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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mercredi 9 octobre 2024 - Vol. 47 N° 70

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 71, Loi visant à améliorer l’accompagnement des personnes et à simplifier le régime d’assistance sociale


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures quatorze minutes)

La Présidente (Mme D'Amours) : Alors, bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 71, Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Dufour (Abitibi-Est) est remplacé par Mme Blais (Abitibi-Ouest); Mme Tremblay (Hull) est remplacée par Mme Poulet (Laporte); Mme Dufour (Mille-Îles) est remplacée par Mme Prass (D'Arcy-McGee); Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey) est remplacée par Mme McGraw (Notre-Dame-de-Grâce); et M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) est remplacé par Mme Labrie (Sherbrooke).

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Nous entendrons ce matin les témoins suivants, soit Renaissance Québec et la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre. Je souhaite maintenant la bienvenue à Renaissance Québec. Je vous rappelle, chers invités, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.

M. St-Arnaud (Éric) : Bonjour. Mon nom, c'est Éric St-Arnaud, directeur général pour Renaissance Québec, et je vous présente Guillaume Rousseau qui est conseiller aux affaires publiques pour Renaissance Québec.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.

M. St-Arnaud (Éric) : Bien, merci de l'invitation, monsieur, madame, pour la Commission de l'économie et du travail. Je me suis présenté, je travaille pour Renaissance Québec. C'est... Personnellement, c'est... c'est intimidant de venir vous voir parce que je fais partie de la classe ouvrière. Premier diplômé, j'ai fait un programme d'insertion il y a 32 ans et je réussis aujourd'hui à être diplômé. Donc, je tiens à cœur ce que je fais comme travail énormément. Je tiens à le dire, là, ça me permet de me déstresser en vous parlant. Donc, je viens de la ville de Québec aussi. Donc... Et c'est la première fois que je dis que j'ai fait un parcours d'insertion. Donc, Renaissance Québec, c'est quoi? C'est une organisation qui a été créée à Montréal...

M. St-Arnaud (Éric) : ...Montréal. On est à peu près 1 500 employés. On est dans la moitié des régions administratives de la province de Québec. On soutient à peu près 3 000 personnes à intégrer le marché du travail dans la province de Québec par année. On est un partenaire avec Services Québec de longue date et on autofinance plusieurs de nos programmes. Mais on n'est pas juste social, on est aussi environnemental. Le deuxième volet de Renaissance, c'est de dévier des sites d'enfouissement, là. On a dévié l'année dernière 27 000 tonnes des sites d'enfouissement puis on se dirige sur un 50 000 tonnes. Et notre but, ça serait d'aider un autre 10 000 personnes par année d'ici 2030‑2031 à intégrer le marché du travail.

Donc, le projet de loi, pour moi, no° 71, qui marque des changements importants dans le système d'assistance sociale du Québec, propose des réformes structurelles qui répondent à certains des enjeux de longue date auxquels les prestataires d'aide sociale sont confrontés, tout en introduisant des mesures visant à mieux soutenir leur réintégration socioéconomique. Certaines de ces réformes sont particulièrement prometteuses. Par exemple, la révision des définitions légales pour les fausses déclarations, ça permet de, bien, au lieu de pénaliser injustement certains groupes de prestataires, est un pas dans la bonne direction.

Ou encore le fait d'exclure les proches aidants avec une personne prestataire, la définition de conjoint est essentielle car elle met fin à des situations inéquitables à l'aide offerte pour les proches aidants naturels qui résulte dans une réduction des prestations pour le ménage. Il en est de même pour les exclusions des contributions parentales pour les jeunes adultes ne vivant plus avec leurs parents. Ça vient vraiment aider la réalité économique de ces jeunes et peut-être les propulser vers l'emploi par la suite.

Un autre point positif dans le projet de loi est l'ajout du supplément de prestation pour encourager le retour aux études. On sait que les études, c'est important de ne pas retourner au DAS. Ce soutien supplémentaire encourage les bénéficiaires à améliorer leurs qualifications et acquérir des compétences nécessaires. Moi, j'appelle ça un peu la mobilisation. C'est commencer par une mobilisation. Bien, s'ils veulent retourner à la DAS, c'est très bien. Puis on le sait, souvent, c'est l'argent qui bloque. Donc, ça peut être un élément structurant pour venir aider.

Cependant, ces initiatives sont bien louables, mais elles doivent être complétées par d'autres ajustements au projet de loi pour maximiser leur impact. Nous croyons fermement qu'il y a des mesures additionnelles qui doivent être mises en place pour s'assurer que chaque prestataire ait accès à un accompagnement réellement personnalisé et qu'il puisse progresser selon son propre rythme. Je pense qu'il faut sortir du carcan et d'aller vraiment sur un programme personnalisé. Nous sommes tous différents, puis on peut aider ces personnes.

Un élément central du projet de loi est la création d'un réseau régional d'accompagnement qui aura pour mission de superviser et d'accompagner les prestataires pour la mise en œuvre d'un plan de programme individualisé. Et si derrière... derrière cette... l'intention derrière cette mesure est positive, bien, on exprime certaines réserves sur le comment, comment elle va être mise en œuvre, pour être certain de ne pas... de ne pas le faire contre les réseaux qui existent présentement, mais comment on peut s'appuyer pour faire un ajout supplémentaire. Donc, on veut être certain que ce nouveau réseau ne vienne pas substituer, mais vienne collaborer avec les réseaux existants.

Bien, Renaissance fait partie du collectif, mais il y a d'autres réseaux d'employabilité qui existent. Il y a les forums régionaux qui existent avec Services Québec. Mais comment on peut faire en sorte que ça vient... C'est un ajout, mais ça ne vient pas... un ajout supplémentaire, mais de travailler en cohésion, mais pas ajouter un plateau supplémentaire.

Ça fait qu'on recommande donc que l'article 18 sur le projet de loi soit amendé pour y inclure de façon formelle des entreprises d'insertion dans les membres des réseaux d'accompagnement. L'introduction... Le deuxième élément, l'introduction du supplément de prestation pour le retour aux études, super note positive. Nous, on ajouterait les D.E.P. puis les CFMS, les certificats de... de certification de semi-spécialisé, parce que ce n'est pas vrai que tout le monde veut retourner faire son secondaire V. Et en même temps il y a des gens qui veulent aller dans des métiers spécialisés la mécanique, l'hôtellerie, les services. Et on le sait qu'aujourd'hui il y a des besoins criants qui vont être là pour les 10, 15 prochaines années.

• (11 h 20) •

Comment on peut faire les deux... deux choses en même temps, aider les gens à pouvoir aller à l'école dans des domaines... Vous le savez un D.E.P., on peut aller le faire en secondaire II. Si on a quitté le secondaire puis si on revient faire le secondaire, c'est une bonne chose au point de vue de l'État, au point de vue, dire, bien, on a atteint un niveau de secondaire V. Mais comment on peut individuellement aider ces gens-là? En laissant peut-être un programme. Donc, les inclure pourrait vraiment maximiser, puis faire une pierre deux coups, aider le marché du travail, mais aider vraiment chacune des personnes dans des métiers qui sont très intéressants, hein, il faut le dire.

En plus des modifications qu'on recommande au projet de loi, d'autres mesures réglementaires et extraréglementaires sont nécessaires afin d'assurer le meilleur accompagnement. Donc, par exemple, l'enjeu crucial abordé par la révision du montant du revenu d'emploi qui peut être exempté des prestations sans affecter le calcul de l'aide sociale, exactement, présentement, il est 200 $ par personne. Par ménage, il est 300 $. Il n'a pas été ajusté depuis 1990. Donc, on met... on est vraiment... On salue, là, le plan d'action du gouvernemental de la lutte...

M. St-Arnaud (Éric) : ...de 2024 à 2029, qui dit que le 10 % est exempté. Mais on croit qu'en même temps il faudrait revoir le montant de 200 $. Je le sais que ce n'est pas dans le projet de loi, mais c'est probablement dans les règlements, mais de prendre en note, je pense, ce serait intéressant parce que c'est vraiment l'argent qui peut bloquer, des fois. Parce que, vous savez, juste acheter l'autobus, bien, si on n'est pas capables, bien, l'argent, quand on le coupe immédiatement, ça peut être difficile. Donc, comment on peut inclure les gens pour qu'ils aient leur place au soleil, ça peut être des éléments supplémentaires au point de vue de l'évolution du coût de la vie. Donc on recommande de prendre l'évolution du coût de la vie des 30 dernières années pour voir ce qu'on peut ajouter dans le deuxième.

Puis, en fait, on recommande de bonifier les ententes prévues aux entreprises d'insertion ou les organisations pour des montants spécifiques pour soutenir les prestataires face aux difficultés qu'ils peuvent vivre dans leur participation à un programme d'insertion. Présentement, les programmes sont souvent cartonnés, mais ils ne sont pas pensés individuels. Puis il est difficile parfois de faire un programme individualisé. Ça fait que je salue le projet de loi qui veut davantage aller vers des programmes individualisés, ce qui devrait aider davantage d'individus, surtout les gens qui ont des grandes difficultés ou plusieurs pathologies additionnées ensemble.

Bien, un autre élément, c'est, bien qu'il soit possible pour les prestataires de se faire rembourser des frais de transport en commun qui est souvent géré présentement par l'État, bien, on préfère... Puis il est difficile pour eux d'avancer l'argent avant de payer. Ça fait qu'on dit : Bien, pourquoi les organismes qui travaillent en employabilité ne pourraient pas gérer cette portion monétaire?

Ça fait qu'en conclusion le projet de loi n° 71 ne réglera pas tout, il n'est pas parfait, mais il a un potentiel de transformer positivement le système d'assistance sociale du Québec. Ça fait longtemps qu'il n'a pas été revisité. Je vous félicite de le faire. Il... cependant des ajustements ciblés pour maximiser son impact et créer un cadre d'impact plus inclusif, flexible et résilient, et je mets le mot «flexible et résilient». Chacun des individus a le droit à sa place au soleil. Et, si on pouvait aider chacun, il est clair que le Québec en bénéficierait. Mais il faut vraiment travailler avec ces individus-là. Ils ont le droit à leur place. Puis ils ont perdu confiance en notre système et ils ont perdu confiance en l'autorité, souvent. Comment leur redonner confiance, bien, il faut travailler avec eux. Puis, des fois, bien, ça ne se fait pas en deux semaines, puis ça se fait, des fois, pas en six mois, c'est comment on le fait avec chacun des individus. J'ai vraiment confiance qu'on peut aider plus... un plus grand nombre d'individus.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir permis la parole.

La Présidente (Mme D'Amours) : M. St-Arnaud, merci beaucoup pour votre exposé. C'est comme si vous aviez toujours fait ça. Soyez sans crainte, vous pouvez revenir à toutes les commissions qui toucheront votre dossier. Maintenant, nous sommes prêts à commencer les échanges. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Rouleau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et merci beaucoup, M. St-Arnaud. M. Rousseau. Bienvenue. Et vraiment, merci de collaborer à cette commission qui nous permet de moderniser les régimes d'assistance sociale, qui n'a... ce qui n'a pas été fait depuis 20 ans, comme vous l'avez si bien mentionné. Puis bravo pour votre parcours et avoir tout le courage de le dire. Merci parce que c'est exactement ça qu'on veut. Je ne connais pas toute votre histoire, là, mais l'objectif de cette modernisation, c'est d'accompagner les gens, des gens qui sont éloignés du marché du travail et de les ramener, de les insérer, procéder à l'insertion sociale, participation sociale, éventuellement, en emploi. On agit de différentes façons, là, évidemment, l'accompagnement, la formation. Et puis c'est ça que vous... c'est ce que je comprends, vous êtes allés en insertion, formation, puis atteignez ce... enfin, vous êtes devenu une personne extrêmement importante dans le milieu, je le sais.

J'aimerais savoir quelles sont les plus grandes embûches qu'une personne, là, puis là, on parle des prestataires de l'aide sociale, parce que c'est... c'est le régime d'aide sociale, quels sont les plus grands... les plus grandes embûches qu'une personne peut rencontrer pour la réinsertion et pour aller en emploi, et même pour la formation? Puisqu'on a un volet formation, là, qu'on met en place aussi... que nous souhaitons mettre en place.

M. St-Arnaud (Éric) : C'est une excellente question. Je vous dirais... Je vais vous donner l'exemple. C'est... Je compare beaucoup l'employabilité à la dépendance. Et, dans le système de santé, on parle beaucoup de problématique de porte tournante, des gens qui ont une dépendance à la toxicomanie ou une dépendance. L'employabilité, pour moi, c'est un peu la même chose. C'est que, si on ne prend pas la personne puis on ne prend pas le temps...

M. St-Arnaud (Éric) : ...de le servir correctement, il va tourner dans tous les programmes qu'on a puis il ne trouvera sa place au soleil. Puis je trouve que c'est un... je sais que ce n'est pas la même problématique, mais, pour moi, c'est... ça reste un être humain. Donc, la première chose, c'est les embûches quand on sort de l'aide sociale ou qu'on veut s'en sortir.

J'ai rencontré une femme, voilà deux ans, que j'ai été visiter dans Hochelaga-Maisonneuve, et elle avait 11 enfants, elle n'avait jamais pris l'autobus de sa vie, jamais pris le métro de sa vie puis jamais sorti de son patelin, qui est Hochelaga-Maisonneuve, où ce que j'habite, et elle n'avait jamais sorti de là. Donc, pour elle, juste de se dire qu'il faut je me transporte pour aller à quelque part... On ne parle pas de l'argent de la garderie, on ne parle pas des enfants, la conciliation. Ça fait que, là, il y avait... il y a le transport.

Là, après ça, quand on arrive au travail, ils vivent... ils vivent déjà de la stigmatisation. Donc, il faut souvent y aller par progression, dans certains cas. Les programmes ont toujours été, dans le passé, dire : Bien, tu rentres à 35 heures, puis ça finit là, mais, en fait, ce n'est pas tout le monde qui a la capacité de commencer. Moi, j'appelle ça la mobilisation. Au début, il faut travailler avec la personne, sa mobilisation. Rentrer au travail, après la première journée, là, bien, une femme enceinte qui a arrêté de travailler un an, elle revient au travail, la première journée elle est brûlée. Ça fait qu'imaginez quelqu'un qui n'a pas travaillé pendant six ans puis qui a de la misère à accepter un employeur. Donc, juste travailler, c'est déjà quelque chose.

La nourriture, de se faire un lunch, déjà qu'on a de la misère à avoir de l'argent pour... Tu sais, nous, on a... Renaissance été fondée par le fondateur de Moisson Montréal. On a une belle entente avec Moisson, ça fait qu'on réussit à avoir de la nourriture, puis on fait des boîtes pour les gens pour qu'ils puissent se faire des lunchs. Mais les gens qui arrivent pas de lunch, c'est très fréquent, là, la première semaine.

Donc, imaginez, il faut que vous achetiez les billets d'autobus, vous allez faire vous rembourser plus tard. Là, après ça, il faut que vous ayez un lunch. Et là il y a toute la... l'acceptation de l'autorité, que j'appelle, moi. C'est qu'en fait ils ont perdu... ils ont perdu confiance en l'autorité paternelle et maternelle souvent, et après ça ils ont perdu confiance en l'État. Donc, comment on reprend confiance tranquillement? Et ça, ça se fait par pas.

Ça fait qu'il y a le transport, il y a la nourriture. Donc, c'est pour ça que le 200 $, quand on commence à couper immédiatement, ce n'est pas... ce n'est pas simple, là. Là, c'est sûr que, quand ils embarquent dans le parcours d'insertion, c'est plus simple parce qu'il y a un revenu dès le départ, mais ils ne sont pas là tout le temps, là. Ça fait que, là, ils se font couper parce qu'ils ne peuvent pas faire 35 heures. Il y a des embûches. Là, après ça, je vous ajouterais, il y a la santé mentale, il y a les enfants. Il y a beaucoup de monoparentales. Donc, il y a plusieurs embûches qu'il faut traverser avec ces personnes-là. Il faut...

Les organisations comme les nôtres, on travaille avec un écosystème complet, puis ça... C'est pour ça que je trouvais que le réseau était un élément central qui pourrait permettre d'aider la création de l'écosystème où ce qu'on pitche, excusez l'expression, la personne à dire : Bien, va te trouver ta nourriture, va te trouver ton logement, mais qu'il y ait une cohésion dans la communication. C'est ce que je trouve qui est manquant au Québec, et probablement bien ailleurs, c'est... il y a des filets qu'il y a des trous, puis la personne, elle tombe dans la craque parce qu'il faut qu'elle change de programme, puis là... mais cette personne-là, elle n'est pas... elle n'est pas dans la compréhension que nous... dans les programmes. Ça fait que c'est : comment on peut travailler en cohésion, parce que chacun, on a des expertises, puis ça ne sert à rien d'être... de devenir une épicerie avec toutes les expertises, mais comment on travaille pour créer un chaînon complet puis qu'on soit capable de travailler en cohésion.

• (11 h 30) •

Ça fait que les mutualisations de services pour aider les gens seraient... c'est des outils supplémentaires, surtout pour les éléments de base. Parce que, quand on sort des prestations, on est dans la base, on est vraiment dans la base. C'est... Quand vous avez quelqu'un qui vous dit qu'elle, ce qu'elle voit dans son frigidaire, c'est la lumière du frigidaire, tu sais, ça fait mal au cœur, tu sais. Ou, tu sais... Puis on l'entend. Ça fait que... Ou un M. qui a quatre enfants qui nous dit qu'il n'a pas de four, ce n'est pas drôle, faire à manger à quatre enfants avec un four micro-ondes.

Ça fait qu'il y a des enjeux. Ça fait qu'il faut le rentrer sur le marché du travail, mais ce n'est pas... ce n'est pas un clou qu'on rentre dans le bois. Ça fait que c'est : Comment l'aider? Mais il faut avoir des partenaires autour de ça, puis c'est... Moi, j'y crois vraiment. C'est par l'emploi qu'on réussit à s'accomplir personnellement, qui par la suite va aider la société. Puis on va pouvoir aider l'ensemble de la communauté autour de nous. Parce que l'emploi, ce n'est pas juste l'individu, c'est la femme, c'est le mari, c'est les enfants, c'est les grands-parents. C'est l'ensemble de la communauté autour de cette personne qui est transformée. Et là vous parlez avec un fervent. Ça fait que je suis vendu au modèle d'employabilité, là.

Mme Rouleau : On veut élargir le programme Objectif Emploi, qui actuellement s'adresse aux premiers demandeurs, aux primodemandeurs, là, qu'on appelle dans le jargon, et l'élargir pour les personnes qui reviennent une deuxième fois à l'aide sociale pour leur permettre d'avoir accès à ces... à ce programme qui va permettre l'intégration, la formation puis...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Rouleau : ...à l'emploi, qui est un programme obligatoire, et certains demandent que ce soit optionnel. Croyez-vous que, si c'est optionnel, ça va permettre ou ça va faire en sorte que les gens vont être plus enclins à avoir accès à ce programme-là?

M. St-Arnaud (Éric) : Ça, c'est une excellente question, parce que le principe de base qu'on se dit... Il faut vouloir. Parce que, quand vous êtes obligé... Mes parents m'ont dit de ne pas fumer, j'ai quand même fumé et j'ai quand même mangé du fast food, puis ils m'ont dit de ne pas le faire. Et après un moment donné, on apprend qu'il ne faut pas fumer. Ça fait que, si on oblige, est-ce qu'on est en train d'inclure? Ça fait que je pense qu'il faut aller par l'incitatif puis il faut que les gens, on leur explique le bienfait au bout de la ligne pour les inclure.

L'obligation fait en sorte que les personnes vont venir par le souci administratif, mais est-ce qu'on... Il faut qu'il y ait une partie d'engagement dans le modèle. Ça fait que je suis mitigé, dans le sens qu'il ne faut pas que les gens continuent à n'être pas informés puis mis de côté, puis dire : Bien, c'est volontaire, ça fait que, là, vous ne vous déplacez pas, puis il n'y a rien qui se passe. Il faut quand même qu'il y ait une incitation, à au moins accompagner... contact.

J'ai travaillé beaucoup avec des organisations comme Tapage, qui fait le travail à la journée, là, c'est un modèle, et j'ai vraiment appris qu'en fait, plus il y avait le lien de confiance qui se créait avec les gens, plus on était capable de les embarquer dans un programme, puis là il y a un engagement qui se crée. Ça fait que l'obligation, je vous dirais, ce n'est pas si bien, mais il faut qu'il y ait quelque chose pour aider les gens à venir s'engager, parce que, sinon, bien, on va rester à laisser ces personnes-là de côté, puis il faut essayer de les inclure, mais par l'obligation, je... des fois, ça me... ça me tracasse un peu là, surtout par des gens qui ont souvent perdu confiance en l'autorité. On va se le dire, là, la grande majorité ont perdu confiance dans le système. Puis là je ne vous parle pas de complotisme, je vous parle juste de l'autorité tout court. Des fois, ils ont eu des vies familiales pas simples puis là ils se disent : Bien, si mon... Tu sais, l'autorité, c'est nos parents, donc, par la suite, c'est le ministre, c'est le patron, c'est le... donc tout est autorité. Donc, c'est comment rebâtir la confiance, mais il faut le travailler avec les gens puis avoir une conversation. Obliger, ça oblige à venir. Moi, je pense qu'il faut qu'il y ait des incitatifs, puis ce n'est pas juste financier, mais de comprendre dans quoi il peut aller.

Puis aussi qu'il ait le choix, vraiment, le choix de son parcours, pour ne pas être obligé de faire quelque chose, mais de choisir, au moins de l'aider... Nous, on appelle ça des projets de sortie, chez nous. Bien, si vous avez le goût d'être caissière, tant mieux, mais si vous voulez devenir médecin, bien, on va vous montrer c'est quoi, le chemin. Vous avez le droit à votre vie, puis vous avez le droit chemin, puis vous avez le droit à l'espoir aussi. Donc, c'est comment les ramener pour croire à ça. Puis je crois qu'il y a beaucoup de modèles qui fonctionnent, et là, présentement, c'est la flexibilité qui manquait pour inclure le maximum de gens. Mais je salue l'ouverture, par exemple, sur... la plus grande ouverture sur le programme, sur le plus grand nombre de personnes, parce que ça va être plus simple de pouvoir inclure le plus grand nombre de personnes dans le programme et ça va peut être inciter davantage de gens à venir, là. Là, l'obligation, il faudrait voir le comment, dans l'obligation, là.

Mme Rouleau :  Oui. Bien, ceci dit, l'obligation, elle est là, l'obligation, mais c'est beaucoup axé sur l'accompagnement parce que, depuis le début que ce programme a été mis en place, là, en 2018, on a pu constater qu'avec l'accompagnement, bien, ça facilite les choses. Puis il y a très peu de personnes, en fait, qui ont été impactées par l'obligation, là, en termes de réprimande, je dirais, là, mais donc l'accompagnement est très important.

Et, en accompagnement, bon, il y a le réseau régional qu'on veut mettre en place. Avez-vous l'impression qu'il existe déjà des choses qu'on aurait juste à bonifier ou... Puis comment voyez-vous l'arrimage entre les organismes d'insertion sociale et les organismes qui sont spécialisés en emploi, comment... et l'intégration de tout ça dans le réseau régional?

M. St-Arnaud (Éric) : Bien, c'est une bonne question. En fait, ce que j'en comprenais, du réseau, c'était une complémentarité, à mon avis, en fait, ça devrait, c'est... Je le voyais comme étant multidisciplinaire pour essayer d'aller chercher les expertises... juste que, présentement, il existe Services Québec, il y a des forums, il y a des associations d'employabilité et, après ça, il y a l'association, bon, pour la lutte à la pauvreté, et ainsi de suite.

Là, où est-ce qu'il se situe, ce réseau-là, pour être certain que ça soit un complément et un ajout...

M. St-Arnaud (Éric) : ...qui va en faire partie pour s'assurer que ça ne devient pas un tirage de couverte puis qu'on s'assure que l'individu soit au centre. Tu sais, moi, je me dis, personnellement, je suis un employé d'une organisation. Mon seul but, c'est de me dire comment ces personnes-là... qu'on puisse les servir. Puis, peu importe le réseau qu'on met en place, c'est l'individu qu'on essaie de servir puis que, si on met des réseaux... Ça fait que, là, si c'est par exemple l'employabilité qui travaille avec un CSSS dans une région, pour être certain que le service de santé soit donné en même temps puis que la nourriture soit mise en même temps. Et, quand je nommais pour l'employabilité, il y a plusieurs réseaux d'employabilité, puis ils ont chacun leur expertise, qui sont reconnus puis qui répondent à des besoins. Donc, comment s'assurer que l'employabilité reste au centre et que ça ne devient pas un tirage de couverte, mais que l'individu soit au centre, puis que l'employabilité avec l'individu, puis que, l'ensemble des services, on devient au service du citoyen, tu sais? Parce qu'au fond on est au service du citoyen. Ça fait que c'est comment on peut servir le citoyen au mieux avec l'ensemble des acteurs.

Ça fait que je le... La façon que je le lisais, c'était que vous vouliez, à mon avis, ça fait que, là, je ne veux pas vous dire ce que vous n'avez pas dans votre tête... Ça fait que ce que je voyais, moi, c'était que vous vouliez mettre des acteurs qui sont diversifiés de Services Québec ou de l'employabilité pour s'assurer de créer un momentum où est-ce que l'individu n'est pas oublié puis qu'il y ait un filet de sécurité. C'est ce que j'en comprenais. Ça fait que c'est ça que j'en comprenais. Là, il faut juste s'assurer de comment il est créé, pour s'assurer que cet individu-là, il n'est pas oublié. Parce qu'on ne va pas se cacher, là, des fois, quand on crée des patentes, pour ne pas le dire de même, bien là, des fois, on finit par tomber dans l'administratif puis on oublie l'individu. Ça fait que ça serait, pour moi, la mise en garde. Ce n'est pas une mise en garde, mais c'est un conseil.

Puis l'autre élément, bien, de... je prône vraiment l'emploi parce que je trouve ça beau aujourd'hui, le taux de chômage. Parce que, même... que ça crée des difficultés, pour la première fois de notre vie, au Québec, une personne handicapée, c'est un être humain, une personne avec une santé mentale, c'est un être humain, une femme monoparentale avec 11 enfants, c'est un être humain, la personne qui n'a pas travaillé, c'est un être humain, ça fait que, pour la première fois, ces gens-là sont vus comme des êtres humains qui peuvent participer. Ça fait que, mon dieu, profitons de ce momentum pour créer une synergie, pour inclure toutes ces personnes-là. Ça fait que je trouve que c'est un beau momentum. Bon, économiquement, ils vont tous dire que c'est difficile, mais, moi, je trouve, c'est un bon momentum parce que, là, ils peuvent tout inclure. Et ces personnes-là peuvent toutes travailler à différentes façons. Ça fait qu'ils peuvent venir des fois du CSSS, parce que c'est des gens en santé mentale, ils peuvent venir de l'employabilité avec Services Québec. Ils reçoivent des prestations quand même. Donc, est-ce que ces acteurs-là, ensemble, peuvent aider à intégrer? Bien, si c'est ça, l'avenue, bien, moi, je trouve que ça serait une bonne idée, mais ça va être dans... moi, je suis toujours dans le comment dans ma tête, c'est : Comment on peut s'assurer que l'être humain reste au centre?

Mme Rouleau : Si je peux me permettre.

La Présidente (Mme D'Amours) : Il reste une minute.

Mme Rouleau : Une minute. Bien, je vais me permettre une autre question. Vous êtes une entreprise notamment d'insertion sociale, mais qu'est-ce que vous recommanderiez aux employeurs pour mieux insérer les personnes qui partent de loin et qu'on insère en emploi? Quelles seraient les principales recommandations aux employeurs?

• (11 h 40) •

M. St-Arnaud (Éric) : Les principales recommandations. Il faudrait... En premier lieu, il faut que... il faut que les gestionnaires soient outillés et formés pour l'intégration des personnes puis qu'ils ne les voient pas juste pour... comme un intrant. Et la deuxième chose que je leur conseillerais, c'est de travailler avec les organisations puis les réseaux qui existent pour aller chercher... Il existe des programmes, aujourd'hui, où est-ce que... les tripartites, les bipartites qui ont été créés dans les dernières années, pour travailler avec les employeurs pour créer des momentum avec des organisations puis des employeurs pour aider l'accompagnement puis le maintien en emploi. Et je pense que ça, c'est essentiel, que les employeurs fassent partie du plan complet, là. Ça ne peut pas juste être cette loi-là avec Services Québec, là, il faut que les employeurs en fassent partie. C'est ce qui va faire un monde meilleur, là.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.

Mme Rouleau : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : C'est tout le temps que nous avions. Maintenant, je vais céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente. On est d'accord pour dire que c'est une excellente présentation, un mémoire. M. Arnaud... St-Arnaud, pardon, merci d'être là. On est très fiers, à Notre-Dame-de-Grâce, sur la rue Saint-Jacques, d'avoir une renaissance. J'y contribue. Personne issue... personne très privilégiée issue du Privilège, mais je participe à ma façon et je... en tant que pas juste porte-parole, action communautaire... sociale, mais aussi économie sociale, je trouve que le modèle Renaissance fait vraiment partie de la solution tant au niveau de l'inclusion sociale mais que de la circularité de l'économie. Alors, bravo! Et justement, pour enchaîner justement sur...

Mme McGraw : ...sur la question de la ministre, c'est vous, votre témoignage, votre expérience vécue, en tant que personne avec une expérience vécue... Donc, qu'est-ce que vous avez... Vous nous parlez plus... Qu'est-ce qui, en fait, avec l'accompagnement... les facteurs de succès clés qui ont fait en sorte que vous avez été bien accompagné pour vous rendre être D.G. de Renaissance, mais aussi l'accompagnement de Renaissance envers les employés et conseil, pour donner suite à la question de la ministre, pour d'autres entreprises? Parce que la chambre de commerce nous dit : La plupart des entreprises sont des PME, il y a peut-être une méconnaissance, peut-être des fois une méfiance. Alors, comment accompagner les entreprises québécoises dans l'accompagnement des employés, non seulement pour leur insérer, mais pour maintenir ce lien-là?

M. St-Arnaud (Éric) : À la première question, je vous dirais, ça serait la confiance qu'on a eue en moi. En premier, je vous dirais merci de participer à la mission de Renaissance. C'est grâce aux donateurs qu'on réussit à faire nos programmes, donc merci beaucoup. Je vous dirais : C'est sûr, la confiance, le lien de confiance avec l'intervenant socioprofessionnel ou le psychologue, tout dépendant les personnes que j'ai eues qui m'ont aidé.

Le soutien dans l'emploi, ça a été... Moi, quand j'avais fait... dans le temps, j'avais travaillé sur un restaurant sur la rue Saint-Jean, puis ça a été vraiment une aide, parce qu'il y avait un... dans le temps, il y avait des programmes, puis ça ne s'appelait pas «l'insertion», ils avaient un autre nom, là, mais... puis je ne me souviens pas c'est quoi, le nom, non plus, mais on avait une aide avec l'employeur, tu sais, puis l'employeur faisait partie, parce qu'il choisissait des candidats, tu sais, puis dans le temps... Bon. J'ai 50 ans. Ça fait que dans ces années-là, le taux de chômage était à 10, 12, là, donc ce n'était pas facile, avoir un emploi. Donc, il y avait un grand accompagnement avec l'employeur.

Je vous dirais, si je viens vers Renaissance, on a... avec le nombre de personnes, on a un financement avec Services Québec d'à peu près pour 500 personnes sur les 3 000 personnes. Le reste, on autofinance nos programmes. Mais 100 % de nos programmes ont été suivis avec les mêmes règles que Services Québec, parce qu'on ne veut pas que les gens sachent qui est financé puis qui ne l'est pas. L'objectif, c'est la personne. Et, au bout de la ligne, c'est quoi? C'est vraiment individualiser le plus possible le programme, donner confiance aux gens. Nous, on part du principe que la personne nous donne sa confiance. Donc, si elle nous donne sa confiance, on doit tout faire pour lui redonner cette confiance-là. Puis l'autre élément, c'est que c'est les citoyens qui nous font vivre. Oui, on a un gros revenu autogénéré, mais c'est les citoyens qui nous le donnent, donc on doit le redonner pour nos programmes. Donc, c'est la base de la confiance, travailler avec les individus.

On crée des... des cercles, on appelle ça des «groupes d'insertion», qui sont des patrons. Chez nous... chez nous, le... le gérant de magasin, par exemple, ou le directeur de l'entrepôt, bien, son patron, de la personne, c'est le vrai patron. Il vit la vraie vie immédiatement, mais il est un peu dans une serre chaude avec un intervenant socioprofessionnel. Donc, il va avoir un patron qui va dire : Tu arrives en retard. La différence, c'est qu'il va avoir l'intervenant pour lui expliquer : Bien, pourquoi tu t'es fait dire que tu arrives en retard?

Donc, il y a une... il y a des éléments qui sont mis en place sans arrêt, ce qui fait qu'on a un taux d'abandon très bas. On a un taux de retour aussi très haut, mais on a un taux de placement élevé. On fait un suivi beaucoup avec les employeurs, on a beaucoup d'employeurs avec qui on travaille. L'Institut de cardiologie de Montréal en est un, mais Winners en est un autre, donc on est très diversifiés. Et on essaie vraiment de travailler avec les employeurs, c'est vraiment essayer de... Il faut embarquer les employeurs dans le plan complet.

Et, quand vous dites : les employeurs, il faut... et c'est la raison pour laquelle je... j'ai accepté de travailler dans le conseil d'administration du commerce de détail du Québec, parce que je veux vraiment travailler avec les grands employeurs du Québec pour leur expliquer que l'intégration en emploi, bien, ce n'est pas un immigrant qu'on va chercher, puis qu'on apporte, puis que c'est ça, tu sais. Bien, une pharmacie au Québec, ce n'est pas une pharmacie en France, puis faire l'épicerie, ce n'est pas la même chose qu'au Congo. Donc, il y a une intégration, puis c'est pour ça que c'est socioprofessionnel.

Donc, il faut que l'employeur comprenne que la personne qui arrive, qui a une santé mentale fragile ou qui a un handicap physique, bien, c'est une personne à part entière, puis comment je peux l'intégrer, puis comment je travaille avec l'ensemble des employés. C'est pour ça que le taux de chômage est un atout, là, parce qu'au moins il y a moins de compétition avec les anciens employés puis les nouveaux.

Mais, pour l'employeur, il faut inclure l'employeur puis il faut qu'il y ait une plus grande communication avec lui pour travailler avec les organismes en place pour essayer d'intégrer le mieux possible ces gens-là, pour ne pas qu'ils retournent après ça dans le système, espérant avoir répondu à vos questions.

Mme McGraw : Je... Excellent. Je retiens beaucoup de choses, entre autres donner confiance aux gens pour qu'ils nous donnent aussi confiance, et, en tant qu'ancienne prof, je confirme que les élèves et les personnes apprennent à leur mieux lorsqu'ils ont ce sentiment de confiance et d'appartenance...

Mme McGraw : ...c'est vraiment clé pour faire partie des conditions gagnantes dans la société.

Pour aller plus sur les plans... tellement de questions... peut-être... on comprend qu'avec le projet de loi la ministre affirme que le travail est la solution pour affirmer la situation des personnes en précarité. Je pense que vous partagez cette philosophie. Mais, selon votre expérience d'accompagnement, quelles sont, peut-être... là, vous avez parlé des atouts, mais quelles seraient les limites de cette vision, et, en particulier, pour les personnes qui font face à des obstacles importants à l'emploi, malgré, peut-être, une grande volonté? Question de capacités? Comment rendre le travail plus accessible et plus soutenable pour tous, notamment pour ceux qui sont éloignés du marché du travail?

Autre question très spécifique : Est-ce que la plupart des employés proviennent du programme d'Objectif Emploi? C'est quoi, le lien entre... Est-ce qu'il y a un lien entre vos employés et le programme d'Objectif Emploi?

M. St-Arnaud (Éric) : On a-tu le pourcentage d'Objectif Emploi? Je pense que c'était 23 %? C'est-tu ça?

M. Rousseau (Guillaume) : Oui...

M. St-Arnaud (Éric) : ...vas-y.

M. Rousseau (Guillaume) : Dans le fond, ce n'est pas nécessairement... on n'a pas le pourcentage spécifique qu'ils proviennent d'Objectif Emploi. On a le pourcentage moyen qui sont des prestataires d'aide sociale, tous programmes confondus. Dans les dernières années, dans notre cas, ça tourne autour de 23 % des gens qui suivent un parcours d'insertion. Donc, ce n'est pas nécessairement nos employés, de façon générale, là.

Mme McGraw : O.K., dans l'ensemble. Donc, on revient à la première question, au niveau de la limite de cette... Quelle serait, selon vous, la limite de cette vision? Parce que là, vous parlez aussi d'autres... hausse de prestations, hausse d'allocations, dans vos recommandations. Et comment faire en sorte que cette hausse ne va pas être en conflit avec les gens pour être incités, lorsqu'on parle de... question de pas juste les capacités, mais volonté? Quel serait le... comme on dit en anglais, désolée, le sweet spot?

M. St-Arnaud (Éric) : Bien, vous avez raison, là, il y a une limite, hein? C'est pour ça que je vous donnais le mot «mobilisation». Le chiffre de 23 %, c'est parce que nous, nos programmes sont à 35 heures-semaine, et là elle est là, la limite. C'est qu'enfin ce n'est pas vrai que tout le monde, un jour, va travailler 35 heures. On est tous, dans cette salle, privilégiés d'avoir une santé, qu'on peut venir travailler 35, 40 heures-semaine, et probablement... probablement plus. Mais il n'est pas vrai que tout le monde...

Et là on va rentrer, d'après moi, dans une nouvelle ère, qu'on doit redéfinir différemment comment on intègre les gens. Il y a des gens qui vont venir travailler à temps partiel. Vous allez peut-être avoir des gens qui vont venir travailler une journée ou deux journées-semaine qui vont continuer à avoir des prestations, puis ils vont aller faire du bénévolat une journée. Mais s'ils peuvent participer à la société... Au moins, ils participent à la société, puis... Et, probablement... Selon les études, c'est que plus vous êtes actifs à quelque chose, bien, vous avez moins besoin du système de santé, moins de problèmes de dépendance, et d'autres.

Donc, je pense qu'il y a des limites sur le temps plein, par exemple. Ce n'est pas vrai que tout le monde va y aller. Puis, on va se le dire, si vous avez été itinérant pendant 10 ans, là, vous ne tomberez pas à travailler, demain matin, 35 heures-semaine, on va être honnêtes, là. Mais est-ce qu'il y a moyen de mobiliser la personne? Bien, la sortir de la rue, oui. Puis, après ça... je sais bien que ce n'est pas le projet de loi, mais il y a quand même quelque chose à faire avec cette personne pour lui donner la place au soleil. On a le droit à toute notre place au soleil dans notre social-démocratie. Donc, la limite va être : on doit travailler avec les individus.

Ça fait que je ne peux pas vous dire une limite en tant que telle. Une personne va être deux jours-semaine. On a des gens qui quittent chez nous, maintenant, puis qui veulent du temps partiel. Mais, avant, on disait non, mais là, aujourd'hui, on l'accepte, parce que c'est ça, la vie.

• (11 h 50) •

Mme McGraw : Je crois qu'il nous reste une minute. Dernière question de ma part. On avait proposé, notre formation, au projet de loi n° 693, pour faire en... vous avez parlé de 200 $... pour faire en sorte que c'est bien, un travail, pour les personnes sur solidarité sociale, c'est-à-dire des personnes avec des contraintes sévères, peut-être temporaires, mais sévères à l'emploi... puissent gagner un peu plus sans être pénalisées, et introduire des éléments du PRB, que, je me souviens, c'était une initiative libérale, ainsi que le projet Objectif Emploi. Donc, ça a été des réformes en 2016 et 2018, il y a 20 ans. Il faut vraiment corriger cet... cet aspect-là. Donc, qu'est-ce que vous pensez de cet aspect-là, d'un calcul cumulatif sans pénaliser la personne, qui est capable, peut-être, d'aller chercher quelques... de l'argent de plus pour avoir... valoriser eux-mêmes, mais aussi, contribuer à l'économie, à la société?

La Présidente (Mme D'Amours) : Réponse en cinq secondes.

M. St-Arnaud (Éric) : En fait... Juste en cinq secondes, c'est ça? Donc...

La Présidente (Mme D'Amours) : C'est terminé. Je suis désolée, c'est terminé. Je vais passer maintenant... je vais céder la parole, maintenant, à la députée de Sherbrooke. La parole est à vous.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. De toute façon, je voulais aussi vous amener sur la question des gains de travail, parce que vous avez glissé un mot très rapidement là-dessus. Vous avez aussi parlé beaucoup de la question du...

Mme Labrie : ...qui, parfois, est plus adapté, là, à des personnes, justement, qui retournent sur le marché du travail. Comment vous pensez que, justement, d'aller chercher plus de souplesse sur les gains de travail viendrait permettre à ces personnes-là de retourner sur le marché du travail à leur rythme?

M. St-Arnaud (Éric) : Vous voulez dire, sur le marché du travail, la souplesse ou dans les programmes, la...

Mme Labrie : La souplesse dans les gains de travail qu'on leur permet de conserver. Parce qu'en ce moment, vous l'avez nommé, là, c'est 200 $, maximum, au-delà de ça, c'est perdu. Puis 200 $, bien, des fois, ça coûte plus que ça, se déplacer, se faire des lunchs, s'habiller pour aller travailler, là.

M. St-Arnaud (Éric) : Bien oui, c'est ça, c'est ça, puis, en plus... bien, en fait, le gain est majeur au point de vue tout, là, au point de vue société, est majeur, il est majeur aussi pour l'individu. Puis, en fait, c'est un incitatif aussi, là, parce que, tu sais, entre vous et moi, le montant d'argent, pour vivre là-dessus, ce n'est pas diable, là. Ça fait que, là, c'est comment on peut l'inciter davantage à sortir de la maison.

Puis, tu sais, je sais bien que personne ne veut l'entendre, mais il y a bien du monde qui travaille au noir, présentement, pour essayer de se départir, là... Là, je sais bien que je ne suis peut-être pas la bonne personne de le dire, mais je vais le dire, ça fait que, là, c'est comment... Et nous, c'est ce qu'on s'est rendu compte, c'est, en allant chercher... en ouvrant nos programmes le soir, les fins de semaine, on allait chercher des gens qui travaillaient au noir pour réussir... vous n'aurez pas les noms, là, mais pour aller chercher de... comment on peut introduire ces gens-là puis à comprendre l'avantage d'aller travailler. Mais c'est sûr que, quand vous êtes en prestation puis vous perdez, bien là, il est peut-être difficile... Mais, tu sais, c'est la flexibilité, c'est comment on peut apporter, tranquillement, pas vite, une flexibilité au programme pour que, si vous êtes à temps partiel, bien, vous ne perdez pas tout, là. Parce que, si vous avez deux enfants puis vous voulez juste vous intégrer, puis vous avez vos dents à payer, puis les lunettes, ce n'est pas drôle, là, aller gagner juste 800$ de plus, là, vous allez perdre quasiment tout. Bien là, vous vous dites : Ça ne vaut plus la peine. Ça fait que, là, c'est comment réussir à les intégrer, puis, tranquillement, ils vont peut-être revenir à temps plein, mais, au moins, il y a des marches à aller, selon les difficultés de chacun des individus.

C'est pour ça que je parlais du montant, là, parce que je sais bien que c'est juste de l'argent, mais il y a tout le lien sur où est-ce que la personne veut s'intégrer. Aïe! Ce n'est pas facile. Il y a des femmes, on les voit, là, tu sais, ça drop vite... excusez, ça échoue vite, puis là il faut les rembarquer parce qu'ils ont des enfants, puis là... bien, ce n'est pas toujours simple.

Mme Labrie : La question des services de garde, est-ce que c'est quelque chose que vous rencontrez souvent, comme obstacle pour... au marché du travail?

M. St-Arnaud (Éric) : Oui, assez. On travaille avec beaucoup de partenaires, ça fait qu'on réussi à trouver des places, puis on a une grande, grande flexibilité, nous, à l'interne, à la grandeur qu'on est. Tu sais, on est 1500 employés, ça, c'est tous des permanents, puis on est un autre 3000 personnes à aider, ce qui fait qu'on a une grande flexibilité quand il y a des enjeux. Tu sais, on est ouvert les soirs, les fins de semaine, ça nous permet d'ajuster les horaires, ça fait que... Mais, tu sais, c'est ça que je me rends compte, là, il y a beaucoup de gens qui veulent travailler juste les soirs, les fins de semaine, parce que le mari a décidé de retourner à l'école, puis là, bien, le jour, elle est là, tu sais, et vice versa, ou le gars va travailler juste les soirs, les fins de semaine. Ça fait qu'on a ajusté nos programmes en conséquence. C'est une autre partie de flexibilité.

Il faut sortir du carcan de l'employabilité du lundi au vendredi, de 8 à 16h. Tu sais, je veux dire, les individus, on est tous différents, ça fait qu'il faut sortir de ça, à mon avis, là, mais... puis il faut sortir aussi du carcan carré monétaire pour tout le monde puis essayer de voir où est-ce que la personne est. C'est pour ça que j'aimais aussi... au point de vue de... avec des difficultés, là, on a changé le terme.

Une voix : ...

M. St-Arnaud (Éric) : Pardon?

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions avec la députée de Sherbrooke.

M. St-Arnaud (Éric) : Ah! c'est beau.

La Présidente (Mme D'Amours) : Maintenant, je vais céder la parole au député de Jean-Talon. M. le député, la parole est à vous.

M. Paradis : Un des éléments qui ressort de votre mémoire et de votre témoignage, c'est le rôle important que les organisations comme la vôtre jouent en matière de réinsertion. Vous nous dites, d'abord, bon : C'est bien, les réseaux régionaux qui vont permettre de mettre en œuvre le plan d'intervention individualisé, mais nous, on est déjà là, on existe, vous pouvez vous assurer qu'on fait partie de ces réseaux régionaux.

Il y a un article, là, qui mentionne que les organismes concernés font partie des réseaux régionaux. Vous, est-ce qu'il y a une inquiétude que vous ne soyez pas dans ces réseaux-là?

M. St-Arnaud (Éric) : Bien, je le nomme parce que je voudrais juste qu'on s'assure que les spécialistes... Il y a beaucoup de réseaux un peu partout au Québec, Renaissance n'est pas tout seul, on fait partie d'un réseau, donc il y a des spécialités, il y en a qui aident les jeunes il y en a qui aident les moins jeunes, il y en a qui aident dans différents domaines. Donc, il y a des expertises, ça fait qu'il ne faudrait pas perdre ces expertises-là, pour s'assurer d'aider le plus grand nombre. Ça fait qu'une inquiétude... Je pense que je voulais le nommer, là, je voulais m'assurer qu'on ne l'oublie pas.

M. Paradis : Puis vous nous dites de ne pas faire de la structurite, en quelque sorte, parce qu'il y a déjà des éléments qui existent, et ce qu'il y a de nouveau, c'est bien, mais il faudrait que ce soit complémentaire. C'est un message important dans votre mémoire, c'est bien ça?

M. St-Arnaud (Éric) : Oui. Pour moi, on ajoute beaucoup de choses dans l'État, au fur et à mesure qu'on avance pour améliorer, mais il faut qu'il y ait une complémentarité. Il ne faut pas que ce soit juste ajouté pour ajouter, il faut qu'il y ait une complémentarité, quitte à travailler avec...

M. St-Arnaud (Éric) : ...réseau pour créer un nouveau réseau, tu sais.

M. Paradis : Et là vous nous dites : Bien, nous, on est déjà là, on fait du bon travail, on connaît notre travail, mais ce n'est pas facile comme travail, on n'a pas beaucoup de ressources. Et vous nous parlez donc du Fonds d'aide à la mutualisation et la fusion des organismes d'accompagnement. Et ça, vous dites : Pour l'instant, ça, ce sont des fonds qui sont incertains, qui ne sont pas pérennes. Et vous invitez le gouvernement à les pérenniser parce que ce serait utile pour les services aux personnes concernées.

M. St-Arnaud (Éric) : Bien, c'est parce que ça vient d'une... ça vient d'une philosophie que je me dis qu'au fond, si on veut changer le modèle puis si la loi veut changer de modèle... Bien, en fait, il y a beaucoup d'organisations comme la nôtre qui ont été créées voilà 30 ans ou 40 ans. Donc, aujourd'hui, je pense que la vie a changé, donc est-ce qu'il y a des mutualisations qui vont se faire, des fusions, des... peu importe, pour réussir à aider davantage les personnes? Bien, il y a des nouveaux fonds, je salue ces fonds-là, là, du ministère, qui ont été mis en place pour une période de deux ans. Est-ce que ça pourrait être quelque chose qui pourrait être mis? Bien, j'entends beaucoup de mes collègues qui veulent mutualiser, ça coûte cher, on ne s'y connaît pas à faire ça, ce n'est pas tout le monde qui a la grosseur de Renaissance. Donc, est-ce que ces fonds-là pourraient être nécessaires pour réussir à offrir un meilleur service? Parce que, si vous avez trois organismes dans un territoire qui travaillent avec le réseau, est-ce qu'ils décident de mutualiser ensemble, puis ça crée un meilleur filet pour l'individu? Bien, moi, je salue ça parce que ce serait un avenir du futur. Parce qu'il faut... il faut encore sortir de la boîte, si on veut, bien, arriver en 2030 différemment de ce qu'on fait aujourd'hui. Oui.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions. Alors merci pour votre contribution.

Et je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à nos prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 58)

(Reprise à 12 h 01)

La Présidente (Mme D'Amours) : Nous reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue à la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre. Je vous rappelle, cher invité, que vous disposez...


 
 

12 h (version non révisée)

La Présidente (Mme D'Amours) : ...de 10 minutes pour votre exposé. Et puis nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.

M. Gravel (Richard) : Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes MM. les députés, membres de la commission, écoutez, c'est un grand plaisir de venir faire la présentation sur le projet de loi no 71. Mon nom est Richard Gravel. Je suis le vice-président de la coalition des organismes communautaires en développement de l'employabilité.

Alors, je dis un grand privilège parce que, pour moi, ce projet de loi est un projet de loi important. Il faut se rappeler, et j'écoutais un peu les présentations qui ont été faites au cours des deux dernières journées, on parle beaucoup de... On parle beaucoup de ce que ça va donner aux prestataires d'aide sociale, qu'est-ce que ça va enlever aux prestataires d'aide sociale. Il faut se rappeler que la façon dont la société traite les personnes les plus éloignées, les plus démunies, ce n'est pas une... Ce n'est pas des lois qui n'atteignent que les bénéficiaires de l'aide sociale, mais l'ensemble de la société, l'ensemble de la société parce que, d'une part, personne n'est à l'abri d'un jour avoir besoin de recourir aux services de l'aide sociale.

Et ça, je pense qu'il faut l'avoir en tête. On est dans une vision de société, mais aussi parce que la façon dont on traite les personnes les plus démunies de notre société, c'est aussi la qualité de vie qu'on se donne tous et toutes comme citoyens du Québec alors, en termes de sécurité, en termes de cohésion sociale. Puis moi, je pense que ça, au niveau du débat, je pense qu'il faut toujours le garder de façon... Parce que, tu sais, on va souvent de façon très pointue, mais je pense qu'il faut garder cette vision large de dire dans quelle société on veut vivre, comment on veut traiter les personnes qui ont le plus d'obstacles dans notre société puis qu'est-ce que ça redonne comme citoyen, même si on est bien nantis de vivre dans une société où on est, où il y a moins de personnes exclues, où il y a moins de personnes pauvres.

Donc, dans un premier temps, je vais vous présenter la coalition, et après on va vous venir avec les grandes lignes de notre... de notre mémoire. Alors, la Coalition des organismes communautaires en développement de la main-d'oeuvre existe depuis plus de 30 ans et elle a pour mission de combattre l'exclusion sociale et professionnelle des personnes laissées en marge du développement économique et social en visant une pleine reconnaissance des droits à la formation, des droits au travail pour tous et toutes. La Coalition axe ses actions auprès des personnes éloignées du marché du travail. Elle regroupe notamment parmi ses membres une douzaine de réseaux nationaux, donc, qui a un impact sur plus de 1 000 organisations. Ces organisations-là sont liées au développement de la main-d'œuvre, soit dans un... soit l'insertion, soit l'intégration en emploi, soit la formation, l'éducation, le développement local et la défense des droits.

Donc on regroupe, on regroupe, on coalise vraiment des organismes de tous les horizons, tant dans l'insertion que dans... Et par rapport au projet de loi, il y a des enjeux à ce niveau-là. Alors, ces organismes sont voués au bien-être des clientèles démunies et les accompagnent vers l'emploi. Elles constituent des acteurs majeurs au chapitre du développement de la main-d'œuvre, notamment en offrant une expertise précieuse spécifique en matière d'intervention. Unis autour de l'importance de développer sans exclure, les membres de la coalition n'ont de cesse de valoriser et de faire émerger le potentiel socioéconomique des personnes en démarche d'insertion et de prôner la mise en place de politiques publiques, services et mesures d'une société inclusive et participative. La coalition siège notamment au sein de la Commission des partenaires du marché du travail, où elle est le représentant phare de l'ensemble des collèges électoraux. Électoraux? Communautaires, excusez, ce n'est pas difficile à dire.

Donc, par rapport au projet de loi, je vous dirais que, d'emblée, on salue la contribution et les avancées du projet de loi. La coalition salue le remplacement du concept de contrainte à l'emploi par la contrainte de santé. Accorder le droit à d'autres professionnels que des médecins de faire une évaluation médicale permet de mieux prendre en compte et reconnaître les problématiques de santé et...

M. Gravel (Richard) : ...ainsi que les contraintes de nature psychologique. Pour nous, c'est une avancée importante parce qu'il y a un certain nombre d'individus qui ne réussissaient pas à se qualifier dans les contraintes sévères à l'emploi, là, les contraintes... mais qui... avec la nouvelle définition, qui est plus... là. Puis j'ai entendu qu'il y a du monde qui dit : Bien, ça ne devrait peut-être pas s'appeler «contraintes de santé». Mais ce qu'on comprend de la philosophie, c'est qu'il y a un élargissement qui va répondre à des besoins beaucoup plus larges et qui va permettre à faciliter l'accès à un certain nombre de personnes qui ne le pouvaient pas.

La coalition accueille aussi favorablement les plans d'intervention individualisés prévus pour chacun des prestataires afin que les personnes puissent résoudre leurs difficultés. On reconnaît l'importance du réseau d'organismes, mais on aimerait quand même porter à votre intention qu'effectivement, puis là j'entendais la présentation, il y a des réseaux qui existent et, pour nous, c'est important que les organismes en employabilité puissent... fassent partie du réseau, de ces réseaux-là, dans l'ensemble des régions.

Vous savez, la crainte qu'on a à ce niveau là, c'est que l'intervention soit... qu'on vienne dire, dans le fond : Bien, il y a des individus pour qui il y a des problèmes d'insertion sociale, il y a des individus pour qui il y a des problèmes liés à l'emploi, donc d'avoir des réseaux différents puis de travailler en silos. Déjà, je vous dirais, présentement, il y a un peu ce phénomène-là avec les programmes PASS où on dit : Bien, comment on fait pour que les personnes qui sont dans des programmes d'accompagnement social passent au volet emploi? Bien, il y a une marche, là, puis, notamment parce que les organisations ne travaillent peut-être pas assez ensemble pour permettre une fluidité. Ça, c'est un élément.

L'autre élément qui, pour nous, est majeur, c'est que les individus n'ont pas toujours l'intention de travailler les items dans le même ordre. Alors, de façon conceptuelle, on peut dire insertion sociale, préemploi, emploi, puis le mettre en schéma, mais l'individu, lui, il veut qu'on réponde à ses besoins, puis, ses priorités, bien, elles ne sont pas nécessairement les priorités du cursus qui a été développé.

La coalition accueille également favorablement les plans... Oh, non, excusez, les interventions sociales. Excusez, je vais retrouver mon... On a aussi... Ah! oui, la coalition reconnaît aussi favorablement l'individualisation des versements des chèques, donc de verser aux individus plutôt qu'aux ménages. Puis ça, c'est un pas dans la bonne direction, vous le soulignez. Et on vous tient aussi à souligner l'abolition de la contribution parentale pour les jeunes.

• (12 h 10) •

Alors, les limites, les éléments qu'on veut porter à votre attention. Dans un premier temps, on voudrait quand même qu'on porte attention sur la question des tests des avoirs liquides, qui est préoccupante pour les gens qui intègrent l'aide sociale ou qui réintègrent l'aide sociale. Donc, cette barrière là, pour nous, le test d'avoirs liquides à 887 $ pour un individu à 1 319 $ pour un couple est beaucoup trop bas. On amène les gens à être... On amène les gens à se mettre en situation de précarité financière avant qu'ils puissent avoir accès aux programmes d'aide sociale. On sait que c'est dans les règlements, là, que ça va jouer, mais, pour nous, c'était important de souligner que, dans une vision d'accompagnement, bien, il faut avoir l'idée d'aider les personnes en fonction de leurs capacités et ne pas les insécuriser au départ de la mesure.

On tient à souligner aussi l'impact, là, des perspectives que l'aide sociale reste encore sur l'angle de l'activation, donc... Puis on souligne, hein, puis là il y a peut-être un paradoxe, on souligne l'objectif emploi, parce qu'on dit : Bien, ça donne des contributions supplémentaires, mais ça demeure que, si on regarde en termes d'intervention, le fait...

M. Gravel (Richard) : ...le fait d'associer les mesures au montant d'argent que les gens sont... ça va être contreproductif pour l'intervention. Notamment, en termes... aux termes d'Objectif emploi, je pense que c'est une bonne chose de l'offrir à tout le monde. On pense que ça devrait demeurer en fait volontaire, mais pas juste pour les nouveaux... pour les nouvelles personnes, mais pour l'ensemble des personnes qui sont à l'aide sociale. Moi, je suis...

La Présidente (Mme D'Amours) : M. Gravel, je dois vous interrompre, votre 10 minutes est passé. Est-ce qu'il vous reste encore beaucoup de choses dans votre exposé? Mme la ministre, voulez-vous, sur votre temps, que M. Gravel continue? Alors, allez-y, M. Gravel, en terminant votre exposé.

M. Gravel (Richard) : Oui, bien, en fait, un dernier point, là, qu'on ramènerait, là, parce qu'on trouve... Parce que c'est sûr que la coalition, on a toujours trouvé que l'élimination des catégories serait une bonne chose et on pense que le programme de revenu de base devrait être étendu à l'ensemble des clientèles. Donc, pour nous, une personne qui a été 66 mois à l'aide sociale, pour nous, il y a déjà là, de son statut, parce qu'il a été absent très longtemps du marché du travail, il y a déjà là des contraintes assez importantes pour qu'il puisse... pour qu'on lui reconnaisse le statut de revenu de base. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Mme la ministre, on commence la période d'échange, la parole est à vous.

Mme Rouleau : Bien, merci. D'abord, je vous... Pour information, là, dans le plan de lutte qu'on... que j'ai déposé au mois de juin dernier, il y a une mesure qui concerne le premier test d'avoir liquide, on abolit le premier test d'avoir liquide, qui était à 800 quelques dollars pour qu'il y ait concordance avec le montant que les gens peuvent avoir tout au long de leurs prestations. Alors, c'est déjà fait. On vous a entendu.

Vous parlez du programme de revenu de base qui devrait être à tous, mais est-ce que vous ne pensez pas qu'il pourrait y avoir certains ou qu'il y ait... Le programme de revenu de base a été pensé, et on l'a appliqué comme ça, pour les personnes qui ont des contraintes très, très sévères à l'emploi et qui ont... qui sont des personnes handicapées, lourdement handicapées pour, en fait, briser cet enclos dans lesquelles les gens étaient, là, pour leur donner une qualité de vie meilleure. Est-ce que ce serait équitable, que tout le monde ait ce programme de revenu de base plutôt que les personnes qui en ont vraiment, mais vraiment besoin parce qu'elles ne peuvent pas participer, pour certaines, là, à la société?

M. Gravel (Richard) : Bien, en fait... mais c'est l'angle du vraiment, vraiment besoin. Alors, qui a vraiment, vraiment besoin du revenu de base? Alors là, on est... Et c'est tout l'axe de dire : Bien, on est dans l'angle de l'activation. Donc, on part d'une prémisse que les personnes, si on ne les encourage pas, ils vont... ils ne quitteront pas l'aide sociale. Moi, je peux vous dire, là, en 35 ans, là, à travailler auprès de personnes éloignées du marché du travail, il n'y a personne, mais personne qui veut rester à l'aide sociale quand on travaille avec eux autres.

Mme Rouleau : Je suis d'accord avec vous.

M. Gravel (Richard) : Donc, il y a là l'élément. L'élément qu'on vous amène... puis on pourrait parler de revenu minimum garanti dans un autre contexte, mais, vu que le projet de loi, dans le fond, vient jouer dans les quatre catégories, on amène quand même à votre attention qu'une personne, qu'elle soit sans contrainte, qui se rend jusqu'à 66 mois à l'aide sociale avec un niveau de revenu qui est vraiment, là, en bas de ce qu'est la mesure de panier d'épicerie, donc, qui ne couvre pas ses besoins de base, bien, je pense que là, ici, on veut... C'est parce que vient un temps où la contrainte financière devient en elle-même un obstacle à la réinsertion. Puis moi, je suis sûr que, quand vous allez faire l'analyse du programme de revenu de base, moi, je suis sûr que le programme de revenu de base, il a amené des gens à intégrer le marché du travail, notamment à temps partiel, mais peut-être même à temps plein, parce qu'on vient libérer, dans le fond, de contrainte économique, et ça permet aux gens de pouvoir canaliser leur énergie sur le retour en emploi, sur comment évoluer. Donc, nous autres, dans le fond, on est dans la prémisse de dire : Les gens veulent sortir de l'aide sociale, une grande majorité, là, on...

M. Gravel (Richard) : ...la totalité, là, on peut se garder une marge de... mais, si on travaille avec ces gens-là, puis on les... on les sécurise financièrement pour leur permettre de pouvoir mettre leur énergie sur leur réinsertion en emploi, bien, moi, je pense que c'est gagnant, là, dans une vision, puis dans une vision aussi où on travaille à la fois sur les volets d'insertion sociale et les volets d'insertion à l'emploi. C'est vrai que l'emploi, ce n'est pas tout, là, et qu'il y a peut-être du monde qui vont juste... qui vont juste aller dans la participation sociale. Mais moi, je pense qu'au fur et à mesure... parce que l'emploi, ce n'est pas que de la rémunération, l'emploi, c'est aussi une façon de se valoriser, c'est aussi une façon de créer une identité. Moi, je pense que, si on met les conditions nécessaires, les gens vont vouloir intégrer l'emploi.

Mme Rouleau : O.K. Et pourriez-vous me dire comment vous... Quelle est votre opinion, là, plus précisément sur le changement qu'on apporte de contraintes en emploi à contraintes santé, en intégrant bien sûr toutes les dimensions de santé mentale et des enjeux psychosociaux? Comment... comment vous voyez ça?

M. Gravel (Richard) : Nous autres, on voit ça de façon extrêmement positive. Et vous voyez, c'est un peu ça, hein, quand on parle par rapport au revenu de base, on pourrait se dire : Ah! bien, là, on augmente le nombre de personnes, mais pour nous, là, les... que les gens aient des contraintes, donc plus gros... un plus gros chèque, là, dans les 60 premiers mois, ça n'a jamais été un obstacle pour qu'ils décident de retourner en emploi. Donc, non, on l'accueille très favorablement. Puis je pense que c'est une avancée, là, puis... importante, là, pour les gens qui sont à l'aide sociale.

Mme Rouleau : Et les mesures d'emploi favorisent-elles la participation des gens? Et là, par exemple, l'objectif emploi est obligatoire, même ça... c'est obligatoire, mais avec beaucoup d'assouplissement, là, et d'accompagnement pour que les gens intègrent. Croyez-vous qu'il serait... que c'est correct de maintenir l'obligation, ou il faudrait que ce soit selon la volonté de la personne?

M. Gravel (Richard) : Bien, dans le cadre d'Objectif emploi, là, puis on avait déjà... en fait, on avait déjà signalé qu'on trouvait que l'obligation n'était pas nécessaire. Et ça a des bons résultats. Mais je ne pense pas que les bons résultats d'Objectif emploi soient liés à la coercition. Puis moi, je pense que ça, il devrait y avoir des études. Mais moi, je me souviens que, suite à Objectif Emploi, avoir rencontré des gens qui ont intégré des parcours, notamment en entreprise d'insertion, qui disaient : C'était la première fois que mon agent m'appelait pour me proposer quelque chose. Parce que la relation... la relation avec les agents d'aide était vraiment liée au chèque. C'est pour ça que tout le volet soutien du revenu, à quelque part, il vient un peu perturber la relation quand on devient dans l'aide à l'accompagnement, parce que ça vient... ça vient fausser la... Ça vient fausser la relation d'aide. Donc, voilà, nous autres, on...

• (12 h 20) •

Mme Rouleau : O.K. Et c'est quoi, les étapes essentielles d'une bonne intégration pour une personne qui est éloignée du marché du travail?

M. Gravel (Richard) : Bien, en fait... puis, vous voyez, c'est là qui est... quand on dit : Ah! les nouveaux réseaux, puis... c'est que les individus, ils ne vont pas nécessairement travailler leur employabilité. Puis les organismes en employabilité, souvent, vont se faire dire : Bien là, vous ne devriez pas faire de l'insertion sociale. Ça, c'est du... la règle... Ça, c'est du social, vous ne devriez pas faire ça. Ils le font pareil, parce qu'à un moment donné, si on veut avoir des résultats. Mais c'est sûr que l'insertion sociale devient comme la base, hein, c'est la fondation sur laquelle, tu sais... puis c'est l'échelle de Maslow, là, c'est la...  la fondation sur laquelle il faut construire.

Mais prenons par exemple une personne immigrante qui arrive ici, qui est peu scolarisée, des fois analphabète dans sa langue d'origine, mais sa préoccupation d'intégrer le marché du travail, sa préoccupation fait que, pour lui, là, le volet réinsertion sociale n'est peut-être pas dans sa priorité numéro un. Alors, de pouvoir travailler à la fois l'ensemble des dimensions...

M. Gravel (Richard) : ...puis de permettre aux organisations de pouvoir le faire puis de créer des liens entre les différentes organisations pour que le passage d'une organisation ou... à l'autre soit... soit facilité, bien, je pense que ça, c'est gagnant pour l'ensemble de la société.

La Présidente (Mme D'Amours) : Mme la députée de Laporte, la parole est à vous.

Mme Poulet : Oui, merci, Mme la Présidente. Merci de votre présence et votre apport aux travaux. Très intéressant.

Vous dites beaucoup de choses. L'objectif des réseaux... Je voudrais vous entendre aussi, que vous développez, parce que, c'est ça, vous avez mentionné énormément d'informations. L'objectif des réseaux régionaux d'accompagnement est de soutenir des prestataires éloignés du marché du travail qui rencontrent des difficultés particulières. Pouvez-vous donner des exemples, d'autres exemples complets ou d'autres exemples, développer encore sur quel apport croyez-vous que les organismes d'employabilité pourraient avoir en ce domaine? Est-ce que vous pensez que tous les angles morts ont été couverts?

M. Gravel (Richard) : Bien, en fait, c'est parce que nous, on est dans un projet de loi, on entend... on entend qu'il va y avoir un réseau, on on voit qu'il y a des ministères qui sont ciblés, puis on parle d'organismes communautaires. C'est clairement... en tout cas, dans notre lecture, le projet de loi vise beaucoup de développer un peu ce qui existe en employabilité dans le domaine plus de l'insertion sociale. Ça, c'est notre lecture, avec le peu d'information qu'on a dans le projet de loi.

Nous autres, dans le fond, ce qu'on veut porter à votre... à votre attention, c'est qu'il faut... il ne faudrait pas créer des silos, des silos qui existent, là, des fois, entre les... Par exemple, là, par analogie, avec les organismes qui vont s'adresser aux personnes immigrantes et les organismes qui sont... font de l'employabilité, alors quand est-ce que ça devient de l'employabilité de la personne immigrante, est-ce que la personne immigrante a besoin d'employabilité dédiée à sa communauté ou parce que c'est une personne immigrante? On aurait tout avantage à maximiser les interventions puis qu'il y ait des liens qui existent de façon plus fluide. Mais c'est des réseaux qui ne travaillent pas nécessairement de façon... de... tant ensemble, parce qu'il y a un ministère qui se crée un petit réseau qui offre... qui offre de l'aide à l'établissement et un bout d'employabilité ou de connaissance du marché du travail. Et comment ça va passer dans l'autre réseau qui est autour plus de Services Québec, qui est essentiellement faire de l'employabilité. Donc, comment ces passages-là... Puis là on voit la création d'une nouvelle table puis on dit : On va-tu créer un autre petit réseau qui est plus de l'ordre de l'insertion sociale, mais qui n'aura pas tant de passage?

Ça fait que, dans le fond, ce qu'on veut porter à votre attention, c'est que c'est important que, comme on dit, bien, il y a plusieurs ministères, mais que les organisations communautaires qui siègent à ces réseaux-là, bien, soient aussi de différentes provenances. Parce que l'idée, c'est vraiment d'offrir... de mettre nos énergies, parce que là, ça va être des réseaux régionaux, mettre nos énergies pour que l'ensemble des services se mettent autour des individus et non pas traiter les problématiques de façon segmentée.

Mme Poulet : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Mme la ministre.

Mme Rouleau : Bien, c'est dans cette direction-là qu'on veut aller au niveau des réseaux régionaux, c'est d'assurer une bonne coordination. Parce qu'on sait que les organisations, les organismes et les ressources existent déjà, mais il faut s'assurer justement qu'il n'y ait pas de... il faut briser ces silos. Parce que le constat, c'est que les gens ne se parlent pas toujours. Dans certaines régions, j'ai pu le constater.

La formation, la formation pour aller... aller chercher un diplôme de secondaire cinq, comment voyez-vous ça? Parce qu'il existe des... il existe, dans les mesures d'emploi, là, la possibilité d'avoir des DEP, etc. Mais, secondaire cinq, ça, on constate que 42 % des personnes qui sont sur l'aide de dernier recours n'ont pas de diplôme d'études secondaires. Et on veut favoriser cette formation. Est-ce que ça a un impact pour vous?

M. Gravel (Richard) : Bien, en fait, dans le mémoire, on souligne, là, que c'est une... c'est une bonne mesure. C'est une mesure que ça fait... je vous dirais, ça fait longtemps qu'on... qu'on revendique, donc on...

Mme Rouleau : ...

M. Gravel (Richard) : Hein?

Mme Rouleau : Encore une fois, on vous a écouté.

M. Gravel (Richard) : Bien, c'est... c'est une bonne chose, c'est une bonne chose. Mais, à ce niveau-là, dans le fond, ce qu'on... ce qu'on... ce qu'on soulignait, c'est qu'on pourrait aller plus loin que juste les mesures de formation générale. Parce que, pour le profil des clientèles notamment qui sont à l'aide sociale, des fois, un diplôme d'études professionnelles, un diplôme métier semi-spécialisé...

M. Gravel (Richard) : ...spécialisé pourrait, là, dans le fond, être un élément qui serait plus... qui serait plus... plus, je ne veux pas dire à la portée des individus, mais plus dans leur intérêt. Moi, je pense que ce qui est important autour de ça, c'est vraiment de partir à partir des intérêts de l'individu pour dire : Bien... Parce que c'est quand... Parce que la motivation, elle vient quand tu fais de quoi qui, pour toi, fait du sens. Donc, les prestataires d'aide sociale sont dans la même dynamique. Alors, il faut leur donner cette espèce de marge là de pouvoir dire : J'ai décidé pour moi, donc c'est ce qui... Et là tu crées la motivation. C'est toujours un peu... c'est un peu... c'est complexe, la motivation, parce qu'on a tendance à voir ça comme si ça existait ou ça n'existait pas, mais dans un parcours d'un individu, des fois, il y a des journées qu'ils sont plus motivés, des fois, il y a des journées qu'ils sont moins motivés. Donc là, il y a comme... Mais quand ça vient de l'individu, bien, la journée qu'il est moins motivé, c'est plus facile de pouvoir travailler avec, à dire : Mais non, tu y croyais. Quand c'est une mesure qui est imposée, bien là, c'est sûr que là en termes de motivation... Et ça, ça crée des abandons dans les services, là.

Mme Rouleau : O.K. Et...

La Présidente (Mme D'Amours) : 30 secondes.

Mme Rouleau : 30 secondes. Qu'est-ce qui favoriserait l'engagement des organisations à intégrer des personnes qui sont en situation de précarité? Qu'est-ce qui favoriserait, là, pour les employeurs, l'insertion?

M. Gravel (Richard) : Pour les employeurs?

Mme Rouleau : Pour les employeurs.

M. Gravel (Richard) : Ah, moi, je pense qu'il y a un travail à faire de, comment je pourrais dire, qu'il y a un travail de vulgarisation à faire auprès des employeurs.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. C'est tout le temps que nous avions avec l'échange avec la ministre. Maintenant, je vais céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente. Une question. Ensuite, ma collègue va prendre la relève. Il y a des groupes qui souhaitent voir... Vous avez parlé du programme de revenu de base, il y a des groupes qui souhaitent que le programme de revenu de base inspire tous les programmes de l'aide sociale. Et on aimerait vous entendre là-dessus. Je sais qu'il y a des inquiétudes en parlant de la motivation. Il y a une question de capacité... Revenu de base, c'est pour les personnes, comme vous savez, qui n'ont pas la capacité, après cinq ans, là, de vraiment travailler, c'est des contraintes sévères à l'emploi permanentes. Là, on a plus, avec la réforme de solidarité sociale, c'est fusionné avec un autre programme. On avait proposé un projet de loi qu'avec les gains de travail de 200 $ par mois, que ce serait calculé, cumulatif et plus élevé, comme en s'inspirant du programme de revenu de base, mais, avec cette réforme-là, on voit qu'on va dans une autre direction, on s'éloigne du programme de revenu de base. Alors, où est le juste milieu entre programme de revenu de base pour tout le monde et aller dans l'autre direction du programme de revenu de base qui a quand même ses atouts. Voilà.

• (12 h 30) •

M. Gravel (Richard) : Mais moi, ma perception, c'est que le programme de revenu de base pour tous, c'est juste une question financière. C'est simplement ça. Parce que, pour les individus, là, pour les organismes, là, qui sont membres de la coalition, il n'y a aucune crainte, mais vraiment aucune, de penser que, si les gens ont tous le programme de revenu de base, ils ne viendront plus dans les services d'emploi. C'est un peu ce que je disais, là, dans ma présentation, les gens qui sont à l'aide sociale de façon importante, quasi majoritaire, veulent sortir de l'aide sociale. Et, pour nous, la question du revenu, c'est juste un obstacle supplémentaire parmi la série d'obstacles que les gens vont avoir à surmonter. Alors, il y a des contraintes financières supplémentaires quand tu as quelqu'un qui n'a pas de revenu. Et il faut que, nous autres, on travaille à éliminer puis à trouver des solutions pour les problèmes de précarité. Puis là je ne dis pas que le programme de revenu de base sort tout le monde de la précarité, là, je ne veux pas être mal interprété, mais c'est clairement que, pour nous autres, ce n'est pas un enjeu qui va avoir un impact sur la motivation des gens à intégrer les programmes d'employabilité ou les programmes qui... en lien avec l'insertion sociale et professionnelle. Les gens, là, ne le font pas pour une question de revenu ou très peu...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Gravel (Richard) : ...ou très peu.

La Présidente (Mme D'Amours) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui, de représenter, donc, la coalition. Comme mes collègues, je pense que j'ai été... en lisant dans votre mémoire, donc, ça m'a frappée, donc, les éléments, donc, dont vous... vont... vous parliez, donc, au niveau, donc, d'affirmer la place des organismes en employabilité dans les réseaux régionaux d'accompagnement. Je pense que vous nous avez dit tantôt : Les organismes en employabilité doivent faire partie de ces réseaux, sinon, donc, il y a un risque, donc, de travailler en silo. Je pense, vous n'êtes pas le premier, donc, à nous en faire part aujourd'hui. Quel est... Quel serait, donc, le plus grand risque, en fait, de ne pas confirmer, donc, cette place-là, donc, des organismes en employabilité à l'intérieur de ces réseaux régionaux?

M. Gravel (Richard) : Bien, en fait, le risque, c'est de créer, dans le fond, un nouveau, un nouveau silo puis que les gens, qu'ils soient orientés. C'est parce que, tu sais, dans le fond, l'enjeu, c'est que le prestataire soit orienté dans un réseau où on est plus dans l'insertion sociale puis qu'il n'ait jamais l'axe de l'emploi, là, qui vienne, qui vienne. Ça fait que l'idée, c'est de... vraiment d'avoir une approche qui est holistique, là, qui va... qui va travailler sur l'ensemble des dimensions et ne pas voir les individus comme... bien, tu vas régler l'étape un, puis après on va passer à l'étape deux. Puis c'est vrai, là, que, pour le... puis moi-même, là, quand on fait des parcours, là, on en fait des étapes, mais, quand on va travailler avec les individus, on ne les oblige pas à répondre aux étapes, on va de façon... et on s'adapte aux besoins des individus.

Mme Cadet : C'est fluide, c'est agile. On ne traite pas des individus comme s'ils étaient des petites cases.

M. Gravel (Richard) : Ça fait que c'est sûr que, pour nous autres, ça nous sécuriserait, que ce soit nommé dans la loi, cette diversité-là, comme il y a des ministères qui sont nommés.

Mme Cadet : Ensuite, il y a quelques... quelques autres, donc des intervenants en commission, qui nous ont dit : Bon, le projet de loi, on parle beaucoup d'intégration à l'emploi mais peu de maintien à l'emploi. Vous, qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Gravel (Richard) : Bien, au cours des dernières années, toute la question du maintien à l'emploi a pris de la place. Moi, je pense que c'est une bonne chose. Nous autres, on trouve que c'est... Parce qu'il y a... il y a deux éléments, il y a le maintien en emploi puis il y a aussi éviter le retour à l'emploi rapide, là, qui, pour moi, fait la partie de la sortie, dans le fond, vers l'emploi. L'objectif, c'est que les gens se valorisent dans l'emploi dans lequel ils vont se trouver, qui vont la conserver. Alors, pour certains, pour certaines personnes, bien, ils ont besoin, même quand ils étaient avec de l'emploi, d'un support particulier. Et ce que je disais tantôt à la ministre, là, puis c'est bon, ça va me permettre de finir la question, alors, les employeurs, en contexte de pénurie de main-d'œuvre, là, puis, on le voit notamment dans les emplois peu spécialisés, ils se sont avoués complètement dépourvus devant des personnes qui peuvent avoir des dynamiques, là, plus... plus complexes, comment j'interagis. Bon, il y a les handicaps, il y a... mais il y a aussi des aspects, là, qui sont plus de l'ordre comportemental qu'on peut... dans lesquels on peut appuyer, là. Il y a des programmes qui ont été développés, là, dans les dernières années, dans les organismes d'employabilité, où on fait de... Mais ça, ces programmes-là devraient, selon moi, être plus généralisés à pas mal l'ensemble des parcours, là, en fonction des besoins des individus. Ce n'est pas tous les individus qui ont besoin d'avoir un accompagnement en emploi quand ils finissent un parcours, mais, les individus qui ont besoin d'un accompagnement en emploi, je pense que c'est... La somme supplémentaire et l'effort supplémentaire qu'on va faire en faisant de l'accompagnement l'emploi, si on évite un retour à l'aide sociale, c'est nettement avantageux pour l'ensemble de la société.

Mme Cadet : Oui, bien, c'est ce que c'est... c'est ce que je perçois en fait de votre propos, c'est que ce serait avantageux de pouvoir, donc, poursuivre cet accompagnement-là pour le maintien à l'emploi, surtout pour les personnes les plus éloignées du marché du travail, pour qu'elles puissent se maintenir puis qu'on réalise l'objectif ici du projet de loi.

M. Gravel (Richard) : Mais, vous savez, les entreprises, là... puis nous autres, on travaille beaucoup, là, mais moi, là, dans ma job, je travaille beaucoup, là, avec des réseaux d'employeurs et des entreprises, là, puis, au Québec, là, les PME, ils n'ont... ils n'ont pas de service de ressources humaines, là. Ça fait que, s'il n'y a pas des organismes qui peuvent leur offrir ce service-là de dire : Mais on va t'aider dans ton accompagnement d'emploi... Ce n'est pas toutes les entreprises, là, qui peuvent se payer du monde qui vont avoir cette vision-là de dire : Ah! comment on peut adapter pour s'assurer que...

M. Gravel (Richard) : ...que la personne va rester en emploi. Ça fait que ça, c'est vraiment un élément où... Tu sais, c'est sûr que, dans les années 80, la PME... ils engageaient, ils recevaient 200 C.V., ils en rencontraient 10 puis ils prenaient le meilleur des 10. Il y avait beaucoup moins de problèmes de rétention. Mais on l'entend là, des employeurs, là, qui disent : Mon problème, ce n'est pas de trouver du monde, c'est de les garder. Alors là, il faut vraiment qu'on travaille, là, dans cet ordre-là.

Mme Cadet : Oui. Vous l'avez dit, élargir le supplément pour études et diplomation à d'autres programmes de formation, comme les DEP, comme les métiers semi-spécialisés. Je pense qu'on est assez d'accord avec vous, là, de dire qu'ici, donc, il ne faudrait pas qu'on soit... que c'est une bonne chose, l'élargissement, ici, mais il faudrait qu'il ne soit pas linéaire, dans le fond, qu'il s'adapte, donc, aux parcours de vie des apprenants.

M. Gravel (Richard) : Bien, il faut que ça vienne de l'individu, vous savez. Parce qu'il faut faire attention, ce n'est pas... ce n'est pas : on va offrir... on va offrir d'abord des métiers semi-spécialisés parce que c'est plus rapide, c'est vraiment en fonction des besoins puis de la capacité des individus. Mais ça demeure qu'il y a des individus qui ont... puis, tu sais, il faut se le dire, qui n'auront  peut-être pas la capacité de faire un diplôme d'études générales puis qui ne veulent pas le faire, qui ne veulent pas l'essayer. Bien dans ce cas-là, bien, il y a d'autres certifications qui leur permettent d'accéder à des métiers qui sont tout aussi honorables, hein, puis qui sont nécessaires pour la société, là, on l'a vu, dans les dernières années, donc.

Mme Cadet : ...

La Présidente (Mme D'Amours) : 50 secondes.

Mme Cadet : Ah! d'accord. Vous travaillez beaucoup avec des personnes éloignées du marché du travail. Les obstacles les plus fréquents qui sont rencontrés, selon vous, dans leurs parcours vers l'emploi?

M. Gravel (Richard) : Eh boy! C'est difficile, hein, de nommer une chose, mais moi, je vous dirais que l'élément le plus central qui fait que les gens ont de la misère à intégrer le marché du travail, là, dans l'ensemble des problématiques, c'est des... c'est des personnes qui n'ont pas nécessairement le contrôle sur les événements et qui se font contrôler par les événements, là. Donc, d'être capable de permettre aux gens de se stabiliser puis de faire face aux aléas de la vie, là... Puis ça, ça en fait partie, là, quand on parle des mesures de maintien en emploi, là.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci. C'est intéressant de vous entendre dire que l'accès au revenu de base ne vient pas diminuer l'intérêt pour un retour sur le marché du travail. Vous avez nommé à quelques reprises que la précarité financière elle-même est parfois une entrave pour le retour au travail. J'aimerais ça, vous entendre élaborer là-dessus. Donc, pourquoi, en quoi ça devient une entrave, le fait d'être précaire financièrement?

• (12 h 40) •

M. Gravel (Richard) : Bien, parce que, quand les gens sont en situation de survie, leurs préoccupations sont de l'ordre de... d'ordre financier. Bien, ça prend plus toute la place, et ils ne peuvent pas se mobiliser sur leur retour à l'emploi, sur mettre les énergies aux bons éléments. C'est un peu ce que je disais, dans le fond, ça devient que les intervenants dans les organisations en développement de l'emploi... pour eux autres, l'aspect contrainte financière devient un obstacle en soi qui est traité, de la même façon que tu vas avoir de l'analphabétisme, ou... il faut venir...

Alors, tout cet élément-là de dire... c'est un peu l'idée, là, où on dit : Bien, pourquoi on veut éliminer les... pourquoi on veut que les gens diminuent leurs avoirs? Peut-on... a-t-on de besoin que les personnes qui sont à l'aide sociale aient vraiment zéro revenu, zéro capital dans leurs comptes de banque puis de les mettre en précarité. Pour qu'après, là, quand on les prend dans nos organisations, on leur dise : Ah! c'est bien important que tu te construises un montant d'argent pour affronter les aléas de la vie, là, tu sais, demain matin, ton frigidaire brise, qu'est-ce que tu fais? Présentement, une personne qui est à l'aide sociale, que son frigidaire brise, bien là, il est complètement démuni. Il faut qu'il aille chercher puis se faire donner de la nourriture, il a... il faut qu'il aille... c'est... Alors, comment on peut accepter... Puis on comprend, là, qu'il y a une limite, là, mais on trouve que la limite, elle est très, très basse, même à l'aide sociale, ce n'est pas... ce n'est pas...

Mme Labrie : Ça fait que vous nous dites, dans le fond, que même avec tout ce qui est déployé comme mesures d'accompagnement vers l'emploi, même avec les programmes, les plans individualisés, qui pourraient être faits pour accompagner ces personnes-là, si on n'agit pas sur le montant...

Mme Labrie : ...qui est mis à disposition de ces personnes-là pour survivre à chaque mois. On va les mettre dans une situation où ça va être très difficile, même avec un plan individualisé, de se remettre en mouvement parce qu'elles sont trop en mode survie encore.

M. Gravel (Richard) : Mais vous voyez, malgré ça, ils le font. Malgré ça, ils le font, mais ça demeure que c'est un obstacle supplémentaire.

Mme Labrie : O.K. Bien, je vous remercie.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon.

M. Paradis : Vous insistez sur la question de la conditionnalité, c'est-à-dire l'établissement d'un lien entre le soutien minimal du revenu des personnes et la participation à des mesures d'employabilité. Et vous dites que vous nous invitez à mettre fin aux catégories administratives qui distinguent les individus avec contrainte et sans contrainte parce que, notamment, ça stigmatise, ça entretient des préjugés et la discrimination. Deux questions là-dessus. La première, est-ce qu'il s'agit surtout d'une question d'utiliser les bons mots, parce que vous dites c'est une étiquette, ou ça va plus loin que ça, c'est-à-dire que l'établissement de catégories en soi, c'est le problème?

Si c'est le cas, deuxième question, comment on réconcilie le désir ou l'intention, qui paraît louable, d'individualiser les mesures d'aide aux besoins de la personne, puis vous avez dit vous-mêmes que chaque personne n'est pas dans la même situation, avec cette volonté de ne pas justement les catégoriser? Donc, d'un côté, des besoins individuels, chacun n'a pas besoin de la même route, mais l'autre côté on voudrait commencer en les mettant tous sur le même pied.

M. Gravel (Richard) : Bien, en fait, c'est qu'on part toujours du principe que c'est l'argent qui motive les gens à intégrer différents... Ça fait qu'on est, oui, pour une ouverture, puis adapter les accompagnements en fonction des besoins des individus. On dit juste que le fait de... le fait que les gens vont aller... on va avoir des montants supplémentaires, bien, à la limite, ce n'est pas vraiment ça. Oui, ça va, les... Ça va les motiver dans la mesure où on leur enlève des obstacles.

Donc, c'est sûr que c'est aidant dans ce cadre-là, et on le reconnaît. Mais est-ce que, si le niveau de revenu était plus élevé pour tout le monde, ils arrêteraient de le faire puis ils iraient chercher une mesure qui n'est pas nécessairement... On ne croit pas. Moi je pense qu'il faut... il faut offrir l'accompagnement, il faut travailler avec les individus, là, puis faire vraiment un bon... un bon bilan de... Bon, O.K., vers où tu t'en irais? C'est quoi tes aspirations? C'est quoi, toi, tes capacités aussi? Parce qu'il y a toujours cet élément-là, là. On parle des aspirations. On parle aussi de regarder les capacités, puis c'est quoi les pistes de solution qui t'adressent. Puis on va faire le parcours qui répond à tes besoins. Mais pour... Mais pour moi, il n'y a pas de... il n'y a pas d'obligation qu'il ait une... qu'il soit en difficulté financière pour qu'il puisse intégrer les mesures d'emploi.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, M. Gravel, pour votre contribution à nos travaux à la commission.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Merci, tout le monde.

(Suspension de la séance à 12 h 45)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 05)

La Présidente (Mme D'Amours) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leur appareil électronique, s'il vous plaît.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 71, Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale. Cet après-midi, nous entendrons les témoins suivants, soit le Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre, l'Union des consommateurs, le Réseau Solidarité Itinérance du Québec et l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées.

Donc, je souhaite maintenant la bienvenue au Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre. Chers invités, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Donc, bonjour, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour à toutes et à tous. Permettez-moi, au nom de mes collègues, de Patrick Pilon, directeur général de Réhabex, Laurence Rodier, agente de communication et d'analyse, et de tous les membres du Réseau des services spécialisés de main-d'œuvre, RSSMO, ainsi qu'en mon nom personnel, Nisrin Al Yahya, directrice générale du RSSMO, de vous exprimer nos sincères remerciements pour l'opportunité qui nous est offerte de participer aux consultations particulières et aux...

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...auditions publiques sur le projet de loi n° 71 intitulé Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale. Cette occasion nous permet de partager nos réflexions sur ce projet de loi crucial pour l'avenir des personnes en situation de vulnérabilité au Québec.

Nous souhaiterions tout d'abord vous présenter brièvement le RSSMO. Notre réseau regroupe 50 organismes répartis dans 14 régions du Québec et établis dans plus de 90 points de service. Ensemble, ces organismes viennent en aide à plus de 30 000 personnes chaque année, dont une majorité appartient à des groupes particulièrement marginalisés et sous représentés sur le marché de travail. Notre mission première est de favoriser le développement de l'employabilité à travers l'intégration, la réintégration et le maintien en emploi des personnes qui rencontrent des difficultés socioprofessionnelles. Nous agissons en étroite collaboration avec les gouvernements provincial et fédéral afin de proposer des programmes et des mesures personnalisées adaptées aux réalités de chaque individu.

Nos membres sont des experts en employabilité, mais aussi des partenaires de première ligne qui interviennent auprès des clientèles vulnérables, telles que les jeunes en difficulté, les personnes en situation de handicap, les nouveaux arrivants, les clientèles judiciarisées, les femmes, ainsi que diverses personnes éloignées du marché de travail en raison de différents obstacles personnels ou structurels. Leur expertise ne se limite pas à l'accompagnement vers l'emploi, mais englobe également une compréhension approfondie des enjeux sociaux qui influencent le parcours professionnel des personnes.

Le projet de loi n° 71 représente une avancée importante pour soutenir les personnes en situation de précarité. Il offre la possibilité de simplifier l'accès aux services d'assistance sociale, tout en améliorant l'accompagnement des personnes les plus éloignées du marché du travail. Toutefois, pour maximiser son impact, il est essentiel d'intégrer certaines dimensions clés qui concernent les clientèles vulnérables et les organismes qui les accompagnent.

Nous avons structuré nos recommandations autour de quelques axes prioritaires qui, selon nous, méritent une attention particulière dans le cadre de l'élaboration des mesures prévues par le projet de loi. Notre approche est fondée sur les principes de simplification des démarches d'inclusion des bénéficiaires, de respect des réalités individuelles et de valorisation des ressources communautaires existantes. En mettant de l'avant ces éléments, nous croyons fermement que ce projet de loi pourra mieux répondre aux besoins réels des populations visées. Dans ce qui suit, je vous présente brièvement les recommandations du réseau.

Donc, la première est la prise en compte des ressources communautaires en employabilité. Les organismes communautaires spécialisés en employabilité possèdent une expertise reconnue pour accompagner les personnes les plus éloignées du marché de travail. Il est crucial de les intégrer pleinement dans les réseaux régionaux d'accompagnement pour éviter les doublons et d'optimiser les ressources déjà en place. Cela permettra de renforcer l'efficacité des interventions, tout en s'appuyant sur l'expertise développée depuis plusieurs décennies, autant au niveau de l'accompagnement des personnes vers une intégration réussie sur le marché de travail qu'au niveau du maintien en emploi et de l'intervention auprès des entreprises.

• (15 h 10) •

La deuxième porte sur la simplification des démarches administratives. Le RSSMO soutient fermement la démarche de simplification des procédures qui permettra de mieux répondre aux besoins des populations, surtout celles ayant des compétences numériques et/ou linguistiques limitées. Le RSSMO rappelle l'importance d'une approche humanisée et simplifiée pour l'ensemble des services de réintégration professionnelle. Les processus actuels, souvent complexes et bureaucratiques, constituant un obstacle majeur à l'accès aux aides... aux aides sociales, peuvent poser certaines problématiques au niveau des usagers. Nous préconisons la mise en place de guichet unique qui centralise... ou qui centraliserait les demandes et fournirait un soutien personnalisé, tout en réduisant les délais et les barrières. Aussi, il nous semble essentiel que les documents soient disponibles dans plusieurs langues, facilitant ainsi l'accès aux services pour les personnes ayant une maîtrise limitée du français ou des outils numériques.

La participation active des bénéficiaires dans les projets pilotes est notre troisième recommandation. En effet, les bénéficiaires doivent être partie prenante des solutions mises en œuvre dans le cadre des projets pilotes. Nous recommandons d'inclure une approche participative où les usagers pourraient s'exprimer et contribuer à l'élaboration des mesures qui les concernent directement. Cela pourrait se faire par le biais d'ateliers de consultation, ou des groupes de discussion, ou de différentes autres manières.

Éviter les modèles coercitifs. Le RSSMO plaide en faveur d'une approche d'accompagnement fondée sur la bienveillance et la flexibilité, évitant les modèles coercitifs ou punitifs systématiques. Nous croyons qu'il est essentiel de respecter les réalités individuelles, notamment en ce qui concerne les...

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...contraintes personnelles, sociales et économiques qui influencent la capacité d'une personne à réintégrer le marché du travail.

Un accès équitable aux services et réduction de la fracture numérique serait notre cinquième recommandation. Les personnes vivant dans des zones rurales ou défavorisées font face à des défis particuliers pour accéder aux services sociaux. Nous recommandons d'augmenter la présence d'agents mobiles et de promouvoir la littératie numérique pour garantir que tous puissent bénéficier des mesures d'accompagnement, peu importe leur localisation ou leurs compétences technologiques.

La révision des montants d'aide financière. Bien que le projet de loi n° 71 ne traite pas directement des aides financières, le RSSMO tient à rappeler que les montants actuels des prestations d'aide sociale sont insuffisants pour permettre aux personnes de subvenir à leurs besoins de base. Une révision de ces montants serait probablement nécessaire pour favoriser une réelle inclusion socioéconomique.

La promotion des compétences et de la diplomation, l'acquisition des compétences variées, y compris la formation professionnelle est essentielle pour garantir une insertion durable sur le marché du travail. Nous recommandons une reconnaissance accrue des parcours non traditionnels, comme les formations techniques ou les certifications professionnelles ou l'apprentissage professionnel, qui peuvent avoir un impact direct sur l'employabilité.

La prise en compte des demandeurs d'asile qui sont souvent exclus des mesures d'accompagnement malgré leur grande vulnérabilité. Nous croyons que le projet de loi devrait prévoir des mécanismes spécifiques pour soutenir cette population dans son intégration socioéconomique, même en amont de la régularisation de leur statut. Je tiens à souligner que le RSSMO salue l'initiative du plan d'intervention individualisé proposé dans le cadre du projet de loi n° 71. Ce dispositif offre un soutien personnalisé prenant en compte la situation sociale et professionnelle de chaque personne, ce qui permettra d'encadrer de manière plus efficace les parcours des individus en difficulté, notamment ceux provenant des programmes de dernier recours. Cette approche est en parfaite adéquation avec les pratiques des organismes d'employabilité, membres du RSSMO, qui privilégient une intervention spécialisée, globale et individualisée afin de répondre aux besoins spécifiques de chaque individu.

Le RSSMO salue également l'initiative de reconnaître toute forme de participation sociale, dont le bénévolat, les ateliers de développement personnel, les stages non rémunérés en entreprise et bien d'autres. La reconnaissance officielle de ces formes de participation sociale dans le cadre de ce projet de loi valorise les efforts des personnes en démarche de réinsertion, même lorsqu'elles ne sont pas encore prêtes pour un emploi rémunéré. Cela leur permet de développer des compétences, de créer des liens sociaux et de s'inscrire dans un parcours évolutif vers l'autonomie.

Pour conclure, ce qui est très important, c'est qu'en intégrant les recommandations que nous avons formulées aujourd'hui, le projet de loi n° 71 pourra non seulement mieux répondre aux besoins des personnes en situation de précarité, mais également favoriser une véritable inclusion sociale et professionnelle. Nous soulignons l'importance d'adopter une approche collaborative, bienveillante et centrée sur les bénéficiaires, impliquant activement les organismes d'employabilité et les individus eux-mêmes afin de maximiser l'impact des mesures proposées. Il est crucial que les politiques publiques continuent d'évoluer en tenant compte des besoins spécifiques et complexes des bénéficiaires afin de bâtir des solutions durables et inclusives.

En adoptant les dispositifs aux réalités des populations les plus vulnérables, nous contribuons à créer une société plus équitable où chacun aura une réelle opportunité de s'intégrer et de participer pleinement à la vie économique et sociale. Ainsi, le projet de loi n° 71 a le potentiel d'agir comme un levier de transformation sociale, à condition qu'il soit mis en œuvre avec flexibilité, écoute et collaboration entre tous les acteurs concernés.

Pour finir, je citerai Aliana, qui disait avec un sourire qui illuminait son visage : Il n'y a rien de plus beau pour moi que d'avoir traversé le système d'assistance sociale et d'en être ressortie plus forte avec de l'espoir pour un avenir meilleur et un emploi que j'aime. Merci de m'avoir si bien soutenu. Cela illustre parfaitement que, grâce à un accompagnement adéquat, il est possible de se relever et d'avancer vers de nouvelles perspectives. Nous vous remercions de votre attention et avons hâte de discuter avec vous.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup pour votre exposé.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Maintenant, nous commençons la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Rouleau : Bien, merci beaucoup, Mme Al Yahya. J'ai bien prononcé?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Absolument.

Mme Rouleau : Bon, parfait. Merci beaucoup pour votre exposé. Je salue aussi M. Pilon et Mme Rodier. Merci de contribuer à l'avancement de cette modernisation du régime...

Mme Rouleau : ...l'assistance sociale, c'est un projet de loi qui est fort important. Et vous avez... Vous avez déjà bien mis la table sur certains éléments qui feront partie de nos réflexions, évidemment. Je suis curieuse. Vous parlez de la mise en place d'un guichet unique pour centraliser les demandes d'assistance, d'aide financière, accompagnement social, insertion professionnelle, etc. Comment vous... Qu'est-ce que c'est que le guichet unique? Comment voyez-vous cette... cette proposition?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, en fait, cette proposition vient d'une réflexion dans laquelle nous avons pensé qu'avoir des guichets uniques régionaux pour simplifier l'accès aux services aurait pour objectif de centraliser des démarches administratives pour permettre aux bénéficiaires d'accéder plus facilement aux services d'assistance sociale. Dans le fond, ce qu'on aimerait avoir, c'est une mise en place de ce réseau de guichet unique dans certaines régions pilotes. Ces guichets, par exemple, pourraient regrouper des services administratifs, des services psychosociaux et de réinsertion professionnelle pour offrir un soutien global simplifié, centralisé. On pourrait aussi mettre des systèmes d'évaluation de ce genre de guichet en mesurant la réduction, par exemple, du temps de traitement des dossiers pour la satisfaction des usagers. Donc, notre objectif, c'est de vraiment aller dans le sens d'une simplification d'accès, d'une approche facilitée et d'une diminution de la lourdeur administrative.

Mme Rouleau : O.K. Mais je pense qu'on a... qu'on va dans la même direction parce qu'on parle de réseaux régionaux d'accompagnement, et qui comprennent un ensemble de partenaires, dont les organismes communautaires, pour s'assurer d'un bon accompagnement des personnes et donc bien les diriger. Et c'est une question d'une meilleure coordination pour éviter les silos. Alors, je crois qu'on va dans la même direction à ce niveau-là. Sur.... Pourriez-vous détailler un petit peu plus sur le vécu de vos organismes? Comment ça se passe sur le terrain pour vous?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Comment ça se passe? C'est tellement une grande question, Mme la ministre. En fait, vous savez, au jour d'aujourd'hui, le gros défi que nous avons en termes d'organisme, c'est que nous avons une demande croissante de plus en plus de la part d'une population vulnérable et fragilisée. Et puis cette demande-là, malheureusement, ne peut pas être répondue dans le cadre des financements actuels de ce qu'on voit. Malheureusement aussi, malgré toutes les compétences, les capacités et les connaissances de nos intervenants, ce problème d'accessibilité aux services pose un gros défi pour nous. Le fait de devoir calculer les temps d'intervention, le fait de devoir ne pas nécessairement aller dans le sens de l'individu et ses besoins, mais d'être limité par une lourdeur administrative au quotidien fait que, des fois, nos intervenants se retrouvent dans une posture où eux-mêmes se sentent fragilisés dans leur approche et dans leur intervention.

• (15 h 20) •

C'est sûr aussi qu'on voit que la vulnérabilité augmente de plus en plus, la pauvreté aussi. Vous savez, ces dernières années surtout, on a remarqué, puis je ne vous annonce rien de nouveau, une augmentation de l'itinérance. On a remarqué une... une diminution de la capacité d'acheter un panier à toutes les semaines pour certaines personnes. Et puis encore plus, pour plusieurs qui même ont des emplois, ils n'ont pas accès à un logement décent.

Donc, nos organismes vivent de vrais défis à pouvoir accompagner, aider au meilleur de leur connaissance une population de plus en plus vulnérable. Je vais aussi peut être laisser la parole à Patrick qui va pouvoir venir en appui à ma réponse étant donné qu'il fait partie des organismes de terrain qui travaillent beaucoup auprès de cette clientèle vulnérable.

M. Pilon (Patrick) : Merci beaucoup. Donc, si je peux me permettre, pour illustrer la situation au sein des organismes, lorsqu'on parle d'investissement, on ne parle pas nécessairement autant d'investissement financier, bien que c'est nécessaire, mais aussi d'investissement de temps pour modifier le mécanisme d'application des services d'aide à l'emploi, pour qu'il soit adapté aux besoins des clientèles que l'on dessert. Si je peux exprimer ici une situation, notamment dans nos organismes spécialisés pour les personnes judiciarisées, quelqu'un qui aurait des troubles au niveau de la santé mentale, on pourrait très bien avoir une double participation avec un organisme qui est un expert au niveau de l'approche en santé mentale. Il pourrait venir offrir des services qui sont complémentaires pour optimiser les chances de la personne d'intégrer le marché du travail...

M. Pilon (Patrick) : ...par contre, il s'agit souvent de décision arbitraire basée sur une décision qui vient d'un agent d'aide à l'emploi ou un agent d'un bureau du ministère qui fait en sorte qu'on refuse ces doubles participations là. Mais ici je parle de personnes, exemple, santé mentale judiciarisée, mais ça pourrait être la même chose, santé mentale, femmes ou personnes avec des limitations physiques aussi. Donc, c'est vraiment de permettre aux organismes d'adapter leurs interventions et de collaborer ensemble pour bien accompagner le citoyen dans sa démarche d'intégration sur le marché du travail et de maintien sur le marché du travail. Donc, ce serait mon commentaire.

Mme Rouleau : D'accord. On souhaite dans ce projet de loi changer la contrainte d'emploi en contrainte santé, en faisant intervenir l'aspect de santé mentale et d'enjeux psychosociaux, et les diagnostics pourront être faits par des professionnels de la santé, pas seulement que le médecin. Est-ce que, ça, vous pensez que c'est un... c'est quelque chose qui viendrait... qui va venir aider vos organisations à mieux... mieux cibler, mieux aider les gens qui viennent vers vous?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, là encore, moi, ce que je nommerai, c'est que non seulement ce serait utile, intéressant et fort aidant, mais que nous-mêmes, on a des professionnels qui pourraient, eux aussi, aider, accompagner dans cette démarche en termes de santé. Donc, nous avons plusieurs intervenants psychosociaux, on a des conseillers en orientation, on a des conseillers qui suivent des personnes depuis l'instant où ils commencent avec eux. C'est juste une question de temps aussi puisque... Je tiens à insister sur le point que vient de mentionner Patrick, parce que nos programmes d'accompagnement sont très limités dans le temps. Donc, moi, si j'ai un psychoéducateur dans mes organismes, par exemple, bien, il serait capable de pouvoir aider ces personnes-là dans le cadre des intervenants qui accompagnent des professionnels dans le programme PAAS Action, par exemple. C'est des personnes qui ont un ensemble d'expertises très, très avancées, qui peuvent absolument savoir quels sont les points de vigilance pour un individu, puis faire le va-et-vient, carrément, avec la ressource en santé ou en services sociaux pour pourvoir l'aider à avancer dans des démarches qui peuvent l'amener vers le milieu de l'emploi. Cependant, on n'a pas cette opportunité, justement, de pouvoir continuer ce travail. On est beaucoup plus, malheureusement, occupés à faire des démarches administratives que d'accompagner les personnes et de jouer notre rôle, en fait.

Mme Rouleau : O.K. Donc, les... disons, modifier les contraintes, les contraintes à l'emploi vers contraintes de santé, plus le réseau régional d'accompagnement, plus la possibilité pour chaque individu d'avoir un plan personnalisé d'accompagnement, ce sont des... et de travailler avec les organismes... parce qu'il est prévu de travailler avec les organismes, là, je souligne que je suis le ministre de l'Action communautaire aussi. Alors, c'est important de travailler avec les organismes du milieu, s'assurer d'une bonne coordination. Ça, ça répond... ça répond assez bien, là, à vos besoins, puis on pourra élaborer un petit peu plus. Mais pourriez-vous me parler des enjeux que rencontrent les personnes en situation de précarité qui sont prestataires de l'aide sociale, qui veulent embarquer, qui veulent s'insérer? Parce que l'objectif, c'est l'insertion sociale, la participation sociale et aller vers l'emploi. Quels sont les enjeux que ces personnes peuvent rencontrer pour arriver à un emploi?

Mme Al Yahya (Nisrin) : En fait, il y en a plusieurs, dans le fond. Donc, on parle beaucoup de la diplomation, on parle beaucoup de la fracture numérique, mais on parle aussi des enjeux linguistiques et de maîtrise de langue. Donc, vous comprendrez que, de plus en plus, la littératie numérique n'est plus du tout une condition qu'on ne peut pas... qu'on ne peut pas ne pas respecter dans les milieux professionnels. Et puis, par exemple, dans plusieurs de nos projets prépréparatoires à l'emploi, préparatoire à l'emploi, cette dimension-là est maintenant prise en compte par nos intervenants, car, sans cela, ils ne pourront jamais comme s'adapter dans des milieux professionnels. Lors de l'une de mes dernières rencontres avec une directrice d'un organisme qui s'occupe de...

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...projet préparatoire à l'emploi pour femmes, elles me nommaient le fait que, dans le temps, ils se satisfaisaient de ce que la personne leur disait en termes de ses connaissances personnelles, en termes d'informatique, etc. Par exemple, là, maintenant, ils font carrément passer des petits tests pour pouvoir voir est-ce qu'ils peuvent ou pas se débrouiller en termes de littératie numérique. Et, de plus en plus, pratiquement 100 % de cette clientèle-là va avoir besoin d'avoir cette formation en outils numériques. Les compétences linguistiques, c'est certain que des personnes nouvellement arrivées peuvent avoir des bonnes diplomations ou d'un bon accès au marché de travail, mais tant et aussi longtemps que la francisation n'est pas nécessairement accessible en tout temps, qu'elle n'est pas à la hauteur des attentes des employeurs et qu'il y a urgence d'emploi, donc on va avoir encore ce genre de défi et problématique pour les personnes et les professionnels à accéder au marché de travail.

Donc, il faut absolument qu'on puisse aussi aider les individus dans leur démarche d'insertion en termes... en termes d'un accompagnement individualisé selon leurs propres besoins. Parce que, ce qui pose problème, des fois, c'est qu'on les rentre dans le cadre ou dans la case d'un programme défini, mais leurs besoins dépassent le cadre de ce programme-là. Donc, il faut qu'on les... qu'on les ramène vers nos programmes et puis qu'on puisse détailler encore plus leurs besoins en lien avec le marché de travail.

Et c'est sûr aussi que j'aimerais bien parler de ce qu'on appelle, nous, les emplois qualifiés. Parce qu'il est très important pour nous que les personnes ne soient pas juste en emploi, mais qu'ils puissent avoir accès à des emplois qualifiés. Et ce qu'on... ce qu'on nomme ou ce qu'on veut définir comme emplois qualifiés, au travers de notre réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre, c'est que c'est un emploi qui va respecter les besoins des individus tout en assurant la sécurité et la stabilité, donc des contrats à durée indéterminée, des conditions de travail respectueuses, des salaires décents, des opportunités d'évolution, une possibilité d'avoir une conciliation de travail et de vie personnelle. Donc, cet ensemble d'éléments dans un emploi de qualité vont permettre à l'individu de bien se classer, mais aussi de rester dans son emploi.

Il y a un arrimage à faire, par exemple, entre les emplois de qualité et le programme Objectif Emploi, qui peut être réalisé en créant des passerelles, par exemple, vers des secteurs qui offrent des emplois stables, en valorisant les compétences transférables et en soutenant des entreprises engagées, par exemple, dans des bonnes pratiques. Donc, on... Donc là, je mentionne comme, en fait, trois facteurs de réussite d'une intervention.

Mme Rouleau : O.K. Vous parlez de bonnes pratiques. Qu'est-ce que vous... Qu'est-ce... Quelles seraient les bonnes pratiques?

• (15 h 30) •

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, des bonnes pratiques en entreprise, vous voulez dire? Bien, en fait, les entreprises qui ont des bonnes pratiques, par exemple, en termes d'équité, diversité, inclusion, qui ont des programmes d'accueil, qui ont des programmes de soutien et qui ont des possibilités de travailler en mode... en mode bipartite ou tripartite, donc en mode tripartite avec nous, comme organismes communautaires, dans l'accompagnement et l'aide des personnes à mieux s'intégrer sur le marché de travail, d'avoir une personne qui soit une référence, par exemple, dans l'entreprise et une personne du milieu communautaire qui va pouvoir résoudre des problématiques qui peuvent être soumises ou soulevées. Dans le cadre de nos programmes pilotes, nous avons un programme qui s'occupe particulièrement de cette situation-là. Donc, le maintien en emploi, pour nous aussi, est un élément très, très important. Donc, la collaboration, entre guillemets, entre les différents acteurs de l'écosystème en est une très importante, quand on parle de bonnes pratiques, dans le fond.

Mme Rouleau : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais : Merci, Mme la Présidente. Lorsqu'on parle... Merci pour la belle présentation et ce que vous faites pour cette catégorie de gens là. Ils en ont tellement besoin.

Je voudrais savoir le taux de réussite, de placement, d'études, et tout ça. Quel est le taux de réussite? Et quel âge ont environ votre clientèle? Est-ce que c'est jeune ou jusqu'à 60 ans et plus?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, 60 ans et plus, c'est encore jeune, Mme la députée!

Mme Blais : Je m'envoyais des... Je m'envoyais des fleurs.

Mme Al Yahya (Nisrin) : On s'envoie des fleurs. Donc, en fait, effectivement, notre clientèle est... est d'un échantillon très, très large, en fait. On a des... On a une clientèle très jeune. Nos interventions commencent à partir de l'âge de 15 ans puis peuvent aller très, très loin, à beaucoup plus que 60 ans, donc nos travailleurs expérimentés, les 45 ans et plus. Toutes les clientèles sont intégrées dans notre regroupement, notre réseau.

Le taux de réussite...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...placement en emploi est pas mal intéressant, honnêtement, parce que nous avons fait partie de ceux qui ont monté ce qu'on appelle le projet Continuum entreprise qui a mené vers les parcours de maintien en emploi au niveau de Services Québec. Donc, on a une expérience et une expertise et on a une formation très avancée pour nos intervenants à ce niveau, puis qui nous permettent pas mal de pouvoir aider cette population-là au meilleur de notre connaissance. Patrick, je vais aussi te laisser la parole là-dessus. Je sais que, toi aussi, dans ton secteur, il y a beaucoup de travaux qui sont faits à ce niveau-là.

La Présidente (Mme D'Amours) : 30 secondes, M. Patrick.

M. Pilon (Patrick) : Merci beaucoup. Bonjour, Mme la députée. En fait, c'est ça, pour tout ce qui est du taux de placement, c'est difficile parce que, tout dépendant des catégories et des profils type de clientèle aussi, c'est un taux qui peut être assez changeant, qui est variable aussi dans les temps. Comme parlait Mme Al Yahya, il y a, bien sûr, des projets qui donnent des résultats très probants. Je pense notamment au projet type qui a été développé par le Regroupement des services spécialisés en main-d'oeuvre, qui est un taux de placement et de maintien en emploi, si ma mémoire est bonne...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup, M.... M. Patrick, je suis obligée de vous interrompre parce qu'on a terminé le temps de la partie gouvernementale. Maintenant, on serait rendus à l'opposition officielle. Donc, je vais céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente. D'ailleurs, merci beaucoup pour la présentation et le mémoire détaillé. Peut-être vous pouvez compléter votre réponse. Je vous laisse compléter votre réponse à la question antérieure.

M. Pilon (Patrick) : Merci. Le taux de placement et de maintien en emploi est de près de 90 % sur ce projet.

Mme McGraw : Parfait. Merci. J'aimerais aller sur la recommandation numéro 6. Alors, vous parlez de... On parle du programme de revenu de base. Si je comprends bien, vous recommandez de bonifier le programme pour les bénéficiaires présentement, mais aussi d'étendre le programme à l'ensemble des bénéficiaires. Je veux juste bien comprendre. Présentement, vous savez que le programme de revenu de base, c'est pour des personnes avec des contraintes sévères et permanentes, c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas la capacité de travailler ou très peu. Mais vous prévoyez l'étendre ou vous proposez de l'étendre sur l'ensemble des bénéficiaires, dont ceux qui ont une plus grande capacité. On ne parle même pas de volonté, on parle de capacité. Donc, je veux vous entendre plus là-dessus parce que c'est sûr qu'il va y avoir des avantages, mais aussi des coûts associés pour l'État.

Mme Al Yahya (Nisrin) : En fait, oui, tout à fait, vous avez parfaitement raison, nous, c'est exactement comme ça qu'on le voit, c'est d'étendre ce programme-là ou de l'élargir, dans le fond, dans l'application à plus de personnes ou, en fait, à ceux dont la... ce n'est pas juste dont la capacité est limitée, mais la volonté aussi. Pourquoi est-ce qu'on parle de cela dans le fond? C'est parce que malheureusement, de plus en plus, les personnes sont vulnérabilisées par le manque de ressources et que la fameuse pyramide de Maslow n'est même plus répondue, disons-le comme ça.

Donc quand on parle de cet élément-là, il faut absolument, pour qu'on nomme le besoin, justement, d'avoir des ressources suffisantes pour pouvoir répondre aux besoins des personnes, peu importe leur situation de vulnérabilité. On sait très, très bien que le projet de loi ne concerne justement pas les aides financières. On le comprend puis on le... on l'admet, mais cependant on voulait vraiment amener un point de vigilance.

Parce que, vous savez, puis je peux vous donner un exemple très concret, une personne qui aujourd'hui reçoit ces montants-là, qui pourrait recevoir ces montants-là, ça ne veut pas dire que ça va être exclusif à l'utilisation de... pour qu'elle puisse éventuellement aller vers des programmes et autres choses. Le défi qu'on a au jour d'aujourd'hui, c'est que ces montants-là ne sont absolument pas adéquats ni suffisants pour qu'elle puisse répondre à ses besoins.

De plus, en fait, ce qu'on est en train de nommer, c'est que les personnes vulnérables doivent absolument être soutenues et qu'aujourd'hui ce n'est pas du tout le cas. Donc, d'où notre proposition d'élargissement, tout en sachant que ça va engendrer des coûts assez importants et que ce n'est pas pris en considération dans le cadre du projet de loi.

Mme McGraw : Et pour être clair, on a souligné le fait que c'est une réforme qui espère être à coût nul et que l'État ne devrait pas faire des économies sur le dos des plus démunis. Mais quand même, il faut qu'on... Est-ce que vous avez calculé? Est-ce que vous proposez que ça soit tel montant, MPC? Est-ce que vous avez fait des calculs? Parce que si on...

Mme McGraw : ...en deçà sur l'ensemble des prestataires. Quels seraient les calculs? Donc, non, O.K., mais je voulais juste savoir, peut-être vous avez fait ces calculs-là de... je voulais savoir, mais on est d'accord pour dire qu'on ne peut pas faire des réformes à coût nul non plus.

Sur la question, recommandation numéro deux, je veux entendre plus sur... vous entendre plus sur les formalités administratives et la simplification. Donc, la réforme souhaite ou se dit simplifiée, puis nous, on veut s'assurer que cette simplification ne fait... n'est pas une déshumanisation, bien qu'il va y avoir des plans individualisés. Donc, vous avez... bon, vous avez parlé avec la ministre d'un guichet unique. Et vous avez peur aussi de la lourdeur administrative, non seulement pour les bénéficiaires, mais pour les travailleurs, pour les personnes qui accompagnent ces gens-là, qui sont rendus plus dans l'administratif, presque, que dans l'accompagnement. Alors, peut-être une dernière question là-dessus avant que je cède le reste de mon temps à ma collègue de D'Arcy-McGee.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Parfait. Donc, en fait, nous, pour nous, il est absolument primordial qu'il puisse y avoir un engagement fort vers l'allègement des formalités administratives et la simplification des démarches, non seulement justement pour faciliter l'accès aux aides sociales, mais parce que les démarches actuelles sont très complexes et bureaucratiques. Vous savez, une personne qui va présenter une demande d'aide sociale, peut prendre des heures et des heures à pouvoir comprendre comment elle va fonctionner. La personne qui l'accompagne dans nos organismes aussi a des gros enjeux et défis en termes administratifs. Donc, ce que nous prêchons, c'est vraiment de pouvoir s'assurer que la documentation, les formulaires, les façons de travailler soient simplifiées et en même temps que les personnes qui vont utiliser ces moyens-là soient formées adéquatement pour qu'ils puissent répondre aux besoins des bénéficiaires.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Et je cède maintenant la parole à la députée de D'Arcy-McGee. Il vous reste six minutes, 40 s.

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Merci de votre mémoire, de votre présentation. Alors, comme on parle de personnes issues de différentes populations vulnérables, une de vos recommandations, c'est que les projets pilotes qui sont suggérés incluent une dimension participative où les bénéficiaires eux-mêmes pourraient exprimer leurs besoins et contribuer à façonner les programmes de leur conception.

Évidemment, encore une fois, comme c'est des populations vulnérables, chacun a sa réalité, que ce soient des gens qui sortent de l'itinérance, des personnes avec un handicap, des parents monoparentales. Comme il y a quelqu'un qui a... un groupe qui a témoigné plus tôt aujourd'hui, pour dire : Ce n'est pas tout le monde qui peut travailler 35 h, par exemple. Donc, il faut prendre la réalité de chacun en considération. Donc, je voudrais que vous... vous puissiez élaborer justement sur les différentes réalités de chacun, et pourquoi ça, ça serait nécessaire pour vraiment avoir leur participation, leur volonté, pour bien les orienter par la suite.

• (15 h 40) •

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, dans le fond, l'ensemble de nos démarches d'intervention, d'évaluation, de besoin sont bâties sur c'est quoi, les besoins de l'individu et la personne. Donc, tant et aussi longtemps qu'on ne les entend pas, qu'on n'écoute pas leurs besoins, qu'on ne sait pas exactement qu'est-ce qui va faire qu'ils réussissent, bien, on ne va pas pouvoir répondre à ces besoins de la meilleure façon que ce soit. Donc, ce que nous proposons, c'est justement des activités, par exemple, dans lesquelles on va voir des groupes de travail, des groupes de discussion. Les réalités différentes vont vite ressortir, mais on demande que ce soient des rencontres qui soient accompagnées, par exemple par un chercheur, par un professionnel, qui va pouvoir aiguiller la discussion de telle sorte à ce qu'une fois qu'on a des réponses probantes on puisse monter des projets pilotes qui vont pouvoir répondre aux attentes de cette population-là. Et puis en même temps répondre à une amélioration de qualité des perspectives pour ces personnes-là. Donc, en fin du compte, il n'y a personne qui peut être meilleur juge et expert de sa réalité que la personne elle-même. Et c'est pour ça qu'on demande qu'il y ait une co-construction et pas une imposition de façon de faire. Vous savez, on... ce qui est bon pour moi n'est pas nécessairement bon pour quelqu'un d'autre et vice-versa.

Mme Prass : Et, dans le même sens, vous avez parlé d'accompagnement plus tôt. Pour vous, qu'est-ce qui est un accompagnement adéquat? Parce qu'on a aussi entendu, par exemple, que... encore une fois, pour certaines populations, qu'il faudrait que cet accompagnement se fasse de façon plus longue. Ce n'est pas juste parce que la personne est au travail depuis... intégrée, dans un emploi, depuis une ou deux semaines que tout va bien, et là on les laisse tomber, on les laisse aller. Encore une fois, c'est des populations vulnérables qui ont différents enjeux. Donc, pour vous, un accompagnement adéquat, c'est quoi au juste? Et je vais... juste une petite sous-question...

Mme Prass : ...vous que ces personnes devraient avoir des formations spécifiques aux populations avec lesquelles ils vont... ils vont aider?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Alors, oui, un accompagnement adéquat est un accompagnement qui prend plus de temps, plus de flexibilité, plus d'ouverture, de perspective, et une meilleure compréhension et une adéquation entre l'offre et la demande. Donc, ça, c'est vraiment un accompagnement adéquat.

Est-ce que les personnes sont censées avoir des formations spécifiques, dans certaines situations, oui, dans d'autres, non. L'ensemble de nos professionnels qui interviennent auprès des clientèles, un peu importe la clientèle, sont des professionnels de haut niveau en général. C'est des personnes qui ont déjà des diplomations. Par contre, des formations spécifiques qui vont être en adéquation pour rehausser la compétence de la main-d'œuvre qui accompagne ces personnes vulnérabilisées peut devenir une solution très probante et très adéquate aux besoins de ces clientèles-là. On peut mentionner les conseillers en orientation, par exemple, qui, eux, vont pouvoir avoir un échantillon très complet et complexe de profils à proposer à nos personnes vulnérables et vulnérabilisées, mais s'ils ont une formation en plus en termes d'état de santé, de situations psychosociales, etc., ils vont pouvoir encore améliorer leur intervention et répondre aux besoins de cette clientèle-là.

Mme Prass : Pour venir, donc, la durée de l'accompagnement?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Oui, absolument. La durée de l'accompagnement, comme je le disais, n'est pas... bien, enfin, n'est pas nécessairement adéquate aujourd'hui. Pour nous, il faut prolonger cette période d'accompagnement là selon le besoin de l'individu, parce qu'il y aurait des individus qui auraient besoin de trois semaines d'accompagnement, puis quelqu'un d'autre qui va avoir besoin d'un an et demi d'accompagnement. En fait, les cadres rigides, dans lesquels nous sommes, actuels de programmes qui ne ciblent que... on peut éventuellement avoir juste un accompagnement de courte durée avec un individu, impliquent très souvent qu'on perde le lien avec la personne.

Donc, ce que nous prêchons dans nos interventions, c'est de pouvoir accompagner les personnes jusqu'au maintien en emploi et dans le maintien en emploi. Donc, notre objectif initial, c'est d'accompagner l'individu au départ, de respecter ses contraintes sociales et psychologiques, essayer de l'intégrer sur le marché de travail par une réinsertion socioprofessionnelle, ensuite, l'aider à être bien accueilli en entreprise, maintenu en emploi puis inclus dans l'entreprise. Donc, c'est une démarche complète et complexe pour laquelle nous avons besoin de plus de temps, plus de moyens et plus de financement.

Mme Prass : Et vous avez dit que les personnes vulnérables ne sont pas soutenues aujourd'hui. Comment est-ce que... Pourquoi est-ce que vous dites ça? Comment est-ce que vous voyez ça?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Nous ne sommes pas soutenus, parce que, dans le fond, ils se sentent de plus en plus éloignés, ils se sentent de plus en plus vulnérables, ils se sentent de moins en moins... de moins en moins... en fait, de plus en plus pauvres et de moins en moins riches. Ils sont soutenus par nos organismes au meilleur de notre connaissance, mais malheureusement, nous ne pouvons pas leur accorder tout ce qu'on voudrait et puis tout ce qu'on pourrait leur accorder comme temps, comme énergie puis comme place dans notre système. Très souvent, nos intervenants... puis je vais laisser Patrick enchaîner avec ma réponse, nos intervenants se sentent eux-mêmes en situation de vulnérabilité parce qu'ils auraient pu répondre au mieux aux besoins de l'individu s'ils avaient le temps et les financements requis pour qu'ils puissent mieux y répondre.

Donc, Patrick, je te laisse la parole sur ce.

La Présidente (Mme D'Amours) : M. Patrick, il vous reste 18 minutes. J'ai l'air de la personne qui ne veut pas... 18 secondes, pardon, 18 secondes. J'ai l'air de ne pas vouloir vous laisser parler, mais que voulez-vous, c'est comme ça. Je suis la gardienne du temps. Alors allez-y.

M. Pilon (Patrick) : Bon. Rapidement, pour faire un cas de figure, là, nous, on fonctionne par participation. Parfois, la participation dans nos services est terminée, un individu qui se présente au comptoir d'accueil, qui dit : Je suis sur le point de quitter mon emploi parce que je vis une crise dans mon travail, malheureusement, parce que l'intervention ponctuelle qu'on va faire n'est pas reconnue dans le cadre des mesures actuelles, on ne sera pas capables d'accompagner adéquatement l'individu ou bien on va tout simplement le faire, mais perdre un temps précieux à pouvoir s'affairer à intervenir auprès de nos clientèles qui cadrent dans les mesures actuelles du ministère de l'Emploi.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.

M. Pilon (Patrick) : Bon. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Je suis désolée. Mme la députée de Sherbrooke, la parole est à vous.

Mme Labrie : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je veux revenir sur l'échange qui a eu lieu un peu plus tôt concernant l'accès élargi au Programme de revenu de base. Vous avez mentionné que ce serait une bonne mesure à mettre en œuvre. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus. En quoi ça favoriserait finalement la réinsertion de personnes qui actuellement, ils n'ont pas accès, d'avoir eux aussi accès au revenu de base?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, dans le fond, vous savez...

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...Je vais prendre la situation des certaines populations spécifiques à ce niveau-là. Donc, si on prend, par exemple, l'exemple des populations jeunes, ou des personnes de 45 ans et plus, ou encore des personnes nouvellement arrivées, bien c'est toutes des personnes qui peuvent se mobiliser puis se mettre en démarche d'insertion socioprofessionnelle dans le cas où ils ont les moyens de pouvoir se l'offrir. Pour le moment, des fois, ils sont tellement dans l'obligation et dans l'urgence de se trouver un emploi, peu importe l'emploi, juste pour pouvoir subvenir à des besoins minimes qu'ils ne peuvent même plus réfléchir à ce qui pourrait advenir d'eux, le cas échéant, où on leur donnait la possibilité de pouvoir avoir des sommes qui leur permettraient de mieux vivre au moins la période dans laquelle ils sont dans ce mode de, bien, soit je réfléchis à me réintégrer, soit je suis très vulnérable aujourd'hui puis je ne suis pas capable de trouver un emploi, ou j'ai besoin de comprendre comment le système fonctionne. Parce que malheureusement, pour plusieurs aussi, il y a une incompréhension de comment fonctionne le système. Et puis le fait qu'on les accompagne, comme organisme communautaire, à court, moyen et long terme, permet d'éclairer très, très souvent leur vision d'avenir.

Vous savez, même si nos interventions ne sont même pas des fois supposées aller dans une direction de, je t'explique comment fonctionne la société, bien, on doit ou on est dans l'obligation, on se voit dans l'obligation d'expliciter des évidences. Donc, très souvent, pour nous et puis pour nos intervenants, on vit ce qu'on appelle des chocs d'évidence. Ce qui est évident pour moi n'est pas évident pour l'autre. Donc, ce genre de montant pourrait nous permettre d'avoir une meilleure marge de manœuvre pour mieux aider les personnes pendant des périodes un peu plus longues et un peu plus réfléchies, et de créer un filet social de sécurité pour ces personnes-là.

Mme Labrie : Ce que je comprends de votre intervention, c'est que, des fois, le mode survie dans lequel se retrouvent les personnes qui ont des prestations trop faibles, ça peut être une entrave à prendre la meilleure décision pour elles à moyen et long terme, là, et peut-être se garrocher dans quelque chose qui ne sera pas adapté et qu'il va être dans une spirale de précarité, d'aller-retour par des emplois qui ne sont pas les bons pour eux dans le fond.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Exact.

Mme Labrie : Pour les aider à long terme, on aurait besoin de leur offrir une prestation qui donne un peu plus de lousse pour réfléchir à la meilleure façon de retourner sur le marché du travail. C'est bien ça?

Mme Al Yahya (Nisrin) : C'est exactement ça. Puis en même temps, je vous dirais que... Puis je vais revenir peut-être un petit peu aussi par rapport à la question précédente, qui est à 100 % en lien avec ce que je vais nommer ici et ce que... et la réponse que vous donnez. C'est que, plus la personne... Parce que là, on parlait d'un projet de loi à coût nul ou presque. Mais, vous savez, on va gagner énormément si jamais ces gens-là se placent dans des endroits qui sont favorables à une intégration réussie, à un maintien en emploi, à un développement professionnel, plutôt que de les laisser justement, comme vous le dites si bien, se garrocher d'un emploi à un autre dans un cercle vicieux qui finit toujours par, bien, je ne sais pas quoi faire, je n'ai pas d'argent, je n'ai pas de logement, je n'ai pas de... Je ne peux pas me nourrir, j'ai une famille. Donc, cette option d'accorder un peu plus de lousse n'en est pas une pour pouvoir faire autre chose que de se faire mieux accompagner dans le fond.

Mme Labrie : Et donc, si en apparence ça peut avoir l'air d'une dépense importante à court terme, vous nous dites qu'on sauverait probablement à long terme en déployant une mesure comme celle-là.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Absolument.

Mme Labrie : Parfait. Bien, je vous remercie.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci infiniment. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de notre commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à nos prochains invités de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 50)

(Reprise à 15 h 54)

La Présidente (Mme D'Amours) : Nous reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue à l'Union des consommateurs. Je vous rappelle, chers invités, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous débuterons la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.

M. Dorais (Maxime) : Mme la ministre, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés, bonjour. Je me présente, Maxime Dorais, codirecteur général d'Union des consommateurs. Alors, je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue Olivier Surprenant, analyste en matière de santé ainsi qu'en politiques sociales et fiscales.

Permettez-moi tout d'abord de vous présenter rapidement Union des consommateurs. Alors, nous regroupons 15 associations de défense des droits des consommateurs, qu'on connaît pour la plupart sous le nom d'ACEF. Les ACEF interviennent sur le terrain auprès des consommateurs pour les accompagner vers une meilleure santé financière et dans la défense de leurs droits.

En plus de défendre les droits des consommateurs et en particulier les ménages à revenus modestes, l'équipe d'analystes et de juristes d'Union des consommateurs s'intéresse aussi de près aux questions de pauvreté et de justice sociale. C'est donc dans cette optique que nous souhaitons intervenir aujourd'hui sur le projet de loi n° 71.

Sur ces considérations, je céderais maintenant la parole à mon collègue Olivier Surprenant.

M. Surprenant (Olivier) : Merci, M. Dorais. Donc, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, permettez-moi d'abord de souligner que le projet de loi comporte des modifications positives, lesquelles nous détaillons dans notre mémoire qui a été déposé aujourd'hui. Cela dit, nous allons en relever quelques-unes.

L'élargissement de l'évaluation de contraintes à la notion plus large de professionnel de la santé et de services sociaux, on la souligne. On espère que ça permettra un traitement plus rapide et efficace des demandes, en plus de prendre en compte davantage de situations qui sont liées à la loi... aux fins de la loi.

La mise en œuvre de projets pilotes dans le but d'améliorer le fonctionnement, l'efficacité et l'efficience des programmes d'assistance sociale. On espère que les résultats recherchés par de tels projets pilotes seront de trouver les moyens les plus efficaces de sortir le plus grand nombre de personnes de la pauvreté.

On salue l'ajout d'une preuve d'intention pour l'infraction de fausse déclaration. Nos associations membres, les ACEF, nous rapportent...

M. Surprenant (Olivier) : ...que ces dettes sont lourdes à porter et qu'elles ne sont pas susceptibles de libération lors de la faillite. Nous saluons également le passage de la prescription pour le recouvrement des créances de 15 à 5 ans. Cela dit, nous estimons qu'il serait opportun d'ajouter un article, dans les dispositions transitoires et finales, qui prévoit un effet rétroactif à cet article, c'est-à-dire que la prescription aurait cours pour les dettes passées, présentes et futures. Plusieurs assistés sociaux se retrouveraient ainsi libérés d'une telle dette et le ministère pourra clore plusieurs dossiers de recouvrement en cours.

Pour passer aux objectifs du projet de loi, nous estimons que l'initiative persiste dans la logique de l'activation ou du «workfare», alors que nous préconisons de meilleurs revenus pour assurer une sortie efficace de la pauvreté. On constate que le fait de diminuer les montants des prestations ne mène pas nécessairement une diminution du nombre de prestataires, la fluctuation du nombre de prestataires étant plutôt liée à l'état de l'économie, ni à une incitation efficace à l'emploi. En fait, c'est tout le contraire. Les prestataires sont pris dans une logique de subsistance que certains ont comparé à des sables mouvants, les poussant à consacrer leur temps et leur énergie à garder tout juste la tête hors de l'eau et à assurer leurs besoins de base, avant de pouvoir effectuer un retour efficace à l'emploi.

Il serait donc préférable que la participation des prestataires soit volontaire. Il serait également important de rehausser le montant de toutes les prestations afin d'assurer un niveau de vie décent à tous les prestataires, et nous proposons donc la mesure du panier de consommation, bien que d'autres mesures pourraient être plus proches de la réalité pour une sortie efficace de la pauvreté.

Le MPC est donc... la mesure de consommation est un minimum à atteindre. Par conséquent, nous proposons que les prestataires puissent recevoir des montants différents selon leurs besoins, mais qu'aucun ne puisse être sanctionné ou pénalisé à tel point que son aide financière ne lui permette de remplir ses besoins de base.

Enfin, nous recommandons de ne pas adopter la modification de l'article 53 de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, ni les autres modifications proposées qui ont effet de réduire les prestations additionnelles anciennement allouées aux personnes présentant des contraintes temporaires à l'emploi. On comprend qu'il est d'application future, cet article, qu'il y a une certaine clause de droit acquis. Par contre, on considère qu'on vient enlever plusieurs personnes qui ont besoin d'aide supplémentaire dans... du rayon, finalement, de la loi sur l'aide aux personnes et à la famille. Sur ce, on est prêt à échanger avec vous.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup pour votre exposé. Maintenant, nous commençons la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Rouleau : Bien, je vous remercie, Messieurs... Messieurs Dorais et Surprenant d'être avec nous pour participer à ces travaux d'une... de la modernisation du régime d'aide sociale, ce qui n'a pas été fait depuis 20 ans, globalement, j'insiste, ça n'a pas été fait depuis 20 ans. Alors, de pouvoir soulever chacune des pierres et puis d'arriver avec différentes propositions pour améliorer les conditions des personnes qui vivent en situation de précarité, c'est fort important.

Je relevais, là, dans votre mémoire que vous voyez d'un très bon œil l'attitude qu'on... dont on veut se doter pour rendre admissibles des catégories de clientèles actuellement non admissibles. Comment voyez-vous cette nouvelle admissibilité? Ça concernerait qui? Comment... Expliquez-moi.

• (16 heures) •

M. Surprenant (Olivier) : Oui, bien, vous l'avez bien expliqué, effectivement, donc c'est une flexibilité que vous offrez... bien, que la loi habilitante offrirait à la personne titulaire de la charge de ministre. Et, dans ce sens-là, ça lui permet de s'adapter au contexte. Donc là, en ce moment, on parle beaucoup de demandeurs d'asile, qui ont un certain... un besoin d'accompagnement, un besoin de revenus et d'aide de la part de l'État, parce qu'ils ont... pour la plupart, n'ont pas de permis de travail au moment d'arriver ici. Alors, dans ce contexte-là, c'est une des catégories de personnes qu'on vous enjoint, là, d'inclure au règlement lorsqu'il sera rédigé. Mais, comme je vous dis, il y aura plusieurs situations qui vont se révéler où il va falloir agir et que, pour une certaine catégorie de personnes, bien, de l'aide sera appropriée à ce moment-là.

Mme Rouleau : O.K. Pour réaliser ces travaux, j'ai fait une tournée à travers le Québec, dans toutes les régions. J'ai rencontré énormément d'organismes, dont plusieurs ACEF évidemment, et pour voir comment... qu'est-ce que... quelle orientation pouvait donner à cette modernisation, deux choses, l'accompagnement, c'est primordial...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Rouleau : ...et alléger le régime, parce que ça peut être extrêmement complexe. Alors, dans ce sens, on agit aussi. Et dans l'accompagnement on vise... on vise notamment à élargir le programme Objectif emploi pour qu'il ne soit plus disponible seulement pour les premiers demandeurs, primo demandeurs, mais aussi pour des gens qui vont revenir dans le régime d'assistance sociale. Est-ce que vous trouvez pertinent d'inclure de nouvelles personnes qui pourraient passer, là, d'une prestation, une prestation de base à éventuellement un emploi qui leur permettrait d'aller chercher 475 $ par semaine de plus?

M. Surprenant (Olivier) : Bien, écoutez, comme on vous l'a dit plus tôt, on croit que l'augmentation des revenus est la meilleure façon de toucher toutes les particularités qui se trouvent, là, à l'aide sociale, à la solidarité sociale, au programme de revenu de base. Donc, l'Objectif emploi, en soi, ce n'est pas une mauvaise idée. On croit que l'accompagnement des personnes plus vulnérables, c'est important. Puis il y a des personnes pour qui, dans le contexte dans lequel ils sont placés, ils sont dans une sortie finalement des prestations et ils se sentent à l'aise d'aller vers des incitations à l'emploi, vers le développement professionnel, etc.

Par contre, ce que le projet de loi vient faire, c'est de rendre obligatoire à toutes les personnes qui sont actuellement, bien, qui seront à l'aide sociale et qui feront des demandes, de passer par ce programme-là. Ce n'est pas nécessairement adapté pour toutes les catégories de personnes. Pour les personnes que ça fait longtemps qu'ils sont là, par exemple, ou pour les personnes qui sont un peu plus âgées, ça va vraiment dépendre.

Donc, je crois, vraiment... On croit vraiment que c'est à l'approche volontaire qui est la... qui est gagnante, c'est-à-dire qu'on peut accompagner les gens dans ce qu'ils vivent, dans ce qui les a amenés à être à l'aide sociale, à l'assistance sociale, puis au revenu de base. Mais en clair, c'est seulement lorsqu'ils sont prêts et que c'est dans une démarche volontaire qu'on croit que ça va être efficace.

Et il y a plusieurs témoignages à cet égard-là qui ont été donnés, là. Je pense notamment au Collectif pour un Québec sans pauvreté qui avait recueilli des témoignages à l'occasion, là, de la première réforme. Mais je peux penser à... Il y a un nom qui m'échappe, là, mais je pourrais vous revenir là-dessus. Mais bref, on pense vraiment que l'approche volontaire, c'est la manière la plus efficace et assurée que les gens rentrent dans une démarche d'emploi.

Mme Rouleau : On passe des contraintes à l'emploi à contraintes de santé. Et en passant... en allant vers les contraintes de santé, on intègre toute la dimension de santé mentale et d'enjeux psychosociaux. Dans les contraintes de l'emploi, à l'heure actuelle, il y a une contrainte qui dit qu'une personne de 58 ans ne peut pas travailler. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette contrainte?

M. Surprenant (Olivier) : Clairement, il est plus difficile pour une personne de 58 ans de se trouver un emploi. Ça dépend évidemment de chaque contexte. Si on parle d'une personne qui a été P.D.G., bien là, se retrouver un emploi de P.D.G., mais on n'est pas dans ce cadre-là, ici. Dans le cadre actuel, si vous avez passé votre vie, je parle... Je pense à un exemple, une usine en particulier, vous avez fait du «carpet», du tapis pendant toute votre vie. Si l'usine ferme et elle s'en va ailleurs, ça va être difficile pour vous de retrouver un autre filon. Peut-être qu'il y a de l'emploi disponible, peut-être que ça va être moins adapté pour votre contexte, pour votre personne en tant que telle.

C'est important d'accompagner les gens vers ce qui les intéresse, ce qui les motive, pour empêcher une espèce de porte tournante qui fait qu'ils ressortent puis qu'ils reviennent. Je pense que ça serait plus efficace, évidemment, quand c'est bien personnalisé et qu'on s'assure d'amener la personne à l'emploi idéal pour elle.

Mme Rouleau : La reconnaissance. Parlons un peu de la reconnaissance des professionnels de la santé. Quelle serait, selon vous, la meilleure approche pour assurer un bon service auprès des personnes, des prestataires, lorsqu'ils font la demande? Quels seraient les meilleurs ordres, les meilleurs ordres de professionnels à qui on pourrait penser?

M. Surprenant (Olivier) : Oui. Bien, il existe toute une multitude de professions et de problématiques. Je ne serais pas... Je ne serais pas avisé de faire une liste complète, mais je vous dirais qu'actuellement... Je parle... Je pense à des travailleurs sociaux. Je pense que, ça, ça serait vraiment opportun pour plusieurs types de prestataires...

M. Surprenant (Olivier) : ...d'avoir accès à ces ressources-là. Maintenant, il y a... il y a vraiment la problématique d'avoir accès, de rentrer finalement puis d'avoir accès à une ressource de santé. C'est peut-être là où est-ce que ça va être plus difficile. Aujourd'hui, on nous guide vers des guichets... pas «des guichets», mais plutôt vers le site Clic Santé et des ressources privées. Je ne pense pas qu'on est dans ce cadre-là au niveau d'une personne qui est à l'aide sociale ou à l'assistance sociale. Mais moi... on voit d'un bon œil au moins que les travailleurs sociaux pourraient diagnostiquer ou du moins, là, décrire une contrainte.

Mme Rouleau : Et quelles sont les principales... les principales embûches qu'une personne peut rencontrer, une personne qui est sur l'aide de dernier recours, les embûches qu'elle peut rencontrer pour aller vers l'insertion sociale? Parce que ce qu'on vise avec la modernisation du programme d'aide sociale, c'est l'insertion, la participation sociale, c'est de briser l'isolement et d'aller vers l'emploi, et c'est de durer en emploi. Quelles sont les embûches, les défis que doivent... que peuvent rencontrer certaines personnes?

M. Surprenant (Olivier) : Bien, ça a été dit... ça a été dit par plusieurs intervenants ici, mais c'est vraiment... c'est le manque de revenus, c'est de devoir courir après sa nourriture, d'aller dans les banques alimentaires, de devoir finalement s'assurer d'avoir une subsistance avant tout, puis après ça, de pouvoir... pouvoir faire un démarchage pour se sortir de la pauvreté. Ce n'est pas aisé avec une prestation qui est en deçà de la mesure du panier de consommation. Donc, moi, je... on considère que c'est le principal embûche... la principale embûche, plutôt.

Je ne sais pas si mon collègue a quelque chose à rajouter.

M. Dorais (Maxime) : Bien, en fait, comme mon collègue Olivier l'a dit, la question vraiment centrale ici, c'est... c'est la question des revenus et la question de la précarité. Puis on a parlé de... comment dire, on a parlé de l'aspect alimentaire, mais je pense qu'il ne faut pas négliger l'aspect du logement également. Donc, quand on a des revenus insuffisants maintenant pour se loger, nécessairement, on n'est pas en train de penser à son avenir et de penser à qu'est-ce qu'on voudrait faire comme carrière ou occuper comme emploi par le futur... dans le futur. Donc, vraiment, c'est un enjeu.

Sinon, il y a effectivement des... certaines contraintes qu'on a identifiées dans le mémoire à l'effet... bon, par exemple, là, des contraintes pour remplir la paperasse, faire les demandes pour avoir accès aux prestations. Alors, ça, on pense que c'est vraiment quelque chose qui doit être simplifié au maximum. Et on sait que, par ailleurs, il y a une tendance en matière d'accès aux services et aux prestations, disons, à compliquer l'accompagnement ou la rencontre d'une personne pour avoir un suivi de son dossier, pour déposer une demande, et donc on renvoie souvent les gens à faire des demandes par Internet. Et on sait que pour plusieurs personnes qui sont en... dans des situations, disons, plus précaires, ça peut poser un enjeu, notamment, à la base, des enjeux, par exemple d'analphabétisme ou autres, et donc qui sont des problèmes. Alors, on insiste là-dessus, c'est important que les gens en première ligne, qui gèrent les demandes de ces programmes-là, donc, voient des... voient des gens, rencontrent les prestataires, et non pas que tout se passe par Internet.

• (16 h 10) •

Mme Rouleau : Il y a évidemment, dans la proposition du projet de loi, une fusion de programmes. On veut réduire la bureaucratie, on veut réduire la paperasse, on veut réduire les formulaires. Alors, je pense qu'on va dans un... dans le sens d'une plus grande accessibilité. Vous, vous parlez beaucoup du... d'amener le niveau de prestation, là, autour de la MPC. Et est-ce que... est-ce que c'est... d'amener un niveau de revenu de l'aide de dernier recours à cette hauteur, qui peut correspondre à celle d'un travailleur au salaire minimum, est-ce que ça va inciter la personne qui est prestataire à aller vers des mesures d'emploi et d'intégration et de sortir? Parce que l'objectif, c'est de ne pas rester, là, à l'aide sociale, ce n'est pas ça qu'on veut, ce n'est pas ça que la personne veut. Elle veut être intégrée, elle veut travailler, c'est ce que... c'est ce qu'on entend beaucoup, c'est ce que j'ai pu constater. Alors, élever à ce niveau, le niveau que vous proposez, est-ce que...

Mme Rouleau : ...que c'est un incitatif à sortir de l'aide sociale et d'aller vers l'emploi.

M. Surprenant (Olivier) : Bien, le fait contraire, c'est-à-dire de baisser les prestations selon la participation, ou la non-participation, ou selon le programme de... selon la contrainte, finalement, fait en sorte... ne fait pas en sorte nécessairement de favoriser le retour vers l'emploi, c'est ce qu'on constate. Puis même, comme je vous disais, ça mène à une logique, une espèce de spirale sans fin où finalement le prestataire doit composer avec son manque de revenus et s'assurer d'avoir tout ce qui est nécessaire pour pouvoir sortir de la pauvreté puis, en fait, pouvoir subvenir au jour le jour. Donc, pour nous, c'est sûr que c'est la base, c'est le revenu. Après ça, pour retourner au travail, on vous l'a dit, d'avoir une démarche d'accompagnement, ce n'est pas une mauvaise idée, mais il faut simplement que les gens soient volontaires et qu'ils soient prêts, dépendamment de leur contexte, à retourner à l'emploi puis à faire ces démarches-là.

Mme Rouleau : Mais comment peut-on traiter d'équité, là, l'équité entre le prestataire qu'on veut accompagner vers l'emploi et le travailleur qui est en emploi et... Comment traitons-nous l'équité?

M. Dorais (Maxime) : Bien, en fait, si je peux me permettre, je pense qu'il faut peut-être voir la question ou l'enjeu sous un autre angle, c'est-à-dire que... est ce qu'il est décent d'offrir des prestations qui sont sous le minimum de subsistance? Et, en fait, à partir du moment où... en fait, pour l'Union des consommateurs, pour nos membres, c'est très clair que la réponse est non. Et donc, partons de cette base là où tout le monde doit avoir le minimum, donc pour assurer ses besoins de base. Et, et au-delà de ça, bien, on vient bâtir. Et on pense que s'il y a un enjeu, par exemple avec un différentiel qui ne serait pas suffisamment grand pour les revenus, disons, les personnes qui travaillent au revenu minimum, bien, à ce moment-là, on inviterait davantage le législateur à réfléchir à la hauteur du salaire minimum et non pas de niveler vers le bas, finalement.

La Présidente (Mme D'Amours) : Mme la députée d'Anjou Louis Riel pour 1 min 50 s.

Mme Boivin Roy : Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, pour la présentation. Vous proposez notamment des projets pilotes qui permettent de faciliter et simplifier les démarches des prestataires qui leur permettraient finalement, là, de lever les barrières susceptibles d'empêcher ou de freiner une personne à demander ou à conserver les prestations d'aide sociale... d'assistance sociale, pardon. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage sur le type d'éléments qui pourrait être testé dans ce contexte-là?

M. Surprenant (Olivier) : Oui, tout à fait. Bien, on parle de revenu depuis qu'on est arrivé, mais d'essayer le revenu minimum garanti avec un groupuscule de gens, voir comment est-ce qu'ils s'en sortent puis voir, effectivement, si au bout d'un certain temps, si ça a été plus efficace de les emmener vers le Programme objectif emploi ou de leur donner un revenu minimum garanti qui leur permette de subvenir à leurs besoins sans stress financier, sans se compliquer la vie finalement. Donc, nous on pense que ça pourrait être un projet très intéressant puis ça réglerait la question peut-être une fois pour toutes.

Mme Boivin Roy : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Maintenant, je cède la parole à la députée de Notre Dame de Grâce.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente, et merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui et aussi pour votre mémoire. Aller dans le vif du sujet. Les contraintes à l'emploi. Dans votre mémoire, vous dites que... d'ailleurs, on parle justement d'un des grands changements, c'est la... on parle moins de contraintes à l'emploi et plus de contraintes de sorties à l'emploi. On comprend qu'il y a des gens qui ont des contraintes de santé qui ont des emplois. Il y a des gens qui ont des emplois, qui ont aussi des contraintes et qui n'ont pas de contraintes de santé. Alors, est ce que vous pouvez élaborer sur les contraintes à l'emploi qui ne sont pas d'ordre des contraintes de santé physique, mentale ou autre, par exemple? Parce que vous dites, juste pour... vous dire que cela a donc pour effet, je cite, «de limiter les catégories de personnes qui pourront recevoir ces prestations et allocations supplémentaires». Mais on n'a pas les détails, parce que ça va être dans les règlements et on n'a même pas les intentions réglementaires. Donc, est-ce que vous pouvez nous préciser des exemples de catégories de personnes qui... où il y aurait des contraintes à l'emploi qui ne sont pas d'ordre de santé mentale, physique, etc.?

M. Surprenant (Olivier) : Il y a plusieurs...

M. Surprenant (Olivier) : ...un seul exemple. Déjà les personnes qui étaient énumérées dans la liste, là, qui ne fait plus partie finalement de la loi, ce sont tous des exemples qui ne sont pas typiquement de santé et qui, pour une raison... pour ces raisons-là, ne peuvent pas aisément retourner ou être à l'emploi. On peut penser aussi, on peut penser aux personnes qui ont beaucoup d'enfants. Bref, il y a des... Biens, je pense à une émission de télévision en ce moment, là, que je me demande, avec 12 ou 18 enfants, comment pouvez-vous vraiment être à l'emploi? Ça, ça peut être un exemple parmi tant d'autres. Une famille monoparentale, aussi, avec plusieurs enfants. Il y a beaucoup d'exemples comme ça, mais encore une fois, on salue la flexibilité que s'est donnée la ministre pour pouvoir agir sur les différents types. Puis je laisserais évidemment les situations être démontrées au fur et à mesure qu'on voit qu'il y a des personnes qui ne peuvent tout simplement pas être à l'emploi. Je ne sais pas si tu veux rajouter.

M. Dorais (Maxime) : Bien, on en revient aussi à la question des spécialistes ou du personnel habilité à rédiger des rapports donnant droit à des contraintes. Et dans ce cadre-là, évidemment, tous les intervenants sociaux, on pense qu'ils sont bien placés pour évaluer des contraintes qui seraient à l'extérieur de... qui ne seraient pas des contraintes à proprement parler de santé. En fait, on disait santé, donc des contraintes qui finalement seraient facilement observables dans un cabinet de médecin.

Alors, qu'est-ce qui peut être observé au-delà de ça? On pense que les intervenants du secteur des services sociaux sont bien placés. Par exemple, on l'a dit, la question d'une personne qui a un enfant qui... Ou alors, il y a plein de situations comme ça qui peuvent difficilement, on pense, être énumérées et prévoir tous les cas à l'intérieur du règlement. Et on pense qu'il devrait y avoir une certaine latitude dans les, comment dire, dans les recommandations qui seraient faites par les intervenants sociaux qui ont des rapports à rédiger pour l'évaluation à l'admissibilité des prestataires.

Mme McGraw : Mais on comprend que dans le mémoire de la ministre au Conseil des ministres, ils ont quand même pu faire ces calculs-là, justement, de combien d'argent ils vont sauver, épargner pour... Justement, il y a des catégories entières, mais on n'a pas les détails parce qu'on n'a pas les règlements ni les intentions réglementaires. Donc, c'est à surveiller.

Vous dites aussi... Là, je vais passer à l'Objectif emploi. Comme vous le savez, c'était une initiative libérale en 2016 et... Mais vous êtes... Vous dites dans votre... vos recommandations que... Vous parlez du «workfare» et nous sommes d'avis qu'il faut entièrement dissocier l'aide financière gouvernementale et le programme d'Objectif emploi. Mais y a quand même des atouts. Vous dites que malgré certaines vertus des programmes de retour à l'emploi, donc j'aimerais entendre... vous entendre sur les vertus de ce programme. Nous sommes d'avis que d'imposer d'y participer sous peine de sanctions est inefficace et ne contribuera pas à sortir un plus grand nombre de personnes de la pauvreté. Donc, j'aimerais tout d'abord vous entendre sur les vertus et ensuite les défis.

M. Surprenant (Olivier) : Bon, très bien. Bon, ce qui est... ce qui est des vertus ou, du moins, les points positifs, c'est qu'effectivement on met en place des programmes pour accompagner les personnes selon leurs besoins individualisés pour autant, j'aime bien peser sur ce mot, pour autant qu'ils soient dans une approche volontaire, c'est-à-dire qu'ils veulent retourner à l'emploi. Pour nous, ça nous semble efficace. Donc, on parlait de développement professionnel, on parlait de réinsertion sociale. C'est vraiment... Ce sont des programmes qui peuvent vraiment aider à ce niveau-là, clairement.

• (16 h 20) •

Par contre, c'est dans l'individualité où, là, on trouve qu'il y a peut-être un défi, c'est-à-dire que les personnes sont attirées vers le marché de l'emploi, mais est-ce que les emplois qui leur sont offerts sont des emplois qui correspondent à leurs valeurs, à leurs intérêts personnels, leurs aspirations? Ça semble être plus orienté vers le marché et ça devient des portes battantes, comme on vous l'a expliqué, là. Je pense qu.il y a plusieurs représentants qui vous l'ont expliqué, c'est-à-dire qu'il y a une subvention, par exemple, qui est donnée à une entreprise. Du moment, où est-ce que cette subvention-là se perd, l'emploi est en péril, et on doit retourner vers un autre emploi. Nous, ce qu'on recherche, c'est la stabilité pour la personne, c'est sûr, pour être sûre d'avoir des revenus suffisants, constants pour pouvoir boucler son budget puis, bien, vivre, là, finalement vivre dignement, là.

Mme McGraw : Vous soulignez quand même au début de votre mémoire des aspects positifs, donc, reliés aux fausses déclarations, en tout cas des pas dans la bonne direction. Est-ce que vous pouvez citer ou parler d'autres programmes au sein du gouvernement du Québec...

Mme McGraw : ...d'autres gouvernements qui pourraient inspirer nos travaux. Par exemple, je pense au RQAP. Lorsqu'on fait des déclarations de revenus, si on... ce n'est pas les bonnes informations, on n'est pas pénalisé, on rembourse. Ce n'est pas punitif. Est-ce qu'il y a des exemples qui pourraient nous inspirer dans ce projet de loi, ici, au Québec, ou ailleurs, dans notre approche puis nos travaux?

M. Surprenant (Olivier) : Je ne pourrais pas, rapidement comme ça, vous donner un exemple précis. Par contre, ce que je voudrais... ce que je voudrais souligner à gros trait, c'est que, justement, d'enlever la notion... bien, en fait, d'ajouter la notion d'intention, c'est une très bonne initiative parce qu'on sait qu'il peut y avoir des enjeux au niveau de la littératie, chez certaines personnes, mais il peut y avoir aussi des enjeux de temps. Ce n'est pas aisé, de remplir un formulaire d'aide sociale. Donc, selon nous, d'avoir ajouté cette notion d'intention là, ça... c'est une belle... une belle vision, finalement, de ce que devrait être un programme idéal. Et en enlevant aussi les prescriptions, c'est-à-dire de... celles qui sont passées, c'est-à-dire de cinq ans, et pour l'avenir, on pense que, rétroactivement, comme ça, on peut annuler des dettes qui, au final, ne seront jamais recouvertes et qui vont demander plus de temps et d'investissement par le ministère.

Mme McGraw : Peut-être une dernière question avant que je cède, avec la permission de la présidente, mon temps... le reste de mon temps à ma collègue. Le Collectif Petite enfance, ils ont suggéré... ils ont fait plusieurs recommandations, et une, c'est l'équité entre les parents, peu importe la situation financière, peu importe si on cotise en ce moment présent, et que tous les parents devraient avoir accès au RQAP ou à un régime semblable pour prendre un congé parental, surtout dans des situations de précarité, où il faut absolument avoir des fondements très solides, dont la présence soutenue d'au moins parent. Est-ce que vous avez des réactions à cette proposition-là? Entre autres parce que, là, on parle, j'ai demandé, au début, des exemples de groupes qui ont des contraintes à l'emploi qui ne sont pas d'ordre santé mentale, physique, etc. Par...  Vous avez cité les parents monoparentaux, qui sont surtout des femmes. Alors, je ne sais pas si vous avez une réaction pour combler ces besoins-là ou tenir compte de cette réalité.

M. Surprenant (Olivier) : Bien, je pourrais juste dire que c'est sûr qu'un congé bonifié, c'est une très bonne idée, là, surtout quand on n'a pas les moyens, on n'a pas le temps, puis que...  je pense qu'au Québec, on fait ce choix-là, souvent, de prioriser le bien-être des enfants. Donc, effectivement, si on peut aller dans ce sens-là, on serait cohérents avec notre logique... notre logique... notre logique, là, profamiliale, oui.

Mme McGraw : Donc, avec la permission de la présidente, je...

La Présidente (Mme D'Amours) : Oui. Je vais lui céder la parole tout de suite. Il reste 45 minutes... 45 secondes, pardon, 45 secondes.

Des voix : ...

Mme Prass : Deux petites questions vite parce que je n'ai pas beaucoup de temps. Quand on parle de la proposition de remplacer les contraintes à l'emploi par les contraintes à la santé, pensez-vous que c'est un recul?

M. Surprenant (Olivier) : Excusez-moi, je... pouvez-vous, oui...

Mme Prass : Quand on propose de remplacer les contraintes au travail avec les contraintes de santé, est-ce que c'est un recul pour vous?

M. Dorais (Maxime) : Un recul?

Mme Prass : Oui, dans le sens que comme...

M. Surprenant (Olivier) : Bien oui, parce qu'on va couvrir moins de personnes, inévitablement. Donc, comme on le disait, ce n'est pas... les contraintes ne sont pas liées seulement à la santé, elles sont liées à une panoplie de contextes qui sont propres à chaque individu, là, qui devient prestataire malgré lui.

Mme Prass : Donc, il y a un recul.

M. Surprenant (Olivier) : Oui.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Je vais vous ramener sur votre recommandation deux, là, concernant les dettes passées, là. Vous nous suggérez une rétroactivité là-dessus. J'aimerais ça que vous nous parliez de ce que ça peut représenter pour les personnes concernées, là, les types de dettes, l'accablement que ça représente, puis tout ça, puis, peut-être en... peut-être, si vous avez des chiffres sur le nombre de personnes que ça concerne, par exemple.

M. Surprenant (Olivier) : On n'a pas de chiffres sur le nombre de personnes nécessairement parce que, bon, on devrait faire une demande d'accès à l'information. Probablement qu'on va s'y intéresser davantage, mais il est certain que c'est des sanctions qui peuvent aller jusqu'à 224 $. Donc, pour un budget qui est déjà assez serré, là, on parle, par exemple, d'une personne qui est à l'aide sociale, telle quelle, avec 807 $. Déjà là, en partant, on enlève 224$, ça ne va pas bien.

Et, comme on l'a expliqué, bien, ça va s'accumuler, il va avoir des dettes, des intérêts. Si on...

M. Surprenant (Olivier) : ...si on fait juste limiter ce nombre de personnes-là, bien, comment dire, c'est... c'est... c'est sûr que c'est un fardeau additionnel, puis une dette, ça... c'est un poids additionnel, en plus d'avoir déjà le fardeau d'être à l'aide sociale, qui est multifactoriel, là. Donc, c'est ce que nos ACEF nous racontent, que ça devient encore plus difficile à ce moment-là de boucler le budget et d'aider à la conciliation budgétaire avec les consommateurs.

Mme Labrie : Ça vient comme affecter l'espoir de s'en sortir de ces personnes-là puis leur motivation à faire des démarches pour s'en sortir aussi.

M. Surprenant (Olivier) : Tout à fait.

Mme Labrie : Puis le fait qu'il y ait des intérêts là-dessus, en plus du montant qu'une personne devrait avoir à rembourser, là, par exemple pour une erreur, c'est quoi votre position là-dessus, sur l'existence même d'intérêts?

M. Surprenant (Olivier) : Bien, c'est... Oui, c'est... Bien, ça revient au... ça revient à la même question. C'est-à-dire que, si on met des intérêts, bien, nécessairement, bon, on tombe sur : il faut payer les intérêts d'abord, les intérêts s'accumulent, puis on n'est même pas rendu au capital. Donc, on ne peut pas s'imaginer ça quand on est une personne qui a déjà un déficit vers la subvenance de ses besoins. Alors, c'est sûr que pour nos membres, c'est... c'est une inquiétude d'avoir des dettes pour des intentions... pas «des intentions», pardon, mais pour des fausses déclarations qui souvent sont juste le fruit de manque de temps, le manque de compréhension, la complexité, en fait, des formulaires d'aide sociale ou de la science sociale.

Mme Labrie : Vous voyez ça souvent, ces histoires-là, de gens qui ont commis une erreur, là, de bonne foi parce qu'ils avaient mal compris, par exemple, la démarche à faire ou ce qu'ils avaient le droit de faire ou pas faire? C'est quelque chose qui est récurrent?

M. Surprenant (Olivier) : C'est ce qu'on nous a rapporté. Oui.

Mme Labrie : Oui. O.K. Je vous remercie.

M. Surprenant (Olivier) : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon.

M. Paradis : Les articles 24, 25 et suivants du projet de loi abolissent des motifs permettant d'obtenir des allocations pour contraintes temporaires qui sont prévues à l'actuel article 53 de la loi. Vous nous dites qu'avec cette abolition, des sommes de 99,7 millions, dans les cinq prochaines années, ils vont être économisés par le gouvernement en allocations non versées, et que pour les prestataires, c'est une perte d'une allocation de 161 $ par mois, ce qui est considérable, considérant que la prestation de base n'est que de 807 $ à l'aide sociale. Donc, on s'entend, vous êtes en train de nous dire qu'il s'agit d'une coupure budgétaire du gouvernement qui va résulter en une coupure pour les personnes affectées. C'est bien ça?

M. Surprenant (Olivier) : Ce qu'on... Ce qu'on vous dirait, c'est qu'il y a moins de personnes qui vont être couvertes par le régime de la loi sur l'aide... dans le fond, de l'aide sociale, de l'assistance sociale, c'est certain. De là à dire des coupures, je ne veux pas m'avancer sur les termes qui sont strictement budgétaires, là, mais clairement, il y a des personnes qui vont manquer d'aide qui leur est nécessaire compte tenu de leurs besoins et de leur situation.

M. Paradis : Donc, perte d'une allocation mensuelle pour les personnes concernées. Et vous nous dites : Ça n'a pas d'effet d'encouragement vers l'emploi, puis cette logique fait fi de la capacité réelle de ces personnes à trouver et à conserver un emploi. C'est ce que vous nous dites?

• (16 h 30) •

M. Surprenant (Olivier) : Oui. Bien, c'est... c'est que, dans le fond, au final... au final, on revient dans le même cercle, dans le même film qu'on a joué, on replonge des personnes dans la précarité. Ils ne peuvent pas s'en sortir. Ils ne peuvent pas s'attarder sur leurs problèmes, ils doivent d'abord survivre. C'est... Non, tout à fait. En fait, je vous répète la même logique, dans le fond, qui est... qui est celle de la subsistance. Puis ça ne devrait pas être ça. Ça devrait être de pouvoir accompagner les gens vers vivre dignement, de façon décente, telle que la Charte le prévoit à l'article 45.

M. Paradis : Donc, pas une mesure à même de participer au mouvement vers l'emploi des personnes concernées?

M. Surprenant (Olivier) : Ah! selon nous, non. Le retrait des contraintes, non, ce n'est pas une mesure qui va favoriser le retour à l'emploi des personnes. Non.

M. Paradis : Très bien. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Donc, M. Surprenant, M. Dorais, merci de votre contribution à la commission.

Je suspends les travaux quelques minutes afin que nos prochains invités prennent place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 31)


 
 

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