Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
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Le
mardi 8 octobre 2024
-
Vol. 47 N° 69
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 71, Loi visant à améliorer l’accompagnement des personnes et à simplifier le régime d’assistance sociale
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures quarante-six minutes)
La Présidente (Mme D'Amours) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous souhaite la bienvenue
et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques, s'il vous plaît.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no
71, Loi visant à améliorer l'accommodement des personnes... l'accompagnement,
pardon, des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Boivin-Roy (d'Anjou—Louis-Riel) est remplacée par Mme Tardif Laviolette—Saint-Maurice);
M. Dufour (Abitibi-Est) est remplacé par Mme Blais (Abitibi-Ouest); Mme
Tremblay (Hull) est remplacée par Mme Poulet (Laporte); Mme Dufour (Mille-Îles)
est remplacée par Mme Prass (D'Arcy-McGee); Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey) est
remplacée par Mme McGraw (Notre-Dame-de-Grâce); et M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)
est remplacé par Mme Labrie (Sherbrooke).
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Nous débuterons ce matin par les remarques préliminaires, puis nous entendrons
par la suite les témoins suivants, soit : la Société québécoise de la
déficience intellectuelle, le Réseau des carrefours jeunesse emploi du Québec
et le Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec.
J'invite maintenant la ministre
responsable de la Solidarité sociale et de l'Action communautaire à faire ses
remarques préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de six minutes. La
parole est à vous.
Mme Rouleau : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Alors, d'abord, j'aimerais saluer et remercier les personnes
qui ont participé, de près ou de loin, à l'élaboration de ce projet de loi. D'entrée
de jeu, mes sincères remerciements vont à l'ensemble des groupes et des
individus qui ont été rencontrés lors de ma tournée à travers le Québec et qui
ont été généreux en recommandations pour nourrir ce travail. Je remercie
évidemment la Direction des affaires juridiques et toute l'équipe de la
solidarité sociale, de mon ministère. Je remercie mes adjointes
gouvernementales qui sont présentes aujourd'hui, ma sous-ministre, mon
sous-ministre adjoint et toute l'équipe du cabinet qui a... pour tout l'apport
incalculable à cet exercice.
Honorée d'ouvrir ces consultations aujourd'hui.
On amorce une modernisation qui est essentielle pour notre société. Les
programmes d'assistance sociale ont été inchangés depuis 20 ans et ne répondent
plus à notre réalité. Le projet de loi que j'ai déposé, il est nécessaire pour
arrimer nos programmes avec le Québec d'aujourd'hui. On doit reconnaître les défis
auxquels sont confrontés nos citoyens plus vulnérables. Et, depuis deux
décennies, on a vu une baisse importante, marquée, donc du nombre de
prestataires d'assistance sociale et une diminution du taux de chômage. Et le
meilleur moyen de se sortir de la pauvreté, bien, c'est par l'emploi,
notamment, faut-il encore bien accompagner les gens, surtout s'ils sont très
éloignés du marché du travail, pour les mener vers un emploi et une meilleure
intégration à notre société.
Et c'est là que le projet de loi no 71
intervient. Un projet qui n'est pas qu'une simple modernisation. Il place l'individu
au cœur de nos priorités. Il faut éviter que les personnes décrochent de la
société. Alors, offrons-leur des avenues pour réussir leur intégration vers un
emploi.
• (9 h 50) •
Avec ce projet de loi, on leur propose un
accompagnement personnalisé. Il est crucial de stabiliser les enjeux de santé
et de vie quotidienne des prestataires si nous voulons qu'ils s'intègrent
durablement en emploi, et nous suggérons donc d'élargir le programme d'aide et
d'accompagnement social pour y intégrer un nouveau volet de participation
sociale. Grâce à lui, les prestataires de nos programmes pourront renforcer
leurs habiletés dans des environnements plus souples. Et pour favoriser l'intégration
au marché du travail, le projet de loi no 71 propose également d'élargir l'accès
au programme Objectif Emploi. Nous voulons de plus que des personnes
bénéficient de ce programme pour y faire ses preuves et qu'il propose aussi...
Mme Rouleau : ...des
accompagnements... des services d'accompagnement personnalisé pour rendre
l'assistance sociale plus humaine. Et, à la demande des groupes que nous avons
consultés, nous voulons remplacer les contraintes à l'emploi par des
contraintes de santé. Les prestations... prestations que nous verserons seront
basées sur un état de santé d'une personne et non sur sa capacité à travailler.
On veut permettre à plus de professionnels de la santé des services sociaux
d'émettre les diagnostics qui reconnaissent les contraintes. Cette nouvelle
approche va faciliter notre capacité à cerner les besoins individuels de nos
prestataires et simplifiera l'accès à la solution adaptée. Le projet de loi
vise également à encourager la diplomation des prestataires dans plus de
40 % n'ont pas le diplôme d'études secondaires. Nous offrirons un soutien
financier supplémentaire aux prestataires qui suivront une formation. Nous
savons que l'éducation est une clé pour que les personnes plus vulnérables
améliorent leur condition. Dorénavant, grâce au projet de loi n° 71, nous
passerons d'un régime punitif à un régime plus simple, plus humain. Nous
voulons faire tomber des barrières qui bloquent trop souvent la progression des
prestataires. On compte individualiser le versement des prestations des couples
pour lutter contre la codépendance et la violence conjugale. Nous voulons
abolir le niveau, la notion, pardon, de contribution parentale pour que les
jeunes adultes n'aient plus à demander une attestation à leurs parents. Nous savons
aussi que les enjeux de littératie mènent parfois des situations de
surendettement involontaire. On propose donc d'attaquer le surendettement des
prestataires en limitant à cinq ans la période pouvant faire l'objet d'une
réclamation. Et en conclusion, Mme la Présidente, le but de ce projet de loi
est de mieux soutenir, mieux accompagner les personnes qui font appel à l'aide
de dernier recours et de leur simplifier la vie. Il convient donc de s'y
pencher attentivement. Les mesures doivent être prises dans leur ensemble et
non pas de façon isolée. Certains éléments peuvent être complexes. Il faut
s'assurer de bien les comprendre pour voir comment le projet de loi vise à bien
atteindre ses objectifs. Je suis à l'écoute et très ouverte à vos idées afin que
nous puissions ensemble mener ce projet pour le bien de nos plus démunis.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
Mme la ministre. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle
et députée de Notre-Dame-de-Grâce à faire ses remarques préliminaires pour une
durée de 4 min 30 s. La parole est à vous, Mme la députée.
Mme McGraw : Merci, Mme la
Présidente. Alors, je souhaite tout d'abord de saluer la ministre responsable
de la Solidarité sociale et de l'action communautaire, ainsi que les députés de
toutes les formations politiques et les équipes du ministère qui travaillent
sur ce projet de loi n° 71. Il est important de rappeler que le Parti
libéral du Québec a été à l'origine de deux réformes majeures de la Loi sur
l'aide aux personnes et aux familles, soit en 2016 et en 2018, dans le
programme de revenu de base mis en œuvre par ce gouvernement. Et on l'a salué.
Ces réformes ont marqué des avancées significatives pour améliorer le soutien
aux plus vulnérables de notre société. Permettez-moi aussi de rappeler que le
programme d'Objectif emploi est une initiative libérale introduite pour
favoriser l'intégration des personnes en première demande d'aide sociale. Ici,
le gouvernement veut vraiment capitaliser sur cette initiative libérale. Il est
impératif de renforcer l'accompagnement. Cet objectif reste aujourd'hui au cœur
des valeurs du Parti libéral offrir une personne selon ses capacités, une
véritable chance de se relever. L'opposition officielle s'inquiète de la
volonté du gouvernement à assurer un vrai accompagnement de qualité pour tous
les bénéficiaires. Nous constatons que le gouvernement propose une réforme à
coût nul. Comment peut-on envisager une réforme aussi vaste et promettre un
meilleur accompagnement, des services plus accessibles et une intégration plus
efficace au marché de travail sans y allouer les ressources financières
nécessaires? Simplifier l'administration est une chose, mais cela ne doit pas
se faire au détriment de la qualité des services offerts aux citoyens les plus
vulnérables. Le gouvernement propose de regrouper plusieurs programmes
existants en un seul programme d'aide financière de dernier recours. Nous
sommes particulièrement préoccupés par la manière dont ces changements vont
impacter les personnes avec des contraintes sévères à l'emploi, ce qui inclut
non seulement des problèmes de santé, mais aussi des défis psychosociaux qui
risquent de voir leur soutien diminuer ou revenir moins accessible. Avec une
réforme à coût nul, nous craignons que cette simplification ne soit en réalité,
qu'une réduction des services pour ceux qui en ont le plus besoin. La
simplification ne devrait jamais mener à la déshumanisation. Nous saluons
l'idée d'améliorer l'accompagnement des prestataires avec la mise en place des
réseaux régionaux d'accompagnement. Cependant, sans un financement suffisant,
une...
Mme McGraw : ...une bonne
coordination entre les différents acteurs, y compris les organismes
communautaires, les services de santé et les services sociaux, ainsi que les
acteurs économiques. Ce réseau risque de ne pas atteindre ses objectifs.
Le Parti libéral continuera de plaider
pour une approche plus rigoureuse et aussi plus humaine, qui ne soit pas
simplement une opération, comme on dit, cosmétique à coût nul.
Alors, nous allons rester... nous restons
très préoccupés, Mme la Présidente, par plusieurs aspects de ce projet de loi,
notamment l'insuffisance des ressources allouées et l'impact potentiel sur les
personnes qui vivent de la précarité. Bien que nous reconnaissons certains
aspects positifs de ce projet de loi, nous devons nous assurer que les
changements proposés apportent des réelles solutions aux personnes qui en ont
le plus besoin. Notre formation demeure vigilante pour que ces réformes soient
véritablement au service des Québécois les plus vulnérables, dont les personnes
qui vivent des handicaps...avec des handicaps, des déficiences les jeunes
familles, les aînés, les proches aidants et les femmes victimes de violence
conjugale. Nous espérons que le gouvernement saura ajuster ses propositions en
fonction des besoins réels de la population, car ce sont les citoyens les plus
fragiles, Mme la Présidente, qui risquent de pâtir des décisions prises dans
cette enceinte. Alors, on va laisser à la population de juger si ces programmes
sont vraiment plus humains. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
Mme la députée. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe
d'opposition, Mme la députée de Sherbrooke, à faire ses remarques
préliminaires. La parole est à vous.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à tous mes collègues. Je suis contente qu'on étudie enfin
ce projet de loi là. J'ai lu, dans les derniers jours, avec beaucoup d'intérêt,
cet ouvrage, qui est un recueil de coupures de presse sur les différentes
réformes qu'il y a eu sur l'aide sociale depuis 1969 et sur la mobilisation
citoyenne qu'il y a eu aussi autour de ces enjeux-là puis je dois dire que mon
souhait le plus sincère, c'est qu'on ne rejoue pas encore dans le même film. Ce
film qui se joue à répétition depuis des décennies, dans lequel les gouvernements,
peu importe lesquels, qui se sont succédés, ont toujours continué de répéter la
même chose : Qu'il fallait renvoyer les gens sur le marché du travail
parce que ça améliorerait leur situation, mais surtout parce qu'il fallait
aussi couper dans les dépenses des programmes d'aide sociale. Au fil du temps,
on a réussi à ramener beaucoup de gens sur le marché du travail, de sorte
qu'aujourd'hui il reste de moins en moins de prestataires d'aide sociale,
malgré une croissance de la population importante. Les personnes qui sont
actuellement sur ces programmes-là ont des situations de vie qui les rendent
très souvent bien éloignées du marché du travail.
Moi, j'accueille positivement beaucoup de
choses qui sont proposées dans le projet de loi, notamment l'élargissement du
nombre de professionnels auprès desquels ils vont pouvoir se tourner,
l'abolition de la contribution parentale, l'individualisation des prestations,
mais j'ai quand même beaucoup d'inquiétude que ça ne va pas simplifier la vie
de tout le monde. Donc, on va être là pour s'en assurer, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
Mme la députée. Avant de continuer, je dois vous demander le consentement pour
que notre collègue député de Jean-Talon puisse faire une remarque préliminaire
d'une durée d'une minute. Est-ce que j'ai votre consentement?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme D'Amours) : Donc,
M. le député de Jean-Talon, la parole est à vous pour une minute.
M. Paradis : Merci, Mme la Présidente.
Alors, merci à la ministre, à toute l'équipe du ministère pour les travaux de
préparation de ce projet de loi. Je salue d'avance toutes les personnes qui
vont venir contribuer à nos réflexions, favoriser la mise en mouvement vers
l'emploi, améliorer l'accompagnement, contribuer à la pleine participation
sociale, simplifier et optimiser le régime d'assistance sociale. Voilà des
objectifs, des intentions qui sont très intéressants. J'abonde dans le même
sens que mes collègues, il y a beaucoup de propositions qui paraissent
intéressantes dans ce projet de loi, mais c'est un projet de loi qui est lié au
plan de lutte contre la pauvreté qui a été présenté au printemps dernier, qui a
été jugé assez timide par beaucoup d'organisations, de base. Donc, il faudra
voir, dans nos discussions, s'il s'agit plus d'une opération de communication
qu'un réel... une réelle avancée pour les personnes parmi les plus vulnérables
de notre société. Une réforme à coût nul, ce n'est pas facile. Alors, à nos
discussions. Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Merci beaucoup. Donc, nous allons commencer nos travaux, et je souhaite
maintenant la bienvenue à la Société québécoise de la déficience
intellectuelle. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé,
s'il vous plaît.
Mme Duranleau (Amélie) : Mme
la Présidente, MM., Mmes les députés, premièrement, permettez-nous de vous
remercier pour votre invitation à présenter notre position sur le projet de loi
no 71 ce matin. Mon nom est Amélie Duranleau, je suis la directrice générale de
la Société québécoise de la déficience intellectuelle, la SQDI.
M. Ragot (Samuel) : Bonjour,
mon nom est Samuel Ragot. Je suis analyste senior aux politiques publiques à la
SQDI. Je suis aussi candidat au doctorat...
M. Ragot (Samuel) : ...en
travail social à l'École de travail social de l'Université McGill. Ma thèse
porte sur la sécurité financière des personnes en situation de handicap, donc à
ce propos.
• (10 heures) •
Mme Duranleau (Amélie) : Oui.
La SQDI a un regroupement provincial qui compte plus de 100 organisations
à travers la province et qui œuvre en déficience intellectuelle. Nous
travaillons à la promotion et à la défense des droits des personnes qui ont une
déficience intellectuelle et de leur famille. Mme la Présidente, la SQDI
accueille le projet de façon généralement positive mais avec des réserves
importantes en lien avec certains articles. Bien entendu, comme d'autres
groupes que vous entendrez au cours de la semaine, nous aurions aimé voir un
projet de loi qui va un peu plus loin sur certains aspects, un projet de loi
qui vient réellement humaniser le traitement des prestataires, un projet de loi
qui donne plus de soutien financier aux proches aidants des personnes qui ont
une déficience intellectuelle, un projet de loi qui permet réellement aux
prestataires de sortir de la pauvreté, un projet de loi qui généralise l'accès
au programme de revenu de base, un projet de loi, enfin, qui aurait mis le
Québec à l'avant-plan des provinces canadiennes en matière d'assistance
sociale. Malheureusement, ce n'est pas exactement ce projet de loi que nous avons
entre les mains. Malgré tout, nous pensons qu'il y a du bon dans le projet de
loi n° 71, nous tenons à le souligner, en autant que des amendements
soient adoptés pour l'améliorer.
En premier lieu, nous saluons
l'élargissement de la portée de la loi avec la création de programmes
d'assistance sociale qui viendront s'ajouter aux programmes d'aide financière.
Ce nouveau volet de la loi a du potentiel, en autant qu'il soit mis en œuvre de
façon ambitieuse et que des ressources soient mobilisées en conséquence.
L'emphase mise sur l'accompagnement des prestataires est également la
bienvenue. Nous apprécions le fait que la ministre ait mis l'accent sur
l'intégration d'emplois et sur la participation sociale en général. Pour bien
des personnes que nous représentons, l'emploi à temps partiel est une
possibilité qui doit être comblée par d'autres formes de participation sociale.
Toutefois, le projet de loi a grandement besoin d'amendements en lien avec
certains articles.
M. Ragot (Samuel) : Mme la
Présidente, nous avons envoyé un mémoire à la commission la semaine dernière.
Il y avait un certain nombre de recommandations qui étaient consignées. Je ne
veux pas toutes les répéter ce matin, sinon ça va être très long. Je vais
plutôt m'adresser... adresser certains aspects plus critiques. Premièrement, on
n'est pas certain de la pertinence de renommer les contraintes sévères à
l'emploi en contraintes sévères de santé. En fait, pour nous, il aurait été
préférable de voir l'apparition de contraintes psychosociales appuyées par des
diagnostics médicaux. Il s'agissait d'ailleurs d'une recommandation conjointe
de la direction de l'assistance sociale du ministère de l'Emploi, de la
Solidarité sociale et du milieu associatif en 2019.
Actuellement, comme vous le savez, le principal
défi des prestataires pour se faire reconnaître une contrainte sévère, c'est
l'accès à un médecin qui accepte de remplir les rapports médicaux. Les rapports
ne sont pas très adaptés aux contraintes psychosociales actuellement. Pourtant,
la majorité des prestataires ayant des contraintes sévères en emploi ont des
troubles de santé mentale, sont autistes ou ont une déficience intellectuelle.
Le point commun de ces personnes est qu'elles ont toutes une condition qui est
invisible, des conditions qui sont difficiles à diagnostiquer strictement sur
le plan médical. Donc, il est important de s'adresser aux contraintes
psychosociales dans ce contexte. Si la ministre à ouvert la porte à ce que
d'autres professionnels de la santé puissent compléter les rapports médicaux,
ce qui est très positif, il faudrait toutefois prioriser les aspects
psychosociaux plutôt que les aspects médicaux, surtout si l'objectif est
d'accompagner les prestataires à dépasser les défis auxquels ils et elles sont
confrontés.
L'autre problème avec l'encadrement des
contraintes sévères de santé lié à l'article 25 du projet de loi en ce qui
a trait aux programmes de préparation et d'intégration en emploi. En l'état, ce
critère fait en sorte de refuser à toute personne participant à des programmes
de préparation, d'intégration en emploi la reconnaissance d'une contrainte
sévère de santé. Ça veut dire que n'importe quelle personne ayant, par exemple,
une déficience intellectuelle sévère qui participerait à un plateau de travail
ou à un stage, dans lequel cette personne-là n'est pas payée par ailleurs,
serait considérée comme étant en préparation au travail et perdrait donc la
reconnaissance de sa contrainte sévère de santé, peu importe son éloignement du
marché du travail. Une telle situation, pour nous, est absurde. Elle est
contre-productive. Les personnes doivent être encouragées à essayer de
travailler, même si elles ont des contraintes sévères de santé. Et c'est
d'autant plus vrai que, pour beaucoup de personnes, ces personnes-là pourraient
travailler qu'à temps partiel de toute façon, elle n'aurait donc pas les moyens
de subvenir à leurs besoins. Dans un tel contexte, il nous semble injuste de
leur refuser la reconnaissance de la contrainte sévère de santé. Pensons que
l'article 25 doit être amendé pour retirer les éléments liés à la
préparation et à l'intégration au travail et que le maintien au travail doit
être qualifié par le critère de travail à temps plein.
Enfin, l'article 25 retire la
reconnaissance de contraintes temporaires de santé aux parents d'enfants
handicapés, aux proches aidants et aux personnes victimes de violence conjugale
qui sont en maison d'hébergement. Nous comprenons que la ministre a l'intention
d'inclure ces personnes dans un projet de règlement, mais, à notre avis, il est
préférable de les maintenir à l'article 53 de la loi. À défaut, si la
ministre tient réellement à leur donner accès à... tient réellement à
inclure...
10 h (version non révisée)
M. Ragot (Samuel) : ...dans un
projet de règlement. Bien, nous l'invitons à donner accès à ces populations au
programme de revenu de base plutôt qu'une simple reconnaissance de contraintes
temporaires. L'accès au programme de revenu de base étant réglementé par le
même règlement, la modification sera tout aussi facile à faire.
Mme Duranleau (Amélie) : En
ce qui concerne les plans d'intervention, nous apprécions la volonté
gouvernementale de mieux accompagner les prestataires et d'humaniser l'intervention
du ministère. Toutefois, il est crucial que le ministère travaille avec les
autres ministères et organismes gouvernementaux du Québec puisque des plans d'intervention
existent déjà dans d'autres sphères. Par exemple, des plans existent en santé
et services sociaux ainsi qu'au niveau de l'Office des personnes handicapées du
Québec. Il ne faut donc pas dupliquer, mais plutôt viser la complémentarité.
Par ailleurs, nous tenons à souligner la
pertinence d'élargir le programme Objectif emploi à tous les prestataires. Ce
programme a prouvé sa pertinence pour aider les prestataires à sortir de la
pauvreté et à réintégrer le marché du travail. Il faut toutefois s'assurer d'adapter
ce programme aux besoins des personnes plus éloignées de l'emploi, dont
certaines personnes qui ont une déficience intellectuelle.
La SQDI a produit un avis en lien avec le
renouvellement de la stratégie nationale pour l'intégration et le maintien en
emploi des personnes handicapées. Il nous fera plaisir de suggérer à la
ministre plusieurs mesures afin de bonifier les programmes pour les
prestataires du futur programme d'aide financière de dernier recours.
M. Ragot (Samuel) : En ce qui
a trait aux modalités de fonctionnement des programmes, nous reconnaissons que
des avancées ont été faites. Toutefois, elles restent encore trop limitées à
nos yeux. Par exemple, l'individualisation partielle des prestations et les
quelques assouplissements liés à la proche aidance sont pertinents mais ne sont
pas suffisants. À notre avis, il aurait fallu revoir entièrement le concept de
vie maritale et pleinement individualiser les prestations. De façon similaire,
nous ne sommes pas certains si les propositions en lien avec la révision des
dettes et les fausses déclarations seront réellement porteuses d'améliorations,
les différences sémantiques étant absolument difficiles à évaluer en l'état.
En fait, le plus frappant en lien avec les
modalités de fonctionnement des programmes est vraiment l'absence d'une réelle
simplification à nos yeux. Même en fusionnant deux programmes, il restera tout
de même trois catégories de prestataires, avec des règles différentes, et il n'est
pas clair en quoi un tel choix résultera en une simplification des démarches et
de la gestion du programme. Nous aurions préféré voir un élargissement du
programme de revenu de base pour toutes les personnes ayant des contraintes
sévères ainsi qu'un élargissement des modalités de fonctionnement de ce
programme aux autres programmes. En l'état, il ne nous semble pas clair que les
solutions proposées régleront réellement quoi que ce soit.
Mme Duranleau (Amélie) : Afin
de conclure, Mme la Présidente, nous pensons que le projet de loi n° 71 peut
être amélioré. Malgré toutes nos critiques et réserves, nous saluons l'intention
de la ministre de miser sur l'accompagnement et sur le soutien aux
prestataires. Nous pensons qu'il s'agit de la bonne direction à prendre. Bien
entendu, nous aurions aimé voir d'autres changements à la loi et nous avons des
propositions pour améliorer le projet de loi afin de mettre en marche le
changement de culture au sein des programmes d'aide financière de dernier
recours.
Mme la Présidente, fidèles à nos
habitudes, nous nous tenons à votre disposition... de la ministre et de la
commission pour faire en sorte de bonifier ce projet de loi. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter notre période d'échange.
Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Rouleau : Bien, merci
beaucoup, Mme la Présidente. Et merci beaucoup de votre présence et de tous vos
commentaires, du travail que vous avez effectué, là, pour venir nous faire part
de vos... de ce que vous considérez comme bon, très bon, moyen.
J'aimerais savoir... Bon. Dans la remise
en mouvement, là, des personnes qui ont une déficience intellectuelle, d'après...
d'après vous, combien de temps faut-il pour qu'une personne puisse intégrer un
emploi, puisse... Combien de temps faut-il pour qu'une personne soit bien
intégrée, puisse avoir une certaine autonomie?
Mme Duranleau (Amélie) : C'est
vraiment relatif d'un individu à l'autre, là. Il faut comprendre qu'on ne veut
pas mettre de limite de temps, mais bien adapter le temps aux besoins
particuliers des personnes qui ont une déficience intellectuelle. Pour
certaines, ça peut être quelques mois et, pour d'autres, ça peut être plusieurs
années. Donc, ce qu'on aimerait, c'est voir une certaine flexibilité à ce
niveau-là.
Mme Rouleau : O.K. Vous avez
parlé du PRB, programme de revenu de base, pour les personnes qui sont... qui
ont des contraintes très sévères, très, très sévères. Et vous croyez... vous
voulez, vous souhaitez que le PRB soit élargi à tous les prestataires, c'est ce
que je comprends?
M. Ragot (Samuel) : Pas
exactement, Mme la ministre.
Mme Rouleau : Pouvez-vous
expliquer un petit peu plus ce que vous... ce que vous voulez proposer?
M. Ragot (Samuel) : Oui,
absolument. Ce qu'on propose, c'est que les personnes qui ont des contraintes
sévères à l'emploi actuellement aient accès au programme de revenu de base...
M. Ragot (Samuel) : ...passage
par le programme de solidarité sociale. Donc, si vous aviez un programme à
couper, entre guillemets, ce serait le programme de solidarité sociale pour
donner accès au programme de revenu de base à la place. Une des raisons pour
laquelle on propose ça, c'est que le programme de revenu de base est largement
fiscalisé. Donc, toute personne qui travaillerait, qui aurait des revenus,
générerait, paierait de l'impôt et donc viendrait générer une sorte d'équité
entre les contribuables et une sorte d'équité entre les personnes qui sont
prestataires.
• (10 h 10) •
La Présidente (Mme D'Amours) : ...
Mme Rouleau : Question :
Croyez-vous que dans les contraintes temporaires qui existent aujourd'hui,
avoir 58 ans est une contrainte à l'emploi?
M. Ragot (Samuel) : Bien,
écoutez, je pense qu'on peut reconnaître, et ça a été reconnu par le
gouvernement du Québec, là, l'âgisme est quelque chose qui existe, c'est
quelque chose, là, qui est bien présent. Après ça, est-ce qu'avoir 58 ans
versus 59 ans? Il y a d'autres groupes qui vont pouvoir se prononcer
là-dessus, nous, on n'est pas des experts sur cette question-là. Donc, je vous
conseillerais de demander à ces autres groupes.
Mme Rouleau : Bien sûr, je
vais poser la question à d'autres organismes aussi. Vous avez parlé de
différents plans qui existent à travers le gouvernement, avez-vous des recommandations
sur des... une façon, un fonctionnement plus efficace, des recommandations à
faire, à intégrer, par exemple, dans notre notre orientation, de mieux
accompagner les personnes qui sont en situation de précarité? Avez vous, à
travers les différents plans que vous avez analysés, vu des façons de faire que
nous devrions adopter dans notre façon de faire?
Mme Duranleau (Amélie) : Bien,
une des recommandations qu'on a amené en entrée de jeu, c'est vraiment de
s'assurer qu'il y a une complémentarité, parce que ça peut être très variable
d'une personne à l'autre. Certaines personnes peuvent avoir déjà un plan
d'intervention, par exemple avec l'Office des personnes handicapées du Québec,
d'autres non. Donc, dans l'ensemble, on pense que c'est vraiment une bonne
idée, de sortir du punitif, faire de l'accompagnement est toujours quelque
chose de vraiment très positif. Mais je vous dirais que, tu sais, on n'est pas
allés dans le très, très concret à ce niveau-là. Somme toute, tu sais, ce qu'on
vise, c'est qu'il y a vraiment cette... une complémentarité puis un partage
d'information qui soit le plus facilitant pour le prestataire. De façon
générale, on demande à ce que les plans soient bien établis. Puis aussi, ce
n'était pas nécessairement très clair sur qu'est-ce qu'on veut avec ce plan
d'intervention individualisé, c'est quoi ces objectifs, puis à qui... comment
ça s'adresse aussi? Donc, ça pourrait être un élément de précision important.
M. Ragot (Samuel) : Si je
peux préciser, Mme la ministre. Je pense que c'est important de ne pas demander
aux personnes qui vivent dans la vulnérabilité ou dans la précarité de répéter
tout le temps à l'infini les difficultés auxquelles elles sont confrontées.
Puis ça, c'est quelque chose qui est très important. Les parents, les personnes
en situation de handicap sont souvent confrontés à cette difficulté là de
devoir réexpliquer, de devoir reremplir des formulaires, de devoir réexposer
les traumatismes qu'elles peuvent vivre, et ça, c'est quelque chose qui est
vraiment important d'éviter le plus possible. Donc, on a déjà un certain nombre
de plans : il faut faire un maillage, il faut essayer d'accompagner les
personnes sans avoir à les retraumatiser, sans avoir à aller redemander une
panoplie d'informations qui existent déjà par ailleurs.
Mme Duranleau (Amélie) : Oui.
Puis je pourrais ajouter à ce que dit Samuel aussi que c'est toute une question
d'humanisation aussi. Donc, le plan d'intervention est très intéressant, mais
s'il est fait de la bonne façon, en mettant la personne au cœur même de la
démarche avec des principes d'autodétermination, là, qu'on recommande à chacune
des étapes de la vie de la personne, là.
Mme Rouleau : O.K. Un bon
accompagnement social, ce serait quoi?
M. Ragot (Samuel) : C'est une
bonne question. Un bon accompagnement social, bien, je pense que ce serait déjà
permettre aux gens de sortir de la pauvreté en partant, ce qui n'est pas le cas
des programmes actuels. Donc, déjà une première cible à atteindre. Un bon
accompagnement social, c'est quelque chose qui n'est probablement pas basé sur
la contrainte. Donc, on a vu le Programme objectif emploi quand il a été créé,
il était obligatoire, il ne l'est plus, c'est tant mieux. Mais viser sur les
forces des personnes, sur les compétences, mais aussi... Bon. Quand on parle
par exemple, nous, des plateaux de travail et des stages, ce qu'on dit,
c'est : Ça prend un programme clair de formation avec des objectifs
clairs, mais aussi des objectifs qui sont possibles à atteindre. Donc, ça ne
sert à rien de viser... Si vous demandez à un poisson de voler, il n'y arrivera
pas, il n'atteindra pas ce résultat-là, évidemment. Donc, il faut s'adapter aux
capacités des personnes, il faut s'adapter à leurs aspirations aussi. Et je
pense que c'est important de le nommer. Puis vous l'avez nommé vous-même dans
le projet de loi, dans votre mémoire, au Conseil des ministres : ce n'est
pas juste l'emploi. Il y a des personnes qui ne travailleront pas à temps plein
en emploi. C'est quelque chose qui existe, il faut le reconnaître. Et, dans ce
contexte-là, bien, ça peut être de trouver des activités...
M. Ragot (Samuel) : ...stimulante,
des activités de participation sociale, d'exercice de la citoyenneté, d'aller
dans la communauté aider les autres personnes. Donc, il y a toute une réflexion
à avoir dans un continuum de services qui est aussi auprès de d'autres
ministères, dont le ministère de la Santé et des Services sociaux, qui est
auprès des organisations communautaires sur le terrain. Donc, c'est vraiment un
maillage à faire avec tous ces acteurs-là pour s'assurer que les personnes
puissent avoir une vie digne mais aussi avoir une vie riche comme les nôtres.
Mme Duranleau (Amélie) : Samuel
a tout dit. Puis évidemment ça prend des ressources aussi pour que cet
accompagnement-là soit optimal.
La Présidente (Mme D'Amours) : Oui,
Mme la ministre.
Mme Rouleau : Pour vous, ça
se passe comment sur le terrain? Comment... comment les gens réagissent à cette
proposition du projet de loi?
Mme Duranleau (Amélie) : Bien,
pour toutes les organisations qu'on représente, là pour tout ce qui est de
l'accompagnement, c'est généralement bien reçu, mais, évidemment, il y a
certains éléments, là, qui ne sont pas nommés dans le projet de loi. Donc,
c'est difficile de... je dirais, d'avoir une analyse qui est complète à ce
niveau-là. C'est beaucoup plus par conséquent qu'on va voir les résultats sur
le terrain. Puis, évidemment, c'est bien reçu, mais toutefois, surtout pour les
organismes communautaires qui ont peu de financement... savent très peu comment
tout ça va pouvoir être appliqué de façon concrète... et qui développent
réellement aussi le rôle social actif de la personne. Donc, Samuel l'a
mentionné, mais, vraiment, qu'on évite la ségrégation des personnes puis
qu'elles puissent avoir réellement leur place dans la collectivité, qu'on les
amène vers l'emploi puis qu'on évite leur ségrégation aussi dans différentes
activités, ça répond, finalement, à leurs intérêts, à leurs forces, également.
Donc, vraiment de le cibler en fonction des individus et non d'un ensemble de
personnes qui auraient le même diagnostic.
M. Ragot (Samuel) : Si je
peux me permettre, il y a... une réforme sociale, c'est quelque chose qui est
extrêmement stressant pour les prestataires, pour les familles, pour les
personnes elles-mêmes. Il y a un effort de communication qui est gigantesque à
faire pour rassurer les personnes. On entend encore des personnes qui sont
admissibles au Programme de revenu de base puis qui ne croient pas que le
programme va aider leur situation. Ça fait pourtant plus qu'une année et demie
que le programme existe. Donc, il y a tout un effort de communication et de
rassurer le public, rassurer les personnes.
Il va falloir vraiment rentrer en
communication avec... leur expliquer le changement de la loi, vraiment, parce
que sinon on va avoir des drames qui vont se passer, c'est certain, des gens
qui ne vont pas comprendre les programmes, qui ne vont pas se prévaloir de
certaines mesures. Donc, cet effort de communication là, il est quasiment aussi
important que l'effort que vous avez mis pour écrire le projet de loi en tant
que tel.
Mme Rouleau : ...peut-être
des collègues qui aimeraient...
La Présidente (Mme D'Amours) : Oui,
oui. Nous avions Mme la députée de Laviolette-Saint-Maurice. La parole est à
vous.
Mme Tardif : Bonjour.
Premièrement, merci beaucoup, là, merci du travail que vous faites, merci du
travail des organismes aussi. On les aime beaucoup. On les aime beaucoup, ces
organismes-là, il y en a partout, dans toutes les régions, là, et c'est
essentiel pour le bon développement et la santé d'une communauté. Donc, merci.
D'ailleurs, hier, je visitais le groupe
Les Horizons ouverts, qui ont un beau plateau de travail, là, pour nos
personnes qui vivent avec des DI ou avec des troubles de l'autisme.
Est-ce que je comprends de... ce que vous
vous comprenez ou ce que je peux déduire, c'est que ces problèmes-là, de santé
mentale ou de DI, vous... pour vous, dans la définition de l'article 25, quand
on parle de contraintes sévères de santé, ce ne serait pas un problème sévère
de santé, ce ne serait pas un problème de santé, mais un état qu'il faudrait
nommer et ajouter à cet article-là? Est-ce que je comprends bien?
M. Ragot (Samuel) : Oui.
Mme Tardif : Parfait. Et vous
nous demandez aussi... vous dites... vous avez une recommandation, qui est la
recommandation 12, qui est très pertinente, mais qui est aussi très large et
qui nous demande de s'assurer de former adéquatement les agents responsables de
la création et de la mise en œuvre et du suivi d'un plan d'intervention
individualisé. Qu'est-ce que vous nous proposez comme plan de formation?
Qu'est-ce que vous jugez que nos agents responsables, disons... Qu'est-ce qui manque,
actuellement? Qu'est-ce que vous proposez?
• (10 h 20) •
M. Ragot (Samuel) : Bien,
merci pour cette question. Je pense qu'il faut ramener un peu le contexte des
plans, bon. Il y a beaucoup d'actes qui ressemblent, certainement, de près ou
de loin, à des actes réservés à des travailleuses sociales ou des travailleurs
sociaux. Il y a un certain nombre, évidemment, de professionnels du ministère
qui sont des travailleurs sociaux et des travailleuses sociales, ce qui est
excellent, mais, de façon générale, ce qu'on voit, c'est que la culture,
actuellement, de ces programmes-là est plus axée sur le contrôle, sur la
vérification, sur le...
M. Ragot (Samuel) : ...de
s'assurer que la personne a bien le bon montant dans son compte, qu'elle n'a
pas dépassé. Et c'est un changement de culture. Donc, si on veut aller vers
l'accompagnement, il va falloir miser sur la bienveillance, mais aussi miser
sur la compréhension des prestataires. On sait que la majorité des
prestataires, c'est majoritairement des personnes qui ont des troubles de santé
mentale ou qui sont en situation de handicap, pour la solidarité sociale, le
programme de revenu de base. C'est les statistiques qu'on a. Donc,
premièrement, comprendre ce qu'est une situation de handicap, mais aussi comprendre
la pauvreté. Il y a beaucoup de choses dans une situation de pauvreté. Être
pauvre, ça prend du temps, ça coûte cher, c'est difficile. Il faut réussir à
fonctionner de façon improvisée, souvent on est tout le temps en train
d'essayer de trouver la prochaine chose qui va nous permettre d'y arriver.
Donc, il y a comme un changement de paradigme, au-delà de la formation même,
qui est vraiment très pertinent, qu'il faut le souligner, je pense que c'est
très important. Mais, en termes de formation, bien, ça va prendre de la
formation sur comment interagir de façon plus humaine, plus inclusive, plus
soutenante et s'assurer, évidemment, que les plans, bien, répondent aux besoins
des personnes puis qu'on n'ait pas... Ce qui est important, c'est de ne pas
imposer des choses aux personnes qui ne correspondent pas à leurs besoins ou de
ne pas restreindre certains services par le biais d'un plan d'intervention.
La Présidente (Mme D'Amours) : Mme
la députée d'Abitibi Ouest, vous vouliez intervenir?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci,
Mme la Présidente. Il reste combien de temps?
La Présidente (Mme D'Amours) : Trois
minutes.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Parfait.
Alors, dans un premier temps, je tiens à vous remercier de la présentation de
votre mémoire et surtout souligner le travail exceptionnel que vous faites
auprès de la déficience intellectuelle. Alors, ma question est très simple. Je
me base sur... dans votre mémoire, à la recommandation quatre qui dit :
«fonder la reconnaissance des "contraintes sévères" sur un rapport
psychosocial, appuyé par des diagnostics médicaux. Rendre ce rapport facile à
remplir pour les prestataires et pour les professionnels de la santé.» Quel
serait le rapport idéal à remplir?
M. Ragot (Samuel) : Le rapport
idéal à remplir. C'est une bonne question, c'est une question qu'on avait
abordée quand on a eu les travaux sur le programme de revenu de base. Ce qui a
été clair, c'est qu'il n'y a pas de rapport idéal, parce qu'un rapport, ça va
rester compliqué par définition. Cela dit, les contraintes psychosociales,
bien, ça peut être de documenter les déterminants sociaux de la pauvreté ou de
la santé, par exemple, de permettre une certaine flexibilité. Actuellement,
c'est très axé sur le médical, et les évaluations du comité d'évaluation sont
assez difficiles à passer. Ce qui a été proposé, c'était vraiment d'essayer de
comprendre l'entièreté de la situation de la personne, de comprendre qu'est-ce
qui constitue son environnement ou qu'est-ce qui constitue les déterminants
qu'elle a ou qu'elle n'a pas pour réussir à être incluse en emploi, par
exemple. Donc, un rapport médical, un rapport optimal, je pense que ça n'existe
pas. Par contre, ce qu'on peut faire, c'est aussi reconnaître certains autres
rapports qui existent déjà. Donc, on a des gens, par exemple, qui ont une
tutelle, mais il y a déjà eu des rapports psychosociaux qui on été faits.
Est-ce qu'on peut reprendre ces rapports-là plutôt que de demander à la
personne de répéter à l'infini encore une fois des informations qu'on a déjà,
qui ont déjà été approuvées, par ailleurs, par la cour? Donc, il y a des choses
comme ça qu'on peut faire, outre la simplification d'un formulaire. Un
formulaire, ça va rester compliqué. C'est de l'administration publique, c'est
normal, ça vient avec. On veut s'assurer que les programmes soient bien
paramétrés.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Et,
lors de votre présentation, vous avez cité que vous vouliez un projet de loi
plus humanitaire. J'aimerais vous entendre sur le plus humanitaire. Qu'est-ce
que ça veut dire?
M. Ragot (Samuel) : Bien,
écoutez, je pense qu'on veut aller... Si on veut réellement rendre ces
programmes-là plus humains, premièrement, il faut sortir les personnes de la
pauvreté. C'est la chose la plus absolue, là, de façon très, très, très
pratico-pratique. On n'est pas au niveau de la mesure du panier de
consommation. On est très loin, en fait, de la mesure du panier de
consommation, qui est le seuil de pauvreté au Canada. Donc, commençons par ça.
Évidemment, c'est une mesure que le ministre des Finances va devoir appuyer.
Donc, on l'invite, il n'est pas là aujourd'hui, mais on l'invite à nous
écouter, parce que c'est dans ses mains majoritairement, ce n'est pas dans les
mains de la ministre a priori. Mais on va le répéter au ministre des Finances.
Même s'il a refusé de nous rencontrer, on va lui renvoyer une autre lettre.
Mais c'est ça, commençons par donner plus d'argent aux gens, commençons par
leur donner la capacité de se sortir de la pauvreté, de se sortir de situations
difficiles.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Selon
vous, c'est un projet de société?
M. Ragot (Samuel) : C'est
absolument un projet de société puis c'est un projet de société qui devrait
être porté par tout le monde dans cette pièce-là, et je pense qu'il l'est par
ailleurs. Mais évidemment on aimerait avoir encore plus d'encouragement et un
petit peu plus de volonté pour y arriver.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Je
vous remercie.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Maintenant, je vais céder la parole à la députée de
Notre-Dame-de-Grâce pour une période de 10 min 24 s.
Mme McGraw : Parfait. O.K.
Oui, bon. Donc, merci, Mme la Présidente. Et merci beaucoup. Je remercie Mme
Duranleau et M. Ragot pour votre... la SQDI, pour votre présentation, pour
votre présence aussi ce matin en commission et pour votre...
Mme McGraw : ...mémoire très
détaillé, on comprend que vous n'avez pas eu beaucoup de temps pour le
préparer, mais c'est excellent. Le délai était très court. Écoutez, beaucoup de
questions. Peut-être, une première question, c'est que la réforme,
essentiellement, est à coût nul. Alors, j'aimerais vous entendre,
financièrement, pour vous, les personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle,
des gens que vous représentez, quels seraient les impacts des... de cette...
les plus d'humains de cet exercice à coût nul?
M. Ragot (Samuel) : Très
difficile à dire. On a beaucoup de choses qui sont dans les projets de
règlements futurs. Et on n'a pas d'intention réglementaire ce matin à discuter,
donc très difficile à dire. Mais évidemment, la pauvreté, ce n'est pas une
question de mesures administratives, ce n'est pas une question de règlement,
c'est une question d'argent, beaucoup, hein, veux veux pas. Il y a certaines
choses quand même qu'il faut reconnaître dans le... Bon. Évidemment, là, on se
base sur le mémoire qui a été envoyé au Conseil des ministres, il y avait des
mesures qui étaient intéressantes financièrement dans ce mémoire-là, donc je
pense qu'il faut donner ce crédit-là. C'est important d'être juste pour nous.
Évidemment, on a les réserves qu'on a par rapport à l'article 25,
notamment la perte de contraintes sévères de santé ou à l'emploi, peu importe
comment on les appelle, et ça, ce serait quelque chose. La perte de ces
contraintes, de la reconnaissance de ces contraintes peut avoir un impact
vraiment important. Quand on n'a pas de reconnaissance des contraintes sévères
à l'emploi, on ne peut jamais arriver au programme de revenu de base. Et le
programme de revenu de base est actuellement un des meilleurs programmes au
Canada.
Mme McGraw : Merci de le
reconnaître. Donc, effectivement, lorsque vous parlez de ces changements-là, le
programme de revenu de base, c'est un programme, de ce côté, et objectif
emploi, de l'autre côté, avait des programmes un peu entre les deux. Mais là,
avec les changements qu'on propose, si je vous comprends bien, vous dites que,
maintenant, pour les personnes futures qui pourraient participer au PRB qu'on
reconnaît comme étant un excellent programme, c'est où le pipeline,
effectivement, pour le programme de revenu de base, c'est quoi l'impact sur ce
programme qu'on reconnaît comme étant excellent?
M. Ragot (Samuel) : En l'état
actuel des choses, notre compréhension du projet de loi est que si vous avez...
vous participez à un programme de préparation ou d'intégration, de maintien en
emploi, même à temps partiel, même si vous n'êtes pas payé, vous perdez votre
contrainte sévère à l'emploi. Donc, si vous perdez votre contrainte sévère à
l'emploi, il n'y a pas de compteur pour aller vers le programme de revenu de
base, ça s'arrête. Donc, essentiellement, ce qu'on... je pense qu'on pourrait
penser, sous toutes réserves, qu'il y aurait plus de personnes à la solidarité
sociale actuelle, donc plus de nouveaux prestataires du programme de revenu de
base, à part les quelques personnes qui viendraient par le supplément pour
enfants handicapés nécessitant des soins exceptionnels.
Mme McGraw : Donc, merci.
Votre deuxième recommandation est sur le fait de changer le mot «insertion» par
le mot «inclusion». Alors, quelle est la différence pour la population vivant
avec une déficience ou un handicap?
Mme Duranleau (Amélie) : ...pardon.
Il y a toute la question des adaptations dans l'environnement aussi, où la
personne évolue, développe son plein potentiel. Donc, quand on parle
d'insertion, ça prend moins en compte, en fait, toutes les modifications qu'on
peut faire, les accommodements qu'on peut apporter, les adaptations. Donc,
l'inclusion, c'est vraiment de faire en sorte que l'environnement peut être
adapté à tous. Donc, c'est pour ça qu'on encourage davantage le terme inclusion
qu'insertion.
M. Ragot (Samuel) : Si je
peux me permettre aussi, pour prendre une image très, très simple, là,
l'exclusion, ce n'est ne pas être dans l'Assemblée nationale, l'intégration,
c'est être en arrière puis regarder ce qui se passe, puis l'inclusion, c'est
être capable de vous parler aujourd'hui.
Mme McGraw : Donc, c'est
aller plus loin et faire des démarches vraiment... des gestes...
M. Ragot (Samuel) : C'est
faire partie de la communauté, c'est être intégré, c'est d'être vraiment inclus
comme une personne comme tout le monde, d'avoir sa chance de participer à la
société, de participer à la vie démocratique et à la vie communautaire, à la
vie collective.
Mme McGraw : Justement, vous
avez parlé de participer à la vie démocratique. On s'aperçoit que beaucoup va
se faire par règlement et, contrairement au gouvernement libéral qui avait
publié lors de sa réforme les intentions réglementaires, aucune intention
réglementaire n'a été publiée en lien avec ce projet de loi. Est-ce qu'on peut
vous entendre là-dessus? Quels seraient vos souhaits? Parce qu'on n'a pas les
intentions réglementaires. Quels seraient vos souhaits dans les règlements en
lien avec ce projet de loi?
M. Ragot (Samuel) : C'est sûr
que c'est... ça a rendu l'analyse du projet de loi plus difficile, de ne pas
savoir exactement où est-ce que... qu'est ce qui allait être dans un projet de
règlement futur, mais je pense qu'outre cet aspect-là on parle de populations
qui sont plus vulnérables, on parle de populations qui sont à l'intersection de
problèmes sociaux, parfois de violence conjugale par exemple. Et quand on
protège ces personnes-là dans la loi, la protection est plus grande que dans un
projet ou dans un règlement, évidemment. Un règlement se...
M. Ragot (Samuel) : ...change
en 45 jours. C'est très opaque comme processus. On a soumis des mémoires par
rapport à des projets de règlement. On n'a jamais vraiment su ce qui se passait
après, à part consulter la Gazette officielle.
• (10 h 30) •
Donc, quand on veut protéger des
populations qui sont vulnérables ou quand on veut protéger des populations qui
sont en quête d'équité, la meilleure chose, c'est de le faire dans la loi parce
que c'est plus difficile à modifier.
Mme McGraw : Merci. Vous avez
parlé de... du PRB. Vous avez parlé un moment d'accès... sans accéder à la
solidarité sociale, de pouvoir accéder directement au programme de revenu de
base, et aussi les pénalités et certains éléments. Je ne sais pas si vous
pensez mon projet de loi n° 693, où on en... on prend des éléments de
calcul du PRB cumulatif plus élevé pour les amener au même... même clientèle,
effectivement, de solidarité sociale. Là, tout ça, ça va changer avec ce projet
de loi.
Alors, avec ce qu'on propose, que
pensez-vous... ou est-ce que vous avez des suggestions pour justement ne pas
pénaliser ces personnes avec des contraintes sévères, qui sont quand même...
peut-être ont la capacité... si elles ont la capacité d'aller chercher un peu
plus d'argent pour eux-mêmes, en pleine crise de coût de la vie, mais aussi en
pleine, aussi, pénurie de main-d'oeuvre, pour aller soutenir aussi l'économie
et la société?
M. Ragot (Samuel) : Bien,
écoutez, une chose est claire : le programme de revenu de base, encore une
fois, c'est un des meilleurs programmes qu'on a au Canada. C'est un programme
qui vise vraiment le fait de donner une chance aux personnes, de leur donner
une chance de travailler, mais aussi de vivre avec un conjoint ou une conjointe
sans avoir de pénalité excessive.
Si on avait un programme à garder parmi
tous les programmes qui existent dans la province actuellement, ce serait le
programme de revenu de base, parce que c'est le programme qui permet aux gens
de travailler et c'est le programme qui permet aux gens de payer de l'impôt.
Payer de l'impôt, c'est une excellente nouvelle, ça veut dire qu'on n'est plus
dans la pauvreté extrême. Donc, s'il fallait qu'on ait un programme, ce serait
le programme de revenu de base.
Le gouvernement du Québec a fait des
excellentes avancées en lien avec l'encadrement réglementaire du PRB. Je pense
qu'on peut tout à fait s'en inspirer, tout à fait généraliser certaines des
pratiques qui sont au PRB.
Mme McGraw : Parfait. Je vais
revenir, parce qu'il nous reste, je pense, trois minutes à peu près, Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme D'Amours) : Oui.
Mme McGraw : Vous avez... Je
veux aller sur le... Vous avez... Vous proposez de renommer ou de revenir à
«contrainte sévère à l'emploi» en contrainte... Pardon. Le projet de loi
renomme «contrainte sévère à l'emploi» en «contrainte sévère de santé», mais
vous souhaiteriez inclure les contraintes psychosociales et autres, donc pas
juste des raisons médicales. Ça fait qu'on élargit les personnes qui vont
pouvoir prendre des décisions, ce qui est une bonne chose, mais on rétrécit justement
les contraintes. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus parce que je sais
que c'est un point crucial pour votre organisme et les gens que vous
représentez.
M. Ragot (Samuel) : Oui, bien
certainement. Encore une fois, la santé, bon, on peut avoir un débat sur la
définition de l'Organisation mondiale de la santé sur ce qu'est la santé, on ne
le fera pas maintenant, mais il reste que les contraintes psychosociales, pour
la majorité des personnes sur le programme de solidarité sociale, sont des contraintes
qui sont invisibles. Elles sont majoritairement liées au fonctionnement de la
personne, mais ce n'est pas... ce n'est pas une personne en fauteuil roulant,
ce n'est pas une personne qui a une canne, c'est une personne qui a de la
difficulté à être en emploi, pour plein de raisons. Puis ça peut être que le
milieu de l'emploi n'est pas inclusif encore, ça peut être qu'il n'y a pas de
programme qui existe pour soutenir ces personnes-là, mais ces contraintes-là
sont dans l'environnement, elles sont dans l'environnement de la personne,
elles sont dans son environnement social et parfois elles sont dans la personne
aussi au niveau psychosocial.
Donc, ce n'est pas juste la santé, ce
n'est pas juste une question de : cette personne-là a le bras cassé, on est
capable de le diagnostiquer, c'est facile à faire. Un diagnostic psychosocial,
ça prend en compte tous les déterminants sociaux de la santé, tous les
déterminants sociaux du bien-être, parce que la santé inclut le bien-être
physique, mental et émotionnel. Donc, c'est vraiment important d'aller un petit
peu plus large. Et c'est très intéressant parce que la ministre l'avait mis
dans son mémoire au Conseil des ministres. Donc, on fait juste souligner ça
puis dire : Bien, adaptons la réalité de ce qui est sur le papier...
Mme McGraw : Il reste 50
secondes, donc je vous le laisse. Est-ce qu'il y a quelque chose que vous
voulez ajouter ou amener à l'attention de la commission et de la ministre en
conclusion?
M. Ragot (Samuel) : Écoutez,
ce n'est pas un mauvais projet de loi. On n'est pas là... Nous, on n'est pas là
pour donner des slogans coups de poing, on n'est pas là pour faire les
manchettes, on est là pour vous aider à améliorer le projet de loi. C'est ça
qui est important pour nous. On pense qu'il y a du bon dans le projet de loi
mais qu'il faut faire des amendements. Puis on a 21 ou 22 recommandations.
Donc, vous aurez le loisir, là, en étude détaillée, de passer dedans,
j'imagine.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke. La parole
est à vous pour trois minutes 28 secondes.
Mme Labrie : Merci. Je vais
revenir sur la question des plateaux de travail, que vous avez abordée avec des
collègues. Donc, si j'ai bien compris votre inquiétude, des personnes qui sont
sur des plateaux de travail actuellement, à cause de la formulation de
l'article 25, pourraient perdre...
10 h 30 (version non révisée)
Mme Labrie : ...la
reconnaissance de leurs contraintes de santé, puis ça a des impacts, pas juste
à court terme, mais à très long terme aussi pour eux. La recommandation 7 que
vous nous formulez, de formulations, pour vous, ça, c'est le changement incontournable
à faire pour permettre aux personnes sur des plateaux de travail d'avoir accès
à cette reconnaissance-là encore, c'est bien ça?
M. Ragot (Samuel) : Pas juste
les plateaux de travail. Toute personne qui est en préparation... Actuellement,
c'est important, le ministère de la Santé reconnaît les plateaux de travail
comme des activités de préparation à l'emploi. Donc, oui, il faut changer cet
article?
Mme Labrie : Ça représente
combien de gens?
M. Ragot (Samuel) : Plusieurs
milliers de personnes, très certainement.
Mme Duranleau (Amélie) : Donc,
ça peut être une personne aussi, par exemple, qui va recourir à des services d'un
organisme en employabilité, là. Ça fait partie de la préparation en emploi.
Donc, oui, plateau de travail, stages en entreprise, mais aussi tout soutien
aussi dans une démarche, là, de préparation en emploi.
Mme Labrie : O.K.. Je veux
vous amener aussi sur un autre élément de l'article 25, où on vient éliminer,
là, de la liste, là, certaines personnes. Il y a notamment les parents d'enfants
handicapés là-dedans. Qu'est-ce que ça peut représenter, pour ces familles-là
de ne plus se faire reconnaître automatiquement cette contrainte, en termes de
démarches administratives, là, pour... ou de capacité à travailler, vraiment?
M. Ragot (Samuel) : C'est
toujours plus compliqué de devoir prouver quelque chose que de l'avoir
automatiquement, particulièrement au niveau de la fonction publique. C'est
toujours des formulaires de plus, c'est toujours quelque chose de plus. Est-ce
que ça va être dans un règlement? C'est possible, mais, personnellement, je
préfère que ce soit dans une loi que dans un règlement. Ça rassure les
personnes, notamment.
Mme Labrie : Puis pour les
réalités que vous connaissez, là, les parents d'enfants handicapés, est-ce qu'ils
sont aptes au travail?
M. Ragot (Samuel) : Encore
une fois, c'est une question de l'environnement de la personne. Dans ce cas-ci,
nous, ce qu'on aimerait voir, c'est que les personnes proches aidantes aient
accès au Programme de revenu de base. Ça simplifierait leur vie grandement, ça
sécuriserait leur sécurité financière et ça viendrait vraiment rendre les
choses plus faciles pour ces parents-là.
Mme Duranleau (Amélie) : Quelques
notes aussi, là, pour les parents d'enfants en situation de handicap ou les
proches aidants qui ont des contraintes temporaires aussi, donc, il y a eu le
retrait des alinéas 3, 7 et 9, qui garantissaient aux personnes qui ont des
enfants handicapés ou qui sont des proches aidants ou des personnes qui vivent
avec la violence conjugale et qui résident en ressources d'hébergement, une
contrainte temporaire à l'emploi. Donc, enlever ces dispositions-là, pour nous,
même pour les réintégrer dans un projet de règlement, viendrait fragiliser leur
protection et leur sécurité financière.
Donc, on parle aussi de femmes ou même d'hommes
qui ont une déficience intellectuelle, qui sont plus à risque de violence, de
violence conjugale, de violence sexuelle. Donc, comme le disait Samuel, c'est
impératif, là, pour sécuriser leur parcours, là, de réintégrer ces
dimensions-là.
Mme Labrie : Donc, il faut
reculer sur l'abrogation de ces alinéas-là, donc.
Mme Duranleau (Amélie) : ...
Mme Labrie : Combien de
temps?
La Présidente (Mme D'Amours) : 50
secondes.
Mme Labrie : 50 secondes. Je
vous remercie. J'ai peut-être une question supplémentaire concernant les
contraintes psychosociales, le fait que des professionnels de la santé
différents des médecins vont pouvoir procéder. Vous, votre compréhension ou
votre souhait, en fait, est-ce que ça doit être seulement les professionnels du
réseau de la santé ou ceux des organismes communautaires, également, qui
pourraient remplir cette documentation-là pour faciliter la vie des gens?
La Présidente (Mme D'Amours) : 20
secondes.
M. Ragot (Samuel) : C'est une
bonne question, et, oui, ça pourrait être intéressant. Cela dit, je doute que
le gouvernement du Québec ouvre cette porte.
Mme Duranleau (Amélie) : Oui,
puis c'est aussi... ça demande aussi... Il faut vraiment qu'il y ait des
balises qui encadrent cette pratique-là. Donc, évidemment, oui, peut-être des
organismes communautaires, mais il faut avoir l'expertise pour le faire aussi.
Donc, il faut être vigilant à ce niveau-là aussi...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
infiniment. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon pour une durée
de 2min 38 s.
M. Paradis : J'aimerais, moi
aussi, continuer sur l'article 25 du projet de loi qui modifie l'article 53.
Vous nous dites que vous êtes extrêmement préoccupés par la présence d'un
nouveau critère, c'est-à-dire que la prestation de base qui est augmentée est
une allocation pour contrainte sévère si la personne, donc, présente des
contraintes qui nuisent à la réalisation d'une activité de préparation à l'emploi,
d'insertion ou de maintien à l'emploi. Donc, vous dites : Non seulement ce
n'est pas clair, ce que ça veut dire, de quelles activités il s'agit, mais,
surtout, vous dites que, dans l'état actuel, ça «risque de dissuader fortement
les tentatives d'accès à l'emploi pour les personnes ayant une déficience
intellectuelle et pour les personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi».
Pourriez-vous élaborer là-dessus, sur le risque qui vous semble très, très,
très important que ça n'aide pas, cet article-là, que ça nuise?
M. Ragot (Samuel) : Oui.
Bien, il faut savoir qu'à l'heure actuelle on peut... Une personne prestataire
de la solidarité sociale peut travailler, avoir une prestation de 0 $ tout
en gardant son carnet de réclamation, ses médicaments, son dentaire, par
exemple. Ce qu'on voit, actuellement, c'est que, si la personne n'a plus sa
reconnaissance, essentiellement, elle perd l'argent de plus qu'elle a, qu'elle
reçoit, mais aussi...
M. Ragot (Samuel) : ...elle va
perdre la capacité à accumuler des mois pour accéder au programme de revenu de
base. Et on sait que l'objectif, pour beaucoup de personnes qui ne pourront pas
travailler à temps plein, ultimement, c'est de ne pas rester sur la solidarité
sociale, c'est d'aller vers le programme de revenu de base pour vivre de façon
plus digne. Donc, si on va vers ça, mais évidemment, premièrement, il n'y aura
plus personne qui ira programme de revenu de base, puis, deuxièmement, mais on
est en train de fragiliser financièrement les personnes.
• (10 h 40) •
M. Paradis : C'est à dire que
non seulement ce n'est pas une avancée, c'est un recul, même par rapport à la
situation actuelle.
M. Ragot (Samuel) : C'est
notre compréhension.
M. Paradis : Alors, vous nous
recommandez d'abroger, de ne pas adopter cette mesure-là. Est ce qu'à l'inverse
il y a une chose, il y a un pas en avant qu'on pourrait faire relativement à ce
fameux critère?
M. Ragot (Samuel) : Mais je
pense qu'il faut être... il faut reconnaître que le fait que, bon, le maintien
à temps plein en emploi pourrait laisser sous-entendre qu'il n'y a pas
nécessairement une contrainte sévère à l'emploi, c'est peut-être quelque chose
qu'on pourrait faire. Nous, ce qu'on proposait, c'est d'ajouter un qualificatif
de temps plein, donc un maintien en emploi à temps plein. On peut faire une
différence. Il y a des personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi qui
vont travailler à temps partiel. En dessous de 28 heures, c'est du temps
partiel. Donc, on peut avoir des gens qui travaillent à temps partiel, mais, je
pense, le plus important, c'est d'abroger ce morceau de phrase et de rajouter
le qualificatif temps plein.
M. Paradis : Très bien.
Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Donc, Mme Duranleau et M. Ragot, merci pour votre contribution à nos
travaux.
Et je suspends les travaux quelques
instants afin de permettre à nos prochains invités de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 41)
(Reprise à 10 h 46)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux. Et maintenant je souhaite la bienvenue au Réseau des
carrefours jeunesse-emploi du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à
commencer votre exposé, s'il vous plaît.
M. Humbert (Rudy) : Mme la
Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je suis Rudy Humbert,
directeur général du Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec.
Aujourd'hui, je suis surtout la personne honorée de vous alimenter sur nos
perspectives quant à la modernisation de l'aide sociale et les réalités
jeunesse. À cet égard, permettez-moi tout d'abord de vous partager le
témoignage d'Emmanuelle : «Je suis reconnaissante pour tout le soutien,
l'accompagnement et l'aide que j'ai reçus. En franchissant pour la première
fois le seuil du CJE, ma propre existence ne me donnait plus envie.
Aujourd'hui, je suis une femme forte, indépendante et accomplie, et rien ni
personne ne peut arrêter le feu qui brûle en moi.»
Comme Emmannuelle, chaque année, plus de
150 000 jeunes franchissent la porte de leur carrefour en quête
d'accompagnement et d'un avenir meilleur. Ils sont nombreux à n'avoir ni filet
social ni moyens suffisants pour poursuivre leurs études, trouver un emploi ou
simplement s'épanouir. Le parcours de beaucoup d'entre eux est semé d'embûches,
et les CJE sont souvent leur dernier recours. C'est alors pour permettre à tous
d'être accompagnés dignement que nous vous partageons nos réflexions.
On va aborder la modernisation de l'aide
sociale. Nous devons nous attaquer à la racine des enjeux. Ainsi, nos actions
doivent permettre d'intervenir à la fois sur les causes et sur les
conséquences.
Dans une société qui a besoin des talents
de tous, la pauvreté est plus qu'un drame individuel, c'est une responsabilité
collective. Et cette responsabilité impose de comprendre les réalités,
notamment celles des jeunes, mais aussi des leviers disponibles pour s'en
sortir.
Même si la pauvreté est une réalité
multidimensionnelle, sa dimension économique est incontournable. Toutefois, il
ne faut pas se limiter à la vision commune de la pauvreté envisagée uniquement
sous le prisme du manque de revenus. Il faut la considérer comme un manque de
capabilités. Nous proposons donc de voir le développement comme une extension
des libertés, autrement dit un élargissement des possibles que le jeune a de
choisir la vie qu'il souhaite mener.
Nous sommes assez reconnaissants d'avoir
hérité d'un État providence et nous devons désormais bâtir pour les prochaines
années un projet pour la dignité, l'émancipation et l'espérance des jeunes.
Pour ce faire, il nous semble que nous devons embrasser trois principes.
D'abord, la prévention, qui attaque les inégalités avant qu'il ne soit trop
tard, car c'est tout à la fois plus efficace et plus juste. Ensuite,
l'universalité, qui donne les mêmes droits à chacun et favorise l'égalité des
chances et l'inclusion, cela implique de s'attaquer aux discriminations parce
que c'est le seul moyen de rebâtir la confiance dans notre système. Et, enfin,
la dignité par l'accompagnement, le travail, la formation et la participation
sociale.
Les jeunes sont nombreux à croire qu'ils
font partie de la dernière génération à vivre confortablement et à se sentir
impuissants face aux problèmes de la société. Ainsi, développer la prévention
et l'investissement social, c'est leur redonner confiance et espoir et c'est
refuser que les enfants pauvres d'aujourd'hui soient les adultes pauvres de
demain.
Nous devons faire le choix d'un Québec
inclusif, ouvert à la mobilité sociale, favorisant la coopération solidaire
plutôt que la compétition solitaire. Refusons l'exclusion des services,
intégrons les parcours de vie, prévenons les ruptures, offrons un
accompagnement universel vers l'autonomie.
Nous pensons qu'il est impératif d'adopter
une perspective jeunesse...
M. Humbert (Rudy) : ...en
effet, en date du 31 mars dernier, c'est plus de 53 000 jeunes
qui avaient eu recours à un programme d'assistance sociale. On a eu une
tendance à la baisse dans les dernières années, mais cette proportion a
tendance à croître récemment. Les jeunes sont donc de plus en plus nombreux,
mais on les voit de moins en moins. Ils traversent une période de transition
marquée par les défis économiques, sociaux, mais aussi écologiques et
technologiques qui ont un impact direct sur leur parcours vers l'autonomie.
• (10 h 50) •
Permettez-moi d'égrener quelques données
quant aux défis à relever. Les idées noires prennent racine chez eux :
24 % des jeunes ont pensé qu'ils seraient mieux morts. 10 000 jeunes
quittent chaque année les bancs d'école sans diplôme. Nous vivons aussi une
épidémie silencieuse de solitude, la moitié de notre jeunesse vit de
l'isolement. Leur taux de chômage est en hausse fulgurante aussi, dans les
derniers mois, il atteint plus de 12 %, c'est plus du double du reste de
la population. Et 80 % des pertes d'emplois, du ralentissement économique
ont été portés par les jeunes de façon disproportionnée. Près d'un jeune sur
deux vit de l'insécurité alimentaire. Et l'accès à la propriété est devenu une
chimère. Plus grave encore, au Canada, près de 6 000 jeunes dorment
dans la rue chaque nuit. Au-delà de ces chiffres, il y a des noms, des visages
et un cri du cœur. La moitié des jeunes considèrent qu'il n'y a plus d'espoir
pour l'humanité. Comment alors mettre en mouvement vers l'emploi, les études ou
l'engagement, quand ceux censés bâtir l'avenir n'y croient plus?
Si l'aide sociale constitue une ressource
clé, les jeunes entretiennent un rapport très hétérogène avec elle. Elle est
parfois vécue comme un droit ou un moyen pour subvenir à ses besoins, une aide
de dernier recours ressentie parfois avec humiliation, une tactique pour
accéder à d'autres biens et services, ou encore une option qui est non
envisagée pour une question de principe. Dans ce contexte où les besoins des
jeunes sont préoccupants, nous accueillons favorablement de nombreuses
dispositions du projet de loi qui pourraient avoir des retombées positives sur
leur parcours. Je nommerais notamment la révision du concept de contrainte à
l'emploi pour la remplacer par contrainte à la santé. Dans notre environnement
de crise de santé mentale, cela devrait permettre d'améliorer la reconnaissance
des contraintes de nature psychosociale. Soulignons l'élimination de la
contribution parentale, c'est une avancée significative pour les jeunes en
rupture familiale et ceux des centres jeunesse, ce qui pourrait élargir leur
admissibilité à des mesures d'accompagnement. Mentionnons l'individualisation
des chèques pour les couples, ça permet assurément de favoriser l'autonomie des
personnes et les aide à vaincre les enjeux de codépendance et de violence
conjugale. Nous accueillons très positivement la valorisation du retour aux
études avec les primes. On le sait, les prestataires sont généralement peu
scolarisés, 42 % d'entre eux n'ont aucun diplôme. Pour l'élargissement du
programme d'objectif emploi, on reconnaît la nécessité d'intervenir de façon
importante auprès des demandeurs d'aide sociale pour un accompagnement
individualisé.
Tout en soulignant les avancées concrètes
que ce projet de loi permettrait, nous vous proposons quelques pistes de
réflexion pour saisir pleinement l'opportunité de développer le plein potentiel
des jeunes. Certaines... pourraient dépasser le cadre du projet de loi, mais
nous semblent s'inscrire dans l'esprit de nos travaux. Nous proposons de
veiller à ce que les jeunes ayant une expérience vécue de la pauvreté soient au
centre de la conception, de la mise en œuvre et de l'évaluation des politiques
mises en place. Nous devons aussi agir en prévention pour briser les cercles de
pauvreté. Il faut tisser un véritable filet, voire bâtir un solage social. Pour
y arriver, nous vous proposons un virage, il se déploie dans le projet
Carrefour Jeunesse, une approche visionnaire pour l'avenir des jeunes qui
misent sur le caractère universel des CJE. Nous invitons aussi à favoriser la
réussite éducative en s'appuyant notamment sur les modèles des écoles au
Carrefour pour accompagner les jeunes en rupture avec le système formel
d'éducation. Principalement, il nous faut moderniser les services publics
d'emplois en faveur des jeunes.
Rejoindre ceux éloignés du marché du
travail, ça nécessite du temps, des approches créatives et spécifiques et
l'établissement d'un lien de confiance. Or, actuellement, nous faisons face à
un réel risque d'effondrement de ces services. Des mesures qui étaient dédiées
aux jeunes ont disparu. Nous proposons alors la création d'un groupe jeunesse
dans le panier de services d'Emploi-Québec afin de co-construire des services
d'employabilité à la hauteur des transformations du marché du travail et pour
accompagner les jeunes selon leurs besoins et leurs aspirations et favoriser
une intégration socioprofessionnelle qui soit véritablement durable. Objectif
emploi, nous suggérons de conserver les suppléments et de renoncer aux
sanctions prévues, considérant que les prestations ne permettent pas de couvrir
les besoins de base. Nous devrions aussi envisager de sortir de la
conditionnalité. A minima, l'obligation qui engage le jeune prestataire devrait
être mutuelle, c'est-à-dire que l'État devrait aussi avoir l'obligation
d'offrir des services publics d'accompagnement adaptés aux jeunes et financés
adéquatement. Il nous apparaît aussi nécessaire d'accompagner les demandeurs
d'asile et de leur offrir un meilleur accès aux services publics, notamment à
ceux d'employabilité. Nous valorisons la participation sociale comme facteur de
mise en mouvement. De nombreux jeunes doivent tout d'abord stabiliser leur
parcours de vie avant de parler d'études et le marché du travail. Il faut aussi
assurer la continuité et la complémentarité des services dans les réseaux
régionaux qui sont proposés dans le projet de loi. L'accompagnement des jeunes
nécessite effectivement une stratégie globale d'intervention et ne peut pas
être traité en silos. Nous suggérons alors d'intégrer systématiquement une
perspective jeunesse avec la participation des Carrefours. Nous devrions aussi
sécuriser les parcours et rendre l'insertion en emploi attractive, comme
augmenter les seuils de revenus de travail admissibles, par exemple.
Pour conclure, en dehors de la
partisanerie, nous sommes convaincus que tous les députés peuvent s'unir pour
offrir le meilleur...
M. Humbert (Rudy) : ...accompagnement
à tous les jeunes afin que chacun puisse devenir qui il est. Face aux
changements climatiques et à la révolution induite par l'intelligence
artificielle, nous avons besoin d'approches nouvelles et adaptées pour relever
les défis contemporains.
Nous avons, au Québec, avec les CJE, un
réseau unique de 110 organismes communautaires ancrés sur le territoire et au
plus près des besoins des jeunes. Il est indispensable de s'appuyer sur ce
réseau unique au monde pour faire du Québec une référence dans l'accompagnement
des jeunes et dans la lutte à l'exclusion sociale. Nos recommandations abondent
dans ce sens. Nous réitérons notre offre de collaboration et, enfin, nous
remercions les membres de cette commission pour l'attention accordée et
l'opportunité qui nous a été offerte de nous exprimer devant vous. Au plaisir
de poursuivre nos échanges dans les prochaines minutes.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Donc, merci pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période
d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Rouleau : Bien, merci
beaucoup, Mme la Présidente. Et merci, M. Humbert, de collaborer, de participer
à cette commission pour la modernisation de... du régime d'assistance sociale.
Ma première question, ce serait : À
la lumière, là, de l'analyse que vous faites de ce projet de loi, est-ce que
vous croyez que la situation d'un jeune est améliorée par la mise en place des
nouvelles mesures?
M. Humbert (Rudy) : Il y a
effectivement, dans le projet de loi, de nombreuses dispositions qui vont avoir
un impact concret sur la vie des jeunes. On parlait de l'abolition de la
contribution parentale. Pensons au jeune sortant des centres jeunesse ou en
rupture avec ses parents qui nécessitait de retourner dans le foyer familial
pour pouvoir demander des prestations. Là, on vient de changer concrètement le
destin de ces jeunes-là. Idem pour Objectif emploi, de pouvoir mettre en
mouvement les jeunes dans des processus d'intégration socioprofessionnelle, de
leur offrir l'accompagnement indispensable dont ils ont besoin. Là, on vient de
changer concrètement leur vie. Également, dans le projet de loi, il y a toute
la question de l'endettement qui est retravaillée. Ça permet aussi de ne pas
appauvrir davantage les jeunes. La suite de la conversation devrait aussi
porter sur la capacité qu'auront les organismes à accompagner ces jeunes-là
dans des services qui leur sont adéquats.
Mme Rouleau : O.K. Vous
avez... Vous vous prononcez en faveur, là, des projets... des projets pilotes.
Est-ce que vous avez des idées sur les projets pilotes qu'on pourrait mettre en
place?
M. Humbert (Rudy) : Merci de
soulever cette initiative. C'est quelque chose qu'on reconnaît de façon
extrêmement favorable dans le projet de loi, cette nécessité de faire
autrement. Ça a été mentionné, c'est un projet de loi qui a été peu dépoussiéré
durant 20 ans. On ne peut pas se permettre ce luxe-là à l'avenir. Il faut
pouvoir tester des approches nouvelles, mais aussi les documenter pour pouvoir
les mettre en œuvre à l'avenir. On pense par contre... par exemple, à des
dispositions pour les jeunes victimes d'exploitation sexuelle, certains aménagements
qui doivent être apportés au programme Objectif emploi en ce qui a trait aux
liquidités ou autres, mais aussi de regarder des initiatives qui peuvent sortir
du cadre.
Dans le mémoire, on vous parle des projets
de mobilité à l'international, qui ont des retombées absolument extraordinaires
sur les jeunes, sur leur retour en études ou en emploi. On a parlé des plateaux
de travail tout à l'heure, des écoles au carrefour, donc en dehors du système
d'éducation formelle, et tous les projets qui sont par et pour les jeunes, où
le jeune n'est plus vu comme un client mais comme un participant, voire un
acteur ou un créateur de son accompagnement. On devrait s'inspirer de ce type
d'initiative là à l'avenir.
Mme Rouleau : O.K. Vous avez
mentionné dans le... dans votre mémoire, là, que le ministère peut être plus
clément concernant les personnes qui font des erreurs de bonne foi dans leurs
réclamations, puis il y a... et il y a tout un volet qui traite de la... du
caractère intentionnel. Comment vous définiriez le caractère intentionnel,
vous?
M. Humbert (Rudy) : C'est le
défi, hein, de savoir comment sonder le cœur et les reins de chacune des
personnes qui remplissent les formulaires, c'est extrêmement complexe, mais je
pense qu'on peut partir de la présomption que les formulaires sont extrêmement
complexes à remplir. Je pense que c'est aussi dans la philosophie de ce projet
de loi là de faire baisser la bureaucratie. Beaucoup de jeunes qu'on accompagne
ont aussi des enjeux de littératie et de numératie, d'où parfois la difficulté
aussi de pouvoir remplir les formulaires, ou, pour des jeunes en milieu rural
ou en régions éloignées, de ne pas avoir l'accompagnement pour faire les
démarches nécessaires.
Donc, je... plutôt davantage des défis que
peuvent avoir les jeunes à remplir les formulaires de façon... de façon
cohérente, et là il devient difficile de marquer la question de l'intention.
Mais, si on part de la présomption que ça a été rempli de bonne foi et/ou
validé que le jeune ait bien eu l'accompagnement dont il avait besoin pour
pouvoir le remplir, à partir de là je pense qu'on peut trouver des voies de
passage.
• (11 heures) •
Mme Rouleau : O.K. Concernant
la formation et les... encore là, l'orientation, là, d'aller vers... de faciliter
la formation, vous mentionnez que plusieurs milliers de jeunes sont
susceptibles de décrocher du secondaire. Est-ce que l'obtention d'un diplôme...
11 h (version non révisée)
Mme Rouleau : ...la
bonification de la prestation pour l'obtention d'un diplôme va... peut être un
réel déclencheur pour un jeune d'aller vers l'emploi et de se ressaisir,
disons.
M. Humbert (Rudy) : D'une
part, on note la reconnaissance du fait que le décrochage scolaire est un
enjeu. On le mentionnait, souvent, on nomme que l'intégration en emploi est le
levier le plus puissant pour sortir de la pauvreté. Eh bien, l'éducation est
probablement le levier le plus puissant pour éviter d'y rentrer. On a la
démonstration, dans les dernières années, que l'incitatif financier peut
effectivement permettre à des jeunes de retourner sur les bancs d'école, d'études.
On a eu des programmes sectorialisés, comme une offensive en construction, le
programme d'aide à la formation, de rehaussement de compétences, et les
bonifications à ces programmes-là ont amené des centaines et des milliers de
jeunes à retourner sur les bancs d'école.
Ce dont on va avoir besoin, c'est de s'assurer
que ces jeunes-là aient l'accompagnement pour pouvoir persévérer dans leurs
études, pouvoir concilier, parfois, travail, études, vie personnelle, et ne pas
les envoyer directement, par exemple, à l'école aux adultes, qui, avec toutes
les retombées positives qu'elle peut avoir, mais aussi parfois un cadre déjà
trop rigide pour beaucoup de jeunes dans l'accompagnement dont ils pourraient
disposer.
Mme Rouleau : O.K. Et
concernant le PASS, le Programme d'aide et d'accompagnement social, comment
vous vivez ce programme-là et comment vous voyez les améliorations qu'on veut
faire, là, de participation sociale?
M. Humbert (Rudy) Vous l'avez
souligné, il y a trois piliers dans la vision qui est proposée. Un qui concerne
le retour en emploi, ça concerne davantage des jeunes qui peuvent être un peu
plus près du marché du travail, le retour aux études, pour ceux qu'on a besoin
de rehausser les compétences ou de requalifier, puis le troisième volet, celui
du développement des habiletés sociales ou de la participation sociale.
C'est un levier qui nous apparaît
indispensable. On a beaucoup de jeunes en situation de vulnérabilité qui ont
des parcours de vie atypiques. Un parcours de vie linéaire, ça n'existe à peu
près plus, et beaucoup de jeunes n'en sont pas rendus à discuter de C.V. quand
ils viennent nous voir le ventre vide ou sans savoir où ils dormiront ce soir.
Donc, tout le volet participation sociale va nous permettre d'initier une mise
en mouvement des jeunes.
Pour ça, il faut s'appuyer sur des
initiatives déjà existantes sans dédoubler d'autres programmes. Il y a du
financement, dans les carrefours jeunesse emploi, qui provient entre autres, du
Secrétariat à la jeunesse ou même du Secrétariat à l'action communautaire, qui
nous permet de mettre les jeunes en mouvement à travers des projets de
bénévolat, d'entrepreneuriat ou de volontariat. On pourrait s'appuyer sur ces
politiques publiques déjà en place pour référer systématiquement les jeunes
prestataires vers les carrefours, ils pourraient être mis en mouvement à
travers des processus d'engagement citoyen.
Mme Rouleau : O.K. Et vous
proposez, dans votre mémoire aussi, pour rendre intéressant le retour en
emploi, de conserver temporairement le droit des personnes qui sont sur l'aide
de dernier recours de garder le carnet de réclamation. Et, en termes d'équité
pour les personnes qui travaillent 40 heures semaine au salaire minimum,
comment vous considérez cette position?
M. Humbert (Rudy) : C'est
effectivement le défi à relever. C'est la même question sur le montant maximum
de salaire qui peut être reçu avant de toucher aux prestations sociales. Ce qu'on
perçoit, c'est qu'actuellement on a un frein. Il nous arrive qu'il y ait des
jeunes qui nous disent : Écoutez, je ne veux pas intégrer le marché du
travail tout de suite parce que, dans deux semaines, j'ai rendez-vous pour
refaire mes lunettes, pour refaire mes dents, ou des frais de transport, puis,
si je n'ai pas accès à ces services-là, bien, je n'irai pas à l'entrevue parce
que ça peut me causer des enjeux d'estime de moi. Donc, actuellement, on peut
avoir quelques freins ici, et il faut rendre, effectivement, le retour en
emploi intéressant. Ça pose, et ce n'est effectivement pas le lieu de ce
débat-là, mais peut-être la question du salaire minimum aussi. Pourquoi le retour
en emploi ne permet pas systématiquement de sortir de la pauvreté, de subvenir
à ses besoins? On a beaucoup de jeunes dans les banques alimentaires qui sont
aussi des jeunes travailleurs, pas uniquement des jeunes prestataires de l'aide
sociale.
Donc, on a effectivement une réflexion à
mener sur ce continuum-là. Comment donner les moyens aux jeunes d'utiliser l'aide
sociale, non pas comme un sable mouvant qui va détruire leur employabilité,
mais comme un tremplin vers la suite de leur parcours professionnel.
Mme Rouleau : Merci beaucoup.
Mme la Présidente, on peut...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
Mme la ministre. Mme la députée de Laporte, la parole est à vous.
Mme Poulet : Oui. Bonjour.
Merci beaucoup de votre participation aux travaux. Vous avez dit... vous avez
mentionné qu'il y avait 53 000 jeunes sur l'aide sociale, qui sont de plus en
plus nombreux et...de plus... ils sont invisibles, là, on ne les voit pas, qui
vivent de l'isolement.
Je voudrais voir avec vous, dans tout l'écosystème,
est-ce que... est-ce que tout est couvert? Est-ce qu'il y a des angles morts?
Est-ce que, bon... Vous avez apporté des amendements, des idées, des projets,
entre autres, des idées, vous avez...
Mme Poulet : ... Il y a
plusieurs choses qui ont été couvertes. Mais, pour vous, est-ce que tous les
angles morts seraient couverts, justement, pour aider nos jeunes?
M. Humbert (Rudy) : Assurément,
collectivement, je pense qu'on peut faire plus et mieux dans l'organisation de
nos services publics d'emploi à destination des jeunes. Ils sont souvent en
silo, il y a... souvent très paramétrés. Il y a des jeunes exclus de certains
programmes du côté d'Emploi-Québec, par exemple, ou une lourdeur administrative
énorme qui peut reposer sur les intervenants et les intervenantes qui vient
réduire le temps d'intervention qu'ils peuvent passer avec les jeunes.
Le phénomène qu'on vit dans les dernières
années, c'est qu'on a une explosion des enjeux psychosociaux que doivent vivre
les jeunes, d'où la nécessité de moderniser la loi comme il est fait.
Dans les trois avenues intéressantes à
explorer, effectivement, le retour en emploi... Mais ça, on peut le faire
uniquement si on adapte aussi nos programmes d'employabilité du côté d'Emploi-Québec,
qui aujourd'hui ne sont pas adaptés aux jeunes. Retour aux études, c'est un
marqueur extrêmement significatif pour leur réussite, mais ça peut fonctionner
seulement s'il y a une personne qui accompagne le jeune pour éviter de
décrocher. Puis la participation sociale, c'est la même chose, il faut offrir
des opportunités d'engagement sur le territoire.
Donc, il y a trois avenues intéressantes
pour la sortie de l'aide sociale. Mais pour ça, ça prend des mesures qui soient
spécifiques pour les jeunes, ce qui n'est pas tout à fait le cas dans les
autres programmes des autres ministères.
Mme Poulet : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : C'est
tout, Mme la députée? Oui. Donc, je cède maintenant la parole à la députée de Laviolette—Saint-Maurice.
Mme Tardif : Merci. Vitement,
parce que j'ai d'autres collègues, là, qui veulent poser des questions,
premièrement, merci beaucoup, nos carrefours emploi ou carrefours
jeunesse-emploi, comme on les nommait précédemment, sont extrêmement utiles. Et
vous avez parlé aussi d'intégration de demandeurs d'asile, mais j'irais plutôt
vers la francisation que vous faites auprès des immigrants et des immigrants
qui travaillent dans nos entreprises. Donc, merci beaucoup pour votre travail
auprès des jeunes, c'est assez impressionnant.
Ce qui m'a un peu surprise ce matin, ce
sont vos statistiques, là : 53 000 jeunes qui ont recours à
l'assistance sociale, 10 000 jeunes qui coûtent... qui quittent les
bancs d'école, 12 % de taux de chômage, c'est plus élevé que la moyenne,
et un jeune sur deux qui vit de l'insécurité alimentaire. J'imagine que ces
jeunes-là ne restent pas chez leurs parents, ou en tout cas je... ce sont des
statistiques, là, qui me... qui me choquent, qui me... qui me dérangent, si
c'est le cas.
Ceci dit, ça démontre votre pertinence, et
j'entends que vous voulez être impliqués beaucoup dans le projet de loi, dans
la mise en œuvre de cette nouvelle loi-là, donc merci. Et, par rapport à la
mise en place des réseaux régionaux d'accompagnement, vous nous dites :
«Nous sommes d'accord. Par contre, il faut intégrer systématiquement une
perspective jeunesse et avoir une approche globale avec la participation des
carrefours.» Je veux vous entendre là-dessus.
M. Humbert (Rudy) : Merci
beaucoup, Mme la députée de Laviolette, pour vos bons mots envers les
carrefours, et effectivement les statistiques sont glaçantes, et c'est
nécessaire de les remettre un peu à l'agenda public.
En ce qui a trait aux réseaux régionaux,
je pense, c'est une très bonne nouvelle de vouloir briser les silos. Un jeune
ne rentre dans aucune case. Donc, lorsqu'il vient nous voir dans un... dans le
carrefour, il va nous parler d'employabilité, mais il y a peut-être un enjeu
d'éducation, il y a peut-être un enjeu de santé, il y a peut-être un enjeu de
conciliation avec les garderies. Donc, le fait de créer ces réseaux régionaux
et de briser les barrières entre les différents ministères est une excellente
nouvelle.
Toutefois, ce qu'on vous propose, c'est de
dire : Il y a un nombre important de jeunes qui sont prestataires de
l'aide sociale, et on sait que plus on intervient tôt, plus les retombées
seront significatives. C'est pourquoi on vous mentionne de vous appuyer sur les
réseaux déjà existants pour ne pas les dédoubler, et on pense... ce serait une
bonne idée d'avoir un carrefour sur chacun de ces réseaux régionaux là pour
assurer une perspective jeunesse. Et les carrefours travaillent sur l'ensemble
des sphères de vie des jeunes, donc on aurait une vision transversale de ces
besoins-là. Pourquoi ne pas même avoir quelques jeunes parfois autour de la
table ou un comité de jeunes qui viendrait nourrir ces réflexions-là?
Donc, il faut continuer ce continuum entre
le secteur public — et en brisant les silos des ministères — le
communautaire, et même le privé et la société civile.
Mme Tardif : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
• (11 h 10) •
Mme Blais : Merci, M.
Humbert, pour votre présentation. Alors, concernant l'évaluation psychosociale
et médicale par d'autres professionnels de la santé, vous nous recommandez de
nous inspirer des travaux réalisés par le Curateur public en ce domaine.
Pouvez-vous nous dire quels sont les aspects de ces travaux qui vous
sembleraient les plus intéressants et pertinents dans le...
Mme Blais : ...cadre de notre
projet de loi.
M. Humbert (Rudy) : Donc,
effectivement, il y a deux aspects extrêmement intéressants à explorer, le fait
de basculer de contrainte à l'emploi à contrainte en santé pour reconnaître la
nature psychosociale. Il y a élargissement à d'autres professionnels et, pour
nous, a des retombées significatives aussi. Parce que, souvent, les jeunes sont
déjà en contact avec d'autres intervenants du système de la santé, ça leur
évite donc de retourner voir un médecin avec les délais que ça suppose puis la
lourdeur administrative pour le personnel médical qui est présent. Les jeunes
qu'on accompagne souvent ont basculé d'intervenants en intervenantes, de
conseillers en conseillères et sont en rupture et en désaffiliation avec les
institutions. Donc, juste leur parler du système de santé, ils ne veulent pas
forcément y aller, du système scolaire, il y a une rupture qui est consommée.
Donc, le fait d'élargir les professionnels qui pourraient poser ces gestes-là,
on va pouvoir trouver la personne avec qui le jeune a déjà un lien de
confiance. Il y a par exemple des initiatives autour des aires ouvertes, une
initiative du ministère de la Santé sur lequel on collabore, qui permet d'avoir
des services de santé qui sont dessinés un peu par et pour les jeunes de 12 à
25 ans, dans des lieux qui leur ressemblent davantage, qui permet une
réconciliation des jeunes avec le système public. Donc, il y a probablement des
avenues à explorer de ce côté.
Mme Blais : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Mme la ministre, il vous reste une minute.
Mme Rouleau : Est-ce que vous
pourriez me parler de l'arrimage possible entre les emplois de qualité et
Objectif Emploi pour les jeunes?
M. Humbert (Rudy) : Vous
mettez le doigt sur un élément central ici. Il y a la question de l'insertion
sur le marché du travail, mais les emplois les plus disponibles rapidement sont
souvent les moins bien payés, qui demandent... de qualification, qui
nécessitent le plus d'ajustement. Là, on pourrait regarder à moyen terme. C'est
s'assurer que la personne qui accompagne le jeune dans le carrefour
jeunesse-emploi s'assure de la qualité de l'emploi pour travailler un maintien
durable et s'assurer que le jeune ne mette pas juste un pas sur le marché du
travail, perde son emploi dans les semaines qui suivent, d'autant que la
plupart de nos PME n'ont pas de direction des ressources humaines du
département RH et que les jeunes ont des défis particuliers de savoir être, de
savoir-faire. Donc, on a besoin de travailler pas seulement l'insertion,
l'intégration durable. Et ça, ça prend des heures d'accompagnement en maintien
et en accompagnement aux entreprises.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce. La
parole est à vous.
Mme McGraw : Merci, Mme la
Présidente. Et j'en profite pour saluer et souligner l'excellent travail du
carrefour jeunesse sur l'ensemble du Québec, mais aussi à Notre-Dame-de-Grâce,
à notre directeur général Hans Heisinger qui est là depuis 26 ans, 1998.
C'est vraiment un organisme fort, très reconnu à Notre-Dame-de-Grâce. Donc,
j'en profite pour le souligner.
Maintenant, vous avez parlé d'une
explosion des défis psychosociaux chez les jeunes. Alors, ma question, je vais
aller là-dessus pour commencer. Dans le projet de loi, la nouvelle définition
des contraintes de santé inclut désormais les contraintes psychosociales.
Alors, est-ce que vous pensez que cette reconnaissance est suffisante pour
répondre aux besoins des jeunes en difficulté? Et aussi, comment pourrait-elle
être mieux appliquée dans les services d'accompagnement pour éviter que les
jeunes en situation de fragilité ne soient pénalisés?
M. Humbert (Rudy) : La
prémisse selon laquelle il faut s'ouvrir aux contraintes de nature
psychosociale et ouvrir le débat sur les questions de santé mentale est
vraiment la bonne dans les prérogatives que vous soulignez. Ce qu'on a besoin
pour aller un peu plus loin, c'est de s'assurer que les jeunes vont avoir accès
au système de santé. Il nous arrive assez régulièrement de recevoir des jeunes
qui ont des troubles de santé mentale, mais ils sont non diagnostiqués. Et, si
on le réfère au système de santé, bien, on nous dit : Bien, il y a deux
ans d'attente. Qu'est-ce qu'on fait avec ce jeune-là en attendant, comment
est-ce qu'on le garde en mouvement, on favorise son autonomie, sans le perde
durant ces deux années là? Donc, il va falloir effectivement éclaircir,
peut-être dans les intentions réglementaires ou dans l'étude détaillée qui sera
faite par la suite, quelles sont ses natures... quelles sont ces contraintes de
nature psychosociale qui sont ciblées, quels sont les professionnels, quels
sont la formation qui vont pouvoir avoir tout en se posant la question de
comment s'assurer que les jeunes vont pouvoir accès... avoir accès à ces
professionnels-là pour avoir le diagnostic qui leur permettront de reconnaître
cette contrainte de santé.
Mme McGraw : Merci.
J'aimerais aller maintenant sur les projets pilotes. On comprend, selon les
neurosciences, qu'effectivement les jeunes sont câblés pour l'innovation ou
l'expérimentation, l'inventivité. Alors, il faut vraiment s'appuyer sur cet
atout-là chez les jeunes. Et vous proposez que cet objectif de... les approches
innovantes, multiplier les projets pilotes, d'avoir un triple effort. Alors,
j'aimerais vous entendre là-dessus, pour s'assurer que ces projets pilotes
soient efficaces et qu'on travaille en collaboration avec les bons... une bonne
coordination sur le terrain avec les organismes clés...
M. Humbert (Rudy) : ...Il n'y
a pas de réponse mur à mur possible pour l'accompagnement des jeunes dans
l'aide sociale. Il y a des mesures, par exemple, en Europe, qui parlent
de : un jeune égale une solution. Donc, tout est taillé sur mesure, ce qui
fait qu'on se doit de se donner de la flexibilité pour avoir des initiatives
qui peuvent être parfois juste régionalisées, ou juste sur certains profils de
jeunes, et de tester des approches nouvelles. On parlait dans le mémoire, par
exemple, d'initiatives d'école en carrefour, de projets de mobilité
internationale, des projets, essentiellement, qui n'attendent plus que le jeune
vienne dans nos organisations, mais on va vers le «vers-avec». Donc, c'est
toute la question du travail de proximité.
En fait, ce qui est documenté dans nos
organisations, c'est comment redonner du pouvoir au jeune qui vient nous voir,
et que lui soit lui-même en charge de proposer des projets, des initiatives, et
que sa voix puisse porter dans les initiatives. Parce que, s'il est seulement
client, on va avoir du mal à le faire progresser dans ce cheminement, alors que,
s'il est acteur de son propre parcours, on pourrait avoir des initiatives
extrêmement inspirantes à mettre en place. Il y en a déjà de très nombreuses
présentes sur le territoire. Il faudrait s'appuyer sur ces initiatives-là.
Mme McGraw : Merci. Une autre
question. On parle de... Le projet de loi se dit simplifié, cherche à
simplifier le système, mais il ne faut pas confondre la simplification avec
l'humanisation. On parle de projets ou d'approches individualisées, ce qui ne
veut pas dire plus humain. Et on a des préoccupations, par exemple, par... aux
agents, qui sont peut-être formés en travail social ou en société, qui ne sont
pas nécessairement des agents qui vont être... qui vont avoir travaillé avec
les gens, au niveau de ces programmes en aide sociale, etc. Et je me pose la
question : Pour des jeunes qui vivent déjà des histoires complexes, qui
vivent déjà des réalités difficiles, qui vivent la précarité, quel serait
l'impact potentiel de toujours à avoir, à se répéter, à réexpliquer leur
histoire, de ne pas avoir quelqu'un qui est dédié à... qui connaît déjà leur
parcours?
M. Humbert (Rudy) : Vous avez
raison, on a un enjeu, de façon globale, de déshumanisation de nos services.
C'est encore plus vrai pour des jeunes qui subissent la fracture numérique ou
qui sont en régions rurales ou éloignées, pour pouvoir accéder à la bonne
personne, au bon service, au bon moment. Il est indispensable, pour la réussite
de ces jeunes-là, de pouvoir créer un lien de confiance avec la bonne personne,
et un lien de confiance, ça ne se transfère pas à un collègue ou à une autre
organisation. C'est quelque chose qui prend du temps, qui prend de l'énergie,
qui prend des compétences. D'où la nécessité, pour nous, de souligner :
oui, un plan d'accompagnement individualisé. C'est le meilleur moteur de partir
des aspirations de la personne, de ses besoins, et, pour ça, il faut s'assurer
que les organismes qui les accompagnent ont les ressources nécessaires, les
compétences nécessaires pour pouvoir le suivre dans la durée, et que les
mesures dans lesquelles on va mettre ces jeunes-là soient taillées pour eux.
Un exemple, on a des paramètres qui
limitent le temps d'intervention auprès des jeunes, dans les mesures
d'Emploi-Québec, à 75 heures. Or, quand un jeune est rendu sur l'aide sociale,
c'est souvent qu'il a épuisé toutes les autres initiatives, et, à 70 heures
d'accompagnement, 75 heures d'accompagnement, ce n'est pas suffisant pour
pouvoir le faire cheminer à long terme. Donc, on a besoin de davantage de flexibilité,
aussi, dans les mesures existantes, parce qu'elles correspondent peut-être à
d'autres profils dans la population, mais pas aux jeunes, c'est certain.
Mme McGraw : Merci. Mme la
Présidente, je vous demande de céder le reste de mon temps à ma collègue, notre
porte-parole non seulement en jeunesse, mais aussi en emploi et travail.
La Présidente (Mme D'Amours) : Parfait,
merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Humbert, ravie de vous revoir dans le cadre de
l'étude... des consultations liées, donc, au projet de loi n° 71. Je vais
faire un peu du pouce sur les propos de ma collègue, en fait, sur votre
réponse, donc, sur l'importance du lien de confiance et de la flexibilité
nécessaire pour... bien, en fait, là, pour que le jeune, donc, soit mieux
accompagné une fois, donc, qu'il en vient, donc, à bénéficier, donc, de vos
différents services.
• (11 h 20) •
Le projet de loi, donc... Puis la
ministre, donc, a publiquement, donc, souvent, donc, énoncé, donc, le... une
démarche vers l'emploi était celle, donc, qui permettait, donc, aux jeunes,
donc, d'obtenir, donc... bien, aux jeunes ou, en fait, aux bénéficiaires ici,
là, mais dans votre cas, on va dire aux jeunes... de... donc, d'améliorer,
donc, leurs différentes conditions. Pour que ça puisse se faire, de ce que je
comprends, donc, de vos propos, bien, il faudrait que les services qui les
accompagnent, donc, puissent bénéficier des différentes ressources pour pouvoir
bien le faire, le faire de façon individualisée, le faire dans une façon, donc,
qui soit humaine et qui... qui est flexible. Donc, dans la mesure de ce que
vous nous avez exposé jusqu'à présent, quelle est la capacité, donc, des
différents services publics d'emploi, donc, à pouvoir le faire, dans l'état
actuel des choses?...
M. Humbert (Rudy) : ...On part
souvent de la prémisse de quand on veut, on peut. Puis c'est un peu la
philosophie qui sous-tend les mesures d'activation. Dans les faits, ce qu'on
voit sur le terrain, c'est plutôt quand on peut, on veut. Donc, c'est de
s'assurer de réunir les conditions pour que ça fonctionne. Actuellement, les
organisations sur le terrain sont un point de rupture par rapport aux services
qu'ils peuvent offrir. On a mentionné, le taux de chômage à augmenté de façon
drastique dans les... auprès des jeunes dans les derniers mois. Les enjeux
psychosociaux explosent. Les enjeux de décrochage scolaire. On a donc déjà des
files d'attente actuellement dans nos organisations et on est à un croisement
particulier actuellement dans notre histoire des services publics à destination
des jeunes au Québec, c'est qu'on a une courbe des besoins qui augmentent, un
nombre de jeunes qui augmente, puis un financement public qui est plutôt
décroissant envers les jeunes. Donc, on arrive à ce point de rupture
actuellement, où les organisations n'ont plus les ressources nécessaires pour
accompagner les jeunes. Et la crainte, c'est de se dire : Formidable, un
jeune va intégrer le Programme objectif emploi. Ensuite, il arrive au
Carrefour, mais est-ce que le Carrefour a les moyens d'accompagner ces
jeunes-là, de pouvoir le mettre en mouvement? Est-ce que les mesures
d'employabilité dans lesquelles on va le mettre ne sont pas trop contraignantes,
trop carrées? Est-ce qu'on ne va pas exclure ce jeune-là d'autres types de
participation? Et on est effectivement à un tournant, actuellement, dans nos
organisations, où le point de bascule est assez proche, dans l'incapacité à
fournir les services adéquats aux jeunes due à des paramètres trop serrés des
programmes publics.
Mme Cadet : Donc, vous venez
de dire, donc, que vous approchez un certain point de bascule, je pense que
l'ensemble des collègues autour de cette table a souligné, donc, le chiffre
assez frappant, là, de 53 000 jeunes, donc, sur l'aide sociale, et
donc des... et des jeunes, donc, ayant des besoins d'accompagnement, donc,
spécialisés.
Plutôt, je pense qu'en répondant, donc, à
quelqu'un d'autre, donc, vous disiez, donc, évidemment, donc il y a... le
projet de loi, donc, répond, donc, à certaines questions. Vous disiez, donc, la
prochaine question à poser, bien, c'est celle, donc, qu'on vient d'aborder,
donc : Quelle est cette capacité? Donc, ce que vous dites, c'est qu'avec
les... que si on veut que les mesures qui sont prévues dans le projet de loi
soient productives, en fait, ce qu'il faudrait, c'est que le financement
soit... le financement et l'encadrement, là, au-delà, donc, du financement en
termes de fonds publics, mais l'encadrement, la souplesse qui est octroyée au
Carrefour jeunesse emploi, donc, devrait également suivre pour que le projet
loi puisse actualiser son objectif.
M. Humbert (Rudy) : Votre
diagnostic, je le partage.
La Présidente (Mme D'Amours) : ...secondes.
M. Humbert (Rudy) : Oui, mais
l'aide sociale, c'est un engrenage dans lequel on fait passer les jeunes vers
d'autres mesures. Donc là, le projet permet de faciliter cet engrenage-là, mais
il faut s'assurer que les mécanismes qui suivent soient adéquats pour les
jeunes. Donc, réformer les services publics d'emplois, réformer
l'accompagnement de retour aux études et élargir les perspectives en
participation sociale.
La Présidente (Mme D'Amours) : C'est
tout le temps que nous avions. Je cède maintenant la parole à la députée de
Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci. Il a été
beaucoup question de l'avantage que présente de pouvoir faire affaire à
d'autres professionnels pour une évaluation psychosociale. Vous avez beaucoup parlé
du lien de confiance aussi, qui est important à développer avec les jeunes.
J'aimerais ça savoir, vous, quels types de professionnels vous pensez qu'on
devrait prévoir, là, pour faire ces évaluations-là.
M. Humbert (Rudy) : Il va
falloir effectivement le regarder au cas par cas, parce que les jeunes vont
créer des... un lien de confiance, des contacts avec des professionnels
différents tout au long de leur parcours de vie. Chaque histoire personnelle
est différente. Il va falloir aussi se questionner si ces professionnels sont
disponibles sur l'ensemble du territoire. Est-ce que le jeune sur la Côte-Nord
va pouvoir accéder aux mêmes professionnels que le jeune à Montréal? Donc, ça
pose la question aussi de la disponibilité des services sur nos territoires. Et
enfin, ça pose la question de la formation.
Mme Labrie : En fait, je vous
pose la question pour savoir quel titre, quel titre de professionnel vous
pensez qu'on devrait prévoir pour ça, psychologues, travailleurs sociaux ou
psychoéducateurs, par exemple? Puis aussi, je veux vous amener... En fait, vous
avez probablement, dans vos équipes, certains professionnels membres de leur
ordre, est-ce que vous pensez que ça pourrait être pertinent qu'ils puissent
eux-mêmes être habilités à faire ces évaluations-là?
M. Humbert (Rudy) : Absolument.
Il y a actuellement une réforme qui concerne l'Ordre des conseillers et des
conseillères d'orientation, en ce qui a trait notamment à l'évaluation
psychosociale. C'est une perspective qui me semble extrêmement intéressante,
mais pour y arriver, on ne peut pas le faire demain matin, parce qu'il faut
s'assurer que la personne en face du jeune ait les qualifications, le temps et
les ressources nécessaires pour bien l'accompagner. Donc, ça prend une réflexion
de fond avec les ordres professionnels, et surtout de penser à comment
qualifier ces personnes-là. Ce n'est pas en suivant une formation de quelques
jours qu'on va développer les habiletés pour accompagner des jeunes de plus en
plus éloignés qui ont une comorbidité de leur problématique. Donc, il va
falloir regarder à quel parcours de formation on va donner accès à ces
professionnels-là avant de leur donner, justement, l'autorisation de poser ces
actes-là.
Mme Labrie : Puis vous devez
côtoyer beaucoup de jeunes qui ont des responsabilités familiales, j'imagine,
dans vos... dans votre réseau. Le fait que, dorénavant, les parents d'enfants
d'âge préscolaire, après...
Mme Labrie : ...mois... 18
semaines, pardon, suivant la naissance, n'auront plus accès à la contrainte.
Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure-là? Quel effet ça va avoir sur les
gens?
M. Humbert (Rudy) : C'est un
vrai point d'interrogation à éclaircir, effectivement, dans le fameux article
25, qui suscite, à raison, beaucoup de pistes de réflexion. On a beaucoup,
entre autres, de jeunes femmes monoparentales qui viennent dans nos
organisations. Et le fait d'enlever le caractère automatique du 161 $ pour
les enfants de moins de cinq ans va pouvoir engendrer d'autres questionnements.
D'autant plus dans un contexte où l'accès aux garderies n'est pas garanti,
d'autant plus où la desserte... d'accompagnement pour ces jeunes mères là est
complexe. Donc, on essaie, dans nos organisations, de développer des
initiatives. On a des garderies directement dans nos organisations pour pouvoir
accompagner la personne dans le même temps d'essayer de passer outre ces
questions de contraintes familiales. Mais personne ne peut imaginer qu'une
jeune mère avec un enfant de 18 semaines puisse retourner sur le marché du
travail à temps plein. Donc, il va falloir trouver des mesures d'accommodement.
Et ce qui est tributaire des changements
de règles, c'est de s'assurer que l'accompagnement suive. Et c'est vraiment là
qu'est le nœud de l'investissement qu'il faut faire, du regard qu'il faut
porter.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions. Maintenant, je cède la parole au député de
Jean-Talon.
M. Paradis : Merci. Je vous amène
à la toute fin de votre mémoire, où vous nous parlez du seuil de revenus de
travail admissibles dans le calcul des prestations sociales. Et c'est lié, bien
sûr, à un des objectifs principaux du projet de loi, qui est de favoriser la
mise en mouvement vers l'emploi, notamment des jeunes. Vous nous rappelez que
le seuil de 200 $ par mois, au maximum, avant que le chèque soit réduit
n'a pas été indexé depuis 1999, ce qui voulait dire, à l'époque, 29 heures de
travail par mois. Aujourd'hui, ça veut dire 13 heures de travail par mois.
Est-ce que vous voulez un petit peu élaborer là-dessus?
M. Humbert (Rudy) : Absolument.
L'idée, c'est de voir comment l'intégration sur le marché du travail peut être
attractive pour ces personnes-là qui ne peuvent pas basculer du jour au
lendemain de zéro heure de travail, à plusieurs années de difficultés sur le
marché, à un emploi à temps plein. Donc, il faut trouver comment est-ce qu'on
peut faire travailler au fur et à mesure ces jeunes-là, augmenter leur temps
d'heures. Et on le voit, dans nos organisations, des fois, au-delà du marché du
travail, même des projets d'engagement citoyen, de participation sociale, on va
donner des cotisations à ces jeunes-là. Parfois, ils vont dire : Non,
parce que je risque de voir mon chèque diminuer. Ça pose la question aussi de
pourquoi l'intégration sur le marché du travail n'est pas si... assez payante?
Pourquoi, même en étant sur le marché du travail, on se retrouve encore parfois
en difficulté pour couvrir ses besoins de base?
Donc, il y a déjà eu des avancées dans les
derniers mois, par règlement, de diminuer les pénalités de 10 %, mais ce
seuil de 200 $, on devrait poursuivre la réflexion pour voir jusqu'où on
peut l'amener, pour permettre aux jeunes de retourner davantage sur le marché
du travail, de solliciter des revenus qui vont leur permettre de mieux se
nourrir, se loger, se vêtir et développer leur employabilité, tout en ayant une
réflexion sur l'équité, sur les personnes au salaire minimum.
M. Paradis : Est-ce que vous
avez une réflexion? Est-ce que vous avez une idée des chiffres que vous
voudriez nous proposer sur ce seuil?
M. Humbert (Rudy) : Je n'ai
pas un seuil préétabli à vous fournir ici, mais je pense qu'il faut entamer la
réflexion pour aller un peu plus loin. On a besoin de documenter beaucoup. Je
pense que c'est un des axes qu'on a développés dans ce projet de loi là, c'est
l'évaluation, la documentation, et de mener des recherches-actions. Pourquoi ne
pas le tester dans certaines régions, varier les seuils, voir l'effet que ça
peut avoir sur certains jeunes, sur l'incitation au travail, le tester à
d'autres endroits le fait qu'Objectif emploi ne soit pas obligatoire, mais
volontaire, voir si c'est un incitatif ou pas sur les taux de réussite et de
décrochage. Je pense qu'il faut se laisser la flexibilité de tester des
modèles, de les documenter pour pouvoir mettre en avant les pratiques
gagnantes.
M. Paradis : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la
commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin de permettre à nos prochains invités de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 29)
11 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 11 h 35)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue au Groupe de
recherche et de formation sur la pauvreté au Québec. Je vous rappelle, chers
invités, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.
M. Handfield (Stéphane) : Merci
beaucoup. Je m'appelle Stéphane Handfield. Je suis co-coordonnateur au Groupe
de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec.
Mme Bernard (Chantal) : Moi,
mon nom, c'est Chantal Bernard. Je suis une personne en situation de pauvreté.
Je suis membre du Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté du Québec
et je suis aussi membre du Regroupement des assistés sociales et sociaux du
Témiscouata, où je suis aujourd'hui.
M. Handfield (Stéphane) : Ça
fait qu'au groupe de recherche, nous autres, on travaille avec des chercheurs
et des personnes qui vivent de la pauvreté pour réfléchir ensemble à des
solutions à la pauvreté. Au groupe de recherche, on fait de l'éducation
populaire, on part de l'expérience des gens pour réfléchir aux solutions aux
problèmes sociaux. Donc, pour évaluer une réforme de l'aide sociale, on
considère qu'on devrait écouter ce que disent les personnes assistées sociales
sur leur propre situation.
Selon les personnes assistées sociales, il
y a cinq barrières qui les empêchent d'exercer leur citoyenneté puis de prendre
part à la société. La première, c'est la pauvreté elle-même, qui rend malade
puis qui prend toute la place dans leur vie. La deuxième barrière, c'est les
discriminations et les préjugés, notamment ceux qui disent qu'elles sont à l'aide
sociale par choix, qu'elles sont en mesure de se trouver un emploi et qu'elles
ne contribuent pas à la société parce qu'elles n'ont pas d'emploi. La troisième
barrière, c'est le système d'aide sociale lui-même, qui surveille, contrôle et
punit les personnes assistées sociales. Quatrième barrière, c'est le manque de
formation adaptée à leur rythme d'apprentissage et à leurs besoins. Et le
cinquième, c'est le marché du travail, qui les exclut à cause de leurs limites
et de leurs capacités.
Selon nous, la réforme qui est proposée ne
contribue à régler aucune de ces barrières-là. Donc, ce qu'on veut faire
aujourd'hui, c'est vous parler de la violence de notre système d'aide sociale
pour vous convaincre de profiter de cette occasion de faire une réforme là pour
plutôt vous attaquer aux barrières à la citoyenneté des personnes assistées
sociales.
Chantal va vous partager son témoignage,
puis, comme on est un groupe d'éducation populaire, qu'on fait des choses
participatives, je vous demanderais, s'il vous plaît, les personnes qui sont
dans la salle, de lever la main à chaque fois que Chantal parle d'une situation
que vous avez personnellement déjà vécue.
Mme Bernard (Chantal) : Merci.
Je m'appelle Chantal Bernard. Je suis une femme de 62 ans, mère de cinq enfants,
et je suis aussi maintenant grand-mère. Je viens d'une famille de la classe
moyenne où je n'ai jamais manqué de rien, j'y ai reçu une bonne éducation, j'y
ai été sincèrement aimée, et, chez nous, les études étaient encouragées.
Après mon passage au cégep, à 23 ans, j'avais
un travail à temps plein et j'étais conseillère municipale dans mon village,
Saint-Ferréol-les-Neiges. J'étais plus particulièrement assignée aux loisirs et
à la culture. C'est dans ce contexte que j'ai participé à l'implantation de la
bibliothèque municipale et que j'ai été chercher une première subvention pour
réaliser un projet d'atelier d'art multidisciplinaire destiné à neuf jeunes de
mon village. À 23 ans, la vie s'annonçait bien pour moi.
Quelques années plus tard, avec de jeunes
enfants à charge, je me retrouvais confrontée à une situation de violence
coercitive complexe et traumatisante. Ce fut là pour moi l'occasion de ma
descente dans l'enfer de la pauvreté, que je n'ai jamais réussi à quitter
depuis. Pendant environ 30 ans, j'ai alterné entre des emplois, des périodes de
chômage, des périodes d'aide sociale. D'ailleurs, j'ai toujours été volontaire
pour participer aux mesures d'employabilité ou les formations qui m'étaient
proposées.
• (11 h 40) •
Mais prendre soin d'une famille quand on n'a
pas assez d'argent pour le nécessaire, ça demande du temps, du temps que j'ai
dû passer pour courir les banques alimentaires, les comptoirs vestimentaires,
ceci sans jamais avoir la certitude d'y trouver ce dont on a besoin. J'ai fait
des potagers, j'ai passé des nuits complètes à mettre des légumes en...
Mme Bernard (Chantal) : ...conserves.
J'en ai fait des biscuits et des galettes, du pain chaque semaine. Tout ceci
pour être sûre que mes enfants ne manquent jamais de rien. Du temps, j'en ai
mis aussi pour accompagner mes enfants afin de se remettre des traumatismes
occasionnés par la violence que nous avions vécue. Nous sommes allés voir une
longue liste de travailleuse sociale, psychologue, pédopsychiatre et compagnie.
Mes enfants ont fait preuve de résilience et, malgré leur chemin ardu, sont
maintenant tous des travailleurs. Moi, de toutes ces années de pauvreté, j'en
ressors fière d'être la femme que je suis. Mais j'en ressors aussi avec un
système nerveux qui a été hyper stimulé par les stress économiques et autres,
constamment. Autrement dit, c'est la douleur partout dans mon corps au
quotidien, une anxiété débilitante, et j'ai l'insomnie facile. Cet état
physique, c'est la rançon de mon état économique. La pauvreté, c'est déjà un
défi au quotidien, un défi colossal et une réalité inimaginable pour qui ne l'a
pas vécue. Mais la pauvreté, c'est aussi une violence insidieuse et taboue, une
violence dissimulée derrière les préjugés que l'on croit presque tous comme
étant légitimes. Pendant plus de 30 ans maintenant, moi et mes enfants
avons reçu des commentaires, des jugements gratuits et méchants plus souvent
qu'à notre tour. Mes enfants ont vécu de l'intimidation parce que j'étais
pauvre. Pour moi, le poids de toute cette violence sociale sournoise aura été
plus difficile et encore plus marquant que toute la misère et la privation
quotidienne vécut des années durant due à ma précarité financière. Je vous
remercie de votre écoute. Et en espérant que ce témoignage vous sera utile.
Merci.
M. Handfield (Stéphane) : Merci
beaucoup, Chantal. Merci de votre participation dans la salle pour vos mains
levées. J'ai remarqué que beaucoup de mains qui se sont levées au début quand
Chantal parlait de sa jeunesse, ce qui s'est plutôt bien passée. Puis je n'ai
plus vu de mains quand Chantal a commencé à parler de la pauvreté puis des
difficultés qu'elle a eues dans sa vie. Donc, je conclus qu'il y a peu de gens
dans la salle qui ont vécu des situations comme celles de Chantal. Pourtant, vous
êtes là pour proposer des solutions à la pauvreté puis aux personnes qui ont un
vécu comme celui de Chantal. C'est correct, on vous ne le souhaite pas. Ce
n'est pas de votre faute. On vit dans une société où les personnes qui vivent
dans la pauvreté n'ont rien à dire sur les politiques qui les concernent. Puis
où les gens qui décident de l'aide qui va leur être apportée ou qui ne leur
sera pas apportée n'ont pas connu ça eux-mêmes.
J'aimerais ça me mettre à l'envers. Pour
vous donner un exemple, on a vu, moi et Chantal, l'horaire de la journée de
commission. Vous ne devez pas passer beaucoup de temps à la maison, c'est des
longues journées, puis la conciliation travail-famille d'une personne qui est
dans l'Assemblée nationale, ça doit être très difficile. Mais Chantal et moi,
même si on est parents, on n'a aucune solution à vous proposer sur votre
conciliation travail-famille parce qu'on n'a jamais vécu ça.
De votre côté, vous êtes sûrement plein de
bonne volonté, mais vous ne trouverez jamais de solutions, que ce soit pour
réellement aider les gens ou même si vous voulez juste les renvoyer au travail,
si vous ne connaissez pas vous-même les problèmes avec lesquels... que vous
voulez régler. Donc, le message de Chantal et moi, aujourd'hui, c'est : S'il
vous plaît, écoutez les personnes qui vivent la pauvreté et les organisations
qui travaillent avec elles parce qu'elles savent de quoi elles parlent. Ne leur
imposez-leur surtout pas à une autre réforme qui ne va rien changer aux
barrières qui les excluent d'un statut de citoyenne à part entière. Si vous
êtes prêts à écouter puis à apprendre avec nous aujourd'hui, on va être très
heureux de répondre à vos questions. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période
d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Rouleau : Bien, je vous
remercie beaucoup, M. Handfield et Mme Bernard, de participer à cette
commission. Puis je vous remercie, Mme Bernard, pour votre témoignage, qui
évidemment nous touche énormément, parce qu'effectivement, si on parle d'une
modernisation de la loi et de ce régime d'assistance sociale, c'est parce que
ça n'a pas été fait depuis 20 ans. Et on considère qu'il y a certains
ajustements qui sont à faire, des ajustements importants pour être plus en
adéquation avec notre société aujourd'hui, le monde a changé depuis
20 ans.
J'aurais une première question pour vous.
Dans cette modernisation de la loi, dans les changements importants qui sont
faits, c'est de passer des contraintes d'emploi à contraintes à santé...
contraintes...
Mme Rouleau : ...pardon.
Est-ce que vous avez réfléchi à ça? Quelle est votre votre opinion, là, sur le
changement de passer de contraintes à emploi à contraintes santé, pour être
axées beaucoup plus sur la personne que sur sa capacité à travailler?
Mme Bernard (Chantal) : Stéphane?
M. Handfield (Stéphane) : Je
vais y aller. Au groupe de recherche, on voit difficilement comment est-ce qu'un
passage de contraintes à l'emploi, qui peut inclure des contraintes de santé,
des contraintes familiales, des contraintes régionales, des contraintes
d'exclusion liées au marché de l'emploi, même si c'est rare que c'est pris en
considération, des contraintes de discrimination que les personnes peuvent
vivre... de réduire ça à, simplement, contraintes de santé, qui est un des
éléments des contraintes à l'emploi. On voit difficilement comment c'est un
élargissement de la reconnaissance des contraintes.
Je dirais aussi qu'en ce moment on se bat
encore avec l'étiquette de contraintes permanentes à l'emploi et de... du
statut d'apte ou d'inapte à l'emploi, qui ont été changés il y a 25 ans
maintenant. Ces visions-là, ces mots-là qui sont utilisés pour parler des gens
restent bien au-delà de la réforme. Ça fait que, pour nous, ce changement-là,
là, risque de limiter la reconnaissance des contraintes réelles des personnes,
bien au-delà de, même, la prochaine réforme, qui changera de nom. Ça fait que
ce serait plutôt l'occasion d'élargir ça pour, finalement, reconnaître le
manque de scolarité, l'analphabétisme, le fait de vivre dans une région avec un
haut taux de chômage comme des facteurs d'exclusion du marché de l'emploi.
Mme Rouleau : O.K. J'ai eu l'occasion,
au cours de la dernière année et demie, de faire le tour de toutes les régions
du Québec. J'ai rencontré beaucoup de gens, beaucoup d'organismes, mais aussi
des personnes qui sont en situation de précarité et qui sont prestataires de
l'aide sociale. Et j'aimerais savoir : De votre point de vue, est-ce que
vous voyez un changement, une certaine évolution de la personne, là, qui est en
situation de précarité? Est-ce que... est-ce qu'il y a des changements qui se
sont opérés au cours des dernières années?
Mme Bernard (Chantal) : Personnellement,
je ne pourrais pas vous dire que, moi, j'observe des changements. Puis ce que
je trouve déplorable, souvent, on met le poids uniquement sur la personne
assistée sociale à se sortir de sa situation et on oublie que, dans ses
recherches d'emploi ou sa volonté de réintégrer la société, elle fait...
pratiquement toujours, elle est confrontée à des préjugés, puis les préjugés
sont des barrières immenses et presque surmontables. Dans mon témoignage, je
parlais de la violence vécue par les personnes en situation d'aide sociale.
Moi, c'est quelque chose que j'ai vu couramment. J'ai été élevée dans une
famille où est-ce qu'il n'y en avait pas, de pauvreté, et le jour où je me suis
retrouvée confrontée «à», ça a suivi mes enfants, même à l'école. Et le poids
est immense.
Puis quand on va pour aller mener un CV,
notre CV va être relégué au bas de la pile, parce que, souvent, on est vus
comme des personnes qui ne veulent pas, qui ne sont pas habiles, qui sont moins
intelligentes, qui sont moins volontaires. Ça fait que, quelque part, malgré
notre volonté, il y a un effort à faire, aussi, ailleurs, auprès de la société,
en général, pour changer notre perception des personnes.
M. Handfield (Stéphane) : Je
voudrais ajouter que je... ce qu'on constate, là, puis le ministère le constate
aussi dans plusieurs de ses rapports, c'est que les personnes... par exemple,
depuis 20, 30 ans, il y a beaucoup moins de personnes assistées sociales, parce
qu'il y a un resserrement des critères de l'aide sociale. Et ce qui reste,
c'est que les personnes qui restent à l'aide sociale sont celles qui n'ont
vraiment pas d'autre choix, et donc qui ont plus de limitations, en moyenne,
que les personnes assistées sociales, en moyenne, il y a 20 ans. Déjà, il y a
20 ans, il y a un rapport interne du ministère qui considérait qu'il y avait
seulement 8,5 % des personnes que le ministère considérait ne pas avoir de
contraintes qui étaient réellement considérées comme capables de se trouver un
emploi. Ça fait que ça en dit long, là, sur la situation en ce moment, là. On
présumerait qu'il y aurait moins de 8,5 % des personnes considérées sans
contraintes par le ministère qui en auraient réellement. Ça fait qu'on pense
que c'est pas mal parlant.
• (11 h 50) •
Mme Rouleau : O.K. Dans le
plan de lutte à la pauvreté que j'ai déposé au mois de juin dernier... on parle
du Plan de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale... il y a un volet
important, qui est sur la lutte aux préjugés. Parce qu'effectivement, on le
sait, il y a des efforts qui sont faits pour...
Mme Rouleau : ...pour lutter
contre les préjugés, il faut continuellement le faire, on ne peut pas
s'arrêter. Est-ce que vous auriez des propositions à nous faire pour lutter
contre les préjugés?
Mme Bernard (Chantal) : Je
vais laisser commencer Stéphane.
M. Handfield (Stéphane) : Oui.
Bien, en tout respect, je commencerais par ne pas parler du nombre d'emplois
disponibles comme une des raisons justifiant une réforme vers l'accompagnement,
vers l'emploi. Les personnes assistées sociales le sont par l'aide sociale. Ce
n'est pas parce qu'elles ne veulent pas travailler. Et des phrases comme ça, ça
fait perdurer des préjugés comme ça. Les personnes assistées sociales sont dans
l'aide sociale parce qu'elles sont cassées et qu'elles n'ont pas d'autres
choix. Elles arrivent là la tête basse. Elles arrivent là en ayant très hâte de
sortir de là. Puis c'est... ça ne sert à rien de dire qu'il y a des jobs de
disponibles pour justifier des réformes, ça fait juste mettre dans la tête des
gens qu'il faut sortir les personnes assistées sociales de l'aide sociale,
alors qu'elles sont les premières à souhaiter sortir de là. Si elles restent
là, c'est parce qu'elles n'ont pas le choix.
Mme Bernard (Chantal) : J'aimerais
rajouter, moi, mon plus grand rêve dans la vie, ce n'était pas de faire le tour
du monde ou ce n'était pas de gagner 1 million à la loterie, ça aurait été
d'avoir une vie normale avec un travail à temps plein et d'être en mesure par
moi-même de subvenir aux besoins de mes enfants. O.K.? La contrainte de santé
pour moi est venue au fil du temps à cause de l'impact de la précarité dans ma
vie. Une contrainte, il y en avait une, il y avait cinq enfants. En tant que
tel, ce n'est pas une contrainte, mais, comme on avait tous été confronté à une
situation de violence complexe et traumatisante, il y avait de l'accompagnement
à faire avec ces enfants-là pour aller chercher des ressources. Ça fait qu'en
tant que tel, ce n'est pas une contrainte de santé comme on parle maintenant,
mais c'est une contrainte réelle. Et le temps que j'ai mis là, maintenant,
O.K., c'est correct, tous mes enfants travaillent, mais, pendant ce temps-là,
moi, je n'étais pas capable d'être sur le marché du travail et je n'avais pas
de contrainte reconnue. Puis la précarité financière... comme le montant
accordé était en fonction du fait que je n'avais pas de contrainte, il est
minimum, il ne comble pas les besoins essentiels.
Mme Rouleau : Bien justement,
ce qu'on cherche, c'est de considérer beaucoup mieux le fait qu'il y a des gens
qui sont plus éloignés du marché du travail, qui ont besoin d'accompagnement,
d'un meilleur accompagnement pour une meilleure intégration dans la société
parce qu'on veut éviter l'isolement. On veut une meilleure intégration et aller
vers le marché de l'emploi pour que les gens puissent y contribuer à la hauteur
de leurs moyens. Et, parmi les objectifs qu'on a, c'est par exemple le
Programme d'aide et d'accompagnement social, le PAAS qu'on appelle, où on ouvre
un volet de participation sociale. Qu'est-ce... Comment considérez-vous ce...
Est-ce que c'est quelque chose qui vous... qui vous parle, ça? Le PAAS, c'est
d'ouvrir ce volet de participation sociale.
Mme Bernard (Chantal) : Moi,
j'ai participé, j'ai fait un PAAS quelques années ici au RASST. Puis, encore
là, comme je disais, la violence a laissé des traces chez moi. Puis, à un
moment donné, les enfants, même à l'aide d'adultes, ils ont eu besoin d'aide.
Mais, quand ton système nerveux, il est toujours sollicité puis il est toujours
en état d'alerte et toujours en état d'urgence, à un moment donné, ça ne prend
presque plus rien pour t'affecter physiquement et mentalement. Ça fait que,
même le PAAS, je n'ai pas été capable de le maintenir plus qu'un certain laps
de temps et je n'aurais pas nécessairement été capable d'aller dans un emploi
régulier après, O.K, ce qui n'était pas le cas quand j'étais plus jeune. La
pauvreté a eu un impact majeur, moi, tout au long de ma vie et a été
débilitante au niveau physique et au niveau de ma santé mentale.
Mme Rouleau : Alors,
justement, ce qu'on propose, c'est de passer de contraintes à l'emploi, donc la
capacité de travailler, à contrainte de santé pour tenir compte des enjeux,
notamment... bon, évidemment des contraintes de santé physique, mais aussi des
enjeux psychosociaux et de santé mentale, étant donné qu'on parle de beaucoup
plus...
Mme Rouleau : ...aujourd'hui
des enjeux de santé mentale, c'est aussi... on en parle autant qu'on parle de
santé physique. Et vous avez dit d'entrée de jeu que vous étiez... si je me
souviens bien, vous avez dit que vous étiez contre le changement, de passer de
contrainte emploi à contrainte de santé. Pourtant, ce qu'on veut faire, c'est
d'élargir les contraintes pour inclure les contraintes de santé mentale et des
enjeux psychosociaux. Ce qui me semble être ce que vous avez vécu, là, depuis
un... depuis un certain nombre d'années, Mme Bernard. Et pouvez-vous
m'expliquer pourquoi vous êtes contre parler de contraintes de santé,
aujourd'hui, tel que nous le proposons?
Mme Bernard (Chantal) : Première
des choses, en tant que tel, avec les enfants, quand j'allais dans des
accompagnements auprès de travailleuses sociales et travailleurs sociaux, ma
santé mentale était encore potable, à cette époque-là, mais ce n'est pas
nécessairement reconnu comme une contrainte. Pourtant, l'accompagnement me
demande du temps, O.K.? La santé... Puis le fait de ne pas être reconnu dans ce
besoin-là, O.K., et qu'on demande quand même de faire des démarches à l'emploi
dans des conditions comme ça, c'est ce qui va souvent créer les problèmes de
santé, le stress inhérent à toutes ces conditions-là. C'est déjà pénible
d'aller chercher de l'aide, de faire des pieds et des mains et de développer sa
créativité dans tous les sens pour combler les besoins, mais ça, ça accentue
les problématiques.
Justement, quand on a... quand la pandémie
est arrivée, en 2020, puis que les gens se sont ramassés confinés, O.K., ça n'a
pas pris deux semaines qu'on disait que ça affectait la santé mentale des gens,
mais l'argent auquel on a accès couvre à peine nos besoins essentiels, ça fait
qu'il n'est pas question de sortir après. La pauvreté en elle-même a un impact
sur la santé mentale.
M. Handfield (Stéphane) : J'aimerais
compléter en disant qu'il y a énormément de... comme je l'ai dit tantôt, là, de
contraintes à l'emploi qui n'ont rien à voir avec la santé. Le fait de ne pas
savoir lire et écrire... essayez de vous trouver une job, au Québec, en 2024.
Ça n'a rien à voir avec la santé, c'est du psychosocial, mais ce n'est pas de
la santé. Pis, si on dit aux gens qui doivent évaluer les contraintes à
l'emploi, des contraintes de santé, jamais ils ne vont mettre l'analphabétisme
sur les formulaires. Puis, de toute façon, les professionnels qui remplissent
ces formulaires-là ne sont pas formés pour les remplir. Ça fait que, si tu
écris «contraintes de santé» ils vont dire : Excusez- Mme, ce n'est pas
une contrainte de santé, et je ne vous le remplis pas, votre papier, puis la
personne n'aura jamais reconnaissance de ses contraintes, même s'il n'y a
jamais un boss qui va le rappeler.
Ça exclut aussi le fait que, comme Chantal
disait, la pauvreté puis le système d'aide sociale, c'est eux-mêmes des
contraintes à l'emploi. Il n'y a pas besoin d'avoir... de reconnaître d'autres
contraintes à l'emploi que simplement être à l'aide sociale avec les tout
petits montants qui sont donnés. Il y a plusieurs recherches qui montrent
clairement que les montants de base à l'aide sociale sont eux-mêmes un obstacle
à se trouver un emploi. Tout le temps qu'il faut que le... monde pour survivre
alors qu'ils sont endettés le premier du mois juste pour payer le loyer,
réussir à faire leur mois, ils ne sont pas disponibles pour se chercher un
emploi. Le stress constant, les nuits passées à ne pas dormir parce qu'on se
demande quand est-ce qu'on va manger un repas complet, ça affecte la capacité à
se présenter dans un emploi, la santé qui dégringole parce qu'on mange mal, on
dort mal, on ne prend pas nos médicaments, quand on en a, parce qu'on ne peut
pas se payer, on a les dents toutes cariées parce qu'on n'est pas capable de se
soigner, on n'est pas présentable, on n'est pas embauchable.
C'est sans parler de l'itinérance, du fait
que les gens se découragent de faire leur budget avec ces montants-là. Il n'y a
pas besoin de reconnaître d'autre contrainte à l'emploi que juste être à l'aide
sociale. C'est déjà une méchante contrainte.
La Présidente (Mme D'Amours) : ...je
cède maintenant la parole à la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour une
minute.
• (12 heures) •
Mme Tardif : Bonjour. Merci.
Merci beaucoup. Merci, Mme Bernard. Ça prend beaucoup de courage et d'humilité
de nous présenter ça comme ça. Et je vous dirais que, dans nos bureaux de
circonscription, en tant que députés, oui... nous n'avons pas vécu les
atrocités que vous avez eu à vivre, mais, à tous les jours, nous sommes là pour
aider des gens comme vous, et je veux que le Québec l'entende parce que nous
nous dévouons vraiment pour vous aider.
Et ce projet de...
12 h (version non révisée)
Mme Tardif : ...loi là vise à
changer des choses qui existent depuis 20 ans et qui n'ont pas été
changées. On parle d'emploi, mais je vous entends aussi, et vous parlez aussi
de scolarisation, vous parlez de manque de scolarisation, vous parlez de la
nécessité d'avoir un accompagnement personnalisé, et c'est ce vers quoi nous
voulons aller.
Donc, je n'ai pas de question. Je veux
simplement vous remercier sincèrement de votre grande franchise. Nous vous
entendons, nous vous avons entendus et nous allons travailler pour vous aider
encore.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. J'aimerais tout d'abord vous saluer et surtout saluer Mme
Bernard. Merci d'avoir partagé votre expérience vécue. Je vous salue aussi d'avoir
élevé cinq enfants. N'importe... Dans n'importe quelles circonstances, c'est
extraordinaire, mais, avec des ressources limitées, c'est vraiment extra-extraordinaire.
Donc, je voulais tout d'abord vous saluer.
Je veux vous pousser encore plus sur votre
expérience vécue, effectivement. Vous avez parlé beaucoup... le temps, le temps
que ça vous a pris de... avec des ressources limitées, de préparer des repas, d'accompagner
les enfants qui vivent avec vous aussi des traumatismes complexes, difficiles.
On comprend que la pauvreté, c'est coûteux, c'est coûteux surtout au niveau du
temps ou... pour citer mon grand-père américain, il disait : «There's no
shame in poverty, it's just damn inconvenient», c'est un sacré inconvénient.
Alors, j'aimerais vous entendre plus sur
votre expérience vécue et surtout au niveau de... vous avez des moments où vous
avez eu accès à l'aide sociale. Est-ce que vous pouvez nous parler des
obstacles que vous avez rencontrés en accédant en... justement en lien avec les
programmes d'aide sociale?
Mme Bernard (Chantal) : Première
des choses, aller faire une demande d'aide sociale, c'est quelque chose qui est
difficile, c'est quelque chose qui est honteux, puis on se sent coupable. Il y
a quelque chose à guérir en dedans de soi. Il n'y a personne qui veut aller
faire une demande d'aide sociale, O.K.? Les programmes, souvent, dans les
organismes, ils ont une sensibilité qu'ailleurs ils n'ont pas. Mais la
formation qu'on vient chercher ici, ça ne veut pas dire, quand on va aller
chercher un emploi ailleurs et qu'on a terminé une formation dans un organisme,
que l'employeur ailleurs va être aussi ouvert, O.K.?
Puis j'aimerais ça souligner quelque
chose, quand on parle de scolarisation des personnes en situation de pauvreté.
Mes enfants sont brillants. Ma fille, quand elle est rentrée au cégep, le
premier examen qu'elle a fait, elle a eu 102 %, parce qu'il y avait des
questions bonus, O.K.? Elle rêvait de devenir médecin légiste et elle en avait
les capacités, mais la situation de sa précarité économique a elle aussi joué
sur la détérioration de sa santé mentale. Puis, à un moment donné, elle a fait
une dépression majeure. Elle a été en psychiatrie. Et, bon, elle est sortie de
là, elle a été chercher un cours, elle a un emploi, mais pas à la hauteur des
capacités qu'elle avait, et c'est un médecin qu'on... qui nous manque à tout le
monde.
Mme McGraw : Merci, Mme
Bernard. On est d'accord pour dire que les politiques publiques éclairées
doivent tenir compte des expériences vécues des gens. Alors, j'aimerais vous
entendre, parce qu'on n'a pas reçu de mémoire. Et, Mme Bernard et M. Handfield,
ça serait... je ne sais pas si vous prévoyez éventuellement soumettre des
recommandations écrites, ça serait très utile. On ne va pas avoir le temps,
avec le temps qui nous reste, de rentrer en détail, mais je pense que, si on
veut vraiment prendre ces expériences vécues puis traduire en recommandations
où on analyse... En tout cas, je pense que ça serait très apprécié.
Maintenant, avec le temps qu'on a, moi et
ma collègue, on a plusieurs questions. On est allés... Vous avez parlé, on a
beaucoup parlé, la ministre a posé de très bonnes questions par rapport à :
si l'objectif, c'est vraiment d'aller s'attaquer aux diverses contraintes en
emploi, qui incluent des... pour justement élargir santé... Donc, c'est une
bonne intention, et on le souligne. On espère qu'on... On partage cet objectif-là.
Et le défi, ça va être de trouver les bons mots, peut-être des amendements pour
vraiment refléter cette réalité-là...
Mme McGraw : ...j'aimerais
vous entendre. Vous avez parlé de diverses contraintes qui ne sont pas
nécessairement liées à la santé, mais, Mme Bernard, vous avez dit état de
santé... pardon, état économique à faire en sorte que ça a un impact sur mon
état de santé, ça fait qu'on comprend qu'il y a des liens. Est-ce qu'on...
juste vous entendre encore une fois dans la définition, lorsqu'on parle de
contrainte en emploi, à part des contraintes santé ou même des contraintes
médicales, quelles seraient aussi les autres contraintes qui seraient
importantes à souligner lorsqu'on fait cette réforme-là? Je ne sais pas si
c'est M. Handfield, ou Mme Bernard, ou les deux, mais la question se pose.
Mme Bernard (Chantal) : La
pauvreté en elle-même, c'est une contrainte. Le revenu qui est accordé aux
personnes ne... selon le collectif, je pense, comble 46 % des besoins de
base. Bien, la partie manquante, il faut faire des pieds et des mains et
développer sa créativité pour combler ces besoins-là. Moi, je me suis
ramassée... j'ai déjà vu avoir un paquet de saucisses, diviser ça au nombre
d'enfants qu'on était, j'attends de manger en dernier, puis, quand je vois
qu'ils ont faim, je prends mes saucisses, puis je les mets dans l'assiette des
enfants. Puis ça joue sur l'estime de soi, O.K., et... mais, vraiment, le temps
qu'on met pour combler nos besoins essentiels autrement qu'en allant à l'épicerie
acheter ce qu'on a besoin ou, encore là, courir les banques, les banques
vestimentaires pour aller chercher des vêtements... on n'a pas toujours ce
qu'on a besoin dans ces vêtements-là. C'est toujours courir et ça devient
quasiment, en tant que tel, une job à temps plein pour combler les besoins de
base, O.K.?
Ça fait que, quelque part, ça, ça affecte
la santé à tous les niveaux. Ça affecte aussi l'estime de soi et la perception
généralisée qu'on a des personnes en situation de pauvreté, surtout quand on
est à l'aide sociale. C'est quelque chose de négatif. Dans une discussion que
j'ai eue avec Stéphane, il disait : Les deux catégories de gens envers
lesquels on a le plus de préjugés, socialement, c'est les personnes en
situation d'aide sociale et les politiciens. Ça fait que quelque part... Mais
c'est vrai, moi, je suis convaincue qu'indépendamment de votre allégeance
politique, vous êtes... la plupart de vous êtes là pour les bonnes raisons et
parce que vous voulez le mieux pour notre société. Mais quelque part, on... ce
n'est pas nécessairement facile, on est confrontés aux préjugés, puis, en
situation de pauvreté, on est déjà faible.
Et ça va dans le registre de la violence.
Aujourd'hui, on dénonce les violences faites aux gens de races, faites aux gens
avec des orientations ou des identités sexuelles, aux personnes... on parle de
grossophobie, etc. On ne parle jamais de la violence qui est faite aux
personnes assistées sociales : C'est tous des lâches, c'est tous des
profiteurs. Et moi, c'est ce que j'entendais, là, O.K., puis c'est ce qu'on
entend régulièrement : Ils profitent du système. Je n'ai jamais voulu
profiter du système et je cherche du mieux que je peux à y contribuer avec les
moyens que j'ai. Pour moi, aujourd'hui, être ici, c'est contribuer à la société
avec les moyens que j'ai.
Mme McGraw : Effectivement
Bernard, c'est le cas, et on vous remercie. Je vais maintenant passer, avec la
permission de la présidente, le reste de mon temps à ma collègue.
La Présidente (Mme D'Amours) : Oui,
je vais lui céder la parole. C'est à la députée de D'Arcy-McGee. La parole est
à vous pour deux minutes.
Mme Prass : Merci, Mme la
Présidente. Merci pour votre témoignage. C'est vraiment... ça met vraiment les
choses en perspective d'entendre l'histoire de quelqu'un qui a vécu et qui vit
une situation dont on va débattre en commission.
Vous avez parlé, au début, de la question
de l'accompagnement adapté. Vous avez parlé de votre situation, vous venez d'un
milieu où il y avait de la violence conjugale. Il y a des gens avec, disons...
sur le spectre de l'autisme, avec une déficience intellectuelle. Il y a plein
de différentes situations. Dans le projet de loi, on parle d'accompagnement,
mais d'un accompagnement qui viendrait du ministère Emploi et Solidarité
sociale. On comprend qu'il y a des situations, telle la vôtre, qui ont besoin
d'un accompagnement plus humain, disons, de la part d'une travailleuse sociale,
quoi que ce soit, et qui reçoivent aussi les formations pour vraiment bien
comprendre les réalités, les différentes situations, et comment les aborder,
comment bien faire un accompagnement.
• (12 h 10) •
Dans votre situation, qu'est-ce que vous
auriez voulu voir, comme accompagnement, qui aurait fait en sorte soit de vous
faciliter la vie en ayant accès aux différents programmes du gouvernement ou à
vous...
Mme Prass : ...à vous remettre
sur vos pieds?
Mme Bernard (Chantal) : Comme
je disais, j'ai vu... moi, j'ai... Avec les enfants, on a rencontré une
panoplie de travailleurs et travailleuses sociales, psychologues,
pédopsychiatres. Je n'ai jamais hésité à aller chercher de l'aide quand c'était
nécessaire. J'ai rencontré des personnes qui ont été des perles dans la vie,
mais il y a aussi parfois des personnes qui sont moins professionnelles et qui
ont eux-mêmes des préjugés à notre égard avant de nous rencontrer et nous
parler. Ça fait qu'il y a vraiment un effort à faire et même là. Puis quelque
part je regarde... Moi, je n'avais pas de problème d'anxiété comme je fais
maintenant. Je vais tricoter de la dentelle et faire des toutous avec... en
crochet, mais toute la technologie, c'est quelque chose de difficile. Le fait
qu'on s'en aille de plus en plus vers de l'informatique pour répondre aux
besoins puis qu'il y a de moins en... nous avons de moins en moins accès à des
ressources directement, ça va nuire aux personnes et à leur possibilité de
réintégrer quelque part la société.
La Présidente (Mme D'Amours) : ...le
temps que nous avions avec la collègue. Maintenant, je cède la parole à la
députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Je veux vous remercier, tous les deux, pour vos propos très, très
éloquents. Mme Bernard, je veux vous souligner votre... le courage que vous
avez eu à l'époque de vous sauver, vous et vos enfants, de cette situation de
violence là puis tout ce que ça a dû vous prendre pour réussir à traverser
aussi la situation de pauvreté dans laquelle vous avez été placée par la suite.
Vous avez exprimé très clairement que ce qui vous a... ce qui a été une entrave
pour vous à retourner sur le marché du travail, c'est la pauvreté dans laquelle
vous avez été plongée. Je vais vous laisser tout mon temps. J'aimerais juste ça
vous entendre sur qu'est-ce qui doit être fait pour éviter que les personnes
qui se retrouvent dans le dernier maillon de notre filet social se retrouvent
dans une telle situation de précarité comme vous avez vécue?
Mme Bernard (Chantal) : Je
regarde, là, de ce que j'ai lu de la réforme qui est proposée, il y a... Je
pense qu'il y a plein de belles intentions, mais il n'y a pas nécessairement de
hausse de la prime qui est offerte aux personnes en situation de pauvreté. Et,
comme je dis, c'est le premier handicap, c'est l'absence de ressources suffisantes
pour combler les besoins essentiels, puis l'impact que ça, ça peut avoir sur la
santé physique, sur la santé mentale et sur l'estime de soi. O.K.? Le revenu en
tant que tel auquel on a accès, c'est le premier handicap. Et souvent ça va
nous embarquer dans une suite d'événements pour aller combler ces besoins-là de
part et d'autre. Puis, quand on étire notre temps dans une position où est-ce
qu'on est en... justement confronté à l'aide sociale en position de pauvreté,
bien, ça fait des trous dans notre CV et ça fait qu'on est de moins en moins
intéressant pour un employeur. O.K. Puis il y a des employeurs qui vont
beaucoup aimer quand ils vont avoir accès à une subvention pour avoir,
justement, une subvention salariale, pour avoir quelqu'un pendant six mois,
puis on lui fait miroiter qu'après les six mois la personne va être là. Mais
l'employeur perd sa subvention, bien, il va mettre la personne à la porte puis
il va aller en chercher une autre. Il y a comme un aspect... Puis, là-dessus,
on se sent lésé parce qu'on espère, on y va, on veut et on se ramasse après
coup... non, on n'a pas l'emploi que l'employeur nous a fait miroiter, malgré
le fait qu'on a dit oui à la mesure qui nous était proposée. Il y aurait
peut-être une surveillance accrue à avoir de ce côté-là.
Mme Labrie : Merci beaucoup.
M. Handfield (Stéphane) : S'il
me reste le temps de compléter, là, si... On revient, justement, aux barrières
à la citoyenneté qui sont exprimées par les personnes assistées sociales, il y
a la pauvreté en premier, comme Chantal l'a dit, puis il y a aussi le marché du
travail. Puis ça, la réforme ne s'attaque pas du tout à la manière dont est
fait le marché du travail. Déjà, on présume que, si les gens ne travaillent
pas, c'est qu'ils ne veulent pas y aller. Mais il n'y a pas besoin de forcer
les personnes assistées sociales à aller travailler, elles veulent y aller.
Puis, si elles ne vont pas travailler, c'est qu'elles ne sont pas capables en
ce moment, ou qu'on ne leur offre pas de job, ou qu'elles s'occupent d'une
manière qu'elle juge pertinente socialement. C'est comme des philanthropes mais
pas riche, tu sais, dans le fond. Puis...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
M. Handfield (Stéphane) : ...si
je peux compléter rapidement, le marché du travail...
La Présidente (Mme D'Amours) : Il
n'y a pas de... je suis désolée. On manque de temps. Il va falloir passer
maintenant la parole au député de Jean-Talon. M. le député, la parole est à
vous.
M. Paradis : Voulez-vous
compléter votre phrase en 30 secondes...
M. Handfield (Stéphane) : ...Ça
me ferait plaisir. Merci beaucoup. Ça prend un changement du marché du travail.
Il y a beaucoup de personnes qui sont à l'aide sociale, qui peuvent travailler
du trois jours, du quatre jours semaine, mais qui, une journée par semaine,
vont avoir des douleurs chroniques le matin, ou faire des crises de panique, ne
pourront pas aller à la job. Il n'y a aucun employeur qui ne les met pas à la
porte en dedans d'un mois. Ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas capables de
travailler, mais le marché du travail n'est pas ouvert à leur capacité.
M. Paradis : Merci. Il nous
reste deux minutes, littéralement. Je comprends que... Vous êtes les troisièmes
à témoigner aujourd'hui, et les trois nous ont dit : Ça passe par une
bonification des programmes d'aide financière de dernier recours, au moins au
niveau du mesure... de la mesure du panier de consommation. Bien noté.
Mme Bernard, merci pour votre
présence, merci de votre témoignage. En quelques secondes, là, dans les
barrières, vous nous avez parlé, au début, là, il y a cinq barrières, vous nous
avez dit : Il y a le système lui-même. Qu'est-ce que vous nous recommandez
de ne pas faire absolument? Puis qu'est ce qu'il faut faire absolument pour humaniser
le système d'aide sociale?
Mme Bernard (Chantal) : Je ne
serais pas capable de répondre à cette question-là, c'est trop complexe. Mais
pour moi, il y a un travail à faire, il y a une conscientisation globale dans
la société en général sur les préjugés. Au niveau du système et de la loi, les
technicalités, je vais plutôt laisser répondre Stéphane.
M. Paradis : Allez-y,
M. Handfield.
M. Handfield (Stéphane) : Merci.
Ce que je dirais, bien, à la base, oui, un revenu qui permet de couvrir ses
besoins de base. Ce revenu là, pour permettre de couvrir ses besoins de base,
devrait être à l'abri des coupures puis des dettes, tant qu'on n'est pas
au-dessus de ça. Ça fait que l'aide sociale qui coupe les gens parce qu'ils
sont en couple, même si maintenant ils vont avoir chacun leur chèque, mais
coupés pareils, si on suit la réforme telle qu'elle est. Ça, ça place les... ça
remettrait les gens en situation de pauvreté. Ils sont coupés s'ils essaient de
travailler pour s'en sortir, ils sont coupés s'ils ne dépensent pas leur argent
comme il faut, ils sont coupés s'ils ne remplissent pas les formulaires comme
il faut, formulaires qui sont complètement incompréhensibles. Ça fait que juste
arrêter de couper les gens tant qu'ils sont dans la pauvreté, ça les rend plus
pauvres encore. Ça, c'est inhumain. On entend beaucoup parler que les agents,
quand les personnes appellent les agents, sont méprisants, ça, on l'entend
beaucoup. La proposition dans la réforme de... voyons, de ne plus avoir d'agent
attitré, ça, c'est inhumain pour les gens, parce qu'à chaque fois qu'ils
appellent, il fait qu'ils racontent leur situation encore. Chantal, ça lui a
pris beaucoup d'énergie aujourd'hui pour témoigner. Imaginez, s'il faut, à
chaque deux semaines, parler à un nouvel agent d'aide sociale, raconter son
histoire au complet, pourquoi on ne travaille pas, etc. Ça, ça vide les gens,
ça, c'est inhumain. Avoir un agent, qu'on lui raconte son histoire une fois,
qui comprend puis qui nous suit là-dedans, ça, ce serait humain. Puis
absolument...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avons. M. Handfield et Mme Bernard,
merci infiniment pour votre contribution à nos travaux de la commission.
Et je suspends les travaux jusqu'à les
avis touchant les travaux des commissions vers 15 h 15. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 18)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 15)
La Présidente (Mme D'Amours) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses
travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques...
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le
projet de loi no 71, Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes
et à simplifier le régime d'assistance sociale.
Cet après-midi, nous entendrons les
témoins suivants, soit le collectif Petite enfance, Banques alimentaires du
Québec, la Fédération des chambres de commerce du Québec, le Collectif pour un
Québec sans pauvreté et le Front commun des personnes assistées sociales du
Québec. Je souhaite maintenant la bienvenue au collectif Petite Enfance. Je
vous rappelle, chers invités, que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite donc à vous présenter et à nous donner votre exposé.
Mme Bonneville (Elise) : Bonjour.
Merci d'accueillir le collectif Petite Enfance. D'abord, le collectif rassemble
plusieurs réseaux nationaux qui sont d'horizons divers, donc des organismes
communautaires famille, des organismes qui oeuvrent en périnatalité ou en
insécurité alimentaire. Divers organismes représentent aussi des réalités
diverses, dont celle des pères, des Premières Nations, des gens d'expression
anglaise, des gens issus de l'immigration, ou encore on peut aller jusqu'à la
persévérance scolaire ou le milieu municipal. Nous avons un objectif commun,
c'est de faire de la petite enfance une priorité sociétale en s'assurant... en
accentuant nos efforts pour réduire les inégalités sociales.
Ainsi, nous avons donc
naturellement posé notre regard sur le projet de loi pour l'analyser sous
l'angle des besoins des parents et des tout-petits de 0-5 ans.
Aujourd'hui, je vais d'abord aborder les
quatre... les quatre aspects précis du projet de loi qui ont attiré notre
attention. Donc, d'abord la volonté de prioriser l'insertion en emploi, mais
sous l'angle des besoins des familles ayant des enfants de moins de cinq ans.
Ensuite, le souhait d'offrir un meilleur accompagnement pour les prestataires
ainsi que la bonification de l'allocation pour l'état de grossesse, puis,
enfin, la prise en considération plus importante des facteurs psychosociaux.
Mais, d'abord, je vous fais un
bref rappel des facteurs influençant le développement des tout-petits. Je vais
aller très rapidement sur cette section puisque, dans notre mémoire, je vous
invite à vous référer à la première section pour avoir l'ensemble de la
littérature scientifique à ce sujet. Donc, je fais un bref survol.
Je ne vous apprendrai rien, mais le
facteur le plus important duquel découlent tous les autres, c'est le revenu.
Donc, pour les familles, un revenu de base est, bien sûr, le fondement. Si on
regarde le logement, c'est un autre facteur extrêmement important pour le
développement des tout-petits, mais... d'ailleurs, on sait qu'en 2023 les
loyers au Québec ont connu une hausse de 7,4 %. Donc, c'est une pénurie
qui vise surtout les grands appartements, ce dont ont besoin les familles.
Évidemment, les plus touchés sont les familles à faibles revenus. Puis
l'insécurité alimentaire. Il faut garder en tête que les principales causes de
l'insécurité des ménages, c'est le manque de ressources financières. Si on
prend le prix à jour du panier de provisions nutritif et économique pour la région
de Montréal, on réalise que ça représente 40 % des revenus d'une famille
type qui reçoit des prestations d'aide sociale. C'est énorme.
Alors, je me lance sur les quatre aspects
que nous avons analysés. D'abord, d'entrée de jeu, je dois spécifier que le
Collectif petite enfance ne prend pas position spécifiquement par rapport à la
question de savoir si c'est une bonne chose ou non de prioriser les actions
gouvernementales sur l'insertion en emploi. Toutefois, on se propose de
vérifier ce qui doit être fait spécifiquement pour les familles vulnérables
ayant des enfants de moins de cinq ans si on souhaite prioriser l'insertion en
emploi.
D'abord, il faudra s'assurer que
les programmes ou les mesures mis en place offrent de la stabilité et de la
flexibilité. La réalité des familles avec des jeunes enfants change vraiment au
jour le jour, comme les enfants. Il faut à tout prix éviter les chocs
tarifaires à mesure que les parents évoluent dans les différents programmes et
donc leur offrir un revenu suffisant et constant. Ensuite, il faut s'assurer
que tous les enfants aient une place en services de garde éducatifs à
l'enfance. C'est intrinsèquement lié à la capacité d'être sur le marché de
l'emploi. Évidemment, ça prend des places et ça prend des places de qualité.
• (15 h 20) •
Ici, présentement, je veux surtout attirer
votre attention sur la gratuité des services. Pourquoi on insiste ici sur ce
point? C'est parce que seulement quelques programmes donnent droit à la
gratuité d'une place en garderie. Quand il est question d'insertion en emploi,
il y a, pour le moment, seulement le programme Objectif Emploi qui le permet.
C'est bien, mais c'est très restrictif. Parce qu'il y a vraiment plusieurs
différents programmes d'insertion, il faut donc s'assurer que tous les parents
qui s'impliquent dans un parcours d'insertion puissent avoir droit à la
gratuité pour la durée du parcours, voire plus, toujours pour éviter les chocs
tarifaires. Même si on parle de payer une contribution dite réduite, la
gratuité est importante pour ces clientèles-là. On veut vraiment éviter les
chocs. Si, par exemple, on prend l'exemple d'un parent avec un nouvel emploi au
salaire minimum, s'il paie la cotisation réduite de 8 $ par jour...
Mme Bonneville (Elise) : ...et
qu'il a deux enfants, on parle de 80 $ par semaine, soit 17 % de son
salaire minimum hebdomadaire net qui est absorbé par ces frais. Mais, s'il n'y
a que... Mais il n'y a pas que les parents qui sont directement affectés par
ça, c'est aussi problématique pour les services de garde éducatifs à l'enfance.
Le calcul de la subvention pour l'accueil de clientèles défavorisées est basé
sur le nombre de parents ayant le droit à la gratuité. Et donc, si un service
de garde éducatif pouvait... pourraient, eux aussi, du jour au lendemain,
perdre une partie de leur subvention qui sert à offrir des services spécifiques
à ces enfants vulnérables, ils en seraient aussi perdants. Il faudrait aussi
que cette question soit arrimée avec celle du ministère de la Famille. Je crois
qu'il y a vraiment des arrimages solides qui pourraient être possibles afin de
permettre de bien atterrir ce projet de loi.
En terminant, on doit nommer notre
inquiétude quant à l'abolition de l'allocation pour les familles vulnérables
ayant des enfants de moins de cinq ans, notamment les familles monoparentales.
Il s'agit certainement des familles les plus vulnérables de l'ensemble de la
société, la littérature scientifique à l'appui. Les programmes d'insertion en
emploi sont peut être une bonne chose, mais il faut tout de même continuer de
s'assurer que ces familles-là ont des revenus suffisants pour garantir des
conditions de vie décentes à leurs tout petits. La littérature scientifique est
sans équivoque, le facteur principal influençant la précarité d'un ménage est
son revenu disponible. Ça fait le tour du premier point.
Second point, on souhaite saluer le
souhait d'offrir un meilleur accompagnement aux prestataires avec les plans
d'intervention individualisés dont on changerait le nom pour plan de l'accompagnement
personnalisé. De même, le développement des réseaux régionaux d'accompagnement
doit être salué. Ça rejoint vraiment les concepts phare pour le collectif, soit
l'importance du travail intersectoriel et de manière concertée. Pour les
familles vulnérables et le développement des enfants, c'est impératif parce que
leurs besoins sont nécessairement multiples et interreliés. Cela dit, il
semble, pour le moment, qu'on ait oublié de prendre en compte un grand nombre
d'organisations, c'est-à-dire les organisations de la société civile et les
organismes communautaires travaillant pour les enfants et leurs familles, en
concentrant leurs... ou celles qui concentrent leurs activités en période
périnatale. Ce sont eux, les experts de la parentalité et des familles. Si on
veut insister sur le retour en emploi des familles ayant des enfants âgés de
moins de cinq ans, les familles vulnérables ou monoparentales, il est crucial
de travailler avec ces organisations-là. Autrement dit... Autrement, comme dit
précédemment, on pense aussi que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité
sociale gagnerait à se rapprocher du ministère de la Famille, qui est un bon
collaborateur de ces organisations.
En troisième point, on doit vraiment
saluer l'intention d'accroître les allocations relatives à l'état de grossesse.
C'est un soutien supplémentaire dans un des moments les plus critiques de la
vie de toutes les familles. Mais on aimerait proposer que la mesure suive les
mêmes fondements logiques qu'une mesure déjà existante disponible à d'autres
familles du Québec. Je parle ici du RQAP. Puisque le souhait exprimé au projet
de loi est vraiment de focusser sur l'insertion à l'emploi pour les
prestataires, on pense qu'il faut suivre la logique du RQAP et les consensus
sociétaux autour de l'importance d'être présent à 100 %, disponible pour
son nouveau-né dans sa première année de vie et offrir le même nombre de
semaines de congé parental en dehors des aléas du marché de l'emploi, que ce
soit pour les parents qui ont pu cotiser aux régimes comme ceux qui ne
pouvaient pas par le passé, mais qui se trouvent maintenant dans des processus
d'insertion en emploi. Autrement dit, si on se dit collectivement que la
meilleure chose à faire pour des nouveaux parents, c'est de prendre une pause
de travail quand ils accueillent un nouvel enfant, ça devrait être valable
aussi pour les prestataires qui s'engagent dans des parcours d'insertion en
emploi. On pense qu'ils doivent avoir le même droit à 50 semaines de congé
parental.
Rappelons que cette période est très
importante. C'est une période de vulnérabilité reconnue pour toute la famille.
C'est aussi une période privilégiée pour la création des liens d'attachement
parents-enfants qui vont influencer le reste de son parcours, mais c'est aussi
une phase de transition et de changements les plus importantes dans la vie
d'une personne.
Finalement, on salue le désir de vouloir
prendre plus largement en considération les facteurs psychosociaux dans ce que
représente une contrainte de santé. On souhaite vraiment que ça aide à
reconnaître l'ensemble des facteurs qui peuvent avoir un impact sur les
familles vulnérables, par exemple tous les enjeux liés aux enfants ayant des
besoins de soutien particuliers ou encore ceux qui... ceux qui vivent en
contexte de séparation. Cependant, on sait qu'il y a beaucoup d'enjeux d'accès
aux professionnels du réseau et on souhaite insister sur le fait qu'il faut
réfléchir à prioriser l'accès à des services pour les familles les plus
vulnérables ayant de jeunes enfants.
En conclusion, le Collectif petite enfance
souhaite porter à votre attention que le projet de loi n° 71 doit certainement
être réfléchi pour que les propositions qui y sont faites ne nuisent pas aux
familles ayant de jeunes enfants. C'est aussi une occasion à saisir pour...
Mme Bonneville (Elise) : ...que
les propositions qui s'y trouvent répondent pleinement aux besoins spécifiques
des tout-petits et de leurs parents, soit les familles les plus vulnérables de
notre société. Nous croyons qu'en agissant ainsi, on se donne de meilleures
chances de briser les cycles de la pauvreté. Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup, merci pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période
d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Rouleau : Oui, bien,
d'abord, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui et de contribuer à ces
auditions pour... pour mettre en place, là, en fait, développer ce... cette
modernisation du régime d'aide sociale. Votre contribution est très, très
importante parce que vous touchez, évidemment, les parents des enfants et vous
vivez de près les situations. Et vous comprenez bien que l'objectif de la
modernisation, bon, c'est d'accompagner les gens qui sont en situation de
précarité, et les accompagner vers l'insertion et vers l'emploi, l'insertion
sociale et, ultimement, vers l'emploi, parce que c'est par l'emploi qu'on
améliore son sort évidemment, et le sort de la famille. Pour les familles avec
des... et les mères, en particulier, les parents avec des enfants en bas âge,
il y a... il y a un arrimage certain à faire avec les services de garde CPE.
J'aimerais que vous me parliez de cette réalité. Pour vous, qu'est-ce...
comment ça se passe, l'arrimage?
Mme Bonneville (Elise) : L'arrimage
entre les gens qui ont, présentement... qui sont sous le régime d'assistance
sociale? En fait, présentement, lorsqu'un parent... bien, en fait, lorsqu'un
service de garde éducatif accueille des enfants qui sont sous les programmes
d'assistance sociale, il y a une subvention qui est remise, en partie, pour que
le service de garde puisse subvenir aux besoins, et, en même temps, la gratuité
du parent permet la présence de l'enfant. Et c'est assuré que, si cette
entente-là ou cette collaboration-là, elle n'est pas permise ou n'est pas
possible dans les autres programmes qui seraient développés, il y aurait donc,
oui, une pression, sur la famille, de devoir assumer un frais supplémentaire,
qui est de 8 $, mais aussi une perte de revenus pour le service de garde
éducatif, qui, lui, devra quand même, possiblement, déployer des services
supplémentaires pour des enfants qui sont dans un contexte de vulnérabilité.
Donc, cette... cette collaboration-là, et cette reconnaissance dans le
programme, présentement, d'emploi favorisent quand même un accès et une
capacité aux services de garde de répondre aux besoins des tout-petits.
Mme Rouleau : O.K. Et c'est
bon, cette gratuité, c'est bon dans Objectif Emploi et dans les différents
programmes d'emploi?
Mme Bonneville (Elise) : Assurément
qu'il n'y a pas tous les programmes qui permettent la gratuité par rapport à
l'accès aux services de garde éducatifs. C'est une des recommandations qui a
été émise par les membres du collectif, notamment dans le plan de lutte à la
pauvreté. Ce serait d'élargir la gratuité à tous les programmes où s'inscrivent
les gens qui sont... qui sont bénéficiaires de l'assistance-emploi. Donc, c'est
d'assurer un élargissement de la gratuité. Et aussi, dans les recommandations
qui sont émises dans notre mémoire, c'est d'assurer une gratuité peu importe
qu'on passe d'un programme à un autre, donc une stabilité, qui ne fragilise pas
la capacité des parents à envoyer leurs enfants dans un service de garde
éducatif gratuit.
Mme Rouleau : Dans un autre
ordre d'idées, vous avez mentionné, dans vos... votre mémoire, là, l'importance
de développer un véritable réflexe communautaire. Pourriez-vous développer,
s'il vous plaît?
Mme Bonneville (Elise) : Oui.
Donc, dans les plans d'intervention individualisés, vous proposez de collaborer
avec plusieurs organismes, mais ce qu'on a accès, dans la lecture du projet de
loi, c'est... en fait, le réflexe communautaire est très axé sur des organismes
qui sont dans l'offre de services de gestion de crise ou de problématiques
précises. Dans l'optique d'une famille, d'un tout-petit, on parle plus des
organismes communautaires qui sont dans l'offre de services globale au
bien-être des enfants. Donc, le réflexe communautaire organismes, famille et
périnatalité, c'est davantage là où on veut porter notre regard, sur
l'élargissement des types d'organisations qui pourraient être... d'emblée,
donc, dès qu'on pourrait accueillir une famille avec un tout-petit.
• (15 h 30) •
Le plan d'intervention, ou le plan
d'accompagnement personnalisé, comme on pourrait le proposer, serait, de facto,
accompagné d'organismes communautaires famille, qui sont sur le territoire des
familles, pour s'assurer que le lien puisse persévérer, malgré qu'il n'y a
peut-être pas une problématique psychosociale marquée. Le fait d'avoir ce
lien-là avec l'organisation communautaire, on le sait, la littérature et le
terrain le disent, c'est un filet social...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Bonneville (Elise) : ...qui
pourrait perdurer dans le lien à travers le plan d'intervention que vous
proposez.
Mme Rouleau : ...mentionné
aussi, là, le 161 $ que la mère pourrait perdre avec... en modifiant la
contrainte emploi en contrainte santé. La contrainte emploi permet d'avoir
161 $. Et ce qu'on... ce qu'on vise, c'est à ce que les femmes puissent
aller vers le marché du travail et puissent avoir accès aux différents
programmes d'emploi, notamment Objectif emploi. Et Objectif emploi permet,
lorsqu'on... lorsqu'on s'y engage, d'aller chercher jusqu'à 475 $ par
semaine. Est-ce que... Est-ce qu'il est plus avantageux d'aller vers l'emploi à
475 $ par semaine ou avoir cette allocation de 161 $ par mois?
Mme Bonneville (Elise) : Assurément
que c'est une bonne question. Nous, on le voit dans la perspective de la
période particulière que représente la fondation d'une famille, donc la petite
enfance, dans une perspective d'une transition importante pour une personne qui
est dans un des espaces de vulnérabilité assez importants lorsqu'on est sur l'assistance
sociale. Donc, on part d'une perspective d'une histoire assez particulière,
dans une période particulière, et d'aller vers l'emploi pendant cette
période-là peut vraiment demander beaucoup de flexibilité, de défis dans la
conciliation de toutes ces réalités-là. Et on pense que la meilleure façon de
soutenir les parents dans cette transition-là, c'est de considérer cette
personne... cette période-là comme particulière. Et le revenu stable reste le
meilleur moyen de soutenir la famille dans sa... dans son évolution.
Donc, assurément que, si on veut emmener
ces familles-là à être dans un... dans une perspective d'emploi, il faut
considérer que les premières années de vie vont apporter une forme de houle, qu'on
parle beaucoup pour toutes les familles au Québec et je pourrais même dire à
travers plusieurs sociétés du monde. La conciliation famille-travail existe
pour ces raisons. Les mesures de conciliation à l'emploi pour les familles avec
petits enfants fait partie des réalités des personnes qui sont à l'emploi. Et
donc là, si on rajoute le contexte de départ de l'assistance sociale allant
vers une perspective d'emploi, c'est vraiment de considérer un moyen de
soutenir les revenus des familles de façon stable dans cette grande transition
pour réellement, je pense, réussir une transition vers l'emploi de façon stable
et saine, je dirais.
Mme Rouleau : Vous avez...
Vous avez salué, là, la proposition de réseaux régionaux d'accompagnement.
Comment voyez-vous la chose plus précisément?
Mme Bonneville (Elise) : C'est
une très bonne question. En fait, assurément que notre société, dans toutes ses
régions, a vraiment des filets sociaux solides et des concertations et des
noyaux de mobilisation qui ont des variables et une géométrie différente.
Assurément que d'avoir des réseaux régionaux d'accompagnement... Pour moi, je
les vois bien rattachés à des réseaux qui sont déjà existants. Je vois vraiment
qu'on a des bonnes assises. Les communautés sont mobilisées autour des
familles, autour des tout-petits, autour des populations plus vulnérables dans
les différentes régions du Québec. Il faut des moyens financiers, il faut de la
coordination, il faut aussi cogner aux portes des organisations qui sont déjà
mobilisées.
Donc, bien sûr, au niveau des familles, il
y a déjà des réseaux régionaux qui sont mobilisés autour des organismes
communautaires Famille. Il y a des concertations régionales en petite enfance
qui sont souvent mobilisées avec la santé publique. Il y a donc déjà un terreau
et des fils qui sont à peut-être rattacher à la perspective que vous voyez.
Mme Rouleau : On peut
demander si des collègues veulent poser quelques questions...
La Présidente (Mme D'Amours) : ...qui
pourraient... Oui, Mme la députée de Laviolette-Saint-Maurice.
Mme Rouleau : ...je
reviendrai.
Mme Tardif : Bonjour. Merci,
premièrement. Merci pour le travail que vous faites, là. La mère en moi en a
bénéficié à plus d'une reprise.
Là, c'est une question peut-être un peu
hors sujet, mais je vagabonde et je réfléchis en vous écoutant par rapport au
projet de loi, et je me demandais... Parce que là je fais toujours le parallèle
entre mon comté et... la réalité terrain de mon comté, et je me dis :
Concrètement, en termes de nombre d'enfants, est-ce que vous avez évalué...
Mme Tardif : ...s'il y a
beaucoup d'enfants, de personnes, parce que ce sont des jeunes parents, est ce
qu'il y a beaucoup de jeunes parents sur l'assistance sociale qui n'envoient
pas leurs enfants en CPE? Quel est le pourcentage que vous estimez? Parce
qu'évidemment notre but est que ces jeunes parents-là envoient les enfants en
CPE, vous le savez, d'une part, ça ne relève pas de cette commission-ci ni de
ce projet de loi là, mais... Et, ces parents là, de les amener aussi dans le
système, soit de l'éducation pour une diplomation ou sur le marché du travail.
Donc, je ne sais pas si vous avez compris ma question, là, mon préambule était
un peu long, mais...
Mme Bonneville (Elise) : Oui.
Tout à fait. Oui, merci pour la question. Je n'aurais pas le... je n'ai pas le
chiffre précis en ce moment. Ce que je peux dire par rapport à l'accès aux
services éducatifs à l'enfance, globalement, il y a présentement donc
35 000 enfants qui sont en attente d'une place, de façon globale. Ce
qu'on sait, ce qui est bien documenté, c'est que les familles issues de
contextes de... de plus grande vulnérabilité ont encore moins accès aux
services de garde éducatifs à l'enfance que les enfants venus de contextes plus
favorables économiquement présentement.
Mme Tardif : Pourquoi?
Mme Bonneville (Elise) : Parce
qu'il y a un manque de... pardon. Oui, parfait. Donc, parce que, d'une part, il
y a un manque de places dans les installations, et la façon dont les... les CPE
se sont développés, c'est souvent dans des quartiers ou dans les... dans les
régions où il y avait une plus grande mobilisation citoyenne pour mettre en
place les services de garde éducatifs à l'enfance. Donc, pour l'instant, c'est
ce que je peux vous donner comme réponse. Donc, assurément que certains membres
du collectif pourraient davantage vous donner les bons chiffres précis. C'est
quelque chose, je pense, qui est quand même accessible. Pour ce qui est des
enfants qui sont sur l'assistance sociale, je n'ai pas les chiffres précis par
rapport à l'accès aux services de garde éducatifs. Cela dit, ça fait partie des
objectifs d'en accueillir davantage.
Mme Tardif : Parce que, si on
se rappelle, il n'y a pas si longtemps, la fameuse COVID, où il y a eu des
fermetures de services de garde en milieux familiaux. Par la suite, il y en a
plusieurs, dans mon comté et dans d'autres comtés du Québec, qui n'ont pas
rouvert. Et nous avons des places qui sont disponibles, une banque de places,
vous le savez, mais il n'y a pas d'éducatrices, il n'y a pas de service de
garde comme tel. Qu'est-ce que vous entrevoyez, là, à court ou à moyen terme,
par rapport à ça? Est-ce qu'il y a un engouement qui reprend? Parce
qu'effectivement, nous, ce qu'on veut, vous l'avez très bien compris, on veut
aider les gens qui sont sur l'assistance sociale, qui sont de jeunes parents, à
retourner sur le marché du travail, ou à aller à l'école, ou terminer leur
secondaire III à tout le moins, et... ou faire un professionnel, mais on a
besoin effectivement de places en garderie.
Mme Bonneville (Elise) : Très
bonne... c'est une très bonne question. Assurément que l'importance de donner
accès à des services de garde éducatifs, je crois que c'est la priorité pour
tout le monde. Effectivement, que la pénurie de main-d'œuvre, elle est décriée
beaucoup, assurément que les organisations membres du collectif il y en a qui
sont très, très, très actifs à travailler sur ces projets, ces enjeux là,
notamment de pair avec le ministère de la Famille, qui est à pied d'œuvre sur
ce dossier-là, on le sait bien. Pour nous, au collectif, et dans le cadre de
cette consultation-là, on a vraiment été davantage sur les besoins dont ces
familles, qui on souhaite revoir s'accrocher en milieu d'emploi, en insertion
en emploi. Donc, les ingrédients essentiels à mettre en place pour s'assurer
d'un réel retour en capacités à l'emploi pour ces familles-là. Et c'est vrai
effectivement que d'avoir une place en services de garde éducatifs à l'enfance,
c'est une... c'est sine qua non pour y arriver. Cela dit, présentement, les
stratégies qui ont été développées pour rejoindre les gens à l'emploi, il y a
plusieurs aspects, là, des groupes nationaux qui ont fait des efforts dans
cette lignée-là, mais pas que je pourrais vous répondre en ce moment.
• (15 h 40) •
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je donne maintenant la parole à la ministre. Mme la ministre.
Mme Rouleau : Dans le
changement, là, d'aller... des contraintes emploi vers la santé, on reconnaît
la compétence, disons, des... de certains professionnels de la santé. Et, dans
votre mémoire, vous mentionnez que vous priorisez...
Mme Rouleau : ...les membres
de l'Ordre des travailleurs sociaux, des thérapeutes conjugaux et familiaux du
Québec, l'Ordre des psychologues, l'Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices
du Québec. Pourquoi est-ce que ce sont ces ordres-là prioritairement que vous
proposez?
Mme Bonneville (Elise) : Assurément
que la perspective est beaucoup sur le développement des tout-petits. Lorsqu'on
réfléchit aux ordres et aux professions qui doivent entourer la période
critique du développement du tout-petit, donc tout ce qui est des
développements, des différentes sphères de développement, donc langagiers,
sociaux, affectifs. Donc, le penchant, notre grille d'analyse, c'est vraiment les
données de l'EQDEM et de l'EQPPEM, donc des données qui nous ont permis de
faire un portrait des cinq sphères de développement, donc socioaffectif, la
motricité fine, la motricité globale, l'attachement et le langage. Donc, c'est
sûr que ces ordres-là sont en réponse à l'importance de développer ces cinq
sphères de façon simultanée. Donc, à une vitesse assez égale, parce que ce
qu'on sait, dans la littérature, c'est que le développement humain est dans une
période exceptionnelle de la naissance à l'âge d'environ cinq ans, bon, puis il
y a des débats sur l'âge où le cerveau finit sa maturité, mais assurément que
ces ordres-là représentent...
Mme Rouleau : ...
Mme Bonneville (Elise) : Pardon?
Mme Rouleau : Ça ne finit
jamais.
Mme Bonneville (Elise) : Ça
ne finit jamais, on se le souhaite. Mais assurément que de miser sur des
professionnels en adéquation au plein développement des tout-petits, c'est
vraiment la perspective de notre recommandation, parce qu'en fait il y a des
opportunités qui ne reviendront jamais sur le développement humain en matière
de reculer sur les retards de développement. Éventuellement, on arrive à un
point, dans le développement humain, où on devra être en curatif, donc agir sur
des problématiques qu'on aurait pu régler dans la petite enfance, notamment
pour permettre à ces enfants-là, une fois arrivés dans le milieu scolaire, de
pouvoir être dans un cadre académique dans lequel ils sont bien.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Maintenant, je vais céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Merci, Mme la
Présidente. Et merci beaucoup, Mme Bouchard Bonneville, c'est très
apprécié, votre mémoire et aussi votre présentation en présentiel aujourd'hui.
Je ne suis pas experte en développement des tout-petits, mais je suis parent,
comme beaucoup de personnes autour de la table, et mère de trois enfants, mère
de famille. Si je comprends bien, les enfants, les tout-petits qui sont dans
des milieux défavorisés ou vivant une situation de précarité sont triplement
pénalisés à cause de, un, la précarité, la pauvreté, le fait que leur parent ou
un parent n'ait pas vraiment accès à un congé parental cotisé et,
troisièmement, l'accès aux CPE, aux services de garde qui sont subventionnés
est très difficile aussi. Bien que je comprends, avec le nouveau projet de loi
qui va prendre effet vers, éventuellement, la liste de 0 à 5 qui va prendre
effet l'année prochaine ou peut-être après, si je comprends bien, ces
familles-là seraient priorisées, s'il y a une place qui se libère. Mais on
comprend qu'il y a 35 000 enfants qui sont sur la liste d'attente.
Donc, si je comprends bien ce contexte-là, j'aimerais revenir sur certains
points pour vraiment comprendre, de façon très humaine, l'impact sur ces
familles 0 à 5 ans de ce gros changement proposé dans ce projet de
loi, c'est-à-dire l'abolition de l'allocation pour les familles les plus
vulnérables. Alors, j'aimerais vous entendre encore plus là-dessus.
Mme Bonneville (Elise) : Oui,
merci. En fait, lorsqu'on regarde la période critique de la petite enfance dans
une perspective de réinsertion sociale... non sociale, mais de l'emploi,
assurément qu'il faut avoir des éléments, des ingrédients de base, des
fondements qui vont sécuriser ces familles dans les grandes transitions. On le
sait nous-mêmes comme individu quand on est parent comment c'est une... c'est
un nouvel univers lorsqu'on accueille un nouveau-né, c'est démontré que c'est
une période d'une très grande vulnérabilité pour la majorité des familles en
général, d'une grande adaptation, et ça demande beaucoup de stabilité, beaucoup
de prévisibilité dans nos moyens financiers. Alors, lorsqu'on regarde
présentement le coût d'un panier alimentaire économique pour une famille type à
Montréal, c'est 40 % du revenu, il faut se dire qu'assurément on n'a pas
encore atteint les moyens de stabiliser cette famille-là pour qu'elle permettre
d'offrir les conditions de vie à leur tout-petit, de façon maximale, pour qu'il
puisse se développer pleinement. Et l'adéquation entre les conditions de vie et
le développement d'un tout-petit n'est plus à démontrer. Et là vous allez voir,
dans une grande partie de notre mémoire...
Mme Bonneville (Elise) : ...mémoire,
on a remis des éléments de la... de la littérature scientifique, mais parce que
c'est vraiment très bien documenté, on a cette richesse-là au Québec d'avoir
accès à autant de savoir — qu'on va jusque sur le terrain pour
constater que c'est tout à fait en adéquation aussi. Donc, assurément que
lorsqu'on vise une réinsertion en emploi, on doit permettre les meilleures
conditions pour que ces familles-là, qui déjà doivent s'adapter à leur nouvelle
réalité de parents, puissent œuvrer... agir dans leur nouveau rôle d'employées,
avec une capacité à prévoir les choses.
Donc, stabilité et flexibilité, pourquoi?
Parce qu'un tout petit, c'est souvent malade. Parce que, si on pense à une
personne qui est dans un contexte de transition, d'un retour vers l'emploi,
c'est beaucoup, beaucoup d'étapes de transition et d'inconnues. Donc, de
permettre de ne pas enlever l'herbe sous le pied, à chaque fois qu'on passe
d'un programme à l'autre, en matière de moyens financiers, d'accès à de la
gratuité, ça serait réellement des assises solides pour permettre une
transition peut-être plus gagnante pour ces personnes-là, qui sont déjà dans un
parcours du combattant à certains moments.
Mme McGraw : Et, si je
comprends bien, vraiment, leur revenu disponible est le facteur numéro un en
termes de développement éventuel de l'enfant, et qui a un effet sur le
logement, l'insécurité alimentaire, donc c'est vraiment leur revenu disponible
qui prévoit le moyen terme à long terme. Donc, on comprend que c'est vraiment
des investissements lorsqu'on investit dans ces familles, ces tout-petits-là,
parce qu'à long terme aussi, leur... leur santé, participation à l'économie, à
l'école, leur éducation, c'est vraiment des investissements, si je comprends
bien?
Mme Bonneville (Elise) : Assurément
qu'on est dans une perspective de vouloir briser les cycles de la pauvreté en
proposant de soutenir financièrement les familles de façon suffisante, adéquate
et stable pour agir et offrir les conditions de vie à leurs tout-petits,
puisqu'effectivement les conditions dans lesquelles les enfants vont évoluer,
les tout-petits, vont les suivre possiblement sur un long... un... un long
moment de leur vie. Et la littérature, encore là, elle est unanime, ça va
jusqu'à la prévention de la maltraitance, ça va jusqu'à la prévention de
contextes de maltraitance assez sévère, ou même violence par la pression
économique subie par les parents, par la pression de capacité à subvenir à tous
leurs besoins de base. Et, bien, on peut faire un clin d'oeil aux
recommandations d'un autre rapport, celui de la Commission spéciale sur les
droits des enfants et la protection de la jeunesse : ça fait partie des
recommandations d'assurer aux familles en contexte de vulnérabilité des revenus
suffisants pour prévenir la maltraitance. Donc, on pourrait aller jusque-là.
Si on recule d'un pas et qu'on se
dit : Bien, pour que tous les enfants puissent se développer dans une
perspective d'équité, un revenu de base qui assure de répondre aux besoins des
conditions de vie, donc effectivement un loyer capable d'être payé par les
parents sans avoir la pression de devoir couper sur l'alimentation ou sur les
besoins vestimentaires, par exemple, et là on ne parle même pas des besoins
particuliers, donc un enfant qui a besoin de soutien en orthophonie,
d'évaluations ou qui a des besoins spécifiques, des handicaps, donc on est
vraiment dans une famille typique, effectivement que de miser sur ses premières
conditions de vie, ça a un impact sur le reste de son parcours, et
effectivement ça devient un investissement pour une société qui contribue
grandement lorsqu'elle est devenue un adulte.
Mme McGraw : Donc, lorsqu'on
veut briser le cycle de la pauvreté, lorsqu'on veut lutter contre la pauvreté
puis on dit : On ne peut pas juste être en mode réaction, mais qu'il faut
poser des gestes structurants en amont, il me semble qu'il n'y a pas de
meilleur investissement... ou de pire politique publique que de retirer des
allocations en aide financière pour les familles qui sont parmi les plus
vulnérables, et je lis dans votre mémoire : Du point de vue du
développement de l'enfant, notre futur, là, de notre société, notre économie,
il n'y a pas de pire moment pour précariser son ménage.
• (15 h 50) •
Pour revenir à l'équité, vous parlez dans
votre mémoire de... de l'équité des parents. Peu importe... soit cotisations
cotisées, accès au RQAP, les parents qui cotisent, ils ont accès à... au Régime
québécois d'assurance parentale. Alors, vous proposez justement, bien qu'on
ajoute... Et, jusqu'aux 20 semaines, c'est une bonne chose. Mais vous
proposez... aller jusqu'à 55 semaines, comme le RQAP, incluant monoparentales
ou des enfants multiples. Alors, parlez-nous un peu de ce... de cette
proposition-là très intéressante. ...
Mme Bonneville (Elise) : ...Oui.
En fait, ce qu'on... ce qu'on recommande, c'est de s'inspirer des fondements...
j'ai le mot «idéologiques», mais ce n'est pas le bon mot... les fondements qui
sont les assises du RQAP...
Une voix : ...
Mme Bonneville (Elise) : Scientifiques,
merci. Pas «idéologiques», scientifiques, oui, tout à fait, du RQAP, qui, en
fait, sont aussi... font consensus dans notre société. C'est d'assurer un
revenu stable, qui permet aux adultes de se retirer du milieu de l'emploi,
lorsqu'ils accueillent un nouveau-né, pendant 55 semaines. On se dit :
pourquoi pas, pourquoi cette... cette science, démontrée, du fait de devoir
permettre aux parents de se retirer du milieu de l'emploi en n'ayant aucune
préoccupation... peut-être pas aucune, mais en ayant moins de préoccupations
financières... par le fait que, oui, bien sûr, ils ont cotisé, ils ont un
revenu, qui leur permet de vivre leur première année de vie avec leur
nouveau-né, parce que ça a des impacts réels sur le développement, encore là,
du lien parent-enfant. Ça permet aux parents de vivre la première année de
transition importante de façon sécuritaire et stable. Pourquoi ne pas le
permettre à ces populations, qui... On va quand même pouvoir mettre la lumière
sur le fait qu'ils cumulent davantage de vulnérabilité, du fait qu'ils sont sur
un programme comme l'assistance sociale.
Donc, on recommande de réfléchir à
prolonger... Déjà, effectivement, c'est un énorme pas d'être allés jusqu'à 20
semaines... ou 18 semaines, pardon, 18 semaines. Par contre, 18 semaines,
lorsqu'on pense à un tout-petit, c'est quelques mois, c'est quelques semaines
de vie. C'est un moment, donc, encore, où il y a beaucoup d'insécurité ou
d'instabilité dans la dynamique familiale, et donc, si on rajoute un effet
d'instabilité ou de transition, du fait qu'on doit retourner en emploi,
assurons-nous de stabiliser les revenus, du moins. Mais pourquoi pas ne pas...
permettre à ces personnes-là aussi de bénéficier d'un congé de 55 semaines?
Mme McGraw : Une famille...
Juste en terminant, combien de familles seraient affectées par cette... enlever
ces allocations? Combien de familles au Québec seraient affectées?
Mme Bonneville (Elise) : On
sait que, présentement, il y a environ 7 500, 7 600 tout-petits...
familles avec des tout-petits, là, sur l'assistance sociale. Donc, on parle de
ce nombre pour l'instant, et là on rêve que toutes les familles à venir
puissent bénéficier aussi de ça.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci. Je vais
rester sur le même sujet, parce que vous dites quelque chose de très important,
je pense, dans votre mémoire, par rapport au RQAP, c'est que les deux parents,
soit qu'ils sont sur le RQAP ou dans... ou sur l'aide sociale, les deux doivent
être considérés comme plus utiles à la société en étant, prioritairement, aux
côtés de leurs tout-petits. Je pense que c'est vraiment important, la réflexion
que vous amenez là-dessus. Parce qu'en fait, c'est ça, l'objectif, de ramener
les gens vers le marché du travail, c'est de leur permettre de jouer un rôle...
de contribuer à la société. Mais, en fait, ce que vous, vous nous dites,
c'est : pour un enfant en bas d'un an. La contribution la plus utile, ce
n'est pas nécessairement d'aller sur le marché du travail, puis ce n'est pas
nécessairement d'envoyer ces personnes-là vers le programme Objectif Emploi.
C'est de leur permettre d'être auprès de leur enfant. C'est ce que vous nous
dites.
Mme Bonneville (Elise) : En
fait, basé sur les fondements du RQAP, les fondements scientifiques, pour
reprendre vos mots. Effectivement, la place la plus importante pour un adulte,
c'est d'être auprès de son tout-petit à ce moment critique, pour, possiblement,
mieux œuvrer en tant qu'employé et contributeur de la société au moment où la
première année de vie est passée pour le tout-petit, que les choses sont
peut-être davantage stabilisées.
Mme Labrie : J'aimerais ça
vous entendre sur l'impact, justement, critique de cette période-là de la vie
pour développer un lien affectif parent-enfant, puis qu'est-ce que ça peut
avoir comme... comme retombées, à moyen, long terme, justement, quand on n'a
pas réuni les bonnes conditions, dans cette période critique là, pour que le
parent et son enfant puissent développer ce lien-là.
Mme Bonneville (Elise) : Oui.
Assurément que je ne suis pas la plus grande experte de l'attachement. Il y
aurait certainement des chercheurs qui vont me dire, après : Ah! il y
aurait eu ce mot-là à dire.
Mme Labrie : Mais, aussi, au
niveau du développement.
Mme Bonneville (Elise) : Mais,
assurément que, pour le développement humain, la première année de vie, c'est
la période où le cerveau crée le plus de connexions neuronales. Et lorsqu'on
est dans des conditions sécurisantes pour un nouveau-né, qu'on est dans un
contexte où la famille peut vivre vraiment le rythme de développement de
l'humain, sans vivre de grands stress, de grande précarité... Là, on pense à
l'alimentation, on pense à... au stress. Le stress... Ça a été longtemps été
ésotérique de parler de stress, mais, maintenant, on est tout à fait au courant
que ça a même des répercussions sur le développement du cerveau. Donc, effectivement
que, pour le lien d'attachement, de se connaître, entre le parent et le bébé...
Mme Bonneville (Elise) : ...ça
va jusqu'à la qualité et la capacité des neurones du cerveau à se connecter.
Donc là, j'arrête parce que je ne suis
pas... je ne suis pas l'experte plus loin que ça, mais assurément que c'est une
vitrine dans le développement humain qu'on ne pourra jamais reproduire. Donc,
si on est aussi dans un attachement insécurisant et que le parent n'a pas pu
jouer son rôle parce qu'il avait d'autres préoccupations plus grandes et que le
tout-petit et la... et le parent ne développent pas leur lien, c'est aussi des
opportunités et des vitrines qui se referment sur l'attachement qu'on ne pourra
jamais retrouver. Assurément qu'on peut quand même développer des liens, mais,
sur le développement humain et les capacités après qui vont toucher un paquet
de facteurs...
Mme Labrie : Comme le
décrochage scolaire, la réussite...
Mme Bonneville (Elise) : ...comme
le décrochage scolaire, effectivement, la capacité à persévérer, la capacité à
éventuellement fonctionner dans les différentes sphères de la société, ça a
tout à fait des impacts sur ce... sur tous ces aspects.
Mme Labrie : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions. Maintenant, je vais céder la parole au
député de Jean-Talon.
M. Paradis : Vous nous
rappelez, dans les premières pages de votre mémoire, qu'en gros tout se joue
avant cinq ans et donc que le soutien des familles, particulièrement les
familles monoparentales avec des enfants de moins de cinq ans, c'est vraiment
essentiel. Vous prenez acte du fait qu'il y a abolition des allocations pour la
reconnaissance de... contraintes temporaires à l'emploi, que la plupart sont
remplacées, mais vous dites : Attention, pas celles qui touchent ces
familles-là justement. Le gouvernement dit : Bien, certains prestataires
pourraient avoir droit à l'allocation pour contraintes de santé si les besoins
le justifient. Vous dites : On n'est pas vraiment là-dedans. Certaines
contraintes temporaires à l'emploi abolies seront remplacées par des
ajustements à la prestation ou des prestations spéciales. Vous dites :
Bien là, on ne tomberait pas là-dedans non plus. Puis il y a aussi un droit acquis
pour ceux qui les ont déjà, mais ça ne vise pas les nouvelles familles. Donc
là, vous dites : On est en train de manquer quelque chose d'important dans
ce projet de loi là ou prendre des risques importants. Je vous ai bien suivie
là-dessus?
Mme Bonneville (Elise) : Tout
à fait.
M. Paradis : Alors, qu'est-ce
qu'il faut faire? D'abord, ce que vous nous dites, c'est de ne pas abolir cette
disposition-là?
Mme Bonneville (Elise) : En
fait... Je voulais juste être sûre que mon micro fonctionne. En fait,
assurément qu'il faut réfléchir à une stabilité des revenus pour ces
familles-là. Le projet de loi n'est pas ficelé. Donc, nous, on est vraiment ici
pour émettre ces recommandations et peut-être élever des drapeaux en
disant : Faites attention de ne pas échapper cette allocation et qu'elle
ne se retrouve pas d'une autre façon bonifiée pour ces familles-là. Assurément
qu'on se dit que ces familles ont déjà de la difficulté à avoir accès à des
services. Donc, pour démontrer est-ce qu'ils auront des contraintes de santé ou
pas pour bénéficier de programmes ou d'allocations supplémentaires, ça peut
devenir un parcours assez complexe. Donc, si on pense précisément aux
populations des familles monoparentales, on le sait, qui sont encore plus
vulnérables du fait que, si deux... deux adultes ne sont pas capables de
subvenir à tous les besoins d'un enfant, imaginez les conséquences pour une
famille monoparentale de réduire les revenus ou les allocations possibles.
Donc, nous, effectivement, ce qu'on recommande,
c'est de réfléchir les programmes à venir, dans les règlements du projet de
loi, de façon à ne pas oublier ces populations, qui sont extrêmement
fragilisées par la perte d'un revenu ne serait-ce que minime. Donc, après, on
n'est pas les experts pour pointer quel programme ou comment ça pourrait se
dessiner, mais on émet vraiment des recommandations de réfléchir à ces
populations, qui n'ont possiblement pas de contraintes sévères de santé, mais
ne serait-ce que parce qu'elles sont... monoparentales, la littérature, elle
est claire, ils vivent de grands défis socioéconomiques, plus grands que la
majorité des autres ménages.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions. Merci beaucoup pour votre contribution à
notre commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin de permettre aux prochains invités de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 59)
16 h (version non révisée)
(Reprise à 16 h 03)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue à Banques
alimentaires du Québec. Je vous rappelle, chers invités, que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer
votre exposé, s'il vous plaît.
M. Munger (Martin) : Bonjour.
Mon nom est Martin Munger. Je suis directeur général des Banques alimentaires
du Québec.
Notre association joue un rôle clé pour
nourrir les personnes vulnérables depuis une trentaine d'années. Notre
association regroupe les Moissons du Québec, donc 34 membres Moisson et
membres associés dans des régions où il n'y a pas de Moisson. Et c'est... nos
membres desservent 1 300 organismes partout au Québec, qui, eux,
répondent à 2,6 millions de demandes d'aide alimentaire par mois.
Je dis tout de suite qu'on est plus des
spécialistes de l'insécurité alimentaire et moins de l'aide sociale, mais il y
a comme un lien aussi assez important entre les deux. Et j'inviterais mon
collègue Christian, qui est... qui est un de nos membres, à se présenter.
M. Bibeau (Christian) : Bonjour.
Christian Bibeau, directeur général chez Moisson Estrie.
Alors, Moisson Estrie est située à
Sherbrooke, entourée de six MRC rurales. Donc, nous offrons une aide directe de
dépannage alimentaire. Nous livrons, nous distribuons des denrées, donc, dans
67 organismes, certains en milieu urbain, d'autres en milieu rural tel que
mentionné, et nous transformons des denrées en grandes quantités.
M. Munger (Martin) : Donc...
M. Munger (Martin) : ...parmi...
Vous savez que notre organisme publie le bilan fin à chaque année et une des
données importantes du bilan à fin, c'est qu'il y a 41 % des ménages qui
ont reçu un dépannage alimentaire, qui ont déclaré avoir l'aide sociale comme
source principale de revenu, mais il y a aussi 18,5 % des ménages ayant
reçu un dépannage alimentaire qui ont déclaré avoir un emploi, comme... avoir
l'emploi comme source principale de revenu. Donc, ce qu'on peut déduire avec
ces deux statistiques-là, c'est que même si on oriente quelqu'un vers l'emploi,
ça ne veut pas dire qu'on l'a sorti d'une situation d'insécurité alimentaire.
Je tiendrais à souligner d'entrée de jeu
que nos organismes ont fait faire... on fait face à une demande croissante au
cours des cinq dernières années, une demande très importante. Et je tiens à
souligner l'appui que le gouvernement du Québec nous a donné, que la ministre
Rouleau nous a donné par une aide de 30 millions dans le dernier budget,
ça fait une différence importante. Je tiens à souligner, par ailleurs, que ce
30 millions-là, je le mets en relation, notre réseau distribue pour une
valeur de 542 millions de dollars de denrées alimentaires. Donc,
l'aide gouvernementale représente 5 % de ce que l'ensemble de notre réseau
distribue partout au Québec. La portée de nos activités ainsi que notre contact
avec les différentes réalités régionales et locales à travers le Québec font de
nous des experts de l'aide alimentaire et des leaders de la lutte contre
l'insécurité alimentaire. Une grande variété d'organismes communautaires
s'appuie sur notre approvisionnement pour répondre aux besoins de la population
que ce soit des comptoirs alimentaires, des services de collation pour les
enfants, des cuisines collectives, des maisons d'hébergement pour femmes
victimes de violence, etc. C'est important de préciser que ces organismes
peuvent également offrir une vaste gamme de services, soit de la formation, de
l'aide au logement, des services en santé mentale, des services de... ils
peuvent aussi rediriger les organismes vers d'autres... c'est-à-dire les
individus vers d'autres organismes qui peuvent aider au niveau de l'aide à
l'emploi, de l'aide aux devoirs pour les enfants, et ainsi de suite.
Malheureusement, les données préliminaires
qu'on a vues, qu'on va publier à la fin du mois, du bilan fin nous laissent
croire que la situation, malheureusement, ne s'améliore pas. On risque de
publier des indicateurs qui sont encore au rouge cette année, et que la
situation s'est encore détériorée depuis l'année passée.
Si j'en viens au projet de loi plus
directement, je vous précisais qu'on n'est pas des spécialistes, on note quand
même des mesures intéressantes qui... entre autres, la séparation des
prestations pour les couples et pour les jeunes, c'est des choses qui peuvent
augmenter l'autonomie des femmes, qui peuvent être, justement, en situation de
violence, ou quoi que ce soit. Et ainsi que l'élargissement des objectifs du
Programme objectif emploi aux personnes qui ont déjà été prestataires. C'est
des mesures intéressantes. On souligne aussi que l'objectif d'orienter
50 000 personnes vers l'emploi est un objectif intéressant, et
louable, et non négligeable. Toutefois, pour la raison que je mentionnais tout
à l'heure à l'effet que souvent les personnes qui sont des travailleurs à
faibles revenus demeurent dans une situation d'insécurité alimentaire, on ne
croit pas que les mesures du projet de loi vont réduire de façon sensible la
fréquentation des banques alimentaires.
M. Bibeau (Christian) : Je
vais faire du pouce là-dessus, si tu me permets.
M. Munger (Martin) : Bien
sûr.
• (16 h 10) •
M. Bibeau (Christian) : Évidemment,
on s'entend, là, puis c'est ce que nous dit aussi l'Observatoire québécois des
inégalités, là, les prestations d'aide sociale sont insuffisantes, ça ne permet
pas de couvrir. Donc, le panier... la mesure du panier de consommation, on
comprend ça. Par contre, là, ce qu'on essaie de nommer ici, c'est que de sortir
les gens de l'aide sociale ne signifie pas que ces gens-là vont sortir de la
pauvreté. Alors c'est que M. Munger nommait, c'est que, déjà, dans nos
chiffres, là, on parle de 18,5 % des bénéficiaires de l'ensemble de notre
réseau, qui sont des gens dont le revenu principal est relié à un emploi. Et
là, si j'allais vraiment dans une mesure sur le terrain...
M. Bibeau (Christian) : ...alors,
chez Moisson Estrie, spécifiquement, c'est le type de population, là, les gens
à l'emploi, qui a subi la plus la plus importante hausse par rapport au nombre
de demandes que l'on reçoit. Autrement dit, les gens en emploi se présentent de
plus en plus nombreux chez nous. Alors, pour obtenir une aide de dépannage
alimentaire, on parle, là, de 49 % de 2022-2023 à 2023-2024 et on est,
actuellement, encore, vers une prévision où on augmentera encore ce chiffre-là,
de près de 55 %. Bref, il y a beaucoup de gens qui viennent nous voir, à
la banque alimentaire, qui ont, pourtant, des revenus d'emploi, mais qui
n'arrivent pas, tout simplement, à se nourrir convenablement. Alors, ils
viennent chercher, là, une aide pour remplir le frigo, là, en cours de mois.
Donc, c'est important, quand même, de le nommer.
Je terminerais aussi... Je vais dévier un
peu, mais je terminerais quand même pour dire qu'à l'instar de ce que nommait
l'intervenante qui nous a précédés là, il y a quand même cette question de
l'allocation, notamment pour les enfants, là, en bas âge, etc. C'est important,
les familles monoparentales aussi, en pourcentage, là, dans la fréquentation
des banques alimentaires. Donc, on souhaite, évidemment, que ces familles là
avec des jeunes enfants voient, en fait, les mesures venir renforcer leur capacité
d'action, et non pas, finalement, les amener vers les banques alimentaires.
M. Munger (Martin) : J'aimerais
vous dire deux mots, aussi, concernant le programme PAAS Action. Vous savez,
les banques alimentaires ont toujours tenu à redonner elles-mêmes à la société
en intégrant à leur main-d'œuvre des employés avec des difficultés, soit des
handicaps physiques ou des problèmes de santé mentale, et c'est quelque chose
qui est très, très fréquent dans les banques alimentaires. Et on nous a dit
que... nos membres nous ont mentionné que le programme a eu à se... s'est
resserré beaucoup vers le retour en emploi, ce qui fait que des personnes qui
bénéficiaient de ce programme-là dans les... dans les Moissons ont... ne sont
plus éligibles au programme, et ça... c'est très malheureux, parce que ces
personnes-là avaient développé une autonomie, ils travaillaient au sein des
banques alimentaires, ils étaient fiers de travailler pour la Moisson. Mais
comme ce n'est pas des gens qui vont être aptes à l'emploi demain matin, ou
dans six mois, ou même dans un an, donc, ces gens-là ne se qualifient plus, ou
beaucoup moins, pour ces programmes-là. Et donc c'est une préoccupation
importante que... qu'a notre réseau par rapport au programme PAAS Action, qui
se resserre progressivement.
C'est sûr qu'il peut y avoir d'autres
programmes, plus, d'intégration en emploi pour des personnes avec des... avec
des mesures, mais, quand même, le programme PAAS Action était un outil qui
était apprécié des Moissons. Donc, Christian, est-ce que tu voulais ajouter
quelque chose, ou...
M. Bibeau (Christian) : ...bien,
là-dessus, à dire que les gens qui sont en réinsertion socioprofessionnelle ou
qui font des retours à l'emploi doivent être vus comme étant des... Chacun...
En fait, chacun a son propre parcours. Donc, les mesures, le souhait qui est
émis ici, c'est que ces mesures-là demeurent flexibles pour qu'on soit capables
de s'adapter à ces gens-là. Ça ne veut pas dire, parce que la personne revient
à l'emploi, qu'elle va être capable de soutenir cet emploi-là à moyen ou à long
terme. Il faut donc mettre en place un certain filet pour être capables
d'accompagner ces gens-là, et, pour ça, bien, on a besoin de programmes qui
soient capables de nous permettre cette flexibilité.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
infiniment, merci pour votre exposé, messieurs. Nous allons maintenant
commencer la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Rouleau : Bien, merci
beaucoup, M. Munger, M. Bibeau, ça fait plaisir de vous voir. Je vous remercie
d'être avec nous pour contribuer à ce projet de loi, cette modernisation du
régime d'aide sociale. Même si ce n'est pas votre spécialité, vous avez quand
même un créneau, si je peux l'appeler ainsi, là, qui est quand même très
connexe à ce qui... à ce qui touche les gens qui sont en situation de
précarité, de par le travail que vous faites avec les banques alimentaires.
Je... D'emblée, là, vous dites que, par
rapport à l'année dernière, il y a une augmentation des demandes aux banques
alimentaires, et... Pouvez-vous... Avez-vous un portrait, un portrait plus
clair des personnes qui viennent demander...
Mme Rouleau : ...qui viennent
aux banques alimentaires?
M. Munger (Martin) : Oui,
oui, mais ça va être les données de 2024 qu'on a sorties... c'est-à-dire les
données de 2023, puisqu'on va sortir le prochain bilan fin à la fin du mois, du
mois d'octobre. Mais, si on regarde le profil au Québec, le profil des gens qui
utilisent les banques alimentaires, 18,5 % des ménages ont un emploi,
donc, comme source principale de revenus, c'est une augmentation de 102 %
depuis 2019, 45 % des ménages aidés sont des familles avec enfants,
37 % des personnes, c'est des personnes, des adultes vivant seules, une
autre qui est plus évidente, 78 % sont des ménages locataires et 62 %
sont des locataires au sein de logements privés, et donc pas de logement public
ou social. Si... au niveau... c'est moins le profil des gens, mais en fait il y
a 72 000 personnes qui ont utilisé les services des banques
alimentaires au mois de... au mois de mars, c'est une donnée de mars 2023, qui
ont demandé 2,6 millions de services, là, d'aide alimentaire, et tout ça,
c'est une augmentation de 33 % depuis 2019. Le nombre de paniers de provisions
distribués par notre réseau a doublé en quatre ans, passant de 345 000 à
682 000. Donc, c'est très important.
Mme Rouleau : O.K. On met en
place de nombreuses mesures pour aider les Québécois. On sait qu'il y a eu
le... que le coût de la vie, là, atteint les gens. Évidemment, il y a toute la
post-pandémie. Et puis une demande... on a pu le constater, là, depuis 2022, au
moins, là, un accroissement des personnes qui vont vers les banques
alimentaires. Mais ce qu'on voit aussi, c'est qu'en termes d'aide sociale, des
prestataires à l'aide sociale, il y a une diminution des gens qui sont à l'aide
sociale, mais un accroissement des personnes... des demandeurs d'asile par
exemple, je dois le mentionner. Alors, est-ce que vous voyez plus de demandeurs
d'asile aux banques alimentaires?
M. Munger (Martin) : On n'a
pas de données spécifiques sur les demandeurs d'asile, on en a sur
l'immigration qui... c'est à peu près 18,5 % de notre clientèle. Et ça a
été assez stable ces dernières années. Je vous dirais que le facteur principal
que les organismes nous mentionnent, que les gens mentionnent aux organismes
lorsqu'ils vont fréquenter ou demander de l'aide, c'est la crise du logement à
l'heure actuelle. C'est le facteur principal. Vous savez, avec l'augmentation
des loyers, bien, la partie compressible, c'est souvent l'alimentation et c'est
pour ça qu'ils viennent aux banques alimentaires. Et, je pense, Christian, tu
voulais ajouter.
M. Bibeau (Christian) : Bien,
si j'avais à ajouter quelque chose, là, encore une fois, c'est un portrait très
terrain de la réalité d'une moisson avec ses spécificités, reste qu'en
2021-2022, on réalisait, chez Moisson Estrie, à peu près
12 000 dépannages alimentaires, cette année, on va franchir la barre
des 20 000 dépannages alimentaires. Donc, c'est substantiel comme
hausse des demandes de dépannage. Et les populations, là, qui viennent cogner à
la porte, là où il y a les plus grandes augmentations, je le nommais tout à
l'heure, il y a les gens qui sont à l'emploi, c'est souvent des emplois
précaires, des emplois avec une rémunération de base qui arrivent au fait où,
comme M. Munger le disait, avec l'accroissement du coût des logements, souvent
du loyer, souvent ces personnes-là n'arrivent plus à couvrir l'ensemble de
leurs frais. L'autre élément, c'est la population étudiante, qui constitue
l'une des principales hausses chez nous des demandes de dépannage alimentaire.
• (16 h 20) •
Mme Rouleau : Lors de mes
visites à travers le Québec, j'ai été dans plusieurs des Moissons, dont la
vôtre, M. Bibeau, et puis je sais que les programmes d'insertion,
d'intégration en emploi, le programme PAAS notamment, sont très importants. Le
PAAS, on propose d'ajouter un volet...
Mme Rouleau : ...de
participation sociale. Donc, c'est d'élargir le programme PAAS, c'est d'élargir
aussi le Programme objectif emploi. Comment ça se passe pour vous, là? Ces
programmes, ce sont de bons programmes? Est-ce qu'il y a des... Bon. Vous avez
parlé de certains enjeux tout à l'heure, mais pourriez vous développer un petit
peu plus, là, sur l'intégration sociale au sein de vos organisations?
M. Bibeau (Christian) : Bien
sûr. Ce sont des employés qui viennent donner un coup de pouce aux
organisations. Là, c'est vrai pour les Moissons, c'est vrai pour un très grand
nombre d'organismes communautaires d'ailleurs. Donc, ce sont des gens qui vont
venir donner un coup de main, ce sont des gens qui nécessitent un encadrement
particulier aussi. Donc, l'organisation doit quand même s'assurer d'offrir des
conditions qui vont permettre à ces gens-là de vraiment pouvoir s'épanouir en
emploi, donc d'être capables de réaliser le mandat pour lequel ils viennent
chez nous. Donc, ce sont toujours des mesures qui sont positives et qui sont
surtout donnant-donnant. Donc, la personne qui vient dans un processus de
réinsertion va aussi retirer énormément de son expérience, autant que
l'organisme ou la Moisson va aussi avoir, permettez-moi l'expression, mais du
jus de bras supplémentaire, là, pour venir effectuer nos mandats puis réaliser
nos missions. Alors, ce sont des mesures qui sont... qui demeurent importantes,
qui nécessitent néanmoins du travail, hein, de l'encadrement de la part de
l'organisme qui reçoit ces personnes-là. Donc, chez nous, ça prend vraiment des
gens qui vont pouvoir soutenir ces personnes-là à l'emploi.
Par ailleurs, ce qu'on souhaite, c'est
avoir... Quand on passe du temps avec ces gens-là, souvent des gens qui sont
loin du marché de l'emploi, ce qu'on souhaite c'est si on y met du temps, si on
y met de la formation, c'est de pouvoir compter sur le temps de... le travail
de ces personnes-là sur une durée prolongée. Si on intervient auprès de ces
personnes-là, on leur offre un cadre qui est rassurant, un cadre dans lequel
ils peuvent développer leur potentiel, mais, en contrepartie, s'il faut répéter
l'expérience à tous les six mois ou à tous les huit mois parce que les gens
changent, parce que, finalement, la mesure fait en sorte que la personne doit
quitter, bien là, on est un peu en train de... on est dans un éternel
recommencement, si je peux me permettre.
Mme Rouleau : O.K. Dans le
projet de loi, on met... on propose de mettre en place des réseaux régionaux
d'accompagnement. Vous avez pu en prendre connaissance, j'imagine. Comment
voyez-vous ces réseaux régionaux qui ont comme objectif, là, de briser les
silos, de mieux coordonner les ressources sur le terrain? Et comment vous
voyez-vous dans cette... dans ce réseau régional?
M. Munger (Martin) : Je pense
que les... Je voyais dans la mesure qu'effectivement il y a une coordination
entre ministères aussi dans ces réseaux régionaux là. Je pense que les Moissons
sont justement des acteurs, je dirais souvent des têtes de réseau dans leur
région respective, parce qu'ils offrent leurs appuis à plusieurs organismes
locaux. Donc, je pense que les Moissons peuvent être des acteurs clés dans la
coordination de ces mesures-là. Et, bien entendu, comme on le fait toujours, on
sera toujours là pour collaborer avec le gouvernement, pour faire en sorte que les
gens sortent de l'insécurité alimentaire. Et si on peut le faire, on le fera
avec plaisir.
Mme Rouleau : Et qu'on parle
d'une même voix en sécurité alimentaire.
M. Bibeau (Christian) : Mais
j'ai envie d'ajouter à ça que le fait de pouvoir prendre soin des spécificités
des régions peut aussi être un apport intéressant donc.
Mme Rouleau : Absolument. Mme
la Présidente, peut-être, les collègues veulent...
La Présidente (Mme D'Amours) : Est-ce
qu'il y a des collègues qui veulent poser des questions sur le côté
gouvernemental? Mme la députée d'Abitibi-Ouest, la parole est à vous.
Mme Blais : Combien de temps,
Mme la Présidente?
La Présidente (Mme D'Amours) : Six
minutes.
Mme Blais : Parfait. Alors,
dans un premier temps, je tiens à vous remercier, parce que le travail que vous
faites, c'est un travail exceptionnel. Vous amenez du pain dans les assiettes
des gens qui en ont réellement besoin. Moi, j'aime bien parler du vécu, alors
j'aimerais que vous me disiez quel a été votre coup de cœur depuis que vous
travaillez dans cet organisme-là. Qu'est-ce qui vous a marqué le plus?
M. Munger (Martin) : Bien, en
ce qui me concerne, ça fait trois ans que je suis aux Banques alimentaires du
Québec, ce qui m'a marqué le plus, c'est de voir le dynamisme de nos membres,
leur... le côté innovant qui travaille à mettre en place toujours des nouvelles
solutions pour s'approvisionner. Vous savez, on l'a mentionné d'entrée de jeu,
la demande a explosé dans les dernières années et ça a commencé avant mon
arrivée. Et on me disait, effectivement, que les banques alimentaires sont...
ont été présentes pendant la...
M. Munger (Martin) : ...la
pandémie ont transformé leurs opérations, parce qu'elles perdaient des
bénévoles. Donc, ce sont des organismes qui innovent constamment pour mieux
servir le bassin des organismes et les gens en insécurité alimentaire. Donc,
moi, c'est ce qui m'a impressionné le plus. Christian?
M. Bibeau (Christian) : Bien,
il va sans dire. Je vous inviterai, évidemment, à faire... à venir faire un
séjour chez Moisson Estrie. On... Le mode de dépannage alimentaire qui est
préconisé, c'est un fonctionnement d'épicerie tout à fait normal, donc les gens
vont choisir les denrées, vont participer à leur dépannage alimentaire. Et,
évidemment, ce sont des gens qui arrivent... Ce n'est jamais le fun, aller dans
une banque alimentaire, hein, il n'y a pas de plaisir là, là, c'est difficile,
donc, d'aller chercher cette aide-là. Donc, une fois arrivés, c'est important
d'humaniser le processus.
Et c'est à la sortie, c'est... Quand les
gens ont terminé leur dépannage alimentaire, qu'ils retournent à la maison avec
des denrées suffisantes pour les soutenir pendant plusieurs jours, il y a là,
souvent, un sentiment d'accomplissement, je vais le dire comme ça, ayant
participé à leur propre processus. Et là repartir avec des denrées en sachant
que, ce soir, ils vont peut-être avoir... ils vont peut-être avoir le meilleur
repas qu'ils ont eu, peut-être, depuis une semaine ou deux, alors, évidemment,
il y a un sentiment, là, de... il y a un partage de... de réjouissances, je
vais le dire en guillemets, là. Mais il y a, évidemment, un sentiment d'aide,
là, qui est très profond, et de reconnaissance, de la part des gens qui
reçoivent cette aide-là.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je cède maintenant la parole à la députée de Saint-Maurice... Laviolette—Saint-Maurice.
Mme Tardif : Bonjour. Merci,
tout d'abord. Je voulais savoir, avec vous... Parce qu'une de nos grandes
préoccupations, c'est aussi au niveau de l'alimentation, mais de la... la
subsistance et l'apprentissage. Et je ne veux pas être péjorative, mais nous,
en Mauricie, on essaie d'apprendre à pêcher aussi. Et vous, vu que vous êtes à
la tête des Moissons, est-ce que vous avez un programme ou est-ce que vous avez
pensé à commencer un certain concept de cuisine collective, pour apprendre,
justement, à ces gens-là, à comment... Parce que... vous le savez davantage que
moi... mais je suis allée, à l'occasion, leur remettre des denrées, et, des
fois, c'est de la levure, là, puis la personne me dit : Bien, j'en ai eu
la semaine passée, mais je n'ai pas de farine, ça fait que laisse faire la
levure. Ou c'est des pots pour bébé, ou... Ça dépend de ce que vous avez. Et,
des fois, il y a des... de la perte alimentaire aussi, et c'est ce qu'on ne
veut pas qu'il y ait. Et est-ce qu'on pourrait ensemble — et là
«ensemble», c'est vous, vous avec les autres Moissons — concevoir un
programme de cuisine alimentaire aussi, et... pour leur montrer à éviter les
gaspillages?
M. Munger (Martin) : Ça
tombe... Ça tombe bien, on... on vient, justement, de lancer, avec une grande
chaîne d'alimentation, avec Metro, le programme des Cuisines partagées Metro.
Metro nous avait offert, compte tenu de notre expertise dans le domaine, de
financer un programme comme ça, où des cuisines pourraient être partagées par
plusieurs organismes de... d'une même région, et, ainsi, bien, la cuisine
collective peut aller utiliser des installations modernes et appropriées pour
aller aider les gens à développer leurs compétences culinaires. Mais ça peut
être aussi un autre organisme qui va développer... qui va faire des repas
préparés pour... pour une clientèle plus âgée, ou un organisme qui va
travailler à faire des collations pour des clientèles plus jeunes. Et, au lieu
que cette installation là, par exemple, ne soit utilisée qu'à certaines heures
par jour parce qu'il y a des groupes différents qui viennent, bien là c'est
plusieurs organismes d'une même communauté qui vont se la partager.
Donc, on a déjà accepté... on a... pour
une première année, il y a huit projets qui ont été... qui ont été retenus
partout au Québec, et c'est un programme qui devrait se continuer. Donc, ça va
exactement dans le sens...
La Présidente (Mme D'Amours) : Pardon,
excusez-moi, merci. Je laisse la dernière minute... le mot de la fin pour Mme
la ministre, pour son groupe parlementaire.
Mme Rouleau : Bien, en
fait... Bien, d'abord, merci de... d'être... d'être avec nous, encore une fois.
Quel serait le... les meilleurs coups que vous avez pu réaliser depuis...
tiens, depuis que vous êtes là, M. Munger?
• (16 h 30) •
M. Munger (Martin) : Les
meilleurs coups qu'on a pu réaliser? Bien, en fait, on a développé énormément
le programme de récupération en supermarché. On a...
16 h 30 (version non révisée)
M. Munger (Martin) : ...plus
de 645 supermarchés au Québec qui recueillent, qui donnent leurs invendus
aux banques alimentaires. C'est devenu une source d'approvisionnement très
importante qui permet de donner aux gens des denrées fraîches. Parce que c'est
souvent ça, la denrée rare, quoique les denrées sèches sont rares aussi. Donc
ça, ça a augmenté beaucoup l'approvisionnement. Et on a beaucoup de projets qui
sont en gestation à l'heure actuelle, de nouvelles sources d'approvisionnement.
Et ça, c'est très présent dans différentes Moissons. Christian pourrait vous en
parler.
La Présidente (Mme D'Amours) : C'est
tout le temps. Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions. Maintenant,
je vais céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.
Mme McGraw : Merci, Mme la
Présidente. Effectivement, votre travail, vos accomplissements sont vraiment
extraordinaires. Et en tant que porte-parole pour ma formation en matière de
solidarité sociale mais aussi d'action communautaire, j'ai eu la chance de
visiter beaucoup de vos membres, dont en Estrie en tant que porte-parole de ma
formation en Estrie. C'est vraiment... c'est plus qu'une banque alimentaire, c'est
vraiment une entreprise sociale en Estrie. C'est vraiment remarquable. Mais on
comprend que les banques alimentaires, on est surtout en mode réaction, surtout
de façon générale. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des... on s'attaque aux causes
aussi, mais c'est surtout réaction. Et nous, on veut voir des gestes
structurants qui vont agir en mode prévention.
Alors, selon les données que vous avez
présentées, là, c'est le bilan fin 2023. Là, j'imagine, les chiffres vont
changer bientôt, dans les quelques semaines. Donc, j'aimerais premièrement vous
entendre là-dessus. Est-ce que les chiffres changent beaucoup en termes,
surtout, là, je parle de revenus, source de revenus? Les principaux sources...
les principales sources de revenus, est-ce qu'on va être encore à 41,8 %
aide sociale et ensuite 18,5 % avec des revenus d'emploi? Est-ce que la
tendance continue? C'est la première question.
M. Munger (Martin) : Malheureusement,
je n'ai pas encore les données officielles du prochain bilan fin qui va être à
la fin du mois. Je peux vous dire que la tendance se continue. Ça, je vous
dirai... je vous dirais ça ainsi. Mais j'aimerais réagir un peu. C'est vrai que
nous ne contrôlons pas l'entrée où les... nous ne contrôlons pas l'ampleur de
la demande pour les banques alimentaires, et, en ce sens là, on peut dire qu'on
peut être en réaction effectivement, parce que c'est des... pour abaisser la
demande pour les banques alimentaires, il faut des mesures structurantes qui
ont un effet sur la pauvreté. Et ça, malheureusement, ce n'est pas entre nos
mains, c'est plus entre les mains du gouvernement, donc... Mais on n'est pas
seulement réaction, on est aussi... on est très proactifs pour essayer de
travailler activement pour fournir suffisamment de denrées à cette clientèle là
dans le besoin. Donc, c'est développer des programmes, développer des nouvelles
sources. Donc, en ce sens là, on est très, très, très proactifs.
Mme McGraw : Et je n'en doute
pas et je le sais. Ce que je voudrais dire, par contre, c'est justement cette
réforme, c'est une opportunité en or pour poser des gestes structurants, pour
éventuellement prévenir plus de personnes qui s'ajoutent à vos lignes. Alors,
ma question, M. Munger, vous avez dit que ce projet de loi ne va... si j'ai
bien compris, et je le cite, «ne va pas réduire nos lignes d'attente «. Est-ce
que ce projet de loi, avec l'abolition... d'allocations, pardon, j'ai toujours
des... avec l'abolition des allocations importantes pour des groupes importants
que vous avez cités, les familles, 0 à 5 ans, les femmes victimes de
violences conjugales, des jeunes, avec l'abolition de ces allocations, est ce
que ce projet de loi risque d'augmenter la demande pour vos services?
M. Munger (Martin) : Ça
soulève... Quand on parle des femmes... des mères monoparentales, comme l'a dit
l'intervenante précédente tout à l'heure, c'est une clientèle sensible,
effectivement, et ça soulève des inquiétudes chez nous. Effectivement, si les
femmes avec des très jeunes enfants n'ont plus cette allocation-là spéciale,
bien, elles vont être en situation, je dirais, de... elles vont être plus
démunies et donc risquent d'utiliser davantage des banques alimentaires s'il n'y
a pas d'autres programmes ou d'autres allocations pour...
M. Munger (Martin) : ...pallier
à cette situation.
Mme McGraw : Donc, si je
comprends bien, avec cette abolition qui est prévue par ce projet de loi, les
lignes... la demande pour vos services risque d'augmenter?
M. Munger (Martin) : Je ne...
Je ne peux pas affirmer ça maintenant. Comme je le mentionnais d'entrée de jeu,
on n'est pas des spécialistes de l'aide sociale. On a... On a fait des
lectures, on a lu le projet de loi, on a lu les... certaines critiques d'autres
organismes aussi qui soulevaient des points intéressants. On a ce souci-là.
Nous, ce qu'on dit aujourd'hui, c'est qu'on ne pense pas que ça va diminuer. Je
ne suis pas prêt à affirmer que ça va le faire augmenter, mais je ne crois pas
que ça va diminuer la fréquentation des banques alimentaires.
Mme McGraw : Merci beaucoup.
Et, avec la... la... C'est-à-dire, Mme la Présidente me permet de céder mon
temps à ma collègue. Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
cède maintenant la parole à la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci, Mme...
Présidente. Merci de la présentation et des données que vous nous avez données.
Je pense que ça nous... ça nous permet de faire évoluer notre pensée, nos
questions.
Moi, je vais juste revenir, parce que,
moi, j'ai une banque alimentaire dans mon comté, MultiCaf, qui... et,
j'imagine, comme vous, n'est pas seulement là pour être banque alimentaire,
mais vous êtes là un petit peu comme des travailleurs, des travailleuses
sociales, parce qu'il y a des gens itinérants avec des enjeux de santé mentale,
avec des handicaps, etc., qui viennent envers vous pour des aliments, mais
souvent qui se fassent... se font orienter vers d'autres services, parce que
vous faites un petit peu le dépistage, vous voyez ces gens à tous les jours,
vous les voyez de plein de vues.
Et on parle d'accompagnement pour les nouveaux
travailleurs, par exemple, dans le projet de loi, mais je vous donne l'exemple
d'une personne qui a un trouble du spectre de l'autisme ou une déficience
intellectuelle. Ce qu'on propose dans le projet de loi, c'est de
l'accompagnement, mais par des travailleurs, des fonctionnaires, si on veut, du
ministère de l'Emploi, puis on comprend que les personnes avec certaines
vulnérabilités ont besoin d'un... d'un accompagnement, on dit : «un
accompagnement social» du ministère de l'Emploi, Solidarité sociale. Mais on
comprend que c'est des gens que, si les employés ne sont pas formés pour
reconnaître la réalité, leur réalité, par exemple pour intégrer un nouvel
emploi, les questions d'accessibilité qu'il faut, d'accommodement, on n'est pas
bien placé si on ne reconnaît pas la réalité de ces personnes-là comme vous,
vous le faites et vous les orientez vers d'autres services.
Donc, pensez-vous que, pour de
l'accompagnement, il faut vraiment que les personnes qui vont le faire soient
formées pour comprendre les réalités des différents groupes de personnes
vulnérables, pour vraiment pouvoir les accompagner pas seulement pour trouver
un emploi, mais pour le garder? Parce qu'on entend souvent des personnes qui
vont intégrer un emploi, mais l'employeur ne va pas comprendre comment bien les
accommoder, comment leur... comment bien pouvoir les encadrer selon la réalité
de cette personne-là.
Donc, ma question pour vous, c'est :
Est-ce que vous pensez qu'il y a une forme... il y a des formations qui doivent
être obligatoires pour les personnes qui vont faire de l'accompagnement pour
vraiment comprendre la personne qu'ils accompagnent, dans la question de
l'intégration à l'emploi?
M. Bibeau (Christian) : C'est
une question intéressante. À notre niveau, par exemple, les gens qui vont venir
nous rencontrer, comme vous l'avez donné dans votre exemple de la banque
alimentaire sur votre territoire, donc, on va rencontrer les gens, on veut
aborder la question... les questions avec ces personnes-là dans leur globalité,
en fait, on ne veut pas...
Au-delà de l'aide alimentaire, ces gens-là
ont d'autres besoins, il y a d'autres façons de contribuer à leur mieux-être,
et donc on va effectivement être un lieu de référence et on va référer partout
là où il est possible d'obtenir des services, donc d'abord chez nos collègues
et dans les... d'autres organismes communautaires, là où il y a des expertises.
Peu importe le sujet dont on parle, on va donc le référer au bon endroit, à la
bonne organisation pour obtenir le soutien nécessaire.
Mais là, tous les... tous les soutiens
sont... sont d'utilité, j'ai envie de dire. Alors, on peut référer ces gens-là
à plus d'un endroit, puis ensuite de ça, ces gens-là vont aller utiliser ces
services-là et ils vont être à même de prendre... d'utiliser en fait la
ressource qui... qui leur aide, qui vient... tu sais, qui répond davantage à
leurs besoins.
• (16 h 40) •
Mais c'est sûr que, de notre point de vue,
si on réfère une personne dans une organisation x, y, bien, à partir du moment
où la personne est référée puis va dans cette organisation-là, ça ne relève
plus de notre intervention. Par contre, une chose qui est sûre, c'est que,
comme Moisson, on fait affaire...
M. Bibeau (Christian) : ...avec
un très grand nombre d'organismes communautaires sur nos territoires
respectifs. Et c'est souvent une porte qu'on va utiliser pour que les gens
puissent aller chercher le soutien dont ils ont besoin. Mais ce n'est pas
exclusif, donc on va les référer, tout simplement, à toutes les ressources d'aide
potentielles, et ce sera à eux ensuite de ça, d'aller frapper aux portes et de
bénéficier des services que chacun peut apporter.
Mme Prass : Et avec
l'augmentation du prix des aliments et des loyers dans les dernières années, je
voulais vous parler du phénomène des gens qui ont un emploi, mais qui doivent
quand même se tourner envers les banques alimentaires. J'imagine que, ça, c'est
un phénomène que vous voyez depuis les dernières années, qui a été accentué
justement par l'inflation, le prix des aliments, le prix du logement.
M. Munger (Martin) : Le
nombre de personnes, dont la source principale d'emploi... pardon, la source
principale de revenus est un emploi a doublé dans les banques alimentaires
depuis 2019. Donc, c'est effectivement relié. Oui, on a parlé de l'inflation.
Même si l'inflation s'est calmée, il reste que les prix n'ont pas diminué, ils
augmentent seulement moins rapidement. Mais ce qu'on nous dit vraiment, et au
risque de me répéter, c'est vraiment le facteur du loyer qui est la différence.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. C'est tout le temps que nous avions avec la députée. Maintenant, je
cède la parole à la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, messieurs. Vous avez nommé plusieurs fois que vous n'étiez
pas experts de l'aide sociale, vous êtes quand même experts de la précarité.
C'est à ce titre qu'on vous entend aujourd'hui, donc merci d'être là.
J'ai vraiment trouvé intéressante la piste
sur laquelle vous nous ameniez en disant que ce n'est pas parce que les gens
quittent l'aide sociale vers le marché du travail qu'ils ont forcément réglé
leurs questions d'insécurité financière et alimentaire. Vous dites que le
logement est un facteur important, là, de cette hausse-là du côté des gens qui
travaillent. Bon, on n'a pas... comme gouvernement, il n'y a pas un contrôle,
là, sur l'ensemble des loyers. Par contre, il y a un contrôle sur le salaire
minimum. Est-ce que vous pensez qu'une hausse du salaire minimum viendrait
avoir un impact, là, sur le volume de la demande qui vient des gens qui sont
sur le marché du travail?
M. Munger (Martin) : Ça fait
partie des demandes qu'on a formulées, entre autres, dans le cadre de... dans
notre mémoire, dans le cadre du plan de lutte à la pauvreté. On pense
effectivement qu'un salaire minimum plus élevé est un facteur qui peut
contribuer à réduire l'insécurité alimentaire.
Mme Labrie : O.K. Puis j'ai
le goût de vous poser une question sur l'âge des personnes qui fréquentent. Je
sais que, dans certaines régions, bon, notamment, en Estrie, il y a beaucoup
d'étudiants, là, ça fait que ce n'est peut-être pas nécessairement là où ça se
voit le plus. Mais quand même, globalement, dans votre réseau, est-ce que...
c'est quoi le portrait, là, des personnes, disons, au haut de 50 ans qui
fréquentent vos organismes?
M. Munger (Martin) : Je n'ai
malheureusement pas de statistiques spécifiques sur l'âge. Je peux vous dire
qu'on entend, puis peut-être Christian pourra compléter, les personnes seules,
les personnes âgées seules sont une clientèle qui est fragile et qui sont
souvent aidées par les organismes qu'on dessert. Et moi, je trouve
personnellement que c'est une œuvre très, très utile. On pense à des personnes
isolées où souvent l'idée d'offrir un repas permet de briser l'isolement et a
un impact multiple sur la vie des personnes. Mais j'aimerais laisser Christian
aller plus loin.
M. Bibeau (Christian) : Pour
renchérir...
Mme Labrie : Je vous pose la
question plus spécifiquement, parce qu'il y a une des mesures dans le projet de
loi qui fait en sorte que les personnes à 58 ans n'auront plus accès, là,
à la contrainte... à la reconnaissance d'une contrainte. Donc, pensez-vous que
ça peut avoir un impact, là, sur la demande chez vous?
M. Bibeau (Christian) : Bien,
en fait, tu sais, il n'y a pas... je n'ai pas de réponse pour ça, là. Ce que
j'ai envie de dire, par exemple, c'est que parmi les organismes chez qui on
distribue davantage de denrées, il y a les centres d'action bénévole qui
généralement, sur leur territoire, sont responsables des popotes roulantes pour
les personnes de 50 ans et plus ou 60 ans et plus, selon les barèmes.
Donc, si cette demande-là va croissante, bien forcément, il y a des enjeux pour
les personnes qui ont 50 ans et plus. C'est important, cette hausse là des
denrées qu'on envoie dans les centres d'action bénévole.
L'autre élément, ce n'est pas, encore là,
une question d'âge, mais une question de provenance. En fait, sur le
territoire, on constate des enjeux très significatifs pour tout ce qui est les
territoires ruraux, donc d'accessibilité aux services, de distance, même de
nombre de services disponibles, là, sur les territoires. Donc, ça, c'est un
autre enjeu. La quantité de nourriture qu'on envoie dans les territoires plus
éloignés des grands centres a vraiment changé aussi. C'est en croissance. Et
tantôt, je le disais, l'une des... l'un des types de population que l'on
reçoit...
M. Bibeau (Christian) : ...le
plus grand nombre actuellement chez Moisson Estrie, c'est vraiment la
population étudiante.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. C'est tout le temps que nous avions avec la députée. Je cède
maintenant la parole au député de Jean-Talon.
M. Paradis : Merci. Ce matin,
nous avons reçu le groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au
Québec qui nous disait qu'il y avait cinq grands phénomènes qui constituaient
des barrières à l'emploi, dont notamment les préjugés et la discrimination. Si
j'ai bien compris, un de vos messages principaux aujourd'hui, c'est de réaliser
le nouveau visage de la pauvreté au Québec, c'est-à-dire qu'il y a non
seulement des gens qui font appel au régime d'assistance sociale du Québec,
mais il y a beaucoup d'immigrants notamment, et il y a des gens qui
travaillent, qui touchent un revenu et qui se retrouvent quand même dans les
banques alimentaires du Québec. Donc, vous nous invitez à faire face à cette
nouvelle réalité. J'ai bien compris?
M. Munger (Martin) : Oui,
c'est une réalité. Et je pense qu'on doit en être conscients. Sortir les gens
de l'aide sociale, ce n'est pas nécessairement les sortir de la pauvreté, parce
qu'il y a des travailleurs qui sont quand même en situation de pauvreté. Et,
très honnêtement, moi, j'ai toujours un malaise de parler plus spécifiquement
des travailleurs versus d'autres personnes sous prestations qui fréquentent les
banques alimentaires, pour moi, les deux situations sont inacceptables. Les
gens ne devraient pas devoir aller dans une banque alimentaire pour se nourrir.
Ils devraient avoir les moyens pour se nourrir eux-mêmes. Mais de parler des
travailleurs qui ont de la difficulté à se nourrir, selon moi, ça montre une
cassure dans le système. Il y a quelque chose qui ne marche pour quand des gens
contribuent à l'économie du Québec et à renforcer le développement économique
du Québec, mais sont malgré ça incapables de se nourrir convenablement ou de
nourrir leur famille. Je trouve que c'est une image qui montre qu'il y a
quelque chose qui ne fonctionne pas dans notre système.
M. Paradis : Et donc est-ce à
dire que notre filet social, ici, on parle du filet social de dernier recours,
devrait chercher à ratisser encore plus large parce qu'il y a ce nouveau visage
de la pauvreté? Par exemple, quand on parle de plan d'intervention
individualisé, de réseaux régionaux d'accompagnement, ils devraient viser plus
largement que moins largement, c'est bien ça?
M. Munger (Martin) : Je suis
d'accord.
M. Paradis : Et ce que vous
nous invitez à faire, en réalité, c'est de s'assurer que des organisations
comme la vôtre font partie de ces réseaux régionaux et contribuent à la
détermination des plans... des plans d'intervention individualisés.
M. Munger (Martin) : Bien, on
souhaite contribuer, bien entendu, il faudra voir comment ça peut se passer. On
a une mission importante à réaliser qui est de fournir des denrées alimentaires
à 1 300 organismes au Québec. On est heureux de contribuer si
possible, mais il faut voir comment ça se passe.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
infiniment, chers invités, de votre contribution à notre commission.
Donc, je suspends les travaux quelques
instants afin de permettre aux prochains invités de prendre place. Merci.
M. Munger (Martin) : Merci de
nous avoir entendus.
(Suspension de la séance à 16 h 49)
(Reprise à 16 h 51)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux. Et maintenant, je souhaite la bienvenue à la Fédération
des chambres de commerce du Québec. Je vous rappelle, chers invités, que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, et, ensuite, nous procéderons à la
période d'échange avec les collègues de la commission. Donc, je vous invite à
vous présenter et à nous donner votre exposé, s'il vous plaît.
M. Gagnon
(Alexandre) :Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour, et merci de nous
accueillir pour discuter de cet important projet de loi, le projet de loi
n° 71, visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier
le régime d'assistance sociale. Mon nom est Alexandre Gagnon, je suis
vice-président, Travail et capital humain, à la Fédération des chambres de
commerce du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui par Audrey Langlois,
conseillère principale, Main-d'oeuvre et affaires publiques.
Vous nous connaissez, la FCCQ porte deux
chapeaux, en tant que chambre de commerce provinciale, mais également en tant
que fédération. La FCCQ regroupe ainsi près de 120 chambres de commerce et
1 000 membres corporatifs, représentant plus de 45 000 entreprises
dans tous les secteurs de l'économie québécoise, et de toutes les régions du
Québec.
Aujourd'hui, nous partagerons nos
réflexions et recommandations pour assurer le succès de cette importante
réforme du régime d'assistance sociale, un programme qui a eu droit à sa
dernière modernisation en 2005, et une légère modification, là, en 2016. Il est
crucial de revoir notre approche pour les personnes éloignées du marché de
l'emploi.
Nous tenons à signifier, tout d'abord, que
nous sommes fiers, comme Québécois, de mettre à disposition des personnes les
plus vulnérables un tissu social fort et diversifié. La lutte à la pauvreté est
un enjeu primordial pour notre société, également pour les entreprises
québécoises. Nous croyons également que l'outil de lutte à la pauvreté par
excellence a toujours été et restera toujours la capacité à intégrer ces
derniers... et à les... à les conserver sur le marché du travail. À cet effet,
le projet de loi n° 71 apporte des changements indispensables, reflétant
l'évolution de notre société et de notre économie. Évidemment, d'autres
éléments du projet de loi pourraient être légèrement améliorés, et c'est
d'ailleurs pour cette raison que nous vous présenterons sept recommandations.
Tout d'abord, l'été dernier, le
gouvernement a présenté un plan ambitieux d'action gouvernemental contre la
pauvreté et l'exclusion sociale, un plan... visant à accompagner plus de
50 000 bénéficiaires de l'assistance sociale vers l'emploi ou une autre
forme de participation sociale d'ici 2029. Pour atteindre cet objectif, la
mobilisation de l'ensemble des intervenants est, évidemment, cruciale, et au
centre de cette stratégie, auquelle nous souscrivons. D'ailleurs, le ministère
de l'Emploi, un acteur clé, a déployé, au cours des années, de nombreux
services et ententes de collaboration, à travers le Québec, pour faciliter
l'intégration en emploi des personnes éloignées du marché du travail. Au cœur
de ses stratégies et de son réseau, 17 conseils régionaux des partenaires du
marché du travail, qui sont des lieux de concertation privilégiés entre des
représentants du secteur de la main-d'œuvre, des entreprises, du milieu de
l'éducation, des ministères, du secteur communautaire, du développement local
et de Services Québec. Ils représentent ainsi la parfaite alliance afin de
mobiliser l'écosystème derrière des plans d'action et des projets pilotes pour
l'intégration en emploi des différentes clientèles du ministère de l'Emploi. Il
nous semble donc plus qu'adéquat, dans cette circonstance, de trouver des
moyens de renforcer la collaboration entre le ministère de la Solidarité
sociale et de l'action communautaire ainsi que le ministère de l'Emploi.
L'idée d'avoir des réseaux régionaux, tel
que proposé dans le projet de loi, est, évidemment, excellente, nous y
souscrivons. Cependant, d'ailleurs, elle a déjà été mise en place, depuis de
nombreuses années, par le réseau de la Commission des partenaires du marché du
travail. La création d'un nouveau réseau nous semble, dans les circonstances, à
revoir, puisqu'il viendrait ainsi dupliquer des structures qui nous semblent
déjà existantes, et ayant, fondamentalement, le même mandat.
Le projet de loi viendra élargir l'accès à
des services d'employabilité et de préemployabilité à des Québécois n'ayant pas
tous les outils afin d'intégrer le marché du travail rapidement. Il faut
s'attendre que chaque individu ainsi soutenu aura besoin d'un support et d'un
accompagnement plus important, afin que cette situation soit un succès à long
terme. Le projet de loi prévoit un accompagnement de préemployabilité. Il nous
semblerait adéquat d'également prévoir un accompagnement afin de favoriser le
maintien en emploi...
M. Gagnon
(Alexandre) :...La FCCQ recommande donc
au gouvernement d'offrir un accompagnement aux employeurs qui accueilleront ces
travailleurs, afin d'assurer l'intégration durable de ces travailleurs dans
leur entreprise.
Le projet de loi vient également élargir
l'accès à de la formation pour les bénéficiaires d'un programme social. Cet
élargissement est un bon pas, mais nous croyons qu'il faut élargir un peu
davantage encore. L'objectif est de pallier au trou dans l'offre de soutien
entre les programmes de prêts et bourses et l'offre actuelle. L'offre de
formation s'est grandement améliorée au cours des années, les modalités de
formation également. Une large part de formations, très pertinentes et variées,
sont données par les institutions d'enseignement reconnues, sans pour autant
être sanctionnées par le ministère de l'Éducation. Nous pensons, notamment, à
diverses formations de courte durée, telles que les certifications collégiales,
qui... qui mènent à un emploi intéressant et rapidement. À cet effet, nous
demandons au gouvernement de permettre le maintien des prestations durant ces
formations, qui sont souvent plus adaptées à une clientèle qui a quitté les
bancs d'école depuis longtemps. Les primes à la diplomation pourraient
d'ailleurs également être attribuées à ceux qui auront complété le parcours.
Par conséquent, nous recommandons au
gouvernement de modifier la proposition, au projet de loi n° 71, qui
modifie l'article 55 de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, afin
d'indiquer que la prime sera offerte à la réussite de la formation, et non
uniquement à la diplomation.
Finalement, nous tenons à saluer les
modifications apportées au programme Objectif Emploi, qui suppriment la
restriction de l'accompagnement personnalisé à la seule première demande d'un
bénéficiaire. Cependant, la FCCQ recommande que la formation et
l'accompagnement offerts par le programme Objectif Emploi soient obligatoires
pour les bénéficiaires des programmes d'assistance sociale qui n'ont pas de
contraintes, évidemment, si une période prolongée de recherche d'emploi n'est
pas fructueuse.
Le projet de loi est une suite logique des
changements apportés par le projet loi n° 70, adopté en 2016, visant à
mieux soutenir les bénéficiaires de l'aide sociale vers le marché du travail.
Les succès des mesures instaurées par le projet de loi n° 70, notamment le
programme Objectif Emploi, nous amènent à voir positivement les propositions
faites au sein de ce nouveau projet de loi.
Merci de votre temps. Nous avons fait un
peu plus rapidement. Nous sommes, évidemment, à votre disposition pour répondre
à vos questions.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup pour votre exposé. Maintenant, nous commençons, débutons la période
d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Rouleau : Bien, M.
Gagnon, Me Langlois, merci beaucoup d'être avec nous pour... pour ces auditions
et participer à cette modernisation du régime d'assistance sociale. Vous avez
des propos qui sont très éclairants. J'ai une première question, concernant le
réseau régional d'accompagnement. Vous saluez cette initiative, mais vous dites
que ça existe déjà. J'aimerais savoir en quoi ça existe déjà.
M. Gagnon
(Alexandre) :Nous saluons l'idée de
l'importance de rassembler tous les partenaires autour d'actions concrètes,
concertées, pour aider les personnes, évidemment, qui sont éloignées du marché
du travail, dont des prestataires de l'aide sociale, de l'aide de dernier
recours. Mais il existe, depuis de nombreuses années, affiliée à... le
leadership au niveau du ministère de l'Emploi, la Commission des partenaires du
marché du travail, qui, lui-même, a déployé, au courant des années, des
instances de concertation des différents acteurs régionaux, pour bien
identifier quelles seraient les mesures les plus porteuses, les opportunités,
également, pour la réalité locale du marché du travail, puis des... des bassins
de candidats, également, qui sont disponibles. Donc, on y retrouve pratiquement
l'ensemble des intervenants que vous proposez d'inclure dans vos propres
réseaux régionaux, dont... Les syndicats, les employeurs, les organismes
communautaires sont représentés, les institutions d'enseignement, les divers
acteurs ministériels également. Donc, tous ces acteurs-là que vous proposez de
mettre ensemble, ils nous semblent, évidemment, aller de soi dans une démarche
d'employabilité puis de concertation sociale.
Nous sommes déjà présents, actuellement,
là, dans les 17 régions du Québec. Est-ce qu'ils pourraient être mieux
exploités? Est-ce qu'il pourrait y avoir une meilleure collaboration entre les
acteurs, évidemment, de l'assurance sociale, de vos clientèles auxquelles
vous... avec lesquelles vous faites affaire et celles, plus, au niveau de
l'assurance-emploi et les autres clientèles éloignées du marché du travail?
Évidemment. Mais nous pensons que ce serait un bon véhicule à utiliser, dans
les circonstances, plutôt que de recréer une autre structure, qui aurait
peut-être des orientations, des stratégies, des intervenants différents.
• (17 heures) •
Mme Rouleau : O.K. Bien,
certainement, l'intention n'est pas de réinventer la roue. Si ça existe, tant
mieux, mais il semble y avoir... tu sais, ça ne répond peut-être pas exactement
aux objectifs qu'on...
17 h (version non révisée)
Mme Rouleau : ...qu'on a de...
d'accompagner les personnes qui sont très éloignées du marché du travail, de...
accompagnement vers la participation sociale, l'intégration sociale et vers l'emploi.
Mais je retiens par exemple que vous êtes très, très intéressés à collaborer.
Puis l'idée, c'est aussi de créer les liens plus formels et mieux coordonner
les gens qui sont déjà sur le terrain. Encore là, on ne réinvente rien, on
utilise les ressources qui existent et on brise les silos, puis peut-être qu'il
y en avait un là qu'on... qu'on ne voyait pas et qu'on pourra défaire.
J'ai une petite question pour vous. L'intervenant
juste avant vous, Banques alimentaires Québec, disait que ce qui permettrait d'améliorer
le sort des... des travailleurs, notamment, là, ce serait d'augmenter le
salaire minimum. Ça éliminerait une partie de la pauvreté. Alors, vous, comme
représentants des... des PME du Québec, qu'est-ce que vous en pensez?
M. Gagnon (Alexandre) :Bien, on représente l'ensemble des entreprises de toutes
tailles. Mais oui, effectivement, l'emploi, on vous le dit, c'est effectivement
le premier vecteur de lutte à la pauvreté. On y adhère.
Maintenant, il y a plusieurs études
internationales qui sont venues mettre des caveats, un petit peu, sur des
salaires minimums trop élevés. On a certains endroits... certains experts
internationaux, des économistes de renom, qui ont... qui sont venus... et sur
lesquels le... les différents gouvernements des dernières années se... sont
venus s'appuyer à l'effet que, lorsqu'on dépasse le 50 % du salaire moyen
d'un État, d'une province, dans le cas échéant, on a des impacts pervers qui
peuvent se manifester au niveau du... de l'employabilité de ces personnes-là.
Donc, c'est des personnes qui à la base nécessitent... n'ont peut-être pas tous
les atouts pour intéresser l'œil d'un employeur. Donc, lorsqu'on augmente le
salaire minimum trop... de façon trop élevée, de façon trop importante, on a
des effets pervers sur le nombre d'heures offert ou sur le nombre d'emplois
offerts, tout simplement, et donc les taux de chômage plus élevés. Donc, c'est
une pratique assez bien répandue, et on se tient à ce 50 %-là depuis de
nombreuses années, peu importent les couleurs de gouvernement, là, des
dernières décennies.
Mme Langlois (Audrey) :Et, si je peux me permettre pour ajouter un court point, c'est
que, quand on regarde justement les postes vacants, les postes vacants,
généralement, les salaires... qu'on pourrait penser qu'ils sont à bas salaires,
sont en réalité un peu plus élevés, parce que justement ils ne trouvent pas.
Donc, ça répond en partie à votre question, parce que ce n'est pas des salaires
qui sont minimums à ce moment-ci.
Et ce qu'on peut savoir, c'est que
généralement ce sont des emplois qui nécessitent un peu moins de compétences,
ou du moins des compétences qu'on peut acquérir par des profs... des formations
professionnelles ou techniques. Donc, c'est quand même assez accessible pour
une main-d'oeuvre qui souhaite poursuivre leurs études ou qui souhaite intégrer
le marché de l'emploi d'une manière plus rapide avec un salaire qui est un peu
plus alléchant. Je veux dire, c'est comme ça.
Mme Rouleau : Et on souhaite
favoriser la formation pour que les gens puissent... Tu sais, en... en aide
sociale, en assurance... assistance sociale, 42 % des gens n'ont pas de
diplôme d'études secondaires, et donc pas de diplôme d'études qualifiantes, là,
comme tel, et c'est... lorsqu'ils obtiennent... s'ils obtiennent leur diplôme,
ils ont un bonus et ils ont... ils sont accompagnés tout le long de leur... de
leur formation pour... pour arriver à ce diplôme.
Et l'objectif de tout ça, c'est... c'est
qu'ils aillent en emploi. On veut les accompagner le mieux possible, sachant qu'ils
sont éloignés du marché du travail, et les accompagner pour aller vers le
marché du travail. Et là, il y a une adéquation à faire évidemment avec... avec
l'employeur.
Comment... Comment l'employeur doit agir?
Qu'est-ce... Et quel serait le meilleur scénario pour qu'on puisse s'assurer du
maintien en emploi aussi? Parce que c'est ce qu'on cherche, à ce que les gens
restent en emploi. Quelles seraient les solutions que vous pourriez nous
proposer?
Mme Langlois (Audrey) :Oui, je vais y aller, je vais commencer, puis, Alexandre,
tu compléteras au besoin.
Donc, c'est quand même un élément qui est
surprenant, c'est que dans le projet de loi il n'y a aucune mention de maintien
en emploi. On parle beaucoup d'intégration au marché de l'emploi, mais le
maintien est quand même absent.
Oui, les employeurs, ils un rôle à jouer.
Les employeurs ont besoin d'un accompagnement, parce qu'on parle d'une main-d'œuvre
qui est bien sûr éloignée du marché du travail depuis un peu plus...
Mme Langlois
(Audrey) :...par moments et qui peut
avoir des inquiétudes quant à retourner sur le marché du travail. Donc,
l'accompagnement doit se faire pour le maintien avec l'employeur, pour
l'appuyer, mais réellement aussi avec ce nouveau travailleur là, pour s'assurer
que tous les défis qui vont être rencontrés ou problématiques, qu'elles soient
adressées. Et nous, ce qu'on vous propose, c'est qu'il y a un accompagnement
qui soit offert jusqu'à une année après l'intégration en emploi. Ça peut être
plus court, ça peut être... justement, ça peut être une année entière, ça va
dépendre du profil du candidat. Donc, si on voit une personne qui a vraiment eu
plus de difficultés dans le passé, mais qui a une volonté à vouloir persévérer,
à vouloir demeurer en emploi et que l'employeur a également les ressources pour
l'aider à rester en emploi, bien d'avoir une situation de... plus gagnante à ce
moment-ci. Alexandre, tu as-tu autre chose à rajouter?
M. Gagnon
(Alexandre) :Bien, ça ressemble beaucoup,
effectivement, on a vu que... puis, oui, les clientèles de l'aide sociale, on
l'a vu dans d'autres types de clientèles un peu plus éloignées du marché du
travail, qui ont plus de difficultés à l'intégrer, que les réseaux pour
l'intégration en emploi sont quand même performants. Ils sont quand même
présents et ont cette capacité-là à le faire, le... je vais vous répéter le
ministère de l'Emploi ont des bonnes collaborations avec un réseau large au
niveau du maintien en... de la préemployabilité puis de l'employabilité. Mais
là où le bât blesse, c'est que le temps de l'emploi est parfois très court,
parce que l'accompagnement, le support termine une fois que la personne a
acquis l'emploi. Donc, ce qu'on a vu dans les pratiques gagnantes, c'est
vraiment lorsqu'il y a un maintien de conseil, d'accompagnement, de support de
l'employeur qui est... qui était... lui également doit persévérer dans cette
expérience-là, de quelqu'un qui a peut-être des défis un petit peu différents
qu'un autre travailleur disponible sur le marché du travail. Donc, c'est
vraiment par de l'accompagnement, le soutien d'experts en employabilité qu'on
peut atteindre... atteindre ces résultats-là, que ce soit beaucoup plus... plus
perrein dans le temps, là, et durable, cette intégration-là de cette
clientèle-là.
Mme Rouleau : Alors, c'est...
pour qu'il y ait maintien en emploi, soit à temps complet ou à temps partiel,
là, parce que ça peut être à temps partiel aussi, il faut que l'employeur...
autant l'employé que l'employeur soient... disons, qu'il y ait un arrimage, là,
entre les deux et que l'employeur soit, comment dire, pas formé, mais qu'il
y... qu'il y ait un accompagnement. Comment vous voyez cet accompagnement-là?
M. Gagnon
(Alexandre) :Bien, les... C'est vraiment
au niveau de comment réagir, quels outils à mettre en place avec la personne. Les
organismes d'employabilité, ils ont souvent développé une relation de confiance
avec le travailleur. Et parfois il faut que l'employeur puisse dire : Moi,
la personne qui va rentrer, ce matin, ou a des enjeux de relations
conflictuelles avec des collègues de travail. Comment j'agis, comment je réagis
dans ces situations-là? Une moyenne ou une grande entreprise, ils ont des
experts en ressources humaines qui ont été formés pour ça, un peu mieux pour...
pour mieux réagir. La grande, grande, vaste majorité des entreprises au Québec
n'ont pas cette expertise-là à l'interne. Donc, c'est dans ce volet-là que, des
fois, il faut... il faut les accompagner pour savoir comment réagir, comment
mieux supporter le travailleur, quelle tolérance avoir, qu'est-ce qui est
normal, qu'est-ce qui ne l'est pas d'une personne qui a... depuis longtemps pas
eu d'emploi. Donc, c'est vraiment dans ce style de conseil là d'avoir une
ressource à disposition pour répondre aux questions, aux préoccupations, lever
petits drapeaux et puis pour soutenir cet employeur-là dans cette démarche-là.
Mme Rouleau : Est-ce que vous
avez des exemples qui existent déjà sur le terrain et qui peuvent nous
inspirer?
M. Gagnon
(Alexandre) :Il y en a quelques-uns,
mais, pour être honnête avec vous, c'est un enjeu qu'on retrouve partout
actuellement, les organismes... les organismes-conseil en emploi, par exemple,
n'ont... sont rarement reconnus pour supporter, pour offrir cet
accompagnement-là. Nous, on l'a fait dans un programme des stages en milieu de
travail, pendant les années où on avait un partenariat avec le réseau... les
centres-conseils en emploi, pour offrir cet accompagnement-là, ce soutien pour
des stagiaires qui avaient des défis particuliers à intégrer le marché du
travail. Donc, on avait accompagné plus de 1200 étudiants qui avaient
éloigné... qui avaient des enjeux d'intégration en milieu de travail, ou en
partenariat avec les réseaux des centres-conseils en emploi, on a réussi à
avoir des taux de succès beaucoup plus importants que sans cet
accompagnement...
M. Gagnon
(Alexandre) :...et des taux de
satisfaction, généralement, qui étaient très élevés de la part des employeurs,
également, qui participaient. Généralement, ils revenaient auprès de nous pour
cet accompagnement-là d'année en année, ce qui est un signe de succès,
évidemment, là, évident. Mais, malheureusement, ce soutien-là, ce
financement-là, pour permettre cet accompagnement-là, est rarement disponible
malheureusement, avec les enveloppes disponibles pour... dans le cadre du
ministère de l'Emploi.
• (17 h 10) •
La Présidente (Mme D'Amours) : O.K.
Merci. Je vais maintenant céder la parole à la députée de Laporte. Il reste 3
minutes 30 secondes.
Mme Poulet : Bonjour à vous
deux. Merci beaucoup de votre participation aux travaux. Là, vous avez parlé
beaucoup de l'intégration, mais je vous amène en amont. Outre le soutien
financier, quelles seraient, selon vous, les actions qui pourraient être posées
pour inciter les prestataires de l'assistance sociale à entamer une formation
en vue de développer des compétences et d'intégrer le marché du travail?
M. Gagnon
(Alexandre) :Mais il faut qu'ils
rencontrent évidemment des experts pour les accompagner, nous... où il y a le
soutien financier, évidemment, qui le rend indispensable. Mais il y a aussi
l'incitatif d'avoir quelqu'un qui le supporte, l'accompagne là-dedans.
Quelqu'un qui vous appelle pour vous dire : On a une formation pour toi,
est-ce que tu y crois? Et comment on peut reconnaître ce que tu as acquis comme
compétence auparavant? Donc, plutôt que le faire partir de zéro, pour un nouvel
emploi, de faire un bilan de compétences avec ces personnes-là, des différents
acquis qu'ils ont eu un peu... un peu n'importe quand au courant de leur
carrière, au cours de leur vie, dans leurs loisirs ou peu importe, donc,
pour... afin de raccourcir au... le plus pertinent possible l'intervention qui
va être faite, auprès de ce candidat-là, pour éviter qu'il ait l'impression de
perdre son temps, parfois, pour des choses qu'il a peut-être déjà acquises dans
son parcours personnel ou professionnel passé.
Donc, il y a toute une démarche de
reconnaissance des compétences, des acquis expérientiels qu'on appelle, qui
fait qu'on réussit à avoir des approches beaucoup plus précises, beaucoup plus
ciblées en fonction de la réalité puis de l'expérience personnelle du
travailleur. Donc, ça, c'est un gros mandat important qu'on pourrait faire,
auprès de ces personnes là, pour les inciter, les amener faire les bonnes formations
au bon moment, les bonnes durées, pour leur faire atteindre les emplois
désirés.
Mme Poulet : Pour en assurer
le succès. Alors, vous, vous êtes déjà mis... Est-ce que vous êtes déjà en
action à ce niveau-là?
M. Gagnon
(Alexandre) :Oui, on est en collaboration
avec plusieurs milieux d'enseignement, avec plusieurs organismes
communautaires, au courant des années, pour développer des outils comme ça, de
bilan de compétences, de reconnaissance des compétences. Encore une fois, les
organismes communautaires, on ne crée rien de nouveau, particulièrement, parce
que les milieux d'enseignement font de la connaissance des compétences, les
organismes communautaires en font. C'est, malheureusement, parfois, un peu
complexe, un peu lourd, mais, oui, il y a un beau travail de concertation qui
se fait actuellement pour essayer d'alléger ces mécanismes-là, les rendre...
les démocratiser, les rendre plus accessibles à une clientèle différente. Donc,
il y a des travaux en cours depuis de nombreuses années, mais là on sent une
accélération, dans les derniers mois, par rapport à ça.
Mme Poulet : Excellent.
Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
45 secondes, Mme la ministre.
Mme Rouleau : Vous avez
mentionné être très en faveur de projet pilote. Avez-vous des suggestions à
faire?
M. Gagnon
(Alexandre) :Bien, projet pilote, ça veut
aussi dire de s'adapter aux réalités des différentes régions, toutes les
régions sont différentes. On croit beaucoup à la capacité des acteurs locaux d'identifier
leur propre réalité. Donc, c'est la capacité de donner aux réseaux régionaux ou
les CRPMT la capacité de développer ces projets pilotes là en fonction des
employeurs présents, des clientèles présentes. Il faut vraiment que ce soit le
plus adapté à la réalité locale des grands projets pilotes plus nationaux,
parfois, des contraintes un peu plus difficiles à obtenir, des bons résultats,
malheureusement.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions. Maintenant, je vais céder la parole à la
députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Gagnon. Bonjour, Mme Langlois. Merci d'être avec nous
aujourd'hui dans le cadre de l'étude de ce projet de loi. Je vais y aller avec
les propositions que vous faites, donc, dans votre mémoire et puis vos
observations, en fait, surtout. Puis au niveau, donc, de votre première
recommandation, donc, vous nous dites, donc : Il faut mobiliser les
intervenants du milieu de l'emploi. De ce que je saisis de votre mémoire, c'est
que vous craignez, donc, certains dédoublements, donc, de différents services,
parce qu'il existe déjà des instances, des consortiums qui sont dédiés à
l'analyse, la proposition de solutions pour l'intégration des personnes éloignées
du marché du travail. Vous nous dites : Une collaboration renforcée, entre
le ministère de l'Emploi et celui de la Solidarité sociale, est essentielle
afin d'éviter ce dédoublement.
D'abord, peut-être voir, est-ce que vous
trouvez qu'en ce moment, donc, qu'il y a un manque de collaboration? Puis,
ensuite, peut-être plus largement, sur les capacités...
Mme Cadet : ...d'enchevêtrement,
là, qui serait possible dans le cadre de votre recommandation un.
M. Gagnon
(Alexandre) :Oui. Bon, au niveau du
manque de collaboration, je n'oserais pas dire ça, qu'il y a un manque de
collaboration, mais... Et, historiquement, le ministère de l'Emploi et le
ministère de la Solidarité sociale avaient le même écosystème de fonctionnaires
jusqu'à un certain point. Encore une fois, le ministère, en lui-même, il est
lié. Donc, c'est des collègues... Malheureusement, parfois, il y a... entre
divisions d'un même ministère, les communications ne sont pas toujours
optimales. On le vit également avec d'autres ministères, là, que ce soit
l'éducation, l'immigration. Parfois, on travaille avec les mêmes clientèles,
avec des politiques très similaires, mais avec des objectifs différents. Donc,
pour nous, ça... Aujourd'hui, on s'adresse au ministère concerné au niveau de
l'emploi, mais... et de la solidarité sociale, mais c'est un critère qui
pourrait s'appliquer à l'ensemble du gouvernement et pas... Il n'y a pas de
couleur à cette adresse-là, là, c'est un lieu enjeu gouvernemental, mais...
Donc, ça, aujourd'hui, nous, la
préoccupation de soulever cette idée des réseaux régionaux nous soulève la
question qu'il y a un manque de communication évident, là, entre les
ministères, entre... entre les personnes concernées, là. Donc... Parce que les
missions... effectivement, si on peut parler de dédoublement, les organismes
communautaires, on est des organismes qui sont spécialisés en intégration, en
développement de l'employabilité, on a des organismes d'insertion. Tous ces
beaux modèles là, ces beaux systèmes là sont déjà en collaboration aujourd'hui,
au quotidien, ensemble, avec les employeurs, avec les chambres de commerce,
avec les cégeps locaux ou les centres de services scolaires. Tous ces gens-là
se parlent déjà fréquemment et pour un objectif de développer des opportunités
de développement de l'employabilité des clientèles, là.
Donc, pour nous, on essaie de voir quels
nouveaux acteurs qu'on pourrait amener à l'intérieur de cet écosystème-là. Ce
n'est jamais fermé. Évidemment, le plus de gens possible qu'on peut mobiliser
autour de ces initiatives-là, tant mieux, mais de créer une nouvelle
orientation, une nouvelle direction auprès d'une clientèle très similaire des
partenaires très similaire également, ça nous causerait des enjeux de... pas
uniquement de... structuraux, là, quoique, déjà ça, on a un enjeu évidemment de
ne pas dédoubler des structures, mais aussi au niveau des orientations, on le
vit, et au niveau des organismes d'employabilité puis d'insertion au niveau de
la clientèle immigrante, où les partenariats et les ententes auprès d'un même
organisme, lorsqu'ils viennent du ministère de l'Emploi, quand ils viennent du
ministère de l'Immigration, sont complètement différents, les objectifs sont
différents, ça cause des problèmes de reddition de comptes et des problèmes
d'opérationnel aux organismes puis à leur clientèle quotidiens. On aimerait
éviter d'ajouter un troisième carrosse, là, à cette charade-là, à cette
roulotte de différents partenaires puis d'entente de collaboration, là.
Mme Cadet : Mais vous, comme
partenaire, donc, vous voyez, donc, non seulement, donc, la complexité, là,
d'avoir... d'avoir, donc, différents interlocuteurs parmi les ministères, mais
en plus de ça, là, je vous entends sur les orientations. Donc, il y a... ce
n'est pas juste une question de paperasse, là, tu sais, ce n'est pas juste une
question, donc, d'interlocuteurs, mais vraiment, donc, ces orientations sont
différentes. Il risque donc d'avoir des entre chocs, là, entre les structures
que... les structures existantes puis celles qui seraient créées par ce projet
de loi. C'est ça?
M. Gagnon
(Alexandre) :Oui, donc, parfois, c'est
qu'il y a une clientèle qui peut rentrer dans deux cases, donc l'organisation
doit savoir dans quelle case de ces ententes gouvernementales diverses elles
devraient placer le parcours nécessaire qui vont avec. Malheureusement, des
fois, il peut y avoir des décisions qui sont prises, peut-être pas à l'avantage
de la clientèle, mais peut-être à l'avantage des ententes et des ententes de
financement qui ont été créées pour des objectifs très précis parfois. Donc,
oui, des enjeux d'orientation aussi, un enjeu de paperasse, là, évident, là.
Les organismes communautaires ne sont pas ceux qui sont les plus dotés en
soutien administratif, là, puis ce n'est pas ça qu'on veut non plus. On veut
que les argents aident en service à la clientèle, donc on veut éviter, là, des
multiplications d'ententes puis de complexité comme ça.
Mme Cadet : Oui, puis c'est
ce qu'ils veulent aussi, là. On l'entend bien souvent, ils veulent être
capables d'accompagner la clientèle beaucoup plus que de faire cette
gestion-là.
• (17 h 20) •
Je vais... je vais aller donc sur vos
autres recommandations. Est-ce que je comprends que la recommandation deux
était complémentaire à la première, là, dans le fond, que les réseaux
régionaux, là, qu'ici, donc, ils soient... que ce soit, donc, les conseils
régionaux des partenaires du marché du travail, là, qui soient un peu utilisés
comme... comme instance, là, pour faire passer, donc, ces nouvelles
orientations là? À trois et quatre, donc, vous nous parlez d'accompagnement des
employeurs...
Mme Cadet : ...donc, d'une
part, du côté du maillage et, d'autre part, donc, du côté de l'embauche et du
maintien en emploi. Peut-être d'abord, donc, sur le maillage, on vous a
entendus un petit peu, là, sur le maintien en emploi dans les questions
précédentes, donc, entre les employeurs et les participants des projets
pilotes.
M. Gagnon
(Alexandre) :Oui...
Mme Langlois
(Audrey) :Oui...
M. Gagnon
(Alexandre) :Oui, vas-y, Audrey. Vas-y.
Mme Langlois
(Audrey) :C'est sûr qu'actuellement il y
a quand même... Alexandre l'a dit, il y a quand même des organismes qui sont
présents. Le défi qu'on rencontre souvent, surtout pour les petits employeurs,
les PME, c'est de découvrir ces organismes-là et de rentrer, des fois, en
contact avec eux. Ce n'est pas la faute des organismes nécessairement, c'est
qu'il y a quand même beaucoup d'acteurs dans les différentes régions qui ont,
justement, les capacités de faire du maillage mais que, pour une raison x, ça
ne se fait pas toujours super bien.
Donc, nous, ce qu'on demande, c'est que,
justement, il y ait un meilleur partage d'informations, que ça soit beaucoup
plus accessible pour les employeurs de découvrir que, oui, cette
main-d'œuvre-là existe, de un, mais, de deux, c'est que c'est des personnes qui
sont, comme on dit, plutôt... très éloignées du marché du travail. Donc, c'est
dur pour un employeur d'aller les découvrir par eux-mêmes. Il faut vraiment
qu'il y ait un intervenant qui va venir les accompagner, qui va dire :
Voici comment faire, mettons, un cv, comment faire une entrevue, comment
aborder un employeur et aller à la découverte, justement, de cet employeur-là.
Donc, ça, c'est le premier penchant.
Le deuxième, c'est, effectivement :
les employeurs, comment est-ce qu'ils peuvent découvrir cette main-d'œuvre-là
ou cette future main-d'œuvre-là? C'est vraiment la communication, de bâtir des
liens avec les organismes en employabilité, qui vont avoir la responsabilité
d'intégrer les participants à des projets pilotes sur le marché de l'emploi.
Mme Cadet : Merci.
Maintenant, donc, au niveau... votre quatrième recommandation, donc, encore une
fois, au niveau de l'accompagnement des employeurs, puis vous le dites... puis
vous l'écrivez, en fait, dans votre mémoire, donc, les employeurs sont au cœur
de l'inclusion en emploi de ces personnes qui sont éloignées du marché du
travail. Donc, c'est important qu'il y ait cet accompagnement-là pour qu'ils
soient capables, donc, de bien les intégrer. Puis, comme vous l'avez souligné,
le projet de loi en ce moment, donc, ne parle pas de maintien à l'emploi, donc
il se concentre, donc, sur l'intégration en emploi, mais, au final, donc le...
il y a un défi au niveau de l'intégration, manifestement, parce qu'il faut
faciliter ce maillage-là, mais il y a un autre qui perdure par la suite au
niveau du maintien en emploi. Donc, plus la personne est éloignée du marché du
travail, moins elle a les outils, plus elle doit être accompagnée au niveau,
donc, de ce maintien-là, sinon il y a un travail qui se perd, en fait. Donc, la
capacité d'aller chercher... de chercher ce capital humain là est plutôt
difficile sans ce soutien au maintien. Vous recommandez qu'un accompagnement,
donc, soit fait, donc, jusqu'à un an suivant la date d'intégration en emploi.
Pourquoi un an?
Mme Langlois
(Audrey) :Parce que, justement, c'est une
main-d'œuvre qui peut présenter différentes particularités. Ça peut être
quelqu'un que ça fait des années, des années qu'il n'est pas actif sur le
marché du travail. Il y en a dans des cas que ça peut être assez rapide. Ça va
dépendre aussi de l'emploi, ça dépend du profil de cette personne-là. On dit un
an juste pour s'assurer qu'on a un cas de réussite. Donc, il faut donner du
temps pour ce nouveau travailleur là ou cette personne qui réintègre le marché
de l'emploi, mais également pour l'employeur afin de s'assurer que tous les
outils dont les employeurs et le travailleur ont besoin... qu'ils sont
accessibles. C'est littéralement aussi simple que ça.
Mme Cadet : Justement, vous
dites jusqu'à un an parce que vous considérez que ça devrait être flexible, là.
Je pense, M. Gagnon, vous parliez de pratiques gagnantes en répondant à une
autre question, là.
M. Gagnon
(Alexandre) :Oui. Oui, oui,
effectivement, là. Parfois, les... on a des critères de trois mois, de six
mois, de neuf mois. Il faut éviter de tomber dans une règle qui régit tous les
cas, là, tu sais, tous les cas sont différents...
Mme Cadet : Votre septième
recommandation... Le temps file. Voilà, donc, vous disiez, donc, en ce moment,
donc, c'est obligatoire, donc, pour les premiers demandeurs. Je... juste
saisir, donc, la nuance entre ce que vous proposez ici, à votre septième
recommandation, puis ce qui est proposé dans le projet de loi.
M. Gagnon
(Alexandre) :Oui, on parle davantage de
mettre à disposition, pour ceux qui le demandent, l'accès au programme Objectif
emploi. Il y a un volet plus volontaire d'avoir accès. Pour nous, parfois, ça
pourrait être exigé, lorsqu'il n'y a pas de contrainte à l'emploi ou de santé,
peu importe le langage utilisé, vous comprendrez, que de les encourager très
fortement à sortir de ce cercle vicieux là parfois de... d'être éloigné du
marché du travail.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci beaucoup.
C'est très intéressant de vous entendre. Ça paraît qu'il y a une belle
sensibilité qui s'est développée, là, dans les milieux que vous représentez,
pour la question de la précarité économique des gens. Puis c'est sûr que
beaucoup d'entreprises vivent les impacts collatéraux aussi, là, en termes de
sécurité dans les quartiers, vol à l'étalage. On a entendu quand même beaucoup
de préoccupations là-dessus. Donc...
Mme Labrie : ...j'apprécie
beaucoup les suggestions que vous nous faites. Moi, j'ai une question pour vous
concernant justement le retour au travail des gens. En ce moment, une personne
qui suit les programmes et qui réussit à retourner travailler ne pourra pas
gagner plus que 200 $ par mois sans se faire couper, finalement, le revenu
qu'elle gagne. Est-ce que vous pensez que ça, c'est un incitatif à retourner
sur le marché du travail ou au contraire que c'est un désincitatif?
M. Gagnon
(Alexandre) :Ça va rester un incitatif et
il faut quand même regarder la part des choses, jusqu'à quand on amène le
soutien financier au retour au travail. Dans le passé, des... les revenus
minimums garantis, jusqu'à un certain point, là, lorsqu'il n'y a pas de...
Mme Labrie : Non, bien, ce
dont je vous parle, en fait, c'est le gain de travail, là, le fait que le
salaire que la personne va gagner, elle ne peut pas le garder, à vrai dire.
Est-ce que vous pensez que ça, ça contribue à encourager les gens à aller sur
le marché du travail?
M. Gagnon
(Alexandre) :Bien, rapidement, quand
même, l'aide sociale, on atteint rapidement le niveau en travaillant, on
atteint rapidement ce niveau-là de couverture. Donc, on pense quand même que
les gens vont trouver leurs gains financiers assez rapidement, là, par rapport
à ça. On espère qu'avec un accompagnement, un soutien, ils se rendent au point
où ils se rendent compte que leur vie est beaucoup plus simple, beaucoup plus
facilitée en persévérant sur le marché du travail. Tous les programmes sociaux
ont un...
Mme Labrie : En ce moment,
c'est 200 $. Donc, pour une personne, par exemple, qui trouve un emploi,
on peut imaginer que ça va lui coûter plus que ça, là, pour se vêtir
convenablement, pour aller travailler, pour s'y déplacer, pour s'y nourrir. Et,
en ce moment, elle ne pourra pas conserver ces revenus-là au-delà de
200 $. Donc, moi, je vous... je vous soumets que, si on augmentait le
montant que les personnes peuvent garder de leurs revenus de travail, ce serait
stimulant pour eux. Parce qu'en ce moment, au-delà de 13 heures par mois,
ça ne vaut pas la peine pour eux, là, d'y aller.
M. Gagnon
(Alexandre) :Oui, bien, il y a un modèle
au niveau de l'assurance-emploi qui permet d'avoir 50 % du salaire qui est
de... supplémentaire à cette base-là, pour permettre que... c'est toujours
intéressant... financement, de continuer à travailler. Il y a... c'est
peut-être une avenue à explorer, là, qui permettrait d'y aller de façon plus
progressive, qu'il y ait toujours un intérêt financier de faire une heure de
plus, effectivement.
Mme Labrie : Donc, avec une
base de pourcentage comme ça, vous, c'est quelque chose que vous pensez qui
serait intéressant, là. Puis j'ai le goût de vous demander aussi, vous êtes en
contact avec beaucoup d'employeurs quand même, là, à quel niveau la pénurie de
places en services de garde peut être une contrainte à retourner sur le marché
du travail?
M. Gagnon
(Alexandre) :...experte sur le sujet.
Mme Langlois
(Audrey) :C'est encore un défi majeur.
Malgré des avancées des dernières années, malgré le projet de loi n° 1 qui
a été adopté, ça fait quand même quelque temps. Pour plusieurs, on se retrouve
avec des travailleurs qui sont obligés de retarder leur retour en emploi après
justement un congé de maternité ou de paternité, ou devoir travailler à temps
partiel. Donc, il y a un impact économique à tout ça. On parle de moins de
main-d'oeuvre disponible pour les employeurs, on...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je suis désolée, c'est tout le temps que nous avions avec la députée.
Je vais céder maintenant la parole au député de Jean-Talon.
M. Paradis : Vos recommandations
trois et quatre : Accompagner les employeurs pour faciliter le mariage et
offrir un accompagnement aux employeurs pour l'embauche et le maintien en
emploi des prestataires. Qu'entendez-vous par accompagnement? Est-ce que vous
demandez des ressources?
Mme Langlois
(Audrey) :Non, pas vraiment... pas
nécessairement. Alexandre en a parlé un peu plus tôt. On parle justement
d'informations, de boîtes à outils qui vont justement aider les employeurs dans
leur poursuite à faciliter l'intégration en emploi à ces personnes-là, même
chose pour ces personnes qui vont intégrer le marché du travail. Mais de
rajouter d'autres ressources, elles existent déjà dans les différentes régions.
Il faut juste les connaître actuellement.
M. Paradis : Donc, c'est une
question de coordination ou de mise en lien. Ce n'est pas une question de
ressources que vous demandez pour les employeurs, c'est bien ça?
Mme Langlois
(Audrey) :C'est bien ça.
M. Paradis : Très bien. Et
comment vous voyez le rôle proactif des employeurs pour contribuer à ce
maillage et pour contribuer à l'embauche et au maintien en emploi des
prestataires? Est-ce que... Est-ce qu'on ne pourrait pas demander aux
employeurs... Dans un contexte de ressources limitées, hein, vous comprenez le
sens de mes questions, parce que c'est une des critiques qu'on fait à ce projet
de loi, hein, parce qu'on a dit : C'est à coût nul. Est-ce que ça ne
pourrait pas être une contribution proactive des employeurs pour que ça
fonctionne, et qu'à la fin on aide ou on s'aide à combler la question, donc, de
la pénurie de main-d'œuvre que vous signalez au début de votre mémoire?
• (17 h 30) •
M. Gagnon
(Alexandre) :Oui...
17 h 30 (version non révisée)
M. Gagnon
(Alexandre) :...les temporaires en font
déjà beaucoup, là. Bien honnêtement, là, la question n'est pas : Est-ce qu'eux,
un coût de recrutement est déjà important? Ce qu'on veut faire c'est, au lieu
de les amener vers un... le recrutement traditionnel, on veut les inciter vers
une clientèle qui a parfois un peu plus de défis. Donc, si en plus on ajoute un
coût financier à ce recrutement-là supplémentaire que de recruter dans les
bassins de recrutement normaux, on n'atteindra pas notre objectif d'intégration
des diversités ou des personnes éloignées du marché du travail. Donc, il faut
plus trouver des incitatifs ou de l'accompagnement, ou de la facilitation que d'essayer
de trouver des moyens de financement différents, là, pour atteindre ça, ces
objectifs. Par le passé, je ne suis pas sûr que c'est une pratique qui a eu
beaucoup de succès le cas échéant.
La Présidente (Mme D'Amours) : Et
c'est tout le temps que nous avions. Je vous remercie, chers invités, pour
votre contribution aux travaux de la commission. Je suspends les travaux
quelques instants afin de permettre aux prochains invités de prendre place.
Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 31
)
(Reprise à 17 h 35
)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue au Collectif pour
un Québec sans pauvreté. Je vous rappelle...
La Présidente (Mme D'Amours) : ...chers
invités, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de notre commission. Donc,
je vous invite à vous présenter et à nous... à commencer votre exposé, s'il
vous plaît.
M. Petitclerc (Serge) : Oui.
Bien, bonjour. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme la ministre, et merci à
l'ensemble de la commission de nous avoir invités aujourd'hui. Je me nomme
Serge Petitclerc, je suis coordonnateur du Collectif pour un Québec sans
pauvreté. Je suis accompagné de Stéphanie Vallée, co-coordonnatrice de L'R des
centres de femmes, un membre du collectif, par Marise, qui est porte-parole du
GRAP Chaudière-Appalaches, sur la Rive-Sud de Québec, et Olivier Ducharme, qui
est analyste politique au collectif, qui a été le principal rédacteur du
mémoire.
Alors, dans le fond, d'entrée de jeu, pour
bien comprendre notre point de vue, c'est important de se rappeler pourquoi il
y a une loi sur l'assistance sociale au Québec. Cette loi découle, en fait, de
la Déclaration universelle des droits humains, qui stipule que tous les êtres
humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Il y a un autre
article de cette déclaration qui dit que toute personne a droit à un niveau de
vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille,
notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux,
ainsi que pour les services sociaux nécessaires. Elle a droit à la sécurité en
cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou, dans
les autres cas, de perte de ses moyens de subsistance par la suite de
circonstances indépendantes de sa volonté. Le Québec s'est doté d'une loi...
d'une première loi sur l'assistance sociale en 1969 pour correspondre, entre
autres, à cet engagement dans la déclaration. Par ailleurs, l'Assemblée
nationale, en 2019, a adopté à l'unanimité cette motion : «Que l'Assemblée
nationale... que l'Assemblée nationale souligne qu'il y a 50 ans le
gouvernement du Québec adoptait la Loi sur l'aide sociale afin d'introduire un
droit à l'assistance sociale;
«Qu'elle reconnaisse l'importance de cette
loi, non seulement pour les personnes dans le besoin mais pour l'ensemble de la
société;
«Qu'elle s'assure de l'évolution de cette
loi au fil du temps, de sorte que l'inclusion économique et la participation
sociale des personnes et des familles à faibles revenus se poursuive.»
Eh bien, à ce moment, à l'aube d'une
énième réforme de l'aide sociale depuis les 50 dernières années, nous, on a
l'impression qu'on assiste encore à une réforme qui va bafouer les droits des
personnes assistées et non pas les améliorer. D'abord, parce qu'on passe
clairement à côté du problème, puis ça a été nommé par plusieurs intervenants
depuis ce matin. Les montants des prestations sont tellement bas que ça ne
permet pas aux personnes et aux familles d'assurer leur santé et leur
bien-être. On a reproduit un petit tableau, que vous trouvez à la page 4 de
notre mémoire, où on montre, dans le fond, que peu importe le programme et
malgré les autres crédits d'impôt qui sont... il n'y a personne qui peut se
retrouver avec un revenu suffisant pour couvrir l'ensemble de ses besoins, même
avec le Programme de revenu de base qui a le plus haut pourcentage. Dans le
fond, ce programme serait censé couvrir l'ensemble des besoins, et ce n'est pas
le cas, actuellement. Et, dans le cas du Programme d'assistance sociale, on
parle d'un taux de couverture de 46 %. Donc, les gens se retrouvent avec
un revenu autour de 940 $ par mois pour se loger, se nourrir, se vêtir, se
déplacer. Et, quand on sait que le prix moyen d'un trois et demi au Québec,
c'est de 915... 914 $, comment est-ce qu'on peut considérer que les droits
de ces personnes sont respectés et comment qu'on peut être considérés libres et
égaux en dignité et en droits avec un tel revenu?
Ce droit est aussi bafoué parce que le
gouvernement du Québec a pris la décision d'investir des sommes faméliques dans
son dernier Plan lutte contre la pauvreté. Pour donner un ordre de grandeur, le
projet de loi no 71, qui a été compté, entre autres, dans le plan de lutte...
et on voit dans le mémoire du ministère au Conseil des ministres, qu'on a pour
96 millions d'investissements sur cinq ans. C'est 12 fois moins qu'en 2017,
lorsque le Programme de revenu de base a été introduit avec le troisième Plan
de lutte contre la pauvreté.
Et enfin, ce droit est bafoué parce que le
gouvernement du Québec a décidé de financer cette réforme à même les
prestations des futurs demandeurs d'aide sociale. Comment? Eh bien, en
abolissant l'allocation... temporaire à l'emploi de 161 $ par mois, ça va
toucher les personnes qui, actuellement, ont moins de 58 ans, de futures
familles monoparentales qui vont avoir des enfants de moins de cinq ans.
Actuellement, il y a 38000 personnes qui ont une contrainte temporaire à
l'emploi pour ces deux raisons-là. Et ça, ça signifie que, dans quelques
années, il y a quelques dizaines de milliers de personnes assistées sociales
qui vont se voir privées de cette allocation.
Pour terminer, je veux faire peut-être un
dernier petit commentaire de nature plus personnelle. Moi, ça fait une
trentaine d'années que je milite, que je travaille dans le milieu
communautaire, puis je peux vous dire que nos... dans nos organisations, on
côtoie des personnes assistées sociales au quotidien puis on peut vous assurer
qu'il n'y a personne, qu'il n'y a absolument personne qui a fait le choix
d'être à l'aide sociale. L'aide sociale, ça prive les gens de leur liberté, de
leur sécurité et souvent de leur dignité. Alors, le moins qu'on puisse faire,
c'est d'assurer un revenu décent à ces personnes, ce qui n'est pas le cas,
actuellement, ce qui, malheureusement... avec le projet de loi tel qu'il est
présenté, ça ne sera pas le cas plus tard. Alors, je vais passer la parole à
Stéphanie
• (17 h 40) •
Mme Vallée (Stéphanie) : Oui...
Mme Vallée (Stéphanie) : ...bonjour.
Merci, merci d'avoir invité le collectif pour cette prise de parole là. Puis
j'aimerais aussi remercier chaleureusement le Collectif pour un Québec sans
pauvreté qui a eu l'amabilité de nous inclure, en voyant qu'aucun groupe de
femmes, ni même le Conseil du statut de la femme et la FFQ, n'est invité à
cette commission. L'R regroupe 72 centres de femmes à travers le Québec. Ils
sont là pour toutes les femmes, incluant celles qui vivent... je veux dire, qui
survivent avec les différents programmes d'aide de l'assistance-emploi. Les
intervenantes des centres de femmes qui sont, quotidiennement, avec des femmes
monoparentales, proches aidantes ou encore avec celles qui sont victimes de
violence, sont à même de constater l'insuffisance des revenus d'aide sociale et
des différents programmes.
Les changements apportés par le projet de
loi n° 71 ne vont rien améliorer de leurs conditions de vie ou même vont aider
à l'intégration au marché du travail ou à des milieux scolaires, tout
simplement, parce qu'on peut comprendre le manque de places en garderie,
l'inflation, l'insécurité alimentaire, le manque de transport partout au
Québec, le logement. Et on constate un gros oubli, dans le projet de loi,
l'analyse différenciée selon les sexes plus ou encore intersectionnelle. On
pensait que cette longue lutte féministe était encore... était enfin réglée, et
que le gouvernement comprenait enfin que les lois n'avaient pas le même impact
sur les hommes que sur les femmes, que sur les personnes vulnérables, que sur
les personnes racisées, handicapées, vieillissantes. Mais nous sommes, encore
une fois, devant un projet de loi qui ne tient pas compte de l'ADS+.
Les mesures annoncées par le projet de loi
concernant l'abolition des contraintes temporaires à l'emploi, particulièrement
aux personnes ayant la garde d'un enfant à charge ou handicapées et celles des
proches aidantes, se conjuguent au féminin, c'est-à-dire que ce sont
majoritairement des femmes qui seront visées par ces mesures, de même que
celles concernant les victimes de violence en maison d'hébergement. Ces mesures
alourdissent le fardeau administratif en obligeant les femmes en mode survie à
fournir des rapports médicaux sans obtenir plus de fonds pour améliorer leurs
conditions de vie. Nous constatons que ce projet de loi n'aidera en rien
l'atteinte de l'égalité et même nuira à celle-ci. Je vous invite, à ce
sujet-là, à prendre connaissance de l'avis de la FFQ et de la Fédération des maisons
d'hébergement pour femmes pour plus de précisions. Et vous en avez reçu
beaucoup, là, des autres regroupements.
En terminant, nous sommes très inquiètes
de constater que le pl 71 va nuire à l'autonomie des groupes communautaires en
santé et services sociaux, alors que leurs regroupements n'ont pas été invités
ici. Les groupes communautaires sont autonomes dans leur pratique, et leur
financement à la mission globale serait compromis s'ils devaient appliquer les
plans d'intervention personnalisés cités dans le pl 71. Et je vous remercie de
votre attention. J'ai fait ça vite. Bon, je vais laisser la parole à Marise
ici.
Mme Proulx (Marise) : Alors,
bonjour. Moi, je suis une citoyenne engagée. Depuis plus de 11 ans maintenant,
je fais la lutte à la pauvreté autour de moi. Et puis c'est la première fois
que j'ai l'opportunité de me tenir devant vous, et je vous en remercie pour
l'invitation.
Premièrement, dans le fond, je voulais
vous remercier pour les nouvelles mesures qui ont été pensées, même si elles
sont, d'après moi, largement insuffisantes. Cependant, je me demande
sérieusement où est-ce qu'on s'en va. Comment avez-vous pensé que c'était une
bonne idée ou la solution d'abolir une mesure qui existe déjà, qui est même, en
soi, elle, insuffisante au profit de d'autres qui le sont tout autant?
Honnêtement, moi, je trouve que c'est de la maltraitance financière, tout
simplement, de la maltraitance financière.
À l'aube du quatrième... de la pauvreté,
vous avez reçu de nombreux mémoires. Il s'agissait simplement de puiser, à
l'intérieur d'eux, des idées qui pouvaient... qui avaient été pensées par les
premières personnes concernées. C'était tout simplement facile, selon moi, de
trouver des mesures qui pouvaient convenir à tous. Voilà.
M. Ducharme (Olivier) : Avec
le projet de loi n° 71, le gouvernement manque une occasion, on pourrait dire,
une autre occasion, après - nous autres, on l'appelle l'insignifiant et
décevant quatrième plan de lutte - et après aussi le 10 % d'augmentation
des gains de travail permis, que plusieurs groupes jugent insultante, comme
mesure, donc, le gouvernement manque une autre occasion de faire une différence
marquée dans la vie des personnes assistées sociales. Les quelques
modifications que le projet de loi apporte à la Loi sur l'aide aux personnes et
aux familles, on pense ici à l'individuation des prestations, les changements
apportés à la contribution parentale ou aux programmes... emploi sont nettement
insuffisants pour améliorer les conditions de vie des personnes assistées
sociales et ne rendent pas le régime d'assurance sociale moins punitif, comme
le souhaite la ministre. Comme un peu plus de 350 organisations
communautaires et syndicales et 200 % universitaires, le collectif est
d'avis que le gouvernement devrait, pour améliorer substantiellement et
durablement les conditions de vie des personnes assistées sociales, rendre
admissibles l'ensemble des personnes assistées...
M. Ducharme (Olivier) : ...au
programme de revenu de base. L'assouplissement des critères d'admissibilité du
revenu de base signifierait, pour les personnes assistées sociales qui
actuellement n'y ont pas le droit... il y a environ 70 % ce moment qu'ils
n'ont pas droit au revenu de base à l'assistance sociale, donc ça signifierait
une augmentation de leur revenu disponible. L'individualisation...
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
suis dans le regret de vous couper parce que votre 10 minutes est
terminée. Est-ce qu'il vous reste encore beaucoup de choses à nous dire? Mme la
ministre, est-ce que vous...
Mme Rouleau : On peut
accorder...
La Présidente (Mme D'Amours) : On
peut accorder du temps sur votre temps. Donc, s'il vous plaît, en terminant.
M. Ducharme (Olivier) : Parfait.
Je vais faire ça vite. Donc, afin de mettre fin à la discrimination inhérente
au régime d'assistance sociale, lequel est fondé sur une évaluation arbitraire
de l'aptitude au travail, et afin de favoriser le respect du droit à un niveau
de vie décent, le gouvernement doit assurer à toutes les personnes assistées
sociales un revenu disponible au moins égal à la mesure du panier de
consommation accordé à toutes les personnes assistées sociales une pleine
prestation individualisée. Troisièmement, abolir les catégories de l'aptitude
au travail. Quatrièmement, augmenter substantiellement les revenus de travail
permis. Cinquièmement, individualiser et augmenter les avoirs liquides.
Sixièmement, indexer les prestations sur une base individuelle. Ensuite, mettre
fin à l'obligation pour les personnes assistées sociales de retirer leur rente
du régime des rentes du Québec à compter de 60 ans. Ensuite, abolir les
frais d'intérêt sur les dettes à l'assistance sociale. Mettre fin à
l'obligation de participer au... abolir les pénalités financières... Tout ça
permettrait d'avoir une véritable réforme de l'assistance sociale, et, tout ça,
on ne le retrouve pas dans le projet de loi ni dans le quatrième plan. Donc, ce
serait la chose à faire pour avoir une véritable réforme.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période
d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Rouleau : Bon, bien,
c'est un plaisir de vous avoir ici pour l'analyse de ce projet de loi, qui est
quand même fort important parce qu'on parle de modernisation du régime
d'assistance sociale, ce qui n'a pas été fait depuis 20 ans. Alors, je
veux vous remercier, M. Petitclerc, M. Ducharme et Mme Vallée et
Mme Proulx pour votre présence et de nous faire connaître vos
préoccupations, c'est très important.
Le plan de lutte à la pauvreté, c'est un
plan évolutif et c'est un plan qui a une valeur de 4,3 milliards de
dollars, parce qu'on y intègre la dimension hébergement et la lutte à
l'itinérance et qui comprend 750 millions de dollars de différentes
mesures, dont une bonne partie axée sur la sécurité alimentaire et une autre
partie sur l'accompagnement. Et dans cet accompagnement, on a inscrit ce projet
de loi qui est fort important parce qu'il vise l'accompagnement des personnes
qui sont plus éloignées du marché du travail, de les accompagner pour mieux les
intégrer, intégrer à la société, et qui vise aussi l'allègement de ce régime
qui est fort complexe. Nous en convenons et j'en conviens, c'est compliqué.
Alors, il y a différentes modalités d'allègement. Et j'aimerais vous entendre
sur ce qui serait l'idéal de l'allègement du régime d'assistance sociale pour
vous.
M. Petitclerc (Serge) : Bien,
écoutez, de manière générale, le principal obstacle pour les personnes, ce sont
des revenus trop bas, ce sont des conditions d'admissibilité à l'aide sociale
qui sont compliquées. C'est l'ensemble des papiers qui sont demandés pour
obtenir des contraintes à l'emploi, pour obtenir des contraintes sévères à
l'emploi. Quand quand vous arrivez à l'aide sociale, tout est compliqué, tout,
tout, tout est compliqué. Puis je comprends que vous avez peut-être un souci
d'alléger certaines contraintes, mais il n'en demeure pas moins que, pour les
personnes, ça ne va pas simplifier leur vie, pour la simple et bonne raison que
les gens vont se retrouver encore avec un revenu de misère pour vivre.
Et ça, tu sais, on parle beaucoup
d'accompagnement avec votre projet de loi, mais je suis désolé, mais le premier
accompagnement, c'est de fournir aux gens un revenu décent qui va leur
permettre de se payer un loyer, de bien manger, parce que sinon les gens
tombent malades, les gens voient leur santé se dégrader, les gens vont voir
leur santé mentale aussi se dégrader. Les gens se retrouvent avec des
difficultés pour se déplacer, et, dans toutes ces situations là, que ce soit
pour un retour au travail, un retour à l'emploi, un retour aux études ou que ce
soit tout simplement pour réorganiser sa vie. Parce que, quand on arrive à
l'aide sociale, généralement, c'est parce que ça veut dire que ça va mal depuis
probablement des mois, sinon des années. Et les gens qui chutent à l'aide
sociale, il y en a certains et certaines qui en ressortent assez rapidement,
mais...
M. Petitclerc (Serge) : ...mais
certains, ils restent pognés là pour la simple et bonne raison que les
conditions de vie qu'on leur offre sont juste épouvantables.
• (17 h 50) •
Alors, si on veut faire une différence
dans la vie des gens, oui, on peut améliorer les conditions d'admissibilité,
oui, on peut simplifier la machine, mais bonyenne, il faut améliorer les
revenus des gens d'abord et avant tout et faire en sorte que les personnes
assistées sociales, lorsqu'ils ont des problèmes, ils puissent parler à des
humains. Actuellement, ils parlent à des machines ou ils ne parlent jamais avec
le même agent ou avec la même agente. Ça, ce n'est pas pour aider. Tu n'as pas
le goût de conter ta situation de violence conjugale ou ta... tes problèmes de
santé mentale, de santé physique, que tu manques de... tu n'as pas ton
secondaire cinq, tu as un problème d'alphabétisation, tu es itinérant, tu es
dans un centre jeunesse ou tu es dans une auberge du cœur parce que tu es sorti
d'un centre jeunesse parce que tu as 18 ans. Tu n'as pas le goût de parler
à huit agents. Quand tu as parlé à deux, puis trois, après tu arrêtes puis tu
te contentes de ce que tu as, puis ta santé se dégrade et puis tu finis à
l'hôpital, sinon tu finis en prison ou dans la rue.
Mme Rouleau : Alors, est-ce
que vous pensez que d'avoir un plan d'accompagnement individualisé, un plan
personnalisé, ça peut être une bonne idée pour aider les gens à mieux
s'intégrer dans la société et d'aller vers l'emploi? Parce que c'est ce qu'on
vise, là. Parce que c'est l'emploi qui va faire que la condition économique va
s'améliorer, mais il faut... il faut un processus aussi, là, pour certaines
personnes, vous l'avez dit. Il y a des gens qui sont... Il y en a qui vont
entrer rapidement puis il y en a pour qui ça va être plus difficile. Mais
est-ce que vous pensez que le plan d'accompagnement individualisé, qui fait
partie d'un réseau régional d'accompagnement, va permettre d'aider les gens?
M. Petitclerc (Serge) : J'aurais
le goût de laisser parler Marise là-dessus.
Mme Proulx (Marise) : Bien,
jusqu'à un certain point, oui, mais il faut regarder aussi qu'est-ce qu'il y a
à l'entour? Est-ce que la personne est en position de se déplacer? Est-ce
qu'elle a des gardiennes pour ses enfants? Est-ce qu'elle a la santé mentale...
Parce qu'à un moment donné on devient épuisé, on devient... on est fatigué de
toujours se battre, et se battre, et toujours retomber à la case de départ. Tu
sais, c'est... Oui, jusqu'à un certain point, je pense que ça pourrait être une
bonne mesure, mais surtout pas au détriment d'une autre mesure.
Mme Rouleau : C'est sûr. Et
quand on dit qu'on passe des contraintes à l'emploi, donc de la capacité de
travail d'une personne, sa capacité à aller travailler, et qu'on passe de
contrainte de travail vers contrainte à la santé et qu'on fait intervenir dans
les contraintes de santé toute la dimension de santé mentale et des enjeux
psychosociaux, ça inclut la consommation, etc., là, ce qu'on... ce qu'on voit,
là, sur le terrain. Alors, quand on parle de cette transformation de contrainte
à l'emploi... contrainte à la santé et qu'on élargit la possibilité d'avoir les
diagnostics par des professionnels de la santé plutôt que seulement le médecin,
est-ce que c'est une bonne idée? Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Proulx (Marise) : Je ne
suis pas certaine de bien comprendre.
Mme Rouleau : Bien, on passe
de... À l'aide sociale, il y a la prestation de base et... en fonction des
contraintes à l'emploi, il y a des allocations supplémentaires. Bon. Et là on
passe de contrainte à l'emploi, on transforme contrainte à l'emploi en
contrainte de santé. Alors, c'est axé sur la personne, sur l'état de la
personne et non pas seulement uniquement sur sa capacité à travailler. C'est
comment va la... Comment comment elle est? Comment allez-vous et comment va
votre santé physique et votre santé mentale, votre santé morale? Qu'est-ce qui
se passe dans votre vie puis comment on peut vous aider? C'est à peu près ça.
M. Petitclerc (Serge) : Bien,
on ne croit pas que c'est en médicalisant encore plus le système d'assistance
sociale qu'on va aider les personnes. Parce que, de notre point de vue, du
point de vue d'autres personnes que nous avons entendues aujourd'hui, le
problème de base, pour nous, c'est notamment les catégories à l'aide sociale.
Il y a tellement de programmes et de sous-programmes à l'aide sociale, et ça
n'aide pas les gens. Et tout ça, c'est basé... On a beau dire que là on veut
créer une contrainte santé, mais il n'en demeure pas moins moins que la logique
de base de l'assistance sociale, c'est toujours le rapport avec le marché au
travail, alors... parce qu'il y a un vieux préjugé crasse au Québec comme dans
bien des sociétés, que les personnes qui sont sous les programmes de sécurité
du revenu en général, ce sont des gens qui sont paresseux, qui ne veulent pas
aller sur le marché du travail quand on sait très bien dans nos organisations
que les gens, ils vivent toutes sortes de conditions de vie qui les empêchent
d'aller sur le marché du travail. Et le premier obstacle au marché du travail,
c'est d'être à l'aide sociale puis d'avoir un revenu de misère parce que ça te
met dans une position où, comme disait Marise, il faut que tu coures après tout
pour être capable d'avoir le minimum pour te rendre au prochain mois. C'est une
course à obstacles...
M. Petitclerc (Serge) : ...là,
il est à l'aide sociale pendant tout le mois.
Mme Proulx (Marise) : ...n'est
pas considéré comme un enjeu de santé, mais, tu sais, c'est tout aussi
important. Moi, je pense qu'on devrait plutôt nommer ça de... s'occuper de son
entreprise familiale, parce que changer quatre trente sous pour une piastre
puis stresser notre enfant chaque matin : Envoie, go, go, vite, vite, on
s'habille, on y va, on y va, tu sais, je trouve qu'à quelque part la qualité de
vie d'un enfant... pour avoir 1 $ de plus à la fin du mois, je ne trouve
pas que ça en vaut la peine.
Mme Vallée (Stéphanie) : Je
pourrais juste me permettre, par rapport à vos plans d'intervention
personnalisés, bien, évidemment que ça serait le fun que ce soit travaillé avec
les organismes communautaires, si vous voulez les impliquer dans cette... puis
que ça ne soit certainement pas des projets spécifiques ou des... Parce qu'on
milite pour que notre financement soit à la mission globale, puis là ce qu'on
voit dans le p.l. no 71, c'est que ça serait des ententes de services. On
traduit ça comme ça. Ça fait qu'on dit un peu bye à notre... à notre autonomie
dans ce sens-là. Puis, en plus, bien, on est pris entre l'arbre et l'écorce,
comme intervenantes, exemple, dans un centre de femmes, en qui la participante
peut avoir confiance, puis, après ça, il faut pousser pour son plan
d'intervention personnalisé. Ça ne fonctionne pas. Ça fait que, si c'est un
plan pour que ce soit le communautaire qui s'en occupe, il y a des... il y a
des réticences, je vais dire ça comme ça.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Je vais céder la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci,
Mme la Présidente. Ma question sera pour Mme Stéphanie. Alors, dans un premier
temps, merci pour votre présentation et merci pour qu'est-ce que vous faites
pour la société. Mme Marise, lors de votre présentation, vous avez fait part...
vous avez fait part que notre projet de loi pourrait nuire à certains
organismes communautaires. Alors, j'aimerais vous entendre sur vos craintes.
Mme Vallée (Stéphanie) : C'est
justement ce que je viens de dire.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Ah! excusez-moi.
Mme Vallée (Stéphanie) : Non,
mais ce n'est pas grave, je peux répéter, ça va me faire plaisir. C'est que les
organismes communautaires en santé et services sociaux, notamment, parce que je
peux parler pour eux, je suis dans un regroupement financé par le programme
Soutien aux organismes communautaires, travaillent très fort pour avoir du
financement à la mission globale. À côté de ça, il y a des projets spécifiques,
des projets ponctuels que les organismes sont tentés, je vais dire comme ça, de
faire appel parce qu'ils n'ont pas assez de financement. Mais ces projets-là,
spécifiques, amènent d'autres reddition de comptes qui sont très lourdes puis
qui font que les personnes qui sont des participantes, par exemple, dans ce
cas-là, dans les organismes, peuvent perdre confiance envers l'organisme en
question si on les pousse trop à faire des plans. Parce que, de façon générale,
on ne tient pas de dossiers, dans les organismes communautaires, on n'est pas
nécessairement des professionnels, tu sais, qui sont membres d'un ordre, on n'a
pas d'obligation. On va avec le par et pour, hein, dans les organismes
communautaires.
M. Petitclerc (Serge) : ...
Mme Vallée (Stéphanie) : C'est
ça. Ça fait que, là, ça nous donne comme un autre rôle, un peu comme, exemple,
les organismes en employabilité qui ont cette fonction-là, cette mission-là à
faire puis... qui ont une autre mission, en fait, que les organismes
communautaires en santé, services sociaux, mais ça, c'est nos craintes.
Puis, pour revenir à la notion d'égalité,
c'était-tu ça aussi que vous aviez comme question? Bien, pour moi, si une femme
est forcée de retourner au travail puis qu'elle est, dans un sens, forcée,
parce que sa mesure temporaire de santé ou... est terminée, bien, il faut qu'il
y ait une place en garderie. Elle va s'appauvrir pour aller payer cher une...
une personne qui va garder son enfant au lieu d'une place en garderie. Ça ne
tient pas la route. Il n'y en a pas, de places en garderie, en ce moment, ça
fait que c'est encore la femme qui reste à la maison pour s'occuper de son
enfant quand le couple vit sur l'aide sociale puis qu'il est forcé de retourner
au travail ou à l'école. La même chose pour les proches aidantes. C'est souvent
les femmes qui sont des proches aidantes. La même chose pour les personnes qui prennent
soin des personnes handicapées, c'est surtout des femmes qui le font. Ça fait
que c'était pour ça, notre analyse différenciée selon les sexes,
intersectionnelle, était importante pour nous, là, dans les nouveaux projets de
loi, spécifiquement.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci.
Merci. Alors, il reste 3min 35s. La députée de Laviolette St-Maurice, vous avez
aussi une question?
• (18 heures) •
Mme Tardif : Très vite, pour
laisser la place à la ministre, là, mais notre objectif est de tenter de
réintégrer 50 000 personnes au Québec, à travers le Québec, sur le marché de
l'emploi et de les garder sur le marché de l'emploi. Là, vous nous avez dressé
un portrait qui est réel, qui est souffrant et qui...
18 h (version non révisée)
Mme Tardif : ...existe
vraiment. Mais selon vous, là, quel est le pourcentage des gens sur l'assistance
sociale, qui bénéficient de l'assistance sociale, et qu'on pourrait aider, ceux
qui commencent, ceux qui avant de, comme vous disiez, là, tomber trop bas?
Comment on peut faire pour... Et c'est là qu'on va avoir besoin de vous et des
organismes communautaires, là, pour les raccrocher. Est-ce que c'est pensable?
Est-ce que c'est faisable ce qu'on fait là, là?
M. Petitclerc (Serge) : Bien,
en fait, j'ai un peu l'impression malheureusement de vivre un peu le jour de la
marmotte. Je me souviens de M. Hamad qui avait promis la même chose avec le
Pacte pour l'emploi, puis le Pacte pour l'emploi plus. Le Parti québécois a
fait la même chose aussi à une certaine époque. Beaucoup de gouvernements ont
mis de l'avant des programmes en employabilité, mais ce qui arrive en général,
c'est que les gens qui bénéficient de ces programmes-là, souvent c'est des gens
qui sont déjà proches du marché du travail. Souvent, c'est des gens qui sortent
du chômage, qui font une demande d'aide sociale parce qu'il y a, comme ils ont
besoin d'un pont puis ils retournent sur le marché du travail.
Michelle Courchesne, qui a déjà été
ministre de la Solidarité sociale, elle l'avait dit, son ministère l'avait dit :
Il y a à peine 8,5 %, à peu près une personne sur 10 à l'aide sociale qui
a une capacité réelle à rebondir rapidement pour retourner sur le marché du
travail. Je dis ce qu'il faut, la majorité des personnalités sociales n'ont pas
un secondaire V. Il y a des gens qui ne savent ni lire ni écrire. Les gens, ils
ont des problèmes de santé, reconnus ou non. Ça touche vraiment beaucoup de
monde. Ça fait que oui, de l'accompagnement, les groupes en demandent de l'accompagnement.
Sauf que l'accompagnement quand il se fait avec parfois une menace avec des
programmes comme Objectif Emploi où on dit qu'on va faire des parcours
individuels individualisés. Bien, j'ai bien hâte de voir les parcours. Les
groupes qui travaillent dans le développement de la main-d'oeuvre nous disent
qu'ils ont de la misère à avoir du financement pour développer des programmes.
Alors, je veux bien.
On dit qu'on veut retourner des gens à l'école
pour qu'ils puissent avoir un diplôme. Tant mieux! Ils sont où les profs puis
elles sont où les classes qui vont accueillir ces gens-là? Je veux dire, on dit
qu'on veut faire une réforme à coût nul. Je dis que ça va coûter de l'argent,
il va falloir des agents, et puis ce n'est pas une réforme à coût nul. Là, on n'en
parle pas depuis tantôt, là, mais il y a des compressions liées à cette
réforme, 100 millions de dollars qui vont disparaître. Quand on
regarde les documents du ministère...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions, M. Petitclerc. Je suis désolée...
M. Petitclerc (Serge) : Et c'est
beau, pas de problème.
La Présidente (Mme D'Amours) : On
a terminé le temps de la partie gouvernementale, mais on a le temps maintenant
avec les oppositions. Je cède maintenant la parole à la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Merci, Mme la
Présidente. M. Petitclerc, veuillez compléter votre réflexion.
M. Petitclerc (Serge) : Ah!
bien, tout simplement, quand on regarde le document qui était déposé au Conseil
des ministres, on voit que l'ensemble des mesures proposées dans ce projet de
loi sera financé à même les crédits réguliers du ministère de l'Emploi et de la
Solidarité sociale. Tantôt, je vous ai dit que les investissements liés au
projet de loi sont de 95 millions, autour de. Puis, quand on regarde dans
le tableau à la page 12, on voit que Révision de la notion de contrainte à
l'emploi, moins 99,7 millions. C'est de là qu'elle vient l'argent pour
financer cette réforme-là, qui est nettement insuffisante en plus. Merci.
Mme McGraw :
: Merci
beaucoup. Oui, on a bien regardé le mémoire, et justement, on... une réforme à
coût nul, on dit que c'est timide et même cynique d'aller chercher vis-à-vis
certaines personnes ou populations vulnérables pour en appuyer d'autres. C'est
une somme effectivement à coût nul qui ne sert personne. Et d'ailleurs on est
très préoccupés par le fait que les allocations vont être abolies pour des
populations vulnérables telles les jeunes familles 0 à 5, certaines
personnes à 58 ans et plus, les proches aidants, des familles avec des
enfants avec des... qui vivent avec des handicaps ou des déficiences, les
femmes, les femmes en général, les femmes victimes de violence conjugale, les
femmes aussi qui sont souvent les personnes qui s'occupent des enfants, etc.
Donc, on a des grosses préoccupations. Donc, là-dessus, j'aimerais vous
entendre plus là-dessus. On se préoccupe aussi que cette simplification, ça ne
veut pas dire... nécessairement dire humanisation de... que c'est vraiment une
réforme pour humaniser l'aide sociale, les programmes d'aide sociale. Donc,
peut-être vous entendre là-dessus pour aller plus sur des populations qui sont
déjà vulnérables, qui vont se voir peut-être encore plus marginalisées suite à
cette baisse qui est proposée dans le projet de loi. Peut-être vous entendre
plus là-dessus, puis après j'irais sur des angles morts. M. Ducharme, vous avez
parlé, à la toute fin de votre présentation, très très vite sur les angles
morts qui... donc, Mme... c'est Mme Proulx, pardon.
Mme Proulx (Marise) : En
fait, une belle solution, ce serait le revenu de base pour tous. Ça, c'est sûr
et certain...
Mme Proulx (Marise) : ...mis
à part ça, tu sais, c'est... on... j'ai... les mots me manquent un petit peu,
tu sais, c'est insuffisant à plusieurs niveaux. C'est surtout comme en région
éloignée, si on arrive pour se déplacer, c'est difficile. Là, on a une voiture
qui... on ne sait même pas si elle va faire le village voisin, puis, si on se
rend, c'est bien, mais, tu sais... puis combien d'argent qu'il faut dépenser
pour faire réparer cette voiture-là qui marche puis qui ne marche pas trop. Tu
sais, c'est... encore là, c'est une dépense. Tu sais, il y a beaucoup,
beaucoup, beaucoup de contraintes qui fait que le retour à l'emploi, tu sais,
ce n'est pas nécessairement la maladie aussi, là, tu sais, des fois, c'est rien
que le fait qu'on se fait opérer, on est en attente d'opérations, ça fait qu'on
a... on ne peut pas... tu sais, à un moment donné, on est comme... on est comme
assis entre deux chaises, là, tu sais, c'est... Moi, personnellement, j'ai eu
plusieurs emplois, mais malheureusement, j'ai vu... il a fallu que je me fasse
opérer, là, j'ai ma famille, j'ai... il y a comme même plusieurs choses qui fait
qu'à un moment donné on retourne toujours à la case départ. Puis à un moment
donné ça devient épuisant, c'est difficile de rebondir.
Mme Vallée (Stéphanie) : Oui,
bien évidemment, l'augmentation des prestations, c'est une évidence. Les choses
de base, là, je veux dire, regardez nos logements en ce moment, la crise du
logement, les garderies, le marché de l'emploi n'est pas fait pour tout le
monde présentement. Le transport, le transport, on peut... on peut être bien,
peut-être à Québec, à Montréal, à Trois-Rivières, mais dans plein d'endroits à
travers le Québec, c'est désuet. Il y a un autobus qui passe le matin, puis qui
revient le soir, et ce n'est pas dans les villages qu'il se... que se trouvent
des emplois ou des endroits pour... pour aller suivre un parcours scolaire. Il
y a... il y a une réalité des personnes vulnérables qui... et il faut... il
faut arrêter de penser que justement les préjugés que Serge disait tantôt, il
faut... il faut passer au-delà de tout ça. Puis le revenu minimum garanti est
une bonne idée. Je ne sais plus si on appelle ça comme ça, là, mais où... puis
ce n'est jamais étudié. Il y a eu des... Il y a eu 10 milliards de
solutions qui ont été exposées dans le temps d'un autre regroupement, là,
c'était la... la coalition Main rouge. Il y avait plein de solutions pour
rétablir ça. La philosophie de retourner les gens au travail de force, en
partant, c'est une mauvaise idée. Puis ça ne fonctionne pas, puis ça s'attaque
à une minorité, à une minorité marginalisée de personnes, qu'on dit qui
seraient capables peut-être de retourner au travail.
Mme McGraw : Vous avez parlé
aussi, Mme Vallée, les... des organismes communautaires, l'importance des
organismes communautaires. Et on sait que les groupes communautaires font face
à une tempête parfaite présentement, avec demande explosive, surtout avec les
services... services publics, le système est en faillite, on va dire, et aussi
en même temps qui ont ces demandes, mais aussi manque de personnel, manque
d'espace, manque de financement à la mission. Alors, comment appuyer ces
groupes communautaires qui vont appuyer les personnes qui vivent de la
précarité pour ces plans, on va dire, personnalisés? Mais je dirais que c'est
plutôt des plans peut-être individualisés. Je ne sais pas si ça va être très
personnel, mais ça va être peut-être individualisé. Alors, peut-être vous
entendre plus sur les groupes communautaires, comment les appuyer.
Mme Vallée (Stéphanie) : Bien,
vous me... vous me donnez une perche, là, je vais prendre... je vais aller
apprendre, mais ce que ça prend c'est 2,5 milliards de dollars pour
les organismes communautaires au Québec. C'est ça, la revendication. Et
présentement, il nous manque 1,5 million. Ça fait que c'est... on est en
sous-financement. Les équipes de travail ne suivent pas, les conditions de
travail, au lieu de les augmenter, on garde les personnes à l'emploi, puis ils
finissent par quitter pour le réseau, parce qu'ils n'ont plus assez de... Puis
ça, encore là, ce sont des femmes qui travaillent dans les organismes
communautaires, on s'entend. Alors, c'est la même chose. C'est pour ça que je
parlais tantôt que l'égalité ne sera pas atteinte. Si on ne regarde... on ne
fait pas un regard global par rapport à notre société.
Mme McGraw : Je crois que
l'écart salarial...
Mme Vallée (Stéphanie) : L'écart
salarial...
Mme McGraw : ...public privé,
c'est un 33 %, c'est un... assez élevé, c'est encore des femmes. Puis on a
déjà entendu dire ici, dans la salle : Bien, c'est une vocation, donc ça
devrait être... bien non, c'est des femmes...
• (18 h 10) •
Mme Vallée (Stéphanie) : Mais
oui, c'était ça aussi, les profs, c'est une vocation, les infirmières aussi,
c'est une vocation, puis c'est... c'est toutes des femmes qui ont dû lutter
très fort dans le mouvement féministe pour arriver où elles sont, puis ce n'est
pas tout... totalement encore satisfaisant, mais le milieu communautaire a
besoin d'un... évidemment de...
Mme McGraw : Plus de... Une
dernière question, si on le temps... j'aimerais que ma collègue pose une
question vite, vite...
Mme McGraw : ...là, on parle
évidemment de... on passe à un... Des grands changements proposés, c'est de
passer à contrainte à l'emploi, contrainte de santé. Puis on comprend que les
contraintes à l'emploi, ça peut être beaucoup plus que la santé même, ou santé
médicale, psychosociale. Je comprends que la ministre, si je comprends bien,
veut aller dans cette direction-là, ce qui est très bien. Ce n'est pas
nécessairement présentement reflété dans le projet de loi tel qu'écrit
présentement. Mais aujourd'hui on a entendu aussi des... de Mme Bertrand entre
autres, qu'il y a... une des grosses contraintes à l'emploi, c'est la pauvreté
et que ce n'est pas honteux, mais c'est coûteux aussi d'être pauvre. Donc,
peut-être une...
Mme Vallée (Stéphanie) : C'est
bien dit. Mais moi, j'appellerais ça des contraintes sociales à l'emploi, là,
plus que de santé. Ce n'est pas... À mon idée, à être en train de porter un
enfant, ce n'est pas un problème de santé, ce n'est même pas un problème, là,
ça ne devrait même pas être dans ça. Mais, oui, on est d'accord avec vous, il y
a... La pauvreté... La pauvreté, c'est une violence, c'est une violence faite
aux personnes.
M. Petitclerc (Serge) : Mais
en fait...
Mme Vallée (Stéphanie) : Tu
l'as bien dit tantôt en plus.
M. Petitclerc (Serge) : Oui.
En fait, il devrait... Nous, on n'a pas le goût de parler de contrainte de
santé ou même de contrainte temporaire ou de contrainte sévère à l'emploi, on
veut qu'il y ait un seul programme pour tout le monde qui offre un revenu
décent aux gens. Parce qu'effectivement la petitesse du revenu mensuel est le
premier obstacle à tout, à la vie, je dirais. Je dirais, les gens en situation
de pauvreté, ils meurent plus jeunes, ils vivent moins longtemps en bonne
santé. Et ça, ça a des impacts partout sur le système de santé. Vous voulez
aider le milieu communautaire? Bien, faites en sorte que le monde ne finisse
pas dans notre groupe en assurant aux gens un revenu décent, un accès aux
services publics, un accès aux systèmes d'éducation. Les gens ne se
retrouveront pas dans les groupes communautaires puis on n'aura peut-être même
plus besoin de nous autres à un moment donné, puis ce serait une bien bonne
affaire parce qu'il n'y aurait plus de pauvreté au Québec.
La Présidente (Mme D'Amours) : 50 secondes.
Mme Prass : Question vite.
Dans votre mémoire, vous parlez de l'abolition de l'allocation pour contraintes
temporaires aux familles monoparentales avec enfants à charge de moins de cinq
ans et aux personnes âgées de 58 ans et plus. On sait que l'itinérance
augmente d'année en année et c'est surtout les personnes aînées présentement
qui se retrouvent en situation de vulnérabilité. Comment est-ce que vous pensez
que l'abolition de cette mesure pourrait avoir un effet négatif sur ces
personnes aînées ou proches d'être aînées?
M. Petitclerc (Serge) : Bien,
c'est certain... Bon. C'est clair, les personnes qui ont déjà la contrainte
vont la conserver, ça, ça va, mais c'est certain que, pour les nouvelles
personnes qui vont arriver à 58 ans dans les prochaines années, bien, ces
gens-là, on va les laisser dans une situation plus difficile plus longtemps,
jusqu'à tant qu'il y ait peut-être la chance de se rendre à la retraite à
65 ans puis d'avoir la pension de vieillesse.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions. Je cède maintenant la parole à la députée
de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Peut-être une question pour vous, M. Petitclerc. Vous avez
plusieurs décennies de militance sur le dossier, vous avez vu défiler beaucoup
de gouvernements et de ministres qui ont apporté des changements ou des
réformes aux modalités de l'aide sociale, toujours dans le même objectif de
sortir des gens de l'aide sociale en les ramenant en emploi. Est-ce que vous
pensez que ce qu'on a entre les mains comme projet de loi va être une occasion
d'y arriver ou... Qu'est-ce qui manque, selon vous, dans cette réforme-là
pourra être celle qui va permettre vraiment de sortir les gens de la pauvreté,
finalement?
M. Petitclerc (Serge) : Bien,
il faut travailler sur toutes les facettes de la pauvreté. Je veux dire, cette
réforme-là, en particulier, moi, je considère que ça ne va pas nous faire
beaucoup avancer. Mais il faudrait travailler sur tellement d'autres affaires
en même temps. Il faut augmenter le salaire minimum, il faut faire en sorte que
l'ensemble des protections publiques au Québec... Là, on parle de l'aide
sociale aujourd'hui, mais on pourrait parler de la CSST, on pourrait parler de
l'IVAC, on pourrait parler de l'aide financière aux études, faire en sorte que
les gens se retrouvent avec un revenu décent, peu importe la condition. Un peu
comme je faisais référence au début de la présentation à la Déclaration
universelle des droits humains, peu importe les raisons où... lesquelles tu te
retrouves sans revenu, tu dois avoir un soutien de l'État. Et c'est ça qui fait
qu'avoir une société plus égalitaire, une société plus belle, une société plus
harmonieuse, il faut renforcer les services publics, investir en éducation,
investir, effectivement, dans les milieux de la petite enfance pour que les
gens aient accès à une garderie subventionnée, pour peut-être éventuellement
retourner sur le marché du travail. Parce que ce qu'on oublie, ce qu'on disait
beaucoup, au collectif, on le dit moins de ces temps-ci, mais la catégorie de
personnes qui a le plus diminué à l'assistance sociale, c'est les familles,
dont les femmes monoparentales. Pourquoi? Parce qu'on a créé la politique
familiale, parce qu'on a créé à l'époque la mesure de soutien aux enfants, qui
rendait des allocations...
M. Petitclerc (Serge) : ...beaucoup
plus généreuses. Le fédéral a fait la même chose. Et ça, ça a fait en sorte que
les gens, ils ont eu de l'argent. Qu'est-ce qui arrive quand les gens, ils ont
de l'argent? Bien, ils pensent à autre chose qu'à manger puis qu'à chercher de
la nourriture. Ça fait qu'ils peuvent éventuellement, s'ils en ont la capacité,
retourner sur le marché du travail... bien, retourner aux études pour avoir un
diplôme qualifiant et éventuellement retourner sur le marché du travail. Mais
là on dirait qu'on va à l'inverse, on...
Les petits avantages, le 161 $ qu'une
personne de 58 ans ou qu'une femme monoparentale peut avoir, on va
l'enlever. Là, ça va la pousser, comme par magie, vers le marché du travail. Et
ça, c'est des choses qu'on cherche à faire depuis plus de 10 ans. Je veux
dire, on a vu des documents qui ont circulé dans le ministère. Il y a des
ministres qui ont refusé d'aller vers l'abolition des contraintes temporaires.
Il y a des ministres qui ont accepté de le faire en partie. Ça date depuis
longtemps. Ça les achale, ça les achale, parce qu'on est prêts à aider les gens
quand ils ont des problèmes de santé, parce que ça, ça paraît bien, mais aider
des personnes qui ont de la difficulté à aller sur le marché du travail juste
parce qu'ils sont un petit peu trop vieux, un petit peu pas assez éduqués, avec
des enfants, ça, ça ne sent pas bon, ça ne sent pas bon, on sent la fraude.
C'est ça, il y a plein de préjugés envers les personnes assistées sociales dans
notre société. Et juste le fait de... désolé, Mme la ministre, mais de
commencer une conférence de presse en disant qu'il y a des dizaines de milliers
d'emplois disponibles pour des gens qui n'ont pas de diplôme, ça n'aide pas
pour les préjugés.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions. Je cède maintenant la parole au député de
Jean-Talon.
M. Paradis : C'est quand même
malheureux qu'il n'y ait aucun groupe de femmes qui participe à ces
consultations particulières. Vous, vous avez réussi à vous intégrer dans un
groupe qui vous a fait de la place. Est-ce que vous êtes au courant d'autres
groupes de femmes qui ont demandé à être entendus et qui n'ont pas pu le faire?
Mme Vallée (Stéphanie) : Oui.
Je sais que le Conseil du statut de la femme aurait aimé être là. Je sais que
la FFQ aurait aimé être là. Il aurait pu y avoir des regroupements féministes
ici ce soir.
M. Paradis : Il y a des
mémoires qui sont déposés.
Mme Vallée (Stéphanie) : Oui,
des mémoires qui sont déposés.
M. Paradis : En tout cas, je
peux assurer ces groupes-là qu'on va les lire avec beaucoup d'attention.
Mme Vallée (Stéphanie) : Merci.
M. Paradis : Très bien. Vous
nous dites en réalité que cette réforme passe à côté de l'essentiel, c'est...
vous commencez votre mémoire comme ça, et ensuite vous nous dites que, dans ce
qu'on a devant nous, si je comprends bien, le risque principal dans le projet
de loi tel que présenté, c'est vraiment l'abolition, donc, des... d'un certain
nombre de critères permettant de faire reconnaître des contraintes à l'emploi,
donc notamment pour les mères monoparentales d'enfants de moins de cinq ans
puis pour les personnes âgées. Puis ça, vous dites, ça vise
38 000 personnes qui n'ont aucune garantie que ça va être remplacé
par d'autres allocations.
Disons qu'on réussit à faire ce que vous nous
demandez, de garder ces critères-là, puis même de les élargir, est-ce que vous
voyez d'autres risques importants dans ce projet de loi là dont on doit tenir
compte ou il y a des... Parce qu'il y a eu suffisamment de choses. Vous
dites : C'est bien, vous pourriez aller plus loin, mais j'ai vu celui-là,
là, qui vous paraît particulièrement important. Est-ce qu'il y en a d'autres?
M. Petitclerc (Serge) : Bien,
en fait, on ne le sait pas, parce que ce qui serait vraiment intéressant, c'est
s'il y avait un dépôt d'intentions réglementaires, ça nous permettrait de voir
les détails. On avait un petit rassemblement devant l'Assemblée nationale sur
l'heure du dîner, puis, entre autres, il y avait le vice-président du SFPQ qui
disait : Bien, il y a telle mesure, il y a telle mesure, mais on ne le
sait pas, il y a telle mesure, mais on ne le sait pas, il y a telle mesure,
mais on ne le sait pas. Pourquoi? Parce que ça, ça se retrouve dans un
règlement. Tant qu'on n'aura pas le règlement...
Juste donner un exemple, on fusionne deux
programmes, le programme d'aide sociale, le programme de solidarité sociale,
pour créer le programme d'aide financière de dernier recours. O.K., c'est bien
beau, mais qu'est-ce qui va arriver? Ça va être quoi le montant des prestations?
Est-ce que ça va être encore des prestations séparées, différentes? On imagine
que oui, mais peut-être pas. Qu'est-ce qui va arriver avec la valeur des
maisons? Qu'est-ce qui va arriver avec les avoirs liquides? Qu'est-ce qui va
arriver avec les gains de travail permis? Est-ce qu'il va y avoir les mêmes
différences qu'actuellement? Parce que, s'il y a les mêmes différences
qu'actuellement, on n'avance pas et ça va être aussi compliqué qu'avant. Mais,
s'il y a des améliorations là, bien, tant mieux. Je veux dire, il pourrait y
avoir des reculs aussi. On ne le sait pas. Il faut... Il faut les règlements.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
M. Petitclerc, Mme Vallée, Mme Proulx et M. Ducharme. Merci pour votre
contribution à nos travaux de la commission.
Et je suspends les travaux quelques
instants afin de permettre à nos prochains invités de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 20)
(Reprise à 18 h 26)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue au Front commun
des personnes assistées sociales du Québec. Je vous rappelle, chers invités,
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et ensuite nous procéderons
à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite
à vous présenter et à débuter votre exposé, s'il vous plaît.
Mme Pelletier (Sarah) : Donc,
bonjour. Je m'appelle Sarah Pelletier. Je m'adresse à vous en tant que
présidente du Front commun des personnalités sociales du Québec. Je suis
également prestataire de l'assistance sociale et aussi une militante active
dans la défense des droits sociaux.
D'abord, quand j'ai su que la ministre
Rouleau avait l'intention de faire une grande réforme de l'assistance sociale,
ce qui n'a pas été fait depuis bien des années, j'avoue que j'ai eu la naïveté
d'espérer, et je sais que je ne suis pas la seule prestataire dans cette
situation-là, que nous serions enfin capables de couvrir nos besoins de base et
de faire en sorte que nos vies ne soient plus constamment en mode survie.
Sérieusement, une belle grosse réforme qui serait enfin à l'image du Québec
d'aujourd'hui. Avouez quand même que ça laisse espérer gros. Derrière nous, le
stress de ne pas être capables de payer nos logements, d'avoir le ventre encore
vide rendu en soirée et d'espérer que la neige n'arrive pas trop parce que les
seuls souliers qu'il me reste sont troués. C'est sans oublier que nous
vivons... que nous vivons constamment dans l'angoisse avec nos prestations qui
sont beaucoup trop basses pour remplir nos besoins de base.
Vous avez compris que ces espoirs-là ont
été assez rapidement refroidis quand la réforme a finalement été déposée, le 11
septembre dernier. Dans toute la réforme... il n'y a aucune mesure qui
permettra d'augmenter les prestations à la source. Je dis bien aucune. Et
savez-vous pourquoi il n'y en a aucune? Parce que la ministre Rouleau considère
que, pour sortir de la pauvreté, il faut aller travailler. Mais, en plus de
mettre de l'avant un gros préjugé sur les personnes assistées sociales du
Québec que... comme quoi la majorité pourrait retourner travailler, la ministre
prend l'enjeu tout à l'envers. D'abord, la ministre n'a aucune intention
d'augmenter les montants des prestations, même pour les prestataires qui ont
des contraintes reconnues. Considérant en plus les embûches pour faire
reconnaître leurs contraintes, et vous pouvez me croire, je sais de quoi je
parle et je ne suis pas la seule non plus, la majorité des prestataires ne sont
tout simplement pas en mesure d'occuper un emploi à temps plein, mais on dirait
que la ministre accepte de laisser cette personne-là à sa façon de pauvreté.
Parce que, vous savez, elles ne peuvent pas travailler. La réforme de la
ministre n'aidera aucunement les prestataires ayant des contraintes sévères.
• (18 h 30) •
Et c'est sans oublier, la nouvelle réforme
autoriserait le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale à réévaluer
les contraintes des prestataires aux 12 mois. Mais, en plus, la ministre
Rouleau a axé sa réforme sur des mesures d'incitation à l'emploi et à la
diplomation. Donc, j'imagine, ça doit être de bonne foi, mais comment
voulez-vous que ces personnes... qu'elles aient l'énergie, en plus d'avoir le
ventre vide... et l'espace mental, en plus, le temps de s'investir dans des
démarches de réinsertion à l'emploi? Qu'est-ce que fait... que ferait-elle, une
mère de famille qui a le choix entre aller à une rencontre de formation ou
aller à la banque alimentaire pour nourrir ses enfants? Ou encore une personne
qui a des douleurs chroniques qui doit faire 50 minutes...
18 h 30 (version non révisée)
Mme Pelletier (Sarah) : ...d'autobus
et de marche pour se rendre à sa formation professionnelle. Nos prestations ne
nous permettent pas non plus de nous procurer une voiture pour nos
déplacements. Alors, moi, je me demande comment les prestataires qui vivent à
la campagne pourraient se déplacer pour suivre une formation professionnelle.
Et, comme plusieurs personnes autour de moi, j'ai déjà essayé d'en faire un
programme d'insertion à l'emploi, et plus d'une fois même, et, à chaque fois, j'ai
eu une légère bonification sur mes prestations, mais c'était encore très loin d'être
suffisant pour couvrir mes besoins de base. Je peux vous affirmer que c'est
impossible de terminer un programme d'insertion à l'emploi lorsque nous avons
le ventre vide. Merci.
M. Baird (Steve) : Bonjour,
je m'appelle Steve Baird. Je suis organisateur communautaire au Front commun
des personnes assistées sociales du Québec. La dernière fois que le
gouvernement du Québec a réduit substantiellement l'admissibilité à des
allocations, c'était en 2013. Il était question des mêmes allocations qui sont,
actuellement, en jeu. Et la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse avait rappelé au gouvernement que les coupures proposées étaient
contraires aux droits protégés par la charte. Et il a rajouté, et je les cite,
que «ces modifications contreviennent notamment aux droits à la vie, à la
sécurité, à l'intégrité physique et psychologique, au droit à l'égalité, au
droit à un enfant, à la protection, à la sécurité, à l'attention», et j'en
passe. Nous invitons tous les députés présents à bien se poser une question :
Est-ce que vous croyez qu'il est acceptable et humain de rendre encore
plusieurs personnes inadmissibles, des milliers de personnes inadmissibles à
des allocations? Est-ce que vous trouvez ça normal de nuire aux droits
fondamentaux de ces personnes, tel que pouvoir manger à sa faim, avoir un toit
sur la tête et prendre soin, avec dignité, de ses enfants?
Chez les familles monoparentales, vous
proposez des coupures qui affectent très majoritairement des femmes en
situation de pauvreté, car il y a neuf femmes monoparentales à l'assistance
sociale pour chaque homme. Il est aberrant que la réforme soit, en bonne
partie, financée en coupant ces femmes et ces enfants. Pour les personnes de 58
à 64 ans, je vous rappelle que ces personnes sont particulièrement nombreuses à
être éloignées du marché de l'emploi, alors que d'autres sont simplement dans l'incapacité
de réaliser des emplois situés en bas de l'échelle qui sont souvent
physiquement exigeants. Pour des raisons de santé, plusieurs de ces personnes
sont seulement en mesure de travailler à temps partiel, mais les règles
actuelles pénalisent toujours fortement les prestataires qui ne travaillent
plus que 3 heures par semaine.
Nous avons été choqués d'entendre la
ministre prétendre que ces coupures vont améliorer la situation des personnes
concernées, car certaines vont pouvoir participer à des mesures d'employabilité.
En général, c'est plutôt comme si on mettait la tête sous l'eau de quelqu'un
qui était déjà en train de se noyer, au lieu de lui lancer une bouée. On sait
pertinemment que, pour chaque personne qui sera transférée vers un programme d'employabilité,
il y en aura plusieurs d'autres qui vont souffrir d'avoir moins de revenus, qui
vont avoir encore plus de difficultés à manger, à payer le loyer.
Je vais maintenant vous parler brièvement
de la possibilité de réviser annuellement les contraintes sévères de santé, tel
que proposé par le projet de loi, car nous sommes convaincus que la révision
annuelle va ajouter une lourdeur bureaucratique qui va surtout avoir pour effet
de cesser de reconnaître des contraintes à plusieurs personnes. Je parle de
personnes qui ont des contraintes, mais qui ont de la difficulté à bien suivre
le processus pour, à nouveau, les faire reconnaître. Cette exigence va aussi
ajouter énormément de stress à des personnes vulnérables. Nous recommandons
fortement le retrait de cette disposition.
Nous tenons aussi... Vous parlez de la vie
maritale, depuis plus de 20 ans, nous réclamons des changements sous le slogan
Une personne, un chèque. Et nous avons été choqués de voir que le gouvernement
s'est approprié de notre slogan, mais qu'il a dénaturé, en prévoyant seulement
le modeste changement d'envoyer environ la moitié de la prestation mensuelle à
chaque membre du couple et seulement à partir de 2028-2029. Une vraie solution
au problème doit aller beaucoup plus loin que ça. Pour le Front commun, le
slogan Une personne, un chèque, ça veut dire, en partie, mettre fin aux
coupures d'environ le quart des montants des chèques des personnes qui sont
considérées conjointes lorsqu'on parle de deux personnes qui sont à l'assistance
sociale. Plusieurs personnes voudraient se mettre en couple et habiter avec une
personne... à une personne qu'elles aiment et trouvent cela impossible de le
faire selon les règles actuelles.
Même l'Assemblée nationale a déjà reconnu
à l'unanimité, en 2023, dans une motion présentée conjointement par les quatre
partis politiques, que le gouvernement doit, et je cite, «tenir compte du droit
des personnes assistées sociales à cohabiter, à s'entraider et de s'aimer, sans
que cela affecte le montant de leurs prestations. Le problème est bien reconnu,
et il n'est pas normal, pour nous, que le gouvernement ne fasse presque aucun
changement à cet égard. Notre slogan Une personne, un chèque, ça réclame aussi
des changements pour des couples, dont une personne a des revenus de travail,
ce qui rentrait...
M. Baird (Steve) : ...l'autre
personne inadmissible a de l'assistance. Cela met la personne sans aide dans
une situation de dépendance financière qui n'est pas choisie et qui est un
terrain fertile pour de la violence économique, psychologique, physique ou
sexuelle. En plus, une personne qui travaille au salaire minimum n'a
généralement pas un revenu suffisant pour pouvoir prendre en charge toutes les
dépenses d'une personne conjointe. Pour le Front commun des personnes assistées
sociales, le régime de vie maritale est toujours basé sur des vieilles notions
de l'homme pourvoyeur... en 2024, ça n'a pas de bon sens de toujours avoir ces
vieilles règles. Le gouvernement du Québec a même par le passé porté une
solution, bien que très partielle, au problème des revenus des conjoints. Au
programme revenu de base, introduit il n'y a pas... il n'y a pas si longtemps,
il y a un gros pas dans la bonne direction en prévoyant une exemption partielle
pour les revenus de la personne conjointe.
Donc, nous recommandons fortement que le
projet de loi n° 71 soit amendé pour non seulement ajouter une disposition
similaire qui s'appliquerait à toutes les personnes assistées sociales, mais
d'aller encore plus loin en arrêtant complètement de comptabiliser les revenus
de la personne conjointe. Pour nous, il est choquant qu'on maintient des règles
sexistes et vétustes qui ont des effets dévastateurs sur plusieurs femmes et
sur d'autres personnes vulnérables.
La Présidente (Mme D'Amours) : C'est
tout le temps que nous avions. Je suis désolé. C'est tout le temps que nous
avions. Nous allons procéder maintenant à la période d'échange. Mme la
ministre, la parole est à vous.
Mme Rouleau : Bien, merci
beaucoup, Mme la Présidente, puis merci à vous, Mme Pelletier,
M. Baird, pour votre présence et pour venir contribuer à ces travaux pour
la modernisation du régime d'assistance sociale. Je répète : C'est quelque
chose qui n'a pas été fait depuis 20 ans. On a travaillé très fort pour
voir à ce que... En fait, travaillé très fort, mais j'ai aussi parcouru le
Québec pour aller écouter, rencontrer des organismes, des personnes, dont les
personnes en situation de précarité, et voir comment on pouvait vraiment
améliorer les choses. Ce que j'ai entendu beaucoup, c'est le besoin
d'accompagnement... en fait, deux choses, et c'est là-dessus qu'on base la...
toute la modernisation. C'est l'accompagnement des personnes qui sont dans le
régime d'assistance sociale et souvent éloignées du marché du travail et
l'assouplissement, l'allègement, réduire la bureaucratie du programme pour
assurer un meilleur accès à l'aide sociale parce que c'est une aide de dernier
recours qui est importante et puis comment on peut faire pour améliorer cet
accès.
Alors, on a travaillé différents...
différents... à différents niveaux, notamment en... au niveau de
l'accompagnement, en proposant des plans individualisés, personnalisés
d'accompagnement pour des gens qui sont éloignés, les amener vers l'intégration
sociale, vers la participation sociale et vers l'emploi autant que possible. Parce
que, oui, c'est par l'emploi qu'on peut améliorer la condition... sa condition
économique. Mais avant ça, il y a tout cet aspect de participation sociale, le
volet participation sociale qu'on ajoute au programme PAAS, que vous
connaissez, là, parce que vous avez dit que vous aviez... je pense, là, que
vous êtes... vous avez déjà participé. Je voudrais vous entendre sur ce volet
de participation sociale. Qu'est-ce que ça vous dit à vous?
M. Baird (Steve) : Sur le
programme PAAS en particulier ou sur la participation sociale plus largement?
Mme Rouleau : Bien, ça peut
être... Bien, en fait, on l'a intégré parce que ça n'existait pas. On l'a
intégré au programme PAAS pour que... faire en sorte que les gens puissent
vraiment, là, refaire le réseau pour briser l'isolement. Parce que ce qu'on
cherche en réduisant, en travaillant à lutter... en luttant... à lutter contre
la pauvreté, on veut briser l'isolement. Alors, ça, c'est une... c'est une
façon de faire en sorte que les gens puissent... On va les chercher, on les
accompagne et ils vont pouvoir participer au sein d'organismes à différents
niveaux. On parle d'une participation sociale avant... C'est comme de la pré,
pré, préemployabilité, là, mais, en fait, c'est de refaire son réseau, de
réapprendre à vivre en société parce qu'on sait qu'il y a des gens qui sont
éloignés. Qu'est-ce que vous en pensez?
• (18 h 40) •
M. Baird (Steve) : Bien,
c'est sûr que, oui, on connaît de nombreuses organisations qui utilisent le
programme PAAS. On sait que c'est... il y a beaucoup de personnes assistées
sociales qui sont à ces programmes et des organisations qui y tiennent...
M. Baird (Steve) : ...et des
personnes, participants, participantes qui y tiennent. C'est sûr qu'on n'est
pas contre qu'il y a d'autres... comment dire, il y a... il y a un nouveau
volet qui permettrait à certaines personnes de suivre une autre... une autre
forme de programme PAAS en termes de participation sociale, parce qu'on sait
qu'il y a beaucoup de personnes qui sont très éloignées du marché du travail.
On comprend tout à fait le... que ça offre différentes options. Il reste que
les prestations des personnes sont tellement basses qu'un des incitatifs à
participer au programme PAAS, c'est aussi que ça offre un petit peu... un petit
peu quelque... un petit quelque chose aux personnes qui y participent. Et c'est
quand même pour nous inquiétant de voir qu'il y a des personnes qui ont de la
difficulté à mettre... à mettre à manger sur la table, à manger à leur faim, à
payer le loyer, et qui se sentent le besoin de participer à ça, non seulement
parce qu'ils adhèrent au programme, mais parce que les prestations sont
tellement basses que les gens sont en mode survie et que ça fait partie des
stratégies de survie des prestataires. Donc, c'est... On a... On n'a rien
contre le programme PAAS, mais on veut rappeler aussi que les incitatifs pour
les participants sont quand même... sont quand même assez bas. Et ça revient
aussi au montant des prestations de base.
Mme Rouleau : O.K. Vous proposez
le programme de revenu de base pour tous. C'est ce que je comprends? Programme
de revenu de base, il a été pensé, et lorsqu'on l'a mis en place dès le
1er janvier 2023, c'est vraiment pour les personnes qui ont des
contraintes très sévères et qui étaient laissées pour compte. Et est-ce que
vous pensez que le programme de revenu de base, qui serait... qui serait donné
à tous, permettrait une véritable équité avec les gens qui travaillent
40 heures semaine avec des salaires un peu plus élevés que... ça peut être
le salaire minimum ou un petit peu plus élevé, mais pour qui ce n'est pas si
simple que ça? Est-ce que c'est... ce serait quelque chose d'équitable dans
notre société?
M. Baird (Steve) : C'est sûr
que le programme de revenu de base, les prestations sont plus adéquates que
dans d'autres programmes d'action sociale. Mais il reste qu'on parle de... des
montants par année, ils sont quand même loin des montants que quelqu'un
gagnerait en travaillant. Vous avez utilisé l'exemple de quelqu'un qui travaillait
40 heures par semaine au salaire minimum, je pense qu'on est à l'ordre de
peut-être la moitié du revenu pour une personne qui est au programme de revenu
de base. Moi, je n'ai pas l'exact... les chiffres exacts devant moi, donc je ne
vais pas... je ne vais pas m'avancer sur le pourcentage exact, mais il y a
quand même une grande différence entre les deux. Puis ça fait penser quand même
à... le plan de lutte, le troisième plan de lutte à la pauvreté du
gouvernement, c'était indiqué, je pense que c'était même le titre d'une des
sections, de dire que c'était... le programme revenu de base qui était proposé
était proposé comme une étape, une première étape vers l'instauration d'un
programme... un revenu de base plus large. Donc, c'était pensé comme ça à
l'époque, que c'était mis en place comme ça, mais qu'il y aurait un éventuel
élargissement, c'était écrit dans le plan d'action en tout cas, sans aucune
précision de ce serait quoi, l'éventuel élargissement. Pour nous, c'est... et
je pense qu'on s'appuie là-dessus, sur beaucoup d'avis d'experts, que le...
quand les personnes sont dans une pauvreté très intense, quand ils n'ont pas
assez d'argent pour manger, c'est un des facteurs de risque qui fait en sorte
qu'il y a beaucoup moins de chances que la personne arrive à rétablir leur
situation et retourner sur le marché de travail. Donc, je pense qu'il y a des
bonnes raisons de croire que, s'il y a des prestations plus généreuses, des
programmes plus flexibles qui permettent aussi aux personnes de réintégrer graduellement
le marché de l'emploi, si, au début, ils travaillent moins de 40 heures,
mais ils sont en train de peut-être se rétablir au niveau de la santé ou autre,
que c'est... c'est une bonne étape pour que les personnes réintègrent le marché
du travail et pour aussi qu'entre-temps ils répondent à leurs besoins
fondamentaux.
Mme Rouleau : À l'heure
actuelle, on a des contraintes à l'emploi qui font que les personnes qui ont
ces contraintes à l'emploi ne peuvent pas aller vers des programmes d'emploi,
alors vont avoir une contrainte à l'emploi, et certains, ce sera 161 $ par
mois. En transformant les contraintes à l'emploi vers les contraintes de santé,
qui incluent, qui intègrent la dimension de santé mentale et d'enjeux
psychosociaux, ce que... ce qui...
Mme Rouleau : ...n'existe pas,
à l'heure actuelle, aujourd'hui, c'est... contrainte à l'emploi, c'est la
capacité de travailler. Là, ce qu'on veut avec les contraintes de santé, c'est
d'être axé sur la personne, sur son état, l'état de la personne réellement. Et
ceci permet, quand on parle de contraintes de santé, d'avoir accès à des
programmes d'emploi, comme objectif emploi par exemple, où là il y a une
progression aussi selon le... là où se situe la personne, d'avoir accès à de la
formation, de l'intégration et un emploi. Puis on souhaite le maintien à
l'emploi, évidemment.
Et, quand elle est en emploi, bien, c'est
475 $ par semaine que la personne peut avoir. Alors, est-ce que... est-ce
que c'est quelque chose qui a... qui a une résonance pour vous, d'accompagner
les personnes vers l'intégration, vers la socialisation, pour briser
l'isolement et les amener graduellement vers l'emploi? Est-ce que c'est quelque
chose qui est raisonnable de penser, ou les gens ne peuvent absolument pas
aller dans cette direction-là?
M. Baird (Steve) : J'aimerais
qu'on distingue les choses. C'est sûr que des mesures pour encourager les
personnes à participer à des mesures d'emploi, on n'est pas contre qu'il y a
des mesures d'emploi, on n'est pas contre que des gens ont des opportunités de
participer à différents programmes et mesures qui vont dans la direction de
l'emploi. Le... mais là on parle de coupures aussi pour beaucoup de personnes.
Là, en ce moment, il y a environ... il y a plus de 30 000 personnes...
Mme Rouleau : Vous permettez?
Il n'y a pas de coupures, il y a... il y a... Il y a actuellement des
allocations parce que ce sont des contraintes à l'emploi qui seront
transformées soit en contraintes santé ou en nouvelle allocation. Il n'y a pas
de coupures, il n'y a personne qui ne perd rien. Je veux que ce soit bien...
bien clair, là, il n'y a pas de coupures.
M. Baird (Steve) : Je serais
content de revenir là-dessus aussi, pas pour dire qu'on parle quand même de...
Je sais qu'il y a une sorte de clause de droit acquis qui fait en sorte que les
personnes qui, aujourd'hui, reçoivent une contrainte de santé parce qu'ils ont
62 ans... Ils ne vont pas du jour au lendemain le perdre. Ça, je comprends
très bien. Mais il reste que le gouvernement est en train... en train de
reculer d'une façon majeure sur l'accès à des allocations. Même si ça va
être... ça ne va pas être les personnes qui les reçoivent déjà qui vont les
recevoir. On parle de presque 40 000 personnes actuellement qui le reçoivent,
soit en raison de l'âge, soit parce que c'est des parents monoparental
d'enfants d'âge préscolaire. Je pense qu'il faut appeler ça une coupure,
c'est... c'est écrit très clairement dans votre mémoire au Conseil des
ministres que vous estimez que, d'ici quelques années, au bout de cinq... comme
dans la cinquième année, il y aurait, donc, 34 millions de dollars de moins qui
seraient dépensés dans ces contraintes à cause de cet... je ne sais pas...
l'appeler, à part une coupure, 34 millions de dollars qu'on enlève à
des personnes... à ces personnes-là.
Mme Rouleau : ...pour une
personne qui a 58 ans, depuis 20 ans, on considère qu'avoir
58 ans c'est une contrainte à l'emploi. Mais vous savez que c'est... à
l'époque, lorsqu'il y avait énormément de chômage et qu'à partir de 50...
autour de 50 ans, si une personne perdait son emploi, c'était difficile de
retourner sur le marché du travail, il y avait un taux de chômage très élevé.
Il y avait autour de 400 000 personnes qui étaient sur l'aide sociale à
l'époque. Aujourd'hui, on a autour de 5 %. Et on... et, dans notre
société, avoir 58 ans, ce n'est plus un problème de travail, de capacité,
de... Ce n'est pas un... Ce n'est pas une contrainte à l'emploi. Mais, si la
personne a un enjeu de santé, bien sûr qu'on va en prendre soin. Elle peut
avoir 57 ans, 56 ans ou 60 ans, on va en prendre soin, c'est
certain. Et il y aura les allocations de santé qui seront peut-être même
supérieures à ce que... ce que la personne a aujourd'hui. Alors, encore là, je
ne vois aucune coupure.
M. Baird (Steve) : Mais je
pense que, quand... tu sais, quand le gouvernement dit qu'il va y avoir
34 millions de moins par année dans ces allocations-là, on parle comme...
on ne peut pas dire qu'il y a plus d'argent, on parle d'une diminution. Mais je
pense qu'il faut aussi rappeler que, quand on parle de personnes entre 58 et
64 ans, vous l'avez sûrement bien vu dans les statistiques, on parle de
personnes qui, en moyenne, sont à l'assistance sociale depuis plus de
15 ans. Ces personnes-là, est-ce qu'ils ont tous à 100 % des
contraintes spécifiques qui peut être démontré par leur travailleuse sociale ou
leur médecin? Ils vont passer par le processus, et tout ça, c'est difficile à
dire, mais là, on... si...
M. Baird (Steve) : ...quand on
parle très majoritairement des personnes qui sont à l'aide sociale depuis plus
de 15 ans, permettez-moi d'être très sceptique sur le fait qu'il y a une grande
partie de ces personnes-là qui vont aller vers une mesure d'employabilité qui
va les ramener vite sur le marché du travail. On sait que c'est peu probable.
• (18 h 50) •
Mme Rouleau : Et il est
probable que ces personnes aient une contrainte de santé. Et, avec
l'élargissement... la contrainte de santé, en intégrant la dimension de santé
mentale et d'enjeux psychosociaux, en permettant... Puis donnez-moi votre avis
sur le fait de permettre à des professionnels de la santé de faire des
diagnostics... pas seulement les médecins, mais des professionnels de la santé
pourront émettre des diagnostics de santé. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Baird (Steve) : Ça, on n'a
aucun problème avec ça. On comprend très bien que c'est très intéressant de
permettre une évaluation plus large, pas uniquement par un médecin ou une
infirmière spécialisée, des contraintes sévères. Donc, ça, c'est... on n'a rien
contre ça, mais ça... malheureusement, c'est l'aspect de couper des allocations
pour certains pour amener des améliorations pour d'autres, qu'on n'est pas
d'accord.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Il reste 1min 30s. Est-ce qu'il y a des... Mme la députée de
Laviolette-Saint-Maurice.
Mme Tardif : Bien, je peux...
Je veux... je veux vous remercier, premièrement, puis je veux saluer tout le
monde qui est derrière. Merci d'être là. Je ne sais pas si vous avez soif, si
vous voulez de l'eau ou du café, on en a.
Mais, ceci dit, je pense, nous percevons
et nous comprenons très bien ce que vous nous amenez, merci beaucoup, mais il
faut voir aussi, et vous l'avez très bien nommé, les personnes touchant
actuellement des allocations en raison de l'âge ou du fait d'être monoparentale
ne se feront pas enlever... Et la ministre l'a très bien dit et vous l'écrivez
très clairement aussi, là, dans votre rapport. Et ça, c'est essentiel et c'est
très important, et on va se battre bec et ongles pour que ça reste aussi comme
ça.
Les nouvelles personnes vont être
évaluées, vont avoir une évaluation psychosociale de santé, une évaluation
globale par différents spécialistes pour voir s'ils sont aptes avant qu'elles
deviennent des personnes sur l'assistance sociale qui vont avoir plus de deux,
trois, quatre, et là on vous parlait de 15 ans, là, on comprend... Donc, on
essaie du mieux qu'on peut de faire que ces gens-là conservent leur honneur, leur
dignité, qu'ils ne se retrouvent pas comme itinérants, parce que ce n'est pas
ce qu'on veut. On veut aider les gens, on veut que les gens soient fiers.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
c'est tout le temps que nous avons pour la partie gouvernementale. Je cède
maintenant la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Alors, merci d'être avec nous aujourd'hui, pour le mémoire
très détaillé et la présentation. Donc, je voudrais revenir sur, un peu,
l'échange avec la ministre, sur contraintes de santé, contraintes à l'emploi.
Puis je sais que, dans votre mémoire, vous critiquez la nouvelle terminologie,
«contrainte de santé», qui remplace «contrainte...». Donc, si je comprends
bien, selon le mémoire de la ministre au Conseil des ministres, à la page 12,
justement, la révision de la notion de contrainte en emploi représente des
épargnes, on va dire, de presque 100 millions de dollars, mais il y a
quand même... on garde, par exemple, l'amélioration de l'évaluation des
contraintes de santé, un 58,5. Nous, on parle de coût nul, mais, pour les
personnes qui vivent l'abolition des allocations, pour eux, c'est vécu comme
des coupures, même si, en général, c'est à coût nul. Mais je pense que c'est pour
ces personnes-là... Est-ce qu'on est... est-ce qu'on est d'accord pour dire ou
en désaccord pour dire que, pour ces personnes-là, pour ces groupes-là, c'est
vécu comme des coupures, cette abolition?
M. Baird (Steve) : Oui, et je
rajouterais que d'avoir un revenu de moins de 1 000 $ par mois et de
n'être pas capable de se loger, pas capable de trouver un logement, ce n'est
pas une contrainte de santé.
Mme McGraw : Et, justement,
donc il y a plusieurs... On comprend, aujourd'hui, on a écouté beaucoup de
groupes, on a écouté des témoignages aussi par des personnes qui vivent... sont
en situation de précarité, de vulnérabilité, de pauvreté, et que, justement,
des contraintes à l'emploi sont beaucoup... pourraient être beaucoup plus
larges. Ça peut comprendre des contraintes ou des raisons médicales, ça peut
être... ça peut être...
Mme McGraw : ...la pauvreté
même, ça peut être beaucoup de contraintes plus larges. Donc, on comprend qu'on
élargit les personnes qui puissent évaluer, mais on rétrécit, il me semble...
mais j'aimerais vos commentaires, votre analyse, on rétrécit les conditions qui
vont être éligibles comme contraintes à l'emploi. Donc, c'est une...
M. Baird (Steve) : C'est ça
qu'on en retire surtout, l'éligibilité qui est plutôt... pas complètement
automatique, il faut quand même faire la demande, mais l'éligibilité selon
l'âge. Donc, on vient complexifier le système, mais on vient surtout enlever le
droit d'allocation à certaines personnes pour en donner à d'autres. Mais il reste
qu'il y a des personnes, dont les familles monoparentales et des personnes
assez âgées, qui vont se trouver privées des allocations.
Mme McGraw : Qui vont être
plus ou moins les personnes perdantes, les groupes qui vont perdre, qui vont
être... il va y avoir des perdants dans ce projet de loi. Alors, selon vous,
pour être constructif, quelles seraient vos propositions pour des alternatives,
pour une meilleure reconnaissance des différentes contraintes?
M. Baird (Steve) : Bien, je
pense que la difficulté fondamentale, c'est qu'on parle d'une réforme à coût
nul. Mme la ministre l'a évoqué plusieurs fois. Donc, là où il y a des
améliorations à un endroit, il y a de l'argent qui doit être épargné à un autre
endroit. Donc, tu sais, on enlève des droits à l'allocation à certaines
personnes pour en ajouter à d'autres. Nous, on s'oppose au retrait
d'allocations à certaines personnes. Ce n'est pas comme ça qu'on fait pour
lutter contre la pauvreté. Et malheureusement, ça ne se fait pas avec 0 $ de
plus.
Mme McGraw : Vous avez parlé
aussi de la révision annuelle des contraintes sévères de santé. Pensez-vous que
cela pourrait compliquer... Vous avez parlé justement... ou vous avez demandé
de retirer cette proposition là où c'est prévu au projet de loi. Est-ce que
vous pouvez juste élaborer là-dessus, c'est une révision annuelle?
M. Baird (Steve) : Une chose
que j'aimerais rajouter, c'est que j'ai déjà entendu de collègues qui
travaillent dans le milieu de l'itinérance que les personnes en situation
d'itinérance, généralement, oubliez ça, les contraintes sévères, ils sont à la
prestation de base. Et ce n'est pas parce que leurs conditions de santé ne sont
pas très apparentes, ce n'est pas parce que... ce n'est même pas forcément
qu'ils n'ont pas accès à un médecin, mais il y a un processus un peu complexe,
un peu lourd, qui fait en sorte que plusieurs des personnes les plus précaires,
elles n'arrivent pas à passer à travers tout le processus. Et oui, ça va être
un peu mieux si on peut le faire avec une travailleuse sociale et pas juste
avec un docteur, mais il reste que c'est un processus assez exigeant et le fait
qu'on pense le réviser jusqu'à annuellement, ça va rajouter beaucoup... ça va
rajouter de la bureaucratie, mais ça va surtout rajouter des embûches pour les
personnes en situation de vulnérabilité qui ne sont pas... qui ont de la
difficulté à passer à travers toutes les étapes du processus.
Mme McGraw : Est-ce qu'il y
aurait d'autres programmes québécois qui pourraient inspirer, qui pourraient
servir d'inspiration, par exemple le Régime québécois d'assurance parentale? Si
on fait une erreur, on fait une estimation des coûts, peut être une personne
travailleur ou travailleuse autonome, s'il y a une erreur, là, on se fait... il
faut rembourser sans pénalité. Est-ce qu'il y a d'autres... Est-ce qu'on peut
s'inspirer, dans ce projet de loi, d'autres programmes efficaces, d'autres
programmes gouvernementaux? Est-ce que vous avez fait un peu l'analyse... dont
on pourrait être proactif et positif et constructif aussi de voir : Bon,
voici ce qui ne marche pas, mais est-ce qu'il y a des alternatives dont on
pourrait s'inspirer au Québec ou peut être ailleurs au Canada et dans le monde?
M. Baird (Steve) : Bien,
sûrement, dans le sens qu'il y a beaucoup de systèmes beaucoup moins
pénalisants, avec beaucoup moins de contraintes et de pénalités. Même dans le
système d'aide sociale, si on remonte à un certain nombre d'années, il y
avait... c'était moins commun d'attribuer à des gens des dettes faramineuses
parce qu'on considère qu'une omission qu'ils avaient faite sur un formulaire,
que ce n'était pas une erreur, peut-être c'était juste une erreur de bonne foi,
mais qu'on considère que, là, il faut désigner ça comme étant une sorte de
fausse déclaration qui est souvent juste une erreur de bonne foi. Donc, oui,
absolument, je pense qu'il y a d'autres programmes, et même le programme revenu
de base, qui sont plus modernes à cet égard et qui sont moins pénalisants et
punitifs pour les personnes prestataires.
• (19 heures) •
Mme McGraw : Parfait. Et les
plans individualisés, j'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus. On sait
que la réforme, la ministre, elle dit qu'elle aimerait simplifier le système,
puis, en principe, c'est une bonne idée, mais est-ce que cette simplification
va mener vers une déshumanisation? L'idée d'un plan individualisé, encore une
fois, ça a l'air...
19 h (version non révisée)
Mme McGraw : ...très bien.
Mais voilà, la preuve va être dans l'application de ces... de ces propos-là.
Donc, j'aimerais vous entendre plus, ou une ou l'autre, sur ces plans individualisés
pour accompagner les prestataires avec les réseaux régionaux. En tout cas, je
vais peut-être aller plus, donc si ça ne vous dit pas quelque chose, aller plus
sur le... bien justement, avec ce nouveau système, si on comprend bien, il ne
va plus avoir d'agents soit nécessairement formés en travail social, ni
nécessairement dédiés qui va connaître l'histoire, le parcours peut-être
complexe d'une personne qui va devoir donc répéter son parcours, répéter des
fois des informations sensibles, même pénibles. Est-ce qu'on peut vous entendre
là-dessus? Je ne sais pas si vous avez des préoccupations.
M. Baird (Steve) : Oui, bien
sûr. C'est sûr que, oui, il y a un grand changement qui est en cours, parce
que, dans la plupart des régions du Québec, c'est toujours le cas, que les
personnes aux programmes d'aide sociale, solidarité sociale, même je vais dire
emploi ont un agent qui est attitré à leur dossier. Donc, ils savent avec quel
agent communiquer, et cet agent-là suit leur dossier probablement déjà depuis un
certain temps. Donc, on est en train de... Il y a... il y a des changements en
cours comme quoi les personnes à ces programmes n'auront plus d'agent attitré à
leur dossier, ils risquent de parler à une personne différente à chaque fois,
et c'est des mesures qui malheureusement risquent de poser des problèmes pour
certaines personnes qui sont en train de passer par les systèmes toujours très
complexes.
Je sais qu'on parle de simplification dans
la loi, on ne voit pas beaucoup de simplification. Donc, comment... qu'est-ce
qui est... Qu'est-ce que les personnes prestataires vont devoir faire ou
comment ils vont vivre ça? On comprend qu'il y a des choses qui vont simplifier
l'administration des programmes, mais comment ça va se simplifier? Tout à
l'heure, on parlait de certaines personnes de... C'est une personne de 63 ans
qui a une contrainte de santé, bien, il ne pourra pas juste automatiquement se
faire reconnaître, avoir une allocation, mais il pourrait passer par un
processus pour prouver qu'il a une contrainte de santé. C'est... ce n'est même
pas une simplification, c'est une démarche supplémentaire qu'on rajoute. On
rajoute des règles et des règles, malheureusement, à des programmes comme ça,
sans forcément les simplifier, en mettant d'autres majeurs en place, d'autres
contrôles en place. Donc, honnêtement, on ne trouve pas beaucoup de
simplification. Et oui, on craint pour la... qu'est ce qui va se passer avec la
qualité des services auprès de beaucoup de personnes vulnérables et qui passent
par des processus complexes avec les changements qui sont en cours?
Mme McGraw : Je crois qu'il
reste 20 secondes, 30 secondes. J'aimerais peut-être demander à Mme Pelletier
si elle aurait des choses à ajouter en conclusion ou m Baird. Il reste 30
secondes, je crois, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme D'Amours) : 30
secondes, oui.
Mme McGraw : Quelque chose à
ajouter?
Mme Pelletier (Sarah) : Pouvez-vous
répéter, s'il vous plaît, j'ai mal compris?
Mme McGraw : C'est juste...
Est-ce que vous avez en conclusion quelque chose à ajouter?
Mme Pelletier (Sarah) : Oui,
en conclusion, moi, je voulais dire, bien, tant que les prestations de
l'assistance sociale ne seront pas augmentées pour... qui permettraient de
répondre à nos... aux besoins de base, les mesures d'incitation à l'emploi, ce
serait totalement inutile comme moi je l'ai déjà vécu l'expérience, comme je
vous l'ai expliqué tout à l'heure, là.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Merci beaucoup.
Mme Pelletier (Sarah) : Parce
que c'est impossible d'étudier ou même de retourner en emploi le ventre vide.
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Je veux revenir sur l'échange que vous avez eu avec la ministre
tout à l'heure sur les coupures, puis aussi sur ce que vous venez de dire par
rapport à la simplification. La ministre vous a dit : Toutes ces
personnes-là, à peu près 40000 personnes, vous nous dites qui perdraient la
reconnaissance d'une contrainte de manière simplifiée, je vais dire, en ce
moment, la retrouverait par ailleurs la contrainte de santé. C'est ce que la
ministre nous a dit tout à l'heure, ces personnes ne seront pas coupées, elles
vont le ravoir autrement. Mais il va falloir qu'ils fassent des démarches,
c'est ce qu'on comprend. Il va falloir qu'ils aillent voir un professionnel de
la santé, pas nécessairement un médecin, mais quelqu'un pour se faire
reconnaître ça. Il va falloir qu'un fonctionnaire traite leur nouvelle demande.
Comme vous dites, ce n'est pas de la simplification ni pour ces personnes-là ni
même j'oserais dire pour le ministère. Est-ce que ça n'a pas un coût en soi, ça,
40 000 personnes qui vont devoir remplir d'apparence alors qu'ils n'ont
pas à remplir en ce moment?
M. Baird (Steve) : Oui, ça
nous préoccupe, mais aussi comme l'argent qui... qui est coupé, que le
gouvernement estime qu'il va avoir 34000 à 34 millions par année d'ici cinq ans
dans la cinquième année, en tout cas pour les contraintes qui sont ce qu'on
appelle actuellement des contraintes temporaires, qui sont des contraintes de
santé, tu sais, ça ne va pas forcément aux mêmes personnes non plus là...
M. Baird (Steve) : ...l'argent
sert à financer d'autres choses. Il y en a qui va dans Objectif emploi, il y en
a qui va ailleurs. Il y a des personnes qui vont être perdantes là-dedans. On
ne peut pas dire que ces mêmes personnes vont... accès par d'autres moyens qui
vont simplement être plus bureaucratiques. Il va y avoir des personnes qu'eux,
ils vont... ils vont être privés de montants.
Mme Labrie : Ça fait qu'il y
a un peu des deux. Il y a des gens pour qui ça va juste être plus compliqué de
faire les démarches pour avoir cette reconnaissance-là et il y a des gens
qui... au final, ce ne sera pas à eux que cet argent-là va se retrouver. C'est
ce que vous entrevoyez.
M. Baird (Steve) : Oui, en
effet.
Mme Labrie : Parfait. Vous
avez mentionné, vous, comme d'autres acteurs, que l'ultime demande, en fait, ce
serait le revenu de base pour tout le monde. Est-ce que déjà ça ne serait pas
un pas intéressant, le revenu de base, pour toutes les personnes qui ont une
contrainte de santé?
M. Baird (Steve) : Mais oui,
absolument. C'est... Il y a un temps d'attente très long de cinq ans et demi
pour une personne qui a une contrainte qui est déjà considérée sévère, qui est
déjà reconnue par le gouvernement, que normalement il faut que ça soit reconnu
pendant plus de cinq ans et demi avant de passer au programme de revenu de
base. Donc, on s'entend que c'est très long, considérant que, certaines de ces
personnes-là, on sait très bien que ce n'est pas une contrainte qui va
disparaître d'ici un an ou deux, que c'est quelque chose d'assez permanent,
mais il faut passer par cette étape-là.
Mme Labrie : Ça fait que, ce
délai-là, vous nous invitez à le réduire, puisqu'on ouvre la loi en ce moment.
M. Baird (Steve) : Oui,
c'est... bien, c'est quelque chose d'inquiétant et aussi qui limite l'accès.
Si, dans ces... Si, dans les six ans, la période de six ans avant qu'une
personne accède au programme, si finalement ils ne sont pas... ils n'ont pas
leur contrainte reconnue pour au moins cinq et demi de ces derniers six ans,
ils n'ont plus accès, ils ne peuvent pas passer aux prochaines étapes. Donc,
c'est... c'est aussi inquiétant au niveau de l'accès au programme.
Mme Labrie : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon.
M. Paradis : Alors, vous nous
rappelez, dans votre mémoire, que l'article 25 vise à réduire les motifs
donnant droit à une allocation supplémentaire pour des personnes ayant des
contraintes temporaires à l'emploi, désormais remplacées par l'appellation
contraintes de santé. Et moi, quand je lis les chiffres de la ministre, je vois
que cette mesure-là va permettre d'épargner 99,7 millions de dollars dans
les cinq prochaines années. Je vois se dessiner une question de communication.
Mme la ministre dit : Ce ne sont pas des coupures.
Si vous êtes une mère monoparentale
d'enfant de moins de cinq ans ou si vous avez 58 ans et plus, est-ce que, oui
ou non, ce projet de loi, dans sa forme actuelle, prévoit des coupures, selon
vous?
M. Baird (Steve) : Ça prévoit
99 millions de dollars de coupures dans les prochains cinq ans, comme vous
l'avez dit.
M. Paradis : Est-ce que vous
voyez, dans le projet de loi tel qu'il existe actuellement, des mesures qui
garantissent que les personnes qui vont subir ces coupures-là vont retrouver
d'autres prestations ou d'autres mesures de soutien financier ailleurs?
M. Baird (Steve) : Bien non,
absolument pas. Et... si on prend l'exemple, là, des parents monoparentaux, il
y en a peut-être qui ont des problèmes de santé, mais ce n'est pas du tout
pareil de dire qu'une personne... une famille monoparentale, peut-être, aurait
pu plus facilement prouver qu'il a aussi une contrainte de santé. Ce n'est pas
le critère actuel.
M. Paradis : Alors, si vous
êtes... toujours dans le cas, vous êtes une mère monoparentale d'enfant de
moins de cinq ans, vous êtes quelqu'un de 58 ans, est-ce que vous êtes d'accord
avec la ministre quand elle dit que ce projet de loi là contient des mesures
qui vont vous aider à vous mettre en mouvement vers l'emploi dans le futur?
M. Baird (Steve) : Ça peut
contenir des nouveaux incitatifs à aller vers l'emploi, mais où on n'est pas
d'accord, c'est que ça contient clairement aussi des coupures et que les
personnes... il y a des personnes qui vont avoir beaucoup plus de misère à
manger, à nourrir leurs enfants, à payer le loyer en fonction de ces
coupures-là, même s'il y a d'autres possibilités de participer peut-être à un
programme d'employabilité pour certaines personnes qui le souhaitent.
M. Paradis : Donc, vous nous
appelez à appeler un chat un chat.
M. Baird (Steve) : Bien,
c'est ça.
M. Paradis : Merci. Je... Il
ne me reste pas beaucoup de temps, mais j'aurais aimé vous entendre parler
aussi de la dématérialisation des services. Je comprends que ça, c'est une
autre mesure qui va réduire l'accès aux services pour les personnes qui,
justement, n'ont souvent pas accès à Internet, c'est bien ça?
• (19 h 10) •
M. Baird (Steve) : Oui, et
c'est... il y a eu des efforts, à un moment, du gouvernement du Québec de
dire : On reconnaît que, pour beaucoup de personnes en situation de
pauvreté et de vulnérabilité, il va falloir avoir des mesures pour assurer que
les services sont accessibles, qu'ils sont disponibles pas loin de chez eux,
qu'il y a des possibilités et à pas trop de kilomètres d'une personne d'accéder
à des services. On n'est pas là-dedans. On est dans des mesures pour sauver de
l'argent, mais il faut vraiment qu'on fasse très attention à qu'est-ce qui va
être les conséquences de ces mesures dans la vie des personnes, surtout les
personnes très vulnérables, dont certaines qui ont un faible taux
d'alphabétisation, dont certaines qui n'ont pas de voiture et qui ne peut pas
se...
M. Baird (Steve) : ...à
80 kilomètres pour aller à un bureau...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
M. Baird (Steve) : ...dans
une autre ville. Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. C'est tout le temps que nous avions. Merci, M. Baird.
Mme Pelletier, merci pour votre contribution à nos travaux de la
commission.
Et j'ajourne les travaux jusqu'à demain,
mercredi le 9 à 8 heures, où elle se réunira en séance de travail. Merci,
tout le monde.
(Fin de la séance à 19 h 11)