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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 30 mars 2004 - Vol. 38 N° 37

Étude détaillée du projet de loi n° 20 - Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures cinquante-deux minutes)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare ouverte la séance de la Commission des finances publiques. Bon matin!

Avant que nous commencions les travaux, je demande bien sûr à tous ceux et celles qui sont présents dans cette salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires afin de ne pas perturber nos travaux.

Je vous rappelle notre mandat: la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Legault (Rousseau) est remplacé par M. Pinard (Saint-Maurice).

Étude détaillée

Articles en suspens

Loi sur le ministère du Revenu

Application et exécution des lois fiscales (suite)

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Je vous rappelle que nous en étions à l'étude des articles, et précisément à l'article 25. Plus précisément, nous étions maintenant à débattre d'un sous-amendement proposé par la députée de Mirabel. Je vous rappelle... Je vais faire lecture du sous-amendement en discussion: Que l'amendement soit modifié... On parle donc de l'amendement qui est présenté par le ministre à l'article 25. Alors: Que l'amendement soit modifié par le remplacement, à la troisième ligne du paragraphe 1°, des mots «autorisé par règlement» par les mots «autorisé par loi». Donc, c'est le sous-amendement en discussion.

Au moment de l'ajournement, jeudi dernier, M. le député de Saint-Maurice, vous aviez la parole sur ce sous-amendement. Il vous reste 1 min 30 s sur le temps de parole alloué pour ce sous-amendement. Alors, M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: M. le Président, est-ce que vous êtes sûr que c'était moi qui avais le temps de parole à la fin de nos débats?

Le Président (M. Paquet): Oui. On revenait à vous.

M. Pinard: Oui? On revenait à moi? Bon.

Le Président (M. Paquet): Mais évidemment vous n'êtes pas obligé, hein, c'est votre possibilité.

M. Pinard: Oui. Là, vous m'avez bien dit qu'il restait...

Le Président (M. Paquet): Il y avait des échanges, les gens du côté ministériel avaient parlé, et on revenait à votre côté à ce moment-ci.

M. Pinard: Vous m'avez bien dit qu'il me restait 1 min 55 s?

Le Président (M. Paquet): Non. Pour le sous-amendement, il vous reste 1 min 30 s.

M. Pinard: Bon. Alors, à ce stade...

Le Président (M. Paquet): Il en reste un peu moins maintenant.

M. Pinard: Oui, bien, tout simplement pour vous dire, M. le Président, que je ne prends pas mon droit de parole. Alors, je voudrais maintenir ma minute et 30, là, pour pouvoir revenir ultérieurement. Alors, je cède maintenant la parole...

Le Président (M. Paquet): D'accord. Est-ce que quelqu'un veut la parole sur le sous-amendement?

M. Lelièvre: M. le Président.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Oui. Concernant cet amendement qui a été déposé par la députée de Mirabel, le temps est court pour convaincre le ministre, mais je pense que c'est important, que, lorsqu'on parle d'une loi au lieu d'un règlement, c'est que le règlement, il peut être modifié continuellement, sans passer par un processus parlementaire, c'est-à-dire que c'est le Conseil des ministres qui décide des modifications.

Alors, vous vous souvenez qu'il y a déjà eu une commission parlementaire sur le rôle des députés à l'Assemblée nationale, certains députés du gouvernement qui étaient à l'opposition à l'époque s'en souviennent très bien, la plupart avaient applaudi les modifications que l'on suggérait. C'est clair qu'une loi se modifie par un processus plus élaboré permettant à chacun et chacune des parlementaires d'intervenir, alors que le processus réglementaire fait en sorte que, bon, il y a une publication et c'est la discrétion absolue de l'Exécutif d'adopter ce règlement.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le député de Gaspé. Donc, votre temps est écoulé. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur le sous-amendement?

M. Bergman: Est-ce qu'on peut voter, s'il vous plaît, M. le Président?

Le Président (M. Paquet): Alors, s'il n'y a plus de... Sur le sous-amendement, s'il n'y a plus d'intervention, je mets donc le sous-amendement aux voix. Est-ce que le sous-amendement proposé par la députée de Mirabel est adopté?

M. Pinard: Vote nominal, M. le Président.

Une voix: Je demande le vote.

Le Président (M. Paquet): Vote nominal?

M. Pinard: Oui.

Le Président (M. Paquet): Mme la secrétaire.

La Secrétaire: Mme Beaudoin (Mirabel)?

Mme Beaudoin: Pour.

La Secrétaire: M. Lelièvre (Gaspé)?

M. Lelièvre: Pour.

La Secrétaire: M. Pinard (Saint-Maurice)?

M. Pinard: Pour, madame.

La Secrétaire: M. Bergman (D'Arcy-McGee)?

M. Bergman: Contre.

La Secrétaire: M. Bernier (Montmorency)?

M. Bernier: Contre.

La Secrétaire: M. Rioux (Iberville)?

M. Rioux: Contre.

La Secrétaire: M. Cholette (Hull)?

M. Cholette: Contre.

La Secrétaire: M. Paquin (Saint-Jean)?

M. Paquin: Contre.

La Secrétaire: M. Paquet (Laval-des-Rapides)?

Le Président (M. Paquet): Contre.

La Secrétaire: 3 pour, 6 contre.

Le Président (M. Paquet): Donc, le sous-amendement est rejeté à 6 contre 3.

M. Bergman: M. le Président?

Le Président (M. Paquet): M. le ministre.

M. Bergman: Est-ce qu'on peut voter sur l'amendement, s'il vous plaît?

Le Président (M. Paquet): Le temps de parole sur l'amendement n'était pas encore, je crois... La disposition du règlement fait en sorte que, si les gens n'ont pas terminé de discuter sur l'amendement, on doit continuer la discussion, à ce moment-ci, M. le ministre.

M. Bergman: Est-ce qu'on peut procéder à la discussion de l'amendement, s'il vous plaît, M. le Président?

Le Président (M. Paquet): Oui, on peut procéder à la discussion de l'amendement. Est-ce qu'il y a des interventions sur l'amendement? M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: M. le Président, nous avons encore un certain nombre de temps de parole sur cet article.

Le Président (M. Paquet): Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais déposer un sous-amendement qui se lirait comme suit:

Que l'amendement soit modifié par l'ajout, à la troisième ligne du paragraphe 4°, après le mot «notaire», les mots «et les comptables agréés du Québec».

Le Président (M. Paquet): Est-ce que vous avez des copies de votre sous-amendement proposé, s'il vous plaît?

(Consultation)

Le Président (M. Paquet): Mme la députée, je crois que vous faites référence au cinquième paragraphe et non pas au quatrième, à la lecture de l'amendement proposé par le ministre.

M. Pinard: Par le remplacement du quatrième alinéa...

Le Président (M. Paquet): C'est dans le cinquième.

M. Pinard: C'est le cinquième.

Mme Beaudoin: Cinquième.

Le Président (M. Paquet): Paragraphe 5°, à la toute fin du paragraphe 5°, là.

M. Lelièvre: Oui, vous avez raison, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Je vous remercie de reconnaître que j'ai raison. Merci, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: On peut vous en soumettre un autre puis présenter lui éventuellement un petit peu plus tard.

Le Président (M. Paquet): D'accord, je vais...

Mme Beaudoin: Je vais relire l'amendement. Ça va?

Le Président (M. Paquet): Oui, Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin: Que l'amendement soit modifié par l'ajout, à la troisième ligne du paragraphe 5°...

(Consultation)

Le Président (M. Paquet): C'est la quatrième ligne. Quatrième ligne.

n (10 heures) n

Mme Beaudoin: On va juste...

M. Lelièvre: Changer, parce que, là, il y a différentes versions que j'ai eues, M. le Président. Il y a différentes versions que j'ai reçues. On va faire les corrections nécessaires.

Le Président (M. Paquet): Mais je crois, Mme la députée, je pense qu'en mettant dans le sous-amendement «après le mot "notaire"», comme il y a un seul endroit où le mot «notaire» apparaît, je crois que ce n'est pas essentiel dans ce cas-ci de préciser quel numéro de ligne du sous-amendement. Alors donc, en spécifiant à quel paragraphe ça apparaît, comme il n'y a pas d'ambiguïté, je crois que...

M. Lelièvre: Paragraphe 5°.

Mme Beaudoin: Paragraphe 5°. Alors, c'est réglé.

Le Président (M. Paquet): Paragraphe 5°, après le mot «notaire», ça va être suffisamment clair.

M. Lelièvre: On va récupérer le premier, M. le Président. Vous l'aviez corrigé également, celui-là.

Le Président (M. Paquet): Oui, effectivement.

M. Lelièvre: Bien, écoutez, c'est dans le même ordre de pensées concernant les comptables. On va y aller avec les administrateurs agréés.

Le Président (M. Paquet): ...se lirait: Que l'amendement soit modifié par l'ajout, au paragraphe 5°, après le mot «notaire», des mots «et les administrateurs agréés du Québec». Les administrateurs ou les comptables? Excusez. Les comptables ou les administrateurs? Vous avez deux versions qui ont circulé.

M. Lelièvre: Oui, bien, on avait soumis le premier, on pensait que vous alliez le rejeter, donc on a soumis le deuxième pour les...

Le Président (M. Paquet): Les comptables agréés?

M. Lelièvre: Les évaluateurs. Là, celui-là, vous l'avez entre les mains, là.

Le Président (M. Paquet): Non, là, excusez, vous avez trois versions présentement, je ne sais plus lesquelles sont lesquelles, excusez. Si vous permettez...

M. Lelièvre: Alors, on peut revenir aux comptables agréés, M. le Président, si vous êtes d'accord.

M. Cholette: Il y a deux autres ordres professionnels de comptables. Je ne comprends pas votre...

M. Lelièvre: Il y a 43 ordres non protégés.

M. Cholette: Ah, c'est pour ça qu'on va y aller un après l'autre? Ah, O.K., je comprends.

Le Président (M. Paquet): Est-ce que je peux vous suggérer, si vous voulez protéger l'ensemble, peut-être qu'on pourrait faire la discussion sur l'ensemble. Je vous fais une suggestion pour faciliter nos travaux.

M. Lelièvre: Non, M. le Président, je pense que...

Le Président (M. Paquet): Vous préférez y aller un après l'autre et recommencer?

M. Lelièvre: Oui, c'est ça, oui. Je pense que chacun a ses spécificités et ses demandes.

Le Président (M. Paquet): D'accord, je vous offrais, pour faciliter les travaux et la compréhension de nos auditeurs, que vous puissiez les faire en un bloc plutôt que d'y aller un après l'autre et recommencer à chaque fois. Mais c'est votre liberté la plus... c'est votre... Vous avez le droit de le faire comme vous l'entendez là-dessus. Alors donc je relis le sous-amendement que vous présentez. Qui le présente? À quel nom? Quel député le présente formellement?

Mme Beaudoin: Mirabel.

M. Lelièvre: Mirabel

Le Président (M. Paquet): La députée de Mirabel donc présente un sous-amendement qui se lirait ainsi: Que l'amendement soit modifié par l'ajout, au paragraphe 5°, après le mot «notaire», des mots «et les comptables agréés du Québec». D'accord? Alors donc la discussion maintenant est ouverte sur le sous-amendement proposé par la députée de Mirabel. Alors, peut-être, Mme la députée, si vous voulez expliquer votre proposition de sous-amendement. Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin: Je pense que ça parle par soi-même.

Le Président (M. Paquet): O.K. Alors, M. le ministre, est-ce que vous avez des commentaires?

M. Bergman: Oui. Merci, M. le Président. Et j'apprécie le fait que l'opposition officielle examine le projet de loi qui est en question. Dans la question de secteurs professionnels, M. le Président, les principes de justice fondamentale proviennent de la «common law», qui dit que le droit pour une personne de présenter une défense pleine et entière est essentiel. Et dans ce cas c'est un principe qui est tellement important et qu'on doit faire certain qu'on respecte ce principe pour qu'une personne ait le droit et la chance de présenter une défense pleine et entière. C'est le droit d'un inculpé à un procès équitable.

Et, M. le Président, ces principes sont repris et protégés par la Charte canadienne. La Charte canadienne des droits et libertés fait partie de la Loi constitutionnelle de 1982 et protège notamment le droit à une défense pleine et entière à un accusé. C'est un principe de droit qui est vraiment essentiel, et cela implique le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne ainsi que le droit de l'innocent de ne pas être déclaré coupable. C'est le droit d'un inculpé à un procès équitable.

Si on regarde aux législations particulières, le Code criminel, la législation particulière comme le Code criminel a traduit cela par l'introduction du secteur professionnel uniquement, M. le Président, pour l'avocat et aussi pour le notaire, le notaire faisant partie de ce groupe du droit dans la législation québécoise. Il n'y a pas d'autres types de professionnels qui sont reconnus par les législations particulières suivantes: par le Code criminel, par la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'impôt sur le revenu.

Au Québec, M. le Président, la Charte des droits et libertés de la personne accorde le secret professionnel à tout professionnel ? article 9 ? mais aussi elle permet d'exclure des professionnels par une loi, et, comme vous le savez, la Loi sur le ministère du Revenu, à l'article 46, exclut tout professionnel du secret professionnel sauf les avocats et les notaires, pour les lois fiscales.

Et, dans cette matière ? et c'est très important qu'on soulève cette cause de jurisprudence ? en matière de fiscalité, la même protection du secret professionnel limitée aux avocats, aux notaires a été appliquée dans l'affaire Tower. C'était la cause, pour ceux qui suivent nos débats, la cause de Tower contre Canada, 2003, CAF 307, paragraphe 38. Dans cette affaire, M. le Président, la Cour d'appel fédérale expressément exclut le bénéfice de cette protection aux comptables en ces termes. Et je cite ça spécifiquement, M. le Président, pour ma collègue la députée de Mirabel, pour le député de Saint-Maurice et spécifiquement pour le porte-parole de l'opposition en matière de revenu, le député de Gaspé. Et j'aimerais que le député de Gaspé prenne connaissance du jugement Tower spécifiquement. Alors, on peut lui citer ce paragraphe qui est très, très essentiel et qui est une base de notre réflexion sur l'amendement qui était soulevé par la députée de Mirabel.

Je cite la jurisprudence, la cause en question, et je la cite comme suit: «Le privilège du secret professionnel de l'avocat, qui est fondamental à la bonne administration de la justice ? et, entre «parenthesis», je sais que le député de Gaspé est un avocat lui-même ? est nécessaire pour que le client puisse, à la faveur d'avis confidentiels, ester en justice pour défendre ses droits contre des réclamations indues.» Et ça nous fait une référence aux causes de la Reine contre McClure, 2001, R.C.S. 445, pages 457 à 459. Et ça continue en nous disant: «Les avocats sont tenus par la loi et par leur code de déontologie de préserver et de protéger l'intérêt public dans l'administration de la justice.» Et cette partie de ce paragraphe est très importante: «Les comptables, par contre, ne sont pas assujettis à ces obligations et ils ne donnent pas des avis juridiques, sinon ils contreviendraient aux lois provinciales et territoriales régissant les professions légales. D'après mon analyse, aucune considération de politique générale prépondérante ne permet d'assimiler au privilège de l'avocat les conseils obtenus de comptables.» Fin de citation.

Alors, comme vous le voyez, M. le Président, on ne prend pas ces questions à la légère, il y a une opinion qui est exprimée par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Tower sur ce même sujet. Et je demanderais à ma collègue la députée de Mirabel pour me donner ses commentaires sur cette jurisprudence. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le ministre. M. le député de Gaspé et porte-parole de l'opposition officielle en matière de revenu.

M. Lelièvre: Oh! M. le député de Saint-Maurice avait demandé la parole avant moi, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Excusez-moi. M. le député de Saint-Maurice.

n (10 h 10) n

M. Pinard: Merci, M. le Président. Ce matin, en ce mardi matin ensoleillé, nous reprenons nos travaux sur un projet de loi qui, pour l'ensemble de la population, apparaît de plus en plus important. Je dis important et pour l'ensemble de la population parce que nous travaillons actuellement sur un projet de loi qui va faire en sorte que nous allons quelque peu modifier la vie privée des citoyens et des citoyennes du Québec. C'est, M. le Président, la raison majeure, c'est la raison majeure qui fait en sorte aujourd'hui que l'opposition officielle est très réticente à avancer dans l'étude des quelques articles... Je crois qu'il en reste cinq ou six, maximum.

Mais un article notamment est litigieux pour nous, et c'est l'article 25. Pourquoi est-il litigieux? Parce que cet article regarde directement la vie privée. Et Dieu sait, M. le Président, comme, depuis une vingtaine d'années, une trentaine d'années, il y a eu au Québec une évolution importante qui fait en sorte que le législateur a consacré, a consacré dans des chartes, a consacré dans le Code, a consacré des principes excessivement importants pour la protection de la vie privée de nos citoyens et de nos citoyennes.

La semaine dernière, nous avons demandé ? et je le répète au bénéfice de nos citoyens et citoyennes qui nous écoutent par le biais de la télévision ou encore par la lecture de certains articles de journaux ? nous avons demandé au ministre du Revenu, M. le Président, nous avons demandé un petit délai, un petit délai qui devait se terminer mardi, soit aujourd'hui, mais en soirée pour faire en sorte que demain nous puissions véritablement, après avoir pris le temps consciencieusement de vérifier auprès de notre équipe juridique, après avoir pris le temps de vérifier auprès des différents groupes qui ont déposé devant les membres de la commission, avoir pris le temps de discuter sérieusement de ce projet de loi devant nos collègues de notre formation politique que nous rencontrons ce soir notamment à ce sujet... Alors, nous avions demandé ce laps de temps pour faire en sorte de revenir devant la commission, devant vous, M. le Président, devant mes collègues du gouvernement ainsi que devant M. le ministre du Revenu avec une attitude positive, avec une attitude constructive, avec une attitude qui ferait en sorte que notre projet de loi, que ce projet de loi s'analyse, s'étudie et se confirme, en sachant, bien entendu, et en acceptant à l'avance qu'il y aura certains droits à la vie privée qui devront être modifiés, qu'il y aura des droits qui perdront de leur importance.

Ma collègue, M. le Président, vient de déposer un amendement. L'amendement est à l'effet que le secret professionnel se doit d'être protégé auprès de l'avocat, du notaire, et ma collègue ajoute «comptables agréés». On peut analyser aujourd'hui, et je pense que nous sommes dans une situation idéale pour le faire, puisque qui dit comptable agréé dit habituellement celui qui prépare les bilans d'une entreprise, celui qui prépare les pro forma, celui qui va, par exemple, aviser le président de l'entreprise, ou les membres du conseil d'administration, ou le commerçant, ou le citoyen de tel geste ou tel geste à poser pour faire en sorte de profiter davantage de la Loi sur le ministère du Revenu...

La discussion qui se passe dans un bureau de comptable agréé est à mon sens aussi professionnelle, aussi intime que la discussion... c'est aussi intense qu'une discussion qui va se passer dans le cabinet d'un avocat fiscaliste, ou d'un notaire, ou encore d'un notaire fiscaliste. Le comptable agréé est selon moi la personne tout indiquée pour donner les meilleurs conseils possibles à son industriel, à l'entreprise qui le représente, au professionnel qui le consulte, également au citoyen ordinaire qui veut bénéficier de conseils judicieux afin de bien se positionner face à la Loi du ministère du Revenu.

M. le Président, combien de fois dans ma carrière de notaire, dans mon ancienne vie, avant d'être ici, parmi vous, combien de fois ai-je eu l'opportunité de discuter soit par téléphone ou même de me déplacer de mon cabinet de notaire pour me rendre dans le cabinet du comptable agréé pour discuter de points très, très pointus avec le comptable agréé pour me permettre de procéder à des transactions et surtout pour me permettre de régler des transactions et faire en sorte que mon client ne se fasse pas retrousser par le ministère du Revenu. C'est grâce M. le Président... Parce que, voyez-vous, rappelez-vous les nombreux cours d'impôt, les nombreuses heures d'impôt que nous avions à la faculté. Bien, Dieu sait comme, à chaque fois qu'on termine un cours d'impôt, il y a toujours des amendements qui se déposent. Et, s'il y a une loi qui est modifiée régulièrement, c'est bel et bien la loi de l'impôt. Et un généraliste, un notaire généraliste ou un avocat généraliste, contrairement à un comptable agréé ou encore contrairement à un avocat ou un notaire fiscaliste, ne se tient pas ou ne peut pas se tenir continuellement à la fine pointe de l'état du droit, de l'état de la Loi du ministère du Revenu.

Donc, il devenait, à mon sens, il devenait tout à fait normal, tout à fait opportun, il était, je pense, tout à fait professionnel et il était de mon devoir de conseil de répondre à un client que j'allais faire des vérifications, que j'allais faire des démarches auprès d'un comptable agréé pour connaître l'état d'avancement de la loi, pour connaître les hypothèses qui pouvaient se donner à moi afin de réaliser la transaction ou de réaliser les transactions qui permettraient à mes clients de bénéficier du meilleur avantage fiscal possible.

n (10 h 20) n

Et j'irai beaucoup plus loin que ça, M. le Président, je pense que le professionnel, qu'il soit avocat, qu'il soit notaire, mais qui n'est point fiscaliste, le professionnel se doit, selon moi, lorsqu'il n'a pas une compétence totale dans une sphère de juridiction, que ce soit en matière d'impôt, ou que ce soit en matière, par exemple, de protection agricole, ou que ce soit dans d'autres secteurs de notre pratique, je crois sincèrement que, si le notaire ou l'avocat ne consulte pas une autorité qui peut lui donner réponse et qui, de par le diplôme obtenu, engage sa propre responsabilité, bien, à ce moment-là, le professionnel ne joue pas réellement le rôle qu'il se doit de jouer.

Mais, M. le Président, ce n'est probablement pas le cas dans la grande ville de Laval, ou sur l'île de Montréal, ou sur la couronne sud, mais, vous savez, dans les autres régions du Québec, un fiscaliste ne pourrait pas gagner sa vie s'il était installé à Saint-Tite-des-Caps, je ne pense pas, parce que ça lui prend un bassin de population suffisant, assez nombreux pour faire vivre ce professionnel qui est tout à fait pointu dans une sphère tout à fait pointue et avant-gardiste. Donc, à ce moment-là, on se doit de travailler en collégialité dans certains dossiers. Je ne dis pas que c'est une pratique générale, mais je peux vous dire que c'est sûrement... 10 % de notre pratique exige que le professionnel aille chercher des conseils beaucoup plus pointus pour faire en sorte de ne point pénaliser sa clientèle, faire en sorte de donner le meilleur service possible tout en respectant en tous points les lois, notamment la loi fiscale et la Loi sur le ministère du Revenu.

Donc, que se passerait-il, par exemple, dans l'hypothèse où j'ai une transaction, comme notaire, à effectuer auprès d'un individu ou encore auprès d'une entreprise et on me confie des choses à mon étude, dans mon bureau, on me confie, sous le sceau du secret professionnel, on me confie peut-être certaines irrégularités qui ont été commises dans le passé et que je continue mon dossier parce que j'ai un mandat de procéder à une transaction et que, là, je me rends rencontrer le comptable agréé et je dessine le portrait exact de cette entreprise au comptable agréé?

L'arrêt Tower ne veut pas assimiler le comptable agréé à un secret... comme quoi... L'arrêt Tower ni plus ni moins dit que le secret professionnel, là, un comptable agréé, ça, ça ne le regarde pas ou il n'a pas de secret professionnel. Est-ce que, à ce moment-là, par accessoire, est-ce que mon secret professionnel serait dirigé vers le comptable? Si, moi, je m'associe à un comptable agréé dans une transaction et, moi, honnêtement, protégé par le secret professionnel, je n'ai pas de problème, je peux procéder, mais le comptable agréé, lui, qui va me donner tous les ingrédients nécessaires à la confection de mon contrat, qui va me donner toutes les alternatives que j'ai devant moi pour permettre que ma transaction soit tout à fait légale et soit blindée au niveau de la Loi sur le ministère du Revenu, est-ce que ce dernier ne pourrait pas être appelé, par le biais de l'amendement que dépose le ministre, est-ce que ce dernier ne pourrait pas être appelé et justement être tenu de déposer devant la cour ou encore devant les fonctionnaires, la police de l'impôt... Est-ce qu'eux autres ne seraient pas tenus, à ce moment-là... Le comptable ne sera pas tenu, lui... il va être obligé de déposer. Et donc, à partir de ce moment-là, c'est la parole d'un professionnel versus la parole de l'autre professionnel qui, lui, est protégé par le biais de son secret professionnel.

Je dois vous avouer, à ce moment-là, que je pense qu'on vient d'entrer dans un problème majeur. On vient, à ce moment-là, de pénaliser ? et je le dis, là, comme je le pense ? on vient de pénaliser tous les avocats et tous les notaires généraux du Québec. Parce que, si je suis un notaire fiscaliste, c'est-à-dire si j'ai fait mon notariat, 125 crédits, puis ensuite de ça je me suis adressé à l'université pour une maîtrise en fiscalité, à ce moment-là, je suis un notaire fiscaliste. Moi, je n'ai pas besoin de consulter un c.a., là, un comptable agréé, je suis moi-même un fiscaliste.

Mais, dans l'hypothèse où un notaire de région comme moi, pratiquant à Shawinigan, ou un autre protégeant Saint-Georges de Beauce, ou un autre pratiquant à Chicoutimi, à ce moment-là, le notaire en question, lui, celui qui est fiscaliste aurait toute la protection voulue par la loi, alors que celui qui n'est point fiscaliste mais qui traite le dossier avec autant de minutie, avec autant de professionnalisme, avec autant de doigté parce que ce qu'il n'a pas comme connaissances pointues, bien, il va le chercher grâce à un collègue qui pratique soit dans la même ville ou soit dans la même région, mais un collègue qui pratique, par exemple, en comptabilité, un c.a., un comptable agréé, un type qui maîtrise la Loi du ministère du Revenu supposément sur ses doigts... Et ce fiscaliste va permettre au notaire de procéder à l'écriture, procéder à la rédaction d'un acte qui va faire en sorte d'être en tous points légal face à la Loi du ministère du Revenu mais aussi de bénéficier de tous les avantages que la loi peut lui permettre.

Donc, vous comprenez un petit peu ce vers quoi je me dirige. C'est que je pense qu'en l'occurrence, qu'on mentionne ce matin, dans l'amendement du ministère du Revenu, on maintient le secret professionnel de l'avocat et du notaire. Bon, moi, je dis bravo, je suis notaire, je dis bravo. Je dis bravo parce qu'un jour nous retournons toujours à nos origines. Nous retournerons à nos origines un jour, je pense, je pense. Mais, à ce moment-là, lorsque je vais avoir à traiter un dossier du ministère, des dossiers fiscaux, lorsque je vais avoir à traiter ça... Parce qu'on sait, Dieu sait, hein, comme souvent, dans nos pratiques, on a certains calculs à faire, à vérifier. Et quelle est l'orientation qu'on prend? L'orientation a, b ou c. Alors, à a, tu paies tu paies tant d'impôts; à b, tu paies tant d'impôts; et, à c, tu n'en paies pas d'impôts. Bon. Alors, écoutez, je pense qu'au Québec il n'y a pas un notaire qui rédige des actes, il n'y a pas d'avocat qui va vous dire... Pas déjà une minute, monsieur...

Le Président (M. Paquet): Moins d'une minute maintenant, M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Bon, alors je vais cesser immédiatement parce que peut-être que j'aurai besoin de revenir. Mais je mets en garde le ministre. Et d'ajouter le comptable agréé serait à mon sens une chose opportune en les circonstances. Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. le député de Saint-Maurice. M. le ministre du Revenu.

n (10 h 30) n

M. Bergman: M. le Président, juste deux commentaires. Et je plaide avec mes collègues de l'opposition, le député de Gaspé, la députée de Mirabel, le député de Saint-Maurice. Juste pour prendre connaissance de la cause de Léo-René Maranda contre le caporal Normand Leblanc avec une procuration du Procureur général du Québec à l'Association du Barreau canadien, le Barreau du Québec, la Fédération des ordres professionnels des juristes du Canada. Ça, c'est la Cour suprême du Canada. La référence, si vous voulez, M. le député de Gaspé, c'est Maranda contre Richer, 2003, Cour suprême. Et ça va répondre. Et l'intervention du député de Saint-Maurice, on peut le comprendre, mais, si vous êtes assez bon pour suivre la pensée du juge Deschamps dans cette cause où on parle du secret professionnel de l'avocat ou notaire, c'est pour lui permettre de présenter une défense pleine et entière.

Et le juge fait référence exactement sur les questions que vous avez soulevées ici, ce matin, et, M. le député de Gaspé, dans les représentations que vous faites. Et je cite, je cite le juge. Le juge dit, et je le cite: «Ce ne sont pas toutes les communications avec un avocat ? on peut dire un notaire, par extension ? qui bénéficient de la protection du privilège.» C'est intéressant: «Ce ne sont pas toutes les communications avec un avocat ? notaire aussi ? qui bénéficient de la protection du privilège.» En d'autres mots, ce n'est pas la qualité de l'interlocuteur qui donne naissance au privilège, «c'est le contexte de la communication qui justifie d'en reconnaître le caractère privilégié».

Et le juge continue: «...le simple fait qu'un client considère qu'une information est confidentielle ne suffira pas pour la protéger au moyen du privilège. Je mentionne ces exemples pour rappeler que les trois conditions préalables à l'existence du privilège établies par le juge Dickson, plus tard juge en chef ? de cette cour, la Cour suprême ? dans Solosky c. La Reine, 1980», où il fait les trois conditions. Alors, c'est important qu'on suive ça pour cette commission parlementaire. Il y a seulement trois conditions où on peut protéger le secret professionnel, dans ces cas, pour permettre à l'avocat ou au notaire de faire une défense pleine et entière du citoyen, le droit d'un inculpé à un procès équitable. Les trois conditions, et je cite le juge Dickson: Premièrement, «une communication entre un avocat et son client; [...] qui comporte une consultation ou un avis juridiques» et, troisièmement, et «que les parties considèrent de nature confidentielle». Fin de citation. Alors, vous voyez, M. le Président, chers collègues, qu'on ne peut pas prendre au léger cette question du secret professionnel et la question d'une défense pleine et entière.

Et, deuxièmement, et je sais que mes collègues d'en face ont des réputations comme étant des bons juristes, quand vous faites un amendement à un article, vous savez comme moi, c'est comme dans aucune autre convention ou acte notarié que vous écrivez, il y a toujours des ramifications à d'autres parties de votre acte. Alors, vous venez de faire un sous-amendement pour un article, mais vous oubliez que, même votre sous-amendement, vous manquez de prudence, car, si vraiment vous avez étudié votre sous-amendement, vous aurez pris connaissance que ça affecte dans une manière... sans concordance, dans une manière que ce ne serait pas possible pour même lire la Loi sur le ministère du Revenu avec clarté, que votre sous-amendement affecterait avec grande confusion les articles 46, 48, 52, 53 et 53.1 de la Loi sur le ministère du Revenu.

Alors, s'il vous plaît, c'est vraiment simple en commission parlementaire, et j'apprécie vos commentaires, mais vous savez que c'est pratiquement impossible de faire un amendement sans affecter la balance de la Loi sur le ministère. Et vous avez, comme tous à cette commission parlementaire, vous avez des responsabilités comme législateurs. Alors, votre amendement, même, devrait être retiré, car, si, par hasard, ce serait accepté par cette commission parlementaire, vous ajouteriez une confusion incroyable aux lois sur le ministère du Revenu. Alors, je vous suggère de retirer votre amendement, premièrement.

Et, deuxièmement, je plaide avec vous pour étudier ce jugement de la Cour suprême, Maranda contre Richer, où il y a une différence entre le secret professionnel qu'ont tous professionnels et le secret professionnel pour présenter une défense pleine et entière. Et même le secret professionnel qu'un avocat a, le juge dit qu'il y a... il fait une distinction. Même la communication que vous avez, comme notaire, avec votre client, peut-être, n'aurait pas le bénéfice du secret professionnel en matière de donner à votre client une pleine et entière défense. Et le juge Dickson, qui vraiment était le juge en chef de la Cour suprême, a pris beaucoup de peine dans la cause de Solosky contre La Reine pour nous dire les conditions pour protéger le secret professionnel, pour donner au client, au contribuable une défense pleine et entière.

Finalement, M. le Président, il y a deux choses. Le député de Saint-Maurice a parlé de la vie privée des citoyens, et, si vous lisez le cinquième alinéa de l'article 40.1.1, comme l'amendement suggéré par... qui est déposé, vous allez voir que la vie privée des citoyens est protégée, très, très clairement. Et finalement j'aimerais citer le député de Gaspé en commission parlementaire, le 2 décembre 2003, volume 38, n° 23. Et je cite mon collègue estimé de l'opposition, qui a dit ? et c'était adressé à moi par l'entremise de vous, M. le Président ? et je le cite: «Allez chercher les amendements nécessaires pour encadrer ce projet de loi. La Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen, la Commission de la protection des droits... et de la jeunesse, M. le Président, quand ces trois organisations-là auront passé sur le projet de loi puis auront travaillé avec le ministre, on va être satisfaits puis on va être sécurisés.»

Je peux vous dire qu'on a suivi votre conseil, votre avis et on a passé le mois de décembre, avant les Fêtes, le mois de janvier et le mois de février, presque tout le mois de mars. On a eu les avis que vous avez demandé, on vous a présenté ces avis, on a fait les amendements qui étaient suggérés. La plupart ont été déposés en commission parlementaire, en décembre. Alors, M. le Président, chers collègues, qu'on procède ? avec grand respect à vous ? pour retirer votre sous-amendement, et qu'on procède pour discuter l'amendement qui a été déposé comme vous l'avez demandé, et qu'on procède avec une discussion et un vote. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sous-amendement? Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Alors, dans ce sous-amendement-là, on protège des gens qui ne sont pas protégés. La question que mon collègue se posait, mon collègue de Saint-Maurice, c'est: Pourquoi on maintient le secret professionnel du notaire et de l'avocat mais pas des autres ordres professionnels?

M. Pinard: Dont le comptable.

Mme Beaudoin: Et le comptable, ici. On a parlé du comptable parce que je pense que c'est d'actualité présentement. On a commencé par celui qui est le plus populaire ces temps-ci. Alors, pour les fins de l'enregistrement, je voudrais que la population comprenne que les amendements que nous faisons, c'est pour protéger chaque ordre professionnel. Et nous allons prendre le temps de protéger un par un ces ordres-là en présentant des sous-amendements.

n(10 h 40)n

Je n'ai rien contre les notaires ou les avocats, je suis moi-même avocate, mon collègue de Saint-Maurice est notaire, mon collègue de Gaspé est avocat, et je suis fille et petite-fille de notaire, et M. le ministre est également notaire. Mais je pense qu'on pourrait même dire qu'il s'agit presque de discrimination. Alors, les sous-amendements que nous présentons sont fort importants et essentiels pour la protection de tous au Québec.

Lors de la commission précédente, j'avais mentionné tous les ordres professionnels qu'on a oubliés dans ce projet de loi n° 20 et je tiens à rementionner tous ces ordres professionnels parce que, pour les fins d'enregistrement, il faut que les gens comprennent qu'on est là pour les protéger et qu'on voudrait que leur ordre professionnel soit inclus dans ce projet de loi n° 20. Alors, je vais les mentionner encore une fois pour leur dire que, nous, de l'opposition officielle, nous sommes là pour les protéger. Et ce n'est pas limitatif. Parce que l'on a constaté que finalement c'est possible que, dans cette liste-là, il en manque. J'ai de la jurisprudence ici, où nous avons plusieurs cas concernant des journalistes, on parle du secret professionnel des journalistes. Et cette liste-là comprend une quarantaine d'ordres. Mais, comme je le disais tantôt, il va falloir protéger tout le monde. Alors, la liste des ordres que nous avons et que nous allons protéger en faisant des sous-amendements est la suivante, pour les fins toujours de l'enregistrement.

Le Président (M. Paquet): Mme la députée de Mirabel, pour l'instant, donc vous parlez de sous-amendement auprès de l'Ordre des comptables.

Mme Beaudoin: Oui.

Le Président (M. Paquet): Vous aurez l'occasion tout à l'heure de parler des autres ordres. Vous avez annoncé que vous allez faire d'autres sous-amendements.

Mme Beaudoin: Oui, mais je voulais dire qu'on avait parlé des comptables parce qu'on a commencé par les comptables, mais je voulais expliquer que les sous-amendements vont concerner tous les autres ordres et je veux les mentionner.

Le Président (M. Paquet): Donc, vous parlez des prochains sous-amendements que vous allez déposer. Mais ce ne serait pas hors d'ordre, puisque vous parlez d'un sous-amendement précis, à ce moment-ci?

Mme Beaudoin: Non, non, non, ce n'est pas ordre d'ordre. Ce n'est pas ordre d'ordre, puisque nous avons commencé par l'Ordre des comptables agréés, et c'est important de mentionner quel est le but de ces amendements-là.

Le Président (M. Paquet): Mais il y a un sous-amendement en discussion présentement, celui sur les comptables agréés. On se comprend bien?

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): C'est le sous-amendement que vous avez déposé, Mme la députée.

Mme Beaudoin: Je vais vous donner des exemples d'autres ordres et je vais les mentionner. Alors, on a l'Ordre des acupuncteurs du Québec, l'Ordre des administrateurs agréés du Québec, l'Ordre des agronomes du Québec, l'Ordre des architectes du Québec, l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec, l'Ordre des audioprothésistes du Québec, l'Ordre des comptables en management accrédités du Québec, l'Ordre des conseillers et conseillères d'orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec, l'Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec, l'Ordre des dentistes du Québec, l'Ordre des denturologistes du Québec, l'Ordre professionnel des diététistes du Québec, l'Ordre des ergothérapeutes du Québec, l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec, l'Ordre des géologues du Québec, la Chambre des huissiers de justice du Québec, l'Ordre des hygiénistes dentaires du Québec, le Barreau du Québec ? évidemment, le Barreau du Québec, on a une protection pour les avocats ? l'Ordre des chimistes du Québec, l'Ordre des chiropraticiens du Québec, l'Ordre des comptables agréés du Québec ? alors, on a présenté un sous-amendement concernant l'Ordre des comptables agréés du Québec ? l'Ordre des comptables généraux licenciés du Québec, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, l'Ordre des ingénieurs du Québec, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, l'Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec, le Collège des médecins du Québec ? et j'ai de la jurisprudence qui va aller dans ce sens-là aussi ? l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec, la Chambre des notaires du Québec ? alors, on ne présente pas un sous-amendement, c'est pour les fins de l'enregistrement, puisque le secret professionnel du notaire, par les amendements suggérés, protège le secret professionnel des notaires du Québec ? l'Ordre des opticiens d'ordonnance du Québec, l'Ordre des optométristes du Québec, l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec, l'Ordre des pharmaciens du Québec, l'Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec, l'Ordre des podiatres du Québec, l'Ordre des psychologues du Québec ? et j'ai de la jurisprudence également dans ce sens-là ? l'Ordre professionnel des sages-femmes du Québec, l'Ordre des techniciennes et techniciens dentaires du Québec, l'Ordre professionnel des technologistes médicaux du Québec, l'Ordre des technologues en radiologie du Québec, l'Ordre des technologues professionnels du Québec, l'Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec, l'Ordre des urbanistes du Québec.

Alors, pour les fins de l'enregistrement, M. le Président, je voudrais mentionner à la population qui nous écoute que nous présentons encore une fois des amendements pour protéger leur ordre, puisqu'ils ne sont pas mentionnés dans les amendements. Et nous avons commencé par l'Ordre des comptables agréés du Québec, comme je le disais, parce que c'est vraiment d'actualité, ce n'est pas parce qu'ils sont plus importants. Je voudrais dire à toute la population que chacun a son importance, mais qu'on a oublié ces ordres-là dans ce projet de loi.

Le Président (M. Paquet): Juste pour le bénéfice de nos auditeurs, donc vous avez déposé un sous-amendement sur l'Ordre des comptables agréés et, pour l'enregistrement, vous avez relu la liste de tous les ordres qui existent. Et, si j'ai bien compris, vous nous annoncez que vous allez présenter des sous-amendements pour chacun de ces ordres séparément. C'est ce que vous nous dites?

Mme Beaudoin: C'est exact, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): D'accord. C'est juste pour enregistrement. Mme la députée de Mirabel, donc... O.K. Ça va? Est-ce qu'il y a d'autres discussions sur le sous-amendement en question? M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Il reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Paquet): M. le député de Gaspé, il vous reste... Vous avez un 20 minutes juste sur le sous-amendement, en vous invitant peut-être à vous concentrer sur le sous-amendement en question, puisqu'il y a d'autres sous-amendements où nous aurons la chance de reparler, d'après ce que je comprends de l'intervention précédente.

M. Lelièvre: Alors, M. le Président, vous savez que le secret professionnel, c'est un sujet quand même très important dans une société libre et démocratique. Le ministre nous a présenté des modifications qui constituent un pas dans la bonne direction. Je voudrais revenir sur un élément concernant les organismes qui ont été consultés. On se souviendra qu'en commission parlementaire nous avons rencontré le Conseil interprofessionnel, qui, lui, représente 45 ordres professionnels, dont le Barreau, dont la Chambre des notaires. Barreau du Québec, Chambre des notaires. Évidemment, M. le Président, qu'un groupe important, le Conseil interprofessionnel, n'a pas été consulté jusqu'à hier, on n'a pas demandé son avis concernant les amendements. Ce matin, on m'a dit qu'une première communication aurait été faite; c'est encore un pas dans la bonne direction.

Vous savez que, lorsqu'on regarde l'article 46, auquel a référé le ministre tout à l'heure, «seul un avocat ou un notaire peut s'opposer à ce qu'un document en sa possession soit examiné ou saisi en vertu de la présente loi s'il estime que cet examen ou cette saisie constituerait une violation du secret professionnel». Donc, M. le Président, vous avez une personne qui souffre de dépression nerveuse, de surmenage, qui va consulter un psychologue ou un psychiatre, qui fait des confidences à ce professionnel, qui lui parle de la gestion de ses affaires, qu'il est victime même de chantage ? on prend un cas hypothétique ? et qu'on le force à faire des choses. M. le Président, l'article 46, dans le fond, perpétue des catégories, des sous-ordres, dans le fond, professionnels. Parce que pourquoi ne pas reconnaître aux professionnels qui sont dans le Conseil interprofessionnel le droit au secret professionnel, avec les protections, oui, qui... avec les protections qu'on peut leur conférer, comme les autres ordres professionnels? Et ce sera au juge à décider si effectivement une communication est admissible, est permise dans le cadre d'un procès.

n(10 h 50)n

Tout à l'heure, le ministre a également référé, M. le Président, aux articles du texte de loi 46, 52. Lorsque le juge tranche une question, il fait cette enquête à huis clos. Pourquoi il le fait à huis clos? Parce qu'il y a des éléments qui ne doivent pas ou qui ne peuvent pas être révélés au grand public, qui n'ont aucun rapport avec une cause, parfois. On le voit souvent lorsque, par exemple, il y a des saisies de documents dans les bureaux d'avocats; c'est mis sous scellés, c'est transmis sous scellés. Donc, les policiers ne commencent pas à jouer dans les dossiers. Normalement, ils doivent prendre les précautions pour assurer la protection de l'accès à ces documents. Et, si le juge éventuellement décide, dans le cadre d'un procès, de mettre ça à la disposition de la poursuite, bien, à ce moment-là, il y aura eu une analyse minutieuse et les procureurs au dossier auront eu l'occasion de faire valoir leurs arguments.

On parle des comptables agréés. Oui, on parle des comptables agréés. On se souviendra que, dans les cas de fraude, le secret professionnel commis... le secret professionnel qui est violé par un tiers, c'est une chose, mais, lorsqu'une personne exerçant une profession commet un acte criminel et que les documents en sa possession doivent être exhibés à la cour pour démontrer sa participation ou encore la perpétration d'une effraction par un organisme auquel il appartient et auquel il contribue, bien, à ce moment-là, il devient un membre à part entière et, à ce moment-là, l'information est accessible. Par ailleurs, si ça concerne des tiers qui sont de bonne foi, qui n'ont commis aucune infraction, qui ont pris toutes les précautions nécessaires pour empêcher qu'il y ait des infractions commises à la Loi sur le ministère du Revenu, bien, à ce moment-là, ces documents-là sont accessibles.

Ce qui est important et ce que les organismes mentionnent, c'est l'attente raisonnable au respect de la vie privée. C'est ça qui est important. Lorsque, par exemple, le Barreau donne un avis qui est très pertinent, nous, nous nous en remettons, là, aux dispositions que vous nous avez faites, et ils ont procédé à une analyse, ils ont regardé les différentes lois qui s'appliquaient et, oui, bon le Barreau, ça va, mais le Barreau a une protection que les autres ordres professionnels n'ont pas. Le Conseil interprofessionnel demande une chose, dans le fond. Ce qui est important pour eux, pour ces ordres-là... D'ailleurs, le ministre de l'Éducation veut en créer un quarante-sixième. Alors, ce que le conseil dit, puis ils sont très modérés dans leurs demandes, M. le ministre, le conseil est très modéré parce que ce que le conseil dit, dans le fond, c'est qu'on va perpétuer, hein, on va perpétuer des sous-ordres. Alors, à mon avis, les 43 professions ont droit à une protection.

Ce que je voudrais offrir au ministre, et je pense que c'est important, c'est que le conseil, suite aux discussions qu'on a pu avoir, est intéressé à travailler avec le ministère du Revenu dans le cadre d'un groupe de travail. Et, comme tout groupe de travail, il y a éventuellement un aboutissement, il y a des propositions et des discussions. Ça ne modifie pas une loi particulière, c'est la... Bien, il y a la Loi du ministère du Revenu, naturellement. Mais il faut, à mon avis, là où nous en sommes rendus... Parce que le Québec est à l'avant-garde, hein. On a une charte des droits et libertés au Québec, donc la Charte des droits de la personne, il y a la Charte canadienne, bon, qui a été adoptée. On donne des protections majeures. Lorsqu'il y a des procès, on met de côté des preuves parce que le droit au silence d'une personne qui est mise en état d'arrestation n'a pas été respecté, donc, le droit à un avocat. Alors, pourquoi le ministère ne pourrait pas contribuer dans le fond à une amélioration des droits de ces professionnels par la mise en place d'un groupe de travail? Je peux vous assurer, M. le ministre, de toute notre collaboration pour ce groupe de travail. Je le sais, que les gens du conseil sont de bonne foi et que le projet de loi dans le fond ne couvre pas tous les aspects.

Alors, même dans la loi fiscale, hein, «seul ou avocat ou un notaire peut s'opposer à ce qu'un document en sa possession soit examiné». Alors, ça veut dire que, n'importe quand, un fonctionnaire qui serait autorisé en vertu des dispositions auxquelles nous référons, là, les modifications dans le projet de loi, pourra demander des documents, dire: Regarde, je veux voir tel document. Même si le professionnel, le médecin ou les 44 autres qui restent d'ordres professionnels... les 44 autres types de professionnels ne pourront pas dire: Non, je ne te le donne pas. Là, il va devoir aller devant le juge, puis le juge va devoir déterminer: Bon, vous n'aviez pas le droit de prendre ce document-là parce qu'il n'était pas pertinent à votre enquête. Mais il y aura eu une violation d'un document, d'un secret peut-être professionnel sur l'état de santé de quelqu'un qui n'a peut-être aucun rapport ou qui n'a aucun rapport avec la cause.

Moi, je vous fais cette offre dans la mesure où c'est important qu'il y ait des discussions. L'État ne peut pas diriger de façon autocratique. Je comprends que le Revenu, le ministère du Revenu, c'est là où chacun des contribuables du Québec paie ses impôts, ou, même mieux, qu'on établit les règles pour que nous les payions à chaque paie, hein, à chaque période de paie, donc, pour ceux qui sont des salariés de l'État ou des salariés tout court dans les entreprises. Les entreprises paient leur dû également. Et je ne comprends pas pourquoi qu'on ne veut pas accorder une protection à ces professionnels. Moi, j'aimerais ça entendre le ministre là-dessus parce que c'est un élément fondamental. Je pense qu'on ferait un bond important dans l'adoption de ce projet de loi, M. le Président. Alors, je vais m'arrêter, tout en gardant la... Je ne sais pas combien de temps qu'il me reste, là, mais...

Le Président (M. Paquet): Environ huit minutes, M. le député.

M. Lelièvre: Alors, je ne sais pas si le ministre a un commentaire à formuler là-dessus, sur cette offre que je lui fais formellement.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre du Revenu.

M. Bergman: Oui, M. le Président. Premièrement, le Conseil interprofessionnel du Québec a été invité, il a fait un témoignage devant cette commission, lequel témoignage a été fait par eux lors d'une séance précédente de cette commission parlementaire dans l'automne.

n(11 heures)n

Deuxièmement, en ce qui concerne le secret professionnel et la discussion en question, c'est la question du droit pour une personne de présenter une défense pleine et entière pour un contribuable qui est inculpé et pour le droit d'un inculpé d'avoir un procès équitable. Alors, c'est les seules professions qui vont aller dans une cour de droit, en fait, c'est la profession d'avocat et, par extension, les notaires.

Alors, et cette deuxième question, il y a une question de cohérence avec les articles de la Loi sur le ministère du Revenu, et comme je vous ai cité, les articles 46, 48, 52, 53, 53.1 sur ce sujet. Mais la réponse à votre représentation, c'est que, ici, on doit être certain que la personne en question a le droit de présenter une défense pleine et entière, et c'est l'avocat ou le notaire qui est protégé. Et on a fait la distinction en vous citant le cas de Maranda contre Leblanc et où le juge a été très, très clair, que, même une communication avec un avocat, toute communication n'est pas protégée en relation des articles en question, c'est seulement comme établi par le juge Dixon dans la cause de Solosky contre La Reine. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le ministre. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Oui. Je comprends, M. le Président, que le 25 novembre dernier, le Conseil interprofessionnel avait fait parvenir au ministre du Revenu une lettre dans laquelle il demandait au ministre d'apporter des modifications. Alors, pour les comptables agréés, dont nous parlons, et les autres dont nous allons parler éventuellement, ce qu'il suggérait, le conseil, dans le fond, c'est de modifier l'article 40.1.1 ? on se souviendra ? et d'ajouter à l'alinéa suivant, c'est que l'autorisation doit être assortie des modalités que le juge estime appropriées notamment pour protéger le secret professionnel. C'est simple, tout le monde est protégé, et, à ce moment-là, le juge décide, c'est tout. Le juge a l'opportunité de... Et dans le fond l'autre modification que l'on suggérait, c'est que le l'ordonnance doit être assortie, toujours en modifiant 40.1.3, l'ordonnance doit être assortie des modalités que le juge estime appropriées notamment pour protéger le secret professionnel.

Si on regarde, M. le ministre, les articles en question, là, et particulièrement 53, 53 où qu'on donne une immunité à l'avocat ou au notaire, «un avocat ou un notaire ne peut être condamné pour avoir refusé de communiquer un document ou un renseignement conformément à la présente loi s'il établit, à la satisfaction du tribunal, qu'il avait des motifs légitimes de croire que le document ou renseignement était protégé par le secret professionnel et s'il a fait part de son refus au ministre ou à toute personne désignée à cette fin par le ministre».

M. le ministre, je pense que le médecin qui détient des informations particulières sur l'état de santé de ses clients, ça relève, je pense, strictement du secret professionnel, je ne pense pas que le ministère du Revenu ait quoi que ce soit à aller voir là-dedans. Si le médecin est visé par une enquête du ministère du Revenu et qu'il y a une partie de pêche qui se fait et qu'on sait que telle personne, on la soupçonne de telle chose, mais on n'a pas de preuve et qu'on va faire... on sait qu'il fréquente le cabinet de ce professionnel et que, bon... et on fait des suppositions, etc., on peut aller très loin. Et là, à ce moment-là, on va aller chercher l'information.

On peut parler, par exemple, du comptable agréé. Si vous allez voir votre comptable puis que vous lui parlez, hein, vous lui parlez de projet d'investissement et vous êtes de bonne foi, et ça s'avère que c'est une société, comme vous parlez, une société à but... qu'on parle, là, qui prennent naissance puis qui ont fait des propositions d'investissement à ces comptables agréés puis à leurs clients, à ce moment-là, M. le Président... Puis là le comptable agréé, est-ce qu'il commet une faute? Est-ce que l'ensemble des clients de son cabinet seront examinés parce qu'on soupçonne quelqu'un qui peut être relié au crime économique?

Alors, M. le Président, moi, j'aimerais ça que le ministre nous explique, non pas en nous disant: Bien, les avocats puis les notaires sont protégés puis les autres, on ne le sait pas, mais les raisons fondamentales pour protéger dans le fond l'accès à l'information puis à la documentation parce que... Je ne sais pas combien de temps qu'il me reste sur cet amendement, mais je vais revenir plus tard, si... J'ai encore quatre minutes? Ah bien, c'est bien.

Bien. Écoutez, moi, je veux convaincre l'aile parlementaire gouvernementale non pas pour avoir raison, avoir raison pour avoir raison, je pense que c'est un sujet fondamental. Et, pour l'avancement, hein, des fondements démocratiques au Québec, le ministre passerait probablement à l'histoire avec cette avancée qu'il ferait sur la protection des droits des citoyens. Et ça n'empêchera pas, ça ne mettra pas de bâtons dans les roues au ministère du Revenu pour aller chercher l'information.

Quand on vous parle de la mise sur pied d'un groupe de travail, c'est de regarder les irritants qui sont à l'intérieur. Vous vous souvenez, au Moyen Âge, la façon qu'on faisait la perception des impôts, hein? On a des peintures à cet effet-là. Alors, ça nous en dit long. À l'époque, on percevait des impôts en allant chercher des poulets, le veau, la vache, l'âne, le cheval, les oeufs, etc. Et il y avait l'argentier aussi qui ramassait les écus. Alors, M. le Président, le ministre, il me fait signe que j'en oublie. Mais j'en oublie, j'aimerais ça qu'il nous en parle davantage. Il semble être très, très, très au courant de la façon que les impôts se percevaient à cette époque. Mais c'étaient des seigneurs, et les seigneurs passaient ramasser avec... leur dû. Mais quels étaient les droits des citoyens? Aucun. Aucun. Les citoyens n'avaient aucun droit, M. le Président. On a évolué dans une société libre et démocratique. Si on compare nos lois par rapport à ce qu'elles étaient au début du siècle, elles étaient différentes, elles étaient même peut-être même davantage répressives. Mais ce n'est pas une raison, M. le Président, ce n'est pas une raison pour que le ministre refuse d'analyser avec un groupe de travail les adaptations qu'il faut faire.

Je comprends que le député de Montmorency a peut-être une intervention à faire. Je peux lui donner l'occasion de s'exprimer sur le sujet, étant donné que c'est un député qui a une très grande expérience de l'application des lois fiscales. Mais j'aimerais ça entendre le ministre concernant la suggestion que je lui fais. Parce que je ne peux que suggérer, M. le ministre. Et je suis persuadé que vous feriez des heureux, des heureux parce que ça fait longtemps que des gens demandent d'avoir une reconnaissance. Alors, lorsqu'on est dans un ordre professionnel... Et d'ailleurs votre collègue de l'Éducation veut créer un autre ordre professionnel chez les enseignants, avec difficulté, j'en conviens. Alors, mais on les reconnaît, ces ordres. Mais, quand ça arrive le temps de dire: Vous avez des droits, on dit non, on dit: Non, vous n'avez pas de droit, vous devez vider vos filières, on va aller chercher toute l'information qu'on a besoin et on fera le tri là-dedans, on va trier ce qu'on a besoin et par la suite, bien, on verra pour les conséquences. Alors, et on peut découvrir des choses qui normalement vont être répandues dans le public et qui n'auraient aucun fondement ou qui encore n'ont pas d'intérêt avec la cause pour laquelle il y aurait eu des perquisitions ou encore... perquisitions non pas autorisées, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le député de Gaspé. Votre temps est écoulé. M. le ministre du Revenu.

M. Bergman: M. le Président, vraiment, j'ai fié sur le conseil qui a été donné à moi même par le député de Gaspé le 2 décembre. C'est lui-même qui a suggéré les organisations avec lesquelles on devait faire les consultations. Jamais il n'a suggéré le Conseil interprofessionnel de Québec, sachant, à ce temps, qu'ils ont fait un témoignage devant nous. Et je fais rappeler le député de Gaspé, c'est lui-même qui a dit: Va voir la Commission d'accès à l'information, la Commission des droits de la personne, et revenez avec les amendements qu'ils suggèrent, et on sera prêts pour agir.

n(11 h 10)n

Et aussi je fais rappeler au député de Gaspé encore qu'il y a des jurisprudences qui sont extrêmement sérieuses à ce sujet, Maranda contre Richer, une cause de la Cour suprême, il y a la cause Tower contre Canada, Cour d'appel fédérale, il y a le cas d'Anderson contre la Banque de British Columbia, 1876, où il est dit que le secret professionnel de l'avocat est considéré depuis longtemps comme étant d'importance fondamentale pour notre système judiciaire. Cette règle a été reconnue il y a plus de 100 ans dans cette cause, dans cette jurisprudence.

Alors, M. le Président, sachant la bonne foi de mon collègue, je suggère qu'on procède de l'avant. Et certainement on a présenté toutes, toutes les raisons de procéder. On a eu un débat important, ce matin, mais je n'ai pas entendu un cas de jurisprudence au contraire de la proposition qu'on a mis devant, ce matin. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sous-amendement?

Une voix: ...

M. Bergman: M. le Président, qu'on vote, simplement.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Le seul commentaire que je voudrais apporter, c'est... Le député de Gaspé faisait allusion à des méthodes ou des formes de contribution du ministère du Revenu. Et le questionnement que j'avais, c'est si c'était, à ce moment-là, sous cette forme-là que votre gouvernement percevait les impôts. Parce qu'il faudrait être conscient, aujourd'hui, qu'il y a eu une évolution très grande dans le domaine technologique et il faut être capable de s'adapter aux mesures, et au concret, et à la réalité de la situation d'aujourd'hui. C'est ce que je voudrais dire au député de Gaspé.

Le Président (M. Paquet): Merci. Alors donc, sur le sous-amendement, est-ce qu'il y a d'autres interventions? Donc, je mets le sous-amendement... Votre temps est écoulé, M. le député de Gaspé. Alors, je mets aux voix le sous-amendement proposé par la députée de Mirabel. Est-ce que le sous-amendement est adopté?

M. Lelièvre: Vote nominal, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): On demande le vote nominal. Mme la secrétaire.

La Secrétaire: Mme Beaudoin (Mirabel)?

Mme Beaudoin: Pour.

La Secrétaire: M. Lelièvre (Gaspé)?

M. Lelièvre: Pour.

La Secrétaire: M. Pinard (Saint-Maurice)?

M. Pinard: Pour, madame.

La Secrétaire: M. Bergman (D'Arcy-McGee)?

M. Bergman: Contre, madame.

La Secrétaire: M. Bernier (Montmorency)?

M. Bernier: Contre, madame.

La Secrétaire: M. Rioux (Iberville)?

M. Rioux: Contre.

La Secrétaire: M. Cholette (Hull)?

M. Cholette: Contre.

La Secrétaire: M. Paquin (Saint-Jean)?

M. Paquin: Contre.

La Secrétaire: M. Paquet (Laval-des-Rapides)?

Le Président (M. Paquet): Contre. Donc, le sous-amendement est rejeté à six contre trois. Donc, nous revenons à la discussion sur l'amendement déposé par le ministre du Revenu. Alors, est-ce qu'il y a des interventions? M. le ministre.

Mme Beaudoin: M. le Président.

M. Bergman: Mais, M. le Président, étant donné qu'on a fait une discussion pleine sur l'amendement que j'ai proposé, sachant la bonne foi de l'opposition en matière de discussion, est-ce qu'on peut procéder au vote de l'amendement que j'ai proposé?

Le Président (M. Paquet): Le temps n'est pas... On n'a pas encore fini de discuter sur l'amendement, alors donc il reste du temps là-dessus, sur l'amendement, toujours. Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais déposer un sous-amendement qui se lirait comme suit: Que l'amendement soit modifié par l'ajout, au paragraphe 5°, après le mot «notaire», d'«et les membres du Collège des médecins du Québec».

Le Président (M. Paquet): Alors, vous avez une copie de votre sous-amendement, Mme la députée?

Mme Beaudoin: Oui.

M. Bergman: M. le Président.

M. Bernier: Ils sont déjà protégés, je pense. Je m'interroge, M. le Président...

Le Président (M. Paquet): Oui, M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Est-ce que, dans le cadre des médecins, considérant qu'ils sont déjà tenus au secret professionnel, c'est implicite, est-ce que c'est admissible? Les médecins, les prêtres, tout ça, c'est des gens qui sont tenus à un secret professionnel.

M. Lelièvre: ...sur la recevabilité.

Le Président (M. Paquet): Sur la recevabilité, effectivement. Une question de règlement sur la recevabilité.

M. Bernier: Sur la recevabilité, c'est sur ça que je m'interroge, M. le député de Gaspé.

Le Président (M. Paquet): Sur la recevabilité, est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Lelièvre: Oui, M. le Président.

M. Bergman: M. le Président.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre. M. le député de Gaspé par la suite.

M. Bergman: Il semble que le sous-amendement que nous avons devant nous est irrecevable. La commission a bien statué sur le concept du secret professionnel d'autres membres, d'autres ordres professionnels, autres que les avocats et notaires, on a statué sur cette question, M. le Président, et il semble que la commission a pris une décision en rejetant le sous-amendement qui a été présenté par la députée de Mirabel. Alors, ce nouveau sous-amendement, à mon avis, M. le Président, n'est pas recevable. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Toujours sur la recevabilité, d'autres interventions? M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Oui, M. le Président. On est toujours dans le cadre de l'examen des modifications proposées par le ministre, modifiant la Loi sur le ministère du Revenu. Et l'article 46 dit bien, et c'est le ministre qui l'a cité tout à l'heure, que «seul un avocat ou un notaire peut s'opposer à ce qu'un document en sa possession soit examiné ou saisi». Donc, on veut protéger les médecins, avec cette modification. Donc, c'est pour ça que la loi... Quand le député de Montmorency invoque la loi, M. le Président, le contenu, les notaires sont protégés, les avocats sont protégés. Et ce qu'on dit, dans le fond, c'est que les médecins aussi devront être protégés. Alors...

Le Président (M. Paquet): Sur ce fait nouveau, M. le député de Montmorency, dans votre argumentation sur la recevabilité.

M. Bernier: C'est toujours sur la recevabilité. En ce qui regarde les avocats...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Pardon?

Le Président (M. Paquet): Oui, je vous accorde... sur un fait nouveau...

M. Bernier: En ce qui regarde les avocats et les notaires, je crois que le ministre a clairement expliqué, c'est sur l'aspect légal, sur l'aspect des possibilités au niveau juridique qu'on vient spécifier les notaires et les avocats. Mais, en ce qui regarde les corporations professionnelles, dont l'aspect confidentialité est déjà, est déjà protégé par d'autres lois, je ne vois pas ce que ça donne d'arriver avec des sous-amendements en regard de corporations professionnelles qui sont déjà protégées par des lois. Ça n'a aucun rapport.

Mais, sur ça, le ministre a quand même été très clair en regard des corporations professionnelles, quel était le but, quel était l'objectif. Et je pense que les informations ont toutes été données au niveau de mes collègues de l'opposition, quelle était la teneur de ces deux mentions-là, et c'est simplement d'ordre juridique. Donc, sur ça, je considère qu'il n'y a plus lieu, là, d'avoir des sous-amendements en regard d'autres ordres professionnelles, surtout dans le cas d'ordres qui sont déjà protégés par des lois.

Le Président (M. Paquet): Sur la question de recevabilité, M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: M. le Président, je veux tout simplement vous rappeler que tout à l'heure ma collègue de Mirabel a déposé un amendement concernant le secret professionnel, qui devrait inclure, après avocats, notaires, les comptables agréés. Et Dieu sait, et Dieu sait comme... s'il y a une corporation professionnelle qui à tous les jours, à toute heure de la journée a à travailler avec la Loi sur le ministère du Revenu, c'est bel et bien les comptables agréés, beaucoup plus que les notaires et avocats, à moins que ces derniers soient véritablement des fiscalistes. Et, dans les circonstances, ma collègue, je pense qu'elle était tout à fait à propos de déposer cet amendement-là que vous avez accepté, M. le Président, que vous avez retenu comme étant un amendement qui était recevable. Et malheureusement, nous avons fait le débat là-dessus et malheureusement nous venons d'être battus au niveau de cet amendement-là qui n'est point retenu.

n(11 h 20)n

Mais on se rappelle aussi que, lors de notre discussion, nous avons traité aussi de cas où le médecin pouvait intervenir versus le ministère du Revenu parce que le médecin, le spécialiste de la santé, peut avoir à traiter des contribuables, peut avoir à traiter des présidents d'entreprises, peut avoir à traiter des commerçants et, de ce fait, peut avoir une incidence directe qui peut faire en sorte qu'un citoyen, par le biais d'un dépôt ou par le biais d'une saisie qui pourrait s'effectuer dans un cabinet de médecin... bien, à ce moment-là, pourrait incriminer un citoyen et, de ce fait, amener l'application de la Loi sur le ministère du Revenu et, de ce fait, amener des revenus additionnels au ministère du Revenu.

Donc, je pense que l'amendement qui est déposé actuellement, voulant inclure le médecin, spécialiste de la santé, aux notaires et aux avocats, est tout à fait à propos. Je vous demande de bien regarder cet amendement-là et de nous confirmer qu'effectivement l'amendement est recevable.

Le Président (M. Paquet): Et je suis prêt à rendre ma décision sur la recevabilité de la proposition de sous-amendement. Après examen de la liste des principaux critères de recevabilité, après relecture de l'amendement qui est devant nous, qui lui-même stipule qu'on demande de... qu'on parle, dans le paragraphe, on dit ? je trouve le texte exact, là... Dans l'amendement sur lequel on veut proposer un sous-amendement, on parle de: «L'autorisation doit énoncer les modalités que le juge estime appropriées, dans les circonstances, pour que la fouille, la perquisition ou la saisie soit raisonnable, pour que l'attente raisonnable du respect de la vie privée soit protégée ainsi que pour protéger le secret professionnel de l'avocat ou du notaire.»

Donc, déjà, l'amendement présuppose que, même si de facto il existe une pratique de reconnaître le secret professionnel des avocats, on le spécifierait dans l'amendement même du ministre. Donc, le sous-amendement qui est proposé viendrait ajouter une autre précision pour un autre groupe professionnel, dans ce cas-ci, qui lui aussi on peut présupposer qu'il est assujetti déjà à un secret professionnel. Donc, rien n'empêche... Et donc ça ne rend pas le sous-amendement irrecevable sur la forme et sur le fond. Il est maintenant du devoir de la commission de juger si, oui ou non, elle veut accepter ce sous-amendement. Mais donc le sous-amendement est recevable pour discussion. Des interventions sur le sous-amendement? Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Alors, évidemment, comme je l'ai mentionné tantôt, le but des sous-amendements, c'est de protéger tous les ordres professionnels. Et l'ordre professionnel dont il est question, les médecins, est très, très important, parce que, même dans ma pratique, j'ai eu souvent affaire avec des médecins qui se retrouvaient dans des situations assez embarrassantes. J'ai beaucoup de jurisprudences ici qui pourraient dénoter l'embarras que les médecins ont à subir.

Mais j'aimerais mentionner, comme on l'avait déjà mentionné auparavant, que ce projet de loi inquiète beaucoup de gens, m'inquiète également. Et j'ai fait un sondage, en fin de semaine, à des gens de toutes options politiques et j'expliquais ce projet de loi n° 20, et les gens me disaient: Pourquoi on présente ce projet de loi là? Est-ce que, avec ce projet de loi là, on va protéger les fraudeurs, avec toute la question des commandites? Est-ce que, avec ça, avec ce projet de loi là, on va remédier au déséquilibre fiscal? Parce qu'on perd 50 millions par semaine parce qu'on n'a pas notre dû ici, au Québec. Et malheureusement ? peut-être que le ministre a des réponses à tout ça ? je ne pouvais pas leur dire que ce projet de loi n° 20 protégerait dans ce sens-là.

Alors, pour revenir aux médecins, c'est que cette loi-là risque de causer des abus, des abus comme il y a eu pendant la crise d'Octobre 1970. Vous savez que c'est un épisode très triste dans l'histoire du Québec. En 1970, on avait proclamé une loi, loi disant... la Loi sur les mesures de guerre. Et on avait effectué des perquisitions, on avait effectué des perquisitions abusives qui sont restées dans l'histoire du Québec. Et certains médecins ont été emprisonnés à cette époque-là.

J'aimerais mentionner un fait en particulier. Parce que ? c'est toujours connexe au projet de loi n° 20, comme je le mentionnais lors de la dernière commission ? ce qui m'inquiète, c'est l'escalade des pouvoirs, quand on donne des pouvoirs accrus à des fonctionnaires. Alors que présentement la police a tous les pouvoirs d'enquêter, a tous les pouvoirs d'effectuer un bon travail, on a décidé d'accroître les pouvoirs. Et les gens vont être perçus, peut-être le simple citoyen, comme des criminels.

Alors, pendant cette période triste de notre histoire du Québec, en 1970, il y a un médecin qui a été incarcéré suite à une perquisition. Puis j'aimerais le mentionner ? c'est un article que je pourrai produire ici à la commission ? il s'agit du Dr Henri Bellemare. Et c'est connexe avec ce que je veux expliquer concernant les amendements qu'on propose. J'aimerais expliquer de quelle façon ça s'est fait, son arrestation. Et puis c'est important, pour les fins de l'enregistrement, qu'on puisse voir que, avec ce projet de loi là, il peut y avoir des abus.

Ça s'est passé de la façon suivante. Alors, ce médecin-là était candidat du FRAP, dans le quartier Saint-Jacques à l'époque...

M. Pinard: Du FRAP?

Mme Beaudoin: Du FRAP, oui. Alors, le Dr Bellemare affirma à ses électeurs, à ce moment-là, que la ville de Montréal dépensait plus d'argent pour entretenir les chevaux de la police que pour préserver la santé de ses citoyens. Alors ça, c'était... à cette époque-là, il avait fait ces commentaires-là. Par la suite, on l'avait à l'oeil, le docteur, dans bien des officines. Alors, le fameux matin de la perquisition, ce matin-là, l'outil principal de la police, qui en avait une bonne provision, était le sac à ordures en plastique vert. De chez le Dr Bellemare, elle emporta deux sacs pleins, dont une liste des électeurs du quartier Saint-Jacques, le bottin téléphonique, mais pas son carnet d'adresses. Ils emportèrent aussi, dit le Dr Bellemare, beaucoup de livres, n'importe quel livre. Bon. Il y en a qui avaient le nom «socialisme» dessus. Mais ils n'avaient guère de flair, ils confisquèrent ainsi l'ouvrage de Samuelson, Economic ? c'est un livre d'analyse financière, le manuel le plus largement utilisé au Canada et aux États-Unis ? mais pas le Le Capital de Marx.

Alors, à 5 h 45, les huit policiers, en groupe, entraient dans le cabinet de consultation: cinq le fouillèrent, les trois autres restant avec le docteur dans la salle d'attente. La perquisition de la maison fut pointilleuse. Les policiers passèrent la main dans les coulisses des tiroirs, du dressoir de la salle à manger, soulevèrent la lingerie de Mme Bellemare et tous les matelas, sauf celui où dormait toujours la benjamine de la famille. Pointilleuse mais superficielle: on saisit son carnet de rendez-vous de l'an dernier, pas celui de cette année; quand le docteur souligna que le classeur de son cabinet renfermait les dossiers médicaux de ses patients, on n'y alla pas voir; par contre, on souleva les tableaux pendus aux murs.

Disons que c'est un peu long, mais je vais terminer parce que je veux faire un rapprochement avec...

M. Pinard: C'est très, très, intéressant.

Mme Beaudoin: ...quel genre d'abus on peut faire avec un tel projet de loi n° 20. Alors, le docteur les avait prévenus, avait prévenu ses enfants entre-temps qu'il devrait probablement aller au poste s'identifier et qu'il serait absent quelque temps. Combien? La police n'en disait rien ou n'en savait rien. «Au fur et à mesure que les jours passaient et qu'ils étaient toujours sans nouvelle de moi, dit le docteur, mes filles m'imaginaient au cachot, au pain sec et à l'eau, avec interrogatoires serrés sous un éclairage éblouissant. Comme à la télévision!»

n(11 h 30)n

Quand il fut incarcéré rue Parthenais, le Dr Bellemare avait donc mobilisé huit policiers pendant deux heures, l'équivalent de deux jours complets de travail de deux policiers. Les deux policiers qui l'interrogèrent finalement suivaient un formulaire dactylographié de trois pages: Couleur des yeux de votre femme, etc.? À quel mouvement politique appartenez-vous? Avez-vous de la dynamite? Les deux officiers laissèrent tomber à la troisième page, où l'on demandait, selon des détenus qui l'ont subi jusqu'au bout: Quelles sont les occupations de vos beaux-frères? L'interrogatoire fut poli, amical, mais les policiers rigolaient même parfois des questions qu'ils devaient poser.

À sa libération, six jours après son arrestation, la police lui rendit les deux sacs de matériel saisi chez lui et, sans doute par erreur, le rapport de la perquisition. On peut y lire que deux couteaux de chasse ont été saisis chez lui, on indique même dans quel tiroir. On peut y lire l'annotation «Rien d'incriminant, beaucoup de littérature socialiste». Aux élections municipales, le Dr Bellemare fut le candidat du FRAP le plus populaire, bien que, comme les autres, il se fit battre. Bon. Je ne continuerai pas sur ça, là, mais c'est toute la question politique. Mais ce qui est important, c'est de voir les abus qui ont eu lieu suite à une perquisition. Le Dr Bellemare ne sait pas pourquoi il a été arrêté. «J'ai peut-être offensé» quelqu'un, dit-il. C'étaient ses questions.

Alors, c'est un fait quand même très important parce que, avec le projet de loi n° 20, on veut accroître des pouvoirs, alors que, nous, on considère que les pouvoirs de la police actuelle, de la Sûreté du Québec, sont déjà là. Ils sont capables de faire leur travail. Et, avec même les amendements qui sont proposés, nous croyons que ce n'est pas nécessaire parce que vous n'arriverez pas au but que le simple citoyen veut. Le simple citoyen, ce qu'il veut, c'est qu'on puisse prendre les moyens, surtout parce que c'est d'actualité, pour trouver les fraudeurs, quand il arrive un scandale des commandites, pour qu'on puisse aller récupérer notre argent à Ottawa. On perd 50 millions par semaine. Alors, c'est ça, le but d'une loi qui pourrait aider les citoyens du Québec.

Il y a d'autres jurisprudences qui concernent les médecins. Parce que les médecins, ils sont très tiraillés avec la question du secret professionnel. Et je pense que c'est important, dans ce projet de loi n° 20, d'inclure cet ordre-là parce qu'ils sont souvent dans des situations assez embarrassantes. J'ai un cas de jurisprudence ici qui date de 1996, M. le Président, et qui parle d'un médecin poursuivi pour violation du secret professionnel. C'est un exemple qui n'est pas exactement, sur le plan fiscal, là, d'actualité pour le projet de loi n° 20, mais on peut faire un rapprochement parce que, avec cette cause-là, on s'aperçoit que le médecin finalement, parce que ce n'était pas clair, parce qu'il a parlé à la cour de certains faits, finalement c'est lui qui va être actionné. Alors, c'est pour ça que ce projet de loi n° 20 doit inclure l'ordre professionnel des médecins.

Je cite, c'est dans La Presse du samedi 13 juillet 1996. Alors, c'est un médecin poursuivi pour violation du secret professionnel. C'est un homme qui a tenté en vain d'obtenir compensation devant les tribunaux pour une chirurgie plastique qu'il jugeait insatisfaisante. Il poursuit pour 60 000 $ un médecin qu'il accuse d'avoir brisé le sceau sacré du secret professionnel. Dans l'action déposée en Cour supérieure, il souligne s'être rendu en février 1996 auprès d'un plasticien qu'il considère alors être son médecin traitant pour le consulter sur l'état de son nez après l'intervention réalisée par un autre plasticien.

Après avoir expliqué son cas et s'être soumis à des photos, ce monsieur aurait appris de la bouche même du médecin qu'il agissait à titre de médecin expert pour la défense dans la cause pendante. Le même médecin aurait alors précisé, en réponse aux inquiétudes du patient, qu'il n'y avait là aucun conflit d'intérêts et conséquemment aucune matière à s'inquiéter, des assurances qui devaient cependant s'avérer infondées, soutient, bon, le plaignant, puisque ce médecin aurait par la suite rédigé un rapport d'expert pour la défense en divulguant des confidences et des photographies faites lors de la consultation de février.

Ce qui est important dans cette cause, c'est de renoter ces points-ci, c'est que le monsieur a finalement perdu la première poursuite en avril, soutient que le praticien a contrevenu, ce faisant, au Code de déontologie des médecins et à la Charte des droits et libertés. Et il exigeait pour cette raison d'être dédommagé. Alors, c'est le médecin qui, par la suite... je n'ai pas la suite, mais il va être actionné. C'est ce qu'on voulait faire. Je n'ai pas la cause suivante.

Mais ce qui est important, c'est de faire le rapprochement avec ce projet de loi n° 20 parce que les médecins sont souvent dans des... pris dans des circonstances particulières. Ils ont leur secret professionnel, et c'est très important parce qu'ils sont sujets aussi à plusieurs poursuites. Alors, c'est la raison pour laquelle on veut inclure l'ordre des médecins à cette liste que j'ai nommée tantôt. Il y a plus d'une quarantaine d'ordres professionnels qui ne sont pas protégés par les amendements que le ministre du Revenu a suggérés. Alors, c'est la raison pour laquelle ce projet de... ce sous-amendement est important. Et, M. le Président, je pense que tout le monde devrait voter pour ce sous-amendement. Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le ministre du Revenu.

M. Bergman: M. le Président, Mme la députée a soulevé la Loi des mesures de guerre, mais peut-être... Est-ce qu'elle est au courant que cette loi a été invoquée avant l'adoption de la Charte canadienne, avant l'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne? Est-ce qu'elle est au courant que l'article devant nous, l'article 40.1.1, tel qu'amendé ? pour le moment, c'est déposé devant vous, M. le Président ? suit avec même des amendements le même article dans le Code criminel qui est en existence depuis 10 ans et qui n'a été jamais contesté?

Mais, M. le Président, je me demandais, la députée, quand elle a pris le sondage dans son comté, cette fin de semaine, est-ce qu'elle a indiqué à ses concitoyens qu'il y avait trois conditions essentielles pour qu'un juge accorde l'autorisation générale, c'est-à-dire: une infraction à une loi fiscale en regard de laquelle la personne est passible d'un emprisonnement; que l'autorisation servirait au mieux l'administration de la justice; et qu'il n'y a aucune disposition dans une loi fiscale qui prévoit cette autorisation ou ce type d'ordonnance?

Alors, M. le Président, est-ce que ma collègue, quand elle a consulté ses concitoyens, est-ce qu'elle a parlé des fautes fiscales qui font perdre à l'État chaque année des millions de dollars? Est-ce qu'elle a indiqué à ses concitoyens que ces pouvoirs sont nécessaires pour faire évoluer les pouvoirs qui existent en faveur du ministère dans certains domaines, M. le Président? Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sous-amendement portant sur les médecins? M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Merci, M. le Président. Aujourd'hui est un jour important pour le Québec, important pour le Québec parce que c'est le premier et véritable budget qui sera déposé par le gouvernement de M. Charest. Alors, pour certains...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Saint-Maurice, si vous voulez bien faire référence aux membres de cette Assemblée par le nom des titres qu'ils occupent, en vertu du règlement.

M. Pinard: D'accord. Par le premier ministre de l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Certains seront heureux, certains seront malheureux, mais nous auront droit, aujourd'hui, ce soir, à des prises de position de la part de groupes, de la part de citoyens. Nous entendrons dans les médias des commentaires élogieux ou pas sur ce qu'il est convenu d'appeler le premier véritable budget du Parti libéral préparé par M. Séguin. Maintenant...

M. Bergman: M. le Président.

Le Président (M. Paquet): M. le ministre, question de règlement?

M. Bergman: Oui. Est-ce que mon collègue peut rester sur le sujet? C'est le sous-amendement déposé par son collègue à cet article. Je pense que nous étions sur le budget qui sera déposé cet après-midi, et ce n'est pas exactement le sujet devant nous.

Le Président (M. Paquet): Sur la question de règlement, M. le député de Gaspé.

n(11 h 40)n

M. Lelièvre: Oui. Mais je pense, M. le Président, qu'on sait que tous les budgets se traduisent en lois fiscales. Je pense que ce que le député de Saint-Maurice tentait de faire, c'est tout simplement une introduction pour mettre en contexte ce qui va se passer aujourd'hui, ce qui va se passer demain et, d'autre part, le projet de loi qui est devant nous concernant les avancées que le ministre veut mettre en application éventuellement concernant par ailleurs les médecins qui sont visés par le sous-amendement. Et je pense que c'est simplement une mise en contexte. On va savoir ce qu'il y aura dans la santé ou ailleurs aujourd'hui, dans le budget. Je pense que c'est une question prématurée de soulever une question de règlement.

Le Président (M. Paquet): L'interprétation de la pertinence est toujours utilisée de façon relativement large. Évidemment, j'invite autant pour le bénéfice des auditeurs tous les membres de la commission, lorsqu'ils font des interventions, de se rattacher le plus clairement possible au sujet qui est en délibération. Et, dans ce cas-ci, je rappelle que c'est sur un sous-amendement proposé par la députée de Mirabel sur l'amendement proposé par le ministre du Revenu, O.K., sous-amendement donc qui porte sur la possibilité d'inclure une référence aux médecins dans l'article... dans l'amendement proposé par le ministre. Alors, M. le député de Saint-Maurice, je vous invite à continuer mais évidemment en gardant en tête, comme l'ensemble des membres de la commission, que c'est la population qui juge de la pertinence ultimement de nos interventions.

M. Bernier: M. le Président, excusez, juste un petit mot.

Le Président (M. Paquet): Monsieur... Excusez, c'est une question de règlement, M. le député de Montmorency?

M. Bernier: Oui, oui. C'est parce que je voudrais inviter le député de Saint-Maurice...

Le Président (M. Paquet): Je m'excuse, M. le député de Montmorency, est-ce que c'est une question de règlement?

M. Bernier: ...oui, à participer, si c'est son intérêt de parler du budget, à participer à Commission des finances publiques, cette commission-ci, au moment où on va entendre...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Montmorency.

M. Bernier: ...le ministre des Finances sur le budget.

Le Président (M. Paquet): M. le député, ce n'est pas une question...

M. Bernier: Donc, je l'invite à participer à cette commission-là.

Le Président (M. Paquet): ...de règlement. D'accord, M. le député de Montmorency?

M. Bernier: Je pense que...

Le Président (M. Paquet): Tous les membres de l'Assemblée sont invités à venir assister à nos délibérations à n'importe quel moment. Ce n'est pas vraiment une question de règlement, M. le député de Montmorency.

M. Cholette: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Hull, question de règlement.

M. Cholette: Moi, M. le Président, je voudrais plaider en faveur de l'opposition officielle avec leur demande de juger que leurs propos sont pertinents à notre débat. Je comprends leurs propos à l'effet que, depuis trop longtemps, on a oublié les médecins et la santé dans les budgets du Québec, et, aujourd'hui, ça marquera un jour marquant où est-ce que la santé aura une place importante...

Le Président (M. Paquet): M. le député, M. le député de Hull.

M. Cholette: ...dans le budget du Québec. Je comprends...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Hull, ce n'est pas une question de règlement, vous comprendrez.

M. Cholette: ...

Le Président (M. Paquet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît, tout le monde! Alors, ce n'est pas une question de règlement. Encore une fois, n'oubliez pas que les seuls juges, finalement, ultimes de la pertinence de nos délibérations, c'est le public que nous représentons, et à ce, j'invite avec la plus grande cordialité les membres de la commission à faire attention à cela, mais de façon générale. Et, M. le député de Saint-Maurice, vous pouvez continuer, sachant effectivement que votre intervention porte sur le sous-amendement en délibération. Alors, M. le député de Saint-Maurice, vous avez la parole.

M. Pinard: Merci infiniment, M. le Président, de me céder la parole. Mais, avant de débuter, est-ce que je peux vérifier auprès de vous à savoir si, par exemple, le temps qui a été pris par le député des Chutes et sur le député de Hull, si effectivement c'est du temps qui malheureusement... on me prive ou si j'ai toujours mon droit à mon 20 minutes?

Le Président (M. Paquet): Présentement, alors, les questions de règlement portent sur le temps de la présidence. Évidemment, puisque vous... on en reparle autour, à un moment donné, on peut comprendre parfois que... Présentement, là, vous êtes sur votre temps, M. le député de Saint-Maurice. Alors, je vous invite à poursuivre.

M. Pinard: Donc, le député de Hull nous a parlé du futur budget de la santé, et ça, c'est sur mon temps, alors, je dois lui rappeler que nous attendons avec impatience de voir l'investissement de 2 milliards de dollars qui avait été promis lors de votre campagne électorale, en 2003. Nous attendons avec impatience de voir ça à travers le budget cet après-midi.

Maintenant, ceux qui ont l'amabilité de dresser un chèque assez important annuellement au ministère du Revenu, comme vous l'avez si bien mentionné tout à l'heure, c'est notre corps médical. Vous allez admettre que les médecins, les spécialistes, ceux qui travaillent dans le domaine de la santé, les infirmiers et infirmières sont des gens qui versent des sommes phénoménales au ministère du Revenu et ce qui se traduit bien entendu par un sourire de la part de notre ministre du Revenu parce que c'est quand même intéressant de voir ces sommes d'argent atterrir à l'intérieur du ministère.

Le ministre nous a fait part, la semaine passée, M. le Président, qu'il y avait actuellement une somme de 1,6 milliard de dollars qui se doit d'être récupérée, puisque ces sommes sont récurrentes ou presque. Elles peuvent varier d'une centaine de millions. Mais il n'en demeure pas moins que, depuis plusieurs années, ce sont des montants d'argent qui sont dus à l'État année après année par certains contribuables du Québec. Alors, moi, M. le Président, je juge tout à fait à propos, tout à fait à propos que l'équité, que l'équité soit maintenue au Québec et que les gens, qu'ils soient médecins, qu'ils soient notaires, qu'ils soient journaliers, qu'ils soient commerçants, industriels, que l'ensemble de la collectivité québécoise verse ce qu'ils ont à verser pour s'assurer des services en éducation, pour s'assurer en services en santé, au niveau de la famille et enfin tous les départements et tous les ministères existants au niveau du Québec.

Maintenant, M. le Président, pourquoi j'unis ma voix à celle de ma collègue de Mirabel lorsqu'elle dépose un amendement... un sous-amendement à l'amendement du ministre du Revenu pour intégrer les médecins? Il faut relire, il faut relire: Le paragraphe 5 de l'article 25 du projet de loi est modifié ? ça, c'est l'amendement qui a été déposé par le ministre du Revenu ? par le remplacement du quatrième alinéa de l'article 40.1.1 de la Loi sur le ministère du Revenu, qu'il propose, par le suivant:

«L'autorisation doit énoncer les modalités que le juge estime appropriées, dans les circonstances, pour que la fouille ? "pour que la fouille", le mot le dit, une "fouille" ? [pour que] la perquisition ? ça veut dire habituellement une entrée de force dans un lieu, habituellement que ce soit un lieu privé ou un lieu public ? ou la saisie ? "saisie" veut dire saisie de documents probablement, saisie de cassettes, saisie de dossiers ? soit raisonnable, pour que l'attente raisonnable du respect de la vie privée soit protégée ainsi que pour protéger le secret professionnel de l'avocat ou du notaire.»

Pourquoi ajouter «médecin» au notaire et à l'avocat? Depuis la semaine dernière, depuis l'automne dernier, depuis l'hiver dernier, nous traitons de ce projet de loi là en mentionnant régulièrement qu'il faut faire attention parce que c'est un projet de loi qui touche la vie privée des citoyens et citoyennes. À l'intérieur même de l'amendement du ministre, le ministre mentionne une «attente raisonnable»? bien, c'est probablement «atteinte», là...

M. Lelièvre: Non, c'est «attente».

M. Pinard: ...c'est «attente»? une «attente raisonnable du respect de la vie privée soit protégée». Y a-t-il quelque chose, y a-t-il un acte plus privé que celui d'une consultation auprès d'un médecin? Y a-t-il quelque chose que l'ensemble de la collectivité québécoise jamais n'accepterait? Qu'un dossier médical, qu'un dossier sur la vie privée se ramasse, se retrouve devant un cabinet de juriste et se retrouve devant une cour d'impôt. De là, l'importance d'inclure à l'intérieur de l'amendement qui est déposé par le ministre du Revenu, d'inclure le médecin.

n(11 h 50)n

Régulièrement, les citoyens du Québec se rendent dans le cabinet de leur médecin, soit de famille ou éventuellement un spécialiste. Après avoir pris la pression, après avoir fait l'examen annuel, de quoi discutons-nous? Le médecin veut savoir comment ça va. Le médecin veut savoir si son client a des problèmes qui pourraient expliquer, par exemple, une hausse vertigineuse de pression. Le médecin veut vraiment connaître l'état de santé et veut connaître l'ambiance, le décor dans lequel le citoyen vit, ce qui fait en sorte qu'une fois que la porte est fermée, on se sent comme au confessionnal, on se sent comme dans un bureau d'avocat, comme dans un bureau de notaire. Ah, jamais, au grand jamais, je ne douterais une seconde que le professionnel que je consulte pourrait rapporter soit une cassette ou tout simplement un témoignage en cour qui ferait en sorte de me pénaliser, au même titre que mon comptable agréé. Je suis foncièrement...

Et là, je commence à avoir des doutes sérieux, là, avec la commission, ici, parce que je croyais sincèrement que mon comptable agréé, lui, était là pour me protéger et jamais d'aucune espèce de façon il ne pourrait éventuellement faire en sorte que je pourrais être récriminé face à l'impôt, face au ministère du Revenu. Et là j'apprends aujourd'hui, oh, hein, que ce n'est pas ça, là. Non, non. Le comptable agréé, lui, peut se ramasser, et faire la preuve contraire, déposer, être obligé de remettre certains documents qui m'appartiennent mais que je lui ai remis dans mon dossier à son bureau, s'il y avait une perquisition, il pourrait se ramasser devant le tribunal. Et là, lorsqu'on parle de médecins, bien, je me dis, c'est la même chose.

Mon collègue, tout à l'heure, de Gaspé a parlé d'un entrepreneur, d'un industriel, moi, je dirais un citoyen tout à fait ordinaire qui a des propriétés à revenus, qui peut avoir un petit commerce et qui peut, à un moment donné, malheureusement, sous la pression, sous la fatigue, enfin peu importe, être affecté par un «burn-out». Le citoyen... La conjointe de ce citoyen-là va faire quoi? Les enfants vont faire quoi? Ils vont l'implorer d'aller rencontrer le médecin. Le médecin, il va faire un suivi sur son client. Ce ne sera pas: Trois aspirines, va-t'en chez vous puis tu reviendras dans six mois. Habituellement, un professionnel va se saisir du cas et va cheminer avec son client, et, trois mois, quatre mois, six mois, le client reprend vie, reprend son dynamisme, redevient le client qu'on connaissait, avec la même fougue, avec la même ardeur, avec le même travail et avec le même souci d'obtenir un résultat sur son investissement.

Parce qu'il faut comprendre une chose. Habituellement, le ministère du Revenu ne va pas chercher ceux qui ne paient pas d'impôts. Habituellement, le ministère du Revenu va chercher ceux et celles qui paient des impôts, ou qui devraient en payer, ou qui devraient en payer un petit peu plus. Bon. Alors, une fois que j'ai dit ça, je me dis, actuellement, 1,6 milliard qui traînent sur les tablettes de l'État... Je dis «qui traînent sur les tablettes» parce que ce sont des sommes d'argent qui sont récurrentes année après année, que, malgré tous les efforts des fonctionnaires du ministère du Revenu, on ne réussit pas à atteindre, on ne réussit pas à atteindre l'objectif final qui serait de mettre ça à zéro. Mais, aujourd'hui, lorsqu'on veut atteindre ces résultats-là, il faut vérifier la balance des inconvénients. Est-ce que le fait d'entrer, de déroger, d'amputer la protection des droits et libertés de nos citoyens et de nos citoyennes vaut la peine pour aller chercher ces sommes d'argent là?

Parce qu'on n'ira pas chercher un 1,6 milliard. Sur 1,6 milliard, pour aller chercher ça, on peut d'ores et déjà prévoir que, là-dessus, il y a un pourcentage qui est absolument irrécupérable. Ça, j'en suis persuadé. D'ailleurs, tout comptable va vous dire qu'il y a des pertes, n'importe quelle entreprise a des pertes. Même comme professionnel, malheureusement, on a des comptes à recevoir qu'on ne recevra jamais. Ça fait partie de ce qu'on appelle notre système économique. Alors, il y a un montant d'argent là-dessus qui est de quel ordre qu'on ne réussira jamais à saisir? Sera-t-il de l'ordre de 30 %?

Parce que, là, on est rendus, là, dans la dernière couche, dans la dernière couche, là. Là, on a passé les citoyens qui sont dociles et qui paient leur dû parce que c'est tout à fait normal, parce qu'on vit dans un système, parce qu'on a des services à payer, parce qu'ils en reçoivent. On a une deuxième, je dirais, une deuxième rangée, une deuxième ligne de payeurs qui ne sont pas heureux de payer mais qui sont tenus de le faire et... Bon. Et on a une troisième rangée qui paie, mais peut-être qu'ils ne paient pas tout ce qu'ils devraient payer. Puis il y en a peut-être là-dedans qui n'en paient jamais puis qui se font une gloire de le dire et d'agir comme tel. Mais, parmi ceux-là, il y a déjà un travail qui se fait au ministère du Revenu et on va chercher déjà un montant d'argent.

Alors, ce qui nous est proposé, c'est que c'est ? comment dirais-je? ? la couche de graisse qui colle... Vous savez, lorsqu'on fait un régime, M. le Président, lorsqu'on fait un régime, il y a toujours une partie qui part vite, hein? Première semaine, deuxième semaine, là, ça s'élimine vite. Mais, lorsqu'on est rendu, là, à la fin du mois, là, et au deuxième mois, puis au troisième mois, il y a une couche de graisse, là, qui est vraiment très difficile. Et j'ai l'impression que c'est ça, le 1,6 milliard. Alors, là-dessus, là, sur les... Oui, les montants sont astronomiques, mais c'est une réalité.

Alors, ces gens-là qu'on veut absolument aller chercher, lorsqu'on regarde la balance des inconvénients, on va devoir former une escouade tout à fait spéciale, on va devoir investir, au ministère du Revenu, pour faire en sorte de cheminer là-dedans. Alors, serons-nous capables... Peut-on entrevoir qu'il y a 30 % là-dedans, là, que jamais, là, qu'on ne va réussir à aller chercher, ce qui serait normal? Ça veut dire qu'il nous reste quoi, là? Sur 1,5 milliard, ça veut dire qu'il y a un 500 000 $ qui saute. Il vous reste 1 milliard. Bien, le 1 milliard, il va coûter quoi de plus au ministère du Revenu? Combien qu'il va coûter de plus? Alors, le résultat net, est-ce que ce sera simplement un autre, un 500 millions? Et le 500 millions, si c'était ça, le résultat final, ce 500 millions là, est-ce que tous les inconvénients que ça apporte concernant ce projet de loi là, concernant les perquisitions, concernant les saisies, concernant la vie privée, concernant l'abandon de certains droits et privilèges, est-ce que la balance des inconvénients, là, est-ce que ça vaut la peine? Bon.

Moi, M. le Président, j'en doute fortement. Et, lorsque je regarde, mon interrogation, ce matin, que j'ai faite au niveau du comptable agréé, mon comptable agréé, là... Je lui vois le visage, là. Je n'ai pas sa photo sur mon bureau, mais j'ai traité avec lui pendant 20 ans de ma pratique, là. Lui, là, je viens d'apprendre, là, qu'il ne me met pas à l'abri. Toutes les confidences que je lui ai faites, les dossiers que j'ai à son bureau, je ne suis pas à l'abri. Et là je viens d'apprendre, ce matin, que mon médecin non plus.

n(12 heures)n

Parce que, quand je vais au cabinet de mon médecin, j'ai une discussion avec lui, je discute, on parle de nos familles, on parle de nos business, on parle de nos investissements, on parle de nos vacances. Enfin, c'est un médecin qui est vraiment très humain, comme le sont tous les médecins, d'ailleurs, j'en suis persuadé. Mais c'est un médecin qui prend le soin de nous écouter ? tout comme vous, M. le Président ? qui prend le soin de nous écouter parce qu'il sait très bien qu'on vit avec énormément de tension. Qu'on soit un professionnel dans un cabinet ou qu'on soit député, on a toujours de la pression. On a toujours de la pression de la part de nos commettants et commettantes, et de la part de notre clientèle, lorsqu'on exerce notre profession de notaire, ou d'avocat, ou d'administrateur, ou de comptable. On a une pression qui est exercée. Et je croyais fermement que le médecin pouvait être vraiment quelqu'un qui est là pour me protéger et non pas qui pourrait éventuellement m'incriminer.

Et c'est la raison pour laquelle j'appuie avec énormément d'intensité, de ferveur l'amendement... le sous-amendement qui est déposé par ma collègue de Mirabel pour faire en sorte que l'ordre professionnel, que ces médecins, que ces spécialistes soient intégrés au niveau de la protection parce qu'ils ont... ils peuvent éventuellement jouer un rôle qui pourrait faire en sorte d'aller à l'encontre même de leur mission qui est de protéger la vie de leur clientèle. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le député. On n'a pas su par contre si votre médecin ou votre comptable agréé avait votre photo sur leur bureau, mais...

M. Pinard: ...je souhaite, c'est qu'ils partagent la même opinion politique que la mienne.

Le Président (M. Paquet): Alors donc est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sous-amendement?

M. Lelièvre: M. le Président, vu l'heure...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: ...il y aurait une motion d'ajournement à présenter, qu'on ajourne nos travaux jusqu'au nouvel avis de la Chambre.

Le Président (M. Paquet): Est-ce que la motion... Est-ce qu'il y a consentement sur la motion? Il y a consentement. Alors donc j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à un nouvel avis de la Chambre.

(Fin de la séance à 12 h 1)


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