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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le jeudi 1 février 2024 - Vol. 47 N° 37

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 42, Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail


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Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures quarante-cinq minutes)

La Présidente (Mme D'Amours) : À l'ordre, s'il vous plaît. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 42, Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Tremblay (Dubuc) est remplacé par Mme Mallette (Huntingdon) et Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey) est remplacée par Mme Caron (La Pinière).

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Nous entendrons ce matin les témoins suivants, soit le Barreau du Québec. Donc, avant de commencer nos travaux, j'ai besoin du consentement pour finir un peu plus tard que l'heure prévue, étant donné qu'on a commencé en retard. Consentement? Merci. Je souhaite maintenant la bienvenue au Barreau du Québec. Je vous rappelle, chers invités, que vous avez 10 minutes pour votre exposé. Donc, je vous demande de vous présenter et de commencer votre exposé, s'il vous plaît.

Mme Claveau (Catherine) : Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je suis Me Catherine Claveau, bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée de Me Charles Wagner, membre de notre Groupe d'experts sur les normes, l'équité, la santé et la sécurité du travail, et de Me Fanie Pelletier, du secrétariat de l'ordre et affaires juridiques du Barreau. Le Barreau du Québec remercie la commission de l'avoir invité à participer aux consultations entourant le projet de loi no 42, qui constitue un jalon important dans la prévention et la lutte au harcèlement et à la violence au caractère sexuel dans les milieux de travail.

Dans les dernières années, la société québécoise a pris la mesure du fléau du harcèlement psychologique et des violences à caractère sexuel dans les milieux de travail, et le cadre législatif a été renforcé pour mieux prévenir et combattre ces phénomènes. Le Barreau accueille ainsi très favorablement le projet de loi no 42 qui vient s'ajouter à l'édifice législatif à cet égard. Nous saluons notamment l'article 18 du projet de loi qui prévoit l'ajout à la Loi sur les normes du travail d'un contenu minimal que doit prévaloir la politique obligatoire de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique. Dans le cadre de sa mission visant à assurer la protection du public, de contribuer à une justice accessible de qualité et de défendre la primauté du droit, le Barreau du Québec vous soumet cependant certains commentaires et suggestions afin de bonifier le projet de loi.

Ainsi, nous avons identifié trois volets juridiques pour lesquels nous vous invitons à poursuivre votre réflexion. Tout d'abord, le projet de loi introduit une définition de violence à caractère sexuel à la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, soit la LATMP, qui diffère de la définition de harcèlement psychologique contenue à la Loi sur les normes du travail. Nous sommes d'avis que la coexistence des deux définitions pourrait donner lieu à des interprétations et à des décisions différentes basées sur les mêmes faits. Plus particulièrement, nous souhaitons porter à votre attention que la coexistence de ces deux définitions peut poser une difficulté dans le contexte où deux divisions du Tribunal administratif du travail sont en cause et où il y a possibilité de jonction des dossiers.

Le second volet porte sur des modifications aux règles d'accès au dossier médical du travailleur dans les dossiers de réclamation pour les professionnels. L'article 7 du projet de loi, qui modifie l'article 39 de la LATMP, vient limiter les informations que le professionnel de la santé peut communiquer à l'employeur aux seules, et je le mets entre guillemets, informations nécessaires pour lui faire un résumé du dossier médical du travailleur. À la lecture de cet article, nous comprenons que l'interprétation de ce qui constitue les informations nécessaires est autant laissée à l'appréciation du professionnel de la santé. Nous comprenons également que cet article vise tous les types de lésions professionnelles et pas seulement celles résultant des violences à caractère sexuel. Bien qu'on reconnaisse que les règles d'accès au dossier médical d'un travailleur doivent être adéquatement balisées, nous estimons que l'article 7 du projet de loi, tel que libellé, pourrait compromettre le droit à l'employeur à une défense pleine et entière, qui est un des piliers de l'équité procédurale. Nous invitons donc le législateur à réexaminer l'article 7 du projet de loi à la lumière du rapport du comité d'expertes chargé d'analyser les recours en matière de harcèlement sexuel...

Mme Claveau (Catherine) : ...et d'agression sexuelle au travail. Le comité préconise, à la recommandation 16 de son rapport, des mesures d'accès particulières dans les dossiers de lésions résultant de violences à caractère sexuel. Il s'agit de mesures adaptées pour ce type de lésion, qui ne compromettent pas le droit de l'employeur à une défense pleine et entière.

• (11 h 50) •

Quant au troisième volet sur lequel nous portons votre attention, il s'agit de l'article 25 du projet de loi, qui introduit à la Loi sur les normes du travail un engagement systématique de confidentialité à tout règlement qui intervient à la suite d'une plainte relative à une conduite de harcèlement psychologique, ainsi que la possibilité pour les parties de convenir de la levée de cet engagement dans un délai déterminé. Nous jugeons important qu'il soit précisé qu'un tel engagement de confidentialité ne peut contrevenir aux règles du Code civil du Québec, qui prévoit qu'un contrat ne peut avoir une cause ou un objet contraire à l'ordre public ou que l'on ne peut transiger sur les questions qui intéressent l'ordre public. Plus concrètement, cette précision est nécessaire pour rappeler qu'on ne peut pas empêcher une partie à un règlement de faire un signalement aux autorités concernées ou de collaborer aux enquêtes de ces autorités, soit, par exemple, la police, si des éléments contenus à la plainte peuvent constituer des actes criminels, ou encore un ordre professionnel, en cas d'infraction à des obligations déontologiques d'un professionnel qui est régi par notre Code des professions.

Nous invitons le législateur à demeurer vigilant et à prévoir des mesures de suivi pour s'assurer que de tels engagements de confidentialité inclus systématiquement aux ententes de règlement soient circonscrits aux seuls objectifs légitimes et ne soient pas utilisés de façon abusive.

Nous vous remercions encore une fois pour cette invitation et nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.

La Présidente (Mme D'Amours) : C'est terminé, votre exposé, Mme?

Mme Claveau (Catherine) : Oui, c'est terminé.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Donc, M. le ministre, la parole est à vous pour la période d'échange.

M. Boulet : Oui. Merci, Mme la Présidente. D'abord, vous remercier, maître Claveau, pour la qualité de votre présentation et aussi le mémoire, dans la mesure où il s'articule autour de trois éléments bien précis. Moi, je vais limiter mes commentaires, pas par manque d'intérêt, mais plutôt parce que je comprends bien ce que vous mentionnez, notamment quant à la définition. Évidemment, on s'est appuyé sur une définition qui provient de l'Organisation internationale du travail puis on a une définition qui est similaire à celle visant à lutter contre les violences à caractère sexuel dans le domaine de l'enseignement privé.

Et, en même temps, il y a des objectifs qui sont distincts, hein? Vous savez que la loi santé et sécurité est une loi de nature préventive. La loi sur les accidents de travail, maladies professionnelles est de nature à... pour permettre l'indemnisation des victimes d'accidents de travail, maladies professionnelles, et la loi sur les normes est beaucoup plus orientée vers l'identification des normes, les recours. Mais je vais m'assurer de ça. On va retravailler en équipe parce que vous n'êtes pas les seuls à avoir soulevé cet élément-là, là, puis je n'ai pas l'intention d'argumenter avec vous. Vous demandez des précisions additionnelles parce que... Je comprends bien ce point-là.

Sur l'accès, on avait vraiment l'intention de clarifier le paradigme actuel, là. Et ce n'est pas parce qu'on dit : Pas accès ou accès, mais la réalité c'est que les informations de nature médicale n'étaient accessibles qu'aux professionnels de la santé désignés par l'employeur. Et là on voulait clarifier, je ne voulais pas qu'on crée une confusion additionnelle. Puis je vais relire l'article actuel, avec celui qui est dans le projet de loi, pour m'assurer qu'il n'y ait pas d'incompréhension, parce que, vous le savez, ces informations-là, quand elles sont accessibles directement à l'employeur qui n'a pas nécessairement les connaissances et l'expertise, peuvent faire l'objet d'une interprétation ou d'une incompréhension qui peut être nuisible au travailleur accidenté ou au travailleur malade. C'est la raison pour laquelle, à la base, ça n'avait été limité qu'aux professionnels de la santé désignés par l'employeur qui, lui, donne l'information nécessaire ou pertinente, fait un résumé...

M. Boulet : ...Wagner, vous... je sais que vous pratiquez dans ce secteur-là, vous savez bien comment ça fonctionne puis vous savez bien comment, en pratique, les professionnels désignés par les employeurs se comportent, mais je vais faire un autre tour de roue pour m'assurer que ça soit un peu plus clair. Mais en même temps, il faut protéger les droits... les droits des travailleurs, travailleuses accidentés et permettre aussi l'exercice ou l'accès à une défense pleine et entière. Vous le dites bien, Me Claveau, là, qui est un élément cardinal de nos règles de justice naturelle.

Et le troisième point, l'engagement de confidentialité ,bien, vous connaissez les cas pratiques qui ont été vécus, donc un engagement des deux, la victime et l'auteur, et un engagement aussi de même nature pour lever la confidentialité. Puis là où je vous ai perdu, là, il faut s'assurer que ce ne soit que de la confidentialité qui soit compatible avec l'objectif légitime de la loi qui vise à combattre et prévenir. Est-ce qu'il y a... Il y a un autre élément, là, vous avez fait référence, Me Claveau, peut-être juste en 30 secondes me confirmer, vous avez fait référence à l'intérêt publi, et j'ai... j'ai écouté à quelqu'un pendant que vous disiez ça. Excusez-moi.

Mme Claveau (Catherine) : Oui. Bien, c'est surtout que c'est des dispositions, je dirais, d'ordre public.

M. Boulet : Oui.

Mme Claveau (Catherine) : C'est... Dans le fond, tu sais, s'il y a des informations qui se retrouvent et qui pourraient aider, par exemple, un corps policier à... à monter son dossier...

M. Boulet : Ah! je comprends, je comprends.

Mme Claveau (Catherine) : ...parce qu'il y a une connotation criminelle.

M. Boulet : Une infraction criminelle ou si l'intérêt public le commande.

Mme Claveau (Catherine) : Mais permettez-moi aussi de...

M. Boulet : Oui.

Mme Claveau (Catherine) : L'autre précision qu'on a donnée, c'est par rapport aux ordres professionnels.

M. Boulet : Je comprends.

Mme Claveau (Catherine) : Et je vais laisser Me Fanie Pelletier peut-être vous donner un exemple concret qu'on a vécu, nous, par rapport aux syndics dans ce genre de clause là. Je vais vous laisser, Me Pelletier continuer.

Mme Pelletier (Fanie) : Oh, oui! Alors, écoutez, en effet, c'est ça, on préconise, là, si tant est que cet article est ajouté à la Loi sur les normes du travail, d'en profiter pour apporter cette précision qui, selon nous, est déjà l'état du droit. Mais pour quelle partie? En fait qu'il arrive... En fait, il peut arriver qu'un syndic d'un ordre professionnel, dans le cadre d'une enquête, se fasse opposer, voyez-vous une entente de non-confidentialité alors qu'il enquête sur, bon, des actes présumés d'un de ses membres.

M. Boulet : Je comprends.

Mme Pelletier (Fanie) : Donc, on pense qu'il serait peut être judicieux d'en profiter pour rappeler cela.

M. Boulet : Et rappeler les limites à la confidentialité.

Mme Pelletier (Fanie) : Voilà.

M. Boulet : Bien, bien, bien compris. O.K. Moi, ça me va.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.

M. Boulet : Encore une fois, merci beaucoup, puis bon, Catherine. Fanie, Charles, au plaisir de vous rencontrer. À bientôt. Bonne journée.

Une voix : Merci.

M. Boulet : Merci à vous.

Une voix : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci. Merci, Me Claveau, merci à toute l'équipe donc d'être présente avec... avec nous. Merci pour le mémoire également. Je... à l'invitation du ministre, moi, je vous demander peut être donc de développer justement sur la question des définitions. Le ministre l'a évoqué... donc l'a évoqué plus tôt, donc, vous n'êtes pas le premier groupe à soulever cet élément-là de possibilité de confusion, donc, entre les définitions donc, disons, donc de harcèlement sexuel et de violence à caractère sexuel. Donc, ils seraient donc pour... pour les premières fois définies à la Loi sur la santé et sécurité au travail et à la LATMP. Donc, vous... vous indiquez que, bon, le... vous allez un peu plus loin, là, que les différents groupes qui vous ont précédé sur cette question-là, donc, en... en nous précisant donc à quel point, lors de l'introduction, donc, de certains recours, la... la coexistence des deux notions distinctes, donc, pourrait donner lieu à différentes interprétations. Il y a des décisions différentes donc basées sur... sur les mêmes faits. Hier, j'ai je posé cette question-là donc à la CNESST qui ne semblait pas donc voir de voir le... donc le même, le même enjeu. Donc, je vous laisserais donc développer, donc, par exemple, donc... mais en fait en mettant de l'avant donc l'exemple que vous mettez... que vous indiquez dans votre mémoire, là, sur ces questions-là, puis jusqu'à quel point, donc, ça... ça pourrait être très difficile en pratique.

• (12 heures) •

Mme Claveau (Catherine) : Je vous remercie pour votre question. Mais c'est vraiment pour nous une question de cohérence, puis je pense que vraiment l'exemple le meilleur qu'on peut donner, c'est l'opportunité de joindre des recours, là, quand celui...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Claveau (Catherine) : ...à la suite d'une plainte de harcèlement en vertu de la loi sur les normes que celui pour une réclamation pour lésion professionnelle. Donc, il est permis de présenter ces deux réclamations-là, qui proviennent de deux lois différentes, devant le même décideur. Alors, évidemment, ce sont les mêmes faits qui sont à l'origine, mais pour des objectifs différents, on veut soit une indemnité ou une... on veut aussi avoir un résultat contre son employeur. Donc, si on n'a pas la même définition du harcèlement psychologique ou sexuel, bien, ça risque d'avoir une incongruité d'interprétation.

Alors, c'est vraiment pour une question de cohérence explicitement dans ce cas-ci qu'il faudrait revoir un peu comment on pourrait se trouver une définition qui pourrait répondre à cet enjeu-là. Je ne sais pas si... Me Wagner, si vous voulez compléter...

M. Wagner (Charles) : Effectivement...

Mme Claveau (Catherine) : ...

M. Wagner (Charles) : Effectivement, je crois que la... le dénominateur commun dans... par rapport à cette question, c'est la cohérence législative. Donc, l'objectif de la présente loi qui est à l'étude est de simplifier, alors qu'à notre avis, avec deux notions ou deux définitions différentes. Il pourrait y avoir une certaine confusion chez le justiciable. Donc, ce qu'on... ce qu'on suggère... ce qu'on suggère à la présente commission, c'est vraiment d'avoir une certaine réflexion pour avoir une cohérence législative par rapport aux deux définitions.

Mme Cadet : Puis, dans le fond, ce que vous... vous n'êtes pas en train de nous dire de ne pas adopter, donc, les articles 3 et 33 du projet de loi, là. Ce que vous êtes en train de nous dire, là, c'est qu'il faudrait, donc, faire certaines modifications au libellé de «violences à caractère sexuel» pour qu'elles soient plus compatibles et plus cohérentes sur le plan législatif.

M. Wagner (Charles) : Effectivement... un certain arrimage entre la loi sur... la LATMP et la Loi sur les normes du travail.

Mme Cadet : Puis comment, donc... comment vous définiriez, donc, les violences à caractère sexuel, là, pour que ce soit plus compatible?

Mme Claveau (Catherine) : ...c'est un exercice important, là, de... que de définir une notion dans un texte de loi. Malheureusement, on ne s'est pas penchés... ce détail-ci. Mais si le législateur voulait continuer ses travaux de réflexion, ça nous fera plaisir d'y participer puis de contribuer peut-être à trouver une définition plus... plus appropriée pour éviter qu'on ait cette incohérence.

Mme Cadet : D'accord. Donc, on a... certainement qu'on aura l'occasion dans... d'ici les prochaines semaines, donc, de se pencher sur cette question-là et de voir, donc, comment est-ce qu'on peut... est-ce qu'on pourrait arrimer le tout. Et j'ai bien entendu le ministre et son ouverture, donc, face à ces différentes préoccupations, là, qui ont été entendues. Donc, on s'assurera de jouer notre rôle de législateur à cet égard-là pour que... pour éviter ces situations, là, qui sont un peu... un contre coup et qui ne... donc, dans l'esprit, là, du projet de loi.

J'irais dès lors, donc, sur... Juste un instant. Pardon, Mme la Présidente. En fait... pardon. Donc, avant de... avant d'aller de l'avant, donc, avec le deuxième point, là, peut-être encore toujours sur l'aspect des définitions. Vous dites, donc, à la page 5 de votre mémoire : Donc, le législateur pourrait, par exemple, envisager l'ajout d'une présomption sur laquelle une réclamation pour lésion professionnelle, résultant d'une violence à caractère sexuel, s'il est accueilli, constituerait également du harcèlement psychologique, une présomption simple qui peut être repoussée conformément au Code civil du Québec. J'aimerais vous entendre sur ce... sur ce point-là.

Mme Claveau (Catherine) : Bien, il faut se rapporter... Au moment où nous avons rédigé notre mémoire, on s'est posé la question puis on a identifié cette possible option là, là, de... relative à la présomption. Maintenant, on a... on a... on a une équipe qui a pris connaissance des interventions des autres intervenants à la commission, et je pense qu'effectivement il y a... ce n'est peut-être pas... tu sais, c'est un exemple, on ne la soumet pas comme la solution miracle. Je pense, ça fait partie des choses sur lesquelles on peut réfléchir. Je pense vraiment que l'exercice doit se continuer pour voir quelles autres options on peut envisager. C'était, à l'époque, là, une option à laquelle on a réfléchi, mais en écoutant tous les autres intervenants, je pense, il faut vraiment pousser la réflexion pour en rechercher d'autres.

Mme Cadet : D'accord. Merci beaucoup. Merci de cette précision. Je suis contente d'avoir posé cette question.

Le... Évidemment, donc, que vous poursuivez dans votre mémoire sur toute la question du droit d'accès au dossier médical du travailleur. Vous avez entendu... puis là vous venez de nous dire, donc, que vous étiez... que vous aviez, donc, des équipes à l'écoute des interventions de cette semaine, donc, certainement que vous avez entendu, donc, le Conseil du patronat et la Fédération des chambres de commerce du Québec, qui ont elles-mêmes, donc... évoqué, donc, la question de l'accès au dossier médical. Vous nous... Vous estimez....

Mme Cadet : ...que l'article 7 du projet de loi pourrait compromettre le droit à l'employeur à une défense pleine et entière, donc un des piliers de l'équité procédurale. Donc, ici, comment est-ce que vous entrevoyez la manière dont le législateur pourrait bonifier le projet de loi pour éviter que ce pilier-là soit touché? Est-ce que vous avez raison qu'au-delà, donc, du principe du projet de loi que nous avions tous, donc, nous assurer qu'il puisse donc... que toutes les dispositions de celui-ci puissent bien cadrer dans notre contexte juridique.

Mme Claveau (Catherine) : Je vais laisser mon collègue Me Wagner répondre à cette question.

M. Wagner (Charles) : Merci. Donc, effectivement, il peut y avoir un enjeu, là, au niveau de l'accès à la justice, au niveau de la défense pleine et entière. Ce qu'on a entendu et ce qu'on vous propose, c'est d'avoir une réflexion sur, tant la notion d'information nécessaire, de définir ou d'avoir des balises, à tout le moins là, pour identifier qu'est-ce que c'est, les informations nécessaires. Et d'autre part, comme d'ailleurs les expertes l'avaient souligné dans leur rapport et, si je ne m'abuse, là, quelques organisations l'ont proposé, peut-être d'élargir l'assiette des personnes qui pourront communiquer ces informations. On peut penser à des personnes membres d'un ordre professionnel. Je crois qu'on parlait de personnes compétentes, là, membres d'un ordre professionnel. Donc, à tout le moins, on viendrait élargir cette portée-là et ne pas restreindre uniquement aux professionnels de la santé, parce qu'il peut y avoir des enjeux, des enjeux de coût, des enjeux de délai.

Et imaginez, là, particulièrement, et je vous donne un exemple, le dossier est évolutif. Donc, est-ce que c'est dire qu'à chaque fois un employeur va devoir consulter le professionnel de la santé pour avoir les différentes informations dites nécessaires? Il pourrait y avoir un enjeu à ce niveau-là, au niveau d'accès. Et, au surplus, on avait noté peut-être une augmentation de la judiciarisation qui pourrait arriver de certains dossiers, parce que certaines organisations pourraient potentiellement demander des ordonnances pour obtenir communication du dossier. Donc, on viendrait alourdir, alors que l'objectif ici est de simplifier.

Mme Cadet : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : Il reste une minute, Mme la députée.

Mme Cadet : Ah! merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc... parce que, sinon... Je vais  accélérer le pas. Donc, c'est c'est très clair, donc, à cet égard. Donc, vous... l'interprète... En fait, vous ne souhaiteriez pas que l'interprétation de ce qui constitue les informations nécessaires soit laissée à l'appréciation du professionnel de la santé, donc, que le législateur, donc, puisse encadrer, donc, ce concept-là. Vous dites aussi, donc, l'article... donc, que ces articles-là, donc, visent l'ensemble des lésions professionnelles et pas uniquement celles résultant des... Est-ce que ce serait une de vos recommandations, comme un moindre mal, que ça ne concerne que les violences à caractère sexuel? Juste pour m'assurer d'avoir bien compris vos propos ici.

La Présidente (Mme D'Amours) : Réponse en 15 secondes.

M. Wagner (Charles) : Ce serait, ça serait une possibilité, comme on le souligne dans notre mémoire. On vous réfère d'ailleurs au rapport des trois expertes, donc ça pourrait être effectivement une possibilité dans ce contexte particulier.

Mme Cadet : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci infiniment. Donc, je cède maintenant la parole au députés d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous trois. Merci d'être là. Je veux vous faire parler sur le dossier médical du travailleur, l'accès au dossier médical du travailleur, là, 2.2 de votre mémoire. Vous semblez, là, peser le pour et le contre, mais finir un peu par atterrir sur le contre. Vous dites, là : «Nous estimons cependant que l'article 7 du projet pourrait compromettre le droit à l'employeur à une défense pleine et entière, un des piliers de l'équité procédurale.» C'est un truc qui a été plaidé, là, sans faire de mauvais jeu de mots d'avocat, par des groupes patronaux plus tôt cette semaine.

J'étais peut-être un peu surpris, moi, par votre... par le côté où vous penchez dans le sens où c'est vrai, là, que ça peut être un enjeu d'équité procédurale, mais le pourquoi qu'on procède ainsi. Vous pourrez parler à peu près n'importe quel conseil syndical qui a un peu exercé dans sa vie, là, dans sa pratique, l'accès au dossier médical, là, c'est très souvent utilisé, malheureusement, par des employeurs, puis je ne dis pas que tous les employeurs le font, loin de moi l'idée de dire ça, mais ça arrive trop souvent que les employeurs prennent le dossier médical puis voient d'autres affaires et s'en servent dans d'autres sphères, d'autres cas.

Alors, moi je trouve qu'à soupeser les deux, le moins pire, c'est de faire reculer peut-être un peu l'accès à la défense pleine et entière de l'employeur pour préserver les droits de l'employé. Mais pourquoi vous, vous tombez donc un peu de l'autre bord de la clôture là-dessus?

Mme Claveau (Catherine) : Je pense que ce qu'il faut retenir, c'est que nous sommes tout à fait d'accord avec l'idée de baliser la façon d'accéder au dossier médical. Maintenant, la manière, dont l'article 7 est libellé, bien, on émet des craintes quant à... par rapport à l'expression...

Mme Claveau (Catherine) : ...informations nécessaires, qui sont laissées à la discrétion du professionnel de la santé, puis mon collègue, tout à l'heure, je pense qu'il a donné quand même des bons exemples pour dire qu'il y a quand même un enjeu par rapport à ça, pratico-pratique, mais aussi dans les... Quand même, ça reste un droit d'équité procédurale que l'employeur puisse aussi avoir accès aux informations puis lui permettre, là, d'aller de l'avant puis à offrir une défense pleine et entière. Je ne sais pas si mon collègue veut compléter par rapport à ceci.

• (12 h 10) •

M. Wagner (Charles) : C'est assez complet, effectivement, dans une approche de protection du public, et notre focus était vraiment sur la défense pleine et entière et le flou entourant, là, l'information nécessaire, d'où notre élément de réflexion par rapport à une précision de la notion d'information nécessaire.

M. Leduc : Mais quand on dit protection du public, le travailleur ou la travailleuse qui pourrait voir son dossier médical être révélé au grand complet à son patron et qui s'en serve, il y a une protection du public là aussi, non?

M. Wagner (Charles) : Il y a une protection du public à deux égards. Oui, il y aurait une protection en limitant ça aux informations nécessaires, si, effectivement, c'est balisé, c'est précisé. Il y a une protection du public aussi à l'égard des citoyens corporatifs et leur défense pleine et entière aussi à ce niveau-là.

M. Leduc : Dernière question, je regarde Mme la Présidente, combien de temps il me reste?

La Présidente (Mme D'Amours) : 40 secondes.

M. Leduc : 40 secondes. Rapidement, là, il y a tout le dossier des clauses d'amnistie, il y a différents débats. Est-ce que, si on les abolit complètement, là, comme c'est proposé dans le projet de loi pour les violences à caractère sexuel, le harcèlement psychologique est les violences, est-ce qu'il n'y a pas un danger que ça pourrait être contesté en vertu de la charte?

Mme Claveau (Catherine) : Cette éventualité-là n'a pas été étudiée dans le cadre de... ce n'est pas un article sur lequel on s'est prononcé. La question est pertinente, je vous l'avoue, mais, maintenant, nous ne pouvons pas aller, aujourd'hui, là, au-delà des commentaires qu'on a faits par rapport aux trois recommandations.

M. Leduc : Mais ce n'est pas une hypothèse farfelue?

Mme Claveau (Catherine) : Ce n'est pas une hypothèse farfelue.

M. Leduc : Parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon.

M. Paradis : Merci beaucoup, Mme la bâtonnière, Me Pelletier, Me Wagner, cordiales salutations. J'ai 2min 38s. Est-ce que je comprends de vos commentaires sur l'article 7 du projet, relativement au droit à une défense pleine et entière... Je vois que vous faites preuve de prudence. Vous dites : On pourrait revenir ou on pourrait être éclairé par le rapport du comité d'expertes. Est-ce qu'on doit lire entre les lignes que vous considérez que le projet de loi est allé plus loin que ce que le comité d'expertes recommandait et que vous nous conseillez de revenir à ce que les expertes conseillaient?

Mme Claveau (Catherine) : Effectivement. Les expertes se sont penchées avec sérieux sur cette question et elles ont fait une recommandation qui nous paraissait, et Me Wagner pourra compléter, là, être quand même balisante, si vous me permettez l'expression. Et, dans le projet de loi, on va au-delà de ça. Et je pense, vraiment, là, l'objet de la loi, c'est de protéger les dossiers de harcèlement sexuel, expressément. Donc, trop élargir cette notion-là sans la délimiter, sans mettre plus de balises, bien, ça contrevient, malheureusement, à l'équité procédurale et au droit aussi à l'employeur d'avoir une défense pleine et entière. Me Wagner, vous pouvez peut-être compléter.

M. Wagner (Charles) : Bien, effectivement, c'est ce qu'on mentionnait, c'est que c'est une source d'inspiration sur ce que les expertes ont mentionné, et elles recommandaient que ce soit, bon, limité à des dossiers de cette nature, alors que le projet de loi va... élargit l'assiette, là, dans ce contexte-là.

M. Paradis : Très bien, merci. Il me reste quelques secondes. Sur les clauses d'amnistie, donc, est-ce qu'on pourrait inviter le Barreau à nous éclairer sur cette question-là? Hier, dans un échange notamment avec d'autres personnes qui présentaient des mémoires, moi, je me suis inquiété du fait que certaines des propositions qui nous sont faites pourraient même être un recul par rapport à ce qui existe déjà dans la jurisprudence. Est-ce qu'on pourrait demander au Barreau du Québec de nous éclairer un peu sur cette question-là, ne serait-ce que de pointer l'état du droit actuel de manière objective et indépendante?

Mme Claveau (Catherine) : Toujours. Dans le cadre de notre mandat, vous savez, Me Paradis, que la protection du public puis de... vraiment, d'éclairer, lever les drapeaux rouges, s'il y en a, puis éclairer le législateur... Avec plaisir. Si vous avez besoin d'un travail... de notre part, ça va nous faire plaisir de collaborer.

M. Paradis : Je vous invite à le faire en tout cas, ça nous aiderait beaucoup. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci infiniment. Avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.

Et merci à nos invités pour votre contribution à nos travaux à la commission, et je vous remercie pour votre contribution, chers collègues.

Et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 15)


 
 

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