Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente
des finances, des comptes publics
et du revenu
Etude des crédits du ministère des
Finances
Séance du jeudi 17 mai 1973
(Dix heures dix minutes)
M. CROISETIERE (président de la commission permanente des
finances, des comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs!
Messieurs, la commission parlementaire des finances, des comptes publics
et du revenu continue ses travaux ce matin. On m'informe que le programme 7:
Régimes de retraite et autres contributions, a été
adopté à une séance antérieure, ainsi que le
programme 8, concernant la Curatelle publique. Pour ce qui est du reste des
programmes, ils n'ont pas eu l'occasion d'être discutés. J'invite
le ministre à nous faire un tour d'horizon de son ministère.
M. GARNEAU: M. le Président, j'ai eu l'occasion, la semaine
dernière, de faire ce tour d'horizon à la fin de la séance
et il avait été convenu qu'on reprendrait la discussion ce matin.
Comme j'ai déjà fait ce tour d'horizon, je vais me soumettre au
feu des questions.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): La parole est à l'honorable
député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je n'ai pas l'intention
de faire un tour d'horizon du ministère des Finances, puisque je l'ai
fait dans un discours récent, à l'Assemblée nationale. Le
député de Beauce et le député de Gouin avaient
exprimé le désir de faire des commentaires d'ordre
général, alors je leur laisse la parole et je reviendrai avec des
questions spécifiques sur les éléments du budget.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): L'honorable député
de Beauce.
Dette publique
M. ROY (Beauce): M. le Président, au début de cette
séance, comme il avait été entendu, j'en profiterai pour
faire quelques commentaires, les plus concis possible, de façon à
ne pas étirer le temps de la commission parlementaire, pour que nous
puissions procéder le plus rapidement possible à l'adoption de
ces crédits, afin de pouvoir participer aux autres travaux de
l'Assemblée nationale.
M. le Président, je dois dire, au nom de mon parti, le Ralliement
créditiste du Québec, qu'en ce qui nous concerne il y a deux
points principaux qui nous inquiètent d'une façon toute
particulière, en ce qui a trait au développement
économique du Québec et à l'avenir de notre
économie québécoise.
Le premier point qui nous inquiète est l'endettement pyramidal
que devra envisager la population du Québec, endettement pyramidal qui
est la caractéristique majeure, première, du gouvernement actuel.
On sait que si le gouvernement se vante d'avoir présenté son
quatrième budget sans augmentation de taxes, on peut dire que ce
même gouvernement a accusé le quatrième plus gros
déficit de toute l'histoire du Québec. Alors, cet endettement
pyramidal, dans le système que nous connaissons, avec les formules
actuellement utilisées, on sait, à ce moment-là, que ce
sont des dettes impayables, compte tenu du fait que, lorsque ces dettes
parviennent à échéance, elles sont remboursées par
de nouveaux emprunts qui sont contractés, et, de cette façon, on
accélère continuellement l'augmentation du service de la dette,
qui prend une part de plus en plus importante dans lé budget de la
province.
Cet endettement pyramidal aura des conséquences très
sérieuses sur l'avenir du Québec, sur notre développement
économique et sur le fait qu'il contribue à augmenter l'inflation
à un taux très élevé.
La deuxième inquiétude que nous avons est la tendance
manifestée par l'administration actuelle de regarder vers les
marchés étrangers pour aller emprunter des capitaux hors
frontières. Ces emprunts de capitaux hors frontières,
particulièrement aux Etats-Unis, on l'a vu hier, par une offre
extraordinaire, selon les termes mêmes du premier ministre, qui aurait
été faite au gouvernement, sur les marchés
étrangers, font entrer des capitaux au Québec. Lorsqu'on emprunte
$100 millions ou $200 millions, il est évident qu'il y a $200 millions
d'entrées de capitaux au Québec et, par voie de
conséquence, il y a augmentation de la masse, du volume
monétaire, de la monnaie intérieure, de la monnaie canadienne.
Mais ces emprunts à l'étranger doivent être
retournés au moment du remboursement. Et c'est à ce
moment-là que les problèmes commencent.
Si nous retournons la somme empruntée, parce que justement nous
l'avons empruntée, parce que nous n'avions pas assez de capitaux
à l'intérieur de la province ou à l'intérieur du
pays, à ce moment-là, nous retournons à l'étranger
ces capitaux grossis d'un intérêt. On a vu qu'un emprunt de $100
millions, par exemple, fait par le gouvernement provincial sur le marché
américain, nécessitera un retour d'argent aux Etats-Unis de
l'ordre de $230 millions lorsque l'emprunt viendra à
échéance. C'est dire qu'il y a une sortie nette, une
saignée qui se fait dans la masse financière que nous avons au
Québec, de l'ordre de $130 millions. Si on se réfère
à la balance des paiements, la balance des comptes internationaux, on
sait très bien que ceci doit être compensé par quelque
chose. C'est à ce moment-là que nous assistons à un
phénomène à trois volets, je dirai bien à trois
volets. C'est que nous transférons des titres d'entreprise pour la
valeur correspondante d'une part, ou nous contractons de nouveaux
emprunts aux Etats-Unis pour augmenter la masse, pour augmenter la
dette, ou encore, à ce moment-là, on permet aux étrangers
de venir investir chez nous la somme correspondante. C'est à ce
moment-là que nous constatons que nous assistons à la
dépossession du territoire. Nous assistons à la mainmise
étrangère. Nous assistons également au fait que les autres
viennent exploiter à leur profit les richesses naturelles de chez nous,
en se donnant les meilleurs postes dans l'administration, avec tous les
problèmes que cela peut occasionner. Nous assistons aussi à un
accroissement des sorties de capitaux, par le fait qu'il y a sortie de
dividendes, par le fait qu'il y a sortie des intérêts, par le fait
qu'on paie des salaires à des personnes qui résident hors
frontières, des salaires aux dirigeants de ces entreprises.
A l'heure actuelle, ce sont les deux grandes inquiétudes que nous
manifestons, nous du Ralliement créditiste, face au développement
de l'économie québécoise, parce que le Québec est
une province immensément riche, avec un immense potentiel de richesses
naturelles de toutes sortes, et compte tenu du fait que nous avons
également un taux de main-d'oeuvre nouveau, qui s'ajoute sur le
marché du travail chaque année, qui serait en mesure de
travailler au développement de ces richesses naturelles. Il importerait,
pour le gouvernement du Québec d'avoir une politique économique,
de voir à faire les modifications qui s'imposent dans le système
financier. Si le Québec n'est pas capable de le faire, parce que le
ministre pourra me dire que toutes les questions monétaires
relèvent du gouvernement fédéral, d'accord, je suis
entièrement d'accord avec lui, mais, au moins, qu'on tente de faire les
représentations auprès du pouvoir central, de façon que
tous ces problèmes d'ordre économique ne soient pas
l'exclusivité du gouvernement fédéral, mais que les
provinces aient leur mot à dire à l'intérieur de cela.
M. le Président, je voulais faire ces observations à ce
stade-ci, parce que si nous continuons avec le système que nous
connaissons, si nous continuons par l'endettement pyramidal à avoir des
déficits budgétaires toujours de plus en plus grands, d'une part,
et si nous continuons à aller courir chez les pays étrangers pour
avoir les capitaux dont nous avons besoin, alors que l'on sait très bien
que c'est de la monnaie comptable purement et simplement, ce n'est pas autre
chose que cela, pour quelle raison ne penserait-on pas à organiser une
société de développement québécois, qui
aurait pour objet, justement, de disposer d'une certaine masse
financière qu'elle pourrait mettre à la disposition du
gouvernement, des administrations publiques, ainsi que de certaines
sociétés paragouvernementales? A ce moment-là, je songe
particulièrement à l'Hydro-Québec.
Je n'admets pas que la Banque centrale soit un organisme exclusivement
au service du gouvernement fédéral et que les provinces n'aient
pas un mot à dire là-dedans, parce qu'on se rappellera,
contrairement à ce que plusieurs prétendent, que le gouvernement
fédéral, que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique,
avec la fédération canadienne, émanent des provinces et
que ce n'est pas l'inverse qui s'est alors produit. Ce sont quatre provinces
canadiennes qui ont décidé de se regrouper, de s'unir et de se
donner un palier d'administration, un gouvernement supérieur, qui avait
un pouvoir d'oeuvrer dans des domaines particuliers, dans des domaines
précis, pour assurer une meilleure coordination, pour assurer un
meilleur développement de toute notre économie, l'économie
du Canada.
Dans le temps, on appelait cela le Bas-Canada et le Haut-Canada, ainsi
que les provinces du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse ou
l'Ile-du-Prince-Edouard.
M. le Président, sur ces points particuliers, je tenais à
souligner toutes ces choses, il y a également, le fait que, si on veut
réellement s'assurer que l'économie du Québec se
développe en faveur et pour les Québécois, on devra, qu'on
le veuille ou non, qu'on aime cela ou non, de toute nécessité,
faire des réformes assez profondes dans tout le mécanisme de
financement de la province.
M. le Président, il y a un autre point aussi que j'aimerais
soumettre à l'attention du ministre des Finances et des membres de la
commission parlementaire, c'est qu'il n'y a pas une entreprise moderne qui
connaît une phase d'expansion je dirais une entreprise moderne
progressive, et ce sont les lois fiscales qui l'interdisent qui inclut
dans son budget de dépenses courantes ses projets d'immobilisations. Les
projets d'immobilisations n'apparaissent jamais dans le budget des
dépenses de l'année, elles apparaissent toujours au bilan. A
l'heure actuelle, il y a une distinction qu'on ne fait pas suffisamment au
Québec, c'est qu'il faudrait, de toute nécessité, qu'il y
ait un budget pour les dépenses d'administration courante et un budget
pour les immobilisations. Je pense que ceci permettrait au gouvernement de
mieux savoir où il va dans ce domaine, de façon que, lorsqu'on
procédera au financement de la province, au financement des emprunts, on
finance des immobilisations, on finance l'expansion de la province au lieu de
financer les déficits, comme cela se fait à l'heure actuelle. Je
comprends que le ministre peut dire qu'on a tenu compte de certains
barèmes, des montants d'immobilisation dans les politiques des emprunts,
d'ailleurs, il nous l'a dit à l'occasion de son discours sur le budget.
Mais ce n'est pas assez clairement défini, et toute la fiscalité
de la province, la fiscalité de l'administration gouvernementale,
devrait se limiter à percevoir des fonds pour payer les dépenses
courantes et la dépréciation des immobilisations. A ce
moment-là, on aurait un système fiscal beaucoup plus juste, un
système fiscal beaucoup plus réaliste et qui serait
peut-être moins lourd à supporter dans certains domaines.
M. le Président, je pense que sur l'administra-
tion des affaires courantes, en procédant de cette façon
et en s'assurant aussi de la dépréciation des immobilisations et
des investissements qui sont faits, selon une échelle de
dépréciation non seulement normale mais réelle, à
ce moment-là, on pourrait avoir une bonne administration dans la
province et on pourrait savoir où on va.
M. le Président, je termine là-dessus mes observations
d'ordre général. J'aurai beaucoup de questions à poser au
ministre avant que nous ne procédions à l'étude des
crédits élément par élément, sur ce domaine
particulier. J'aimerais entendre ses commentaires à ce sujet,
après que le député de Gouin aura fait, lui aussi, son
tour d'horizon.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): Avant de céder la parole au
député de Gouin, j'aimerais souligner, avec le consentement des
membres de la commission, que le député de Duplessis va agir
comme rapporteur de la commission aujourd'hui. M. le député de
Gouin.
M. JORON: M. le Président, au début de l'étude des
crédits, au moment où on fait des remarques
générales, la tentation est toujours forte,
particulièrement dans le cas du ministère des Finances, de
rouvrir de grands débats. Mais comme l'a souligné le
député de Montmagny tout à l'heure, on vient de se dire
tout cela il y a à peine un mois, au moment du débat sur le
budget. Comme je l'ai dit, même si la tentation est peut-être forte
de reprendre les critiques que nous avons faites au moment du discours sur le
budget, je vais quand même y résister, et plutôt utiliser le
temps qui s'offre à nous pour poser des questions. J'allais dire aussi
que la tentation est un peu forte, surtout quand on entend d'autres
interlocuteurs parler avant nous, de se laisser entraîner par leurs
propos dans l'ouverture d'autres débats. Je ne résisterai pas
tout à fait complètement à une observation que faisait le
député de Beauce il y a quelques minutes, mais qui est en dehors
de notre sujet, par contre, c'est une question d'ordre constitutionnel, quand
il disait que la Fédération canadienne, l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, émanait de quatre provinces qui
avaient décidé de se donner ensemble un gouvernement central, et
de lui donner tel et tel pouvoir.
M. ROY (Beauce): Etiez-vous là?
M. JORON: Non, je n'étais pas là mais...
M. BACON: On a vu que le député de Beauce n'y était
certainement pas.
M. JORON: Cela, oui. Je ne veux pas faire un cours de droit
constitutionnel. L'Acte de l'Amérique du Nord britannique, c'est une loi
qui a été votée par le Parlement de Londres après
une certaine consultation avec les quatre colonies mais la division des
pouvoirs qui a été faite par ce texte de loi entre un niveau
provincial et un niveau fédéral a été faite
d'autorité par le Parlement de Londres. On a décidé de
donner tel, tel pouvoir au Parlement central, tel, tel pouvoir aux
différents Parlements provinciaux. Ce ne sont pas les provinces qui ont
décidé entre elles de remettre tel, tel pouvoir au gouvernement
central. Cela leur a été imposé. Ainsi, il est faux de
dire que le gouvernement fédéral émane des provinces. Ce
n'est pas la créature des provinces. Il ne contrôle pas. Les
domaines qui appartiennent au gouvernement central, dans ces domaines le
gouvernement central est pleinement souverain et il ne tire pas son
autorité du fait que ce sont les provinces un jour qui les lui ont
donnés. Ce ne sont pas les provinces qui les lui ont donnés,
c'est le Parlement de Londres. En tout cas, indépendamment de
ceci...
M. ROY (Beauce): Est-ce qu'on pourrait revenir là-dessus, M. le
Président, parce qu'il y a quand même des choses qui
mériteraient d'être nuancées?
M. JORON: En tout cas, c'est complètement en dehors de notre
sujet.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): Nous allons revenir à la
pertinence des travaux.
M. BACON: On se rapproche des finances. Emprunts
M. JORON: Revenons aux finances, M. le Président. Je vous disais
que je n'avais pas l'intention de reprendre ce qu'on s'était dit au
discours du budget. Je voudrais seulement faire deux observations sur deux
sujets plus d'actualité, cependant, qu'ils ne l'étaient; ils ne
l'étaient pas du tout il y a un mois. La première chose, c'est ce
dont il a été question depuis à peu près une
semaine, l'offre extraordinaire faite par la maison Ames de procurer $500
millions d'emprunt au gouvernement de Québec si le gouvernement en avait
besoin. On a eu hier des questions en Chambre à ce sujet. Je signalais
à cet égard qu'il y avait quelque chose d'assez extraordinaire et
d'inhabituel qui se passait dans une affaire semblable. On a déjà
dit que le Québec n'était pas une province comme les autres. Qui
est-ce qui disait cela? C'est Gérard Filion, je pense. Il disait: Elle
est un peu plus bête que les autres. Je ne suis pas d'accord avec lui,
mais il y a des gens qui croient les Québécois un peu plus
bêtes que les autres. Une déclaration semblable de la part d'un
courtier, la maison Ames en question, cela ne se voit jamais nulle part. Je
vais vous dire pourquoi on l'a peut-être faite, à mon avis. C'est
ridicule parce qu'on sait très bien qu'une des raisons pour lesquelles
on assiste peut-être au Québec à des
événements semblables, c'est qu'on présume que les
Québécois sont un peu moins familiers
que les autres dans les questions financières et qu'on peut les
emplir un peu plus facilement. Cela ne se passe pas dans les autres provinces,
cela ne se passe pas dans les autres pays non plus, des déclarations
semblables, parce que c'est ridicule. On sait très bien que le
gouvernement n'ira pas emprunter $500 millions tout de suite la semaine
prochaine, s'il n'en a pas besoin avant six mois, avant dix mois ou avant deux
ans. Les emprunts se font au fur et à mesure que les besoins se font
sentir.
Il y a quelque chose d'inusité là-dedans aussi, dans le
sens que c'est ridicule une proposition semblable. Je pourrais faire cette
proposition au gouvernement du Québec, offrir de lui prêter $500
millions. Il n'y a rien de plus facile à dire. Si moi, je l'emprunte
à un taux d'intérêt de 10 p.c. et que je le prête
à la province à 12 p.c, je vais être capable de le faire,
c'est bien évident.
M. ROY (Beauce): Est-ce que le député de Gouin me
permettrait une question? Est-ce que le député de Gouin ne croit
pas que M. Paul Desrochers aurait pu téléphoner à une
personne de la maison Ames justement, pour faire une belle propagande au
gouvernement?
M. JORON: C'est justement ce que j'allais dire. Quand je vois le premier
ministre faire des gorges chaudes à ce sujet, on voit très bien
que, finalement, c'est un ballon publicitaire. D'ailleurs, je ne sais pas si
c'est un communiqué officiel de la maison Ames. La maison Ames a
pourtant une réputation d'être une maison sérieuse. Ce
n'est jamais le genre de déclaration qu'une maison sérieuse fait.
On ne fait jamais de déclarations semblables dans les autres provinces.
Comment se fait-il qu'on le fasse au Québec? D'autre part, je
rappellerai que la maison Ames n'a pas autorité puisqu'elle est membre
d'un syndicat. Elle n'est pas toute seule là-dedans. Elle est membre
d'un syndicat qui négocie et qui fait les emprunts du Québec;
alors elle n'a pas, en dehors du syndicat, à se donner une
prérogative comme cela, de faire des commentaires semblables. Si une
offre semblable ou une affaire du genre avait à être faite, cela
l'aurait été par le syndicat et non pas par un des membres du
syndicat. Elle a, je pense, en faisant cela, contrevenu...
M. GARNEAU: Pour l'information du député, ce qu'il dit est
vrai sauf que le groupe bancaire s'applique pour les emprunts en devises
canadiennes sur le marché canadien. Dans le cas dont il parle, il ne
s'agissait pas de devises canadiennes mais de devises étrangères,
ce qui n'implique pas nécessairement le groupe bancaire.
M. JORON: Qu'elle est liée par le syndicat...
M. GARNEAU: Elle n'est pas reliée au syndicat.
M. JORON: Cette précision donnée, il reste quand
même qu'une telle offre est absolument inusitée. D'ailleurs,
j'aimerais savoir si c'est un employé quelconque de la maison Ames qui a
fait cette proposition ou qui l'a faite. Parce que, comme je le disais tout
à l'heure, il n'y a rien de plus facile à dire, à faire,
tout dépend du taux d'intérêt. $500 millions, si on veut
les prêter à 18 p.c. à la province, n'importe quel courtier
va les offrir. C'est bien évident. Ce qu'il y a derrière tout
ça, ce qu'il y a d'extraordinaire là-dedans, c'est que j'ai
plutôt l'impression que ce sont je ne dis pas que ce sont les gens
dans le gouvernement comme tel ou le premier ministre ou le ministre des
Finances, mais enfin des amis du pouvoir ou des amis du gouvernement qui
donnent un coup de téléphone à un gars chez Ames et disent
que ce serait peut-être opportun que cette déclaration se fasse,
ça permettrait au premier ministre de se péter les bretelles,
comme on dit en langage populaire, et de dire que le crédit de la
province est bon. Un autre ballon publicitaire, rien de plus. C'est une
manière de minicoup de la Brink's ou une affaire semblable. Je trouve
que c'est faire insulte...
M. GARNEAU: Ce n'est pas un mini, c'est la Brink's qui revient.
M. JORON: Ouais, la Brink's qui revient! Je trouve que cette affaire est
ridicule. C'est faire insulte à l'intelligence des
Québécois et c'est pitoyable de la part du premier ministre de la
province d'entrer dans un jeu semblable et de faire de la petite
publicité de politicaillerie avec ça d'une part.
Impôts
M. JORON: La deuxième question d'actualité que je voulais
soulever se rattache à la réponse que nous a faite le ministre
des Finances lors d'une question qui lui était posée en Chambre
un peu avant l'ajournement de Pâques. Dans une question qui était
adressée au premier ministre ou au ministre des Affaires
intergouvernementales, on lui avait demandé la sempiternelle question
que le Parti québécois a posée à environ 25
reprises, j'ai arrêté de les compter, depuis l'élection de
1970, à savoir si l'étude qu'avait faite dans le passé le
ministère des Affaires intergouvernementales portant sur la part du
Québec dans les revenus et dépenses du gouvernement
fédéral, c'est-à-dire la compilation que l'on avait faite
des impôts que les Québécois paient sous toutes les formes
au gouvernement central et, la contrepartie de ça, les dépenses
que le gouvernement central effectue sur le territoire du Québec
à même ces impôts arrivaient égal à
égal. Les seuls chiffres qu'on connaît à ce jour portent
sur la dernière année sur laquelle ils ont été
faits, c'est 1968. En 1970, le rapport portant sur l'année 1968 est
finalement sorti après que trois gouverne-
ments successifs, celui de M. Bertrand, celui de M. Johnson et celui de
M. Lesage eurent étudié cette question. Le rapport est finalement
sorti pour l'année 1968, dans lequel on voyait que le Québec
était perdant dans ce jeu. Malgré la péréquation,
au total, sous toutes ses formes, il n'en revenait pas tout à fait
autant qu'il en partait. Il est capital, évidemment, dans notre
situation, de toujours pouvoir mesurer ce phénomène, soit combien
il en sort, combien il en revient, de façon à savoir, d'une part,
si le régime fédéral est fiscalement rentable pour les
Québécois.
De toute manière, même si on ne se situe pas dans le cadre
d'un débat d'ordre constitutionnel comme le fait le Parti
Québécois, si on se situe simplement dans l'optique d'une
renégociation perpétuelle ou continuelle du partage des
impôts entre différents niveaux de gouvernement à
l'intérieur d'une fédération, C'est une mesure statistique
indispensable à connaître si on veut être en mesure
d'appuyer ces prétentions et dire pourquoi on a besoin de plus de
transfert d'impôt et ainsi de suite. Que l'on se place dans le cadre de
la logique du Parti québécois qui remet en cause le régime
constitutionnel ou que l'on se place à l'intérieur de la logique
du régime constitutionnel actuel, dans les deux cas, il est
indispensable de connaître ces données.
De toute manière, cela fait partie du droit des citoyens qui
paient des impôts de savoir où cela va, si cela revient, de quelle
façon cela revient, comment s'est dépensé. Le premier
ministre, à qui j'ai posé la question, en trois ans, m'a
répondu invariablement chaque fois: Cette étude se poursuit, je
n'ai pas décidé s'il est opportun pour le moment de rendre
publics les chiffres pour les années subséquentes, si ces
études sont complétées pour les années 1969, 1970
et 1971, ainsi de suite. Ce n'est pas terminé, on continue cela, on
décidera en temps et lieu s'il faut les rendre publics. En d'autres
mots, la décision n'était pas prise.
Or, un peu avant Pâques, encore une fois on pose la même
question au ministre des Affaires intergouvernementales, et cette
fois-là, il nous dit que cette partie de la mise en question de
l'évaluation, si vous voulez, du fédéralisme, que la
partie quantitative, celle qui concerne les impôts, le sujet dont je
parle dans le moment, avait été refilée au
ministère des Finances. Alors, le ministre des Finances se lève
pour répondre à cette partie de la question et nous dit la chose
la plus surprenante que j'aie entendue à l'Assemblée nationale:
Cette étude ne s'est pas poursuivie. En disant cela, il venait de dire
tout simplement, de confirmer tout simplement que le premier ministre avait
menti pas loin de 25 fois à l'Assemblée nationale depuis trois
ans. D'autre part, il ajoute.aussi: Ce n'est pas une priorité de notre
gouvernement de poursuivre cette étude. Ce n'est pas une priorité
à un moment où un ministre des Finances se débat en
négociations avec le gouvernement central pour obtenir des transferts de
points d'impôt ou de nouvelles sources de revenu. Ce n'est pas une
priorité de connaître cela? Je trouve cela renversant. C'est
d'autant plus renversant aussi que le gouvernement dont il fait partie s'est
fait élire sous différents thèmes et, entre autres, il y
avait celui du fédéralisme rentable. Ne trouvez-vous pas cela
curieux, vous, M. le Président, qu'un gouvernement qui se fait
élire sous la prétention que le fédéralisme est
rentable pour le Québec trouve qu'il n'est pas prioritaire d'en
connaître l'élément le plus essentiel qui permette d'en
mesurer la rentabilité. Il me semble qu'il y a une conclusion bien
simple qu'il faut tirer de cela, c'est que peut-être, effectivement, les
études préliminaires pour les années subséquentes
se sont peut-être continuées. On s'est peut-être rapidement
aperçu cependant que cela allait conduire à la conclusion
suivante: Que si, en 1968, le Québec était déficitaire
dans ce jeu-là de $200 millions, et en 1969, 1970 et 1971 cela
l'étail peut-être devenu davantage.
De toute façon, je ne tiens pas à faire de la partisanerie
politique là-dessus. Si l'étude nous montre que ce n'est plus
déficitaire, cela ne changera aucunement la position du Parti
québécois, parce que ce n'est pas seulement sur le quantum aussi
que se fait l'évaluation du fédéralisme, mais c'est
également sur la qualité. Cela, c'est une autre paire de
manches.
Le quantum du coût de ce fédéralisme, c'est le droit
strict des citoyens de le connaître, de le savoir. Quand j'entends le
ministre des Finances du Québec nous dire que ce n'est pas prioritaire
et qu'il n'a pas continué l'étude, je trouve cela absolument
renversant.
En troisième lieu, M. le Président, la troisième
question que je voulais aborder, en fait, ce n'est pas une question très
longue et je vais terminer mes remarques brièvement maintenant, c'est
plutôt une question directe au ministre.
On a posé la question au ministre du Revenu, à
l'étude des crédits la semaine dernière, il nous a dit
enfin de s'adresser au ministère des Finances. La question que l'on
voulait poser était la suivante: Dans votre discours du budget, vous
avez prévu une augmentation de l'impôt sur le revenu, du produit
de l'impôt sur le revenu pour l'année prochaine, de 17.3 p.c, si
ma mémoire est fidèle. Comme le ministre du Revenu nous disait
que c'était son ministère qui préparait les données
de base, les données statistiques qui servaient au ministère des
Finances à établir ses projections, on lui avait demandé,
pour arriver à ce chiffre de 17.3 p.c. d'augmentation, quelle
augmentation du revenu disponible des citoyens, qui est l'assiette de
l'impôt sur le revenu, avait été utilisée pour
arriver à une projection d'augmentation de 17,3 p.c.
M. GARNEAU: Je pense que le député de Montmagny avait dit
qu'il n'avait pas de remarque général à faire à ce
moment-ci.
Pour ce qui est des propos du député de Beauce, ce n'est
pas la première fois que nous avons ce type de débat. Je pourrais
reprendre encore les contradictions de son exposé de ce matin, entre le
début et la fin et les éléments de solution, qu'il semble
vouloir proposer sans les définir clairement. Mais comme le débat
a déjà eu lieu là-dessus à plusieurs reprises
concernant les thèses du Ralliement créditiste et compte tenu
également des discussions que nous avons eues mardi dernier, je n'ai pas
l'intention de reprendre ou de faire des remarques concernant ses propos.
M. ROY (Beauce): C'est moins fatiguant.
M. GARNEAU: C'est comme un disque qu'on a sur un gramophone. A un
certain moment, le gramophone va arrêter.
Pour ce qui est des propos du député de Gouin, sa
première remarque a porté sur l'offre de prêts que le
gouvernement du Québec a reçue de la part de la maison Ames. J'ai
mentionné tout à l'heure que cela ne liait pas le groupe
d'enquête, étant donné que c'était un emprunt qui
était en devises étrangères. Pour montrer le
sérieux des possibilités de ce marché, je voudrais dire au
député de Gouin que, très récemment, au
début de mai 1973, l'Electricity Council de Grande-Bretagne a
emprunté sur ce même type de marché $1 milliard d'un seul
coup. C'est donc dire qu'il ne s'agit pas là d'une fantaisie ou d'un
ballon qui a été lancé uniquement pour des fins
publicitaires. Il s'agit d'un type d'emprunt qui a été fait et
réalisé sur le marché de Londres, depuis le début
du mois de mai de cette année. Alors, $1 milliard.
M. JORON: Si vous me permettez une question là-dessus.
L'Electricity Council of Great Britain... On parle d'un pays dont la population
est dix fois celle du Québec. Alors, imaginez une Hydro-Québec
qui dessert un pays dix fois plus grand, les besoins d'emprunt sont
décuplés d'autant.
M. GARNEAU: Mais les besoins d'emprunt...
M. JORON: ... à la longue.
M. GARNEAU: Je comprends cela, mais je veux aussi souligner au
député de Gouin que le programme d'emprunts de la province et de
l'Hydro-Québec, cette année, était de $900 millions. Je ne
veux pas porter de jugement sur la sagesse qu'il y aurait eue pour le
gouvernement du Québec de l'accepter ou de ne pas l'accepter. Le premier
ministre a dit, assez clairement hier, qu'il était peu probable que nous
profitions des avantages qu'on aurait pu avoir de ce prêt, mais je veux
lui dire que ce n'est certainement pas un ballon, que c'est vrai, et
deuxièmement, que cela s'est déjà fait et pas plus tard
que le début de mai de cette année.
Troisièmement, l'offre d'emprunt a été faite par
écrit et sous la signature du président de la
société et de son vice-président responsable des
activités de Montréal. Ce sont des gens avec qui j'ai
transigé depuis que j'occupe le poste de ministre des Finances, des gens
que je connais personnellement. Je ne crois pas que ces gens aient besoin de
passer par des intermédiaires, s'ils avaient affaire à me voir ou
à voir le premier ministre.
Mais ce n'est pas un commis de troisième ordre qui a fait une
telle offre sur un coup de téléphone. L'offre était
signée en bonne et due forme et dans des conditions qui ressemblent
presque d'une façon identique à cet emprunt qui a
été contracté, effectivement, par l'Electricity Council de
Grande-Bretagne.
Je ne veux ni faire ni animer un débat qui pourrait prendre une
tournure politique, mais une chose est certaine, c'est qu'en 1970, quand nous
avons pris le pouvoir, cela à un certain moment, lorsque nous avions
décidé surtout en 1971 d'augmenter d'une
façon sensible les dépenses d'immobilisation et que nous avions
décidé d'accroître le déficit pour jouer un
rôle sur l'économie, je n'aurais pas détesté qu'une
offre sérieuse de ce genre nous soit faite à ce moment. Nous
avions eu des offres antérieurement pour des montants moindres, $100
millions, $50 millions, mais n'étaient pas des offres sérieuses
que nous n'avons jamais pu considérer.
Mais, dans le cas présent, c'était une chose
réellement sérieuse. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs,
l'offre a été faite au chef du gouvernement et non pas au
ministre des Finances.
Transferts fiscaux
M. GARNEAU: L'autre point qui a été soulevé par le
député de Gouin, concerne le bilan. J'ai déjà eu
l'occasion, non pas récemment en répondant à la question
du député de Bourget, mais bien avant, avant même
d'être élu député, de faire part de mes points de
vue concernant la valeur fondamentale d'un tel exercice.
Vous savez autant que moi qu'il y a toutes sortes d'hypothèses
à partir desquelles on peut faire un tel bilan et selon les
hypothèses que vous faites au point de départ, vous allez avoir
des données différentes, sur la façon dont vous allez
répartir le coût de l'année, celui du ministère des
Affaires étrangères, les entrées et les sorties concernant
le ministère des Postes. Vous avez également un point
extrêmement délicat à traiter qui a une valeur
budgétaire, le problème de la répartition de l'action
gouvernementale pour le maintien du taux de change. Comment faire une
répartition d'une telle activité de la Banque du Canada et du
gouvernement fédéral et en répartir le coût entre
les provinces? Cela devient un exercice que vous pouvez faire à partir
de différents critères et
encore là, selon les critères que vous utilisez, vous
arrivez à des chiffres différents.
J'ai cru que dans l'ordre des priorités, pour le ministère
des Finances, compte tenu de nos effectifs, qui ne sont pas illimités,
il y avait avantage à consacrer nos efforts à la
préparation de dossiers du genre de ceux que nous avons
présentés d'abord pour la Caisse d'aide conjoncturelle. Ceci ne
s'est pas traduit exactement de la façon que nous le voulions, mais ceci
a quand même abouti à une formule de prêts et subventions
reliée au taux de chômage. Nous avons également depuis deux
ans présenté un dossier assez complet sur la question de la
formule de péréquation. Cela nous a amenés à
obtenir l'intégration des revenus scolaires dans la formule de
péréquation et nous a valu des revenus additionnels, seulement
cette année au Québec, de l'ordre de $80 millions. Le
gouvernement avait poursuivi ses efforts du côté du
réalignement des politiques sociales et je pense que tout le monde est
en mesure de vérifier ou de mesurer l'impact qu'aura la nouvelle
politique des allocations familiales sur le budget du Québec en baissant
entre autres les prestations d'aide sociale et en donnant une plus grande
justice distributive entre les gens à faible revenu qui travaillent et
les gens à faible revenu qui ne travaillent pas. Je parle de ceux qui
sont aptes au travail. Les entrées qui bénéficieront aux
citoyens du Québec seront importantes.
Je crois que l'orientation que nous avons donnée à nos
discussions avec le gouvernement fédéral, je pourrais ajouter
l'effort qui a été fait dans le cadre du ministère de
l'Expansion économique régionale et la nouvelle approche qui est
maintenant discutée, tout cela mis ensemble a été dans le
fond plus positif que de consacrer des efforts considérables à
élaborer des hypothèses qui auraient pu être
démolies par n'importe qui. Selon l'approche qu'on prend et l'objectif
qu'on veut atteindre, si on veut prouver que c'est rentable, je peux vous
promettre que je vais vous le prouver demain matin et vous allez être
obligés de discuter à partir de mes hypothèses de travail.
Si votre objectif au point de départ est de dire que ce n'est pas
rentable, vous n'avez qu'à faire des hypothèses en relation avec
cela et vous allez arriver à un fédéralisme non
rentable.
Alors, plutôt que de consacrer des énergies à cet
exercice que, pour ma part, je considère futile, nous les avons mises
ailleurs. Si d'autres pensent que c'est préférable de mettre les
énergies dedans, éventuellement, si la population du
Québec le décide, ils auront tout le loisir de mettre leurs
priorités sur ces activités.
La troisième question du député de Gouin portait
sur le taux de croissance de l'impôt sur le revenu des particuliers. Le
revenu, pour 73/74, a été basé sur un taux de croissance
du revenu personnel de 9.5 p.c.
M. JORON: M. le Président, pour enchaîner sur les
commentaires que vient de faire le ministre des Finances quant à ma
deuxième question, je signale au ministre des Finances et il doit
sûrement être au courant aussi que l'étude qui a
été faite par le ministère des Affaires
intergouvernementales dans le passé, sur l'apport du Québec dans
les revenus et dépenses du gouvernement fédéral, a
été faite à partir de deux hypothèses, justement,
pour qu'on puisse véritablement...
Vous avez raison de signaler que ce n'est pas une affaire facile
à calculer et que c'est complexe de déterminer, par exemple,
comment répartir entre les provinces le coût de tels ou tels
services fédéraux. H y en a qui sont passablement plus
compliqués à déterminer que d'autres. C'est pourquoi,
d'ailleurs, l'étude avait été faite à partir de
deux hypothèses. Une optimiste, si vous voulez, et une pessimiste, pour
laisser une marge de manoeuvre, parce qu'il y a des choses qui sont assez
difficiles à répartir. Mais dans les deux hypothèses, dans
la meilleure possible cela dépend de quel côté on se
place dans la plus avantageuse au crédit du gouvernement central,
l'étude montre un tout petit déficit. Je ne me souviens plus du
chiffre exact. Mais c'était quasiment égal à
égal.
M.GARNEAU: Mais l'étude n'était pas exhaustive. Le
député de Gouin va l'admettre, on n'a jamais tenté de
répartir l'effort du gouvernement, par exemple, comme je vous l'ai
mentionné tout à l'heure, en ce qui regarde les réserves
pour le maintien d'un taux de change et comment mesurer la valeur d'un tel
service sur le plan de l'économie québécoise.
M. JORON: II y a quand même une estimation qui a été
faite dans l'étude pour ça. Vous ne pouvez pas me demander de me
souvenir par coeur d'un document qu'on a pris sept ans à préparer
et qui a à peu près 250 pages. Je ne me souviens pas
précisément de ce qu'on disait à ce
chapitre-là.
M. GARNEAU: De mémoire, je pense qu'on ne l'a pas
traité.
M. JORON: Mais il devait y avoir une note qui l'imputait quelque part
parce qu'on a voulu arriver à un chiffre qui donnait un portrait global
de la situation. Je disais que cela avait été fait à
partir de deux hypothèses, une pessimiste et une optimiste, et dans la
meilleure, dans un sens, c'est...
M. GARNEAU: C'est l'optimiste que je vous souhaite de tout coeur.
M. JORON: Pardon? Selon l'hypothèse la meilleure, le
déficit était très faible, presque inexistant, et selon
l'autre hypothèse, le déficit était de $200 millions pour
l'année 1968. Alors, on varie entre un déficit de $1 million ou
$2 millions jusqu'à $200 millions. On sait, de toute façon, que,
quelle que soit l'hypothèse retenue,
on est en bas de zéro. D'autre part, je ne suis pas d'accord avec
le ministre quand il dit qu'on ne peut pas considérer ça comme
une priorité parce que cela présume d'un choix politique. Par
exemple, vous direz: Le Parti québécois doit être
normalement intéressé à cette étude parce que le
débat constitutionnel, la remise en cause du régime
fédéral, si vous voulez, est fondamentale dans le programme du
Parti québécois. Je sais bien que le Parti libéral qui est
au pouvoir n'est pas indépendantiste et qu'il ne remet pas le
régime en cause. Mais, cela ne veut pas dire pour autant qu'il ne devra
pas être intéressé à cette étude. Comme je
vous le signalais tout à l'heure, vous avez de multiples autres raisons
pour lesquelles ces données pourraient vous être utiles.
D'ailleurs, cette étude qui a été faite dans le
passé, je vous rappelle qu'elle n'a pas été faite par des
gouvernements indépendantistes. C'est le gouvernement Lesage, un
gouvernement libéral, qui avait commencé cette étude.
C'est un gouvernement de l'Union Nationale, sous deux premiers ministres
différents, M. Johnson et M. Bertrand, qui l'a continuée. Cette
étude, d'ailleurs, a été commencée et l'essentiel
en a été fait à une époque où le Parti
québécois n'existait même pas, où tout le
débat sur l'indépendance était loin d'avoir l'ampleur
qu'il a aujourd'hui. Ce n'est pas une étude qui a été
faite par des séparatistes. Elle démontre quand même, en
conclusion, des faits qui nous apparaissent capitaux pour les citoyens.
Je n'accepte pas la réponse que vous me faites,
c'est-à-dire de dire qu'aujourd'hui ce n'est plus une priorité
parce que c'est tellement difficile à calculer, parce que ça
présume qu'il faut utiliser tellement d'hypothèses, parce que
vous, le gouvernement, ne remettez pas le régime fédéral
en cause. Ce n'est pas une raison. Il me semble que c'est le droit strict des
citoyens du Québec de savoir...
M. GARNEAU: Une des remarques est que, selon les hypothèses qu'on
voudrait prendre, on pourrait faire dire à cette étude n'importe
quoi. C'est dans ce sens que je dis que l'exercice n'a pas la valeur qu'il
semble vouloir lui attribuer. Ce n'est ni plus ni moins que ça que je
mentionnais.
M. JORON: De toute façon, même si on poursuivait le
débat jusqu'à la semaine prochaine, vous ne changeriez pas
d'idée. Vous n'avez pas l'intention, je présume, de laisser
partir en circulation des documents qui pourraient remettre en cause un des
thèmes principaux du Parti libéral. Je prétends, M. le
Président, et je termine là-dessus...
M. GARNEAU : Je peux vous donner de l'espoir, autrement vous n'aurez
plus de chance du tout.
M. JORON: Je prétends que cette étude a été
terminée intentionnellement par le gouvernement parce qu'elle aurait
été dommageable à sa théorie que le
fédéralisme est rentable.
M. GARNEAU: M. le Président, juste une dernière remarque
là-dessus. Dans cette analyse de l'évolution du
fédéralisme, puisque c'est notre option, comme le reconnaît
évidemment le député de Gouin, les efforts du
ministère des Affaires intergouvernementales ont porté beaucoup
plus sur l'état des dossiers et l'évolution des dossiers, la
qualité. Le bilan est qualitatif.
M. JORON: Ce n'était guère mieux d'après ce que
nous avons vu...
M. GARNEAU: Encore là, c'était une des raisons pour
lesquelles nous ne croyions pas qu'un tel travail devait être rendu
public, parce que ce qui est vrai aujourd'hui ne sera peut-être plus vrai
demain. Cela a une évolution constante et le document qui a
été publié par le journal Le Soleil a deux accrocs
majeurs: les allocations familiales et la péréquation scolaire.
C'est pour montrer que dans l'espace d'un mois, deux dossiers extrêmement
importants qui pouvaient signifier une faillite dans ces deux secteurs, un mois
après, c'était le contraire. Alors, on ne peut pas figer
l'évolution du système fédéral et des relations
fédérales-provinciales dans un document qui dit: Aujourd'hui,
c'est bon ou c'est mauvais, ce sera bon ou ce sera mauvais tout le temps.
M. ROY (Beauce): M. le Président, avant de passer à
l'étude des programmes, j'aimerais demander au ministre de nous faire
part de ses commentaires, de ses opinions, d'être un peu plus explicite.
Malgré que nous n'ayons pas eu le temps les règlements de
la Chambre ne nous permettaient pas d'avoir plus de précisions
concernant la dernière conférence des ministres des Finances
on sait, et le ministre précisera davantage, que... Parce que
nous n'avons pas encore la possibilité d'être présent ou
d'envoyer des observateurs à ces conférences, on est
obligé de se baser sur les renseignements qu'on veut bien nous fournir,
que les propositions du fédéral se résumaient en trois
points particuliers: Premièrement, la remise de six points
d'impôt; deuxièmement, la remise des taxes et des droits
fédéraux d'accise sur le tabac, l'alcool, les vins et la
bière; troisièmement, un paiement en espèces pour combler
l'écart entre la valeur des points d'impôt et la contribution
fédérale pour les services de santé, calculé selon
la formule révisée, d'après le PNB.
Québec a demandé 28 points d'impôt. Or, le but de
cette offre du fédéral, c'était le retrait du
fédéral du financement des programmes de la santé
l'assurance-maladie, l'assurance-hospitalisation et de l'enseignement
postsecondaire. On sait qu'il existe déjà un abattement
spécial de 16 points d'impôt sur le revenu des particuliers qui
constitue une partie de la contribution
fédérale relative à l'assurance-hospitalisation
dans cette province.
M. le Président, on aimerait savoir de quoi est constituée
l'autre partie et sur quoi s'est basé le Québec pour exiger 28
points d'impôt ou si on a fait une proposition irréaliste de
façon à s'assurer que le statu quo demeure. J'aimerais, de la
part du ministre des Finances, qu'il nous explique pourquoi il a
réclamé 28 points d'impôt et sur quoi il s'est basé
pour faire ce calcul. Ce serait peut-être intéressant de savoir ce
que représente un point d'impôt.
M. GARNEAU: M. le Président, l'assurance-hospitalisation est en
fonction depuis déjà plusieurs années, l'assurance-maladie
a une expérience un peu plus courte et le financement de
l'éducation postsecondaire remonte, suivant la formule actuelle, aux
arrangements de 1967. Il y a donc quand même, pour deux de ces
programmes, le postsecondaire et l'assurance-hospitalisation, une
expérience de coût qui a été vérifiée,
faite au Québec et, dans l'ensemble du Canada, dans chacune des
provinces. Comme on le sait, le fédéral, pour ce qui est de
l'hospitalisation, payait 50 p.c. du coût des services assurés,
c'est-à-dire que, lorsque les provinces dépensaient $1, le
fédéral versait $0.50 pour ce qui était des services
assurés. Dans le cas de l'éducation postsecondaire,
c'était la même chose. Lorsqu'une province décidait
d'affecter $0.50 dans l'éducation postsecondaire, le
fédéral, payait également $0.50 à l'exception de
deux ou trois provinces qui avaient choisi une base de per capita. En
s'appuyant sur les transferts que le fédéral fait
déjà, pour l'ensemble du pays et pour chacune des provinces, nous
avons tenté, sur le plan de l'analyse des rendements des impôts,
de voir quel serait le nombre de points d'impôt qui seraient
nécessaires pour le Québec pour compenser la partie que le
fédéral nous paye déjà en vertu des programmes
existants d'éducation postsecondaire, d'assurance-hospitalisation et
d'assurance-maladie.
M. JORON: Un point d'impôt vaut combien au Québec?
M. GARNEAU: C'est 25 au Québec; l'Ontario, c'est à peu
près 45.
Alors, ce que nous avons essayé de faire, c'est de
déterminer le nombre de points d'impôt que ça prenait pour
couvrir ces coûts-là. Au point de départ, on s'est
posé une question, car on connaissait l'objection du
fédéral qui serait de nature à dire : Bien, si on
transfère 28 points d'impôt, c'est diminuer ainsi la marge de
manoeuvre de l'Etat fédéral sur l'économie
générale. Il fallait donc trouver une formule qui puisse
permettre de transférer un nombre de points d'impôt qui serait le
minimum et qui pourrait être le même pour l'ensemble des provinces.
La seule façon d'en arriver à cet objectif, c'était de
prendre les points d'impôt de la province la plus riche,
c'est-à-dire où le rendement est plus élevé, et
d'égaliser ce rendement de points d'impôt à travers toutes
les provinces de telle sorte que, pour le Québec, 28 points
d'impôt péréquatés à la base de l'Ontario
couvriraient, en 74/75, les prévisions de coût des services, des
programmes auxquels on vient de se référer. La même chose
pour les autres provinces, pour l'Ontario, l'Alberta, la Colombie-Britannique,
et certaines provinces de l'Est faisaient un gain, par un transfert, de 28
points d'impôt. C'est pourquoi nous proposions que le gain qui pouvait
être dans certains cas assez substantiel, relativement du moins, puisse
être acquis sur une période de cinq ans de telle sorte que le
fédéral n'effectuait pas au moment du retrait définitif de
ces programmes-là un transfert fiscal dans le cadre des programmes, le
transfert fiscal devant avoir lieu uniquement si les taux de croissance des
impôts transférés se maintenaient à un niveau
toujours supérieur à la croissance des coûts.
Cela a été la proposition du Québec et la
rationalité, si on peut dire, qui existait derrière cette
proposition. Cette proposition comportait deux choses: le retrait
définitif du gouvernement fédéral dans les programmes que
nous croyons de juridiction provinciale et que toutes le provinces
reconnaissent de juridiction provinciale, et deuxièmement, notre
proposition incorporait un transfert de revenus du fédéral vers
les provinces pour autant que le taux de croissance de nos coûts soit
inférieur au taux de croissance de rendement des impôts
transférés. Le fédéral a fait une
contreproposition, comme le député de Beauce vient de
l'énoncer, et cette proposition du gouvernement fédéral
est intéressante au point de départ parce qu'elle reconnaît
les principes que le Québec défend et qu'ont défendus tous
les gouvernements depuis 1960, c'est-à-dire le principe de l'opting-out
que le fédéral reconnaît d'une façon
définitive en proposant ce transfert non pas uniquement d'impôt
direct, mais également d'impôt indirect. Deuxièmement, le
fédéral reconnaissait l'autre aspect, l'autre volet du même
principe, qui était le fait que, si les taux de croissance des
coûts des programmes en cause étaient inférieurs au taux de
croissance des impôts transférés, il y avait effectivement
un gain net pour les provinces, et c'est ce qui serait le cas avec six points
d'impôt sur le revenu des particuliers, les tabacs et les spiritueux, ce
qui serait le cas dans quatre ans ou cinq ans pour l'Ontario et,
éventuellement, l'Alberta et la Colombie-Britannique.
Alors, la proposition fédérale reconnaît donc les
principes qui animaient notre proposition, celle que j'ai faite au mois de
janvier dernier, et qui a reçu l'appui, pour ce qui est du
postsecondaire, de toutes les provinces, et pour ce qui est des programmes de
santé, je pense, de huit provinces sur dix. Alors, le
fédéral reconnaît donc un retrait définitif
également et l'éventualité d'un gain net de revenu pour
les provinces.
Le discussion est ouverte maintenant, il s'agit de savoir si la formule
proposée par le fédéral est suffisante en termes de
quantum et si elle n'est pas trop étalée dans le temps. C'est
notre avis que le nombre de points n'est pas suffisant, le risque serait trop
grand pour les provinces dont le rendement des points d'impôt est moindre
que ceux de l'Ontario. Nous croyons aussi que le délai pour que le
Québec puisse éventuellement avoir un gain net avec cette formule
est reporté beaucoup trop loin; et c'est une autre des raisons pourquoi
nous ne sommes pas prêts à endosser à 100 p.c. cette
proposition, même si nous reconnaissons qu'elle est en accord avec les
principes que nous avons défendus.
Il y a un autre point aussi, une des faiblesses de la formule
fédérale, et que j'ai fait ressortir à la
conférence, c'est qu'actuellement on constate que les coûts des
programmes de santé et d'éducation postsecondaire au
Québec ont tendance à s'aligner non pas sur la moyenne nationale,
mais plutôt sur les coûts de l'Ontario. Quand nous négocions
une convention collective au Québec, on ne nous demande pas la
parité ou on ne nous demande pas des salaires qui équivalent
à la moyenne nationale, mais on nous demande des salaires, on prend
comme objectif les personnes qui ont les meilleurs revenus et c'est le cas dans
le milieu de l'enseignement.
On va dire, par exemple: En Ontario, les professeurs gagnent tant, nous,
on voudrait avoir tant. Les infirmières de l'Ontario gagnent tant, au
Québec, on devrait gagner tant. Et comme le personnel, la main-d'oeuvre
correspond à peu près à 70 p.c. ou 75 p.c. des coûts
de ces programmes, c'est donc dire que les coûts du Québec vont
s'aligner sur ceux de l'Ontario et je dirai que ce serait la même affaire
pour presque toutes les provinces dans une période de temps relativement
courte.
Nous disons que, si le fédéral se retire de programmes
dont les coûts ont tendance à se niveler au niveau de la province
la plus riche, il faudrait qu'il nous transfère des ressources fiscales
dont le rendement serait également aligné sur le rendement des
impôts transférés de la province la plus riche. C'est
pourquoi nous avons demandé que les transferts fiscaux qui seraient
faits, soient péréquatés à la base de l'Ontario et
non pas à la moyenne nationale.
Nous disons qu'il s'agit de programmes spéciaux. Les programmes
de santé et d'hospitalisation, même si les provinces y
adhèrent, ont quand même été au départ, des
programmes qui ont été mis en marche par le gouvernement
fédéral et on sait que dans le cas de l'assurance-maladie, par
exemple, lorsque le plan a été mis en vigueur dans le reste du
Canada, le Québec ne considérait pas qu'il s'agissait là
d'une des premières priorités pour lui, il aurait peut-être
aimé s'orienter dans d'autres secteurs. Finalement, le Québec
s'est joint au programme d'assurance-santé, mais encore là il y
avait des standards nationaux qui avaient été
décidés à la suite de conférences
fédérales-provinciales, j'en conviens, mais quand même des
standards nationaux qui avaient été établis par une loi
fédérale après ces consultations.
De telle sorte qu'il s'agit de programmes d'abord universels, avec des
standards nationaux, et ça ne peut pas se comparer, par exemple, aux
programmes routiers que les provinces peuvent avoir et avec des exigences
différentes, même le développement des programmes
municipaux qui sont différents, chaque municipalité
décidant de se donner des services de qualité et de volume qui
peuvent ne pas être comparables. Mais dans le cas de l'éducation
postsecondaire de l'assurance-maladie et de l'assurance-hospitalisation, il
s'agit nettement de programmes qui respectent des standards nationaux, qui sont
universels, qui sont les mêmes dans tout le pays et les statistiques sont
là pour le prouver. Ils ont une évolution de coûts qui ont
tendance à se rapprocher des coûts de la province la plus riche.
C'est pourquoi nous voulons que les transferts fiscaux, soient un mariage
d'impôts directs ou indirects. Je ne suis pas prêt personnellement
et le gouvernement du Québec n'est pas prêt à fermer la
porte à une discussion d'un mariage d'impôts directs ou indirects,
même si nous avons fait notre proposition de 28 points d'impôt, et
cela ne veut pas dire que parce que le Québec l'a fait, c'est la
vérité de l'Evangile. Je suis prêt à
reconnaître la valeur de certaines autres formules, mais qu'importe la
formule, il va falloir, je pense, que ces transferts fiscaux soient
alignés sur le rendement des points d'impôt des provinces les plus
riches.
M. ROY (Beauce): J'aurais une question à poser au ministre.
Est-ce que les 16 points d'impôt ont été remis en cause
dans toutes ces négociations ou si les 16 points d'impôt
constituaient une question réglée définitivement?
M. GARNEAU: C'est un des problèmes que pose la formule
fédérale et inutile de vous dire que j'ai fait ressortir avec
beaucoup de vigueur le fait que le Québec a déjà 16 points
d'impôt sur le revenu des particuliers pour le financement de
l'assurance-maladie et de l'assurance-hospitalisation. Nous avons
déjà, comme toutes les autres provinces, 4.357 de revenu de
l'impôt sur les particuliers pour le financement du postsecondaire, mais
mis à part le postsecondaire, que le fédéral voulait
séparer, même si toutes les provinces voulaient réunir le
financement de ces deux programmes.
Pour l'assurance-hospitalisation, c'est évident que le
Québec ne peut pas accepter de partir à un niveau
inférieur de ce qu'il a, à moins que les propositions
fédérales soient véritablement satisfaisantes. Si tel
était le cas et si le rendement des impôts
transférés était satisfaisant, je ne suis pas fermé
à toute proposition, mais je dis qu'au point de départ, il est
extrêmement difficile
et c'est ce que j'ai fait ressortir lors de la
conférence sinon inacceptable pour le Québec de laisser de
côté un droit qu'il a acquis depuis au-delà de dix ans.
M. ROY (Beauce): Maintenant sur les points d'impôt, on doit
comprendre à ce moment-là, que les 16 points d'impôt que
vous avez étaient inclus dans les 28 que vous avez demandés ou si
c'étaient 28 points additionnels?
M. GARNEAU: Non, non. C'était inclus, les 28 points couvraient
les seize, les quatre. En fait le Québec a déjà 20.357,
plus un point sur le revenu des corporations.
Alors, notre proposition regroupait les seize points
d'assurance-hospitalisation, le quatre de l'enseignement postsecondaire et y
ajoutait sept points pour compléter les 28; on était prêt
à faire disparaître le point sur le revenu des corporations, ce
qui aurait donné 28 points sur le revenu des particuliers pour financer
l'ensemble des programmes.
M. ROY (Beauce): Là, ce que le gouvernement fédéral
faisait, en somme, les trois points principaux qu'on a mentionnés tout
à l'heure, il remettait en cause les seize points accordés
à l'heure actuelle?
M. GARNEAU: C'est juste. M. ROY (Beauce): Alors...
M. GARNEAU: Par contre, il remplaçait les dix points de
l'impôt sur le revenu des particuliers par un équivalent
également, je pense que c'est tout près de 10 p.c, la taxe sur le
tabac et les spiritueux, répartissant la moyenne nationale, comme le
propose M. Turner, à peu près l'équivalent de 9, quelque
chose de points d'impôt sur le revenu des particuliers.
Alors, je comprends que ce n'est pas la même chose, ce n'est pas
le même taux de rendement, mais en termes de masse monétaire,
c'est à peu près la même chose.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): Le député de
Gouin.
M. JORON: M. le Président, je comprends que le ministre il
a certainement raison est en négociation à l'heure
actuelle et puis, évidemment, il ne veut pas compromettre les chances de
cette négociation, alors il n'est pas prêt à rejeter
catégoriquement une proposition ou une autre. D'accord! Cependant, dans
la proposition, il y a peut-être un certain nombre de principes qu'il
pourrait nous dire tout de suite? Il y a deux principes, finalement, qui
conditionnent toutes les propositions du gouvernement fédéral,
qui sous-tendent la nature des offres qui sont faites au gouvernement du
Québec comme aux autres provinces depuis, en tout cas, que le
gouvernement a changé à
Ottawa, depuis l'administration Trudeau en 1968. Il semble, d'une part,
et ça faisait partie des politiques de M. Trudeau, que l'on veuille
traiter le Québec comme une province comme toutes les autres, la mettre
sur le même pied. Il l'a déjà dit de toutes sortes de
façons: On va les mettre au pas, on va les mettre à leur place.
Parfois c'était arrogant, parfois c'était sous une autre forme,
moins arrogante, mais enfin, la théorie était que le traitement
des provinces doit être uniforme, qu'il n'y ait pas de distinction
particulière qui justifierait que le Québec ait des arrangements
avec le gouvernement central différents de ceux des autres provinces.
Bon! Tous les gouvernements du Québec, sans exception et quelle que soit
leur allégeance politique dans le passé, n'ont jamais
accepté cette proposition. Le gouvernement actuel ne s'est pas
prononcé, semble-t-il, là-dessus. Je ne sais pas s'il accepte le
principe que, dans ses négociations avec le gouvernement
fédéral, il doit s'engager à uniformiser ses demandes avec
celles des autres provinces. Est-ce qu'il vise, dans ses négociations,
à arriver à une solution qui est uniforme, qui est
standardisée pour la plupart des provinces, ou s'il continue de
réclamer à certains égards, comme l'ont fait dans le
passé tous les gouvernements du Québec qui l'ont
précédé, un traitement spécial pour le
Québec?
Je ne veux pas ouvrir le débat du statut particulier et ces
affaires-là, mais tous les gouvernements du Québec dans le
passé ont reconnu que évidemment, il y avait ici une
situation particulière, c'est bien le moins qu'on puisse dire il
y a une nation qui est différente de celle qui représente la
majorité du reste du pays, et que ça justifiait une autonomie,
pour reprendre les termes de M. Duplessis, plus grande. Autonomie, ça ne
veut rien dire si le "cash" qui va avec ne vient pas. Bon, enfin, c'est une
question de taxe.
D'abord, j'aimerais connaître, d'une part, la position du
gouvernement à cet égard. Est-ce qu'il accepte que le
Québec soit sur le même pied que les autres ou bien s'il continue
de viser un statut spécial pour le Québec? Ma deuxième
question, a trait au deuxième principe qui sous-tend la plupart des
propositions qui sont faites par le gouvernement fédéral. Le
gouvernement fédéral a toujours refusé de faire des
transferts de points d'impôt inconditionnels; il faut bien comprendre
pourquoi. Au chapitre de l'impôt sur le revenu des particuliers, c'est
l'impôt le plus payant pour un gouvernement, c'est surtout l'impôt
le plus payant dans le futur parce qu'il y a une élasticité
à cet impôt. C'est-à-dire que, si les revenus des citoyens
augmentent de 10 p.c, les revenus de l'impôt sur le revenu des citoyens
va augmenter de plus que 10 p.c. parce qu'on sait que les taxes sont
progressives, et quand on passe d'un "bracket", si vous voulez, d'une
catégorie de revenu à une autre, on paie plus d'impôts.
C'est ce qui fait que, plus le revenu national augmente, plus c'est
payant pour le gouverne-
ment, l'impôt sur le revenu. C'est ce qu'on appelle
l'élasticité de cette taxe-là.
Or, il y a un trompe-l'oeil, à bien des égards, quand on
regarde le nombre de points d'impôt sur le revenu des particuliers, qui
ont été transférés dans le passé du
gouvernement fédéral au gouvernement provincial. Dans la mesure
où ces points d'impôt sont liés à un programme
particulier et rattachés à l'augmentation des coûts de
programme comme tel, cela veut dire qu'on transfère un point
d'impôt, mais sans l'élasticité qui l'accompagne. En
d'autres mots, si on s'aperçoit que ça remet aux provinces plus
d'argent que ne leur en coûte le programme spécifique auquel ces
points d'impôt sont liés, à ce moment-là, la
province est obligée de le remettre.
On a le point d'impôt, mais c'est bien théorique. En
réalité, on n'a pas l'essentiel. Le coeur de ce que vaut un point
d'impôt, c'est son élasticité. Autrement, on pourrait
adopter un système où, tout simplement, si on s'entend avec le
gouvernement fédéral et qu'on transfère aux provinces
suffisamment de revenus pour payer le programme d'assurance-hospitalisation et
d'enseignement postsecondaire, on pourrait tout simplement envoyer le "bill"
à Ottawa à la fin de l'année, il le paierait et ça
finirait là. Ce qu'on veut, ce sont des transferts de points
d'impôt inconditionnels, parce qu'à ce moment-là on jouira,
dans les années futures, de tout le revenu supplémentaire que des
points d'impôt sur le revenu des particuliers procurent du fait de
l'augmentation du revenu national. C'est cela, la marge de manoeuvre que le
gouvernement fédéral veut conserver, et je le comprends bien.
Suivant sa logique, j'agirais de la même façon, probablement.
Il veut conserver l'élasticité, parce que c'est cela qui
lui donne plus de marge de manoeuvre que les gouvernements des provinces. C'est
cela qui lui permet de disposer de surplus plus considérables que les
gouvernements des provinces, d'inaugurer des nouveaux programmes, etc., et,
progressivement, de s'ingérer dans l'administration d'une foule de
domaines qui, normalement, devraient relever de la compétence du
gouvernement des provinces. C'est bien théorique de dire que la
constitution prévoit que telle affaire ou tel domaine relève de
la compétence des provinces, s'il n'y a pas l'argent pour aller avec. On
sait que, finalement, celui qui a la juridiction, c'est celui qui a le
portefeuille. Finalement, les textes constitutionnels ont beau dire que
l'éducation aussi ou que les affaires culturelles appartiennent aux
provinces, on voit, à l'heure actuelle, puisque c'est le gouvernement
fédéral qui a le surplus, la marge de manoeuvre fiscale
nécessaire, qu'il élabore des programmes, qu'il s'ingère,
et qu'il rentre dans les domaines où il n'a pas d'affaire du tout.
C'est bien difficile de refuser cela, dans un sens, parce qu'on est
placé devant un choix: Tu as cela ou tu n'as rien du tout. Les gouverne-
ments sont mal pris et se disent: Que voulez-vous? Je comprends que ça
se traduit par un empiètement fédéral dans le domaine des
affaires culturelles, mais on va lui laisser faire la Place Royale, c'est mieux
que rien. Si on dit non, il ne le fera pas du tout. C'est tout le dilemme dans
lequel a été placé M. Duplessis pendant longtemps au sujet
de l'éducation et des offres que le gouvernement fédéral
faisait, de la route transcanadienne aussi. Vous vous rappelez cela, dans les
années cinquante, etc.
C'est une position très difficile. Je voudrais savoir du ministre
ma deuxième question si le gouvernement actuel du
Québec accepte, se plie à ce genre de négociations, de
transferts fiscaux qui, dans un sens, n'en sont pas je te
transfère le point, mais je garde l'élasticité ou
s'il continue, comme tous les gouvernements précédents du
Québec, à réclamer et à essayer de négocier.
Nous prétendons qu'il ne réussira pas; c'est pour cela qu'on en
est venu à la conclusion que vous connaissez. Vous, êtes-vous
prêts à continuer cela a peut-être l'air un peu
ancien ...
M. GARNEAU: Le député de Gouin...
M. JORON: ... à rechercher l'autonomie provinciale, pour
reprendre des thèmes de M. Duplessis, dans le sens de la recherche de
transfert de points d'impôt inconditionnels, c'est-à-dire
accompagnés de leur élasticité?
M. GARNEAU: Je trouve que le député de Gouin est un peu
pessimiste, parce que justement la proposition fédérale, telle
qu'elle est faite on peut discuter sur le quantum ... elle
reconnaît cette autonomie provinciale.
C'est pourquoi tout à l'heure, j'ai dit que...
M. JORON: Les six points plus les taxes. M. GARNEAU : Plus les taxes
indirectes.
M. JORON : Les six points, vous admettrez qu'entre 6 et 28, il y a une
marge.
M. GARNEAU: Oui, mais on n'avait pas les tabacs ni les alcools.
M. JORON: Ce n'est pas élastique du tout.
M. GARNEAU: C'est justement, c'est là que je veux
mentionner...
M. JORON : La population augmente de moins de 1 p.c. par
année...
M. GARNEAU: Que le député de Gouin me laisse finir.
M. JORON: Alors, la consommation de la bière et des
cigarettes...
M. GARNEAU: Alors qu'il me laisse finir et
on va s'entendre, parce qu'à l'exception de sa conclusion, je
serais d'accord avec lui. Tout ce qu'il a dit, je serais d'accord avec lui. Le
fédéral reconnaît l"'opting out" définitif, non
seulement pour le Québec, mais pour tout le monde. Moi, je ne peux pas
me battre contre le fédéral pour dire: Ne le donnez pas à
l'Ontario.
M. JORON: D'accord.
M. GARNEAU: Ce n'est pas mon affaire si l'Ontario veut le prendre. La
proposition du fédéral concerne un "opting out" définitif.
Deuxièmement, elle reconnaît que le champ fiscal
transféré, s'il est plus grand que les coûts des programmes
pour lesquels il a été transféré, le gain net reste
aux provinces. Le fédéral reconnaît ça dans sa
proposition et ce serait effectivement vrai pour l'Ontario, à partir des
années 1978. Donc sur le plan des principes, sur le plan du respect de
l'autonomie des provinces en ce qui regarde l'administration des programmes de
santé et d'éducation postsecondaire, c'est fait.
M. JORON: Vous admettrez cependant qu'ils ne risquent pas grand-chose
dans leur formule, six points d'impôt, les alcools et les cigarettes.
M. GARNEAU: Non, mais écoutez, si on s'entend sur le fait que le
fédéral reconnaît ce principe, il nous reste à
discuter quoi maintenant? Ce qu'il veut nous transférer... Est-ce que
c'est suffisant pour couvrir les coûts des programmes et les risques que
les taux de croissance peuvent avoir dans l'avenir, ou si ce n'est pas
suffisant? Nous, nous disons que ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas
suffisamment grand, puis ce n'est pas suffisamment élastique, pour
être capable de couvrir l'ensemble des coûts sans que les provinces
prennent des risques. C'est pour ça que, non seulement le Québec,
mais toutes les provinces, ont été extrêmement
hésitantes. D'ailleurs, aucune des provinces n'a souscrit à la
proposition fédérale telle que faite, à cause de
ça. Alors, sur le plan des principes, il y a certainement un gain en
termes d'autonomie provinciale; sur le plan financier, nous, on dit que le
quantum du champ fiscal transféré n'est pas suffisant. Lorsque le
député de Gouin nous a parlé, tout à l'heure, au
début de ses remarques, du statut spécial ou de 1'"opting out" du
Québec qu'on avait défendu, il a lui-même répondu
à la question, à sa propre question, en disant que les 16 points
d'impôt qu'on a actuellement, c'est une façon différente de
nous payer un montant X d'argent.
M. JORON: Ce ne sont pas seize vrais points.
M. GARNEAU: Ce ne sont pas seize vrais points. Si les seize points
et d'ailleurs, ce serait vrai pour l'assurance-hospitalisation dans deux
ou trois ans dans les accords actuels, s'il n'y avait pas d'autres
modifications, si les seize points péréquataient la moyenne
nationale, donnaient plus que le coût de l'assurance-santé, on
serait obligé de le rembourser. C'est pourquoi je dis qu'on ne part pas
d'une opposition de force avec un bloc de ciment en arrière de nous,
pour nous appuyer comme étant une chose irréversible. Dans le
fond cet "opting out" de seize points, toutes les provinces auraient pu le
prendre, lorsque l'accord a été décidé. Les autres
ont dit: Non, c'est le fédéral, de toute façon, qui
perçoit notre impôt sur le revenu des particuliers. Qu'est-ce que
ça nous donne de se bâdrer de ça? L'Ontario ne l'a pas pris
et le regrette, je dois dire. Les propos que le gouvernement de l'Ontario, que
le gouvernement de l'Alberta tiennent aujourd'hui sont exactement les
mêmes propos que le Québec tenait en 1960, 1965, 1966 aux autres
conférences, à la conférence sous les deux gouvernements
qui ont précédé celui qui est actuellement en place.
L'Ontario et l'Alberta disent exactement la même affaire. Le Manitoba,
sous plusieurs aspects, tient le même langage. C'est pourquoi je dis que
le député de Gouin est un peu pessimiste. Je dis qu'il y a une
évolution sensible sur le plan canadien. Quand je lis le discours du
budget du ministre des Finances de l'Ontario de 1971, on relit les
dépositions qu'ils ont faites aux conférences des ministres des
Finances depuis et des premiers ministres. J'ai déjà dit au
ministre des Finances de l'Ontario je pense l'avoir déjà
répété, je ne sais pas si c'est ici, à l'occasion
de l'étude des crédits je lui ai dit: Le discours que vous
avez fait sur votre budget, j'avais déjà lu ça quelque
part, parce que durant le temps que je travaillais avec l'ancien premier
ministre, une de mes fonctions était de préparer des projets de
discours; j'ai déjà écrit ça. Cela vous a pris cinq
ou six ans pour venir à bout de comprendre, peut-être davantage,
le point de vue du Québec. Je pense que maintenant ils le font, non pas
en s'ap-puyant et en disant: On le fait pour le Québec. Mais ils le
font, parce qu'ils s'aperçoivent que c'est important pour eux, sur le
plan d'une administration provinciale qui veut répondre aux besoins de
ses citoyens.
M. CLOUTIER (Montmagny): Si le ministre avait à les
réécrire, est-ce qu'il changerait des choses ou si...
M. GARNEAU: Non, certainement pas.
M. CLOUTIER (Montmagny): Si le ministre avait à les
réécrire, il écrirait certainement la même
chose?
M. GARNEAU: Exactement la même chose, là, j'ai dit la
même chose.
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, il faut que le ministre évolue.
M. GARNEAU: Non, ces principes, je pense qu'ils sont assez importants
pour qu'on les maintienne.
M. JORON: Comme de toute façon cette question est en
négociation, on en jugera quand...
M. GARNEAU: Mettons de côté la thèse du
séparatisme pour un instant. Moi, je ne veux pas faire de bataille sur
un statut spécial. Si cela satisfait le Québec et que les autres
provinces sont d'accord, si le fait que toutes les provinces acquiescent
enlève le statut spécial pour le Québec, cela ne me fait
rien. Mais si nous en arrivions à un transfert de points
même si ce n'est pas seize points, disons neuf ou dix points avec
des aménagements qui donnent une masse de départ et un taux de
rendement qui nous permettent de couvrir les risques véritables de la
croissance des coûts des programmes, est-ce que le député
de Gouin serait prêt à admettre qu'il s'agirait là quand
même d'un pas extrêmement intéressant de fait dans
l'évolution du régime fédéral vers une autonomie
plus grande pour les provinces canadiennes?
M. JORON: C'est sûr que, si vous obtenez quelque chose qui non
seulement couvre les coûts mais inclut une plus grande
élasticité et vous promet, c'est toujours aléatoire mais
quand même, une marge de manoeuvre plus grande dans l'avenir, ce sera
mieux que les anciens seize points d'impôt. Je suis bien d'accord.
M. GARNEAU: Les seize points qu'on a. Juste une dernière chose
que je voudrais ajouter. Aussi parce que cela pourrait peut-être
éclairer différemment le débat. Quand on regarde
l'impôt sur le revenu actuel, qu'on fait la projection non plus sur les
bases actuelles mais en tenant compte de l'indexation des tables tel que le
fédéral veut le faire et même si nous percevons
nous-mêmes notre propre impôt sur le revenu, à un moment
donné, il serait bien difficile d'avoir des exemptions de base en
Ontario de $4,000 et des exemptions de $2,850 au Québec. Il y a une
question de concurrence. Ceci veut dire qu'éventuellement il faudrait
s'aligner un peu sur l'ensemble du régime canadien, ne serait-ce que
pour des raisons de concurrence. Mais, en tenant compte de l'indexation, on
baisse considérablement l'élasticité de l'impôt sur
le revenu. Les études qui sont faites nous donnent des taux de
croissance qui varieraient entre 13 p.c. et 15 p.c. dépendamment de
l'expérience qui pourrait être vécue. On passerait d'une
élasticité de deux et même peut-être un peu plus
à baisser à un taux d'élasticité de peut-être
13 p.c, 14 p.c. ou 15 p.c. Ainsi la magique, dans cette
pensée-là, du rendement des points d'impôt sur le revenu
des particuliers est beaucoup moins grande parce que là elle se compare
avec un taux de croissance sur les alcools d'environ 9 p.c. à 10 p.c.
Sur les tabacs, il n'y en a presque pas de taux de croissance.
M. JORON: Une dernière question que je voudrais vous poser et qui
va, je pense, intéresser le député de Montmagny. Dans
cette renégociation du financement des programmes
d'assurance-hospitalisation, est-ce que vous avez tenté d'inclure,
peut-être sans le dire, remarquez, une façon de
récupérer les $250 millions dont on n'a jamais vu la couleur et
qu'on a payés au début du programme d'assurance-maladie dans les
années 1968-1969?
M. GARNEAU: A partir de...
M. JORON: Quand vous dites qu'il vous faut tel transfert pour couvrir
vos coûts et vous donner une marge de manoeuvre suffisante pour l'avenir,
avez-vous tenté d'inclure la récupération de ces $250
millions? Ou l'avez-vous abandonnée?
M. GARNEAU: Honnêtement non. Non, écoutez, on pourrait
faire un grand discours pour dire que oui il y aurait peut-être
des titres sur les journaux, s'il y en a... oui? mais c'est dans la
logique des choses qu'il faut se battre pour des choses nouvelles qui peuvent
se présenter.
M. JORON: Vous avez pris votre pilule pour celui-là.
M. GARNEAU: Ecoutez, ce serait perdre des énergies pour rien.
J'aime mieux faire des batailles sur des points à venir que tenter de
négocier une entente sur une telle chose alors que tout le monde
connaissait les règles du jeu à ce moment-là. Je pourrais
bien vous dire par un grand discours qu'on a obtenu davantage dans d'autres
formes mais je ne veux pas commencer dans ce style de débat.
M. ROY (Beauce): Tout à l'heure, vous avez parlé...
M. GARNEAU: Pardon. Le député de Montmagny n'a pas
abusé jusqu'à présent.
M.CLOUTIER (Montmagny): Non, c'est pour cela que j'ai
laissé...
M. ROY (Beauce): II nous laisse toute la corde pour qu'on se pende et
après cela...
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, j'ai laissé aller mes deux
collègues. Cela m'a rappelé que j'ai discuté moi aussi ces
questions, entre autres le nouveau partage des coûts en matière de
santé. Je pourrais retrouver dans mes dossiers la proposition dont on
avait discuté en 1970 avec le gouvernement fédéral. Je me
souviens, entre autres, d'avoir eu la visite de M. Drury au mois de mars ou
avril 1970.
Vous nous dites qu'il était président du Conseil du
trésor pour discuter de cette nouvelle formule, mais pas exactement
aussi précisément qu'on l'a fait à la dernière
conférence. C'était pour discuter de la limitation des
coûts en matière de santé. Cela m'amène à
poser la question suivante au ministre: Est-ce que, dans la formule de partage,
les progressions de coûts qui ont été retenues par le
fédéral ont été divulguées en matière
de santé?
M. GARNEAU: Vous voulez dire si les documents ont été
rendus publics?
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui. Le fédéral, comme la
province, s'appuie sur des progressions dans le domaine des coûts en
matière de santé. Pour l'assurance-hospitalisation, j'imagine que
l'on a dû prévoir une augmentation, je ne sais pas,
peut-être autour de 12 p.c?
M. GARNEAU: Chaque province a construit des projections...
M. CLOUTIER (Montmagny): Des projections, oui. Mais il y a deux sortes
de projections que le Québec peut faire. Il y a des projections moins
conservatrices pour se couvrir; il y a des projections plus conservatrices qui
démontrent que le gouvernement a réussi à prendre le
contrôle en matière des coûts dans le domaine de la
santé. Les projections qui vont servir, j'imagine, dans les discussions
avec le fédéral, ce sont les projections moins conservatrices qui
vont éviter d'avoir des surprises.
Alors, au lieu de prendre 10 p.c. en matière
d'assurance-hospitalisation, on va peut-être prendre 12 p.c. dans le cas
du Québec. C'est là-dessus que je voudrais demander au ministre
si les projections de coûts qui ont été faites en termes de
pourcentage pour les prochaines années afin de fixer une formule de
partage définitive, si ces tables, ces taux ont été
conciliés de quelque façon?
M. GARNEAU: Depuis que je discute sur le plan du financement des
programmes, les hypothèses de coûts sur lesquelles on s'est
appuyé pour trouver une méthode de financement de ces coûts
semblent être réalistes et reconnues comme telles par les deux
paliers de gouvernement, les provinces et le gouvernement
fédéral.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous vous êtes appuyés
seulement sur l'expérience passée, les coûts que l'on
connaît...
M. GARNEAU: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... pour établir, pour l'avenir, des
prévisions de coûts?
M. GARNEAU: C'est le ministère des Affaires sociales,
évidemment, qui, par son service d'assurance-hospitalisation, a fait ces
projec- tions en tenant compte de l'expérience du passé et de la
croissance du volume des services assurés qui seront nécessaires
au cours des prochaines années.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que, également, on a tenu compte
d'autres mécanismes qui pourraient être mis en place dans le
domaine de la santé, comme celui qui ressemble à la caisse d'aide
à la santé et qui va constituer une caisse de six cent et
quelques millions? A-t-on tenu compte de ça aussi? Est-ce que cela
permettra aux provinces, en utilisant cette caisse, de rajuster certains
programmes?
M. GARNEAU: Disons que sur ce plan-là, autant mon collègue
des Affaires sociales que moi et nos conseillers, on est un peu perplexe ou on
hésite à penser qu'il y aura une diminution des coûts. La
demande pour les services de santé est à ce point
élastique que si vous ajoutez... L'hypothèse qui est faite au
point de départ, c'est que l'on pourrait transférer, par exemple,
des lits dans les hôpitaux généraux pour les malades
chroniques ou, dans les hôpitaux pour malades chroniques, on pourrait
peut-être transférer les services externes dans des cliniques
moins dispendieuses à administrer qu'un hôpital pour les gens qui
vont se faire panser un doigt, des affaires comme cela. Cette hypothèse,
rationnellement, je pense qu'elle se défend. Par contre,
l'expérience semble montrer que, si vous transférez des malades
chroniques des hôpitaux généraux vers des hôpitaux
pour malades chroniques que vous construisez et dont le prix, par chambre, au
lieu d'être $100 est de $30 par jour par lit, cela ne veut pas dire que
vous allez diminuer nécessairement le coût dans les hôpitaux
généraux. En effet, il y a une telle demande et elle est à
ce point élastique que si vous augmentez votre capacité de
services de 15 p.c., ce sera rempli, si vous l'augmentez de 10 p.c., ce sera
rempli, si vous l'augmentez de 20 p.c, ce sera rempli. De telle sorte qu'il
n'est pas sûr je ne parle pas en termes de la qualité et du
volume des services qui seraient donnés à la clientèle,
mais uniquement en termes de coûts là, en tout cas, je mets
beaucoup de réserves là-dessus, il est loin d'être certain,
dis-je, que l'on diminuerait le coût. Au contraire, la masse globale des
services de santé augmenterait.
C'est pourquoi, si la caisse ce qu'ils appellent en anglais le
"Trust Fund" d'aide à la santé avait des aspects positifs
pour accroître le volume des services, elle n'aurait peut-être pas
nécessairement l'impact que l'on veut lui donner en termes de diminution
de taux de croissance des coûts des services actuellement
assurés.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le facteur, à mon sens, qui peut jouer
en faveur du Québec est que le coût du côté du
personnel, qui représente 72 p.c. ou 73 p.c. du coût total en
matière de santé, augmentera peut-être moins
rapidement dans l'avenir qu'il n'a augmenté durant la période de
pointe qu'on a connue. Je situerais cette période de pointe entre 1965
et 1971, les cinq ans.
M.GARNEAU: ... hôpitaux ont été ouverts...
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, pour la qualité des normes qui ont
été acceptées ici au Québec. C'est la
qualité des normes du nombre de personnes par lit, qui est
indiscutablement l'une des nonnes supérieures ici au Canada, et qui peut
se comparer aussi avec celle de certains Etats des Etats-Unis. Egalement, la
qualité du personnel, le degré de formation qu'on exige, le
manque de mobilité de cette main-d'oeuvre à l'intérieur
des institutions... En fait, c'est la convention collective que je qualifierais
de convention collective de qualité pour l'employé et en
rémunération et en conditions de travail...
M. GARNEAU: ... en sécurité.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, en sécurité. ... tandis que
les autres provinces, y compris l'Ontario, dans ce secteur, avaient du
rattrapage je ne sais pas jusqu'où elles sont rendues mais
avaient du rattrapage à faire. En 1970, au moment où j'ai
quitté le ministère, les conditions de travail dans les
établissements de santé étaient supérieures, dans
le Québec, à celles qui existaient dans l'Ontario et dans la
majorité des autres provinces. Cela peut être un facteur qui joue
en faveur du Québec. Je partage l'opinion du ministre. Il ne faut pas se
faire d'illusion. Si on a des programmes de substitution dans le domaine de la
santé... Je donne un exemple. Si on remplace un programme
d'hospitalisation par un programme de soins à domicile, ce qui va
libérer les lits d'hôpitaux, ces lits d'hôpitaux ne seront
pas libérés dans le sens qu'ils seront vacants. Us seront
libérés dans le sens qu'ils seront disponibles pour d'autres
malades qui ne peuvent pas les utiliser actuellement. C'est le volume de
services qui augmentera pour la population, les listes d'attente diminueront et
l'accès aux bureaux des professionnels sera plus facile. C'est dans ce
sens que l'équipement sera utilisé plus au complet. Ce sont des
facteurs qu'on a dû considérer dans l'établissement de la
projection, des taux de projection dans le domaine de la santé,
étant donné que cela a été fait par le
ministère des Affaires sociales. Ce sont des spécialistes qui les
ont établis.
M.GARNEAU: ... que le député de Montmagny connaît
certainement, c'est qu'en construisant ou en décentralisant vers les
CISC, cela diminuera peut-être la pression qui existe actuellement pour
la construction de nouveaux hôpitaux généraux, qui seront
extrêmement dispendieux, extrêmement chers à administrer et,
dans ce sens, peut-être que cela peut avoir une certaine tendance vers un
ralentissement dans les taux de croissance.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre devrait peut-être nuancer
cette affirmation parce qu'en décentralisant et en facilitant les
services de diagnostic, comme ceux que fourniront les CLSC, et l'accès
à des facilités dans le domaine du diagnostic, cela peut aussi
faciliter l'accès à d'autres établissements, parce que le
CLSC n'est pas un établissement où l'on séjourne. C'est un
établissement où l'on peut avoir des facilités de
diagnostic dans le domaine de la santé et dans le domaine des services
sociaux. Et cela conduira, infailliblement, si les services à domicile
ne sont pas assez organisés ou insuffisamment organisés, à
des séjours dans des établissments, que cela soit des
établissements pour malades chroniques, hôpitaux pour ceux qui
souffrent de maladie aiguë ou pour traitement courant. Il faudra
être bien conscient que, si on ajoute certaines facilités au
début de la ligne, cela facilitera également l'accès
à d'autres types d'établissement.
M.GARNEAU: C'est d'ailleurs la démonstration que mon
collègue des Affaires sociales a faite lors des dernières
discussions. C'est dans le sens qu'il faut être prudent lorsqu'on essaie
de faire une projection des coûts éventuels de ces services. Quand
on regarde les projections qui avaient été faites, par exemple,
dans le cadre du régime d'analyse fiscale, en 1964-1965, on faisait des
projections des coûts et des programmes de santé pour les
années 1970/1971 et on s'était joliment trompé et
ç'a été plus élevé que prévu.
Alors il faut être assez humble vis-à-vis de la certitude
qu'on peut avoir dans les projections de coût dans ces secteurs. C'est
pourquoi on a une certaine réticence ou beaucoup d'hésitation
à accepter des formules de transfert fiscal qui sont un peu trop
serrées.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre a raison parce que le
fédéral et Québec, je l'ai constaté à
maintes reprises, n'ont pas la même philosophie dans la discussion du
partage des coûts en matière de santé. Le
fédéral, par la formule de partage des coûts, voudrait
imposer les taux d'augmentation, alors que ce n'est pas réaliste. Tandis
que la province de Québec, entre autres, veut discuter du partage des
coûts mais en partant de pourcentages de taux d'augmentation qui sont
réalistes, dont il est normal de tenir compte dans le partage des
coûts. Donc, c'est une différence de philosophie entre les deux.
Le fédéral souhaite que tel taux d'augmentation ne soit pas
dépassé et pour ça, il veut les inclure dans une formule
de partage de coûts, tandis que la province sait qu'elle ne pourra pas
aller en deça de tel pourcentage d'augmentation et même pourra
aller au-delà. Parce que, comme on l'a dit tantôt, il y a
d'autres facteurs tel que la convention collective et on ne peut pas
toujours prévoir ce qu'il va y avoir dans la convention collective dans
deux ans ou dans trois ans. Cela dépend un peu de tout le contexte
général de toute l'économie, surtout avec la façon
dont les négociations se font, ça s'élargit tout le temps,
on ne peut pas négocier dans le secteur des établissements
hospitaliers, isolément de tout le contexte québécois des
secteurs public et parapublic, en tenant compte de ce qui se passe dans le
secteur privé. C'est pour ça.
Je voudrais poser au ministre la question suivante, à savoir ce
que ça représente, dans son esprit, dans l'esprit du
gouvernement, comme facteur psychologique, l'importance de tous les points
d'impôt que le Québec peut avoir, l'importance de la formule des
points d'impôt par rapport à la formule des autres taxes...
M. GARNEAU: Des taxes indirectes?
M. CLOUTIBR (Montmagny): ... des taxes indirectes, parce qu'iil ne faut
pas nier qu'il y a le facteur psychologique attaché aux points
d'impôt. Pour toutes les raisons qu'on connaît.
M. GARNEAU : Je ne suis peut-être pas suffisamment
sentimental.
M. CLOUTIER (Montmagny): Sans être sentimental, je parle du
facteur psychologique, quand on dit prenons le domaine de l'impôt
sur le revenu que Québec perçoit 50 p.c. de son
impôt sur le revenu. Il y a tout de même quelque chose
là-dedans, ça va beaucoup plus que le montant d'argent que
ça représente. Si on disait, demain matin: Québec
perçoit 51 p.c. de son impôt et le fédéral en
perçoit 49 p.c. dans le Québec, cela a une valeur psychologique,
cela a autant de valeur que quand le fédéral dit, c'est
nous-mêmes qui envoyons les chèques d'allocations familiales ou de
sécurité de la vieillesse aux citoyens du Québec. Pour
lui, cela a une signification. Cela va bien au-delà de rédiger un
chèque. C'est dans ce sens que je pose ma question. Je pense que c'est
un facteur qu'il ne faut pas négliger dans la négociation.
M. GARNEAU: C'est un point de vue que je comprends de la part du
député de Montmagny mais je ne peux pas émettre d'opinion.
Disons, comme je le mentionnais tout à l'heure, je ne suis pas
très sentimental. Pour moi, cela a été...
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre des Finances...
M. GARNEAU: ... beaucoup plus l'angle de la...
M. CLOUTIER (Montmagny): ... qu'il laisse cela au ministre des Affaires
culturelles.
M. JORON: ... perception humaine véritable.
M. GARNEAU: L'angle sous lequel j'ai regardé le problème a
été beaucoup plus une question de croissance de coûts et de
croissance de potentialité dans la croissance des impôts que
l'aspect qu'a mentionné le député de Montmagny qui, par
ailleurs, je suis prêt à le reconnaître, a une valeur. Si
j'avais un transfert d'autres formes de taxes qui auraient un taux de
croissance de 13 p.c. ou 14 p.c, je serais porté, personnellement,
à baser ma décision beaucoup plus sur le rendement, le potentiel
des taxes transférées, que sur une forme de taxes plutôt
que l'autre.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai posé souvent la question aux
contribuables en faisant des déclarations d'impôt et en
établissant ce qu'ils doivent au gouvernement fédéral.
Quand le contribuable fait son calcul détaillé, à un
moment donné, il soustrait et ça représente à peu
près 50 p.c. On demande au contribuable s'il est satisfait de faire
parvenir à des gouvernements tel montant d'impôt.
Dans tous les cas/l'épargne dit...
M. JORON: Quelle question!
M. CLOUTIER (Montmagny): ...mais ils préfèrent... On nous
répond, par exemple, que quant à le payer, on
préfère le payer à Québec...
M. GARNEAU: ...plutôt que de l'envoyer à l'autre niveau de
gouvernement.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est la réponse de... Alors c'est pour
ça que je dis que ç'a peut-être une valeur...
M. GARNEAU: ... il le voit en faisant son rapport d'impôt, alors
que la taxe sur les tabacs et les alcools, qu'il la paie à Québec
ou à Ottawa, il ne la voit pas.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est un point qui... Je ne le sais pas.
M. JORON: Quant à moi, je suis prêt à faire
l'étude des programmes, s'il n'y a pas d'autres questions.
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, le programme 1.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): Programme 1.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais demande au ministre...
LE PRESIDENT (M. Croisetière): C'est l'étude des
politiques économiques et fiscales.
Etudes des politiques économiques et
fiscales
M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais demander au ministre à ce
programme...
M. GARNEAU: Je vois venir votre question.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... si durant le dernier exercice, il est
allé piller d'autres ministères...
M. GARNEAU: Non.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... chercher leur effectif. Est-ce que c'est la
question qu'il voyait venir?
M. GARNEAU: C'est parce que l'année passée, vous aviez
demandé si on avait transféré le service de la
conjoncture.
M. CLOUTIER (Montmagny): Bien, c'est ça, c'est un peu ça
quand je dis "piller les autres ministères"; je pense au
ministère de l'Industrie et du Commerce.
M. GARNEAU: Non.
M. CLOUTIER (Montmagny): Non? Maintenant, quand vous voulez avoir un
effectif nouveau, vous le recrutez en dehors des autres ministères?
M. GARNEAU: J'ai souvent mentionné qu'il y avait des mutations
d'un ministère à l'autre pouvant permettre à des
professionnels de parfaire leurs connaissances, leur expérience,
l'évolution de leur carrière! Dans ce sens, il est arrivé,
disons, que quelqu'un qui était au service de la recherche d'un autre
ministère puisse venir chez nous, mais on n'a pas pris une boîte
comme telle, disons du service de la conjoncture, pour l'emmener à la
section des études économiques et fiscales.
M. CLOUTIER (Montmagny): Un article important dans ce programme, ce sont
les contrats pour services professionnels; pour 73/74, quels sont les
engagements qui sont pris? Parce qu'on en a passé aux engagements
financiers, vous en aviez avec la maison Biro Incorporée pour
l'implantation des phases 2, 3 et 4 des systèmes organisationnels...
M. GARNEAU: Cela va être dans le programme...
M. CLOUTIER (Montmagny): ...aux régimes d'assurance collective et
de retraite.
M. GARNEAU: Ce n'est pas dans ce programme.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ce n'est pas là que ça se
retrouve ça?
M. GARNEAU: Non, quand...
M. CLOUTIER (Montmagny): Non parce que pour 73/74, il y avait une
imputation de $277,000; alors, c'est impossible que ce soit-là.
M. GARNEAU: En 73/74...
M. CLOUTIER (Montmagny): On pourrait peut-être les passer tout de
suite et puis, ce sera fait quand on passera aux autres programmes, les
services professionnels. Vous en aviez avec M. Dionne, actuaire-conseil...
M. GARNEAU: Cela, c'est pour le régime de retraite.
M. CLOUTIER (Montmagny): Pour le régime de retraite, d'assurance
collective; en 73/74, il y a $42,000 d'imputés; vous en aviez avec
McDonald, Currie & Co, vous en avez pour la vérification, les
opérations découlant des régimes de retraite et
d'assurance collective.
M. GARNEAU: C'est juste.
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, est-ce que quand vous les prenez,
ces engagements, vous faites une répartition dans les deux
années, 72/73 et 73/74 il y a des prépaiements faits
à ces maisons ou si les versements ne commencent qu'une fois le travail
effectué?
M. GARNEAU: J'imagine que c'est sur présentation de factures.
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, il n'y a pas de...
M. GARNEAU: Evidemment, c'est suivant les honoraires; s'il s'agit de
professionnels qui sont membres de corporations professionnelles, c'est suivant
les honoraires qui sont établis par arrêté en conseil; si
ce sont d'autres types de service, c'est suivant un devis qui est
préparé...
M. CLOUTIER (Montmagny): II n'y a pas de prépaiement?
M. GARNEAU: II n'y a pas de prépaiement.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est au fur et à mesure que...
M. GARNEAU: ...c'est au fur et à mesure que...
M. CLOUTIER (Montmagny): ... "pay as you go"?
M. GARNEAU: "Pay as you go, pay as you work".
M. CLOUTIER (Montmagny): "Pay as you work", oui; est-ce que le
barème des honoraires est celui des corporations professionnelles, celui
des...
M. GARNEAU: Parlez-vous des actuaires?
M. CLOUTIER (Montmagny): N'importe quelle discipline professionnelle,
ceux que vous engagez, vous avez des...
M. GARNEAU: II existe des arrêtés en conseil, en fait, qui
fixent les honoraires pour certains corps de professionnels. Les autres sont
déterminés par des demandes qu'on soumet au Conseil du
trésor. Dans le cas des actuaires, je ne sais pas s'il y a un
arrêté en conseil qui détermine leur tarif. Non. Alors,
cela devient une négociation, selon le nombre d'heures et l'ampleur du
contrat qui est à donner. Evidemment, je pense bien qu'il y a un
marché qui dépend de l'ancienneté des gens. Il peut y
avoir des actuaires qui vont exiger $400 ou $500 par jour et d'autres, qui ont
moins d'ancienneté, vont travailler à moindre coût.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous pourriez faire faire ces travaux par M.
Castonguay.
M. JORON: Dans ses moments libres!
M. CLOUTIER (Montmagny): Quand il ne négocie pas avec le
fédéral.
M. GARNEAU: Dans le cas du programme des recherches économiques
et fiscales, pour la question des services, évidemment, on a toujours
voulu garder une certaine réserve pour des études. C'est
difficile de prévoir les problèmes qui peuvent se
présenter au début d'une année et dire qu'il peut surgir
une difficulté quelconque en cours d'année; si on regarde les
crédits comparatifs de l'an passé et ceux de cette année,
l'année dernière, la réserve était de $151,000 et
cette année elle est de $50,000. La baisse c'est que...
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous ne l'avez pas toute utilisée.
M. GARNEAU : C'est-à-dire qu'on ne l'a pas toute utilisée
l'année passée et il y a aussi le fait que comme on
présente le budget par programmes, on a mis ici des montants pour des
études qui seront plus probablement réalisées par la
recherche économique et fiscale et on a maintenu la réserve dans
le programme: Gestion interne et soutien, où on a maintenu une
réserve au cas d'actions ou d'activités spéciales qu'on
devrait avoir, à cause d'un problème qui peut surgir.
M. CLOUTIER (Montmagny): Mais les montants que vous avez là ne
sont pas engagés à ce moment-ci?
M. GARNEAU : L'an passé, on a dépensé $22,000 et,
cette année, ils ne sont pas engagés encore.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): Vous faites
référence au programme 5?
M. GARNEAU: Au programme no 1.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le programme no 1.
M. GARNEAU: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est au chapitre des services...
M. GARNEAU: Ressources économiques et fiscales, au chapitre des
services.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): Est-ce qu'il y a d'autres
questions sur le programme 1?
M. ROY (Beauce): Oui, j'aimerais savoir quels sont les principaux
conseillers du gouvernement en matière de politique financière et
fiscale?
M. GARNEAU : Vous voulez savoir leur nom?
M. ROY (Beauce): Oui.
M. GARNEAU: M. Michel Audet, le deuxième à ma gauche, est
directeur du bureau de la recherche économique et fiscale. Il y a un
certain nombre de professionnels, je pense qu'il y a 17 personnes. Les
effectifs sont de 21 comme on peut le voir dans les livres des crédits
que vous avez. Il y a combien de professionnels là-dessus?
Il y a en poste onze professionnels dans différentes disciplines.
Sur le plan fiscal, comme tel, au niveau non pas uniquement de cette direction,
de ce programme, mais pour l'ensemble du ministère, nous avons retenu et
engagé récemment M. Michel Caron, qui était un
spécialiste en questions fiscales. Il était au ministère
des Finances fédérales et a accepté de revenir nous faire
bénéficier de ses conseils.
Celui qui vient de l'extérieur évidemment, qui agit sur
commande si on peut dire, c'est M. Marcel Bélanger qui agit comme
conseiller spécial depuis un certain nombre d'années.
M. ROY (Beauce): M. Bélanger est toujours au service du
gouvernement?
M. GARNEAU: II est retenu sur une base d'honoraires. Il s'agit de
Marcel, pas de Michel, de Marcel Bélanger. Par exemple, il assiste
toujours aux conférences fédérales-provinciales et il
collabore à la révision des dossiers, lorsqu'il s'agit de
questions fiscales avant les conférences.
M. ROY (Beauce): Mais est-ce qu'il y en a d'autres en dehors du
gouvernement?
M. GARNEAU: De l'extérieur, si vous parlez des questions
fiscales, non. Si vous parlez
d'autres travaux qui ont été faits, il y a le professeur
Raboux, qui a fait un travail sur l'impact, pour essayer de mesurer en termes
économétriques l'impact du budget sur l'évolution de
l'économie du Québec. Il a travaillé là-dessus
pendant un certain nombre de mois, l'été dernier et on lui a
versé des honoraires de $7,500.
Il est professeur à l'Université de Montréal, aux
Hautes études commerciales.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): Autres questions sur le programme
1 ?
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, ça va.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): Alors, programme 1: adopté.
Programme 2: Gestion de la caisse et de la dette publique.
Gestion de la caisse et de la dette publique
M. CLOUTIER (Montmagny): Au programme 2, M. le Président, on
aurait plusieurs questions. Il y a deux éléments, c'est un des
programmes les plus importants.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): Gestion de la caisse et gestion de
la dette publique.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre nous a annoncé un programme
d'emprunts dans le discours du budget, un programme d'emprunts de $990
millions, dont $490 millions par la province et $500 millions par
l'Hydro-Québec.
Où en est-on rendu, au 16 mai 1973, dans le programme
d'emprunt?
M. GARNEAU: Pour ce qui est de la province, nous avons eu d'abord les
obligations d'épargne qui ont rapporté $132 millions. Nous avons
eu également un emprunt sur le marché américain, qui a
été de $125 millions, et nous avons fait une émission sur
le marché public au Canada de $50 millions. En plus de cela, il y a
évidemment, tous les montants ne sont pas entrés
les ententes fédérales-provinciales en vertu de programmes
spéciaux, en vertu de programmes pour le soutien de l'emploi durant
l'hiver que l'on évalue à peu près à $80
millions.
Même si ces sommes d'argent ne sont pas encore encaissées,
il y a une cédule de paiement de prévue de telle sorte qu'on peut
compter les $80 millions comme étant un montant réalisé
comme tel pour l'année parce qu'on n'aura pas à aller sur les
marchés financiers pour ce faire; les ententes sont déjà
prises de telle sorte qu'il reste à peu près $100 millions, que
l'on veut faire sur le marché canadien, compte tenu de la contribution
de la Caisse de dépôt pour ce qui est de la province.
M. ROY (Beauce): Est-ce que vous avez l'intention de faire une autre
émission d'obligations d'épargne du Québec au cours de
l'année?
M. GARNEAU: Non, pas au cours de l'année, parce que le
fédéral vient à l'automne avec son obligation
d'épargne et il serait difficile d'y aller de plus que deux
émissions par année. D'ailleurs, il y a un certain plafonnement,
quand même, qu'on peut escompter.
M.JORON: Pour les $100 millions qui restent, est-ce que vous avez
l'intention d'aller dans le marché bientôt en raison du fait que
la plupart des analystes estiment qu'on va plutôt voir des taux à
la hausse peut-être pour le reste de l'année? Est-ce que cela s'en
vient bientôt?
M. GARNEAU: C'est la raison pour laquelle on a
accéléré notre programme d'emprunt cette année et
qu'on a fait les $125 millions aux Etats-Unis, à 7.90, je crois, et
l'emprunt que l'on vient de faire sur le marché canadien
également de telle sorte qu'on a pris passablement d'avance. On a
actuellement des placements à court terme parce que nous avons pris de
l'avance en raison de cette hausse des taux d'intérêt qu'on
pouvait prévoir. On est venu sur le marché canadien pour $50
millions, pour la province, il serait difficile, disons, de revenir avec une
autre émission. Peut-être que la petite différence, sur le
taux d'intérêt, que l'on gagnerait d'une part, on le reperdrait
d'un autre côté en étant obligé de faire des
placements à court terme, pour quatre ou cinq mois.
En ce qui regarde l'Hydro-Québec, son budget est de $500
millions. Elle a $210 millions de réalisés soit 42 p.c. de son
programme, dont $125 millions aux Etats-Unis, qui a été fait au
tout début de l'année, qui a été livré dans
les premiers jours de l'année 1973. Elle a fait également un
emprunt sur le marché public canadien de $50 millions et elle avait
emprunté également, dans les premiers mois de l'année
1973, un montant de $35 millions en Deutsche marks de telle sorte qu'elle a
actuellement 42 p.c. de son programme d'emprunt de fait après cinq mois
de l'année, ce qui la place également en assez bonne posture.
M. JORON: Est-ce que vous continuez de mesurer à chaque fois?
L'année dernière, on avait parlé longuement, à
l'étude des crédits du ministère des Finances, des
acheteurs, savoir ceux qui étaient vos bailleurs de fonds, vos
prêteurs. On avait découvert vous en avez fait allusion
à maintes reprises aussi qu'essentiellement, en ce qui concerne
les emprunts sur le marché canadien, à toutes fins pratiques, il
se vendait fort peu d'obligations du Québec à l'extérieur
des frontières du Québec. On parlait même de quelque chose
autour, parfois de 5 p.c. ou 10 p.c. dans...
M. GARNEAU: Quant à cette étude que nous avions entreprise
au début de l'année
1971, je n'avais pas voulu porter de jugement après seulement
quelques émissions mais disons qu'après deux ans, la moyenne des
achats des titres du Québec à l'extérieur de la province a
varié entre 12 p.c. et 10 p.c. seulement et c'est en s'appuyant sur
cette situation-là, avec les chiffres précis, que nous avons
apporté des changements au groupe bancaire qui distribue nos titres.
M. JORON: J'allais poursuivre en disant que les changements qui ont
été apportés il ne faudrait pas rouvrir le
débat sur ce qu'on avait fait l'an passé à cet
égard tenaient compte de l'évolution que vous venez de
signaler.
De toute façon, cela avait commencé avant que l'actuelle
équipe libérale arrive au pouvoir, cela a commencé vers
1968 et même 1967. Il y avait eu des expressions spectaculaires à
l'époque. A Toronto, on disait: We do not buy foreign bonds, en parlant
des obligations du Québec. On s'aperçoit, depuis ce temps
et cela semble être confirmé maintenant qu'à toutes
fins pratiques, quand on parle de marché canadien, on devrait
plutôt parler d'émission sur le marché
québécois. Que le Québec, plus ou moins, s'autofinance
à cet égard. Les obligations d'épargne, par
définition, cela ne s'adresse qu'aux résidants.
A la suite de cette confirmation, dans le temps, de cette autosuffisance
ou de cet autofinancement du Québec, avez-vous l'intention, à
nouveau, de modifier la composition du syndicat qui effectue les emprunts sur
le marché canadien?
M. GARNEAU: On vient tout juste de le faire.
M. JORON: Tout juste, bien, il y a...
M. GARNEAU: Non, on vient de le faire. Ce que j'ai annoncé dans
mon discours du budget, cela a été fait le lendemain,
effectivement. Le changement de plusieurs maisons de l'Ontario par des maisons
québécoises, aussi le changement des statuts des banques, qui
restent dans l'ensemble du groupe bancaire, mais qui ne sont plus dans la
gérance, comme c'est le cas dans les groupes bancaires des autres
provinces.
M. JORON: Quelle est la part...
M. GARNEAU: Quand vous parlez d'autofinancement c'est seulement
là-dessus que je voulais parler c'est que, dans la partie du
programme d'emprunt, quand même de $490 millions, que le Québec
projette de faire cette année, si on prend les $125 millions qui ont
été faits aux Etats-Unis et la partie que la Caisse de
dépôt prendrait éventuellement, il faut quand même
considérer qu'on ne peut pas parler, en ces termes, d'autofinancement
complet. Mais je reconnais ce que le député de Gouin dit, que la
grande partie des titres sont vendus au Québec, et c'est justement ce
qu'on veut changer. On veut donner une plus grande "marketabilité"
à nos titres et les étendre sur le marché canadien. Les
maisons québécoises qui sont entrées dans le groupe
bancaire sont quand même des maisons qui fonctionnent sur le plan
canadien. Greenshields a son siège social à Montréal
évidemment, mais là on parle sur le plan canadien. L'ensemble du
groupe bancaire, je crois, a 200 points de vente à travers le pays, en
dehors du Québec. Je pense que c'est de nature à renforcer nos
ventes à l'extérieur et aussi à améliorer la valeur
relative de nos titres.
Nous avons, au cours des années passées, tenté,
avec la Caisse de dépôt, et également, compte tenu des taux
d'intérêt qui pouvaient avantager ces autres marchés, de
diminuer un peu la fréquence de nos venues sur le marché canadien
pour... Les portefeuilles de plusieurs sociétés contenaient
déjà heaucoup d'obligations du Québec et cette attitude,
qui a été prise par le ministère des Finances,
d'élargir un peu le potentiel de nos placements d'obligations sur
plusieurs marchés, je pense, a contribué à faire en sorte
que les taux d'intérêt que l'on paye sur le marché canadien
se sont rapprochés des taux d'intérêt payés par
l'Ontario.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quelle est la proportion qui peut avoir
été écoulée sur les marchés de
Toronto...
M. GARNEAU: On a des statistiques...
M. CLOUTIER (Montmagny): Prenons, si on veut, les $50 millions sur le
marché canadien, le dernier que vous avez fait, quelle est la proportion
qui a pu être...
M. GARNEAU: Les statistiques ne sont pas entrées encore.
M. CLOUTIER (Montmagny): Elles ne sont pas entrées encore.
Prenons-en un autre...
M. GARNEAU: Mais la moyenne a été de l'ordre... Sur le
marché de Toronto, on ne pourrait pas savoir sur le marché de
Toronto, comme tel. Ce qu'on peut savoir, c'est ce qui est à
l'extérieur du Québec. Les statistiques que l'on demande, c'est
ce qui a été vendu au Québec, ce qui a été
vendu à l'extérieur du Québec, ce qui a été
vendu à l'extérieur du Canada et aussi les transactions entre
courtiers afin d'éviter, de ne pas inclure dans les ventes ce qu'un
courtier, qui est à court, achète d'un autre courtier, qui en a
en surplus. On ne peut pas dire ce qui a été acheté comme
tel... On peut difficilement demander aux courtiers de nous donner le nom de
leurs clients, nommément, quoiqu'il y en a qui n'auraient pas
d'objection à le faire, sur une base confidentielle.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans le reste
de son programme, est-ce que l'Hydro-Québec va aller aussi vite
que le gouvernement? Il reste $290 millions à emprunter.
M. GARNEAU: II reste $290 millions, c'est ça.
Il y aura certainement des emprunts sur le marché canadien,
à cause du potentiel d'abord de la Caisse de dépôt,
étant donné que pour nous, ce sera relativement réduit
cette année. Il y aura une émission probablement sur le
marché américain, également, dont le "timing" peut varier
selon les taux d'intérêt. Je pense bien qu'à partir du mois
de septembre jusqu'au mois de décembre, on va essayer de trouver
à ce moment-là, la meilleure période possible pour faire
cet emprunt.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il y a des chances que le ministre
emprunte $10 millions de plus que le programme prévu?
M. GARNEAU: Si l'économie...
M. CLOUTIER (Montmagny): Pour faire un chiffre de $1 milliard?
M. GARNEAU: ... québécoise continue à
évoluer dans le sens qu'elle évolue présentement, je
serais porté à croire que la nécessité de faire
$490 millions pour la province ne s'avérera pas nécessaire, mais
on a seulement deux mois de faits dans l'année et je ne veux pas tirer
de projection précise, mais si on regarde le programme de l'année
passée, la façon dont cela s'est déroulé, le
déficit a été moindre que prévu à cause des
entrées fiscales qui ont été plus grandes.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est que, durant le débat sur le
discours du budget, on a dit que le ministre pouvait certainement aller
chercher $100 millions additionnels. Il pouvait dépenser $100 millions
de plus. Les ministres ont entendu cela et ont commencé à faire
des...
M. GARNEAU: Cela dépend duquel des membres de l'Opposition a
parlé.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ah oui! Le ministre des Finances a
commencé à avoir des pressions de la part de ses collègues
pour accepter les programmes qu'il a refusés, les programmes qui avaient
du bon sens et avaient été soumis par les ministères, qui
sont...
M. GARNEAU: Ils sont très réalistes.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... prioritaires, urgents, mais qui n'auront
pas passé dans le PPBS parce que c'était la première
année et la machine a eu des rejets cette année, elle
n'était pas rodée.
M. GARNEAU: C'est comme l'électronique au ministère du
Travail.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): Est-ce qu'il y a d'autres
questions?
M. ROY (Beauce): Oui, j'aurais des questions pour le ministre. Quel est
le montant des $50 millions d'émissions canadiennes qui a
été acheté par la Caisse de dépôt?
M. GARNEAU: De la dernière émission, c'est $25
millions.
M. ROY (Beauce): II y a donc $25 millions qui ont été des
obligations émises sur le marché canadien comme tel; $25 millions
ont été achetés par la Caisse de dépôt, $25
millions sur les $50 millions.
M. GARNEAU: On me dit que c'était $30 millions et non pas $25
millions, $30 millions qui ont été achetés par la Caisse
de dépôt, c'est-à-dire qu'il y a eu une émission sur
le marché public de $50 millions et la Caisse de dépôt en a
pris $30 millions et, le reste, les $20 millions, ont été
distribués sur le marché canadien.
M. ROY (Beauce): Est-ce que le ministre pourrait me dire pourquoi il y a
des restrictions dans les obligations d'épargne concernant le fait
qu'elles ne sont pas négociables aux banques et également le fait
qu'on limite le montant d'achat?
M. GARNEAU: Comment, négociables aux banques? Qu'est-ce que vous
voulez dire?
M. ROY (Beauce): Les bons d'épargne ne sont pas rachetables par
les banques.
M. GARNEAU: Les banques ne peuvent pas en acheter, c'est ce que vous
voulez dire?
M. ROY (Beauce): C'est cela. Quand les banques ne peuvent pas en
acheter, il faut songer aussi à une personne qui, à un moment
donné, veut acheter des obligations pour placer ses épargnes, et
qui, pour une raison donnée, doit à un moment donné les
négocier.
M. JORON: C'est un marché secondaire.
M. GARNEAU: Vous voulez dire que si, disons, vous êtes
propriétaire d'une obligation de $1,000...
M. ROY (Beauce): Supposons que vous, M. le ministre, vous êtes
propriétaire d'une obligation, parce que vous avez un meilleur salaire
que les députés de l'Opposition...
M. GARNEAU: Avec les avantages que le député de Beauce a
eus en se ralliant au chef élu du Ralliement créditiste... Non,
mais, blague à part...
M. ROY (Beauce): Blague à part, j'aimerais
dire à l'honorable ministre tout simplement qu'il s'embarque
encore dans le genre de plaisanterie dans lequel il s'est complu encore mardi.
Alors, que le ministre continue. Je prends cela avec un grain de sel.
M. GARNEAU: Souriez, la vie est belle! Supposons que moi, j'ai $1,000
d'obligations d'épargne et que j'ai besoin de liquidité, je peux
les revendre et elles sont encaissables en n'importe quel temps. Si, au lieu de
les revendre, je veux les donner en garantie sur un emprunt que je veux faire
à la Banque, je peux les donner en garantie et en ce sens, elles ne sont
peut-être pas négociables. Le transfert d'un individu à
l'autre ne peut pas se faire par exemple; si c'est ce que vous voulez dire par
négociables, elles ne le sont pas.
M. ROY (Beauce): Pour quelle raison inclut-on ces restrictions dans les
émissions d'obligations d'épargne du Québec en limitant le
montant d'abord?
M. GARNEAU: Parce qu'on ne veut pas ainsi que les obligations
d'épargne soient concentrées entre les mains d'un individu dans
des proportions trop grandes, parce qu'elles sont encaissables à
n'importe quel temps. Si, par exemple, vous aviez $1,000, que j'en ai à
peu près $1,000 et qu'autour de la table, on ramassait environ $100,000
d'obligations d'épargne et que le président, parce que c'est un
homme très riche, décidait, parce qu'elles sont
négociables, de les acheter toutes et qu'à un moment
donné, il en a $1 million... Une journée, il décide de les
encaisser toutes. Cela pourrait évidemment placer la caisse dans une
situation précaire.
Alors, plus le risque est réparti dans un nombre
considérable de personnes et par des tranches relativement restreintes,
moins il y a des chances que tout le monde les encaisse en même temps.
Alors, on a établi une moyenne de sorte que le risque n'est pas
tellement grand.
M. ROY (Beauce): La principale raison, c'est parce qu'elles sont
négociables en tout temps. Alors, c'est la raison pour laquelle il y a
des restrictions.
M. GARNEAU : Des restrictions.
M. ROY (Beauce): Maintenant, j'aimerais savoir de l'honorable ministre
s'il prévoit à un moment donné, des consultations, s'il y
a des consultations de prévues, des études de faites. C'est pour
répondre aux deux inquiétudes que j'ai mentionnées au tout
début, à savoir si le gouvernement de la province songe à
négocier avec le gouvernement fédéral pour voir s'il n'y
aurai pas possibilité que la Banque centrale qui détient pour six
milliards d'obligations du gouvernement fédéral, puisse
détenir également des obligations de la province. Je pose cette
question parce que la Banque centrale détient également tous les
titres de la Banque d'expansion industrielle. Alors, on sait que la Banque du
Canada, la Banque centrale est une institution sans but lucratif et qu'elle
remet à la fin de l'année le trop perçu de ses
opérations. Alors, on a seulement à regarder le rapport de 1971
pour se rendre compte que la Banque centrale a remis au gouvernement
fédéral, au Receveur général du Canada,
$292,583,000. ce qui constitue pour le gouvernement fédéral, un
coût pour ces six milliards de titres qui sont détenus par la
Banque du Canada, de six dixièmes de un pour cent
d'intérêt, ce qui constitue en quelque sorte, presque un
prêt sans intérêt.
Alors, est-ce qu'il y a des études de faites? Est-ce que le
Québec a songé à quelque chose de façon que la
Banque centrale ne soit pas l'exclusivité du fédéral qui
lui permet un pouvoir de dépenser beaucoup plus grand que celui qui est
accordé aux provinces à l'heure actuelle? Le premier ministre
lui-même l'a noté à l'Assemblée nationale au cours
d'un débat ou à l'occasion de la réponse à une
question. Est-ce qu'il y a des démarches de faites? Est-ce que l'on
envisage quelque chose de ce côté-là, en vue de permettre
à la Banque centrale de jouer un plus grand rôle pour aider au
financement non seulement du fédéral mais des provinces de
façon à diminuer la masse d'emprunts que l'on est obligé
de consentir hors frontières et qui constituent en quelque sorte des
sorties de capitaux beaucoup plus grandes que des entrées, qui
entraînent parfois des conséquences et qui
accélèrent la mainmise étrangère chez nous?
Le ministre des Finances m'a reproché tout à l'heure de ne
pas avoir été assez précis. J'espère que je suis
assez précis et j'aimerais savoir si, de ce côté-là,
le gouvernement provincial a songé à quelque chose, s'il y a
quelque chose en marche.
M. GARNEAU: Les discussions qui sont en cours ont pour but de voir la
possibilité que la Banque du Canada puisse permettre, que le
gouvernement fédéral puisse permettre aux banques à charte
de détenir des bons du trésor des provinces.
Des consultations auront lieu pour voir quelles seraient les
possibilités de permettre aux banques d'agir ainsi. Pour le
Québec, la question ne se pose pas tellement parce que l'on n'a pas fait
d'emprunt par le biais des bons du trésor comme le gouvernement
fédéral le fait, mais d'autres provinces le font, l'Ontario entre
autres, je pense que 1'Alberta également finance une partie de ses
opérations à court terme par des bons du trésor. Ces
provinces aimeraient que les banques à charte puissent pouvoir
détenir dans leurs réserves de tels titres et cela crée
toutes sortes de difficultés, évidemment, parce que cela place...
c'est une question de pourcentage entre les provinces, savoir qui va faire ce
partage, est-ce qu'une banque aurait l'entière liberté de dire
qu'elle achèterait uni-
quement des bons du trésor de l'Ontario ou de l'Alberta ou du
Québec ou d'une province quelconque? Alors, ce sont toutes ces
difficultés qui peuvent entrer en ligne de compte et d'autres aussi. Ce
pourrai être le fait que, si le gouvernement du Canada, pour des raisons
de contrôle de la masse monétaire ou de préserver des
chances, décidait de faire varier le taux de réserve des banques,
les provinces pourraient être prises d'une façon assez subite
à faire face à des encaissements de sommes qui pourraient
être importantes et devoir financer ces emprunts temporaires par des
emprunts â long terme ou à moyen terme sur un autre
marché.
Il n'y a pas seulement des avantages, il y a beaucoup de
désavantages. Les consultations vont être pour essayer de voir
comment cela pourrait s'opérer, mais dans de tels cas, ce seraient des
placements avec taux d'intérêt et non pas sans taux
d'intérêt, comme le gouvernement fédéral, lorsqu'il
place, par la Banque du Canada, des bons du Trésor, paie des taux
d'intérêt.
M. ROY (Beauce): D'accord, le gouvernement fédéral,
lorsqu'il place des bons du Trésor, paie les taux
d'intérêt, mais ceux qui sont détenus par la Banque du
Canada et justement ceux en date du 14 février 1973... Je prends un
rapport assez récent, la Banque du Canada détenait pour
$990,705,260.49.
M. GARNEAU: Quel montant?
M. ROY (Beauce): $990 millions détenus par la Banque du Canada,
en bons du Trésor du Canada. Je prends le rapport du 14 février.
Ce n'est pas le dernier rapport, je l'avais dans mon dossier ce matin. En vertu
de la loi et de la pratique courante, la Banque du Canada remet en quelque
sorte. Cela veut dire que ce milliard en bons du Trésor émis par
le fédéral et détenus par la Banque du Canada ne
coûte effectivement à peu près rien au gouvernement
fédéral. Je comprends que si ce sont les banques à charte
qui détiennent les bons du Trésor, ce sera le taux
d'intérêt courant, le taux d'intérêt moyen, le taux
normal. Mais lorsque la Banque du Canada les possède...
M. GARNEAU: Est-ce que le député de Beauce a le montant
que la Banque du Canada a payé en dividendes ou en transferts de ses
revenus au gouvernement fédéral?
M. ROY (Beauce): Oui, je l'ai le montant. En 1971, les revenus du
portefeuille et autres titres de la Banque du Canada ont été de
l'ordre de $292,583,000.
M. GARNEAU: Pour l'ensemble de ses opérations?
M. ROY (Beauce): C'est le revenu pour l'ensemble de toutes ses
opérations. Toutes ses dépenses d'opération ont
été de l'ordre de $25,706,000. L'amortissement des
bâtiments et de l'équipement a été de $1,383,000 et
le revenu net versé au compte du Receveur général du
Canada de $265,494,000. Ce sont les montants qui ont été
versés au Receveur général du Canada. Si on fait un
pourcentage avec la masse des titres que détient la Banque du Canada, on
constate qu'il en a coûté .6 de 1 p.c. et on a inclus dans les
dépenses le coût de l'émission des billets de banque qui a
coûté $7,138,000; on y a inclus aussi toute la question de la
frappe de la monnaie et choses adjacentes.
C'est alors que je me pose de sérieuses questions à savoir
si, étant donné qu'on parle de fédéralisme
rentable, une institution nationale comme la Banque centrale, qui devrait jouer
un rôle beaucoup plus grand, et les provinces devraient avoir leur mot
à dire dans ces choses. Un exemple, est-ce que le ministre a
été consulté...
M. GARNEAU: Je comprends ce que le député de Beauce veut
dire, mais à titre de ministre des Finances du Québec, je ne sais
pas jusqu'à quel point je serais prêt à accepter que la
Banque du Canada fasse ses opérations d'"open market" avec nos titres
qu'elle peut acheter et vendre sans nous consulter. Cela pourrait être
une situation extrêmement dangereuse. Deuxièmement, si la Banque
du Canada faisait ses opérations d"'open market" avec des bons du
Trésor des provinces, il faudrait qu'on détermine le quantum de
chaque province; cela non plus n'est pas facile à déterminer.
Cela pourrait être extrêmement dangereux pour la situation de la
caisse des gouvernements des provinces qui est en proportion, plus restreinte
que celle de l'ensemble du gouvernement fédéral. Même sur
le plan opérationnel, même si certains gains pouvaient
éventuellement être acquis sur le plan des taux
d'intérêt, je ne suis pas sûr que les désavantages
que cela comporte vaudraient le risque. Je ne suis pas du tout sûr que je
serais prêt à prendre ces risques.
M. ROY (Beauce): Est-ce que le ministre admettrait qu'il y aurait lieu
également d'étudier les dispositions, la réglementation,
de préparer des conditions? On fait des conférences
fédérale-provinciales. Il y en a à longueur
d'année. Il y en a des ministres des Finances, des premiers ministres,
des ministres de la Santé et d'autres. Il y aurait lieu, à ce
moment-là ce serait à l'avantage du Québec et
à l'avantage de toute l'économie canadienne que les
provinces fassent preuve d'un peu plus de leadership là-dedans, qu'elles
s'organisent pour dire leur mot. Non seulement pour faire acheter des titres,
mais examiner la situation et la législation qui prévaut dans ce
domaine, pour voir s'il n'y aurait pas lieu de faire des
améliorations.
Il y a une chose que je ne peux pas admettre. Je m'excuse de revenir un
peu sur ce sujet, mais on se rappellera et je suis obligé de
revenir en
arrière parce qu'il y a eu un précédent de
créé, l'histoire est là et le démontre clairement
toute l'expansion monétaire qui s'est faite durant la guerre
1939-1945 et le développement accéléré de
l'économie canadienne que nous avons connu par la même occasion
s'est fait sans qu'il y ait emprunt d'un seul sou à l'étranger.
Ce fut de l'expansion intérieure alors qu'on s'inquiète de plus
en plus aujourd'hui devant les projets de loi du gouvernement
fédéral. La province s'inquiète avec raison, les gens du
Parti québécois s'inquiètent, et non seulement eux, mais
les gens de l'Union Nationale et les gens du Ralliement créditiste
surtout, tous les Québécois sincères s'inquiètent
aujourd'hui de la mainmise étrangère. Mais est-ce qu'on a
déjà fait des études, examiné la situation pour
voir quelles sont les causes profondes, fondamentales qui font qu'on est
obligé de subir la mainmise étrangère? Lorsqu'on subit
cette mainmise étrangère, on en est rendu à un point qu'on
est obligé de récompenser les étrangers en plus pour
qu'ils viennent chez nous.
Je me dis que, si c'est une question monétaire, il y a assez de
spécialistes, de gens compétents au ministère des
Finances, nous avons des économistes dans la province de Québec,
il appartient au gouvernement de prendre ses responsabilités dans ce
domaine et d'examiner la situation. Je m'étonne et je suis de plus en
plus surpris...
M. GARNEAU: II ne devrait pas s'étonner comme cela.
M. ROY (Beauce): ...de constater qu'à la minute qu'on touche ce
problème, c'est toute la question financière qui est la base
même de l'économie. Cela fait rire certaines quantités de
gens et d'autres personnes ont peur de cela comme le diable a peur de l'eau
bénite.
M. GARNEAU : Est-ce que le député de Beauce songerait...
Je vais prendre un autre point tout d'abord. Lorsqu'il parle des
opérations des bons du trésor, il me disait lui-même tout
à l'heure que, suivant le rapport du mois de février,
c'était $900 millions, et selon le rapport du 3 mai que j'ai, c'est $1
milliard. Le député reconnaît quand même qu'il y a un
montant maximum de nécessaire à la Banque du Canada pour faire
ses opérations d'"open-market" et contrôler le flux ou la
croissance de la masse monétaire. Nos opérations, en tant que
gouvernement québécois ou en tant que municipalité
québécoise ou d'autres provinces, sont des opérations
d'une toute autre nature. Supposons que la Banque du Canada répartirait
son milliard qu'elle avait entre les provinces. Elle en prend 40 p.c. pour
l'Ontario, 25 p.c. pour le Québec, à peu près le rendement
des points d'impôt, et le reste, dans les autres provinces. Cela voudrait
dire qu'on aurait le quart de cela. Le quart de $1 milliard, c'est $250
millions.
Comme le montant, la masse qui est utilisée pour les
opérations d"'open-market" varie entre $800 millions et un milliard et
demi selon des situations, cela voudrait dire que le montant que le
Québec pourrait prendre ou espérer avoir de ce mode
d'opération, c'est quand même un montant extrêmement
limité. Nous autres, quand on emprunte, c'est pour construire des
routes, pour construire des immeubles gouvernementaux, pour construire des
barrages, pour faire de l'immobilisation.
Dans une seule année, cette année, on va emprunter pour
$490 millions pour ces types d'investissement, soit dans le capital-actions de
société d'Etat ou dans des immobilisations directement
gouvernementales. La marge dont il parle est tellement restreinte que cela ne
serait pas une solution au problème, pas du tout. Lorsqu'il
s'étonne que des gens, n'aient pas fait d'études, ils en ont
fait, il y en a eu des études de faites là-dessus. Mais c'est
comme si le député de Beauce persistait à dire qu'il y a
moyen au Québec de construire des maisons en hiver avec du papier. Je
lui demanderais: Y a-t-il eu des études de faites? Si on construisait
des maisons de papier au Québec...
M. ROY (Beauce): Cela, c'est vous qui le dites. Ne m'attribuez pas ces
propos, c'est vous qui les dites.
M. GARNEAU: Je ne les ai pas prêtés au député
de Beauce. J'ai dit: C'est comme si. C'est une comparaison que je fais. Si on
s'entêtait à dire qu'il doit y avoir moyen de construire des
maisons suffisamment confortables en hiver au Québec avec du papier
journal, il y en a peut-être qui vont regarder cela et dire: Si on en
mettait épais comme cela de papier, cela serait assez chaud pour
l'hiver. Mais cela dépasserait l'entendement. Il y a eu des
études de faites. Imaginez-vous bien tous les auteurs que vous pouvez
lire dans les livres d'économie politique. Je serais surpris que tout le
monde puisse se tromper en même temps. Tous les auteurs qui ont
traité à un de leurs chapitres cette question d'évolution
de la masse monétaire... il y a eu aussi des expériences ailleurs
pour essayer de régler les problèmes économiques en
augmentant la masse monétaire. Que ce soit imprimer de nouveaux billets
ou augmenter le crédit par le biais des banques ou des prêts,
c'est absolument le même effet parce que, de toute façon, les
dépôts à terme sont considérés dans la masse
monétaire globale. Il y a eu des expériences. Le Brésil en
a fait une expérience, on a augmenté la masse
monétaire.
Il y a eu des années où le taux d'inflation a
été tout près de 40 p.c. et cela a créé des
problèmes, non seulement politiques, mais des problèmes sociaux
considérables. L'Allemagne a essayé durant la période
d'Hitler de régler certains problèmes en augmentant la masse
monétaire. Cela a été essayé en France au moment de
la révolution, l'impression de billets
de banque ayant en garantie les seigneuries ou les grandes
propriétés de l'aristocratie française. Cela a
été essayé en Angleterre avec les "greenback" et cela a
produit invariablement les mêmes effets. Ici, au Canada, quand la Banque
du Canada et le gouvernement fédéral, dans une période
où l'activité économique est au ralentie, décident
de permettre l'accroissement de la masse monétaire à un taux de
15 p.c. et 16 p.c., ce qui s'est produit au cours des dernières
années, ce qui est un taux énorme, de 15 p.c. à 16 p.c.
annuellement cela a produit des effets. On sent les effets actuellement. Pour
relancer l'économie on a ouvert un peu les valves de la masse
monétaire et cela a produit une reprise de l'activité
économique, mais cela a également amené de l'inflation. Si
on doublait le taux de croissance de la masse monétaire, c'est
évident que l'inflation irait plus vite.
C'est pour ça que je dis que la thèse, ou les propos que
le député de Beauce soumet ont été
étudiés à plusieurs reprises, ils ont même
été essayés, peut-être pas avec la dialectique que
le député de Beauce emploie, mais en termes concrets c'est
ça que ç'a été, soit d'accroître les
crédits et d'accroître la masse monétaire et cela a produit
les effets que l'on connaît. C'est pourquoi j'ai dit que ça ne
servirait à rien, pour le Québec, de s'embarquer
là-dedans. On aurait les mêmes effets qu'ailleurs.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'ai donné comme
exemple, tout à l'heure, les bons du trésor parce que le ministre
des Finances nous avait dit quant aux bons du trésor, à l'heure
actuelle, que les banques venaient vers l'achat. C'était en discussion
à un moment donné, que les banques à charte
achètent des bons du trésor des provinces. J'ai ramené
l'exemple des bons du trésor.
M. GARNEAU: Afin qu'ils puissent faire partie des réserves que
les banques à charte sont obligées de maintenir à la
Banque du Canada. C'est ça le problème.
M. ROY (Beauce): 0 a parlé des bons du trésor dont j'ai
donné l'exemple, mais il y a d'autres titres que la Banque du Canada
détient. Je ne sache pas, à l'heure actuelle, que les obligations
qui sont émises par la Banque d'expansion industrielle connaissent le
même phénomène et soient soumises aux mêmes
critères que les bons du trésor. Lorsque la Banque du Canada a
émis des titres de la Banque d'expansion industrielle pour $568 millions
je prends toujours les chiffres... là ce sont les chiffres au 25
avril 1973 ce sont des titres particuliers.
Alors, M. le Président, il ne faudrait pas être dupe aussi
au point de croire que, lorsqu'on va emprunter $200 millions aux Etats-Unis,
comme par exemple le dernier emprunt de l'Hydro-Québec et le dernier
emprunt du gouvernement provincial, ce sont $250 millions qu'on a inclus au
début de l'année, alors il ne faudrait pas croire, à ce
moment-là, que ces $250 millions n'augmentent pas la masse
monétaire canadienne, c'est une addition. L'argent est quand même
déposé quelque part dans les institutions financières. Il
y a donc automatiquement augmentation. C'est là le point. C'est qu'on ne
fait pas une distinction à ce moment-là, entre l'émission
du crédit qui pourrait être faite à l'intérieur,
basée sur le crédit réel de la société
québécoise et que ce crédit pouvait être mis
à sa disposition en tenant compte de données scientifiques bien
calculées, de façon bien précise, de façon que cela
reflète la réalité et ne pas aller dans les
exagérations que le ministre a soulignées tout à l'heure.
Je sais qu'il s'est fait des politiques et qu'il y a eu des choses dans
certains pays qui sont déplorables. Ce n'est jamais ça qu'on a
demandé et ce n'est pas ça qu'on veut non plus.
M. GARNEAU: Est-ce que le député de Beauce pourrait me
dire à peu près quel taux de croissance la masse monétaire
devrait subir pour répondre à son critère disons
que je ne saisi pas parfaitement, mais de toute façon, je ne poserai pas
de question là-dessus, soit sur le crédit réel
d'après lui, pour qu'il n'y ait pas d'inflation?
M. ROY (Beauce): Ecoutez, un instant !
M. GARNEAU: Non, mais un ordre, de grandeur. Je ne demande pas...
M. ROY (Beauce): Le ministre est assez intelligent pour savoir qu'il y a
énormément de facteurs qui entrent en ligne de compte et que,
lorsqu'on entre dans des détails comme celui-là cela demande des
études très poussées, des études de
spécialistes et qu'on tienne compte d'énormément de
facteurs. Je ne suis pas sur des détails techniques là-dedans. Je
suis sur le principe. Ce n'est pas la même chose. Il y a un principe,
à l'heure actuelle... en tout cas, écoutez, je ne veux pas
m'éterniser là-dessus, je reviens encore sur cette question de
principe parce que j'estime qu'il est fondamental, si on ne veut pas, demain
matin, se réveiller, au Québec, tous prolétaires, si vous
voulez, dans une économie artificielle parce que nous serons
possédés et dirigés par les autres. Le problème est
là, il est global.
M. GARNEAU: Si c'est le seul objectif...
M. ROY (Beauce): Ou on procède au développement de notre
économie par nos moyens en utilisant nos institutions et. s'il manque
des institutions, qu'on s'en donne, si nos lois ne sont pas...
M. JORON: Banque du Québec, par exemple.
M. ROY (Beauce): Banque du Québec.
M. JORON: Comme dans le programme du Parti québécois.
M. ROY (Beauce): Je n'embarque pas dans le séparatisme. Disons
que la Banque du Québec est une filiale de la Banque du Canada.
M. GARNEAU: Est-ce que le député de Gouin favorise
l'épargne forcée? Je pose la question: Est-ce qu'il favorise
cela?
M. JORON: Pourquoi? Pourquoi me demandez-vous cela tout d'un coup?
M. GARNEAU: C'est parce que vous parlez de la Banque du Québec.
Alors, en ayant la Banque du Québec, pour accroître le volume de
l'épargne, est-ce que le député de Gouin propose cela?
M. JORON: Je ne sais pas, cela dépend de l'évolution, de
la conjoncture. Le gouvernement pratique l'épargne forcée dans un
sens, indirectement, par son Régime de rentes universel.
M. GARNEAU: Oui, certainement. C'est un type de service, je suis
d'accord. Mais l'épargne forcée uniquement pour faire des
financements, vous ne voulez pas vous prononcer là-dessus?
M. JORON: Attendez que je sois assis à votre place, on verra.
M. GARNEAU: J'aurais peur que les libertés
québécoises soient dangereusement affectées.
M. JORON: Je vous engagerai comme conseiller.
M. ROY (Beauce): J'aimerais avoir des précisions du ministre. Je
sais que tôt ou tard ce sont des choses qui devront se faire; alors le
gouvernement du Québec est très limité dans ses
innovations, malgré qu'il se vante à l'heure actuelle de la
création d'emplois.
M. GARNEAU: Est-ce que le député de Beauce favorise
l'épargne forcée?
M. ROY (Beauce): L'épargne forcée? Je n'ai jamais
parlé d'épargne forcée, j'ai toujours été
contre les lois arbitraires.
M. GARNEAU: Non, ce n'est pas arbitraire. Ce ne serait pas arbitraire,
ce serait tant...
M. ROY (Beauce): M. le Président, on peut créer le climat
au Québec...
M. GARNEAU: Est-ce que le député de Beauce favorise
cela?
M. ROY (Beauce): Non. L'épargne forcée, non. C'est
clair?
M. GARNEAU: Alors, maintenant que vous avez dit cela, je vais
répondre à l'autre préoccupation que vous aviez. Si vous
ne favorisez pas l'épargne forcée, quand bien même vous
multiplieriez par dix les institutions, si les Québécois ne sont
pas disposés à épargner pour que ces institutions aient de
l'argent pour investir dans des entreprises commerciales, industrielles ou
autres, comment est-ce que vous allez faire pour faire le financement? La base
du contrôle de l'économie du Québec par des
Québécois, cela part à la source même du vouloir des
Québécois d'épargner et de risquer, dans des entreprises,
les capitaux qu'ils ont épargnés pour mettre sur pied de
l'industrie véritablement contrôlée par les
Québécois. Ce n'est pas en augmentant la masse monétaire
que vous allez régler ce problème.
M. ROY (Beauce): M. le Président, je me rends compte très
clairement que le ministre qui est un homme intelligent, je le reconnais, ne
veut pas comprendre.
UNE VOIX: C'est de la mauvaise volonté.
M. GARNEAU: Si le député de Beauce est capable de parler
de cela sans rire...
M. ROY (Beauce): Oui. Je peux en parler sans rire. Je peux en parler
longtemps.
M. GARNEAU: Oui?
M. ROY (Beauce): Parce que sur la question de l'épargne, M. le
Président, je voudrais tout simplement dire à l'honorable
ministre ...
M. GARNEAU: Je n'aurais pas dû parler de cela.
M. ROY (Beauce): ...qu'on se rappelle le moment où nos lois
fiscales, par exemple, ont obligé tous les sociétaires, nos
caisses populaires et nos petites institutions d'épargne et de
crédit à faire des formules TP-5 pour tous les petits montants
d'intérêt. J'étais à ce moment dans les caisses
d'épargne, dans les institutions financières. J'étais en
contact régulier avec plusieurs caisses populaires et on sait quel a
été l'impact des capitaux qui ont été
retirés, que les gens ont dépensés parce que, justement,
comme le ministre du Revenu et le député de Montmagny le disaient
tout à l'heure, je pense, on aura beau faire des lois du revenu, des
lois fiscales et percevoir l'impôt de façon humaine, M. le
Président, il reste qu'il y a quand même certaines limites. Alors,
pour que les Québécois on va parler des
Québécois puisque nous sommes au Québec soient
intéressés à épargner, il faut
nécessairement qu'on les invite à épargner et que ce soit
intéressant d'épargner. Alors, il y aurait
énormément de choses à dire là-dessus et je pense
que, pour aller chercher quelques millions de dollars sur le plan fiscal, on
s'est fait énormément mal au Québec. A titre d'exemple, je
pense que, si le ministre des Finances avait aujourd'hui des données
pour
nous dire quels sont les montants d'épargne qui sont
déposés dans les banques hors du Québec, de
l'épargne québécoise, on n'aurait pas à lui
reprocher d'avoir emprunté $250 millions depuis le début de
l'année sur le marché des Etats-Unis. Il serait tout simplement
renversé. Qu'on regarde à l'heure actuelle et qu'on s'interroge
seulement pour savoir quels sont les montants d'argent qui sont cachés
dans les coffrets de sûreté pour toutes sortes de raisons. On a
encore là une masse de capitaux improductifs qui, à l'heure
actuelle, ne contribuent pas à faire le développement
économique du Québec en faveur des Québécois.
Alors, il y aurait lieu d'examiner la situation sur ce point puisqu'on veut
parler de l'épargne. Tout à l'heure je parlais du crédit,
mais dans le domaine de l'épargne, il y aurait énormément
de choses à faire à l'heure actuelle. H y aurait de bonnes
études à faire.
Je dis, M. le Président, qu'au Québec à l'heure
actuelle si on n'a pas $1 milliard, je dis bien $1 milliard, et je
serais prêt à le discuter de caché, qui ne figure
dans aucun compte de banque, aucun compte de caisse ou qui est
déposé hors des frontières, il n'y a pas un sou.
Alors, plaçons ce milliard d'épargne que nous avons. On
n'a même pas besoin de toucher au crédit à l'heure
actuelle. Créons donc de l'intérêt pour tâcher
d'inciter les Québécois à placer ce milliard-là
dans le développement de l'économie du Québec, et le
premier ministre ne nous aurait pas annoncé 146,000 emplois nouveaux au
début de la semaine...
M. GARNEAU: ... le député de Beauce commet une erreur, ce
n'est pas 146, c'est 144. Je ne veux pas...
M. ROY (Beauce): J'aurais une question à poser. M. le
Président me permettra peut-être un petit écart à
notre règlement pour demander au ministre si, dans les 144,000, il
inclut les renvois qui ont été créés, parce que ces
gens viennent de reprendre leur travail, d'une part, et deuxièmement, si
on a inclus également les gens qui travaillent dans
l'illégalité, c'est-à-dire malgré le gouvernement.
Si on prend ces deux chiffres-là, M. le Président, je me demande
combien d'emplois...
M. GARNEAU: Je vais répondre à cette question-là en
disant que c'est le nombre de personnes qui étaient en emploi en avril
1972 par rapport au nombre de personnes qui sont en emploi en avril 1973. Cela
comprend les positifs et les négatifs et cela donne un résultat
net de 144,000.
M. ROY (Beauce): Alors, c'est bien ce que je pensais, M. le
Président, les renvois de 1971-1972 sont inclus dans la création
de nouveaux emplois.
M. GARNEAU: Sur le plan négatif, il faut en faire plus à
cause de cela. Justement, il faut en créer plus parce qu'il y en a eu
qui ont été renvoyés.
M. ROY (Beauce): Cela va.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): Est-ce qu'il y aurait d'autres
questions sur le programme 2?
DES VOIX: Oui.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): Le député de
Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Sur les emprunts à court terme en 71/72,
j'avais posé la question au feuilleton, on m'avais répondu, on
m'avait donné les chiffres des emprunts à court terme de
l'Hydro-Québec, de la Caisse de dépôt et placement. Est-ce
qu'on les a pour 72/73?
M. GARNEAU: En réalité, il n'y a presque pas eu d'emprunts
à court terme. Je n'ai pas les chiffres ici, mais je crois bien
qu'à ma connaissance on n'a pas fait d'emprunt auprès de la
Caisse de dépôt ou de l'Hydro-Québec, sauf peut-être
qu'à la Caisse de dépôt, de temps à autre, en
prévision d'une émission à long terme, on va emprunter
à court terme la partie qu'on pense être souscrite dans
l'émission à long terme. Quelquefois, on l'a une semaine ou deux
ou trois à l'avance.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est à peu près ce qui s'est
produit, j'imagine, en 71/72. Il y en a eu, avec la Caisse de
dépôt, $144,500,000, sur une moyenne de six jours, sept jours,
huit jours, dix jours.
M. GARNEAU: En fait, je pense que, cette année, il y en a eu
moins que cela. Je n'ai pas les chiffres.
M. CLOUTIER (Montmagny): L'Hydro-Québec, c'était $25
millions.
M. GARNEAU: Avec l'Hydro, on n'en a pas eu. Avec la Caisse de
dépôt, en anticipation d'emprunt, oui.
M. ROY (Beauce): Sur la Caisse de dépôt, M. le
Président, vous me permettrez peut-être une question. Lorsque la
Caisse de dépôt a été créée, il
était entendu qu'on se donnait un organisme, une institution pour aider,
favoriser le développement du Québec, et M. Lesage lui-même
avait déclaré que, n'eût été la Caisse de
dépôt et placement, le Québec aurait été en
faillite. Alors, la question que j'ai à poser est la suivante: Comment
se fait-il que la Caisse de dépôt et placement achète des
obligations d'épargne du Canada, dont le rendement moyen est de 6.23
p.c, alors qu'en même temps, le Québec paie 8.07 p.c. sur ses
obligations, donc une différence de 1.75 p.c? C'est-à-dire que
la
Caisse de dépôt, qui a l'argent des Québécois
et non pas l'argent des gens qui résident hors de la province, a
prêté $58 millions au fédéral en chiffres
ronds, je pense que c'est $60 millions, c'est la valeur nominale qui est
retenue à $58 millions à 1.75 p.c. de moins.
M.GARNEAU: Le député de Beauce se réfère,
j'imagine, au rapport annuel de la Caisse de dépôt?
M. ROY (Beauce): 1972, 7e exercice. M. GARNEAU: Alors.quand il voit...
M. ROY (Beauce): Page 27.
M. GARNEAU: ... le rendement de 6.23 p.c, il s'agit en fait de la
liquidité de la caisse. C'est-à-dire que ce sont des placements
à court terme, des bons du trésor qu'elle peut acheter pour une
période de 30 jours, 60 jours et qu'elle revend par la suite, lorsque
des placements à long terme sont possibles dans des conditions
avantageuses. Et quand vous continuez à regarder le rapport de la
caisse, à la page 27, vous voyez, par exemple, que, sur les autres types
de placement, cela varie entre 8 p.c. et et 7 p.c. et 8.47 p.c., selon les
titres qu'elle a achetés. Alors, les 6.23 p.c, ce sont les rendements
qu'elle a obtenus sur ses placements à court terme, lorsqu'elle fait des
dépôts dans des institutions ou des bons du trésor, des
choses comme cela. C'est la liquidité de la caisse.
M. ROY (Beauce): Ce sont des obligations, c'est bien indiqué. Il
n'est pas question de bons du trésor. A la page 26...
M. GARNEAU: Oui. C'est cela, ça s'appelle des titres du
gouvernement du Canada...
M. ROY (Beauce): Ce sont des obligations à court terme. Le
ministre se souviendra que j'ai déjà posé des questions
à ce sujet-là. Pour quelle raison la province ne songe-t-elle pas
à avoir un portefeuille, je dis bien un protefeuille, de titres à
plus court terme, qui pourrait constituer un fonds de roulement
renouvelable?
Il y aurait lieu à ce moment d'avoir une économie à
un taux d'intérêt de 1 1/2 p.c. à 1 3/4 p.c Les
institutions financières n'ont pas le choix. Elles sont obligées
de le faire.
C'est une surprise un peu pour moi de constater qu'au Québec, on
est toujours dans le très long terme et le long terme assure toujours
des rendements plus élevés, des rendements plus grands, alors
qu'il est absolument nécessaire...
M. GARNEAU: Cela n'est pas toujours vrai, ce que vous dites.
M. ROY (Beauce): Non, mais c'est la pratique qui veut cela.
M. GARNEAU: On a des obligations qui ont été émises
par le gouvernement du Québec à long terme et sur lesquelles on
paye des taux d'intérêt de 4 3/4 p.c, de 5 p.c, de 5 1/4 p.c.
M. ROY (Beauce): Pas récemment.
M.GARNEAU: II s'est agi des emprunts à long terme...
M. ROY (Beauce): Oui, mais dans le temps...
M. GARNEAU: Je vous dis que cela n'est pas toujours vrai ce que vous
dites.
M. ROY (Beauce): L'année dernière, j'ai demandé au
ministre je l'ai fait exprès, je connaissais la réponse,
mais je voulais qu'il le dise lui-même la raison pour laquelle le
gouvernement de la province avait émis sur le marché des
obligations canadiennes qui étaient de 1 1/4 p.c. de plus qu'une
émission fédérale émise à la même
date. On a vu que le même problème s'est produit au début
d'avril de cette année. Le ministre me fait tout empressé qu'il
était, une réponse très précise et je l'en
remercie. C'est parce que les obligations du Québec sont à plus
long terme. Les obligations du fédéral sont à plus court
terme. Pour quelle raison le provincial à l'heure actuelle ne
songerait-il pas, pour bénéficier d'un portefeuille d'obligations
à plus court terme, pour intéresser...
M.GARNEAU: Je prierais le député de Beauce de
continuer...
M. ROY (Beauce): J'aimerais terminer ma question... pour permettre aux
caisses populaires, aux sociétés de fiducie, aux compagnies
d'assurance qui doivent, elles, se constituer un portefeuille de titres
à court terme, à ce moment elles y seraient
intéressées d'acheter des titres du Québec? Mais
elles sont obligées d'acheter des titres du fédéral, parce
que le Québec n'en émet pas. Je dis qu'on a encore une sortie de
capitaux qui ne nous aide pas, qui ne nous bénéficie pas et dont
on pourrait bénéficier et que ceci pourrait, à ce moment,
diminuer la pression qu'il peut y avoir sur la masse d'emprunts
négociés à long terme.
M.GARNEAU: Si je prends l'exemple du député de Beauce, et
que je dis que j'emprunte $200 millions à court terme pour
financer...
M. ROY (Beauce): Je m'excuse, mais le ministre veut placer des montants
que je conteste moi-même au point de départ. Je vous dirais qu'un
montant de $200 millions n'a pas de sens. Qu'il commence donc par se constituer
un portefeuille de $25 millions ou de $50 millions. Restons dans les chiffres
raisonnables.
M. GARNEAU: Supposons $50 millions.
M. ROY (Beauce): Bon. D'accord.
M.GARNEAU: Peu importe l'exemple que je veux donner, que cela soit $50
millions, $25 millions, $10 millions, cela va être la même affaire.
Si on parle de court terme, on parle de placements qui sont en bas d'un an. Si
je négocie un emprunt sur le marché public à court terme,
je serai obligé de payer pour la distribution, l'émission des
titres, 0.75 p.c. de commission ou 1 p.c. de commission, selon la situation et
de l'état des marchés. Si j'emprunte $50 millions à court
terme pour financer des choses à long terme, comme une construction de
route, je serai obligé de renouveler, pendant dix ans, les $50 millions.
Et une fois qu'ils arriveront à échéance, il faudra que je
les replace. Peut-être que les institutions qui les avaient
achetés la première année ne seront pas
intéressées à les racheter la deuxième; il faudra
que je les replace ailleurs. J'aurai des frais d'émission chaque
année.
Si je prends comme base que le taux de commission pour placer cela, on
va le baisser à 0.5 p.c, ce qui serait pas mal le plus bas qu'on
pourrait aller, vous renouvelez 0.5 p.c. pendant dix ans, tous les ans;
regardez le taux d'intérêt que cela coûtera à la
province, après dix ans, entre un emprunt à long terme ou un
emprunt à quinze ans ou un emprunt annuel renouvelé,
replacé tous les ans, avec les frais d'émission et les taux de
commission qu'il faut payer pour les placer. Cela coûtera plus cher au
Québec que cela coûte pour emprunter à long terme, sans
oublier le fait que lorsque, par exemple, le Québec a emprunté,
disons en 1960 à 5 1/2 p.c. et qu'on va rembourser en 1980, actuellement
l'emprunt de 5 1/2 p.c. est en très bonne condition pour le
Québec. Par contre, lorsqu'on a emprunté à des taux plus
élevés, cela a été moins avantageux, mais, l'un
dans l'autre, je pense qu'on établit une moyenne qui fait que c'est
beaucoup plus avantageux pour financer à long terme des besoins comme la
construction d'une route, de faire des emprunts à long terme que de
recourir à des emprunts à court terme qui sont renouvelés,
à moins que l'on fasse des types de placements qui sont basés sur
"l'inter-bank rate" avec un pourcentage, disons plus 0.5 p.c. ou plus 1 p.c.
soit le type d'emprunt qui a déjà été fait par le
gouvernement du Québec avec une longue échéance, mais dont
les taux d'intérêt sont rajustés tous les ans. Ce qui a
fait qu'il y a eu des années où les taux d'intérêt
on été à 12 p.c. et d'autres années, ils ont
été à 6 p.c.
M. ROY (Beauce): A ce moment, je vais prendre les chiffres du ministre
qui me parle des obligations de moins d'un an, de la liquidité.
Le ministre sait très bien que, dans les institutions, ce que
l'on considère comme étant une bonne partie de la
liquidité, ce sont des titres qui ont une échéance d'un
à cinq ans.
M. GARNEAU: C'est le même problème.
M. ROY (Beauce): Alors, si on prend 0.5 p.c. donc une partie de la
liquidité, je n'ai pas dit toute la liquidité mais une partie,
les institutions en achètent chaque année de façon qu'un
certain pourcentage soit échu chaque année pour faire un fonds de
roulement du portefeuille de la liquidité. Lorsque le ministre me parle
de 0.5 p.c. qu'il en coûte pour émettre ces titres, à ce
moment-là, si on peut émettre des obligations à 6 p.c, il
en coûte 6.5 p.c. par année. Si les titres sont émis sur
une période de deux ans, à ce moment-là, cela revient
à 6.25 p.c. Alors, 0.5 p.c, le ministre l'a ajouté sur une
période de dix ans pour en faire 5 p.c. pour ajouter au taux
d'intérêt annuel. Un instant. Ce n'est pas de cette
façon-là que l'on calcule. J'espère au moins que tous les
experts du ministère des Finances ne vous laissent pas calculer de cette
façon-là.
M. GARNEAU: Si on ajoute au taux d'intérêt à court
terme 0.5 p.c. de commission, vous allez avoir, si l'on paye 7 p.c. pour une
émission que l'on va être obligé de replacer tous les ans,
et que l'on y ajoute 0.5 p.c. cela veut dire 7.5 p.c. par année du
coût de l'émission?
M. ROY (Beauce): Oui, 7 p.c. plus 0.5 p.c, ça fait 7.5 p.c.
M. GARNEAU : Bien, c'est évident.
M. ROY (Beauce): Bien, 6 p.c. plus 0.5 p.c, cela fait 6.5 p.c.
M. GARNEAU: C'est ce que vous ne semblez pas comprendre.
M. ROY (Beauce): C'est ce que j'ai dit tantôt. Alors, vous avez
ajoutez 0.5 p.c. pendant dix ans pour arriver à un taux de 5 p.c. tout
à l'heure, quand même, il ne faut pas...
M. GARNEAU: Si on le renouvelle tous les ans et qu'on est obligé
de le placer tous les ans...
M. ROY (Beauce): Cela fait 5 p.c. sur dix ans, alors cela fait 0.5 p.c.
par année. Cela revient au même.
M. GARNEAU: Bien oui.
M. ROY (Beauce): D'accord, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): Le député de
Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): La Caisse de dépôt, est-ce que
l'on va en parler? Qui va succéder à M. Prieur, qui est
décédé?
M. GARNEAU: Je ne peux malheureusement pas répondre à
cette question pour le moment. Evidemment, c'est une responsabilité du
premier ministre.
M. CLOUTIER (Montmagny): Qui est directeur par intérim?
M. GARNEAU: C'est M. Gill Fortier, qui est vice-président de la
Caisse de dépôt et président de la Régie des rentes,
qui assume l'intérim.
M. CLOUTIER (Montmagny): II semblait y avoir un problème de
recrutement de personnel à la Caisse de dépôt, est-ce que
ce problème est réglé?
M. GARNEAU: Disons que c'est le même problème qui
existe...
M. CLOUTIER (Montmagny): II y a là un problème
sérieux parce que...
M. GARNEAU: Le même problème existe dans les institutions
financières qui veulent recruter des francophones. Cela existe à
la Caisse de dépôt comme cela existe dans les autres institutions
et comme cela existe également au niveau du gouvernement pour des
fonctionnaires que l'on doit recruter pour occuper des fonctions dans ce
secteur. On soumettait que c'était une question de dollars, qu'il aurait
fallu payer plus cher.
Moi, j'ai des hésitations à dire que la
responsabilité du directeur du portefeuille de la Caisse de
dépôt pour les obligations est une fonction comportant plus de
responsabilités que celle de sous-ministre adjoint aux Finances, qui
exécute des responsabilités à peu près similaires
pour l'ensemble du gouvernement et agit également comme coordonnateur
pour les emprunts de l'Hydro-Québec. Alors, il faut tenir compte des
avantages que donne la Fonction publique, il ne faut pas oublier cela, il y a
des avantages que la Fonction publique donne, que l'entreprise privée ne
donne pas. Dans une entreprise privée, on peut bien tordre le citron et,
si le type n'est plus rentable, il va baisser de salaire ou il va être
remercié de ses services.
Dans la Fonction publique, il y a une sécurité d'emploi,
il y a des bénéfices marginaux, il y a des régimes de
retraite. Je suis prêt à discuter de ce problème, mais je
n'en suis pas convaincu que le problème de recrutement soit
rattaché au fait que la Caisse de dépôt fasse partie de la
Fonction publique.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai ici une analyse qui avait
été faite par le journaliste Claude Tessier, en 1972. Il avait
même posé des questions à M. Paris, directeur
général de la Caisse de dépôt, qui avait
révélé qu'il y avait la moitié des postes qui
étaient vacants, mais il y avait 90 personnes à ce
moment-là. Evidemment, la somme de travail augmente
considérablement, étant donné non seulement l'augmentation
des programmes qu'administre la Caisse de dépôt mais les nouveaux
fonds qui lui sont confiés chaque année. Les dirigeants de la
caisse s'inquiétaient un peu des difficultés qu'ils
éprouvaient à recruter du personnel et en quantité et en
qualité évidemment, en tenant compte de la formation
exigée, de l'expérience exigée. Cela semblait
peut-être être un problème plus sérieux que dans
aucun des ministères du gouvernement, même si dans certains
ministères, à certaines périodes, pour avoir les effectifs
requis pour mettre en application des programmes et des politiques, cela pose
aussi des problèmes.
Alors, c'est pour ça que je demandais si les difficultés
ont été résolues ou si elles sont en voie de l'être.
Surtout avec le départ prématuré de M. Prieur,
évidemment ça...
M. GARNEAU: II y a eu des discussions entre les agents de la Caisse de
dépôt et la Commission de la fonction publique, qui donne la
position relative des fonctions sur lesquelles s'appuient ensuite les salaires.
Il y a eu des discussions avec les agents de la Caisse de dépôt et
la Commission de la fonction publique pour essayer de définir des types
de fonctions qui sont assez spécialisés à la caisse et qui
pourraient donner un peu plus de souplesse pour des avancements
accélérés ou des bonis qui pourraient s'ajuster un peu
à la performance, un peu à cause de leur condition
particulière. Je ne pourrais pas dire quelles ont été les
conclusions de cette discussion-là. Mais c'est en vue d'assouplir un peu
les normes peut-être un peu trop strictes de la Commission de la fonction
publique en ce qui regarde la Caisse de dépôt. Si on en arrivait
à ce moyen terme, je pense que le problème fondamental
demeurerait la disponibilité véritable des experts qu'on cherche,
beaucoup plus que le fait qu'ils soient ou non dans la fonction publique.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): Le député de
Gouin.
M. JORON: Sur la Caisse de dépôt, sur les fonctionnaires,
le personnel?
UNE VOIX :Oui.
M. JORON: Ah bon! d'accord.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je voulais demander au ministre si c'est ce
genre de difficultés que connaissent les régies gouvernementales
et autres difficultés aussi dans leurs relations avec le
gouvernement qui a conduit le ministre à songer à une
réforme de leurs structures administratives de façon à les
modeler davantage sur l'entreprise privée. Est-ce que c'est un des
aspects?
M. GARNEAU: C'est un des aspects. Dans le cas de la
Société des alcools, lorsqu'on a retiré, sur la
recommandation de la commission Thinel, le personnel de la fonction publique,
c'était dû au fait que les opérations de la
Société des alcools sont de nature commerciale
et n'ont pas de commune mesure avec des opérations
d'administration du genre de celles qu'on retrouve à la Régie des
rentes, à la Régie de l'assurance-maladie, au gouvernement et
même à la Caisse de dépôt. Et, à part cela, la
plupart étaient négociées, les conditions de travail
étaient négociées entre les employeurs et la
société et les syndicats. Cela a été certainement
la raison pour laquelle on a sorti le personnel de la fonction publique. Par
contre, il y a des règlements qui déterminent les barèmes
de traitements qui doivent être payés et qui sont approuvés
par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est une question...
M. GARNEAU: Cela donne plus de souplesse et non pas une marge de
traitements qui est différente pour des fonctions identiques, sur le
plan administratif, entre la Société des alcools et
l'administration des ministères.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne voudrais pas aller plus loin sur cette
question de la réforme des organismes parapublics. Nous y reviendrons
plus tard. C'est seulement par incidence que j'ai posé la question.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): Le député de
Gouin.
M. JORON: M. le Président, je voudrais revenir sur une question
que j'ai posée au ministre des Finances la semaine dernière et
qui se rattache à la Caisse de dépôt. Evidemment, la
période des questions, en Chambre, ne nous permet pas d'élaborer
beaucoup. Je veux prendre une minute pour le faire davantage, je n'ai pu le
faire la semaine dernière. La question que je lui avais posée
était au sujet de l'annonce qui avait été faite que la
Caisse de dépôt allait prendre une participation minoritaire dans
une société de financement de capital de risques, Innokan,
société où l'intérêt majoritaire principal
est détenu par la Corporation de développement du Canada. Tout
l'intérêt de cela porte particulièrement chez nous, au
Québec, sur le fait qu'on a longtemps déploré le fait que
les Québécois sont peu enclins à placer leur argent sous
forme de capital de risques, sous forme d'équité,
c'est-à-dire acheter des actions dans des entreprises.
Traditionnellement, on a préféré prêter notre argent
plutôt que de prendre le risque nous-mêmes. Cela a eu des effets,
je ne veux pas revenir trop longuement là-dessus, mais des effets
considérables. On préfère déposer notre argent dans
une institution financière, quitte à ce que, par la suite, cette
institution prenne une participation dans une entreprise ou, plus souvent,
reprête cet argent à l'entreprise. Cela a eu pour effet malheureux
aussi de voir s'étendre graduellement le contrôle étranger
sur l'économie du Québec. Alors, tout le monde a toujours
été d'accord pour dire qu'il faut maintenant puisque ça
fait partie de la mentalité et il semble que ce n'est pas
réversible en l'espace de deux ans...
C'est peut-être une éducation de génération
et on traîne tout notre passé et notre mentalité
dernière nous, qui nous conditionnent à cet égard. Il faut
maintenant s'assurer qu'il y a des organismes, puisque les
Québécois, spontanément, préfèrent
déposer dans des institutions. D faut quand même se soucier que
ces institutions, à leur tour, ne font pas que prêter à
nouveau l'argent à des entrepreneurs qui, très souvent, sont des
étrangers, mais puissent, par un mécanisme quelconque, par des
instruments quelconques, par des structures quelconques, investir
elles-mêmes directement du capital de risque dans des entreprises au
Québec.
La société Innokan est un exemple de cela. Je comprends
que cela porte sur un aspect bien précis, c'est ce qu'on appelle le
"venture capital" en anglais, le capital vraiment de risque, parce qu'entre des
actions de Bell Téléphone et des actions d'une "binerie" qui
part, il y a toute une différence. On peut appeler cela, pour tous les
deux, du capital de risque, mais, dans le fond, il faudrait avoir un meilleur
vocabulaire pour permettre de distinguer. Ce dont on parle, c'est vraiment des
investissements dans des choses nouvelles qui sont vraiment
risquées.
UNE VOIX: Le capital de risques risqués.
M. JORON: Le capital de risques risqués, c'est cela.
M. GARNEAU: Par exemple, l'Hydro?
M. JORON: C'est peut-être ce qui a été son
problème. Il y avait toutes sortes d'objectifs qui étaient
mélangés à la fois là-dedans et ce n'était
pas clair.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre ouvre des portes.
M. JORON: Ces nouvelles structures pour remplir cette fonction, nous ne
les avons pas encore, malgré tout. On fait des tentatives avec la SGF,
puis ces affaires-là, mais nous ne les avons pas encore vraiment. Les
deux endroits principaux où nous pouvons faire, au Québec, ce
genre d'opérations et garder les fonds québécois sous
contrôle québécois, c'est probablement le secteur public,
principalement avec la Caisse du dépôt, qui est un gros
réservoir d'épargne, et le mouvement coopératif qui est
proprement québécois. D'ailleurs, ils y pensent. C'est la raison
pour laquelle ils ont annoncé la création de la
Société d'investissement Desjardins, malgré que ce ne sera
pas un capital de risque tout à fait au même sens que nous en
parlons dans le moment.
La Caisse de dépôt, elle, j'avais toujours pensé
qu'elle viendrait, à un moment donné, à
créer une filiale vouée à cette fin qui lui
permettrait il faudrait qu'elle soit majoritaire, évidemment
de contrôler la majorité du capital qui serait versé
dans cette société visant à prêter à nouveau
du capital, à investir du capital de risque. Je me suis
inquiété c'est la raison pour laquelle je posais la
question de voir que la Caisse de dépôt ne faisait pas
cela, mais qu'elle préférait souscrire une participation
minoritaire dans une société qui, somme totale, au bout de la
ligne, est contrôlée par le gouvernement
fédéral.
Encore une fois, nous allons voir des épargnes
québécoises, dont nous avons besoin, dont une partie devrait
être investie dans le capital de risque, tomber dans une
société qui échappe encore au contrôle
québécois. Pourquoi la Caisse de dépôt ne le
fait-elle pas? Je comprends, le ministre m'a répondu que ce n'est pas
dans son habitude et c'est bon qu'il en soit ainsi d'intervenir
directement dans toutes les opérations de la caisse. Il y a quand
même des "guide-lines" sur les grandes politiques, qui devraient
être tracées à la Caisse de dépôt et, moi,
j'espérerais que le gouvernement, à cet égard,
intervienne.
M. GARNEAU: Je ne suis pas sûr si la Caisse de dépôt,
de par sa charte actuelle, aurait le droit de le faire. Parce qu'il faudrait
créer une institution.
M. JORON: On pourrait modifier la charte.
M. GARNEAU: Elle est limitée à 30 p.c. dans de tels types
d'activités. Je ne sous-estime pas les propos du député de
Gouin.
M. JORON: Ce serait conjointement avec d'autres institutions
québécoises.
M. GARNEAU: oui, cela pourrait être une institution
complètement étatique, nouvelle aussi. Je ne suis pas certain,
moi, qu'il serait bon d'accroître encore beaucoup le capital que
contrôle l'institution qui s'appelle la Caisse de dépôt. Il
faut bien comprendre que c'est une caisse qui a une charte. Mais, si on veut
continuer à donner l'entière liberté à la Caisse de
dépôt, je pense que cela ne doit pas être dirigé par,
disons, une attitude, politique, dans le sens que la Caisse de
dépôt doit voir à plus long terme qu'un objectif qu'un
gouvernement pourrait, par ailleurs, se tracer. Si nous disions, par exemple :
Nous modifions la Loi de la Caisse de dépôt et, parce que le
gouvernement du Québec a décidé de faire la baie James,
toutes les épargnes accumulées à la Caisse de
dépôt s'en vont à la baie James, je pense que ce serait
mauvais comme institution.
Dans la même idée, étant donné le fait que la
Caisse de dépôt est une institution qui a une charte et qui a son
autonomie, qu'on veut lui laisser, je ne suis pas certain, moi, que ce serait
sain, de grossir indéfiniment la masse des capitaux que la caisse, par
un nombre restreint de personnes je crois que c'est une dizaine
contrôle.
Si on devait donner une importance assez grande à cette
institution nouvelle qui pourrait être créée et à
laquelle je n'aurais certainement pas d'objection de principe, moi, en tout
cas, je favoriserais davantage la mise sur pied d'un autre organisme qui serait
un peu en concurrence, de sorte qu'on ne mettrait pas tous nos oeufs dans le
même panier. A moins que l'on veuille intervenir d'une façon
politique, je ne parle pas d'une façon politique partisane, je parle
d'une façon politique en termes d'objectif. Je pense que ce ne serait
pas bon pour la sécurité des placements que fait la Caisse de
dépôt en regard des obligations qu'elle a vis-à-vis de la
régie des rentes. Si on veut laisser l'entière liberté,
moi, je favoriserais davantage soit une amalgamation avec des entreprises
québécoises existantes, que ce soit la Corporation de prêt
et revenu ou une société des placements collectifs Desjardins,
avec une participation québécoise du gouvernement pour essayer de
donner plus d'ampleur. J'aimerais mieux répartir les risques que les
mettre tous dans le même panier. Mais, en principe, je n'ai pas
d'objection.
M. JORON: Je suis d'accord, d'une façon, quant à la
caisse. Je ne vous parle pas d'une intervention politique directe, la caisse
ayant été aussi un instrument politique de développement
à long terme. C'est politique plutôt dans ce sens-là.
Enfin, je n'insisterai pas davantage sur cette question. Je m'aperçois
qu'il est une heure.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): On nous signale qu'il est une
heure. Je dois comprendre que le programme 2 n'est pas adopté. Il y a
d'autres questions...
M. ROY (Beauce): Non, le programme 2 n'est pas adopté.
M. CLOUTIER (Montmagny): II y a d'autres questions.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): La commission ajourne donc ses
travaux sine die et nous attendrons les instructions du leader du
gouvernement...
M. GARNEAU: Normalement, cela devrait être vendredi matin
après la période des questions c'est ce qu'il m'a dit
parce que cet après-midi, la commission de l'industrie et du
commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche siège.
LE PRESIDENT (M. Croisetière): La séance est
levée.
(Fin de la séance à 13 h 2)