(Dix-sept heures sept minutes)
Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte. Je demanderais aux personnes présentes dans la salle de bien s'assurer d'avoir éteint la sonnerie de leurs téléphones cellulaires afin de ne pas perturber nos travaux, s'il vous plaît.
La commission est réunie cet après-midi afin de poursuivre le débat sur le discours du budget conformément à l'article 275 du règlement qui prévoit que 10 heures ? un total de 25 heures de débat sur le budget; que 10 heures ? se passent en Commission des finances publiques. Donc, au cours des 10 prochaines heures, c'est-à-dire entrecoupées, bien sûr, de quelques suspensions au cours des prochaines journées et d'ajournements, nous allons poursuivre l'analyse, le débat sur le budget.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Paquet): Merci. Alors, avant de commencer nos échanges, je souhaite rappeler la façon dont seront réparties les 10 heures de débat conformément à la décision rendue l'an dernier pour ce même mandat. Nous débuterons par les remarques préliminaires en commençant par la ministre des Finances, suivie du porte-parole de l'opposition officielle et du porte-parole du deuxième groupe d'opposition comme critiques des finances, et chacun disposera d'une période de 20 minutes. Par la suite, nous passerons à l'étape du débat à proprement parler. Pour l'enveloppe de temps restante, soit approximativement neuf heures, le temps sera réparti en proportion du nombre de sièges détenus par chacun des groupes parlementaire, soit 39 % du côté ministériel, 33,3 % du côté de l'opposition officielle et 27,7 % du côté du deuxième groupe d'opposition, ce qui approximativement va représenter autour de 3 h 30 min pour le gouvernement, trois heures pour le groupe formant l'opposition officielle et 2 h 30 min pour le groupe formant la deuxième opposition. À mesure que nous progresserons dans le débat, j'ajusterai les droits de parole afin de respecter la proportion établie plus tôt. Demain, lorsque nous arriverons à l'étape du débat, je réexpliquerai certains éléments du fonctionnement de nos échanges.
Remarques préliminaires
Alors, nous entamons sans plus tarder l'étape des remarques préliminaires. Et, de consentement, en principe chaque groupe dispose de 20 minutes pour faire ses remarques préliminaires. Si les gens ne prennent pas exactement 20 minutes, bien on pourra terminer avant 18 heures, en gardant les proportions le plus près possible pour chacun des groupes. Et, si c'était nécessaire pour quelques minutes, s'il y a consentement, je demanderais, à ce moment-là, qu'on puisse poursuivre pour éviter d'avoir à interrompre les remarques préliminaires d'un des groupes.
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(17 h 10)
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Alors, sans plus tarder, maintenant je cède la parole à Mme la ministre des Finances. Vous disposez de 20 minutes.
Mme Monique Jérôme-Forget
Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, je pense que tout le monde s'est rendu compte de ça, que ce budget, c'est un budget dans un contexte de gouvernement minoritaire et, par conséquent, une volonté fondamentale d'essayer d'arriver à s'entendre avec les partis de l'opposition. Je sais, M. le Président, tout de go que personne n'a eu 100 % de ce qu'il souhaitait avec ce budget. Mais par ailleurs je pense avoir répondu principalement aux attentes des deux formations politiques. C'est un budget, je l'ai dit, de cohabitation, un budget bien sûr où la marge de manoeuvre était très serrée.
Le but fondamental de ce budget, c'était également de l'inscrire avec une vision, une vision économique, une vision axée sur la productivité du Québec, et ce budget a dû faire des choix. On a fait le choix justement de supporter nos entreprises. On a fait le choix de diminuer les impôts au niveau des entreprises. On a fait le choix de la famille, les aînés, les régions, et surtout, M. le Président, on a fait le choix de l'éducation. Et bien sûr, j'en ai parlé tantôt, il récompense l'investissement et encourage le développement durable. On verra, M. le Président, que je suis très fière de ce budget.
Mon premier budget, M. le Président, était inspiré par la rigueur et la transparence, je l'ai dit, celui-ci: prudence et discipline. Bien sûr, l'environnement économique avait complètement changé, par conséquent ça nécessitait une approche fort différente. Ce budget , M. le Président, s'est inscrit également, je dirais, dans un climat de bonne mère de famille. J'ai parlé d'une vision, tantôt, d'apporter une approche cohérente à toute la démarche gouvernementale, et je me suis donc inspirée de nombreuses rencontres, que ce soit avec les partis de l'opposition ou avec mes collègues, les divers ministres, pour essayer de donner une image cohérente de ce gouvernement dans le contexte économique actuel.
M. le Président, je veux le mentionner parce que j'ai été très blessée par les propos tenus du porte-parole de la deuxième opposition. Je croyais cette personne étant un adversaire ami. Je me suis trompée et, par conséquent, j'en suis navrée. Si je l'ai blessé, je m'en excuse. Par ailleurs, je voulais lui dire que toutes les remarques que j'ai pu faire à un moment donné, je l'ai fait avec une note amicale, d'humour, et par conséquent, M. le Président, en aucun temps ai-je voulu blesser quiconque dans mes propos à l'endroit du porte-parole de la deuxième opposition. De plus, M. le Président, il a invoqué dans son plaidoyer que je n'avais pas respecté la confidentialité des démarches qui ont été tenues entre nous lors de ce budget et des propos que j'ai tenus. Je veux lui rappeler, à deux reprises, que son gouvernement, sa chef avait mentionné devant la chambre des commerce l'élimination de la taxe sur le capital. Dans un deuxième temps, lorsque le parti de l'Action démocratique a sorti ses exigences, le soir même, nous avions à la télévision les exigences du Parti québécois, qui comprenaient notamment l'élimination de la taxe sur le capital. Je tiens à le mentionner, M. le Président, parce que pour moi c'est un point d'honneur, un point d'honneur de respecter les engagements que je prends à l'endroit des collègues, et en aucun temps ai-je dévié de cette démarche.
De plus, M. le Président, je voudrais revenir à mes... à mon propos au niveau du budget. Ce budget a été d'ailleurs bien reçu d'à peu près tout le monde, M. le Président, que ce soit de la Fédération des travailleurs du Québec, que ce soit de La Financière, la Banque Nationale, que ce soient les journalistes en général, je dirais même: la CSN a cru bon de souligner les vertus de ce budget. Et ça démontre donc qu'à bien des égards nous avons été à l'écoute de ce qu'ont représenté, de ce qu'ont dévoilé les partis d'opposition, ce qu'ont exigé les partis d'opposition, ou ce qu'on souhaité les partis d'opposition, et ce qu'ont souhaité mes collègues, moi, du caucus et de la partie gouvernementale.
D'ailleurs, M. le Président, très récemment le Mouvement Desjardins a souligné justement que la croissance économique du Québec était due essentiellement à deux mesures qui ont été prises par le gouvernement, notamment rappelez-vous les baisses d'impôt de 950 millions de dollars, de même que le programme d'infrastructures qui a été mis en place, d'où la croissance économique de 1,5 %. Je maintiens encore cette croissance économique en dépit du fait que j'ai malgré tout pris une réserve de 200 millions de dollars dans le budget au cas où il arriverait quelque chose.
Pour stimuler l'économie du Québec, rappelons-nous, nous avons réduit l'impôt des particuliers, nous avons réduit significativement l'impôt des entreprises. Rappelons-nous que, cette fois-ci, on a diminué l'impôt du secteur manufacturier, on a éliminé la taxe sur le capital du secteur manufacturier, si bien, M. le Président, que l'Institut C.D. Howe disait dans un article récemment que le Québec allait se positionner de façon favorable par rapport à l'Alberta, à peu près toutes les provinces canadiennes, y compris l'OCDE et les États-Unis d'Amérique, en 2011-2012, quand il aura éliminé la taxe sur le capital en totalité. Bien sûr, rappelons-nous, on a également donné des crédits d'impôt à l'investissement, et on a investi, rappelons-nous, 30 milliards de dollars pour réparer nos infrastructures, nos hôpitaux, nos écoles, nos routes, nos ponts. Et tout ça, ça fait qu'il y a de l'argent qui circule dans l'économie.
Ce budget, je dirais également, a un côté nouveau. Il est transparent, en ce sens qu'il donne un cadre financier sur une période de cinq ans. Rappelons-nous que nous avons eu une réforme comptable très importante avec le Vérificateur général, qui a fait dire à ce dernier justement que l'objectif de la transparence du gouvernement était atteint. Nous avons bâti, rappelons-nous, M. le Président, ça fait déjà deux ans que nous avons, je dirais, économisé des réserves, pour près de 2 milliards de dollars, plus spécifiquement 1,8 milliard de dollars. Et justement j'ai fait appel à cette réserve pour rencontrer les dépenses de 2008-2009 et 2009-2010. Rappelons-nous, M. le Président, qu'en 2008-2009 il y a quand même 700 millions de dollars qui vont au Fonds des générations et il y a, en 2008-2009, un 200 millions encore d'une réserve au cas où ça irait moins bien que prévu. Alors, vous ne pouvez pas trouver une mère de famille plus, je dirais, scrupuleuse pour bien gérer finalement l'environnement dans lequel nous sommes aujourd'hui. Je dirais que c'est une approche extrêmement prudente et, je dirais même, extrêmement responsable.
Par ailleurs, M. le Président, ce budget, je voulais qu'il ait une vision, qu'il ait de la cohérence, qu'il reflète justement les objectifs d'un gouvernement de même qu'un environnement particulier. Donc, il fallait récompenser l'investissement, ce que nous faisons avec ce budget, nous allons investir dans l'éducation et la formation. D'ailleurs, volet qui a été louangé par à peu près tout le monde, M. le Président. Nous avons appuyé les familles en créant de nouvelles places en garderie et en haussant justement les crédits d'impôt pour les parents qui n'ont pas de place en garderie à 7 $. Nous avons donc pensé aux enfants, aux aînés. Nous avons encouragé le développement durable et, bien sûr, relevé le défi des dépenses publiques.
Récompenser l'investissement, M. le Président, je pense que ça fait longtemps que je le dis, que la taxe sur le capital, c'est une taxe qui punit l'investissement. Je l'ai dit d'ailleurs... et c'est pour ça que j'ai annoncé, l'an dernier, l'élimination jusqu'en 2011 de la taxe sur le capital en totalité. Donc, je crois dans l'élimination de cette taxe. Par ailleurs, M. le Président, je vous dirais que... tous les gens qui s'occupent de taxation vous diront que la meilleure démarche, c'est une démarche rigoureuse mais une démarche qui va en s'accélérant progressivement, que ce soient... les gens de toutes les banques, je dirais, internationales vous diront que... C'est pour ça d'ailleurs, M. le Président, que, quand, tout a coup, on baisse ou on hausse le taux des grandes banques, la Banque du Canada ou la Banque européenne, on le fait généralement avec 0,5 %, 1 %, 0,25 %. Donc, on y va progressivement.
Et je pense que la démarche d'y aller, pour nous, sur une période de temps, je pense qu'elle reflète une approche prudente mais, malgré tout, une approche rigoureuse et orientée vers les résultats. Donc, nous avons éliminé la taxe sur le capital des entreprises du secteur manufacturier, d'accord? Donc, on a posé un geste additionnel par rapport à ce qui avait été annoncé l'an dernier. D'ailleurs, M. le Président, ce que je voulais dire également, nous prolongeons sur trois ans l'amortissement accéléré. Voilà une démarche importante que nous avons annoncée dans le budget. Rappelons-nous, on a un nouveau crédit d'impôt à l'investissement, de 5 %, pas pour n'importe quoi, M. le Président, à l'achat de matériel de fabrication et de transformation pour toutes les entreprises. Ce n'est pas pour n'importe quoi, là, vous ne pouvez pas aller investir pour simplement aller construire quelque chose, ça doit améliorer la productivité de l'entreprise, ça, c'est fondamental dans notre démarche.
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(17 h 20)
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Et cette prime à l'investissement, M. le Président, ce crédit d'impôt est de 20 %, 30 % ou 40 % dépendant de l'éloignement et dépendant de la situation particulière d'une région. D'ailleurs, aujourd'hui, cette prime à l'investissement, qui touche à peu près 600 entreprises, augmentera à 1 000 entreprises avec le projet que nous avons soumis. D'ailleurs, ces sommes d'argent passent de 116 millions à 160 quelques millions de dollars. C'est pour vous dire comment est-ce que nous croyons justement dans notre démarche justement de venir en aide aux entreprises pour investir et se moderniser. De plus, nous avons prévu une enveloppe de 50 millions de dollars pour venir en aide à des MRC particulièrement touchées et éprouvées, M. le Président.
Nous appuyons également les investissements dans les activités innovantes avec un nouveau crédit d'impôt de 30 % des salaires pour les entreprises des nouvelles technologies de l'information. Une aide disponible sur l'ensemble du territoire, contrairement à ce qui avait été fait jusqu'à maintenant où c'étaient des sites particuliers qui étaient privilégiés, que l'on pense à la Cité du multimédia ou la Cité du commerce électronique, où finalement cela favorisait principalement des déménagements d'entreprises, à mon avis... Or, aujourd'hui, nous allons cibler non pas n'importe quoi dans le secteur des technologies de l'information, mais, je dirais, des approches innovantes au niveau des technologies de l'information, qui profitera probablement à 1 500 entreprises.
Rappelons-nous qu'il y a un autre volet dans le budget qui est également très important, qu'on pense aux Communautés rurales branchées... vous savez, cet Internet qu'on veut rendre disponible pour permettre à toutes les entreprises de pouvoir fonctionner, dans toutes les régions du Québec, voilà une démarche extrêmement importante. D'ailleurs, je le mentionnais tantôt, lorsqu'on parle, les taux effectifs marginaux d'imposition, le Québec aura, en 2012, une charge fiscale sur chaque dollar investi inférieure à celle de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, de l'Ontario, de la moyenne des pays de l'OCDE et des États-Unis.
Ce pour quoi on le fait, ça, M. le Président, c'est essentiellement pour justement donner un coup de barre progressivement jusqu'en 2012. Ce n'est pas la fin du monde, on est en 2008-2009, là, mais donner un coup de barre pour justement rendre nos entreprises extrêmement compétitives. Pour développer la productivité du Québec, nous l'avons entendu à plusieurs reprises, il faut développer le savoir et les compétences des Québécois. Un des volets, M. le Président, qui va faire la différence dans une entreprise, c'est justement le savoir. Et je vais vous raconter peut-être ? je ne sais pas si j'ai beaucoup de temps, je pense que je n'ai pas beaucoup de temps; mais je vais vous raconter ? une anecdote sur la natation, M. le Président. Parce que, vous savez, quand les gens ont commencé à nager, ils ont nagé d'abord en petit chien, ensuite ils sont allés... M. le Président, c'est très intéressant, parce que, vous allez voir, il n'y a aucune machine impliquée, là-dedans, et ça, c'est un des grands économistes américains qui fait de la recherche sur la productivité, c'est le plus grand économiste aux États-Unis, qui a relaté justement qu'ensuite les gens sont allés sur le côté, et ensuite il y a eu bien sûr le papillon, et ensuite est arrivé le crawl. Et devinez qui a développé le crawl? C'était Tarzan, M. le Président.
Tout ça pour dire qu'il n'y a eu aucune machine, mais, simplement en utilisant le savoir, en utilisant la connaissance, on a amélioré la performance de la natation. C'est donc dire que parfois ce ne sont pas des machines, mais c'est des autres façons de faire.
Rappelons-nous que nous allons investir, au niveau des universités, 250 millions de dollars sur cinq ans, c'est donc très important, en plus de 150 millions de dollars sur cinq ans pour le développement de la formation professionnelle et technique. Pensons au Pacte pour l'emploi, M. le Président, c'est un budget de 1 milliard de dollars qui sera consacré justement pour venir en aide aux entreprises et favoriser ce lien entre l'entreprise et le milieu de travail. Ça, je pense que c'est bien important, et de nous assurer qu'à cet égard nous répondons aux besoins de main-d'oeuvre, que nous aurons de plus en plus. Parce que rappelons-nous, comme le disait ? je l'ai mentionné ? Alain Dubuc, ce n'est pas de travail que nous allons manquer, mais bien de travailleurs, très prochainement. Et d'ailleurs, partout sur nos entreprises, ce qu'on voit plus souvent qu'autrement, c'est: Nous embauchons, M. le Président, et on va le voir de plus en plus.
De plus, pour encore faciliter la croissance économique et faciliter la participation des travailleurs, nous avons pensé à la retraite progressive, justement pour faciliter les travailleurs à demeurer au travail le plus longtemps. Je l'ai toujours dit, je suis le meilleur exemple, M. le Président, moi qui continue à travailler en dépit de mon dépassement, où je dépasse déjà le 65 ans.
Donc, dans cette vision, nous avons pensé également à l'immigration. Encore là, c'est plus de 5 milliards de dollars investis chaque année également pour les familles et le mieux-être des Québécois. C'est une hausse de 42 % par rapport à 2003. Nous avons prévu 20 000 nouvelles places en services de garde sur cinq ans, ce qui montera le nombre à 220 000 places, tel que nous nous étions engagés. Mais, de façon importante, nous bonifions le crédit d'impôt pour frais de garde d'enfants.
Rappelons-nous, M. le Président, qu'un peu par bonheur nous avons fait une entente, un partenariat avec la famille Chagnon pour créer un fonds de 400 millions de dollars sur 10 ans pour venir en aide aux enfants de zéro à cinq ans vivant en milieu défavorable. On le sait, M. le Président, c'est la raison pour laquelle souvent d'envoyer des enfants dans des garderies, d'envoyer nos enfants pour les stimuler, c'est là une approche extrêmement importante pour justement permettre aux enfants de se développer.
Pensons au crédit d'impôt pour maintien à domicile qui a été haussé de 25 % à 30 %; c'est donc des sommes très importantes. Pensons également au 80 millions pour le développement des services de soins à domicile; ça aussi, c'est très important, ça a été des demandes qui ont été exprimées à plusieurs reprises par les deux oppositions et, bien sûr, par mes collègues de notre formation politique.
De plus, rappelons-nous, encore avec la famille Chagnon, nous avons pensé aux aînés, non seulement nous donnons... nous venons en aide pour donner des services de soins à domicile, mais un fonds de 200 millions de dollars sur 10 ans pour donner du répit aux gens qui viennent en aide... les aidants naturels, qui viennent en aide auprès de personnes qui sont malades et atteintes de quelque maladie que ce soit. Vous comprendrez, M. le Président, que je suis très sensible à ça parce que j'ai un père justement qui est décédé de la maladie d'Alzheimer. Alors, vous comprendrez, M. le Président, que j'ai traversé l'enfer avec cet homme-là, parce que mon père était méconnaissable à partir du moment où il est tout à coup... on a dû intervenir de façon plus draconienne.
M. le Président, pour que les retraités puissent bénéficier d'une plus large part de leurs revenus de retraite, nous avons augmenté le crédit d'impôt de 1 500 $ à 2 000 $ sur deux ans.
Il fallait également parler non seulement de développement durable, mais y croire, au développement durable, donc financer le soutien au développement des technologies propres, la protection et la mise en valeur de notre territoire, le Bureau québécois de la connaissance de l'eau. Mais je vous dirais encore plus, c'est que l'administration publique va devoir devenir un consommateur écoresponsable. Et qu'est-ce que ça veut dire, ça, M. le Président? Ça veut dire qu'il va falloir être très rigoureux justement dans nos approches pour être écoresponsables et répondre aux critères de l'environnement.
Bien sûr, ce budget devait relever le défi des finances publiques, l'équité intergénérationnelle ? on ne peut pas sous-estimer ce volet. Donc, venir combler la dette, M. le Président, ça demeure une préoccupation. C'est la raison pour laquelle bien sûr nous avons maintenu les dépenses à l'intérieur du 4,5 % en moyenne depuis que nous sommes là. Et ce serait... M. le Président, comparativement aux autres provinces, c'est beaucoup plus 6,8 %. Donc, nous avons prévu, cette année, 4,2 %. M. le Président, je vous dirais que c'est une gestion saine de notre endettement, c'est une gestion saine des finances publiques. Je pense sincèrement, M. le Président, d'avoir relevé le défi d'une bonne mère de famille dans cette démarche-là. J'ai fait appel au ralliement des deux oppositions, je suis heureuse de voir que l'opposition officielle a déjà déclaré de go qu'elle allait appuyer le budget. Sincèrement, M. le Président, je pense qu'il est difficile de voter contre ce budget, et je vous dirais qu'aujourd'hui les témoignages sont là. Je pense qu'à peu près tous les commentateurs ont souligné, je dirais, à cause de la faible marge de manoeuvre que nous avions, justement l'approche de cohérence qu'on a faite avec toutes les parties pour essayer de donner un budget aux Québécois qui soit raisonnable, responsable et prudent, M. le Président.
Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, je reconnaîtrai maintenant M. le député de Chauveau, porte-parole de l'opposition officielle en matière de finances. Juste pour vous expliquer que, s'il y a du temps qui n'est pas utilisé par l'un ou l'autre des blocs qui restent, le temps demeure à votre formation politique dans le reste du débat.
M. Taillon: Dans le futur.
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(17 h 30)
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Le Président (M. Paquet): Alors, M. le député de Chauveau.
M. Gilles Taillon
M. Taillon: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Je vais reprendre l'analogie de la ministre pour décrire son budget. C'est évident qu'avec ce budget-là on apprend à nager sous l'eau, il n'y a pas d'erreur. C'est un budget à l'armature... Pour être plus sérieux, c'est un budget à l'armature fragile. D'abord, nous évaluons que la croissance des dépenses est importante. Elle est bien supérieure à la croissance économique. Et ce qui nous inquiète particulièrement, c'est la part que prend la santé dans l'augmentation des dépenses. La ministre disait, l'an dernier, lors de son discours sur le budget, que la santé vampirisait, d'une certaine façon, les finances publiques. Elle avait mis en place une commission, la commission Castonguay. Nous avions de l'espoir que certaines des solutions mises de l'avant par la commission puissent donner un peu d'oxygène à ce secteur-là et aux finances publiques en général, mais rapidement le gouvernement a décidé de tabletter le rapport, d'en prendre qu'une toute petite partie liée à une amélioration de la productivité. Mais ça nous laisse sur notre appétit.
Les dépenses donc augmentent de façon importante en santé, mais on pense qu'il y a une sous-estimation de l'augmentation des dépenses dans ce budget eu égard à la santé. Une rapide analyse des véritables augmentations de dépenses en santé au cours des dernières années nous démontre que les dépenses en santé augmentent beaucoup plus rapidement que ce que les budgets nous annoncent, nous prévoient. Si on compare les dépenses probables des deux dernières années, on voit que les dépenses augmentent de 7,3 %, dépendamment de la méthode utilisée, ou de 6,8 %, donc bien au-delà de la prévision budgétaire. Donc, on peut s'attendre à ce qu'il y ait, en vertu de cette sous-estimation-là, une pression importante sur la croissance des dépenses publiques, compte tenu que la santé représente 45 %. Premier élément donc d'inquiétude pour nous, c'est qu'on a un budget où les dépenses ne sont véritablement pas sous contrôle.
Deuxième facteur important d'inquiétude, qui nous amène à penser que le budget a une armature fragile, c'est que les revenus croissent de façon anémique. On sait que la ministre, dans son budget, a prévu une augmentation de la croissance à 1,5 %. Depuis le dépôt du budget ? et là ce n'est pas une critique à la ministre, elle ne pouvait pas le savoir, là ? mais l'évolution à la baisse que fait le secteur privé au niveau de l'augmentation de la croissance ? on a vu Desjardins à 1,2 % ? risque de fragiliser ce chiffre, et on sait qu'en raison des baisses d'impôt bien sûr la croissance des recettes fiscales, des revenus budgétaires, est à 0,1 %. Donc, combinaison de croissance importante des dépenses, croissance anémique des revenus. Évidemment, quand on regarde la situation, on se rend compte qu'en dépit même de ces doutes quant à la qualité des données qu'on retrouve au budget, là, soit à cause des prévisions du secteur privé ou à cause de la sous-estimation des dépenses, on se ramasse quand même avec un déficit de 1 milliard de dollars. Donc, définitivement, pour nous, c'est un budget qui est extrêmement préoccupant, fragile.
Pour arriver à un équilibre budgétaire technique, on a constitué une réserve. On a constitué une réserve qui, pour nous, n'est pas dramatique. La constitution d'une réserve est quelque chose qui est acceptable, qui est un bon principe en économie. On pourrait... le président pourrait nous citer beaucoup de grands auteurs, hein, qui nous... qui recommandent, en période de prospérité, de croissance, de se mettre de l'argent de côté pour venir en aide à la situation en période de ralentissement. Mais ce qui nous a un petit peu dérangés dans la constitution de la réserve, c'est qu'on n'a pas fait cela, on n'a pas économisé sur la croissance, on a tout simplement créé une réserve à partir de vente d'actif. Et cette réserve-là était... ? majoritairement donc en vendant des actifs ? cette annonce-là a été faite l'an dernier. Nous, on n'était pas d'accord l'an dernier. On n'a pas eu de surprise cette année. Nos collègues péquistes, eux, ont déchiré leur chemise là-dessus, mais, pour nous, ils avaient déjà permis que ce budget-là, l'an passé, passe, donc ils avaient accepté le principe.
Je vous dis, c'est une réserve qui aurait pu être constituée différemment, en économisant. Une petite analyse de la croissance des revenus du gouvernement depuis 2003, depuis l'arrivée au pouvoir des libéraux, nous démontre que ce n'est pas les recettes fiscales qui n'ont pas augmenté, là. Je sortais quelques chiffres... Les revenus 2008-2009, par rapport à 2003, ont augmenté, en raison de la TVQ, par exemple, de 24 %. Hydro-Québec, en tenant compte bien sûr de la hausse des tarifs: 22 %. L'impôt des particuliers a augmenté de 16 % durant cette période-là; l'impôt des entreprises, si on tient compte du fonds des services de santé: 20 %; et les transferts fédéraux ont crû de 5 milliards durant la période. Donc, on avait les moyens de constituer une réserve ou de faire une gestion différente, mais ce n'est pas le cas; on a choisi plutôt d'utiliser l'ensemble des ressources et d'arriver avec une situation qui est quand même fragile, je pense qu'on l'a décrit, et la ministre le reconnaît en disant que dans les faits il y a un déficit de 1 milliard de dollars.
La ministre a fait référence dans sa présentation, tantôt, à l'exercice de planification pluriannuelle dans un contexte d'économie fragile, dans un contexte de gouvernement minoritaire, une planification pluriannuelle, sur plusieurs années, c'est peut-être un bel exercice, mais ce n'est pas nécessairement fiable. Mais, quand on regarde, si on prend strictement l'année prochaine, 2009-2010, il nous apparaît que les prévisions sont encore plus fantaisistes que ce qui apparaît, cette année, dans le budget de l'année, 2008-2009. Par exemple, on prévoit, l'an prochain, une hausse des revenus, on ramène la hausse des revenus à 3,5 %, avec une croissance économique puis un ralentissement qui ne permettra sans doute pas, même si ça se replaçait au dernier trimestre, d'arriver à une croissance aussi intéressante. 3,5 % l'an prochain, quand on sait que, cette année, c'est 0,1 %, elle nous apparaît extrêmement optimiste, pour ne pas dire jovialiste, et elle ramène la croissance des dépenses à 3 %, alors que, cette année, elle est à 4,2 % et que les mesures qui auraient permis de colmater certaines brèches en santé n'ont pas été prises.
Donc, ça annonce des compressions importantes, et, pour nous, 2009-2010 est encore plus inquiétant que le budget 2008-2009. La situation se corse, et, s'il fallait que le ralentissement économique soit plus grave, on aurait d'énormes problèmes. Bref, sous l'angle de l'équilibre budgétaire, sous l'angle d'un budget donc 2008-2009 qui est présenté dans un contexte de marge de manoeuvre fragile, c'est un budget qui est définitivement très, très... très sous la loupe, là, dans le fond, qui doit être observé avec beaucoup d'attention pour ne pas tomber dans une situation plus grave que ce qu'on décrit ici.
Dans le budget, aussi il y a une dette qui augmente. Moi, je veux me réjouir que la négociation ait permis à la ministre de nous annoncer qu'elle allait réduire la part de l'augmentation de la dette en agissant sur les dividendes d'Hydro-Québec. Je dois la féliciter. Je pense que c'est un geste courageux, il fallait le faire. La dette augmente encore; elle augmente moins. Je pense aussi qu'il faut signaler que ce budget est conforme aux prescriptions des PCGR, donc du plan comptable généralement reconnu; c'était une demande importante pour nous l'an passé. La ministre s'était engagée à corriger la situation, et c'est fait. Donc, dette en augmentation toujours préoccupante, une dette qui en apparence est beaucoup plus importante que l'an dernier puisqu'elle intègre maintenant dans les livres du gouvernement les dettes des réseaux, mais c'est quand même une situation qui est claire à partir de maintenant.
Dernier commentaire sur la partie, là, sur la description du budget, on a un règlement du déséquilibre fiscal qui, dans notre livre à nous, n'est pas achevé; la ministre d'ailleurs, l'an passé, dans son budget 2007-2008, précisait que le règlement du déséquilibre fiscal n'était pas achevé, qu'il y avait encore un manque à gagner, qu'elle établissait autour de 1,3 milliards en comptant les transferts pour l'enseignement supérieur et les programmes sociaux. Il y a des événements politiques qui ont fait en sorte que le premier ministre a annoncé que le déséquilibre était réglé, sans doute parce que c'était gênant d'aller négocier à Ottawa après qu'on ait eu détourné les produits du déséquilibre fiscal annoncés en campagne électorale, mais, pour nous, c'est une bataille qui n'est pas terminée, c'est une bataille qui doit être conduite, c'est une bataille qui doit être achevée, et il manque toujours, surtout pour l'enseignement supérieur et pour les programmes sociaux, 1,3 milliard de dollars.
Dans notre esprit donc, c'est un budget qui, malgré une croissance des revenus importante au cours des dernières années, nous amène dans une situation d'équilibre budgétaire très, très fragile, très instable, et qui risque de l'être encore plus l'an prochain.
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(17 h 40)
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Une fois ces constats-là faits, évidemment nous avons décidé, à l'opposition officielle, de laisser passer ce budget, de voter en faveur, motivés par deux raisons principales.
La première, d'abord, c'est que la conjoncture économique, on l'a dit, est assez précaire compte tenu du ralentissement américain, de l'effet que ça a chez nous, particulièrement au Québec compte tenu de l'importance de notre secteur manufacturier, et nous ne voulions pas, dans cette période d'instabilité économique, ajouter de l'instabilité politique et provoquer donc une élection dans un contexte où la situation économique est difficile; premier élément donc qui nous a amenés à réfléchir très sérieusement et à entamer un processus de négociation avec le gouvernement. Je dois dire, cette fois-ci, que le processus a été conduit de bonne foi. Et, quand il y a une négociation de bonne foi, je pense que c'est de part et d'autre qu'on manifeste cette bonne foi là. Ça a permis non pas de régler les grands problèmes de déséquilibre ou d'équilibre budgétaire, mais ça a permis sans doute de colmater certaines brèches dans des domaines qui nous apparaissaient fondamentaux.
Je vous dirais, nous avions fixé des cibles, nous avions des demandes très claires, nous les avions chiffrées, nous avons conduit un processus où nous avons réduit en cours de route, suite aux négociations puis aux discussions, ces demandes-là. Nous n'avons pas eu tout ce qu'on voulait, ça, c'est très évident, mais, dans un processus de négociation, on a pensé que ce qu'on avait obtenu du côté des places en garderie, l'ouverture que la ministre a faite à ouvrir, à faire en sorte de permettre que les gens ne soient pas captifs d'un système de garderies à 7 $, de garderies subventionnées, puis rien à côté de cela, un système qui a permis que les gens qui ne pouvaient pas en bénéficier par suite du manque de places puissent avoir davantage d'ouverture, de l'aide fiscale. Nous, on pense qu'il faut saluer cela, c'est un élément important qui nous a amenés à dire oui. 93 000 personnes, 93 000 familles qui vont recevoir un soulagement fiscal pour les amener à égalité de coûts avec les autres familles, ce n'est pas négligeable.
Les aidants naturels, deuxième demande importante pour nous, nous avons obtenu 20 millions sur deux ans, nous demandons 20 millions pour une année, mais c'est quand même une reconnaissance importante du travail que font les gens en famille, soit auprès de leurs enfants, soit auprès des plus âgés, ça nous apparaissait être une mesure extrêmement importante, et nous saluons cela, et ça nous amène donc à être favorables au budget 2008-2009.
Nous avons fait une bataille importante sur la notion des crédits d'impôt à l'investissement. Nous pensions que les mesures de subventions ou d'aide aux entreprises cannibalisaient certaines régions, que ce n'était pas équitable. Ce qui est proposé là, le crédit d'impôt à l'investissement, en plus d'aider à améliorer la productivité, est un crédit proposé pour l'ensemble des régions, en tenant compte bien sûr de l'éloignement, en tenant compte des difficultés de certaines régions ressources, mais en ne faisant pas en sorte qu'il y ait des régions qui soient défavorisées, qui soient, je dirais, au plan de la capacité de concurrencer, qui soient défavorisées, et ça, c'est un élément extrêmement important pour nous aussi qui va permettre à la productivité de s'améliorer dans l'ensemble des régions du Québec et qui laisse place à l'initiative pour tous et non pas pour certains seulement.
Bien sûr, les mesures pour l'intégration à l'emploi qu'on a vues apparaître, qu'on a vues se préciser dans les jours qui ont suivi le discours du budget, notamment le Pacte pour l'emploi qui est intervenu en reconnaissance des acquis, en amélioration de l'intégration à l'emploi pour les aptes au travail, certaines mesures qui ont permis aussi, qui vont sans doute permettre une meilleure intégration à l'emploi des immigrants, c'était une demande importante pour nous. Dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, il fallait travailler à faire en sorte que ceux qui sont capables, qui font partie de la population active et qui sont capables de travailler puissent accéder à l'emploi. Ils ont besoin d'aide, ils ont besoin d'être supportés. On a dans le budget des mesures, sans doute pas tout ce qu'on aurait souhaité, mais on a des mesures qui vont permettre de faciliter cela.
Donc, dans l'ensemble, malgré que ce n'est pas un budget qui est extraordinaire, c'est un budget qui répond quand même, dans un contexte de marge de manoeuvre assez fermée, c'est un budget qui répond quand même aux demandes principales que nous avions.
Des mesures budgétaires, un budget, c'est un exercice de planification qui enligne aussi le programme politique. Je pense qu'on ne peut pas dire qu'un budget c'est quelque chose qui ne touche que les finances et l'argent, c'est quelque chose qui annonce les principales orientations que privilégiera le gouvernement. Le premier ministre l'avait souligné d'ailleurs au terme de son congrès, qu'il fallait attendre de voir le budget pour connaître un peu le programme d'action gouvernemental. Nous, on se réjouit que le programme d'action reprenne des termes comme la productivité, l'intégration à l'emploi, se préoccupe davantage de la famille, autant au niveau des garderies qu'au niveau des aidants naturels, et puisse donner un petit coup de main pour les entreprises qui souhaitent investir ici, qui souhaitent dans le fond moderniser leurs équipements, et tout ça. Je vous dirais que ces thématiques-là sont très, très proches de ce que nous privilégions, de ce que nous avons privilégié à la dernière campagne électorale.
Je disais, dans mon discours en réaction au budget, que nous sommes très fiers de voir que les gens nous copient; c'est un signe de la qualité du programme de l'ADQ et de la force de l'équipe. Puis, depuis un an, on est en mesure, autant à la dernière session où les objectifs du discours inaugural étaient, à 95 %, des objectifs puisés dans le programme de l'ADQ... que le programme qui s'annonce pour la prochaine année et qui touche nos thématiques, elles sont très près de chez nous. Ça nous amène à réaliser que les libéraux sont bien meilleurs quand ils appliquent notre programme. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Paquet): Merci, M. le député de Chauveau. Alors, je reconnaîtrais maintenant le député de Rousseau, porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de finances et de développement économique, et, avec consentement, on pourrait peut-être dépasser un peu le 18 heures, si, M. le député de Rousseau, vous utilisez vos 20 minutes. Il y a consentement? Il y a consentement. Alors, M. le député de Rousseau.
M. François Legault
M. Legault: Oui. M. le Président, je vais essayer d'être court parce qu'effectivement je voudrais qu'on garde le maximum de temps pour avoir des échanges avec la ministre, on a beaucoup de questions à poser.
Peut-être une remarque sur ce que disait la ministre tantôt à propos de ce qu'elle a dit à la chambre de commerce et à certaines émissions. D'abord, je veux la rassurer, là, ce qui m'a choqué, ce n'est pas du tout les propos qu'elle a tenus à la chambre de commerce de Montréal à mon égard, puisque je pense que la personne à laquelle elle a nui le plus, c'est elle-même. Parce que les gens d'affaires étaient mal à l'aise d'entendre ces propos alors que j'étais absent. Mais ce qui m'a déçu par contre, et ce qui me déçoit, je dirais, en politique de façon générale, c'est de voir qu'on tient certains propos derrière des portes closes, qu'on se dit qu'il faut prendre des mesures courageuses pour relever les défis économiques qu'on a, puis, quand on arrive devant la population, bien on n'a plus ce courage-là. C'est ça qui me déçoit, et je pense que ça vient ajouter justement au cynisme de la population à l'égard des politiciens.
Je l'ai dit, M. le Président, et je le répète, je crois que le gouvernement libéral a pris de mauvaises décisions depuis cinq ans pour préparer nos entreprises, pour préparer notre économie. Je le répète, je pense que c'était une erreur de ne pas récupérer les deux points de TPS, ça représentait 2,2 milliards de dollars. On aurait pu investir en éducation, on aurait pu investir dans la fiscalité des entreprises. On a choisi de plaire aux électeurs à court terme et de ne pas préparer le Québec pour l'avenir. Et je pense que la priorité, quand on parle de développement économique, puis tous les économistes que j'ai rencontrés vont être très clairs, et d'ailleurs c'est clair aussi dans le rapport Fortin, on dit clairement qu'il ne faut pas mettre actuellement la priorité à inciter les Québécois à consommer davantage. C'est ce qu'on fait en diminuant la taxe de vente, c'est ça qui est l'approche un peu... l'approche américaine. Ce qu'il faut plutôt faire, c'est de mettre l'emphase sur l'amélioration de la productivité de nos entreprises. Comment on fait ça? Essentiellement en diminuant les impôts des entreprises, en diminuant aussi... oui, c'est-à-dire en améliorant les crédits d'impôt à la recherche, au développement puis en investissant en éducation.
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(17 h 50)
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Quand la ministre des Finances nous dit qu'elle nous a écoutés concernant la taxe sur le capital, bien j'ai l'impression un peu d'entendre une farce. Parce que, quand on regarde les chiffres, là ? moi, je suis un comptable, là ? si on regarde la taxe sur le capital qui va être payée cette année par les entreprises au Québec, en excluant les banques, les compagnies d'assurance, les pétrolières et Hydro-Québec, c'est 700 millions de dollars. C'est 700 millions de dollars d'oxygène qu'auraient besoin ces entreprises-là. Bien, dans les documents budgétaires, c'est très clair, pour l'année 2008-2009, tout ce que fait la ministre des Finances, c'est de couper 30 millions. Si vous faites un petit calcul, 30 millions de coupure de taxe sur le capital, sur 700 millions, c'est 4 %. Bien sûr, j'écoutais la ministre tantôt nous promettre des vallées verdoyantes pour 2012, en nous disant: En 2012, on sera compétitif. Il reste que, M. le Président, aujourd'hui, le Québec n'est pas compétitif, quand on compare avec les pays de l'OCDE, quand on compare avec des petites économies ouvertes.
Évidemment, on peut toujours se consoler en disant: Quand on se compare avec les États-Unis, ce n'est pas si mal, nos taux d'impôt, mais les États-Unis ont d'autres avantages pour attirer des entreprises. Nous, il faut se comparer avec les pays de l'OCDE, faire comme l'Irlande, faire comme les pays scandinaves, et ce n'est pas ça que le Québec a fait depuis cinq ans, et c'est pour ça qu'on se retrouve à un bas historique. Actuellement, cette année, si on n'avait pas les investissements publics qui sont financés avec une augmentation de la dette, on aurait à peu près zéro croissance qui vient de l'entreprise privée, zéro croissance. Et, quand on regarde les niveaux des investissements, c'est très inquiétant, et M. Fortin le dit dans son rapport qui a été commandé mais aussi tabletté par la ministre des Finances déjà, il le dit clairement: actuellement, nos investissements des entreprises sont 18 % plus bas qu'aux États-Unis, là, quand on fait la proportion, c'est-à-dire en pourcentage du PIB, donc 18 % plus bas. Évidemment, au Canada, on n'en parle pas, on est à un bas historique. Alors qu'on représente 23 % de la population, l'année dernière, les investissements des entreprises au Québec ont représenté seulement 16 % de tous les investissements au Canada. Depuis 50 ans, ça n'a jamais été aussi bas. Pourquoi? Parce que ce gouvernement-là n'a pas eu de courage. Il a préféré donner des bonbons électoraux aux électeurs plutôt que d'investir dans le moyen terme et le long terme.
Et c'est ça, quand je disais, tantôt, que ça me déçoit, ce qu'a fait la ministre des Finances, c'est qu'on le sait tous puis on en discute tous entre nous derrière des portes closes, on les connaît, les solutions, mais ça prend du courage politique, ça prend du courage politique pour passer au travers, pour être capable de choisir d'investir, par exemple, en éducation. On sait que l'éducation, ça rapporte juste à moyen terme et à long terme. Demain matin, ce n'est peut-être pas aussi payant qu'une baisse de TPS, mais, moi, je suis convaincu que, si, demain matin, on finançait mieux nos universités, qu'on finançait mieux la lutte au décrochage, qu'on finançait mieux la formation professionnelle et technique, à moyen terme on préparerait mieux nos entreprises et nos familles. Parce qu'on a beau, à un moment donné, plaider pour la famille, la première priorité de nos familles, c'est d'avoir un revenu décent, et actuellement la réalité, puis c'est confirmé dans les documents de la ministre, c'est qu'aujourd'hui, selon les derniers chiffres qu'on a, le revenu par habitant, avec une parité de pouvoir d'achat, est 30 % plus bas au Québec qu'aux États-Unis, 17 % plus bas qu'en Ontario. Mais ça, là, ça va nous rattraper, on ne peut pas se permettre d'avoir un revenu qui est 30 % plus bas que les Américains.
Nos jeunes sont de plus en plus bilingues, vont quitter le Québec, on va perdre nos meilleurs jeunes si on continue comme ça. Puis évidemment, avec un écart de 30 % avec les États-Unis, on ne pourra pas se permettre d'avoir les mêmes programmes sociaux, les mêmes services en santé, en éducation qu'aux États-Unis. Donc, je pense qu'on fait une erreur, je pense qu'actuellement ce gouvernement-là n'a pas eu de vision, a préféré donner des petits cadeaux à court terme aux électeurs plutôt... puis c'est plus difficile, je pense qu'on va tous en convenir, puis on s'en parle derrière des portes closes, que d'aller annoncer, demain matin, que je mets 700 millions pour enlever toute la taxe sur le capital de toutes les entreprises sauf les banques, les compagnies d'assurance, les pétrolières, Hydro-Québec, bien ce n'est pas très vendeur, on ne ramasse pas beaucoup de votes, là, puis il n'y a pas des gens qui vont se promener dans les autobus avec des pancartes pour exiger ça. Mais, quand on est responsable, c'est ça qu'il faudrait faire. Et c'est ça qui me déçoit. Ce n'est pas ses propos. Elle peut me traiter de tous les noms qu'elle voudra à la chambre de commerce quand elle est là, la ministre des Finances, mais qu'elle tienne des propos différents en privé qu'en public, ça, ça m'achale.
Donc, en conclusion, M. le Président, je dirais qu'aujourd'hui, au Québec, le courage et la volonté doivent remplacer la passivité puis l'inaction. Puis, de la même manière que les individus doivent faire des efforts pour surmonter des obstacles, on est tous confrontés, dans nos vies personnelles, à faire des choix pour notre avenir, pour celui de nos enfants. Une société aussi doit faire des choix, puis le Québec est confronté à beaucoup de défis aujourd'hui. Ça va être très dur au niveau du développement économique, non seulement avec la compétition de la Chine, de l'Inde, mais avec la nouvelle valeur du dollar canadien, ça va être très difficile, entre autres, pour nos entreprises qui exportent, et pas seulement nos entreprises manufacturières. Et je pense qu'il y a des obstacles, on est capables de les franchir, mais à condition d'avoir du courage, d'avoir de l'audace. Et ce que je sens actuellement, c'est que ce gouvernement libéral n'a pas de leadership, il n'a pas de vision, n'a pas de courage.
Et, M. le Président, je termine en vous disant que j'entendais, l'autre jour, le premier ministre dire: Ah! vous autres, on sait bien, c'est le guichet automatique, en se moquant un peu de l'approche où on dit: L'année dernière, vous auriez dû prendre la hausse de TVQ puis investir dans l'avenir. Bien, moi, je pense qu'actuellement ce que fait ce gouvernement-là, c'est qu'il se finance avec la carte de crédit de nos enfants. C'est ça que fait ce gouvernement-là, et, moi, actuellement je ne peux pas accepter d'avoir du respect pour un gouvernement qui fait de la politique sur le dos de nos enfants. Je pense qu'on tourne en rond depuis cinq ans, puis je vous dirais bien honnêtement, en terminant, que je soupçonne la ministre des Finances, dans son for intérieur, de très bien le savoir. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Paquet): M. le député de Rousseau, merci. Alors, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de la commission à demain, mercredi 2 avril, à 9 h 30, ici même, à la salle du Conseil législatif. Bonne soirée à tous et à toutes.
(Fin de la séance à 17 h 57)