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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le vendredi 14 novembre 2003 - Vol. 38 N° 16

Interpellation : L'état des finances publiques du Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la commission des finances publiques ouverte. Le mandat de la commission pour cette séance est de procéder à l'interpellation adressée au ministre des Finances par le député de Rousseau sur le sujet suivant: L'état des finances publiques du Québec.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gautrin (Verdun) est remplacé par M. Morin (Montmagny-L'Islet); M. Bertrand (Charlevoix) est remplacé par M. Boucher (Johnson); et M. Lelièvre (Gaspé) est remplacé par M. Pagé (Labelle).

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci, Mme la secrétaire. Je me permets, pour le bénéfice de nos téléspectateurs ce matin, de vous rappeler brièvement le déroulement d'une séance d'interpellation. Dans un premier temps, l'interpellant, M. le député de Rousseau, aura un temps de parole de 10 minutes, suivi du ministre des Finances pour également 10 minutes. Par la suite, des périodes successives de cinq minutes seront allouées selon la séquence suivante: un député de l'opposition, le ministre des Finances et un député du groupe ministériel. 20 minutes avant l'heure du midi, j'accorderai 10 minutes de conclusion au ministre des Finances et un temps de réplique égal au député de Rousseau. De plus, si un intervenant n'utilise pas entièrement le temps qui lui est alloué, le temps non utilisé ne peut être reporté, et ceci ne réduit pas pour autant la durée de l'interpellation. Enfin, le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser midi. Et, comme je vois qu'il est déjà dépassé 10 heures, je vous demanderais un consentement pour terminer à midi cinq minutes. Consentement accordé.

Je rappellerai aussi qu'au quatrième bloc, dans les blocs consacrés à l'opposition, il y aura une intervention du député indépendant. Au quatrième bloc. Sur ce, M. le député de Rousseau, vous auriez la parole immédiatement pour 10 minutes. Merci.

Exposé du sujet

M. François Legault

M. Legault: Parfait. Merci, M. le Président. On est ici ce matin pour discuter probablement du sujet le plus important actuellement au Québec, qui inquiète tous les intervenants, entre autres dans les réseaux de la santé, de l'éducation, de la famille, les centres de la petite enfance. Le ministre des Finances nous a annoncé d'une façon très claire il y a quelques mois qu'il était à préparer son budget pour l'année qui vient, qui va commencer dans quatre mois et demi, donc très bientôt, le 1er avril 2004. Il nous a annoncé un manque à gagner de 3 milliards de dollars. 3 milliards de dollars, M. le Président, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent, et je comprends qu'il y ait beaucoup, beaucoup, beaucoup d'inquiétude dans les réseaux, donc chez toutes les personnes qui donnent des services à la population.

Pourquoi, M. le Président, se retrouve-t-on avec ce manque à gagner de 3 milliards de dollars? Bon, évidemment, avec une vieille approche, là, comme on voit souvent, le nouveau gouvernement libéral a dit: C'est parce que j'ai découvert une situation qui était pire que ce que je pensais lorsque j'ai fait plein de promesses durant la campagne électorale. Or, M. le Président, essentiellement, il y a deux raisons qui expliquent pourquoi on a actuellement un manque à gagner de 3 milliards de dollars.

La première raison, ce sont les dépenses de santé. On sait qu'il y a au Québec, comme dans tous les pays dans le monde, un vieillissement de la population qui amène une croissance exceptionnelle à chaque année des dépenses de santé. En moyenne, il y a plus de personnes qui sont plus âgées et qui ont besoin en moyenne de plus de soins de santé. Donc, on a besoin d'augmenter le budget de 5,2 %. Avec le travail qui a été fait par le Parti québécois pour réduire le déficit qui était à 6 milliards lorsque les libéraux ont quitté la gouvernance du Québec, bien, il y a eu des années difficiles effectivement où on n'a pas pu accorder le 5,2 %. Donc, on a un rattrapage à faire que j'ai estimé, lorsque j'étais ministre de la Santé, à 1,6 milliard. Et, à chaque année, il faudra augmenter le budget de la santé de 5,2 %, ce qui est plus que la croissance des revenus du gouvernement du Québec. Donc, on n'a pas besoin, là, d'être comptable pour comprendre qu'il y a effectivement une situation qui est très difficile. Et, si le Parti libéral nous dit aujourd'hui que, via le rapport Breton, ils viennent de découvrir ça, bien je pense que c'est vraiment parce qu'ils n'étaient pas prêts à gouverner, parce que je pense que tout le monde le sait au Québec, mais aussi dans tous les pays, cette situation de la santé.

La deuxième raison qui explique le manque à gagner de 3 milliards de dollars, ce sont les transferts du gouvernement fédéral qui baissent. Et ce n'est pas moi qui le dis, M. le Président. Le ministre actuel des Finances a préparé un rapport, qu'on a appelé le rapport Séguin, sur le déséquilibre fiscal, et, à la page 66 de ce rapport on ne pouvait pas être plus clair, et je vais vous le citer. Il nous disait: «Au cours des dernières années, ce sont les coupures apportées par le gouvernement fédéral aux transferts qui ont déstabilisé le financement par ces dernières ? en parlant des provinces ? des prestations de services qu'elles ont la mission d'offrir à la population.»

M. le Président, on a encore vu cette année une diminution importante des transferts au titre de la péréquation. On parle d'une diminution de 1,2 milliard, M. le Président. Et c'est là que le problème arrive. C'est que, lorsqu'on regarde les transferts du gouvernement fédéral, cette année, il y a une baisse de 15 %. Il y a une baisse de 15 %. Or, dans le cadre financier des libéraux, on avait prévu une augmentation de 4,5 %. Donc, je comprends que les libéraux, qui arrivent avec plein de promesses, se retrouvent aujourd'hui avec un écart, juste au titre des transferts du fédéral, un écart de 2 milliards par rapport à leur propre cadre financier. Donc, je pense, M. le Président, il n'y a personne qui est dupe au Québec, là. Probablement que le ministre des Finances va nous resservir tantôt sa cassette en disant que c'est la faute du gouvernement du Parti québécois. On sait que c'est parce que les transferts fédéraux ont diminué puis parce que la santé coûte de plus en plus cher.

n(10 h 10)n

Or, que fait le ministre des Finances face à cette situation? C'est là que ça devient encore plus inquiétant. On a vu depuis quelques jours les mauvaises nouvelles s'accumuler: augmentation des tarifs dans les centres de la petite enfance; augmentation des tarifs d'électricité; augmentation de l'assurance médicaments; augmentation du transport en commun. Sauf que tout ça, M. le Président, ça représente seulement quelques centaines de millions de dollars. Bien, seulement... C'est beaucoup d'argent, mais, quand on compare à son manque à gagner de 3 milliards, ça veut dire qu'il y a encore beaucoup de choses à annoncer. Les mauvaises nouvelles ne font que commencer. Et là je comprends que tout le monde soit inquiet: On va-tu avoir des coupures en santé? On va-tu avoir des coupures en éducation? On va avoir des coupures à quel endroit?

Et, M. le Président, ce qui est le plus difficile à suivre, c'est que, contrairement à tout ce qui a été fait dans le passé par tous les ministres des Finances, incluant André Bourbeau lorsqu'il était ministre des Finances... Habituellement, le ministre des Finances dépose une prévision pour l'année suivante. Actuellement, on est à quatre mois de 2004-2005, quatre mois du début de l'année financière qui va commencer le 1er avril puis on n'a toujours pas de prévisions financières. Le ministre des Finances, au mois de juillet dernier, nous a promis ? et j'ai une citation, s'il le souhaite, je pourrais lui répéter tantôt ? il nous a promis qu'au plus tard en septembre ou octobre il nous donnerait des prévisions de 2004-2005. M. le Président, on est rendus le 14 novembre aujourd'hui. Les gestionnaires des réseaux ne savent même pas où ils s'en vont pour dans quatre mois et demi, dans quatre mois et demi. M. le Président, je vous dis, moi, je viens de l'entreprise privée, là, si ça arrivait dans une entreprise, dans une PME, on mettrait dehors le gestionnaire. On dirait, là: Si vous n'êtes pas capable de faire de prévisions pour dans quatre mois, là, on va en mettre un autre gestionnaire, on va remplacer l'équipe de direction.

Donc, M. le Président, c'est inquiétant, la situation. Et là la question qui se pose, c'est: Que va faire le ministre des Finances? Va-t-il réclamer de la part du gouvernement fédéral de l'argent? Or, malgré toutes les questions puis les non-réponses qu'on a eues, on a finalement eu une réponse il y a deux semaines dans le journal Les Affaires. Il a cru bon de donner des réponses au journal Les Affaires plutôt qu'en donner ici, à l'Assemblée nationale. Il a dit: L'année prochaine, je compte aller chercher 2 milliards de plus du gouvernement fédéral. Bon, cette année, M. le Président, les transferts du gouvernement fédéral sont à 9,6 milliards. Donc, ça veut dire que l'année prochaine le ministre des Finances s'attend à aller chercher 11,6 milliards. Ce n'est pas suffisant, M. le Président, parce que, lui-même, il avait dit dans son rapport qu'il fallait aller chercher 2,5 milliards, et ça, c'était avant que la péréquation soit diminuée de 1,2 milliard cette année. Mais, M. le Président, on va être de bon compte. On est prêts à appuyer le ministre des Finances, nous, du Parti québécois, pour aller s'assurer que l'année prochaine les transferts qui viennent du gouvernement fédéral soient au moins à 11,6 milliards de dollars. On est prêts à l'aider.

Il y aura une rencontre importante, M. le Président. Puis, je pense, c'est important qu'on fasse cette interpellation aujourd'hui, parce que, dimanche, le match de la coupe Grey... Dimanche, c'est important, il y a le match de la coupe Grey. On sait que les Alouettes de Montréal ont un plan de match. Par contre, on est moins sûrs que le premier ministre actuel a un plan de match, parce que, lors de cet événement, il y aura une rencontre entre Paul Martin et tous les premiers ministres des provinces pour discuter justement du problème du déséquilibre fiscal puis de l'importance de rapatrier et de ramener les transferts ici, à Québec, à au moins 11,6 milliards. Sauf que, que va faire le ministre des Finances s'il n'obtient pas 11,6 milliards l'année prochaine? Est-ce qu'il va faire des coupures de milliards de dollars dans les services à la population du Québec? C'est inquiétant. Encore plus inquiétant, M. le Président, le ministre des Finances continue à dire qu'il souhaiterait en plus baisser les impôts de 1 milliard. Bien, ça, c'est le comble. Il lui manque 3 milliards, ce n'est pas assez, il va en ajouter un autre milliard en baissant les impôts de 1 milliard, donc les revenus de 1 milliard.

M. le Président, je voudrais savoir de la part du ministre des Finances quelle est sa stratégie, quel objectif il se donne. Quand compte-t-il aller chercher ce 2 milliards additionnels pour avoir des transferts de 11,6 milliards? Nous, notre position, M. le Président, on peut être en accord ou en désaccord, mais au moins c'est une position qui est claire, nous, on propose la souveraineté du Québec. On propose d'aller chercher 100 % de nos revenus pour être capables de faire des vrais choix et être capables de mettre plus d'argent dans la santé, dans l'éducation, donc être capables d'aller chercher les surplus qui sont à Ottawa, aller aussi réallouer certaines dépenses puis aller éviter les dédoublements. On pense qu'on pourrait régler les problèmes.

Quelle est la situation qui est proposée? Quelle est la stratégie qui est proposée? Le ministre des Finances, on le sait, a flirté avec la souveraineté pendant plusieurs années. S'il n'a pas le 2 milliards ou le 2,5 milliards d'Ottawa, est-ce qu'il va devenir ou redevenir souverainiste? Et, en attendant, que propose-t-il? C'est important, là. Puis je lui offre notre aide. Il faut effectivement qu'on aille chercher au moins 2 milliards à Ottawa avant le 1er avril 2004. Et je voudrais connaître sa stratégie pour aller chercher au moins 11,6 milliards de dollars dès le 1er avril qui vient. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci, M. le député de Rousseau et porte-parole officiel en matière d'économie et de finances. Pour une période de 10 minutes, je cède la parole au député d'Outremont, ministre des Finances. M. le ministre.

Réponse du ministre

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, M. le Président. Alors, oui, pendant ces premières 10 minutes, je vais essayer d'expliquer où nous en sommes dans cette situation des finances au Québec. Je ferais remarquer ? et je pense que tout le monde l'a compris ? que nous ne sommes dans ce gouvernement à peu près que depuis six mois. Déjà, on a présenté un budget, le 12 juin dernier, qui était manifestement un budget empressé parce qu'il fallait... Je l'avais expliqué dans le budget. Techniquement, nous avions l'obligation de déposer ce budget. L'ancien gouvernement avait déposé lui-même un budget le 11 mars dernier, juste avant la campagne électorale, et, pour les raisons qu'on peut comprendre, le budget, ce budget-là du 11 mars, n'a pas été voté à l'Assemblée nationale, mais il constitue, en vertu de la Loi de l'administration financière, un document public. C'est un document important, et ça, je tiens à le rappeler ce matin. Et, dans le cadre de la Loi de l'administration financière, le dépôt d'un budget constitue, selon les comptes publics, l'authentification des revenus, dépenses, situation de la dette et situation financière.

C'est important que ceux qui suivent nos débats, M. le Président, comprennent que les finances publiques ont soulevé, depuis un certain nombre d'années, auprès du public, que ce soit dans les différents gouvernements, soit au niveau fédéral, chez nous, au Québec, dans d'autres provinces, ont soulevé une suspicion étant donné que, depuis un certain nombre d'années, on a assisté à chaque fin d'année à des énoncés budgétaires qui souvent ne se sont pas révélés exacts vers la fin de l'année qui a suivi. Et on sait comment le public et les médias qui suivent les présentations budgétaires, les énoncés budgétaires des différentes administrations publiques sont devenus quelque peu sceptiques étant donné que souvent les énoncés ne s'avèrent pas véridiques ou ne s'avèrent pas fidèles à la situation. Et, malheureusement, ce problème a amené une grave lacune, je dirais, dans la confiance du public, la confiance des contribuables à croire ou à se demander qui croire dans la présentation des états financiers des gouvernements.

Au Québec, on n'a malheureusement pas échappé à ce défaut et pour toutes sortes de raisons que je ne veux pas expliquer ce matin parce que je vais essayer de me limiter à une interpellation qui vise l'état des finances publiques. Alors, je ne veux pas profiter du temps qui m'est donné pour ouvrir sur des débats à caractère plus politique, mais certainement qu'il est intéressant ici, ce matin, lorsqu'on parle des finances publiques et on parle de l'argent géré par les contribuables, les payeurs de taxes, qu'il y a un effort considérable à faire pour ramener une confiance des contribuables à au moins croire que la situation qui est présentée est fidèlement représentée. Et ça, je pense que c'est un souci qu'on devrait tous partager. Qu'importent nos options politiques, qu'importent nos partis politiques, je pense que, ici, à l'Assemblée nationale, on devrait rechercher la plus haute qualité dans la présentation des faits, quitte à ce que, dans les débats, nous puissions interpréter. Mais, à tout le moins, l'interprétation des faits est importante.

n(10 h 20)n

C'est pour ça que je veux revenir un petit peu sur des explications. Et j'aurai tantôt l'occasion de donner des explications sur l'état des finances publiques par rapport au budget du 11 mars parce que, même s'il n'a pas été voté, il a été fabriqué, fait selon les principes de la Loi de l'administration financière et il constitue une représentation en date du 11 mars de la situation qui existait au 11 mars. Il n'a pas été voté, ce qui a fait que les crédits qui auraient été, si vous voulez, alloués aux différents ministères ne l'ont pas été, mais ce document-là représente, tant qu'à moi, jusqu'à preuve du contraire, valablement une situation qui a été présentée par un gouvernement en exercice au 11 de mars.

Ce que je peux faire, moi, aujourd'hui, c'est d'expliquer l'évolution de la situation financière dans le temps. Qu'est-ce qui intéresse les contribuables aujourd'hui? C'est de savoir où nous sommes. Et j'évite d'ailleurs... Et c'est pour ça que, depuis que personnellement j'occupe les fonctions aux Finances, j'ai hésité et évité de faire justement des présentations, ou des pronostics, ou des prévisions, comme souvent on l'a fait, et malheureusement souvent basés sur des faits qui ne se révèlent pas exacts. Alors, j'ai préféré, compte tenu du court laps de temps entre l'élection et la présentation du budget, donc budget qui a été présenté le 12 juin... C'était tout à fait raisonnable dans les circonstances de se limiter à une présentation qui n'était peut-être pas tellement large dans la perspective des années suivantes, mais qui était le plus exacte possible sur la situation au moment où on a présenté le budget. Ça, je crois que c'est respectueux des contribuables. C'est respectueux du mandat, comme élus, que nous avons ici, à l'Assemblée nationale, de représenter ? et surtout en finances ? la situation financière la plus exacte.

Au-delà des lois que nous présentons et que nous votons ici, à l'Assemblée nationale, me semble-t-il qu'il y a quelque chose d'encore peut-être plus important, c'est la responsabilité et l'imputabilité sur la gestion des fonds publics. Et je dirais que le public est plus sévère sur la façon qu'il apprécie ou non cette gestion des fonds publics. Et la présentation des budgets, la présentation de la situation des finances fait partie de cette responsabilité, et je n'insisterai jamais assez pour que nous soyons les plus exigeants possible pour avoir la représentation la plus exacte.

Dans ce sens, j'avais bien indiqué, le 12 juin, comme la Loi de l'administration financière nous y oblige, à présenter à tous les trois mois une synthèse. Tous les gouvernements l'ont fait. L'ancien gouvernement l'a fait aussi. C'est la loi qui le commande. Il y a différentes façons de présenter la synthèse. Moi, j'ai préféré, et c'est exigeant, j'en conviens, j'ai préféré la présenter publiquement avec explications et fournir toute l'information disponible, et je m'y engage à tous les trois mois. Il y en a une qui s'en vient probablement soit avant Noël ou immédiatement après Noël, dépendant de la rapidité avec laquelle l'information comptable des fonds publics est disponible. Et je le fais à chaque fois, je veux le faire à chaque fois publiquement et répondre aux questions, hein, parce que, dans le fond, cette représentation des finances publiques, c'est simplement la responsabilité de la gestion des argents qui ne nous appartiennent pas ici, à l'Assemblée nationale, mais qui appartiennent aux payeurs de taxes. Et je pense que les collègues de l'opposition et de l'ADQ seraient d'accord pour que cette transparence qui a existé... Je ne veux pas dire qu'elle n'existait pas mais qu'il faut constamment rechercher la meilleure qualité possible de la représentation et surtout de répondre aux phénomènes.

On peut être en désaccord avec certains montants qui peuvent être alloués à certaines dépenses publiques ou d'autres. Ça, ça fait partie du débat, et je l'accepte, mais qu'à tout le moins nous ayons une représentation fidèle et que, pour ma part, M. le Président, et je dirais que le titulaire des Finances actuel, le député d'Outremont, votre humble serviteur, j'espère toujours être capable de faire une représentation aussi dénuée de toute forme d'interprétation trop élastique. Je pense que ce que les contribuables apprécient, ce n'est pas d'avoir toutes sortes d'informations plus ou moins contradictoires, mais d'avoir une information qui explique les phénomènes. Or, la finance, les finances, les revenus et les dépenses, ce n'est pas une science exacte. Lorsqu'on dépose un budget, on estime le mieux possible l'année qui vient pendant les 12 mois, de sorte qu'au printemps 2004 j'aurai l'occasion de déposer un budget pour l'année 2004, l'année prochaine. Et c'est basé sur une évaluation de la situation qui n'est pas exacte, et j'ai préféré attendre au printemps pour la déposer. Donc, aujourd'hui, malheureusement, même si ça me plairait beaucoup de le faire, évidemment je ne préparerai pas ici, en séance, le prochain budget. Je vais me limiter, dans les prochaines secondes, prochaines minutes, à expliquer la situation au mois de novembre, où nous sommes, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci, M. le ministre des Finances. Nous avons terminé notre premier bloc de cette interpellation. Nous allons maintenant rentrer dans la partie débat. Je rappelle aux gens que cette partie, c'est des blocs de cinq minutes où je serai très strict pour le temps, compte tenu qu'on ne peut gagner et perdre du temps dans chacun des blocs. Donc, je cède la parole immédiatement à l'opposition pour un bloc de cinq minutes. M. le député de Rousseau.

Argumentation

M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, je pense que les gens qui nous écoutent vont constater encore une fois que le ministre des Finances ne donne pas de réponse. Et je trouve ça malheureux, là, de faire de la politique de cette façon-là. On pose des questions claires et on n'a aucune réponse. On élabore sur toutes sortes d'autres sujets.

M. le Président, la question, là, est claire et est cruciale. Le ministre des Finances a lancé une bombe, une bombe qu'on connaît au Québec, même les gens du Parti québécois. Il manque 3 milliards de dollars par année pour balancer les comptes, 3 milliards de dollars. Je pense que les Québécois ont le droit de poser la question, à quatre mois de l'échéance du prochain budget: Qu'est-ce que le ministre des Finances va faire pour régler le 3 milliards? Il dit qu'il ne veut pas faire le budget tout de suite, des prévisions, c'est toujours inexact. M. le Président, on ne peut pas se contenter de ça. On ne peut pas se contenter de ça.

3 milliards. On a appris hier, hier, que les garderies à 5 $ vont devenir des garderies à 7 $. Ça va rapporter 100 millions. Ça veut dire qu'à partir de maintenant il manque 2,9 milliards pour régler le 3 milliards. On a trouvé 100 millions sur 3 milliards. Écoutez, les gens, là, sont inquiets, là, il va y avoir d'autres annonces. Il va y avoir, à la limite, 29 autres annonces comme celle d'hier. Il faut savoir où on s'en va.

Il y a moyen de limiter les dégâts, M. le Président. Puis j'avoue que je me dis, au moins, il y a des efforts qui vont être faits. Le ministre des Finances nous dit qu'il va aller chercher 2 milliards à Ottawa, 2 milliards sur 3 milliards. Ça veut dire que des annonces comme hier, si on va chercher le 2 milliards, bien, ça va être moins grave que si on ne va pas le chercher. Donc, il me semble que, M. le Président, on a le droit de savoir, là, je pose une question claire. Cette année, le gouvernement fédéral nous a transféré 9,6 milliards. Je comprends que c'est des gros chiffres, là, mais on a reçu 9,6 milliards. L'année prochaine, le ministre des Finances dit qu'il va aller chercher 2 milliards de plus. Ça fait 11,6 milliards. Est-ce que le ministre des Finances est prêt à s'engager à travailler avec nous pour inscrire dans ses prévisions 2004-2005 11,6 milliards?

On est prêts à l'appuyer, on est prêts, le chef de l'opposition est prêt à embarquer ensemble, aller à Ottawa. Il va y avoir une rencontre dimanche, lors de la coupe Grey, avec Paul Martin, le nouveau premier ministre du Canada. Jean Charest... pas Jean Charest, le premier ministre du Québec va rencontrer Paul Martin. Est-ce qu'on peut, que ce soit là ou à un autre moment, aider le ministre des Finances, aider le gouvernement libéral? C'est grave, M. le Président, puis on a le droit à des réponses. Quelle est la stratégie du ministre des Finances pour aller chercher le 2 milliards? Qu'est-ce qu'il va faire s'il n'a pas le 2 milliards? Est-ce qu'il va faire des coupures ou des augmentations de tarifs pour 2 milliards de dollars? Qu'est-ce qu'il va faire s'il n'a pas le 2 milliards?

n(10 h 30)n

M. le Président, il me semble que c'est une question claire, importante. Le ministre ne peut pas continuer de tourner en rond comme ça puis nous répondre n'importe quoi. 2 milliards, M. le Président. Il a besoin de 3 milliards. Il dit qu'il va aller en chercher deux sur trois à Ottawa. Bon, moi, je serais plus partisan d'aller en chercher trois. Je pense qu'on pourrait aller en chercher trois parce qu'il y a des surplus puis il y a de l'argent qui est dépensé dans des priorités moins importantes. Mais on est prêts à accompagner le ministre pour dire: On va au moins aller chercher 2 milliards pour combler une partie du trou de 3 milliards. Est-ce qu'il va aller chercher le 2 milliards? Comment va-t-il le faire? Est-ce qu'il se donne jusqu'au 1er avril? Est-ce qu'il nous garantit aujourd'hui qu'il va inscrire 11,6 milliards dans les prévisions 2004-2005, que, quand ça va être marqué, là: Revenus qui viennent des transferts du gouvernement fédéral, 11,6 milliards... Nous, on est prêts à défendre ça.

Puis, même si on se faisait dire non par Ottawa, on est prêts, on lui offre ça, puis je lui offre cette possibilité, inscrivons un compte à recevoir pour la différence. S'il nous donne moins que 11,6 milliards, qu'on inscrive à un compte à recevoir. Est-ce qu'il est d'accord avec ça, pour inscrire dans les prévisions qui vont commencer le 1er avril, dans quatre mois et demi, 11,6 milliards d'Ottawa, d'inscrire ça clairement? On est prêts à l'appuyer. On va aller avec lui à Ottawa plutôt que de faire des coupures de 2 milliards, plutôt que d'aller annoncer des augmentations de tarifs, comme hier, dans les garderies pour le monde, les petites familles du Québec. Est-ce que le ministre des Finances peut répondre à notre question? Va-t-il inscrire dans ses prévisions 2004-2005 11,6 milliards? Et comment va-t-il aller chercher le 2 milliards? Que va-t-il faire s'il n'a pas le 2 milliards? C'est clair, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci au député de Rousseau. Une réplique immédiate de cinq minutes au ministre des Finances.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, M. le Président. Je pense qu'on aura remarqué que, dans les quelques minutes qu'on vient d'entendre le député de Rousseau, je pense qu'il y a eu 16 questions différentes. Alors, on me pardonnera de ne pas répondre aux 16 en cinq minutes.

Sur la question du 2 milliards, qui a fait l'objet d'une entrevue au journal Les Affaires que brandit constamment mon collègue, là, devant la caméra ? une excellente entrevue, soit dit en passant, M. le Président ? qui rappelait ce 2 milliards que nous réclamons au Québec et qui fait partie, je pense, de ce sujet du déséquilibre fiscal qu'à peu près tous les Québécois ont entendu parler... Et je pense que la grande majorité reconnaît que, dans la dynamique du déséquilibre fiscal, le Québec a environ un 2 milliards de réclamations basées sur l'occupation par le gouvernement fédéral du champ fiscal au Québec, particulièrement l'impôt sur le revenu des particuliers. La Commission sur le déséquilibre fiscal, que j'ai eu l'honneur de présider, avait évalué de la meilleure façon possible à environ 2 milliards de dollars le déséquilibre fiscal, non pas 3. Mais, bon, ça peut être peut-être 3, là. Je pense que, dans l'ensemble des discussions, ce n'est pas tellement le montant comme tel qui est le facteur le plus important. Et, d'ailleurs, dans la Commission sur le déséquilibre fiscal...

Et l'ancien premier ministre, actuel chef de l'opposition, avait été d'accord avec cette approche de ne pas réclamer uniquement un paiement, un chèque pour réparer la situation, mais plutôt de renégocier les accords fiscaux avec Ottawa pour que le Québec retrouve davantage son autonomie financière. Donc, je diverge d'opinion avec mon collègue que la réclamation qu'il s'agit de faire ici, ce n'est pas de réclamer un chèque, comme l'a partagé avec moi l'actuel chef de l'opposition, ancien premier ministre, qui était bien d'accord à ce que ce qu'on devait discuter et négocier, c'était de reprendre un champ fiscal, une autonomie financière. Qu'on l'évalue à 1, 2 ou 3 milliards, c'est important, mais ce n'est pas ça, la cause que nous défendons.

Deuxièmement, je dirais que ce n'est pas tout à fait exact de vouloir additionner ce montant-là, qu'il soit de 2 ou 3 milliards, à la péréquation pour l'an prochain ou pour cette année. Mon collègue, je pense, fait une petite erreur. Nous ne recevons pas en péréquation 9,5 milliards, nous en recevons à peu près la moitié étant donné que, sur les transferts fédéraux, il y a plusieurs accords fiscaux. Le montant global d'environ 9,5 milliards est composé et de la péréquation et du transfert canadien à la santé, programmes sociaux, et de trois autres programmes fédéraux, dont le total fait 9,5 milliards. La péréquation est environ la moitié du 9,5 milliards, de sorte que je ne peux pas souscrire à la mathématique qu'il nous présente, qui serait de réclamer un ajustement à la péréquation et faire chiffrer cette réclamation à 11,5 milliards. C'est complètement non conforme à la réalité dans laquelle nous vivons, et ça, je suis convaincu que ce n'est pas possible actuellement de réclamer une telle somme.

Je pense que ce qu'il faut plutôt viser, c'est... Et c'est commencé, M. le Président, on a déjà commencé des négociations avec le gouvernement fédéral, qui doit réformer la péréquation pour le printemps 2004. Nous avons... Et j'espère tantôt avoir l'occasion de vous expliquer qu'est-ce que nous présentons, mais nous voulons profiter de la réforme à la péréquation pour hausser la péréquation qui est versée par ce programme-là au Québec de la somme la meilleure possible, qu'on peut estimer certainement autour de 2 milliards si on prend le chiffre absolu et... ce qui ferait porter peut-être la péréquation versée au Québec d'une somme d'environ peut-être 4,8 ou 5 milliards à quelque chose comme 7 si on réussissait dans nos réclamations mais certainement pas à 11,5.

En terminant, je dirais tout simplement que le meilleur chiffre que nous avons présentement pour 2004 à la péréquation vient du budget présenté par l'ancien gouvernement le 11 mars, budget que j'ai allégué tantôt, à la section 3, page 8, où on évalue la péréquation en 2004-2005, incluant les transferts des services de santé, donc le montant global versé au Québec, on l'estimait à 8,5 milliards, ce qui m'apparaît assez conforme à la réalité, et c'est le chiffre que nous allons retenir.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci, M. le ministre. Pour un bloc de cinq minutes aussi au député ministériel, soit le député de Montmorency et adjoint parlementaire au ministre du Revenu. M. le député, la parole est à vous pour cinq minutes.

M. Raymond Bernier

M. Bernier: Merci, M. le Président. Alors, je veux saluer mes collègues ce matin et je suis fort heureux d'avoir l'occasion de participer à cette séance d'information en ce qui regarde les finances publiques.

Tout d'abord, je crois qu'il... Tout à l'heure, le député de Rousseau a mentionné, a donné un exemple en ce qui regarde le secteur privé par rapport au secteur public: quand il y a de mauvais gestionnaires ou de mauvais estimés, on finit par congédier les gestionnaires privés. Je voudrais simplement lui rappeler que le 14 avril dernier c'est ce qu'a fait la population du Québec, elle a congédié le précédent gouvernement en regard de la mauvaise gestion financière. Et ça, je pense qu'il faut en parler de ça, de l'héritage auquel le nouveau gouvernement a dû faire face lors de son arrivée, un héritage qui est fort lourd et qui implique bien sûr la prise en compte de mesures pour être capable de redresser les finances publiques.

Lors de son arrivée au pouvoir, en avril dernier, le nouveau premier ministre, à ce moment-là, a été informé de la présence d'une impasse budgétaire qui n'avait pas été relevée lors du projet de budget déposé par l'ancien gouvernement à la veille des élections, soit le 11 mars. Afin d'obtenir une opinion impartiale, le nouveau premier ministre a alors demandé et mandaté M. Guy Breton, ancien Vérificateur général du Québec, de faire la lumière sur la situation des finances publiques du Québec. Le rapport, déposé le 30 avril par M. Breton, faisait état d'une impasse budgétaire de 4,3 milliards de dollars pour l'exercice financier 2003-2004 et de 3,8 milliards de dollars pour l'exercice financier 2004-2005. Le rapport précisait également les causes expliquant l'écart observé entre le budget du 11 mars et la situation prévisible au moment où le rapport a été complété, soit le 15 avril 2003.

M. le Président, selon le rapport Breton, cette impasse budgétaire est attribuable à trois sources: des mesures afférentes aux revenus et aux dépenses de 2,1 milliards pour 2003-2004, de 1,9 milliard en 2004-2005, des initiatives afférentes aux prévisions de revenus et de dépenses de 1,3 milliard pour 2003-2004 et de 1,6 pour 2004-2005 ? il s'agit dans ce cas-ci, par exemple, de mesures non annoncées mais provisionnées au cadre financier, telles que le relèvement de 100 $ des droits d'immatriculation et d'assurance, ce qui regarde la Société de l'assurance automobile, qui avaient été ajoutées par le précédent gouvernement aux revenus sans qu'elles ne soient mentionnées dans le discours du budget ? des événements postérieurs au 11 mars 2003 de 900 millions pour 2003-2004 et de 470 millions pour 2004-2005, notamment la révision, au niveau des transferts fédéraux, de 707 millions pour 2003-2004 et de 236 millions pour 2004-2005.

n(10 h 40)n

Certains mettent en doute la crédibilité de l'impasse budgétaire de 4,3 milliards estimée par le comité d'experts présidé par M. Breton. Et, sur ce, M. le Président, je pense que cette impasse budgétaire, en ce qui nous concerne, nous la réaffirmons, n'est pas le résultat d'un jeu comptable où il suffirait de modifier les chiffres au gré de stratégies politiques. Elle n'était pas prévisible et certainement pas connue par le nouveau gouvernement. Certaines d'entre elles correspondaient à des mesures affectant les revenus et les dépenses de diverses natures. Il s'agissait bien d'une impasse réelle, et nous nous sommes retrouvés dans l'obligation de prendre des mesures substantielles lors du budget de juin pour rétablir les finances publiques, soit des resserrements aux dépenses de 1,5 milliard, une réduction du niveau des dépenses de 793 millions, de façon à réduire leur croissance à 3,8 % plutôt que 5,6 % du projet du budget de mars dernier, et une résorption des dépassements appréhendés aux dépenses de 354 millions de dollars, principalement à la santé. Enfin, il a fallu en plus annuler des mesures annoncées le 11 mars dernier de 400 millions de dollars. Donc, 361 millions de dollars consistaient en nouvelles dépenses, des mesures affectant les revenus de près de 1,5 milliard de dollars. Donc, vous voyez qu'on a dû faire face à une situation fort problématique.

Deuxièmement, en plus des coupures de 800 millions qui ont été réalisées dans les dépenses fiscales, une performance accrue de 700 millions a été demandée aux sociétés d'État, notamment à Hydro-Québec. Des gestes de redressement qu'on se devait de faire. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci au député de Montmorency. Nous redonnons le droit de parole aux députés de l'opposition, en l'occurrence le député de Labelle et porte-parole officiel de l'opposition officielle de l'industrie et du commerce. M. le député, pour cinq minutes.

M. Sylvain Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais rappeler au collègue de Montmorency que l'invitation est toujours de mise. Si jamais M. Breton veut venir en commission parlementaire et qu'on le questionne sur son rapport, ça nous fera toujours plaisir de le recevoir.

Et un autre commentaire. J'avoue qu'on a fait un peu le saut tantôt ici, lorsqu'on a entendu des propos plutôt légers par rapport à 2 ou 3 milliards, comme si c'était 2 $ ou 3 $, j'imagine, là, pour le ministre. Alors, moi, j'aurai une question à la fin de mon propos, qui sera très claire et j'attendrai une réponse de la part du ministre.

Donc, M. le Président, ma première intervention va porter sur une constatation pour le moins inquiétante. Contrairement à la tradition et à ce qui se fait d'ailleurs un peu partout à travers le Canada et au gouvernement fédéral, le ministre des Finances, dans son budget de juin dernier, n'a indiqué aucune prévision pour la prochaine année, donc pas de prévision pour 2004-2005. Évidemment, nous étions tous surpris de constater cette omission, puisque le Parti libéral avait promis d'être le gouvernement de la transparence. D'ailleurs, vous n'avez qu'à feuilleter rapidement le programme électoral de ce parti pour voir à quel point ils avaient choisi de marteler ce message de la transparence en campagne électorale.

Bien sûr, nous n'étions pas les seuls à être surpris lors du dépôt de ce premier budget. Rappelons le vice-président, économiste en chef chez Desjardins, qui disait: «Il faut déplorer que le budget ne comporte aucune projection pour l'année fiscale 2004-2005 et pas de réserve budgétaire. Ceci confère au budget un certain manque de vision quant aux grandes orientations économiques du gouvernement.»

Le 14 juillet dernier, lors de l'étude des crédits de son ministère, le ministre, d'ailleurs, déclarait ? j'ouvre les guillemets: «On a pris l'engagement que, dès cet automne, en septembre ou en octobre, dès qu'on sera prêts ? dès qu'on sera prêts ? à présenter nos prévisions de ce que nous entendons faire pour 2004-2005.» Pas besoin de vous dire que son engagement n'a pas encore été respecté, puisque nous sommes rendus à la mi-novembre. Je ne voudrais pas tomber dans de la petite politique, mais force est de constater qu'être prêt relève plus d'un slogan que de la réalité.

Mais il y a pire encore. Lorsque nous avons questionné le ministre des Finances à ce sujet la semaine dernière, à la période des questions, la réponse nous est finalement venue de la part du premier ministre, et je le cite: «Ça va être dans le budget.» Donc, dans le prochain budget. Vous comprendrez, M. le Président, qu'en matière de transparence ce gouvernement n'est pas encore passé de la parole aux actes.

D'ailleurs, il semble qu'ils ont déjà oublié ce qui était écrit dans leur programme électoral, puisqu'ils ont présenté des plans annuels de gestion de dépenses des ministères et organismes qui ne respectent même pas, ne respectent même pas la Loi sur l'administration publique. En effet, contrairement à la transparence la plus élémentaire et contrairement à ce qu'avait présenté le gouvernement précédent, le budget des dépenses ne présente ni objectifs et aucun indicateur de résultat qui permettent aux citoyens d'apprécier la rigueur de la gestion des fonds publics. Alors, ce que nous demandons, c'est pourquoi. Pourquoi refuser d'indiquer les prévisions des dépenses et des revenus pour l'an prochain? Soit que le ministre n'en a pas, ce qui serait, mais alors là, très inquiétant, ou soit qu'il refuse de se commettre, ce qui serait encore plus grave.

M. le Président, il est de plus en plus évident que, si nous n'avons pas de prévisions pour 2004-2005, c'est tout simplement parce que ces prévisions viendraient démontrer que le cadre financier de son parti et du ministre ne tient pas la route. Ce gouvernement réalise maintenant qu'il ne pourra pas baisser les impôts, comme il avait promis, sans faire des coupures importantes dans les services sociaux ou encore en refilant la facture, comme hier, avec 40 % de plus, aux jeunes familles. Pour une famille à 60 000 $ de revenus, c'est une facture nette, après toutes les déductions d'impôts, de 882 $ par année. Donc, s'il n'y a pas de prévisions, M. le Président, c'est tout simplement que le ministre constate qu'il ne pourra baisser les impôts et livrer le programme de son parti.

Alors, M. le Président, je termine sur cette question. Elle est simple, elle est claire: Qu'entend faire le ministre pour être enfin transparent? Et, tant qu'à y être, qu'il nous dise clairement pourquoi, puisque les citoyens et les citoyennes sont en droit de savoir, pourquoi, encore aujourd'hui, sept mois jour pour jour après son élection, il n'est toujours pas en mesure de livrer avec transparence toutes ces informations. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci, M. le député de Labelle. Pour un droit de réplique aussi de cinq minutes, M. le ministre des Finances.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je salue la première question du député de Labelle. Je suis un peu étonné de l'intervention de mon collègue. Nous sommes au mois de novembre, donc à un moment de l'année où le budget a déjà été présenté depuis plusieurs mois. J'ai présenté une synthèse sur les revenus et dépenses il y a deux semaines. Je croyais être interpellé ce matin sur l'état des finances publiques et non pas sur le débat du budget qui a déjà eu lieu. Je veux bien, moi, me prêter à répondre de nouveau à ces questions.

Et je suis étonné ? puis j'espère que beaucoup de gens nous suivent aujourd'hui dans nos travaux ? de me faire accuser de manquer de transparence. Je trouve ça assez particulier. Je peux recevoir beaucoup de critiques sur des choix dans nos politiques, des choix peut-être... Et j'accepte la critique sur un ensemble de mesures qu'on a pu introduire dans le budget, que certaines déplaisent, et on peut les critiquer, mais je trouve ça étrange de porter sur ma personne un soupçon que je manquerais de transparence. Je pense que ce n'est pas tout à fait dans l'honneur de nos fonctions de me faire ce genre de reproche alors que nous sommes dans notre première année de gouvernement. Je suis respectueux pour les gouvernements qui se sont succédé ici, à l'Assemblée nationale. Je n'ai pas personnellement l'intention de faire le procès de l'ancien gouvernement pour ses neuf ans au pouvoir. Je pense que les gens ont rendu une décision lors de la dernière élection. Je fais, moi, mon possible, tout ce qui est humainement possible au ministère des Finances pour rendre disponible l'information. Je l'ai fait publiquement lors du dépôt de la synthèse qui, je dois le rappeler, est quand même assez complète, synthèse des opérations financières déposée récemment pour la période se terminant le 30 juin, où on a donné le mieux possible l'état de situation actuel.

n(10 h 50)n

J'ai même révélé que les revenus que nous avions estimés... Et je vais tout de suite répondre à la question... Enfin, il y a eu plusieurs questions posées par le collègue député de Labelle. Encore là le défaut, que je ne peux pas répondre brièvement à la question si la question a 12 sous-questions. Alors, j'ai capté une des questions, qui était: Pourquoi on n'a pas déposé de prévisions? Je l'ai expliqué le 12 juin, que les prévisions basées sur l'état de situation du dernier budget du 11 mars, présenté par l'ancien gouvernement, avaient révélé que ? et je le dis en tout respect ? avaient révélé que les estimations de certains revenus et certaines dépenses ne s'étaient pas avérées exactes. Et ça, je pense que le public aujourd'hui le reconnaît. Que ça a été 4 milliards d'impasse financière ou moins, je suis prêt à accepter un débat là-dessus, mais, à tout le moins, on peut dire aujourd'hui que les projections que l'ancien gouvernement lui-même avait évaluées pour l'année 2003 ne se sont pas révélées exactes. Et je ne le blâme pas. La situation économique est différente aujourd'hui, comparé à l'an passé. Et, à la synthèse, j'ai même expliqué que nos revenus avaient diminué. L'économie diminue, ralentit. Nous avons à peu près, au moment où on se parle, un 300, 400 millions de moins aux déductions à la source effectuées par Revenu Québec. Nous appréhendons une diminution des transferts fédéraux, tel que l'avait estimé l'ancien gouvernement l'an passé.

D'autre part, j'ai rendu public aussi qu'on a un dépassement de dépenses présentement en cours par un certain nombre de ministères. J'ai rendu publique l'information, j'ai cité les ministères. Et nous employons actuellement un plan d'action pour résorber ce dépassement, pour terminer au déficit zéro, tel qu'on s'est engagé à le faire. Et tantôt je pourrai vous donner d'autres informations qui m'inquiètent. Je vais vous le dire tout de suite, la Société générale de financement et les Innovatech sont en situation... Surtout, la Société générale de financement a déjà déclaré une perte de 181 millions qui fait partie des états financiers du gouvernement. Donc, ça accroît un potentiel de perte cette année, aux états financiers du gouvernement, de 181 millions. Et je vais expliquer tantôt les autres craintes que j'ai à l'égard de la SGF. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci, M. le ministre. Maintenant, nous cédons la parole, pour un bloc de cinq minutes, au député de Montmagny-L'Islet et porte-parole en matière de ressources naturelles, faune et parcs. M. le député, pour cinq minutes.

M. Norbert Morin

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Que l'opposition officielle interpelle le gouvernement sur l'état des finances publiques, c'est son rôle. Qu'en revanche elle se serve de cette occasion à des fins partisanes, c'est moins légitime et c'est surtout très dangereux pour elle.

Nous ne sommes en contrôle de cette Trente-septième Législature que depuis sept mois. Donc, nous devons composer avec la situation actuelle des finances publiques. Mais il existe une réalité incontournable qui mine depuis trop longtemps notre marge de manoeuvre et que nous ne devons pas oublier. Cette réalité, c'est celle du déséquilibre fiscal. Mon collègue de Rousseau va être content de m'entendre, mais mon approche est très différente de la sienne, car, moi, je crois au Canada et ma finalité, ce n'est pas la séparation.

Depuis plusieurs années, le problème du déséquilibre fiscal est devenu au Canada l'enjeu le plus fondamental des relations fédérales-provinciales. Ce problème est d'autant plus important qu'il gruge la capacité des provinces à assumer leurs responsabilités en matière de services à la population, notamment en santé et l'éducation. Le partage actuel des ressources fiscales ne permet plus à la plupart des provinces d'assumer pleinement la croissance des coûts de ces services, et les pressions sur les dépenses des provinces iront inévitablement en s'accentuant dans les prochaines années, tout le monde le convient. Déjà, les coûts reliés à la santé ont augmenté au Québec. La marge de manoeuvre du Québec est de plus en plus limitée.

En revanche, le gouvernement fédéral dispose de moyens nettement supérieurs à ses besoins et accumule des surplus. C'est cela, le déséquilibre fiscal, c'est l'écart qui existe aujourd'hui entre les responsabilités et les moyens pour les assumer. Depuis 1997-1998, le gouvernement fédéral dispose de surplus d'au moins 6 milliards de dollars par an ? cette année, il sera moindre, mais quand même ? alors que la majorité des provinces ont du mal à équilibrer leur budget.

Trouver des solutions au problème du déséquilibre fiscal sera un des principaux enjeux pour les finances du Québec. Le déséquilibre fiscal, c'est un problème structurel et non conjoncturel. Il commande des solutions durables pour aujourd'hui et pour demain. Donc, l'objectif est clair, il faut que la distribution des ressources fiscales reflète le partage des rôles et des responsabilités établi entre les deux ordres de gouvernement en vertu de la Constitution canadienne.

Plusieurs pistes de solution ont déjà été avancées. L'une d'elles réside dans l'augmentation des transferts fédéraux. D'ailleurs, l'ensemble des provinces et des territoires souhaitent que les transferts fédéraux, au titre du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, passent de 17 % à 25 % de leurs dépenses sociales, c'est-à-dire qu'ils retrouvent les niveaux d'il y a quelques années.

D'autres avenues existent et qu'il faudra explorer, comme notamment un nouveau partage des ressources fiscales et la récupération par les provinces de points d'impôt ? on en a déjà parlé ? ou d'un espace fiscal supplémentaire. Cette solution a d'ailleurs déjà été mise de l'avant par le premier ministre actuel avant son entrée en fonction. Il est sûr qu'une telle mesure pourrait contribuer à améliorer la planification budgétaire des provinces en rendant leurs sources de revenus plus prévisibles. La mise en place du Secrétariat à l'information et à la coopération sur le déséquilibre fiscal sous l'égide du Conseil de la fédération sera un outil que nous devrons privilégier pour trouver des solutions à ce problème.

Il ne s'agit pas, pour les provinces, de récupérer toute la marge de manoeuvre dégagée année après année par le gouvernement fédéral. Il s'agit de tenir compte des priorités de la population et des besoins de financement des services qui lui sont offerts par les provinces. Le problème du déséquilibre fiscal n'est pas un problème partisan, il s'agit d'une réalité qui explique en partie la situation actuelle des finances publiques du Québec. Il faudra donc que nous arrivions, M. le Président, à trouver des solutions. Mais il aurait fallu, ces dernières années, pour contrer les effets néfastes du déséquilibre fiscal, faire des choix différents de ceux qui ont été faits. L'ancien gouvernement était pleinement conscient de la situation et pourtant il a continué dans la même direction. Nous sommes aujourd'hui devant d'importantes difficultés, et c'est à nous d'assumer l'héritage. L'ancien gouvernement porte une lourde responsabilité. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci beaucoup au député de Montmagny-L'Islet. Je rappelle aux gens, à nos téléspectateurs le sujet de l'interpellation d'aujourd'hui: L'état des finances publiques du Québec. Et je cède la parole à l'opposition officielle et, en l'occurrence, au député de Johnson, porte-parole de l'opposition officielle en sport et loisir, pour un bloc de cinq minutes. M. le député.

M. Claude Boucher

M. Boucher: M. le Président, je suis heureux que le député de Montmagny-L'Islet ne soit pas partisan et que, dire ici qu'il croit au Canada et qu'il n'est pas séparatiste, ce n'est pas partisan. Moi, je lui dirai que je ne suis pas partisan non plus et que je crois au Québec et que je suis souverainiste. Mais il n'y a pas de partisanerie à dire ça, si je comprends bien.

Alors, M. le Président, je voudrais poser des questions au ministre des Finances, la même que mon collègue François Legault a posée: Qu'est-ce que vous allez faire si vous ne réussissez pas à obtenir l'argent que vous souhaitez obtenir d'Ottawa? Quelle est votre stratégie si c'est non? Le ministre des Finances, lui, avait déjà fait son lit lorsqu'il a dit: Si les gens savaient combien leur coûte Ottawa, l'indépendance serait faite depuis longtemps. Il a dit ça en 1991, le 31 mars. Il est maintenant ministre des Finances. Il est maintenant ministre des Finances, et je pense qu'il croit encore à ça. Il ne vous le dira pas, mais je crois qu'il sait toujours qu'à Ottawa on dépense notre argent sans qu'on ait aucun pouvoir sur ces décisions-là, et il le sait très bien. Mais on va être bon prince. J'ai dit ce que j'avais à dire. J'ai surtout rapporté ses paroles.

Moi, M. le Président, juste six mois avant l'élection, j'ai fait le tour de mon comté, j'ai tenu 23 rencontres avec mes gens de mon comté. Plus de 600 personnes ont participé à cet exercice où j'ai discuté du budget du Québec, du budget des dépenses. J'ai ramené le budget sur 100 $. Le budget du Québec, en 2002-2003, était de 50 milliards. Alors, j'ai ramené tout ça sur 100 $ et j'ai demandé aux gens: Qu'est-ce que vous pensez des postes budgétaires, des missions gouvernementales, et qu'est-ce que vous feriez si vous aviez à faire des choix? Alors, M. le Président, je vais vous montrer le tableau que j'ai utilisé à 23 reprises dans mon comté et qui... Comme ça, j'espère que la caméra va me le permettre. Et, avec 600 personnes, j'ai fait le tour de toutes les missions gouvernementales en leur disant évidemment qu'ils n'avaient pas de pouvoir sur 13 $ ? puisqu'il y avait 13 $ qui étaient le service de la dette ? et 87 $, donc, de dépenses de programmes. J'ai fait le tour. Alors, vous savez, par exemple, qu'en santé, sur 100 $, il y a 35 $, vous savez qu'en éducation il y a 22,40 $, vous savez que le ministère du Travail, c'est 0,10 $, vous savez que, par exemple, pour les Finances et Revenu, le ministère que dirige le ministre des Finances, c'est 2,55 $, et ainsi de suite.

n(11 heures)n

J'ai fait le tour de ma circonscription électorale, j'ai discuté avec 600 personnes, et finalement nous avons élaboré le budget du Québec tel que les gens le souhaiteraient. Évidemment, ça a donné des résultats ? je m'excuse, M. le Président ? ça a donné des résultats assez spéciaux. Les gens, par exemple, ont décidé d'investir davantage dans les relations internationales, contrairement à ce que je pensais. Je vis dans un comté rural et je me disais: Bon, les relations internationales, ça intéresse peu les gens, généralement. Mais non, ils ont mis plus d'argent dans les relations internationales. Ils en ont enlevé un peu dans la sécurité publique. Ils trouvaient que dans ce temps-là les procès nous coûtaient très cher ? évidemment, hein, l'imagerie populaire.

Ce que je veux vous dire, M. le Président, c'est que les citoyens, finalement, au bout de cette démarche-là, ils ont constaté que la marge de manoeuvre du gouvernement du Québec était nulle. M. le ministre des Finances pourrait bien éliminer le ministère du Travail pour mettre de l'argent dans la santé. Or, ce qu'il ferait, c'est qu'il ajouterait 0,10 $ au 35 $ qu'il y a dans la santé, qu'il y avait dans la santé en 2002-2003, 0,10 $, imaginez-vous. Il pourrait éliminer comme ça des missions comme la sécurité publique et il ajouterait 1,42 $. Il pourrait ajouter le ministère, par exemple, le ministère des Relations internationales: 0,20 $. Mais finalement, il sait qu'il n'arriverait jamais, jamais à trouver, même en tournant toutes les pierres qu'il y a au gouvernement, il n'arrivera jamais à trouver l'argent dont le Québec a besoin.

Quand notre collègue le député de Montmagny-L'Islet disait: La Constitution a prévu des missions, il a oublié une chose fondamentale: le pouvoir illimité de dépenser d'Ottawa. Et ça, il n'aura jamais le courage de vouloir le corriger et il le sait très bien.

Il y a une façon de le faire. Vous le savez tous, vous, les amis d'en face. La seule façon de réaliser ce que vous souhaitez faire, c'est par la souveraineté du Québec. Et je sais que vous le savez, mais vous n'avez pas le courage de le faire. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci au député de Johnson. Un droit de réplique de cinq minutes immédiatement au ministre des Finances. M. le ministre.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, M. le Président. Je remercie le député de Johnson de son intervention. Je n'ai pas tout à fait compris si j'avais une question. C'était plutôt un commentaire. Je prends bonne note. Connaissant le souhait du député de Rousseau de vouloir présenter un budget dans un Québec souverain, alors, je comprends que vous prêtez vos services à préparer ce budget de l'an 1 d'un Québec souverain, mais j'espère que vous allez vous procurer une calculatrice parce que le budget du Québec, en 2002, n'était pas de 50 mais de 53 milliards. Alors, vous avez un 3 milliards qui ne balance pas. Et j'espère que vous avez calculé le service de la dette. Je ne l'ai pas vu sur votre tableau. Le service de la dette est quand même en croissance.

Une voix: ...

M. Séguin: Oui, mais il est quand même en croissance. Nous allons passer le cap du 8 milliards d'intérêts à la dette. Il faut rappeler que le service de la dette... On n'aime pas ça, parler de la dette, M. le Président, parce que, bon, c'est un sujet peut-être un petit peu ennuyeux, plate. Ça nous rappelle nos mauvaises dépenses, hein, dans nos portefeuilles ou dans notre situation familiale. Personne n'aime ça, le samedi soir... On est aujourd'hui vendredi, je suis très convaincu que, ce soir, vendredi, les gens, dans les cocktails et dans les soirées, ne parleront pas de leur hypothèque puis de leurs cartes de crédit qui sont au plafond. Mais le Québec, et il faut le mentionner, a présentement une dette publique énorme, 112 milliards. Et nous nous dirigeons immanquablement, parce que nous sommes dans une mécanique de dépenses depuis plusieurs années, à 3 milliards de croissance de dette par année, incompressible. Nous allons franchir, le 1er avril, 115 milliards. Autour de 8 milliards d'intérêts, ce sont les deux tiers, ça représente les deux tiers du ministère de l'Éducation que nous payons en intérêts.

Depuis la Deuxième Guerre mondiale, nous avons été dans l'impossibilité de diminuer la croissance de la dette. Il y a eu quelques petits versements, mais l'emprunt dans l'année a toujours été supérieur, de sorte que jamais le montant de la dette n'a baissé d'une année à l'autre depuis la Deuxième Guerre mondiale. Je soulignerai... Je n'aime pas le faire, mais l'intervention de ce matin m'y amène. Que voulez-vous, c'est la situation des dernières années. Depuis 1999 ? c'est récent, nous sommes en 2003 ? la dette est passée de 99 milliards... D'ailleurs, c'est facile à retenir: 1999, 99 milliards. Donc, on est passés de 99 milliards à 112 milliards dans une période à peine de cinq ans, cinq ans et demi. Ça veut dire que mes collègues qui forment l'opposition aujourd'hui, depuis cinq ans, ont présenté dans les budgets qu'ils ont déposés à l'Assemblée nationale un déficit zéro, mais ils se sont bien gardés d'expliquer qu'ils y sont parvenus en empruntant un 3 milliards par année sur la dette, parce que, quand on regarde la mathématique, elle est tout à fait égale. Donc, on a simplement emprunté sur le crédit de l'État du Québec, sur la dette.

Et, savez-vous, M. le Président, ceux qui... les contribuables qui nous écoutent, là, ne doivent pas se réjouir de ça parce que ça, ça veut dire que, rendus à payer 8 milliards d'intérêts par année, là, ça nous enlève énormément de souplesse, puis la génération qui pousse... Moi, j'ai trois enfants, là. Je vais vous dire, ils vont nous haïr tout à l'heure parce qu'on va leur laisser quoi en héritage? Un État du Québec où la population est vieillissante, où les revenus fiscaux, parce que la population est vieillissante, diminuent, avec une dette qui ne diminue pas, augmente à un rythme affolant, et avec une discipline, dans l'ensemble des dépenses de l'État, pas très rigoureuse. Et c'est ça, le vrai défi de notre société dans les prochaines années, M. le Président.

Et je convie d'ailleurs tous les collègues de l'Assemblée nationale, comme citoyens et comme représentants de leurs comtés, représentants de l'ensemble de nos concitoyens, à y réfléchir et, au- delà des partis politiques, à se poser la question: Le Québec de demain va trouver, va assurer son avenir comment? Oui, en continuant à travailler, à chercher du côté du gouvernement fédéral notre champ fiscal qui nous revient, mais on a un ménage à faire chez nous aussi, M. le Président, puis on va le faire.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci, M. le ministre. Immédiatement aux députés formant le gouvernement, au député de Montmorency et adjoint parlementaire au ministre du Revenu. Pour cinq minutes, M. le député.

M. Raymond Bernier

M. Bernier: Merci, M. le Président. Le ministre des Finances vient de souligner l'importance de la dette, et, moi, j'ai l'intention de revenir sur ce sujet-là. Je pense qu'il faut bien faire comprendre aux citoyens du Québec c'est quoi, l'impact de cette dette-là.

M. le député de Johnson, dans votre tableau, vous allez sûrement devoir augmenter la partie des contributions par rapport au remboursement de la dette parce que, malheureusement, comme vient de l'expliquer le ministre, il y a quand même une forte croissance. Donc, il faut s'assurer, là, qu'on... Malheureusement, il va falloir y faire face comme tout individu qui fait face à ses obligations financières personnelles. Donc, en tant que gouvernement, il va falloir y faire face également.

Donc, comme l'a mentionné le ministre des Finances, le gouvernement précédent s'est souvent vanté de ses cinq budgets équilibrés consécutifs après avoir amené le déficit à zéro. Et, avant d'entrer en politique, en ce qui me concerne, je trouvais ça louable, je regardais ça, je disais oui. Sauf que, à ce moment-là, j'avais oublié de creuser. Quand on creuse, bien là on s'est aperçu que, somme toute, il y avait une partie qui était déplacée vers la dette, ce qu'il est malheureux aujourd'hui de constater. Outre le fait qu'ils auraient pu faire davantage, considérant la croissance économique favorable que nous avons connue au cours de cette période de même que l'aide importante en provenance du gouvernement fédéral, qui lui a permis d'atteindre le déficit zéro un an plus tôt que prévu ? ça, je me rappelle de cet événement-là, je crois que c'est important de le mentionner, M. le Président ? il faut souligner que cette performance, en apparence intéressante, cache un problème important qui n'a rien amélioré de la situation financière du gouvernement au cours de cette période. La dette du gouvernement n'a jamais cessé d'augmenter au cours de la même période, et ce, même si l'équilibre budgétaire était atteint année après année. Et ça, il faut le mentionner, c'est important.

n(11 h 10)n

Rappelons que, dans le cadre du discours sur le budget, le ministre des Finances, M. Séguin, avait dénoncé cette situation qui était jusqu'alors passée inaperçue. En effet, selon le projet du budget déposé par Mme Marois... par la précédente ministre des Finances ? excusez, M. le Président ? présenté en mars dernier par le gouvernement précédent, la dette devait augmenter de 3 milliards en 2003-2004, et cela, c'est sans compter l'impasse budgétaire de 4,3 que j'ai mentionnée tout à l'heure, identifiée par le comité Breton. C'est donc dire que la dette aurait augmenté de plus de 7 milliards. Donc, heureusement qu'il y a eu des élections le 14 avril puis qu'on a changé de gouvernement. Je pense que c'est important de le mentionner. On vient au moins d'en sauver une partie.

L'importante augmentation de la dette résulte principalement de deux facteurs: l'augmentation de 7,9 de dollars de la valeur des placements du gouvernement dans ses entreprises ainsi que l'accroissement des investissements en immobilisations de l'ordre de 3,5 milliards. La hausse de 8 milliards de dollars des placements, prêts et avances s'explique principalement par l'augmentation de plus de 6 milliards de la valeur des placements du gouvernement dans ses entreprises, notamment Hydro-Québec et la CSST, et par la mise de fonds de près de 1,8 milliard dans celles-ci.

Parlons maintenant des placements de la SGF, M. le Président. Au cours des cinq dernières années, des souscriptions de près de 2 milliards de dollars ont été effectuées dans les différentes sociétés d'État d'investissement. Toutefois, les résultats financiers de ces sociétés ont été négatifs, surtout au cours des deux dernières années, notamment pour la SGF et les sociétés Innovatech. Pour que les participations dans les sociétés d'État n'entraînent pas de coût réel, le rendement de l'investissement doit être au moins égal au coût des fonds empruntés pour le gouvernement. Malheureusement, les bénéfices à ce jour ne permettent pas d'anticiper de gains, donc, tel que le mentionnait tout à l'heure le ministre des Finances. Et il va sûrement revenir sur ce point. En ce qui regarde la SGF, on découvre de plus en plus de fortes difficultés en ce qui regarde les rendements.

En ce qui concerne les investissements d'immobilisations, le gouvernement précédent a mis en oeuvre au discours sur le budget de novembre 2001 un plan d'accélération des investissements publics de près de 3 milliards de dollars. Bien que ces investissements ont un effet structurant bénéfique, la dette a augmenté d'autant, et le gouvernement devra supporter les dépenses relatives à l'amortissement de ces immobilisations... depuis plus de 20 ans.

Rappelons que, lorsque la dette augmente, cela signifie que des intérêts additionnels sont à payer l'année suivante. C'est donc la capacité du gouvernement à donner des services à la population ? et c'est ce qu'il est important de signifier ? qui est hypothéquée. À titre d'exemple, une augmentation de 11 milliards de dollars de la dette équivaudrait à des paiements supplémentaires, pour les intérêts, de plus de 150 $ par ménage, par année.

Donc, on peut voir, M. le Président, que la dette a un impact majeur sur la qualité des services qu'on peut donner, sur la capacité financière du gouvernement. Et, malheureusement, au cours des dernières années, c'est ce qui n'a pas été tenu compte du côté du précédent gouvernement.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci au député de Montmorency. Tel que prévu au début de cette interpellation, le quatrième bloc de l'opposition sera cédé aux députés indépendants et, en l'occurrence, le député des Chutes-de-la-Chaudière. M. le député, pour un bloc de cinq minutes.

M. Marc Picard

M. Picard: Merci, M. le Président. Alors, en tant que porte-parole des députés indépendants concernant les finances publiques, la première question va venir d'un citoyen. Tantôt, M. le ministre disait qu'il fallait ramener la confiance des contribuables. C'est un citoyen qui m'a interpellé, un citoyen libéral, que je vais dire, qui est tombé dans la potion comme Obélix dans le temps. Il me disait... Il dit: Le discours actuel, c'est qu'il y a un déficit appréhendé de 3 milliards de dollars. Il dit: J'aimerais avoir une réponse à cette question-là: Pourquoi on continue à dépenser de façon somptueuse, c'est-à-dire des nominations partisanes accompagnées de généreuses primes pour les personnes dont on n'a plus besoin de leurs services? Ça, c'est ma première question. C'est un électeur libéral qui vous la pose.

M. le ministre, est-ce que vous réalisez que, malgré tous les beaux discours sur la responsabilisation de votre gouvernement, vous continuez d'augmenter les dépenses plus rapidement que la croissance de notre économie? C'est-à-dire que le gouvernement continue d'occuper une place de plus en plus grande dans l'économie québécoise. On est donc loin du recentrage de l'État sur ses missions fondamentales que souhaitent les Québécoises et les Québécois.

Tout le monde sait très bien que, si le gouvernement québécois continue sans cesse de grossir, ultimement, ce sont des contribuables, des payeurs de taxes qui en paieront la note. À titre d'exemple, dans la réforme annoncée par le ministre de la Santé ? disparition des régies régionales, création des régies régionales ? tout le monde garde son poste, tout le monde garde sa chaise, on change de titre tout simplement.

Ma question: Quand le ministre des Finances se lèvera-t-il pour sonner la fin de la récréation, couper les dépenses folles, éliminer le gaspillage des fonds publics et nous faire vivre selon nos moyens?

J'aimerais aborder aussi le volet de la dette. Le 1er novembre dernier, Le Journal de Québec rapportait que le ministre des Finances a créé un comité de contrôle de la dette. C'est une excellente idée. Malgré l'illusion du déficit zéro, nous savons tous que la dette québécoise ne cesse d'augmenter. Cette année, c'est plus de 3 milliards de dollars additionnels qui viendront s'ajouter au fardeau que le gouvernement libéral pellette sur le dos de la prochaine génération. D'ici quatre mois, la dette québécoise atteindra plus de 115 milliards de dollars, soit près de 16 000 $ par citoyen québécois. Ça, c'est sans compter la dette fédérale et sans ramener la dette par contribuable, parce que, quand on dit 16 000 $ par citoyen, on englobe tous les enfants.

D'année en année, le Québec continue donc de s'engouffrer dans les dettes. Le déficit du gouvernement du Québec est donc ? et j'emploie le mot utilisé dans l'article du Journal de Québec par le ministre des Finances ? un «mensonge». On se serait attendu à ce que le gouvernement libéral cesse de mentir aux Québécois, et ce, il le reprochait judicieusement au précédent gouvernement péquiste afin qu'il arrête d'endetter les générations futures.

C'est donc avec surprise qu'on apprenait de la bouche du ministre des Finances que l'actuel gouvernement libéral a l'intention tout simplement de réduire la croissance de la dette. Ce que j'en comprends, peut-être que j'erre aussi, je comprends qu'on veut continuer d'empiler des déficits cachés, d'engraisser la dette mais de le faire un peu plus lentement que les prédécesseurs. Pour imager, on s'en va vers un précipice financier. Auparavant, on s'en allait à 100 km. Là, on réduit à 80 km. On va arriver... Ça va prendre un petit peu plus de temps, mais on va y arriver. C'est sans rappeler que l'actuelle présidente du Conseil du trésor, lorsqu'elle additionnait les zéros, elle arrivait: Zéro, plus zéro, plus zéro, et ça devenait des milliards de déficit. On ne sent pas de changement de cap.

Dernière question: Est-ce que le ministre des Finances peut nous expliquer comment se fait-il que ce qui était inacceptable hier est aujourd'hui devenu la façon de faire du gouvernement libéral, selon ma compréhension? Merci.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci au député des Chutes-de-la-Chaudière. Pour un droit de réplique immédiat de cinq minutes, le ministre des Finances.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, M. le Président. Oui, en fait, deux questions, en fait, soulevées par le collègue député des Chutes-de-la-Chaudière. Premièrement, la croissance des dépenses ou la pression des dépenses par rapport aux revenus et la dette. Je crois que c'est évident, très évident, que nous avons une pression, une croissance de dépenses plus forte que les revenus disponibles. Tous les gouvernements connaissent le même problème, sauf le gouvernement fédéral, qui, lui, a des surplus évidemment. Il a un excès de revenus par rapport à ses dépenses, ce qui lui donne un surplus. Mais le gouvernement du Québec, le mieux qu'il a pu faire depuis la Deuxième Guerre mondiale, c'est de limiter, équilibrer, semble-t-il, son budget. Je dis «semble-t-il» parce que je venais de dire tantôt que les cinq dernières années ne sont pas, au sens technique, un véritable déficit zéro, puisqu'il y a un accroissement de la dette d'environ 3 milliards par année, ce qui m'amène à dire que, dans le fond, si on ajoute l'augmentation de la dette, qui est une dépense...

n(11 h 20)n

Et le député de Rousseau, qui a une formation de comptable, peut apprécier ce que je veux dire et qui n'est pas une déformation. Quand vous avez un budget, vous calculez vos revenus, vos dépenses, et, si vous avez emprunté sur votre dette pour réaliser certaines choses, au global, si on prend compte de tout ça, ça veut dire que l'ensemble des dépenses est plus élevé que les revenus puis on s'endette. Que ce soit un déficit occasionnel une fin d'année ou sur la dette, c'est que, dans le fond, on dépense un peu plus que nos moyens. Et c'est sûr que remédier à cela, il faut le faire. On a commencé, mais, comme je disais tantôt, nous sommes à notre septième mois, humainement on ne peut pas réparer. Et ça, je vais être très juste ici, ce n'est pas juste l'ancien gouvernement, c'est des années et des années, tous gouvernements confondus, dans la succession des décennies. Nous nous retrouvons aujourd'hui avec une dette de 112 qui s'en va sur 115 parce qu'on a fait un ensemble de dépenses dans le passé financées sur 20 ans. Donc, on ne peut pas arrêter tout ça.

Et, deuxièmement, je dirais que j'aime avoir une approche nuancée. Je ne suis pas de cette école qui voudrait que tout d'un coup on gèle tout puis qu'on se mette à rembourser la dette demain matin. Je pense qu'il y a une réalité. On a quand même une certaine capacité, mais ce n'est pas anormal d'avoir une dette.

Et là-dessus, bien, tout en respectant le point de vue de mon collègue, je sais que sa formation politique, l'ADQ, suggérait des changements dramatiques pour rembourser la dette peut-être plus vite, et ça, ça aurait entraîné des compressions dans des programmes sociaux, etc., peut-être beaucoup plus néfastes que le bienfait que peut apporter un remboursement accéléré de la dette. Je ne crois pas qu'on puisse faire ça sur le dos littéralement des contribuables. Cependant, ça ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire.

J'entendais récemment un commentaire de l'ex-ministre des Finances, députée de Taillon, qui, dans une émission de radio, il y a deux semaines, disait que, oui, il faut faire des choses, oui, il faut revoir l'État dans son organisation actuelle en 2003. À la lumière de la prochaine décennie, à l'horizon, on voit, comme je l'ai dit tantôt, une population vieillissante, moins de revenus. Et on le voit déjà aux déductions à la source, on voit déjà un phénomène se profiler à l'horizon, ou ce qu'on appelle le taux d'élasticité, c'est-à-dire pour chaque dollar dans l'économie, il y a une vingtaine d'années, on collectait à peu près 1,20 $ puis aujourd'hui on est à peine à 1,07 $.

L'enrichissement collectif au Québec, il diminue. Le nombre de contribuables n'augmente plus au Québec depuis à peu près trois ans. La courbe des âges s'accélère, de sorte que nos couches de contribuables n'augmentent plus dans les hauts revenus, et ça, ça fait peur. Ça veut dire que nos coûts sociaux, nos coûts de fonctionnement de société ne diminueront pas dans les prochaines années. Et le nombre de contribuables, si vous prenez en compte que 47 % des contribuables ne paient pas d'impôts, ça veut dire qu'on approche l'équation qu'à peine la moitié des citoyens au Québec vont fournir ces revenus fiscaux pour supporter un coût de société qui est appelé à grandir. Et ça, ça ne se réparera pas uniquement ? et je ne le dis pas... sans manquer de respect, ça ne se réparera pas uniquement par une nouvelle option politique qui s'appelle soit la souveraineté ou soit quoi que ce soit. On a un regard à porter sur notre société et de mieux gérer pour éviter que, dans quelques années, on soit dans des problèmes graves.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci, M. le ministre. Aux députés formant le gouvernement, je cède la parole pour un bloc de cinq minutes au député de Montmagny-L'Islet et porte-parole... adjoint parlementaire, je m'excuse, des Ressources naturelles, Faune et Parcs. M. le député.

M. Norbert Morin

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Juste un petit peu pour répondre à mon collègue de Johnson. C'est que le Canada, moi, je vois ça comme une famille avec parents, enfants. Et, chez nous, quand un de mes enfants me négociait une sortie ou une heure d'entrée, et surtout la deuxième de mes filles qui était plus ardue dans ses demandes, quand je lui disais non, elle ne s'en allait pas, elle ne claquait pas la porte à cause que je lui avais dit non.

M. le Président, je souhaiterais, dans le cadre de ce débat, aborder un élément qui conditionne une partie importante de nos revenus. Il s'agit des transferts fédéraux. Déjà, nous avons dressé, M. le Président, un tableau assez complet du problème du déséquilibre fiscal. Ce déséquilibre a été clairement aggravé, ces dernières années, par l'instabilité des transferts en provenance du gouvernement fédéral. Il va falloir que nous trouvions avec Ottawa un moyen pour réduire cette instabilité. Le Québec amènera d'ailleurs certainement des éléments de solution lors des prochaines discussions qui auront lieu dans le cadre du renouvellement du programme de péréquation qui doit être réalisé avant le 1er avril 2004.

Le programme de péréquation est l'une des pierres angulaires de la fédération canadienne. Pour le Québec, le prochain renouvellement constitue une occasion de corriger certaines lacunes importantes du programme notamment en ce qui a trait à la volatilité des paiements de péréquation aux provinces, qui devront être réduits. Ces fluctuations de paiement de péréquation de plusieurs centaines de millions de dollars, annoncées très souvent à quelques semaines de la fin de l'année financière, nuisent, en effet, fortement à la planification budgétaire des provinces. Par exemple, les revenus de péréquation du Québec se sont accrus de 27,3 % en 1998-1999, pour chuter à 18,5 % l'année suivante et augmenter de 28,8 % en 2000-2001. L'impact déstabilisant de telles fluctuations est exacerbé par le fait que, comme je viens de le souligner, leur ampleur n'est souvent connue que quelques semaines avant la fin de l'année financière. Il devient par conséquent extrêmement difficile, faute de temps, de résorber un manque à gagner, surtout que la péréquation du budget pour l'année suivante est déjà très avancée.

Dans ce contexte, je suis sûr que le ministre des Finances aura des propositions très précises à avancer concernant les améliorations qu'il faut apporter au programme. Il continuera comme ses prédécesseurs, notamment M. Gérard D. Levesque, à mettre en lumière les lacunes profondes de l'assiette actuelle des impôts fonciers à la péréquation. Puis la seule manière correcte de mesurer la capacité financière des provinces à cette source de revenus est d'utiliser les valeurs foncières telles que mesurées par les rôles d'évaluation foncière de nos municipalités.

Je sais que le ministre des Finances, il utilisera toutes ses qualités de persuasion pour faire entendre raison au gouvernement fédéral. Il sera essentiel que le renouvellement de la péréquation occupe l'avant-scène des discussions au cours des prochains mois. Le règlement de ce dossier permettrait non seulement d'améliorer le programme lui-même et ses retombées, mais aussi d'accorder au Québec les sommes qu'il est en droit d'attendre au cours des prochaines années. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci au député de Montmagny-L'Islet. Pour la réplique de l'opposition officielle, je cède la parole, pour un bloc de cinq minutes, au député de Labelle et porte-parole de l'opposition officielle de l'industrie et du commerce. M. le député.

M. Sylvain Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Écoutez, mon dernier propos va être beaucoup plus un commentaire qu'une question, M. le Président. Et je vais commencer par une citation. J'ouvre les guillemets: «Il faut se méfier de ceux à droite qui veulent baisser les impôts au lieu que de maintenir les services sociaux nécessaires.» Qui a dit ça? M. Jean Chrétien, hier soir, à son discours d'adieu.

Mais, afin de dissiper les doutes, je précise que nous ne sommes pas contre les baisses d'impôts, loin de là. D'ailleurs, n'oublions pas que le chef de notre formation politique a été celui qui a eu l'honneur de procéder aux baisses d'impôts les plus importantes de l'histoire du Québec. Mais, lorsque les finances publiques sont serrées et que l'on ne veut pas retomber en déficit ? ce qui serait d'ailleurs catastrophique ? il y a des choix à faire. Et, pour nous, les services sociaux, la culture, l'environnement, l'éducation, pour ne nommer que ceux-là, passent avant le discours de droite et conservateur du Parti libéral.

Pendant la campagne électorale du printemps dernier, j'ai trouvé désolant ? et là, je ne ménage pas mes mots ? voire démagogique, d'entendre le chef de votre formation politique dire qu'il fallait faire un choix entre la souveraineté et la santé. M. le Président, il faut bien se comprendre, c'est un peu comme si vous demandiez à quelqu'un de choisir entre une automobile et l'essence. En clair, il n'y a rien de mal et c'est très louable en soi de faire de la santé sa priorité, puisque, oui, c'est important, la santé. Mais, pour assurer des services en quantité et en qualité, nous devons récupérer rapidement nos argents qui sont à Ottawa. En fait, ça prend de l'essence pour faire avancer la voiture.

Mais ce qui me réjouit particulièrement, c'est que nous avons un ministre des Finances qui, j'en suis certain, comprend parfaitement la teneur de mes propos. Ici, d'ailleurs, je tiens très sincèrement à lui rendre hommage pour sa participation à ce fameux rapport qui porte son nom, ce rapport fort révélateur et qui nous fait la démonstration inéluctable que non seulement il y a un manque à gagner de 50 millions par semaine, 2,5 milliards par année, mais qu'en plus cet écart ira en s'accentuant, et il le sait.

n(11 h 30)n

M. le Président, je n'ai pas de doute sur la sincérité du ministre et de sa volonté de récupérer nos argents. Mais combien de rapports aura-t-il besoin, combien de temps se donne-t-il, combien de tentatives veut-il encore essayer avant d'avouer que l'issue de la souveraineté est la solution définitive, structurante et déterminante non seulement pour régler à tout jamais le déséquilibre fiscal ? dans un Québec souverain, on ne parlerait plus de déséquilibre fiscal ? mais pour nous permettre d'assurer nos services, de relancer notre économie, de faire la lutte à la pauvreté et, pourquoi pas, pourquoi pas, de penser à mettre des sommes au remboursement de la dette?

M. le Président, nous savons tous que la situation n'est pas facile pour le ministre des Finances, et j'en conviens, situation tout à fait intenable. Or, sa situation n'est pas facile parce que, d'une part, il devra passer autant de temps à balancer un budget où les dépenses augmentent à un rythme plus vite que les revenus et, d'autre part, il devra passer encore un temps fou avec toute une équipe de fonctionnaires, de sous-ministres à revendiquer ces sommes d'argent considérables qui nous appartiennent mais qui ne nous reviennent toujours pas équitablement, le déséquilibre fiscal.

M. le Président, je sais que, pour le moment, la souveraineté politique et économique du Québec, donc le rapatriement de toutes nos taxes, de tous nos impôts, n'est pas encore la situation, pas encore la situation que le ministre privilégie, mais je l'invite, après qu'il aura multiplié, comme ses prédécesseurs d'ailleurs, les conférences fédérales-provinciales, les rapports, les études, les rencontres de sous-ministre à sous-ministre, de rencontres de fonctionnaire à fonctionnaire, je l'invite à mettre sur pied sans partisanerie politique une commission qui aurait pour mandat non seulement d'actualiser son rapport, mais qui chiffrerait avec toute transparence les autres économies engendrées par l'élimination des dédoublements de ressources, de structures, de ministères et autres, sans compter bien sûr les économies, évidemment, en économie d'énergie et les gains en efficacité.

Entre-temps, M. le Président, nous, nous avons fait le choix de la souveraineté, et, bien que nous souhaitons la souveraineté pour investir en santé et en tout le reste, il faut dégager les sommes nécessaires pour passer aux familles, garderies à 5 $ que l'on souhaiterait ramener, personnes âgées, et tout le reste. Je ne veux quand même pas laisser croire que ce que nous pourrions faire avec la souveraineté est une panacée. Non. Mais, par contre, vous comme nous, nous disposerions enfin des argents nécessaires pour faire des choix, des choix de plus en plus impossibles à faire parce que ce système nous étouffe et, à terme, il nous limite à devenir une province comme les autres, à renoncer à notre différence. M. le Président, nous faisons le choix, de ce côté-ci, d'assumer la responsabilité d'une nation. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci au député de Labelle. Pour une réplique immédiate de cinq minutes, M. le ministre des Finances.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, M. le Président. Alors, je remercie le collègue pour ses bons mots, son soutien, son encouragement. Je suis convaincu que, dans cette question du déséquilibre fiscal ? d'ailleurs, je pense que je l'ai dit tantôt ? au Québec, je pense qu'on est tous solidaires, je pense que tous les Québécois... Et je l'ai constaté dans les autres provinces. J'ai eu l'occasion de parler, depuis que je suis ministre des Finances, aux collègues ministres des Finances des autres provinces. À la première réunion où j'ai participé, à Halifax, plusieurs collègues avaient le rapport de la Commission sur le déséquilibre fiscal, dans la version anglaise évidemment, mais ils avaient le rapport avec eux. Et je me suis rendu compte que, il y a quelques années, c'était un sujet peut-être un petit peu ésotérique, parler du déséquilibre fiscal. L'ancien premier ministre, l'actuel chef de l'opposition, lorsqu'il m'a confié le mandat de la Commission, j'avoue que c'était difficile, au départ du mandat, d'élaborer la meilleure pensée possible pour bien illustrer le phénomène, et c'est là finalement que s'était présentée l'orientation qui est apparue la bonne, je pense, aujourd'hui, d'illustrer l'équation fiscale.

Donc, le déséquilibre fiscal était cette mécanique que nous voulions illustrer, et je pense que le rapport, pour la première fois au Canada, l'a illustrée. Et ce qui a été assez extraordinaire aussi, je tiens à le dire aujourd'hui, c'est que le rapport a voulu le faire non pas pour la situation du Québec, ce qui aurait probablement soulevé une bataille politique parce qu'on aurait reproché à ce rapport-là de simplement faire voir un problème du Québec versus le gouvernement fédéral, on aurait dit que c'est évidemment une vision très québécoise des choses, etc. Donc, ce que je tenais à démontrer avec les collègues et les commissaires qui ont participé à la Commission, c'est qu'on voulait démontrer que c'est un phénomène structurant, structurel qui existe partout, dans toutes les provinces et que c'est la relation financière avec le gouvernement fédéral qui doit être corrigée. Et le phénomène, on l'a vu dans toutes les provinces. C'est ce qui a fait que ce rapport-là a eu un accueil, je pense, presque immédiat très favorable et qui, aujourd'hui encore, est présent dans les actualités.

J'ai vu récemment, j'ai entendu récemment un sondage fait par un organisme en Ontario ? pas chez nous, en Ontario ? qui a posé la question: Est-ce que vous croyez ? à 4 000 citoyens ? est-ce que vous croyez qu'il existe un déséquilibre fiscal entre le gouvernement fédéral, dans sa perception des impôts, et la province ? dans le cas de la province de l'Ontario? Et 73 % ont dit oui, alors qu'il y a quelques années probablement ça aurait été complètement étranger à l'opinion publique, ce phénomène-là. Donc, oui, je pense que c'est un sujet important. C'est un sujet qui va continuer.

Je vais déposer probablement ici, à l'Assemblée nationale, peut-être d'ici deux, trois semaines, le projet de réforme proposé par Québec à la péréquation, qui est une pièce maîtresse dans les discussions avec le gouvernement fédéral, et j'offrirais d'ailleurs aux collègues de l'opposition et aux représentants de l'ADQ, avant même son dépôt officiel, de l'expliquer dans ses tenants et aboutissants, ce que le Québec veut proposer sur un plan technique comme réforme à la péréquation, qui va demeurer, je pense, un enjeu important.

Deuxièmement, on veut réactiver les demandes de correction du déséquilibre fiscal. Vous vous en rappelez, dans le rapport de la commission fiscale... le rapport sur le déséquilibre fiscal, on avait proposé quelques moyens de solution. Il y en a d'autres aussi. Il faut reprendre un champ fiscal. Je le dis sans rudesse, mais l'ancien gouvernement avait eu le rapport depuis deux ans puis il n'a pas mis en oeuvre aucune des mesures. Je ne le reproche pas. Il faut être conscient qu'on est dans un domaine très complexe, et on le voit par le fait qu'il a quand même fallu la Commission pour illustrer le phénomène et faire avancer le sujet. Et ça a probablement fait reculer le gouvernement fédéral l'an passé sur une certaine baisse à la péréquation parce qu'on a révélé, si vous voulez, l'aspect un peu incroyable de cette formule-là à la péréquation.

Donc, je pense que tout ce sujet-là est en train de devenir un sujet fort important, M. le Président, puis il n'est pas terminé. Il y a un plan d'action, c'est certain, je tiens à le dire. Il ne se passe pas... Puis ça ne me fatigue pas de le faire, même s'il faut répéter à chaque semaine. Et, là-dessus, je salue le rôle qu'a fait ma prédécesseure, comme a fait aussi le chef de l'opposition actuel dans ce sujet-là, qu'il a été de tous les combats. Et je pense que tous les premiers ministres du Québec... et l'actuel premier ministre également est très attentif à cette question. Je pense que c'est une partie importante...

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): En conclusion, M. le ministre.

M. Séguin: ...une partie importante de notre préoccupation, au Québec, et on ne lâchera pas.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci, M. le ministre. Pour le dernier intervenant du côté ministériel, j'invite le député de Montmorency et adjoint parlementaire au ministre du Revenu pour un bloc de cinq minutes. M. le député.

M. Raymond Bernier

M. Bernier: Merci, M. le Président. Alors, je veux souligner au député de Labelle que son attention par rapport au discours du premier ministre du Canada hier soir a été fort pertinente. Et j'ai eu l'occasion également de l'entendre. Et je l'invite à poursuivre son audition parce que j'imagine que, dans les prochaines heures, on aura la chance de connaître le discours du futur premier ministre du Canada, ce qui pourrait être fort intéressant, en ce qui nous concerne, concernant le sujet que nous débattons ce matin.

Cependant, il y a une chose qu'il faut quand même constater, c'est que, de ce côté-là, nous sommes quand même les plus à gauche, en ce qui nous concerne, au niveau du fardeau fiscal, parce que, malheureusement, après des années de forte croissance économique à l'échelle des pays industrialisés, il est inacceptable que les contribuables québécois soient toujours les plus taxés en Amérique du Nord, et ça, je pense que c'est un constat qu'on peut faire de part et d'autre.

Le gouvernement précédent a préféré continuer à dépenser et accroître la dette plutôt qu'à rattraper les autres juridictions sur le plan de la fiscalité. Ça, c'est un choix. Et, sur ça, on respecte le choix qui a été fait.

n(11 h 40)n

Comme résultat, en 2000, le fardeau fiscal global au Québec représentait 40,4 % du PIB, soit le niveau le plus élevé au Canada, et cela, pour l'ensemble des États-Unis. Malheureusement, à l'heure actuelle, ce constat est encore le même. Par exemple, l'impôt des particuliers, pour l'année 2003, le fardeau fiscal est en moyenne de 2,1 milliards de dollars plus élevé qu'ailleurs au Canada. Encore une fois, nous nous situons dans le peloton de tête au Canada en la matière. Par rapport à l'Ontario, c'est 4,8 milliards de dollars de plus que doivent acquitter les contribuables québécois, et ça, c'est une réalité.

L'objectif de notre gouvernement est de mettre fin à ce triste record ou ce triste championnat parce que, M. le Président, en maintenant un fardeau fiscal élevé, cela entraîne des impacts négatifs tant pour les particuliers que pour les entreprises.

Pour les particuliers, ça signifie des pertes d'emplois, une baisse de l'incitation au travail, une hausse du travail au noir, une réduction du revenu disponible. Donc, la consommation et l'épargne en sont directement affectées. Il faut avoir des incitatifs pour travailler et faire des heures supplémentaires. Donc, il faut que les contribuables puissent le sentir au niveau de leur disponibilité financière. Je pense que c'est un des meilleurs incitatifs en ce qui regarde l'économie.

Pour les entreprises, c'est une réduction de la compétitivité et c'est un ralentissement des investissements, ce qui affecte la capacité de production. Et les hausses des coûts de production par rapport aux autres, la création de pressions à la hausse sur les demandes salariales, la fuite des travailleurs les plus qualifiés et l'augmentation des coûts au niveau de l'observance fiscale des entreprises, donc ce sont des éléments importants. De plus, avec l'aspect international, aujourd'hui, les marchés n'ont plus de limites. Donc, c'est important que nous soyons compétitifs, et, autant sur le plan du fardeau fiscal, on se doit d'avoir une fiscalité qui est dans la moyenne en ce qui regarde le Canada et les États-Unis. Je pense que c'est fort important sur le plan économique.

Si nous sommes toujours les plus taxés, cela découle du fait qu'il y a eu des difficultés au niveau du gouvernement précédent à procéder à des baisses d'impôts. D'abord, on ne cesse de véhiculer que les impôts ont été réduits de 15 milliards. Pour y arriver et pour ça, on a additionné des chiffres sur cinq années: de 2000 à 2001, de 2004 à 2005. Ce qu'on ne dit pas cependant, c'est que les impôts et les taxes ont augmenté de 4,4 milliards de dollars de 1995 à 1996 et de 1999 à 2000 avant qu'on commence à les réduire. C'est-à-dire, ça, pour être davantage précis, qu'il y a eu des hausses d'impôts de 1995 à 1996, de 1999 à 2000, soit pendant cinq ans, et il y a eu effectivement baisses d'impôts de 2000, 2001, de 2002 à 2003, soit pendant trois ans. Au total, les particuliers du Québec paient encore aujourd'hui 4,8 milliards de plus en impôts que les Ontariens. Donc, je pense qu'on se doit de prendre des mesures pour le corriger.

Conclusion, après des années de croissance économique exceptionnelle à l'échelle de la plupart des pays industrialisés, notamment au niveau des États-Unis et des autres provinces canadiennes, nous sommes malheureusement toujours les plus taxés en Amérique du Nord. Et ça, on doit prendre les mesures pour le faire. Plutôt que de profiter d'une croissance, malheureusement, le gouvernement a préféré accroître les dépenses et augmenter la dette, tout en nous laissant une impasse budgétaire de 4,3 milliards, comme je l'ai mentionné en entrée de matière tout à l'heure. Donc, voilà un triste aspect de la gestion précédente. Donc, on se doit de prendre les mesures pour corriger cette situation, M. le Président, et il faut redonner une marge de manoeuvre au niveau des contribuables du Québec.

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci au député de Montmorency. Maintenant, comme dernière intervention, elle appartient à l'opposition officielle et au député de Rousseau, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'économie et de finances. M. le député, pour un dernier bloc de cinq minutes.

M. François Legault

M. Legault: M. le Président, on pourrait prendre encore plusieurs heures pour poursuivre. Si jamais le ministre des Finances est intéressé, en tout cas, je le lui offre.

Mais trois courts commentaires et une question, qui est toujours la même question, pour laquelle je n'ai pas eu de réponse. D'abord, la dette du Québec qui a augmenté. M. le Président, lors des derniers mandats des libéraux, la dette a augmenté de 47 milliards. Le ministre des Finances nous dit que, depuis 1999, depuis les cinq dernières années c'est-à-dire, la dette au Québec a augmenté de 99 milliards à 109 milliards, donc de 10 milliards. Ce qu'il faut savoir, c'est que cette augmentation de 10 milliards, il y en a la moitié que c'est parce que la valeur des placements a augmenté, entre autres à cause des profits d'Hydro-Québec, puis l'autre 5 milliards, c'est à cause des investissements en immobilisations. D'ailleurs, lui-même propose de faire à Hydro-Québec des investissements d'une dizaine de milliards de projets, puis on va être d'accord en même temps d'augmenter la dette s'il y a un actif équivalent. Donc, il ne faut pas faire peur au monde pour rien, non plus, avec la dette.

Deuxième commentaire. La meilleure que j'ai entendue depuis longtemps, c'est la remarque du député de Montmagny-L'Islet. Ça fait longtemps que je n'avais pas entendu une image comme celle-là, mais c'est très révélateur de l'approche du Parti libéral du Québec. Il nous a dit: Le Canada, c'est comme un père de famille avec sa fille, il faut de temps en temps que le père dise non à sa fille. M. le Président, je m'excuse, là, mais il ne faut pas considérer le gouvernement fédéral comme étant le père du gouvernement du Québec. Ça n'a pas de bon sens. C'est cette approche-là qui fait qu'on se retrouve dans la situation actuelle. Puis j'espère qu'il ne considère pas non plus que le Parti libéral du Canada, c'est le père du Parti libéral du Québec, parce que, là, ça nous expliquerait peut-être encore davantage la position du Parti libéral du Québec.

Troisième commentaire. Le ministre des Finances nous dit qu'il a des bonnes intentions, qu'il compte accepter la proposition du député de Labelle pour qu'on travaille, peut-être une commission sur le déséquilibre fiscal. Et il nous accuse, il dit: Oui, mais vous n'avez rien fait depuis deux ans. On a essayé, on n'a pas réussi. C'est pour ça qu'on reste toujours souverainistes. Est-ce que le ministre des Finances va devenir souverainiste s'il ne réussit pas d'ici un an ou deux à aller chercher notre argent? Et qu'est-ce qu'il va faire entre-temps?

Puis là, moi, je voudrais, là... Il lui reste 10 minutes à parler, 10 minutes, là. Je veux qu'il oublie toutes les autres questions, là, qu'il réponde à une question, une question. M. le Président, l'heure est grave, il nous manque 3 milliards de dollars. Le ministre des Finances se prépare à faire des coupures pour 3 milliards de dollars ou à augmenter les tarifs, comme il a commencé à le faire. Il faut que ça arrête. Il nous propose d'aller chercher 2 milliards de plus à Ottawa. Écoutez, là, on va dire les chiffes clairement. Tantôt, il mélangeait, là, la péréquation puis les autres transferts. Cette année, on va recevoir 4 145 000 000 $ de péréquation, c'est 1,2 milliard de moins que l'année passée. Dans les autres transferts, on va recevoir 5 439 000 000 $. Total: 9 584 000 000 $. Réglons pour 9,6 milliards.

Ma question, là: Est-ce que le ministre des Finances s'engage à ce que l'année prochaine on inscrive dans le budget du Québec 11,6 milliards, donc 2 milliards de plus que le 9,6? Que ça vienne de la péréquation ou que ça vienne des autres transferts, ce n'est pas ça qui est important, c'est: Est-ce qu'on va avoir de l'argent pour investir en santé, en éducation, en famille? Donc, ça ne peut pas être une question plus claire, M. le Président: Est-ce que le ministre des Finances s'engage à inscrire dans le budget de l'année prochaine, qui commence dans quatre mois et demi, 11,6 milliards de revenus venant du gouvernement fédéral? Je vous le dis tout de suite, là, nous, on aurait inscrit 3 milliards de plus. On aurait inscrit 12,6. Lui, il veut inscrire 11,6. On est prêts à dire: On va aller se battre avec lui pour 11,6 milliards de dollars. Mais c'est important parce que, s'il ne le fait pas, ça va vouloir dire des coupures de services en santé, en éducation, en famille ou une augmentation de tarifs, comme il a commencé à le faire.

On l'a vu hier, les garderies à 5 $ sont maintenant des garderies à 7 $. Ça va lui rapporter 100 millions de plus dans ses poches. Bien, il va être obligé d'en faire beaucoup des mauvaises annonces comme ça s'il ne va pas chercher le 2 milliards, 2 milliards d'Ottawa. M. le Président, je pense qu'on devrait tous être solidaires en cette Chambre, les trois partis, pour dire: On va y aller ensemble à Ottawa chercher 2 milliards de plus. Donc, au lieu de recevoir 9,6 milliards comme cette année, de dire: L'année prochaine, on veut 11,6 milliards. Et c'est possible. Le ministre des Finances, dans son entrevue au journal Les Affaires, nous dit: Il y a 9 milliards de surplus à Ottawa. 9 milliards, c'est son estimé. Il est capable de faire des prévisions pour Ottawa mais pas pour le Québec, mais ça, c'est une autre affaire. Est-ce qu'il est prêt à inscrire 11,6 milliards, une augmentation de 2 milliards, dans le budget de l'année prochaine? C'est important, c'est primordial pour les services à la population. Merci, M. le Président.

Conclusions

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci, M. le député de Rousseau. Nous terminons sur ces mots la deuxième partie de cette interpellation de ce matin. Et il nous reste une partie, soit la conclusion. La conclusion, c'est un temps de parole de 10 minutes au ministre et 10 minutes à l'interpellant.

n(11 h 50)n

Nous débutons par l'interpellé, soit le ministre des Finances. Et on répète pour nos téléspectateurs: l'état des finances publiques du Québec. Donc, M. le ministre, 10 minutes pour votre réplique finale.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, M. le Président. Alors, le député de Rousseau revient avec sa question de tantôt, première question du début d'ailleurs de cette interpellation, à savoir qu'il me suggère d'inscrire aux états financiers du gouvernement une provision autour de 11 milliards de dollars comme montant à recevoir du gouvernement fédéral.

C'est une suggestion inquiétante de la part de mon collègue. Ça voudrait dire qu'il suffirait que l'on souhaite recevoir un montant sans aucun respect des programmes qui génèrent ces sommes-là. Parce que la péréquation est une formule qui n'est pas arbitraire. C'est une formule relativement complexe qui a ses défauts mais qui est basée sur des principes suivis d'ailleurs par le gouvernement du Parti québécois au pouvoir depuis neuf ans, puisque, sauf une fois l'an passé, ils n'ont jamais inscrit plus que ce que la formule donnait même si l'ancien gouvernement souhaitait avoir plus et réclamait des sommes additionnelles. Mais, dans leur état financier, qu'ils suivent des voies rigoureuses assujetties à la Loi de l'administration financière, contrôlées par le Vérificateur général...

Ce serait un jeu purement politique au ministre des Finances ou au gouvernement de simplement dire: Bon, bien, parfait, je vais équilibrer mon budget. Et, si je suivais l'exemple que vient de me donner le collègue député de Rousseau, ce serait premièrement répéter le dernier défaut de l'an passé dans la préparation du dernier budget, à mettre des chiffres un peu au hasard, dire: Bien, voilà, ce serait bien de mettre 11 milliards comme transfert fédéral parce que ça équilibrerait mon budget, en tout cas, ça éliminerait une partie du problème, sans avoir aucune base, aucune source pour l'expliquer.

Moi, j'ai dit tantôt que la référence, en vertu de la Loi de l'administration financière... Et là, là, je vais dire mes mots. Dans le cadre de l'application de la loi, le ministre des Finances, là, ne doit pas jouer à l'élasticité des chiffres. Je me fie, là-dessus, sur le dernier budget présenté par l'ancien gouvernement mais qui était un budget préparé selon la Loi de l'administration financière. On a refait nos calculs depuis trois mois, et je confirme que l'évaluation des transferts fédéraux qui apparaissent au budget déposé le 11 mars par la députée de Taillon, alors ministre des Finances, au nom du gouvernement du Parti québécois, donnait, pour 2004-2005, un transfert global venant du gouvernement fédéral de 8,5 milliards. Nos évaluations refaites, là, actuellement nous permettent de croire que c'est relativement exact.

Il peut y avoir des changements, et, je le souligne tout de suite, je n'ai pas beaucoup de temps pour expliquer tout ça, mais la péréquation pourrait baisser encore un petit peu venant de notre relative amélioration au Québec, comparé à l'Ontario. Et je vois le député de Rousseau grimacer quand je dis ça. C'est que la mécanique de la péréquation est faite de cette façon qu'il y a 33 assiettes fiscales qui s'ajustent à l'assiette fiscale de l'impôt sur les sociétés. Nous avons une relative amélioration, comparé à trois provinces qui servent de normes dans le calcul de la péréquation, qui, eux, ont une faiblesse plus marquée que nous, de sorte que l'écart dans le calcul de la péréquation risque de faire apparaître notre situation un petit peu plus favorable, donc moins de péréquation, peut-être de quelque 100 millions de moins à ce titre-là.

Et on suit ces calculs-là présentement très minutieusement et on a commencé à faire des représentations au gouvernement fédéral à ce sujet. Et je l'ai indiqué tantôt, M. le Président, je veux déposer ici, à l'Assemblée nationale, un document très approfondi sur l'ensemble des réformes que nous suggérons à la péréquation et également aux transferts à la santé dans le but d'expliquer comment on pourrait corriger les lacunes que nous avons relevées et pour éviter effectivement de se retrouver année après année toujours dans une situation difficile.

Je tiens à souligner aussi qu'on m'a invité tantôt à collaborer à une commission parlementaire où pourraient venir s'expliquer M. Breton et ses collègues lorsqu'ils ont préparé le rapport Breton. Moi, je souscris entièrement à cette idée. Nous sommes entièrement d'accord avec cela. Je pense que le rapport Breton n'est pas une hérésie. C'est une réalité. C'est une illustration des problèmes financiers dans lesquels nous sommes présentement, qu'il a expliqués d'ailleurs lui-même dans son rapport appelé rapport Breton, qu'en 2004 nous faisions face à une impasse que lui évaluait à ce moment-là à tout près de 4 milliards, 3,9 milliards.

Je dois dire aussi que... Et c'est intéressant que je relève le point de vue que le député de Rousseau a fait quand il dit qu'à la dette on a fait beaucoup de placements. Et c'est une bonne... Je le remercie d'avoir souligné ça parce que j'étais presque en train de l'oublier qu'un des problèmes qu'on a à gérer présentement et qui me préoccupe énormément, c'est les placements que nous avons faits dans certaines sociétés, les Innovatech, Société générale de financement. Au total, nous avons près de 2 milliards que l'ancien gouvernement a investis, et je ne ferai pas allusion ici aux crédits d'impôt qui ont été généreusement donnés et qui totalisent à peu près une aide aux entreprises de 5 milliards de dollars. Pour un gouvernement qui se dit social-démocrate, je trouve ça assez étonnant de voir la générosité actuelle du système fiscal qui distribue en crédits d'impôt et aide environ 5 milliards de dollars à des entreprises au Québec, ce qui nous place, en Amérique du Nord, parmi l'État le plus généreux aux entreprises.

Et j'ai commencé à revoir cela effectivement dans le dernier budget. J'ai commencé à réduire des crédits d'impôt, et ce n'est pas terminé. Je vous annonce, M. le Président, que je continue cette revue. Et on annoncera au prochain budget probablement des nouvelles mesures aux politiques fiscales qui, dans certains cas, vont amener des réductions, dans d'autres, des bonifications, mais le travail n'est pas terminé.

Ça me préoccupe. Je trouve en général qu'on est trop généreux dans l'aide que nous versons actuellement aux entreprises. Je ne parlerai pas non plus des contrats signés par l'ancien gouvernement à des projets spéciaux qui font apparaître l'aide qui était entrevue à des sommes considérables. Je veux juste mentionner ici le projet de l'ancien gouvernement de faire une aide financière extraordinaire à l'agrandissement de l'aluminerie de Deschambault, et éventuellement ça me fera plaisir d'expliquer en détail ce projet d'aide qui était entrevu par l'ancien gouvernement et sur lequel j'ai pris la décision de ne pas le continuer.

Et je suis à procéder actuellement à une revue de l'ensemble des placements qu'a voulu faire l'ancien gouvernement, exemple, dans la Société générale de financement. J'ai demandé au contrôleur financier du ministère des Finances de faire un exercice de contrôle, il y a quelques semaines, auprès de la Société générale de financement. Et j'ai commencé aussi avec le contrôleur financier du ministère des Finances le même exercice d'examen auprès des Innovatech.

Les Innovatech ? j'exclus les résultats financiers de cette année ? ont eu à peu près un 300 millions de placements. Les derniers rapports montrent, pour le dernier exercice financier de l'an passé, 2002-2003, un peu plus de 150 millions de pertes. À la Société générale de financement, j'ai été informé, ça a été rendu public, une première perte cette année de 181 millions qui s'ajoute à l'ensemble des autres pertes depuis trois ans. J'attends un rapport plus complet d'ici une semaine, 10 jours. Il y a le comité Brunet qui a été formé pour étudier un peu la situation, qui doit également faire rapport bientôt.

Mais je dois dire que ça m'inquiète parce que les préavis que je reçois me font état possiblement de pertes beaucoup plus lourdes sur l'ensemble des placements gérés par la Société générale de financement. Et ce qu'il faut comprendre ici, c'est que des pertes aux sociétés Innovatech, ou Société générale de financement, ou à quelques autres corporations dont les principaux revenus viennent de l'État font partie des états financiers et les résultats, lorsqu'ils sont connus, font partie du déficit que j'ai à gérer. Et, dans l'évaluation du 3 milliards en 2004, ces sociétés-là, disons, font partie, pour une part en tout cas, de cette impasse financière que nous avons à gérer.

Et ça, on comprendra que, M. le Président, je ne suis pas très heureux de faire face, au-delà des prévisions économiques, au-delà des revenus et dépenses qui ne sont pas toujours en équilibre, je ne suis pas très heureux à avoir à gérer aujourd'hui des placements faits par l'ancien gouvernement qui auraient pu, à tout le moins... et je vais être magnanime, ils auraient pu être faits de façon plus prudente pour éviter que nous nous retrouvions à gérer des déficits importants à l'égard de ces placements. Merci, M. le Président.

n(12 heures)n

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci au député d'Outremont et ministre des Finances. Je vais maintenant permettre à l'interpellant, le député de Rousseau et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'économie et de finances, de conclure cette interpellation avec un bloc de 10 minutes. M. le député.

M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président. On a commencé à avoir effectivement un début de réponse à la question précise, à savoir: Quel montant et quelle stratégie le ministre des Finances va-t-il prendre pour récupérer notre argent d'Ottawa? Il nous a dit, par contre, une réponse qu'on ne souhaitait pas entendre, il nous a répondu que finalement il trouvait ça inquiétant d'inscrire un compte à recevoir. Donc, ça me rend, moi, très inquiet. Le ministre des Finances, là, nous l'a dit clairement, il manque 3 milliards dans son budget qui commence dans quatre mois et demi. Il a commencé à annoncer des mauvaises nouvelles: 100 millions hier, augmentation des tarifs dans les garderies. Il va chercher 100 millions là. On attend une réponse de la Régie de l'énergie, mais il demande à peu près 500 millions d'augmentation des tarifs d'électricité à Hydro-Québec. Il a demandé des augmentations de tarifs à l'assurance médicaments et à quelques endroits. Peut-être, là... Convenons avec le ministre des Finances qu'il lui manque peut-être... Maintenant, il est rendu à 2 milliards, c'est peut-être ça qui explique le pourquoi il demande 2 milliards à Ottawa. Sauf que 2 milliards, M. le Président, là, c'est grave parce que, si on ne l'a pas, ce 2 milliards, d'ici le 1er avril, ça veut dire qu'il va y avoir d'autres annonces, soit de coupures de services en santé, en éducation, en aide aux familles ou soit d'autres annonces d'augmentation de tarifs. 2 milliards de dollars.

M. le Président, le ministre des Finances nous dit: Ce n'est pas une bonne suggestion d'inscrire un compte à recevoir pour 11,6 milliards, donc une augmentation de 2 milliards des transferts du gouvernement fédéral, parce qu'on n'a pas de preuve. Écoutez, son propre rapport, si ce n'est pas une preuve, c'est quoi? 2,5 milliards. Il y a des surplus à Ottawa, puis il y a des besoins à Québec, et il préfère choisir de ne pas être agressif avec le gouvernement fédéral. Et il est même en train de nous dire que les méthodes vont peut-être nous amener à une baisse des transferts au chapitre de la péréquation l'année prochaine, une baisse, M. le Président. Or, ce qu'on lui proposait, c'était un front commun, un front commun qu'on n'a pas réussi à avoir, nous, de notre côté, lorsque le Parti québécois était au pouvoir. On lui propose un front commun pour inscrire 11,6 milliards et cesser de demander à ses collègues ministres à la Santé, à l'Éducation, à la Solidarité sociale de faire des coupures ou des augmentations de tarifs pour le 2 milliards qu'il lui manque.

M. le Président, on est face à une situation qui est dangereuse. Le ministre des Finances nous dit, et on a entendu aussi le député de Montmorency nous dire: Attendons, on vient d'avoir un nouveau premier ministre du Canada qui s'appelle Paul Martin. Sauf... Est-ce qu'on devrait être rassurés de savoir que, dans quelques semaines ou quelques mois, on aura un nouveau premier ministre à Ottawa qui s'appelle Paul Martin, est-ce que ça devrait nous rassurer qu'il nous transfère une partie du déséquilibre fiscal, donc le 2 milliards auquel fait référence le ministre des Finances? On ne devrait pas, M. le Président, être rassurés. Paul Martin a dit clairement: Il n'existe pas de déséquilibre fiscal. Comment vous voulez qu'il nous envoie une partie du déséquilibre fiscal, alors qu'il nie ce qui a été appuyé ici à l'unanimité à l'Assemblée nationale? Il nie l'existence du déséquilibre fiscal. Donc, comment peut-il nous envoyer 2 milliards de dollars?

M. le Président, on est dans une situation difficile, là, et on n'a pas beaucoup de temps devant nous, et la situation n'a jamais été aussi critique au Québec, M. le Président. Le vieillissement de la population fait qu'à chaque année la situation est plus difficile. On essaie, avec à peu près 40 % des impôts, de régler la santé, l'éducation et la famille et on laisse Ottawa, avec 60 % des impôts, s'occuper de missions importantes mais qui prennent moins de place que la santé, l'éducation et la famille. C'est pour ça, là.

Qu'est-ce que ça veut dire, qu'il y a un déséquilibre fiscal? Ça veut dire: il y a trop d'argent à Ottawa pour les services qu'ils ont à rendre et il manque d'argent à Québec pour les services qu'on a à rendre. Donc, si on ne règle pas ça, que ce soit via un transfert, via un transfert de points d'impôt ou un transfert d'argent... Nous autres aussi, on aimerait mieux que ce soit un transfert de points d'impôt pour que ce soit permanent puis qu'on n'ait pas à quémander à chaque année, mais convenons que, d'ici le 1er avril, on se contenterait d'un chèque parce que, là, on est en train de penser à couper dans la santé, dans l'éducation, dans l'aide à la famille.

Et, M. le Président, le ministre des Finances nous reprochait tantôt de n'avoir rien fait dans les deux dernières années. On a essayé, M. le Président. J'étais là avec le chef du Parti québécois, on est allés à Ottawa. On n'a pas réussi. On s'est fait plus couper au chapitre de la péréquation que ce qu'on est allés chercher au niveau de la santé. Donc, on a ri un peu de nous autres. On est allés chercher... On était bien contents, on a dit: On est allés chercher un petit bout. On a appris un petit peu plus tard qu'on nous coupait plus de 1 milliard en péréquation. Donc, tout ce qu'on est allés chercher, on s'en était fait couper de plus. Donc, on n'a pas amélioré la situation, M. le Président. C'est pour ça que c'est difficile de comprendre que le ministre des Finances, qui a rédigé le rapport de la Commission sur le déséquilibre fiscal, espère encore de Paul Martin, espère encore aller chercher quelque chose.

Dimanche, son chef va être avec les autres premiers ministres des provinces puis avec Paul Martin au match de football. Écoutez, là, il faut que ce soit clair, on a besoin de cet argent. Et, si on n'a pas cet argent, M. le Président, il ne nous reste pas beaucoup de solutions. Si le ministre des Finances n'accepte pas d'inscrire un compte à recevoir puis de dire: Nous, là, on va se battre puis on va dire: C'est ça ou rien, bien, il nous reste la souveraineté du Québec. Il nous reste à dire... Non, mais c'est clair! Écoutez, là, on vous a entendus pendant deux heures de temps: aucune solution. Nous, on en a une solution, M. le Président, c'est de dire: Récupérons 100 % de nos revenus à Québec, récupérons 100 % de nos revenus. Et, je vous le dis, M. le Président, c'est clair, ça voudrait dire plus d'argent en santé, plus d'argent en éducation, plus d'argent en famille. Pourquoi? Pour trois raisons, M. le Président. Première raison, il y a des surplus à Ottawa, le ministre des Finances l'a confirmé dans un récent article: 9 milliards cette année. On devrait avoir le droit au moins à 24 % de ces surplus. Donc, première raison pour qu'on puisse avoir des fonds pour investir en santé, éducation et famille.

Deuxième raison. Écoutez, là, il y a des dépenses qui sont faites à Ottawa qui sont moins urgentes, moins prioritaires que la santé, que l'éducation, que l'aide à la famille. On peut en discuter longtemps, mais, moi, je suis convaincu que, si demain matin on avait 100 % de nos revenus, on en mettrait probablement un petit peu moins en défense nationale, un petit peu moins dans Patrimoine Canada ? surtout pour des drapeaux du Canada ? un petit peu moins en Ressources humaines Canada puis plus en santé, en éducation puis en famille. Donc, ça, c'est la deuxième source, le réaménagement des budgets. Comme mon collègue de Johnson l'a fait pour le budget du Québec, on pourrait le faire en ayant 100 % de nos revenus, dans un Québec souverain, avec toutes les missions qui sont actuellement séparées entre Québec et Ottawa.

Et troisième raison pourquoi ça nous donnerait de l'argent pour la santé, pour la famille, pour l'éducation, c'est qu'il y a actuellement deux ministères du Développement économique, deux ministères de l'Environnement, deux ministères dans tout, des dédoublements qui ont été évalués, à la commission Bélanger-Campeau, à 3 milliards de dollars par année. C'est peut-être optimiste, il y en a qui parlent de 2,1 milliards ? je voyais un rapport d'experts qui parlait de 2,1 milliards récemment ? Puis quand même on le prendrait bien ce 2,1 milliards aujourd'hui plutôt que de faire des coupures en santé, en éducation, en famille.

M. le Président, le ministre des Finances a déjà flirté avec cette idée de la souveraineté. Je lui propose, en fin de semaine, de réfléchir, de discuter. Je lui offre même peut-être mes conseils, on pourrait peut-être en jaser samedi ou dimanche. M. le Président, il reste une seule solution si on veut éviter le pire, c'est la souveraineté du Québec. C'est la souveraineté du Québec, M. le Président. On avait déjà beaucoup de raisons pour être souverainistes au Québec. On a voté ici, dans cette Chambre, la reconnaissance du fait que le Québec est une nation. Puis, une nation qui se respecte, bien, on devrait être capables de gérer nous-mêmes 100 % de nos revenus puis 100 % de nos pouvoirs, puis juste ça, ça devrait être un argument suffisant.

Mais là aujourd'hui on a un autre argument qui s'ajoute ? qui s'ajoute, je dis bien ? un argument qui est de dire: Est-ce qu'on peut se donner les moyens de sauver nos services publics, d'épargner des coupures de 2 milliards de dollars, dès le 1er avril qui vient, en santé, en éducation, en famille? Je pense que, M. le Président, on doit parler plus que jamais de souveraineté du Québec non seulement pour des raisons identitaires, mais aussi pour défendre un idéal de société qu'on a bâti ici au Québec depuis la Révolution tranquille, où on s'est donné un système d'éducation public, un système de santé universel gratuit pour tout le monde. Ces systèmes publics, M. le Président, sont en péril. C'est plus urgent que jamais de faire la souveraineté du Québec.

Et j'invite le ministre des Finances à se donner un objectif et de se dire: Si on n'obtient pas, dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, de résultats de ces rencontres avec le Conseil de la fédération et autres... de reconsidérer son adhésion au plus beau projet qu'on ne puisse pas avoir actuellement, la souveraineté du Québec. Merci, M. le Président.

n(12 h 10)n

Le Président (M. Bouchard, Mégantic-Compton): Merci à l'interpellant, le député de Rousseau. Ceci termine cette troisième interpellation de la Trente-septième Législature. J'aimerais remercier les collègues sur leur opinion et le ton relativement serein mais important des discussions de ce matin. J'aimerais remercier le personnel de l'Assemblée nationale, Mme la secrétaire. Et je dirais aux gens à la maison: J'espère que vous avez appris sur le rôle de l'Assemblée nationale et aussi sur les actions du gouvernement.

En ce vendredi, je termine les travaux de la commission. Le mandat ayant été accompli, j'ajourne ces travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 11)


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