, on déplore en même temps qu'aucun organisme communautaire, ou groupe de femmes, ou coalition qui ait été invité à se présenter en audiences... alors qu'on songe quand même à nous y inclure.

D'abord, présenter le G13, parce que le Groupe des 13, ça ne veut rien dire pour personne effectivement, vous aviez raison. En fait, on n'est pas 13, on est plus que 13. Mais, bon, historiquement, on s'appelait comme ça. C'est une table de concertation regroupant une vingtaine de groupes nationaux féministes du Québec, dont la Fédération des femmes du Québec, le Regroupement des maisons d'hébergement ? enfin, je ne nommerai pas tous les noms non plus parce que malheureusement je n'ai pas beaucoup de temps, puis juste nommer les noms, ça va prendre plus de temps ? dont la mission est d'améliorer les conditions de vie des femmes. Il a été créé en 1986, et il y a 15 groupes de femmes, entre autres, qui ont signé le mémoire aujourd'hui.

Donc, comme Mercédez, d'entrée de jeu, nous aussi, on salue l'utilité d'une loi sur le lobbyisme, et, n'eût été de la nature de la mission de ce qu'on fait comme regroupement, particulièrement de défense de droits, que nous représentons, nous souscririons sans hésitation à ses exigences. Or, un verre sans reflet n'est pas plus transparent que nos groupes. D'autre part, la raison d'être de nos membres, bien que carrément basée sur une vision précise du progrès social, est sans caractère marchand aucun. Enfin, nous n'arrivons pas à trouver, dans toute la documentation qui nous est fournie, tout ce qu'on a pu lire, depuis quelques mois, sur le sujet, une seule raison substantielle de changer les dispositions de la loi pour nous y inclure.

Tout d'abord, les actions de nos membres ont généralement pour objectif même d'être largement connues. Nous cherchons une transformation sociale vers l'égalité de toutes et tous non seulement sur papier, mais dans les faits. Avec les années, notre mouvement a acquis une certaine maturité, et cette maturité nous a enseigné que le lobbying n'avance à rien sans sensibilisation et sans mobilisation de l'opinion publique. En effet, nous recourons davantage aux médias pour attirer l'attention de la population et, par le fait même, des décideurs afin de reconnaître le bien-fondé de nos revendications. Nos activités de lobbying viennent donc tout au long de nos plans d'action mais surtout en fin de course, quand tout le monde est au courant de nos revendications. Bref, si nous ne divulguions pas nos interventions auprès du plus large public possible, notre lobbying serait parfaitement inutile, à notre point de vue.

n(17 h 30)n

La transparence interne de chacun de nos regroupements et chacun de nos groupes est tout aussi soutenue. L'État québécois dispose de nos lettres patentes, nos statuts et règlements, nos rapports d'activité annuels, nos états financiers, nos procès-verbaux d'assemblée générale, nos priorités, etc. Il est bien connu que la reddition de comptes, bien que c'est très légitime, et nous sommes d'accord, imposée aux organismes communautaires est sans commune mesure avec les sommes qui leur sont versées.

Par ailleurs, nous avons été heureuses de voir dans le document de consultation que soient exclues du champ d'application de la loi les démarches pour obtenir des subventions gouvernementales, qui fait partie à peu près de 75 % de notre travail d'aller chercher du financement pour réussir à consolider et à offrir des activités ou en tout cas à maintenir nos groupes en vie. Cela tombe sous le sens et milite pour que la mission et la raison d'être d'un organisme comme les nôtres soient le critère prépondérant qui tranche entre l'assujettissement ou non à la loi. Nous faisons certes du lobbying, on le reconnaît, c'est-à-dire que nous rencontrons des élus pour faire avancer nos causes. Non seulement ces rencontres ne sont-elles ni cachées, mais elles ne comportent aucun enjeu financier. Notre raison d'être est claire, sociale, collective. On peut être contre, mais on ne peut en disputer le désintéressement pécuniaire.

Nous ne pouvons que répéter notre question fondamentale: En quoi précisément l'assujettissement d'un plus grand nombre d'organismes à but non lucratif assurerait le respect des objectifs de transparence et de sain exercice des activités de lobbyisme? Rien, dans le bilan ministériel, rien, dans le rapport du Commissaire, ne nous éclaire.

On peut le constater, notre position se situe aux antipodes de celle du Commissaire. Nous avons compris par ailleurs, au fur et à mesure de nos lectures, que le Commissaire n'a aucune intention de s'acharner sur le cas des organismes communautaires ni sur les groupes de femmes en particulier. Mais, si la finalité ne peut être une base d'exclusion du champ de la loi, pourquoi considérer l'exclusion de certains organismes à but non lucratif dont la fonction est d'offrir des services aux personnes défavorisées, malades ou handicapées? Nos regroupements comprennent une longue liste de tels organismes mais aussi des maisons d'hébergement, des organismes de familles monoparentales, d'autres organismes pour la santé des femmes, etc. Qui se verrait interpréter comme ayant une telle finalité? Qui va choisir, finalement?

Un autre élément qu'on a mis aussi dans notre mémoire, c'est l'inquiétude qu'on a par rapport aux numéros d'organisme de charité. Plusieurs organismes communautaires aussi, pour justement aller chercher des fonds ou des subventions, disposent d'un numéro de charité permettant d'émettre des reçus d'impôt. Il est connu, pour un regroupement et leurs membres, que l'agence permet à un organisme doté d'un numéro de charité de mener des actions de revendication si ces actions ne dépassent pas une certaine proportion de l'ensemble des activités. Cela est loin d'être connu du grand public, et, dans le royaume de la perception qu'est devenu notre paysage médiatique, nous sentons déjà venir les demandes d'entrevue sur un scandale inventé pour la seule et unique raison d'être inscrit au registre. La perte de ce numéro de charité pourrait constituer plusieurs difficultés pour des organismes qui dépendent de dons pour compléter leur financement.

Donc, en conclusion, comme le Commissaire le dit lui-même, cinq ans, c'est bien peu pour faire le bilan de la mise en vigueur de la loi. Poursuivons donc ces analyses avant d'envisager des changements dont on ne peut circonscrire les tenants et les aboutissants. En cas de doute, s'abstenir nous semble encore un bon conseil. Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Mme Lévesque, Mme Roberge, pour votre présentation. D'entrée de jeu, d'abord, premièrement, je voudrais juste expliquer que la Commission des finances publiques a procédé à des consultations particulières dans le cadre de ce mandat-là et qu'évidemment des consultations particulières, ce n'est pas général, où on invite tout le monde au complet à venir témoigner. Mais la consultation générale en ligne était disponible pour tout le monde, et, dès que les gens nous ont contactés, comme vous, comme d'autres organismes qui sont venus ici, on a fait notre possible pour effectivement, dans le nombre d'horaires qu'on a, l'horaire chargé, de s'assurer que vous soyez représentées, et nous sommes très heureux que vous soyez ici, aujourd'hui. Et c'est pour ça d'ailleurs que la commission a travaillé en ce sens, pour que vous y soyez. Et vous représentez bien d'autres organismes. Toutes les représentations qu'on reçoit en ligne, il y a des résumés qui sont faits, et les membres de la commission vont en prendre connaissance dans leurs délibérations pour des recommandations éventuelles. Je tenais à le souligner et vous à remercier d'être ici.

Mme Lévesque (Sylvie): ...lobbying a porté fruit, finalement.

Le Président (M. Paquet): Pardon?

Mme Lévesque (Sylvie): Notre lobbying a porté fruit.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquet): Ce n'était pas une question de... Ce n'était pas du lobbying, dans ce cas-ci, mais une consultation. C'est ça, hein?

Alors, tout à l'heure, vous mentionniez, et il y a eu plusieurs discussions depuis trois jours maintenant, il y aura une quatrième journée demain, sur la question de... Certaines gens considèrent que, dès que c'est d'intérêt public, ce n'est pas du lobbying. Si on poussait à l'extrême, là, c'est un peu ce qu'on a entendu souvent. Donc, évidemment, tous ceux qui viennent devant nous, vous y compris, disent: Nous, nous sommes là pour l'intérêt public. Donc, bien sûr, les autres, c'est d'intérêt privé mais pas nous. On a entendu ça, hier, de la FTQ, nous avons entendu ça de la Fédération des chambres de commerce, nous l'entendons de votre part et de d'autres aussi. Et, vous comprenez, comme législateurs, comme parlementaires, on doit se questionner.

D'abord, qu'est-ce que le lobbyisme? Il y a des précisions peut-être à apporter. Dans la loi, on fait référence d'une part... Et je ne lirai pas tout l'article 2 mais juste un petit extrait. On parle de lorsque c'est «en vue d'influencer ou pouvant raisonnablement être considérées, par la personne qui les initie, comme étant susceptibles d'influencer la prise de décisions», et relativement à différents exemples qui sont donnés là. Certains sont de type pécuniaire potentiellement, puis c'est correct. Quelqu'un peut dire: Bien, j'ai un bon produit, j'aimerais avoir un contrat du gouvernement, on aimerait qu'on soit considérés dans les appels d'offres, on veut faire connaître notre produit. C'est correct, en autant qu'il passe par des procédures très claires, d'abord que ce soit public, et par la suite, bien, il y a les appels d'offres et il y a des procédures très claires qui doivent être prises à cet égard-là.

Mais des gestes d'influence, dès qu'on veut influencer... Puis c'est légitime, dans un débat démocratique, que différents points de vue soient mis de l'avant, que les positions soient vraiment argumentées et qu'elles soient portées à l'attention des décideurs, titulaires de charges publiques élus ou non élus. C'est tout à fait correct. Il n'y a rien de mal là-dedans, c'est tout à fait légitime. Il n'y a pas de honte là-dedans. Ça ne veut pas dire qu'il y a quelque chose de croche là-dedans, au contraire, malgré parfois la connotation négative qui est attachée instinctivement au mot «lobbyisme». Ça ne devrait pas être le cas. L'important, c'est la transparence, et ça, je pense, là-dessus l'objectif me semble partagé, je crois, par tout le monde qui est venu témoigner jusqu'à maintenant ? enfin, c'est ma lecture ? ainsi que, je crois, par les parlementaires.

Maintenant, lorsque des gestes sont posés par les organismes communautaires, et Dieu sait et nous savons que les organismes communautaires font un travail extraordinaire dans nos comtés... En tout cas, je parle pour ma part, mais je suis certain que je pourrais me permettre de parler au nom de l'ensemble des parlementaires parce que nous avons un grand privilège d'avoir un tas de choses extrêmement positives qui sont faites par les organismes communautaires, avec des moyens qui sont loin d'être illimités, et on en convient très certainement. Il y a du très, très beau travail qui se fait là, et je pense que c'est important de le souligner. J'en profite pour le faire, pour le dire.

Mais en même temps, donc, tout ce qui est aspect service d'un organisme communautaire, personnellement ? et là je parle pour moi ? je ne vois pas ça comme du lobbyisme, bien sûr. Tout ce qui est fait en termes de levées de fonds, en termes de provision de services, d'aller voir leurs députés pour dire: Écoutez, bon, pouvez-vous nous donner ? par exemple ? une aide en termes de support à l'action bénévole... Vous connaissez très bien ce programme-là. Est-ce qu'il y a des choses que vous voyez que vous pourriez nous aider pour une campagne de financement? On nous demande d'être présidents d'honneur parfois, et là on essaie de faire un appel au grand public de nos régions pour participer. Ce n'est pas du lobbying, bien sûr que non. Le fait de soulever des préoccupations aussi comme organisme par rapport à certaines orientations budgétaires ou autres, je ne vois pas ça non plus comme étant du lobbying.

La question peut-être, par exemple... Lorsqu'on arrive au niveau de coalitions, de représentations, il peut y avoir des gestes qui ne sont pas du lobbying et il y a peut-être d'autres gestes qui en sont, et l'idée, c'est d'avoir l'équilibre, bien sûr. L'idée, ce n'est pas d'imposer un fardeau excessif, et ça, je crois qu'il y a une préoccupation, je croirais, largement répandue par les parlementaires qu'on ne veut pas tomber dans des choses tellement excessives que, là, ça va demander trois fois plus de temps à remplir des formulaires ou remplir un registre éventuel ou un registre existant plutôt que de faire les gestes.

Mais il semble que par contre faire du lobbying ne veut pas dire que, parce qu'il y a des communiqués de presse, parce qu'il y a démonstration publique, il n'y a pas de lobbying. Et est-ce qu'il n'y a pas moyen d'avoir un équilibre et de dire que, lorsqu'on parle de coalitions particulièrement... Puis on pourrait penser à différents exemples en environnement ou autres qui sont légitimes, là, indépendamment de la position ultimement qu'on doit prendre dans l'intérêt public comme parlementaires ou comme titulaires de charges publiques. Est-ce qu'il n'y a pas un équilibre qui peut être atteint ou, lorsqu'on parle, par exemple, de coalitions, pour des gestes qui seraient peut-être à préciser avec des paramètres généraux... de dire: Bien, écoutez, ce n'est pas très dur, voici notre mandat, oui, on fait des représentations auprès de tel et tel titulaire de charge publique ? globalement, là, pas chaque nom qu'on rencontre, sans faire une liste de toutes les rencontres non plus ? et, oui, dans ce contexte-là, on a une position qu'on représente, de la même façon? Parce que ce problème d'équité là est soulevé autant par la Fédération des chambres de commerce, par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui ne témoignent pas mais qui nous ont remis un mémoire, là, que nous avons lu, et c'est ce souci extrêmement important auquel on devra nous-mêmes réfléchir. Mme Roberge.

Mme Roberge (Mercédez): Oui. En fait, c'est qu'on ne dit pas qu'on ne fait pas du lobby, on dit que le lobby social se distingue du lobby d'affaires, et la loi doit exister pour réglementer le lobby d'affaires pour la simple raison que ça fait partie de son origine: la distinction entre le privé et le public, bien baliser les échanges entre les secteurs privé et public. Nous ne sommes ni du public ni du privé. Cette distinction-là, déjà ça indiquait et plusieurs éléments dans la loi indiquent que la loi est là pour s'assurer qu'il n'y a pas quelqu'un qui s'enrichit au détriment de quelqu'un d'autre. Ça n'a rien à voir pour nous avec le lobby social, et nous disons qu'à partir de ce principe-là le lobby que nous exerçons ne doit pas être assujetti à une loi parce que, d'autre part, la transparence, nous nous en occupons fort bien, nous croyons, et, d'autre part, les activités qu'on fait n'ont strictement rien à voir avec un enrichissement d'un groupe, d'une personne, d'un secteur particulier. Ce ne sont pas pour des intérêts pécuniaires ni des intérêts marchands. C'est une distinction importante.

n(17 h 40)n

Pour nous, coalition, organisme communautaire, OBNL, c'est la même chose. Ce sont des OBNL tous, ils sont tous sans but lucratif, c'est la distinction importante, et ils travaillent en fonction de ce que des membres, des individus se sont réunis pour identifier des causes, des problèmes sociaux, des intérêts à défendre qui ont des bénéfices sur l'ensemble de la société. Lorsqu'on demande une loi pour l'élimination de la pauvreté, ça ne profite pas à une seule ou une dizaine de personnes, ça profite à l'ensemble de la société, et c'est pour ça qu'on distingue le lobby social, à défaut d'avoir un autre terme, du lobby d'affaires.

Le Président (M. Paquet): Sauf que la logique... J'entends ce que vous dites, mais la logique que vous amenez nous amène, à ce moment-là, il me semble en tout cas, et on n'a pas de décision de prise, mais nous amènerait à dire: Bien, à ce moment-là, hier, lorsque les syndicats ont dit: Nous, on ne devrait pas non plus, donc les syndicats devraient être exclus. Et, si on fait ça, le patronat va dire: Bien, les fédérations de commerces, ce n'est pas une entreprise particulière. Lorsqu'elles proposent d'abolir la taxe sur le capital, économiquement ce qui fait bien du sens, ce qui est partagé par les trois partis à l'Assemblée nationale, du point de vue économique, ça permet de créer plus de richesse... de dire: Non, non, ça, ça va profiter à ces entreprises, qui paieront moins de cette taxe-là. Et là, vous voyez, on va avoir deux groupes de gens qui peuvent avoir des opinions différentes, et le débat public doit se faire, mais là on se trouve à arriver à dire: On est dans l'arbitraire. On va dire: Bien, vous, on vous exclut, on va en exclure un autre. Et jusqu'où on met la ligne?

Je ne suis pas convaincu, respectueusement, que la définition entre «lobby social» et «lobby économique ou commercial» soit la distinction qui soit la plus applicable et qui soit la plus équitable non plus, et avec tout le respect pour toutes les positions, qui ne sont pas en contradiction non plus nécessairement, là. Mais cet aspect-là, il me semble, cette ligne-là veut dire qu'à ce moment-là autant faire sauter la loi au complet. Et à la limite on pourrait dire: On va adopter des codes d'éthique très, très rigides ou très, très, très clairs pour chaque titulaire de charge publique.

En Angleterre, par exemple, si je ne me trompe pas, eux ont fait le choix de ne pas avoir de loi sur le lobbyisme, si je ne m'abuse. Par contre, ils doivent avoir des codes de déontologie et d'éthique très, très clairs. Alors, c'est une autre avenue. Je ne sais pas si c'est là que vous voulez aller, à ce moment-là, mais on ne peut pas avoir deux poids, deux mesures. Je ne parle pas des services, là, mais je parle pour des gestes qui sont du lobbyisme, et encore une fois il n'y a rien de négatif à cela, là.

Mme Roberge (Mercédez): Mais le lobby qui est exercé n'a pas pour but d'enrichir une personne ou un groupe, il a pour but d'avoir des retombées sociales sur l'ensemble de la société. Et en plus ce sont des démarches notoires, publicisées parce que nous avons tout intérêt à le faire. Il n'y a aucune incidence marchande, et c'est une distinction importante qui a été là dès l'instauration de cette loi, et c'est pour ça que l'article 72 nous en excluait.

Et d'autre part nous savons que les centrales syndicales s'opposent également à ce que les OBNL soient assujettis à la loi pour les mêmes raisons que nous donnons. Donc, nous ne sommes pas les seuls.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Mont-Royal, environ deux minutes.

M. Arcand: Non, bien je voulais juste peut-être préciser. C'est que, quand je lis le rapport du Commissaire au lobbyisme, vous savez, et on comprend la nature sociale des besoins qu'il y a au Québec, il y a beaucoup de besoins sociaux au Québec, mais, quand on regarde les montants d'argent, et ça, c'est dans le rapport du Commissaire au lobbyisme, bien ce que le Québec a versé quand même aux organismes sociaux, communautaires ? il y en a 8 000, selon le Commissaire au lobbyisme ? on parle de quand même 634 millions de dollars. C'est quand même des sommes très importantes. Vous allez me dire: Les besoins sont du double, et du triple, et du quadruple au Québec. Je veux bien, mais c'est quand même des montants extrêmement importants.

Alors, lui, ce que j'ai compris du Commissaire au lobbyisme, c'est qu'il avait dit: Il faudrait que les organismes comme tels se soumettent parce qu'il y a quand même des gros montants d'argent en jeu, dans un premier temps. Puis, dans un deuxième temps, lui, il faisait allusion, entre autres, à des organismes comme Greenpeace où il dit: C'est des organismes théoriquement à but non lucratif, mais leur financement parfois est douteux. On ne sait pas qui ils représentent exactement. Est-ce que c'est vraiment des intérêts sociaux purs ou s'il y a des compagnies en arrière? On ne sait pas trop. Alors, c'est un peu les deux raisons, à ce moment-là, qu'il y avait.

Je comprends que dans votre cas ce n'est pas la même chose, mais, ce que vous demandez quand même, il peut y avoir, à un moment donné, des sommes importantes, puis je voulais juste avoir les commentaires par rapport à ça.

Le Président (M. Paquet): Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie): Bien, moi, ce que j'ai le goût de réagir dans ce sens-là, c'est qu'effectivement, comme on disait dans nos mémoires... Et ça, c'est une chose de... La reddition de comptes, je pense, tous les groupes communautaires sont d'accord avec ça. C'est des fonds publics, on en est conscients. Effectivement, au Québec, il y a quand même de l'argent substantiel, sauf que, sur 600 millions, c'est 8 000 groupes. Là-dessus, il y en a qui ont juste 20 000 $ aussi. Donc, il faut relativiser aussi parce qu'il y a des groupes qui en ont beaucoup, des groupes moins, bon, etc. Il y a des groupes locaux, des groupes nationaux, internationaux, bon, etc.

Ceci étant dit, c'est une chose de vouloir savoir. Effectivement, je pense que c'est normal que le législateur ou les bailleurs de fonds, les ministères justement questionnent les groupes pour savoir où va leur argent. Tout le monde fait des rapports financiers à la fin de l'année. Je pense que ça, c'est une chose. Ça n'a rien à voir, à mon point de vue, avec la loi de la transparence, là, dans le sens: si on veut savoir où va cet argent-là, je pense qu'on a des mécanismes pour le savoir. Donc, dans ce sens-là, nous, on dit: En plus, c'est public parce qu'on doit, comme organismes à but non lucratif, à chaque année, faire des assemblées générales, on doit remettre à nos membres... Publiquement même, on les annonce, même les groupes locaux en général les annoncent dans leur petit journal de région, local, quand est-ce qu'est leur assemblée générale. Donc, il y a des rapports d'activité, des rapports annuels, des rapports financiers, bon, et tout ça. On est très loin de Norbourg ici, là, je pense.

Donc, dans ce sens-là, je pense que, oui, il y a des groupes qui ont beaucoup d'argent, mais en même temps je pense qu'en quelque part, comme disait Mercédez, les coalitions sur lesquelles on participe, c'est des coalitions souvent ponctuelles, c'est des groupes déjà communautaires qui s'impliquent soit pour améliorer les conditions de vie soit au niveau social, et, dans ce sens-là, les gens connaissent déjà un peu... Même quand on rencontre les titulaires de charges publiques ou on rencontre les cabinets ou des sous-ministres, ils savent déjà c'est pourquoi finalement qu'on les rencontre parce que souvent on fait des lettres publiques avant puis on insiste, on les envoie. Vous le savez, des fois, dans vos bureaux de comté, vous recevez des fax, bon, etc. Donc, on l'annonce déjà souvent d'avance, qu'on veut rencontrer le ministre pour tel sujet. Donc, si ce n'est pas transparent, ça, je ne sais pas c'est quoi, là.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. L'Écuyer: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de vous accueillir à la commission, Mme Roberge de même que Mme Lévesque. Et aussi je profite de l'occasion pour saluer tous les membres que vous représentez et qui peuvent nous écouter cet après-midi. C'est certain que, lorsqu'on regarde cette loi-là, on est quand même à sa date anniversaire et aussi à sa révision, et je vous remercie quand même d'avoir contribué, de contribuer à cette révision-là par vos propos.

Il y a quand même un point qui... Je vois, dans votre mémoire, là, l'esprit de la loi, puis je vais résumer. À la page 9 de votre mémoire, vous dites: «L'esprit de la loi implique la nécessité de distinguer clairement le lobby exercé à des fins financières et particulières de celui exercé à des fins sociales et collectives. Cette distinction est primordiale et elle doit demeurer au coeur du présent exercice d'évaluation, comme elle le fut lors de l'adoption unanime de la loi, en 2002.»

Alors, vous, j'ai vu aussi que vous aviez soumis, dans votre mémoire, l'article 72, et plus particulièrement la première définition qui avait été mentionnée dans cette loi-là, et vous semblez dire que cette définition-là atteignait les objectifs puis ? vous me corrigerez si je me trompe ? la distinction où il y avait du collectif, où il y avait du privé. Alors, est-ce qu'effectivement vous êtes... Si on faisait revivre la définition de l'article 3, qui était l'ancien article 72, deuxième alinéa, est-ce que vos organismes seraient sécurisés avec cette réactualisation ou cette réintégration dans la loi de cet article-là?

Le Président (M. Paquet): Mme Roberge.

Mme Roberge (Mercédez): Je ne me prononcerai pas sur le libellé précis de l'article, mais, oui, nous aimerions que notre exclusion soit bel et bien confirmée dans la loi plutôt que de dépendre d'un règlement dont on sait qu'il peut être changé plus rapidement. Nous disons que c'est dans l'esprit de la loi depuis le début à cause de l'article 72, qui était là de façon transitoire mais qui déjà précisait que ce n'étaient pas tous les OBNL. On souhaite que ce soit précisé à l'intérieur même de la loi effectivement pour le sécuriser mais aussi que ce qui soit vraiment bien déterminé, c'est la distinction entre le lobby social et des lobbys exercés pour des fins commerciales, financières, peu importe le libellé qui viendra autour de ça. Mais ça, c'est important selon nous de le préciser également à même l'article.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

n(17 h 50)n

M. L'Écuyer: Et il y a aussi cette collectivité que vous représentez, ce regroupement collectif. Vous en faites une distinction. Mais par contre je vous pose un peu la problématique avec laquelle, là, je m'interroge. Supposons qu'un organisme veut... Puis c'est un peu l'exemple que je donnais ce matin, avec le Collège des médecins, sur la question des... en fait l'aménagement ou l'organisation de maisons de fertilité, de la famille, les maisons de la famille. Et vos organismes, dans un sens, pourraient intervenir et faire des pressions auprès du ministre de la Santé et des Services sociaux pour l'aménagement de ces maisons-là un peu partout en région. Alors, si vous avez de ces organismes-là que vous représentez, est-ce que vous pensez que vous seriez dans le champ d'un lobbyisme ou vous êtes dans un champ d'une organisation sans but lucratif?

Le Président (M. Paquet): Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie): Bien, c'est parce que ce n'est pas clair. Je ne comprends pas trop. Bien, c'est dans le sens... Ce que je comprends, c'est que vous dites que, par exemple, on veut mettre sur pied des maisons de la famille dans une région ou dans un quartier. C'est ça?

M. L'Écuyer: Oui. Si jamais il y a une coalition qui se fait et puis...

Le Président (M. Paquet): ...des sages-femmes, par exemple.

M. L'Écuyer: Oui, oui, en rapport avec les...

Le Président (M. Paquet): C'est l'exemple que vous donniez, là, vous parliez des maisons pour les sages-femmes.

Mme Lévesque (Sylvie): Oui, oui, oui. Les maisons de naissance, là?

M. L'Écuyer: Oui, les maisons de naissance.

Le Président (M. Paquet): Maisons de naissance plutôt que de la famille.

Mme Lévesque (Sylvie): O.K. Oui.

M. L'Écuyer: Alors, si effectivement vos organismes se regroupent ensemble et font des pressions...

Mme Lévesque (Sylvie): Mais est-ce que c'est un organisme communautaire, une maison de naissance?

M. L'Écuyer: Oui.

Mme Lévesque (Sylvie): Bien, c'est parce que, nous autres, on fait des distinctions entre... Ça dépend. C'est un organisme communautaire, une maison de naissance? À ma connaissance, non. En tout cas, il me semble que c'est plus le réseau public ou...

Mme Roberge (Mercédez): Bien, une maison de naissance, si elle est mise sur pied par un organisme communautaire, en quoi est-elle différente d'un centre communautaire de quartier? En quoi c'est différent? Si c'est un organisme communautaire à but non lucratif qui met des ressources ensemble, des ressources d'une collectivité ensemble, qui mobilise des bénévoles, qui mobilise des ressources pour donner un service à la population ou alors pour faire porter la voix de la population sur un sujet en particulier, les retombées du lobbyisme, qui se font publiquement et avec beaucoup d'emphase toujours, ne servent pas les intérêts pécuniaires d'une seule personne et elles ont des retombées sur l'ensemble de la société. C'est la base.

Mme Lévesque (Sylvie): C'est pour offrir des services aux familles ou aux mères qui veulent accoucher dans le quartier ou dans la région, au même titre que, quand on met sur pied une maison de la famille, ou un organisme communautaire, ou une maison de jeunes, par exemple, bien la maison de jeunes, elle est là pour offrir des services aux jeunes pour qu'ils puissent avoir un espace dans un quartier ou dans un environnement, pour ne pas justement être dans la rue, puis tout ça. Donc, c'est pour l'intérêt public, c'est pour l'ensemble des parents, pour offrir des services. Donc, en quoi, à notre point de vue, à ce moment-là, ça cause problème en termes de lobbying?

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. L'Écuyer: M. le Président, en fait, pour résumer bien votre mémoire, vous dites: Nous, là, les organismes, le lobbyisme d'organisation, nous voulons être exclus carrément de la loi.

Mme Lévesque (Sylvie): Oui, comme on était exclus depuis le départ.

M. L'Écuyer: En fait, définitivement, vous voulez...

Le Président (M. Paquet): Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie): Comme on était exclus depuis le départ, là.

M. L'Écuyer: Comme la définition au début, que vous avez exprimée dans votre mémoire, du fait que vous considérez que vous n'avez pas... en fait vous ne faites pas d'influence auprès des titulaires de charges publiques?

Mme Lévesque (Sylvie): Non, on a de l'influence.

Mme Roberge (Mercédez): Non, pas qu'on ne fait pas d'influence, c'est que l'influence qu'on fait ne sert pas d'intérêts pécuniaires, mercantiles, marchands, commerciaux. C'est la distinction majeure, selon nous. On dit que les activités de... La loi le dit très bien, les activités, la loi ne réglemente pas toutes les activités de lobbyisme. Il y a du lobbyisme... Une manifestation, c'est une... mais elle n'a pas à être assujettie par la loi. Nous disons que nous n'avons pas à être assujettis par cette loi, qui n'a jamais été faite pour nous. La preuve qu'elle n'est pas prête à nous recevoir, c'est, par exemple, de nous demander de fournir le détail du financement pour chacun des mandats alors que nos organisations sont financées dans leur globalité. On ne peut fractionner. C'est complètement non adapté à notre situation.

Le Président (M. Paquet): Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie): Par contre, il faut faire attention. La nuance que j'amènerais: ce que vous disiez tantôt, ce n'est pas tout à fait vrai; au contraire, on dit qu'on influence, justement. Oui, on en fait, de la représentation d'intérêts, et on en fait, du lobbying, oui, au niveau des causes sociales, mais sauf qu'elles sont connues, elles sont dites, largement publiques, à nos membres mais aussi largement. On ne dit pas qu'on n'en fait pas puis on ne dit pas qu'on n'a pas d'influence; on exerce une influence sur les élus, sur les titulaires de charges publiques, bon... Dans les commissions parlementaires, non, mais dans d'autres lieux, quand on fait des rencontres avec des sous-ministres, des cabinets, et tout ça, oui. Mais c'est toujours, comme on disait tantôt, sur la finalité. C'est sur la finalité qu'on en a, ce n'est pas sur l'activité, au contraire. On dit qu'il faut que ce soit transparent pour justement que le citoyen et la citoyenne soient informés de ce que les gens font par rapport à ça. Au contraire, on est bien d'accord là-dessus, là.

M. L'Écuyer: M. le Président, c'est votre deuxième volet dans votre mémoire, quand vous dites que ce qui se fait publiquement devrait être au vu et au su de tout le monde. Alors, ce qui se fait... Vous semblez ajouter une connotation de ce qui se fait en secret ou de façon un peu cachée... devrait être quand même....

Mme Roberge (Mercédez): Ce n'est pas nous qui le faisons, c'est la loi qui vise à rendre public ce qui ne le serait pas sans la loi...

Une voix: Pour l'intérêt du public.

Mme Roberge (Mercédez): ...pour que le public soit informé, que les décisions et les mécanismes qui mènent aux décisions soient connus du public. Nous faisons cette transparence sans avoir besoin d'être assujettis par la loi, nous l'avons toujours fait, nous continuerons de le faire. Ça ne change pas.

Alors, ce qu'on dit, c'est que nos pratiques étant en général... Plus qu'en général. Un appel public, qu'est-ce qu'il y a de plus public et notoire que ça? Alors, ces actions-là sont typiques des actions de nos organisations et typiques de nos pratiques, et nous ne voyons pas pourquoi on serait assujettis globalement pour ensuite retirer par multiples exceptions toutes sortes d'activités, toutes sortes de groupes, les groupes en... Si vous voulez faire la liste totale de toutes les exclusions et toutes les bonnes causes pour lesquelles les organisations peuvent militer, pour faire la distinction entre les supposés gros et les supposés petits, la distinction entre ceux où les bénévoles font plus ou moins de lobbyisme que d'autres, on n'est pas sortis du bois, parce que, là, les exceptions vont être tellement nombreuses, alors que dans le fond, par principe même, nous n'avons pas affaire dans cette loi parce que nous le faisons déjà.

Et un élément important aussi, c'est que la notion de partie importante dans le document sur le... On fait beaucoup référence au... Le document sur lequel on fait le plus souvent référence, d'ailleurs, on aurait dû le dire, c'est le rapport du Commissaire. On a aussi évalué évidemment le rapport du ministre. Et, dans le rapport du Commissaire, on semble un peu nous montrer que la notion de partie importante ferait en sorte que seulement... Ça permet d'exclure les petites actions anecdotiques, sauf que, dans nos organisations, nos pratiques, les activités d'influence, donc le lobbyisme, s'exercent par les membres du conseil d'administration, les bénévoles, les personnes à la direction, tout ça mélangé...

Une voix: Dans un souper spaghetti.

Mme Roberge (Mercédez): ...tout ça changé d'une action à l'autre. Donc, par le fait même, parce que nos actions sont faites par des personnes en poste d'influence au sein de nos organisations, ce qui assure d'ailleurs le suivi, hein, c'est bénéfique pour nous, mais ça ferait en sorte que naturellement même cinq minutes d'activité exercées par moi ou par un membre de mon conseil d'administration feraient en sorte que tout devrait être assujetti, ce qui à notre avis inonderait d'informations déjà disponibles.

Le Président (M. Paquet): Est-ce que, de consentement... Pour poursuivre au-delà de 18 heures, peut-être jusqu'à pas plus tard que 18 h 15, est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: Consentement, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): D'accord. M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez une dernière question?

M. L'Écuyer: Une courte question, M. le Président: Présentement, vous n'êtes pas inscrits, et vous ne voulez pas vous inscrire dans le futur, et vous ne souhaitez pas qu'aucun de vos organismes soit inscrit?

Mme Roberge (Mercédez): Exact.

M. L'Écuyer: Je vous remercie.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, M. le député de Gaspé.

n(18 heures)n

M. Lelièvre: Oui. Bonjour. Je regarde des notes concernant les OBNL. En discutant sur ce sujet-là, les organismes à but non lucratif souvent font des travaux, font des actions sociales, bon, dans les centres communautaires. Il y en a qui vont visiter les centres communautaires où l'on retrouve des personnes âgées, etc. Donc, il y a beaucoup de travail qui se fait.

Là, ce qui m'interroge, moi, concernant les organismes à but non lucratif... Exemple, l'Association des banquiers, par exemple, peuvent se faire un organisme à but sans lucratif mais par contre drôlement influent avec les moyens qu'ils ont. La même chose pour les pétrolières, qui se font un conseil, dont les revenus débordent des coffres. Donc, je pense qu'il va falloir trouver une autre voie à quelque part pour essayer de distinguer au niveau des organismes communautaires, parce que c'est un organisme communautaire...

Mme Roberge (Mercédez):«À but non lucratif», ça ne veut pas dire «communautaire».

Mme Lévesque (Sylvie): Il y a 50 000 organismes...

M. Lelièvre: ...mais qui a des moyens très, très, très puissants. Bon, ils peuvent bien nous dire qu'ils font des oeuvres de charité puis... Bon. Mais intrinsèquement, quand on regarde le travail que vous faites au niveau des organismes communautaires ? et ça, maintenant c'est dans toutes les régions du Québec, il y en a partout ? je pense que, les coalitions que vous formez à l'occasion, le Commissaire au lobbyisme en a dénombré 340 ? je pense que c'est 346, 346 coalitions, au Québec, en quelques mois ? et il a l'intention en tout cas de voir s'il y a des possibilités d'introduire dans la loi l'obligation de ces coalitions-là de s'inscrire parce qu'on ne sait pas qui est derrière est tout ça, qui cherche à influencer. Le champ est encore grand, hein, au niveau de... Quand on tombe dans le champ social, là, le champ est très grand. Et dans le fond on n'essaie pas d'assujettir pour assujettir à tout prix, mais c'est de regarder comment ça peut se faire.

Tout à l'heure, je pense, c'est le député de Mont-Royal qui parlait, bon, de Greenpeace. Ce sont des organisations qui sont très puissantes aussi, là, qui sont financées à l'échelle internationale, donc beaucoup d'argent qui circule à l'intérieur, et eux ont le pouvoir d'influencer soit les gouvernements, soit les ministres, ou encore d'autres organismes. Donc, moi, je pense qu'on va devoir réfléchir encore davantage, là, pour bien camper ce qu'est le communautaire par rapport à ce qu'on peut avoir, par exemple des organismes qui sont toujours les mêmes personnes qu'on revoit, qui reviennent avec des revendications pour changer la loi ou encore changer des règlements au niveau du gouvernement.

Alors, moi, c'est un commentaire que j'avais à faire là-dessus tout simplement pour vous dire que, le travail qu'on aura à faire, on va le faire en tenant compte de vos remarques, parce que les organismes à but non lucratif, ça ne roule pas toujours sur l'or, ça, et il ne faudrait pas que vous deviez vous inscrire au registre parce que votre député vous donne une subvention ou une aide financière du Support à l'action bénévole, là ? vous connaissez certainement ces programmes-là ? et même lorsque vous recevez du financement de l'État. Alors, je vais m'arrêter ici, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): D'accord. Peut-être des commentaires, Mme Roberge, Mme Lévesque?

Mme Lévesque (Sylvie): Oui. Bien, je voulais juste dire par rapport au champ des OSBL... Parce qu'effectivement c'est un champ qui est vaste, dans le sens qu'au Québec on a un statut juridique. En fait, c'est la troisième partie de la Loi des compagnies qui en fait gère l'ensemble des organismes à but non lucratif, donc tout le monde peut en fait se créer un organisme à but non lucratif effectivement puis pas nécessairement avoir toujours... Bon, oui, c'est une finalité de non-lucratif, là, mais en même temps il peut y avoir d'autres finalités aussi derrière ça. Donc ça, à mon point de vue, c'est un autre... en tout cas c'est un autre... Comme je parlais des subventions, tantôt. À mon point de vue c'est un autre... pas un autre problème, mais je pense qu'il ne faudrait pas que ça passe nécessairement par cette loi-là, mais je pense que c'est une autre discussion. Justement, quand on disait: Il y a d'autres démarches ou d'autres affaires qu'on devrait travailler davantage avant de le faire par le biais de la loi sur le lobbyisme, je pense que le champ des OSBL effectivement... Il y a l'Institut économique qui est un OSBL, bon, il y a plein d'organismes qui peuvent se créer comme...

Une voix: ...

Mme Lévesque (Sylvie): Bon, c'est ça. Donc, ce que je veux dire, c'est que, dans ce sens-là, effectivement, il y a beaucoup de travail à faire dans ce champ-là. Puis encore une fois, comme on le disait tantôt, je pense que c'est beaucoup la finalité qui doit primer, dans le sens... c'est vers quoi aussi, ces organismes-là qui sont créés... c'est quoi, les objectifs et la finalité. Quand on parle de coalition, effectivement il y en a beaucoup, mais en même temps, comme on le disait tantôt, nous, les coalitions, bien la majorité, c'est des organismes à but non lucratif. En fait, ce qu'on fait, c'est qu'on est des organismes séparément, on se met ensemble pour avoir une grande force, pour avoir une finalité sociale. C'est ça, l'objectif, et non pas un objectif pécuniaire, là.

Le Président (M. Paquet): Mme Roberge, oui.

Mme Roberge (Mercédez): Et, si je peux me permettre de compléter, c'est justement parce qu'on sait que dire «OBNL» ne dit pas toute la réalité qu'on a fait l'humble proposition dans la conclusion qu'il faudrait bien indiquer que ce qui doit être régi, ce sont le lobby réalisé à des fins commerciales, financières ou marchandes et les OBNL dont les membres sont constitués de personnes. Parce que présentement le règlement précise que ce sont les OBNL qui sont membres, dont leurs organisations sont à but lucratif, qui doivent s'inscrire, mais pour nous c'est la moitié de la distinction qui doit être faite, alors qu'il y a des OBNL dont les membres sont des personnes qui peuvent retirer des intérêts financiers pour eux, pour leurs entreprises, pour un secteur d'entreprises. C'est de cette façon-là qu'on inscrit clairement la finalité d'une loi sur le lobbyisme et du code de déontologie qui vient avec.

Et on nous dit souvent: Dans la littérature, il y a beaucoup d'allusions au nombre d'organismes communautaires, à la hauteur du financement, à l'influence plus ou moins grande de certains secteurs. Le secteur de la santé, le secteur de l'environnement est particulièrement ciblé, comme si ces organisations-là déployaient des énergies trop grandes, qu'elles devaient être contrôlées. Ces allusions-là sont inquiétantes parce qu'elles ne devraient pas être utilisées dans le cadre actuel de la révision de la loi sur le lobbyisme parce que ce n'est pas... On ne peut pas commencer à faire une loi pour dire: Les OBNL qui ont un budget à hauteur de 100 000 $ devront s'inscrire, ceux en bas ne le devront pas, les organismes communautaires qui interviennent en environnement devront s'inscrire, et les autres, non, les organismes communautaires qui ont réussi tant de parutions dans les médias devront s'inscrire, les autres, non, parce qu'en fait la médiatisation nous est reprochée, pratiquement. C'est dangereux et ça ne devrait pas être dans... On a trouvé beaucoup d'allusions là-dessus et on trouve que c'est déplorable.

Mme Lévesque (Sylvie): Ça manquait un peu de transparence dans le document.

Le Président (M. Paquet): Là-dessus, alors, Mme Roberge, Mme Lévesque, nous vous remercions pour votre contribution à nos travaux.

Compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux au jeudi 8 mai, à 9 h 30, ici même, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 8)


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