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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le jeudi 10 octobre 2024 - Vol. 47 N° 71

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 71, Loi visant à améliorer l’accompagnement des personnes et à simplifier le régime d’assistance sociale


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures trente et une minutes)

La Présidente (Mme D'Amours) : Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je vous demande, à toutes les personnes dans la salle, de bien vouloir éteindre la sonnerie de votre appareil... de vos appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 71, Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Mallette (Huntingdon) est remplacée par Mme Blais (Abitibi-Ouest); Mme Tremblay (Hull) est remplacée par Mme Poulet (Laporte); Mme Dufour (Mille-Îles) est remplacée par Mme Prass (D'Arcy-McGee); Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey) est remplacée par Mme McGraw (Notre-Dame-de-Grâce); et M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) est remplacé par Mme Labrie (Sherbrooke).

La Présidente (Mme D'Amours) : Parfait. Nous entendrons ce matin les témoins suivants, soit la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, conjointement avec le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, et ainsi que le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec.

Je vous souhaite maintenant la bienvenue, chers invités... qui est la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes ainsi que le Regroupement des maisons pour femmes. Je vous rappelle que vous disposez, chers invités, de 10 minutes, pour nous faire part de votre exposé. Ensuite, nous irons avec la période d'échange, avec les membres de la commission. Donc, je vous demande de vous présenter et de commencer votre exposé, s'il vous plaît.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Oui, bonjour. Julie St-Pierre-Gaudreault, je suis conseillère aux enjeux politiques à la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes. Mathilde.

Mme Trou (Mathilde) : Oui, bonjour. Mathilde Trou, je suis coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Bien, d'abord, Mme la Présidente de la commission, Mme la ministre, et mesdames...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : ...Messieurs les députés, merci beaucoup pour votre invitation, on apprécie grandement que vous nous donniez l'opportunité de représenter la fédération, le regroupement, et il y a également l'alliance des maisons de 2e étape qui a appuyé les revendications par rapport au projet de loi n° 71.

Aujourd'hui, on se veut les porte-parole des femmes qui sont hébergées dans nos ressources puis qui sont admissibles à la contrainte temporaire à l'emploi. En fait, nos principales inquiétudes, là, par rapport au projet de loi n° 71, bien, ça concerne l'article 25 qui propose des modifications à l'article 53 de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles. C'est vraiment les impacts genrés que risquent d'avoir ces modifications-là, surtout nous, en ce moment, on porte la voix des femmes violentées qui sont présentes dans nos ressources, mais il y a également d'autres groupes, là, qui vivent dans des situations précaires qui vont être touchées par cette modification-là.

Côté contextualisation. Mais, en fait, il faut savoir qu'actuellement les femmes hébergées dans nos ressources pourraient toucher automatiquement la contrainte temporaire pour une durée de trois mois ou plus. Donc... Donc, voilà, nous, ce qu'on trouvait inquiétant, c'est le fait que ça devienne... qu'on doive présenter une déclaration médicale pour maintenant avoir droit à cette prestation-là. En fait, je ne sais pas si, justement, vous savez... peut-être que oui, peut-être que non, mais je vais le rappeler. En fait, c'est que, dans des situations de violences familiales, sexuelles ou conjugales, il y a plusieurs stratégies de domination ou de contrôle qui vont être utilisées par l'agresseur, dont notamment des stratégies de contrôle coercitif. Ça peut être des stratégies d'exploitation, de manipulation qui sont répétées et étendues dans le temps, puis ça peut comprendre, justement, de la microrégulation des finances de la victime, l'appropriation du revenu de la victime, dont les prestations d'aide sociale, si elles sont bénéficiaires, ou différentes stratégies pour empêcher la victime d'occuper un emploi, ce qui pourrait pousser vers le besoin d'aide financière, ce qui fait en sorte qu'il y a vraiment plusieurs femmes qui vont se retrouver avec peu de ressources lorsqu'elles arrivent en maison ou qui sont souvent en situation de précarité financière importante, même lorsqu'elles fréquentent les services externes.

Juste pour vous donner une idée, en 2023-2024, selon nos chiffres, parmi les femmes qui sont hébergées et accompagnées par nos maisons d'hébergement, en plus du motif d'hébergement qui est variable, comme on sait, il y a plusieurs formes de violence qui peuvent s'entrecroiser, bien, il y a 35 % des femmes qui sont hébergées — là, c'est vraiment les chiffres de la FMHF — qui vont vivre des difficultés financières en arrivant, puis ça peut être 29 % des femmes qui sont suivies en externe, il y a 50 % d'entre elles qui affirment avoir vécu de la violence économique. Par rapport aux chiffres du regroupement, ça se ressemble beaucoup. Et c'est 42 % des 4 100 femmes qui sont hébergées par les maisons du regroupement qui ont déclaré avoir un revenu familial de moins de 20 000 $... bien, 20 000 $ et moins. Puis, dans les cas spécifiques, justement, où les femmes sont bénéficiaires d'aide sociale, ça fait en sorte que la prestation pour contrainte à l'emploi devient rapidement la seule aide qui est disponible pour ces femmes-là, pour arriver à justement se reconstruire, reprendre du pouvoir dans leur situation et répondre à leurs besoins de base, même si on s'entend que c'est une prestation de 160 $, ce qui est la plus faible. Mathilde, je vais te laisser poursuivre.

Mme Trou (Mathilde) : Oui, merci, Julie. Bien, c'est... Julie vient de vous indiquer pourquoi il est primordial en fait que les femmes victimes de violence conjugale continuent de bénéficier de cette aide supplémentaire à leurs prestations de base. Mais, pour que ce soit véritablement efficace, il faut aussi que l'obtention de cette aide soit simple. Parce qu'il ne faut pas oublier que, quand une femme victime de violence conjugale arrive dans nos maisons, c'est souvent après un épisode de violence qui a pu être particulièrement important, que ce soit envers elle ou envers leurs enfants. Et leur rajouter une étape supplémentaire qui est d'aller chercher un rapport médical pour toucher cette aide-là, c'est ni aidant ni soutenant, en fait, pour l'heure dans leur reprise de pouvoir puis ça vient juste augmenter leur charge émotionnelle et mentale, une charge qui est déjà vraiment importante pour les... sur les épaules des victimes.

Un autre élément qui a été abordé aussi par d'autres groupes, c'est que quand... C'est vraiment un fardeau supplémentaire pour les personnes vulnérables de devoir aller répéter encore une fois leurs histoires à un professionnel qu'elles n'ont peut-être jamais vu avant. Là, on parle vraiment d'histoires de violences physiques, de violences psychologiques, mais souvent aussi de violences sexuelles. Donc, on peut comprendre que ça peut créer des... recréer des traumatismes à chaque fois qu'une personne doit aller de nouveau raconter son histoire. Et, selon nous, c'est vraiment une mesure qui vient en contradiction, en fait, avec le rapport Rebâtir la confiance, donc c'est 190 recommandations, là, qui sont incluses dans ce...

Mme Trou (Mathilde) : ...rapport pour améliorer le parcours judiciaire des femmes victimes de violence conjugale et de violence sexuelle, des personnes victimes de violence conjugale et de violence sexuelle. Alors là, c'est sûr qu'on n'est pas dans le processus judiciaire, mais l'idée, c'est de... de ces 190 recommandations, c'est de simplifier le parcours et de soutenir ces personnes. Et là on pense que c'est vraiment une mesure qui va à l'encontre, justement, de l'esprit de ce rapport et d'autres mesures aussi qui ont été mises en place par la CAQ dans les dernières années pour venir soutenir et simplifier le parcours des victimes de violence conjugale.

Et enfin un autre... un autre élément, c'est que pour ces femmes qui vont devoir aller chercher un rapport médical, elles peuvent peut-être mettre un mois ou deux à aller le chercher. Parce que, comme on le disait, c'est une charge supplémentaire, c'est un fardeau supplémentaire, puis elles ne vont pas être prêtes dès le lendemain de leur arrivée en maison à faire cette démarche-là. Donc, ça peut aussi venir du coup augmenter leur séjour en maison d'aide et d'hébergement le temps qu'elles aient accès à cette aide supplémentaire, parce qu'on le rappelle, hein, 160 $ pour elles, c'est vraiment une aide importante. Donc, ça peut venir aussi contribuer à allonger leur délai de séjour dans les maisons d'aide et d'hébergement, dans une période où les maisons débordent et les maisons sont déjà pleines.

Un argument qui a aussi été évoqué par d'autres groupes, mais qu'on porte également, c'est qu'il y a des problèmes d'accessibilité aux professionnels de la santé ou des services sociaux. Je sais, Mme la ministre, vous avez indiqué que ça peut être des professionnels qui pourraient être hors du réseau, mais ça nous crée aussi des inquiétudes, parce que, dans nos maisons d'aide et d'hébergement, dans d'autres organismes communautaires, on... nos intervenantes des maisons ne sont pas forcément membres d'un ordre professionnel, puisque ce n'est pas une exigence d'embauche. Nous, on fait vraiment du par et du pour les femmes, et ça fait qu'il n'y a pas d'attente d'avoir des intervenantes qui sont membres d'un ordre. Donc, ça, ce n'est pas toutes nos maisons qui pourront, par exemple, fournir un rapport médical puisqu'elles ne sont pas toutes membres... toutes membres d'un ordre.

Et enfin ce qui nous inquiète, c'est que si ces femmes doivent aller voir d'autres professionnels, d'autres intervenants, on sait qu'il y a encore des lacunes au niveau de la formation et au niveau des connaissances en violence conjugale et au niveau du contrôle coercitif, notamment des manifestations qui sont plus subtiles de violence conjugale, mais qui ont un impact tout aussi important que de la violence physique sur la santé physique et la santé mentale des femmes, et on craint vraiment qu'une femme puisse aller voir un professionnel, et que ça ne soit pas nécessairement reconnu ce qu'elles ont vécu comme une contrainte à l'emploi. Donc, pour nous, il y a aussi un risque par rapport à ça.

• (11 h 40) •

Et enfin, je conclurai là-dessus, au niveau des enjeux de sécurité, si Mme, par exemple, veut aller voir son médecin de famille, peut-être que monsieur a le même médecin de famille, puis on le voit que ça peut être des stratégies des conjoints violents de vouloir aller influencer le diagnostic, d'aller voir le médecin et d'indiquer que non, madame n'a jamais vécu de violence, que madame en ce moment ne va pas bien, qu'elle est dépressive, qu'elle est folle. Ça, c'est des choses qu'on voit déjà sur le terrain. Donc, ça aussi ça peut nous inquiéter à... par rapport à cette... à cette question-là. Julie, je te redonne la parole.

La Présidente (Mme D'Amours) : Est-ce que vous avez terminé votre exposé?

Mme Trou (Mathilde) : Non, non.

La Présidente (Mme D'Amours) : Ah! pardon.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Il restait un mini point...

La Présidente (Mme D'Amours) : Il vous reste 1 min 30 s.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Parfait. Je vais faire ça vite. En fait, c'était vraiment pour y aller directement avec notre recommandation. Nous, on souhaite reconnaître l'expertise des intervenantes en maison, comme Mathilde l'a mentionné. C'est elles qui connaissent les dossiers des femmes . C'est elles qui connaissent leur trajectoire de vie et ont l'expertise pour reconnaître certains enjeux ou impacts psychologiques de la violence sous toutes ses formes. Puis c'est pour ça qu'on recommanderait une modification, un amendement à l'article 53, où ces travailleuses-là pourraient fournir l'attestation qui prouverait l'état physique ou mental, qui empêche la femme de retourner ou de rechercher un emploi. Puis c'est quelque chose qui existe déjà dans le cas de la résiliation de bail, qui est déjà inscrit dans le Code civil. Donc, on s'est appuyé sur cette... sur ce droit-là pour proposer notre recommandation. Donc... Puis, en tout cas, s'il me reste un mini 10 secondes, j'irais aussi avec le fait qu'on appuie aussi les revendications des autres groupes communautaires par rapport à l'impact de cette modification-là sur différents groupes vulnérables, dont les femmes monoparentales à la tête des familles, des femmes qui ont des enfants de moins de cinq ans et les femmes de 58 ans et plus.

La Présidente (Mme D'Amours) : Vous êtes dans votre temps, chères invitées, toutes les deux. Merci beaucoup pour votre exposé. Maintenant, nous commençons la période d'échange avec la ministre. La parole est à vous.

Mme Rouleau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et merci beaucoup, Mme St-Pierre-Gaudreault et Mme Trou, de participer à ces travaux très importants de modernisation du régime d'aide sociale. Merci d'avoir accepté d'être avec nous ce matin. Et d'emblée je veux vous rassurer sur une chose, c'est qu'il n'est pas question dans cette... dans la mise en place...

Mme Rouleau : ...de ce... de cette... de cette modernisation de... En fait, je vais vous expliquer plus simplement. Les femmes, aujourd'hui, elles ont une contrainte d'emploi de trois mois, et ce n'est pas trois mois et plus, c'est trois mois, contrainte d'emploi, et, en hébergement, elles ont un 100 $ de plus. Alors, ce qui est... ce que nous faisons, ce que nous proposons, c'est d'avoir... Bon, il y a évidemment la contrainte emploi qui va être... qui va être... qui va devenir une contrainte santé, mais il y a des prestations spéciales. Et, pour les femmes qui sont victimes de violence conjugale qui vont en hébergement, il y a cette prestation spéciale qui sera de... en fait, combinée, le 161 $ plus le 100 $, une prestation, une seule demande qui sera confirmée par l'intervenante qui est dans cette maison d'hébergement. Donc, on réduit, on simplifie le processus comme vous le souhaitez. Il n'y a pas... Il n'y a pas de billet du médecin qui est demandé pour confirmer l'état de la personne. Il n'y a... Ça n'a jamais été... Il n'a jamais été question de ça et il n'est pas question de cela du tout. Ceci dit, j'espère que je réponds à une interrogation, là, que vous avez parce que le message doit passer, là. Ce serait une fausseté de dire qu'il faut un billet du médecin. Ce n'est pas vrai.

Ceci dit, j'aimerais... en fait, j'aimerais savoir, là, avec l'expérience que vous avez, quelle est l'évolution, dans les dernières années, du profil des femmes prestataires d'aide sociale qui doivent... qui sont victimes de violence conjugale et qui vont en hébergement?

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Pour notre part, en fait, on n'a pas nécessairement les chiffres. Vu, justement, on trouvait intrusif de demander si les femmes étaient prestataires d'aide sociale, on a seulement les chiffres que je vous avais donnés par rapport aux 35 % qui ont des difficultés financières.

Je ne sais pas, Mathilde, toi, si, par rapport au regroupement, vous aviez... vous aviez ces profils.

Mme Trou (Mathilde) : Non, c'est ça, nous, on récolte aussi uniquement les chiffres du revenu familial à l'arrivée des femmes, mais on n'a pas nécessairement d'autres données plus détaillées. Et notamment aussi, à cause de ce que tu ramenais, Juli, en début de... ton début d'audition, tu... tu sais,  il y a aussi beaucoup la question de la violence économique. Donc, c'est des femmes qui, avant de se mettre avec M., peuvent être à l'emploi, avoir un revenu décent, mais à cause de la violence économique, de l'isolement qu'elles vont vivre, elles vont finir par se retrouver à la maison. M. va s'accaparer tous leurs revenus. Et, quand elles arrivent à la maison d'aide et d'hébergement, là elles vont faire une demande d'aide sociale parce qu'elles se retrouvent avec plus aucun revenu. Mais ça ne veut pas dire qu'elles vont rester très longtemps sur l'aide sociale. Pour certaines femmes, oui, parce qu'on le sait, qu'il peut y avoir des parcours de vie différents, mais c'est des profils qui sont tellement variés que c'est assez difficile d'avoir un portrait plus précis.

Puis je suis bien contente, Mme la ministre, que vous reveniez sur les précisions, là, que vous nous avez amenées. On aurait quand même une autre inquiétude, parce qu'on a entendu que, justement, les modalités de ces prestations pourraient tomber dans le règlement de la loi. Et nous, c'est sûr que ça, ça nous inquiète aussi, parce que là, quand c'est dans la loi, c'est comme un acquis actuellement pour les femmes, alors qu'on sait que, si ça tombe dans un règlement, ça peut être plus facile à modifier. Donc, pour nous, ça viendrait comme un recul, finalement. Et c'est sûr que ça peut... on peut aussi... on craint aussi que, comme on n'a pas les modalités aussi de ça, que ça peut créer quand même deux... des étapes supplémentaires, d'une manière ou d'une autre, pour les femmes, pour les maisons. Mais ce qui nous inquiète le plus, c'est que ça passe dans un règlement qui peut facilement être modifiable.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Oui. Puis, si je peux ajouter un petit point, c'est aussi le fait que pour nous, bien, justement, le délai qu'il pourrait y avoir entre l'adoption du projet de loi et des règlements, bien là, ça pourrait créer un trou de services pour les femmes, justement, en ce moment, qui voudraient demander la prestation. Puis, en plus de ça, ce serait aussi important pour nous, bien sûr, qu'il y ait les formes plus larges de violence qui soient incluses, qui soient reconnues aussi par rapport à l'obtention de cette prestation-là dans le but de ne pas laisser dans l'ombre certaines femmes. Donc, oui, puis effectivement, comme Mathilde a mentionné.

Mme Rouleau : O.K. Bien, pour vous rassurer encore une fois, il n'y a pas de trou de services entre ce qui existe aujourd'hui et l'adoption du projet de loi et le dépôt des règlements...

Mme Rouleau : ...il n'y a aucun trou de service. Mais j'aimerais savoir, bon, en ce moment, la proposition du projet de loi n° 71, c'est, par exemple, d'abolir la contribution parentale pour les jeunes adultes qui n'habitent pas chez leurs parents. C'est de favoriser la diplomation. C'est le prolongement des prestations pour les femmes... de maternité de cinq à 18 semaines après l'accouchement. C'est un chèque par personne dans le couple et dans le but, ça, de favoriser la femme, de faire en sorte qu'elle ait sa propre autonomie. Comment voyez-vous ces changements apportés au régime? Et est-ce que vous considérez que ce sont des avancées ou que... bien, enfin, considérez-vous que ce sont des avancées?

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Si tu me permets, Mathilde, je peux commencer pour, justement, citer quelques points de l'avis qu'on a déposé. Mais c'est sûr que, par rapport à la mesure pour faciliter les jeunes femmes... ou, en tout cas, les jeunes personnes à avoir l'aide sociale sans qu'ils aient la prestation de leurs parents, ça, je trouve que c'est vraiment une avancée dans le sens que, bien que ça touche très peu de personnes au Québec, il faut le rappeler, mais ça permet quand même de briser, si on veut, le lien entre l'enfant et le parent, surtout, si, par exemple, la jeune femme aurait pu vivre des violences au sein de sa famille. Donc, ça, c'est sûr que, nous, on le voit comme une avancée. On voit également quand même... l'individualisation, pardon, des prestations comme une avancée.

Par contre, c'est sûr qu'on soutient quand même les revendications du Collectif pour un Québec sans pauvreté qui mentionne que, bien qu'il y ait une individualisation, il n'y a pas d'augmentation par rapport à ces prestations-là. Donc, c'est sûr qu'il faut que l'un aille avec l'autre pour pouvoir... donner aux personnes qui sont dans une situation précaire la chance de se sortir du cycle de la pauvreté. Puis... peut-être, Mathilde, je te laisserais poursuivre.

• (11 h 50) •

Mme Trou (Mathilde) : Oui, bien, tout à fait, tout ce qui vient soutenir les populations vulnérables, on est bien évidemment contentes de voir de nouvelles mesures ou des mesures supplémentaires intégrées dans le projet de loi. Mais ça, plus globalement, c'est sûr que, nous, ce qu'on souhaite, comme d'autres groupes, c'est d'avoir des prestations sociales qui permettent aux personnes qui en bénéficient d'avoir un niveau de vie qui soit décent, de pouvoir répondre à leurs besoins de base. Puis c'est notamment le cas aussi pour les femmes victimes de violence conjugale quand elles arrivent en maison ou quand elles font appel aux maisons d'aide et d'hébergement et qu'elles sont dans une situation de précarité financière, pouvoir avoir un revenu qui leur permet de vivre de manière autonome, de payer leur loyer, de pouvoir payer de la nourriture pour elles et pour leurs enfants, dès qu'elles quittent en fait une relation de violence, pour nous, c'est vraiment une clé pour que ça brise le cycle de la violence et pour qu'elles puissent se reconstruire sans avoir de considérations économiques qui font en sorte que c'est un frein justement à quitter leur relation violente.

Parce que c'est vraiment ce qu'on voit beaucoup pour un certain nombre de femmes, le fait de ne pas avoir peur de ne pas trouver un logement, le fait de ne pas avoir peur de subvenir aux besoins de leurs enfants. Mais, pour certaines, c'est quelque chose qui va... qui va les empêcher de quitter leur foyer violent.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Puis si je peux seulement... j'ai pensé à quelque chose en même temps. Mais, nous, on a trouvé aussi que l'augmentation par rapport aux femmes enceintes, qui était jusqu'à la 18e semaine suivant l'accouchement plutôt que la cinquième, c'est une très belle avancée. La seule chose qu'on a trouvée un peu dommage dans cette modification-là, c'est qu'avant les sages-femmes pouvaient justement être désignées dans le règlement, puis là ça a été retiré dans la nouvelle... la nouvelle formulation. Donc, ça aurait été aussi de remettre l'expertise des sages-femmes dans l'article de loi.

Mme Rouleau : Les sages-femmes sont toujours... Il n'y a pas de changement à ce niveau-là.  D'ailleurs, j'aimerais vous entendre sur la reconnaissance des professionnels de la santé dans les diagnostics, étant donné qu'on passe de contraintes à l'emploi qui qui visent à déterminer la capacité d'une personne à travailler, on change une contrainte santé qui est axée sur la personne, sur son état et on fait intervenir la dimension de santé mentale et d'enjeux psychosociaux. Et on on reconnaît les... en fait, on reconnaît les... des professionnels de la santé, pas seulement que le médecin, qui pourront faire les diagnostics. Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition du projet...

Mme Rouleau : ...de loi?

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Pour nous, c'est sûr qu'il y a un enjeu ici dans le sens que c'est pour ça aussi, qu'on recommandait à ce que les travailleuses à la maison puissent le faire, c'est qu'il n'y a pas nécessairement de formation qui va être offerte à tous les médecins ou tous les professionnels de la santé et des services sociaux par rapport à... le diagnostic d'une situation de violence ou d'impact de la violence psychologique chez la femme. Il n'y a pas non plus nécessairement des formations obligatoires par rapport à la sensibilisation au contrôle coercitif. Puis on sait que ça peut avoir des impacts, justement, sur la femme et sa possibilité à retourner rapidement sur le marché de l'emploi après avoir quitté un foyer violent. Donc, c'est sûr que nous, pour ça, il y aurait eu une problématique avec ça.

Mme Rouleau : Mais, considérant que la femme victime de violence conjugale qui va dans un refuge, là, va dans un hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, lorsqu'elle... lorsqu'elle est à l'aide de dernier recours, va avoir cette prestation spéciale, prestation spéciale qui va être reconnue par l'intervenante qui est en maison d'hébergement et prestation spéciale qui va durer aussi longtemps que la femme va demeurer dans cette maison d'hébergement, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle, parce que c'est trois mois, la... la contrainte d'emploi à l'heure actuelle, et, si elle est là, quatre mois, cinq mois, six mois, ça va se prolonger, mais... Alors, ce que vous demandez, c'est que les intervenantes émettent des diagnostics, mais déjà, elles vont confirmer la situation. Est-ce que ça ne répond pas à vos interrogations? Elles ne vont pas... elles ne vont pas être...

Une voix : En fait, il faudrait...

Mme Rouleau : ...déterminer le diagnostic pour la suite des choses, là, parce que, là, c'est un autre professionnel de la santé, mais, en maison d'hébergement, c'est l'intervenante qui pourra déterminer et qui pourra confirmer la situation.

Mme Trou (Mathilde) : Mais, si c'est l'intervenant, si c'est juste... bien, si c'est une intervenante qui n'est pas reliée à un ordre professionnel, mais juste le fait qu'elle travaille en maison puisse faire cette attestation, c'est sûr que, nous, ça nous conviendrait puisque... Comme on le disait, dans les maisons d'aide et d'hébergement, il y a peu de travailleuses qui sont membres d'un ordre professionnel. Donc, il ne faudrait pas que cette attestation soit reliée à la signature d'une intervenante membre d'un ordre professionnel. Ça, c'est sûr que ça serait une exigence, pour nous, pour simplifier la procédure. Après, sur ce qui est... ce qui nous inquiète, c'est que, si la femme, une fois sortie de la maison d'aide et d'hébergement, doit aller chercher un diagnostic auprès d'un professionnel de la santé, bien là, ça revient un peu à toutes nos craintes qu'on indiquait dans notre présentation.

Mme Rouleau : Alors, en maison d'hébergement, ça ne change pas, c'est la personne qui est là, ce que... le fonctionnement actuel qui va se poursuivre, il n'y a pas de changement.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Oui. Bien, en fait, si c'est ça, ça fonctionnerait, mais je pense que l'argument central sur lequel il faut retourner, c'est plus le fait que toutes, toutes ces caractéristiques-là vont être incluses dans le règlement. On n'a pas nécessairement l'information par rapport à ce qui va réellement être inclus dans le règlement, puis c'est pour ça qu'on...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Je suis désolée, je dois vous interrompre. C'est tout le temps que nous avions avec la partie gouvernementale. Maintenant, je cède la parole à la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Merci de votre exposé ce matin. Je pense que ce qu'on entend de votre part, puis en lisant le projet de loi, c'est qu'il y a des avantages pour plusieurs groupes de femmes avec ce qui est proposé aujourd'hui, des négatifs qui vous feront faire en sorte que les femmes vont être indûment pénalisées, si on veut, car on referme davantage les obstacles rendant l'accès. Et, justement, comme vous avez mentionné, vous le mentionnez dans votre mémoire, il y a plusieurs catégories de femmes qui vont être touchées, et les femmes victimes de violences conjugales qui sont dans les hébergements, mais il y a les mamans monoparentales, il y a également les mères qui sont enfants d'un enfant handicapé, tous ces différents groupes là qui représentent des populations vulnérables, évidemment en raison de leur précarité financière. Donc, je voudrais vous entendre, de façon plus générale, comment vous voyez les effets négatifs spécifiquement sur les femmes dans les différentes mesures qui sont proposées dans ce projet de loi.

Mme Trou (Mathilde) : Mais, comme vous l'avez très bien indiqué, c'est différents groupes qui sont parmi les plus vulnérables dans notre...

Mme Trou (Mathilde) : ...et l'avenir. Couper une prestation ou l'inclure, si elle est incluse dans le règlement, on revient vraiment à ce qu'on a dit. C'est que là, on passe de quelque chose qui est acquis à un règlement qui est un peut-être et qui peut se modifier surtout beaucoup plus facilement. Puis, pour certaines catégories des populations les plus vulnérables, c'est en grande majorité des femmes. Donc là, on vient encore mettre un fardeau supplémentaire ou peut-être appauvrir un certain nombre de femmes, parce que, pour une raison ou pour une autre, elles ne rentreraient plus dans ces catégories ou ces catégories seraient... seraient abolies.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Ça fait que... puis si... juste pour vous donner un chiffre que j'imagine peut-être le collectif a déjà mentionné, mais, tu sais, pour les femmes ne parentales qui sont bénéficiaires de la science sociale, c'est à peu près 89.1 % des familles monoparentales qui ont une femme comme cheffe, donc on sait que ça va... ça va impacter vraiment disproportionnellement les femmes de manière disproportionnée. Puis pareil aussi pour les enfants... les femmes qui ont des... en leur charge un enfant de moins de cinq ans, qui représente un petit peu plus que 30 %. Donc, c'est vraiment... c'est vraiment... ça va avoir des impacts genrés.

• (12 heures) •

Mme Prass : Oui. Puis je rappellerais, dans les propos de la ministre, qu'elle a parlé d'un règlement pour l'allocation pour les femmes victimes de violence conjugale, mais pas pour les mères monoparentales et pas pour les parents d'enfants handicapés. Donc, il y a encore énormément de femmes qui vont se retrouver sans cette aide essentielle parfois pour leur survie et la survie de leur famille.

Et, dans le même sens que vous avez mentionné, la question du règlement. Ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce, hier, a déposé une demande pour demander à la ministre de, plutôt que de passer certains éléments dans un règlement... Comme vous avez dit, on ne sera pas consultés. Nous, on nous demande de voter sur un projet de loi et, quand on nous demande de voter sur un règlement et on ne sait pas ce qu'il va... ce qu'il va comprendre, bien, ce qui va être élaboré du côté du gouvernement, bien, ça nous inquiète énormément. Donc, comme vous l'avez mentionné, peut-être juste réitérer l'importance pour les femmes victimes de violence conjugale qui se retrouvent dans les hébergements pour que ceux qui les aident, les organismes comme les vôtres, mais les femmes elles-mêmes, qu'il n'y ait pas de questionnement, que cet argent va leur revenir, donc qu'il soit clairement établi dans le projet de loi et non dans un règlement.

Mme Trou (Mathilde) : Oui, tout à fait. Puis c'est sûr que, tu sais, si on... même si dans le règlement il est indiqué que quand les femmes arrivent à la maison, elles vont pouvoir recevoir leurs prestations spéciales supplémentaires grâce à une attestation d'une maison d'aide et d'hébergement... enfin, même si les durées de séjour augmentent, malheureusement, dans les maisons d'aide et d'hébergement, les femmes vont rester peut-être entre un jour et trois mois et plus pour certains cas qui sont un peu plus complexes, mais si une femme au bout de deux, trois mois part de la maison d'aide et d'hébergement, elle va... il y en a beaucoup qui ne seront toujours pas capables de retourner à travailler à cause de toutes les conséquences de violence qu'elles ont vécues. Puis là, on revient à l'obstacle supplémentaire, qui va être pour elles d'aller chercher un rapport médical auprès d'un professionnel de la santé. Donc, oui, on nous garantit ça pour le durée... la durée d'hébergement, mais ensuite, ça reste toujours un obstacle qui vient vraiment... qui peut vraiment être décourageant pour les femmes.

Mme Prass : Eh bien, comme vous le dites, tout le changement de «contrainte à l'emploi» vers «contrainte à la santé», bien, on va vraiment limiter le nombre de personnes qui vont avoir accès à ces prestations-là. Parce que, présentement, avec «contrainte à l'emploi», bien, il y a plusieurs circonstances, considérations qui sont prises, tandis que, comme vous le mentionnez, avec une contrainte à la santé, on vient vraiment cibler que ce soit... il faut que ce soit un enjeu de santé mentale ou un enjeu physique qui peut être diagnostiqué. Il y a tellement de situations justement où c'est des circonstances plutôt que des états de santé. Donc, encore une fois, les femmes davantage qui vont se retrouver limitées par rapport à les groupes qui pourront avoir accès à cette prestation.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Bien, en fait, c'est ça. Puis moi aussi, ce que... ce que je peux rappeler, c'est qu'en plus de représenter une charge supplémentaire sur le dos des femmes ou des personnes les plus vulnérables de notre société, bien, c'est aussi que ça vient engorger encore plus le système de santé. Puis, pour nous, c'est une contradiction avec le projet de loi n° 68, qui est actuellement déposé, qui vise à désengorger le système de santé. Donc, ce serait... ce serait logique, dans notre... en tout cas dans... pour nous, qu'il y ait des mesures qui soient mises en place pour désengorger le système de santé, donc qu'il y ait des mesures où les femmes n'auraient pas nécessairement... ou n'importe quel autre groupe visé par le projet de loi n° 71 n'aurait pas à avoir une déclaration médicale...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Prass : ...Et en espérant que... sera ouverte à revenir vers les contraintes à l'emploi plutôt qu'à la santé quand on parle d'accompagnement, parce que c'est un élément du projet de loi. Est-ce que vous pensez que ceux qui font de l'accompagnement devraient recevoir... bien, disons, ceux qui vont faire de l'accompagnement avec des femmes qui ont été victimes de violence conjugale devraient recevoir une formation pour bien comprendre les réalités de ces femmes-là, pour bien les orienter, les intégrer quand va venir le temps de l'emploi? Parce qu'il y a certaines contraintes qu'il faut prendre en considération. Et pensez-vous donc qu'une formation particulière à cette réalité-là devrait être offerte à ceux qui vont faire de l'accompagnement?

Mme Trou (Mathilde) : Oui, tout à fait. C'est vraiment une de nos inquiétudes aussi. Nous, de l'accompagnement, nos différentes maisons en font déjà quand elles reçoivent des demandes de formation. Elles vont former un certain nombre d'acteurs dans leur région, justement, aux impacts de la violence conjugale, du contrôle coercitif, mais elles ne peuvent pas répondre actuellement à toutes les demandes qu'elles reçoivent. Donc, c'est sûr qu'il faudrait que ça vienne aussi avec plus de financement des groupes communautaires, parce qu'on le sait que c'est compliqué en ce moment. Puis je vous dirai que c'est très important, cette question de l'accompagnement, parce que là on le voit, dans les dernières années, par exemple, il y a toute une expertise qui a été développée par rapport aux traumatismes crâniens que les femmes peuvent vivre quand elles vivent des épisodes de violences. Et ça, une femme qui a... par rapport à l'étranglement, qui peut créer des traumatismes crâniens, ce n'est pas des symptômes, ce n'est pas des manifestations qui sont visibles toujours très clairement puis comprises par les professionnels de santé. La femme... paraître... elle peut hésiter sur les mots. Elle peut paraître un petit peu perdue, un peu confuse, mais il y a sûrement des professionnels de santé qui vont dire : Bien, tu sais, oui, Mme peut présenter certains signes, mais elle n'est pour autant pas inapte à l'emploi. Alors que, finalement, quand une femme va se rendre à l'hôpital, qu'il y a des tests qui vont être faits, bien là, on va se rendre compte de tout l'impact de la violence qu'elle a vécue, et, puis là, il y a un diagnostic qui va faire en sorte qu'elle est inapte à aller travailler...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Merci. Je suis désolée. C'est tout le temps que nous avions. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Je comprends votre préoccupation par rapport au fait que ce soit inscrit dans la loi par rapport à l'article 53, même si vous voyez les règlements d'avance puis qu'ils vous rassuraient. En fait, c'est la précarité d'un règlement versus la loi qui vous inquiète. Vous nous proposez une formulation d'amendement à l'article 53. Dans cette rédaction-là, vous n'utilisez pas le mot «hébergement». J'imagine qu'il y a une raison pour ça. Est-ce que c'est parce que toutes les femmes qui sont dans une situation où elles auraient besoin de ce soutien-là ne sont pas nécessairement hébergées dans vos services?

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Exactement. Bien, en fait, c'était vraiment pour pouvoir ouvrir la porte aussi au fait que, bien, les contraintes à l'emploi vont perdurer dans le temps, et ça va peut-être... ça ne va pas arrêter nécessairement après x temps. Donc, c'est sûr que si ces attestations-là pouvaient être utilisées pour un posthébergement, bien, ça permettrait d'offrir le soutien nécessaire pour les femmes. Puis c'est aussi pour ça, dans le fond, qu'on... c'est pour laisser le moins de... le moins possible les femmes dans l'ombre, en fait, qu'on avait rédigé de cette manière-là. Puis c'est aussi pour ça qu'on avait inclus plusieurs formes de violence aussi, dont sexuelle, familiale et y compris conjugale.

Mme Labrie : Est-ce que...

Mme Trou (Mathilde) : Si je peux...

Mme Labrie : Ah! allez-y.

Mme Trou (Mathilde) : Oui. Juste rapidement. Aussi, Julie parlait de posthébergement. Bien là, avec les... c'est ça, les maisons qui ont des taux d'occupation très, très importants, il y a des femmes qui vont... et puis il y a des femmes aussi qui vont préférer passer en service externe, c'est-à-dire obtenir de l'accompagnement de nos intervenantes de maison, mais sans hébergement. Mais ce n'est pas parce qu'une femme va pouvoir aller se loger chez des amis ou chez sa famille et non en maison d'aide et d'hébergement qu'elle n'aura pas besoin de ces prestations supplémentaires pour vivre de manière décente.

Mme Labrie : Donc, la distinction est importante, là, qu'on ne fasse pas juste référence à l'hébergement, mais bien à la situation de violence que la personne a vécue. Par curiosité avec les modalités actuelles, donc une femme qui est rendue en maison de deuxième étape est-ce qu'elle est... est-ce qu'elle est couverte ou non?

Mme Trou (Mathilde) : Ça, je vous dirai qu'on pourrait aller vérifier avec nos collègues de l'Alliance des maisons de deuxième étape.

Mme Labrie : O.K.. Parce que la ministre semblait laisser entendre que ça serait similaire à ce qui existe actuellement, là, comme soutien offert, puis je cherche à savoir si ça couvre assez loin, en fait, dans le parcours.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Bien, c'est sûr qu'actuellement, si je me rappelle bien, c'est ça, c'est... la prestation pour contrainte temporaire en emploi était disponible pour trois mois. Donc, c'est pour ça que ça s'appliquait beaucoup plus aux situations qu'on appelle d'urgence, ou, en tout cas, qui sont par rapport aux services de première étape. Donc, c'est sûr qu'en élargissant aux services externes, situation de post...

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : ...post-hébergement ou hébergement de deuxième étape, bien là, mais c'est vrai qu'on vient couvrir un bon continuum de services.

La Présidente (Mme D'Amours) : Nous avions... Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon.

M. Paradis : Merci beaucoup d'être avec nous. C'était très important pour nous de vous entendre, d'entendre vos voix aujourd'hui parce que vous nous rappelez, notamment, que les femmes victimes de violence sont souvent victimes de diverses formes de violence, dont la violence économique qu'elles vivent dans la précarité économique, vous nous rappelez que 42 % des femmes hébergées en 2023-2024 ont déclaré un revenu familial de 20 000 $ ou moins. Vous dites donc : S'il y a des mesures régressives dans le projet de loi n° 71, ça va affecter particulièrement les femmes. Vous nous dites que la modification régressive la plus dévastatrice — c'est votre adjectif — c'est celle proposée à l'article 53 et, notamment, l'abolition des contraintes temporaires à l'emploi, qui viserait les femmes en hébergement après qu'elles aient été victimes de violence. La ministre vous dit aujourd'hui qu'il va y avoir des ajustements à la prestation avec une nouvelle prestation d'un niveau financier équivalent, puis ça, ça va être par l'entremise d'un règlement qu'on ne connaît pas, qu'on n'a pas vu. Est-ce que vous êtes rassurées?

Mme Trou (Mathilde) : Non. Non, bien...

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Non, non, pas vraiment.

Mme Trou (Mathilde) : Tu sais, la réponse courte est non.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Bien, c'est un flou, en fait, là. Puis, je veux dire, bien... D'accord, si c'est inclus, ça peut être inclus et puis ce serait... ce serait l'idéal, mais dans le sens que ce n'est pas... ça ne va pas avoir les mêmes répercussions que l'automatisme de la loi, ce sera... Puis, en ce moment, ce qui est inquiétant, c'est que c'était inclus, donc c'est... Nous, on voit ça comme une régression, là.

M. Paradis : Vous dites aussi que le projet de loi risque d'augmenter ou d'ajouter des barrières à la reconnaissance par les femmes des contraintes qu'elles vivent de manière factuelle. La ministre vous dit : Non, non, non, il n'y aura pas tant de changements que ça puis, là-dessus, il n'y a pas de nouvelles barrières. Êtes-vous rassurées?

Mme Trou (Mathilde) : Mais c'est... on... C'est ça, c'est que, si l'attestation peut être fournie par une intervenante d'une maison d'aide et d'hébergement le temps que la femme est hébergée ou accompagnée, en effet, ça ne créera pas d'obstacle supplémentaire. Mais, encore une fois, une femme peut être accompagnée...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Je suis désolée, c'est tout le temps que nous avions. Je vous remercie, Mesdames, pour votre contribution à nos travaux à la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 12 h 10)

(Reprise à 12 h 12)

La Présidente (Mme D'Amours) : Nous reprenons nos travaux, s'il vous plaît. Je souhaite maintenant la bienvenue au Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec. Je vous rappelle, chers invités, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à nous donner votre exposé, s'il vous plaît.

M. Daigle (Christian) :Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je me présente, Christian Daigle, le président général du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec. À ma gauche...

M. Daigle (Christian) :...M. Michel Girard, deuxième vice-président de l'exécutif national; et, à ma droite, M. Isaïe Dubois-Sénéchal, conseiller à la recherche au service au SFPQ.

Alors, Mme la Présidente, monsieur... Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, nous vous remercions de cette invitation. Le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec est un syndicat qui regroupe environ 44 000 membres répartis dans 40 accréditations syndicales, dont plus de 5000 travailleuses et travailleurs du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Parmi ces personnes, on compte, entre autres, près de 2 600 agentes et agents... économiques qui interviennent, notamment, en matière d'aide financière et d'aide à l'emploi. L'annonce du dépôt d'un projet de loi réformant le régime d'assistance sociale, dès avril 2023, avait généré de nombreuses attentes. Il était effectivement grand temps de dépoussiérer la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles pour que celle-ci permette de véritablement lutter contre la pauvreté. Force est de constater qu'avec le projet de loi n° 71, la grande majorité de ces attentes n'ont pas été rencontrées. Il est manifeste que ce projet de loi ne s'attaque pas aux trois enjeux que nous jugeons les plus urgents, soit la lutte à la pauvreté, l'accompagnement vers l'emploi et la dématérialisation des services au ministère.

En matière de lutte à la pauvreté, le projet de loi en fait bien peu. La prestation de base et trop faible pour permettre une réelle sortie de la pauvreté, et ça, nos membres sont à même de le constater quotidiennement. Nous nous expliquons mal que les prestations accordées, en vertu de la Loi sur l'aide sociale de 1959, étaient de 217 $ par mois, soit 1 776 $, en dollars d'aujourd'hui, alors que la prestation de base actuelle est de 807 $ par mois, bien en deçà du nécessaire pour combler les besoins essentiels et de base. À cela s'ajoute la question des pièges de pauvreté. La loi ne modifie pas un assez grand nombre de mécanismes qui participent au maintien des prestataires dans la pauvreté, et je parle ici des revenus du travail permis qui sont trop faibles, du trop sévère plafond des avoirs personnels forçant leur dilapidation ou de l'obligation de retirer sa Régie des rentes du Québec dès l'âge de 60 ans.     De plus, nous nous expliquons mal le remplacement des contraintes à l'emploi par les contraintes de santé. S'il est vrai que le régime actuel ne reconnaît pas suffisamment les contraintes à l'emploi issues d'enjeux de santé, il est périlleux de prétendre que c'est par l'emploi qu'on sort de la pauvreté, tout en refusant de reconnaître qu'une femme victime de violence conjugale en maison d'hébergement ou qu'une personne ayant une personne handicapée à sa charge n'ait pas aussi d'importantes contraintes en matière d'employabilité. Les agentes et agents d'aide à l'emploi le constatent chaque jour : les barrières à l'emploi dépassent les simples enjeux de santé. La réforme va donc dans le sens inverse de la lutte à la pauvreté et perpétue la précarisation des milliers de personnes vulnérables. Nous recommandons donc que le projet de loi prévoie des mesures afin d'assumer que le montant de prestations d'aide de dernier recours permette de vivre dignement. Nous recommandons également l'élimination de toutes situations menant à un piège de pauvreté. Il est également de notre opinion que le ministre doit abolir les catégories à l'aide sociale.

Pour l'aide à l'emploi, comme je le mentionnais tout à l'heure, les agentes et agents du MESS jouent, généralement, à l'égard de l'aide sociale, l'un des deux rôles suivants, soit l'aide à l'emploi ou l'aide financière. Le projet de loi échoue à prendre en compte les réalités complexes de l'intervention nécessaire pour favoriser l'insertion et la réinsertion en emploi. Prenons d'abord le programme Objectif emploi, qui impose des pénalités aux prestataires ne respectant pas certaines obligations. Ce programme est dysfonctionnel. Non seulement il stigmatise les bénéficiaires en difficulté, mais il n'a jamais vraiment prouvé son efficacité. Étendre Objectif emploi à des prestataires ayant déjà participé, sans succès, cmme le propose l'article 35, est une mesure coercitive qui s'éloigne des principes d'accompagnement en fonction des besoins des prestataires. Le SFPQ reconnaît donc l'abrogation de l'article 35 et la suppression des pénalités financières liées à ce programme.

La sous-traitance des services d'employabilité nous préoccupe également. Depuis plusieurs années, le gouvernement externalise ses services, transférant ainsi des responsabilités vers des organismes communautaires. Cette tendance avait pour origine le principe de complémentarité des services. Force est de constater que la ligne de démarcation entre les responsabilités du ministère et celles des organismes communautaires a été brouillée par la gestion néolibérale des dernières décennies. À cet effet, le projet de loi donne encore davantage de marge de manœuvre à la ministre pour avoir recours à la sous-traitance. À l'article 14, on abroge, entre autres, la disposition actuelle selon laquelle une entente, avec un organisme, ne peut prévoir l'administration de la prestation par un organisme ou par un tiers. La sous-traitance entraîne une concurrence malsaine entre le service public et le secteur communautaire, tout en affaiblissant la cohérence et la qualité des services offerts des deux côtés. Nous dénonçons cette déresponsabilisation de l'État et en appelons à un retour des services d'employabilité au MESS.

Parallèlement, la mise sur pied des réseaux régionaux représente également, sous sa forme...

M. Daigle (Christian) :...un danger en matière d'intégrité des services publics. Nous demandons des clarifications sur le rôle que joueront les agents d'aide à l'emploi dans ces réseaux et la fonction de gestionnaire de parcours qui devrait leur être dévolue. Afin d'assurer des services d'employabilité cohérents, il n'importe pas seulement de favoriser l'interaction entre les acteurs de l'accompagnement, il faut s'assurer que les prestataires ayant recours à des plans individualisés puissent avoir accès à une personne-ressource qui leur est dédiée, qui les aide dans leur prise de décision, en toute neutralité, qui dispose de la formation nécessaire et qui offre elle-même des services d'aide à l'emploi. Somme toute, il faut que les agents d'aide à l'emploi jouent un rôle de gestionnaire de parcours et que les prestataires bénéficient d'un accompagnement humain et axé sur leurs besoins spécifiques.

Si nous vous soumettons dans notre mémoire un certain nombre de recommandations en matière d'aide à l'emploi, je souhaite en souligner quatre dès à présent.

Soit, en tout premier lieu, que le projet de loi affirme de manière claire le fait que les agents d'aide à l'emploi sont les premiers responsables des mesures d'employabilité s'apparentant à l'évaluation des besoins, à l'élaboration du plan d'intervention individualisé, aux suivis, aux liaisons que les ressources externes ou tout autre organisme... et enfin à l'évaluation finale du cheminement. Bref, que le rôle en tant que gestionnaire de parcours soit inclus.

En deuxième, que l'abrogation de l'article 35 de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles soit revue afin de conserver le principe selon lequel une entente avec un tiers ne peut prévoir l'administration de la prestation par celui-ci. Ce principe devrait également être étendu à l'ensemble des rôles assumés par les agents d'aide à l'emploi pour éviter la confusion des rôles entre le milieu communautaire et le service public.

En troisième, que le projet de loi clarifie la composition exacte des réseaux régionaux d'accompagnement et qu'il établisse que ce sont les agents d'aide à l'emploi qui doivent assurer le rôle principal en matière de prestation des services d'employabilité, de coordination des réseaux et de gestion des parcours individuels.

Finalement, que la mise en place des réseaux ne permette pas de favoriser l'externalisation de l'action ministérielle en accompagnement des personnes prestataires.

• (12 h 20) •

La dernière grande inquiétude que nous voulons soulever concerne la dématérialisation des services, notamment à travers le projet de décloisonnement des dossiers à l'aide sociale. Ce projet... Ce projet entraînera une taylorisation des tâches des agents d'aide financière qui ne seront plus responsables de dossiers individuels, mais effectueront des tâches réparties de manière automatisée. Cette approche présente plusieurs dangers en matière d'accès aux services publics, de risques d'erreurs, d'imputabilité de l'action publique et du suivi auprès des prestataires. La déshumanisation des services d'aide financière s'en retrouve accrue.

Cette transformation de l'aide sociale en chaîne de montage forcera les agentes et agents à traiter du volume plus rapidement, limitant leur capacité à prendre connaissance des dossiers souvent très complexes. Les prestataires devront péniblement raconter plusieurs fois leur histoire, parfois traumatisante, à des agents différents. Toute notion de suivi personnalisé et de lien de confiance avec l'administration publique est ainsi mise à mal par ce projet de loi.

Le décloisonnement ouvre aussi la porte à des dérives inquiétantes en matière de gestion des dossiers. On craint d'ailleurs qu'il ne s'agisse d'un premier pas vers la gestion algorithmique de dossiers à l'aide sociale, ce qui entraînerait des conséquences dévastatrices sur des personnes déjà très marginalisées.

L'article 67 du projet de loi vient pérenniser cette gestion déshumanisée en proposant que les décisions rendues ne soient plus identifiées au nom des agents, mais plutôt au nom de leur unité administrative. Le SFPQ recommande donc l'abrogation de cet article, mais également que le projet de loi intègre les principes selon lesquels les prestataires doivent avoir un gestionnaire de dossier attitré du côté de l'aide financière et qu'ils puissent être en mesure de communiquer avec ce gestionnaire.

Enfin, tout ce qui a trait au travail des agents d'aide financière, nous recommandons que le projet de loi précise la notion d'intention et les modalités de son application à ce qui a trait aux fausses... aux fausses déclarations, excusez-moi, afin d'être assurés que les agents puissent appliquer de manière uniforme la loi.

En conclusion, nous considérons que le projet de loi n° 71 représente une occasion manquée de réformer en profondeur le régime d'assistance sociale au Québec. Les changements, quoique cosmétiques, qu'il propose ne suffiront pas à répondre aux besoins criants des personnes les plus précaires de notre société ni aux enjeux de déshumanisation des services publics. Il nous apparaît également nécessaire qu'une réforme ambitieuse inclue des moyens afin d'assurer une amélioration concrète des conditions de vie des personnes prestataires ainsi que l'accès à des services d'accompagnement universels et de qualité. Nous invitons donc la commission à revoir ce projet en tenant compte de nos recommandations, considérant les failles majeures de ce projet de loi présents. Nous invitons également la ministre à organiser des assises sociales de la pauvreté rapidement. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Rouleau : Bien, je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente, et merci beaucoup, messieurs Daigle, Girard et Dubois-Sénéchal, pour votre présence aujourd'hui et votre participation...

Mme Rouleau : ...aux travaux de cette commission qui vise à moderniser le régime d'aide sociale, ce qui n'a pas été fait depuis 20 ans dans toute sa globalité. Dans votre mémoire, vous évoquez que les programmes d'assistance sociale comptent plusieurs pièges à pauvreté et des barrières qui... des barrières à la sortie de la pauvreté. Est-ce que... Est-ce que vous croyez qu'avec des... la notion d'accompagnement que nous proposons dans ce projet de loi n° 71, l'accompagnement et inclusion des enjeux psychosociaux et de santé mentale en allant vers les contraintes emplois, ne pensez-vous pas qu'on pourrait contribuer à diminuer ces barrières de sortie de la pauvreté?

M. Daigle (Christian) :Dans un premier temps, si on ne faisait qu'ajouter les contraintes ou les barrières que vous mentionnez, ce serait bien, mais, en enlevant les autres possibilités que les personnes ont déjà de ressources supplémentaires, on vient enlever des aides, on vient enlever, à ce moment-là, des possibilités de revenus supplémentaires pour ces personnes-là qui ont des contraintes à l'emploi, qui sont différentes que des contraintes de santé seulement. Ça, pour nous, c'est une barrière qui était avant ça dans... qui était dans la loi avant, qui permettait d'avoir une ressource financière supplémentaire, mais qui ne seront plus dans le prochain... dans la prochaine loi, selon le projet de loi actuel qui est déposé. Je vais laisser mon confrère Isaïe poursuivre sur cet aspect.

M. Dubois-Sénéchal (Isaïe-Nicolas) : Mais, si je peux me permettre également, il y a des éléments dans le projet de loi qui sont... qui sont absents, là. Je prends l'exemple de... Même, en matière de contrainte de santé, on a des gens qui sont sur l'aide sociale, en ce moment, qui peuvent avoir des enjeux de santé mentale qui font en sorte que, bien, d'un jour à l'autre, ça ne va pas de la même manière, hein? Il peut y avoir des épisodes psychotiques quand on vit de la schizophrénie, il peut y avoir plein d'éléments qui font en sorte que notre retour en emploi ne se fait pas de manière linéaire. À partir du moment où est-ce que, par exemple, on garde des gains d'emploi permis qui sont très bas, on peut, un mois, être capable de retourner sur le marché de l'emploi, mais... puis, dépassé cette limite de 200 $ là, il y a un permis, et après ça, boum, on se retrouve à retourner sur l'aide sociale parce qu'on retombe dans un épisode psychotique, par exemple, ce qui fait en sorte qu'il y a beaucoup de personnes qui vivent l'aide sociale en ce moment comme des portes tournantes. Et donc, oui, il y a une notion d'accompagnement qui peut être intégrée dans le projet de loi que nous saluons. Néanmoins, le fait que l'accompagnement ne soit pas assez intégré et le fait que ces trappes à pauvreté, par exemple, qui font en sorte que, si on dépasse la limite de gain permis, on débarque, et après ça on rembarque, et on débarque, et on rembarque, ça devient un enjeu. Et donc le principe de l'accompagnement, selon nous, doit être élargi après, doit faire un... la loi doit permettre un petit peu plus de flexibilité pour que les personnes prestataires qui se retrouvent dans des situations, justement, où... de porte tournante potentielle, mais ne s'y retrouvent pas.

M. Daigle (Christian) :Et c'est pour ça aussi que nous souhaitons que l'accompagnement soit individualisé au niveau des prestataires d'aide sociale et que ça ne soit pas une chaîne de montage, comme le projet de loi le prévoit présentement, en séparant les différentes fonctions qu'il va y avoir dans les dossiers.

Mme Rouleau : Est-ce que vous voyez une évolution dans le profil des prestataires d'aide sociale, des gens qui viennent demander l'aide, cette aide de dernier recours? Et comment voyez-vous un accompagnement adéquat pour qu'ils puissent se sortir de... L'idée n'est pas de rester à l'aide sociale, on s'entend là-dessus, c'est de pouvoir en sortir. Comment voyez-vous cet accompagnement ou comment voyez-vous cette sortie?

M. Daigle (Christian) :Bien, le premier aspect, c'est d'avoir quelqu'un qui est dédié au dossier, comme je viens de le mentionner, comme nous avons même fait mention également dans notre mémoire, donc de ne pas, à ce moment-là... le travail, mais d'avoir vraiment une personne qui, du début jusqu'à la fin, comme ça se fait présentement, qui va pouvoir accompagner la personne, qui va pouvoir connaître ses besoins, qui va connaître son histoire également aussi, qui va connaître les différents épisodes de sa vie pour offrir la meilleure porte de sortie à cette personne-là, offrir la meilleure option pour pouvoir justement sortir.

Un autre aspect vient aussi du fait qu'il faudrait changer les barèmes au niveau des gains à l'emploi, qui sont beaucoup trop bas, de changer également les barèmes sur les avoirs des personnes, qui, pour moi-même d'avoir travaillé à l'aide sociale, parce que j'étais un agent... à la base même, permettaient à des gens de ne pas pouvoir utiliser des biens, ils devaient devoir liquider une automobile, liquider les avoirs qu'ils avaient avant de pouvoir bénéficier de l'aide sociale, ce qui est un non-sens si on veut que la personne se réinsère en emploi, puisse se déplacer, puisse aller occuper un emploi à ce niveau-là. Même principe également avec la Régie des rentes, qui doit être utilisée à partir de 60 ans, comme une obligation et non pas de pouvoir reporter ça plus tard pour éviter une précarité tardivement au niveau de quand elle sera plus âgée.

Mme Rouleau : O.K. Dans le plan de lutte à la pauvreté et...

Mme Rouleau : ...l'exclusion sociale que j'ai pu déposer en juin dernier, vous retrouverez, là, que le... on procède... on veut procéder à l'abolition du premier test d'avoir liquide justement. Alors, on répond à une de vos demandes. Les demandeurs d'asile sont de plus en plus nombreux dans le régime d'assistance sociale. Est-ce que... est-ce que cela affecte... ou quel est... ou est-ce que cela affecte le travail de nos agents?

M. Daigle (Christian) :Oui, effectivement, il y a un impact direct sur le travail de nos agents et de ce qui est amené à travers l'ensemble du ministère, parce que souvent ces gens-là sont concentrés à certains endroits précis. Mais, comme c'est une question que mon confrère a beaucoup élaborée, je vais laisser Isaïe poursuivre au niveau des explications.

M. Dubois-Sénéchal (Isaïe-Nicolas) : Oui, c'est ça. Donc, on constate une hausse des demandeurs d'asile, en ce moment, qui font des demandes à l'aide social et on constate que ça provient également d'un retard qui nous provient, notamment, en matière de permis de travail. C'est pour ça que, dans le mémoire, il est, entre autres, proposé au gouvernement, et non pas en matière de projet de loi, mais il est proposé au gouvernement que celui-ci, dans une percée nationaliste d'autonomisation des pouvoirs du Québec, bien, décide de donner des permis de travail à ces personnes-là qui, pour beaucoup, sont en mesure de travailler et qui, pour plusieurs, parlent déjà le français, ont des compétences, ne peuvent pas les utiliser, elles sont pognées à aller à l'aide sociale alors qu'elles pourraient travailler. Donc, c'est pour ça que le mémoire recommande également au gouvernement, bien, de passer par-dessus ces délais-là qui nous proviennent d'IRCC de ne pas utiliser les demandeurs d'asile comme pions dans cet échange-là entre Ottawa et Québec, et vraiment de faire en sorte que si ces personnes-là sont en mesure de travailler, bien, justement, qu'on s'assure que ces personnes-là puissent travailler coûte que coûte.

• (12 h 30) •

Mme Rouleau : O.K. Merci. Le gain de travail. Quelles seraient vos suggestions pour améliorer le gain du travail des prestataires d'aide sociale?

M. Daigle (Christian) :Bien, on pense que la limite de 200 $ est beaucoup trop basse de ce qui peut être disponible aujourd'hui. Tantôt, mon confrère en a parlé également. C'est des choses qui peuvent varier. On pense que, peut-être, une base annuelle pourrait être intéressante, de hausser minimalement le gain mensuel aussi ou le gain par semaine par rapport à ça. Là, ce serait des choses à regarder.

Nous aurions aimé pouvoir vous en parler autrement qu'ici en commission parlementaire, parce que nous avons fait des demandes pour vous rencontrer à quatre reprises depuis 2022. Malheureusement, ça n'a pas été possible de pouvoir vous rencontrer, mais on aurait pu en discuter, on aurait peut-être pu vous apporter des solutions, justement, sur ces situations-là, parce qu'on représente plus de 2 600 personnes qui travaillent au quotidien avec ces gens-là, ça nous aurait fait plaisir d'aller plus loin dans la démarche. Parce que, oui, il y a des situations à travailler, dont le gain à l'emploi. On pense qu'avec le marché du travail d'aujourd'hui il y a une certaine volatilité au niveau du travail, mais il faut également regarder les possibilités de gains qu'on a pour chacune des personnes.

Mme Rouleau : Vous n'êtes pas en faveur d'ouvrir le Programme objectif emploi et je comprends mal pourquoi. Pourriez-vous m'expliquer un peu plus?

M. Daigle (Christian) :Sur les détails, je vais laisser Isaïe vous entretenir de la situation. Puis après ça je pourrais revenir de manière générale également.

M. Dubois-Sénéchal (Isaïe-Nicolas) : Oui, en fait, il faut comprendre qu'objectif emploi, là, quand ça avait été apporté, déjà, à l'époque, le SFPQ s'était opposé pour plusieurs raisons. C'est-à-dire que, premièrement, les personnes qui travaillent en ce moment, là, en aide à l'emploi et en aide financière, ce sont des personnes qui ont un... des services publics, un... de l'accompagnement. On considère qu'objectif d'emploi... et il y a des choses positives comme, par exemple, le supplément qui peut arriver, mais le fait qu'il y ait des coupures sur le chèque d'aide sociale, sur le chèque de base, là, qui est de 807 $, et qui est coupé dans la mesure où est-ce qu'on ne participe pas, c'est quelque chose, bien, qui s'apparente à un système punitif et c'est quelque chose que nos agents, nos agentes, n'aiment pas faire non plus parce qu'elles constatent que mettre les gens dans le pétrin. Il faut comprendre également que de ne pas participer à objectif emploi, la plupart du temps, ce n'est pas de la paresse, c'est d'autres éléments. On prend, par exemple, des personnes qui ne se font pas forcément reconnaître des contraintes, même temporaires, à l'heure actuelle, parce que c'est difficile de se les faire reconnaître, il faut avoir accès à un professionnel de la santé, il faut avoir accès à la paperasse. C'est un processus excessivement complexe. Et donc, dans la mesure où est-ce qu'on a des coupures sur les prestations, parce que, par exemple, on vit des traumatismes, on n'est pas prêt à revenir en emploi et on ne se fait pas encore reconnaître la contrainte, parce qu'on est dans un trou, on est dans un désert de services, on a du mal à être capable de se prévaloir, en fait, des documents nécessaires pour se faire reconnaître les contraintes et donc ne pas embarquer sur objectif emploi, ça crée une précarisation, ça crée une pauvreté supplémentaire. Et le SFPQ en se...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Dubois-Sénéchal (Isaïe-Nicolas) : ...en ce sens-là, milite pour que l'aide sociale en soit un... en soit une d'accompagnement et non de punition en faisant la distinction entre les bons pauvres, les mauvais pauvres, ceux qui travaillent, ceux qui ne travaillent pas, ce qui, à notre opinion, à partir du moment où est-ce qu'on est rendu à l'aide sociale, où est-ce qu'on est rendu dans un tel niveau de précarité ne fait pas sens.

Mme Rouleau : Vous vouliez poursuivre?

M. Daigle (Christian) :Merci, c'est beau. Je pense qu'il a couvert tous les domaines.

Mme Rouleau : Je veux vous préciser que, dans la tournée que j'ai faite à travers le Québec, nos 17 belles grandes régions du Québec, je suis allée en milieu urbain, en milieu rural et, à chaque fois, je me faisais un point d'honneur, une obligation d'aller... et un plaisir aussi d'aller rencontrer les... nos employés de nos bureaux de Service Québec, à passer au moins une heure avec eux, pour discuter du plan de lutte et du prochain projet de loi et écouter leurs recommandations puis leurs... certaines appréhensions qu'ils pouvaient avoir. Et je peux vous dire qu'il y a plusieurs de ces... l'issue, le fruit de ces discussions-là qui se retrouvent dans le projet de loi. Alors, j'ai voulu être à l'écoute autant de nos employés du côté gouvernemental que des centaines de personnes que j'ai rencontrées et organismes qui ont pu me parler évidemment de la situation.

Croyez-vous qu'une personne qui est éloignée du marché du travail, qui fait appel à l'aide de dernier recours est capable de s'en sortir? Est-ce que... Avec le projet de loi, mettons en place les mesures adéquates d'accompagnement pour que ces gens-là puissent s'insérer, s'intégrer et aborder le marché du travail de manière digne.

M. Daigle (Christian) :À ce niveau...

La Présidente (Mme D'Amours) : ...

M. Daigle (Christian) :30 secondes, je vais y aller. Donc, à ce moment-là, c'est sûr que quelqu'un qui est là depuis... qui n'est pas sur le marché du travail depuis fort longtemps, va avoir de la difficulté à bien se réintégrer. Il faut qu'on l'accompagne. Cet accompagnement-là peut prendre différentes formes. On parle des réseaux régionaux, mais il faut qu'il y ait quelqu'un du ministère qui soit avec cette personne-là à chaque étape, parce que c'est une étape... c'est un suivi qui va se faire par étapes, qui va se faire peut-être parfois cahin-caha à certains niveaux. Il va falloir qu'on bien identifie les besoins que la personne, elle a, qu'on identifie les pistes de solution pour qu'elle s'en sorte. Ça peut arriver, ça peut se faire. C'est pour ça que nos gens, non 2 100 personnes travaillent à ce niveau-là aussi.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Je suis maintenant prête à céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente. Avec votre approbation, j'ai une couple de questions, mais, par la suite, j'aimerais céder la parole à ma collègue. Alors, je vous demanderais de garder les réponses courtes pour que ma collègue... elle a des questions très intéressantes.

Alors, en premier lieu, les gains de travail. Justement, on a déposé, vous le savez peut-être, un projet de loi n° 693, justement, pour s'inspirer de certains éléments du programme de revenu de base, qui est très bien reconnu, je pense, et respecté pour les gains de travail en matière de solidarité sociale, le calcul cumulatif annuel plus élevé pour ne pas pénaliser les gens en pleine pénurie de main-d'oeuvre, mais aussi crise de coût de la vie. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, premièrement. Est-ce que ça aurait une place au sein de cette réforme, selon vous?

M. Daigle (Christian) :On pense que oui. On peut trouver une place au sein de la réforme pour avoir, justement, des mesures qui vont être plus larges pour, justement, favoriser ces gains-là à l'emploi, qui vont permettre également aussi aux personnes d'aller chercher des revenus d'emploi sans être pénalisées sur les revenus de prestations d'aide sociale, parce que le but, c'est de s'en sortir. Puis présentement, à 11 000 $ par année, on ne peut pas s'en sortir avec le coût de la vie, les besoins qui sont demandants aussi. Puis je vais laisser un 15 secondes à mon collègue pour poursuivre aussi sur certains aspects.

M. Dubois-Sénéchal (Isaïe-Nicolas) : Je laisserais peut-être, en fait, même dérouler les questions, là. Je pense que c'est bien couvert.

Mme McGraw : Parfait. Super. Merci. Donc, la ministre, elle a rencontré les gens sur le terrain, les fonctionnaires sur le terrain. Bien, vous aussi, vous rencontrez vos fonctionnaires, entre autres. Est-ce que vous pouvez élaborer sur l'impact aussi, parce qu'on parle de... des plans individuels? Bien, si je comprends bien, ça ne veut pas dire des plans personnalisés, ou une approche personnalisée, ou une approche humaine. Ça va peut-être dans le sens contraire, malgré la volonté et les principes. Alors, parlez-nous un peu plus de l'impact sur les agents qui cherchent à accompagner les bénéficiaires.

M. Daigle (Christian) :Les agents ont des formations de travail social. Les gens ont des formations pour venir en aide à des gens. Donc, c'est pour ça que ça nous demande... c'est les compétences de base que nous avons de besoin pour devenir agent d'aide socio-économique.

Ceci dit, avec la... avec le découpage qui se fait des tâches, on n'aura plus cet accompagnement-là qui va se faire. On va perdre ce lien personnalisé qu'on a avec les prestataires, qu'on accompagne autant pour les prestataires d'aide sociale que pour les gens qui veulent retourner à l'emploi, pour les agents d'aide à l'emploi aussi. On va arriver avec seulement des portions de dossiers qu'on va travailler...

M. Daigle (Christian) :...on va leur faire du travail à la chaîne, ce qui est impensable, pour nous, comme agents d'aide socioéconomique. Nous, on veut être là pour aider la personne. Puis c'est une fierté pour les agents d'aide socioéconomique de pouvoir dire à quelqu'un : On l'a sorti de la pauvreté. Elle n'est plus à l'aide sociale parce que j'ai travaillé le dossier, et c'est ma victoire un petit peu à travers ça aussi. Ça, on va le perdre là-dedans, parce que les personnes vont travailler une partie du dossier seulement et, pour les prestataires de l'autre côté, également, aussi, il va avoir des difficultés, parce qu'on va devoir répéter l'histoire à chaque fois, alors que chaque cas est individuel. Ce n'est pas un deux-par-quatre ou une fenêtre qu'on monte ou qu'on produit sur une chaîne de montage, c'est un individu qui est personnalisé dans son cheminement dans sa vie, et avec les traumatismes qu'elle a subis à travers le temps.

Mme McGraw : Et c'est des situations sont souvent très complexes et pénibles à répéter, donc...

M. Daigle (Christian) :Tout à fait.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant à la parole de la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous. Heureuse de faire votre connaissance. Je vais revenir, donc, sur certains aspects de votre mémoire, notamment... Bon, pour nous, je pense que c'est assez clair, donc, contraintes à l'emploi, donc, n'également pas contraintes à la santé. Il y a d'autres groupes, avant vous, qui sont venus nous exposer, donc, cette vision, puis ça nous semble assez clair. Donc, vous me dites, donc, que le pl 71 vous retire la possibilité de disposer un montant supplémentaire pour plusieurs prestataires, qui auraient, donc, d'autres types de contraintes. À combien de personnes vous évaluez.... Donc, en fait, quel serait, pour vous, donc, le nombre de personnes qui serait exclu de l'allocation supplémentaire, donc, qui serait prévue à l'article 25 du pl 71?

M. Daigle (Christian) :Pour une information si précise, je vais laisser mon collègue y répondre.

M. Dubois-Sénéchal (Isaïe-Nicolas) : Donc, il y a l'estimation du Collectif pour un Québec sans pauvreté qui prend les personnes de 58 ans et plus et qui prend sur la base actuelle. Puis on sait qu'il y a une forme de clause grand-père, donc, le calcul ne peut être exact. Mais les personnes de 58 ans et plus, ainsi que les personnes avec un enfant de moins de cinq ans, une personne handicapée à charge, ça fait environ 38 000 personnes. Si on inclut l'ensemble des autres catégories en ce moment-là, ça tournerait autour de 40 000 peut-être. L'enjeu est...

Mme Cadet : ...en hébergement, comment on a entendu...

M. Dubois-Sénéchal (Isaïe-Nicolas) : Exactement, exactement. L'enjeu également, c'est que faire reconnaître une contrainte à la santé, ce n'est pas évident pour tout le monde. Avoir accès à un médecin de famille, avoir accès à un psychologue, avoir accès à une travailleuse sociale et ces ordres professionnels là qui sont... comme on le mentionnait dans la dernière... avec Mme Trou qui passait juste avant, ce n'est pas toujours évident. Donc, est-ce que... Bien, est-ce qu'il y a des gens là-dedans qui ont déjà des contraintes de santé qui pourraient les faire reconnaître? Peut-être, mais est-ce qu'il y a des gens qui ont des contraintes de santé qui ne pourront pas les faire reconnaître dans des délais raisonnables et qui donc ne pourront pas se prévaloir justement de cette contrainte de santé? Peut-être également.

• (12 h 40) •

Donc, pour nous, quand on considère le manque d'accès à des services de santé en ce moment, à partir du moment où est-ce qu'on fait un projet de loi qui reconnaît des contraintes de santé, il faut être en mesure de comprendre que c'est un système public qui, en ce moment, ne fournit pas.

Mme Cadet : Merci. Donc, ce que j'entends, c'est que non seulement, donc, l'estimation est relativement conservatrice, mais, en plus de ça, non seulement, donc, on comptabilise, donc, celles qui n'auraient pas, donc, de contraintes à la santé et qui, pour d'autres d'autres motifs tout à fait raisonnables, donc, devraient pouvoir, donc, se faire reconnaître dans cette contrainte-là. Mais, en plus de ça, il y a tout ceux qui n'ont pas accès à un médecin de famille, donc, qui ne sont pas en mesure, donc, de se faire reconnaître, donc, ladite contrainte à la santé.

Maintenant, au niveau de l'aide à l'emploi, vous nous dites : Les prestataires et les demandeurs d'aide de dernier recours interagissent souvent avec une institution bicéphale. Qu'est-ce que vous voulez dire par là?

M. Daigle (Christian) :Au niveau, présentement, des groupes communautaires qui viennent en aide aux gens dans les prestations, avant, c'était une complémentarité qu'on espérait avoir avec le milieu communautaire. Maintenant, c'est qu'il y a un accompagnement qui se fait de par les groupes communautaires, qui va plus loin que ça. C'est un petit peu comme de la sous-traitance qu'on y va avec ces groupes-là, alors que c'est le principe premier du ministère  de l'Emploi et de la Solidarité sociale, c'est d'accompagner ces gens-là pour le retour au niveau de l'emploi, pour le retour... pour l'accompagnement qui se fait. Donc, d'avoir deux réseaux parallèles, c'est là qu'on dit qu'il y a une incompatibilité. Donc, les groupes communautaires, qui sont souvent des OSBL, sont là pour des besoins complémentaires au ministère, et on ne doit pas transférer cette demande-là vers ces groupes-là. Donc, on se doit de garder l'intégrité au niveau du ministère pour l'accompagnement à travers le suivi puis le retour à l'emploi là-dessus.

Mme Cadet : Vous dites aussi : De manière générale, la population prestataire est plus éloignée du marché du travail qu'autrefois, que les gens, donc, demeurent plus longtemps sur l'aide sociale, que le profil, il a changé. J'aimerais, donc, voir élaborer là-dessus. Puis vous dites, donc : Il importe de questionner les moyens, les stratégies de suivi mis en place pour favoriser l'employabilité, l'intégration en emploi des prestataires d'aide sociale.

M. Daigle (Christian) :Dans un premier temps, quand on dit que les gens sont plus loin du marché du travail, souvent, les gens qui... Quand une usine fermait, mettons, en région, tombaient sur l'aide sociale, parce qu'ils n'avaient pas de chômage, ou, ainsi de suite, ces gens-là pouvaient se retrouver un emploi dans une période assez moyenne. Donc, ils avaient de l'aide sociale pendant un certain temps, retournaient sur le marché du travail aussi. Aujourd'hui, avec le marché du travail que l'on connaît, tous les gens qui ont la possibilité d'aller travailler rapidement l'ont fait déjà. Il n'y a personne qui peut survivre avec un chèque d'aide sociale annuellement, selon les montants qui sont versés présentement. Donc, tous les gens qui pouvaient...

M. Daigle (Christian) :...faire ce retour-là. Les gens qui sont encore à l'aide sociale sont des gens qui ont des difficultés plus grandes en matière personnelle, en matière professionnelle, en matière d'intégration sociale pour retourner sur le marché du travail. Donc, c'est pour ça qu'il y a un clivage qui s'est fait entre les gens qui, à l'époque, il y a plusieurs décennies, attendaient le retour... ou attendaient une opportunité d'emploi. Et aujourd'hui, où est-ce que l'opportunité est là, bien, c'est les difficultés d'intégration à l'emploi qui amène ce... là.

Mme Cadet : Bien, justement, vous dites : Difficultés d'intégration à l'emploi. On sait que le projet de loi parle parle beaucoup d'intégration, mais peu de maintien à l'emploi. Est-ce que pour vous ça signifie aussi qu'il faudrait avoir plus de mesures d'accompagnement pour le maintien à l'emploi, étant donné que les clientèles sont beaucoup plus éloignées du marché du travail?

La Présidente (Mme D'Amours) : ...pour cet échange. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci. Je n'aurai pas beaucoup de temps. Je trouve ça vraiment intéressant de vous entendre parce que vous représentez les personnes qui appliquent les modalités actuelles du régime d'aide sociale. Vous avez dit très clairement : Les prestations ne permettent pas de vivre dignement en ce moment. Il faudrait abolir les catégories. Vous avez nommé que les... vos travailleurs, dans le fond, veulent pouvoir être gestionnaires... être assignés à un dossier, et c'est l'accompagnement qu'il faudrait faire. J'ai le goût de vous demander. On a entendu la ministre manifester de l'ouverture pour que les personnes membres des ordres professionnels qu'elle aura ciblés, par exemple les travailleurs sociaux, puissent faire les évaluations, là, pour les contraintes, même s'ils sont d'un organisme communautaire, par exemple. Vous avez dit que bon nombre d'agences ont même, par exemple... travailleurs sociaux. S'ils sont membres de leur ordre professionnel, est-ce qu'ils devraient aussi pouvoir remplir ces formulaires pour reconnaître les contraintes?

M. Daigle (Christian) :C'est particulier aussi parce que si la personne accompagne déjà la personne, on ne veut pas... il faudrait que ça soit une personne différente. Donc, on n'exclut pas la possibilité de. Si elle a le titre, elle a la capacité. Souvent, les gens qu'on représente, c'est des techniciens, donc ils ont une technique en travail social. Pour être travailleur social, il faut avoir un bac universitaire. Certains l'ont, d'autres ne l'ont pas, donc il faudrait établir à ce moment-là un profil et une déclaration qui pourrait se faire, mais qui pourraient très bien être accompagnés. Parce que, oui, il y a des difficultés à faire reconnaître certaines contraintes. Si on pouvait faciliter le tout, ça serait quelque chose d'intéressant à ce niveau-là.

Mme Labrie : Exact. Parce que vous, vous le voyez, qu'il y a des personnes qui ont de la difficulté d'aller chercher ce professionnel-là ailleurs, là, pour avoir la reconnaissance.

M. Daigle (Christian) :Tout à fait. Puis les agents qu'on représente le disent aussi. Puis ils ont beau dire à la personne quoi faire, où aller ou essayer de trouver des raccourcis, parfois qu'ils connaissent, pour essayer de l'aider. On voit que les délais sont des fois très, très longs. Et ce délai-là, qui est très long, amène une perte financière durant ce temps-là, qui ne fait qu'amener un cercle négatif à la personne qui le vit aussi.

Mme Labrie : Puis très rapidement : Est-ce que... Vos recommandations principales, là, les plus essentielles pour qu'on puisse vraiment réussir à sortir les personnes de la précarité en ce moment, ça serait quoi vous, comme agent?

M. Daigle (Christian) :C'est de retirer les différentes coupures qu'on amène à travers le projet de loi, de permettre, justement, d'avoir plus de prestations, d'avoir plus d'argent de disponible pour ces gens-là, de hausser le montant de base qui est... qui stagne à ce niveau-là également aussi, d'avoir un accompagnement pour les réseaux régionaux à ce moment-là aussi, d'avoir des gens d'aide à l'emploi qui soient là-dedans, que ça ne soit pas juste une sous-traitance qu'on effectue via ces réseaux-là, mais qu'on ait des agents du ministère qui y travaillent, qui continuent d'accompagner les gens également aussi à travers ça.

Mme Labrie : Merci.

M. Daigle (Christian) :Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon.

M. Paradis : Sous-investissements, sous-traitance, désarticulation du rôle de gestionnaire du parcours des prestataires, dématérialisation, plus de distance entre les agents puis les personnes concernées. Quand je vous écoute puis quand je lis votre mémoire, je n'ai pas l'impression qu'avec ce projet-là, la ministre va réussir à atteindre ses objectifs d'améliorer l'accompagnement, de simplifier et d'optimiser le régime d'assistance sociale et de le rendre plus humain. Est-ce que j'ai bien compris vos propos?

M. Daigle (Christian) :Bien, effectivement, il y a des aspects très négatifs ou des aspects qui auraient pu être corrigés, qui auraient pu être amenés, qui ne le sont pas à travers le projet de loi. Puis on enlève des éléments de la loi actuelle aussi qui vont amener des difficultés supplémentaires au niveau des personnes qui ont recours à l'aide sociale.

M. Dubois-Sénéchal (Isaïe-Nicolas) : Si je peux me permettre, l'article 66, spécifiquement, du projet de loi, je le trouve assez intéressant parce qu'il modifie la notion selon laquelle les décisions qui sont faites par le ministère doivent être nominalement inscrites, c'est-à-dire, l'agent doit inscrire son nom dessus. Le fait qu'on enlève ça et qu'on parle simplement du secteur qui a pris la décision, c'est une espèce de... ça représente... c'est emblématique, en fait, de cette déshumanisation de l'aide sociale où on fait, justement, de l'accomplissement de tâches plutôt que du suivi de dossiers individualisé en faisant en sorte... en actant, en fait, le fait que l'aide sociale devient déshumanisée parce que ce n'est plus un responsable individuel qui suit le dossier, mais ça devient un secteur et on travaille tâche par tâche dans le dossier de la personne prestataire plutôt que de lui faire un suivi.

M. Paradis : Très bien. Même chose — il nous reste quelques secondes — vous dites : La mise en mouvement vers l'emploi, ça risque de ne pas arriver parce que d'imposer à tous les prestataires, même ceux qui ne font pas une première demande d'aide financière, là, d'être dans le programme Objectif emploi, on n'a pas démontré que ça fonctionne. Il n'y a pas de donnée probante à cet effet-là. Et vous, vous dites...

M. Paradis : ...Nous, on a l'impression que ça, c'est pour se confirmer aux aspirations patronales québécoises afin d'obtenir de la main-d'œuvre subventionnée. Il faut revenir à un accompagnement plus structurant plutôt que de forcer ça. C'est bien ce que je comprends?

M. Daigle (Christian) :Effectivement, si on veut avoir des gens qui vont faire un retour à l'emploi puis qui va être... qui va être couronné de succès, il faut absolument accompagner ces gens-là au fur et à mesure, dans chacune des étapes qui va leur permettre un plein retour à l'emploi éventuellement, parce qu'il y a des contraintes qui vont amener certains points où est-ce que la personne va avoir une rechute... va pouvoir continuer, va avoir un besoin d'accompagnement, voire un changement de direction peut-être à faire aussi.

La Présidente (Mme D'Amours) : Oui. Merci. C'est tout le temps que nous avions. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci, tout le monde.

(Suspension de la séance à 12 h 48)


 
 

13 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 14 h 01)

La Présidente (Mme D'Amours) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques, s'il vous plaît.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 71, Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et de simplifier le régime d'assistance sociale. Cet après-midi, nous entendrons les témoins suivants : la Fédération québécoise de l'autisme, Centraide du Grand Montréal et M. François Blais.

Je souhaite donc la bienvenue à nos invités qui représentent la Fédération québécoise de l'autisme. Je vous rappelle, chers invités, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.

Mme Quessy (Martine) : Mme la Présidente, M., mesdames les députés, nous tenons tout d'abord à vous remercier de l'invitation pour nous permettre de vous présenter notre position. Tout d'abord, je me présente, mon nom, c'est Martine Quessy. Essentiellement, je suis la présidente de la Fédération québécoise de l'autisme et directrice générale d'Autisme Mauricie, mais je suis avant tout une mère de deux jeunes hommes, dont un avec un diagnostic d'Asperger et un trouble d'anxiété généralisé. Actuellement, il est sans emploi car aucun travail ne correspond à ses aptitudes et à ses capacités et les ressources d'aide offertes sont instables pour lui. Présente depuis près de 50 ans, la... excusez, moi, je voudrais aussi vous présenter, d'ailleurs, aussi Lili, de... Lili Plourde, la directrice générale de la Fédération québécoise de l'autisme.

Présente depuis près de 50 ans, la Fédération québécoise de l'autisme regroupe 16 associations régionales présentes dans chacune des régions du Québec. La mission de la fédération est de mobiliser tous les acteurs concernés afin de promouvoir le bien-être des personnes autistes et leurs familles, de sensibiliser et d'informer la population sur l'autisme et contribuer au développement des connaissances et à leur diffusion. C'est-à-dire de... C'est à titre de représentante de...


 
 

14 h (version non révisée)

Mme Quessy (Martine) : ...de l'ensemble des personnes autistes et de leurs familles que nous déposons nos... nos commentaires dans le cadre de la consultation particulière sur le projet de loi n° 71. Bien que nous ayons présenté un court avis, nous tenons à préciser que nous soutenons l'ensemble des recommandations du mémoire de la Société québécoise de la déficience intellectuelle. La fédération se réjouit d'ailleurs de l'intérêt du gouvernement du Québec d'améliorer la situation des personnes en situation de précarité financière tout en étant inquiète des défis qui attendent des personnes autistes dans leurs démarches pour obtenir l'aide de dernier recours. Notre présentation d'aujourd'hui s'attardera davantage à nommer ce défi et sur des amendements qui devraient être faits.

Mme Plourde (Lili) : Depuis plusieurs mois déjà, la fédération et le... militent pour le retour de l'autiste, la schizophrénie, la bipolarité dans la liste des diagnostics évidents donnant accès direct... un accès direct au programme de solidarité sociale. Nous sommes donc inquiets de la notion de «contraintes de santé» qui ne prendrait pas en considération le côté psychosocial... psychosocial et environnemental de la personne. Nous avons raison de craindre que les personnes autistes, surtout celles ayant des besoins de soutien légers, auront beaucoup de difficultés à faire reconnaître une contrainte sévère de santé. Il faut prendre en considération qu'il puisse y avoir des obstacles environnementaux, que ce soit au niveau des normes sociales, de performance au travail ou les limites des programmes existants. La contrainte sévère à l'emploi ne vient pas nécessairement de la personne. Une personne handicapée qui présente une incapacité moindre peut vivre la même situation de handicap qu'une personne ayant une incapacité plus sévère. Donc, une personne autiste ayant besoin de soutien léger peut avoir plus de difficulté à se maintenir en emploi qu'une personne autiste ayant des grands besoins mais travaillant dans un milieu protégé et adapté. On ne peut pas mesurer le destin d'un individu à sa contrainte de santé, et ce n'est pas parce qu'une personne avec un même diagnostic a réussi à intégrer un milieu d'emploi de son choix que nécessairement une autre personne avec le même diagnostic va pouvoir y arriver. C'est pourquoi, dans cette incertitude, il faut relever le plancher pour tout le monde.

Nous sommes inquiets des préjugés dont sont victimes des personnes autistes au sein même de plusieurs... de plusieurs ministères, dont celui de la Solidarité sociale. Même si nous rêvons d'un monde accueillant qui ferait une place aux personnes autistes en les acceptant comme elles sont avec leurs grandes forces et leurs défis, nous ne pouvons que constater que leur inclusion dans notre société et dans le monde professionnel est loin d'être atteinte. De plus, en investissant... en n'investissement pas de montant dans le programme de contrat d'intégration au travail, en le coupant même, on enlève aussi parfois aux personnes autistes opportunité d'un premier emploi. L'autisme est une condition à vie et le maintien en emploi est un défi constant.

Le projet de loi prévoit aussi la réalisation d'un plan d'intervention qui est une bonne idée sur papier, mais on ne peut pas appliquer une formule pensant qu'elle répondra à tous et à toutes sans adaptation. Il est irréaliste de penser qu'on arrivera à des résultats positifs si le personnel n'apporte... n'a pas la formation, la flexibilité, la flexibilité, l'ouverture et les connaissances nécessaires pour adopter... adapter le plan d'intervention à la réalité des personnes et non pas imposer des actions qui ne répondent pas aux besoins et ensuite pénaliser les personnes. Nous avons déjà des familles et des adultes qui témoignent du manque de compréhension des agents lors de l'adhésion au programme Objectif emploi, qui ne prennent pas en considération tout l'historique de la personne, ses traumas et ses défis. Un plan d'intervention, ce n'est pas une baguette magique. Les personnes autistes doivent être partie prenante dans leur propre, propre plan d'intervention, et les mesures qu'on y trouve doivent faire du sens et mettre la personne au centre de l'action en misant sur ses forces, ses capacités et ses intérêts. Tout comme pour le programme Objectif emploi, l'adhésion doit être volontaire et ne doit pas être punie en cas de refus.

Le projet de loi insiste sur un accompagnement vers l'emploi. Mais qu'en est-il ensuite du maintien dans l'emploi, le grand défi des personnes autistes? Si on veut soutenir les personnes, il faut inclure un concept d'agent d'intégration en emploi à large échelle. Le projet de loi ne prévoit pas... ne prévoit pas de suivi à partir du moment où la personne trouve un emploi, ce qui est problématique à notre avis. Nous avons déjà fait part de nos recommandations à ce sujet dans un avis commun avec les regroupements provinciaux sur la stratégie nationale pour l'intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées. De plus, nous continuons de revendiquer l'augmentation des gains d'emploi pour les personnes sur le programme de solidarité sociale. Plusieurs personnes autistes bénéficieraient de travailler à temps partiel, améliorer leur situation financière et pourraient développer des compétences en emploi.

Lors de leur présentation, la Société québécoise de déficience intellectuelle a soulevé que les personnes participant à un plateau de travail ou à un stage non payé seraient considérés comme étant en préparation au travail et perdraient donc la reconnaissance de la contrainte sévère de santé. La personne serait donc pénalisée financièrement et n'aurait pas la capacité de subvenir à ses besoins. Il est donc impératif, à notre avis, d'amender l'article 25 pour retirer les éléments...

Mme Plourde (Lili) : ...à la préparation et à l'intégration au travail. Nous sommes aussi en faveur de la simplification des programmes. En abolissant le programme de... la solidarité sociale en faveur du passage de toutes les personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi ou de santé vers le programme de revenu de base, qui est plus avantageux et permet réellement aux personnes d'être incluses dans la société, entre autres en leur permettant de travailler.

Mme Quessy (Martine) : En conclusion, dans son mémoire, Mme la ministre indique que le projet de loi propose des mesures visant à favoriser la mise en mouvement vers l'emploi pour une meilleure insertion sociale et professionnelle des prestataires de l'assistance sociale. Le projet de loi prévoit des modifications favorisant l'accompagnement des personnes, encourageant leur pleine participation sociale.

Avant de mettre tout le poids sur le succès professionnel sur les épaules des personnes, il faudrait changer la mentalité de la population québécoise, surtout celle des employeurs, afin de permettre une réelle inclusion des personnes. Les employeurs sont encore très hésitants à... à embaucher des personnes autistes. Une réelle inclusion, cela implique toute la société. Ce qui est positif, parmi les dispositions générales de la loi, se trouve l'obligation de communiquer... de communiquer dans des termes clairs et concis. Le langage utilisé actuellement est souvent difficile à comprendre pour les prestataires. Nous appuyons la recommandation des mouvements des personnes d'abord du Québec qui demandent la mise sur pied d'un comité d'usagers. Ces comités, en plus d'être une mesure d'accompagnement et de protection pour des personnes, permettent aussi aux personnes concernées de valider le contenu des documents.

• (14 h 10) •

En terminant, j'ajouterai un mot pour le soutien aux parents proches aidants. L'article 25 retire la reconnaissance des contraintes temporaires de santé aux parents d'enfants handicapés. Nous comprenons qu'il y a un projet de règlement ultérieur, mais ça risque de poser un problème à court terme. D'indiquer des mesures de soutien prévues dans le projet de loi protégera mieux les familles quand les... quand les projets de règlement... que dedans le projet de règlement. Dans le meilleur des mondes, les parents d'enfants handicapés auraient accès directement aux programmes de revenu de base plutôt qu'une reconnaissance temporaire. Les raisons sont nombreuses expliquant qu'un parent doive quitter son emploi, amplifiant la précarité financière des familles, une expulsion scolaire, un enfant ayant de très grands besoins, des activités socioprofessionnelles à temps partiel pour leur enfant devenu adulte, des délais pour un hébergement substitut pouvant aller jusqu'à 15 ans, la course pour les services. Nombreuses sont les études qui démontrent que le surplus du coût de l'appauvrissement des familles dont un des membres a des besoins particuliers... Améliorer l'accompagnement des personnes, c'est aussi assurer du bien-être des parents proches aidants. Voilà.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Nous sommes maintenant rendus à la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Rouleau : Merci beaucoup, Mme la Présidente, et merci à vous deux, Mme Quessy et Mme Plourde, pour votre présence aujourd'hui et votre contribution aux travaux permettant la modernisation du régime d'aide sociale. Vos commentaires sont très importants. Je voudrais faire une petite mise au point. Vous craignez que les personnes qui ont actuellement des contraintes temporaires ou contraintes sévères perdent ces contraintes sévères lorsqu'on change les contraintes en emploi vers contraintes santé. Et ce n'est pas le cas. C'est indiqué dans le mémoire d'ailleurs que, dans le changement qui s'opère, il y aura les ajustements où les prestations spéciales correspondant à ce que les gens ont à l'heure actuelle... ça fait qu'il n'y a personne qui perd dans cet... dans ce changement.

Vous faites une recommandation. Vous parlez de la création de comités d'usagers. Pourriez-vous expliquer un peu plus comment vous voyez ces comités d'usagers? À quoi servent-ils? Ils sont composés de qui? Ils s'adressent à qui? Comment ça fonctionne?

Mme Quessy (Martine) : C'est une recommandation que des mouvements personnes d'abord, que nous avons empruntée et qu'on trouve que c'est une bonne idée. Les comités des usagers, c'est vraiment des personnes, les personnes elles-mêmes, les personnes qui sont sur les aides de dernier recours, qui participent à des comités, entre autres pour le contenu des communications, tu sais, pour valider le contenu des communications. Il y a d'autres groupes avant nous qui l'ont dit, les communications du ministère, c'est souvent... Ça ressemble à des mises en demeure. C'est extrêmement complexe à comprendre. C'est difficile pour les personnes. Donc, d'avoir des comités avec des personnes elles-mêmes...

Mme Plourde (Lili) : ...peu importe le handicap, qui pourraient donner leur opinion sur le contenu des documents pour qu'il soit plus facile à comprendre.

Mme Rouleau : O.K. Et vous proposez aussi de fixer le délai de réévaluation selon la condition de la personne. Pouvez-vous élaborer un petit peu sur ces délais, cette réévaluation des délais?

Mme Plourde (Lili) : Bien, vous parlez, dans votre projet de loi, là, de faire des réévaluations annuelles des contraintes. L'autisme est une condition à vie. Ça, on l'a toujours dit. Austistes un jour... puis les personnes vont être autistes jusqu'à leur fin... jusqu'à la fin de leur vie. Imposer des réévaluations annuelles, c'est, encore une fois, une source d'anxiété pour les personnes, et on... c'est... c'est une source d'anxiété.

Mme Rouleau : O.K. On avait une petite... un petit éclaircissement là-dessus. Je comprends que vous craignez que, pour des... pardon, des personnes dont la situation est... ne changera pas... qu'on ne soit pas obligé de réévaluer continuellement, mais c'était... en fait, c'est une disposition pour répondre à des questionnements de la part de spécialistes de la santé qui ont... mais on aura l'occasion d'en discuter encore. Il n'y a rien de...

Vous... J'aimerais savoir. On a rencontré un organisme en particulier, hier, qui nous a parlé de l'enjeu de contrainte santé. Parce que l'objectif que nous avons de passer de contrainte à l'emploi, qui est... qui est... qui sert à déterminer la capacité de la personne à travailler... de passer à la contrainte santé est beaucoup plus axé sur la personne, sur les... et on fait intégrer la dimension de santé mentale et les enjeux psychosociaux, et c'est beaucoup plus axé, là, sur l'état de la personne et le besoin d'accompagnement qu'elle a pour être mieux insérée dans la société puis accéder au travail et être maintenue au travail, si cela est possible, parce qu'on sait que, pour des personnes, ce ne sera pas possible non plus. Mais cette notion de contrainte santé, qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Plourde (Lili) : En fait, notre inquiétude, c'est : quand on parle de contrainte de santé, on parle de comment va la personne. Ça, c'est un élément parmi tant d'autres quand on parle d'une personne autiste en milieu de travail.

On va prendre une personne autiste dans un milieu de travail... la même personne, dans un milieu de travail superadapté, avec des consignes claires, avec un supérieur hiérarchique qui comprend très bien sa situation, avec des consignes claires, avec de la sensibilisation qui a été faite auprès des collègues de travail. On prend la même personne, on la change de milieu, dans un milieu où le supérieur hiérarchique ne comprend rien, où les consignes changent continuellement, ne sont pas écrites, où les collègues de travail font preuve d'une intolérance sans fin. On a la même personne et on n'aura pas le même résultat, pas deux secondes. Ça fait que la deuxième... la personne dans la deuxième situation risque de se désorganiser, de faire un burn-out autistique, de quitter son emploi, d'être pénalisée, alors que c'est la même personne. C'est vraiment l'environnement du milieu de travail qui a fait en sorte qu'elle n'est pas capable de se maintenir en emploi. Et, pour nous, le maintien en emploi, on l'a dit, est hyperimportant. C'est... C'est ce qui fait toute la différence, là, dans la carrière professionnelle d'une personne.

Ça fait que les contraintes de santé qui prendraient en considération la personne mais pas tant l'adaptation du milieu de travail... Tu sais, quand on... il y a beaucoup de groupes qui ont parlé d'inclusion plutôt que d'intégration, mais, quand on parle d'inclusion, une véritable inclusion des personnes en milieu de travail, il faut vraiment prendre en considération tout le côté psychosocial, tout l'environnement de la personne.

Mme Rouleau : Est-ce que vous avez des suggestions à faire pour... en termes de nomenclature? Est-ce que... Est-ce qu'il est important pour vous de... Est-ce que c'est cohérent pour vous, là, de modifier les contraintes à l'emploi, qui font que des personnes sont finalement pénalisées, là? Il y a certaines personnes qui, parce qu'elles ont une contrainte à l'emploi, ne peuvent pas aller vers des programmes d'emploi. Et c'est une des raisons pour lesquelles on parle de contrainte santé. Ça permet une plus grande ouverture vers des programmes d'insertion ou même des programmes d'emploi. Mais est-ce que...

Mme Rouleau : ...vous avez des termes ou une terminologie, là, qui serait... qui répondrait mieux à vos objectifs à vous?

Mme Plourde (Lili) : Au niveau de la nomenclature, pour le moment, je n'ai pas d'idée. Je pourrais revenir. Mais c'est dans la nature de la contrainte. C'est vraiment ça pour nous qui est important. C'est... M. Fougeyrollas l'a le dit hier, le processus... le processus de production du handicap, en tout cas... Qu'est-ce qui fait que la personne a de la difficulté à se maintenir un emploi? C'est... Pour nous, tout doit porter autour de ça. Parce qu'il y a des personnes qui peuvent participer à des programmes d'employabilité, qui peuvent participer à un programme Objectif emploi, mais ça ne veut pas dire que ça va être un succès, tout dépendant du milieu de travail où la personne va se retrouver fait. C'est cette inclusion-là qui doit faire partie du projet de loi. C'est comment on fait en sorte d'adapter le milieu de travail. Parce que la nomenclature, pour répondre à votre question, je n'y ai pas réfléchi dans ce sens-là, à moins que Martine ait une idée, mais c'est vraiment toute la notion d'inclusion, là, qui est importante pour nous.

Mme Rouleau : Oui. Que pensez-vous de... Bien, d'une part, on veut faire en... On veut permettre, là, aux personnes d'avoir un plan d'accompagnement personnalisé, individualisé et qui s'inscrit dans un plan régional d'accompagnement aussi. Est-ce que ce n'est pas là, la réponse qu'on pourrait avoir à ces questionnements-là? Parce que dans les... Dans la contrainte santé, on fait intervenir les enjeux psychosociaux, donc l'environnement, là, immédiat de la personne, sa condition. Est-ce qu'elle... Quels types d'enjeux, de problèmes elle peut rencontrer, puis peut-être ponctuellement ou peut-être pour très longtemps. Et la santé mentale aussi, qui n'est pas considérée aujourd'hui. Et donc un plan d'accompagnement, d'insertion, d'intégration, d'emploi qui s'inscrit dans un plan, dans un réseau régional. Et quand on dit réseau, bien, c'est parce qu'il y a des gens, là, qui sont là et qui veillent à ce que ça fonctionne, que ça soit bien coordonné dans le milieu. Qu'est-ce que ça... Est-ce que ça vous dit quelque chose de bon? Vous êtes en accord avec ça ou totalement en désaccord?

• (14 h 20) •

Mme Plourde (Lili) : Tout à fait en accord avec un plan d'accompagnement pour aider les personnes à faire toutes ces démarches-là en collaboration avec ce qui est établi déjà, pour ne pas refaire la roue parce que, parfois, les gens ont encore un dossier au réseau de la santé et ont parfois un plan, un plan d'intervention déjà, mais avoir... Il faut vraiment insister sur la formation des gens parce que vous savez qu'en 2024 il y a encore beaucoup, beaucoup, beaucoup de préjugés face à l'autisme, même dans le réseau de la santé. Parce qu'il y a des adultes qui nous disent se présenter à l'urgence et se faire dire : Tu me regardes dans les yeux. Tu n'es pas autiste. C'est quoi ton problème? Ça, on l'entend en 2024. Bien, vous comprenez que ça, pour nous, c'est... C'est inquiétant qu'en 2024 on entende encore des choses comme ça

Et je le dis tout le temps, il y a une tranche de personnes autistes qui est entre celles qui sont pris en charge par le réseau de la santé et celles qui sont super autonomes et qui travaillent, qui n'ont... qui... qui ont de la difficulté à comprendre les consignes, mais on dit tout le temps que l'autisme, c'est une condition invisible. Donc, c'est le genre de personne à qui on va demander : As-tu compris, qui va dire oui, mais qui n'a pas compris toutes les consignes, qui ne comprend pas comment manquer un rendez-vous, ça va avoir une incidence. Ça fait que tout ce «fine tuning» là, excusez mon anglicisme, c'est... ça vient avec la formulation puis un changement de philosophie d'intervention. Ça fait que, pour nous, oui, c'est une bonne idée, l'accompagnement, mais ça prend un petit plus pour aider les... le personnel, les agents qui vont soutenir les personnes.

Mme Quessy (Martine) : J'aurais envie de donner une complémentarité à Mme Plourde. En fait, c'est que je trouve aussi que la stabilité du réseau, surtout dans les... dans certaines régions où l'employabilité est plus difficile, là, à trouver, la solidité du suivi... Vous savez que, pour connaître mon... juste pour connaître mon fils, ça prend quand même plus qu'une rencontre, là, avant que l'intervenante soit en mesure de bien comprendre son profil et bien comprendre ses besoins, parce que lui-même a peut-être plus de difficulté aussi à les nommer. Il ne les nomme pas tous, tu sais. Et si la personne n'a pas le temps à consacrer puis si on ne trouve pas la ressource, aussi, parce qu'elles sont tellement changeantes, il n'y a tellement pas de stabilité que je crois que ça, ça va être à travailler ainsi que la communication parce que...

Mme Quessy (Martine) : ...la communication dans le réseau est quand même beaucoup à travailler, on ne se le cachera pas, là.

Mme Rouleau : O.K. Qu'est-ce que... Quelle est la mesure, là, dans le projet de loi... Je pense que, globalement, c'est quand même une bonne chose, là, de procéder à la modernisation. Je crois que vous êtes en accord avec ça. Mais qu'est-ce que vous aimeriez voir? Ce serait quoi la mesure la plus importante qu'il faudrait... qu'il faudrait mettre de l'avant pour répondre à vos objectifs?

Mme Plourde (Lili) : Grande question, qui demande une réflexion rapide, mais vite de même, le programme de revenu de base accessible plus rapidement, plus largement, programme de revenu de base accordé aux parents d'enfants handicapés qui, pour toutes sortes de raisons, donc, qu'on a nommées en début, perdent leur emploi, ne peuvent pas occuper un emploi à temps partiel. Pour nous, ce serait vraiment... ce serait comme notre priorité.

Mme Rouleau : Ce serait l'idéal. O.K.

La Présidente (Mme D'Amours) : C'est tout?

Mme Rouleau : Oui.

La Présidente (Mme D'Amours) : C'est bon pour vous. Est-ce qu'il y a des questions? Côté gouvernemental, c'était complet? Donc, je vais céder la parole à la députée de D'Arcy-McGee. La parole est à vous.

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, de votre témoignage et de votre mémoire. Vous l'avez mentionné dorénavant, mais, pour vous, en gros, est-ce que c'est un recul d'aller à une contrainte de travail à une contrainte à l'emploi?

Mme Plourde (Lili) : Si on fait reposer le... si c'est à la personne de démontrer qu'elle a une contrainte de santé sans prendre en considération tous les éléments environnementaux, oui. Il faut vraiment... Ça fait des années qu'avec les... voyons, les grands regroupements le demandent. Il faut passer à une évaluation psychosociale, puis une évaluation psychosociale, ce n'est pas juste une évaluation de santé, il faut vraiment y aller plus large.

Mme Prass : Justement, dans toute la question des diagnostics évidents qui ont été retirés, une de vos plaintes, si vous voulez, c'était le fait que ça a été fait sur une base biomédicale plutôt que psychosociale. Donc, on voit déjà qu'il peut y avoir un biais et qu'on rétrécit, disons, les aspects qu'on regarde pour évaluer la situation de la personne. Donc, on sait que, dans le plan de lutte contre la pauvreté que la ministre a présenté, on parle justement d'aller vers une évaluation psychosociale. Donc, quand on dit justement... on parle de nomenclature, on parle de mots, je pense que les mots sont importants, et, quand on se limite ou on limite l'esprit à dire que c'est une contrainte médicale, il y a beaucoup de situations et beaucoup d'autres aspects qui sont ignorés.

Mme Plourde (Lili) : Oui, tout à fait.

Mme Prass : Et, quand... Et là on a parlé de l'accompagnement, puis vous avez parlé de la formation qui est nécessaire pour que les personnes soient bien accompagnées dans leur réalité. J'aurais deux questions à cet égard-là.

Combien de temps pensez-vous que l'accompagnement devrait durer? Parce qu'il y a des personnes qui vont pouvoir intégrer un emploi en quelques semaines, d'autres en quelques mois, d'autres après un an. Il y a quelque chose qui ne fonctionne plus. Et, comme vous avez dit, beaucoup de personnes ont une crainte que, s'ils intègrent un emploi et il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, bien là, ils vont se retrouver à devoir tout recommencer de nouveau avec rien. Donc, pour vous, quelle devrait être la durée de cet accompagnement pour cette population?

Mme Plourde (Lili) : Je ne mettrais pas de durée, mais plutôt de ponctualité selon la situation de la personne. Il y en a toujours au moment de l'entrée en emploi, ça prend un soutien intensif. Ça se peut que la personne aille bien super longtemps, puis il peut arriver quelque chose comme un changement de poste. La personne va super bien. On décide de lui donner une petite promotion puis donner des changements de poste. Là, il faut revenir avec un agent d'intégration. À chaque fois qu'il y a des modifications, à chaque fois que la personne demande de l'aide... parce que ça, c'est bien important, il faut écouter la personne, il faut y aller avec ses préférences, avec ses envies, mais, quand la personne demande de l'aide, il faut que l'aide soit disponible maintenant.

Présentement, le problème des agents d'intégration, c'est qu'ils appartiennent aux SSMO, aux services spécialisés de main-d'oeuvre. Mais il y a beaucoup de personnes autistes qui ne passent pas par les services spécialisés de main-d'oeuvre pour trouver un emploi et qui n'ont pas accès à cet agent d'intégration là. Ça fait qu'il faut trouver une façon d'avoir des agents d'intégration partout, dans toutes les régions, qui sont accessibles et qui sont accessibles rapidement en cas de problème, parce qu'un emploi, là, ça se perd en dedans d'une semaine. S'il n'y a pas de solution pour l'employeur, s'il se passe de quoi, si la personne se désorganise, si elle fait un burn-out autistique ou n'importe quoi, il faut que la réponse soit rapide.

Mme Prass : Et, dans ce même sens, on sait que, malheureusement, il y a pas mal... probablement plus de personnes avec un trouble du spectre de l'autisme qui ont une volonté d'être employées que...

Mme Prass : ...employeurs qui sont prêts à les accepter, encore moins de les accommoder dans leur réalité. Donc, qu'est-ce que... Et, en plus, que la majorité des entreprises au Québec sont des PME, donc n'ont pas beaucoup de ressources, n'ont pas de département de ressources humaines, par exemple. Donc, qu'est-ce que vous pensez ou qu'est-ce que vous aurez comme suggestion pour le gouvernement pour soit aider les entreprises à comprendre la réalité des personnes qu'ils vont employer, pour bien les accommoder ou sensibiliser... Bien, comment... En fait, comment faire pour aller trouver... pour améliorer le lien entre les employés avec un TSA et les employeurs qui sont prêts à les accommoder pour avoir une réussite dans cet emploi?

Mme Plourde (Lili) : Les employeurs vont dire la même chose que les personnes : des agents d'intégration pour les soutenir. Parce que ça se peut que la personne autiste ne veuille pas que son diagnostic soit... à l'intérieur de son... de son milieu de travail, puis ça, c'est correct aussi. Mais elle a quand même besoin de soutien, et l'employeur, c'est ce qu'il va nommer aussi, le besoin de soutien pour mieux encadrer la personne. Ça fait que oui, de la sensibilisation quand c'est possible, mais les agents d'intégration pour les employeurs aussi sont essentiels. Parce que ce n'est pas normal non plus qu'une personne est dans un emploi depuis de nombreuses années, qu'elle change de supérieur hiérarchique puis qu'en dedans d'un mois elle n'a plus de travail. Ça fait que ce n'est pas juste le milieu de travail, c'est la mentalité des gens, la façon dont on comprend l'autisme qui est en jeu là-dedans.

Mme Prass : Donc, pour vous, justement, cet accompagnement, qui ne devrait pas être... ne devrait pas avoir une durée, mais qui plutôt devrait être ponctuel, il devrait avoir, disons, plus de présence aussi auprès de l'employeur, parce que ce n'est pas juste question d'accompagner la personne, mais d'assurer que l'environnement qui les accueille est accommodant ou adapté à leur réalité également?

Mme Plourde (Lili) : Oui.

• (14 h 30) •

Mme Prass : Puis vous avez... On a mentionné plus tôt toute la question de règlements pour le changement envers les contraintes temporaires, et, tel que vous l'avez mentionné aussi... Et ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce, elle, a déposé justement une demande à la ministre pour que les règlements... les éléments de règlement soient déposés dans le cadre de l'étude détaillée que nous allons faire sur le projet de loi. Parce que, comme vous avez dit, il va toujours y avoir des craintes de ce qui ne se fait pas... tu sais, de ce qui se fait derrière les portes, et justement le but de la commission et de l'étude détaillée, c'est de nous demander, en tant que législateurs, de voter sur des éléments qui vont devenir loi, et donc il serait juste que nous, et vous, et les personnes concernées soyons bien informés de ce qui va aller de l'avant.

Donc, pour vous, juste peut-être revenir un petit peu sur la réalité ou bien la crainte des parents, justement, ou des familles, ou des personnes affectées, qui ne savent pas si... plutôt que... Tout ce qui est dans le projet de loi, on sait que ça va devenir loi, on sait à quoi s'attendre. Ce qui est dans un règlement, bien, on ne sait jamais ce qui peut se trouver ou ne pas se retrouver, donc la crainte que ça... ça révèle pour ces personnes-là.

Mme Plourde (Lili) : Tout à fait. C'est plus... C'est plus rassurant quand c'est dans une loi que dans un projet de règlement, puis... Et il y a plusieurs études qui démontrent, hein, et ici, entre autres, Catherine des Rivières Pigeon a fait plusieurs recherches sur l'appauvrissement des familles avec un enfant autiste ou avec un autre handicap. Ça fait que ça reste une source d'inquiétude constante pour les familles, là, cette précarité financière là.

Mme Prass : Et, comme vous l'avez évoqué dans votre mémoire et votre témoignage, toute la question des parents d'enfants avec un TSA qui doivent rester à la maison, soit à cause d'un bris de services - il n'y a pas d'école, il n'y a pas de ressources, il n'y a pas de services pour leur enfant - on sait que ça amène non seulement des éléments de précarité financière, et, comme vous venez de le dire, les parents d'enfants handicapés sont souvent parmi les moins bien nantis à cause de leur réalité et parce qu'il doit... ils doivent se retirer du marché du travail, ça amène des enjeux de santé mentale, ça amène des enjeux d'isolement, ça amène énormément d'enjeux.

Et donc vous voulez que les parents d'enfants handicapés puissent recevoir le revenu de base parce que, bien, eux, ils vont être responsables de... d'être proches aidants pour leur enfant pour... même au-delà de l'âge de 18 ans, dépendamment de la situation du jeune. Donc, pour vous, c'est vraiment essentiel que les parents puissent avoir accès à cette... ce financement-là pour ne pas être, disons, doublement pénalisés, parce que déjà ils doivent rester à la maison parce que les ressources ne sont pas là pour bien accommoder, adapter envers leurs enfants, et là, en plus, bien, il n'y a pas de salaire qui vient, puis... bien, c'est ça, donc ils sont doublement pénalisés, dans ce sens-là?

Mme Plourde (Lili) : Et, allons-y d'un point de vue purement gestionnaire, un enfant dans un milieu résidentiel substitut coûte plus cher qu'un parent sur le PRB. Donc, soutenons les familles, soutenons les parents qui s'occupent de leur enfant. Ils vont faire un rapport d'impôt...


 
 

14 h 30 (version non révisée)

Mme Plourde (Lili) : ...ils vont dépenser puis ils vont être plus capables de subvenir à leurs besoins. Puis, quand leur enfant va réintégrer certains services, bien, ils vont pouvoir peut-être faire le choix d'aller travailler à temps partiel. Donc, tout le monde est... tout le monde serait gagnant.

Mme Prass : Et on se comprend que la réalité est que, quand on a un enfant avec un handicap, bien, il y a des coûts additionnels qui viennent avec tout ça. Oui, il y a des services de la part du gouvernement, mais... plus de listes d'attente, des fois, qu'il y a de services. Donc, les parents doivent assumer davantage de responsabilités financières. Donc, ça s'accumule, disons, si on reste à la maison, on n'a pas de revenu, mais il faut des services pour nos enfants, des thérapies, quoi que ce soit. Donc, tout ça fait en sorte que les parents se retrouvent dans des situations où ils n'arrivent pas à s'en sortir.

Mme Plourde (Lili) : Ça provoque de l'iniquité dans l'accès aux soins, parce que les parents qui sont mieux nantis financièrement vont aller chercher plus de services dans le privé, alors qu'un parent qui est sur... qui est sur l'aide sociale ou qu'il y a juste un des deux parents qui travaille et que l'autre parent n'a pas de revenu, bien, ça va être plus difficile pour eux d'aller chercher des services alors qu'il y a des listes d'attente importantes. Même... Même d'âge scolaire, de plus en plus de parents se tournent vers le privé parce que les écoles ne seront pas capables de répondre aux besoins des enfants. Donc, ça crée de l'iniquité entre deux catégories de citoyens.

Mme Prass : Mais... J'ai quelques secondes qui restent, donc je vais juste vous remercier, mesdames, pour aujourd'hui et tous les efforts que vous faites au cours de l'année. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais ça rester un peu sur ce sujet-là pour vous entendre un peu plus, là, la question des parents d'enfants handicapés et peut-être même de certains enfants devenus adultes handicapés ou qui ont un trouble du spectre de l'autisme. Vous avez demandé à ce qu'ils puissent avoir accès au revenu de base. J'ai bien compris pourquoi. Si ce n'est pas ce que la ministre décide de faire et puis que ce n'est pas inscrit dans la loi, comme ce l'est actuellement, qu'il y a une reconnaissance d'une contrainte dans la loi, qu'est-ce que ça représente pour ces familles-là comme parcours, comme fardeau supplémentaire?

Mme Plourde (Lili) : Bien, c'est toute la question financière. Si les parents... Bon. Parce qu'à l'âge adulte, il y a de moins en moins de services à temps plein, de services... Donc, automatiquement, il y a un des deux parents qui laisse son emploi. Si c'est une maman monoparentale, bien là, c'est l'aide sociale. Et là il va y avoir une contrainte temporaire mais qui ne sera pas validée par une loi. Ça fait que c'est toujours le danger de l'extrême pauvreté pour les familles. L'enfant, à ce moment-là, devrait hypothétiquement être reconnu pour une contrainte sévère de santé, mais il y a toujours... c'est toujours une situation de pauvreté qu'il faut faire des choix ensuite sur ce qu'on peut payer, là, dans une vie.

Mme Labrie : ...que ça ajoute également des démarches à faire au niveau d'aller chercher une reconnaissance de cette contrainte-là si ce n'est pas reconnu automatiquement déjà, en plus de tout ce qui est démarche auprès du réseau de la santé et des services sociaux et autres pour l'enfant en question. D'aller chercher cette reconnaissance-là pour la personne qui en prend soin, c'est un fardeau supplémentaire, j'imagine, aussi?

Mme Plourde (Lili) : C'est beaucoup de démarches administratives. Souvent, les parents sont épuisés. Ils en ont déjà beaucoup sur les épaules. Ça fait des années qu'ils demandent des services, qui sont sur des listes d'attente. Ça fait qu'on rajoute une lourdeur administrative à des parents qui n'ont pas d'autre choix. Tu sais, on l'a dit, un milieu résidentiel substitut à Montréal, c'est neuf à 15 ans d'attente. C'est long, 15 ans, quand tu es obligé de laisser ton travail pour t'occuper de ton enfant.

Mme Labrie : Puis, comme vous l'avez dit, ça reste plus économique de leur donner le revenu de base que de risquer que cet enfant-là, finalement, doive être pris en charge dans une famille d'accueil.

Mme Plourde (Lili) : Tout à fait.

Mme Quessy (Martine) : Il n'y a pas juste ça. Aussi, dans... au niveau organisationnel, ce qu'il faut prendre en considération, quand que c'est un adulte autiste, c'est à lui à parler. Le système fait qu'on demande à lui de s'informer, à lui de faire la démarche, mais ça ne veut pas dire que lui, il est prêt à faire cette démarche-là, cet individu-là. Et là le parent qui doit se battre aussi pour reconnaître le fait qu'il parle au nom de son enfant mais qu'il n'est pas dans l'abus ou qui n'est pas dans le contrôle de celui-ci. Ça fait que ça demande beaucoup de pression puis beaucoup d'anxiété de la part du parent. Si la reconnaissance n'y est pas, bien, ça devient un combat, je vous dirais quotidien.

La santé de nos adultes change facilement. Il peut y avoir plusieurs choses au niveau hormonal, au niveau de... relationnel au travail, un nouveau qui arrive. Ça peut être aussi, pour la femme, hormonal, quand on arrive à la préménopause. Le parent, quand il est rendu plus vieux, parce qu'il demeure quand même un parent, voit son enfant en détresse, il n'est pas en mesure de l'aider, il n'est pas reconnu comme étant un parent, là, quand il est rendu plus vieux...

Mme Quessy (Martine) : ...vous savez, nos enfants vieillissent puis ils ont besoin de nous. En autisme, même quand on est rendu à 80 ans puis que notre enfant a la quarantaine, cinquantaine, ça peut devenir plus difficile pour le parent d'être reconnu comme étant un proche aidant quand on est rendu à l'âge plutôt d'être aidé.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Je suis désolée, c'est tout le temps que nous avions avec la députée de Sherbrooke. Maintenant, je vais céder la parole au député de Jean-Talon.

M. Paradis : Vous nous rappelez dans votre mémoire et dans votre témoignage aussi qu'il y a des préjugés dont sont victimes les personnes autistes, et vous nous rappelez qu'on ne peut pas mesurer leur destin à une contrainte de santé parce que, notamment, lorsqu'il s'agit de personnes autistes, la contrainte sévère à l'emploi ne vient pas nécessairement de la personne elle-même, mais de son environnement. Ce qui fait en sorte qu'une personne autiste, même avec des besoins légers, peut avoir plus de difficulté à se maintenir en emploi qu'une personne autiste ayant des plus grands besoins mais travaillant dans un milieu protégé. Donc, vous, nous dites que passer de la contrainte sévère à l'emploi à la contrainte de santé, ce n'est pas le bon critère pour les personnes autistes. Et je vous ai entendu dire tout à l'heure la façon dont on considère les personnes autistes est en jeu. Considérez-vous que le projet de loi no 71 actuellement fait la bonne chose de ce côté-là?

Mme Plourde (Lili) : Il y aurait des amendements à faire dans le projet de loi. Ça fait des mois, depuis le 1ᵉʳ juillet 2022, qu'on milite pour que l'autisme revienne dans la liste des diagnostics évidents donnant un accès direct aux programmes de solidarité sociale. Pas parce que le monde ne veulent pas aller travailler, parce que les embûches, les défis sont nombreux et puis on veut... Je vais vite parce que je sais que je n'ai pas beaucoup de temps. En 2017, l'INSPQ a publié Surveillance des personnes autistes de 0 à 24 ans, qui démontre qu'il y a deux fois plus de personnes autistes que de non autistes qui décèdent par suicide et cinq fois plus qui décèdent pour autres problèmes de santé que la population non autiste. Pourquoi? Le manque de services dans le réseau de la santé puis le manque de services tout court et l'apparition de troubles de santé mentale. Ces événements-là, quand on vit toutes les embûches administratives, après avoir fait des tentatives multiples de travail, ça vient compliquer la vie des gens.

• (14 h 40) •

M. Paradis : Vous nous invitez à prendre en compte plutôt les besoins particuliers des personnes, et notamment des personnes autistes, c'est ce que vous nous rappelez là, et vous dites, pour faire ça, ça va prendre des ressources conséquentes. Et vous espérez que le projet de loi va être à la hauteur. On nous dit que le projet de loi va se mettre en œuvre à coût nul. Est-ce que vous êtes confiante?

Mme Plourde (Lili) : Ça va prendre... Ça prend des ressources. Pour le plan d'intégration et pour l'accompagnement des personnes, ça va prendre des ressources.

M. Paradis : Très bien. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Merci, mesdames, pour votre contribution à la commission. Je suspends les travaux quelques minutes afin de faire prendre place nos autres invités. Alors, merci.

(Suspension de la séance à 14 h 41)

(Reprise à 14 h 43)

La Présidente (Mme D'Amours) : Nous reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue à la Fédération québécoise de l'autisme?

Une voix : Centraide.

La Présidente (Mme D'Amours) : Centraide, ah! je n'ai pas le bon document. Oui, ici, pardon, Centraide du Grand Montréal. Je vous rappelle, chers invités, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de notre commission. Donc, je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.

M. Pinard (Claude) : Merci, Mme la Présidente. Donc, mon nom est Claude Pinard, président-directeur général de Centraide du Grand Montréal, je suis accompagné de...

M. Régis (Mario) : Excusez, Mario Régis, directeur principal à la direction générale de Centraide du Grand Montréal.

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Marie-Ève Brunet, responsable Relations gouvernementales pour Centraide du Grand Montréal.

M. Pinard (Claude) : Alors, merci de nous accueillir. On est très heureux d'être ici aujourd'hui. Merci de prendre le temps donc de discuter d'un sujet qui nous touche particulièrement à Centraide. Comme notre mission d'organisation est de rassembler et agir pour un Grand Montréal inclusif et sans pauvreté, donc on est devant vous aujourd'hui dans le but de parler d'une réalité qui nous touche tous et toutes, et qu'on veuille se l'admettre ou pas, je veux dire, on a tous dans nos environnements des gens qui sont en situation difficile, vivent des situations de vulnérabilité. Que ce soit dans les rues, dans les quartiers, dans les communautés dans lesquels on évolue, il y a des personnes et des familles qui se battent tous les jours pour surmonter les défis qui, on dirait, sont de plus en plus importants. Et je donne souvent l'exemple lorsque je présente dans différents événements de campagne, vous savez, l'automne, c'est le Thanksgiving, et il y a une raison pour laquelle c'est l'Action de grâces, c'est le temps des récoltes et c'est le temps où les gens étaient très généreux. Donc, c'est également le temps au sens où tous les Centraide du Québec se mettent à l'oeuvre dans le but de récolter l'argent qui va servir à faire des investissements sociaux.

Je raconte souvent l'anecdote d'un couple de Côte-des-Neiges, un quartier de Montréal qui, comme vous et moi, se lève tous les matins dans la plus grande dignité, s'assure que le petit ait son manteau, qu'il ait son... peut-être son lunch, l'amène à l'école. Ils vont travailler comme vous et moi. Ils vont cacher souvent le poids de ce qu'ils portent, et ce sont des préoccupations qui sont très souvent liées à la crise du logement, donc les... ce jeune couple va souvent se retrouver en banque alimentaire le 27, le 28 du mois parce qu'il va consacrer plus de 50 % de son revenu net pour se loger. C'est des choses qu'on connaît assez bien. Vous savez que, lorsque vous dépensez 50 % de vos revenus nets pour vous loger, il ne reste pas grand-chose pour les fournitures scolaires ou les autres besoins essentiels. Donc, c'est une pression qui est ressentie à tous les jours, chaque semaine, ce qui... il y a des décisions qui doivent se prendre : Est-ce qu'on achète de la nourriture ou est-ce qu'on paie nos factures? Puis ce qui est important, c'est que ces personnes-là, il n'y a personne qui se lève le matin en disant : Yes, je m'en vais à la banque alimentaire ce soir, je suis un bénéficiaire de travail de banque alimentaire. Ils ne veulent pas la charité, ils souhaitent des solutions durables. Comme l'ensemble de leurs concitoyens, ils aspirent à une vie où, dans le fond, l'anxiété ne fait pas partie de leur réalité quotidienne dans le but de subvenir aux besoins de leur famille.

Et ce n'est pas des cas isolés, on parle de milliers de personnes, de familles au Québec qui vivent dans une sorte de précarité. Il y a plus d'un million de Québécois, vous le savez, qui ont de la misère avec les fins de mois, donc qui peinent à s'en sortir à chaque mois, beaucoup de travailleurs sont dans cette situation-là. Donc, la pauvreté, c'est un peu insidieux et ça peut frapper n'importe qui. Et c'est là que le projet de loi n° 60, 11... 71, pardon, entre en jeu, car si la stratégie gouvernementale est de ramener les gens vers l'emploi, ou encore faut-il que cette réalité donne un nouveau souffle aux personnes vivant sous le seuil de la pauvreté. Ainsi, nous avons une occasion unique de repenser notre approche face... face à cette réalité complexe le projet de loi n° 71 ne se limite pas à des chiffres et des réglementations, il touche à la dignité humaine et, il faut le reconnaître, il vise à transformer la manière dont nous soutenons ceux qui en ont besoin...

M. Pinard (Claude) : ...Centraide du Grand Montréal en appelle à une approche ambitieuse pour lutter contre la pauvreté, axée non seulement sur la réduction du nombre de personnes statistiquement pauvres, mais sur l'amélioration des conditions de vie des Québécois. Et là-dessus, collectivement, nous avons la capacité d'agir. Si nous sommes tous en accord avec les intentions d'humaniser l'assistance sociale et de renforcer la dignité des personnes, reconnaissons du même coup qu'il sera essentiel de s'assurer que ces intentions se concrétisent un effet recherché. En ce sens, Centraide du Grand Montréal recommande de faire appel à un tiers indépendant pour évaluer les impacts cumulatifs des différentes mesures mises en œuvre auprès des bénéficiaires.

Quelle sera l'augmentation de l'aide financière mensuelle accordée? Combien de personnes en bénéficieront? Quel impact aura l'abolition de la comptabilisation d'une contribution présumée les parents, la révision de la notion maritale pour les personnes qui cohabitent en raison de limitations fonctionnelles de l'une ou l'autre et le supplément pour les personnes qui poursuivent des études menant à l'obtention d'un diplôme secondaire? Et ici, comme vous savez, je ne nomme que certaines des mesures que nous saluons en particulier.

J'aimerais qu'on prenne un instant pour également parler de l'article 4 du projet de loi n° 71 qui met en lumière l'importance des programmes d'aide ou d'accompagnement social. Dans le cadre du plan de lutte à la pauvreté, il est proposé de former le personnel qui intervient auprès des familles en situation de pauvreté afin d'adopter une approche d'accompagnement respectueuse de leurs besoins et de leurs réalités.

Ici, et vous, très certainement, entendez mon commentaire sur le fait que j'insiste pour vous mentionner et réitérer l'expertise du milieu communautaire qui travaille sur... au quotidien avec les personnes qui sont prestataires du régime d'assistance sociale, particulièrement ceux travaillant auprès des demandeurs d'asile. Pour maintenir et renforcer cette expertise, un soutien financier adéquat et prévisible est essentiel. Sans ce financement, la stabilité des équipes et la qualité de l'accompagnement, qui sont au cœur de ce projet de loi, pourraient être mises en péril.

• (14 h 50) •

Aussi, Centraide du Grand Montréal recommande que les organismes communautaires participent activement à la définition de l'approche à adopter et ne soient pas simplement consultés. Ceux-ci pourront par ailleurs s'assurer que les contraintes environnementales et structurelles qui influencent le parcours des individus soient considérées dans la définition des paramètres d'accompagnement. Car rappelons que de nombreux facteurs échappent à la volonté des personnes en situation de vulnérabilité. Souvent, trop souvent, les personnes se retrouvent en situation de vulnérabilité ou de pauvreté pour des raisons qui sont largement hors de leur contrôle. Leur environnement, ainsi, peut être un obstacle finalement.

Finalement, permettez-moi de souligner que le projet de loi est une opportunité pour discuter des réalités complexes de la pauvreté et de la manière dont nous la mesurons. Il est aujourd'hui nécessaire de moderniser les indicateurs de mesure de la pauvreté pour mieux refléter la réalité des personnes. Et s'il est vrai, selon la mesure du panier de consommation, la MPC, que le taux de pauvreté diminue, il est aussi vrai qu'il n'y a jamais eu autant de personnes en situation d'itinérance dans nos rues et que les banques alimentaires n'ont jamais été si fréquentées et sollicitées. Comment expliquer une telle dissonance entre la réalité et les données statistiques?

Mmes et MM. les élus, la pauvreté est un défi que nous ne pouvons ignorer. Nous avons l'opportunité de transformer cette lutte en une action collective, une action qui vise à briver... à briser, pardon, le cycle de la pauvreté. Ainsi, dans le cadre de vos travaux, nous vous invitons à prévoir la modernisation de nos indicateurs de pauvreté, et à mesurer l'impact des mesures proposées, et à assurer que celles-ci reflètent la réalité vécue par des milliers de Québécois. Nos approches, nos définitions et la façon qu'on a d'intervenir doivent évoluer. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons débuter maintenant notre période d'échange avec la ministre. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Rouleau : Merci beaucoup, Mme la Présidente, et merci beaucoup, M. Pinard, ‘me Kitchen, Mme Brunet, Brunet Kitchen, ainsi que M. Régis de votre présence aujourd'hui pour votre... Merci pour votre contribution à ces travaux qui mènent à la modernisation du régime d'aide sociale. Vos commentaires sont très importants. Votre aide est importante aussi. Vous parlez, bien sûr, de dignité humaine, et j'en suis. J'aimerais que vous m'expliquiez un petit peu plus, là, ce que vous entendez par un tiers indépendant. Qui est le tiers...

Mme Rouleau : ...indépendant, et il fait... et que fait cette personne ou cet organisme? Ou situe ce tiers indépendant où dans votre réflexion?

M. Pinard (Claude) : Merci de la question, Mme la ministre. Je vais passer la parole à mon collègue Mario Régis, et juste vous mentionner que c'est exactement dans deux heures que monsieur prendra sa retraite et qu'il va quitter Centraide après 10 ans d'extraordinaires et loyaux phénoménaux services. Donc, imaginez-vous, il n'y a pas grand citoyens au Québec qui peuvent se targuer de dire que leur dernière intervention pour leur employeur aura été de participant en commission parlementaire. Donc, là-dessus, Mario, je te passe la parole.

Mme Rouleau : Je suis d'autant plus honorée de vous avoir avec nous, M. Régis.

M. Régis (Mario) : L'honneur est pour moi, Mme la ministre. Merci, Claude, ce n'est pas vraiment nécessaire, mais, bon, on va le prendre. À votre question, en fait, on ne l'a pas identifié explicitement, on n'est pas allé jusque là, mais il existe des observatoires, l'Observatoire sur la lutte à la... sur les inégalités. Il y a le centre que la loi a créé au niveau de la lutte à la pauvreté. Là-dessus, on n'est pas allé dans l'identification, par contre, ce qui nous apparaissait important quand on regardait l'ensemble des mesures, on dit : O.K., mais quel effet ça va avoir au complet? Donc, ultimement, c'est plus la recherche de l'effet concret qui nous importait. Qui doit l'évaluer? Je pense que les gens au sein du ministère ont peut-être une meilleure connaissance, une connaissance plus large, en tout cas, à travers le Québec, des organisations qui pourraient le faire. Mais ce qui nous importait, c'est dire : Il faut que les intentions auxquelles on appuie, Claude a été clair dans son message d'ouverture, on les appuie, ces mesures-là, au niveau de l'intention.

Maintenant, dans une analyse différenciée selon les sexes, selon les groupes d'âge, est-ce qu'effectivement il y aura un impact significatif auprès des prestataires et combien de personnes vont pouvoir bénéficier de cet impact positif et de combien sera cet impact-là? Il est difficile de le mesurer quand on regarde le projet de loi, mais, encore une fois, on le souligne, l'intention, elle est parfaite, elle est bonne, mais c'est l'effet qu'on cherche, et là on dit : Bien, ce serait intéressant qu'on le mesure correctement puis qu'on fasse rapport après pour voir si on a atteint nos objectifs.

Mme Rouleau : Ça fait appel à un aspect de recherche et de documenter de manière plus structurelle encore, structurante, je dirais, que tout l'effet, là, des mesures qu'on met en place. Petite question. Dans... L'objet de la modernisation de la durée du régime d'assistance sociale et du projet de loi n° 71, d'abord l'accompagnement et la simplification des régimes, du régime, moins de bureaucratie, moins de paperasse, moins de formulaires. Et je pense qu'on a des propositions qui vont en ce sens. Alors, plus d'accompagnement, ça veut dire un plan d'accompagnement personnalisé auquel les gens ont droit, ils peuvent le demander et l'obtenir, et un plan régional, un réseau régional d'accompagnement qui inclut donc les différents joueurs régionaux pour une meilleure coordination, disons-le comme ça. Comment voyez-vous ces deux aspects, le plan personnalisé et le réseau régional? Et comment Centraide se voit? Est-ce que vous vous voyez dans ces initiatives-là?

M. Pinard (Claude) : Bien, nous... Un, je voulais un peu renchérir sur ce que Mario a dit tantôt en deux secondes, vous m'avez régulièrement, j'imagine, lu et entendu, Mme la ministre, sur le fait que les...

Mme Rouleau : ...

M. Pinard (Claude) : Ah! oui, les solutions... Oui, voilà. Les solutions ne peuvent plus venir que du gouvernement. Donc, je pense que ça prend... On doit, tout le monde, s'installer autour de la même table puis discuter ces nouvelles définitions là. Quand... J'aime bien mon intervention dans le contexte où on pense également, chez Centraide, que la complexité des interventions ou de la pauvreté, telle qu'on la voit maintenant, c'est-à-dire l'effet d'addition des facteurs de pauvreté chez une même personne, font en sorte qu'on doit absolument considérer la notion de continuum de personnes. Et quand on parle de continuum de personnes, ça veut dire donc qu'il y a un écosystème d'organismes qui peuvent contribuer ou qui contribuent à faire en sorte qu'on s'occupe des gens de la bonne façon ou qu'ils ont les services. Et l'exemple que j'aime souvent donner, c'est une banque alimentaire de la Rive-Sud qui a embauché une intervenante en santé mentale. Donc, une banque alimentaire qui embauche une intervenante en santé mentale, c'est un peu curieux, mais donc ils ont vu le besoin puis ils ont décidé de faire en sorte que cette dame-là pouvait bénéficier des deux services en même temps. Sur l'aspect régional de la chose, je vais passer la parole à Mario.

M. Régis (Mario) : Merci. En fait, sur l'aspect régional, dans le mémoire, à l'article 6, là, le point 6 du mémoire... puis on se base...

M. Régis (Mario) : ...notre expérience en termes de mobilisation, partenariat régional, Centraine fait ça depuis des années. Je dirais que je résumerais en disant la... On a identifié des acteurs clés qui doivent être là, notamment des représentants du marché du travail, parce que ça va être important de considérer que l'accompagnement des personnes, oui, elle doit répondre à leurs besoins de formation, de soutien, compte tenu des défis et des limites qu'ils rencontrent, mais aussi du marché du travail qui est présent dans le secteur où ils demeurent, ces personnes-là. Parce qu'on ne se cachera pas il y a des enjeux aussi d'adaptation du marché du travail à ces gens-là, en termes de politiques discriminatoires, en termes d'horaires de travail qui ne permettent pas la conciliation famille-travail, notamment pour des femmes cheffes de famille monoparentale. Donc, l'effort d'adaptation ne peut pas être que du seul côté des personnes prestataires.

Du point de vue régional, la condition importante, qu'on a ajouté, au-delà des représentants, on a identifié certains représentants, mais la condition, c'est qu'il faut que les personnes qui siègent à cette instance régionale aient le pouvoir d'aplanir les contraintes et aligner les actions des différentes organisations. Si on ne peut faire que des constats, c'est déjà pas pire, mais on ne pourra pas vous... là, il y a des arrimages à faire entre le milieu de la formation, le milieu du travail, les organismes qui font l'accompagnement, les profils des personnes qui... du secteur, pour être capable d'aligner l'action et vraiment lever les... assouplir les coins, comme on pourrait dire, des fois, les... pour faire en sorte que les mesures arrivent au bon moment et arrivent dans une séquence qui permette vraiment de soutenir la motivation puis la mobilisation des acteurs dans leur propre cheminement. Et, pour nous, ça, c'est une condition essentielle. Sinon, c'est une instance où les gens vont déplorer les problèmes, mais on ne sera pas capables de les faire bouger.

• (15 heures) •

Mme Rouleau : O.K., je comprends. Dans votre mémoire, vous soulignez l'enjeu de l'accroissement des demandeurs d'asile qui deviennent temporairement des prestataires d'aide sociale, parce que, lorsqu'ils arrivent, on les accueille. Puis il y a des gens qui ont besoin d'aide et nous leur donnons cette aide-là par l'aide de dernier recours. Depuis quelques années, il y a un accroissement, comme vous le mentionnez. Avez-vous des suggestions à nous faire? Quelles mesures pourrions-nous mettre en place pour favoriser la sortie de l'aide sociale et vers l'emploi? Qu'est-ce qui... qu'est-ce qui pourrait être fait? Qu'est-ce qui manque à votre avis dans votre expérience?

M. Régis (Mario) : Bien, en fait, j'aurais tendance à répondre, très généralement, parce qu'il faudrait aller s'asseoir à ce moment-là dans ce contexte-là avec, entre autres... je pense à la TCRI, la table de concertation régionale des organismes qui accueillent, qui ont une expertise. On est en lien avec ces organisations-là. Je vous dirais que les défis sont nombreux. Déjà, la recherche d'un logement, la signature d'un bail quand tu n'as aucun historique de crédits, il y a des organismes communautaires, on le sait, ils sont... ils ont pris le risque de contresigner le bail, se sont portés garants. C'est la seule façon de permettre à ces gens-là de pouvoir bénéficier de logement. Si tu n'as pas de logement, ça se peut que tu aies de la difficulté, effectivement, à te trouver un emploi. Puis il y a effectivement, il faut le reconnaître, un marché noir pour embaucher les personnes immigrantes avec un non-respect des normes du travail. C'est pour ça qu'on disait que, dans l'instance régionale, il faut qu'il y ait des représentants qui ont un pouvoir d'action sur le milieu de travail. Et après ça, il y a toute la question de l'accès aux cours de francisation, des incitatifs pour leur permettre l'accès aux services de garde pour pouvoir aller chercher la formation. Je pense que plusieurs améliorations y sont possibles. Et ça... et c'est là que l'instance régionale devient hyperintéressant et hyperpertinente comme idée pour bien les identifier.

Puis, bien c'est sûr que, présentement, on y fait face. On a eu des collaborations à Centraide avec... bien, entre autres, votre collègue et avec vous, pour venir soutenir l'action des organismes communautaires qui travaillent auprès de ces populations-là, parce qu'ils sont vraiment au front et avec un risque d'épuisement aussi, il faut le constater. Ça fait que la réussite du virage repose sur les moyens, et la reconnaissance de cette expertise-là et de leurs connaissances, justement, pour identifier très clairement les coins qu'il faut arrondir et être capable d'avoir les bonnes personnes autour de la table pour être capable de les arrondir un coup qu'on les a identifiés.

M. Pinard (Claude) : J'ajouterais à ça... j'ajouterais à ça, je ne suis pas sûr que je m'adresse au bon ordre de gouvernement, mais il faut régulariser la situation le plus rapidement possible dans le but qu'ils puissent avoir un permis de travail, se mettre immédiatement à l'emploi.

Mme Rouleau : Je suis d'accord avec vous, et ça, c'est du côté du gouvernement fédéral. Avec insistance, on leur demande de...


 
 

15 h (version non révisée)

Mme Rouleau : ...de réduire les délais pour que les personnes, les demandeurs d'asile puissent obtenir leur permis.

Ceci étant dit, je vous amène sur l'aspect des contraintes en emploi qu'on connaît aujourd'hui. On va vers des contraintes de santé. Considérant que les gens sont plus éloignés du marché du travail, ont des enjeux plus importants, que la contrainte emploi, elle vise à calculer la capacité de la personne à travailler, alors que la contrainte de santé est plus axée sur l'état de la personne et fait intervenir tout l'aspect de santé mentale et d'enjeux psychosociaux, ce qui est-ce qui n'est pas inclus dans la contrainte emploi à l'heure actuelle.

Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure que nous prévoyons dans le plan de... dans le projet de loi?

M. Régis (Mario) : En fait, très sincèrement, Mme la ministre, on n'a pas l'expertise pour nuancer exactement toute cette nuance-là. Maintenant, je me réfère à l'expérience où il faut s'assurer qu'il y ait des choses... Est-ce qu'il y a une relève de l'emploi ou de la santé quand on parle, par exemple, de préemployabilité, quand on n'a pas été habitué de gérer des relations avec un patron, quand on n'est pas... de prendre personnel des commentaires? Et là je réfère... Claude disait que je pars à la retraite, là je n'ai quand même pas juste travaillé à Centraide avant. Dans les entreprises d'insertion, il y a des... un travail important qui se fait au niveau de toute la préemployabilité, au niveau d'apprendre à respecter, à respecter le travail d'équipe, à ne pas prendre personnel des commentaires sur la qualité de ton travail, etc.

Est-ce que ça, c'est une contrainte à l'emploi ou c'est une contrainte à la santé? Parce qu'indépendamment de la définition, c'est une contrainte importante pour accéder à l'emploi et maintenir la rétention d'emploi. Il faut faire attention d'éviter que des gens aient une multitude d'échecs parce que la confiance en soi finit par tomber. Et là, oui, je vous laisse aller.

Mme Rouleau : Oui, bien, en fait, j'allais dire justement dans ce sens-là, on a... Il y a deux programmes importants qu'on va... qu'on souhaite améliorer. Il y a le programme PAAS, qui est le programme d'aide et d'accompagnement social, où on va créer le nouveau volet participation sociale, justement pour que les personnes qui sont très éloignées puissent refaire le réseau, revenir parce que c'est plus difficile. Ils ne sont pas... Ils ne seront pas en préemployabilité tout de suite, c'est plus pré-prémployabilité. Alors, c'est un espace de plus, là, qu'on suggère pour  amener les gens, les insérer, mieux les insérer, intégrer et, éventuellement, aller vers l'emploi. Donc, je pense qu'on va dans la direction que vous souhaitez aussi. De même, on veut élargir le programme Objectif emploi, pour que ce ne soit pas que les premiers... que les gens qui demandent, pour la première fois, l'aide sociale qui a accès à Objectif emploi, mais ils reviennent une deuxième fois et ils auront accès. Des mesures semblables dans un plan de lutte, c'est vous semble correct ou... Vous avez une opinion là-dessus?

M. Pinard (Claude) : Bien, c'est définitivement très intéressant, Mme la ministre. Je ne peux pas m'empêcher de penser, comme président de Centraide du Grand Montréal, c'est qu'on est rendu, comme société, à faire des projets de loi, comme le projet de loi n° 71, où on va toucher, avec des mesures extrêmement précises, très humaines, dans la dignité, quatre, cinq, six, 7000 personnes. Ce qui me fait penser qui, a contrario, on est peut-être rendu à une certaine fin du modèle où, à un moment donné, on doit se dire, peut-être, qu'on devrait se redéfinir, une façon d'intervenir auprès des personnes qui sont en situation de pauvreté. Ça fait que l'ensemble des initiatives qui sont contenues dans le pl 71 sont superintéressantes. Mais si on voulait effectuer ou avoir un impact plus grand sur plus de personnes, il faudrait redéfinir, redéfinir l'ensemble des interventions, que ce soit dans le plan de la pauvreté ou au pl 71.

Moi, je pense que ce qui est contenu ou ce dont on discute ce matin... cet après-midi, pardon, c'est définitivement intéressant à prendre en connaissance... ou en cause, pardon, la situation...

M. Pinard (Claude) : ...le plus personnalisé de nombre de personnes. Et pour nous, c'est important, parce que, vous savez, l'intervention qu'on fait dans le Grand Montréal et partout au Québec, les Centraide, c'est de s'assurer de resserrer les mailles du filet, et c'est un peu ça qu'on fait ici, mais on veut s'assurer qu'on est capables de peut-être voir où il y a des trous dans les filets. Puis, au moment où on se parle, il y en a plusieurs, je le mentionnais tantôt, la MPC dit qu'il y a une réduction du nombre de personnes en situation de pauvreté, mais, en même temps, le président-directeur général de Banque alimentaire Québec est devenu votre meilleur ami aussi, ça veut dire qu'il y a énormément de personnes qui ont accès encore plus aux banques alimentaires, alors que supposément les gens diminuent. Donc, on a besoin d'avoir, je pense, une nouvelle conversation sur comment... quelles sont les nouvelles définitions puis comment on va s'assurer de bien servir les personnes qui sont en situation de précarité ou vulnérabilité.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions avec la ministre. Maintenant, je cède la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme McGraw : Combien de minutes, Mme?

La Présidente (Mme D'Amours) : 10 min 24 s.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente. Et merci d'être avec nous aujourd'hui en virtuel, mais aussi pour votre excellent mémoire. Peut-être, on va aller commencer justement sur... on va revenir sur la question des contraintes, de l'environnement, parce que, la ministre, elle soulève qu'avec le projet de loi on parle plutôt maintenant de conditions de santé aux contraintes de santé et non de contraintes à l'emploi. On comprend très bien qu'il y a des personnes qui ont des problèmes de santé, qu'elles puissent travailler, mais on comprend aussi qu'il y a des personnes qui ne puissent pas travailler à cause de contraintes qui ne sont pas liées à la santé. Alors, on parle de l'élargissement, mais peut-être un rétrécissement. Que pensez-vous de cette approche? Et aussi souligner votre approche de... Vous parlez de contraintes de l'environnement sur lesquelles les personnes n'ont pas nécessairement peu ou pas de pouvoir.

• (15 h 10) •

M. Régis (Mario) : Merci pour votre question, Mme la députée. En fait, comme on le mentionnait tout à l'heure, là, je n'ai pas la prétention de bien maîtriser l'impact de la différence entre la santé versus la condition d'emploi, mais force est d'admettre qu'il y a effectivement des contraintes qui... sur lesquelles ni la personne qui est prestataire ni les personnes qui vont l'accompagner ont un réel pouvoir. Si vous avez lu notamment le roman Rue Duplessis dernièrement, on en a là une bien belle preuve. Ce qu'on a mentionné dans notre mémoire, on en a identifié quelques-unes, on les a regroupés, mais effectivement est-ce que les personnes qui ont des enjeux personnels ont réellement accès aux ressources pour améliorer leur état de santé, donc l'inaccessibilité aux services de santé mentale, au soutien psychologique, orientations professionnelles, est ce qu'ils ont accès et est-ce que ces services-là sont accessibles pour ces personnes là dans le contexte du transport en commun ou des moyens de transport? Même à Montréal, c'est... puis Mme la ministre doit comprendre, là, elle est députée de Pointe-aux-Trembles, bien, des fois, de partir de Pointe-aux-Trembles puis aller dans d'autres coins de la ville, ce n'est pas toujours évident au niveau du transport en commun. Donc, il faut que le service existe et il faut y avoir accès. Même chose pour la formation disponible : cours de francisation, formation illimitée dans... liée au marché de l'emploi. Le coût de ces formations-là est... quand je dis le coût de formation, tout le matériel qu'il faut pour le suivre, il y a des enjeux là-dessus où les personnes pourraient se retrouver, et se retrouvent effectivement, incapables de suivre la formation, incapables d'avoir ces accès-là, parce que le service n'existe pas ou qu'il n'est pas accessible compte tenu de la mobilité, des conditions de mobilité dans lesquelles elles se retrouvent et de l'offre de mobilité du secteur dans lequel elles demeurent. Pour ne nommer que celles-là, là.

Mme McGraw : Merci. Il y a beaucoup de groupes que juste pour... qui soulignent le fait qu'il y a des groupes, vous savez peut-être, entiers qui vont perdre leurs... c'est aboli carrément les allocations, des familles monoparentales, des femmes victimes de violence conjugale et autres, des personnes âgées de 58 ans et plus, etc. Et ça représente des dizaines de milliers de personnes au Québec quand même, qui vont se trouver dans une situation très différente, pas les prestataires présentement, mais c'est les futurs, les futures personnes, on va dire, visées.

Autre question. Plan individualisé, c'est un... on trouve ça très intéressant comme approche, très prometteur, mais, pour revenir à votre langage, on insiste sur le fait que les effets recherchés... de regarder pas juste les intentions, mais est ce que c'est vraiment l'effet? Donc, plan individualisé, vous parlez, posture d'accompagnement, vous parlez de, justement, s'assurer que les personnes...

Mme McGraw : ...une... il y a un lien de confiance entre la personne aidée et la personne qui l'accompagne. On a entendu aujourd'hui le Syndicat des fonctionnaires de la fonction publique et parapublique qui justement parle des agents qui sont découragés, démoralisés parce que l'approche est... justement cette approche personnalisée où la personne qui est aidée... va devoir raconter et répéter son histoire, souvent complexe et pénible avec ces changements-là, et aussi que, le plan individualisé, ça va être sur demande.

Mais M. Pinard, vous avez cité»... dans La Presse, vous avez écrit : «La personne en situation d'itinérance n'a pas besoin d'une seconde chance, ce qui l'aiderait vraiment, c'est d'être soutenue sur le long terme, avec un plan solide d'intervention, et ce constat s'applique tant aux personnes prestataires de l'assistance sociale.» Mais les personnes en situation d'itinérance, est-ce que vous pensez, selon votre expertise, qu'ils vont être dans une position de demander sur ce plan individualisé? Donc, c'est sur demande. Est-ce que ça devrait être universel avec l'option de nier, de dire non? Avec les populations vulnérables avec lesquelles vous connaissez très bien, que pensez-vous de cette approche?

M. Pinard (Claude) : Bien, je crois... juste m'assurer de comprendre votre question, Mme la députée. C'est que je pense qu'il faut commencer quelque part, et... et l'approche personnalisée, je... je ne suis pas en train de m'en faire le promoteur, mais ce que je vois actuellement, dans mes interventions sur le terrain avec les organismes communautaires, c'est l'effet multiplicateur de la pauvreté, donc c'est comment les organismes communautaires, si vous leur posez la question, ont tous ajouté un ou deux services dans la dernière année. Pourquoi? Pour s'assurer de suivre ce dont les questions... ce dont les personnes avaient besoin. Alors, lorsque je parle de cette dame de... quand j'en parle, j'aime ça lui donner le nom de Julie, mais pour personnaliser un peu. Donc, cette Julie qui se présente en banque alimentaire puis qui a besoin également d'aide au niveau de l'accompagnement en santé mentale. Les gens ne lui ont pas demandé : As-tu besoin d'accompagnement en santé mentale, Julie? Les gens ont vu la détresse de la personne et ont adapté. Alors, cette.... cette agilité-là doit se retrouver également dans les services gouvernementaux et doit se retrouver chez les organisateurs communautaires des CIUSSS.

Moi, je vais vous dire, j'ai vu également, à Laval, un organisateur communautaire qui n'a pas... de CIUSSS qui n'a pas de bureau, donc son bureau est partout sur le terrain, et je l'ai vu aller dans un organisme que je visitais récemment et qui connaissait l'ensemble des personnes dans l'organisation et qui était en mesure de, comment dirais-je, s'identifier et comprendre les problèmes et ne pas faire répéter les gens, ça fait que je pense que quand vous me posez la question, je vous répondrai que oui. Il y a très certainement un moment où on n'a pas le choix, je pense, de repasser à travers un certain... comment dirais-je, description de l'histoire ou du vécu de la personne, mais ça peut juste servir à long terme. Je ne sais pas, Mario, si tu veux ajouter quelque chose.

Mme McGraw : Peut-être je vais poursuivre juste par manque de temps. Donc, posture d'accompagnement, vous avez souligné l'importance, et ce n'est pas surprenant avec l'expertise de Centraide, l'expertise du milieu communautaire qui travaille au quotidien avec les personnes aux prises avec des enjeux importants, etc. Donc, parlez-nous de cette... l'importance de... de souligner l'importance de l'expertise du milieu communautaire, mais aussi en même temps les réseaux. Vous avez aussi des recommandations face aux réseaux régionaux, et de s'assurer que les personnes qui y siègent ont un réel pouvoir pour aplanir les contraintes et aligner l'action de leurs organisations et réseaux respectifs en appui aux objectifs de plan d'accompagnement. Donc, j'aimerais vous entendre sur milieux communautaires et réseaux régionaux.

M. Régis (Mario) : Oui, en fait, dans le mémoire, on le souligne aussi, et particulièrement dans la région de Montréal où effectivement un pourcentage assez important des personnes prestataires sont des migrants en situation de très grande vulnérabilité, et on sait que leur parcours migratoire fait en sorte qu'ils peuvent avoir une relation difficile avec l'institutionnel, et il faut en tenir compte. Et là-dessus, il faut souligner l'expertise que le milieu communautaire, particulièrement auprès des migrants, ont développée pour développer cette confiance. Faire affaire avec un officier de l'État, aussi sympathique puisse-t-il être, ça peut poser des barrières importantes du point de vue de la personne. Même chose, travailler auprès des gens qui sortent de la rue, la relation de confiance est importante à tisser et là, pour bien des personnes, travailler avec un représentant de l'État...

M. Régis (Mario) : ...bien, c'est de travailler avec, peut-être, le représentant de la DPJ qui est venu retirer les enfants pendant un petit bout de temps, il y a des amalgames qui peuvent s'opérer, d'où l'importance de vraiment prendre en compte cette dimension-là, cette vulnérabilité des différentes populations qui sont prestataires de la sécurité.

C'est pour ça que... Puis c'est un des principes qu'il y a dans le livre blanc, au niveau de la mobilisation de tous les partenaires, en commençant par les personnes qui sont prestataires. Donc, pour nous, l'instance régionale devrait aussi inclure des représentants des personnes qui vivent les plans d'intervention pour voir comment ces gens-là, à qui on destine les plans, bien, peuvent faire remonter à travers ces représentants les... la fluidité des plans, les bons coups des plans, parce qu'il va y en avoir, mais aussi les limites qu'on rencontre dans le déploiement.

En fait, c'est une mécanique humaine qu'on cherche à mettre pour être capable de l'avoir, l'humanité, mais on doit le gérer, parce que l'État est ainsi composé, de différents programmes. Donc, il ne faut pas voir cette instance-là comme une mécanique qui gère des programmes, mais qui met les programmes au service des besoins et des parcours des individus. Et c'est pour ça qu'il est important que les gens qui soient là puissent être capables de revenir dans leurs organisations respectives puis dire : O.K., là on rencontre une difficulté. Comment on peut l'aplanir? Comment on peut faire... Comment on peut faire ça plus souple? Il faut cette marge de manœuvre là. Et c'est pour ça d'ailleurs qu'on soulignait l'importance que... du pouvoir qui est conféré à la ministre... bien, au ministre, là, dans ce cas présent, c'est la ministre, d'avoir des projets pilotes pour pouvoir expérimenter des façons beaucoup plus simples, beaucoup plus souples, puis s'adapter réellement, en le meilleur temps possible, pour réussir cet accompagnement-là des personnes.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup.

M. Pinard (Claude) : Et j'ajouterais...

La Présidente (Mme D'Amours) : Je suis désolée, c'est tout le temps que nous avions avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Maintenant, je vais céder la parole à la députée de Sherbrooke.

• (15 h 20) •

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Je veux revenir avec vous sur la question des contraintes de l'environnement que vous avez abordé tout à l'heure. Vous donnez d'excellents exemples, là, accès à des cours de francisation, on pourrait penser à l'alphabétisation aussi, transport en commun, transport adapté, parfois. Quand vous entendez la ministre parler de sa vision à elle d'une contrainte de santé où elle englobe le psychosocial également, est-ce que vous avez l'impression que ça prend en considération les contraintes de l'environnement que vous avez mises de l'avant?

M. Régis (Mario) : Bien, on l'a identifié dans le mémoire parce qu'effectivement on ne le voyait pas. Comme je le disais tout à l'heure, comment on la définit, la contrainte de la santé versus la contrainte à l'emploi, on n'est pas allés fouiller, là, il y a-tu un lexique en arrière de ça, puis il y a assurément toujours une zone grise. C'est un continuum, là, ce n'est pas deux affaires. Ça fait que, comme je le nommais tantôt, la préemployabilité ou la pré-préemployabilité, est-ce que c'est une contrainte liée à la santé de la personne ou c'est une contrainte à l'emploi? Mais c'est une... Mais le fait est que, dans la vraie vie, c'est une contrainte réelle.

Donc, la question, pour moi, elle est plus... pour nous, elle était plus de dire : Bien, quelles sont les contraintes auxquelles les gens sont confrontés quand vient le temps d'accéder à l'emploi? Il y a effectivement des contraintes liées à la santé. Il y a des contraintes liées à... aux conditions de vie dans lesquelles les... ces personnes-là évoluent, leur parcours, particulièrement leur parcours migratoire. Mais il y a aussi des contraintes liées à l'environnement, au marché du travail. Puis je ne répéterai pas ce qu'on a nommé tantôt, là, je vais vous laisser le temps, mais, pour nous, c'est important qu'on les nomme pour ne pas qu'on laisse présager l'image que l'effort est juste du côté de la personne qui doit s'adapter au marché du travail.

Il y a 10 ans, on a sorti une recherche sur les travailleurs pauvres et on a fait la démonstration qu'à Montréal, en 2016, il y avait... sur 10 personnes qui vivaient sous le seuil de pauvreté, il y en avait quatre qui travaillaient, il y en avait trois qui travaillaient à temps plein, et, malgré tout, elles étaient sous le seuil de faibles revenus. Et ce serait intéressant qu'on remette à jour cette étude-là aujourd'hui.

Mme Labrie : Donc, si je vous entends bien, ce n'est pas suffisamment clair dans les intentions, là, du projet de loi qu'on prend en compte ces enjeux-là, mais ce sont des vraies contraintes qui sont constatées, là, très régulièrement sur le terrain puis qu'il faut prendre en considération. Est-ce qu'on ne serait pas mieux de parler de contrainte à l'emploi, comme on le faisait dans le passé, ou de contrainte au maintien en emploi, par exemple, pour être plus englobants versus contrainte de santé, qui, pour moi non plus, là, n'inclut pas ces éléments-là que vous avez mentionnés?

M. Régis (Mario) : Pardon. En fait, je ne me substituerai pas au rôle du législateur pour savoir comment l'écrire, mais je rejoins votre pensée à l'effet qu'elles font partie de la vraie vie et qu'au-delà des mots il faut qu'on trouve la façon qui reflète que cette contrainte-là doit être prise en compte dans le plan d'accompagnement autant individuel que dans les instances d'accompagnement à l'échelle régionale.

Mme Labrie : Donc, on passerait à côté de la volonté de vraiment s'adapter aux réalités de la personne si on...

Mme Labrie : ...on ne tenait pas en compte ces enjeux-là. Ça passerait à côté de l'objectif, là, finalement.

M. Régis (Mario) : Notre objectif final, c'est qu'effectivement on fasse tous les efforts pour que ces personnes-là puissent accéder au marché de l'emploi. On ne peut pas faire abstraction de ces difficultés-là.

Mme Labrie : Les places en service de garde, j'imagine, aussi?

La Présidente (Mme D'Amours) : C'est tout le temps que nous avions. Je suis désolée. Je passe maintenant la parole au député de Jean-Talon.

M. Paradis : Merci. Intéressant, là. Vous nous amenez à deux endroits avec des propositions originales, la première, sur l'évaluation des effets cumulés par un tiers indépendant. Vous avez eu des échanges avec la ministre là-dessus. Vu qu'on n'a pas beaucoup de temps, moi, je vais vous amener à ce que vous nous dites sur les réseaux régionaux. Vous dites : Bien, peut-être pas une mauvaise idée, mais ça va avoir des effets positifs à deux conditions, d'abord, qui en fait partie, et qu'est-ce que ça peut faire.

D'abord, sur qui en fait partie, vous nous dites : Bien, des personnes prestataires. Et ça, vous êtes... il y a plusieurs personnes qui sont venues nous dire : Il faut toujours écouter la voix des personnes concernées, et ça, c'est vrai qu'il n'y a rien là-dessus dans le projet de loi, donc j'imagine que c'est un ajout qu'on pourrait faire. Mais vous dites, après ça, des représentants des organismes communautaires, des représentants du secteur du marché du travail. Quand vous regardez l'article 43.2 modifié par l'article 18 du projet de loi, on dit qu'«il peut y avoir des organismes concernés, toute association». Vous, vous voudriez qu'on le précise dans le projet de loi, la nature des organismes. C'est ça?

M. Régis (Mario) : Oui. C'est le... C'est le sens de la proposition de loi, de là notre recommandation dans le mémoire.

M. Paradis : Parce qu'à défaut de le préciser, vous dites, vous avez peut-être l'impression qu'il y aurait un risque que ces acteurs-là, qui sont essentiels, n'y soient pas. C'est ça?

M. Régis (Mario) : Exact. En fait, c'est une reconnaissance aussi du rôle essentiel qu'ils jouent, c'est... on l'a nommé tout à l'heure, et il faut que ça soit dans le temps, là. On ne voudrait pas que ce soit dans une région, ça l'est, dans une région, ça ne l'est pas. Donc, si on veut réussir, il faut identifier les conditions essentielles. Et, selon nous, compte tenu de ce qu'on a mentionné plus tôt, tant l'expertise du milieu communautaire que les contraintes qu'on observe dans le marché du travail, il faut que ces deux facteurs là ne soient représentés autour de la table...

M. Pinard (Claude) : Et, la clé... la clé, c'est le mot «reconnaissance», ici. Alors, donc, on a des gens qui sont en contact quotidien avec les différents prestataires ou les gens qui recherchent un emploi ou qui... ou qui essaient d'améliorer leur sort, et ces gens-là, c'est le communautaire par-dessus bien souvent les organisateurs communautaires des CIUSSS. Donc, je pense qu'il y a une perte d'expertise et une perte de connaissances et une possibilité de reconnaissance du travail des organismes communautaires.

M. Paradis : Oui. Puis vous leur dites : Ça prendrait aussi un pouvoir pour réduire les barrières. Donc, vous les voyez décider, pouvoir prendre des décisions et que ces décisions-là soient applicables? Comment vous voyez ça?

M. Régis (Mario) : Bien, en fait, c'est un pouvoir réel d'influence au sein de leur organisation. Vous allez me dire que Centraide, ce n'est pas un ministère, peut-être, mais quand on va dans... quand les employés de Centraide vont dans des... dans des lieux, on est capables de revenir après puis dire : Qu'est-ce qu'on peut faire pour faciliter la condition? On n'a pas tous les pouvoirs, on s'entend, mais on essaie de le faire. Donc, on ne peut pas... Si on n'a que des gens qui nous disent : Bien, le règlement, il est fait comme ça, ça finit là, puis on ne peut pas rien faire puis qu'on se rende compte que ça pose un enjeu, puis ça pose un problème dans la réalisation des plans d'accompagnement, bien, il faut que ces personnes-là...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je suis désolée.

M. Régis (Mario) : Non, non, pas de problème. Je comprends.

La Présidente (Mme D'Amours) : C'est tout le temps que nous avions. Merci infiniment pour votre contribution à nos travaux de la commission.

Je suspends les travaux afin que nos prochains invités prennent place. Merci. Merci, tout le monde.

(Suspension de la séance à 15 h 27)

(Reprise à 15 h 29)

La Présidente (Mme D'Amours) : Nous reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue à M. François Blais, qui d'ailleurs... un ancien collègue de 2014 à 2018 qui était député libéral dans Charlesbourg. Je vous rappelle, M. Blais que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission, comme vous êtes habitués, j'en suis convaincue. Je vous invite donc à vous présenter avec le titre qui vous suit, aujourd'hui, pour notre commission et commencer votre exposé, s'il vous plaît.

M. Blais (François) : Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Et puis je remercie, bien sûr, les députés, Mme la ministre de m'avoir invité aujourd'hui. Donc, je suis François Blais, professeur titulaire au Département de science politique à l'Université Laval, ancien ministre de l'Emploi et de la Solidarité, responsable de deux projets de loi, le projet de loi sur le revenu de base et aussi sur l'Objectif emploi. Donc, j'ai un document que j'ai préparé. Je suis surchargé en ce moment, mais je l'ai préparé. Si jamais quelqu'un parmi vous le veut, écrivez-moi, à l'Université Laval, puis je pourrai vous l'envoyer avec plaisir.

• (15 h 30) •

La Présidente (Mme D'Amours) : ...M. Blais, aussi à la commission. On pourrait le partager à tous les députés si...

M. Blais (François) : Bien, c'est très bien, Mme. Très bien, merci. Donc, la présence à l'aide sociale s'explique notamment par des difficultés personnelles et conjoncturelles, des mauvais coups du sort de toutes sortes qui peuvent frapper au cours de l'existence chacun d'entre nous. C'est pourquoi il faut applaudir toute forme d'accompagnement intelligent, éducation, tutorat, aide financière, bien sûr, pouvant aider ceux et celles qui s'en sortent moins bien. Il reste cependant à définir de manière critique, sans complaisance, la bonne façon de le faire, à la fois respectueuse mais aussi efficace. En effet, notre devoir envers les plus démunis ne peut pas seulement reposer sur de bons sentiments ou de moins bons sentiments, comme la culpabilisation, et doit reposer sur une conception explicite de la justice sociale et mobiliser des solutions qui font la preuve ou qui ont fait la preuve en partie, du moins, de leur efficacité.

Les difficultés personnelles ou conjoncturelles n'expliquent pas tout, bien entendu, dans la situation des plus démunis. Par exemple, il est aussi possible que la longévité de la présence à un programme comme l'aide sociale s'explique par des failles structurelles du programme. Et, quand c'est le cas, il ne faut pas avoir peur de les remettre en question et de tenter d'y remédier sans créer, bien entendu, d'autres problèmes. Je suis convaincu depuis très longtemps que ces deux niveaux de difficultés conjoncturelles et structurelles coexistent dans nos débats sur l'avenir de l'aide sociale. Il n'y a pas de solution parfaite au désœuvrement, à la désaffiliation sociale courante de notre époque et à la capacité humaine de faire des mauvais choix pour soi-même, parfois, et pour les autres. Mais heureusement, pour nous, certaines solutions institutionnelles sont meilleures que d'autres et peuvent parfois faire une grande différence dans la vie des personnes.

Mon exposé, aujourd'hui, sera divisé en deux parties. Dans la première, je vais saluer la volonté de la ministre de vouloir mieux accompagner les prestataires de l'aide sociale et je ferai quelques commentaires pour rappeler combien c'est une tâche difficile mais nécessaire. Dans la seconde, je traiterai de certaines failles structurelles profondes et très anciennes autour de l'aide sociale qui ne sont pas remises en question par le projet de loi n° 71, en utilisant, pour les illustrer, trois propositions de projets pilotes. Et je vous félicite d'avoir pensé à intégrer éventuellement la possibilité pour le ministère de faire des projets pilotes, et qui devraient être expérimentés, j'espère, dans les prochaines années, par le ministère.

Mieux accompagner. Le ministère a procédé à une évaluation méthodique du programme Objectif emploi. Les principales conclusions de cette évaluation sont positives...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Blais (François) : ...l'intégration au marché du travail, la diminution du recours à l'aide sociale, l'augmentation du recours aux mesures de services publics d'emplois, l'augmentation de la participation aux études et à la formation. S'appuyant sur ces bons résultats, la ministre présente sa réforme comme une occasion d'étendre au plus grand nombre les mesures du programme, ce à quoi personne ne peut s'opposer. Je crois, Mme, que personne ne s'est opposé à ça ici cette semaine. Il faut simplement être prudent sur nos attentes et sur les comparaisons avec Objectif emploi.

Tout d'abord, c'est en partie la clé du succès d'Objectif emploi, le programme s'adresse uniquement à des premiers demandeurs d'aide sociale, 2 %, 3 % à peu près des bénéficiaires, de l'aide sociale, et les recherches indiquaient... indiquent très clairement que c'est ceux qui sont les plus faciles à sortir, hein, de l'aide sociale. Ils sont plus faciles à mobiliser que tous les autres prestataires.

Deuxièmement, il y a deux obligations à Objectif emploi. La première, c'est de rencontrer en même temps ou presque que le dépôt de sa demande un agent d'aide, un agent d'emploi dont la fonction n'est pas administrative, vérifier des comptes en banque, mais plutôt établir un premier contact, comprendre la situation et ses besoins. La seconde obligation est de s'engager dans l'un des trois parcours possibles qui lui seront offerts et qu'il choisira. L'introduction de ces obligations ont créé beaucoup de résistances et d'objections à l'époque de la commission parlementaire sur Objectif Emploi. Je ne vous souhaite pas la même résistance, Mme. Mais il est clair que les chercheurs du ministère qui ont comparé des groupes de jeunes soumis à ces obligations et à d'autres qui, l'année précédente, n'avaient pas été soumis à de telles obligations expliquent le grand succès d'Objectif emploi... un certain succès, pardon, d'Objectif emploi à partir de ces nouvelles obligations. Si je comprends bien, le projet de loi ne modifie en rien Objectif emploi et les obligations qui y sont associées, mais elle étend ses autres mesures, notamment des majorations de leurs allocations sur une base volontaire, s'ils participent, et, ce que je comprends, le retrait de ces majorations, je suppose, s'ils cessent un jour ou l'autre de participer.

Alors, je ne suis pas du tout venu ici pour vous demander de créer de nouvelles obligations à l'aide sociale, mais il est à mon avis clair que l'on ne peut pas s'attendre au même résultat pour les raisons évoquées plus haut. Les mesures d'accompagnement qui sont proposées pour l'essentiel ne sont pas nouvelles, celles qui donnent les meilleurs résultats sont connues par les fonctionnaires du ministère, les rendre plus nombreuses, plus accessibles est certainement une bonne chose. Mais n'oublions pas que l'on se retrouve aujourd'hui avec des personnes encore plus éloignées du marché du travail, avec des difficultés encore plus importantes, notamment des difficultés graves de santé mentale. Il faut donc être réaliste dans nos attentes sur les résultats, sans jamais baisser les bras pour autant, simplement parce que nous n'avons pas le droit de le faire. Ce qui est certain, c'est que la volonté de démultiplier l'offre de programmes d'accompagnement va entraîner des coûts importants. Ces coûts vont provenir essentiellement de la majoration des niveaux de soutien pour les participants, des différentes formules d'accompagnement et suivis qu'il faudra bien livrer et des ententes avec des organismes qui feront les prises en charge. Si ma mémoire est bonne, et je peux me tromper, c'est à vérifier, dans le cas d'Objectif emploi, on avait évalué à peu près à 55 millions les coûts sur cinq ans. Il faut s'attendre possiblement à des coûts beaucoup plus importants si jamais les bénéficiaires sont nombreux, et on le souhaite, sont nombreux à s'inscrire au cheminement individualisé proposé.

Comme mentionné plus tôt, il arrive parfois que nos programmes conduisent à des effets indésirables, des enjeux de nature structurelle qui n'ont rien à voir avec les personnes, mais plutôt qui ont à voir avec les conditions dans lesquelles ils sont placés. Je tiens à souligner que, sur ce plan, des changements plus structurels, qui sont proposés par le projet de loi, qui me semblent positif, notamment l'abolition de la comptabilisation des parents lorsqu'un jeune demandeur n'habite plus chez eux, la réduction à cinq ans de la période à partir de laquelle le gouvernement peut réclamer une somme en vertu d'une fausse déclaration. Je suis aussi d'accord avec l'idée de ne plus considérer l'âge de 58 ans automatiquement comme une contrainte d'emploi. C'est une règle d'une autre époque. Il existe encore des défis pour des personnes de cet âge, bien sûr, mais au point de les considérer automatiquement comme sous contraintes, je crois que cela envoie un mauvais message.

Je vais étonner plusieurs, mais je suis plus prudent cependant sur la valorisation du volet participation sociale, ou PAAS, plus prudent. Un sous-ministre m'a un jour mis la puce à l'oreille que cela pouvait conduire à développer une main-d'oeuvre bon marché pour des entreprises qui certes ont une vocation sociale irréprochable, mais qui sont devenues dépendantes de cette main-d'œuvre, et cela pourrait les conduire à enfermer, volontairement ou non, cela ne change rien, ces personnes dans une situation de sous-employabilité, si ça dure trop longtemps.

Afin d'identifier ou d'illustrer les impacts d'un...

M. Blais (François) : ...d'autres contraintes structurelles qui nuisent davantage à l'émancipation des bénéficiaires de l'aide sociale, je vais prendre prétexte du fait que le projet de loi intègre la possibilité de mettre en place des projets pilotes et je propose trois projets pilotes différents qui devraient permettre de sensibiliser ceux qui refusent encore de voir ces limites structurelles. Premier projet, combattre le piège de la pauvreté et de l'inactivité : sélectionner un grand nombre de volontaires sans contraintes connues et bénéficiaires de la sécurité sociale depuis assez longtemps, permettez-leur de prendre un emploi et de maintenir leurs prestations partiellement en abaissant le taux de récupération sur leurs prestations d'au moins 50 %. C'est mon taux marginal personnel, 50 %, je le propose pour les plus démunis de la société, pendant une durée d'au moins 1 an. Par la suite, augmenter très progressivement sur plusieurs mois le taux de récupération sur leur chèque jusqu'au moment où ils ne recevront plus de prestations de l'aide sociale. Observer notamment s'il y a prise d'emploi, s'ils s'y maintiennent et une fois leurs prestations annulées, et l'économie nette ou le coût net pour le gouvernement de cette mesure.

Deuxième projet pilote, le piège de l'isolement et de la monoparentalité : sélectionner parmi des volontaires des bénéficiaires, en particulier des femmes, chefs de familles monoparentales, permettez-leur de déclarer une vie de couple sans considérer leurs revenus autant et en abaissant le taux de récupération pendant une période de temps assez longue. Observez notamment la formation de ménage et, s'il y a... la formation ménage est plus importante, pardon, s'il y a une plus grande mixité sociale, notamment une mixité de revenus dans le ménage, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Troisième projet, le piège du surendettement à l'aide sociale : sélectionner parmi des volontaires des bénéficiaires qui ont cumulé une dette importante à l'aide sociale, qui ne seront jamais en mesure de rembourser tant les taux d'intérêt sur ces dettes sont élevés, permettez...

• (15 h 40) •

La Présidente (Mme D'Amours) : ...M. Blais, pardon, on a terminé notre... votre...

M. Blais (François) : Très bien.

La Présidente (Mme D'Amours) : ...votre temps. Mais, Mme la ministre, est-ce que vous laissez M. Blais terminer son exposé?

Mme Rouleau : Oui, vous pouvez terminer.

La Présidente (Mme D'Amours) : Est-ce que vous aviez bientôt terminé?

M. Blais (François) : Une page, Mme. Merci. Alors, permettez donc de... à ces personnes qui sont surendettées à l'aide sociale de reprendre un emploi en la libérant complètement ou partiellement de cette dette, que le gouvernement ne retrouvera jamais de toute façon. Observez notamment s'il y a prise d'emploi et s'il s'y maintien.

Le plus de ces projets pilotes est d'autant cognitif que transformatif. Je termine. Il est cognitif car il va nous... vont nous apprendre beaucoup sur le comportement des bénéficiaires de l'aide sociale et il est aussi transformatif parce qu'indépendamment des observations, indépendamment des observations que l'on pourra en tirer il mette le doigt sur les limites inhérentes, structurelles de l'aide sociale, des limites partiellement dépassées dans le programme de revenu de base actuel et qu'il faudra un jour introduire progressivement dans un régime de revenu minimum garanti complètement différent de ce que nous connaissons aujourd'hui. Nous savons comment y arriver. Et, bien sûr, je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, M. Blais, pour votre exposé. Maintenant, on va débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Rouleau : Merci beaucoup, Mme la Présidente, et merci, M. Blais, d'avoir accepté notre invitation et de participer à la modernisation du régime d'assistance sociale, chose importante qui, je le rappelle, n'a pas été faite dans les 20 dernières années, hormis le programme de revenu de base que vous avez proposé dans le plan de lutte, que nous avons mis en place le 1ᵉʳ janvier 2023, et Objectif emploi. Objectif emploi, pourquoi l'avez-vous... avez-vous déterminé qu'il fallait qu'il soit obligatoire?

M. Blais (François) : C'est une drôle d'histoire, ça, ça a commencé avec mon prédécesseur, et, quand je suis revenu au ministère, il y avait ça sur la table, et puis voilà, c'était parti un peu sur des chapeaux de roue, là, parce qu'on parlait de... qu'on allait peut-être obliger des prestataires à quitter leur région pour aller travailler dans un endroit où ils auraient besoin de personne et... bon. Donc, il fallait un peu ramener ça et regarder un peu ce qui avait des chances de fonctionner. Donc, le problème qu'on en avait avec l'aide sociale pour les jeunes, c'est qu'on ne les connaissait pas et on se doutait fort bien qu'il y avait un... disons, on avait sous-estimé probablement les problèmes de santé mentale de ces jeunes-là parce qu'on ne les a rencontrés, parce qu'il n'y avait pas d'obligation. Donc, il y avait cet enjeu-là. Mais comment les obliger? Mais il faut les obliger en leur disant : Écoutez, vous allez à une rencontre, une première rencontre, sans ça... et vous n'aurez pas d'aide sociale, hein? Donc, c'était... Et ce qui est très intéressant dans la recherche qui a été faite par votre ministère, Mme, c'est que le chiffre qui est le plus intéressant, c'est que, dans une entrevue de plusieurs centaines de personnes qui ont participé à Objectif emploi, ils disent que les fonctionnaires qu'ils ont rencontrés, donc les agents...

M. Blais (François) : ...en emploi qu'ils ont rencontré lors de la première rencontre. Ils ont été très bien accueillis. Plus de 90 % de ces jeunes-là ont dit : On avait quelqu'un qui nous écoutait, qui était là pour écouter nos problèmes, nos difficultés, on n'était pas en train de vous présenter notre rapport d'impôt ou encore notre institution bancaire, mais quelqu'un pour nous écouter. Plus de 90 %. Vous avez raison d'être fiers de vos agents d'aide en emploi parce que, là, on est en train de faire du travail social quand on travaille avec ces jeunes-là. Et bien sûr, la contrepartie pour arriver à faire ça, c'est d'introduire, oui, des petites pénalités qui étaient révocables. D'ailleurs dans votre projet, je crois, vous allez être obligé, pas d'introduire des pénalités, mais c'est clair que le volontaire arrive. Pour un plan d'individualisation, il est volontaire. Quand il sort avec son plan de... il est conscrit, c'est-à-dire qu'il y a une entente, hein, de réciprocité. On va majorer des montants, on met des services à ta disposition, mais on s'attend à ce que... on s'attend à ce qu'il y ait quelque chose de ton côté aussi.

Donc, dans vos discussions sur le projet de loi, je vous suggère, dans la trousse, d'avoir une réflexion sur la révocation possible de ces augmentations-là ou ces bonifications-là. À quel moment on va décider qu'on les utilise peut-être même pour changer une dynamique? Est ce que, dès que quelqu'un va... n'ira pas dans un cours après une semaine, on va décider qu'on lui coupe ses majorations? Alors, c'est des enjeux intéressants, pertinents à discuter et ils sont inévitables, bien sûr, quand on veut aller dans une dynamique de proximité, comme vous le suggérez.

Mme Rouleau : Bien, vous avez pu constater tout l'aspect éminemment humain du ministère et des gens qui répondent et reçoivent les personnes qui font la demande d'aide de dernier recours et à qui on propose d'emblée lorsque c'est la première fois qu'ils arrivent, là, d'aller sur le programme. Et là on... qui fonctionne, qui fonctionne bien et qu'il y a une rétention, les gens demeurent en emploi, ça va assez bien. Et puis... Mais il y en a pour qui ça... qui sont sur l'aide sociale, qui vont sortir et qui vont revenir. Puis on leur dit : Bien, vous pouvez avoir accès au programme lorsque vous revenez. Et là vous dites que ce n'est pas nécessairement une bonne idée. Pourquoi?

M. Blais (François) : Non, non, c'est une très bonne idée. Non, non.

Mme Rouleau : Ah! ce n'est pas ce que j'ai compris.

M. Blais (François) : Ah! pardon. Je m'excuse, je m'exprime mal. Donc, c'est une très bonne idée d'inviter les gens à pouvoir participer à des programmes, d'avoir une évaluation individualisée de ce qu'ils ont besoin et tout ça. Ce que j'ai mentionné, c'est que vous comptez... et c'est une très bonne idée aussi de majorer les montants qui sont accordés, Objectif Emploi le fait aussi, donc... mais, en contrepartie, vous allez créer une relation de réciprocité, hein? Donc, il y aura comme une forme de contrat qui va être entre la personne et le ministère. Vous vous engagez, hein, puis nous, on s'engage de notre côté. Mais, bien sûr, si ce contrat-là est brisé, et vous le savez, il va être brisé assez fréquemment, ça arrive assez fréquemment, malheureusement, bien, il faut trouver une façon de gérer un peu, hein, la fin ou la continuité de ce contrat-là. C'est le principe de révocation, hein?

Mme Rouleau : Vous avez réfléchi au programme de revenu de base et vous avez proposé, bon, évidemment, que ce soit pour les personnes qui ont des contraintes sévères, persistantes à l'emploi, et établi aussi que c'est à partir de 66 mois sur 72 que les personnes obtiennent... à partir de la solidarité sociale, obtiennent le programme de revenu de base avec une majoration de 57 %, là, environ, que nous avons établi. Pourquoi avez-vous déterminé que c'est 66 mois sur 72?

M. Blais (François) : Il fallait un critère. On savait que c'était un nid de guêpes et on voulait passer le projet, et le premier ministre Couillard voulait qu'on réussisse avec ce projet-là parce qu'on voulait changer la donne aussi. Donc, ce que le ministère nous disait, c'est qu'après un certain nombre de mois... pardon, d'années à la solidarité sociale, il y a très peu de retour en arrière. Les gens restent parce que les problèmes n'ont pas été résolus, alors qu'avant deux ans, trois ans, il y a plusieurs personnes qui ont réglé leur problème de santé et qui sortent de la solidarité sociale. À partir de cette évaluation là, à partir, il faut bien dire, des sommes qui est à notre disposition aussi, on a décidé de ce critère-là. Ça pourrait être un autre critère. J'ai commencé en disant : C'est un nid de guêpes. Vous comprenez pourquoi? Parce que c'est assez difficile de définir exactement, avec exactitude et équité, finalement...

M. Blais (François) : ...qu'est-ce qu'une contrainte sévère... mais ça nous permettait d'avoir un critère relativement facile à gérer qui s'applique automatiquement. C'est-à-dire que dès que vous atteignez ce seuil-là, vous n'avez pas à retourner, hein, pour faire évaluer votre situation, vous avez droit -automatiquement ça. Non, mais on pourrait imaginer d'autres critères, il pourrait y avoir un débat là-dessus, mais je pense qu'on serait encore en commission parlementaire si on avait ouvert la boîte de Pandore.

Mme Rouleau : Une boîte de Pandore.

M. Blais (François) : Oui, parce que c'est assez difficile, hein, j'ai remarqué que vous-même, vous réfléchissez ou même vous proposez de changer un peu la définition, hein, de... et santé ou contrainte sévère. Moi, j'aimais bien contrainte sévère, dans ma perception...

Mme Rouleau : C'est-à-dire contrainte en emploi... contrainte en emploi versus contrainte de santé. Ça n'empêche pas la sévérité, mais c'est de distinguer la capacité d'aller... la capacité de travail pour mieux se centrer sur l'état de la personne et inclure la dimension de santé mentale et des enjeux psychosociaux.

M. Blais (François) : Oui. À ma connaissance, la santé mentale était bien reconnue, à ma connaissance, mais là vous avez des informations que je n'ai pas vues, donc vous pourrez les présenter, bien sûr, à vos collègues. Parce que ce que je me souviens, c'est qu'à la solidarité sociale il y avait beaucoup de personnes qui avaient des problèmes de santé mentale et même aussi Objectif emploi, mais ça vous avez mieux... plus d'informations que moi.

Moi, j'aimais bien le critère auparavant, j'avais vérifié avec d'autres provinces. Si je me souviens bien, encore une fois, le ministère va vous informer là-dessus, on avait quand même une bonne proportion de personnes qui étaient reconnues avec l'ancien critère quand on comparait avec les autres provinces. C'est peut-être de dire... ça veut peut-être dire qu'on était généreux finalement et inclusifs, mais bon, ça, vous aurez les discussions là-dessus. Je n'ai pas les moyens et les ressources d'avoir une discussion avec vous là-dessus.

• (15 h 50) •

Mme Rouleau : Et vous avez terminé tantôt en parlant du revenu minimum garanti, n'est-ce pas, qui a été votre dada longtemps, avant que vous deveniez député et ministre.

M. Blais (François) : Vous pouvez même dire «marotte», Mme, ça me fait plaisir.

Mme Rouleau : Parlez-moi de l'équité entre ce... le revenu minimum garanti et la personne... donc pour tous, là, c'est ce que vous souhaitez, proposez, et la personne qui travaille. Quel est l'intérêt de travailler au salaire minimum 40 heures lorsqu'on a le revenu minimum garanti? Est-ce que... ma question est aussi : Est-ce que l'emploi, le travail, ce n'est pas par le travail qu'on se valorise, que la personne a toute sa fierté?

M. Blais (François) : Bien sûr, bien sûr. Non, mais le revenu garanti, ce n'est pas l'aide sociale. L'aide sociale est une forme de revenu minimum garanti qui date des années 60, qui est une forme de revenu... garanti du passé. Pourquoi? Parce qu'elle piège beaucoup trop de personnes. Parce que le taux de récupération des sommes quand ils quittent, de l'aide sociale, est 100 %. Moi, mon taux de taxation est de 50 %. Quand je prends un emploi supplémentaire, il me reste 50 %. Quand un assisté social veut quitter l'aide sociale, il doit, après l'avoir... après avoir, disons, un petit 200 $ d'exemption, il est taxé à 100 %. On connaît ça depuis les années 60-70. Donc, ce qu'il nous faut, c'est des mécanismes. Et il ne faut pas chercher loin, Mme, ça existe déjà au Québec, on a déjà des mécanismes. Il y a une autre époque assez lointaine où les allocations familiales étaient un problème à l'aide sociale, parce qu'on considérait qu'elles étaient trop généreuses... étaient trop généreuses pour les assistés sociaux et pas assez pour les pauvres qui travaillent. Qu'est-ce qu'on a fait? On a sorti les allocations familiales, hein, de l'aide sociale et maintenant c'est alloué à tout le monde, hein, selon les revenus. Et c'est décroissant, ça n'empêche personne d'aller travailler. Ça va être la même chose, le crédit d'impôt de solidarité, c'est la même chose. Vous donnez un crédit impôt de solidarité aux assistés sociaux, vous le donnez aussi aux pauvres qui travaillent, heureusement, vous le donnez aussi aux pauvres qui travaillent.

Quand ils vont sortir de l'aide sociale, les assistés sociaux, ils les ont encore, leur crédit d'impôt de solidarité. Le revenu de base, c'est une forme de crédit d'impôt de solidarité, très majoré. Et un jour, il va quitter, j'en suis certain, le ministère pour aller au ministère du Revenu. Et ce n'est pas nuisible à l'emploi, simplement parce que, quand les gens travaillent, ils sont récompensés pour leur travail. Ils en gardent, ils en gardent un peu plus. Donc, c'est toute la logique de revenu minimum garanti, ce n'est pas de payer des gens à ne rien faire. On paie les gens à ne rien faire à l'aide sociale, parce qu'on leur dit : Si vous allez travailler, vous allez perdre la totalité de votre chèque. Ça, on le fait. Donc, il faut avoir un mécanisme plus souple. On en a déjà un certain nombre déjà, de mécanismes plus souples, qui font en sorte que, quand ils vont travailler, ils sont moins pénalisés. Ce n'est pas une idée de gauche ni de droite, ce que je viens de vous dire, là, Mme, c'est simplement...

M. Blais (François) : ...pure logique économique. Et les assistés sociaux comprennent très bien la situation dans laquelle ils sont dans la grande majorité. C'est ma marotte.

Mme Rouleau : Vous auriez aimé pouvoir instaurer cela lorsque vous étiez au gouvernement.

M. Blais (François) : Non, je ne suis pas venu pour ça. Je suis venu pour d'autres... d'autres enjeux politiques. Mais le premier ministre voulait qu'on mette le Québec dans la voie d'un revenu minimum garanti. Le premier pas, c'est, je crois, le revenu de base. Le second pas, ce ne sera pas le revenu de base. À mon avis, ça va être une bonification importante du crédit d'impôt solidarité et mettre en conjonction le revenu de base avec le crédit d'impôt de solidarité. Et progressivement, avec les années, je crois qu'on va arriver à une forme d'impôt négatif qui va être un progrès par rapport au programme de revenu minimum garanti qu'on a hérité des années 60, qu'on appelle l'aide sociale.

Mme Rouleau : Et concernant le travail pour des personnes qui sont sur l'aide sociale, le supplément de revenu de travail, on n'a pas changé depuis 20 ans le 200 $ qui est... qui est permis. Pourquoi ne l'avez-vous pas bonifié? Peut-être ne le pouviez-vous pas. Mais qu'est-ce que vous auriez aimé faire... proposer?

M. Blais (François) : La définition du montant que l'on verse à l'aide sociale et la définition de ce seuil-là n'est pas liée à notre richesse collective. On pourrait, je ne sais pas, trouver du pétrole et vouloir l'utiliser, devenir très riche. Le niveau d'aide sociale n'augmenterait pas. La définition du montant d'aide sociale que l'on accorde elle est liée à la structure des salaires des plus faibles dans la société. Et augmenter l'aide sociale, c'est faire en sorte que des gens se posent la question : Est-ce ça vaut encore la peine de travailler ou d'aller... Vous comprenez? Donc... Alors, ce 200 $, je ne me souviens pas, même pas, de l'avoir évalué. Je préférais qu'on aille vers un revenu de base où il y aurait une forme d'exemption partielle avec un seuil, bien sûr, on pourrait en parler, hein, qui était beaucoup plus généreuse et qui facilite beaucoup plus la prise d'emploi.

Mme Rouleau : Bon. Donc, le revenu de base plutôt qu'un supplément de revenu de travail?

M. Blais (François) : Non. Je ne suis pas contre le supplément de revenu travail. Je regarde exactement les chiffres, ce que ça donne. C'est les économistes en général qui peuvent nous dire plus...

Mme Rouleau : ...que les gens du ministère vous en ont parlé.

M. Blais (François) : Oui. Ah! oui. Oui, c'est certain. Je me souviens plus de... Dans le fond, le seul hic, c'est les effets d'attraction, hein, ce que vous avez... ce qu'on appelle les effets d'attraction. Quand on accorde ça, quand on... un seuil au moment duquel la personne qui se lève le matin, qui va travailler au dépanneur... J'en avais une... J'en ai vu une, hier, qui était là depuis 9 heures le matin au dépanneur. Il était 8 heures du soir. Est-ce que cette personne-là va se dire : Bien, finalement, moi, avec tous les avantages qu'on retrouve là, est-ce que ça vaut vraiment la peine de faire ce boulot, hein? Donc, c'est ce différentiel, qui est malheureux, qu'on doit entretenir à cause de la nature même du programme d'aide sociale. Vous avez raison, 200 $, ou 300 $, ou 400 $, ça peut faire une différence, mais en même temps, ça peut diminuer ce différentiel-là. Et là, il y a un enjeu d'attraction.

La Présidente (Mme D'Amours) : 20 secondes, Mme la ministre.

Mme Rouleau : Bien, écoutez, je vous... Auriez-vous quelques... Qu'est-ce que vous aimez dans la modernisation qu'on propose?

M. Blais (François) : Bien, j'ai retenu un certain nombre de choses puis je pense que vous avez raison de continuer sur les plans individuels... individualisés, pardon. Vous avez raison de le faire. Je pense que ça va être difficile. Il y en a... Il y en a eu par le passé. Les résultats sont difficiles. Vous êtes avec une clientèle qui est beaucoup plus éloignée du marché du travail aujourd'hui. Donc, ça prend des investissements importants. Puis je vous souhaite de pouvoir réussir...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions avec le temps de la ministre. Je... Je cède maintenant la parole, pardon, à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente, et merci, Pr Blais, d'être avec nous aujourd'hui. On a bien regardé le document et on a pris beaucoup de notes, beaucoup de questions, moi et ma collègue. Ça fait qu'on va y aller l'une après l'autre. Gains de travail. Donc, vous avez parlé du PRB, 66 mois sur 72, parce qu'après un certain moment de temps, c'est difficile d'y retourner. Alors, au niveau des gains de travail, on a 200 $ en pleine pénurie de main-d'oeuvre. Ce n'est pas le cas dans votre temps, je comprends, et... le coût de la vie. Est-ce que le 200 $ de solidarité sociale, est-ce que vous trouvez que ça a de l'allure? Parce que ça, c'est comme... Ça pénalise les gens d'aller chercher un peu plus de fonds, de sous.

M. Blais (François) : Si je me souviens bien, il y avait une surreprésentation...

M. Blais (François) : ...sont des personnes qui déclaraient 200 $. On se demandait comment ça que tout le monde arrêtait à 200 $. Et puis, s'il y a 300 $, peut-être qu'il y aura une surreprésentation des personnes qui vont déclarer 300 $. Le problème avec cette stratégie-là... je la comprends très bien, mais, à la suite de cela, vous êtes frappé par un taux de récupération de 100 %. C'est pour ça que les gens déclarent massivement 200 $. Si c'est 300 $, ça sera 300 $.

Donc, il est préférable... c'est la pure logique, disons, économique, il est préférable de diminuer le taux de récupération. Ça, c'est difficile à faire. C'est ce que fait le crédit d'impôt de solidarité, hein? L'avantage du crédit d'impôt de solidarité, c'est : quand vous allez travailler, vous le gardez pendant un bon bout de temps, puis il diminue tranquillement, tranquillement, jusqu'à s'effacer complètement.

Mme McGraw : Programme de solidarité sociale, qui va être fusionné maintenant, donc disparaître, effectivement, qui était un peu un pipeline envers le PRB, qu'est-ce que vous pensez de ce fusionnement-là et essentiellement de la disparition du programme de solidarité sociale, et ensuite de cette distinction ou cette nouvelle approche de regarder plutôt les contraintes de santé et non les contraintes en emploi? Je pense que vous avez dit que vous auriez bien gardé la formule antérieure, mais j'aimerais vous entendre plus clairement.

• (16 heures) •

M. Blais (François) : Vous avez deux questions. La première, je n'ai pas de réponse. J'ai l'impression que c'est plus de nature administrative. Je ne vois pas très bien les enjeux. Il va peut-être y en avoir, et ça sera à vous d'en discuter ensemble.

Dans la deuxième, c'est vraiment, disons... Je sais que certains sont très inquiets par ce changement-là. Moi, je n'ai pas d'idée. Je pense que vous aurez l'occasion d'en discuter, de bien comprendre les enjeux.

Moi, ce que j'aimais dans... ce que j'aimais, c'est qu'on tenait compte, pour statuer sur les contraintes sévères... je crois qu'on tenait compte aussi de la situation sociale de la personne, surtout des personnes qui sont fortement désaffiliées. Il y en a pas mal. Quelqu'un qui n'a pas de handicap, mais, Bon Dieu, ça fait des années et des années qu'il roule, et puis ça ne va nulle part, et on voit qu'il y a des problèmes de santé mentale, mais ce n'est pas diagnostiqué, j'avais l'impression... et je peux me tromper, vous aurez des discussions là-dessus puis vous aurez plus d'information que moi, j'avais ce sentiment qu'on était plus... on intégrait mieux ce type de situation. Mais vous verrez, lors de vos discussions, si c'est le cas.

Mme McGraw : Vous avez parlé de plans individualisés, approche individualisée qu'on... je pense, qu'on salue, c'est justement les deux chèques, les deux chèques, ça va être séparé pour les couples. Par contre, les montants ne vont pas changer. Est-ce qu'on peut vous entendre sur le fond? Est-ce qu'il y a des raisons pour lesquelles... parce qu'individualiser, c'est aussi libéral, pour être contre individualiser, non seulement les chèques, mais les montants pour respecter l'individu et... peu importe leur statut de couple ou non?

M. Blais (François) : L'individualisation, c'est l'arrêt qui m'a donné le plus de problèmes avec le programme de revenu de base, et le ministère des Finances a tout fait pour ne pas que ça arrive, parce que c'est contraire à à peu près la base de la structure sociale de la société, qu'il y a une coresponsabilité quand on vit avec quelqu'un, etc. Moi, je crois que c'est une mesure du XXIe siècle, peut-être du XXIIe, peut-être je me trompe de siècle, et qu'il faut arriver à ça.

Le problème politique, c'est qu'il n'y a aucun parti politique qui n'a jamais discuté de ça pour le moment. C'est une discussion entre quelques philosophes, hein, dans les universités.

Et l'autre problème, c'est que ça crée un effet d'attraction et un déséquilibre parmi les citoyens si on commence à individualiser ici, mais on n'individualise pas là. Parce que, pour ceux que ça avantage de voir l'aide sociale individualisée, il y en a d'autres qui ont des revenus, par exemple, qui aiment bien pouvoir, par exemple, prêter une partie... envoyer une partie de leur REER à leur conjoint ou autre, vous voyez? Donc, c'est une déstabilisation importante du système fiscal et parafiscal, l'aide sociale, c'est un système parafiscal, importante.

Moi-même, je ne peux pas évaluer toutes les conséquences possibles d'une individualisation, mais ce que je vous dis, c'est qu'il y a un effet d'enchaînement. Si on demande l'individualisation d'une part, et il faut le faire, je pense, comme finalité, il faut bien comprendre qu'il y aura un effet d'entraînement par la suite sur d'autres programmes et qu'il y aura des gagnants, mais il y aura aussi des perdants. C'est pour ça que le gouvernement qui va vouloir s'attaquer à ça est mieux d'être, disons, bien installé dans ses bottes parce que ça sera assez difficile. C'est un gros, gros enjeu, assez complexe.

Mme McGraw : Mais, en principe, c'est une bonne idée à viser éventuellement.

M. Blais (François) : Pourquoi...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Blais (François) : ...dans un monde philosophiquement libéral, disons, l'État n'a pas à évaluer la nature des arrangements économiques entre les personnes. Il y a différents types d'arrangements économiques. Ça, c'est le principe, c'est la philosophie, mais on est dans un monde bien différent aujourd'hui, donc c'est un enjeu auquel j'adhère, mais je suis conscient des difficultés. Je suis conscient que la ministre ne peut pas porter ça pour elle-même non plus, seule. Voilà.

Mme McGraw : Et question finale de ma part, vous avez souligné des aspects positifs par rapport au projet de loi. Quel serait, selon vous, l'effet, là, un recul? Qu'est-ce qui serait, selon vous, l'aspect le plus problématique de ce projet de loi qu'il faudrait retravailler pour justement la justice sociale, entre autres?

M. Blais (François) : Un recul? Écoutez, je sais qu'il y a eu des discussions, mais j'ai peu de... beaucoup de discussions sur les femmes chefs de familles monoparentales et tout ça, et je ne suis pas apte à juger de ça. Je pense qu'il y a un problème, puis que vous pourriez le regarder, mais ça prendrait vraiment des études du ministère. Je pense que les femmes chefs de famille monoparentale sont particulièrement piégées à l'aide sociale, et que les conséquences humaines de ce piège-là sont extrêmement importantes. Je pense que, sans pouvoir le démontrer, et je me souviens très bien d'une rencontre avec une personne qui était dans un organisme communautaire qui conseillait les gens sur leur budget, et elle me disait : Il n'y a pas moyen de les convaincre de prendre un emploi parce que ce n'est pas assez payant pour elles de le faire. Ça, c'est ce qu'on appelle un piège. Moi, je veux qu'on aide les gens et je ne veux pas qu'on les empêche de prendre un emploi, mais c'est une situation très délicate. C'est pour ça que je n'ai pas le niveau d'information pour prendre une position là- dessus, et puis je ne veux pas non plus conseiller la ministre.

Mme McGraw : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Bon, je cède maintenant la parole à la députée de Bourassa-Sauvé pour 2 min 30 s.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Pr Blais, c'est toujours un... c'est toujours un charme de vous entendre. Manifestement, votre expertise est toujours très pertinente.

Vous avez mentionné que les... les prestataires donc lorsqu'ils ont des... des interventions avec les agents d'aide à l'emploi, qu'à 90 % donc ils sont très satisfaits de ces interactions parce qu'elles sont très humaines. On voit donc tout le... on les voit donc déployer donc leur... leur rôle un peu donc de travail social dans ces interactions. Comment ces agents d'aide donc pourraient être mis à profit non seulement pour, bon, l'intégration en emploi, mais également donc pour le maintien à l'emploi? Est-ce que le projet de loi s'intéresse beaucoup donc à... bien évidemment, donc, se penche sur son intégration? Mais vous l'avez vous-même dit donc les travailleurs donc d'aujourd'hui... en fait des prestataires encore plus éloignés du marché du travail qu'ils ne l'étaient. Donc, on comprend que l'intégration en emploi, c'est une chose, mais le maintien pour s'assurer que le... que le... que ça se passe bien pour eux, c'est un autre défi. Donc, comment les agents d'aide pour être mis à profit pour le maintien à l'emploi?

M. Blais (François) : Je n'ai pas la compétence pour répondre à la question. Je pense cependant qu'Objectif emploi a permis aux agents d'aide emploi de développer des compétences, je crois. Avec ce profil-là, ces personnes-là, la façon d'intervenir... et si c'est le cas ici, ça peut permettre à d'autres, et ça, encore une fois, là, le ministre nous le dira, hein, si ces compétences-là peuvent servir avec l'expansion finalement des... de certains principes d'Objectif emploi, bien, je pense que ça, c'est une bonne nouvelle. Mais je ne peux pas aller au-delà de ça pour... pour pour votre question.

Mme Cadet : Ensuite, pour le volet de la participation active, vous avez dit que vous étiez prudent sur ce volet. Vous parliez donc des personnes... donc en fait que ça pouvait si les personnes elles demeuraient en situation de sous- employabilité. Donc, j'aimerais vous entendre développer là-dessus.

M. Blais (François) : Bien, dans un contexte où il y a... il y a beaucoup de chômage, les employeurs ne vont pas aller prendre les... ceux qui sont les plus fragiles parce qu'ils demandent beaucoup d'investissement et de temps tout ça. Dans un contexte où il y a... on l'a vu ces dernières années, il y a au contraire beaucoup d'emplois, les employeurs ont été forcés, ce n'est pas facile, ils ne sont pas contents, mais de prendre des gens qui sont beaucoup plus fragiles. Ils doivent les encadrer davantage. C'est lourd, ça prend du temps, ça coûte cher. D'accord?

Mme Cadet : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions avec la députée. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente, et merci pour votre présentation, M. Blais. C'était très intéressant, notamment vos suggestions de projets pilotes. Vous qui avez mis sur pied le revenu de base, vous avez peut-être constaté à quel point c'est un programme qui est bien reçu. Presque tout le monde qui est passé ici nous a dit que la solution en fait serait d'élargir à tous l'accès au revenu de base...

Mme Labrie : ...l'Association de la santé publique le recommande également. Donc, même dans les mémoires de gens qui ne sont pas venus ici, c'est ce qu'on retrouve comme recommandation. Qu'est-ce que vous en pensez? Pourquoi on n'élargirait pas l'accès au revenu de base pour s'assurer de remettre les gens en mouvement?

M. Blais (François) : Bien, on peut, mais il faut éviter des problèmes d'équité horizontale entre différentes catégories de personnes. Donc, structurellement, on peut l'appliquer à différentes personnes. J'ai entendu, je pense, même les personnes... le soin à domicile, tout ça, là. Je n'ai jamais réfléchi à ça, mais on pourrait imaginer, comme c'est une forme de crédit d'impôt remboursable, ça pourrait être géré éventuellement. Mais moi, je pense que la deuxième étape, mes amis des associations des personnes handicapées ne seront pas contents de m'entendre... mais, la deuxième étape, c'est plutôt d'aller maintenant vers les personnes qui sont à l'aide sociale et la renforcer ou de... ou de diminuer la structure qui fait en sorte qu'ils sont piégés. Ce serait ça mon plan. Je ne reviens pas en politique, donc n'ayez pas peur de moi, mais ce serait... ce serait mon plan. Et il faut préparer chacun d'entre vous une campagne électorale. C'est sûr que le crédit d'impôt de solidarité a des défauts, je peux tous... vous les nommer, mais une amélioration substantielle du crédit d'impôt de solidarité... Le crédit d'impôt de solidarité, c'est la baisse d'impôt des pauvres, hein, d'accord, parce que baisser les impôts des pauvres... comme ça qu'il faut faire. Et donc plus on va l'augmenter, plus les gens un... à chaque dollar de crédit d'impôt solidarité qu'on donne à quelqu'un, on diminue une fraction, très, très peu, de son taux de récupération, parce qu'il a moins besoin d'argent pour sortir, éventuellement, de l'aide sociale. Si j'avais à faire de la politique et à présenter ce que... la prochaine étape, moi, j'irais par majoration substantielle, coûteuse, je le reconnais, du crédit d'impôt de solidarité.

• (16 h 10) •

Mme Labrie : Donc, il y a plusieurs moyens d'y arriver. Vous en... vous en proposez un, l'élargissement du revenu de base en serait un autre. Mais vous êtes d'accord sur le principe que, quand on maintient les gens dans un état de grande précarité financière, ça devient en soi une contrainte à retourner sur le marché du travail, le fait d'être en mode survie.

M. Blais (François) : Oui, puis c'est intéressant, parce qu'avec le... Puis je suis content que le ministre, je pense, reprend à peu près ces montants-là, mais avec Objectif emploi, on a été assez généreux dans les majorations, beaucoup plus importantes que les majorations du passé, et je crois que ça a donné des résultats intéressants. Ils sont encore dans le piège. Plus vous augmentez les prestations, plus le piège s'approfondit, mais, et en même temps, ils étaient en accompagnement pour sortir du piège. Donc, vous comprenez, ça pourrait être intéressant, mais le dilemme de l'aide sociale, qu'on connaît depuis longtemps, c'est que plus vous augmentez la prestation... c'est pour ça qu'on n'a pas fait un revenu de base pour les personnes handicapées, en vous disant : On va faire un gros solidarité sociale pour eux, parce que les associations auraient refusé, parce que ce serait l'équivalent de leur donner une rente d'inactivité, comme est détaxé, comme ils peuvent aller travailler sans être pénalisés, à ce moment-là, on a joué sur les deux plans.

Mme Labrie : Exact. Bien, c'est pour ça que je vous soumets que ça pourrait être une bonne piste d'action, justement, pour remettre en action les gens, d'élargir l'accès au revenu de base, parce que ça... ça vient enlever ce piège-là, de leur permettre de retourner au travail.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, Mme la députée, c'est tout le temps que nous avions. Nous allons maintenant entendre le député de Jean-Talon pour son temps de parole.

M. Paradis : L'un des éléments centraux de ce projet de loi, c'est son article 35, qui fait en sorte que toute personne, désormais, qui fera une demande d'assistance sociale va participer obligatoirement au programme Objectif emploi. Vous en avez parlé vous-même avec affection tout à l'heure de ce programme-là, puisque vous en avez la paternité, je le comprends.

M. Blais (François) : Je me rappelle bien vos collègues, aussi, de l'époque.

M. Paradis : Oui. Cependant, l'Union des consommateurs est venue nous parler de plusieurs études internationales qui démontrent que cette approche de l'activation ou du workfare n'est pas efficace pour sortir les personnes de la pauvreté, que d'imposer d'y participer, bien, ça a un bilan assez... assez mitigé au plan international. Et plus tôt aujourd'hui, on a également eu le témoignage du Syndicat de la fonction publique du Québec. Donc, ceux qui font fonctionner le programme et qui nous disent qu'il n'y a pas de preuve que ça fonctionne. Qu'est-ce que vous leur répondez? Parce que, vous-même, tout à l'heure, hein, vous avez dit : Bien, le programme a atteint tous ses objectifs, puis là vous vous êtes repris, vous avez dit : Certains de ses objectifs. Je ne suis pas sûr, là, je ne me souviens pas des mots exacts, mais qu'est-ce que vous en pensez, vous, de ce bilan-là? Et quel bilan faites-vous?

M. Blais (François) : Le bilan, ce n'est pas moi qui le fais, on va laisser les fonctionnaires. Moi, je suis en conflit d'intérêts sur le bilan, hein, on va laisser les fonctionnaires le faire. Et ils l'ont fait de bonne façon, avec une analyse statistique rigoureuse. Le bilan est positif, ça veut dire que c'est mieux que ce que c'était en termes de sorties, de prises d'emploi, même de salaire. Ça, c'est prouvé. Ceux qui indiquent le contraire, mais qu'ils viennent nous dire comment ils font pour indiquer le contraire. Cependant, on a eu ces discussions-là, lors de l'Objectif emploi, Objectif emploi, ce n'est pas du workfare, ça n'a rien à voir avec le workfare. Le workfare, c'est dire à quelqu'un...

M. Blais (François) : ...toi, tu es assisté social, tu vas aller maintenant travailler. Tu vas garder ta prestation, mais on va t'en donner un petit peu plus, mais tu vas aller travailler ici, tu vas aller travailler là. Objectif emploi, on est vraiment dans la logique d'accompagnement. Priorité, éducation si possible. Ensuite, bien sûr, accompagnement si les difficultés sont plus importantes. C'est pour ça qu'on a vraiment bien dosé, je crois — en tout cas, les chiffres semblent l'indiquer — on a bien dosé le programme pour éviter le «workfare». Le «workfare», c'est un mot, un «buzzword» qu'on utilise parfois et qui s'applique assez mal à -Objectif emploi, mais qui s'appliquerait à des tentatives qui ont été faites, notamment dans les années 70-80 en Angleterre.

M. Paradis : Donc, vous construisez, vous vous dites que c'est le bilan est suffisamment positif en tout cas, pour qu'on puisse construire dessus et et en faire encore plus la pierre d'assise du régime, parce que c'est un peu ce que le projet de loi semble vouloir faire.

M. Blais (François) : Oui, on peut construire, mais je n'ai pas dit que ça allait facile. Ce n'est pas une clientèle facile, un. J'ai dit aussi que la clientèle la plus facile, je l'ai pris pour moi, et puis on a pris les plus jeunes parce qu'on savait, on savait, toutes les études le montraient, qu'on avait plus de chances avec eux. Jamais, je ne serais allé à Objectif emploi pour une... pour une grande catégorie de la population avec des contraintes, des pénalités. Je serai encore en commission parlementaire.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci infiniment, M. Blais, pour votre contribution à nos travaux. Avant de conclure les auditions...

Des voix : ...

La Présidente (Mme D'Amours) : Avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.

Donc, la commission ayant accompli son mandat ajourne ses travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 16 h 15 )


 
 

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