Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
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Le
jeudi 10 octobre 2024
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Vol. 47 N° 71
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 71, Loi visant à améliorer l’accompagnement des personnes et à simplifier le régime d’assistance sociale
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11 h (version non révisée)
(Onze heures trente et une minutes)
La Présidente (Mme D'Amours) : Bonjour,
tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
de l'économie et du travail ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je vous
demande, à toutes les personnes dans la salle, de bien vouloir éteindre la
sonnerie de votre appareil... de vos appareils électroniques.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 71, Loi visant à améliorer l'accompagnement des
personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Mallette (Huntingdon) est remplacée par Mme Blais
(Abitibi-Ouest); Mme Tremblay (Hull) est remplacée par Mme Poulet
(Laporte); Mme Dufour (Mille-Îles) est remplacée par Mme Prass
(D'Arcy-McGee); Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey) est remplacée par Mme McGraw
(Notre-Dame-de-Grâce); et M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) est remplacé
par Mme Labrie (Sherbrooke).
La Présidente (Mme D'Amours) : Parfait.
Nous entendrons ce matin les témoins suivants, soit la Fédération des maisons d'hébergement
pour femmes, conjointement avec le Regroupement des maisons pour femmes
victimes de violence conjugale, et ainsi que le Syndicat de la fonction
publique et parapublique du Québec.
Je vous souhaite maintenant la bienvenue,
chers invités... qui est la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes
ainsi que le Regroupement des maisons pour femmes. Je vous rappelle que vous
disposez, chers invités, de 10 minutes, pour nous faire part de votre exposé.
Ensuite, nous irons avec la période d'échange, avec les membres de la
commission. Donc, je vous demande de vous présenter et de commencer votre
exposé, s'il vous plaît.
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Oui, bonjour. Julie St-Pierre-Gaudreault, je suis
conseillère aux enjeux politiques à la Fédération des maisons d'hébergement
pour femmes. Mathilde.
Mme Trou (Mathilde) : Oui,
bonjour. Mathilde Trou, je suis coresponsable des dossiers politiques au
Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Bien, d'abord, Mme la Présidente de la commission, Mme la
ministre, et mesdames...
11 h 30 (version non révisée)
Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) :
...Messieurs les députés, merci beaucoup pour votre invitation, on apprécie
grandement que vous nous donniez l'opportunité de représenter la fédération, le
regroupement, et il y a également l'alliance des maisons de 2e étape qui a
appuyé les revendications par rapport au projet de loi n° 71.
Aujourd'hui, on se veut les porte-parole
des femmes qui sont hébergées dans nos ressources puis qui sont admissibles à
la contrainte temporaire à l'emploi. En fait, nos principales inquiétudes, là,
par rapport au projet de loi n° 71, bien, ça concerne l'article 25
qui propose des modifications à l'article 53 de la Loi sur l'aide aux
personnes et aux familles. C'est vraiment les impacts genrés que risquent d'avoir
ces modifications-là, surtout nous, en ce moment, on porte la voix des femmes
violentées qui sont présentes dans nos ressources, mais il y a également d'autres
groupes, là, qui vivent dans des situations précaires qui vont être touchées
par cette modification-là.
Côté contextualisation. Mais, en fait, il
faut savoir qu'actuellement les femmes hébergées dans nos ressources pourraient
toucher automatiquement la contrainte temporaire pour une durée de trois mois
ou plus. Donc... Donc, voilà, nous, ce qu'on trouvait inquiétant, c'est le fait
que ça devienne... qu'on doive présenter une déclaration médicale pour
maintenant avoir droit à cette prestation-là. En fait, je ne sais pas si,
justement, vous savez... peut-être que oui, peut-être que non, mais je vais le
rappeler. En fait, c'est que, dans des situations de violences familiales,
sexuelles ou conjugales, il y a plusieurs stratégies de domination ou de
contrôle qui vont être utilisées par l'agresseur, dont notamment des stratégies
de contrôle coercitif. Ça peut être des stratégies d'exploitation, de
manipulation qui sont répétées et étendues dans le temps, puis ça peut
comprendre, justement, de la microrégulation des finances de la victime, l'appropriation
du revenu de la victime, dont les prestations d'aide sociale, si elles sont
bénéficiaires, ou différentes stratégies pour empêcher la victime d'occuper un
emploi, ce qui pourrait pousser vers le besoin d'aide financière, ce qui fait
en sorte qu'il y a vraiment plusieurs femmes qui vont se retrouver avec peu de
ressources lorsqu'elles arrivent en maison ou qui sont souvent en situation de
précarité financière importante, même lorsqu'elles fréquentent les services
externes.
Juste pour vous donner une idée, en
2023-2024, selon nos chiffres, parmi les femmes qui sont hébergées et
accompagnées par nos maisons d'hébergement, en plus du motif d'hébergement qui
est variable, comme on sait, il y a plusieurs formes de violence qui peuvent s'entrecroiser,
bien, il y a 35 % des femmes qui sont hébergées — là, c'est
vraiment les chiffres de la FMHF — qui vont vivre des difficultés
financières en arrivant, puis ça peut être 29 % des femmes qui sont
suivies en externe, il y a 50 % d'entre elles qui affirment avoir vécu de
la violence économique. Par rapport aux chiffres du regroupement, ça se
ressemble beaucoup. Et c'est 42 % des 4 100 femmes qui sont hébergées
par les maisons du regroupement qui ont déclaré avoir un revenu familial de
moins de 20 000 $... bien, 20 000 $ et moins. Puis, dans les cas
spécifiques, justement, où les femmes sont bénéficiaires d'aide sociale, ça
fait en sorte que la prestation pour contrainte à l'emploi devient rapidement
la seule aide qui est disponible pour ces femmes-là, pour arriver à justement
se reconstruire, reprendre du pouvoir dans leur situation et répondre à leurs
besoins de base, même si on s'entend que c'est une prestation de 160 $, ce
qui est la plus faible. Mathilde, je vais te laisser poursuivre.
Mme Trou (Mathilde) : Oui,
merci, Julie. Bien, c'est... Julie vient de vous indiquer pourquoi il est primordial
en fait que les femmes victimes de violence conjugale continuent de bénéficier
de cette aide supplémentaire à leurs prestations de base. Mais, pour que ce
soit véritablement efficace, il faut aussi que l'obtention de cette aide soit
simple. Parce qu'il ne faut pas oublier que, quand une femme victime de
violence conjugale arrive dans nos maisons, c'est souvent après un épisode de
violence qui a pu être particulièrement important, que ce soit envers elle ou
envers leurs enfants. Et leur rajouter une étape supplémentaire qui est d'aller
chercher un rapport médical pour toucher cette aide-là, c'est ni aidant ni
soutenant, en fait, pour l'heure dans leur reprise de pouvoir puis ça vient
juste augmenter leur charge émotionnelle et mentale, une charge qui est déjà
vraiment importante pour les... sur les épaules des victimes.
Un autre élément qui a été abordé aussi
par d'autres groupes, c'est que quand... C'est vraiment un fardeau
supplémentaire pour les personnes vulnérables de devoir aller répéter encore
une fois leurs histoires à un professionnel qu'elles n'ont peut-être jamais vu
avant. Là, on parle vraiment d'histoires de violences physiques, de violences
psychologiques, mais souvent aussi de violences sexuelles. Donc, on peut
comprendre que ça peut créer des... recréer des traumatismes à chaque fois qu'une
personne doit aller de nouveau raconter son histoire. Et, selon nous, c'est
vraiment une mesure qui vient en contradiction, en fait, avec le rapport
Rebâtir la confiance, donc c'est 190 recommandations, là, qui sont incluses
dans ce...
Mme Trou (Mathilde) : ...rapport
pour améliorer le parcours judiciaire des femmes victimes de violence conjugale
et de violence sexuelle, des personnes victimes de violence conjugale et de
violence sexuelle. Alors là, c'est sûr qu'on n'est pas dans le processus
judiciaire, mais l'idée, c'est de... de ces 190 recommandations, c'est de
simplifier le parcours et de soutenir ces personnes. Et là on pense que c'est
vraiment une mesure qui va à l'encontre, justement, de l'esprit de ce rapport
et d'autres mesures aussi qui ont été mises en place par la CAQ dans les
dernières années pour venir soutenir et simplifier le parcours des victimes de
violence conjugale.
Et enfin un autre... un autre élément,
c'est que pour ces femmes qui vont devoir aller chercher un rapport médical,
elles peuvent peut-être mettre un mois ou deux à aller le chercher. Parce que,
comme on le disait, c'est une charge supplémentaire, c'est un fardeau
supplémentaire, puis elles ne vont pas être prêtes dès le lendemain de leur
arrivée en maison à faire cette démarche-là. Donc, ça peut aussi venir du coup
augmenter leur séjour en maison d'aide et d'hébergement le temps qu'elles aient
accès à cette aide supplémentaire, parce qu'on le rappelle, hein, 160 $
pour elles, c'est vraiment une aide importante. Donc, ça peut venir aussi
contribuer à allonger leur délai de séjour dans les maisons d'aide et
d'hébergement, dans une période où les maisons débordent et les maisons sont
déjà pleines.
Un argument qui a aussi été évoqué par
d'autres groupes, mais qu'on porte également, c'est qu'il y a des problèmes
d'accessibilité aux professionnels de la santé ou des services sociaux. Je
sais, Mme la ministre, vous avez indiqué que ça peut être des professionnels
qui pourraient être hors du réseau, mais ça nous crée aussi des inquiétudes,
parce que, dans nos maisons d'aide et d'hébergement, dans d'autres organismes
communautaires, on... nos intervenantes des maisons ne sont pas forcément
membres d'un ordre professionnel, puisque ce n'est pas une exigence d'embauche.
Nous, on fait vraiment du par et du pour les femmes, et ça fait qu'il n'y a pas
d'attente d'avoir des intervenantes qui sont membres d'un ordre. Donc, ça, ce
n'est pas toutes nos maisons qui pourront, par exemple, fournir un rapport
médical puisqu'elles ne sont pas toutes membres... toutes membres d'un ordre.
Et enfin ce qui nous inquiète, c'est que
si ces femmes doivent aller voir d'autres professionnels, d'autres
intervenants, on sait qu'il y a encore des lacunes au niveau de la formation et
au niveau des connaissances en violence conjugale et au niveau du contrôle
coercitif, notamment des manifestations qui sont plus subtiles de violence
conjugale, mais qui ont un impact tout aussi important que de la violence
physique sur la santé physique et la santé mentale des femmes, et on craint
vraiment qu'une femme puisse aller voir un professionnel, et que ça ne soit pas
nécessairement reconnu ce qu'elles ont vécu comme une contrainte à l'emploi.
Donc, pour nous, il y a aussi un risque par rapport à ça.
• (11 h 40) •
Et enfin, je conclurai là-dessus, au
niveau des enjeux de sécurité, si Mme, par exemple, veut aller voir son médecin
de famille, peut-être que monsieur a le même médecin de famille, puis on le voit
que ça peut être des stratégies des conjoints violents de vouloir aller
influencer le diagnostic, d'aller voir le médecin et d'indiquer que non, madame
n'a jamais vécu de violence, que madame en ce moment ne va pas bien, qu'elle
est dépressive, qu'elle est folle. Ça, c'est des choses qu'on voit déjà sur le
terrain. Donc, ça aussi ça peut nous inquiéter à... par rapport à cette... à
cette question-là. Julie, je te redonne la parole.
La Présidente (Mme D'Amours) : Est-ce
que vous avez terminé votre exposé?
Mme Trou (Mathilde) : Non,
non.
La Présidente (Mme D'Amours) : Ah!
pardon.
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Il restait un mini point...
La Présidente (Mme D'Amours) : Il
vous reste 1 min 30 s.
Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) :
Parfait. Je vais faire ça vite. En fait, c'était vraiment pour y aller
directement avec notre recommandation. Nous, on souhaite reconnaître
l'expertise des intervenantes en maison, comme Mathilde l'a mentionné. C'est
elles qui connaissent les dossiers des femmes . C'est elles qui connaissent
leur trajectoire de vie et ont l'expertise pour reconnaître certains enjeux ou
impacts psychologiques de la violence sous toutes ses formes. Puis c'est pour
ça qu'on recommanderait une modification, un amendement à l'article 53, où
ces travailleuses-là pourraient fournir l'attestation qui prouverait l'état
physique ou mental, qui empêche la femme de retourner ou de rechercher un
emploi. Puis c'est quelque chose qui existe déjà dans le cas de la résiliation
de bail, qui est déjà inscrit dans le Code civil. Donc, on s'est appuyé sur
cette... sur ce droit-là pour proposer notre recommandation. Donc... Puis, en
tout cas, s'il me reste un mini 10 secondes, j'irais aussi avec le fait
qu'on appuie aussi les revendications des autres groupes communautaires par
rapport à l'impact de cette modification-là sur différents groupes vulnérables,
dont les femmes monoparentales à la tête des familles, des femmes qui ont des
enfants de moins de cinq ans et les femmes de 58 ans et plus.
La Présidente (Mme D'Amours) : Vous
êtes dans votre temps, chères invitées, toutes les deux. Merci beaucoup pour
votre exposé. Maintenant, nous commençons la période d'échange avec la
ministre. La parole est à vous.
Mme Rouleau : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Et merci beaucoup, Mme St-Pierre-Gaudreault et
Mme Trou, de participer à ces travaux très importants de modernisation du
régime d'aide sociale. Merci d'avoir accepté d'être avec nous ce matin. Et
d'emblée je veux vous rassurer sur une chose, c'est qu'il n'est pas question
dans cette... dans la mise en place...
Mme Rouleau : ...de ce... de
cette... de cette modernisation de... En fait, je vais vous expliquer plus
simplement. Les femmes, aujourd'hui, elles ont une contrainte d'emploi de trois
mois, et ce n'est pas trois mois et plus, c'est trois mois, contrainte
d'emploi, et, en hébergement, elles ont un 100 $ de plus. Alors, ce qui
est... ce que nous faisons, ce que nous proposons, c'est d'avoir... Bon, il y a
évidemment la contrainte emploi qui va être... qui va être... qui va devenir
une contrainte santé, mais il y a des prestations spéciales. Et, pour les
femmes qui sont victimes de violence conjugale qui vont en hébergement, il y a
cette prestation spéciale qui sera de... en fait, combinée, le 161 $ plus
le 100 $, une prestation, une seule demande qui sera confirmée par
l'intervenante qui est dans cette maison d'hébergement. Donc, on réduit, on
simplifie le processus comme vous le souhaitez. Il n'y a pas... Il n'y a pas de
billet du médecin qui est demandé pour confirmer l'état de la personne. Il n'y
a... Ça n'a jamais été... Il n'a jamais été question de ça et il n'est pas
question de cela du tout. Ceci dit, j'espère que je réponds à une
interrogation, là, que vous avez parce que le message doit passer, là. Ce
serait une fausseté de dire qu'il faut un billet du médecin. Ce n'est pas vrai.
Ceci dit, j'aimerais... en fait,
j'aimerais savoir, là, avec l'expérience que vous avez, quelle est l'évolution,
dans les dernières années, du profil des femmes prestataires d'aide sociale qui
doivent... qui sont victimes de violence conjugale et qui vont en hébergement?
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Pour notre part, en fait, on n'a pas nécessairement les
chiffres. Vu, justement, on trouvait intrusif de demander si les femmes étaient
prestataires d'aide sociale, on a seulement les chiffres que je vous avais
donnés par rapport aux 35 % qui ont des difficultés financières.
Je ne sais pas, Mathilde, toi, si, par
rapport au regroupement, vous aviez... vous aviez ces profils.
Mme Trou (Mathilde) : Non,
c'est ça, nous, on récolte aussi uniquement les chiffres du revenu familial à
l'arrivée des femmes, mais on n'a pas nécessairement d'autres données plus
détaillées. Et notamment aussi, à cause de ce que tu ramenais, Juli, en début
de... ton début d'audition, tu... tu sais, il y a aussi beaucoup la question
de la violence économique. Donc, c'est des femmes qui, avant de se mettre avec
M., peuvent être à l'emploi, avoir un revenu décent, mais à cause de la
violence économique, de l'isolement qu'elles vont vivre, elles vont finir par
se retrouver à la maison. M. va s'accaparer tous leurs revenus. Et, quand elles
arrivent à la maison d'aide et d'hébergement, là elles vont faire une demande
d'aide sociale parce qu'elles se retrouvent avec plus aucun revenu. Mais ça ne
veut pas dire qu'elles vont rester très longtemps sur l'aide sociale. Pour
certaines femmes, oui, parce qu'on le sait, qu'il peut y avoir des parcours de
vie différents, mais c'est des profils qui sont tellement variés que c'est
assez difficile d'avoir un portrait plus précis.
Puis je suis bien contente, Mme la
ministre, que vous reveniez sur les précisions, là, que vous nous avez amenées.
On aurait quand même une autre inquiétude, parce qu'on a entendu que,
justement, les modalités de ces prestations pourraient tomber dans le règlement
de la loi. Et nous, c'est sûr que ça, ça nous inquiète aussi, parce que là,
quand c'est dans la loi, c'est comme un acquis actuellement pour les femmes,
alors qu'on sait que, si ça tombe dans un règlement, ça peut être plus facile à
modifier. Donc, pour nous, ça viendrait comme un recul, finalement. Et c'est
sûr que ça peut... on peut aussi... on craint aussi que, comme on n'a pas les modalités
aussi de ça, que ça peut créer quand même deux... des étapes supplémentaires,
d'une manière ou d'une autre, pour les femmes, pour les maisons. Mais ce qui
nous inquiète le plus, c'est que ça passe dans un règlement qui peut facilement
être modifiable.
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Oui. Puis, si je peux ajouter un petit point, c'est aussi le
fait que pour nous, bien, justement, le délai qu'il pourrait y avoir entre
l'adoption du projet de loi et des règlements, bien là, ça pourrait créer un trou
de services pour les femmes, justement, en ce moment, qui voudraient demander
la prestation. Puis, en plus de ça, ce serait aussi important pour nous, bien
sûr, qu'il y ait les formes plus larges de violence qui soient incluses, qui
soient reconnues aussi par rapport à l'obtention de cette prestation-là dans le
but de ne pas laisser dans l'ombre certaines femmes. Donc, oui, puis
effectivement, comme Mathilde a mentionné.
Mme Rouleau : O.K. Bien, pour
vous rassurer encore une fois, il n'y a pas de trou de services entre ce qui
existe aujourd'hui et l'adoption du projet de loi et le dépôt des règlements...
Mme Rouleau : ...il n'y a
aucun trou de service. Mais j'aimerais savoir, bon, en ce moment, la
proposition du projet de loi n° 71, c'est, par exemple, d'abolir la
contribution parentale pour les jeunes adultes qui n'habitent pas chez leurs
parents. C'est de favoriser la diplomation. C'est le prolongement des
prestations pour les femmes... de maternité de cinq à 18 semaines après l'accouchement.
C'est un chèque par personne dans le couple et dans le but, ça, de favoriser la
femme, de faire en sorte qu'elle ait sa propre autonomie. Comment voyez-vous
ces changements apportés au régime? Et est-ce que vous considérez que ce sont
des avancées ou que... bien, enfin, considérez-vous que ce sont des avancées?
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Si tu me permets, Mathilde, je peux commencer pour,
justement, citer quelques points de l'avis qu'on a déposé. Mais c'est sûr que,
par rapport à la mesure pour faciliter les jeunes femmes... ou, en tout cas,
les jeunes personnes à avoir l'aide sociale sans qu'ils aient la prestation de
leurs parents, ça, je trouve que c'est vraiment une avancée dans le sens que,
bien que ça touche très peu de personnes au Québec, il faut le rappeler, mais
ça permet quand même de briser, si on veut, le lien entre l'enfant et le
parent, surtout, si, par exemple, la jeune femme aurait pu vivre des violences
au sein de sa famille. Donc, ça, c'est sûr que, nous, on le voit comme une
avancée. On voit également quand même... l'individualisation, pardon, des
prestations comme une avancée.
Par contre, c'est sûr qu'on soutient quand
même les revendications du Collectif pour un Québec sans pauvreté qui mentionne
que, bien qu'il y ait une individualisation, il n'y a pas d'augmentation par
rapport à ces prestations-là. Donc, c'est sûr qu'il faut que l'un aille avec
l'autre pour pouvoir... donner aux personnes qui sont dans une situation
précaire la chance de se sortir du cycle de la pauvreté. Puis... peut-être,
Mathilde, je te laisserais poursuivre.
• (11 h 50) •
Mme Trou (Mathilde) : Oui,
bien, tout à fait, tout ce qui vient soutenir les populations vulnérables, on
est bien évidemment contentes de voir de nouvelles mesures ou des mesures
supplémentaires intégrées dans le projet de loi. Mais ça, plus globalement,
c'est sûr que, nous, ce qu'on souhaite, comme d'autres groupes, c'est d'avoir
des prestations sociales qui permettent aux personnes qui en bénéficient
d'avoir un niveau de vie qui soit décent, de pouvoir répondre à leurs besoins
de base. Puis c'est notamment le cas aussi pour les femmes victimes de violence
conjugale quand elles arrivent en maison ou quand elles font appel aux maisons
d'aide et d'hébergement et qu'elles sont dans une situation de précarité
financière, pouvoir avoir un revenu qui leur permet de vivre de manière
autonome, de payer leur loyer, de pouvoir payer de la nourriture pour elles et
pour leurs enfants, dès qu'elles quittent en fait une relation de violence,
pour nous, c'est vraiment une clé pour que ça brise le cycle de la violence et
pour qu'elles puissent se reconstruire sans avoir de considérations économiques
qui font en sorte que c'est un frein justement à quitter leur relation
violente.
Parce que c'est vraiment ce qu'on voit
beaucoup pour un certain nombre de femmes, le fait de ne pas avoir peur de ne
pas trouver un logement, le fait de ne pas avoir peur de subvenir aux besoins
de leurs enfants. Mais, pour certaines, c'est quelque chose qui va... qui va
les empêcher de quitter leur foyer violent.
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Puis si je peux seulement... j'ai pensé à quelque chose en
même temps. Mais, nous, on a trouvé aussi que l'augmentation par rapport aux
femmes enceintes, qui était jusqu'à la 18e semaine suivant l'accouchement
plutôt que la cinquième, c'est une très belle avancée. La seule chose qu'on a
trouvée un peu dommage dans cette modification-là, c'est qu'avant les
sages-femmes pouvaient justement être désignées dans le règlement, puis là ça a
été retiré dans la nouvelle... la nouvelle formulation. Donc, ça aurait été
aussi de remettre l'expertise des sages-femmes dans l'article de loi.
Mme Rouleau : Les
sages-femmes sont toujours... Il n'y a pas de changement à ce niveau-là.
D'ailleurs, j'aimerais vous entendre sur la reconnaissance des professionnels
de la santé dans les diagnostics, étant donné qu'on passe de contraintes à
l'emploi qui qui visent à déterminer la capacité d'une personne à travailler,
on change une contrainte santé qui est axée sur la personne, sur son état et on
fait intervenir la dimension de santé mentale et d'enjeux psychosociaux. Et on
on reconnaît les... en fait, on reconnaît les... des professionnels de la
santé, pas seulement que le médecin, qui pourront faire les diagnostics.
Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition du projet...
Mme Rouleau : ...de loi?
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Pour nous, c'est sûr qu'il y a un enjeu ici dans le sens que
c'est pour ça aussi, qu'on recommandait à ce que les travailleuses à la maison
puissent le faire, c'est qu'il n'y a pas nécessairement de formation qui va
être offerte à tous les médecins ou tous les professionnels de la santé et des
services sociaux par rapport à... le diagnostic d'une situation de violence ou
d'impact de la violence psychologique chez la femme. Il n'y a pas non plus
nécessairement des formations obligatoires par rapport à la sensibilisation au
contrôle coercitif. Puis on sait que ça peut avoir des impacts, justement, sur
la femme et sa possibilité à retourner rapidement sur le marché de l'emploi
après avoir quitté un foyer violent. Donc, c'est sûr que nous, pour ça, il y
aurait eu une problématique avec ça.
Mme Rouleau : Mais,
considérant que la femme victime de violence conjugale qui va dans un refuge,
là, va dans un hébergement pour femmes victimes de violence conjugale,
lorsqu'elle... lorsqu'elle est à l'aide de dernier recours, va avoir cette
prestation spéciale, prestation spéciale qui va être reconnue par
l'intervenante qui est en maison d'hébergement et prestation spéciale qui va
durer aussi longtemps que la femme va demeurer dans cette maison d'hébergement,
ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle, parce que c'est trois mois, la...
la contrainte d'emploi à l'heure actuelle, et, si elle est là, quatre mois,
cinq mois, six mois, ça va se prolonger, mais... Alors, ce que vous demandez,
c'est que les intervenantes émettent des diagnostics, mais déjà, elles vont
confirmer la situation. Est-ce que ça ne répond pas à vos interrogations? Elles
ne vont pas... elles ne vont pas être...
Une voix : En fait, il
faudrait...
Mme Rouleau : ...déterminer
le diagnostic pour la suite des choses, là, parce que, là, c'est un autre
professionnel de la santé, mais, en maison d'hébergement, c'est l'intervenante
qui pourra déterminer et qui pourra confirmer la situation.
Mme Trou (Mathilde) : Mais,
si c'est l'intervenant, si c'est juste... bien, si c'est une intervenante qui
n'est pas reliée à un ordre professionnel, mais juste le fait qu'elle travaille
en maison puisse faire cette attestation, c'est sûr que, nous, ça nous
conviendrait puisque... Comme on le disait, dans les maisons d'aide et
d'hébergement, il y a peu de travailleuses qui sont membres d'un ordre professionnel.
Donc, il ne faudrait pas que cette attestation soit reliée à la signature d'une
intervenante membre d'un ordre professionnel. Ça, c'est sûr que ça serait une
exigence, pour nous, pour simplifier la procédure. Après, sur ce qui est... ce
qui nous inquiète, c'est que, si la femme, une fois sortie de la maison d'aide
et d'hébergement, doit aller chercher un diagnostic auprès d'un professionnel
de la santé, bien là, ça revient un peu à toutes nos craintes qu'on indiquait
dans notre présentation.
Mme Rouleau : Alors, en
maison d'hébergement, ça ne change pas, c'est la personne qui est là, ce que...
le fonctionnement actuel qui va se poursuivre, il n'y a pas de changement.
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Oui. Bien, en fait, si c'est ça, ça fonctionnerait, mais je
pense que l'argument central sur lequel il faut retourner, c'est plus le fait
que toutes, toutes ces caractéristiques-là vont être incluses dans le
règlement. On n'a pas nécessairement l'information par rapport à ce qui va réellement
être inclus dans le règlement, puis c'est pour ça qu'on...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je suis désolée, je dois vous interrompre. C'est tout le temps que
nous avions avec la partie gouvernementale. Maintenant, je cède la parole à la
députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci, Mme la
Présidente. Merci de votre exposé ce matin. Je pense que ce qu'on entend de
votre part, puis en lisant le projet de loi, c'est qu'il y a des avantages pour
plusieurs groupes de femmes avec ce qui est proposé aujourd'hui, des négatifs
qui vous feront faire en sorte que les femmes vont être indûment pénalisées, si
on veut, car on referme davantage les obstacles rendant l'accès. Et, justement,
comme vous avez mentionné, vous le mentionnez dans votre mémoire, il y a
plusieurs catégories de femmes qui vont être touchées, et les femmes victimes
de violences conjugales qui sont dans les hébergements, mais il y a les mamans
monoparentales, il y a également les mères qui sont enfants d'un enfant handicapé,
tous ces différents groupes là qui représentent des populations vulnérables,
évidemment en raison de leur précarité financière. Donc, je voudrais vous
entendre, de façon plus générale, comment vous voyez les effets négatifs
spécifiquement sur les femmes dans les différentes mesures qui sont proposées
dans ce projet de loi.
Mme Trou (Mathilde) : Mais,
comme vous l'avez très bien indiqué, c'est différents groupes qui sont parmi
les plus vulnérables dans notre...
Mme Trou (Mathilde) : ...et l'avenir.
Couper une prestation ou l'inclure, si elle est incluse dans le règlement, on
revient vraiment à ce qu'on a dit. C'est que là, on passe de quelque chose qui
est acquis à un règlement qui est un peut-être et qui peut se modifier surtout
beaucoup plus facilement. Puis, pour certaines catégories des populations les
plus vulnérables, c'est en grande majorité des femmes. Donc là, on vient encore
mettre un fardeau supplémentaire ou peut-être appauvrir un certain nombre de
femmes, parce que, pour une raison ou pour une autre, elles ne rentreraient
plus dans ces catégories ou ces catégories seraient... seraient abolies.
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Ça fait que... puis si... juste pour vous donner un chiffre
que j'imagine peut-être le collectif a déjà mentionné, mais, tu sais, pour les
femmes ne parentales qui sont bénéficiaires de la science sociale, c'est à peu
près 89.1 % des familles monoparentales qui ont une femme comme cheffe,
donc on sait que ça va... ça va impacter vraiment disproportionnellement les
femmes de manière disproportionnée. Puis pareil aussi pour les enfants... les
femmes qui ont des... en leur charge un enfant de moins de cinq ans, qui
représente un petit peu plus que 30 %. Donc, c'est vraiment... c'est
vraiment... ça va avoir des impacts genrés.
• (12 heures) •
Mme Prass : Oui. Puis je
rappellerais, dans les propos de la ministre, qu'elle a parlé d'un règlement
pour l'allocation pour les femmes victimes de violence conjugale, mais pas pour
les mères monoparentales et pas pour les parents d'enfants handicapés. Donc, il
y a encore énormément de femmes qui vont se retrouver sans cette aide
essentielle parfois pour leur survie et la survie de leur famille.
Et, dans le même sens que vous avez
mentionné, la question du règlement. Ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce, hier,
a déposé une demande pour demander à la ministre de, plutôt que de passer
certains éléments dans un règlement... Comme vous avez dit, on ne sera pas
consultés. Nous, on nous demande de voter sur un projet de loi et, quand on
nous demande de voter sur un règlement et on ne sait pas ce qu'il va... ce
qu'il va comprendre, bien, ce qui va être élaboré du côté du gouvernement,
bien, ça nous inquiète énormément. Donc, comme vous l'avez mentionné, peut-être
juste réitérer l'importance pour les femmes victimes de violence conjugale qui
se retrouvent dans les hébergements pour que ceux qui les aident, les
organismes comme les vôtres, mais les femmes elles-mêmes, qu'il n'y ait pas de
questionnement, que cet argent va leur revenir, donc qu'il soit clairement
établi dans le projet de loi et non dans un règlement.
Mme Trou (Mathilde) : Oui,
tout à fait. Puis c'est sûr que, tu sais, si on... même si dans le règlement il
est indiqué que quand les femmes arrivent à la maison, elles vont pouvoir
recevoir leurs prestations spéciales supplémentaires grâce à une attestation
d'une maison d'aide et d'hébergement... enfin, même si les durées de séjour
augmentent, malheureusement, dans les maisons d'aide et d'hébergement, les femmes
vont rester peut-être entre un jour et trois mois et plus pour certains cas qui
sont un peu plus complexes, mais si une femme au bout de deux, trois mois part
de la maison d'aide et d'hébergement, elle va... il y en a beaucoup qui ne
seront toujours pas capables de retourner à travailler à cause de toutes les
conséquences de violence qu'elles ont vécues. Puis là, on revient à l'obstacle
supplémentaire, qui va être pour elles d'aller chercher un rapport médical
auprès d'un professionnel de la santé. Donc, oui, on nous garantit ça pour le
durée... la durée d'hébergement, mais ensuite, ça reste toujours un obstacle
qui vient vraiment... qui peut vraiment être décourageant pour les femmes.
Mme Prass : Eh bien, comme
vous le dites, tout le changement de «contrainte à l'emploi» vers «contrainte à
la santé», bien, on va vraiment limiter le nombre de personnes qui vont avoir
accès à ces prestations-là. Parce que, présentement, avec «contrainte à
l'emploi», bien, il y a plusieurs circonstances, considérations qui sont
prises, tandis que, comme vous le mentionnez, avec une contrainte à la santé,
on vient vraiment cibler que ce soit... il faut que ce soit un enjeu de santé
mentale ou un enjeu physique qui peut être diagnostiqué. Il y a tellement de
situations justement où c'est des circonstances plutôt que des états de santé.
Donc, encore une fois, les femmes davantage qui vont se retrouver limitées par
rapport à les groupes qui pourront avoir accès à cette prestation.
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Bien, en fait, c'est ça. Puis moi aussi, ce que... ce que je
peux rappeler, c'est qu'en plus de représenter une charge supplémentaire sur le
dos des femmes ou des personnes les plus vulnérables de notre société, bien,
c'est aussi que ça vient engorger encore plus le système de santé. Puis, pour
nous, c'est une contradiction avec le projet de loi n° 68, qui est
actuellement déposé, qui vise à désengorger le système de santé. Donc, ce
serait... ce serait logique, dans notre... en tout cas dans... pour nous, qu'il
y ait des mesures qui soient mises en place pour désengorger le système de
santé, donc qu'il y ait des mesures où les femmes n'auraient pas
nécessairement... ou n'importe quel autre groupe visé par le projet de loi
n° 71 n'aurait pas à avoir une déclaration médicale...
12 h (version non révisée)
Mme Prass : ...Et en espérant
que... sera ouverte à revenir vers les contraintes à l'emploi plutôt qu'à la
santé quand on parle d'accompagnement, parce que c'est un élément du projet de
loi. Est-ce que vous pensez que ceux qui font de l'accompagnement devraient
recevoir... bien, disons, ceux qui vont faire de l'accompagnement avec des
femmes qui ont été victimes de violence conjugale devraient recevoir une
formation pour bien comprendre les réalités de ces femmes-là, pour bien les
orienter, les intégrer quand va venir le temps de l'emploi? Parce qu'il y a
certaines contraintes qu'il faut prendre en considération. Et pensez-vous donc
qu'une formation particulière à cette réalité-là devrait être offerte à ceux
qui vont faire de l'accompagnement?
Mme Trou (Mathilde) : Oui,
tout à fait. C'est vraiment une de nos inquiétudes aussi. Nous, de l'accompagnement,
nos différentes maisons en font déjà quand elles reçoivent des demandes de
formation. Elles vont former un certain nombre d'acteurs dans leur région,
justement, aux impacts de la violence conjugale, du contrôle coercitif, mais
elles ne peuvent pas répondre actuellement à toutes les demandes qu'elles
reçoivent. Donc, c'est sûr qu'il faudrait que ça vienne aussi avec plus de
financement des groupes communautaires, parce qu'on le sait que c'est compliqué
en ce moment. Puis je vous dirai que c'est très important, cette question de l'accompagnement,
parce que là on le voit, dans les dernières années, par exemple, il y a toute
une expertise qui a été développée par rapport aux traumatismes crâniens que
les femmes peuvent vivre quand elles vivent des épisodes de violences. Et ça,
une femme qui a... par rapport à l'étranglement, qui peut créer des
traumatismes crâniens, ce n'est pas des symptômes, ce n'est pas des
manifestations qui sont visibles toujours très clairement puis comprises par
les professionnels de santé. La femme... paraître... elle peut hésiter sur les
mots. Elle peut paraître un petit peu perdue, un peu confuse, mais il y a
sûrement des professionnels de santé qui vont dire : Bien, tu sais, oui, Mme
peut présenter certains signes, mais elle n'est pour autant pas inapte à l'emploi.
Alors que, finalement, quand une femme va se rendre à l'hôpital, qu'il y a des
tests qui vont être faits, bien là, on va se rendre compte de tout l'impact de
la violence qu'elle a vécue, et, puis là, il y a un diagnostic qui va faire en
sorte qu'elle est inapte à aller travailler...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Merci. Je suis désolée. C'est tout le temps que nous avions. Je cède
maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Je comprends votre préoccupation par rapport au fait que ce soit
inscrit dans la loi par rapport à l'article 53, même si vous voyez les
règlements d'avance puis qu'ils vous rassuraient. En fait, c'est la précarité d'un
règlement versus la loi qui vous inquiète. Vous nous proposez une formulation d'amendement
à l'article 53. Dans cette rédaction-là, vous n'utilisez pas le mot
«hébergement». J'imagine qu'il y a une raison pour ça. Est-ce que c'est parce
que toutes les femmes qui sont dans une situation où elles auraient besoin de
ce soutien-là ne sont pas nécessairement hébergées dans vos services?
Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) :
Exactement. Bien, en fait, c'était vraiment pour pouvoir ouvrir la porte
aussi au fait que, bien, les contraintes à l'emploi vont perdurer dans le
temps, et ça va peut-être... ça ne va pas arrêter nécessairement après x temps.
Donc, c'est sûr que si ces attestations-là pouvaient être utilisées pour un
posthébergement, bien, ça permettrait d'offrir le soutien nécessaire pour les
femmes. Puis c'est aussi pour ça, dans le fond, qu'on... c'est pour laisser le
moins de... le moins possible les femmes dans l'ombre, en fait, qu'on avait
rédigé de cette manière-là. Puis c'est aussi pour ça qu'on avait inclus
plusieurs formes de violence aussi, dont sexuelle, familiale et y compris
conjugale.
Mme Labrie : Est-ce que...
Mme Trou (Mathilde) : Si je
peux...
Mme Labrie : Ah! allez-y.
Mme Trou (Mathilde) : Oui.
Juste rapidement. Aussi, Julie parlait de posthébergement. Bien là, avec les...
c'est ça, les maisons qui ont des taux d'occupation très, très importants, il y
a des femmes qui vont... et puis il y a des femmes aussi qui vont préférer
passer en service externe, c'est-à-dire obtenir de l'accompagnement de nos
intervenantes de maison, mais sans hébergement. Mais ce n'est pas parce qu'une
femme va pouvoir aller se loger chez des amis ou chez sa famille et non en
maison d'aide et d'hébergement qu'elle n'aura pas besoin de ces prestations
supplémentaires pour vivre de manière décente.
Mme Labrie : Donc, la
distinction est importante, là, qu'on ne fasse pas juste référence à l'hébergement,
mais bien à la situation de violence que la personne a vécue. Par curiosité
avec les modalités actuelles, donc une femme qui est rendue en maison de
deuxième étape est-ce qu'elle est... est-ce qu'elle est couverte ou non?
Mme Trou (Mathilde) : Ça, je
vous dirai qu'on pourrait aller vérifier avec nos collègues de l'Alliance des
maisons de deuxième étape.
Mme Labrie : O.K.. Parce que
la ministre semblait laisser entendre que ça serait similaire à ce qui existe
actuellement, là, comme soutien offert, puis je cherche à savoir si ça couvre
assez loin, en fait, dans le parcours.
Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) :
Bien, c'est sûr qu'actuellement, si je me rappelle bien, c'est ça, c'est...
la prestation pour contrainte temporaire en emploi était disponible pour trois
mois. Donc, c'est pour ça que ça s'appliquait beaucoup plus aux situations qu'on
appelle d'urgence, ou, en tout cas, qui sont par rapport aux services de
première étape. Donc, c'est sûr qu'en élargissant aux services externes, situation
de post...
Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) :
...post-hébergement ou hébergement de deuxième étape, bien là, mais c'est
vrai qu'on vient couvrir un bon continuum de services.
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
avions... Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon.
M. Paradis : Merci beaucoup
d'être avec nous. C'était très important pour nous de vous entendre, d'entendre
vos voix aujourd'hui parce que vous nous rappelez, notamment, que les femmes
victimes de violence sont souvent victimes de diverses formes de violence, dont
la violence économique qu'elles vivent dans la précarité économique, vous nous
rappelez que 42 % des femmes hébergées en 2023-2024 ont déclaré un revenu
familial de 20 000 $ ou moins. Vous dites donc : S'il y a des mesures
régressives dans le projet de loi n° 71, ça va affecter particulièrement
les femmes. Vous nous dites que la modification régressive la plus dévastatrice — c'est
votre adjectif — c'est celle proposée à l'article 53 et,
notamment, l'abolition des contraintes temporaires à l'emploi, qui viserait les
femmes en hébergement après qu'elles aient été victimes de violence. La
ministre vous dit aujourd'hui qu'il va y avoir des ajustements à la prestation
avec une nouvelle prestation d'un niveau financier équivalent, puis ça, ça va
être par l'entremise d'un règlement qu'on ne connaît pas, qu'on n'a pas vu.
Est-ce que vous êtes rassurées?
Mme Trou (Mathilde) : Non.
Non, bien...
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Non, non, pas vraiment.
Mme Trou (Mathilde) : Tu
sais, la réponse courte est non.
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Bien, c'est un flou, en fait, là. Puis, je veux dire,
bien... D'accord, si c'est inclus, ça peut être inclus et puis ce serait... ce
serait l'idéal, mais dans le sens que ce n'est pas... ça ne va pas avoir les
mêmes répercussions que l'automatisme de la loi, ce sera... Puis, en ce moment,
ce qui est inquiétant, c'est que c'était inclus, donc c'est... Nous, on voit ça
comme une régression, là.
M. Paradis : Vous dites aussi
que le projet de loi risque d'augmenter ou d'ajouter des barrières à la
reconnaissance par les femmes des contraintes qu'elles vivent de manière
factuelle. La ministre vous dit : Non, non, non, il n'y aura pas tant de
changements que ça puis, là-dessus, il n'y a pas de nouvelles barrières.
Êtes-vous rassurées?
Mme Trou (Mathilde) : Mais
c'est... on... C'est ça, c'est que, si l'attestation peut être fournie par une
intervenante d'une maison d'aide et d'hébergement le temps que la femme est
hébergée ou accompagnée, en effet, ça ne créera pas d'obstacle supplémentaire.
Mais, encore une fois, une femme peut être accompagnée...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je suis désolée, c'est tout le temps que nous avions. Je vous
remercie, Mesdames, pour votre contribution à nos travaux à la commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin de permettre aux prochains invités de prendre place.
(Suspension de la séance à 12 h 10)
(Reprise à 12 h 12)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux, s'il vous plaît. Je souhaite maintenant la bienvenue au
Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec. Je vous rappelle,
chers invités, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis
nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je
vous invite donc à vous présenter et à nous donner votre exposé, s'il vous
plaît.
M. Daigle
(Christian) :Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Alors, je me présente, Christian Daigle, le président général du
Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec. À ma gauche...
M. Daigle
(Christian) :...M. Michel Girard,
deuxième vice-président de l'exécutif national; et, à ma droite, M. Isaïe
Dubois-Sénéchal, conseiller à la recherche au service au SFPQ.
Alors, Mme la Présidente, monsieur... Mme
la ministre, Mmes et MM. les députés, nous vous remercions de cette invitation.
Le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec est un syndicat
qui regroupe environ 44 000 membres répartis dans 40 accréditations syndicales,
dont plus de 5000 travailleuses et travailleurs du ministère de l'Emploi et de
la Solidarité. Parmi ces personnes, on compte, entre autres, près de 2 600 agentes
et agents... économiques qui interviennent, notamment, en matière d'aide
financière et d'aide à l'emploi. L'annonce du dépôt d'un projet de loi
réformant le régime d'assistance sociale, dès avril 2023, avait généré de
nombreuses attentes. Il était effectivement grand temps de dépoussiérer la Loi
sur l'aide aux personnes et aux familles pour que celle-ci permette de
véritablement lutter contre la pauvreté. Force est de constater qu'avec le
projet de loi n° 71, la grande majorité de ces attentes n'ont pas été
rencontrées. Il est manifeste que ce projet de loi ne s'attaque pas aux trois
enjeux que nous jugeons les plus urgents, soit la lutte à la pauvreté,
l'accompagnement vers l'emploi et la dématérialisation des services au
ministère.
En matière de lutte à la pauvreté, le
projet de loi en fait bien peu. La prestation de base et trop faible pour
permettre une réelle sortie de la pauvreté, et ça, nos membres sont à même de
le constater quotidiennement. Nous nous expliquons mal que les prestations
accordées, en vertu de la Loi sur l'aide sociale de 1959, étaient de 217 $
par mois, soit 1 776 $, en dollars d'aujourd'hui, alors que la prestation
de base actuelle est de 807 $ par mois, bien en deçà du nécessaire pour
combler les besoins essentiels et de base. À cela s'ajoute la question des
pièges de pauvreté. La loi ne modifie pas un assez grand nombre de mécanismes
qui participent au maintien des prestataires dans la pauvreté, et je parle ici
des revenus du travail permis qui sont trop faibles, du trop sévère plafond des
avoirs personnels forçant leur dilapidation ou de l'obligation de retirer sa
Régie des rentes du Québec dès l'âge de 60 ans. De plus, nous nous
expliquons mal le remplacement des contraintes à l'emploi par les contraintes
de santé. S'il est vrai que le régime actuel ne reconnaît pas suffisamment les
contraintes à l'emploi issues d'enjeux de santé, il est périlleux de prétendre
que c'est par l'emploi qu'on sort de la pauvreté, tout en refusant de
reconnaître qu'une femme victime de violence conjugale en maison d'hébergement
ou qu'une personne ayant une personne handicapée à sa charge n'ait pas aussi
d'importantes contraintes en matière d'employabilité. Les agentes et agents
d'aide à l'emploi le constatent chaque jour : les barrières à l'emploi dépassent
les simples enjeux de santé. La réforme va donc dans le sens inverse de la
lutte à la pauvreté et perpétue la précarisation des milliers de personnes
vulnérables. Nous recommandons donc que le projet de loi prévoie des mesures
afin d'assumer que le montant de prestations d'aide de dernier recours permette
de vivre dignement. Nous recommandons également l'élimination de toutes
situations menant à un piège de pauvreté. Il est également de notre opinion que
le ministre doit abolir les catégories à l'aide sociale.
Pour l'aide à l'emploi, comme je le
mentionnais tout à l'heure, les agentes et agents du MESS jouent, généralement,
à l'égard de l'aide sociale, l'un des deux rôles suivants, soit l'aide à
l'emploi ou l'aide financière. Le projet de loi échoue à prendre en compte les
réalités complexes de l'intervention nécessaire pour favoriser l'insertion et
la réinsertion en emploi. Prenons d'abord le programme Objectif emploi, qui
impose des pénalités aux prestataires ne respectant pas certaines obligations.
Ce programme est dysfonctionnel. Non seulement il stigmatise les bénéficiaires
en difficulté, mais il n'a jamais vraiment prouvé son efficacité. Étendre
Objectif emploi à des prestataires ayant déjà participé, sans succès, cmme le
propose l'article 35, est une mesure coercitive qui s'éloigne des principes
d'accompagnement en fonction des besoins des prestataires. Le SFPQ reconnaît
donc l'abrogation de l'article 35 et la suppression des pénalités financières
liées à ce programme.
La sous-traitance des services
d'employabilité nous préoccupe également. Depuis plusieurs années, le
gouvernement externalise ses services, transférant ainsi des responsabilités
vers des organismes communautaires. Cette tendance avait pour origine le
principe de complémentarité des services. Force est de constater que la ligne
de démarcation entre les responsabilités du ministère et celles des organismes
communautaires a été brouillée par la gestion néolibérale des dernières
décennies. À cet effet, le projet de loi donne encore davantage de marge de
manœuvre à la ministre pour avoir recours à la sous-traitance. À l'article 14,
on abroge, entre autres, la disposition actuelle selon laquelle une entente,
avec un organisme, ne peut prévoir l'administration de la prestation par un organisme
ou par un tiers. La sous-traitance entraîne une concurrence malsaine entre le
service public et le secteur communautaire, tout en affaiblissant la cohérence
et la qualité des services offerts des deux côtés. Nous dénonçons cette
déresponsabilisation de l'État et en appelons à un retour des services
d'employabilité au MESS.
Parallèlement, la mise sur pied des
réseaux régionaux représente également, sous sa forme...
M. Daigle
(Christian) :...un danger en matière
d'intégrité des services publics. Nous demandons des clarifications sur le rôle
que joueront les agents d'aide à l'emploi dans ces réseaux et la fonction de
gestionnaire de parcours qui devrait leur être dévolue. Afin d'assurer des
services d'employabilité cohérents, il n'importe pas seulement de favoriser
l'interaction entre les acteurs de l'accompagnement, il faut s'assurer que les
prestataires ayant recours à des plans individualisés puissent avoir accès à
une personne-ressource qui leur est dédiée, qui les aide dans leur prise de
décision, en toute neutralité, qui dispose de la formation nécessaire et qui
offre elle-même des services d'aide à l'emploi. Somme toute, il faut que les
agents d'aide à l'emploi jouent un rôle de gestionnaire de parcours et que les
prestataires bénéficient d'un accompagnement humain et axé sur leurs besoins
spécifiques.
Si nous vous soumettons dans notre mémoire
un certain nombre de recommandations en matière d'aide à l'emploi, je souhaite
en souligner quatre dès à présent.
Soit, en tout premier lieu, que le projet
de loi affirme de manière claire le fait que les agents d'aide à l'emploi sont
les premiers responsables des mesures d'employabilité s'apparentant à
l'évaluation des besoins, à l'élaboration du plan d'intervention individualisé,
aux suivis, aux liaisons que les ressources externes ou tout autre organisme...
et enfin à l'évaluation finale du cheminement. Bref, que le rôle en tant que
gestionnaire de parcours soit inclus.
En deuxième, que l'abrogation de
l'article 35 de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles soit revue
afin de conserver le principe selon lequel une entente avec un tiers ne peut
prévoir l'administration de la prestation par celui-ci. Ce principe devrait
également être étendu à l'ensemble des rôles assumés par les agents d'aide à
l'emploi pour éviter la confusion des rôles entre le milieu communautaire et le
service public.
En troisième, que le projet de loi
clarifie la composition exacte des réseaux régionaux d'accompagnement et qu'il
établisse que ce sont les agents d'aide à l'emploi qui doivent assurer le rôle
principal en matière de prestation des services d'employabilité, de
coordination des réseaux et de gestion des parcours individuels.
Finalement, que la mise en place des
réseaux ne permette pas de favoriser l'externalisation de l'action
ministérielle en accompagnement des personnes prestataires.
• (12 h 20) •
La dernière grande inquiétude que nous
voulons soulever concerne la dématérialisation des services, notamment à
travers le projet de décloisonnement des dossiers à l'aide sociale. Ce
projet... Ce projet entraînera une taylorisation des tâches des agents d'aide
financière qui ne seront plus responsables de dossiers individuels, mais
effectueront des tâches réparties de manière automatisée. Cette approche présente
plusieurs dangers en matière d'accès aux services publics, de risques
d'erreurs, d'imputabilité de l'action publique et du suivi auprès des
prestataires. La déshumanisation des services d'aide financière s'en retrouve
accrue.
Cette transformation de l'aide sociale en
chaîne de montage forcera les agentes et agents à traiter du volume plus
rapidement, limitant leur capacité à prendre connaissance des dossiers souvent
très complexes. Les prestataires devront péniblement raconter plusieurs fois
leur histoire, parfois traumatisante, à des agents différents. Toute notion de
suivi personnalisé et de lien de confiance avec l'administration publique est
ainsi mise à mal par ce projet de loi.
Le décloisonnement ouvre aussi la porte à
des dérives inquiétantes en matière de gestion des dossiers. On craint
d'ailleurs qu'il ne s'agisse d'un premier pas vers la gestion algorithmique de
dossiers à l'aide sociale, ce qui entraînerait des conséquences dévastatrices
sur des personnes déjà très marginalisées.
L'article 67 du projet de loi vient
pérenniser cette gestion déshumanisée en proposant que les décisions rendues ne
soient plus identifiées au nom des agents, mais plutôt au nom de leur unité
administrative. Le SFPQ recommande donc l'abrogation de cet article, mais
également que le projet de loi intègre les principes selon lesquels les
prestataires doivent avoir un gestionnaire de dossier attitré du côté de l'aide
financière et qu'ils puissent être en mesure de communiquer avec ce
gestionnaire.
Enfin, tout ce qui a trait au travail des
agents d'aide financière, nous recommandons que le projet de loi précise la
notion d'intention et les modalités de son application à ce qui a trait aux
fausses... aux fausses déclarations, excusez-moi, afin d'être assurés que les
agents puissent appliquer de manière uniforme la loi.
En conclusion, nous considérons que le
projet de loi n° 71 représente une occasion manquée de réformer en
profondeur le régime d'assistance sociale au Québec. Les changements, quoique
cosmétiques, qu'il propose ne suffiront pas à répondre aux besoins criants des
personnes les plus précaires de notre société ni aux enjeux de déshumanisation
des services publics. Il nous apparaît également nécessaire qu'une réforme
ambitieuse inclue des moyens afin d'assurer une amélioration concrète des
conditions de vie des personnes prestataires ainsi que l'accès à des services
d'accompagnement universels et de qualité. Nous invitons donc la commission à
revoir ce projet en tenant compte de nos recommandations, considérant les
failles majeures de ce projet de loi présents. Nous invitons également la
ministre à organiser des assises sociales de la pauvreté rapidement. Je vous
remercie de votre attention.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période
d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Rouleau : Bien, je vous
remercie beaucoup, Mme la Présidente, et merci beaucoup, messieurs Daigle,
Girard et Dubois-Sénéchal, pour votre présence aujourd'hui et votre
participation...
Mme Rouleau : ...aux travaux
de cette commission qui vise à moderniser le régime d'aide sociale, ce qui n'a
pas été fait depuis 20 ans dans toute sa globalité. Dans votre mémoire,
vous évoquez que les programmes d'assistance sociale comptent plusieurs pièges
à pauvreté et des barrières qui... des barrières à la sortie de la pauvreté.
Est-ce que... Est-ce que vous croyez qu'avec des... la notion d'accompagnement
que nous proposons dans ce projet de loi n° 71, l'accompagnement et inclusion
des enjeux psychosociaux et de santé mentale en allant vers les contraintes
emplois, ne pensez-vous pas qu'on pourrait contribuer à diminuer ces barrières
de sortie de la pauvreté?
M. Daigle
(Christian) :Dans un premier temps, si on
ne faisait qu'ajouter les contraintes ou les barrières que vous mentionnez, ce
serait bien, mais, en enlevant les autres possibilités que les personnes ont
déjà de ressources supplémentaires, on vient enlever des aides, on vient
enlever, à ce moment-là, des possibilités de revenus supplémentaires pour ces
personnes-là qui ont des contraintes à l'emploi, qui sont différentes que des
contraintes de santé seulement. Ça, pour nous, c'est une barrière qui était
avant ça dans... qui était dans la loi avant, qui permettait d'avoir une
ressource financière supplémentaire, mais qui ne seront plus dans le
prochain... dans la prochaine loi, selon le projet de loi actuel qui est
déposé. Je vais laisser mon confrère Isaïe poursuivre sur cet aspect.
M. Dubois-Sénéchal
(Isaïe-Nicolas) : Mais, si je peux me permettre également, il y a des
éléments dans le projet de loi qui sont... qui sont absents, là. Je prends
l'exemple de... Même, en matière de contrainte de santé, on a des gens qui sont
sur l'aide sociale, en ce moment, qui peuvent avoir des enjeux de santé mentale
qui font en sorte que, bien, d'un jour à l'autre, ça ne va pas de la même
manière, hein? Il peut y avoir des épisodes psychotiques quand on vit de la
schizophrénie, il peut y avoir plein d'éléments qui font en sorte que notre
retour en emploi ne se fait pas de manière linéaire. À partir du moment où
est-ce que, par exemple, on garde des gains d'emploi permis qui sont très bas,
on peut, un mois, être capable de retourner sur le marché de l'emploi, mais...
puis, dépassé cette limite de 200 $ là, il y a un permis, et après ça,
boum, on se retrouve à retourner sur l'aide sociale parce qu'on retombe dans un
épisode psychotique, par exemple, ce qui fait en sorte qu'il y a beaucoup de
personnes qui vivent l'aide sociale en ce moment comme des portes tournantes.
Et donc, oui, il y a une notion d'accompagnement qui peut être intégrée dans le
projet de loi que nous saluons. Néanmoins, le fait que l'accompagnement ne soit
pas assez intégré et le fait que ces trappes à pauvreté, par exemple, qui font
en sorte que, si on dépasse la limite de gain permis, on débarque, et après ça
on rembarque, et on débarque, et on rembarque, ça devient un enjeu. Et donc le
principe de l'accompagnement, selon nous, doit être élargi après, doit faire
un... la loi doit permettre un petit peu plus de flexibilité pour que les
personnes prestataires qui se retrouvent dans des situations, justement, où...
de porte tournante potentielle, mais ne s'y retrouvent pas.
M. Daigle (Christian) :Et c'est pour ça aussi que nous souhaitons que
l'accompagnement soit individualisé au niveau des prestataires d'aide sociale
et que ça ne soit pas une chaîne de montage, comme le projet de loi le prévoit
présentement, en séparant les différentes fonctions qu'il va y avoir dans les
dossiers.
Mme Rouleau : Est-ce que vous
voyez une évolution dans le profil des prestataires d'aide sociale, des gens
qui viennent demander l'aide, cette aide de dernier recours? Et comment
voyez-vous un accompagnement adéquat pour qu'ils puissent se sortir de...
L'idée n'est pas de rester à l'aide sociale, on s'entend là-dessus, c'est de
pouvoir en sortir. Comment voyez-vous cet accompagnement ou comment voyez-vous
cette sortie?
M. Daigle
(Christian) :Bien, le premier aspect,
c'est d'avoir quelqu'un qui est dédié au dossier, comme je viens de le
mentionner, comme nous avons même fait mention également dans notre mémoire,
donc de ne pas, à ce moment-là... le travail, mais d'avoir vraiment une
personne qui, du début jusqu'à la fin, comme ça se fait présentement, qui va
pouvoir accompagner la personne, qui va pouvoir connaître ses besoins, qui va
connaître son histoire également aussi, qui va connaître les différents
épisodes de sa vie pour offrir la meilleure porte de sortie à cette
personne-là, offrir la meilleure option pour pouvoir justement sortir.
Un autre aspect vient aussi du fait qu'il
faudrait changer les barèmes au niveau des gains à l'emploi, qui sont beaucoup
trop bas, de changer également les barèmes sur les avoirs des personnes, qui,
pour moi-même d'avoir travaillé à l'aide sociale, parce que j'étais un agent...
à la base même, permettaient à des gens de ne pas pouvoir utiliser des biens,
ils devaient devoir liquider une automobile, liquider les avoirs qu'ils avaient
avant de pouvoir bénéficier de l'aide sociale, ce qui est un non-sens si on
veut que la personne se réinsère en emploi, puisse se déplacer, puisse aller
occuper un emploi à ce niveau-là. Même principe également avec la Régie des
rentes, qui doit être utilisée à partir de 60 ans, comme une obligation et
non pas de pouvoir reporter ça plus tard pour éviter une précarité tardivement
au niveau de quand elle sera plus âgée.
Mme Rouleau : O.K. Dans le
plan de lutte à la pauvreté et...
Mme Rouleau : ...l'exclusion
sociale que j'ai pu déposer en juin dernier, vous retrouverez, là, que le... on
procède... on veut procéder à l'abolition du premier test d'avoir liquide
justement. Alors, on répond à une de vos demandes. Les demandeurs d'asile sont
de plus en plus nombreux dans le régime d'assistance sociale. Est-ce que...
est-ce que cela affecte... ou quel est... ou est-ce que cela affecte le travail
de nos agents?
M. Daigle
(Christian) :Oui, effectivement, il y a
un impact direct sur le travail de nos agents et de ce qui est amené à travers
l'ensemble du ministère, parce que souvent ces gens-là sont concentrés à
certains endroits précis. Mais, comme c'est une question que mon confrère a
beaucoup élaborée, je vais laisser Isaïe poursuivre au niveau des explications.
M. Dubois-Sénéchal
(Isaïe-Nicolas) : Oui, c'est ça. Donc, on constate une hausse des
demandeurs d'asile, en ce moment, qui font des demandes à l'aide social et on
constate que ça provient également d'un retard qui nous provient, notamment, en
matière de permis de travail. C'est pour ça que, dans le mémoire, il est, entre
autres, proposé au gouvernement, et non pas en matière de projet de loi, mais
il est proposé au gouvernement que celui-ci, dans une percée nationaliste
d'autonomisation des pouvoirs du Québec, bien, décide de donner des permis de
travail à ces personnes-là qui, pour beaucoup, sont en mesure de travailler et
qui, pour plusieurs, parlent déjà le français, ont des compétences, ne peuvent
pas les utiliser, elles sont pognées à aller à l'aide sociale alors qu'elles
pourraient travailler. Donc, c'est pour ça que le mémoire recommande également
au gouvernement, bien, de passer par-dessus ces délais-là qui nous proviennent
d'IRCC de ne pas utiliser les demandeurs d'asile comme pions dans cet
échange-là entre Ottawa et Québec, et vraiment de faire en sorte que si ces
personnes-là sont en mesure de travailler, bien, justement, qu'on s'assure que
ces personnes-là puissent travailler coûte que coûte.
• (12 h 30) •
Mme Rouleau : O.K. Merci. Le
gain de travail. Quelles seraient vos suggestions pour améliorer le gain du
travail des prestataires d'aide sociale?
M. Daigle
(Christian) :Bien, on pense que la limite
de 200 $ est beaucoup trop basse de ce qui peut être disponible
aujourd'hui. Tantôt, mon confrère en a parlé également. C'est des choses qui
peuvent varier. On pense que, peut-être, une base annuelle pourrait être
intéressante, de hausser minimalement le gain mensuel aussi ou le gain par
semaine par rapport à ça. Là, ce serait des choses à regarder.
Nous aurions aimé pouvoir vous en parler
autrement qu'ici en commission parlementaire, parce que nous avons fait des
demandes pour vous rencontrer à quatre reprises depuis 2022. Malheureusement,
ça n'a pas été possible de pouvoir vous rencontrer, mais on aurait pu en
discuter, on aurait peut-être pu vous apporter des solutions, justement, sur
ces situations-là, parce qu'on représente plus de 2 600 personnes qui
travaillent au quotidien avec ces gens-là, ça nous aurait fait plaisir d'aller
plus loin dans la démarche. Parce que, oui, il y a des situations à travailler,
dont le gain à l'emploi. On pense qu'avec le marché du travail d'aujourd'hui il
y a une certaine volatilité au niveau du travail, mais il faut également
regarder les possibilités de gains qu'on a pour chacune des personnes.
Mme Rouleau : Vous n'êtes pas
en faveur d'ouvrir le Programme objectif emploi et je comprends mal pourquoi.
Pourriez-vous m'expliquer un peu plus?
M. Daigle (Christian) :Sur les détails, je vais laisser Isaïe vous entretenir de
la situation. Puis après ça je pourrais revenir de manière générale également.
M. Dubois-Sénéchal
(Isaïe-Nicolas) : Oui, en fait, il faut comprendre qu'objectif emploi,
là, quand ça avait été apporté, déjà, à l'époque, le SFPQ s'était opposé pour
plusieurs raisons. C'est-à-dire que, premièrement, les personnes qui
travaillent en ce moment, là, en aide à l'emploi et en aide financière, ce sont
des personnes qui ont un... des services publics, un... de l'accompagnement. On
considère qu'objectif d'emploi... et il y a des choses positives comme, par
exemple, le supplément qui peut arriver, mais le fait qu'il y ait des coupures
sur le chèque d'aide sociale, sur le chèque de base, là, qui est de 807 $,
et qui est coupé dans la mesure où est-ce qu'on ne participe pas, c'est quelque
chose, bien, qui s'apparente à un système punitif et c'est quelque chose que
nos agents, nos agentes, n'aiment pas faire non plus parce qu'elles constatent
que mettre les gens dans le pétrin. Il faut comprendre également que de ne pas
participer à objectif emploi, la plupart du temps, ce n'est pas de la paresse,
c'est d'autres éléments. On prend, par exemple, des personnes qui ne se font
pas forcément reconnaître des contraintes, même temporaires, à l'heure
actuelle, parce que c'est difficile de se les faire reconnaître, il faut avoir
accès à un professionnel de la santé, il faut avoir accès à la paperasse. C'est
un processus excessivement complexe. Et donc, dans la mesure où est-ce qu'on a
des coupures sur les prestations, parce que, par exemple, on vit des
traumatismes, on n'est pas prêt à revenir en emploi et on ne se fait pas encore
reconnaître la contrainte, parce qu'on est dans un trou, on est dans un désert
de services, on a du mal à être capable de se prévaloir, en fait, des documents
nécessaires pour se faire reconnaître les contraintes et donc ne pas embarquer
sur objectif emploi, ça crée une précarisation, ça crée une pauvreté
supplémentaire. Et le SFPQ en se...
12 h 30 (version non révisée)
M. Dubois-Sénéchal (Isaïe-Nicolas) :
...en ce sens-là, milite pour que l'aide sociale en soit un... en soit une
d'accompagnement et non de punition en faisant la distinction entre les bons
pauvres, les mauvais pauvres, ceux qui travaillent, ceux qui ne travaillent
pas, ce qui, à notre opinion, à partir du moment où est-ce qu'on est rendu à l'aide
sociale, où est-ce qu'on est rendu dans un tel niveau de précarité ne fait pas
sens.
Mme Rouleau : Vous vouliez
poursuivre?
M. Daigle (Christian) :Merci, c'est beau. Je pense qu'il a couvert tous les
domaines.
Mme Rouleau : Je veux vous
préciser que, dans la tournée que j'ai faite à travers le Québec, nos 17 belles
grandes régions du Québec, je suis allée en milieu urbain, en milieu rural et,
à chaque fois, je me faisais un point d'honneur, une obligation d'aller... et
un plaisir aussi d'aller rencontrer les... nos employés de nos bureaux de
Service Québec, à passer au moins une heure avec eux, pour discuter du plan de
lutte et du prochain projet de loi et écouter leurs recommandations puis
leurs... certaines appréhensions qu'ils pouvaient avoir. Et je peux vous dire
qu'il y a plusieurs de ces... l'issue, le fruit de ces discussions-là qui se
retrouvent dans le projet de loi. Alors, j'ai voulu être à l'écoute autant de
nos employés du côté gouvernemental que des centaines de personnes que j'ai
rencontrées et organismes qui ont pu me parler évidemment de la situation.
Croyez-vous qu'une personne qui est
éloignée du marché du travail, qui fait appel à l'aide de dernier recours est
capable de s'en sortir? Est-ce que... Avec le projet de loi, mettons en place
les mesures adéquates d'accompagnement pour que ces gens-là puissent s'insérer,
s'intégrer et aborder le marché du travail de manière digne.
M. Daigle (Christian) :À ce niveau...
La Présidente (Mme D'Amours) : ...
M. Daigle (Christian) :30 secondes, je vais y aller. Donc, à ce moment-là, c'est
sûr que quelqu'un qui est là depuis... qui n'est pas sur le marché du travail
depuis fort longtemps, va avoir de la difficulté à bien se réintégrer. Il faut
qu'on l'accompagne. Cet accompagnement-là peut prendre différentes formes. On
parle des réseaux régionaux, mais il faut qu'il y ait quelqu'un du ministère
qui soit avec cette personne-là à chaque étape, parce que c'est une étape... c'est
un suivi qui va se faire par étapes, qui va se faire peut-être parfois
cahin-caha à certains niveaux. Il va falloir qu'on bien identifie les besoins
que la personne, elle a, qu'on identifie les pistes de solution pour qu'elle s'en
sorte. Ça peut arriver, ça peut se faire. C'est pour ça que nos gens, non 2 100 personnes
travaillent à ce niveau-là aussi.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je suis maintenant prête à céder la parole à la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Merci, Mme la
Présidente. Avec votre approbation, j'ai une couple de questions, mais, par la
suite, j'aimerais céder la parole à ma collègue. Alors, je vous demanderais de
garder les réponses courtes pour que ma collègue... elle a des questions très
intéressantes.
Alors, en premier lieu, les gains de
travail. Justement, on a déposé, vous le savez peut-être, un projet de loi n° 693,
justement, pour s'inspirer de certains éléments du programme de revenu de base,
qui est très bien reconnu, je pense, et respecté pour les gains de travail en
matière de solidarité sociale, le calcul cumulatif annuel plus élevé pour ne
pas pénaliser les gens en pleine pénurie de main-d'oeuvre, mais aussi crise de
coût de la vie. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, premièrement. Est-ce
que ça aurait une place au sein de cette réforme, selon vous?
M. Daigle
(Christian) :On pense que oui. On peut
trouver une place au sein de la réforme pour avoir, justement, des mesures qui
vont être plus larges pour, justement, favoriser ces gains-là à l'emploi, qui
vont permettre également aussi aux personnes d'aller chercher des revenus d'emploi
sans être pénalisées sur les revenus de prestations d'aide sociale, parce que
le but, c'est de s'en sortir. Puis présentement, à 11 000 $ par
année, on ne peut pas s'en sortir avec le coût de la vie, les besoins qui sont
demandants aussi. Puis je vais laisser un 15 secondes à mon collègue pour
poursuivre aussi sur certains aspects.
M. Dubois-Sénéchal
(Isaïe-Nicolas) : Je laisserais peut-être, en fait, même dérouler les
questions, là. Je pense que c'est bien couvert.
Mme McGraw : Parfait. Super.
Merci. Donc, la ministre, elle a rencontré les gens sur le terrain, les
fonctionnaires sur le terrain. Bien, vous aussi, vous rencontrez vos
fonctionnaires, entre autres. Est-ce que vous pouvez élaborer sur l'impact
aussi, parce qu'on parle de... des plans individuels? Bien, si je comprends
bien, ça ne veut pas dire des plans personnalisés, ou une approche
personnalisée, ou une approche humaine. Ça va peut-être dans le sens contraire,
malgré la volonté et les principes. Alors, parlez-nous un peu plus de l'impact
sur les agents qui cherchent à accompagner les bénéficiaires.
M. Daigle
(Christian) :Les agents ont des
formations de travail social. Les gens ont des formations pour venir en aide à
des gens. Donc, c'est pour ça que ça nous demande... c'est les compétences de
base que nous avons de besoin pour devenir agent d'aide socio-économique.
Ceci dit, avec la... avec le découpage qui
se fait des tâches, on n'aura plus cet accompagnement-là qui va se faire. On va
perdre ce lien personnalisé qu'on a avec les prestataires, qu'on accompagne
autant pour les prestataires d'aide sociale que pour les gens qui veulent
retourner à l'emploi, pour les agents d'aide à l'emploi aussi. On va arriver
avec seulement des portions de dossiers qu'on va travailler...
M. Daigle
(Christian) :...on va leur faire du
travail à la chaîne, ce qui est impensable, pour nous, comme agents d'aide
socioéconomique. Nous, on veut être là pour aider la personne. Puis c'est une
fierté pour les agents d'aide socioéconomique de pouvoir dire à
quelqu'un : On l'a sorti de la pauvreté. Elle n'est plus à l'aide sociale
parce que j'ai travaillé le dossier, et c'est ma victoire un petit peu à
travers ça aussi. Ça, on va le perdre là-dedans, parce que les personnes vont
travailler une partie du dossier seulement et, pour les prestataires de l'autre
côté, également, aussi, il va avoir des difficultés, parce qu'on va devoir
répéter l'histoire à chaque fois, alors que chaque cas est individuel. Ce n'est
pas un deux-par-quatre ou une fenêtre qu'on monte ou qu'on produit sur une
chaîne de montage, c'est un individu qui est personnalisé dans son cheminement
dans sa vie, et avec les traumatismes qu'elle a subis à travers le temps.
Mme McGraw : Et c'est des
situations sont souvent très complexes et pénibles à répéter, donc...
M. Daigle
(Christian) :Tout à fait.
Mme McGraw : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je cède maintenant à la parole de la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous. Heureuse de faire votre connaissance. Je vais
revenir, donc, sur certains aspects de votre mémoire, notamment... Bon, pour
nous, je pense que c'est assez clair, donc, contraintes à l'emploi, donc,
n'également pas contraintes à la santé. Il y a d'autres groupes, avant vous,
qui sont venus nous exposer, donc, cette vision, puis ça nous semble assez
clair. Donc, vous me dites, donc, que le pl 71 vous retire la possibilité de
disposer un montant supplémentaire pour plusieurs prestataires, qui auraient,
donc, d'autres types de contraintes. À combien de personnes vous évaluez....
Donc, en fait, quel serait, pour vous, donc, le nombre de personnes qui serait
exclu de l'allocation supplémentaire, donc, qui serait prévue à l'article 25 du
pl 71?
M. Daigle
(Christian) :Pour une information si
précise, je vais laisser mon collègue y répondre.
M. Dubois-Sénéchal
(Isaïe-Nicolas) : Donc, il y a l'estimation du Collectif pour un
Québec sans pauvreté qui prend les personnes de 58 ans et plus et qui prend sur
la base actuelle. Puis on sait qu'il y a une forme de clause grand-père, donc,
le calcul ne peut être exact. Mais les personnes de 58 ans et plus, ainsi que
les personnes avec un enfant de moins de cinq ans, une personne handicapée à
charge, ça fait environ 38 000 personnes. Si on inclut l'ensemble des autres
catégories en ce moment-là, ça tournerait autour de 40 000 peut-être. L'enjeu
est...
Mme Cadet : ...en
hébergement, comment on a entendu...
M. Dubois-Sénéchal
(Isaïe-Nicolas) : Exactement, exactement. L'enjeu également, c'est que
faire reconnaître une contrainte à la santé, ce n'est pas évident pour tout le
monde. Avoir accès à un médecin de famille, avoir accès à un psychologue, avoir
accès à une travailleuse sociale et ces ordres professionnels là qui sont...
comme on le mentionnait dans la dernière... avec Mme Trou qui passait juste
avant, ce n'est pas toujours évident. Donc, est-ce que... Bien, est-ce qu'il y
a des gens là-dedans qui ont déjà des contraintes de santé qui pourraient les
faire reconnaître? Peut-être, mais est-ce qu'il y a des gens qui ont des
contraintes de santé qui ne pourront pas les faire reconnaître dans des délais
raisonnables et qui donc ne pourront pas se prévaloir justement de cette
contrainte de santé? Peut-être également.
• (12 h 40) •
Donc, pour nous, quand on considère le manque
d'accès à des services de santé en ce moment, à partir du moment où est-ce
qu'on fait un projet de loi qui reconnaît des contraintes de santé, il faut
être en mesure de comprendre que c'est un système public qui, en ce moment, ne
fournit pas.
Mme Cadet : Merci. Donc, ce
que j'entends, c'est que non seulement, donc, l'estimation est relativement
conservatrice, mais, en plus de ça, non seulement, donc, on comptabilise, donc,
celles qui n'auraient pas, donc, de contraintes à la santé et qui, pour
d'autres d'autres motifs tout à fait raisonnables, donc, devraient pouvoir,
donc, se faire reconnaître dans cette contrainte-là. Mais, en plus de ça, il y
a tout ceux qui n'ont pas accès à un médecin de famille, donc, qui ne sont pas
en mesure, donc, de se faire reconnaître, donc, ladite contrainte à la santé.
Maintenant, au niveau de l'aide à
l'emploi, vous nous dites : Les prestataires et les demandeurs d'aide de
dernier recours interagissent souvent avec une institution bicéphale. Qu'est-ce
que vous voulez dire par là?
M. Daigle
(Christian) :Au niveau, présentement, des
groupes communautaires qui viennent en aide aux gens dans les prestations,
avant, c'était une complémentarité qu'on espérait avoir avec le milieu
communautaire. Maintenant, c'est qu'il y a un accompagnement qui se fait de par
les groupes communautaires, qui va plus loin que ça. C'est un petit peu comme
de la sous-traitance qu'on y va avec ces groupes-là, alors que c'est le
principe premier du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, c'est
d'accompagner ces gens-là pour le retour au niveau de l'emploi, pour le
retour... pour l'accompagnement qui se fait. Donc, d'avoir deux réseaux
parallèles, c'est là qu'on dit qu'il y a une incompatibilité. Donc, les groupes
communautaires, qui sont souvent des OSBL, sont là pour des besoins
complémentaires au ministère, et on ne doit pas transférer cette demande-là
vers ces groupes-là. Donc, on se doit de garder l'intégrité au niveau du
ministère pour l'accompagnement à travers le suivi puis le retour à l'emploi
là-dessus.
Mme Cadet : Vous dites
aussi : De manière générale, la population prestataire est plus éloignée
du marché du travail qu'autrefois, que les gens, donc, demeurent plus longtemps
sur l'aide sociale, que le profil, il a changé. J'aimerais, donc, voir élaborer
là-dessus. Puis vous dites, donc : Il importe de questionner les moyens,
les stratégies de suivi mis en place pour favoriser l'employabilité,
l'intégration en emploi des prestataires d'aide sociale.
M. Daigle
(Christian) :Dans un premier temps, quand
on dit que les gens sont plus loin du marché du travail, souvent, les gens
qui... Quand une usine fermait, mettons, en région, tombaient sur l'aide
sociale, parce qu'ils n'avaient pas de chômage, ou, ainsi de suite, ces gens-là
pouvaient se retrouver un emploi dans une période assez moyenne. Donc, ils
avaient de l'aide sociale pendant un certain temps, retournaient sur le marché
du travail aussi. Aujourd'hui, avec le marché du travail que l'on connaît, tous
les gens qui ont la possibilité d'aller travailler rapidement l'ont fait déjà.
Il n'y a personne qui peut survivre avec un chèque d'aide sociale annuellement,
selon les montants qui sont versés présentement. Donc, tous les gens qui
pouvaient...
M. Daigle (Christian) :...faire ce retour-là. Les gens qui sont encore à l'aide
sociale sont des gens qui ont des difficultés plus grandes en matière
personnelle, en matière professionnelle, en matière d'intégration sociale pour
retourner sur le marché du travail. Donc, c'est pour ça qu'il y a un clivage
qui s'est fait entre les gens qui, à l'époque, il y a plusieurs décennies,
attendaient le retour... ou attendaient une opportunité d'emploi. Et
aujourd'hui, où est-ce que l'opportunité est là, bien, c'est les difficultés
d'intégration à l'emploi qui amène ce... là.
Mme Cadet : Bien, justement,
vous dites : Difficultés d'intégration à l'emploi. On sait que le projet
de loi parle parle beaucoup d'intégration, mais peu de maintien à l'emploi.
Est-ce que pour vous ça signifie aussi qu'il faudrait avoir plus de mesures
d'accompagnement pour le maintien à l'emploi, étant donné que les clientèles
sont beaucoup plus éloignées du marché du travail?
La Présidente (Mme D'Amours) : ...pour
cet échange. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci. Je
n'aurai pas beaucoup de temps. Je trouve ça vraiment intéressant de vous
entendre parce que vous représentez les personnes qui appliquent les modalités
actuelles du régime d'aide sociale. Vous avez dit très clairement : Les
prestations ne permettent pas de vivre dignement en ce moment. Il faudrait
abolir les catégories. Vous avez nommé que les... vos travailleurs, dans le
fond, veulent pouvoir être gestionnaires... être assignés à un dossier, et
c'est l'accompagnement qu'il faudrait faire. J'ai le goût de vous demander. On
a entendu la ministre manifester de l'ouverture pour que les personnes membres
des ordres professionnels qu'elle aura ciblés, par exemple les travailleurs
sociaux, puissent faire les évaluations, là, pour les contraintes, même s'ils
sont d'un organisme communautaire, par exemple. Vous avez dit que bon nombre
d'agences ont même, par exemple... travailleurs sociaux. S'ils sont membres de
leur ordre professionnel, est-ce qu'ils devraient aussi pouvoir remplir ces
formulaires pour reconnaître les contraintes?
M. Daigle
(Christian) :C'est particulier aussi
parce que si la personne accompagne déjà la personne, on ne veut pas... il
faudrait que ça soit une personne différente. Donc, on n'exclut pas la
possibilité de. Si elle a le titre, elle a la capacité. Souvent, les gens qu'on
représente, c'est des techniciens, donc ils ont une technique en travail
social. Pour être travailleur social, il faut avoir un bac universitaire. Certains
l'ont, d'autres ne l'ont pas, donc il faudrait établir à ce moment-là un profil
et une déclaration qui pourrait se faire, mais qui pourraient très bien être
accompagnés. Parce que, oui, il y a des difficultés à faire reconnaître
certaines contraintes. Si on pouvait faciliter le tout, ça serait quelque chose
d'intéressant à ce niveau-là.
Mme Labrie : Exact. Parce que
vous, vous le voyez, qu'il y a des personnes qui ont de la difficulté d'aller
chercher ce professionnel-là ailleurs, là, pour avoir la reconnaissance.
M. Daigle
(Christian) :Tout à fait. Puis les agents
qu'on représente le disent aussi. Puis ils ont beau dire à la personne quoi
faire, où aller ou essayer de trouver des raccourcis, parfois qu'ils
connaissent, pour essayer de l'aider. On voit que les délais sont des fois
très, très longs. Et ce délai-là, qui est très long, amène une perte financière
durant ce temps-là, qui ne fait qu'amener un cercle négatif à la personne qui
le vit aussi.
Mme Labrie : Puis très
rapidement : Est-ce que... Vos recommandations principales, là, les plus
essentielles pour qu'on puisse vraiment réussir à sortir les personnes de la
précarité en ce moment, ça serait quoi vous, comme agent?
M. Daigle
(Christian) :C'est de retirer les
différentes coupures qu'on amène à travers le projet de loi, de permettre,
justement, d'avoir plus de prestations, d'avoir plus d'argent de disponible
pour ces gens-là, de hausser le montant de base qui est... qui stagne à ce
niveau-là également aussi, d'avoir un accompagnement pour les réseaux régionaux
à ce moment-là aussi, d'avoir des gens d'aide à l'emploi qui soient là-dedans,
que ça ne soit pas juste une sous-traitance qu'on effectue via ces réseaux-là,
mais qu'on ait des agents du ministère qui y travaillent, qui continuent
d'accompagner les gens également aussi à travers ça.
Mme Labrie : Merci.
M. Daigle
(Christian) :Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon.
M. Paradis : Sous-investissements,
sous-traitance, désarticulation du rôle de gestionnaire du parcours des
prestataires, dématérialisation, plus de distance entre les agents puis les
personnes concernées. Quand je vous écoute puis quand je lis votre mémoire, je
n'ai pas l'impression qu'avec ce projet-là, la ministre va réussir à atteindre
ses objectifs d'améliorer l'accompagnement, de simplifier et d'optimiser le
régime d'assistance sociale et de le rendre plus humain. Est-ce que j'ai bien
compris vos propos?
M. Daigle
(Christian) :Bien, effectivement, il y a
des aspects très négatifs ou des aspects qui auraient pu être corrigés, qui
auraient pu être amenés, qui ne le sont pas à travers le projet de loi. Puis on
enlève des éléments de la loi actuelle aussi qui vont amener des difficultés
supplémentaires au niveau des personnes qui ont recours à l'aide sociale.
M. Dubois-Sénéchal
(Isaïe-Nicolas) : Si je peux me permettre, l'article 66,
spécifiquement, du projet de loi, je le trouve assez intéressant parce qu'il
modifie la notion selon laquelle les décisions qui sont faites par le ministère
doivent être nominalement inscrites, c'est-à-dire, l'agent doit inscrire son
nom dessus. Le fait qu'on enlève ça et qu'on parle simplement du secteur qui a
pris la décision, c'est une espèce de... ça représente... c'est emblématique,
en fait, de cette déshumanisation de l'aide sociale où on fait, justement, de
l'accomplissement de tâches plutôt que du suivi de dossiers individualisé en
faisant en sorte... en actant, en fait, le fait que l'aide sociale devient
déshumanisée parce que ce n'est plus un responsable individuel qui suit le
dossier, mais ça devient un secteur et on travaille tâche par tâche dans le
dossier de la personne prestataire plutôt que de lui faire un suivi.
M. Paradis : Très bien. Même
chose — il nous reste quelques secondes — vous dites :
La mise en mouvement vers l'emploi, ça risque de ne pas arriver parce que
d'imposer à tous les prestataires, même ceux qui ne font pas une première
demande d'aide financière, là, d'être dans le programme Objectif emploi, on n'a
pas démontré que ça fonctionne. Il n'y a pas de donnée probante à cet effet-là.
Et vous, vous dites...
M. Paradis : ...Nous, on a
l'impression que ça, c'est pour se confirmer aux aspirations patronales
québécoises afin d'obtenir de la main-d'œuvre subventionnée. Il faut revenir à
un accompagnement plus structurant plutôt que de forcer ça. C'est bien ce que
je comprends?
M. Daigle
(Christian) :Effectivement, si on veut
avoir des gens qui vont faire un retour à l'emploi puis qui va être... qui va
être couronné de succès, il faut absolument accompagner ces gens-là au fur et à
mesure, dans chacune des étapes qui va leur permettre un plein retour à
l'emploi éventuellement, parce qu'il y a des contraintes qui vont amener
certains points où est-ce que la personne va avoir une rechute... va pouvoir
continuer, va avoir un besoin d'accompagnement, voire un changement de
direction peut-être à faire aussi.
La Présidente (Mme D'Amours) : Oui.
Merci. C'est tout le temps que nous avions. Je vous remercie pour votre
contribution à nos travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
14 heures. Merci, tout le monde.
(Suspension de la séance à 12 h 48)
13 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 14 h 01)
La Présidente (Mme D'Amours) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses
travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques, s'il vous plaît.
Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 71, Loi
visant à améliorer l'accompagnement des personnes et de simplifier le régime d'assistance
sociale. Cet après-midi, nous entendrons les témoins suivants : la
Fédération québécoise de l'autisme, Centraide du Grand Montréal et M. François
Blais.
Je souhaite donc la bienvenue à nos
invités qui représentent la Fédération québécoise de l'autisme. Je vous
rappelle, chers invités, que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Donc, je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé,
s'il vous plaît.
Mme Quessy (Martine) : Mme la
Présidente, M., mesdames les députés, nous tenons tout d'abord à vous remercier
de l'invitation pour nous permettre de vous présenter notre position. Tout d'abord,
je me présente, mon nom, c'est Martine Quessy. Essentiellement, je suis la
présidente de la Fédération québécoise de l'autisme et directrice générale d'Autisme
Mauricie, mais je suis avant tout une mère de deux jeunes hommes, dont un avec
un diagnostic d'Asperger et un trouble d'anxiété généralisé. Actuellement, il
est sans emploi car aucun travail ne correspond à ses aptitudes et à ses
capacités et les ressources d'aide offertes sont instables pour lui. Présente
depuis près de 50 ans, la... excusez, moi, je voudrais aussi vous
présenter, d'ailleurs, aussi Lili, de... Lili Plourde, la directrice générale
de la Fédération québécoise de l'autisme.
Présente depuis près de 50 ans, la
Fédération québécoise de l'autisme regroupe 16 associations régionales
présentes dans chacune des régions du Québec. La mission de la fédération est
de mobiliser tous les acteurs concernés afin de promouvoir le bien-être des
personnes autistes et leurs familles, de sensibiliser et d'informer la
population sur l'autisme et contribuer au développement des connaissances et à
leur diffusion. C'est-à-dire de... C'est à titre de représentante de...
14 h (version non révisée)
Mme Quessy (Martine) : ...de
l'ensemble des personnes autistes et de leurs familles que nous déposons nos...
nos commentaires dans le cadre de la consultation particulière sur le projet de
loi n° 71. Bien que nous ayons présenté un court
avis, nous tenons à préciser que nous soutenons l'ensemble des recommandations
du mémoire de la Société québécoise de la déficience intellectuelle. La
fédération se réjouit d'ailleurs de l'intérêt du gouvernement du Québec d'améliorer
la situation des personnes en situation de précarité financière tout en étant
inquiète des défis qui attendent des personnes autistes dans leurs démarches
pour obtenir l'aide de dernier recours. Notre présentation d'aujourd'hui s'attardera
davantage à nommer ce défi et sur des amendements qui devraient être faits.
Mme Plourde (Lili) : Depuis
plusieurs mois déjà, la fédération et le... militent pour le retour de l'autiste,
la schizophrénie, la bipolarité dans la liste des diagnostics évidents donnant
accès direct... un accès direct au programme de solidarité sociale. Nous sommes
donc inquiets de la notion de «contraintes de santé» qui ne prendrait pas en
considération le côté psychosocial... psychosocial et environnemental de la
personne. Nous avons raison de craindre que les personnes autistes, surtout
celles ayant des besoins de soutien légers, auront beaucoup de difficultés à
faire reconnaître une contrainte sévère de santé. Il faut prendre en
considération qu'il puisse y avoir des obstacles environnementaux, que ce soit
au niveau des normes sociales, de performance au travail ou les limites des
programmes existants. La contrainte sévère à l'emploi ne vient pas
nécessairement de la personne. Une personne handicapée qui présente une
incapacité moindre peut vivre la même situation de handicap qu'une personne
ayant une incapacité plus sévère. Donc, une personne autiste ayant besoin de
soutien léger peut avoir plus de difficulté à se maintenir en emploi qu'une
personne autiste ayant des grands besoins mais travaillant dans un milieu
protégé et adapté. On ne peut pas mesurer le destin d'un individu à sa
contrainte de santé, et ce n'est pas parce qu'une personne avec un même
diagnostic a réussi à intégrer un milieu d'emploi de son choix que
nécessairement une autre personne avec le même diagnostic va pouvoir y arriver.
C'est pourquoi, dans cette incertitude, il faut relever le plancher pour tout
le monde.
Nous sommes inquiets des préjugés dont
sont victimes des personnes autistes au sein même de plusieurs... de plusieurs
ministères, dont celui de la Solidarité sociale. Même si nous rêvons d'un monde
accueillant qui ferait une place aux personnes autistes en les acceptant comme
elles sont avec leurs grandes forces et leurs défis, nous ne pouvons que
constater que leur inclusion dans notre société et dans le monde professionnel
est loin d'être atteinte. De plus, en investissant... en n'investissement pas
de montant dans le programme de contrat d'intégration au travail, en le coupant
même, on enlève aussi parfois aux personnes autistes opportunité d'un premier
emploi. L'autisme est une condition à vie et le maintien en emploi est un défi
constant.
Le projet de loi prévoit aussi la
réalisation d'un plan d'intervention qui est une bonne idée sur papier, mais on
ne peut pas appliquer une formule pensant qu'elle répondra à tous et à toutes
sans adaptation. Il est irréaliste de penser qu'on arrivera à des résultats
positifs si le personnel n'apporte... n'a pas la formation, la flexibilité, la
flexibilité, l'ouverture et les connaissances nécessaires pour adopter...
adapter le plan d'intervention à la réalité des personnes et non pas imposer
des actions qui ne répondent pas aux besoins et ensuite pénaliser les
personnes. Nous avons déjà des familles et des adultes qui témoignent du manque
de compréhension des agents lors de l'adhésion au programme Objectif emploi,
qui ne prennent pas en considération tout l'historique de la personne, ses
traumas et ses défis. Un plan d'intervention, ce n'est pas une baguette
magique. Les personnes autistes doivent être partie prenante dans leur propre,
propre plan d'intervention, et les mesures qu'on y trouve doivent faire du sens
et mettre la personne au centre de l'action en misant sur ses forces, ses
capacités et ses intérêts. Tout comme pour le programme Objectif emploi, l'adhésion
doit être volontaire et ne doit pas être punie en cas de refus.
Le projet de loi insiste sur un
accompagnement vers l'emploi. Mais qu'en est-il ensuite du maintien dans l'emploi,
le grand défi des personnes autistes? Si on veut soutenir les personnes, il
faut inclure un concept d'agent d'intégration en emploi à large échelle. Le
projet de loi ne prévoit pas... ne prévoit pas de suivi à partir du moment où
la personne trouve un emploi, ce qui est problématique à notre avis. Nous avons
déjà fait part de nos recommandations à ce sujet dans un avis commun avec les
regroupements provinciaux sur la stratégie nationale pour l'intégration et le
maintien en emploi des personnes handicapées. De plus, nous continuons de
revendiquer l'augmentation des gains d'emploi pour les personnes sur le
programme de solidarité sociale. Plusieurs personnes autistes bénéficieraient
de travailler à temps partiel, améliorer leur situation financière et
pourraient développer des compétences en emploi.
Lors de leur présentation, la Société
québécoise de déficience intellectuelle a soulevé que les personnes participant
à un plateau de travail ou à un stage non payé seraient considérés comme étant
en préparation au travail et perdraient donc la reconnaissance de la contrainte
sévère de santé. La personne serait donc pénalisée financièrement et n'aurait
pas la capacité de subvenir à ses besoins. Il est donc impératif, à notre avis,
d'amender l'article 25 pour retirer les éléments...
Mme Plourde (Lili) : ...à la préparation
et à l'intégration au travail. Nous sommes aussi en faveur de la simplification
des programmes. En abolissant le programme de... la solidarité sociale en
faveur du passage de toutes les personnes ayant des contraintes sévères à
l'emploi ou de santé vers le programme de revenu de base, qui est plus
avantageux et permet réellement aux personnes d'être incluses dans la société,
entre autres en leur permettant de travailler.
Mme Quessy (Martine) : En
conclusion, dans son mémoire, Mme la ministre indique que le projet de loi
propose des mesures visant à favoriser la mise en mouvement vers l'emploi pour
une meilleure insertion sociale et professionnelle des prestataires de
l'assistance sociale. Le projet de loi prévoit des modifications favorisant l'accompagnement
des personnes, encourageant leur pleine participation sociale.
Avant de mettre tout le poids sur le
succès professionnel sur les épaules des personnes, il faudrait changer la
mentalité de la population québécoise, surtout celle des employeurs, afin de
permettre une réelle inclusion des personnes. Les employeurs sont encore très
hésitants à... à embaucher des personnes autistes. Une réelle inclusion, cela
implique toute la société. Ce qui est positif, parmi les dispositions générales
de la loi, se trouve l'obligation de communiquer... de communiquer dans des
termes clairs et concis. Le langage utilisé actuellement est souvent difficile
à comprendre pour les prestataires. Nous appuyons la recommandation des
mouvements des personnes d'abord du Québec qui demandent la mise sur pied d'un
comité d'usagers. Ces comités, en plus d'être une mesure d'accompagnement et de
protection pour des personnes, permettent aussi aux personnes concernées de
valider le contenu des documents.
• (14 h 10) •
En terminant, j'ajouterai un mot pour le
soutien aux parents proches aidants. L'article 25 retire la reconnaissance
des contraintes temporaires de santé aux parents d'enfants handicapés. Nous
comprenons qu'il y a un projet de règlement ultérieur, mais ça risque de poser
un problème à court terme. D'indiquer des mesures de soutien prévues dans le
projet de loi protégera mieux les familles quand les... quand les projets de
règlement... que dedans le projet de règlement. Dans le meilleur des mondes,
les parents d'enfants handicapés auraient accès directement aux programmes de
revenu de base plutôt qu'une reconnaissance temporaire. Les raisons sont
nombreuses expliquant qu'un parent doive quitter son emploi, amplifiant la
précarité financière des familles, une expulsion scolaire, un enfant ayant de
très grands besoins, des activités socioprofessionnelles à temps partiel pour
leur enfant devenu adulte, des délais pour un hébergement substitut pouvant
aller jusqu'à 15 ans, la course pour les services. Nombreuses sont les
études qui démontrent que le surplus du coût de l'appauvrissement des familles
dont un des membres a des besoins particuliers... Améliorer l'accompagnement
des personnes, c'est aussi assurer du bien-être des parents proches aidants.
Voilà.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Nous sommes maintenant rendus à la période d'échange. Mme la
ministre, la parole est à vous.
Mme Rouleau : Merci beaucoup,
Mme la Présidente, et merci à vous deux, Mme Quessy et Mme Plourde, pour votre
présence aujourd'hui et votre contribution aux travaux permettant la
modernisation du régime d'aide sociale. Vos commentaires sont très importants.
Je voudrais faire une petite mise au point. Vous craignez que les personnes qui
ont actuellement des contraintes temporaires ou contraintes sévères perdent ces
contraintes sévères lorsqu'on change les contraintes en emploi vers contraintes
santé. Et ce n'est pas le cas. C'est indiqué dans le mémoire d'ailleurs que,
dans le changement qui s'opère, il y aura les ajustements où les prestations
spéciales correspondant à ce que les gens ont à l'heure actuelle... ça fait
qu'il n'y a personne qui perd dans cet... dans ce changement.
Vous faites une recommandation. Vous
parlez de la création de comités d'usagers. Pourriez-vous expliquer un peu plus
comment vous voyez ces comités d'usagers? À quoi servent-ils? Ils sont composés
de qui? Ils s'adressent à qui? Comment ça fonctionne?
Mme Quessy (Martine) : C'est
une recommandation que des mouvements personnes d'abord, que nous avons
empruntée et qu'on trouve que c'est une bonne idée. Les comités des usagers,
c'est vraiment des personnes, les personnes elles-mêmes, les personnes qui sont
sur les aides de dernier recours, qui participent à des comités, entre autres
pour le contenu des communications, tu sais, pour valider le contenu des
communications. Il y a d'autres groupes avant nous qui l'ont dit, les
communications du ministère, c'est souvent... Ça ressemble à des mises en
demeure. C'est extrêmement complexe à comprendre. C'est difficile pour les
personnes. Donc, d'avoir des comités avec des personnes elles-mêmes...
Mme Plourde (Lili) : ...peu
importe le handicap, qui pourraient donner leur opinion sur le contenu des
documents pour qu'il soit plus facile à comprendre.
Mme Rouleau : O.K. Et vous
proposez aussi de fixer le délai de réévaluation selon la condition de la
personne. Pouvez-vous élaborer un petit peu sur ces délais, cette réévaluation
des délais?
Mme Plourde (Lili) : Bien,
vous parlez, dans votre projet de loi, là, de faire des réévaluations annuelles
des contraintes. L'autisme est une condition à vie. Ça, on l'a toujours dit.
Austistes un jour... puis les personnes vont être autistes jusqu'à leur fin...
jusqu'à la fin de leur vie. Imposer des réévaluations annuelles, c'est, encore
une fois, une source d'anxiété pour les personnes, et on... c'est... c'est une
source d'anxiété.
Mme Rouleau : O.K. On avait
une petite... un petit éclaircissement là-dessus. Je comprends que vous
craignez que, pour des... pardon, des personnes dont la situation est... ne
changera pas... qu'on ne soit pas obligé de réévaluer continuellement, mais
c'était... en fait, c'est une disposition pour répondre à des questionnements
de la part de spécialistes de la santé qui ont... mais on aura l'occasion d'en
discuter encore. Il n'y a rien de...
Vous... J'aimerais savoir. On a rencontré
un organisme en particulier, hier, qui nous a parlé de l'enjeu de contrainte
santé. Parce que l'objectif que nous avons de passer de contrainte à l'emploi,
qui est... qui est... qui sert à déterminer la capacité de la personne à
travailler... de passer à la contrainte santé est beaucoup plus axé sur la
personne, sur les... et on fait intégrer la dimension de santé mentale et les
enjeux psychosociaux, et c'est beaucoup plus axé, là, sur l'état de la personne
et le besoin d'accompagnement qu'elle a pour être mieux insérée dans la société
puis accéder au travail et être maintenue au travail, si cela est possible,
parce qu'on sait que, pour des personnes, ce ne sera pas possible non plus.
Mais cette notion de contrainte santé, qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Plourde (Lili) : En fait,
notre inquiétude, c'est : quand on parle de contrainte de santé, on parle
de comment va la personne. Ça, c'est un élément parmi tant d'autres quand on
parle d'une personne autiste en milieu de travail.
On va prendre une personne autiste dans un
milieu de travail... la même personne, dans un milieu de travail superadapté,
avec des consignes claires, avec un supérieur hiérarchique qui comprend très
bien sa situation, avec des consignes claires, avec de la sensibilisation qui a
été faite auprès des collègues de travail. On prend la même personne, on la
change de milieu, dans un milieu où le supérieur hiérarchique ne comprend rien,
où les consignes changent continuellement, ne sont pas écrites, où les
collègues de travail font preuve d'une intolérance sans fin. On a la même
personne et on n'aura pas le même résultat, pas deux secondes. Ça fait que la
deuxième... la personne dans la deuxième situation risque de se désorganiser,
de faire un burn-out autistique, de quitter son emploi, d'être pénalisée, alors
que c'est la même personne. C'est vraiment l'environnement du milieu de travail
qui a fait en sorte qu'elle n'est pas capable de se maintenir en emploi. Et,
pour nous, le maintien en emploi, on l'a dit, est hyperimportant. C'est...
C'est ce qui fait toute la différence, là, dans la carrière professionnelle
d'une personne.
Ça fait que les contraintes de santé qui
prendraient en considération la personne mais pas tant l'adaptation du milieu
de travail... Tu sais, quand on... il y a beaucoup de groupes qui ont parlé
d'inclusion plutôt que d'intégration, mais, quand on parle d'inclusion, une
véritable inclusion des personnes en milieu de travail, il faut vraiment
prendre en considération tout le côté psychosocial, tout l'environnement de la
personne.
Mme Rouleau : Est-ce que vous
avez des suggestions à faire pour... en termes de nomenclature? Est-ce que...
Est-ce qu'il est important pour vous de... Est-ce que c'est cohérent pour vous,
là, de modifier les contraintes à l'emploi, qui font que des personnes sont
finalement pénalisées, là? Il y a certaines personnes qui, parce qu'elles ont
une contrainte à l'emploi, ne peuvent pas aller vers des programmes d'emploi.
Et c'est une des raisons pour lesquelles on parle de contrainte santé. Ça
permet une plus grande ouverture vers des programmes d'insertion ou même des
programmes d'emploi. Mais est-ce que...
Mme Rouleau : ...vous avez des
termes ou une terminologie, là, qui serait... qui répondrait mieux à vos
objectifs à vous?
Mme Plourde (Lili) : Au
niveau de la nomenclature, pour le moment, je n'ai pas d'idée. Je pourrais
revenir. Mais c'est dans la nature de la contrainte. C'est vraiment ça pour
nous qui est important. C'est... M. Fougeyrollas l'a le dit hier, le
processus... le processus de production du handicap, en tout cas... Qu'est-ce
qui fait que la personne a de la difficulté à se maintenir un emploi? C'est...
Pour nous, tout doit porter autour de ça. Parce qu'il y a des personnes qui
peuvent participer à des programmes d'employabilité, qui peuvent participer à
un programme Objectif emploi, mais ça ne veut pas dire que ça va être un
succès, tout dépendant du milieu de travail où la personne va se retrouver
fait. C'est cette inclusion-là qui doit faire partie du projet de loi. C'est
comment on fait en sorte d'adapter le milieu de travail. Parce que la
nomenclature, pour répondre à votre question, je n'y ai pas réfléchi dans ce
sens-là, à moins que Martine ait une idée, mais c'est vraiment toute la notion
d'inclusion, là, qui est importante pour nous.
Mme Rouleau : Oui. Que
pensez-vous de... Bien, d'une part, on veut faire en... On veut permettre, là,
aux personnes d'avoir un plan d'accompagnement personnalisé, individualisé et
qui s'inscrit dans un plan régional d'accompagnement aussi. Est-ce que ce n'est
pas là, la réponse qu'on pourrait avoir à ces questionnements-là? Parce que
dans les... Dans la contrainte santé, on fait intervenir les enjeux
psychosociaux, donc l'environnement, là, immédiat de la personne, sa condition.
Est-ce qu'elle... Quels types d'enjeux, de problèmes elle peut rencontrer, puis
peut-être ponctuellement ou peut-être pour très longtemps. Et la santé mentale
aussi, qui n'est pas considérée aujourd'hui. Et donc un plan d'accompagnement,
d'insertion, d'intégration, d'emploi qui s'inscrit dans un plan, dans un réseau
régional. Et quand on dit réseau, bien, c'est parce qu'il y a des gens, là, qui
sont là et qui veillent à ce que ça fonctionne, que ça soit bien coordonné dans
le milieu. Qu'est-ce que ça... Est-ce que ça vous dit quelque chose de bon?
Vous êtes en accord avec ça ou totalement en désaccord?
• (14 h 20) •
Mme Plourde (Lili) : Tout à
fait en accord avec un plan d'accompagnement pour aider les personnes à faire
toutes ces démarches-là en collaboration avec ce qui est établi déjà, pour ne
pas refaire la roue parce que, parfois, les gens ont encore un dossier au
réseau de la santé et ont parfois un plan, un plan d'intervention déjà, mais
avoir... Il faut vraiment insister sur la formation des gens parce que vous
savez qu'en 2024 il y a encore beaucoup, beaucoup, beaucoup de préjugés face à
l'autisme, même dans le réseau de la santé. Parce qu'il y a des adultes qui
nous disent se présenter à l'urgence et se faire dire : Tu me regardes
dans les yeux. Tu n'es pas autiste. C'est quoi ton problème? Ça, on l'entend en
2024. Bien, vous comprenez que ça, pour nous, c'est... C'est inquiétant qu'en
2024 on entende encore des choses comme ça
Et je le dis tout le temps, il y a une
tranche de personnes autistes qui est entre celles qui sont pris en charge par
le réseau de la santé et celles qui sont super autonomes et qui travaillent,
qui n'ont... qui... qui ont de la difficulté à comprendre les consignes, mais
on dit tout le temps que l'autisme, c'est une condition invisible. Donc, c'est
le genre de personne à qui on va demander : As-tu compris, qui va dire
oui, mais qui n'a pas compris toutes les consignes, qui ne comprend pas comment
manquer un rendez-vous, ça va avoir une incidence. Ça fait que tout ce «fine
tuning» là, excusez mon anglicisme, c'est... ça vient avec la formulation puis
un changement de philosophie d'intervention. Ça fait que, pour nous, oui, c'est
une bonne idée, l'accompagnement, mais ça prend un petit plus pour aider les...
le personnel, les agents qui vont soutenir les personnes.
Mme Quessy (Martine) : J'aurais
envie de donner une complémentarité à Mme Plourde. En fait, c'est que je trouve
aussi que la stabilité du réseau, surtout dans les... dans certaines régions où
l'employabilité est plus difficile, là, à trouver, la solidité du suivi... Vous
savez que, pour connaître mon... juste pour connaître mon fils, ça prend quand
même plus qu'une rencontre, là, avant que l'intervenante soit en mesure de bien
comprendre son profil et bien comprendre ses besoins, parce que lui-même a
peut-être plus de difficulté aussi à les nommer. Il ne les nomme pas tous, tu
sais. Et si la personne n'a pas le temps à consacrer puis si on ne trouve pas
la ressource, aussi, parce qu'elles sont tellement changeantes, il n'y a
tellement pas de stabilité que je crois que ça, ça va être à travailler ainsi
que la communication parce que...
Mme Quessy (Martine) : ...la
communication dans le réseau est quand même beaucoup à travailler, on ne se le
cachera pas, là.
Mme Rouleau : O.K. Qu'est-ce
que... Quelle est la mesure, là, dans le projet de loi... Je pense que,
globalement, c'est quand même une bonne chose, là, de procéder à la
modernisation. Je crois que vous êtes en accord avec ça. Mais qu'est-ce que
vous aimeriez voir? Ce serait quoi la mesure la plus importante qu'il
faudrait... qu'il faudrait mettre de l'avant pour répondre à vos objectifs?
Mme Plourde (Lili) : Grande
question, qui demande une réflexion rapide, mais vite de même, le programme de
revenu de base accessible plus rapidement, plus largement, programme de revenu
de base accordé aux parents d'enfants handicapés qui, pour toutes sortes de
raisons, donc, qu'on a nommées en début, perdent leur emploi, ne peuvent pas
occuper un emploi à temps partiel. Pour nous, ce serait vraiment... ce serait
comme notre priorité.
Mme Rouleau : Ce serait
l'idéal. O.K.
La Présidente (Mme D'Amours) : C'est
tout?
Mme Rouleau : Oui.
La Présidente (Mme D'Amours) : C'est
bon pour vous. Est-ce qu'il y a des questions? Côté gouvernemental, c'était
complet? Donc, je vais céder la parole à la députée de D'Arcy-McGee. La parole
est à vous.
Mme Prass : Merci, Mme la
Présidente. Merci, mesdames, de votre témoignage et de votre mémoire. Vous
l'avez mentionné dorénavant, mais, pour vous, en gros, est-ce que c'est un
recul d'aller à une contrainte de travail à une contrainte à l'emploi?
Mme Plourde (Lili) : Si on
fait reposer le... si c'est à la personne de démontrer qu'elle a une contrainte
de santé sans prendre en considération tous les éléments environnementaux, oui.
Il faut vraiment... Ça fait des années qu'avec les... voyons, les grands
regroupements le demandent. Il faut passer à une évaluation psychosociale, puis
une évaluation psychosociale, ce n'est pas juste une évaluation de santé, il
faut vraiment y aller plus large.
Mme Prass : Justement, dans toute
la question des diagnostics évidents qui ont été retirés, une de vos plaintes,
si vous voulez, c'était le fait que ça a été fait sur une base biomédicale
plutôt que psychosociale. Donc, on voit déjà qu'il peut y avoir un biais et
qu'on rétrécit, disons, les aspects qu'on regarde pour évaluer la situation de
la personne. Donc, on sait que, dans le plan de lutte contre la pauvreté que la
ministre a présenté, on parle justement d'aller vers une évaluation
psychosociale. Donc, quand on dit justement... on parle de nomenclature, on
parle de mots, je pense que les mots sont importants, et, quand on se limite ou
on limite l'esprit à dire que c'est une contrainte médicale, il y a beaucoup de
situations et beaucoup d'autres aspects qui sont ignorés.
Mme Plourde (Lili) : Oui,
tout à fait.
Mme Prass : Et, quand... Et
là on a parlé de l'accompagnement, puis vous avez parlé de la formation qui est
nécessaire pour que les personnes soient bien accompagnées dans leur réalité.
J'aurais deux questions à cet égard-là.
Combien de temps pensez-vous que
l'accompagnement devrait durer? Parce qu'il y a des personnes qui vont pouvoir
intégrer un emploi en quelques semaines, d'autres en quelques mois, d'autres
après un an. Il y a quelque chose qui ne fonctionne plus. Et, comme vous avez
dit, beaucoup de personnes ont une crainte que, s'ils intègrent un emploi et il
y a quelque chose qui ne fonctionne pas, bien là, ils vont se retrouver à
devoir tout recommencer de nouveau avec rien. Donc, pour vous, quelle devrait être
la durée de cet accompagnement pour cette population?
Mme Plourde (Lili) : Je ne
mettrais pas de durée, mais plutôt de ponctualité selon la situation de la
personne. Il y en a toujours au moment de l'entrée en emploi, ça prend un
soutien intensif. Ça se peut que la personne aille bien super longtemps, puis
il peut arriver quelque chose comme un changement de poste. La personne va
super bien. On décide de lui donner une petite promotion puis donner des
changements de poste. Là, il faut revenir avec un agent d'intégration. À chaque
fois qu'il y a des modifications, à chaque fois que la personne demande de
l'aide... parce que ça, c'est bien important, il faut écouter la personne, il
faut y aller avec ses préférences, avec ses envies, mais, quand la personne
demande de l'aide, il faut que l'aide soit disponible maintenant.
Présentement, le problème des agents
d'intégration, c'est qu'ils appartiennent aux SSMO, aux services spécialisés de
main-d'oeuvre. Mais il y a beaucoup de personnes autistes qui ne passent pas
par les services spécialisés de main-d'oeuvre pour trouver un emploi et qui
n'ont pas accès à cet agent d'intégration là. Ça fait qu'il faut trouver une
façon d'avoir des agents d'intégration partout, dans toutes les régions, qui
sont accessibles et qui sont accessibles rapidement en cas de problème, parce
qu'un emploi, là, ça se perd en dedans d'une semaine. S'il n'y a pas de
solution pour l'employeur, s'il se passe de quoi, si la personne se
désorganise, si elle fait un burn-out autistique ou n'importe quoi, il faut que
la réponse soit rapide.
Mme Prass : Et, dans ce même
sens, on sait que, malheureusement, il y a pas mal... probablement plus de
personnes avec un trouble du spectre de l'autisme qui ont une volonté d'être
employées que...
Mme Prass : ...employeurs qui
sont prêts à les accepter, encore moins de les accommoder dans leur réalité.
Donc, qu'est-ce que... Et, en plus, que la majorité des entreprises au Québec
sont des PME, donc n'ont pas beaucoup de ressources, n'ont pas de département
de ressources humaines, par exemple. Donc, qu'est-ce que vous pensez ou
qu'est-ce que vous aurez comme suggestion pour le gouvernement pour soit aider
les entreprises à comprendre la réalité des personnes qu'ils vont employer,
pour bien les accommoder ou sensibiliser... Bien, comment... En fait, comment
faire pour aller trouver... pour améliorer le lien entre les employés avec un
TSA et les employeurs qui sont prêts à les accommoder pour avoir une réussite
dans cet emploi?
Mme Plourde (Lili) : Les
employeurs vont dire la même chose que les personnes : des agents
d'intégration pour les soutenir. Parce que ça se peut que la personne autiste
ne veuille pas que son diagnostic soit... à l'intérieur de son... de son milieu
de travail, puis ça, c'est correct aussi. Mais elle a quand même besoin de
soutien, et l'employeur, c'est ce qu'il va nommer aussi, le besoin de soutien
pour mieux encadrer la personne. Ça fait que oui, de la sensibilisation quand
c'est possible, mais les agents d'intégration pour les employeurs aussi sont
essentiels. Parce que ce n'est pas normal non plus qu'une personne est dans un
emploi depuis de nombreuses années, qu'elle change de supérieur hiérarchique
puis qu'en dedans d'un mois elle n'a plus de travail. Ça fait que ce n'est pas
juste le milieu de travail, c'est la mentalité des gens, la façon dont on
comprend l'autisme qui est en jeu là-dedans.
Mme Prass : Donc, pour vous,
justement, cet accompagnement, qui ne devrait pas être... ne devrait pas avoir
une durée, mais qui plutôt devrait être ponctuel, il devrait avoir, disons,
plus de présence aussi auprès de l'employeur, parce que ce n'est pas juste
question d'accompagner la personne, mais d'assurer que l'environnement qui les
accueille est accommodant ou adapté à leur réalité également?
Mme Plourde (Lili) : Oui.
• (14 h 30) •
Mme Prass : Puis vous avez...
On a mentionné plus tôt toute la question de règlements pour le changement
envers les contraintes temporaires, et, tel que vous l'avez mentionné aussi...
Et ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce, elle, a déposé justement une demande à
la ministre pour que les règlements... les éléments de règlement soient déposés
dans le cadre de l'étude détaillée que nous allons faire sur le projet de loi.
Parce que, comme vous avez dit, il va toujours y avoir des craintes de ce qui
ne se fait pas... tu sais, de ce qui se fait derrière les portes, et justement
le but de la commission et de l'étude détaillée, c'est de nous demander, en
tant que législateurs, de voter sur des éléments qui vont devenir loi, et donc
il serait juste que nous, et vous, et les personnes concernées soyons bien
informés de ce qui va aller de l'avant.
Donc, pour vous, juste peut-être revenir
un petit peu sur la réalité ou bien la crainte des parents, justement, ou des
familles, ou des personnes affectées, qui ne savent pas si... plutôt que...
Tout ce qui est dans le projet de loi, on sait que ça va devenir loi, on sait à
quoi s'attendre. Ce qui est dans un règlement, bien, on ne sait jamais ce qui
peut se trouver ou ne pas se retrouver, donc la crainte que ça... ça révèle
pour ces personnes-là.
Mme Plourde (Lili) : Tout à
fait. C'est plus... C'est plus rassurant quand c'est dans une loi que dans un
projet de règlement, puis... Et il y a plusieurs études qui démontrent, hein,
et ici, entre autres, Catherine des Rivières Pigeon a fait plusieurs recherches
sur l'appauvrissement des familles avec un enfant autiste ou avec un autre
handicap. Ça fait que ça reste une source d'inquiétude constante pour les
familles, là, cette précarité financière là.
Mme Prass : Et, comme vous
l'avez évoqué dans votre mémoire et votre témoignage, toute la question des
parents d'enfants avec un TSA qui doivent rester à la maison, soit à cause d'un
bris de services - il n'y a pas d'école, il n'y a pas de ressources, il n'y a
pas de services pour leur enfant - on sait que ça amène non seulement des
éléments de précarité financière, et, comme vous venez de le dire, les parents
d'enfants handicapés sont souvent parmi les moins bien nantis à cause de leur
réalité et parce qu'il doit... ils doivent se retirer du marché du travail, ça
amène des enjeux de santé mentale, ça amène des enjeux d'isolement, ça amène
énormément d'enjeux.
Et donc vous voulez que les parents
d'enfants handicapés puissent recevoir le revenu de base parce que, bien, eux,
ils vont être responsables de... d'être proches aidants pour leur enfant
pour... même au-delà de l'âge de 18 ans, dépendamment de la situation du
jeune. Donc, pour vous, c'est vraiment essentiel que les parents puissent avoir
accès à cette... ce financement-là pour ne pas être, disons, doublement
pénalisés, parce que déjà ils doivent rester à la maison parce que les
ressources ne sont pas là pour bien accommoder, adapter envers leurs enfants,
et là, en plus, bien, il n'y a pas de salaire qui vient, puis... bien, c'est
ça, donc ils sont doublement pénalisés, dans ce sens-là?
Mme Plourde (Lili) : Et,
allons-y d'un point de vue purement gestionnaire, un enfant dans un milieu résidentiel
substitut coûte plus cher qu'un parent sur le PRB. Donc, soutenons les
familles, soutenons les parents qui s'occupent de leur enfant. Ils vont faire
un rapport d'impôt...
14 h 30 (version non révisée)
Mme Plourde (Lili) : ...ils
vont dépenser puis ils vont être plus capables de subvenir à leurs besoins.
Puis, quand leur enfant va réintégrer certains services, bien, ils vont pouvoir
peut-être faire le choix d'aller travailler à temps partiel. Donc, tout le
monde est... tout le monde serait gagnant.
Mme Prass : Et on se comprend
que la réalité est que, quand on a un enfant avec un handicap, bien, il y a des
coûts additionnels qui viennent avec tout ça. Oui, il y a des services de la
part du gouvernement, mais... plus de listes d'attente, des fois, qu'il y a de
services. Donc, les parents doivent assumer davantage de responsabilités
financières. Donc, ça s'accumule, disons, si on reste à la maison, on n'a pas
de revenu, mais il faut des services pour nos enfants, des thérapies, quoi que
ce soit. Donc, tout ça fait en sorte que les parents se retrouvent dans des
situations où ils n'arrivent pas à s'en sortir.
Mme Plourde (Lili) : Ça
provoque de l'iniquité dans l'accès aux soins, parce que les parents qui sont
mieux nantis financièrement vont aller chercher plus de services dans le privé,
alors qu'un parent qui est sur... qui est sur l'aide sociale ou qu'il y a juste
un des deux parents qui travaille et que l'autre parent n'a pas de revenu,
bien, ça va être plus difficile pour eux d'aller chercher des services alors qu'il
y a des listes d'attente importantes. Même... Même d'âge scolaire, de plus en
plus de parents se tournent vers le privé parce que les écoles ne seront pas
capables de répondre aux besoins des enfants. Donc, ça crée de l'iniquité entre
deux catégories de citoyens.
Mme Prass : Mais... J'ai
quelques secondes qui restent, donc je vais juste vous remercier, mesdames,
pour aujourd'hui et tous les efforts que vous faites au cours de l'année. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. J'aimerais ça rester un peu sur ce sujet-là pour vous entendre un
peu plus, là, la question des parents d'enfants handicapés et peut-être même de
certains enfants devenus adultes handicapés ou qui ont un trouble du spectre de
l'autisme. Vous avez demandé à ce qu'ils puissent avoir accès au revenu de
base. J'ai bien compris pourquoi. Si ce n'est pas ce que la ministre décide de
faire et puis que ce n'est pas inscrit dans la loi, comme ce l'est
actuellement, qu'il y a une reconnaissance d'une contrainte dans la loi, qu'est-ce
que ça représente pour ces familles-là comme parcours, comme fardeau
supplémentaire?
Mme Plourde (Lili) : Bien, c'est
toute la question financière. Si les parents... Bon. Parce qu'à l'âge adulte,
il y a de moins en moins de services à temps plein, de services... Donc,
automatiquement, il y a un des deux parents qui laisse son emploi. Si c'est une
maman monoparentale, bien là, c'est l'aide sociale. Et là il va y avoir une
contrainte temporaire mais qui ne sera pas validée par une loi. Ça fait que c'est
toujours le danger de l'extrême pauvreté pour les familles. L'enfant, à ce
moment-là, devrait hypothétiquement être reconnu pour une contrainte sévère de
santé, mais il y a toujours... c'est toujours une situation de pauvreté qu'il
faut faire des choix ensuite sur ce qu'on peut payer, là, dans une vie.
Mme Labrie : ...que ça ajoute
également des démarches à faire au niveau d'aller chercher une reconnaissance
de cette contrainte-là si ce n'est pas reconnu automatiquement déjà, en plus de
tout ce qui est démarche auprès du réseau de la santé et des services sociaux
et autres pour l'enfant en question. D'aller chercher cette reconnaissance-là
pour la personne qui en prend soin, c'est un fardeau supplémentaire, j'imagine,
aussi?
Mme Plourde (Lili) : C'est
beaucoup de démarches administratives. Souvent, les parents sont épuisés. Ils
en ont déjà beaucoup sur les épaules. Ça fait des années qu'ils demandent des
services, qui sont sur des listes d'attente. Ça fait qu'on rajoute une lourdeur
administrative à des parents qui n'ont pas d'autre choix. Tu sais, on l'a dit,
un milieu résidentiel substitut à Montréal, c'est neuf à 15 ans d'attente. C'est
long, 15 ans, quand tu es obligé de laisser ton travail pour t'occuper de ton
enfant.
Mme Labrie : Puis, comme vous
l'avez dit, ça reste plus économique de leur donner le revenu de base que de
risquer que cet enfant-là, finalement, doive être pris en charge dans une
famille d'accueil.
Mme Plourde (Lili) : Tout à
fait.
Mme Quessy (Martine) : Il n'y
a pas juste ça. Aussi, dans... au niveau organisationnel, ce qu'il faut prendre
en considération, quand que c'est un adulte autiste, c'est à lui à parler. Le
système fait qu'on demande à lui de s'informer, à lui de faire la démarche,
mais ça ne veut pas dire que lui, il est prêt à faire cette démarche-là, cet
individu-là. Et là le parent qui doit se battre aussi pour reconnaître le fait
qu'il parle au nom de son enfant mais qu'il n'est pas dans l'abus ou qui n'est
pas dans le contrôle de celui-ci. Ça fait que ça demande beaucoup de pression
puis beaucoup d'anxiété de la part du parent. Si la reconnaissance n'y est pas,
bien, ça devient un combat, je vous dirais quotidien.
La santé de nos adultes change facilement.
Il peut y avoir plusieurs choses au niveau hormonal, au niveau de...
relationnel au travail, un nouveau qui arrive. Ça peut être aussi, pour la
femme, hormonal, quand on arrive à la préménopause. Le parent, quand il est
rendu plus vieux, parce qu'il demeure quand même un parent, voit son enfant en
détresse, il n'est pas en mesure de l'aider, il n'est pas reconnu comme étant
un parent, là, quand il est rendu plus vieux...
Mme Quessy (Martine) : ...vous
savez, nos enfants vieillissent puis ils ont besoin de nous. En autisme, même
quand on est rendu à 80 ans puis que notre enfant a la quarantaine,
cinquantaine, ça peut devenir plus difficile pour le parent d'être reconnu
comme étant un proche aidant quand on est rendu à l'âge plutôt d'être aidé.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je suis désolée, c'est tout le temps que nous avions avec la députée
de Sherbrooke. Maintenant, je vais céder la parole au député de Jean-Talon.
M. Paradis : Vous nous
rappelez dans votre mémoire et dans votre témoignage aussi qu'il y a des
préjugés dont sont victimes les personnes autistes, et vous nous rappelez qu'on
ne peut pas mesurer leur destin à une contrainte de santé parce que, notamment,
lorsqu'il s'agit de personnes autistes, la contrainte sévère à l'emploi ne
vient pas nécessairement de la personne elle-même, mais de son environnement.
Ce qui fait en sorte qu'une personne autiste, même avec des besoins légers,
peut avoir plus de difficulté à se maintenir en emploi qu'une personne autiste
ayant des plus grands besoins mais travaillant dans un milieu protégé. Donc,
vous, nous dites que passer de la contrainte sévère à l'emploi à la contrainte
de santé, ce n'est pas le bon critère pour les personnes autistes. Et je vous
ai entendu dire tout à l'heure la façon dont on considère les personnes
autistes est en jeu. Considérez-vous que le projet de loi no 71
actuellement fait la bonne chose de ce côté-là?
Mme Plourde (Lili) : Il
y aurait des amendements à faire dans le projet de loi. Ça fait des mois,
depuis le 1ᵉʳ juillet 2022, qu'on milite pour que l'autisme revienne dans
la liste des diagnostics évidents donnant un accès direct aux programmes de
solidarité sociale. Pas parce que le monde ne veulent pas aller travailler,
parce que les embûches, les défis sont nombreux et puis on veut... Je vais vite
parce que je sais que je n'ai pas beaucoup de temps. En 2017, l'INSPQ a publié Surveillance
des personnes autistes de 0 à 24 ans, qui démontre qu'il y a deux fois
plus de personnes autistes que de non autistes qui décèdent par suicide et cinq
fois plus qui décèdent pour autres problèmes de santé que la population non
autiste. Pourquoi? Le manque de services dans le réseau de la santé puis le
manque de services tout court et l'apparition de troubles de santé mentale. Ces
événements-là, quand on vit toutes les embûches administratives, après avoir
fait des tentatives multiples de travail, ça vient compliquer la vie des gens.
• (14 h 40) •
M. Paradis : Vous nous
invitez à prendre en compte plutôt les besoins particuliers des personnes, et
notamment des personnes autistes, c'est ce que vous nous rappelez là, et vous
dites, pour faire ça, ça va prendre des ressources conséquentes. Et vous
espérez que le projet de loi va être à la hauteur. On nous dit que le projet de
loi va se mettre en œuvre à coût nul. Est-ce que vous êtes confiante?
Mme Plourde (Lili) : Ça
va prendre... Ça prend des ressources. Pour le plan d'intégration et pour
l'accompagnement des personnes, ça va prendre des ressources.
M. Paradis : Très bien.
Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Merci, mesdames, pour votre contribution à la commission. Je suspends
les travaux quelques minutes afin de faire prendre place nos autres invités.
Alors, merci.
(Suspension de la séance à 14 h 41)
(Reprise à 14 h 43)
La Présidente (Mme D'Amours) :
Nous reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue à la
Fédération québécoise de l'autisme?
Une voix : Centraide.
La Présidente (Mme D'Amours) : Centraide,
ah! je n'ai pas le bon document. Oui, ici, pardon, Centraide du Grand Montréal.
Je vous rappelle, chers invités, que vous disposez de 10 minutes pour
votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de
notre commission. Donc, je vous invite à vous présenter et à commencer votre
exposé, s'il vous plaît.
M. Pinard (Claude) : Merci,
Mme la Présidente. Donc, mon nom est Claude Pinard, président-directeur général
de Centraide du Grand Montréal, je suis accompagné de...
M. Régis (Mario) : Excusez,
Mario Régis, directeur principal à la direction générale de Centraide du Grand
Montréal.
Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Marie-Ève
Brunet, responsable Relations gouvernementales pour Centraide du Grand
Montréal.
M. Pinard (Claude) : Alors,
merci de nous accueillir. On est très heureux d'être ici aujourd'hui. Merci de
prendre le temps donc de discuter d'un sujet qui nous touche particulièrement à
Centraide. Comme notre mission d'organisation est de rassembler et agir pour un
Grand Montréal inclusif et sans pauvreté, donc on est devant vous aujourd'hui
dans le but de parler d'une réalité qui nous touche tous et toutes, et qu'on
veuille se l'admettre ou pas, je veux dire, on a tous dans nos environnements
des gens qui sont en situation difficile, vivent des situations de
vulnérabilité. Que ce soit dans les rues, dans les quartiers, dans les
communautés dans lesquels on évolue, il y a des personnes et des familles qui
se battent tous les jours pour surmonter les défis qui, on dirait, sont de plus
en plus importants. Et je donne souvent l'exemple lorsque je présente dans
différents événements de campagne, vous savez, l'automne, c'est le
Thanksgiving, et il y a une raison pour laquelle c'est l'Action de grâces,
c'est le temps des récoltes et c'est le temps où les gens étaient très
généreux. Donc, c'est également le temps au sens où tous les Centraide du
Québec se mettent à l'oeuvre dans le but de récolter l'argent qui va servir à
faire des investissements sociaux.
Je raconte souvent l'anecdote d'un couple
de Côte-des-Neiges, un quartier de Montréal qui, comme vous et moi, se lève
tous les matins dans la plus grande dignité, s'assure que le petit ait son
manteau, qu'il ait son... peut-être son lunch, l'amène à l'école. Ils vont
travailler comme vous et moi. Ils vont cacher souvent le poids de ce qu'ils portent,
et ce sont des préoccupations qui sont très souvent liées à la crise du
logement, donc les... ce jeune couple va souvent se retrouver en banque
alimentaire le 27, le 28 du mois parce qu'il va consacrer plus de 50 % de
son revenu net pour se loger. C'est des choses qu'on connaît assez bien. Vous
savez que, lorsque vous dépensez 50 % de vos revenus nets pour vous loger,
il ne reste pas grand-chose pour les fournitures scolaires ou les autres
besoins essentiels. Donc, c'est une pression qui est ressentie à tous les
jours, chaque semaine, ce qui... il y a des décisions qui doivent se
prendre : Est-ce qu'on achète de la nourriture ou est-ce qu'on paie nos
factures? Puis ce qui est important, c'est que ces personnes-là, il n'y a
personne qui se lève le matin en disant : Yes, je m'en vais à la banque
alimentaire ce soir, je suis un bénéficiaire de travail de banque alimentaire.
Ils ne veulent pas la charité, ils souhaitent des solutions durables. Comme
l'ensemble de leurs concitoyens, ils aspirent à une vie où, dans le fond,
l'anxiété ne fait pas partie de leur réalité quotidienne dans le but de
subvenir aux besoins de leur famille.
Et ce n'est pas des cas isolés, on parle
de milliers de personnes, de familles au Québec qui vivent dans une sorte de
précarité. Il y a plus d'un million de Québécois, vous le savez, qui ont
de la misère avec les fins de mois, donc qui peinent à s'en sortir à chaque
mois, beaucoup de travailleurs sont dans cette situation-là. Donc, la pauvreté,
c'est un peu insidieux et ça peut frapper n'importe qui. Et c'est là que le
projet de loi n° 60, 11... 71, pardon, entre en jeu, car si la stratégie
gouvernementale est de ramener les gens vers l'emploi, ou encore faut-il que
cette réalité donne un nouveau souffle aux personnes vivant sous le seuil de la
pauvreté. Ainsi, nous avons une occasion unique de repenser notre approche
face... face à cette réalité complexe le projet de loi n° 71 ne se limite pas à
des chiffres et des réglementations, il touche à la dignité humaine et, il faut
le reconnaître, il vise à transformer la manière dont nous soutenons ceux qui
en ont besoin...
M. Pinard (Claude) : ...Centraide
du Grand Montréal en appelle à une approche ambitieuse pour lutter contre la
pauvreté, axée non seulement sur la réduction du nombre de personnes
statistiquement pauvres, mais sur l'amélioration des conditions de vie des
Québécois. Et là-dessus, collectivement, nous avons la capacité d'agir. Si nous
sommes tous en accord avec les intentions d'humaniser l'assistance sociale et
de renforcer la dignité des personnes, reconnaissons du même coup qu'il sera
essentiel de s'assurer que ces intentions se concrétisent un effet recherché.
En ce sens, Centraide du Grand Montréal recommande de faire appel à un tiers
indépendant pour évaluer les impacts cumulatifs des différentes mesures mises
en œuvre auprès des bénéficiaires.
Quelle sera l'augmentation de l'aide
financière mensuelle accordée? Combien de personnes en bénéficieront? Quel
impact aura l'abolition de la comptabilisation d'une contribution présumée les
parents, la révision de la notion maritale pour les personnes qui cohabitent en
raison de limitations fonctionnelles de l'une ou l'autre et le supplément pour
les personnes qui poursuivent des études menant à l'obtention d'un diplôme secondaire?
Et ici, comme vous savez, je ne nomme que certaines des mesures que nous
saluons en particulier.
J'aimerais qu'on prenne un instant pour
également parler de l'article 4 du projet de loi n° 71
qui met en lumière l'importance des programmes d'aide ou d'accompagnement
social. Dans le cadre du plan de lutte à la pauvreté, il est proposé de former
le personnel qui intervient auprès des familles en situation de pauvreté afin
d'adopter une approche d'accompagnement respectueuse de leurs besoins et de leurs
réalités.
Ici, et vous, très certainement, entendez
mon commentaire sur le fait que j'insiste pour vous mentionner et réitérer
l'expertise du milieu communautaire qui travaille sur... au quotidien avec les
personnes qui sont prestataires du régime d'assistance sociale,
particulièrement ceux travaillant auprès des demandeurs d'asile. Pour maintenir
et renforcer cette expertise, un soutien financier adéquat et prévisible est
essentiel. Sans ce financement, la stabilité des équipes et la qualité de l'accompagnement,
qui sont au cœur de ce projet de loi, pourraient être mises en péril.
• (14 h 50) •
Aussi, Centraide du Grand Montréal
recommande que les organismes communautaires participent activement à la
définition de l'approche à adopter et ne soient pas simplement consultés.
Ceux-ci pourront par ailleurs s'assurer que les contraintes environnementales
et structurelles qui influencent le parcours des individus soient considérées
dans la définition des paramètres d'accompagnement. Car rappelons que de nombreux
facteurs échappent à la volonté des personnes en situation de vulnérabilité.
Souvent, trop souvent, les personnes se retrouvent en situation de
vulnérabilité ou de pauvreté pour des raisons qui sont largement hors de leur
contrôle. Leur environnement, ainsi, peut être un obstacle finalement.
Finalement, permettez-moi de souligner que
le projet de loi est une opportunité pour discuter des réalités complexes de la
pauvreté et de la manière dont nous la mesurons. Il est aujourd'hui nécessaire
de moderniser les indicateurs de mesure de la pauvreté pour mieux refléter la
réalité des personnes. Et s'il est vrai, selon la mesure du panier de
consommation, la MPC, que le taux de pauvreté diminue, il est aussi vrai qu'il
n'y a jamais eu autant de personnes en situation d'itinérance dans nos rues et
que les banques alimentaires n'ont jamais été si fréquentées et sollicitées.
Comment expliquer une telle dissonance entre la réalité et les données
statistiques?
Mmes et MM. les élus, la pauvreté est un
défi que nous ne pouvons ignorer. Nous avons l'opportunité de transformer cette
lutte en une action collective, une action qui vise à briver... à briser,
pardon, le cycle de la pauvreté. Ainsi, dans le cadre de vos travaux, nous vous
invitons à prévoir la modernisation de nos indicateurs de pauvreté, et à
mesurer l'impact des mesures proposées, et à assurer que celles-ci reflètent la
réalité vécue par des milliers de Québécois. Nos approches, nos définitions et
la façon qu'on a d'intervenir doivent évoluer. Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
vous remercie pour votre exposé. Nous allons débuter maintenant notre période
d'échange avec la ministre. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Rouleau : Merci
beaucoup, Mme la Présidente, et merci beaucoup, M. Pinard, ‘me Kitchen,
Mme Brunet, Brunet Kitchen, ainsi que M. Régis de votre présence
aujourd'hui pour votre... Merci pour votre contribution à ces travaux qui
mènent à la modernisation du régime d'aide sociale. Vos commentaires sont très
importants. Votre aide est importante aussi. Vous parlez, bien sûr, de dignité
humaine, et j'en suis. J'aimerais que vous m'expliquiez un petit peu plus, là,
ce que vous entendez par un tiers indépendant. Qui est le tiers...
Mme Rouleau : ...indépendant,
et il fait... et que fait cette personne ou cet organisme? Ou situe ce tiers
indépendant où dans votre réflexion?
M. Pinard (Claude) : Merci de
la question, Mme la ministre. Je vais passer la parole à mon collègue Mario
Régis, et juste vous mentionner que c'est exactement dans deux heures que
monsieur prendra sa retraite et qu'il va quitter Centraide après 10 ans
d'extraordinaires et loyaux phénoménaux services. Donc, imaginez-vous, il n'y a
pas grand citoyens au Québec qui peuvent se targuer de dire que leur dernière
intervention pour leur employeur aura été de participant en commission
parlementaire. Donc, là-dessus, Mario, je te passe la parole.
Mme Rouleau : Je suis
d'autant plus honorée de vous avoir avec nous, M. Régis.
M. Régis (Mario) : L'honneur
est pour moi, Mme la ministre. Merci, Claude, ce n'est pas vraiment nécessaire,
mais, bon, on va le prendre. À votre question, en fait, on ne l'a pas identifié
explicitement, on n'est pas allé jusque là, mais il existe des observatoires,
l'Observatoire sur la lutte à la... sur les inégalités. Il y a le centre que la
loi a créé au niveau de la lutte à la pauvreté. Là-dessus, on n'est pas allé
dans l'identification, par contre, ce qui nous apparaissait important quand on
regardait l'ensemble des mesures, on dit : O.K., mais quel effet ça va
avoir au complet? Donc, ultimement, c'est plus la recherche de l'effet concret
qui nous importait. Qui doit l'évaluer? Je pense que les gens au sein du
ministère ont peut-être une meilleure connaissance, une connaissance plus
large, en tout cas, à travers le Québec, des organisations qui pourraient le
faire. Mais ce qui nous importait, c'est dire : Il faut que les intentions
auxquelles on appuie, Claude a été clair dans son message d'ouverture, on les
appuie, ces mesures-là, au niveau de l'intention.
Maintenant, dans une analyse différenciée
selon les sexes, selon les groupes d'âge, est-ce qu'effectivement il y aura un
impact significatif auprès des prestataires et combien de personnes vont pouvoir
bénéficier de cet impact positif et de combien sera cet impact-là? Il est
difficile de le mesurer quand on regarde le projet de loi, mais, encore une
fois, on le souligne, l'intention, elle est parfaite, elle est bonne, mais
c'est l'effet qu'on cherche, et là on dit : Bien, ce serait intéressant
qu'on le mesure correctement puis qu'on fasse rapport après pour voir si on a
atteint nos objectifs.
Mme Rouleau : Ça fait appel à
un aspect de recherche et de documenter de manière plus structurelle encore,
structurante, je dirais, que tout l'effet, là, des mesures qu'on met en place.
Petite question. Dans... L'objet de la modernisation de la durée du régime
d'assistance sociale et du projet de loi n° 71,
d'abord l'accompagnement et la simplification des régimes, du régime, moins de
bureaucratie, moins de paperasse, moins de formulaires. Et je pense qu'on a des
propositions qui vont en ce sens. Alors, plus d'accompagnement, ça veut dire un
plan d'accompagnement personnalisé auquel les gens ont droit, ils peuvent le
demander et l'obtenir, et un plan régional, un réseau régional d'accompagnement
qui inclut donc les différents joueurs régionaux pour une meilleure
coordination, disons-le comme ça. Comment voyez-vous ces deux aspects, le plan
personnalisé et le réseau régional? Et comment Centraide se voit? Est-ce que
vous vous voyez dans ces initiatives-là?
M. Pinard (Claude) : Bien,
nous... Un, je voulais un peu renchérir sur ce que Mario a dit tantôt en deux
secondes, vous m'avez régulièrement, j'imagine, lu et entendu, Mme la ministre,
sur le fait que les...
Mme Rouleau : ...
M. Pinard (Claude) : Ah! oui,
les solutions... Oui, voilà. Les solutions ne peuvent plus venir que du
gouvernement. Donc, je pense que ça prend... On doit, tout le monde, s'installer
autour de la même table puis discuter ces nouvelles définitions là. Quand...
J'aime bien mon intervention dans le contexte où on pense également, chez
Centraide, que la complexité des interventions ou de la pauvreté, telle qu'on
la voit maintenant, c'est-à-dire l'effet d'addition des facteurs de pauvreté
chez une même personne, font en sorte qu'on doit absolument considérer la
notion de continuum de personnes. Et quand on parle de continuum de personnes,
ça veut dire donc qu'il y a un écosystème d'organismes qui peuvent contribuer
ou qui contribuent à faire en sorte qu'on s'occupe des gens de la bonne façon
ou qu'ils ont les services. Et l'exemple que j'aime souvent donner, c'est une
banque alimentaire de la Rive-Sud qui a embauché une intervenante en santé
mentale. Donc, une banque alimentaire qui embauche une intervenante en santé
mentale, c'est un peu curieux, mais donc ils ont vu le besoin puis ils ont
décidé de faire en sorte que cette dame-là pouvait bénéficier des deux services
en même temps. Sur l'aspect régional de la chose, je vais passer la parole à
Mario.
M. Régis (Mario) : Merci. En
fait, sur l'aspect régional, dans le mémoire, à l'article 6, là, le
point 6 du mémoire... puis on se base...
M. Régis (Mario) : ...notre
expérience en termes de mobilisation, partenariat régional, Centraine fait ça
depuis des années. Je dirais que je résumerais en disant la... On a identifié
des acteurs clés qui doivent être là, notamment des représentants du marché du
travail, parce que ça va être important de considérer que l'accompagnement des
personnes, oui, elle doit répondre à leurs besoins de formation, de soutien,
compte tenu des défis et des limites qu'ils rencontrent, mais aussi du marché
du travail qui est présent dans le secteur où ils demeurent, ces personnes-là.
Parce qu'on ne se cachera pas il y a des enjeux aussi d'adaptation du marché du
travail à ces gens-là, en termes de politiques discriminatoires, en termes
d'horaires de travail qui ne permettent pas la conciliation famille-travail, notamment
pour des femmes cheffes de famille monoparentale. Donc, l'effort d'adaptation
ne peut pas être que du seul côté des personnes prestataires.
Du point de vue régional, la condition
importante, qu'on a ajouté, au-delà des représentants, on a identifié certains
représentants, mais la condition, c'est qu'il faut que les personnes qui
siègent à cette instance régionale aient le pouvoir d'aplanir les contraintes
et aligner les actions des différentes organisations. Si on ne peut faire que
des constats, c'est déjà pas pire, mais on ne pourra pas vous... là, il y a des
arrimages à faire entre le milieu de la formation, le milieu du travail, les
organismes qui font l'accompagnement, les profils des personnes qui... du
secteur, pour être capable d'aligner l'action et vraiment lever les...
assouplir les coins, comme on pourrait dire, des fois, les... pour faire en
sorte que les mesures arrivent au bon moment et arrivent dans une séquence qui
permette vraiment de soutenir la motivation puis la mobilisation des acteurs
dans leur propre cheminement. Et, pour nous, ça, c'est une condition
essentielle. Sinon, c'est une instance où les gens vont déplorer les problèmes,
mais on ne sera pas capables de les faire bouger.
• (15 heures) •
Mme Rouleau : O.K., je comprends.
Dans votre mémoire, vous soulignez l'enjeu de l'accroissement des demandeurs
d'asile qui deviennent temporairement des prestataires d'aide sociale, parce
que, lorsqu'ils arrivent, on les accueille. Puis il y a des gens qui ont besoin
d'aide et nous leur donnons cette aide-là par l'aide de dernier recours. Depuis
quelques années, il y a un accroissement, comme vous le mentionnez. Avez-vous
des suggestions à nous faire? Quelles mesures pourrions-nous mettre en place
pour favoriser la sortie de l'aide sociale et vers l'emploi? Qu'est-ce qui...
qu'est-ce qui pourrait être fait? Qu'est-ce qui manque à votre avis dans votre
expérience?
M. Régis (Mario) : Bien, en
fait, j'aurais tendance à répondre, très généralement, parce qu'il faudrait
aller s'asseoir à ce moment-là dans ce contexte-là avec, entre autres... je
pense à la TCRI, la table de concertation régionale des organismes qui
accueillent, qui ont une expertise. On est en lien avec ces organisations-là.
Je vous dirais que les défis sont nombreux. Déjà, la recherche d'un logement,
la signature d'un bail quand tu n'as aucun historique de crédits, il y a des
organismes communautaires, on le sait, ils sont... ils ont pris le risque de
contresigner le bail, se sont portés garants. C'est la seule façon de permettre
à ces gens-là de pouvoir bénéficier de logement. Si tu n'as pas de logement, ça
se peut que tu aies de la difficulté, effectivement, à te trouver un emploi.
Puis il y a effectivement, il faut le reconnaître, un marché noir pour
embaucher les personnes immigrantes avec un non-respect des normes du travail.
C'est pour ça qu'on disait que, dans l'instance régionale, il faut qu'il y ait
des représentants qui ont un pouvoir d'action sur le milieu de travail. Et
après ça, il y a toute la question de l'accès aux cours de francisation, des
incitatifs pour leur permettre l'accès aux services de garde pour pouvoir aller
chercher la formation. Je pense que plusieurs améliorations y sont possibles.
Et ça... et c'est là que l'instance régionale devient hyperintéressant et
hyperpertinente comme idée pour bien les identifier.
Puis, bien c'est sûr que, présentement, on
y fait face. On a eu des collaborations à Centraide avec... bien, entre autres,
votre collègue et avec vous, pour venir soutenir l'action des organismes
communautaires qui travaillent auprès de ces populations-là, parce qu'ils sont
vraiment au front et avec un risque d'épuisement aussi, il faut le constater.
Ça fait que la réussite du virage repose sur les moyens, et la reconnaissance
de cette expertise-là et de leurs connaissances, justement, pour identifier
très clairement les coins qu'il faut arrondir et être capable d'avoir les
bonnes personnes autour de la table pour être capable de les arrondir un coup
qu'on les a identifiés.
M. Pinard (Claude) : J'ajouterais
à ça... j'ajouterais à ça, je ne suis pas sûr que je m'adresse au bon ordre de
gouvernement, mais il faut régulariser la situation le plus rapidement possible
dans le but qu'ils puissent avoir un permis de travail, se mettre immédiatement
à l'emploi.
Mme Rouleau : Je suis
d'accord avec vous, et ça, c'est du côté du gouvernement fédéral. Avec
insistance, on leur demande de...
15 h (version non révisée)
Mme Rouleau : ...de réduire
les délais pour que les personnes, les demandeurs d'asile puissent obtenir leur
permis.
Ceci étant dit, je vous amène sur l'aspect
des contraintes en emploi qu'on connaît aujourd'hui. On va vers des contraintes
de santé. Considérant que les gens sont plus éloignés du marché du travail, ont
des enjeux plus importants, que la contrainte emploi, elle vise à calculer la
capacité de la personne à travailler, alors que la contrainte de santé est plus
axée sur l'état de la personne et fait intervenir tout l'aspect de santé
mentale et d'enjeux psychosociaux, ce qui est-ce qui n'est pas inclus dans la
contrainte emploi à l'heure actuelle.
Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure
que nous prévoyons dans le plan de... dans le projet de loi?
M. Régis (Mario) : En fait,
très sincèrement, Mme la ministre, on n'a pas l'expertise pour nuancer
exactement toute cette nuance-là. Maintenant, je me réfère à l'expérience où il
faut s'assurer qu'il y ait des choses... Est-ce qu'il y a une relève de l'emploi
ou de la santé quand on parle, par exemple, de préemployabilité, quand on n'a
pas été habitué de gérer des relations avec un patron, quand on n'est pas... de
prendre personnel des commentaires? Et là je réfère... Claude disait que je
pars à la retraite, là je n'ai quand même pas juste travaillé à Centraide
avant. Dans les entreprises d'insertion, il y a des... un travail important qui
se fait au niveau de toute la préemployabilité, au niveau d'apprendre à
respecter, à respecter le travail d'équipe, à ne pas prendre personnel des
commentaires sur la qualité de ton travail, etc.
Est-ce que ça, c'est une contrainte à l'emploi
ou c'est une contrainte à la santé? Parce qu'indépendamment de la définition, c'est
une contrainte importante pour accéder à l'emploi et maintenir la rétention d'emploi.
Il faut faire attention d'éviter que des gens aient une multitude d'échecs
parce que la confiance en soi finit par tomber. Et là, oui, je vous laisse
aller.
Mme Rouleau : Oui, bien, en
fait, j'allais dire justement dans ce sens-là, on a... Il y a deux programmes
importants qu'on va... qu'on souhaite améliorer. Il y a le programme PAAS, qui
est le programme d'aide et d'accompagnement social, où on va créer le nouveau
volet participation sociale, justement pour que les personnes qui sont très
éloignées puissent refaire le réseau, revenir parce que c'est plus difficile.
Ils ne sont pas... Ils ne seront pas en préemployabilité tout de suite, c'est
plus pré-prémployabilité. Alors, c'est un espace de plus, là, qu'on suggère
pour amener les gens, les insérer, mieux les insérer, intégrer et,
éventuellement, aller vers l'emploi. Donc, je pense qu'on va dans la direction
que vous souhaitez aussi. De même, on veut élargir le programme Objectif
emploi, pour que ce ne soit pas que les premiers... que les gens qui demandent,
pour la première fois, l'aide sociale qui a accès à Objectif emploi, mais ils
reviennent une deuxième fois et ils auront accès. Des mesures semblables dans
un plan de lutte, c'est vous semble correct ou... Vous avez une opinion
là-dessus?
M. Pinard (Claude) : Bien, c'est
définitivement très intéressant, Mme la ministre. Je ne peux pas m'empêcher de
penser, comme président de Centraide du Grand Montréal, c'est qu'on est rendu,
comme société, à faire des projets de loi, comme le projet de loi n° 71, où on
va toucher, avec des mesures extrêmement précises, très humaines, dans la
dignité, quatre, cinq, six, 7000 personnes. Ce qui me fait penser qui, a
contrario, on est peut-être rendu à une certaine fin du modèle où, à un moment
donné, on doit se dire, peut-être, qu'on devrait se redéfinir, une façon d'intervenir
auprès des personnes qui sont en situation de pauvreté. Ça fait que l'ensemble
des initiatives qui sont contenues dans le pl 71 sont superintéressantes. Mais
si on voulait effectuer ou avoir un impact plus grand sur plus de personnes, il
faudrait redéfinir, redéfinir l'ensemble des interventions, que ce soit dans le
plan de la pauvreté ou au pl 71.
Moi, je pense que ce qui est contenu ou ce
dont on discute ce matin... cet après-midi, pardon, c'est définitivement
intéressant à prendre en connaissance... ou en cause, pardon, la situation...
M. Pinard (Claude) : ...le
plus personnalisé de nombre de personnes. Et pour nous, c'est important, parce
que, vous savez, l'intervention qu'on fait dans le Grand Montréal et partout au
Québec, les Centraide, c'est de s'assurer de resserrer les mailles du filet, et
c'est un peu ça qu'on fait ici, mais on veut s'assurer qu'on est capables de peut-être
voir où il y a des trous dans les filets. Puis, au moment où on se parle, il y
en a plusieurs, je le mentionnais tantôt, la MPC dit qu'il y a une réduction du
nombre de personnes en situation de pauvreté, mais, en même temps, le
président-directeur général de Banque alimentaire Québec est devenu votre
meilleur ami aussi, ça veut dire qu'il y a énormément de personnes qui ont
accès encore plus aux banques alimentaires, alors que supposément les gens
diminuent. Donc, on a besoin d'avoir, je pense, une nouvelle conversation sur
comment... quelles sont les nouvelles définitions puis comment on va s'assurer
de bien servir les personnes qui sont en situation de précarité ou
vulnérabilité.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. C'est tout le temps que nous avions avec la ministre. Maintenant, je
cède la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Combien de
minutes, Mme?
La Présidente (Mme D'Amours) : 10
min 24 s.
Mme McGraw : Merci, Mme la
Présidente. Et merci d'être avec nous aujourd'hui en virtuel, mais aussi pour
votre excellent mémoire. Peut-être, on va aller commencer justement sur... on
va revenir sur la question des contraintes, de l'environnement, parce que, la
ministre, elle soulève qu'avec le projet de loi on parle plutôt maintenant de
conditions de santé aux contraintes de santé et non de contraintes à l'emploi.
On comprend très bien qu'il y a des personnes qui ont des problèmes de santé,
qu'elles puissent travailler, mais on comprend aussi qu'il y a des personnes
qui ne puissent pas travailler à cause de contraintes qui ne sont pas liées à
la santé. Alors, on parle de l'élargissement, mais peut-être un rétrécissement.
Que pensez-vous de cette approche? Et aussi souligner votre approche de... Vous
parlez de contraintes de l'environnement sur lesquelles les personnes n'ont pas
nécessairement peu ou pas de pouvoir.
• (15 h 10) •
M. Régis (Mario) : Merci pour
votre question, Mme la députée. En fait, comme on le mentionnait tout à
l'heure, là, je n'ai pas la prétention de bien maîtriser l'impact de la
différence entre la santé versus la condition d'emploi, mais force est
d'admettre qu'il y a effectivement des contraintes qui... sur lesquelles ni la
personne qui est prestataire ni les personnes qui vont l'accompagner ont un
réel pouvoir. Si vous avez lu notamment le roman Rue Duplessis dernièrement, on
en a là une bien belle preuve. Ce qu'on a mentionné dans notre mémoire, on en a
identifié quelques-unes, on les a regroupés, mais effectivement est-ce que les
personnes qui ont des enjeux personnels ont réellement accès aux ressources
pour améliorer leur état de santé, donc l'inaccessibilité aux services de santé
mentale, au soutien psychologique, orientations professionnelles, est ce qu'ils
ont accès et est-ce que ces services-là sont accessibles pour ces personnes là
dans le contexte du transport en commun ou des moyens de transport? Même à
Montréal, c'est... puis Mme la ministre doit comprendre, là, elle est députée
de Pointe-aux-Trembles, bien, des fois, de partir de Pointe-aux-Trembles puis
aller dans d'autres coins de la ville, ce n'est pas toujours évident au niveau
du transport en commun. Donc, il faut que le service existe et il faut y avoir
accès. Même chose pour la formation disponible : cours de francisation,
formation illimitée dans... liée au marché de l'emploi. Le coût de ces
formations-là est... quand je dis le coût de formation, tout le matériel qu'il
faut pour le suivre, il y a des enjeux là-dessus où les personnes pourraient se
retrouver, et se retrouvent effectivement, incapables de suivre la formation,
incapables d'avoir ces accès-là, parce que le service n'existe pas ou qu'il
n'est pas accessible compte tenu de la mobilité, des conditions de mobilité
dans lesquelles elles se retrouvent et de l'offre de mobilité du secteur dans
lequel elles demeurent. Pour ne nommer que celles-là, là.
Mme McGraw : Merci. Il y a
beaucoup de groupes que juste pour... qui soulignent le fait qu'il y a des
groupes, vous savez peut-être, entiers qui vont perdre leurs... c'est aboli
carrément les allocations, des familles monoparentales, des femmes victimes de
violence conjugale et autres, des personnes âgées de 58 ans et plus, etc.
Et ça représente des dizaines de milliers de personnes au Québec quand même,
qui vont se trouver dans une situation très différente, pas les prestataires
présentement, mais c'est les futurs, les futures personnes, on va dire, visées.
Autre question. Plan individualisé, c'est
un... on trouve ça très intéressant comme approche, très prometteur, mais, pour
revenir à votre langage, on insiste sur le fait que les effets recherchés... de
regarder pas juste les intentions, mais est ce que c'est vraiment l'effet?
Donc, plan individualisé, vous parlez, posture d'accompagnement, vous parlez
de, justement, s'assurer que les personnes...
Mme McGraw : ...une... il y a
un lien de confiance entre la personne aidée et la personne qui l'accompagne.
On a entendu aujourd'hui le Syndicat des fonctionnaires de la fonction publique
et parapublique qui justement parle des agents qui sont découragés, démoralisés
parce que l'approche est... justement cette approche personnalisée où la
personne qui est aidée... va devoir raconter et répéter son histoire, souvent
complexe et pénible avec ces changements-là, et aussi que, le plan
individualisé, ça va être sur demande.
Mais M. Pinard, vous avez cité»... dans La
Presse, vous avez écrit : «La personne en situation d'itinérance n'a pas
besoin d'une seconde chance, ce qui l'aiderait vraiment, c'est d'être soutenue
sur le long terme, avec un plan solide d'intervention, et ce constat s'applique
tant aux personnes prestataires de l'assistance sociale.» Mais les personnes en
situation d'itinérance, est-ce que vous pensez, selon votre expertise, qu'ils
vont être dans une position de demander sur ce plan individualisé? Donc, c'est
sur demande. Est-ce que ça devrait être universel avec l'option de nier, de
dire non? Avec les populations vulnérables avec lesquelles vous connaissez très
bien, que pensez-vous de cette approche?
M. Pinard (Claude) : Bien, je
crois... juste m'assurer de comprendre votre question, Mme la députée. C'est
que je pense qu'il faut commencer quelque part, et... et l'approche
personnalisée, je... je ne suis pas en train de m'en faire le promoteur, mais
ce que je vois actuellement, dans mes interventions sur le terrain avec les
organismes communautaires, c'est l'effet multiplicateur de la pauvreté, donc
c'est comment les organismes communautaires, si vous leur posez la question,
ont tous ajouté un ou deux services dans la dernière année. Pourquoi? Pour
s'assurer de suivre ce dont les questions... ce dont les personnes avaient
besoin. Alors, lorsque je parle de cette dame de... quand j'en parle, j'aime ça
lui donner le nom de Julie, mais pour personnaliser un peu. Donc, cette Julie
qui se présente en banque alimentaire puis qui a besoin également d'aide au
niveau de l'accompagnement en santé mentale. Les gens ne lui ont pas demandé :
As-tu besoin d'accompagnement en santé mentale, Julie? Les gens ont vu la
détresse de la personne et ont adapté. Alors, cette.... cette agilité-là doit
se retrouver également dans les services gouvernementaux et doit se retrouver
chez les organisateurs communautaires des CIUSSS.
Moi, je vais vous dire, j'ai vu également,
à Laval, un organisateur communautaire qui n'a pas... de CIUSSS qui n'a pas de
bureau, donc son bureau est partout sur le terrain, et je l'ai vu aller dans un
organisme que je visitais récemment et qui connaissait l'ensemble des personnes
dans l'organisation et qui était en mesure de, comment dirais-je, s'identifier
et comprendre les problèmes et ne pas faire répéter les gens, ça fait que je
pense que quand vous me posez la question, je vous répondrai que oui. Il y a
très certainement un moment où on n'a pas le choix, je pense, de repasser à
travers un certain... comment dirais-je, description de l'histoire ou du vécu
de la personne, mais ça peut juste servir à long terme. Je ne sais pas, Mario,
si tu veux ajouter quelque chose.
Mme McGraw : Peut-être je
vais poursuivre juste par manque de temps. Donc, posture d'accompagnement, vous
avez souligné l'importance, et ce n'est pas surprenant avec l'expertise de
Centraide, l'expertise du milieu communautaire qui travaille au quotidien avec
les personnes aux prises avec des enjeux importants, etc. Donc, parlez-nous de
cette... l'importance de... de souligner l'importance de l'expertise du milieu
communautaire, mais aussi en même temps les réseaux. Vous avez aussi des
recommandations face aux réseaux régionaux, et de s'assurer que les personnes
qui y siègent ont un réel pouvoir pour aplanir les contraintes et aligner
l'action de leurs organisations et réseaux respectifs en appui aux objectifs de
plan d'accompagnement. Donc, j'aimerais vous entendre sur milieux
communautaires et réseaux régionaux.
M. Régis (Mario) : Oui, en
fait, dans le mémoire, on le souligne aussi, et particulièrement dans la région
de Montréal où effectivement un pourcentage assez important des personnes
prestataires sont des migrants en situation de très grande vulnérabilité, et on
sait que leur parcours migratoire fait en sorte qu'ils peuvent avoir une
relation difficile avec l'institutionnel, et il faut en tenir compte. Et
là-dessus, il faut souligner l'expertise que le milieu communautaire,
particulièrement auprès des migrants, ont développée pour développer cette
confiance. Faire affaire avec un officier de l'État, aussi sympathique
puisse-t-il être, ça peut poser des barrières importantes du point de vue de la
personne. Même chose, travailler auprès des gens qui sortent de la rue, la
relation de confiance est importante à tisser et là, pour bien des personnes,
travailler avec un représentant de l'État...
M. Régis (Mario) : ...bien,
c'est de travailler avec, peut-être, le représentant de la DPJ qui est venu
retirer les enfants pendant un petit bout de temps, il y a des amalgames qui
peuvent s'opérer, d'où l'importance de vraiment prendre en compte cette dimension-là,
cette vulnérabilité des différentes populations qui sont prestataires de la
sécurité.
C'est pour ça que... Puis c'est un des
principes qu'il y a dans le livre blanc, au niveau de la mobilisation de tous
les partenaires, en commençant par les personnes qui sont prestataires. Donc,
pour nous, l'instance régionale devrait aussi inclure des représentants des
personnes qui vivent les plans d'intervention pour voir comment ces gens-là, à
qui on destine les plans, bien, peuvent faire remonter à travers ces
représentants les... la fluidité des plans, les bons coups des plans, parce
qu'il va y en avoir, mais aussi les limites qu'on rencontre dans le
déploiement.
En fait, c'est une mécanique humaine qu'on
cherche à mettre pour être capable de l'avoir, l'humanité, mais on doit le
gérer, parce que l'État est ainsi composé, de différents programmes. Donc, il
ne faut pas voir cette instance-là comme une mécanique qui gère des programmes,
mais qui met les programmes au service des besoins et des parcours des
individus. Et c'est pour ça qu'il est important que les gens qui soient là
puissent être capables de revenir dans leurs organisations respectives puis
dire : O.K., là on rencontre une difficulté. Comment on peut l'aplanir?
Comment on peut faire... Comment on peut faire ça plus souple? Il faut cette
marge de manœuvre là. Et c'est pour ça d'ailleurs qu'on soulignait l'importance
que... du pouvoir qui est conféré à la ministre... bien, au ministre, là, dans
ce cas présent, c'est la ministre, d'avoir des projets pilotes pour pouvoir
expérimenter des façons beaucoup plus simples, beaucoup plus souples, puis
s'adapter réellement, en le meilleur temps possible, pour réussir cet
accompagnement-là des personnes.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup.
M. Pinard (Claude) : Et
j'ajouterais...
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
suis désolée, c'est tout le temps que nous avions avec la députée de
Notre-Dame-de-Grâce. Maintenant, je vais céder la parole à la députée de
Sherbrooke.
• (15 h 20) •
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Je veux revenir avec vous sur la question des contraintes de
l'environnement que vous avez abordé tout à l'heure. Vous donnez d'excellents
exemples, là, accès à des cours de francisation, on pourrait penser à l'alphabétisation
aussi, transport en commun, transport adapté, parfois. Quand vous entendez la
ministre parler de sa vision à elle d'une contrainte de santé où elle englobe
le psychosocial également, est-ce que vous avez l'impression que ça prend en
considération les contraintes de l'environnement que vous avez mises de
l'avant?
M. Régis (Mario) : Bien, on
l'a identifié dans le mémoire parce qu'effectivement on ne le voyait pas. Comme
je le disais tout à l'heure, comment on la définit, la contrainte de la santé
versus la contrainte à l'emploi, on n'est pas allés fouiller, là, il y a-tu un
lexique en arrière de ça, puis il y a assurément toujours une zone grise. C'est
un continuum, là, ce n'est pas deux affaires. Ça fait que, comme je le nommais
tantôt, la préemployabilité ou la pré-préemployabilité, est-ce que c'est une
contrainte liée à la santé de la personne ou c'est une contrainte à l'emploi?
Mais c'est une... Mais le fait est que, dans la vraie vie, c'est une contrainte
réelle.
Donc, la question, pour moi, elle est
plus... pour nous, elle était plus de dire : Bien, quelles sont les
contraintes auxquelles les gens sont confrontés quand vient le temps d'accéder
à l'emploi? Il y a effectivement des contraintes liées à la santé. Il y a des
contraintes liées à... aux conditions de vie dans lesquelles les... ces
personnes-là évoluent, leur parcours, particulièrement leur parcours
migratoire. Mais il y a aussi des contraintes liées à l'environnement, au
marché du travail. Puis je ne répéterai pas ce qu'on a nommé tantôt, là, je
vais vous laisser le temps, mais, pour nous, c'est important qu'on les nomme
pour ne pas qu'on laisse présager l'image que l'effort est juste du côté de la
personne qui doit s'adapter au marché du travail.
Il y a 10 ans, on a sorti une recherche
sur les travailleurs pauvres et on a fait la démonstration qu'à Montréal, en
2016, il y avait... sur 10 personnes qui vivaient sous le seuil de pauvreté, il
y en avait quatre qui travaillaient, il y en avait trois qui travaillaient à
temps plein, et, malgré tout, elles étaient sous le seuil de faibles revenus.
Et ce serait intéressant qu'on remette à jour cette étude-là aujourd'hui.
Mme Labrie : Donc, si je vous
entends bien, ce n'est pas suffisamment clair dans les intentions, là, du
projet de loi qu'on prend en compte ces enjeux-là, mais ce sont des vraies
contraintes qui sont constatées, là, très régulièrement sur le terrain puis
qu'il faut prendre en considération. Est-ce qu'on ne serait pas mieux de parler
de contrainte à l'emploi, comme on le faisait dans le passé, ou de contrainte
au maintien en emploi, par exemple, pour être plus englobants versus contrainte
de santé, qui, pour moi non plus, là, n'inclut pas ces éléments-là que vous
avez mentionnés?
M. Régis (Mario) : Pardon. En
fait, je ne me substituerai pas au rôle du législateur pour savoir comment
l'écrire, mais je rejoins votre pensée à l'effet qu'elles font partie de la
vraie vie et qu'au-delà des mots il faut qu'on trouve la façon qui reflète que
cette contrainte-là doit être prise en compte dans le plan d'accompagnement
autant individuel que dans les instances d'accompagnement à l'échelle
régionale.
Mme Labrie : Donc, on
passerait à côté de la volonté de vraiment s'adapter aux réalités de la personne
si on...
Mme Labrie : ...on ne tenait
pas en compte ces enjeux-là. Ça passerait à côté de l'objectif, là, finalement.
M. Régis (Mario) : Notre
objectif final, c'est qu'effectivement on fasse tous les efforts pour que ces
personnes-là puissent accéder au marché de l'emploi. On ne peut pas faire
abstraction de ces difficultés-là.
Mme Labrie : Les places en
service de garde, j'imagine, aussi?
La Présidente (Mme D'Amours) : C'est
tout le temps que nous avions. Je suis désolée. Je passe maintenant la parole
au député de Jean-Talon.
M. Paradis : Merci.
Intéressant, là. Vous nous amenez à deux endroits avec des propositions
originales, la première, sur l'évaluation des effets cumulés par un tiers
indépendant. Vous avez eu des échanges avec la ministre là-dessus. Vu qu'on n'a
pas beaucoup de temps, moi, je vais vous amener à ce que vous nous dites sur
les réseaux régionaux. Vous dites : Bien, peut-être pas une mauvaise idée,
mais ça va avoir des effets positifs à deux conditions, d'abord, qui en fait
partie, et qu'est-ce que ça peut faire.
D'abord, sur qui en fait partie, vous nous
dites : Bien, des personnes prestataires. Et ça, vous êtes... il y a
plusieurs personnes qui sont venues nous dire : Il faut toujours écouter
la voix des personnes concernées, et ça, c'est vrai qu'il n'y a rien là-dessus
dans le projet de loi, donc j'imagine que c'est un ajout qu'on pourrait faire.
Mais vous dites, après ça, des représentants des organismes communautaires, des
représentants du secteur du marché du travail. Quand vous regardez
l'article 43.2 modifié par l'article 18 du projet de loi, on dit
qu'«il peut y avoir des organismes concernés, toute association». Vous, vous
voudriez qu'on le précise dans le projet de loi, la nature des organismes.
C'est ça?
M. Régis (Mario) : Oui. C'est
le... C'est le sens de la proposition de loi, de là notre recommandation dans
le mémoire.
M. Paradis : Parce qu'à
défaut de le préciser, vous dites, vous avez peut-être l'impression qu'il y aurait
un risque que ces acteurs-là, qui sont essentiels, n'y soient pas. C'est ça?
M. Régis (Mario) : Exact. En
fait, c'est une reconnaissance aussi du rôle essentiel qu'ils jouent, c'est...
on l'a nommé tout à l'heure, et il faut que ça soit dans le temps, là. On ne
voudrait pas que ce soit dans une région, ça l'est, dans une région, ça ne
l'est pas. Donc, si on veut réussir, il faut identifier les conditions
essentielles. Et, selon nous, compte tenu de ce qu'on a mentionné plus tôt,
tant l'expertise du milieu communautaire que les contraintes qu'on observe dans
le marché du travail, il faut que ces deux facteurs là ne soient représentés
autour de la table...
M. Pinard (Claude) : Et, la
clé... la clé, c'est le mot «reconnaissance», ici. Alors, donc, on a des gens
qui sont en contact quotidien avec les différents prestataires ou les gens qui
recherchent un emploi ou qui... ou qui essaient d'améliorer leur sort, et ces
gens-là, c'est le communautaire par-dessus bien souvent les organisateurs
communautaires des CIUSSS. Donc, je pense qu'il y a une perte d'expertise et
une perte de connaissances et une possibilité de reconnaissance du travail des
organismes communautaires.
M. Paradis : Oui. Puis vous
leur dites : Ça prendrait aussi un pouvoir pour réduire les barrières.
Donc, vous les voyez décider, pouvoir prendre des décisions et que ces
décisions-là soient applicables? Comment vous voyez ça?
M. Régis (Mario) : Bien, en
fait, c'est un pouvoir réel d'influence au sein de leur organisation. Vous
allez me dire que Centraide, ce n'est pas un ministère, peut-être, mais quand
on va dans... quand les employés de Centraide vont dans des... dans des lieux,
on est capables de revenir après puis dire : Qu'est-ce qu'on peut faire
pour faciliter la condition? On n'a pas tous les pouvoirs, on s'entend, mais on
essaie de le faire. Donc, on ne peut pas... Si on n'a que des gens qui nous
disent : Bien, le règlement, il est fait comme ça, ça finit là, puis on ne
peut pas rien faire puis qu'on se rende compte que ça pose un enjeu, puis ça
pose un problème dans la réalisation des plans d'accompagnement, bien, il faut
que ces personnes-là...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je suis désolée.
M. Régis (Mario) : Non, non,
pas de problème. Je comprends.
La Présidente (Mme D'Amours) : C'est
tout le temps que nous avions. Merci infiniment pour votre contribution à nos
travaux de la commission.
Je suspends les travaux afin que nos
prochains invités prennent place. Merci. Merci, tout le monde.
(Suspension de la séance à 15 h 27)
(Reprise à 15 h 29)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue à M. François
Blais, qui d'ailleurs... un ancien collègue de 2014 à 2018 qui était député
libéral dans Charlesbourg. Je vous rappelle, M. Blais que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange
avec les membres de la commission, comme vous êtes habitués, j'en suis convaincue.
Je vous invite donc à vous présenter avec le titre qui vous suit, aujourd'hui,
pour notre commission et commencer votre exposé, s'il vous plaît.
M. Blais (François) : Alors,
merci beaucoup, Mme la Présidente. Et puis je remercie, bien sûr, les députés,
Mme la ministre de m'avoir invité aujourd'hui. Donc, je suis François Blais,
professeur titulaire au Département de science politique à l'Université Laval,
ancien ministre de l'Emploi et de la Solidarité, responsable de deux projets de
loi, le projet de loi sur le revenu de base et aussi sur l'Objectif emploi.
Donc, j'ai un document que j'ai préparé. Je suis surchargé en ce moment, mais
je l'ai préparé. Si jamais quelqu'un parmi vous le veut, écrivez-moi, à
l'Université Laval, puis je pourrai vous l'envoyer avec plaisir.
• (15 h 30) •
La Présidente (Mme D'Amours) : ...M.
Blais, aussi à la commission. On pourrait le partager à tous les députés si...
M. Blais (François) : Bien,
c'est très bien, Mme. Très bien, merci. Donc, la présence à l'aide sociale
s'explique notamment par des difficultés personnelles et conjoncturelles, des
mauvais coups du sort de toutes sortes qui peuvent frapper au cours de
l'existence chacun d'entre nous. C'est pourquoi il faut applaudir toute forme
d'accompagnement intelligent, éducation, tutorat, aide financière, bien sûr,
pouvant aider ceux et celles qui s'en sortent moins bien. Il reste cependant à
définir de manière critique, sans complaisance, la bonne façon de le faire, à
la fois respectueuse mais aussi efficace. En effet, notre devoir envers les
plus démunis ne peut pas seulement reposer sur de bons sentiments ou de moins
bons sentiments, comme la culpabilisation, et doit reposer sur une conception
explicite de la justice sociale et mobiliser des solutions qui font la preuve
ou qui ont fait la preuve en partie, du moins, de leur efficacité.
Les difficultés personnelles ou
conjoncturelles n'expliquent pas tout, bien entendu, dans la situation des plus
démunis. Par exemple, il est aussi possible que la longévité de la présence à
un programme comme l'aide sociale s'explique par des failles structurelles du
programme. Et, quand c'est le cas, il ne faut pas avoir peur de les remettre en
question et de tenter d'y remédier sans créer, bien entendu, d'autres problèmes.
Je suis convaincu depuis très longtemps que ces deux niveaux de difficultés
conjoncturelles et structurelles coexistent dans nos débats sur l'avenir de
l'aide sociale. Il n'y a pas de solution parfaite au désœuvrement, à la
désaffiliation sociale courante de notre époque et à la capacité humaine de
faire des mauvais choix pour soi-même, parfois, et pour les autres. Mais
heureusement, pour nous, certaines solutions institutionnelles sont meilleures
que d'autres et peuvent parfois faire une grande différence dans la vie des
personnes.
Mon exposé, aujourd'hui, sera divisé en
deux parties. Dans la première, je vais saluer la volonté de la ministre de
vouloir mieux accompagner les prestataires de l'aide sociale et je ferai
quelques commentaires pour rappeler combien c'est une tâche difficile mais
nécessaire. Dans la seconde, je traiterai de certaines failles structurelles
profondes et très anciennes autour de l'aide sociale qui ne sont pas remises en
question par le projet de loi n° 71, en utilisant, pour les illustrer,
trois propositions de projets pilotes. Et je vous félicite d'avoir pensé à
intégrer éventuellement la possibilité pour le ministère de faire des projets
pilotes, et qui devraient être expérimentés, j'espère, dans les prochaines
années, par le ministère.
Mieux accompagner. Le ministère a procédé
à une évaluation méthodique du programme Objectif emploi. Les principales
conclusions de cette évaluation sont positives...
15 h 30 (version non révisée)
M. Blais (François) : ...l'intégration
au marché du travail, la diminution du recours à l'aide sociale, l'augmentation
du recours aux mesures de services publics d'emplois, l'augmentation de la
participation aux études et à la formation. S'appuyant sur ces bons résultats,
la ministre présente sa réforme comme une occasion d'étendre au plus grand
nombre les mesures du programme, ce à quoi personne ne peut s'opposer. Je
crois, Mme, que personne ne s'est opposé à ça ici cette semaine. Il faut
simplement être prudent sur nos attentes et sur les comparaisons avec Objectif
emploi.
Tout d'abord, c'est en partie la clé du
succès d'Objectif emploi, le programme s'adresse uniquement à des premiers
demandeurs d'aide sociale, 2 %, 3 % à peu près des bénéficiaires, de
l'aide sociale, et les recherches indiquaient... indiquent très clairement que
c'est ceux qui sont les plus faciles à sortir, hein, de l'aide sociale. Ils
sont plus faciles à mobiliser que tous les autres prestataires.
Deuxièmement, il y a deux obligations à
Objectif emploi. La première, c'est de rencontrer en même temps ou presque que
le dépôt de sa demande un agent d'aide, un agent d'emploi dont la fonction n'est
pas administrative, vérifier des comptes en banque, mais plutôt établir un
premier contact, comprendre la situation et ses besoins. La seconde obligation
est de s'engager dans l'un des trois parcours possibles qui lui seront offerts
et qu'il choisira. L'introduction de ces obligations ont créé beaucoup de
résistances et d'objections à l'époque de la commission parlementaire sur
Objectif Emploi. Je ne vous souhaite pas la même résistance, Mme. Mais il est
clair que les chercheurs du ministère qui ont comparé des groupes de jeunes
soumis à ces obligations et à d'autres qui, l'année précédente, n'avaient pas
été soumis à de telles obligations expliquent le grand succès d'Objectif
emploi... un certain succès, pardon, d'Objectif emploi à partir de ces
nouvelles obligations. Si je comprends bien, le projet de loi ne modifie en
rien Objectif emploi et les obligations qui y sont associées, mais elle étend
ses autres mesures, notamment des majorations de leurs allocations sur une base
volontaire, s'ils participent, et, ce que je comprends, le retrait de ces
majorations, je suppose, s'ils cessent un jour ou l'autre de participer.
Alors, je ne suis pas du tout venu ici
pour vous demander de créer de nouvelles obligations à l'aide sociale, mais il
est à mon avis clair que l'on ne peut pas s'attendre au même résultat pour les
raisons évoquées plus haut. Les mesures d'accompagnement qui sont proposées
pour l'essentiel ne sont pas nouvelles, celles qui donnent les meilleurs
résultats sont connues par les fonctionnaires du ministère, les rendre plus
nombreuses, plus accessibles est certainement une bonne chose. Mais n'oublions
pas que l'on se retrouve aujourd'hui avec des personnes encore plus éloignées
du marché du travail, avec des difficultés encore plus importantes, notamment
des difficultés graves de santé mentale. Il faut donc être réaliste dans nos
attentes sur les résultats, sans jamais baisser les bras pour autant,
simplement parce que nous n'avons pas le droit de le faire. Ce qui est certain,
c'est que la volonté de démultiplier l'offre de programmes d'accompagnement va
entraîner des coûts importants. Ces coûts vont provenir essentiellement de la
majoration des niveaux de soutien pour les participants, des différentes
formules d'accompagnement et suivis qu'il faudra bien livrer et des ententes
avec des organismes qui feront les prises en charge. Si ma mémoire est bonne,
et je peux me tromper, c'est à vérifier, dans le cas d'Objectif emploi, on
avait évalué à peu près à 55 millions les coûts sur cinq ans. Il faut s'attendre
possiblement à des coûts beaucoup plus importants si jamais les bénéficiaires
sont nombreux, et on le souhaite, sont nombreux à s'inscrire au cheminement
individualisé proposé.
Comme mentionné plus tôt, il arrive
parfois que nos programmes conduisent à des effets indésirables, des enjeux de
nature structurelle qui n'ont rien à voir avec les personnes, mais plutôt qui
ont à voir avec les conditions dans lesquelles ils sont placés. Je tiens à
souligner que, sur ce plan, des changements plus structurels, qui sont proposés
par le projet de loi, qui me semblent positif, notamment l'abolition de la
comptabilisation des parents lorsqu'un jeune demandeur n'habite plus chez eux,
la réduction à cinq ans de la période à partir de laquelle le gouvernement peut
réclamer une somme en vertu d'une fausse déclaration. Je suis aussi d'accord
avec l'idée de ne plus considérer l'âge de 58 ans automatiquement comme
une contrainte d'emploi. C'est une règle d'une autre époque. Il existe encore
des défis pour des personnes de cet âge, bien sûr, mais au point de les
considérer automatiquement comme sous contraintes, je crois que cela envoie un
mauvais message.
Je vais étonner plusieurs, mais je suis
plus prudent cependant sur la valorisation du volet participation sociale, ou
PAAS, plus prudent. Un sous-ministre m'a un jour mis la puce à l'oreille que
cela pouvait conduire à développer une main-d'oeuvre bon marché pour des
entreprises qui certes ont une vocation sociale irréprochable, mais qui sont
devenues dépendantes de cette main-d'œuvre, et cela pourrait les conduire à
enfermer, volontairement ou non, cela ne change rien, ces personnes dans une
situation de sous-employabilité, si ça dure trop longtemps.
Afin d'identifier ou d'illustrer les
impacts d'un...
M. Blais (François) : ...d'autres
contraintes structurelles qui nuisent davantage à l'émancipation des
bénéficiaires de l'aide sociale, je vais prendre prétexte du fait que le projet
de loi intègre la possibilité de mettre en place des projets pilotes et je
propose trois projets pilotes différents qui devraient permettre de
sensibiliser ceux qui refusent encore de voir ces limites structurelles.
Premier projet, combattre le piège de la pauvreté et de l'inactivité :
sélectionner un grand nombre de volontaires sans contraintes connues et
bénéficiaires de la sécurité sociale depuis assez longtemps, permettez-leur de
prendre un emploi et de maintenir leurs prestations partiellement en abaissant
le taux de récupération sur leurs prestations d'au moins 50 %. C'est mon
taux marginal personnel, 50 %, je le propose pour les plus démunis de la
société, pendant une durée d'au moins 1 an. Par la suite, augmenter très
progressivement sur plusieurs mois le taux de récupération sur leur chèque
jusqu'au moment où ils ne recevront plus de prestations de l'aide sociale.
Observer notamment s'il y a prise d'emploi, s'ils s'y maintiennent et une fois
leurs prestations annulées, et l'économie nette ou le coût net pour le
gouvernement de cette mesure.
Deuxième projet pilote, le piège de
l'isolement et de la monoparentalité : sélectionner parmi des volontaires
des bénéficiaires, en particulier des femmes, chefs de familles monoparentales,
permettez-leur de déclarer une vie de couple sans considérer leurs revenus
autant et en abaissant le taux de récupération pendant une période de temps
assez longue. Observez notamment la formation de ménage et, s'il y a... la
formation ménage est plus importante, pardon, s'il y a une plus grande mixité
sociale, notamment une mixité de revenus dans le ménage, ce qui n'est pas le
cas aujourd'hui.
Troisième projet, le piège du
surendettement à l'aide sociale : sélectionner parmi des volontaires des
bénéficiaires qui ont cumulé une dette importante à l'aide sociale, qui ne
seront jamais en mesure de rembourser tant les taux d'intérêt sur ces dettes
sont élevés, permettez...
• (15 h 40) •
La Présidente (Mme D'Amours) : ...M.
Blais, pardon, on a terminé notre... votre...
M. Blais (François) : Très
bien.
La Présidente (Mme D'Amours) : ...votre
temps. Mais, Mme la ministre, est-ce que vous laissez M. Blais terminer son
exposé?
Mme Rouleau : Oui, vous
pouvez terminer.
La Présidente (Mme D'Amours) : Est-ce
que vous aviez bientôt terminé?
M. Blais (François) : Une
page, Mme. Merci. Alors, permettez donc de... à ces personnes qui sont
surendettées à l'aide sociale de reprendre un emploi en la libérant
complètement ou partiellement de cette dette, que le gouvernement ne retrouvera
jamais de toute façon. Observez notamment s'il y a prise d'emploi et s'il s'y
maintien.
Le plus de ces projets pilotes est
d'autant cognitif que transformatif. Je termine. Il est cognitif car il va
nous... vont nous apprendre beaucoup sur le comportement des bénéficiaires de
l'aide sociale et il est aussi transformatif parce qu'indépendamment des
observations, indépendamment des observations que l'on pourra en tirer il mette
le doigt sur les limites inhérentes, structurelles de l'aide sociale, des
limites partiellement dépassées dans le programme de revenu de base actuel et
qu'il faudra un jour introduire progressivement dans un régime de revenu
minimum garanti complètement différent de ce que nous connaissons aujourd'hui.
Nous savons comment y arriver. Et, bien sûr, je vous remercie de votre
attention.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
M. Blais, pour votre exposé. Maintenant, on va débuter la période d'échange.
Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Rouleau : Merci beaucoup,
Mme la Présidente, et merci, M. Blais, d'avoir accepté notre invitation et de
participer à la modernisation du régime d'assistance sociale, chose importante
qui, je le rappelle, n'a pas été faite dans les 20 dernières années,
hormis le programme de revenu de base que vous avez proposé dans le plan de
lutte, que nous avons mis en place le 1ᵉʳ janvier 2023, et Objectif
emploi. Objectif emploi, pourquoi l'avez-vous... avez-vous déterminé qu'il
fallait qu'il soit obligatoire?
M. Blais (François) : C'est
une drôle d'histoire, ça, ça a commencé avec mon prédécesseur, et, quand je
suis revenu au ministère, il y avait ça sur la table, et puis voilà, c'était
parti un peu sur des chapeaux de roue, là, parce qu'on parlait de... qu'on
allait peut-être obliger des prestataires à quitter leur région pour aller
travailler dans un endroit où ils auraient besoin de personne et... bon. Donc,
il fallait un peu ramener ça et regarder un peu ce qui avait des chances de
fonctionner. Donc, le problème qu'on en avait avec l'aide sociale pour les
jeunes, c'est qu'on ne les connaissait pas et on se doutait fort bien qu'il y
avait un... disons, on avait sous-estimé probablement les problèmes de santé
mentale de ces jeunes-là parce qu'on ne les a rencontrés, parce qu'il n'y avait
pas d'obligation. Donc, il y avait cet enjeu-là. Mais comment les obliger? Mais
il faut les obliger en leur disant : Écoutez, vous allez à une rencontre,
une première rencontre, sans ça... et vous n'aurez pas d'aide sociale, hein?
Donc, c'était... Et ce qui est très intéressant dans la recherche qui a été
faite par votre ministère, Mme, c'est que le chiffre qui est le plus
intéressant, c'est que, dans une entrevue de plusieurs centaines de personnes
qui ont participé à Objectif emploi, ils disent que les fonctionnaires qu'ils
ont rencontrés, donc les agents...
M. Blais (François) : ...en
emploi qu'ils ont rencontré lors de la première rencontre. Ils ont été très
bien accueillis. Plus de 90 % de ces jeunes-là ont dit : On avait
quelqu'un qui nous écoutait, qui était là pour écouter nos problèmes, nos
difficultés, on n'était pas en train de vous présenter notre rapport d'impôt ou
encore notre institution bancaire, mais quelqu'un pour nous écouter. Plus de
90 %. Vous avez raison d'être fiers de vos agents d'aide en emploi parce
que, là, on est en train de faire du travail social quand on travaille avec ces
jeunes-là. Et bien sûr, la contrepartie pour arriver à faire ça, c'est
d'introduire, oui, des petites pénalités qui étaient révocables. D'ailleurs
dans votre projet, je crois, vous allez être obligé, pas d'introduire des
pénalités, mais c'est clair que le volontaire arrive. Pour un plan
d'individualisation, il est volontaire. Quand il sort avec son plan de... il
est conscrit, c'est-à-dire qu'il y a une entente, hein, de réciprocité. On va
majorer des montants, on met des services à ta disposition, mais on s'attend à
ce que... on s'attend à ce qu'il y ait quelque chose de ton côté aussi.
Donc, dans vos discussions sur le projet
de loi, je vous suggère, dans la trousse, d'avoir une réflexion sur la
révocation possible de ces augmentations-là ou ces bonifications-là. À quel
moment on va décider qu'on les utilise peut-être même pour changer une
dynamique? Est ce que, dès que quelqu'un va... n'ira pas dans un cours après
une semaine, on va décider qu'on lui coupe ses majorations? Alors, c'est des
enjeux intéressants, pertinents à discuter et ils sont inévitables, bien sûr,
quand on veut aller dans une dynamique de proximité, comme vous le suggérez.
Mme Rouleau : Bien, vous avez
pu constater tout l'aspect éminemment humain du ministère et des gens qui
répondent et reçoivent les personnes qui font la demande d'aide de dernier
recours et à qui on propose d'emblée lorsque c'est la première fois qu'ils
arrivent, là, d'aller sur le programme. Et là on... qui fonctionne, qui
fonctionne bien et qu'il y a une rétention, les gens demeurent en emploi, ça va
assez bien. Et puis... Mais il y en a pour qui ça... qui sont sur l'aide
sociale, qui vont sortir et qui vont revenir. Puis on leur dit : Bien,
vous pouvez avoir accès au programme lorsque vous revenez. Et là vous dites que
ce n'est pas nécessairement une bonne idée. Pourquoi?
M. Blais (François) : Non,
non, c'est une très bonne idée. Non, non.
Mme Rouleau : Ah! ce n'est
pas ce que j'ai compris.
M. Blais (François) : Ah!
pardon. Je m'excuse, je m'exprime mal. Donc, c'est une très bonne idée
d'inviter les gens à pouvoir participer à des programmes, d'avoir une
évaluation individualisée de ce qu'ils ont besoin et tout ça. Ce que j'ai
mentionné, c'est que vous comptez... et c'est une très bonne idée aussi de
majorer les montants qui sont accordés, Objectif Emploi le fait aussi, donc...
mais, en contrepartie, vous allez créer une relation de réciprocité, hein?
Donc, il y aura comme une forme de contrat qui va être entre la personne et le
ministère. Vous vous engagez, hein, puis nous, on s'engage de notre côté. Mais,
bien sûr, si ce contrat-là est brisé, et vous le savez, il va être brisé assez
fréquemment, ça arrive assez fréquemment, malheureusement, bien, il faut
trouver une façon de gérer un peu, hein, la fin ou la continuité de ce
contrat-là. C'est le principe de révocation, hein?
Mme Rouleau : Vous avez
réfléchi au programme de revenu de base et vous avez proposé, bon, évidemment,
que ce soit pour les personnes qui ont des contraintes sévères, persistantes à
l'emploi, et établi aussi que c'est à partir de 66 mois sur 72 que les
personnes obtiennent... à partir de la solidarité sociale, obtiennent le
programme de revenu de base avec une majoration de 57 %, là, environ, que
nous avons établi. Pourquoi avez-vous déterminé que c'est 66 mois sur 72?
M. Blais (François) : Il
fallait un critère. On savait que c'était un nid de guêpes et on voulait passer
le projet, et le premier ministre Couillard voulait qu'on réussisse avec ce projet-là
parce qu'on voulait changer la donne aussi. Donc, ce que le ministère nous
disait, c'est qu'après un certain nombre de mois... pardon, d'années à la
solidarité sociale, il y a très peu de retour en arrière. Les gens restent
parce que les problèmes n'ont pas été résolus, alors qu'avant deux ans, trois
ans, il y a plusieurs personnes qui ont réglé leur problème de santé et qui
sortent de la solidarité sociale. À partir de cette évaluation là, à partir, il
faut bien dire, des sommes qui est à notre disposition aussi, on a décidé de ce
critère-là. Ça pourrait être un autre critère. J'ai commencé en disant :
C'est un nid de guêpes. Vous comprenez pourquoi? Parce que c'est assez
difficile de définir exactement, avec exactitude et équité, finalement...
M. Blais (François) : ...qu'est-ce
qu'une contrainte sévère... mais ça nous permettait d'avoir un critère
relativement facile à gérer qui s'applique automatiquement. C'est-à-dire que
dès que vous atteignez ce seuil-là, vous n'avez pas à retourner, hein, pour
faire évaluer votre situation, vous avez droit -automatiquement ça. Non, mais
on pourrait imaginer d'autres critères, il pourrait y avoir un débat là-dessus,
mais je pense qu'on serait encore en commission parlementaire si on avait
ouvert la boîte de Pandore.
Mme Rouleau : Une boîte de
Pandore.
M. Blais (François) : Oui,
parce que c'est assez difficile, hein, j'ai remarqué que vous-même, vous
réfléchissez ou même vous proposez de changer un peu la définition, hein, de...
et santé ou contrainte sévère. Moi, j'aimais bien contrainte sévère, dans ma
perception...
Mme Rouleau : C'est-à-dire
contrainte en emploi... contrainte en emploi versus contrainte de santé. Ça
n'empêche pas la sévérité, mais c'est de distinguer la capacité d'aller... la
capacité de travail pour mieux se centrer sur l'état de la personne et inclure
la dimension de santé mentale et des enjeux psychosociaux.
M. Blais (François) : Oui. À
ma connaissance, la santé mentale était bien reconnue, à ma connaissance, mais
là vous avez des informations que je n'ai pas vues, donc vous pourrez les
présenter, bien sûr, à vos collègues. Parce que ce que je me souviens, c'est
qu'à la solidarité sociale il y avait beaucoup de personnes qui avaient des
problèmes de santé mentale et même aussi Objectif emploi, mais ça vous avez
mieux... plus d'informations que moi.
Moi, j'aimais bien le critère auparavant,
j'avais vérifié avec d'autres provinces. Si je me souviens bien, encore une
fois, le ministère va vous informer là-dessus, on avait quand même une bonne
proportion de personnes qui étaient reconnues avec l'ancien critère quand on
comparait avec les autres provinces. C'est peut-être de dire... ça veut
peut-être dire qu'on était généreux finalement et inclusifs, mais bon, ça, vous
aurez les discussions là-dessus. Je n'ai pas les moyens et les ressources
d'avoir une discussion avec vous là-dessus.
• (15 h 50) •
Mme Rouleau : Et vous avez
terminé tantôt en parlant du revenu minimum garanti, n'est-ce pas, qui a été
votre dada longtemps, avant que vous deveniez député et ministre.
M. Blais (François) : Vous
pouvez même dire «marotte», Mme, ça me fait plaisir.
Mme Rouleau : Parlez-moi de
l'équité entre ce... le revenu minimum garanti et la personne... donc pour
tous, là, c'est ce que vous souhaitez, proposez, et la personne qui travaille.
Quel est l'intérêt de travailler au salaire minimum 40 heures lorsqu'on a
le revenu minimum garanti? Est-ce que... ma question est aussi : Est-ce
que l'emploi, le travail, ce n'est pas par le travail qu'on se valorise, que la
personne a toute sa fierté?
M. Blais (François) : Bien
sûr, bien sûr. Non, mais le revenu garanti, ce n'est pas l'aide sociale. L'aide
sociale est une forme de revenu minimum garanti qui date des années 60,
qui est une forme de revenu... garanti du passé. Pourquoi? Parce qu'elle piège
beaucoup trop de personnes. Parce que le taux de récupération des sommes quand
ils quittent, de l'aide sociale, est 100 %. Moi, mon taux de taxation est
de 50 %. Quand je prends un emploi supplémentaire, il me reste 50 %.
Quand un assisté social veut quitter l'aide sociale, il doit, après l'avoir...
après avoir, disons, un petit 200 $ d'exemption, il est taxé à 100 %.
On connaît ça depuis les années 60-70. Donc, ce qu'il nous faut, c'est des
mécanismes. Et il ne faut pas chercher loin, Mme, ça existe déjà au Québec, on
a déjà des mécanismes. Il y a une autre époque assez lointaine où les
allocations familiales étaient un problème à l'aide sociale, parce qu'on
considérait qu'elles étaient trop généreuses... étaient trop généreuses pour
les assistés sociaux et pas assez pour les pauvres qui travaillent. Qu'est-ce
qu'on a fait? On a sorti les allocations familiales, hein, de l'aide sociale et
maintenant c'est alloué à tout le monde, hein, selon les revenus. Et c'est
décroissant, ça n'empêche personne d'aller travailler. Ça va être la même
chose, le crédit d'impôt de solidarité, c'est la même chose. Vous donnez un
crédit impôt de solidarité aux assistés sociaux, vous le donnez aussi aux
pauvres qui travaillent, heureusement, vous le donnez aussi aux pauvres qui
travaillent.
Quand ils vont sortir de l'aide sociale,
les assistés sociaux, ils les ont encore, leur crédit d'impôt de solidarité. Le
revenu de base, c'est une forme de crédit d'impôt de solidarité, très majoré.
Et un jour, il va quitter, j'en suis certain, le ministère pour aller au
ministère du Revenu. Et ce n'est pas nuisible à l'emploi, simplement parce que,
quand les gens travaillent, ils sont récompensés pour leur travail. Ils en
gardent, ils en gardent un peu plus. Donc, c'est toute la logique de revenu
minimum garanti, ce n'est pas de payer des gens à ne rien faire. On paie les
gens à ne rien faire à l'aide sociale, parce qu'on leur dit : Si vous
allez travailler, vous allez perdre la totalité de votre chèque. Ça, on le
fait. Donc, il faut avoir un mécanisme plus souple. On en a déjà un certain
nombre déjà, de mécanismes plus souples, qui font en sorte que, quand ils vont
travailler, ils sont moins pénalisés. Ce n'est pas une idée de gauche ni de
droite, ce que je viens de vous dire, là, Mme, c'est simplement...
M. Blais (François) : ...pure
logique économique. Et les assistés sociaux comprennent très bien la situation
dans laquelle ils sont dans la grande majorité. C'est ma marotte.
Mme Rouleau : Vous
auriez aimé pouvoir instaurer cela lorsque vous étiez au gouvernement.
M. Blais (François) : Non,
je ne suis pas venu pour ça. Je suis venu pour d'autres... d'autres enjeux
politiques. Mais le premier ministre voulait qu'on mette le Québec dans la voie
d'un revenu minimum garanti. Le premier pas, c'est, je crois, le revenu de
base. Le second pas, ce ne sera pas le revenu de base. À mon avis, ça va être
une bonification importante du crédit d'impôt solidarité et mettre en
conjonction le revenu de base avec le crédit d'impôt de solidarité. Et
progressivement, avec les années, je crois qu'on va arriver à une forme d'impôt
négatif qui va être un progrès par rapport au programme de revenu minimum
garanti qu'on a hérité des années 60, qu'on appelle l'aide sociale.
Mme Rouleau : Et
concernant le travail pour des personnes qui sont sur l'aide sociale, le
supplément de revenu de travail, on n'a pas changé depuis 20 ans le
200 $ qui est... qui est permis. Pourquoi ne l'avez-vous pas bonifié?
Peut-être ne le pouviez-vous pas. Mais qu'est-ce que vous auriez aimé faire...
proposer?
M. Blais (François) : La
définition du montant que l'on verse à l'aide sociale et la définition de ce
seuil-là n'est pas liée à notre richesse collective. On pourrait, je ne sais
pas, trouver du pétrole et vouloir l'utiliser, devenir très riche. Le niveau
d'aide sociale n'augmenterait pas. La définition du montant d'aide sociale que
l'on accorde elle est liée à la structure des salaires des plus faibles dans la
société. Et augmenter l'aide sociale, c'est faire en sorte que des gens se
posent la question : Est-ce ça vaut encore la peine de travailler ou
d'aller... Vous comprenez? Donc... Alors, ce 200 $, je ne me souviens pas,
même pas, de l'avoir évalué. Je préférais qu'on aille vers un revenu de base où
il y aurait une forme d'exemption partielle avec un seuil, bien sûr, on
pourrait en parler, hein, qui était beaucoup plus généreuse et qui facilite
beaucoup plus la prise d'emploi.
Mme Rouleau : Bon. Donc,
le revenu de base plutôt qu'un supplément de revenu de travail?
M. Blais (François) : Non.
Je ne suis pas contre le supplément de revenu travail. Je regarde exactement
les chiffres, ce que ça donne. C'est les économistes en général qui peuvent
nous dire plus...
Mme Rouleau : ...que les
gens du ministère vous en ont parlé.
M. Blais (François) : Oui.
Ah! oui. Oui, c'est certain. Je me souviens plus de... Dans le fond, le seul
hic, c'est les effets d'attraction, hein, ce que vous avez... ce qu'on appelle
les effets d'attraction. Quand on accorde ça, quand on... un seuil au moment
duquel la personne qui se lève le matin, qui va travailler au dépanneur... J'en
avais une... J'en ai vu une, hier, qui était là depuis 9 heures le matin
au dépanneur. Il était 8 heures du soir. Est-ce que cette personne-là va
se dire : Bien, finalement, moi, avec tous les avantages qu'on retrouve
là, est-ce que ça vaut vraiment la peine de faire ce boulot, hein? Donc, c'est
ce différentiel, qui est malheureux, qu'on doit entretenir à cause de la nature
même du programme d'aide sociale. Vous avez raison, 200 $, ou 300 $,
ou 400 $, ça peut faire une différence, mais en même temps, ça peut
diminuer ce différentiel-là. Et là, il y a un enjeu d'attraction.
La Présidente (Mme D'Amours) : 20 secondes,
Mme la ministre.
Mme Rouleau : Bien,
écoutez, je vous... Auriez-vous quelques... Qu'est-ce que vous aimez dans la
modernisation qu'on propose?
M. Blais (François) : Bien,
j'ai retenu un certain nombre de choses puis je pense que vous avez raison de
continuer sur les plans individuels... individualisés, pardon. Vous avez raison
de le faire. Je pense que ça va être difficile. Il y en a... Il y en a eu par
le passé. Les résultats sont difficiles. Vous êtes avec une clientèle qui est
beaucoup plus éloignée du marché du travail aujourd'hui. Donc, ça prend des
investissements importants. Puis je vous souhaite de pouvoir réussir...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions avec le temps de la
ministre. Je... Je cède maintenant la parole, pardon, à la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Merci, Mme
la Présidente, et merci, Pr Blais, d'être avec nous aujourd'hui. On a bien
regardé le document et on a pris beaucoup de notes, beaucoup de questions, moi
et ma collègue. Ça fait qu'on va y aller l'une après l'autre. Gains de travail.
Donc, vous avez parlé du PRB, 66 mois sur 72, parce qu'après un certain
moment de temps, c'est difficile d'y retourner. Alors, au niveau des gains de
travail, on a 200 $ en pleine pénurie de main-d'oeuvre. Ce n'est pas le
cas dans votre temps, je comprends, et... le coût de la vie. Est-ce que le
200 $ de solidarité sociale, est-ce que vous trouvez que ça a de l'allure?
Parce que ça, c'est comme... Ça pénalise les gens d'aller chercher un peu plus
de fonds, de sous.
M. Blais (François) : Si
je me souviens bien, il y avait une surreprésentation...
M. Blais (François) : ...sont
des personnes qui déclaraient 200 $. On se demandait comment ça que tout
le monde arrêtait à 200 $. Et puis, s'il y a 300 $, peut-être qu'il y
aura une surreprésentation des personnes qui vont déclarer 300 $. Le
problème avec cette stratégie-là... je la comprends très bien, mais, à la suite
de cela, vous êtes frappé par un taux de récupération de 100 %. C'est pour
ça que les gens déclarent massivement 200 $. Si c'est 300 $, ça sera
300 $.
Donc, il est préférable... c'est la pure
logique, disons, économique, il est préférable de diminuer le taux de
récupération. Ça, c'est difficile à faire. C'est ce que fait le crédit d'impôt
de solidarité, hein? L'avantage du crédit d'impôt de solidarité, c'est :
quand vous allez travailler, vous le gardez pendant un bon bout de temps, puis
il diminue tranquillement, tranquillement, jusqu'à s'effacer complètement.
Mme McGraw : Programme de
solidarité sociale, qui va être fusionné maintenant, donc disparaître,
effectivement, qui était un peu un pipeline envers le PRB, qu'est-ce que vous
pensez de ce fusionnement-là et essentiellement de la disparition du programme
de solidarité sociale, et ensuite de cette distinction ou cette nouvelle
approche de regarder plutôt les contraintes de santé et non les contraintes en
emploi? Je pense que vous avez dit que vous auriez bien gardé la formule
antérieure, mais j'aimerais vous entendre plus clairement.
• (16 heures) •
M. Blais (François) : Vous
avez deux questions. La première, je n'ai pas de réponse. J'ai l'impression que
c'est plus de nature administrative. Je ne vois pas très bien les enjeux. Il va
peut-être y en avoir, et ça sera à vous d'en discuter ensemble.
Dans la deuxième, c'est vraiment,
disons... Je sais que certains sont très inquiets par ce changement-là. Moi, je
n'ai pas d'idée. Je pense que vous aurez l'occasion d'en discuter, de bien
comprendre les enjeux.
Moi, ce que j'aimais dans... ce que j'aimais,
c'est qu'on tenait compte, pour statuer sur les contraintes sévères... je crois
qu'on tenait compte aussi de la situation sociale de la personne, surtout des
personnes qui sont fortement désaffiliées. Il y en a pas mal. Quelqu'un qui n'a
pas de handicap, mais, Bon Dieu, ça fait des années et des années qu'il roule,
et puis ça ne va nulle part, et on voit qu'il y a des problèmes de santé
mentale, mais ce n'est pas diagnostiqué, j'avais l'impression... et je peux me
tromper, vous aurez des discussions là-dessus puis vous aurez plus
d'information que moi, j'avais ce sentiment qu'on était plus... on intégrait
mieux ce type de situation. Mais vous verrez, lors de vos discussions, si c'est
le cas.
Mme McGraw : Vous avez parlé
de plans individualisés, approche individualisée qu'on... je pense, qu'on
salue, c'est justement les deux chèques, les deux chèques, ça va être séparé
pour les couples. Par contre, les montants ne vont pas changer. Est-ce qu'on
peut vous entendre sur le fond? Est-ce qu'il y a des raisons pour lesquelles...
parce qu'individualiser, c'est aussi libéral, pour être contre individualiser,
non seulement les chèques, mais les montants pour respecter l'individu et...
peu importe leur statut de couple ou non?
M. Blais (François) : L'individualisation,
c'est l'arrêt qui m'a donné le plus de problèmes avec le programme de revenu de
base, et le ministère des Finances a tout fait pour ne pas que ça arrive, parce
que c'est contraire à à peu près la base de la structure sociale de la société,
qu'il y a une coresponsabilité quand on vit avec quelqu'un, etc. Moi, je crois
que c'est une mesure du XXIe siècle, peut-être du XXIIe, peut-être je me trompe
de siècle, et qu'il faut arriver à ça.
Le problème politique, c'est qu'il n'y a
aucun parti politique qui n'a jamais discuté de ça pour le moment. C'est une
discussion entre quelques philosophes, hein, dans les universités.
Et l'autre problème, c'est que ça crée un
effet d'attraction et un déséquilibre parmi les citoyens si on commence à
individualiser ici, mais on n'individualise pas là. Parce que, pour ceux que ça
avantage de voir l'aide sociale individualisée, il y en a d'autres qui ont des
revenus, par exemple, qui aiment bien pouvoir, par exemple, prêter une
partie... envoyer une partie de leur REER à leur conjoint ou autre, vous voyez?
Donc, c'est une déstabilisation importante du système fiscal et parafiscal,
l'aide sociale, c'est un système parafiscal, importante.
Moi-même, je ne peux pas évaluer toutes
les conséquences possibles d'une individualisation, mais ce que je vous dis,
c'est qu'il y a un effet d'enchaînement. Si on demande l'individualisation
d'une part, et il faut le faire, je pense, comme finalité, il faut bien
comprendre qu'il y aura un effet d'entraînement par la suite sur d'autres
programmes et qu'il y aura des gagnants, mais il y aura aussi des perdants.
C'est pour ça que le gouvernement qui va vouloir s'attaquer à ça est mieux
d'être, disons, bien installé dans ses bottes parce que ça sera assez
difficile. C'est un gros, gros enjeu, assez complexe.
Mme McGraw : Mais, en
principe, c'est une bonne idée à viser éventuellement.
M. Blais (François) : Pourquoi...
16 h (version non révisée)
M. Blais (François) : ...dans
un monde philosophiquement libéral, disons, l'État n'a pas à évaluer la nature
des arrangements économiques entre les personnes. Il y a différents types d'arrangements
économiques. Ça, c'est le principe, c'est la philosophie, mais on est dans un
monde bien différent aujourd'hui, donc c'est un enjeu auquel j'adhère, mais je
suis conscient des difficultés. Je suis conscient que la ministre ne peut pas
porter ça pour elle-même non plus, seule. Voilà.
Mme McGraw : Et question
finale de ma part, vous avez souligné des aspects positifs par rapport au
projet de loi. Quel serait, selon vous, l'effet, là, un recul? Qu'est-ce qui
serait, selon vous, l'aspect le plus problématique de ce projet de loi qu'il
faudrait retravailler pour justement la justice sociale, entre autres?
M. Blais (François) : Un
recul? Écoutez, je sais qu'il y a eu des discussions, mais j'ai peu de...
beaucoup de discussions sur les femmes chefs de familles monoparentales et tout
ça, et je ne suis pas apte à juger de ça. Je pense qu'il y a un problème, puis
que vous pourriez le regarder, mais ça prendrait vraiment des études du
ministère. Je pense que les femmes chefs de famille monoparentale sont
particulièrement piégées à l'aide sociale, et que les conséquences humaines de
ce piège-là sont extrêmement importantes. Je pense que, sans pouvoir le
démontrer, et je me souviens très bien d'une rencontre avec une personne qui
était dans un organisme communautaire qui conseillait les gens sur leur budget,
et elle me disait : Il n'y a pas moyen de les convaincre de prendre un
emploi parce que ce n'est pas assez payant pour elles de le faire. Ça, c'est ce
qu'on appelle un piège. Moi, je veux qu'on aide les gens et je ne veux pas qu'on
les empêche de prendre un emploi, mais c'est une situation très délicate. C'est
pour ça que je n'ai pas le niveau d'information pour prendre une position là-
dessus, et puis je ne veux pas non plus conseiller la ministre.
Mme McGraw : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Bon,
je cède maintenant la parole à la députée de Bourassa-Sauvé pour 2 min 30 s.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Pr Blais, c'est toujours un... c'est toujours un charme de
vous entendre. Manifestement, votre expertise est toujours très pertinente.
Vous avez mentionné que les... les
prestataires donc lorsqu'ils ont des... des interventions avec les agents d'aide
à l'emploi, qu'à 90 % donc ils sont très satisfaits de ces interactions
parce qu'elles sont très humaines. On voit donc tout le... on les voit donc
déployer donc leur... leur rôle un peu donc de travail social dans ces
interactions. Comment ces agents d'aide donc pourraient être mis à profit non
seulement pour, bon, l'intégration en emploi, mais également donc pour le
maintien à l'emploi? Est-ce que le projet de loi s'intéresse beaucoup donc à...
bien évidemment, donc, se penche sur son intégration? Mais vous l'avez
vous-même dit donc les travailleurs donc d'aujourd'hui... en fait des
prestataires encore plus éloignés du marché du travail qu'ils ne l'étaient.
Donc, on comprend que l'intégration en emploi, c'est une chose, mais le
maintien pour s'assurer que le... que le... que ça se passe bien pour eux, c'est
un autre défi. Donc, comment les agents d'aide pour être mis à profit pour le
maintien à l'emploi?
M. Blais (François) : Je n'ai
pas la compétence pour répondre à la question. Je pense cependant qu'Objectif
emploi a permis aux agents d'aide emploi de développer des compétences, je
crois. Avec ce profil-là, ces personnes-là, la façon d'intervenir... et si c'est
le cas ici, ça peut permettre à d'autres, et ça, encore une fois, là, le
ministre nous le dira, hein, si ces compétences-là peuvent servir avec l'expansion
finalement des... de certains principes d'Objectif emploi, bien, je pense que
ça, c'est une bonne nouvelle. Mais je ne peux pas aller au-delà de ça pour...
pour pour votre question.
Mme Cadet : Ensuite, pour le
volet de la participation active, vous avez dit que vous étiez prudent sur ce
volet. Vous parliez donc des personnes... donc en fait que ça pouvait si les
personnes elles demeuraient en situation de sous- employabilité. Donc, j'aimerais
vous entendre développer là-dessus.
M. Blais (François) : Bien,
dans un contexte où il y a... il y a beaucoup de chômage, les employeurs ne
vont pas aller prendre les... ceux qui sont les plus fragiles parce qu'ils
demandent beaucoup d'investissement et de temps tout ça. Dans un contexte où il
y a... on l'a vu ces dernières années, il y a au contraire beaucoup d'emplois,
les employeurs ont été forcés, ce n'est pas facile, ils ne sont pas contents,
mais de prendre des gens qui sont beaucoup plus fragiles. Ils doivent les
encadrer davantage. C'est lourd, ça prend du temps, ça coûte cher. D'accord?
Mme Cadet : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. C'est tout le temps que nous avions avec la députée. Je cède
maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente, et merci pour votre présentation, M. Blais. C'était très
intéressant, notamment vos suggestions de projets pilotes. Vous qui avez mis
sur pied le revenu de base, vous avez peut-être constaté à quel point c'est un
programme qui est bien reçu. Presque tout le monde qui est passé ici nous a dit
que la solution en fait serait d'élargir à tous l'accès au revenu de base...
Mme Labrie : ...l'Association
de la santé publique le recommande également. Donc, même dans les mémoires de
gens qui ne sont pas venus ici, c'est ce qu'on retrouve comme recommandation.
Qu'est-ce que vous en pensez? Pourquoi on n'élargirait pas l'accès au revenu de
base pour s'assurer de remettre les gens en mouvement?
M. Blais (François) : Bien,
on peut, mais il faut éviter des problèmes d'équité horizontale entre
différentes catégories de personnes. Donc, structurellement, on peut
l'appliquer à différentes personnes. J'ai entendu, je pense, même les
personnes... le soin à domicile, tout ça, là. Je n'ai jamais réfléchi à ça,
mais on pourrait imaginer, comme c'est une forme de crédit d'impôt
remboursable, ça pourrait être géré éventuellement. Mais moi, je pense que la
deuxième étape, mes amis des associations des personnes handicapées ne seront
pas contents de m'entendre... mais, la deuxième étape, c'est plutôt d'aller
maintenant vers les personnes qui sont à l'aide sociale et la renforcer ou
de... ou de diminuer la structure qui fait en sorte qu'ils sont piégés. Ce
serait ça mon plan. Je ne reviens pas en politique, donc n'ayez pas peur de
moi, mais ce serait... ce serait mon plan. Et il faut préparer chacun d'entre
vous une campagne électorale. C'est sûr que le crédit d'impôt de solidarité a
des défauts, je peux tous... vous les nommer, mais une amélioration
substantielle du crédit d'impôt de solidarité... Le crédit d'impôt de
solidarité, c'est la baisse d'impôt des pauvres, hein, d'accord, parce que
baisser les impôts des pauvres... comme ça qu'il faut faire. Et donc plus on va
l'augmenter, plus les gens un... à chaque dollar de crédit d'impôt solidarité
qu'on donne à quelqu'un, on diminue une fraction, très, très peu, de son taux
de récupération, parce qu'il a moins besoin d'argent pour sortir,
éventuellement, de l'aide sociale. Si j'avais à faire de la politique et à
présenter ce que... la prochaine étape, moi, j'irais par majoration
substantielle, coûteuse, je le reconnais, du crédit d'impôt de solidarité.
• (16 h 10) •
Mme Labrie : Donc, il y a
plusieurs moyens d'y arriver. Vous en... vous en proposez un, l'élargissement
du revenu de base en serait un autre. Mais vous êtes d'accord sur le principe
que, quand on maintient les gens dans un état de grande précarité financière,
ça devient en soi une contrainte à retourner sur le marché du travail, le fait
d'être en mode survie.
M. Blais (François) : Oui,
puis c'est intéressant, parce qu'avec le... Puis je suis content que le
ministre, je pense, reprend à peu près ces montants-là, mais avec Objectif
emploi, on a été assez généreux dans les majorations, beaucoup plus importantes
que les majorations du passé, et je crois que ça a donné des résultats
intéressants. Ils sont encore dans le piège. Plus vous augmentez les
prestations, plus le piège s'approfondit, mais, et en même temps, ils étaient
en accompagnement pour sortir du piège. Donc, vous comprenez, ça pourrait être
intéressant, mais le dilemme de l'aide sociale, qu'on connaît depuis longtemps,
c'est que plus vous augmentez la prestation... c'est pour ça qu'on n'a pas fait
un revenu de base pour les personnes handicapées, en vous disant : On va
faire un gros solidarité sociale pour eux, parce que les associations auraient
refusé, parce que ce serait l'équivalent de leur donner une rente d'inactivité,
comme est détaxé, comme ils peuvent aller travailler sans être pénalisés, à ce
moment-là, on a joué sur les deux plans.
Mme Labrie : Exact. Bien,
c'est pour ça que je vous soumets que ça pourrait être une bonne piste
d'action, justement, pour remettre en action les gens, d'élargir l'accès au
revenu de base, parce que ça... ça vient enlever ce piège-là, de leur permettre
de retourner au travail.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
Mme la députée, c'est tout le temps que nous avions. Nous allons maintenant
entendre le député de Jean-Talon pour son temps de parole.
M. Paradis : L'un des
éléments centraux de ce projet de loi, c'est son article 35, qui fait en
sorte que toute personne, désormais, qui fera une demande d'assistance sociale
va participer obligatoirement au programme Objectif emploi. Vous en avez parlé
vous-même avec affection tout à l'heure de ce programme-là, puisque vous en
avez la paternité, je le comprends.
M. Blais (François) : Je me
rappelle bien vos collègues, aussi, de l'époque.
M. Paradis : Oui. Cependant,
l'Union des consommateurs est venue nous parler de plusieurs études
internationales qui démontrent que cette approche de l'activation ou du
workfare n'est pas efficace pour sortir les personnes de la pauvreté, que
d'imposer d'y participer, bien, ça a un bilan assez... assez mitigé au plan
international. Et plus tôt aujourd'hui, on a également eu le témoignage du
Syndicat de la fonction publique du Québec. Donc, ceux qui font fonctionner le
programme et qui nous disent qu'il n'y a pas de preuve que ça fonctionne.
Qu'est-ce que vous leur répondez? Parce que, vous-même, tout à l'heure, hein,
vous avez dit : Bien, le programme a atteint tous ses objectifs, puis là
vous vous êtes repris, vous avez dit : Certains de ses objectifs. Je ne
suis pas sûr, là, je ne me souviens pas des mots exacts, mais qu'est-ce que
vous en pensez, vous, de ce bilan-là? Et quel bilan faites-vous?
M. Blais (François) : Le
bilan, ce n'est pas moi qui le fais, on va laisser les fonctionnaires. Moi, je
suis en conflit d'intérêts sur le bilan, hein, on va laisser les fonctionnaires
le faire. Et ils l'ont fait de bonne façon, avec une analyse statistique
rigoureuse. Le bilan est positif, ça veut dire que c'est mieux que ce que
c'était en termes de sorties, de prises d'emploi, même de salaire. Ça, c'est
prouvé. Ceux qui indiquent le contraire, mais qu'ils viennent nous dire comment
ils font pour indiquer le contraire. Cependant, on a eu ces discussions-là,
lors de l'Objectif emploi, Objectif emploi, ce n'est pas du workfare, ça n'a
rien à voir avec le workfare. Le workfare, c'est dire à quelqu'un...
M. Blais (François) : ...toi,
tu es assisté social, tu vas aller maintenant travailler. Tu vas garder ta
prestation, mais on va t'en donner un petit peu plus, mais tu vas aller
travailler ici, tu vas aller travailler là. Objectif emploi, on est vraiment
dans la logique d'accompagnement. Priorité, éducation si possible. Ensuite,
bien sûr, accompagnement si les difficultés sont plus importantes. C'est pour
ça qu'on a vraiment bien dosé, je crois — en tout cas, les chiffres
semblent l'indiquer — on a bien dosé le programme pour éviter le
«workfare». Le «workfare», c'est un mot, un «buzzword» qu'on utilise parfois et
qui s'applique assez mal à -Objectif emploi, mais qui s'appliquerait à des
tentatives qui ont été faites, notamment dans les années 70-80 en
Angleterre.
M. Paradis : Donc, vous
construisez, vous vous dites que c'est le bilan est suffisamment positif en
tout cas, pour qu'on puisse construire dessus et et en faire encore plus la
pierre d'assise du régime, parce que c'est un peu ce que le projet de loi
semble vouloir faire.
M. Blais (François) : Oui, on
peut construire, mais je n'ai pas dit que ça allait facile. Ce n'est pas une
clientèle facile, un. J'ai dit aussi que la clientèle la plus facile, je l'ai
pris pour moi, et puis on a pris les plus jeunes parce qu'on savait, on savait,
toutes les études le montraient, qu'on avait plus de chances avec eux. Jamais,
je ne serais allé à Objectif emploi pour une... pour une grande catégorie de la
population avec des contraintes, des pénalités. Je serai encore en commission
parlementaire.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
infiniment, M. Blais, pour votre contribution à nos travaux. Avant de conclure
les auditions...
Des voix : ...
La Présidente (Mme D'Amours) :
Avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des personnes
et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.
Donc, la commission ayant accompli son
mandat ajourne ses travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à 16 h 15
)