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(Onze heures trente minutes)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente des finances et des comptes publics reprend ses
travaux suivant un ordre de la Chambre. Après les deux heures qu'il nous
reste, nous continuerons à étudier article par article le projet
de loi no 8, Loi concernant l'adoption des chapitres 35 et 45 des lois de 1982
et modifiant certaines conditions de travail dans le secteur public.
Il reste à étudier dans les crédits de 1983-1984 la
Commission administrative du régime de retraite et les crédits du
Conseil du trésor. Les crédits des Finances et du Conseil
exécutif ont déjà fait l'objet d'adoption.
Les membres de cette commission sont: M. Blais (Terrebonne), M.
Lafrenière (Ungava), M. Fortier (Outremont), M. French (Westmount), M.
Gagnon (Champlain), M. Gauthier (Roberval), M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), M. Marquis
(Matapédia), M. Bérubé (Matane) et M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Fallu (Groulx),
M. Desbiens (Dubuc), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Lincoln (Nelligan), M. Polak (Sainte-Anne),
M. Proulx (Saint-Jean), M. Rochefort (Gouin) et M. Ryan (Argenteuil).
On me dit qu'au moment de l'ajournement, hier, la parole était au
ministre sur les crédits du Conseil du trésor et de la Commission
administrative du régime de retraite.
M. le ministre.
Conseil du trésor
M. Scowen: M. le Président, peut-on s'entendre sur le
temps qu'il nous reste? Si ma mémoire est bonne, il nous restait deux
heures.
Le Président (M. Laplante): Deux heures, oui. Cela veut
dire qu'on suspend à 13 heures...
M. Scowen: On va travailler...
Le Président (M. Laplante): On reprend à 15 heures,
cela veut dire qu'à 15 h 30 cela serait censé être
terminé pour reprendre l'étude du projet de loi no 8.
M. Scowen: Alors on travaille ce matin jusqu'à 13 heures
et on reprend à 15 heures jusqu'à 15 h 30. Est-ce cela?
Le Président (M. Laplante): Oui, à 15 heures
jusqu'à 15 h 30, à moins que vous vous entendiez pour tout finir
pour 13 heures. C'est vous qui allez décider.
M. Scowen: Non. Si le ministre ne s'y oppose pas, je vais suivre
le programme que vous avez proposé.
Le Président (M. Laplante): C'est votre droit, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Yves
Bérubé
M. Bérubé: Oui, M. le Président. Il ne
faudrait pas que nous oubliions cette année, comme nous avons failli le
faire l'année dernière, d'approuver les crédits de la
Commission administrative du régime de retraite. Pour être bien
certain qu'on calcule notre temps comme il faut, je restreindrai mes remarques
préliminaires à peu de choses, seulement pour rappeler
essentiellement l'opération qui est en cours depuis deux ans, une
opération de rajustement du niveau des dépenses publiques
à un niveau qui soit plus compatible avec la capacité de payer de
nos concitoyens.
M. le Président, nous avons dû traverser, au cours des deux
dernières années, une situation économique difficile avec
une chute très réelle du produit national brut au Québec
qui devait se traduire soit par des hausses d'impôt substantielles, soit
par une augmentation du déficit, soit par une réduction des
dépenses, ou les trois à la fois. De fait, c'est ce que l'on a
observé, c'est-à-dire que nous avons attaqué sur les trois
plans, si l'on peut dire.
Effectivement, au cours des deux dernières années,
incluant cette année, nous aurons réussi à réduire
les dépenses publiques, par rapport à une croissance naturelle,
d'à peu près 1 900 000 000 $, ce qui représente une
réduction qui s'approche
de 10% du niveau global des dépenses gouvernementales. C'est donc
appréciable.
L'objectif visé en était un d'accroissement de
productivité qui peut se traduire -on le voit d'ailleurs dans le livre
des crédits qui a été déposé - par
l'évolution des effectifs, puisque, si j'examine les effectifs au cours
des dernières années, en 1980-1981 il y avait 72 046 postes
gouvernementaux proprement dits et en 1983-1984 ce niveau global des effectifs,
incluant les effectifs permanents et les effectifs occasionnels, sera de 66
010, donc une diminution très substantielle des effectifs, tout en
remplissant essentiellement les mêmes missions et même en
accroissant souvent l'importance de certains mandats gouvernementaux. Donc, il
y a eu un effort très réel pour faire plus avec moins, d'une
part. Également, l'effort a porté - on en a longuement
discuté - sur une réduction de l'importance de la masse salariale
au niveau de la rémunération. Les études qui
étaient effectuées au gouvernement depuis de nombreuses
années indiquaient systématiquement, bon an mal an, que le
secteur public rémunérait pour du travail comparable à un
niveau qui, globalement, représentait un écart de presque 16% par
rapport au marché privé pour la même fonction. L'effort
visait à ramener cela. Cela s'est fait en plusieurs étapes, en
pratique, puisque nous sommes partis, en 1978-1979, d'un écart de 16,3%
pour le ramener, en 1979-1980, à 13,3% et, en 1980-1981, à 10%.
Toutefois, en 1981-1982, cet écart remontait à 11,8%. Cela
explique en partie pourquoi nous avons dû adopter une politique salariale
nettement plus restrictive avec pour objectif de ramener l'écart, si on
prend la période de juillet 1982 à mars 1984, à environ
4,8%.
Donc, il s'agit de continuer ce réalignement progressif et de
tendre, pour janvier 1985, avec la rémunération du secteur
privé, vers un écart de 0,5% en présumant que la
rémunération dans le secteur privé évoluera au
Québec suivant les prévisions du Conference Board, en avril 1983,
de la rémunération hebdomadaire moyenne pour le Canada. Si ces
prévisions sont respectées, l'objectif gouvernemental de
réalignement des salaires devrait nous amener sensiblement, pour des
emplois comparables, à des niveaux de rémunération
équivalents à ce qu'on trouve dans le secteur privé pour
des tâches comparables. Donc, l'effort devait porter sur le plan
salarial.
Il doit également porter - plus particulièrement au niveau
de l'éducation -sur un accroissement des tâches pour faire en
sorte qu'on obtienne une productivité comparable, par exemple, à
celle de nos voisins. À titre d'exemple, lorsqu'on examine les ratios
maître-élèves dans le système d'éducation
québécois, on constate - je devrais avoir les chiffres sous les
yeux - que ce rapport était d'environ 1-20 en 1973-1974 et qu'il a
décrû, en 1976-1977, à 1-18. En 1979-1980, il atteignait
1-16, 8, en pratique. À la fin de la présente convention, il sera
revenu à 1-18, c'est-à-dire, essentiellement, au niveau de
1976-1977. Donc, comme objectif de productivité, on voit que l'on
cherche à ramener le système d'éducation à peu
près là où il était à la fin de la
période 1970-1975.
Cet effort devrait ramener le coût per capita de notre
système d'éducation plus en ligne avec celui, par exemple, d'un
système comparable comme celui de l'Ontario, mais avec des
différences qui s'expliquent par une organisation différente au
niveau de l'éducation, tant par le transport scolaire que par la
façon de financer la dette reliée aux immobilisations des
commissions scolaires. Donc, il y aura toujours un écart, mais cet
écart est structurel et peut difficilement, compte tenu des
décisions passées, être modifié. Cela nous permet de
dire, en pratique, que nous avons cherché, ces deux dernières
années, à ramener le coût des services publics pour des
services comparables à un niveau qui soit également comparable
aux coûts qu'on peut observer dans d'autres systèmes de provinces
canadiennes, par exemple, ou même à l'étranger.
Cet objectif a - je pense qu'on peut le dire - été atteint
ou sera atteint à la fin de l'application des présentes
conventions collectives, de telle sorte qu'on aura demandé un effort de
réduction des dépenses dans le secteur de l'éducation
d'environ 9% par rapport aux dépenses antérieures. Dans le
réseau des affaires sociales, c'est aussi une réduction de 9%.
Toutefois, au niveau de l'appareil gouvernemental, on vise à une
réduction des dépenses d'environ 15%.
On voit donc, en gros, le portrait de cet effort de redressement des
dépenses publiques qui, je pense, fera en sorte que les
Québécois pourront, dans les années qui viennent, accepter
de comparer leur secteur public avec celui d'autres gouvernements dans des
situations semblables et ne pas craindre de souffrir de la comparaison.
Évidemment, l'effort de redressement n'a pas été
facile. Je pense qu'on a demandé beaucoup de sacrifices à nos
concitoyens. Toutefois, je pense que l'essentiel de l'effort a maintenant
été consenti. Il faut souligner, à cet égard, le
travail assez remarquable de cet appareil gouvernemental qui s'appelle le
secrétariat du Conseil du trésor, le Conseil du trésor
proprement dit, puisque cet effort a été demandé, d'abord
et avant tout, à cet organisme gouvernemental chargé de
surveiller les dépenses. On devait tenter d'évaluer des objectifs
de redressement réalistes, faisables. Et, subséquemment, les
ministères, je dois le dire, ont coopéré de telle sorte
qu'on a pu réussir, je pense, une
opération au cours des dernières années très
sensible de redressement. Je désire souligner le travail fort
apprécié et absolument remarquable en tout point de tous les gens
qui m'entourent et qui m'accompagnent ici ce matin à cette revue des
programmes, c'est-à-dire à cette revue des crédits. Merci
M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Merci monsieur. Maintenant la
parole est au député de Notre-Dame-de-Grâce.
Les salaires dans la fonction publique
M. Scowen: M. le Président je veux remercier le ministre
d'avoir eu la gentillesse de m'accorder deux entrevues assez longues avec son
sous-ministre, ou son secrétaire si vous préférez, qui a
bien voulu me donner des renseignements sous forme d'une espèce de
"briefing" dont j'avais bien besoin quand M. Lévesque m'a confié
le dossier du Conseil du trésor il y a quelques semaines.
Si j'hésite à trop vous critiquer ce matin, vous
comprendrez que ce n'est pas parce que j'approuve nécessairement tout ce
qui s'est fait chez vous, mais parce que je suis encore dans une certaine
période de formation. Car, même avec toute la bonne volonté
de votre principal collaborateur et adjoint, le sujet est fort complexe.
J'ai tout de même quelques questions à vous poser. Vous
avez dit, au début, que vous aviez pris la décision et je vous
cite: "de ramener les dépenses publiques à un niveau plus
compatible avec la capacité de payer de nos citoyens". On est donc sur
la même longueur d'ondes quant aux objectifs.
Vous avez parlé de deux choses précises que vous avez
réalisées. Vous avez dit que dans le cas des salaires qui sont
comparables avec le secteur privé, d'ici la fin de 1985, l'écart
entre le secteur privé sera ramené à un niveau qui est
essentiellement le même; vous avez parlé de 0,5% plus
élevés.
Dans un premier temps, j'ai l'intention de vous demander de
préciser davantage la façon selon laquelle vous pouvez en arriver
à cette comparaison, l'étendue de la comparaison possible parce
qu'il y a certains des aspects qui sont comparables et d'autres qui ne le sont
pas. Nous aimerions savoir si nous avons déjà en notre possession
toutes les études qui ont été faites et que vous utilisez
pour établir cette base de comparaison. C'est donc la première
série de questions auxquelles j'aimerais avoir une réponse.
Est-ce que vous préférez que je pose une question à
la fois?
Le Président (M. Laplante): Allez-y et l'on adoptera
ensuite le programme en entier. Il n'y a pas de problème.
M. Scowen: Je demande au ministre si l'on ne devrait pas prendre
les questions une à la fois.
Que veut dire cette comparabilité?
M. Bérubé: II a dans ces comparaisons, d'une part,
des décisions politiques, c'est-à-dire un choix de
critères de référence et il y a l'analyse objective des
niveaux de rémunération à partir des critères. Il y
aurait probablement quelqu'un ici du bureau de recherche en
rémunération qui pourrait fournir des détails sur la
partie plus technique. En fait, la comparaison se fait non pas pour tous les
emplois mais pour des emplois comparables, c'est-à-dire qu'il y a
à peu près 100 000 emplois qui sont comparables au gouvernement,
avec des emplois équivalents dans le secteur privé. De ces 100
000 emplois, nous en comparons environ 75 000. (Il h 45)
Nous prenons donc des emplois que l'on peut retrouver dans le secteur
privé qui présentent un niveau de responsabilité, une
complexité des tâches qui puissent permettre la comparaison.
D'autre part, nous choisissons de ne comparer que les emplois dans des grandes
entreprises du secteur privé de 500 employés et plus, ceci pour
éviter de devoir comparer un appareil administratif de grande taille,
avec des classifications d'emploi bien précises, avec des emplois dans
de plus petites entreprises où on sait que la polyvalence est nettement
plus importante. Nous choisissons donc de faire la comparaison avec les grandes
entreprises de 500 employés et plus, syndiqués ou non. Notre
échantillon nous donne environ 35% de syndicalisation, ce qui est
essentiellement représentatif du niveau de syndicalisation dans ces
entreprises.
Voilà donc pour le choix des grands paramètres de
comparaison. Si vous voulez détailler davantage...
M. Scowen: Juste quelques questions précises.
Premièrement, parmi tous les postes qui existent dans la fonction
publique, quel est le pourcentage comparable à quelque chose dans le
secteur privé?
M. Bérubé: Je pense que je vais demander à
M. Bessette de vous donner les détails sur le nombre d'emplois, de
classification d'emplois qui sont comparés, combien cela rejoint de
personnes...
M. Scowen: Avant qu'on se lance dans les réponses, longues
ou courtes, est-ce que la personne qui va répondre va simplement citer
des documents qui sont disponibles?
M. Bérubé: Oui.
M. Scowen: Dans ce cas-là, il peut plutôt nous
référer aux documents ou nous donner les documents si nous ne les
avons pas. Comme cela, on peut gagner du temps.
M. Bérubé: Ce sont des documents publics. En fait,
il y a 24 corps d'emploi repères: 4 chez les professionnels - selon
l'information que j'avais il y a peut-être six ou huit mois - 7
catégories d'employés de bureau, et 9 d'ouvriers. On peut entrer
dans le détail.
M. Scowen: Ma question précise est -je ne sais pas combien
d'emplois différents existent dans la fonction publique - quel est le
pourcentage comparable?
M. Bérubé: Ce n'est pas tellement en nombre
d'emplois parce que vous avez des emplois où vous pouvez avoir
simplement quelques employés. Je pense qu'il y a un poste entre autres,
responsable des horloges, où il n'y a qu'un employé dans ce corps
d'emploi-là. Il y a un deuxième problème. C'est difficile
parce qu'il y a trois secteurs, alors est-ce qu'on doit les considérer
comme trois emplois différents ou un emploi différent? On a
préféré, en termes de calcul, parler des employés
dans les emplois qu'on a retenus, qu'on a définis comme les 24 emplois.
Dans ces emplois-là, il y a 76 000 sur 250 000 employés qui
correspondent aux catégories de syndiqués.
M. Scowen: 76 000 sur...
M. Bérubé: 76 000 sur les 250 0000, mais dans les
emplois qui sont comparables, pour lesquels il y a des comparaisons possibles,
c'est 76 000 sur 100 000. Autrement dit, les 150 000 autres sont 70 000
enseignants, 30 000 infirmières. Vous en avez déjà 100 000
pour lesquels vous avez déjà des explications. Il est impossible
de faire une enquête dans le secteur privé. Il est vrai qu'il
existe des infirmières dans le secteur privé mais c'est tellement
un groupe marginal comparativement au nombre qu'on a.
M. Scowen: Exception faite des infirmières et des
enseignants, c'est 76 000 sur...
M- Bérubé: 76 000 sur environ 150 000 qui
resteraient. Mais dans les 150 000 qui restent, vous avez des catégories
spécialisées comme dans le domaine des affaires sociales, les
inhalothérapeutes. Vous avez des groupes de travailleurs sociaux
où...
M. Scowen: Quand le ministre nous a dit 85,5% des cadres, il ne
parle que de ces 76 000. C'est cela?
M. Bérubé: C'est cela.
M. Scowen: Et pour le reste, on ne sait pas si le salaire est
excessif ou non parce qu'on n'a pas de point de comparaison.
M. Bérubé: C'est cela. Une façon d'y
arriver, c'est par rangement interne, en ce sens que si un enseignant d'un
niveau de classification donné au cours des rondes de négociation
a pu se négocier un salaire équivalent à celui d'un
ingénieur professionnel, classe II, de tel niveau, et que nous tirons la
conclusion lors d'une étude que l'ingénieur est trop payé
par rapport au marché, si l'enseignant recevait le même salaire
que l'ingénieur, lorsque nous baissons le salaire de l'ingénieur,
forcément, par rangement interne, l'enseignant était
essentiellement aligné sur l'ingénieur et, à ce
moment-là, on aligne de la même façon l'enseignant. Donc,
on aligne l'enseignant non pas par rapport au marché, mais par rapport
à son ou à sa collègue qui occupe une tâche qui,
elle, fait l'objet d'une comparaison. Il y a donc deux activités en
cours: il y a la comparaison avec le marché pour les emplois
repères et le rangement interne qui est l'interdépendance de
toutes nos structures de rémunération au gouvernement.
M. Scowen: Avant de parler de cet alignement, est-ce que vous
pouvez me donner une idée de l'ampleur de la comparaison de la masse
salariale impliquée dans ces 76 000 sur 150 000? J'imagine que, en
termes de masse salariale, ce n'est pas 76 000 sur 150 000. C'est à peu
près la moitié qui est comparable, mais, en termes de masse
salariale, quel est le pourcentage?
M. Bérubé: II faudrait s'entendre. Il y a à
peu près 100 000 employés pour lesquels nous pouvons comparer les
corps d'emplois au gouvernement, sur les 300 000 ou les 250 000 dont vous
parliez tantôt. Et, de ces 100 000, il y en a 75 000 ou 76 000 qui font
l'objet de comparaisons.
M. Scowen: Bon. Il y a 250 000...
M. Bérubé: ...employés du secteur
public.
M. Scowen: II y en a 150 000 qui sont comparables. Il y en a 100
000 qui sont comparés et la comparaison est faite sur la base de 75
000?
M. Bérubé: Non, pas tout à fait. Il y a 300
000 employés du secteur public, dont 50 000 qui sont non
syndiqués; on les met de côté. Il en reste 250 000 qui sont
syndiqués, n'est-ce pas?
M. Scowen: Oui.
M. Bérubé: Sur les 250 000 syndiqués, il y
en a 100 000 pour lesquels on peut retrouver l'emploi, la fonction, d'une
façon comparable, entre le secteur privé et le secteur public.
Et, sur ces 100 000, il y en a 75 000 pour lesquels on effectue une
comparaison.
M. Scowen: Quel était le sens du chiffre de 150 000 que
vous avez mentionné?
M. Bérubé: Ce que j'ai mentionné
tantôt, c'est la différence qu'il y avait entre les 100 000 et les
250 000. Il y avait 150 000 personnes pour lesquelles il n'y avait pas de
comparaison possible. On en expliquait déjà 100 000 avec les
infirmières et les enseignants.
M. Scowen: Quand vous faites ces comparaisons, vous comparez les
bénéfices marginaux aussi j'imagine? Est-ce que vous attribuez
une valeur à la sécurité d'emploi?
M. Bérubé: Dans les éléments qui sont
retenus dans la comparaison, ce qui est mentionné justement dans le
document qui a été rendu public et remis aux syndicats,
apparaissent ceux qui représentent les bénéfices marginaux
les plus représentatifs. Il y a une exception à cette
règle qui est la sécurité d'emploi, laquelle n'est pas
comprise dans les calculs. La raison, c'est la difficulté
d'évaluer correctement ce que pourrait représenter la
sécurité d'emploi. On sait qu'elle est certainement plus
avantageuse dans les secteurs public et parapublic que celle qu'on peut
retrouver dans le secteur privé. Par contre, il est difficile de mettre
un chiffre pour évaluer ce que cela pourrait représenter comme
pourcentage de la rémunération au taux régulier.
M. Scowen: La sécurité d'emploi est donc le seul
aspect de l'ensemble des bénéfices directs et indirects qui n'est
pas dans la comparaison?
M. Bérubé: C'est-à-dire le seul aspect
important.
M. Scowen: J'ai entendu, probablement...
M. Bérubé: Cela couvre à peu près 95%
ou 99% des bénéfices marginaux et, évidemment, on exclut
la sécurité d'emploi. Car la sécurité d'emploi
représente un coût très différent suivant que vous
êtes dans un secteur où vous avez des effectifs en surplus ou non.
Dans le réseau des Affaires sociales, où nous avons besoin
essentiellement de l'ensemble de nos effectifs, il s'agit peut-être de
les réallouer en fonction de besoins différents. Mais,
globalement, on peut dire que nous sommes en équilibre. La
sécurité d'emploi représente un coût moindre qu'au
secteur de l'éducation où nous avons une diminution de
clientèle et une augmentation de tâche qui vont se traduire par un
dégagement du surplus.
De la même façon, au gouvernement, il n'y avait pas
traditionnellement de problème de sécurité d'emploi en ce
sens qu'il n'y avait pas d'effectif mis en disponibilité. Souvent, on ne
peut pas normaliser la tâche, dans l'administration publique, à un
point tel qu'on puisse décider a priori s'il y a des effectifs de trop.
Cependant, lorsque nous appliquons des objectifs de compression plus
spécifiques - à titre d'exemple, si on décidait de
supprimer une mission gouvernementale spécifique - on risque de se
retrouver avec un nombre d'employés mis en disponibilité qui
excède le niveau que l'on peut résorber par simple attrition.
Lorsque nous appliquons une compression générale de 1% ou 2% de
l'effectif, comme nous avons actuellement un niveau d'attrition qui atteint 3%,
à peu près, au gouvernement, la compression
générale est inférieure à l'attrition, donc aux
départs normaux de la fonction publique. On peut imaginer que, si la
compression se fait de façon étalée et uniforme dans
l'ensemble du secteur public, elle pourra se résorber d'elle-même
grâce à l'attrition.
Cependant, il est possible que ce niveau de 1% ou 2% de compression soit
appliqué très ponctuellement. À ce moment-là, on se
retrouve avec un nombre de mises à pied dans un service, si l'on veut
utiliser l'expression, beaucoup plus élevé que ce que l'attrition
peut permettre d'absorber. C'est ce qui nous amène, depuis maintenant
quelques mois, à mettre en place une mécanique dite de banque
d'effectif où nous mettons cet effectif en disponibilité dans une
banque sans que les employés ne quittent leur travail ministériel
tant et aussi longtemps qu'on ne les a pas replacés ailleurs. Cette
banque nous permet de commencer à identifier ce qu'on peut appeler
maintenant des mises en disponibilité dans la fonction publique.
Avant que l'on mette en place une telle mécanique, on pouvait
dire que la sécurité d'emploi ne représentait aucun
coût au gouvernement puisqu'il n'y avait personne en
disponibilité. Donc, la notion de coût, associée à
la sécurité d'emploi, est directement reliée à la
politique administrative que l'on veut imposer. Si on veut accroître la
tâche de nos employés en réduisant leur nombre, si on le
fait rapidement, il y a nécessairement un problème de
sécurité d'emploi, donc un coût.
M. Scowen: Vous devancez mes questions avec vos réponses.
Je vais quand même y revenir.
M. Bérubé: J'anticipe, je devine.
M. Scowen: II y a des mauvaises langues qui disent que la
qualité de votre analyse laisse à désirer. Est-ce que vous
pourriez très brièvement expliquer l'argument de ces personnes,
qui sont certainement dans l'erreur, et me dire pourquoi elles sont dans
l'erreur?
M. Bérubé: C'est plutôt politique. Je ne sais
pas si M. Bessette veut se défendre, mais je vais le laisser
répondre et, après cela, j'interviendrai sur le fond de la
question.
M. Scowen: Je pose la question à n'importe qui.
Le Président (M. Laplante): Je vous dis cependant, M. le
ministre, que si ce que M. Bessette va déclarer est politique, c'est en
votre nom qu'il parle.
M. Bérubé: II va parler techniquement.
Le Président (M. Laplante): Tout de même, les
paroles qu'il prononce sont au nom du ministre et c'est toujours comme si
c'était le ministre qui parlait. Je pensais que c'était du tabac
que vous cherchiez.
M. Bérubé: La critique qui est faite quant aux
échantillons, c'est le fait de dire: Pourquoi le bureau de recherche
n'utiliserait-il pas des échantillons de type aléatoire
tirés au hasard, un peu comme cela pourrait se faire dans les sondages
d'opinion ou dans d'autres types de recherche ou d'étude dans ce
sens-là?
La réponse technique qu'on donne à cette argumentation,
c'est ceci: pour faire un échantillon de type aléatoire de ce
genre de tri, il faudrait avoir des listes d'établissements par corps
d'emploi. En d'autres mots, si je veux être capable de faire un
échantillon parfaitement aléatoire dans le domaine d'une
enquête sur les ingénieurs, il faudrait que je sache exactement
quelles sont les entreprises au Québec qui engagent des
ingénieurs. Il faudrait que j'en sache aussi la distribution, si l'on
veut, dans les différents secteurs économiques. En tout cas,
c'est ce genre d'information. (12 heures)
Ces données n'existent pas comme telles, de sorte que, pour s'en
aller - ce serait certainement un pas très positif - dans ce domaine, il
faudrait obtenir des données de l'emploi. Il y a eu des tentatives qui
ont été faites par Statistique Canada pour obtenir ce genre de
données. Cela n'existe pas. Ce qu'il faudrait faire, à ce
moment-là, c'est un pas en arrière, c'est-à-dire aller
faire un échantillon d'établissement. Nous, ce que nous avons
comme prétention, c'est qu'un échantillon d'établissement
ne nous donne aucune garantie que cet échantillon sera
représentatif par corps d'emploi. C'est pourquoi nous
préférons, en partant d'une liste d'entreprises importantes - ce
sont des entreprises, dans notre échantillon, de 500 employés et
plus - nous adresser à un échantillon où on est
susceptible de trouver les emplois qu'on obtient. Ce que nous ferons, c'est
que, d'après l'expérience qu'on a du domaine des enquêtes,
nous utiliserons d'autres sources de données - je pense à des
enquêtes qui viennent d'organismes comme le Bureau de recherche sur les
traitements du gouvernement fédéral ou d'organismes qui
mènent des enquêtes comme l'Ordre des ingénieurs - pour
savoir où sont les employeurs les plus importants. C'est là que
nous allons chercher l'information.
Ce qui fait que nous avons obtenu notre échantillon en prenant
une liste de toutes les entreprises de 500 employés et plus. On vise
à aller chercher 50% des employés dans ces entreprises et on
retient une entreprise sur trois.
On oriente - c'est pour cela que nous parlons souvent d'un
échantillon dirigé - la cueillette des données là
où on sait que l'information est disponible. Ainsi, on peut savoir que
les compagnies de papier engagent des ingénieurs, par exemple. Ce qu'on
fera, c'est qu'on tirera au hasard, dans les compagnies de papier, les plus
importantes, parce qu'on ne retient que les entreprises de 500 employés
et plus.
M. Scowen: J'imagine que...
M. Bérubé: Je compléterais sur l'aspect plus
politique. Je pense que si on devait juger de la façon de travailler du
Bureau de recherche en rémunération, on devrait dire qu'au lieu
de travailler à partir d'un échantillon aléatoire petit,
le Bureau de recherche en rémunération préfère
travailler littéralement sur quasiment toute la population. Car
lorsqu'on rejoint 50% des employés couverts dans un secteur
d'activité, on ne fait plus affaire avec un échantillon, on fait
pratiquement affaire avec la population, puisque, généralement,
un échantillon statistique - je pense par exemple aux études sur
les intentions de vote -rejoint rarement beaucoup plus que 1% d'une population
étudiée. Donc, l'échantillon pris par le Bureau de
recherche en rémunération tient davantage de la population que de
l'échantillonnage comme tel.
Je pense que ce qui est intéressant de souligner, c'est le genre
d'appui qu'on a pu lire dans le public venant d'autres chercheurs. J'avais
tantôt - j'ai malheureusement fait sauter la page - des notes.
Je pense qu'il faut d'abord souligner
que vous avez eu des études de professeurs d'universités.
M. Rondeau, M. Proulx et M. Fortin ont fait des études semblables au
Québec, évidemment avec moins de moyens, donc avec des
échantillons beaucoup plus petits. Ces études ont confirmé
essentiellement nos études.
Il y a également un comité de sept experts, dont quatre
universitaires, qui valident les conditions de travail du Bureau de recherche
en rémunération pour s'assurer que nos mesures sont bien
faites.
Je pourrais vous amener certains commentaires de chercheurs comme
André Bocage et Bernard Élie, qu'on pouvait lire dans le Devoir
du 10 avril 1979, où on disait que ces études étaient
extrêmement sérieuses. Je pourrais mentionner les travaux de M.
Paul Martel-Roy, qui soulignait que le travail fait par le Bureau de recherche
en rémunération était un véritable travail de
bénédictin qui se révèle aujourd'hui fort utile. Je
pourrais d'ailleurs vous souligner une étude fort récente de M.
Mario Rondeau qui, utilisant une approche différente pour
l'évaluation de telles comparaisons, tire des conclusions qui sont
essentiellement les mêmes. Tout ce que je pourrais dire, c'est que tous
ceux qui ont la moindre crédibilité dans le domaine ont
tiré les mêmes conclusions que le Bureau de recherche en
rémunération.
Ces méchantes langues dont vous parlez m'apparaissent relever
davantage de méchantes gens ayant peut-être des objectifs
politiques inavouables ou inavoués qui, par leurs déclarations,
pourraient tenter de suggérer des conclusions, mais je dois vous dire
que leurs déclarations ne reposaient malheureusement sur aucune
étude de quelque nature que ce soit. Vous avez raison de dire qu'il
s'agissait de méchantes langues au sens réel du terme.
M. Scowen: Je peux établir la crédibilité
des chercheurs au Québec par rapport au degré d'appui qu'ils
donnent à votre système, en gros. Est-ce que j'imagine qu'on
n'est pas seul au monde, au Canada, dans ce domaine du travail - le Conseil du
trésor, au fédéral ou en Ontario, font le même genre
d'étude? Je ne veux pas une réponse exhaustive, je veux
simplement savoir si vous avez comparé les résultats à
d'autres systèmes, d'autres études du même genre qui ont
été faites, pour essayer d'établir s'il existe une
concordance?
M. Bérubé: En fait, il existe l'organisme qui
produit des études au gouvernement fédéral, qui est le
Bureau de recherche sur les traitements, qui travaille non pas seulement pour
la partie patronale, il travaille aussi pour la partie syndicale. Le Bureau de
recherche sur les traitements utilise une méthodologie très
semblable à la nôtre au niveau des échantillons, utilise la
même approche que je vous mentionnais tantôt, c'est-à-dire
des échantillons dirigés. On a eu l'occasion de comparer des
résultats, c'est-à-dire les données du Québec pour
l'enquête du Bureau de recherche sur les traitements. L'enquête
s'appelle Autocods. En utilisant les appariements que le gouvernement
fédéral fait lorsqu'il vient nous visiter comme employeur, les
résultats de ces enquêtes concordent, sont du même ordre. Ce
n'est pas un élément de surprise parce que lorsque le bureau a
été créé, en 1974, les premières
expériences de recherche, on les a faites conjointement avec les gens du
Bureau de recherche sur les traitements parce que l'expérience
était à ses débuts ici, de sorte que plusieurs des
méthodologies qu'on a retenues viennent directement du gouvernement
fédéral. Il y a d'autres organismes; des organismes
d'enquête, comme Hay, Chapman, pour n'en nommer que quelques-uns,
où des employeurs qui font des enquêtes - je pense à Bell
Canada - utilisent des méthodes très semblables. Ils viennent
enquêter chez nous, au bureau de recherche, pour qu'on puisse
répondre au nom du gouvernement. On a ces études. On est à
même de valider et de comparer nos résultats en regardant les
résultats de ces enquêtes.
M. Scowen: Si je peux maintenant passer à l'autre
élément de cette comparaison, le ministre nous dit qu'en 1985,
les salaires seront ramenés à un niveau où il y aura un
écart de 0,5%.
M. Bérubé: En tenant compte de certaines
hypothèses, c'est-à-dire en présumant que les
prévisions d'avril dernier du Conference Board quant à
l'évolution de la rémunération hebdomadaire moyenne au
Canada serait respectée et en présumant que l'évolution
des salaires au Québec serait identique à la moyenne au Canada,
évidemment, en comparant avec les termes de notre convention
collective.
M. Scowen: Qu'est ce que vous pouvez me dire, à la suite
de vos études, sur la productivité? C'est l'autre
côté. En 1985, quelle comparaison serez-vous capable de faire
entre la productivité des gens dans le secteur public, qui font un
travail comparable, à celle du secteur privé? Je pense que vous
allez admettre que l'une sans l'autre, ce n'est pas une évaluation
complète.
M. Bérubé: Les études de productivité
sont extrêmement difficiles à faire sur une base comparée.
D'une part, parce qu'il faut s'assurer qu'il s'agit bien des mêmes
tâches; on peut simplement comptabiliser le nombre d'employés du
secteur public, le ramener per capita et tirer certaines conclusions, mais
ces conclusions pourraient être totalement erronées parce
qu'il y a plusieurs façons de comptabiliser. Il y a, par exemple, en
Ontario, des professeurs qui relèvent directement du gouvernement de
l'Ontario, ce qui n'est pas le cas, évidemment, au Québec,
où ils relèvent des commissions scolaires. Nous n'avons que
très peu de professeurs. Donc, on peut se retrouver avec des bases de
comparaison qui ne sont pas véritablement valables.
Le premier problème, dans une comparaison, c'est d'arriver
à ajuster les mandats confiés à différents
appareils gouvernementaux pour les ramener sur une base qui soit
véritablement comparable. Il y a des choses relativement plus faciles
à faire. Dans le secteur hospitalier par exemple comme en
général les fonctions de soins aux patients sont des fonctions
qui se reproduisent...
M. Scowen: Si le ministre me permet, j'ai l'intention de revenir
aux deux secteurs qui ne sont pas comparables. La question que j'ai
posée est dans le sens des comparaisons que vous faites avec les 76 000,
si vous voulez.
M. Bérubé: II n'y a pas d'étude de
productivité de faite.
M. Scowen: Cette partie n'est pas faite.
M. Bérubé: On ne peut pas faire d'étude de
productivité comparée pour des fonctionnaires à moins de
faire des études d'ergonomie et d'ergonométrie pour arriver
à mesurer exactement la tâche de chaque fonctionnaire et aller
faire une comparaison équivalente, ce qui est absolument immonde comme
travail. Il n'y a aucune étude de productivité
comparée.
M. Scowen: II me semble, à première vue, que c'est
une faille importante parce que vous avez les deux éléments. L'un
sans l'autre n'est pas capable de vous donner une comparaison entre les
coûts du secteur public et ceux du secteur privé. Le ministre, par
exemple, peut faire une déclaration très impressionnante en 1985,
qu'il est arrivé au point où les salaires dans le secteur public
sont maintenant égaux basés aux autres sur vos critères et
acceptés par tous les chercheurs crédibles au Québec et,
on pourra encore avoir les coûts du secteur public beaucoup plus
élevés que dans le secteur privé pour les mêmes
activités et pour le même travail. J'ai l'impression qu'il y a des
choses à faire.
M. Bérubé: Ce dont on peut parler, c'est de
l'évolution des effectifs. Ce qui est clair, c'est qu'à l'heure
actuelle vous voyez le nombre d'employés du secteur public
décroître, par exemple, dans l'administration publique. Dans la
mesure où les mandats n'ont pas été modifiés
essentiellement, les lois n'ont pas été abolies, la
réglementation n'a pas été modifiée de façon
significative, il faut donc tirer la conclusion que l'appareil étatique
est plus productif et mieux organisé sur le plan organisation du travail
qu'il ne l'était il y a cinq ans; on peut au moins tirer cette
conclusion. Mais, si vous nous demandez: Est-ce que vous faites des
études de productivité comparée avec l'Ontario? c'est non.
J'ai déjà vu des résultats préliminaires sur le
nombre d'employés engagés en Ontario dans des missions proprement
comparables. Lorsqu'on regarde le nombre d'employés en Ontario par
rapport à la population, on se rend compte qu'il y a moins
d'employés du secteur public ou d'employés gouvernementaux per
capita qu'au Québec, c'est clair. Toutefois, lorsque l'on élimine
les agences gouvernementales - il n'y pas de régie d'assurance
automobile en Ontario - lorsqu'on défalque, c'est un ensemble de
missions gouvernementales que l'on ne retrouve pas en Ontario. Lorsque,
également, on fait attention de ne pas comptabiliser en Ontario des
professeurs que l'on ne comptabilise chez nous, lorsque l'on tient compte, en
réduisant encore davantage les effectifs ontariens, on arrive à
la conclusion qu'il y a pour des missions comparables à peu près
6% ou 7% d'écart entre le nombre d'employés du secteur public au
Québec et en Ontario. Et, comme nous aurons effectivement réussi
à réduire les effectifs dans le secteur public d'à peu
près 5% ou 6% ou 7% d'ici peu de temps, on pourrait donc conclure que,
s'il n'y a pas eu de mesures semblables aux mesures qui ont été
prises au Québec, l'on va se retrouver avec un nombre d'employés
per capita essentiellement comparable à celui de l'Ontario. Mais,
attention, ceci présume qu'il n'y a pas en Ontario, à l'heure
actuelle, un effort comparable à ce qui est fait au Québec. Je
crois que c'est la réalité.
M. Scowen: Je vais essayer juste une dernière fois
d'obtenir une réponse à ma question qui ne touche pas la
comparaison avec le secteur public en Ontario. Vous avez décidé
de faire une comparaison entre certaines postes et certains occupations qui se
trouvent également dans le secteur public et dans le secteur
privé. Vous avez 76 000 personnes qui travaillent dans des postes qui
ont des équivalents à l'extérieur. Vous avez
comparé les salaires. Si je comprends bien jusqu'ici, vous n'avez fait
aucun effort pour comparer la productivité dans les tâches de ces
76 000 personnes. Les études qui sont faites jusqu'à ce jour
portent uniquement sur les salaires. (12 h 15)
M. Bérubé: Ce sont des études de
rémunérations où l'on compare des structures salariales
avec des structures salariales, c'est un fait.
M. Scowen: Je comprends un peu ce domaine. N'est-il pas possible
d'imaginer, si vous avez trouvé des emplois comparables, la
possibilité de comparer non seulement les salaires, mais ce que font les
gens? Je parle uniquement des 76 000 personnes. Je demande au ministre de ne
pas parler des autres postes, mais seulement de ces 76 000 personnes.
M. Bérubé: Le problème, c'est qu'on a des
éléments mineurs de productivité, comme le temps
chômé qui entre dans la comparaison, qui ramène aux
mêmes bases le travail effectué dans le secteur privé et
celui effectué dans le secteur public. Le problème de comparer,
c'est qu'il faut essayer de mesurer le "output" des deux systèmes. Je ne
dis pas que c'est infaisable, mais ce serait certainement très
complexe.
On commence, évidemment, à s'intéresser très
sérieusement au phénomène de la productivité. On a
entrepris une série d'études considérables, les
études horizontales sur des grandes fonctions que l'on retrouve dans
tous les ministères, par exemple, toute la gestion du personnel, la
comptabilité, l'informatique, l'organisation et la méthode, les
communications. Nous essayons de comprendre et de mesurer pour chacune de ces
fonctions le nombre de personnes et la nature des productions et de les
comparer d'un ministère à l'autre, de façon à
pouvoir déjà discerner des variations et en tirer ce qu'on
pourrait appeler une productivité cible. Quelle est la meilleure
productivité dans ces fonctions qui se retrouvent partout dans
l'organisation pour le gouvernement comme tel, les emplois dont on parlait,
premièrement?
Il est clair aussi que l'on va tenter de la valider, une fois qu'on aura
trouvé notre productivité cible sur laquelle les autres devraient
théoriquement s'aligner, par rapport à ce qui peut se faire en
Ontario et, peut-être, à ce qui se fait dans le secteur
privé, mais cela ne prendra pas l'allure d'une enquête aussi
complexe que celle qui est faite par le bureau de recherche. Ce seront des
éléments de validation parce qu'il nous apparaît plus
rentable actuellement de procéder en mettant une pression constante sur
la ressource. On ne peut pas se tromper beaucoup en disant que, si l'on
réduit la ressource et que l'on exige un "output" comparable, la
productivité va s'accroître. Pour être sûr, cependant,
dans les secteurs qui sont mesurables, on est actuellement au stade de la
compilation des renseignements sur les études horizontales. Alors, c'est
un peu l'approche que l'on prend.
M. Scowen: J'aimerais seulement poser une dernière
question au ministre dans ce secteur. Il a parlé d'environ 85
illégalités, avec des hypothèses. Si je comprends bien,
l'objectif politique, c'est d'accorder aux gens du secteur public une
rémunération égale à celle du secteur privé.
Si c'est le cas, j'aimerais savoir si j'ai raison et pourquoi cette
égalité a été établie comme objectif. Y
a-t-il des raisons plus compliquées que celles qui sont
évidentes, à savoir que pour les mêmes postes les gens
doivent recevoir un traitement égal dans les deux secteurs? Est-ce
à ce moment que l'on doit tenir compte des autres avantages qui ne sont
pas mesurables dans le secteur public ou dans le secteur privé? Si vous
réussissez à ramener les salaires à un niveau égal,
pensez-vous que vous serez en mesure de dire: Mission accomplie?
M. Bérubé: II y a deux raisons qui sous-tendent
cette poursuite de l'objectif de parité salariale ou de parité de
rémunération, devrais-je dire, puisqu'il ne s'agit pas
nécessairement de parité salariale. D'une part, il y a un
principe d'équité dans la mesure où nos concitoyens
doivent payer les impôts et les taxes qui permettent de maintenir
l'appareil de l'État qui dispense les services, il ne m'apparaît
pas équitable de demander à quelqu'un qui est moins bien
rémunéré de devoir se taxer davantage pour offrir à
son concitoyen qui fait exactement le même travail que lui un niveau de
rémunération supérieur.
Il n'appartient donc pas à quelqu'un de plus pauvre de devoir se
saigner pour garantir des conditions travail meilleures à une autre
personne mieux nantie. C'est un principe d'équité assez
évident. Il est donc normal que deux personnes accomplissant le
même travail, dans des conditions comparables, reçoivent un niveau
de rémunération également comparable. Il n'y a donc pas
d'injustice: les deux employés sont fondamentalement égaux devant
la loi et devant l'impôt. C'est donc un principe d'équité
qui sous-tend l'objectif.
Deuxièmement, l'État est sur le marché de l'emploi
comme un autre employeur et doit donc bénéficier d'un pouvoir
d'attraction et de rétention de ses effectifs qui, à ce moment,
l'oblige à tenir compte du marché. Il est clair que si le
gouvernement offre des rémunérations plus élevées
que celles du secteur privé, il pourra attirer davantage; mais en
même temps il mettra les entreprises qui sont en concurrence avec lui
dans une situation relative de faiblesse puisqu'il est toujours placé
dans une position où il peut taxer ses concurrents de manière
à se donner un avantage comparatif.
Il s'agit donc à nouveau, pour l'État, de maintenir un
pouvoir d'attraction ou de rétention qui ne l'amène pas, au
même
moment, à bénéficier d'un avantage comparatif indu
ou d'une capacité concurrentielle anormale. Donc, au nom de la
concurrence saine sur le marché du travail, on peut également
viser un objectif de parité. Il y a ainsi deux principes sous-jacents:
l'équité de tous les citoyens face à l'État, qu'ils
soient du secteur privé ou du secteur public, l'équité de
traitement dis-je, et une saine concurrence qui doit également exister
entre le secteur privé et le secteur public sur le marché du
travail.
Le secteur de l'enseignement
M. Scowen: Très bien. Maintenant j'aimerais passer
brièvement au secteur de l'enseignement où les critères
sont différents, si je comprends bien. Selon son rapport
préliminaire, le ministre s'est donné comme objectif de ramener
le ratio enseignant-élèves au niveau de l'année 1977, si
ma mémoire est bonne.
M. Bérubé: À la fin de la convention
collective signée en 1973 essentiellement.
M. Scowen: Cette problématique contient certainement
d'autres éléments. Le ministre a mentionné aussi qu'il
pensait qu'à la fin de la convention collective les coûts de
l'enseignement au Québec, si j'ai bien compris ses commentaires, seront
égaux à ceux de l'Ontario, abstraction faite de certains faits
structurels tels que le transport scolaire et la méthode de
comptabilisation de la dette.
Selon ma compréhension, dans le cas présent les
critères sont: le coût de l'enseignement per capita dans la
province de l'Ontario. Ce serait l'objectif que le ministre désirerait
atteindre d'ici la fin de son mandat actuel. Non? Alors quel est
l'objectif.
M. Bérubé: L'objectif était essentiellement
de demander un effort de la part du secteur de l'éducation qui soit
comparable à ce que nous demandions au niveau des affaires sociales par
exemple.
Nous aurons demandé, sur une période de 5 ans, dans le
réseau des affaires sociales un effort de réduction des
dépenses d'environ 9%. Nous voulions un effort sensiblement
équivalent dans le secteur de l'éducation, qui n'avait pu
à date ne fournir qu'un effort d'environ 4%. La raison est que les
contraintes résultant de l'application des conventions collectives lient
directement les effectifs d'enseignement, qui représentent plus de 80%,
je pense, du coût de l'éducation, au nombre d'élèves
à qui on doit dispenser l'enseignement. Ce qui, à ce
moment-là, implique une rigidité qui ne permet pas la recherche
d'un accroissement de productivité, par exemple.
M. Scowen: Comment le ministre peut-il définir le mot
"effort"? Qu'est-ce que cela veut dire? Quel est le sens précis que l'on
donne à cette expression "un effort a été fait dans les
Affaires sociales"? Vous voulez faire le même effort. On cherche la
définition du mot "effort". Un effort, quant à moi, implique un
processus, mais quel est l'objectif? L'effort est-il de réduire les
dépenses actuelles d'un certain pourcentage équivalant aux
coupures qui ont été faites à l'intérieur d'autres
secteurs?
M. Bérubé: Oui, essentiellement. D'ailleurs, vous
l'avez dans les renseignements supplémentaires du cahier des
crédits. Vous avez la réduction des dépenses dans le
réseau des affaires sociales, dans le réseau de
l'éducation et dans les ministères. Vous constatez, en 1983-1984,
que le réseau des affaires sociales a consenti un effort de
réduction des dépenses d'environ 3,9% plus 3,8%, cela veut dire
7,7%, auxquels s'ajoutent, en 1983-1984, 0,6%, donc, environ 8% d'effort en
trois ans.
Cependant, si vous comparez avec l'effort de réduction des
dépenses dans le réseau de l'éducation, il est de 2,5% en
1981-1982; 1,2% en 1982-1983 et de 2,4% en 1983-1984; si j'enlève
l'année 1983-1984, il était donc essentiellement de 3,7%. Donc,
l'effort de compression des dépenses dans le secteur de
l'éducation avait été, jusqu'à cette année,
nettement inférieur à ce qui avait été consenti
dans le réseau des affaires sociales et, d'ailleurs, à ce qui
avait été consenti également aux ministères.
L'objectif est donc d'accroître, si on veut, la
productivité et la tâche dans le secteur de l'éducation, de
manière à réduire les coûts de l'éducation.
Tout ce que je dis est que l'effort qui aura été demandé
ramènera essentiellement la charge de travail, si on relie cette charge
de travail au nombre d'enfants en moyenne par professeur, telle que
mesurée par le ratio, à peu près au niveau où elle
était en 1976-1977.
M. Scowen: À première vue, je trouve cette
façon de procéder un peu moins cohérente que pour l'autre
cas. J'imagine que vous demandez à deux personnes ou à deux
groupes de faire un effort. Vous établissez comme point de
départ, au moment où l'exercice commence, que les deux personnes
fassent également le même effort, que le "gras" qui existe, si
vous voulez, dans les deux systèmes est équivalent.
Est-ce que vous avez pris la peine d'établir, avant que le
premier effort ait été fait dans le domaine des affaires
sociales, que le manque d'effort était équivalent dans les deux
systèmes?
M. Bérubé: D'abord, lorsqu'on parle de "gras" -
c'est l'expression que vous avez
utilisée - soyons bien clairs: Il n'y a pas de critères
absolus en ce qui a trait au niveau des dépenses dans un secteur. Il est
évident...
M. Scowen: J'ai choisi votre expression "le vif et le gras"
utilisée au Sommet économique à l'Auberge des gouverneurs.
Ce sont des expressions que j'ai apprises de vous.
M. Bérubé: Non, ce ne sont pas les miennes. Je
disais donc qu'il n'y a pas de critères absolus quant à l'effort
que l'on peut demander à un employé. Il est bien évident
que, si on réduit le nombre d'enfants dans une classe, on peut permettre
à un professeur de disposer davantage de temps pour préparer ses
cours et il peut en résulter une amélioration de la
qualité de l'enseignement. Donc, l'effort portera sur une
amélioration de la pédagogie plutôt que sur le nombre
d'élèves à encadrer. (12 h 30)
Quel montant doit-on consacrer à ce moment-là à des
services publics? Il n'y a pas de limite à l'amélioration de la
qualité des services publics. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que
je pourrais doubler les employés dans les hôpitaux du
Québec de manière à disposer d'un service encore plus
léger, plus agréable, plus souriant, moins lourd a porter pour
les employés, donc forcément meilleur, sans doute meilleur, pour
les patients. Il n'y a donc pas de limite au peu d'effort qu'on peut demander
à des employés travaillant dans le domaine des services. Pour en
arriver à déterminer si oui ou non on peut demander un effort
accru, il n'y a qu'une façon. C'est de regarder ce qui se fait ailleurs,
de porter un jugement de valeur sur la qualité du système. Est-ce
qu'en Alberta, en Colombie britannique, en Ontario le système
hospitalier est de moins bonne qualité? Si on tire la conclusion qu'il
semble d'assez bonne qualité, d'une qualité raisonnable, qu'on
s'en contenterait au Québec, à ce moment-là on peut faire
les comparaisons.
Qu'est ce que les comparaisons qui ont été faites depuis
quelques années ont révélé? À peu
près systématiquement, par exemple, dans le secteur hospitalier
au niveau du nombre d'employés par lit, 10% de plus pour le nombre
d'heures travaillées. Dans le secteur de l'éducation, on devait
constater qu'alors qu'il y a un professeur pour 21 élèves en
Ontario au Québec nous étions arrivés à 1
professeur par 16,8 élèves. À nouveau il faut bien
constater que la tâche de nos enseignants en termes de nombre
d'élèves dont il doivent s'occuper ou du nombre de cours qu'ils
doivent donner -parce que finalement cela se traduit par une tâche
d'enseignement - est plus légère au Québec qu'en Ontario
et plus légère que partout ailleurs dans le monde puisqu'il faut
quand même reconnaître que toutes les études faites par
Statistique Canada nous indiquent, année après année, que
le nombre de dollars dépensés per capita au Québec pour
l'éducation est plus élevé que dans n'importe quelle autre
province canadienne, d'une part, et que le Canada est le pays qui consacre le
plus grand pourcentage de son produit intérieur brut à
l'éducation. Il faut donc tirer la conclusion que le Québec
dépense sans doute la somme la plus élevée au monde pour
l'éducation de ses enfants.
C'est un constat et à partir de ce constat, si vous
décidez que vous devez réduire vos dépenses - il y a une
décision politique à prendre, vous devez décider si vous
augmentez le déficit ou si vous augmentez les taxes ou si vous
réduisez vos dépenses - si vous réduisez vos
dépenses, vous allez donc faire porter cet effort de réduction
partout où vous percevez une différence dans le coût des
services par comparaison à des coûts que vous pouvez mesurer
ailleurs. Or chaque fois que nous pouvions faire des comparaisons, nous devions
reconnaître que dans le secteur de la santé, nos coûts
étaient plus élevés; dans le secteur de
l'éducation, nos coûts par élève ou nos coûts
per capita étaient plus élevés; dans l'administration
publique - ce que je vous soulignais tantôt - nos coûts
étaient également plus élevés.
C'est donc à partir de cette analyse-là qu'on a pu tirer
effectivement la conclusion qu'il y avait une différence importante. Par
exemple, par étudiant au Québec le primaire-secondaire nous
coûte 652 $ de plus qu'en Ontario. On peut relier cela - je pense que ce
sont des chiffres de 1980, c'est 335 $ - à la fois au salaire et au
nombre d'enseignants. On pouvait relier cela au transport scolaire qui
représentait 90 000 000 $ d'écart. On pouvait également
relier cela au service de la dette pour 183 000 000 $. On pouvait relier cela
au coût de la sécurité d'emploi. On peut identifier des
raisons qui font qu'effectivement les coûts de certains services publics
sont supérieurs au Québec à ce qu'ils sont ailleurs.
Dans la mesure où vous avez pris la décision de
réduire vos dépenses, à ce moment-là il est clair
que, s'il nous en coûte plus cher pour donner le même service,
c'est donc qu'il doit y avoir moyen de réorganiser ces services de
manière qu'ils coûtent moins cher. Vous demandez donc un effort
qui est sensiblement comparable. Il est clair que l'effort que nous devions
demander dans le secteur de l'éducation devait être plus
élevé que celui que nous devions demander ailleurs. En pratique,
nous avons choisi de ne demander que ce que vous avez maintenant sur la table,
c'est-à-dire un effort qui sera sensiblement comparable à celui
des affaires sociales. Certains pourraient dire que ce que
nous avons demandé comme effort additionnel dans le secteur de
l'éducation est insuffisant, qu'il faudrait aller plus loin, que le
coût de notre système en termes de masse salariale pour les
enseignants sera encore supérieur à ce qu'il est en Ontario
-à partir des chiffres que nous avons, c'est ce qu'on pourrait conclure
en ce moment -qu'on n'a pas exigé suffisamment, sauf qu'on a
estimé que c'était raisonnable d'essayer de ramener l'effort
demandé à nos employés dans le secteur de
l'éducation à peu près au niveau où il était
à la fin de 1975-1976.
M. Scowen: Vous me donnez la tentation, à laquelle je me
soumets...
M. Bérubé: Résistez, résistez, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: ...de retourner brièvement aux critères
que vous avez établis pour les secteurs comparables qui sont surtout
à l'extérieur des deux grands réseaux. Dans les
réseaux où il y a des institutions plus ou moins autonomes
à qui vous accordez des budgets, vous leur donnez le choix, vous leur
donnez même l'obligation d'augmenter la productivité, parce que le
critère que vous avez établi pour ces compressions, c'est un
effort de compression budgétaire. Mais, dans d'autres domaines dont on a
parlé tantôt, vous n'exigez pas cette même compression. Vous
dites: On ne va pas regarder la masse, on va simplement comparer les salaires.
Si les salaires sont égaux, on va dire: Mission accomplie. Moi, j'aurais
pensé que vous auriez pu dire les mêmes choses aux secteurs qui ne
sont pas dans les grands réseaux et leur dire d'accepter... Prenons
l'Assemblée nationale, dont je fais partie des coûts. Si vous
dites...
M. Bérubé: On peut régler votre
problème, si vous voulez.
M. Scowen: C'est notre problème, parce que vous en
êtes membre aussi.
M. Bérubé: Vous feriez un objectif de compression
absolument idéal.
M. Scowen: Si vous disiez: On demande une compression X au
réseau des affaires sociales, on demande une compression égale au
secteur de l'éducation et, mesdames et messieurs de l'Assemblée
nationale, on exige de vous la même compression, arrangez-vous avec votre
productivité. Mais, non, vous n'avez pas fait cela. Vous avez dit: En ce
qui vous concerne, je veux simplement vérifier que tous ici ont des
salaires équivalents et, en ce qui concerne la productivité, cela
ne nous concerne pas. Or, les institutions, les réseaux, eux doivent
s'occuper de la productivité.
M. Bérubé: C'est inexact. Au contraire...
M. Scowen: Je ne comprends pas.
M. Bérubé: Non, c'est inexact. Au contraire,
l'effort demandé à l'appareil gouvernemental est supérieur
à l'effort demandé dans les réseaux. En 1985-1986,
à la fin de cet effort de rationalisation des dépenses, l'effort
global demandé dans le réseau des affaires sociales aura
représenté une réduction des dépenses de 8,9%, dans
le réseau de l'éducation, de 9,1% et, dans les ministères,
de 15,6%. Donc, c'est un effort nettement plus élevé
d'accroissement de la productivité.
Pourquoi plus d'efforts demandés dans l'administration publique
que dans les réseaux? Il n'y a pas vraiment d'absolu là-dedans,
il y a des opinions. D'une part, le réseau des affaires sociales et le
réseau de l'éducation dispensent directement des services
à la population. Ils sont en contact direct, immédiat, avec une
population et ils doivent être disponibles pour leur donner des services
de qualité, alors qu'au gouvernement on fait davantage de la gestion, de
la rationalisation, du contrôle. Une société peut se passer
de contrôle; pas intégralement, mais elle peut réduire le
niveau de contrôle, trouver des façons plus efficaces de
contrôler. Donc, il est sans doute plus facile de sabrer dans l'appareil
administratif de réglementation, ce qui, parfois même,
représente une amélioration pour les citoyens. Si vous
déréglementez parce que vous n'avez pas l'effectif suffisant pour
exercer un contrôle a priori, il se peut qu'effectivement, globalement,
au plan de la société, on soit avantagé.
Donc, un objectif de compression dans l'appareil administratif peut se
traduire par des avantages pour la société. Ce n'est pas tout
à fait la même chose que d'accroître la tâche d'un
enseignant. Là, on ne peut pas dire que c'est avantageux pour la
société si ce n'est qu'elle va payer moins cher pour
l'éducation de ses enfants et qu'elle va pouvoir utiliser ces sommes
à d'autres fins. Or il est clair que si j'accrois la tâche d'un
enseignant, mon objectif n'est pas d'améliorer la qualité de
l'éducation, c'est un objectif de réduction des coûts.
Cela, je pense qu'on ne l'a jamais caché. Donc, un accroissement de la
productivité dans un hôpital ou dans une école ne peut
avoir le même objectif qu'un accroissement de la productivité au
gouvernement. Cela nous amène à revoir les mécanismes de
gestion qu'on expliquait tantôt: nous, effectuons une série
d'études horizontales, par exemple, au niveau des directions de
communication, de gestion du personnel, pour voir dans quelle mesure on ne
pourrait pas alléger le processus et faire en sorte qu'on ait un
appareil gouvernemental tout aussi et même plus avec moins de
monde.
L'effort demandé au niveau de l'appareil administratif est plus
important que ce qui est demandé dans les réseaux, mais je pense
qu'il peut se justifier. À nouveau ce que je vous donnais tantôt
comme chiffres j'ai pu retrouver les notes auxquelles je faisais
référence... Une comparaison faite au niveau de la fonction
publique nous avait amené, lorsqu'on tenait compte de toutes les
missions gouvernementales différentes, lorsqu'on défalquait
certains employés qui relevaient de l'État à un endroit et
non à l'autre, on arrivait à la conclusion - je l'émets
sous toute réserve puisque l'étude ne peut pas être
parfaitement rigoureuse - qu'il y avait à peu près 7,6% de plus
de fonctionnaires au Québec qu'en Ontario. Il est clair qu'avec l'effort
en cours, on va maintenant avoir moins de fonctionnaires per capita pour des
services équivalents qu'en Ontario. Je ne suis pas convaincu pour autant
que, parce que nous aurons moins d'employés pour donner les mêmes
services, nous aurons des services de moindre qualité. Il est possible
que nos services soient de meilleure qualité.
À nouveau c'est une hypothèse, c'est-à-dire qu'il y
a une limite à ce qu'on peut faire dans la réduction d'effectifs.
Mais également - et là je mets en garde l'Opposition - une des
tendances normales de toute opposition c'est de surveiller la gestion
gouvernementale, d'essayer d'identifier toute erreur de gestion et de
s'étonner de ce que le gouvernement n'ait pas pris les moyens
nécessaires pour mieux contrôler les dépenses
publiques.
À titre d'exemple je me souviens d'un célèbre
scandale - je suis à la commission des engagements financiers - de ces
célèbres mini-scandales que l'Opposition nous trouve à
intervalles je dirais assez réguliers, parce qu'elle a de la
misère à en trouver. De temps en temps elle trouve une
dépense mal faite et il y en a évidemment. Elle s'étonne
qu'il n'y ait pas un contrôle suffisant. La logique d'une telle attitude
de la part de toute Opposition - puisque nous faisions sans doute la même
chose lorsque nous étions dans l'opposition - c'est d'accroître
les mécanismes de contrôle gouvernementaux et par
conséquent d'alourdir l'appareil de l'État.
Donc, il y a une sorte de contradiction dans cette manie qu'ont les
parlementaires -et je dirais en général les médias - de
vouloir un système qui garantit a priori qu'il n'y ait jamais d'erreur.
Cela suppose la mise en place d'un contrôle bureaucratique
épouvantable à un coût considérable. Il faut
accepter un certain risque et trouver des mécanismes de contrôle
qui sont peut-être davantage a posteriori, où on fait davantage
appel à l'imputabilité, la responsabilité des
gestionnaires, avec des mécanismes de pénalisation quand il y a
erreur, et en acceptant l'erreur à ce moment-là, je pense.
M. Scowen: Est-ce que je peux demander au ministre - on a
seulement deux heures pour l'étude de ces crédits et je veux
m'informer sur les questions les plus précises possible - s'il peut
garder ses commentaires, et répondre aux questions que j'ai
posées? On va faire des commentaires à la fin, vous et moi.
J'aimerais, dans les brefs moments que nous avons, avoir les réponses
les plus précises possible parce que c'est la seule occasion que j'ai de
poser des questions.
M. Bérubé: La précision de mes
réponses est directement reliée à la précision des
questions.
Les dépenses gouvernementales
M. Scowen: D'accord. Je passe à la page 68 du discours sur
le budget, tableau 4, qui est si vous le voulez le "bottom line" de tout cet
exercice. C'est la seule indication que nous avons quant à
l'évolution probable des revenus et dépenses et du déficit
pour les trois prochaines années. Je ne ferai pas de commentaire sur
l'ampleur de ces renseignements parce que je ne veux pas de commentaire du
ministre là-dessus. Je veux simplement vérifier ce que, je pense,
votre secrétaire m'a dit: Ces prévisions des revenus et
dépenses pour 1983-1984, 1984-1985 et 1985-1986 sont faites en fonction
d'aucune volonté politique additionnelle d'un côté ou de
l'autre; ce sont simplement les projections des revenus et dépenses - je
parle pour le moment des dépenses - qui vont se réaliser à
la suite des décisions politiques et des conventions collectives qui ont
été déjà signées. En 1985-1986, les
dépenses seront de 27 400 000 000 $, si on continue avec les mêmes
programmes qui sont déjà en vigueur. Si tout ce que le ministre
nous a dit arrive, les contrats collectifs actuels, on va se retrouver avec des
dépenses et des revenus comme cela en 1995. Est-ce que c'est cela? La
question que je pose... (12 h 45)
M. Bérubé: À une exception.
M. Scowen: À une exception.
M. Bérubé: Ce que vous avez dit est exact,
c'est-à-dire que c'est la projection mécanique de nos
dépenses en évaluant l'évolution des clientèles
dans les programmes gouvernementaux, évolution naturelle et sans
contrainte, et en introduisant les paramètres économiques quant
à l'évolution, par exemple, du coût de la vie pour le
calcul et la détermination des dépenses, à une exception
près: ces prévisions incorporent un programme de gain de
productivité qui représente à peu près
1,5% de gain de productivité désiré, année
après année, et qui implique une contrainte, en partant, sur le
système pour le forcer à avoir une meilleure performance à
chaque année.
M. Scowen: Dans le cas des revenus, c'est une projection des
taxes qui sont en vigueur aujourd'hui, les 40% sur l'essence, les impôts
au taux actuel, etc.?
M. Bérubé: 0e dirais oui, bien que c'est une
question qui devrait être adressée au ministre des Finances.
M. Scowen: Ah bon!
M. Bérubé: Je m'occupe des dépenses.
M. Scowen: Oui. Est-ce que vous êtes en mesure de me dire,
oui ou non, que c'est fait, probablement?
M. Bérubé: On me dit que c'est à structure
fiscale constante.
M. Scowen: Je voudrais faire un très bref commentaire,
probablement que le ministre sera d'accord avec moi. Arriver d'ici trois ans
avec un fardeau fiscal qui est, d'après tout le monde, trop
élevé - je ne demande pas au ministre de l'accepter, le ministre
des Finances l'a déjà dit et la population est d'accord...
M. Bérubé: Effectivement il est revenu à peu
près à un niveau semblable à ce qu'il était en
1976, à la fin de l'administration libérale, et je suis
absolument d'accord avec vous que c'est trop élevé.
M. Scowen: D'accord. On va avoir encore un déficit de 3
000 000 000 $ qui n'est pas tout à fait le déficit de 1976,
même en tenant compte du taux d'inflation. Je pose cette question par ce
que je veux revenir à un troisième élément de la
volonté politique de rendre les dépenses du secteur public
à un niveau plus compatible avec la capacité de payer de nos
citoyens. La capacité de payer, c'est réfléchi dans les
taxes. Nous avons parlé, jusqu'ici, d'un effort pour réduire le
coût des services existants. Est-ce qu'au sein du Conseil du
trésor vous avez comme mandat d'examiner l'utilité des services
comme tels et de proposer ou même d'insister pour que certains services,
certaines directions, certaines activités gouvernementales soient
réduits ou même éliminés? Est-ce que cela fait
partie de votre mandat? Si oui, est-ce que vous pouvez me donner un bref
résumé de vos intentions dans ce domaine dans un prochain
avenir?
M. Bérubé: La technique de préparation des
budgets fait davantage appel à l'initiative des ministères, d'une
part, et à la prise de décisions politiques par le gouvernement.
Je m'explique. Ce que nous faisons, c'est que nous demandons aux
ministères d'identifier, dans leur budget, un certain pourcentage
d'activités. Par exemple, nous pourrions dire - c'est ce que nous
faisons cette année - si le gouvernement devait décider de vous
imposer 1% de réduction de vos dépenses, donnez-nous, par ordre
de priorité décroissante, les dépenses que vous
supprimeriez. On peut également leur poser la question avec une
réduction de 2%, de 3%, de 4%, de 5% et de 15%. Ce qui amène les
ministères à réévaluer, au sein de leurs
activités, les activités auxquelles, s'ils étaient
absolument pris à la gorge et qu'ils devaient supprimer quelque chose
dans leur budget, ils s'attaqueraient.
Ce qui nous permet d'avoir, pour chaque ministère, une liste
d'activités en priorité décroissante qui permet au
comité des priorités d'évaluer cette liste et de faire des
choix de priorité à l'intérieur même des objectifs
de compression possibles identifiés par les ministères.
Donc, le Conseil du trésor a tendance à vouloir laisser
aux ministères, puisqu'ils connaissent mieux - c'est normal - les
besoins de la population dans le secteur qui leur est confié et
puisqu'ils ont le mandat, en vertu de la loi, d'assurer des services à
la population, le soin de choisir les services qu'ils doivent assurer à
la population. Donc, nous avons tendance à favoriser l'intervention du
ministère quant à l'identification des activités qui
pourraient faire l'objet d'une réduction.
Ce qui n'empêche pas, évidemment, le secrétariat du
Conseil du trésor, parce qu'il doit annuellement procéder
à une revue de programmes, de bien connaître certaines faiblesses
dans les ministères et de pouvoir émettre des suggestions lorsque
nos ministères manquent d'imagination. Je ne peux pas vous cacher que
lorsqu'arrive la revue de programmes, il nous arrive effectivement de faire
preuvre d'imagination et de suggérer certaines choses, souvent, au grand
désespoir des ministères. Ce qui amène des débats
chaleureux, c'est le mot. Certaines de nos propositions sont rejetées
parce qu'elles sont non praticables, ayant oublié tel ou tel
élément, mais d'autres de nos propositions sont retenues, parce
qu'on doit convenir que notre analyse n'était pas mauvaise. Donc, il
nous arrive de faire des suggestions, mais nous nous limitons à des
suggestions.
Par contre, nous avons en place, à l'heure actuelle, deux
mécanismes d'évaluation qui peuvent être des
évaluations de programmes quant à la pertinence, l'efficience des
programmes et nous avons également mis en place - ce qui vous a
été expliqué tantôt - un mécanisme
d'évaluation
d'activités horizontales, par exemple, les activités de
communication au gouvernement, les activités de gestion du personnel au
gouvernement. Nous effectuons alors une évaluation comparée de la
performance d'une même activité dans plusieurs ministères
différents pour identifier s'il n'y a pas des failles, des excès,
des abus, dans certains secteurs et s'il n'y a pas lieu d'appliquer des
compressions plus sélectives.
M. Scowen: Je reviens à ce tableau. Je cite une projection
d'évolution des équilibres financiers du gouvernement. On voit
que, en 1985-1986, on aura des revenus de 24 500 000 000 $, des dépenses
de 27 400 000 000 $ et un déficit de 2 900 000 000 $. On sait que ce ne
sont que des projections. Vous avez, je pense, expliqué la façon
dont elles sont développées.
J'aurais pensé qu'un gouvernement responsable ferait aussi une
espèce de plan parce que si, par exemple, vous dites que le total des
impôts exigés des Québécois - je reviens à
votre déclaration sur la capacité de payer de nos citoyens - est
présentement trop élevée et que cela a toujours
été ainsi. Vous manifestez le désir de corriger la
situation et vous acceptez aussi ce que M. Parizeau a accepté à
plusieurs reprises. Plusieurs autres personnes ont aussi insisté,
à maintes reprises, sur le fait que les déficits de 3 000 000 000
$ en 1985-1986 sont excessifs. Vous auriez non seulement une projection de
l'évolution des équilibres financiers, mais un plan, tout comme
le ferait une société privée face à une situation
semblable, alors que les dépenses et les prix sont trop
élevés.
Est-ce qu'il existe quelque part, au sein du Conseil du trésor ou
ailleurs, mais je dois probablement me limiter au Conseil du trésor, un
autre tableau qui ressemble un peu au format du tableau 4, mais qui
reflète l'intention ou la volonté du gouvernement de corriger la
situation qui apparaît ici, à la dernière colonne du
tableau 4? Même si on garde la taxation à son niveau actuel, avec
les augmentations de dépenses prévues et basées sur les
services qu'on rend présentement ainsi que les coûts pour cette
période, on va se retrouver dans une situation telle que nous devrons
assumer un grand déficit et une taxation en conséquence.
Existe-t-il au Conseil du trésor un tableau 4 qui représente la
réflexion d'une volonté politique de corriger le problème
dont tout le monde est conscient?
M. Bérubé: Je vous ai donné la
réponse il y a quelques instants. Par exemple, cette année, nous
avons mis en oeuvre un programme de gains de productivité qui permettait
de réduire d'à peu près 200 000 000 $ les dépenses
par rapport à leur évolution naturelle. Or, l'effort de
compression cette année a été d'environ 412 000 000 $, je
pense. Il est donc supérieur à l'économie résultant
des simples gains de productivité. D'où vient cet effort
additionnel? Il vient de l'analyse que je vous ai décrite il y a
quelques instants, qui a consisté à faire identifier par les
ministères des activités équivalant à 15% de leur
budget, des activités que l'on pourrait qualifier de moins prioritaires
pour les ministères en question. Il est évident qu'une chose qui
semble moins prioritaire pour un ministère peut sembler très
prioritaire au gouvernement. On pourrait très bien choisir de ne pas
sabrer dans une activité d'un ministère purement et simplement
parce que ce ministère effectue une mission qui apparaît
très importante au gouvernement.
Donc, c'est par ce processus d'élaboration des priorités
décroissantes dans les ministères et par la prise de
décision par le gouvernement du niveau de réduction des
activités, laquelle décision se prend annuellement, avant le
dépôt du budget, que le gouvernement peut décider de
l'effort qu'il s'imposera. Or, dans les prévisions que vous avez pour
les années subséquentes, nous ne présumons pas de la
décision gouvernementale quant à l'effort additionnel de
compression. Vous l'avez en 1983-1984, il est supérieur au programme de
gains de productivité mais, pour 1984-1985 et 1985-1986, on ne tient
compte que du programme de gains de productivité décidé
par le gouvernement pour une période de trois ans et on ne tient pas
compte de l'effort additionnel qui pourrait être décidé par
le gouvernement. Il est donc intégré au programme de gains de
productivité à l'intérieur du programme budgétaire
que vous avez présentement. Il y a donc déjà un effort de
compression, mais il peut y avoir un effort additionnel. Cet effort additionnel
est décidé annuellement sur la base de l'évaluation qui
est faite par les ministères des activités moins prioritaires.
(13 heures)
Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y a encore une
question?
M. Scowen: Oui.
Le Président (M. Laplante): Oui.
M. Bérubé: II est seulement 16 h 45.
Le Président (M. Laplante): J'ai encore deux minutes pour
faire une heure. Voulez-vous poser une dernière question?
M. Scowen: J'ai beaucoup de choses à dire. Je ne sais pas
si j'ai une question de deux minutes. Si je comprends bien, la réponse
à ma question est non. Il n'existe pas... Comme vous l'avez dit dans
cette analyse-ci, cela va de soi; vous ne présumez pas des intentions du
gouvernement, des
intentions politiques du gouvernement pour les trois prochaines
années. Il n'existe, aujourd'hui, au sein du Conseil du trésor,
aucune prévision, projection des coûts et des dépenses
reflétant les intentions politiques de votre gouvernement pour les deux
ou trois prochaines années?
M. Bérubé: C'est-à-dire que le Conseil des
ministres a adopté, sur trois ans, un cadre financier qui repose sur au
moins deux objectifs. Le premier objectif est que les dépenses pour les
programmes existants ne croissent pas plus vite que l'inflation. La
deuxième hypothèse c'est que l'écart entre une croissance
de nos dépenses au rythme du produit intérieur brut et la
croissance des dépenses à l'inflation, constitue une marge de
manoeuvre qui peut servir soit à accroître le niveau des
dépenses en fonction des besoins, soit à réduire l'effort
fiscal, soit à réduire le déficit. Donc, le cadre
financier général, au gouvernement, est de maintenir la
croissance des dépenses existantes au niveau de l'inflation et cela, par
des gains de productivité. Car il est bien clair que nous avons des
programmes qui croissent plus vite que l'inflation. Lorsque nous mettons en
place des programmes comme Corvée-habitation, Loginove, lorsque nous
devons faire face à des programmes sociaux comme l'aide sociale, il y a
une croissance, dans le coût de ces programmes, qui est supérieure
à l'inflation. Il faut, à ce moment-là, compenser par des
croissances moins rapides ailleurs, de manière que, globalement, nos
dépenses courantes pour les programmes existants ne croisssent pas plus
vite que l'inflation. Voilà les deux objectifs budgétaires que
nous avons adoptés pour une période de trois ans.
Le Président (M. Laplante): Dernier objectif.
M. Bérubé: Nous pourrions, évidemment,
ajouter à cela un programme de compression des dépenses qui
amènerait la croissance des dépenses régulières
à un niveau inférieur à l'inflation. Mais, ceci est
décidé sur une base annuelle, lors de la revue des programmes,
lorsqu'on soumet au Conseil des ministres, essentiellement, l'évaluation
des anti-priorités décelées par les ministères.
Le Président (M. Laplante): D'accord? Il est 13 heures.
Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 05)
(Reprise de la séance à 15 h 36)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre s'il vous
plaîti Nous reprenons la commission des finances et des comptes publics
pour étudier les crédits budgétaires de 1983-1984.
Lorsque nous avons suspendu nos travaux à 13 heures, la parole
était au député de Notre-Dame-de-Grâce.
Commission administrative du régime de
retraite
M. Scowen: Comme il ne nous reste que 30 minutes avant la fin des
travaux, j'aurais une suggestion à faire au ministre. Je constate qu'un
autre collègue présent ici ce matin voudra probablement prendre
la parole. Je n'étais pas au courant qu'il assisterait à cette
commission mais mon intention première était la suivante.
Premièrement, lorsque j'ai parlé à votre
secrétaire, il a été convenu qu'il m'enverrait quelqu'un
pour m'expliquer un peu en profondeur tout ce qui touche le CARR. Il m'a
téléphoné pour me donner le nom de cette personne alors
que j'étais absent. Toutefois, je crois que cette entente tient encore.
Dans l'affirmative, je propose d'adopter les crédits du CARR aujourd'hui
sans débat en attendant un "briefing", c'est-à-dire une
information dans ce dossier fort complexe, que nous aurions la semaine
prochaine.
Conseil du trésor (suite)
Pour compléter le temps qu'il nous reste, j'aurais une
dernière question précise à poser au ministre à la
suite de laquelle j'aurais l'intention de lui exprimer quelques impressions sur
cette expérience que nous avons connue aujourd'hui. Il aimera
peut-être ensuite ajouter ses commentaires. C'est tout. Quant à
moi, cela constitue l'ordre du jour.
Le Président (M. Laplante): Posez votre question, M.
Scowen. Bien d'accord, c'est à vous de décider.
M. Scowen: La question que je voulais poser touche le BRR. Le
secrétaire m'a dit que votre intention serait de transférer la
plupart des activités de ce groupe au ministère du Travail et que
dorénavant une institution serait chargée de s'occuper de cette
recherche très importante.
J'ai deux questions à poser. À la première, si la
réponse est tout simplement que vous ne voulez pas de chevauchement dans
l'entreprise privée avec les études qui sont faites par le
ministre du Travail, il n'est pas nécessaire de répéter
ces commentaires, mais si vous connaissez d'autres aspects qui pourraient
être pertinents, j'aimerais que vous nous en fassiez part.
La deuxième question est que j'aurais pensé qu'il serait
utile d'envisager une institution plus paritaire que le BRR qui est
essentiellement une institution patronale et qui, en conséquence,
est sujette à certaines réserves et critiques parce que c'est un
peu unidirectionnel. Est-ce qu'il y aurait possibilité d'envisager une
participation des personnes visées par ces études? C'est la
question que je voulais poser.
M. Bérubé: Premièrement, lors de la
dernière ronde des négociations, en 1979, une volonté
avait effectivement été exprimée d'intégrer au
ministère du Travail une équipe, qui est actuellement au Conseil
du trésor, pour faire les études de marché.
Deuxièmement, il y a, dans le cadre de la dernière ronde
de négociations, entente pour constituer des équipes de travail
qui vont se pencher sur le niveau de rémunération pour la
troisième année de la convention collective qui, comme vous le
savez, est fixée par les décrets mais avec une offre
gouvernementale de rouvrir cette troisième année. En même
temps, en profitant de cette réouverture, profiter des deux
années qui vont s'écouler pour examiner toute la
problématique des politiques salariales, des objectifs que l'on pourrait
viser, de la mesure de paramètres salariaux sur lesquels on pourrait au
moins faire consensus, non pas qu'on puisse espérer faire consensus
nécessairement sur les objectifs, mais il reste que dans la mesure
où l'on pourrait s'entendre sur la façon de mesurer certains
paramètres salariaux aux paramètres des avantages sociaux, il
serait certainement plus facile de s'engager dans une ronde de
négociations avec au moins des faits sur la table sur lesquels les deux
parties sont d'accord.
Donc, nous avons convenu de créer ce groupe paritaire de travail.
Or, il est clair que, avec le transfert du BRR au ministère du Travail,
advenant le cas où les deux parties s'entendraient pour créer un
tel organisme paritaire, on pourrait très bien imaginer que syndicats et
gouvernement s'entendent pour décider que les études de
marché devraient se faire en s'appuyant sur un certain nombre de bases
scientifiques que l'on définirait et que de telles études
devraient être surveillées par un comité paritaire. Un peu
comme à la Commission administrative du régime de retraite, il y
aura dans la nouvelle loi un comité paritaire pour l'application du
régime à la clientèle couverte par ce régime. Donc,
on peut imaginer que s'il y avait entente à cet effet, il pourrait y
avoir création d'un comité paritaire, mais il est bien clair que
ceci n'est possible que si les deux parties sont d'accord. Ce sera là le
sujet de la discussion, c'est-à-dire qu'on ne peut pas imposer la
création d'un comité paritaire si les deux parties ne s'entendent
pas d'abord sur des objectifs à poursuivre et sur l'utilisation de
telles données. Donc, la première démarche va consister
à s'asseoir à la table centrale de négociations et voir
dans quelle mesure on ne peut pas mettre en place un tel mécanisme qui
pourrait amener un transfert définitif de cette unité de
recherche en rémunération du ministère du Travail vers un
autre organisme si on décidait d'en créer un autre.
M. Scowen: Merci. J'espère que vous allez me permettre de
vous donner quelques brèves impressions que je dégage de cette
expérience d'aujourd'hui. Je dois dire d'abord que nous sommes
très contents d'avoir un Conseil du trésor. Nous avons un
ministre travaillant et capable comme responsable. Je dois aussi dire que la
réunion que j'ai eue avec votre secrétaire m'a
impressionné aussi. Cependant, l'impression que je dégage de
cette expérience, c'est que nous avons un Conseil du trésor
traditionnel, primitif même, un peu dépassé et surtout
décourageant dans ses activités, en tenant compte de la situation
actuelle. Je veux m'expliquer...
M. Bérubé: Oui. Que vous précisiez. M.
Scowen: Oui. Je ne parle pas...
M. Bérubé: D'abord, je dois vous dire qu'on ne sait
jamais, les revers électoraux pourraient vous mettre à ma place
et vous seriez très gêné de vos propos.
M. Scowen: Je vous promets de ne pas vous interrompre pendant
votre réplique. Vous pouvez dire n'importe quoi. D'accord? La question
est quand même sérieuse. Je m'explique. Nous avons ici au
Québec aujourd'hui une entreprise, l'État, qui est en
difficulté financière. Depuis 1976, la dette a triplé ou
quadruplé d'une façon unique. Nous avons des charges fiscales qui
sont trop élevées pour tout le monde et je n'insiste pas sur le
fait que cela a commencé avec vous; on va laisser ce débat pour
un autre moment. Mais on est d'accord que c'est trop élevé. (15 h
45)
On a un déficit sur lequel tout le monde s'entend pour dire qu'il
est trop grand. Nous avons une entreprise ici qui est en grave danger; la
population est mécontente et les gens ne sont pas en grande partie
conscients de la gravité du problème. Alors, on cherche quelque
part à l'intérieur de l'appareil gouvernemental quelques groupes
qui sont en train de s'occuper de ce problème et, moi, j'espérais
que peut-être je le trouverais à l'intérieur du Conseil du
trésor. Je veux pas parler de vos travaux quotidiens, le contrôle
des dépenses. On n'a pas parlé de cela aujourd'hui, c'est une
autre affaire que, j'imagine, vous faites très bien. Je parle surtout de
la volonté politique de régler une situation qui est
grave. Je regarde le seul document qui existe et qui indique ce qui va
nous arriver, c'est la page 68 du discours sur le budget, tableau 4, et je vois
qu'en 1985-1986 on va avoir les mêmes impôts qu'aujourd'hui, les
dépenses seront à 27 000 000 000 $ plutôt qu'à 24
000 000 000 $ et le déficit sera encore à 3 000 000 000 $. Alors,
il n'y a pas de plan de redressement dans ce document. Je pose la question au
ministre: Est-ce qu'il existe un autre document à l'intérieur du
Conseil du trésor qui est l'expression de la volonté politique du
gouvernement de régler le problème? Le ministre me répond
- et je pense que je suis fidèle à ses paroles: Non, notre
politique actuelle, c'est d'accroître les dépenses chaque
année au même rythme que l'accroissement du taux de l'inflation,
ce qui nous laisse, comme marge de manoeuvre pour faire quelque chose,
l'accroissement du PIB, s'il y en a. C'est cela la politique de redressement du
gouvernement.
Alors, je me dis que c'est clair que cette politique - oh! il a
ajouté une autre chose: II y a d'autres décisions politiques qui
se prennent d'année en année. C'est selon la conjoncture. C'est
cela, effectivement, l'ensemble du plan de redressement de ce grave
problème que nous avons à l'intérieur du Conseil du
trésor. Je pose la question: Qu'est-ce que ces gens font? Je
répète que je suis encore dans le cadre de la planification
à moyen terme, je ne parle pas du côté... Ce que je
dégage, c'est ceci. Premièrement, sur une partie de 100 000
fonctionnaires, vous avez entrepris des études complexes et fort
crédibles d'après les recherchistes crédibles
indépendants concernant un élément seulement de ce
problème qui est le taux de salaire comparé avec le secteur
privé.
Je vous demande si vous avez fait ou si vous entreprendrez des
études semblables en ce qui concerne la productivité et vous me
dites: C'est compliqué, on n'a pas commencé.
M. Bérubé: Non, ce n'est pas exact, M. le
Président, ce n'est pas ce que j'ai répondu.
Le Président (M. Laplante): Vous répondrez tout
à l'heure.
M. Scowen: Je me réserve une interruption. C'est un peu
comme si on réalisait que l'édifice de l'Assemblée
nationale était en mauvais état de santé et qu'on
décidait, entre autres, de rendre plus propres les couloirs, alors on
commencerait à nettoyer les couloirs. On fait des comparaisons avec la
propreté des couloirs dans d'autres parlements. On promet de
régler la propreté des couloirs et en trois ans on va avoir une
propreté égale. On fait des déclarations là-dessus.
On fait du progrès et, finalement, on arrive en 1985 avec des couloirs
aussi propres que les autres parlements, mais l'ensemble du problème
n'est pas réglé. Alors, une seule chose impressionnante c'est la
comparaison d'une centaine de milliers de fonctionnaires avec le secteur
privé.
Quand j'arrive de l'autre côté, les deux grands
réseaux de l'éducation et des affaires sociales, je trouve la
politique encore plus incohérente. Quels sont les critères sur
lesquels vous basez le niveau des dépenses? La première
réponse, c'est qu'on demande aux enseignants un effort de compression
égal à l'effort demandé au réseau de la
santé il y a quelques années. C'est, au plan intellectuel, d'une
cohérence pas très forte. Quel est cet effort? Où
était-il avant? Comment cet effort est-il mesuré? Comment
arriveriez-vous à un niveau acceptable? Pour moi, ce n'est pas quelque
chose qui se tienne debout comme la base d'une politique salariale ou une
politique des dépenses dans ces deux grands réseaux qui comptent
pour environ la moitié de nos dépenses.
Le ministre va un peu plus loin. Il change un peu son orientation. Il
dit qu'il fait la comparaison avec l'Ontario. Encore là, ce n'est pas
clair; pourquoi est-ce l'Ontario? Est-ce que l'Ontario est une base sur
laquelle on doit se fier? Quand il commence à parler de la comparaison
qu'il fait avec l'Ontario, cela devient de moins en moins clair. Même si,
à la fin, l'objectif est l'équivalence des salaires de nos
enseignants avec ceux des enseignants ontariens, si l'objectif est un
coût par étudiant ou per capita égal à celui de
l'Ontario, si c'est la même chose dans le réseau des affaires
sociales, si c'est plutôt l'idée de demander des efforts de
compression que personne n'est capable de définir, c'est encore moins
clair que dans le premier cas où nous n'étions pas satisfaits non
plus.
Je pose la troisième question: Qui, chez vous, s'occupe de
l'évaluation des programmes? Vous me décrivez un système
qui me fait penser à une compagnie pour laquelle je travaillais il y a
25 ans. Je demande à chaque service de donner une liste de choses, par
priorité décroissante, me permettant de couper ici et là.
Ce n'est pas très sophistiqué comme planification de tout le
secteur public. Je vous demande: Comment allez-vous décider si vous
devez couper au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation plutôt qu'au ministère de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme? Comment allez-vous le faire? Qui le fera? Est-ce qu'il existe
des enveloppes budgétaires par secteur, comme on en voit au moins dans
quelques autres entreprises? Non, tout ce à quoi on a droit, c'est une
liste; un, deux, trois, quatre, cinq, six et on coupe au fond. C'est cela qui
se dégage: une
analyse plus ou moins acceptée des coûts comparatifs avec
le secteur privé, sans analyse parallèle quant à la
productivité; la confusion presque totale dans le domaine des
critères dans les deux grands réseaux; une évaluation des
programmes presque non existante et aucune vue d'ensemble à moyen terme
qui pourrait permettre de dire: Messieurs et mesdames, d'ici à trois
ans, sur la base des hypothèses suivantes, accroissement du PIB
canadien, national, international, on a l'intention de vous donner un bilan qui
sera le suivant.
J'imagine que la compagnie Chrysler, avant sa crise, avait un
système de contrôle un peu semblable à celui-ci. C'est
primitif, ce n'est pas quelque chose d'impressionnant, du moins de la
façon dont cela a été décrit aujourd'hui par le
ministre. C'est compliqué, j'en conviens - une entreprise de 27 000 000
000 $ par année, c'est compliqué - mais je reste avec
l'impression qu'au sein du Conseil du trésor on a un système qui
est dépassé et que les gens passent beaucoup de temps sur les
petites choses précises qui leur tiennent à coeur et dans
lesquelles ils développent une expertise sensationnelle; ils connaissent
bien la patte droite de l'éléphant, sans jamais avoir une
idée de tout ce qui constitue l'éléphant. Et, en
conséquence, M. le ministre, et c'est peut-être le plus
décevant, je suis porté à croire qu'effectivement, ce
document et les chiffres qu'il comporte sont l'expression des intentions ou de
la volonté, ou de la compétence, ou de la capacité de ce
gouvernement pour les trois prochaines années. Tout ce que je peux dire
à la population, à la suite de la réunion d'aujourd'hui,
c'est que la seule chose que le gouvernement est capable de nous dire, c'est
que probablement en 1985-1986, il faut que vous vous attendiez que vos
impôts et vos taxes soient exactement les mêmes que celles que vous
avez aujourd'hui, dont le 40% sur l'essence. Vous aurez les dépenses qui
vont continuer d'augmenter avec le taux d'inflation. S'il y a une augmentation
dans la croissance économique, le PIB, ils vont faire quelque chose
avec. Et il faut s'attendre que vous n'ayez pas une dette de 20 000 000 000 $,
comme nous aurions à la fin de l'exercice, à peu près, 18
000 000 000 $ ou 19 000 000 000 $, je ne me souviens pas exactement. Mais,
c'est 7 000 000 000 $ ou 8 000 000 000 $ de plus et un déficit d'encore
3 000 000 000 $. C'est cela que nous réserve le gouvernement,
d'après ces chiffres. Et, à moins que le ministre puisse
m'informer aujourd'hui du contraire, c'est malheureusement tout ce qui existe
comme planification de l'avenir des dépenses publiques et des revenus
publics et donc, de 40% du produit intérieur brut de notre province. Je
suis déçu.
M. Bérubé: M. le Président, j'ai
écouté avec beaucoup d'attention le député de
Notre-Dame-de-Grâce qui, je l'espère, manifestera la même
attention en écoutant mes réponses. Ce qui m'a frappé,
c'est que dans son intervention, à de nombreuses reprises, il m'a
attribué des affirmations, des déclarations qui montraient
très nettement qu'il n'avait pas tout à fait écouté
ce matin. Il posait ses questions, mais il se bouchait méthodiquement
les oreilles, de manière à ne pas entendre les réponses,
avec comme conséquence qu'il pouvait ensuite poursuivre son monologue en
s'imaginant que ce monologue serait crédible. Mais, malheureusement, je
vais être obligé de le ramener un peu sur terre et lui demander
d'écouter.
Essentiellement, ce que le député de
Notre-Dame-de-Grâce nous dit, c'est que nous avons une machine, un
appareil gouvernemental inefficace et que le Conseil du trésor ne porte
aucune attention à la productivité au sein de cet appareil pour
faire en sorte que l'on puisse réduire encore davantage les
dépenses. D'abord, je souscrirai avec lui au fait que l'appareil de
l'État est lourd et important. En effet, en 1970-1971, il y avait 239
559 fonctionnaires: éducation, affaires sociales, fonction publique. En
1974-1975, il y en avait 302 726. En 1976-1977, on nous léguait 335 787
fonctionnaires. Je reconnais avec lui qu'il a oeuvré de façon
très positive à la mise au monde de cet éléphant.
Et, je dois dire que si aujourd'hui nous connaissons la patte droite de
l'éléphant, nous connaissons aussi la patte gauche, la patte
arrière et nous savons d'où vient l'éléphant. C'est
un legs que nous apprécions, mais je n'apprécie pas tellement
qu'on vienne me reprocher ensuite de ne pas savoir mettre en place des cures
d'amaigrissement d'éléphant. Il aurait été plus
intelligent de prendre garde à ce que l'éléphant ne
grossisse pas trop. (16 heures)
Malheureusement, en 1976, l'électorat a pris une décision.
Il a constaté qu'effectivement, ceux qui alimentaient
l'éléphant étaient dangereux et qu'il fallait les
remplacer. Nous avons cherché à faire subir une cure
d'amaigrissement à l'éléphant. Mais, ce n'est pas facile.
Vous savez, faire maigrir un éléphant dans un sauna c'est
compliqué. Et on ne réussit pas immanquablement, mais on peut
faire certains efforts. On voit d'ailleurs les résultats. Les
résultats nous montrent qu'aujourd'hui, dans la fonction publique, en
dépit de toutes les accusations de l'Opposition concernant les nombreux
programmes qui alourdissent l'appareil de l'État - que l'Opposition ne
manque pas de souligner - en 1982-1983, il y aurait 335 030 fonctionnaires -
pas un de plus - dans l'ensemble du réseau. Lorsqu'on aura
terminé, en 1983-1984 et même plus
que cela, on pourra dire que tous ces gigantesques programmes mis en
place par le gouvernement pour répondre à des besoins nouveaux se
seront faits avec les ressources dont nous disposions en 1976, et même
avec moins de ressources que ce dont nous disposions en 1976. Donc, il faut
reconnaître que l'éléphant subit la cure d'amaigrissement
à l'heure actuelle.
Lorsqu'il dit qu'il n'y a pas d'étude de productivité,
c'est faux. On lui a expliqué que cette année le programme
d'évaluation portait sur les directions de personnel, les directions
d'informatique, l'organisation et les méthodes, les services comptables
et les services de communication. Nous avons choisi cette année, en
guise d'efforts particuliers, d'y aller de façon horizontale. On
pourrait certes choisir un programme vertical au sein du gouvernement
également. Cette année, nous voulons mettre l'accent sur
l'analyse plus horizontale là où nous croyons qu'effectivement il
y a des surplus de ressources et qu'il faut essayer de voir comment on pourrait
réallouer ces ressources pour faire face à des besoins nouveaux
ou encore faire en sorte même qu'on puisse tranquillement réduire
le nombre de nos effectifs.
Donc, lorsque le député de Notre-Dame-de-Grâce nous
dit qu'il n'y a pas en place d'instruments pour mesurer la productivité,
c'est inexact. Il y a, au contraire, des programmes d'évaluation en
place dont l'objectif est d'accroître la productivité, et les
faits sont là pour montrer que, depuis six ans, cela marche. Je pense
que le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. le
Président, se laisse influencer par le gouvernement qu'il a connu avant
1976. Malheureusement, les chiffres sont là pour démontrer que ce
n'est plus le cas. Il n'y a plus cette croissance explosive des effectifs. Bien
au contraire, il y a un contrôle beaucoup plus rigoureux de la croissance
qui nous amène même à un résorption graduelle des
effectifs.
M. Scowen: M. le Président, le chiffre que j'ai
démontrait qu'en 1976, la dette du Québec était de 5 000
000 000 $, et qu'aujourd'hui, elle n'est pas loin de 20 000 000 000 $.
Le Président (M. Laplante): J'aimerais vous avertir qu'il
reste encore quatre minutes.
M. Bérubé: Oui, M. le Président, en quatre
minutes je peux réussir.
Parlons maintenant de la dette. Si le député de
Notre-Dame-de-Grâce, au lieu de se référer simplement au
tableau 4, voulait prolonger un peu la course de son regard et se rendre
jusqu'au tableau 5 qui est situé exactement à 7cm et quart plus
bas, il verrait que le déficit par rapport au produit intérieur
brut, en 1980-1981, était de 4,1%, et qu'en 1985-1986 il sera à
2,8%. Donc, l'importance du déficit par rapport à la richesse
collective décroît. Voilà une indication assez
réelle d'une réduction de l'importance du déficit.
Quand le député de Notre-Dame-de-Grâce fait mine
d'ignorer le rôle de l'inflation, il fait mine d'ignorer qu'un
déficit qui croît avec l'inflation ne croît pas, toute
proportion gardée; il se maintient stable. Je ne prétends pas
qu'il n'y a pas eu d'augmentation du déficit à Québec en
termes réels, bien au contraire. Si nous comparons les déficits
en dollars constants de 1970, il faut bien reconnaître qu'il y a deux
étapes dans la croissance des déficits: une qui a eu lieu
à peu près en 1973-1974, et l'autre qui a eu lieu en 1979-1980.
Ces deux étapes correspondent aux deux chocs pétroliers que les
économies occidentales ont connus, c'est-à-dire que lorsque les
économies occidentales se sont mises à freiner, on constate dans
tous les pays du monde, et on le voit très bien par exemple à
Ottawa, l'évolution d'un déficit particulièrement
spectaculaire. Il n'y a plus beaucoup d'administrations libérales au
Canada parce qu'il n'y a plus de provinces qui veulent élire des
administrations libérales. Très bientôt, d'ailleurs, elles
vont disparaître. En fait, nous avons devant nous les derniers dinosaures
de l'espèce libérale au Canada.
Effectivement, quand on veut voir comment fonctionne une administration
libérale, on n'a qu'à aller à Ottawa. Alors à 30
000 000 000 $ de déficit par rapport à des dépenses autour
de 80 000 000 000 $, vous pouvez faire le calcul et constater que c'est
près du tiers des dépenses de l'État qui doivent
être financées par le biais du déficit. Nous sommes loin de
là à Québec.
Si on examine également l'évolution des déficits
aux États-Unis ou ailleurs on constate qu'il y a eu des augmentations
substantielles de déficit en deux étapes, deux marches; si vous
les ramenez en dollars constants, vous verrez très clairement les deux
marches. Nous ne les nions pas. Ce que nous disons c'est que, si nous voulons
maintenant ramener progressivement ce déficit plus en ligne avec un
niveau simple, ce qu'il faut faire c'est le maintenir au moins en
dollars courants. On constate que le déficit est autour, comme vous
l'avez souligné, de 3 000 000 000 $ et se maintient à 3 000 000
000 $, de telle sorte qu'avec l'inflation et la croissance économique
naturelle il en résulte que le déficit en pourcentage du produit
intérieur brut décroît. Donc, le déficit
décroît en importance de façon continue.
Le troisième point, c'est le dernier que vous avez
soulevé, c'est concernant l'absence
d'évaluation verticale de programmes. À nouveau, c'est
inexact. Nous avons réalisé des études à l'aide
sociale, à l'aide juridique, à un grand nombre de programmes au
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation,
à la SDI, au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme
- il y en a un très grand nombre - dans le domaine de la forêt
privée, dans le domaine du transport en commun, du transport scolaire,
de la réévaluation de la politique salariale, des régimes
de rentes, des réformes importantes au crédit agricole.
Il y a eu bien au contraire toute une série d'évaluations
verticales de programmes qui expliquent comment on a pu réussir à
réduire les dépenses de 2 000 000 000 $. Si nous avons pu
atteindre cet objectif d'une limitation beaucoup plus importante de nos
dépenses que ce que l'on pouvait observer par le passé, c'est en
bonne partie parce qu'on a mis en place des mécanismes
d'évaluation tant verticaux pour les programmes et activités
qu'horizontaux pour des types de fonctions communes à l'ensemble des
ministères de telle sorte que l'on puisse viser un objectif de
réduction des coûts essentiellement par un effet croisé
d'une attaque sur deux plans. Contrairement à ce que le
député de Notre-Dame-de-Grâce a pu invoquer, la performance
du contrôle des dépenses est là pour souligner que c'est de
beaucoup supérieur à ce qu'on a observé avant 1976. Que
tous les objectifs ne soient pas atteints, c'est bien évident. Je
reconnais qu'il y a de l'amélioration à apporter mais il n'y a
absolument pas là matière à soulever le genre de critique
que le député de Notre-Dame-de-Grâce a soulevée mais
j'attribue cette critique un peu acerbe au fait, comme le disait le
député de Notre-Dame-de-Grâce au tout début, qu'il
n'a pas eu beaucoup de temps pour pouvoir étudier le dossier. Cela me
fera certainement plaisir de lui fournir toute l'information nécessaire
pour qu'il puisse continuer.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs.
Maintenant les crédits du Conseil du trésor, le programme
est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laplante): Adopté. Les programmes
1 et 2 de la Commission administrative du régime de retraite,
adopté?
M. Bérubé: Adopté.
Le Président (M. Laplante): Adopté.
Je prierais maintenant le rapporteur de faire rapport à
l'Assemblée nationale que les crédits du Conseil du
trésor, de la Commission administrative du régime de retraite,
des Finances et du Conseil exécutif ont été
adoptés.
Sur ce, les travaux vont continuer avec l'appel du projet de loi no
8.
Avant de faire l'appel du projet de loi no 8, je voudrais savoir s'il y
a des changements parmi les membres et intervenants de la commission. Je vois
Mme Lavoie-Roux qui s'approche. Elle remplace M. French (Westmount), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie). Y a-t-il d'autres changements?
Mme Lavoie-Roux: Je crois que M. Bisaillon...
Le Président (M. Laplante): M. Bisaillon est inscrit comme
intervenant. Il n'y a pas de place.
Mme Lavoie-Roux: De notre côté, il n'y a pas
d'autres personnes.
Le Président (M. Laplante): II n'y a pas d'autres
personnes. C'est vous qui avez le projet de loi no 8, M...
Juste une minute, il faut que je fasse l'appel de la loi.
Le député d'Argenteuil s'inscrit-il comme membre ou comme
intervenant? Comme membre? À la place de qui? À la place de M.
Johnson (Vaudreuil-Soulanges)? D'accord!
Étude du projet de loi no 8 (suite)
J'appelle le projet de loi no 8, Loi concernant l'adoption des chapitres
35 et 45 des lois de 1982 et modifiant certaines conditions de travail dans le
secteur public. Lorsque les travaux ont été suspendus sur le
projet de loi no 8, l'article 1 avait été appelé.
L'article 1 est-il adopté?
M. de Bellefeuille: M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Oui, M. le
député de Deux-Montagnes.
Interprétation et application (suite)
M. de Bellefeuille: Durant notre séance de la semaine
dernière, vous vous souviendrez, étant à la
présidence - non pas vous comme personne, car c'était un autre
président - que j'ai demandé au ministre de retirer le
deuxième alinéa de l'article 1 de ce projet de loi. Je ne vais
pas immédiatement reprendre l'argumentation que j'ai
présentée à ce moment-là, je vais plutôt
demander au ministre s'il a une réponse à faire à cette
demande.
Le Président (M. Laplante): Pour être bien clair -
je m'excuse si c'est une personne différente qui était à
la présidence - je voudrais savoir s'il y a eu une motion
de retrait du deuxième alinéa de l'article 1.
M. de Bellefeuille: Non, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): II n'y en a pas eu?
D'accord.
M. de Bellefeuille: Ce que j'ai dit la semaine dernière,
c'est que je demandais au ministre de retirer le deuxième alinéa
et que, si le ministre ne consentait pas à le faire, je
présenterais une motion dans ce but.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre, j'appelle
l'article 1.
M. Bérubé: M. le Président, bien que je
comprenne le sens de l'interprétation du député de
Deux-Montagnes qui voudrait éviter, de par le type d'amendement qu'il
envisage, dans son esprit à tout le moins, que le pouvoir
législatif n'interfère avec le pouvoir judiciaire, je crains,
à la lumière des avis qui m'ont été fournis quant
à sa proposition, que le résultat qu'il recherche ne soit
à l'opposé de ce qu'il croit. Je m'explique. Le fait d'adopter
une loi qui remplace une loi précédente, si le Parlement
n'indique pas explicitement le sens de sa démarche, peut être
interprété par quelqu'un de l'extérieur comme signifiant
que le Parlement juge ses lois invalides. Ce simple geste posé par le
Parlement pourrait servir à influencer, par exemple, le pouvoir
judiciaire qui, dans son évaluation de l'invalidité des lois,
pourrait se référer au geste du Parlement et s'en servir pour
argumenter que, puisque le Parlement lui-même juge ses lois invalides, il
est difficile pour le juge de faire autrement. Donc, le simple fait de
présenter une loi pour remplacer une loi antérieure pourrait
être interprété comme invalidant la loi
précédente.
Or, ce n'est pas l'intention du gouvernement de souscrire à
l'idée que les lois précédentes sont invalides. Il
appartient aux cours de décider si elles sont valides ou invalides et
non, à notre avis en tous les cas, au gouvernement et même au
Parlement. Alors, que faisons-nous? Nous adoptons une autre loi qui peut
apparaître plus sécuritaire dans le contexte actuel, tout en
laissant au pouvoir judiciaire le soin d'effectuer une évaluation
objective de la loi antérieure et d'indiquer au Parlement, dans le cadre
de cette séparation des pouvoirs, si cette première loi
était, oui ou non, valide. (16 h 15)
Pour être certain que le juge ne sera donc pas influencé
par l'action du Parlement, on introduit cet alinéa qui dit: "Cette loi
ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance que
ces lois doivent être adoptées autrement que de la façon
dont ces lois l'ont été". En d'autres termes, cet alinéa
dit tout simplement au juge que le fait, pour le Parlement, d'adopter une loi
remplaçant la première ne doit pas être
interprété comme voulant dire que le Parlement estime sa
première loi invalide; dans ces conditions, il laisse le pouvoir
judiciaire totalement libre d'interpréter la loi objectivement sur la
base des principes constitutionnels et des principes juridiques les plus
normaux.
Soulignons enfin - c'est le deuxième et dernier point que je
voulais soulever - qu'il existe une Loi d'interprétation pour
interpréter les lois du Québec. Qu'est-ce que cette Loi
d'interprétation signifie? Elle signifie qu'il est normal, pour le
Parlement, qu'il prenne la peine d'expliciter très clairement comment
les lois qu'il adopte doivent être interprétées, puisqu'il
n'appartient pas au pouvoir judiciaire de faire des lois, mais il appartient au
pouvoir judiciaire de faire respecter les lois ou de s'assurer que les lois
sont valides. Dans cet exercice normal du pouvoir judiciaire, il est tout
à fait normal et courant que le Parlement, en cas de doute possible,
s'assure que le pouvoir judiciaire ait les éléments de
référence nécessaires pour interpréter correctement
la pensée du législateur.
D'ailleurs, dans la présente loi que nous déposons, nous
aurons l'occasion de voir ultérieurement - je n'arrive pas à
trouver l'article exact - qu'on fait référence
spécifiquement - c'est bien cela, c'est à l'article 20 - à
l'article 40.1 de la Loi d'interprétation pour indiquer clairement au
pouvoir judiciaire comment une clause de la loi doit être
interprétée, dans quel sens il doit l'interpréter. Il est
tout à fait normal, c'est le rôle du Parlement, de préciser
le sens qu'il veut donner à ses lois.
Donc, non seulement cet alinéa ne va pas dans le sens que
voudrait lui donner le député de Deux-Montagnes, mais il va dans
le sens contraire. Il ne représente pas une intervention du Parlement
pour empêcher le pouvoir judiciaire d'agir, mais il représente une
intervention du Parlement pour préciser très clairement le sens
de la loi telle qu'elle est adoptée, de telle sorte que le pouvoir
judiciaire ait tous les éléments nécessaires pour pouvoir
juger.
Le Président (M. Laplante): D'accord, M. le
député d'Argenteuil.
M. de Bellefeuille: M. le Président, j'aimerais pouvoir
commenter la réponse du ministre si vous me...
Le Président (M. Laplante): Après le
député d'Argenteuil, on est d'accord là-dessus?
M. Ryan: On peut le laisser continuer. L'article...
Le Président (M. Laplante): D'accord, M. le
député de Deux-Montagnes. Je jouais avec l'alternance.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je trouve qu'il est
indispensable que ce débat ait lieu. Nous allons regarder ensemble, si
vous le voulez bien, cet article premier dont il s'agit. Le premier
alinéa se lit comme suit: "La présente loi a pour principal
objet, eu égard à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de
1867, d'assurer la validité des documents sessionnels auxquels
réfèrent la Loi concernant la rémunération dans le
secteur public et la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur
public". Vous savez, M. le Président, qu'il s'agit des lois 70 et 105.
Donc, le principal objet de la loi qui est devant nous est d'assurer la
validité des documents sessionnels.
Le deuxième alinéa nous dit que la loi ne doit pas
être interprétée comme une reconnaissance que ces lois, les
décrets pris en vertu de celles-ci et les documents sessionnels auxquels
elles réfèrent doivent être adoptés, pris ou
déposés autrement que de la façon dont ces lois,
décrets et documents de la session l'ont été. Dans
l'intervalle, nous avons tous pu prendre connaissance d'un nouveau jugement qui
a été rendu par M. le juge Deschênes, juge en chef de la
Cour supérieure du Québec, le lundi 30 mai dernier, dans lequel
il est dit que la loi 105 - je crois qu'il est dit aussi que la même
chose s'applique à la loi 70 -est frappée d'un vice
constitutionnel fatal et que l'Assemblée nationale a adopté une
procédure tortueuse. C'est l'opinion donnée par une
autorité hautement respectée dans les domaines juridique et
judiciaire au Québec.
Il est évident, d'après le premier alinéa, que le
gouvernement demande à l'Assemblée nationale de corriger
précisément ce qui nous est signalé par le juge
Deschênes. Me rappelant que Montesquieu disait, dans l'Esprit des lois,
que "les lois doivent être faites pour les personnes de simple
entendement", et ne croyant pas que Montesquieu ait entendu cette expression
d'une façon péjorative mais plutôt en ayant à
l'esprit la sagesse populaire, il me semble que, pour une personne de simple
entendement qui n'est pas juriste, ces deux alinéas sont
contradictoires. On présente un premier alinéa disant qu'on veut
corriger ce qui a été mal fait et, ensuite, un deuxième
alinéa qui dit que nous ne reconnaissons pas que quoi que ce soit ait pu
avoir été mal fait.
Il me semble que cet article contradictoire procède d'une
recherche de la sécurité juridique absolue, d'une espèce
de sécurité juridique mur à mur par laquelle on veut se
garantir contre tout éventuel jugement défavorable. C'est le
genre d'attitude - et là, je ne fais pas de comparaison entre les deux
articles parce qu'ils sont très différents dans leur contenu,
mais je parle de l'attitude - qui a mené, par exemple, à
l'article 28 de la loi 111 qui est, à mon avis, aberrant et je ne suis
pas le seul à penser cela.
J'estime que, de toute façon, cette sécurité
juridique mur à mur a des chances d'être assez trompeuse, car
à fin procureur, fin procureur et demi. Plus on joue au fin-finaud avec
les tribunaux, plus on incite les procureurs d'autres parties à jouer au
fin-finaud avec nous et à gagner peut-être la partie. J'estime,
comme législateur, qu'il vaut mieux éviter de jouer au fin-finaud
et de choisir un terrain plus sûr qui est celui des principes
fondamentaux qui sont très simples: par exemple, que la fin ne justifie
pas les moyens. En l'occurrence, comme moyen, cette contradiction
évidente ou le principe de la séparation des pouvoirs qui fait
que nous respecterions strictement dans l'esprit et dans la lettre
l'idée du sub judice, ces questions étant sub judice, nous
éviterions de faire en sorte que le Parlement dise ou ait l'air de dire
aux tribunaux qu'il ne reconnaît pas leur compétence et se moque
de leur jugement.
Ceci dit, M. le Président, je voudrais vous informer que je n'ai
pas l'intention de présenter un amendement parce que j'estime avoir
rempli mon rôle de parlementaire, parce qu'on m'a expliqué, durant
la période qui s'est écoulée depuis notre dernière
séance, que ce deuxième alinéa de l'article 1 n'est pas
là seulement pour satisfaire la gloriole du gouvernement mais qu'il est
là aussi pour éviter des répercussions possibles,
auxquelles le ministre vient de faire allusion.
J'estime qu'il ne m'appartient pas, comme député
ministériel, de me substituer au ministre ni au gouvernement qui, en la
matière, engagent totalement leur propre responsabilité, comme
ministre et comme gouvernement. Comme parlementaire, je marque avec force mon
opposition à ce genre d'article qui me paraît irrespectueux des
tribunaux, qui me paraît procéder d'une confusion
déplorable entre les pouvoirs législatif, exécutif et
judiciaire. Mon rôle consiste à signaler les lacunes que je
reconnais, mais je n'ai pas à assumer d'autre fardeau que
celui-là et je laisse le gouvernement porter entièrement le poids
de la responsabilité d'avoir présenté à
l'Assemblée nationale cet article contradictoire.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil.
Discussion générale
M. Ryan: Je pense que
l'article 1 du
projet de loi no 8 est un témoignage de l'incompétence du
gouvernement. C'est l'aveu le plus net qu'on puisse désirer -
connaissant la difficulté pour certains porte-parole gouvernementaux
d'être complètement limpides - d'une impéritie notoire qui
s'est glissée dans l'adoption de la loi 105 et de la loi 70 parce que
les deux ont été condamnées de la même
manière, au chapitre de l'inconstitutionnalité, par le dernier
jugement du juge Deschênes en particulier. À la lumière de
ce qui s'était passé à l'Assemblée nationale il y a
à peine deux ans - parce que la Cour suprême avait invalidé
tout le chapitre de loi la loi 101 qui traite de la langue des tribunaux et des
lois - il semblait évident que le gouvernement aurait dû
considérer qu'il avait l'obligation de présenter dans les deux
langues tous les éléments constitutifs des projets de loi nos 70
et 105. Or, par un coup de tête ou sous l'effet de la négligence -
je ne veux pas entrer dans les motifs - on a présenté les parties
très importantes de ces deux lois dans une des deux langues seulement.
On s'est aperçu après coup qu'on -avait fait une erreur et, loin
de la reconnaître, on a soutenu devant les tribunaux, jusqu'à
maintenant, des arguments fort curieux, des arguments qui, du point de vue de
la logique, ne résistent pas à l'examen, des arguments vraiment
tortueux.
Je voudrais, avant qu'on s'engage davantage dans ceci, qu'on fasse le
point ensemble sur la situation. Le ministre aura peut-être des
éclaircissements à nous donner. J'espère que ses
conseillers juridiques l'accompagnent. Est-ce qu'ils l'accompagnent de fait?
Est-ce qu'on pourrait demander au ministre si ses conseillers juridiques
sont... Il y en a un. Est-ce que je pourrais avoir son nom?
Une voix: Brigitte Paradis et Louis Sormany.
M. Ryan: Mme Brigitte Paradis et M. Louis Sormany. C'est votre
fonction, conseillers juridiques auprès du ministre?
M. Bérubé: M. Sarmony est du ministère de la
Justice.
M. Ryan: Vous êtes du ministère de la Justice.
Très bien, cela me fait plaisir. Je serais très heureux
d'être contesté ou corrigé si mes propos sont
erronés. Jusqu'à maintenant nous avons connaissance de quatre
jugements qui ont traité de l'aspect constitutionnel des lois 105 et 70.
Il y a eu d'abord en premier lieu le jugement du juge Girouard dans l'affaire
Collier. Le juge Girouard a conclu que les documents de la session faisaient
partie du corps de la loi 105 et que par conséquent ils tombaient sous
le coup de la prescription de l'article de la constitution qui impose
l'obligation du bilinguisme au législateur québécois de
même qu'au législateur fédéral... Il l'imposait
avant les dernières modifications à la constitution canadienne,
mais ces deux obligations sont restées de toute manière.
Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y aurait
possibilité d'avancer votre micro parce qu'on se plaint qu'on ne vous
entend pas?
M. Ryan: Très bien. Il y a eu d'abord le jugement du juge
Girouard, de la Cour provinciale, dans l'affaire Collier. Il y a eu ensuite,
quelques jours plus tard, un jugement de M. le juge Jean Dutil - dans ce
cas-là je crois que le plaignant était M. Louis Albert, un
fonctionnaire - puis il y a eu un jugement d'un magistrat de la Cour
supérieure de Québec, le juge Gérald Boisvert. Hier ou
avant-hier, il y avait le jugement du juge en chef de la Cour supérieure
du Québec, M. Deschênes. Que ressort-il de tous ces jugements? Je
pense qu'il y a un jugement qui n'a pas traité de l'aspect linguistique
de la loi 105. C'est celui du juge Boisvert dont nous dirons un petit mot
tantôt. Les deux jugements des juges de la Cour provinciale, le juge
Dutil et le juge Girouard, concluaient tous les deux, avec force et
clarté, que l'Assemblée nationale avait manqué... (16 h
30)
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Laplante): Je ne voudrais pas occasionner
à cette commission des... Si on s'entend bien, lorsque le projet de loi
a été appelé... Je n'étais pas ici et je voudrais
une information à ce sujet. Jusqu'à maintenant, ce sont des
remarques préliminaires que vous faites et cette étape est
terminée. L'article 1 a été appelé et...
M. Ryan: On va vous soumettre tous les amendements que vous
voudrez...
Le Président (M. Laplante): Et c'est là-dessus que
je voudrais...
M. Ryan: Si vous ne voulez pas qu'on discute librement, on va
soumettre des amendements pour aller au fond de l'affaire.
Le Président (M. Laplante): Écoutez, moi, je suis
les règles de l'Assemblée nationale. Je ne voudrais pas que vous
pensiez que c'est moi qui les ai faites.
M. Ryan: D'accord. Je vous dirai une chose à ce sujet, M.
le Président. Comme vous étiez absent l'autre jour...
Le Président (M. Laplante): C'est cela que je veux
savoir.
M. Ryan: ...nous avons eu très peu de temps pour les
déclarations ou les débats d'ouverture. Il y avait un groupe de
témoins qui voulaient se faire entendre et nous avions très peu
de temps. Par courtoisie pour ces témoins, nous avons
abrégé au strict minimum les déclarations d'introduction.
Nous avons discuté avec ces témoins. Ensuite, nous avons convenu
de commencer par l'article no 1. Étant donné la portée
très large de l'article no 1, nous nous sommes dit de ce
côté-ci qu'il y avait des choses qu'il fallait dire et que nous
nous exprimerions à l'occasion du débat là-dessus. C'est
là que nous en sommes.
Le Président (M. Laplante): Donc, il y a eu une
entente?
M. Ryan: Non, il n'y a pas eu d'entente en vertu de laquelle on
limiterait...
Le Président (M. Laplante): C'est seulement une
information que je veux avoir...
M. Ryan: Oui, oui.
Le Président (M. Laplante): ...pour être dans le bon
chemin. Je veux bien que vous continuiez, mais j'aimerais avoir l'approbation
des gens pour me couvrir comme président suivant les règles qu'on
a établies en commission parlementaire.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Oui, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Si vous me permettez d'intervenir, je pense que
les remarques que le député d'Argenteuil fait présentement
sont tout à fait pertinentes à l'article no 1. On discute
justement du problème. D'ailleurs, cela a été
abordé à l'article no 1 par le député de
Deux-Montagnes et je pense que c'est dans la même foulée. Enfin,
ce ne sera peut-être pas nécessairement la même
argumentation, mais je pense que cela traite de l'article no 1. Et, pour faire
valoir son point, le député d'Argenteuil évoque ce qui est
pertinent à l'article no 1, c'est-à-dire les différents
jugements qui ont été portés sur la
légitimité ou la validité de la loi...
Le Président (M. Laplante): Je ne veux pas en faire une
discussion.
Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas eu d'entente, parce qu'on est
à l'article no 1. On n'a pas eu besoin de faire d'entente.
Le Président (M. Laplante): C'est qu'actuellement,
d'après l'expérience que j'ai depuis sept ans à la
présidence de commissions, ce sont des remarques préliminaire
concernant notre projet de loi...
Mme Lavoie-Roux: Non, non, on n'est plus là-dedans.
Le Président (M. Laplante): Je n'ai pas d'objection
à ce qu'il continue, pour autant qu'il n'y ait pas de membres autour de
cette table qui invoquent le règlement.
Mme Lavoie-Roux: On n'est pas en dehors du règlement.
Le Président (M. Laplante): Comme il ne semble pas y en
avoir, vous pouvez utiliser vos 20 minutes, si vous voulez.
M. Ryan: Je me demande si on pourrait demander le consentement du
ministre pour qu'on élargisse un peu le débat à ce
moment-ci, dans le cadre du débat autour de l'article no 1...
Le Président (M. Laplante): Moi, je suis d'accord. C'est
vous qui...
M. Ryan: ...ou même en revenant aux préliminaires
pour un instant. Mais je crois que c'est très important qu'on fasse le
point sur la situation où nous nous trouvons aujourd'hui pour
l'étude de tous les autres articles du projet de loi.
Le Président (M. Laplante): Qui ne dit rien accepte. M. le
ministre n'a rien dit...
M. Ryan: Très bien, je l'apprécie
énormément, M. le Président.
M. Bérubé: Je n'ai pas d'objection, M. le
Président.
M. Ryan: Je pense que c'est dans l'intérêt
général. D'ailleurs, je n'entends pas réciter tout ce
qu'il y a dans ces jugements-là, mais vous allez voir qu'il y a un lien
très important...
Le Président (M. Laplante): D'accord, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Ah oui, et après on verra à prendre les
moyens voulus. J'allais dire...
Le Président (M. Laplante): Je prends toujours bonne
note.
M. Ryan: Pardon?
Le Président (M. Laplante): Je prends toujours bonne note
des remarques.
M. Ryan: J'allais dire que les deux premiers jugements
établissaient clairement à ce niveau de décision
judiciaire que la loi no 105 contredisait l'article no 93 de l'Acte
constitutionnel canadien et, par conséquent, elle était invalide.
Ensuite, il y a eu un jugement du juge Boisvert de la Cour supérieure
qui avait été appelé à examiner le jugement de Me
Dutil. Assez curieusement, le juge Boisvert a décidé qu'il ne se
prononcera pas sur l'aspect constitutionnel. Il a dit qu'il laissait cela
à d'autres instances. Mais, il s'est prononcé sur une autre
question et c'est celle-là que je veux rappeler à l'attention du
ministre à ce moment-ci. Est-ce qu'il y avait une convention collective
qui existait à ce moment-là ou non? Et le juge Boisvert a conclu
qu'il en existait une. Il n'a pas osé dire laquelle. Mais, il a dit: II
en existe une. Par conséquent, la grève que ces messieurs et
dames ont faite était en violation de la loi. Or, le juge
Deschênes arrive ensuite dans son jugement d'hier et tranche les deux
questions. Je pense qu'on peut tous constater que le juge Deschênes aime
embrasser les choses dans une perspective assez large. Alors, il a pris
l'aspect constitutionnel et il a pris également la question de savoir
s'il y avait une convention collective à ce moment-là. Sur
l'aspect constitutionnel, le juge Deschênes a tranché avec une
clarté métallique, une clarté cristalline. Il a dit: Si
les documents sessionnels dont on conteste l'obligation de les présenter
dans les deux langues au stade de la discussion du projet de loi ne font pas
partie du texte de la loi car la loi ne veut rien dire, ce sont des
éléments constitutifs qui sont de l'essence même de la loi.
C'est sa décision très nette et très ferme.
Deuxièmement, il a dit: Est-ce qu'il existait une convention
collective à ce moment-là? Lui sa conclusion est négative.
Il nous dit: Je conclus que pour qu'il y ait eu délit, il aurait fallu
qu'il y eu violation d'une convention collective existante. Il dit: II n'y a
pas de convention collective puisque la convention collective antérieure
était prolongée par une loi qui est elle-même invalide et
inconstitutionnelle. C'est un deuxième problème très
sérieux qui, sous l'angle des procédures judiciaires qui ont
été engagées par le gouvernement consécutivement
à ces lois et à la loi 105 en particulier, crée une
difficulté sur laquelle on aura besoin d'éclaircissements
très importants.
Ce que je veux dire à ce stade-ci se résumerait à
ceci. D'abord, devant la convergence des jugements portés jusqu'à
maintenant sur l'aspect constitutionnel, est-ce que le gouvernement a vraiment
un intérêt sérieux à pousser plus loin les
procédures dans cette affaire puisque cela va entraîner des frais
judiciaires considérables? Ce n'est pas intéressant pour le
Québec de se faire débouter en Cour d'appel et en Cour
suprême, surtout quand toutes les indications laissent craindre que le
jugement aille dans le même sens que toute la jurisprudence qu'on a
connue jusqu'à maintenant.
C'est là qu'on nous ramène au deuxième
alinéa, que nous contesterons tantôt, dont nous demanderons par
voie d'amendement qu'il soit enlevé du projet de loi. Cela nous
amène à nous demander si ceci n'est pas une justification de
cette manie qu'a le gouvernement actuel d'aller chercher des désaveux en
Cour suprême. En tout cas, sur la foi de ce que j'ai lu, je ne vois pas
comment le gouvernement pourra s'en sortir. C'est son droit d'aller plus loin
mais c'est mon droit de penser qu'il engage inutilement et avec
prodigalité des fonds publics en agissant ainsi.
Deuxièmement, c'est une question que je vais poser au ministre
parce que cela va nous éclairer pour le reste du débat. Où
en sommes-nous au point de vue juridique en ce qui touche la convention
collective? Quelle est la position du gouvernement là-dessus au moment
où surviennent des grèves qui ont fait l'objet de litiges devant
les tribunaux? Est-ce qu'il y a une convention collective qui est en vigueur
aux yeux du gouvernement, laquelle est en vigueur? Il y en a sûrement une
qui est vigueur aux yeux du gouvernement, mais, dans l'hypothèse
où on peut nous dire affirmativement qu'il y en a une, laquelle?
Où le gouvernement en est-il au sujet des procédures judiciaires
instituées contre les personnes qui ont fait une grève
présumément illégale en janvier dernier?
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Bérubé: Évidemment, ma formation est
celle d'un scientifique et non d'un légiste. Par conséquent, je
dois aborder cette question avec une humilité que ne caractérise
peut-être pas les propos du député d'Argenteuil, qui comme
on le sait...
Mme Lavoie-Roux: ...qui ne vous caractérise pas
généralement.
M. Bérubé: ...a une vaste connaissance du droit qui
l'autorise à trancher de façon presque pontificale des questions
aussi confuses et discutables.
M. Ryan: ...assuré que tantôt.
M. Bérubé: Aussi j'essaierai simplement, à
partir de notes dont je dispose, de préciser notre pensée et les
raisons pour lesquelles nous allons en appel. En ce qui a trait au jugement
récent du juge en chef de la Cour supérieure, notre intention,
non seulement intention mais, si je ne me trompe pas, les démarches
seront entreprises en temps
opportun pour aller en appel et contester ce jugement.
Le député d'Argenteuil a souligné qu'un juge en
première instance a estimé qu'il y avait bien convention
collective de janvier à avril. Un autre juge a estimé le
contraire pour des raisons cependant différentes, reconnaissons-le. En
appel, la Cour supérieure a tranché en indiquant que les lois, de
l'avis du juge, étaient inconstitutionnelles et nous allons en appel
à la Cour suprême. Les deux jugements de la Cour supérieure
sont d'ailleurs contradictoires puisque, tantôt, il y avait eu inversion.
On se rend bien compte que la question est peut-être plus complexe que
l'on ne voudrait le laisser entendre dans l'intervention du
député d'Argenteuil.
L'article 133 du BNA Act dit: "The Acts of the Parliament of Canada and
of the Legislature of Québec shall be printed and published in both
languages". Les expressions "printed and published" ont été
interprétées comme signifiant "adoptées dans les deux
langues" par la Cour suprême qui est allée plus loin que la simple
interprétation que l'on aurait pu donner de la traduction et de
l'impression de cette traduction qui doit accompagner l'adoption de toute loi,
dans quelque langue que ce soit, à l'Assemblée nationale.
Soulignons que le caractère même de la décision de
la Cour suprême lors du jugement Blaikie, si je ne m'abuse, a dû
être précisé ultérieurement en ce sens que l'on
s'est interrogé sur la portée de ce jugement. Par exemple, est-ce
que la législation déléguée ou les
règlements adoptés par l'exécutif dans l'exercice normal
des prérogatives qui lui sont reconnues par une loi-cadre, par exemple,
doivent être adoptés dans les deux langues? Il en est de
même, d'ailleurs, des règlements municipaux adoptés par les
municipalités au Québec dans le cadre d'une loi, le Code
municipal, les autorisant à adopter de tels règlements. De tels
règlements devaient-ils être adoptés dans les deux langues?
On sait bien qu'au Québec ils ne l'ont été,
traditionnellement, nulle part. Il y a bien des municipalités qui en
font faire la traduction dans certains cas, mais il n'y a pas d'adoption dans
les deux langues. Une question assez importante: ces règlements
devaient-ils être adoptés dans les deux langues? La Cour
suprême a donc été saisie de la question et a dû
préciser sa pensée en décrétant que les
décrets, les règlements adoptés par l'exécutif dans
le cadre des lois adoptées par cette Assemblée nationale doivent
être adoptés dans les deux langues. Il en va de même de tout
autre organisme qui doit obtenir l'autorisation du gouvernement pour l'adoption
de ses règlements.
Cependant, la Cour d'appel du Manitoba a manifesté, elle, une
attitude beaucoup plus restrictive quant à l'effet de l'article 133,
toujours par d'honorables juges. En effet, on précise dans cet
arrêté de la Cour d'appel du Manitoba qu'il s'agit d'une
disposition constitutionnelle de caractère indicatif et non
impératif, de sorte que les actes juridiques posés par les
Parlements sans respecter ces exigences ne seraient pas nécessairement
nuls. Deux aimables juges de deux provinces différentes
interprètent l'article 133 d'une façon différente. Il
semble donc qu'il y ait matière à interprétation. Je vous
ferai remarquer que si l'on posait la question à un ingénieur,
à savoir si son pont va tenir, si l'ingénieur répondait
qu'il y a deux ou trois façons d'interpréter cela,
peut-être que oui, peut-être que non, cet ingénieur serait
en prison. Enfin, il semble que la loi se prête davantage à ce
type d'imprécision et acceptons qu'il puisse y avoir des opinions
divergentes sur un même texte que nous croyons avoir adopté de
façon claire et limpide. (16 h 45)
II y a une question à laquelle personne n'a répondu. Il
s'agit de savoir ceci: Est-ce qu'un document sessionnel auquel se
réfère une loi doit être déposé dans les deux
langues? C'est une question à laquelle nous n'avons pas de
réponse. Nous sommes dans un champ neuf. Par exemple, si
l'Assemblée nationale devait décider qu'un code de
sécurité automobile américain devient en application
réglementaire et que l'article de loi que nous déposerions en
cette Assemblée nationale se lirait essentiellement ainsi: "tel code,
tel qu'adopté à tel endroit, s'applique au Québec", la
question que l'on pourrait poser serait: "Est-ce constitutionnel", puisque
ledit règlement n'a pas été adopté dans les deux
langues? Question qui mérite d'être posée. Il s'agit
à ce moment-là de faire la distinction entre la
législation par référence et la législation
déléguée. Or, la Cour suprême n'a pas fait cette
distinction. Donc, nous ne pouvons pas savoir si dans le cas de la
législation par référence notre loi sera jugée
invalide.
Le député d'Argenteuil, qui s'étonnait que le
gouvernement ait suivi cette procédure, ne sait sans doute pas que
depuis 1967, à six reprises, des documents sessionnels ont
été déposés dans la langue d'origine des
conventions collectives qu'ils étaient destinés à
remplacer, c'est-à-dire en français seulement: en 1967, dans une
grève impliquant le front commun, en 1969, impliquant des enseignants
à Chambly, en 1976, dans le domaine de la santé - avant novembre
1976 - et on me dit qu'il y en a encore quelques-unes. En d'autres termes,
c'est une procédure juridique qui a été suivie sous une
administration de l'Union Nationale, sous une administration libérale et
sous l'actuelle adminsitration gouvernementale. On se doute que les hommes et
les femmes politiques passent mais que la haute fonction
publique reste et qu'il y a une tradition juridique qui se transmet
d'année en année puisqu'on retrouve une certaine
continuité. De fait, lorsque nous avons déposé le document
sessionnel pour y faire référence, nous avons suivi une longue
tradition parlementaire ici à l'Assemblée nationale. Il ne s'agit
pas d'un geste exceptionnel, mais, au contraire, de la façon
traditionnelle utilisée par ce Parlement depuis qu'il adopte des lois de
ce type.
Pourquoi cette approche? Nous l'avons assez longuement discuté.
Il aurait été possible de faire adopter par l'Assemblée
nationale une loi-cadre autorisant l'exécutif à
décréter les conditions de travail. Évidemment, il
n'aurait pas été possible dans une telle loi de baliser
l'exercice de ce pouvoir puisque les conventions collectives comportent
tellement de détails qu'il n'aurait pas été possible de
définir dans la loi un cadre que l'exécutif aurait dû
respecter. Forcément, la loi aurait dû être de portée
très générale et aurait donné un pouvoir que
d'aucuns auraient pu juger exorbitant à l'exécutif de pouvoir
décréter dans le détail, sans aucune balise par le
Parlement, sans en saisir le Parlement même, de pouvoir
décréter les conditions de travail.
Évidemment, ceci aurait donné plus de temps pour polir les
textes, les traduire et les faire adopter par le Conseil des ministres dans les
deux langues. D'ailleurs, si je ne m'abuse, il y a une série de
décrets que nous avons adoptés dans le cadre de la loi 105 qui
ont été adoptés dans les deux langues. Donc, on aurait pu
suivre cette procédure avec l'inconvénient que le Parlement
aurait dû donner un blanc-seing à l'exécutif sans
connaître le contenu.
Nous avons estimé que dans une matière de cette
importance, le gouvernement devait faire connaître ses couleurs au moment
de faire adopter la loi. Il a donc déposé un document sessionnel
décrivant exactement dans le détail les conditions de travail, de
telle sorte que l'Assemblée nationale ne pouvait pas plaider l'ignorance
du pouvoir conféré par un tel document parlementaire et la
loi.
Nous nous heurtions également à un deuxième
obstacle. Nous ne voulions pas faire adopter par le Parlement directement des
conditions de travail qui auraient nécessité l'intervention du
Parlement ultérieurement pour toutes modifications. Nous voulions donc
essentiellement pouvoir déposer au Bureau du commissaire du travail, tel
que le prévoit le code, un texte qui tiendrait lieu de convention
collective et qui pourrait ultérieurement être amendé par
les parties, d'un commun accord. Forcément, un texte de loi ou de
règlement adopté par le Parlement n'aurait pu être
modifié par les parties sans l'approbation du Parlement.
En procédant de la sorte, en faisant de ces documents initiaux
des documents dits de la session, et en les déposant au Bureau du
commissaire du travail, nous conférions, comme Parlement, à ces
documents un rôle de convention collective.
Par exemple, on pourrait imaginer une situation tout à fait
plausible où des parties négocient et en viennent, à la
table de négociation, à une entente, laquelle n'est pas
entérinée par toutes les instances. Une instance décide de
tenir tête au Parlement et de ne pas la ratifier. Pour des raisons
d'intérêt public, le Parlement déciderait d'intervenir et
déciderait, par une loi, en se référant à cette
entente conclue à la table de négociation mais non
entérinée par toutes les instances, que cette entente, en
dépit du fait qu'elle ne soit pas entérinée par toutes les
parties, s'applique, peut être déposée au Bureau du
commissaire du travail et tenir lieu de convention. Voilà à
nouveau un exemple de législation par référence.
On pourrait imaginer un jugement d'une cour, si on veut parler
d'un...
M. Bisaillon: ...
M. Bérubé: ...jugement d'une cour auquel le
Parlement voudrait donner force, une interprétation juridique, j'imagine
que le Parlement pourrait déposer une loi. On pourrait imaginer que, par
exemple, dans le cas de la frontière du Labrador, un Parlement pourrait
faire référence à un jugement du Conseil privé et
dire que ce jugement définit la frontière. Il fait
référence à un document qui n'est pas un document de
l'Assemblée nationale. Ce document, évidemment, n'a pas
été adopté dans les deux langues. Le Parlement le peut-il?
C'est ce problème de la législation par référence
qui est au coeur du débat et qui va bien au-delà du
problème des conventions collectives. Il s'agit de voir si ce Parlement
pourra, à l'avenir, faire référence à des documents
pour les rendre d'application obligatoire. C'est là le coeur du
problème.
On peut imaginer énormément de situations, puisqu'il y a
énormément de situations du même type qui se sont produites
dans le passé et où, à chaque fois, le Parlement a suivi
la procédure qui a été suivie lors du dépôt
des lois 70 et 105 et de leur adoption.
Donc, au-delà du débat entourant les conventions
collectives, il y a quelque chose de beaucoup plus fondamental qui porte
essentiellement sur le droit futur de ce Parlement de légiférer
de cette façon. Je suis convaincu que le député
d'Argenteuil, la députée de L'Acadie, le député de
Sainte-Marie et également les députés de notre formation
voudront aller plus à fond dans toute cette problématique du
processus législatif. Mais il faut bien se rendre compte que le
débat va bien au-delà du problème
bien spécifique des lois 70 et 105. Il se réfère
à tout un processus législatif. Les décisions des cours
sont d'une telle importance pour le fonctionnement de notre propre
Assemblée nationale qu'il paraissait approprié au ministre de la
Justice de poursuivre jusqu'aux instances suprêmes le débat sur la
question, car nous croyons qu'en se référant à un document
de la session et en décrétant un mécanisme en vertu duquel
ce document pouvait être déposé au Bureau du commissaire du
travail et devenir une convention collective, l'Assemblée nationale a
choisi un processus législatif qui n'est pas soumis, à ce
moment-là, à la décision antérieure de la Cour
suprême concernant la législation
déléguée.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: D'abord, je soulignerai qu'il y a toute une partie des
questions que j'avais posées qui n'ont pas été
traitées par le ministre. Je les rappellerai tantôt. Sur les
points qu'il a soulignés, je voudrais faire une couple
d'observations.
Tout d'abord, quand nous traitons de ces questions, nous ne nous
attribuons pas de science particulière, sinon celle qui est disponible
pour tous les honnêtes citoyens qui prennent la peine de lire les textes
et de se renseigner. Je me souviens, quand le premier jugement de la Cour
suprême a été rendu public au sujet de la validité
du chapitre de la loi 101 qui traite de la langue des tribunaux, que nous
avions dit, ce jour-là, au gouvernement qu'il avait agité des
épouvantails, qu'il avait tenté de faire croire - il n'a pas
été cru - que c'était la fin du français dans nos
commissions scolaires, dans nos municipalités et dans nos organismes de
toutes sortes. Nous lui avions dit, à ce moment-là, que
c'était une interprétation qui ne tenait pas debout. Il y a des
témoins qui étaient là aussi. Ils sont allés
jusqu'en Cour suprême et la Cour suprême a rendu une
décision qui était très proche de la position qui avait
été tenue par l'Opposition. Cela a fait disparaître la
plupart des épouvantails que le gouvernement avait essayé
d'agiter à ce moment-là. M. Brière s'en souvient
très bien.
Le ministre veut nous faire croire que la dernière
décision rendue par la Cour supérieure entraînerait comme
conséquence que tout ce qui sera à l'avenir un document de la
session devra nécessairement être présenté dans les
deux langues. Ce n'est pas du tout ce qui est dit et vous n'aurez pas de
réponse...
M. Bérubé: Ce n'est pas ce que j'ai dit non
plus.
M. Ryan: C'est ce que j'ai compris.
M. Bérubé: Eh bien, si vous n'avez pas compris ce
que j'ai dit, c'est votre problème.
M. Ryan: Mais, parfois, ce n'est pas facile à comprendre
parce que vous parlez avec d'autant plus d'assurance que vous n'avez pas l'air
de connaître le domaine.
Ce que le juge en chef de la Cour supérieure a dit, c'est que les
documents de la session concernant la loi 105 sont, de toute évidence,
au coeur même de la loi. Il a très bien dit dans son jugement
d'ailleurs qu'il peut arriver que des documents de la session échappent
à l'obligation du bilinguisme, étant donné la nature
même de ces documents. Il n'a pas rendu de décision de principe
engageant tout l'avenir dans ce domaine. Je ne pense pas que ce soit une bonne
chose d'aller en quémander une à la Cour d'appel et à la
Cour suprême non plus. Il y a des cas où c'est beaucoup mieux de
les prendre un à un.
Dans ce cas-ci, l'évidence est tellement fulgurante que nous vous
demandons de reconnaître le bon sens le plus élémentaire et
de ne pas engager des fonds publics inutilement en allant jusqu'au bout de
cette démarche. C'est l'objet de l'interrogation et des
représentations que nous vous adressons à ce sujet. Pour que cela
soit bien clair, je pense que je vais être obligé de lire une
couple d'extraits du jugement Deschênes pour qu'on voie exactement la
portée de ce qu'il a dit, parce que, tantôt, on a reçu un
cours qui est complètement à côté de la
question.
Le juge Deschênes établit clairement que, dans certains
cas: "Peut-être la méthode des documents sessionnels sera-t-elle
acceptable s'il s'agit, par exemple, de valider par une loi un contrat
préexistant, encore qu'il vaille mieux reproduire le contrat en annexe
de la loi; peut-être aussi cette méthode permet-elle
d'alléger un texte de loi, lorsque celui-ci n'a pour but que de ratifier
ou valider un contrat sans pour autant créer d'obligation nouvelle ou
imposer une convention aux parties. Mais il doit en aller tout à fait
différemment lorsque les documents sessionnels constituent en
vérité l'essence même de la loi. Or, que reste-t-il -je
cite le jugement Deschênes - de la loi 105 si l'on fait abstraction des
documents sessionnels 651, 653 et 665? D'après le procureur de
l'appelant - c'est-à-dire le gouvernement - la section II de la loi ne
s'applique pas à l'intimé. La période du 1er janvier au
1er avril 1983, couverte par cette section, sera maintenant couverte par la
convention collective. Seule s'appliquent la section III de la loi et plus
particulièrement ses articles 6, 9 et 10. Mais ces trois articles,
privés de leur renvoi aux documents sessionnels, deviennent vides de
sens et de substance". Là je passe quelques détails.
"Ces trois documents sessionnels sont donc à la racine de la
législation. Sans eux, il n'y a ni dépôt de conditions de
travail, ni convention collective, ni entrée en jeu du Code du travail.
Sans ces trois documents, la loi no 105 ne veut rien dire et n'est qu'une
coquille vide. Ces trois documents constituent en vérité
l'essence et la substance de la loi. C'est en eux et par eux que se manifeste
et se concrétise la volonté du législateur".
C'est cela que nous vous demandons de reconnaître. C'est une
vérité qui ne peut pas être plus évidente que
celle-là. J'entendais le ministre dire, il y a quelques instants, que le
gouvernement aurait pu à la rigueur - et là je l'ai
peut-être mal compris mais il me fera plaisir d'être corrigé
sur ce point - dire: On va adopter cela par décret ou par
arrêté en conseil, le contenu des conventions collectives, on va
seulement vous faire adopter la loi-cadre.
Je ne suis pas surpris qu'il ait eu cette pensée mais elle
m'apparaît monstrueuse, et je répète monstrueuse.
M. Bérubé: Cela s'est fait dans le
passé.
M. Ryan: Non pas cette fois-ci. Je ne me souviens pas que cela
ait été fait dans ce détail-là et je vous
défie de me mentionner des cas.
On a réglé des aspects particuliers mais lorsque le
gouvernement a édicté une convention collective de A
jusqu'à Z, comme vous l'avez fait avec la loi 105, je serais bien
intéressé de savoir quand cela s'est fait.
M. Bisaillon: Aucun exemple, cela ne s'est jamais fait.
M. Ryan: Mais, lui, il connaît tout. Il en connaît
des cas.
M. Bisaillon: C'est dramatique...
M. Ryan: Je serais volontiers interrompu s'il y avait une
réponse à cette question.
M. Bérubé: Non.
M. Ryan: Que cette pensée vous soit venue, je le regrette.
Je suis heureux qu'elle ne se soit pas réalisée. J'aime cependant
encore beaucoup mieux l'erreur qui a été commise sous l'aspect
constitutionnel en ne nous présentant ces documents qu'en langue
française seulement. C'est une erreur qui peut être
corrigée. S'il avait fallu qu'on aille jusqu'à un stade où
le gouvernement aurait décrété, par arrêté en
conseil, tout le contenu des conventions collectives, cela aurait
été encore pire que ce qui s'est fait, même si ce qui s'est
passé en décembre dernier méritait une très forte
réprobation.
J'avais demandé au ministre en deuxième partie, et cela
nous y reviendrons plus tard lorsqu'on aura terminé cet échange
préliminaire, nous allons revenir sur l'article 1... J'aurais un
amendement à proposer à l'article 1. Je reviens sur la question
que j'avais posée au ministre et à laquelle je n'ai pas eu de
réponse. Dans la pensée du gouvernement, qu'elle est la situation
juridique qui a existé entre le 1er janvier 1983 et le 1er
avril 1983, à la lumière des jugements qui ont été
rendus par deux magistrats de la Cour supérieure en sens
différents? Un des magistrats conclut qu'il y avait une convention
collective en vigueur, sans oser cependant préciser laquelle, ce qui
fait assez étrange comme document, mais quand même. L'autre
magistrat, le juge Deschênes, conclut qu'il n'existait pas de convention
collective. Il déclare: Le législateur avait dit dans sa loi 105
et dans sa loi 70 que les conventions qui existaient seraient prolongées
ou modifiées selon le cas. Mais, là, il nous dit: Comme ces lois
ne sont pas constitutionnelles, il n'existait pas de convention. Donc il ne
peut pas y avoir eu de manquements à ces conventions-là. Je pense
que cela ne peut pas être la position du gouvernement, d'un point de vue
administratif. Quelle est, d'un point de vue juridique, la position du
gouvernement sur cette question? Existait-il, dans l'hypothèse où
le jugement du juge en chef de la Cour supérieure aurait du bon sens et
durerait, une situation juridique à ce moment-là et quelle
situation existait précisément?
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Bérubé: Dans la mesure où nous sommes en
procédure d'appel à la Cour suprême, il est clair qu'il
n'est pas approprié de donner la position gouvernementale en dehors de
l'endroit normal où elle doit être présentée et
défendue.
Tout ce qu'on peut dire c'est que, compte tenu de la procédure
d'appel, ces lois sont présumées valides et, par
conséquent, à l'heure actuelle, il y a assurément des
conventions collectives en vigueur telles que la loi les a définies.
Tant qu'il y a appel, la loi originale est valide.
M. Bisaillon: Ce n'est pas la question.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Si vous me le permettez, M. le Président, la
question posée par le député d'Argenteuil n'est pas de cet
ordre. Le député d'Argenteuil demandait ceci: En supposant que le
jugement Deschênes soit confirmé jusqu'en Cour suprême, y
a-t-il une
convention collective ou pas, en supposant que la Cour suprême
confirme le jugement du juge Deschênes?
M. Bérubé: C'est une question hypothétique.
Je pense que la loi...
M. Bisaillon: Ce n'est pas très hypothétique, M. le
Président.
M. Bérubé: ...que nous adoptons ici est là
pour régler le problème.
M. Bisaillon: II y a des réponses à cela.
Mme Lavoie-Roux: Elle est moins hypothétique qu'hier.
M. Bérubé: Je voudrais seulement illustrer une
chose. Dans le Recueil de jurisprudence du Québec, Cour
supérieure, 1978, on souligne - c'était également un
jugement du juge Deschênes - que la cour est d'opinion que l'obligation
prévue à l'article 133 doit s'étendre à la
législation déléguée aussi bien qu'à la
législation parlementaire. De ce fait, les articles 9 et 10, etc.,
contredisent encore l'article 133. On parlait à ce moment-là de
toute la législation déléguée.
Ultérieurement, la Cour suprême en a restreint
l'interprétation initiale. Alors, ce n'est pas du tout impossible que,
finalement, vos hypothèses en restent là véritablement et
que la Cour suprême tranche en faveur de la parfaite
constitutionnalité des lois que nous avons adoptées à
l'Assemblée nationale.
M. Bisaillon: M. le Président, je veux seulement souligner
qu'il y a quelque chose d'hypothétique dans la question à partir
du moment où je suppose l'existence d'un jugement de la Cour
suprême qui serait identique à celui de la Cour d'appel, mais si
je me base uniquement sur le jugement Deschênes il n'y a rien
d'hypothétique dans le fait de dire qu'il y avait effectivement une
convention. Donc, la convention collective antérieure ou les conditions
de la convention collective antérieure devraient normalement continuer
à s'appliquer.
M. Bérubé: Là où il y a des clauses
de reconduction automatique, mais je souligne qu'il y a plusieurs de nos
conventions collectives où il n'y a pas de clause de reconduction.
M. Bisaillon: Mais il y en avait dans celle des
enseignants...
M. Bérubé: Bien oui.
M. Bisaillon: II y en avait dans celle de la FAS et il y en avait
dans celle des fonctionnaires.
M. Bérubé: Mais il y a de nombreuses conventions
collectives et il y en a où il n'y a pas de clause de reconduction.
M. Bisaillon: Pas dans celle des fonctionnaires? Cela fait
déjà deux groupes importants qui avaient une clause de
reconduction à l'intérieur de leur ancienne convention
collective. Or, la clause de reconduction, entendons-nous bien, ce n'est pas
une clause qui reporte la convention collective, c'est une clause qui dit: Tant
et aussi longtemps qu'on n'aura pas conclu une nouvelle convention collective,
l'employeur sera tenu d'appliquer les mêmes conditions de travail. Ce
n'est pas une clause de reconduction, c'est une clause de maintien de
l'application des conditions de travail. Moi non plus, je ne suis pas juriste,
M. le ministre...
M. Bérubé: Fort heureusement, on va s'entendre.
M. Bisaillon: ...mais je peux aussi bien me risquer. Je sais que
l'expérience des relations du travail, c'est cela. Donc, il n'y avait
pas de convention collective selon le juge Deschênes, mais il y avait des
conditions de travail qui devaient être maintenues par l'employeur. Or,
cela veut dire que les échelles de salaires doivent être
maintenues. Cela veut dire que les conditions de travail, en termes d'horaire
et de nombre d'enseignants, cela doit être maintenu aussi. Là,
cela pose tout un problème et c'est dans ce sens-là qu'on a
intérêt à se pencher sérieusement sur la question
posée par le député d'Argenteuil: Au moment où on
se parle, est-ce qu'une obstination à essayer d'obliger la Cour
suprême à se prononcer sur un principe plus large que le
problème qui nous est présenté ne nous amènera pas
à un cul-de-sac qui va finalement coûter plus cher à
l'État qu'un règlement honorable? Les règlements hors
cour, cela se fait.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil, avez-vous autre chose à ajouter?
M. Ryan: Oui, parce que je trouve qu'on n'est pas avancé
beaucoup avec ce qu'on entend, en tout cas, du côté
gouvernemental. Il y a une question que je voudrais poser au ministre. Il nous
dit: Notre position - hautement théorique, à mon humble point de
vue, comme dans certaines autres affaires qui sont en cour d'ailleurs -c'est
qu'il y avait convention collective vu que cela a été
décidé ainsi par une loi que nous continuons de défendre
devant les tribunaux supérieurs. Très bien...
Le Président (M. Laplante): Je voudrais faire une
remarque, aux fins du journal des
Débats, que vos questions s'adressent toujours au
président.
M. Ryan: Très bien, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): ...parce qu'il n'y a pas de M.
Lamontagne...
M. Ryan: C'est très bien. On se servira volontiers du
bureau de poste.
Le Président (M. Laplante): Parce que c'est un projet de
loi.
M. Ryan: II n'y a pas de problème. On est pour cela, la
poste.
Le Président (M. Laplante): Pour autant qu'elle soit
efficace.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais, par votre gracieuse
entremise, m'enquérir auprès du ministre sur les
intentions...
Le Président (M. Laplante): Cela, c'est bien, c'est
suivant la règle.
M. Ryan: ...que pourrait nourrir le gouvernement en ce qui touche
les poursuites qui ont pu être instituées à la suite
d'arrêts de travail survenus en janvier et en février dernier. Je
voudrais de plus m'enquérir auprès du ministre également
afin de savoir si le gouvernement a examiné la possibilité que
les tribunaux soient appelés à établir un lien de
parenté assez étroit entre la loi 70, la loi 105 et la loi 111
pour que, éventuellement, même les mesures prises à la
suite de la loi 111 soient aussi contestées ou mises en doute.
Mais, à ce moment-ci, je m'inquiète
particulièrement des poursuites qui ont été
instituées à la suite des arrêts de travail de janvier
dernier, c'est-à-dire sous l'empire d'une loi qui est
déclarée inconstitutionnelle par le dernier arrêt
judiciaire. Est-ce que le gouvernement entend continuer ces poursuites pour
l'instant? Est-ce qu'il entend les mettre sur la glace jusqu'à ce que
soient terminées ces démarches en Cour suprême,
c'est-à-dire jusque dans deux ou trois ans? Est-ce que tous ces
individus et groupements qui sont sous le coup de poursuites, de sanctions
pénales éventuelles, auront une épée de
Damoclès au-dessus de leur tête pendant tout ce temps? Est-ce que
c'est la politique du gouvernement?
M. Bérubé: M. le Président, nous avons
là un cas d'élargissement significatif du débat. Je suis
convaincu, toujours par votre bienveillante entremise, que vous pourriez
indiquer au député d'Argenteuil que l'article 2 répond
très spécifiquement à sa question et que,
néanmoins, nous n'en sommes qu'à l'article 1. Si nous pouvions
revenir à une discussion article par article du projet de loi, il est
possible qu'on pourrait avoir l'occasion de débattre ce point.
Par ailleurs, je n'ai pas d'objection -comme je l'ai indiqué
tantôt - si le député d'Argenteuil voulait élargir
le débat en évitant de référer
spécifiquement à des articles, je n'ai pas d'objection à
ce qu'on le fasse maintenant dans un geste - comme vous pourrez le noter,
d'ailleurs, M. le Président - d'une très grande ouverture
d'esprit à toutes les remarques que voudra émettre le
député d'Argenteuil, toujours en passant par votre biais,
évidemment.
Le Président (M. Laplante): Allez-y.
M. Ryan: Oui, j'accepte très bien cela. On pourra le
reprendre à l'article 2, cela ne dérange pas. Mais avant qu'on en
vienne à l'article 1, je voudrais demander s'il serait possible pour le
gouvernement de produire une opinion juridique quant à la nature de la
situation qui a existé entre le 1er janvier et le 1er avril à la
lumière du dernier jugement qui vient d'être rendu en particulier.
À supposer que ce jugement doive éventuellement être
entériné par des tribunaux supérieurs, quelle situation
juridique a existé entre le 1er janvier et le 1er avril? C'est une
question de très grande importance...
M. Bérubé: ...M. le Président.
M. Ryan: ...et sur laquelle nous aimerions
énormément connaître les avis des conseillers juridiques du
gouvernement. Car cela entraîne une foule de conséquences
pratiques, non seulement pour le gouvernement et pour nous de l'Opposition,
mais pour des centaines d'organisations syndicales et patronales qui sont
directement visées par les lois 70, 105 et 111.
M. Bérubé: M. le Président, les lois 70 et
105 sont valides tant que les instances suprêmes n'auront pas
statué autrement et, par conséquent, elles s'appliquent. Si
jamais il devait en être autrement dans un jugement de la Cour
suprême, à ce moment-là, la loi 8 prendrait la
relève et, par conséquent, les lois 70 et 105
s'appliqueraient.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 1 est
adopté?
M. le député de Sainte-Marie.
M. Bérubé: M. le député de
Sainte-Marie, de son profond sommeil...
M. Bisaillon: Le député est très vigilant,
M. le Président, même s'il a parfois à attendre très
longtemps le ministre. Les périodes d'attente nous amènent
à être très vigilants. L'article 1 n'est évidemment
pas
adopté, M. le Président. D'une part, je n'ai pas les
mêmes réserves que le député de Deux-Montagnes, ni
le même statut et évidemment l'article 1, dans sa forme actuelle,
ne peut me convenir. S'il n'y a pas d'amendements présentés par
l'Opposition, il y a en aura sûrement un de ma part quant au
deuxième paragraphe.
Par ailleurs, quant au premier paragraphe de la loi, si la position du
gouvernement est celle qui vient d'être exprimée par le ministre,
je me pose des questions sur l'existence même de l'article 1 et,
finalement, sur l'existence même de la loi. Si les lois sont valides tant
et aussi longtemps qu'on n'a pas un jugement, pourquoi sent-on le besoin de
réparer un certain nombre de choses? Je comprends qu'il y a des
améliorations des conditions de travail. On peut donc, à partir
de la réponse du ministre, penser que le projet de loi no 8 vise
uniquement - puisque les lois 70 et 105 sont toujours valides, étant
donné le choix gouvernemental d'aller en appel - à bonifier les
décrets, les documents de la session qui accompagnaient les lois 70 et
105, mais en termes de contenu et non en termes de forme. (17 h 15)
Or, l'article 1 vise à corriger aussi la forme et vise à
répondre à l'avance à un jugement éventuel qui
serait défavorable au gouvernement. Donc l'article 1 n'est pas
nécessaire. Si le ministre continue à prétendre que les
lois 70 et 105 sont valides tant et aussi longtemps qu'on ne se rend pas en
Cour suprême, supprimons l'article 1, carrément. On n'en a pas
besoin. Bonifions les décrets tels qu'ils existent en français
et, par la suite, on verra. On attendra le jugement de la cour. Mais le
ministre a bien dit que les lois 70 et 105 étaient valides, et si elles
sont valides, l'article 1 est tout à fait inutile, et je persiste
à dire que non seulement le deuxième paragraphe devrait
être supprimé mais l'article au complet.
M. Bérubé: M. le Président, le
député de Sainte-Marie n'a certainement jamais travaillé
dans la vente d'assurance car s'il lisait l'article 1, il verrait que la
présente loi a pour objet d'assurer la validité. Lorsque je
prends une assurance contre l'incendie, je ne présume pas pour autant
que je vais passer au feu, mais au cas où je devrais passer au feu, je
bénéficierais d'une certaine protection financière.
M. Bisaillon: Le ministre ne pense pas que la meilleure assurance
aurait été d'adopter correctement et dans les formes, la
première fois, les lois 70 et 105?
M. Bérubé: J'ai eu l'occasion de dire exactement
pourquoi nous les avons adoptées de cette façon-là. Je lui
ai rappelé six précédents où le Parlement a
adopté par référence des documents de la session et les
a....
M. Bisaillon: Toujours avant le jugement de la Cour
suprême.
M. Bérubé: ...imposés en guise de convention
collective. Ce n'est donc pas un précédent
législatif...
M. Bisaillon: Le jugement de la Cour suprême n'existait pas
à ce moment. Quand vous nous donnez ces exemples de
précédents, c'est une procédure qui a déjà
été utilisée à un moment ou à des moments
où le jugement de la Cour suprême n'était pas connu.
M. Bérubé: Le jugement de la Cour suprême n'a
jamais porté sur la législation par référence mais
a uniquement porté sur la législation
déléguée et a même dû restreindre la notion de
législation déléguée à laquelle l'article
133 référait. Or, dans le cas présent, il est clair qu'il
est nécessaire... D'ailleurs dans le jugement du juge Deschênes,
celui-ci, soulignant que ce n'est pas absolument, complètement
évident, fait référence à la loi approuvant la
Convention de la Baie-James et du Nord québécois qui, comme vous
le savez, a été... En fait, cette Convention de la Baie-James est
le résultat d'une longue et patiente négociation entre les
autochtones et les représentants gouvernementaux. Deuxièmement,
tous les autochtones n'ont pas entériné la Convention de la
Baie-James. Certains villages, trois villages inuits dissidents ont
refusé d'entériner le texte de la Convention de la Baie-James. Il
apparaissait, à ce moment-là, approprié pour le Parlement
d'adopter une loi approuvant la Convention de la Baie-James et du Nord
québécois pour lui donner force.
On se rend bien compte que, même dans son jugement, le juge
Deschênes se rend bien compte que la méthode de législation
par référence peut s'avérer fort utile comme processus
parlementaire. Il n'est nullement évident qu'en Cour suprême la
décision finale n'ira pas dans le sens que nous prétendons,
c'est-à-dire que les documents de la session qui ont été
déposés à l'Assemblée nationale n'avaient pas
à être traduits dans les deux langues.
M. Bisaillon: M. le Président, je ne sais pas si le
député d'Argenteuil avait annoncé un amendement
tantôt. J'aimerais, avant de continuer sur l'article no 1,
connaître la nature de l'amendement qu'il avait à
présenter.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Laplante): M. le
député d'Argenteuil.
Motions d'amendement
M. Ryan: Évidemment, l'article no 1, dans sa forme
actuelle, est inacceptable à mes yeux. S'il s'agissait seulement du
premier alinéa, je crois bien qu'il serait acceptable si la loi n'avait
consisté qu'à régulariser cette situation
créée par la manière dont on a procédé en
décembre et en juin dernier pour l'adoption des lois nos 105 et 70. Cela
ne ferait pas de grosses difficultés. Les objections de fond qui avaient
inspiré l'attitude de l'Opposition à ce moment-là
demeureraient, évidemment, mais nous serions très heureux de
collaborer à la régularisation de la situation. Mais là,
le gouvernement, en ajoutant le deuxième alinéa, crée deux
sortes de difficultés.
Tout d'abord, ainsi que l'a souligné le député de
Deux-Montagnes dans ses interventions précédentes, il crée
une certaine confusion entre les choses qui relèvent du domaine
législatif et les choses qui relèvent du domaine judiciaire.
C'est comme s'il voulait créer l'impression que les opinions ou les
avertissements qu'exprime une Législature vont avoir quelque influence
que ce soit sur les jugements que rendront les tribunaux. Les tribunaux ne
s'occupent pas beaucoup de paragraphes déclaratoires comme ceux-ci quand
ils rendent des jugements en matière constitutionnelle. Ils examinent le
texte des lois, ils examinent la manière dont les choses se sont
développées. Ce n'est pas la façon de procéder. Des
petits avertissements politiques de portée étroite, ce n'est pas
cela qui conditionne la jurisprudence constitutionnelle dans un pays comme le
Canada. On doit dire que la jurisprudence constitutionnelle au Canada s'est
développée de manière souvent contestable. Même
quand elle émane de la Cour suprême, elle n'est pas toujours de
nature à susciter l'adhésion unanime de tout le monde. Cela s'est
développé à un niveau passablement élevé. Je
pense qu'il y a lieu d'être fiers, comme citoyens de ce pays, du niveau
élevé où s'est développée la jurisprudence
constitutionnelle au cours du dernier quart de siècle. Je suis sûr
qu'un paragraphe comme celui-ci n'aura aucune espèce d'impact sur les
décisions que rendront les tribunaux ultérieurement, à
supposer que le gouvernement persiste dans sa démarche actuelle.
Deuxièmement, en lisant l'article comme il est formulé, on
a l'impression de quelqu'un qui veut jouer gagnant sur les deux tableaux. Il me
semble qu'on s'attend du législateur qu'il soit ferme, qu'il soit clair,
qu'il soit net, contestable très souvent, mais au moins qu'il ait une
position et qu'il la tienne. On n'aime pas qu'il dise: Oui, je fais cela, mais
au fond, j'aurais fait le contraire si je n'avais pas eu peur de me faire
donner un petit coup de bâton sur les doigts par les tribunaux. J'ai
l'impression que cela donne ceci. Si le législateur est convaincu que
c'est dans l'intérêt général qu'il reconnaisse par
la loi no 8 qu'il fallait que les documents sessionnels soient dans les deux
langues, qu'il le dise dans le premier alinéa et qu'il laisse faire la
petite morale qui est contenue dans le deuxième alinéa. On n'en a
pas besoin. Il a le droit d'avoir cette opinion-là. Il peut la
défendre sur des tribunes politiques. Il peut la défendre dans
les discours qu'il fera à l'Assemblée nationale. C'est
très bien. Mais nous ne voyons pas du tout le bien-fondé de
l'insertion d'un tel alinéa dans le texte même de la loi no 8.
Nous le trouvons redondant, nous le trouvons inutile et nous le trouvons de
nature à semer la confusion dans les esprits. Dans cette perspective, je
voudrais proposer que l'article no 1 soit amendé en laissant tomber le
second alinéa commençant par les mots: "Elle ne doit pas
être interprétée" jusqu'aux mots "l'ont été."
Il me semble que si cet alinéa était enlevé, cela
n'enlèverait absolument rien à la force que pourrait
éventuellement avoir l'argumentation du gouvernement devant les
tribunaux, et cela donnerait une impression de clarté et de
cohésion beaucoup plus forte...
Le Président (M. Laplante): C'est l'amendement que vous
faites, M. le député?
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Laplante): Avant de le juger recevable,
je voudrais l'avoir par écrit d'abord.
M. Ryan: Très bien.
Le Président (M. Laplante): Que l'article 1 du projet de
loi no 8 soit amendé en retirant le paragraphe commençant par les
mots "Elle ne doit pas" et se terminant par les mots "décrets et
documents sessionnels l'ont été". C'est qu'à la
première vue mon jugement est passablement fait là-dessus, en
lisant l'article 70 du règlement: "Un amendement doit se rapporter
directement au sujet de la motion proposée et ne peut avoir que les
objets suivants: retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres. Il
est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale sur
laquelle il a été proposé et il en est de même d'un
sous-amendement par rapport à un amendement".
L'article 1 se lit: "La présente loi a pour principal objet, eu
égard à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867,
d'assurer la validité des documents sessionnels auxquels
réfèrent la Loi concernant la rémunération dans le
secteur public et la Loi concernant
les conditions de travail dans le secteur public". Pour être plus
explicite, à l'article 1, le législateur veut que ce
deuxième alinéa fasse partie du premier tel qu'il l'explique en
partant. "Elle ne doit pas être interprétée -à
l'article 1 - comme une reconnaissance que ces lois, les décrets pris en
vertu de celles-ci et les documents sessionnels auxquels elles
réfèrent - toujours à ce même article 1 -doivent
être adoptés, pris ou déposés autrement que de
façon dont ces lois, décrets et documents sessionnels l'ont
été".
C'est que notre règlement ne permettrait pas actuellement de
faire disparaître l'article.
M. Bisaillon: M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Ce que vous pourriez faire ce
serait d'ajouter des mots, de les remplacer par d'autres. Mais de
l'éliminer, tel que l'article 70 de notre règlement le dit, je
suis donc obligé de considérer cet amendement non recevable.
M. Bisaillon: M. le Président, est-ce que je peux vous
poser une question?
Le Président (M. Laplante): Oui.
M. Bisaillon: II était clair, M. le Président, que
vous vous attendiez à ce qu'un amendement de cette nature soit
présenté. Je comprends que vous ayez pris la précaution de
vous préparer à cet effet. Est-ce qu'il ne serait pas plus
prudent, pour respecter un peu les parlementaires qui présentent des
amendements, de leur laisser expliquer ce en quoi, à partir du moment
où vous doutez de la recevabilité d'un amendement, ils pourraient
prétendre à la recevabilité de l'amendement? Vous nous
enferrez par une décision que vous venez de rendre à ne pas
pouvoir discuter de la recevabilité ou de l'irrecevabilité, ce
qui me semble un peu précipité dans les circonstances.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sainte-Marie, vous-même vous venez de dire que j'étais
préparé à recevoir l'amendement. D'ailleurs, il a
été annoncé par le député d'Argenteuil et
vous-même vous en avez aussi parlé. Longuement le
député de Deux-Montagnes en a parlé aussi, pas de faire un
amendement mais sur...
M. Bisaillon: M. le Président, ce dont on a parlé
c'est qu'on présenterait un amendement, on n'a jamais parlé de la
recevabilité.
Le Président (M. Laplante): Une minute, sur
l'utilité du deuxième alinéa. Le ministre a même
donné une réplique au député de Deux-Montagnes.
D'autant plus, le député d'Argenteuil, avant la proposition de
son amendement, est allé sur le fond de l'amendement, il a
expliqué pourquoi. Le règlement dit aussi que si le
président se sent éclairé il peut donner une
décision sur le champ et c'est ce que j'ai fait. Si vous avez d'autres
amendements à proposer à l'article 1, je suis prêt à
les recevoir et à regarder s'ils sont conformes au règlement. M.
le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, me permettez-vous
d'émettre une opinion sur ce que vous venez de dire?
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil, si c'est en discussion sur la décision que je viens de
rendre, c'est non.
M. Ryan: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): ...parce que vous-même
vous dites que vous êtes un grand respectueux des choses.
M. Ryan: Oui.
M. Bisaillon: Pour autant qu'on est respecté, M. le
Président. Il ne faut quand même pas charrier. On n'a même
pas eu l'occasion de s'exprimer. (17 h 30)
M. Ryan: M. le Président, je me permets de vous signaler
deux choses. Tout d'abord, comme l'a dit le député de
Sainte-Marie, il aurait été d'élémentaire prudence
que vous demandiez l'avis des députés sur la recevabilité
de la motion avant de rendre votre décision. Deuxièmement, je
voudrais vous demander s'il ne serait pas judicieux, avant de rendre votre
décision définitive, que vous consultiez la présidence de
la Chambre quant à la décision que vous venez de rendre, parce
que à sa face même elle me paraît éminemment
contestable.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil, je vais vous arrêter là. Tout en respectant votre
droit de parole, j'aimerais aussi - ce sont vos habitudes depuis que je vous
connais - que vous respectiez les décisions du président. Le
président n'est pas infaillible, je pense que cela est reconnu de tous
il rend des jugements au meilleur de sa connaissance dans l'attribution de la
tâche qu'il doit accomplir. C'est pour cela que je demanderais votre
coopération et, si vous avez d'autres amendements à apporter au
deuxième alinéa ou à l'article 1 au complet...
M. Bisaillon: ...
Le Président (M. Laplante): ...M. le député
d'Argenteuil, je suis prêt à les
recevoir.
M. Ryan: Je demande une suspension de cinq minutes.
Le Président (M. Laplante): Oui, je vais vous accorder une
suspension si vous en avez besoin.
M. Ryan: Oui. Nous en avons besoin. Nous allons vous revenir avec
un autre amendement.
Le Président (M. Laplante): D'accord. La séance est
suspendue pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 31)
(Reprise de la séance à 17 h 37)
Le Président (M. Laplante): Reprise des travaux. M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Les quelques minutes d'interruption nous auront
permis de digérer davantage les sentiments qui pouvaient nous habiter au
moment de l'ajournement. Je voudrais vous adresser une demande dans tout le
respect que l'on doit à la façon dont vous avez mené les
travaux de cette commission. Est-ce qu'il serait possible que,
rétroactivement, de la même façon que le projet de loi
comporte des correctifs de façon rétroactive, vous accordiez un
certain temps limité aux parlementaires pour leur permettre de vous
expliquer - sans que cela change votre décision, puisque vous l'avez
déjà énoncée - ce en quoi ils se sentaient
justifiés de présenter un amendement de la sorte? En supposant
qu'on revienne en arrière et qu'on prenne cinq minutes pour expliquer en
quoi, selon nous, la recevabilité était possible... Vous avez
rendu, après cinq minutes, votre décision qui demeurera la
même. Au moins on aurait l'occasion d'expliquer ce en quoi on se sentait
justifiés de présenter un amendement. Est-ce que cette
procédure, simple et de bonne entente, sans créer de
précédent aucun, serait possible?
Le Président (M. Laplante): J'aime beaucoup la
façon dont vous le demandez, M. le député de
Sainte-Marie...
M. Bisaillon: Cela est fait élégamment, M. le
Président.
Le Président (M. Laplante): Cela est fait
élégamment, mais ce n'est pas possible à ce moment-ci,
parce que justement je ne veux pas occasionner de...
M. Bérubé: Non, c'est non.
Le Président (M. Laplante): Maintenant, il y a une chose
que je peux vous suggérer, M. le député de Sainte-Marie.
Je suis encore réceptif aux amendements, l'article est encore là,
on n'en a pas disposé. À ce moment-là, vous pourriez
peut-être - je connais votre habileté parlementaire - sans trop
être dérangé - exprimer vos sentiments sur un
amendement.
M. Bisaillon: M. le Président, je vais attendre pour voir
si d'autres amendements arrivent sur la table et quel accueil vous leur ferez,
en vous disant peut-être cette fois-ci que j'accepte votre
décision, et que c'est parce que j'y suis forcé que je l'accepte;
en vous disant, moins élégamment, que pour les prochains
amendements si vous aviez des doutes quant à leur recevabilité,
nous apprécierions comme parlementaires que vous nous donniez, cette
fois, les brefs moments nécessaires pour vous les expliquer.
Le Président (M. Laplante): J'apprécie aussi, M. le
député de Sainte-Marie, que vous ayez ajouté le mot doute.
Je n'avais pas ce doute. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je veux vous dire que
j'étais complètement d'accord avec le député de
Sainte-Marie dans la requête qu'il vous a faite. Je vais vous soumettre
un projet d'amendement qui, tout en gardant entre parenthèses les
réserves, les objections que je nourris à l'endroit de votre
décision, est peut-être de nature à répondre
à vos attentes.
Le Président (M. Laplante): Allez-y avec votre amendement,
monsieur.
M. Ryan: Je propose que dans le deuxième alinéa de
l'article 1, les mots commençant au début de la deuxième
ligne de l'alinéa: "Ces lois, les décrets pris en vertu de
celles-ci et les documents sessionnels auxquels elles réfèrent",
soient remplacés par les mots suivants: "toute forme de document
sessionnel doive" et le reste de l'article sera remplacé par les mots
suivants: "Être adopté, pris ou déposé dans les
langues française et anglaise."
Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous pourriez me
relire l'article...
M. Ryan: Reconstitué?
Le Président (M. Laplante): ... complet à votre
amendement.
M. Ryan: Oui. "Elle ne doit pas être
interprétée comme une reconnaissance que toute forme de document
sessionnel doive être adopté, pris ou déposé dans
les langues française et anglaise."
Si vous me permettez de vous expliquer l'amendement, cela me fera
plaisir de vous l'expliquer.
Le Président (M. Laplante): Je voudrais avoir des
explications sur cette nouvelle forme d'amendement, mais je voudrais l'avoir
devant moi.
M. Ryan: II y en a qui ont déjà entrepris de faire
l'exégèse avant que j'aie eu le temps de l'expliquer.
Le Président (M. Laplante): Je voudrais avoir, d'abord,
une copie de l'amendement que vous avez apporté, et copies aussi pour
les autres membres qui sont autour de la table. Je voudrais aussi que vous me
décriviez comment le paragraphe se lirait.
M. Ryan: Je voudrais d'abord vous rappeler, M. le
Président, que l'objet principal du projet de loi numéro 8 et en
particulier de l'article 1, ce n'est pas de ménager les
susceptibilités doctrinales du gouvernement, mais d'assurer la
validité des documents sessionnels auxquels réfèrent la
loi 70 et la loi 105. Cela, je pense, qu'il faut l'établir clairement.
S'il s'était agit principalement de ménager les
susceptibilités du gouvernement, on n'aurait pas été
obligé de faire cet exercice du tout, il aurait très bien pu
être fait sur le plan politique. Il fallait une intervention
législative parce qu'il s'agissait, comme le dit très bien
d'ailleurs le premier alinéa, d'assurer la validité
constitutionnelle des documents sessionnels auxquels réfère la
loi, etc. Ce qui assure la validité constitutionnelle, c'est justement
l'ensemble de ce projet de loi-ci, et le deuxième alinéa veut
préserver la position du gouvernement. Vous avez décidé
tantôt qu'il était essentiel au texte; nous ne le pensons pas du
tout.
Ce que je propose aurait l'effet suivant. Quand je suggère qu'on
écrive: "Elle ne doit pas être interprétée comme une
reconnaissance que toute forme de documents sessionnels doive être
adoptée, prise ou déposée" et, à la rigueur, je
pourrais laisser tomber la dernière partie de l'amendement: "autrement
que de la façon dont ces lois, décrets et documents sessionnels
l'ont été", je veux dire que le gouvernement ménage sa
position mais, au moins, il ne vient pas affirmer à propos de ces
documents-ci qui corrigent - je fais A et B en même temps -ils corrigent
pour les documents sessionnels dont il est question. On se trouverait à
dire que pour d'autres formes de documents sessionnels comme ceux auxquels a pu
faire allusion le ministre tantôt - que je lui serais reconnaissant,
entre parenthèses, de me donner en détail, je ne sais pas s'il y
aurait moyen de me faire donner en détail. Je ne sais pas s'il y aurait
moyen de me faire donner, peut-être même avant la suspension des
travaux à l'heure du souper, les références
précises des autres exemples de documents sessionnels dont il a
parlé, de manière que je puisse en faire faire une
vérification tantôt. On verra s'il y a des différences
substantielles. Je pense que ce sera très intéressant, quand on
se retrouvera après la suspension du souper, de pouvoir parler de ces
autres formes de documents sessionnels en connaissance de cause.
On a mentionné des exemples à la volée, comme cela.
Dans certains cas, on est allé les chercher jusqu'à quinze ou
même vingt ans en arrière. Si le gouvernement pouvait nous donner
les indications précises dont nous avons besoin, cela nous aiderait
beaucoup. Mais, en conformité avec le passage du jugement
Deschênes que j'ai cité tantôt, je n'aurais pas du tout
objection à ce qu'on dise, dans le deuxième alinéa du
paragraphe, que nous n'entendons point signifier, en adoptant l'article 1, que,
dorénavant, toute forme de document sessionnel qui pourrait accompagner
un texte de loi devra...
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil, pour m'éclairer vraiment puisque j'ai des doutes...
M. Ryan: Encore des doutes?
Le Président (M. Laplante): Là, j'ai des doutes. Je
voudrais savoir comment la première motion, que vous avez
présentée tout à l'heure, pour éliminer le
deuxième paragraphe concorde avec l'amendement que vous venez de
proposer. Quel effet a cet amendement vis-à-vis de la motion que vous
avez proposée en premier, voulant biffer le deuxième
alinéa?
M. Ryan: Je veux bien vous le dire, si vous suspendez.
Le Président (M. Laplante): Non, non. Vous voulez que je
sois éclairé?
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Laplante): Je veux l'entendre de votre
bouche.
M. de Beliefeuille: II faudrait qu'il soit recevable.
Le Président (M. Laplante): Non, avant la
recevabilité.
M. de Bellefeuille: II faudrait que le premier soit recevable
pour qu'on puisse faire une telle comparaison.
M. Ryan: Si vous êtes prêt à remettre en
question votre première décision, je vais
vous donner volontiers des explications.
Le Président (M. Laplante): Non, c'est parce qu'il y a
aussi l'article 63 de notre règlement.
M. Ryan: Pardon? L'article 63? Le Président (M.
Laplante): Oui. M. Ryan: On va regarder cela.
Le Président (M. Laplante): "Une motion ne doit pas
soulever non plus une question identique au fond à une question qui
est..." déjà posé. C'est le corollaire des deux que je
voudrais...
M. Ryan: Oui, je vais très bien vous l'expliquer.
Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît!
M. Ryan: La première motion d'amendement que j'avais
proposée avait pour but de faire abstraction' de toute
considération d'opinion politique. Elle avait pour but de faire
abstraction, dans le texte de la loi que nous approuverons, de toute
considération d'opinion politique particulière. Le gouvernement
pose un geste. Il redresse une insuffisance qui s'est manifestée dans
les lois 70 et 105. Disons que le gouvernement garde ses réserves au
point de vue constitutionnel et au point de vue des recours judiciaires, c'est
très bien. Nous sommes en désaccord avec lui mais nous
reconnaissons son droit de le faire, sauf que nous lui demandions, tout
simplement par respect pour le pouvoir judiciaire et pour les objets que nous
voulons servir dans l'étude de ce projet de loi, de laisser tomber
complètement le deuxième alinéa qui n'est pas
nécessaire pour assurer l'objet principal de la loi, lequel est
d'assurer la validité constitutionnelle des documents sessionnels
auxquels se réfèrent les lois 70 et 105.
J'étais convaincu qu'il n'était pas nécessaire.
Vous avez décidé que c'était pris ensemble. Vous
êtes même allé jusqu'à dire qu'il était
greffé au premier alinéa alors que ce sont au moins deux
alinéas très distincts. Je pense que le gouvernement avait raison
de faire deux alinéas très distincts.
Le Président (M. Laplante): II fait
référence au premier.
M. Ryan: Oui. Maintenant, dans le nouvel amendement que je vous
présente, en législateur soumis à l'autorité de la
présidence, je dis qu'on va tenir compte de l'opinion du gouvernement.
Quand le ministre a fourni des explications tantôt, qu'a-t-il dit? Il
n'était pas capable de nous dire clairement que les documents
sessionnels 350, 650 et 652 ne font pas partie du coeur de la loi, parce que
c'est une chose évidente. Mais il nous a dit qu'il y avait d'autres cas,
qu'il voulait réserver sa latitude pour l'avenir, qu'il connaît
d'autres précédents qui n'ont pas fait l'objet de contestation
judiciaire et qui, donc, avaient toutes les apparences de la validité,
étant donné qu'ils n'avaient pas été
contestés.
En vue d'aller un petit peu au-devant de cette préoccupation
gouvernementale, je vous propose un amendement qui ne touche pas aux
changements que nous faisons ici. Je ne veux pas que nous nous contredisions.
Je ne veux pas que nous fassions une chose et son contraire en même
temps. Nous reconnaissons qu'il y avait une insuffisance. Nous la corrigeons
dans le premier alinéa. Dans le deuxième, nous disons que ce que
nous faisons ne veut pas dire que nous ferions nécessairement la
même chose à propos de toute forme de document de la session. Il
me semble que cela va tout à fait dans l'esprit du paragraphe ici. Cela
laisse la question ouverte autant du point de vue judiciaire que du point de
vue politique, d'ailleurs. Cela me semble plus conforme à l'esprit de la
démarche qui nous est imposée. On peut bien faire tous les
sophismes qu'on voudra, on peut bien faire tous les exercices de ratiocination
dans lesquels certains se complaisent, on ne peut pas changer une
évidence. Si on est ici aujourd'hui pour l'étude du projet de loi
no 8 c'est parce qu'il y a eu des jugements de cour qui ont laissé voir
au gouvernement qu'il est engagé sur une piste dangereuse et qu'un
entêtement obstiné à rester dans la voie stricte qui a
été définie par le texte actuellement connu de 105 et 70
pourrait entraîner des conséquences graves. Je pense que le
gouvernement fait bien de procéder à un redressement. Mais je lui
dis: Ne faites pas le redressement et son contraire en même temps. Faites
le redressement mais gardez-vous une certaine marge dans le deuxième
alinéa si vous y tenez. Je crois que ce n'est pas nécessaire,
mais si vous y tenez au moins circonscrivons l'exercice de manière qu'il
reste un exercice qui ait un peu de sens et qui ne soit pas contradictoire.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, sur l'amendement qui est
présenté...
M. Ryan: Nous vous déposerons le texte au début de
la séance de ce soir, si vous permettez. Il est 17 h 50, si je vois
bien. Si vous voulez nous déposerons le texte à 17 h 55.
Le Président (M. Laplante): ...en
attendant.
M. Bisaillon: Est-ce qu'on préfère ajourner
maintenant?
M. Ryan: Nous, nous sommes prêts jusqu'à 18 heures.
Si vous avez des choses à dire, je suis bien disponible.
M. Bisaillon: Ce que je voulais souligner quant à
l'amendement présenté, en regard de l'article 1 tel qu'il se
présente devant nous, c'est que dans le premier paragraphe de l'article
1 selon les propres termes - je vous soulignerai que tout ce qui virevolte
autour du ministre nous indispose. Le député de Deux-Montagnes
l'a déjà souligné. On aimerait cela que le ministre essaie
de nous écouter quand on essaie de présenter nos positions.
M. Bérubé: Nous n'avons pas à discuter du
fond de l'amendement. J'invoque le règlement dans ce cas.
Le Président (M. Laplante): Sur la
recevabilité.
M. Bisaillon: C'est sur la recevabilité que je parle.
Le Président (M. Laplante): C'est cela.
M. Bérubé: Sur la recevabilité et lorsque le
député de Sainte-Marie plaide pour la recevabilité il
plaide à votre intention, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): C'est cela.
M. Bérubé: Par conséquent, je me permettrai
à ce moment de bien vouloir penser à quoi que ce soit mais
certainement pas nécessairement aux propos du député de
Sainte-Marie.
Sur la question même de la recevabilité je pense qu'il doit
plaider auprès du président...
M. Bisaillon: Cela m'avait semblé important, M. le
ministre, que vous puissiez entendre.
M. Bérubé: Par conséquent... Le
Président (M. Laplante): ...
M. Bérubé: ...j'aimerais que le
député de Sainte-Marie...
M. Bisaillon: Y compris sur la recevabilité d'après
ce que j'ai compris.
M. Bérubé: ...me permette d'avoir les
réflexions que je voudrai bien avoir de mon côté.
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Sur la recevabilité toujours, le premier
paragraphe de l'article 1, comme l'a souligné le député
d'Argenteuil, c'est un texte qui vise à corriger une situation dans
laquelle le gouvernement s'était placé. Ces corrections que le
gouvernement apporte dans le premier paragraphe font suite à des
jugements de cour. Selon les propres termes du ministre qu'on a entendus
tantôt il dit: Le premier paragraphe, c'est se prendre une assurance.
Vous vous souviendrez, je lui opposais le fait que dans le fond tout l'article
1 était inutile puisqu'il nous expliquait que c'était en Cour
d'appel et qu'on attendait un jugement. Tant qu'il y avait un jugement les lois
existaient toujours sous les formes dans lesquelles elles ont été
votées. Le ministre nous a répondu à ceci: L'article 1
dans son premier paragraphe c'est prendre une assurance. Il m'a même dit
que j'aurais fait un très mauvais assureur. Il m'a dit: Dans le premier
paragraphe, on prend une assurance. Ce que nous disons, c'est que dans le
deuxième, après en avoir pris une dans le premier, il nous dit du
même souffle: Vous savez, je n'en avais peut-être pas besoin. C'est
exactement cela l'article qu'il y a là.
Ce que le député d'Argenteuil apporte comme amendement,
dans un premier temps, ce qu'on prétendait c'est que le gouvernement
n'avait pas d'affaire à se refaire une virginité. On disait qu'il
était suffisamment amoché comme cela qu'il n'avait pas à
prétendre à une nouvelle virginité en créant son
deuxième paragraphe. On disait aussi que le deuxième
alinéa se présentait quasi comme un jugement sur les
démarches judiciaires ou les jugements rendus par des juges de
première instance avant même d'avoir été
renversés par d'autres.
Notre prétention était donc que même le
deuxième paragraphe était du "fafinage" de la part du
gouvernement comme vous nous dites que c'est intimemement relié à
la première partie, ce qu'il nous reste à présenter comme
amendement c'est de dire, au moins dans la deuxième partie, reconaissez
que la première partie était valide. Reconnaissez dans la
deuxième que la première partie, dans les circonstances et au
moment où on se parle, avait sa raison d'être sans pour autant
reconnaître que dans d'autres circonstances où, à la suite
de jugements ultérieurs ou des jugements à venir, ou dans
d'autres formes de documents, les mêmes conditions seraient
obligatoirement appliquées. Autrement dit, le gouvernement dit, je
corrige, mais il nous annonce au même moment qu'il ne corrigera pas
nécessairement de la même façon et pas toujours non
plus.
C'est cela la portée de l'amendement
dans le deuxième paragraphe. C'est de dire, si le gouvernement
reconnaît dans la première partie qu'il doit corriger une
situation, que ses restrictions mentales et que sa deuxième
virginité ne s'appliquent qu'à cette situation précise.
Qu'il nous informe qu'il ne s'engage pas, à l'avenir, dans d'autres
formes - lorsqu'il aura des jugements ultérieurs - qu'il ne s'engage pas
à procéder exactement de la même façon qu'il le fait
dans le premier paragraphe.
Il me semble donc que c'est un complément valable et justifiable,
à l'alinéa 1, que c'est, selon les propres termes que vous avez
utilisés, parfaitement rattaché à l'objet même du
premier paragraphe et que cela précise exactement la position que le
gouvernement veut faire connaître.
Dans son deuxième paragraphe, le gouvernement ne voulait pas
créer de précédent. Il le fait encore et ne crée
toujours pas de précédent mais il avoue au moins, dans le
deuxième, qu'il le fait aussi dans le premier.
Le Président (M. Laplante): Ce que je vous demande, M. le
député de Sainte-Marie, c'est comment pouvez-vous relier le
premier paragraphe au deuxième paragraphe lorsque, à deux
reprises, on se réfère à deux lois et que vous biffez, en
somme, par l'amendement les mots "ces lois".
M. Bisaillon: Je dois vous avouer honnêtement M. le
Président, que je suis fort mal pris parce que je ne reliais pas les
deux paragraphes.
Le Président (M. Laplante): D'accord.
M. Bisaillon: Mais vous nous avez forcés à les
relier.
Le Président (M. Laplante): D'accord.
M. Bisaillon: Alors, étant lié par votre
décision, je ne peux faire autrement, dans ma discussion, M. le
Président, que de vous le présenter sous cette forme.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre, sur la
recevabilité.
M. Bérubé: M. le Président, je ne saurais
dire si l'amendement doit être recevable ou non et je ne voudrais pas
m'engager dans un débat de fond quant à l'article lui-même.
Si vous le jugez recevable, à ce moment, je débattrai du fond
étant d'opinion que, tel quel, il n'est pas acceptable mais croyant
deviner dans la nature de l'amendement un propos qui est un peu
différent peut-être de celui tenu par le député
d'Argenteuil, mais sur lequel on pourrait possiblement trouver un terrain
d'entente. Il serait peut-être possible de lui apporter un
sous-amendement qui le rendrait recevable et, par conséquent, je vous
laisserai statuer sur sa recevabilité.
Le Président (M. Laplante): C'est une tâche qui est
peut-être plus facile pour le président aussi. Lorsqu'on est
unanime à accepter un amendement, je n'ai pas à me prononcer. Si
c'est là votre voeu, je n'ai pas d'objection. Dans ce cas, on va...
M. Bérubé: Je n'ai pas d'objection.
M. de Bellefeuille: M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Oui, M. le
député de Deux-Montagnes. Non, je n'ai pas d'autre choix.
M. de Bellefeuille: Je ne partage pas l'indifférence du
ministre sur la question de la recevabilité, bruyante ou silencieuse. Je
considère que cette motion est tout à fait recevable et je me
permets de m'étonner que cette question vous inspire des doutes. Si vous
avez des doutes sur la recevabilité de cet amendement, M. le
Président, je crains que le règlement ne nous impose un carcan
dans lequel il serait à peu près impossible de travailler.
Vous nous avez lu, il y a quelques instants, un article du
règlement. Je crois que le député d'Argenteuil a mis en
pratique cet article du règlement en retranchant certains mots, en les
remplaçant par d'autres et je n'y vois rien qui contredise l'essence de
cet article. Cela ajoute des modalités, des considérations
différentes de celles qui se trouvent dans le deuxième
alinéa, mais cela ne contredit en aucune façon, il me semble,
l'essentiel du premier alinéa. Il me paraît très clair que
cela est typiquement un amendement acceptable.
Le Président (M. Laplante): MM. les membres de cette
commission, je n'aurai pas à la juger recevable ou irrecevable vu la
volonté unanime des membres d'accepter cette motion. De par la
volonté des membres, elle sera recevable.
Les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise de la séance à 20 h 16)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente des finances reprend ses travaux sur
l'étude article par article du projet de loi no 8. Nous en étions
à l'article 1. Un amendement a été proposé par le
député d'Argenteuil et les membres de cette commission ont
accepté de recevoir
l'amendement à l'article 1, deuxième paragraphe, à
savoir: Que les mots à partir de "ces lois, les décrets..."
jusqu'aux mots "l'ont été" soient remplacés par les mots
"que toute forme de document sessionnel doive toujours être
adopté, pris ou déposé en français et en
anglais".
L'article 1, deuxième paragraphe, se lirait comme suit: "Elle ne
doit pas être interprétée comme une reconnaissance que
toute forme de document sessionnel doive toujours être adopté,
pris ou déposé en français et en anglais."
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, j'aimerais vous expliquer cet
amendement pour qu'il n'y ait aucun malentendu entre nous et qu'on voie
clairement la raison d'être et la justification de ce projet
d'amendement. Tout d'abord, l'objet principal de la loi, comme j'ai eu
l'occasion de le dire plus tôt, c'est d'assurer la validité des
documents de la session qui forment le coeur de la loi 105 et qui sont
essentiels éqalement à la loi 70, en faisant en sorte que ces
documents soient inscrits dans nos lois dans les deux langues.
Le Président (M. Laplante): J'aimerais vous entendre. Je
ne vous entends pas. D'accord. Allez-y, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: L'objet principal de la loi, c'est de faire en sorte que
les documents sessionnels, qui sont au coeur de la loi 105 et de la loi 70
soient assurément valides en étant incorporés dans la loi
dans les deux langues, dans la version française et dans la version
anglaise, ou, si on veut, dans le texte français et dans la version
anglaise de chacune de ces deux lois. Lorsqu'on pose un geste comme
législateur, il doit y avoir une présomption qu'on est convaincu
de bien agir. Il me semble qu'on n'agira pas du tout si on pense qu'on agit mal
ou d'une façon erronée et, lorsqu'on agit, on présume
qu'on agit bien. Dans ce cas-ci en particulier, lorsqu'on décide de
faire en sorte que les documents sessionnels soient dans les deux langues, il
me semble qu'il y a une présomption qui veut que le législateur,
surtout le gouvernement qui propose la loi, agisse bien. Par conséquent,
il n'est pas logique et il ne sera sûrement pas souhaitable qu'on donne
l'impression de vouloir défaire ou de vouloir se donner la chance de
défaire éventuellement, à l'aide d'un second
alinéa, ce qu'on essaie de faire ou ce qu'on veut faire dans le premier
alinéa.
Pour éviter tout malentendu, il y a autre chose que je voudrais
ajouter: Quand le législateur rédige une loi, il doit
éviter de laisser se créer l'impression qu'il voudrait
s'ingérer dans le processus judiciaire. Il doit faire en sorte qu'il
soit parfaitement clair qu'il agit à l'intérieur de ses
responsabilités propres et dans le plein respect des
responsabilités qui appartiennent aux tribunaux. Alors, l'amendement que
nous proposons à l'alinéa 2 de l'article 1 a
précisément pour effet de dissiper une certaine confusion qui
découle de la rédaction actuelle du deuxième alinéa
et je vais vous l'expliquer. En disant: Elle ne doit pas... Je comprends le
souci du gouvernement, le gouvernement ne voudrait pas qu'à l'aide de
cet article, on laisse créer l'impression que le gouvernement
accepterait pour toujours sans aucune espèce de réserve ou de
distinction ou de nuance que toute forme de documents sessionnels devraient
à l'avenir être nécessairement adoptés,
déposés ou pris en français et en anglais. Il veut se
garder une marge. Il dit: Un document sessionnel, cela peut revêtir
diverses formes, cela peut avoir divers degrés d'impact sur la
législation ou l'action éventuelle du gouvernement. Ce sont des
considérations qui sont respectables, même si j'estime
personnellement qu'il n'est pas essentiel de les dire dans un texte de loi. Il
me semble que le gouvernement, quand il présente un projet de loi, doit
être présumé conscient de considérations comme
celles-là et qu'on doit être capable de supposer qu'il en a tenu
compte quand il rédigeait son projet. Mais comme le gouvernement veut
une police d'assurance, le ministre nous a expliqué tantôt qu'il
veut se transformer en assureur, en vendeur de polices d'assurance, on va
essayer de satisfaire à son désir tout en respectant les deux
exigences que j'ai formulées.
L'amendement comme il est présenté ne donne pas
l'impression qu'on penserait mal agir en faisant ce qui est dans le premier
alinéa. On fait ce qui est là. On dit: C'est bien, cela. On le
fait parce qu'on pense qu'on a à le faire; comme législateur, on
le fait. On ne vient pas du tout infirmer ou diminuer, dans l'amendement qui
est proposé ou, si on veut, dans l'alinéa modifié comme
nous le proposons, la portée de ce qui est dans le premier alinéa
et en même temps, on ne donne pas l'impression de s'ingérer dans
le processus judiciaire. Si on retenait la formulation qui est dans le texte
gouvernemental, quand le texte dit: Elle ne doit pas être
interprétée comme une reconnaissance que ces lois, les
décrets pris en vertu de celles-ci et les documents sessionnels auxquels
elles réfèrent doivent être adoptés etc., là,
on dit presque au juge en chef de la Cour supérieure, aux deux
magistrats de la Cour provinciale qui se sont prononcés en sens
contraire de manière catégorique... Le juge en chef de la Cour
supérieure a parlé d'un vice fatal dans la loi, comme il en a
été saisi, c'est-à-dire comme elle existe jusqu'à
ce moment-ci. En donnant une formulation plus large au deuxième
alinéa, on évite toute apparence d'ingérence
ou d'immixtion dans le processus judiciaire. On élimine par
conséquent deux vices qui me semblent présents dans la
formulation qui a été présentée par le gouvernement
et en même temps, on dit clairement: Pour l'avenir et en dehors de ce
cas-ci qui est réglé par le premier alinéa, toute forme de
document sessionnel ne doit pas nécessairement être adopté,
pris ou déposé en français et en anglais. Cela veut dire
que le gouvernement se réserve une marge de discrétion. Le
législateur voit qu'à lui aussi une marge de discrétion
est réservée pour juger des cas qui pourraient se
présenter dans l'avenir. Mais je ne pense pas qu'on puisse régler
ce cas-ci et en même temps, dire qu'on doute qu'on agisse bien.
Là, il y a une contradiction flagrante qui me semble contraire à
un bon esprit législatif.
C'est pour ces deux raisons que je propose que l'amendement dont la
commission parlementaire a été saisie soit adopté par le
gouvernement. Quand on dit d'un côté que la présente loi ne
doit pas être interprétée comme une reconnaissance que
toute forme de document sessionnel..., cela laisse intact le cas actuel et cela
nous laisse toutes portes ouvertes pour les cas susceptibles de survenir
à l'avenir. Ils doivent toujours - le mot toujours ici implique qu'on se
réserve également une marge de discrétion. Cela veut dire
qu'on admet aussi implicitement qu'il peut arriver des cas où un
document sessionnel, comme viennent de le dire consécutivement trois
magistrats, fasse partie du coeur d'une loi et qu'à ce moment il devrait
être soumis à la même exigence de bilinguisme que l'article
133 de la constitution canadienne impose au Parlement du Québec de
même qu'au Parlement canadien et de même, maintenant, qu'au
Parlement du Nouveau-Brunswick, au Parlement du Manitoba également et
j'espère éventuellement aux Parlements d'autres provinces.
M. le Président, ce sont les raisons qui justifient la
présentation de cet amendement. J'ose souhaiter que le gouvernement
veuille se montrer compréhensif parce que, sans détruire du tout
les buts qu'il poursuit, cela permettrait de situer notre intervention
législative à un niveau plus élevé, plus digne de
la fonction qu'il nous est demandé de remplir.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
député de Sainte-Marie. Est-ce que, M. le ministre...
M. Bérubé: J'aimerais entendre les arguments du
député de Sainte-Marie. Est-ce que le député de
Sainte-Marie entend...
M. Bisaillon: Le député de Sainte-Marie a
déjà tenté à trois reprises, M. le
Président, de convaincre le ministre. C'est maintenant au tour du
ministre de faire son lit.
M. Bérubé: Alors, M. le Président, j'ai
écouté le député d'Argenteuil. Il existe une
règle en législation à savoir que le législateur
n'est pas censé parler pour ne rien dire. Hélas! J'ai dû
conclure que le député d'Argenteuil n'était pas un bon
législateur. Lorsque je prends l'amendement qu'il nous soumet, on
constate que cet amendement ne dit absolument rien. Il dit: "Cette loi ne doit
pas être interprétée comme une reconnaissance que toute
forme de document sessionnel - n'importe quelle forme de document sessionnel -
doive toujours être adopté, pris ou déposé en
français ou en anglais". Ceci, tel que rédigé, implique
qu'il pourrait y avoir certains documents sessionnels qui pourraient ne pas
être ou être déposés dans les deux langues. Il ne dit
pas lesquels. Par conséquent, il ne dit rien quant aux documents
sessionnels qui ont été déposés lors du
dépôt de la loi 70 et de la loi 105. En effet, les exceptions que
cet alinéa implique pourraient très bien recouvrir lesdits
documents. Par conséquent, l'amendement n'est absolument pas explicite
quant aux documents que l'alinéa entend couvrir. Or, le
législateur n'étant pas censé parler pour ne rien dire, il
faut donc conclure que cet amendement légifère pour ne rien
légiférer.
Le député d'Argenteuil, M. le Président, aurait pu
rédiger son amendement de la façon suivante: Que cette loi ne
doit pas être interprétée comme une reconnaissance qu'un
document sessionnel doit être déposé autrement que de la
façon dont les documents l'ont été ou encore dans les deux
langues. Il aurait pu présenter son amendement, c'est-à-dire
simplement énoncer de façon générale que les
documents sessionnels n'ont pas à être déposés dans
les deux langues pour couvrir l'ensemble des documents sessionnels, donc en
même temps, si on couvre l'ensemble des documents, on couvre ceux de la
loi 70 ou de la loi 105.
Il a choisi de ne pas le faire justement parce qu'il voulait
rédiger un alinéa permettant à l'Assemblée
nationale de dicter - c'est ce que j'ai eu l'occasion de répondre
à la commission cet après-midi - l'interprétation que les
cours doivent donner aux lois. En effet, c'est un alinéa tel que
l'Assemblée nationale pourrait sembler dicter aux cours ce que j'ai
expliqué cet après-midi, mais de toute évidence, le
député d'Argenteuil, dans son intervention, a fait mine
totalement d'ignorer l'intervention que j'avais faite cet après-midi, en
n'écoutant aucun des arguments qui, effectivement, répondaient
à ses interrogations. Ce qui démontre assez clairement que
l'objectif poursuivi par le député d'Argenteuil est
davantage un objectif politique qu'un objectif
législatif comme tel. Je pense que c'est son droit le plus
strict. Toutefois, dans ces conditions il n'y a pas lieu, à mon avis,
d'entrer dans ce jeu-là.
Ce que le député d'Argenteuil fait, essentiellement, c'est
ceci: du simple fait que l'Assemblée nationale, en vue d'assurer, de
garantir qu'il ne puisse pas y avoir de questions autour de la validité
de certains documents, adopte une loi, il n'est pas de l'intention en tout cas
de la partie gouvernementale de reconnaître que des documents sessionnels
du type de ceux qui ont été déposés lors de la loi
70 et de la loi 105 devaient être déposés dans les deux
langues, ce n'est pas dans l'intention du gouvernement. Si les cours en
statuent, elles en statueront après analyse objective de l'information.
(20 h 30)
Le jour où l'Assemblée nationale adopte une loi
correctrice, elle indique au pouvoir judiciaire essentiellement qu'elle
reconnaît son erreur. Donc, le juge peut utiliser l'intervention de
l'Assemblée nationale pour décider de l'invalidité des
lois antérieures. Or, ceci serait dicter au juge une
interprétation à donner aux lois. Ce serait effectivement donner
une indication au juge qu'il doit interpréter la loi comme étant
inconstitutionnelle. Cet alinéa qui a été introduit dans
l'article 1 est à cet égard beaucoup plus sécuritaire, car
ce qu'il dit essentiellement au pouvoir judiciaire, c'est: Vous devez juger les
lois 70 et 105 sans égard à la loi 8 sur la base de
l'évidence juridique qui vous est fournie en vertu des lois existantes
au Québec et non en alléguant l'existence de la loi 8.
Donc, l'intervention du député d'Argenteuil vise
carrément à influencer les pouvoirs judiciaires et
m'apparaît une intervention directe du pouvoir législatif dans
l'autonomie de la cour. Par conséquent, elle m'apparaît tout
à fait non fondée et doit être rejetée, M. le
Président.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Juste une demi-minute. M. le Président,
j'aimerais plaider que cet amendement n'est pas recevable. La
recevabilité, c'est de cela qu'on traite?
Le Président (M. Laplante): Non. La recevabilité
est admise.
M. Blais: D'accord. Je voudrais attirer votre attention...
M. Bérubé: Mais vous pourriez dire qu'il n'est pas
bon!
M. Blais: ...non, mais je vais changer ma phraséologie de
sorte que l'amendement...
Supposons qu'on vote en faveur de celui-ci, on ne pourrait pas
l'inscrire dans la loi parce qu'on demande que ce soit écrit en
français et en anglais. D'abord, ce document n'est pas écrit en
français...
M. Bérubé: ...en anglais.
M. Blais: Que toute forme de document sessionnel...
M. Bérubé: M. le Président, c'est un
scandale!
Le Président (M. Laplante): M. le ministre, à
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Blais: ...doive toujours être adoptée...
M. Bérubé: S'agit-il d'un document sessionnel
couvert?
Le Président (M. Laplante): Pour la bonne
compréhension de tout le monde.
M. Blais: Ce n'est pas une forme qui est déposée en
Chambre, c'est un document sous une certaine forme. Pour le prouver, l'adjectif
s'accorde non pas avec le sujet du verbe, parce qu'on l'a mis au masculin;
autrement, on l'aurait mis au féminin. Il faudrait changer la
phraséologie si jamais on voulait que ce texte passe dans la loi.
C'est un document quelle que soit sa forme ou de quelque forme que ce
soit, je ne sais pas. On ne peut pas déposer une forme de document
sessionnel, on dépose un document sous une forme quelconque.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, je dois vous indiquer que
j'ai davantage apprécié la finale de l'intervention du ministre,
même si je ne suis pas d'accord avec les propos qu'il a tenus. Je les
trouvais plus cohérents avec le fond de l'article même et de
l'amendement, plutôt que son début d'intervention. Je tiendrais
à rappeler au ministre que, si on est ici ce soir à
étudier un projet de loi 8, c'est que probablement les devoirs ont
été mal faits à 70 et à 105. En conséquence,
je pense que le ministre serait mal placé de traiter qui que ce soit
dans cette commission de mauvais législateur. Il me semble qu'il
faudrait qu'il se rappelle qu'on est ici à corriger ou à tenter
de corriger le mieux possible les erreurs qu'il a lui-même commises et
qu'il a forcées dans la gorge de tous les parlementaires au moment
où il s'est imposé à l'Assemblée nationale.
Je souligne que l'argumentation qu'a utilisée le ministre pour
rejeter
l'amendement proposé par le député d'Argenteuil est
quasi identique à l'argumentation que nous utilisions pour souhaiter
voir la disparition du deuxième alinéa. C'est en tous points
identique, ou à peu près. Il dit: Dans le fond, on ne peut pas
accepter l'amendement du député d'Argenteuil parce que cela
serait porter un jugement sur les tribunaux. Il me semble que c'est
effectivement ce que nous argumentions quand nous disions que le
deuxième alinéa de l'article 1 tel qu'il est rédigé
se présente non seulement comme défaisant ce que dit l'article 1,
mais en même temps portant un jugement sur les tribunaux de
première instance qui se sont prononcés sur la question. En
conséquence, M. le Président, il me semble que, si on est
d'accord sur l'argumentation, il faudrait peut-être qu'on s'entende sur
la formule. On n'aurait pas d'objection à retirer tout simplement le
deuxième alinéa, ce qui pourrait correspondre à
l'argumentation que le ministre a mise de l'avant lui-même, en voulant
détruire l'amendement présenté pas le député
d'Argenteuil.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Tout d'abord, je suis content que le
député de Sainte-Marie ait répondu à la toute
première partie de l'intervention du ministre. Quand on a fait un
travail aussi piteux que celui qu'a parrainé le président du
Conseil du trésor, le moins qu'on pourrait manifester c'est une plus
grande humilité devant les idées qui viennent de gens de bonne
volonté qui essaient d'améliorer un texte de loi. On ne vient pas
prétendre régenter la qualité de la part de chacun au
travail législatif, on essaie de voir s'il y a quelque chose de bon. Si
on le refuse, on peut au moins se dispenser de porter des jugements dessus, de
peur que cela ne nous retombe sur le nez comme c'est le cas actuellement.
Deuxièmement, je rappelle encore au ministre la distinction
fondamentale qu'on essaie de faire entre ce cas-ci et le cas des documents
sessionnels en général. Dans ce cas-ci, j'ai la conviction - je
ne veux pas parler pour tout le monde, chacun parlera pour lui-même - que
le gouvernement a erré en présentant ses documents sessionnels
seulement en français parce qu'il agissait à l'encontre des
dispositions de l'article 133 de la constitution canadienne, laquelle - je le
rappelle au ministre qui semble l'ignorer -est maintenant disponible et
officielle dans les deux langues. Il pourra faire des petits actes de
théâtre en citant des extraits en anglais de l'article 133. Il
sait très bien comme moi que l'article 133 est aussi valide en
français qu'en anglais depuis déjà un bon bout de temps.
Dans ce cas-ci, je dis au ministre qu'il est dans un dilemme qui est absolument
simple: ou le gouvernement a eu raison de procéder comme il l'a fait
avec les documents sessionnels qui sont incorporés dans la loi 105 et la
loi 70 et s'il a eu raison - je vais le dire selon l'expression du
président Reagan: "Let them stay the course" - qu'il maintienne
l'attitude qu'il a tenue jusqu'à ce que les tribunaux en aient
disposé autrement... Tu ne peux pas jouer sur les deux tableaux en
même temps. Si vous avez eu tort, reconnaissez-le donc franchement et
n'essayez pas de récupérer dans le deuxième paragraphe
l'aveu d'erreur que vous faites dans le premier paragraphe. C'est cela qui nous
fatigue dans la formulation qui est présentée par le
gouvernement, un dilemme que n'importe quel citoyen de bonne volonté va
comprendre facilement. Quand on a eu raison, on tient la ligne de conduite
qu'on a tenue, même si cela doit entraîner des
inconvénients. Il faut penser à la balance des
inconvénients, c'est évident. On ne va pas jouer sur les deux
tableaux, comme le fait le gouvernement. C'est un jeu d'enfant qu'on nous
propose, un jeu d'enfant gâté, je dirais.
C'est le dilemme dans lequel vous êtes emprisonné du
côté du gouvernement et vous voulez vous en sortir par de la
casuistique, des raisonnements jésuistiques qui ne sont tout simplement
pas acceptables. J'entendais - je ne sais pas lequel a parlé de cela
tantôt - quelqu'un dire qu'avec l'amendement que nous proposons, nous
voulons nous ingérer dans le processus judiciaire. C'est tout le
contraire. C'est exactement le contraire que nous voulons faire et nous disons
au gouvernement, depuis le début du débat, que nous ne tenons
aucunement à ce que cette affaire aille plus loin devant les tribunaux,
justement, parce que nous craignons qu'emporté par sa logique partisane,
et je dirais son nationalisme étroit, le gouvernement n'aille, encore
une fois, demander aux tribunaux supérieurs de nous donner plus que nous
ne voulons. Nous ne tenons pas à avoir trop d'interprétations
littérales de la part des tribunaux dans les domaines où une
certaine marge de responsabilité, de discrétion et d'initiative
nous est laissée.
Par son entêtement, comme il l'a montré déjà
dans plusieurs autres cas, le gouvernement va nous amener encore une situation
où on aura plus que ce qu'on voulait. On aurait pu disposer d'une marge
plus grande. À un moment donné, s'il arrive que cette expression
de "document sessionnel" soit interprétée de manière
restrictive à un autre stade des procédures dans lesquelles
semble vouloir s'obstiner le gouvernement, je pense que c'est le Québec,
je pense que c'est la capacité législative du Québec qui
pourrait être affectée. C'est à ces choses que nous pensons
en proposant cet amendement. Je ferai cependant une
concession au ministre. Si l'alinéa 2 n'existait pas du tout,
toute la force de l'alinéa 1 resterait; le but de la loi qui est
très bien résumé dans le premier alinéa serait
servi. Il n'y aurait aucun débat entre nous. Au cas où on
voudrait nous soupçonner de vouloir favoriser indirectement une
ingérence dans le processus judiciaire, je préviens le ministre
qu'on pourra lui présenter un autre amendement tantôt qui
dissipera ses doutes ou ses inquiétudes à ce sujet. Je ne
voudrais pas être obligé de le faire. Je pense qu'on est capable
de s'entendre autrement. Ce sont des points qui me sont inspirés par
l'intervention du ministre et je les soumets en toute fermeté, en toute
simplicité aussi; c'est le fond de ma pensée.
Le Président (M. Laplante): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas revenir sur les arguments qui ont
été utilisés mais peut-être appuyer ce que dit le
député d'Argenteuil en ce sens qu'il n'y a pas de gain à
faire à multiplier les démarches judiciaires ou à
rechercher indéfiniment des opinions des tribunaux sur
l'interprétation de textes comme cela.
Quelqu'un me faisait la remarque et disait: Comment se fait-il que vous
n'ayez pas pensé, au moment de la loi 105 ou même de la loi 110,
vous qui pensiez à tous les arguments possibles, à l'argument de
la bilinguisation ou enfin, de la production des textes dans les deux langues?
Je pense que j'entendais le ministre dire avant le souper: Écoutez, il y
a déjà eu d'autres textes qui n'ont jamais été
adoptés, soit des règlements ou des décrets qui n'ont
jamais été adoptés dans les deux langues, et on n'en a
jamais entendu parler.
Je pense que tout ce processus dans lequel on semble maintenant
continuellement embarqué est dû aux effets de la loi 101 quand,
à ce moment, vous avez voulu soustraire à la constitution toute
la question des textes législatifs dans les deux langues. C'est vraiment
depuis ce moment qu'on est toujours enfargé - je pense que c'est
peut-être le meilleur mot que je puisse trouver -dans cette continuelle
contestation devant les tribunaux de la validité des lois parce qu'elles
ne sont pas dans les deux langues ou devraient être dans les deux
langues.
C'est vraiment parti, parce c'est vrai qu'avant cela il y avait des
choses qui, comme le ministre le disait lui-même, traditionnellement se
faisaient comme cela, les fonctionnaires fonctionnaient comme cela et
c'était dans une langue; cela n'avait pas été
nécessairement dans les deux langues en ce qui touchait des
règlements adoptés par l'Assemblée nationale ou des
décrets. C'est vraiment à partir de ces positions du gouver-
nement que des gens ont contesté parce que, tant que les gens ne
contestent pas une chose, c'est-à-dire que si une loi est adoptée
par l'Assemblée nationale, elle reste et, dans ce sens, je crois que
plus on multiplie les interprétations, plus on complique la vie de
l'Assemblée nationale et l'interprétation des textes de lois.
En tout cas, je voulais seulement ajouter cela, parce que je pense que
le gouvernement est largement responsable de ces multiples contestations de
toutes sortes d'un grand nombre de lois qu'il a voulu faire voter,
particulièrement durant la dernière année.
Le Président (M. Laplante): Merci. Est-ce que...
M. Bérubé: Alors moi, un seul point, M. le
Président. Je n'ai pas eu de réponse du député
d'Argenteuil. Je lui indiquais tantôt que s'il supprimait dans son
amendement les mots "toute" et "toujours" de manière que l'amendement
puisse se lire à peu près comme... Elle ne doit pas être
interprétée comme une reconnaissance. Qu'un document sessionnel
doit être adopté, puis déposé en français et
en anglais, j'aurais admis une telle formulation. La seule chose que j'aurais
attendue, dans l'intervention du député d'Argenteuil, c'est un
commentaire à cet effet, à savoir s'il envisageait un
sous-amendement à son amendement, de telle sorte qu'on puisse le
rédiger de cette façon.
M. Ryan: Est-ce que vous avez terminé?
M. Bérubé: Oui, oui.
M. Ryan: Je ne veux pas vous interrompre.
Le Président (M. Laplante): Non. Allez-y, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, au tout départ, je
voudrais rappeler au ministre une demande que je lui avais faite avant
l'ajournement du souper. Est-ce qu'il y aurait moyen que ses conseillers nous
fassent parvenir une liste des documents sessionnels dont il a fait mention
dans son intervention inaugurale aujourd'hui, les documents sessionnels qui
auraient été annexés à des lois
antérieurement? Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir la liste de ces
documents?
M. Bérubé: Je ne peux vous donner une liste
exhaustive de documents, de lois...
M. Ryan: Non, non, mais des exemples que vous avez
mentionnés.
M. Bérubé: Des exemples?
M. Ryan: Je ne sais pas s'il y aurait moyen que vos services
envoient chercher des copies de ces lois. Il serait bon qu'on les ait.
M. Bérubé: Par exemple, prenons le chapitre 68 du
23 octobre 1969. Vous avez l'article 2 qui se lit ainsi: "Le document
sessionnel no 250 et toute modification apportée à l'entente
qu'il reproduit par les parties à cette entente, ainsi que le document
sessionnel no 251 déposés sur le bureau du secrétaire de
l'Assemblée nationale le 23 octobre 1969 lient l'Association, les
salariés et la Commission jusqu'au 1er juillet 1971." Vous avez un
exemple de législation faisant référence à un
document sessionnel déposé à l'Assemblée nationale.
(20 h 45)
M. Ryan: Voulez-vous me rappeler la date de cette loi et la lire
encore une fois?
M. Bérubé: Oui. Sanctionnée le 23 octobre
1969.
M. Ryan: Et de quel conflit s'agissait-il? Les policiers?
M. Bérubé: Chambly.
M. Ryan: Chambly, n'est-ce-pas?
M. Bérubé: La commission scolaire régionale
de Chambly.
M. Ryan: II n'y a pas eu...
M. Bérubé: J'en ai une autre ici concernant
l'industrie de la construction, sanctionnée le 8 août 1970,
l'article 7. C'est un long article. Je vous...
M. Ryan: Non, ce n'est pas nécessaire. Ce n'est pas
nécessaire. Non, non.
M. Bérubé: On dit tout simplement: "...sont aussi
liés par les documents sessionnels nos 69 et 70 déposés
sur le bureau du secrétaire de l'Assemblée nationale le 7
août 1970, qui font partie intégrante de cette ordonnance..."
M. Ryan: Très bien. Je pense que ce sont des... Si vous
voulez me transmettre la liste par écrit, cela va m'intéresser
parce que cela fera partie...
M. Bérubé: Je n'ai pas de liste. M. Ryan:
Non?
M. Bérubé: On a simplement... Comme il s'agit d'une
procédure assez courante...
M. Ryan: Pouvez-vous me les montrer?
M. Bérubé: ...on a retracé deux projets de
loi pour vous illustrer le type de législation, par
référence, auquel s'est adonné le Parlement depuis un
certain nombre d'années. Je voulais également, simplement pour
expliciter... Le député d'Argenteuil...
M. Ryan: Regardez, sur ce point-ci... Continuez. Je vous poserai
la question. Continuez. Excusez-moi.
M. Bérubé: Oui, sur le deuxième point, le
député d'Argenteuil a loué le gouvernement de ne pas avoir
suivi une première orientation en vertu de laquelle il se serait fait
donner par l'Assemblée nationale un mandat général de
décret de manière à pouvoir, subséquemment,
décréter sans contrôle par l'Assemblée
législative du contenu de ces décrets. Or, M. le
Président... D'ailleurs, le député d'Argenteuil a
présenté cette hypothèse comme étant un abus de
législation absolument éhonté auquel seul un parti
politique sans scrupule pourrait s'adonner. Malheureusement, le passé
parlementaire du Québec nous indique, par exemple, dans une loi - je
pourrai regarder tantôt le titre - qui se lisait, à l'article 3:
"Si le lieutenant-gouverneur en conseil est d'avis qu'une entente ne pourra
intervenir entre deux parties habilitées à négocier et
à agréer une convention collective, il détermine par
décret...
M. Ryan: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Laplante): M. le député
de... M. le ministre.
M. Bérubé: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Est-ce que le député pourrait citer la
source, s'il vous plaît?
M. Bérubé: Oui, oui. Je vais vous la donner. C'est
parce que...
M. Ryan: J'aimerais mieux l'avoir avant parce que cela permet de
comprendre mieux parfois.
M. Bérubé: Oui, oui. Je vais vous donner la source.
Je vais essayer de la retrouver tantôt. Alors, je vous dis simplement:
"Si le lieutenant-gouverneur en conseil est d'avis qu'une entente ne pourra
intervenir entre deux parties habilitées à négocier et
à agréer une convention collective, il détermine par
décret...
M. Bisaillon: Quelle source?
M. Bérubé: ...toutes ou certaines des conditions de
travail des salariés." Voilà donc...
M. Bisaillon: Quelle source?
M. Bérubé: ...effectivement un processus
législatif qui déshonore le parti politique qui se serait
adonné à une telle... Elle a été sanctionnée
le 21 avril 1972 et s'intitule: "Loi assurant la reprise des services dans le
secteur public".
M. Bisaillon: ...? Une voix: Oui.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Est-ce que vous avez terminé vos remarques?
M. Bérubé: Oui, oui, oui.
M. Ryan: Je signalerai d'abord au ministre qu'il n'a pas
établi la preuve que, dans le cas du chapitre 68 la mesure
décrétant le retour au travail des enseignants de Chambly, le
document sessionnel 250 avait été déposé seulement
en français. On ne peut l'inférer seulement en lisant ceci, en
tout cas.
M. Bérubé: Exact. Mais les services de recherche du
Parti libéral, M. le Président, se feront un plaisir d'aller
vérifier.
M. Ryan: Je signale seulement le défaut de la preuve,
l'affirmation est plus faible que la preuve.
Mme Lavoie-Roux: C'est l'argumentation que vous...
M. Bérubé: ...d'argumentation plus
complète.
M. Ryan: Deuxièmement, je souligne justement, à
supposer qu'il avait été présenté seulement en
français, que c'est un bon exemple de choses qui, quand on ne les fait
pas régler par les tribunaux, nous laissent une marge plus grande
d'action. Dans ce cas-ci, dans le dernier cas, l'abus était tellement
grand de la part du gouvernement que les conseillers juridiques des syndicats
ont cherché toutes sortes de moyens pour trouver ces lois invalides ou
pour les faire déclarer invalides, et leurs yeux se sont ouverts sur
cette faiblesse de la loi. Mais cela ne veut pas dire que ceci avait
été établi comme étant d'une solidité
constitutionnelle absolument inattaquable. Je pense qu'on va en convenir
facilement.
Dans les cas dont le ministre a parlé, les cas où le
gouvernement aurait décrété des conditions de travail, il
est arrivé des cas, et je rappellerai au ministre que dans les cas dont
j'ai eu connaissance - je pense que la députée de L'Acadie et le
député de Sainte-Marie se souviendront comme moi de ces choses -
de manière à peu près universelle, le gouvernement a
décrété le point où on en était rendu dans
les négociations plus quelques points particuliers sur lesquels il
fallait imposer une solution. La solution imposée a toujours
été le caractère particulier et exceptionnel par rapport
à l'ensemble d'une convention ou à des conditions de travail dans
un secteur donné tandis que, cette fois-ci, c'était le
caractère total, le caractère entier de la mesure qui faisait
vraiment inédit. Je tiens à le rappeler parce qu'il me semble que
c'est conforme à l'histoire.
Troisièmement, le ministre a fait une ouverture au début
de son intervention qui m'étonnait mais qui m'intéressait en
même temps parce que cela contredisait un petit peu ce qu'il avait dit
avant, mais ce n'est pas grave. Il a dit: Si le député
d'Argenteuil était prêt à accepter un compromis quelconque,
s'il était prêt à accepter qu'on dise, par exemple: Elle ne
doit pas être interprétée comme une reconnaissance qu'un
document sessionnel... Je serais prêt à accepter cela, à la
condition que le ministre fasse la moitié du chemin. Si le ministre est
prêt à accepter qu'on continue, comme le proposait l'amendement
que nous suggérions: ...doivent toujours être adoptés, pris
ou déposés en français et en anglais..., ce serait
acceptable.
M. Bérubé: Malheureusement, M. le
Président...
M. Bisaillon: We will make a deal with you.
M. Bérubé: Malheureusement, M. le Président,
justement, une des caractéristiques de l'amendement déposé
par le député d'Argenteuil est qu'il y avait une redondance en
déposant à la fois le mot "toute" et le mot "toujours" dans le
même amendement, de telle sorte qu'il pouvait toujours reculer en
abandonnant un des deux et cela donnait exactement le même
amendement.
M. Bisaillon: Trop fort ne casse pas. M. Bérubé:
Alors, M. le Président...
M. Bisaillon: Comme dirait le président du Conseil du
trésor: Trop fort ne casse pas.
M. Bérubé: C'est exactement cela.
M. Bisaillon: On voit cela au premier et au deuxième
paragraphes.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'amendement du
député d'Argenteuil sera adopté?
M. Bisaillon: Adopté.
M. Ryan: Évidemment.
M. Bérubé: Non, M. le Président...
Le Président (M. Laplante): Voulez-vous un...
M. Bérubé: Je comprends de l'intervention du
député d'Argenteuil qu'il n'accepterait pas...
Le Président (M. Laplante): M. le ministre, je vous
interromps là. Je ne voudrais pas avoir de commentaire. Nous en sommes
au vote. Est-ce que l'amendement sera rejeté en majorité ou si
vous voulez avoir un vote nominal?
M. Bérubé: II est rejeté.
Le Président (M. Laplante): Rejeté.
Mme Lavoie-Roux: Non, non, un vote nominal.
Le Président (M. Laplante): Un vote nominal.
M. Ryan: C'est sur l'amendement que nous avons proposé.
J'ai compris...
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Est-ce qu'un sous-amendement a été
proposé en bonne et due forme?
Le Président (M. Laplante): Non, mais il proposera ensuite
un autre amendement s'il veut modifier l'article. J'aurais accepté un
sous-amendement, mais il ne semble pas que vous puissiez vous entendre
là-dessus actuellement.
M. Ryan: Mais le ministre est libre d'en proposer un, s'il le
veut.
M. Bisaillon: Pour un sous-amendement, habituellement, M. le
Président, on convient...
Le Président (M. Laplante): Oui, mais personne n'en a
annoncé. On a essayé d'avoir une entente mais je ne vois pas
d'entente actuellement.
M. Bisaillon: M. le Président, vous avez bien raison. Je
voudrais seulement souligner au ministre qu'un sous-amendement, normalement,
vise à amender quelque chose qui existe déjà et qui est
présenté par d'autres. Il est rare que quelqu'un qui
présente un amendement présente en même temps un
sous-amendement à l'amendement qu'il vient de présenter. Si le
ministre voulait présenter un sous-amendement, il n'avait qu'à le
faire lui-même.
Le Président (M. Laplante): II a dit non, dans
l'intervention qu'il a faite au député d'Argenteuil. Je suis
encore prêt à accepter, si...
M. Bérubé: Non. Vous avez appelé le vote.
Tantôt, je pense que vous m'avez interrompu en faisant respecter...
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. Biais
(Terrebonne), pour ou contre?
M. Blais: Contre.
Le Président (M. Laplante): M.
Lafrenière (Ungava)? M. Fortier (Outremont)? Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie)?
Mme Lavoie-Roux: Pour.
Le Président (M. Laplante): M. Gagnon (Champlain)? M.
Gauthier (Roberval)?
M. Gauthier: Contre.
Le Président (M. Laplante): M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes)? M. Ryan (Argenteuil)?
M. Ryan: Pour.
Le Président (M. Laplante): M. Marquis
(Matapédia)?
M. Marquis: Contre.
Le Président (M. Laplante): M. Bérubé
(Matane)?
M. Bérubé: Contre.
Mme Lavoie-Roux: On va se faire battre.
Le Président (M. Laplante): Contre: 4; Pour: 2. La motion
est rejetée.
M. Bérubé: L'Opposition ne résiste pas
à l'analyse.
M. Bisaillon: II est dommage, M. le Président, que je
n'aie pas été membre et que je n'aie pas eu le droit de vote,
car j'aurais pu voter favorablement à l'amendement.
Le Président (M. Laplante): II y a seulement une chose. Je
pense que cela
m'aurait causé beaucoup d'embêtement si l'honorable
Opposition avait dit d'inscrire comme membre le député de
Sainte-Marie. Il aurait fallu que vous preniez la place d'un
député libéral.
M. Bisaillon: Ce que j'aurais refusé, M. le
Président.
Le Président (M. Laplante): Je ne sais pas ce que j'aurais
pu faire à ce moment-là.
M. Bisaillon: Ce que j'aurais refusé, M. le
Président.
Le Président (M. Laplante): Pardon? M. Ryan:
...aurait pu le proposer?
Le Président (M. Laplante): Oui. Je ne sais pas ce que
cela ferait dans les règles. Je serais obligé de suspendre pour
vrai afin de savoir si on peut.
M. Bisaillon: Ne vous posez pas trop de problème, M. le
Président, car le problème ne se pose pas.
M. Ryan: Les règles... On enverra cela à la Cour
suprême.
Le Président (M. Laplante): En Cour suprême.
Maintenant, est-ce que l'article 1 est adopté?
M. Ryan: Sur division.
M. Bérubé: Peut-être que dans le nouveau
nationalisme qui va jaillir au sein du Parti libéral...
M. Bisaillon: Veuillez rappeler le ministre à l'ordre, M.
le Président.
Application aux poursuites pénales
Le Président (M. Laplante): Maintenant, article 2. M. le
ministre, j'espère que vous suivez article par article. Article 2? M. le
ministre.
M. Bérubé: L'article 2, M. le Président, est
très clair. S'il s'agit d'une loi assurant la validité des
conventions collectives, advenant un jugement défavorable de la cour,
sans préjuger cependant de l'invalidité de ces lois, il demeure
qu'il n'est pas dans l'intention du gouvernement de proposer que les
infractions qui auraient pu être commises avant l'adoption de la
présente loi soient couvertes par la présente loi. Par
conséquent, il ne s'agit pas d'appliquer rétroactivement des
sanctions pénales. Cet article est donc explicite. Il dit tout
simplement que la présente loi ne s'applique pas à une poursuite
pénale concernant une infraction au Code du travail commise avant la
date de la sanction ou de l'entrée en vigueur.
La présente loi n'aurait donc aucun effet sur les poursuites
pénales en cour et c'est aux tribunaux qu'il reviendra de décider
si les lois, décrets et documents sessionnels sur lesquels elle s'appuie
sont valides.
Le Président (M. Laplante): Des commentaires, madame et
messieurs les députés, sur l'article 2?
M. Ryan: Je reprends la question que je posais plus tôt.
J'aimerais avoir une réponse aussi précise que possible sur cela.
Des poursuites ont effectivement été instituées devant les
tribunaux à la suite des grèves de janvier dernier. Est-ce qu'on
pourrait avoir des renseignements sur l'état de ces poursuites?
Où en est-on? Combien de personnes ont été poursuivies
devant les tribunaux en raison de manquements présumés au Code du
travail, à la suite de l'adoption des lois 70 et surtout 105?
M. Bérubé: Je n'ai malheureusement pas
l'information, M. le Président.
M. Ryan: Vous n'avez aucune information à communiquer
là-dessus?
M. Bérubé: Je n'en ai pas.
M. Ryan: Vous étiez bien préparé.
Magnifique!
M. Bérubé: M. le Président, le projet de loi
ne porte pas sur les poursuites pénales. L'état, le nombre et la
nature des poursuites qui sont présentement intentées, cela
relève directement du ministère de la Justice. Je me suis
nullement opposé à ce que le député d'Argenteuil
adresse toutes les questions qu'il voudra au ministre de la Justice.
M. Ryan: Mais, M. le Président, le ministre nous a dit
plus tôt qu'il était accompagné d'un officier
supérieur du ministère de la Justice, M. Sormany. Est-ce qu'il
pourrait se tourner vers son voisin et lui demander s'il le sait, lui?
Le Président (M. Laplante): C'est délicat.
M. Bérubé: Les conseillers qui m'entourent me
soulignent qu'ils n'ont pas l'information.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez d'autres
commentaires sur l'article 2, M. le député d'Argenteuil?
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je vais sûrement formuler au
moins un commentaire sur cela. Je trouve pour le moins étonnant
qu'on nous présente un projet de loi faisant directement allusion aux
poursuites pénales ayant pu être instituées
consécutivement à une grève qui a découlé
directement de l'adoption de la loi 105 et qu'on n'ait aucun renseignement de
faits à nous soumettre au moment où on demande d'adopter un
article qui est très important dans ce projet de loi.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que M. le ministre
donne une réponse au député d'Argenteuil?
M. Bérubé: M. le Président, le
député d'Argenteuil, je pense, peut s'étonner. Je ne lui
nie pas le droit d'avoir recours à tous les effets oratoires qu'il
jugera bon, néanmoins la réalité reste toujours la
même. C'est que je n'ai pas l'information et ceux qui m'entourent n'ont
pas l'information. Par conséquent, je ne peux la fournir.
Le Président (M. Laplante): Autre question, M. le
député d'Argenteuil?
M. Ryan: Je déplore profondément cette carence
d'information et le peu d'empressement que l'on semble manifester du
côté du gouvernement. Essayer de recueillir ces renseignements...
Il me semble que tous les parlementaires, à peu près tous les
ministres sont dans l'enceinte du Parlement à ce moment-ci. Je trouve
qu'il aurait été important qu'on sache où on en est dans
cette affaire, pas seulement d'un point de vue quantitatif, mais à quel
stade on en est dans les procédures. Est-ce qu'il y a eu des jugements
de rendus dans certains cas? Est-ce qu'il y a des causes qui ont
commencé à être instruites ou non? On n'a aucun de ces
renseignements et c'est très important qu'on ait quand même ces
renseignements pour avoir une idée de l'ampleur du problème qu'on
nous demande de trancher dans deux lignes sibyllines.
M. le Président, si vous me permettez de continuer...
Le Président (M. Laplante): Oui, parce qu'il y avait une
chanson de commencée.
M. Ryan: Pardon?
Le Président (M. Laplante): "Bien voyons donc..." Il y
avait une chanson de commencée. (21 heures)
M. Ryan: Je voudrais m'assurer de ce que veut dire cette
disposition du projet de loi. J'ai cru comprendre qu'il y en avait des
centaines. On est mieux renseigné en lisant les journaux qu'en
écoutant le ministre. J'ai cru comprendre qu'il y avait des centaines de
personnes du monde de l'enseignement qui avaient été traduites
devant les tribunaux ou avisées qu'elles le seraient à la suite
des grèves de janvier et février dernier.
À supposer que les tribunaux supérieurs confirmeraient les
conclusions auxquelles en sont déjà venus trois magistrats - deux
de la Cour provinciale et le juge en chef de la Cour supérieure - est-ce
que cet article-ci, comme il est formulé, signifie que toutes ces
procédures tomberaient, à toutes fins utiles, qu'il n'en serait
plus question?
M. Bérubé: Oui, forcément.
M. Ryan: Maintenant, la décision ne sera prise qu'au terme
de tout le processus, c'est-à-dire peut-être dans trois ou quatre
ans, si je comprends bien l'intention du gouvernement de vouloir aller jusqu'au
bout de ceci. Cela veut dire que le gouvernement... Et c'est là le gros
avantage, M. le Président, de l'argument que je vous faisais valoir en
faveur d'une décision claire et nette qui dirait: On ne s'entête
pas dans notre affaire et on pense au bien général, au bien
pratique de la population. Si le gouvernement décidait maintenant de
dire: Ces poursuites, on a notre petit cas et on va l'expérimenter, dans
l'avenir, dans des circonstances moins coûteuses pour la
communauté, à ce moment, voici un problème qui serait
réglé dès maintenant. Tandis que, par suite de
l'obstination du gouvernement, plan constitutionnel, obstination dont il
devrait se méfier à la lumière des résultats
plutôt lamentables qu'il a obtenus jusqu'à maintenant dans ce
genre de cause dans le passé, c'est une épée de
Damoclès qui va rester suspendue au-dessus de la tête des
syndiqués qui étaient poursuivis, au-dessus de la tête de
leur syndicat également, qui va constituer un facteur qui conditionne
sérieusement l'exercice de leur liberté fondamentale, l'exercice
de leur liberté syndicale dans l'avenir.
Imaginez qu'un conflit se présente dans un an; je ne sais pas ce
qui va arriver mais il est question d'abroger la loi 111. Le ministre s'est
prononcé en faveur de l'abrogation de la loi 111 à un moment
donné, à la fin du débat de deuxième lecture.
L'Assemblée nationale, à l'unanimité, a adopté une
mesure demandant au gouvernement d'agir dans les plus brefs délais afin
d'obtenir l'abrogation de la loi 111. Il pourra arriver qu'un conflit se
présente dans un an mais les gens devront prendre une décision
sur ce conflit et il y aura toujours cette épée de
Damoclès qui va rester suspendue, qui va pourrir l'atmosphère et
empoisonner les relations pendant une période... Je ne sais pas combien
cela peut prendre de temps mais avant que ce soit terminé en Cour
suprême, j'ai bien l'impression qu'il faut mettre au moins deux, trois ou
quatre ans.
Est-ce que c'est ce que le gouvernement vise comme effet avec ceci? Je
voudrais m'en assurer bien clairement.
M. Bérubé: II est clair que les poursuites sont
suspendues tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas de jugement définitif
quant à la validité des lois 70 et 105 et que, par
conséquent, ce que craint le député d'Argenteuil - je
comprends cependant le sens de son intervention - m'apparaît
néanmoins un peu immatériel au sens où si les lois sont
jugées constitutionnelles, il est normal que des citoyens ayant
violé la loi soient poursuivis, tel que cela est normal. On ne doit pas
inciter nos concitoyens à violer les lois et si nos lois sont
jugées valides par la Cour suprême, à ce moment les
poursuites devront s'exercer.
Si, d'autre part, la loi n'est pas jugée valide, toutes les
poursuites tombent et, par conséquent, il n'y a personne de
pénalisé. Donc, ce que le député d'Argenteuil
appelle "l'épée de Damoclès", c'est l'épée
de la justice. En effet, cette épée ne pourra tomber sur la
tête des gens que si ces lois sont bel et bien constitutionnelles et cela
m'apparaît normal que des citoyens qui violeraient les lois et seraient
condamnés par les cours, que ces citoyens, à ce moment, soient
soumis aux sanctions que les lois prévoient. Cela ne m'étonne
pas, c'est un processus normal.
M. Ryan: Je vais poser une autre question au ministre, M. le
Président: Est-ce que le ministre est en mesure de dire la ligne de
conduite que le gouvernement entend suivre au sujet des poursuites
intentées en vertu de la loi 111? Je vais lui dire pourquoi je lui pose
la question. C'est parce que, aujourd'hui même, j'ai eu l'occasion de
causer avec un juriste de grande autorité, qui a une expérience
considérable des conflits de travail, qui n'est impliqué dans
aucune des causes dont nous avons discuté implicitement tantôt et
qui me disait qu'à la lumière du jugement du juge Deschênes
il se demandait très sérieusement si le projet de loi 111
n'était pas aussi entaché d'un vice
d'inconstitutionnalité. Il n'y a pas de procédures qui ont
été instituées à ce sujet pour l'instant, mais ce
serait assez curieux, à supposer que le gouvernement, vu le hiatus qui
va se produire dans les poursuites instituées en vertu de la loi 105,
allait continuer les poursuites instituées en vertu de la loi 111 et
que, lors de l'instruction d'une cause, des objections d'ordre constitutionnel
s'élevaient contre la loi 111. On se trouverait pris avec un certain
nombre de décisions qui auraient été rendues dans certains
endroits et à un moment donné il y aurait une invalidation de
cette loi-là. Est-ce que le ministre est prêt à
considérer la possibilité de mettre également entre
parenthèses, tant que l'aspect constitutionnel n'aura pas
été complètement nettoyé, les procédures qui
ont pu être instituées à la suite de l'adoption de la loi
111?
M. Bérubé: C'est une question qui relève
directement du procureur, donc, du ministre de la Justice, et qui ne
relève pas du président du Conseil du trésor. Je pense
qu'il faudrait adresser la question au ministre de la Justice.
M. Ryan: Est-ce que le président du Conseil du
trésor, qui a la lourde responsabilité de veiller aux bonnes
relations entre le gouvernement et ses salariés syndiqués, a eu
au moins l'occasion d'en causer avec le ministre de la Justice ou s'il est
complètement ignorant de ces choses, encore une fois?
M. Bérubé: Le président du Conseil du
trésor, pour tout dire, M. le Président, est appelé, par
la nature même de ses fonctions, à intervenir dans les faits et
gestes, la vie quotidienne d'à peu près tous les
ministères du gouvernement. Il a développé une certaine
sagesse avec le temps qui l'amène à se mêler de ses
affaires.
M. Ryan: Donc, il confesse ignorance?
M. Bérubé: II n'y a aucune confession d'ignorance.
Il y a une affirmation très claire de me mêler de mes affaires; en
d'autres termes, je n'interviens pas dans les dossiers de mes collègues
et ne les commente jamais publiquement.
M. Ryan: Alors, vous n'avez rien à dire sur la loi
111.
M. Bérubé: Cela est exact...
M. Ryan: De la part du gouvernement. De notre côté,
nous avons beaucoup à dire...
M. Bérubé: ...de la part du président du
Conseil du trésor assis à cette table, il n'y a rien à
dire, effectivement.
M. Ryan: Pas d'information à communiquer, aucune
connaissance des intentions du gouvernement à ce sujet?
M. Bérubé: Là, il y a une différence.
Il pourrait y avoir connaissance des intentions du gouvernement, mais il
pourrait n'y avoir rien à dire.
M. Ryan: Vous venez de dire que vous ne le saviez pas, que vous
n'en aviez pas parlé avec le ministre de la Justice. C'est bien beau de
faire de la casuistique, mais... Alors, on n'a pas beaucoup d'information
sur
cet article-là, comme vous pouvez le constater. Je ne sais pas
s'il y a autre chose à ajouter à ce sujet. Encore une fois, je
déplore... Le seul argument que j'ai entendu sur les lèvres du
ministre a été que ceux qui ont violé la loi, qu'ils
gardent cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur
tête, c'est le sort qu'ils ont justement encouru, en somme. Je voudrais
lui rappeler à ce sujet-là qu'il est arrivé des situations
dans le passé beaucoup plus graves que celle-ci où des
travailleurs syndiqués, grâce aux bonnes relations qu'ils avaient
avec le gouvernement, ont pu être l'objet d'une considération plus
humaine et plus compréhensive que celle dont on a entendu parler.
Personnellement, j'ai souvent émis l'opinion - et je la formule de
nouveau sans la moindre hésitation - que les manquements à la loi
qui surviennent à l'occasion ou autour d'un conflit de travail sont des
manquements à la loi mais ne sont pas exactement de la même nature
que d'autres. Je vous soumets d'autres exemples. Il m'a été
donné de parler ces jours-ci du problème des enfants
illégaux dans les écoles anglaises à Montréal.
Pendant longtemps, le gouvernement a cherché refuge dans une attitude
strictement légaliste. Je me rappelle un ministre de l'Éducation
qui avait dit un jour: Aux yeux du gouvernement, ce sont des "non persons".
Fort heureusement, ces "non persons" ont continué d'exister, ont
continué de grandir, de se développer. Aujourd'hui,
j'espère qu'on va en arriver à une attitude un peu plus humaine
et plus compréhensive. J'ose espérer que dans ce cas-ci - et
c'est la dernière chose que j'ai à dire sur cet article-ci - le
gouvernement se souviendra de la dimension humaine du problème et qu'on
trouvera un dénouement à ceci le plus tôt possible. Je
rappelle encore une fois que la façon la plus efficace et la plus
intelligente, à mon point de vue, de trouver un dénouement, ce
serait que le gouvernement quitte son attitude d'entêtement en ce qui
regarde la poursuite des contestations judiciaires qui sont en cours, quitte
à réserver... Je ne lui demande pas d'abdiquer et de se mettre
à genoux, je ne veux pas qu'on reprenne le vote qui a été
pris. C'est une exhortation très ferme et très justifiée,
je pense, que j'adresse au gouvernement. S'il décidait de régler
ce problème, de le nettoyer une fois pour toutes, je crois qu'on
réglerait un paquet de problèmes. Ce serait infiniment mieux pour
tout le monde. Après la période d'extrêmes
difficultés que nous avons connue depuis un an, je pense que ce serait
un dénouement beaucoup plus intéressant, alors qu'avec cet
article-ci on s'embarque dans une période d'indéfinition,
d'incertitude et d'insécurité qui va se prolonger pendant
plusieurs années et qui va aboutir, à mon point de vue... En fin
de compte, vous savez comme moi, M. le Président, que, lorsque arrivera
la décision des tribunaux, si jamais on se rend là, d'abord il y
a tellement de changements qui peuvent survenir au cours des prochaines
années; que cela ne connaîtra pas le dénouement que ces
choses pourraient entraîner, soit une interprétation trop
littérale.
Inutile de vous dire qu'en conséquence de tout cela, et surtout
à cause de l'absence totale d'information à ce sujet et du peu de
justification d'un prolongement de cette sanction morale qu'on fait peser sur
des gens, je ne serai pas capable de voter pour cet article.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, avant de faire une
intervention, j'aurais une question à poser au ministre responsable du
projet de loi. Dans des réponses qu'il a données au
député d'Argenteuil, le ministre a indiqué que si, par
exemple, les jugements des cours de première instance étaient
maintenus jusqu'en Cour suprême, la portée de l'article 2, tel
qu'il est rédigé, ferait en sorte que les poursuites
pénales qui auraient été intentées avant la date de
mise en vigueur du projet de loi seraient caduques et devraient être
abandonnées. Est-ce exact?
M. Bérubé: Oui.
M. Bisaillon: En termes de contenu, n'aurait-on pas aussi le
même problème? Par exemple, en faisant les mêmes
suppositions que le ministre a faites en fonction des poursuites
pénales, qu'arriverait-il en termes de contenu? Si les conventions
collectives, si les lois 70 et 105 étaient maintenues comme
anticonstitutionnelles dans un jugement de la Cour suprême, je comprends
que, là, on aurait une loi qui aurait corrigé à partir de
la date de son adoption un certain nombre de choses. Il y aurait cependant un
vide qui s'étalerait entre le 30 juin et la date de l'adoption de cette
loi. Puisqu'il y en aurait un pour les poursuites juridiques, n'y en aurait-il
pas un en termes de contenu?
M. Bérubé: Non, car la loi est très claire.
J'essaie de retrouver l'article. Mais, de toute façon, elle remplace les
documents sessionnels à la date où ceux-ci ont été
déposés à l'Assemblée nationale. On fait comme si
les documents déposés lors des lois 70 et 105 avaient
été déposés dans les deux langues. Par
conséquent, il est...
M. Bisaillon: Donc, vous rendez le contenu rétroactif.
M. Bérubé: Le contenu est rétroactif,
oui.
M. Bisaillon: Alors, dans le fond, cette loi fait en sorte qu'on
va voter rétroactivement un contenu comme si on l'avait fait
correctement la première fois.
M. Bérubé: Oui, exactement comme cela a
été fait dans le cas de la loi remédiatrice à la
loi 101 où on a réadopté rétroactivement toutes les
lois du Québec dans les deux langues de manière à les
rendre conformes à la décision des tribunaux.
M. Bisaillon: M. le Président, je discuterai au moment
où on arrivera à ces articles de l'ensemble de cette
opération. Si on est d'accord pour ne pas le faire pour les poursuites
pénales, je me demande ce qui peut nous justifier de le faire dans
d'autres domaines. En tout cas, on y reviendra à ce moment-là. Je
voudrais demander au ministre quelle est son évaluation. Le gouvernement
va en appel sur le jugement Deschênes. Est-ce que, dans ces
cas-là, il y a une procédure accélérée?
Autrement dit, vers quelle date peut-on attendre un jugement de la Cour
d'appel?
M. Bérubé: Je n'ai pas d'idée, M. le
Président, mais on connaît les proverbes concernant la
rapidité de la justice et, par conséquent, je ne me risquerai pas
à faire une prévision. (21 h 15)
M. Bisaillon: M. le Président, je vais me risquer à
faire une intervention sur l'article 2. L'article 2 fait en sorte que le
gouvernement reconnaît que si un jugement d'une instance suprême
confirmait les jugements de première instance, cela invaliderait les
poursuites pénales et qu'en définitive les personnes qu'on a
poursuivies supposément parce qu'elles étaient en état
d'illégalité ne l'étaient pas finalement, parce que
c'était le gouvernement lui-même qui l'était.
Je ne comprends pas qu'on puisse accepter que, pendant une certaine
période de temps, il soit normal qu'on balaie des poursuites qui n'ont
plus cours, qui n'ont plus lieu d'être, d'exister. Je comprends mal
comment on peut le faire et comment on pourrait accepter de le faire à
partir du moment de la votation de la loi 8.
Le gouvernement a fait un choix. Son choix a été de passer
les lois 70 et 105 de la façon dont elles ont été
votées. Il y a des contestations sur la façon dont les lois 70 et
105 ont été votées et le gouvernement, là encore,
est obligé, jusqu'à un certain point, de suivre le processus
judiciaire, de respecter le processus judiciaire et de contester les jugements
de première instance.
Motion d'amendement
Dans les circonstances, M. le Président, je serais tenté
d'apporter un amendement qui se lirait comme suit et qui est sûrement
recevable, puisqu'il s'agit de modifier une date. Mon amendement vise à
enlever à l'article 2, à rayer dans les parenthèses les
mots "insérer ici la date d'entrée en vigueur du projet de loi 8"
et à remplacer le tout par "au 30 juin 1985". Je pense, M. le
Président, qu'on peut trouver raisonnable de penser qu'un jugement de la
Cour d'appel ou de la Cour suprême pourrait arriver dans le délai
du 30 juin 1985. À partir de ce moment, toute poursuite
pénale...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sainte-Marie, est-ce qu'on peut en juger la recevabilité avant de
commencer à entrer dans...
M. Bisaillon: Bien sûr, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Je pense que vous allez
être content, vous allez être fier. La justice veut que votre
motion soit recevable.
M. Bisaillon: M. le Président, c'est assurément une
motion recevable.
M. Bérubé: M. le Président...
Une voix: Allez-vous rendre la justice, M. le
Président?
Le Président (M. Laplante): Si vous voulez que j'explique
la recevabilité, je peux le faire. C'est qu'elle ne détruit pas
l'article 2 et elle ne va pas contre les notes explicatives. C'est la grande
différence avec l'article 1, lorsqu'on oublie les notes explicatives.
C'est que vous donnez une extension dans le temps sur l'application de
l'article 2, qui est tout à fait normale et qui est une des meilleures
motions.
M. Bisaillon: Quand vous dites, M. le Président, que c'est
tout à fait normal, vous vous prononcez aussi sur le contenu?
Le Président (M. Laplante): Non, pas du tout. Allez, sur
votre...
M. Bisaillon: M. le Président, mon argumentation,
finalement, à l'appui de cette motion d'amendement, c'est d'indiquer
que, comme le lit est fait, il faut s'y coucher et qu'il faut donc attendre
à une date que je fixe au 30 juin 1985, parce qu'il me semble probable
qu'on aura à ce moment-là des jugements d'instances
supérieures qui confirmeront ou infirmeront des jugements d'instances
inférieures et qui, à ce moment-là, nous permettront
d'être placés devant une situation claire.
Si le jugement d'une Cour suprême, par exemple, infirmait les
jugements de première
instance, l'article va s'appliquer tel qu'il est là,
c'est-à-dire que les poursuites pénales qui ont
déjà été entreprises continueront. Si le jugement
confirmait les jugements de première instance, les poursuites
pénales seraient caduques dans tous les cas.
Pourquoi ferait-on des distinctions entre des citoyens placés sur
un même pied et placés devant les mêmes lois 70 et 105
finalement? Il y en aurait qui auraient été
privilégiés par le fait, et c'est un peu absurde, qui ont
été accusés les premiers alors que les autres pourraient
éventuellement être rattrapés par la main de fer du
président du Conseil du trésor. Il me semble qu'en repoussant
l'échéance à une date normale, probable, comme
étant raisonnable, pour obtenir un jugement de la Cour suprême, on
aurait là toutes les garanties pour les personnes qui sont
concernées.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil, des commentaires?
M. Ryan: Je voudrais demander des explications au
député de Sainte-Marie. J'ai peur de ne pas avoir bien saisi la
portée de l'amendement qu'il propose.
Le texte de l'article 2, comme je le comprends, stipule que la loi 8, si
elle est adoptée, ne s'appliquera pas à une poursuite
pénale concernant une infraction au Code du travail commise avant le...,
soit le moment de l'adoption du projet de loi no 8. Il faudrait qu'il nous
explique. Cela va jusque là, justement, parce que dans
l'hypothèse la moins favorable, je dirais, pour le gouvernement, la
période d'inconstitutionnalité présumée prendrait
fin avec l'adoption de la loi 8. Par conséquent, comme la loi aurait
été présumée invalide du moment de son adoption
jusqu'au moment de l'entrée en vigueur de la loi 8, les offenses qui
auraient été imputées à des gens pendant ce
temps-là tomberaient parce que la loi était invalide. J'essaie de
comprendre le meilleur sens du terme car, aujourd'hui, le gouvernement nous
invite à légiférer rétroactivement quant à
l'effet positif des lois 70 et 105. Cependant, il dit qu'on ne veut pas
légiférer rétroactivement quant à l'aspect
pénal.
À partir du moment de l'entrée en vigueur de la loi 8, je
ne crois pas... Il y a un problème avec la loi 111, cependant, que
j'aimerais que vous m'expliquiez comme il faut, parce que cette loi 111 vient
s'ingérer là-dedans et elle est en vigueur depuis le 17
février. Il faudrait que vous nous expliquiez cela clairement. Ce que je
comprends c'est que, une fois adopté le projet de loi no 8
adopté, tout le monde est sur un pied d'égalité, tout le
monde y compris ceux qui auraient fait des manquements à la loi entre le
1er janvier et le 1er juin, disons, ou le 1er juillet, tout le monde tombe sur
un pied d'égalité à ce moment-là parce qu'on entre
dans la constitutionnalité.
Si vous disiez que la présente loi ne s'applique pas à une
poursuite pénale concernant l'infraction au Code du travail commise
jusqu'à la fin de décembre 1985, cela veut dire que vous accordez
l'impunité complète à n'importe qui qui pourrait faire une
grève illégale ou n'importe quoi d'ici décembre 1985. Je
serais plutôt porté à demander, pour commencer, qu'on se
débarrasse de la loi 111 et qu'on tombe tous sous le Code du travail
ordinaire.
M. Bérubé: C'est l'anarchie.
M. Ryan: Je ne sais pas, mais j'essaie de voir comment tout cela
peut s'agencer et j'ai de la difficulté.
M. Bisaillon: M. le Président, je comprends...
Le Président (M. Laplante): Je voudrais dire une chose
avant que vous amorciez la discussion. Je n'avais pas à entrer
là-dedans mais tel que l'amendement du député de
Sainte-Marie est présenté, il retarde, en somme, parce qu'il
ajoute la date d'entrée en vigueur du projet de loi, l'entrée en
vigueur du projet de loi en 1985. Ce sont les mots qu'il a ajoutés.
M. Ryan: Non. Je pense bien que le président du Conseil du
trésor va vous sauter à la figure, si vous interprétez
cela comme cela.
M. Bisaillon: Ah oui!
M. Ryan: II va demander d'ajouter un autre article à la
fin, en disant que cela entre en vigueur à minuit, ce soir. Donnez-nous
une chance!
M. Bisaillon: Mais il serait préférable,
effectivement, M. le Président...
M. Bérubé: M. le Président, il s'agit d'une
affirmation gratuite, celle disant que je vous sauterais à la figure.
Tout le monde se connaît et j'ai un bon caractère et on sait que
jamais je ne sauterais à la figure d'un président de
l'Assemblée nationale, fût-il libéral, M. le
Président.
M. Ryan: M. le Président, je veux seulement m'excuser. Je
pose des questions au député de Sainte-Marie. S'il voulait
expliquer davantage le sens de l'amendement qu'il propose, peut-être
réussirais-je à mieux le comprendre.
M. Bisaillon: D'accord.
M. Ryan: Ce n'est pas que je le
rejette, mais j'essaie de le comprendre. Je lui ai fait part d'un
certain nombre de subtilités.
M. Bisaillon: M. le Président, je comprends
l'argumentation du député d'Argenteuil et je suis d'accord aussi.
Dans le sens de cette argumentation, il est clair que mon amendement n'a pas de
sens. Avant, j'avais posé des questions au ministre et il m'a
répondu en termes de contenu. Je reliais cela aussi au contenu puisque
c'est par le contenu que des infractions au Code du travail vont être
commises. C'est par la non-application ou le non-respect du contenu que des
infractions au Code du travail seront possibles. Les infractions au Code du
travail ne sont pas uniquement en termes de grève, elles peuvent
être aussi en termes de non-respect d'une convention collective ou d'une
clause de convention collective.
Or, comme vous m'avez répondu que les conventions collectives ont
été ramenées rétroactivement par la loi 8, il me
semble qu'on aurait intérêt à repousser l'entrée en
vigueur de cet aspect. Je comprends que, si on se limite uniquement aux
poursuites pénales, vous avez raison. Dans, le fond, je pénalise
plus les gens que je ne les avantage par mon amendement. Mais si on le relie au
contenu, il me semble que ce n'est pas la même chose.
M. Ryan: Cela va préparer la voie si on adopte votre
affaire...
M. Bisaillon: Quelles peuvent être les infractions au Code
du travail, dans le fond, M. le Président? C'est cela...
M. Bérubé: M. le Président, je pense que
l'article tel qu'il est là est on ne peut plus clair. S'il devait y
avoir eu des infractions au Code du travail entre le 1er janvier, par exemple,
et la date d'entrée en vigueur de la présente loi, on ne pourrait
poursuivre en invoquant le Code du travail si les lois 70 et 105 sont
jugées définitivement inconstitutionnelles. C'est le sens
très clair de l'article 2. Il ne va pas au-delà des poursuites
pénales pouvant être intentées à la suite d'une
violation du Code du travail. Évidemment, si on reporte, suivant
l'amendement du député de Sainte-Marie, à 1985 cette date
limite pour commettre une infraction au Code du travail, cela voudrait dire que
tout employé de l'État pourrait, jusqu'en 1985, violer le Code du
travail et il ne serait pas passible des sanctions prévues au Code du
travail. Ce serait instaurer en système l'anarchie. Évidemment,
je savais que le député de Sainte-Marie était
tenté...
M. Bisaillon: Ah! M. le Président, M. le
Président.
M. Bérubé: ...par ce courant politique qui a eu
cours dans les années 1880, je crois.
M. Bisaillon: À votre époque!
M. Bérubé: Mais, M. le Président, disons que
je ne m'offusque pas du courant anarchique que veut représenter ici le
député de Sainte-Marie, mais je n'y souscrirai pas et je ne
pourrais donner mon accord à un tel amendement.
Retrait de la motion
M. Bisaillon: Avec les explications que j'ai eues, M. le
Président, je serais porté à le retirer davantage
qu'à le faire voter.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous retirez votre
amendement? À l'article 2, l'amendement du député de
Sainte-Marie est retiré.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: De nouveau sur l'article 2, il y a un point sur lequel
le ministre n'a pas donné toutes les précisions
nécessaires. On dit à l'article 2 que cela ne s'appliquerait pas
à des poursuites pénales concernant une infraction au Code du
travail commise avant l'entrée en vigueur du projet de loi 8. Cela
soulève une question intéressante à propos de la loi 111.
Normalement, si la loi 111 est constitutionnelle, cela veut dire que les
sanctions qui étaient prévues par la loi 111 sont d'un autre
ordre que celles du Code du travail.
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: Par conséquent, les gens qui auraient
violé la loi 111 seraient traduits devant les tribunaux et jugés
sous l'empire de la loi 111 pour des infractions allant après le 17
février 1983.
M. Bérubé: Oui, ils le pourraient.
M. Ryan: Ils ne peuvent pas relever de deux lois en même
temps. S'ils relevaient de la...
M. Bérubé: Hélas! nous relevons de beaucoup
plus que de deux lois en même temps.
M. Ryan: ...mais dans ce cas-ci je ne pense pas que vous puissiez
encourir deux sortes de sanctions en même temps. On peut faire des
farces, mais c'est sérieux cela. On ne peut pas relever des deux en
même temps.
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: Ils relèvent soit de l'une, soit de l'autre des
deux lois, dans ce cas-ci.
M. Bérubé: Ils peuvent relever des deux.
M. Ryan: On aura des explications, mais votre réponse
péremptoire est loin d'être satisfaisante parce qu'elle ne
comprend aucune explication raisonnable.
La question que je pose, il y a celle-ci d'abord. Deuxièmement,
à supposer que la loi 111 soit contestée un jour - cela peut
arriver au moment le plus imprévu - et qu'elle soit
déclarée inconstitutionnelle elle aussi. Que faites-vous avec
tout votre train de sanctions qu'elle comporte? Est-ce que cela veut dire que
les gens tombent sous le coup du Code du travail ordinaire? Est-ce qu'il y
avait une convention de travail qui existait à ce moment, à
propos de la loi 111? Supposez qu'elle soit déclarée un jour
inconstitutionnelle, la même difficulté va surgir.
M. Bérubé: La loi 111 ne fait pas
référence à l'existence d'une convention collective
quelconque. Elle intime.
M. Ryan: M. le Président, c'est assez formidablel
M. Bisaillon: Elle fait référence à des cas
d'illégalité qui n'existeraient plus.
M. Bérubé: Non. Elle intime aux employés du
secteur public de regagner leur travail. (21 h 30)
M. Bisaillon: Parce qu'ils étaient dans
l'illégalité, présumément.
M. Ryan: À cause de la loi 105.
M. Bérubé: Absolument pas. La seule chose... La loi
111, à la section II, portant sur la continuité des services, dit
tout simplement: "Un salarié qui était à l'emploi d'un
employeur le 25 janvier 1983 doit, compte tenu de son horaire de travail,
retourner au travail au plus tard le 17 février 1983." Elle ne fait
qu'intimer à une personne de retourner à son travail. C'est
tout.
M. Ryan: M. le Président.
M. Bérubé: Elle ne fixe pas de conditions de
travail.
M. Ryan: M. le Président, si un travailleur a
été poursuivi par le gouvernement sous l'empire de la loi 111
pour avoir violé une loi qui a été ensuite
déclarée inconstitutionnelle, qu'arrive-t-il? C'est là le
problème qu'on pose avec ceci. J'aimerais que ce problème soit
approfondi. Je pense qu'on n'aura pas le temps de tout terminer ce soir. C'est
un problème sérieux. Il m'a été posé par des
personnes qui le traversent et moi-même je crois avoir une certaine
expérience de ces choses. J'en ai suivi des causes depuis une vingtaine
d'années, une et une autre. Ce sont des choses inédites, mais qui
découlent presque fatalement du caractère tout à fait
inédit. La politique a suivi le gouvernement dans ce domaine et je pose
la question au ministre. Ce sont des gros problèmes.
M. Bérubé: M. le Président, je comprends le
sens de l'intervention du député d'Argenteuil, qui dit:
Voilà des citoyens qui ont choisi - hypothétiquement, cela
s'entend - de ne pas retourner au travail, arguant qu'il n'existait pas de
convention collective valide les couvrant, d'une part, et que, d'autre part,
les lois 70 et 105 étant inconstitutionnelles, ils auraient acquis le
droit de grève, un droit de grève légale et que, par
conséquent, cette grève était légale. Parfait.
Mais ce que la loi 111 vient faire, c'est rendre cette grève
illégale. En effet, à de nombreuses reprises dans le
passé, on a connu des cas de grèves mais parfaitement
légales, comme les grèves d'employés du secteur public,
qui ont choisi de débrayer. Après un certain temps,
l'Assemblée nationale a voté une loi de retour au travail. Elle a
transformé une grève légale en grève
illégale et, ce faisant, a fait en sorte que les grévistes ont
violé des lois s'ils ne rentraient pas au travail.
La loi 111 est absolument identique dans sa nature. Nous n'avons pas
à nous préoccuper de la nature de la grève qui pouvait
avoir cours, à savoir si elle était légale ou
illégale. Nous n'avons qu'à examiner la loi 111 à
sa face même et à conclure que la loi 111 faisait de cette
grève une grève illégale et, ce faisant, les sanctions
applicables en vertu de la loi 111 doivent s'appliquer.
M. Bisaillon: M. le Président, l'argumentation du ministre
est inattaquable.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
M. Bisaillon: II a parfaitement raison. La seule chose, c'est que
le discours et tout le climat qui a justifié la loi 111 étaient
justement le contraire, dont le sien, son discours. Je suis d'accord avec lui
dans les faits, si on prend le texte de la loi 111 actuelle. Son
interprétation est parfaitement justifiée et justifiable, sauf
que la loi 111 n'a pas été votée pour ces raisons et ce
n'est pas pour ces raisons qu'on a justifié les
dures pénalités qui l'accompagnaient. On a justement
argué du côté gouvernemental que c'est parce qu'on
était en situation illégale qu'on se devait d'être
davantage dur parce que, déjà, selon le gouvernement, les
travailleurs étaient dans l'illégalité, n'avaient
déjà pas respecté une loi spéciale. On en
était rendu à la deuxième.
M. Bérubé: M. le Président, le
député de Sainte-Marie oublie un principe fondamental dans notre
système législatif, c'est le principe de la présomption de
validité des lois.
M. Bisaillon: Cela va avec la présomption d'innocence, je
suppose.
M. Bérubé: Par conséquent, les lois
étant présumées valides au moment de ces grèves,
elles étaient donc des grèves illégales.
Le Président (M. Laplante): Article 2. Adopté sur
division. Est-ce qu'il est adopté, M. le...
M. Ryan: Non. J'allais faire une autre remarque, M. le
Président. J'allais faire une autre remarque.
Le Président (M. Laplante): Allez-y. Allez-y, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je crois qu'il est important de souligner le contexte
dans lequel a été adoptée la loi 111. Elle a revêtu
ce caractère de sévérité à cause justement
du caractère d'illégalité qui entachait, selon le
gouvernement, les actes faits par les enseignants grévistes avant
l'adoption de la loi et si on a attaché une telle gravité
à l'acte de grève qui a été fait par des milliers
d'enseignants, c'est parce qu'on disait que cela violait la loi 105. C'est un
défi à la loi. C'est comme cela que cela nous fut
présenté à l'Assemblée nationale. Si la loi
était inconstitutionnelle, le défi à la loi n'a pas du
tout la même gravité et la gravité des sanctions devient
drôlement compromise d'autant, du moins selon le jugement d'une personne
qui regarde cela froidement. Je ne veux pas prolonger davantage le débat
là-dessus. On a soulevé le problème avec assez de
sérieux et je pense que c'est un problème sur lequel nous allons
devoir continuer de réfléchir de notre côté.
Le Président (M. Laplante): Article 2, adopté?
M. Ryan: Sur division.
Réadoption de lois
Le Président (M. Laplante): Sur division.
J'appelle l'article 3 de la section II. M. le ministre.
M. Bérubé: Cet article propose simplement la
réadoption en français et en anglais de la Loi concernant la
rémunération dans le secteur public et de la Loi concernant les
conditions de travail dans le secteur public, ainsi que les documents
sessionnels auxquels elles réfèrent.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je crois bien que cet article-là est conforme. Je
veux simplement m'assurer qu'au deuxième alinéa, le document
sessionnel 350, c'est 70...
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: ...650 et 651 sont ceux qui ont été
déposés le 9 décembre lors du dépôt du projet
de loi 105.
M. Bérubé: Exactement.
M. Ryan: Le document sessionnel 653 est celui qui a
été déposé deux jours plus tard avec quelques
amendements.
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: C'étaient les mêmes documents mais
moyennant quelques amendements, si mes souvenirs sont bons. Je me souviens
moins du document 665, le 15 décembre. Vous souvenez-vous sur quoi il
portait exactement?
M. Bérubé: Je ne me souviens plus sur quoi il
portait, mais il a été déposé lors du débat
portant sur le bill omnibus; nous avons profité de ce qu'il était
débattu en Chambre pour introduire une correction sur laquelle on
s'était mis d'accord avant.
M. Ryan: Très bien, cela va: "...ainsi que par le texte
anglais de ces documents sessionnels déposé devant
l'Assemblée nationale le 5 mai 1983 comme document sessionnel
numéro 84". C'est tout l'ensemble des conventions collectives en
anglais, c'est-à-dire des décrets. Je m'excuse, M. le
Président, j'ai fait une grosse erreur de langage. Ce sont des
décrets et non pas des conventions collectives, quoi qu'en dise la loi.
Je pense qu'il n'y a pas de problème là-dessus.
Le Président (M. Laplante): Article 3, adopté?
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Laplante): J'appelle
l'article 4. Concordance?
M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait nous expliquer l'expression
"forment respectivement une loi distincte et un document ses-sionnel
distinct"?
M. Bérubé: Je ne suis pas spécialiste. Il
s'agit d'un article à caractère proprement technique qu'on avait
introduit dans les lois remédiatrices faisant suite à
l'arrêt Blaikie. Maintenant, ce sont essentiellement des raisons de
référence aux lois pour permettre, lors de la préparation
de statuts refondus, des références explicites et claires aux
lois...
M. Bisaillon: Aux lois 70 et 105. "Ces lois": normalement - c'est
un "ces" démonstratif - cela se rattache à quelque chose dont on
a déjà parlé précédemment. Or, il n'en a pas
été question précédemment. Ne serait-il pas mieux
de les nommer comme on le faisait dans un article précédent?
Le Président (M. Laplante): L'article 3 le dit, le premier
et le deuxième alinéa.
M. Ryan: C'est le premier alinéa de l'article 3. Je pense
que c'est assez clair. Il faudrait réviser comme il faut. À
l'article 3, le premier alinéa, comprend la loi. Regardez, on va
recommencer au début pour que cela soit bien clair. Le chapitre 45 des
lois de 1982, est-ce la loi 70? Il faudrait s'assurer de cela comme il
faut.
Le chapitre 45, c'est la loi 105.
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: La loi concernant les conditions de travail dans le
secteur public et modifiée par l'article 85 du chapitre 58 des lois de
1982, laquelle est-ce?
M. Bérubé: On va vous les identifier.
La loi concernant la rémunération dans le secteur public,
c'est ce qu'on appelle la loi 70.
M. Ryan: Cela va.
M. Bérubé: Elle est modifiée par l'article
13, chapitre 45, de lois de 1982, c'est-à-dire la loi 105 qui est venue
modifier la loi 70. La loi concernant les conditions de travail dans le secteur
public, c'est la loi 105.
M. Ryan: La loi 105, oui.
M. Bérubé: Loi modifiée par l'article 85,
chapitre 58 des lois de 1982, c'est ce qu'on appelait la loi 101, le bill
omnibus dont on vient de parler...
M. Ryan: Cela, c'est correct.
M. Bérubé: Et par l'article 27 du chapitre 1 des
lois de 1983, c'est le projet de loi no 111.
M. Ryan: C'est intéressant, cela. Vous établissez
un lien.
Pardon? C'est important d'identifier ces choses-là clairement. Je
vois que la loi 111, par conséquent, conformément à ce que
j'avais soutenu plus tôt, n'est pas sans lien de parenté avec les
lois antérieures, de l'aveu même du gouvernement qui est l'auteur
de ce projet de loi. Je préviens le gouvernement des complications
possibles.
Cela étant dit, on est à l'article 4. Personnellement, je
ne veux pas présumer de ce que le député de Sainte-Marie
pense, mais je crois qu'une fois qu'on a identifié clairement ces lois,
il est évident à l'article 4 que chacune de ces lois, c'est
chacune de ces quatre lois. Il n'y a pas de problème, mais ce qui
m'intéresse, c'est qu'encore ici, il y a une réaffirmation par le
gouvernement: le texte français et le texte anglais de chacune de ces
lois, donc aussi de la loi 111, et le texte français et le texte anglais
de chacun des documents sessionnels forment respectivement une loi distincte...
Cela veut dire, si je comprends bien, vous allez me l'expliquer, que la loi 70
et le document sessionnel 350 forment une loi distincte. La loi 105 et les
documents sessionnels 651, 653 et 665 forment une loi distincte. Est-ce cela
que cela veut dire?
M. Bérubé: Oui. M. Ryan: Très
bien.
Le Président (M. Laplante): L'article 4 est-il
adopté?
M. Ryan: Sur division, toujours.
Le Président (M. Laplante): Sur division, toujours.
Merci.
J'appelle l'article 5.
M. Bisaillon: M. le Président, quand on parle des autres
exigences de publication et de formalité, ce sont les avis dans la
gazette ou quoi? À quoi se réfère-t-on?
Le Président (M. Laplante): L'article 5. M.
Bérubé: Oui.
M. Bisaillon: Au deuxième paragraphe de l'article 5, on
termine en disant: "Ils ne sont assujettis à aucune autre exigence de
publication ni formalité."
Le Président (M. Laplante): Oui. Il va donner une
réponse au député de Sainte-Marie.
M. Ryan: J'aimerais faire une suggestion sur cet article. (21 h
45)
M. Bérubé: On me dit que les exigences de
publication sont précisées dans la loi sur l'Assemblée
nationale et antérieurement, dans la Loi d'interprétation. Or, ce
que nous faisons ici, c'est que nous précisons qu'on n'exigera pas pour
les documents sessionnels un mécanisme de publication identique au
mécanisme de publication pour le reste des lois du Québec. En
d'autres termes, c'est l'Éditeur officiel du Québec qui, dans le
fond, rédige des documents pour diffusion auprès des membres
syndiqués, par exemple, qui veulent obtenir copie des conventions
collectives en question. Or, nous ne voulions pas que...
M. Bisaillon: II n'y a pas un...
M. Bérubé: ...le document sessionnel soit assujetti
à une publication dans la Gazette officielle du Québec suivant
les procédures habituelles entourant la publication de nos lois, car
alors, évidemment, les coûts encourus auraient été
absolument faramineux. Donc, il s'agit ici, par cet article, de s'assurer que
si les documents sessionnels font bel et bien partie de la loi, les exigences
de diffusion pour ces documents sessionnels sont cependant modifiées par
l'article 5, de manière à ne pas étendre aux documents
sessionnels les critères qui président à la diffusion
générale des lois du Québec.
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, cela me pose une
difficulté parce que j'éprouve le besoin de vérifier
l'interprétation que la Cour suprême avait donnée des
exigences relatives à l'impression et à la publication des
documents législatifs. Je ne sais pas si vous pouvez garder cet article
en suspens et si on peut faire une interruption de quelques minutes à un
moment donné. On pourrait la faire tout de suite, si vous voulez, ce ne
sera pas long parce que j'ai le jugement devant moi, mais je pense que c'est
important de le vérifier pour qu'on sache exactement ce qu'on nous
propose.
Si j'ai bien compris l'explication du ministre, il voudrait que les
textes en anglais des décrets, pour prendre un exemple concret, le
décret qui s'applique à la CEQ dans l'enseignement primaire et
secondaire, que ce décret ne soit pas publié en anglais à
la Gazette officielle.
M. Bérubé: Que les documents sessionnels ne soient
pas publiés à la Gazette officielle, point. À ce
moment-là, ce que dit le deuxième alinéa, c'est que les
documents sessionnels auxquels ces lois réfèrent sont
imprimés et publiés, puisqu'ils doivent être
imprimés et publiés en vertu de nos lois et de la constitution
elle-même, et distribués par l'Éditeur officiel selon les
modalités qu'il détermine. Donc, l'adoption des lois, c'est fait
dans les deux langues, l'impression, le "print and publish" de ces lois, c'est
fait également dans les deux langues. La diffusion, laquelle est
prévue dans la Loi sur l'Assemblée nationale du Québec qui
spécifie comment les lois du Québec sont soumises à une
diffusion dans le public, ces articles de caractère
général qui président à la diffusion de nos lois ne
doivent pas s'appliquer pour être remplacés par un article ici,
l'article 5, qui permet à l'Éditeur officiel de diffuser ces lois
suivant un processus beaucoup plus rationnel, c'est-à-dire un processus
à l'intention des clientèles directement concernées.
M. Ryan: Dois-je comprendre que l'obligation dont le gouvernement
veut s'exempter dans ce cas-ci ne fait pas partie des obligations
constitutionnelles définies par les jugements de la Cour
suprême?
M. Bérubé: C'est bien cela. M. Ryan: C'est
sûr?
M. Bérubé: Ce sont les avis juridiques que nous
avons.
M. Ryan: Des fois, c'est bon. Je suis content. Vous en avez un
écrit là-dessus?
M. le Président, je demanderais encore une fois que vous gardiez
cet article-là entre parenthèses pour qu'on puisse faire une
vérification tantôt. Si vous voulez que nous interrompions tout de
suite, je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Laplante): Oui. Vous pouvez la faire tout
de suite. On va suspendre pour deux minutes, si vous voulez.
(Suspension de la séance à 21 h 49)
(Reprise de la séance à 21 h 52)
M. Ryan: Les formalités relatives à l'impression et
à la distribution. "Les formalités relatives", qu'est-ce que cela
veut dire au point de vue légal exactement? Est-ce que vous pourriez
avoir l'avis de votre conseiller là-dessus, M. le ministre, et nous dire
exactement ce que cela veut dire? Si c'est mis dans le texte de loi, cela veut
dire que c'est plus que des habitudes. Si on pouvait avoir la signification
exacte de cela, je pense que le problème serait réglé.
M. Bérubé: Les formalités dont il est
question concernant l'impression, la publication et la diffusion sont
l'impression par l'Éditeur officiel du Québec, la publication
à la Gazette officielle du Québec, la publication dans le Recueil
des lois annuelles et la distribution du Recueil annuel.
M. Ryan: L'impression par l'Éditeur, voulez-vous...
M. Bérubé: ...alors ces formalités sont, si
je ne m'abuse, incorporées dans la Loi sur l'Assemblée nationale
et prévoient donc les mécanismes de diffusion normaux pour ces
lois.
M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait avoir la référence
à la Loi sur l'Assemblée nationale?
M. Bérubé: Ce sont les articles 35 et suivants.
M. Ryan: Est-ce qu'il en a beaucoup? Est-ce que ce serait bien
long de les lire?
M. Bérubé: "Après la sanction d'une loi, le
secrétaire général en transmet, avec diligence, une copie
certifiée conforme à l'Éditeur officiel du Québec
pour impression". L'ancienne Loi de la Législature exigeait que cette
impression se fasse dans la Gazette officielle. Au fond, la seule exigence
s'applique au Recueil annuel des lois. L'exigence de la publication dans la
Gazette officielle est disparue de la Loi sur l'Assemblée nationale sauf
que, si on ne précise pas un mode de publication, l'article 17 de la Loi
sur le ministère des Communications imposerait par défaut la
publication dans la Gazette officielle.
L'article 17 de la Loi sur le ministère des Communications se lit
comme suit: "Les documents, avis et annonces dont la loi exige la publication -
on pourrait considérer que la constitution, c'est la loi dans ce
sens-là -sont publiés à la Gazette officielle à
moins que la loi ne prescrive un autre mode de publication." C'est pourquoi on
dit ici que c'est l'Éditeur officiel qui va prévoir le mode de
publication. Autrement, vous comprenez que cela signifierait un fardeau
financier important pour l'Éditeur officiel, qui aurait dû
transmettre à tous ses abonnés, pour le prix de l'abonnement
annuel, l'ensemble des conventions collectives imposées. Cela lui
permettrait de l'imprimer sous forme de fascicule, comme il l'avait
déjà fait d'ailleurs, et dans sa version anglaise, et de le
distribuer dans ses dépôts de vente.
M. Ryan: Explication satisfaisante.
Le Président (M. Laplante): Article 5, adopté sur
division.
M. Ryan: Oui, toujours.
Le Président (M. Laplante): Article 6.
M. Ryan: À l'article 6, je vais demander une explication,
M. le Président. La sanction de la présente loi vaut pour chacune
des lois édictées en vertu de la présente loi. Nous avons
vu tantôt à l'article 4 que cela comprenait la loi 111. Est-ce que
je dois comprendre que l'article 6 embrasse aussi la loi 111?
M. Bérubé: Non, cela ne s'applique pas à la
loi 111. Cela s'applique à la loi 105 telle qu'amendée.
Oui, parce que l'effet d'un amendement, tel qu'il a été
fait par la loi 111, est tout à fait éphémère.
Dès que la loi modifiante est sanctionnée, instantanément,
cela est intégré dans la loi modifiée. Cela est donc
devenu partie de la loi 105.
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. Ryan: Sur
division.
Le Président (M. Laplante): Sur division. Article 6,
adopté. Article 7?
M. Bérubé: Sur perplexité.
M. Ryan: Oh! oui. J'ai besoin de regarder cela de près. Le
gouvernement a soumis des arguments de même nature au tribunal et le
tribunal ne les a pas retenus. Il a dit qu'on ne peut pas diviser les lois. On
va regarder cela.
Le Président (M. Laplante): Concordance à l'article
6, article 7?
M. Ryan: Pardon?
Le Président (M. Laplante): Concordance?
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Laplante): Adopté?
M. Ryan: Oui, sur division.
Le Président (M. Laplante): Sur division. Article 8?
M. Bérubé: M. le Président, il s'agit tout
simplement de déposer un texte qui reproduise les dispositions des
documents sessionnels, c'est-à-dire que cette fois-ci,
évidemment, les textes seront deux fois plus volumineux que les
précédents.
M. Ryan: M. le Président, à ce sujet... Le
Président (M. Laplante): Oui.
M. Ryan: ...j'ai eu vent qu'un certain nombre de décrets
n'auraient pas été déposés auprès du
Commissaire général du travail dans les délais qui avaient
été prescrits par la loi 105. Est-ce que j'ai été
mal informé?
M. Bérubé: Cela a été corrigé
par la loi 111.
M. Ryan: Oui, vous avez adopté cela. Heureusement qu'on a
voté contre. Pardon?
M. Bérubé: Cela a été corrigé
lors de l'adoption du bill omnibus.
M. Ryan: Oui, oui, je m'en souviens. Alors, il n'y en a pas eu
d'autres. Le bill omnibus a été adopté avant Noël et,
d'après les renseignements que j'aurais eus et d'après ce que
j'ai cru comprendre - j'ai peut-être été mal informé
- il y a des décrets qui auraient été
déposés auprès du Commissaire général du
travail, même après Noël. Est-ce qu'on peut m'assurer que ce
n'est pas le cas?
M. Bérubé: C'est exact, mais cela a
été corrigé dans la loi 111. Il y a eu un amendement qui a
été apporté à la loi 105 et nous avons
remplacé...
M. Ryan: Nouveau lien.
M. Bérubé: ..."cinq jours" par "45 jours".
M. Ryan: Oui, c'est celui-là.
M. Bérubé: De telle sorte que nous avons
rétroactivement respecté nos délais.
M. Ryan: Vous savez que vous allez avoir le record de la
rétroactivité. C'est rendu que...
M. Bisaillon: ...sauf pour les salariés. Ils sont forts
sur la rétroactivité quand elle n'est pas pour les
salariés.
M. Ryan: Très bien.
Le Président (M. Laplante): Article 8, adopté sur
division. Article 9?
M. Ryan: M. le Président, sur l'article 8, vous passez
vite. Je comprends que vous êtes pressé...
Le Président (M. Laplante): Ah non! Je ne voudrais pas
vous bousculer. Si vous avez d'autres questions, posez-les, M. le
député.
M. Ryan: Non, je m'excuse. J'ai une autre question à poser
au ministre. Je ne sais pas si le ministre pourrait nous communiquer, pour
notre information, les dates auxquelles les décrets avaient
été déposés auprès du Commissaire
général du travail. Est-ce qu'on pourrait avoir cette information
ces jours prochains?
M. Bérubé: Oui, on peut vous fournir cela ces jours
prochains. Enfin, peut-être même que ce soir on va essayer de
retracer les dates.
M. Ryan: Je vous dirais bien avant la Trinité, mais
c'était dimanche dernier et votre diligence ne va pas
jusque-là.
M. Bérubé: Vos connaissances du calendrier
liturgique m'épatent.
Le Président (M. Laplante): D'autres questions sur
l'article 8?
M. Ryan: Non.
Le Président (M. Laplante): Adopté sur
division?
M. Ryan: C'est cela.
Le Président (M. Laplante): Adopté sur division.
Article 9? (22 heures)
M. Bérubé: II s'agit tout simplement de faire
réadopter une série de décrets par le Conseil des
ministres, dans le vrai sens du terme. Là, il s'agit de
véritables décrets puisque ce sont les décrets qui
s'appliquent aux universités et aux institutions d'enseignement
privées. Cette fois on n'est pas obligé de reprendre tous les
décrets antérieurs, mais, par références
générales, on les reprend globalement.
Le Président (M. Laplante): Cela fait que tout le monde
est unanime sur cet article.
M. Ryan: Attendez un peu. Non, pas du tout, au contrairel M. le
Président, je veux bien m'assurer que cela concerne uniquement les
conditions salariales dans le cas des universités et des institutions
d'enseignement privées.
M. Bérubé: C'est bien cela. Oui, cela ne s'applique
qu'à la loi 70.
M. Ryan: Maintenant, si j'ai bien compris, dans ce secteur, je
crois que le gouvernement ne nous a jamais communiqué les instructions
qui ont été transmises aux universités et aux institutions
d'enseignement privées. À moins que je ne fasse erreur, je ne me
souviens pas d'en avoir eu.
M. Bérubé: Les décrets ont dû
être publiés suivant, normalement...
M. Ryan: Est-ce qu'ils ont paru dans la...
M. Bérubé: ...les prescriptions de la loi.
M. Ryan: Pourrait-on me donner la date et l'endroit où ils
ont paru?
M. Bérubé: Je pourrais essayer de le retracer.
M. Ryan: Pour bien situer ces choses, dans le cas des
universités, par exemple, les conventions collectives expiraient plus
tard que le 31 décembre; la plupart allaient quelque part en 1983.
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: Les décrets que vous avez pris, si je comprends
bien, auraient décrété des réductions de salaires
à compter de l'expiration de leurs conventions collectives.
C'est-à-dire que si, dans une université, par exemple, la
convention expirait le 31 mars, la coupure de trois mois aurait
été effective du 1er avril jusqu'au 1er juillet. Est-ce que c'est
cela?
M. Bérubé: C'est le sens des décrets qui
devaient être adoptés par le Conseil des ministres. Il va de soi
que je n'ai pas examiné chaque décret un par un, mais la loi est
bien claire. Elle prolonge les conventions collectives existantes de trois mois
et permet l'application d'une correction du même type que celle qui est
prévue par la loi 70. Les décrets qui ont été
déposés au Conseil des ministres, évidemment, devaient
permettre l'application de la loi 70.
M. Ryan: Vous parlez de la loi 70, il y a eu la loi 105
après cela. Dans le cas des universités et des institutions
d'enseignement privées, pour la période de trois mois qui
comportait des coupures, vous avez transposé ce qui était dans la
loi 70, mais est-ce que d'autres mesures ont été prises par le
gouvernement pour transposer au secteur des universités et des
institutions d'enseignement privées les catégories salariales de
la loi 105 ou bien si ce sont des choses à venir encore? Il ne le sait
pas.
M. Bérubé: Je ne suis pas absolument certain que
j'ai compris le sens de votre question.
Pourriez-vous reprendre votre question, précisément, M. le
député d'Argenteuil?
M. Ryan: Oui.
M. Bérubé: Évidemment, je ne peux pas vous
poser une question mais on pourrait demander au président de bien
généreusement...
Le Président (M. Laplante): Oui, répétez
votre question.
M. Bérubé: ...accepter de transmettre cette pieuse
intervention.
Mme Lavoie-Roux: Par sa gracieuseté.
M. Ryan: Les choses sont tellement complexes que le pouvoir
lui-même s'y perd.
M. le Président, ce que je demandais au ministre, c'est ceci: II
y a eu la loi 70 qui décrétait deux choses: d'abord, des coupures
de salaires du 1er janvier au 31 mars et, dans le cas des universités et
des institutions d'enseignement privées, des coupures de salaires
à la fin de leurs conventions collectives respectives.
Deuxièmement, la loi 70 décrétait des seuils
minimaux de rémunération à compter du 1er avril qui
devaient être l'objet de négociations qui n'ont jamais eu lieu,
mais, en tout cas, c'était cela qui était dans la loi 70.
Ensuite, est arrivée la loi 105 qui, elle, a décidé
d'imposer des catégories salariales non seulement à compter du
1er avril, mais à compter du 1er janvier. Ce que je veux savoir, c'est
si en vertu de la loi 105 il y a des mesures quelconques qui ont
déjà été instituées par le gouvernement
devant s'appliquer aux universités et aux institutions d'enseignement
privées.
M. Bérubé: Oui. Par exemple, la loi 105 a
bonifié les conditions de travail pour les salariés à
faible rémunération et, par conséquent, cette bonification
s'est appliquée également aux employés des institutions
d'enseignement privées par décret.
M. Ryan: Est-ce la seule transposition qu'il y aurait? Est-ce que
tout le reste est à venir?
M. Bérubé: II n'y a rien d'autre? Non, il reste
encore quelque chose.
M. Ryan: Très bien. Non, je suis satisfait. S'il n'y a
rien d'autre, c'est parfait.
M. Bérubé: Dans le document sessionnel 86
déposé en vertu de la présente loi, je vous soulignerais
qu'il y a également des bonifications apportées aux
employés oeuvrant à temps partiel et, par conséquent, il y
en a dans ce cas également. Nous verrons tantôt, d'ailleurs, un
article qui permet au gouvernement d'adopter les décrets en
conséquence.
M. Ryan: Ce n'est pas ma question. Je le sais et on va le voir
tantôt. Ma question est la suivante: Dans le régime salarial pour
les salariés du secteur universitaire et du secteur privé de
l'enseignement, on a eu la
coupure pour les trois premiers mois qui suivent l'expiration de la
convention collective. Après cela, où en est-on?
M. Bérubé: II n'y a aucune intervention
gouvernementale.
M. Ryan: À ce jour? M. Bérubé: Oui.
Aucune.
M. Ryan: Maintenant, vous n'avez pas de renseignements sur les
dates d'expiration des conventions collectives dans ces institutions. Est-ce
qu'il y en a qui expiraient récemment, au cours des trois derniers
mois?
M. Bérubé: Je l'ignore. On me dit que la
majorité ont fini en novembre, mais, si je ne me trompe pas,
l'Université de Montréal voit sa convention arriver à
échéance en 1984, en juin. Mais, pour les autres institutions
universitaires, c'était l'automne dernier en général.
M. Ryan: À l'automne 1983? M. Bérubé:
À Laval, cela se termine. M. Ryan: À l'automne 1982 ou
1983? M. Bérubé: En 1982.
M. Ryan: Les institutions privées? Il y en a une bonne
centaine.
M. Bérubé: Oui, c'est juste, et je n'oserais
répondre compte tenu du nombre d'institutions en cause.
M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait demander, M. le Président,
au ministre de nous apporter, peut-être demain, un complément
d'information là-dessus pour qu'on ait une information complète,
pour savoir exactement la portée de ceci?
M. Bérubé: Alors, un tableau, si je comprends bien
l'interrogation du député d'Argenteuil, qui présenterait
la liste des décrets, les institutions visées, les dates
d'expiration des conventions collectives.
M. Ryan: C'est cela. Et si vous nous donniez la date et le lieu
où les décrets ont paru, de manière qu'on puisse aller les
consulter, pour le reste, on fera nous-mêmes notre ouvrage. On ne veut
pas que cela coûte trop cher. On le fera nous-mêmes.
M. Bérubé: Veuillez, M. le Président,
remercier le député d'Argenteuil de sa proverbiale
générosité.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 9 sera
adopté?
M. Bisaillon: On retrouve bien là son sens de
l'économie.
M. Ryan: Attendez un peu, M. le Président. Vous me faites
rire. Vous m'inquiétez aussi, parce que, justement, on aura des
renseignements et vous êtes prêt à voter.
Le Président (M. Laplante): Non. Je vous pose la
question.
M. Ryan: Très bien. Je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Laplante): On peut toujours poser la
question.
M. Ryan: Mais on s'est déjà fait faire cela et on
s'est plaint.
Le Président (M. Laplante): Oui? Mais ce n'est
sûrement pas par moi, n'est-ce-pas?
M. Ryan: Non.
Le Président (M. Laplante): Bon. Je me
réhabilite.
M. Ryan: Je vous avoue que, tant que je n'aurai pas
regardé cela d'un peu plus près j'ai de la misère à
le comprendre. Je ne m'étais pas rendu compte que cela visait les
universités, les institutions privées d'enseignement. J'avais un
"quid?" à côté. Je voulais savoir ce que c'était,
mais je suis embêté. Si vous voulez le voter, cela ne me fait
rien, mais cela va être évidemment toujours sur division. J'aurais
aimé mieux que vous le réserviez, pour qu'on le comprenne comme
il le faut.
Le Président (M. Laplante): Non, non. Posez les questions
qu'il y a à poser, M. le député.
M. Ryan: Oui, mais c'est parce que je n'ai pas les
réponses ce soir. C'est cela, le problème.
Le Président (M. Laplante): Ah! Alors, ils peuvent le
voter, mais s'engager à donner les réponses, par exemple.
M. Ryan: D'habitude, quand les réponses sont
satisfaisantes, c'est très bien. On n'essaie pas de prolonger pour rien.
Si on finissait ce soir, je serais bien content, mais je ne regarde pas
l'heure, je ne suis pas conditionné par l'horloge. Peut-être que,
si vous le gardez en suspens un peu, s'il y a des renseignements additionnels
tantôt, je n'ai pas d'objection. Je ne veux pas faire d'obstruction avec
cela, mais c'est parce que
ce n'est pas clair pour moi.
M. Bérubé: On va essayer d'avoir ce que vous
demandez. M. le Président, croyez-vous que le député
d'Argenteuil se satisferait si on pouvait lui fournir un tableau qui serait bon
à peut-être 90%? Mais on ne pourrait pas l'assurer que tous les
décrets y ont été inscrits. Toutes les dates d'expiration
des conventions pourraient ne pas avoir été incorporées au
tableau.
M. Ryan: Je vais vous dire ce qui m'intéresse
là-dedans. Ce n'est pas parce que je veux ramasser de la documentation
que je n'aurais pas le temps de lire le lendemain. Il faut être
réaliste aussi. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir quel
régime salarial va être imposé par décret aux
enseignants dans le secteur privé et dans le secteur universitaire
à compter de la période qui suit les trois mois.
M. Bérubé: Aucun. Il n'y a pas de régime qui
est imposé à l'expiration de la période de trois mois
d'extension des conventions collectives.
M. Ryan: En vertu de cet article-ci, si je comprends bien, le
gouvernement pourrait l'imposer par décret.
M. Bérubé: Non, le gouvernement ne peut pas
modifier les décrets qui ont été pris. Le texte de
l'article 9 dit bien: "Le gouvernement peut, par décret, prendre, par
référence générale et sans les modifier - un
article important - tous les décrets pris en vertu de la Loi concernant
la rémunération dans le secteur public... et dont les textes
français et anglais ont été publiés dans la Gazette
officielle du Québec." Essentiellement, ce que le gouvernement fait,
c'est qu'il doit, compte tenu de cette loi-ci, reprendre les décrets qui
avaient été pris antérieurement. Il ne le fait pas,
évidemment, en représentant toute la liste des décrets
pour approbation par le Conseil des ministres, mais il fait adopter un
décret général qui réfère à ces
décrets antérieurs. Il les reprend à nouveau.
M. Ryan: Si je comprends bien, vous nous reportez à la loi
70. Si on regarde les dispositions de la loi 70, il faudrait qu'on
vérifie s'il y avait des clauses dans la loi 105, qui s'appliquaient aux
institutions privées. Sûrement. Et aux universités? Je
crois que cela donnait des pouvoirs beaucoup plus larges que cela au
gouvernement.
M. Bisaillon: C'est un chèque en blanc.
M. Ryan: Cela devait être comme le reste.
M. Bisaillon: II y en avait quatre ou cinq comme cela.
M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait vérifier cela? Si je prends
la loi 70 pour commencer, qui reste la base de tout notre exercice, c'est
là que tout a commencé, regardez ce qu'on disait. Le gouvernement
par la loi 70 s'était fait donner des pouvoirs qui allaient
au-delà de la période de trois mois, en ce qui concerne la
rémunération dans le secteur des universités et des
institutions privées, au moins en partie. Regardez l'article 13.
Mme Lavoie-Roux: On arrêtera à minuit, M. le
Président.
M. Bérubé: Si vous regardez l'article 13, il est
dit que "le gouvernement peut rendre applicables aux salariés les
dispositions de l'article 5." Or les dispositions de l'article 5
réfèrent spécifiquement au gel d'échelons. Dans la
mesure où les situations observées étaient,
évidemment, très variables, il fallait voir sur quelle
période s'appliquerait ce gel des échelons. Effectivement, la loi
70 permet d'étaler dans le temps l'application de certaines contraintes
sur une période supérieure à trois mois, mais uniquement
en ce qui a trait au gel des échelons.
M. Ryan: Je ne détesterais pas qu'on regarde l'article Il
également pour voir exactement la portée de cet
article-là. Est-ce qu'il était seulement pour trois mois?
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: Simplement une période de prolongation possible
de trois mois de la durée de la convention collective en vigueur le 26
mai 1982 pour fixer les salaires que pourront recevoir les salariés
pendant cette période. Est-ce que vous avez des dispositions de la loi
105 qui visent les universités et les institutions privées? (22 h
15)
M. Bérubé: Oui. À l'article 4, on dit que
"le gouvernement peut, par décret, modifier les conventions collectives
dont la durée a été prolongée de trois mois en
vertu de l'article Il de la Loi concernant la rémunération dans
le secteur public de manière à rendre applicable aux
salariés liés par ces conventions collectives un ajustement de
rémunération comparable à celui qui résulte de
l'application de l'article 2." Il s'agit ici des bonifications pour les bas
salariés.
Si je me réfère à l'article 2 de la loi 105, on
disait: "Dans les cinq jours - ce qui a été modifié
ultérieurement par 45 - de la date de la sanction de la présente
loi, le président du Conseil du trésor dépose au greffe du
bureau du commissaire général du
travail le texte de dispositions relatives aux traitements, traitements
additionnels, primes, montants forfaitaires et, le cas échéant,
aux montants additionnels que peuvent recevoir, du 1er janvier au 1er avril
1983, les salariés liés par une convention collective dont la
durée a été prolongée..." On voit bien que
l'article 2 ne réfère qu'à des bonifications
d'échelles de traitements possibles pendant la période de gel
prévue par la loi 70.
M. Ryan: Je veux relire une dernière fois l'article 4 pour
être bien sûr: "Le gouvernement peut, par décret, modifier
les conventions collectives dont la durée a été
prolongée de trois mois en vertu de l'article Il de la Loi concernant la
rémunération dans le secteur public - cela, c'est la loi 70 - de
manière à rendre applicable aux salariés liés par
ces conventions collectives un ajustement de rémunération
comparable à celui qui résulte de l'application de l'article
2."
M. Bérubé: Or l'article 2 permettait une
bonification pour les bas salariés. On peut donc par décret
appliquer des bonifications comparables aux employés des institutions
privées. D'ailleurs, Mme la députée de L'Acadie hoche la
tête d'un air sardonique.
M. Ryan: L'article 2, c'était le document sessionnel no
650; cela va bien plus loin que la bonification pour les bas salariés.
Si mes souvenirs sont bons, le document sessionnel no 650, c'est pour trois
ans. Vous ne l'avez pas ici, le document sessionnel 650? Il me semble que
c'étaient des échelles de salaires pour trois ans.
M. Bérubé: Le document sessionnel 650 reproduit le
document sessionnel 350 pour la période des trois mois de gel salarial
en modulant ces échelles pour protéger les bas salariés
et, de plus, couvre la période des trois années
subséquentes.
M. Ryan: C'est plutôt opaque.
Le Président (M. Laplante): C'est technique.
M. Ryan: C'est opaque. La technique, quand elle est claire, cela
se comprend, mais ici, on a un grand nombre de données à
considérer en même temps et ce n'est pas facile de faire le lien
entre tout cela.
M. le Président, vu que cette clause ouvre des avenues qui sont
complètement différentes que cela s'en va dans le secteur des
universités et de l'enseignement privé, je voudrais vous demander
de retenir le vote au moins jusqu'à la fin de la soirée.
Le Président (M. Laplante): Bien oui.
M. Ryan: On va y penser un peu. Peut-être qu'on va trouver
des joints. On va regarder cela pendant que le ministre nous fera des discours
politiques.
M. Bérubé: M. le député de
Sainte-Marie, le député d'Argenteuil cherche un joint.
M. Ryan: Je me dis que parfois les discours politiques du
ministre nous donnent le temps de faire autre chose.
Le Président (M. Laplante): L'article 9 est suspendu.
M. Ryan: II n'y en a pas eu beaucoup depuis une heure,
d'ailleurs. Je suis bien content.
Le Président (M. Laplante): Article 10?
M. Bérubé: Mon conseiller du ministère de la
Justice n'aime pas beaucoup que le député d'Argenteuil cherche un
joint.
Une voix: II n'est pas dans la ligne.
M. Ryan: D'habitude, c'est le gouvernement qui les trouve
directement avec certains éléments.
Le Président (M. Laplante): Article 10? M. Ryan: Je
n'ai pas de concurrence.
Mme Lavoie-Roux: II vaut mieux trouver un joint que de trouver un
trou.
M. Ryan: Très bien. Si vous me le permettez, juste pour
terminer sur l'article 9...
Le Président (M. Laplante): On ne peut pas y retourner
parce que c'est suspendu.
M. Ryan: ...pour que notre réflexion ne reparte pas de
choses qui auraient déjà été dites, si j'ai bien
compris, le ministre nous assure que cet article donne au gouvernement
l'autorité de prendre, "par référence
générale et sans les modifier", tous les décrets pris en
vertu de la loi. Est-ce que c'est simplement une transposition technique qu'on
veut faire ici pour ajustement du texte de la loi et ne rien changer à
la substance des lois 70 et 105?
M. Bérubé: Exactement. Si les décrets ont
été pris en vertu de lois inconstitutionnelles, ils sont
eux-même inconstitutionnels. Il faut donc les reprendre à nouveau,
mais, cette fois-ci, sous l'empire d'une loi constitutionnelle.
M. Bisaillon: Cela ne pourrait pas être
repris en modifiant? M. Bérubé: Non.
M. Bisaillon: II faut que ce soit repris en conservant les
mêmes conditions?
M. Bérubé: C'est cela, avec la
générosité qui prévalait la première
fois.
M. Bisaillon: Oui, merci.
M. Ryan: Je vous réitère ma demande: Si vous voulez
suspendre le vote sur celui-ci jusqu'à la fin de la soirée, cela
va nous permettre...
Le Président (M. Laplante): D'accord, article 9,
suspendu.
M. Ryan: Très bien.
Le Président (M. Laplante): J'appelle l'article 10.
M. Ryan: Si je comprends bien, à l'article 10, on dit:
"Dans le cas..."
M. Bérubé: L'article 10 est absolument identique
à l'article 9, sauf qu'il s'applique cette fois-ci à des
décrets qui n'auraient pas été publiés dans les
deux langues. Il existe effectivement un certain nombre de décrets qui
n'ont été publiés qu'en français.
M. Ryan: C'est parce que, justement, la formulation demeure
peut-être insatisfaisante. On dit que "le gouvernement peut prendre un
décret pour remplacer ce premier décret". On ne dit pas qu'il
doit le prendre dans les deux langues. Connaissant les convictions du ministre
et de certains de ses collègues à ce sujet, est-ce qu'on risque
de se retrouver devant une nouvelle impasse judirique?
M. Bérubé: Non, dans le cas des décrets, je
pense que c'est beaucoup plus clair puisqu'il s'agit de législation
déléguée et l'arrêt Blaikie exige
nécessairement l'adoption de ces décrets dans les deux
langues.
M. Ryan: Est-ce que le ministre a dit que toute forme de
décret devait être rendue dans les deux langues en vertu de
l'arrêt Blaikie?
M. Bérubé: Excusez-moi, les règlements.
M. Ryan: Merci. Il est chanceux d'être bien entouré
parce qu'on le ferait embarquer.
M. Bérubé: C'est la législation
déléguée.
Le Président (M. Laplante): D'accord, article 10,
adopté?
M. Ryan: Très bien. Alors, ce serait de la redondance que
de le dire. On peut compter sur la gestion par implication.
Mme Lavoie-Roux: II faudrait qu'il le dise. Des signes de
tête, cela ne paraît pas dans le journal des Débats.
M. Ryan: Oui, cela ne paraît pas.
M. Bisaillon: Comment se fait-il que ceci n'ait pas
été fait la première fois?
M. Ryan: Pardon?
Mme Lavoie-Roux: Comment se fait-il que ceci n'ait pas
été fait?
M. Bisaillon: Comment se fait-il que ceci n'ait pas
été fait la première fois? Le ministre nous dit que c'est
de la législation déléguée et qu'en fonction de
l'arrêt Blaikie cela doit être fait dans les deux langues.
M. Ryan: Oui, mais justement...
M. Bisaillon: Comment se fait-il qu'il y a des décrets qui
étaient pris seulement en français à ce
moment-là?
M. Ryan: J'ai cru comprendre que le conseiller juridique du
ministre avait soufflé qu'il s'était engagé sur une glace
sur laquelle il ne survivrait pas longtemps. C'est pour cela qu'il a
retiré son opinion et qu'il est revenu à un jugement mieux
informé.
Le Président (M. Laplante): D'accord, article 10,
adopté sur division.
M. Ryan: Oui, là, on entre dans la viande.
Modification de certaines
conditions de travail dans
le secteur public
Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant la
section III, Modification de certaines conditions de travail dans le secteur
public. M. le ministre, sur l'article Il.
M. Bérubé: M. le Président, pour
répondre à une demande du député d'Argenteuil, je
lui remets, en fait, la liste complète des décrets concernant les
universités et institutions privées de telle sorte qu'il pourra
tout à son loisir consacrer les dernières heures de sa nuit
à les lire.
Le Président (M. Laplante): Article Il, M. le
ministre.
M. Bérubé: Oui, M. le Président.
M. Ryan: Qu'est-ce que j'ai compris, M. le Président?
Le Président (M. Laplante): L'article Il est
appelé, M. le ministre. Je demande des explications sur l'article
Il.
M. Bérubé: Un instant, M. le Président.
M. Ryan: Très bien. Je pensais que vous demandiez le
vote.
Le Président (M. Laplante): Oh non!
M. Ryan: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Laplante): Oui.
M. Ryan: Dans un texte d'une annexe, lorsqu'on trouve un
paragraphe qui semble contredire l'objet principal que nous disait viser le
législateur à l'article 1, est-ce que vous nous permettrez de
proposer un amendement, même si cela postule l'ablation du paragraphe
entier?
Le Président (M. Laplante): C'est qu'on est soumis
à une décision qui a déjà été prise
lors de l'adoption de la Loi sur l'assurance automobile. Même le ministre
a essayé de retirer un article du projet de loi qui faisait, cependant,
partie de la préface du projet de loi et il s'est vu refuser de pouvoir
retirer cet article parce que la loi et toute sa préface avaient
été votées en deuxième lecture. Donc, cela avait
été refusé au ministre à ce moment-là. C'est
une décision rendue, à ce moment-là, par le
président et député de Vanier, je crois.
M. Bisaillon: Sauf que le ministre peut revenir en
troisième lecture.
Le Président (M. Laplante): II est obligé de faire
un amendement à sa loi à l'Assemblée nationale.
M. Ryan: Je voulais trouver un prétexte pour fournir un
peu de temps au ministre afin de préparer ses explications. Je ne sais
pas s'il est prêt.
Le Président (M. Laplante): Oui, mais je ne sais pas si
vous êtes satisfait de la réponse que je vous ai donnée,
à savoir que des modifications peuvent être faites à
l'Assemblée nationale, qu'on ne peut pas faire en commission, quand cela
touche le préambule d'un projet de loi.
M. Ryan: Je vais quand même essayer
tantôt.
Le Président (M. Laplante): C'est un peu comme à
l'article 1, sans vouloir revenir là-dessus et sans discussion. C'est ce
qui me chatouillait le plus.
M. Ryan: Mais si c'est un document sessionnel. Mais si c'est un
amendement à un document sessionnel.
Le Président (M. Laplante): Oui, là, c'est
technique. Je pense que je serais obligé de suspendre pour aller
m'informer ailleurs sur ce point.
M. Ryan: Bon. Préparez-vous.
Le Président (M. Laplante): Ce n'est pas la coutume. Cela
dépendra de la façon dont vous présenterez
l'amendement.
M. Ryan: Très bien. Merci.
M. Bérubé: M. le Président, je dois dire,
d'une part, que j'ai induit les membres de la commission en erreur, il y a
quelques instants...
Mme Lavoie-Roux: Involontairement.
M. Bérubé: Oui, involontairement... lorsque j'ai
indiqué que les bonifications à apporter aux employés
à temps partiel pouvaient, en vertu de la présente loi,
être étendues aux employés des institutions privées
et des universités. Ce n'est pas le cas. Elles ne s'appliquent qu'aux
employés du gouvernement.
Mme Lavoie-Roux: C'est plus que les trois quarts.
M. Bérubé: Alors, concernant l'article Il...
M. Ryan: Excusez-moi. Vous aviez dit cela à propos de
l'article 9, n'est-ce pas?
M. Bérubé: Je pense que oui.
M. Ryan: Alors, comme on l'a gardé en suspens, cela fera
un élément de plus pour notre réflexion.
M. Bérubé: M. le Président, je ne sais pas
où nous en sommes maintenant. Vous avez appelé l'article Il.
Le Président (M. Laplante): J'ai appelé l'article
Il et je vous ai demandé des explications sur cet article.
M. Bérubé: II s'agit ici, par le document
sessionnel, de modifier les échelles de rémunération
pendant les trois mois de l'application de la loi 70 afin de donner une
protection accrue aux employés salariés à
temps partiel.
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le
député d'Argenteuil. (22 h 30)
M. Ryan: Oui. Remarquez que, dans l'ensemble, les dispositions
qui sont définies dans le document sessionnel no 85 contiennent des
améliorations que nous accueillons avec plaisir. En particulier, je
crois que le gouvernement, avec ce document, donne suite à la demande
qui lui avait été faite à maintes reprises, en particulier
par la députée de L'Acadie, voulant qu'il soit tenu compte de
manière spéciale des employés des Affaires sociales, des
surnuméraires en particulier, des salariés à temps partiel
qui voyaient leur rémunération coupée radicalement par la
politique du gouvernement. Ici, on a des ajustements qui nous paraissent
intéressants en ce qui regarde les travailleurs des affaires
sociales.
Maintenant, en ce qui regarde des salariés à temps partiel
du secteur de l'enseignement, une difficulté se présente dont
nous avons déjà fait part au ministre à l'occasion du
débat de deuxième lecture. Elle découle du sous-paragraphe
2 de l'article V du document sessionnel. On dit à l'article 2:
"Malgré le paragraphe qui précède, le salarié dont
le taux horaire de traitement, défini en C du paragraphe I est
supérieur à 13 $ n'a droit à aucune compensation
forfaitaire."
Je ne veux pas entreprendre une explication détaillée et
interminable de la position que nous avons déjà soumise à
l'attention du ministre à ce sujet. Mais, pour les enseignants à
temps partiel dans le secteur de l'éducation des adultes, ceci comporte
des changements de conditions salariales qui sont très onéreux.
J'ai déjà soumis au ministre une lettre à ce sujet, que
j'avais reçue d'un enseignant. Beaucoup d'autres m'ont parlé dans
le même sens. Il y a deux principes dont on pouvait s'inspirer que le
ministre a déjà exposés. On peut décider qu'on va
appliquer le principe: à salaire égal, travail égal. Donc,
si vous travaillez la moitié du temps, vous aurez exactement la
moitié du traitement. Si on appliquait ce principe, cela voudrait dire
que des employés des affaires sociales, qui sont des
surnuméraires à temps partiel, n'auraient pas droit à une
considération spéciale. Il faudrait appliquer cela
littéralement. Le ministre a dit: On comprend cela, il faut bien que
chaque personne ait un certain plancher de revenu pour être capable de
subsister dans les conditions actuelles. Cela va très bien, nous en
sommes très heureux. Mais ce qu'on a semblé sous-estimer du
côté gouvernemental, c'est la situation difficile dans laquelle se
trouve la très grande majorité des enseignants à temps
partiel dans le secteur de l'éducation des adultes et cela, à
deux titres différents.
D'abord, vous savez comme moi que, sur environ 12 000 enseignants que
l'on compte dans l'éducation des adultes, il y en a peut-être
entre Il 000 et Il 500 qui sont des enseignants à temps partiel. Par
conséquent, contrairement à la légende très
répandue dans certains milieux voulant que ce soit des professeurs de
jour qui aillent s'engraisser ou enrichir leur revenu en donnant des cours du
soir, la réalité n'est pas celle-là. La très grande
majorité des personnes qui enseignent dans le secteur des adultes dans
les commissions scolaires ne sont pas des enseignants réguliers; elles
l'ont déjà été dans plusieurs cas, mais ne le sont
plus. Dans la grande majorité des cas, ce sont des personnes dont c'est
la seule source de revenu, un revenu qu'elles vont tirer de cours qu'elles
donnent à temps partiel.
D'après les données qui sont disponibles que vous avez
dans votre documentation, qu'on pourra vous fournir et que vous pourrez obtenir
d'une manière plus détaillée, il y aurait à peu
près 70% des enseignants à temps partiel dans le secteur de
l'éducation des adultes publique qui n'auraient que cette source de
revenu.
M. Bérubé: N'auraient que cette source?
M. Ryan: Oui.
M. Bérubé: C'est là la question. Lorsque
vous dites qu'ils n'auraient que cette source de revenu...
M. Ryan: Oui.
M. Bérubé: ...vous présumez qu'ils
n'exercent aucune autre activité en dehors des heures à
l'éducation des adultes.
M. Ryan: Oui, c'est ce que je vous dis. C'est ce qui est
établi par des données qui ont été portées
à mon attention. Je suis prêt à faire des recherches plus
élaborées pour vous le prouver, mais ce sont des données
qui ont été portées à mon attention par les
meilleures sources. Si c'est le cas, je pense qu'il y en a un grand nombre
là-dedans dont le revenu annuel va se situer quelque part entre 10 000 $
et 20 000 $. Nous conviendrons tous que ce n'est pas un revenu pour engraisser
quelqu'un.
Il y en a qui ont dit, à l'occasion des dernières
négociations: On va mettre des enseignants de jour et cela va nous
permettre de régler le cas des disponibles. C'est bien facile de faire
n'importe quel plan entre technocrates. Cela va très bien. On peut tous
faire nos équations et dire: J'en soustrais 4000 là, j'en ajoute
1500 là, cela va m'en faire seulement 2500 et cela règle mon
problème. "That is not the way it
works." Ce n'est pas la manière dont cela fonctionne parce que,
dans le secteur de l'éducation des adultes... Pardon? Pardon?
M. Bérubé: Le député d'Argenteuil est
bilingue puisqu'il traduit tout couramment dans les deux langues.
M. Ryan: Oui. Il en est, d'ailleurs, très fier et il n'a
pas de confession à faire à personne à ce sujet. Il a
travaillé fort pour le devenir. Vous aussi, d'ailleurs.
Maintenant, ces personnes représentent un bassin de ressources
qu'on ne peut pas remplacer par des calculs technocratiques. Il y en a un qui
est un gars qui peut être bon en menuiserie, l'autre est un très
bon professeur d'anglais, l'autre est une très bonne professeur de
couture, l'autre est un bon professeur de musique. Je ne sais pas, il y a
toutes les disciplines qu'on enseigne dans les cours aux adultes. On ne
pourrait pas, seulement par des équations faciles, dire: On va prendre
des surplus du jour et on va les envoyer là. Ce n'est pas comme cela que
cela fonctionne. L'éducation des adultes est une réalité
beaucoup plus distincte que cela.
Le danger que représentent les décrets en plus, c'est...
Je pense que le ministre s'en souviendra. Je ne sais pas s'il était
là le dernier soir où la commission de l'éducation a
siégé sur le conflit des enseignants. Je pense qu'il était
présent quand le directeur général de l'Institut canadien
de l'éducation des adultes est venu témoigner vers une heure du
matin.
Mme Lavoie-Roux: Non, il avait quitté à ce
moment.
M. Ryan: II avait quitté à ce moment.
Mme Lavoie-Roux: II a fait son petit laïus et est
reparti.
M. Ryan: Oui. C'était encore l'époque des
laïus faciles, mais je pense qu'on en sort tranquillement. C'est
excellent.
À ce moment, M. Bélanger est venu porter à notre
attention que le grand danger des décrets dans le secteur de
l'éducation des adultes était celui du "bumping",
c'est-à-dire du déplacement qui pourrait forcer des centaines
d'enseignants spécialisés dans l'éducation des adultes et
dans des matières particulières à s'en aller pour faire
place à des enseignants réguliers. Nous, nous favorisions
l'intégration des enseignants réguliers dans l'enseignement aux
adultes, mais moyennant des conditions pédagogiques acceptables.
Alors, là, ils vont être comme exposés de tout
côté. Au point de vue de la rémunération, on les a
frappés durement et il va arriver en plus - on leur a coupé cela
au début de l'année comme tout le monde, les trois premiers mois
- qu'ils vont être exposés à perdre cette source de revenu
à cause des effets des décrets.
Il y a quelqu'un qui m'a dit aujourd'hui, je pense, du côté
gouvernemental: Qu'ils fassent comme les autres, qu'ils s'en aillent sur le
marché et qu'ils se trouvent d'autre travail. C'est facile à dire
quand on est bien assis dans une fonction déterminée pendant un
certain nombre d'années et qu'on a toutes sortes d'avantages qui s'y
rattachent. Mais je ne pense pas qu'on puisse parler de cette manière de
personnes dont on ne connaît pas de manière sérieuse la
condition réelle.
Je porte le problème à l'attention du ministre et je
l'avertis qu'un peu plus tard, quand on aura eu un peu plus de discussions
là-dessus, je présenterai un amendement de manière
à tenir compte de la condition de ces personnes. Mais je pense qu'on
leur crée une injustice. Une personne, par exemple, qui a fait 16 000 $
dans le secteur de l'éducation des adultes l'an dernier et qui a vu son
revenu coupé, disons à 15 000 $, 15 400 $ ou 15 300 $ à
cause des coupures des trois premiers mois de l'année et qui va
peut-être se ramasser sans travail pour le mois de septembre, je ne pense
pas qu'elle a mérité ce genre de traitement de la part de la
communauté québécoise. Je pense qu'on est capable de la
traiter avec un peu plus de considération.
J'ai essayé de faire des calculs pour m'imaginer ou me
représenter ce que pourrait signifier une formulation plus
généreuse de ce fameux article 2 dont j'ai parlé au
début. J'en arrive, ma foi, en faisant les calculs les plus
généreux possible... Je pense que c'est une disposition qui ne
coûterait pas des fortunes au gouvernement et il me semble qu'on a un
devoir de bien traiter ces gens. On a dit qu'on portait une
considération spéciale aux travailleurs à revenu modeste
à temps partiel. C'est une catégorie qu'on exclut actuellement
et, personnellement, j'en suis affligé d'autant plus que
déjà, par ailleurs, à cause des mesures de compression du
gouvernement depuis trois ans, le secteur de l'éducation des adultes a
fait un chute comme cela au Québec, une chute comme cela, une diminution
radicale des inscriptions, une diminution des effectifs enseignants, une baisse
d'enthousiasme et d'optimisme dans ce milieu, qui est inquiétante pour
la qualité de l'éducation des adultes. Je me dis: Voici un point
où on frappe de front probablement la majorité de ces Il 000 ou
12 000 dont j'ai parlé. Je me demande si le ministre ne pourrait pas
considérer de nouveau sa position et envisager de traiter ces
gens-là avec un peu plus d'humanité.
Le Président (M. Laplante): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais appuyer le
député d'Argenteuil. Il en a parlé dès
l'étude de la loi 105 où on avait commencé à
suggérer cette possibilité de ne pas pénaliser les gens
qui avaient un revenu en bas de 16 000 $, même si, pris annuellement,
ceci pouvait être un revenu supérieur à 16 000 $. Je peux
confirmer, dans une large mesure, les propos du député
d'Argenteuil selon lesquels, à l'éducation des adultes - c'est
vrai qu'il y a des professeurs de jour qui travaillent le soir; je ne mets pas
cela en doute - on fait appel à un grand nombre de personnes dont
l'expérience est très souvent strictement une expérience
de vie. Vous faisiez allusion tout à l'heure à des gens qui
étaient bons en couture parce que l'éducation des adultes est
très différente de l'éducation au niveau scolaire.
À cet égard, je me demande aussi si on a pris en
considération ces professeurs. Je ne sais pas s'ils tombent
là-dedans, mais il y a aussi des professeurs qui ne sont même pas
en disponibilité, mais qui sont des diplômés de
l'université, qui viennent de compléter leurs études.
C'est un peu le même problème que pour les infirmières. Il
n'y a pas d'ouvertures pour eux puisqu'on a X professeurs en
disponibilité. Alors, ces gens-là, du moins pour une
période indéfinie, n'acquerront jamais une permanence quelconque
ou une sécurité d'emploi quelconque. Le travail qu'ils font est
un travail de suppléance. Ils essaient de prendre le temps de
suppléance qu'ils peuvent pour essayer éventuellement de finir
par se qualifier si à un moment donné ils accumulent deux
années de cours. Ce n'est pas un manque de désir de travailler
plus longtemps de leur part, bien au contraire. C'est que les ouvertures sur le
marché du travail en éducation sont rares. Dans ce cas-là,
il s'agit de professeurs qualifiés au niveau universitaire. Ils sont
incapables d'avoir plus. Parfois, ils ont deux jours de suppléance;
parfois, ils peuvent être un mois sans suppléance. Ils font
simplement quelques jours de travail ici et là; parfois, cela peut
être une semaine et il peut arriver que ce soit un mois complet, mais
sûrement ils n'ont pas pu s'assurer un revenu d'au-delà de 16 000
$. Je pense que ces gens-là tombent dans la même catégorie.
Le député d'Argenteuil n'en a pas parlé. Je pense que
toutes les interventions qui ont été faites auprès de lui
l'ont été par des professeurs de l'éducation des
adultes.
Il y a aussi cette catégorie de professeurs. Il y a ceux qui sont
chargés de cours et il y a aussi ceux qui sont sortis des
universités qui ne peuvent que faire de la suppléance
occasionnellement. Souvent, ils se trouvent un autre emploi, mais c'est loin
d'être assuré que, dans le contexte actuel, ces gens-là
puissent aller supplémenter leur salaire. Ils sont tous dans le
même bateau - c'est le cas des infirmières - parce que se sont des
travaux spécialisés et il faut qu'ils se tiennent en
disponibilité au cas où ils seraient appelés pour faire de
la suppléance. C'est comme cela que ces gens-là fonctionnent. Ce
sont les conditions actuelles du travail qui font que ces gens-là n'ont
pas pu s'assurer un revenu minimal convenable.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, je pense qu'on a
eu, lors des remarques préliminaires entourant le projet de loi,
l'occasion de discuter de ce point particulier. Prenons, par exemple, le cas
dont on nous parle en ce moment de ces enseignants à l'éducation
des adultes. Ils peuvent gagner par heure de cours entre 23 $ et 27 $ l'heure.
Il s'agit d'une personne qui peut aller se chercher, quand même, pour une
heure de travail une rémunération passablement
élevée, ce qui s'explique, d'ailleurs, - comme les
députés de l'Opposition l'ont souligné - par une formation
spécialisée qui mérite d'être
rémunérée à un niveau raisonnable.
(22 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Pas nécessairement.
M. Bérubé: De fait, à l'éducation des
adultes, on va trouver un bon nombre de diplômés universitaires
ou, encore, on va trouver des professeurs qui possèdent une expertise
technique particulière, que ce soit la soudure, la foresterie ou autre,
qui les rend compétents et aptes à donner un enseignement. Cela
explique pourquoi on peut leur donner un niveau de rémunération
de 25 $ l'heure. Mais, en même temps, cela suppose, de la part de ces
employés, des atouts, en général, dans la vie qui font que
ce sont des gens mobiles, qui ont des possiblités de carrière de
travail que n'ont pas la plupart de leurs concitoyens.
C'est la raison pour laquelle, lorsque nous avons décidé
de ne pas respecter le principe: à travail égal, salaire
égal, mais d'avantager les salariés à temps partiel
gagnant de plus petits salaires, le compromis que nous avons fait a
été essentiellement le suivant: nous sommes partis du principe
qu'un employé oeuvrant à temps partiel à un niveau de
rémunération horaire faible est sans doute une personne qui n'a
pas beaucoup de possibilités de rechange. En d'autres termes,
n'étant pas en mesure de se dégager un taux horaire
élevé, il détient donc un emploi pour lequel les exigences
de spécialisation sont nettement plus faibles. Il n'a donc pas la
flexibilité et la mobilité d'un employé qui
détient, par exemple, un diplôme universitaire ou une formation
spécialisée. Donc, nous avons cherché à
protéger, chez les employés à temps partiel,
essentiellement ceux qui gagnaient en moyenne moins de
16 000 $ par année, mais qui, en même temps, sur la base de
leur taux horaire, oeuvraient dans des domaines d'activité qui, sans
doute, leur laissaient relativement peu de choix quant au type de travail
qu'ils pouvaient rechercher. Donc, on a cherché à protéger
des gens moins bien outillés face, si on veut, à la situation
économique qui prévaut.
C'est la raison pour laquelle nous avons mis un plafond de 13 $ l'heure,
qui correspond à peu près à un salaire annuel de 25 000 $,
en disant: Quelqu'un qui n'est pas capable de gagner un salaire
supérieur à 25 000 $, c'est quelqu'un qui, dans le fond, n'a pas
beaucoup de choix qui s'offrent à lui. On est justifie de le
protéger. Mais de quelqu'un qui, compte tenu du salaire horaire, peut
aller chercher, s'il fait une semaine normale de travail, 25 000 $ ou 30 000 $
par année, on dit: Voilà une personne qui, sur la base de son
taux horaire, dispose indéniablement d'atouts, d'avantages qui,
normalement, devraient l'amener à pouvoir se débrouiller plus
facilement dans la vie et dans une situation économique difficile.
J'admets que ce n'est pas une règle absolue, mais elle dit, tout
simplement, que quelqu'un qui est capable d'aller se chercher 25 000 $ par
année en salaire, c'est une personne qui a des moyens pour se
débrouiller qu'une personne qui ne peut aller chercher que 15 000 $ ou
16 000 $ n'a pas.
Par conséquent, c'est ce que nous avons choisi, pour des raisons
carrément d'économie. C'est bien évident que nous
étions limités dans la marge de manoeuvre et dans la
quantité d'argent que nous voulions injecter dans les masses salariales.
Compte tenu, donc, de l'argent limité que nous voulions injecter, nous
avons cherché à nous accrocher à des principes qui
feraient en sorte que, tout en respectant un certain nombre de règles
d'équité, en même temps on ne serait pas
entraînés à des déboursés trop
considérables.
Le Président (M. Laplante): Oui, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je me demande si le président du Conseil
du trésor peut me dire quel est le taux pour une journée de
suppléance d'une enseignante et d'un enseignant qui entrent sur le
marché du travail. Je sais bien qu'un enseignant peut se rendre
éventuellement à 40 000 $ avec 19 ans de scolarité et 15
ans d'expérience, mais dans le cas des débutants, est-ce que
quelqu'un a cette donnée-là ici?
M. Bérubé: On devrait être capable de vous la
trouver.
M. Bisaiilon: M. le Président, est-ce que je pourrais me
permettre de poser une question au président du Conseil du
trésor? Comme la base qu'il a choisie est celle du salaire horaire,
est-ce qu'il n'y a pas un certain déséquilibre? Là, on
parle, évidemment, de travail à temps partiel. On dit: Pour les
personnes qui gagnent un revenu supérieur à 13 $ l'heure, il n'y
aura pas application de mesures particulières. La base du salaire
horaire ne nous indique pas nécessairement le revenu qui est
procuré par le travail. Par exemple, quelqu'un qui a un salaire horaire
de 8 $, qui travaille à demi-temps, donc s'il fait 20 heures dans la
semaine, cela lui fait un revenu de 160 $. Si je prends un enseignant, peu
importe sa condition, qui sort de l'université ou pas et qui enseigne au
niveau de l'éducation aux adultes, même si la base du salaire
horaire est de 25 $, s'il enseigne trois heures par semaine, cela lui fait un
revenu de 75 $. Parce que la base qui a été choisie est celle du
salaire horaire, il va être plus pénalisé finalement, en
termes de revenu hebdomadaire, qu'un autre.
M. Bérubé: Ce que je dis...
M. Bisaillon: Je ne voudrais pas que le ministre me
réplique par un argument que j'ai déjà entendu, qui est
celui de la mobilité. Il s'agit de quelque chose de factuel. Il y en a
un qui travaille sur une base horaire qui ne peut pas se trouver plus de
travail que trois heures par semaine, alors que l'autre à
côté qui en travaille 20 est sur une base horaire de 10 $; leurs
revenus sont, quand même, différents.
M. Bérubé: M. le Président, c'est
parfaitement exact. Il existe, par exemple, des conseillers hautement
spécialisés que nous pouvons engager comme contractuels à
un taux horaire de 90 $ l'heure. Il est tout à fait plausible que je ne
l'engage que dix heures dans son année et que cela représente 900
$ et qu'à ce moment-là je dise: Voici un petit salarié que
je devrais protéger étant donné qu'il ne gagnera que 900 $
durant son année. Je m'arrête et je me dis: Quelqu'un qui peut
gagner 90 $ l'heure, qu'il se débrouille. Ce n'est pas moi qui vais le
protéger sous prétexte que je ne lui ai payé que 900 $. Ce
que j'essaye de poser, c'est le principe. Donc, quelqu'un qui peut aller se
chercher 90 $ l'heure, je dis que ce n'est pas un petit salarié.
Même si je ne l'ai engagé que dix heures durant l'année et
qu'il n'a travaillé que pour 900 $, je persiste à dire que ce
n'est pas un petit salarié. C'est quelqu'un qui peut aller se chercher
un salaire élevé sur le marché du travail. Il dispose donc
d'atouts, de moyens pour aller se chercher une rémunération
intéressante et, à ce moment-là, on fait appel à sa
débrouillardise.
Le député de Sainte-Marie met l'accent uniquement sur la
dépendance. Je préfère mettre l'accent sur la
débrouillardise, car quelqu'un qui peut gagner 27 $ l'heure dans
l'enseignement n'est pas dépourvu. C'est quelqu'un qui dispose soit d'un
talent naturel dans un domaine donné, soit d'une spécialisation
dans un domaine donné, soit d'un diplôme universitaire. À
ce moment-là, compte tenu des atouts dont il dispose, je n'ai pas
à jouer continuellement à l'Etat providence qui serait
chargé perpétuellement de faire en sorte que les citoyens n'aient
jamais à subir aucun impact négatif de quelque nature que ce
soit. C'est cette mentalité de dépendance, je pense, qu'il faut
pourchasser.
Or, voulant protéger les employés à temps partiel
d'un côté, on a fixé un plafond horaire de 13 $ qui
correspond à une capacité d'aller chercher sur une base de temps
plein à peu près 25 000 $ par année. On a dit: Quelqu'un
qui peut gagner 25 000 $ par année et plus, c'est quelqu'un qui peut se
débrouiller. S'il n'est pas content de travailler à temps partiel
pour le gouvernement, qu'il se cherche un emploi ailleurs. C'est aussi simple
que cela. Il n'y a pas plus de philosophie et de métaphysique que
cela.
M. Bisaillon: Sauf que cela va à l'encontre de ce qu'il a
dit, M. le Président, et c'est cela que je veux rappeler. Je comprends
que le ministre est fermé et qu'encore une fois il nous présente
un mur qui va être difficile à franchir, mais je veux juste lui
souligner que j'embarquais, tout simplement, dans l'argumentation qu'il nous a
lui-même servie. C'est assez étrange de voir jusqu'à quel
point le ministre utilise des arguments quand ils font son affaire et qu'il les
défait lui-même aussitôt que cela ne le sert plus.
L'argument utilisé par le ministre quant aux employés
à temps partiel était celui d'un choix. Quand il a fait son
choix, il a dit: On peut choisir la base: à travail égal, salaire
égal, puis on peut considérer que, si actuellement il y a des
gens qui sont à temps partiel, ce n'est pas par choix. Il ne nous a pas
dit que c'est parce que ce sont des bas salariés ou des hauts
salariés. Il nous a dit: S'il y en a qui sont à temps partiel, on
peut considérer qu'à cause du contexte économique actuel,
ce n'est pas par choix personnel qu'ils le sont.
Quand il arrive dans l'application - là, il faudrait qu'il soit
assez honnête pour nous le dire - tout le reste de son argumentation ne
correspond plus à sa démarche première, mais correspond
davantage à un besoin ou à un goût ou un désir
d'économiser un peu plus d'argent encore aux dépens de personnes
qui n'ont pas nécessairement le revenu dont il parle.
On est d'accord avec lui pour dire que quelqu'un qui gagne 90 $ l'heure,
ce n'est pas un petit salarié. Il ne s'agit pas de savoir si, dans les
circonstances, c'est un petit ou un haut salarié. Il s'agit plutôt
de savoir si, dans le secteur public, avec les limites qu'on leur fixe de plus
en plus quant aux possibilités et aux ouvertures d'emplois, quelqu'un
qui travaille trois heures par semaine, parce qu'il n'a pas le choix et qu'il
n'a rien d'autre... Mobile ou pas, il n'y a pas plus d'engagement d'enseignants
spécialisés en maternelle à Montréal qu'il n'y en a
au Lac-Saint-Jean. La mobilité là-dedans n'est plus un argument.
Comment se fait-il que le ministre ne traite plus de cette question selon
l'argument premier qu'il nous avait servi? C'est cela.
M. Bérubé: Le député de Sainte-Marie
y a lui-même répondu. Il a dit qu'un des principes pouvant
sous-tendre la rémunération des employés à temps
partiel pourrait être, comme il s'agit, dans la conjoncture
économique, d'employés qui enseignent à temps partiel non
par choix, mais par nécessité, qu'à ce moment-là on
pourrait déroger à l'autre principe qui dit à salaire
égal, travail égal et privilégier les employés
à temps partiel ayant une rémunération moyenne moindre sur
l'année. Le principe est qu'ils y sont non par choix, mais par
nécessité. C'est là que j'introduis la réponse.
Lorsqu'un employé...
M. Bisaillon: Est-ce que je peux seulement vous poser une
question, pour que vous complétiez cela?
M. Bérubé: Non, non, dès que j'aurai
terminé. Je n'ai absolument aucune objection à ce que le
député de Sainte-Marie intervienne, mais je tiens à
terminer mon intervention. Merci, M. le Président.
M. Bisaillon: C'est parce que cela me permettrait peut-être
d'avoir des explications plus complètes, M. le Président.
M. Bérubé: Non, mais, M. le Président,
malheureusement, vous m'avez donné la parole, n'est-ce pas?
M. Bisaillon: Si sa base horaire est de 13 $...
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
M. Bisaillon: Tu as gagné, mon petit garçon.
Content, là? Tu as gagné.
M. Bérubé: M. le Président, je pense que le
député de Sainte-Marie est
présentement en train de faire une sainte colère à
peu près comme quand il avait deux ans et qu'il tapait du pied.
Le Président (M. Laplante): Si vous voulez
répondre, s'il vous plaît, M. le ministre.
M. Bérubé: Mais, enfin, M. le Président, je
continue. Donc, j'ai simplement dit ceci: Je ne peux pas aller vérifier
si tous les employés oeuvrant à temps partiel au gouvernement le
font simplement par nécessité. D'abord, ce serait totalement faux
de prétendre que les employés qui travaillent à temps
partiel au gouvernement le font tous par nécessité. On peut
reconnaître qu'un certain nombre d'entre eux peuvent le faire par
nécessité. Le problème est, lorsque nous réglons le
problème, que nous le réglons pour tout le monde, qu'on le fasse
par choix ou qu'on le fasse par nécessité. Or, il est clair que,
chaque fois qu'un employé à temps partiel le fait par choix, ce
n'est pas normal que je le rémunère mieux que son voisin à
côté qui, lui, travaille à temps plein, les deux ayant
choisi le mode de travail qui leur convient. Néanmoins, lorsque je ne
fais pas de distinction entre quelqu'un qui a choisi de travailler à
temps partiel ou qui y est forcé, je suis conscient d'une certaine
injustice, en un sens, que je crée.
Aussi, je pose un deuxième principe. Je ne veux pas que
l'avantage que je confère à un employé à temps
partiel devienne abusif lorsque cet employé est
rémunéré à un taux horaire plus
élevé, car, alors, je dis: Voici un citoyen qui dispose d'une
mobilité, qui dispose d'atouts qui font que, s'il n'est pas content de
son sort, il peut regarder ailleurs. Il est censé avoir assez
d'avantages par rapport à ses concitoyens qui n'ont pas son
éducation, qui n'ont pas son expérience, qui n'ont pas ses
avantages. Il est avantagé par un si grand nombre de facteurs qu'alors
on dit que, dans son cas, nous ne lui accorderons pas de protection
particulière.
Simplement pour répondre à la question de la
députée de L'Acadie, je prends le cas d'enseignants à
temps partiel suppléants. Pour 14 années ou moins de
scolarité, 23,16 $; pour 20 années ou moins de scolarité,
37,26 $.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela tient compte du nombre
d'années d'expérience?
M. Bérubé: Bien oui. Ce sont 20 ans de
scolarité.
Mme Lavoie-Roux: C'est la scolarité, mais il y a aussi
l'expérience qui entre en ligne de compte.
M. Bérubé: Ce sont des taux fixes, ici.
Mme Lavoie-Roux: Donc, 23,16 $ pour un enseignant à
l'élémentaire et au secondaire. (23 heures)
M. Bérubé: Oui. Donc, il ne s'agit pas de petits
salariés. Il s'agit là de nos concitoyens qui vont chercher, pour
une heure de travail, un des plus hauts taux de rémunération que
l'on puisse espérer. Évidemment, je reconnais qu'il y a dans cela
de la préparation de cours et que, par conséquent, il faut
toujours prendre garde, lorsqu'on regarde la rémunération horaire
d'un enseignant, à ne pas présumer que cet enseignant n'a
travaillé qu'une heure pour le niveau de rémunération en
question. Mais il demeure qu'il s'agit là de niveaux de
rémunération horaire importants consentis à des gens qui
ont accumulé une expérience, qui ont accumulé des
connaissances qui les avantagent dans la vie. Sur cette base, nous disons qu'il
n'y pas lieu de chercher à les avantager encore plus, c'est tout.
M. Bisaillon: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): Excusez, il y avait juste une
petite remarque.
Mme Lavoie-Roux: Ah! oui, c'était à vous.
M. Bisaillon: Ce ne sera pas long. M. le Président,
l'essentiel de mes propos, c'était de souligner au ministre que, la base
de son calcul étant le salaire horaire, il désavantageait un
certain nombre de personnes pouvant travailler moins d'heures dans une semaine.
Si je prends sa base horaire, quelqu'un qui travaillerait, par exemple,
à mi-temps, qui ferait du travail à temps partiel, 20 heures,
cela lui ferait donc 260 $ par semaine. Le ministre reconnaît que, pour
cette personne qui travaillerait à temps partiel, sur une base de 20
heures par semaine, à 13 $ l'heure, il pourrait consentir un traitement
spécial. Il consent déjà un traitement spécial.
Dans le cas des enseignants dont parlait Mme la députée de
L'Acadie, puisqu'il n'est pas question de salaire horaire, la plupart du temps,
dans leur cas, de façon générale, est-ce qu'on ne pourrait
pas prendre la base hebdomadaire pour équilibrer le salaire de ces deux
personnes qui travaillent à temps partiel? Pour tout enseignant qui
travaillerait à temps partiel et qui gagnerait moins de 260 $ par
semaine, parce qu'il fait moins d'heures, parce que et parce que, est-ce qu'on
ne pourrait pas tenir compte, autrement dit, du revenu hebdomadaire
calculé à partir de la base salariale horaire que le ministre
veut mettre de l'avant? C'est seulement cela que je dis et c'est
là-dessus qu'il ne me répond jamais. Là, il va
peut-être me répondre.
M. Bérubé: M. le Président, lorsque nous
négocions des conditions de travail, prenons le cas d'un enseignant au
collégial, lorsqu'un enseignant au collégial travaille à
mi-temps, il reçoit la moitié d'un salaire et personne n'a
cherché à lui donner un niveau de rémunération
supérieur sous prétexte qu'il travaille à mi-temps.
M. Bisaillon: Parce qu'autrefois, quand ils négociaient
vraiment, ils ne les coupaient pas, ils les augmentaient.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela.
M. Bisaillon: Vous, vous les coupez.
Mme Lavoie-Roux: Bien oui, ce n'est pas du tout...
M. Bisaillon: Vous ne négociez pas, en plus.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil depuis longtemps demande la parole.
M. Ryan: Je ne suis pas pressé, je peux laisser parler Mme
la députée de L'Acadie. Je suis un homme poli.
Le Président (M. Laplante): D'accord. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je remercie le député
d'Argenteuil.
M. Bérubé: M. le Président, le
député d'Argenteuil vient de dire qu'il est un homme poli et je
voudrais ajouter cela à la liste des qualificatifs dont il s'est
attribué la paternité depuis le début: humilité,
simplicité, politesse.
M. Ryan: Je vous ai recommandé l'humilité à
vous, comme gouvernant, et vous ne la pratiquez pas beaucoup. Nous, de
l'Opposition nous y sommes obligés.
M. Blais: Vous allez partir une chicane. Cela commence à
être un terrain glissant.
M. Ryan: Dans l'Opposition, quand vous connaîtrez cela,
vous verrez qu'il y a bien des sources d'humilité; vous n'êtes pas
obligés de courir après.
Le Président (M. Laplante): Mme la députée
de L'Acadie, si vous voulez utiliser votre droit de parole.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, disons qu'au point de
départ j'accepte votre principe du taux horaire. Mais quand vous
poursuivez votre raisonnement et que vous dites: À partir de ce taux
horaire, j'en déduis que ceux, hommes ou femmes, qui gagnent plus de 13
$, c'est nécessairement des gens débrouillards, ce sont des gens
qui, normalement, peuvent trouver un complément de revenu ailleurs, je
pense que, si on était dans des circonstances économiques
régulières, il y aurait de bonnes chances, en tout cas, que, dans
90% des cas, votre raisonnement soit juste. Je crois que même un
diplôme d'enseignant ou d'ingénieur ne donne pas
nécessairement de la débrouillardise.
M. Bisaillon: Non.
M. Bérubé: En tout cas, je suis d'accord pour la
référence au diplôme d'enseignant, parce qu'on pourra le
confirmer. Le diplôme d'ingénieur, j'aimerais qu'on
l'étudie davantage.
Mme Lavoie-Roux: Comment m'expli-queriez-vous que, même
aujourd'hui, tous ces ingénieurs très, très
débrouillards... C'est cela, il vient de nier. C'est seulement chez les
enseignants qu'il peut y en avoir qui sont moins débrouillards.
Sérieusement, quand on sait que le marché du travail est tel que
même des ingénieurs et un grand nombre de professionnels sont en
chômage, je pense qu'il y a parmi eux, et chez les enseignants et chez
les ingénieurs, des gens qui sont en chômage ou qui ont des
contrats d'une très courte durée à cause de la conjoncture
économique.
C'est là que je trouve que, même si j'accepte le point de
départ de la base du raisonnement du taux horaire, on ne peut partir de
cela et dire: C'est simplement leur faute; s'ils ne vont pas chercher un
supplément de salaire ailleurs, c'est parce qu'ils manquent de
débrouillardise. Je pense qu'à ce moment le ministre est
peut-être trop porté à généraliser.
Là, je vais peut-être lui faire une petit compliment; je pense que
lui est débrouillard et que, s'il était pris dans le même
pétrin, il se trouverait quelque chose. Mais il ne faut pas toujours -
vous savez, il ne le fait pas par mauvaise volonté, il ne s'en rend pas
compte - identifier sa position à lui comme ministre...
M. Blais: Débrouillard, mais innocent. Mme Lavoie-Roux:
M. le Président...
Le Président (M. Laplante): J'espère que ce n'est
pas enregistré, n'est-ce-pas?
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas moi qui ai dit que le
ministre était innocent. C'est le député de...
M. Blais: Viau.
Mme Lavoie-Roux: ...Terrebonne. Vous
l'avez bien entendu.
Le Président (M. Laplante): Continuez.
Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela que je pense que vous commettez
une injustice ou un manque d'équité envers ces gens qui, dans les
circonstances actuelles, peuvent avoir des revenus aussi minces que ceux
à qui on ne demandera pas de récupération.
On pourrait aussi se placer sous un autre angle. La raison pour laquelle
le gouvernement est allé récupérer de l'argent chez des
gens, c'est que le gouvernement a dit: J'ai un manque à gagner de 500
000 000 $ - enfin, c'était de l'ordre de 500 000 000 $ - et la raison
pour laquelle j'ai ce manque à gagner, c'est que j'ai donné trop
d'argent à X personnes qui vont chercher des revenus que je ne peux plus
assumer.
Je ne dis pas que le gouvernement est à blâmer pour tout
cela; je laisse cela de côté. Ce n'est pas le cas des gens qui ont
des revenus à temps partiel qui sont en bas de 16 000 $. L'État
n'a pas eu à assumer à l'endroit de ces gens des coûts
faramineux. Ce n'est même pas un minimum que ces gens allaient chercher
dans bien des cas. Je pense que toute la question de la base horaire - je
comprends que le gouvernement ait essayé de se donner une base pour en
exclure le plus grand nombre possible - ne change pas la situation des gens
qui, sur une même base, ont des revenus absolument égaux qui sont
en bas de 16 000 $ parce qu'ils ont travaillé à temps
partiel.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil.
M. Bérubé: M. le Président, n'y a-t-il pas
le principe de l'alternance? Non?
Le Président (M. Laplante): Ah oui! Le ministre a toujours
le droit de parler dans un projet de loi, aussi souvent que cela lui
plaît. Le règlement le dit, monsieur.
M. Bérubé: Je vous remercie infiniment, M. le
Président, de votre grande générosité, mais comme
la députée de L'Acadie...
Le Président (M. Laplante): C'est le règlement,
monsieur. Ce n'est pas...
M. Bérubé: ...vient de faire une intervention qui
m'apparaît pertinente, rigoureuse, empreinte d'une grande
générosité, tout à l'honneur de la
députée de L'Acadie, il me semblait qu'il était
approprié, à tout le moins, que je puisse y aller d'une ou deux
remarques.
Mme Lavoie-Roux: Ce doit être les fleurs avant le pot.
Le Président (M. Laplante): Je pense que vous n'avez pas
compris ce que j'ai dit tout à l'heure, M. le ministre. C'est que le
règlement permet au ministre une réplique aussi souvent...
M. Bérubé: Alors, vous me donnez la parole?
Le Président (M. Laplante): Je vous la donne, c'est
sûr.
M. Bérubé: Ah! Merci, M. le Président. Vous
êtes d'une rare générosité ce soir. D'abord, je
voudrais dissiper une impression que certains de mes propos semblent avoir
laissée dans l'esprit de la députée de L'Acadie à
savoir que, pour moi, quelqu'un qui gagne 13,01 $ l'heure peut se
débrouiller dans la vie et que quelqu'un qui gagne 12,99 $ l'heure ne
saurait se débrouiller dans la vie. Or, objectivement, si on regarde la
proposition dans le document 86, on se rend bien compte que c'est ce qu'elle
veut dire en pratique, c'est-à-dire que quelqu'un qui gagne 12, 99 $
l'heure...
Mme Lavoie-Roux: Mais c'est vous qui disiez cela.
M. Bérubé: ...se verra mieux protégé
que quelqu'un qui gagne 13,01 $ l'heure. On pourrait certainement imaginer une
modulation, enfin, on pourrait compliquer à plaisir le problème
et tenter de l'administrer. C'est clair qu'il fallait prendre un certain nombre
de décisions simples, faciles à administrer, il fallait mettre un
plafond. Dans le cas de la projection des bas salariés, nous avons
introduit, si vous vous le rappelez, une sorte d'échelle progressive
avec des marches, des paliers et des gradations progressives des niveaux de
rémunération. Cela implique, quand même, une très
grande complexité, d'une part.
Pour ce qui est des employés a temps partiel, c'est encore plus
complexe car il faut compter le nombre d'heures effectivement faites. Il y a un
très grand travail de comptabilité. Il faut bien se dire une
chose. Lorsqu'on parle d'une réduction salariale de 20%, c'est sur trois
mois. Il ne faut pas oublier qu'antérieurement il y avait eu une
augmentation sur six mois de Il%, ce qui fait que l'effet net est de laisser
environ 6% résiduels dans la poche des employés de l'État.
Les 6% résiduels ne sont quand même pas négligeables en
période économique aussi difficile que celle-ci. De fait, il
reste 6% d'augmentation de salaire après la loi 70, compte tenu de
l'augmentation qui a été versée de juillet à
décembre. Il reste que beaucoup de nos concitoyens se seraient
contentés de 6% d'augmentation et auraient dit merci. À Matane,
il y a 32% de chômage, à Sainte-Anne-des-Monts 55% et
j'aime autant vous dire que les gens que je rencontre dans la rue, si on
leur donnait 6% d'augmentation, ils trouveraient cela nettement mieux que le
moins 50% ou moins 60% qu'ils ont en revenus cette année.
Il fallait donc arriver à quelque chose qui soit raisonnablement
simple sans vouloir amplifier de façon absolument dramatique le
problème que nous soulevons. Nous disons, pour un employé
à temps partiel dont le taux horaire est faible: Acceptons de lui
assurer un meilleur niveau de rémunération. Pour les
employés à temps partiel reconnaissons que nous touchons
essentiellement les chargés de cours parce que ce sont eux qui se
retrouvent dans cette catégorie - gagnant, plus de 13 $ l'heure, nous
estimons que le taux horaire qui leur est versé est déjà
suffisamment raisonnable. Ce ne sont pas des petits salariés et,
même si en moyenne, durant l'année, ils ne font peut-être
pas de gros salaires, on ne peut pas prétendre que c'est le seul emploi
qu'ils occupent. Dans la plupart des cas, il y a plus d'un emploi. Les gens
font de l'enseignement à l'éducation des adultes le soir, mais
très fréquemment ils ont d'autres activités, car, pour
enseigner à l'éducation des adultes, il faut un minimum de
compétence et cette compétence-là peut être mise
à profit ailleurs qu'à l'éducation des adultes.
Il m'apparaît que la proposition que nous avons qui coûte
quand même 17 000 000 $ - elle est, quand même, assez
coûteuse - n'a pas à être améliorée, d'autant
plus - c'est le troisième point, M. le Président, que je veux
soulever - qu'on peut toujours se mettre dans la position de demander. Je
comprends, c'est le rôle de l'Opposition, de dire: Vous m'en mettez pas
assez. Mon problème n'est pas là.
Mme Lavoie-Roux: On a été modestes dans nos
demandes.
M. Bérubé: Mon problème est que j'ai
d'autres demandes. Il y a des jeunes à l'aide sociale. Je n'ai pas
d'argent à leur donner, je n'en ai pas. Si j'avais 20 000 000 $ à
donner, est-ce que je les donnerais à quelqu'un qui gagne 25 $ l'heure
ou si je le donnerais à un jeune à l'aide sociale? Je le
donnerais à un jeune à l'aide sociale. Le principe est
là.
Une voix: Vous étiez supposé leur donner...
M. Bérubé: C'est un principe d'équité
sociale. Ce sont des gestes inconsidérés comme ceux que nous
propose l'Opposition qui font qu'à un moment donné il y a des
gens qui sont mal pris dans la société, que l'État devrait
aider et qu'on ne peut pas aider parce qu'on a mis l'argent ailleurs. Si
j'avais 20 000 000 $ à mettre, je ne les mettrais pas sur quelqu'un qui
gagne 25 $ l'heure. Point à la ligne. Je les mettrais ailleurs où
il y a du monde qui en a besoin. C'est tout.
M. Bisaillon: C'est épouvantable!
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil.
M. Bisaillon: Ils ont passé un an à nous dire
qu'ils donneraient les 541 000 000 $ aux assistés sociaux et là
il vient de nous dire qu'il n'a pas une "cenne", après avoir
coupé 541 000 000 $. Épouvantable!
M. Bérubé: M. le Président, j'ai
l'impression que le député de Sainte-Marie n'avait pas le droit
de parole.
M. Bisaillon: II est président, en plus!
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, ce n'est pas mauvais que le
ministre se laisse aller à sa logique naturelle qui est
exceptionnellement limitée et restreinte. Plus il parle, plus il est
intéressant de voir les défaillances de raisonnement
déplorables qui président à des décisions
très importantes de notre gouvernement. (23 h 15)
J'ai un certain nombre de points à soulever avec lui. Le ministre
a mentionné un montant. C'est la première fois que je l'entends.
Il a prévu 97 000 000 $ pour cette opération-ci...
M. Bérubé: Non, 17 000 000 $.
M. Ryan: 17 000 000 $. Combien cela couvre-t-il de personnes,
d'après vos calculs?
M. Bérubé: Essentiellement, à temps partiel,
dans le réseau des affaires sociales, il doit y avoir 125 000 personnes,
puisque cela touche 50 000 à 60 000 employés à temps
partiel en équivalent à temps plein. Alors, si vous ramenez cela
sur la base de mi-temps, ce serait autour de 110 000 personnes et, si vous
ramenez cela sur une base quelque part entre un quart de temps et mi-temps,
vous l'ajustez en conséquence. Donc, c'est quelque part entre 100 000 et
150 000 personnes.
M. Ryan: Attendez un peu. Je n'ai pas fini. Il faut que je fasse
un calcul. Le ministre a-t-il sa calculatrice?
M. Bérubé: Hélas, non! J'ai dû la
faire réparer. Elle chauffait.
M. Ryan: Je voulais lui demander combien cela fait par personne,
en moyenne. Si vous calculez 125 000 personnes, 17 000 000 $, c'est à
peu près...
M. Bérubé: M. le Président, le
problème avec les moyennes, c'est qu'il y a des gens qui se sont
noyés dans une rivière dont la profondeur moyenne était de
trois pouces.
M. Ryan: Pourrait-on avoir une réponse plus
sérieuse que cela, M. le Président? Je comprends que le ministre
soit fatigué, il commence à divaguer, mais je lui ai posé
une question sérieuse. D'après mes calculs, cela fait une
différence de 170 $ par personne, en moyenne. Supposons qu'on dise 125
000, est-ce que je me trompe beaucoup?
M. Bérubé: Non.
M. Ryan: Alors, j'établis ce point pour commencer. Je veux
en venir au deuxième point maintenant. Nous avons parlé de
manière plus détaillée des enseignants à temps
partiel dans le secteur de l'éducation des adultes. Il y a aussi les
chargés de cours qui tombent dans la même catégorie. Je
voudrais seulement faire un calcul au ministre, parce que je le vois lever les
bras au ciel et je l'entends penser qu'on va l'engloutir...
M. Bérubé: Si c'est vers le ciel, cela doit vous
faire plaisir.
M. Ryan: Vous autres, vous étiez pour oublier un
zéro; vous étiez bien plus forts qu'on ne l'est de ce
côté-ci et cela nous a coûté cher, à part
cela. Vous avez été obligés de le prendre de force dans la
poche des gens. Ce n'est pas ce qu'on vous demande. Je vais vous faire un
calcul et, si vous avez votre calculatrice, j'aimerais que vous le fassiez avec
moi pour qu'on ne se trompe pas.
Je vous disais tantôt: II y a à peu près Il 000
enseignants à temps partiel dans le secteur public de l'éducation
des adultes. Il y en a un bon nombre qui ont gagné au-delà.
D'après le document sessionnel 85, vous êtes plus près de
18 000 $ que de 16 000 $, à moins que je ne sache pas compter. Vous
mettez 14 504 $ pour un trimestre. Est-ce que cela fait 18 000 $ ou 16 000
$?
M. Bérubé: II me semble que c'est 16 000 $, le
point de départ.
M. Ryan: II ne le sait pas encore, mais cela fait 18 000 $. 4500
multiplié par 4, cela a toujours fait 18 000. Pas besoin de calculatrice
pour savoir cela.
M. le Président, nous avons Il 000 enseignants à temps
partiel, disons 10 000 enseignants. Là-dessus, il y en a un bon nombre
qui ont au-dessus de 18 000 $, pour toutes sortes de considérations.
Ceux qui sont enseignants de jour, disons qu'il y en a 1000 ou plusieurs
centaines. Il y en a d'autres qui vont probablement chercher au-delà de
18 000 $. Disons qu'il resterait 8000 enseignants qui auraient
été, pour la période dont nous parlons, au-dessous de 4504
$. Vu qu'ils sont sous le du seuil de 4504 $ qui a été
fixé, la moyenne qui sera disponible pour eux ne peut pas être
tellement plus grosse. Disons qu'elle serait un peu plus grosse, que ce serait
une moyenne de 300 $, mettons un chiffre généreux. Il ne faut pas
oublier que nous discutons toujours de la réduction qui est
infligée à des salariés pendant la période du 1er
janvier au 1er avril. On discute seulement de cela. Je pense qu'on est d'accord
que l'article Il ne traite que de cela. Si je multiplie 8000 par 300 $, cela
fait 2 400 000 $ au maximum. Je pense qu'on est d'accord sur ces
chiffres-là. On est d'accord sur ces chiffres-là, je pense.
M. Bérubé: Oui, mais est-ce de 10 000 enseignants
équivalent à plein temps que vous me parlez?
M. Ryan: Non, ce sont des unités. Là-dessus,
même quand j'en mets 8000, je suis généreux, M. le
ministre, parce qu'il n'y en a pas plus que 70% dont c'est la seule source de
revenu. C'est facile à vérifier, ce sont les commissions
scolaires qui nous ont communiqué ce renseignement. Je ne l'ai pas pris
dans les poubelles. On met 8000 pour les fins du calcul; disons que ce serait
entre 2 000 000 $ et 3 000 000 $. Si vous étiez prêt à nous
dire ce soir: On regardera cela avec le ministre de l'Éducation et, si
c'est un montant de cet ordre-là, on est prêt à regarder la
possibilité d'un ajustement, je pense que vous feriez un geste d'une
grande humanité et d'une grande ouverture qui n'est pas de nature du
tout à mettre en péril l'équilibre des finances publiques
du Québec.
C'est cela, la proportion du problème qu'on pose. Je vous assure
que ce sont des termes réels. Si vous me disiez que vous êtes
prêt à l'examiner avec le ministre de l'Éducation, je
demanderais que l'article 2 soit mis entre parenthèses jusqu'à la
prochaine séance qu'on aura parce qu'on ne pourra pas finir pour minuit
comme on est parti là parce qu'on a un gros problème à
poser à l'article suivant, l'article 12. Je comprends qu'on ne discute
pas dans ces perspectives-là. J'apprécie l'ouverture du ministre,
par exemple, parce qu'il ne nous a donné aucun signe d'impatience, rien.
On discute d'une manière qui est intéressante, finalement,
même si on n'est pas d'accord.
Je pose le problème dans ses dimensions véritables. S'il y
a lieu de me contredire, j'en serais très heureux. Mais, c'est dans ces
proportions-là, il me semble
que cela vaudrait la peine parce que j'ai eu l'impression que le
problème avait été réglé de manière
un petit peu preste. Il m'a été donné d'interroger le
ministre de l'Éducation à ce sujet en commission parlementaire de
l'éducation lors de l'étude des crédits du
ministère. Tout ce que le ministre de l'Éducation a trouvé
à me répondre, c'est qu'il avait posé le problème
et qu'apparemment on s'en venait avec une limite de 13 $. À ce
moment-là, on n'avait pas le temps d'aller plus loin parce que, pour ce
secteur de l'éducation aux adultes, on n'avait que deux ou trois heures
à la commission parlementaire et on n'a pas pu fouiller plus loin. Ce
n'est pas du tout par entêtement personnel. Je me dis: Le gouvernement a
voté contre nous et nous avons voté contre le gouvernement depuis
le début de la séance. Une fois de plus, une fois de moins, cela
ne change rien à nos bons rapports. Je vais écouter le ministre
avec intérêt tantôt. Je lui soumets ce problème.
Deuxième considération que je voudrais faire. C'est un
point que j'avais soulevé dans le débat de deuxième
lecture, mais nous n'avons pas eu l'occasion d'y revenir. Le ministre avait dit
dans son discours de deuxième lecture que les dirigeants syndicaux
n'avaient pas manifesté de chaleur spéciale à l'endroit de
ce problème. Ils semblaient plutôt indifférents. Ils se
disaient plus sympathiques au principe: à salaire égal travail
égal, finalement, qui n'est pas du tout le premier principe dans ce
cas-ci.
J'ai signale à l'attention du ministre que, dans le cas de la
CEQ, plus exactement, je pense, de la Commission des enseignants de commissions
scolaires, qu'eux étaient très préoccupés par ce
problème. Ils avaient adopté, à ma connaissance, une
résolution. J'imagine qu'ils ont dû la transmettre au
gouvernement. Je ne l'ai pas reçue. J'imagine qu'ils ont dû la
transmettre au gouvernement, car c'était une résolution demandant
au gouvernement d'examiner ce problème de très près. Je
pense que c'est leur sentiment véritable.
Ensuite, je souligne encore à l'attention du ministre le cas des
70%. Si le ministre est intéressé à poursuivre l'examen du
problème, je m'engage à lui apporter des données plus
complètes là-dessus. 70% tirent de ce travail leur seule source
de revenu professionnel.
Je regarde maintenant l'instrument qu'a fabriqué le Conseil du
trésor pour le calcul du montant forfaitaire de compensation qui sera
versé aux travailleurs à revenu modeste. Il y a un plafond qui
est fixé de 4 504 $ pour le premier trimestre. S'il appliquait ce
plafond à tout le monde, . puis en prévoyant que, pour le cas des
enseignants à temps partiel, que ce soit dans l'éducation des
adultes ou dans d'autres secteurs, surtout pour les enseignants de
l'éducation des adultes étant donné l'importance encore
plus grande de ce côté-là... Je pense qu'il n'y a tout ce
qu'il faut pour éviter qu'il y ait des excès. Encore une fois, on
a établi un ordre de grandeur qui est, quand même, très
modeste.
J'ajoute un dernier point au sujet de la mobilité. Il me semble
que, dans une période où nous avons au Québec... Combien
avons-nous de chômeurs au Québec? 450 000, 500 000?
M. Bérubé: 450 000 chômeurs.
M. Ryan: Nous avons 450 000 à 500 000 chômeurs
déclarés et sans doute 600 000 en comptant ceux qui ne sont pas
déclarés, qui se sont retirés.
M. Bérubé: C'est-à-dire que vous avez
à l'aide sociale, aptes au travail, à peu près 260 000
personnes.
Mme Lavoie-Roux: On arrive à tout près de 1 000
000, les deux ensemble, 575 000 vivant de l'aide sociale.
M. Ryan: Maintenant, dans l'aide sociale, il y a ceux qui sont
aptes au travail et ceux qui ne le sont point.
M. Bérubé: C'est cela. 270 000 aptes au
travail.
Mme Lavoie-Roux: II y a des enfants parmi les 600 000, je crois,
qui vivent de l'aide sociale.
M. Ryan: Pardon?
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il y a des enfants quand on compte
600 000.
M. Ryan: Mais il a dit 270 000 aptes au travail.
Mme Lavoie-Roux: Ah oui! C'est cela.
M. Ryan: Cela fait, en tout, entre 800 000 et 900 000 personnes
qui sont sans emploi pour une raison ou l'autre. Je ne veux pas m'embarquer
dans cela, disons que c'est au-delà de 700 000 facilement. Il y a des
considérations qu'il faudrait faire, qui sont extrinsèques
à notre discussion. Ce que je voudrais signaler à l'attention du
ministre, c'est que, dans une conjoncture de chômage comme
celle-là, il me semble que ce n'est pas le moment pour un porte-parole
gouvernemental d'aller lancer le flambeau de la mobilité à tous
les vents dans une discussion comme celle-ci. Il y a des gens qui voudraient
avoir la mobilité. Je pense que nous en connaissons tous, des
diplômés qui sont sans travail et, quand ils peuvent
trouver une petite heure d'enseignement ici et là ou une petite
activité, ou un petit concert, ou une petite occupation pour leur
permettre de gagner quelques dollars, ils sont extrêmement reconnaissants
de pouvoir le faire. Il faut s'approcher de ces gens-là. Vous en avez
parlé pour votre comté de Matane. On pourrait en parler pour bien
d'autres comtés. C'est un phénomène qui est encore plus
prononcé, je pense, dans les centres urbains parce que la proportion des
gens qui ont fait des études plus développées est plus
grande de ce côté pour des raisons qu'on comprend tous,
d'ailleurs. Tout en reconnaissant objectivement qu'il y a un bon
argument-là, il me semble que dans le contexte où nous sommes,
c'est un argument qui est plus difficile.
Encore une fois, je pense qu'on a donné la dimension du
problème. Je pense qu'on a donné à peu près toutes
les considérations qui pourraient être fournies. Il me semble
qu'il faudrait avoir de la part du ministre une ouverture qui ferait que ce
problème pourrait être envisagé en vertu du paragraphe 1,
qui est très bien, quitte à mettre quelques autres
réserves qui empêcheraient les excès. Je comprends le
ministre de ne pas vouloir jeter de l'argent là où il n'y a pas
lieu d'en jeter; je le comprends très bien. Mais il me semble qu'on a
montré la nature, l'acuité et aussi le caractère
relativement circonscrit du problème de manière assez claire pour
que cela justifie un peu d'ouverture.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. En fait,
je n'ai pas voulu essayer de suivre les calculs détaillés du
député d'Argenteuil. Je veux bien qu'il me dise que, si cela
coûte 2 500 000 $, cela coûtera 2 500 000 $ -qu'est-ce que 2 500
000 $, comme disait l'autre - mais, évidemment, ces calculs sur le coin
de la table sont toujours un peu dangereux. Je me souviens de l'intervention du
député de Jean-Talon à l'Assemblée nationale
lorsqu'il s'étonnait de la pingrerie du gouvernement et qu'il nous
faisait une proposition dans son discours. J'ai, d'ailleurs, extrait les termes
exacts et fait calculer le coût de la proposition que nous faisait le
député de Jean-Talon. En fait, elle coûtait 2 000 000 000 $
de plus que les demandes du front commun. Alors, cela vous donne une petite
idée de la façon dont le Parti libéral gère les
finances publiques: il offrait 2 000 000 000 $ de plus que ce que le syndicat
demandait, il faut le faire!
M. Ryan: Quelle mesquinerie! Quelle
légèreté!
M. Bérubé: Ce n'est pas de la
légèreté, c'est de l'inconséquence...
M. Ryan: Oui, M. le Président, c'est complètement
en dehors de ce qu'on discute ce soir.
M. Bérubé: ...dans un effort pour aller chercher le
vote...
M. Ryan: Démagogue! "Cheap shot"!
M. Bérubé: ...de gens honnêtes et
sincères. Essentiellement, on manipulait des chiffres d'une façon
absolument éhontée et scandaleuse, sachant très bien que
la société québécoise n'avait pas les moyens. Mais
cela ne fait rien, on jetait, pour faire de l'esbroufe, des chiffres
élevés de manière à pouvoir s'attirer des appuis
que l'on espérait les plus élevés possible.
M. le Président, c'est une attitude totalement irresponsable de
la part du Parti libéral qui a fait en sorte que, effectivement, les
finances publiques au Québec sont dans une situation difficile. Comme on
a eu l'occasion de le souligner avant que les travaux de cette commission
commencent, en examinant la croissance des effectifs gouvernementaux de 1970
à 1976, on voit bien que l'appareil gouvernemental dont nous avons
hérité, il est né avant que nous arrivions parce qu'il n'y
a pas plus d'employés dans le secteur public maintenant qu'il n'y en
avait quand nous sommes arrivés. Cela veut dire que le fardeau
était déjà là, que le poids était
déjà là. Donc, M. le Président, c'est largement
à la suite d'une incohérence, d'une absence, je dirais, de
rigueur dans la gestion de l'appareil de l'État qu'aujourd'hui on se
retrouve avec un appareil d'État lourd et coûteux. (23 h 30)
Or les demandes qui nous sont adressées sont
considérables, M. le Président. Nous avons des maisons de jeunes
au Québec en nombre insuffisant, qu'il faudrait financer. Nous avons des
demandes plus que nous ne pouvons en accepter pour des regroupements de femmes
qui veulent venir en aide à certaines de leurs consoeurs qui ont des
difficultés de transition dans la vie. Nous avons des demandes pour
accroître le nombre de lits pour les personnes âgées en
hébergement. Nous avons des demandes pour des millions de dollars, des
demandes auxquelles nous ne pouvons répondre. Eh bien! je vous dis
qu'avant de mettre de l'argent sur quelqu'un qui gagne 25 $ l'heure, je vais
m'occuper de ces autres demandes. Vous ne pouvez comprendre cela, et vous ne le
comprendrez jamais.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je ne peux laisser ces remarques démagogiques
sans réponse. Je rappellerai au ministre qu'il fait partie d'un
gouvernement. Quand le ministre des Finances avouait, il y a une couple
d'années, que lors de la ronde de négociations
précédente il avait lancé sur la table, d'un seul coup,
sans savoir ce qu'il faisait, 1600 postes de trop, dans le secteur de
l'enseignement, à une moyenne de 25 000 $ par année par poste,
à l'époque...
M. Bérubé: On ne les a pas injectés, ces
postes-là.
M. Ryan: ...cela faisait tout de suite 40 000 000 $, d'un seul
trait.
M. Bérubé: Nous n'avons pas eu à les
injecter, pour la simple raison...
M. Ryan: M. le Président, est-ce que je pourrais parler?
Est-ce que vous pourriez lui apprendre à vivre?
Le Président (M. Laplante): Jusqu'à maintenant, je
vous ai laissés, aller pas mal, mais je m'aperçois que je vous ai
trop laissés aller, suivant l'article Il. J'aimerais que les deux
côtés puissent user de modération et revenir autant que
possible à l'article Il, s'il vous plaît, parce qu'on
déborde de beaucoup...
M. Ryan: Est-ce que vous voulez dire que je n'ai pas le droit de
répondre à toutes les remarques qui ont été faites
en dehors du sujet?
M. Bérubé: L'insolence du député
d'Argenteuil, M. le Président, est également inadmissible
puisqu'il passe son temps à m'interrompre.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre. M. le
ministre. Dans les trois interventions, on a débordé ce
cadre.
Mme Lavoie-Roux: On plaide notre cause sur l'article Il.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Laplante): II a élargi le
débat dans ses réponses, mais je ne voudrais pas que cela
continue.
M. Ryan: M. le Président, je vous signalerai que dans
l'intervention que j'ai faite avant celle du ministre je suis resté
complètement dans le sujet.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Ryan: J'ai présenté des données
relativement précises dont je ne prétends aucunement qu'elles
soient définitives, des données qui ont une ampleur modeste, et
le ministre a essayé de faire de la démagogie en ajoutant des
zéro à une discussion qui ne comportait aucunement de
justification pour le faire.
Si vous me dites que c'est mieux que je ne lui réponde pas, pour
la dignité de nos travaux, je vais obtempérer à votre
directive, mais en regrettant ce qu'il a fait, en trouvant qu'à cette
heure tardive il devrait plutôt chercher le rapprochement que de chercher
à nous éloigner et chercher à nous faire passer pour des
gens qui essaieraient d'engraisser des "fat cats" quelque part. Ce n'est pas du
tout notre mentalité. Ce n'est pas du tout notre approche à ces
problèmes.
Je rappelle encore une fois...
M. Bérubé: ...du contraire.
M. Ryan: Je rappelle encore une fois l'ordre de grandeur dont il
est question. Je pense qu'au point où nous en sommes arrivés nous
allons présenter un amendement. Si celui-là n'est pas
accepté, il faudra peut-être en présenter un autre, mais on
va en présenter un, en tout cas, qui nous paraît raisonnable.
Motion d'amendement
L'amendement que je proposerais est le suivant: Que les mots
"Malgré le paragraphe qui précède" et allant
jusqu'à "aucune compensation forfaitaire" du document parlementaire no
85 soient retranchés.
Le Président (M. Laplante): Je m'excuse. Êtes-vous
à l'article Il?
M. Ryan: Oui.
M. Bérubé: On ne peut amender le document
sessionnel, M. le Président.
Mme Lavoie-Roux: C'est complexe, c'est complexe.
Le Président (M. Laplante): Oui, c'est très
technique. On ne peut amender le document parce que ce n'est pas l'objet
actuellement de l'ordre de l'Assemblée nationale. On est ici seulement
pour la loi 8. Je ne pourrais pas accepter de motion qui amenderait autre
chose...
Mme Lavoie-Roux: L'autre jour, on a fait un amendement, on a
ajouté un amendement.
M. Ryan: Bien oui.
Le Président (M. Laplante): ...qui amenderait autre chose
que le...
M. Ryan: Que quoi?
Mme Lavoie-Roux: Les protégés de Pinel; on a quand
même accepté un... Cela ne modifiait pas...
M. Ryan: M. le Président...
M. Blais: Question de directive. Il faut amender la loi.
Le Président (M. Laplante): Amender la loi mais je ne peux
pas ici amender les documents sessionnels. Je m'en excuse.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Sur l'observation que vous venez de faire, je voudrais
vous soumettre quelques considérations. J'ai participé
moi-même aux travaux de la commission de la justice qui a
été saisie des amendements au document sessionnel - je pense que
c'était 350 - auquel il fallait apporter des amendements. Nous l'avons
fait en commission parlementaire. Nous l'avons fait en commission parlementaire
au document sessionnel 350 par le biais du projet de loi no 101. Nous avons
fait des amendements au document sessionnel. À plus forte raison, si
nous discutons d'un projet de loi, il suffit que le consentement du
gouvernement soit là pour qu'on puisse le faire. Je vous reconnais des
pouvoirs immenses mais je ne vois pas en vertu de quelle règle vous
pourriez nous dire que nous ne pouvons pas toucher à cela.
M. Bérubé: ...recevabilité, M. le
Président.
M. Ryan: C'est un document... M. le Président, est-ce que
je pourrais continuer?
Le Président (M. Laplante): Continuez, M. Ryan.
M. Ryan: Merci. C'est un document qui, en vertu d'une
décision rendue par un tribunal, pas plus tard qu'il y a deux jours, le
juge en chef de la Cour supérieure, fait partie intégrante de
cette loi-ci comme les autres documents faisaient partie des lois
antérieures dont nous discutons. Je ne vois pas de quel droit on
pourrait décider qu'on n'a pas le droit de faire de proposition de
modifier ces décrets-là. J'essaie de comprendre.
Le Président (M. Laplante): Pour être juste avec
vous, M. le député d'Argenteuil, vous allez faire votre motion.
Je vais vous la laisser continuer jusqu'au bout et demain matin j'irai me
renseigner auprès des gens que nous consultons sur des décisions
à prendre. Je vous répondrai sur la recevabilité demain
avec l'argumentation qu'il faudra autour de cela. Présentez-la en bonne
et due forme.
M. Bisaillon: M. le Président, avant que le
député d'Argenteuil présente l'amendement que vous
prendrez en délibéré - si j'ai bien compris - est-ce que
je pourrais vous poser une question additionnelle qui pourrait aussi faire
l'objet d'un délibéré? Advenant qu'après
délibéré vous reconnaissiez que l'amendement que le
député d'Argenteuil voulait présenter est recevable, il
n'y a pas de problème mais si vous en arriviez à la conclusion
que l'amendement que se prépare à présenter le
député d'Argenteuil n'était pas recevable, est-ce que vous
pourriez vérifier si un des moyens d'introduire, sans corriger le
document sessionnel, la notion que veut apporter le député
d'Argenteuil ne peut pas s'ajouter à la fin du paragraphe de l'article
Il?
Autrement dit, l'article Il renvoie à des notions qui
apparaissent au document de la session no 85 déposé le 5 mai 1983
devant l'Assemblée nationale. Si j'ajoute à la fin de cette
phrase-là un texte qui dit: En tenant compte, cependant, de quelque
chose d'additionnel ou en retranchant quelque chose que je mets dans le texte
même de l'article Il, est-ce que cela pourrait - advenant le cas
évidemment où l'amendement du député d'Argenteuil
ne serait pas recevable - est-ce que cela ne serait pas une façon
d'introduire l'amendement prévu par...
Le Président (M. Laplante): II y a un danger dont j'aime
mieux vous prévenir tout de suite: c'est que l'article 64 du
règlement édicte que tout amendement qui comporterait des
déboursés additionnels à l'État ne peut pas
être présenté par quelqu'un d'autre que le ministre.
M. Bérubé: C'est le point que je voulais
soulever.
Le Président (M. Laplante): Je voudrais satisfaire le
député d'Argenteuil mais il y a un comportement là-dedans
de l'article 64 qui le rend irrecevable. Je ne voudrais pas -je voudrais
être prudent aussi - peut-être a-t-on commencé par une
petite contestation de l'article 1, je voudrais être très
coopératif avec tout le monde et si cela peut satisfaire le
député d'Argenteuil, je rendrai une décision demain,
après consultation auprès du bureau du président.
M. Bisaillon: La question qui est posée demeure
entière. Est-ce qu'en principe on peut modifier, par un amendement, un
document de la session? Peu importe le fait que l'article 64 s'applique ou non,
la question
posée par rapport au document sessionnel demeure entière
et il serait intéressant que vous la preniez en
délibéré aussi.
Le Président (M. Laplante): Oui. M. le
député de...
M. Bisaillon: On peut modifier quelque chose à un document
sessionnel qui n'est pas nécessairement financier.
Le Président (M. Laplante): Oui, c'est exact. C'est pour
cela que je vais recevoir la motion du député d'Argenteuil s'il
veut me l'écrire et me la dicter pour le journal des Débats, s'il
n'a pas changé d'idée.
M. Ryan: Non, je n'ai pas changé d'idée du tout sur
ce point.
M. le Président, j'aimerais peut-être mieux vous remettre
le texte de cet amendement demain matin.
Le Président (M. Laplante): J'ajournerai demain matin et
j'irai à la présidence. C'est ce à quoi je m'engage avec
le texte: aller à la présidence et mener une consultation avec
eux pour que la présidence puisse supporter l'entière
responsabilité de la décision.
M. Ryan: C'est cela. Je pense que nous n'avons pas reçu de
directive au sujet du calendrier des travaux pour demain.
Le Président (M. Laplante): Ou pour une autre
journée, parce que j'ajourne sine die ce soir.
Mme Lavoie-Roux: De toute façon, demain matin c'est la
période des questions à 10 heures.
M. Ryan: C'est cela. Je pense qu'il faudra attendre les
directives du leader du gouvernement pour connaître le moment où
la commission va siéger. J'aimerais mieux dans ces conditions... Il est
Il h 45 et je ne crois pas que, dans un quart d'heure, on puisse avancer
beaucoup sur cette question.
Le Président (M. Laplante): Non, mais on peut suspendre
l'étude de l'article Il et aller à l'article 12.
M. Ryan: Je vous avertis qu'à l'article 12 on a d'aussi
gros problèmes à poser.
Le Président (M. Laplante): Aussi gros? Je sais qu'il y a
un amendement du ministre là-dessus.
M. Bérubé: M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Je n'oserais pas vous proposer
l'article 22.
M. Bérubé: On pourrait sauter les articles Il et 12
pour organiser nos travaux plus simplement.
Le Président (M. Laplante): Oui, M. le
député.
M. Ryan: Je n'ai pas d'objection à en prendre une
couple...
M. Blais: M. le Président, seulement 30 secondes. Il
demeure quand même que la question générale est: est-ce
qu'on peut amender un document sessionnel ici? C'est une bonne question
à poser, mais dans le cas précis qui nous préoccupe,
à l'article Il le changement a une incidence monétaire. Il est
automatique qu'on ne pourrait pas le faire, mais pour le bien
général des autres commissions parlementaires, on peut poser la
question. Ce n'est pas cela qui devrait retarder la continuation des travaux
jusqu'à minuit.
M. Bérubé: Sur la question de règlement ou
de directive, M. le Président, je pense qu'il faut souligner que nous
avons amendé les documents sessionnels depuis quelque temps et à
quelques occasions. La façon de le faire consiste d'une part, à
déposer à l'Assemblée nationale un document sessionnel
additionnel et d'autre part, à prévoir dans un article de la loi
le dépôt de ce document sessionnel additionnel. Ce que nous avons
fait à quelques reprises puisque nous avons déposé
à l'Assemblée nationale le document sessionnel 86, le document
sessionnel 142 et que nous avons prévu -d'ailleurs, j'aurai un
amendement à la loi quand nous arriverons aux articles 12 et 13, si je
ne m'abuse - proposer un amendement pour ajouter un document sessionnel, lequel
doit évidemment avoir été déposé à
l'Assemblée nationale. Donc, il est possible -et indéniablement
nous l'avons fait à plusieurs reprises - de modifier un article de loi
pour permettre le dépôt d'un document sessionnel additionnel
à l'Assemblée nationale et de déposer ledit document de
manière à pouvoir amender les textes en conséquence.
M. le Président, je ne veux pas vous dicter une
interprétation. Je pense qu'il peut être intéressant que la
présidence réfléchisse à la question, puisqu'il
s'agit d'un mécanisme de loi un peu inhabituel. Il y a certainement lieu
de se méfier de tout précédent. Mon opinion serait que
c'est une façon de modifier les documents sessionnels et nous avons
exercé cette façon à quelques reprises, ici même.
Donc, ceci ne fait pas obstacle. Par contre, le député de
Terrebonne a souligné le point crucial qui est que nul ne peut
présenter d'amendement ayant une incidence financière quelconque
sans que cet amendement soit soumis par un représentant du gouvernement.
Or, il est clair qu'on ne
peut pas, d'une façon très générale et
très systématique, modifier des conventions collectives sans
qu'il y ait en même temps une incidence monétaire sur le
coût des dites conventions collectives. Par conséquent, tout
amendement qui serait de nature à modifier le contenu des conventions
collectives serait irrecevable, en vertu de l'article 64 de notre
règlement. (23 h 45)
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je trouve que le
président du Conseil du trésor va très loin. Il y a des
dispositions, dans les conventions collectives, qui n'ont pas d'incidences
financières. Il y a des dispositions d'ordre normatif qui traduisent une
certaine conception que l'on se fait des relations du travail dans une
société civilisée et qui ne peuvent pas être
interprétées comme ayant des conséquences
pécuniaires. Il y en a un grand nombre. Je pense que, à cause de
cela...
M. Bérubé: ...pense...
M. Ryan: ...nous en avons vu nous autres aussi. À cause de
cela, M. le Président, je pense que la question de fond qui consiste
à déterminer si des amendements peuvent être
présentés dans un document de la session, c'est une question
très pertinente, une question qui demande à être
examinée soigneusement, surtout à la lumière des
dernières décisions judiciaires qui ont déjà
influencé le gouvernement dans le premier alinéa de l'article 1,
même s'il ne veut pas le dire. C'est pour cela qu'on est ici, c'est parce
qu'il y a eu des décisions qui leur ont fait peur.
Je trouve que cela vaut la peine qu'on regarde cela, à savoir
s'il y a des possibilités qu'on amende le document, et alors on verra si
l'on peut trouver un amendement. C'est pour cela que je vous ai demandé
de vous soumettre mon amendement, demain, qui réponde à vos
exigences et qui tienne compte des autres dispositions de notre
règlement.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: C'est pour abonder dans le même sens, puis
aussi me raccrocher à l'intervention du ministre. Si j'ai compris
l'intervention du ministre, un autre moyen d'amender un document parlementaire,
c'est de s'entendre, à la commission, sur un texte, sur un amendement,
qui n'est pas un amendement qu'on passe à la loi mais qui devient une
entente, à la commission, sur le dépôt à
l'Assemblée nationale d'un nouveau document.
Le Président (M. Laplante): J'aurais une question...
M. Bisaillon: ...et cela peut être une autre
façon...
Le Président (M. Laplante): J'aurais une question à
poser au député d'Argenteuil.
M. Bérubé: Oui, mais peu probable.
Le Président (M. Laplante): M. le député,
votre amendement, vous voulez l'apporter au début de l'article 2, si je
suis ce que vous avez dit.
M. Ryan: À l'article Il.
Le Président (M. Laplante): À l'article Il?
M. Ryan: Oui, c'est là qu'on était rendu.
Le Président (M. Laplante): Vous avez fait une
référence, au tout début de votre intervention, à
l'article 2. C'est pour cela que j'avais peur, parce que là, cela
prendrait un autre consentement.
M. Ryan: M. le Président, est-ce que vous me permettez de
vous expliquer ce que j'ai voulu dire?
Le Président (M. Laplante): D'accord, non, c'est tout ce
que je veux.
M. Ryan: Je me suis probablement mal expliqué. Si vous me
permettez de vous l'expliquer, je vais vous le dire.
Le Président (M. Laplante): Non, non, d'accord. Je voulais
juste m'en assurer. D'accord. Oui, Mme la député de L'Acadie.
M. Ryan: Je me référais à l'article 1,
d'ailleurs.
Mme Lavoie-Roux: Non, M. le Président, je vais le laisser
parler, et quand il aura terminé, j'aurais quelque chose à
dire.
Le Président (M. Laplante): Allez au bout. Moi, j'ai
terminé.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, par votre entremise
toujours, j'aimerais demander, dans un esprit constructif, compte tenu qu'il
est 23 h 50, que nous ajournions nos travaux jusqu'à demain. On pourrait
peut-être continuer, pour dire qu'on continue jusqu'à minuit, sur
d'autres articles, mais je pense que...
Le Président (M. Laplante): Je suis bien
d'accord avec vous.
Mme Lavoie-Roux: ...sinon, je...
Le Président (M. Laplante): Je voudrais éclaircir
juste un petit point avant. M. le député d'Argenteuil nous avait
demandé de suspendre l'article 9 jusqu'à la fin de la
soirée pour finir ce chapitre. Est-ce que vous seriez prêts
à adopter, sur division ou comme vous l'entendez, l'article 9?
M. Ryan: Non, M. le Président. Le président du
Conseil du trésor m'a dit tantôt qu'il me soumettrait une liste
plutôt partielle.
M. Bérubé: Vous l'avez. Elle va vous permettre de
passer la nuit et nous pourrons reprendre la discussion demain.
Mme Lavoie-Roux: On pourrait peut-être arrêter
à 23 h 50...
M. Ryan: Si vous vouliez prendre le vote au début de la
prochaine séance, il faudra au moins jeter un petit coup d'oeil
là-dessus.
Le Président (M. Laplante): D'accord. Je pense que c'est
la volonté des membres de...
M. Bérubé: M. le Président, je voudrais
quand même intervenir, en réponse à l'intervention de la
député de L'Acadie. Une expérience parlementaire qui
s'allonge m'a enseigné une chose, c'est que lorsque l'Opposition a
décidé de mettre bas les armes et de cesser le travail pour aller
se coucher, j'ai fini par découvrir, M. le Président, que quand
bien même nous nous y opposerions, l'Opposition trouvait le moyen
finalement de nous faire consacrer ce temps à du travail totalement
improductif en gâchant littéralement le temps de la commission.
Compte tenu que la députée de L'Acadie vient de manifester
très clairement qu'elle n'a absolument plus l'intention d'apporter de
contribution constructive aux travaux de la commission, M. le Président,
je n'ai aucune objection à ce que l'on ajourne.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, compte tenu...
Le Président (M. Laplante): Cela mérite une
réplique.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Elle va être très courte,
parce que je ne veux surtout pas me rendre jusqu'à minuit. C'est
peut-être pour s'amuser que le ministre a tenu ces propos, mais compte
tenu que c'est au journal des Débats, il faudrait quand même faire
remarquer qu'il nous reste huit minutes et qu'on entrerait dans un autre
article si on continuait. C'est dans ce sens-là que j'ai proposé
qu'on ajourne, surtout que beaucoup de choses sont restées en suspens et
qu'on a exprimé le désir de disposer de quelques minutes pour
aller examiner certaines choses.
Le Président (M. Laplante): Je suis bien d'accord avec
vous. Les travaux de cette commission sont ajournés sine die.
(Fin de la séance à 23 h 51)